RECHERCHES L'AGRICULTURE RT L'HORTICULTURE DES CHINOIS eAHOAAHII A AAUTIUOIADAA AUTANT AOM'A Ta CT | RTOVIHO 244 PARIS. — IMPRIMERIE DE J.-B. GROS, Rue du Foin-Saint-Jacques, 18. RECHERCHES SUR L'AGRICULTURE ET L'HORTICULTURE DES CHINOIS ÊT SUR LES VÉGÉTAUX, LES ANIMAUX ET LES PROCÉDÉS AGRICOLES que l'on pourrait introduire avec avantage DANS L'EUROPE OCCIDENTALE ET LE NORD DE L'AFRIOUE SUIVIES d'une Analyse de la grande Encyclopédie JE à À PAR LE BARON LÉON D'HERVEY-SAINT-DENYS DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE DE PARIS PARIS ALLOUARD ET KAEPPELIN Libraires-Editeurs-Commissionnaires SUCCESSEURS DE P. DUFART ET DE GABRIEL WARÉE 19, RUE DE SEINE 1850 BRARS, LI PONS à ML rit87@ mu N 4, Q sy pe 1RNZ I or re A M. BAZIN, PROFESSEUR DE CHINOIS A L'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES, Hommage afféctueux de son élève, LE BARON LÉON D'HERVEY-SAINT-DENYS. du am em | ATH ANTAS- TOUR HOÉIHOTAT HE ( | [4 di, (Na à LUN PACE HAE 2 # D ME CUS 4: DIF WU el rt INTRODUCTION. Ily a cinq ans, lorsque j’entendis pour la première fois expliquer des caractères chinois au cours du savant M.Bazin, j'étais loin de prévoir le genre d'application que je cher- cherais à faire plus tard de la nouvelle lan- gue dont je commencais l’étude. Cette pré- férence que je lui donnais sur les autres idiomes de l'Orient n’était pourtant de ma part ni une fantaisie sans motif, ni une curio- sité irréfléchie. Je savais que, de toutes les langues asiatiques, la langue chinoise était la plus riche en monuments écrits ; J’étais im- patient surtout de lire ce que devait avoir produit de remarquable et d’original ce peu- pie extraordinaire, dont le développement et la civilisation ne sortirent jamais d’un cercle si exclusivement national, qu’on serait tenté de croire qu'il appartient à un autre monde, à le voir se suffire constamment à lui- RS — même, et tirer de son propre fonds toutes ses ressources et tous ses progrès. Je me sentais vivement impressionné à l’idée d’une société comprenant le tiers au moins de la race hu- maine , encore intacte après quarante siècles d'existence, toujours une et toujours floris- sante, tandis qu'ailleurs les révolutions créent et renversent les empires; développant pro- gressivement sa civilisation, sa littérature et ses arts, sans que chez elle la science pro- duise l’orgueil, pour la mener ensuite à la décadence; conservant seule, enfin, entre toutes les nations de la terre son antique physionomie, grâce à des conditions de sta- bilité qui lui sont propres : le respect des traditions, le culte des ancêtres, le soin de s’isoler des autres peuples, l’autorité pater- nelle et toujours vénérée de ses monarques. Telles ont été sans doute les causes de ee grand résultat, et c’est ce qui explique le caractère spécial de la civilisation en Chine, si différent de celui que nous lui voyons re- vêtuir chez les nations de l’Europe et de l'Asie occidentale; mais, quel que soit Île SD secret de ce phénomène dans les annales de l'humanité, je pouvais être dès l’abord profondément convaincu que les livres d’un pareil peuple devaient renfermer parfois des trésors, et qu'une étude attentive pourrait révéler à la science des faits importants et perdus pour elle. [histoire m’apprenant que les Chinois avaient découvert, plusieurs siècles avant nous, le papier, l’imprimerie, la poudre à canon, les puits artésiens, l’éclai- rage au gaz, elc., etc., je pouvais naturelle- ment supposer que chez eux il existait en- core d’autres inventions du même intérêt qui deviendraient pour nous des découvertes, si l’on savait les mettre au jour. À mesure que j’avancais dans létude du chinois, et que j’arrivais à apprécier les im- menses ressources offertes à quiconque par- vient à se rendre maître de cette langue, je reconnaissais, à mon grand étonnement, que, de tous les filons de cette mine inépuisable, le plus riche peut-être était celui qu’on avait le plus négligé. La science que la Chine ho- nore le plus, celle que toutes ses dynasties ne LD à cessèrent d'encourager, qui, de toute anti- quité, fut considérée dans le Céleste-Embpire comme Ja plus utile et la plus respectable, et que, par goût autant que par nécessité, on y a perfectionné davantage, l’agriculture, en un mot, est, de toutes les connaissances chi- noises, celle dont on a le moins cherché à tirer parti. Etrange au premier abord, ce fait est cependant facile à expliquer. Il suffit de jeter un coup d'œil rétrospectif sur lPhistoire de nos relations avec la Chine, et d’examiner le but particulier que chaque sinologue se proposa dans ses travaux. Toute époque, toute période de eivilisa- tion demande à létude et aux sciences des conquêtes qui puissent cadrer avec ses idées, remplir ses vues, satisfaire ses goûts ou ses besoins du moment. Les premiers qui abor- dèrent les difficultés de la langue et de la lit- térature chinoises, sans autre secours que leur énergique volonté et leur haute intelligence, furent ces intrépides jésuites de la mission fondée par Mathieu Ricei, et successivement rs. illustrée par les savants pères Parennin, de Prémare, Gaubil, Amyot, de Mailla, dont les travaux servirent de point de départ à tout ce qui s’est fait depuis. Mais le zèle religieux animait surtout ces pieux missionnaires dans la rude tâche qu’ils entreprenaient. Propager le christianisme était leur première pensée, le but de tous leurs efforts. Ils jugèrent que pour épurer et réformer les opinions morales et religieuses de la Chine, ce qu'ils devaient étudier et approfondir, c'était, avant tout, les doctrines philosophiques du pays. Avec une patience et une persévérance que la foi seule pouvait soutenir, ils parvinrent à pos- séder le chinois assez complètement pour composer des ouvrages dans cette langue; ils traduisirent ou analysèrent la plupart des livres sacrés de la Chine, ainsi que les œu- vres des philosophes les plus vénérés dans le Céleste-Empire, Khong-tseu et Meng-tseu (Confucius et Mencius). Ils étudièrent les mœurs et les institutions, et surtout l’histoire qui, en Chine plus que partout ailleurs, se lie absolument à la religion et à la philoso- 51,19 = phie. Enfin, de savants travaux de linguisti- que, en leur donnant une connaissance par- faite de la langue du pays, achevèrent d’en rendre l’étude accessible aux Européens. Les sciences physiques et mathématiques furent encore de leur part l’objet de très- intéressantes recherches; mais l’agriculture, comme les arts et l’industrie, ne fixèrent ja- mais leur attention d’une manière suivie. Si, dès Pan 1656, le père Boym, jésuite polo- nais, publia une notice sur quelques plantes de la Chine; si les œuvres des missionnaires contiennent de nombreux Mémoires sur les abeilles , l'arbre à cire, les animaux domes- tiques, et une infinité d’arbres, d’arbustes, de plantes ou de fruits, ces travaux isolés, incomplets pour la plupart ne réussirent qu’à attirer l'attention sur un sujet encore neuf, et sur la nécessité d’une étude plus approfondie. D'ailleurs les missionnaires, dont le savoir était si vaste et si étendu sous d’autres rapports, manquaient préci- sément des connaissances spéciales qu’exi- gent ces sortes de matières, et leurs obser- 413 vations agricoles, bien que faites avec beau- coup de goût et d'intelligence, ne furent guère cependant que des observations de curieux. Aussi trouvèrent-elles plus d’admira- tion parmi les gens du monde que chez les hommes voués à la pratique ou à l’étude de l’agriculture. D’un autre côté, ces mémoires étaient pu- bliés soufs les auspices de Louis XIV, au nom duquel se rattache linauguration de presque tous les monuments de notre gloire littéraire. La France, éblouie par Péclat des grandes choses de ce règne, n’abaissait pas ses re- gards sur les arts simplement utiles, tels que l’agriculture et l’économie rurale. Assez pros- père par elle-même sans chercher au dehors des secours de cette nature, et possédant par- mi les contemporains plus de grands hommes que ne lui en ont fourni toutes les périodes réunies de son existence, elle vivait alors d’une vie intellectuelle par excellence. Ce qu'elle demandait avant tout aux mission- naires, c’étaient des découvertes pour les arts, pour les lettres, des vues nouvelles pour IE — l’histoire de lhumanité. Aussi, quand le grand Roi chargea Fourmont de composer un dictionnaire qui devint la elef de la langue chinoise, il n’avait certainement d’autre but que celui d'ajouter un nouveau rayon à l’au- réole de sa gloire littéraire. La pensée d’ap- pliquer cette étude à des intérêts matériels ne devait naître que plus tard et sous Pinfluence d’autres idées. 4 Le projet de Fourmont était d'exécuter son travail dans des proportions gigantes- ques, dignes du monarque qui len avait chargé; mais 1l mourut avant même d’avoir pu ébaucher son œuvre. Deux de ses élèves, des Hauterayes et de Guignes, héritèrent du soin de poursuivre cette immense entreprise, que les circonstances ne leur permirent point de mettre à exécution. L’honneur de publier le premier dictionnaire chinois imprimé en Europe était réservé au gouvernement im- périal. Avee le XVII] siècle s'était terminée en France la première période de l’étude du chi- nois. Survint 95, qui tarit à leurs sources ET. | nos richesses intellectuelles et commerciales, en promenant son sanglant niveau sûr toutes les illustrations de la naissance, de la fortune ou du génie. Les langues orientales, comme toutes les branches des connaissances hu- maines, subirent la désastreuse influence de Îa perturbation générale, et ce ne fut que long- temps après qu’elles purent se relever du coup qui les avait frappées. À cette date, où s'arrête notre règne scienti- fique, commence celui des Anglais, toujours habiles à profiter de nos malheurs et de nos fautes. Ce quela foi religieuse avait inauguré, la spéculation le continua. À la protection dé- sintéressée de Louis XIV succédèrent les en- couragements positifs du commerce anglais ; nous avions étudié en artistes, les Anglais étudièrent en marchands, et furent aussi gé- néreux dans leur but de trafic et de lucre que le grand Roi dans son but unique de gloire. La compagnie des Indes sème Por à pleines mains dans le sillon des études chinoises, sûre de recueillir amplement le fruit de ses saeri- fices. Des imprimeries anglo-chinoises sont fondées à Canton, à Macao, à Malacca, et Morrison recoit une subvention de dix mille livres sterling pour l'aider à publier son grand dictionnaire, le meilleur et le plus complet que nous possédions. On le voit, les tendances particulières des diverses époques ne s'étaient jamais prêtées à ce que l’agriculture fixât sérieusement l’attention des sinologues. Elle ne répondait pas plus aux intérêts commerciaux de la Grande-Bretagne qu'aux vues scientifiques de Louis XIV ou à la pensée religieuse des jésuites. Même à l’époque de la restauration de 1815, alors qu’on vit renaître en France, avec la prospérité et la paix, le règne des études si longtemps interrompu, les cir- constances ne dirigèrent pas encore dans cette voie les laborieuses recherches des sa- vants. Un jeune homme, avide de science et passionné pour tout ce qui venait de l'Orient, M. Abel Rémusat, eut le mérite de ressusciter chez nous l’étude du chinois, qu’avec son ta- lent et sa persévérance bien connue il sut ap- prendre seul et sans maître ; mais la littéra- 4h ture l’attirait trop exclusivement pour qu'il songeât à s'occuper d’une manière spéciale des questions botaniques ou agricoles; non qu'il ignorât la supériorité des Chinois à cet égard (1); mais, absorbé par la variété de ses propres iravaux, il dut concentrer son attention sur le champ déjà si vaste de la critique et de la philologie. MM. Stanislas Julien et Bazin, qui succé- dèrent à M. Abel Rémusat dans l’enseigne- ment du chinois, continuèrent de nous faire connaître la philosophie, l’histoire et la litté- rature du Céleste-Empire; M. Julien, en nous donnant la première version exacte et litté- rale de Meng-iseu, et en nous développant cette fameuse doctrine du Tao du philo- sophe Lao-tseu, que lon croyait jusqu'alors d’une difficulté de traduction insurmontable; M. Bazin, en s’adonnant à l'étude de la litté- rature moderne et surtout de l’art drama- tique chez les Chinois. (1) Ilen parle avec éloge dans plusieurs morceaux de ses mélanges asiatiques, et particulièrement dans le mémoire intitulé : La Chine et ses habitants. Enfin dans ces dernières années, alors que régnait partout une véritable fièvre d’in- dustrie, la mission de 1844 reçut particu- lièrement pour instructions de demander à la Chine de nouveaux procédés de fabrica- tion et de teinture. La question agricole fut considérée comme tout à fait accessoire. Aujourd’hui que l’on semble comprendre immense danger de séduire les populations par l’image de ressources factices ; aujour- d’hui que lon reconnaîii la nécessité d’encou- rager l’agriculture, cette mère des biens so- lides, cette conseillère d'ordre et de probité dans les familles, nous croyons le moment venu de mettre à profit les travaux des sa- vants qui nous ont aplani la route, et d’ex- ploiter les richesses que nous pouvons en- trevoir. La Chine, avons-nous dit, est la mine iné- puisable dont les riches filons nous sont ou- veris. Tous les voyageurs et tous les mission- naires sont unanimes à nous peindre les Chinois comme spécialement adonnés à Part de tirer de la terre tout ce qu’elle peut pro- 196 - duire. Le goût de agriculture et surtout de l’horticulture est profondément entré dans leurs mœurs. On comprend que, dans un pays où la po- pulation est si agglomérée, où là nourriture végétale est surtout en usage, les habitants doivent appliquer leurs soins et leur inteili- gence à perfectionner de tous les arts le plus important pour eux, celui sur lequel repose leur subsistance. Si lopinion générale refuse aux Chinois le don de pousser aussi loin que nous les études purement métaphysiques, personne du moins ne songe à ieur contester une patience infatigable et une attention qui va jusqu’à la mimutie dans les travaux auxquels ils se livrent. On sait aussi leur res- peet pour les enseignements de ceux qui les ont précédés dans Ja ‘vie. Or, dans une science comme l’agriculture, où Pexpérience et l’observation jouent un rôle si important, ne se pourrait-il pas qu'on eût à puiser de précieux enseignements chez cevieux peuple, «si amoureux de lagriculture ; raconte naïvement un de nos plus anciens mission hope naires, que, s’il arrive à la cour quelque mes- sager d’un vice-roi, le monarque n'oublie jamais de s’informer de l’état des champs et des moissons; et qu’une pluie favorable est une occasion de visite et de compliments entre les mandarins. » Ce goût et ce respect des Chinois pour l’agriculture se lit à chaque page de leur histoire. Les plus anciens monuments de leur littérature comme les décrets les plus ré- cents de leurs empereurs, nous montrent le souverain constamment occupé à protéger une science qu’ils appellent la science par excellence. Trois siècles avant Jésus-Christ, la pro- priété territoriale était déjà constituée parmi eux, et assurée par des lois protectrices à la population des campagnes. On voyait s’éta- blir insensiblement les fermages à moitié fruit comme dans nos provinces méridio- nales, et dans une grande partie de lEs- pagne etde l'Italie. Les impôts n’atteignaient en moyenne que levingtième du revenu brut, tout en étant organisés de manière à peser _gf"- sur les produits Gu sol dans le rapport in- verse des frais qu'ils entraînent. Ainsi les cé- réales, dont la culture exige beaucoup de travail et de peine, ne supportaient qu’une imposition d’un trentième, tandis que les bois et les étangs, considérés comme d’un entretien facile, étaient imposés dans lé- norme proportion d’un quart. Les taxes se percevaient en nature; elles étaient ba- sées, comme nous venons de le voir, sur une redevance de tant pour cent des produc- tions agricoles (1). Il en résultait que le re- venu de l'Etat se trouvait toujours propor- tionné au produit général annuel des terres de l'empire, en sorte que le souverain était directement intéressé au succès des agricul teurs. Aussi était-ce là sa préoccupation constante, et la plupart des rescrits impériaux ont-ils pour objet l’agriculture et la propriété. De nombreux décrets établissent des peines sévères contre la paresse et le vagabondage, afin de supprimer cette classe de gens sans (1) E. Biot. Mémoire sur La condition de la propriété terri- toriale en Chine depuis les temps anciens. LrOA profession toujours prêts à fomenter le dés- ordre et linsurrection. D’autres ordonnances vont même jusqu’à condamner les agricul- teurs négligents à être enterrés sans cer- cueil(Â), peine irès-grave chez un peuple qui attache autant d’importance à la sépulture. Ï1 existe aussi des règlements spéciaux pour dégrever en tout ou en partie les familles chargées d'enfants, les laboureurs parvenus à un certain âge, les populations des districts qui ont eu à souffrir de la sécheresse, de la grèle, des sauterelles, des inondations, ou même les cultivateurs qui entreprendraient des travaux de défrichements ou de cessé- chements ; enfin, et ce sont les plus fréquents et les plus nombreux, de sages règlements sur l’importante question des irrigations qui, dès la plus haute antiquité, furent portées en Chine au plus haut degré de perfectionne- ment. On sait que, dans toutes les provinces, et jusqu’au cœur de l'Empire, les champs sont entourés d’une ceinture de rigoles dont les (4) Ma-iouan-lin. DE ÈRÉE Æ. — 23 — eaux proviennent des grands canaux qui sillonnent tout le pays, et qui sont eux-mêmes alimentés par les vastes cours d’eaux qu’on pourrait appeler les artères naturels de ce gi- gantesque système d'irrigation. Ma-touan- lin, le fameux encyclopédiste, qui vivait sous la dynastie des Youen (xtrre siècle de notre ère), entre dans de grands détails sur les di- mensions que doivent avoir les espaces entou- rés d’eau, et sur la largeur et la profondeur des différents canaux dont l'entretien était confié à des employés de l’État, appelés souy- Jin (hommes des rigoles), lesquels avaient sous leurs ordres des tsiang (ouvriers). Indépendamment de ces mesures géné- rales et administratives, nous voyons le gou- vernement chinois ne rien négliger de ce qui peut stimuler le zèle des agriculteurs etenno- blir à leurs propres yeux la profession qu'ils exercent (1). Des inspecteurs, chargés de (1) Les livres des anciens philosophes n'ont pas médio- crement contribué à inspirer aux Chinois leur respect pour la science agricole. Ils rapportent que l'empereur Yao, dont ils placent le règne 380 ans après celui de Ching-nong, éloigna ses propres enfants du trône en faveur d'un jeune laboureur qu'il choisit pou: lui succéder. RE rendre compte de l’état des cultures, par- courent chaque année les provinces, et de leurs rapports dépend la disgrâce ou l’avan- cement des mandarins gouverneurs, récom- pensés ou punis selon qu'ils ont fait preuve de négligence ou de zèle dans l’administra- tion agricole de leurs districts. La sollicitude impériale va plus loin ; elle arrive à encoura- ger les efforts individuels : une récompense d'une haute valeur attend celui des agricul- teurs de chaque province qui s’est le plus distingué par son travail et ses vertus de fa- mille. Sur le rapport annuel du chef de dis- trict, l’empereur élève ce sage et diligent la- boureur à la dignité de mandarin honoraire, distinction qui le met en droit de rendre vi- site au gouverneur, de s'asseoir à sa table, et de jouir des priviléges attachés au rang du magistrat dont il porte l’habit (1). Enfin tous les ans a lieu cette fameuse céré- monie du labourage où l'Empereur, après avoir Jeùné trois jours, sacrifie au Chang-ti(2) (14) Du Halde. (2) Littéralement : Supremus Dominus. en le suppliant d'accorder à son peuple une heureuse année, et conduit ensuite lui-même la charrue, suivi des ministres et des grands, qui ensemencent les sillons derrière lui. In- stitution d’un effet immense dans un pays où le monarque s'appelle le fils du ciel, et où les populations jouissent encore de l’heureux privilége de savoir respecter le souverain. Les monuments écrits d’une science aussi encouragée devaient nécessairement abon- der à la Chine. Aussi le nombre des Pen- tsao (1), des encyclopédies, des ouvrages spéciaux sur telle ou telle culture est-il con- sidérable. Le catalogue de la bibliothèque impériale de Pé-king, dont M. Bazin publie en ce mo- ment d’intéressants extraits, ne compte pas moins de vingt-cinq traités d'agriculture ou d’horticulture, et dans ce nombre ne sont compris que les plus importants. Ces trai- (4) Les Pen-tsao LIN = sont des herbiers composés surtout pour lesmédecins chinois ; aussi n’y trouve-t-on point de renseignements sur la culture, mais seulement la des- cription des plantes avec l’énumération de leurs vertus. — 2% tés spéciaux furent presque tous publiés par ordre des empereurs. La bibliothèque royale de Paris, qui ren- ferme 20,000 volumes chinois, possède, indé- pendamment de plusieurs Pen-tsao, deux de ces vastes encyclopédies agricoles et horti- coles dans lesquelles les savants du Céleste - Empire ont fait entrer en substance les fruits d’une expérience de tant de siècles. Le pre- mier de ces deux recueils date de l’année1607, et se compose de soixante livres. L'auteur est un lettré célèbre, qui avait longtemps occupé les emplois les plus éminents à la cour de Pé- king, et qui vécut dans l'intimité de Pillustre missionnaire Mathieu Ricei. C’est aux lu- mières de ce jésuite qu’il emprunta des no- tions sur différents systèmes de pompes et sur d’autres machines à irriguer d’origine euro- péenne, que, dans son grand ouvrage, il fait connaître et recommande à ses compatriotes. Îl leur indique les moyens d’en simplifier le mécanisme à l’aide de tuyaux naturels que fournit abondamment la tige du bambou. L'usage de ces moyens d'irrigation , qui se = JR — sont promptement répandus sur toute la sur- face de l’empire et qu’on trouve indiqués dans tous les traités postérieurs, prouve suf- fisamment que les Chinois ne sont station- naires qu'auiant que leur politique y estinté- ressée, et qu'ils savent très-bien profiter des progrès véritablement utiles. Le second ouvrage, d’une date plus ré- cente, est aussi plus long et plus complet. Il renferme presque tout ce qu’on lit dans le premier, à l’exception pourtant de deux sec- tions d’un grand intérêt : une série de trai- tés d'économie domestique renfermant toutes les recettes relatives à la préparation des ali- ments, et une nomenclature de tous les vé- gétaux dont les feuilles, les fruits ou les ra- cines peuvent servir à la nourriture en cas de disette. Cette encyclopédie, œuvre des doc- teurs les plus célèbres de lPempire aidés des praticiens les plus instruits, se compose de soixante et dix-huit volumes, et a été publiée par ordre de l’empereur Kien-long pour propager ce que la science avait produit de meilleur sur Pagriculture et lhorticulture. O8 C’est de cet ouvrage que M. Stan. Julien üra et traduisit le traité sur la culture du mürier et Péducation des vers à soie (1) qui fut publié en 1837, par ordre du ministre de l’agriculture et du commerce; ce traité, que le savant M. Robinet appelait lévangile de la sériciculture, contribua puissamment à perfectionner chez nous cette industrie. On le traduisit dans toutes les langues de lPEu- rope, et les dix mille exemplaires tirés en français furent enlevés en moins de deux ans. ; Des résultats si remarquables, et ceux non moins frappants obtenus il y a peu d’années dans les magnaneries du Vivarais, fortifièrent l’idée que nous nous étions faite de la supé- riorité des Chinois, quant aux sciences pra- tiques, et persuadés que leurs connaissances en agronomie ne devaient être en rien infé- rieures à leurs connaissances en sériciculture, nous formâmes le grand projet de traduire successivement non plus des fragments ISO- (4) En Chine cette industrie fait partie de la science agricole. ns. QÙ = lés, mais une de ces vastes encyclopédies chinoises, afin de présenter le corps complet de leur système agricole avec la nomencla- ture des espèces qu’ils cultivent et lPexplica- tion de toutes leurs méthodes et de tous leurs procédés. Pour attemdre ce but, nous vou- lions publier en entier le grand recueil, Fé FFE Æ auquel nous eussions ajouté les deux intéressants chapitres empruntés au recueil antérieur. Malheureusement nous ne tardämes pas à reconnaître combien cette entreprise était au-dessus de nos forces. Si le style en lui- même n'offrait pas de difficultés sérieuses, si peu à peu nous apprenions à nous familia- riser avec certaines expressions qui nous avaient d’abord embarrassé, nous n’en étions pas moins arrêté à chaque pas par le ter- rible embarras de bien comprendre les termes techniques. Les dictionnaires sont d'autant plus insuffisants en cette matière, que l’agriculture chinoise à été moins étu- diée par les Européens. Une plante attire- t-elle votre attention par les vertus que l’au- 0 teur lui aitribue, cherchez son nom dans les dictionnaires de Morrison, de Gonzalvès ou de Basile, vous trouverez presque infaillible- ment des éclaircissements tels que ceux-ci : Name of a plant.—0 nome d'huma pran- ia che cresce nos montes. — Nom d’une certaine plante. Ajoutons que les planches chinoises qui accompagnent le texte sont en général assez grossièrement exécutées ; ellés suffisent sans doute aux Chinois pour recon- naître des végétaux qu'ils ont chaque jour sous les yeux, mais un botaniste européen serait souvent fort embarrassé de déterminer le genre de la plante représentée, à plus forte raison d’en préciser lespèce. En; vain l'excellente Chrestomathie de Bridgmar , nous fournit-elle Ja liste traduite en anglais d’un certain nombre des végétaux les plus communs. Cette nomenclature très-incom- plète est parfois même peu d'accord ayec ce qu’on croit reconnaître dans les textes originaux. Îl est vrai que les plantes qui soulèvent ce genre de difficultés sont pour la plupart inconnues en Europe, et ne sau- raient par conséquent trouver de synonyme dans notre langue. Ce qui restait pour nous dans l’ombre, était done souvent ce qu'il nous eût semblé le plus important d’éclaircir. Nous nous vimes dans la nécessité de suspendre l’exécu- tion de nos projets, jusqu’à l’époque indéter- minée où les moyens nous seraient. fournis de surmonter ces obstacles. En attendant, et dans l’impuissance d'arriver présentement à notre but, nous nous décidons à publier cet opuscule, qui ne sera pas un abrégé tronqué du recueil que nous conservons. l’inténtion de traduire plus tard en son entier, mais un simple mémoire destiné à appeler lattention sur l'importance de l’agriculture chinoise. Nous nous bornerons à signaler quelques- unes des conquêtes à faire sur ce terrain si peu connu, conquêtes que la traduction que nous voulions entreprendre n’eût été qu’un moyen de commencer. Nous esquisserons d’a- bord rapidement le tableau de l’état de Pagri- culture en Chine, comparé à celui de l’agri- culture européenne. Nous passerons ensuite US successivement en revue les richesses du règne végétal dans le Céleste-Empire, ri- chesses que nos recherches préparatoires nous ont permis d’apercevoir, et dont nous avons pu apprécier l'importance à travers le voile qui les couvre encore. Nous examine- rons si le sol et le climat de l’Europe occi- dentale et de l’Algérie ne seraient pas aptes à les accaparer; si, mdépendamment de ces races végétales particulières, il n'existe pas en Chine, pour ce qui concerne les travaux d'irrigation, l’assainissement des rizières, ce problème véritablement humanitaire , les méthodes de jardinage, les divers procédés d'économie domestique, des importations à faire d’une immense utilité. Nous termine - rons en plaçant à la suite de notre mémoire l'analyse des matières contenues dans la grande encyclopédie agricole et horticole dont nous avons parlé plus haut. En atten- dant qu’il nous soit donné de faire connaître l’ouvrage en lui-même, on pourra du moins juger des nombreux documents qu'il ren- ferme. CS DE Maintenant, si lon nous demande com- ment on doit marcher au but que nous vou- drions voir atteindre, l'Angleterre, cette na- tion d’un siintelligent égoisme, se chargera de répondre pour nous. il suffira d’examiner ce qu’elle a fait et ce qu’elle fait encore. La dif- férence des climats rend la plupart des pro- ductions chinoises à peu près impossibles sur le sol même de la Grande-Bretagne ; mais, dans l’intérêt de ses colonies , elle a jugé né- cessaire d'appeler lattention des savants sur l'état des cultures dans le Céleste-Empire, et elle à mis tout en usage pour y parvenir. C'est ainsi qu’elle a déjà développé sur une immense échelle la multiplication des nombreuses espèces de cotonnier, dans ses provinces méridionales de l'Inde, et qu’elle fait de nouveaux efforts pour acclimater lPar- bre à thé dans les montagnes du nord de ce pays, où sa culture déjà brillante, comme nous le verrons plus loin, prépare une modifi- cation profonde dans l’industrie et le bien-être des populations indigènes de eescontrées, et semble présager pour la métropole elle-même 3 un accroissement de prospérité, dont ilest dif- ficile encore d’apprécier toute l’importance. Enfin, elle a récemment envoyé sur les lieux le savant botaniste, M. Fortune, afin de rechercher, parmi les procédés chinois, tout ce qui pourrait servir au dévelop- pement agricole de ses possessions dans l’Inde, l'Afrique australe et l'Australie. Ce que les Anglais ont su faire dans l’inté- rêt d’une colonie éloignée, le Piémont, la Lombardie ne voudront-ils pasle tenter dans Pintérêt de ces rizières qui, chaque jour, tendent à jouer chez eux un rôle plus impor- tant ; l'Espagne, pour relever la culture au- jourd’hui languissante des plaines de la Ga- lice ; la France enfin, pour enrichir ses pro- vinces méridionales, et surtout l'Algérie, cette terre si fertile, si favorable à la repro- duction des végétaux de lÂsie, qui, en doublant les produits du sol, contribueraient inévitablement à en hâter la colonisation ? PREMIÈRE PARTIE. CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'AGRICULTURE ET DE L'HORTICULTURE EN CHINE. Parallèle de l’agriculture de la Chine et de celle do l’Europe, Les voyageurs et les missionnaires qui ont par- couru le Céleste-Empire s'accordent à nous faire le tableau le plus séduisant de l'aspect que présentent les campagnes. Point de ces landes arides qu’on rencontre si souvent dans nos plus fertiles provinces ; point de friches, pas un coin de terre oublié; la culture a tout envahi, quelquefois même jusqu’à la surface des rivières, qu’en certains endroits elle couvre de jardins flottants: partout aussi se presse — IG une population industrieuse, principalement adon- née aux travaux agricoles. Des villes immenses, des villages qui, ailleurs, seraient des villes, une multi- tude de hameaux, reliés entre eux par un véritable réseau de fleuves navigables et d'innombrables ea- naux, entretiennent et facilitent la prodigieuse aeti- vité du commerce intérieur. Sile travail et la production pouvaient à eux seuls constituer la prospérité réelle d’un peuple, la Chine devrait occuper le premier rang dans la hié- rarchie des nations civilisées, car l’excessif déve- loppement de la culture semble y avoir atteint sa dernière limite. Malheureusement pour les Chinois, ces grands résultats sont dus à leur état permanent de gêne et de souffrance, et ce que nous admirons surtout chez eux, pour en tirer quelquefois parti au point de vue européen, ee sont les efforts continuels d’une population exubérante qui doit arracher sa subsistance au sol; efforts sans lesquels la disette, avec son hideux cortége de troubles et de maladies, viendrait fondre sur le pays. N'est-ce point un spec- tacle digne d'intérêt que celui de ce peuple qui lutte avec tant d'énergie contre l’appauvrissement séculaire d’unsol que le manque d’engrais ne lui per- met pas de renouveler, et qui supplée en quelque sorte par les ressources de son industrie à la dureté des conditions dans lesquelles se pratique son agri- culture ? Cette corrélation entre de tristes causes et d’ad- mirables effets, avait frappé lessavants missionnaires qui portent en Chine l’enseignement évangélique. Pénétrant au cœur de l'empire et séjournant dans les provinces plus longtemps qu'aucun Européen, ils sont certainement plus à même que personne d’ap- précier à sa juste valeur l’agriculture chinoise prise dans son ensemble. Nous croyons donc ne pouvoir mieux commencer l'esquisse que nous nous proposons de faire, qu'en plaçant ici tout d’abord le tableau qu'un de ces mis- sionnaires traçait lui-même au commencement du siècle dernier : « Que le lecteur jette un coup d’œil sur la carte d’Asie, pour voir l'étendue de notre Chine, la variété de ses climats et les peuples divers dont elle est en- tourée. 11 trouvera qu'elle est d’une étendue im- mense, qu'elle réunit tous les climats et n’a autour d'elle que des nations errantes ou à demi barbares, et il en conclura d'abord que, réduite à elle-même, elle peut et doit se suffire ; mais en songeant qu'elle est prodigieusement peuplée et quelle le devient tous les jours davantage, parce que les grandes maladies sont rares, que les lois sont florissantes, que le mariage est en honneur, que le nombre des enfants est une richesse, et que la paix au dedans et au dehors est presque inaltérable , il sentira bientôt que ce n'est qu’à force de travail, d'industrie et d'économie qu’elle peut avoir, nous ne disons pas l'agréable, mais l’honnête et le nécessaire. « En France, les terres se reposent de deux années l’une (1); de vastes terrains demeurent en friche ; les campagnes sont entrecoupées de bois, de prai- ries, de vignobles, de parcs, de maisons de plai- sance, ete. Rien de tout cela ne saurait se rencon- trer ici. La doctrine même des anciens sur la piété filiale, n’a pu sauver les sépultures dans les révolu- tions. Les petites surgissent et disparaissent dans les champs, d’une génération à l’autre ; la superstition (4) Ceci étaitexact à l’époque où écrivait l’auteur du mémoire auquel nous empruntons ce passage; aujourd'hui il n'en est plus tout à fait ainsi. Dans tous les pays de riche culture, le système des jachères proprement dites, a éte remplacé, et cela avec un immense avantage, soit par la culture des racines et autres plantes sarclées peu exigeantes, soit par des semis de plantes fourragères, principalement de légumineuses, qui lais- sent plus à la terre qu'elles ne lui prennent. L'introduction du trèfle et du sainfoin dans les assolements, a changé presque com- plétement la face de l’agriculture du centre de l'Europe. sde. a aidé la politique à reléguer peu à peu celles des grands et des riches dans les montagnes ou dans les endroits stériles fermés à l'agriculture. Bien que la terre soit épuisée par trente-cinq siècles de mois- sons, il faut qu’elle en donne chaque année une nouvelle, pour fournir aux pressants besoins d’un peuple innombrable. Cet excès de population qui a été ici la première cause des révolutions, comme chez les Tartares errants, celle de leurs émigrations et de leurs conquêtes, et qui rend le gouvernement si difficile, si délicat et si pénible ; cet excès de popu- lation, dont les philosophes modernes de l’Europe n’ont pas même soupçonné les inconvénients et les suites, augmente ici le besoin de l’agriculture, au point de montrer les horreurs de la famine comme la conséquence subite et inévitable des moindres négligences. « Sans les montagnes et les marais, la Chine serait absolument privée du bénéfice des bois, de la vénai- son et du gibier : ajoutons que la force et l’indus- trie de l'homme font tous les frais de l’agriculture. Il faut plus de travail et plus d'hommes pour avoir la même quantité de grains qu'ailleurs. La somme totale en est inconcevable ; cependant elle n’est que suffisante, et ne suffit encore, que parce qu'elle est + régie et distribuée avec une économie prévoyante, qui compense une année par l’autre et qui entretient le niveau dans toutes les provinces. « Les cochons et la volaille sont presque la seule viande de Ja Chine, d’où il suit qu’on doit en manger peu, distributivement, et que l’industrie a besoin de toutes ses ressources pour en nourrir une certaine quantité. Nous avons dit presque, parce que nous parlons de l'empire, envisagé dans son universalité par rapport à cet objet. Il y a en effet des districts mieux partagés à cet égard et qui nourrissent beau- coup de troupeaux. Il y en a où le labourage se fait avec des bœufs , des buffles et des chevaux ; mais, proportion gardée , il y a au moins dix bœuis en France contre un en Chine.» L'auteur du mémoire que nous citons se pose alors à lui-même la question de savoir si la Chine est en résumé plus mal partagée que l’Europe sous le rap- port de la nourriture. Il n’hésiterait pas à se pro- noncer pour l’affirmative si la comparaison ne por- tait que sur le régime alimentaire des habitants de nos grandes villes, Mais, ajoute-t-il, il faut examiner impartialement à quoi se réduit en France comme dans le reste de l'Europe, la boucherie des cam- pagues; d’ailleurs c’est surtout dans les provinces {ie méridionales du Céleste-Empire que le bétailestrare, et l'usage de la viande n’est ni nécessaire, ni sain dans les pays chauds. « Les anciens habitants de la Chine auxquels la viande ne manquait point, en mangeaient encore moins que les modernes. Obser- vons cependant, L° que la Tartarie fournit tous les ans à la ville de Pé-king et à toute la province une quantité prodigieuse de bœufs, de moutons, de cerfs, ete.; que les côtes de la mer, depuis la grande muraille jusqu’au bout de la province de Canton, les lacs, les étangs, les rivières, ete., donnent conti- nuellement toute sorte de poissons. La pêche seule du grand Kiang (1), situé au milieu de l'empire, équi- vaut à celle des plus grands fleuves d'Europe réunis ; 2 que les montagnes dont toutes les provinces sont entrecoupées, ont quantité de gibier et de vénaison; 9° que la nécessité, mère de l’industrie, a appris aux Chinois à tirer parti de beaucoup de légumes, d’her- bages, de plantes, de racines qui croissent d’elles- mêmes dans les campagnes et qui ne demandent (1) AN TL Ta-Kiang, le plus grand fleuve de la Chine et l’un des plus grands du monde. Il traverse le Thibet et toutes les provinces centrales du Céleste-Empire, et va se jeter dans la mer de la Chine, après un cours de 828 lieues. « Sila mer n'a point de bornes, le grand Kiang n'a point de fond, dit un pro- verbe chinois. » point de culture; 4 que, bien qu'il ne puisse pas y avoir beaucoup de terres en vergers eten jardins, les enclos des maisons, les avenues des villages, les collines y suppléent, et sans leur extrême popu- lation, la plupart des provinces de Chine seraient au niveau des provinces de France les mieux parta- gées « La Chine a peu de laines et ne fait presque point de toiles de chanvre ni de lin, mais la soie, les co- ions, les racines et les écorces de plusieurs espèces y suppléent abondamment. La quantité de soie qu'on recueille chaque année, est incroyable. La récolte du coton va plus loin encore, parce qu'elle est plus générale, plus facile, et que toutes les pro- vinces sont également bien partagées. Quant aux racines et aux écorces elles ne sont guère qu'un agrément, à cause de la légèreté des toiles qu'on en fait pour l'été. Remarquons en passant que la con- sommation en vêtements est très-restreinte dans toutes les provinces méridionales, et que, dans les autres même, elle est beaucoup moindre qu'en France pendant plus de quatre mois (4).» On sait aujourd’hui que l’agriculture n’est plus (4) Mémoires des missionnaires de Pé-hing; tome IV, ET | —— un art à principes absolus, un art qui puisse s'exercer indépendamment des circonstances qui l’environ- nent. Loin d’être indépendante, elle est essentielle- ment subordonnée aux conditions politiques, tout au moins autant qu’à celles qui proviennent du sol ou du climat. La Chine nous en fournit l'exemple : parce qu’elle est démesurément peuplée, le morcellement de la propriété foncière a été poussé à ses dernières limites ; à part un nombre infiniment restreint de familles qui possèdent encore des terres d’une cer- taine étendue, tout le reste cultive des parcelles tel- lement réduites, qu’elles ne comportent plus le tra- vail des animaux de ferme, et d’ailleurs comment nourrir ces animaux, lorsque le sol tout entier, sans cesse pressuré par la culture, livre à peme ce qui est suffisant pour faire vivre la famille? De là résultent, à notre point de vue du moins, les plus graves inconvénients : outre la rareté de la viande et des autres produits animaux, il y a pénurie d’en- grais, malgré le soin extrême qu'apportent les Chi- nois à recueillir tout ce qui peut rendre à laterre un peu de sa fertilité; le défaut de famure, fait qu'elle s’épuise et ne peut plus donner ces riches produits que nous offrent les champs de l'Angleterre ou du nord de la France. Il faut dès-lors renoncer à la cul- des ture des espèces exigeantes, pour se rabattre sur celles qui ne demandent presque rien à la terre; abandon- ner le blé, si riche en principes azotés, pour lui substituer le riz si pauvre de ces mêmes principes; substituer de même le coton et la soie à la laine et au chanvre, comme le thé à la vigne, c’est-à-dire remplacer par des produits qui sont partout ailleurs du luxe, les objets que l’on considère avec raison comme les plus indispensables à l'existence, Prise dans son ensemble, l’agriculture chinoise ne trouve done point son analogue dans l’agriculture européenne, puisque cette dernière, outre qu’elle s'exerce plus spécialement sur des espèces végé- tales dont le rôle en Chine n’est que très-secon- daire, considère la production du bétail comme sa base la plus essentielle, et que l’axiome du vieux Caton bene pascere est plus que jamais regardé chez nous comme la règle dominante pour ne pas dire l’u- nique règle du cultivateur. Toutefois, si l’on aban- donne l’ensemble de l’agriculture de l’Europe pour en scruter les détails, on trouvera certains modes d'opérer qui se rapprochent davantage des allures de l’agriculture chinoise. Il existe, par exemple, une certaine analogie, une certaine ressemblance même, au point de vue agricole, entre la Flandre et mL TEE la Lombardie d'une part et la Chine de l’autre. En Flandre comme en Chine, la propriété est très-mor- celée; Tà aussi, le travail de l’homme remplace en partie celui des animaux domestiques, et l’engrais hu- main celui des étables. La Lombardie, outre qu’elle nous montre un sol également morcelé, se livre en grand à la culture du riz, suivant en cela des pro- cédés qui ne s’éloignent pas beaucoup de ceux des Chinois. Mais là s’arrêtent les analogies, car pour ces deux contrées les résultats sont tout opposés ; tandis que la Chine ne fournit rien ou presque rien à l'expor- tation, consommant elle-même la totalité de ce que son sol peut produire, la Flandre et la Lombardie comptent parmi les contrées les mieux cultivées et les plus riches de l’Europe, et fournissent d’im- menses quantités de leurs produits à l'exportation. La différence de ces résultats est du reste facile à expliquer. Aïnsi que nous l'avons dit, l’agriculture est toujours puissamment subordonnée aux conditions politiques et commerciales qui en déterminent quel- quefois d’une manière absolue, non-seulement la marche, mais aussi les succès et les revers. En Europe, il est rare qu’un pays ne produise que les objets qu'il consomme, comme il est rare qu’il n’ait — 46 — pas à demander aux pays voisins, quelques-uns des objets dont il a besoin. Delà ce mouvement eom- mercial, cet échange des produits de la terre, qui vivifie l’agriculture en assurant à chaque district agricole l'écoulement des denrées que son sol est le plus apte à produire. Là est tout le secret de la pros- périté de la Flandre et de la Lombardie. Entourées toutes les deux de pays riches en bestiaux qui leur fournissent les engrais nécessaires, elles peuvent consacrer la presque totalité de leur territoire à des cultures exceptionnelles dont les produits trouve- ront dans les pays voisins un prompt et facile dé- bouché. Ce seront le riz, la betterave, la garance, le lin, le tabac, ou autres plantes industrielles qui ne viendraient point ou viendraient plus mal ailleurs ; mais que le sort de la Lombardie ou de la Flandre serait différent, si le reste de l’Europe pou- vait produire aussi bien qu’elles et à aussi bon marché les denrées qui font toute leur richesse, ou seulement si leur position géographique les eût éloignées des principaux foyers de la consommation européenne. On voit qu’il serait inutile de chercher dans l'agriculture chinoise cette science des assole- ments, science toute européenne, et, nous pou- Et vons ajouter, toute moderne, puisque c’est elle qui a détrôné l'ancien système des jachères, qui règne même encore en certaines provinces de France, pays où l’agriculture est loin cependant d'être aussi arriérée que certains théoriciens af- fectent de le croire. La jachère elle-même, qui est l'enfance des rotations, n’est pas usitée en Chine, non par défaut de connaissances de la part des Chi- nois, mais par suite de la nécessité de demander tous les ans à la terre les mêmes produits. C’est la conséquence forcée de cet extrême morcellement du sol, dont les causes ontété développées plus haut. Nous allons essayer de donner une idée moins superticielle de l’état de l’agriculture chinoise, en empruntant quelques détails aux notes publiées il y a trois ans sur ce sujet, par M. Fortune, qui, indépendamment des rapports relatifs à la mission spéciale dont l’a chargé son gouvernement , envoie souvent au Gardner's Chronicle des articles d’un vif intérêt. Nous devons dire d'abord que M. Fortune ne professe pas une grande admiration pour le peuple chinois et pour ses procédés agricoles. Peut-être la comparaison qu'il a dû faire en arrivant dans le Céleste-Empire de son agriculture avec celle de l'Angleterre, l’a-t-elle conduit à exagérer l’infério- rité de la première. Mais cette prévention même en faveur de l’agriculture de son pays, donnera plus de force à son témoignage lorsqu'il reconnaitra quel- que supériorité aux méthodes chinoises, que ses connaissances spéciales lui permettent d’ailleurs de bien apprécier. Le sol des montagnes et des collines dans les pro- vinces méridionales est très-maigre. Îl'se compose d’une argile sèche, ardente, mêlée à de petits frag- ments de granite. On y aperçoit cependant quelques herbes, et les habitants récoltent de chétives brous- sailles comme matériaux de combustion, telles que les Campanula grandiflora, Glycine sinensis, Azoleas, Clématites de différentes espèces, Rosiers sauvages, etc. La plus grande partie de ces monta- gnes est inculte et incultivable ; le seul produit utile qu’on en pourrait retirer, serait celui du bois, si les Chinois se doutaient de l’importance des forêts sur les terrains en pente; mais, absorbés par les soins de la culture morcelée et individuelle, le reboise- ment des montagnes est une opération trop vaste et dont les résultats sont trop éloignés pour qu'ils songent à l’exécuter, bien que le bois soit déjà très- rare dans tout l'empire. — 19 — Si Les flancs des montagnes sont improductifs dans certaines provinces, les vallées en revanche sont toutes cultivées, bien que toutes soient loin d’être naturellement fertiles ; c’est là que les Chinois plan- tent leur thé, leur pomme de terre douce et l’ara- chide. Vers le nord, l'infertilité des montagnes est plus générale, écrit M. Fortune; les voyageurs peuvent parcourir des espaces de plusieurs milles sans ren- contrer un brin d'herbe (1), (4) Il est permis de croire que ces montagnes incultes, dont parle M. Fortune, n'existent guère qu'aux frontières del’empire chinois. Voici comment le père du Halde, dont le témoignage est d’un grand poids, s'exprime sur le même sujet. « Toutes les montagnes de la Chine sont cultivées; mais on n'y aperçoit ni haies, ni fossés, ni presque aucun arbre, tant les Chinois ménagent un pouce de terre. » C'est un spectacle fort agréable, dans quantité delieux, que de voir des plaines de trois ou quatre lieues de longueur, envi- ronnées de collines et de montagnes qui, depuis le pied jusqu'au sommet, sont coupées en terrasses hautes de trois ou quatre pieds, qui s'élèvent quelquefois, l’une sur l'autre, jusqu'au nombre de vingt ou trente. Ces montagnes ne sont pas ordi- nairement pierreuses comme celles de l'Europe. La terre est si légère, qu'elle se coupe aisément, et si profonde, dans quelques provinces, qu'on la creuse l’espace de trois où quatre cents pieds sans rencontrer le roc. Lorsqu'il s'y trouve des pierres en trop grand nombre, les Chinois trouvent le moyen de les en purger, et bâtissent de petits murs pour soutenir les terrasses: ils aplanissent les bonnes terres et les ensemencent de diverses sortes de grains. 4 — 50 — Mais dès que l’on arrive vers la rivière de Min près de Fo-tchéou-fou, capitale du Fou-kien (Lat. 26°, longit. 117°), la végétation des montagnes change « Ils poussent encore plus loin l'industrie; quoique dans quel- ques provinces les montagnes soient stériles et incultes, cepen- dant, comme les vallées et les champs qui les séparent en quantité d'endroits sont féconds et bien cultivés, les habitants mettent d’abord au niveau tous les lieux inégaux qui sont ca- pables de culture. Ensuite ils divisent, en différentes pièces, toute la terre qu'ils ont ainsi nivelée; et de celle qui borde les vallées et qu'ils ne peuvent rendre égale; ils composent des étages en forme d’amphithéâtres. Le riz qu'ils sèment dans l’une et dans l’autre, ne pouvant croître sans eau, ils font des réservoirs à certaines distances et d'une juste hauteur pour recevoir la pluie et les autres eaux qui descendent des mon- tagnes, et la distribuer également dans toutes leurs pièces de riz, soit en la faisant tomber des réservoirs dans les pièces d'en bas, soit en la faisant monter jusqu'aux plus hauts étages de leur amphithéätre. Ils emploient pour cela une machine hydraulique, dont le jeu est aussi simpie que la composition. Elle est composée d’une chaîne de bois, ou d’une sorte de cha- pelet de petites planches carrées, de six ou sept pouces, qui sont comme enfilées parallèlement à d’égales distances. Cette chaîne est passée dans un tube carré, à l'extrémité inférieure duquel est un cylindre ou un baril, dont l'axe est fixé des deux côtés. A l'autre bout, est attaché une espèce de tambour, entouré de petites planches, pour répondre à celles de la chaîne, qui passe autour du tambour et du cylindre, de sorte que, lorsque le tambour tourne, la chaîne tourne aussi. Le bout in- férieur du tube portant dans l'eau, et le bout du tambour étant élevé à la hauteur où l’eau doit être conduite, les planches qui remplissent exactement la cavité du tube poussent continuel- lement l'eau, tandis que la machine est en mouvement ; ce qu se fait par trois moyens : 4° avec la main, par le secours d'une » no — subitement d’aspect, et ce changement est dû à la nature du sol qui le recouvre : il se compose alors d’une argile assez tenace, mélangée, dans une assez forte proportion, d'humus et de débris végétaux; ou deux manivelles attachées aux deux bouts de l'axe du tam- bour ; 20 avec le pied, par le moyen d’une grosse cheville de bois, d'un demi pied de longueur, ajustée dans cette vue à l'axe du tambour. Ces chevilles ont la tête assez longue et bien arrondie, pour y placer commodément la plante nue du pied; de sorte, qu'une ou plusieurs personnes peuvent mettre sans peine la machine en mouvement, tandis que leurs mains sont employées à tenir un parasol et un éventail ; 3° avec le secours d’un buffle ou de quelque autre animal attaché à une grande roue de quatre brasses de diamètre et placée horizontalement. On fixe autour de sa circonférence un grand nombre de che- villes ou de dents qui, s’ajustant exactement avec celles du tam- bour, font tourner très-facilement la machine. « Lorsqu'on a besoin de nettoyer le canal, ce qui arrive fort souvent, on le divise, à certaines distances, par des fossés ; et chaque village voisin ayant sa part du travail, les paysans paraissent aussitôt avec leur machine à chaine, qui sert à faire passer l’eau d'un fossé à l’autre. Cette entreprise, quoique pénible, est bientôt finie à cause de la multitude des ouvriers. Dans quelques endroits de la province de Fo-kyen , les mon- tagnes sont contiguës, sans être fort hautes. Mais, quoiqu'on y trouve à peine quelques vallées, l’art des habitants est parvenu à les cultiver, en conduisant de l’une à l'autre une abondante quantité d'eau par des tuyaux de bambou. « C'est à cette admirable industrie des paysans que la Chine est redevable de l'abondance de ses grains et de ses légumes, dont elle est mieux fournie que toutes les autres régions du monde. » (Chine dupère du Halde.) aussi ces montagnes sont-elles cultivées jusqu’à une hauteur de 5,000 mètres au-dessus de la mer. Le sol des plaines et des vallées varie tout autant suivant les différentes provinces. Au sud, par exemple, il se compose d’une argile forte, mélée à une très-faible portion de matières organiques. Dans le district de Min, ou la proportion d'humus est très-considérable, le sol est extrêmement fertile. On peut dire, en général, que plus les plaines et les vallées sont basses, plus leur sol se rapproche par son peu de fertilité de celui des provinces du sud, et vice versa; par exemple, le district de Chang-baï, qui est de quelques mètres plus haut que le district de Ning-po, contient plus d’humus que ce dernier, et est par conséquent le plus fertile des deux. Le riz est, on le sait, la céréale par excellence du Céleste-Empire ; c’en est aussi la principale culture, surtout dans les provinces méridionales, où deux récoltes en sont faites dans l’année : pour la pre- mière , le sol se prépare au printemps. Les charrues, ordinairement attelées d’un buffle, de mulets ou de jeunes bœufs, sont un instrument grossier, mais qui remplit cependant bien les conditions exigées; les Chinois les préfèrent aux nôtres, qui leur paraissent trop lourdes. PPT Le champ destiné à la culture du riz est inondé avant d'être labouré, de sorte qu'il s’y dépose une couche de limon de 15 à 20 centimètres d'épaisseur. La charrue n'entame et ne retourne que cette couche; et, pour l’y faire passer, le laboureur et son attelage marchent dans la vase et dans l'eau, ce qui constitue un travail extrêmement fatigant. Après le labour vient le hersage pour égaliser le sol. Le Jaboureur se place ordinairement sur la herse afin de la faire entrer davantage dans le limon. Le sol ainsi préparé et recouvert d’une couche d’eau de 8 millimètres, est apte à recevoir les jeunes plants de riz, semés d’abord en pépinière dans un autre endroit, pour en être retirés avec beaucoup Ge précaution ; on choisit les plus beaux pieds, qu'on réupit par petits paquets d'une douzaine environ. Un homme les répand sur le sol, à une certaine distance les uns des autres; puis un autre, qui le suit, creuse avec sa main droite de petits trous dis- posés en lignes et éloignés les uns des autres d’envi- ron 50 centimètres, dans chacun desquels il place un des petits paquets de plants dont les racines sont im- médiatement couvertes de limon, entrainé par l’eau qui coule dans ces trous dès que l’ouvrier enretire fa main. Cette opération se faitavec une grande célérité. = 5. Dans les provinces du sud de la Chine, la pre- mière récolte du riz a lieu vers la fin de juin ou au commencement de juillet. Immédiatement après, on façonne de nouveau la terre et l’on plante de jeunes pieds pour la seconde récolte, laquelle a lieu en novembre. Aux environs de Ning-po, par 30° de latitude, l'été est déjà trop court pour obtenir deux récoltes successives; afin de suppléer autant que possible à ce désavantage, le cultivateur plante, deux ou trois semaines après la première plantation et dans les intervalles, d’autres jeunes pieds de riz, qui lui don- neront une seconde récolte. Il faut seulement, après avoir enlevé la première, remuer un peu la terre et la fumer, ce qui se fait en brülant les chaumes et les racines du r1z de la récolte précédente, qu’on enlève avec précaution, de peur de déraciner les plantes qui croissent à côté, et dont on répand les cendres sur le champ. C’est là un bien faible engrais, mais le riz en demande peu, et, d’ailleurs, les Chinois n'en ont guère à distribuer. Ils se servent pour moissonner le riz, d’une faucille très-analogue à la nôtre. La moisson, une fois enlevée et séchée, est battue sur une aire en plein soleil, comme on en agit à l’égard du blé, dans le midi de l'Europe, si le — 55 — climat le permet; dans le nord de l'empire, on le rentre pour le battre en grange. On voit que les mêmes besoins, sur des points excessivement éloi- gnés du globe, ont fait découvrir et employer les mêmes procédés (1). (4; Nous avons lu, à la bibliothèque royale, dans une comeé- die chinoise, qui du reste mériterait d'être traduite, et qui fut composée sous la dynastie des Youen, XITI° siècle de notre ére, un passage curieux, à ce point de vue des mèmes procédés usités à des époques si différentes chez des peuples si éloignés les uns des autres. Un meunier rend compte à son maître des diverses travaux auxquels il emploie sa journée. « Lorsque j'ai choisi mon blé LS dit-il, il faut d’abord que je le passe au crible Âe en- suite il faut que je le lave #4] , ensuite il faut que je le fasse sécher au soleil Je, ensuite il faut que je l'écrase sous la meule JE SH, et quand la farine est faite, il faut que je la blute FT $Æ. # On sait que l'usage de laver le grain et de l'exposer ensuite au soleil est général dans les provinces du midi de la France; mais le meunier chinois termine son récit par l'énonciation d'un dernier soin qui caractérise parfaitement l'économie agricole de son pays, où l'homme cherche à s'approprier toute la substance alimentaire sans avoir, comme chez nous, un nombreux bétail à pourrir. « Quand ma farine est blutée, ajoute-til , il faut encore que je lave le son DE 2 ) Ces détails sur la culture du riz, dans lesquels nous sommes entrés à dessein, confirment ce que nous disions plus haut de lagriculture chinoise ; elle abonde en main-d'œuvre et n’opère qu’en petit; c’est un véritable jardinage exercé sur le sol agricole, aussi les auteurs chinois donnent-ils, au sujet des soins réclamés par les céréales, des instruc- tions plus minutieuses que celles qu’on trouverait chez nous dans un traité de floriculture. La manière de fumer, de labourer, de semer, de herser, etc., subira suivant eux, des modifications infinies, su- bordonnées à mille éventualités soigneusement pré- vues. Concentrant tous ses efforts sur une étroite parcelle de terre, le cultivateur recueille avec une attention extrême tout ce qui peut rendre au sol un peu de sa fertilité primitive, et surtout l’engrais hu- main , le seul vraiment digne du nom d'engrais que produise la Chine; c’est d’ailleurs quelque chose de tout à fait instructif pour le cultivateur européen, que l'art avec lequel les Chinois le recueillent et le pré- parent pour les besoins de leur culture. Sous ce rap- port, la Chine est beaucoup plus avancée que l'Eu- rope, et pourrait lui fournir d'excellents exemples (4). (1) N'est-ce pas, en effet, quelque chose de déplorable, au point de vue agricole, que l'incurie avec laquelle on gaspille —"— Indépendamment de l’engrais dont il vient d’être question, le cultivateur chinois ne néglige rien de ce qui peut amender la terre. Il économise les restes des poissons de toute espèce, des crabes et autres crustacés marins, les cheveux et les crins coupés, des débris de végétaux entassés avec des pailles de rebut, des herbes potagères avariées, des épluchu- res, ete., qu'il fait fermenter ou bien auxquelles il met le feu, et dont il fabrique ensuite différents com- posts, en y mélant de la cendre ou de la terre brû- lée. Les chiffons, les os, les coquillages , la cheux, la suie, et enfin toutes les espèces de décombres, sont recherchés et utilisés en Chine comme en Europe. Il n'ya pas jusqu'au limon du marais et des rivières qui ne soit recueilli et débité comme engrais. Mais une des branches de l’agronomie qui parait avoir été le plus perfectionnée par les Chinois, sans doute en raison du rôle important qu’elle joue dans chez nous un engrais d'une haute valeur, que les eaux pluviales enlèvent journellement de nos villes pour les porter aux rivières qu'elles corrompent, et de là à la mer, où cet engrais est à tout jamais perdu pour notre agriculture? On a cepen- dant fait quelques progrès sous ce rapport : il y a moins d'un siècle, la ville de Paris payait des sommes considérables pour faire enlever les boues et les issues de ses rues ; aujourd'hui elle en afferme l'enlèvement et y trouve un grand bénéfice; mais on est bien loin encore d'en tirer tout le parti qu'en tirent les Chinois. — 58 — leur politique, c'est celle de la conservation des grains durant plusieurs années. Le système des greniers publies, où l’impôt en nature s’aceumule dans les années d’abondance, et que l’empereur ouvre libéralement dans les an- nées mauvaises, est un des rouages les plus impor- tants du gouvernement chinois (1). On sait combien est couteuse chez nous la conser- vation du blé en grenier, le budget des manuten- tions militaires pourrait au besoin nous fournir des chiffres, s’il n’était point superflu d’en donner. L’é- tablissement de bons silos dans les provinces dont le sol est souvent humide, présente aussi des difficultés que jusqu'ici on n’a pu surmonter que très-imparfaite- ment chez nous, tandis qu'en Chine on en construit d'irréprochables au milieu des districts les plus ma- récageux. De sérieuses recherches sur le mode de construction de ces greniers souterrains, sur le (1) Ces énormes approvisionnements, en assurant au gouver- nement le monopole des grains, empèche les particuliers de s'en emparer dans un but de spéculation. Un service continuel de bateaux permet à l'État de maintenir la balance entre les greniers des diverses provinces. Des que l'une d'elles est en souffrance, denombreux convois y sont dirigés, et, si la disette arrive à se fairesentir, la subsistance est distribuée gratis aux indigents par les magistrats, au nom du souverain qui s’in- titule Le père et la mère de son peuple, — 59 — choix des matériaux qu’on y emploie, peut-être même sur des préparations à faire subir aux grains avant de les emmagasiner, amèneraient probable- ment de nombreux et intéressants résultats. Quant à l'outillage agricole des Chinois, nous croyons que les emprunts à lui faire seraient beau- coup moins importants. On peut dire, en général, que ce qui caractérise les instruments ruraux de la Chine, comparés aux nôtres, c’est leur simplicité et leur légèreté. La charrue, cette primitive invention de tous les peuples agriculteurs, paraît n’avoir pas changé depuis les temps anciens. Elle a quelque ressem- blance avec ce que nous appelons houe à cheval. Ajoutons cependant que, dans quelques districts, elle a reçu d’assez importantes modifications pour la rapprocher de quelques instruments d'Europe, et qu'on a même cherché à lui imprimer des formes diverses, en rapport avec les différentes constitutions du sol à labourer. Nous avons au Con- servatoire des Arts et Métiers un modèle de char- rue chinoise destinée à tracer plusieurs sillons à la fois, et qui ne manque pas d’un certain art dans sa construction, mais c’est plutôt un objet de curiosité qu'un appareil véritablement utile, et dans tous les cas on ne conçoit pas l'avantage d’un instrument qui, tout en exigeant une dépense de force proportionnée à la quantité de terre remuée,est, à raison de sa com- position même, beaucoup plus difficile à manier que ceux qu’une longue expérience a fait prévaloir. Peut-être aurions-nous plus d'avantage à emprun- ter à la Chine quelques-uns des semoirs dont on y fait usage, surtout pour la culture du blé. Nous trou- vons dans le traité 4% FF SE 2, diverses figures représentant des semoirs dont la forme paraît aussi ingénieuse qu'originale; mais ces figures sont exé- cutées avec trop peu de soin, pour qu’on puisse se faire une idée exacte de la structure intérieure de ces instruments, que le texte d’ailleurs n’explique pas suffisamment. On sait tous les essais de nos agri- culteurs pour fabriquer des semoirs remplaçant Ja main de l’homme, et combien les appareils, pour- ant si Variés, que l’on a inventés, sont loin de ré- pondre au but que l’on s'était proposé (1). Les Chinois auront-ils été plus heureux sur ce point; c'est ce que l’expérimentation pourrait seule nous (4 Le semoir Hugues remplit assez bien les conditions d'un bon cnsemencement, savoir : économie de semence et espace- ment égal; mais il a l'inconvénient d'ètre très-cher, et, par conséquent, hors de la portée du petit cultivateur. — 161 — apprendre si l'on avait entre les mains des instru- ments importés du pays. Dans la catégorie des instruments nous rangerons les appareils servant aux irrigations, opérations fort importantes, et qui sont certainement mieux enten- dues à la Chine que partout ailleurs, et cela, on le conçoit, à raison de la nature même de leur princi- pale culture, celle du riz, qui ne peut prospérer qu'avec des arrosements copieux et pour ainsi dire perpétuels. La nécessité, mère de l'invention, a ap- pris aux Chinois à tirer parti, non-seulement des sources naturelles ou des puits ereusés de main d'homme, mais aussi des fleuves et des rivières dont les eaux, élevées au moyen d'appareils hydrau- liques, sont partout utilisées au profit des cultures. Ils ont, comme nous, des manéges et norias, mus par la force d’animaux domestiques, ou par celle des cours d’eaux eux-mêmes. Il serait intéressant de savoir s'ils n’utilisent pas aussi la force du vent pour élever l’eau des puits et la faire servir aux irrigations. Bien que, dans les ou- vrages chinois que nous avons entre les mains, nous n'ayons rien trouvé qui indiquät l'emploi du vent dans un but agricole, il nous paraît peu présumable qu'un peuple si industrieux n'ait pas senti depuis longtemps l'utilité d’une force qui existe partout et ne coûte que la peine d’être recueillie. Après les efforts qui ont été faits en Europe pour appliquer la force motrice de l'air aux appareils hydrauliques, efforts qui n’ont été couronnés jusqu'ici que de demi- succès, On n’a pas de peine à comprendre quel ser- vice on rendrait à l’agriculture du midi de l'Europe, si l’on pouvait lui procurer un mécanisme répondant bien au but qu’on se propose, mais simple dans sa structure et surtout économique, c’est-à-dire acces- sible au petit cultivateur. De tous les appareils proposés dans ces dernières années pour utiliser la force du vent en hydraulique agricole ; celui de M. Amédée Durand, qui a été de la part de M. Séguier l’objet d’un rapport favorable à l’Académie des sciences, paraît le seul véritable- mentrecommandable ; mais ce mécanisme, excellent pour les agriculteurs qui opèrent en grand et qui peuvent se livrer à des dépenses considérables, est, par son prix élevé, tout à fait hors de la portée du simple paysan, c’est-à-dire de l'immense majorité des cultivateurs méridionaux ; il est, d’un autre côté, trop complexe, trop artistement construit, pour qu'on puisse espérer que les habitants de nos campagnes l’exécutent de leurs propres mains. C'est à dail- — 63 — leurs le défaut de presque tous les instruments mo- dernes, empruntés pour la plupart à Angleterre, et qui ne trouvent guères leur placement en France, en Espagne et en Italie, que dans les fermes-mo- deles, les salons du cercle agricole ou la galerie du musée provincial. EL. CLIMATS DE LA CHINE. Comparaison de ces climats avec ceux de l'Europe occiden- tale et du Nord de l’Afrique, Au nombre des causes qui influent le plus puis- samment sur l’agriculture, il faut mettre en première ligne le climat ; le climat qui détermine toujours le genre d'agriculture de telle ou telle région, et contre lequel l’homme ne peut lutter que dans une limite excessivement restreinte. Avant d'aborder le chapi- tre des acquisitions nouvelles agricoles et horticoles que nous pourrions demander à la Chine, il importe donc d'examiner si, dans la partie de l'Europe que nous habitons, les climats ont assez d'analogie avec = (6e ceux de Ja Chine pour nous permettre d'espérer chez nous l'importation de la majeure partie de ses espèces cultivées. Il suffira de jeter les yeux sur la carte de l'empire chinois pour se convaincre de la grande variété que doivent y offrir les conditions de l’atmosphère. Tou- chant d’une part à la zône torride dans laquelle ses provinces méridionales étendent même quelques pro- longements ; arrivant d’un autre côté jusqu’au 42° degré de latitude septentrionale, cet immense empire doit présenter les mêmes graduations de tempéra- ture que l’on observe par exemple entre Arabie sep- tentrionale et le nord de l'Italie. On serait toutefois dans une grande erreur, si l’on assimilait pour les climats les diverses parties de la Chine aux régions occidentales de l’ancien continent qui leur corres- pondent pour la latitude ; il existe au contraire entre elles des différences extrêmement considérables, dif- férences, hâtons-nous de le dire, qui sont toutes en faveur des régions occidentales que nous habitons. Quelle qu’en puisse être la raison, et elle n’est pas parfaitement connue, c’est un fait incontesté aujour- d’hui que la moitié orientale des grands continents est sensiblement plus froide que l’autre, et que les différences les plus marquées s’établissent surtout —165 — entre le bord oriental de ces continents et le bord occidental. C’est ainsi qu'à parité de latitude, les hivers sont infiniment plus rigoureux en Asie qu’en Europe, et que, même en Europe, la partie orientale est loin de jouir de la douceur comparative des régions situées au voisinage de l’océan. Pour n’en citer qu'un exemple , nous rappellerons que la ville d'Astrakan, bâtie près de l'embouchure du Volga, au niveau même de la mer Caspienne dont la surface paraît plus basse que celle de l'Océan, voit tous les ans le thermomètre descendre à 25 ou 30 degrés au-dessous de zéro, et que Paris, placé à trois degrés plus au nord, jouit encore d’une température hiver- nale moyenne de + 3; il est déjà rare que les froids atteignent momentanément l'intensité de — 410. Cette comparaison donnera des résultats bien au- trement sensibles si nous en faisons l'application à la Chine d’une part, et à l’Europe occidentale de l’autre. Ilest reconnu par exemple que Pé-king, situé par 390 54 de latitude, c’est-à-dire à peu près à la même hauteur que Naples, a des hivers aussi rigoureux que la ville d’'Upsal en Suède. Le thermomètre y reste trois mois au-dessous de zéro, et il n’est pas rare de le voir descendre à — 2, tandis que la douceur des hivers de Naples est proverbiale, et que ] le froid y arrive rarement à — 5, encore n'est-ce que très-momentanément. La différence serait plus sensible si nous avions pris Lisbonne pour terme de comparaison. Autour de cette dernière ville, on récolte d'excellentes oranges, tandis qu’en Chine l'oranger ne peut franchir le 50e degré, c’est-à-dire la latitude du Caire. Mais si la rigueur des hivers est incomparablement plus grande en Chine que sur les points correspon- dants de l'Europe occidentale, par une sorte de com- pensation les étés y sont aussi chauds et souvent même plus chauds, ce qui rétablit à peu près l’équi- libre entre les températures moyennes de ces ré- gions opposées du continent européo-asiatique. C’est ce climat particulier des contrées orientales, que les météorologistes désignent sous le nom de continental, par opposition au climat maritime qui caractérise la majeure partie de l’Europe, ct surtout de ?’ Europe occidentale. Un climat conti- nental est aussi un climat excessif, c’est-à-dire dans lequel les différences entre les extrêmes de chaud et de froid sont considérables. On en jugera mieux par un exemple : Un missionnaire français, établi en 1853 dans la Tartarie orientale, à Si-wang, par 4° 39° de latitude, vit le thermomètre centigrade s'élever à 97° 5 en été, et descendre à 370 5’ au-dessous de zéro en hiver. « Pendant cette saison, rapporte- t-il, l'esprit de vin seul restait liquide, et lorsqu'on touchait un métal avec les mains moites, l’épiderme des doigts y demeurait attaché. » Ainsi voilà une somme totale de 75 degrés entre les deux extrêmes de la température d’un même pays. Dans un climat maritime, au contraire, les ex- trêmes de la température tendent à se rapprocher d'autant plus que ce climat participe davantage des caractères de la classe à laquelle il appartient. À Paris, la différence des deux extrêmes ne dépasse guère 4 degrés; en Irlande, elleest encore plus faible, et dans les îles Féroé , où le climat maritime se montre pour ainsi dire dans toute sa pureté, c’est à peinesi l’on trouve 9 ou 10 degrés de différence entre lété et’hiver. Nous ne possédons malheureusement que des fragments d'observations météorologiques sur la Chine, ce qui n’étonnera point si l’on songe que ce travail est à peine ébauché pour l’Europe. Nous y suppléerons par la comparaison des végétaux cultivés de part et d'autre, et à défaut de tables météorolo- giques précises, nous arriverons encore à des con- LNGREe clusions satisfaisantes. C’est qu’en effet, les végétaux sont des thermomètres assez sûrs, et si l’on pouvait fixer d’une manière rigoureuse les limites des aires occupées par les différentes espèces soit spontanées, soit cultivées, on arriverait à une connaissance pré- cise des différents climats de la terre. La quantité d’eau qui tombe annuellement sur un pays, etsa répartition suivant les différentes saisons, est un autre point de météorologie fort important à connaître , qui se lie d’ailleurs intimement à l'étude des variations atmosphériques. Si la chaleur est né- cessaire aux végétaux pour se développer, l’humi- dité ne l’est pas moins, et l'absence de l’un de ces deux agents amène toujours la stérilité de la terre. Les régions glacées du nord de la Sibérie sont improduc- tives à cause du froid qui ne permet à aucun végétal d'y croître; le Sahara et une grande partie de l'Arabie sont également frappés d’une stérilité abso- lue, par le manque d'humidité. Là, au contraire, où ces deux principes de fécondité s’unissent, la terre se couvre d’une admirable végétation, qui n’at- teint nulle part plus de luxuriance que dans les con- trées tropicales arrosées par de grands fleuves ou par des pluies abondantes : rien ne pourrait donner une idée de l’aspect grandiose de la végétation de la = ED = Guyane et d’une grande partie de l'Amérique du sud où ces deux causes puissantes agissent avec toute leur énergie. Dans nos pays tempérés, où la végétation est pres- que entièrement utilisée par l’homme, soit pour son usage direct, soit pour l’alimentation de ses ani- maux domestiques, on attache le plus grand prix aux observations hygrométriques, parce que la quan- tité d’eau qui tombe annuellement dans telle ou telle localité y détermine, comme la température elle-même, la culture de telle ou telle autre espèce végétale. Malheureusement, cette partie de la mé- téréologie est encore moins avancée que ce qui concerne la température; il faudra bien des an- nées d'observations pour se faire, sous ce rap- port, une idée exacte des divers climats de l’Eu- rope. C’est dire assez que nous ne savons rien ou presque rien de l’hygrométrie des vastes régions qui composent l’empire chinois. Un rapport de M. Fortune nous fournit cependant quelques docu- ments que nous croyons utile de consigner ici : = NO = THERMOMÈTRE. BAROMÈTRE. M MOIS. L FT TR maximum | MINIMUM | remp£ra- DRCILERTIONS HAUTEUR | QUANTITÉ RE de pluie moyen. | mogen. | moyenne.| à, à moyenne. | en pouces. DANVIC Te -eccee 13,85 7,20 | 10,95 | 18,30 1,65 | 30,23 0,675 Février... 14,40 7,20 | 10,80 | 20,00 0,55 | 30,12 4,700 MATS ocre 24,65 | 15,55 | 18.60 | 26,10 7,20 | 30,17 2,150 AVAST esceerces 24,80 | 20,55 | 22,45 | 28,85 | 15,00 | 30,04 5,675 Matisse 25,55 | 22,75 | 23,75 | 30,00 | 20,55 | 29,89 | 41,850 in de 28,85 | 26,10 | 27,10 | 54,10 | 23,85 | 29,87 | 11,100 JUILIELS.-ecee 31,65 | 28,85 | 30,50 | 33,85 | 27,75 | 29,84 7,750 Août... … 30,00 | 28,30 | 29,10 | 32,20 | 26,10 | 29,86 9,900 Septembre …..{ 28,85 | 26,10 | 27,45 | 31,10 23,85 | 29,90 | 10,925 Octobre... 24,40 | 21,10 | 22,50 ! 29,40 | 15.55 | 30,04 5,500 Novembre... 20,00 | 46,10 | 18,05 | 26,10 8,85 | 30,14 2,425 Décembre ..…… 47,20 | 41,10 | 44,15 | 20,55 4,40 | 30,25 0,975 Ces observations sont assurément très-intéres- santes; mais elles ne nous présentent que le ta- bleau d’une année, ce qui suffit à peine pour nous donner une idée exacte de la climature de la pro- vince de Canton où elles ont été faites. Afin de compléter autant que possible nos renseignements à cet égard, nous sommes obligés de puiser à d’autres sources des indications qui, toutes super- ficielles qu’elles seront, pourront ajouter au peu que nous savons sur le climat de cette partie de la Chine. Nous trouvons, par exemple, dans un Mémoire publié récemment par sir Everard Home, capitaine du North Star, navire. de la marine royale britannique, et qui à stationné plusieurs mois sur les côtes méridionales de la Chine, le relevé suivant en degrés du thermomètre centigrade. LIMITES TEMPÉRATURE. LOCALITÉS. des pr dr» Lo, OBSERVATIONS, Maximum, Minimum, Hong-kong. | Janvier. 18°,89 | 11°,67 — Juin. 5 28, 89 | 95, 56 Macao. Janvier. 20, 00 | 13, 33 Chusan. Octobre. 24, 44 | 15,56 Novembre. 93, 89 7, 78 Décembre. 24, 44 6, 11 Janvier. 16, 67 6, 67 Juin. 28,33 | 99 99 Juillet. 32, 78 | 920, 56 Août. 31, 67 | 93, 89 Septembre. 31, 11 | 20, 56 Octobre. 95, 56 Ainsi voilà des maximum de température esti- vale qui ne diffèrent pas de ceux du centre et du midi de la France, 28, 50, 52 degrés centigrades, c’est ce que nous observons aussi jusque sous le climat de Paris, et souvent même on voit en Provence et dans le Roussillon, le thermomètre moe s'élever à 35°. Le seul avantage des provinces mé- ridionales de la Chine sur les nôtres consiste dans la douceur de leurs hivers, qui cependant sont en- core plus froids que ne le comporte la latitude ou l'élévation des lieux, phénomène dont on trouve la cause, comme nous l’avons dit plus haut, dans la position orientale qu’occupe la Chine sur le vaste continent européo-asiatique. Les faits suivants attestés par M. Ball, voyageur anglais, que son gouvernement avait envoyé étudier en Chine les procédés de la manipulation du thé, confirmeront ce que nous venons d'avancer. « À Chang-haï, nous dit-il, par 31° 24 de latitude (à peu près la latitude d'Alexandrie en Égypte), pen- dant l’hiver de 1845-1846, la rivière Wou-song fut assez fortement gelée pour permettre aux Anglais, résidant dans cette ville, de se livrer au divertisse- ment du patinage. Dans le même Mémoire, il nous dit avoir vu la plaine alluviale qui s’étend en arrière de ce port, se couvrir de neige à la hauteur d’un pied, et cette neige persister jusqu’à dix jours de suite avant de fondre. Il y a plus, à Canton même, par 25° et quelques minutes de latitude, c’est-à-dire déjà dans les limites de la zône intertropicale, il ne se passe guère d'année, au dire du même voyageur, — 2 FEU mm sans qu’il gèle pendant plusieurs jours de l'hiver, et sans que la surface des eaux tranquilles se couvre d'une croûte de glace de quelques millimètres d'épaisseur. Depuis le milieu de décembre jusqu'à la fin de mars, les Européens prennent leurs vête- ments d'hiver et chauffent leurs appartements, qui sont d’ailleurs pourvus de tapis, de rideaux et de tous les objets que nous employons en Europe pour nous préserver du froid. Sans ces précautions, l'hiver y serait presque insupportable à cause de la violence et de la sécheresse des vents du nord et du nord-ouest, qui font éprouver la sensation d’un froid plus vif que celui dont le thermomètre in- dique l'intensité. Dans le pays du thé vert (Thea viridis, Linn.), district de Weit-cheou-fou, province de Kiang-nan, entre 29 et 30° de latitude, les vents du nord com- mencent à souffler dès le mois de septembre; en octobre, la classe aisée songe à prendre ses four- rures ; en novembre, la mousson du nord-est souffle d’une manière à peu près constante. C’est alors qu’on attache ensemble les branches des jeunes plants de thé, pour leur donner la force de résister à la violence des vents et au poids de la neige qui ne tarde pas à tomber. Toutefois, ce n’est qu'en dé- De 7 nes cembre que les froids rigoureux commencent, pour durer jusqu’au milieu de mars. Durant cet inter- valle, il gèle fréquemment et tombe beaucoup de neige. L'eau se solidifie jusque dans l’intérieur des maisons assez mal construites, il est vrai, pour abriter du froid, car, dans tout le midi du Cé- leste Empire, on cherche plutôt à se garantir des ardeurs de l'été que des rigueurs de l'hiver, La contrée où se cultive le thé-bou (Thea bohea, Linn.), dans le Fo-kien, diffère peu de la précédente au point de vue du climat; on s'accorde pourtant à le regarder comme un peu moins rude, ce qui s'ex- plique d’ailleurs par la disposition topographique du pays, qui forme une sorte de vallée abritée contre les vents du nord par la longue chaîne de montagnes qui séparent le Fo-kien des provinces de Tche-kiang et de Kiang-si. Décembre et janvier sont les mois les plus froids; c’est l'époque où l’on voit geler ré- gulièrement la rivière de Kieou-kio-ky qui serpente à travers le pays. Un missionnaire, le père Carpina, qui avait ré- sidé longtemps dans la partie orientale du Fo-kien, assurait à M. Ball, que les arbres à thé n’y avaient point été endommagés, ni les récoltes de toute pature retardées par: les froids exceptionnels de l'hiver de 4815, hiver dont la rigueur fut telle, qu'au mois de févrieril tomba 53 pouces anglais (0 mètre 84) de neige dans le district de Fou-ngan, sous le 27° de- gré de latitude, et 49 pouces (4 mètre 25) dans celui de Ning-te. Plusieurs fois il a vu la rivière Mo-yang geler à la surface, malgré son volume, que le même père Carpina compare, dans la localité qu’il habitait, à celui du Guadalquivir à Cordoue. Ces températures hivernales sont absolument sans parallèle dans la partie occidentale de l’ancien con- tinent, à pareille latitude ; pour trouver leurs ana- logues, il faudrait remonter à 12, 15, et quelquefois 20 degrés vers le nord. Elles peuvent, d’un autre côté, faire présumer de ce que doit être l'hiver dans l'intérieur de l’Empire et dans ses parties septentrio- nales; aussi ne nous étonnons-nous plus d’entendre comparer l'hiver de Pé-king (par 39°54, à peu près Ja latitude de Mahon et de Valence en Espagne), à celui de Moscou (sous le 56° degré) ou d’'Upsal (sous le 60°). Mais, par une compensation dont nous avons déjà parlé, les étés y sont plus chauds et plus secs que dans l’occident, d’où il suit que la tempé- ratare moyenne ou la somme totale de chaleur pen- dant une année est plus élevée qu’on ne serait porté à le croire, si l’on n’en jugeait que d’après les ob- servations hivernales. Voici au surplus un tableau comparatif des températures moyennes de quelques points de la Chine et du Japon, mis en regard des points qui leur correspondent sous ce rapport en Europe et en Afrique; il va sans dire que ce tableau n'indique que des & peu près; nos connaissances météorologiques sur la Chine étant trop incomplètes pour permettre d'établir ces rapports d’une manière rigoureuse. Asie. LATITUDE. TEMP. MOY. | Europe, Afr. LATIT. TEMP.MOY. S » L & = à 9 D 19 19 © Pé-king.… 39° 54 . 1 1 1 1 SO © … Montpellier. Nangasaki. 32° 45° - Toulon mn s Canton... 93° 8° Macao 990 19’ + + + + puis FE bsE + D æ Qt M 1O HO 1 æè De ces rapprochements, on peut conclure qu'à Pé-king, la somme totale de chaleur annuelle est à peu près la même qu’à Paris et à Lyon, ou plutôt qu'elle est intermédiaire à celles dont on jouit dans ces deux villes; à Nangasaki, au Japon, elle ag est intermédiaire à celles de Toulon et de Naples. Celles de Canton et de Macao correspondent, à très- peu de chose près, à celle d'Alger, qui se trouve pourtant à quinze degrés environ plus avancée vers le nord. On a cru longtemps que la température moyenne d’une province était l'indice certain de la possibilité d'y acelimater telle ou telle autre espèce végétale, originaire d'un pays offrant la même somme de cha- leur moyenne. C’est une erreur bien reconnue au- jourd’hui; le succès des tentatives d’acclimatation et de culture ne dépend pas seulement de la somme de chaleur annuelle, mais aussi et surtout de la manière dont cette chaleur est distribuée. C’est ainsi, par exemple, qu'à Astrakhan, dont la température moyenne est plus basse que celle de Londres, à canse des froids rigoureux de l'hiver, on trouve une moyenne estivale plus élevée que celle de cette der- nière ville, aussi les raisins qu’on y récolte le dispu- tent-ils, pour l'excellence, à ceux des Canaries, tandis que ce fruit ne mürit jamais complètement en Angleterre, ni même dans les départements les plus septentrionaux de la France; c’est encore ainsi qu'à Hammerfest et à Elv-Bakken, en Laponie, où le ther- momètre monte jusqu'à 19 ou 20° centigrades en été, on cultive l'orge avec succès, tandis que cette céréale ne forme pas même son grain dans les îles Féroé, situées à 7 ou 8 degrés plus au sud, et dont nous avons déjà vu que les hivers sont excessi- vement doux, mais les étés sans chaleur. On a eu plus d’une fois l’occasion de faire la même remarque relativement aux plantes d’orne- ment de la Chine importées chez nous. Nous en pos- sédons déjà un nombre considérable, dont plusieurs se montrent délicates dans nos jardins, bien.qu’elles viennent d’un climat plus rigoureux que le nôtre. Ce fait s’applique surtout aux espèces frutescentes ou arborescentes, en raison de l’aoûütement in- complet de leurs pousses, sous le climat du centre de l’Europe. On sait que, par ce mot d’aoûtement, les cultivateurs entendent l’induration, la /ignifi- cation, si l'on veut nous permettre ce terme, des branches et des rameaux de l’année. Sous un ciel humide et très-tempéré comme celui de l'Angleterre et d’une grande partie de la France septentrionale, les arbres et arbrisseaux de climats plus chauds et plus secs ne forment qu’imparfaitement leur bois, et deviennent par là moins aptes à résister à la gelée. Sous un climat sec et alternativement brûlant et glacial comme celui du nord de la Chime, la végéta- ADN tion s’endurcit, et acquiert, par l'effet des chaleurs torrides de l’été, toute la vitalité nécessaire pour résister à un froid rigoureux. Notre but, en écrivant ce chapitre sur le climat de la Chine, a été de faire voir que la majeure partie de ses végétaux, peut-être tous, peuvent s'accliraa- ter dans l’Europe occidentale et le nord de l'Afrique. Sur cette longue lisière qui s'étend du 54 degré au d1°, depuis l'Algérie centrale et le détroit de Gibraltar jusqu’à Dunkerque, nous possédons une série de climats qui représentent d’une manière assez exacte tous ceux de l’empire chinois, avec cette différence pourtant que de notre côté les hivers sont infiniment plus doux. Si les étés de la partie sep- tentrionale de cet ensemble de pays sont plus tem- pérés que ceux du nord de la Chine, nous trouvons par compensation, dans le midi de l’Europe et dans notre précieuse conquête d'Algérie, les analogues des climats les plus chauds de la partie méridionale de cet empire. Un rapide examen de ceux de l’oc- cident, fera mieux juger encore des analogies, et pressentir d'une manière plus concluante la possi- bilité d’y acclimater les végétaux de la Chine. Nous ne dirons rien du nord et du centre de Ja France, dont le climat participe à celui du centre et —90 — du nord de l’Europe, et que nous avons vu corres- pondre à celui de Pé-king, pour la température moyenne. Commençons par la région méridionale, celle qui longe le bassin de la Méditerranée, qui ap- partient à une zône plutôt chaude que froide, et où la végétation tranche déjà d’une manière marquée avec celle du reste de la France. Nous emprunte- rons nos documents aux observations de M. Ran- tonnet , horticulteur distingué de Hières, et à celles de M. Hippolyte de Beauregard, qui ont été insérées dans les Promenades pittoresques et statistiques dans le département du Var, par M. Alphonse Denys, ancien député de ce département. N y a eu depuis 1810 jusqu’à 1846 inclusivement : un hiver où la température est descendue, au mini- mum, à +2°,12 (décembre 1817); un à -2°,5( dé- cembre 1816); trois à -0°,6 (1825, 1828, 1833); cinq à 0° (1815, 1818, 1821, 1822, 1824); deux à — 0°,6 (1815, 1832) ; deux à —1°,5 (1825, 1851) ; emq à —2,5 (1812, 1816, 1826, 1827, 1835); un à —4°,4 (1811); trois à —5°,6 (1814, 1815, 1850); un, enfin, où le thermomètre est descendu à —41°,9 (11 janvier 1820). Dans ce fatal hiver, tous les orangers furent gelés, ainsi que la plupart des plantes exotiques cultivées dans les jardins. Ces froids, excessifs pour la Provence, ne revien- nent heureusement qu’à des époques éloignées, dans l'intervalle desquels les essais d’acclimatation et de culture des végétaux exotiques peuvent reprendre leur cours pour longtemps. Et même, comme ces rares exceptions à la douceur de l'hiver, dont la moyenne est toujours de +-9° centigr., ne sont que momentanées, un grand nombre de plantes exoti- ques leur résistent encore. Nous devons à M. Ran- tonnet des indications intéressantes sur les espèces qui ont résisté, à Hières, à ces terribles hivers : on nous permettra, avant d’en citer quelques ex- traits, de rapporter les observations qu’il adressait, à la fin de décembre 1846, aux rédacteurs de la Revue horticole, le meilleur journal de jardinage qui se publie en France. « Aux chaleurs excessives qui régnaient en Pro- vence jusqu’au commencement de ce mois (décem- bre), dit cet habile praticien, ont succédé des froids que nous considérons ici comme des plus rigoureux. Îls ont commencé dans la nuit du 42 au 15, par une température de Oe. Six jours après, pendant deux nuits, le thermomètre centigrade a marqué—2,5", à six heures du matin, et même une fois —5° dans la partie la plus froide de ma pépinière. La neige a sé- 6 journé deux jours sur le sol. Enfin le vent, tournant au sud, à amené une grande pluie, et le dégel s’est établi. Aujourd’hui (27 décembre) la température s’est sensiblement élevée et nous jouissons d’un très-beau soleil. Depuis 1824 que j'habite la ville d’Hières, je n’avais jamais vu un hiver si précoce. Dans les années ordinaires, les froids se font sentir seulement vers le mois de janvier ; ie thermomètre descend à zéro , quelquefois à —{°; on y voit des gelées blanches et très-rarement de la neige : aussi les hivers où le thermomètre descend à —5° où —6° sont-ils considérés comme très-rigoureux. » Par les derniers froids dont parlait M. Rantonnet dans sa note ( — 2 et — 3°), un certain nombre de plantes exotiques, cultivées en plein air, avaient péri. Voici les plus remarquables, avec l'indication des régions dont elles sont originaires : ALOE OFFICINALIS, VULGARIS et autres espèces ; Cap de Bonne-Espérance. BEGONIA DREGEI; Amérique du sud. BOUGAINVILLEA SPECTABILIS ; Inde, CASSIA ACUMINATA ; Égypte. EUPATORIUM ADENOPHORUM; nord de l'Inde. FicuS ELASTICA ; Inde. HELIOTROPIUM PERUVIANUM ; Pérou et Colombie. Hiiscus RosA-siNENSIs ; midi de la Chine. — 83 — PopocarPus PUNGENS ; Nouvelle-Zélande. PELARGONIUM (toutes les espèces); Cap de Bonne-Espé- rance. Parmi les plantes qui ont beaucoup souffert, sans toutefois périr entièrement, nous remarquons les suivantes : ABUTILON STRIATUM; Brésil. ARUNDO BamBos ; nord de l'Inde. BIGNONIA CAPENSIS ; Afrique australe. BUDDLEIA MADAGASCARIENSIS ; Madagascar. CHAMÆROPS EXCELSIOR ; palmier de l'Inde. ERIOCEPHALUS AFRICANUS ; Afrique australe. LiGUSTRUM NEPALENSE ; nord de l'Inde, SIDA ARBOREA ; Brésil. ULMUS sINENSIs ; Chine méridionale. VISNEA MOCANERA ; Canaries. Enfin, il en est un nombre plus considérable qui ont très-peu souffert ou sur lesquelles ces froids n’ont même exercé aucune fàcheuse influence ; nous nous bornerons à citer celles-ci : ERYTHRINA CRISTA-GALLI; Amérique méridionale. JASMINUM GRANDIFLORUM; } JASMINUM NEPALENSE ; | ne LAURUS INpicA ; Inde. LAURUS MADERIENSIS ; Canaries. PASSIFLORA EDULIS; Brésil. PLUMBAGO CaPENsIs ; Afrique australe. LA pipe AGAVE AMERICANA ; Mexique. CHAMÆROPS HUMILIS; Europe méridionale et nord de l'Afrique. ERIOBOTRYA JAPONICA ; Japon. Ficus MUNTHA ; Inde. LAGERSTROEMIA INDICA ; Inde. MELALEUCA ERICOIDES; Nouvelle-Hollande. PHOENIX DACTYLIFERA ; Sahara et Orient. STERCULIA PLATANIFOLIA ; Brésil. YucCA DRACONIS , et autres espèces; midi de l'Amérique septentrionale, etc. Il est bon d'observer que la presque totalité des végétaux ayant péri ou ayant été fortement endom- magés par le froid, dans cette partie de la Provence, étaient originaires de contrées où les hivers sont incomparablement moins rigoureux que ceux de la Chine. Si d’Hières nous nous transportons en Espagne, à Valence, par exemple, où les riches cultures jar- dinières nous offrent de nombreux points de com- paraison pour l’acclimatation de végétaux exotiques, nous trouverons une augmentation sensible dans la chaleur du climat, et un nombre correspondant de plantes exotiques acclimatées. Déjà, autour de cette ville, la végétation revêt un caractère presque tro- pical. Les palmiers (Phœænix dactylifera ; Pal- meras des Espagnols) sont les arbres dominants et se reproduisent d'eux-mêmes; leurs dimensions, qui atteignent celles des palmiers de l'Afrique, donnent au paysage quelque chose de saisissant; cependant leurs fruits n’ont pas encore la saveur que leur fait ac- quérir le climat plusméridional de l'Égypte, des oasis algériennes ou même de lAndalousie. Le cotonnier est déjà cultivé en grand à Valence ; et même ça et là, dans les jardins les mieux abrités, on aperçoit quelques touffes de bananiers dont la végétation ne paraît pas en souffrance. Mais c’est en Andalousie surtout, dans cette an- cienne Bétique chantée par les poètes, que s'opère la transition entre les climats tempérés de l’Europe méridionale et ceux de la zône intertropicale. Sous ce ciel transparent où jamais la nature ne s’enve- loppe de frimas, on croit retrouver un coin de terre enlevé au Brésil ou à l'Inde septentrionale. A chaque pas se révèle le double caractère de ce climat excep- tionpel, qui n’est plus celui des pays tempérés, mais qui n’est pas non plus celui de la zône torride. A côté de nos arbres à fruits et de nos légumes ordinaires, croissent les aloès du Cap, les cannes à sucre des An- ülles, les cotonniers de l'Inde et le cactus du Mexique. Déjà se montrent, dans quelques localités heureuse- ment situées, des bosquets de dattiers cultivés pour leurs fruits qui le cèdent peu en qualité à ceux de la Barbarie, et qui deviennent l’objet d’un impor- tant commerce; déjà les fruits du bananier müris- sent en plein air, et sur quelques points parfaite- ment abrités de l'extrême frontière méridionale, on peut cueillir ceux de l'ananas. La lisière septentrionale de l'Algérie, située sous les mêmes latitudes que lAndalousie, nous offre à peu de chose près le même aspect. Le voya- geur qui passerait du midi de l'Espagne dans notre colonie, ne trouverait pour ainsi dire aucune diffé- rence entre les produits cultivés de ces deux pays. Mais à mesure qu’on s’avance vers le sud, et dès qu'on à franchi cette barrière de montagnes qui sé- pare le Tell du Sahara, les ressemblances s’effacent graduellement, et le climat revêt de plus en plus les caractères de celui de l’Afrique centrale. Nous possé- dons déjà sur ce climat, des documents météorologi- ques assez satisfaisants pour nous permettre de l’ap- précier comparativement à celui de la Chine. C’est à M.Hardy directeur du jardin d’acclimatation d'Alger, que nous en devons la majeure partie; ét nous em- prunterons ce que nous allons en dire, au mémoire intitulé: Notes climatologiques sur l’Algérrie, au point de vue agricole, que cet habile cultivateur L 2 adressait au mimistre de la guerre, il y a près de trois ans. L'auteur reconnaît en Algérie deux saisons : l’une calme, chaude et sèche; l’autre venteuse, plu- vieuse et froide, où, sur leur passage, les vents polaires abaissent la température jusqu’à 2° tanais qu’elle est de 8° ou +-10° aux abris. Ce sont ces vents, Surtout, qui modifient singulièrement la tem- pérature. Ceux du nord-ouest commencent avec l’é- quinoxe d'automne, continuent à souffler par bour- rasques en octobre et novembre, diminuent de décembre à janvier, et c’est alors le moment le plus agréable de l'année ; maïs, dès la fin de janvier, ils redeviennent violents, froids et secs. Ce temps est celui qu’on appelle la grande hâle, et dure jusqu’à la première quinzaine de mai; la pluie devient dé plus en plus rare, l’évaporation est considérable, le sol se durcit extrêmement. Pendant l'été, les courants d'air sont subordonnés aux causes locales ; près de la mer, grand calme le matin; l’après-midi, brise de mer; dans l’intérieur, les courants s’échangent entre les vallées et les points élevés qui les avoisinent. Il arrive quelquefois que le courant tropical s’abaisse au niveau du sol; on éprouve alors un vent de sud- est violent, très-chaud, et qui élève la température jusqu'à + 45°. Les Arabes lui donnent le nom de simoun ; c'est le sirocco des Italiens. La pluie, amenée par les vents d’ouest sur le con- tinent africain, est de moins en moins abondante à mesure qu'on s'éloigne de l'Océan , où se trouve le grand réservoir de vapeur depuis le Maroc jusqu’en Égypte; elle y tombe pendant le règne des vents froids de l'hiver. Quarante-neuf jours pluvieux don- nent , à Alger, 0,884 d’eau de pluie dans l’année; le trimestre de l’été ne donne que 0,013 d’eau de pluie répartie en trois jours. La saison des pluies commence à l’équinoxe d’automne ; le nombre des jours pluvieux et la quantité des pluies va en augmen- tant jusqu’à la fin de décembre, et diminue ensuite jusqu'au milieu de mai, où la sécheresse devient presque continue. À Alger, comme en Espagne et en Provence, les mois pluvieux sont les plus froids; l’eau atmosphérique profite donc peu à la végétation; tandis qu’au centre du continent européen, la plus grande quantité de pluie tombant dans les mois les plus chauds, les circonstances les plus propres à fa- voriser le développement des plantes se trouvent réunies. Tant que le sol conserve une certaine dose d’hu- midité, ajoute M. Hardy, la rosée est abondante ; — 89 — mais quand le vent d’abord , et le soleil ensuite, l'ont desséché profondément, ce qui arrive vers la mi-juin, les rosées ne sont plus sensibles que sur les bords des cours d’eau, des marais et des terrains arrosés; cet état continue jusqu’en septembre. Il se forme seu- lement des brouillards au centre des plaines qui, malgré la sécheresse environnante, conservent en- core de l'humidité ; il s’en forme aussi quelquefois sur le bord de la mer. Ces brouillards durent peu d'ordinaire, le soleil de midi les fait disparaître; dans la Mitidja cependant, ils se renouvellent presque chaque matin. Nous arrêterons ici notre analyse du mémoire de M. Hardy, afin de ne pas trop nous écarter de notre but; mais tous ces détails étaient surtout essentiels pour faire sentir le degré d’analogie qui existe entre la partie méridionale de la Chine, l’Andalousie et notre possession africaine. Nous allons maintenant jeter un coup d’œil sur les essais d’acclimatation de races végétales exotiques, tentées au jardin d’essai du gouvernement. Nous remarquerons seulement que les résultats obtenus ne peuvent s'appliquer d’une manière absolue qu’à la localité où les expé- riences ont été faites, c’est-à-dire aux environs même d'Alger, et non à toute l'Algérie, où les climats et les = Do sols sont extrêmement variés, comme nous le dé- montrerons tout à l’heure. M. Hardy ayant été chargé par le gouvernement d'essayer l’acclimatation de plantes exotiques , mit en pleine-terre, à la fin de l’année 484%, un certain nombre d'espèces de végétaux ligneux qui croïs- sent la plupart sous les tropiques. Ils se dévelop- pèrent tous pendant l’été avec une vigueur remar- quable, favorisés par une humidité en rapport avec la chaleur. Quand la température baissa, en octobre, on établit une série d’abris de roseaux assez rap- prochés, et orientés de manière à ce que le vent du nord-ouest ne püt les frapper directement, et qu'ils n’eussent ainsi à subir que les effets de la tempéra- ture. Tous ces végétaux ne parurent aucunement souffrir jusqu'à ce que le thermomètre fut des- cendu à + 5°; mais voiei ce que le froid produisit sur eux à ce degré, selon leur sensibilité plus ou moins grande. Végétaux qui ont succombé à un abaissement de L à degrés. 4 HYMENEA COURPARIL. 5 INGA UNGUIS CATL 2 CRESCENTIA CUJETE. 6 BAUHINIA TOMENTOSA. 3 BAUHINIA ANATOMICA. 7 CAROLINEA PRINCEPS. 4 DESMODIUM UMBELLATUM. 8 COPAIFERA OFFICINAUIS. ze RE Végétaux qui ont succombé à un abaissement de 1 3 degrés, 4 ACACIA STIPULARIS. 2 BIxA ORELLANA. 3 ADENANTHERA PAVONINA. 4 SponpiAS Momgnx. 5 SPONDIAS CYTHEREA. 6 COCCOLOBA UVIFERA. 7 MAMMEA AFRICANA. 8 BOMBAX MALABARICUM. 9 TERMINALIA CATAPPA. 10 CALOPHYLLUM CALABA. 11 RHEEDIA AMERICANA. Végétaux qui ont succombé à un abaissement de + 1 degré, 1 GUAREA TRICHILIOIDES. 2 TAMARINDUS INDICA. 3 ACACIA NILOTICA. 4 AVERRHOA ACIDA. 5 MALPIGHIA PANICIFOLIA. 6 SAPINDUS SAPONARIA. Végétaux qui ont résisté à un abaissement de —- 1 degré. 1 DRACÆNA DRACO. 2 BOUGAINVILLEA SPECTA- BILIS. 3 ALLAMANDA VERTICILLATA. k COMBRETUM PURPUREUM. 5 STEPHANOTIS FLORIBUNDA. 6 Acnras (du Brésil; indé- terminé). 7 ‘VECOMA VENUSTA. 8 BIGNONIA DISTANS. 9 SAPINDUS INDICA. 10 DRACÆNA BRASILIENSIS. A1 LAURUS PERSEA. 12 ANONA CHIRIMOYA. 43 CÆSALPINIA ECHINATA. 14 CÆSALPINIA SAPPAN. 15 MORINGA PTERIGOSPERMA, 16 ACACIA LEBBEK. 17 ACACIA QUADRANGULARIS. 18 RUSSELIA JUNCEA. 49 JATROPHA MULTIFIDA. 920 JATROPHA CURCAS. 21 BRUNFELSIA VIOLACEA. 22 CORDIA SCABRA. 93 CORDIA DOMESTICA. 24 MYRTUS PIMENTA. 25 EUPHORBIA SPLENDENS. 26 HIBISCUS LILIFLORUS. 97 Himiscus ROSA-SINENSIS. 28 HIBISCUS MUTABILIS. 29 HiBISCUS ABELMOSCHUS. 30 SOPHORA TOMENTOSA. 31 PERACINIA REGIA. Le au La plupart des espèces qui ont succombé ont été surprises par le froid en état de végétation; il estpro- bable que si leur végétation eût été moins avancée, et que les rameaux eussent été abrités, toutes au- raient réussi. M. Hardy considère celles qui, dans cette condition, ont survécu à l’abaissement de - 4°, comme étant acquises au pays, mais seulement aux lieux abrités où la température n’est pas sujette à un abaissement plus considérable. S'il est des végétaux qui n'ont pu supporter les températures basses du climat d'Alger, il en est d’autres qui ont succombé à la sécheresse atmos- phérique ou aux variations de températures aux- quelles ils y ont été soumis; en voici la liste : Végétaux qui ont succombé à la sécheresse de l'été. À CASUARINA PALUDOSA. 412 THEA VIRIDIS. 2 AUCUBA JAPONICA. 13 THEA BOHEA. 3 CUNNINGHAMIA LANCEO- 44 CAMELLIA JAPONICA. LATA. 15 DAPHNE INDICA. # ARAUCARIA IMBRICATA. 16 ACACIA DEALBATA. 5 ARAUCARIA BRASILIENSIS. 147 MAGNOLIA YULAN. 6 ÎLLICIUM FLORIDANUM. 18 MAGNOLIA UMBRELLA. 7 ILLICIUM ANISATUM. 19 MAGNOLIA PURPUREA. 8 CLIANTHUS PUNICEUS. 20 MAGNOLIA MACROPHYLLA. 9 BURCHELIA CAPENSIS. 21 RHODODENDRON (tout le 10 ABIES RELIGIOSA. genre). 14 FRENELIA CAPENSIS. 22 AZALEA (tout le genre). 93 — 23 KALMIA LATIFOLIA. 26 MENDOZIA VELLOSIANA. 24 KALMIA GLAUCA. 27 ANDROMEDA(toutlegenre). 25 LEDUM LATIFOLIUM. 28 ITAKEA SUAVEOLENS. M. Hardy pense toutefois que ces plantes réussi- raient en Algérie, si l’on essayait de les cultiver dans les valons humides et ombragés. Au nombre des espèces qui ont succombé par le fait de la sécheresse et de la chaleur, nous voyons figurer plusieurs plantes du Japon et de la Chine, entre autres les deux espèces de thés (Thea viridis et Thea Bohea). Ceci pourrait sembler d’un mau- vais augure pour les essais d’acclimatation de ces arbrisseaux dans notre colonie, si nous ne savions qu’en Chine ils supportent des chaleurs et des séche- resses comparables à celles de l'Algérie. Nous dé- montrerons un peu plus loin que la culture du thé a les plus grandes chances de succès dans le midi de l'Europe et sur les flancs des montagnes de l’Algé- rie, partout, en un mot, ou de fortes chaleurs esti- vales succèdent à un hiver bien caractérisé, pendant lequel il gèle et tombe de la neige ; or, ces Condi- tions ne se rencontrent point au jardin d’acclimata- tion d'Alger où le thermomètre ne descend presque jamais au-dessous de 0°, où l’hiver est pour ainsi dire nul, et où la somme d'humidité atmosphérique, pendant l’année entière, est probablement beau- coup moindre que ne l’exigerait l'arbre à thé pour réussir (1). Ce serait, on le voit, une grande erreur de juger par le climat d'Alger celui de la colonie tout en- tière ; elle présente au contraire sous ee rapport les plus grandes différences, et par suite, on devra, sui- vant les localités, s'attacher à y cultiver telle plante ou telle autre. On sait que la majeure partie de l’Algérie septentrionale, le Tell, puisqu'on lui donne ce nom, est un pays de montagnes et de plateaux, dont la température est loin de ressembler à celle des côtes ; sur un grand nombre de points, on retrouve même le climat du eentre et du midi de la France, comme l’attestent les observations suivantes : | TEMPÉRATURE! MINIMUM LOCALITÉS. | HAUTEUR. j MAXIMUM. MOYENNE, MOYEN. mètres. 4,100 920 900 Constantine. 600 Marcara.….…… 400 (4) Depuis que ceci a été écrit, M. le ministre de la guerre a ET Cette variété de climats entraîne nécessairement la variété des cultures ; tandis que les plaines et les vallons produiront du coton, du sucre, de la coche- nille, des dattes et des fruits des tropiques, les flancs des montagnes se couvriront de vignobles, de ver- gers, de céréales, et peut-être un jour de planta- tions de thé. Nous bornerons äci l'examen comparatif des cli- mats de la Chine et de ceux de l’Europe occidentale et du nord de l'Afrique; tout incomplet qu'est ce parallèle,.par défaut de renseignements météorolo- giques, il suffira, nous l’espérons, pour démontrer que tous les climats de la Chine ont leur analogue parmi les contrées que nous habitons, où l'influence de la mer les adoucit encore. Il est donc peu de végétaux cultivés dans ce vaste empire qu’on ne puisse introduire avec succès dans nos champs et dans nos jardins. ordonné que de nouveaux essais de culture de thé seraient en- trepris en Algérie, mais dans des localités montagneuses, où le climat se rapproche des conditions nécessaires au succès de cette culture. (Note de l’Éditeur..) À 0e PAT AU) LUN TROT D. s+ «+ (HR non 54 à | 1 nl d h 1 POLAR \ HU x a ] \ 4 128, tu sYAN \ ce nr 1 19 À t x N x Fe ie QU, l CO jt] ne dE = L UL « n ï dis nes sis s nr: V6 . 30m À dde Hi mn. ; " 7. és AE ci affa 200 dada “vil D bioirafre CRT TT EN TITI Ml LA RH fo Pre “ vi "R A MEN NE #: li Éruse be sata | _. à gode iakatonae rod, 1° ‘# is Los ji rat hs) ke D ab 10 6t tn qu RC "rite ad mdr t CET ali dés sl pi | Vi ji Niigatétd? quôl rabat) cfa armés. fmotaup | & | ME ANT EEE Rrtidunl aire safti 29 CA TCPE TETE) 2 jnng | Aer | brokge at 6e He Faure intel tot sl 06 A ARMOR “aie. atau RAA af AU HUMIÈY < ‘à sa mage aou euh shoot or mi Lou A7: "EMI “T4 PTS y é- 3 M LA - £e ja Nr 1 À Loc er se i - { - | es oren! k TÉ ap Paire ét a us TA RME à at « oEto ï à, nero #1 ilasoh ant as alé Se a BLEUE di pe MAP asf mio tque) 38 SECONDE PARTIE. REVUE SOMMAIRE DES ESPÈCES VÉGÉTALES CULTIVÉES EN CHINE. Céréales. Chez tous les peuples cultivateurs, les céréales fournissent la base de l'alimentation, et leur pro- duction constitue le but le plus essentiel de l’agricul- ture. En Europe, dans la moitié occidentale de l'Asie, et dans tout le nord de l'Afrique, c’est le blé, Triticum (1), qui depuis un temps immémorial oc- cupe parmi elles le premier rang ; dans la seconde moitié du continent asiatique, exception faite des ré- (1) Les diverses espèces ou variétés de ce genre. me gions situées au nord du 40° dégré, le riz devient la céréale par excellence, comme le sorgho chez les races noires de l’Afrique centrale, et le maïs chez les indigènes de l'Amérique du sud. Mais, tandis que les Européens portaient le blé dans toutes les parties tempérées de l'Ancien et du Nouveau Monde, les trois autres céréales franchissaient aussi leurs cir- conseriptions primitives pour se répandre au loin, et chaque transplantation de ces diverses espèces sous un nouveau climat, marquait un progrès sensible dans l’agriculture des différents peuples qui faisaient entre eux ces échanges. Aujourd'hui, bien que les régions exclusivement occupées dans l’origine par les quatre céréales que nous venons d'indiquer soient toujours le principal centre de leur production, on peut affirmer qu'il n’est presque aucun pays tempéré, situé entre le tro- pique du Cancer et le 45° degré de latitude septen- trionale, qui ne possède au moins deux de ces cé- réales. Toutes les quatre sont cultivées dans le midi de l'Europe, et souvent à côté les unes des autres. Le sorgho ne se montre, il est vrai, sur notre con- tinent, que d’une manière fort secondaire, et seule- ment dans quelques localités où la température est élevée ; et quant au riz, sa culture est presque entie- — 99 — rement concentrée eu Lombardie et sur quelques points du littoral espagnol. Les Chinois, indépendamment du riz sur lequel repose presqu'entièrement la subsistance du peuple, cultivent encore les céréales qu'ils ont empruntées à l'Inde et quelques-unes de celles de l'Afrique, telles que le Milium sorghum et le Poa Abyssinica ou Doura. Dans les provinces septentrionales, Île blé entre aussi pour une assez large part dans la- limentation et par conséquent dans la culture (4). Nous possédons en Europe un nombre déjà con- sidérable de variétés de blé, assez différentes les unes des autres pour que les agriculteurs s’attachent à les distinguer avec soin, toutes ne convenant pas également dans telle circonstance donnée. L'étude de ces variétés ou plutôt de ces races, ear la plupart se perpétuent d’une manière assez Constante, est difficile et peu avancée encore, malgré les recher- ches des botanistes et d’un grand nombre d’agro- nomes distingués; tout pas fait en avant dans cette voie peut être un progrès important pour lagricul- (4) Dans leur classification des plantes alimentaires appar- tenant à la grande culture, les Chinois séloignent considéra- blement de nous ; ainsi, ils mettent au nombre des céréales ce que nous nommons légumes secs (haricots, pois, fèves, lentilles, — 100 — ture. Mais la sitognosie (qu'on nous passe ce néolo- gisme) ne peut elle-même progresser que par l'ac- eroissement de nos collections de blés et par l'étude de la végétation des différentes races nouvelles qu’on y introduira. Tout porte à croire que la Chine, dans les provinces où elle se livre à la culture du blé, possède des races qui nous sont inconnues, et cette opinion se fonde, d’une part, sur son éluignement de l’Europe, et, de l’autre, sur l’antiquité de son agri- culture, et sur la diversité de ses climats. Ce serait assurément un sujet très-digne de l'attention des voyageurs qui parcourent les provinces du nord de l'empire chinois, que d’y étudier les races de blé cultivées et d’en envoyer des échantillons. Peut- dolics et autres graines légumineuses), et cela parce qu'ils les consomment à peu près de la même manière que leurs grains, en farine, en bouillie, etc. Au reste, les dictionnaires et les auteurs anglais ne sont pas même d'accord sur la valeur des caractères employés par les Chinois pour désigner leurs classes de céréales. Nous ne nous arrêterons pas ici sur un sujet auquel nous devons nécessairement revenir dans l'analyse qui servira d'ap- pendice à ce Mémoire. Nous dirons seulement que, lorsqu'on cherche à éclaircir ses doutes par l’examen des figures chi- noises, on est souvent plus embarrassé encore, en recon- naissant combien est inapplicable à la plante représentée la dénomination que les dictionnaires avaient eru pouvoir lui assigner — 108 — être ces provinces, où sévit un hiver long et rigoureux, possèdent-elles des variétés de prin- temps, ou, comme nous les appelons, des blés de mars, répondant à toutes les conditions qu’on recherche dans ces céréales, et que réunissent si rarement celles que nous cultivons. Il est même vraisemblable que nous aurions aussi d’importants emprunts à faire à la Chine parmi les blés d’hi- ver (1). Il nous semble cependant que le riz sera toujours celle des céréales au sujet de laquelle nous aurons le plus à demander aux Chinois, car, sous ce rapport, il existe dans la culture européenne une immense lacune. On a dit, on a répété que le riz ne contenait qu’à une faible dose les principes alibiles, la matière azotée, pour parler le langage des chimistes, dont le blé est si richement pourvu ; mais ce qu’on ne saurait contester, c’est que, mal- gré son infériorité nutritive, le riz est recherché de toutes les populations, et qu'il s’en fait un com- merce considérable. Une objection bien autrement sérieuse est celle (1) Nous nous appuyons ici sur l'opinion de notre illustre agronome, M. le comte de Gasparin, qui tout dernièrement a fait venir des blés du nord de la Chine pour en essayer lés qualités. 002 — de l’insalubrité des rizières qui, en Europe, devien- nent un foyer d’émanations poludéennes. On sait quels ravages la fièvre exerce parmi les populations qui se livrent à cette culture, et cependant ses pro- duits sont tellement considérables, les bénéfices qu'elle procure tellement assurés, que, sans l’atten- tion qu'ont les gouvernements d’en limiter l’exten- sion là où elle existe depuis longtemps, de la prohi- ber d’une manière absolue là où elle n’existe pas encore, l’avidité du paysan pour le lucre, lui ferait créer des rizières partout où il y aurait possibilité de le faire et chance de réussir. Sans cet utile despo- tisme, la plupart des cours d’eau du midi de lEu- rope se déverseraient bientôt sur les plaines voi- sines, transformées en rizières , vaste foyer d’où sortirait l’abätardissement graduel et la destruction des populations. Cependant, qu’on le remarque, rien de tout cela n'arrive à la Chine ; on y cultive le riz sur une immense échelle, à tel point que des provinces en- tières sont en quelque sorte de véritables rizières d’une extrémité à l’autre, et la population s’y presse aussi dense, aussi serrée, aussi robuste que dans les provinces à blé. Ni les auteurs chinois, ni les voyageurs qui ont parcouru la Chine, ne font men- — 103 — tion de ces fièvres endémiques si redoutables à l'en- tour de nos petites rizières d'Europe. A quoi donc peut tenir cette différence dans les résultats? Très- probablement à des procédés de culture particuliers, à des mesures hygiéniques, qu'une longue expé- rience enseigna au cultivateur. Voilà ce qu'il im- porterait d'aller demander à la Chine et ce qui déjà compenserait largement les plus grands sacrifices. Caleulons, en effet, ce que produirait en Espa- gne et en Algérie surtout, la culture du ri, dont le rapide développement permettrait de faire deux récoltes. En Chine, au moins dans les pro- vinces méridionales, quatre-vingt-dix jours ou trois mois suffisent au riz pour se développer et müûrir ; Or, nous avons vu qu’Alger offre à très-peu de chose près le climat de Macao et de Canton, points des plus méridionaux dans lempire, d’où nous con- eluons, sans trop de hasard, qu'il y aurait possibilité de faire en Algérie deux cultures successives sur le même sol et dans la même année. Lors même qu'en certaines localités on devrait se borner à une seule, comme cela se pratique en Lombardie et dans la Camargue, les bénéfices seraient encore assez consi- dérables pour encourager les agriculteurs. Mais ces résultats seront toujours subordonnés à la condition — 104 — d’assainir les rizières; mieux vaudrait cent fois re- noncer à tous ces avantages, si le développement de la culture du riz devait transformer une partie de la Franee en marais Pontins. Il existe cependant une variété ou peut-être une espèce de riz, qui ne présente pas les mêmes in- convénients, nous voulons parler de celle que lon connaît sous le nom de r2z sec, en Chine aussi bien qu’en Europe. Cette plante ne justifierait point son nom s’il fallait le prendre dans son acception la plus rigoureuse, car elle veut d’abondantes irrigations, à moins que le pays ne soit de sa nature très-pluvieux, mais au moins elle n’exige plus cette immersion du terrain sans laquelle ne peut prospérer le riz ordinaire. On la cultive en grand dans quelques districts montagneux du centre et du nord de la Chine, où par la disposition des lieux il est facile d'irriguer la rizière sans cependant y laisser stagner l’eau. La question serait pour nous de trouver des sites qui lui fussent favorables. Peut-être dans les départements du midi de la France les plus rappro- chés de l'Océan, ceux des Basses-Pyrénées, des Landes et du Gers, par exemple, obtiendrait-on de véritables succès; nous croyons pourtant que cette culture aurait plus de chances de réussite — 105 — dans les provinces occidentales de l'Espagne et en Portugal, où une chaleur plus forte s’unit à lhumi- dité de l'atmosphère et à une certaine facilité d'irri- guer, deux conditions nécessaires dans la culture de toute espèce de riz (1). Les autres céréales ont incomparablement moins d'importance que le blé et le riz; elles n’en rendent pas moins des services qu'il pourrait être utile d’ap- précier sur les lieux ; le sorgho, par exemple, four- nit une eau-de-vie que des voyageurs revenus de Chine nous ont assuré pouvoir rivaliser avec nos bonnes eaux-de-vie ordinaires de raisins, et parmi les nombreuses espèces de légumes secs que les Chinois ont cru devoir classer à part sous le nom (1) Plusieurs chapitres sont consacrés à cette plante inte- ressante dans notre Encyclopédie chinoise. On lui donne en Chine le nom de FE 4 littéralement riz sec, par opposi- tion à celui de 7 F4 riz aquatique, par lequel est désigné le riz ordinaire. Dés les premières pages on nous fait pressentir combien diffèrent l'une de l'autre les cultures de ces deux espèces. La méthode pour semer (le riz sec), lisons-nous, ressemble beaucoup à celle qu'on doit suivre pour semer le ble. S Ÿ FE À Æ AH À Nous nous proposons de publier prochainement dans son en- üer l’article concernant le riz sec. Il sera comme un spécimen du grand ouvrage dont nous avons entrepris la traduction. — 106 — générique de Teouw F7 il est indubitable que nous aurions aussi à faire de précieuses acquisitions. L’im- portance même que leur accorde une nation d'agri- culteurs , nous est un sûr garant des services qu'ils rendent et du perfectionnement qu'ont dû subir leurs variétés. LE. Légumes, légumes-racines et autres plantes alimentaires rentrant également dans la grande culture et dans la culture jardinière. À [Espèces rentrant plus directement dans la grande culture. Î.— Patates.—A la suite des céréales viennent na- turellement les tubercules. En Europe, nous plaçons en première ligne la pomme de terre, fes Chinois ont la patate, dont ils font le plus grand cas; et si, dans quelques localités, ils cultivent la pomme de terre elle-même, cette importation européenne, en- core très-linitée, est jusqu'ici de peu d'importance DOUT EUX. — 107 — Les patates ou batates (Convolvulus Batatas) sont au contraire généralement cultivées, même sous des latitudes relativement élevées, et sont du goût de tous les peuples. Elles entrent plus spécialement dans lalimentation des classes pauvres auxquelles elles fournissent en Chine un complément de nour- riture presque indispensable ; leurs fanes y sont également employées comme fourrages, et lon sait que c’est un des usages qui en recommandent la plantation dans les parties du midi de la France, où leur culture commence à devenir populaire. Il est à remarquer que les Chinois consacrent assez généralement les plus mauvais terrains à la patate. Ce système qui, au premier abord, peut sembler en opposition avec les principes d’une saine culture, est cependant parfaitement rationnel aux veux de ceux qui ont observé le mode de végétation de ces plantes. Dans la patate comme dans la pomme de terre, ce sont les tiges souterraines ou rhizômes et uon les racines qui se convertissent en tubercules; mais, tandis que la pomme de terre demande une terre ameublie, les patates au contraire veulent être ermprisonnées dans un étroit espace, où leurs rhizô- mes puissent se gonfler et se gorger de fécule. Or, ces rhizômes éminemment coureurs, ne se gonflent — 108 — que peu ou point dans une terre légère qui ne leur offre pas de résistance, et qu’elles peuvent percer aisément dans tous les sens. Une curieuse expérience, faite il y à trois ans au jardin potager de Neuilly, par M. Jacques, alors jardinier en chef du château, le démontre de la manière la plus simple et la plus concluante. Il fit planter comparativement des pa- tates sur le terreau meuble d’une vieille couche, où leurs tiges souterraines avaient toute liberté de se mouvoir, et d’autres dans des caisses en planches de quelques décimètres de côté sur toutes les faces. Les premières développèrent une abondance remar- quable de fanes, mais leurs rhizômes nombreux et fort allongés ne produisirent que très-peu de tuber- cules et encore de petit volume ; celles au contraire qui étaient emprisonnées dans les caisses, en donnè- rent une quantité considérable et de la plus grande dimension. Une particularité singulière et qu'il faut noter, puisqu'elle vient à l'appui de là théorie que nous soutenons, c’est que tous ces tubercules se pressaient sur les parois de la caisse comme s'ils fai- saient effort pour briser Pobstacle. C’est la résis- tance qu'ils rencontrent que M. Jacques considère, et avec raison, comme ayant déterminé le gonfle- ment des tiges; ne pouvant se développer en lon- — 1109 — sueur, elles regagnèrent en diamètre transversal ce qu’elles perdaient de ce côté. Voilà ce qui justifie le choix que les Chinois font des terres les plus compactes pour planter les patates, dont ils pos- sèdent, au dire de tous les missionnaires, d’excel- lentes variétés (1). Nous cultivons plusieurs patates en Europe, la plu- part originaires des contrées chaudes de l'Amérique et de l'Inde. Il en est de ces variétés comme de celles de la pomme de terre et de tous les légumes ; les unes sont exquises, les autres communes. Elles ne diffè- rent pas moins quant au tempérament, qui permet aux unes de prospérer jusque sous le 45° degré, et qui retient les autres sous des latitudes plus chaudes. L'Espagne est bien mieux placée que la France pour la culture de toutes ces plantes; mais il existe surtout en Algérie une variété de climats (voir ce que nous en avons dit plus haut) qui les admet toutes. Nous en avons eu une preuve parlante dans le grand nombre et la beauté des tubercules envoyés l’année dermère à lexposition des produits de l’industrie (1) Les planches de l'Encyclopédie TE Lez “5 Æ nous en montrent surtout deux variétés remarquables par leur volume et la forme de leurs feuilles. — 110 — française, par le directeur du jardin de naturalisa- tion d'Alger. À une époque où les récoltes de pommes de terre sont tous les ans plus ou moins gravement com- promises par l'épidémie qui les a envahies depuis 1845, la patate acquière une grande importance. Cette importance doublerait si lon connaissait un procédé sûr pour la conserver d’une année à l’autre ; malheureusement, on en est encore à le chercher. Toutes les tentatives qu’on a faites dans ce but, ou ont échoué complètement, ou n'ont été pratiquables qu’à l’aide d’un surcroît de dépenses hors de proportion avec les ressources des cultiva- teurs, et souvent même supérieur à la valeur de la récolte. C’est là le grand défaut de la patate, défaut qui contrebalance ses excellentes qualités. Or, nous nous demandons si le peuple Chinois, si ingénieux dans toutes les choses de détail, n'aurait pas trouvé ce moyen simple, facile, peu coûteux d’emmagasi- ner les récoltes de patates. Nous nous demandons encore si, parmi ces nombreuses variétés qu'il cul- tive, il ne s’en trouverait pas qui, par un tempé- rament particulier, par une 2diosyncrasie, comme disent les physiologistes, fussent faciles ou du moins plus faciles à conserver que celles que nous — 111 — possédons. Il y a une importante recherche à faire et nous ne craignons pas d'avancer que la décou- verte, soit d’un procédé particulier d’'emmagasinage, soit celle d’une nouvelle race de conservation facile qu’on introduirait en Europe, ferait une révolution notable dans toute l’agriculture du midi, Qui sait même s’il n'existe pas en Chine des races particu- lières plus rustiques, plus résistantes au froid que celles que nous possédons? Dans un sujet comme celui que nous traitons, il n’est point de détail qu’on doive négliger; souvent les améliorations les plus considérables sont la suite d’une observation, d’un fait en apparence minime, qui eût échappé à l'at- tention parfois distraite du voyageur. 2.—Crucifères, (turneps, choux, etc.).— On sait quelle importance ont prises en agricalture, depuis un demi-siècle, les plantes de la famille des eruci- fères. Autrefois, bornées à un très-petit nombre d’es- pèces, elles ne se présentaient que comme plantes potagères, fort utiles déjà et recherchées avec raison. Depuis que le système des jachères est remplacé par celui des cultures sarelées, les crucifères (raves, turneps, colza, etc.) ont acquis une prépondérance qui n’est peut-être balancée que par celle des four- ages légumineux. — 119 — Les Chinois sont riches en plantes de ce genre, comme il est facile de s’en convaincre en feuille- tant leurs ouvrages d'agriculture et de jardinage ; mais nous sommes forcés de dire ici ce que nous devons répéter sans cesse, que ces documents sont trop mcomplets pour qu’il soit possible de se faire une idée suffisamment exacte des plantes avec leur seul secours. Resterait la ressource des herbiers de botanique ; mais ces herbiers eux-mêmes ne renfer- mant guère que les plantes qui croissent au voisi- nage des côtes, ou plutôt des seuls ports fréquentés par les Européens, ne nous sont, à cet égard, que d’une médiocre utilité. Nous avons bien vu arriver de Chine, il y a quel- ques années, un petit chou mignon, crépu, d'un vert tirant sur le blanc et qu’on prendrait plus volontiers de loin pour une laitue romaine que pour ce qu'il est réellement. C’est le Pe-fsai, espèce en même temps très-délicate pour les usages culinaires et fort endurante au froid, rustique pour nous servir du terme consacré. Mais le Pe-tsai est une plante de jardinage plutôt que de grande culture, et ce serait empiéter sur ce que nous aurons à dire un peu plus loin que d’en parler ie. En résumé nous ne savons rien on presque rien — 113 — du rôle que jouent à la Chine, dans l’agriculture proprement dite, les plantes de la famillé des cruci- fères. Peut-être les Chinois ne leur accordent-ils pas l'importance que nous leur attribuons. La vérifica- tion des diverses races de crucifères cultivées dans ce pays, soit pour leurs feuilles, soit pour les renfle- ments de leur tige, nous semblerait pourtant une des questions les plus utiles à éclaireir. L'Europe y trouverait probablement d’utiles auxiliaires aux fourrages-racines qu'elle cultive déjà avec tant de succès, comme aussi probablement de bonnes acqui- sitions pour la culture potagère. Nous l’avons dit un peu plus haut, l’agriculture chinoise se rapproche beaucoup du jardinage, et si nous voulions donner plus de développement à ce chapitre, nous tomberions insensiblement dans l’horticulture potagère. Il nous reste toutefois à parler de deux branches spéciales de l’agriculture, qui jouissent en Chine d’une importance presque égale à celle du riz lui-même. Nous voulons par- ler de la culture du mürier et de celle du thé: mais ces deux cultures étant subordonnées à une manipulation compliquée de leurs produits, nous considérerons ces végétaux comme plantes indus- irielles, et nous en parlerons plus loin dans un cha- | 8 — M4 — pitre où nous les trouverons associées à quelques autres espèces ayant également pour but de four- nir des matériaux à l’industrie. Ÿ IL Espèces appartenant au jardinage plutôt qu'à la grande culture. Sinous n'avons pas eu de grands éloges à donner à l’agriculture chinoise prise dans son ensemble, il n’en sera pas de même du jardinage que les Chi- nois entendent admirablement , et dans lequel ils possèdent même certaines pratiques, certains secrets, pour mieux dire, que nos jardiniers auraient tout intérêt à leur emprunter. On pourrait écrire tout un volume sur cette branche de la culture chinoise; mais le but de ce mémoire étant seulement d'en donner une idée générale, nous nous bornerons à passer sommairement en revue les végétaux sur lesquels elle s'exerce. Nulle part au monde on ne cultive mieux les plantes potagères qu’en Chine, comme nulle part aussi on n’en cultive un plus grand nombre d’es- pèces. Ici se montre dans tout son jour, l'adresse du jardinier chinois qui, sur une parcelle de terre, où chez nous un homme vivrait à peine, trouve le moyen de se nourrir avec sa famille, et quelquefois — M5 — de s'enrichir, par la vente des produits de quatre ou cinq récoltes annuelles. C’est que le jardinier chi- nois pratique de temps immémorial l’art, compa- rativement nouveau chez nous, de forcer les lé- gumes, c’est-à-dire d’en hâter le développement par la chaleur artificielle, comme aussi de les faire venir à contre-saison; on pourrait dire d’une manière gé- nérale, pour caractériser le jardinage à la Chine, qu'il vise à surmonter des difficultés, ou, si l’on veut, à faire des tours de force, ce qui est du reste tout à fait en harmonie avec les goûts des Chinois; nous en citerons quelques exemples en parlant de leur jardinage d’ornement. Cette supériorité des Chinois en horticulture n’a rien qui doive surprendre; elle est le contre-poids ou pour mieux dire la suite même de l'insuffisance de leur agriculture, qui les oblige à chercher dans le jardinage un complément indispensable aux sub- stances alimentaires qu’elle leur fournit. L’homme ne pourrait pas vivre exclusivement de riz, mais il vivra s'il peut y ajouter les graines des légumi- neuses, qui compenseront par leur richesse en azote, ce qui manque sous ce rapport à la céréale de pré- dilection du Céleste-Empire. D'un autre côté, le besoin impérieux de varier sa — 416 — nourriture a conduit l’homme à multiplier le nombre des espèces auxquelles il demande ses aliments; de À le grand nombre de végétaux cultivés dans les jardins, si on le compare avec celui des espèces simplement agricoles. Ces conditions ne sont point du reste les seules qui président au développe- ment du jardinage ; il en est une plus décisive encore que celles qui naissent des besoins des individus isolés ; c’est, pour l’horticulteur de profes- sion, la nécessité de trouver un débouché rapide et assuré aux produits souvent très-fugitifs de son industrie ; aussi pouvons-nous dire que si le besoin de varier sa nourriture a fait créer les jardins, ce n’est qu'autour des villes que l’industrie horticole a pu se développer, puisque à seulement elle est assurée d'échanger ces produits contre de l’argent. On est étonné lorsqu'on lit, dans les statistiques, le prodigieux développement du jardinage marai- cher autour de Paris. Il y a peu de personnes encore aujourd’hui, même parmi les plus éclairées, qui se doutent de l'importance qu’a prise en France cette partie de l’art agricole, probablement parce qu’elle s’exerce le plus souvent sur des espaces fort limités. Mais si les jardins sont généralement petits, ils ra- chètent leur exiguité par leur nombre; on les trouve — M7 — partout, depuis le hameau, depuis la ferme isolée, presque toujours entourée de son ouche , comme on diten Bourgogne, jusqu’au centre des villes les plus populeuses. Ce qui distingue aussi cette branche de culture d'avec l’agriculture proprement dite, c’est le revenu incomparablement plus élevé du terrain , à égalité d’étendue. Qu'on nous permette ici une petite di- gression qui, sans nous éloigner du sujet que nous traitons, fera voir à ceux de nos lecteurs qui ne seraient pas initiés aux progrès de lhorticulture mo- derne, quel rang elle occupe aujourd’hui, quant à l'importance, parmi nos différentes industries. Nous emprunterons nos documents au mémoire de M. Pu- vis, ancien député, et président de la société d’hor- ticulture de l'Ain, dont les vastes connaissances et les nombreux travaux de statistique horticole ren- dent les assertions incontestables. D’après cet honorable agriculteur, les documents statistiques officiels de 1840 portent à un million d'hectares l'étendue des vergers et des jardins en France ; dans cette évaluation sont comprises, 1l est vrai, les plantations d'arbres à cidre, les vergers rus- tiques de châtaigniers et de noyers, dont nous exagé- rons peut-être l'étendue en la portant à 100,000 hec- — 118 — tares. Si nous retranchons ces 100,000 hectares, ainsi que 300,000 autres qui représentent les jardins négligés, ceux des chaumières et des petites maisons rurales, dont le produit est sans doute important pour le consommateur, mais le plus souvent faible par défaut de soins et d'engrais, il nous restera 600,000 hectares d’un grand produit. [l s’agit maintenant d’apprécier le produit brut de cette culture : pour cela, nous rappellerons, éomme produit extrême, celui des jardins des hortillons 'A- miens, qui, d’après M. Héricart de Thury, s’élève- rait en moyenne à 8,100 fr. par hectare. Il est résulté des recherches faites sur la culture potagère des en- virons de Londres, qu’on pouvait porter son produit brut annuel à 3 ou 4,000 fr. par hectare. Les jardins légumiers et fruitiers des environs de Paris produi- sent les deux tiers au moins de cette somme; ceux d’Aubervilliers, qui se cultivent en grand avec moins de travaux et de main-d'œuvre, qui ne produisent que de gros légumes, dont chaque famille cultive 15 ou 20 hectarés, qui ne reçoivent d’arrosement qu'aumoment de la plantation, ne se fument que tous les trois ou quatre ans et se travaillent à la charrue, sont loués 3 ou 400 fr. l’hectare, et leur produit brut s'élève au moins à trois ou quatre fois cette somme. — 119 — Les terrains occupés par les semis de toute variété, par les pépinières, par lesmoyens demultiplication de toutes les espèces, exigeant beaucoup de soins et de main-d'œuvre, doivent donner un produit brut considérable. Les jardins de primeurs, en raison des dépenses qu'ils exigent, doivent en donner un plus élevé encore. Les jardins fleuristes, avec leurs plantes rares, leurs serres chaudes ou tempérées, leur outillage varié, etc., doivent beaucoup produire pour n'être pas ruineux. D’après ces considérations, ne serons-nous pas encore au-dessous de la vérité en estimant à 1000 fr., comme moyenne, le produit brut de l'hectare eul- tivé en jardin de toute espèce, légumier, fruitier, de primeur ou fleuriste ? Si l’on admet cette moyenne, toute faible qu’elle est, nous arriverons à l'énorme produit de 600 millions de fr. pour les 600,000 hec- tares de jardins productifs. À ce chiffre, il faudrait ajouter le produit des 400,000 hectares que nous avons négligés, et qui, tout faible qu’on le suppose, ne peut être moindre de 100 fr. par hectare ; soit 40 millions de plus. Mais nous le répétons, cette évaluation du produit brut des — 1920 — terres cultivées en jardins en France, est plutôt au- dessous qu’au-dessus de la vérité ; et, d’ailleurs, il ne saurait y avoir d'erreurs dans le caleul du nombre d'hectares ainsi cultivés, puisque cette partie de la statistique à été puisée dans les relevés du cadastre, désormais achevé, et dont on reconnaît générale- ment l’exactitude. Examinons maintenant les conditions dans les- quelles se trouvent ceux qui cultivent cette étendue de terrain. L'observation de ce qui se passe, nous fait voir qu'il faut en moyenne, une famille pour la culture d’un hectare. Les 600,000 hectares de jardins fourniraient done le travail et la vie à 600,000 familles ou trois millions d’individus. Remarquons, en passant, que cette population est sans comparai- son, parmi celle des classes ouvrières qui travaillent pour la ville, la plus laborieuse, la plus morale et par conséquent la plus aisée. Il est très-souvent question, dans les statistiques agricoles, de l'importance des produits de Ja viti- culture et des intérêts de la population vinicole. Cependant, les produits du jardinage sont plus éle- vés que ceux des vignobles, qu'on ne peut guère évaluer en bloc à plus de 500 millions de francs, et les vignes font vivre 1 million de families ou — 121 — 5 milhons d'invidus, presque le double de ceux qu’oceupent les différentes exploitations horticoles. Si nous évaluons en chiffré le revenu de chaque famille dans les deux industries, nous trouverons 1,066 fr. par famille de jardiniers, et seulement 500 fr. par famille de vigneron, rapprochement qui suffit pour montrer de quel côté se trouve la plus grande somme de bien-être. Mais revenons aux jardins de la Chine. Qui ne comprend maintenant l'importance de leur rôle dans une population de plus de 230 millions d'individus, et surtout au voisinage de ces prodigieuses villes de Pé-king, de Nan-king, de Canton et de quelques autres, qui seraient, en Europe, des capitales de premier ordre ? Aucun homme pratique ne pourra donc certaine- ment contester les avantages à tirer pour l’Europe de l'étude approfondie des procédés employés dans l’horticulture chinoise, comme de l'introduction, dans nos jardins, des innombrables espèces de légumes et d'arbres fruitiers que depuis des siècles elle multiplie et améliore, et qui fournissent an- nuellement à des millions d'hommes le nécessaire et le confortable de la vie. Ce n’est pas sans raison que nous avons insisté — 192 — un peu plus haut sur la variété des climats de la Chine. Le climat est la grande loi naturelle qui rè- glemente la culture des espèces. Or, plus les climats d’une même contrée seront variés, plus le seront aussi les produits du sol, et en particulier ceux de la petite culture. C’est ce qui explique le nombre considérable d’espèces répandues dans le jardinage chinois, espèces qui, toutes ou presque toutes, s’ac- climateraient aisément, soit en France, soit en Es- pagne, soit en Algérie, dont les climats correspon- dent si bien à ceux du Céleste-Empire. Nous allons maintenant jeter un rapide coup d’œil sur les principales espèces végétales qui forment le fond de l’horticulture chinoise, négligeant d’ailleurs celles qui ne nous paraîtront offrir qu’un intérêt secondaire, et passant, à regret, sous silence toutes celles que la conversation des missionnaires ou la lecture des auteurs chinois nous donne l’envie de connaître, sans nous fournir encore de renseigne- ments assez précis pour nous permettre d'en parler sciemment. PLANTES LÉGUMIÈRES PROPREMENT DITES. L.— Choux et autres crucifères — Nous avons déjà dit quelques mots du Pe-tsai (chou blane etnon — 123 — chou du nord, comme on l'appelle à tort dans la plu- part des ouvrages d’horticulture (1), ce légume qui s’est introduit depuis peu dans nos jardins de bota- nique où jusqu’à présent il n’a guère paru qu’à titre de plante curieuse ; n’est pas la seule espèce du genre que cultivent les Chinois. Ils ont comme nous de nombreuses variétés de choux dont les usages euli- naires sont très-multipliés. Ce sont des choux pom- mants, des choufleurs, des choux à tige ou à racine renflée, etc. Les notes que nous avons compulsées à ce sujet dans différents auteurs sont trop vagues pour qu'on puisse préciser au juste la valeur des variétés nombreuses de chacune de ces catégories; elles ne font voir qu’une chose, la nécessité de recourir à l’expé- rimentation directe, et aussi aux connaissances ac- quises par les jardiniers chinois, pour juger des servi- ces qu’elles rendraient à notre horticulture potagère. 2.— Espèces légumineuses : pois, haricots, ete.— Les légumes de la famille des papilionacées ou lé- qumineuses, sont bien plus nombreux en Chine (4) L'erreur vient sans doute de ce que les interprètes qui donnèrent les premiers la signification des mots Pe-tsai, au- ront confondu le mot Pe 1t Norp, avecle mot Pe | blanc. La similitude dans la prononciation est loin comme on le voit de se rencontrer dans les caractères qui ne permettent pas la moindre équivoque sur le sens. — 19 — que ceux de la section précédente, ce qu’expliquent la chaleur estivale de presque toutes les parties de l'empire, et son avancement au midi. Outre un nombre presque infini de variétés de pois, de hari- cots, de lentilles, de fèves, ete, plus ou moins rap- prochées de celles que nous possédons en Europe, et qu’ils comprennent toutes sous la dénomination générique de Téou Ex, ainsi que nous l'avons vu, ils cultivent un grand nombre d’espèces plus spé- cialement propres aux pays chauds, et surtout les dolics, dont quelques variétés ont été introduites daus les cultures de l'Égypte. Toutes ces plantes se font remarquer par leur richesse en matière nutritive, soit pour l'homme, soit pour les animaux domes- tiques. Toutes peuvent également servir à former des engrais verts, et sont fréquemment employées de cette manière par les Chinois. Il y aurait ici des re- cherchesextrémement intéressantes à faire pour trou- ver parmi les espèces de la Chine, soit des races pro- ductives en grains, soit d’autres races pouvant de- venir fourragères ou matière à engrais. L'expérience des Chinois ne suffirait point pour nous guider à cet égard ; il serait utile ou plutôt indispensable d'expé- rimenter nous-mêmes ces différentes espèces, afin de découvrir celles qui peuvent le plus directement — 125 — répondre aux besoins de notre grande et de notre petite culture. 9. — Léqumes verts. — Le nombre en est consi- dérable, et nous ne pouvons même pas en donner la liste, qui serait longue et de peu d’intérêt, faute de détails suffisants. Ce sont, en général, de nom- breuses variétés d’asperges, d’oseille, d’épinards, de laitues, de cressons, ou de plantes servant de con- diments, comme piments, poivres, etc., plus un certain nombre d’espèces qui n’ont pas leurs ana- logues en Europe. Un jardinier de profession serait seul capable d'étudier sur place cette partie intéres- sante du jardinage chinois, qui, moins que toute autre, peut être jugée sur des dessins ou sur de vagues descriptions. 4.— Léqumes-racines. — Nous comprenons sous cette dénomination tous les légumes dont le produit utile est adhérent à la racine ou simplement formé dans l’intérieur du sol, tels que les ognons, les écha- lottes, etc., dont les Chinois, au moins ceux des classes populaires, font une énorme consommation. Nous pourrions y joindre les carottes, raves, navets, betteraves, patates et autres légumes analogues ; mais nous répéterons ici ce que nous avons dit en parlant des espèces de la section précédente, que, — 126 — pour bien les juger, il faut être versé dans la pratique du jardinage. Nous croyons même qu'il ne serait pas indigne du gouvernement d’un grand pays d’adjoin- dre à une commission scientifique envoyée en Chine, un ou deux jardiniers bien au courant des espèces et variétés utilisées en Europe, pour étudier les produits des potagers chinois, et faire choix parmi ces variétés de celles qui mériteraient le plus d’être introduites dans nos cultures. d,—Léqumes-fruits. —Cette section comprendra toutes les plantes herbacées cultivées pour leurs fruits, soit qu'on les mange crus, soit qu'on ne les emploie qu'après les avoir fait cuire, comme les courges, les melons, les tomates, ete. Toutes ces espèces constituent l’une des richesses horti- coles les plus estimées des Chinois : aussi leurs mar- chés sont-ils, dans certaines saisons, littéralement obstrués de fruits de cette nature, parmi lesquels ceux de la fàamille des Cucurbitacées occupent une large place. Les voyageurs vantent certaines variétés de melons qui égalent au moins, si elles ne les surpassent, celles que nous possédons en Europe. Un missionnaire connu dans la science autant que dans les annales de la propagande ca- tholique, M. Voisin, qui, durant un long séjour — 197 — en Chine, apprit à en apprécier les ressources alimentaires, nous à parlé aussi de certaines cour- ses d'une grande dimension, remarquables sur- tout par la consistance de leur chair et par leur ri- chesse en fécule (1). Ce serait, mais sous un volume quatre ou cinq fois plus considérable, l’analogue de la nouvelle variété connue chez nos maraîchers sous le nom de Courge pain-du-pauvre, où , d’après les expériences de M. Louis Vilmorin, l’iode fait décou- vrir une forte proportion de fécule. Plusieurs autres cucurbitacées se cultivent avec celle-ci dans les pro- vinces méridionales , mais sont moins connues. Les tomates et les aubergines, si importantes dans le jardinage potager du midi de l’Europe, sont éga- lement en honneur dans les marais de Paris, quoique le climat leur soit peu favorable. Il en existe une très-grande variété dans les provinces méridionales de l'empire chinois. LÉGUMES DIVERS ET N'AYANT PAS D’ANALOGUES DANS LE JARDINAGE EUROPÉEN. Les espèces qui composent cette section sont très- différentes les unes des autres, et mériteraient cha- (1) Cette courge oblongue, à peu près de la forme du fruit des Benincasa ou coufges à cire, a plus d’un mètre de long sur 30 à 40 centimètres de diamètre. — 128 — cune d’être traitées dans un chapitre particulier mais le cadre restreint de cet opuscule ne nous per- met pas même de les signaler toutes; nous ne dirons que quelques mots des plus importantes. 1. — Caladium.— On cultive dans presque toutes les régions chaudes ou tempérées-chaudes, diverses espèces de Caladiums, plantes analogues à notre Arum vulgaire pour les tubercules de leurs racines, qui renferment plusieurs variétés des fécules les plus délicates que l’on connaisse, telles que l’A4r- row-root et le sagou, dont le commerce européen tire un si grand parti. L'Égypte a le Caladium co- locasia, qui n’est pas la colocase des anciens, et qu’elle a emprunté à l'Inde ; la Nouvelle-Zélande cul- tive le T'aro(Caladium esculentum), qui se retrouve dans un grand nombre d'îles de l'Océan Pacifique, dans l’Inde et dans les provinces méridionales de la Chine. On ne cultive encore aucune espèce de Cala- dium dans les parties les plus méridionales de la France, mais deux ou trois se sont déjà naturalisées en Algérie, et nous avons vu figurer leurs tu- bercules à l’exposition des produits de l’industrie française, où M. Hardy les avait envoyées avec d’au- tres produits de la culture algérienne. Ce fait annonce — 129 — clairement que beaucoup d’autres espèces s’y accli- materaient de même; nous oserions presque assurer que toutes celles qui sont cultivées en Chine y pros- péreraient, grâce à cette analogie du climat d'Alger avec celui de Canton, que nous croyons avoir dé- montrée par les relevés météorologiques cités plus haut. 2.—Nelumbium.—Les Nelumbiums ou nélombos sont autant des plantes d'ornement que des plantes potagères. Ils croissent dans les eaux courantes ou dormantes à la manière de nos nénuphars, dont ils approchent par l’organisation. La colocase des anciens qui croissait dans le Nil est de toute évi- dence un nelumbium, comme l'indique clairement la phrase descriptive de Théophraste, et, dès cette époque reculée, les graines en étaient récoltées pour les usages alimentaires. Les Chinois en ont aussi quelques espèces dont ils se servent pour utiliser les lacs et les étangs. Les graines de ces plantes don- nent une farine très-estimée. 3.— Trapa bicornis.—Nous avons en Europe une plante de ce genre, le Trapa natans, dont les fruits connus sous le nom de Châtaignes d’eau, Cornuelles, Cornes du diable, contiennent une pulpe farineuse qui les fait rechercher dans quelques provinces. 9 — 130 — Cette plante est trop négligée. L'espèce chmoise qui, botaniquement, diffère peu de la nôtre, lui est supé- rieure pour le volume et la qualité des fruits; elle mériterait d’être cultivée en Europe, où elle servi- rait avec les nélombos à tirer parti des eaux sta- gnantes aujourd’hui improductives. 4.—Tqnames (Dioscorea).—Les ignames ou yams sont fort estimées dans toutes les régions tropicales pour l'excellence de la fécule qu'on retire de leurs volumineux tubercules. On a vainement cherché à les acclimater en Provence, où la chaleur n’est pas tout à fait suffisante, mais elles réussissent déjà bien à Alger. La question serait de voir st, parmi les va- riétés que l’on cultive en Chine, il ne s’en trouverait pas de plus rustiques que celles que lon a déjà im- portées. Dans tous les cas, on peut considérer d’a- vance comme acquises à l’horticulture espagnole et algérienne toutes celles qu’on élève dans les pro- vinces de la Chine. CHAMPIGNONS. Les champignons entrent pour leur part dans l'alimentation des Chinois, mais ils n’en font pas un moindre usage dans leur thérapeutique. [ls en cultivent, comme nous, une espèce qui diffère cer- — 131 — tainement de la nôtre, puisqu'elle exige dans sa culture le fumier de bœuf ou de buffle, tandis que celle d'Europe ne réussit dans nos jardins qu'avec le fumier de cheval. Lorsqu'on tient compte du grand développement que la culture du champignon de couche à pris en France, en Belgique et en Angleterre, mais surtout autour de Paris, où cette industrie fait vivre plusieurs centaines de familles (1), on conçoit combien pourrait être intéressante pour notre horticulture l'introduction d’une ou de plu- sieurs nouvelles espèces, peut-être supérieures à celles que nous cultivons. indépendamment de leur champignon cultivé, les Chinois savent tirer parti des espèces sauva- ges, qu'ils semblent avoir étudiées avec un grand soin, Dans l'Encyclopédie #7 F# Ë 2; un long chapitre est consacré à cette étude; on s’attache à faire connaître les signes caractéristiques qui différencient les bonnes espèces des espèces vé- “ néneuses , et à indiquer les emplois divers aux- (4) On sait que la plupart des carrières abandonnées qui se trouvent aux alentours de Paris ont été converties en cham- pignonnières par les maraïchers. On estime que la totalité des meules que contiennent les carrières, si elles étaient placées à la suite les unes des autres, n’occuperaient pas moinsde 120 à 430 kilometres de développement. — 132 — quels chacune d'elles peut être appliquée. Les au- teurs chinois les divisent en deux catégories prin- cipales : les champignons qui croissent sur la terre et ceux qui croissent sur les arbres. « On doit éviter de manger des champignons au printemps, ajou- tent-ils, car ils causent souvent à cette époque des maladies cutanées. » On donne aussi de nombreux préceptes sur la culture de l’espèce domestique, dont la cendre et de fréquents arrosages favorisent le développement. Dans le À = nous trouvons sur les champi- gnons de nouveaux détails qui complètent ceux que donne l'Encyclopédie. La multiplication des champignons s’opère en Chine comme chez nous, par le mycelium, connu des jardiniers sous le nom de blanc. On mêle ce mycelium avec différentes substances ; on l’en- fouit dans la terre, et en l’arrosant copieusement avec l’eau qui a servi à laver le riz, on récolte des champignons au bout de deux ou trois jours. Si cette rapidité de croissance n’est pas exagérée, l’es- pèce chinoise aurait au moins sur nos champignons de couche l'avantage de la précocité, puisque ces derniers ont besoin de quarante et cinquante jours pour se développer. — 133 — Nous pourrions étendre beaucoup cette liste de plantes cultivées; mais le peu que nous en avons dit, suffit pour montrer l'importance des emprunts en espèces jardinières à faire au Céleste-Empire, et l'analyse de l'Encyclopédie chinoise, placée à la fin de ce volume, achèvera d’en esquisser la nomencla- ture, en donnant sur certains légumes exotiques des détails que nous ne saurions placer ici sans crainte de nous répéter. Arbres fruitiers. L'examen des arbres fruitiers cultivés en Chine, nous inspirera les mêmes réflexions que nous avons déjà faites à propos des plantes potagères. Le nombre en est fort grand, car, indépendamment de la plupart de nos espèces européennes, les Chinois en cultivent un grand nombre d’autres, soit originaires de leur pays, soit empruntéesà des contrées plus chaudes. Il faut avouer toutefois : leurs connaissances en = fie arboriculture ne sont pas aussi avancées qu’en jar- dinage potager. Sans doute les Chinois pratiquent comme nous les opérations de la taille et de la greffe, mais ils n’ont pas poussé aussi loin que les Européens cette entente des soins réclamés par les arbres fru- tiers, qui donne, sous ce point de vue, aux jar- diniers de l’Angleterre, de la France et de PAlle- magne, une supériorité incontestable. Nous n’avons que des notions fort incomplètes sur l’arboriculture des Chinois, nous savons seulement qu'ils ont comme nous le poirier, le pommier, le pé- cher, et autres arbres à fruits si communément eul- tivés chez nous; nous savons encore qu’ils possè- dent plusieurs espèces analogues, c’est-à-dire ap- partenant aux mêmes genres, et dont quelques-uns même sont déja arrivés en Europe; mais ce qu’il nous importerait surtout de connaître et de nous approprier, ee sont les nombreuses variétés d'arbres à fruits cultivables en France et les espèces méri- dionales encore inconnues à nos arboriculteurs, dont l’acclimatation serait possible en Algérie, en Es- pagne et même en Îtalie. Voici une liste abrégée des principales espèces ou variétés cultivées dans les provinces les plus chaudes de l'empire : À. — Xylopia. — Plusieurs arbres où arbrisseaux — 135 — de ce genre produisent de délicieux fruits, connus des Anglais sous le nom de Custard-Apples ; on les retrouve dans l’Inde et jusque dans l'Amérique mé- ridionale sous différents noms. 2. — Jujubiers. — Plusieurs espèces ou variétés sont cultivées par les Chinois ; nous les connaissons peu. Un arbrisseau de la même famille, le Sageretia theæzans, est en quelque sorte une succédanée de l'arbre à thé pour les classes les plus pauvres, qui dessèchent ses feuilles et en boivent l’infusion. 9.—Diospyros kaki.— Arbre dont le fruit est mé- diocre comme fruit de table, mais qui est fréquem- ment usité pour la confection de conserves et comme astringent. On le cultive avec succès en Provence, où ses fruits commencent à se vendre sur les mar- chés. Il serait utile de rechercher des variétés préfé- rables à celles que nous cultivons. 4, — Fiquiers, —La Chine cultive une grande va- riété de figuiers dans ses provinces méridionales, variétés à peine connues des Européens, qui ne fré- quentent que les ports. Bien que nous ayons déjà d'excellentes figues dans le midi de l'Europe et même dans le Languedoc et la Provence , il ne serait pas sans intérét ni utilité d'étudier les espèces chi- — 136 — noises, ét d'importer en Europe celles qui se distini- guent par leur mérite ou par quelques particularités de leur végétation. Peut-être y trouverait-on des races plus robustes, plus rustiques que celles d'Eu- rope, moins exposées par conséquent à périr par la gelée, comme cela arrive de temps en temps dans le midi , ainsi que nous l'avons vu durant le rude hiver de 4839, où presque tous les figuiers du Languedoc furent gelés jusqu'à la souche. , 5. — Vigne. — La vigne est connue à la Chine de- puis une haute antiquité , mais elle n’y a pas été l’ob- jet des mêmes soins qu'en Europe ou dans l'Asie occidentale. Les Chinois font peu de vin de raisin; ils cultivent la vigne pour en manger le fruit ; et les voyageurs s'accordent à nous dire qu’il en existe de nombreuses variétés. On sait quel intérêt s’attache aujourd’hui à l’étude des cépages. C’est surtout depuis la publication du traité d’Ampélographie de M. le comte Odart que les viticulteurs tournent leurs vues vers l'amélioration des races qui, semblerait-il, dégénèrent avec le temps, soit par suite du mode de multiplication, qui se fait toujours par bouturage ou marcottage, soit parce que ces races restent un trop grand nombre de générations sur le même sol. L'étude de WT: pe notre industrie vinicole fait voir en effet que la plu- part de nos meilleurs cépages ont été empruntés à l'étranger ; quelques autres ont été dus au hasard, sans qu’on sache trop à quoi attribuer leur origine. Quoi qu'il en soit, les expérimentateurs se sont mis à faire des semis dans l’espoir de créer par cette voie, si féconde pour d’autres branches de culture, de nouvelles races propres à remplacer celles qui ont dégénéré ou menacent de disparaître, comme aussi d’en trouver qui conviennent mieux à tel climat ou à tel sol que celles que l’on y cultive aujourd’hui. Nous ne craignons pas d'avancer à priori que la Chine offrirait sous ce rapport un grand intérêt. On ne peut guère douter qu'avec ses climats exces- sifs autant que variés, elle n’ait imprimé à la vigne des modifications profondes, se traduisant au-de- hors par des propriétés diverses qu'il appartient à l’agriculteur d'apprécier et d'utiliser. Sans préjuger à l’avance les qualités de ces diverses races, on peut supposer, presque à coup sûr, que l’industrie chi- noise a su en créer ou en découvrir dont l’introdue- tion en Europe rendrait des services à notre agri- culture, soit en fournissant de bons cépages pour la fabrication du vin, soit en nous procurant des espèces de table propres à accroître nos richesses — 138 — viticoles, et peut-être à faire disparaitre de nos jar- dins beaucoup de variétés médiocres qu’on y con- serve seulement faute de mieux. Tous les cultiva- teurs d'espèces fruitières savent combien les vignes du nord de la France laissent encore à désirer sous le rapport de la quantité et des produits. 6.—Oranges, Limons, Citrons, ete.—Aucun pays du monde peut-être ne renferme autant d'espèces et de variétés cultivées de la belle famille des Hespéri- dées que la Chine (1). Remarquons cependant qu'on ne les cultive guère que jusqu’au 50° degré de lati- tude, qui semblerait correspondre au 45° pour l'Eu- rope occidentale , et en particulier pour la France. il existe toutefois un petit nombre d'espèces rusti- ques et indigènes qui s’avancent beaucoup plus loin vers le nord, et y bravent impunément des froids ri- goureux. Tel est, par exemple, l'espèce de petit ei- tronnier connu sous le nom de Kum-Quat, envoyé récemment en Europe par M. Fortune, et que l’on espère voir s’acclimater en Angleterre. Ce n’est, il est vrai, qu'un arbuste d'ornement ; mais 1} prouve qu'il peut exister dans cette famille des espèces ré- (1) Entre autres emprunts déja fait à la Chine, dans la famille des Hespéridées, nous citerons la belle orange mandarine, cultivée à Malte et dans d'autres localités du midi de l'Europe. — 139 — sistantes au froid; et peut-être, st l’intérieur de la Chine avait été mieux observé au point de vue des produits du sol, y aurait-on découvert des races d’o- angers ou de citronniers cultivées bien au-delà de la limite que nous leur avons assignée tout-à-lheure. Mais laissant ce côté problématique de la ques- tion, il n’en demeure pas moins établi que les pro- vinces méridionales récoltent des oranges exquises et très-variées. Un horticulteur versé dans la con- naissance de ce genre d'arbres, y trouverait un riche répertoire où il pourrait puiser abondamment pour toute l’Europe méridionale et pour l’Algérie. 7.— Li-ichi, — Si nous nous en rapportons aux récits des voyageurs et aux témoignages des auteurs chinois, les fruits désignés en Chine sous le nom de Zi-tchi sont non-seulement les plus estimés dans tout l'empire, mais les meilleurs que l’on connaisse ; à moins qu'on ne leur donne pour rivaux les ba- nanes ou les fruits du mangoustan de l'Inde. Il existe plusieurs espèces de Li-tchi, toutes rap- portées par les botanistes les plus modernes au genre Nephelium de la famille des Sapindacées, et décrites dans des auteurs plus anciens sous les noms de Dimocarpus et d Euphoria. À cette famille, se rattachent également les Prerardia sativa et — 140 — dulcis qui produisent les fruits connus dans la Ma- laisie continentale sous le nom de ÆRambeh et de Choupa, ainsi que l'Hedycarpus malayanus, dont les fruits très-estimés aussi sont appelés Tampur dans le même pays. Les Chinois distinguent par les noms de Li-tchi et de Long-yen, deux espèces principales qui se subdi- visent elles-mêmes en plusieurs variétés, et aux- quelles ils en associent une troisième connue aux Indes sous le nom de /{ambutan. lei, comme dans tout le reste de leur nomenclature botanique, il règne une grande obscurité qu'on n’éclaircira que par l'étude des espèces faite sur les lieux; mais ce qui nous intéresse le plus, c’est de savoir jusqu’à quel point l’acclimatation de ces espèces, cultivées dans les provinces méridionales de la Chine, est possible chez nous. Si l’on a présente à l'esprit la comparai- son que nous avons faite des climats de Canton et d'Alger, on ne pourra guère mettre en doute que les Li-ichi et les Long-yen ne doivent prospérer en Afrique, où l'hiver est remarquablement plus doux que sur la côte méridionale de l'empire chinois. La même remarque s'applique à l’Andalousie, à la Si- cile, et probablement aussi à la pointe la plus avan- cée vers le sud de l'Italie. — AH — 8. — Bananiers. — Les services que rend le ba- nanier dans les climats chauds sont trop connus pour que nous insistions longtemps sur l'utilité de sa cul- ture en Algérie. Il nous suffira de rappeler que les fruits de certaines espèces ont une saveur exquise, et que quelques autres, gorgés de fécule comme la pomme de terre, sont préparés en guise de pain par les montagnards desAndes. Les fibres des feuilles et des tiges sont employées dans l'Inde à confectionner des mousselines d’une extrême finesse. Le bananier, comme plante textile ou comme plante alimentaire, est donc également digne d’intérêt, et lors même que le climat de notre possession d'Afrique ou celui de l'Espagne méri- dionale ne suffirait point pour assurer de bonnes récoltes de fruits, sa culture présenterait encore des avantages réels. Nous avons vu qu’en Espagne le bananier se montre déjà sous le 39° degré dans les jardins de Valence, où ses fruits ne müûrissent pas encore, il est vrai. À Carthagène, à Grenade, à Malaga, et dans les autres villes situées à la même latitude, les fruits, quoique petits et.très-sujets à couler au moment de la floraison, commencent cependant à müûrir; la plante atteint des proportions qui suffiraient déjà — 142 — pour en assurer la culture au point de vue de l’in- dustrie. Au jardin d’acclimatation d'Alger, M. Hardy, dont nous avons rapporté plus haut les essais et les ob- servations météorologiques, cultive en grand l’es- pèce de bananier connue des botanistes sous le nom de Musa paradisiaca, qui s’y développe aussi ma- jestueusement qu'aux Antilles. Cette espèce y fleurit et donne des fruits qui, pour la saveur, ne laissent rien à désirer; mais, de même qu’en Andalousie, ces fruits restent petits, et il en tombe un grand nombre au moment de la floraison. En portant la culture du bananier à deux ou trois degrés plus au sud, on obtiendrait certainement des résultats tout à fait satisfaisants ; ceci ne peut venir ilest vrai qu'avec Jes progrès de la colonisation du pays. Les Chinois cultivent plusieurs espèces ou variétés de bananiers. Cinq d’entre elles ont été remarquées surtout par les Européens, qui les ont appelées : Bananier commun , Bananier vert, Bananier à fruits triangulaires, Bananier à peau fine, Ba- nanier nain. Cette dernière variété est sans doute celle qui figure dans nos serres sous les noms de Bananier de la Chine et de Musa sinensis ou Musa Cavendishii. Ses fruits sont fort estimés, — 143 — et la plante joint à ce premier mérite celui de ne s'élever guère qu'à 1,60 ou tout au plus à 2», tandis que les bananiers ordinaires ( Musa paradi- siaca, Musa sapientum, etc ) s'élèvent ordinaire- ment à 4 ou à mètres. C’est la grande taille des anciennes espèces de bananiers qui a empêché leur culture de devenir, comme celle de l’ananas, un objet de spéculation horticole autour des grands centres de population de l’Europe ; ainsi en Angleterre, tandis qu'il se con- somme une immense quantité d’ananas récoltés dans le pays, presque toutes les bananes qui paraissent sur les tables de l'aristocratie sont apportées des An- tilles, où il faut les cueillir avant qu’elles n’aient atteint leur maturité complète, afin de les conserver pendant le voyage. En effet, de cette haute taille des bananiers résulte la nécessité d’élever les serres à des proportions que les ressources des horticulteurs marchands ne leur permettent pas d’atteindre; la reine Victoria et quelques amateurs millionnaires ont pu seuls, jusqu'ici, se donner le luxe des serres à bananiers qui, tout calcul fait, coûtent beaucoup plus qu’elles ne rapportent. Lors de l'introduction en Europe de l’espèce naine de la Chine, nos jardiniers conçurent l'espoir d’as- — 148 — socier cette nouvelle culture à celle des ananas qui se développent dans des serres basses, et ils multi- plièrent leurs essais dans ce but. Malheureusement, la plante, tout en se développant à merveille, se met difficilement à fruits; le temps qu’elle exige pour ar- river à ce résultat est trop considérable et par con- séquent les frais de chauffage trop élevés pour qu’on puisse espérer des bénéfices de sa culture en serre. Nous devons dire toutefois qu’il y a deux ou trois ans, un horticulteur des environs de Paris annonçait avoir obtenu en quatorze mois le développement complet et la fructification du bananier de la Chine. Nous ignorons s’il a pu renouveler avec succès la même expérience, mais nous doutons que cette musacée devienne, sous notre climat, l’objet d’une exploitation avantageuse, tant qu’on n'aura pas im- porté une variété plus hâtive et moins rebelle à nouer ses fruits. Comme on le pense bien, l'essai de la culture du bananier nain a été fait à Alger. En juillet 1849, il en existait 300 pieds au jardin d’acclimatation. Il est impossible, nous écrivait-on, de rien voir de plus florissant que cette plantation, et cependant nous ne pouvons pas obtenir de voir nouer les fruits ; ils tombent invariablement après la floraison, — 145 — soit par suite de la fraicheur des nuits, soit par l'effet du brouillard qui s'élève de la mer et que le vent promène fréquemment sur le jardin, soit enfin par toute autre cause. [l y aurait encore de longs essais à faire pour tirer de cette plante tout le parti qu’on serait en droit d'en attendre, mais nous pensons qu'on n’obtiendra rien de positif avant d’avoir étu- dié attentivement, dans les contrées où elle est in- digène, les conditions de terrain, d'exposition et de climat qui lui conviennent pour en faire une plante réellement utile. 9.— Mangou.— Nous rangerons encore parmi les productions importantes de la Chine les Mangous ou Mangiers (Mangifera indica), arbres de la fà- mille des Térébinthacées, et qu'il importe de ne pas confondre avec les Mangoustans (Garcinia Mun- gostana), qui ne sont peut-être pas cultivés à la Chine. Le nom d’Indica donné au Mangou par les botanistes indique sa patrie primitive; c’est un arbre de l'Inde, mais qui, de même que beaucoup d’autres, a pu passer dans des régions moins chaudes, où, par le secours de l’homme, il brave les intempé- ries des saisons. Ses fruits Sont aussi estimés dans le midi de la Chine que ceux du pêcher dans l’Europe centrale et tempérée. Plusieurs missionnaires, entre 10 HAIGE autres M. l'abbé Voisin, nous ont même assuré que leur saveur était bien supérieure à celle de nos meilleures pêches. Indépendamment de ces fruits, le Mangou donne des produits secondaires qui ne sont pas sans uti- lité au point de vue médicinal. Son écorce, particu- lièrement celle de la racine, renferme un principe aromatique et amer, employé avee le plus grand succès par les médecins européens de l'Inde contre les maladies qui dépendent du relâchement des mem- branes muqueuses , maladies si fréquentes dans les climats chauds; les jeunes feuilles sont estimées comme pectorales, les vieilles employées comme dentifrice ; enfin une résine particulière, qui découle de la tige de l'arbre, est, dit-on, un antisiphyli- tique éprouvé. Nous n’avons pas de documents attestant d'une manière positive que le Mangoustan (Garcinia mangostana) soit cultivé en Chine comme le Man- gier, qui est presque du même pays; toutefois nous aurions peine à croire que le plus célèbre de tous les arbres fruitiers de l'Inde, et pour mieux dire du monde entier, n’ait pas été transporté et accli- maté dans la Chine, même depuis une haute anti- quité. Sans faire ici l'éloge de ces fruits, suffisam- — 147 — ment connus dés personnes qui ont habité entre les tropiques, nous émettons l’idée que si le Man- goustan est acclimaté en Chine depuis longtemps, il a dû s’y former des races plus rustiques que celles qui existent aujourd’hui dans l'Inde, plus ca- pables par conséquent de s’avancer vers le nord. Dans tous les cas, rappelons ce fait capital en ar- boriculture , que le palissage des arbres sur un mur tourné au midi produit l'équivalent d’une avance de sept degrés vers le sud, et que nombre d'arbres à fruits de l’Inde, des Antilles et de l'Amérique mé- ridionale, qui ne réussiraient pas en plein air dans le midi de l'Espagne ou le nord de l'Algérie, y fruc- tifieraient abondamment s’ils y étaient soumis à la taille et au palissage qu’on applique dans le nord de la France et en Angleterre à quelques arbres fruitiers. C’est à l’aide de ces deux procédés qu'on obtient, presque sous le 49 degré, les admirables pêches de Montreuil, supérieures peut-être pour le volume, la beauté et la qualité, à tout ce que produit la Perse, patrie primitive du pêcher. Si nous ne craignions pas de trop nous écarter du but de cette publication, nous nous arrêterions ici un instant pour essayer de peindre le bel avenir réservé à l’horticulture algérienne, dès qu’elle aura — 148 — introduit chez elle ces innombrables races d’arbres fruitiers originaires des tropiques, et qu’elle aura trouvé dans les cités populeuses de la France, de l'Angleterre et de l'Allemagne, un immense dé- bouché pour ses produits. Nous ne nous étendrons point davantage au su- jet de la pomiculture chinoise; un grand nombre d’autres espèces mériteraient assurément d'être si- gnalées à l’attention des économistes et des agro- nomes; mais, ne nous étant point proposé d'écrire un livre technique, le peu que nous avons réuni dans ces quelques pages suffira pour donner un aperçu du jardinage chinois, et faire comprenare combien l’hor- ticulture européenne serait intéressée à ce que quelques hommes pratiques allassent observer de près celle de la Chine, qui leur offrirait à exploiter une mine inépuisable d’observations et de ri- chesses. — 149 — EV. - Plantes industrielles et Bois de construction, PLANTES INDUSTRIELLES. — À part quelques es- pèces d’une importance capitale pour les arts et pour l’industrie chinoise, nous savons fort peu de chose des nombreuses plantes industrielles sur les- quelles les missionnaires appelaient déjà notre at- tention au commencement du siècle dernier. Plu- sieurs d’entr’elles, telles que l'arbre à cire, l’arbre au suif, l’arbre au vernis, etc., mériteraient peut- être qu'on recueillit à leur égard des renseigne- ments plus précis que ceux que l’on possède; mais dans l’état actuel des choses, nous devrons nous borner à parler des végétaux qui nous sont le mieux connus. ? 1.— Mriers et autres arbres servant à nourrir des vers fileurs. — Le mürier, base de cette grand industrie séricicole créée par les Chinois, occupe as- surément le premier rang parmi leurs plantes in- dustrielles ; mais, après les nombreux et intéressants Mémoires qu'ont écrit sur le mürier MM. Robinet — 150 — et Camille Bauvais; après, surtout, le beau travail publié en 4837 par M. Stanislas Julien, sous le titre de : Résumé des principaux Traités chinois sur la culture des müriers et l’éducätion des vers à soie, ce serait une témérité à nous d'aborder ce sujet. Toutefois nous croyons pouvoir constater que si, grâce aux efforts de ces hommes spéciaux qui ont consacré tous leurs soins au perfectionnement de la sériciculture, cette industrie paraît être arrivée chez nous depuis quelques années à un point tel, que l’on ait désormais peu de chose à emprunter aux Chinois, c'est surtout par létude approfondie de leurs méthodes et de leurs minutieuses pratiques que l’on est parvenu à rivaliser avec eux, après être si longtemps demeuré en arrière (1). L'importance de ce résultat et la manière dont on l'a obtenu, nous conduiront tout naturellement à (1) M. Camille Beauvais pense même que nous sommes join de posséder encore l’habileté des Chinois en matière de sérici- culture. Voici quelques phrases extraites de son introduction à l'ouvrage traduit par M. Stanislas Julien; introduction que le ministre de l’agriculture et du commerce l'avait chargé de rédiger : « . . : . . . Quelle que soit l'opinion des éleveurs et des savants qui liront cette publication, je crois qu'elle restera tou- jours comme un témoignage de la supériorité des Chinois dans tous les détails pratiques qui embrassent la vie des vers à soie, et des résultats surprenants auxquels ils sont parvenus. — 151 — éveiller l'attention sur un complément de l'art séri- gène proprement dit, auquel les Chinois attachent un grand prix, et qu'on n’a pas encore suffisamment étudié en Europe. Nous voulons parler de trois espèces de vers dont les cocons sont utilisés en Chine depuis la plus haute antiquité, et qu'on laisse cependant vivre à l'état sauvage , comme les chenilles ordinaires, sans autre soin que celui de conserver les œufs et de déposer les jeunes larves sur les arbres qui doivent les nourrir. Ces vers sont fort distincts de l'espèce domes- tique; ils en diffèrent par la forme , les couleurs et les proportions, aussi bien que par les habitudes et les produits. C’est au Père d’Incarville, missionnaire jésuite, et habile observateur, que nous en devons la première connaissance. Sa note à ce sujet, pu- bliée dans la collection des mémoires des mission- naires de Pé-king, date de l’année 1777, époque où la sériciculture commençait à peine à se faire jour en Europe, et où l’on ne pouvait donner par &. . .. . . . . . . J'ajouterai un dernier fait pour don- ner en peu le mots une idée de la supériorité incontestable des méthodes des Chinois sur celles des Européens. C'est qu'ils perdent à peine un ver à soie sur cent, tandis que chez nous la mortalité dépasse de beaucoup cinauante pour cent.» — 152 — conséquent qu'une médiocre attention à cette décou- verte ; mais depuis que l’éducation des vers à soie est devenue chez nous une grande industrie , les agro- nomes, les savants se sont préoccupés de ces nou- velles races, et, lors de la dernière ambassade, en- voyée en Chine sous la direction de M. de Lagrenée, il fut recommandé d’une manière toute particulière aux membres de la commission scientifique de prendre à ce sujet de nouveaux renseignements, et de faire parvenir en France des graines de ces vers avec les plantes nécessaires à leur alimentation. La commission aura sans doute été dans l’impos- sibilité de se procurer des races qui ne se rencontrent point au voisinage de la côte, car nous ne sommes guère plus avancés aujourd’hui à l'égard des vers sauvages que nous ne l’étions au temps du P. d’In- carville; c’est à peine si l’on sait à quel genre ap- partiennent ces trois espèces dans la famille des lépidoptères, et il règne encore plus d’obseurité sur la détermination des espèces végétales qui servent à leur nourriture. Nous n’entreprendrons pas de rapporter ici tout au long le mémoire du P. d’Incarville. Il occuperait trop de place, et d’ailleurs on pourra le lire dans Ïa collection des mémoires que nous citions plus — 153 haut (1), ou dans le livre de M. Stanislas Julien, qui en reproduit la partie la plus intéressante; nous croyons cependant que ceux de nos lecteurs qui n'auraient point ces deux ouvrages sous les yeux nous sauront gré d’en extraire quelques passages pour leur donner une idée des vers sauvages, et leur faire pressentir les avantages à retirer de leur im- portation en France. Nous y joindrons les nouveaux documents fournis tout récemment par un mission- naire du Puy en Velay, qui habitait la Chine depuis douze ans, et qui avait étudié avec un grand soin l’une des trois espèces décrites par le P. d’Incarville. Commençons par donner quelques fragments de l'analyse de ce dernier mémoire, telle que nous la trouvons dans la collection mentionnée plus haut. « On compte, dit le P. d’Incarville, trois espèces de vers à soie sauvages, savoir ceux de Fagara ou poivrier de la Chine, ceux de frêne et ceux de chêne. Avant d’entrer dans aucun détail, il est es- - sentiel de bien faire connaître ces trois arbres. » « Nous avons appelé Fagara le poivrier de la Chine, d’après le P. d’Incarville, ajoutent les édi- teurs du mémoire de ee savant jésuite. Il paraît en effet lui ressembier, mais nous doutons que ce soit la (4) Mém. des Missionnaires de Pé-Kinq, tome IT, page 575 — 154 — même espèce (1). Comme cet arbre est d’une eul- ture aisée et très-commun dans la province de Canton, où abordent nos vaisseaux, il serait facile d’en porter quelques pieds en France ; outre que les graines et surtout leurs coques peuvent teur heu de poivre, ce qui serait un objet important pour le royaume, les vers à soie de cet arbre sont ceux qui donnent la plus belle soie et en plus grande quan- tité. Sur la manière dont M. Duhamel, cet illustre zélateur du bien publie, a parlé du Fagara, il nous paraîtrait fort douteux que celui de Chine pôt réussir dans les provinces septentrionales du royaume ; mais nous sommes persuadés qu'il réussi- rait très-bien dans la Provence, en Languedoc et dans le Roussillon (2). « On distingue en Chine deux espèces de frêne, savoir le Zchéou-tchun et le Hiang-tchun. Le Tchéou tchun est le même que le nôtre, et c’est ce- (1) Selon toutes les probabilités, ce poivrier est un Xanthoxy- lum (Fagara de Lamarck) ; dans la plupart des régions chaudes où ces plantes sont indigènes, on leur donne le nom de Poi- vriers, bien qu'elles diffèrent essentiellement des vraies Pipé- racées qui fournissent le poivre du commerce. (2) Nous pouvons ajouter aujourd'hui que l'Algérie offrirait de toutes manières infiniment plus de chances de succes. — 195 — lui sur lequel on nourrit les vers à soie sauvages. Le Hiang-tehun est fort différent du premier par sa fleur, sa graine et surtout son odeur, comme on le verra dans la notice que nous en envoyons. Nos mo- dernes se sont peut-être trop pressés de se moquer de ce que Pline le naturaliste a dit du frêne (1); nous ne serions pas surpris que le Hiang-tchun le justifiät complètement. Le compas de l'Europe n’est pas en- core assez grand pour mesurer l'univers. Que de mondes dans le monde des plantes et des arbres! Celui de Chine, qui est immense, ne sera peut-être pas connu en Occident de bien des siècles. « Le chêne dont on nourrit une espèce de vers sauvages est, si nous ne nous trompons, celui que nos botanistes nomment Quercus orientalis Casta- neæ folio, glande reconditä an capsulé crassé et squamerost. « Les vers à soie sauvages du fagara et du frêne sont les mêmes et s'élèvent de la même façon. Ceux de chêne sont différents et demandent à être gou- vernés un peu différemment. (1) Pline raconte dans son Histoire naturelle, que les habi- tants de l’île de Cos filaient la soie des chenilles du Terébinthe, du Chéne et du Cyprès, pour en fabriquer des étoffes, regardées comme très-précieuses, à une époque où le ver à soie de la Chine n'était pas encore connu en Europe. — 156 — « La grande et essentielle différence entre les vers à soie du mûrier et les vers à soie sauvages, c’est que le créateur s’est plu à donner à ces derniers un génie de liberté et d'indépendance absolument indompta- ble; le flegme, le sangfroid et l’industrie chinoise y ont échoué : il serait donc inutile de vouloir risquer de nouvelles tentatives. » « Le papillon de ces vers sauvages, dit le père d'Incarville, est à ailes vitrées, de la cinquième classe des Phalènes, selon le système de M. de Réaumur. Il porte ses ailes parallèles au plan de sa position, et laisse son corps entièrement à décou- vert; il ne les a guère plus étendues quand il vole que lorsqu'il est posé. Ce papillon a à peine ses ailes séchées qu’il cherche à en faire usage et à s'enfuir. » 0 Q e . . . . . . 0 ° . . . . . . . . « La nature apprend à ces petits vers à gagner vite les feuilles de l'arbre qui doit les nourrir, et à s’y réunir dans le même canton sur différentes feuilles , comme pour y faire corps et effrayer leurs ennemis par leur nombre. Ils ont même l’attention de se loger sous l'envers des feuilles, où ils se tiennent accro- chés à merveille, et où il est plus difficile de venir les attaquer. À peine se sont-ils séchés et accoutumés à l'impression de l'air, qu'ils se mettent à manger de bon appétit et attaquent les feuilles du fagara ou du frêne par les bords, les entament et les broutent sans presque se reposer. « Le premier jour, préci- sément, que j'avais porté mes vers nouveau-nés sur l'arbre , dit le père d’Incarville, il survint tout- à-coup une grande pluie qui me donna beaucoup d'inquiétude pour leur vie. Je crus que c’en était fait d'eux, et qu'aucun n'aurait résisté aux tor- rents d’eau qui étaient tombés. Dès que l’orage fut passé, j’allai voir si j’en trouverais encore quelqu'un. Je les trouvai qui mangeaient de grand appétit et avaient déjà sensiblement grossi. » > . L L LI . . . . . . . e . . . . . . . . . . «Les quatre mues étant passées, et elles s’opèrent, comme nous l'avons dit, de quatre jours en quatre jours, le ver à soie sauvage a presque toute sa crue ; il est plus gros du double au moins que les vers à soie du mürier. C’est une chenille de la première classe , selon le système de M. de Réaumur, elle est d’un vert mêlé de blanc, imparfaitement rase, à six tubercules sur chaque anneau. , Les: poils de ces tubercules sont chargés d’une espèce de poudre blanche. Après le dix-huitième jour ou le — 158 — dix-neuvième, les vers à soie sauvages perdent tout appétit et passent successivement d’une morne apathie, où d’un engourdissement, à des inquié- tudes ét une agitation très-vives. Îls courent çà et là, comme s'ils craignaient de se méprendre dans le choix qu’ils vont faire d'une feuille et d’un endroit pour filer leur cocon et préparer leur résur- rection de l’année suivante. C’est ordinairement entre le dix-neuvième et le vingtième jour depuis leur naissance qu’ils commencent ce grand ouvrage. Soit pour avoir de quoi arrêter les premiers fils du tombeau qu’il va se bâtir, soit pour en augmenter épaisseur et la solidité, il recoquille une feuille en gondole et s’enferme dedans, sous la trame de la soie qu'il file, dont il finit par former un cocon de la grosseur d’un œuf de poule et presque aussi dur. Ce cocon a l’une de ses extrémités ouverte en forme d’entonnoir renversé ; c’est un passage préparé pour lé papillon qui doit en sortir. Avec le secours de la liqueur dont il est mouillé, et qu'il dirige vers cet éndroit, les fils humectés cèdent à ses efforts, ef il perce Sa prison lorsque le temps en est venu. « En rassemblant tout ce que nous venons de dire, il. est évident que les vers à soie sauvages sont plus aisés à élever, à bien des égards , que les vers à soie — 459 — de mürier, et mériteraient peut-être d'attirer l’atten- tion du ministère public, à qui seul il convient de décider s’il serait utile au royaume de procurer une nouvelle espèce de soie à celles de nos provinces où des essais faits avec soin auraient prouvé qu'on peut réussir à les élever. Tout ce qu’il nous convient d'ajouter à ce que nous en avonsdit, c’est que ces vers sont une source derichesses pour la Chine elle-même, quoïqu’on y recueille chaque année une siprodigieuse quantité de soie de vers de mürier, qu’au dire d’un écrivain moderne, on pourrait en faire des mon- tagnes. Il est vrai que la soie des vers sauvages n’est pas comparable à l’autre, et ne prend jamais solide- ment aucune teinture ; mais, L° elle coûte moins de soins, ou plutôt n’en coûte presque aucun dans les endroits où le climat est favorable aux vers sau- vages, parce que tout ce qu’on risque en les né- gligeant, c’est d’avoir une récolte moins abondante; encore est-on maître de l'avoir plus grande en mul- tipliant le nombre des arbres qu'on destine aux vers; 2° comme on ne dévide pas les cocons des vers sauvages, mais qu’on les file, ils dépensént moins de temps et de main-d'œuvre; 5° la soie qu’ils donnent est d’un beau gris de lin, dure le double de l’autre, au moins, et ne se tache pas aussi facilement ; les — 160 — taches même d'huile ou de graisse ne s’y étendent pas, et s’effacent très-aisément : les étoffes qu’on en fait se lavent comme le linge; 4 la soie des vers sauvages, nourris sur des fagaras, est si belle dans certains endroits, que les étoffes qu’on en fait dispu- tent de prix avec les plus belles soieries, quoiqu’elles soient unies et de simples droguets. Quand nous avons dit que cette soie ne se dévide point et ne prend point la teinture, c’est un fait que nous racontons. L'industrie européenne , aidée et éclairée par les élans du génie français, viendrait peut-être à bout de dévider les cocons des vers à soie sauvages et d'en teindre la soie (4). » Comme nous donnerons un peu plus loin la note de M. Julien Bertrand sur les vers-à-soie sauvages du chêne, nous omettrons ici, pour abréger cette digression, ce que le Père d'Incarville dit de leurs habitudes, et de la manière de les élever. Nous rap- pellerons seulement que, d’après ce missionnaire , leur soie est moins estimée que celle des vers de fa- gara et de frêne. C’est avec celle des vers du fagara qu'on fait l’étoffle nommée par les Chinois Siao-kien, (1) En effet, depuis le temps où le Père d’Incarville écrivait son mémoire, l’art de la teinture, perfectionné par les décou- vertes modernes de la chimie, est en quelque sorte renouvelé. — 164 — qui est très-belle, très-fine, d’un user admirable, et par cela même fort chère. On confectionne le S1ao- kien avec la soie des vers du fresne, et le Ta-kien avec celle des chenilles du chêne. Si nos marchands, ajoute le missionnaire, voulaient acheter à Canton ces trois espèces de droguet, il faudrait qu’ils s’a- dressassent à un homme affidé, car on fait des dro- guets de filoselle, et il est facile d’en imposer à un étranger. » Nous extrayons des Annales forestières (A) la note suivante que M. Julien Bertrand, missionnaire apostolique en Chine où il habite depuis plus de quinze ans, adressait, il y a quelques années, à l’un de ses confrères. Cette lettre donne des détails fort curieux sur l’espèce de vers sauvages du chêne mentionnée déjà par le Père d'Incarville, dont le Mémoire sur le même sujet semble lui être inconnu. M. Julien Bertrand nomme ces chenilles vers quer- ciens, du nom de l’arbre sur lequel elles vivent I est à regretter qu'il se soit borné à nous envoyer ses observations, excellentes d’ailleurs, sans y joindre des échantillons de l'arbre et de ses fruits, afin de nous le faire exactement connaître ; c’eut été d’au- (4) Annales forestières, t. Il, 4843, p. 644. 11 — 162 — tant plus utile que les espèces du genre Chêne sont très-nombreuses et très-difficiles à déterminer. Thong-kin-fou, 19 juillet 1842. « Je crois vous avoir dit, il y a quelques années, qu'il se trouve ici une espèce de vers-à-soie sauvages qui se nourrissent de la feuille de chêne, vers aux- quels le gouvernement français semble attacher un grand intérêt. Je pense que vous serez bien aise d’en avoir une notion. Je regrette de n’être pas un peu naturaliste pour vous parler dignement d’une matière siimportante. « Ces vers se trouvent dans les départements les plus montagneux du Koui-tchéou et aussi dans quel- ques départements du Sse-tchouen, tels que Ki-kiang, San-Tchouen et Pa-hien; quoiqu’on les transporte et les élève avec avantage dans divers lieux, on peut dire cependant que leur patrie favorite est dans le Koui-tchéou, sur les plus hautes montagnes, où l'air est plus pur et plus frais que partout ailleurs. Vous serez étonné sans doute que ces vers se développent avec plus de succès sur les montagnes que dans la plaine, où le climat est plus doux, vu que les vers du mürier réussissent mieux dans les pays chauds que dans les pays froids. M. Hébert, délégué de France — 163 — en Chine, m'en a témoigné sa surprise. Cela est vrai pourtant, et confirmé par la longue expérience .des Chinois, et en même temps par les produits de ces vers, qui sont plus abondants sur les hautes mon- tagnes qu'ailleurs, car, sur les hautes montagnes, on fait deux récoltes de soie par an, tandis que, dans les endroits bas, on n’en fait qu’une, bien infé- rieure à la première qui a lieu dans les régions éle- vées. C’est une preuve évidente qu'il faut aux vers querciens une température plutôt froide que chaude. «L'éducation des vers querciens est tout à fait dif- férente de celles des vers mristes. Les vers quer- ciens sont élevés sur les arbres, non dans les mai- sons. Dès qu'ils sont nés, on les porte à la montagne, et on les met sur les arbres. Si on voulait les élever à la maison, en leur distribuant des feuilles de chêne, comme on distribue des feuilles de mûrier aux vers müûristes, ils ne mangeraïent pas et mourraient de suite ; ils veulent manger sur Parbre et se choisir eux-mêmes les feuilles selon leur goût. Les chênes sui: lesquels on élève les vers querciens ne requiè- rent aucune culture particulière ; ils sont dans leur état naturel. Avant d'aller plus loin, je dois vous faire ici quelques observations sur les chênes. En = 46k — Chine, on distingue deux espèces de chêne, l’une appelée Tsin-kan, l'autre Fou-li : ces deux espèces sont très-peu différentes; il faut les examiner de bien près pour les distinguer. La seule différence consiste dans les feuilles et la dureté du bois; le tsin-kan est plus dur que le fou-li; ses feuilles sont longues et dentelées; elles ressemblent un peu à celles du châtaignier; le fou-li a les feuilles plus courtes et plus larges : à ma manière de voir, c’est l'espèce de chêne qui se trouve en France, au moins dans le Velay, car, dans les autres provinces, je n’ai pas examiné les chênes. Quoique les vers querciens mangent les feuilles de l’un et de l’autre, ils préfe- rent pourtant le tsin-kan au fou-li. Ici on ne laisse pas vieillir les chênes ; tous les huit ou neuf ans on les coupe à raz-de-terre; de leurs racines pullulent des rejetons que l’on coupe de nouveau au bout de huit ou neuf ans; ainsi toutes les forêts de chênes ne sont que de simples taillis. Ici, toutes les monta- gnes sont couvertes de ces arbres. « Au bout de dix à onze jours, on voit remuer, dans le panier où les papillons querciens ont déposé leurs œufs, des milliers de petites chenilles noires, qu’on se hâte de transporter sur la montagne et de placer sur les arbres dont les feuilles ne sont qu’à — 165 demi-formées, car c’est à la fin de mars ou au com- mencement d’avril. Une fois sur les arbres, on les y laisse etle jour et la nuit, qu’il pleuve ou qu’il vente. Il n’est pas nécessaire de les garder pendant la nuit; pendant le jour, il suffit qu’une personne se tienne tout près pour épouvanter les oiseaux, et pour aider les vers à émigrer d’un arbre à l’autre et relever ceux qu’un coup de vent ou un autre acci- dent aurait fait tomber à terre. « Les chenilles querciennes changent quatre fois de couleur; d’abord elles sont noires, plus tard elles deviennent violettes, quelque temps après elles sont jaunes, et arrivent en dernier lieu à un violet qui ap- proche du noir ; le temps requis pour atteindre leur quatrième et dernière période est de quarante à cin- quante jours, et alors elles sont grosses comme le petit doigt d’un homme ordinaire. Ces vers quer- ciens sont doués d’un instinct particulier pour se précautionner contre les injures du temps : s’il pleut, ils se placent au revers de la feuille; si le vent est froid , ils savent aussi se mettre sur le côté de la feuille qui n’est pas exposé au vent. En 1840, vers la fin de mars, je me trouvais dans une chrétienté où l’on élève beaucoup de vers querciens ; le 28, les vers récemment éclos étaient sur les arbres; le 30, — 166 — il tomba de la neige ; les trois jours qui suivirent, le froid était si piquant, qu’à la maison on ne pouvait quitter le feu. Alors je me mis à dire aux chrétiens: Cette fois-ci, je crois bien que vos vers-à-soie vont tous mourir. — Oh! non, répondirent-ils, ils sont un peu engourdis, il est vrai, par le froid, mais ils ne mourront point. Et en effet, ils ne moururent point, car le 5 avril, en passant moi-même par l’en- droit où les vers étaient sur les arbres, je les vis manger de très-bon appétit. « Après avoir mangé des feuilles pendant quarante à cinquante jours, ils se mettent à ourdir leur cocon dont la longueur a plus d’un pouce, et dont la grosseur est celle d’une noix ordinaire, Comme il y a tou- jours des vers plus vigoureux que les autres, il se présente aussi des cocons d’une taille plus forte que le reste; ils ourdissent leur cocon sur une feuille qu'ils roulent en cornet, et si une seule ne suffit pas, ils en rapprochent une seconde. C'est là- dedans qu’ils font leur précieux ouvrage; ils com- mencent par ourdir le dehors du cocon dans lequel il S'enferment et travaillent, et puis ils le terminent en dedans, ce qui ne demande pas plus de trois jours. Ce cocon est de couleur jaune tirant un peu sur le blanc. L'époque de la récolte des cocons varie selon — 167 — la différence des climats ; ainsi dans la plaine et sur les montagnes peu élevées, on recueille les cocons vers le 20 et 24 mai ou quelques jours plus tard, tandis que, sur les montagnes du Koui-tchéou, ce n’est que du 15 au 30 juin. Sur les montagnes, la végétation étant plus tardive, les vers-à-soie sont aussi plus tardifs à sortir. « Dans les pays montagneux du Koui-tchéou, et même dans les endroits du Sse-tchouen, on ne fait pas mourir tous les cocons, on en réserve une petite quantité pour commencer de suite une nouvelle éducation. Dans les pays moins élevés, on se con- tente d’une seule récolte, parce que la seconde ne compenserait pas le travail et la peine, à cause des chaleurs de Juillet et d’août qui feraient mourir presque tous les vers. « Sur les hautes montagnes, où les nuits sont tou- jours fraîches et la chaleur tempérée par le souffle des vents, et où les insectes ennemis sont rares, les vers querciens se développent avec la même vigueur que la première fois ; cette seconde récolie se fait vers le 1 octobre. « La soie quercienne, quoique inférieure à celle des versde mürier, ne laisse pas que d’être très-belle et très-solide. Lorsqu'elle est tissée, elle donne une — 168 — toile très-fraîche. Je crois qu’en France on ürerait un très-grand parti de cette soie. Ce n’est donc pas sans raison que le gouvernement français attache un grand prix à l’acquisition de cette race de vers- à-soie, et désire ardemment pouvoir la transporter en France.» Cette lettre intéressante nous dispense de tout commentaire sur l'importance de l'introduction des vers querciens dans notre pays. On conéoit tout d’abord le parti que l’on pourrait tirer de ces taillis de chênes qui couvrent tant de milliers d’hec- tares, et dont les feuilles sont complètement per- dues pour l’industrie agricole. Il nous semble pro- bable que ces vers vivraient sur quelques - uns de nos chênes indigènes, car on sait que tous les arbres de ce genre contiennent à peu de chose près les mêmes principes immédiats, et il semble même que l’analogie du chêne de la Chine dont il est fait mention dans cette lettre avec ceux qui croissent en France, soit fort grande, puisque le missionnaire le confond avec un de ceux qu’il a observés dans son pays. L'importation des vers querciens, soit à l’état d'œufs, soit à l’état de chrysalide, ne saurait présen- ter de difficulté sérieuse, maintenant que le service — 169 — des bateaux à vapeur permet de venir de Chine en cinquante-deux Jours ; mais il ne suffirait point d’im- porter en France le ver et la plante qui le nourrit, il faudrait y importer en même temps les procédés de dévidage employés en Chine. Malgré tout le génie de nos industriels, ce point peut offrir des difficultés, et, avec l’impatience française, il n’en faut quelque- fois pas d'avantage pour rebuter les expérimenta- teurs. C’est ainsi qu’on à, plusieurs fois, essayé de tirer parti des volumineux cocons de la chenille du grand Paon de nuit ( Bombyx pavonia major) et qu'on a toujours échoué, faute de pouvoir débaras- ser les fils du cocon de la matière gommeuse qui les tient agglutinés. Une difficulté du même genre n’au- rait qu’à se présenter avec les cocons des vers du chêne, et ce serait assez pour arréter les expé- riences; on voit donc qu’on s’exposerait à bien des mécomptes si l’on n’était pas au courant des mé- thodes employées par les Chinois. Quoiqu'il en soit, nous n’en persistons pas moins à croire que l'introduction en Europe de ces trois nouvelles espèces de vers serait d’une utilité incon- testable, peut-être d’une importance majeure pour la prospérité de certaines classes de la population et de certaines régions jusqu'ici peu productives. — 170 — 2.— Cotonniers. — On s’étonnera peut-être que nous indiquions les cotonniers comme des plantes di- gnes de fixer l'attention du voyageur en Chine, quand nos colonies, l'Égypte, l'Inde, et surtout l'Amérique, nous envoient de si prodigieuses quantités de cotons. Mais nous devrons répéter ici ce que nous avons déjà dit en parlant des autres espèces végétales, que sou- vent la découverte d’une variété nouvelle plus pro- ductive, plus robuste, ou d’une qualité supérieure, suffit pour créer une industrie à où elle n’existait pas, comme à la modifier utilement dans les lieux où elle existait depuis longtemps. N'oublions pas d’ailleurs que l’Algérie est appelée à nous fournir des produits pour lesquels nous sommes aujourd’hui tri- butaires de l'étranger, et que le coton, d’une im- portance commerciale si considérable aujourd’hui, est assurément de ce nombre. Sans doute la popu- lation agricole est encore trop faible en Algérie, les petits bras ÿ sont encore trop peu nombreux, et par suite la main d'œuvre trop chère, pour que l’on songe dès à présent à y spéculer sur la produc- tion du coton. Mais il ne faudrait pas toujours comp- ter sur l'Amérique pour alimenter nos filatures et nos fabriques. L'Amérique comprend qu'elle aurait double bénéfice si, au lieu d'envoyer en Europe — AT — ses cotons bruts, elle les y envoyait convertis en étoffes, et déjà la proposition de faire entrer les États-Unis dans cette voie nouvelle pour eux a été faite à l’une des dernières séances du congrès. Cet évènement s’accomplira quelque jour, et ce qui ne saurait manquer de s’accomplir aussi, c’est l'aboli- tion de l'esclavage dans les États du sud de l’Union, c’est-à-dire la ruine de la production cotonnière dans l'Amérique du nord et l'augmentation immé- diate des prix de cette denrée sur tous les marchés. Alors, le tour de notre colonie africaine pourra ve- nir; elle alimentera nos fabriques elle-même, et nous débarrassera du lourd tribut que, sans cela, nous nous verrions obligés de payer aux colonies anglaises. Peut-être serions-nous obligés d’aller nous approvisionner jusque dans l'Inde, où, par les soins du gouvernement anglais, la culture du cotonmier atteint déjà un haut degré de prospérité. 3. — Chanvre de Chine. — Nous ne citons ici que pour mémoire cette plante qui mérite à tous égards d’être étudiée, et sur laquelle on sait peu de chose. Les Chinois appellent Wa Ai, le chanvre proprement dit, mais cette expression devient chez eux le nom générique d’un nombre considérable de plantes textiles, de même que nous avons vu — 172 — la dénomination Teou FF comprendre la plupart des légumes secs. En avril 1846, le Muséum a reçu de la Chine des graines de deux espèces de Ma ou plantes textiles. L'une de ces plantes, adressée sous le nom de Tsing-ma, n’a pas germé : d’après la structure des graines , elle a paru appartenir au genre Corchorus. L'autre au contraire a parfaite- ment réussi et a produit un chanvre (Cannabis) dont les tiges atteignaient à la fin de novembre la hauteur de trois à quatre mètres. Partout où on l’a cultivée, on a remarqué que ses feuilles sont plus longues et plus étroites que celles du chanvre d'Europe. Le chanvre du Piémont s'élève également à une grande hauteur, mais ses tiges, très-grosses, produisent une filasse inférieure à celle du chanvre de Chine, dont les tiges, eu égard à leur hauteur, sont assez grêles, et doivent par conséquent produire des fibres plus délicates. La maturation des graines n’a eu lieu qu’en novembre ; celles qu’on a recueil- lies étaient du reste parfaitement conformées et ont bien levé l'année suivante. C’est une expérience qui demande à être continuée. 4. — Orties textiles (Urtica nivea.— Urtica uti- hs).— 11 y à plus de deux siècles, la Hollande intro- — 173 — duisait déjà en Europe, tantôt à l’état brut, tantôt confectionnées en étoffes, les fibres de deux plantes textiles de la Chine et de l'Inde. Le peu d’avance- ment de la science à cette époque ne permettait pas encore aux botanistes de déterminer d'une manière rigoureuse la nature de ces plantes, mais on soup- çonnait déjà qu'elles étaient analogues à nos orties. Ce n’est que sur la fin du dix-huitième siècle et au commencement de celui-ci, que les savantes re- cherches des botanistes qui ont visité l’Inde et la Chine nous ont appris qu’effectivement ces plantes appartenaient au genre Urtica. Dans ces dernières années seulement on s’est assuré que ces fibres sont dues à deux espèces distinctes, très-voisines, il est vrai, par leurs caractères botaniques, mais essen- tiellement différentes au point de vue de la qualité des produits (1). Nous possédons à cet égard quel- ques renseignements tout récents, qui trouveront naturellement leur place ici, et que sans doute on ne lira pas sans intérêt. Dans le courant de l’année 1844, le Muséum a reçu de M. Leclancher, chirurgien à bord de /a Fa- (4) M. Stanislas Julien a présenté à l'académie des sciences, au sujet de l'Urtica nivea, un intéressant mémoire dont il avait extrait les documents de l'Encyclopédie chinoise. — 174 — vorite, sous les ordres de M. le capitaine Page, quelques rameaux des orties cultivées en Chine comme plantes textiles. Ces échantillons, soumis à l'examen de M. Decaisne, furent reconnus par ce savant botaniste pour appartenir aux deux espèces mentionnées ci-dessus, savoir l’Urtica utilis et l’Urtica nivea ; toutes deux, présentent des feuilles dont la face intérieure est blanche, particularité qui à puissamment contribué à les faire confondre. M. Leclancher, croyant n'avoir affaire qu'à une seule espèce, avait mêlé ses échantillons et attri- bué, dans la note qui les accompagnait, les mêmes propriétés aux deux plantes, si importantes pourtant à distinguer, comme nous le verrons tout à l’heure. Ce fait, ainsi que beaucoup d’autres du même genre, prouve combien il faut porter d’attention dans l’exa- men des espèces ou des variétés de plantes cultivées, la plus légère erreur pouvant avoir les conséquences les plus graves pour l’industrie qui chercherait à en tirer parti. Voici la note adressée par M. Leclancher avec les échantillons d'Urtica utilis qu'il avait recueillis à 120 kilomètres de l'embouchure du Yang-tse-kiang, en descendant de Nan-king : « Ortie cultivée en petits carrés dans les terrains voisins des rizières, sans ce- — 175 — pendant être secs. Chaque habitation en cultive pour son usage. On enlève les feuilles qui tiennent fort peu ; on fait rouir, dans un baquet, des paquets de tiges, qui bientôt communiquent à l’eau une teinte brune ; les femmes enlèvent la peau, que l’on fait rouir de nouveau pendant un temps que je ne connais pas (1), mais qui doit être fort court ; puis, passant chaque lanière sur un instrument de fer ayant la forme d’une large gouge de charpentier, elles enlèvent la pelli- cule extérieure; la lanière fibreuse, d’un blanc verdâtre, est mise à sécher sur un bambou. Il est probable que, pour faire les tissus fins que l’on vend à Macao sous le nom de grass-eloth ou lienzo, cette espèce de chanvre est peignée. Le filage doit être fait avec les rouets en bambous qui servent aussi pour le coton. Sec, ce chanvre est d’un blanc nacré, très-beau et très-fort. La plante croitrait fort bien sur le revers des fossés en France , aux environs de Cherbourg, et peut-être aussi dans le Midi. > La lecture de cette note et l'examen attentif des plantes qui l’accompagnaient, rappelèrent alors à M. Decaisne certaines fibres végétales qui, à leur blancheur naturelle, alliaient une ténacité des plus (4) Les procédés relatifs à cette main-d'œuvre sont mainte- nant expliqués par les traités chinois que nous possédons. — 176 — grandes, et dont le gouvernement hollandais se préoccupait beaucoup en 1844, en cherchant à pro- pager dans ses possessions de l’archipel indien la cul- ture d’une plante dont la filasse devait être employée à la confection des voiles, des cordages, des filets, ete. Cette espèce, qui porte à Java le nom de Ramie, atteint jusqu’à 150 de hauteur; ses feuilles minces, portées sur de longs pétioles, rappellent celles de l'Urtica nivea ; mais elles sont plus grandes, plus longuement acuminées, et plutôt grisâtres que blan- ches en dessous. La base des tiges est de la grosseur du petit doigt, et présente, sous ce rapport, de l’ana- logie avec celles du chanvre. « Cette plante n’est point nouvelle, dit M. De- caisne (1), car tout me porte à croire que ses fibres ont été fort employées au xvi‘ siècle. Lobel, qui vivait sous Élisabeth, savait déjà qu'aux Indes, à Calicut, à Goa, etc. , on fabriquait avec l'écorce de diverses orties des tissus très-fins destinés à être importés en Europe; que, dans les Pays-Bas sur- tout, on recevait cette substance en nature pour en fabriquer des étoffes préférées à celles de lin, puis- qu’en effet le nom hollandais Neteldoek, donné au- (4) Journal d'agriculture pratique et de jardinage, sous la direction du docteur Bixio, année 4884-45. APE jourd'hui à la mousseline, dérive évidemment de netel, ortie, et de doek, étoffe, et s'applique à un tissu très-fin. « Ainsi, à une époque où les toiles de Frise jouis- saient d’une réputation européenne, on fabriquait en Hollande, et peut-être en Belgique, une sorte de ba- tiste ou de mousseline avec les fibres d’une ortie ; et cette ortie paraît être le Raïnie (Urtica utilis) et non l'Urtica nivea. «J'ai souligné, ajoute le savant professeur au- quel nous empruntons cette citation , les mots qui, dans la note de M. Leclancher, sont relatifs à la couleur des fibres , car pour moi il est évident que celles d’un blanc verdätre appartiennent à lUrtica nivea , tandis que les autres, d’un blanc nacré, sont produites par le Ramie (Urtica utilis). J'ai sous les veux des écheveaux provenant des deux plantes , et leur aspects’accorde avec ce qui est dit dans la note de M. Leclancher. La filasse du Ramie n’a rien de la raideur de lUrtica nivea; elle est blanche, très- douce au toucher, et paraît tenir le milieu entre le lin et les fibres de plusieurs Daphnés si recherchés en Chine et au Japon. « Les étoffes et les cordages fabriqués avec le Ramie semblent , quant à leur durée, supérieurs soit 12 — 178 — aux tissus de lin , soit aux cordages de chanvre. Du moins les indigènes des Moluques et des grandes îles de l'archipel indien accordent sans restriction la préférence au Ramie sur toute autre matière textile pour la fabrication de leurs filets , qui, suivant leurs remarques , résistent beaucoup plus longtemps que d’autres à l’action prolongée de l'humidité. » Si maintenant nous nous en rapportons au récit des voyageurs botanistes qui ont visité les contrées où se cultive le Ramie, nous aurons de nouvelles preu- ves en faveur de l'excellence de cette ortie comme plante textile. Ainsi M. Korthals nous apprend qu’à Sumatra les habitants se tissent avec l'ÜUrtica utilis une étoffe recommandable par sa durée, mais dont l'usage diminue chaque jour à cause du bas prix au- quel les indigènes parviennent à se procurer main- tenant les tissus de coton des fabriques anglaises. Crawfurd (1) et Raffles (2) ont eu de leur côté l'occasion d'apprécier les excellentes qualités du Ramie. « Les naturels de Java, disent-ils, préfè- rent les fibres de cette ortie à celles de toute autre (4) John Crawfurd. History of the Indian archipelago, ete. containing an account of the manners, arts, etc, vol. I. (2) The history of Java, by Thom. Stamford Raffles, vol. 1 pag. 37. — 179 — espèce peur la fabrication de leurs filets, de leurs cor- dages, etc. Ils en fabriquent pareiïllement des étoffes d’une extrême finesse. Le célèbre Rumphius, qui la considérait comme une acquisition précieuse pour les colonies de la Hollande, l’introduisit lui-même à l’île d'Amboine, où elle n'existait pas, vers l'an 4690. » Le Ramie n’échappa point aux investigations de notre compatriote Leschenault. Il en existe au Mu- séum des échantillons recueillis par ce naturaliste, et qui portent pour étiquette : Urtica tenacissima ; produisant d'excellente filasse. On doit à Roxburgh, directeur du jardin de natu- ralisation de Calcutta avant le docteur Wallich, d’in- téressantes expériences sur la tenacité relative des fibres de quelques plantes textiles de l’Inde et de l'Europe, parmi lesquelles figure le Ramie, que ce botaniste nomme, ainsi que Leschenault, Urtica tenacissima , et qu’il distingue fort bien de l’Urtica mivea. Ces expériences comparatives ont eu pour résultat de placer le Ramie immédiatement après le Marsdenia tenacissima et avant le Crotalaria jun- cea, le chanvre et le lin. Aussi, malgré la difficulté de débarrasser la filasse de quelques molécules d’une matière particulière qui lui sont adhérentes, Rox- — 180 — burgh n’hésite pas à préconiser l'usage du Ramie , et désire voir cette plante remplacer partout le chanvre et le lin. Lorsque des hommes comme Crawfurd , Marsden, Raffles, Roxburgh, Leschenault, Decaisne , et d’au- tres encore que nous avons passés sous silence, sont si unamimes à proclamer l'excellence du Ramie et sa supériorité sur les espèces textiles cultivées jusqu'ici en Europe, serait-ce de la témérité que d'appeler la plus sérieuse attention des gouvernements sur cette plante, et n’a-t-on pas lieu de croire que son intro- duction dans notre continent, en y créant une nou- velle culture, serait la source de nouvelles richesses pour le commerce et l’industrie ? Toute la question est de savoir si son importation est possible en Europe. Or ceci est à présumer, puis- que M. Leclancher, comme nous l’avons dit plus haut, l’a rencontrée à une petite distance de Nan-king, ville dont le climat représente assez bien, pour la somme de température, celui du midi de la France, du nord de l'Espagne et de l'Italie. Dans tous les cas, nous aurions la Guyane et notre colonie d'Alger, où les marais de diverses localités, et en particulier ceux qui avoisinent La Calle, semblent offrir toutes les conditions favorables à la culture du Ramie, Quant — 181 — à l'Urtica mivea, dont nous n'avons pas parlé à cause de son infériorité , elle appartient à des climats plus tempérés, ainsi que le prouve son beau dévelop- pement au jardin des Plantes de Paris. En terminant cette notice, dont l'importance du sujet explique et doit faire excuser la longueur, qu’on nous permette de citer encore les expériences faites récemment en Hollande, sous la direction du docteur Blume et par l’ordre du gouvernement. Nous en ex- trayons le récit du rapport présenté par la commis- sion chargée de l’examen de la filasse du Ramie (4). Ces expériences ont été faites de manière à inspirer toute confiance. | « Nous avons fait travailler avec un soin particu- lier, dit le rapporteur de la commission, de la fi- lasse de Ramie brute, qui, avant d’être portée sur le séran, a été fortement brossée, afin d’en isoler davantage les fibres. Cette manipulation, opérée sur une grande masse, entrainerait peut-être une dépense considérable, mais il serait facile de la remplacer par des moyens plus expéditifs. Quoi qu'il en soit, nous avons obtenu de la somme de matière brute que nous avions entre les mains, une quantité de fibres (A) Indische Bijdrage, van C. H. Blume. — 182 — supérieure à celle que donnerait une pareille pro- portion du meilleur lin. Ces fibres étaient d’une fi- nesse telle, que nous avons pu en faire facilement filer sur un rouet à marchepied , et d’après une éva- luation approchée, 12 poignées, qui ont suffi pour fabriquer 4 m. 80 de toile , de la valeur de 1 fr. 50. « La ténacité de ces fibres nous a permis d’en faire filer sur une largeur de 55 mètres, sans pelo- tonner. Un fil ténu de9,500 mètres nous a été fourni par 500 grammes de filasse. Nous avons obtenu de la même quantité une corde torse de 5,000 mètres. On arriverait probablement à une plus grande fi- nesse si on parvenait à débarrasser les fibres de la substance résineuse qui semble y adhérer. « Afin de comparer la force de ces fibres avec celles du chanvre, nous avons fait fabriquer du fil léger pour filets de harengs (deux fils) ; mais l’ou- vrier, à cause de la finesse de la matière , a filé beau- coup trop légèrement , de sorte que les 432 mètres auraient à peine pesé 1 kil. 50 au lieu de 2 kil. 30, comme il aurait fallu. La force moyenne de ce fil, calculée par analogie avec ce dernier poids , nous a prouvé qu’à l’état sec il se romprait sous un poids de 21 kilogr , et mouillé, par un peu plus de 25 kilogr. Ainsi, le fil de Ramie, lorsqu'il est sec, égalerait en — 183 — tenacité le meilleur chanvre, et le surpasserait s'il était mouillé; enfin sa puissance d'extension dé- passe de 50 pour 100 celle du meilleur lin. Le fil employé dans nos expériences était trop tordu; des essais ultérieurs conduiront , nous n’en doutons pas à des résultats plus satisfaisants encore. Nous devons ajouter que les cordes se nouent facilement, ce qui nous permet d'espérer que les toiles fabriquées avec le Ramie offriront tous les avantages de celles qu’on obtient du chanvre ou du lin. » Attendu que les filaments du Ramie, convena- blement préparés, nous ont paru surpasser ceux du lin en beauté, et surtout en blancheur et en te- nacité, nous croyons que cette plante textile, ap- portée sur les marchés d'Europe en quantité no- table, trouverait un facile écoulement au prix de 60 à 80 centimes le demi-kilogramme (prix du meil- leur lin), et qu'il résulterait de cette importation une nouvelle et importante branche de commerce pour la mère-patrie, ainsi que pour nos possessions des Indes-Orientales. » >. Bambou.—Nous n’hésitons pas à regarder lin- troduction du Bambou de la Chine dans le midi de l'Europe, et surtout en Algérie, comme une des ac- quisitions les plus importantes au point de vue — 184 — agricole. Ce gigantesque roseau , dont la croissance est si rapide, peut, jusqu’à un certain point, rempla- cer le bois, si rare , si coûteux et pourtant si indis- pensable aux besoins de la colonisation naissante dans notre conquête africaine. Indépendamment de l'emploi qu’on en peut faire pour la construction des maisons , il se plie à mille usages domestiques, dont un correspondant du Gardeners Chronicle donnait au commencement de cette année une cu- rieuse énumération (1). Les Chinois se servent du bambou pour faire les coiffures de leurs soldats, des boucliers, des para- sols, des semelles de soulier, des solives, des échafau- dages de maisons en construction, des paniers, des cordages, du papier, des manches de plumes, des balais, des chaises, des éventails, des baguettes pour les treillis et autres opérations de jardinage. Avec les copeaux minces et élastiques que l’on enlève de leurs tiges, on fait des matelas et des coussins, comme avec les feuilles desséchées et préparées une sorte d’étoffe grossière, excellente pour mettre à l'abri de la pluie, et que l’on nomme dans le pays To-y, c’est-à-dire : habit de feuilles. (4) Gardeners Chronicle, 2 février 14850, p. 70. — 185 — Le bambou est encore employé aux usages de la pêche et de la marine : il sert à faire des voiles, des couvertures de bateaux, des lignes, des paniers à mettre le poisson, des bouées et des flottants à l’usage des pêcheurs, des catimaros ou radeaux insubmersi- bles aussi légers que solides. C’est surtout en agriculture qu’on lui trouve des emplois nom- breux : ses longues tiges fistuleuses sont des tuyaux tout faits qui servent à conduire l’eau sur les terres ou dans l'intérieur des maisons. Ces mêmes tiges, coupées au-dessous du nœud, four- nissent autant de seaux qui entrent, sans plus de préparation, dans la construction des norias et autres appareils hydrauliques si multipliés en Chine. Les charrues, les herses, et presque tous les outils agricoles se construisent en bambou. Les racines noueuses et dures de la plante, recherchées par les sculpteurs, se changent entre leurs mains en orne- ments d’une grande originalité ; les tiges elles-mêmes, quoique se prêtant moins à ce genre de travail, se couvrent encore de sculptures pittoresques, et se débitent en vases de toutes formes, en encensoirs pour les pagodes, en boîtes, ete. Les jeunes bambous, semblables à d'énormes asperges, constituent l’un des meilleurs légumes du Céleste-Empire ; on en fait — 186 — même des confitures. Une substance particulière qui se dépose dans les articulations de la plante, et qu’on connaît dans l’Inde sous le nom de tabashar, jouit d’une grande réputation comme drogue médicinale. Dans les manufactures de thé, le bambou est em- ployé à fabriquer les tableties à rouler les feuilles, les paniers à les dessécher et les cribles. Enfin, et ce n’est pas là pour les Chinois le moindre de ses usages, le bambou fournit les petits bâtons qui leur tiennent lieu de cuiller et de fourchette. On n’en finirait pas s’il fallait énumérer tous les avantages de ce bois d’une utilité universelle, re- cherché partout, dans l’intérieur des maisons comme dans les champs, sur l’eau comme sur terre , pendant la paix comme pendant la guerre. Toute sa vie, le Chinois dépend du bambou, et la mort ne l’affranchit même point de cette dépen- dance; on le porte au cimetière sur un brancard de bambou, et c’est encore le bambou qui, avec les ifs, les cèdres et les sapins, jette l'ombre de ses rameaux sur sa dernière demeure. Sans doute le bambou ne saurait avoir pour nous l’importance qu’il a pour les Chinois, maisil est facile de comprendre quels services il rendrait aux colons de l’Algérie, auxquels il fournirait surtout des so- — 187 — lives à la fois légères et résistantes, des tuyaux de conduite pour l’eau, et des seaux naturels pour la construction des machines hydrauliques, desti- nées aux irrigations dont la nécessité se fera sentir chaque jour d'avantage. Tné. Quelle que soit l’utilité des races végétales que nous voudrions voir emprunter à la Chine, 1l n'en est point à nos yeux qui puisse entrer en comparai- son avec l'arbre à thé. On sait trop aujourd’hui lim- portance commerciale qu’a prise cet arbrisseau pour qu'il soit nécessaire d’insister sur les avantages que l’Europe retirerait de sa culture, si elle y était pos- sible, et de la préparation de sa feuille, si l’on savait s'approprier les procédés des Chinois. Toute la question pour nous se réduit donc à celle-ci : La culture du thé est-elle possible en Eu- rope? Y donnerait-elle des bénéfices; et les pro- duitsobtenus et manufacturés chez nous pourraient- ils faire concurrence à ceux que nous tirons de la Chine ? Nous allons essayer d’y répondre. Nous commençons par établir qu’il n'existe à notre connaissance aucun fait qui puisse trancher la question soit affirmativement soit négativement ; — 188 — mais à défaut de ce fait décisif, il est des présomp- tions assez concluantes, qui permettent de regar- der comme possible l'introduction du thé dans la culture européenne. Pour les apprécier, il est nécessaire de rappeler ce que nous avons dit plus haut du climat de la Chine comparativement à celui de nos contrées occidentales, car chez nous le suc- cès est entièrement une affaire de climat, si l’on met de côté pour un moment la manipulation elle- même des feuilles du thé, opération importante sans doute, mais opération purement industrielle et pro- visoirement hors de cause. Nous ne sommes point d’ailleurs les premiers à recommander en Europe la culture de larbre à thé Depuis le succès complet des expériences en- treprises au Brésil, nos hommes d’État ont voulu à leur tour doter la France de cette nouvelle branche d'exploitation agricole, et ils ont fait dans ce but de louables efforts. Il y a quelques années, le docteur Guillemin , aide-naturaliste au Muséum, fut envoyé par le gouverment au Brésil, avec la mission d'en rapporter l'arbre à thé, et d'étudier les procédés de fabrication importés dans ce pays par des ou- vriers chinois que le gouvernement brésilien avait fait venir en même temps que les plants. C’est une — 189 — justice à rendre à la mémoire de l’infortuné Guille- min, qu'une mort prématurée a enlevé à la science : il s’acquitta en conscience de la mission qui lui avait été confiée, et rapporta une grande quan- tité de plants et de graines de l’arbre à thé; mal- heureusement ce fut là tout le résultat de cette coûteuse expédition, et malgré l’engoûment qui accueillit la plante chinoise à son arrivée en France, c’est à peine s'il existe encore au jardin d'Angers quelques-uns des sujets rapportés par Guillemin. C’est bien là, au reste, notre caractère national: enthousiasme irréfléchi pour tout ce qui est nou- veau, mais nulle persévérance lorsqu'il faut nous livrer à des expérimentations un peu longues ; nous nous rebutons aux moindres difficultés, et nous abandonnons une œuvre commencée avec autant de légèreté que nous en avons mis à l’entre- prendre. Quelle différence avec nos voisins d'Angleterre ! Tandis que nous formions les plus beaux projets à propos de thé français, comme on disait alors, eux, sans bruit, sans théories, en faisaient d’im- menses plantations, non pas il est vrai dans les vertes et humides prairies de la Grande-Bretagne, — 190 — mais au pied de l'Himalaya, dans un pays riche en soleil, où l’arbuste pût développer et müûrir sa feuille. L'expérience était trop rationnelle pour ne pas réussir; aussi le succès a-t-il dépassé toutes les espérances, à tel point qu’on prévoit déjà lé- poque où les thés anglo-hindous entreront en con- currence avec ceux de la Chine sur les marchés de l'Asie. Nous ne saurions trop le répéter, la culture du thé, nous voulons dire la culture profitable, est avant tout une question de climat, ce à quoi nos planteurs n’ont pas assez songé, lorsqu'ils en ont peuplé leurs jardins et leurs parcs sous les froides latitudes de nos départements septentrionaux. Sans doute, larbuste n’a pas besoin du soleil des tropi- ques pour croître et donner ses produits, mais entre la température des tropiques et celle du nord de la France, il y a loin. Ce sont là deux extrêmes pour lesquels l'arbre à thé n’a pas été fait, et encore redoute-t-1l moins les ardeurs de la zône torride que l'humidité pourrissante de notre atmosphère, comme le prouve bien le succès de sa culture au Brésil. On comprend d’ailleurs sans peine que plus il y aura d’analogie entre les climats des con- trées où on tentera de l’introduire et ceux des ré- — 191 — gions de la Chine où il est cultivé depuis des siècles, plus on aura de chances de réussite. Il y a pour nous de précieux renseignements à tirer de l'expérience faite par les Anglais dans le nord de leurs possessions de l’Inde. Peut-être sera- t-il utile d'extraire quelques passages d’une notice publiée à ce sujet dans le Gardeners’ Chronicle (À); le fond en a été fourni par un mémoire du docteur Royle, ancien directeur du jardin botanique de Calcutta, qui a lui-même contribué pour une large part à cette heureuse innovation dans le régime économique et agricole de l'Inde. « C’est au commencement de 1827, dit M. Royle, que je parlai pour la première fois à lord Amherst, alors gouverneur-général de l'Inde, de la probabi- lité du succès de la culture du thé dans les monta- gnes de l'Himalaya, et j'en fis peu de temps après l'objet d’un rapport spécial qui fut présenté la même année au gouvernement. Dans ce rapport, je faisais remarquer que l'arbre à thé est loin d’être aussi dé- licat et aussi limité dans sa distribution géogra- (4) On the cultivation of thea viridis and Bohea in the Hima- layan mountains, Gardeners’ Chronicle, 1849 juin.—Une partie de cette note a été reproduite dans la Revue horticole, 15 jan- vier 1850. — 192 — phique qu’on le supposait généralement, et que, bien qu'il semble atteindre son plus haut degré de per- fection sous le doux climat de Nan-king, la culture en est encore florissante sous les latitudes plus éle- vées de Pé-king et du Japon. Quand lord William Bentinck visita le jardin de Saharunpore en 1831, je ne manquai pas de lui parler de la culture du thé comme d’une nouvelle source de prospérité pour une partie considérable de l'Inde. Je ne fus pas seul du reste à croire à la possibilité de son acclimatation dans ce pays; déjà sir Jos. Banks avait émis, long- temps avant moi, et sans que J'en eusse connaissance, l’idée que cet arbuste pourrait facilement s’acclima- ter au pied des montagnes de l'Himalaya. Telle fut encore un peu plus tard lopinion du docteur Wallich qui présenta à la chambre des communes un Mémoire par lequel il recommandait la culture du thé dans les districts de Kemaon, de Gurhwal et de Sirmore. Après quelques hésitations de la part du gouvernement, une commission fut chargée d'exa- miner la question. Son rapport fut entièrement fa- vorable, et elle déclara que la culture du thé avait les plus grandes chances de succès sur les monta- gnes basses et dans les vallées de la chaîne de PHi- malaya. On se mit promptement à l’œuvre : des — 193 — graines arrivèrent au jardin de Calcutta, en jan- vier 1855; elles produisirent un grand nombre de plantes qui furent immédiatement envoyées dans les localités où la commission avait recommandé d'établir des pépinières. On en plaça une à Bhurt- podre, entre les chaînes de Beementhal et de Gagur, à la hauteur de 4,500 pieds de hauteur (1700 mè- tres), «car, disait la commission, wne condition essentielle au succès de la culture du thé, c’est qu'on ait un climat dans lequel il existe un hiver bien prononcé, de six semaines ou deux mois, et dans lequel rl gèle et tombe de la neige. » Les plantations ainsi établies s’annoncèrent, dès le début, sous les plus heureux auspices; mais il restait à se procurer des ouvriers chinois bien au fait de la manipulation du thé, et ce n'était pas la partie la moins difficile de l’entreprise. Les premiers que l’on engagea refusèrent de se rendre dans le Kemaon; le D' Wallich réussit pourtant à en dé- cider neuf autres qui atteignn'ent leur destination en avril 1342, Au mois de janvier suivant, le pre- mier. échantillon de thé hymalayen arriva en An- gleterre, où la chambre de commerce, à laquelle il fut présenté, declara « que c'était un très-bon article de vente (marketable), et valant sur le mar- 13 — 0h — ché de Londres, 2 sh. 6 d. (3 fr. 20 e.) la livre. » Des négociants, MM. Thompson de Mincing-Lane, fort au courant des valeurs des denrées coloniales, reconnurent le thé de nouvelle importation pour du souchong de qualité supérieure, parfumé ét fort. Is le trouvèrent égal en valeur au meilleur thé noir, et bien préférable à la plupart des thés ordinaires de Chine qui se débitent dans le com- merce. | Le 50 août de la même année (1845), un nouvel envoi de thé de Kemaon fut adressé à Londres. Il consistait en seize petites boîtes, que, pour les pré- server de l'humidité, on recouvrit de toile cirée. Malheureusement , les boîtes furent endommagées pendant ke voyage qui dura quatre mois, et le gou- dron des toiles communiqua un peu de son odeur au thé. Malgré cet accident, les courtiers de Londres lui trouvèrent encore une valeur qui allait de 1 sh. 2 d. à 3 sh. 6 d. (1 fr. 40 ce. à 4 fr. 20 c.) la livre. Depuis 1843, les plantations se sont beaucoup étendues. Le D' Jameson, qui est chargé du soin de les diriger, nous apprend, dans un Mémoire adressé récemment par lui à la chambre de commerce de Londres, que, dans les seuls districts de Kemaon, de Guhrwal et de Deyra, l’espace occupé par les plan- — 195 — | -tations de thé dépassait 176 acres (81 hectares), et que le nombre total des arbustes en plein rapport était de 522,579. Il ajoute que ces plantations sont disséminées dans un grand nombre de localités, dif- férentes pour le climat et la qualité du sol , et n’oc- cupent pas moins dans leur ensemble de 10 degrés en latitude. D'après son estimation, il y aurait encore, dans le Deyra seulement , 100,000 acres (46,000 hectares) parfaitement propres à cette culture. En 1846, il se vendit à ‘Almorah une assez grande quantité de thé himalayen, avec une augmentation considérable dans les prix, bien qu’il n’eût encore été soumis à aucun impôt. Le prix moyen fut de 6 roupies 4/2 la-livre ; quelques qualités s’élevèrent jusqu'à Troupies 1/2, et, ce qui n’est pas moins ... Les éncourageant pour cette’ industrie naissante, c’est ns incque ce furent les indigènes qui en achetèrent la plus grande partie pour le revendre au Thibet et dans Ja … : Taitaïie chinoise. Chiléannée suivante, une seconde vente eut lieu dans re êh iême localité. Les prix réalisés pour le thé vert “rm furent de 9 à 10 roupies la livre; le thé noir valut A 1% Troupies au maximum et # au minimum. On consi- déra dès-lors la question de l'industrie du thé comme définitivement tranchée, et le gouvernement de l'Inde — 196 — envoya à M. Jameson l’ordre de créer immédiate- ment de nouvelles plantations dans toutes les parties montagneuses de la frontière nord-ouest, depuis le Sutledge et le pays acquis récemment à l’ouest de cette rivière jusqu’au Ravi. « Le succès de ces opérations, continue M. Royle, devient surtout remarquable lorsqu'on songe qu'on n'a encore cultivé dans l'Inde qu'une variété infé- rieure de thé , et que, d’un autre côté, l’art d’en pré- parer les produits, comme celui de fabriquer le vin et de manufacturer le tabac, ne peut s’acquérir que par une longue expérience. Les divers échantillons que nous avons goûtés, tant verts que noirs, bien qu'inférieurs aux meilleures qualités de la Chine, étaient certainement les équivalents de celles que consomment les classes moyennes en Angleterre , et ne laissent pas le moindre doute qu'avec plus d'ha- bileté dans la préparation, et surtout des plants de meilleures variétés, plants à la recherche desquels M. Fortune est maintenant occupé en Chine, le com- merce des thés de l'Himalaya anglais ne devienne un concurrent redoutable pour celui du Céleste-Em- pire. Il y a plus; le fait cité plus haut de l’achat de ces thés par les indigènes qui les transportèrent au Thibet pour les revendre, sans doute avec profit, — 197 — donne lieu de croire qu'un jour la consommation de cet aromate, dans la Tartarie chinoise, sera alimentée par les thés de Kemaon , si toutefois les autorités chi- noises ne songent pas à en prohiber l'entrée dans ce pays. » La quantité de thé manufacturé en 1848 est éva- luée officiellement à 2,656 livres anglaises. Le D' Ja- meson nous apprend que sur cette somme il en a adressé 600 livres en Angleterre, tant de vert que de noir, et que ce thé avait déjà une meïlleure appa- rence que celui des années précédentes Ilajoute qu’à la fin de la saison , il y aura 400 acres (484 hectares) en culture à Kolaghir, dans le district de Doon ; qu’à Paorie ils’attend à en avoir de 200 à 300 acres (de 92 à 138 hectares), et qu'il a, au moment même où il éerit ces lignes, 250,000 plants de semis tout prêts à être transplantés. L’année précédente , à pareille époque, il en avait déjà envoyé 100,000 dans la vallée de Kangra , où la majeure partie de ces plants est en pleine réussite. Outre ces quantités considé- rables d’arbustes, 1l a récolté, en 1848, plus de deux millions de semences sur ses anciennes planta- tions. {l espère , avec celles qui existent déjà à Kola- ghir, récolter, dans l’espace de huit à dix ans, assez de graines pour en ensemencer toute la contrée de Doon. — 198 — Voilà certes une expérience décisive, et déjà on peut calculer l'immense revenu que la compagnie des Indes retirera de la vente de ses thés, lors- qu’elle fournira à la consommation de l’Europe et d’une grande partie de l'Asie. Tout d’ailleurs semble favoriser eette vaste entreprise : le sol, le climat, le travail à bon marché, et la facilité des voies de trans- port par les fleuves qui sillonnent la région basse du pays. C’est tout un nouvel avenir qui s'ouvre pour les colonies anglaises ; le gouvernement de la métro” pole l’a d’ailleurs bien compris, lorsqu'il a envoyé M. Fortune en Chine, à la recherche des plants de thé de races supérieures à celles que l’on cultive déjà dans le nord de l'Inde. (4) | Il'est pénible pour notre amour-propre national de comparer le succès de l’Angleterre avec les essais mesquins que nous avons faits pour acclimater chez nous l’arbre à thé, essais qui n’ont même été suivis (1) Il y a déjà près de quatre ans que M. Fortune parcourt la Chine, étudiant et recueillant les nombreuses variétés d'arbres à thé que l’on veut toutes expérimenter dans les exploitations de l'Inde, mais ses recherches embrassent aussi les autres Yé- _ gétaux utiles dans les diverses branches de culture. L'horti- culture, particulièrement, lui doit un grand nombre de belles plantes d'ornement, et tout récemment encore, il a découvert une variété jaune de camellia, qui ne peut manquer de faire upe grande sensation parmi les amateurs en Europe. — 199 — d'aucun résultat. Mais ne devions-nous pas nous at- tendre à échouer, lorsque sans transition, et contre toutes les règles de la science et de la pratique, nous transportions dans nos départements septentrionaux des arbustes enlevés au sol et au climat tropical du Brésil? Encore aurait-on pu conserver quelques espérances si les plants avaient été apportés direc- tement du centre de la Chine, dont la température présente quelque analogie avec celle de la France. Dans ce cas même, les chances de succès eussent été peu nombreuses, non que l'arbre à thé ne puisse supporter un de nos hivers, mais parce que ces hivers durant trop longtemps, et les étés étant trop courts et ne fournissant pas une somme de chaleur suffi- sante, l’arbuste n’y peut pas aoûter son bois, ni éla- . borer suffisamment les principes qui donnent à ses feuilles toute leur valeur. D’un autre côté, les ten- tatives faites au jardin d’acclimatation d'Alger ont eu encore moins de succès, puisque tous les plants qu'avait reçus M. Hardy ont succombé à la séche- resse; mais il faut observer que la température du littoral africain correspond encore moins que le eli- mat du nord de la France aux contrées de la Chine où la culture est le plus productive, Le docteur Royle nous signale le district de Nan-king comme — 1200 — celui où l'arbre à thé donne.ses meilleurs produits ; or, d’après le tableau météorologique cité plus haut, Nan-king correspondrait pour sa température moyenne au midi de la France , au nord de l'Es- pagne et au centre de lftalie, région où nous trou- vons en effet toutes les conditions indiquées par la commission anglaise, savoir un hiver bien prononcé de six semaines à deux mois, dans lequel il gèle et tombe de la neige, mais auquel succèdent un grand nombre de beaux jours et des chaleurs considérables, sans pourtant que la terre se dessèche entièrement. Les collines de la Provence, du Languedoc, du Rousil- lon, de la Corse, de l'Italie , et mieux encore proba- blement la partie septentrionale et occidentale de l'Espagne , telles sont, à notre avis, les localités où il aurait fallu faire des expériences, et où, nous n’en doutons pas, elles auraient produit de bons résultats. Quant à l'Algérie, nous croyons encore, et M. Hardy le pense comme nous, que la culture du thé y est pos- sible , mais seulement dans les montagnes, à partir de 7 à 800 mètres au-dessus du niveau de la mer, hauteur où la température est à peu près équiva- lente à celle des régions que nous venons d’indi- quer. Maintenant, nous le demandons, les gouverne- — 201 — ments de l’Europe occidentale et méridionale ne seraient-ils pas vivement intéressés à tenter à leur tour ce que l'Angleterre a su réaliser avec tant de bonheur pour une de ses colonies? Sans se faire en- trepreneurs d'industrie, ils peuvent ouvrir la voie par une expérience habilement dirigée, qui servirait d'exemple et provoquerait les particuliers à marcher sur leurs traces. D'ailleurs il est des essais coûteux de leur nature, que seuls ils sauraient entreprendre avec succès, et celui de la culture et de la mani- pulation du thé est de ce nombre. Il n’y a point, par exemple, de particulier assez riche pour faire ve- nir de la Chine des ouvriers qui enseignent aux Européens les préparations à faire subir à la feuille, et pour envoyer chercher dans ce pays éloigné les variétés les plus propres à s’acclimater sur notre sol. Le gouvernement français a déjà pris sous son pa- tronage la production de la cochenille en Algérie; combien à plus forte raison devrait-il encourager celle du thé, dont il se fait en Europe une si prodi- gieuse consommation | Bois pe consrrucTIoN, Les Chinois possèdent comme nous le frène , le chêne, le sapin et la plu- part de nos bois de construction. Mais quoiqu'ils en fassent un usage assez fréquent, ils ne laissent pas de leur préférer certains arbres indigènes, pour tous les ouvrages qui réclament une grande solidité. Ce fait témoigne suffisamment des qualités qui leur sont propres, et des avantages probables que nous pourrions en tirer. ‘ Parmi les bois de construction qui sont particu- liers à la Chine, nous mentionnerons le Nan-mou qui jouit surtout d’une grande importance, et dans lequel les voyageurs ont cru reconnaître le cèdre. Cependant sa feuille diffère essentiellement de celle des cèdres du Liban. Cet arbre est un des plus hauts qui se trouvent en Chine, ses branches verticales se terminent par une sorte de touffe ou bouquet. Le bois en est considéré comme incorruptible, et par- ticulièrement affecté à la construction des maisons impériales. C’est un axiome dans le pays, que, s2 l'on veut élever un bâtiment qui résiste à l’action du temps, il faut y employer le seul bois du Nan- mou * LE, * Nous citerons encore le Ze-ly-mou où arbre de fer qui s'élève à la hauteur de nos plus grands chênes; s’il s'en rapproche à quelques égards, il en diffère d’ailleurs par plusieurs ‘caractères, et entre autres, par la couleur, la dureté et la pesanteur de son bois. Au reste, ses qualités sont trop bien con- — 203 — nues pour que nous ayions besoin d'en faire l'éloge. Nous nous bornerons à dire que la présence de cet arbre en Chine, nous autorise à croire qu’il se- rait possible de l’importer chez nous, sous des lati- tudes correspondantes. | Comme complément des bois de construction, on peut parler aussi des bois de luxe que l’Europe em- prunte presque tous à d’autres continents. Parmi les plus rares et les plus précieux de la Chine, le Tse-tan ou bois de rose, est d’un grand usage dans la menuiserie. Plusieurs plantes qui croissent dans le voisinage de cet arbre ayant réussi au jardin d’acclimatation d’Alger, on peut présumer qu’il serait d’une introduction facile en Espagne, en Algérie, et dans le midi de l'Italie. Plantes Médicinales., L'anatomie est peut-être de toutes les sciences celle ‘que les Chinois ont le moins approfondie. Le respect qu'ils ont pour les morts, l'importance qu'ils OA — attachent aux honneurs de la sépulture, leur ferait considérer l'autopsie d’un cadavre comme une monstruosité sans exemple, et une révoltante im- piété; mais s'ils se sont vus forcés de négliger cette branche des études thérapeutiques, ils en n'ont acquis que plus d'habileté dans la méde- cine proprement dite, et excellent particulièrement dans l’appréciation exacte des différents symptômes, et le traitement par les simples On le sait, c’est plutôt à l'expérience populaire qu'aux inductions de la science , qu'est dû l’usage de la plupart des plantes médicinales. La connais- sance de leurs propriétés et de leurs vertus nous à été transmise d'âge en âge, de génération en géné- ration, par ce qu’on appelle la routine, et ces tradi- tions remontent presque toujours à une époque où les peuples vivaient de la vie primitive, alors que privés des secours de l’art et en contact plus immé- diat avec la nature, ils devaient lui demander da- vantage pour la guérison de leurs maux et le sou- lagement de leurs infirmités. Cet empirisme traditionel, qui remonte à l’en- fance de toutes les nations, fut pour la seience mo- derne l’objet d'utiles conquêtes et de salutaires im- portations. C’est ainsi que nous l'avons vu emprun- — 9205 — ter successivement, à l'Amérique le quinquina et li- pécaeuanha, à la Tartarie la rhubarbe, à l'Afrique le séné et tant d’autres produits sécondaïrés, mais tous d’une grande importance pour les préparations pharmaceutiques. Il n’est pas jusqu'aux peuplades les plus ignorantes qui n’aient contribué pour leur part à enrichir des données de leur expérience la liste de nos plantes utilitaires. Combien à plus forte raison n’aurait-on pas à de- mander à la Chine, et à combien de découvertes de ce genre ne pourrait-on pas légitimément s’atten- dre, chez un peuple observateur par excellence, où les vieilles pratiques et les enseignéments du passé, sont non-seulement recueillis religieusement et transmis de bouche en bouche, mais aussi consignés avec les détails les plus minutieux dans une foule d'ouvrages écrits. C’est au poirit qu'on ne saurait ouvrir un livre relatif à l’agriculture, à la botani- que, à la floriculture, un livré enfin ‘où il soit ques- tion de plantes, sans que l’autéur n’examine scru- puleusement les vertus ou! lés datigers de chacune d'elles, en indiquant l’usagé de la racine, des feuilles, de la fleur et du suc © végétal, ainsi que la manière de les préparer. L'esprit observateur des Chinois et leur respect — 206 — pour les traditions, ne sont pas l'unique cause de leur supériorité dans la connaissance des herbes médicinales. S'ils ont des notions plus exactes sur les propriétés des végétaux , c’est aussi qu'ils ont été plus souvent condamnés à en faire l'expérience: La disette; résultat ordinaire de l’agglomération des populations, les a fréquemment réduits, dans : l'insuffisance des espèces cultivées, à demander. un complément de nourriture aux plantes d’une. végétation spontanée. Sans doute ils ont dû faire de : terribles épreuves; mais aussi ils sont arrivés à un. degré d’expérience que, sans cette nécessité, ils . n’eussent probablement jamais atteint. Nous en avons donné un exemple dans notre introduction, en parlant d’un traité spécial où sont classées et énumérées près de deux cents espèces, dont les ra- cines, les feuilles, les fleurs ou les baies peuvent être mangées sans inconvénient. IL est de plus à remarquer que l'usage du thé en infusion, usage général dans tout l’Empire, donna naturellement aux Chinois l’idée d’expérimenter un grand nombre de plantes de la même ma- nière, et que l'emploi des sucs végétaux pour les frictions dont is usent souvent, et quelquefois après l’opération de‘l’acu-poneture, a dû nécessairement — 207 les conduire à une étude approfondie des simples et de leur préparation. Nous ne citerons pas ici le catalogue des plantes dont ils font usage et dont leurs livres constatent l'efficacité. Cette nomenclature de noms étra ngers serait fatigante par sa longueur même et par lim- possibilité où nous serions de donner une idée précise des espèces qu’elle {signale. Quelques-unes | jouissent cependant d’une célébrité incontestée, et il n’est personne parmi celles qui se sont occupées des différentes questions de la botanique médicale, qui n'ait entendu parler du Gin-seng, du Fou-. lin, du Ti-hoang, etc., dont les puissantes vertus sont trop unanimement vantées par les Chinois et par les Européens qui ont habité la Chine, pour qu'il ne soit pas intéressant d'en expérimenter les effets. Hibup, 29 Quand ces témoignages irrécusables nous permet- traient de douter encore des assértions si formelles et si précises qu’on rencontre à chaque pas chezles auteurs chinois, il serait facile d'apprécier le dégré de.confiance que nous devons leur accorder, en exa- minant leur jugement sur les végétaux qui leur sont communs avee nous. Or, ce jugement est par- tout d'accord avec les conclusions de la science — 208 — moderne : c’est ainsi que nous les voyons attri- buer aux fruits du jujubier, à l’armoise, à la ma- tricaire , aux feuilles, à l'écorce, aux glands du chêne, aux noix de Galle, exactement les mêmes vertus qu’on leur reconnaît chez nous. Rien ne nous autorise done à considérer comme mensongères ou exagérées les propriétés que les Chinois accordent à leurs plantes médicinales: et bien que la botanique appliquée soit celle de leurs sciences sur laquelle on puisse préciser le moïns de faits dans l’état actuel des choses, nous n’hésitons cependant pas à diré que, nulle part ailleurs, il n° aurait plus d'importantes recherches à faire, en travaillant d’abord à déterminer d’une: manière po- sitive les différentes espèces qu’ils utilisent, pour essayer ensuite d'introduire en Europe celles qui se recommanderaient par des qualités reconnues (L). (4) Voicr un fait atteste par les missionnaires catholiques, c'est-à-dire par des hommes dont la bonne foi ne saurait être suspectée. et qui vient à l'appui de ce que nous avons dit dés connaissances des Chinois, en matière de plantes médicinales. Monseigneur Imbert, envoyé en Chine comme simple propa- gandisté, en 1823, depuis vicaire apostolique dé Corée et évêque in partibus de Capsa, et qui subit le martyre il y a quelques an- nées, avait les cheveux entièrement rouges. Cette circonstance faillit lé fairé renoncer à sa mission, dans üun pays où l'on ne voit, que des cheveux. noirs, et où toute autre nuance, caragtéz — 209 — VI. Plantes d'ornement, Chez nous on aime les fleurs ; chez les Chinois on se passionne pour elles. Ce qui nous plaît dans un jardin c’est la variété du coup d’œil, la richesse des couleurs, la beauté ou la rareté des espèces : pour les Chinois, chaque plante est l’objet d’un culte risant nécessairement un étranger, rend les voyages et la pro- pagande impossibles. Il était sur le point de retourner en Eu- rope, lorsqu'un catéchiste chinois lui offrit de changer comple- tement la couleur de ses cheveux, au moyen d'un breuvage composé de sucs végétaux que, pendant six semaines, il pren- drait à jeun tous les matins. L'épreuve aurait paru :périlleuse à tout homme moins pénétré de sa vocation. L'évèque de Capsa ne craignit pas de la tenter, et au bout d'un mois de ce régime, sa barbe, ses cheveux, tout le système pileux, en un mot, avait pris une teinte foncée qui, depuis, n’a jamais disparu. C'est ainsi que les vertus puissantes de certaines plantes in- tertropicales, qui paraissent étranges lorsqu'on en parle pour la première fois, sont confirmées chaque jour par des faits nouveaux. Cuningham, dans ses Transactions philosophiques (t. V, partie IV), faisait déjà mention d'une racine chinoise ayant la propriété de noircir les cheveux gris. Il ajoutait que le prix élevé de cette plante l'avait seul empéché de l'expé- rimenter. {A De js véritable, d’une espèce d'amour mystique, qui ins- pire à lui seul une grande partie de leurs poésies. Dans les romans, dans l’histoire, jusque dans les habitudes de leur vie privée on trouve des exemples de cet amour naïf et passionné. De graves magis- trats s’invitent mutuellement à venir admirer leurs pivoines et leurs chrysanthèmes. Il est même ques- tion, dans les monuments de la littérature chinoise, d’une sorte d’extase, que nos mœurs ne permettent guère de comprendre , et qui consiste à s’enivrer de la vue des plantes en cherchant à saisir, par une attention continue, les progrès de leur développe- ment. Cette passion s'explique, du reste, chez un peuple étranger à toutes les préoccupations de la politique et qui, placé comme un voyageur sur une route unie, entre un nassé sans bornes et un horizon dont il n’aperçoit pas les limites, s’aban- donne tout entier à la contemplation des objets qui l'entourent, en y mettant tout ce que son âme et son imagination peuvent avoir de forces vives et de poésie. Si nous citons ces curieux exemples, ce n’est assurément pas que nous songions à les im- porter chez nous. Nous voulons seulement donner une idée du degré d'expérience et d'habileté auquel un goût si prononcé, nous dirons presque si exafté, — 911 — a dû nécessairement conduire les horticulteurs chi- nois. On ne s’étonnera donc pas s'ils excellent dans l’art d’embellir les espèces rustiques, d’en faire dou- bler les fleurs, d’en modifier les couleurs et la forme primitives tout comme d'en hâter la floraison. C’est ainsi qu'ils en son venus tantôt à donner à des es- pèces naines un développement considérable, tantôt à réduire aux plus chétives proportions des arbres ordinairement de grande taille : on cite particuliè- rement des ormeaux dont ils ont fait des arbrisseaux de moins d’un mètre de hauteur, mais qui con- servent toujours en petit leur ancien aspect. Au reste, en voyant à la dernière exposition cen- trale d’horticulture des azaléas, des rhododendrums, des rosiers, des camélias en fleurs de deux ou trois décimètres de haut, chacun à pu remarquer que le goût pour le rabougrissement des espèces se natu- ralisait insensiblement à Paris, de même que s'in- troduisit vers le milieu du xvn° siècle celui de la taille des massifs de nos parcs auxquels on se plut à donner des formes bizarres ou monumentales. Longtemps avant le règne des jardins dits à La française, le même système d’ornementation était déjà en honneur à la Chine, et il est probable — 219 — qu'il se maintiendra longtemps encore chez un peuple où les modes voient passer les générations, comme chez nous les générations voient passer les modes. On conçoit sans peine que l’horticulture chinoise a dû nous fournir un nombre considérable de plan- tes ornementales. Les floriculteurs de profession n’ont pas besoin que nous les mentionnions ici, et d’ailleurs la liste en serait trop longue pour offrir de l'intérêt aux personnes qui ne s'occupent pas de jardinage. Nous nous bornerons à citer, parmi les espèces les plus répandues, ces Pivoines en arbres (Pæœonia Meoutan), d’un si splendide effet dans les massifs, lorsqu'elles sont couvertes de leurs grandes fleurs d’un rouge clair ; la Reine-Marguerite (Chrys- anthemum sinense), aujourd’hui si populaire et tou- jours si belle et si recherchée ; les Hortensias roses et bleus; le Magnolia Yu-can ; la Glycine de la Chine (Glycine où Wastaria sinensis), dont les longues tiges sarmenteuses , le beau feuillage et surtout les admirables grappes d’un bleu tendre, sont au prin- temps le plus bel ornement des berceaux, et des treil- lages de nos jardins. Mais, depuis l'introduction de ces espèces déjà anciennes et de mille autres que nous passons sous silence, l'Europe en à reçu un — 213 — nombre considérable de nouvelles, et le répertoire des Chinois est loin encore d’être épuisé. Qu'on nous permette d'en citer quelques-unes dues aux recher- ches de M. Fortune, et qui par conséquent sont pour nous de date toute récente. Ce seront entre autres le Fortunea sinensis (Platy-carya strobilacea, Sieb. et Zucc.), arbre d'ornement de la famille du noyer, et que l’on croit capable de résister aux hivers de la Grande-Bretagne ; le Plwmbago Larpentæ, char- mante plombaginée que le bleu vif de ses fleurs fait ranger avec raison parmi les plus brillantes acquisi- tions de pleine terre que l’horticulture européenne ait faite depuis plusieurs années ; le Weigelia rosea, qui commence à se répandre dans les jardins de tous les amateurs , et qui, jusqu’à un certain point, riva- lise d'éclat avec quelques Azaléas; la Rose à fleurs d’anémone (Rosa anemonæ flora), déliée et grim- pante comme la Rose de Banks, qui est d’ailleurs du même pays, et qu'elle surpasse peut-être par la délicatesse de ses pétales d’un blanc de neige; le Kum-Kat, variété ornementale du Citrus /apo- nicæ, espèce rustique, qu’on s'attend à voir braver nos hivers les plus rigoureux, et qui permettra de cultiver à l'air libre une espèce de la famille des Hespéridées presque jusqu'au centre de l'Europe; — A4 — le Statice Fortuner, Si remarquable par la couleur jaune de ses fleurs au milieu d'un groupe où elles sont généralement bleuâtres ou purpurines ; le Bar- bula sinensis, V'Indigofera decora, le Pterostigma grandiflora, enfin V'Anemone japonica, production du soi chinois, malgré son nom qui semblerait la confiner au Japon, où en effet on la retrouve aussi. Il nous serait facile de pousser plus avant cette revue, en multipliant les citations, en exposant ceux des procédés de la Chine que déjà nous sommes parvenus à découvrir, puis en conduisant le lecteur dans ces jardins fleuristes de Canton qui font l’ad- miration de tous les voyageurs Européens; mais, comme nous le disions au début de ce Mémoire, en attendant le jour où les moyens nous seront fournis de traduire utilement en son entier la grande Ency- elopédie FF FF & Æ , DOUS n’aurons point la pré- tention d'offrir au publie un traité complet d’agri- culture et d’horticulture chinoises. Nous cherche- rous seulement à éveiller l’attention de tous les gens spéciaux sur l’une des sources de richesse les plus abondantes et les plus négligées jusqu'à ce jour. Nous devons à la lecture de cette fameuse Ency- clopédie une grande partie des observations que nous avons déjà présentées au point de vue euro- —.915 — péen. L'analyse qui sert d’appendice à ce volume, achèvera, nous l’espérons, de donner une idée gé- nérale des connaissances agricoles et horticoles des Chinois, en même temps qu’elle fera connaître la classification qu'ils assignent et l'importance rela- tive qu’ils accordent à chacune d’elles. S'il peut résulter cette impression pour ceux qui auront pris la peine de lire notre travail, que la ques- tion qui nous occupe mérite réellement l'intérêt que nous lui eroyons, nous aurons atteint déjà la moitié de notre but en appelant à nous aider tous ceux qui seraient en situation de le faire. Il s’agit ici d’une œuvre complexe à laquelle cha- cun devrait apporter son contingent. Que les missionnaires initiés par un long séjour aux usages et à la langue des Chinois nous signa- lent les variétés du règne végétal les plus dignes de l'importation; qu'ils recueillent sur les lieux les expressions techniques concernant la botani- que et la science agricole, expressions pour l’é- claircissement desquelles nous avons exposé que les meilleurs dictionnaires étaient d’une faible utilité. Que les souvernements intéressés à la prospérité de l’agriculture fassent venir de la Chine des spéci- — 216 — mens des plantes les plus belles et les plus utiles, et que les agriculteurs s'entendent afin de se livrer simultanément à des expériences d’acclimatation sérieuses et réitérées. Enfin que les plantes envoyées, soit desséchées, soit vivantes, arrivent toujours acompagnées de leur nom écrit en chinois qui nous permette de constater leur synonimie, et de retrouver leurs no- tices dans les traités originaux. Alors il sera possible de traduire, avec la stricte exactitude exigée en pareille matière , les inépui- sables documents que renferme, à la bibliothèque , le cabinet des livres chinois, et nous pourrons con- courir pour notre faible part à cette grande entre- prise, en utilisant quelque connaissance de la langue chinoise que, durant plusieurs années d'étude, nous nous sommes efforcé d'acquérir. a Mere ET PROPOS fr \ 1-2 S CN Fa = à } NN. = 2" é Me” | ; en . hs ve f à Vs aires EN lus bebe ER EN tte EL ve AS | TS Po TITRE vert y “ru ip « Nous avons dit que la grande Encyclopédie chinoise d'agri- culture et d’horticulture se compose de 78 livres; ces 78 livres forment ensemble 55 volumes in-quarto, imprimés à Pé-king par ordonnance impériale, la 2° des années Kien-long, c'est- à-dire en 4737. La rédaction en avait été confiée par l'Empe- reur aux agriculteurs et aux lettrés les plus fameux, dont les noms sont tous inscrits en tête de l’ouvrage. On y voit figurer deux ministres, des inspecteurs généraux d'agriculture , des gouverneurs de provinces, et de nombreux membres du fa- meux corps des Han-lin, les académiciens du Céleste-Empire. Les auteurs de ce grand travail ont soin d'annoncer dans leur introduction, par l'organe de l'un d'eux, gouverneur de la province de Kiang-si, qu'ils n’ont pas eu l'intention d'é- mettre des idées nouvelles, mais seulement de recueillir dans tous les ouvrages antérieurs, afin d’en former un vaste recueil, les observations et les morceaux les plus remarquables dus aux savants de tous les temps et de toutes les provinces. Ce n’est donc pas une œuvre originale, mais une compilation que nous avons entre les mains, et c’est à nos yeux ce qui donne un grand prix à notre Encyclopédie, puisque sans nous trouver dans la nécessité de feuilleter un nombre considérable de livres, que d’ailleurs nous aurions souvent peine à nous procurer, nous possédons déjà un choix de tout ce que ren- ferment d’intéressant les Annales agricoles de la Chine, choix fait par des hommes spéciaux, minutieux comme le sont les Chinois, et qui, pour réaliser ce vaste ensemble, ont dû se livrer à un travail de dépouillement qui leur a demandé vingt années de persévérance et d’infatigables recherches. Dès la première page du premier volume, il est facile d'aper- cevoir le plan général de l'ouvrage. Les différents extraits rela- tifs à chaque branche de la science, sont classés chronologi- quement. Chaque livre commence invariablement par des citations du 1-king, du Chu-king, et des anciens livres cano- niques ou sacrés ; viennent ensuite les passages tirés des prin- cipaux philosophes: puis enfin les traités techniques et spé- — 920 — claux, tels que le manuel des fermiers, l'herbier médical, ete. Les rédacteurs accompagnent ces morceaux de commentaires et de gloses d’une extrême utilité. Nous n'avons pas besoin de faire observer que ces fragments d'ouvrages pratiques nous fourniraient surtout de précieux renseignements. Tel est l'ordre suivi dans la rédaction de chaque article. Quant à la classification générale des matières, elle étonnera parfois sans doute, et nous avouerons que, pour notre part, nous ne nous en sommes pas toujours rendu compte autant que nous l’eussions désiré. Mais cela vient de ce que les Chinois, hommes pratiques et d'application avant tout subordonnent presque toujours leur méthode de classification à leur point de vue utilitaire, et qu’en agriculture, par exemple, ils distinguent plus volon- tiers les espèces par la nature des services qu'elles leur ren- dent, que par les caractères qui les différencient scientifi- quement. C'est ainsi que nous apercevons d’abord les Ma dans la troisième section pour les voir revenir ensuite à la fin de la huitième. Considérés en premier lieu comme graminées, on leur assigne un rang parmi les céréales; considérés plus tard comme fournissant des fibres textiles, on en fait un complé- ment de la sériciculture. L'ordre des matières varie donc suivant le point de vue au- quel l’auteur s’est placé. Aussi la classification donnée par Bridgman ne ressemble-t-elle en rien à celle que nous trou- vons ici. Cette dernière observation faite, nous entrerons immédiate- ment dans l'examen de l'Encyclopédie, en rappelant, toutefois, que nous ne prétendons tracer que des sommaires, et en nous excusant à l'avance des erreurs que nous pourrons com- mettre dans cette route si peu frayée encore. 2 NC] Chéou chi thong khao PREMIÈRE SECTION, R DES SAISONS Le = ; d LIVRE I. ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. Première partie. Le premier volume commence par de nombreux extraits des Kings ou livres sacrés, des anciens auteurs et des écrivains les plus célèbres, exaltant tous l'importance de l'Agriculture. Viennent ensuite deux tableaux indiquant les travaux de chaque mois, l’époque des semis et des plantations pour les différentes espèces de végétaux cultivés, et enfin par l'his- toire des divers calendriers usités en Chine dès les temps les 15 — 929 — plus anciens et des modifications que l'on y introduisit par la suite. Les. auteurs insistent sur l'importance des connais- sances météorologiques pour l'entente de l’agriculture. FE =A ; re LIV. U. x Sy D coxsménarions cÉnéraAtES. Deuxième Partie. Cette seconde partie des considérations générales com- mence par l’axiome suivant, tiré du Li-ki, l’un des plus anciens livres classiques : RER en À Hi, L'agri- culture est La base fondamentale de la prospérité de l Empire. On continue d’énumérer en termes généraux les devoirs des populations agricoles durant les diverses phases de l’année. Un grand nombre des principes contenus dans ce volume sont empruntés au traité d'agriculture, intitulé : Hong tching isuen chu. LIV. NL. Æ3$ PRINTEMPS. Après les considérations générales sur les saisons, viennent les préceptes relatifs à chacune d’elles en particulier. Les Chinois commencent l’année par le printemps. Ce li- vre énumère les opérations agricoles qui s'effectuent dans cettesaison : Échenillage et destruction des insectes nuisibles ; Taille des arbres ; Émondage; Plantations et Semis. Il donne, par quinzaine de jours, la liste des plantes à semer ou à trans- planter, et des arbres à tailler. Parmi les arbres à trans- planter dans la première quinzaine du printemps, on re- marque le jujubier et le sapin. Aux listes des six quinzaines du printemps, se trouvent joints des tableaux indiquant, mais d'une manière très-gené- rale, les soins que les plantes réclament pendant cette première période de année. Lorsqu'on traitera plus tard les questions — AD — spéciales des semailles et de la plantation, on donnera des dé- tails pratiques plus circonstanciés sur ces différentes opéra- tions. LIV. IV. =] ÉTÉ. L'ordre des matières est le même que dans le livre pré- cédent. Six tableaux nous donnent la liste des céréales, légumes etc., que l’on doit semer, planter, récolter ou em- magasiner aux différentes époques de l'été. — Travaux de la moisson. — Devoirs réciproques des fermiers et des mois- sonneurs. — Actions de grâces à rendre à la Providence. LIV. V. À AUTOMNE. Légumes, arbres et arbrisseaux, etc., qui se sèment et se plantent en automne. — Terres à faconner. — Précau- tions à prendre contre les gelées blanches. — Grains à moudre, etc., etc. LE LIV. VI. 7£. HIVER. Travaux agricoles de l'hiver.— Labourage.— Semis des lé- gumes de printemps. — Constructions rustiques à exécuter. — 924 — DEUXIÈME SECTION. EH DES DIVERSES CULTURES APPROPRIÉES À LA NATURE DU SDL. LIVRE VI, KR Æ RÉCHERCHES GÉNÉRALES. Examen général des ouvrages qui traitent de cette matière. — Extraits des livres sacrés et des auteurs le plus en renom. — Généralités. pers = à LIV. VIL. 7 pi] A CARTES GÉOGRAPHIQUES AVEC UN TEXTE EXPLICATIF. Ce livre contient d’abord une carte générale de la Chine, puis dix-huit cartes représentant les dix-huit provinces avec leurs subdivisions géographiques et des indications sur la nature et les propriétés de leurs terroirs. Ces cartes sont ac- compagnées de notices climatologiques relatives à chacune des provinces. SE LIV. IX. 5 FT DISTINCTION DES TERROIRS. Discussion, d'après l'autorité des anciens auteurs et des mo- — 925 — dernes, sur le choix à faire des plantes qui conviennent le mieux à telle ou telle province de l'Empire chinois, suivant la nature du sol et le climat. — Histoire de l’agriculture dans chacune de ces provinces. LIVA Ki co) = PRODUCTIONS. Après avoir parlé des cultures qui conviennent d'une ma- nière générale aux différentes provinces, on discute la question plus spéciale du choix des plantes à cultiver, suivant la na- ture des terrains, leur composition minéralogique, leur exposi- tion, etc.; en un mot, l'appropriation des espèces aux condi- tions locales, pour retirer de leur culture la plus grande somme de produits. ‘!LIV, XI. FH sh] | DIVISIOXS AGRAIRES. Première Partic. Histoire de la propriété territoriale en Chine depuis les temps les plus reculés jusqu'à l’époque de la publication de cet ouvrage.— Lois qui la régissent.— Répartition de l'impôt suivant la nature des produits du sol. LV. x. FF #] D DIVISIQNS AGRAIRES. Deuxieme Partie. Continuation du même sujet. — Règlements concernant le paiement des impôts et les exemptions auxquelles on peut avoir droit. — Plusieurs édits de l'empereur régnant. = gi — 2 LIV.:. XII. Fi ni) EN _E pravcues TOPOGRAPHIQUES RELATIVES AUX DIVISIONS AGRAIRES, AVEC UN TEXTE EXPLI- CATIF. Premiere Partie. Le livre x111 roule tout entier sur les divers systèmes de division territoriale usités en Chine à diverses époques, en commeneant à la plus haute antiquité, alors que les empe- reurs, se considérant comme propriétaires de la totalité du sol, et regardant les cultivateurs comme leurs fermiers, avaient divisé tout le pays en carrés égaux qui, réunis hiérar- chiquement en agglomérations de plus en plus grandes, for- maient les communes, les cantons, les départements, les provinces, etc. Ce livre nous apprend aussi ce qu'étaient les mesures agraires anciennes, quelles modifications elles ont subies avec le tempsztenfin il nous donne la longueur du pied des Tchéou en usage aujourd’hui et qui équivaut en me- sures françaises à 189 millimetres. Liv: °xiv. FE hi] PA D riancues roroérarntotEs RELATIVES AUX DIVISIONS AGRAIRES, AVEC UN TEXTE EXPLI- CATIF. Deurième Partie. Continuation du même sujet. Un grand nombre de planches nous montrent des fermes et des villages chinois avec les jar- dins qui les entourent, les canaux d'irrigation, les planta- tions, etc.; puis des champs échelonnés sur les flancs de montagnes presque à pie, avec la représentation des ter- rasses pour les soutenir et des moyens de les irriguer. 099] — LIN XY: 7X A) 1 AVANTAGES QU'ON RETIRE DE L'EAU (Arrigations.)—4. Classification des cours d’eau en fleuves, rivières, ruis- seaux, ete., d’après leur importance; le parti qu'on doit tirer de chacun d’eux suivant leur profondeur, leur largeur, etc. — Manière d'utiliser, pour l'irrigation , les eaux des lacs, des étangs, des pièces d’eau, ainsi que les eaux pluviales. — Histoire des divers systèmes d'irrigation suivis en Chine à différentes époques ; motifs qui ont fait prévaloir ceux que l’on adopte aujourd’hui. — Instructions pratiqués sur l’art des irrigations. — Dimensions des çanaux suivant la classe à laquelle ils appartiennent; leur profondeur, leur lar- geur, les distances qui doivent les séparer les uns des autres. | -Célivre fait voir combien les Chinois étaient avancés dès là plus hauté antiquité dans cette branche importante de l'agriculture. I renférme des morceaux entiers, extraits du re- cuil DE É? É À de Ma-touan-lin que nous avons eu déjà l'occasion de citer dans notre introduction. es . e , LIV. XVI. JR #) , AVANTAGES QU ON RETIRE DE L EAU. (trrigations.)—2?. Recherches sur l'histoire des digues organisées en grand. — Législation qui les régit. — Systèmes de digues adoptés pour les différents fleuves de l'Empire; description de ces systèmes, qui varient de province à province, en raison du climat, de la nature du sol ou des ressources particulières à chacune de ces provinces, ce qui amène l'auteur à examiner — 228 — en détail les qualités chimiques inhérentes aux eaux des principales rivières et des lacs dela Chine, au point de vue de l'agriculture. LIV. XVII. 7k Âl) TZ AVANTAGES QU'ON RETIRE DE L'EAU. (Irrigations.)—3. Continuation du même sujet. Ce livre est le complément du précédent. LIV. XVI. y LS fl) QU AVANTAGES QU'ON RETIRE DE L'EAU. ({rrigations.)—4. Le livre xvui traite de la manière de creuser les puits, de former des bassins, des réservoirs, des canaux d'irrigation, d’élever les digues et barrages pour déverser l'eau des ri- vières sur les terres cultivées. — Matériaux qui doivent être employés à ces diverses constructions. — Précautions à prendre en exécutant ces divers travaux. etc., etc. — Règle- ments concernant la prise de l’eau dans les rivières et leur distribution aux cultivateurs, suivant que les eaux sont basses ou abondantes, etc. — Manière d'utiliser l’eau de la mer en agriculture. — 229 — TROISIÈME SECTION. Fx ÀË CÉRÉALES. LIVRE XIX. F ZE RECHERCHES GÉNÉRALES. Culture des céréales et des plantes qui en tiennent lieu. —- Classification de ces plantes! à diverses époques. — Procédés de cultures en usage dans les temps anciens, pour chaque espèce de céréale; modifications introduites depuis, dans cette culture, et raisons qui les ont amenées. — Examen des qualités particulières à chaque espèce ou variété, etc. — Né- cessité de travailler à répandre les bonnes espèces et à faire disparaître les mauvaises. — Un édit impérial recommande surtout de conserver avec soin pour les semer, les grains d'un volume remarquable, et l'Encyclopédie donne les figures de quelques tiges phénoménales dont l’une porte jusqu'à quinze épis. Deux de cesspécimens nous semblent se rapporter au genre Milium, et le troisième aux genres Poa ou Festuca. LIV. XX, XXI ET XXII. 4 RIZ. Le riz forme le premier groupe de céréales. — Sa culture. = = —_Enumération des nombreuses variétés de riz cultivées en Chine.—Toutes ces variétés se rapportent à deux types prin- cipaux, peut-être à deux espèces, le riz ordinaire ou riz aqua- tique et le riz sec, qui diffèrent peu quant à la figure, mais qui s’éloignent beaucoup l’un de l'autre par la culture. — Propriétés du riz. — Nombreux usages auxquels on l’em- ploie, etc. Jr \ LIV. XXII. ÿe F2 MILLETS. (Holcus-Milium, Panicum verticellatum, et peut-être d'au- tres genres). — Deuxième groupe de céréales suivant les Chi- nois. Les espèces désignées ici sous le terme générique de Millets sont indiquées par Bridgman comme appartenant aux deux genres que nous venons de nommer, et les figures de l'Encyclopédie ne démentent pas cette détermination ; tou- tefois on peut conserver des doutes lorsqu'on sait avec com- bien peu d’exactitude la synonymie des plantes chinoises à été indiquée jusqu'ici. LIN XXE, LS SORGHUM (Bridgman), MILIUM GLOBOSUM. (Rénusat.) Troisième groupe de céréales. L'Encyclopédie signale cinq variétés principales dans: ce groupe, mais l’auteur y admet évidemment des plantes étrangères au genre sorghum des botanistes, puisque sur les cinq figures qui ac- compagnent son texte, il ne s’en trouve qu'une seule que nous puissions y rapporter. Les quatre autres révèlent des espèces non-seulement différentes des vraies sorghos, mais sans autre analogie entre elles que d’appartenir à la famille des graminées, efmême on en voit une dont il est impossible — 231 — de soupconner le genre; la figure bizarre de l'Encyclopédie semble représenter un végétal tenant également du maïs et du bananier. LIN: LE SE SETARIA, (Bridyman.) PANICUM ITALICUM. (Sicboldt.) Quatrième groupe de céréales. Trois espèces ou variétés sont décrites et figurées dans Encyclopédie ; l’une de ces espèces est employée à fabriquer une boisson fermentée ana- logue à la bière. LIV. XXVI. 2€ BLÉ. {Froment, seigles, orges, avoine, sarrazins, ete.) Cinquième groupe renfermant des plantes sans analogie entre elles, et distribuées en catégories principales d'espèces ou de varié- tés. Autant que nous en pouvons juger d’après le texte et les figures, nous désignerons ces catégories par les noms suivants et sous toutes réserves : le froment ; l'orge ; un blé de tartarie. (Triticum ? Secale ? Hordeum ?); le blé des moineaux (Avena Sativa?), le blé des hirondelles. (Avena nigra?); enfin le blé de sarrazin (Fagopyrum ). Ceux qui savent combien la sitologie est embrouillée, même en Europe, comprendront sans peine que nous n'ayons pu désigner d’une manière plus certaine les espèces de céréales sur lesquelles nous n’avons que de vagues indications, et dont les figures sont tout à fait incomplètes. (XVII. F3 4 TÉOU-—A. ’ LV. XXVIL FA Sixième groupe de céréales, ( Céréalés au point de vue des Chinois et non des Européens}, légumes secs (hart- — 232 — cots, dolies, pois, lentilles et autres espèces). Ne pou- vant reconnaitre ces différentes espèces de légumes à l’ins- pection des figures de l'Encyclopédie, nous les désignons par l'expression chinoise de Téou qui s'applique à tout le genre. Nous avons par conséquent à signaler dans ce volume : 4° le Téou jaune: 29 le grand Téou ; 39 le petit Téou rouge; 4° les pois verts ( d’après Bridgman) ; 5° le Téou blanc dont on mange également les feuilles et les cosses qui constituent un aliment très-sain. LIV. XXVIIL. ET TÉOU.—2. Continuation du livre précédent. Description de huit légumineuses, parmi lesquelles nous reconnaissons, d'a- près les figures, la fève et quelques haricots. Les autres planches paraissent représenter plutôt des dolics ou des plantes appartenant à des genres voisins, que se rappor- ter à quelques-unes des espèces légumineuses cultivées en Europe. LIV. XXIX. EJ — TÉOU,—3. Suite du même sujet. — Description de sept nouvelles lé- gumineuses. — Deux espèces, surtout, sont remarquables par leur port et la forme de leur cosse vésiculeuse et mo- nosperme. L'une de ces plantes, outre ses usages pour l'a- limentation de l’homme, est encore considérée comme four- ragère. EIVI ANX: Ait MA. Septième groupe de céréales, (toujours au point de vue des Chinois). — Ce groupe, composé de plantes qui n'ont entre elles aucune analogie botanique, est désigné par les Chinois = ON — sous le nom générique de Ma, qui signifie littéralement Chanvre, bien que ces plantes ne soient point considé- rées ici comme textiles, mais seulement comme plantes à graines alimentaires ou oléagineuses. On en décrit cinq es- pèces que nous avons cherché vainement à reconnaître, à l'exception peut-être d'un corchorus et du sésame auxquels deux figures nous ont paru pouvoir se rapporter. L'auteur y donne de grands éloges aux plantes désignées sous le nom de Ma et nous apprend qu'elles sont depuis les temps les plus reculés en si grande estime à la Chine, que plusieurs anciens auteurs en avaient fait la première classe des céréales. 934 — QUATRIÈME SECTION. 7 TE TRAVAUX ACRICOLES. ET — ee LIVRE XXXL Æ RECHERCHES GÉNÉRALES. Recherches sur les travaux de Ta campagne. — Historique de l'outillage agricole et horticole ; origine des divers instru- ments ; leur perfectionnement graduel avec le progrès de la culture ; leurs modifications suivant les provinces, ete. — Ré- partition des travaux dela terre entre les hommes, les femmes et les enfants, proportionnellement aux forces des sexes et des âges. Il est remarquable qu’en Chine, dès la plus haute antiquité, les travaux les plus rudes ont été le partage des hommes, tandis que les femmes n’eurent guère à s'occuper que des soins intérieurs. C’est un des traits caractéristiques de la civilisation chinoise. LIV. XXXII. 3R # LABOURAGE. Difiérents instruments au moyen desquels on retourne la terre; charrues, bêches, houes, ete. Les planches qui aecom- — 235 — pagnent le texte nous donnent la figure de ces divers instru- ments qui, bien qu'analogues aux nôtres, s’en éloignent quél- quefois d'une manière assez notable pour qu'on ne saisisse pas toujours à première vue l'utilité de ces différences, dues évidemment à des particularités de culture qui ne se re- trouvent point en Europe. 1: LIV. XXXIIL He HERSAGE. Opérations complémentaires du labour pour achever l'a- meublissement du sol. — Différents ustensiles employés dans ce but; herses, claies, rouleaux, etc., de diverses formes, en bois ou en fer, suivant la nature des terrains, et l'espèce de culture. Tous ces instruments se font remarquer par une grande simplicité, et sont d’ailleurs bien moins nombreux et bien moins variés dans leurs formes que ceux dont nous nous servons en Europe. Les encyclopédistes entrent dans de minutieux détails sur les préparations à faire subir à la terre, pour chacune des céréales dont il a été question plus haut. — Neuf planches sont consacrées à l'outillage agricole. LIV. XXXIV. & FE ENSEMENCEMENT. Les Chinois distinguent quatre manières d'ensemencer ; l'une d'elles consiste à semer à la volée, les trois autres à l'aide d'instruments ou semoirs dont la composition n'est pas suffisamment expliquée par les figures. Comme dans le livre précédent et dans les suivants, Chaque espèce de céréales est traitée à son tour, et toujours dans le même ordre; comme dans les autres aussi, Ce sont le riz aqua- tique et le riz see qui occupent la plus large place. Ce livre — 236 — est accompagné de onze planches représentant les ustensiles employés dans l'ensemencement, parmi lesquels figurent les semoirs dont nous avons parlé au commencement notre ou- yrage. » HIS EIV. XXKV- HS LE AMENDEMENT DES TERRES. Manière de défricher les terres et d’en extraire les plantes parasites pour y cultiver le riz. — Utilité des amendements et des engrais — art de les préparer — emploi des diverses sub- stances qui peuvent servir d'engrais — limon des étangs, ma- nière de le recueillir et d'en augmenter la puissance fertili- sante — cendres de différents végétaux, etc. — Examen des engrais particuliers qui conviennent le mieux à chaque espèce de céréale. — Sept planches, jointes à ce livre, renferment des figures relatives aux diverses opérations qu'on y décrit, telles que l'enlèvement du limon des marais, la récolte et la macération des plantes, etc. LIV. XXXVI. EE À SARCLAGE ET REPIQUAGE. Il est particulièrement question dans ce livre du sarclage des rizières et du repiquage des jeunes plants de riz ; tous les instruments et vêtements employés dans ces opérations agri- coles sont reproduits si soigneusement, qu'on nous montre jusqu'aux souliers de joncs fabriqués pour marcher dans la bourbe. La dernière planche réprésente des cultivateurs occupés à purger des herbes parasites une rizière inondée. Tandis qu'ils travaillent, plongés dans l’eau jusqu’à la ceinture, un vieillard frappe sur un large tambour suspendu à des branches de saule. Le texte nous apprend que c'est un usage général — 937 — d'accompagner ainsi au son du tambour un travail extréme- ment pénible, afin de presser par la cadence les mouvements des ouvriers que le bruit empêche d’ailleurs de causer et d’ou- blier leur tâche. » LIV. XXXVIL. VE TBE IRRIGATIONS, ARROSEMENTS. Dans la seconde section de cette Encyclopédie on a traité d'une manière générale les divers systèmes d'irrigation au point de vue administratif; maintenant on passe aux détails pratiques qui s'adressent aux cultivateurs. Un grand nombre e planches servent à faire comprendre les principes qui pré- sident à la distribution des eaux, au creusement des canaux, et des fossés, à l'établissement des barrages, des chaussées, des digues, et enfin à la construction des divers appareils propres à élever l’eau, tels que manéges à bras, manëéges à chevaux, norias, machines à chaînes dont parle le père Du Halde, tuyaux de conduite, etc. Tous ces appareils sont, comme les autres ustensiles agricoles, d’une extrême sim- plicité; le bambou joue un grand rôle dans leur compo- sition. » ; L , LIV. XXX VIII. 2 Ti u YméTHoDEs POUR ELEVER L EAU, D'ORIGINE EUROPÉENNE. Ce livre est consacré à la description des pompes et autres appareils pneumatiques d'invention européenne, introduits à la Chine par les missionnaires. Chacune de ces machines est un diminutif de ce que nous possédons dans le même genre; il y a cependant quelque intérêt à observer les modi- fications que le génie chinois à fait subir à nos inventions dans le but de les simplifier. 16 — 238 — LIV. XXXIX. RTE MOISSON ET BATTAGE DES GRAINS. Manière de procéder à la moisson du riz et à l’enlève- ment des récoltes. — Faucilles de diverses formes, pa- niers, etc. — Différentes manières d’égrener le riz, soit en le battant par poignées sur une table ou un autre corps destiné à cet usage, soit en employant le fléau. — Préparation des aires à battre le riz et les autres céréales — forme des fléaux — séchoirs pour le riz dont les pailles ont été imbibées d’eau, etc. Parmi les instruments, nous remarquons particulièrement une sorte de faux munie d’un filet collecteur où tombent les épis à mesure qu'ils sont coupés ; le moissonneur est suivi de sa femme traînant une corbeille à roulettes dans laquelle on vide le filet chaque fois qu’il est rempli. LIV.XE: 4 re NÉTOYAGE ET MOUTURE DES GRAINS. Ce livre est consacré aux opérations multipliées qui ont pour but la séparation du grain d'avec les matières étran- gères, et surtout les préparations définitives qui le rendent propre à entrer dans la consommation. Un très-grand nombre de planches sont consacrées, à faciliter l'intelligence de la composition et du jeu des machines employées dans ces deux séries d'opérations. Quant aux machines elles-mêmes, elles sont les plus complexes de celles qu'emploie l’agriculture chinoise, et elles embrassent tous les degrés, depuis le plus simple, celui qui consiste à mouvoir à force de bras un pilon de bois dont les coups répétés dépouillent le riz de son en- veloppe, jusqu'aux meules mises en mouvement par les cours d’eau. Cette série d'instruments est trop nombreuse pour que nous puissions nous arrêter à Chacun d'eux ; nous nous bor- — 239 — nerons à constater qu'il en existe de particuliers pour chaque espèce de céréales, c'est-à-dire pour les graminées, les légu- mineuses ou Téou, les oléagineuses, etc. LIV. XLÉ. Led Æ PATÜRAGES ÉT PERGERS. Dans l'antiquité, le labourage des terres se faisait à la main ; on attelait deux hommes à une charrue. Plus tard les buf- fles ont remplacé l'homme. Le livre x fait un résumé de l'his- toire de la domestication du! bufflé et des perfectionnements que chaque siècle a apportés aux attelages. Il passe ensuite à la partie pratique de l'art pastoral, indique les devoirs des bergers et bouviers, les soins que réclament les animaux aux diverses époques de leur vie, etc. Huit planches jointes au texte donnent une idée exacte des pièces qui entrent dans le harna- chement des buffles et des chevaux employés pour l’agriculture, ainsi que de divers instruments nécessaires au service de l'étable, tels que hache-pailles, couvertures pour les ani- maux, etc. La dernière planche représente un berger monté sur un buffle et jouant de la flûte en faisant paîtré l'animal. Depuis les témpsles plus anciéns, cét usage existe à la Chine; les bergers, cotime ceux dé Théocrite ét de Virgile, y em- ploïént leurs loisirs à chanter des vers. On voit que partout l'analogie dès états à produit chez les hommes l’analogie des moœürs. | m'a — 240 — CINQUIÈME SECTION. MANIFESTES IMPÉRIAUX CONCERNANT L'AGRICULTURE, EL LIV. XLIL. A CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES Excellence de la science agricole. —Encouragements que les Empereurs lui accordèrent dès la plus haute antiquité. — Cérémonial des fêtes et des sacrifices relatifs à l’agricul- ture. — Choix des exhortations les plus célèbres adressées aux populations agricoles par les Empereurs chinois. Ces mor- ceaux sont remarquables surtout par le ton paternel qu'em- ploie le souverain. Les uns concernent l’agriculture et l'hor- ticulture, d’autres la grande industrie des vers à soie. — Considérations sur l'importance relative de chacune des céréales. — Devoirs réciproques des propriétaires et de leurs tenanciers. — Instructions adressées aux inspecteurs d'agriculture et aux magistrats préposés à la police des cam- pagnes. — 241 — LIV. XLII. A) 4 DÉCRETS ET MONITOIRES IMPÉRIAUX. L'Empereur, comme souverain pontife, doit des enseigne- ments et des instructions à son peuple. Aussi ces décrets sont-ils généralement précédés par un morceau de morale. Le plus souvent ils roulent sur des généralités applicables à toutes les provinces de l'empire; d’autres fois ils sont provoqués par un évènement particulier, tel qu’une inon- dation, un désastre partiel que l'Empereur veut réparer par des largesses ; ou bien c’est un district qu’il félicite des progrès de son agriculture, ou qu'il réprimande au contraire à cause du mauvais état des campagnes. = ; : LIV. XLIV. n==I Z RAPPORTS PRÉSENTÉS AUX EMPEREURS. Choix de rapports, de mémoires et de placets, composés à toutes les époques pour constater l’état de l’agriculture dans ie Céleste-Empire, et appeler l'attention du souverain sur ses progrès ou ses besoins. — Représentations adressées par les sages de l'antiquité et par les moniteurs impériaux aux Em- pereurs qui laissaient languir l’agriculture en négligeant de l’encourager. — Il suffit de lire le sommaire de ce livre pour voir qu'il contient à lui seul l’histoire de l’agriculture en Chine. di —= a € , EIV. XLV. E =) MANDARINS /PREPOSES À L ADMINISTRATION AGRICOLE. Organisation des mandarinats agricoles depuis la plus haute — 242 — antiquité — Pouvoirs et attributions des mandarins. — Les uns sont préposés à l'administration des greniers publics ou à la police des irrigations, d’autres à l’inspection des cam- pagnes, afin de constater ceux des cultivateurs que la grêle, la sécheresse ou les inondations ont privés de tout ou partie de leur récolte, et qui méritent, par conséquent, une exemption proportionnelle dans les impôts. D’autres enfin sont chargés de signaler au gouverneur de la province les propriétaires né- gligents qui laisseraient leurs terrains en friche, car l'impôt n'étant perçu en Chine que sur le revenu effectif, celui qui di- minue volontairement ses propres ressources est considéré comme frustrant le trésor de l'État. LIV. XLVI. jr A PRIÈRES AUX GÉNIES. Ce livre présenterait plus d'intérêt comme étude de la my- thologie chinoise, qu’il n’en présente au point de vue agri- cole. C’est une suite d'instructions concernant les sacrifices à offrir aux différents génies pour obtenir de la pluie, d'heu- reuses récoltes, ete. Le choix du jour et du lieu, le eérémonial à suivre, la formule des prières, etc., y sont soigneusement in- diqués. ES | À LIV. XLVIT, pin BANK — DÉCRETS ET MONITOIRES IMPÉRIAUX DE LA DYNASTIE RÉGNANTE. — 1. Édits relatifs à l’agriculture rendus par les souverains: de la dynastie régnante. Le livre xLIH renfermait, comme nous l'avons vu, un choix des décrets les plus remarquables pro- mulgués par les anciens Empereurs. Par respect et par défé- rence pour la maison régnante, qui a d’ailleurs plus que toute autre prodigué des encouragements à l’agriculture, les rédac- teurs de l'Encyclopédie ont réuni dans un livre à part les or- — 943 — donnances qui lui sont dues. Ce livre commence donc par celles de Tai-tsou-kao-hoang-ti, premier fondateur de la dynastie actuelle, qui monta Sur le trône en 1616. Il en con- tient plusieurs autres, d'un stylé fort remarquable aussi, éma- nées de Tai-tsong-wen-hoang-ti, et il se termine avec celles du fameux Ching-tsou-jin-hoang-ti, connu sous le nom de Khang-hi. LIV. XLVIN. HET . DÉCRETS ET MONITOIRES IMPÉRIAUX DE LA DYNASTIE RÉGNANTE. — 2. Suite des décrets ou proclamations de la dynastie régnante. Les plus remarquables ‘sont dus à Chi-1song-hoang-ti(Yong- tching) et à Kao-tsong-hoang-ti (Kien-long), sous le règne duquel cette Encyclopédie fut composée. Le dernier de cès décrets porte la date de la deuxième année Kien-long (1737). — La plupart ont été traduits par le père de Mailla et publiés par lui dans son Histoire générale de La Chine. Ce sont tout à la fois, comme ceux dont il a été question plus haut (liv. XLIN), des exhortations paternelles et dés ordres motivés. — 2 es + : ; LIV. xx. FT En JE T4 SACRIFICÉS AUX ESPRITS DE LA TERRE. — CÉRÉMONIAL DU LABOURAGE. Ce livre qui porte pour sous-titre : Importance accordée à Pagriculture par la dynastie régnante, contient le nouveau rituel, institué par les Empereurs de la dynastie Taë-thsing, de tous les sacrifices que l’on doit offrir aux génies de l'agri- culture pour obtenir d’heureuses récoltes. — La fameuse Cérémonie du labourage, par l'Empereur en personne, est particulièrement décrite dans les plus grands détails, et le formulaire des hymnes que chantent successivement les mem- bres des divers corps de l'État est joint au cérémonial des fêtes et des sacrifices. LIV. LET LL. ff) #Ù EF: DE. MORCEAUX EN VERS ET EN PROSE COMPOSÉS PAR LES EMPEREURS CHINOIS (EN L'HONNEUR DE L'AGRICULTURE). Les morceaux en prose sont des dissertations sur l'im- portance de diverses cultures, des traits historiques ayant rapport à des agriculteurs fameux. Les poésies sont des odes et des chansons faites pour les cultivateurs, et célébrant, avec une grande naïveté , les joies que causent la pluie, les présages favorables, une heureuse moisson, etc., etc. LIV. LII. HSE PLANCHES RELATIVES AUX OPÉRA- TIONS DE L'AGRICULTURE ET DE LA SÉRICICULTURE. Première Partie. Le livre Li nous offre vingt-trois planches représentant toutes les phases de la culture du riz, depuis le labourage jus- qu'aux actions de grâces à rendre à la providence après la moisson. Chaque planche est accompagnée d’une pièce de vers renfermant des préceptes, des maximes, des proverbes agricoles ; quelques-uns de ces vers sont dus au pinceau de l'Empereur lui-même. Ce livre, tiré par ordre impérial à un nombre infini d’exem- plaires, afin de répandre dans les campagnes de saines doc- trines sur la culture de la céréale la plus importante à la Chine, forme, avec le suivant, un ouvrage complet et distinct que les rédacteurs de l'Encyclopédie ont cru devoir insérer dans leur grand recueil comme un monument intéressant de la sollicitude du chef de l’état pour le bien-être de son peuple. — 245 — PAL LIV. LI. A F Prozancaes RELATIVES AUX OPERA- TIONS DE L'AGRICULTURE ET DE LA SÉRICICULTURE. Deuxième Par'ie. Ce livre est particulièrement consacré à l'industrie séri- gène, comme le précédent à la culture du riz. Il est composé sur le même plan, et contient aussi un grand nombre de planches accompagnées d’une légende en vers où l’auteur donne l'explication des figures, lesquelles embrassent tous les travaux relatifs à l'éducation des vers à soie, au dévi- dage des cocons, à l’ourdissage des fils, au tissage et à la teinture des étoftes. Les planches, d’une grande finesse d’éxécution dans l'édi- tion impériale, sont d’un extrême intérêt pour ceux qui s'oc- cupent spécialement de ce genre d'industrie, et qui peuvent juger à première vue des différences entre les procédés séri- cicoles de la Chine et du Japon. Il leur suffira de comparer les nombreuses figures de ce livre avec celles du remar- quable ouvrage Yo san-fi-rok, ou l’art d'élever les vers à soie, traduit du Japonais par le savant interprète de S. M. le Roi des Pays-Bas, M. le docteur Hoffman, et publié avec des annotations par M. Bonafous , membre correspondant de l'Institut. — 246 — SIXIÈME SECTION. PEL CONSERVATION DES GRAINS. Lér ) LIVRE LIV. RÆ RECHERCHES GÉNÉRALES. Considérations sur lamise.en réserve des grains et céréales dans les années d’abondance. — Greniers publics institués pour éviter la disette. — Organisation de ces greniers. — Leur nombre dans chaque province, suivant son étendue et sa population. — Ordonnances rendues par la dynastie ré- gnante et particulièrement par l'Empereur Khang-hi relative- ment à la manutention des grains. LIV. LY. ZP GENIERS D'ABONDANCE. (== ] Histoire de l'institution des greniers publics depuis la plus haute antiquité. — Modifications que ces institutions ont — 247 — subies à différentes époques. — Règlement des quantités de grains que doivent contenir les réserves publiques. LIN. LV: ME F # À GRENIERS DES VILLAGES. — GRENIERS D’ASSISTANCE PUBLIQUE. Greniers des villages. — Si par hasard la moisson n’a pas réussi ou n’a pas été abondante, et que dans un village il y ait des gens qui souffrent de la faim, on les secourt à l'aide des grains amassés dans ces greniers. Les grâins destinés à cet usage ont été prélevés, dans les bonnes années, sur les ré- coltes des fermiers, en proportion de leur abondance. Greniers d’assistance publique. — Ces greniers, dont la destination est la même que celle des précédents, n’en diffè- rent guère que par leur nom et par quelques détails d’organi- sation. Le texte nous apprend que leur institution remonte à la 3e année de la période Khaë-hoang. Quand la récolte est abondante, on achète les grains à bon marché; quand elle est médiocre, on vend également à bon marché les grains amassés dans ces greniers; de sorte que siles céréales sont à vil prix, on en augmente la valeur dans l'intérêt de l’agri- culture, et que, si elles sont trop chères, on en diminue le prix dans l'intérêt du peuple. LIV. LVII. E FN PLANCHES CONCERNANT LA CONSTRUCTION DES GRENIERS ET SILOS. Après la partie historique et administrative vient la partie technique. Ce livre, extrêmement intéressant, entre dans de minutieux détails sur toutes les méthodes de conservation des grains, de construction des greniers et des silos, des soins à donner aux céréales emmagasinées, ete. Les planches qui ac- — 248 — compagnent le texte représentent des greniers, des silos, et les divers instruments dont on se sert pour le transport et la manipulation des grains. SEPTIÈME SECTION. È # COMPLÉMENT DE l'AGRICULTURE. HORTICULTURE. — SYLVICULTURE. —— ANIMAUX DOMESTIQUES. 1 - er LIV. LVIII. REA À RECHERCHES GENERALES. Recherches générales sur l'importance de l’horticulture ti- rées des anciens auteurs.—Plantation et entretien des haies vives et clôtures; choix des arbres qui doivent entrer dans leur composition, etc. — Création des jardins proprement dits; exposition, choix des terrains suivant les espèces de légumes ou d’arbres fruitiers que l'on veut cultiver. — Soins réclamés par les plantes; manière de les abriter contre le vent, la pluie, la grêle, la gelée, ete. — Arrosage. — Taille et émondage des arbres fruitiers et d'ornement. — Destruc- — 249 — tion des insectes nuisibles ; échenillage, ete. Un long article est consacré à cette partie intéressante du jardinage. LIV. LIX. Et — LÉGUMES. — 4. Ce livre est consacré à la description des plantes potagères, fourragères ou même industrielles, qui comprennent seize espèces principales, ou plutôt, pour parler suivant nos idées, seize catégories de plantes, sur lesquelles nous sommes loin de posséder des renseignements suffisants. A part le Pé-tsai et un Hibiscus (Hibiscus esculentus ?), | nous a été impossible de reconnaître, d’après les gravures, même génériquement, les autres espèces indiquées ; bien plus, les noms spécifiques rap- portés par les dictionnaires à quelques-unes des plantes dé- crites et figurées dans l'Encyolopédie, sont entièrement dé- mentis par les figures el'es-mêmes. Il est donc fort difficile, dans l’état actuel des choses, de déterminer d’une manière satisfaisante les espèces végétales qui constituent le fond de l'horticulture chinoise. Tout ce que nous pouvons avancer avee certitude, c’est que, parmi ces espèces, quelques-unes sont cultivées comme plantes fertilisantes ; une dernière, qui nous à paru devoir être rapportée à la famille des légumi- neuses, est indiquée comme pouvant servir à la nourriture de certains vers à soie sauvages. LIV, LX. É 7 LÉGUMES. — 2. Description de huit espèces principales de légumes, dont quatre sont desiplantes à tubereules où à racine développée et alimentaire. Nous reconnaissons avec assez d’exacti- tude le Caladium (C. esculentum), la batate et la rave; la quatrième espèce nous échappe. Parmi les figures suivantes , — 9250 — deux nous semblent se rapporter à la canne à sucre et au nélombo ; nous n’avons pu distinguer les deux dernières. LIV. EXL. EE = LÉGUMES: — 3. Comme le précédent, ce livre traite de la culture de huit espèces principales ou catégories de légumes, que nous pour- rions réduire à trois, en suivant les analogies botaniques, savoir : les cucurbitacées, les aubergines et les Champignons. Les premières renferment les espèces désignées par les Chi- nois sous les noms de Courge légume, Gourge jaune} Courge du Midi, Courge d'hiver, Courge filandreuse èt Caiebasse ; mais on ne peut affirmer que ces différentes espèces appartiennent bien toutes au genre Cucurbita des botanistes ; quelques-unes s'éloignent un peu. des formes que nous sommes habitués à constater dans ce genre. — Le livre se termine par‘un assez long article sur les champignons, comprenant les: divisions suivantes : distinction des champignons: qui croissent sur la terre et de ceux qui naissent sur les arbres ; manière de di- stinguer les bons des mauvais: — Monographie des espèces de champignons cultivées par les Chinoïs, avec leur descrip- tion, l'indication des provinees où ils croissent, là manière de les cultiver, etc: LIV. LXIL. n5s PE] LÉGUMES. — 4. Plantes potagères ou servant de condiment. — Huit caté- gories parmi lesquelles: 4° le gingemibre:; 20 les poivres, dont les: Chinois reconnaissent six espèces (la figure d'un de ces poivres ne serapporte pas aux piper des hotanistes ; il nous est impossible d'en: soupconner même le genre); 3° les‘plantes alliacées, comprenant: les aulx; les poireaux, les ciboules’; — 251 — une des figures représentant une plante de cette section nous semble reproduire un cyperus (peut-être le cyperus escu- lentus des botanistes), dont le texte annonce que les racines ou les rhizômes souterrains sont la partie essentielle ; puis viennent plusieurs figures de plantes indiquées comme po- tagères et que nous n’avons pu reconnaître. Quinze espèces ou plutôt quinze groupes d'espèces ou de variétés, parmi lesquels nous ne reconnaissons d'une manière à peu près certaine que l’abricotier, le pêcher, le prunier et la vigne. Les autres figures représentent des fruits remarquables par leur grosseur, mais appartenant très-pro- bablement à des espèces inconnues aux botanistes européens, et ce qui tend surtout à nous le faire croire, c’est que la figure de l'arbre désigné dans l'Encyclopédie par le caractère Æl li, que tous les dictionnaires, même l'excellente Chres- tomathie de Bridgman, traduisent par le mot poirier, se rap- porte évidemment à un arbre dont nous n'avons pu recon- naître l'espèce, mais entièrement différent du poirier que tout le monde connait. LIV. LXIV. H SI FRUITS. =— 2. —4 Continuation du même sujet. Description de dix espèces d'arbres fruitiers. Ce sont le Jujubier, le Diospyros, le Papayer (Carica), le Grenadier, un Pin dont les amandes forment un objet de consommation, le Salisburia (Gixcko biloba), l'Aleu; rites, puis. trois autres arbres. L'un d’eux serait le Noyer, d'a- près la synonimie de Bridgman, mais la figure dément com- plètement cette désignation. — 252 — LIV. Lxv. = FRUITS. — 3. Description de douze autres espèces ou variétés d'arbres fruitiers. Ce sont le Li-tchi (Dimocarpus), le meilleur fruit de la Chine, qui a produit, sous l'influence de la culture, un grand nombre de variétés, dont quelques-unes sont décrites dans l'Encyclopédie comme des espèces distinctes, entre autres Celle que les Chinois désignent sous le nom d’ Yeux de Dragon; YOranger, qui n’a pas de nom particulier et générique à la Chine, mais dont on distingue les variétés les plus remarquables par des noms spéciaux qui feraient croire à autant d'espèces ; le Cocotier ; Olivier, et enfin une espèce d'arbre remarquable, désigné dans l'Encyclopédie sous le nom de Fruit des mandarins civils, dont nous n'avons pu reconnaître l'espèce botanique à l'inspection de la figure, et que nous n'avons trouvé désigné dans aucun dictionnaire. LIN: LXVI. R PI] FRUITS.— 4. : Fruits des plantes herbacées, racines alimentaires, etc. Ce chapitre nous prouve combien les classifications des Chinois diffèrent des nôtres, puisqu'ils font une même catégorie de produits aussi différents que les racines et les fruits propre- ment dits. Nous y trouvons la description de deux cucurbi- tacées, que leur forme ainsi que le texte de l'Encyclodédie nous désignent comme étant des melons; du Nélumbium, de la canne à sucre, du Trapa bicornis, d'un lys dont les bulbes sont comestibles, puis de trois espèces que nous n’avons pu reconnaître avec certitude. L'une est probablement un Caladium ou plutôt une alismacée à tubercules, l'autre une cypéracée dont la racine est aussi tuberculeuse ; la troisième — 253 — à l'aspect d’un nénuphar ou d’un nélumbium, dont elle dif fère considérablement par le fruit. LIV. LXVII À ——— ARBRES FORESTIERS.—1. Huit espèces principales, parmi lesquelles nous remarquons le Pin, le Sapin, le Cyprès, le Dryandra de la Chine, et le Broussonnetia papyrifera. Le texte relatif à chaque espèce d'arbres entre dans les détails les plus minutieux sur leurs qualités, l'emploi de leurs bois, de leurs écorces, de leurs feuilles, ete., sur leurs propriétés médicinales, leurs produits en gommes, résines, ete., etc. LIV. LXVIII. À 7 ARBRES FORESTIERS.— 2. as Ebène (ou du moins un arbre dont le bois est coloré comme celui de l’ébène). — Le Vernis de la Chine (Rhus verni). Un Chêne, ou peut-être plusieurs espèces désignées sous un seul nom générique. L’Acacia. Différents arbres dont il est difficile de préciser le genre à l'inspection des figures, et dont les bois, les écorces et les feuilles sont employés à de nombreux usages dans l’industrie, les arts et la médecine. LIV. LxIX. JÉ fi PLANTES pivenses. Nous trouvons encore ici un groupe formé d'éléments on ne peut plus hétérogènes, puisqu'on y voit le thé figurer à côté des plantes tinctoriales. Ce livre est consacré aux no- tices du Bambou, du Thé, du Carthame, de l'Acorus (Acorus Calamus), du Polygonum tinctorium et d'un Typha; il con- tient, en outre, une liste de quelques autres espèces tincto- 17 — 954 — riales usitées en Chine, avec des indications sur leur cülture et leur emploi. LIV. LXX. 12 FX —< ANIMAUX DOMESTIQUES.—1. Considérations générales sur l'utilité des animaux domes- tiques et l’antiquité de leur domesticité en Chine. —Préceptes généraux sur la manière de les élever. — Le cheval est le premier des animaux domestiques auquel on consacre un ar- ticle. — Éloge du cheval. — Classification de l'animal par la couleur de sa robe et par la forme de ses dents. — Examen minutieux et raisonné du cheval et de toutes les inductions que l’on peut tirer quant à ses qualités et à ses dispositions bonnes ou mauvaises, tant de la nature de son poil que de l'odeur de sa transpiration, de la grosseur de ses veines, etc. Soins à donner aux chevaux suivant leur âge. — Nourri- ture des chevaux. — Manière deles dresser. — Observations de toute nature.—Maladies des chevaux ; les auteurs transcri- vent à ce sujet de nombreuses recettes dues pour la plupart à l'expérience des Tartares, qui vivent constamment à che- val; certaines d’entre elles seraient évidemment intéres- santes à connaître, mais dans l’art vétérinaire comme dans les sciences médicales des Chinois, les simples jouent le plus grand rôle, et les formules pharmaceutiques demeureront in- traduisibles tant que la botanique du Céleste-Empire ne nous sera pas mieux connue. A Ja suite du cheval viennent l’âne et le mulet auxquels sont consacrés des notices analogues. LIV. LXXI. 2 FX 7 ANIMAUX DOMÉSTIQUES.—2. Le mouton. — Nombreuses espèces de moutons. — De — 9255 — . leur utilité et des services qu'ils peuvent rendre. — Instruc- tions pour les bergers quant aux soins à leur donner, l'élevage, la nourriture et le traitement en cas de maladie. — Symptômes de ces maladies et nombreuses recettes pour les guérir. — Des articles analogues sont consacrés au porc et à quelques autres quadrupèdes qui servent d’aliment aux Chinois. — Viennent ensuite les oiseaux domestiques, oies, poules, ca- nards, etc., qui diffèrent considérablement des nôtres, et dont quelques-uns mériteraient certainement d’être importés en Europe. — Enumération des diverses races. — Méthodes pour faire éclore les œufs, pour élever et engraisser les vo- lailles et les soigner en cas d’épidémie, etc. Poissons. — Manière de former des viviers, de domes- tiquer les poissons, de les soigner et de les nourrir en toutes saisons, ete. (1). — Ce livre se termine par une dissertation sur les abeilles composée sur le même plan que les notices précédentes. (4) Nous publierons prochainement un extrait de cet article qui touche à une question neuve. — 256 — HUITIÈME SECTION. Ti À VERS À OUR ET MURIERS LIVRE LXXII, LXXIII, LXXIV, LXXV, LXXVI. CONSTRUCTION DE MAGNANERIES. — BAINS DES GRAINES. — NOURRITURE DES VERS. — DISTRIBUTION DES VERS SUR LES CLAIES. — ENTRÉE DANS LA COCONNIÈRE. — CHOIX DES COCONS. — DEVIDAGE, TISSAGE ET TEINTURE. — SOINS A DONNER AUX MURIERS. Ces cinq livres, consacrés à la culture du mûrier et à l’édu- cation des vers à soie, sont ceux que M. Stanislas Julien a traduits et publiés en 1837. Nous avons eu déjà l'occasion de parler plusieurs fois dans ce volume de ce remarquable ouvrage et du succès qu'il obtint. Nous jugeons inutile d’a- nalyser ici un Traité qui à été traduit par le premier sino- logue de notre époque. Nous renverrons à cette publication ceux qu'intéresse particulièrement l’industrie sérigène, ou — 257 — qui voudraient, par la lecture de ce fragment de l'Encyclo- pédie, se faire une idée plus précise de la manière dont elle est composée. >: F LIV. LXXVIL. ZX #2 COMPLÉMENT DES MURIERS. Fidèles à leur système que nous avons déjà eu l’occasion de faire remarquer, et qui consiste à classer les productions du sol suivant la nature des services qu'ils en tirent, les Chinois placent à la suite du mürier et des divers procédés en usage dans l'industrie séricicole, les plantes textiles, dont les fibres, bien qu’inférieures aux fils des vers à soie, leur servent éga- lement à fabriquer des étoffes. On passe en revue plusieurs variétés de cotonnier, avec des instructions sur leur culture et sur la manière d'utiliser leurs produits. On donne ensuite la description des filoirs et des machines à tisser qui sont fort in- férieures aux nôtres sous le rapport de l'économie de la main- d'œuvre, mais qui se font remarquer toutefois par leur extrême simplicité; simplicité obligée du reste dans un pays où les fa- briques, proprement dites, sont inconnues, où chaque in- dustrie s'exerce isolément en famille, et où les instruments doivent être à la portée des classes pauvres qu’ils font vivre. ze LIV. LXXVIIL. #? COMPLÉMENT DES MURIERS. Continuation du même sujet. — Après avoir figuré parmi les céréales, comme fournissant des graines alimentaires, les Ma reparaissent ici à cause de leurs fibres textiles. Au milieu des nombreuses variétés de Ma énumérées dans ce livre on remarque le Tehu-ma, probablement l'Urtica nivea, et qui a été le sujet d'un Mémoire présenté en 1838, à l'Académie des sciences, par M. Stanislas Julien. — A la suite de Particle — 258 — concernant la culture et la récolte de ces plantes sont figurés, comme à la suite du chapitre relatif au cotonnier, les instru- ments destinés à rouir les tiges et à préparer les fils. — Après les Ma viennent le Ko, (dolichus bulbosus, selon M. Brongniart), puis le bananier. Enfin, la dernière notice est consacrée au Thong ( Bignonia tomentosa ? ), dont les feuilles se couvrent d’un duvet blanc qui sert à fabriquer des toiles d’une extrême finesse, et le grand Recueil encyclopédique se termine avec la revue des plantes textiles. FIN. TABLE DES MATIÈRES. Pages INTROBUCTION.-. *..".".1.1.1.16. nn rot SSD, , . PREMIÈRE PARTIE. —— CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'AGRICULTURE ET DE L'HORTICULTURE EN CHINE. I. Parallèle de l'agriculture de la Chine et de celle de FL TENTE | II. Comparaison des climats de la Chine avec ceux de l'Europe occidentale et du Nord de l'Afrique. . . . + . 63 DEUXIÈME PARTIE. REVUE SOMMAIRES DES ESPÈCES VÉGÉTALES CULTIVÉES EN CHINE 1: — Céréales. . 97 IT. — Légumes, légumes-racines et autres plantes — 960 — alimentaires entrant également dans la grande culture et dans la culture jardinière $ 1e, — Espèces entrant plus particulièrement dans la grande culture. $ 2. — Espèces appartenant au jardinage plutôt qu’à la grande II. — cultures Ge SR. RON SENS RER Choux -=Pé Sa nier MU DRE Es STE Papi ONACLES TRS PE RENE ER : DÉCUMES DENIS AS IN NE I EN NE a T'ÉQUMESTALINES D NT EN EE El IR Cle Cie : DÉJUMES PUS LE NE ET he ee RPM re CGaliduim. OL LR CES RE SAT ANOUR Nelumbium- teen ER OCR MR OT Drapa DICORMSL NN SE EN ER EN ER CIE ONOMES EE UNE EC CC Ce LUC - LÉ Champignons. .ATHAG ATEMAAG - Arbres fruitiers. Es. TT CE XAILODUL Sr SOUS CU AE de A E- PUIUDETS Etes a 2 eee MA e Re Re Ce Le IHOSDNTOS SEE RE PRE NE EE Ce Orangers, — Limons, —.Citrons. . . . . . . . . . . .. ESC LONTEUER TD CE NET CSN ARR BANGNIETS eee ee ME NE ET IC Re MONJOU SR ei cie CC IV. — Plantes industrielles et bois de construction. Plantes industriel 2-1 Gotonmers 2. EEE NAS - 0 Me ee Ce Ghanvreide:.Chine = Re te Ne MO E Orties textiles (Urtica nivea, Urtica utilis). . . . . . . BOMDOU. se 0: 28e Cds eric ee CES TRE RE à LR EE PR ae ete UE Le Bois de construction =. 2... CR TT - NONMOLNESE an a le ete ee: TRE MO EL L SRE Per ee CRE De SRE SCANNERS se RO PR ET eee de + date Pr Pages — 261 — Pages V.— Plantes érinales à AS... +0 VE. — Plantes d'armement, .., alismmtecteolféanie: 015 2211909 F AL » NOTICE SUR L'ENCYCLOPÉDIE FE + 55 À NN 19 ANALYSE DE L'ENCYCLOPÉDIE. PREMIÈRE SECTION. — Des saisons. Considérations générales. — Printemps. — Été. — Automne. — NOR ele ser eee alaie Plote di ci « selle 221 DEUXIÈME SECTION. — Des diverses cultures appropriées à la nature du sol. Recherches générales. — Cartes géographiques. — Distinction des terroirs. — Productions. — Divisions agraires. — Planches topo- graphiques relatives aux divisions agraires. — Avantages que l'on FÉRRPEGe PET (IETISAtIONS)ET ee ne en - lois = - Un come se 294 TROISIÈME SECTION. — Céréales. Recherches générales. — Riz, — Millets. — Holcus - Millium. — Panicum verticillatum. — Sorghum. — Milium globosum. — Seta- ria. — Panicum italicum. — Blés. — Téou. — Ma. . . ..... 229 QUATRIÈME SECTION. — Travaux agricoles. Recherches générales. — Labourage. — Hersage. — Ensemencement. — Amendement des terres. — Sarclage et Requipage. — Irriga- tions, Arrosements. — Méthodes pour élever l’eau, d'origine Euro- péenne. — Moisson et battage des grains. — Nettoyage et mouture des grains. — Pâturages et bergers. . . . . .. . . . . . . . . .. 234 CINQUIÈME SECTION. — Manifestes imperiaux concernant l’agriculture. Considérations générales. — Décrets et monitoires impériaux. — — 262 — Pages Rapports présentés aux Empereurs. — Mandarins préposés à l'ad- ministration agricole. — Prières aux génies. — Décrets et Moni- toires impériaux de la dynastie régnante. — Sacrifices aux esprits de la terre. — Cérémonial du labourage. — Morceaux en vers et en prose composés par les Empereurs chinois en l'honneur de l’agricul- ture. — Planches représentant les opérations de l’agriculture et de Pindustrie séricicole. SIXIÈME SECTION. — Conservation des grains. Recherches généralés. — Gréniers d'abondance. — Greniers des vil- Jages. — Greniers d'assistance publique. . . ... . . . . . . . . .. 946 SEPTIÈME SECTION. — Complément de l’agriculture. Recherches générales. — Légumes. — Fruits. — Arbres forestiers. — Plantes diverses. — Animaux domestiques. — Poissons. . . . . 248 HUITIÈME SECTION. — Vers à soie et müriers. Construction des magnaneries. — Bains des graines. — Nourriture des vers. — Distribution des vers sur les claies. — Entrée dans la coconnière. — Choix des cocons. — Dévidage, Tissage et Tein- ture. — Soins à donner âux Müriers. — Complément des Müriers. — Diverses plantes à fibrés textiles. . . . . . . . . . . . . . ... 256 Eté MU Prin : ve Pa 5 . LENS, 4 lirates sais Eu ee hit vis DELA cs nage-Précrise Er sé abs —_ be Hate, me | BINDING SECT, gp 1 81978 PLEASE DO NOT REMOVE CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY S Hervey-Saint-Denys, Marie Jean 271 Léon C6HZ Recherches sur l'agriculture et l'horticulture des Chinois mn TE RS as #1 A Rene FES