DOOHÈSES à PRÉSENTÉES À FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS POUR OBTENIR Félix BERNARD ANCIEN ÉLÈVE DE L'ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE Division of Moillusks AGRÉGÉ DES SCIENCES NATURELLES Sectioncl Lil AIDE NATURALISTE AU MUSÉUM E. — RECUERCHES SUR LES ORGANES PALLÉAUX DES GASTÉ- 1 s ROPODES PROSOBRANCHES, "7 — PROPOSITIONS DONNÉES PAR LA FACULTÉ. | le mars, devant Ia Commission d'examen. MA HÉBERT.............. Président. è Le, DONNER... D DASTRE.. à AC | Éraminateurs. PARIS G. MASSON, ÉDITEUR _ LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE > 420, boulevard Saint-Germain, en face de l'École de médecine. 1890 EE \ EX LIBRIS Wilham Healey Dall Division of Mollusks Sectional Library FERE NA NA\2 VTT E Veil hi SÉRIE A, N° 435 "Le THÈSES “a — — PRÉSENTÉES A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR ÉS SCIENCES NATURELLES PAR Félix BERNARD [A ANCIEN ÉLÈVE DE L'ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE AGRÉGÉ DES SCIENCES NATURELLES Dimigion of MoliusEs AIDE NATURALISTE AU MUSÉUM Saronc! ! nl ES THÈSE. — RECHERCHES SUR LES ORGANES PALLÉAUX DES GASTÉ- ROPODES PROSOBRANCIIES. 2° TMHESE. — PROPOSITIONS DONNÉES PAR LA FACULTÉ. Soutenues le mars, devant In Commission d'examen. 4 old 5 A EP à 1 à 9 MESSE RE ER RER EEE Président. BONNIERE. nel 1 PAL OE Æ'xaminateurs. PARIS G. MASSON, ÉDITEUR LIBRAIRE DE > ACADÉMIE DE M ÉDECINF 490, boulevard Saint-Germain, en face de l'École de médecine . 1890 ACADÉMIE DE PARIS FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS MM. Doyen era DARBOUX, Professeur... Géométrie supérieure. \ PASTEUR. | DUCHARTRE. | HÉBERT, Doyen honoraire. .. Géologie. ! DE LACAZE-DUTHIERS. Zoologie, Anatomie, Physi logie comparées. Professeurs honoraires. PPERMARENR CC Algèbre supérieure. MRRMOSE NES ee -rue Chimie. PRIEDEL. ne Chimie organique. OSSIAN BONNET....... Astronomie. HISSERANDEE TER" CEEE Astronomie. LIPPMANN..... . ..... Physique. HAUTEFEUILLE........ Minéralogie. BOUT ER TEE CE Physique. Proton cons / APPELL.............. . Mécanique rationnelle. PSE OS \DUGLAUX 2. sus. Chimie biologique. | BOUSSINESQ........... Mécanique physique et expé- rimentale. PICARD Se Calcul différentiel et calcu intégral. POINCARÉ 2.24 27-08 Calcul des probabilités, Phy- sique mathématique. HÉRÉDBLARENE. Zoologie, Anatomie, Physio- | logie comparées. IMBONNIER EN -E-F2 0-0. Botanique. DASMAE Tertre Physiologie. DIRE ee enr e repre Chimie. | DIN db eee tasse Physique céleste. Professeu1s adjoints … (CA LAUNIS ÉR ESS EU APE FEES FAURE Physio ogie comparées. | MON SSSR Chimie. Secrétaire, 5.0.0 PHILIPPON, M. EDMOND PERRIER PROFESSEUR ADMINISTRATEUR DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE Hommage d’affectueuse reconnaissance. AIALOR RE d'YMENN VE Je = PT LIL laérrétil sv, w” AE D'UN EL UT LUI SSSR Ù : à N d PA 2 Q pic ! “ ques p sa " ' ti : NUE | Li Dei { mi RE “ LUE cr Ù vv Es AT U Fi 1 NA (4 à £ 1 ! ‘ l dd à | v ti , ‘ | 4 + : : » ‘ , er L Je . “4 k Q | " WE L 2 ; À 0 NOR CET men 15) Lis [FA Wars » ra LE L dé. À AUX L i d \ ste - i Û hs . ; TP Le r h : : À f { LED { L » Û j ‘, " UT | Le | + CE Le: jar di Cr ù LL 19 LE OR oh ie) SR n RECHERCHES SUR LES ORGANES PALLEAUX DES GASTÉROPODES PROSOBRANCIHES Par FÉLIX BERNARD. INTRODUCTION Ce travail fait partie d’une série de recherches entre- prises au laboratoire de Malacologie du Muséum, en vue de préciser el de compléter nos connaissances relatives aux Gastéropodes Prosobranches. Ce groupe, l'un des plus im- portants de tout l'embranchement des Mollusques, a été jus- qu'à ces dernières années relativement négligé, et, à part les essais d'Anatomie comparée de Jhering, de Spengel et de Bela Haller, les travaux les plus importants consistaient en monographies. Les genres qui ont élé étudiés à ce point de vue sont les suivants : Paludina, Neritina, Vermetus, Halia, Haliotis, Fissurella, Ampullaria, Cyclostoma. Ajoutons-y les familles des Muricidés, des Rhipidoylosses marins, des Purpu- ridés et des Calyptræidés. Des familles entières restaient à peu près inconnues, et, si l’on voulait tenter d'établir un enchai- nement, une classificalion naturelle des groupes, on élait réduit à s'appuyer sur les caractères lirés de la coquille, de la radula ou de la forme de la branchie. Les savants alle- mands ont les premiers tenté de combler cette lacune, mais 90 FÉLIX BERNARD. en France la tendance aux monographies semble encore dominer. « Nous sommes à la période des monographies », a dit M. de Lacaze-Duthiers, et l’élude complète de types aussi variés que possible est la principale préoccupation d’un grand nombre de zoologistes. Je ne conteste pas l'utilité de ces sortes de recherches; mais le beau mémoire de M. Bou- vier sur le système nerveux et la classification, on pourrait même dire sur la phylogénie des Prosobranches, a déjà prouvé d’une manière péremptoire de quelle utihlé peut être un travail d’une grande étendue portant sur un seul système, et que d'autre part l'esprit de comparaison n'est pas incompatible avec la précision paliente et consciencieuse chez un anatomiste. Le succès mérité de ce travail et de bien d’autres du même genre suffit à juslifier les entreprises conçues dans le même esprit, qui ont été tentées au même laboratoire, sous la di- rection bienveillante de M. le professeur Perrier. Mon ami, M. Rémy Perrier, vient de publier un travail d'anatomie et d'histologie comparées sur le rein des Prosobranches; je me propose d'étudier ici le manteau et les organes qui en dépendent, la branchie, la fausse branchie et la glande à mucus. M. Malard Duméril, préparateur à Saint-Vaast, s’oc- cupe de l'appareil digestif, et les organes génitaux seront prochainement mis à l'étude. En ce qui me concerne personnellement, je suis heureux de pouvoir constater ici combien ma tâche a été facilitée par les ressources mises à ma disposition et par la bien- veillance de mes maitres el de mes amis. Travaillant à l’É- cole Normale et au Muséum, je pouvais tirer parti des ins- truments les plus perfectionnés et des ressources d’une riche collection d'animaux exotiques. Trois laboratoires marilimes (Arcachon, Saint-Vaast, Wimereux) m'expé- diaient les animaux vivants qu’il élait indispensable d’avoir constamment sous la main en grande abondance pour les recherches histologiques. Aussi suis-je heureux de pouvoir ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 91 témoigner ici ma reconnaissance aux personnes qui ont bien voulu me donner des preuves de leur sympathie, el princi- palement au savant à qui je dédie ce premier travail comme une faible marque de ma gratitude. M. Edmond Perrier, depuis plusieurs années, s'est montré pour moi, qu'il me soit permis de le dire, un maître à la fois plein de compé- tence et toujours prêt à m'aider de ses bienveillants conseils. Il sait combien il peut compter sur mon dévouement et ma reconnaissance. Je liens à remercier également MM. les professeurs Dastre et Giard, qui, à diverses reprises, ont bien voulu examiner mes préparations et me donner des avis dont j'ai pu apprécier la valeur, et M, de Quatrefages qui, avec une obligeance extrême, s'est chargé de présenter mes résullats à l'Académie des sciences. C'est au dévouement et à l'activité infatigable de M. Du- règne, directeur du laboratoire d'Arcachon, que j'ai dû la plus grande partie des animaux vivants qui m'étaient indis- pensables. Pendant trois ans, les envois se sont succédé d'Arcachon au Muséum ou à l’École Normale avec la plus grande régularité. J’ai reçu à trois reprises l'hospitalité la plus amicale dans ce laboratoire dû entièrement à l'initiative privée, et déjà doté de l'installation la plus confortable. Le laboratoire maritime du Muséum à Saint-Vaast la Hougue, à peine installé depuis quelques mois, m'a procuré également plusieurs types intéressants. Pendant le court séjour que j'ai fait à la station zoologique de Naples, j'ai reçu également l'accueil le plus empressé de MM. Eisig et Lo Bianco, en l'absence de M. le professeur Dohr n. J'ai rapporté de ce voyage des malériaux précieux dont quelques-uns ont été mis en œuvre dans le présent (travail. Enfin je tiens à adresser d'une manière toute spéciale un témoignage de vive et d’ancienne amitié à M. Rémy Perrier, tout récemment encore mon collègue à l'École Normale. Pendant {rois ans, nous avons cherché ensemble les meil- eu res méthodes et contrôlé mutuellement nos observalions. 92 FÉLIX BERNARD. Il est inutile d'insister sur les avantages qu’a présentés pour nous cetle méthode de comparaison conlinuelle, tant pour la connaissance des divers lissus que pour la critique des rapports des animaux étudiés. J'ai étudié environ quarante-cinq genres appartenant au- tant que possible à tous les principaux groupes des Proso- branches. Mais tout naturellement mes investigations ne pouvaient être portées aussi loin pour chacun des animaux étudiés. Pour les recherches histologiques délicates, j'ai été obligé de choisir certains {ypes plus propices que les autres, et que je pouvais avoir ou en grande abondance ou dans un état de parfaite conservation : tels sont les genres Haliotis, Trochus, Fissurelle, Patelle, Néritine, Valvée, Paludine, Lit- torine, Vermet, Cassidaire, Pourpre, Buccin, etc. On voit qu'ils représentent, en somme, les chefs de file des prinei- pales subdivisions de l’ordre. Les observalions faites sur les autres types avaient pour but, soit de généraliser les résul- lats acquis, soit de constater des particularités morpholo- giques présentant quelque intérêt. L'historique général de nos connaissances relatives au manteau et à ses annexes nous montrera une grande inéga- lité dans la manière dont sont réparties ces connaissances : certains points semblent assez bien étudiés ; d’autres, au con- traire, sont, ou très disculés, ou encore plus ou moins obs- curs. De là une certaine difficulté pour la manière de diriger les précédentes recherches; jai voulu élucider autant que possible les faits encore mal connus, et éviter des deserip- lions pouvant faire double emploi avec ceux des travaux anté- rieurs en lesquels on peul avoir confiance. Par suite, 1l est indispensable pour moi de présenter ici un plan général de l’ordre suivi dans ces recherches : les points que je me suis proposé d'étudier en délail seront ainsi mieux mis en lu- mière. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 93 PREMIÈRE PARTIE GÉNÉRALITÉS. CHAPITRE PREMIER. — MÉTHODES EMPLOYÉES DANS CE PEN S 1. Coupes. — $ 2. Dissociation. — $ 3. Observations par transparence. CHAPITRE IT. — DESCRIPTION SOMMAIRE DE LA CAVITÉ PALLÉALE. — POSITION DE L'ANIMAL. CHAPITRE HE. — HISTORIQUE GÉNÉRAL DES RECHERCHES RELATIVES AUX ORGANES PALLÉAUX. — DÉTERMINATION DES QUESTIONS QUI RESTENT A ÉTUDIER. DEUXIÈME PARTIE ÉTUDE SPÉCIALE DE L'ORGANE DE SPENGEL. CHAPITRE PREMIER, — ETUDE WiSTOLOGIQUE DE L'ORGANE DE SPENGEL DE LA CASSIDAIRE (cas de différenciation maximum). — $ 1. Extérieur. — $ 2. Gan- glion central. — $S 3. Lamelles. CHAPITRE II. — DirFÉRENCIATION PROGRESSIVE CHEZ LES DIOTOCARDES. — $ 4. Néritidés. — $ 2. Fissurellidés. — $ 3. Trochidés. — $ 4. Haliotidés. CHAPITRE III. — DIFFÉRENCIATION PROGRESSIVE CHEZ LES MONOTOCARDES. — $ 1. Valvatidés. — $ 2. Littorinidés et groupes voisins, — $ 3. Verméti- dés, Strombidés, Cérithidés. —$ 4. Naticidés et Lamellariidés. — $ 5. Pro- boscidifères Siphonostomes. — $ 6. Rachiglosses., — $ 7. Cyprœidés. — S 8. Toxiglosses. — $ 9. Résumé. CHAPITRE IV. — PROSOBRANCHES DÉPOURVUS D'ORGANE DE SPENGEL (Hélicine, Cyclophore). CHAPITRE V. — Parezzmés. — $ 1. Historique. — $ 2. Patella vulgata. — $ 3. Tectures. — $ 4. Lottia. — $ 5. Résumé et conclusion. CHAPITRE VI. — ORGANE DE LACAZE-DUTHIERS DES PULMONÉS. — $ 4. Histo- rique. — $ 2. Planorbis corneus. — a. Ganglion. — b. Enveloppe du cul- de-sac épithélial. — €. Invagination épithéliale, — d. Résumé. CHAPITRE VII. — PALUDINE. — VIII. — OPISTHOBRANCHES. — IX. — COMPARAISONS MORPHOLOGIQUES. ORGANE DE SPENGEL ET GAN- GLION BRANCHIAL. Conclusions. TROISIÈME PARTIE STRUCTURE DES FEUILLETS BRANCHIAUX. (Étude spéciale des éléments musculaires et du réseau nerveux inter-épithélial.) CHAPITRE PREMIER. — CassinamEe. — $ 1. Membrane de soutien. — $ 2, Cellules étoilées du tissu conjonctif, — $ 3. Fibres transversales. — 94 FÉLIX BERNARD. $ 4. Fibres parallèles à la surface. — $ 5. Espaces sanguins. — $ 6. Élé- ments nerveux. — $ 7. Épithélium. — $ 8. Comparaison du feuillet bran- chial avec le feuillet nerveux de l'organe de Spengel. CHAPITRE IT. — COMPARAISON DES BRANCHIES DES DIVERS PROSOBRANCHES. — $ 1. Diotocardes. — $ 2. Paludine. — $ 3. Autres Ténioglosses. — $ 4. Ra- chiglosses.#- $ 5. Conclusions. CHAPITRE III. — PATELLIDÉS ET OPISTHOBRANCHES. — K 1. Lamelles bran- chiales de la Patelle. — $ 2. Opisthobranches‘ "= $ 3. Conclusions géné- rales. QUATRIÈME PARTIE GLANDE A MUCUS. (Étude spéciale des éléments secréteurs.) CHAPITRE PREMIER. — HISTOLOGIE DE LA GLANDE A MUCUS, — $ 1. Purpura lapillus. — $ 2. Glande à mucus étudiée par les dissociations. 30 CHAPITRE II. — PHÉNOMÈNES INTIMES DE LA PRODUCTION DU MUCUS OBSERVÉS DIRECTEMENT SUR UNE LAMELLE BRANCHIALE. CHAPITRE III. — DiFFÉRENCIATION PROGRESSIVE DE LA GLANDE A MUCUS CHEZ LES PROSOBRANCHES. — $ 1. Diotocardes. — $ 2. Patellidés. — $ 3. Palu- dine. — $ 4. Ténioglosses en général, — $ 5. Rachiglosses. — $ 6. Ré- sumé. CHAPITRE IV. — LES ÉLÉMENTS MUCIPARES CHEZ LES GASTÉROPODES. CINQUIÈME PARTIE COMPARAISONS HISTOLOGIQUES ET MORPHOLOGIQUES. CHAPITRE PREMIER. — CELLULES NEURO-ÉPITHÉLIALES CHEZ LES GASTÉRO- PODES ET LES ACÉPHALES. CHAPITRE II. — MORPHOLOGIE DU SYSTÈME VEINEUX PALLÉAL. CHAPITRE III. — Tissu CONJONCTIF ET ESPACES LNCUNS EE 1. Historique. $ 2. Données relatives au tissu conjontif du manteau. — $ 3. Considéra- ions sur les lacunes. | CONCLUSIONS GÉNÉRALES. PREMIÈRE PARTIE GÉNÉRALITÉS CHAPITRE PREMIER MÉTHODES GÉNÉRALES. Avant de commencer l’exposé de mes recherches, je dois indiquer avec quelque détail les méthodes principales dont j'ai fait usage dans les cas les plus généraux, réservant seu- lement la description des procédés spéciaux employés dans quelques cas particuliers : je m’abstiendrai de tenir le lecteur au courant des {älonnements par lesquels j'ai dû nécessai- rement passer; J'indiquerai toutefois pourquoi, dans quel- ques cas, certains réactifs très usités n’ont pu réussir d’une manière salisfaisante ; à part celte exception, je décrirai ex- clusivement les procédés qui auront donné de bons résultats. Toutes Les recherches qui sont uniquement du domaine de l’Aistologie ont élé conduites par trois méthodes générales. $S 1. — Méthodes des coupes. Je me suis adressé pour les coupes presque uniquement à des individus vivants; par exception pour certains animaux rares ou exotiques, J'ai eu recours aux animaux conservés de la collection du Muséum. Il va sans dire que, malgré l’état relativement satisfaisant des matériaux de celte dernière provenance, Je devais attribuer aux résultats histologiques qu'ils m'ont fournis un moindre degré de certitude et, pour pousser aussi loin que possible l'étude des tissus, j'ai dû m'adresser seulement à des échantillons frais préparés par moi-même. Les animaux conservés me donnaient d'ailleurs 96 FÉLIX BERNARD. des résultats intéressants, principalement au point de vue de la comparaison et de la généralisation. A. Fixation des tissus. — L'un des points les plus impor- lants dans la série des opéralions relatives à la méthode des coupes élait la conservation irréprochable des tissus. Cela se comprend de soi, puisque je m'inléressais le plus souvent aux éléments épithéliaux, qui sont, comme on sait, les plus prompts à se détériorer. I fallait, dans tous les cas, plonger le plus rapidement possible l'animal ou l'organe à étudier dans un réactif capable de fixer immédiatement les tissus. Le Mollusque était donc dépouillé rapidement de sa coquille au moyen de pinces coupanles, le manteau élait délaché en entier et plongé dans un liquide qui devait toujours être assez fortement acide. L’acide acélique, par exemple, jouit de la propriété de coaguler presque instantanément le mucus et d'arrêter ainsi la destruction épithéliale que ne manque- rait pas d'entraîner le gonflement de celte dernière substance sous l’action de l’eau pure. Le réactif fixateur que j'employais de préférence est l’a- cide picro-sulfurique de Kleinenberg, préparé suivant la méthode indiquée dans le Trailé classique de Bolles-Lee et Henneguy. Dans le cas où Je m'occupais de préférence des éléments nerveux et neuro-épithéliaux, j'employais avec succès un mélange à parlie égale d'acide chromique au millième et d'alcool à 70°, dans lequel je laissais les frag- ments toujours fort petits pendant trois heures environ. Dans tous les cas, la préparalion était mise dans l'alcool à 70° pendant vingt-quatre heures au moins, l'alcool étant changé plusieurs fois pour obtenir la décoloration parfaite. Le fragment à étudier était, dans l'agent fixateur même, tendu par des épingles sur une lrès petite plaque de liège qu'il ne quittait qu'à la fin de la série des préparations. Ainsi maintenu et fixé, au sorlir de l'alcool à 70°, il était plongé dans un réactif colorant. L'acide osmique à élé employé surtout avec succès pour l'étude des membranes : un feuillet branchial, par exemple, ‘ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 97 élalé sur une lamelle par la demi-dessiccation, était exposé pendant quelques minules aux vapeurs d'acide osmique. L'épithélium, il est vrai, n'élait pas toujours fixé d'une ma- nière salisfaisante, parce que l'acide exagère pendant un instant la sécrélion du mucus. Cependant, dans les cellules mucipares elles-mêmes, le réseau proloplasmique apparais- sail alors en coupes avec une grande netteté. Mais c'était surtout pour l'étude de la membrane de soutien de la lamelle que celte méthode donnait de bons résultats. B. Co‘orations. — J'ai recherché les avantages et les in- convénients d'un assez grand nombre de réactifs colorants usilés habituellement (carmins variés, hémaloxyline, violet de gentiane, safranine, purpurine, nigrosine, etc.). Mais les plus belles coupes que j'ai pu oblenir sont des coupes à double coloration bleue et rouge dues à une substance car- minée et au bleu de méthylène. Le tissu à étudier fixé sur un pelit fragment de liège était, au sortir de l'alcool à 70", porté dans une solution de carmin boraté, de carmin aluné, ou mieux, de picro-carminate d'ammonraque; les deux pre- miers réactifs réussissaient surtout pour l’hislologie fine des éléments nerveux; le dernier, d’un usage plus général, avait de plus pour moi l'immense avantage de mettre admirable- ment en évidence les cellules neuro-épithéliales. Le fragment était, suivant sa grosseur, maintenu douze à vingl-quatre heures dans la liqueur carminée, et lavé à l'eau. I élait en- suite plongé pendant vingt-quatre heures dans l’alcoo! à 70°. Je faisais alors commencer la coloration en bleu; je devais chercher à doser la quantité de bleu employée. Pour obtenir une coloration toujours identique, je faisais une dissolution saturée de bleu dans l'alcool à 90°, el Je mélangeais une partie de cel alcool avec une partie d'alcool à 90° pur. La préparation restait vingt-quatre heures dans ce mélange. Elle restait vingl-qualre heures encore dans une liqueur formée de même avec deux parlies d'alcool absolu pur el une parlie d'alcool saturé de bleu. C. Enrobage. — L'objet étant ainsi à la fois coloré et = ANN. SG. NAT. ZOOL. IX, 7. — ART. N° à. 98 FÉLIX BERNARD. déshydraté, il s'agissait de l’inclure dans la paraffine. L'huile de cèdre m'a paru le plus précieux des véhicules employés. Mais, plus récemment, j'ai pu supprimer complètement pour de pelits objets celle partie de l'opération et la remplacer par un procédé beaucoup plus expédilif que m'a indiqué M. Viallanes. Au sortir de l'alcool absolu, l’objet est plongé dans le toluène, où il peut rester longtemps sans s’altérer. Cette substance se mélange parfaitement à l’alcool absolu. On fait le vide dans le tube au moyen d’une trompe à eau, ce qui favorise la sorlie de l'alcool et la pénétration du to- luène. On fait ensuite l'inclusion dans la paraffine chaude, en faisant encore le vide dans le {ube. Le toluène, très vo- lalil, est enlevé et la paraffine pénètre très rapidement. Quel- ques minutes suffisent en effet pour les objets très petits. La paraffine employée est de la paraffine allemande fon- dant à 52°. Toutefois, en été, pour faire des coupes très minces au 1/400° par exemple, la paraffine française à 60° m'a donné de bons résultats. Quand la pénétration est jugée accomplie, un peu de paraffine est coulée dans un verre de montre qui à été recouvert d’une très mince couche de gly- cérine. L'objet est plongé dans celte paraffine encore li- quide, et alors détaché rapidement de son support de liège. La paraffine est refroidie brusquement dans l’eau froide; par un trait tracé sur le bloc on indique, avant le complet refroidissement, le sens dans lequel les coupes devront être failes. Une fois refroidi, le bloc se détache de lui-même de la coupelle, grâce à l’interposition de la glycérine. Il est coupé de la grandeur voulue el fixé à la cuvette du micro- tome de Dumaige (1). Les coupes, comme on sait, s’obtiennent en séries conti- nues, au moyen de cel excellent appareil, et il est facile d’en faire spontanément varier l'épaisseur ; J'avais ainsi à volonté dans une même série des coupes au 100°, au 200° et au 400° de millimètre. (4) L'emploi de la glycérine a été indiqué par M. Garnault dans sa mon o- graphie du Cyclostome. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES, 99 D. Montage des coupes. — Vour monter les coupes j'ai employé un procédé {rès simple que je n'ai vu encore indi- qué nulle part. l'est souvent important de pouvoir traiter les coupes une fois collées par des réactifs variés. On peut en effet avoir besoin de colorer à nouveau des coupes trop pèles, ou inversement, d'éclaircir des coupes opaques, d’éta- ler des coupes plissées ou même d'ouvrir sans les délério- rer des préparalions complèlement montées dans le baume. J'ai renoncé successivement à tous les procédés qui m'a- vaient été indiqués, quoique j'eusse reconnu leurs avantages respectifs; mais chacun d'eux m'a semblé présenter de graves inconvénients : la gomme laque et le collodion ne résistent pas à un lavage à l'alcool absolu, et ne donnent pas des préparations bien planes : l’albumine glycérinée de Mayer a l’inconvénient de se colorer trop fortement par les substances que j'employais et de sécher difficilement, ou bien de présenter, par la dessiccalion, des craquelures fort génantes. Je me suis arrêté à l'usage de la gélatine, dissoute dans vingt-cinq fois son poids d’eau et filtrée. Une couche épaisse de cette substance bien chaude est étendue sur la lamelle ; les séries de coupes, coupées en segments de longueur conve- nable, sont déposées parallèlement, et la lamelle est portée sur la plaline chauffante de Malassez à une température voisine de 40°. On voit alors les coupes s’élaler parfaitement sur la gélatine sans se séparer les unes des autres. Tous les plis disparaissent et l’ensemble des coupes devient parfai- tement plan. On enlève le plus possible du liquide avec un papier buvard jusqu'à ce que la couche de gélaline soit in- visible ; on laisse ensuite sécher pendant douze heures. Par- fois il arrive que la couleur bleue disparait quand on chauffe la gélatine : c'est que cette substance est alors alcaline. On évile cet accident en y ajoutant une très pelile quantité d’un acide quelconque. Les coupes ainsi collées résistent à tous les agents. On commence dans tous les cas par se dé- barrasser de la paraffine au moyen du xylène; si l'on voit 100 FÉLIX BERNARD. alors que la coloration est salisfaisante, on monte les coupes dans le baume de Canada, qui me semble à tous égards pré- férable à la glycérine. Pour décolorer les coupes trop bleues, je les maintiens quelque temps dans un mélange à volumes égaux d'alcool absolu, de girofle et de xylène. Plus souvent on a à colorer des coupes trop pàles ou bien à ajouter une coloralion nou- velle ; les deux matières qui m'ont donné les meilleurs résul- lats pour l’un ou l’autre de ces deux usages sont le vert de méthyle et le bleu de méthylène. Ils doivent être dissous dans un mélange à volumes égaux d'alcool absolu et de xylène ; l'alcool absolu employé pur détériore les tissus et exfolie la gélatine. Le vert de méthyle réussit en solution très concentrée, et si l’aclion est prolongée pendant plusieurs heures ; le bleu de méthylèene colore plus rapidement, et son action doit être arrêtée dès que la gélaline commence à bleuir. On peut, suivant que la substance colorante est con- centrée et employée pendant peu de lemps, ou bien neu concentrée et maintenue pendant un temps plus long, obte- nir des sélections spéciales qui ont un certain intérêt : ainsi le mucus et, à un moindre degré, les muscles se colorent rapidement el fortement : ils se décolorent de même sous l’action du réactif cité plus haut. Au contraire, l’effet produit sur les nerfs est plus lent et plus durable. En définilive, en employant les substances colorantes dans les proporlions citées plus haut, on n’a à faire usage des coloralions ou des décolorations après coup que si l’on fait varier nolablement l'épaisseur des coupes. Les proportions indiquées donnent des teintes encore suffisantes pour des coupes au 400"; elles sont beaucoup trop vives pour des coupes au 100°. D'une manière générale, les muscles restent colorés d’un bleu violet intense ; le mucus d’un bleu pur, les nerfs d’un bleu presque pur plus pâle; les cellules épithéliales ont leurs membranes bleues et leurs contours roses; les cellules nerveuses sont roses el les cellules neuro-épithéliales rouge vif; enfin Îes noyaux n'absorbent pas Le bleu. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 101 Pour lhistologie fine des tissus nerveux j'ai trouvé un grand avantage à ajouter à l'alcool absolu une petite quan- tité d'acide chromique solide avant d'y faire dissoudre le bleu de méthylène; celui-ci prenait une teinte plus vive, comme il arrive lorsqu'il est en présence de l'acide chromi- que dissous dans l'eau. L'acide, avant qu'il ail commencé à décomposer l'alcool, garde les propriétés dissociantes à l'é- gard du système nerveux et serl en même temps de mor- dant pour la malière colorante. J'obliens ainsi sur les coupes, avec facilité, une leinte d’un bleu intense pour toutes les fibrilles nerveuses, qui apparaissent avec aulant de netteté qu'à la suite des meilleures dissocialions à l'acide chromi- que. $ 2. — Dissociations. La méthode de dissociation m'a servi surtout pour l’é- tude de l’épithélium. Son applicalion présentait dans le cas actuel des difficultés spéciales qui ont détourné jusqu'ici de l'examen des Prosobranches tous les zoologistes qui s’oc- cupaient de ces questions. Flemming dit en effet formelle- ment que la dissocialion des cellules épithélales des Proso- branches ne lui à jamais donné de résultats salisfaisants, et cependant il s’adressail aux animaux d’eau douce ; cela tient à ce que chez eux les plateaux des cellules épithéliales ciliées sont très épais et bien plus solidement unis que dans les autres groupes. Aussi lorsqu'on tente des dissocialions, les plateaux tombent-ils souvent tout d’une pièce. D'autre part, le gonflement bien connu du mucus sous l’action de l'eau rendant incommode l'usage des réactifs faibles et à aclion lente, J'ai emplové, après bien des essais, un mélange composé des substances suivantes Méaohà909. 100,244 40 rANNIE AD. 114 10 grammes. Acide chromique au 14/10002:........... 10 — MO CREER es ae 00 e © PR es 5 _ hoidedcélique...1 IMREML AL US. on) — HOME, nier. à th. toi ne 200 — Ce liquide coagule rapidement le mucus et permet d'i- 102 | FÉLIX BERNARD. soler les cellules avec les aiguilles au bout d'un temps va- riant d’un quart d'heure à trois heures; la forme des cel- lules est d’ailleurs conservée d’une manière satisfaisante. Dans une note publiée précédemment j'ai indiqué comme un excellent réactif dissociant le chlorure de ruthénium. J'employais ce sel en dissolution étendue d’une nuance jaune orangé ; il jouit à peu près des propriétés de l'acide chromique faible, mais il fixe mieux les tissus et surtout ne déforme pas les cellules comme l'acide chromique au mil- lième si son action se prolonge. La teinte qu'il communi- que est plus vive, plus fixe et surtout présente cet avantage qu'elle est pour le système nerveux d’un ton presque gris sur un fond général orangé. Après l’action du chlorure de Ruthénium pendant un quart d'heure, le système nerveux inter-épithélial de la fausse branchie peut être dissocié et mis en évidence clairement au moyen d’un pinceau fin. J'obtenais aussi de belles préparalions destinées à montrer par transparence le tissu intérieur des organes en lamelles ; malheureusement ce produit ne se trouve pas dans le com- merce, et je n'ai pu m'en procurer qu'une seule fois au laboratoire de M. Debray. $ 3. — Observations par transparence. Cette méthode s'applique tout naturellement à l’étude des organes plats et minces tels que les feuillets de la branchie, de la fausse branchie et de la glande à mucus. Malgré sa simplicité, elle a donné jusqu'ici des résultats peu exacts à plusieurs des observateurs qui l’ont appliquée aux animaux dont je m'occupe. En effet, les anciens zoologistes se gar- daient d'enlever l’épithélium, ils ne coloraient pas les tissus : il leur élait par suite impossible de connaître les éléments situés dans l'épaisseur du feuillet. Il est au contraire indis- pensable de traiter d’abord l’organe à examiner dans son ensemble par un réactif permettant d'enlever facilement l'épithélium sous l’action d’un filet d'eau ou d'un pinceau. L'alcoo! au tiers et surtout l'acide chromique au 1/10,000° ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 103 conviennent {rès bien pour cel usage. La membrane de soutien sur laquelle s'insèrent les cellules épithéliales est toujours {rès résistante, et l’on peut, avec un peu de soin, éviter de dilacérer ce feuillet, ou d’écraser les tissus sous- jacents. Après être restés une heure environ dans l'acide chromique, les feuillets sont portés dans une dissolution colorante, lavés avec soin el examinés dans la glycérine. J'employais pour diverses lamelles d'un même organe le picro-carminate, la purpurine {pour l'étude des muscles), l’hématoxyline, el surtout le bleu de méthylène dissous dans de l'acide chromique au 10/1000; il élait facile d’ailleurs de faire des colorations doubles. La membrane de soutien, quoique vivement colorée en bleu, reste toujours parfaite- ment (transparente. CHAPITRE II DESCRIPTION SOMMAIRE DE LA CAVITÉ PALLÉALE. Position de l'animal. — Dans toutes les descriptions j'ai adopté pour l'orientation des animaux une même convention, qui est, à mon avis, la plus simple, la plus naturelle et, sans aucun doute, la plus généralement admise : l'animal est supposé placé sur un plan horizontal, la tête en avant: les mots supérieur el rnférieur ont donc pour moi respeclive- ment la même signification que dorsal et ventral. Je crois inulile de supposer un Gastéropode marchant sur un plan vertical el se lenant comme un bipède. Cependant, de Ja disposition même des organes que J'ai étudiés, il résulte, comme on s’en apercevra sans doute, une légère difficulté : pour étudier le manteau, il faut nécessairement l'examiner par sa face ventrale, et alors, quand on représente les organes palléaux, ce qui est à la droite de l'animal vient à la gauche de la figure. Pour éviter toute confusion, je continue néan- moins à tout rapporter à la position morphologique, et dans tout le cours de la descriplion les parties sont désignées 10% FÉLIX BERNARD. comme si elles étaient vues par la face dorsale, à lravers l'épaisseur du manteau. J'ai évité de me servir des mots interne et externe qui pouvaient prêter à quelque confu- sion; lorsque je les emploie, c’est {oujours à propos des diverses parties d’un organe considéré ex lui-même, par exemple à propos d'un organe symétrique. Cet averlisse- ment élait nécessaire, puisque M. de Lacaze-Duthiers et ses élèves placent, par suite d’une convention générale faile sur le règne animal, les animaux qui nous occupent dans une position bien différente. Le manteau des Prosobranches, qui, avec ses dépen- dances, fait l’objet de ce travail, est un repli du tégument qui recouvre loute la face dorsale de la partie antérieure du corps, el limite entre lui et le tégument dorsal la cavité palléale. Ce repli et tous les organes qui en dépendent sont constamment innervés par les premiers ganglions de la chaîne viscérale (premiers ganglions du centre asymétrique pour M. de Lacaze-Duthiers). Le manteau peut être considéré comme formé par une double lame tapissée d'épithélium. La lame supérieure ou dorsale est attenante à la coquille qu'elle sécrète ; la lame inférieure constitue le plafond de la cavité palléale. C’est par des replis de cette lame que sont formés les organes pulléaux ou dépendances du manteau, que nous allons énumérer. 1° Chez les Fissurellidés, la cavité palléale est courte, ou- verte en arrière par un lrou qu'on voit au sommet de la coquille (frou apical). Sur le plan médian, une courte che- minée anale est adossée au manteau ; deux branchies symé- triques s'insèrent au fond de la cavité, sur le manteau; elles sont bres sur toute leur étendue et bipectinées. On ap- pelle ainsi des branchies formées d’une lame (riangulaire appelée support branchial, sur laquelle sont disposées de chaque côté des séries des lamelles branchiales. 2° Haliotidés. — On sait que dans ces animaux la cavité palléale est fortement rejetée de cèté par le muscle colu- mellaire. La cavité palléale n’est pas continue sur la face ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 105 dorsale; elle présente une fente sous-jacente à Ja ligne de trous de la coquille. IF y à deux branchies bipectinées, mais soudées dans presque loule leur étendue par leur face dor- sale, el libres à la pointe (fig. 16 et 80). Entre la branchie gauche el la fente palléale est une large bande longitudi- nale, présentant des plis transversaux très prononcés. C’est la glande à mucus. Le rectum se termine par une courte che- minée vers le Liers postérieur de la glande à mucus. 3° Trochidés el Turbonidés. — Le manteau est continu et n'a plus ni pore ni fente. Il n’v à qu'une branchie, située à gauche et bipectinée (fig. 82, 83, 84). Le support branchial se prolonge vers la droile en une large lame qui va plus loin se souder au manteau, de manière à subdiviser la cavité palléale, dans sa moitié postérieure, en deux étages super- posés. Toute la portion gauche du manteau est recouverte par le rectum, qui va s'ouvrir très en avant, el dont les parois sont épaissies et glandulaires, et par une glande gau- frée plus ou moins développée qui s'étend à une distance plus ou moins grande de la branchie. À gauche du rectum, en arrière, s'ouvre un sac volumineux que B. Haller et R. Perrier appellent canal papillaire; c’est le rein gauche. (Il est plus réduit chez l'Haliotis et ne déborde pas sur le manteau.) 4° Néritidés. — Celle famille diffère de la précédente par l'absence de canal papillaire. Il y a encore une cloison transversale, mais moins étendue en avant; à gauche est la masse recto-génitale très volumineuse (fig. 8%). Les quatre groupes que nous venons d'examiner sont caractérisés par la présence d'une ou deux branchies bi- pectinées libres au moins en parlie et {terminées en pointe. On les à appelés pour celle raison A spidobranches. Dans la classification fondée sur la radula, ils se nomment /?hipidi- glosses. Nous leur conserverons par la suite le nom de Dio- locardes, qui leur a été donné par Môrch el qui est tiré de la présence de deux oreillettes au cœur. Ce nom a été adopté dans les recherches récentes d'anatomie comparée aux- 106 FÉLIX BERNARD. »? quelles j'ai fait précédemment allusion. IT va sans dire que nous ne prenons pas ce Lerme dans la même acception que Môrch, qui réunissait en un même groupe les Lamellibran- ches et les Scutibranches. 5° Patellidés. — Plusieurs cas sont à considérer dans cette famille : nous les examinerons en détail; bornons-nous à dire que la branchie, lorsqu'elle existe (Tecture), est bi- pectinée el assez semblable à celle des Nérites (fig. 66). M. R. Perrier fait pour les Patellidés un sous-ordre spécial, celui des Hétérocardes. Ces animaux n'ont qu'une oreillette, et elle est située par côté, el non en avant comme dans le groupe suivant. 6° Monotocardes, en général; ce sous-ordre, qui comprend le plus grand nombre de Prosobranches vivants, renferme des formes où la branchie est soudée au manteau dans toute son étendue (fig. 61, 85) el monopectinée (d'où le nom de Pectlinibranches). A gauche de la branchie, entre celle-ci et le corps, est en général un autre organe tantôt filiforme fig. 34 à 47), lantôt bipecliné (fig. 1), que l'on appelle fré- quemment la fausse branchie où l'organe de Spengel. La masse recto-génitale est toujours à droite : entre elle et la branchie s'étend un espace généralement assez large, sou- vent plissé, quiest le siège de la sécrétion du mucus: c’est la glande à mucus. Nous aurons à rechercher ce qui, chez les Diotocardes et dans les autres ordres de Gastéropodes, cor- respond à l'organe de Spengel. Cet examen à déjà été fait par Spengel, comme nous allons le voir, et la vérification des assertions de cet auleur conslituera un des objets les plus importants de ce travail. Les organes palléaux offrent une disposition un peu spéciale dans quelques types (Paludine, Valvée, Ampul- laire, etc.). Je me suis abstenu d'examiner ce dernier genre qui vient d'être l'objet d'une monographie très com- plèle de M. Bouvier ; on trouvera plus loin la description du manteau des deux autres genres. Les organes que je me suis proposé d'étudier sont done ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 107 la 6ranchie, la glande à mucus et l'organe de Spengel. HN faut ajouter le lissu même du »anteau el les espaces sanguins qu'il renferme. Ces préliminaires étant établis, je vais passer rapidement en revue les divers travaux qui ont été publiés sur les organes palléaux : cette élude nous permettra de déterminer ce qui, dans la connaissance de ces organes, peut être considéré comme acquis, et par suile, d'indiquer quels sont les points que j'ai dù chercher plus spécialement à éludier. CHAPITRE II HISTORIQUE GÉNÉRAL. Si l’on jette un coup d'œil sur l'ensemble des travaux où il est question, à Litres divers, des organes palléaux des Mollusques, on est frappé de voir, qu'à une même épo- que, les recherches de tous les zoologistes sont conçues dans le même esprit et comportent à peu près exactement le même degré de précision : les progrès sont assez brusques et dus généralement à un très pelit nombre de zoologistes qui ont su imprimer une impulsion nouvelle, établir un ni- veau auquel 1! n’est plus permis de demeurer inférieur. Sans aucune exagération, on peut dire que l'histoire des organes palléaux met en relief {rois noms principaux, ceux de Cuvier, de M. de Lacaze-Duthiers et de Flemming. Nous pouvons par suite considérer dans cette histoire trois périodes : la première comprend les travaux exécutés depuis Cuvier jusque vers 1859; la plupart des analomisles ne poussent guère leurs investigations plus loin que ne l'avait fait Cuvier. Les zoologistes éminents qui ont illustré celte époque ne s’occupaient guère des Prosobranches. Puis, sous l'influence de H. Milne Edwards et de ses illustres disciples, MM. de Quatrefages, Em. Blanchard et M. de Lacaze-Duthiers, la précision s'introduit dans les dis- 108 FÉLIX BERNARD. sections. On ne se contente plus d'examiner ce qui frappe les yeux tout d'abord, on pousse les études anatomiques aussi loin que possible. Mais le système nerveux lient la première place dans les préoccupations de l’école française, et les organes de la respiralion sont un peu négligés. Dans cet ordre d'idées, les élèves de M. de Lacaze-Duthiers, à l'exemple de leur maître, ont contribué dans ces dernières années à étendre utilement nos connaissances sur la mor- phologie des Mollusques. C'est presque exclusivement en Allemagne que se mani- feste depuis une quinzaine d'années celte lendance aux étu- des histologiques attenlives qui caractérise notre troisième période. Le mémoire de Spengel, quoique poslérieur aux belles recherches de Flemming, porte plutôt le cachet de la seconde période; en France, un seul mémoire, celui de M. Garnaull, peut être considéré comme complet au point de vue histologique. Mais la voie est désormais ouverte et le départ est fait entre les problèmes qui sont du ressort de l'histologie et ceux qu'on peut résoudre par l'anatomie seule. On va voir dans l'historique de chacune des trois périodes quels sont ces problèmes et quelles sont les solutions qui en ont été proposées. $ 1. — Première période. Je crois inutile de faire remonter l'exposé des recherches relatives aux organes palléaux des Prosobranches au delà de l'année 1817, date de la publication du Règne animal et sur- tout des Mémoires sur les Mollusques. Tous les travaux d'Adanson, de Müller, Pallas, Bruguière, Gmelin, Poli, La- marck, les premiers ouvrages de Cuvier lui-même, se {rou- vent résumés dans l’histoire de la Malacologie placée par de Blainville en tête de son Manuel de Malacol/ogie et de Con- chyliologie (825). En fait, Cuvier le premier atiribue aux organes de la respiration une grande imporlance pour la classification des Mollusques. On sait qu'il divisait les Gas- Léropodes en Nudibranches, Inférobranches, Tectibranches, ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 109 Pectinibranches, Seulibranches et Cyclobranches. Il est re- marquable de voir à quel point ces divisions se sont impo- sées à l'esprit des naturalistes. Les trois dernières corres- pondent à peu près aux grands groupes des Prosobranches ; on tend en effet de plus en plus, d'après les travaux les plus récents, à séparer des autres Prosobranches les Patelles, qui, avec les Chitons, formaient pour Cuvier l’ordre des Cyclo- branches (quant aux Chilons, ils sont maintenant placés dans un groupe tout à fait distinct). Cependant le caractère dominateur était tiré plutôt du mode de protection des bran- chies que de la forme même de ces organes; ainsi Cuvier ne semble attacher aucune importance au fait que les branchies sont monopeclinées ou bipectinées. L'important pour lui, c'est que chez les Peclinibranches « la cavité respiratoire occupe le dernier tour de la coquille et s'ouvre par une grande solution de continuité entre le bord du manteau et le corps » (p. 416); au contraire, chez les Scutibranches, « les coquilles sont très ouvertes, sans opercule, et le plus grand nombre ne sont même aucunement turbinées, en sorte qu'elles couvrent ces animaux et surtout leurs bran- chies, comme le ferait un bouclier ». Si les noms des groupes fondés par Cuvier ont longtemps persisté, plusieurs des animaux rassemblés par lui dans chacun d'eux n’ont pu y êlre maintenus : ainsi les Turbos et les Troques figurent avec les Vermets, les Scalaires, les Paludines, etc., en têle des Peclinibranches. On pourrait trouver d’autres exemples qui prouvent quelle importance exagérée Cuvier attribuait à la forme de la coquille. De Blainville (4) relève ces inexactitudes (p. 59), mais d'autre part félicite avec raison Cuvier d’avoir le premier séparé les Cyclostomes des Pulmonés pour les réunir aux Peclini- branches. On voit que c'était en somme la forme de la cavité palléale qui a élé utilisée par Cuvier pour la classification des Gasltéropodes. Si nous voulons avoir une idée de ses opinions relativement à la signification morphologique, aux fonctions et à la struc- 110 FÉLIX BERNARD. ture de chacun des organes contenus dans celle cavité, il faut nous reporter aux Mémoires pour servir à l’histoire et à l'anatomie des Mollusques, publiés à différentes époques et réunis en un volume en 1817. Parmi les Prosobranches, Cuvier examine la Janthine et la Phasianelle, la Paludine et le Turbo (dans ce genre il comprend les Littorines), le Bucein et de plus quelques Sculibranches, étudiés avec moins de détails. La fausse branchie filiforme des Paludines et des Liltorines lui est restée inconnue. La fausse branchie bipecti- née des Buccins est considérée comme une seconde branchie : « la respiralion s'exécute, comme à l'ordinaire, par l'inter- médiaire de l’eau et au moyen de branchies pectinées qui forment deux rangées de lames triangulaires, dont une grande et une petite » (Mém. sur les Buccins, p. 4). Une des- cription sommaire très analogue est donnée pour le Sigarel et la Crépidule, pourvus également d’une fausse branchie bipectinée, mais plus réduite (Mém. sur l’'Hahotide, le Si- garet, etc., p. 5 et 21). Poli et Delle Chiaje avaient déjà observé ce même organe dans un assez grand nombre de types, et ils lui attribuaient la même signification. La glande à mucus attirail vivement l'attention du grand naturaliste, car ses fonctions demeuraient pour lui fort obs- cures. Il croyait en effet que le rein des Mollusques avait pour fonction de sécréter le mucus, considéré comme le produit essentiel de la désassimilation, et la pourpre, chez les animaux pourvus de celte substance. Le rôle mucipare étant ainsi dévolu au rein, Cuvier est fort embarrassé quand il veut déterminer la fonction de la glande à mucus. Parlant des feuillets muqueux si développés sur le plafond de la cavité palléale du Buccin, il s'exprime ainsi : «Il ne faut pas les confondre avec l'organe que J'ai appelé de la viscosilé et qui est toujours près du cœur, d’un tissu tout différent et muni d’un canal excréleur. Cel organe existe indépendamment des feuillets... les feuillets sont toujours attachés au plafond de la cavité branchiale. Ils sont moins nombreux, moins élevés et surtout beaucoup moins délicats ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. {t1 que ceux des branchies. Leur tissu est d'apparence glandu- leuse, et leurs intervalles sont remplis d'une quantité prodi- gieuse de mucus qu'ils paraissent sécréler... je soupçonne que ce sont eux qui produisent et faconnent les capsules plus ou moins compliquées dans lesquelles les œufs et les petits de plusieurs Gasléropodes à siphon sont logés pendant quel- que temps. Cependant les mâles ont de tels feuillets aussi bien que les femelles, mais plus petits. En serait-il comme des mamelles des quadrupèdes, que les mâles ont aussi, quoiqu'elles ne leur servent point à donner du lait? » (Mém. sur le Buccin, p. 5.) Ce qui précède contient à peu près toutes les connais- sances que nous devons à Cuvier au sujet des organes pal- léaux. Pendant plusieurs années, les opinions du grand z00lo- giste ont, comme ont sait, exercé sur l’espril de ses succes- seurs une influence considérable. Nous allons en avoir une preuve en ce qui concerne les organes que nous étudions. Ainsi DE Ferussac admet dans leur généralité les grandes divisions de Cuvier; cependant il crée, sous le nom de Pul- monés à opercule, un ordre nouveau pour les Cyclostomes et les Hélicines (on sait maintenant que ces dernières sont voi- sines des Scutibranches). Il n’étudie d’ailleurs pas à fond l'anatomie des animaux dont il s'occupe. DE BLAINvVILLE au contraire, cherchait à s'affranchir en tout de l'influence de Cuvier. Pour lui c'est l'ensemble de l’organisalion qui doit servir de guide au malacologiste, et ce sont les caractères extérieurs qui doivent la traduire et fournir les caractères distincüifs; 1l dit avec beaucoup de rai- son (#, p. 198) : « Un caractère préférable (à celui du pied), parce que le plus ordinairement il concorde assez bien avec la forme de la coquille, se tire de la position symétrique ou non, et même de la structure des organes de la respiration. Mais malheureusement il faut une certaine habitude pour employer ce caractère avec avantage. » D'ailleurs, ni les di- visions ni les {ermes proposés par de Blainville n’ont subsiste. La descriplion qu'il donne des organes respiraloires (p. 125) =) 112 FÉLIX BERNARD. n'ajoule rien non plus à ce que nous avait appris Cuvier; la fausse branchie continue à être considérée comme une bran- chie accessoire. | | Dans la célèbre relation que Quoy et Garmarp ont publiée en 1832 de leur voyage aulour du monde sur l'A s#rolabe de 1826 à 1829, et où sont décrites de nombreuses formes encore inconnues, on ne trouve sur l’anatomie des Proso- branches que des renseignements assez succincts. H y a deux branchies : outre la branchie normale, il existe souvent un peigne plus réduit, à deux rangées de lamelles. ou bien un filet tremblé plus ou moins visible (Lifforina, Vermetus); c'est le dernier terme de la réduction d’une branchie en train de disparaitre. La cavité respiraloire est décrite en quelques mots. La sécrétion du mucus ou de la pourpre (Purpura) est altribuée au rein, et aussi à la glande à mucus (Cassis, Terebra, Harpa, Mira). On sait que c’est à la suile de ses belles recherches sur l'appareil circulatoire des Mollusques que H. Mizxe Epwarps a élé amené à établir pour les Gastéropodes une classifi- cation qui subsiste encore aujourd'hui dans ses grandes lignes (6). Se fondant sur les relations de l'appareil respi- raloire avec le cœur, l’auteur distinguait les Prosohranches, les Opisthobranches el les Pulmonés. Les caraclères de ces groupes sont trop connus pour qu’il soit ulile de les rap- peler ici. Je ferai seulement observer que dans l'ensemble des recherches d'H. Milne Edwards, c’est l'appareil circu- latoire bien plus que l'appareil respiratoire qui préoccupe l'illustre analomiste ; il ne pouvait d’ailleurs guère en être autrement. Les recherches de Moquinx-Taxpow, exposées en 1855 dans l'Histoire naturelle des Mollusques terrestres et fluviatiles de France, n'ont pas non plus fail beaucoup avancer nos connais- sances sur les organes palléaux. Dans le chapitre consacré à l'appareil respiratoire, l’auteur distingue chez les Mollus- ques dits « Céphalés » trois sortes d'organes : la poche pulmonaire, la poche pulmobranche, et les branches. Le pre- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 148 mier {type se trouve chez les animaux lerreslres, y compris le Cyclostome, chez qui Moquin-Tandon découvre le premier une &ranchie rudimentaire. Le second caractérise les Lim- néens ; il est assez mal défini. Les branchies se présentent sous quatre formes : les rides (Bithynie), les branchies pro- prement diles (Paludine), les lamelles (Nérile), le plumet (Valvée). Moquin-Tandon ne parait pas avoir connu l'im- porlance de la distinction en branchies monopectinées et bipeclinées; il décrit {rès inexactement la branchie de la Nériline et de la Valvée. Moquin-Tandon, n'ayant examiné que des animaux d’eau douce, n’a pas rencontré le {ype de fausse branchie bipeclinée; mais au moins chez le Cyclos- tome, la Paludine et la Bithynie, il devait avoir à éludier le type de fausse branchie filiforme. Or, cet organe à passé pour lui complètement inaperçu. Je n'insiste pas sur les considérations laxonomiques el phylogénétiques qui remplissent tout un livre du Traité. Les relations que signale Moquin-Tandon n'ont aucune va- leur, puisqu'il s’astreint à ne pas tenir comple des animaux marins, el d'autre part les dissections n'avaient pas 616 pous- sées assez loin pour bien des organes. Pour ces deux raisons ue devons-nous pas nous étonner de voir méconnue par l’auteur la séparation fondamentale des Pulmonés inoper- culés d'avec les Prosobranches, et de voir les Hélicidés dériver, par l'intermédiaire des Limnées et des Cyclostomes, de formes telles que la Paludine et la Bilhynie, et par suite, des Nérites el des Valvées. L'annéemême où parut l'ouvrage de Moquin-Tandon (1855), un mémoire concu dans un esprit tout différent allirait à juste titre l'attention des contemporains. Tu. Wizcrams (8) s’élail proposé de décrire avec précision le mécanisme de la respiralion chez les Inverlébrés. Sans pousser plus loin que ses devanciers les études analomiques proprement diles, il chercha le premier à se faire une idée de la structure des organes qu'il étudiait. Pour ce qui concerne spécialement les Gastéropodes, l'au- ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, 8. — ART. N° 3. 114 FÉLIX BERNARD. teur, dans un chapitre préliminaire, décrit la cavité palléale et la branchie en particulier dans un grand nombre de types: il insiste sur les différences morphologiques qui séparent les Gastéropodes des Lamellibranches (chez les premiers la ré- gion abdominale est absolument exclue de l'office respi- raloire). Quant à la forme de la branchie, ses principales variétés sont signalées; la marche du courant d’eau dans la cavité palléale est également indiquée. On trouve de nom- breux emprunts fails à ces descriptions, et un excellent ré- sumé de cette première partie du mémoire dans les leçons d’Anatomie comparée de Milne-Edwards. La seconde partie traile particulièrement de la s/ructure des organes de la respiration. À ce point de vue, l’auteur croit trouver un terme de transition entre les Gasléropodes et les Lamellibranches, dans les Patelles, dont l'appareil res- piratoire présente pour lui une importance considérable ; je reviendrai sur ce point dans un chapitre spécial (ITE° partie, chap. 11). Parmi les Lypes examinés par Williams, je citerai les genres £marginula, Fissurella, Acmæa, Propilidium, Ha- liotis. Puis l’auteur passe à une étude plus détaillée des Pectinibranches. Uhez ces animaux, Williams conslale que la plus grande unilé règne au point de vue de l’appareil respiratoire dans toute l'étendue du groupe. Ce fait n’a rien d'élonnant, puisque le groupe a été fondé précédemment d'après le caractère de cet appareil. À celte époque, l’ana- tomie des Gastéropodes élait encore insuffisamment connue, el les caractères extérieurs avaient frappé les premiers les zoologistes. Par suite Williams ne pouvait apprécier les différences qui séparent, au point de vue des organes inter- nes, les animaux dont il s'occupe, ce qui l’entraine à des erreurs singulières : il décrit (p. 35) les Trochidés comme Pectinibranches, sans voir que leur branchie est bipectinée et libre à sa pointe, et que la cavité palléale est en arrière divisée en deux par une cloison. Cependant il décrit exac- tement la branchie de la Phasianelle, qui présente avec celle des Troques les rapports les plus étroits. Au point de vue ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 115 de l'anatomie fine, ce qui frappe principalement l'auteur anglais, e’est la présence des « carlilages » qui règnent le long du bord afférent de chaque feuillet : « un appareil élastique d’une beauté et d'une perfection imcomparable est réalisé dans des parties hyalines invisibles et mystérieuses ». Ces cartilages sont pour lui spéciaux aux Pectinibranches. Nous verrons que c'est une erreur et que tous les Sculi- branches en sont pourvus. Williams insiste beaucoup sur la présence des plis trans- versaur dans les feuillets branchiaux de certains Pectinibran- ches tels que la Litlorine, et leur absence chez d'autre lypes tels que le Buccin. [attache tant d'imporlance à ce caractère, qu'il le croit aple à servir de base à une division de l'appareil respiraloire, la Paludine formant un type de transilion. En réalité, ces plis n’ont pas grand intérêt; ils peuvent manquer ou être présents dans les formes les plus voisines. Williams décrit d’ailleurs ces plis d’une façon tout à fait inexacte. Il dit formellement qu'ils se trouvent en regard les uns des autres, de part et d'autre de la lamelle, comme des crêles ou épaississements intéressant en même temps chacune des deux faces. La figure qu'il donne ne laisse aucun doute à cet égard. En réalité, le feuillet branchial est intéressé tout entier à la formation de chacun des plis, et à la saillie d'une face correspond une cavité pour la face opposée (fig. 45). La circulation, pour Williams, se fait dans chaque feuillet au moyen d'un vaisseau afférent et d'un vaisseau eflérent, communiquant vers la pointe de la lamelle, et réunis par des vaisseaux allant de l’un à l’autre. Ces derniers ont une disposition oblique, « pour empêcher une portion du sang, avant un {rès long trajet à parcourir, de subir une aéralion excessive, tandis que le reste, près de la pointe, serai très peu oxygéné ». Celle conception du feuillet branchial, re- produile par tous les auteurs, est également inexacle. Pour la glande à mucus, l'auteur croyait à l'existence d'un canal sécréteur et établissait une comparaison élroite entre la glande à mucus et une glande en grappe. La masse 116 FÉLEX BERNARD. entière des feuillets est composée de deux sortes d'éléments : 1° les vésicules, en forme de vase de Florence, représentent les lobuli ou acèni ; 2° la substance intermédiaire ou stromateuse et cellulaire qui remplit les espaces exlérieurs aux vésicules (p. 252-253). A cette description est jointe une figure (8, pl. XI, fig. 8 B) représentant une glande en grappe parfai- tement caractérisée. Que devient maintenant le contenu de ces acini? Il est déversé « dans un large canal excréleur, déchargeant son contenu dans le rectum et se résolvant en une série indéfinie de canaux, jusqu'à ce que les vases de Florence soient atteints. Cet appareil est en fait peu infé- rieur comme complexité à celui des glandes chez l'animal le plus élevé (p. 254.) » Or, en réalité, il n'existe ni acini mi canal sécréteur, et le mucus est formé simplement dans les éléments épithéliaux. L'auteur à vu au microscope les cel- lules arrondies, vésiculaires, volumineuses du tissu conjonc- {if : poussé par des idées de comparaisons avec les Verté- brés, il leur a imaginé des cols de sortie et les a pris pour les acini. Quant au prétendu canal, c’est l’une des lacunes sanguines, qui débouche, non pas dans le rectum, mais dans le sinus périreclal. La description de la fausse branchie, appelée par Williams la glande à couleur (colour gland), contient des erreurs du même genre. L'auteur la décril chez le Buccin comme « terminée postérieurement par une extrémité cæcale et prolongée antérieurement par un tube ou condut qui voyage dans la membrane muqueuse de la voûte Jusqu'à ce qu'elle arrive à l'extrémité du rectum, où elle à un orifice séparé ». Ici encore un sinus est pris pour un conduit glandulaire et il n'existe pas d’orifice. Dans l'épaisseur des feuillets, Wil- liams à cru trouver des lobules excréteurs de formes spé- ciales, ce sont simplement des espaces inlerslitiels entre les trabécules conjonclives. Ainsi la nature nerveuse de l'organe, qui nous paraît ac- tuellement si évidente, avait complètement échappé à Wil- liams. Il s'élève de même contre l'hypothèse que l’on soit ici ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 117 en présence d'une branchie rudimentaire; il prend vive- ment à partie le D° Suarpey, qui, dans l’article Cilia de Cyclopædia of anatomy and physiology, s'était rallié à cette opinion, et les arguments qu'il présente à l'appui de ses propres idées sont lirés de l'examen microscopique, de la « minute structure » de l'organe. Malgré ces erreurs, le travail de Williams présente un grand intérêt, puisque c’est la première tentative faite en vue d'élucider par des recherches histologiques les problèmes que la morphologie (au moins telle qu’elle élait comprise à celte époque) semblait impuissante à résoudre. Ces premiers essais étaient cependant trop imparfaits pour marquer avec précision une période nouvelle. L'anatomie avait en- core trop de progrès à faire pour que l’histologie pül inter- venir d’une manière efficace. Les travaux en présence des- quels nous nous frouvons maintenant sont d’ailleurs toujours concus et exécutés sur le modèle de ceux de Cuvier. Dans ses célèbres Lecons de physiologie et d'anatomie comparée, H. Mizxe-Epwarps considère la voûte palléale comme formée par la soudure de deux lobes latéraux, se rejoignant sur la ligne médiane. Une tendance à celte dispo- sition se rencontrerait déjà chez les Goniodoris, el les divers stades seraient marqués par les fentes longitudinales et les trous des Haliotides, des Émarginules, des Silicaires et des Fissurelles. La cloison qui sépare en deux la cavité bran- chiale chez les Phasianelles et aussi, d’une manière moins complèle, chez les Turbos et les Troques, peut être aussi considérée comme formée par l’accolement des deux lobes en question prolongés au delà de leur point de jonction, et la branchie unique, bipectinée, de ces derniers animaux résulterait de l'union de deux branchies soudées dos à dos. Cetle (héorie dans son ensemble est contredile par divers faits, entre autres par la présence de deux branchies lipec- tinées chez les Fissurelles et les Haliotides, tandis qu'il n'existe aucun Gasléropode muni de deux branchies mono- pectinées. La branchie unique bipectinée de Trochidés ne 118 FÉLIX BERNARD. peut évidemment pas êlre regardée comme résultant de la somme de deux branchies semblables à elle-même. D'autre part, chez les Valvées el les Tectures, existe une seule bran- chie bipectinée, sans {race de cloison palléale. Cette cloison, quand elle existe, est d’ailleurs horizontale au lieu d’être verticale et située dans le plan de symétrie. Enfin la dispo- silion du système nerveux n'aulorise pas non plus l’expli- calion ingénieuse de H. MilneEdwards. Il est néanmoins très possible, comme nous le verrons par la suite, que le manteau des types inférieurs puisse être considéré comme formé de deux moitiés accolées ; la fente palléale des Halio- tides et des jeunes Fissurelles semble le démontrer; mais, à coup sûr, on ne peut considérer la cloison des Troques, qui est horizontale, comme séparant les deux moitiés droite el gauche de la cavilé palléale, et l’on est amené aujourd’hui à admettre : 1° que dans les deux types à une seule bran- chie, celle qui manque (la droite) est avortée; 2° que les branchies bipectinées sont phylogénétiquement antérieures aux branchies bipectinées. Nous donnerons des preuves nouvelles à l’appui de celle manière de voir. Au sujet de la branchie, H. Milne-Edwards insiste sur les plis que peuvent présenter les lamelles et qui établissent pour lui la transition aux branchies des Oscabrions ; il décrit les branchies monopectinées et bipectinées, et pense que la réduction des lamelles chez la Bithynie mène au poumon des Pulmonés. La question est très complexe, et la confor- malion du poumon des Pulmonés n’est pas encore expliquée d'une façon définitive. (On sait que, pour Jhering, cet organe, au moins chez les Hélix, n’est qu'une dilatation du conduit efférent du rein.) H. Milne-Edwards supposait, comme la plupart de ses prédécesseurs, que l'organe feuilleté qu’on voit à gauche de la branchie représente, réduite à un état plus ou moins rudi- menlaire, l’une des deux branchies des Parmophores et des Haliotides ; il fait remarquer que dans les Strombes, celte « branchie gauche est filiforme et tout à fait rudimentaire ». ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 119 Il rejette l'opinion émise par Williams, comme quoi cel or- gane serait de palure glandulaire. On voit par lout ce qui précède combien, vers 1860, l'appareil respiratoire des Mollusques Prosobranches élail encore mal connu. Cependant je n'ai point signalé les pro- blèmes spéciaux qui s’agitaient relalivement à des types difficiles à interpréter, comme l'Ampullaire, la Patelle, ete., et je n'ai point parlé non plus des rapports de l'appareil palléal avee le système nerveux, qui devait donner lieu plus tard à des recherches si intéressantes. Quant à lhis- lologie, elle ne pouvait encore préoccuper beaucoup les zoologistes. On trouve peu de renseignements sur la structure histolo- gique du manteau el de ses annexes dans le Lehrbuch der Histologie de Levypra (12)(1857). L'auteur considere à la fois tous les groupes de Mollusques, et s'occupe principalement de la formation de la coquille et de la présence des cils vibratiles. Ce même savant avait cependant publié en 1850 une monographie de la Paludina vivipara (7), où se trou- vent des renseignements intéressants sur la branchie. Leydig constate, enfre autres faits, la présence d’un cordon solide de nature conjonctive tout le long de chacun des feuillets, entre les deux vaisseaux marginaux. L'histologie des Inver- tébrés commençait donc à peine à attirer lattention ; nous allons voir au contraire les études analomiques prendre un degré de développement et de précision tout à fait remar- quable. $ 2. — Seconde péricde. Dans la SECONDE PÉRIODE de l'histoire des organes palléaux, la plupart des progrès sont dus aux efforts de M. pe LAcAZE- Durniers. À l'examen un peu superficiel de la conformation ou de la structure des organes, succède une étude patiente et minulieuse d’un animal déterminé, ou d’un organe nelte - ment limité, examiné dans une courte série : les résultats deviennent bien plus certains et bien des erreurs sont redres- sées. 120 FELIX BERNARD. En se bornant à ce qui concerne les organes de la respi- ration, leur innervation complète est donnée chez l'Ha- liotide (76) pour les Diotocardes, chez le Vermet pour les Mo- notocardes (/7). La glande à mucus est étudiée, sous le nom de glande de la pourpre (15), chez les Muricidés et la Pourpre : le savant professeur établit qu’il n'y a là qu’une surface sécré- tante et pas de canal excréteur. Ainsi, au point de vue ana- tomique, la simplicité extrême de l'organe est reconnue. En ce qui concerne sa struclure histologique, je dois avouer qu'il m'est impossible d’adhérer aux conclusions de l’émi- nent analomiste (voir IV° partie, chap. 1). La fausse branchie préoccupe vivement M. de Lacaze-Duthiers, qui le premier, dans sa monographie du Vermet, publiée en 1860 (17), soupconne sa véritable nature. « Il existe, dit le savant professeur, un cordon blanchâtre, parallèle à la branchie, placé sur son côté interne quand le manteau est rabatlu, ou, si l’on aime mieux, placé à gauche entre la branchie et le COrpS. » « Quelle est la nature de ce cordon? Est-ce un ganglion nerveux, longiludinal? est-ce une seconde branchie? La seconde question paraît inulile, ou même absurde, dans le cas. Mais si l’on étudie les Pourpres, par exemple, on trouve de chaque côté de ce cordon des replis faciles à injecter, et l’on peut croire, dans l'exemple, à l'existence d’un second organe de la respiration. » Le Vermet ne présente qu’un cordon flexueux et onduleux. La question de savoir ce qu'est ce filet ne peut donc être résolue pour les premiers cas. « Mais ce qui certainement existe, c’est l'entrée de nom- breux filets dans le cordon. En étudiant la Paludine, on verra que la disposition est loute semblable, et que la nature nerveuse, au moins en s’en tenant aux simples dissections, paraît probable; mais encore des études comparées mène- ront seules à cette connaissance. » Des travaux de M. de Lacaze-Duthiers, il faut rapprocher un court mais important mémoire de P. Berr, datant de la même époque {1862), et résumant des observalions conduites ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 121 avec la même précision. P. Bert décrit avec soin le système nerveux de la Patelle, et il est amené, à propos des organes rudimentaires de cel animal, à des hypothèses de même nature que celles de M. de Lacaze sur la fausse branchie du Vermet, el aussi bien justifiées. On trouvera plus loin (H° partie, chap. vi, $ #) la cilation. du passage de P. Bert auquel je fais allusion (78). De 1862 à 1880, aucun fait anatomique nouveau n'est signalé par les auteurs qui se sont intéressés à la question ; la plupart continuent à envisager la fausse branchie comme une branchie accessoire où rudimentaire; c’est l'opinion qu'on {rouve énoncée dans le traité classique de Bronn et Keferstein ; c'est aussi celle qu'adopte Jhering dans le travail dont nous allons maintenant nous occuper. JneriNG, dans son grand ouvrage sur le système nerveux des Mollusques (36, 1877), explique par des schémas (p. 145, fig. 8 et 9) comment la disposition des branchies donne des indications sur la phylogénie des Arthrocochlidés (Prosobran- ches). Pour lui, « les formes où cette branchie est atrophiée dérivent de celles où elle est encore assez fortement déve- loppée. Celle conclusion est d'autant plus certaine, que l’opi- nion suivant laquelle cette branchie rudimentaire serait un organe en progression (Wezrdendes) doit êlre rejetée avec certitude complète, car les branchies consistent toujours, dans leur forme la plus simple, en simples replis du corps (Haut-Duplicaturen) qui augmentent la surface respiratoire ; mais ici ce rudiment branchial est tout droit et forme un simple cordon conjonctif (?) impropre à la respiration, el qui représente sûrement l'appareil médian de soulien de celte branche ». [est clair que si le cordon en question n’est pas conjonclif, mais nerveux, toute l'argumentation s'écroule. Jhering aurait dù prévoir l’objection, puisque M. de Lacaze- Duthiers l'avait déjà présentée : l'auteur allemand ne se pré- occupe nulle part de l’assertion du professeur français. Un peu plus loin, il cite avec raison, comme faisant à ce point de vue la transition entre les deux groupes (Diotocardes 122 FÉLIX BERNARD. el Monotocardes), la famille des Trochidés; mais les raisons qu'il donne sont singulières. Après avoir décrit exactement la branchie normale et la membrane horizontale qui, dans loute la partie postérieure de la branchie, sert de support branchial, il poursuit : « La branchie primaire gauche, qui n'a subi aucune tranposition, est devenue très rudimentaire, mais naturellement reste bipectinée. » Or, chez les Trochidés, celte branchie rudimentaire n’exisle en aucune facon : elle a complètement disparu. Ni Spengel, ni B. Haller, ni Bou- vier, ni moi, n'avons pu en retrouver la moindre trace. C'est évidemment la glande à mucus que Jhering a prise pour une branchie. Or, chez l'Haliotide, elle est bien plus dévelop- pée et coexiste avec les deux branchies. La méprise de Jhering est inexplicable. Plus loin encore il cite, parmi les Orthoneures pourvus de branchie pectinée, les Nériles, les Ampullaires et les Valvées. Or, les premières sont nettement des Diotocardes; chez les secondes, la prétendue branchie bipeclinée est un organe de Spengel; la Valvée seule fait réellement exception dans ce groupe. Tout ce qui suit (p. 147), relative- ment aux connexions des branchies avec le cœur, est incom- plètement observé. Je suis convaincu, comme Jhering, que les Pectinibran- ches dérivent des Scutibranches: Spengel, B. Haller et Bouvier l’admettent également; mais je ne puis considérer comme exactes les preuves que Jhering tire de la compa- raison des branchies. Quant à la phylogénie des Monoto- cardes, elle doit être, à mon avis, précisément inverse de celle que propose l’anatomiste allemand; l'étude de la fausse branchie nous le démontrera (voir Il° partie, chapitre 1v et conclusions générales). C’est le système nerveux bien plus que l'appareil respira- toire qui est utilisé par Jhering pour la classification et la phylogénie. Il considère les Prosobranches comme dérivant directement des Annélides, et établit pour eux un phylum distinct, celui des Arthrocochlidés. Ceux-ci se divisent en ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 123 Cliastoneures el Orthoneures, les premiers comprenant à peu près les Diotocardes et les Ténioglosses holostomes, les der- niers tous les autres Prosobranches. Quant aux Pulmonés et aux Opisthobranches, ils ne sauraient nullement, pour Jhering, être rapprochés des Prosobranches : ils sont issus des Vers plats, el constituent le phylum des Platycochlidés, qui comprend aussi les Ptéropodes et les Céphalopodes. Le succès du mémoire de Jhering fut considérable, mais les critiques ne se firent pas attendre : M. de Lacaze-Duthiers, en particulier, n’a cessé de s'élever contre les idées phylo- génétiques de Jehring, qu'il déclare, avec raison, contraires aux données morphologiques les plus certaines que nous possédions sur ces animaux. Deux ans après la publication du mémoire’ de Jhermg, en 1879, HERMANN Foz (70), dans son mémoire sur le déve- loppement des Gastéropodes pulmonés, émet pour la pre- mière fois, au sujet de l'organe qui nous occupe, une opinion que l’on s'accorde généralement à considérer au- jourd'hui comme la plus rationnelle. I ne fait pas allusion à la fausse branchie bipectinée, mais, prenant pour terme de comparaison l'organe découvert par M. de Lacaze-Duthiers chez les Pulmonés, il le compare à des organes ciliés qu'on trouve à l'entrée de la cavité palléale des Pléropodes et des Hétéropodes, et au bourrelet dessiné par M. de Lacaze- Duthiers chez le Cyclostome (29, pl. TI, fig. 8). « Dans tous les cas, la position et l’innervation sont les mêmes : seule- ment, nous avons affaire à un bourrelet vibralile richement innervé, landis que chez les Pulmonés aquatiques 1l s’agit d'une fossette également bien fournie de lerminaisons nerveuses... Il s'agit donc ici, selon moi, d’un organe ex- trèmement répandu chez les Gasléropodes, et qui peut varier de forme, mais présente parlout la même connexion et la même innervalion (p. 167). » Il est intéressant de rapprocher cette asserlion de H. Fol de celle qu'avait émise, vingt ans auparavant, M. de Lacaze- Duthiers, au sujet de la fausse branchie des Pectinibran- 124 FÉLIX BERNARD. ches. Les deux savants expriment d'ailleurs une simple opinion; les preuves ne sont pas encore fournies. Mais on voit que, dès maintenant, le rapprochement des organes en question dans toute la série des Gastéropodes est proposé. I est utile de le faire remarquer, car c’est précisément ce rapprochement qui fait l’objet principal du mémoire impor- lant de Spengel, dont nous allons nous occuper maintenant. S 3. — Troisième période. La /roisième période est caractérisée par deux faits im- porlants : la publication du travail de Spengel en 1881, et les tendances de plus en plus marquées qui se manifestent en Allemagne vers des recherches histologiques précises. Le retentissement du mémoire de SPENGEL «sur l'organe olfactif et le système nerveux des Mollusques (73) » a été au moins aussi grand que celui du grand ouvrage de Jhering, etil devait nécessairement en êlre ainsi, quoique le nombre de faits anatomiques nouveaux signalés par l’auteur füt en définitive assez reslreint; mais Spengel redressait les erreurs anato- miques et taxonomiques de Jhering et présentait des hypo- thèses intéressantes pour expliquer la torsion des Proso- branches ; de plus, il développait cette idée de l’homologie de la fausse branchie avec une série d'organes encore pro- blématiques, et retrouvait chez tous les Mollusques un organe sensoriel auquel il altribuail, assez arbitrairement d’ailleurs, la fonction o'factive. La structure de cet organe élait invoquée au même titre que la morphologie comparée pour la dé- terminalion de sa nature, de sorte que, même dans ces recherches, surtout anatomiques, l'histologie commence à jouer un rôle important. L'auteur passe en revue la topographie des parties essen- lielles du système nerveux dans les différents groupes; dans ses descriptions succincles il résume les {ravaux antérieurs, ou ses propres recherches, et dès le début il arrive à des résultats très différents de ceux de Jherimg : « Chez les Orthoneures (de Jhering) il existe, comme chez ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIES, 125 les Chiastoneures, une commissure viscérale en forme des. » La symétrie bilatérale que Jhering avait eru trouver dans les Orthoneures, n'existe pas en réalité. Le connectif qui, chez ces animaux, réunit le ganglion pleural droit au ganglion subinteslinal (1) n’est pas pour Spengel la véritable commis- sure viscérale ; il n'en est qu'une racine secondaire, sur- ajoutée ; de sorte que les Orthoneures de Jhering(Zygoneures) dériveraient avec la plus grande facilité des Chiastoneures. Ceux-ci, par les Anisobranches (Trochidés, etc.), viendraient des Zeugobranches (Haliolidés, Fissurellidés) où la symé- trie bilatérale, que Spengel considère comme primordiale, apparaît avec la plus grande neltelé. Telles sont les idées phylogénéliques de Spengel; quoique prêtant à diverses cri- tiques, elles sont à coup sûr beaucoup plus vraisemblables que celles de Jhering. Je n'insisle pas sur la parlie du mémoire de Spengel où sont développées les vues par lesquelles le savant zoologiste interprèle la torsion des Prosobranches. Je passe aussi à dessein sur la question de lépipodium, qui est encore au- jourd'hui lobjet de vives discussions entre M. de Lacaze- Duthiers et ses élèves d’une part, et M. Pelseneer, Bela Haller el Spengel Iui-mème de l’autre. La partie du travail qui, pour nous, présente le plus grand intérêt, est l'étude de l'organe indélerminé que Spengel appelle l'organe olfactif, et auquel, depuis 1881, la plupart des zoologisles ont donné, à juste titre, le nom du savant allemand. Spengel rend pleine justice à M. de Lacaze-Duthiers qui,le premier, à émis sur ce point une opinion exacte. I fait remarquer que chez les Peclinibranches l'organe en ques- lion est toujours relié par un nerf volumineux au ganglion supra-inteslinal : il l'a décrit succinctement chez l'Haliotide, la Fissurelle, les Trochidés, puis chez quelques Peclini- branches. Partoul il {rouve un long el puissant cordon gan- glhonnaire, à filaments accompagnés de cellules nerveuses, (1) Connectif de la Zygoneurie de Bouvier. 126 FÉLIX BERNARD. el au-dessus un haut épithélium où l’on voit entrer les fila- ments nerveux. L'histologie de l'organe n’est pas poussée plus loin. Les objections se présentent immédiatement à l'esprit du lecteur : lout d'abord les figures présentées soit pour la morphologie extérieure, soit comme preuves à l'appui de l'entrée du nerf dans lépithélium sont tellement insuffi- santes (surtout en présence d’une descriplion réduite à quel- ques mots), que divers zoologistes ont pu, sans parti pris, mettre en doute les observations de l’anatomiste allemand, observations exactes d’ailleurs en général, je me hâle de le déclarer. D'autre part, si l'homologie de l'organe dit olfactif chez différents Pectinibranches est démontrée avec évidence, il resterait à démontrer que chez les Scutibranches « la masse piriforme (ganglionnaire) terminée en avant par un filet à la base de la branchie » est bien l’homologue de la fausse branchie des Prosobranches à une seule oreillette, ou, en d'autres lermes, que le ganglion branchial de Lacaze-Du- thiers (Æa/iotis) représente dans ce groupe la fausse bran- chie bipectinée ou filiforme. Or cette question que Spengel ne discute pas me semble & priori pouvoir être résolue de di- verses facons. Si en effet la partie ganglionnaire de cet organe (gan- glion branchial de M. de Lacaze-Duthiers chez l'Haliotide) représente le ganglion olfactif, par quoi seront représentés, chez les mêmes animaux, les ganglions swpra-intestinal el sub-intestinal? Faudra-il admettre qu'ils sont soudés en une seule masse avec les ganglions pleuraux et pédieux? Faut-il croire au contraire que ce sont précisément ces ganglions supra et sub-inteslinal qui envoient des filets à l’épithélium ? Si ce fait est exact, ces ganglions ne peuvent être l’homo- logue de la fausse branchie, puisque les mêmes ganglions sont déjà représentés ailleurs chez les Monotocardes; alors l'organe de Spengel n’aurail plus la même valeur morpho- logique dans tous les groupes. Dans une troisième hypothèse, le ganglion des Diotocardes serait l’un des ganglions com- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIES. 127 missuraux, et l'organe olfactif serait alors réduit à un nerf, avec l'épithélium adjacent. Y a-t-il des cas chez les Mono- Locardes où l'organe olfactif est ainsi représenté par un simple nerf? Spengel ne le dit pas. Il n'indique pas en somme com- ment on peut passer du lype des Monolocardes à celui des Diolocardes. En somme, comme nous allons le démontrer prochainement, la question est bien loin d’être aussi com- pliquée qu'elle le paraît. La confusion qui règne actuelle- ment dans la question vient de ce que les zoologistes ont cherché à appliquer aux lypes inférieurs des Prosobranches la terminologie créée pour les {ypes supérieurs, au lieu d’é- tudier les différenciations progressives. Le reproche le plus grave qu'on puisse adresser à Spengel, c'est d'admettre « priori que les ganglions qu'il signale sont des organes olfactifs, sans se préoccuper de savoir si les nerfs qu'ils envoient aux organes voisins n'auraient pas une impor- tance plus grande que les filets qui passent à l’épithélium. D'ailleurs la principale preuve histologique, la présence de terminaisons neuro-épithéliales, manque entièrement. Si l’on passe maintenant des Prosobranches aux Héléropodes, aux Pulmonés et aux Opisthobranches, on se (rouve en pré- sence de difficullés analogues, et même d’un véritable cercle vicieux. Les recherches histologiques de Spengel ou de ses prédécesseurs ne suffisent pas pour établir que l'organe dit olfaclif soit un organe sensoriel, et d'autre part les considé- rations morphologiques par suite desquelles‘il établit l'ho- mologie loujours si délicate des ganglions, dans des groupes forts différents, supposent établie l'identité de l'organe olfactif dans loule la série. En admellant même que le passage du nerf dans l’épi- thélium soit un fait démontré et constant pour tous les cas où l'organe olfactif est le plus évident morphologiquement, il faudrait encore voir s'il n'existe pas le long du manteau d'autres régions où ce même passage se représente : s’il en élait ainsi, la valeur de cette disposition histologique pour la délermination morphologique de l’organe serait singuliè- 128 FÉLIX BERNARD. rement diminuée; c'est ce qui a lieu en réalité. J’ajouterai enfin que, au point de vue de ses fonctions, cet organe me semble «& priori devoir être l’objet de recherches d’une toute autre nature : l'histologre pourra bien nous montrer s’il est en réalité sensoriel; mais foute assertion sur son rôle spé- cial n’a que la valeur d’une hypothèse plus ou moins pro- bable. Le nom d'o//actif que Spengel lui attribue, me semble donc un peu prématuré, Lant que la physiologie ne sera pas intervenue. On voil, par ce qui précède, que je m'associe dans une certaine mesure aux eriliques qui ont été adressées au mé- moire de Spengel. Mais il serait injuste de méconnaitre l'importance considérable prise à juste litre par ce travail dès son apparition. Plusieurs des assertions de Spengel se sont trouvées vérifiées (1); Le grand travail de Bouvier à d'ailleurs contribué à éclaircir la question de la fausse branchie dans le sens indiqué par Spengel; les conclusions auxquelles je suis moi-même arrivé, confirment en partie les vues ingénieuses, quoique un peu prématurées, et surtout un peu incomplètes à mon avis, du savant anatomiste allemand. Depuis la publication du travail de Spengel, deux cou- rants opposés se manifestent : la plupart des zoologistes admettent comme exactes les observations du savant alle- mand, el considèrent la fausse branchie, le ganglion olfaelif, l'organe de Lacaze-Duthiers, etc., comme des formations ho- mologues, à fonctions olfactives. Dans les ouvrages classi- ques de Claus, de C. Vogt, dans les mémoires de B. Haller (52), de Vayssière (77), de Bouvier (61), de Garnault (63), les conclusions de Spengel sont acceptées, au moins en par- tie; dans les deux derniers mémoires, des arguments nou- veaux en leur faveur sont présentés. Mais l’unanimilé est loin d’être réalisée; MM. Wegmann (55), Boutan (56), Fischer (78), émettent des doutes sur la nature sensorielle de l’or- gane. M. Bouvier lui-même, qui admet comme probable ce (4) Notamment celle qui consiste à attribuer à tous les Pectinibranches une commissure viscérale tordue. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 129 rôle de la fausse branchie, diffère notablement d'opinion avec Spengel sur la signification morphologique du ganglion bran- chial. Enfin hering proteste vivement contre une théorie qui aurait pour effet «de rapprocher des animaux aussi diffé- rents que les Annélides el les Myriapodes ». Passons rapi- dement en revue ces divers travaux. Tout récemment deux monographies nouvelles ont été publiées sur les Prosobranches : celle de l'Halhotide par M. WEeümann (55) (1884) et celle de la Fissurelle par M. Bourax (56) (1886). Ces deux zoologistes ont été assez loin dans l’élude des organes palléaux; mais ils ne peuvent se prononcer au sujet de lorgane de Spengel. M. Wegmann croit y voir des feuillets empâlés dans le {issu conjonctif, figurant une branchie rudimentaire, qui représenterait morphologiquement une branchie d’Acéphale avortée. M. Boulan laisse la question dans le doute. Je discuterai avec soin les opinions émises par ces deux auteurs. L'organe de Spengel est au contraire étudié avec un grand soin par M. GarnauLT (65) dans le Cyclostoma elegans et les terminaisons nerveuses y sont reconnues et décrites exacte- ment. Mais la différenciation de l'organe est trop peu avancée dans le cas du Cyclostome pour que les résullats obtenus par M. Garnaull puissent suffire à combler la lacune imporlante sur laquelle tant de zoologistes ont appelé lat- tention. Si incomplètes qu'elles soient, nos connaissances sur les organes palléaux ont continué à être utilisées pour la classification des Prosobranches. Tout récemment Ray Lan- KESTER (79 bis) a désigné sous le nom général de Ctenidium la branchie primilive de tous les Mollusques : c'est, dit-il, un axe contenant un vaisseau afférent et un vaisseau eflérent et porlant sur chacun de ses côtés une série de lamelles vas- culaires. Cel organe peut demeurer libre sur loule sa lon- gueur, ou être soudé entièrement ou partiellement au manteau. L'organe de Spengel est appelé Osphradium. C'est un paquel d'épithélium cilié situé à la base de la branchie, ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, 9. — ART. N° 3. 130 FÉLIX BERNARD. en connection avec un nerf dérivé de l’un des ganglions viscéraux ou de la chaîne viscérale. Il se rencontre dans tous les groupes de Mollusques excepté chez les Scaphopodes. Récemment Ray Lankester et Bourne l'ont retrouvé chez le Nautile, où il est représenté par une papille. Cette papille n'existe pas chez le Poulpe. Ces deux organes, l’osphradium et le ctenidium, jouent pour l’anatomiste anglais un grand rôle dans la classification des Gastéropodes Streptoneures (Prosobranches). Ceux-e1 sont divisés immédiatement en deux groupes. 1° Les Zygobranches, possédant deux clenidia et deux osphradia persistants ou avortés. Ce sont les Haliolidés, Fissurellidés et Patellidés. 2° Les Azygobranches, ne possédant qu'un ctenidium et un osphradium. Ils comprennent les Natantia \Hétéro- podes) et les Aeptantia qui sont tous les autres Proso- branches. Ceux-ci se classent aussi d’après les organes de la respiration en Æolochlamy la (Holostomes), Pneumochlamyda (Cyclostomidés), Siphonochlamida (Siphonostomes). Malgré l'autorité du savant naturalisie anglais je ne puis accepler la classificalion qu'il présente et donner à l'appareil respiratoire une importance taxonomique aussi prépondérante; les caractères accessoires proposés par l’au- teur comme servant à caractériser les groupes proposés ne me paraissent pas non plus bien concluants. Séparer les Tro- chidés des autres Diolocardes me semble tout à fait impos- sible; la division ancienne en Holostomes et Siphonostomes ne lient pas non plus grand comple de l’ensemble de lPor- ganisalion. Je suis à ce point de vue lout à fait de l'avis de Bouvier (/oc. cit., page 468) el je pense que la présence ou l'absence du siphon ne doivent intervenir que pour diviser les Ténioglosses. En même lemps que la précision anatomique continue à ètre recherchée de plus en plus par les savants de toules les écoles, chacun sent de plus la nécessité d'entrer résolument dans la voie histologique. Les travaux déjà anciens de Leydig ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIIES. {91 et ceux plus récents de W. Flemming avaient inauguré en Allemagne une série de recherches du plus haut intérêt sur l'histologie des Mollusques. Les noms de Brock (76), Korr- MANN (37), PosnER (38), SimrorH (37), SarasiN (50), SochAcsE- WER (42), CARRIÈRE (#4), Drosr (59), Rawrrz (66) doivent être cités parmi ceux des auteurs qui ont le plus contribué à nous faire connaître les lissus des Acéphales et des Pul- monés. Cependant les Prosobranches continuent à être relalive- ment très négligés à ce point de vue. B. Harrer seul s’est préoccupé d'analyser les éléments des Rhipidoglosses(52,58). Il a décril la structure des ganglions et des nerfs, des or- ganes gustalifs et des organes latéraux. Certains points nous arrêleront particulièrement; mais je me hâte de dire que, abstraction faile de quelques points relevés immédiate- ment en 1887, notamment par NaxsEN (60), les recherches histologiques de B. Haller m'ont paru à l'abri des graves eriliques qu'on a fréquemment adressées à ses {ravaux d'ana- tomie. Mais cet auteur n'a pas examiné l'organe de Spengel, au point de vue histologique : il conteste cependant absolu- ment la conclusion générale de Spengel relalive à l'organe olfactif et se refuse à voir dans le ganglion situé à la base de la branchie autre chose qu’un ganglion branchial. L'un des zoologisles qui me paraissent avoir le mieux compris la structure des /enillots branchiaux est OsBorx (57), qui à publié récemment (188%) à ce sujet deux notes impor- lantes. Il à étudié quelques {vpes assez variés lels que Chaton, Fissurella, Fulqur, Fusus, Littorina, Siqgaretus, Nassa, Crepidula. W reconnait que l’épaississement carlila- gineux est constitué aux dépens de la membrane basale; il ne décril pas de capillaires; mais il a {rouvé dans cerlains cas un cordon conjonclif séparant le vaisseau afférent du vais- seau efférent. Plus récemment, Osborn a décrit brièvement l'organe de Spengel (osphradium) dans la Crepidula forni- cata (64). H constate l'existence d’un nerf au centre de l'or- gane : les feuillets sont couverts d’épithélium pigmenté. € Le 139 FÉLIX BERNARD. L'auteur ne s'explique pas sur les espaces sanguins et les terminaisons nerveuses. Nous arrivons enfin à l’un des travaux les plus importants qui aient élé publiés sur les Mollusques, au mémoire de M. Bouvier sur le «Système nerveux, la morphologie générale, el la classification des Gastéropodes Prosobranches » (67). Dans les longues et minulieuses recherches qu'il à fait porter sur plus de 70 genres, l’auteur ne s’est pas contenté de disséquer avec le plus grand soin le système nerveux de ces animaux et d’en tirer de nombreuses conclusions morpho- logiques et taxonomiques ; il à de plus indiqué un grand nombre de particularités anatomiques relatives aux diffé- rents appareils des animaux les plus intéressants. Le man- teau et ses dépendances n’ont pas élé négligés, au moins quant à leur morphologie extérieure. Comme j'aurai à faire fréquemment allusion à ce travail, el comme d'autre part je me propose de suivre, au moins en partie, la classification proposée par Bouvier, je ne puis me dispenser d'indiquer les grandes coupures qu'il a été amené à élablir dans le groupe de Prosobranches. Ces cou- pures ont pour point de départ la comparaison de l’ensemble des organes ; en d’autres termes, s'appuyant sur ses propres recherches et sur celles de ses prédécesseurs, M. Bouvier a cherché à donner une classification naturelle. Cependant le système nerveux est pour lui « le caractère dominaleur par excellence». Aun très petit nombre d'exceptions près (Neri- tidés et Hélicinidés), tous les Prosobranches sont C/asto- neures, comme l'avait déjà établi Spengel. Les modifications dans les dispositions des centres nerveux sont lentes et pro- cressives et l’on trouve tous les degrés entre les types ex- trèmes. Lesbranchies fournissent des caractères de deuxième ordre ; elles correspondent par leur forme à des modifications orga- niques : « les Prosobranches à branchies bipeclinées ont en général un cœur à 2 oreillettes el à ventricule traversé par le rectum, un système nerveux à cordons palléo-pédieux ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 133 scalariformes, un épipodium, une radule à dents très nom- breuses, ele. » Les animaux présentant ces caractères sont rangés dans le groupe des Aspidobranches où Diotocardes. Les autres sont les Pectinibranches où Monotocardes. On voit que Bouvier reprend pour désigner les grandes divisions des Prosobranches des noms déjà employés par Cuvier el Mürch; mais il les emploie dans un sens un peu différent. Pour lui, les Prosobranches doivent êlre divisés en deux sous-ordres seulement; chacun de ces grands groupes com- prend des séries distinctes, mais qui présentent entre elles de nombreuses ressemblances de détail. Pour déterminer les coupures de second ordre qui doivent êlre distinguées chez les Diotocardes comme chez les Mono- tocardes, M. Bouvier fait intervenir le siphon, la fausse bran- chie, le mufle et la radule ; on ne peut établir à ce sujet de subordinalion rigoureuse entre les différents caractères : tel organe, la radule par exemple, « peut garder une homogé- néilé frappante dans toute l'étendue d’un groupe naturel, et devenir fort différente quand on passe d’un groupe à l'autre ». L'avis de l’auteur est qu'il faut, pour établir des groupes aussi nettement limitésque possible, choisirles carac- ières qui présentent les sauls les plus brusques, s'ils sont suffisamment en accord avec les autres caractères : la bran- chie, le cœur et la radule sont dans ce cas. Pour élablir les groupes de troisième ordre, il faut s'adresser à l’ensemble des organes et on s'aperçoit alors qu'on doit établir « plusieurs séries pouvant se rattacher d'ailleurs les unes aux autres par des termes communs », Je ne puis entrer ici dans le détail des résultats auquels ces considérations ont conduit M. Bouvier. Dans la partie spéciale de mes recherches sur la fausse branchie, je reviendrai sur la classification proposée par M. Bouvier et je discuterai la valeur des séries qu'il propose : je me hâte de dire que, au moins pour les Ténioglosses, la plupart me semblent justifiées. Si M. Bouvier s’est appliqué à préciser aulant que possi- L 134 FÉLIX BERNARD. ble les principes de la classification des Prosobranches et à réunir les divisions généralement admises en groupes nelte- ment délimités, il s’est attaché d'autre part à suivre pas à pas les transformations qu'avaient subies les divers organes depuis les types les plus primitifs ; et à mettre en lumière la continuité des formes dans {ous les cas où elle existe effectivement. Ses recherches sur le manteau et ses annexes présentent à cet égard un grand intérêt. 1° Chez presque tous les Diotocardes et chez beaucoup de Ténioglosses (Proboscidifères holostomes), il existe dans le manteau, de chaque côté del’animal, une anastomose nerveuse mettant en relalion deux nerfs palléaux parallèles ; l'anasto- mose droite, par exemple, met en relation le nerf issu du gan- glion palléal droit avec un nerf issu du ganglion sous-intes- tinal, situé sur la branche gauche de la commissure viscérale. M. de Lacaze-Duthiers avait depuis longtemps découvert du côté gauche ces anastomoses dans l'Haliotide. M. Bouvier dé- montre qu'elles existent toujours, mais que dans certains cas elles se rapprochent du corps, tantôt d’un côté tantôt de l’autre, de sorle qne les nerfs palléaux arrivent à se rencontrer de plus en plus près des ganglions. Enfin, dans le cas extrême, les deux ganglions voisins sont reliés directement par un con- neclif et le système nerveux est dit zygoneure. La famille des Cérithidés présente tous les cas de transition dont nous ve- nons de parler. La zygoneurie s'établit presque toujours du côlé droit : à gauche elle est beaucoup plus rare et présente moins d'imporlance; ajoultons qu'elle est constante chez les Siphonostomes el les Sténoglosses. L'elude attentive de l’innervation du manteau a donc per- mis à Bouvier d'établir un fait anatomique entièrement in- connu, et des plus intéressants, puisqu'il explique clairement la disposilion du système nerveux chez les Prosobranches les plus élevés, et met en lumière les transitions graduelles qu relient les différents types dans l'ensemble de l'ordre des Prosobranches. 2° Au sujet des autres résullats qui présentent pour ce ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 135 travail un intérêt spécial, nous ne pouvons faire mieux que de ciler quelques lignes du résumé présenté par Bouvier à la fin de ses recherches : « Chez les types les plus primitifs, la partie antérieure du manteau est innervée presque symélriquement el presque uniquement par les ganglions palléaux; si les organes pallé- aux de droite font défaut, le ganglion sous-inteslinal n’exis- lera pas. Chez les Monolocardes l'innervalion du manteau devient de plus en plus asymétrique à mesure qu'on s'élève dans le groupe des Ténioglosses. L'innervalion de la bran- chie se fait aux dépens du ganglion sus-inlestinal et de la branche sus-imtestinale de la commissure viscérale, quand la branchie est à gauche. Le ganglion sus-inleslinal innerve également la fausse branchie droite el envoie toujours des rameaux au manteau; mais le siphon est loujours essentiel- lement innervé par le ganglion palléal gauche. À droite le ganglion sous-inteslinal innerve toujours la branchie et la fausse branchie quand elles existent, en même {temps qu'une partie du manteau. » 3° Au sujet de la fausse branche est indispensable pour bien comprendre les combinaisons de M. Bouvier, de se rap- peler qu'il n'admet pas comme Spengel que le ganglion situé à la base de la branchie des Diotocardes (g. branchial de Lacaze, ou g. olfaclif de Spengel) soil autre chose que le ganglion sus-intestinal. Par suite, il appelle fausse branchie chez les Diotocardes, seulement la bande d'épithélium qui s’élend le long du support branchial, et dit que chez eux la fausse branchie est filiforme (p. 37 el 409); ne faisant pas de recherches histologiques, il s’en rapporte d’ailleurs aux résultats de Spengel. Des observations nouvelles d'un grand intérêt sont présentées pour les Ténioglosses; M. Bouvier trouve, dans l’élendue d’une même famille, celle des Cérithi- dés toutes les transitionsentre les fausses branchies linéaires et les fausses branchies bipeclinées. D'autres familles pré- sentent encore des formes de passage : Lels sont les différents types de la longue série des Turritellidés, des Chénopidés, 136 FÉLIX BERNARD. et des Strombidés. Des observalions de cette nature, quoi- que faciles à faire, n'avaient pas été réalisées, parce qu'on s'était peu occupé des Prosobrancehes exotiques. Elles ont permis à M. Bouvier d'appliquer les variations morpholo- giques de cel organe à la détermination des affinités des genres el des familles (p. #11). Je ne puis qu'approuver les conclusions de l’habile analomiste, et j'aurai l'occasion d'appliquer les mêmes principes à des cas qu'il n’a pas étu- diés. Le but de nos recherches n’était pas de contrôler celles de M. Bouvier, même à propos des points communs aux sujets de nos deux travaux : ayant travaillé au même laboratoire que lui et dans le même esprit, J'ai pensé qu’il y avail inté- rêt plutôt à acquérir de nouvelles données qu'à vérifier celles qu'il à établies sur les bases les plus solides: néan- moins pendant plusieurs années, j'ai eu l’occasion de dissé- quer un assez grand nombre des types examinés par lui et j'ai pu constater l'exactitude de quelques-unes de ses asser- tions les plus importantes. Partout j'ai retrouvé la commissure palléale à laquelle il attache tant d'importance : j'ai vérifié de plus qu’on pouvait souvent mettre en évidence avec la plus grande facilité, la branche de la commissure viscérale qui unit le ganglion sus-intestinal au ganglion viscéral, branche qui avait échappé à Jhering dans des animaux tels que les Tritons et les Ranelles où elle atteint cependant des dimen- sions considérables. Les résullats de M. Bouvier concernant la chiastoneurie générale des Prosobranches ne me semblent donc pas disculables. Je ne reviendrai plus sur ce sujet, et je ne m'occuperai du système nerveux que pour des ani- maux qui n’ont pas été complètement décrits par M. Bouvier (certains Cyclophoridés, Valvatidés, Tecturidés). Je me propose de suivre dans ce travail la classification de M. Bouvier, au moins dans ses trails généraux; mais, comme on va le voir dans les chapitres suivants, l’admis- sion de quelques-unes de ses divisions nous causerait des difficultés réelles, et certains groupes ne me semblent pas ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 137 devoir être maintenus : ainsi je ne puis accepler la division en Zygobranches et A zygobranches, proposée déjà par Spen- gel, ni employer pour les Haliotidés et les Fissurellidés seuls le terme de Rhipidoglosses, qu'on applique généralement au groupe entier (moins les Patellidés). M. R. Perrier vient de montrer (67) que, au point de vue du rein el du cœur, les Patellidés doivent être mis tous à part : il en fait le sous-ordre des Æé/érocardes. Dans les Diolocar- des, il fait un groupe spécial pour les Fissurellidés dont les deux reins sont semblables (Æomonéphridés) el réunit les autres familles sous le nom d’'ÆHétéronéphridés. L'élude qui va suivre ne fournissant pas d'arguments contre ce système de classification, je me suis décidé à l'adopter dans ce travail; je ne reproduis pas 1c1 le tableau de cette classificalion, on le {rouvera dans le mémoire de M. Perrier (Ann. Sc. nat. 7° série, t. VIII). Résumé de l'historique général. But de ces recherches. — Si nous cherchons à nous rendre compte de l'état actuel de nos connaissances relativement aux organes palléaux, nous avons à tenir compte des résultats morphologiques et des résultats histologiques. 1° Au point de vue morphologique nous connaissons avec une grande exaclilude la forme et la position de la branchie dans un grand nombre de types. Pour la fausse branchie et la glande à mucus, il reste encore quelques lacunes. L'innervation des organes palléaux est également éludiée avec une grande précision. Cependant un point reste obscur. Le ganglion qui se trouve à la base des branchies des Dioto- cardes est considéré par M. de Lacaze-Du thiers el ses élèves et par B. Haller simplement comme un ganglion #ranchial: par Spengel comme un ganglion o/factif, homologue de celui qui existe au centre des fausses branchies bipectinées, par Bouvier comme l'homologue de lun des ganglions com- massuraux. La distribution des nerfs issus de ce ganghon, telle que la décrit B. Haller, est contestée par Bouvier. e En un mot, quelle est sa signification morphologique? Je 138 FÉLIX BERNARD. chercherai à élucider autant que possible cette question délicate. L'appareil circulatoire du manteau n’a pas élé étudié dans son ensemble. Dans les monographies du Vermet, de l'Ha- liotis, de la Fissurelle, dans le mémoire sur la Pourpre, le système sanguin de ces animaux a été décrit avec soin, mais nous ne savons pas s'il existe, d’une manière générale, des vaisseaux importants, à connexions constantes. En particulier la comparaison des Diolocardes et des Monotocardes mérite d’être faite à ce point de vue. M. Bouvier va présenter pro- chainement des observations nouvelles au sujet du sys- lème artériel. Je m'occuperai principalement du système veineux. 2° Sous le rapport de l’histo/ogie, un plus grand nombre de questions restent encore à résoudre. 1° Quelle est la structure de la branchie, de la fausse branchie, de la glande à mucus, du tissu mème du manteau? Nous ne le savons en aucune facon, car un seul travail d'his- tologie a été présenté jusqu'ici pour les Prosobranches, et il porte sur un animal (le Cyclostome) où les trois premiers de ces organes sont peu différenciés. En particulier, l'étude de la structure de la fausse branchie va nous permettre de déter- miner, avec une probabilité plus grande qu'on avait pu le faire jusqu'ici, la nature et l’origine de cel organe. Nous aurons, après avoir éludié séparément chacune des parties dont il s’agit, à les comparer entre elles et voir en quoi consistent les différences les plus importantes. 2° De très nombreuses et très intéressantes recherches ont été faites chez les Acéphales et les Pulmonés; mais la com- paraison des différents ordres de Mollusques n’a Jamais été réalisée et nous ne savons pas dans quelle mesure les varia- lions importantes dans la forme et la disposition des organes, sont solidaires de modifications essentielles dans leur struc- ture. Or, dansles organes palléaux, {rois ordres d'éléments vont fixer plus particulièrement notre attention. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 139 1° Les cellules #ewro-épithélinles ; 2° Les cellules glandulaires: 3° Les éléments du {issu conjonctif; Nous aurons donc à revenir sur ces trois sortes de tissus el à discuter les {rois problèmes de {ernuinaisons nerveuses sensi- lives, de la sécrétion du mucus el de la structure des lacunes. Au point de vue {axonomique, j'aurai peu de chose à ajou- ter aux {ravaux de mes devanciers : M. Bouvier en particulier, ayant déjà utilisé les variations de la fausse branchie pour la formation de séries naturelles, je me contenterai de faire ressortir les affinités que la structure des organes palléaux met en lumière entre certains groupes dont la posilion n'est pas encore loul à fait fixée. DEUXIÈME PARTIE ORGANE DE SPENGEL CHAPITRE PREMIER ORGANE DE SPENGEL DE LA CASSIDAIRE. Je commence l’élude des organes palléaux par l'histoire de la fausse branchie où organe de Spengel. Ce n'est pas, à beaucoup près, le plus simple des organes que nous ayons à examiner: la structure de la branchie est en effet bien moins compliquée, mais les éléments nerveux jouent un grand rôle dans les formations palléales, et leur étude a pour nous une imporlance spéciale. Or la disposition des nerfs dans les feuillets branchiaux et dans les glandes à mucus ne présenteraient pour nous aucun intérêt si nous n'avions pas dans l’espril tous les cas de différenciation pro- gressive de ce genre de tissu dans la fausse branchie. 140 FÉLIX BERNARD. Ce dernier organe nous offrira d'ailleurs le plus grand dé- veloppement possible de ces mêmes éléments, ce qui nous facilitera considérablement leur étude. Pour la même raison, je ne puis pas suivre exactement, dans cet exposé, l'ordre de perfectionnement progressif, qui coïncide avec l’ordre phylogénélique le plus probable. J'ai pu étudier l'organe avec précision surtout dans les cas où il est le mieux développé, sa structure dans les cas les plus simples se découvrait mieux ainsi que si j'avais suivi l'ordre inverse. J’examinerai donc d’abord avec détail le cas de différenciation maximum, et je montre ensuite d’où l’or- gane est parti et par quelles modifications il a passé. Dans loute celte description, pour éviter toute confusion au sujet des travaux antérieurs, el pour ne rien préjuger de nos propres conclusions, j'adopterai provisoirement le nom d'organe de Spengel pour tout l'ensemble complexe de tissus que Spengel considérait comme organe olfaclif ; c’est-à-dire le ganglion branchial, le gros nerf qui en dépend, l’épithé- lium adjacent, pour les Diotocardes — l'organe filiforme ou bipecliné pour les Monotocardes, — le ganglion branchial avec l’épithélium pour les Patelles et les Opisthobranches. La Cassidaria tyrrhena, animal de grande taille que j'ai reçu en grande abondance d'Arcachon, et qui peut vivre quelque temps dans les laboratoires, a lavantage d'offrir une réparlilion commode des divers éléments : c'est ce qui m'a conduit à la prendre comme {ype. $ 1. — Extérieur. La fausse branchie de la Cassidaire (fig. 1)est un organe al- longé, terminé en pointe à ses deux extrémités, de 2 centi- mètres et demi de long sur un demi-cenlimètre de large dans les grands individus. Sa section transversale est sensi- blement quadrangulaire (Voir la figure 25 qui a rapport à la Ranelle; la disposition est la même dans la Cassidaire). Elle est constituée par un gros ganglion (G) qui en occupe toute la partie médiane, et par des feuillets épais (F) au nombre ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 141 de cent vingt-cinq à cent cinquante en moyenne de chaque côté, se correspondant exactement par paires de part et d'autre. L'ensemble de l'organe présente par suite la symé- trie bilatérale et le ganglion lui-même est exactement sy- métrique. La face inférieure est pigmentée, sauf la partie médiane immédiatement sous-jacente au ganglion (G, fig. 1, y, fig. 3), les faces latérales sont incolores. Chacun des feuillets présente une forme sensiblement triangulaire (fig. 2 et 25). Il à un bord énférieur libre (i) pig- menté sur toute sa longueur, un bord latéral (/) par où il est rattaché au ganglion et que j'appellerai cdlé interne : un bord supérieur libre où côté externe (e). La région pig- mentée comprend toute la longueur du bord inférieur et de plus quatre lignes parallèles entre elles, sensiblement per- pendiculaires au côté latéral libre. Il en résulte que les espaces clairs (S), laissés libres entre les espaces pig- mentés, réalisent une figure exactement semblable à la précédente el dirigée en sens inverse. On sait depuis les recherches de Spengel que toute la partie sous-jacente à l’'épithélium pigmenté est occupée principalement par un nerf volumineux issu de la partie inférieure du ganglion central et par ses principales ramifications (4ranches pri- maires), qui sont au nombre de quatre dans tous les feuillets saulfdans ceux des extrémités. Disons dès maintenant, pour fixer les idées, que les régions claires (S) correspondent dans l'intérieur de l'organe à un sinus sanguin partant d'une lacune immédiatement sus-Jacente au ganglion central: ce sinus est constitué par une branche principale, dirigée le long du bord latéral libre, et par des ramifications primaires terminées en cul-de-sac el alternant avec les branches pri- maires du nerf propre de l'organe. Spengel a observé cette disposition et en donne une description exacte, quoique trop succincte. $ 2. — Étude du ganglion central de l'organe de Spengel. La structure intime des éléments ganglionnaires des In- 142 FÉLIX BERNARD. vertébrés a donné lieu à un très grand nombre de {ravaux qui nous permettent de considérer comme connus la plu- part des faits essentiels; quelques-uns cependant sont en- core discutés : ainsi les avis sont parlagés sur la question de savoir si les cellules sont unies entre elles directement ou par l'intermédiaire d'un fin réseau de fibrilles ; récem- ment Bela Haller a décrit des prolongements nerveux issus du nucléole dans le cordon palléo-pédieux de la Fissurelle. Mais d'autre part, les interprétations des faits varient d’une ma- nière frappante suivant les auteurs : l’on n’est pas fixé sur la nature nerveuse ou conjonctive de certains éléments; certains zoologistes considèrent comme le noyau ce que d’autres déclarent êlre le corps même de la cellule, qui serait alors entouré d’une écorce : enfin l'existence de véri- lable fubes nerveur chez tous les animaux à élé récem- ment admise par des histologistes tels que Leydig et Nan- sen. On conçoit que le simple exposé hislorique de ces questions intéressantes m'entraiînerait bien loin du sujet principale de ce travail. On trouvera d'excellents résumés de l’histoire de ces recherches dans la seconde partie des Untersuchungen über marine Rhipidoglossen de Bela Hal- ler et surtout dans le beau mémoire que vient de publier F. Nansen (60) dans le Bergens Museum A arsberetning de 1886. J'ai eu l’occasion dans le cours des recherches que j'expose ici de rencontrer des circonstances parliculière- ment favorables pour démêler quelques-unes de ces queslions délicates. D'autre part, je laisserai de côté des points encore obscurs que l'étude du ganglion de la Cassidaire ne pourrail pas nous permettre d'élucider. Le ganglion de l'organe de Spengel (fig. 3) est constitué par des cellules disposées à la périphérie et par des fibres occupant la partie centrale. Les cellules sont très rares à la partie supérieure et à la parlie inférieure, dans le voisinage du plan médian de l'organe; elles forment au contraire, sur les deux côlés, des amas volumineux el continus d’une extré- milé à l’autre du ganglion. De distance en distance, dans la ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 143 région où le nerf principal (N») de chacune des lamelles pénètre dans le ganglion, on voit l’amas cellulaire se diviser en deux moitiés, l’une inférieure, l’autre supérieure, et chacune des masses ganglionnaires ainsi constituées s'étend jusqu'au plan médian; dans lintervalle de deux lamelles olfactives, l'amas cellulaire reste au contraire indivis et occupe une moins grande étendue. C’est ce que montre la figure 3, où j'ai représenté une coupe légèrement oblique du ganglion olfaetif : vers la gauche la coupe intéresse une des lamellés branchiales ; de l'autre côté elle passe dans l'inter- valle de deux lamelles consécutives. L'examen d'un grand nombre de coupes successives m'a montré une périodicité parfaile dans la disposition des éléments cellulaires. Le nerf d'un feuillet naît par plusieurs faisceaux séparés les uns des autres par des lames conjonctives ; deux d’entre eux se séparent presque immédiatement des autres, et, se portant ensemble à angle droit dans la lamelle, constituent la première des ramifications primaires (elle n’est pas repré- sentée sur la figure 2), les autres contribuent à former la la branche principale (#p, fig. 2). Ces différents faisceaux se divisent rapidement dans l'intérieur du ganglion, soit dans le sens longiludinal, soit dans la profondeur de l'organe. Ces divisions défient toute descriplion: la figure 3, dessinée à la chambre claire, peut en donner une idée. En définitive, ces faisceaux aboutissent à la substance ponctuée qui forme la masse centrale. En se divisant ils circonscrivent les amas de cellules en îlots parfois très dislinels, et se perdent à des profondeurs très variables dans la substance ponctuée. Quelques faisceaux ont une longue course longitudinale et établissent des relations entre les régions correspondant aux diverses lamelles : il en existe un volumineux (/) à face inférieure du ganglion, près de lépithélium (c'est la partie supérieure sur la figure 3). Les cellules nerveuses sont relativement {rès petites; elles contiennent un gros noyau qui se présente avec l’aspecl 144 FÉLIX BERNARD. d'une vésicule contenant à sa périphérie de grosses granu- lations vivement colorées par les réactifs. Le protoplasma de la cellule est hyalin, peu abondant, se colore faiblement ; on y voit avec un fort grossissement des stries dirigées dans le sens des prolongements. Presque partout les cellules ganglionnaires sont dis- posées en amas assez distincts les uns des autres, mais où les éléments sont extrêmement rapprochés, si bien qu'on serait tenté de leur attribuer des faces communes presque planes. Il est facile néanmoins, avec un fort gros- sissement, de découvrir la membrane propre de chacune d'elles et d'en étudier les prolongements. Voici ce qu’on peut dire au sujet de ces derniers. Un assez grand nombre de zoologistes admettent pour la cellule nerveuse deux sortes de prolongements (1), les uns volumineux, atténués graduellement, continuant simplement les angles de la cellule; les autres intéressant bien moins le corps de la cellule elle-même, et s’insérant sur des mame- lons à peine saillants: généralement ils sont si réduits par rapport aux précédents que l’on n’en tient pas compte, de sorte que, suivant le nombre des prolongements de la pre- mière espèce, on dit que la cellule est uni, bi ou multipo- laire. En réalité, plusieurs travaux approfondis, et en parti- culier ceux de Nansen, ont montré que toutes les cellules ont un grand nombre de prolongements, et qu'on ne pouvait pas négliger ceux qui sont plus réduits et semblent de moindre importance. On admet souvent que les prolonge- ments grèles n’intéressent que la membrane, ou si l’on veut, l'écorce, de la cellule, et que les prolongements volumineux contiennent seuls la substance nerveuse. Nous verrons dans l'organe de Lacaze-Duthiers des exemples de ce cas: mais 101 la distinelion semble impossible à admeltre. De sorle que dans l'organe de Spengel bipectiné, il n'existe que des cel- lules franchement mullipolaires ; on ne voit pas de ces (1) Voir le détail des cellules nerveuses, fig. 38 a et 38 b. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIHES. 145 éléments allongés, effilés, comme j'en ai rencontré moi- même dans bien d’autres cas. Il y a exception cependant pour le bord du ganglion, aux environs de la ligne médiane en 4 (fig. 3). On rencontre en ce point quelques cellules dites unipolaires. Mais d'une manière générale les cellules du gan- glion de Spengel sont toutes multipolarires et il existe toutes les transitions entre les prolongements les plus importants et ceux qui sont le moins volumineux. Voyons maintenant quelles sont /es relations de ces él6- ments : 1° entre eux ; 2° avec les nerfs: 3° avec l'enveloppe conjonctive. Nous touchons ici à l’un de ces problèmes dé- licats que je signalais tout à l'heure : cependant des coupes au 400°, dont quelques-unes ont été traitées, après le mon- tage à la gélatine, par l'alcool absolu addilionné d'acide chromique et coloré par le bleu de méthylène, m'ont permis de me prononcer dans le cas particulier qui m'oc- cupe. On appelle substance ponctuée de Leydig où substance mé- dullaire (Markwerk) une matière très finement granuleuse, paraissant presque homogène au premier abord, et pouvant sous un fort grossissement se décomposer en un réseau de fibrilles d'une finesse extrême (L, fig. 3). Elle se rencontre dans presque tous les ganglions et occupe tout l'espace laissé libre par les cellules el les fibres nerveuses proprement dites. Des recherches mullipliées ont permis de décider qu'on n'avait pas affaire à une simple apparence causée par des sections {transversales de faisceaux de fibres, et qu'il y avait bien là un réliculum extrêmement délicat, d'une substance analogue ou identique à celle qui se colore dans les nerfs eux-mêmes, mais non orientée, el anastomosée dans tous les sens. Nous appellerons avec Leydig sponyioplasma celte sub- stance facile à colorer sans chercher à démêler si elle cons- tilue des trabécules ou des tubes à parois continues, comme le veulent Leydig et Nansen, el Ayaloplasmu le liquide hyalin qui la baigne, qu'on voit dans les lissus frais ef qui disparait dans les coupes. Deux points fondamentaux sont admis ac- ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, 40. — ART. N° 3. 146 FÉLIX BERNARD. tuellement par tous les observateurs; la substance ponctuée de Leydig est en rapport d’une part avec les cellules, au moins par l'intermédiaire des prolongements grèles (Ne/z- fortsätze de B. Haller), d'autre part avec les faisceaux de fibrilles, qui par leur réunion forment les nerfs. Ces deux fails sont d'ailleurs des plus faciles à vérifier sur le ganglion olfactif de la Cassidaire. Il reste à donner une réponse aux questions suivantes : 1°Y at-il union directe entre les cellules? B. Haller l’'admet et appelle Verbindungsforsätze les prolongements qui établis- sent cette union; Nansen le conteste et déclare n’avoir Ja- mais pu observer l'union directe. Pour mon compte, je l'ai trouvée assez fréquemment dans la Cassidaire ; j'en donne d'autre part des exemples pour l'organe de Lacaze-Duthiers chez les Pulmonées, elje pense qu'il se pourrait que celle union directe se manifestât dans les cas où les cellules sont {rès rapprochées les unes des autres, et fit défaut dans d’aulres occasions. 2° Outre l’origine indirecte des nerfs dans la substance ponctuée, y a-l-il aussi une origine directe dans les cellules? Doit-on considérer (chez les Mollusques) une troisième sorle de prolongement, les Nervenforsätze de Deiters, ou les Stamm- fortsätze de B. Haller? Nansen et B. Haller sont encore en désaccord sur ce point, et avec B. Haller, Solbrig (30, 1872), Bœhmig (45, 1885), Garnault (63, 1887), admettent que des fibres nerveuses partent directement des prolongements des cellules larges (1). Je ne puis partager cette opinion, au moins pour ce qui concerne l'organe de Spengel; je n'ai jamais vu les faisceaux même les plus minces provenir des prolonge- ments cellulaires, sans interposilion d’un réticulum, si ré- duit qu'il soit: la substance ponctuée pénètre d'ailleurs toule la masse du ganglion et se glisse entre les cellules (1) M. Vignal, dans son travail sur les centres nerveux des Invertébrés (51), ne se prononce pas sur ce point à propos des Mollusques (p. 338). Il admet pour les Crustacés (p. 31%), les Lombrics (p. 400), la réunion en T décrite par M. Ranvier pour.les ganglions des Vertébrés. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES, 147 dès qu'elles présentent entre elles un intervalle suffisant. 3° On appelle ce//ules araignées où encore cellules de la nérroglie, sans allacher à ces termes exactement la même signification que chez les Vertébrés, de très pelites cellules mullipolaires disséminées partout, que l’on à considérées comme de nalure conjonclive. On les voit en très grand nom- bre dans le ganglion de Spengel:; mais elles sont d'une peli- lesse extrême : leur noyau, relalivement très volumineux, se colore faiblement en rouge, mais le corps des cellules est leinté en bleu vif, ce qui permet de le retrouver facilement. Leurs connexions sont bien celles qu'on admet généralement : leurs prolongements vont s’anastomoser avec les fibrilles de la substance ponctuée et aussi avec quelques-uns des petits prolongements (Ne/z/fortsälze) des grandes cellules ganglion- naires. Je partage d'ailleurs l'opinion de M. Garnault et de Nansen, qui pensent que les relations de ces éléments avec les autres éléments nerveux ne permettent pas de les con- sidérer comme conjonctifs : ils diffèrent d’ailleurs de fout ce que nous connaissons en fait d'éléments de cette dernière calégorie chez les animaux qui nous occupent. Leur faible dimension n'a pas permis de les représenter sur la figure 3. lelalion des éléments nerveux avec le névrilème. Les prolongements des cellules ganglionnaires et le réticulum de Leydig vont s’insérer sur une fine membrane continue qui entoure le ganglion (#, fig. 4), mais est tout à fail distincte du névrilème proprement dil, et s’en détache en plusieurs points, probablement sous l'action des réactifs. Aucune fravée de nature conjonclive ne part du névrilème pour pénétrer dans le ganglion. En résumé, la partie centrale de l'organe de Spengel de la Cassidaire est un gros ganglion présentant une muliilude «de cellules en très grande majorité nultipolaires, disposées surtout à la périphérie, mais dont un grand nombre pénètrent vers le centre ; des faisceaux de fibrilles parcourent l'organe dans tous les sens, el une grande quant lé de substance ponctuée de Ley- dig [orme un réticulum délicat établissant des connexions entre 148 FÉLIX BERNARD. ces parties. Des cellules araignées de très petite taille sont disséminées dans toutes les régions. $ 3. — Étude des lamelles. a. Tissu nerveux (cr,fig. 4). Chaque feuillet de l'organe de Spengel peut être considéré comme un repli de la lame in- terne du manteau. Il est constitué par une membrane de soutien, prolongement de celle qui forme le stroma de cette lame interne, et qui, forcément, figure une double enveloppe (cr, lig. 4) close de toutes parts, renfermant à son intérieur des espaces sanguins, des nerfs, des éléments conjonctifs, et re- couverte intérieurement par l’épithélium. Les gros faisceaux nerveux, issus de la réunion des paquets de fibres, sortent du ganglion intimement unis les uns aux autres et compris dans une même gaine conjonclive, mais sans toutefois se confondre en un faisceau unique : ils pénè- trent alors dans une des lamelles de l’organe, en restant, bien entendu, compris à l’intérieur, entre les deux lames de la membrane de soutien. C’est là que nous allons main- tenant le suivre, en décrivant simultanément des coupes et préparalions colorées de lamelles débarrassées de lépi- thélium. Le nerf principal du feuillet qui longe, comme on sait, le bord inférieur libre (np, fig. 2 et 25), est formé, ainsi que les quatre nerfs secondaires »s, de gros faisceaux distincts qui s’entrecroisent un peu à la façon des cordons d'un câble. À quelque distance de leur origine, on voit chacune des quatre grosses branches se dédoubler (ns, fig. 4) dans un plan perpendiculaire au feuillet; chacune des deux branches résultant se rapproche de plus en plus de la surface, et se voit séparée de son homologue par une travée de lissu con- jonctif. Ces deux grandes branches desservent respective- ment par leurs ramificalions les deux faces du feuillet, et l'on peut voir de chaque côté de belles arborescences irré- gulières (fig. 26) qui couvrent les larges régions où l'épi- (hélium est pigmenté, el arrivent presque jusqu'au bord ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 149 externe du feuillet. Il va sans dire que l'importance des grosses branches secondaires et du système de leurs rami- fications diminue de la base de la lamelle jusqu'à son extrémité. La figure 5 représente une de ces branches, mais je n’en ai figuré complètement que les rameaux les plus ténus pour montrer plus facilement les terminaisons nerveuses. Ce sont précisément ces rameaux de petite taille (tels que », fig. 6) qui traversent la membrane de soutien et pé- nètrent dans l’épithélium, sans qu’il soit possible de déter- miner avee précision le point où se fait le passage. En effet, sur un très long trajet, les filets nerveux sont compris dans l'épaisseur même de la membrane de soulien, qui se soulève en formant une légère crête sur leur passage; de plus, même après leur sorlie de l’intérieur de l'organe, les filets sont accompagnés d’un mince névrilème très distinct, mais fai- sant suite directement à la gaine ou erêle dont je viens de parler. En somme le passage se fait ici tout à fait tangentiel- lement, ce qui contraste nettement avec ce que nous obser- verons plus tard chez les Diolocardes. Les lamelles préparées à l'acide chromique ou au chlorure de ruthénium fournissent après dissociation de bonnes pré- parations (fig. 5) de ce système nerveux interépithélial. On voit sur le trajet du nerf {rois sortes de cellules : 1° des cellules fusiformes (4), à prolongement très longs et à noyau très allongé, qui appartiennent au névrilème; 2° des noyaux ovales (4) bien plus volumineux, très granuleux, qui font sou- ventsaillie sur le contour du nerf, et qu'on rencontre fré- quemment sur les trajets des nerfs périphériques de pe- lle taille (Voir p. ex. Nansen, 60). D'après les récents travaux des histologistes les plus compétents, on doit les regarder comme les noyaux propres des cellules dont le corps est constitué par l’ensemble même des fibrilles ner- veuses (spongioplasma) avec le hyaloplasma qui les baigne ; 3° enfin des ce//ules mullipolaires (m) de petites dimensions, munies de gros noyaux, et en tout semblables à celles que 150 FÉLIX BERNARD. nous avonstrouvées dans le ganglion. J'ai vu distinctementdes prolongements ramifiés unissant presque directement deux cellules voisines, mais je n’ai rien observé qui permette de supposer (dansle cas présent) que tout l’ensemble des cellules disséminées dans le champ pigmenté soit relié par un réseau de fibres continu et indépendant des branches du nerf prin- cipal. En d’autres termes s’il existe incontestablement dans la fausse branchie un réseau nerveux de fibres et de cellules, ce réseau n'affecte pas la forme qu'on voit réalisée avec tant de netteté dans la branche (fig. 47, a el b), el les groupes de cellules dépendant d'un même rameau sont simplement unies par de grêles filets. Pour étudier avec toute la précision désirable la question importante des terminaisons nerveuses dans l'organe de Spengel, l’applicalion du chlorure d'or est absolument indispensable. Elle présente, il est vrai, quelque difficulté à cause de la présence des cellules à mucus. Pour bien fixer celles-ci, j'ai ajouté une petite quantilé d'acide formique ou d'acide acétique au jus de citron employé dans la méthode de Ranvier pour l'étude des papilles gustatives. J'ai d’ail- leurs cherché à tourner la difficulté en opérant sur un grand nombre de lamelles, que je laissais pendant un temps va- riable dans les différents réaclifs, je choisissais ensuile pour les coupes celles qui me paraissaient le mieux réussies. Frappé par l'analogie des é:éments à étudier avec ceux qu’on trouve dans les papilles gustalives des vertébrés, j'ai em- ployé, à peu de chose près, la méthode qui à réussi à M. Ranvier dans ce dernier cas. J'ai obtenu par ce procédé d'excellentes coupes dans les- quelles les contours des cellules épithéliales indifférentes et celui de leurs noyaux sont nettement indiqués par une teinte gris faible ; Les nerfs sont d’un noir violacé; mais les cellules nerveuses elneuro-épithéliales se détachent avec une précision extraordinaire ; elles sont colorées en rouge violet, et leur noyau possède la même teinte, plus intense, si l'immersion dans le chlorure d’or a élé prolongée ou si le réactif est ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES,. 151 concentré (1/100°) ; sans cela le noyau est presque incolore, le corps de la cellule restant toujours vivement teinté (fig.8). Ilest impossible avec de telles préparations d’avoir le moindre doute sur la nature neuro-épithéliale des éléments dont il s’agit ; les-cellules mullipolaires et les cellules fusiformes (1) sont colorées exactement de même, et leurs connexions sont netlement mises en lumière (fig. 6 el 8); quant à la tête de la cellule, elle se colore assez mal, mais apparaît cependant dans les points où la réduction de l'or est poussée très loin. Il résulle des observations précédentes que ces cellules neuro-épithéliales sont en connexion avec les nerfs par l’in- termédiaire des cellules multipolaires (fig. 6). Ces dernières se rencontrent à diverses hauteurs, et ne sont pas uniquement accolées à la membrane basilaire; les corps des cellules neuro- épithéliales se voient aussi à tous les niveaux, et l’on en ren- contre très près du bord, aux trois quarts à partir de la base. Leur forme est toujours celle d'un fuseau : 11 n’est jamais cylindrique. Le noyau est rond ou ovale, à réticulum peu serré. Le point important à établir est celui de l'entrée du filament nerveux dans la cellule elle-même. Jamais aucune préparation ne m'a montré un double filet d'attache, dont l’un serait nerveux et aboutirait près du noyau, comme le décrit Rawitz pour certains Acéphales (66). Le filet proximal, unique, de la cellule présente bien les réactions d'un nerf; on y trouve des granulations ou épaississements irréguliers, et l'on peut même quelquefois le suivre jusqu'à une cellule multipolaire (fig. 6). Cette dernière est-elle quel- quelois en relation avec plusieurs cellules neuro-épithéliales? Diverses préparations me font incliner vers l’affirmative. Pour bien voir les têtes des cellules, il faut observer des préparations colorées au picro-carminate; elles apparaissent alors colorées en rouge vif entre les cellules pigmentées qui (1) J'appellerai par la suite cellules de Flemming les éléments dont il s'agit. Leur identité dans tous les organes palléaux, et dans tous ceux qu'a étudiés Flemming chez les Gastéropodes et les Acéphales, sera mise en lumière dans tout le cours de ce travail. 152 FÉLIX BERNARD. restent pâles. Ces têtes (fig. 7, £ el f) ont toutes les formes possibles, depuis celle d’un long bälonnet jusqu’à celle d’une pelite masse ovoïde. Le col est presque toujours distinct. b. Epithélium indifférent et sécréteur. — Les régions cor- respondant respectivement aux aires nerveuses et aux sinus sanguins se distinguent très netlement, comme nous l'avons dit, par l'aspect de l’épithélium qui les recouvre. Sur les pre- mières (fig. 2, N), toutes les cellules indifférentes sont munies d'un pigment jaune à très gros grains, abondant principale- ment à la partie distale des cellules. Les plateaux sont peu distincts et dépourvus de cils; le reste de la cellule est très granuleux, le noyau presque rond (fig. 9). Au contraire, aux aires sanguines (S, fig. 4) correspondent des cellules ciliées (c) claires, dépourvues de pigment, peu granuleuses, à noyau ovoide et parfois même très allongé. Elles sont aussi plus grêles que les précédentes, et plus régulièrement cylin- driques. Du reste, dans les deux cas, les noyaux sont dis- posés à toutes les hauteurs. Ces caractères suffisent à établir, entre les deux régions, des différences qui, en coupe, se manifestent avec autant de nettelé que l'indique la figure 4. La séparation est de plus accentuée par lexistence de crêtes saillantes dues à un épaississement de la membrane de soutien (fig. 2 et 4, cr), et qui font le tour de chacun des sinus. Sur ces saillies, l’épithélium vibralile s’insère de ma- nière à former, pour chaque sinus, un double bourrelet limité extérieurement par une forte dépression (fig. 2 et #4, x) séparant les deux régions voisines. Ces différences de ni- veau se voient bien sur la lamelle intacte examinée à plat, surtout si on à pris soin de la colorer. C’est sur le versant extérieur de cette crèle, sur chacun des bords de la région ciiée, que l’on rencontre la plus grande quantité de cellules à mucus (g). Ces éléments sont rares dans la région pigmen- tée, et un peu plus abondants dans l’intérieur de la région ciliée. La distinction entre les cellules pigmentées et les cellules cillées n’est pas fondamentale. L'épithélium, qui recouvre ORGANES PALLÉAUX DES-PROSOBRANCHES. 153 immédiatement le ganglion médian (fig. 3, cp), présente en effet des éléments qui établissent toutes les transitions possi- bles entre les deux variétés de cellules indifférentes. Ce sont des cellules très régulièrement cylindriques, à noyau géné- ralement médian, renfermant une quantité de pigment très variable, el qui sont loutes ciliées. Par suite de ces particu- larilés, la coloration générale de la région médiane de la fausse branchie est beaucoup plus claire que celle des feuillets eux-mêmes (fig. 1, G). ce. Tissu musculaire. — Les éléments que l'on aperçoit le plus facilement dans le feuillet sont des fibres disposées à plat dans le plan du feuillet, dans l'épaisseur de chacune des deux lames conjonctives qui en forment le stroma. Elles sont entrecroisées dans tous les sens, sans former de faisceau véritable, sauf celles que nous allons décrire (nous nous occuperons seulement d'une des faces; les choses se répètent exactement de la même manière sur la face oppo- sée). Du manteau partent des fibres volumineuses qui pénè- rent dans le feuillet, en suivant le bord libre externe, et en lui restant longtemps parallèle (fig, 11, #/) (pour cette rai- son, nous les appellerons f{bres longitudinales). Par suite, elles règnent dans la paroi du sinus principal du feuillet, elles sont au nombre de sept (dans le Cassis Saburon), et rapprochées deux à deux, de sorte que la dernière, celle qui est le plus rapprochée du bord, reste isolée. Près de l'entrée, la direction de la fibre la plus éloignée du bord change brusquement, et elle décrit une grande courbe vers l'intérieur de l'organe, puis revient vers le bord externe où elle se perd; dans ce trajet, elle est accompagnée par son homologue de la face opposée. Un peu plus loin, c’est la seconde fibre qui s'écarte à son tour, mais pénèlre moins profondément dans la direction du nerf principal: puis vient le tour de la {troisième et enfin de la quatrième, qui décrivent, avec leur congénère, des anses de moins en moins pronon- cées. Les quatre dernières fibres continuent leur trajet et font le tour du feuillet. La longueur de ces éléments est, on 154 FÉLIX BERNARD. le voit, extrêmement grande ; leur largeur est aussi très con- sidérable. Ils ont un noyau volumineux, situé un peu avant leur point de courbure : c'est une masse ovoïde, granuleuse, très neltement réticulée, avec un nucléole qui se colore d’une manière intense. La fibre elle-même est plate, et un examen attentif permel d'y reconnaître des fibrilles longiludinales peu distinctes. Quant aux autres fibres qu'on rencontre dans le plan du feuillet, 1l est impossible d'y reconnaître une orientalion précise. 2° La seconde sorte de muscles se rencontre également au bord externe du feuillet. Ce sont des éléments très pelits, que l'on voit cependant avec facilité sur des préparalions bien colorés. La figure 11 les montre avec un fort grossissement. On aperçoit, tout auprès du bord du feuillet, des noyaux allongés, qui sont alignés avec une certaine régularité, mais qui se trouvent {antôt sur une face, tantôl sur une autre. Is appartiennent à des fibres aplalies, semblables à de minces rubans parfois contournés, qui passent d’une face à l’autre en contournant l’espace sanguin. Leurs extrémités s’effilent el se divisent en deux ou {rois fines lanières, subdi- visées à leur tour en filets d’une finesse extrême, qui se perdent dans la membrane de soutien. Les réaclions de ces éléments sont exactement les mêmes que celles des fibres musculaires planes qu’on rencontre dans le même organe. La délerminalion de ces deux sortes d'éléments comme éléments contractiles présente de grandes difficullés. Les considérations tirées de la forme des fibres ne suffisent pas pas, dans le cas présent, pour les différencier de fibres con- jonctives. Pour trancher la question, j'ai dû examiner des faisceaux musculaires du bord du manteau, et rechercher comment ils se comportaient sous l’action des réactifs. [ls absorbent fortement à la fois le picrocarmin et le bleu de méthvlène. Leur forme est d’ailleurs semblable à celle des fibres planes du feuillet el présente aussi des brusques plis- sements. Pour ces molifs, je crois devoir rapporter les fibres du feuillet au tissu musculaire. Pour les éludier avec com- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 155 modité, le feuillet de l'organe de Spengel, chez les Cassi- daires convient assez bien; mais c'est surtout sur les lamelles branchiales de la Paludine, du Strombe ou de la Volute, que nous les trouverons avec des dimensions et une régularité remarquables. 3° La roisième variété de fibres musculaires (fig. #, m?) se rencontre dans des trabécules transverses, qui unissent les deux faces du feuillet en s’insérant normalement à cha- cune d'elles. La présence de ces éléments est constante dans tous les organes en lamelles aptes aux fonctions respira- loires, mais dans l'organe respiratoire, lexistence d’un nerf volumineux, el surtout lirrégularilé de la surface, rendent l’observalion moins commode que si l’on s'adresse aux lamelles de la branchie. Je renvoie donc la description détaillée de ces fibres au chapitre suivant; je demanderai d'admettre provisoirement leur délerminalion comme élé- ments contracliles, el je me contenterai d'indiquer leur dis- position dans l’organe qui nous occupe. Elles sont disséminées sans aucune régularité, à des dis- tances variables, plus rares au milieu des sinus, plus abon- dantes sur les régions limites des aires nerveuses el san- guines, où l'épaisseur du feuillet se trouve précisément rélrécie. Elles sont intimement unies à des éléments conjonc- fs, que nous devons étudier avant d'aller plus loin. d. Tissu conjonctif el espaces sanquins. — Wine faudrait pas croire que tous les noyaux que l’on aperçoit lorsque, apres coloralion, on examine le feuillet à plat, appartiennent à des fibres musculaires (ransversales. La plupart, au contraire, dépendent d'éléments conjonctifs disséminés dans l'épaisseur de la membrane de soutien. Sur une coupe transversale on voit, en effet, que cette dernière présente partout une épais- seur assez notable, et qu'elle est formée d’une couche com- pacte, faiblement colorée par le bleu de méthylène (sauf à sa surface externe), et renfermant dans son épaisseur, outre les fibres musculaires, des éléments de forme variée. Quel- ques-uns sont fusiformes, distincts cependant des fibres 156 FÉLIX BERNARD. musculaires par leur faible largeur, la pelitesse de leur novau, leur faible réceptivité aux substances colorantes. Mais presque {ous les éléments conjonctifs sont au contraire étoilés, munis d'un noyau assez volumineux entouré d’un protoplasma légèrement granuleux, et apte à absorber le bleu de méthylène. De Tous côlés, ce protoplasma s’élire en grêles tractus ramifiés, figurant de belles arborescences, parfaitement distinctes au milieu du fond clair de la sub- stance fondamentale. La figure 13 montre quelques-unes de ces cellules dessinées à la chambre claire. On voit que les anastomoses sont fréquentes d’une cellule à l’autre. Sur le pourtour des aires nerveuses, et particulièrement le long des crêtes qui limitent les sinus sanguins, abondent des éléments de même nature, mais plus volumineux, très rapprochés les uns des autres, richement anastomosés, et remarquables surtout par la présence de plusieurs noyaux au milieu d’un même amas protoplasmique. On trouve d’ailleurs tous les passages entre les cellules plus ou moins fusionnés et celles qui sont simplement contiguës. Rien n’est plus facile à étudier, dans un feuillet, que l’es- pace sanguin qui comprend, ainsi que nous l'avons dit, un sinus principal régnant le long du bord externe, et quatre ou cinq branches s’engageant entre les aires nerveuses. L'une des meilleures méthodes consiste à injecter tout l'animal, ou bien le manteau seulement, avec une masse apte à se solidi- fier à froid, par exemple avec la gélatine au bleu soluble, et à arrêter l'injection au moment où la fausse branchie est encore injeclée imparfaitement; on peul choisir alors les feuillets plus ou moins complètement remplis par la masse colorée, el suivre ainsi la marche du liquide dans les lacunes. On voit ainsi qu'il existe, tout le long du ganglion principal, entre les deux lames du manteau, un long sinus assez nette- ment limilé, mais qui n’est en relalion avec aucun vaisseau proprement dit (fig. 3, V); la communication avec les lacunes du corps et avec le vaisseau branchial efférent ne se fait que par les lacunes irrégulières du tissu conjonctif spon- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 157 gieux, qui comble l'intervalle des deux lames du manteau. Au contraire, les canaux qui servent à l'irrigalion de chaque lamelle sont largement ouverts dans ce sinus commun ; leur endiguement est réalisé du côté externe par le tissu compact, avec les deux premiers systèmes de fibres muscu- laires dont j'ai parlé (fig. 11); la contraction des fibres qui font le {our du sinus normalement à son bord, et se ramifient à la fois sur les deux faces (muscles marginaux, 1m), a néces- sairement pour effet de rétrécir en un point le sinus lui- même, et de faire progresser le sang dans un sens déterminé. Le même rôle doit êlre joué par les fibres transversales m4, qui s'insèrent à la fois sur les deux faces. Le sang parvient ainsi dans chacun des culs-de-sac qui sont, eux aussi, large- ment ouverts à une extrémité. Mais que devient-il après avoir pénétré dans ces espaces clos? Les injections poussées avec une pression suffisante vont nous l’apprendre, Si la masse a pénétré aussi loin qu'il est possible, elle force les parois des sinus qui, comme nous l’avons vu, sont limilés, non par des membranes continues, mais par des trabécules plus ou moins serrées; elle pénèlre ainsi partout dans les aires nerveuses, el spécialement dans un espace étroit, qui s'étend Lout le long du nerf principal, entre celui-ci et le bord du feuillet (fig. 2,2). La pénétration se fail plus facilement vers la base que vers la pointe, où le lissu est plus compacte; si elle est complète, le feuillet vu au microscope présente une teinte bleue générale, interrompue seulement par le trajet des nerfs et par la position des trabécules, indiqués dès lors par des îlots incolores plus où moins volumineux. Zautile d'ajou- ter, après tout ce qui précède, qu'il n'existe pas de capillaires. En somme, le sang, à l'élat normal, doil circuler principalement dans les sinus; tout le reste du lissu, cependant, est baigné de sang, comme le prouve, du reste, la présence de globules que l'on voit un peu partout sur les coupes; mais le liquide doit probablement circuler avec une lenteur bien plus grande que dans les espaces largement ouverts qui s'injectent avec le plus de facilité. Nous relrouverons les fibres musculaires 158 FÉLIX BERNARD. transverses dans tous les organes dont l'adaptation à la tonc- tion respiratoire n’est pas douteuse, et seulement chez eux. Ce fait, et la présence de sinus relativement bien délimités, m'avaient fait penser que la fonction respiratoire doit s’ac- complir, dans la fausse branchie, aussi bien que dans la branchie elle-même. Il faut avouer, cependant, que les com- munications vasculaires avec le reste de l'organisme sont bien plus difficiles pour la fausse branchie que pour la branchie, de sorte que, tout bien considéré, le rôle respiratoire ne doit pas être prépondérant pour l'organe qui nous occupe. D'autre part, il existe, nous le savons, d'assez nombreuses cellules mucipares, mais pas assez non plus pour nous permettre de déclarer que la fausse branchie est une glande. En réalité, comme toutes Les portions du tégument, elle joue à la fois ces divers rôles, mais elle est surtout un organe sensoriel. Les auteurs qui avaient émis celte opinion, en s'appuyant simplement sur la richesse d’innervation, étaient rigoureu- sement dans le vrai; le fait que ces nerfs aboutissent à des terminaisons neuro-épithéliales, toutes extrêmement nom- breuses, me semble démontrer cette hypothèse d'une ma- nière indiscutable. CHAPITRE II DIFFÉRENCIATION PROGRESSIVE DE L'ORGANE DE SPENGEL DES DIOTOCARDES. Organe de Spengel des Diotocardes. — Maintenant que nous savons en quoi consiste l'organe de Spengel d’un Pro- sobranche élevé, et que nous avons élabli formellement que les éléments nerveux et neuro-épithéliaux y jouent un rôle prépondérant, nous pouvons examiner les modilicalions qu'il subit dans la série des Prosobranches. Nous commen- cerons celle étude comparalive par les cas où il est le moins différencié {Diotocardes inférieurs), et nous nous éleverons ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIIES. 159 graduellement jusqu'au cas des Ténioglosses Siphonostomes dont un représentant nous a servi de lype. $ 1. — Organe de Spengel des Néritidés. L'innervalion du manteau des Nérilidés était mal connue jusqu'au (travail de M. Bouvier. Je renvoie au chapitre que cet auleur consacre à la famille qui nous occupe pour tout l'historique de la question (1). Avant d'arriver aux feuillets branchiaux, le nerf branchial que M. Bouvier a découvert se divise en plusieurs rameaux qui se distribuent au man- eau, el dont le principal poursuit son chemin le long de l'arète du support branchial. On sait que dans les Néritidés les feuillets branchiaux naissent sur le support branchial assez loin du point d'insertion de celui-ci, de sorte que le nerf à un long trajel à parcourir avant d'arriver à ces feuil- lets. Dans celle région, 1l forme, dit M. Bouvier, un long bourrelel palléal tres peu saillant qui doit être considéré comme l'homologue de la fausse branchie. Il n'existe d’ail- leurs pas de ganglion sus-intestinal ni de ganglion bran- chial différencié. Ces assertions demandent à être vérifiées avec soin. Rien ne prouve & priori que ce nerf branchial soit différencié en tant que nerf sensoriel; d'autre part M. Bouvier semble embarrassé par la disparition du gan- glion sus-inlestinal. Je me hâte de dire que les conclusions qu'il avait émises sont exactes. Mes recherches, dans cette famille, ont porté principale- ment sur la Neritina fluviat/lis, la seule espèce que j'aie pu me procurer vivante. D'autre part j'ai examiné des échan- üllons conservés dans l'alcool de Neritina Orveni, N. flu- iatilis, N. desprna el Navicella Janelli. J'ai fait des coupes transversales dans la branchie, et examiné par transparence après coloration, le bord de l'organe. Où observe tout d'abord un fait important. Tandis que chez les Trochidés, tout le long du bord afférent du support (1) Voir Ann. sc. nat., 7° série, t. IE, pl. I, fig. 14. 160 FELIX BERNARD. branchial, existe une épaisse baguette, de consistance car- lilagineuse, et qui s'offre en coupe, nous le verrons tout à l'heure, comme un simple épaississement de la partie externe de la membrane de soutien, rien de semblable ne se trouve chez les Nérilidés. Cependant, de part et d'autre de l'or- gane, existe un épais cordon blanchâtre qui, du côté aflé- rent, s’élend d’une extrémité à l’autre de la branchie, tan- dis que du côté efférent 1l ne règne que dans la région antérieure, en avant du point d'attache du support branchial. Mais ces bourrelets sont constitués non plus par une masse anhiste, mais par des museles puissants disposés par paires de chaque côté, el limitant les faces supérieures et inférieures des vaisseaux sanguins correspondants. Il existe ainsi qua- tre de ces muscles longiludinaux dont le rôle bien évident est de courber la partie libre de la branchie. ixaminons maintenant le bord aférent, qui n’a été jus- qu'ici l'objet d'aucune recherche. Nous n’y trouverons pres- que aucune différence, et, même en coupe, il est difficile de les distinguer ; on peut dire cependant que, du côté efférent, les lamelles arrivent plus loin du bord, de sorte que le vais- seau efférent est plus large que celui du côté opposé. Da côté efférent, on découvre facilement le nerf branchial décrit par M. Bouvier, il est immédiatement sous-jacent à l’épithélium, non pas libre dans le vaisseau efférent, mais enfermé dans une petite épaisseur de tissu conjonclif. On voit aussi sans peine les filets que ce nerf envoie à droite et à gauche aux lamelles branchiales. Mais ce nerf ne s’arrêle pas à la pointe de la branchie, comme le croyait Bouvier ; 11 se réflé- chit et continue son (rajet tout le long du bord af/érent jus- qu'au point d'insertion du support branchial où j'ai cessé de pouvoir le suivre. Il diminue, à la vérité, d’une manière sensible, et il est extrêmement difficile à voir à la loupe, entouré qu'il est par de fortes masses musculaires et noyé dans du tissu conjonctif. Mais on le voit facilement au mi- croscope el, par suite, je puis affirmer ce fait que dans la. région antérieure les deux bords du support branchial des ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 161 Néritidés, au point de vue de leur structure interne, ne pré- sentent aucune différence essentielle. Examinons maintenant lépithélium qui recouvre chacun des deux bords. Nous y (rouverons principalement des cellules ciliées ordinaires, fort peu de cellules à mucus, el quelques cellules neuro-épithéliales : celles-ci se rencon- lrent principalement tout près de l'entrée du nerf dans la branchie ; l'épithélium est dans celle région un peu élevé ; partout ailleurs il est extrèmement plat et ne forme ni saillie ni bourrelet. Je n'ai pu y trouver trace de réseau ner- veux interépithélal, el il m'a été impossible de constater le passage du nerf dans l’épithélium. IL n'y avail pas grand intérêt, à mon avis, à insister da- vantage sur ce point de détail, étant donné que les tissus de la Néritine sont particulièrement défavorabies à l'étude his- tologique : les cellules y sont en effet d’une pelitesse extrème. Quoi qu'ilen soit, /e nerf branchial, dans toute l'é- tendue de la partie libre de la branchie, envoie très peu de filets à l'émthéliun : le bord afférent et le bord efférent ne diffèrent pas à cet égard : # x°y a donc pas lieu d'admettre dans toute cette région l'existence d'un organe sensoriel diffe- rencié. Il n'en est pas de même pour ce qui concerne la portion du nerf branchial qui se trouve, en partant des centres ner- veux, avant l'arrivée à la branchic : c’est la région que Bouvier appelle le 4owrrelel nerveur palléal et qu'il consi- dère comme homologue de la fausse branchie des autres Dio- tocardes. Cette opinion est d'autant plus exacte que sur une élendue assez longue, le nerf est volumineux et bordé de nombreuses cellules ganglionnaires. La longueur de la région ganglionnaire dépasse celle de la base sans feuillets du sup- port branchial, cette région empièle donc sur le manteau et la branchie. Ce nerf ganglionnaire est volumineux dans la Neritina fluvialilis : il atteint en effet 36 y de diamètre en un point assez éloigné de la branchie; le long de ce dernier organe il décroil progressivement et tombe à 16 w vers le ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, A1. — ART. N° 3. 162 FÉLIX BERNARD. milieu de la hauteur. Les cellules ganglionnaires sont très petiles, comme cela a lieu généralement; leur noyau ne pa- raît guère dépasser 4 w. On frouve un petit amas où elles sont disposées sur deux ou {rois rangs, sur la face dorsale du nerf, par conséquent du côté opposé à l’épithélium du manteau. | Pouvons-nous dire que nous avons affaire ici à un véritable ganglion? je ne crois pas qu’on puisse étendre jusque-là le sens de ce mot. Les cellules nerveuses sont trop diffuses, et on ne trouve pas trace de substance poncluée de Leydig. Mais il y a là sans aucun doute un commencement de diffé- rencialion d'un nerf en ganglion : c’est le seul fait que je veuille provisoirement relenir. Passons maintenant à l'examen de l’épithélium de cette région. Ici le doute n'est plus possible : les cellules épithé- liales atteignent une hauleur double de celle qu’elles ont le long du support branchial (30 y au lieu de 14 y sur 2 y de large au niveau des plateaux) et on voit en abondance, pres- quesansdifficullé, des cellules neuro-épithéliales de Flemming : les plus nombreux ont un corps renflé vers le voisinage de la base, un col grêle, une têle saillante ; elles appartiennent au tvpe le plus normal. J'ai observé en plusieurs points le pas- sage du nerf dans l'épithélium : il ne se fait pas par grandes masses et le réseau nerveux interépithélial est à coup sr peu développé; je crois bien avoir aperçu quelques cellules mullipolaires, mais je n'oserais être affirmatif sur ce point. On m'excusera aisément si l’on songe que les éléments dont il s’agit n'ont guère que 2 à 3 w de diamètre et que les Lissus de la Néritine sont fort difficiles à préparer; j'ai dû, pour oblenir les résultats qui précèdent, m'adresser à plu- sieurs séries de coupes dans les branchies des plus gros in- dividus que j'ai pu trouver. En résumé : chez les Neritidés l'organe de Spengel est conslilué par un nerf qui est ganglionnaire sur une longue étendue et recouvert d'un épithélium sensoriel, avant son entrée dans la branchie et sur une petite région du support ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 163 branchial. Il se continue tout le long de cel organe el se réfléchit du côté afférent : dans loule celte partie son rôle sensoriel est insignifiant, et les deux bords du support bran- chial ont une structure absolument identique. $ 2. — Organe de Spengel de la Fissurelle. SPENGEL n'insiste pas longuement sur l'organe olfaclif de la Fissurelle et se borne à annoncer qu'il est Monique < à celui de l'Haliotis et des Trochidés. M. Bouran (56, p. #1) decril, au point où la branchie s'attache au manteau, « un organe d'apparence framboisée, divisé longiludinalement par plusieurs replis qui rappellent très vaguement quelques feuillets branchiaux:; sa couleur jaunâtre tranché vivement sur les issus blanchâtres envi- ronnants. Enfin un nerf spécial qui se détache du ganglion branchial vient se répandre dans l'intérieur de cel organe mal déterminé. Malgré l'étude attentive que j'en ai faite ajoute M. Boulan, j'avoue n'avoir pu me former, à mon tour, une opinion bien arrêlée. L'organe parait de nalure glan- dulaire, mais quel est son rôle exact? J'avoue que je l'ignore absolument ». Quant à la partie de l'organe olfactif qui s'étend depuis le ganglion branchial jusqu'à la pointe de la branchie, M. Boutan n'y fait allusion nulle part. Cette descriplion succincte permettrait de supposer qu'il y aurait là quelque disposition plus où moins compliquée et qui pourrait dif- férer de celle qu'on rencontre dans les animaux voisins. Nous allons voir qu'il n’en est rien, el que la struclure, pour- tant bien simple de cel organe à complètement échappé à M. Boutan. La Fissurelle possède, à la base de chaque branchie, un ganglion distinct des ganglions commissuraux. Il existe, en effet, sur la commissure viscérale un ganglion sus-intes- linal el un ganglion sous-inteslinal, d'où partent des nerfs volumineux allant respec!ivement à chacun des ganglions branchiaux, qui conslituent pour Spengel la partie essen- 164 FÉLIX BERNARD. tielle de l'organe olfactif. L'existence simultanée de ces deux sortes de centres nerveux crée une objection sérieuse à la théorie de Bouvier suivant laquelle les ganglions bran- chiaux seraient homologues de ganglions commissuraux. Nous reviendrons plus tard sur cetle question, et nous nous occuperons ici uniquement de l'examen histologique. Le ganglion branchial est très volumineux : il ne mesure pas moins de 120 x d'épaisseur dans sa plus faible dimen- sion ; sa normale à l’épithélium est de 190 y de long, et cela chez un individu de 6 millimètres environ. La couche cor- ticale renferme un très grand nombre de cellules ganglion- naires. Ce ganglion, nettement limilé par un névrilème distinct du tissu conjonctif environnant, est isolé dans une lacune assez large, où l’on trouve des globules sanguins et du sérum coagulé. {! n'existe pas de nerf allant directement du ganglion à l'épithélium. Le fait que Le ganglion est absolu- ment séparé des issus adjacents rendrait particulièrement facile l'observation de semblables faisceaux s’il en existait : une lame conjonctive, distincte du névrilème, cloisonne le sinus dont il s’agit parallèlement à la surface et contribue encore à l'isolement de l'organe nerveux. L'épithélium, dans la région correspondante, est fort peu élevé. Parmi les nerfs issus du ganglion branchial, le plus volu- mineux est celui qui côtoie le bord afférent du support bran- chial, jusqu'à la pointe de la branchie (fig. 15). C’est le nerf de l'organe de Spengel. Suivons-le dans son trajet. Il ne larde pas à se rapprocher de l’épithélium : la lacune dans laquelle il est situé débouche largement dans le sinus eifé- rent de la branchie, et le nerf se trouve isolé à l'extrémité de ce vaste espace sanguin. Celui-ci est limité, à droite et à gauche, par des épaississements de consistance cartilagi- neuse, qui sont manifestement en continuité avec la lame de soulien du manteau. Le cas présent n’est pas propice pour l'étude détaillée de ces productions, qui sont ici peu déve- loppées. Leur section offre la forme d’un croissant; elles règnent tout le long du support branchial et sont en con- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 165 linuilé avec les épaississements anaivgues qui se (trouvent sur chacune des lamelles branchiales. Nous ne trouvons pas 1c1 les volumineux faisceaux musculaires qui existaient chez les Néritidés : les fibres musculaires sont éparses dans toute l'épaisseur du tissu conjonctif qui double la lame de soulien. Examinons maintenant lPépithélium à une pelile distance du ganglion. Dès que le nerf est devenu immédiatement adja- cent à la membrane de soutien, l'épithélium devient élevé, el cela même avant le point où la branchie est complètement libre dans la cavité palléale. Il se forme aiasi un bourrelet assez saillant, mais à contours non délimités, la longueur des cellules s’atténuant graduellement à droite et à gauche. À partir de ce niveau, les filets nerveux passant à l'épithélèum sont très nombreux, et on en trouve quelquefois plusieurs à côlé les uns des autres sur uñe même coupe. La membrane de soutien, au-dessus de ce nerf ne s’est pas amincie, mais elle absobre bien moins fortement les réactifs colorants : elle est fibrillaire, anfractueuse, el, aux points ou pénètrent les filets nerveux, se prolonge parfois en dehors sous forme de petites cheminées assez distinctes. L'épaisseur des filets est d’ailleurs toujours très faible. Mais on est aidé dans leur recherche par la présence, en face de chacun d’eux, de cellules neuro-épithéliales reconnaissables à leur vive colo- ralion rouge, accentuée surtout sur Les petites têtes qu'on voit saillantes au-dessus des plateaux ciliés. Donc le xer/ olfactif de Spengel issu du ganglion et situé le long du bord efférent est bien un nerf sensoriel. Mais il émet de plus des filets destinés à un autre usage. A la hauteur de chaque lamelle branchiale on voit partir du nerf olfactif, à droite et à gauche, des nerfs assez volumineux, qui croisent l’épaissis- sement de la membrane de soulien, et continuent leur trajet le long du bord efférent du feuillet qu'ils desservent. Ces nerfs ont élé trouvés par la simple dissection, par B. Halier, qui les croyait destinés à la veine efférente branchiale. Or celle-ci est une simple lacune, {rès pauvrement pourvue de muscles ; 166 FÉLIX BERNARD. elle n’a guère besoin d’un appareil nerveux aussi développé. D'ailleurs le fait que j'énonce est facile à vérifier, et l’on voit, sans doute possible, chacun des filets passer dans une lamelle branchiale. Donc, le nerf dit olfactif ne joue pas seulement un rôle sensoriel :il est aussi destiné à l’innervation des feuillets branchiaux : à cet effet il émet symétriquement des rameaux qua suivent le bord efférent de chacune des lamelles. I nous reste à examiner le bord af/érent du support bran- chial, celui qui est opposé au ganglion et situé plus près du plan médian de la cavité palléale. Ici nous voyons apparaître une différenciation que ne nous avaient pas montrée les Néritidés. Chez la Fissurelle, le bord afférent du support branchial est encore renflé en bourrelet et contient un nerf longitudinal (fig. 15,.NA), qui fait suite à celui du bord efférent et qui relie les filets de chacune des lamelles branchiales ; mais ce nerf est moins volumineux que celui du bord externe ou efférent, et, au lieu d’être libre dans un sinus, il est compris dans l'épaisseur de la mem- brane de soutien, et par suite isolé du sinus afférent. Cepen- dant il envoie également des filets à l'épithélium et les cellules neuro-épithélales sont assez abondantes et {très distinctes. Mais un fait qui ne manque pas de frapper quand on examine des coupes faits à n'importe quel niveau, c’est l'abondance des cellules glandulaires, bien plus nombreuses que dans n'importe quelle autre région du manteau ou de ses annexes. Ce fait est en général chez les Diotocardes, et nous allons le voir s'exagérer dans d’autres types. Ici les cellules ciliées dominent encore sur les deux autres variélés d'éléments épithéliaux. Ainsi chez la Fissurelle, /e bord afférent du sup- port branchial est pourvu d'un nerf qui donne quelques filets neuro-épuhéliaur. Il est situé dans l'épaisseur de la lame de soutien. Les cellules qglandulaires sont abondantes dans cette région. En résumé, Yon peut dire que chez les Fissurelles la région sensorielle s'étend sur les deux bords du support bran- chial, mais non au-dessus du ganglion : elle est d'ailleurs peu différentiée. H n'existe dans le voisinage du ganglion aucun ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 167 organe spécial, framboisé ou non, glandulaire ou nerveux, comme l'avait cru M. Boutan. $ 3. — Organe de Spengel des Trochidés. L'organe de Spengel des Trochidés présente des carac- tères de transition entre celui de la Fissurelle et celui de l'Haliotide : son degré de différenciation est intermédiaire. Dans ce groupe j'ai étudié le Trochus ziziphinus, le Trochus magus et surlout le Monodonta monodon que j'ai reçu en abondance de Lannion, grâce à l’obligeance de M. Le Dantec, et qui est particulièrement commode pour l'étude histolo- gique. a.) Le ganglion branchial (Mig. 23 el 24) est aplali el ar- rondi en arrière. Il est principalement formé de fibrilles, avec de petites cellules ganglionnaires peu nombreuses, disposées sur le pourtour et formant un amas important surtout du côté le plus rapproché du corps. Plusieurs rameaux nerveux sont émis directement par le ganglion vers l’épithélium, les uns normalement, les autres après une course oblique. L'épithélium est élevé au-dessus du ganglion, et décroil tout autour très graduellement. Toul le long du support branchial on voit avec la dernière évidence les filets s'échapper du nerf olfactif et faire dans la membrane basilaire des trouées bien plus importantes que chez la Fissurelle (fig. 19, NE). Elles sont dirigées dans différentes directions et aboutissent à un réseau continu riche en cellules mullipolaires. Les ter- minaisons nerveuses sont très grêles, ont un noyau {rès al- longé et une tèle brillante qui souvent en coupe font saillie au delà des plateaux des cellules ciliées. L'ensemble de la région sensorielle n’est pas limilé comme nous le verrons chez l’Haliotis et ne forme pas un bourrelet aussi marqué : le support branchial est d’ailleurs relativement tranchant du côté ou existe l'organe de Spengel (NE, fig. 19). Le sinus afférent VE, vient presque au contact du nerf olfaclif, et communique de distance en distance avec l’espace qui entoure ce dernier; cependant en la plupart des points 168 FÉLIX BERNARD. le tissu conjonctif qui tapisse de part et d'autre l'épaississe- ment principal est continu d’un côté à l’autre el établit une séparalion. On se souvient que dans la Fissurelle le nerf était libre dans le sinus. Nous verrons dans l'Haliolis celle cloi- son de séparation des Trochidés s’épaissir considérablement. Ajoutons, enfin, que le nerf est remarquablement riche en cellules ganglionnaires disposées en amasirréguliers, tantôt d'un côté tantôt de l’autre. Un fait qui mérite d'appeler tout spécialement notre attention, c'est la présence dans le sinus veineux afférent qui contient le nerf de Spengel d’un second nerf situé plus loin à l’intérieur du support branchial et plus volumineux que le premier (NI, fig. 19 et fig. 23). M. de Lacaze-Duthiers à vu ces deux nerfs dans l'Haliotide : 1l les appelait nerfs respira- leurs interne et externe. Ces deux nerfs sont presque paral- lèles, et convergent seulement à leur origine dans le gan- glion et à leur terminaison vers la pointe de la branchie. Le nerf externe dessert uniquement l’épithélium; l'autre donne régulièrement des rameaux aux feuillets de la bran- chie. Or dans la Fissurelle, nous l’avons vu, un seul nerf suffirait à ce double rôle. Ainsi s'établit quand on passe de la Fissurelle aux Trochidés une division du travail à laquelle j'atlache une grande importance : c’est la marque de la pre- mière spécialisation d’un nerf branchial en vue d’une fonc- tion sensorielle ; c’est le premier stade de différenciation d'un organe de Spengel distinct. Chez les Néritidés et les Fissurellidés nous avons décrit un nerf volumineux situé dans le sinus afférent de la même manière que le nerf de Spengel est placé dans le sinus effé- rent. Ce nerf existe aussi chez les Trochidés, mais 1l est ex- trêmement difficile à observer à cause de ses dimensions très réduites. Je l'ai vu par transparence, sans faire de coupes, dans un gros Turbonidé, le Calcar Cookianum, en faisant macérer vingl-qualre heures la paroi du vaisseau dans le liquide dissociant dont j'ai plus haut donné la formule. En coupe, on l’apercoit dans le Monodonte et le Trochus Magus, ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 169 inclus dans l’épaisseur de la paroi conjonctive. [ne semble pas émettre de filets à l'épithélium; mais on voit distincte- ment ceux qu'il envoie aux feuillets branchiaux. Quand on arrive à la partie sondée de la branchie, on aperçoit ce nerf accolé à un gros faisceau museulaire longitudinal qui renforce la paroi du vaisseau afférent. Les différences entre les Trochidés et la Fissurelle se ré- sument ainsi : augmentation considérable dans les dimensions des filets neuro-épithéliaur; ceux-ci naissent d'un nerf distinct de celui qui innerve les feuillets branchiaur. Ces deux nerfs sont séparés par une cloison conjonctive incomplète. Le gçanylion envoie des filets à l'épithélium. Le nerf du bord afférent du support branchial est très réduit, et probablement n'est pas sensoriel. b.) Le support branchial est renforcé, avons-nous dit, du côté afférent par une #ige de consistance cartilagineuse, de couleur blanchâtre, qui est bien plus épaisse que dans la Fissurelle où elle existait déjà, et s'étend sur toute la partie libre de la branchie (on la voit, fig. 23, de EP à NE). Nous verrons encore de nombreux exemples d'une sem- blable production, en particulier sur les bords des feuillets branchiaux. La nature histologique de cette formation est parfois difficile à déterminer, aussi bien d’ailleurs que celle de la membrane continue qui sert de support à l’épithélium et que nous avons appelée, à lexemple de plusieurs histolo- gistes allemands (Leydig, Simroth, Bela Haller) membrane de soutien. Celte membrane est-elle une membrane basilaire anhiste où un feutrage plus ou moins confus? L'épaississe- ment en question est-1l en continuité avec cette membrane, qui avec lui présente une idendité frappante au point de vue de la coloration? Est-il anhiste, épithélial, cartilagineux, ou simplement conjonclif? Le cas des Trochidés présente des circonstances particulièrement favorables pour la résolution de ces deux problèmes; je vais donc les aborder dès main- tenant. La lige rigide prend naissance dans une plaque de même 170 FÉLIX BERNARD. consistance, adjacente au ganglion branchial et séparant ce dernier du sinus afférent (fig. 23, EP). En coupe transversale cet épaississement a la forme d’un secteur circulaire d’envi- ron 160°; le bord circulaire est tourné vers l’intérieur, les deux bords linéaires sont recouverts par l'épithélium. Il est très facile d'y distinguer des zones concentriques d'épaisseur variable, les zones qui se colorent plus faiblement ayant un aspect plus grenu, et offrant même parfois de pelites ouver- tures. Il est visible que la substance qui compose l'organe est moins compacte, moins homogène et moins résistante que dans les zones fortement colorées. Du côté du sinus branchial (à gauche, dans la fig. 24), l'épaississement en question se termine par une pelite pointe immédiatement sous-jacente à l'épithélium et qui bientôt se confond complètement avec la membrane de soutien de la région voisine. Il n’en est pas de même du côlé du ganglion : on voit en effet toutes les cou- ches superposées se prolonger dans un processus qui ne tarde pas à quitter complètement l’épithélium et à s’enfoncer assez profondément dans les tissus (fig. 23). Si au lieu de considérer une coupe transversale, on exa- mine l’ensemble de l'organe vu à plat, on aperçoit le proces- sus en question, sous la forme d'une petite lame hyaline engagée dans le tissu conjonctif. La membrane basilaire de son côlé vient s'attacher à l’épaississement par un autre pro- cessus beaucoup moins épais. Les faisceaux musculaires qui s'étendent sous l’épithélium et passent entre ce dernier, et le ganglion branchial s'insè- rent sur l’épaississement et son processus. D’autres faisceaux prennent aussi naissance de distance en distance sur ce der- nier, mais sur son autre face, else dirigent transversalement ou obliquement à travers l'épaisseur du support branchial. Considérons maintenant le bord arrondi de l’épaississe- ment, particulièrement dans le voisinage de la veine bran- chiale ; nous observons que ses limites ne sont pas détermi- nées par une ligne continue, le contour en est déchiquelté et présente des festons irréguliers. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 171 Or, à chacune de ces pelites anses correspond une cellule (fig. 2%) à contenu hyalin, à noyau de volume médiocre placé vers le centre el entouré de protoplasma rayonnant. Les membranes latérales de ces cellules, qui sont toutes con- liguës, se colorent fortement e/ sont en continuilé exacte avec les prolongements de l’épaississement. L'épaississement prin- cipal envoie ainsi de minces lames toutes normales à sa sur- face convexe, dirigées de manière à enclore des cellules dont le plus grand axe est aussi normal à la même surface. Chez le Trochus magus, sur la lige rigide de la partie libre de la branchie, existent les mêmes cellules, parfaitement cubiques el rangées avec la régularité d’un épithélium. Ces cellules sont disposées sw une seule rangée et forment en réalité une assise continue, sauf pour la parlie voisine du processus dont nous avons parlé. Il v à en effet dans celte région un amas irrégulier formé de plusieurs assises de cellules. Examinons maintenant les rapports de ces cellules avec le issu conjonelif avoisinant. Adressons-nous {out d'abord à la portion libre de la branchie du Trochus magus, el étudions des coupes faites dans sa parlie moyenne (fig. 19). La veine afférente (VE) est ici creusée dans un tissu compact identi- que à celui que nous trouverons encore bien plus développé dans le support de l'Halotis; c’est une substance presque homogène {rès finement granuleuse, traversée par de rares fibres musculaires et présentant çà et là des cellules étoi- lées, et des fibres conjonclives allongées et quelques cellules de Leydig de petites dimensions, surtout près de la lacune sanguine; elles ont parfois des granulalions pigmentaires. Quant aux cellules qui tapissent l’épaississement principal, elles apparaissent nettement comme des cavilés creusées dans la masse homogène et remplies de protoplasma. Z/ y a continuité entre la substance fondamentule et l'épaississement principal. Revenons à la plaque rigide du Monodonta. L'aspect est au premier abord toul différent, car la substance fondamen- 72 FÉLIX BERNARD. tale est extrêmement réduite et le tissu conjonctif est vacuo- laire au plus haut degré. Un examen attentif permet de re- connaître que ces vacuoles ne sont autre chose que des cellules de Leydig, parliculièrement abondantes d'ailleurs dans toute cette région. La substance fondamentale, anfrac- tueuse et fibrillaire les sépare de la couche nettement alignée des cellules qui tapissent l’épaississement principal. Tout près du ganglion, 1} est impossible d'observer la ligne de démarcation entre les deux sortes de cellules qui semblent passer insensiblement des unes aux autres. D'ailleurs dans le cas présent, le protoplasma des cellules cubiques est dis- posé en rayons aulour du noyau comme dans les cellules ordinaires de Leydig, les colorations sont exactement les mêmes, les dimensions sont seulement un peu plus pelites. Selon toute probabilité, on n'a ici affaire qu'à deux variétés de cellules conjonctives vésiculaires de même nature. Donc, les cellules qui sont intimement liées à l'épaississement principal, et qui, sur leur face opposée, sont en relation avec la substance fondamentale du tissu conjonctif ambiant, ne sont qu'une variété peu différenciée des cellules vésiculaires qu'on rencontre dans une foule de cas. Il est difficile de pas admettre que l’assise en question soit autre chose que la #natrice de l'épaississement principal. Nous voyons en effet qu’elle est particulièrement régulière et développée partout où ce dernier est lui-même plus saillant ; il apparaît d’ailleurs comme formé de couches successives, son aspect est absolument celui d’une substance sécrétée, dont la formation procède irrégulièrement el subit des ralen- lissements et des accélérations. La comparaison de ces lissus avec du cartilage s'impose naturellement à l'esprit. La dénomination de Zige cartilagi- neuse est d’ailleurs très généralement employée pour l'organe que nous éludions. Il ne faut pas cependant se laisser entrai- ner à des conclusions trop absolues par suite d’une simple analogie de consistance. L’épaississement en lui-même n'esl pas un issu; il ne contient pas trace de cellules : c'est une ORGANES FALLÉAUX DES PROSOBRANCIIES. 173 substance dont le mode de produetion rappelle celui de toutes les substances culiculaires. Néanmoins, la compa- raison avec le carlillage peut se soutenir si l'on considère non pas la portion rigide, mais le lissu adjacent. Je mon- trerai d'ailleurs plus loin qu'il existe tous les passages chez les Prosobranches entre le cartilage proprement dit et le issu conjonctif ordinaire. Quelle que soit la dénomination à laquelle on doive déli- nitivement s'arrêter, les notions suivantes demeurent ac- quises à mon avis: la ge rigide qui soutient la branchie est anhiste et formée de couches concentriques de nature analoque à celle de la substance fondamentale générale du tissu con- jonctif. Elle semble sécrétée par la face externe de cellules disposées en une couche régulière et analogues aux cellules vésiculaire qu'on rencontre en abondance dans le tissu con- jonctif. $ 4. — Organe de Spengel de l'Haliotide. On sail depuis longtemps que sur chacune des branchies de l'Haliotis tuberculata, le long du bord libre du support branchial, existe une (rainée jaunâtre ou brunâtre, due à la présence de granulations pigmentaires dans l'épithélium (NE, fig. 16). Dans l'épaisseur du support branchial extérieur, comme l’a montré M. pe Lacaze-Durniers (16) se trouvent deux nerfs, l’un externe (NT. fig. 14), l’autre interne (NE), situés tous deux non loin de Ja surface. « On peut les voir au fond du vaisseau efférent en enlevant les feuillets bran- chiaux par le vaisseau afférent. » Ces deux nerfs parlent du ganglion branchial volumineux situé au point d'insertion de chaque branchie. Pour Spengel le ganglion et le nerf repré- sentent l'organe olfactif : Dans sa monographie de l'Haliotide, M. Weamaxx (55) discute l'opinion de Spengel et déclare ne pouvoir admettre que l'organe en question soit un organe sensoriel. L'auteur indique sur le bord libre du support branchial « deux séries de papilles larges et hautes qui s'écartent vers la partie in- 174 FÉLIX BERNARD. férieure et semblent embrasser le ganglion tandis qu’elles s’approchent vers le sommet de la branchie... Les papilles ressemblent à de très petites feuilles branchiales ; au som- met seulement elles se délachent un peu les unes des autres; pour le reste elles sont accolées les unes aux autres el em- pâtées dans un tissu général. Cependant il y a {oujours une trace de séparation très nelle qui consiste en une mince. bandelette transversale claire bordée par deux lignes droites. » Cette disposition est figurée par M. Wegmann dans un dessin qui, à la vérité est tellement schématisé qu'il m'a été impossible de relrouver dans la réalité la dis- position qu'il représente (1). « Ces feuillets soudés sont revêtus d’un épithélium cylin- drique cilié. Au-dessous de ces papilles dans l'épaisseur du support branchial se trouvent des lacunes du réseau veineux indiqué plus haut. Quant à l'innervation, je n’ai pas réussi à voir pénétrer dans les papilles des branches du nerf prin- cipal, mais ce dernier est tellement grand et évident que je n'hésite pas à admettre ce fait. » Ce dernier argument me semble au contraire insuffisant ; la pénélralion du nerf dans l’épithélium existe en réalité; mais il n’en est pas de mêine des papilles que l’auteur décrit partout avec détail. M. Wegmann s'appuie, d’aulre part, sur l'observalion de Cunnigham sur la Palelle ; dans cet animal, dit l’auteur anglais, « on voit sur les coupes une structure cellulaire surmontée par du lissu conjonctif et divisée par des trabécules en compartiments de grandeur variable. Ceci peut êlre le rudiment branchial, mais il est au-dessous de l’épithélium et n’est pas une formation spéciale de lui ». Or, ajoute M. Wegmann, «pour mon compte, je crois que c’est une branchie rudimentaire, el c'est justement l'Haliotide qui me permel de soutenir cette hypothèse. Elle offre dans les appareils les plus différents {ant de rapport avec les La- mellibranches que ce me semble fout naturel d'y trouver (1) Arch. de zool. exp., 2 s., t. IL, pl. XVI, fig. 15. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 179 deux branchies rudimentaires à côté des deux autres bien développées... Mais pour prouver celle hypothèse, il ne suffit pas d'étudier la structure de l'organe; il faut voir son déve- loppement et élablir ses rapporls morphologiques. » Je pense établir au contraire dans la descriplion qui va suivre qu'une étude attentive de la structure de l'organe liligieux suffit parfaitement pour réduire à néant l'hypothèse des branchies rudimentaires. Mais celle structure diffère ab- solument de celle qui se manifeste chez la Patelle. Dans ce dernier animal, existe en réalité le issu lacuneux décrit par Spengel, Cuningham el Ray Lankester : rien de semblable n'existe chez l'Haliolide : tout le Lissu sous-jacent à l'épithé- lium est précisément de beaucoup le plus compact que j'aie rencontré chez les Prosobranches. En lout cas, ce sont pré- cisément ces organes en Hilige qui devraient appeler l'obser- vation la plus minutieuse, surtout quand on croit devoir s'appuyer sur leur existence pour trouver des caractères de transition entre deux classes nettement séparées. Toutes ces raisons justifient, je l'espère, la description délaillée que je vais présenter de l'organe de Spengel de l'Hahotide, le plus différencié du groupe des Diotocardes. Examinée extérieurement, la bandelelte qui constitue la parlie épithéliale de l'organe de Spengel se décompose en deux régions distinctes : Dans la première (au niveau AB, fig. 16 el fig. 17), elle figure un bourrelet légèremeut saillant, nettement limité à droile et à gauche, el silué sur la /ace inférieure du support branchial; celle partie s'étend depuis le ganglion branchial jusqu'au point où le support branchial se détache définitive- ment du manteau. À la loupe ou au microscope, les deux bords du bourrelet apparaissent pigmentés el la ligne mé- diane plus claire. Dans la seconde région au niveau CD. (fig. 16, et fig. 18), l'épithélium en question passe sur le tranchant du support branchial ; la distinction entre la porlion pigmentée el la portion claire s’atténue sensible- ment. Nulle part on ne peut observer de l'extérieur la 176 FÉLIX BERNARD. moindre trace de papille ou de repli. Cela posé, effectuons des coupes transversales dans {oute la longueur du support branchial. Sur l’une quelconque de ces coupes, nous distinguerons immédiatement dans le support branchial deux parties de structure extrèmement différentes. Les lamelles branchiales ne s'insèrent pas sur toule la largeur du support: elles laissent libre une pelite portion située précisément du coté efférent, dans le voisinage de l'organe de Spengel (de NE à NI, fig. 14). Toute la région qui donne insertion aux lamelles branchiales est une lame longue et élroite, occupée par un tissu spongieux et lâche (de NI à NA, fig. 14). La partie libre, au contraire, est beaucoup plus épaisse et renferme une substance compacte présentant fort peu de lacunes. Je décrirai avec soin ce {issu dans le chapitre relatif au tissu conjonclif. Les deux nerfs sont dans des lacunes aux deux extrémités de cetle masse compacte.Tous deux sont enveloppés du névrilème habituel. Le ganglion branchial est aussi dans une lacune à laquelle aboutissent les lacunes irrégulières du manteau et celles qui correspondent à chaque nerf. Il est constitué principalement par des faisceaux volumineux de fibres nerveuses, très irré- gulièrement entre-croisés et laissant peu de place pour la substance ponctuée de Leydig. Les lamelles sont aussi très peu abondantes, disposéss sur une seule rangée à la péri- phérie du ganglion, en quelques points seulement sur deux rangées. Elles sont petites, leurs noyaux mesurant 5-124 en- viron et leur prolongement principal est nettement visible. Le ganglion est juste à égale distance des deux faces du support branchial, le tissu tout autour est compact, la lacune périnervienne {rès élroile. Suivons maintenan( le trajet du nerf respirateur externe (nerf olfactif de Spengel et Bouvier). Il présente quelques cellules nerveuses à son origine; elles deviennent bientôt de plus en plus rares. La lacune périnervienne est considérable ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 127 el limitée par des faisceaux musculaires importants. Le nerf se porte rapidement à la face interne du support branchial, el ne larde pas à s’accoler immédiatement à la membrane basilaire dont il n’est séparé que par un mince névri- lème. On voit alors sur les coupes, avec la plus grande facilité, de volumineux faisceaux nerveux traverser la membrane ba- silaire et entrer dans l’épithélium. Ce fait se renouvelle un très grand nombre de fois, à intervalles irréguliers, tout le long du trajet du nerf, depuis le ganglion jusqu'à la pointe externe de la branchie (fig. 17 et 18). Les premiers faisceaux qui passent sont les plus importants, et j'en ai observé un qui ne mesure pas moins de 50 & de largeur, le nerf en ayant lui-même 120 en cet endroit. Rien n’était donc simple comme la disposilion des faisceaux neuro-épithéliaux, et Spengel les à observés exactement, quoique sa descriplion soit un peu rudimentaire. Quelques faisceaux à peine parlent du ganglion lui-mêm e : la plupart se détachent du nerf après sa sorlie du ganglion. I reste à expliquer la présence des deux lignes pigmentées qui ont tant frappé M. Wegmann. Cela est bien facile. Les faisceaux nerveux qui passent à l’épithélium, pris dans leur ensemble d'un bout à l’autre de l'organe, peuvent en effet être considérés comme rangés suivant deux lignes longitu- dinales (fig. 17), les uns se portant à droile et les autres à gauche du nerf principal, sans toutefois se correspondre forcément deux à deux. Le nerf principal est sous-jacent à la portion médiane du bourrelet épithélial dont nous avons parlé. Or l’épithélium est presque toujours un peu plus pig- menté aux points où aboutissent les filets nerveux; nous en avons vu des exemples frappants dans l'organe de Spengel de la Cassidaire. De là vient l'aspect observé dans le cas présent. Mais il est facile de constaler que dans toute la lar- geur du bourrelet l’épithélium présente sensiblement la même hauteur ; il est à peine un peu plus élevé vers le centre, et la courbure est régulière (fig. 17). La membrane basilaire, ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, 42. — ART: N° à 178 FELIX BERNARD. de son côté, est tout à fait lisse ; elle ne présente pas même les replis et les crêles qu'on y rencontre ailleurs. Sur le pas- sage des faisceaux nerveux. elle s'interrompt purement el simplement et le nerf passe accompagné d'un névrilème très mince qui disparait bientôt. La couche musculaire de son côlé est conlinue, et le tissu conjonctif compact tout autour de la lacune. Je me crois donc autorisé à affirmer que dans l’'Haliotide #/ n'existe aucune disposition qui rappelle de près ou de loin l'existence de papilles dues soit à des proéminences de l’épithélium, soit à un empâtement quelconque de la- melles dans du tissu conjonclif. Il n'y à done pas là, à pro- prement parler, un organe distinct; l'organe de Spengel n'est qu'une région de lépithélium où aboutissent des filets ner- veux : il ne peut pas être considéré comme une branchie rudimentaire. Ainsi tombe l’un des arguments que l’on peut présenter pour une parenté trop immédiate entre l'Haliotis et les Acéphales. L'organe de Spengel n’en est pas moins intéressant pour cela el nous devons pousser aussi loin que possible son étude histologique. À son entrée dans l’épithélium, le faisceau nerveux, s’il est volumineux, peut envoyer immédialement une branche perpendiculaire à la membrane basilaire. D’ordinaire 1l cô- loie extérieurement celle-ci, en gardant un diamètre consi- dérable el écarle sur son passage les cellules ciliées qui sont disposées par pelils groupes autour de lui. Il peut se divi- ser en branches secondaires encore volumineuses. Sur tout son trajet, après un parcours assez restreint, 1l commence à se résoudre en fibres qui aboutissent à des cellules multi- polaires groupées en pelits amas dans l'intervalle des cel- lules êiliées. Tout ce système aboutit en définilive à un ré- seau de fibres absolument analogue à celui qui constitue le nerf lui-même, ou encore la substance ponctuée de Leydig, mais avec des mailles plus larges, £e qui rend l’observalion relalivement plus facile. Par cet ensemble de fibres anas- tomosées el reliées d’une part aux nerfs, de l’autre aux cel- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIHES,. 179 lules mullipolaires, le réseau nerveux inter-épithélial est absolument continu sur toute l'étendue du bourrelel cilié, dans loule sa longueur et dans toute sa largeur (fig. 7). On perçoit netlement sa limile des deux côtés aux points où presque subitement l'épithélium redevient court el formé de cellules courtes, unies entre elles à leur base aussi bien qu’à leur extrémité dislale. Les cellules ciliées du bourre!et sont au contraire (rès effilées et très grêles, isolées les unes des aulres ou groupées par pelites masses, et soudées seulement par la partie tout à fait voisine des plateaux. Les noyaux sont allongés, peu granuleux, situés à {outes les hauteurs, et ces portions terminales des cellules contiennent de fines granulations pigmentaires qui donnent à l'organe sa leinte jaunâtre. Ajoulons que cà et là se trouvent quelques cellules mucipares. À mesure qu'on examine des régions de plus en plus rap- prochées de la pointe de la branchie, on voit le bourrelet cilié {rancher moins vivement sur l’épithélium environnant (fig. 18); ses limiles sont moins distinctes, etlorsqu'on atteint la portion libre du support branchial, où l'on trouve le nerf tout à fait au sommet de l'angle, l'épithélium de l'organe olfaclif passe insensiblement à celui qui tapisse les deux faces du support. Il est (outefois beaucoup plus élevé; les cellules sont même nolablement plus longues que dans la première région ; mais le nerf estun peu plus grêle, les fais- ceaux qui traversent la membrane basilaire sont plus petits el plus rapprochés, le nombre des cellules mullipolaires est plus restreint. Mais en somme la disposition générale est absolument la même (1). Il nous resle encore à rechercher comment se comporte, au point de vue de l'innervalion, l’autre bord du support branchial, celui qui contient le vaisseau afférent et qu’on voit, sur chaque branchie, sur la face libre, entre les deux ran- gées de feuillets (NA, fig. 14). (1) L'échelle relative à la figure 17 a été numérotée inexactement : au lieu de 50y, lire 80u, 180 FÉLIX BERNARD. Un coup d'œil jeté sur celte région nous permet de re- connaîlre une différence notable avec le bord efférent du même support. Tandis que ce dernier, dans sa partie libre, est excessivement court el vient rapidement se rattacher avec le manteau, le bord afférent s'étend, sous forme d’un bourrelet saillant jusqu'à l'extrémité postérieure de la branchie (fig. 80). Les parois en sont netlement accusées et on peut même y observer une face presque plane limitée par deux angles, tandis que la section du bord efférent était tranchante. De plus, dans la région de la fausse branchie, une masse abon- dante de tissu conjonctif compacl séparait le vaisseau du bord de l'organe ; le vaisseau afférent au contraire est li- milé par des formalions conjonctives peu développées, sauf aux deux angles dont je viens de parler. L’innervation de celte région n'a jamais été décrite, elle est, il est vrai, assez difficile à découvrir à cause de la finesse des filets qu'on y rencontre; mais il élait indispen- sable pour nous de les rechercher. Pour voir sans coupes les nerfs du bord afférent, il faut fendre toute l'épaisseur du support branchial, et rabattre les lamelles respectivement à droile et à gauche, de manière à n'avoir plus que l’épais- seur de la paroi du vaisseau à examiner par transparence (fig. 33). Si la branchie a été bien préparée (acide picrique, alcool, puis acide oxalique), si l’on a nettoyé avec soin l’in- térieur et l'extérieur du vaisseau de manière à se débar- rasser du sang et de l’épithélium, enfin si les lissus sont bien tendus, sur un fond noir, on aperçoit avec une forte loupe /rois nerfs n,,n,,n,, qui règnent d'un bout à l'autre de la branchie. Le plus volumineux, »,, est vers le milieu du vaisseau: il décrit quelques sinuosités à droile et à gauche, et envoie des filets relalivement gros, mais peu nombreux, aux deux nerfs latéraux, bien moins volumineux. Ceux-ci, n,, sont disposés d’une façon symétrique, légèrement en dedans de chacun des deux épaississements latéraux déjà décrits. Ils sont rectilignes si l'on considère leur direction générale, mais en réalité ils décrivent des zigzags de faible n CR ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIIES. 181 amplitude sans s'écarter beaucoup du bord du vaisseau. En examinant avec soin l’étroile bande comprise entre l'un de ces nerfs etle bord extrème du vaisseau, sur lequel s’insèrent les lamelles branchiales, on voit que cette bande est tra- versée par une foule de {rès petits nerfs, disposés en séries parfaitement régulières et allant du nerf marginal aux feuil- lets de la branchie. Chacun d'eux aborde un des feuillets par la tranche, continue son trajet le long du bord afférent, contourne tout le feuillet et vient aboutir de l'autre côté du support au nerf interne que nous avons déjà étudié. Nous reviendrons sur ces pelils nerfs à propos de l’histologie des feuillets branchiaux. Les coupes transversales permettent de vérifier sans difficulté toute cette description (NA, fig. 14). Tous ces filets nerveux sont compris dans l'épaisseur de la membrane conjonelive résistante el compacte qui forme l’en- veloppe d’un vaisseau ; ils ne sont donc pas libres dans l’es- pace sanguin, comme c'était le cas pour le nerf unique de la Fissurelle. Aucun des trois nerfs n'envoie de jilet à l’épithélium. La gaine continue et résistante qui contient dans son épaisseur les nerfs et les fibres musculaires, ne présente pas d’autres perforations que celles qui livrent passage aux nerfs d’anas- tomose et aux filets des lamelles branchiales. On y trouve de petites cellules vésiculaires, facile à reconnaître et im- possible confondre avec un nerf coupé transversalement. II n’y a donc rien qui permelte de soupçonner une interrup- lion du tissu conjonclif pour le passage des faisceaux ner- veux. Il pourrait cependant arriver que les fibres nerveuses fussent isolées et fournissent un trajet plus ou moins long à travers la substance fondamentale sans l'interrompre. Le fait, assez rare pour les cas analogues à celui qui nous oc- cupe, se trouve cependant en particulier dans l'organe de Lacaze-Duthiers. Ici l’on aperçoit effectivement, avec un grossissement suffisant des fibrilles délicates, abondantes surtout dans les régions marginales épaisses, mais elles appartiennent à des 182 FÉLIX BERNARD. éléments propres du tissu conjonctif, à noyau très petit et brillant, à prolongement allongé et plus ou moins bifurqué. En suivant ces prolongements on les voit se perdre dans difiérentes directions, sans aboulir au nerf ou à l’épithé- lium. Je puis donc conclure que chez l’Haliotide les trois nerfs qui cowrent parallèlement le long du vaisseau afférent sont destinés uniquement à relier les filets des lamelles branchiales et n'envoient aucun filet à l’épithélium. Tout le long du bord afférent, les cellules sécrétrices se rencontrent avec une abondance exceptionnelle. Le fait à retenir, c’est donc la différenciation très prononcée du bora branchial afférent en vue d'une fonction sécrétrice. Ce fait, déjà signalé chez les autres familles, est ici porlé à son maximum. Résumé. — 1 ne nous reste plus qu'à résumer brièvement tous les faits contenus dans ce chapHre pour montrer la différenciation progressive de l'organe de Spengel dans la série des Diotocardes. Chez les Fissurellidés 11 est impossible d'admettre l’exis- tence d’un organe où même d’une région uniquement diffé- renciée en vue d'un rôle sensoriel. Tout le long de la partie libre du support branchial, aussi bien du côté afférent que du côté efférent, règne un nerf, très voisin de l’épithélium, et y émellant des filets grêles. Ces filets aboutissent à des cellules neuro-épithéliales semblables à celles que nous avons {rouvées chez la Cassidaire. Mais les deux nerfs en queslion donnent aussi naissance à tous les filets destinés à chacune des lamelles branchiales : ils ne sont donc pas adaplés seulement à des fonctions sensorielles. Chez les Néritidés, il n'existe pas de ganglion branchial. mais le nerf est ganglionnaire sur une longue étendue avant d'arriver à la région des feuillets, c’est cetle région qui est sensorielle. Dans les ÆFissurellidés au contraire existe un véritable ganglion, mais qui n’envoie pas de filets à l’épithé- lium. La Fissurelle nous montre un premier degré de diffé- rencialion du bord afférent ou région sécrétrice. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 183 Les Trochidés el les Haliotidés forment un groupe natu- rel où la différenciation s'accentue. Il existe au bord effé- rent, deux nerfs distincts, lun pour lPépithélium, Fautre pour les feuillets branchiaux : ces deux nerfs se rejoignent à la pointe de la branchie, et le nerf unique ainsi formé se réfléchit le long du bord afférent; chez l'Haliotis, deux petits nerfs parallèles à ce dernier, relient les filets qui contour- nent chacune des lamelles. Le ganglion branchial et le gros nerf externe envoient des filets volumineux à l’épithélium ; le dernier renferme un réseau nerveux exlerne très déve- loppé chez l'Halolide, et de nombreuses cellules senso- rielles ; il est même renflé en un bourrelel qui, dans sa partie postérieure, est nettement délimité. L’épithélium du bord aflérent contraste fortement avec le précédent par l'abondance des cellules sécrétrices et l'absence d'éléments sensoriels. L’'Haliotide présente une complication et un degré de perfectionnement supérieurs aux Trochidés. En somme, dans le cas présent, puisqu'un nerf spécial dessert l'épithélium, on peut dire qu’il existe une région de la bran- chie différenciée en un organe spécial plus où moins bien adapté à des fonclions sensorielles. CHAPITRE IIl DIFFÉRENCIATION PROGRESSIVE DE L'ORGANE DE SPENGEL DES MONOTOCARDES. Entre les deux grandes subdivisions des Prosobranches, Diotocardes et Monotocardes, les termes de transition sont assez nombreux el permettent d'établir avec cerlitude l'ho- mogénéilé de l’ordre tout entier. Cependant, il faut l'a- vouer, il n'existe pas un seul animal qui puisse, par tout l'ensemble de son organisme, être considéré sans restriction comme {ype de passage. W est facile de trouver des espèces où un organe déterminé présente des caractères intermé- diaires entreles dispositions {vpiques de chacune des séries: 184 FÉLIX BERNARD. mais l'examen des autres caractères anatomiques vient tou- jours faire cesser l’hésitation, et ces espèces viennent tou- jours se ranger nettement dans l’une ou l’autre des séries. Or, il est remarquable que tous les genres qui offrent ces caractères de transition, présentent d'autre part des parti- cularités qui ne se retrouvent nulle part ailleurs dans les deux groupes. Quelques exemples feront comprendre ce fait important à établir. Au point de vue du système nerveux, les Pa/udi- nidés offrent la plupart des particularités spéciales aux Dio- tocardes: commissure labiale, commissures nombreuses entre les bandeletles pédieuses, ganglions palléaux plus rap- prochés des ganglions pédieux que des cérébroïdes, etc. (voir Bouvier (61), p.72). Mais la branchie est monopectinée, le cœur monotocarde, le rein unique et différent de celui des Diotocardes, la radula semblable à celle des Ténio- glosses. La Paludine est donc bien un Monotocarde; mais c'est avec la Valvée la seule forme pourvue d’un uretère. Le péricarde est démesurément développé; le rein et l'or- gane de Spengel sont aberrants. Les Cyclophoridés se rapprochent encore plus des Dioto- cardes que les Paludinidés par la disposilion de certaines parties du système nerveux; par d’autres, 1ls s’en éloignent davantage; ce sont indisculablement des Ténioglosses (/0c. t., p. 80). Mais ils n’ont pas de branchie ni d’organe de Spengel. Les Néritidés et les groupes voisins ont été considérés longtemps aussi comme types de transition : la branchie bipectinée des Nérites disparaît chez les Hélicinidés, et l'oreillette droite subit une dégradation qui aboutit à sa disparition complète. Le cœur cesse en même temps d’être traversé par le rectum. Le rein est unique, et s'ouvre au fond de la cavité palléale par une fente tout à fait semblable à celle que présentent les Monotocardes. Mais les caractères tirés de la radula (qui est rhipidoglosse), de la branchie et du cœur (diotocarde), font pencher la balance du côté des ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 185 Diotocardes. Enfin leur système nerveux ne nous conduit pas du tout à celui des Ténioglosses; il est complètement aberrant et présente le seul cas d'orthoneurie constaté avec certitude chez les Prosobranches. On n'avait pas songé, jusqu'ici à chercher encore un type de passage chez les Patellidés; la Patelle, avec son système nerveux si voisin de celui des Fissurelles et des Haliotides, a élé rapprochée, par MM. Fischer et Bouvier, des Menolo- cardes ; les ressemblances semblèrent s'accroitre quand on vit que les Tectures, dont la branchie est bipectinée, élaient des Patellidés. On les croyait d’ailleurs diotocardes. Mais récemment, M. Wegmann (55) a vu que le cœur n’a qu'une oreillette, et cette observation est confirmée par mon ami M. Rémy Perrier (67). Ce dernier trouve dans le rein des Patelles des traits d'organisations qui conduisent nette- ment aux Monolocardes et font de cet organe un intermé- diaire très net entre le double rein des Ripidoglosses el le rein simple des Ténioglosses. Que la Patelle avec sa radula hé- rissée de dents en forme de poutres, avec ses branchies circumpalléales, soit un type aberrant, cela ne fait de doute pour personne. Elle présente cependant d'importantes parti- cularités de chacun des deux groupes. Enfin une pelite famille, celle des Va/vatidés, a, de son côté alliré l'attention des zoologistes : la Valvée possède une branchie bipectinée connue sous le nom de plumet. Mais le cœur est monolocarde; la branchie ne se prolonge pas en arrière de son point d'attache comme chez les Néritidés. Le système nerveux est très voisin de celui des Bithynies, la radule est Ténioglosse. Mais le rein est out à fait spécial et, seule parmi les Prosobranches, la Valvée est hermaphro- dite. On pourrait encore trouver d’autres exemples. Si bien que, dans l’état présent de nos connaissancas, on peut dire : Tout animal actuel qui présente des caractères de transition entre le groupe des Diotocardes et celui des Monotocardes, est aberrant par l'un quelconque de ses organes. 186 FÉLIX BERNARD. Ce fait n’est d’ailleurs pas spécial aux Prosobranches ; presque toutes les formes dites de transilion entre deux groupes voisins bien définis, bien délimités, ont des ten- dances à s’écarler à la fois des deux, et présentent des organes aberrantis. Ces formes sont en réalité les modifica- tions dans un sens spécial et qui leur est propre de véritables formes de {ransition aujourd'hui disparues. Il était indispensable de présenter ces considérations avant d'aborder l'étude de l'organe de Spengel des Monolo- cardes. Nous savons maintenant, en effet, qu'il n’y a pas lieu de chercher un groupe qui soit exactement intermédiaire entre les deux grandes séries de Prosobranches; mais d'autre part, nous pouvons nous attendre à trouver, pour ce qui concerne l'organe de Spengel en particulier, des termes de transition : ces termes de passage entre les différentes formes d’un même organe pourront se manifester dans des genres qui ne seront pas loui à fait voisins, et qui seront probable- ment l’un de ces genres aberrants dont je viens de parler. L'ordre dans lequel nous devons exposer cette étude s'im- pose à nous: il est un Monolocarde qui a gardé la branchie bipectinée des Diotocardes; c’est la Va/vée. Qu'est devenu dans cet animal l'organe de Spengel? Est-il resté inclus dans le support branchial? est-il indépendant de la branchie ? J'ai résolu ces questions dans la monographie que je viens de publier sur cet animal (68). Je ne rappellerai donc ici que les faits indispensables pour la comparaison avec les autres Prosobranches. $ 1. — Organe de Spengel de la Valvata piscinalis. Si l'on ouvre la cavité palléale d’une Valvée et qu'on exa- mine le manteau el ses annexes avec un assez forl grossis- sement, on aperçoit d’abord : la branchie, nettement bipec- üinée, présentant de chaque côté une vingtaine de lamelles peu saillantes, arrondies, et n’occupant pas toute la largeur du support branchial (BF, fig. 70). On sait que l'animal à la ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 187 faculté de la faire sortir assez loin en dehors de la cavité palléale. Les lamelles cessent d'exister en arrière de la ligne d'inserlion du support branchial sur le manteau : en cela la Valvée diffère essentiellement de tous les Diotocardes. La cavité palléale n'est pas ici divisée en deux par une cloison horizontale, et l'on ne peut pas supposer qu'il y ait dans la branchie une porlion soudée comme chez les Trochidés, avec des lamelles dirigées du côté dorsal. La région longue el élroite qui s'étend d'avant en arrière depuis la branchie jusqu'au fond de la cavilé palléale, est une cavilé lapissée d’épithélium, divisée en deux rampes parallèles par une cloison longitudinale, et qui dépend du rein, dont la poche principale occupe, comme d'habitude, Le fond de la cavité palléale. L'une de ces deux rampes (celle de gauche, l'animal élant vu de dos) est un simple diverti- cule clos. L'autre est un canal excréteur qui s'ouvre très en avant, au fond du cul-de-sac que forment ensemble la branchie et le manteau, el un peu sur la droite. A droite de la branchie se trouve le rectum, puis la masse des conduils génitaux et de leur annexes. À peu près au même niveau, mais soudé tout à fait au bord du man- teau est le filet ferfaculiforme. Rappelons maintenant en quelques mots comment les organes palléaux sont innervés. Les ganglions palléaux sont accolés aux cérébroïdes : tout le monde est d'accord sur ce fait. Il est impossible aujourd'hui aussi de ne pas considérer comme représentant le ganglion sus-inteslinal, une masse pyriforme siluée sur le plan médian, mais dirigée de droite à gauche : elle est soudée au ganglion palléal droit et donne naissance à deux nerfs: l'un d'eux, qui a été vu par tous les observateurs, est le nerf branchial, c’est le plus gros de l'or- ganisme. L'autre est la commissure viscérale. J'ai pu trouver de chaque côté les anastomoses palléales de Bou- vier. Cela posé, je reproduis le résumé de la descriplion que j'ai donnée ailleurs (68) de l'organe de Spengel. « Le nerf 188 FÉLIX BERNARD. branchial, un des plus gros de l'organisme, se bifurque avant d'atteindre la branchie. Le rameau antérieur se renfle en un ganglion fort petit, mas très net, d'où partent deux nerfs palléaux et des filets épithéliaur. Les cellules de Flemiming sont très abondantes dans cette région (fig. 71). Le rameau (nb) qui pénètre dans la branchie (homoloque du nerf olfachf des Diotocardes) est aussi sensoriel, mais à un moindre degré; 4! cesse de l'être sur le bord afférent du support branchial. L'or- gane de Spengel est par conséquent divisé en deux, et la por- tion la plus importante est voisine de la branchie, mais en est indépendante. » Les faits qui précèdent paraïîtront, je l'espère, dignes de quelque intérêt: ils nous montrent pour la première fois la localisation des cellules sensorielles se faisant en un point dé- terminé, situé en dehors de la branchie. Ce petit ganglion, distinet du ganglion sus-intestinal, comme la fausse bran- chie des Monotocardes, est pour moi le rwdiment de ce dernier organe. D'autre part, l'organe de Spengel des Distocardes est aussi représenté. La Valvée, par son système nerveux, se rapproche des Bi- {hynies et son organe de Spengel nous conduit à l'organe de Spengel filiforme et encore peu différencié des Liltorimidés et des Bithynidés qu'il convient maintenant d'étudier. 8 2. — Organe de Spengel de la Littorine. Dans les Littorinidés l'organe de Spengel est un long cordon saillant, un peu renflé vers son milieu, au point où aboutit le nerf principal qui la dessert (nerf olfactif de Spengel) (fig. 34). Sa structure est des plus simples. Une section transversale (fig. 20) montre au centre un faisceau nerveux entouré d'un névrilème distinct qui les sépare d'un sinus sanguin longitudinal. La membrane de soutien est très épaisse et traversée de nombreuses fibres. Sa sur- face n’est pas lisse, mais présente sur les deux côlés des saillies irrégulières, où la couche musculo-conjonctive esl épaissie el où s'engagent de courtes branches du faisceau ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 189 nerveux. Au sommet de ces saillies sont percés les petits orifices par où les nerfs pénètrent dans l'épithélium (fig. 3%). Ce dernier lissu mérite d’arrèler notre attention. Sur toutes les régions avoisinantes on trouve déjà des éléments épithé- liaux très étroits el relalivement longs, mais quand on arrive au bourrelet, on voit les cellules de revêtement s’allonger el s’amincir démesurément, en s'inclinant de manière à être couchées sur le bourrelet (fig. 20). La longueur des plus grands de ces éléments n'est pas moindre de 75 y; le noyau, très grêle, a 1 y de large, sur 10 à 12 de long. Les noyaux sont disposés à Lous les niveaux, généralement plus près des plateaux que de la base; ils sont élargis et {ronqués à leur extrémité distale. Les plateaux sont ciliés; on rencontre çà et là quelques cellules sécrétrices. Quand on arrive vers le milieu du bourrelet, on voit la longueur des cellules de revè- tement décroîlre brusquement, et les dimensions transver- sales augmenter, si bien qu'on se {trouve en présence des cel- lules cylindriques ordinaires. On rencontre les cellules de Flemming vers la région intermédiaire, c'est-à-dire sur les deux côtés. Je ne crois pas qu'il puisse exister de cellules sensorielles dans la région où les éléments sont précisé- ment plus allongés, car non seulement je n'ai pu réussir à en découvrir, mais de plus aucun nerf n’est adjacent à l'épithélium à ce niveau. Le sens dans lequel sont inclinées les cellules rend d'autre part improbable l'hypothèse d’après laquelle ces éléments dépendraient d’un réseau nerveux inter-épithélial situé plus près du plan médian de l'organe. La région sensorielle, selon {oute probabilité est donc limitée à peu près aux deux faces latérales du bourrelet. Quelques mots maintenant sur la structure du cordon ner- veux. Nous sommes en présence d’un nerf el non d’un gan- glion. Les cellules ganglionnaires sont en effet tellement rares que sur la plupart des coupes transversales on n’en aperçoit aucune. Pour plus de sûrelé j'ai fait aussi des coupes longitudinales el j'ai aperçu quelques noyaux vers la péri- phérie du faisceau. La substance ponctuée manque d'ailleurs 190 FELIX BERNARD, complètement et en tous les points la structure fibrillaire est reconnaissable. Donc, malgré son apparence de gan- glion, l'organe de Spengel de la Littorine n’est autre chose qu'un nerf assez volumineux, envoyant à travers un épais revêtement conjonclif de courles branches qui abou- tissent à des cellules de Flemming. J'ai dû renoncer à trouver un réseau nerveux Intra-épithélial. Bithynia tentaculata, — J'ai examiné avec soin l'organe de Spengel de ce Mollusque, espérant y trouver quelque caractère le rapprochant soit des Valvées, soit des Palu- dinés : il n’en est rien. C’est au type de la Litlorine qu'il faut rapporter la fausse branchie de la Bithynie. L'organe est seulement un peu plus ramassé, plus gros par rapport à sa longueur, plus renflé au point où arrive le nerf prin- cipal. D'ailleurs les cellules nerveuses sont encore rares. Il n'y a pas {race d’invaginalion épithéliale. La même remarque s'applique aux /#issoa, dont l'organe de Spengel est identique à celui de la Bilhynie. Celui du Planaxis sulcatus est semblable à celui de la Littorine. Cyclostoma eleqans. — L'organe de Spengel du Cyclos- Loma elegans a été étudié avec le plus grand soin par M. Gar- NAULT (63). Les quelques pages que cet anatomiste consacre à cet organe sont jusqu'ici les seules qui nous aient donné des renseignements précis sur les lerminaisons nerveuses dans l'organe de Spengel des Prosobranches; j'ai repris à mon tour l’étude de ce mème animal, et je n'ai qu'à ren- voyer à la description de M. Garnault. Je liens à faire ressor- Lir quelques points importants. — «Les parties périphériques du filet nerveux qui sont formées par une couche de cellules ganglionnaires. Il paraît avoir à peu près la même taille sur toute sa longueur. » On voit donc que la structure ganglion- naire, commence à s'accuser ici. — La description et les figures que donne M. Garnault relativement aux cellules neuro-épithéliales concordent au plus haut point avec celles que j'ai présentées moi-même à diverses reprises, el je ferai remarquer que la forme qu'il reproduit en €, d, e (fig. 48, ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIIES. 191 pl. 7)et qu'il déclare plus rare que les autres formes, se ren- contre assez fréquemment dans l'organe de de Lacaze-Du- thiers des Pulmonés et dans les cul-de-sac de la Paludine : j'en ai aussi trouvé quelques exemples dans PHaliotide ; ils’agil d'éléments où la tèêle n'est pas distincte du col et où toute la partie dorsale est cylindrique, tandis que le corps de la cel- lule, contenant le noyau, est très renflée. Enfin M. Garnaull insiste avec raison sur l'analogie de ces éléments neuro- épithéliaux avec ceux du tentacule. L'organe de Spengel est, pour M. Garnaull, un organe olfactif au premier chef. J’ajouterai seulement qu'il ne dif- fère de celui de la Liltorine que par l’adjonelion d'un grand nombre de cellules ganglionnaires. $ 3. — Organe de Spengel des Vermétidés, Cerithidés, Strombidés. Vermetus gigas. — On a vu plus haut que c'est à propos du Vermetnus gigas que M. de Lacaze-Duthiers à, en 1860, atliré d’une manière toule spéciale, l’attention sur le bour- relet allongé qu’on rencontre près de la branchie. Depuis celte époque l’élude du Vermet n’a pas été reprise, el Spengel se borne à constater que l'organe olfachif du Vermet n'est aulre chose que le bourrelet signalé par M. de Lacaze- Duthiers. L'organe de Spengel du Vermet est bien plus allongé que celui de la Lillorine, mais bien moins cependant que celui des Strombidés ; il règne le long de la branchie sur une lon- gueur égale sensiblement au liers de cet organe. On n'y rencontre pas les saillies irrégulières que nous allons trouver chez les Chénopidés et les Strombidés : il est simplement filiforme, mais sa structure, comme vont nous le montrer les coupes transversales, marqu2 une différenciation plus grande que dans le cas de la Littorine (fig. 21). La structure de la partie centrale est encore celle d’un nerf; cependant les cellules nerveuses y sont assez abon- dantles, sans cependant être disposées en couche continue. Des faisceaux #rès volumineux (r) se détachent sur les deux 192 FÉLIX BERNARD. côtés et pénètrent dans l’épithélium en produisant dans la membrane de soutien des perforalions aussi nettes que celles que j'ai figurées dans la figure 21 : j'ai représenté une coupe passant précisément par deux faisceaux épithéliaux à la fois ; je ne crois pas cependant que les faisceaux des deux côtés soient loujours exactement en regard l’un de l'autre. Sur le milieu du bourrelet on trouve des cellules épithé- liales indifférentes, presque cylindriques, larges, à noyaux ovales assez épais : le protoplasma est riche, les cellules ser- rées, sans aucun intervalle. Au contraire, aux endroits où aboulissent les faisceaux nerveux, on aperçoit une mul- titude de noyaux, appartenant pour la plupart à des cellules fusiformes laissant entre elles de nombreux intervalles. Les fibres nerveuses pénètrent profondément dans lépais- seur. de l’épithélium, et là se résolvent en un réseau semé de cellules mullipolaires très nombreuses, situées même parfois non loin des plateaux et continues d’un bout à l’autre de l'organe (71). La plupart des noyaux appartiennent à des cellules de Flemming à long col, à pédoncule grêle issu généralement du réseau, mais dont quelques-uns aboutissent peut-être directement au faisceau nerveux : leurs têtes se voient nettement entre les plateaux de cellules ciliées. Quant à ces dernières, on les voit, en examinant les coupes succes- sives, s’insérer sur la membrane de soulien, au pourtour de la perforation produite par le passage du nerf et se rejoindre par leurs extrémilés distales, laissant ainsi entre elles un espace dont le contour est d’une netteté frappante et qui conlient uniquement des éléments nerveux. En suivant ces coupes successives à tous les niveaux, on établit, sans erreur possible, la continuité de ces deux bandes sensorielles, celle du réseau des fibrilles : les cellules de Flemming se voient aussi à tous les niveaux. Donc l'organe de Spengel du Vermet est caractérisé par l'existence de deux bandes sensorielles symétriques ininter- rompues, desservies par de forts faisceaux nerveux, riches en éléments ganglionnaires et en cellules neuro-épithéliales : ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 193 les régions sensorielles sont nettement séparées des régions indifférentes qui les limitent. b. Strombidés. — La strie des Strombidés comprend trois familles extrèmement voisines, les Chénopidés, les Struth1o- laridés et les Strombidés proprement dits. M. Bouvier à mème mis en lumière quelques caractères inléressants de l'organe de Spengel. Dans ce groupe étendu, il fait observer qu'on trouve des termes de transition entre les fausses bran- chies filiformes et les fausses branchies bipectinées. Dans tous les animaux éludiés appartenant à cette série l'organe de Spengel est extrêmement allongé : il pénètre en avant plus ou moins profondément dans le siphon, se rap- proche de la branchie, et après un coude brusque, se porte en arrière, parallèlement à cet organe jusque dans le voi- sinage du cœur. I est constamment compris dans une gout- lière limilée de part et d’autre par des saillies museulaires, el, dans l’intérieur de cetle goutlière, décrit des sinuosités plus ou moins accenluées. Examinons tout d'abord le Chenopus pes carbonis : J'ai reçu de nombreux individus vivants de cette espèce, qui ont été dragués dans le voisinage d'Arcachon. L'organe de Spengel y présente la forme d’un cordon saillant, formant des si- nuosités irrégulières (fig. 35). Au microscope, sa surface apparait comme hérissée de crêtes longitudinales irrégulières et de mamelons peu prononcés. La structure histologique ne diffère pas de celle du Cyclostome : il y a une assez grande quantité de cellules ganglionnaires; la membrane de soutien est très épaisse, et les filets neuro-épithéliaux sont disposés sans aucun ordre. Dans les Strombus proprement dils, apparaissent, le long des bourrelets, de très pelites lamelles latérales, d’abord dans la parlie qui avoisine le siphon, et qui est la plus volu- mineuse (S. gigas, S. luhuanus) et tout le long du bourrelel dans les autres espèces. Le Pterocera lambis offre le dernier degré dans celte série progressivement différenciée. L’enroulement extrême de l’a- ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, 43. — ART. N° 3. 194 FÉLIX BERNARD. nimal a eu pour résullat de reporter le siphon assez loin de la branchie, et par suite la portion de la fausse branchie qui s'étend entre le bord du manteau et la branchie se trouve allongée d’une façon anormale. C’est encore cette dernière parlie qui est la plus volumineuse. En se réfléchissant en- suite en arrière, le bourrelet décrit des sinuosités irrégulières extrêmement prononcées, se portant brusquement à droite et à gauche (fig. 37). La longueur totale de cette seconde por- tion du bourrelet se trouve ainsi au moins quatre fois plus grande que s'il s'étendait en droite ligne le long de la bran- chie. Mais là ne s'arrête pas la disposition destinée à aug- menter l'étendue de la région nerveuse en contact avec l'extérieur. Tout le long du bourrelet se trouvent, de chaque côté, de véritables arborescences, de longueur et de forme variées, et dont j'aire présenté, dans les figures 37 a et #, les plus importantes, appartenant à la région antérieure (« 4, hg:-37,). Vue au microscope, l’une de ces arborescences se dé- compose en lamelles plus ou moins triangulaires, dont un côté s’insère sur la surface même du manteau, et dont le bord libre est occupé par les branches d’un nerf issu du bourrelet principal. Il n’y a aucune régularité dans le nombre et la disposition de ces lamelles; elles sont plus nombreuses vers la région antérieure de l'organe. Le Strombus bubonius (fig. 36) offre une disposition tout à fait exceptionnelle. L’organe de Spengel, dans toute sa moilié antérieure, est très épais, presque dépourvu de si- nuosités, et muni de part et d’autre de lamelles saillantes, rudimentaires, mais distinctes. En arrière, vers le milieu de la longueur de la branchie, il se rétrécit et se divise en deux branches grèles qui se résolvent rapidement en un ré- seau dont la complexité défie toute description (fig. 36, 36 a). Ce réseau est nettement limité par deux branches disposées à angle aigu. Vus au microscope, les filets qui déterminent ce réseau sont peu sinueux, irrégulièrement anastomosés. La plupart des mailles sont fermées: quelquefois cependant ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIHES, 195 les filets se terminent brusquement sans rejoindre aucun des filets voisins. Ce cas de multiplication de la surface nerveuse n’a pas d'analogue, et aucun terme de transition ne pouvait le faire prévoir. Quelle importance faut-il lui attribuer au point de vue de la classification? Y a-t-1il lieu de faire actuellement pour le Sombus bubonius un genre spécial? je ne le pense pas. Lorsque Bouvier à créé pour le Cerithium læve un genre spécial (Ceratoptilus) parce que la fausse branchie était bipectinée au lieu d'être filiforme, il avait eu soin de faire observer que cet animal avait un système nerveux tolalement différent de celui des vrais Cérithes. La dissection du Strombus bubonius, que je n'ai malheureusement pas pu faire, donnerait peut-être aussi des résultats intéressants. Dans le Terebellum, l'organe de Spengelest encore un long filet sinueux, qui se porte d'abord en arrière et, après avoir atteint l'oreillette, re vient brusquement en avant en longeant de près la branchie : il Himile ainsi un large espace triangu- laire sans organe. Il est hérissé dans toute son étendue de lamelles très serrées. Je me propose d'étudier bientôt l’ana- tomie de ce singulier animal, dont M. Fischer a mis avec la plus grande obligeance deux bons exemplaires à ma dispo- sition. M. Bouvier, qui a bien mis en évidence les analogies anatomiques de la série des Strombidés avec celle des Pro- boscidifères Siphonostomes, pourvus, comme on sait, d'une fausse branchie bipectinée, conclut ainsi (p. 188) : « C’est sans doute dans la famille (éteinte) des Columbellinidés qu'a dû s'effectuer la transformation dela fausse branchie fili- forme, mais déjà bipectinée, des Strombidés, en une fausse branchie courte et très largement bipectinée. » À celle manière de voir on peul faire une objection. La fausse branchie courte, ramassée des Siphonostomes ne semble pas dériver directement de celle des Strombidés où elle est allongée et sinueuse. Nous trouverons ailleurs les termes de passage cherchés par Bouvier. Dans tous les cas, 196 FÉLIX BERNARD. les Strombidés forment une série naturelle dans laquelle les divers organes se modifient parallèlement comme l'a montré M. Bouvier dans une des parties les plus intéressantes de son mémoire. M. Bouvier a également étudié avec soin, deux familles importanies. Après avoir fait ressortir les rapports étroits qui lient les Melanidés et les Cérithidés, il étudie un grand nombre de genres et conclut ainsi : «Ces deux familles, par leurs ramifications parallèles, établissent en même temps et chacune de leur côté, un passage naturelentre les Holostomes el les Siphonostomes, entre les Dialyneures et les Zygoneures, entre les Pectinibranches à fausse branchie filiforme et les Pectinibranches à fausse branchie bipectinée. Il est intéres- sant de remarquer combien sont corrélatives ces modifica- tions, l’une entraînant pour ainsi dire l'autre » (61), p. 155). M. Bouvier nous fait saisir sur le fait le mécanisme par lequel une branche nerveuse anaslomotique, d’abord située à droite dans le manteau bien loin des ganglions chez les Mélanies et les Cérithes proprement dits, se {transforme graduelle- ment en une commissure unissant directement le ganglion palléal droit au ganglion sous-intestinal dans le Cérithidé pour lequel M. Bouvier a créé le genre Ceratoptilus. Or, préci- sément dans cel animal la fausse branchie est large et bipec- tinée, au lieu d’être longue et filiforme comme dans tous les autres genres des deux familles. Ce fait {très important montre que la différencialion de l'organe de Spengel en fausse bran- chie bipectinée est en connexion avec toutes les modifica- tions des caractères dans le sens d’un perfectionnement. Je n'ai étudié spécialement qu'un animal de la famille des Cérithidés : le Ceruhium vulgatum qui provenait de la station zoologique de Naples. Or, cette élude confirme pleinement les vues de M. Bouvier. Cet auteur avait bien observé que le bourrelet est bordé de Lrès pelites lamelles transversales très peu saillantes. J’ai fail des coupes transversales dans cet or- gane pour rechercher la distribution des éléments nerveux, el je me suis trouve en présence d’une disposilion assez cu- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 197 rieuse (fig. 22 et 22 w). La partie essentielle de la masse ner- veuse est consliluée par un »er/ volumineux A, où les élé- ments cellulaires sont excessivement rares : rien n'indique une tendance à la constitution d'un ganglion. Des feuillets assez réduits sont disposés sur le bourrelel, mais non pas symétriquement à droite et à gauche ; ils alternent d’un côté et de l’autre et chacun d'eux déborde au delà de la ligne mé- diane : au lieu de s'étendre sur le côlé, en forme d'ailes, comme cela a lieu dans les fausses branchies bipectinées, cha- cun d'eux recouvre le bourrelet. Il en résulte que les deux côlés du bourrelet se trouvent libres. Or, sur chacun de ces côlés, existe une aire sensorielle bien limitée, continue dans loute la longueur du bourrelet et semblable à celle que j'ai décrite chez le Vermet. On y trouve de nombreuses cellules multipolaires et des cellules de Flemming très allongées. Les faisceaux issus du nerf central qui desservent cette double zone sont volumineux et disposés sans régularité. Les nerfs destinés aux feuillets naissent par paires el in- nervent chacune une seule face du feuillet. Is ne corres- pondent pas toujours régulièrement aux nerfs des zones latérales. Sur les feuillets l'épithélium est assez haut, pig- menté, riche en cellules de Flemming éparses, mais abon- dantes surtout sur le tranchant externe. La disposition que nous avons vu apparaître chez la Lit- torine, qui s'exagère chez le Vermet, se retrouve donc encore ici, mais de plus on voit se former de pelites lamelles qui ‘appellent tout à fait celles des Strombidés. Mais ici l'organe est bien plus raccourci. $ 4 — Organe de Spengel des Naticidés et des Lamellariidés. Nous allons éludier maintenant deux familles importantes, très voisines l’une de l’autre ; la famille des Narticidés et celle des Lamellariüdés. Les affinités de ces deux familles sont difficiles à établir. La coquille ressemble à celle des Rhipi- diglosses ; le système nerveux est zygoneure à gauche, chez les Natices, et deux fois zygoneure chez les Lamellaires. Le 198 FÉLIX BERNARD. mufle forme une trompe peu développée; ces deux familles sont placées par Bouvier entre les Rostrifères (Lillorines, Pa- ludinés, Strombidés) et les Proboscidifères Siphonostomes, Triltonidés, etc.) L'auteur ne dit pas cependant qu'elles établissent véritablement une transition entre deux groupes quelconques : au point de vue tout spécial qui nous occupe, la (transition entre les Rostrifères et les Proboscidifères Sipho- nostomes se trouve réalisée d’une manière assez frappante. J'ai étudié plusieurs Natices, les unes fraiches, les autres conservées, ce sont: NV. monilifera, provenant de Saint-Vaast, N. hebræa et NN. josephinia de Naples, el deux grosses Na- lices indéterminées des doubles du Muséum ; je n’ai pas trouvé d'une espèce à l’autre de différence importante. L'organe de Spengel est toujours long, mais ne s’élend jamais d'un bout à l’autre de la branchie. En avant il se recourbe vers la gauche, comme s'il allait pénétrer dans un siphon. Un peu au delà de sa courbure il reçoit un nerf extrêmement volu- mineux et saillant, provenant du ganglion supra-inteslinal. Les feuillets sont courts et assez espacés; au moins ils pa- raissent tels quand ils sont dépouillés de l’épithélium qui est très épais. J'ai recherché sur des coupes, dans la Natica hebræa, comment était constituée la masse nerveuse centrale qui est ici assez volumineuse; j'y @ trouvé la structure typique d'un ganglion; c’est la première fois que nous observons ce fait dans la série des Monotocardes. Les cellules ganglionnaires sont très distinctes, plus volumineuses que chez les Cassi- daires, mais bien moins nombreuses et plus espacées ; la plu- part sont wnipolaires au sens que nous atlachons à ce mot (voir [T° partie, chapitre 1), et le prolongement principal est, comme toujours, tourné vers le centre. Des faisceaux de fi- bres transverses isolent des îlots de cellules et forment des cornes épaisses disposées avec symétrie. Dans toutes les espèces étudiées, le nerf du feuillet est volumineux, situé comme loujours le long du bord libre : mais je n’ai pas pu en observer les ramificalions : on doit se ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES, 199 rappeler que les feuillets de la fausse branchie sont très réduits, ce qui rend la dissocialion de l’épithélium difficile. Cependant j'ai pu vérifier sur les coupes qu'iln’existait aucune ramificalion importante dans l'épaisseur du feuillet : le nerf s'incurve, s'élargil vers le sommet du feuillet, el disparait tout à coup. Au-dessus de lui s'étend une large zone pig- mentée qui recouvre tout le bord libre; l'autre moitié est occupée par un sus déjà très appréciable, mais mal déli- mité et dépourvu de branches définies. On est ici visiblement en présence d’une disposition an- nonçant, àunélat encore rudimentaire, la structure que nous avons vue portée à son maximum de différencialion dans la Cassidaire. La famille des Lamellariidés, si voisine de celle des Nalicidés, va nous faire faire un pas de plus dans la voie du développement progressif. Dans les Marsenia l'organe de Spengel est massif, plus saillant que dans les Nalices, formé de lamelles bien dis- linctes et très rapprochées. Ces lamelles débordent peu en dehors de leur ligne d'insertion; la surface libre offre une courbure régulière et peu prononcée. On y {rouve, déjà très développée, la distinction en zones nerveuses pigmentées, et sinus (fig. 32). Le nerf principal est formé de quatre filets associés deux à deux dans le voisinage de chaque face. Ces différents filets émettent une branche dans chacune des anses pigmentées ; la dissociation de ces filets se fait avec la plus grande facilité et montre avec évidence les noyaux propres du nerf. Les anses pigmentées sont généralement au nombre de trois; une quatrième, peu développée, s'ajoute dans les plus grands feuillets. En vertu de la forme un peu spéciale des lamelles, ces anses pigmentées ne sont pas parallèles; elles convergent fortement vers la région externe du feuillet. La forme des sinus résulle aussi de ce qui précède; on sait qu'une grande lacune s'élend constamment sous tout l'organe de Spengel; c'est près du bord externe du feuillet que se fait la communication la plus large de celte lacune avec les sinus; les branches de ceux-ci vont en divergeant en éven- 200 FÉLIX BERNARD. tail entre les zones nerveuses. Des fibres musculaires puis- santes courent le long de ce bord externe; quelques-unes également volumineuses suivent à une grande distance ce même bord, tournant leur convexité vers l'intérieur de l'organe. Ce qui précède montre l'analogie profonde qui existe entre l'organe de Spengel des Marsenia et celui des Proboscidi- fères Siphonostomes ; il suffira d’allonger le feuillet pour oblenir presque exactement celui du Dolium (fig. 24). $ 5. — Organe de Spengel des Proboscidiféres Siphonostomes. Le groupe des Proboscidifères Siphonostomes renferme les Ténioglosses les plus élevés en organisation (siphonos- tomes, zygoneures, proboscidifères, munies de fausse bran- che bipeclinée et de pénis puissant). Ces animaux peuvent être considérés comme les Prosobranches les plus normaux, placés au centre du groupe ; les diverses familles qui com- posent celte section (Cassididés, Trilonidés, Doliidés) sont très voisines les unes des autres; en particulier l'organe de Spengel ne présente pas de variations très imporlantes. Aussi la longue description que j'ai donnée de la fausse branchie de la Cassidaire me dispense d'entrer dans de longs détails au sujet des animaux voisins. J'ai étudié, outre la Cassidaria tyrrhena que j'ai prise pour type, le Cassis saburon et la Ranella gigantea provenant d'Arcachon, le Triton variegatum et le Dolium galea de Naples. Ces quatre genres présentent pour les lamelles de l'organe olfaclif un nerf principal avec des ramifications régulières, et un sinus bien endigué avec des culs-de-sac alternant avec les aires nerveuses. La description et les figures que l’on a vues plus haut (T° partie, chapitre T1, pl. 1) s'appliquent de tout point au Cassis saburon aussi bien qu’à la Cassidaria tyrrhena. Une régularité presque schématique se manifeste chez la Ranella (Mg. 25). Mais les grandes branches du nerf prin- cipal, au lieu de se ramifier en arborescence comme chez la / ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIHES. 201 Cassidaire, continuent leur trajet jusqu'au bord du sinus, el là, se résolvent brusquement en une foule de fibrilles qui pé- nèlrent tangentiellement dans l'épithélium ; jusque-là, le nerf n'émet à droite el à gauche que de très pelits rameaux. On conçoit que les grosses branches de la Cassidaire permettent de pousser plus loin l'étude du réseau interépithélial. C'est pourquoi j'ai préféré la Cassidaire à la Ranelle pour Pétude histologique détaillée. De plus, chez la Ranelle, existent de fortes crêtes saillantes dues à l'épaississement de la mem- brane de soutien ; ces crêtessont parliculièrementnombreuses précisément au point où se lermine le nerf, et, comme les rameaux de ce dernier, elles sont disposées en éventail à lex- trémilé des aires nerveuses, et leur présence rend difficile l'étude des {issus sous-jacents. Ces particularités permettent de distinguer à première vue une lamelle de l'organe de Spengel d’un Tritonidé de celle d’un Cassididé. Chez le Dolinm galea (Hg. 27) les Tamelles sont énormes, el les ramificalions du nerf se mulliplient jusqu’à atteindre le nombre quinze. Le nerf principal n'est pas simple : il se compose de deux troncs volumineux non pas superposés, mais /urtaposés. Le plus rapproché du bord inférieur (à gau- che, fig. 27) est formé à son {our de deux faisceaux super- posés, el nettement séparés par une cloison sur toute leur étendue: ilenvoie de distance en distance, sans aucune régula- rité, de courts rameaux dirigés vers le bord inférieur du feuil- let et qui pénètrent {rès rapidement dans l'épithélium ; ces rameaux sont doubles, et accolés respectivement à chacune des deux faces. Il en est de même des branches, bien plus volumineuses et plus régulières, que le tronc inférieur émet vers le bord opposé : les deux faisceaux qui forment chaque branche sont distincts dès leur origine. Arrivés au point où ils rencontrent le {ronc interne, ils s’'écartent de manière à l’envelopper, ets'adjoignent chacun deux branches issues de ce dernier, de sorte que sw chaque face se trouvent trois filets distincts à l'origine : en s'allénuant à leur partie distale, ces trois filets deviennent concourants el se Lerminent en- 202 FÉLIX BERNARD. semble. C’est, comme nous l’avons annoncé, une complication dont nous trouvons les premières (races chez les Marsenia. S 6. — Organe de Spengel des Rachiglosses. Dans les Rachiglosses, M. Bouvier distingue deux séries, comprenant chacune des types présentant d’étroites affinités ; la première renferme les Fusidés, Mitridés, Buccinidés, Mu- ricidés, Purpuridés, etc. La seconde, les Volutidés, Olividés, Harpidés. J’ai étudié dans ce groupe les espèces suivantes : 1° Buccinum undalum: Murex erinaceus et trunculus ; Nassa reticulata et mutabilis: Purpura lapillus; Fasciolaria tulipa; Concholepas peruvianum. 2° Voluta scapha el Neptuni: Harpa ventricosa. Les quatre derniers genres ont été éludiés sur des exem- plaires provenant de la collection du Muséum. Dans tous ces types, la fausse branchie est constiluée exac- tement de la même manière : le nerf principal est relative- ment plus volumineux que chez les Ténioglosses ; il est formé de faisceaux plus nettement séparés. Comme précédemment, quelques branches sont émises vers le bord inférieur; la plupart des branches sont dirigées vers le bord externe. Elles sont, dès leur origine, disposées dans deux plans; mais leur inserlion, leurs dimensions, leur nombre, leur mode de ramification, ne présentent aucune régularité. D'après Spengel, « lanlôt les faisceaux nerveux ont un long trajet à l’intérieur de l’épithélium (Nassa), lantôt ils restent dans la couche conjonetive (Murer), et ce ne sont que leurs der- nières ramifications qui pénètrent dans l’épithélium » (p. 337). L'observation est exacte, et l’on peut dire que, parmi les genres que J'ai éludiés, c’est le Buccin dont les nerfs fournissent, dans le {issu conjonctif, la course la plus longue (fig. 28). Mais la différence s’accentue bien davantage quand on arrive aux Volutes (fig. 30), aux Harpes et aux Ofives. La partie du système nerveux comprise entre les deux lames de soutien du feuillet est réduite au nerf principal et à un court ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 203 tronçon des premières ramifications; le nerf se perd fout de suite dans lépithélium. Le Concholepas présente une disposition un peu spéciale. Le nerf principal se divise, dès son entrée dans le feuillet, en plusieurs branches dont deux, plus volumineuses et plus lon- gues, arrivent jusqu'à la pointe: ces deux gros troncs envoient des troncs de chaque côlé, mais principalement vers le bord externe, comme à l'ordinaire. Chez la Fasciolaire (fig. 29), au lieu d’un tronc principal unique, on trouve deux troncs parallèles, qui comprennent chacun deux faisceaux volumineux se croisant plusieurs fois. Cette disposition rappelle incontestablement celle qui existe dans le Dolium, et, comme dans cet animal, les filets issus du nerf inférieur, plus volumineux, embrassent le tronc interne, et vont se perdre bien au delà. Mais il existe aussi des dif- férences importantes. Dans le cas présent, quelques branches établissent des anastomoses entre les deux troncs; les rami- ficalions des deux systèmes sont irrégulières et ne se rejol- gnent pas. Ajoutons qu'ici les trabécules musculaires {rans- versales sont alignées avec une très grande régularité le long du bord inférieur, à côté du nerf principal. Le sang doit cir- culer dans cet espace avec une grande facilité. Un caractère tout aussi général, el au moins aussi impor- tant, est {iré de l'absence de ranufication des sinus sanguins. Ce fait est évidemment en connexion avec l'irrégularité des ramifications nerveuses. Si l’on injecte une fausse branchie de Buccin, de Pourpre où de Murer, on voit la masse passer indifféremment le long de l’un ou l'autre bord, et pénétrer avec difficulté dans l'intérieur du feuillet. Le même aspect s’observe si l’on examine des préparations colorées faites sur des animaux conservés dans l'alcool; comme le sang coagulé se Leinte très fortement par le bleu de méthylène, il est facile d'observer qu'il est abondant, principalement dans les espaces libres qui longent chacun des deux bords. Dans la Voluie, il y a un commencement d’endiguement : les cellules conjonclives sont abondantes, surtout vers le centre, et éla- 204 FÉLIX BERNARD. blissent, le long du bord externe, une sorte de paroi obli- geant le liquide sanguin à faire tout le tour du feuillet. S 7. — Organe de Spengel des Cypræidés. J'ai réservé avec intention l'étude des Cypræidés, jusqu’au moment où nous connaissons l'organe de Spengel des Rachi- glosses. La distribution du nerf, dans le feuillet de la Cyprée, rappelle en effet, d’une manière frappante, ce que nous avons trouvé dans les Volules : le nerf principal est irrégulier, volu- mineux, el donne de courtes branches qui sortent rapidement au dehors, el se ramifient irrégulièrement. Le sinus est mal endiguéet sans cul-de-sac. Les deux formes que j'ai examinées (C. Arabica et C. Errones) présentaient ce caractère, tout à fait exceplionnel pour un Ténioglosse. Mais on se souviendra que ce singulier animal présente, d'autre part, plusieurs parti- cularilés réservées généralement à des formes bien inférieures, par exemple, les cordons pédieux scalariformes caractéris- tiques des Rhipidoglosses et des Paludines (Bouvier, p. 217). D'autre part, le rein, d’après M. R. Perrier, présente des trails importants rappelant les Rachiglosses. L'ensemble de l'organisation, pour M. Bouvier, rapproche les Cyprées des Natices (61, p. 226). M. R. Perrier trouve aussi, entre les deux groupes, quelques affinités. Il serait illusoire de compter sur l'organe de Spengel pour définir la position d'une fa- mille aussi aberrante: je me proposerai simplement ici d'expliquer la forme singulière de la fausse branchie, déjà signalée et dessinée exactement par Poli et Delle Chiaje, par Quoy et Gaimard, el un grand nombre d'auteurs plus récents. Cel organe est silué au centre d’un large espace semi- circulaire, compris entre le corps et la branchie qui s’in- curve fortement, et vers son milieu s'éloigne à une assez grande distance de la ligne d'attache du manteau. Il résulte de ce fait que l'organe de Spengel peut prendre un dévelop- pement tout à fait remarquable; la masse nerveuse centrale, sur laquelle sont disposés de part et d'autre les feuillets, est constituée par trois branches partant d'un même point : les ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 205 feuillets sont plus longs dans la région centrale, et vont en décroissant aux extrémilés des branches de support, si bien que la figure de l'organe considéré dans son ensemble est celle d’un triangle équilatéral. Ilest important de remarquer qu'une des branches de l’éloile formée par le support est sensiblement normale à la ligne de suture du manteau. Celle disposition, d’après M. Bouvier (p. 227), est déjà annoncée, dans les Naticidés, par une courbure {rès sensible que nous avons déjà signalée à la partie antérieure de l’or- gane; j'ajouterai qu'il est un genre où la tendance à la forme triangulaire est encore bien plus accusée : c’est la petite Trivia commune sur nos côtes. Dans cet animal, l'organe de Spengel se compose simplement de deux moitiés, l’une anté- rieure, l’autre postérieure, coudées brusquement à angle droit, et suivant, dans leur direction générale, le bord soudé du manteau, comme cela a toujours lieu chez les Monoto- cardes. Cet angle est par suite orienté de telle sorte qu'il est tout naturel de supposer que la troisième branche, observée chez la Cyprée, est simplement surajoutée à son sommet. L'anomalie des Cypræidés se ramène ainsi facile- ment au cas général. S 8. — Organe de Spengel des Toxiglosses. J'ai examiné des Conus mediterraneus provenant de Naples et des Conus indélerminés de la collection du Muséum. La structure de Ia fausse branchie, {toujours constante, rappelle très exactement celle des Ténioglosses Siphonostomes (fig. 51). Il existe dans chaque feuillet un nerf principal assez grêle, mais très net, donnant de longues branches, nom- breuses et rapprochées, séparées par des culs-de-sac san- guins également allongés. Ce résultat est bien différent de celui que je m'attendais à trouver, étant donné que l’ensemble de l’organisation des Conidés rapproche ces animaux, non pas des Ténioglosses, mais des Rachiglosses, comme l'a démontré M. Bouvier. Au point de vue du système nerveux, les Terebra font la transi- 206 FÉLIX BERNARD. lion des Cones aux Pleurotomes, et par ceux-c1 aux Pur- pura ; la glande à venin à une homologue chez les Rachiglos- ses, en outre des glandes salivaires ordinaires (61, p. 329). Le système nerveux est zygoneure, les colliers nerveux sont traversés par les glandes salivaires; 11 y a un pénis, un siphon, un seul otolithe : tous ces caractères, constants chez les Rachiglosses et les Toxiglosses, ont amené M. Bouvier à réunir ces deux groupes dans une section commune, pour laquelle il a créé le nom de Srénoglosses (p. 471). L'absence de dent centrale à la radula des Cones et des Terebra ne peut évidemment pas contre-balancer une aussi profonde analogie dans les caractères anatomiques essentiels. M. R. Perrier admet ces conclusions, et trouve que le rein des Toxiglosses est intermédiaire entre celui des Ténioglosses et celui des Rachiglosses. Mais l’élude de l'organe de Spengel, qui jusqu'ici avait révélé des variations en parfaite concordance avec les diffé- rences capitales des autres organes, nous amène, pour la première fois, à des résultats discordants. Je ne crois pas qu'il faille, pour cette exception, infirmer les résultats mor- phologiques que j'ai énoncés plus haut, el encore moins mettre en doute les affinités auxquelles une étude approfondie et minutieuse de l’ensemble de l’organisation a conduit M. Bouvier, relativement à ce pelit groupe si singulier des Toxiglosses. | $ 9. — Résumé. Il est facile de résumer en quelques ligne la différencia- tion progressive de l'organe de Spengel des Monotocardes. Cette différenciation suit une marche tout à fait régulière et continue, et l'organe présente une structure constante dans toute l'étendue de chacun des groupes naturels. S'il offre des caractères anormaux, on peut être certain que l'animal dont il s’agit est fortement aberrant par des trails impor- tants de son organisation (Exemple : Valvée, Patellidés, Cy- prée, et comme nous le verrons bientôt, Paludine). ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 207 Dans la Va/vée, existe un ganglion sensoriel {rès net indé- pendant du nerf branchial: celui-ci est aussi sensoriel tout le long du support branchial. Ainsi se trouvent réalisées à la fois les dispositions caractéristiques des Diotocardes et des Monotocardes. L'organe de Spengel le plus simple est celui des Littori- nidés (4); c’est un nerf au centre d’un bourrelet conjonctif. Dans les Cyclostomidés apparaissent des cellules ganglion- naires. Le Vermel possède de chaque côté du bourrelet une bande où l'épithélium est nettement différencié, et riche en cellules multipolaires et neuro-épithéliales. Les faisceaux nerveux allant à cette bande sont déjà bien plus volumineux que dans les cas précédents. Celte disposition persiste chez le Cerithium vulgatum; mais de plus, on voit apparaître de petits feuillets où des nerfs importants se répartissent sur chaque face dans l'épithélium. Les Cérithidés et les Strom- bidés ont un organe de Spengel très long, s'étendant d'un bout à l’autre de la branchie et pénétrant en avant dans le siphon ; on y frouve toujours de petits feuillets irréguliers plus ou moins développés. Les organes de Spengel du P1e- rocera, du Terebellum, du Strombus bubonius présentent des dispositions intéressantes destinées à augmenter la longueur du cordon nerveux. Les Nalticidés (Semi-Proboscidifères Holostomes) éfablis- sent une transition très nette entre les Rostrifères (Holosto- mes, et les Proboscidifères Siphonostomes (Cassididés, Do- liidés, Tritonidés). Dans les Nafices, les feuillets sont peu développés, le nerf faiblement ramifié; chez les Lamellaires apparaissent {rois branches importantes séparées par des sinus sanguins nette- ment limités. La disposition que nous avons signalée chez la Cassidaire se reproduit dans ses traits essentiels chez tous (1) Il est bien entendu que, pour abréger, dans tout ce qui suit, je prends seulement les noms des familles principales ; celles qui s'y rattachent sont citées dans le corps du chapitre. 208 FÉLIX BERNARD. les Proboscidifères Siphonostomes : le nerf est abondamment et régulièrement ramifié, el il existe des sinus à larges culs- de-sac. Les zones nerveuses et indifférentes de l’épithélium sont nettement délimitées. La figure présentée par l'ensemble de toutes ces parties est caractéristique de chaque genre. Les Toxiglosses, que l'ensemble de leur organisation rapproche des Rachiglosses, dépendent incontestablement des Ténioglosses sous le rapport de l'organe de Spengel. Au contraire la Cyprée, nettement Ténioglosse, mais aberrante, ressemble aux Rachiglosses à ce même point de vue. Le nerf des feuillets, chez les Aachiglosses, est irrégulière- ment ramifié, el ses divisions pénètrent parfois immédiale- ment dans l'épithélium; il n'existe pas de sinus, et on ne peut trouver de distinction entre les régions sanguines ou nerveuses: les cellules neuro-épithéliales sont irréguliè- rement distribuées sur loule la surface. Néanmoins la figure présentée par le nerf et ses premières ramifications définit assez bien les groupes nalurels. La complication graduelle de l'organe de Spengel corres- pond d’une manière frappanle à la différenciation d'organes importants, tels que le rein, le siphon et la trompe. Elle est parallèle aussi à la concentration progressive du système nerveux. Ainsi se trouvent confirmées les vues de Spengel et de Bouvier, au détriment de celles de Jhering. L’organe de Spengel ne peut êlre considéré comme un organe qui va en se réduisant dans les animaux les plus élevés ; au con- lraire, c’est d'abord une région sensorielle mal différenciée, mal définie, qui brusquement, quand on passe des Dioto- cardes au Monotocardes, acquiert une existence indépen- dante; il se complique peu à peu, tout en gardant des caractères hislologiques invariables qui démontrent la cons- lance de son rèle sensoriel: il alleint son maximum de différencialion, sinon chez les Rachiglosses qu'on peul consi- dérer comme les Prosobranches les plus élevés, du moins chez les Ténioglosses Siphonostomes, déjà fort différenciés qui ne sont en arrière sur les précédents qu’au point de ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 20! vue de la concentration des ganglions nerveux et de la com- plicalion de l'appareil rénal. CHAPITRE IV PROSOBRANCHES DÉPOURVUS D'ORGANE DE SPENGEL. Je n'ai retrouvé que deux familles de Prosobranches où l'organe de Spengel fasse défaut : ce sont les Æélicinidés et les Cyclophoridés. À propos de celte dernière famille, j'ai fait une conslalation intéressante. J'avais examiné deux échantil- lons de la collection du Muséum, déterminés Cyclostoma prominulum et Cyclostoma gibbum, provenant de l'Indo- Chine : je voulais savoir si dans ces types exoliques l’organe de Spengel était constitué comme chez notre Cyclostoma elegans. Or Je n'ai pas trouvé {race de cet organe: le man- leau ne présente pas la moindre saillie du côté droit. J'ai alors disséqué le système nerveux et j'ai constalé qu'il est absolument identique à celui du Cyclophorus tigrinus, tel que l’a décrit M. Bouvier. Ces prétendus Cyclostomes sont donc bien des Cyclophores. J'ai fait des coupes dans la région en question, dans les {rois espèces précitées. J'ai vu que le ganglion sus-inteslinal est profondément situé el n'envoie pas de filet à l'épithélium. Il est à remarquer que les deux seuls groupes qui soient dépourvus d’organe de Spengel sont précisément des types terrestres. Ce fait doit être rapproché de celui qui a été éta- bli définitivement par Sarasin (50), à savoir que les Pulmonés terrestres en sont aussi lous dépourvus. Cependant dans les Prosobranches, le Cyclostome, qui est lerrestre, est encore muni d’un organe de Spengel en tout semblable à celui de la Litlorine. Mais toute l’organisalion du Cyclostome montre indisculablement que cel animal n’est qu'une Lillorine à peine modifiée pour la vie aérienne; la branchie même n'a pas complètement disparu. Il n’est donc pas étonnant que l'organe de Spengel ail persisté. ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, 14. — ART. N° 3. 210 FÉLIX BERNARD. En {ous cas, si cet organe était destiné uniquement à l'olfaction au sens où l’on entend ce mot dans les animaux supérieurs, nous le verrions se développer, se compliquer même, dans les animaux terrestres. Or il n’en est rien. Nous üirerons plus tard (V° partie, chapitre 1) des conclusions de ce fait important. CHAPITRE V ORGANE DE SPENGEL DES PATELLIDÉS. J'ai réservé pour un chapitre spécial l'étude de l'organe de Spengel des Patellidés, non seulement parce que cet organe présente des particularités qu'on ne rencontre dans aucun des types étudiés jusqu'ici, mais surtout parce qu'il est impossible, dans l’état actuel de nos connaissances, de rapporter avec certitude cette famille singulière à l’un ou l’autre des groupes primordiaux des Prosobranches. Aucun groupe n'a été plus ballotté dans toute la série des Mollus- ques. Après avoir figuré avec les Chitons parmi les Cyclo- branches dans la classification de Cuvier, les Patellidés ont élé mis à part en 1843 par H. Mirxe-Epwarps, qui fait des Chitons un groupe satellite des Prosobranches. TRosCHEL (7 1) crée pour eux le groupe des Docoglosses. Sous l’un ou l’autre de ces deux noms, les Patellidés continuent, pour Gray (3), Bron et KEFERSTEIN (7/9), DALL (25), etc., à constiluer un sous-ordre distinct. JHEerING les range parmiles Chiastoneures Anisobranches avec les Rhipidoglosses marins et certains Té- nioglosses. SPENGEL Y voit des formes de passage entre les Zygobranches (Scutibranches à deux branchies) et les Azygo- branches, qui renferment tous les autres Prosobranches. Claus revient aux anciennes classifications et fait pour les Patellidés sous le nom de Cyclobranches un ordre d’égale importance à celui des Aspidobranches (Diotocardes) et des Ciénobranches {Monotocardes). M. FiscHEer (78) le rapproche des Rhipidoglosses et sous le nom de Docoglosses en fait une ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIHES. 211 des deux grandes subdivisions des Sculibranches (Dioto- cardes). M. Bouvier (p. 2%) approuve complètement cette manière de voir, il montre que les Tectures, Lepeta, etc., doivent rentrer dans les Patellidés et que le groupe ainsi conslilué présente les rapports les plus étroits avec les Rhipidoglosses. La lendance qui semble dominer, on le voit, est celle qui rapproche les Patellidés des Diolocardes; la disposition du système nerveux semble concluante à cet égard. Mais des {ravaux tout récents viennent remettre en doute toute la question en montrant des affinités nouvelles avec les Mono- tocardes. En 1887, M. WEGmanx (65) montre que le cœur de la Pa- telle n’est pas traversé par le rectum, et qu'il a seulement une oreillette. Ce qu’on prenait pour une seconde oreillette n’est autre chose qu'une sorte de bulbe artériel disposé sur le trajet de l'aorte. Cette découverte est confirmée par M. Rémy Perrier. Au point de vue des organes rénaux, cet animal est aussi singulièrement aberrant. Il possède deux reins, comme l'ont démontré R. Lankester et Cunninghammais; le rein gauche n'a rien de commun avec le canal papillaire des Sculibranches ; il suffirait, d'après M. Rémy Perrier, de supprimer une mince cloison séparant les deux organes pour que ce rein gauche, le moins développé des deux, devint tout à fait semblable à la bande glandulaire décrite par lui sous le nom de glande hémalique, qui longe le péricarde des Monolocardes, qu'on avait considérée jusqu'ici comme un simple lobe droit. M. Rémy Perrier considère les Docoglosses comme dis- tincts à la fois des Monotocardes et des Diotocardes : il crée pour eux le sous-ordre des ÆHétérocardes. $ {. — Historique. L'organe de Spengel de la Patelle a été découvert en 1862 par P. Bert (/8), qui le signale dans une courle note con- sacrée à l’anatomie du système nerveux. Je crois utile de 212 FÉLIX BERNARD. ciler x extenso cet intéressant passage, de même que j'ai cité les phrases de M. de Lacaze-Duthiers relatives à l’or- gane de Spengel du Vermet. On sera frappé de voir presque à la même époque les deux savants zoologistes émettre des idées analogues, encore hypothéliques, il est vrai, mais que les recherches récentes ont complètement justifiées. « On aperçoit, dit P. Bert, situés l’un en face de Pautre à droite de l'anus deux petits mamelons de 1 millimètre en- viron de diamètre, sur lesquels la peau s’amineil en formant quelques plis peu marqués. J’appelle laltention sur ces deux petits organes que leurs insignifiantes dimensions avaient fait jusqu'ici négliger. » — P. Bert signale ensuite l'existence, dans ces organes, d’un ganglion; il en démontre l'homologie avec le ganglion branchial décrit par M. de Lacaze-Duthiers chez l'Haliotide. « Peut-être ne serait-1l pas trop hardi de considérer comme des branchies avortées, mais restées en vestige à leur place normale, ces pelits organes sur lesquels j'insistais tout à l'heure. Cette hy- pothèse serait confirmée par l’observalion des Patelloïdes el des Fissurelles, qui, semblables aux Patelles par le reste de leur organisalion, présentent cependant au fond de lex- cavalion sus-céphalique une ou deux branchies de forme ordinaire. Les lamelles circulaires auxquelles est confiée chez la Patelle la fonction de la respiration ne seraient donc, au point de vue anatomique, qu'un dédoublement du manteau, dédoublement dont on trouve déjà un indice dans le Parmophore et les Patelloïdes. Grâce à cette inter- prétalion, l'appareil respiratoire de la Patelle, qui présente une anomalie si étrange et presque unique parmi les Mol- lusques, renlrerait dans le plan commun; et le système ner- veux, ici comme en tant d’autres circonstances, retrouverait l'empreinte du type, au milieu des plus profondes modi- ficalions physiologiques. « Quant aux fonctions de ces pelils organes auxquelles je ne crains pas d’altribuer une sérieuse importance anato- mique, j'avoue que, voyant ce gros ganglion nerveux en con- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. AE lactavec la peau amincie, je ne puis m'empêcher depenser à un appareil de sensation, peut-être à l'organe o//actif, lant pro- mené par les analomistes. Mais là où l'observation directe fait défaut, où l’expérimentalion est impossible, il serait puéril de s'arrêter longtemps à une simple induction. » Deux observateurs ont décrit dans la saillie palléale de la Palelle une ouverture extérieure : Ray LANKESTER l'ap- pelle orifice capito-pédieur et dit qu'il s'ouvre dans les sinus sanguins qui entourent le sac pharyngien (p. 334). Ailleurs il revient sur celle opinion el la considère comme un pore génital. En dernier lieu il reconnaît enfin que c’est un organe clos. Après lui JHERING à cru voir aussi la saillie percée d’un perluis, orifice nuqual (36, p. 605), mais il ne peut pas trou- ver son ouverture interne; il croit cependant que cet orifice met en communication les espaces sanguins avec l'extérieur. Jhering n'a d’ailleurs pas aperçu le ganglion, décrit quinze ans auparavant par P. Bert. SPENGEL, après avoir exposé sommairement la topographie du système nerveux de la Patelle, décrit à côté de chacun des ganglions une petite papille traversée par un réseau de canaux relalivement vastes, qu'il considère comme une bran- chie rudimentaire. « Cela est prouvé, dit Spengel, par les re- lations avec l'appareil circulaloire aussi bien que par la comparaison avec les organes voisins ; les organes en ques- tion ne sont ni des ouvertures génilales ni des ouvertures vasculaires (43, p. 345).» CuxxINGHAM (7) a fait des coupes dans les papilles de la Patelle pour prouver la valeur des figures données par Spengel sur leur structure, il les décrit en quelques lignes. «Il n°y a pas de doute qu’une partie de ces papilles ne soit un organe sensoriel homologue à celui qui reste sur le support bran- chial de l'Haliotide. De la commissure viscérale, un nerf peut être suivi montant à chaque papille, ainsi que Spengel le décrit, et, sur des coupes, un ganglion nerveux se voil sur l'épithélium, comme dans sa figure. A clé de ce ganglion 214 FÉLIX BERNARD. on voit une structure cellulaire surmontée par du tissu con- jonclif (??) et divisé par des tubercules en compartiments de grandeur variable. Ceci peut être le rudiment branchial, mais 1l est au-dessous de lépithélium et n’est pas une for- malion spéciale de lui » (p. 369). M. Weamanx se borne à dire que « la place des vraies branchies est marquée par deux taches rougeâtres de chaque côté de la tête au fond de la cavité palléale. Spengel a attribué à ces pelits organes des fonclions olfactives, tandis que d'autres zoologistes les prennent tout simplement pour des branchies rudimentaires, ce qui me paraît plus rationnel. » M. Bouvier étudie avec un soin minutieux l’innervation de l'organe en litige : « Du ganglion partent {rois ou quatre filets nerveux dont les uns paraissent se rendre aux parois musculaires du corps, les autres vers le gros vaisseau qui se rend des lamelles respiratoires antérieures au cœur : une branche se dirige vers l'oreillette: » Pour Bouvier la saillie palléale ne peut être qu’une fausse branchie (ou organe olfactif) et non une branchie rudimen- taire : celle-ci ne peut pas exister dans la Patelle, « puisque les Tecturidés pourvus d’une vraie branchie ont une fausse branchie absolument semblable à celle des Patelles. » Celte asserlion me semble au moins prématurée; elle demanderait à êlre appuyée sur une étude histologique de la Tecture. Rien ne prouve en effet que le bourrelet soit constitué exac- tement de même dans les deux types. Le réseau sanguin de la Patelle existe-t-il chez les Tecturidés?et quand bien même il existerail, ne pourrait-on pas y voir la seconde paire de branchies, à l’état rudimentaire, qui a tant préoccupé M. Wegmann et M. Boutan? La question, on le voit, ne peut pas être résolue à priori. Je ne pouvais donc pas me dispenser de reprendre cette étude, et, pour obtenir divers degrés de différenciation des organes palléaux, j'at examiné la Patelle, la Loltia et deux Tectures. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 215 $ 2. — Patella vulgata. La ressemblance de la figure 59 relative aux organes rudi- mentaires de la Patelle avec celle donnée par Spengel ne manquera pas de frapper au premier coup d'œil : on obser- vera qu'il y a là bien nettement deux organes distincts el que jusqu'ici nous n’avons jamais rencontré un organe de Spengel pourvu de semblables cavités. Il existe en réalité côte à côte un ganglion nerveux et un mamelon creusé de nombreuses lacunes. Le ganglion est volumineux et muni d'un très grand nombre de petites cellules mullipolaires. La substance fibril- laire est très développée aux dépens de la substance ponc- tuée de Leydig. Les filets envoyés à l’épithélium sont nets, principalement vers l'angle contigu à la région lacunaire. Is sont peu développés, mais leur existence est incontestable, ainsi que celle des cellules de Flemming qu’on rencontre un peu partout sur l'étendue du ganglion. En somme, comme organe sensoriel le ganglion de Spengel de la Patelle est peu différencié, et si grèles que soient les filets qui se distribuent de là aux organes voisins, leur importance me semble encore l'emporter sur celle des filets épithéliaux. P. Bert avait toutefois fait observer que la peau est amincie au devant de ce ganglion, et c'était pour lui un argument à l'appui de l'hypothèse que Spengel a admise depuis. Cette réduction de la couche musculaire cutanée est frappante (fig. 59). Les filets qui la traversent sont raccourcis en conséquence ; comme d'habitude, c'est grâce à l'interruplion du tissu con- jonctif compact que l’on peut facilement découvrir sur les fibres Le passage des faisceaux nerveux. La partie la plus volumineuse de la saillie est constituée par ce que Spengel considère comme branchie rudimentaire. Bouvier, s'élevant contre cette opinion, s'étonnait de voir des branchies, même rudimentaires, ainsi cachées sous la peau. Or il est curieux de voir la masse principale de la couche cutanée se réfléchir à angle droit en se tenant constamment 216 FÉLIX BERNARD. au contact du ganglion, de manière à laisser à l’extérieur dans une sorte de cuvelle l'organe dont nous nous occupons. Celui-ci n’est séparé de l'extérieur que par une très mince membrane de soulien supportant un épithélium peu élevé. L'objection de Bouvier, en admeltant même qu'elle ait une importance que son auteur ne semble pas d’ailleurs s'être exagérée, élait levée par ce fait même. Voyons maintenant en quoi consiste cet organe encore si problémalique : c’est une simple lacune sanguine traversée par des lamelles obliques par rapport à l’épithélium, et s’in- sérant sur chacune des deux couches musculaires qui li- milent la cavité en haut et en bas vers la partie la plus large de l'organe : les travées sont sensiblement parallèles ; elles se raccordent à une cloison se dirigeant en zigzag dans une direction oblique par rapport aux lamelles, el partageant l’ensemble de l'organe en deux moiliés obliquement :symé- triques. Toutes ces travées sont constiluées par du tissu con- jonctif qui semble identique à celui qui renforce les mem- branes basilaires. De très nombreux globules sanguins s’ob- servent constamment dans ces lacunes ; leur abondance m'a amené à examiner si l’on n’était pas 11 en présence d’un or- gane desliné précisément à leur formation, d’un organe plastidogène où lymphatique. Vérification faite, je ne crois pas qu'il en soit ainsi. Nulle part je n'ai trouvé, adhérents aux parois des lacunes, des éléments quelconques suscep- tibles d’être transformés en globules du sang; la membrane conjonctive est dépourvue de tissu de revêtement. Je ne sais d’ailleurs comment expliquer pourquoi les globules sont plus abondants ici que dans les lacunes voisines, où on les ren- contre cependant assez fréquemment et avec les mêmes caractères. L'organe, dans son ensemble, a la forme d’une lentille; les premières et les dernières coupes montrent les chambres lacunaires diminuant de nombre graduellement, et les deux couches musculaires finissant par se rejoindre. J'ai figuré la région où l'organe atteint ses plus grandes dimensions. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES,. 217 Ce n’est pas tout à fail à ce niveau que se rencontrent les communications avec les sinus, dont les différents auteurs ont parlé sans d’ailleurs les définir avec précision. Il existe deux ouvertures circulaires très nettes à travers l'épaisse couche musculaire qui sépare l'organe rudimenlaire de la grande lacune adjacente : toutes deux sont situées près de l'angle opposé au ganglion, mais à une assez grande distance l’une de l’autre, dans des régions où l'épaisseur de l'organe commence à s'atténuer fortement. Il reste peut-être encore d'autres ouvertures; mais je n'ai pas pu les découvrir. La communication de lorgane rudimentaire avec les sinus est en tout cas mise complètement hors de doute. En résumé, ?/ ya dans la Patelle, de chaque côté du corps, un ganglion qui envoie quelques filets à l'épithélium: 1 est sensoriel, quoique faiblement. À côté se trouve un nramelon creusé de canaux divisés de part et d'autre d'une cloison obli- que. Cesystème est compris entre l'épithélium et la masse prin- cipale des fibres musculaires cutanées. S3. — Tectures. Avant de décrire l'organe de Spengel des Tectures, je dois donner quelques indications sur la disposition des organes et compléter, dans une certaine mesure, nos connaissances anatomiques sur ces intéressants animaux. J'ai éludié deux espèces du Chili provenant de la collection du Muséum et différentes de celles qu'a examinées M. Bouvier. C’est d'abord la Tecthura (Acmœæa) pileopsis, qui diffère des Patelles par la présence d’une branchie bipectinée, el la Tectura Fontainesi, qui possède à la fois une branchie bipectinée el des lamelles branchiales circumpalléales. Ces deux espèces ne diffèrent pas l’une de l’autre au point de vue de la fopographie des organes (fig. 66). La cavité palléale, comme chez la Patelle et la Fissurelle, règne sur la région dorsale de la tête et s'étend très peu en arrière. Elle est largement ouverte en avant; sur les côtés elle se trouve limitée par les deux gros muscles en fer à cheval. 218 FÉLIX BERNARD. Le plafond supporte, en allant de gauche à droite, la bran- chie, un conduit qui peut appartenir aux organes génitaux ou aux organes urinaires (je n'ai pas examiné la question), enfin le rectum. La masse recto-génitale traverse oblique- ment, de gauche à droite, la cavité palléale, et les deux ou- vertures se voient sur la droile, assez en avant. Les rapports de position ne sont donc aucunement différents de ceux qu'on observe chez tous les Prosobranches à une seule branchie. La branchie s’insère complètement sur le manteau, c'est- à-dire n’a aucun point commun avec le plancher de la cavité palléale, constituée par le tégument de la tête. Elle est très nettement bipectinée (Pr, fig. 66); les lamelles, très courtes el peu nombreuses, sont fixées à un large support dont elles n’occupent pas toute l’élendue en largeur. Celui-ci se pro- longe à droite et à gauche par une cloison tout à fait analo- eue à celle qui existe chez les Trochidés et surtout les Néri- dés. L'animal entier, d'ailleurs, ressemble beaucoup, au premier abord, à une Navicelle, et ne semble différer de ce Proso- branche que par l'absence du torlillon qui existe encore à l’état rudimentaire dans ce dernier. La confusion n’est cependant pas possible, comme va nous le montrer l’étude anatomique de la Tecture. Sur le tégument de la région céphalique, non loin du fond de la cavilé palléale, on aperçoit deux mamelons disposés symétriquement à droite el à gauche, et formés par un très léger repli transversal du tégument. Ces deux mamelons sont situés exactement comme les papilles de la Patelle. M. Bou- vier n'hésite pas à les considérer comme constituant la fausse branchie de la Tecture. Ils sont inégalement déve- loppés ; le plus gros est celui de gauche, et c'est précisément de ce côté que la branchie est conservée. Il est juste en face de la branchie, mais la distance parcourue par le nerf qui réunit ces deux organes est assez longue, puisque ce nerf (x6) doit contourner à gauche la cavité palléale. Pour trouver le cœur, il faut fendre le péricarde qui se ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 219 voit en arrière et à gauche de la branchie, tout contre le muscle en fer à cheval. On aperçoit alors une masse muscu- laire étroite el allongée, formée d’épais faisceaux longilu- dinaux avee de nombreuses trabécules (raversant la ca- vilé (c, fig. 66). Ilest facile d'y distinguer deux parties, l'o- reillette à gauche et le ventricule à droite. Ces deux cavités présentent le même aspect au point de vue de la structure. En arrière elles se séparent de manière à former deux pointes fibreuses et grêles qui s'insèrent sur le muscle circulaire. Après un examen allentif, on peut affirmer que ces pointes sont pleines el ne donnent passage à aucun vais- seau. En avant, au contraire, se voient les orifices des deux cavités ; l'oreillette est percée d’un orifice absolument net, assez long, à bord légèrement épaissi; l'ocifice n’est pas tout à fait terminal, la cavité forme en effet à sa partie anté- rieure un cul-de-sac assez prononcé. La veine branchiale efférente et l'oreillette ne passent donc pas insensiblement de l'une à l'autre comme cela a lieu dans bien des cas; on voit au contraire les parois de la veine s'insérer sur le pourtour de l’orifice sans se confondre avec les bords. La veine parcourt un trajet assez long dans une lacune avant d'arriver à la partie libre du support branchial Le ventricule est à peine plus volumineux que l'oreillette, il est situé à droite et un peu au-dessous : il est accolé au péricarde sur une assez grande longueur. L'aorte en part en avant, et en forme de prolongement. Elle se porte tout à fait inférieurement et vers la droite : ce fait se concoil puisqu'elle doit contourner le fond de la cavité palléale pour pénétrer dans la têle. La communication entre l'oreillette et le ventricule se fait largement, par une grande ouverture. Ainsi le cœwr de la T'ecture est nettement monotocarde et n'es! nullement traversé par le rectum. Cependant il est à peine besoin d’insister sur les différences qu'il présente avec le cœur d’un Monotocarde ordinaire; l'o- reillette est non pas en avant du ventricule, mais à côté; la 2920 FÉLIX BERNARD. forme est tout à fait différente. Ainsi se trouvent pleinement confirmées les observations de M. Wegmann relativement au cœur de la Palelle. Ayant élé, trop souvent à mon gré, obligé de critiquer les asserlions de cet auteur dans les cha- pitres précédents, je suis heureux de me trouver d'accord avec lui sur un point aussi important. Je passe maintenant au système nerveux. M. Bouvier, qui l'a étudié chez la Tectura testudinalis, dit simplement qu'il est identique à celui de la Patelle. J'ai disséqué ceux des T. Pileopsis et T. Fontainesi. Je représente dans la figure 66 celui de cette dernière espèce. Îl suffira, pour se convaincre de l'identité presque parfaite du système nerveux des Teclureset des Patelles, de comparer cetle figure avec la figure 60 du travail de M. Bou- vier, relative à la Patella vulgata. J'appellerai simplement l'attention sur la forme allongée et mal délimitée des gan- glions: sur la présence d’une commissure sous-intestinale accessoire présentant deux petits renflements ganglionnaires dans l'angle que forme, par sa courbure, chacun des gan- glions palléaux, el enfin sur la présence d’une longue et épaisse bandelette ganglionnaire dans la partie postérieure de la commissure viscérale. Cette bandelelte est bien plus large que dans la Patelle. De chacune de ses deux extré- milés part un nerf assez fort qui va à la fausse branchie cor- respondante. L'angle postérieur donne naissance à un nerf génital. En éludiant cette bandelelte au microscope après colora- tion, on trouve à chaque angle un amas cellulaire parfaite- ment distinct : il existe donc là en réalité trois ganglions que l’on ne peut confondre. Bouvier les a vus également dans certains échantillons de Patelle ; il constate qu'ils sont assez variables et les qualifie de rudimentaires. Pour lui, ce sont (rois ganglions viscéraux ; cetle interprétation est une conséquence forcée de la détermination qu'il fait des parties nerveuses des organes de Spengel cemme ganglion supra et sub-inteslinal. Je ne partage pas tout à fait celte opinion : ORGANES GÉNITAUX DES PROSOBRANCHES. 221 les deux ganglions en lilige sont, à mon avis, précisément les ganglions supra et sub-intestinal, et Porgane de Spengel en est indépendant. Nous avons actuellement à rechercher l'organe de Spengel, et à voir quelle est la structure de cet organe : l'histologie nous donnera quelques-uns des rensei- gnements que nous attendons. L'examen par transparence ne nous montre pas de gan- elion, mais il nous fait voir quelques petits filets nerveux partant de là et allant dans la direction du manteau. Sur des coupes transversales, nous trouvons encore qu'il n’y a pas là à proprement parler de ganglion; le nerf est à peine épaissi sur son trajet, et, s’il présente bien quelques cellules nerveuses sur son pourtour, elles sont en assez pe- tit nombre. Ce nerf ne fraverse pas le bourrelel saillant que nous avons signalé; 1l reste au-dessous, dans un petit sinus. Le bourrelet lui-même est de nature conjonctive, il est formé de cellules éloilées, absolument semblables à celles que Brock considère comme conjonelives proprement dites ; les dimensions de ces éléments sont assez variables (fig. 67). Les prolongements sont ramifiés el anaslomosés un très grand nombre de fois de manière à former un réliculum compli- qué. Uu grand nombre d’entre eux se prolongent tres loin et appartiennent à de véritables fibres conjonclives. Je n'ai pas trouvé trace d'éléments musculaires : la cou- che musculaire cutanée, fort amincie en celte région, se trouve entre le bourrelet et le nerf; la plus grande portion des muscles est d’ailleurs située au-dessous du nerf lui- même et du sinus où 1l est compris. Outre les pelits nerfs issus du nerf volumineux dont nous venons parler, qui se distribuent aux régions voisines, 1l exisle un assez grand nombre de filets qui traversent toute l'épaisseur du bourrelet conjonctif et arrivent jusqu'à lé- pithélium. Ces filets ne me paraissent pas disposés suivant une loi déterminée. [ls suivent une marche irrégulière et se bifurquent en s’anastomosant en quelques points; il se forme ainsi un réseau dans l'épaisseur du bourrelet. La A FÉLIX BERNARD. portion la plus richement innervée est Ja portion anlé- rieure, celle où le bourrelet fait saillie en limitant une pe- lite poche ou cul-de-sac située en avant de lui (à gauche, fig. 67). Comme le nerf branchial principal est lui-même un peu plus en arrière, la branche qu'il émet court pendant un certain temps sous le bourrelel avant d'y pénétrer, et chemin faisant, donne des rameaux qui se recourbent el traversent toute la masse conjonctive. Comment ces filets se terminent- ils? La questionn'est pas aussi facile à résoudre que dans bien d'autres cas du même genre. L'épithélium paraît en effet formé presque exclusivement de cellules cubiques, et si j'ai réussi à trouver des éléments que j'aie pu rapporter avec quelque certitude au type ordinaire des cellules de Flem- ming, c’est grâce au fait suivant. J'ai observé qu'aux points où je cessais de pouvoir suivre les filets nerveux, je rencon- irais constamment des cellules volumineuses, que leurs nombreux prolongements permettaient de confondre au premier abord avec les cellules conjonctives environnantes. Mais ce sont bien des cellules ganglionnaires, comme le prouvent leur gros noyau, la structure fibrillaire de leur corps protoplasmique, leur grande dimension, et surtout leur connexion avec les filets nerveux. Ces éléments sont loujours associés, et renfermés dans une sorte de capsule, formée par les fibrilles conjonelives environnantes. Ces petits amas ganglionnaires se trouvent surtout vers lextré- milé des nerfs, c'est-à-dire tout près de lépithélium ; ils sont disséminés sur toute la surface du bourrelet, mais on n’en trouve pas plus vers le fond du cul-de-sac que sur la saillie elle-même. L'interruption de la membrane de soutien de l'épithélium, sur le passage des filets nerveux, est difficile- ment visible : on réussit parfois à la trouver au-dessus des amas ganglionvaires, et c'est là qu'on aperçoit aussi les cellules neuro-épithéliales qui sont fort petites. En résumé, nous avons donc affaire ici à un organe de Spengel qui rentre facilement dans le {ype ordinaire. Ce qui rend l'aspect si différent de celui auquel nous sommes ha- ORGANES GÉNITAUX DES PROSOBRANCHES. 2% bilués, c'est la présence d’un très grand nombre d'éléments conjonclifs formant un bourrelel de lissu spongieux. C'est aussi le peu de hauteur de lépithélium. J'ai examiné avec soin les environs de celle région pour voir s'il existait quelques dispositions rappelant l'organe cloisonné de la Patelle; mais partout l'épithélium est adja- cent à la couche musculaire, qui ne présente rien de spécial. Quant au repli conjontif, 1l est compact, ne présente pas trace de cavités sanguines : il ne saurait donc êlre comparé, au point de vue histologique, au mamelon lacunaire de la Patelle. Tout ce qui précède s'applique aussi bien au côté droit qu'au côté gauche. Partant de ce fait, que la branchie droite est avortée chez la Tecture, j'espérais trouver de ce côté quelque chose qui me permit d'interpréler facilement l'or- gane rudimentaire de la Patelle : mon attente a été trompée, el il n'existe rien de spécial de ce côté, sinon que le gros nerf branchial fait défaut. Suivons maintenant plus loin le nerf volumineux qui dans son trajet vient de former l’organe de Spengel (nd), il se porte vers la ligne de soudure du manteau et du corps, en avant de l'extrémité antérieure du muscle en fer à cheval, puis il passe dans le manteau, suit le rebord antérieur de la cloison qui prolonge à gauche le support branchial, et quand il pénètre dans ce dernier, il s’est divisé en deux faisceaux, un nerf ##{erne et un nerf exferne, comme chez l'Haliotis et les Trochidés. Allons-nous trouver par suite, développé le long du support branchial, une continuation de l'organe olfaclif, comme la présence d’un double nerf nous aulorise à le penser? Ici encore la Tecture se montre à nous comme un lype singulier et bien aberrant. Non seu- lement je n'ai pu réussir à trouver la moindre trace de filets neuro-épithéliaux le long du support branchial, mais de plus les deux nerfs contribuent simultanément à l'innerva- lion de chacun des filets branchiaux. Voici comment se fait cette innervalion. Le support branchial, du côté efférent, est fortement wo) NS) 24 FÉLIX BERNARD. Le tranchant, et le sinus s'approche très près de l'extrémité ; le tissu conjonelif néanmoins es{ assez épais pour renfermer les deux nerfs vers la base de la branchie; deux faisceaux musculaires énormes se voient sur les parois du sinus à celte hauteur, au niveau de chaque paire de feuillets, on voit des filets se délacher simultanément à droile et à gauche de chacun des nerfs, ce qui fait en tout quatre filets qui se portent vers la partie interne de la branchie. Mais avant d’avoir atteint le gros faisceau musculaire, les deux nerfs de chaque côté se soudent en un faisceau unique qui contourne extérieurement le faisceau musculaire, el après un trajet relativement long, arrive au bord efférent du feuillet auquel il est destiné. Rien n’est plus facile que de suivre, sur huit ou dix coupes successives, le trajet de ces petits filets, que l’on rencontre d’une extrémité à l’autre de la branchie. Que deviennent-ils après avoir fait le tour d'un feuillet branchial? Nous les retrouvons au bord afférent, où 1ls viennent, après un parcours assez long dans la paroi conjonctive du sinus, aboutir à un gros nerf wrique également enchâssé dans le lissu compact et semé de loin en loin de cellules plasma- tiques granuleuses. C'est ainsi que les choses se passent vers la partie posté- rieure de la branchie; des changements importants s’ob- servent quand on examine des coupes voisines de la pointe. On voit tout d’abord le sinus efférent se creuser plus pro- fondément, de sorte que le nerf interne, le plus volumineux des deux, finit par se diviser en deux branches siluées l’une à droite, l’autre à gauche. En même temps l’anastomose des deux racines d’un même côlé se fait à une distance de moins en moins grande du nerf interne, si bien qu’on voit à un cerlain niveau le nerf destiné au feuillet partir d'une simple commissure sinueuse réunissant les deux portions internes des nerfs, en passant vers l'intérieur le long du sinus. Un peu plus haut encore les deux nerfs (ou plulôt les trois nerfs, puisqu'il y à maintenant deux nerfs internes) se rap- prochent de plus en plus, et la commissure unit simplement ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 225 les deux faces en regard : le nerf du feuillet naît alors diree- tement du nerf interne. Enfin lout à fait à la pointe les trois nerfs viennent à se confondre el se réfléchissent le long du bord afférent en un nerf unique assez volumineux. Celte dis- posilion singulière est jusqu'à présent exclusivement dévolue à la Tecture. J'ai vérifié avec soin lout ce qui précède en ayant soin de ne pas confondre les deux bords afférent et ellérent. (On se souvient que dans l'Haliotide c'était le bord afférent qui était munt de (rois branches nerveuses longitu- dinales irrégulièrement anastomosées.) En somme, selon toute probabilité, les deux tranchants du support branchial ne sont pas, ou‘ tout au moins sont fai- blement sensoriels : la partie essentielle et probablement unique de l'organe de Spengel est done bien, comme l'avait deviné Bouvier, le repli qui se trouve sur la nuque à une assez grande distance de la branchie. $ #. — Lottia pellucida. Les Loltia où Patina sont de petits Patellidés dépourvus de branchies proprement dites, mais munis de lamelles pal- léales et de tentacules latéraux. Elles sont très voisines d’ail- leurs des Patelles, dontelles ne diffèrent guère à première vue que par la forme de la coquille. Le petit renflement cervical qui indique la place de l'organe de Spengel, est bien visible. même sur de pelits individus. Spengel a étudié les Lolttia, mais il constale simplement qu’elles sont dépourvues de ces lacunes cloisonnées qu'il considère comme représentant des branchies rudimentaires. J'ai à mon {our examiné sur des coupes l'organe de Spengel, qui est très différent de celui de la Patelle. Si nous suivons, d'un côté ou de l’autre, le gros nerf qui part de l’angle de la bandelette viscérale, nous le voyons aboutir à un ganglion volumineux (fig. 68) situé un peu en avant du mamelon que nous avons signalé. On trouve facile- ment ce ganglion au tiers poslérieur de la cavité palléale, sur la masse viscérale, mais tout à fait dans le voisinage du ANN. SC. NAT. ZOUL. IX, 49. — ART. N° 3. 2926 FÉLIX BERNARD. gros muscle en fer à cheval. De ce ganglion se délache un gros nerf qui continue d’abord le précédent dans sa direc- tion, jusqu'au moment où 1l atteint le muscle columellaire, et par suite la paroi latérale de la cavité palléale : il se ré- fléchit alors vers la face supérieure et, longeant le muscle, il pénètre dans le manteau où il présente à son entrée un ren- flement ganglionnaire ; il diminue ensuite rapidement de volume el se porle en avant et vers la ligne médiane, en restant {oujours très voisin de la face ventrale du manteau. Ce nerf est absolument indépendant des gros nerfs qu'on trouve de l’autre côté du muscle columellaire, dans la partie du manteau qu’on peut nommer la colerette et qui porte les lamelles branchiales et les tentacules latéraux : les nerfs en question sont issus directement des ganglions palléaux. Dans toute sa longueur ce nerf est sous-jacent à un gros sinus aboutissant à l'oreillette. Dans la Lotlia, comme dans tous les Patellidés éludiés jusqu'ici, le cœur n’a qu'une oreil- lette, située à gauche du ventricule ; dans son ensemble il est lui-même à gauche de la masse viscérale, entre celle-ci et le muscle en fer à cheval. La veine palléale dont nous nous occupons ici occupe donc tout d’abord la portion gauche de la cavité palléale et se porte en avant en suivant bientôt le bord du manteau qu'elle contourne ainsi complètement ; elle revient en arrière vers la droite, à l'angle du musele columel- laire, et retrouve alors le nerf palléal droit issu du ganglion de Spengel. Elle est adjacente au rein droit, et va se perdre très loin en arrière. L'innervation du plafond de la cavité palléale est donc symétrique, tandis que son irrigation est asymétrique. Occupons-nous maintenent de l’épithélium de l'organe de Spengel. On est frappé au premier abord du peu de hauteur de ce tissu immédiatement au-dessus du ganglion. Tout au contraire si l’on examine la région située un peu en arrière de ce dernier, on trouve que le mamelon dont nous avons parlé est constilué par un amas de tissu conjonctif absolu- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIHES. 227 ment semblable à celui de la Tecture, quoique moins déve- loppé. Qu'on jette un coup d'œil sur la figure 69, et on se convaincra de ce fait. Tandis que sur le ganglion nous trou- vions un épithélium presque cylindrique, à noyaux coniques à peu près semblables, ici, nous observons un épithélium très aplali, qui contraste absolument avec celui qui tapisse la région nerveuse. Il n’est donc pas douteux que nous ne soyons ici en pré- .sence d'un organe sensoriel très simple, mais parfaitement caractérisé et isolé. Il resterait à voir si la région sensorielle se prolonge sur les nerfs ganglionnaires que nous avons décrits. Le fait me semblerait probable 4 priori; je n'ai pu cependant le constater. L'épithélium y est à peine renflé et les cellules sont assez régulières : je n’ai pu trouver un seul élément que je puisse avec certitude qualifier de neuro-épi- thélial : si de tels éléments existent, il sont à coup sür fort rares, el il me parait démontré que dans la Lottia, l'organe de Spengel est absolument localisé en arrière du ganglion. Dans tout ce qui précède il n'a été question, on le voit, de rien qui rappelle l'organe cloisonné de la Patelle. C'est au type de la Tecture que se rapporte l'organe de Spengel de la Lottia ; il en diffère principalement par la substitution d’un ganglion à un nerf presque dépourvu de cellules. $ 0. — Résumé et conclusions. Sur trois genres de Patellidés étudiés, nous sommes en présence de trois types d'organes de Spengel différents : 1° Patella. — Organe de Spengel formé d'un ganglion net, consistant en un nombre considérable de cellules ganglion- naires avec substance ponctuée abondante, — plusieurs filets neuro-épithéliaux très courts et assez gros, — épithé- lium élevé. — Tout à côté, la couche musculaire se reporte vers l’intérieur et laisse entre elle et la membrane de soutien un espace cloisonné, en communication par plusieurs ouver- tures avec le sinus sous-jacent; — les cavilés contiennent beaucoup de globules sanguins. 228 FÉLIX BERNARD. 2° Tectura.— À gauche il y à une branchie innervée par un gros nerf qui se divise en deux sur le support branchial : ces deux nerfs participent à l’innervation des feuillets et ne semblent pas donner de nerfs à l’épithélium. Sur son trajet le nerf branchial se renfle sous forme de ganglion, au-dessous d'un bourrelet formé detissu spongieux (cellules conjonctives éloilées et fibres). Filets neuro-épithéliaux grêles, ramifiés, un peu anastomosés, aboulissant à de petits amas de cellules ganglionnaires, mullipolaires, de grande dimension; et de là, aux cellules sensorielles. Épithélium très peu élevé, surtout au fond du repli. A droite, la même disposilion se reproduit identiquement, sauf que le nerf correspondant à la branchie n'existe pas par suite de l'avortement de celle-ci. Pas d’'or- gane lacunaire cloisonné. 3° Lottia. — Pas de branchie, pas d’organe cloisonné.Gan- glion très net, donnant, entre autres nerfs, un filet ganglion- naire allant en avant du manteau. En arrière, bourrelet conjonclif bien limité, semblable à celui de la Tecture, mais moins développé. Conclusions. — 1 y a chez les Patellidés un organe de Spengel, le fait n’est pas douteux. Il est formé soit aux dé- pens d’un ganglion, soit aux dépens d'un nerf; dans tous les cas il est peu développé, rudimentaire. Il est à remarquer qu'il n’est pas situé sur le manteau, mais sur la nuque, assez loin du fond de la cavité palléale: Mais je n’atlache pas une importance capitale à ce fail, puisqueles organes en question sont innervés comme d'ordinaire par le ganglion palléal. Chez la Tecture, du côté gauche, il est même situé sur le trajet du nerf branchial. Reste la question des branchies rudimentaires. Le plus grand argument qui ait été donné contre leur existence, c’est que les Branchies sont toujours des dépendances du man- teau et non de la tête. Telle est en particulier l'opinion de MM. Bouvier et R. Perrier. À cela l’on pourrait répondre que nous ne savons pas comment se développe la cavité palléale des Patellidés et qu'il serait fort possible qu'à un stade peu ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 2929 avancé, les organes en question soient tout au fond de la cavilé palléale; ils occuperaient alors exactement la place des branchies de la Fissurelle ; d’ailleurs l'innervation des bourrelets en question par les ganglions palléaux, ne permet de les homologuer qu'à des organes palléaux. On peut faire enfin une objection beaucoup plus grave. L'étude de la Tecture nous montre la branchie existant à gauche bien loin du bourrelet, el placée lout à fait sur le manteau. Le bourrelet ne peut donc pas être l'homologue de la branchie, puisque celle-ci est présente. Donc dans la Lottia le bourrelel qui est semblable àcelui de la Tecture ne peut pas être non plus une branchie rudimentaire ; c'est une dépendance de l’organe de Spengel. Enfin, peut-il en être autrement pour la Patelle? [ci il y a doute. D'abord l'organe est cloisonné, au lieu d’être plein, et puis il est juxtaposé à l'organe de Spengel, il ne semble pas en faire partie ; il n’est pasen effet traversé par des filets neuro-épithé- liaux. Si donc l'étude du développement prouve que dans la Patelle l’organe cloisonné a été à un moment donné au fond de la cavité paîléale, rien ne s’opposera plus à ce que l’on le considère comme branchie rudimentaire ; il sera simple- ment resté en arrière, comme l'organe de Spengel des autres types de Patellidés. Par malheur, les recherches embryolo- giques de W. Patlen, siremarquables à divers égards, ne nous donnent aucun éclaireissement sur la question. Au point de vue {axonomique, les recherches précédentes confirment que le cœur est monolocarde, tandis que le sys- tème nerveux est celui d'un Diotocarde. Toulefois la dispo- silion singulière du cœur de la Tecture prouve qu'il serait facile de passer d'un cœur diolocarde à ce cœur carac- lérisé par la présence d’une oreillette /atérale au ventricule. L'organe de Spengel est aussi celui d'un Diotocarde réduit. Donc, si rien dans ce qui précède ne s'oppose à l'établisse- ment pour les Patellidés d’un type intermédiaire, celui des Hétérocardes, créé par M. KR. Perrier, néanmoins, à mon opi- nion comme à celle de M. Bouvier, les affinités de ce nou- 230 FÉLIX BERNARD. veau groupe avec celui des Dioltocardes sont bien plus grandes que celles qu’on peut leur trouver avec le groupe des Monotocardes. CHAPITRE VI ORGANE DE LACAZE-DUTHIERS DES PULMONÉS. $S 1. — Historique. C’est en 1872 que M. pe Lacaze-Duruiers (28) décou- vrit chez les Pulmonés d'eau douce un petit ganglion situé à l'extrémité du nerf palléal postérieur, « dans le voisinage, en arrière et au-dessus de l’orifice de la respiration à la hauteur de l’angle que: forme le pavillon en s’unissant au manteau » (p. 483). Ce ganglion avait été pris par plusieurs auteurs pour un centre respiratoire ; mais M. de Lacaze- Duthiers y découvrit une invagination en cul-de-sac de la peau du manteau, et conclut à la présence d’un organe pro- bablement à la fois sécréteur el sensoriel ; cet organe est certainement destiné « à l'appréciation de quelques qualités spéciales du monde ambiant et ces qualités sont probable- ment en rapport avec la respiration » (p. 495). Chez les Pul- monés senestres (Planorbes, Physes), l’invagination est sim- ple; chez les dextres (Limnées), « elle se bifurque et au lieu d’un seul cæcum en présente deux ; en outre, la masse des {issus ganglionnaires nerveux remontant jusqu'au col du conduit allant à l'orifice externe, environne de toute part la partie épithéliale, dont les deux extrémités, en forme de calottes arrondies, dépassent seules et font saillie à l’exté- rieur du corps ganglionnaire » (p. 489). Au point de vue his- tologique, M. de Lacaze-Duthiers décrit « des corpuscules ganglionnaires renfermant un volumineux noyau (res fine- ment granuleux, ayant un nucléole brillant le plus souvent fort distinct; on en trouve d’unipolaires, peut-être bipo- laires, mais ordinairement on ne voit qu'un prolongement ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 231 qui semble peu limité et dépend du protoplasma entourant le noyau » (p. 486-87). Quant à l'épithélium, il est formé de cellules « régulières et posées les unes à côté des autres » (p. 85), c'est-à-dire sur un seul rang, « qui ont acquis un allongement tel qu'elles arrivent et se rencontrent au milieu pour ainsi dire du canal. Ces cellules d'épithélium se termi- nent par une partie Loujours fort éloignée du noyau et sont difficiles, avec les meilleurs objectifs, à bien délimiter, tant leur contour est délicat. Les noyaux sont allongés et placés à l'extrémité adhérente » (p. 486). M. de Lacaze-Duthiers admet que cet organe présente toutes les conditions nécessaires à la sensibilité spéciale : la sécrétion est une de ces condilions (p. 492). Mais, dit le savant professeur, « les hypothèses ne sont jamais difficiles à faire ; il serait aisé d’en imaginer bien d’autres, de les varier de toute façon. Mais une expérience, une seule précise, serait bien préférable » (p. 495). Malheureusement jusqu'ici personne n'a pu imaginer un procédé expérimental pour résoudre cette question, ni d’ail- leurs bien d’autres du même genre. L'organe de Lacaze-Du- thiers, profondément situé, ne peut êlre enlevé comme un simple tentacule, sans lésion grave; el de plus les animaux qui en sont pourvus manifestent leurs sensalions d’une ma- nière trop confuse pour qu'il soit facile de les analyser. Nous sommes cependant ici dans un cas où, comme le dit M. de Lacaze-Duthiers lui-même, « on reconnait d’après la structure et la disposition anatomique quelle est la fonc- tion » (p. 491). En poussant aussi loin que possible l'analyse histologique, on peut reconnaitre que l'organe dont il s'agit est, à n’en pas douter, un organe sensoriel; il va sans dire que cette élude ne nous renseignera sur la nature des sen- sations perçues que d’une manière vague. Dans ces limiles on peul faire avancer un peu la question; c’est ce que j'ai tenté de faire dans le présent chapitre. Au point de vue morphologique, M. de Lacaze-Duthiers admet l’homologie de l'organe qu'il a découvert, avec ce b9 352 FÉLIX BERNARD. que nous appelons maintenant organe de Spengel chez les Pectinibranches ; mais 1l renvoie les preuves de cette asser- tion à un ouvrage ultérieur, qui n’a pas encore été publié (p. 492). Si je suis bien informé, M de Lacaze-Duthiers est encore partisan de cette manière de voir. Je la crois aussi tout à fail exacte. SiMROTH à cherché à résoudre les diverses questions d’his- tologie laissées obscures par le savant professeur français. Dans un important travail publié en 1876, et où sont exami- nés les divers organes des sens des Mollusques d'Allemagne, l'organe de Lacaze-Duthiers figure parmiles Niedrigen Sirine- sorqäne (34). L'auteur décrit avec détail les énormes cellules nerveuses uni, br et tripolaires qui le composent, et dont la taille diminue quand ou s'approche de louverture du canal (p. 308): Il a bien observé que les fines ramifications de ces cellules forment un réseau tout autour de la culicule, et que les prolongements les plus importants envoient directement leurs branches dans l'épithélium. La description de lépithélium est beaucoup moins salisfaisante, el Simroth nous en dit [lui-même les rai- sons. Il est extraordinairement difficile d'étudier isolément les cellules, car le diamètre minime du canal, égal à peu près à celui d’un petit aiguillon d’insecte, et la solidité de la mem- brane {égumentaire permeltent à peine de faire des dilacéra- tions passables. J'ai moi-même renoncé de bonne heure aux procédés de dissocialion qui m'avaient donné ailleurs de bons résultals ; je me suis référé aux coupes qui ont, au contraire, facilement réussi. J'ajouterai une seule remarque. Simroth fait aboutir les filets nerveux d’une part, par paquels, à des cellules courtes à pigment jaune, et d'autre part, à des cel- lules allongées, cylindriques, à noyau tout à fait proximal, unies par un filet grêle à une cellule, que Simroth figure unipolaire. Ce dernier cas n'a pu être observé par lui qu'une seule fois, mais avec une grande netteté, dit Simroth. Comment des connexions pourraient-elles s'établir entre le reste du système nerveux et cette cellule ganglionnaire, ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIHES. 233 dont l'unique prolongement est déjà en relation avec une cellule épithéliale? Quelques doutes restent encore dans les- prit du savant allemand, au sujet de l'ensemble de cet épi- thélium ; cependant, il fait observer que le fait bien excep- lionnel d’une invaginalion du tégument allant au devant d'un ganglion, peut bien, selon toute vraisemblance, être en rapport avec un mode tout spécial de terminaison des nerfs dans l’épithélium. Simroth laisse de côté la question de la sécrélion. Dans son mémoire sur le développement des Pulmonés (1879), HerManx FoL (70) s'occupe du développement de lor- gane de Lacaze-Duthiers, et dit qu'on voit facilement, chez des larves un peu âgées, une petile fosselte siluée à côté de l’orifice rénal, à droite ou à gauche suivant les cas. « Ses dimensions très notables, comparées à celles des autres par- ties de la larve, feraient croire qu'il s’agit de quelque organe considérable; mais la suite montre bientôt qu'à celte forma- tion rapide succède un arrêt de développement presque com- plet : chez les jeunes, la fosselte est à peine plus grande que chez les larves; elle est simple chez toutes les larves que j'ai observées » (p. 167). L'auteur ne s'occupe pas de la portion nerveuse de l'organe. SPENGEL ne nous donne aucun renseignement nouveau sur la structure de l'organe; il rapporte les observations de ses prédécesseurs, et conclut ainsi : « Sans aucun doute, c'est là le même organe olfactif que nous avons vu chez tous Îles Prosobranches, et dans la série entière des Tectibranches » (p. 363). Il discute surtout l’homologie de position. L'organe de Lacaze-Duthiers a été cherché en vain par divers observateurs, chez les Pulmonés terrestres ; il semble démontré aujourd'hui qu'iln’existe pas. SARASIN (50), en 1853, a étudié ces genres différents avec soin, el ce n’est que dans l'Helix personata qu'il en a trouvé un rudiment. C'est un petit ganglion dont quelques cellules sont très volumineuses, et d'où part « une branche qui se perd dans les cellules glan- dulaires. » I n'y à pas d’'invaginalion épithéliale, el Sarasin 234 FÉLIX BERNARD. ne s'explique pas sur la nature de l’épithélium. Néanmoins, l'existence de ce pelit ganglion, avec ces grosses cellules caractéristiques, prouve pour lui qu'on est en présence de l’homologue de l'organe olfactif des Basommatophores, mais tout à fait rudimentaire. L'aperçu historique qui précède justifie les nouvelles recherches sur la structure histologique de l'organe de Lacaze-Duthiers; nous ne savons pas encore exactement, en effet, comment est constituée une invaginalion épithéliale supposée sensorielle. Mais les observations de M. de Lacaze- Duthiers permettent largement, à mon avis, d'étendre à plu- sieurs genres les résultats qui pourront être obtenus avec certitude pour un type spécial. Ayant particulièrement en vue la comparaison avec les Prosobranches, j'ai cru pouvoir me contenter d'examiner un seul type, et j'ai choisi celui où, d’après le savant zoologiste, l'organe en queslion est le mieux développé : c’est le Pla- norbis corneus. $ 2. — Planorbis corneus. a. Ganqlion. — Les cellules nerveuses du ganglion de l'or- gane de Lacaze-Duthiers sont très volumineuses. Elles se prêtent donc facilement à un examen histologique minu- tieux. Cet examen est rendu nécessaire par l'aspect tout spécial que présente le ganglion. J'ai vérifié d’abord avec soin qu'il ne part du ganglion aucun nerf allant aux régions voisines du manteau. Nous avons donc bien affaire ici à un organe terminal. En coupe, au premier abord, on ne voit que des cellules, et par suite, la substance ponctuée et les fibres semblent faire défaut. Le ganglion a la forme d’une cupule (fig. 38); les cellules les plus volumineuses sont au fond, et quelques-unes occu- pent toute l'épaisseur de l'organe; il y a des différences considérables dans les dimensions des cellules, les noyaux des unes dépassant 30 & de longueur, ceux des aulres arri- vant à peine à 8 ou 10. Nous sommes donc loin des gan- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIHES. 239 glions que nous avons éludiés à propos de la fausse branchie des Prosobranches, où les cellules étaient périphériques, très petites, et Loutes à peu près de même dimension, et où la substance ponctuée et les fibres jouaient un rôle considé- rable. Sur des coupes très minces et très fortement colorées, on peut voir nettement que le #oyau à une structure réticulée. Les granulations qui apparaissent au premier examen sont reliées par des filets, dont quelques-uns se voient même avec un faible grossissement. Ces filets sont enchevêlrés de manière à former, en coupe optique, un réseau à mailles très fines. Sur des coupes très minces el très colorées, on vérifie qu'il existe un véritable réticulum d'achromaline, et non un fila- ment continu et enroulé. On voit fréquemment plusieurs filets rayonner autour des granulations de chromatine les plus marquées, Le nucléole se montre {oujours comme une masse sphérique très homogène, sans trace de granulation, coloré en rouge vif par le picro-carmin, n’absorbant pas le bleu de méthylène. et gardant toute sa transparence, malgré l'intensité de la coloration. Tout autour se trouve, d’une manière absolument constante, une petite masse de nucléo- plasma granuleux, qui s’en distingue facilement par sa cou- leur violet clair, et par son aspect granuleux. Sur les bords du noyau, les mailles deviennent plus serrées et moins dis- tincles ; quelques filets, cependant, gardent des dimensions considérables, et on les voit s'insérer sur la membrane qui limite le noyau. Celle-ci est très mince et se colore faible- ment; elle s’observe bien dans les coupes qui passent loin du centre du noyau. En somme, le #oyau peut étre considéré comme formé d'un nucléoplasma granuleur et réticulé, baïgné par une substance hyaline, ne se colorant pas par les réachfs, ou suc nucléaire. Au centre de la masse protoplasmique est un nucléole unique, volumineux, sphérique et homogène, et de même nalure que les granulations du réseau. Jamais aucun prolongement nerveux ne prend son origine dans le noyau. Dans le corps de la cellule, on observe des trabécules for- 236 FÉLIX BERNARD. mant des mailles allongées dans le sens des prolongements (ce sont les tubes nerveux de Nansen). Il existe une mem- brane différenciée. Ce qui mérite d'êlre étudié avec soin, ce sont les prolongements nerveux eux-mêmes, et par suile les relations qui existent des cellules nerveuses, soit entre elles, soil avec les éléments voisins. Tantôt ces prolongements naissent par une atténualion graduelle des dimensions de la cellule. si bien que dans la région considérée le corps protoplasmique est fusiforme. Tantôt, au contraire, la diminution dans les dimensions de la cellule est brusque et la racine du prolongement n’est indi- quée que par une pelile saillie du contour. Ceci est vrai aussi bien pour les grosses cellules que pour les pelites. Les prolongements situés vers la périphérie du ganglion vont, en général, s'insérer sur la couche conjonctive qui limite cel organe, et cela est vrai, que le prolongement soit Imséré par une large base ou par une racine atténuée. Dans tous les cas, l'on voit le prolongement se diviser un plus ou moins grand nombre de fois, el l'on peut suivre les ramilications jusqu'au névrilème : la distance par- courue peut être considérable, surtout pour les cellules de petite taille situées dans le voisinage de l'épithélium : dans ce cas, le prolongement est aminei graduellement, et, comme il en de même pour le prolongement qui se dirige vers l’épithélium, la cellule est en apparence fusiforme et bipolaire (fig. 388). C’est de là que vient l'opinion émise par Simroth, comme quoi les petites cellules ganglionnaires sont bipolaires. Or un examen allentif m’a permis de recon- naître que même dans les petites cellules, 1l y a toujours d’autres prolongements, tantôt à large base, tantôt à inser- lion brusque, de sorte que les petites cellules sont aussi multipolaires. Il y a du reste, dans toules, transition entre les deux modes d'insertion, et les relations de ces prolon- gements avec les éléments voisins permettent d'affirmer que ces différences n’ont pas ici une grande importance. Examinons maintenant la question si délicate de la com- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIIES. 991 municalion des cellules entre elles. J'ai dit, en commancent celle description, qu'on n'apercevait pas au premier abord de substance ponctuée de Leydig. Les cellules ganglionnaires remplissent la plus grande partie de l'espace qui constitue le ganglion, el si l'on examine les intervalles compris entre les cellules, on y trouve une substance /ondamentale interstitielle qui se colore beaucoup plus fortement que lhyaloplasma des nerfs ou des ganglions ordinaires. Celle substance ne diffère en rien de celle qui conslitue le stroma du névrilème, avec lequel elle est en continuilé. Sur certaines coupes où le pro- toplasma des cellules ganglionnaires s'était fortement con- densé, ces cellules paraissent logées dans des vacuoles de la substance en question. En divers points d’ailleurs, on voit près de la périphérie cette substance interslilielle contenant des cellules pigmentaires dont on peut observer les noyaux, et quelques fibres; et de plus, en quelques points j'ai observé les pelits noyaux allongés et forlement colorés en rouge qui sont si fréquents dans le névrilème. Il y à ainsi péné- tration complète du ganglion par la substance hyaline du tissu conjonclif environnant, et cette substance élablit la continuité entre l'enveloppe conjonctive du ganglion et l’épaisse mem- brane de soutien qui double linvagination épithéliale. Cela posé, que faut-il penser des nombreuses fibrilles que l’on peut voir facilement sillonner dans tous les sens la substance inlerslitielle? Sur des coupes très minces et for- tement colorées, on voit qu’elles forment un réseau en connexion avec les prolongements ramifiés des cellules gan- glionnaires. Au point de rencontre des fibrilles se trouvent les granulations que l’on connaît bien. Il y à donc une cer- taine analogie entre ce fin réseau nerveux el la substance ponctuée, mais les mailles me semblent bien plus larges, et les filets nerveux gardent plus longtemps leur indépendance. Ce réseau de fibrilles s’observe dans toute l'étendue du gan- glion; mais il assez développé sur les bords, où il est diffi- cile d'observer sa limite, puisqu'il est noyé dans une subs- lance inlerstitielle; d'autre part, on en trouve un amas assez 238 FÉLIX BERNARD. volumineux dans une région correspondant au fond de l’invaginalion épithéliale, dans la partie concave et centrale du ganglion. L'analogie avec la substance ponctuée se poursuit plus loin encore. On sait qu'il existe à l’intérieur de celle-ei de petites cellules multipolaires, dont les dimensions sont notablement inférieures à celles des cellules ganglionnaires ordinaires. Nous en avons vu jusqu'ici de nombreux exemples, parlicu- lièrement chez la Cassidaire dans le ganglion de la fausse branchie. Ces cellules s’observent sans difficulté dans le ganglion de l'organe de Lacaze-Duthiers; on le voit surtout vers les bords et à la partie centrale, où j'en ai observé sur une seule coupe un petil amas de quatre ou cinq. Elles sont fort petites, très claires, leur noyau surtout absorbe faible- ment le picro-carmin et le bleu de méthylène, et par là, elles tranchent assez vivement sur la limite colorée de la substance interstitielle. On voit facilement leurs relations soit avec les fibrilles nerveuses, soit avec les prolongements même des cellules ganglionnaires (fig. 38, a). Ces cellules claires sont-elles fondamentalement distinctes des cellules ganglionnaires ? Je ne le crois pas. J’ajouterai enfin que j'ai observé quelques cas très nets de communication directe entre des cellules ganglionnaires. Ce fait est d’ailleurs peu fréquent dans un même ganglion. Peut-être est-1l en rela- tion avec le faible développement de la substance ponctuée (fig. 38, a). b. Enveloppe du cul-de-sac épithélial. — Etudions mainte- nant la substance qui s'étend comme une épaisse membrane tout autour de l’épithélium, sépare celui-ci du ganglion et arrive, en doublant toujours l’invagination épithéliale, jus- qu'à son ouverture. L’épaisseur de cette couche est à peu près constante dans la partie profonde; elle s'atténue gra- duellement vers l'entrée du cul-de-sac. Elle ne présente nulle part d'ouverture comparable à celles que nous avons observées fréquemment sur le passage des nerfs. Elle est en continuité avec celle qui enveloppe extérieurement le gan- SR ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 239 glion et ne diffère pas de structure avec elle. Cependant la substance interstilielle est beaucoup plus compacte et se colore plus vivement ; il est probable qu’elle est plus résis- lante. Les fibres y sont assez abondantes, quoique encore de petite laille ; elles sont orientées dans le sens de la longueur du cul-de-sac; de distance en dislance on observe leurs noyaux. Vers l'ouverture de l’invagination on a même affaire à une pelile couche musculaire bien différenciée. On voit aussi des éléments pigmentés qui pénètrent jusqu'au voisi- nage de l’épithélium. En somme, la nalure conjonctive de celle couche n'est pas douteuse. Mais les nombreuses fibrilles qui la sillonnent et les noyaux qu'on y rencontre appartiennent à des éléments nerveux. Les noyaux appar- Uüennent à de très pelites cellules multipolaires très claires, dont ils occupent presque toute l'étendue. Ces cellules sont identiques à celles qu'on rencontre sur le pourtour du nerf qui aboulit au ganglion, à la périphérie de ce dernier, et aussi dans l'intervalle des grandes cellules ganglionnaires. Leurs prolongements sont en connexion avec le riche réseau de Jibrilles nerveuses issus des prolongements principaux des cellules ganglionnaires grandes et peliles. Ce sont les fibrilles qu'on aperçoit dans l'épaisseur de la membrane de soutien et dont on peut suivre assez facilement les prolon- gements jusque dans les cellules ganglionnaires. En résumé, la plus grande partie des fibrilles que l’on ob- serve dans la membrane de soutien et dans la substance in- terstilielle du ganglion, sont réellement des fibrilles nerveu- ses. Une parlie correspond à la substance ponctuée; c’est de là que partent la majeure partie des fibrilles qui desservent l'invaginalion épithéliale. Celles-ci, avec les petites cellules mullipolaires qui se présentent sur leur trajet, représentent le système nerveux périphérique des organes analogues des Prosobranches, et sont en relation avec les cellules neuro- épithéliales, comme nous allons maintenant l'élablir. c. {nvaginalion épithéliale. — Au premier abord, on n’aper- çoit dans toute l'étendue de l’invagination épithéliale, qu’une 240 FÉLIX BERNARD. seule sorte de cellules : ce sont des éléments allongés, d’é- paisseur constante, munis d’un noyau ovale, granuleux, situé toujours près de la base, avec un plateau peu distinct et ri- chement cilié. Ces cellules se dissocient facilement, aussi ont-elles été bien observées par Simroth. Elles représentent un Lype presque schémalique d’épithélium prismalique (E, fig. 38); leur régularité et l'alignement de leurs noyaux contrastent d'une manière frappante avec ce que nous avons observé dans les fausses branchies des Prosobranches. Ce sont ces éléments que Simroth à pris pour les terminaisons nerveuses : il a cherché à trouver leurs relalions avec les cellules ganglionnaires. J'ai peine à comprendre comment un observateur aussi habile el aussi consciencieux que Simroth à pu méconnaître les cellules de Flemming dans un organe où elles sont plus abondantes que partout ailleurs, étant donné surtout qu'il a réussi à voir une pelite cellule nerveuse à la base de l’épithé- lium. Pour voir les cellules de Flemming, il suffit de colorer fortement au picro-carminale, et de faire des coupes suffi- samment minces. On voit alors des éléments très grêles inter- calés entre les cellules ciliées el s’en distinguant avec la plus grande facilité par leur coloration rouge vif (fig. 40). Toutes les variétés de cellules de Flemming s’observent côte à côte, et présentent des transitions telles qu'il est impossible d'y voir des éléments fondamentalement différents. On observe d’abord des cellules fusiformes dont le noyau est extrème- ment allongé el mal délimité, dans lesquelles l'épaississement constituant le corps de la cellule commence dès la base de l'épithélium. La fée n’est pas non plus distincte ; le col est très faiblement rétréci. On voit nettement une petite touffe de poils. | L'une des cellules de celte variété était rattachée par un très court filet à une cellule nerveuse immédiatement adja- cente à l'épithélium. Cette cellule était au moins tripolaire. L'un des prolongements élait en relation avec le réseau ner- veux; la troisième m'a semblé entrer aussi dans l’épithélium. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 941 Généralement le noyau est bien délimité et plus éloigné de la base, mais le filet d’altache est encore volumineux, ce qui facilite beaucoup la recherche des connexions de ces éléments. La forme la plus générale pour le corps de la cel- lule est exactement celle d’un fuseau. - Quelquefois on observe un noyau assez ramassé, finissant en pointe du côlé de la base, avec un fort nucléole et autour de lui un corps cellulaire lrès renflé. Dans ce cas le corps de la cellule est presque loujours éloigné de la base; plus arement äil en est rapproché et se {rouve dans la zone des noyaux de l'épithélium cilié. Le col de ces cellules est géné- alement rétréci el a têle saillante, plus ou moins allongée. J'ai observé quelques cas dans lesquels la partie faisant suite au noyau présente une assez grande largeur : c'est ce cas que Simroth semble avoir observé et représenté dans la figure où il montre une cellule à large plateau et à filet d'insertion très grêle, en connexion avec une cellule nerveuse. Jamais cependant je n'ai vu de cellule neuro-épithéliale de cette forme, et, dans tous les cas (relativement fréquents chez les Gastéropodes) où le col de la cellule n’est pas filiforme, il y a cependant, dans la parlie dislale, une alténuation sensible sur le diamètre du noyau. Ce fail me semble absolument certain pour ce qui concerne l'organe de Lacaze-Duthiers. Il'existe dans l’invagination épithéliale du Planorbe une région où les cellules sensorielles sont plus abondantes que partout ailleurs ; celte région est située un peu au delà du milieu de la longueur de l'organe, et le diamètre du cul-de- sac y est très resserré. Les cellules sont un peu plus allongées que vers le fond, el toutes inclinées dans la direction de l'ouverture. Or le nombre des cellules de Flemming croi graduellement lorsqu'on s'éloigne du fond du cul-de-sae ; quand on arrive à la région dont il s’agit, elles sont tellement abondantes, qu'on en trouve facilement des paquets d’une dizaine juxtaposés sans interposilion de cellule épithéliale cylindrique. La plupart ont un noyau {rès allongé et brillant, el une tête saillante. J'en ai observé deux en connexion immé- ANN. sc. NAT. ZOOL. IX, 16. — ART. N° 3. 2492 FÉLIX BERNARD. diale avec des cellules nerveuses bipolaires. Au delà de cette région, les cellules sensorielles deviennentmoins nombreuses, les cellules ciliées dominent. Puis les cellules mucipares font leur apparition : l'ouverture du cul-de-sac est très glandulaire. Le réseau nerveux diminue également d'importance; on le perd avant d'atteindre l’ouverture. « Je n'ai pu trouver de relation entre les filets nerveux et les cellules prismatiques ciliées. Je suis donc porté à croire, a posteriori, que les cellules ciliées ne sont pas neuro-épithé- liales. L'aspect obtenu par Simroth dans ses dissociations, donne d’ailleurs bien plutôt l’impression d’une déchirure dans la cellule que d’un aspect normal. De tout ce qui précède, je crois pouvoir conclure qu'il y a continuilé par l'intermédiaire d'un réseau nerveux sous-épi- thélial, entre les cellules ganglionnaires et les cellules de Flem- ming de l’invagination épithéliale. De petites cellules nerveuses les unes multipolaires, les autres bipolaires, sont intercalées dans le réseau, soit dans le voisinage des cellules ganglion- naires, soit au contact des cellules épithéliales et de nom- breuses anastomoses existent entre tous les filets. Résumé. — L’organe de Lacaze-Duthiers chez le ?/anor- his corneus est caractérisé par des cellules ganglionnaires multipolaires de taille très variable. I n’y a pas à proprement parler de substance ponctuée, mais un réseau de fibrilles identiques à celui qui forme d'habitude les nerfs proprement dits, occupe toute la partie immédiatement adjacente à l’épithélium et forme un amas important au fond du cul-de-sac. Les éléments nerveux sont noyés dans la substance interstitielle du lissu conjonelif, et des éléments figurés de ce dernier tissu pénètrent dans l’in- lérieur du ganglion et surtout sur le pourtour de l’invagina- lion. On y trouve aussi des fibres conjonctives. Les prolongements des cellules ganglionnaires aboutissent en dernière analyse à des cellules de Flemming extrêmement abondantes et très grêles, et présentent sur leur trajet de petites cellules nerveuses bipolaires. Le reste de l’épithélium ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 243 est constitué par des cellules ciliées prismatiques à novaux basilaires. Il n’y a de cellules mucipares qu'à l'entrée de l'invagination. Le rôle sécréteur de l'organe est done abso- lument rudimentaire. Si l’on fait abstraction de la pénétration du tissu nerveux par les éléments conjonctifs, on voit que l’organe de Lacaze- Duthiers ne diffère des organes sensoriels étudiés jusqu'ici que par deux points : le voisinage presque immédiat des cel- lules ganglionnaires et des éléments périphériques, et la forme spéciale du faisceau nerveux servant d'intermédiaire; au lieu d'être un nerf plus où moins ramifié, c'est un réseau en forme de eupule doublant exactement l’invagination épithé- liale. Ces deux dispositions sont évidemment la marque d’une haute différenciation de l'organe en vue d’une fonction sen- sorielle délicate et spécialisée. Elles ne prouvent pas que la nature de cette fonction soit essentiellement différente de celle des appareils moins parfaits el plus étendus que nous avons examinés dans les chapitres précédents. CHAPITRE VII ORGANE DE SPENGEL DE LA PALUDINE. J'ai réservé pour un chapitre spécial l'organe de Spengel de la Paludine : nous trouvons en effet dans cet animal une disposition absolument unique chez les Prosobranches, et que nous pouvons bien comprendre seulement après avoir étudié l'organe de Lacaze-Duthiers des Pulmonés. La Pa- ludine, en effet, réunit les caractères distinclifs des organes de Spengel des deux ordres : le bourrelet nerveux dépourvu d'appendice qu'on trouve chez les Ténioglosses inférieurs, et l’invagination épithéliale des Pulmonés d’eau douce. Mais ici au lieu d’un seul cul-de-sac, de deux au plus, comme on en trouve chez la Limnée, on peut en compter wne vingtaine placés les uns à côté des autres et tous semblables entre eux. 244 FÉLIX BERNARD. S 1". — Historique. L'organe de Spengel de la Paludine est resté longtemps méconnu. Cuvier (2) et Leypr& (7) ne le signalent el ne le figurent en aucune façon. SPEYER (9), dans une monographie, sou- vent criliquée, à juste titre, l'a bien entrevu et dessiné à sa vérilable place; mais il l'a pris pour un simple renflement de la veine branchiale efférente. « À l'extrémité antérieure de la branchie se trouve un vaisseau court, cylindrique et gonflé. » (9, p. 17, €. L, fig. 4 et 5; W; la figure montre que celte lettre désigne bien l’organe de Spengel.) C'est M. de Lacaze-Durniers qui, le premier, à soupeonné la nature réelle de ce petit bourrelel; ille signale pour établir son homologie avec l'organe de Spengel filiforme et allongé du Vermet, el avec les fausses branchies bipectinées (77). SPENGEL enfin n’a pas éludié ce lype. L'organe de Spengel de la Paludine est extrêmement facile à voir : ilest, comme toujours, à gauche de la branchie el un peu en avant. Il à la forme d’un pelit bâlonnet diffé- rent de celui de la Litlorine par la régularité de son dia- mètre el l'absence de renflement au point où aboutit le plus gros des nerfs issus du ganglion supra-intestinal. D'autres filets nerveux, dessinés exactement dans la figure 61, s'arrê- tent aussi dans le bourrelel; un assez grand nombre passent par-dessous pour aller à la branchie. Rien de spécial, on le voit, ne semble allirer l'attention sur cet organe qui diffère peu exlérieurement de ceux que nous avons étudiés. Il est très difficile en effet d'apercevoir, sans faire de coupes, les invaginations épithéliales signalées plus haut. Si l'on détache l'organe de Spengel et qu’on le porte, sans préparation spéciale, sous le microscope, on aperçoit assez vaguement quelques taches disposées régulièrement, mais 1l est impossible de voir les ouvertures parce qu’elles sont cachées par le bourrelel lui-même. On peut cependant.se convaincre de leur existence en séparant avec précaution les ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 245 deux lames du manteau, en colorant la lame interne et en l'examinant dans la glycérine. Si l'on a enlevé avec un pin- ceau l’épithélium superficiel, celui des culs-de-sac étant for- tement coloré s'apercoil assez bien sous les autres tissus restés transparents. On peut voir alors que le nombre des invaginations n'est pas constant el dépend de la taille de Pin- dividu; la moyenne pour les animaux adultes est d’une vinglaine. Ils sont disposés avec une grande régularilé, el leur taille diminue vers les deux extrémités du bourrelet nerveux. Je me suis adressé, en outre de la Paludina vivi- para, à deux Paludines du Tonkin, P. cynthia el P. speciosa; provenant de la collection du Muséum. Dans ces deux es- pèces que j'ai choisies aussi différentes que possible de no- tre Vivipare indigène au point de vue de la coquille, on aperçoit plus facilement les invaginations épithéliales ; quel- ques-unes s'ouvrent en effet plus près du milieu du bour- relet, et par conséquent ne sont plus cachées par lui; elles sont d'ailleurs plus irrégulièrement disposées. J'ai fait des coupes dans les organes de Spengel de ces deux espèces, et, à part ce qui pré en je n'ai rien trouvé qui parüt mériter une description spéciale. Je me bornerai donc dans ce cha- pitre à décrire la Paludine vivipare. Des coupes transversales vont nous indiquer exactement comment ces invaginalions sont disposées par rapport au bourrelet. La figure 39 reproduit une coupe qui intéresse loute l'étendue de l’un des culs-de-sac; ceux-ci sont, on le voit, recourbés vers la lame supérieure du manteau, mais ils ne sont contournés ni à droite ni à gauche, et gardent une grande régularité. Les coupes précédentes et suivantes ne ardent pas à altemdre l’épithélium des parois qui se trouve coupé obliquement, et l’on voit périodiquement des coupes qui intéressent uniquement la région des noyaux. La figure 39 représente une coupe du manteau faite à plat et par suite coupant longitudinalement le bourrelel ner- veux. Elle ne passe pas par l'ouverture des culs-de-sac puis- 246 FÉLEX BERNARD. que ceux-ci sont obliques, mais elle montre la distance qui les sépare et leur position entre le nerf et la branchie. Au premier coup d'œil l'épithélium des culs-de-sac tran- che vivement sur celui qui tapisse le bourrelet nerveux et les feuillets branchiaux adjacents : il est en effet formé en majeure partie par des cellules ciliées très étroites par rap- port à leur longueur prismatique, à plateau peu différencié, à noyau toujours basilaire. Je n'ai jamais trouvé une seule cellule muqueuse. Ces derniers éléments abondent au contraire dans la région basilaire des lamelles branchiales, qui est loute voisine (à gauche sur la fig. 39) ; quelques-unes se montrent aussi sur tout le pourtour du bourrelet ner- veux. Dans cette région l’épithélium est beaucoup plus haut, les noyaux se voient à tous les niveaux, de sorte que les cellules ciliées ont toutes les formes possibles et sont rétré- cies en un point quelconque de leur longueur. Elles sont d’ailleurs plus larges et leur noyau est au moins deux fois plus gros; elles sont d’ailleurs insérées par un mince filet, tandis que celles de l’invagination ont une base aussi large que le reste de la cellule. Enfin la coloration est différente : les cellules du bourrelet absorber{ vivement le picro-carminale, surtout par leurs pla- eaux; celles de l’invagination restent rose pâle, et inverse- ment le bleu de méthylène éteint complètement la coloration rose des cellules de linvagination qui, dans les coupes en deux couleurs, restent bleues; il colore à peine les cellules ciliées du bourrelet. Étudions maintenant le bourrelet nerveux lui-même (x, fig. 39 et 39 a). Ce n’est pas à proprement parler un gan- glion : les cellules nerveuses y sont rares et petiles : on en trouve des groupes à la périphérie, principalement dans l'in- lervalle de deux faisceaux neuro-épithéliaux; mais rien ne rappelle les volumineux éléments des Pulmonés; nous re- tombons ici dans le cas général de l'organe de Spengel en bourrelet (Litlorine, Cyclostome, Vermet, elc.). Le nerf n’est pas absolument isolé dans un espace san- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 247 guin : une lacune existe en réalité, mais elle est irrégulière, el anfractueuse, et des masses épaisses de lissu conjonclif compact, traversé par les muscles, s'étendent par places sans solution de continuité entre le nerf et l'épithélium. C'est dans ces masses conjonclives que l’on voit les énormes faisceaux nerveux qui s’échappent du nerf central et abou- lissent à l’épithélium du bourrelet. Leur longueur et leur posilion varient beaucoup : On en voit fréquemment plusieurs en une même coupe (fig. 39). Dans certains cas, on voit ces faisceaux décrire une courbe assez sinueuse, toujours enve- loppés de leur névrilème spécial qui accompagne les ra- milfications du nerf avant son entrée dans l'épithélium. Des cellules nerveuses mullipolaires assez nombreuses, toujours fort petites, se trouvent dans chacun des faisceaux ; elles sont identiques à celles qui existent dans l'épithélium même, sur le trajet des fibres nerveuses et qui constituent un réseau inter-épithélial {rès net et très développé. Les cellules de Flemming se voient très bien et leur têle arrondie se détache sur le fond pourtant fortement coloré, que forme l’ensemble des plateaux. C’est surtout dans la ré- gion qui avoisine l'invagination, qu'elles se montrent en abondance. Là en effel aboutissent en très grand nombre des faisceaux qui se divisent parfois d’une manière plus netle que dans le cas figuré, et d’autres fois pénètrent en entier dans l’épithélium. Ces faisceaux nerveux, les plus longs que l’on puisse ob- server dans l'organe de Spengel de la Paludine, sont immé- diatement accolés aux invaginations épithéliales : leur né- vrilème reste cependant distinct de la membrane de sou- lien. Une question se pose dès lors tout nalurellement : ce nerf dessert-il l’épithélium de linvaginalion aussi bien que celui du bourrelet? Je ne le crois pas. En réalité l'invagina- ion est desservie par des faisceaux spécieux dont les uns sont à la vérité issus du nerf épithélial qui nous occupe, mais qui sont nettement limités : ils sont courts et s’élalent bien vite dans l'épaisseur de la membrane de soutien. Les 248 FÉLIX BERNARD. autres partent directement du gros nerf central et, se diri- geant du côté opposé au bourrelet, font plus ou moins com- plètement le tour de linvagmalion et l’atleignent soit par le fond, soit sur les côtés. D'ailleurs j'ai été surpris de la pauvreté de linnervalion de cet épithélium, comparée sur- tout à la richesse inattendue de l’innervation du bourrelet. En cerlains points même l'épithélium de linvaginalion est accolé au gros nerf central; mais il en est encore net- lement séparé et je n'ai pas vu de passage de lun à l'autre. Quant aux cellules neuro-épithéliales, elles ne sont nulle part aussi difficiles à apercevoir que dans le cas présent; j'ai douté de leur existence jusqu’au jour où je les ai rencontrées dans l'organe de Lucaze-Duthiers : j'en ai dès lors trouvé un grand nombre dans les invaginations de la Paludine. Pour lever toute équivoque, j'ai fait des préparations au chlorure d’or, et j'ai comparé sur des coupes minces les deux épithéliums : ce réactif mel en évidence les cellules de Flemming dans l’invaginalion et le bourrelet ; il permet d’ob- server la connection de ces éléments avec les fibres nerveuses. En sorte que l'existence des cellules de Flemming dans les culs- de-sac épithéliaux de la Paludine est pour moi un fait dé- montré. Est-il aussi certain que les cellules des culs-de-sac ne sont pas toutes sensorielles, et que celles qui ont un noyau et un protoplasma plus coloré, une forme plus cylindrique et un pelit plateau eilié, sont simplement des cellules indifférentes ? Rien n’est difficile, dans le cas présent, comme de résoudre celte question. Je dois donc me contenter d'exprimer un fait probable en disant que la plupart des cellules épithé- liales du cul-de-sac sont des cellules ciliées ordinaires, mal- gré leur dissemblance avec celles qu’on observe plus loin sur le bourrelet. Comparé à ceux des Ténioglosses, l'organe de Spengel de la Paludine dérive bien évidemment de types peu différen- ciés, Lels que celui de la Littorine, dont il diffère (en consi- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 249 dérant seulement le bourrelet) par une richesse grande d'in- nervalion épithéliale. Müis d'autre part l'analogie qu'il présente avec l'organe spécial des Mollusques Pulmonés, ne peut faire aucun doute : il représente une vingtaine d'organes de Lacaze-Duthiers jux- laposés, où mieux (si l'on se souvient que dans la Limnée existe un cul-de-sac épithélial 4ifurqué), un {vpe compliqué et diffé rencié d'organe de Lacaze-Duthiers. Une différence assez sen- sible ne peut cependant pas manquer de nous frapper : Dans l'organe de Lacaze-Duthiers existaient beaucoup de grosses cellules et peu de fibres; c'était un ganglion fout spécial à ce point de vue: ici la structure se rapproche plutôt de celle d'un nerf, quoique les éléments ganglionnaires soient assez nombreux. D'autre part nous avons frouvé chez les Prosobranches mèmes toutés les transitions entre un nerf et un ganglion ; la différence constatée n'a donc pas une importance fonda- mentale. Il reste donc à expliquer le nombre si considérable des invaginalions chez la Paludine. Orilest presque évident a priorique ce nombre croil à mesure que Fanimal grandit: j'ai vérifié ce fait en examinant sur des coupes une pelile Pa- ludine non encore éclose, mais déjà grande de 2 millimètres environ, elle avait neuf invaginalions au lieu de vingt. Or on sait qu'il y a deux culs-de-sac chez la Limnée ; l'écart serait cerlainement réduit encore si l’on s’adressait à des embryons plus jeunes, et peut-être arriverail-on à trouver un stade qui rappellerait davantage la disposilion de l'organe de La- caze-Duthiers. Malheureusement nous ne savons rien sur le développement de l'organe de Spengel (sauf chez les Bithynies) et peu de choses sur celui de l'organe de Lacaze-Duthiers (voir plus haut, [°° partie). Je n’entends pas dire parlà, bien entendu, que la Paludine descende des Pulmonés:; mais en admettant que des faits de même ordre soient constatés pour les principaux or- ganes on pourrait peul-être trouver que l'embryon de Paludine est plus rapproché que toute autre forme de Proso- 250 FÉLIX BERNARD. branches du type ancestral d’où dérivent des Pulmonés. C'est une hypothèse que Simroth a longuement développée (34). Au point de vue des fonctions de l'organe de Spengel de la Paludine, nous ne pouvons qu'émettre des hypothèses. Mais si, de l'identité de structure, nous pouvons conclure à l'identité de fonction, nous dirons que le rèle de l'organe de Lacaze el celui de l'organe de Spengel sont réunis ici dans un seul et même organe. Ces deux fonctions sont-elles dis- tinctes ? Peut-être y a-t-1l là simplement une différence de degré, ou de perfectionnement dans les sensations, analogue à celle qui distingue l'irritabilité des muqueuses sous l'ac- lion des substances chimiques à l’élat de gaz ou de vapeurs, de l’olfaction proprement dite. Mais si, comme toujours, la fonction de l'organe reste problématique, sa signification morphologique est plus claire. Nous pouvons l’énoncer brièvement et résumer en même temps ce chapitre en disant qu'il réunit les disposi- tions caractéristiques des Ténioglosses inférieurs et des Pul- monés d'eau douce, el présente ainsi un curieux cas de transi- ion, le seul qui ait jusqu'ici été signalé, entre l'organe de Spen- gel et l'organe de Lacaze-Duthiers. CHAPITRE VII ORGANE DE SPENGEL DES OPISTHOBRANCHES. Le but que je me suis proposé dans ce travail n’est pas de revoir point par point le mémoire de Spengel et de re- chercher dans chacun des cas qu'il a examinés, si c’est à juste titre qu'il à attribué à telle ou telle partie de l'orga- nisme le rôle d’organe sensoriel. Par suite je crois être en droit de laisser de côlé, au moins provisoirement, l'examen des Hétéropodes et des Pléropodes, ainsi que la plupart des Lypes si nombreux et si dissemblables d’Opisthobranches : Spengel lui-même n’est d’ailleurs pas allé bien loin dans ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 251 cette voie. Cependant je ne puis me dispenser d'appeler l'attention sur le groupe qui renferme les animaux les plus élevés en organisation, et en même (emps les moins éloignés. Il y à pour nous un cerlain intérêt à savoir si le ganglion branchial des Teclibranches, placé par rapport à la branchie exactement comme celui des Diolocardes, a sous sa dépen- dance des nerfs sensoriels, comme l’a supposé Spengel. L'étude de ce ganglion à élé faite avec soin chez les Bullidés par M. Vayssière (71), au point de vue morpholo- gique. Les déductions de cet habile analomiste ont pour nous un grand intérêt et nous y reviendrons plus loin. Mais ce mémoire étant antérieur à celui de Spengel, Pau- teur ne se préoccupe naturellement pas de la comparaison de ce ganglion avec la fausse branchie. Dans un travail ulté- rieur, M. Vayssière admet comme démontrées les hypothèses de Spengel et substitue le nom d'organe olfactif à celui de ganglion branchial. Ces hypothèses sont formulées très brièvement par Spen- gel, et je crois devoir citer ici complètement la description de cet auteur : « L’organe olfactif chez le Gastropteron Meckeli est le ganglion décrit par Jhering comme ganglion du nerf bran- chial, au milieu de l’espace qui s'étend entre la partie anté- rieure de la branchie et la partie postérieure du disque fron- tal » et plus loin : chez le Doridium aplysiæforme le nerf issu du ganglion viscéral postérieur «forme un ganglion qui n'est pas autre chose que le ganglion olfactif; au-dessus de lui s'étend un organe olfactif clair, parsemé de pigment brun. » Je me suis proposé de rechercher : 1° si le ganglion branchial envoie réellement des filets à l'épithélium ; 2° si le nerf qui nait de ce ganglion et dessert la branchie est un nerf sensoriel comme chez les Diotocardes. J'ai étudié à cet effet la Bulla hydatis et la Philine aperta que je recevais en abondance d'Arcachon, et le Doridium membranaceum dont j'ai rapporté de Naples de beaux échantillons. La des- 2 FÉLIX BERNARD. cripUon suivante s'applique spécialement au genre Bwla. Je me suis raremeni trouvé en présence d’un eas où le point en Hlige soit aussi facile à débrouiller. Le ganglion branchial en effet est limité avec une précision remarquable par un névrilème très. résistant, d'épaisseur constante, présentant à sa surface interne, contreles éléments nerveux, une lame d'épaississement identique à celle qui double exté- rieurement la membrane de soutien de l'épithélium (fig. 60). On voil des faisceaux assez nombreux et épars bordés de leur névrilème, s'échapper du ganglion et se porter vers l'é- pithélium, après s'être parfois ramifiés sur leur trajet. Le fais- ceau sensoriel traverse d’abord un espace lacunaire (s, fig. 60), qui entoure le ganglion presque de toutes parts. Puis il pé- nètre dans la couche cutanée constituée, comme d'habitude, par une malière compacte et fibrillaire, renfermant des élé- ments musculaires. L'épithélium est plus haut en face du ganglion que dans les régions voisines ; sa surface libre pré- sente des mamelons assez développés dus à l'inégalité de lon- gueur des cellules épithéliales. Les terminaisons nerveuses se montrent en groupes assez serrés directement en face des puits par où cheminent les faisceaux. Elles sont généralement grêles et quelques-unes cependant ont un noyau volumineux (ne,fig. 60) ; {outes ont des têtes étroites et peu visibles. On en trouve une grande quantité, isolés, ou en petits groupes, sur tout le tégument à une distance assez grande du gan- glion branchial. Des cellules muqueuses se voient dans cette région aussi bien que partout ailleurs. Celte description et la figure qui s'y rapporte (fig. 60) prouvent une analogie réelle avec les cas précédemment exa- minés des Diotocardes et surtout de la Patelle (abstraction faite de la branchie rudimentaire, fig. 59). Mais une diffé- rence frappante consiste dans le petit nombre et les dimen- sions énormes des cellules nerveuses du ganglion : ceci n’est d’ailleurs pas spécial à l'organe dont il s’agit; on sait que les éléments ganglionnaires des Opisthobranches sont parmi les plus gros des Mollusques; ce fait a élé utilisé par ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 253 M. Vignal dans ses recherches sur les centres nerveux des Invertébrés. I m'a permis de vérifier avec une grande cer- ütude plusieurs des délails histologiques que j'ai donnés plus haut à propos de l'organe de Lacaze-Duthiers. Je crois inutile de reprendre une description semblable pour la Philine; les différences avec la Bulle sont dénuées d'intérêt. Il en est de même en ce qui concerne l'A plysia punclala qui présente exactement la même disposition. Ce qui précède suffit à établir que dans les deux grandes familles de Tectibranches (Bullidés et A plysidés) à existe un organe sensoriel semblable & celui des Diolocardes, el comme lui sous la dépendance du ganglion branchiar. Mais, en oulre de ces deux groupes importants, il existe encore parmi les Teclibranches des types qui, pour êlre moins riches en espèces, n'en sont pas moins intéressants : tels sont le P/eurobranche LV Ombrelle. Les belles recherches de Lacaze-Durmiers (14) el de Moquin-Taxpon (24 bis) nous ont fail connaître respeclivement Le système nerveux de ces animaux dans ses moindres délails; elles nous apprennent qu'ils sont dépourvus de ganglion branchial. Mais dans l'Ombrelle en particulier, on trouve tout le long du vaisseau branchial efférent, ici particulièrement large, un riche ré- seau nerveux à mailles irrégulières, desservi par le nerf palléo-branchial. SPENGEL ne parait pas avoir atlaché d'importance à cette disposition ; partout où il ne trouve pas de ganglion ou de bourrelet, il déclare n'avoir pas réussi à trouver l'organe olfaclif. Or si l’on fait dans la branchie des coupes {ransver- sales, normales par conséquent à la paroi du vaisseau en question, on voit très facilement plusieurs des filets ner- veux passer langenliellement dans l'épithélium et aboutir ‘à des ilols où les cellules neuro-épithéliales mêlées d’ail- leurs, comme d'habilude, aux cellules ciliées, établissent un contraste assez tranché avec l’épithélium très régulier avoi- sinant. Il existe donc, le long de la 4ranchie de l'Ombrelle, malyré l'absence de ganglion, une sorte d'orgune de Spençel 254 FÉEIX BERNARD. diffus dépendant, non pas d’un nerf unique, comme chez les Diotocardes, mais d’un réseau, et ne différant pas par d’au- tres caractères de ceux que nous avons décrits dans ce der- nier groupe. En résumé, chez les Tectibranches, {antôt 1l existe un ganglion à la base de la branchie, tantôt on trouve un réseau nerveux le long du support branchial ; ce ganglion ou ce réseau envoient à l'épithélium des filets assez volumineux, aboutis- sant à des cellules de Flemming faciles à reconnaitre au milieu d'un épithélium à larges éléments. CHAPITRE IX SIGNIFICATION MORPHOLOGIQUE DE L'ORGANE DE SPENGEL ET DU GANGLION BRANCHIAL. Pour compléter l'étude de l'organe de Spengel et pouvoir établir son identité morphologique dans la série des Gasté- ropodes, nous avons à reprendre une importante question de morphologie que nous avons à dessein laissée de côté jusqu'ici. Je veux parler de la détermination morphologi- que du ganglion qui se trouve à la base de la branchie des Diotocardes et que nous avons appelé ganglion branchial, pour ne rien préjuger de ses fonctions n1 de ses homologies. Cette détermination s'impose dès qu’on veut comparer le système nerveux des Diotocardes avec celui des Monoto- cardes, et élablir par suite le plan général du système ner- veux des Prosobranches; elle permettra aussi, dès qu'elle sera élablie avec certitude, d'aborder la comparaison entre le système nerveux de ces derniers, et celui des Opistho- branches Tectibranches. Les opinions émises dans les dix dernières années sont, au sujet de ce ganglion, tellement divergentes, qu'il est in- dispensable de présenter un tableau des différentes homo- logies qui ont été proposées pour les ganglions qui nous occupent. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 259 Pour SrexGeL, les ganglions branchiaux des Diotocardes, avec le nerf volumineux qui y prend naissance, sont les ho- mologues de la fausse branchie des Monotocardes, des gan- glions branchiaux des Hétéropodes et des Opisthobranches Tectibranches, de l'organe cilié de Gegenbaur chez les Pté- ropodes : ce sont des organes olfactifs. Pour BeLa HazLer (5 2), le rôle olfactif de ces ganglions ne doit pas l'emporter sur la fonction d'innervation de la bran- chie; ce sont des ganglions &ranchiaux au sens téléologique du mot, qui, « dans les systèmes nerveux concentrés de formes dérivées, munies d’une seule branchie, peuvent man- quer ou être inclus dans le ganglion supra-intestlinal. » JHERING (57) (1885) persiste dans son opinion antérieure au sujet de la fausse branchie : « Les branchies rudimen- taires des Prosobranches ne peuvent pas être considérées comme organe olfactif, etidentifiées avec l'organe de Lacaze des Limnées et des Stéganobranches, avec lequel elles n’ont absolument rien à voir. » M. Bouvier (6/) discute longuement la question, el en com- parant les nerfs émis par les ganglions branchiaux des Rhi- pidoglosses d’une part, et de l’autre par les ganglions swpra ou sus-inteshinaux des Pectinibranches, fait observer que ce sont idenliquement les mêmes nerfs : les ganglions en ques- tion sont donc Lomoloques. L'homologue de la fausse bran- chie doit donc être cherchée chez les Diotocardes dans le nerf volumineux qui suit le bord libre du support branchial : de là résulte que tous les centres nerveux qui se rencontrent dans l’un des deux groupes sont aussi représentés dans l’autre, à l'exceplion du ganglion sous-intestinal, qui man- que chez les Trochidés. En résumé, si l’on considère tous les organes en litige, fausse branchie, ganglion branchial des Diotocardes et des Opisthobranches, organe de Lacaze-Duthiers des Pulmonés, {° Pour Spengel, il n'y a là morphologiquement qu'un seul organe (organe olfactif) ; 2° Pour 37. Bouvier, il y a deux organes morphologique 256 FÉLIX BERNARD. ment distincts : 1° fausse branchie et nerf du support bran- chial des Diotocardes; 2° ganglion branchial et ganglion sus- intestinal ; 3° Pour Bela Haller, il y en a trois : 1° fausse branchie : 2° ganglion branchial; 3° ganglion sus-intestinal. 4 Pour Jhering, À y en à quatre : 1° branchie rudimen- laire; 2° organe de Lacaze; 3° ganglion supra-intestinal ; ï* ganglion branchial. Je n'ai pas à revenir sur linexacti- tude de l’opinion consistant à considérer l’organe bipectiné comme branchie rudimenlaire. Pour établir qu'un organe nerveux quelconque représente bien ce qu'il appelle organe olfactif, Spengel s'appuie en définitive sur deux faits : 1° l'organe en question émet des filets vers l'épithélium; 2° il reçoit un gros nerf issu du gan- glion supra ou sub-intestinal, ou, à son défaut du ganglion palléal. Voyons ce qu'il faut penser de la première preuve. IL est exact que partout où Spengel place son organe ol- factif, il existe des filets neuro-épithéliaux ; mais ce fait est- il spécial à l'organe de Spengel? Comme on va le voir dans la suite de ce travail, j'ai retrouvé des filets analogues dans les régions les plus diverses du manteau, même dans la glande à mucus, et je montre qu'il existe au {ranchant de chaque lamelle branchiale une disposition rappelant celle de l'organe de Spengel des Diotocardes inférieurs; la géné- ralité de celte disposilion, sans doute très intéressante, prouve qu'il est impossible d’en tirer des indicalions, relati- vement à l’homologie des organes douteux. De plus, chez les Diotocardes inférieurs, l'organe de Spengel n’est pas diffé- rencié en tant qu'organe sensoriel ; il ne commence à se loca- liser que chez les Trochidés et surtout chez l'Haliolide. Enfin, l'identité des terminaisons nerveuses avec toutes celles qui ont élé vues dans les régions sensorielles du manteau est complète; ces éléments ne peuvent done guère servir à la délerminalion de l'organe, el rien ne nous permet d’af- firmer «& priori que nous soyons en présence d'un organe présentant des fonclions spéciales. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. ps à | Par conséquent, dans les cas de différenciation minimum qui sont précisément les cas douteux, il nous faudra faire appel wniquement au principe des connexions pour résoudre la difficulté. Mais, à ce second point de vue, le raisonnement de Spen- gel manque un peu de précision. Toutes les fois que le gan- glion supra-intestinal existe, l'envoie un nerf volumineux qui se termine dans l'organe olfactif : telle est la nolion qui se dégage de la lecture du texte et de l'examen des figures de Spengel. Mais que se passe-t-il quand le ganglion supra-intes- tinal n’est pas distinct, ce qui est le cas des Diotocardes? Alors le nerf se confond avec la commissure viscérale et naît direc- tement du ganglion palléal. Telle est, en résumé, l'argumen- lalion que Spengel emploie implicitement pour prouver l'unité morphologique de l'organe olfactif. Il est clair qu'elle n'exclut en aucune façon ni l'hypothèse de Bela Haller ni celle de Bouvier, et que l'organe en question peut aussi bien, dans ces conditions, représenter soit le ganglion supra- intes{inal lui-même, soit un ganglion spécial, puisque dans les deux cas les relalions avec le ganglion palléal restent les mêmes. Il faut donc s'adresser non seulement aux nerfs aboutis- sant à l'organe de Spengel, mais aussi à ceux qui en par- tent; c'est ce qu'a fait Bela Haller. Spengel avait négligé d'examiner les filets issus du ganglion et allant aux organes voisins. Cependant depuis longtemps M. de Lacaze-Duthiers savait qu'il existait dans le support branchial, outre le nerf respiraleur externe, qui est pour nous un nerfexclusivement sensoriel, un nerf respirateur interne (1), qui se distribuait aux feuillets branchial (Spengelreproduit d’ailleurs le schema proposé par le savant français). Dans la Fissurelle et les Nérilidés il n'existe qu'un nerf de ce côté du support branchial, mais ce nerf envoie des filets aux feuillets, et joue ainsi à lui seul le rôle des (1) Ce dernier nerf a été retrouvé chez les Trochidés par B. Haller et Bouvier. Il est figuré pl. VII, fig. 23, NI. ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, 17. — ART. N° 3. 258 FÉLIX BERNARD. deux précédents. De plus, dans la Fissurelle, les Trochi- dés et l'Haliotide, d’autres filets nerveux, en nombre varia- ble, sont issus du même ganglion et desservent le man- teau dans les régions voisines. Dans l’Haliotide, l’un de ces nerfs, décrit par M. de Lacaze-Duthiers et Bouvier comme palléal, innerverait le péritoine (?) d’après Bela Haller. J'ai pu sans difficulté observer ce nerf dont on voit nettement les rameaux se distribuer dans le manteau, à sa partie antérieure, contrairement à l'opinion du savant allemand. Tout ce qui précède montre que chez les Diotocardes, le ganglion branchial n'est pas un organe terminal, comme l'organe de Lacaze-Duthiers des Pulmonés : c’est un appa- reil d’innervation, qui tient sous sa dépendance la branchie tout entière, aussi bien pour ses parties musculaires que pour ses régions sensorielles, et quelquefois une partie du manteau et peut-être l'oreillette. Que se passe-t-il, au contraire, dans la fausse branchie des Monotocardes? On sait, depuis M. de Lacaze-Duthiers, qu'elle reçoit un certain nombre de nerfs, dont un très puis- sant, et que d’autres nerfs passent sur la face dorsale de cet organe sans s’y arrêter. J'ai pu vérifier d'autre part, soit en examinant des coupes, soit en disséquant avec soin les nerfs qui passent sous l'organe, que yamais 1l n'existe de nerf ayant son origine dans le ganglion de la fausse branchie et se dirigeant du côté de la branchie; que jamais un nerf ne passe à travers la partie nerveuse de ce ganglion sans S'y arrêter. L'on trouve au contraire fréquemment des nerfs se divisant près du ganglion et envoyant une branche à la fausse branchie et l’autre à la branchie. D'ailleurs, tant pour le cas de la fausse branchie filiforme que pour celui de la fausse branchie bipectinée, le ganglion qui constitue la partie fondamentale de cet organe émet principalement des nerfs sensitifs; le système musculaire est d’ailleurs peu dé- veloppé et je n'ai pas pu trouver les filets moteurs. La fausse branchie des Monotocardes considérée dans son ensemble est donc un appareil terminal. H est naturel ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 259 qu'un organe nerveux aussi important soit relié aux centres palléaux par un gros nerf; mais, il faut le remarquer, ce nerf n'est issu directement ni de la commissure ni du ganglion supra-intestinal, comme chez les Diolocardes; il part généralement 4e la commissure palléale de Bouvier, ou du plexus palléal qui à cette commissure pour point de dé- part; son existence, en tant que nerf spécialement volumi- neux et diflérencié, est fréquente, mais n’est pas plus géné- rale que celle d'un renflement ganglionnaire sur le trajet de cette commissure. En somme, toute celte partie du manteau est sous la dé- pendance d'un riche plexus palléal et non pas d'un nerf unique ; à la formalion de ce plexus prennent part principa- lement des filets issus du ganglion palléal droit et du gan- glion supra-intestinal, auxquels viennent s'ajouter dans les cas de différenciation maximum des nerfs ayant leur origine dans le ganglion palléal gauche, comme le montrent les figures données par Bouvier pour les Cérithidés, le Tri- ton, etc. La disposition est encore plus nette chez la Ranelle et la Cassidaire. Rappelons de plus un fait sur lequel j'ai déjà eu l’occa- sion d'insisler et qui trouve ici son application. Dans les cas de différenciation minimum, lorsque la fausse branchie est réduite à un filet plus ou moins allongé (Paludine, Liltorine, Cyclostome, Vermel), la partie centrale n'est pas en réalité un ganglion, comme semblait le faire prévoir l'hypothèse de Spengel. C'est un nerf qui n’est pas plus ganglionnaire que le nerf sensoriel volumineux du support branchial des Dio- tocardes : la multiplication des cellules nerveuses autour de ce nerf se fail parallèlement au développement des feuillets de la fausse branchie. Pour toules ces raisons, nous sommes, je le pense, au- torisé à ne pas admeltre rigoureussment l'homologie affir- mée par Spengel entre la fausse branchie et le ganglion branchial. Il semble résulter au contraire des faits précédemment 260 FÉLIX BERNARD. énoncés que la fausse branche est homoloque seulement du nerf respirateur externe. Mais pour pouvoir défendre cette asser- tion, il faut savoir d’abord ce que c’est que le ganglion bran- chial lui-même. Est-ce un ganglion spécial? Est-ce l’homo- logue de l’un des ganglions supra ou sub-intestinal? Cette dernière hypothèse est celle qu'admet M. Bouvier : nous allons maintenant l’examiner. Des objections sérieuses peuvent êlre présentées contre celle dernière manière de voir. Si les deux ganglions en question se présentaient toujours isolément, l’un chez les Monolocardes, l’autre chez les Diclocardes, l'identité des nerfs issus des deux ganglions prouverait nettement leur homologie. Mais que doit-on penser des cas où ils coexis- tent (la Fissurelle, la Valvée et la Tecture), et des cas où ils manquent lous les deux (Méritidés)? Pour résoudre cette question délicate, auittons un instant les Prosobranches et adressons-nous aux Bullidés, dont le système nerveux à élé si bien étudié par M. Vayssière (#7). Si l’on examine les figures données par cet auleur, on verra que rien n’est plus variable que le nombre des ganglions si- tués sur la commissure viscérale, entre le ganglion céré- broïde droit et le ganglion branchial (1). Or, chez le Gastropteron, il existe un seul ganglion sur la commissure (c’est le ganglion palléal proprement dit). I y en à deux chez le Doridium, deux également chez la PAiine, mais le nerf branchial naît de la commissure un peu au delà du troisième ganglion; un troisième ganglion apparait à l'origine de ce nerf chez le Scaphander et Ia Bulla. M. Vayssière a d’ailleurs appelé lui-même l'attention sur ces curieuses variations (p. 107). La conclusion s'impose : ce qu’il y a iei de constant, c'est le ganglion palléal et le ganglion 4ranchal; ce dernier, situé (4) Ce ganglion est toujours situé sur un nerf distinct; il ne manque jamais. On remarquera peut-être que M. Vayssière a négligé de le signaler et de le figurer chez la Philine; j'ai vérifié son existence, et je n’attache pas grande importance à ce léger oubli de l'habile anatomiste. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 261 loin du précédent dans tous les cas, a bien la branchie comme principale dépendance ; nous avons vu que de plus il envoie des filets à l'épithélium. Voyons si des conclusions analogues sont applicables aux Prosobranches. Chez les Diotocardes, le ganglion branchial qui est bien évidemment l'homologue de celui des Tectlibranches, ne manque jamais, il est même vaguement représenté chez les Nérilidés, assez loin de l’origine de la commissure. Entre lui et le ganglion palléal s'interpose un ganglion nouveau chez la Tecture el la Fissurelle ; ce ganglion manque au contraire chez le Trochus et l'Haliotis. Quand il existe, ce ganglion uouveau, ou gan- glion de relais, porte le nom de ganglion supra-intestinal (1). Il peut êlre dédoublé (Doridium, Philine), où mème divisé en trois (Bulla, Scaphander). est unique et constant chez les Monotocardes. Dans ces derniers, la transformation de la branchie à entrainé la disparition du ganglion branchial, caractéristique des formes anciennes. On voit que l'opinion qui me paraît la mieux justifiée est en somme celle de B. Haller. Au surplus, celle de M. Bou- vier n’en est pas aussi éloignée que son auteur semble l'in- diquer. « Tout organe, dit-il en effet, qui reçoit un faisceau de nerfs nombreux et importants, est pourvu d’un ganglion accessoire, servant de relais, situé à la base du faisceau. Par conséquent, un ou deux ganglions accessoires se forme- ront à la base de la branchie, sur le trajet des nerfs encore unis en un seul tronc (Aspidobranches), soit à leur origine sur la commissure (Peclinibranches), aux deux endroits à la fois chez la Fissurelle. » Il est impossible de ne pas sous- crire à celle asserlion de l’auteur qui a si habilement inter- prété ses patientes recherches. On peut seulement se pro- poser de la préciser, et de montrer comment les variations dans la position de ces ganglions sont liées aux différences (1) I va sans dire que nous considérons uniquement le côté gauche, qui conserve toujours la branchie et les organes qui sont liés à son existence. S'il existe une branchie droite, les mêmes conclusions s'appliquent (Fissu- relle, Haliotis). 262 FÉLIX BERNARD. dans le développement de l'organe sensoriel. C’est ce qui nous reste à faire maintenant en résumant les conclusions auxquelles nous conduit la première partie de ce travail. Conclusions. — 1° I existe chez les Builidés, les Aplysi- dés et les Diotocardes un ganglion branchial qui innerve la branchie tout entière, el une portion du manteau de plus en plus faible quand on s’élève dans l'échelle des Prosobranches ; chez tous les types, sauf les Fissurellidés, il envoie des filets à l’épithélium. De plus, chez les Fissurellidés, le nerf du sup- port branchial est en même temps sensoriel, tandis que chez les Trochidés et les Haliotidés, ce rôle est dévolu à un nerf spécial situé, près du précédent, le long du support bran-- chial. Chez les Fissurellidés apparaît un ganglion supra- intestinal. 2° Chez les Néritidés, les Tectures et les Valvées il n'y a plus de ganglion branchial bien différencié. Un ganglion supra-intestinal peut ou non exister à l’origine de la com- missure, et la région sensorielle se trouve transportée le long du trajet du nerf branchial. 3° Chez tous les Monotocardes il n’y a plus trace de gan- glion branchial. La zone sensorielle s’est différenciée en un organe d’abord assez simple, puis plus compliqué. On peut d'ailleurs relier ces deux cas par une hypothèse extrème- ment simple, et qui me semble s'imposer à l'esprit. Si l'on veut passer de la branchie bipectinée des Trochidés et des Néritidés à la branchie des Monotocardes, la seule supposi- lion plausible consiste à supposer qu'il y à eu soudure du manteau avec cette lame transversale qui prolonge de part et d'autre le support branchial et divise la cavité palléale en deux étages; par ce fait, tous les feuillets de la face supé- rieure disparaissent (1). (Remarquons que chez les Mono- dontes ils sont déjà, dans la partie postérieure de la branchie, bien plus réduits que ceux de la face inférieure.) Dès lors le nerf branchial sinueux des Néritidés passe dans le manteau; (4) Le manteau est, comme toujours, supposé en place sur l'animal. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 263 supposons que le petit renflement w/ongé qu'il possède s'exagère un peu, el nous arrivons au bourrelet des Mono- locardes inférieurs. Ce dernier, chose curieuse, se continue parfois à sa partie antérieure par un filet qui va à la bran- chie et qui pourrait ainsi représenter la suile du nerf bran- chial. Les autres modifications s'expliquent d’elles-mêmes, et nous voyons le riche plexus palléal des Ténioglosses Sipho- nostomes et des Rachiglosses s'effectuer d'une manière tout à fait graduelle (1). i* L'organe de Spengel est ainsi différencié en un organe terminal, sous lequel passent sans s'arrêter les nerfs destinés à la branchie; or, si l'on suppose que celle-ci soit supprimée, comme cela a lieu chez les Pulmonés, en partant d'un cas analogue à celui de la Paludine, nous n'avons pas de peine à retrouver l'organe de Lacaze-Duthiers; celui-ci esl innervé par le deuxième ganglion du centre asymétrique qui cor- respond à l’un des deux ganglions supra-ou sub-intesti- nal; c'est un organe terminal; il présente une invagination épithéliale qui se retrouve plusieurs fois répélée chez la Paludine. Pour toutes ces raisons, son homologie avec la fausse branchie ne me semble guère pouvoir être mise en doute. Peut-être trouvera;t-on plus tard en reprenant l'étude du développement de la Paludine d’autres termes de transition. ‘ Si l'on veut bien se résoudre à considérer ces stades suc- cessifs de différencialion et de balancement qui me sem- blent se présenter avec une simplicité remarquable, sans essayer de renfermer des faits aussi complexes, dans telle ou lelle formule exclusive où, sous prétexte de comparaison rigoureuse, on arrive, suivant le point de vue auquel on se place, à exprimer les mêmes idées dans des termes en appa- rence contradictoires, on pourra, je l'espère, sortir de la con- fusion qui semble régner encore au sujet de ces questions délicates. (1) L'étude de l'appareil circulatoire nous donnera une nouvelle preuve à l'appui de cette hypothèse de la soudure de la branchie au manteau. TROISIÈME PARTIE STRUCTURE DE LA BRANCHIE CHAPITRE PREMIER STRUCTURE DE LA BRANCHIE DE LA CASSIDAIRE. Dans les lamelles branchiales des Prosobranches il faut distinguer les éléments suivants : 1° La membrane de soutien, qui n’est qu'un repli de la lame palléale interne ; 2° A l’intérieur, des éléments conjonctifs et musculaires ; 3° A l'extérieur, l’épithélium ; 4° Enfin les éléments nerveux situés en partie à l'intérieur, en partie à l'extérieur de la membrane basilaire. Éludions en détail chacune de ces formations el commen- cons par les Ténioglosses Siphonostomes (Ranelle, Cassi- daire, Cassis, Dolium, Strombe, etc.), où chacun des tissus se présente avec une différencialion et un développement qui en facilitent beaucoup l'examen. Pour étudier la membrane de soutien et les tissus situés à l'intérieur du feuillet, le meilleur procédé consiste à se dé- barrasser de l’épithélium et à examiner ensuite le feuillet par transparence ; j'ai employé à cet eflet les divers réactifs dissociants et colorants, signalés plus haut à propos de la fausse branchie ; j'ai oblenu aussi par les coupes des résul- tats importants. Enfin j'ai réussi, dans beaucoup de cas, à fendre en deux lames l’un des feuillets branchiaux et à dis- socier les éléments contenus à l’intérieur. Voici les résultats que j'ai obtenus par ces diverses méthodes. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 265 $ 1. — Membrane de soutien. La membrane de soutien constitue un support fortement résistant, mais présentant constamment un renflement no- table qui règne sur chacune des deux faces le long du bord gauche où efférent de chaque feuillet. Cel épaississement est considéré généralement comme formé d’un lissu cartilagineur (Ep, fig. 42, 44). Nous nous sommes déjà expliqué sur ce point à propos de la tige ri- gide qui soutien le support branchial des Diotocardes; la substance qu'on rencontre dans les feuillets branchiaux est exactement de même nature : l'identité de consistance et de capacité d'absorplion aux réactifs, absence d'éléments figu- rés et la présence de stries parallèles d'accroissement ne laissent aucun doute à cet égard. I n'ya donc pas lieu de la considérer comme uue formation cartilagineuse indépen- dante du lissu adjacent; elle n’en est que la continuation et n'en diffère que par l'absence d'éléments figurés. Une objection se présente immédiatement à l'opinion qui précède : nous avons décril en effet chez le Monodonta une assise de cellules vésiculaires qui limite intérieurement lé- paississement principal : nous avons comparé ces éléments à des cellules formalives etnous avons admis qu'ils pouvaient jouer un rôle dans la production de cel épaississement. Leur absence dans le feuillet branchial semble infirmer cette manière de voir. Je ne crois pas cependant que nous soyons ici en présence d’une sérieuse difficulté d'interprétation. En eflet, comme dans le Monodonta, l'épaississement et la portion mince ne différent pas essentiellement : la modi- fication porle uniquement sur un accroissement de substance interslitielle ; or cet accroissement peut se manifester aussi bien autour d'éléments plasmaliques que d'éléments étoilés : c'est ce dernier cas que l’on observe ici. Ces considérations seront d'ailleurs reprises (V® partie, ch. 11. Je ne reviendrai pas sur la membrane de soutien à propos des autres animaux; pas suite, je crois pouvoir placer ici 266 FÉLIX BERNARD. une courte remarque relative à la branchie de l'Haliotide. On sait que cet animal a élé étudié par M. Wegmann. Cet auteur s’est préoccupé à juste litre du stylet « hyalin trans- parent » qui suil le bord veineux des lamelles. Mais il le con- sidère comme un « squelelte recouvert par un tissu cellulaire qui formerait la lamelle branchiale. Sur les bords, ce tissu est plus épais et forme en quelque sorte un cadre dans lequel est tendue la membrane mince qui contient les vaisseaux transverses el le réseau capillaire. » M. Wegmann semble donc placer le réseau sanguin et le {issu conjoncetif en dehors de ce qu'il appelle le squelette du feuillet. Cette erreur pro- vient en réalité d'une connaissance insuffisante du tissu épithé- lial. Comme ici ce dernier tissu occupe à lui seul plus des deux liers de l'épaisseur Lotale du feuillet (fig. 44), sa nature semble avoir élé complèlement méconnue par M. Wegmann, comme elle l'était du temps de Williams. Cet auleur consi- dérait comme épithélium seulement l'extrême surface des cellules de revêtement. Une méprise analogue a été commise, nous l'avons vu, par M. Boutan à propos de l'organe de Spen- gel de la Fissurelle où existent des éléments épithéliaux en- core bien plus longs. On est étonné de voir de semblables erreurs commises à propos d'organes aussi simples en réalité. En somme, l'appareil de soutien d’un feuillet respiratoire est simplement une membrane conjonclive repliée de ma- nière à former un sac très aplali; la face externe est épaisse sur toute la surface, mais particulièrement au bord afférent ; cet épaississement est absolument anhiste. A l'extérieur, une seule couche d'épithélium ; à l'intérieur, des espaces san- guins. $ 2. — Cellules étoilées du tissu conjonctif. Occupons-nous maintenant des éléments figurés du tissu conjonciif qu'on trouve dans la portion interne de Ia mem- brane de soutien, au-dessous de l’épaississement super- ficiel. Ces éléments sont noyés dans une substance continue, ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 267 élastique, très faiblement apte à absorber les réaclifs colo- rants. Les cavités de cette substance constituent les espaces sanguins. Les éléments les plus abondants dans toute la lamelle sont descellules étoilées, anastomosées el groupées de diverses ma- nières. Tantôtelles sontisolées ; d’autres fois elles sont réunies par petits paquels, et alors peuvent être assez rapprochées pour avoir des faces communes presque planes; de ces îlots partent des prolongements ramifiés qui vont s'anastomoser avec ceux des îlots voisins. Enfin, sans être absolument acco- lées les unes aux autres, elles peuvent être assez serrées pour constituer un amas spongieux visible sur chacune des faces, ou même occupant tout l'espace compris entre les deux mem- branes basilaires. Les espaces sanguins sont alors dans ces régions très resserrés où même complètement supprimés. Un rachis conjonclifépais, constitué de cette manière, se retrouve à la partie basilaire des lamelles branchiales de tous les ty- pes: il s'étend plus ou moins vers la pointe du feuillet, et par suite délimite un sinus afférent et un sinus efférent. Ce rachis est très développé chez la Paludine où 1l à été vu par Leydig; il l’est beaucoup moins chez la Cassidaire et les types élevés. Il est facile de vérifier que les cellules qui le composent sont accolées ou anastomosées entre elles. Parlout ailleurs les élémentæmultipolaires sont associés par groupes de cinq ou six au plus. C’est toujours dans la région recouverte par l'épaississement de la membrane de soutien, c'est-à-dire autour du vaisseau efférent, que se rencontrent les îlots les plus gros, les plus isolés et les mieux alignés. Rien n'est plus facile alors que d'observer les prolongements irréguliers, ramifiés et souvent fort longs de ces petites cellules conjonctives qui s’anastoment manifestement entre elles. Du côté interne de ce sinus, ces éléments sont au contraire pelits et serrés, de manière à constituer une digue plus ou moins imparfaile pour séparer le sinus en question du reste du feuillet. Dans les autres régions, les éléments mullipo- laires sont souvent isolés, et, en profitant de l'absence de 268 FÉLIX BERNARD. replis dans le feuillet de la Cassidaire, on peut observer de beaux réseaux protoplasmiques analogues à celui que j'ai dessiné à la chambre claire dans la figure 13. L'aspect de ces diverses régions se voit sur la figure 42. Il n'existe pas de cellules vésiculaires dans les feuillets de la branchie. S 3. — Fibres transversales. L'examen le plus superficiel permet d'observer de /ortes trabécules raversant le feuillet de part en part et réunissant les deux lames conjonctives normalement à chacune d'elles. On peut les éludier soit par des coupes, soit en séparant les lames d’un feuillet branchial, soit même en examinant sim- plement par transparence les différentes places d’une lamelle. Chacune d'elles est constituée par une ou plusieurs fibres mus- culaires, normales à la membrane basilaire et entourées d'une gaine conjonclive en continuité avec les lames qui doublent inté- rieurement la membrane basilaire (Mig. 48, a, b, €, di. Est-il absolument indispensable, pour pouvoir affirmer qu'un élément est musculaire, de lavoir vu directement se contracter? Je ne le pense pas. L'observation directe, tou- jours préférable à tout autre procédé d'investigation, est ici, comme dans bien d’autres cas, tout à fait impossible. Les connexions, les analogies de forme et de coloralion peuvent, dans une certaine mesure, suppléer à l'examen de la fonction et servir même à déterminer celle-ci avec un certain degré de probabilité. Or, dans toutes les trabécules dont il s’agit, existe une partie centrale, presque homogène en apparence, mais présentant cependant des stries longitudinales visibles sur les coupes traitées par l'acide chromique et fortement colorées; cetle substance se comporte sous l’action des réactifs colorants exactement comme les fibres dont la nature musculaire ne peut être mise en doute; le picro-carminate d'ammoniaque et l'hématoxyline donnent une coloralion intense; avec la double coloration (picro-carminate et bleu de méthylène), on ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES,. 269 obtient la teinte violelte due à l'absorption simultanée des deux substances colorantes. La forme la plus fréquente de ces fibres est celle d’un fuseau notablement renflé autour du noyau, mais s'élar- gissant de nouveau à ses deux extrémités. Mais jamais elles ne se terminent par un filet unique; toujours, au contraire, avant d'atteindre le voisinage de la surface, elles se divisent un assez grand nombre de fois el vont se perdre sous la forme de fins prolongements dans la couche conjonc- live continue qui double la membrane basilaire. Parfois la forme des fibres est plus irrégulière, mais on ne peut pas dire qu'elle soit jamais éloilée. Examinons maintenant la gaine conjonctive. Elle appa- rail presque toujours sous forme d'une double ligne très fine qui borde de part et d'autre la fibre musculaire. Si la ramilicalion de celle-ci se produit assez loin de la mem- brane basilaire, on voit la gaine se diviser à son tour et entourer d’une membrane spéciale chacune des grosses branches musculaires (fig. 48, d etc). Mais d'ordinaire elle les englobe toutes à la fois et produit une sorte de sac qui vient se souder à la lame conjonctive sous-basilaire. Les caractères histologiques de la gaine sont ceux de la lame elle-même : le bleu de méthylène la colore, mais très faiblement, et y fait apparaître un fin réseau proloplasmi- que. De gros noyaux clairs et granuleux, généralement sphériques, se trouvent dans les points les plus divers : il y en a sur le trajet de la fibre musculaire, quelquefois des deux côtés, et l’on voit alors avec la dernière évidence la gaine conjonctive se renfler à leur niveau (fig. 48, à); mais on les {rouve surtout dans le voisinage des deux extrémilés, entre les branches de la fibre, ou dans son voisinage; on peut dans cerlains cas observer le corps de la cellule à laquelle appartient un de ces novaux. Quelquefois il arrive que les gaines de deux fibres voi- sines sont unies par des trabécules. Plus fréquemment, les gaines sont accolées dans {oute 270 FÉLIX BERNARD. leur longueur, mais encore distinctes. Enfin la fusion peut aller plus loin, et deux ow plusieurs fibres musculaires sont enclavées dans lamême gaîne conjonctive (fig. 48, 4); les noyaux musculaires sont alors soit au même niveau, soit en des points diamélralement opposés. Remarquons enfin que, dans la région occupée par la masse compacte de cellules conjonclives qui occupe le mi- lieu du feuillet vers sa base, se trouvent encore de nom- breuses trabécules musculaires. Il erisle donc à l'intérieur de chacune des lamelles bran- chiales des éléments contractiles dont le rôle est évidemment de rapprocher les deux faces de la lamelle et de diminuer ainsi l'espace occupé par le sang. (Ces éléments se trouvent aussi en grande abondance dans les lamelles de la fausse branchie.) Les organes palléaux en feuillets sont donc sus- ceptibles de véritables mouvements respiratoires ; s peuvent, sous l'influence du système nerveux, dilater ou resserrer l'espace occupé par le sang, et par suite appeler ce dermerm ou le chasser dans le vaisseau efférent. Il est bien évident” d’ailleurs que ces mouvements, qui n'ont qu’une faible amplitude, doivent être difficilement observables; peut-être n’ont-ils qu'une faible influence sur l'intensité avec laquelle s'exerce la fonction elle-même; il n’en est pas moins inté- ressant de constater leur existence (1). $ 4. — Espaces sanguins. Pour étudier la disposition des cavités où cireule le sang dans les feuillets branchiaux, J'ai fait des injections aux diverses matières, surtout avec de la gélatine colorée au bleu de Prusse. En injectant tantôt par le vaisseau afférent, tantôt par le vaisseau efférent, on voit presque toujours (1) Il serait intéressant-de reprendre l'étude de ces trabécules dans la branchie des Acéphales. Dans le travail de Posner (1877) sont figurés des tractus qui semblent présenter avec les précédents une grande analogie; malheureusement les figures de Posner sont à ce point de vue très schéma- tiques, et l’auteur ne se préoccupe pas de la structure des tractus en question. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 27% que cerlaines lamelles sont gonflées par la masse à injection, et d'autres au contraire injectées (très faiblement. On peut suivre ainsi exactement la marche du sang dans ces organes, surloul après s'être débarrassé de l'épithélium. L'injection pénètre loujours dans un feuillet par l'un des bords si elle n’est pas poussée avec force : elle passe en effet d'un côté ou de l’autre de la masse spongieuse compacte qui occupe le milieu du feuillet. Poussée un peu plus fort, elle passe par la pointe et fait le tour d'un côté à l’autre. Puis on la voit pénétrer vers le milieu par des ea- naux sinueux que tout le monde à vus et que M. Wegmann a figurés dans l'Haliotide beaucoup trop étroits et trop ré- guliers. Or la masse à injeclion contourne tout simplement les trabécules musculaires qui relient les deux faces du feuillet, et remplit Lout l'espace qui n’est pas occupé par elles. Dans la région où la membrane basilaire commence à s'épaissir, du côté efférent par conséquent, les trabécules sont volu- mineuses et disposées avec une grande régularité, surtout dans l'Haliotide, le Buccin, les Strombidés, ete.; ils forment done dans le feuillet injecté autant d'ilots incolores. Enfin, si l'injection a gonflé le feuillet outre mesure, elle finit par pénétrer dans le {issu spongieux lui-même, et s’insinuer dans les espaces interstiliels que présentent les cellules conjonc- lives étoilées. On voit que rien n'est plus facile que d'interpréter l'aspect de réseau vasculaire figuré et décrit plus ou moins complè- tement par beaucoup de zoologistes. Mais des espaces vides entre deux lames congonctives, et lraversés par des trabécules musculaires, ne sauraient en aucun cas être considérés comme des vaisseaux ou des capillaires. J'ai cru indispensable de multiplier les injections sur un assez grand nombre de types : cette opération ne présente mdailleurs aucune difficulté. En particulier, j'ai examiné “MHaliotide et la Fissurelle, et, dans ces animaux, j'ai retrouvé dentiquement les résultats que je viens d’énoncer. Ce fait est important à conslater à cause des descriptions erro- w 212 FÉLIX BERNARD. nées qui ont été faites sur ces animaux. Je cite ici tout ce qui, dans le travail de M. Boutan, a trait à la structure des | lamelles branchiales de la Fissurelle. « La branchie est formée de lamelles triangulaires super - posées comme les feuillets d’un livre et soulenues par une charpente cartilagineuse. Ces lamelles peu épaisses sont cependant revêlues par une couche épithéliale de cellules vibratiles qui en recouvrent les deux faces. Elles sont formées intérieurement d’un lissu spongieux rempli de pe- tites lacunes que /eur taille infime doit faire assimiler à des capillaires. » M. Boutan décrit ensuile pour chaque feuillet deux artères et deux veines « qui sont mises en communi- cation les unes avec les aulres par l'intermédiaire des capil- laires contenus dans l’intérieur de chaque feuillet ». On sait ce qu'il faut penser de ces prélendus canalicules et l'on trouvera que la conformation des espaces sanguins dans la branchie des Prosobranches est en réalité bien plus simple qu'on ne l'avait pensé jusqu'ici. Il est intéressant de constater que Posner arrivait en 1877 à des conclusions identiques à propos des Acéphales. « Le tissu conjonctif et les espaces sanguins des branchies, dit Posner, abstraction faite des gros troncs vasculaires, sont dans un rapport lel que le fluide nourricier, aussi bien dans les lamelles que dans les sepla, coule dans des replis lacunaires du lissu conjonctif : il n'existe pas de capillaires. Le canal des baguettes branchiales doit, malgré la présence autour de lui de trabécules de substance conjonclive, être considéré comme une plus haute différencialion des lacunes. » $ 5. — Éléments nerveux. Divers auteurs ont décrit l'innervation de la branchie, mais aucun jusqu'ici ne s'est préoccupé de savoir ce que deviennent les nerfs destinés à la branchie, une fois arrivés à cet organe. ji Les nerfs des feuillets élant généralement {rès petits, soi _… fort difficiles à observer. Les gros troncs se voient cependant ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. TT très bien dans des coupes transversales, normales à l'axe du feuillet. Mais il serait presque impossible de chercher, sur des coupes seules, ce que deviennent les branches secon- daires, et c’est là précisément le point le plus important. Pour résoudre ce problème j'ai fait des observations par Lransparence, en employant principalement le chlorure d’or. En combinant cette méthode avec celle des coupes en deux couleurs, on éludie le réseau nerveux, qui est absolu- ment constant dans tous les feuillets. Du plexus qui existe auprès de la branchie du cô(é efférent part un nerf principal qui, dans tous les cas observés, fait le tour du feuillet (R e, fig. 42, 43, 44) en entrant par le bord eférent ; il se réfléchit à la pointe en traversant une pe- tite masse de tissu spongieux et passe le long du bord affé- rent (R &, fig. 42, #3, 44) de la pointe du feuillet. I garde sur tout son parcours le mème diamètre el ne donne nulle part de branches dont l'importance soit comparable à la sienne propre. En cela il diffère essentiellement du nerf d'un feuillet de l'organe de Spengel, qui, comme on sait, donne de gros rameaux qui vont en se divisant à leur tour. Du côté aflérent, le nerf principal (R #) est toujours silué absolument sur le bord ; il se trouve dans une sorte de bour- relet formé par une accumulation des fibres longiludinales ; au-dessus, la membrane basilaire présente presque toujours des crêtes el des replis assez saillants. En somme, il occupe le fond de la lacune afférente, dont les parois sont assez régulièrement renforcées dans cette région (fig. #4). La place qu'occupe le nerf principal du côté efférent esl au contraire variable suivant les genres, et ce n’est pas là une des moindres difficultés de lélude. Dans la Cassi- daire (fig. #3) on trouve le nerf, dont les dimensions {rans- versales atteignent seulement 10 y, assez loin du bord du feuillet : c’est Tà que la membrane basilaire commence à s'épaissir; c'est là aussi que se trouve la limite entre l’épi- thélium plat presque exactement régulier et dépourvu de cellules mucipares qui couvre la région épaissie, et l'épi- ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, 18. — ART. N° 3. 274 FÉLIX BERNARD. thélium irrégulier, mamelonné, en partie glandulaire, qui occupe le reste du, feuillet. Le nerf n’est pas à proprement parler plongé dans le sinus eflérent; il est entouré par celle sorte de lissu spongieux qui limite ce sinus du côté interne. Autour de lui se trouvent en abondance les fibres musculaires transversales déjà décrites; enfin une gaine conjonctive l’isole du tissu environnant, et dans cette gaine on observe facilement les cellules allongées et brillantes du névrilème ordinaire. D'assez nombreux noyaux nerveux s’y rencontrent à intervalles inégaux; ils ne diffèrent pas de ceux qu'on trouve dans les nerfs volumineux du reste de l'organisme. À une certaine distance de son entrée dans le feuillet, on voit le nerf se diviser en deux troncs exactement superpo- sés l’un à l’autre el accolés chacun à la membrane basilaire de la face correspondante. En suivant les branches issues de ce nerf, on aperçoit sur chaque face un riche réseau de fibres nerveuses môêlées de cellules qui s'étend sur toute la bande si- tuée entre le nerf et le bord efférent en dehors de la mem- brane basilaire: il est situé entre les cellules émnthéliales (fig. 47, a, b, c). Celles-ci sont d’ailleurs parfaitement ré- eulières dans cette région : leurs plateaux, longuement ci- liés, sont contigus et ne laissent pas d’intervalles : les fibres nerveuses circulent dans l'intervalle de leurs bases, comme il est facile de s'en convaincre en déplacant le point. Parmi tous ces filets, il en est un plus important, qui règne sans solution de continuité d'un bout à l'autre du feuillet, à une faible distance du bord efférent (fig. 43, 47, a); il suit une ligne brisée, dont chaque angle est marqué par le départ d’un filet secondaire; chaque section cependant est très exactement recliligne. La même remarque s’ap- plique aux filets secondaires eux-mêmes. Dans le filet en question et dans ses branches principales, J'ai pu obser- ver le névrilème, mais je ne puis dire jusqu'où il se con- tinue. Les formes des mailles du réseau échappent à toute des- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 275 cription. Les figures 47 # el 47 montrent les varialions de grandeur des filets qui les composent. Remarquons seulement des filets volumineux partant du nerf inter-épithélial principal et se dirigeant à angle droit vers le bord du feuillet. Ces filets importants aboutissent, comme nous le verrons tout à l'heure, à des cellules sensitives. Presque toujours, au point de soudure des deux branches nerveuses, existe un élargissement notable el plus ou moins irrégulier où la substance nerveuse garde sa structure fibril- laire; ce sont en général de véritables ce/lules nerveuses. Rien . n'est variable comme la figure de ces cellules et comme le nombre de leurs prolongements. Quelques-unes sont simple- ment tripolaires; la plupart ont un plus grand nombre de prolongements. J'ai représenté figure 47 ce, cg, les plus volu- mineuses de celles que j'ai observées. La nature nerveuse de toutes ces cellules ne peut faire l'ombre d'un doute. Presque toujours leurs prolongements font directement suite aux nerfs et gardent jusque près du novau la structure fibrillaire; le noyau lui-même est presque toujours excentrique, le pro- toplasma toujours nettement fibrillaire est absolument iden- tique à celui des régions élargies, mais non pourvus de noyaux qu’on observe fréquemment aux points de croisement des fibres. Le chlorure d'or colore très fortement le protoplas- ma, et le noyau incolore se détache nettement sur le fond noir ou violet foncé de la cellule. Est-il ulile de faire remarquer à quel point ces cellules apla- lies, fortement fibrillaires, avec leurs prolongements larges et tous incontestablement équivalents, de nature nerveuse, non directement ramifiés, diffèrent des cellules ganglionnai- res? Dans celles-ci, nous avons toujours vu les prolongements se résoudre en une multitude de branches d’une grande finesse, de manière à former une véritable arborescence ; ces fibrilles aboulissent à un réseau formé simplement par les fibrilles élémentaires anastomosées (substance ponctuée de Leydig). Iei, les filets les plus fins gardent encore une cerlaine épaisseur : dans l'hypothèse de l'existence des tubes 276 FÉLIX BERNARD, nerveux, nous dirions qu'ils sont constitués par des paquets de tubes accolés. Il y à cependant des cellules bien plus petites que les autres, comme dans les ganglions eux-mêmes ; mais rien, dans un ganglion, ne rappelle un réseau ainsi cons{itué. Il nous reste à examiner de quelle manière le réseau ner- veux inter-épithélial est mis en relation avec le nerf princi- pal du feuillet. De ce dernier partent, à intervalles assez ré- guliers, des nerfs secondaires qui se portent à angle droit vers le bord du feuillet. Le nerf se renfle généralement à son origine et présente un noyau ovale (ou quelquefois plusieurs). Les filets ne tardent pas à se diviser et se portent sur chacune des faces; parfois même ils naissent du nerf prin- cipal par paires el arrivent rapidement au voisinage de la membrane basilaire. Ils se subdivisent à leur tour, soit dans un plan parallèle à la membrane basilaire {et alors les bran- ches des deux filets voisins se réunissent pour continuer en- semble leur trajet), soit de telle sorte que les ramifications percent la membrane basilaire et entrent en relation avec le réseau nerveux inter-épithélial. Il résulte de tout cela que, tout près du nerf principal, on peut, en faisant varier le point, observer sur une même verlicale, des filets nerveux situés à trois et même quatre niveaux : le réseau inter-épithélial se prolonge en effet par- dessus le nerf principal, et on en trouve encore des {races dans la région mamelonnée du feuillet qui se trouve au delà de celui-ci. Quant au point précis où chaque filet passe de l'intérieur à l’extérieur de la membrane basilaire, il n’est pas possible de le déterminer ; 1l la traverse en effet tout à fait obliquement. Le nerf principal émet aussi des branches du côté afférent, c'est-à-dire dans la région la plus étendue du feuillet. Ces branches sont généralement obliques, assez volumineuses, irrégulièrement insérées et divisées. Je n’ai pas pu les suivre très loin, à cause de l'irrégularité de la surface, qui rend difficile l'observation par transparence. Selon toute proba- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. STE bilité, elles sont destinées à l’innervation des #wscles, et il en est de même pour quelques-uns des filets situés de l'autre côlé, qui se liennent constamment en dedans de la membrane basilaire. $ 6. — Épithélium. Le Eissu épithélial qui revêt la surface d'un feuillet branchial nous offre les trois sortes d'éléments que nous avons déjà rencontrés dans l'organe de Spengel : les cellules ciliées indifférentes, les cellules mucipares etles cellules sensorielles. lei c'est la première variété qui est de beaucoup la plus abondante. Dans tous les Prosobranches, en examinant de face ou en coupe un feuillet fixé et coloré, on voit immédiatement deux régions tout à fait distinctes au point de vue de l’épithélium qui les recouvre. Dans la première (à droite, fig. 44), qui cor- respond à l'épaississement de la membrane de soutien ou encore au sinus efférent, la surface de l’épithélium est abso- lument plane. Les faces lalérales constituent un carrelage assez irrégulier à la vérité, mais où tous les éléments con- servent la même grandeur; les noyaux, très volumineux, occupent presque tout le champ de chaque cellule. Si l'on opère avec un liquide dissociant, on obtient facilement des cellules isolées, relativement courtes, au plus deux fois plus hautes que larges, presque cubiques dans quelques cas (Pa- ludine). Un examen attentif permetira toujours d'y recon- naître deux ou trois prolongements d'attache à la partie basilaire. Le protoplasma est dense et finement granuieux, surtout près des plateaux. En coupe, les noyaux se montrent presque à la même hauteur. La seconde région comprend (à gauche, fig. 44) tout le reste du feuillel : c’est elle qu'intéressent les plissements si prononcés qui existent dans quelques genres (Littorine, Haliotide, elc.). La surface de l’épithélium y est toujours beaucoup plus inégale et les cellules ne s'élèvent pas toutes à la même hauteur. En coupe, elles apparaissent bien plus 278 FÉLIX BERNARD. grêles, plus irrégulières; elles sont parfois longuement pédonculées, fortement granuleuses près du plateau; le noyau est allongé, parfois même conique (Liltorine, fig. 45). Les cellules ne se touchent manifestement pas à leur base; les noyaux sont à toutes les hauteurs. Je n'insisterais pas sur ces différences si elles n'étaient pas liées à des faits plus importants. On sait déjà que c'est exclusivement dans la région efférente qu'est développé le ré- seau neuro-épithélial. Nous pouvons maintenant ajouter que c'est au contraire presque exclusivement dans l'autre région que se trouvent les cellules glandulaires. Elles sont ertrémement nombreuses au-dessus du nerf principal, à la ligne de sépara- tion des deur régions ; le long du bord afférent, au-dessus du nerf marginal, elles sont abondantes au point de dominer sur les autres cellules. À y en à un nombre bien moins considé- rable le long du bord efférent. Celte disposition des cellules glandulaires est fort remar- quable, surtout si on la compare à ce qu'elle est dans les autres genres. Disons tout de suite, pour ne pas revenir sur ce sujet, que, dans la plupart des genres, le nerf principal n’est pas, comme dans la Cassidaire, assez éloigné du bord efférent ; il est absolument marginal comme son congénère du côté opposé (c'est notamment le eas de l'Haliotide, qui est représenté dansla figure 42). Dans les feuillets ainsi innervés, la séparation des deux régions se fait par une bande de fibres longitudinales. Mais alors la longue trainée de cellules glan- dulaires ne marque plus cette ligne de séparation; elle se trouve reportée au bord efférent; elle suit donc le nerf dans son déplacement. I y a donc manifestement une relalion entre les éléments glandulaires et les faisceaux nerveux de l’un ou l'autre bord; il semble au contraire ne pas y en avoir entre ces mêmes éléments et le réseau nerveux inter-épithélial. Ces résultats m'ont amené tout naturellement à rechercher dans les élé- ments sécréteurs, ici bien volumineux et bien isolés, les ter- minaisons nerveuses que bien peu d'auteurs Jusqu'à ce Jour ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIHES. 279 ont pu mettre en évidence; je erois les avoir aperçues par la méthode du chlorure d'or, des fines arborisations. Mais, sur un sujet aussi délicat, les résultats obtenus sont trop incertains pour que je puisse y insister avant de nouvelles vérifications. Mais si les terminaisons nerveuses sécrétrices restent encore problématiques, les terminaisons sensorielles ont pu ètre étudiées avec certitude. Les cellules de Flemminy apparaissent par les procédés ordinaires, avec leurs carac- tères habituels un peu variables. Elles se voient presque exclusivement sur le tranchant du feuillet, au bord afférent comme au bord efférent, mais surtout près de ce dernier. Or on se souvient que là précisément nous avons vu se diriger de nombreux filets nerveux détachés du réseau inter-épithé- lial. La connexion des éléments avec le réseau, presque évi- dente « priori, est vérifiée en eflet : sur des préparations au chlorure d’or un peu dissociées, on voit les prolongements des cellules de Flemming, reconnaissables à leur colora- tion due précisément à la réduction de l'or, s'insérer sur les filets dont je viens de parler. Le feuillet branchial est le seul organe où j'ai pu observer avec cerlitude des soies terminales adaptées à la tête de ces cellules. Si nous examinons dans l’eau de mer un feuillet bien vivant, nous verrons, sur chacun des deux bords, parmi les cils en mouvement, de grandes soies au moins quatre fois plus longues que les cils, incomparablement plus fortes et absolument isolées. Ces soies paraissent animées d’un vif mouvement conique ; en arrêtant graduellement l’action des cils au moyen d’un acide, on peut voir facilement que leur déplacement est dû simplement à la poussée produite par ces derniers. Ces soies sont en somme peu nombreuses et assez espacées : on peut en voir une vinglaine sur toute l'étendue du bord efférent; elles sont moins nombreuses encore du côté opposé. En prenant toutes les précautions que Flemming recom- mande au commencement de son premier mémoire, on 280 FÉLIX BERNARD. n'arrive pas à décomposer les fortes soies en question en filaments plus ténus; nous admetlrons donc que chaque cellule neuro-épithéliale de la branchie se termine par wr filament unique, rigide et consistant, bien plus long que les cils vibratiles ordinaires (fig. 43 à). S 8. — Comparaison du feuillet branchial avec le feuillet de l'organe de Spengel. Les mêmes éléments se rencontrent dans les deux sortes de feuillets, à l'exception des cellules pigmentées qui man- quent dans les feuillets branchiaux. La seule différence consiste dans les proportions suivant lesquelles se dévelop- pent les diverses variélés d’un même {issu. 1° Le tissu musculaire diffère dans les deux cas seulement en ce que dans la branchie les trabécules transversales sont plus nombreuses, plus volumineuses el plus régulièrement alignées. 2° Au point de vue de l’innervation, l'organe de Spengel est infiniment plus riche ; le nerfenvoie de grosses branches formant une véritable arborescence: dans la branchie existe un filet peu volumineux qui fait le tour du feuillet et, d'un côté seulement, émet des filets constituant un réseau inter- épithélial très différent de ceux qu’on observe dans les divers organes de Spengel. 3° L'épithélinm de l'organe de Spengel est plus riche en cellules sensorielles réparties sur des zones étendues ; dans la branchie ces éléments sont peu nombreux et localisés au bord efférent. Les cellules ciliées régulières couvrent à elles seules une grande partie du feuillet branchial; elles sont plus irrégulières et mêlées d'éléments glandulaires dans les régions moyenne et efférente. 4° Au point de vue des espaces sanguins, la dil‘érence essentielle consiste en ce que dans l’organe de Spengel exis- tent des sinus disposés en cul-de-sac, tandis que dans la branchie, le sang peut circuler partout dans les intervalles des trabécules transversales : en d’autres Lermes, imaginons ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 281 que dans le feuillet branchial, des aires déterminées soient spécialement réservées aux éléments nerveux et d'autres aux espèces sanguines, el nous aurons le feuillet de l'organe de Spengel au maximum de différenciation. CHAPITRE II COMPARAISON DES BRANCHIES DES DIVERS PROSOBRANCHES. Nous avons rencontré, en étudiant l'organe de Spengel, d'importantes différences de structure chez les divers Lypes même dans des organes semblables en apparence. L'étude des feuillets branchiaux ne nous donnera pas les mêmes ré- sultats ; la structure en est très peu variable, et les différences sont surtout réalisées dans la disposition du système ner- veux: S {. — Diotocardes. L'Haliotis tuberculata, Ve Trochus maqus, le Monodonta monodon, la Fissurella costaria, Va Navicella Janelli, que j'ai choisis pour représenter les quatre grandes familles des Dio- tocardes, ne présentent pas de variations importantes : la différenciation y semble portée presque exactement au même point : elle atteint du reste un degré remarquable (fig. 42). Des replis {transversaux intéressent toute l'épaisseur du feuillet et lui donnent un aspect godronné; les replis ne s'étendent pas d’un bord à l’autre, ils se tiennent seulement dans la région moyenne, de sorte que de chaque côlé une élendue un peu plus grande que celle du vaisseau afférent et du vaisseau efférent reste plane, et la surface du feuillet est divisée en trois portions. La figure indique suffisamment la disposition des trabécules transversales pour qu'il soitinutile d'insister sur ce sujet. Nous trouvons un faisceau musculaire longitudinal assez diffus, à sa place ordinaire. Dans la Fissurelle, ce faisceau se décompose rapidement en fibres s'écartant de différents côtés. 282 FÉLIX BERNARD. I existe un nerf marginal important qui fait tout le tour du feuillet, en se tenant constamment contre le bord, à l’ex- trême limite du contour apparent. Ce nerf est volumineux chez l'Haliotide, bien plus réduit et plus difficile à trouver, mais présent cependant dans les autres types. Examinons d'abord le côté afférent. Comme d'ordinaire, la membrane de soutien est épaissie irrégulièrement de manière à former un bourrelet arrondi muni de crêtes transversales, de très nombreuses fibres musculaires, normales à ce bord, se ré- fléchissant d’une face sur l’autre; on trouve aussi des fibres qui sont la continuation de celles qui forment les trabécules transversales. Ces diverses fibres sont beaucoup plus espacées au bord efférent, ce qui se comprend facilement, puisque l’épaississe- ment de la membrane de soutien a précisément pour effet d'empêcher une contraction excessive du vaisseau. Enfin, de distance en distance, on voit des filets nerveux issus du nerf marginal et se porlant respectivement vers chacune des faces en se rapprochant en même temps de la pointe du feuillet. Ces filets, aussi loin qu'on peut les suivre, restent & l’intérieur de la membrane de soutien. J’ai multi- plié les préparations au chlorure d’or sur les lypes princi- paux, pour {âcher de découvrir un réseau nerveux inter-épi- thélial : je n'ai pu y parvenir. Comme dans les mêmes réactifs et par les mêmes procédés j’obtenais simultanément de belles préparations de ce réseau dans la Cassidaire, je suis amené à conclure que, selon toute probabilité, ce réseau n'existe pas chez les Diotocardes, ou tout au moins que les filets qui le constituent sont infiniment moins développés. Les cellules neuro-épithéliales s’observent cependant sans difficulté le long du bord afférent. Examinors ce bord sur la coupe transversale d'un feuillet bien fixé. Nous y verrons la membrane de soutien s’amincir notablement sur la tranche entre les épaississements principaux des deux faces, et l’on peut apercevoir de pelites cavités par où passent de minces filets provenant du nerf principal et allant à lépithéllum. Rte attentifs ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 283 L'aspect est analogue à celui qui est représenté dans la figure 44 (Re). Du côté efférent, les cellules neuro-épithéliales ne peuvent être distinguées avec certitude, parce que les élé- ments épithéliaux sont déformés par le gonflement des cel- lules mucipares. De ce qui précède nous pouvons lirer deux conclusions : 1° La différence essentielle qui existe entre un feuillet branchial de Diotocarde et celui d'un Ténioglosse Sipho- nostome consiste en ce que, chez les premiers, le nerf prin- cipal est situé tout à fait au tranchant du feuillet et envoie facilement des filets à lépithélium adjacent, au lieu d'y pénétrer tangentiellement et d’y constituer un réseau com- pliqué. 2 Il existe une analogie profonde entre les bords afférent el efférent d’un feuillet branchial de Diotocardes d'une part, et les côtés de même nom du support branchial de ces mêmes animaux. Si l’on se rappelle la descriplion que nous avons donnée de l'organe de Spengel des Trochidés, et si l’on compare la figure 19 qui représente cet organe avec la position gauche de la figure 44 qui a trait au feuillet bran- chial d’un Trochus, on trouve qu'il y à presque identité. Il existe cependant une différence : le nerf olfactif des Trochidés est déjà purement sensoriel; il n'envoie de filet qu'à l’épithélium, tandis que le nerf principal d’un feuillet émet des nerfs secondaires assez importants vers l'intérieur du feuillet, et ces nerfs sont évidemment moteurs. Mais la différence s’efface si, au lieu de considérer un animal où la séparation du nerf branchial et du nerf olfactif est établie, nous nous référons aux types où ces deux faisceaux sont confondus, c’est-à-dire aux Fissurellidés et aux Néritidés (fig. 21, NE). Le même contraste que nous avons trouvé entre les deux bords du support branchial se manifeste encore si l’on con- sidère les deux bords d’un feuillet : le bord efférent est sen- soriel; le bord afférent est plus spécialement glandulaire (fig. 44, R a). 284 FÉLIX BERNARD. Donc nous pouvons énoncer ce fait inconnu jusqu'à ce jour et qui peut présenter quelque intérêt : ?/ existe sur le tranchant des feuillets branchiaux de tous les Diotocardes une région sensorielle, encore peu différenciée, mais identique à celle qui existe sur le support branchial, et qui, chez les types plus élevés en organisation, denient l'organe de Spengel. Nous devons maintenant nous demander si cel organe nouveau suit une évolution parallèle à celle de l'organe de Spengel proprement dit, el va en se différenciant à mesure qu'on remonte dans le rein des Prosobranches. Nous allons voir qu'il n’en est rien et que la disposition décrite chez la Cassidaire peut être regardée comme correspondant au point maximum auquel arrive la différenciation de la bran- chie en tant qu'organe sensoriel. $ 2. — Paludine. On sait que les feuillets branchiaux de la Paludine ont la forme de lanières longues et pointues infléchies légèrement du côté afférent, de manière à déborder sur la glande à mucus. Elles diffèrent de celles que nous avons étudiées par le développement considérable du massif spongieux formé de cellules étoilées, qui occupe toute la partie moyenne et sépare les régions afférente et efférente dans toute la longueur du feuillet. Ordinairement au contraire ce massif s'étend très peu en avant et laisse en avant une large région, parsemée de trabécules, où se fait librement la circulation du sang (fig. #3, X). J’insiste sur cette disposition chez la Paludine parce qu'elle a élé vue par Leydig dès 1850 et qu’elle n'est pas générale. Si l’on examine une préparation de feuillet branchial ren- due transparente par l’ablalion de l’épithélium, on est immédiatement frappé par le nombre et la régularité des fibres comprises dans l'épaisseur de chacune des lames de soutien et dirigées perpendiculairement aux côlés du feuillet. Ces fibres sont trop courtes pour s'étendre exactement d'un bord à l’autre : elles se terminent à des distances variables. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 285 Toutes sont divisées à leurs extrémités en peliles lanières terminées en définitive par de grèles filets. Il est difficile dans le cas présent de décider si elles sont de nature musculaire où conjonelive. I n'existe qu'un nerf situé du côté afférent. Le long de l'épaississement de soutien, on ne peul découvrir aucun élé- ment nerveux, même en dédoublant un feuillet, ou en le re- gardant par la tranche avec cerlaines précautions, et en mullipliant même les préparations au chlorure d'or. Ainsi nous ue trouvons pas trace, chez la Paludine, de ce pelit organe sensoriel rudimentaire qui avait atliré notre attention chez les Diotocardes. $S 3. — Autres Ténioglosses. Inversement, dans la Littorine, c’est le nerf marginal du côlé afférent qui fait défaut; le nerf du bord efférent est très distinct, el situé absolument comme chez les Dioto- cardes, c’est-à-dire au fond de la goultière formée par les épaississements de soutien, el absolument marginal. Les éléments sont si petits dans cet animal que je n'ai pu pour- suivre bien loin l'analyse de l'épithélium. On trouvera dans la figure 45 une reproduction de laspect d'un des replis transversaux qui avaient tant frappé Williams. Le Chenopus et les Strombus présentent une telle réduction du système nerveux branchial, qu'il m'a été impossible de délerminer la place des filets principaux, même en opérant au chlorure d’or sur des animaux frais. Le sinus afférent est hmité par un faisceau de fibres conjonctives qui présentent un grand intérêt et que nous décrirons plus loin (V° partie, chap. 11, et fig. 75). Comme compensation, les gros Strombus présentent des facilités particulières pour l'étude de lrabécules transver- sales qui s’y rencontrent avec des dimensions inaccoutu- mées dans la région afférente. Après avoir séparé un feuillet en deux lamelles, et brisé ainsi les (rabécules en question, on voit dislinctement leur membrane conjonclive semée de 286 FÉLIX BERNARD. quelques noyaux, qui enveloppe plusieurs fibres musculaires se prolongeant fort loin de tous côtés dans l'épaisseur de. l'une ou l'autre des deux lames. Ainsi se forment des figures éloilées dont la régularité et la grandeur donnent une grande élégance aux préparations faites sans dilacération sur l’ensemble du feuillet. Dans la région moyenne et affé- rente, les mêmes faits se manifestent, mais les trabécules sont bien plus petits et plus rapprochés; ïls sont cependant parfaitement alignés en séries transversales, et leur aspect rappelle d'une manière frappante celui des spicules des Hexaclinellidés. Nous pourrions répéter pour la Nañice ce qui à été dit à propos des Chénopus : le système nerveux est très réduit, et probablement diffus. Au contraire, l'appareil musculaire est fortement développé. Outre le faisceau qui borde le sinus efférent et qui est ici très volumineux, 1l existe un autre faisceau important au bord opposé du feuillet: de chacun de ces deux faisceaux s’échappent des fibres volumineuses qui décrivent une courbe convexe du côté de la pointe du feuillet et qui marchent au-devant les unes des autres. Vers la pointe, les fibres de chacun des deux systèmes s'entre- croisent et figurent un réseau irrégulier. J'ai trouvé de nombreux cas de fibres bifurquées, et dans quelques-unes, le noyau élait au point de bifurcation; mais le fail parait être assez exceptionnel. La branchie des divers Proboscidifères Siphonostomes dif- fère peu de celle de la Cassidaire : J'ai étudié Ta Æanella gi- gantea, le Cassis saburon et le Dolium galea. Les feuillets sont très volumineux dans le gros exemplaire de Dolium que j'ai examiné; ils sont forlement convexes du côté eflérent, et se terminent par une pointe assez eflilée. Le nerf principal se trouve, comme dans la Cassidaire, assez loin du bord efférent et sur la ligne de séparation des deux régions épi- théliales. Comme j'avais affaire à un animal conservé dans l'alcool, je n'ai pu, malgré l'excellente conservation des lissus, obtenir de bons résultats par la méthode du chlo- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 281 rure d’or : je ne puis donc dire s’il existe un réseau nerveux inter-épithélial; mais toutes les méthodes m'ont fait voir le nerf principal, divisé en deux faisceaux superposés, sur- monté {rès exactement par une large rangée d’épithélium fortement glandulaire. Le nerf marginal du bord afférent est {très volumineux et occupe le centre d’un bourrelet lon- gitudinal assez saillant sur lequel abondent les cellules glan- dulaires. Dans la Ranelle j'ai découvert par le chlorure d’or un ré- -seau inter-épithélial absolument semblable à celui de la Cas- sidaire, et les feuillets des deux types peuvent d'ailleurs diffi- cilement être distingués. Le Vermel (V. gigas), quoique appartenant à une série bien différente, reproduit aussi presque schématiquement la disposition précédente. Les feuillets sont très étroits, ce qui permet d'avoir en coupe dans un très pelit espace les di- verses régions. La cavilé sanguine est large, et les trabécules fort longues, de sorte qu'on peut les étudier avec facilité. On voit nettement le nerf principal, ou plutôt les deux nerfs principaux adhérant chacun à l’une des faces, au point où l'épithélium echange de nature, et le nerf marginal unique, au fond du sinus afférent. S 4. — Rachiglosses. Chez les ARachiglosses la structure du feuillet branchial présente une constance qui nous permettra de résumer par une seule description ce qui concerne tous les genres étu- diés : Buccin, Murex (M. tunculus), Volute (V. scapha), Harpe (4. ventricosa), Pourpre (P. lapillus). Partout les fibres musculaires du faisceau principal sont assez lâches pour qu'il soit possible de pouvoir déterminer avec sûreté s’il existe dans la même région un faisceau nerveux un peu important. Or 1l n'en est pas ainsi, le nerf principal ne se voit pas par lransparence, et des coupes transversales, faites dans la Pourpre el le Buccin, me permettent d'affirmer qu'il n'existe pas. Au contraire, le nerf marginal est volumi- 288 FÉLIX BERNARD. neux etbien développé. Ordinairement il s’arrêle à la pointe du feuillet branchial; dans la Volute il se réfléchit jusqu'à une pelite distance le long du bord efférent. Les cellules mu- cipares ne se montrent pas en plus grande abondance au bord interne du sinus que partout ailleurs. Enfin, en coupe, je n'ai pas pu voir des cellules neuro-épithéliales le long du bord efférent. $ 5. — Résumé. Si l’on compare entre eux les feuillets branchiaux des divers Prosobranches, on ne trouve que des différences d'ordre secondaire, consistant : 1° dans la présence ou l'absence de replis transversaux ; 2° dans le développement ou la réduction du filet nerveux qui suil les deux bords du feuillet en se ré- fléchissant à la pointe, et dans l'existence d'un réseau ner- veux inler-épithélial différencié chez quelques types seule- ment. Ces variations ne sont pas netlement en rapport avec la classification nalurelle des divers groupes; les feuillets Les plus différenciés sont ceux des Ténioglosses Siphonostomes. Dans le cas où le nerf suit exactement le bord efférent, il v a identité entre ce bord el un organe de Spengel de Dioto- carde inférieur : J'atlache à ce fait une cerlaine impor- tance. Le bord aflérent est toujours riche en éléments glan- dulaires. L'appareil musculaire présente une constance remar- quable, il comprend toujours un faisceau longitudinal plus ou moins compact à une pelite distance du bord efférent, des fibres planes normales aux deux bords, des fibres mar- ginales passant d’un bord à l’autre (plus ou moins abon- dantes suivant les Lypes) et des fibres transverses ramifiées raltachant les deux lames du feuillet. Jamais il n'existe de capillaires. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 289 CHAPITRE HI PATELLIDÉS ET OPISTHOBRANCHES, Maintenant que nous savons d’une manière suffisante en quoi consistent les feuillets d'une branchie de Prosobranche, nous devons nous demander si la même structure se retrouve dans certains organes adaptés à la même fonction, mais non construits sur le même plan au point de vue morpho- logique. La plupart des Patellidés sont, comme on sait, pourvus de lamelles fixées à la face inférieure d'un repli circulaire du manteau qui déborde tout aulour du corps de l'animal; ce cercle de feuillets juxtaposés est interrompu seulement en un point situé en avant et à gauche. On admet généralement et à juste litre que l’ensemble de ces feuillets ne correspond pas morphologiquement à une branchie ordi- naire, soit de Monolocarde, soit de Diotocarde. Mais il est presque évident « priori que ces organes servent à la respi- ration : ils pourraient cependant remplir de plus, à un degré quelconque, une fonction sensorielle. La branchie des Opisthobranches au contraire est mor- phologiquement l’homologue d’une branchie de Proso- branche, mais elle offre toujours un aspect bien différent; nous allons voir que cependant elle est presque identique au point de vue histologique. $ 4. — Lamelles branchiales de la Patelle. Wizurams a étudié avec soin l’appareil respiratoire chez la Patelle. Sa description, longue et détaillée, laisse voir la préoccupation de trouver dans ces animaux des fermes de transition entre les Acéphales et les Gastéropodes, au moins au point de vue des organes qui nous occupent (8, p. 414). En examinant une lamelle par transparence, il y voit « deux couches distinctes et séparées unies seulement à leur bord, en concordance exacte avec le type des branchies simples ANN. SC. NAT. ZOOL. 1x. 49: — ART. N° à. 290 FÉLIX BERNARD. des Lamellibranches ». Le bord entier est occupé par les canaux sanguins afférent et efférent; mais qu'y a-t-il entre les deux? Le feuillet n’est pas fenêtré, mais continu ; des tubercules, se croisant mutuellement de manière à favoriser mutuellement le soutien de la manière la plus eflective, s'élendent entre les deux, et les points où ces fibres s’at- tachent aux vaisseaux sont renflés en nodules qui rappellent ceux qu'on voit dans les filets branchiaux de la Moule, L'espace laissé libre est incontestablement rempli d’un fluide; mais quelle est la nature de ce fluide, il est impos- sible actuellement de le déterminer. En somme, « si tout autre caractère dans l'organisme de la Patelle manifeste le même degré de similitude pour le système correspondant des Lamellibranches, le naturaliste ne doit pas hésiter à définir Ja Patelle à la fois comme l’Acéphale le plus élevé et le Céphalé le plus inférieur ». L'ensemble de l'organisation de la Patelle, mieux connue, n'a pas permis de rattacher ce Mollusque aux Acéphales. I n’en est pas moins curieux de voir dès 1855 affirmer l'iden- üté de structure des organes respiratoires chez les deux classes en question. D’autre part, on ne peut manquer d'être frappé de l'embarras où se trouvait l'habile natura- liste de Swansea pour expliquer cette structure qu'il avait entrevue. Depuis le mémoire de Williams, nous n'avons à enregisirer qu'un travail relatif aux organes branchjaux de la Patelle, c’est celui de M. WeGmanx (65), qui décrit formellement un réseau capillaire dans les lamelles branchiales. « Dans chaque feuillet, un vaisseau parcourt Le bord interne du feuillet et s'épuise vers le sommet en émettant un grand nombre de vaisseaux de troisième ordre, qui s’en séparent parallèlement en formant un angle droit avec le tronc d’où ils tirent leur origine. Ces vaisseaux nourrissent un réseau de capillaires; en les traversant, le sang redevient artériel et sort du feuillet branchial par des canaux qui sont en tout symétriques aux conduits afférents. La veinule branchiale descend ou plutôt ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 291 remonte, puisque les feuillets sont suspendus, le long du bord externe de la lamelle, puis se jette dans la veine bran- chiale commune, qui fait tout le tour de l'animal et se jette dans le cœur. » La figure donnée par M. Wegmann n’est pas moins claire que le texte et montre un réseau capillaire d'une richesse et d’une finesse extrême. Ce que nous avons vu plus haut à propos des branchies en général doit nous meltre en garde contre cette interpré- tation. Nous allons voir qu’elle est inexacte. 1° Circulation. — En examinant au microscope des la- melles branchiales injectées par un procédé quelconque, les unes à fond, les autres incomplètement, on peut se con- vaincre sans peine de plusieurs faits importants. Tout d’a- bord le vaisseau marginal est beaucoup plus large que ne le figure M. Wegmann; il est continu sur tout le pourtour de la lamelle, et l'on ne peut pas dire qu'il y ait là deux vais- seaux se résolvant en capillaires dans le voisinage de la pointe. En second lieu, l'injection, au lieu d'emplir des canalicules extrêmement étroits, comme le croit M. Weg- mann, occupe au contraire la presque totalité de l’espace compris entre les deux faces, et ce sont les trabécules pleines et non les espaces sanguins qui sont tout à fait réduits. Cela se voit avec la plus grande facilité sur des feuillets bran- chiaux à demi injeetés. Si maintenant nous cherchons, par une méthode déjà connue, à analyser les éléments en étu- diant dans la glycérine une lamelle débarrassée de son épi- thélium et colorée au bleu de méthylène, nous obliendrons un aspect qui rappelle d’une manière frappante celui que nous présentaient les lamelles branchiales des autres Pro- sobranches : le canal marginal est bordé antérieurement par une série de gros amas cellulaires à plusieurs novaux (ce sont les nodules de Williams). Les autres amas nucléaires sont bien moins volumineux, et rangés avec une certaine régularité. Ils correspondent aux trabécules qu'avait vues l’anatomisle anglais; mais, comme nous devons nous | 292 FÉLIX BERNARD. altendre, ces trabécules ne présentent pas le moindre enche- vêlrement; ce sont de minces filets réunissant les deux faces. En somme, le canal sanguin marginal communique librement avec l’espace interlaminaire et la folliole branchiale est abso- lument remplie par le liquide sanguin. Sur des coupes transversales en deux couleurs nous pou- vons vérifier que les trabécules en question, grêles ou volu- mineuses, sont constituées par de minces fibres musculaires à noyau évident (fig. 65, 4), isolées dans les trabécules minces, associées dans celles, plus épaisses, de la périphérie, el entourées d’une fine envelop pe conjonclive à noyaux situés à diverses hauteurs. Les fibres musculaires sont ramifiées et les fibrilles par lesquelles elles se terminent rayonnent autour des nodules. Quant aux fibres musculaires situées à plat dans l'épaisseur des deux lames, elles sont très nom- breuses et ne paraissent pas présenter un arrangement spécial. La conclusion de tout ce qui précède est évidente : n'existe, au point de vue du tissu conjonctif et de la circulation du sang, aucune différence essentielle entre un feuillet bran- chial de Patelle et un feuillet branchial de Pectinibranche ou d'Aspidobranche. 2° Tissus nerveux el épithélial. — Voyons maintenant sil en est de même pour ce qui concerne l'innervalion du feuil- let. Ici, je dois le dire, le résultat de mes observations est purement négatif. Aucune des méthodes par lesquelles j'ai mis en évidence des filets nerveux très grêles dans des cas variés, ne m'a permis de reconnaître ce lissu dans les bran- chies de la Palelle. La première idée qui se présente consiste à chercher un nerf marginal ou submarginal comme il en existe d’une manière presque constante dans les branchies proprement dites. Effectivement on voit sur une lamelle co- lorée le bord se présenter avec une teinte plus foncée, qu'on pourrait au premier abord attribuer à l'existence d’un nerf situé dans l'épaisseur des tissus. Un examen plus attentif, et surtout l'étude de coupes transversales, monlre que ce ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 293 n'est là qu’une apparence due à ce que la membrane de sou- lien esf vue en ces points sous une plus grande épaisseur. n'y a, en réalité, pas même d'épaississement du lissu con- Jonctif, comme on peut le voir sur la figure 65. Je ne prétends pas conclure de là qu'il n'existe pas trace d'éléments nerveux dans ces organes : le contraire est même bien évident, puisque les lamelles se contractent à la volonté de l'animal. Mais il n’y à à coup sûr pas de nerf présentant une importance notable, et le chlorure d'or même ne m'a pas permis de découvrir les éléments diffus. Je n'ai pas réussi davantage à trouver de cellules de Flemming, quel que soit le soin avec lequel je les ai cherchées, En revanche, j'ai pu faire sur lépithélium indifférent une observation qui mérite d'être signalée, car nous pouvons la répéter encore dans quelques autres cas (fig. 65, cc). Il est facile de voir sur les coupes de grosses touffes de cils vibra- tiles adhérents à des cellules plus volumineuses que leurs voisines, celles-ci paraissant, au contraire, complètement dépourvues de cils. Les cellules ciliées étaient d’ailleurs, à part leur plus grande largeur, semblables aux autres, c'est-à-dire peu élevées, régulièrement prismaliques, munies d’un plateau très net et d’un gros noyau rond médian. On peut vérifier, sur des animaux vivants, en examinant en particulier le bord du feuillet, qu'un petit nombre de cel- lules sont ciliées, et que celles-ci sont isolées les unes des autres par des cellules dépourvues de cils. Quelle est exacte- ment la nature de ces éléments? Je ne crois pas pouvoir les considérer comme des lerminaisons nerveuses; puisque le système nerveux est tout à fait invisible. Cependant elles res- semblent beaucoup à de larges éléments que Flemming décrit comme neuro-épithéliaux chez les Acéphales. Je ferai seulement observer combien elles sont peu répandues chez les Prosobranches. S 2. — Branchie des Opisthobranches. Je n'ai pas l'intention d'étudier complètement la struc- 29% FÉLIX BERNARD. ture de la branchie dans tous les groupes d’Opisthobranches pourvus de ces appendices. Ayant surtout en vue la compa- raison des Prosobranches avec les types les plus voisins, je me bornerai à l'examen des Tectibranches, chez lesquels l’'homologie n’est pas douteuse. La description morpholo- gique de ces organes à été faite à plusieurs reprises d’une manière tout à fait salisfaisante. Pour les Bullidés, le Pleu- robranche et l'Ombrelle, on consultera les chapitres que con- sacrent respectivement à la respiration MM. Vayssière (74), de Lacaze-Duthiers (77) et Moquin-Tandon (27 Lis), Restent seulement les Aplysidés, qui sont actuellement l'objet d’un travail monographique de M. Robert (1). De la comparaison que j'ai pu faire des branchies chez tes divers animaux, je puis tirer une règle générale qu'il est facile de vérifier : la branchie des Tectibranches, quelle que soit sa compli- calion apparente, peut toujours être envisagée comme un simple sac formé de deux lames soudées sur les bords, s'écarlant ensuite de manière à ménager de chaque côté un large canal (vaisseau afférent et vaisseau efférent), très rap- prochées el même presque accolées dans toute la région moyenne. Mais cette double lame, loin d'être plane, présente des replis d'ordres différents, des pinnules insérées les unes sur les autres de manière à former ces sortes de plumes élé- gantes qui caractérisent les Tectibranches. Ce que je liens spécialement à faire observer, c'est que tous ces replis et ces émergences, si compliqués qu'ils soient, intéressent tou- jours simultanément les deux lames conslitulives, absolu- ment comme chez la Littorine, l'Haliotide, etc., les replis d’un feuillet intéressaient les deux faces du feuillet. En d’autres termes, il n'existe pas de support branchial sur lequel puissent s'insérer les pinnules; on ne peut pas davan- tage considérer les branchies comme formées d’une série de (4} Tout récemment, M. R. Saint-Loup s'occupe brièvement de la bran- chie de l’Aplysie dans une note présentée à l’Académie des sciences. NM y décrit des « valvules ». Je ne sais ce que cet auteur entend exactement par ce mot: je n'ai rien vu qui m'autorise à supposer qu'il existe des valvules dans les sinus de la branchie. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 295 lames juxlaposées. Elles différent en cela de celles des di- vers Prosobranches; elles s’en rapprochent d'autre part en ce que l’espace occupé par le sang est toujours l’intérieur d'une même lamelle. J'ai étudié la structure de cette lamelle chez l'Ombrella mediterranea, le Gastropteron Meckelii, Va Bulla ampulla, Ve Scaphander lignarius et VAplysia punctata; les deux pre- miers types provenaient de Naples, les trois derniers d'Arca- chon. Partout on rencontre deux larges vaisseaux afférents et efférents, à parois épaisses, particulièrement favorables à l’élude du tissu conjoncetif (voir V° partie, chap. n). Partout le sac sanguin est traversé par des trabécules longues et grêles, plus espacées et mieux alignées encore que celles qu'on trouve chez les Prosobranches, mais en tout semblables à celles-ci : leur nature, à la fois conjonclive et musculaire, est rendue plus nette encore par l’élirement des filets, qui ressemblent tout à fait aux fibres musculaires ordinaires. Dans les préparations à plat, on voit la place des trabécules indiquée par de petites étoiles plurinucléées : lab- sence de capillaires estencore manifeste dans le cas présent. Les éléments nerveux n'ont pu être mis en évidence, sauf le long du vaisseau afférent, où existe un réseau que j'ai précédemment étudié et qui représente l'organe de Spengel. J'ai mieux réussi en ce qui concerne l’épéthélium : 1 est composé en grande partie de cellules larges, à plateau dis- ünet, à gros noyau, et, fait remarquable, complètement dé- pourvues de cils. De distance en distance seulement, on voit des éléments analogues, mais plus volumineux, pourvus d'une épaisse houppe de cils longs et vigoureux. L'examen des lissus frais a confirmé cette observation, faile Lout d’a- bord sur des coupes dans tous les Lypes précédemment cités. Je rapproche cette observation de celle que je viens de rap- porter à propos de la Patelle, sans attribuer cependant à ces faits une importance exagérée, puisqu'ils ne semblent en rien liés au genre de vie ou aux affinités zoologiques des ani- maux en queslion. 296 FÉLIX BERNARD. $ 3. — Conclusion générale. La conclusion qui se dégage de toute cette étude de la branchie, c’est l’analogie profonde qui reste au point de vue histologique entre les divers organes branchiaux des Proso- branches et des Opisthobranches. Le caractère qui apparaît pour nous comme le plus impor- tant dans la structure de ces organes, c’est la présence constante de nombreuses fibres musculaires transversales, enveloppées d’un myolème, traversant les espaces san- guins, qui communiquent largement les uns avec les autres et ne peuvent en aucune façon êlre assimilés à des capil- laires. Ces éléments jouent manifestement un rôle dans la circulation branchiale ; ils peuvent, par leur contraction ou leur relâchement, accélérer la sortie du sang du feuillet ou en permettre l’arrivée : ils remplissent donc les mêmes fonctions que de véritables vaisseaux, mais par un méca- nisme {out différent. Les différences et les analogies qui existent entre la bran- chie et l'organe de Spengel ont élé résumés dans les deux chapitres précédents. QUATRIÈME PARTIE GLANDE A MUCUS. — SÉCRÉTION DU MUCUS. CHAPITRE PREMIER HISTOLOGIE DE LA GLANDE A MUCUS. L'organe dont nous avons maintenant à nous occuper n’est autre chose que la région moyenne du manteau, comprise entre la branchie et la masse recto-génitale. Quelquelois ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 297 celle région ne présente rien de particulier, mais le plus souvent c'est par excellence la région mucipare des Proso- branches; souvent même il s'y développe des feuillets des- linés à augmenter la surface sécrétante, el ces feuillets peuvent se localiser dans un espace formant un organe nettement délimité. Pour plus de commodité nous continuerons à appeler clande à mucus toute cette région dorsale et médiane du manteau, qu'elle soit ou non spécialement mucipare, et nous en étudierons les différencialions successives. Celte large bande est sillonnée de nerfs plus ou moins nombreux, dont je n'ai pas repris l'étude topographique; ils ont été en effet étudiés et représentés dans un grand nombre de cas M. Bouvier, entre autres auteurs, les a figurés chez plusieurs Prosobranches. Qu'il me suffise de rappeler que les nerfs destinés à la portion gauche viennent du ganglion palléal gauche, du ganglion supra-inlestinal ou de la commissure viscérale : un grand nombre d'entre eux passent sous la branchie. Ceux qui innervent la portion droite viennent du ganglion palléal droit, du ganglion sous-inteslinal ou de la commissure ; ils passent sous la masse recto-génitale. De nombreux canaux sanguins sillonnent celte région : ils se- ront éludiés plus loin. $ 1. — Glande à mucus ou organe de la Pourpre de Purpura Lapillus. Parmi les différents types de glande à mucus, l’un des plus intéressants est celui des Muricidés et des Purpuridés, car c'est cet organe qui dans ces animaux sécrète la substance connue sous le nom de pourpre. Il se trouve de plus que cet animal se prête bien à l'observation, et que les préparations qu'il fournit sont d'une grande netlelé : c'est pourquoi je le prends provisoirement comme type. Tout le monde connaît le mémoire qu'a publié en 1859 M. De Lacaze-Durniers sur la question de la pourpre : la sécrélion de cette substance élail soigneusement distinguée 298 FÉLIX BERNARD. de la sécrétion urinaire, « la partie purpurigène est une bandelette.. placée à la face inférieure du manteau, entre l'intestin et la branchie, plus près de celui-là que de celle-ci et ne dépassant guère en avant l’anus, atteignant tout au plus en arrière le point où le manteau arrive au contact du corps de Bojanus » (p. 37). [l'est à remarquer que la région purpurigène avait déjà été décrite exactement par CoLe en 1645 (1); quoique le travail de Cole soit cité dans l'Encyclopédie de Bruguière, M. de Lacaze-Duthiers, qui cependant reprend la question de bien plus haut, ne le rappelle que pour mémoire. L'opinion cou- rante vers 1859, c’est que ia Pourpre était sécrétée par l’or- gane que nous appelons maintenant le rein. Le savant professeur a démontré définilivement que la ré- gion sécrétante n’élait ni un sac, ni une veine, ni une poche, mais une surface presque plane tapissée de longues cellules «renfermant la matière granuleuse qui doit se dissoudre et produire la matière colorante. Elles sont du reste très grandes; le plus souvent elles crèvent dans l’eau. Leur con- tenu empêche de reconnaitre le noyau, si elles en ont un ». Je n'ai pas à revenir ici sur les propriétés colorantes de la pourpre, sur l’apparilion de ces propriétés sous l'influence de la lumière. Ces questions sont examinées avec délail dans le mémoire de M. de Lacaze-Duthiers, et de nombreux ren- seignements historiques y sont présentés. Mais je dois in- sister spécialement sur la structure histologique de l'organe; à ce propos, si Je puis confirmer en parlie les observations de l'éminent professeur, je suis obligé, à mon grand regret, de me séparer de lui sur plusieurs points importants. «Le issu, dit M. de Lacaze-Duthiers, se compose de cellules longues, placées parallèlement les unes aux autres et perpen- diculaires par leur plus long axe à la surface du manteau. Les plus superficielles forment par lune de leurs extrémités un plan, une surface quiest celle-là même que l'on aperçoit dans les préparations indiquées précédemment en renversant le manteau et qui, ainsi qu'on peut le prévoir, esl couverte ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 299 d'un épithélium vibralile comme tout le reste de la surface du corps. « Il est facile de voir, mêlées avec les cellules jaunes, d’autres cellules qui présentent une certaine trans- parence; celles-ei sont sans doute de formation plus récente et leur contenu n’est pas aussi près de la maturité ou d'une élaboralion parfaite que dans les autres. Ces cellules forment une couche d'une certaine épaisseur et dont on voil mieux la constitution quand elles sont moins volumineuses. » Ainsi donc, pour M. de Lacaze-Dulhiers, il existe plusienrs rangs de cellules; ces cellules sont {toutes de même nature, ce sont des cellules mucipares allongées, à divers degrés de développement ; seulement les plus superficielles sont ciliées. « Lorsque l'animal se contracte, ou lorsqu'on exerce une pression sur la bandelette, ce sont ces cellules qui s'échap- pent et deviennent libres; presque toujours baignées par un liquide, elles s'endosmosent et crèvent; alors leur contenu granuleux se mélange au mucus et aux autres cellules non déchirées. » La glande à mucus des Purpuridés n'a pas été étudiée, à ma connaissance, depuis la publication du mémoire précé- dent. Mes propres recherches me conduisent à des résullats fort difiérents des précédents et qu'on peut énoncer ainsi: 1° Jln'y aqu'une couche de cellules épithéliales. 2° Ces cellules sont de trois sortes ct ne présentent aucune transition; ce sont les cellules neuro-épithéliales, les cellules ciliées à plateau et à filet d'attache très grêle, les cellules nuu- cipares. 3° Ces dernières ne sont jamais ciliées, elles contiennent du mucus distinct du protoplasma el du noyau, elles ne tombent pas normalement, mais elles s'ouvrent el laissent échapper gra- duellement une partie de leur contenu. Une coupe transversale du manteau, dirigée de la bran- _chie au rectum, montre toule cette région couverte d’un épi- (4) Ann, sc.rnat, 485, toXIE, pli TI, fig: 17. 300 FÉLIX BERNARD. thélium très élevé (fig. 49) ; vers le milieu en effet il atteint 180 y, tandis que l’épaisseur du manteau, non compris l’é- pithélium des deux faces, ne dépasse pas 50 y dans cette région. À quelque distance de la branchie la coupe rencontre le vaisseau branchial afférent qui est parfaitement endigué et toujours béant, grâce à la résistance du {issu conjonctif envi- ronnant : en ce point lépaisseur du manteau augmente (150 y), la hauteur del'épithélium diminue (140 y); (il va sans dire que ces chiffres n’ont rien de constant). L'intervalle des deux lames palléales esttrèsexactementrempli parlesgrandes cellules vésiculaires (cellules de Leydig), entremêlées de très nombreux éléments fusiformes et éloilés à pelit noyau vive- ment coloré. Les espaces sanguins sont limités avec une très grande régularité et aboulissent au vaisseau afférent. On aperçoit sans difficulté un assez grand nombre de nerfs (N, fig. 49) étroitement entourés par le parenchyme adjacent et anastomosés les uns avec les autres. Suivons avec soin l’un de ces nerfs : nous le verrons se rapprocher de la face interne du manteau et pénétrer tangentiellement dans la lame conjonctive épaisse qui supporte l’épithélium de la cavité palléale. Plusieurs rameaux nerveux contribuent à former ainsi un plexus irrégulièrement développé, d’où l’on voit partir, sans qu'aucun doute soit possible, de forts faisceaux pénétrant dans l’épithélium. Comme d'habitude, ces faisceaux sont accompagnés quelque temps par une mince enveloppe conjonctive à noyaux brillants el allongés. Comme on doit dès lors s’y attendre, de nombreuses ce/lules neuro- épihéliales se rencontrent en face des points de passage des faisceaux nerveux. Elles tranchent d’une manière remarqua- blement nelte sur les cellules qui les environnent : leur noyau est beaucoup plus volumineux, coloré en rose clair, muni d'un nucléole rouge vif bien délimité ; il est très finement granuleux, sa forme généralement sphérique ; quelquefois il est réniforme ou renflé du côté périphérique (ne, fig. 49). Le corps de la cellule est aussi presque sphérique et donne ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 301 très brusquement naissance au filet d'attache el au col de la cellule. La vive coloration des deux prolongements permet d'ailleurs d'observer sans difficulté l'insertion de ces deux filets. J'ai suivi dans cinq ou six cas au moins ce filet d'in- serlion jusqu'à ce que je l’aie vu se confondre avec les fibres du nerf épithélial. Celui-ci dans quelques cas chemine tan- genliellement pendant un trajel relativement long; on voit alors le filet d'attache de la cellule sensorielle s'infléchir pour arriver à sa rencontre. Le col de la cellule est démesu- rément long et grêle; 1l est rare que par suite la tête el le corps soient dans une même coupe. Les cellules mullipolaires semblent rares; j'en ai cependant distingué quelques-unes. Si pareille disposilion se manifeslail avec la même évi- dence dans un organe dont le rôle peut être douteux, l'on ne pourrait guère hésiter, 1l me semble, à atlribuer à cel organe des fonctions sensorielles. Je puis même assurer que dans bien des cas, l'organe de Spengel lui-même est à égalité de surface moins riche en cellules neuro-épithéliales que ces régions nerveuses de la glande à mucus chez la Purpura. Mais il est intéressant d'observer que la distribution des cellules en queslion est bien loin d’être régulière dans la glande à mucus. Ainsi nous voyons qu'en des points {rès voisins, plu- sieurs faisceaux nerveux importants pénètrent dans l’épithé- lium ; au niveau de ces points, les cellules de Flemming sont si abondantes que plusieurs d’entre elles peuvent êlre con- tiguës. Un peu plus loin, le nerf s'éloigne tangentiellement, à travers l’épithélium, de son point d'arrivée, et se Lermine dans des cellules de Flemming de plus en plus espacées. Un peu plus loin encore, celles-ci ne se rencontrent qu’ex- ceplionnellement. Remarquons en passant que les régions riches en terminaisons nerveuses présentent également un très grand nombre de cellules ciliées; les éléments glan- dulaires sont, au contraire, plus clairsemés que dans les ré- gions voisines : 4 y a donc dans la glande à mucus de la Pur- pura des régions aussi lin adaptées à un rôle sensoriel qu'une partie quelconque d'un organe présentant une différenciation 302 FÉLIX BERNARD. moyenne (celui de la Littorine, par exemple). Néanmoins, si l’on considère tout l’ensemble de cette partie du manteau, il ne peut pas être douteux que le rôle glandulaire ne lem- porte sur tous les autres. Avant même que M. de Lacaze-Duthiers n’eût démontré dé- finitivement qu'on doit lui attribuer la formation de la pour- pre, les anciens naturalistes (Cuvier, de Blainville, Quoy et Gaimard, elc.) s'accordaient à nommer cetle région glande de la glaire où glande de la mucosité. C’est qu'en effet les cel- lules à mucus y sont plus abondantes que partout ailleurs et fonctionnent d'une manière normale. Nous allons exposer maintenant ce que les coupes peuvent nous apprendre sur les ce/lules à mucus. Sur des coupes bien transversales (fig. 49), nous ver- rons toujours les noyaux disposés à deux niveaux; les uns sont à une très petite distance de la base des cellules; dans les régions pauvres en cellules neuro-épithéliales, ils sont très abondants el très serrés, disposés avec une ré- gularité frappante, presque sur un seul rang. Ces noyaux sont compacts, tout à fait sphériques et se colorent vive- ment. L'autre zone (ce, fig. 49) est, au contraire, absolu- ment périphérique; la régularité est fort grande dans la même région; mais dans les points plus particulièrement sensoriels, ils se trouvent aussi à une distance moins grande de la base: ils sont alors extrêmement nombreux. Leur forme et leur couleur sont plus variables ; en général, ils sont ovales ; quelquefois allongés et alors très colorés, surtout ceux qui sont éloignés de la périphérie. Entre les deux zones principales, on rencontre un très petit nombre de noyaux ; ils appartiennent aux deux catégories. Les premiers sont les noyaux des cellules mucipares, les autres ceux des cellules ciliées ; les deux catégories d'éléments ont toujours la même longueur el s'étendent dans toute la hauteur de l’épithé- lium, de sorte que nous ne sommes pas en présence de deux couches de cellules. Les cellules mucipares sont bien plus larges que les autres. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 303 Leur forme est variable suivant la nature de leur contenu. Je suppose toujours que l'animal que je décris ait élé pris bien vivant, Lué rapidement et que ses éléments aient été fixés par un réactif acide. Alors le mucus n'a pas pu se pro- duire en grande abondance, et les cellules sont encore pleines. Dans la plupart d'entre elles le contenu est finement granuleux, peu épais el se colore assez faiblement en bleu : mais parfois, à la périphérie, le mucus devient insensible- ment plus compact, se colore vivement par le bleu de mé- thylène, et, si la coupe n’a pas subi laclion de ce réactif, garde une couleur blanc jaunâtre. Le noyau est presque tou- jours voisin de la base, parfois mème accolé à la paroi; au- tour de lui on observe un fin réliculum protoplasmique co- loré en rose, qui n’est pas visible si le mucus est épais, qui est au contraire facile à distinguer si le mucus est clair ou si la cellule s'est vidée. Je reviendrai tout à l'heure sur ce der- nier Cas. Toutes les cellules à mucus s'insèrent sur la membrane de soulien. Si la coupe est oblique, ce fait ne pourra pas être observé, cela est bien évident. Mais j'ai obtenu, dans la Purpura elle-même, des coupes où, depuis la branchie jus- qu'au rectum, la règle que j'énonce peut se vérifier sans peine. Plus loin, il s'est produit dans l'organe des plisse- ments qui en rendent la surface irrégulière, comme l'avait déjà observé M. de Lacaze-Duthiers. En ces points, les cel- lules sont fortement courbées, et la même coupe les atteint deux fois; mais sur le bord des plis on observe facilement la courbure des cellules. Ces cellules mucipares se terminent toutes, à leur péri- phérie, par une atténuation notable de leur diamètre; elles sont généralement arrondies, parfois effilées. Si leur contenu est clair, elles n'arrivent pas toujours jusqu’au bord ; s'il est épais, elles l’atteignent, et parfois même le mucus fait saillie au dehors en écartant les cellules voisines : une déchirure s’est donc produite dans l'élément glandulaire. Cette déchi- rure s’observe bien si la cellule s’est vidée : il existe alors 304 FÉLIX BERNARD. une ouverture qui reste fréquemment béante sur les coupes. On objectera sans doute à celte observalion qu’on pour- rait attribuer l'ouverture à l’action des réactifs. Cepen- dant la rapidité avec laquelle était opérée la fixalion suffi- rail peut-être à prouver que sa formation est antérieure à l'immersion dans l’acide picro-sulfurique. J'ai d’ailleurs re- trouvé ces ouvertures dans tous les cas où il existe des cel- lules glandulaires. Nous verrons, dans le chapitre suivant, qu'on peut assister à leur production. Il est impossible de confondre les cellules ciliées avec les précédentes (fig. 53). La partie la plus notable de leur subs- lance est à la périphérie et consiste en un corps cellulaire assez étroit, mais qui se rétrécil tout à coup bien davantage quand on se rapproche de la base; ce n’est plus alors qu'un mince ruban irrégulier, présentant des élranglements quel- quefois ou des parties un peu renflées. Le noyau se {rouve dans la partie la plus large, qui, comme nous l'avons dit, est voisine du plateau; il'est alors, en général, volumineux, pâle, fortement granuleux et faiblement coloré en rouge. La portion qui lui fait suile du côté distal semble évidée; le pro- toplasma est condensé surtout sur les bords et principale- ment au voisinage du plaleau qui, par suite, est toujours for- tement coloré. Parfois cependant le noyau est grêle, allongé et homogène : il est alors plus éloigné de la périphérie. Je pense que ce dernier cas est celui de cellules encore jeunes. Il y a d’ailleurs lous les intermédiaires. Les corps des cellules ciliées sont élargis vers leur extré- mité et accolés, de manière à combler les vides que laisse- raient sans cela les cellules mucipares, alténuées, comme nous l'avons dit, du même côté. Toute la surface de la glande est ainsi recouverte par l’ensemble des plateaux, qui produit une aire ciliée continue. Si la glande a longtemps fonctionné, l'aire ciliée est au contraire percée d’un grand nombre de trous qu'on voit avec facilité dans des cas analo- gues (par exemple, dans un feuillet branchial exuminé à plat). Toutes les cellules ciliées sont insérées sur la membrane ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 305 basilaire. Si elles sont abondantes, ce qui a lieu, comme nous l'avons vu, dans les régions sensorielles, on voil partir de celle-ci une véritable forêt de filaments entre lesquels se rencontrent çà et là quelques cellules glandulaires. Dans les régions plus spécialement sécrétrices, au con- traire, les cellules à mucus sont immédiatement au contact l’une de l'autre, leurs membranes paraissent accolées sans aucune interposilion, depuis leur base jusqu'au sommet; mais là on aperçoit toujours une fine et grêle cellule ciliée à noyau eflilé, dont le plateau, élargi fout à coup, vient re- couvrir la cellule glandulaire, si épaisse qu'elle soit. Ce fait s’observe déjà bien dans la Pourpre; mais quand la glande à mucus est formée de feuillets, il se manifeste d'une ma- nière frappante, comme nous allons le voir dans un instant. $ 2. — Étude de la glande à mucus en général par le procédé de dissociation. L'exposé précédent montre, je l'espère, d'une manière convaincante, la nature des éléments qui composent l'épi- thélium mucipare et les rapports de ces éléments entre eux. J'ai cherché à pousser plus loin l'analyse histologique en isolant avec soin leur structure. Ces recherches présentent une assez grande difliculté. J'ai dù les faire porter sur des animaux assez nombreux el essayer un assez grand nombre de méthodes de dissociation. Deux écueils élaient à éviler : ou bien le réactif employé élail lent et peu énergique, ou, plus exactement, peu propre à coaguler le mucus;: alors celui-ci, se gonflant sous l'action de l’eau, faisait éclater les cellules qui le contenaienl et défor- mait les cellules voisines : ou bien le réactif était énergique : il risquait alors de produire sur les cellules ciliées d’autres déformations. I fallait, d'autre part, séparer les cellules ci- liées qui, comme on le sait, sont fortement soudées par leur plateau. Je n'ai guère oblenu de bons résultats avec l'acide osmique, car ce réactif exagère d'une manière frappante, pendant quelques instants, la production du mucus. ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, 20. — ART. N° 3. 306 FÉLIX BERNARD. [l était indispensable d'agir aussi rapidement que possible pour enlever la coquille, détacher un fragment de la glande à mucus et la plonger dans un réactif capable de fixer les éléments. J'ai employé avec succès trois liquides différents : 1° L’acide picro-sulfurique assez fortement acétifié ; 2° Le chlorure de ruthénium en proportion telle que la teinte de la dissolution soit d’un rouge assez clair. C’est le meilleur des réactifs que j'ai employés jusqu'ici. Malheu- reusement je n'ai pas pu m'en procurer autant que je l’au- rais désiré. Il colore les cellules comme le bichromate con- centré, mais il ne les ralaline en aucune facon, met les noyaux bien plus nettement en évidence, respecte les cils vibratiles et facilite la dilacération faite par les aiguilles. 3° Un mélange ainsi composé : Eaudishllée-©--- Cie e- 200 grammes. AIGCOOIM OO SRE AE 10 — Elycémner sr Eee ere à) — AGCIdE ACÉLIQUeL 2. ce 0e 10 — Ce mélange, étant fortement acide, facilite la coloration des éléments par le bleu de méthylène. On se rappelle que les membranes des cellules épithéliales absorbent fortement - ce réactif, ce qui en rend l'observation particulièrement commode. La dissociation de fragments fixes élait faite ensuite dans l'alcool au tiers, l'acide osmique au 1/10000 ou le réactif acide que je viens de signaler. Celui-ci en particulier m’a donné de bons résultats sur des animaux venant de Naples, et par conséquent déjà fixés par divers réactifs et par l’ak cool. Enfin j'ai opéré sur la Pourpre, la Cassidaire, la Ranelle, le Buccin et l'Haliotide. Partout j'ai trouvé les mêmes élé- ments. J'en ai représenté quelques-uns dans la planche XÏ; j'aurais pu multiplier beaucoup ces exemples. Cellules neuro-épilhélinles. — Leur dissociation réussit ra- rement. Comme Flemming et tous ses élèves l'ont déclaré maintes fois, elles se cassent toujours dans le voisinage de la ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 307 tête (fig. 54). On trouve par suite des éléments formés d’un corps très renflé avec un gros noyau, et de deux filets déme- surément longs; les têtes isolées se voient fréquemment. Vers le tranchant des feuillets, dans l'Haliotide et le Buc- cin, on trouve des paquets d'éléments analogues, mais réu- nis par l’une de leurs extrémités. Des cellules épithéliales ordinaires pourraient présenter le même aspect (fig. 53). Cependant, dans quelques cas, j'ai réussi à retrouver des cellules entières semblables à celles que j'avais vues en coupes avec un noyau renflé, un long col el une tête étroite munie de cils ou de soies (y, fig. 53). Cellules ciliées. — Elles sont très variables de forme et de grandeur ; une description détaillée de chacune est inutile. J'ai représenté (fig. 51, 53, «, 6, 7,9) les plus intéressantes, observées chez le Buccin et l'Haliotide. J’ajouterai seulement : 1° qu’elles peuvent être soudées assez intimement pour qu'il soit impossible de voir isolément le filet d'attache de chacune d'elles (fig. 51); 2° que ce filet peut être souvent divisé en deux ou trois vers la base (fig. 53, à). Cellules glandulaires. — Rien n’est plus facile que d'obte- nir des paquets de ces cellules encore soudés par leur base, isolés à leur sommet, et d'observer que tous ces sommets sont arrondis ou terminés en pointe mousse et /oujours dépourvus de cils Mg. 50, a). Toutes les cellules ainsi closes ont un con- tenu finement granuleux et plus ou moins épais. Pour voir leur noyau, après les avoir fixées, on les traite par l'alcool à 70° pour enlever l’acidité, puis par le vert de méthyle dans l'alcool; puis on lave encore à l'alcool. On voit alors facile- ment tous les noyaux au même niveau, près de la base. Ces cellules s’isolent en général facilement, sauf dans la Ranelle où elles atteignent une longueur énorme (on les voit facile- ment à l'œil nu), et, comme elles sont très étroites, elles se cassent fréquemment. Dans l'Haliotide, au contraire, on peut en faire de belles préparations. Il est intéressant de savoir comment ces cellules s’insèrent sur la membrane de soutien. Cela se fait généralement (ou 308 FÉLIX BERNARD. du moins dans tous les cas sur lesquels je ne puis avoir de doule) par le moyen d’un fin pédoneule qui aboutit dans le voisinage du noyau (fig. 50, 6,€,r). Cependant, dans les cel- lules jeunes, l'insertion se fait, ou par toute la surface, ou par plusieurs filets d'attache. Mais le pédoncule en question se voit toujours très bien quand la cellule est vide de mu- eus. On peut alors constater qu'il est plein d'un protoplasma assez dense qui se relie à celui qui entoure le noyau. Si nous examinons une cellule à contenu clair et transpa- rent, nous verrons toujours sans difficulté un amas fine- ment granuleux, remplissant le fond de la cellule et se re- liant par de fines trabécules à d’autres petits amas silués en général tout contre la membrane. Ces trabécules traversent la cellule dans tous les sens et s’observent aussi le long de la membrane (fig. 50, £). On voitici nettement la distinction entre le protoplasma et le paraplasma, dislinelion si nette dans les cellules végétales. Le mucus contenu à l'intérieur des cellules glandulaires es{ un produit de l'actinité du proto- plasma, produit différent du protoplasma lui-même et non pas une modification de tout l’ensemble de la substance cellu- laire; l'observation suivante le prouve également. Toutes les fois que le contenu d’une cellule glandulaire est transparent et ne paraît pas différer du hquide ambiant, la cellule en question présente à son extrémité périphérique une ouverture circulaire ou ovale bien régulièrement déli- mitée (fig. 50, y, 9,e). Cela prouve que la sécrélion s’est faite par déhiscence; les bords de l'ouverture sont souvent dispo- sés de manière à former une sorte de cheminée, comme si la déchirure s’élait produite sous l’action d’une poussée interne. Rarement la membrane présente en ce point des denticula- lions produisant l'impression d'une déchirure. Il n'y aurait rien d'étonnant à trouver dans les éléments dissociés de la glande à mucus des cellules trouées, si la région que lon observe avait été laissée assez longlemps en conlact avec l’eau. On sait, en effet, depuis longtemps que le mucus, comme l’albumine, se gonfle démesurément en présence de ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 309 l'eau, et que, d'autre part, il ne peut pas filtrer à travers les membranes : c'est le lype des substances co/loïdes. Or, en vertu des lois de l’osmose, l'eau continue à pénétrer à tra- vers la paroi de la cellule jusqu'à ce que le mucus soit com- plèlement saturé, el quoique la membrane offre une résis- lance considérable, elle finit forcément par se rompre; la ruplure se fera tout naturellement près de la pointe, puisque c'est là que la proteclion et la résistance sont le plus faibles. Ce phénomène est d'ailleurs bien connu, et M. de Lacaze-Duthiers l'avait observé en 1860. Les choses se passent-elles de même dans la cellule vi- vante et en place? c’est peu probable. Les cellules ciliées se rejoignent quand la glande ne fonctionne pas, et l’osmose doit se faire difficilement à travers leurs plateaux épais et riches en protoplasma. L'accroissement de volume qui détermine la poussée et la déhiscence de la cellule fient à des phénomènes physiques et chimiques plus complexes qu'il nous est difficile d’ana- lyser actuellement. Les observations (coupes et dissociations faites sur des élé- ments fixés) nous donnent des preuves indirectes à l'appui d’une explication simple du mécanisme de la sécrétion du muecus. Cette explicalion peut être donnée comme un résumé des deux chapitres précédents. La substance sécrétée est un produit différent du protoplasma ; elle s'échappe de la cellule par une ouverture de celle-ci: le protoptasma et le noyau restent en place pendant un temps plus ou moins long, et l'enveloppe reste attachée à la membrane basilaire. Les cellules qui jouissent de cette propriété sont toujours disposées sur un seul rang; elles ne sont pas ciliées : elles ne tombent pas normalement; dans des organes pris sur des animaux bien vivants el fixés rapidement, on (rouve gé- néralement un noyau el du protoplasma au fond des cellules vides de mucus. Il nous resle encore à appuyer cette manière de voir par 310 FÉLIX BERNARD. l'observation directe. Jai réussi à étudier sur les mêmes éléments bien vivants les diverses phases de la sécrétion du mueus, et j'ai tenté de faire le départ des phénomènes que l’on doit considérer, soit comme normaux, soit comme pa- thologiques et caractéristiques de la dégénérescence de l'organe. Ce sont ces preuves directes que je vais maintenant présenter. CHAPITRE II PHÉNOMÈNES INTIMES DE LA PRODUCTION DU MUCUS. Après avoir examiné avec soin la surface de la glande à mucus, chez un certain nombre de Prosobranches vivants, jai cru indispensable de m'adresser, pour lobservation directe des phénomènes de sécrélion, à d’autres régions où ces mêmes phénomènes se manifestent avec une intensité moins grande, et peuvent être plus facilement analysés. La multiplicité des cellules muqueuses rend en effet la surface de la glande à mucus tout à fait opaque, et la production abondante de la substance sécrétée empêche d’apercevoir nettement les régions sous-jacentes. D'autre part, même si l’on éludie, comme l’a fait M. Wegmann pour l’Haliotide, un des feuillets de la glande, dans les différents cas où celle-ci en présente (Haliotide, Ranelle, Bucecin), on se trouve en- core en présence d'un organe lrop compact et lrop épais, même sur ses bords, pour se prêter facilement à l'observation par {ransparence. Je me suis par suite arrêlé pour cette étude aux lamelles de la branchie, qui se conservent longtemps intactes, el que je pouvais avoir aussi transparentes que je le désirais en choisissant celles qui sont plus ou moins éloi- gnées de l'extrémité de la branchie. Pour observer une production abondante de mucus, j'examinais le côté afférent où les cellules muqueuses sont plus abondantes que partout ailleurs; au contraire, pour avoir ces éléments isolés au milieu des cellules ciliées, je m’adressais au bord efférent : ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 344 La lamelle était prise sur une Cassidaire tantôt bien vivante, tantôt presque morte où même loul à faitmorte, mais depuis peu. Elle était mise dans une petite cellule creuse, ou sous un verre couvre-objel soutenu par deux pelites bandes de papier pour éviter l'écrasement. J'ajoutais fréquemment une goutte d’eau de mer de manière à obtenir un courant lent et continu. Je me suis aperçu bien vite que la production du mucus dans un organe ainsi isolé était beaucoup plus lente que je ne l'avais cru tout d’abord : quand on ne s'occupe que de la branchie, si l'animal est en bon élat, l’épithéhium se conserve fort bien pendant un temps relativement long. La vitalité de ces éléments est d’ailleurs presque incroyable. Sur une Cassidaire morte depuis douze heures et ne donnant aucun réflexe, ni dans les tentacules ni dans le manteau, alors que l’épithélium de la glande à mucus tombe tout d'une pièce, celui de la branchie continue à montrer pen- dant plus d'une heure sous la lamelle des mouvements actifs des cils vibratiles. La surface libre d’une lamelle branchiale prise sur un animal en bon étal, ou sur un animal fixé rapidement, est parfaitement lisse et revêtue d'une manière continue de cils vibratiles : on n°y voit ni saillie ni cavité; la ligne qui conslitue l’arête du feuillet d'un côté ou de l’autre est éga- lement continue. En somme, des observations que J'ai pu faire dans tout le cours de mes recherches, sans qu'il soit indispensable d'entrer à ce sujet dans le détail, je puis con- clure que, avant la production abondante de mucus, les pla- eaux des cellules ciliées se rejoignent exactement el forment à l'organe un revélement continu dépourvu de saillies el d'ouvertures. C'est ce qu'on voit fréquemment aussi sur les animaux pro- venant de la stalion zoologique de Naples, et qui sont fixés rapidement. Au bout de quelque temps, on voit la surface des cellules ciliées se bomber d’une façon très appréciable : les éléments 518 FÉLIX BERNARD. voisins sont séparés les uns des autres par un léger sillon et, sur le bord du feuillet, le contour apparent paraît non plus régulier, mais marqué de peliles ondulations. Ce gonfle- ment permet de distinguer avec une grande netteté chacun des éléments qui atleignent la surface libre : il s’accentue bientôt, et dès lors on peut voir que les cellules mucipares et les cellules ciliées sont le siège de phénomènes différents qu'il convient d'examiner séparément. L° Fonctionnement des cellules mucipares. — Les cellules mucipares n'atleignent pas tout d’abord la surface du feuillet : il est facile de s’en convaincre en examinant le bord ef/érent d'une lamelle, où ces éléments sont relativement rares, séparés par des paquets importants de cellules ciliées, et par suile faciles à distinguer les uns des autres. On les recon- nait, en observant un peu au-dessous du niveau des plateaux, à leur contenu finement granuleux et opaque et à leurs dimen- sions (fig. 55, &). Au bout de peu de temps, la surface se hérisse de mamelons saillants qui écartent les cellules ciliées ; chacun d'eux est la surface d’une cellule glandulaire ; le bleu de méthylène en met en évidence la membrane (Theca des auleurs allemands), elle est d'abord continue et non ciliée. Un peu plus tard, on voit le mamelon s’accentuer et faire saillie au dehors. Une goulte d'acide acétique pourra coaguler presque instantanément la substance en cet état, et la rendre opaque au point de permettre d'étudier d’un seul coup d'œil la répartition des éléments sécréleurs dans l’épithélium; un peu de bleu de méthylène ou de vert de méthyle nous donnera de belles préparations faciles à con- server. Mais laissons le processus s’accomplir d'une facon normale, et portons notre atlention sur une cellule gonflée mais encore intacte, refoulant sur ses côlés les cellules ciliées qui l’environnent. Le contenu est d'abord épais, gra- nuleux à peu près partout, mais plus clair cependant vers la base. Puis la région voisine de la périphérie est bien plus opaque que le reste et divisée en goutlelettes irrégulières, grossièrement polvédriques, et dont la formation commence ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 313 à se manifester un peu plus bas (fig. 52). Nous voyons la masse affluer graduellement vers le bord de manière à bal- lonner de plus en plus l'extrémité correspondante et à écarter les cellules voisines. Il existe alors entre ces dernières une sorte de petite cheminée, au fond de laquelle se produit un orilice dû au déchirement de la membrane, ainsi que le décrit fort bien M. Wegmann : « Un petit clapet est enlevé et il se fait un orifice cireu- laire; rarement ce clapet reste adhérent en un point du pourtour de l'orifice; le plus souvent il est entrainé par la malière sorlant de la cellule. » Le fait est exacl; je ferar remarquer seulement le faible diamètre de l'orifice, qui n'occupe même pas tout le fond de la cheminée ménagée entre les cellules voisines. Aussi la goulle de mucus s'é- trangle-t-elle généralement beaucoup à sa sortie, comme le montre clairement la figure 58, « et 6. Si l’on voit une grosse boule de mucus perler en un point quelconque de la surface, on peut être sûr de trouver, en déplacant le point, l’orifice de sortie un peu plus loin dans la portion rétrécie. Avec un peu de palience on voit les gouttes d’excrétion augmenter considérablement et sans secousse ; J'ai observé Tous les stades correspondant au point représenté fig. 58. J'en reproduis la phase moyenne, la plus caracté- ristique. Un peu plus lard on voit la grosse goutte de mucus s’étirer, tenir à la cellule sécrétrice seulement par un pé- donecule mou el flexible qui se rompt enfin et laisse échapper le mucus dans le milieu ambiant. Il est foujours formé de gouttelettes très distinctes etrelativement volumineuses, for- mées par la division des amas polvédriques observés plus haut. Il s'agite dans le tourbillon produit par les cils vibra- tiles des cellules épithéliales, el finit par prendre une forme sphérique. Les cils vibratiles jouent certainement un rôle très actif dans celte expulsion, car on voit sous l'influence de leur mouvement la goutte de mucus s’agiter dans tous les sens avant de se détacher lout à fait. Une fois la première gouttelette expulsée, l'excrélion n'est 314 FÉLIX BERNARD. pas terminée pour ce qui concerne la cellule dont il s’agit : M. Wegmann l’a entrevu vaguement quand il dit : « On voit aussi des cellules ayant déjà un orifice s’étrangler et se séparer une seconde fois. Par les ouvertures ainsi praliquées. le contenu des cellules sort et forme le mucus. » En réalité, les choses continuent à se passer comme précédemment : le mucus continue à passer en s’élirant à travers l'ouverture et forme une seconde gouttelette qui se détache comme la première. Le processus se reproduit-il encore longtemps de la sorte? Je ne saurais l’affirmer. Dans tous les cas, je puis présenter un cas directement observé de la répétition du phénomène, c’est celui de la cellule 1, de la figure 58 z et £. Dans l'intervalle de deux expulsions successives, l'ouverture ne s'était pas refermée, et les plateaux voisins ne s'étaient pas rejoints par suile de la poussée considérable qui devait exercer la masse énorme de mueus qui distendait encore les parois de la cellule sécrétrice. Un peu plus lard le mucus devient de plus en plus épais, tandis que la portion basilaire de la cellule s'éclaireit gra- duellement et laisse voir le noyau avec le protoplasma envi- ronnant. Je n'ai pu déterminer dans le cas présent si le noyau et le protoplasma finissaient par être expulsés : le fait est possible puisque nous allons assister à la désorga- nisation complète du tissu. En tous cas je puis affirmer que pendant plus d'une demi-heure je n'ai rien pu voir qui m'autorise à croire que cette destruclion de la cellule sé- crétrice se produise comme un fait normal. Rappelons-nous d'autre part les résultats que nous a donnés l’observation indirecte (dissociation et coupes) : on trouve en abondance dans les organes mucipares des cel- lules ouvertes, vides de mucus, et encore pourvues de pro- toplasma et de noyau. Il me parait donc probable que, Ja production du mucus une fois terminée, la cellule sécrétrice continue d'exister mais revient sur elle-même par suite de la pression des cellules voisines ; les plateaux écartés revien- nent au contact; l'ouverture se bouche peut-être, mais cela ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 315 est peu important; dans lous les cas la surface ciliée rede- vient continue. Ce ne serait donc que dans les cas pour ainsi dire pathologiques, dans les cas d’une production exagérée, que l'élément sécréteur mourrait par suite de la sécrélion. Je ne veux pas dire pour cela que le fait ne puisse pas se produire chez l’animal vivant : on trouve en effet des diffé- rences considérables pour lopacité du mucus fourni dans les circonstances diverses. Mais je liens à faire observer, et cela n’est plus une hypothèse, que, même dans un organe détaché de l'animal, la sécrélion des cellules non ciliées n’entraine pas de longtemps l'expulsion du noyau et du pro- toplasma, el par suite la mort de la cellule el que la sécré- lion se fait par déhiscence, C’est ce que nous avons déjà supposé d'après l'observation indirecte. 2° Scission des cellules ciliées. — Nous avons dit que, peu de temps après le commencement de l’observation, un léger gonflement se produisait aux dépens des plateaux ciliés. Ce phénomène reste peu marqué pendant un temps assez long, landis que la sécrétion du mucus aux dépens des cellules mucipares se manifeste plus rapidement. En observant l’une ‘quelconque des cellules ciliées, on peut voir par un changement répété de la mise au point que la masse intérieure de la cellule est moins dense que le protoplasma périphérique, ce qui se manifeste d’ailleurs d’une facon bien évidente sur les coupes. Plus tard les saillies s'exagèrent et les cellules ciliées proéminent au point que l’on croirait êlre en présence d'une substance pà- teuse tendant à tomber en formant une goulte qui aurait peine à se détacher. Mais ce processus est extrêmement lent : ce n'est qu'au bout d'un quart d'heure au moins que l'on voit la surface du feuillet toute hérissée de ces proémi- nences. Si au contraire on prend tout de suile une branchie séparée depuis quelque temps du corps, ou appartenant à un animal déjà mort ou à peu près, l'aspect que je décris est celui qu'on observe normalement. Les cellules épithéliales qui sont gonflées de la sorle ne sont pas mortes encore, 316 FÉLIX BERNARD. car les cils vibratiles continuent à s’agiter avec la plus grande vivacité. Ce stade est d’ailleurs particulièrement fa- vorable à l’observalion de leur mouvemeni, car le contour apparent des éléments périphériques forme une petite sur- face {rès transparente qui ne se projette plus sur les élé- ments voisins. On voit alors les cils s’insérer assez profon- dément dans le plateau, par une sorte de petite tige un peu épaissie vers la base et presque rigide. C’est un peu au delà de leur inserlion qu'ils sont doués d’une grande flexibilité; on dirait de pelits fouets vibrant au bout d'un manche qui suivrait avec peine leurs mouvements. Ces faits sont d’ail- leurs trop connus et trop généraux pour que j'aie besoin d'y insister davantage. En suivant pendant un temps suffisamment long la mar- ché du phénomène (une demi-heure environ pour le cas présent), j'ai pu observer en un grand nombre de points à la fois la manière dont il prend fin. Quand j'allongement de la saillie est suffisamment prononcé, un étranglement se pro- duit au milieu de la région ciliée : une petite sphère est ainsi formée, reliée au reste de la cellule par un mince pé- doncule qui va en s’élirant de plus en plus et qui finalement arrive à se rompre. Un petit globule est alors mis en liberté ; il est cilié, mais pas sur toute son élendue; il est hyalin, parfaitement transparent et paraît pauvre en protoplasma ; il ne contient pas {race de noyau. Il s’agile quelque temps dans le liquide, au voisinage de la surface de l'organe et détermine un vif mouvement de translation des autres dé- bris qui viennent à son contact. Le reste du pédoncule qui le faisait ressembler à une petite ampoule de verre, ne tarde pas à disparaître, sans doute par suile de l’osmose de l’eau qui fait gonfler le contenu et distend la membrane, et l’on voit ainsi se former des pelits globules ciliés qui ont été vus par divers observateurs dans des cas analogues. Quant à la cellule qui s’est ainsi coupée, elle continue à vivre quel- que temps, car la partie du pédoncule qui reste adhérente s'atténue de son côté, le plateau, qui n'a disparu qu'en ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES, JA partie, reprend son aspect primitif et continue à présenter des mouvements ciliaires. En résumé, nous avons acquis une première nolion sur le fonclionnement de l'épithélium de revêtement : Les cel- lules ciliées s'allongent, les plateaux se jonflent, s'élranglent et s'en détache un petit globule cilié, hyalin, dont la chute n'en- traine pas la mort de la cellu'e. Ni le noyau ni la masse es- senlielle du protoplasma ne sont intéressés par ce phéno- mène. Le processus est d’ailleurs lent, et n'arrive à son lerme que fort tard. Il est facile de distinguer les vésicules en question des globules de mucus sécrétés par les cellules glandulaires : ces derniers ne sont pas ciliés, 1ls ont un contenu bien plus épais et plus granuleux : ce n’est qu'à la longue qu'ils arri- vent à se diviser en vésicules hyalines après avoir absorbé une quantité d'eau probablement considérable. 3° Exrpulsion des cellules mortes. — Pendant que ces faits se produisent, on peul assister dans les mêmes points à d’au- tres phénomènes plus curieux ; Je veux parler de l'expulsion des cellules mortes, fait connu dans certains cas, comme le précédent, mais qui, je pense, doit se manifester rarement avec une neftelé comparable à celle que j'ai constatée ici. Sur le bord efférent de la branchie, tout le long du contour apparent, avant même que les proéminences des cellules ciliées soient très accentuées, on trouve, de distance en dis- tance, des cellules sorlant complètement de la masse épithé- liale, comme si elles en avaient été chassées par la compres- sion de la lamelle (fig. 55). Or, on se souvient que j'avais évilé avec soin celle cause d'erreur, dont l'effet, du reste, ne se serait pas manifesté sur l'extrême tranchant du feuillet branchial. Ces éléments sont très variables d'aspect, comme le mon- trent les figures 55, 56, 57. Les uns (55, 55 4 au bas de la planche, 577) sont déjà (res éloignés de la surface ei- liée, à laquelle ils sont rattachés par un long pédoncule ; leur plateau est gonflé et démesurément saillant, encore 318 FÉLIX BERNARD. hyalin, et présentant seulement à la surface des ponelua- tions correspondant aux points d'insertion des cils. Ces der- niers sont en général conservés, mais inertles, raides, cour- bés dans tous les sens, séparés les uns des autres ; quelques- uns sont pendants sur le côté. D'autres fois (fig. 54) ils manquent absolument. Le corps même de la cellule est plus ou moins gonflé, plissé et déformé ; parfois, cependant, le contour normal est encore assez bien maintenu. Mais le pro- toplasma est toujours trouble et rempli de vacuoles; le noyau est brisé en plusieurs morceaux inégaux, comme me l'ont montré des préparations colorées après fixation à cet élal par l'acide picro-sulfurique. J'espère d’ailleurs qu'un coup d'œil jeté sur les figures 55 et 554, 56 et 57, ne laissera au- cun doute à ce sujet : nous avons bien affaire à des cellules mortes, dont l’aspect contraste d'une manière frappante avec celui des cellules avoisinantes. Tout autour de la cellule expulsée, il élait curieux de voir le mouvement presque désordonné des cils vibratiles appar- tenant aux cellules restées en place. Quoique le fait puisse paraître un peu forcé, je crois pouvoir aflirmer qu'il y avait une convergence réelle des pointes de ces cils dans la direc- tion du pédoncule de l'élément mort; celte impression ré- sulte pour moi et pour les personnes à qui j'ai montré le phénomène, de l'examen de plusieurs cas analogues ; quoi qu'il en soil, le pédoncule étant extrêmement mou et flexi- ble, la cellule élait baliottée dans tous les sens, obéissant au mouvement imprimé à sa base et au courant d’eau pro- duit tout autour (fig. 557). A chaque instant l’on s'attendait à la voir se délacher, mais cela ne se produisait que fort lard, et ce n’est qu'au bout d'un quart d'heure que se manifes- aient les changements indiqués par la succession des figures 552,6,7. A la fin j'ai été Lémoin de la séparation qui semblait inévitable, el je l'ai vue réalisée pour plusieurs au- tres cellules: d’autres fois, les cils se sont arrêlés avant l'expulsion et se sont fixés dans une posilion singulière, fortement couchés le long du plateau. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 319 On doit dès lors s'attendre à trouver dans le voisinage de l'organe observé, des cellules mortes encore entières et semblables à celles que j'ai vues se détacher. On en ren- contre en effet quelques-unes (fig. 56). Le fait a 66 d'ailleurs observé el décrit par M. de Lacaze-Duthiers dans son mé- moire sur la Pourpre; j'aurais pu en figurer un assez grand nombre d'exemples tout à fait analogues. Le lroisième point que nous avons à signaler consiste donc dans l'expulsion totale de cellules mortes, ciliées ou non, plus ou moins gonflées, plus où moins vacuolaires, et offrant çà et là quelques débris de noyaux. Cette expulsion se fait sous l'action des cils des cellules voisines encore vivantes. Un point de grande importance à signaler : les deux der- niers processus relalifs aux cellules ciliées se produisent beaucoup plus tard que l'expulsion des gouttelettes sécrétées par des cellules mucipares. 4° Discussion. — Tels sont les phénomènes qu'on peut observer en examinant sous le microscope une lamelle bran- chiale. Mais une discussion est nécessaire pour établir la valeur de ces observations. Il est évident qu'une objection grave peut être faile à la méthode employée : il s'agit d’une fraction d’un organe détachée de l'animal et éludiée isolé- ment sur lanimal vivant. Qui nous dit que les faits se passent normalement comme nous venons de les décrire? Ne sommes-nous pas ici en présence d’un cas absolument pathologique ? Je répondrai d’abord que l'organe auquel je m'adresse jouit d’une vilalité extraordinaire, puisqu'une branchie isolée continue à vivre douze heures dans de l’eau bien propre; une branchie de Trochus donne des réflexes vingt-quatre heures après que le manteau a été fixé par des épingles. Elle contient des éléments nerveux qui assurent l'indépendance de chaque lamelle. La vie générale de l'ani- mal n’est d'ailleurs probablement liée qu'indirectement à la marche intime du phénomène. Je ferai remarquer de plus qu'il est impossible d'étudier la formation du mucus dans le manteau sans ouvrir l'animal; mais on peut rechercher 320 FÉLIX BERNARD. jusqu'à quel point les phénomènes liés aux propriétés des cellules épithéliales sont troublés par suite de celle opéra- lion. Or il est un point que j'espère voir admettre facilement : c'est celui qui consiste à faire le départ des différentes subs- lances qu'on peut remarquer dans le mucus observé après la sécrétion. On me concédera, je l'espère, que s'ils se pro- duisent normalement, chez l'animal vivant, les globules de mucus, les vésicules ciliées, Les cellules mortes, ont bien res- peclivement l'origine que Je leur attribue : les phénomènes observés sont trop nets el {trop lents pour pouvoir être radi- calement modifiés par l'isolement de l'organe. Or la compa- raison avec les preuves indirectes tirées de lobservalion d'animaux fixés rapidement, démontre que la sécrétion du mucus dans les cellules sécrétrices se passe bien comme nous venons de le décrire. Un second point bien plus difficile à éclaireir est le suivant. Que doit-on penser des modifica- tions dont les cellules cihiées sont le siège el qui s’observent beaucoup plus tardivement? À mon avis, si elles se produi- sent réellement sur l'animal vivant, ce n’est que dans le cas où la production du mucus se prolonge pendant un temps très long, puisqu'il en est déjà ainsi sur l'organe détaché, où la désagrégation doit être bien plus rapide. De plus, dans les coupes très nombreuses d'organes mucipares que Jai eu l’occasion d'observer, 7e n'ai jamais trouvé de cellules ou de plateaux pédonculés et prêts à se détacher, tandis que j'ai ren- contré fréquemment des goutteleties de mucus à l'entrée des cellules glandulaires. Je crois donc devoir conclure que la production des vésicules ciliées el l’expulsion des cellules mortes sont des phénomènes pathologiques, précurseurs de la mort de l’épithélium. Les substances en question ont été vues par divers observateurs, notamment par M. de Lacaze- Duthiers, dans le mucus détaché d’un animal ouvert depuis quelque temps; on ne les rencontre pas sur les coupes d’a- nimaux fixés rapidement, même aux environs de la glande à mucus. La même observalion s'applique exactement ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 321 aux cellules mortes dont nous avons observé l'expulsion. La formalion normale du mucus doit donc être attribuée, à mon avis, exclusivement aux cellules que nous avons décrites sous le nom de cellules sécrétrices. Il n’est pas douteux, d’après les observalions courantes, qu'elle ne soit liée à des sensalions de l'animal, et par suile placée sous la dépen- dance du système nerveux. L'observation d’un organe isolé ne prouve pas que les phénomènes d'osmose suffisent pour la déterminer. La vitalité du protoplasma, et peut-être même l'excilation nerveuse, peuvent se prolonger assez longtemps pour déterminer les phénomènes complexes de désassimita- tion que nous entrevoyons, mais que nous ne pouvons pas décrire avec précision. 5° Fin du phénomène. — Si nous tenons à connailre exactement les substances qu'on trouve dans le mucus quand la destruction des tissus est en train de s’opérer, rien n’est plus facile ; 11 suffit de recueillir un peu du mucus blanchâtre el épais qui remplit la cavité palléale d’un Prosobranche récemment mort, ou bien encore qui se trouve sur le man- teau d’un animal bien vivant dont on a ouvert la coquille et élalé le manteau. Si nous prenons un peu de cette substance en ayant bien soin de ne pas toucher la couche épithéliale sous-jacente, et que nous la portions sous le microscope, nous y verrons une masse homogène semblable à du blanc d'œuf, tenant en suspension une grande quantité de corpuscules auxquels la masse doit son opacité. Ce sont tout d’abord des pelites sphères formées de la substance granuleuse, opaque et par suile grise par (transmission, que nous connaissons déjà. On trouve aussi des sphères présentant comme les précédentes les dimensions les plus variées, mais en diffé- rant par leur transparence et l'absence de granulations. Il va sans dire qu'il existe des intermédiaires. Fréquemment les petites sphères de l’une ou l’autre catégorie sont réunies en amas de formes diverses, fréquemment sphériques, plus sou- vent irrégulières el formées d'éléments de diverse grandeur, ces éléments sphériques étant les uns transparents, les au- ANN. SC. NAT. Z00L. IX, 24. —. ART. N°3: 322 FÉLIX BERNARD. tres granuleux. On trouve aussi parfois des vésicules sem- blables par leur nature aux sphères claires, mais dont le contenu est divisé de manière à présenter d’une manière frappante l'aspect d’un œuf en voie de segmentation : tout cela se trouve aussi dans le mueus produit par l’épithélium bien vivant : c'est le résultat du gonflement par l’eau de la substance albuminoïde que nous avons appelée le mucus pro- prement dit, et que les Allemands nomment Seret ou Paraplasma. Dans les portions les plus épaisses, les granulations sont fines, très abondantes el serrées, et disposées par traînées, comme il est naturel, puisque la substance fondamentale est épaisse et se laisse élirer comme l’albumine de l'œuf. Avec un fort grossissement on aperçoit encore des sphères claires el opaques de petites dimensions, et d'innombrables granu- lations provenant de la désagrégalion des sphères opaques. tien ne nous permet, dans le cas présent, de distinguer d'une manière précise dans quel cas nous avons affaire à du mucus ou bien à du protoplasma désagrégé provenant du corps même de la cellule (Zellsubstanz). Mais çà et là dans les vésicules opaques on trouve des granulations plus fortes qui se colorent vivement par le vert de méthyle. Nous sommes donc autorisés à considérer quelques-unes de ces vésicules comme de simples noyaux mis en liberté et non encore désagrégés. On trouve d’ailleurs quelques-uns de ces noyaux encore entourés de proloplasma et même, en assez pelit nombre, il est vrai, des cellules entières, avec leur noyau et leur filament d'attache; les unes sont pleines de mucus, les autres, plus abondantes, ont un contenu elair, vaguement granuleux, présentant dans les environs du noyau une pelite quantité de protoplasma diffus sans contour dé- fini, qu'il est facile de reconnaître pour évidemment mort. Si l’on attendait encore plus longtemps, les cellules gon- fleraient encore davantage et tomberaient sinon spontané- ment, au moins sous la moindre pression. Mais ces phéno- mènes, je le répèle, sont bien évidemment pathologiques ; ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 323 ils ne se manifestent pas dans la production normale du mucus : ce dernier est done un produit de l’activité fonc- lionnelle des cellules et non de leur mort, comme quelques zoologistes le croient encore aujourd’hui. CHAPITRE III ; DIFFÉRENCIATION PROGRESSIVE DE LA GLANDE À MUCUS CHEZ LES PROSOBRANCHES La glande à mucus de la Purpura, que nous avons exami- née avec détail, peut êlre considérée comme un lype de différenciation moyenne. Nous allons rencontrer des cas où la sécrétion du mueus est plus abondante où plus localisée, d’autres au contraire où la région moyenne du manteau n'est pas spécialement adaptée à la fonction sécrétoire. $S 1. — Diotocardes. a. Fixsurelle. — après M. Bourax, la glande à mucus de la Fissurelle n'existe pas. Il est bon de préciser celte asser- tion, qui est exacte si on l’envisage au point de vue physio- logique : il n’y à pas en effet dans la Fissurelle de région mucipare différenciée; cependant la région qui correspond morphologiquement à la glande à mucus existe, puisque entre les deux branchies existe du côté dorsal un large espace qui n'est occupé par aucun organe. Cet espace, qui forme le plafond de la cavité palléale, est tapissé de cellules cubi- ques où se distinguent un assez petit nombre de cellules mucipares ; quand on s'approche du trou apical, les cellules deviennent plus plates, et les éléments sécréleurs ne se rencontrent plus. La région la plus différenciée au point de vue sécréloire est le bord afférent du support branchial ; Les cellules à mucus y sont très hautes et très nombreuses; en somme, il est exact de dire que la glande à mucus de Fissu- relle n’est à aucun degré différenciée. b. Néritidés. — Chez les Néritidés, la glande à mucus est 324 FÉLIX BERNARD. encore absolument indistincte, l'épithélium est plat, saut vers le bord du manteau et dans le voisinage de l’insertion de la branchie ; il est toujours très faiblement mucipare. c. Trochidés. — Chez le genre Trochus, la région qui s'étend entre la branchie et le rectum est visiblement plus apte à la sécrétion que chez la Fissurelle ; la partie la moins riche en cellules sécrétrices est celle qui est recouverte par la portion libre de la branchie. À la partie antérieure du man- teau, à droite de la branchie et sur le bord afférent du sup- port branchial, l’épithélium se relève et les cellules muci- pares deviennent plus abondantes. La région la plus riche est celle qui lapisse le vaisseau afférent, surtout à sa partie pos- térieure; il subsiste néanmoins, même à ces points, un assez grand nombre de cellules ciliées disposées en paquets. Mais la région la plus importante à ce point de vue, c’est une bande qui s'étend entre le rectum et la branchie, au niveau de l’ouverture du canal papillaire. Là se trouve un vaisseau important, la veine palléale transverse, qui amène le sang du rein à la branchie (voir plus loin, V° partie, ch. m). Ce vaisseau recoit et donne plusieurs branches transver- sales. Or, sur ces vaisseaux sont développées de nombreuses cellules mucipares, si bien que la région en question, dans sa totalité, est glandulaire. C’est la première apparition d'une glande à mucus fonctionnelle. La différenciation est faible dans le Trochus cinerarius, elle l'est davantage dans le Trochus ziziphinus (hig. 82), et surtout dans le Nonodonta mo- nodon (fig. 81). Nous dirons plus loin (V° partie, ch. n1) quelques mots de l'intéressante famille des Stomatellidés, voisine de la pré- cédente. d. T'urbonidés. — Chezles Turbo (T. rugosus, T. princeps, T, niger), nous sommes en présence d’une glande très nette- ment différenciée. C’est la glande hypobranchiale de B. Hal- ler. Elle se présente sous la forme de plis longitudinaux, recouverts d’un épithélium élevé, qui tranche nettement et sans transition avec celui des parties environnantes (fig. 83). ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 329 Cette glande est surtout développée à gauche du rectum, entre celui-ci et la branchie, mais elle existe aussi à droite : c'est cetle dernière portion qui a été prise par Jhering pour une branchie rudimentaire. Rien n'autorise, à mon avis, cette manière de voir : il n’y a pas de différence entre les deux: portions de la glande à mucus; l’épithelium y offre toujours une alternance remarquable entre les cellules ciliées et les cellules sécrétrices, qui sont abondantes et disposées avec une parfaite régularité. Celte glande est coupée obli- quement par la veine transverse el irriguée par ses diverses branches. e. Haliotis. — M. WEGMANN (55) consacre quelques pages à l'étude de la glande à mucus de lHaliotide. Il recon- naît l'existence d’une seule couche de cellules, sans d’ail- leurs se préoccuper de comparer sa description à celle que M. de Lacaze-Duthiers a donnée pour la Purpura. Mais il décrit toutes les cellules comme ciliées, et méconnail ainsi la distinction entre les cellules ciliées et les cellules sécré- trices. Il observe exactement la déchirure des cellules, mais confond ce phénomène avec celui de l’étranglement des cellules ciliées : de là résulte dans sa descriplion une cer- taine confusion. Il n’a « jamais trouvé de noyau dans ces cellules ». Ce noyau est au contraire parfaitement net, et on le voit sans coloration dans les cellules ouvertes. Pour lui, la sécrétion résulte de la destruction du tissu. L'observation directe est assez peu commode, les lamelles étant très épaissies et l’épithélium très haut. Au contraire, les coupes sont très instructives. On sait que la glande est formée des plis longitudinaux situés de part et d'autre du rectum (fig. 80). Dans la portion antérieure, les plis sont très élevés et très réguliers. J'ai fait des coupes perpendiculaires à la direction de ces plis. Les cellules sont beaucoup plus longues au fond des vallées formées par les lamelles qu'au sommet de ces dernières. Vers Le fond elles ont environ 260 de long sur 20 de large; vers le sommet 80 y de long sur 20 y. On voit que dans ce dernier cas elles ont une forme plus 326 FÉLIX BERNARD. ramassée, plus globuleuse. Les noyaux vers le fond sont dis- posés pour la plupart avec régularité près de la base; quel- ques-uns arrivent cependant vers le milieu de la longueur. Les cellules apparaissent dans cette région presque toutes pleines de mucus et fermées; un grand nombre de celles qui lapissent le sommet des lamelles sont au contraire ouvertes el dépourvues de mucus. Si la préparation a été faite rapi- dement, foutes ont gardé leur protoplasma et leur noyau. Le fait le plus important est la distribution des cellules ciliées. Vers le fond, une coupe bien normale nous montre successivement une cellule ciliée et une cellule mucipare allernant avec une grande régularité; le noyau des pre- mières est très allongé et se présente à tous les niveaux, mais surtout vers le milieu. Une coupe transversale ou oblique nous montre pour les cellules mucipares des sec- tions polygonales telles que fréquemment les cellules soient contiguës; parfois cependant elles laissent des méats qui s'observent aussi sur les coupes longitudinales. Cà et là, entre les cellules mucipares, s'observent les corps des cellu- les cillées presque toujours isolées. Au contraire, vers le sommet, les derniers éléments sont beaucoup plus abondants que les autres, et par suite groupés en faisceaux impor- tants ; il est facile de trouver des amas en comprenant une vinglaine, avec des noyaux disposés depuis la base jusqu’au plaleau. De distance en distance on aperçoit un nerf qui pénètre dans lépithélium, et des cellules neuro-épilhéliales sont mêlées aux cellules ciliées. Elles sont, à vrai dire, moins abondantes que dans la Pourpre ou le Vermet : leur exis- lence est cependant certaine. Elles sont localisées unique- ment dans le voisinage du sommet des lamelles. Quant au lissu conjonctif, il est peu intéressant; il est sur- tout formé de cellules de Leydig qui circonserivent d'immenses espaces sanguins mal délimités. La membrane de soutien est large, irrégulière, contient des muscles nombreux, et ne présente pas l’épaississement ou les plis caractéristiques des organes respiratoires. Pas de fibres musculaires transverses. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 321 in résumé, chez les Diolocardes, tantôt la glande à mucus n’est pas différenciée, au point de vue morpholo- gique et histologique (Fissurelle, Trochus, Nérilidés), tantôt au contraire elle atteint un degré de complicalion au moins égal à celui qui reste chez la Purpura (Haliolis, Turbo) $ 2. — Patellidés. Dans tout ce groupe la glande à mucus n’est pas diffé- renciée. Qu'il existe une branchie, comme chez les Tectures, ou que cet organe fasse défaut, comme chez les Patelles et les Lotlia, le plafond de la cavité palléaie ne contient pas plus de cellules glandulaires que le tégument de la tête ou les replis latéraux du manteau. Il est donc inutile d’insister sur ces animaux, et nous pouvons examiner maintenant les Monotocardes. $S 3. — Paludine. Si nous ouvrons le manteau d’une Paludine vivante, nous serons frappés de voir quelle petite quantité de mucus on trouve dans la cavité palléale. Les parties plus particulière- ment mucipares sont la branchie et l’épithélium qui recouvre le rectum. Quant au large espace qui s'étend entre ces deux organes et qui correspond morphologiquement à la glande à mucus des Monotocardes, il est {apissé par un épithélium aussi plat que celui de la branchie, et présente des cellules sécrétrices relativement rares, Jamais associées aux groupes importants. Au contraire, ce sont les cellules ciliées qui forment parfois des amas étendus entre deux cellules sécré- trices voisines. Ainsi la région médiane du plafond de la cavité palléale n'offre pas encore les caractères d’une glande différenciée. Cependant une petite portion de ce large espace mérite d'attirer notre attention d'une manière toute spéciale : c’est un long bourrelet immédiatement adjacent à la branchie et recouvert par les lamelles, fort allongées et recourbées, de 328 FÉLIX BERNARD. cel organe. Il est parfaitement séparé de ia région voisine (lig. 61, P m). Sa largeur est constante et égale à 1 milli- mèlre environ. Il présente de légers plissements transver- saux à intervalles assez réguliers, el s'étend exactement tout le long de la branchie, depuis le cœur jusqu’au bord du manteau. Enlevons l’épithélium avec un pinceau, après l'action des réactifs dissociants ; il ne reste plus qu'un repli de la membrane propre du manteau, repli peu accentué, mais cependant très visible qui se trouve le long du bord droit (gauche sur la figure 62) du bourrelet. Une coupe transversale montre que le bourrelet est constitué par un épithélium très élevé, et qu'il recouvre presque exactement le vaisseau afférent qui accompagne la branchie d’un bout à l’autre. Ce vaisseau n’est pas exactement contigu à la branchie, il en est séparé par une bande à peu près de même largeur où se voient les canaux {ransversaux, dis- posés régulièrement, qui mènent le sang du vaisseau affé- rent à chacune des lamelles branchiales. Or, dans cet étroit espace, la hauteur de l’épithélium diminue rapidement el le bourrelet s’atténue dès qu'il cesse de recouvrir le vaisseau afférent (fig. 62). En étudiant l'épithélium du bourrelet, je me suis trouvé en présence de difficultés d'interprétation sérieuses; l'aspect de l’épithélium diffère en effet sensiblement de tout ce que nous avons vu Jusqu'ici. Malgré l'épaisseur considérable du bourrelet, il n'y a là qu'un seulrang de cellules, c'est-à-dire que toutesles cellules s'insèrent sur la membrane basilaire, elles n’atteignent pas toutes la surface libre; mais cela est vrai pour l'immense majorité d’entre elles. Les noyaux dans une vue d'ensemble paraissent disposés à tous les niveaux, comme nous l'avons observé dans un grand nombre de cas; cependant on peut remarquer à cet égard des différences entre les diverses parties du bourrelet. Tout le long du bord droit qui fait saillie sur le reste du manteau, on trouve principalement des noyaux périphériques, serrés les uns contre les autres ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 329 à une petile distance des plateaux; mais il en existe un grand nombre à toutes les hauteurs : ils sont tous ovoides et forte- ment granuleux, Vers le milieu de l'organe, les noyaux situés dans la région moyenne deviennent de plus en plus rares, ils ne sont plus ovoiïdes et finement granuleux, mais sphériques el pourvus d'un fort nucléole; cetle variélé de noyau est surtout abondante vers la base de l'épithélium. Sur le bord se pressent au contraire les noyaux ovoïdes disposés senlement sur deux ou trois rangs. [après ce que nous savons, il est presque évident que nous sommes encore en présence des deux variétés fondamentales d'éléments épi- théliaux : cellules ciliées et cellules sécrétrices. Mais nulle part la distinction n’est aussi difficile à établir que dans le cas présent : les cellules sont tellement allongées, que sur une même coupe il est rare qu'on puisse suivre un élément dans toute sa longueur. Il nous reste donc à recourir aux dissociations. J'ai étudié successivement des organes fixés rapidement avant que la sécrétion fût abondante, et d’autres où j'ai laissé la produc- tion du mucus se faire sous l’action de l’eau sur un manteau détaché de l'animal. Dans les deux cas les cellules se sépa- rent admirablement sous l'action du réactif acide déjà in- diqué, prolongée pendant un quart d'heure. J'ai observé tout d’abord toutes les formes possibles de cellules ciliées, avec les noyaux silués à tous les niveaux ; j'ai indiqué seulement quelques-unes des formes extrêmes (fig. 62, 6) : le filet d’altache est toujours grêle, presque sans aucune exception. IL est utile de remarquer la ressemblance apparente de quelques-unes de ces cellules avec des éléments neuro-épi- théliaux ; les cellules figurées en &, y et à pourraient dans bien des cas passer pour des terminaisons nerveuses, surtout la dernière dans laquelle le noyau occupe la presque totalité du corps cellulaire. Une différence essentielle peut cepen- dant permettre de trancher la question : sur les coupes bien colorées faites sur des animaux fixés rapidement, il 330 FÉLIX BERNARD. est impossible d’apercevoir la coloration rouge vif que le picro-carmin communique toujours aux têles des cellules de Flemming. Je crois donc pouvoir affirmer qu'il n'existe pas là de cellules neuro-épithéliales. Une autre preuve est tirée du fait qu'il m'a été impossible de retrouver dans cette région la moindre trace du systeme nerveux. Il n'existe pas en effet de faisceau nerveux ayant un diamètre appréciable, et les cellules ganglionnaires, si elles existent, doivent êlre très rares, disséminées dans le tissu conjonctif et reliées par de grêles filets. Dans de telles conditions, je crois pouvoir affirmer que l'appareil neuro-épithélial n'existe pas ou bien est exrtré- mement réduit dans le bourrelet cilié de la Paludine. Les dissociations faites sur un organe frais nous mon- trent un très petit nombre de ces cellules caliciformes forte- ment gonflées, à réactions si spéciales que nous avons ren- contrées parlout; mais les coupes faites dans les mêmes condilions permettent d'apercevoir de distance en distance d'étroiles et nombreuses interruptions à la série des plateaux; ce sont les cols, longs et grêles, des cellules à noyau sphé- rique, basilaire ou médian, qui constituent à mon avis les éléments sécréteurs. Isolées, elles apparaissent avec des formes variables mais se ramenant toutes au même type : un corps cellulaire cylindrique et allongé; un col étroit, au sommet duquel on aperçoit souvent un pelit trou ou une goutte de mucus; un pédoncule grêle, qui peut manquer dans le cas où la cellule s’atlache à la membrane de soutien par une large base ou des insertions multiples (fig. 62, a). Si nous nous adressons à un animal débarrassé depuis quelques instants de sa coquille, chez lequel par conséquent la sécrétion du mucus ait été portée à son maximum, en examinant la surface du bourrelet nous y trouverons un assez grand nombre de globules volumineux de mucus encore adhérents à la surface. La dissociation des cellules qui se fail même sans l’action des réactifs montre avec la dernière évidence comment sont sécrétés les globules en question : ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. J91 les cellules mucipares, dans le cas présent, ont été le siège d'un gonflement considérable dans leur partie distale : une déchirure irrégulière s'est produite sous l'action de la poussée extérieure, et a délaché tantôt une calotte située obliquement où normalement, tantôt le sommet entier de l'élément. En examinant les éléments ainsi déchirés avec un fort grossissement, on s'aperçoit que la plus grande partie du protoplasma est restée dans la cellule. Donc le fonc- tionnement de ces éléments glandulaires ne diffère de ce que nous avons vu jusqu'ici par aucun caractère fonda- mental. La différence si frappante entre l'aspect du bourrelet cilié et une glande à mucus ordinaire vient de ce que, en temps normal, la sécrélion est extrêmement lente et réduite et in- téresse une faible partie de l'élément. Sous l'inflüence de Ta pénétration de l’eau, les éléments gonflent et reprennent l'aspect et les propriélés que nous avons observés dans les cas analogues. Ainsi, considéré au point de vue de l'épithélium, le bourrelet ciié de la Paludinene diffère pas essentiellement d'une glande &æ mucus à longs éléments, où les cellules neuro-épithéliales feraient défaut. Je n'aurais pas à m'arrêler à la description du tissu con- jonctif de ce bourrelet, si un problème d'une nature toute nouvelle n'avait pas élé soulevé récemment au sujet d'un organe que je ne crois pas différent de celui que je décris en ce moment. Dans une note préliminaire relative à l'é/ude du sang dans la série animale, M. Cuénor (62) appelle glandes lymphatiques es organes formateurs de globules sanguins et déclare que « chez les Mollusques les glandes Iymphati- ques sont placées ex général dans le voisinage de l'appareil respiraloire comme chez les Crustacés décapodes.... Chez les Gasléropodes, la glande varie beaucoup de position et de rapports ; chez la Paludina vivipara, c’est une petite glande allongée, siluée le long de la branchie vers sa base et dé- bouchant dans le vaisseau veineux branchial:; lalbuminoïde 332 FÉLIX BERNARD. du sang est d’un bleu verdâtre. » Sans avoir la prétention de Juger un travail aussi général que celui qu’annonce M. Cué- not d’après un résumé aussi succinct, je ne puis m'empêcher de regretter que l’auteur n'indique pas en quelques mots à quoi il reconnait qu'un organe est un organe lymphatique. D'autre part, la glande qu'il signale chez la Paludine ne peut êlre évidemment que le bourrelet que je viens de décrire ; un examen altentif ne m'a pas permis de reconnaître l’exis- tence d’un autre organe anquel puisse s'appliquer la courte description de M. Cuénot. Or rien ne m'’autorise à supposer qu'il se forme des globules dans le vaisseau qui surmonte la glande que je viens de décrire. Le vaisseau branchial est une vaste lacune largement béante, comprise entre les deux lames du manteau ; la lame interne, qui supporte le haut épithélium glandulaire, est ex- trèmement mince, pauvre en fibres musculaires; la lame externe, au contraire, plus épaisse, présente un très grand nombre de fibres obliques. Dans les deux lames se voient les pelils noyaux parsemés au milieu de la substance fonda- mentale homogène, et il est impossible dans le cas présent de démêler quelle est la forme des cellules auxquelles ils appar- tiennent. Ils se colorent en rouge bien plus fortement que ceux des cellules épithéliales et s’en distinguent facilement. Les noyaux sont situés à toutes les profondeurs, et, quand on en trouve sur le bord de la paroi, la substance homogène fait légèrement saillie tout autour sans qu'il soil possible de distinguer un élément anatomique susceptible de se détacher. La saillie si marquée que forme la lame palléale interne el que j'ai figurée en coupe (fig. 62) est constituée par un épaississement notable du tissu conjonctif, laissant à son intérieur un canal longitudinal qui n’est encore qu'une lacune sanguine. Les parois de ce canal présentent un grand nombre de fibres musculaires et quelques noyaux de nature conjonctive. Une lame d'épaisseur variable, peu riche en éléments mus- culaires, sépare ce canal du grand vaisseau afférent adja- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 333 cent : cette lame est interrompue irrégulièrement et laisse la communication s'établir. Très probablement, c’est là qu'il faut chercher la petite glande dont le contenu d’après M. Cué- not se déverserait dans le torrent circulatoire. Or, je n'ai pas réussi à trouver le long de ce canal le moindre élément suscep- tible d'être considéré comme pouvant se transformer en glo- bules du sang, comme le veut M. Cuénot : il n'y à aucune différence à cet égard entre lui et toute autre lacune sanguine. C'est lout simplement une cavité irrégulière creusée dans une masse du tissu conjonclif lamineux que j'ai déjà étudié el sur lequel je reviendrai. Il va sans dire d’ailleurs qu'on y trouve quelques globules sanguins, aussi bien que dans le vaisseau branchial lui-même. Il resterait à déterminer la nature ‘morphologique et le rôle du bourrelet sur lequel j'ai élé obligé d’insister si lon- guement. Au point de vue de l’homologie, sa place ne permet pas de le considérer comme autre chose qu’une partie diffé- rénciée de la glande à mucus, et il n’est pas inutile de rappe- ler à ce propos que dans les Trochidés nous avons déjà assisté à un commencement de différenciation du manteau au #iveau duvaisseau branchial afférent : cette différenciation atteint ici un degré qui ne sera réalisé de nouveau dans aucun autre Cas. Quant au rôle de l’épithélium, il est tout indiqué par la nature même des éléments. La sécrélion glan- dulaire ne doit occuper que le second rang; le développement si anormal dans les dimensions de l’épithélium me semble plulôt en relation avec la situation du bourrelet sous la gouttière formée par l’ensemble des feuillets branchiaux, qui, on le sait, sont longs ef recourbés ; par suite, l’établisse- ment d’un vif courant ciliaire dans cette goultière peut favoriser la respiration et en même temps la diffusion du mucus produit en abondance sur les lamelles branchiales elles-mêmes. Celle interprétation me parait suffisante pour expliquer la localisation si remarquable des grands éléments épithéliaux qui, dans les Prosobranches élevés, occupant tout le plafond de la cavité palléale. 334 FÉLIX BERNARD. J'ajouterai enfin que deux Paludines exotiques que j'ai choisies aussi différentes que possible par leur coquille de notre Vivipara trifasciala, à savoir P. cynthia et P. speciosa, possèdent un bourrelet cilié identique à celui que je viens de décrire. $ 4. — Ténioglosses en général. a. Valvée. L'espace correspondant morphologiquement à la glande à mucus n'existe pas, comme on l’a déjà vu, chez la Valvée. Le rectum en effet côloie de lrès près les organes rénaux qui arrivent en avant jusqu’à la branchie, et il passe exactement à clé du point d'insertion de celle-ci du côté afférent (vers la droite), il n’y à donc pas de région inoccu- pée sur toute l’élendue du manteau, excepté en avant de la ligne d'insertion de la branchie ; c’est là d’ailleurs que les cellules sécrélrices sont le mieux développées : la région mucipare est done ici reportée le long du bord antérieur du manteau. On se souvient que celte même région était égale- ment sécrétrice chez le Trochus. Avec la Paludine et la Valvée, nous aurons examiné les seuls cas exceptionnels : nulle part en effet nous ne retrou- verons une bandelette longitudinale différenciée, et nulle part non plus il n’y à contiguilé entre le rectum et la bran- chie. Nous allons donc pouvoir présenter très rapidement un examen des divers degrés de différenciation, au point de vue sécréloire, de la région qui nous occupe chez les principaux Ténioglosses. b. Rostrifres. Chez les genres Lit{orina et Rissoa, la glande à mucus est un espace large et allongé, assez faiblement glan- dulaire, lraversé de vaisseaux saillants, mais non pourvue de replis distincts. Dans la Bithynie elle se réduit à une faible région trian- gulaire en avant de la cavité palléale; chez le Planaris au contraire elle estélargie en arrière et pourvue de replis. (Je suis tout à fait convaincu de l'opinion émise par Bouvier, comme quoi le Planaxis est issu des Lillorinidés; mais 1len ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 393) diffère par la longueur de son organe de Spengel, recourbé en crochel en avant el assez semblable à celui des Vermet ou des Chénopus.) Dans la Ca/yptræu, c'est un espace étroit, très fortement mucipare, complèlement recouvert par les feuillets de la branchie, démésurément allongés et compris entre l’ouver- lure de celle-ei et le rein, qui s'avance très en avant. Le Vermetus gigas et la Melanix luberculata, la Rostel- laria curvurostra el plusieurs S/rombus sont dépourvus de feuillet. La glande à mucus du Vermel est extrêmementriche en éléments nerveux :les cellules glandulaires y sont courtes, grosses el se prêtent admirablement à l’élude après fixation rapide. Au contraire, le Chenopus pes carbonis, le Cerithium vulqa- lum ont une glande à mucus plissée el fortement sécrétrice. Chez le Terebellum, existe une région mucipare très nette- ment délimitée par une sorte de petite muraille qui en fait tout le tour; elle est de forme ovale, mais pointue en avant el en arrière, isolée dans le vaste espace qui sépare la branchie du rectum et qui n'est pas sécréteur. Cette pelite glande à mucus, bien distincte du reste du manteau, est sillonnée de petites lames verticales assez rapprochées, anastomosées de manière à former un vérilable réseau; mais la direction générale de la plupart des replis est transversale. Dans les animaux conservés, celle région est pleine d’un mucus dont on se débarrasse facilement par un fort courant d'eau. Une semblable localisation de la sécrétion du mucus est un fait exceptionnel chez les Ténioglosses. Nous en verrons au contraire d’autres exemples dans la série des Rachiglosses. c. Semi-proboscidifères. La Natice el la Lamellaire sécrètent peu de mucus par leur manteau; le Sigarel au contraire à une glande à mucus plus importante, avec des replis trans- versaux parallèles. d. Proboscidifères Siphonostomes. On ne trouve pas de feuillets dans les genres Cassiduria, Cassis, Dolium:; il en 336 FÉLIX BERNARD. existe au contraire dans les genres Triton et Ranella. V'ail- leurs, dans les deux cas, la sécrétion du mucus est abondante. Les cellules mucipares de la Ranelle sont les éléments épi- théliaux les plus longs que j'aie jamais vus : après dissocia- tion, on les voit facilement à l'œil nu. Souvent la glande est assez bien limitée en avant par un léger bourrelet oblique allant de la pointe de la branchie à l'anus. Il faudrait placer ici le genre Pyrula, que l’on s'accorde généralement à considérer comme voisin des Dolium. Mais sa glande à mucus est exactement une glande de Volute; il est intéressant d'autre part de rappeler ce que Bouvier a dé- montré pour cel animal : c’est incontestablement un type de transition entre les Rachiglosses et les Ténioglosses, et son système nerveux, en parliculier, est un système nerveux de Volute (p. 191). Chez les Ténioglosses dépourvus de branchie (Æelicina, Cyclophorus, Cyclostoma), le plafond de la cavité palléale est faiblemeut mucipare : il est sillonné de nombreux sinus. C’est la seule particularité que présente cette région, qui remplit, comme on sait, le rèle respiratoire et qu'on appelle ordinai- rement le poumon. $ >. — Rachiglosses. Ce groupe va nous présenter tous les degrés de différencia- tion; mais la sécrétion est toujours très abondante. On connait la glande à mucus de la Purpura lapillus, on sait qu'elle est dépourvue de replis transversaux : il en est de même pour celles du Murex erinaceus et de divers Fusus. Le Buccinum undatum présente de grands replis, très épais, intéressant toute la largeur de la glande, moins hauts seu- lement en avant et en arrière. Mais dans la Harpa ventricosa la région sécrétrice devient bien plus nettement délimitée ; la branchie décrit un coude très prononcé vers la droite, tandis que la glande à mucus, caractérisée par de larges feuillets assez écartés, forme une bande de largeur constante ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 337 parallèle au rectum : il en résulte la formalion d’un large espace triangulaire, dont la base comprend tout le bord an- térieur du manteau ; celte région n’est pas mucipare. En ar- rière la glande à mucus se termine brusquement par un repli qui la sépare du rein; le cœur est bien en arrière. Dans la Fasciolaria tulipa on trouve de nombreuses pe- lites lames formant un réseau qui s'étend en arrière jus- qu'au fond de la cavité palléale, mais qui est brusquement limité en avant par un bourrelel {ransversal allant de la branchie à l'anus. Là encore la partie antérieure du man- (eau n'est pas sécrétrice. La Vo/uta scapha est à peu près intermédiaire : la glande est netlement limilée en avant et en arrière; les feuillets transversaux sont de moyenne grandeur el réunis par des replis plus petits. Enfin dans l'O/e la localisation atteint un degré beaucoup plus marqué : la glande est petite, isolée, pointue aux deux bouts, et sillonnée de nombreux feuillets; elle est semblable en un mot à celle des Terebellum . $ 6. — Résumé. Tout ce qui précède peut être facilement résumé en quel- ques mots. La glande à mucus n’est, dans les groupes infé- rieurs que le plafond même de la cavité palléale devenue plus ou moins sécrélrice. Ce stade simple se trouve d’ailleurs représenté dans tous les groupes. Chez les Siphonostomes (Ténioglosses et Rachi- glosses) apparaissent des replis destinés à augmenter la surface sécrétante; enfin, chez quelques Ténioglosses, mais surtout chez les Rachiglosses, la glande se localise, prend une forme plus déterminée, en même temps que les feuil- lets deviennent plus nombreux. D'ailleurs des genres voisins présentent à cet égard des différences sensibles et c'est seulement d’une manière vague et générale que la différen- ciation progressive de la glande à mucus s'accorde avec celle des organes plus importants. ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, 22. — ART. N° 3. 338 FÉLIX BERNARD. CHAPITRE IV LES GLANDES MUCIPARES CHEZ LES GASTÉROPODES. Ce qui nous à principalement préoccupé, dans tout le cours de cette IV° partie, c’est le mécanisme de la formation du mucus dans une partie du manteau qui est souvent affectée d’une manière toute spéciale à cette fonction impor- tante dans la vie des Gasléropodes. Mais dans les chapitres précédents nous avons pu voir que les éléments mucipares se rencontraient un peu partout dans le manteau ; et d’ail- leurs on sait depuis longtemps qu'ils existent chez les Mol- lusques, dans toutes les parlies de l’épithélium tégumentaire. Il y a lieu de se demander si la sécrélion du mucus se fait toujours suivant les mêmes lois, dans les divers groupes de Mollusques et dans les diverses parlies d’un même mol- jusque ; j'examinerai en détail celte question dans un travail actuellement presque {erminé et qui paraîtra prochainement dans le Bulletin scientifique de la France et de la Belgique; et je donnerai à ce propos un historique aussi complet que pos- sible de la question : les faits que je viens d'exposer plus haut diffèrent comme on le verra de ceux qu'on peut obser- ver dans d’autres cas; je tiens donc à insister sur ce que j'ai constaté moi-même ces différences et que, par suite, les ré- sullats obtenus par divers auteurs ne viennent pas infirmer ceux que J'ai résumés précédemment. Nous avons vu que les feuillets de la branchie et de la fausse branchie élaient aptes à sécréter du mucus: le bord efférent des lamelles branchiales, et le bord afférent du sup- port branchial chez les Diotocardes possèdent cette pro- priélé à un degré remarquable. Partout l’épithélium n'a qu'une couche de cellules, et les éléments mucipares sont des cellules épithéliales très nelte- ment différenciées. Leur noyau est rond et basilaire, leur protoplasma est restreint. Le contenu est granuleux ou hya- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIES. 339 lin suivant le stade examiné ; le sommet est arrondi ou per- foré ; la cellule peut être vide de muceus et continuer à vivre ; elle n’est jamais ciliée, et ne s'enfonce jamais dans le lissu sous-jacent ; enfin deux cellules sécrétrices ne sont jamais contiguës, et ne se fusionnent Jamais. Des cellules mucipares ainsi définies ont été trouvées par divers zoologistes, qui les ont décrites avec des différences sur lesquelles j'insisterai ailleurs, mais qui ne sont pas fonda- mentales. Citons seulement les noms de F. E. ScnuLrze, Srour, SCHIFFERDECKER, Lisr, RanNvier, elc., parmi ceux des zoologistes qui les ont décrits chez les Vertébrés. FLem- mixG les a revus chez Mytilus ainsi que Drosr dans Cardium et Rawrrz chez divers Acéphales, BELA HALLER dans la cavité buccale des Rhipidoglosses. Mais ces éléments ne sont pas les seuls capables de sécréter le mucus. SEemPER à décrit le premier (1856), dans les téguments des Pulmonés, des glandes multinuclées qui s'enfoncent dans la peau : Levpie, (1856) les revit aussi, de même que Vocr et Yuxa (1888) ; Drosr les décrit dans le manteau du Cardium, Rawrrz les décrit concurremment aux « Becherzellen » dans Osfrea, Lucina, ete. Les glandes pédieuses ont aussi attiré l’altention, mais l’explicalion de la sécrélion du mucus dans ces or- ganes n’est pas encore donnée ; SEmPER et LeypiG décrivent des cellules à canal excréleur; SocHaAczEWER (1831) conteste l'existence de ce canal, Sarasix l’affirme de nouveau (1883) et J. Carrière (1881) dit que les unes sont fermées, les autres ont un canal sécréleur. Houssay (188%) ne voit pas ce canal et décrit partout les cellules comme fermées. En résumé, on à décrit quatre sortes de cellules mucipares : A. Cellules épithéliales isolées ; B. Glandes dermiques ; a) Pluricellulaires, ouvertes : b) Monocellulaires, ouvertes ; c) Monocellulaires, fermées. Bien des questions restent d’ailleurs à résoudre sur la théorie de la sécrétion. J'ai dû faire moi-même quelques 340 FÉLIX BERNARD. recherches sur des organes variés, avec des procédés iden- tiques, pour obtenir des résultats comparables. Voici à quoi je suis arrivé jusqu'ici. A. Glande pédieuse de Nassa mutabilis. n'y a pas de cel- lules caliciformes ; les cellules sont en amas très épais et elles s'ouvrent les unes dans les autres par résorplion de mem- brane, de sorie qu'on à un complexe plurinueléé avec des réseaux protoplasmiques unissant les divers noyaux; la glande s'ouvre au dehors par des interstices entre les cellules ciliées. B. Glande pédieuse de Valouta piscinalis. La description précédente s'applique, avec cette différence que les mem- branes latérales subsistent et les cellules sont associées de manière à former des sortes d’acini séparés par des lames conjonctives. Il y a des canaux excréleurs, bien entendu non {apissés d’épithélium. C. Bord du manteau de Bulla hydatis. W existe d'énormes glandes mucipares unicellulaires, dehicentes, contournées, s’enfonçant profondément dans les tissus ; rarement deux ou trois cellules ont un canal sécréteur commun (fig. 6%). D. Bord du manteau du P/anorbis corneus. Mème remar- que ; il y a de nombreuses cellules non déhiscentes ; tout sem- ble prouver qu’elles finissent par s'ouvrir pour fonctionner. Il est donc certain qu'il y à des éléments glandulaires dermiques très différents des cellules glandulaires épider- miques: tous ces éléments s'ouvrent à l'extérieur, qu'ils soient ou non isolés : dans lous le protoplasma subsiste après l'acte sécréloire, qui nous apparait ainsi défimitive- ment comme lié, non pas à la mort et à la fonte de la cel- lule, mais à son activité fonctionnelle. Je me propose de chercher à élucider en particulier une question importante : les cellules glandulaires dermiques sont-elles les mêmes que les cellules muqueuses fermées du tissu conjonclif (Scheïnzellen) que divers auteurs ont dé- criles? En {ous cas, dans le manteau, il n’y à pas d’autres éléments mucipares que les cellules épithéliales (Becherzellen). C'est là le fait principal que je tiens actuellement à signaler. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 341 CINQUIÈME PARTIE COMPARAISONS HISTOLOGIQUES ET MORPHOLOGIQUES CHAPITRE PREMIER CELLULES NEURO-ÉPITHÉLIALES CHEZ LES GASTÉROPODES ET LES ACÉPHALES. La dernière partie de ce travail a pour objet des compa- raisons qui s'appuient sur les faits acquis par l’examen de tous les organes palléaux. La signification physiologique des ter- minaisons nerveuses et le rôle des organes qui les contien- nent peuvent être discutés maintenant que nous avons signalé partout la présence de ces éléments. IT en est de même pour ce qui concerne la question des lacunes, qui est intimement liée à la connaissance des éléments conjonclifs ; enfin l'étude topographique de l'appareil circulatoire palléal trouve tout naturellement sa place à la fin de ces recherches. L'histoire détaillée de la découverte des cellules neuro- épithéliales des Mollusques ne manque pas d'intérêt, mais elle présente une grandé complication : je la renvoie donc à un ouvrage ultérieur, comme je l'ai fait pour les glandes mu- cipares et je me bornerai à un exposé très sommaire. Les cellules neuro-épithéliales ont été décrites fréquem- ment chez les Mollusques. Elles furent découvertes en 1857 par LevniG chez la Limnée et par CLAPARÈDE chez la Néri- dine. Un peu plus tard Fr. BozL les revit chez divers Mollus- ques; mais les descriptions de ces auteurs étaient incom- plètes ou inexactes; FLEMMING, la même année (1869), les étudia sur le manteau des Acéphales avec une grande préci- sion, et en décrivit les formes diverses (cellules en pinceau, 342 FÉLIX BERNARD, cellules columnaires). Il découvrit ensuile leur relation avec les nerfs et démontra ainsi leur rôle sensoriel. Ces deux mé- moires de FLEmmiG ont servi de point de départ à toutes les recherches failes dans le même ordre d'idées : il est done juste de conserver à ces éléments le nom de ce//ules de Flem- ming, qui leur a été donné en Allemagne. Les cellules neuro-épithéliales ont été décrites sous des formes plus ou moins variées dans les organes suivanis : a) T'entacules céphaliques, palléawr el épipodiaux des Pul- monés (FLEMMING, SIMROTH). b) Organes latéraux de la collerelle des Rhipidoglosses (B. HaLLER). c) Bord du manteau des Acéphales (Meyer el Môgiüs [1872/, Drosr [Cardium] et surtout Rawrr2). d) Glandes pédieuses (SOCHACZEWER). La présence de ces éléments dans les glandes pédieuses est contestée par SARASIN ; CARRIÈRE, HoussayY et. GARNAULT ne se prononcent pas sur la question. e) Cavité buccale des Gastéropodes. SemPer (1857) découvre dans les Pulmonés un organe spécia!, formé de lamelles, qu'on appelle l'organe de Semper. Leypie (1876), SimroTH (1876), SOCHACZEWER (1881), Sa- RASIN (1883), ont repris l'étude de cet organe et y ont vu les terminaisons nerveuses. B. HazLer décrit dans la cavilé buccale des Rhipidoglosses des coupes qustalives. f) Organes palléaux.— SrexGeL dit qu'il existe des termi- naisons nerveuses dans l'organe qui porte son nom. Je les ai moi-même vues et décriles dans les organes palléaux, où elles sont plus ou moins nombreuses. 1° Organe de Spengel : c’est là qu’elles dominent; parli- culièrement quand l'organe est fortement différencié. Il existe un réseau nerveux interépithélial. 2 Feuillets branchiaux : bord afférent. Réseau nerveux interépithélial très net. 3° Glande à mucus, dans certains cas. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 349 4° Bord du manteau. Diverses questions se sont posées à propos de ces termi- naisons nerveuses : quel rôle doit-on attribuer aux organes qui en sont pourvus? faut-il conclure de la /orme des lermi- naisons nerveuses au rdle de l'organe? S'il en est ainsi, les différences que l’on observe entre les cellules sont-elles suf- fisantes pour permettre d'établir une répartilion des fonc- tions? Pour discuter à fond ces problèmes délicats, il fau- drail s'appuyer sur un exposé délaillé de l'historique de la question : c’est ce que Je ferai ailleurs. Mais actuellement Je crois pouvoir, pour ce qui concerne le manteau, lirer quel- ques conclusions de la comparaison de mes recherches avec celles de mes prédécesseurs. | Deux sortes de terminaisons nerveuses ont été décrites chezles Acéphales et les Gastéropodes dans les organes qu'on peut appeler, avec Simrorx, organes sensoriels inférieurs (c'est-à-dire tous, sauf les yeux et les otocystes). Ces deux sortes d'éléments sont : 1° Des cellules volumineuses, à soies, à large plateau (FLEMMING, Acéphales) ; | 2° Des cellules allongées, à corps renflé occupé tout entier par le noyau,avec une tête et un col plus ou moins distincts, avec ou sans soies. La première variété n'existe pas à coup sûr dans les or- ganes palléaux des Prosobranches; cependant, sur quelques points (lamelles palléales de la Patelle, branchie de la Bulle et du Gastroptéron, organe de Spengel du Dolium), il y a des cellules très volumineuses, à gros noyaux; mais elles sont munies de cils et non de soies: leur détermination, comme cellules neuro-épithéliales, me semble tout à fait improbable. Reste donc la seconde sorte d'éléments, qui est répandue parlout. Elle est susceptible de nombreuses variations. Or, l'historique que l’on vient de lire a pour but, en défini- tive, de nous permettre de répondre à cette question : /es différences que l'on observe dans les cellules allongées sont- 344 FÉLIX BERNARD. elles spécifiques, si l'on peut s'exprimer ainsi? En d'autres termes, les terminaisons nerveuses de l'organe de Spengel, de l'organe de Lacaze-Duthiers des tentacules, du bord du manteau, des organes glandulaires, des organes latéraux (B. Haller) diffèrent-elles par des caractères de structure ou de groupement qui permettent de les distinguer et de leur attribuer des rôles variés? À cetle question, Je crois pouvoir répondre négativement. Telle n’est pas, on le sait, l'opinion de Flemming; exami- nant principalement les cas extrêmes et s'adressant aux or- ganes les plus différenciés, 1l avait cru trouver des différences importantes. Or, nous connaissons mieux aujourd'hui les organes sensoriels inférieurs qu'à l'époque où Flemming écrivait ses premiers mémoires; quelques-uns d’entre eux, comme l'organe de Spengel, nous offrent côte à côte, sur le même point, des éléments offrant lous les aspects précé- demment décrits par Flemming, avec les transitions les plus ménagées ; ainsi le col de la cellule peut être long et grêle, faire défaut et être remplacé par une sorte de bâtonnet ou de iamelle ; il peut y avoir une tête très bombée ou très fine, le noyau peut être plus ou moins granuleux, etc. Rawitz nous a même fait connaître que chez les Acéphales, des cellules semblables pouvaient avoir un filet nerveux dis- tinet ou non du filament d'attache. L'aspect des cellules si bien décrites par Flemming dans les papilles tactiles des tentacules chez les Diotocardes est identique à celui des élé- ments absolument sensoriels des organes de Spengel chez les mêmes animaux. J'espère avoir d’ailleurs démontré ce point dans lout le cours de ce mémoire. | A défaut de la forme des éléments, leur disposition nous donnera-t-elle des résultats plus nets dans le sens de la dif- férenciation des organes? Cela me semble probable pour certains cas, mais seulement dans une certaine mesure. A ce point de vue, les papilles des tentacules épipodiaux méri- tent une mention spéciale; il ne:s’agit plus là de régions douées d’une sensibilité plus ou moins vague, mais de corpus- ORGANES PALLÉAUX DDS PROSOBRANCIES. 349 cules {rès différenciés, doués d'une grande délicatesse (1). Ce fait, évident d’après leur structure, se confirme par l’ob- servalion des tentacules sur l'animal vivant. Toujours sortis. Loujours en mouvement, ils explorent avec activité les régions environnantes el se contractent au moindre choc. Leur rôle laclile n'est pas douteux, et cependant ce n'est pas avec les corpuscules tactiles que nous connaissons chez les Vertébrés qu'ils offrent une analogie morphologique, c'est surtout avec ces petits organes que M. Ranvier à appelé howrgeons du goût, el qu'il a figurés dans son Traité d'histologie. M est permis d’ailleurs de se demander si les tentacules en ques- Lion ne seraient pas aptes à remplir, outre la fonction tactile, une autre fonction plus en rapport avec celle des bourgeons du goût des Vertébrés. D'ailleurs, dans la délermination fonctionnelle d’un or- gane terminal, ce n’est pas la structure seule de l'organe qui intervient : c'est aussi, au même degré, la nature des centres nerveux avec lesquels il est en relation. Ce fait, bien évident chez les animaux supérieurs, est encore mis en lumière par les applications bien connues de Ia oi des connerions, que M. de Lacaze-Duthiers à établies pour les otocystes des Gas- téropodes ; les organes de la vue et de l’odorat sont toujours en relalion avec les ganglions cérébroïdes, qui innervent d’ailieurs directement d’autres organes sensoriels moins im- portants (palpes, tentacules). Faisons l'application de ces principes aux divers organes que nous venons d'étudier dans le cours de ce mémoire, et dont nous avons indiqué la structure d'après divers auteurs dans le présent chapitre. Nous devrons mettre à part tout d'abord les coupes qustatives de Bela Haller. Si les obser- (1) Ces corpuscules, découverts par Flemming, sont des papilles recou- vertes d’un épithélium plat; à leur intérieur existe un faisceau de longues cellules neuro-épithéliales, dont les têtes font saillie en divers points du bourgeon, mais surtout au sommet où elles offrent une petite couronne de soies très nettes. J'ai retrouvé tous les détails décrits par Flemming, et je puis affirmer qu'il s'agit ici simplement de cellules sensorielles ordinaires enfoncées dans une papille conjonctive. 346 FÉLIX BERNARD. vations de cet auteur sont exactes, la forme des cellules sen- sorielles est assez spéciale; leur répartition ne l’est pas moins. Enfin l'innervation étant sous la dépendance des ganglions buccaux rend légitime la détermination de ces coupes comme organes de sensibilité spéciale; dès lors, leur fonction gustative est bien évidente. Ce qui se passe pour les organes palléaux est bien plus compliqué. Nous avons vu les cellules neuro-épithéliales peu abondantes dans les régions plus spécialement sécrétrices ; plus fréquentes, au contraire, le long du tranchant des feuillets branchiaux; nous les avons vues s’accumuler le long du nerf branchial et à la surface du ganglion, de ma- nière à former dans les types les plus élevés un véritable or- gane, dont nous avons suivi la différenciation. C’est seule- ment dans ce dernier cas qu’on peut attribuer, avec quelque probabilité, une fonction de sensibilité spéciale à la région où sont présents ces éléments. L'organe de Spengel bien différencié se distingue par la proximité et l'abondance des cellules ganglionnaires destinées wniquement à servir d’in- termédiaire entre les terminaisons nerveuses et les nerfs centripètes; c'est ce que nous avons établi plus haut en ob- servant qu'aucun filet de la fausse branchie bipectinée et de l'organe de Lacaze-Duthiers ne va aux organes voisins. En même temps le système des nerfs rattachant l'organe aux centres céphaliques devient de plus en plus riche el formé de filets plus volumineux ; le renforcement de la commissure palléale de Bouvier établit même un chemin plus direct entre les ganglions palléaux et le réseau qui tient la fausse branchie sous sa dépendance ; lélape du ganglion sus-intes- üinal peut être sautée. En ce qui concerne l’épithélium sensoriel, non seulement le réseau inter-épithélial de cellules mullipolaires est assez riche, mais de plus nous voyons appa- raître des cellules nouvelles, les cellules pigmentées ; la loca- lisation des éléments se fait même d'une façon remarquable. Nous sommes donc ici en présence d'une différenciation considérable qui nous autorise à supposer que la sensibitité ORGANES PALLÉAUX DBS PROSOBRANCHES. 5 de l'organe peut êlre vive el délicate et relativement bien délimitée, n'en est pas de même si nous nous en tenons à la fausse branchie filiforme. Non seulement la partie centrale de l'or- gane n'est pas un ganglion, mais un simple nerf muni d'un pelit nombre de cellules ganglionnaires; mais, de plus, les éléments neuro-épithéliaux sont peu nombreux el dispersés. Dans son ensemble, l'organe est à peine plus différencié qu'un lentacule qui le serait lui-même faiblement, c'est-à- dire dépourvu de papilles tactiles et de ganglions lerminaux. Des expériences sérieuses seraient nécessaires, je ne li- gnore pas, pour décider d'une manière précise quelle est la fonction de tous ces organes. Dans cet ordre d'idées, nous n'avons guère à signaler que les expériences bien connues de Moquin-Tandon sur les tentacules de l'Escargot. Malgré les criliques auxquelles ces observations ont donné lieu, spé- cialement de la part de Simroth, ilme paraît bien établi que les tentacules de l'Escargot sont des organes d'olfaction au sens où nous entendons ce mot chez les Vertébrés: ainsi cest par les tenlacules qu'un Escargot reconnait à distance une fraise qu'il ne peut pas voir. Mais si l’on passe des Pul- monés aux Prosobranches, deux difficultés nouvelles surgis- sent ; que devient la nolion d'odorat lorsqu'elle s'applique aux animaux aquatiques? Savons-nous bien ce qu'est, par exemple, la sensalion olfaclive qu'éprouve un poisson et en quoi consiste la différence avec la sensation de goût, différence qui n'est pas douteuse, puisque les organes sont absolument distincts à tous les points de vue. L’obscurité devient bien plus grande si l’on s'adresse à des animaux inférieurs tels que les Mollusques. L'on sait cependant que les Nasses, par exemple, sentent de loin dans la mer la présence d'un ani- mal mort, puisqu'elles arrivent en foule de points éloignés. Définissons, comme on le fait souvent, l'o/faction comme la fonction qui permet à l'animal de reconnaître les modifica- tions de nature chimique qui s’opèrent dans le milieu am- biant, en réservant le nom de goût à une fonclion analogue 348 FÉLIX BERNARD. dont le siège serait exclusivement dans la bouche et dont l'objet serait exclusivement laliment. Or, pour chercher si un organe en particulier est doué d’une fonction déterminée, la méthode naturelle consiste à enlever cet organe, ou à le paralyser, ou à supprimer ses relations avec-les centres ner- veux. En admettant que l’on puisse connaître assez bien les manifestations de la vie d’un Prosobranche pour établir avec sûreté qu'il sent en temps normal, il faudrait pouvoir altein- dre la fausse branchie, l'enlever, ou couper les nerfs qui y aboutissent, chercher ensuite si l'animal, une fois guéri, continue à sentir; tout cela, on l’admettra, je l'espère, est impossible, à moins de léser grièvement l'animal opéré, et les expériences nesignifieraient plus rien, surtout étant donné que le résultat doit en être négatif dans l'hypothèse où c’est précisément la fausse branchie qui est un organe d’olfaction. J'ai donc préféré m'abstenir d'expériences de ce genre, ne trouvant pas de méthode qui, même au point de vue théo- rique, me parût satisfaisante. Cependant j'ai eu l'occasion de faire quelques petites ob- servalions, auxquelles je n’attache pas une bien grande 1m- portance, mais que je crois pouvoir cependant exposer en quelques mols. On sait depuis longtemps que les régions du manteau et de l’épipodium les plus riches en cellules de Flemming sont naturellement les plus sensibles aux excitalions mécaniques; par exemple les tentacules épipodiaux des Trochus, qui sont toujours en mouvement quand l’animal est bien vivant, se rétractent avec une grande vivacité quand on vient à les toucher. Or, j'ai pu vérifier que ces mêmes régions jouissent d'une grande érritabilité sous l'action des substances chi- miques variées; l'approche d’une baguette humectée de téré- benthine, d'alcool, d'essence de girofle, une parcelle de camphre, une trace d'acide, etc., font rétracter rapidement les tentacules des Trochus lorsqu'ils sont dans l'air. Si l’on renverse une Patelle en tenant son épithélium bien humecté d'eau de mer, on pourra, bien avant qu'il y ait ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 34 contact, faire rétracter de même isolément telle partie du bord du manteau qu'on voudra. D'autre part, en tenant les animaux en question dans l’eau de mer, il est facile de faire arriver sur les organes qu'on observe, au moyen d’un pelit tube, une goutte d’eau plus salée où moins salée que l’eau de mer elle-même, où une goutte d’eau sucrée. La sensation produile se manifeste aussi par les réflexes très nets. Ces ré- flexes n’ont pas leur siège uniquement dans les ganglions du système nerveux central, mais dans le voisinage de l'organe lui-même, car ils se manifestent aussi sur un manteau sé- paré récemment du corps de Fanimal. Isolons, par exemple, le manteau d’un Trochus, étalons-le dans l’eau de mer et excitons mécaniquement la pointe de la branchie, où approchons-en une substance irritante quel- éonque : nous verrons tous les feuillets se recourber les uns après les autres, à partir du point excité, comme les folioles d’une sensitive. Mais, en ce qui concerne la fausse branchie, je n'ai obtenu aucun résullat qui mérile d'être mentionné. L’excilation di- recte de l'organe ne produit aucune modification de forme. Les feuillets de cet organe sont tellement courts el tellement serrés que leurs mouvements sont inappréciables. Tandis que dans les régions précédentes le réflexe se produisait dans l'organe même, ici je suis convaincu que les impressions qui s’y manifestent sont transmises {rès fortement et très direc- tement au système nerveux central; cela est prouvé d’ail- leurs par la présence des forts cordons nerveux qui relient la fausse branchie aux ganglions palléaux. Pour tous les autres organes, on peut, je crois, considérer comme élabli que, partout où il y à abondance de cellules de Flemming, ?/ se manifeste, à divers degrés, une certaine sensi- hilité tactile el une irritabilité sous l'action des substances dis- soutes où en vapeur. Enlrons-nous dans le domaine des hypo- thèses, nous serons amenés à supposer que la cellule de Flemming est un élément de sensibilité générale. De légères modifications des groupements spéciaux, le voisinage d'un 350 FÉLIX BERNARD. épithélium plus ou moins cilié ou pigmenté, des relations avec un réseau nerveux plus différencié, suffisent-elles à en faire une cellule tactile (bourgeons des tentacules épipodiaux) ou une cellule olfactive {organe de Spengel) ? Je suis, pour ma part, tenté de penser, par suite de l’étude anatomique de ce dernier organe, que l'olfaction chez les Prosobranches n’est qu'un degré suprême d'une sensibilité fondamentalement de même nature que l’irritabilité qui se manifeste un peu partout à des degrés variés; de même que, au point de vue morphologique, la fausse branchie est simplement un organe provenant d’une spécialisation et d’une différenciation gra- duelle d’un nerf ou d’un ganglion primitivement destiné à des usages généraux. Quant à l'organe de M. de Lacaze-Duthiers, il est à re- marquer qu'il existe presque constamment chez les Pulmonés aquatiques, ainsi que l’organe de Spengel chez les Prosobran- ches de même habitat ; ces deux organes ne font défaut que dans des types terrestres (Hélicéens, Hélicinidés, Cyclopho- ridés). Il y a cependant exception pour les Cyclostomes qui ont un organe de Spengel et pour les Succinées qui en sont dépourvues. Ainsi, bien que les Pulmonés respirent l'air en nature, l’olfaction chez eux semble liée à la présence de l’eau à l’en- trée de la cavité palléale. M. de Lacaze-Duthiers est d'avis, paraît-il, que l'organe des Pulmonés qui lui a été si Juste- ment dédié est destiné à apprécier les mouvements de l’eau à l'entrée de la cavité palléale; je le crois sans difficulté, d'autant plus que cette fonction ne me parail guère différer d’une fonction tactile. Nous apprécions bien avec la main la vitesse du mouvement de l’eau ou de Pair; et d'autre part, si on agite l'eau autour des tentacules des Trochus, on voit facilement que ces organes perçoivent celte agitation. Si ces vues sont vérifiées, on peut conclure qu'il n’y a pas lieu de chercher à répartir dans les divers organes des Pro- sobranches, animaux relativement peu élevés en organisa- tion, des fonctions trop spéciales, trop raflinées; de même ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 391 que nous assistons dans ce groupe à la différenciation gra- duelle de certains organes, de même nous devons voir la fonelion se délinir et se perfectionner peu à peu en s’éle- vant dans la série qu'ils constituent (1). En d’autres termes, ce qu'on peul déduire de l'étude his- tologique, c'est que les diverses régions sensorielles du man- teau diffèrent probablement par une augmentation ou une diminution d'intensité d'une sensibilité à la fois tactile et olfaclive (au sens où nous avons défini ce mot) et non par des divergences profondes dans la nalure de cette sensibilité. CHAPITRE II TISSU CONJONCTIF ET ESPACES SANGUINS. $ 1. — Historique. Les discussions sur l'appareil circulatoire des Mollusques ont presque (oujours eu pour objet deux questions : L'appareil circulatoire est-il clos ou l'eau peut-elle y pénétrer? Y a-t-1l des capillaires en quelque point du corps? Ces deux questions divisent encore aujourd’hui les z00- logistes. Je laisse complètement de côté la première, qui n'intéresse pas l'histoire des organes palléaux : il est hors de doute qu'il n'y a dans aucun de ces organes la moindre ou- verlure qui puisse permeltre le mélange du sang et de l’eau. H. Mrxe Epwarps à démontré le premier que l'appareil circulatoire est incomplet, et que les capillaires et même parfois les veines sont remplacés par des lacunes. On admit dès lors en général les idées de Milne Edwards : Poucuer (divers Gastéropodes), Van BENEDEN (Ap/ysia), NorDMANN (Tergipes), de QuarTRerAGEs (Æo/diens), Levnic (Paludina), Semper et Wicrians (divers Gastéropodes), enfin (1) Les fonctions visuelles et auditives semblent aussi assez obtuses de l'avis de tous les zoologistes qui s'en sont occupés. 352 FÉLIX BERNARD. SiEBOLD, BERGMANN, LEUCKART, HuxLEY, GEGENBAUR (Ptéro- podes et Héléropodes), se sont ralliés à cette opinion. Néanmoins la théorie des capillaires continuait à compter des partisans déterminés. Ceux-ci, opérant principalement par la méthode des injections, ne pouvaient considérer comme des lacunes les réseaux {rès fins qu'on observe dans divers organes : l'examen microscopique, tel qu'on le pratiquait à cette époque, laissait inévitablement subsister le doute. Ainsi, dès 1842, PAPPENHEIM et BERTHELEN décrivaient des capillaires complètement clos chez divers Gastéropodes; et Lancer (1858) les voyait bien plus nettement encore chez les Acéphales, et élablissait leur communication avec les artères et les veines. Les Acéphales continuent d’ailleurs à être l'objet de travaux bien plus nombreux que les Gasté- ropodes. Dans l'ouvrage classique de Bronx et KEFERSTEIN (1867) est émise une opinion moyenne, qui paraît résulter assez bien de ce que nous ont appris les travaux antérieurs : il existerait (au moins dans la partie abdominale du corps) des capillaires arlériels, mais pas de capillaires veineux (p. 1747). La même année commence, avec les recherches d'Egerru (20) sur les capillaires en général, la période histologique. Cet auteur réussit à mettre en évidence l’endothélium dans les vaisseaux de divers Mollusques. Bientôt FLEMMING (26) (1871) est amené à s'occuper de la question; après avoir élucidé la question de l’épithélium des Mollusques, il ne pouvait se désintéresser du problème qui nous occupe en ce moment ; dans un premier mémoire, il décrit de véritables lacunes; cependant l'appareil circulatoire est considéré par lui comme clos, car il est partout tapissé d’endothélium. Bientôt commença à ce propos entre FLEMMING et KOLLMANN une vive et intéressante discussion qui ne paraît pas encore terminée, malgré le nombre considérable de mémoires aux- quels elle a donné lieu. La question était transportée com= plètement sur le terrain de l'histologie. Le point à élucider était le suivant. om test us ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 393 Suivant KoLManx (32, 37), les vésicules découvertes par Langer chez les Acéphales ne seraient pas des cellules, mais des espaces lacunaires, en continuité les uns avec les autres. Ces lacunes sont noyées dans une masse résistante et con- Linue, que Kollmann appelle Galler! substanz, el qui se pré- sente {antôt comme formant des masses continues, plus ou moins étendues, tantôt comme réduite à de minces poutres ou lamelles (Gallert balken) au travers des espaces sanguins. I] existe d'ailleurs de vrais vaisseaux pourvus d’endothélium, des capillaires et des espaces venoso-lymphatiques, où tombe le sang venu des lacunes. Ces faits, établis spécialement pour les Lamellibranches, sont étendus en outre à quelques Gas- téropodes (Aplysie) (p. 91-92). FLEMMING (35) admet d’une manière générale ces der- niers points, en conslalant seulement que le nombre de vrais capillaires à endothélium est très restreint dans le tissu érectile. Mais là où il est en opposition formelle avec Kollmann, c'est dans la descriplion des vésicules de Langer : ce sont pour lui de véritables ce//ules avec un petit noyau sphérique, presque toujours périphérique, et avec un peu de protoplasma granuleux : la plus grande quantité du contenu consiste en une substance très molle, fluide, qui fait donner à ces vésicules le nom de ScH/einzellen. Le sang ne passerait donc pas à travers ces espaces, mais bien dans des fentes de la substance que Kollmann décrit comme con- tinue (Gallert substanz); Wexisterait done tout un système de canaux communiquant par des branches étroites dont les ramificalions occupent le centre des trabécules (Gallert bal- ken) que Kollmann décrivait comme des poutres pleines (Schvellnet:). Quand le tissu érectile n'est pas rempli de sang, les tubes en question restent purement virtuels, et les parois en sont immédiatement appliquées les unes sur les autres. Il existe de plus des espaces qu’on peut à propre- ment parler appeler des /acunes, et qui se trouvent autour des muscles et des nerfs, entre ceux-ci et le tissu conjonctif; mais Flemming n’est pas tout à fait certain de la présence ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, 23. — ART. N° 3. 354 FÉLIX BERNARD. du sang dans ces lacunes. Comme précédemment, les Acé- phales ont principalement occupé Flemming, mais il étend ses conclusions aux Céphalophores. Trois ou quatre mémoires furent publiés par chacun des deux auteurs sur celte question des espaces lacunaires; comme ils ne pouvaient se mettre d'accord, le débat fut porté devant le congrès de cinquante naturalistes et médecins réunis à Munich en septembre 1877, et les préparations des deux adversaires furent examinées. La lumière ne paraît pas avoir résullé de ce referendum scientifique, si bien que d’au- tres savants ne tardèrent pas à intervenir dans le débat. H. Sonuzrze (39) (1877) admet avec Flemming la nature cellulaire des vésicules de Langer (p.77), Bonner trouve dans la branchie des Acéphales tantôt des vaisseaux endigués par de l’épithélium tantôt des lacunes, tantôt les deux en- semble; Posxer (38), dans le même organe, trouve des la- cunes et SLuITER un système clos, au moins chez la Moule; M. SaBaTIER l'année précédente (1877) était arrivé aux mêmes conclusions. GRIESBACH (79) (1883) arrive à des con- clusions intermédiaires entre celles de Flemming et de Koll- mann; dans les régions périphériques des Acéphales, le sys- ième sanguin n’est pas clos déjà dans le lissu gélatineux, 1l y a des lacunes sans endothélium et pas de capillaires (p. 42), sauf peut-être dans quelques branchies. Les vésicules de Langer ne sont pas des cellules, et le tissu éreclile n'est pas un tissu spécial. L'eau pénètre dans le corps, se mêle au sang, sort par l'organe de Bojanus sans qu'il y ait de système aquifère spécial. La confusion était, on le voit, portée à son comble vers l'année 1882 : il était impossible au lecteur non prévenu de se faire une opinion d’après les {ravaux mêmes les plus récents. Enfin, en 1883, paraît le mémoire capital de Brocx, qui jette une vive lumière sur la structure du tissu conjonctif, et qui à pour nous un intérêt lout spécial, parce qu'il a trait exclusivement aux Gastéropodes. L'auteur étudie l'Ap/ysie, ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 39) le Pleurobranche et divers Pulmonés, 11 décrit en détail toutes les formes de cellules conjonctives qu'on trouve dans ces divers types. Brock se range sans réserve à l'avis de Flemming au sujet des « Langers-blasen ». Il admet même, avec cel auteur (76, p. 50), que celles-ci, auxquelles il conserve le nom de « Schleimzellen » que leur avait donner Flem- ming, sont de même nature que d'autres éléments qu'il appelle cellules plasmatiques, et qu'il rencontre en abondance dans divers cas. En particulier, Brock y rattache les cellules calcaires des Pulmonés et de quelques Prosobranches, dont il distingue deux variétés (p. 39). Ces éléments, très volu- mineux, sont caractérisés par des concrélions opaques (de nature calcaire) et des sortes de pseudopodes plus ou moins développés; on trouve souvent des vacuoles. Parfois même ces cellules se divisent en plusieurs éléments plus petits qui restent associés. Mais les prolongements ne sont jamais unis entre eux. Tout au contraire, dans le deuxième type de cellule décrit par Brock, il existe des prolongements grêles excessivement ramifiés et irrégulièrement anastomosés de manière à former un lacis d’une complication extrême. Ces cellules conjonctives proprement dites ou étoilées sont bien plus petites et moins fortement granuleuses. Il existe enfin une troisième sorte d'éléments, ce sont les éléments f4ri/- laires, que l’on a fréquemment pris pour des fibres muscu- laires. C’est, suivant Brock, ce qui est arrivé notamment à Semper et à Flemming (p. 43). On y distingue des fibrilles propres, noyées dans une masse bien plus abondante de substance interslilielle, le tout étant entouré d'une enveloppe anhiste. Ces fibres sont parfois très abondamment ramifices, mais les prolongements très longs, très raides et de largeur constante, différent à tous égards de ceux du réseau précé- demment signalé. Au sujet des espaces sanguins, les figures de Brock ne laissent subsister aucun doute. Il représente divers cas où l'on voit côte à côte les espaces sanguins (crewlalionslücken) et les cellules plasmatiques plus ou moins granuleuses; ces 306 FÉLIX BERNARD, espaces vides ont exactement la forme et les dimensions des éléments en question (fig. 17, 19, 21, du travail de Brock). Mais tantôt ce sont les cellules qui dominent et le tissu est compacte, tantôt elles sont rares et le tissu est criblé de trous. $ 2. — Résumé des données relatives au tissu conjonctif du manteau. Les résultats auxquels je suis arrivé en ce qui concerne les Prosobranches concordent si complètement avec ceux qu'a obtenus Brock chez les Pulmonés et les Opisthobranches que je n'hésite pas à conclure à l'identité complète des éléments conjonctifs dans toute l'étendue du groupe des Gastéropodes. Ce point important résulte de lout ce qui a élé dit précé- demment à propos de chaque organe : il ne sera pas inutile cependant de comparer ici les données diverses acquises par nous jusqu'ici. Je suis amené à adopter comme très naturelle la division en trois catégories admise par Brock pour les éléments conjonctifs. Il existe donc dans le manteau des cellules plas- matiques, des cellules mullipolaires el des fibres-cellules ranifiées. À la première catégorie se rattachent les cellules de Leydig ou vésicules de Langer. Ces éléments sont noyés dans une substance interstitielle plus ou moins abondante. L’abondance et la disposition de cette substance permet de distinguer plusieurs variétés de tissus conjonctifs. 1° Le tissu lumineux. Il compose chacune des deux faces des lamelles de la branchie, et les membranes qui s'insèrent sur le manteau, telles que le péricarde, la paroi de l'abdomen. On le trouve encore dans les membranes qui rattachent au corps les branchies bipectinées. Les éléments prédomi- nants sont des fibres extrêmement allongées, plates el plu- sieurs fois bifurquées. Dans le péricarde elles sont extrêmement nombreuses et disposées dans tous les sens. Dans la membrane qui relie les deux branchies chez l'Haliotide on observe une orientation longitudinale. L'orientation est manifeste dans la branchie ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 397 (voir Ie partie, ch. 1). La figure 72 montre combien ces élé- ments sont serrés dans ce dernier organe. | On trouve encore dans le lissu lamineux de nombreuses cellules mullipolaires (cellules conjonctives propres de Brock soil isolées, soit groupées comme nous l'avons vu plus haut (organe de Spengel). Les éléments vésiculaires font défaut. 2° Le tissu compacte est beaucoup moins répandu. Il existe dans les tentacules, dans les renflements qui constituent les organes de Spengel des Patellidés el surtout dans le support branchial des Diotocardes, le long de l'organe de Spengel : il forme toute la masse comprise entre le vaisseau efférent et le bord du support branchial (fig. 14). Il est caractérisé par l'extrème développement de la substance interstitielle, qui ne présente qu'un très pelit nombre de lacunes sanguines (fig. 77). Les éléments figurés y sont plus clairsemés que partout ailleurs, sauf près des bords. Ces éléments sont des fibres {rès irrégulières de forme et de direction, recourbées près des bords de l'organe de manière à se réfléchir sur les deux faces. Une seule coupe, même épaisse, donne rarement toute l'étendue d’une de ces fibres. Les cellules mutipolaires sont isolées et assez rares. Il y à quelques cellules plasma- tiques, surtout près des bords (fig. 73 cp). 3° Le lissu vésiculeux est très fréquent dans les organes palléaux. C’est lui qui forme la masse même du manteau proprement dit (fig. 49). Ce n’est que par suite d’une sorte de convention que l’on distingue deux lames distinctes dans le manteau : ces deux lames ne sonten effet autre chose que les surfaces légèrement modifiées d’une masse de tissu vési- culeux : en effet, les fibres conjonclives que l’on apercoil sur une des faces n’y restent pas localisées dans toul leur trajet : elles pénètrent dans l'intérieur de la masse et peuvent faci- cilement atteindre l’autre face. Il en résulle un réseau plus ou moins intriqué, reliant les deux faces, el généralement facile à rompre par suile de l'abondance des éléments vési- culaires et la rareté de la substance interstitielle. Ce sont ces deux caractères qui permettent de définir le tissu vési- 358 FÉLIX BERNARD. culeux. Il faut y joindre la présence de lacunes extrêmement nombreuses. Les faisceaux musculaires s’y montent d'autant plus fréquents que les cellules plasmatiques le sont moins ; c’est le long du bord palléal, on le sait, qu'ils sont le plus développés. Les cellules vésiculaires sont parfois juxtaposées presque sans interposition de substance interstilielle : elles se mou- lent alors lesunes sur les autres et confondent leur paroi. On peut vérifier ce fait dans la région moyenne du manteau, surtout lorsqu'elle est différenciée en glande à mueus. Un feuillet de cette glande chez le Buccin, débarrassé de lépi- thélium, coloré et examiné par transparence, montre que la masse principale du tissu est formée presque exclusivement de ces éléments ; les fibres et les cellules multipolaires sont localisées dans le voisinage de la surface et par suite dispo- sées dans un plan : un petit nombre d'entre elles passent d'une face à l’autre. Le manteau n’est pas le seul organe où se montre le tissu vésiculeux : on le trouve encore bien développé dans l’inté- rieur du pied, el là encore il peut arriver que les cellules vésiculaires soient absolument conliguës. D’autres fois elles sont disposés par amas, et entremêlées d’un très grand nombre de fibres conjonctives ou musculaires. 4° Le tissu cartilagineuxr, dans l’ensemble du groupe des Mollusques, se présente sous deux formes. Tout le monde connaît le cartilage céphalique des Céphalopodes, dont les cellules étoilées, à protoplasma granuleux, sont si faciles à étudier. Ayant examiné moi-même ces éléments, je crois pouvoir les considérer comme une variété des cellules multi- polaires ; comme celles-ci, elles ont leurs prolongements anastomosés ; elles sont ou bien isolées ou bien associées en amas, tels que les prolongements rayonnent aulour de chaque amas comme s'il n’était qu'une seule cellule. Les cellules sont alors tout a fait contiguës el parfois un même corps protoplasmique a deux noyaux. Or nous avons déjà trouvé tous ces caractères, notamment dans le {issu conjonc- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 39 tif lamineux (fig. 42, a b). Brock en donne aussi plusieurs exemples. Tout différent est le cartilage labial des Gastéropodes, déjà décrit par bien des auteurs. L'étude qu’en a faite récemment M. Wegmann dans l'Haliotide est très exacte; Je suis en mesure d'étendre tous ses résullals à la Fissurelle. Dans ces animaux le cartilage labial est formé de cellules vésiculaire presque cubiques, à contenu clair, à protoplasma (rès rare. Ces éléments sont associés par 2, par 4 ou par 8, et les noyaux restent en face les uns des autres comme si les cel- lules venaient de se diviser. La disposition est surtout nette vers les bords, où les cellules sont pelites et serrées. Les amas sont contenus dans des cavités formées d’une sub- stance fondamentale peu abondante, qui ne diffère pas en apparence de celle que nous avons rencontrée partout. Chez la Valvée et surtout la Lottia la disposition est moins régu- lière et les cellules ont une tendance à s’arrondir. Le cartilage pur peut donc être défini un lissu ne contenant absolument qu’une sorte de cellules : multipolaires ou vési- culaires ; il n’y pas trace de fibres. La substance fonda- mentale ne présente, au point de vue de sa coloration sous l'influence des réactifs, aucune différence avec celle des divers lissus conjonctifs. La modification chimique à laquelle est due sa consistance ne peut être appréciée que par une étude chimique spéciale. La Valvée nous présente un cas de transilion intéressant que j'ai décrit ailleurs (68). Je n'ait pas cherché à retrouver la chondrine dans les lamelles épaissies des supports et es feuillets branchiaux. IL est possible qu'elle existe, puisque la consistance est Ja même que dans les cartilages proprement dits. La différence qui existe entre ces organes de soutien et du cartilage a déjà été signalée : il y a lieu cependantde la résumer ici. Lorsqu'il y à dans un organe palléal un épaississement résistant, on peut toujours vérifier que cel épaississement est an/isle, quelle que soit son épaisseur. Il est dû à un dépôt, produit par couches successives, d’une substance en parfaite conti- 300 FÉLIX BERNARD. nuilé avec la substance fondamentale des tissus sous-jacents. Dans les Diotocardes, cette lame de support peut être très développée, elle est sous Ta dépendance d’une couche de cellules vésiculaires (fig. 24. z) qui semble jouer vis-à-vis d’elle le rôle de matrice. Celte couche n’a plusieurs rangs de cellules qu'aux points où la lame en question est précisé- ment la moins épaisse. Enfin, aux bords des feuillets branchiaux, lépaississe- n'est formé par aucune couche spéciale de cellules : ce n’est que la portion périphérique, peut-êlre modifiée chimique- ment, de la la lame conjonctive qui forme le tissu même du feuillet : au-dessous se trouvent toutes les variétés de cellules conjonctives. 5° On concoit sans peine que des transitions puissent exister entre les divers tissus que nous venons d'énumérer; en d'autres termes, le tissu conjonclif des Gastéropodes pré- sente une très grande variété suivant le mode d'association des cellules. Aussi, dans le support branchial de la plupart des Diolocardes, le tissu est beaucoup moins compacte que chez l’'Haliolide ; il est creusé d’un bien plus grand nombre de lacunes, et les celiules vésiculaires y sont bien plus fré- quentes. De même, le manteau du Vermet offre des places où le tissu est tout à fait compacte, tandis que plus loin abondent les cellules vésiculaires. Dans la Nasse, autour de la cavité plissée du pied, le Lissu est tout à fait compacte ; il est au contraire vésiculeux aux environs de la glande mucipare du même organe. Ces exemples suffisent, je l'espère, pour dé- montrer l'unité de nature du tissu conjonclif dans tous les organes palléaux : ce résultat peut même être étendu à des organes bien différents et à des groupes plus étendus que celui des Prosobranches. De ce qui précède il résulle que la classification des diverses sortes de lissus conjonclifs que je viens de présenter n’est pas absolue: il y à entre lescas extrèmes bien des cas inter- médiaires. Néanmoins, il existe une telle différence d'aspect entre les orgares où ces cas extrêmes sont réalisés (el ce sont ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 361 d’ailleurs les plus nombreux) qu'on est naturellement amené à considérer des variétés bien définies. 6° On peut aller plus loin encore dans cette généralisation, et l'examen de quelques organes m'a permis de trouver des intermédiaires entre les {rois sortes de cellules, en apparence si dissemblables, qui se rencontrent dans le tissu conjonctif. C'est dans le tissu compacte du support branchial de l'Ha- liolide que l’on trouve des Intermédiaires entre les fibres el les cellules. Les éléments présentent, en effet, dans cel organe des formes souvent bizarres, dont j'ai reproduit quel- ques-unes dans la planche XIV. On voil notamment des libres où l'élargissement du corps proltoplasmique se fait brusquemment et est tout à fait disproportionné avec les dimensions du noyau. C’est bien encore là une fibre nette- ment caractérisée; mais parfois des éléments ainsi consti- tués sont en connexion avec des cellules mullipolaires non moins neltes (celle connexion n’a pas lieu habiluellement, mais j'en ai observé plusieurs cas dans l'organe en question). Dans l'organe de Spengel des Patellidés, il est impossible de dire si l’on à affaire à des fibres raccourcies ou à des cellules allongées. Les {ransilions entre les cellules vésiculaires et les cellules étoilées sont plus rares. Nous en avons un bel exemple dans la région de la branchie où existe ce que j'ai appelé le tissu spongieux; c'est un amas de cellules polvédriques, claires, conliguës, semblables aux cellules vésiculaires, mais très peliles : 1] n'y a pas de substance fondamentale interposée. Sur le bord de l'anus, dans le voisinage de la lacune, on voit les cellules devenir anguleuses, s'écarter les unes des autres et présenter des prolongements d'abord oblus, puis plus grêles et ramifiés. Elles passent insensiblement aux cellules mullipolaires qui se rencontrent sur les deux faces du feuilleL. Les éléments connus sous les noms divers de vésicules de Langer, cellules muqueuses (Schleimzellen), cellules plasmati- ques, cellules de Leydig, cellules vésiculaires, ne sont pas fon- 302 FÉLIX BERNARD. damentalement distincts, et ces noms peuvent êlre employés indifféremment. Peut-êlre cependant pourrail-on! objecter que quelques-unes des cellules plasmatiques décrites par Brock chez les Pulmonés sont un peu différentes des vésicules de Langer; leur protoplasma est granuleux et dense; le paraplasma n’est pas visible et le contour est un peu irrégu- lier et la membrane peu distincte; dans les vésicules décrites par Langer et Leydig chez les Acéphales, et que j'ai signalées maintes fois dans le manteau des Prosobranches, le proto- plasma est rare et réliculé, le paraplasma abondant et hya- lin. Les lermes de transition se rencontrent encore dans le tissu compacte, où existent des cellules à vacuoles plus ou moins nombreuses el à proloplasma abondant, granuleux et parfois même pigmenté (fig. 78, « et £). Je n'ai pas observé de cas où le paraplasma puisse êlre assimilé à du mucus. En somme, la cellule mésodermique qui doit se différen- cier en élément conjonctif prend presque toujours l’une des trois formes signalées : fibre, cellule multipolaire, cellule vésiculaire. Quelquefois cependant elle peut aflecter une forme intermédiaire entre deux de ces trois types. Elle garde presque toujours la proprieté d’être incluse dans un amas plus ou moins considérable de substance fonda- mentale. $ 3. — Considérations sur les lacunes. Sur la grave question de la constitution des lacunes, je n'hésite pas à me prononcer pour l'opinion de Flemming et de Brock, et je crois pouvoir donner une définition générale des lacunes du manteau : ce sont simplement des espaces plus ou moins larges creusés dans la substance fondamentale, quelle que soit la nature des éléments compris dans cette dernière. Il y a donc des lacunes dans le tissu compacte et dans le tissu vésiculaire, entre deux masses de tissu lamineux et dans tout lissu intermédiaire. Parfois elles sont larges, . béantes, assez régulières pour pouvoir être prises pour de véritables veines (Ex. : glande à mucus, sinus de la fausse ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 3063 branche des Ténioglosses siphonostomes). D’autres fois elles sont pour ainsi dire virtuelles, c’est-à-dire que leurs bords sont appliqués dans l’état de contractions etne peuventse rem- plir par les injections qu'après un certain effort (Circulalions- lücken de Brock). Ainsi, la région antérieure du manteau de tous les Prosobranches est creusée d’un réseau irrégulier de ces lacunes, qui, en s’injeelant plus ou moins, produisent des aspects très variés. Dans tous les cas, il est impossible, soil en coupe, soit par transparence, de trouver un revêle- ment de fibres musculaires où conjonclives à ces espaces. Si, par exemple, on dédouble le manteau d’un Prosobranche el qu'on examine l’une des lames de manière à observer directement ces espaces, on verra les fibres poursuivre leur trajet irrégulier sans circonscrire la lacune, dont les parois latérales sont formées d’amas de cellules vésiculaires. La lacune est donc simplement creusée dans la substance fon- damentale qui cimente le {out. Je ne chercherai nullement à étendre cette conception aux lacunes d’autres régions du corps : en particulier les espa- ces sanguins de l'abdomen, sinus ou lacunes, peuvent, ou bien avoir des parois propres, ou bien n'être que des intervalles entre le tégument et les organes. | Les lacunes palléales sont-elles tapissées d’endothélium? J'ai recherché ce tissu, par des méthodes variées, sur des animaux différent (Haliotide, Paludine, Natice, Liltorine, Cassidaire, Bucecin). J'ai employé le lactale et l’azolate d’ar- gent, à des doses et pendant des temps également variés : par injection où par imprégnalion directe après dédouble- ment du manteau. Dans les lacunes proprement dites, c’est- à-dire dans les espaces où l'injection ne passe que difficile- ment, qui ne sont pas béants et apparents sur l’animal frais, je n'ai jamais obtenu d’endothélium. C’est ce qui se produisait notamment sur le bord du manteau de la Natice. Ici il existe, comme nous allons le voir, un riche réseau afférent; des branches très lénues issues des mailles de ce réseau viennent s'ouvrir dans des espaces irréguliers 364 FÉLIX BERNARD. assez larges, fapissés de cellules vésiculaires. Or l’endo- thélium est très net dans les plus fines ramificalions des vaisseaux, dans les lacunes, la substance interslilielle ré- duit fortement le sel de manière à bien mettre en évi- dence le contour des cellules vésiculaires et des fibres; mais je n'ai pas trouvé trace d'endothélium. Il en est de même pour ce qui concerne les feuillets branchiaux. Sur ce point cependant je dois être plus réservé. I est fort difficile de faire pénétrer une injeclion d’un sel d’argent dans la branchie vivante, à cause des trabecules contracliles dont nous avons parlé, et, d’autre part, sur un animal mort, on ne peul songer à observer l’endothélium. Il est done possible que, malgré mes efforts, je n'aie pas réussi à me placer dans de bonnes conditions d'observations. Ce qui m’'amène à émettre ce doute, c’est que M. Ménégaux, travaillant en même temps que moi et par les mêmes méthodes, mettait en évidence de la façon la plus nette l’endothélium dans la branchie des Acéphales. Si je puis émettre avec plus d'assurance une opinion néga- live pour ce qui concerne le {issu du manteau proprement dit, c'est que j'ai réussi, dans la Natice et le Prochus, à révéler dans une grande nelleté l'endothélium dans la veine cucumpalléale. On sait que ce vaisseau présente des parois propres facilement isolables. Il amène Le sang des lacunes du corps à la partie antérieure du manteau : il envoie d n- chies en avant et en arrière, et ces ramificalions se subdi- visent de manière à former des canalicules très pelits, lapissés d’endothélium jusqu'à leurs dernières ramifications. En arrière, ces canalicules ne sont Jamais anastomosés, sans quoi rien n'empêcherait de les considérer comme des capillaires afférents. Quand ils ont atleint une dimension limite, ils débouchent dans des intervalles élroits entre les cellules vésiculaires, et là lendothélium cesse brusquement. La réduction de l'argent s'étant néanmoins effectuée, la coloration de la substance fondamentale met bien en évi- dence le contour des cellules vésiculaires. Les préparations ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 30) observées après dédoublement du manteau ne laissent aucun doute sur ces points, Il faut avoir soin d'enlever préalable- ment l'épithélium, car, les canalicules se trouvant (rès voi- sins de la surface, se rompent fréquemment sous l'effort de la poussée; par suile l'injection circule dans l'épithélium entre les bases des cellules et produit un réseau qu'on pour- rait prendre, au premier abord, pour un réseau capillaire. L'endothélium se retrouve encore dans l'artère reclale qui s'observe dans un grand nombre de Lypes, el dont les ram:- fications sont nettement endiguées et isolables, au milieu de la masse spongieuse du rectum. Enfin j'ai obtenu un résultat nouveau au sujet des grands espaces sanguins qui s'élendent du rectum à la branchie et constituent le réseau de la glande à mucus. Si l’on ouvre le réseau lacuneux périrectal et qu'on dédouble le manteau en coupant les {rabécules, on peut, en produisant l'imprégna- lion d'une des deux lames oblenues, déceler un endothé- lium ({rès net et parfaitement continu. Les cellules sont grandes, relativement peu sinueuses, à noyau périphérique (fig. 80). Cet endothélium se réfléchit autour des trabécules, quelle que soit la grosseur de celles-ci; aulour du rectum on à ainsi une large poche sanguine bien endiguée, traversée des mêmes trabécules ; plus loin ce sont de véritables sinus bien limités. Je n'ai malheureusement réussi à établir ces faits que dans deux lypes (Cassidaire, Buccin); je ne sais donc pas ce qui se passe quand le réseau de la glande à mucus n’est pas formé de larges espaces, mais d'un fin réseau irrégulier. Pour les vaisseaux afférent et efférent de la branchie il y a doute : J'ai cru voir un endothélium interrompu, mais je ne sais si c'est là un accident de préparalion ou une réalité. Je ne puis me dissimuler que ces résultats sont encore bien incomplets. On m'excusera facilement en considéra- lion de la difficulté des recherches. Qu'on se souvienne que B. Haller a décrit lendothélium de la cavité générale des Pulimonés gt n'a pu le retrouver chez les Prosobranches! 366 FÉLIX BERNARD. Il faudrait, pour préciser ces notions, choisir des types plus faciles à étudier que les Prosobranches. Provisoirement, j'indique, du moins à litre de théorie, l'opinion à laquelle j'ai été conduit au sujet des lacunes palléales. Ce sont simplement des espaces creusés dans la sub- stance interslitielle du tissu conjonclif; rien ne prouve que ces espaces soient toujours constants et remplis de sang ; il se peut qu'ils soient virtuels, et alors s'ouvrir sous l'effet d'un afflux de sang, comme le pense Flemming. Ils ne parais- sent pas fapissés d’endothélium. Les organes en forme de feuillets sont de simples sacs sanguins {raversés par des trabécules; enfin, dans quelques cas, des poches analogues restent constamment ouvertes et sont tapissées d'endothé- lium, tout en continuant à être traversées par des trabécules musculo-conjonctives : par ce fait et par l'absence d'une gaine musculaire spéciale, elles diffèrent de véritables vaisseaux, et méritent le nom de sinus {sinus périrectal, sinus de la glande à mucus, sinus afférent et efférent de la branchie). CHAPITRE III MORPHOLOGIE DE L'APPAREIL CIRCULATOIRE. Je ne présente pas ici un historique détaillé des recher- ches relatives à la morphologie de l'appareil circulatoire. Ces recherches sont bien connues, et on en {rouvera un ré- sumé dans l'ouvrage classique de Bronn et Keferstein. Le système artériel palléal mérite d’être examiné avec soin, mais j'ai abandonné son étude, qui rentrera mieux dans le cadre d’un travail actuellement achevé par M. Bouvier. J'indiquerai seulement que le manteau recoit du sang arté- riel par une branchie de l'artère columellaire qui suit le bord antérieur du manteau et n’est pas courant. Le rectum est irrigué par un gros vaisseau issu de l'artère viscérale posté- rieure ; ce vaisseau s'appuie sur l'intestin et traverse le rein si l'intestin traverse aussi cet organe; il passe avec lui dans ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 307 le manteau et se tient dans les lissus qui séparent le sinus reclal du rectum lui-même. Je l'ai retrouvé dans divers types (Turbo, Natice, Paludine, Cassidaire, Buccin, Pourpre). Les ramuscules qui en sont issus irriguent le rectum et vont d'autre part aboutir aux lacunes de la glande à mucus. Le manteau reçoit donc une petite quantité de sang artériel. Le point sur lequel je me propose d’insister de préférence, c'est la comparaison #0rphologique du système veineux pal- léal chezles Diotocardes et chez les Monotocardes ; ce point ne me parait pas, en eflet, élucidé par les travaux antérieurs. $ 1. — Système veineux des Diotocardes. a. Fissurellidés. — Le système veineux palléal des Fissu- rellidés est des plus simples. On sait que les deux branchies sont absolument symétriques, très rapprochées l’une de l'autre vers la ligne médiane; leur vaisseau afférent, qui est du côté interne, part d'un large sinus {ransversal, que nous appellerons sinus basi-branchial, el qui unit les deux angles internes el postérieurs des branchies. Le bord efférent de chacune d'elles est soudé au corps le long de la ligne d’in- sertion du manteau, c’est-à-dire à l'angle externe de la ca- vité palléale. Au-dessous, le manteau forme une voûte s’ou- vrant en arrière par le trou apical. Le rectum, et, par suite, le cœur, sont un peu en avant de ce trou, mais encore en ar- rière et au-dessus du sinus basi-branchial. Ce dernier, étant tout près du fond de la cavité palléale, communique avec de larges lacunes situées dans le plancher de celle cavité ou dans la région nuquale de l'animal; c'est dans ces lacunes qu'aboutit le sang du rein, de la tête et de Ia collerette. On sait que ce dernier organe constitue la partie externe du manteau, qui déborde à l'extérieur du musele en fer à cheval el se continue en avant avec le Loi de la cavité pal- léale. M. Boulan y à trouvé un canal circulaire qu'il pense devoir être une artère. Le point de doute que cet auteur émet en regard de cette opinion me semble tout à fait justifié :iln'y a là qu’un système 308 FÉLIX BERNARD. de lacunes assez irrégulier, communiquant par de vasles es- paces lacunaires, situés à l'extrémité antérieure du muscle co- lumellaire, avec les lacunes de la nuque, et, par suite, avec le sinus basi-branchial. Le sang, qui a traversé les branchies, revient au cœur par le vaisseau externe de cet organe, comme l'a bien vu M. Boutan. Il est bien évident qu'il y a commu- nication directe entre ces vaisseaux branchio-cardiaques et les lacunes environnantes du manteau et du corps; ce fait n’a rien qui doive ni nous étonner ni nous arrêler. Le système veineux palléal de la Fissurelle est donc aussi réduit que possible. Comme espace nettement endigué, outre les vaisseaux branchiaux afférents et efférents, nous n'avons à citer que le sinus basi-branchial. b. Haliotidés. — Wen est autrement dans l'Haliotide. Les espaces qui amènent le sang au sinus basi-branchial sont bien endignés : ce sont des vaisseaux ou des sinus. Le sinus basi-branchial qui, chez les Fissurelles, étail tout à fait à l'extrémité postérieure des branchies, est ici reporté un peu en avant, de sorte qu'il existe pour chaque branchie une partie antérieure, et une parlie postérieure bien moins éten- due, el desservie par une veine afférente spéciale parlant du sinus basi-branchial au même point que la veine afférente principale, mais dirigée en arrière. M. Wegmann a bien dé- erit les vaisseaux rénaux (p. 355,359 et suiv.) qui aboutissent au sinus basi-branchial, et il fait remarquer que la plus grande parlie de la masse sanguine traverse le rein avant d'arriver à la branchie. Cela esl vrai aussi pour le sang du manteau ; il existe, en effel, une grande veine circulaire qui débouche dans la cavité abdominale, qui communique elle-même avec les canaux afférents du rein. Il y a cependant exception pour le sang venant de la partie antérieure du manteau, c'est-à-dire de la glande à mucus et des deux lobes palléaux qui la prolongent : « Le sang de ces parties (p.361) arrive dans une veine qui vient de la partie antérieure du lobe et suit quelque temps le support branchial avant de se jeter dans la veine efférente; elle reçoit le sang de la glande muqueuse. » ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 3069 Je laisse de côté tout ce qui concerne le support branchial sur lequel J'ai déjà insisté précédemment, de même que la prétendue branchie supplémentaire de M. Wegmann, qui est située à la place où existe l'organe de Spengel. Nous savons qu'il n'existe là aucune disposition spéciale; on trouve seu- lement un sinus autour du ganglion et des nerfs qui y abou- lissent. Les induclions lirées par M. Wegmann de l'étude du sys- tème veineux au point de vue de la comparaison de l'Haliotide et des Acéphales me semblent reposer sur une connaissance insuffisante de l'anatomie de ces divers animaux. L'auteur attache une importance extrême au fait que « la circulation rénale des Gastéropodes est distinete de celle des branchies : au contraire, dans l'Haliotide et dans les Acéphales, l'or- gane épurateur est intercalé dans la circulation branchiale : c'est dans ce sens que le sang, épuré par le rein, traverse les branchies : c'est la plus grande quantité de sang qui suit cetle pr emièr e voie». Il est tout à fait inexact que nee les Pro- sobranches le sang du rein soil complètement dispensé de la traversée de la branchie. M. Rémy Perrier vient de mon- rer que le sang amené par les vaisseaux efférents du rein débouche pour la plus grande parlie dans un canal que nous appellerons veine paliéale transverse et qui abou- ut à la veine branchiale af/érente. Nous allons revenir d’ailleurs sur ce point à propos d'autres {ypes. Quant au fait que chez les Prosobranches élevés une grande partie du sang arrive avec la branchie sans avoir traversé le rein, c'est une conséquence forcée du grand développement qu'a pris la parlie antérieure du manteau et de la soudure com- plète de ce dernier avec le support branchial ; comme tout le manteau est formé d'un fissu lacuneux, il est clair que le sang va du rectum à la branchie par le trajet le plus court, sans revenir en arrière traverser le rein. Les modifications de celle sorte sont liées trop intimement aux varlalions des autres organes pour pouvoir servir par elles-mêmes de base de comparaison entre des groupes aussi ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, 24. —-— ART. N° 3. 370 FÉLIX BERNARD. éloignés que les Acéphales et les Gastéropodes. Au con- traire il est intéressant de voir combien elles se produisent graduellement dans l'intérieur de l’ordre des Prosobranches. Nous allons continuer celte étude en nous occupant mainte- nant du groupe des Trochidés et des Turbonidés. ce. Turbonidés. — Avec les Turbos commence la série des Diotocardes à une seule branchie (Azygobranches de Spen- gel). Nous avons insisté plusieurs fois sur les analogies his- tologiques qui unissent ces animaux à celle des Haliotidés ; nous avons maintenant à justifier ces vues en exposant et en expliquant les modifications que subit le manteau quand on passe d’une série à l’autre. On sait que chez les Trochidés et les Turbonidés, il existe une seule branchie, située à gauche et séparée du rectum par un large espace. Dans cel espace se trouve d’abord, près du rectum, le sac papillaire (papillar- gang de B. Haller), qui est l'équivalent morphologique du rein gauche (1). Cet organe, très pelit chez l’Haliotide, est bien plus développé chez le Trochus el surtout chez le Turbo, où il arrive jusqu’au milieu de la cavité palléale. A côté se trouve la glande à mucus, formée de replis longitu- dinaux irréguliers; elle n’occupe pas tout l’espace laissé libre; elle affecte la forme d’un losange dont la pointe anté- rieure serait voisine de l'anus et déborde un peu à droite du recium. Je ne puis dire si c’est la pelite portion de cette glande qui est ainsi comprise entre le reclum et le corps, que v. Jhe- ring qualifie de branchie rudimentaire; cette opinion ne serait appuyée sur aucun fondement sérieux, cependant il n'y a dans cette région aucun autre organe qui puisse justifier cette appellalion. Il est manifeste que les replis peu accen- tués et fortement mucipares que J'ai figurés à gauche du rectum (fig .83) sont de même nature que ceux que l'on voit à droite et qui représentent la glande à mucus. Si l’on compare le Turbo à l'Haliolide, on verra que la (4) Je n'ai pas à décrire ici l'irrigation de cet organe, qui vient d être étu- diée par M. R. Perrier. Voir Ann. sc. nat., T° série, t. VIII. 1 ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES, s | branchie unique du premier animal représente la branchie gauche du second; l'innervalion commune par le ganglion branchial gauche, dépendant du ganglion palléal droit, suffirait d’ailleurs à le démontrer. Mais une difficulté se présente quand on veut pousser plus loin la comparaison : comment se fait-il que, chez lPHaliotide chaque branchie soit en relation avec la glande à mucus par son côté afé- rent, tandis que chez les Turbo, elle est en relation par son Côté efférent, qui, on le sait, est libre et voisin de la fente palléale chez l'Haliotide? Ce renversement est facile à expliquer, et c’est précisément l'appareil circulatoire qui va nous permettre d’élucider ce point. En examinant le manteau d’un Turbo quelconque (7. rugosus, T. niger, T. princeps), on voit, même sans injection, un large vais- seau bien délimité, qui coupe transversalement la glande à mueus et que pour ce molif nous appellerons veine trans- verse (Vi). À droite (1) il passe devant l'ouverture du sac pa- pillaire et arrive sur le rectum, qu'il côtoie quelque temps en se dirigeant en arrière entre cet organe el le sac pa- pillaire, puis brusquement elle coupe Le rectum et semble pénétrer dans la paroi du corps. M. R. Perrier a montré que ce vaisseau n'est autre chose que le canal collecteur du sang du rein, formé par la réu- nion des vaisseaux des lobes postérieur et antérieur (ce der- nier lobe se trouve silué dans l’intérieur même du corps). A son extrémilé gauche, la veine transverse arrive presque à angle droit sur le bord de la branchie; là elle se divise brus- quement en deux parties siluées dans le prolongement l'une de l’autre : celle qui va en avant atteint bientôt la partie libre de la branchie et recoit alors un vaisseau qui vient de la partie antérieure du manteau et qui a côtoyé le tranchant de celle lame, qui réunit la branchie au manteau proprement dit. Cette veine transverse est l'équivalent morphologique du sinus basi-branchial de l Haliotide. Ce dernier canal, en effet, (1) A gauche, sur la figure. 12 FÉLIX BERNARD. élait, comme la veine (ransverse, silué immédiatement en avant du sac papillaire, à la face inférieure du rectum; il re- cevait le sang principalement du rein droit el se divisait en deux branches en arrivant à la branchie. La seule diffé- rence tient à la disparition de la branchie droite : ce qui se passail des deux côlés chezl'Haliotide se manifeste seulement à gauche dans le Turbo. Cela posé, remarquons que chez l'Haliotide, et même à un moindre degré chez la Fissurelle, le sinus basi-branchial n'est pas, à proprement parler, compris dans l'épaisseur du manteau : il forme une lame transversale qui réunit les deux bords afférents de la branchie en s’insérant en son mi- lieu sur la cheminée anale, et partage ainsi en deux étages le fond de la cavité palléale. Or, chez le Turbo, l'avortement de la branchie droite a eu pour conséquence la diminution de l’espace compris à droite entre le rectum et le corps; d'autre part, le canal papillaire s’'élant développé considérablement, le sinus compris dans la lame en question se lrouve refoulé en avant, et en même temps, le point de soudure de la lame elle-même avec le manteau est reporté à gauche du sac papillaire. Ce que nous apercevons en regardant la portion gauche du plafond de la cavilé palléale, ce n'est pas le manteau lui-même, mais une lame surajoutée au manteau, el unissant celui-ci au bord afférent de la branchie. Celte lame se termine un peu en ar- rière de la pointe de la branchie elle-même, de sorte que, dans sa portion antérieure, le vaisseau afférent est libre comme chez l'Haliotide. Quant à la glande à mucus du Turbo, elle ne correspond probablement pas d'une manière absolue à celle de l'Haliolide, car elle serait dans l’étage supérieur de la cavité palléale, c'est-à-dire dans ce cul-de-sac profond qui s'étend à gauche entre la branchie et le manteau proprement dit. Elle est donc par suite surajoutée. Nous savons avec quelle facilité celte région devient plus ou moins glandu- laire; d’ailleurs il est à remarquer qu'elle ne l’est pas chez les Trochidés et dans le Turbo niger. - ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 316 d. Stomatellidés. — L'examen de deux types de la famille si peu connue des Stomatellidés vient ajouter une preuve de plus à l'appui de cette manière de voir. Les Stomatelles sont des Prosobranches {rès exactement intermédiaires entre les Turbo et les Haliolides. Le Muséum possède une intéres- sante collection de coquilles de ce groupe où les transilions les plus graduelles sont ménagées. Dans quelques formes de Stomatella annulata la coquille est aplalie, le Lortillon est très réduit, el il y a même une carène à saillies représen- lant la ligne de trous de l'Haliotide. Dans d’autres formes la coquille devient turbinée, profonde, et la surface de sy- métrie disparaîl complètement. Il n’y a pas d’opereule. Le muscle columellaire présente des variations de grandeur du même ordre. Les organes palléaux sont particulièrement in- téressants. Ils sont assez voisins de ceux du Turbo. La bran- chie droite à disparu, mais la cavité palléale est réduite comme chez l'Hadiolide par suile du grand développement du muscle columellaire. La branchie est longue et bipecti- née et son support branchial n'est libre qu'à la pointe. La lame dont nous nous occupons est aussi étendue en avant, bien plus que l'Haliolide. Le ganglion branchial se voit sans dissection. Que devient la glande à mucus dans ces formes intéressantes? Chez la Gena nigra elle n'existe pas; le loil de la cavité palliale est très étroit, el le rectum est accolé à la branchie. Chez Stomatella annulata'au contraire, la cavité palléale s'élargit, mais le rectum reste voisin de la branchie. Il est très long et se recourbe de manière à limiter à droite et en avant un large espace : c’est là que se développent les feuillets mucipares. La glande à mucus est donc ici à droite de la branchie dont elle est séparée par le rectum. Cette si- tuation ne doit pas nous étonner. C’est une preuve à l'appui du fait que nous démontrons en ce moment, à savoir que les feuillets mucipares peuvent se développer en effet partout où existe un espace libre sur le plafond de la cavité palléale : la glande à mucus n'est pas en effet un organe distinel, ho- mologue à lui-même. — Quant à la veine transverse, elle se 374 FÉLIX BERNARD. voit facilement dans les deux types : elle est courte, part du rectum et va à la branchie qu’elle atteint vers son milieu. En arrière d'elle est le canal papillaire, très allongé comme chez les Turbonidées. e. Trochidés. — Le type auquel appartient le manteau des Trochus est très voisin de celui du Turbo, et les différences qui se manifestent entre les diverses espèces sont de même ordre que celles qu’on trouve entre les deux genres. Pourtant on reconnaitra toujours un Trochus à ce que la glande à mucus n'est pas délimitée, comme dans le Turbo : parfois même elle n’est pas différenciée en lant qu'organe glandulaire. — Examinons d’abord le Trochus Ziziphinus (fig. 82). Dans celte espèce, le canal papillaire est très allongé; l’on voit nettement la veine palléale transverse creuser un sillon dans l'épaisseur du rectum, au point où celui-ci disparait en ar- rière sous les deux reins qui sont disposés côte à côte. Après avoir côtoyé à gauche le canal papillaire, entre celui-ei et le rein droit, la veine, qui, nous le savons, sort de ce dernier organe, contourne la portion antérieure du sac papillaire, remonte un peu en avant le long du rectum, iraverse le manteau en faisant quelques sinuosités et débouche dans la veine afférente de la branchie qui est beaucoup plus grosse qu'elle-même. Sur son trajel elle est en relation, en avant el en arrière, avec plusieurs canaux disposés très oblique- ment et sur chacun desquels s’est développée une lamelle glandulaire. Celles de la partie antérieure atteignent le rec- Lum ; les autres parcourent l’espace quadrilatère limité par la branchie, le canal papillaire, la veine branchio-cardiaque et la veine transverse, ils sont repris par un vaisseau qui mène en définilive le sang à la branchie, sauf une petite portion qui évite cet organe et va directement à la veine branchiale efférente (fig. 82, Ve). La direclion des vaisseaux prouve que le sang de la portion antérieure arrive dans la veine {ransverse, landis qu'il part de celle-ci dans la portion poslérieure. Quant à la veine branchiale afférente, elle est peu développée en arrière, car la branchie ne s'étend pas ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 379 loin, malgré la grande distance du cœur. Il en résulle que la veine efférente (Ve) doit accomplir un ‘assez long trajet, avant d'atteindre l'oreillette. En somme, le manteau du T. Ziziphinus diffère peu de celui du Turbo : la glande à mucus à encore grossièrement la forme d’un losange, mais elle est mal délimitée. Chez le 7, cinerarius, nous ne trouvons plus de lamelles mucipares, ou du moins elles sont peu développées. La veine transverse se bifurque au milieu de son trajet; la branche postérieure, de beaucoup la plus courte, perd bientôt son individualité et se divise rapidement; la branche antérieure se confond avec la veine branchiale afférente. Dans le Wonodonta monodon (Mig. 81) la bifurcation se fait très près de l’orifice du sac papillaire. La branche anté- rieure est d’abord transversale, puis se réfléchit en avant en formant la veine branchiale afférente; dans celle-ci aboutis- sent une mullitude de vaisseaux transversaux qui ont tra- versé le manteau, même en avant de l'anus. Celle veine se confond en même temps avec la veine palléale antérieure, que nous avons vue distincte chez le Turbo, où elle côtovait le bord du support branchial. La branche postérieure se divise rapidement en canaux transversaux, du eôlé anté- rieur; ces canaux sont parallèles à d’autres qui sont issus de la veine branchiale afférente antérieure : et le tout, au mo- ment d'arriver à la branchie, se résout en un système anas- tomosé établissant la continuité d’une extrémité à l’autre de la branchie. Enfin dans le Trochus magus, n'y à pour ainsi dire plus de veine transverse : le coude que faisait celle-ci est redressé, et la branche antérieure de la veine rénale afférente, dès son passage sur le rectum, se tourne en avant et côloie cet organe pendant un assez long trajet ; la branche postérieure se rapproche beaucoup du canal papillaire, et, dès sa nais- sance, donne, toujours du côté antérieur el gauche, des ra- meaux transversaux aussi volumineux que ceux qui sont issus de la veine antérieure. Ici encore nous (trouvons un 316 FÉLIX BERNARD. réseau d’anastomose près de la branchie. Ajoutons que le sac papillaire est bien plus court que dans les Turbo ; et que c’est la portion moyenne de la branchie qui est la plus dé- veloppée. Pour passer aux Monotocardes, nous n'avons plus qu'un pas à faire. Nous savons, par les recherches de M. Perrier, que dans ces animaux il n'existe pas de canal papillaire : d'autre part, le lobe antérieur du rein des Trochidés à dis- paru graduellement, et c’est le lobe postérieur qui, en se: développant, devient le rein des Monotocardes, la veine rénale efférente pourra donc sortir tout au fond de la ea- vité palléale : C’est ce qui a lieu en effet. Les lacunes du rein aboutissent dans deux grandes lacunes efférentes qui suivent les deux côtés latéraux du rein et se réunissent à son angle antérieur pour arriver enfin au sinus branchial afférent. Nous avons ainsi, par le simple examen de quelques types et sans aucune hypothèse, établi des transitions graduelles entre l'appareil veineux palléal des Diotocardes et celui des Monotocardes inférieurs, et démontré qu’il n'existe entre ces deux types aucune différence essentielle relalivement au cours du sang dans les lacunes du manteau et des organes voi- sins. Ajoutons que chez les Trochidés, on trouve constam- ment, à droite du rectum, entre celui-ei et le corps, un sinus parfaitement net, communiquant en arrière avec les sinus abdominaux, et par le côté avec les lacunes du corps et du rectum, et par là avec celles de la glande à mucus, c'est par là que peut passer le sang qui ne traverse pas le rein pour arriver aux branchies. f. Néritidés. — Nous sommes obligés d'interrompre la série que nous sommes en train d'étudier et de renvoyer l’é- tude des Monotocardes après celle des Nérilidés, de manière à compléter ainsi l'examen des Diotocardes. J'ai injecté plusieurs Navicelles bien conservées provenant de la collec- tion du Muséum (fig. 84). Je rappelle que dans ces animaux le manteau présente un muscle en fer à cheval affectant la symé- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 17 trie bilatérale. Les viscères sont au contraire disposés dissy- métriquement, ets'étendent très avant vers la droite, de sorte que la cavité palléale présente une pointe très prononcée du côté gauche. Le manteau déborde fout autour du muscle columellaire et forme une colerette continue. En arrière de la cavité palléale existe une large poche transversale, isolant en arrière presque complètement le foie et l'estomac; elle a pour paroi postérieure une fine membrane qui limite en avant le foie et l'estomac (nous verrons plus loin quelle est sa signification), et pour paroi antérieure l'enveloppe du rein. L'intestin à sa sortie du cœur suit su rla face dorsale de l’ani- mal, cette poche dans Loule sa longueur etaboulit à une masse rectale extrêmement volumineuse, où existent diverses glandes dépendant probablement de l'appareil génital. Les injeclions poussées par la cavité générale ou aux environs de la ligne de soudure du muscle avec la collerette en question, mettent en évidence un appareil veineux peu différencié. Au milieu de la cavité palléale, vers la ligne médiane, existe un large sinus transversal V/, qui réunit la branchie à la masse recto-génitale. C’est le sinus afférent branchial. Il est en relalion avec le réseau lacunaire du rectum, dé- veloppé surtout du côlé gauche, avec une lacune abdomi- nale qui accompagne l'intestin dans son trajet dorsal et transversal el qui n’est pas visible sur la figure. Le sinus branchial reçoit, par un vaisseau Vr, le sang du rein qui de ce point se dirige en arrière et à gauche, mais sa branche la plus importante est un sinus abdominal bien indiqué qu'on aperçoit nellement à la face inférieure de la masse rectale qui est traversée par Jui en écharpe. Ce sinus aboulit au fond de la cavité palléale, à l'angle dé droite, et là rencontre en même temps le foie et le muscle en fer à cheval. On arrive ainsi à une lacune vaste et indistincte qui occupe toute la région viscérale, el que Je n'ai naturellement pas tenté de figurer. Ii existe cependant une veine {rès distincte qui contourne tout le nucléus, en se tenant à la partie superficielle et dorsale vers la gauche ; 318 FÉLIX BERNARD. passe contre le rein vers le fond de la cavité palléale, et aboutit à l'entrée droite du sinus rectal dont nous avons parlé. Quant au manteau lui-même, il ne possède pas de vaisseaux proprement dits; le sinus le mieux indiqué est celui qui court en dedans du muscle palléal gauche, tout à côté du vaisseau branchial efférent; 1l est en relalion en arrière avec les lacunes abdominales, et se résout, en avant du point d'attache de la branchie, en une multitude de la- cunes qui traversent le manteau, s'arrêtent à un demi-centi- mètre environ de son bord antérieur. Le sinus similaire du côlé droit s’injecte beaucoup moins facilement; c’est une la- cune mal déterminée. Il n’en existe pas moins un réseau acunaire à droite du manteau, mais 1l dépend de la branche antérieure du sinus branchial (Va). Il reste à indiquer en quoi consiste l'irrigation de la bran- chie. On sait que cet organe est bipectiné et relié au man- teau à droite et à gauche dans toute sa moitié postérieure. Le sang lui arrive par le large sinus transversal que nous avons signalé, et de là se distribue aux lamelles par deux vaisseaux bien endigués, l’un en avant, l'autre en arrière. I revient au cœur par une veine branchiale qui, même dans la partie soudée de la branchie, ne me semble pas commu- niquer avec le sinus qui lui est parallèle. Il est à remarquer que la veine afférente, aussi bien que la veine efférente, dé- bouche dans l'oreillette, qui n’est en somme qu'une vaste poche contenant à la fois les deux vaisseaux. Une parlie du sang peut donc aller au cœur sans être artérialisée. Le cœur muni de deux oreillettes est semblable à celui de la Néritine. L'oreillette droile est une fine languette déchi- quelée, reportée en arrière. Le ventricule est traversé par le rectum. | I n’y a rien dans cet animal qui puisse passer pour un vaisseau circumpalléal; les deux lames du manteau sont étroitement appliquées l’une sur l’autre, et le réseau lacu- naire est peu développé. Il ne se manifeste avec quelque régularité que dans le voisinage des deux sinus longitudi- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIIES. 379 naux déjà signalés, vers la gauche, en avant du point d'in- sertion de la branchie et vers la droile sous la cheminée anale. L'appareil veineux de la Neritina Owenti rappelle celui de la Navicelle, avec des modifications tenant à la disposition un peu différente des organes. lcien effet le muscle columellaire n’est pas en fer à cheval; d'autre part l'intestin, avant d'arriver au cœur forme une anse très développée qui va se loger sur la gauche entre la branchie et le cœur. L’inteslin retourne alors en arrière, tourne à angle droit, traverse le ventricule, et borde, comme chez la Navicelle Ta portion dorsale de la poche qui sépare le foie du rein. On voit ici nettement la nalure de la mem- brane qui forme le plancher postérieur de celte poche ; c’est simplement une sorte de péritoine qui enveloppe toute la parlie du tube digestif située en dehors de la cavité générale antérieure. Cette membrane lapisse l’anse antérieure ei- dessus signalée, se réfléchit en arrière autour du foie et de l’anse intestinale qu'il contient, el en avant autour de l’anse transversale qui traverse le cœur, els’accole alors à la mem- brane périrénale pour former le plafond de la cavité qui divise le corps en deux régions. Autour de l’anse transver- sale, cette lame conjonctive s'épaissit et loge une lacune sanguine. Le système veineux est encore bien plus dégradé que chez la Navicelle, nous ne trouvons guère comme espèce pouvant mériter le nom de sinus que la branche transversale unis- sant la branchie au rectum. Le sang s’amasse de préférence autour et en arrière de ce dernier ainsi que dans les environs de l’anse intestinale antérieure. Cette dégradation s’exagère encore dans la Neritina flu- vatilis : chez cel animal le manteau est presque entièrement parenchymateux ; est impossible de distinguer un autre canal que le sinus afférent branchial. En somme, dans l'appareil circulatoire palléal des Néri- 380 FÉLIX BERNARD. tidés, nous avons à remarquer surtout l'importance du sinus branchial afférent. Il est manifestement analogue à la veine basi-branchiale de l'Haliotide, comme on peut s’en con- vaincre en comparant les figures 80 et 84. Les veines rénales efférentes sont bien representées dans les deux cas. Mais ici une faible partie seulement du sang venant des lacunes abdominales traverse le rein ; le reste va directement du sinus abdominal à la branchie. Ce fait est intéressant en ce qu'il rapproche un peu les Néritidés des Monotocardes; il n’a rien qui doive nous surprendre, puisque la réduction extrême de l'oreillette droite est aussi un acheminement dans le même sens. $ 2. — Système veineux palléal des Monotocardes. a. Paludine. — 1 existe dans le manteau de la Palu- dine plusieurs grands sinus longitudinaux, très inégaux comme imporlance et comme différenciation. Citons tout d'abord un espace étroit assez mal endigué qui s'étend à gauche du rectum tout le long de cet organe (sinus rectal). À côté se trouve la région correspondant morphologique- ment à la glande à mucus; elle est très large (1 demi-centi- mètre chez les grands individus) et sillonnée de canaux trans- versaux ramifiés parfaitement visibles. Ces canaux mettent en communication le sinus précédent avec le vaisseau bran- chial afférent. En avant et en arrière, les canaux transver- saux deviennent plus nombreux, plus étroits, plus mal définis, et aboutissent au tissu parenchymateux qui remplit antérieurement et exltérieurement l'épaisseur du manteau dans toule sa largeur. Le vaisseau branchial afférent est parfaitement net: il est recouvert dans toute sa longueur, mais sur la moilié seu- lement de sa largeur, le bourrelet épithélial proéminent que j'ai décrit précédemment avec détail (voir HT partie, ch. im). De l’autre côté de la branchie, le vaisseau efférent n’est pas moins délimité. Le réservoir où aboutit la majeure partie du sang du tortillon se trouve comme d'habitude à ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES,. 381 la partie postérieure de la cavité palléale, vers la droite. Iei ce sinus du foie est situé au point de jonelion du rectum, du rein, du canal rénal eflérent el de lPoviducte chez la femelle. Il est bien endigué et donne naissance à plusieurs canaux qui se portent en avant. Le premier se trouve à droite, dans une simple lacune qui circule le long de la ligne de jonction du manteau jusqu'à la hauteur de l'anus; il est surtout bien développé chez la femelle. Chez le mâle, il existe encore, mais plus indislinct., Le second suit oblique- ment vers la gauche le contour antérieur du rein et récolte le sang de cet organe. Il est beaucoup mieux endigué, I est accompagné par de nombreuses ramifications du troi- sième canal, et va se perdre dans les lacunes de la glande à mucus et dans le vaisseau branchial afférent. Le troisième canal se voit sur toute la longueur du conduit rénal efférent. Ce n’est autre chose que l'artère rectale. Il envoie vers la droite des rameaux qui aboutissent en définitive à la lacune précédente, el vers la gauche d’autres branches plus impor- tantes qui se portent transversalement el se ramifient à leur tour sur toule la surface du rectum. Les artérioles qui se lrouvent sur la paroi séparant le dernier organe du conduit efférent du rein vont s'unir sur la face dorsale du manteau avec les ramuscules provenant du sinus génital. Le canal rénal efférent est ainsi entouré de loules parts d'un réseau vasculaire parfaitement net. A leur tour, les canalicules qui ont continué leur trajet sur la face ventrale du rectum s’anastomosent avec ceux qui constituent le réseau de la glande à mucus. On remarque, si l'injection à élé poussée un peu fort, que l'ensemble du manteau se colore d’une teinte uniforme qui cependant ne masque pas la présence de véritables conduits. C'est que l’ensemble du parenchyme est creusé de nom- breuses lacunes qui communiquent entre elles et avec Loutes les parties du système de sinus et de vaisseaux. Ces lacunes sont particulièrement développées dans Ja région de la glande à mucus, et les canaux de cet organe s'ouvrent large- 382 FELIX BERNARD. ment dans le parenchyme. Des communications analogues sont établies entre le sinus rectal, le système artériel du rectum, de l’uretère et le système lacunaire qui contourne le rectum, entre le sinus marginal de droite et le corps, et aussi entre le corps et la veine branchiale efférente. On voit en résumé que la Paludine nous montre à la fois, suivant les régions considérées, tous les degrés de différen- cialion du système veineux : sinus bien endigués, réseau lacunaire et tissu spongieux. Observons en outre qu'il n'existe pas de veine cireumpalléale. b. Liltorinidés. — L'appareil veineux palléal de la Lilto- rine et de la Bithynie ne présentent qu'un fail intéressant, c'est la disparition de ces grands sinus longitudinaux qui s'étendent le long de la branchie et du rectum dans les Lypes précédemment étudiés : /e sang arrive au rein par de gros paisseaux qui partent du rectum, au même point où arrivent les sinus abdominaux ; il en sort par deux canaux parallèles, suivant la glande hématique, et de là vont à l'oreillette. La plus grande partie du sang du rein évile ainsi le trajet de la glande à mucus et de la branchie. Inversement une grande porlion du sang du sinus abdominal évite à son tour le trajet du rein. Arrivés sur le rectum, les sinus abdomi- naux se résolvent en une multilude de lacunes formant un réseau compliqué dans tout le manteau jusqu'à sa partie antérieure; c'est de ce réseau que partent directement les lacunes des feuillets branchiaux, sans l'intermédiaire d’une veine afférente. L'examen microscopique de ces espaces, fait après une injection à la gélatine, montre qu'ils sont très élendus, largement anastomosés, et circonserits par des îlots de cellules plasmatiques qui ne sont guère volumineux que vers le bord antérieur : de sorle que le manteau des Litto- rinidés peut contenir une masse de sang très considérable. c. Monotocardes pourvus de poumons. — Deux genres de Monotocardes sont dépourvus de branchie et peuvent respirer l'air en nalure : ce sont le Cyclostome et le Cyclophore. I faudrait ajouter l'Ampullaire, qui, on le sait, possède une 2 be d nd CS ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 3893 branchie el un poumon. L'organe qu'on appelle quelquefois poumons, dans les deux types dont je m'occupeici, est diffici- lement comparable au poumon des Pulmonés proprement dits, qui est clos en avant et communique avec l'extérieur par un simple orifice (pneumostome)., On sait que Jhering considère ce sac comme une simple dilatation du conduit excréleur du rein. M. Garnaull a décrit récemment avec une grande exacti- tude la cireulalion palléale du Cyclostome ; il retrouve à sa place ordinaire la branchie rudimentaire déjà connue par Moquin-Tandon. Le sang arrive au manteau par deux voies : les unes viennent du rein else réunissent dans une veine qui contourne cet organe et débouche dans l'oreillette au même point qu'un autre vaisseau : ce dernier recueille le sang qui a cireulé dans le réseau du manteau et arrive des lacunes du rectum. Rien n'est plus simple, on le voit, que cet appareil. Le manteau du Cyclophore est irrigué d'une manière toute différente. On aperçoit à sa surface de gros canaux, au nombre de cinq ou six, communiquant entre eux par des branches plus petiles; ce sont là de véritables vaisseaux et non plus des facunes comme dans le cas précédent : on peut en effet les isoler par la simple dissection. Ces canaux, plus ou moins parallèles au bord du manteau, aboulissent à une masse spongieuse très volumineuse, qui occupe toute la région postérieure et une partie du bord gauche de la cavité palléale. Ce n'est autre chose que le rein qui déborde même sur le péricarde et le recouvre presque complèlement. En ouvrant le péricarde pour mettre le cœur à nu, on s'aperçoit qu'un seul des vaisseaux palléaux aboutit à l’oreillelte : ce n'est même pas le plus volumineux ni celui qui est le plus voisin du bord du manteau : celui-ci passe en effet entre le cœur et le muscle d'attache du manteau, el pénètre dans la parlie débordante du rein, tandis que les quatre ou cinq vaisseaux restants se rendent à la masse principale du rein sur son bord droit. Le sang qui a traversé le rein se rend donc au poumon par ccs voies multiples et arrive au cœur 384 FÉLIX BERNARD. par un unique vaisseau qui à première vue ne se différencie pas des précédents : c'est le second à partir du bord anté- rieur du manteau. La masse du sang qui va directement du rectum au poumon ne paraît pas considérable, car entre ces deux organes s'étend jusqu’à l'anus une bandeletle spon- gieuse, dans laquelle on voit avec difficulté une lumière centrale et qui se rattache en arrière au rein, dont elle pa- raîl êlre le canal excréteur. Il est donc probable que la plus grande parlie du sang qui va respirer dans le poumon, a traversé le rein qui s’élend comme une barrière entre eel organe et les sinus abdominaux. Celle disposition différencie profondément le Cyclophore des Cyclostomes et le rattache plutôt aux Diotocardes. Il est du reste remarquable que par l'étude du système nerveux M. Bouvier est arrivé à une conclusion analogue. Tandis que le système nerveux du Cyclostome est nettement un système nerveux du Ténio- glosse bien différencié, avec ses ganglions parfaitement sépa- rés, celui du Cyclophore rapproche bien plus cet animal des Diotocardes que des Monotocardes, la Paludine exceptée : « Les Cyclophoridés sont les Prosobranches dont le sys- ième nerveux est le plus voisin de celui des Rhipidoglosses chiasteneures : il n’en diffère que par des détails extrême- ment faibles... Aussi les affinités des Cyclophoridés avec les Turbonidés ou les Trochidés s’affirment avec la plus grande nelteté. » Il subsiste encore cependant, il faut l'avouer, des différences capitales : le cœur n’a qu'une oreillette et n’est pas traversé par le rectum, el rien ne rappelle la présence d’une veine transverse que nous avons vue si constante chez les Diolocardes. Ces deux faits sont peut-être une simple conséquence de la disparition de la branchie; en tout cas, ils sont liés intimement. d. Semi-proboscidifères. — Le système veineux palléal de de la Natice est au contraire très difflérencié. Il présente plusieurs traits de ressemblance avec les Diotocardes et notamment avec certains Trochidés. Comme d'habitude, il existe une vaste poche au commen- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 389 cement du tortillon, débordant d'une part en arrière sur le foie et en avant sur lé rectum. Les lacunes abdominales qui y aboutissent sont relativement bien endiguées et quelques- unes sont des sinus assez nels et régulièrement ramifiés. Le sinus {ransversal qui réunit le sinus abdominal antérieur à la cavité générale est large et peu délimité, de même que le sinus marginal droit qui s’injecte bien surtout chez les femelles. Les autres canaux sont de véritables veines et leurs ramifications conservent encore le caractère de vais- SCAUX. L'artère rectale qui se trouve assez profondément enfouie entre le rectum et le conduit génilal chez la femelle envoie vers la gauche des rameaux disposés par paires à des dis- lances régulières. [ls se portent tous vers la gauche et pas- sent les uns au-dessus, les autres au-dessous du rectum de manière à envelopper presque complètement cet organe. Du côté opposé, l'artère rectale ne fournit pas de branche. Elle ne s'ouvre pas dans le; parenchyme spongieux envi- ronnant qui s'injecte difficilement et dépend du système du sinus marginal droit. Les artérioles se divisent sur le rectum, perdent le caractère vasculaire el cessent d’être isolables avant d'atteindre le bord gauche de cet organe. L’artère elle-même se perd en atteignant la cheminée anale. Les connexions vasculaires entre le sinus abdominal anté- rieur et la veine branchiale afférente ne sont pas moins nettes. Elles se font par deux veines transverses qui prennent naissance au même niveau el qu'on voit l’une sur la face ventrale, l’autre sur la face dorsale. Elles contournent toutes deux le rectum, côtoient le bord antérieur du rein, se réunis- sent juste à l’angle gauche de ce dernier et aboutissent par un large trou commun dans la veine palléale afférente vers le milieu de sa longueur. Elles reçoivent le sang du rein par des vaisseaux nettement délimités. Les canaux sanguins de la glande à mueus sont de simples lacunes ramifiées el mal délimilées surtout dans la région postérieure un peu en arrière du niveau de la cheminée anale : ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, 29. — ART. N° 3. 286 FÉLIX BERNARD. on voit cependant ces lacunes se régulariser un peu; les branches principales s'unissent plus où moins obliquement pour donner naissance à un sinus qui court obliquement sur la face dorsale, croise la cheminée anale et vient se con- fondre, près des parois du corps, avec le sinus marginal droit. En avant de celle région la veine branchiale perd de plus en plus son caractère vasculaire, et, par un large réseau peu distinct va s'anastomoser avec le système de la veine cercumpalléale. Celle-ci est le vaisseau le plus facile à injecteret à observer de tout le système. On la voit soriüir de la paroi du corps, sur la gauche, par deux racines dont la postérieure est la plus importante. Celle-ci donne en arrière de pelits rameaux dirigés vers l’organe olfactif et une branche plus importante et absolument constante dont les dernières ramifications atteignent la pointe antérieure de la branchie. Dès l'union des deux racines la veine palléale n’est plus un canal unique, mais tout le long du bord du manteau serpente un lacis vas- culaire formé par l’anastomose de deux ou trois gros troncs gardant chacun l'aspect vasculaire. Des branches sont envoyées à angle droit en avant et en arrière. Les dernières aboutissent après un trajet relativement long au réseau lacu- naire dépendant de la veine branchiale. À gauche le réseau vasculaire présente des mailles de plus en plus serrées et irrégulières , les canaux sont plus étroits et plus sinueux. Le tout aboutit tout à fait sur la droite au réseau de lacunes des parois du corps et du sinus marginal droit. À gauche de la branchie, les communications lacunaires entre le corps etle vaisseau efférent me semblentextrèmement difficiles et il n°y a pas lieu d'admettre l'existence d’un sinus marginal droit différencié. En coupe on observe facilement que toute cette région est caractérisée par le tissu conjonctif formé de cellules vésiculaires; ce tissu ne présente pas d'interstices sanguins autres que celui qui entoure le nerf olfactif très volumineux dans le cas actuel, celui qui s'étend le long du nerf central de l'organe olfaclif, et ceux qui établissent la communica- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 387 lion entre le précédent et le vaisseau branchial efférent. e. Proboscidifères Siphonostomes. — Dans ce groupe j'ai étudié la Cassidaire el la Ranelle. Le système veineux pal- léal de ces deux types est du reste absolument semblable. De chaque côlé du rectum se trouve un large sinus qui n'est bien évidemment qu'un espace laissé libre entre les deux lames du manteau et le rectum ; ces deux sinus sont irréguliers, anfractueux el mal limités par du tissu con- Joncüif spongieux. Du fond de celui de droite on aperçoit l'artère rectale. En avant le sinus de droite est bien mieux indiqué en avant qu'en arrière, el il offre alors les caractères d’un sinus bien limité, tandis qu'en arrière il s'aplalit et sa cavité s'emplit d'un tissu lâche el spongieux. Les canaux de la glande à mucus, qu'il existe des lamelles (Ranelle) ou sim- plement des replis peu prononcés (Cassidaire), ont une lumitre lout à fait libre et forment un réseau bien limité en avant el en arrière par les lignes transversales à partir desquelles l’é- pithélium devient plus faiblement mucipare : dans ces deux régions (antérieure el postérieure) se trouve un tissu très ferme à lacunes irrégulières : les fibres musculaires y sont abondantes. Les veines branchiales afférentes el elfé- rentes sont très larges, el 1l existe de plus un sinus marginal gauche au point de soudure du manteau et du corps. Il n'existe pas de veine circumpalléale ; mais chez la Ranelle on trouve un sinus qui sort du corps près du siphon et se dirige vers le bord du manteau ; il se termine après un court trajet. {. Rachiglosses. — Ce groupe ne présente rien de parlicu- lièrement intéressant ; chez les Murex, Buccinum, Purpura, on trouve, plus ou moins développés, les sinus longitudi- naux que nous venons d'énumérer. Notons seulement que, lorsque la glande à mucus est dépourvue de feuillet, ce qui est le cas de la Purpura, la veine branchiale aïférente est située assez loin de la branchie et communique avec celle-ci par un système de canalicules parallèles. : 388 FÉLIX BERNARD. S3. — Résumé. Le point le plus important mis en lumière par cette étude est relalif aux transilions entre les Diotocardes et les Mono- tocardes. Chez la Fissurelle le sang veineux qui a traversé le rein tombe dans un sinus basi-branchial, situé à la base des deux branchies au-dessous du rectum : ce sinus s’élargit chez l'Haliotide el passe un peu en avant de manière à former une lame qui partage en deux étages le fond de la cavité pal- léale ; une petite portion de chacune des branchies reste en arrière de ce sinus, qui continue à recevoir le sang du rein. Chez les Turbonidés et les Stomatellidés la lame en question avance encore bien davantage et rattache à la portion droite du manteau plus des deux tiers de la branchie. Le sinus basi- branchial devient alors une veine fransverse qui fait encore suite à la veine efférente du rein et se divise en deux bran- ches, l’une élant dirigée en avant et l’autre en arrière. Chez les Trochidés on assiste à une transformation graduelle en vertu de laquelle la veine transverse prend une direction longitudinale, et devient la veine afférente branchiale elle- même; des branches nombreuses et importantes partent à droite de cette veine dans la direction de la branchie. On arrive ainsi aux Monotocardes où la veine en question recoit non plus seulement le sang du rein, mais aussi celui des lacunes abdominales ; elle se rapproche généralement de la branchie, dont elle est encore séparée cependant par un espace notable dans quelques types (Purpura, elc.). En même temps le long du rectum d’un côté ou de l’autre, et le long du bord gauche du manteau, apparaissent encore par- fois de nouveaux sinus, qui ne sont pas tout à fait constants. Tous ces résultats peuvent être condensés dans une for- mule, déjà énoncée par M. Rémy Perrier et qui résume les relations du manteau avec les autres organes au point de la circulation veineuse. Le sang arrivant de la masse du corps ou des viscères abdominaux, traverse toujours le rein dans les Diolocardes inférieurs ; à mesure que l’on s'élève dans ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 389 la série, une partie de la masse sanguine tend à s'affranchir de ce trajet, el passe plus directement des lacunes dans la branchie par l'intermédiaire des sinus du rectum et de la glande à mucus. Conclusions générales. Les résumés que j'ai donnés à la fin de chaque chapitre me dispensent de revenir ici sur ce qui concerne la structure de chacun des organes palléaux dans les divers groupes de Prosobranches. Ce dernier chapitre sera donc simplement consacré aux résultats généraux que l’on peut déduire de Loute cette étude ; il comprendra deux parties : 1° Comparaison des divers organes palléaux entre eux, loute la série des Prosobranches élant considérée dans son ensemble ; 2° Application des organes palléaux à la phylogénie : leur importance comme base de classification; transitions qui existent entre les divers types d’un même organe. $ 1. — Comparaison histologique des divers organes palléaux. À travers les variations nombreuses que présentent les organes palléaux dans les divers types, nous avons pu cepen- dant, en comparant entre eux les tissus qui composent un même organe, démontrer que non seulement les organes homologues sont composés des mêmes éléments quelle que soit leur différenciation morphologique, mais aussi que d’une manière générale ces éléments appartenaient partout aux mêmes types, quels que soient les organes considérés. Pré- cisons cet énoncé par quelques exemples. Les éléments épithéliaux appartiennent à trois types : la cellule sécrétrice, la cellule indifférente (qui est généralement ciliée chez les Prosobranches), la cellule sensorielle. Les éléments conjonctifs se ramènent à quatre formes : les 390 FÉLIX BERNARD. cellules multipolaires, les cellules plasmaliques, les cellules endothéliales et les cellules-fibres très allongées. Les éléments nerveux ne diffèrent pas des deux formes décrites pour les autres organes par une foule d'auteurs : H ya des cellules ganglionnaires, c’est-à-dire multipolaires, présentant parfois quelques prolongements bien plus impor- tants que les autres, et des faisceaux nerveux à noyau propre, Ce résultat présente un intérêl spécial parce qu'il s'applique aux réseaux nerveux qui se trouvent dans l'épaisseur de l'épithélium et qui étaient jusqu'ici mal connus. Les éléments musculaires sont très fréquemment ramifiés: ils forment de longues bandelettes ou bien des trabécules courtes, à prolongements multiples, reliant deux lames con- jonctives voisines. Tous ces éléments se rencontrent pour la plupart, en tous les points du manteau, dans chacun des organes palléaux, quel que soit leur degré de différencialion : ce qui produit la différenciation d'un organe, sa spécialisation fonctionnelle, c'est l'accumulation de certains éléments de chacune des catégories. Ceci n’est pas une simple vue de l'esprit; ce n’est pas non plus une vérité évidente : c’est un résultat qui n’a de valeur que comme résumé d'observations positives que nous allons rappeler brièvement. 1° Les trois variétés de cellules épithéliales existent norma- lement surle manteau; mais, dans la région comprise entre le rectum et la branchie, les cellules glandulaires sont sou- vent bien plus abondantes que partout ailleurs, et la région devient spécialement sécrétrice. Une simple modification de lépithélium amène la transformation de cette même ré- cion en glande à mucus. Cette accumulation d'éléments clandulaires est corrélalive de la formation de replis aug- mentant la surface sécrétante, et la glande arrive à se loca- liser, à se délimiter nettement dans les types supérieurs. 2° La branchie, on le sait depuis longtemps, n’est qu’une suite de replis formés par la lame interne du manteau. Nous ajouterons que dans l'intérieur des ces replis existe un sys- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 20 ème de fibres musculaires pouvant rapprocher ou écarter les deux lames et diminuer où augmenter ainsi les espaces san- guins : celle disposition se retrouve dans tous les organes en lamelles, aptes à la fonction respiraloire. Au maximum de différenciation, les diverses régions d'un même feuillet sont, par suite de Ja localisation des divers éléments épithéliaux, soit sécrétices (bord afférent), soit sensorielles (bord efférent), soit simplement respiratoires : c'est évidemment cette der- nière fonclion qui domine. 3° Nous avons assisté à la formalion graduelle d'un nouvel organe (organe de Spengel) dont les fonctions sont manifes- tement sensorielles. Il est dû à l'accumulation des cellules neuro-épithéliales sur un nerf, soit issu du ganglion bran- chial (Diotocardes), soit aboutissant à celui-ci (Néritidés, Valvée, Teclure) et persistant après la disparition de ce gan- glion. Les éléments en question ne sont pas différents de ceux qu'on {frouve dans les autres organes palléaux, si bien qu'à mon avis, l'organe en question ne parait remplir qu'un rôle de sensibilité générale; mais, au maximum de différen- clation l'abondance extrème des éléments nerveux et neuro- épithéliaux, l'apparition de cellules pigmentées, la locali- sation des groupes d'éléments prouvent que la sensibilité s'accroil, mais non pas forcément qu'elle se définit comme sensibilité tactile ou olfactive. Comparés aux résultats acquis relativement aux lissus des Pulmonés, des Opisthobranches et des Acéphales, les obser- valions que j'ai pu faire montrent certains points de con- cordance remarquable les cellules neuro-épithéliales, caliciformes (sécrelrices épidermiques), conjonelives , ramènent sensiblement aux mêmes types dans tous les cas, Par contre, les cellules glandulaires dermiques manquent dans le manteau des Prosobranches. Nous avons vu qu'elles existent dans le pied de ces mêmes animaux. se 3992 FÉLIX BERNARD. $S 2. — Applications à la classification. «Les classificalions n'existent que dans notre esprit, » écrivait en 1887 M. Wegmann dans son travail sur la Patelle. Si j'admettais cette opinion, je me dispenserais certainement d'examiner quelle importance peuvent avoir les organes palléaux pour la classification des Gastéropodes; j'éviterais ainsi de m’exposer aux reproches adressés quelquefois aux zoologistes qui terminent un lravail d'anatomie comparée par un essai de classification nouvelle. Mais, à mon avis, les classifications qui ne sont que des vues de l’esprit ne sont pas des classifications, ce sont des systèmes. Il n’est même pas besoin d’être partisan de la doctrine transformiste pour estimer qu'il existe dans la série animale des êtres ayant des affinités réelles, absolument indépen- dantes du zoologiste qui les examine, dont le rôle consiste simplement à débrouiller ces affinités. Or ce n’est pas au moyen d'un seul organe si important qu'il puisse être, que nous arriverons à ce résultat : la méthode naturelle date de près de cent ans; et il est encore nécessaire aujourd'hui de la définir puisqu'elle ne semble pas universellement adoptée. Nous ne saurions donc trop insister sur ce que la elassifica- tion d’un groupe doit être appuyée sur une connaissance complèle de l’organisation et de l’embryogénie des princi- paux types de ce groupe; si l’on s’en tient, pour délerminer lesgrandes coupures à l'examen d’un seulsysième, on s'expose à rapprocher des formes qui diffèrent par tous les autres caractères : le système nerveux ne fait même pas exception à cel égard. Je ne trouve cependant en aucune facon regrettable que les zoologistes qui se sont occupés spécialement d’un système nous indiquent à quel résultat on arriverait si l’on classait les animaux d’après les variations de ce système : mais à une condition, c’est que cette classification sera toute pro- visoire, et servira seulement d’élément de discussion au mo- ment où on tentera définitivement d'établir les affinités natu- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 393 relles. D'autre part, un essai où il serait Lenu compte de tous les résultats déjà acquis, et où s’ajouterail la connais- sance d’un organe nouveau, me paraitrait avoir réalisé un progrès sérieux et mériter une attention spéciale. n ce qui concerne les organes palléaux, j'ai cherché à me tenir à l'abri de tout reproche de ce genre. D'une part en effet, la branchie à déjà servi plusieurs fois de base de classification pour l'établissement de groupes importants (Cuvier, Spengel, Fischer, Bouvier). D'autre part, M. de Lacaze-Duthiers à émis plusieurs fois l'opinion que la fausse branchie pouvait peut-être rendre le même service. C'est donc en toute sécurité que nous pouvons tirer de la partie descriplive de ce travail des conclusions taxonomiques et déterminer jusqu'à quel point les variations de la branchie et la fausse branchie permettent de rapprocher des Lypes dont les affinités sont encore douteuses. 1° La distinction des branchies bipectinées el monopec- linées à une importance capitale, parce qu’elle concorde manifestement avec les principaux caractères tirés desautres organes (1). En d’autres termes les groupes des À spidobran- ches et des Pectinibranches concordent avec ceux des Dioto- cardes et des Monotocardes. 1 y à cependant quelques excep- sions. La Valvée a une branchie bipectinée, la plupart des caractères la rapprochent cependant des Ténioglosses. Chez les Patellidés, la branchie de la Tecture, comme le système nerveux dans son ensemble, nous conduiraient à maintenir ces animaux parmi les Diotocardes : le cœur et le rein nous les en feraient séparer ; en somme il y a encore doute. 2° Parmi les Diotocardes, en laissant à part le Patellidés ou Docoglosses, nous avons à considérer quatre sections : 1° Fissurellidés; 2° Trochidés, Turbonidés, Phasianellidés : 3° Haliotidés ; 4° Néritidés. Je ne crois pas que le groupement (1) Je ne résume pas ici ces caractères qui ont déjà été présentés à diverses reprises dans les Annales depuis moins de deux ans. Voir les tra- vaux de M. Bouvier et de M. R. Perrier, 394 FÉLIX BERNARD. en Zygobranches el Azygobranches proposé par Spengel et accepté par Bouvier soit satisfaisant. Tout d'abord, la der- nière famille est tout à fait aberrante el ne saurait être rap- prochée des Trochidés par le seul fait qu’on n’y trouve qu'une seule branchie, il faudrait alors mettre dans le même groupe les Tectures, et les séparer des Patelles. Les Fissurelles ont aussi une organisation loute spéciale, qui les place tout à fait à la base de la série. Au contraire les Haliotidés et les Trochidés sont sensiblement au même degré de différenciation, leurs organes ont l’analogie la plus profonde; B. Haller, R. Perrier et Bouvier lui-même ont déjà insisté avec détail sur ce fait. Les Stomatelles, comme nous l'avons vu, font manifestement la transilion. La seule différence consiste dans l'avortement d’une branchie et du ganglion correspondant chez les Trochidés; ce fait réalisé, loutes les autres modifications se déduisent d’elles-mêmes. Dans le cas présent je crois donc devoir m'élever contre l'usage qui a été fait à tort du nombre des branchies comme base de classification. Si l’on veut cependant se servir de cet organe non plus en examinant s’il est unique ou pair, mais en observant son degré de différenciation, on arrive au même résultat que nous venons d’énoncer. La classification que je propose d'adopter comme la plus naturelle est donc celle à laquelle l'étude du rein à déjà conduit M. R. Perrier. A. Scutibranches = Diolocardes — Aspidobranches = Rhipidoglosses. 1. Fissurellidés (Homonéphridés). 2. Trochidés, Turbonidés, Haliotidés, ete. (Héléronéphri- dés). 3. Néritidés (Mononéphridés = Orthoneuroïdes). B. Cyclobranches — Hétérocardes — Docoglosses. Patellidés, Tecturidés, Lepétidés. 3° Pour passer des organes palléaux des Diotocardes à ceux des Monotocardes, il est naturel de supposer qu'il s’est produit une coalescence du manteau avec la lame qui chez les Trochidés prolonge le support branchial du côté du rectum : ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIIES. 395 les raisons qui me font admettre cette hypothèse sont tirées de l'appareil cireulaloire et de l'organe de Spengel : par suite de cette soudure, les feuillets de la face supérieure de la branchie disparaissent et l'on a une branchie bipectinée : l'hypothèse ancienne qui consiste à envisager la branchie bipectinée comme formée de la soudure de deux branchies monopectinées symétriques, ne repose sur aucune observa- lion sérieuse. Celle de Cuvier, d'Jhering, etc., qui consi- dèrent l'organe de Spengel des Monolocardes comme une des branchies de l'Haliotide réduite à un état plus ou moins rudimentaire, est démentie définitivement par l'examen histologique de cet organe, qui démontre bien sa nature sensorielle. L’anatomie comparée nous montre d’abord qu'il se différencie à mesure qu'on s'éloigne des types inférieurs. 4° Dans l'intérieur du groupe des Monotocardes la bran- chie ne subit que des différences insignifiantes. La fausse branchie au contraire varie considérablement. Ses divers degrés de complication ont été déjà utilisés par M. Bouvier dans son essai de classification naturelle: ils concordent sensiblement avec les caractères firés de la partie antérieure du tube digestif, du système nerveux et de la radula. La fausse branchie est filiforme chez les Rostrifères et les Pro- boscidifères Holostomes. Cependant des feuillets commen- cèrent à apparaître dans divers types des familles des Strom- bidés et des Cérithidés ; elle est bipectinée, el encore réduite chez les semi-Proboscidifères, bipectinée et très développée chez les Proboscidifères Siphonostomes, les Toxiglosses et les Rachiglosses. Je n'ai donc rien à changer à la classifica- tion adoptée par mes devanciers. J'ajouterai que chez la Pa- ludine existent des invaginalions rappelant celle de Forgane de Lacaze-Duthiers et constituées de même. On peut diffé- rencier les Ténioglosses et les Rachiglosses par l'examen des feuillets de la fausse branchie : chez les premiers existe une localisation des aires nerveuses et sanguines qui n'existe pas dans les derniers. [n’y a d'exception que pour quelques types déjà aberrants à bien d’autres égards (Cyprée, Toxi- 396 FÉLIX BERNARD. glosses). Enfin les Naticidés me semblent faire nettement la lransilion entre les Rostrifères et les Proboscidifères. Ainsi s'affirme l’homogénité du groupe des/Biotocardes. Telles sont les considérations taxonomiques que j'ai cru pouvoir déduire de l’ensemble de ces recherches. Qu'il me soit permis en terminant d'appeler l'attention sur les vues que j'ai exposées plus haut relativement au rôle des types aberrants comme forme de passage. J'ai cherché avant tout à ramener nos connaissances sur les organes palléaux, dont l'importance est reconnue depuis longtemps, au degré où elles étaient parvenues sur les autres organes du même groupe, et surtout des groupes voisins. Si j'ai réussi à trouver au point de vue histologique quelques faits nouveaux qui pourront facilement être généralisés, J'ai cru pouvoir laisser à côté quelques questions qui me sem- blent être spécialement du domaine de l’embryogénie. En un mot, ces recherches n’ont d'autre objet que d'ajouter un chapitre à l'histoire si compliquée et si délicate d’un des groupes les plus étendus et les plus intéressants du règne animal, EXPLICATION DES PLANCHES LETTRES COMMUNES A TOUTES LES FIGURES N.-B. — Les numéros indiquant les figures sont toujours placés en bas et à la droite de la figure à laquelle ils se rapportent, Br. Lamelles branchiales. (dans les feuillets de l'organe E. Epithélium. de Spengel). EF. Feuillet de l'organe de Spengel. |e. Bord externe. G. Ganglion. ji. Bord inférieur, GM. Glande à mucus. L. Bord latéral (externe). I. Intestin. s. Bord supérieur. L. Substance ponctuée de Leydig. fn. Fibre musculaire. M. Couche musculaire. g. Cellule glandulaire (ou caliciforme). N. Nerf. Im. Cellule nerveuse multipolaire. Ra. Réseau nerveux inter-épithélial. ‘ne. Cellule neuro-épithéliale. S. Sinus sanguin. np. Nerf principal. 5. Organe de Spengel. ns. Branches secondaires du nerf. a. Cellule nerveuse bipolaire. r. Rameaux qui traversent la mem- b. Noyau propre du nerf. brane. ee. Cellule ciliée. t. Tète de la cellule neuro-épithéliale. eq. Cellule pigmentée. | tt. Trabécules transversales. cp. Cellule plasmatique. |. Globules sanguins. er. Crête de la membrane de soutien ! PLANCHE VI ORGANE DE SPENGEL DE LA CASSIDAIRE. Fig. {. — Vue extérieure de l'organe de Spengel (fausse branchie bipec- tinée. Fig. 2. — Schéma d'un feuillet (la première des branches secondaires n’a pas été figurée). — mun, fibres musculaires marginales. — z, espace san- guins. Fig. 3. — Coupe légèrement oblique de l'organe olfactif, faite suivant la ligne AB de la figure 1. A gauche, elle intéresse un des feuillets; à droite, elle passe dans l'intervalle de deux feuillets consécutifs. — V, sinus sous- jacent au ganglion. — c, amas ganglionaires. — /, faisceaux de fibrilles longitudinales. — y, face inférieure du ganglion. Fig. 4. — Coupe transversale d'un feuillet, faite perpendiculairement à l’une des ramifications secondaires ns. Fig. 5. — L'une des grandes ramifications du nerf secondaire, ns, dans sa partie proximale (dissociation au ruthénium). Fig. 6. — Terminaisons nerveuses (dissociation au ruthénium). 398 FELIX BERNARD. Fix. 7. — Cellules neuro-épithéliales isolées (les deux formes extrèmes). Fig. 8. — Terminaisons nerveuses (imprégnation au chlorure d’or, coupe). Fig. 9. — Cellules pigmentées, Fig. 10. — Cellules ciliées de l'épithélium de la surface du ganglion, en y (fig. 3). Fig. 11. — Fibres musculaires marginales (mm) et longitudinales (ml). Fig, 12, — Un des éléments contractiles transverses avec sa gaine conjonc- tive (voir aussi les éléments analogues dans la branchie, si X). Fig. 13. — Éléments éloilés du tissu conjonc tif. Toutes les figures de 3 à 13 inclus ont été dessinées aussi exactement que possible à la chambre claire. PLANCHE VII ORGANE DE SPENGEL DES DIOTOCARDES ET DES MONOTOCARDES. NA. Nerf du bord afférent. NE. Nerf du bord efférent (fausse branchie de Bouvier ou nerf respira- teur externe de Lacaze-Duthiers). NI. Nerf respirateur interne de Lacaze-Duthiers. Br. Lamelles branchiales. r. Réseau nerveux inter-épithélal. ep. Épaississement principal de la membrane de soutien. VE. Vaisseau branchial efférent. Fig. 4%. — Coupe du support branchial de lHuliotis. Fig. 45. — Coupe du support branchial de la Fissurella costuriu. Fig. 16. — Schéma du support branchial de l'Haliotis avec l'organe de Spengel. Fig. 17. — Coupe de l'organe de Spengel au niveau AB de la figure 16. On y voit l’épithélium renflé en un bourrelet nettement limité, ‘et un gros faisceau nerveux # traversant la membrane de soutien. Fig. 48. — Coupe suivant CD. L'organe olfactif est passé sur le tranchant du support branchial. Les filets allant à l’épithélium sont moins volumi- neux. Réseau nerveux inter-épithélial. Structure du nert. lig. 19. — Organe de Spengel du Trochus magus. La coupe est faite à un niv e qui correspond à la ligne CD de la figure 16. Fig. 20. — Organe de Spengel iliforme de la Littorina littorea. s, région Se Fig. 21. — Organe de Spengel di Vermelus gigus. Remarquer la grosseur des filets nerveux r et la localisation de la région sensorielle ri. Fig. 22. — Organe de Spengel du Cerithium vulgatum (coupe). Fig. 22a. — Dis positiof schématique des feuilets et des nerfs de cel organe. PLANCHE VIII ORGANE DE SPENGEL DES TROCHIDÉS ET DES MONOTOCARDES. (Mèmes lettres que pour la planche VI. Fig. 23. — Ganglion branchial du Monodonta monodon. G, ganglion ; NE, nerf externe (organe de Spengel); NI, nerf interne; EP, épaississement prin- cipal; Br, lamelles branchiales. Fig. 24, — Coupe transversale du précédent, au niveau AB (Mèmes lettres). Z, cellules constituant la matière de l’épaississement principal; ep, cel- lules plasmatiques. EXPLICATION DES PLANCHES. 399 Fig. 25. — Schéma général de l'organe de Spengel bipectiné des Monoto- cardes. — Les lamelles représentées sont celles de la Ranella giganteu. Fig. 26. — Feuillet de l'organe de Spengel : Cassidaria tyrrhena. Fig. 27. — Id. Dolium galea. Fig. 28. — Id. Buccinum undatum. Fig. 29. — Id. Fasciolaria tulipa. Fig. 30. — Id. Voluta scapha. Fig. 31. — Id. Conus mediterraneus. Fig. 32. — Id. Marsenia. Fig. 33. — Disposition des 3 nerfs longitudinaux du support branchial (côté afférent) chez l'Haliotis tuberculata. PLANCHE IX ORGANE DE SPENGEL : STROMBIDÉS, PALUDINE, PULMONÉS. Fig. 34. — Organe de Spengel de la Littorina littorea. Son innervation, Fig. 35. — Id. Strombus gigas. Fig. 36. — Id. Strombus bubonius. Fig. 36 a. — Terminaison de l'organe de Spengel près du musele d'attache du manteau. Fig. 37. — Id. Plerocera lumbis. Fig. 374. — Détail de l'organe de Spengel du Pterocera : portion 4-8 (fig. 37) grossie. Fig. 37 b. — Id. L'une des arborescences encore plus grossies. Fig. 38. — Organe de Lacaze-Duthiers du Planorbis corneus. G, ganglion; 1, invagination épithéliale; S, sinus sanguin; cp, cellule plasmatique; cn, cellule pigmentée. Fig. 38 a. — Relation des cellules ganglionnaires (eg) entre elles. Fig. 38 b. — Relation des cellules ganglionnaires avec les cellules neuro- épithéliales (ne). Détail d’une cellule ganglionnaire. n, noyau; n', nu- cléole; R, réseau de nucléine; G, corps de la cellule. L'élément repré- senté est celui qui est marqué € dans la figure 38. Fig. 39. — Organe de Spengel de la Paludine, coupe faite parallèlement aux deux lames du manteau. Le nerf central n est coupé longitudinale- ment, et les invaginations épithéliales I transversalement. #, épithélium sensoriel. Fig. 39 a. — Coupe transversale de l'organe de Spengel de la Paludine, faite perpendiculairement à la précédente. Mèmes lettres que précédemment, Fig. 40. — Éléments épithéliaux d’une des invaginations de la Paludine. Relation des cellules ciliées (ce) et des cellules neuro-épithéliales (ne). Fig. 41. — Éléments glandulaires (cellules mucipares et cellules ciliées) de la glande à mucus de la Paludine. PLANCHE X STRUCTURE DE LA BRANCHIE. A. Bord afférent. E. Bord efférent. Ra. Nerf du bord afférent. Re. Nerf du bord efférent ou nerf principal. Ep. Épaississement principal de la membrane de soutien. 400 FÉLIX BERNARD. Fig. 42, — Lamelle branchiale d’Haliotis tuberculata, vue à plat. P, plis transversaux. Fig. #3. — Lamelle branchiale de Cassidaria tyrrhena. X, amas spongieux. Fig. 44. — Coupe transversale d'un feuillet de Dolium galea, près de la pointe du feuillet. On voit la différence des deux moitiés (afférentes et efférentes). Comparer avec les figures 19 et 46 pour voir l’analogie avec l'organe de Spengel et le bord afférent du support branchial des Tro- chidés. À Fig. 45. — Coupe transversale d'un des plis de la branchie de la Littorina littorea. Fig. 46. — Coupe transversale du bord afférent du Trochus magus. Fig. #7 a et #7 b. — Deux portions grossies de la zone efférente, montrant le réseau nerveux inter-épithélial (préparation au chlorure d’or). Fig. 47 c.— La même préparation plus grossie.—eg, cellule ganglionnaire. Fig. 48 a, b,c, d. — Détail des trabécules transversales, montrant les fibres musculaires et leur gaine conjonctive. PLANCHE XI GLANDE A MUCUS. —— FORMATION DU MUCUS. Fig. 49. — Coupe transversale de l'organe de la Pourpre (glande à mucus) de la Purpura lapillus, montrant qu'il n’y a qu'une couche de cellules. EI, épithélium externe. Fig. 50 (a à 6). — Cellules glandulaires de la glande à mucus de l'Haliotis tuberculata. o, orifice de la cellule; n, noyau; rp, réseau protoplasmique ; , filet d'attache (dissociation). Fig. 51. — Glande à mucus de l’Haliotis. Un paquet de cellules ciliées. Fig. 52. — Id. Relation des cellules ciliées et des cellules sécrétrices. Fig. 55 (x à à). — Eléments ciliés de la glande à mucus du Buccinum un- datum. Fig. 54. — Corps d’une cellule neuro-épithéliale de Purpura. Fig. 53 et 55 a. — Branchie de la Cassidaire. Expulsion d’une cellule ciliée morte. Fig. 56. — Id. Une cellule ciliée morte, peu de temps après son expulsion. Fig. 57 (æ, 8, y). — Id. Trois stades de l'expulsion d’une même cellule ciliée. Fig. 58 & et 8. — Deux stades de l'expulsion du contenu des cellules glandu- laires. Voir aussi les fig. 40 et 41, pl. IX. en PLANCHE XII DIVERS ORGANES PALLÉAUX DES GASTÉROPODES. (Mèmes lettres que pour la planche T). Fig. 59. — Organe de Spengel de la Patella vulgata. X, Dee cloisonné ; £, globules du sang. Fig. 60. — Organe de Spengel de la Bulla Hydatis. Fig. 61. — Schéma du manteau de la Paludina vivipara. OG, organes géni- taux; R, rectum; Bm, bourrelet mucipare. Fig. 62. — Coupe transversale du bourrelet mucipare de la Paludine. Fig. 62 a. — Éléments mucipares de ce bourrelet. Fig. 63 b. — Éléments ciliés. Fig. 64. — Bord du manteau de Bulla Hydatis. EXPLICATION DES PLANCHES. 401 fig. 65. — Coupe transversale d’une lamelle palléale de Patella vulgata. PLANCHE XHI Fig. 66. — Système nerveux de Tectura Fontainesi. Le manteau à été fendu suivant deux lignes (ab et ed) et rabattu. Le bord à été coupé pour laisser voir le cœur, GC, ganglions cérébroïdes ; GP, ganglions palléaux pédieux ; GV, ganglions viscéraux; OS, organe de Spengel; Br, branchie; 0, oreil- telle; V, ventricule; nb, nerf branchial; A, anses. Fig. 67.— Coupe d'un des organes de Spengel de la Teetura. n, nerf; Re, ren- {lement conjonetif. Fig. 68. — Coupe d'un organe de Spengel de la Lottia pellucida vers le milieu du ganglion. Fig. 69. — Coupe du même organe un peu plus en arrière. Re, renflement conjonetif. Fig. 70. — Système nerveux ét branchie de la Valoata piscinalis (A, GC, GV, OS, nb, Br, comme dans la figure 66), et de plus : B, bulbe buccal; OE, œæso- phage; GS, glandes salivaires. Fig. 71. — Organe de Spengel de la Valvata piscinalis. CN, cellules ner- veuses. PLANCHE XIV TISSU CONIONCTIF. Fig. 72. — Tissu conjonclif lamineux (branchie de la Cassidaire). f, fibres conjonctives; T, trabécule musculaire. Fig. 73. — Tissu compacte (support branchial de lPHaliotis). ep, cellules plasmatiques ; ce, cellules confonctives étoilées ; f, fibres. Fig. 7%. — Tissu compacte de la branchie de la Cassidaire. Fig. 75 &, $, y. — Fibres conjonctives (branchie des Chenopus). n, noyau. Fig. 76 a, B, y. — Fibres-cellules du tissu compacte (support branchial de l’'Haliotis). Fig. 77 «, 6, y, 9. — Cellules conjonctives multipolaires du même. Fig. 78 a, 5. — Cellules vésiculaires ou plasmatiques du même tissu. Fig. 79. — Tissu du support branchial des Trochidés. PLANCHE XV SYSTÈME VEINEUX PALLÉAL. Cp, canal papillaire; R, rein; Ve, veine branchiale efférente; Vra, Vre, veines rénales afférente et efférente; V{, veine transverse; Sb, sinus basi-branchial; O, oreillette; V, ventricule; R, rein; A, anses. Fig. 80. — Haliotis tuberculata. Fig. 81. — Monodonli monodon. Fig. 82. — Trochus ziziphinus. Fig. 83. — Turbo rugosus. Fig. 84. — Navicellu Janelli. Fig. 85. — Littorina littorea. Fig. 86. — Natica monilifera. Fig. 87. — Endothélium des lacunes dans la Natiea monilifera. ANN. SC. NAT. 7001. IX 26," ART. NE 9, 1680 ur SATA? 1819. 3. 1825: 4e. 1832-35. 5. 1849. 0. 150 1854. 8. 1850-2209; 1856. 10. BIBLIOGRAPHIE 1685-1860. CoLe. — Philosoph. Transact. — Cité dans Encycl. de Bruguiére, 1789, arlicle Vers et dans Bulletin scient. du Nord, 1886, p. 164. . Cuvier. — Mémoires pour servir à l'histoire et à l'anatomie des Mol- lusques. Ferussac et DEsHAYEs. — Histoire générale et particulière des Mol- lusques Terrestres et Fluviatiles, 1819-1859. 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Congeiz. — Imprimerie Cnéré unitei} ak we 1 0 L rs QUEUE it esnpitquigitenls 11 FE a# PTT UN ufr ä site — . he PART EES eine cl 33h jen, RON dl : sie TS ME: APRES Has a 7 er 075, "re VIT RAI tro MS; rs 27 Nb : ELU PR: : snow #09 center. : + } rm U t 4 2 ] : { d n y l'A En ‘ \ r , \ at Q NC" à sai à.0 | lnn.des Science. nat. T° Série "Ta d'y ZoTimeS ANS PI. VI RD ee piges vo! ot où lo É 5 KT PTIT RES A. NT eà a Mag! vo COX Le) d x À dus 19, ja DA da! 7 J S sn F = { es LE En ee. d = «| / d DA g 4 nr PAROI ON "RTE = AS # Rae! : \ 2e 8€ +9 ea € do. 2 ; LIRE 1 ; 6 + 2 MT par oo DRE hi 6 ge É da = ; € J 72 [274 ro. g N P cr # Bernard del. ce’ Organes palléaux Organe di Spernge «des Prosobranches de la Cussidaire Ann.des Science. nat. T° Série . ” 50 ja NA FE Bernard del. ploynap pes "le Prrts Organes palléauxr es Prosobranches Organe de Spengel des Diclocurdes el des Monelovariudtes. Ann.des Science. nat. T! Serie. Zoel. Tome 9. Art. NS. PL. VII. EVNANIL AMAAANANINL RS ee L s A : PL 50 ya E #e TS / E Bernard del. Organes patléausr des lroschranches Orqune de Su nel des Trochidés/23-21)el des Menelocardes Ann.des Sciene.nat.T! Séèrre . Zoeol.Tome 9. Art. NT3. PL.IX, Ve ah san 7 FE Bernard del. Dopage Organes pallécair des Prosobranchrs Organe de Spengel des Monclocardes . Zrol. Tome 9. Art. N°3. PL X. Ann.des Science. nal.7® Série. Æ Bernard rt. Orqunes palleatux des Prosobranches Structure de La Branchice Ann.des Science nat. T! Série. Zoo. Tvme 9. Art. N!'3. PLXTI, L: Bernurd del. Organes pallécatrer des Prosobranches Sccreétion du Murs. Ann.des Science. na. 7! Série ; Zool. Tome 9. Art. N°3. PI XI1. Ne F. Bernard wet Urqanes pa Uéaux des Prosobranches 500165 Patclla_60c1t 64 Bulla 61 et 62 Paludina Ann. des Sciene.nat.7! Série. Zoot. Tome 9. Art.N°3. PL. XIII. . CA Vus à F7 yptognphie Silrestre 4 */urrs. FE Bernard del. Organes palléaux. des Prosobranches Hétérocardes(66-69)-Valrata (70-71) Ann.des Scienc.nal. TT Série. Zool, Tome 9. Art. VI. PLAIT. FE. Bernard del. Organes palléaux des Prosobranches à Tissu ct njt nelif. Ann.des Sciene.nal. TE Série . Zoo. Tome 9. Art. W°3. PI XV. \ annee de - Gm =; où 4 F. Bernard det pohpnapbu Niiestrs 8 CC" Jlrrs Organes palleaur des Prosobranches Circulation reincuse du Manteau .