LEA ER ENS (RS Cr l'A k/ Ah Are VE VAR %% EU 4 hévmape iu Eu Fa AN mir WWE À de ne: ra ci soin dirait AUTANT # we SES nt Es mul he Ÿ Pope 1 A ie TETE DORA UE Ta rs + r L s. Ft 4 [rar ee Mass « al 7 ue Fe sa er rt dé jo 1 ed ve cn Next Fe PRÉ fe 288 pd fr vi “in it LS Au prie ler sf CE tetes ie Fa Ë 4 Arte a a+ rte ser PR M AT: PAUL Ve ve so Aie MER TEE te Ÿ 1h ESA Date ere ÿ V Lila æ Re ot Le) ve AGE 1 "ot VAS Rien AIT AV LTA LUN nd Dote CNRS MARIE pi i Four NUE ‘ mp «| NS re ET à A tr AA LT a) Nr AY 4 erlai Sens A 1e hi PO AU AN ET 414 RUE Page FA F na jure 5 d: A - PIS DS NE pa r LtE4 a) pu Rate AN nat LRU ni pi # a ne fra re Rod Le Hrn Van rer PH RARE RANEN MULUES ph Far Vo 1 1 ù sk jou vf de 14) tent rt n COR le she bn Pa AL AD UA ni ra RRQ CA w LOT t LA ue SE eu He è Else PU Don ha] al de eee PR AA Le RU sa) re Maté sp hi yve mes lavé RAA ANT Ÿ UE di pe) LUCE HEIN A As nee! Des n AU ## + ia Eçier his or ue ul set Fev Wir Li nt LAN hi ds A HA ee re à vtr Lil VAran à ï EU a Re ALP on je «5 Lure : 14 { à y HUM at x ain Yes MAR UE ne 4 Pr Rats EN C4 PAST 2e Ce *) rA st RENE )hpare (es * LUN he Von Ai Tu A RE Uh ge ie Pain re î VTT . as ne AT V4 1 " Eu pd fe re Gene ia) À A Mu ns DNS ani PAU 44 he Ath SAM er PAM vec QATAR TEA gti POP PAS HR (A D ut M F (0 (RC { ML cu MATE ALT AMAR CAT LA ) CAD Hi | k al ‘ A CPI oil M DU { PART | nel j [an th] ( HAINE (l (ATH Ai (ui run | (ul 4 he [14 1} LH ail PE DEAR NE Au 1 NT A él OT: (: TE | 44 a Are di } 1 nt | L l ll RECHERCHES SUR LES ANIMAUX INFÉRIEURS DE LA MÉDITERRANÉE, Tor CA Vogl PREMIER MÉMOIRE, SUR LES SIPHONOPHORES DE LA MER DE NICE. (Lu à la Section des Sciences naturelles et mathématiques de l’Institut Genevois, dans les séances du 27 mai et du 24 juin 1855.) Nr AENN jé ab: RECHERCHES SUR QUELQUES, ANIMAUX INFÉRIEURS DE LA MÉDITERRANÉE. Un séjour prolongé sur les bords de la Méditerranée, à Nice, depuis le mois de Novembre 1850 jusqu'au mois de Mai 1852, m'a permis de compléter une série de recherches que j'avais déjà commencé au même endroit pendant l'hiver de 1846 à 1847, et dont j'ai donné déjà quelques aperçus incomplets, soit dans mon ouvrage : Océan et Méditerranée, publié en 1847, soit dans une lettre adressée à M. de Siebold , le 7 Septembre 1851, qui a paru dans la « Zeitschrift für wissenschaftliche Zoologie » de C. Th. de Siebold et A. Kælliker, Tome IV, p. 322, soit enfin dans mon ouvrage : Bilder aus dem Thierleben, publié en 1852. Mes matériaux et dessins s'étant accumulés tellement que leur publication était en dehors des ressources d'un journal mensuel, j'ai saisi l'occasion de les présenter à la Société helvétique des Sciences naturelles, rassemblée à Sion le 18 Août 1852, et d'en faire un rapport de vive voix. Je rappelle ici ces dates uniquement pour démontrer que mes recherches étaient achevées déjà au prin- temps 1852, et que les difficultés matérielles seules de la publication de plusieurs centaines de figures avec le texte nécessaire, m'ont empêché jusqu'à présent de les offrir complétement au public. Aujourd'hui, je me propose de communiquer à 2 C. VOGT. SIPHONOPHORES 7 l'Institut ces fruits d'une observation prolongée, dans une série de Mémoires, qui auront trait surtout à différents groupes d'animaux marins appartenant aux embranchements des Zoophytes et des Mollusques. Je me suis principalement occupé des animaux flottants à la surface de la mer, et J'ai surtout concentré mes efforts pour obtenir les petites formes, quelquefois microscopiques, qui échappent trop souvent à l’observation des naturalistes. La baie de Villefranche, à une lieue de Nice, est extrêmement propice pour ce genre de recherches, par la tranquillité des eaux qui remplissent ce port naturel. Aussi tous les animaux dont je traiterai sont-ils pris dans cette baie où aux abords de la côte entre Nice et Villefranche. Je me rendais ordinairement par une mer tranquille à ces endroits, muni de filets très-fins, qui étaient construits à peu près comme les filets à papillons. On trainait ces filets sur la surface de l'eau, des deux côtés de la barque, en allant lentement, et on ramassait ainsi à la surface de l’eau tous les animaux flottants, qui n'étaient pas visibles à l'œil nu. On re- tournait de temps en temps les filets dans de grands bocaux remplis d’eau dans lesquels on déversait ainsi une quantité de petits Crustacés, de Ptéro- podes, de Larves d'Échinodermes et de Mollusques. Nous savions par expé- rience que les trainées transparentes et lisses que l'on voit souvent à la sur- face de l'eau et que les pêcheurs appellent courants, sont surtout riches en animaux flottants. Mes pêcheurs étaient bientôt exercés à ce genre de recherches et savaient trouver, par la direction du vent et des courants, les endroits propices pour notre pêche. Ils découvraient avec de véritables yeux de Iynx les animaux les plus transparents qui flottaient à la surface. Ceux-ci étaient pris avec les mêmes filets lorsque l'on savait qu'ils supporteraient aisément cette manipulation. En eflet, les Salpes, les Pyrosomes, la plupart des Méduses ont les tissus assez fermes pour ne pas souffrir par le contact des filets. Il en est autrement de la plupart des Siphonophores, dont le tissu est tellement délicat, que chaque contact avec un filet détruit plus ou moins leur structure. Voici comment on prenait ces animaux : On s'approchait avec précaution lorsqu'on les voyait flottant à la surface, et en plongeant un bocal vide dans l'eau, on produisait un courant qui les entrainait dans le bocal sans qu'on les touchät. Très-souvent les animaux nous échappaient et plongeaient au fond; 3 DE LA MER DE NICE. 3 on produisait alors avec le filet, qui était attaché à un long manche, un courant ascendant, qui les ramenait à la surface, et on répétait la même manœuvre avec le bocal sans jamais les toucher. Si j'ai eu des exemplaires plus complets que beaucoup de mes devanciers, je le dois uniquement à ces précautions que je viens d'indiquer. En général j'ai répété mes observations très-souvent et j'ai pris en même temps les dates précises de ces observations pour pouvoir contribuer plus tard à la confec- tion d'un calendrier des apparitions de ces divers animaux marins. Les courtes notices publiées jusqu'à présent sur ce sujet ne pourraient suffire au besoin du naturaliste voyageur. Il en est des animaux marins comme des insectes ; ils ont leurs stations de préférence et leurs époques d'apparition dans l'année, peut-être mème dans des périodes plus prolongées. On perd souvent beaucoup de temps précieux jusqu'à ce qu'on connaisse même superficiellement les ressources d’une contrée ; d'autant plus que les pêcheurs n'’attachent aucune importance aux ob- jets désirés par les naturalistes . C'est encore une trouvaille précieuse qu'un pêcheur intelligent et attentif. M. Vé- rany m'a souvent répété, qu'il devait une grande partie des nouveautés, dont il a enrichi le catalogue de la faune du golfe de Gênes, à un pêcheur qu'il avait dressé à ses recherches. J'ai réussi à trouver dans le pêcheur Jacquin, à Nice, un individu très-attentif, plein d'ardeur, et doué de toutes les qualités nécessaires. Jacquin con- naissait bientôt toutes les « carmarines » (expression niçoise pour les organismes marins gélatineux) et quoiqu'il ne pouvait jamais se mettre en tête les noms latins, dont j'ai vainement cherché à enrichir sa mémoire, il savait bientôt trouver des noms propres pour chaque espèce visible à l'œil nu. Je puis recommander ses services à tous les naturalistes qui iront voir ces côtes si riches et si belles, où ils trouveront en la personne de mon ami J.-B. Vérany un naturaliste plein de bienveillance et de dévouement pour la science zoologique qu'il a cultivée avec un si grand succès. C. VOGT, SIPHONOPHORES 4 ES PREMIER MÉMOIRE. SUR LES SIPHONOPHORES DE LA MER DE NICE. Le groupe des Siphonophores fut établi par Eschscholtz qui distingua les Aca- lèphes en trois ordres, les Ctenophores ou les Beroïdes, qui nagent par des pail- lettes vibrantes placées à la surface du corps, les Discophores ou les Méduses ordinaires, nageant par les contractions de leur ombrelle et les Siphonophores sans cavité digestive centrale, mais pourvus de nombreux suçoirs. Les organes moteurs de cet ordre des Acalèphes devaient consister ou en vésicules natatoires d'une consistence cartilagineuse ou dans des vésicules aériennes tenant l'organisme en suspension. Eschscholtz distinguait dans cet ordre des Siphonophores trois familles : Les Diphyides, les Physophorides et les Vélellides, qui sont caractérisés par la présence d’une coquille calcaire ou cartilagineuse, contenant de l'air. Cette fa- mille n'est composée que de trois genres : les Porpites à corps circulaire sans crête, les Vélelles à corps ellipsoide avec crête cartilagineuse verticale et diagonale et les Rataires à crête musculeuse et droite qui probablement ne sont que les jeunes des Vélelles. | Je traiterai successivement de plusieurs genres appartenant à ces familles diffé- rentes dont je discuterai à la fin la valeur, en m'occupant également des autres systèmes zoologiques proposés jusqu'à ce jour. > DE LA MER DE NICE. 3, SUR LA VÉLELLE DE LA MÉDITERRANÉE. (VELELLA SPIRANS, FORSKAL.) TAB MEN; Le genre Vélelle, qui nous occupe ici, forme avec les Rataires qui probablement n'en sont que les jeunes, et avec les Porpites un groupe nettement circonscrit parmi les Siphonophores. Ce groupe est caractérisé par la présence d'un squelette intérieur de nature cornée ou même calcaire, dans lequel sont creusés des es- paces contenant de l'air. Ce squelette joue donc le rôle d'une vessie aérienne des- tinée à balancer le poids de l'animal avec celui de lélément ambiant. Aussi ce groupe a-1-il été distingué par Eschscholtz sous le nom de la famille de Vélellides, et par Blainville sous le nom des Cirrhigrades. La forme du corps des Vélelles est celle d'un bouclier horizontal et elliptique, . un peu bombé au milieu, sur lequel s'élève une crête triangulaire placée oblique- ment par rapport au grand axe de l'éllipse. On peut distinguer dans le plateau hori- zontal une face supérieure bombée, sur laquelle est placée la crête et une face inférieure creuse, qui porte de nombreux appendices, dont nous allons examiner la structure. Pour bien comprendre l'organisation de ces animaux il faut distinguer entre Jes différents organes que nous allons passer successivement en revue. C'était au commencement du mois de mai 1852, que de nombreuses Vélelles, appartenant à l'espèce désignée par Forskal déjà sous le nom de Velella spirans, arrivèrent sur les côtes de Nice et me permirent de pousser mes recherches un peu plus loin que mes devanciers. Cette espèce est caractérisée par Lamarck sous le nom de Vélella limbosa par la phrase suivante : « Velella ovalis oblique cristata : tabula infériore limbo nudo obvallata, dise » margine tentaculis longis crinito. » On peut trouver des indications sur le genre Velella et sur l'espèce qui nous occupe dans les ouvrages suivants : 6 C. VOGT. SIPHONOPHORES 6 Armenistarium. — Carburio, Miscellanea Tovinesia. Vol. HT, p. 206. Armenistarium Velella. — Costa. Fauna di regno di Napoli. Annales des scienc. natur. 2" série. Tome XVI, 1841, p. 187. Medusa Velella. Lœæfling. [ter p. 204. » » Columna. Aqua et Terra. Cap. 10, p. 20. Tab. 18, fig. 1. » » Împerato. Histor. natur. p. 688, fig. 1 » » L. Gmelin. System. nat. p. 3155, op. 12. » » Shaw. Miscellan. Tome VII, p. 247. Velum marinum. Imperato. Nat. p. 914, pl. 912. Medusa navicula. Shaw. Miscellan. f. VIE, p. 250. Holothuria spirans. Forskal. Descriptiones animalium, quae in itinere orientali observavit. Hiuniae 1775, p 105, n° 15. Icon. tab. 26 fig. k. » » Gmelin. System. nat. 3145. » » Encyclopédie méthodique, pl. 90, fig. 1-2. Velella spirans. Eschscholtz. System. der Akalephen. p. 172 n° 5. » » Oken. — Naturgeschichte. Tome V 1. p. 206. Velella limbosa Lamarck Syst. anim. sans vert. Tome Il, p. 482. » » » (Dujardin) Syst. anim. sans vert. T. IT p. 98. » » Blainville. Manuel d'Actinologie, p. 304. » » Lesson. Voyage de la Coquille. » » » suites à Buffon. Acalèphes, p. 568 n° 1. Pour l'anatomie de l'espèce de la Méditerranée, on peut consulter les ouvrages cités de Eschscholtz et de Lesson et les mémoires suivants : Delle Chiaje : Memorie sulla storia et notomia degli animali senza vertebre. Vol. II. p. 219. » » Descrizione degli animali senza vertebre della Sicilia citeriore. Vol. IV. p. 106. Costa : Sur l'appareil vasculaire de la Vélelle. Ann. sc. nat. 2° série. Tome XVI, 1841, p. 187. Krohn : Notiz über die Anwesenheit eigenthümlicher Luftkanæle bei # [l Î DE LA MER DE NICE. Velella und Porpita. Archiv für Naturgeschichte von Wieg- manu und Erichson. Quatorzième année Vol. 1, 1848, p. 30. Leuckardt. Ueber den Bau der Physalien und der Rœhrenquallen im Allgemeinen. Zeitschrift für wissenschaftliche Zoologie von Siebold und Kælliker. Vol. II, p. 189, 1851. Traduit dans les Annales des sc. nat. 3"* série, Tome XVIT, pag. 201. Th. de Siebold. Manuel d'anatomie comparée. Hollard. Recherches sur l’organisation des Vélelles. Ann. sc. nat. 3" série. Tome IIE, p.248, 1845. Keælliker. Rapport sur quelques recherches d'anatomie comparée faites à Messine en automne 1852 dans : Leïtschr. für wissenschaftl. Zoologie von Siebold und Kælliker, Tome IV, p. 306, 1853. Th. Huxlev. Ueber die Sexualorgane der Diphyidae und Physophoridae. Archiv für Anatomie, Physiologie etc. von J. Muller, 1851, p. 380, Tab. 16. Velella spirans Forskal *. Forskal, pendant son voyage en Egypte, découvrit le premier la belle espèce, dont nous traitons ici, dans le voisinage du Cap St-Martin entre Monaco et Menton par une mer tranquille. I rangea l'animal parmi les Holothuries. Je trans- cris ici sa diagnose en traduisant sa description. © Holothuria spirans ; ovalis, cœrulea, oblique cristata, subtus tentaculis disci <_albis, radiis longioribus, nudis, cœruleis. « Description. Longueur : deux pouces, largeur : un demi-pouce. Face supérieure : Un noyau (Nucleus) ovale, rigide au centre, blanchâtre, entouré d’un bord bleu foncé, composé d'anneaux ovales et concentriques. Le noyau interne se voit à travers avec une couleur brune ou bleu foncé. Il est divisé en deux parties égales ! Tab. 1, fig. 1. Vue d’en haut. Fig. 2. Vue de profil. Fig. 3. Vue d’en bas. Q Ô C. VOGT. SIPHONOPHORES le) par la base de la crête. De chaque côté court depuis le centre au limbe une ligne deprimée assez oblique, mais perpendiculaire à la base de la crête. Au milieu entre cette ligne et le bord le plus éloigné de la crête se voit une autre ligne moins apparente. Le limbe est de la moitié plus étroit que le noyau, plane, flexible, d'une couleur bleu-pàle près du noyau, mais près du bord il est entouré d'une ligne noire. Le bord lui-même est transparent, mince, bleu clair et sans taches. La créle est seicicirculaire et repose seulement sur le noyau, pas sur le limbe ; — elle court obliquement d'un bord à l'autre, de manière que de quel côté qu'on la tourne, l'avant sera toujours à gauche, l'arrière à droite. La crête est com- primée; elle a un limbe flexible et un noyau rigide ; ce dernier est subtriangu- laire, double de sa hauteur, à côtés arrondis, à pointe proéminente, obtuse, la- quelle s'étend jusqu'au bord à travers du hmbe et a des veinules obscures, finement réticulées ; il est rigide, hyalin, ponctué de bleu sur le bord. Le limbe de la crête est flexible, arrondi des deux côtés, très-large à la base, atténué vers le sommet, tout bleu avec des fines veines blanchâtres et minces qui courent parallèlement au bord, lequel est bleu aussi. » | « Face inférieure. Les tentacules sont tous fixés sur le noyau. Ceux du disque sont nombreux, plus courts que le limbe, filiformes, plus gros à la base et au som- met, blanchâtres, blancs à l'extrémité qui peut se dilater en une grande ouverture. Les tentacules du rayon ou du bord du noyau sont variés, inégaux, souvent plus longs que le limbe, et excédant même la largeur du corps, filiformes et subulés, d'un bleu transparent, plus foncé au bord et au nerf du milieu. L'animal peut mouvoir les tentacules du disque de tous les côtés, les étendre et contracter ; dilater et fermer leurs ouvertures. Les tentacules du rayon se tournent dans tous les sens, mais se raccourcissent moins. Le noyau lui-même paraît noir à la face inférieure, le limbe bleu clair avec des points noirâtres ; au milieu se voit un ventricule blanc, sphérique, avec une bouche cylindrique, longue, ouverte, très di- latable et rétractile. » « Observations. Les animaux de cette espèce conservés longtemps dans l'eau la teignent en bleu ; morts ils la rendent fétide après la chute des tentacules du rayon. Is deviennent promptement blancs dans l'esprit de vin, la ligne longitudinale noire du noyau reste seule. Dans les anneaux du disque restent aussi des bulles d'air 9 DE LA MER DE NICE. 9 qui peuvent se déplacer, ce qui prouve que ces anneaux sont vides et font l'office de poumons au moyen desquels les Holothuries nagent presque toujours. Quelque- fois elles allaient au fond du vase en évacuant d'abord l'air. Les tentacules du disque servent donc à la respiration; quand on tournait l'animal sur le dos, il ouvrait les bouches des tentacules, auxquelles adhéraient des bulles d'air. L’ani- mal navigue par le moyen de la crête; il rame, plonge ou se relève par les ten- tacules du rayon. » « On trouve quelquefois le squelette de ce ver nageant dans la mer. Il est blanc, composé de la partie rigide du corps et de la crête, et souvent habité par des Mo- nocles et d'autres petits crustacés. » « Notre capitaine français nous racontait, qu'on nommait cette bête en français Valette, qu'on la pêchait par la mer tranquille et la faisait frire dans de l'huile ou du beurre en l'aspergeant de farine. » «IL adhère partout par un gluten naturel; posé sur du papier huilé et conservé à l'ombre, il garde sa couleur ; il rougit cependant, mais l'eau lui rend sa couleur primitive. Il n'est point venimeux comme beaucoup d’autres vers. » On n’a qu'à changer plusieurs expressions qui ne sont pas d'accord avec nos connaissances actuelles pour voir que cette description est excellente et s'applique parfaitement à notre espèce. C'est en effet la partie horizontale du squelette ou le bouclier ‘ qui est appelé par Forskal noyau et qui se distingue à la face supé- rieure de l'animal par sa transparence blanchâtre, résultant de la présence de l'air dans l'intérieur de ses canaux concentriques. Des lignes concentriques, cou- rant parallèlement au bord du squelette, indiquent les cloisons qui séparent les circonvolutions du canal aérien. Une ligne transversale, perpendiculaire à la base de la crête, paraît séparer la coquille en deux moitiés égales. C’est comme une ligne de suture dans laquelle les deux moitiés de la coquille seraient agglu- tinées l'une à l'autre. On aperçoit à travers la coquille des reflets brunâtres, produits par ‘le tissu vasculaire situé à la face inférieure de la coquille, sur la surface de laquelle s'étend du reste une teinte bleu de ciel très-claire. La crête * qui s'élève verticalement au-dessus du bouclier aérifère, a la forme Tab 1rfo il etc Ab, fe 1e 22. 1e 10 C. VOGT,. SIPHONOPHORES 10 triangulaire. Elle est soudée par sa base entière à la surface de la coquille, et son sommet correspond au sommet bombé de cette dernière. Elle est pla- cée obliquement, de manière que, de quel côté que l'on tourne l'animal, l'extrémité antérieure du triangle sera toujours tournée à gauche et l'extrémité postérieure à droite. Je n'ai pas observé des variations à l'égard de cette posi- tion de la crête, et j'ai eu pourtant l'occasion d'examiner plusieurs centaines d'individus. Chamisso s'est servi de ce caractère pour distinguer plusieurs espèces des mers du Sud ; d’autres observateurs, parmi lesquels surtout Eschscholtz, ont soutenu avoir trouvé des individus de la même espèce, ayant la crête verticale placée dans la diagonale opposée, de sorte qu'il y aurait dans la même espèce des individus tournés à gauche et d’autres tournés à droite, comme on l'a observé aussi chez les Hélices. La crête de notre espèce est formée toute d'une pièce par une lame cornée très-mince et entièrement transparente, sur laquelle s'é- tend une peau très-mince aussi, et d'une teinte à peine bleuâtre. Cette peau déborde la lame partout sur ses deux bords libres, et forme une frange ‘ con- tinue, qui montre une bordure de couleur bleu foncé, autant du côté de la lame que sur son bord extérieur. On voit en outre sur cette frange des fines lignes un peu sinueuses, qui montent perpendiculairement depuis le bord de la lame au bord de la frange, et qui ontune couleur jaunâtre. Examinées sous la loupe, les deux lignes bleu foncé, qui bordent des deux côtés la frange, apparaissent sous la forme de ca- naux bleus contenant des granulations jaunes. La lame de la crête est solidement soudée à la coquille avec laquelle elie ne forme qu'un tout. Sauf les adhérences de la face inférieure résultant de l'insertion des canaux aériens, dont nous parlerons plus tard, le squelette tout entier est enchassé librement dans les téguments extérieurs à tel point, qu'il suffit de fendre la peau qui couvre la coquille pour pouvoir extraire cette dernière tout entière comme hors d'un sac. Le bouclier horizontal du squelette est entouré d'un limbe *, formé par les téguments, et qui, par sa largeur, double le diamètre transversal du corps. Ce limbe a la texture charnue, la couleur bleu-foncée passant au vert et l'épaisseur PATAb' li ufio. 2, Ne. ENTAD eut 2 6etI9 NU: 1j DE LA MER DE NICE. 11 d'un millimètre à peu près. Il est assez contractile et se meut avec des ondulations lentes qui évidemment dépendent de la volonté de l'animal. Son bord externe montre sur tout son pourtour une bande étroite, mais nettement accusée de couleur bleu-claire, qui tranche fortement sur la teinte beaucoup plus foncée du limbe lui- même. Examiné de plus près, le limbe se montre parcouru dans toute sa longueur par des ramifications nombreuses d'une couleur bleu-foncée qui partent de la rainure dans laquelle la coquille est enchassée et qui se laissent poursuivre jusqu'à la ligne blanchâtre du bord. Outre ces lignes qui sont sensiblement parallèles entre elles on distingue encore dans le tissu semi-transparent du limbe des points jaunes dis- persés sans ordre sur toute la surface, et qui, sous la loupe, paraissent avoir un aspect granuleux. C'est sur la face inférieure ‘ que se montrent les organes principaux que l'on ne voit qu'en retournant l'animal. La Vélelle vivante nage en eflet toujours à la surface de l'eau, la crête hors de l’eau et exposée à l'air libre. Ce n'est qu'en mourant qu'elle se laisse tomber au fond du vase dans lequel on la tient. Je les ai rencontré de même en troupeaux immenses nageant à la surface de l’eau, et allant au gré du vent et des courants qui les transportaient. Le peuple, en les nommant Vélèdes, désigne par ce nom justement cette propriété de chasser devant le vent comme une voile. Je reviens à la description de la face inférieure. Au milieu de cette face se voit toujours un grand suçoir central en forme de trompe, très-contractile et d'une cou- leur blanchâtre. C’est ce suçoir qui est désigné ordinairement par les auteurs sous le nom d'estomac, et que nous appellerons dorénavant le polype central *. Autour de ce polype central se voit une quantité d’autres appendices beaucoup plus petites d'une couleur blanchâtre et dont la base est entourée de granula- tions ou de petites grappes jaunes. Tous ces appendices que nous appellerons dorénavant les individus reproducteurs *, ne sont fixés que sur l'espace qu'occupe le disque de la coquille ; et en les écartant les uns des autres au moyen d'une ai- guille, on voit qu'ils sont implantés sur un tissu d’une couleur brun-rougeûtre qui ! Tab. 1, fig. 3. AD AE Et, labs 2, fie. 14510: Tab. 1, fig. 3, g. Tab. 2, fig. 13. 12 C. VOGT. SIPHONOPHORES 12 tapisse le fond un peu creux du bouclier formé par la coquille. La réunion de ces individus reproducteurs dessine, je le répète, sur la face inférieure exacte- ment le contour du bouclier ; le limbe est donc entièrement libre. Sur la limite même entre le limbe et le bouclier sont implantés de nombreux fentacules * qui dépassent en s'allongeant le bord du limbe. Ces tentacules sont vermiformes, entie- rement libres, arrondis ou subulés à leur extrémité fermée, cylindriques et d'une couleur bleue de ciel, plus foncée sur le bord. Ces tentacules sont dans un mouve- ment continuel, et peuvent se contracter et s'allonger de manière à dépasser considérablement le limbe, qui est uniformément bleu sur toute sa face inférieure. On voit déjà par cette description, que le limbe est entièrement libre et n'a aucun rapport avec les nombreux appendices qui se montrent à la face infé- rieure de la Vélelle. Le limbe ne forme que le rebord épaissi des deux feuillets des téguments, qui embrassent le squelette, et c'est sur la partie recouvrant la face inférieure du bouclier horizontal du squelette que sont implantés les appendices que nous venons d'énumérer. Nous suivons pour la description anatomique le même ordre que pour la des- cription zoologique. | Le fissu du squelette a l'apparence d’une substance cartilagineuse ou cornée el ne montre sous le microscope aucune trace de structure. J'ai vainement cherché de découvrir une trace quelconque de composition cellulaire ou autre ; — jamais, je n'ai vu qu'une substance parfaitement homogène, transparente comme du verre, flexible mais rigide en même temps, et qui se déchire abso- lument comme une tranche très-fine de cartilage ou de corne. M. Leukhard dit * que c'est à tort, que cet organe a été décrit comme cartilagineux et qu'il est évidemment corné ; mais je ne saurais trouver un caractère anatomique qui dans des lames aussi minces et homogènes puisse servir à distinguer le cartilage de la corne, et je ne sais qu'on eût fait des recherches chimiques sur ce point. Nous avons déjà dit que la lame de la créte est simple et compacte tandis que la structure de la partie horizontale de la coquille onu du bouclier est assez com- pliquée. Le bouclier a plus d'un millimètre d'épaisseur ; il a la forme d'un cône ? Tab. 1, fig. 1 et 3, a. fig. 10, b. * Annales des Sciences naturelles, 2% série, tom. XVIII, p. 206. 13 DE LA MER DE NICE. 13 très-surbaissé, et il est composé de deux lames horizontales, dont l'une couvre la face supérieure bombée, tandis que l’autre forme la face inférieure et creuse. Ces deux lames sont tenues en distance par des cloisons concentriques qui se dessi- nent fortement déjà à l'œil nu. On peut considérer le bouclier comme formé par un tube enroulé concentriquement en une spirale très-basse et qui va en s’élar- gissant depuis le centre relevé de la coquille, où il prend naissance par une pe- üte cellule centrale occupant le sommet du bouclier. C'est donc une suite de galeries concentriques, soudées et réunies ensemble par les deux lames du bou- clier, et séparées par des cloisons concentriques qui, au premier abord, ne pa- raissent avoir aucune communication entre elles. En faisant une coupe du ‘bou- clier, de manière à traverser les galeries à angle droit ‘ ; on voit que les cloisons sont un peu concaves vers le centre, bombées vers l'extérieur, ce qui donne aux galeries une lumière approchant de la forme d'une demi-lune. Toutes ces galeries sont remplies d'air et montrent les mêmes reflets argentés comme les trachées des insectes quand on les dissèque sous l’eau. Les galeries sont resserrées à l'endroit où se montre à l'extérieur la ligne transversale dont nous avons parlé plus haut; elles communiquent entre elles, comme l'a démontré Delle Chiaje * et comme l'a confirmé M. Krohn * par des ouvertures arrondies qui se trouvent établies justement sous la ligne de soudure de la crête avec le disque. On voit, en effet, en poussant des injections dans ces galeries, le liquide passer le long de la galerie jusque sous la lame verticale et prendre de là deux directions ; d’un côté en continuant dans la galerie le long du pourtour, et de l’autre en remontant en baut vers le sommet du disque, et en remplissant successivement les autres galeries. Je n'ai pu découvrir aucune autre ouverture qui puisse établir une «om- munication entre ces galeries aérifères à l'extérieur. M. Kælliker a été plus heu- reux ‘. « On trouve, dit-il, chez les Vélelles 13 ouvertures à la face supérieure du bouclier, près de la base de la lame verticale, posées de manière qu'il y en a 6 de chaque côté, et que le treizième s’abouche dans la chambre impaire et centrale du bouclier. » ! Tab. 1, fig. 5. = Animalia senza vertebre della Sicilia citeriore, tom. IV, p. 106. Archi für Naturgeschichte. 14° année, 1848, tom. I, p. 30. Zeitschrift für wissenschaftliche Zoologie von Külliker und C.-Th. v. Siebold. Vol. IV, p. 368. 14 C. VOGT. SIPHONOPHORES 14 Forskal a déjà parlé de la faculté de Vélelles de chasser l'air contenu dans les ga- leries du bouclier. M. Lesson prétend aussi que l'air contenu dans la coquille a des issues, qu'il peut être au besoin expulsé ou rappelé. J'avoue que l'observation di- recte des animaux vivants ne m'a jamais fourni le moindre indice de pareilles ou- vertures. Les Vélelles pleines de vie flottaient constamment à la surface des bo- caux ; — une fois submergées , elles l’étaient pour toujours; jamais aucune ne se relevait vers la surface. M. Hollard ’, dont nous aurons souvent à citer le nom pour réfuter des erreurs, prétend que la crête verticale est formée de deux lames appliquées l'une contre l'autre, qui se séparent dans la partie horizontale pour intercepter les canaux aériens. C'est une erreur, — la lame verticale est tout aussi homogène que les lames supérieures et inférieures du bouclier, que les cloisons des canaux : tout cela est moulé d'une seule masse sans structure intime apparente. En séparant le squelette du corps de la Vélelle, on observe facilement des filets blanchâtres , qui établissent une adhérence entre le sommet de la coquille à sa face inférieure et le tissu brun rougeàtre qui couvre cette surface. En poursuivant ces filets qui se rompent facilement, on les voit pénétrer dans l'épaisseur de ce tissu brun et reparaître à sa face inférieure sous la forme de canaux fins, onduleux , repliés en sinuosités , mais courant en général en rayonnant du centre vers le bord. En écar- tant les individus reproducteurs autour du polype central, on voit ce dernier entouré à sa base comme d’un écusson brun rougeûtre sur lequel serpentent en rayonnant ces canaux qui ont un vif reflet argenté, et dont j'ai cherché à reproduire l'aspect dans la fig. 2, Tab. 2. C’est à mon ami Krobn * que l'on doit la découverte de ces canaux aérifères qui parcourent le corps des Vélelles et des Porpites, et qui se laissent poursuivre jusque dans la base des individus reproducteurs , mais qui man- quent entièrement au limbe et aux tentacules. Je ne puis rien ajouter à la descripuion donnée par l'observateur distingué. Ces canaux aérifères s'insèrent, comme nous venons de le dire, au centre du disque par quatre canaux disposés en croix ; ils sont ainsi en communication directe avec les galeries aérifères du bouclier. Le réseau formé à la face inférieure du corps par les canaux qui serpentent en rayonnant, ! Annales des Sciences nat., 3% série. Tom. IV, p. 253. ? Archiv für Naturgeschichte. 14e année. Vol. I, p. 30, 1850. ” F- 15 DE LA MER DE NICE. 15 envoie des branches dans la base du polype central, comme dans celle de tous les individus reproducteurs, où J'ai pu quelquefois les distinguer jusque vers le milieu de la cavité digestive. La substance dont ces canaux sont formés est absolument la même que celle du squelette ; aussi les canaux sont-ils rigides au point qu'ils restent ou- verts lorsqu'on les coupe. Examinée sous le microscope , la substance de ces canaux est entièrement homogène et transparente, de sorte qu'on ne peut distinguer leurs ‘amnifications fines que par la présence de l'air, qui leur donne justement ces reflets argentés qui les font apercevoir déjà à l'œil nu. Une autre particularité de leur structure , qui fut déjà notée par Krohn , est celle d'être divisés par des replis qui se répètent presque régulièrement *. Chacun de ces canaux forme ainsi une suite de chambres cylindriques , alignées de manière à les faire ressembler au fil d’une algue d'eau douce. I faut pourtant observer que les cloisons qui séparent ces cellules ne sont pas complètes; mais qu'elles sont seulement formées par des replis faisant saillie vers l'intérieur , et que l'on peut par conséquent facilement chasser par la pression , l'air contenu dans ces canaux dans toutes les directions. J'ai souvent essayé de me rendre compte de la manière dont ces canaux finissent dans le tissu même des individus reproducteurs , dans la base desquels on les aperçoit assez aisément. On voit toujours trois ou quatre de ces canaux qui montent dans le tissu même en devenant de plus en plus minces, mais pourtant pas de manière à s'effiler complétement. Les contours si nets de leurs parois, et qui sont relevés encore par l'air contenu dans l'intérieur du tube, cessent tout d’un coup, et il est impossible de chasser, par des pressions ménagées dans ce but, l'air plus loin que jusqu'à l'en- droit où cessent ces contours. Les injections que j'ai essayées n’ont jamais pénétré depuis les galeries de la coquille dans l'intérieur de ces canaux, et tous les moyens d'investigation à ma disposition ont ainsi échoués complétement devant cette ques- tion sur la terminaison finale de ces canaux au milieu des tissus qui composent les appendices de la face inférieure de la Vélelle. Il m'est donc impossible de dire si ces canaux s'ouvrent dans la cavité interne des individus reproducteurs, ou bien s'ils finissent dans les tissus sans orifice. Le polype central * est situé au milieu de la face inférieure, et présente une gros- ‘ Tab. 1, fig. 6. 2 Tab. 2, fig. 11. 16 C. VOGT. SIFHONOPHORES 16 seur et une structure tout à fait particulière qui le font distinguer au premier coup- d'œil de tous les appendices de cette même face du corps. C’est un tube cylindrique en forme de trompe qui est extrêmement contractile et qui peut s’allonger considé- rablement ou se renfler de manière à prendre la forme d'une boule. On le voit ordi- nairement contracté sous forme d'une poire, l'ouverture extérieure contractée de manière à présenter un point noir. La couleur est blanchàtre, la bouche ronde et susceptible d'une grande dilatation. On distingue sur son pourtour des stries courant dans le sens de la longueur qui se continuent jusqu'au fond de la partie cylindrique du polype. Cette partie que nous appellerons la trompe s'ouvre dans un large espace, dans un sac en forme de fuseau, allongé suivant le diamètre longitudinal du corps de l'animal. Ce sac fusiforme est revêtu par les mêmes téguments blanchàtres, qui forment aussi le corps du polype dans son entier. Le polype entier se présente donc, si l'on remet la Vélelle dans la position où elle nage, sous la forme d’un sac fusiforme, attaché à la face inférieure du corps et terminé par une trompe contractile, pendante depuis le centre du sac. On reconnaît, en examinant ce polype après l'avoir fendu, que les stries longitudinales, qui se montrent sur la trompe, sont des bourrelets saillants vers la cavité intérieure, au milieu desquels courent des faisceaux musculaires. On voit en outre au fond du sac en forme de fuseau deux rangées d'ouvertures alignées dans le sens dela longueur, qui conduisent dans le réseau vasculaire dont je parlerai tout à l'heure. Les pointes du sac se terminent de la même manière dans plusieurs troncs vasculaires. La structure intime du polype et du sac fusiforme dans lequel il s'ouvre est assez simple. La surface extérieure est formée par une couche de cel- lules hexagonales réunies en pavé, dépourvues de noyau et d’une transparence par- faite. Sous cette couche externe se trouve une épaisse couche musculaire formée de fibres simples tissée dans tous les sens, parmi lesquels se font distinguer les faisceaux longitudinaux plus forts , lesquels forment les bourrelets saillants de la cavité inté- rieure. Celle-ci est tapissée de nouveau par une couche de cellules en pavé qui se continue sur toute la face interne du sac en fuseau jusqu'aux embouchures de ses pointes dans les canaux vasculaires que je viens de signaler. Le polype central est uniquement destiné à absorber des aliments. J'ai toujours trouvé dans sa cavité intérieure des carapaces de crustacés, des coquilles de petites larves de mollusques, des restes de petits poissons, et j'ai souvent vu rejeter ces « 17 DE LA MER DE NICE, 17 parties dures, qui résistent à la digestion, par l'ouverture de la trompe même. L'extraction des parties solubles des animaux avalés se fait surtout dans la base de la trompe, qui souvent se gonfle en boule pour pouvoir recevoir les masses d’ali- ments ingérés. Îl ne peut donc pas y avoir de doute sur ce que le polype central est surtout destiné à nourrir la Vélelle entière, d'autant plus que les orifices du réseau vasculaire aboutissent immédiatement dans le sac fusiforme dont le polype n’est que la continuation *. La concavité conique inférieure du bouclier de la coquille est occupée en entier par un fissu vasculaire qui, à l'œil nu, se présente comme une masse spongieuse, d'une couleur brun-rougeätre. MM. Delle Chiaje * et Hollard * ont déjà signalé cette sub- stance en la désignant comme foie. M. Hollard a essayé d'étudier ce foie sous le mi- croscope, et il a donné de sa structure interne une description, qui rivalise pour les erreurs qu'elle renferme avec l'inexactitude du dessin qu'il en a fait. Ce n’est que M. Krobn “ qui a bien compris la structure de cette masse, et il est dans le vrai en disant qu'elle est composée de canaux communiquant entre eux par de nombreuses anastomoses, et remplie de granules bruns semblables à ceux du foie des mollusques. La masse brune et spongieuse , qui tapisse la face intérieure du bouclier , est en effet composée de canaux très-larges *, sinueux , séparés par des interstices qui courent en rayonnant depuis le centre de l'estomac et qui sont tellement étroits que cette partie centrale ressemble plutôt à une membrane épaisse, plissée et froissée, qu'à un réseau de canaux anastomosant entre eux. C’est en enlevant le squelette et en étu- diant la face supérieure de cette masse * qui tapisse immédiatement la concavité du ! M. de Siebold émet, dans son excellent Manuel d’Anatomie comparée, p. 64 et 68, l'opinion, que le polype central pourrait bien être l'ouverture d’un système de canaux aquifères, tandis que les individus reproducteurs seraient les véritables poches stomacales. La présence, presque constante, d'aliments plus ou moins digérés condamne formellement cette supposition, qui était inspirée par la manière dont on considérait la Vélelle. Ce serait, en effet, quelque chose de très-anormal, que de trouver dans un animal simple deux sortes d'organes construits différemment et servant au même but, à la digestion. Mais la Vélelle étant un animal composé, une colonie, il n’y a rien d'étonnant, qu'il y ait deux séries d'individus dans cette colonie : les uns non reproducteurs et nourriciers, les autres reproducteurs et nourriciers en même temps. ? Loc. cit. 5 Loc. cit. p. 251. ‘ Loc. cit. p. 31. BOTab 2; fie 42. SSTab. 1; fie, 4 oo 18 C. VOGT. SIPHONOPHORES 18 bouclier , que l’on peut se rendre compte de la disposition de cet organe. On voit dans cette dernière figure, que le réseau serré en forme de membrane, dont la fig. 12 représente la structure sous un grossissement de 150 diamètres, occupe juste l'étendue du sac fusiforme de l'estomac, de manière à former le toit ou la paroi supérieure de ce sac. De ce réseau serré partent des canaux vasculaires en grande quantité, qui sont surtout considérables aux deux extrémités , où on trouve toujours plusieurs troncs plus gros faisant saillie. En parcourant l'étendue de la membrane sur [a surface inférieure de laquelle sont fixés les individus reproducteurs, c’est-à- dire l'espace compris entre le tissu spongieux brun et le limbe, ces canaux ramifiés s’anastomosent beaucoup entre eux, et finissent par entrer dans le limbe dont ils parcourent en rayonnant toute l'étendue. Il est donc évident que les canaux, dont le réseau si serré forme le fond du sac fusiforme, vont en se ramifiant dans tout le limbe, où ils constituent un réseau vasculaire à mailles plus larges et distin- gué dans toute son étendue par cette couleur jaune brunâtre, qui est propre à tous ces Canaux. Cette disposition générale du réseau vasculaire dans la partie horizontale du bou- clier et du limbe une fois reconnue, je me suis attaché à poursuivre son arrange- ment dans tout le corps de la Vélelle. J'ai reconnu que les vaisseaux allaient tou- jours en se ramifiant vers le bord du limbe et que les points jaunes, que l’on distingue dans le tissu de ce dernier , n’étaient autre chose que des élargissements des canaux, dans lesquels des granules jaunes s'étaient amassées ; j'ai reconnu en outre que les mailles du réseau vasculaires étaient plus lâches au milieu du limbe, mais qu'ils se resserraient davantage vers le bord de ce dernier et qu'ils finissaient par se réunir tous dans un tronc vasculaire assez large ‘, qui occupe tout le pourtour du limbe en dedans de la ligne bleu-claire bordant ce pourtour même. La disposition de ces réseaux peut donc se comparer en quelque sorte à celle que l’on observe dans l'om- brelle de certaines Méduses, les Rhizostomes par exemple, où les nombreux vais- seaux , qui partent de l'estomac, finissent aussi par se rencontrer dans un vaisseau circulaire faisant tout le tour de l’ombrelle. Dans les Vélelles, ces réseaux sont beau- coup moins réguliers que dans les Rhizostomes , et en approchant du tronc circulaire ! Tab, 9, fig. 46, e. 19 DE LA MER DE NICE. 19 externe les canaux finissent par devenir tellement larges et sinueux , et les mailles si étroites qu'elles présentent dans leur structure quelque analogie avec le réseau du sac fusiforme. | M'étant assuré une fois de cette disposition, j'ai poussé mes recherches plus loin. En examinant la crête verticale qui, au premier aspect, paraît tout à fait trans- parente, j'ai vu les membranes fines qui tapissent des deux côtés la lame verti- cale, parcourues par des nombreux vaisseaux jaunes, montant depuis le bouclier vers le bord externe de la crête et forment entre eux des réseaux capillaires très- élégants, dont j'ai cherché à reproduire l'aspect dans la fig. 9 de la première planche. Tous ces canaux vasculaires, ainsi que les mailles capillaires, étaient accompagnés de bourrelets musculaires saillants, qui donnaient à ces vaisseaux l'air de courir entre deux digues. La lame verticale de la crête se trouve donc emprisonnée entre deux fines membranes musculaires parcourues par de nombreux vaisseaux. Ces vaisseaux se réunissent sur le bord de la lame cartilagineuse dans un tronc commun qui court tout le long de ce bord, et qui se fait distinguer déjà à l'œil nu par sa cou- leur foncée. De ce tronc commun, qui se trouve placé entre la frange et la lame, monte de nouveau une quantité de canaux sensiblement: parallèles, qui traversent la frange pour se rendre directement à son bord externe, et que l’on distingue aussi à l'œil nu dans la membrane transparente de la frange, comme des trainées de cou- leur plus foncée. Examinée sous le microscope, la frange présente un aspect très- singulier ‘. Des canaux parallèles montent directement depuis le vaisseau qui borde la lame cartilagineuse vers un autre tronc vasculaire beaucoup plus mince, mais plus foncé en couleur, lequel longe le bord extérieur de la frange. Ces canaux sont indépendants les uns des autres. Ils n’anastomosent nulle part entre eux, et n'ont de communication qu'avec les deux troncs communs que je viens d'indiquer ; — mais ils sont largement sinueux et découpés dans une quantité de cœcums, de ma- nière que je ne puis les comparer mieux qu’à un intestin de sangsue, présentant de nombreuses poches latérales. On voit, d’après cette description, que le réseau vasculaire, qui part du fond de la cavité digestive du polype central, parcourt toute l'étendue du corps, toutes les Tab 4; vfiig: 8. 20 C. VOGT. SIPHONOPHORES 20 parties membraneuses, en affectant différentes manières d'être dans sa disposition. Mais ce n’est pas tout. Ce réseau vasculaire est aussi en rapport direct avec fous les individus reproducteurs qui sont implantés sur les ramifications tapissant la face inférieure du bouclier ‘. Il est en effet facile de se convaincre des rapports des indi- vidus sexuels avec le réseau vasculaire, et il suffit de préparer avec soin sous la loupe quelques-uns de ces individus pour démontrer qu'ils prennent racine sur les troncs vasculaires mentionnés, et que leur cavité interne est en rapport direct avec la cavité des vaisseaux *. En parlant de la structure des individus reproducteurs, je reviendrai sur ce fait qui a déjà été remarqué par M. Lesson, et combattu bien à tort par M. Hollard. La structure interne de ces canaux vasculaires est assez simple, car ils paraissent ètre formés par des membranes sans structure apparente ; mais ce qui est cu- rieux, c'est de les voir remplis dans toute leur étendue par des grandes cellules jaunes qui, réunies ensemble, forment des amas plus ou moins bruns ou rouges, et qui tapissent toute la surface intérieure de ces canaux. Examinées sous un fort grossissement *, ces cellules paraissent arrondies et contiennent dans leur intérieur tantôt un petit nombre de petites granulations vésiculaires, tantôt seule- ment un liquide coloré en jaune. Ce sont ces cellules, que Krobn a indiqué comme des cellules biliaires. Je ne combattrai point cette opinion ; mais je ferai remarquer seulement, qu'il est curieux de les voir répandues avec une profusion si grande dans toutes les parties du corps, tandis qu'elles n'existent pas dans les cavités digestives mêmes des polypes, où nous trouverons pourtant chez d'au- tres Siphonophores des organes pouvant être désignés comme cellules biliaires. Je ferai remarquer en outre que les mêmes cellules existent déjà dans les gemmes médusiformes avant que ceux-ci possèdent une cavité digestive ou des canaux vas- culaires, et que la répartition générale des canaux, dans lesquels ces granules se trouvent, doit faire considérer plutôt ces canaux comme analogues du tronc com- mun des autres Siphonophores. Il faudrait admettre, que chez les Vélelles le foie AD le TEA Ne IS ? € D’après tout ce que M. Külliker a vu, les petits polypes correspondent aussi avec les canaux hépa- tiques; mais on ne pouvait pas démontrer cette correspondance avec la même évidence que sur le polype central. » Kôlliker loc. cit. p. 313. 3 Tab. 2, fig. 44. 21 DE LA MER DE NICE. 21 fut ramifié dans tout le corps, d'une manière analogue à celui de plusieurs Nu- dibranches, ce qui serait difficile vis-à-vis de la position circonscrite et du peu de développement du même organe chez les autrés Siphonophores. Nous désigne- rons donc ces cellules simplement sous le nom de cellules jaunes, les considérant comme des cellules propres du système vasculaire commun, distribuées dans toute l'étendue de ce dernier. Outre ces cellules qui, comme nous venons de le dire, peuvent aussi être dis- persées dans les tissus sans qu'ilexiste des canaux, les réseaux vasculaires de mes Vélelles contenaient toujours un liquide d'un rouge bleuâtre foncé, qui évidem- ment était coloré par des petits molécules. Ce liquide si fortement coloré me fournissait un excellent moyen pour constater la communication directe de tous ces canaux avec la cavité interne des individus reproducteurs. Sa présence me dis- pensait d'injections, qui sont toujours difficiles dans des organismes aussi déli- cats. Ce liquide est-il propre aux Vélelles, ou bien est-il introduit par les bouches des polypes ? Je ne saurais résoudre cette question. Je me suis assuré par des comparaisons directes que ce liquide colorant, dont la nature avait injecté tous ces canaux, ressemblait parfaitement par sa couleur comme par sa composition mi- croscopique à la matière colorante des olives, qui dans la saison de l’année où les Vélelles approchaient du bord, coloraient les eaux de la mer en rouge jus- qu'à une grande distance du rivage. Dans mes notes, j'avais mis tout simple- ment : Système vasculaire rempli par la matière colorante des olives. Cette ex- plication pourrait paraître ridicule; mais celui qui a vu les bords de la Méditer- ranée depuis Nice jusqu'à Gênes, dans la saison où l’on pressure les olives, saura, que je n’exagère en rien la quantité prodigieuse de cette matière colorante, qui donne aux eaux une teinte lie-de-vin foncée, et que les ruisseaux, qui mettent en mou- vement les moulins à huile, rejettent continuellement à la mer. D'un autre côté on a observé dans d’autres endroits hors de la saison des olives, le même liquide rou- geñtre remplissant les canaux des Vélelles, et on l’a observé aussi chez d’autres ani- maux voisins, les Physalies, par exemple. Je dois remarquer encore que je n'ai jamais pu observer aucun mouvement dans toutes ces ramifications vasculaires, même en observant des individus pleins de vie qui tout en étant placés librement sous le mi- croscope, nageaient dans l'eau. 22 C. VOGT. SIPHONOPHORES 22 En parlant de la disposition du réseau vasculaire nous avons déjà indiqué en grande partie la structure du limbe. Cet organe renferme pourtant encore plu- sieurs détails de structure importants. La membrane qui le couvre est formée par la même réunion de cellules en pavé qui revêt le reste du corps. En dessous de cette couche, on voit le réseau vasculaire et de nombreux faisceaux de muscles dis- posés dans tous les sens et qui peuvent faire mouvoir le limbe à peu près de la même manière que l’ombrelle d'une méduse, quoique ces mouvements soient beaucoup plus restreints. J'ai déjà plusieurs fois mentionné la ligne bleu-claire, qui court tout le long du bord du limbe. En examinant cette ligne sous le microscope on voit qu'elle est composée d’une simple rangée de grands sacs glandulaires *, juxtaposés, qui tous ont leurs ouvertures circulaires à la face dorsale du limbe et qui secrètent une glaire entièrement transparente et visqueuse. La structure de ces sacs glandulaires est très-curieuse, car ils sont composés en entier de grandes cellules cylindriques, disposées en rayonnant de manière que les extrémités libres et arrondies de ces cellules soient tournées vers le centre du sac, tandis que l'autre extrémité est enchassée dans sa paroi, sur le bord de laquelle on voit le contour arrondi des cellules destinées à remplacer les cellules cylindriques et qui paraissent entassées en plusieurs rangées. L'ouverture de chacun de ces sacs glandulaires présente par cette disposition des cellules un aspect semblable à celui d’un ridicule qui ferme à coulisse. La face inférieure du limbe n'est ta- pissée que par le tégument ordinaire et montre le fond de ces sacs glandulaires, qui ici n'ont aucune ouverture. Les fentacules * sont placées à la face inférieure du limbe sur la lisière de l'espace occupé par le bouclier de la coquille en haut, et par les individus re- producteurs en bas. Ces tentacules sont des cylindres creux, complétement fer- més à l'extrémité et attachés avec leur base à la lisière indiquée du limbe. On peut les envisager comme des tubes musculaires très-forts d'une épaisseur considérable, dont l'intérieur est rempli par un liquide transparent qui sans aucun doute joue un certain rôle dans l'allongement de ces organes. Les fibres musculaires prin- cipales, qui forment ce tube semblent être disposés en ogives, de manière à pré- Tab ee m0 De Seb. 2 fin 010: 29 DE LA MER DE NICE. 23 senter le sommet de l'ogive vers l'intérieur du tube. On distingue d’autres faisceaux, qui courent circulairement, d'autres encore qui sont disposés dans un sens longi- tudinal. Quelques-uns de ces faisceaux traversent le tube intérieur de manière à y simuler une disposition cellulaire qui ne me paraît pas exister. Les tenta- cules sont enveloppées par une membrane assez ferme d'une couleur bleu-foncé, qui fait que le tentacule à l'air d'être bordé par deux lignes bleues lorsqu'on le regarde d'en haut par une lumière transmise. L'épiderme, qui entoure les tentacules, paraît beaucoup plus ferme que sur les autres appendices, mais de la même structure comme celui du limbe. Tout cet épiderme est garni de petites capsules urticantes ‘ qui ordinairement sont réu- nies en amas arrondi, et qui soulèvent l'épiderme là où elles sont agglomérées de manière à simuler des papilles peu élevées *. Des organes urticans de la même structure, mais sensiblement plus gros se trouvent aussi sur les individus repro- ducteurs et sur les gemmes médusaires de ces derniers, et en décrivant leur conformation ici, je puis me dispenser de revenir sur le même sujet *. Vues d'en haut, par un grossissement considérable, ces capsules paraissent formées d'un sac à parois très-épaisses et nettement circonscrite$, de manière que sous le microscope ces sacs circulaires se présentent sous la forme d'un anneau à dou- ble contour. On distingue dans l'intérieur de ces petites capsules une espèce de pointe cornée, dont l'extrémité touche le contour et dont la base se trouve au milieu de l'anneau. On voit bien encore, outre cette pointe à contours très-ar- rêtés, des lignes flexueuses dans l'intérieur du sac, mais qu'on ne peut pas pour- suivre exactement et qui laissent seulement l'impression comme si une masse gé- latineuse et floconneuse remplissait la capsule. La structure intime de cette der- nière ne se trahit que lorsqu'on a souvent touché et irrité le tentacule, ou bien lorsqu'on comprime assez fortement la capsule sous le microscope. Traitée de cette manière elle éclate tout d’un coup, s'ouvre à un endroit déterminé et lance au de- hors un appareil qui est composé d’un fil très-long et assez raide, lequel à son tour Tab; ufis AO Ve. ? M. Lesson (Voyage de la Coquille. Zoophytes, p. 50) a déjà remarqué ces agglomérations d'organes urticanes; mais il les a désignés sous le nom de « petites glandes, qui paraissent très-sensibles, » * Tab. 9, fig. 15. 24 C. VOGT. SIPHONOPHORES 24 est implanté sur un manche conique et entouré de pointes. La capsule développée entièrement a l'aspect d'une poire très-allongée, ou d'une fronde suspendue à un fil. Le corps de la poire est formé par la capsule dont les contours sont très-nette- ment arrêtés. La capsule est ouverte en haut pour se continuer par un espace mem- braneux, auquel est adapté un capuchon corné semblable par sa forme à un étei- gnoir. On voit d’un côté de la poire une espèce de bascule construite par une pièce solide qui évidemment joue, vis-à-vis de la capsule, le rôle d’un couvercle. L'étei- gnoir lui-même a deux pointes tournées en arrière sur la capsule, tandis que son sommet est entouré par quatre pointes très-fines et courtes, dirigées en dehors. Le fil est implanté sur le sommet même de l’éteignoir *. Je ne sais si toute cette machinerie peut rentrer dans la capsule lorsqu'elle a une fois éclaté ; mais la facilité avec laquelle on voit ces organes entrer en ac- tion sur d'autres espèces de Siphonophores me fait présumer que l'animal peut les détendre et retirer à volonté. Un tentacule de la Vélelle convenablement com- primé se montre hérissé tellement de tous ces fils, qu'il a l'air d'une brosse à bouteilles. Les tentacules eux-mêmes sont en mouvement continuel, et je ne doute pas que l'observation de M. Lesson, qui les a vu envelopper des petits crustacés et des poissons, ne soit réellement juste. Les organes urticans, que je viens de dé- crire, servent sans doute comme dans d'autres animaux de la même classe, à tuer la proie, que les tentacules viennent de saisir. Les individus reproducteurs ou prolifères * forment la plus grande masse des appendices fixés à la base inférieure de la Vélelle, où ils occupent tout l'espace compris entre le polype central et la rangée de tentacules, dont je viens de décrire la structure. Ce sont ces individus que M. Lesson a appelé des poches stomaca- les, tandis que M. Hollard les nomme suçoirs ou cirrhes. Ils sont fixés sans ordre apparent sur la membrane qui entoure le sac fusiforme et qui couvre la face in- férieure du bouclier. La forme de ces individus est entièrement variable, car ! La conformation des capsules urticantes, que je viens de décrire, s'accorde presque entièrement avec les descriptions et les dessins que M. Dujardin a donné des organes analogues dans une Méduse, appelée par lui Cladonème, et qui provient d’un polype hydraire. — Ann. des sc. nat. 3° série, vol. 4, p. 261, tab. 15, fig. C, 13. AD, 10; 25 DE LA MER DE NICE. 25 ils peuvent s'allonger et se contracter à volonté. Le plus souvent pourtant ils af- fectent à peu près la forme d'une corolle de Jacinthe. On peut distinguer sur ces individus deux parties distinctes, le corps plus large et la base plus étroite, ou la tige, par laquelle ils sont fixés. A la partie antérieure du corps se trouve une bouche susceptible d'un élargissement considérable et qui se montre ordinairement sous la forme d'un pentagone. Lorsque la bouche est contractée, les cinq coins sail- lants se font apercevoir comme des petites collines ou comme des mamelons serrés les uns contre les autres. La bouche conduit directement dans la cavité intérieure du corps, qui d'abord forme une espèce de col un peu rétréci. La continuation de ce col en arrière est plus large et très-souvent boursoufflé comme une poire, sur- tout quand il y a des aliments soumis à la digestion, des petits crustacés et mollus- ques par exemple. Je nomme ce compartiment postérieur du corps la cavité diges- tive. Il est facile à constater, qu’elle remplit réellement cette fonction, quoiqu’en dise M. Hollard', qui combat sur ce point les observations de M. Lesson, et qui voudrait plutôt faire absorber à ces suçoirs de l’eau ou de l'air, servant à la respi- ration. Derrière cette cavité digestive, le corps des polypes prolifères se rétrécit sensiblement de manière à former un tube très-étroit par rapport au volume du corps, mais qui est entouré de tous les.côtés de nombreuses grappes de bourgeons médusaires. C’est par l'extrémité de cette tige creuse, que l'individu prolifère est toujours implanté sur un de ces canaux vasculaires, qui parcourent la membrane tapissant la face inférieure du bouclier et dont j'ai décrit plus haut la disposition. La cavité interne, dont le corps du polype est creusé dans toute sa longueur et qui s'ouvre en dehors par la bouche de ce polype, se continue donc directement et sans interruption à travers tout le corps et la tige du polype jusque dans les troncs vasculaires. J'insiste de nouveau sur ce fait qui a été très-bien observé par M. Lesson, et je dois insister, parce que l'exactitude de l'observation a été contestée par M. Hollard. J'ai pu faire passer le liquide rouge, dont j'ai parlé plus haut, depuis les troncs vasculaires jusque dans la cavité digestive des polypes et vice versa, et j'ai vu, sur des individus préparés avec soin et sans aucune pression, le liquide rouge remplir la cavité digestive des polypes prolifères jusqu’à la limite indiquée dans le dessin. ‘ Loc. cit. p. 250. 26 C. VOGT. SIPHONOPHORES 26 La structure de la partie antérieure des polypes prolifères est assez simple. Le même épiderme, à cellules hexagonales assez serrées, que j'ai déjà signalé sur d’au- tres parties du corps de la Vélelle, forme la couche externe de ces polypes. De nombreuses agglomérations de capsules urticantes sont disséminées sur toute la surface de ces polypes, dont la substance blanchâtre est formée par un tissu mus- culaire, qui dans la cavité digestive forme quelquefois des bourrelets longitudinaux et sinueux peu sensibles. La cavité digestive elle-même est tapissée depuis la bouche jusqu'à la base de grandes cellules claires, transparentes, arrondies et réunies en pavé. Telle est la structure du corps des individus prolifères , structure qui ne diffère en rien de celle d’un polype hydraire ordinaire. Comme dans ces derniers la cavité stomacale est creusée dans l'épaisseur du corps même et nullement séparée des téguments par des parois propres. Aussi toute cette partie est-elle destinée unique ment aux fonctions digestives, qui s’y font de la même manière comme dans un polype hydraire. Le suc nourricier, élaboré par l'extraction de la proie dans le fond de la cavité digestive, est conduit immédiatement dans le réseau vasculaire, tandis que les restes non digérés sont rejetés en dehors par la bouche. Nous avons mentionné à la base des individus prolifères des petites grappes d'une couleur jaunâtre, composées par des bourgeons ou gemmes ‘, et qui ont été signalés pour la première fois par M. Hollard. Cet observateur s'est pourtant mépris entière- ment sur la signification de ces grappes, en les désignant sous le nom d'ovaires. Ce sont bien les organes reproducteurs, si l’on veut, mais il ne peut pas y être ques- tion d'ovaires, ces grappes ne produisant jamais des œufs, mais bien au contraire des bourgeons qui vont devenir des Méduses libres, lesquelles se détachent de la Vélelle après être arrivées au terme de leur développement. La description et la figure de ces grappes données par M. Hollard sont aussi inexactes que possible, comme je vais le prouver en détaillant mes observations sur ce sujet. Chaque grappe gemmifère est composée par une agglomération de bourgeons plus ou moins développés: Tous ces bourgeons ont dans le commencement * plus ou moins la forme d'un œuf, et montrent de Loane heure une disposition symétrique Zap. 2, fig. 19, g: Tab. 2, fig. 17. 27 DE LA MER DE NICE. 27 de leurs parties sur quatre rayons. Les bourgeons les plus jeunes sont entièrement ronds ; bientôt ils prennent une forme un peu allongée. Ils sont fixés par leur base sur la tige même du polype et composés de deux couches, l’une très-épaisse exté- rieure, dans laquelle on voit des indications vagues de corps arrondis; l’autre plus mince intérieure, qui est adaptée partout à la couche externe et entoure immé- diatement une large cavité conique, dont la base est tournée en dehors, tandis que le col communique librement avec la cavité de la tige du polype prolifère ‘. Le jeune bourgeon à donc la structure d'une vésicule très-épaisse, composée de deux cou- ches, lesquelles entourent une cavité interne, qui n'est autre chose qu'une appen- dice latérale, une poche cœcale de la cavité commune du polype. On voit dans l'intérieur de cette cavité un mouvement vibratil très-prononcé ; mais quoique j'eusse eu à ma disposition des lentilles n° 8, faites par mon ami G. Oberhæusser, je n'ai pu distinguer clairement les cils vibratils dont cette cavité doit être tapissée. La couche externe du bourgeon n'était qu'une continuation épaissie de l’épiderme général qui couvre la base du polype prolifère. La substance interne, au contraire, était évidemment particulière aux bourgeons et montrait, quoique entièrement transparente, une légère teinte verdâtre. On aurait dit deux globes de verres diffé- rents, de flint et de crown, enchässés l'un dans l’autre. Le degré suivant du développement donne la clé pour l'interprétation de plusieurs faits observés dans ces bourgeons très-jeunes. Le bourgeon figuré fig. 19 a encore sa forme primitive, mais il se montre déjà plus développé. Les corps arrondis accu- mulés dans la couche épidermoïdale se dessinent plus exactement et se montrent comme des capsules urticantes, qui seulement sont plus considérables que celles des tentacules et des polypes prolifères mêmes. La substance interne du bourgeon a augmenté ; vis-à-vis de l'entrée rétrécie de la cavité se montre une accumulation de substance ferme (c) partant de l’âxe du bourgeon et qui s’avance librement dans la cavité. Celle-ci entoure cette accumulation proéminente de quatre branches dis- posées en croix. La forme des bourgeons change maintenant de plus en plus. Ils s’allongent davan- tage de manière à acquérir la forme d’un œuf, qui, par son extrémité pointue, est ‘Tab. 2, fig. 18. 28 C. VOGT. SIPHONOPHORES 28 attachée à la grappe. Des cellules jaunes, semblables à celles du réseau vasculaire, se développent dans l'intérieur de la substance interne du bourgeon et forment à la fin huit accumulations disposées en rangées longitudinales sur le bourgeon et rapprochées par paires. Les organes urticans, qui d'abord paraissaient disposés irrégulièrement, s'alignent aussi et forment quatre rangées longitudinales sur les faces externes du bourgeon. Au sommet extérieur de ce dernier se voit une accu- mulation centrale’ de cellules jaunes et de capsules urticantes, qui est justement opposée à l'ouverture par laquelle le bourgeon communique avec la cavité de la uge du polype. Pour se rendre compte exactement de cette structure des bourgeons, il faut les observer dans différentes positions. Vu d’en haut ‘ dans le sens de son axe longitu- dinal, le bourgeon présente la forme d’un quadrilatère à angles arrondis, dont les quatre coins sont marqués par les bandes saillantes des organes urticans (b), qui sont enchâssés dans la couche extérieure du bourgeon. A l’intérieur de cette couche, devenue beaucoup plus mince qu’elle n’était sur le bourgeon naissant, sont appli- quées quatre masses (c) considérables d’une substance gélatineuse et transparente qui sont nettement séparées les unes des autres, et qui correspondent à tel point aux rangées des organes urticans, que leurs lignes de séparation tombent juste au milieu de espace compris entre deux rangées de capsules urticantes. Ces masses laissent au milieu du bourgeon une cavité quadrilatère (e) dont les coins sont for- més justement par les lignes de séparation des masses, et qui, par conséquent, sont dirigés de manière à ce que chaque paroi de cette cavité quadrilatère soit opposé à une rangée de capsules urticantes. Les accumulations de cellules jaunes (d) sont disposées très-régulièrement dans l'intérieur de ces quatre masses de substance transparente ; — elles sont rejetées sur les côtés de ces masses et embrassent la ligne de séparation entre deux masses. On voit donc huit accumulations de cellules jaunes, disposées par paires des deux côtés des lignes de séparation entre les masses transparentes. Si l'on tourne le bourgeon de manière à regarder son sommet exté- rieur, On voit encore une accumulation centrale (f) de cellules jaunes et d'organes urticans au milieu de la cavité quadrilatère interne. Si l’on tourne le bourgeon au ! Tab. 9, fig. 20. 29 DE LA MER DE NICE. 29 contraire de manière à regarder l'extrémité par laquelle il adhère à la base du polype ‘, on voit l'ouverture (g) par laquelle cette base communique avec la cavité interne du bourgeon. Le bourgeon, ayant une forme allongée, se couche ordinairement sur le flanc lorsqu'il est détaché, et comme les rangées d'organes urticans constituent quatre côtes un peu saillantes, il présente ordinairement une des faces comprises entre deux rangées de capsules urticantes. C’est cette position que représente la fig. 22. On voit alors aisément la couche externe dans laquelle sont enchässés les organes urticans et qui est assez mince sur les flancs, tandis qu'elle est beaucoup plus considérable sur le sommet externe du bourgeon, où se trouvent aussi accumulés des organes urticans et des cellules jaunes en assez grande quantité. Deux rangées d'organes urticans descendent le long des deux côtés du bourgeon et au milieu de la face comprise entre ses deux rangées se voit une espèce de fente (4) fortement ac- cusée, qui n'est autre chose que la ligne de séparation qui divise les deux masses de substance transparente accumulée à l'intérieur. C'est cette ligne de sé- paration que M. Hollard * a prise pour l'indication de la crête de la jeune Vélelle qui, suivant lui, devait se développer dans l'intérieur du bourgeon. Des deux côtés de cette fente ou ligne de séparation se voient les accumulations de cellules jaunes qui, comme nous venons de le voir, se trouvent toujours des deux côtés dans les masses de substance transparente. On observe aussi dans cette position très-facilement le trou par lequel la cavité interne du bourgeon commu- nique avec celle de la base du polype. Bientôt se manifeste un autre progrès. Au-devant de l'ouverture de commu nication dont je viens de parler se voit une accumulation de granules bruns et noirâtres (4 fig. 22) qui se pose presque comme nn bouchon sur cette ouverture et empêche de la distinguer plus clairement. Cette accumulation s’aggrandit de plus en plus. Le bourgeon change en même temps de forme. Son diamètre transversal devient petit à petit presque aussi considérable que l'axe longitudinal, et comme l'extrémité avec laquelle le bourgeon est attaché à la base du polype, reste étroite, tandis que l'extrémité opposée s’élargit et s’aplatit tou- U ? Tab. 2, fig. 24. ? Loc. cit. p. 252. 30 C. VOGT. SIPHONOPHORES 30 jours d'avantage, la forme d'œuf, que possédait d'abord le bourgeon, passe petit à petit à celle d’une cloche dont le sommet est tourné vers le polype, la base vers le dehors. Tandis que ces changements de forme s’accomplissent insensiblement, l'organisation intérieure devient de plus en plus intelligible. On voit maintenant que le bourgeon grandit considérablement dans sa masse, tandis que les organes indiqués primitivement, les capsules urticantes et les cellules jaunes conservent toujours les mêmes dimensions et le même arrangement. Les rangées d'organes urticans, quoique saillantes encore, ne sont pourtant plus le premier objet qui frappe la vue. Les accumulations de granules jaunes forment maintenant huit trainées, dis- posées des deux côtés des quatre rangées d'organes urticans. L'accumulation de gra- nules noires, rougeàtres et jaunes, qui se trouve au-devant de l'ouverture de com- munication entre le bourgeon et le polype est devenue plus considérable et se montre surmontée par un mamelon creux dans lequel on remarque un mouve- ment vibratil qui occupe donc la même place que le mouvement, que j'avais ob- servé dans le bourgeon naissant. Le bourgeon a déjà maintenant la forme d’une Méduse à ombrelle très-haute, qui serait attachée par son sommet à la base du polype prolifère. C'était le douze mai 1852, que je vis pour la première fois des bourgeons qui se détachaient de Vélelles vivantes que je venais de prendre en les laissant glisser dans un bocal sans les toucher. Ces bourgeons médusaires ‘ n'avaient pas tout à fait la largeur d'un millimètre. Ils étaient parfaitement transparents et à peine visibles à l'œil nu; leurs mouvements seuls les faisaient connaître dans l'eau. Dans la figure, que je donne de ces bourgeons détachés, la Méduse est vue exactement de profil, de manière que l’une des quatre rangées d'organes urti- cans occupe le milieu de la face qu’elle tourne vers l'observateur. On voit sur ce dessein, que l’ombrelle de ces Méduses provenant des Vélelles est assez haute et large à sa base, de manière que le diamètre de la base égale celui de l'axe central. L'ombrelle (a) est formée par une couche considérable de substance hyaline, dans laquelle on voit des points plus obscurs indistinctement lavés, qui Tab. 2, fig. 23 et 24. ol DE LA MER DE NICE. ol paraissent le résultat d'une structure intérieure, que je n'ai pu déchiffrer davan- tage. Le sommet de l'ombrelle (+) est entièrement fermé, on ne voit plus de trace de cette communication, qui existait aussi longtemps que la Méduse était encore attachée comme bourgeon au polype prolifère. Les capsules urticantes (b) se trou- vent tout à fait sur la couche extérieure de l'ombrelle sur laquelle elles font même saillie, de manière que vues d'en haut-elles paraissent entourées d’une base circulaire. L'ouverture de l'ombrelle (d), qui est placée vis-à-vis de son sommet, est circulaire et entourée d’une membrane musculaire disposée comme l'iris d'un œil; c'est par les contractions de cette membrane que les petites Méduses nagent absolument de la même manière comme toutes les autres Méduses à ombrelle. Les granules jaunes (e) sont disposés en petits amas alignés longitudinale ment des deux côtés des organes urticans. La substance hyaline de l'ombrelle est tellement transparente, qu'on croirait ces granules situés exactement sur le même niveau que les organes urticans, lorsqu'on observe ces rangées en face. Ce n'est qu'en les voyant de côté, qu'on aperçoit que les granules jaunes sont si- tués à la face interne de la substance hyaline de l'ombrelle, et sont séparés par conséquent des organes urticans par toute l'épaisseur de cette dernière subs- tance. Îl est évident, en outre, que les cellules jaunes se trouvent dans l’intérieur de canaux, qui partent du sommet de l'ombrelle, et qui sont creusés entre la substance hyaline de l'ombrelle d'un côté et la substance frangée de l’intérieur de l’autre côté. La petite Méduse a, par conséquent, quatre larges canaux rayon— nant du sommet de l'ombrelle vers l’orifice. Au-devant de ces canaux, et faisant saillie vers la cavité interne de la Méduse, se trouvent quatre masses longitudinales d'une substance transparente (f) qui paraît comme plissée sur son bord libre, lequel est tourné contre la cavité interne. En examinant plus attentivement la structure de ces quatre bandes frangées et plissées, je les ai vues composées de cellules cylindriques très-serrées, dont la base arrondie est tournée vers la cavité de la Méduse. Je me suis donné beaucoup de peine pour découvrir des œufs ou des zoospermes dans l'intérieur de ces masses frangées, que je soupconnais être les organes sexuels de la Méduse, mais je n'ai pu parvenir à aucun résultat, et 32 C. VOGT. SIPHONOPHORES 32 Je n'ai pu garder les petites Méduses assez longtemps en vie pour pouvoir observer leur développement ultérieur ‘. Du sommet de l'ombrelle de la Méduse, pend l'organe en mamelon (4) dont j'ai décrit plus haut le développement. Cet organe est creux dans son intérieur, où il montre un mouvement vibratil très-vif; ses parois sont composées de fibres musculaires dont on observe manifestement la disposition rayonnante ; on voit cet organe s’allonger et se raccourcir, changer de forme de mille manières, et quelquefois on aperçoit distinctement une ouverture à son sommet libre. C'est donc un estomac avec sa bouche qui pend du sommet de notre petite Méduse. Au fond de la cavité stomacale se trouve cetle accumulation de granules noires et brunes, et de cellules jaunes que j'ai déjà mentionnées plusieurs fois. Nous pouvons donc maintenant caractériser complétement les bourgeons mé- dusaires, dont nous venons de parcourir le développement. Ces méduses appar- tiennent à la division des Cryptocarpes de Eschscholtz, car on ne voit nulle part sur le pourtour du disque ces organes oculiformes, qui se trouvent chez la plupart des Méduses. Je n'ai pas vu non plus de tentacules sur le bord du disque ; je dois observer pourtant que j'ai vu sur beaucoup d'individus, une espèce de mamelon ou de verrue (c) sur le bord du disque, à l'endroit où une des rangées d'organes urticans atteignait ce bord ; — mais je n'ai trouvé aucun individu sur lequel il y aurait eu plus d'une seule verrue, et comme la disposition symétrique et radiaire de mes petites Méduses est trop manifeste, je pencherai plutôt à croire que ces verrues étaient quelque chose d’anormal, au lieu de les prendre pour des tentacules en voie de formation. Les traits principaux qui caractérisent donc notre Méduse seraient : l'ombrelle haute et presque semi-globulaire ; la disposition des organes par quatre; la présence d’un estomac simple pendant du sommet de l'ombrelle ; la continuation de la cavité stomacale en quatre canaux, remplis de granules jaunes, et l'existence de quatre bandes d'organes en franges, rayonnant depuis l'estomac vers l'orifice de l'ombrelle, et avançant librement dans la cavité interne de cette dernière. * Dans une communication, datée du 30 janvier 1853 de Messine , et envoyée au journal de MM. Kül- liker et Siebold (T. IV, p. 340). M. Gegenbaur décrit aussi les méduses provenant des Vélelles. M. G. a trouvé les organes sexuels rangés par quatre sur les côtés de l'estomac. Un seul des exemplaires trouvés par lui avail aussi un tentacule rudimentaire. 33 DE LA MER DE NICE. 33 D'après tous ces caractères, nos petites Méduses, provenant des Vélelles, ren- treraient dans la tribu des Eudorées de M. Lesson, caractérisées par une om- brelle dépourvue de bras et de tentacules, munies d'un sac stomacal simple et dans le genre Ephyra, que M. Lesson caractérise ainsi d'après Eschscholtz: « Bou- che simple, privée de bras; point de cirrhes, ni au pourtour ni à la face inférieure du disque. » Je n'ai pas trouvé parmi les nombreuses petites Méduses presque microscopiques, que j'ai péchées dans la mer de Nice, des types qui se rapprochassent de celui que je viens de décrire ; car toutes celles que j'ai rencontrées, et qui évidemment venaient de se séparer de leurs polypes producteurs, avaient des tentacules au bord de l’ombrelle. Je dois dire aussi que mes observations sur la reproduction des Vélelles s'arrêtent ici. Mon départ étant fixé pour le milieu du mois de mai, je n'ai pu suivre plus loin les évolutions des êtres qui devaient dériver des Mé- duses décrites. Je ne puis rapporter qu'une indication qui mettra peut-être des observateurs futurs sur la voie. Un de mes amis m'assure avoir trouvé, quinze jours après mon départ, des essaims de jeunes Vélelles à peine perceptibles dans l'eau, et d'un diamètre de cinq millimètres au plus. Ces Vélelles, me disait-il, étaient déjà tout à fait conformées comme les adultes, à cette exception près, qu'elles étaient arrondies et que le limbe était garni en dessous seulement de tentacules et d'un polype central. En rapprochant cette description d’un homme versé dans les sciences chimiques, mais qui n'avait aucune notion des relations des Vélelles avec les genres voisins ; en rapprochant, dis-je, cette observation aux descrip- tions données des Rataires, on sera étonné de leur concordance. Je ne doute donc nullement que les Rataires ne soient en effet, comme l’a soupconné déjà Forskal, des jeunes Vélelles, qui n’acquièrent que petit à petit la forme ellip- tique, et dont le limbe se garnit seulement plus tard d'individus reproducteurs. Je crois aussi que ces Rataires sont engendrés par les Méduses que nous venons de décrire, et qu'elles se développent par les œufs que ces Méduses produisent. Des naturalistes qui passeront les mois de mai et de juin sur les bords de la Méditerranée pourront facilement combler la lacune qui existe dans mes ob- servations. Je dois dire encore un mot sur l'accroissement des Vélelles, tel qu'on peut D 4 34 C. VOGT. SIPHONOPHORES 34 l'observer sur les individus adultes. J'ai signalé plus haut la rangée des tentacules implantées sur le bord interne du limbe, entre celui-ci et les individus reproduc- teurs. Ces tentacules paraissent former une simple rangée ; en les observant atten- tivement, on verra pourtant toujours sur un point quelconque de la circonférence la rangée interrompue, de manière que l'on croit voir un anneau cassé, dont les deux bouts se dépassent un petit peu. Les tentacules ne sont pas d’une lon- gueur égale sur ce point. Ceux qui sont placés en dedans paraissent plus courts et moins développés. Un examen attentif de cet endroit fait bientôt découvrir la raison de cette apparence. Les tentacules, ainsi que les individus reproducteurs bourgeonnent dans cet endroit, et les jeunes bourgeons y sont tellement accu- mulés, qu'il est assez difficile de les déméler et de suivre leur développement ; d'autant plus que le bord interne du limbe sur lequel sont implantés ces bour- geons est fortement coloré en bleu, et empêche ainsi l'examen par transpa- rence. J'ai donné un dessin de ces bourgeons, fig. 10, tab. 1. On voit les bour- geons des tentacules (/f) formant dans le commencement des espèces de cœcums, placés sur le vaisseau circulaire du limbe et composés de deux couches ; une couche épidermoïdale bleue et une autre plus transparente, au milieu de laquelle est creusée la cavité interne du bourgeon. La couche épidermoïdale est d'abord presque transparente, quoique teinte en bleu et d’un aspect uniforme. Mais bientôt se montrent dans cette couche des granulations, qui finissent par s'accumuler en énormes quantités et à se dévoiler comme organes urticans, tandis que la couche interne qui est devenue de plus en plus considérable se montre composée de fibres musculaires. Les bourgeons des individus reproducteurs (2) sont placés en dedans des bour- geons des tentacules, et diflèrent de ces derniers dès leur première apparition. Ils ressemblent d'abord à des verrues blanchâtres creuses, entourées d'un tissu granuleux qui est aussi formé par les organes urticans naïssants. En s’allon- geant, ces verrues prennent bientôt la forme définitive des individus reproduc- teurs et se montrent alors hérissées de toute part de mamelons composés par les capsules urticantes. La base étroite par laquelle les individus reproducteurs sont fixés sur la face inférieure du limbe ne se dessine que plus tard, en même temps que la bouche s'ouvre au dehors, le bourgeon dans le commencement 39 DE LA MER DE NICE. 39 ayant été fermé de toute part. Les grappes de gemmes médusaires, qui garnissent la tige des polypes ne se montrent que plus tard, et forment la dernière phase du développement de ces bourgeons. Les observations que je viens d'exposer ci-dessus fixent d'une manière irré- vocable l'opinion qu’on doit se faire sur l’organisation des Vélelles ; l'existence de deux sortes d'individus placés sur un corps commun, la multiplication de ces individus par bourgeonnement et la production singulière de gemmes médusaires prouvent à l'évidence que les Vélelles ne sont pas de simples animaux, mais des Colonies d'individus implantés sur un même tronc et diffèrentes des autres polypes hydraires seulement par la manière dont le tronc commun est conformé. Ce tronc commun est composé en effet de différentes parties. C’est d’abord un appareil hydrostatique destiné à balancer le poids spécifique de la colonie avec celui de l'élément ambiant. Cet appareil hydrostatique est formé par le bouclier du squelette, par les tours en spirale d'un canal aérifère, qui remplace donc ici la vésicule d'air que nous voyons chez d’autres Siphonophores ; mais il acquiert un développement insolite chez la Vélelle où il se continue par les petits canaux aérifères dans tous les individus composant la colonie. Les autres parties du sque- lette et notamment la crête forment des organes locomoteurs passifs pour la co- lonie tout entière. Une seconde partie très-importante, c'est le réseau vasculaire qui, en partant du sac stomacal de l'individu central, se ramifie dans toutes les parties de la colonie, et avec lequel communiquent aussi, comme nous avons vu, les individus reproducteurs. C’est comme on sait un caractère général de toutes les colo- nies de polypes, que les cavités digestives des individus composant la colonie s'abouchent dans un système vasculaire commun, qui tantôt est formé seulement par un canal simple, tantôt par des canaux ramifiés. La Vélelle montre la même conformation, seulement au lieu d'être étiré dans un long canal ou dans un polypier dendroïde, le système vasculaire commun est ici étendu horizontalement, et c'est par cette forme insolite que sa véritable signification a échappé jusqu'à présent aux observateurs. Ces canaux ramifiés à l'infini et tapissés à l'intérieur de cellules jaunes sont donc pour nous l’analogue de ce canal musculaire com- mun, que l’on observe chez la plupart des autres Siphonophores, c'est l'analogue 36 C. VOGT. SIPHONOPHORES 36 des canaux plus ou moins ramifiés des Sertulaires et des autres polypes hydraires qui forment des espèces d'arbres ou d'autres masses ramifiées ; car ce réseau vasculaire des Vélelles montre le même caractère essentiel, savoir : L'abouche- ment de tous les individus composant la colonie avec ses canaux communs dans lesquels circule le fluide nourricier élaboré pour tous et par tous. Qu'on s'imagine un moment une branche de corail noble rendu propre à la natation. L’axe calcaire au lieu d’être solide et dendroïde, sera creux et rempli d'air ; — les polypes posés d’un côté seulement. On verra alors que le tégument cortical, dans lequel sont implantés les polypes du corail, formera à son tour une membrane tendue sur l'axe creux et parcourue de nombreux canaux se rami- fiant dans tous les sens, reliant les polypes entre eux et portant le fluide nour- ricier dans tout l'organisme. Les Vélelles sont donc des polypiers à axe hydrosta- tique aplati, à la surface inférieure duquel sont fixés les polypes sur des canaux nourriciers ramifies. La colonie que nous appelons Vélelle est toujours composée par un seul in- dividu nourricier central qui, comme nous le prouvent les Rataires, est aussi le premier de toute la colonie. Cet individu n'a d'autres fonctions que de s’ap- proprier de la nourriture, c'est un polype stérile comme on en trouve si souvent chez les autres Polypes hydraires. A côté de ce polype central sont placés les individus reproducteurs qui en même temps sont aussi propres à prendre des ali- ments. Nous avons dans les colonies de polypes hydraires ordinaires deux sortes diflérentes d'individus reproducteurs. Chez les uns ces individus ne sont aptes qu'à la reproduction ; — ils n'ont point de bouche et sont nourris seulement par le fluide circulant dans le système vasculaire de la colonie; chez d’autres au contraire les polypes sont en même temps nourriciers et reproducteurs ; — ils ont une bouche et une partie antérieure appropriée à la nutrition, et une partie pos- térieure sur laquelle se développent les bourgeons. les gemmes ou les organes reproducteurs. Les Vélelles sont dans ce dernier cas. Si on n'a pas reconnu la nature de ces polypes, la cause en est seulement à la manière particulière dont ils sont agglomérés sur la partie commune. On comprend aussi que les opinions les plus diverses devaient se manifester sur la nature de ces individus reproduc- teurs et sur celle du polype central aussi longtemps que l'on prenait la Vélelle 37 DE LA MER DE NICE. 37 pour un animal simple, et on comprend en même temps que la contradiction apparente qui existe dans la présence de deux sortes d'organes très-différents concourant au même but, à l'alimentation, doit disparaître nécessairement du mo- ment où l'on reconnait la véritable nature de la Vélelle. On peut être dans le doute sur la nature des tentacules qui sont implantés sur le limbe. Ceux qui voudront pousser la nouvelle manière d'envisager les Vélelles et les Siphonophores en général jusqu'à l'excès, préféreront de voir dans les tenta- cules des individus particuliers chargés seulement de la défense de la colonie, et peut-être aussi de l’appréhension des aliments ; tandis que d’autres les considèreront comme des organes protecteurs de la colonie. J'avoue que je n’attache pas une grande importance à la discussion qui pourrait s'élever à ce sujet. On verra par les observations ultérieures sur d’autres espèces de Siphonophores, qu'il est presque impossible dans ces colonies si curieuses de placer la limite entre la signification des mots « individu » et «organe » ; on verra, par exemple, qu'il n'y a pas de limites tran- chées entre les individus reproducteurs, tels que je les ai décrits dans la Vélelle, qui sont susceptibles de se mouvoir, de pourvoir eux-mêmes à leur nutrition, et entre de simples mamelons creux, ne montrant autre chose qu'une communication ouverte avec le système vasculaire de la colonie, mamelons, sur lesquels on ne voit ni mouvement, ni aucune autre manifestation de vie. Il en est de même pour cer- tains organes locomoteurs, pour d’autres organes qui, de l'état de plaques protec- trices simples, passent par des passages insensibles à celui de tentacules et presque d'individus indépendants. Toutefois, la position de ces tentacules aussi près de la face dorsale que possible, leur structure simple, me font penser que ce sont les véritables analogues des plaques protectrices que l’on rencontre chez d’autres Sino- phores, et qui, chez les Physophores, sont même développés de la même manière sous forme de tentacules vermiformes et subulés, protégeant les autres appendices par leur position en couronne. Je me résume, en disant que les Vélelles sont des colonies de polypes hydraires appropriées à la nage par un appareil hydrostatique et composées de deux sortes d'individus, d’un individu central nourricier et de nombreux individus groupés autour de ce dernier, reproducteurs et nourriciers en même temps ; que les Vélelles se reproduisent par bourgeons médusaires, et que ce sont ces petites Méduses qui 38 C. VOGT. SIPHONOPHORES 38 sont le véritable état sexuel de Vélelles. Les Vélelles ont donc en somme deux états alternants d'existence, l’un sexuel produisant des œufs et des zoospermes; et dans cet état ce sont des individus isolés, des Méduses qui jamais ne se groupent ensemble en colonie; l’autre état aggrégé non sexuel, formant les colonies nageantes de po- lypes hydraires, connues sous le nom de Vélelles, et se reproduisant par la formation de bourgeons isolés sous formes de Méduses. 39 DE LA MER DE NICE. 39 IL. SUR LA PHYSOPHORE HYDROSTATIQUE. (PHYSOPHORA HYDROSTATICA, FORSKAL.) TAB. 3 —6. Forskal. Observat. animal., p. 119, n° 45, tab. 33, fig.6. Gmelin. Syst. nat. p. 3157, n° 1. Bruguière. Encycl. méthod. Tab. 89, fig. 7-9. Modeer. Nouv. Mém. Acad. Stokholm, 1789. Bosc. Hist. nat. des vers. Tab. 15, fig. 4. Lamarck. Anim. sans vertèbr. II, 476. Eschscholtz. Syst. des Akalephen, p. 145, n° 5. Blainville. Manuel d'Actinol., p. 115. Delle Chiaje. Memor. sul. Anim. senza vertebr. T. IV, pl. 50. * Lamark. Anim. sans vert. 2° éd. (Dujardin) T. HE, p. 81, 1105 & Lesson. Acalèphes, p. 503, n° 1. Physophora disticha. Griffith. Anim. Kingdom. pl. 5, fig. 2. Physophora corona. C. Vogt. Zeitschrift von Th. v. Siebold und Kælliker. Vol II, p. 522. 1851. Le genre Physophorc fut établi par Forskal sur la même espèce qui nous occupe ici. Mais la circonscription de ce genre, qui chez Forskal embrassait trois espèces, ne saurait rester aujourd'hui, vu qu’elle embrasse tous les Siphonophores soutenus par une vésicule aérienne. Voici du reste la définition de ce genre et de l'espèce, telle que Forskal la donne : 40 C. VOGT. SIPHONOPHORES 40 « Physophora : Corpore libero, gelatinoso, e vesicula ærea pendente; membris « gelatinosis, sessilibus ad latera ; tentaculis subtus plurimis. « Situs animalis hydrostaticus, sublatus pulmone extra corpus; ad formam ma- « chinæ quam Diabolum Cartesianum appelamus. « Phys. hydrostatica ; Ovalis ; vesiculis lateralibus, trilobis plurimis, extrorsum « apertis ; intestino medio et tentaculis quatuor majoribus, rubris. » Description traduite de Forskal. « Ovale, comprimée, longue d'un pouce et demi; épaisse d’un pouce ; munie en haut d’une vésicule terminale, ovale, oblongue, de l'épaisseur d’une plume de pigeon, droite et toujours pleine d'air. De chaque côté une rangée de vésicules hyalines, trilobées, posées obliquement une au-dessus de l’autre; il s'en trouve trois d'un côté et de l’autre cinq. Je les crois de figure irrégulière. Le lobe ex- térieur tronqué de ces vésicules a une ouverture orbiculaire pourvue d'un limbe rétractile et expansible. Un infestin au milieu, plus étroit qu'une plume de pigeon, qui s'étend depuis la vésicule terminale jusqu'au ventricule globuleux. Cet in- testin est filiforme, hyalin au sommet, rouge dans le reste et plus épais à la base. Le ventricule se trouve tout en bas entre les vésicules trilobées ; il est rond, creux, rouge, avec une ouverture circulaire et muni de tentacules ou de papilles blanchâtres tordues et plissées, quand ils ne sont pas en expansion. Il porte outre cela des vésicules globuleuses jaunes, du diamètre de l'intestin, d’un côté cinq, de l’autre trois. Des grands tentacules rouges se trouvent en haut sur les côtés du ventricule, d’un côté trois, dont l’un plus court de l'épaisseur d’une plume de pigeon, les deux autres beaucoup plus grands et de la longueur d’un pouce. Ces ten- tacules sont plus gros vers le milieu et portent un petit bouton blanchâtre à l’ex- trémité. Les tentacules de l’autre côté sont plus petits, l’un est ouvert à l'extrémité, l'autre plus mince que l'intestin, subulé et de la longueur d'un demi-pouce. » «J'ai vu un autre exemplaire avec des tentacules plus grands et presque égaux. WTab..3, fig. 1. 41 DE LA MER DE NICE. 41 Le mouvement est merveilleux ; l'animal tient toujours le sommet de la vésicule aérienne à la surface de l’eau, il rame avec les vésicules trilobées en rétractant et en poussant le limbe de leur bouche. Il étend et tord les tentacules du ventricule, et allonge ses cornes de tous les côtés. » Pour rendre intelligible cette description, assez complète du reste, et pour la mettre en accord avec les observations qui vont suivre, nous n'avons qu'à dire que nous donnons aux vésicules trilobées de Forskal le nom de vésicules ou cloches natatoires, et à l'intestin celui de tronc commun vertical. Le ventricule est pour nous le disque ou la partie horizontale du tronc commun, et les papilles blanchâtres sont les fils pécheurs. Les vésicules jaunes reçoivent chez nous le nom de polypes, tandis que nous conservons pour les {entacules le nom que Forskal leur a donné. L’'exemplaire le plus complet que j'eusse trouvé possédait cinq cloches natatoires dans une rangée et six dans l’autre, et quatorze tentacules sur le bord du disque. Ce nombre varie du reste beaucoup, la colonie s'augmentant sans cesse par le bour- geonnement de nouvelles cloches natatoires et de nouveaux tentacules,. La Physophore hydrostatique n’est pas très-commune dans la mer de Nice. Je n'ai eu à ma disposition que deux exemplaires adultes, dont le premier fut pris le 28 janvier 1851, tandis que le second fut pêché pendant le courant de l'hiver sui- vant. Un jeune individu, fort différent des adultes, fut pris le 15 septembre 1851. On peut distinguer ‘ dans l’ensemble de ses organismes deux parties, savoir : la partie verticale, composée des vésicules natatoires, de la vessie aérienne et du tronc commun qui descend vers la partie horizontale, sur laquelle sont disposés en cou- ronne les tentacules, les polypes et les grappes reproductrices. La parte verticale avait chez l'exemplaire le plus développé une longueur de 0%,055, et portait de chaque côté cinq vésicules natatoires parfaitement développées, auxquelles s'ajoutait d’un côté une sixième entièrement formée, mais qui n'avait pas encore la grandeur des autres. Ces vésicules ou cloches natatoires sont des pièces dures, parfaitement transparentes, imbriquées obliquement et posées, en alternant, sur deux rangées de manière que le fond de chaque vésicule d'un côté est enchâssé dans l’espace entre deux cloches de l’autre côté. Vues d'en haut, ces vésicules ont ! Tab. 3, fig. 1. 42 C. VOGT. SIPHONOPHORES 49 à peu près la forme d'un fer à cheval, dont l'extrémité convexe serait tournée en dehors, tandis que les deux pointes postérieures embrassent le tronc vertical com- mun de couleur rose qui descend depuis la vésicule aérienne, et sur lequel les vési- cules natatoires sont fixées par une petite proéminence médiane. Sur le sommet tronqué de la courbure extérieure se trouve l'ouverture orbiculaire de la cloche, qui est inclinée obliquement, et se montre garnie d'un limbe musculaire très-fin et très- contractile disposé comme l'iris de l'œil. Une profonde impression sépare la partie médiane et proéminente de la vésicule, qui porte cette ouverture, des parties laté- rales, de manière que, vu de côté ou de face, la cloche paraît en effet trilobée. La substance hyaline, mais ferme, de la cloche est encore soutenue par des fils d'une matière plus solide, qui ressemblent à des bâtonnets de baleine, et qui ont sous le mi- croscope un aspect corné. On aperçoit ces bàtonnets déjà à l'œil nu comme des lignes parfaitement nettes, dont une entoure l'iris orbiculaire de l'ouverture en ser— vant de support à ce rideau musculaire, ‘tandis qu’un autre se porte d'arrière en avant. Deux courbes latérales, embrassant le bouton médian, par lequel la cloche est fixée en arrière, se réunissent au bâtonnet qui court dans la ligne mé- diane, tandis que deux autres se dessinent sur les ailes postérieures proéminentes de la cloche. Examinés sous un grossissement plus considérable, ces bâtonnets se montrent creux dans toute leur longueur; — ce sont des canaux, creusés dans une substance plus solide, qui, après s'être porté depuis la proéminence postérieure de la cloche dans les directions indiquées, se rassemblent enfin dans un canal cir- culaire commun sur lequel l'iris musculaire de l'ouverture est fixé. Ces canaux sont en communication directe avec la cavité du tronc commun par le canal postérieur qui perce le moignon, au moyen duquel la cloche est fixée sur le tronc commun. La cavité dans laquelle conduit l'ouverture extérieure de la cloche natatoire est assez petite, et ne s'étend pas au delà de la moitié de l'épaisseur de la vésicule en- tière. Elle est close de toutes parts et dirigée de manière qu’elle fait un angle de 45° à peu près, avec le tronc commun, formant l'axe de la partie verticale. L'animal se dirige et nage dans toutes les directions par le moyen de ces vésicules, qui, en s'ou- vrant, se remplissent d'eau qu’elles chassent en se contractant. On peut comparer le mouvement de ces cloches natatoires à celui de l'ombrelle des Méduses. C'est la répulsion de cette eau chassée avec violence qui fait avancer l'animal dans la dia- 43 DE LA MER DE NICE, 43 gonale, et, par conséquent, si les deux rangées fonctionnent à la fois, dans le sens de l'axe du tronc commun. Suivant que l'une ou l'autre des rangées travaille davan- tage, l'organisme entier va de côté, plonge ou s'élève à la surface, mais toujours de manière à ce que la vésicule aérienne soit portée en avant. La vessie aérienne ‘ est placée au sommet de tout l'organisme, et se distingue au premier coup d'œil par un vif reflet argentin et par une tache rouge foncée qui est accumulée à son extrémité pointue. Cette tache est composée de granulations fines réunies en grand nombre et déposées dans la membrane probablement musculaire qui entoure la vésicule aérienne, La bulle d'air elle-même est pyriforme et enchassée dans une espèce de capsule transparente d'une substance sans structure ayant la dureté du cartilage. Cette capsule se continue immédiatement dans le tronc com- mun médian, qui court entre les vésicales natatoires et se fait distinguer par la couleur rose uniformément répandue dans son tissu. Ce tronc commun vertical a l'épaisseur d’un millimètre à peu près, et forme un tube creux tissé de fibres mus- culaires très-fines, en grande partie circulaires et entremélées de fibres longitudi- nales. [1 jouit d'une grande contractilité. C'ést par ses contractions que la vésicule aérienne est tantôt retirée près des cloches natatoires, tantôt allongée de manière à s'en éloigner ; c’est aussi par les contractions de ce tronc commun que les rangées de vésicules natatoires peuvent être plus ou moins courbées d'un côté ou de l’autre. Les vésicules natatoires fixées à ce tronc, se détachent ordinairement après une demi-journée de captivité ; le tronc dépouillé se contracte alors à tel point, qu'on ne voit qu'une espèce de bouton allongé sur lequel plane la vésicule aérienne, qui en tient l'extrémité suspendue. La bulle d'air est entourée immédiatement comme je viens de le dire, d'une expansion musculaire, faisant suite aux couches musculaires du tronc. Cette enveloppe musculaire tapisse la face intérieure de la capsule carti- lagineuse qui termine ce tronc commun. Cette capsule est close de toute part. MM. Quoy et Gaimard * et M. Lesson * prétendent que la bulle d'air est percée d’un trou au sommet. C'est une erreur d'observation causée probablement par l'accumu- lation de granules pigmentaires qui se trouve en cet endroit. J'ai examiné avec Tah3, 0 fe2 0. 2 Ann. Sc. nat. tom. X. * Acal. p. 501. 44 C. VOGT. SIPHONOPHORES 44 beaucoup de soin ce point, mais je n'ai pu voir, aussi peu que M. Philippi, aucune trace quelconque d’une ouverture au sommet de la capsule qui entoure la bulle d'air. Immédiatement au-dessous de la bulle d'air, entre celle-ci et les vésicules nata- toires formées, se trouve une quantité de bourgeons * plus ou moins développés, destinés à remplacer ou à augmenter les vésicules natatoires alignées le long du tronc. Ces bourgeons montrent en général une forme arrondie et laissent apercevoir au milieu une cavité par laquelle ils communiquent avec l'intérieur du tronc com- mun. Je n'ai pas pu suivre leur développement en détail, mais il ne diffère en rien suivant mes observations de celui des vésicules natatoires de plusieurs autres espèces, dont je m'occuperai dans la suite de ces mémoires. Je ne mentionne ici ces bourgeons et leur position, que parce que Delle Chiaje *, dans sa description très- confuse et très-inexacte de notre espèce, a placé ces bourgeons à l'extrémité infé- rieure du tronc, en les appelant des ventouses. Le même auteur appelle aussi les vésicules natatoires des ventouses, en prétendant qu'elles se remplissent d'air, ce qui, certes, est contraire à toute observation. l Le {ronc commun * s'élargit un peu en bas à l'endroit où les vésicules natatoires finissent, particularité très-bien notée par Forskal, et il se continue immédiatement dans une partie ronde, boursoufflée, disposée en couronne ou en gâteau, que nous appellerons le disque “, et autour de laquelle sont attachés les tentacules, les grappes reproductrices et les polypes. Cette partie a été désignée comme ventricule par Forskal, et comme ampoule par MM. Quoy et Gaimard. Ce n’est autre chose que le tronc commun lui-même devenu tout d'un coup très-large et aplati, et qui se tourne en spirale en s'enroulant sur le même plan, de manière à former un gâteau ou une espèce de disque. En dépouillant successivement ce disque des différentes appen- dices qui y sont attachées, ce que du reste fait l'animal lui-même en mourant, on peut très-bien se convaincre de cette disposition contournée de l'extrémité posté- rieure élargie du tronc commun , disposition qui se voit du reste parfaitement dans nos figures. Le disque enroulé de cette manière est creux dans l'intérieur, mais fermé de toute part. Ce qui a pu induire en erreur plusieurs auteurs, notam- ment M. Philippi, qui croyait avoir trouvé une bouche au centre de ce disque, c’est DPTab-e2, fig. 27h PMTab 8, fe; (e 2 Memorie sul. stor. ‘ Tab. 4, fig. 3, c. fig. 4, a 45 DE LA MER DE NICE. 45 précisément cet enroulement du canal aplati formant le disque, enroulement qui simule une ouverture, surtout lorsque l'animal est déjà fatigué. On observe faci- lement que les appendices placées à l'extrémité de ce canal enroulé sont plus déve- loppées que celles qui se trouvent plus près de l'endroit, où il communique avec la partie verticale du tronc commun. La cavité du disque et du tronc commun est remplie par un liquide transparent, visqueux, dans lequel nage une quantité de petites granulations très-transparentes, qui paraissent être le résultat de la diges- tion. Le disque ainsi que le tronc vertical forment donc dans leur ensemble un réservoir musculeux commun, qui, comme nous verrons, est en Communication directe avec les appendices rangées autour du disque. Celles-ci sont de trois sortes différentes. En plaçant la Physophore dans l’eau dans sa position verticale, position qu'elle aflecte toujours lorsqu'elle se tient tranquille, on remarque d’abord une cou- ronne d'appendices vermiformes de couleur rouge qui ont à peu près une lon- gueur de trois centimètres et qui sont dans un mouvement perpétuel. Ces ap- pendices, que nous appellerons les {entacules * sont formées d'une substance hya- line qui a la consistance et l'élasticité d’un cartilage fibreux et un éclat comme du satin moiré. Le tentacule en entier forme un tube conique, fermé de toute part. Son extrémité pointue a une couleur bleuâtre, et semble quelquefois comme desséchée, en affectant en même temps la forme d’un bouton déchiré en fibres fines. L’extrémité par laquelle le tentacule est fixé au disque, est taillée comme un bec de plume de manière à s'adapter à la surface arrondie du disque. Cette extrémité n'est point fermée ; elle s'adapte facilement sur une ouverture con- duisant du disque dans la cavité du tentacule. En arrachant ce dernier, on remarque qu'un fil de matière élastique entre dans le disque même et sert ainsi d'attache. La cavité des tentacules est remplie par le même liquide parfaitement transparent et à globules peu nombreux, qui remplit aussi le disque et le tronc commun. J'ai déjà fait observer, que les tentacules sont d autant plus petits que l'on se rapproche de la partie du disque qui est attenante au tronc vertical, et c'est là en effet qu'on trouve aussi des bourgeons en développement progressif 1 Tab. 8, fig. 2, f. Tab. 4, fig. 3, d, fig. 4, e. 46 C. VOGT. SIPHONOPHORES 46 qui vont devenir des tentacules. La substance satinée de ces jeunes tentacules est colorée en rouge dans son ensemble de la même manière, comme le disque et le tronc vertical, sans qu'on puisse voir un pigment particulier. Elle se compose de plusieurs couches concentriques dans lesquels je n'ai pu découvrir aucune structure fibreuse, sauf peut-être dans la couche la plus interne qui ordinaire- ment est plissée de manière à trahir une structure musculaire. En déchirant un tentacule, on ne découvre pas non plus des traces d'une structure pareille. La cavité reste alors baillante comme celle d’une artère coupée. Les tentacules se dé- tachent difficilement et restent encore sur l'organisme mort quand même toutes les vésicules natatoires seront détachées. Pour se rendre compte de la structure ultérieure du Physophore il convient d'examiner la face inférieure du disque, ce qu'on ne peut faire qu'en coupant le tronc vertical avec les vésicules natatoires qui y sont attachées. On aura alors l'aspect que J'ai représenté dans la fig. 4 tab. 4. Sur toute la surface inférieure du disque sont attachés autant de polypes, qu'il y a de tentacules à la face supérieure. Chacun de ces polypes se compose de trois parties : d'une tige étroite ", creuse, de couleur rouge, qui est implantée près de la circonférence du disque 2 même. Sa seconde partie * est globuleuse et vivement colorée en jaune ; la partie antérieure enfin * qui porte la bouche, est tout à fait transparente, et présente mille formes diverses suivant son état de contraction. Sur la limite entre la base rouge et la partie jaune globuleuse se voit une toufle d'appendices * plus ou moins cylindriques, placée sur un rebord circulaire, de laquelle sort un long fil ex- trêmement contractile auquel sont attachées des capsules urticantes ?. La partie antérieure du polype est formée d’une substance hyaline semblable au sarcode et capable des changements de forme les plus surprenants. La bouche se trouve au sommet de cette partie vermiforme ; — elle est ordinairement arrondie et je n'ai jamais pu voir une disposition anguleuse ou rayonnée, comme dans plu- sieurs autres Siphonophores. On voit très-souvent que ces bouches se collent sur la surface du porte-objet, en s'étendant circulairement, de manière à prendre tout à fait la forme d’une ventouse de sangsue. Autrefois, et surtout quand la mort Tab 4 he. 0,10. ‘ Tab. 4, fig. 5, e. ? Tab. 4, fig. 5, g. 5 Tab. 4, fig. 5, f. 3 Tab. 4, fig. 5, h. 47 DE LA MER DE NICE. 47 approche, les polypes se retroussent en arrière en faisant glisser la partie antérieure sur la partie postérieure comme un doigt de gant. On voit ces différentes formes dans la fig. 5, tab. 4. La cavité interne du polype est tapissée dans son entier par des cils vibratils extrêmement fins, par lesquels le liquide granuleux qui remplit les polypes est agité dans un tourbillon continuel. Cette cavité est creusée dans la substance sarcodique même et n'en est point séparée par une paroi particu- lière ; elle se continue en arrière dans la partie jaune du polype dans laquelle on ob- serve une autre structure. La partie jaune du polype ne change presque jamais de forme ; elle se montre toujours globuleuse. Ses parois sont très-épaisses et colorées dans leur substance entière en jaune sans qu'on puisse distinguer un pigmentum particulier. La cavité digestive traverse celte partie dans toute sa longueur comme un canal, et elle est tapissée par le même epithélium vibratil que celui de la partie antérieure. C’est l'épaisseur considérable des parois qui donne à cette partie sa forme globuleuse. Déjà à un faible grossissement on remarque dans ces parois des points ronds, bril- lants qui réfractent fortement la lumière et qui sont disséminés dans toute l’é- paisseur de cette substance. En les examinant sous un fort grossissement, ces points se montrent sous la forme de cellules rondes ou ovales à double contours très-fortement accusés et réfractant la lumière, comme si elles étaient remplies d'huile. Ces cellules cessent en haut sur une limite marquée, et n'existent pas non plus dans la base qui est entièrement formée de la substance élastique dont se compose aussi le disque. Elles sont donc entièrement bornées à cette partie moyenne, qui est sans doute la véritable cavité digestive du polype, et on pourra les envisager comme cellules biliaires sécrétant un liquide destiné à la digestion. La limite entre la base rose et la partie jaune, assez tranchée du reste est cachée par le collier et la touffe de bourgeons cylindriques qui se trouvent à cet endroit et dont nous parlerons plus loin. Les bourgeons des polypes se voient à la même place que les bourgeons des tentacules, au-dessous des cloches natatoires sur le commencement du disque et à la face inférieure de ce dernier. Ils ont d'abord une forme ovalaire et devien- nent petit à petit cylindriques par l'allongement de leur sommet. J'ai dessiné 48 C, NOGT. SIPHONOPHORES 48 un jeune bourgeon qui prenait déjà la forme de polype dans la fig. 10, tab. 5. On y remarque que la cavité interne, qui est munie d’un mouvement vibratil extré- mement vif dans ce jeune bourgeon est encore complètement fermée vers le som- met, que la bouche n'est pas encore percée, tandis que les cellules de la partie jaune sont déjà amplement développées et remplissent toute la masse épaisse de la partie moyenne, qui est déjà faiblement teinte en jaune. La bouche ne s'ouvre que lorsque le polype a atteint son développement définitif, et jusqu'à cette époque le polype ne communique que par sa base avec la cavité du disque, d'où il tire sa nourriture. On le voit, cette structure ne diffère en rien des po- lypes hydraires ordinaires, et certes si on n'avait devant soi qu'une seule de ces appendices détachée, on n'hésiterait point à la décrire comme formant un genre par- ticulier dans cette grande famille du règne animal. Mais ce qui distingue surtout les polypes formés, c'est,la couronne d’appen- dices cylindriques qui se montre comme une touffe épaisse entre la base et la partie jaune, et qui repose sur un collier circulaire, séparant ces deux parties. Du milieu de cette touffle sort un filament qui peut se contracter de ma- nière à disparaître presque entièrement, et qui peut s'étendre jusqu’à la longueur de trois décimètres et davantage. J'appelle ce filament le fil pécheur ‘. Chaque po- lype étant muni d'un fil pêcheur semblable, il se trouve donc autant de fils que l'on compte de polypes ou de tentacules sur le pourtour du disque. Ce n'est que dans des eaux parfaitement calmes que la Physophore développe tous ses fils, en se tenant dans une position verticale, la vésicule aérienne à fleur d'eau, telle que je l'ai représenté sur la troisième planche ; mais dès qu'il s'agit d'un dépla- cement, tous les fils pêcheurs sont ramenés sous le disque de manière à former une touffe épaisse qui remplit tout l'espace sous les tentacules. La composition de ces fils pêcheurs est très-curieuse. Chacun est formé par un assemblage de tubes cylindriques *, ajoutés les uns aux autres de manière que le fil entier ressemble à un filament d’algue, composé de cellules cylindri- ques allongées. Tous ces tubes, quoique séparés par un étranglement très-marqué, sont pourtant traversés par une cavité continue, par un Canal qui prend sa source 1 Tab. 4, fi 2 Tab. 5, fig. ue f. a, n © ot CE 49 DE LA MER DE NICE. 19 dans la cavité interne même de la tige du polype et qui se continue jusqu à la der- nière extrémité du fil pêcheur et de ses fils secondaires. On remarque dans ces tubes composant le fil pêcheur principal deux couches, l'une extérieure, épaisse, formée d'une substance gélatineuse et à surface rugeuse, et l'autre intérieure tapissant immédiatement la cavité, et dans laquelle on remarque des fibres circulaires très- prononcés. Chacun des tronçons du fil pêcheur peut se contracter et s'allonger isolément, d'une manière fort considérable, et lorsque le fil pêcheur en entier doit être retiré, les tronçons s'appliquent les uns contre les autres à peu près comme les pièces qui composent un mètre de poche. Cette structure par tronçons contractiles pouvant s'appliquer les uns contre les autres permet un raccourcissement beaucoup plus considérable que la simple contractilité, füt-elie même poussée au plus haut point. L'application de cette construction mécanique simple est générale dans tous les fils pêcheurs des Siphonophores, et c'est aux deux effets combinés de la contraction et de la coudure des tronçons que ces fils doivent les changements étonnants de lon- gueur dont ils sont susceptibles. Sur chaque tronçon est implanté près de l'articulation un fil secondaire portant l'organe urticant ; chacun de ces fils est simple et composé de trois parties, sa- voir: d'une tige étroite musculeuse ‘ très-contractile, ayant la même structure comme les tronçons du fil pêcheur. C'est surtout sur ces fils secondaires que l’on remarque l'aspect presque velu de la couche externe que nous avons déjà signalé aux tronçons, mais qui y est moins apparente. À cette partie musculeuse du fil, qui est évidemment creuse et dont la cavité communique avec celle du tronçon sur lequel le fil secondaire est placé, succède une partie moyenne en forme de boyau allongé *, ayant des parois très-lisses et minces, et une cavité interne fort consi- dérable, remplie d'un liquide parfaitement transparent. Cette partie en boyau montre des fibres circulaires qui de temps en temps forment des bourrelets visibles, même à un petit grossissement. Elle est tapissée en outre dans son intérieur de cellules rondes, parfaitement transparentes, sans noyau, qui de distance en dis- tance sont fixées à cette paroi, comme on peut le voir lorsqu'on examine surtout ! Tab. 5, fig. 9, 6. ? Tab. 5, fig. 9, c. 50 C. VOGT. SIPHONOPHORES 50 les côtés du boyau. Le boyau se rétrécit des deux côtés, en bas pour s'emman- cher sur la base étroite musculaire, et en haut pour se continuer dans l'ampoule urticante qui termine tout l'appareil. On voit à cet endroit que la membrane musculaire, qui forme la couche intérieure du boyau, est plissée longitudinalement et forme ainsi une espèce d’entonnoir par lequel la cavité du boyau communique avec celle de la capsule urticante. Cette dernière ‘ a la forme d’un œuf un peu allongé, dont le grand diamètre fait la continuation de l'axe du boyau. Elle est composée extérieurement d'une substance hyaline de consistance cartilagineuse, dans l'intérieur de laquelle se trouve une grande cavité, dont tout le pourtour est tapissé par des cellules ron- des transparentes et en pavé. Cette cavité s'ouvre au dehors par une ouverture * située près de la base de la capsule là où celle-ci s'emmanche avec la partie en boyau. A l’intérieur de cette cavité se trouve un second sac formé d'une mem- brane musculaire, qui, par un prolongement postérieur, est évidemment en com- munication avec la couche musculaire tapissant la surface intérieure de la partie en boyau. Ce sac musculaire (f) est attaché au pourtour de l'ouverture de Ja capsule de manière que cette ouverture conduit directement dans la cavité du sac musculaire. Celui-ci cache dans son intérieur un long fil (4) qui ordinaire- ment est enroulé en spirale, ou affecte des dispositions plus ou moins tourmentées. On peut voir dans les figures 9 à 11 de la tab. 5 différentes formes d'enroule- ment de ce fil, copiées très-exactement d'après nature. Ce fil forme plutôt une banderolle plate, enroulée de manière à montrer une de ses faces applaties. Il est composé dans son entier par une énorme quantité de petits corpuscules durs, courbés en forme de sabre et posés verticalement les uns contre les autres, de manière à former des lignes excessivement serrées en quinconces, qui donnent à toute la surface du fil l'aspect d'un treillis très-fin. Ces corpuscules durs, de na- ture cornée, que j'appellerai dorénavant les sabres urticans, montrent leur pointe tournée au dehors de manière que toute la surface du fil est hérissée par les extrémités de ces piquants implantés verticalement dans la surface du fil. Le fil se continue ainsi jusque vers le sommet de la capsule urticante. Là il change * Tab. 5, fig. 9, d. fig. 10 et 11. 9, fig. 40 et 11, g. e =D fr 51 DE LA MER DE NICE. 51 de nature, sa dernière extrémité étant composée de corpuscules très-grands, ap- platis, courbés un peu de manière à présenter la forme d'une gousse de haricots, que j'appellerai les fêves urlicantes Ces grandes fèves urticantes sont dis- posées en deux séries sur l'extrémité du fil et forment là comme un bouquet jaunâtre, tout le reste du fil étant d’une couleur blanche éclatante par la lumière directe, et d’un gris incertain par la lumière transmise. Examinées en détail les grandes fèves urticantes se montrent d'une couleur jaune-brunâtre, d'une con- sistance très-considérable, de manière à résister presque toujours aux plus for- tes pressions que l’on peut exercer avec le compresseur à plaques minces. On voit dans leur intérieur des lignes brunâtres concentriques et au milieu un corps plus dur, ayant l'aspect d'une pointe composée de deux branches allongées, et se réunissant dans un sommet qui est tourné vers le côté libre du corpuscule. Je n'ai pas pu amener ces corpuscules à éclater et à lancer leur pointe en dehors, mais je ne doute pas que les lignes concentriques que l’on voit dans l'intérieur de ces capsules ne soient aussi comme dans les capsules urticantes des Vélelles, l'expression optique d’un fil enroulé en spirale, qui remplit l'intérieur de la fève urticante et qui est attaché à l'extrémité de la pointe que l'on distingue si bien dans ces corpuscules. J'ai pu observer la manière dont les capsules urticantes du fil pêcheur se mettent en action. Je les ai vu éclater par l'impulsion de l'organisme, et J'ai pu amener quelquefois le même résultat par des pressions réitérées du compresseur sous le microscope même. L'ouverture pratiquée à la base de la capsule s'ouvre tout d’un coup, et le fil urticant en son entier est lancé au dehors avec une grande violence. J'ai représenté une pareille capsule dans la fig. 9 de la tab. 5. On voit que toute la banderolle déplissée atteint la longueur du fil urticant secondaire, et que son extré- mité est réellement composée par une double série de ces grandes fèves urticantes dont je viens de décrire la structure. On voit, en outre, que la banderolle est accom- pagnée dans toute sa longueur par un fil musculaire d'une grande finesse, qui est attaché au bord intérieur de la banderolle, de manière que celle-ci le cache entière- ment entre ses replis lorsqu'elle est retirée dans l’intérieur de la capsule. La vio- Tab. 5, fig 42. LD, C. VOGT. SIPHONOPHORES 52 lence avec laquelle la banderolle urticante est lancée au dehors est si grande, que le sac musculaire (f) qui l'enveloppe, la suit ordinairement en partie et forme une espèce d’hernie, qui bouche l'ouverture de la capsule. C'est à cette partie du sac musculaire que la banderolle avec son fil musculaire est attachée. Évidemment toute la banderolle peut être retirée par le moyen du sac et du fil musculaire dans l'intérieur de la capsule urticante, et la manière irrégulière dont le fil est souvent disposé dans l’intérieur de la capsule, me paraît être une preuve que ces fils étaient - déjà lancés au dehors et retirés de nouveau dans leurs capsules. L'usage des fils pêcheurs devient évident, lorsqu'on observe une Physophore en repos dans un bocal assez spacieux pour qu'elle puisse s'y développer. Elle prend alors une position verticale, la bulle d’air à fleur d'eau. Les fils pêcheurs s’allongent de plus en plus en développant un à un les fils secondaires à capsules urticantes. Bientôt la Physophore ressemble à une fleur posée sur une toufle de racines très- allongées et extrêmement fines, qui vont jusqu'au fond du vase. Mais ces racines sont dans un mouvement continuel. Chaque fil pêcheur s’allonge, se raccourcit, se contracte de mille manières. Le moindre mouvement de l’eau fait retirer subitement les capsules urticantes et les fils pêcheurs, qui sont hélés avec la plus grande vitesse vers la couronne des tentacules. C’est un jeu continuel qui n’a d'autre but que de rechercher la proie destinée à la pâture des polypes, et qu'on ne peut mieux com- parer qu'aux mouvements d’une ligne de pêche; — car dès qu'une petite Méduse microscopique, une larve, un cyclope, ou quelqu'autre crustacée, viennent dans le voisinage de ces fils redoutables, il est immédiatement entouré, saisi et ramené vers la bouche du polype par la contraction du fil. Les organes urticans si compliqués, que nous voyons chez les Physophores, ont donc la même destination que les cap- sules urticantes, disposées dans les bras des hydres ou sur la face extérieure des tentacules et des polypes prolifères de la Vélelle. Outre les tentacules posés à la face supérieure du disque, et les polypes munis de leurs fils pêcheurs et implantés sur la face inférieure, on trouve encore une troi- sième série d'appendices sur le disque, que nous appellerons les grappes reproduc- trices ‘. Ces grappes sont posées entre les tentacules d'un côté et les polypes de * Tab. 4, fig. 4, c, d. fig. 8, d, e. 23 DE LA MER DE NICE. 53 l'autre, de manière que leur point d'insertion est toujours caché, comme que l’on regarde le disque. Pour les examiner en détail, il faut donc ou arracher les tenta- cules, ou bien couper les polypes qui les couvrent d'en bas. En examinant le disque de cette manière, on s'aperçoit qu'à chaque tentacule et à chaque polype corres- pond une double grappe reproductrice, qui est implantée sur la ligne verticale qui joindrait le polype au tentacule. On pourrait donc regarder le disque comme composé d'une série de zonites disposés circulairement, dont chacun serait formé à son tour par l'assemblage d’un tentacule, d'un polype et d’une grappe reproduc- trice entre les deux. Il est évident que le nombre de ces zonites augmente avec l'âge, et que, par conséquent, toutes les définitions d'espèces, dans lesquelles on compte le nombre des tentacules attachés au disque, n'ont aucune importance réelle, vu que ce nombre dépend de l'âge et des circonstances fortuites auxquelles la Physo- phore peut avoir été exposée. Chaque grappe reproductrice est composée de deux moitiés réunies ensemble par un tronc commun creux qui communique avec la cavité du disque même. Les deux moitiés de la grappe ont un aspect très-différent. L'une, que nous nommerons la grappe mâle ‘, montre déjà à la loupe un assemblage de vésicules allongées, gran- dissant vers son extrémité et qui sont implantées obliquement à l'axe de la grappe. Les vésicules placées au sommet de cette grappe mâle montrent une teinte légère- ment jaunâtre. L'autre moitié, la grappe femelle *, est composée de vésicules très- petites, ayant toutes la forme ronde et un diamètre presque égal. Ces petites vési- cules, qui sont à peine visibles à la loupe, sont beaucoup plus serrées que dans la grappe mâle, et donnent à la grappe femelle un aspect floconneux. Examinées en détail, ces grappes présentent la structure suivante : La grappe mâle est toute composée de bourgeons imbriqués obliquement, qui, dans le commencement de leur développement, sont presque ronds, mais s’allon- gent successivement à mesure qu'ils deviennent plus mûrs. Les jeunes bourgeons encore ronds * se montrent composés de deux couches parfaitement distinctes. La substance extérieure (a) est cartilagineuse, dure, transparente, sans autre structure 1 Tab. 4, fig. 4, c. fig. 8, d. 2 Tab. 4, fig. 4, d. fig. 8, e. ® Tab. 6, fig. 44. 54 C. VOGT. SIPHONOPHORES 54 visible et très-épaisse ; elle est entourée d'une couche épithéliale mince (e), qui forme la continuation directe de la membrane qui sert de support à toute la grappe. A l'intérieur du bourgeon se trouve une cavité en forme de poire (c), dont la pointe communique avec la cavité de la grappe, et par cela même avec celle du disque. La cavité, en forme de poire, du bourgeon, est entourée d’une couche de substance homogène aussi et transparente (b), mais séparée entièrement par une ligne de démarcation de la substance extérieure. La cavité est en outre tapissée dans son intérieur par un épithélium vibratil très-fin, qui tient dans un mouvement conti nuel une quantité de corpuscules arrondis, lesquels nagent dans le liquide, rem- plissant la cavité. !, la distinction des deux A mesure que les bourgeons mâles se développent substances devient plus marquée, la forme plus allongée et la cavité interne plus remplie d’une masse granuleuse d’un blanc crayeux, qui, à la lumière transmise du microscope, montre une légère teinte jaunâtre. Les bourgeons les plus développés que j'ai rencontré *, avaient une forme presque cylindrique, et le sac intérieur, rempli de substance crayeuse, était tellement étendu, qu'il touchait partout la face interne de la substance extérieure dont la couche était devenue successivement plus mince. Le sommet extérieur de ces bourgeons développés était un peu aplati, et montrait des petites contractions qui faisaient présumer une ouverture prochaine. L'ouverture du côté opposé, par laquelle la cavité du sac communiquait avec celle de la grappe tout entière, était presque complétement fermée, de manière qu'on pouvoit prévoir une séparation prochaine en cet endroit. La substance crayeuse qui, dans des bourgeons à demi-développés, se montrait seulement finement gra- nuleuse était maintenant composée de corpuscules ronds, à contours parfaitement accusés, qui montraient dans l'eau le mouvement caractéristique des zoospermes, et d'une manière tellement prononcée, que je me rappelle peu d'espèces où ce phé- nomène se serait montré avec plus d'éclat. Je n'ai pourtant pu découvrir des appendices en forme de queue à ces corpuscules, qui se montraient toujours à contours parfaitement ronds et nettement circonscrits. 2 Considérée dans son ensemble, la grappe mäle forme donc un boyau creux ! Tab. 6, fig. 15-19. “Tab (6, fie. 10: Do DE LA MER DE NICE. D cœcums excessivement nombreux, dans l'intérieur desquels se développent ces bourgeons qui, petit à petit, se remplissent de sperme, et qui probablement se dé- tachent à la fin sous une forme médusaire très-allongée, composée uniquement de l'ombrelle cylindrique et d’un boyau interne rempli de zoospermes. Il est facile de se convaincre de cette disposition générale de la grappe mâle en exerçant une pres- sion convenable sur le tronc creux de cette grappe. En chassant le liquide qui rem- plit ce tronc et ses branches, jusque dans les terminaisons des dernières, on peut remplir entièrement la cavité interne de tous les bourgeons, et même réussir à les détacher de la grappe lorsqu'on pousse le liquide avec plus de violence encore. Les grappes femelles * ont la même disposition générale, comme les grappes mâles ; — ce sont aussi des boyaux découpés en cœcums innombrables, qui se terminent en ampoules dans lesquelles se développent les bourgeons. Mais ici les bourgeons ont une autre apparence ; — ils sont serrés les uns contre les autres, arrondis, ou tout au plus ovalaires, et presque tous d'égale grandeur. Je me suis donné beaucoup de peine à déchiffrer la composition de ces bourgeons sans pouvoir y parvenir entièrement. On voyait dans la majorité des bourgeons une tache par- faitement accusée au milieu, que l'on aurait pu prendre à une inspection superfi- cielle pour la vésicule germinative, d'autant plus que par un grossissement plus fort cette tache circulaire et transparente montrait deux contours concentriques éloi- gnés l’un de l’autre. Mais très-souvent ces contours étaient beaucoup trop accusés pour qu'on püt les prendre pour ceux de parties aussi délicates que ne le sont ordi- nairement la vésicule et la tache germinative de l'œuf primitif; et une inspection soignée démontrait alors que la vésicule présumée n'était autre chose que la lumière d'un canal interne qui traversait le bourgeon dans le sens de son axe longitudinal. J'ai rencontré beaucoup de bourgeons dans lesquels ces dispositions étaient évi- dentes, et où l’on pouvait voir, en tournant le bourgeon *, que le contour circulaire interne se continuait véritablement dans un canal, qui se perdait au fond du bour- geon. On pouvait voir aussi sur beaucoup de ces bourgeons que le tronc de com- munication du bourgeon avec la cavité de la grappe montrait la même disposition circulaire à double contour que la vésicule germinative présumée. On ne pouvait ! Tab. 6, fig. 20-923. Tan 0 6e 21: 26 C. VOGT. SIPHONOPHORES 56 donc plus en douter, les jeunes bourgeons des grappes femelles étaient traversés dans tout leur long par un canal médian, dont la lumière se montrait de la façon indiquée, et qui, à son tour, était entouré d'une substance interne formant le double contour. En examinant des bourgeons plus adultes ‘, des doutes nouveaux devaient se présenter. Ces bourgeons montraient bien une enveloppe externe séparée en beaucoup d'endroits par des doubles lignes de contour, mais leur masse était pleine, il n’y avait ni cavité interne, comme dans les bourgeons mâles, ni canal traversant l'axe comme dans les jeunes bourgeons femelles. On pouvait décou- vrir des canaux superficiels partant du trou de communication situé à la base des bourgeons. Ces canaux étaient creusés entre l'enveloppe externe et la subs- tance intérieure qui remplissait le bourgeon. C'étaient ces canaux superficiels qui causaient l'aspect de double contour à la circonférence du bourgeon ; leurs parois étaient sinueuses. Je n’ai pas pu découvrir une disposition régulière de ces canaux à la surface du bourgeon, quoique j'eusse cherché cette disposition longtemps, parce que des observations sur d'autres espèces me faisaient présu- mer que javais devant moi des bourgeons médusaires en voie de développe- ment, et que ces canaux étaient l'analogue des quatre canaux disposés en croix que j'ai signalé chez les bourgeons médusaires des Vélelles. Mes doutes devaient s'accroître encore quand je vis qu'au milieu de cette substance homogène in- terne et remplissant le bourgeon, se trouvait de nouveau une figure ronde à double contour (/f), mais qui était très-faiblement accusée et qui ressemblait beaucoup à une vésicule et à une tache germinatives. Les dernières observations que j'étais à même de faire me font donc présumer le développement suivant de ces bourgeons femelles. Il n'y a d’abord qu'un bourgeon simple, globulaire, épais, percé dans son axe par un canal qui fait la continuation directe de la cavité de la grappe. Plus tard, la substance interne du bourgeon en s'’augmentant se modèle davantage, remplit toute la cavité interne du bourgeon, sauf des inter- stices en forme de canaux qui restent entre cette substance et l'enveloppe ex- terne et qui sont en communication directe avec la cavité de la grappe. La subs- 115.10 15028. 57 DE LA MER DE NICE. 57 tance interne se développant toujours davantage, se constitte à la fin en masse vitellaire ayant une vésicule et une tache germinative au centre. N'ayant eu à ma disposition que deux exemplaires adultes de la Physophore, chez lesquels les grappes reproductrices n'étaient pas dans un état très-avancé de développe- ment, je n'ai pu déterminer si l'explication que je viens de donner est réellement exacte et s’il est juste de croire que chacun de ces bourgeons sert au dévelop- pement d'un seul œuf véritable. Il se pourrait aussi que je me fusse trompé sur la signification de la figure circulaire à double contour qui se voit dans les bourgeons les plus avancés et que ces bourgeons devinssent de véritables Mé- duses qui à leur tour se détacheraient de la Physophore. Celle-ci produi- rait suivant cette dernière explication deux sortes différentes de bourgeons mé- dusaires, les uns de figure plus allongée presque cylindrique, portant dans l'in- térieur un sac rempli de zoospermes, les autres presque globulaires, à vaisseaux superficiels partant de l’ancien tronc de communication avec la grappe, lequel forme toujours dans ses bourgeons le sommet de l’ombrelle. En adoptant au contraire, mon observation d'un seul œuf primitif constitué dans chaque bour- geon (et c'est cette explication que je préfère), la reproduction des Physophores doit se faire par des véritables œufs, produits dans des organes extérieurs et fécondés par des organes mâles à forme médusaire. L'étroite liaison qui existe entre les Physophores et les Agalmes, dont je traiterai plus loin, parle en faveur de cette opinion. MM. Kælliker et Huxley, qui ont aussi étudié les organes sexuels des Physophores se prononcent d’ailleurs catégoriquement sur ce point. Je n'ai qu'à citer les paroles de M. Kælliker (1. c. p. 311). « Chez les Physophores les grap- pes màles et femelles se trouvent à côté des polypes sur des tiges communes, et cha- que ovisac ne contient qu'un seul œuf. » On voit d'après la description qui précède, que les Physophores sont une co- lonie flottante de polypes hydraires, pourvue de différentes sortes d’appendices dans lesquels l’individualisation est plus ou moins prononcée. Personne ne vou- dra nier que les appendices nommés par les auteurs les suçoirs, et dans lesquels nous avons démontré cette structure si compliquée, ne soient véritablement des polypes hydraires, polypes pourvus de bouche, de cavité stomacale, de fils pé- cheurs et fixés sur un tronc commun, dans lequel aboutissent leurs cavités | 8 58 C. VOGT. SIPHONOPHORES 58 respectives. Mais pourra-t-on appliquer le nom d'individus locomoteurs à cette série de vésicules natatoires placées le long de la partie verticale du tronc commun, dans lesquels on ne peut voir que cette faculté locomotrice, qui n’a rien d'in- dividuel et qui ne sert qu'à la colonie tout entière et sous la condition que cette faculté soit exercée en commun? Pourra-t-on appliquer ce nom d’individu à ces appendices, que nous avons nommés les tentacules, tubes musculaires fermés de toute part, et n'ayant aucune autre mission que celle de protéger les organes fixés au-dessous de leur couronne? Pourra-t-on nommer enfin individus ces grappes qui développent dans l'intérieur de leurs ampoules des bourgeons, chargés de zoospermes ou d'œufs, ou bien veut-on appeler chaque bourgeon à zoospermes un individu mâle — chaque bourgeon à œuf un individu femelle ? L'examen ultérieur d’autres espèces de Siphonophores pourra peut-être appor- ter plus de jour encore sur ces questions dont la réponse n’est pas facile. Le quinze septembre 1851, je ramassai dans la baie de Villefranche quelques jeunes Siphonophores qui flottaient en société de quelques Salpes à la surface d'une mer parfaitement tranquille. On ne les voyait dans les bocaux que comme des points brillants gros comme des petites têtes d'épingles et surmontés d'un point rouge foncé. Je donne ici la description d'un de ces organismes, qui est évidemment une jeune Physophore et qui n'était encore composé que d'un seul polype avec son fil pêcheur, de quatre tentacules et de plusieurs cloches natatoires en voie de développement. La fig. 24 de la sixième planche montre cette jeune Physophore sous un gros- sissement de 30 diamètres. La portion verticale de la Physophore est encore réduite à une pièce pyri- forme (a), dont la base plus large est enchassée entre des tentacules énormes (e), tandis que son sommet libre est occupé en haut par une large tache de pigment d'un brun-rougeûtre (b). Au-dessous de ce pigment se trouve la vésicule aérienne (c) ayant une forme en poire et enchassée dans un tissu fibro-floconneux qui tapisse la paroi interne de cette partie pyriforme, entoure la tache pigmentaire et descend en formant quatre ogives au milieu desquels descend une masse arrondie 59 DE LA MER DE NICE. 9 de la même substance, pour envelopper étroitement la bulle d'air, qui de cette manière a parfaitement l'air d'un battant suspendu au milieu d’une cloche. A la base de la partie pyriforme se trouvent plusieurs bourgeons ronds (d) portant au centre le double contour de la cavité dont ils sont creusés et qui évidemment sont destinés à devenir les cloches natatoires. Quatre tentacules (e) énormes sont fixés en couronne autour de la base de la partie pyriforme qu'ils cachent en partie. Ces tentacules ont une couleur jaune-rougeûtre par la lumière ordinaire, vert claire par la lumière transmise du microscope ; ils ont la forme d’un sac allongé et un peu courbé et montrent dans leur substance externe des fibres circulaires et des points ou granulations plus foncés, disséminés dans cette masse. Leur cavité interne est énorme, mais fermée de toute part et remplie d’un li- quide transparent. A l'extrémité antérieure émoussée des tentacules la substance qui les forme, devient plus épaisse et contient dans son épaisseur quelques corps urticans de forme ovale. Un seul polype (g) se voit entre les tentacules à la face inférieure de la partie pyriforme, qui porte la vésicule aérienne. Ce polype est fixé sur une base assez large (1), mais peu transparente ; il a la forme d’un boyau ouvert à l'extrémité. On voit dans sa substance, extrêmement transparente et presque incolore, des fibres transversales plus ou moins prononcées. Entre sa base et la partie pyriforme est atta- chée une toufle de bourgeons allongés, un peu courbés, du milieu de laquelle sort le fil pêcheur qui se montre assez gros et formé d’une série de tronçons tout à fait semblables dans leur structure aux tronçons du fil pêcheur des adultes. Sur les arti- culations de ces tronçons sont posées aussi des capsules urticantes, mais qui ne sont pas encorc parfaitement développées ; elles ont la forme d'une petite bouteille à goulot allongé et à fond arrondi, et sont manifestement creuses au milieu. Dans la partie élargie de cette petite bouteille se voient trois sortes d'organes urticans ; à la base, le plus près du manche de la capsule, se trouve une couronne de grandes fèves urticantes au nombre de six, qui sont disposées en cercle autour de la cavité interne de la capsule ; ces fèves ont une forme ovalaire et montrent au milieu très- bien la pointe à doubles branches écartées, dont les contours sont fortement accu- sés et qui est entourée du fil enroulé en spirale. Au-dessus de ce cercle de grandes capsules urticantes se trouvent les petits corps en forme de sabres, qui composent 60 C. VOGT. SIPHONOPHORES 60 dans l'adulte la majeure partie du fil urticant. Ici ces corpuscules sont disposés en lignes courbes sur une seule masse, comme l'indique la fig. 18, tab. 5, faite d'après un grossissement de 350 diamètres. Enfin, au sommet de la capsule se trouve une accumulation de lentilles urticantes, de corpuscules un peu aplatis, disposés en séries concentriques, et qui montrent à l'intérieur un fil enroulé en spirale, qui sort très-facilement, de manière que toute la capsule se trouve hérissée de pointes courtes et raides à la moindre manipulation. La partie postérieure de la capsule urticante est évidemment creuse et entourée d'un tissu musculaire qui se continue dans le tronçon court par lequel la capsule est réunie au fil pêcheur. Pour compléter cette description, je dois mentionner encore quelques bourgeons allongés claviformes (/, fig. 24) qui se trouvent au-dessous des bourgeons des vési- cules natatoires derrière la base du polype, et qui sont évidemment des polypes en voie de formation. On ne voit aucune trace de grappes reproductrices ou d'autres organes, qui puis- sent servir à la reproduction. Les différences entre cet organisme et la Physophore adulte sont considérables, mais la forme du fil pêcheur, l’organisation des capsules urticantes et la disposition des tentacules ne me fait pas douter un instant que, malgré ces différences, c'est réellement à une jeune Physophore que nous avons à faire. Ce jeune n'est composé encore que d'un seul polype, de plusieurs tentacules et d’une bulle d’air, tandis que toutes les autres parties sont en voie de formation. Cette observation nous permet donc d'établir la composition primitive d'une colonie de Physophores, telle qu’elle sort probablement de l'œuf. Ce sont d'abord les tentacules protecteurs, la vésicule aérienne et un seul polype qui existent dans le jeune. Ces parties se multiplient par bourgeons, auxquels s'ajoutent en premier lieu les vésicules nata- toires, et, en dernier lieu, les grappes reproductrices. Nous verrons que le même ordre de succession se suit aussi chez d’autres espèces. 61 DE LA MER DE NICE. 61 LL. SUR LES AGALMES. Le genre Agalma fut établi par Eschscholtz *, en 1825, sur des Siphonophores trouvés dans la mer de Kamtschatka. Cet auteur caractérisa le nouveau genre par ces mots : | « Tentacula ramis clavatis; clava apice bicuspidata. Partes cartilagineæ supe- riores cavitate natatoria instructæ, distichæ, inferiores solidæ, irregulares, sparsæ. » La description, ainsi que les figures que donne Eschscholtz, font reconnaître de suite qu'il avait devant lui des exemplaires complets, mais fortement contractés, d'où résultent quelques fautes d'observation, notamment celle de deux pointes, dont les capsules urticantes seraient garnies. Plus tard, M. Sars * ayant trouvé une espèce nouvelle sur les côtes de la Norwège, créa le genre Agalmopsis, dont il a donné la diagnose suivante, que je reproduis textuellement : « Partes cartilagineæ superiores seu natatoriæ ut in Agalmate, inferiores nume- rosæ, solidæ, triangulares, sparsæ, non tubum componentes, sed modo una earum extremitate canali reproductorio affixæ ceterumque liberæ, pro emissione tubulo- rum suctoriorum ac tentaculorum ubicunque fissuras præbentes ; canalis repro- ductorius longissimus, tubulos suctorios, vesiculas variæ formæ et tentacula offe- rens ; tentacula ramulis clavatis (clava variæ formæ) obsita. » Dans une lettre adressée à M. de Siebold et insérée dans la Zeitschrift für wissen- schaftliche Zoologie, vol. HI, p. 522, 1851, lettre qui a été reproduite dans les “ Isis de Oken, 1825, t. XVI, p. 743. System der Acalephen von Eschscholtz, p. 150, n° 12. ? Fauna litoralis Norwegiæ; 1846. 62 C. VOGT. SIPHONOPHORES 62 Annales des Sciences naturelles, j'avais rapporté deux espèces différentes trouvées par moi dans la mer de Nice, au genre Agalma d'Eschscholtz, en les appelant Agalma rubra et A. punctata. M. K@lliker, dans son rapport sur ses observations faites à Messine en automne 1852 ‘, mentionne deux espèces d'Agalmopsis, qu'il nomme Sarsii et punctata, et dont il ne donne malheureusement pas la description. Je ne doute pourtant nullement, d’après les détails consignés par cet observateur, que les deux espèces indiquées sous ces noms par M. K@ælliker ne soient identiques avec les miennes. Mes noms ayant été déclarés provisoires à dessein, vu que je n'avais pas à Nice les moyens d'éplucher la littérature accumulée sur ce sujet, j'aurais voulu pouvoir adopter ceux de M. Kælliker, qui a donné les siens comme définitifs. Mais ayant comparé maintenant les descriptions d'Eschscholtz et de Sars, je ne trouve aucune raison sérieuse pour l'établissement du genre Agalmopsis, la seule différence de ce genre avec le genre Agalma consistant en ce que le premier est établi sur des individus étalés, le dernier sur des exemplaires contractés. Le genre Agalmopsis, faisant double emploi, doit donc être rejeté entièrement, et les deux espèces de M. Kælliker doivent porter les noms donnés par moi et être rangés, avec l'espèce de M. Sars, dans le genre Agalma. Agalma rubra. C. Vogt. Cette belle espèce est très-commune dans les mers de Nice depuis les mois de novembre jusque vers le mois de mai de manière que j'ai pu en faire un examen presque complet. Je n'ai jamais trouvé d'exemplaires entièrement for- més pendant les calmes de l'été, tandis qu’en hiver j'ai rencontré quelquefois ces organismes magnifiques en si grande quantité que mes bocaux ne suflisaient pas pour leur donner place. Je citerai notamment le 12 et le 17 décembre 1851, où je rencontrai en face du port de Nice près de la première pointe vers Ville- franche entre 40 et 50 exemplaires dans l’espace d’une heure, qui tous sui- vaient le même courant, accompagnés d'une quantité prodigieuse de Salpes, de ‘ Zeitschrift für wissenschaftliche Zoologie von C.-Th. v. Siebold und Külliker. T. IV, p. 306. 63 DE LA MER DE NICE. 63 Méduses et d’un nombre inoui de petits Ptéropodes du genre Creseis, qui don- naient même de loin à l’eau une teinte blanchàtre. Je ne connais rien de plus gracieux que cette Agalme lorsqu'elle flotte étendue près de la surface des eaux. Ce sont des longues guirlandes transparentes dont l’é- tendue est marquée par des paquets d’un rouge vermillon brillant, tandis que le reste du corps se dérobe à la vue par sa transparence. L'organisme: entier nage toujours dans une position un peu oblique près de la surface, mais il peut se diriger dans toutes les directions avec assez de vitesse et plus d’une fois les guirlandes ont échappé par des mouvements subites au courant qui devait les entrainer dans mes bocaux. J'ai souvent eu en ma possession des guirlandes de plus d'un mètre de long, dont la série de cloches natatoires mesurait plus de deux décimètres de manière que dans les grands bocaux de pharmacie, dont je me servais pour garder mes animaux en vie, la colonne de cloches natatoires touchait le fond, tandis que la vésicule aérienne flottait à la surface. Immédiate- ment après la capture les colonies se contractaient à tel point qu’elles étaient à peine reconnaissables ; mais lorsqu'on laissait les bocaux spacieux en repos sans remuer, ce qui ne pouvait avoir lieu dans le bateau, tout l'ensemble se déroulait et se déployait dans les contours les plus gracieux à la surface du bocal. La colonne des cloches natatoires se tenait alors immobile dans une po- sition verticale, la bulle d'air en haut et bientôt commençait le jeu des différentes appendices. Les polypes, placés de distance à distance sur le tronc commun de couleur rose, s’agitaient dans tous les sens et prenaient par les contractions les plus bizarres mille formes diverses. Les individus reproducteurs, si semblables à des tentacules, se gonflaient et se contractaient alternativement en se tortillant comme des vers; les tentacules s’agitaient, les grappes ovariques se dilataient et se contractaient, les cloches spermatiques battaient l'eau avec leurs ombrelles comme les Méduses. Mais ce qui excitait le plus la curiosité, c'était le jeu con- tinuel des fils pêcheurs, qui se déroulaient en s’allongeant de la manière la plus surprenante pour être retirés quelquefois avec la plus grande précipitation. Tous ceux qui ont vu chez moi ces colonies vivantes ne pouvaient se détacher de ce spectacle saisissant, où chaque polype ressemblait à un pêcheur qui fait des- cendre au fond de l'eau une ligne de pêche garnie de hameçons vermeils, qu'il 64 C. VOGT. SIPHONOPHORES 64 retire lorsqu'il sent la moindre secousse et qu'il lance ensuite de nouveau pour la retirer de même. Les colonies restaient souvent en pleine vigueur pendant deux ou trois jours et j'ai réussi quelquefois à les nourrir avec des petits crus- tacés qui fourmillent près de la côte. Pendant ce temps-là les testicules murs se détachaient spontanément en nageant dans l'eau comme des Méduses, et les œufs murs s'échappaient des grappes en si grande quantité, qu'ils formaient quelquefois une couche à la surface de l’eau. Mes essais d'opérer des féconda- tions avec ces éléments n'ont cependant pas été couronnés de succès, quoique je les eusse répété mainte fois en y introduisant des variations. Chez les colonies conservées plus longtemps, la mort approchait par la décomposition successive de la colonie. C'étaient les plaques protectrices qui se détachaient en premier lieu. Elles étaient suivies par les clothes natatoires. Puis le tronc commun se contrac- tait, les fils pêcheurs aussi, et bientôt il ne restait de tout cet organisme si élégant qu'un fil glaireux entièrement contracté sur lequel pendaient par-ci par-là les po- lypes devenus opaques. Le {ronc commun ‘ de l'Ag. rubra est un tube musculaire creux de couleur rose, qui, sur les individus longs d’un mètre, montre à peine un diamètre d’un milli- mètre et demi dans son état de plus grande expansion ; il est fermé de toute part et composé surtout de fibres circulaires, dont la disposition se trahit déjà par l’ar- rangement de la couleur rose. Son canal intérieur est rempli d’un liquide transpa- rent, dans lequel nagent des petits corpuscules arrondis, qui ne m'ont montré aucune structure ultérieure. J'ai quelquefois cru voir à la loupe qu'un courant régulier montait dans ce tronc jusque vers la vésicule aérienne pour descendre de l'autre côté; mais je n’ai pu vérifier cette observation sur des colonies adultes, de manière à être parfaitement sûr. Dans les jeunes colonies, au contraire, j'ai pu constater avec la plus grande certitude, comme je le dirai plus tard, un courant ascendant et descendant dans la partie nue du tronc commun. La bulle d'air * qui est portée dans l'extrémité supérieure de ce tronc est toujours double et séparée par une accumulation de pigment rouge qui couronne aussi la bulle d'air supé- rieure, dont la forme est ovalaire, tandis que la bulle inférieure est toujours ronde. ATab 1; fig.t45m. Tab fis-1416 °c: Tab; ve. 4 Tab te Me #16Mr 0 65 DE LA MER DE NICE. 65 Ces deux bulles sont séparées par un plancher membraneux très-fin ‘, de manière qu'elles ne peuvent se confondre, et elles sont portées sur l'extrémité du tronc comme sur un col entièrement nu. Les bourgeons des vésicules natatoires ne com- mencent en effet qu'à quelque distance de la bulle d'air où ils forment une collerette saillante. Le col compris entre ces bourgeons et les bulles d'air est extrêmement contractile, et s'allonge et se raccourcit lorsque l'organisme se tient tranquille par intervalles presque rhythmiques, commes’il exerçait la fonction d’un piston de pompe pour imprimer un certain mouvement au liquide enfermé dans le tronc commun. Les cloches natatoires * sont disposées en double série le long du tronc et attei- gnent un nombre très-considérable. J'ai eu des exemplaires chez lesquels je pou- vais compter jusqu'à trente paires de cloches natatoires complétement formées. Ce sont des pièces plates, un peu plus hautes au milieu, percées dans la moitié de leur substance par une cavité, dont l'ouverture arrondie et tournée en bas est garnie d'une iris musculaire. Elles sont fixées au tronc par une petite saillie mé- diane en arrière, et embrassent le tronc lui-même par deux prolongements arrondis qui s'engrènent entre les deux cloches opposées. On remarque dans l’intérieur de la substance des cloches un système de canaux, en tout semblable à celui décrit dans les cloches natatoires des Physophores, et qui est composé par deux canaux médians, l'un supérieur, l'autre inférieur, et partant du moignon saillant par lequel la cloche est fixée au tronc. Ces deux canaux se joignent dans un canal circulaire situé à l'endroit où l'iris musculaire de l'ouverture est attaché, et dans un autre canal presque circulaire, qui se trouve à peu près au milieu de la cloche natatoire. J'ai remarqué sur les cloches natatoires des jeunes individus * des taches rouges, formées par des accumulations de pigment, qui se voyaient des deux côtés sur le rebord musculaire et au-dessus de ces taches pigmentaires deux petits cœcums pyriformes (e), qui évidemment faisaient partie du canal. Ces taches rouges ont disparu sur les cloches natatoires des individus adultes, où l'on ne voit que les cänaux qui sont entourés d'une substance plus ferme, un peu jaunâtre, d’un as- pect corné. J'ai remarqué également chez des jeunes individus que la cavité interne ! Tab. 8, fig. 16, b. 2NVab 1, fig. 4, c: # Tab. 9, fig. 18. 66 C. VOGT. SIPHONOPHORES 66 de la cloche natatoire était tapissée par des amas de fort petites cellules transpa- rentes remplies de petites granulations (tab. 9, fig. 19), qui étaient disposées de manière à former des ilots entre un réseau de mailles. Le développement de ces cloches natatoires peut être aussi bien étudié dans des animaux adultes, que dans des animaux plus jeunes. On trouve toujours des bour- geons de toutes grandeurs au-dessus de la série de cloches développées. Ce déve- loppement ne diffère en rien de celui déjà décrit chez les Physophores. On remarque ‘ d'abord une verrue tout à fait arrondie de substance solide, qui est creusée au milieu par une cavité assez spacieuse ; petit à petit cette verrue en s’aggrandissant prend une forme déterminée, qui approche beaucoup de celle d’une lyre, et en même temps il se dépose dans l'intérieur de la substance solide qui réduit la cavité interne, de manière que celle-ci se trouve à la fin circonscrite dans quatre canaux rayonnants réunis par un ou deux canaux circulaires. On voit en même temps sur les faces extérieures des cloches natatoires s'élever deux petits mamelons en saillie, qui contiennent quelques capsules urticantes. Le bourgeon, pendant tout ce temps- ci, est complétement fermé et ne communique que par sa base avec la cavité du tronc, dont les canaux ne sont que des prolongements. On remarque maintenant que la substance, du reste solide, du bourgeon commence à se creuser au milieu et qu'il s'en détache une couche interne, qui formera plus tard la couche de cellules, tapissant la cavité de la cloche et le rebord musculaire fermant l'ouverture. Quand ce développement est arrivé à un certain point, le bourgeon s'ouvre à l'extérieur par résorption et la formation de la cloche est achevée. Les capsules urticantes disparaissent alors de nouveau, et le bourgeon se trouve naturellement placé au- dessus de la dernière cloche développée de son côté. L'ouverture de la cloche et le grand axe de sa cavité étant dirigé obliquement de bas en haut, le résultat de l’ac- tion combinée des deux séries de cloches doit être la progression dans le sens de la bulle d’air, tandis que si une seule série travaille, la progression doit se faire plus ou moins obliquement. Rien de plus facile que de se convaincre par l'observation de ces colonies nageant dans la mer ou dans un bocal, qu'il y a une volonté com- mune à la colonie qui dirige les mouvements des cloches natatoires. J'ai vu non- ! Tab. 8, fig. 16, Tab. 41. 67 DE LA MER DE NICE. 67 seulement des colonies se débattant contre le courant que je produisais en plon- geant un bocal vide au-devant d'eux dans la mer; mais j'ai souvent aussi été témoin que des colonies, étalées tranquillement dans un local spacieux et péchant activement avec tous leurs fils pêcheurs, se ramassaient subitement sans cause exté- rieure comme par une secousse électrique, et parcouraient dans cet état contracté le bocal dans tous les sens avec des mouvements presque violents, comme si elles cherchaient à s'échapper de leur prison transparente. Les cloches natatoires bat- taient alors par séries comme sur des commandements, et exerçaient leur mouve- ment simultanément ou en alternant comme des soldats exercés à la manœuvre. Privées de leur point d'appui sur le tronc commun, les cloches natatoires se sou- tiennent encore souvent une journée tout entière en nageant dans le bocal, mais en faisant des culbutes continuelles. Au-dessous de la série des cloches natatoires se trouve l'endroit où bourgeonnent les différentes appendices attachées sur le tronc commun, et qui se développent à mesure qu'elles sont fixées plus en arrière sur le tronc; c'est une loi générale pour tous les Siphonophores dont le tronc commun est en forme de tube allongé, que les individus composant la colonie sont d'autant plus développés, qu'ils sont placés plus en arrière. Aussi convient-il pour se rendre compte de l'organisation d'exami- ner ces colonies d’arrière en avant et de progresser depuis les appendices parfaite- ment formées à celles qui sont en voie de développement. Le tronc commun tout entier de l’Ag. rouge est hérissé du côté extérieur de pla- ques prolectrices imbriquées extrêmement transparentes, qui très-souvent ne se font remarquer que par la réfraction de la lumière qui leur donne, dans certaines positions , des teintes irisées. Ces plaques ‘ ont la forme d’une écaille de cône de sapin ; — elles ont une poinie extérieure, légèrement saillante, une carène médiane peu marquée sur la face antérieure (celle qui est tournée vers les cloches natatoires), et elles sont un peu concaves du côté postérieur. Elles sont formées d’un tissu ho- mogène, d’une consistance cartilagineuse, et parcourues au milieu par un canal étroit longitudinal à l'extrémité duquel se trouve un petit amas de corps urticants transparents. . Tab. 8, fig. 3 et 4. 68 C. VOGT. SIPHONOPHORES 68 Lorque l’Agalme se tient à la surface des eaux étalée et tranquille, pêchant par les fils de ses polypes, les plaques protectrices garnissent le côté supérieur du tronc commun, comme une rangée de tuiles, tandis que les polypes, les individus proli- fères et les organes sexuels pendent à la face inférieure du tronc commun. Lorsque, au contraire, l'Agalme se contracte, en nageant avec vitesse, les plaques protec- trices forment une espèce de cône à écailles imbriquées, au milieu duquel se trou- vent le tronc commun contracté et enroulé en spirale, et les autres appendices ramenés à leur plus petit volume. Cet arrangement dans la contraction se comprend facilement par la structure du tronc commun. Celui-ci est en effet composé d'au- tant de tronçons qu'il y a de polypes nourriciers attachés et sa contraction entière est comme celle des fils pêcheurs en général, composée de deux éléments mécani- ques différents, savoir : de la contraction particulière ou plutôt du raccourcisse- ment de chaque tronçon, et de l'enroulement des tronçons les uns sur les autres, qui forment ainsi une spirale à tours très-rapprochés, dont chaque tronçon occupe à peu près un tour. Les polypes se trouvant sur la face interne de la spirale, et les plaques protectrices sur la face externe, ces derniers protégent ainsi, lors de la contraction, la colonie tout entière, absolument comme les écailles d’un cône de sapin protégent les graines dans l’intérieur. C’est cet aspect qu'Eschscholtz a rendu dans sa figure citée et qu'il décrit comme l’état normal, ne se doutant pas que tout ce cône écaillé pouvait se dérouler pour former une ligne continue. J'avais comparé, dans ma lettre adressée à M. de Siebold, ces plaques protec- trices aux organes tentaculaires rouges des Physophores. M. Kaælliker ‘ critique cette comparaison, en disant que les tentacules des Physophores sont l’analogue des individus astomes, attachés à la face inférieure du tronc commun, que je crois être des polypes reproducteurs et dont je parlerai tout à l'heure, et il applique aussi à ces individus le nom de tentacules, employé pour les organes rouges vermiformes des Physophores. Malgré cette opposition, je dois persister dans mon opinion. Il y a une grande différence, il est vrai, entre ces pièces cartilagineuses dures, sans mou- vement, en forme d'écailles des Agalmes et les boyaux contractiles, creux et colo- rés des Physophores ; mais nous verrons par la suite que ces pièces protectrices ! Loc. cit. p. 309. 69 DE LA MER DE NICE. 69 peuvent affecter des formes extrêmement variées et des structures fort différentes chez les différentes espèces de Siphonophores. Déjà un exemple s'est offert dans les Vélelles ou les tentacules, quoique vermiformes et mobiles, ontpourtant, par leurs or- ganes urticants une autre structure que chez les Physophores. Nous verrons les mêmes pièces tantôt pyriformes, tantôtayant l'apparence d'un casque ou celle d'un cornetsui- vant les genres et les espèces. Le seul caractère constant dans ces pièces, c'est leur posi- tion sur la face dorsale du tronc commun, sur la face opposée aux polypes et aux au- tres appendices, de manière qu’elles couvrent ces appendices lors de la contraction. Or c’est aussi le cas des organes tentaculaires, rouges et mobiles des Physophores qui, eux aussi, sont placés sur cette face supérieure du tronc commun opposée aux polypes, lesquels, à leur tour, sont fixés sur la face inférieure. Seulement chez les Physophores, la partie élargie du tronc commun n'étant que très-peu contractile, ce sont ces organes qui remplacent en quelque sorte par leur contractilité celle du tronc commun. — Suivant la manière de voir de M. Kælliker, qui assimile les or- ganes tentaculaires rouges des Physophores aux individus reproducteurs astomes des Agalmes, tout en prenant les plaques protectrices des Agalmes pour une pro- duction particulière ; — suivant cette manière de voir, les tentacules des Physo- phores seraient placés sur la face du tronc commun opposée aux polypes ; ceux des Agalmes au contraire sur la même face du tronc entre les polypes. Je crois qu’une pareille interversion est inadmissible, et d’ailleurs les différences de structure entre les deux sortes d'organes qu'assimile M. Kælliker seraient tout aussi grandes, — de manière que l'opinion de M. Kælliker ajouterait seulement une difficulté de plus sans avoir pour elle l'analogie de la position réciproque. Ajoutons encore que, dans les Physophores, le nombre de ces organes rouges correspond exactement au nombre des polypes et des touffes reproductrices, de manière que le disque peut être disposé dans un certain nombre de zonites, ayant chacun son ‘organe protecteur, repro- ducteur et nourricier, — et que ce même cas se répète, comme nous le verrons plus tard, pour d’autres genres de Siphonophores, tels que les Praya et les Galéo- laires. On ne peut donc avoir de doute ; — Les tentacules des Vélelles et des Physo- phores, les écailles tricuspides ou claviformes des Agalmes et des Apolémies, les casques des Praya, les cornets des Galéolaires représentent toujours, par leur 70 C. VOGT. SIPHONOPHORES 70 position dorsale, le même organe protecteur et appartiennent à un tout autre ordre d'appendices que les individus reproducteurs astomes des Agalmes, des Apolémies (appelés tentacules par M. Kælliker), et les individus prolifères des Vélelles. En examinant la partie postérieure du tronc d’un Ag., on voit de distance à dis- tance des polypes fixés sur ce tronc qui, lorsque l'individu se tient tranquille, pen- dent dans l’eau et dont la base est entourée par un paquet de grains rouges. Ce sont là les polypes nourriciers *, qui, sur des colonies adultes, peuvent atteindre dans l’état de la plus grande extension une longueur de deux centimètres, mais dont on ne remarque ordinairement à l'œil nu que la partie moyenne, qui est ornée de douze raies rouges disposées en rayonnant autour du polype. Chacun de ces po- lypes est composé de trois parties, d'une tige mince (c), solide, à parois épaisses et presque point contractiles, par laquelle le polype est fixé sur le tronc commun, et qui est traversé dans son milieu par le canal de communication entre le tronc commun d'un côté et la cavité digestive du polype de l’autre. La seconde partie (b) est ordinairement plus ou moins globuliforme, boursoufflée, très-transparente et contractile, et ornée par douze raies rouges, qui, par une inspection plus attentive, se montrent comme des interstices sinueux, creusés entre des bourrelets longitu- dinaux, qui font saillie vers la cavité digestive. J'ai toujours trouvé dans ces in- terstices une quantité de sabres urticants, qui paraissent implantés dans la surface interne, et qui ne se montraient nullement différents de ceux composant les vrilles rouges des fils pêcheurs. Ayant vu souvent que les polypes avalaient avec les petits crustacés, dont ils se nourrissent principalement, les vrilles urticantes de leurs propres fils pécheurs, qu'ils rendaient ensuite, je ne puis m'empêcher de penser que ces sabres urticants, qui garnissent les interstices de la cavité digestive, s'y trouvent seulement accidentellement et se fixent dans cette paroi lorsque le polype avale une de ces vrilles urticantes. Le pigment rouge qui colore ces interstices ne se montre point sous forme de granules comme celui disposé autour des bulles d'air, mais semble au contraire uniformément répandu comme la teinte rose du tronc commun. Les bourrelets saillants de la cavité digestive sont incolores et composés d'une masse sarcodique semblable à celle que l'on voit dans les bras des hydres, 1 Tab. 8, fig. 6. 71 DE LA MER DE NICE. fi et qui simule très-souvent une disposition cellulaire. Ces bourrelets se continuent encore, quoique beaucoup moins marqués sur la portion antérieure du polype (a), qui ne forme qu'un simple boyau extrêmement contractile, qui très-souvent se retrousse sur la partie moyenne, tandis que dans d’autres cas il se contracte de ma- nière à former une petite étoile à douze rayons. A la base des polypes et immédiatement placé sur le tronc commun se trouve un coussinet saillant qui entoure cette base et qui se continue dans le fil pécheur (d). Ce coussinet est évidemment la base du fil pêcheur même qui est en connexion avec celle du polype, et qui se détache ou se déroule en se développant. La preuve en est fournie par les nombreux bourgeons de fils secondaires (m), qui sont attachés à ce coussinet et qui se montrent en diflérents états de développement. Nous re- viendrons sur la structure de ces bourgeons après nous être occupé de la structure du fil pécheur lui-même. Ce fil est formé dans sa partie libre par une suite de tronçons musculaires cylindriques, au milieu desquels on voit un canal assez fin, tourné en spirale comme un tirebouchon , qui se continue sur toute la longueur du fil. Celui-ci est formé dans son entier par des fibres musculaires longitudinales, qui sont disposées de telle façon, que la coupe du fil se présente comme un tour- billon du centre duquel rayonnent des lignes courtes, disposées en panache. Ici aussi le raccourcissement du fil pêcheur est composé de deux mouvements, de la contraction des tronçons et de leur courbure par laquelle ils se rapprochent telle- lement que, dans son plus haut point de contraction, le fil forme une spirale à tours extrêmement rapprochés, et dans laquelle chaque tronçon fait à peu près un tour entier. : De distance en distance et toujours à la ligne de jonction de deux tronçons sont attachés sur le fil pêcheur des fils secondaires * qui sont beaucoup plus minces, et dans lesquels on aperçoit à peine un canal médian droit et des fibres musculaires longitudinales très-fines. Chacun de ces fils secondaires se continue en une vrille d’un rouge vermillon (g), qui, dans son état de contraction, forme une cor- puscule fusiforme de deux millimètres de long à peu près, et qui se termine en un petit fil transparent, finissant lui-même dans une petite vrille pointue. La vrille 1 Tab. 8, fig. 7, 2 Tab. 8, fig. 6, f. 7e. C. VOGT. SIPHONOPHORES 12 rouge urticante peut se détendre pour former un tirebouchon très-allongé. Un examen attentif montre cette vrille composée des parties suivantes ‘ : La partie principale en est formée par le cordon rouge (a) dont la face extérieure est arrondie, tandis que les faces qui se touchent pendant l’enroulement sont com- primées de façon que la coupe du cordon présenterait un triangle à côtes courbes. Tout ce cordon est composé de sabres urticants d’une couleur jaunâtre ayant une ap- parence cornée, une légère courbure et un manche plus mince, saillant à la sur- face du cordon. Ces sabres urticants (tab. 9, fig. 10) sont serrés les uns contre les autres comme des palissades et sont posés verticalement sur l'axe du cordon. Leurs interstices sont remplis par un pigment grenu de couleur vermillon, et leur dispo- sition fait paraître à la surface du cordon des lignes en quinquonce qui dessinent des losanges très-réguliers. On remarque dans l'intérieur de ces sabres un fil plissé, qui, au moindre attouchement de la vrille, est lancé au dehors, et se présente alors sous la forme d’un fil mince élastique et raide comme un fin fil de baleine (a, fig. 10). L'endroit où ce fil s'échappe se trouve à côté du manche et paraît couvert par un petit couvercle qui se soulève lorque le fil est lancé. A la surface interne du cordon rouge, et caché par conséquent entièrement par l'enroulement de celui-ci, se trouvent des fèves urticantes * beaucoup plus grandes que les sabres et entièrement semblables à celles que j'ai déjà décrites dans la Physophore hydrostatique ; il est donc inutile de revenir sur leur composition. Un double cordon *, ayant une teinte grise sous le microscope, blanchâtre à la lumière réfléchie, accompagne le cordon rouge à sa face interne, de manière à être entièrement caché dans les contournements de celui-ci. Ce cordon est complétement hérissé par des lentilles urticantes, disposées aussi en quinquonce comme les sabres urticants du cordon rouge, mais parfaitement incolores. Au milieu de chacun de ces cordons se trouve un faisceau fibreux “, et la membrane qui retient les lentilles est entièrement couverte de petits corpuscules arrondis et solides, qui brillent comme des morceaux de cristal. Je n’ai pu me rendre compte d'une manière exacte de la nature et de la disposition de ces corpuscules aussi peu que celles d’un troi- ! Tab. 8, fig. 9. 3 Tab. 9, fig. 11. 2 Tab. 8, fig. 9, b. Tab. 9, fig. 12. ‘ Tab. 9, fig. 19, a. 73 DE LA MER DE NICE. 1 sième cordon ‘ presque transparent, qui paraît entièrement composé de fibres mus- culaires et de corpuscules brillants, solides, étrangement contournés, dont je donne un dessin dans la fig. 13. Ces corpuscules en zigzag me semblaient tantôt implantés sur le cordon transparent, tantôt ils me paraissaient disposés entre les cordons de la vrille de manière à les retenir dans leur position respective. Le cordon transparent est contigu à son extrémité avec le double cordon gris, tandis que le cordon rouge se continue dans le fil terminal *. Celui-ci est formé d'une substance gélatineuse transparente, hérissé de tous côtés par des petits corpuscules urticants, et se termine en une vrille pointue qui, à son tour, montre les mêmes petits corpuscules urticants. Les bourgeons disposés sur le coussinet par lequel commence le fil pêcheur prin- cipal sont évidemment des fils secondaires en voie de formation. Ceux qui sont le plus rapprochés de la partie libre du fil pêcheur, se montrent déjà composés d’un long tronc en forme de tube (k, fig. 6) et d’une vrille terminale ({, fig. 6), qui, par sa couleur jaunâtre, démontre qu’elle va devenir une vrille rouge. Dans les autres bourgeons plus jeunes, la vrille à peine dessinée est encore incolore, ou bien on ne la voit pas encore du tout, et le bourgeon ne forme qu'un tube vermiforme plus ou moins allongé, qui se rétrécit vers sa pointe terminale entièrement fermée. Les polypes armés de ces formidables appareils urticants, que nous venons de décrire, forment ainsi des groupes posés de distance en distance sur le tronc com- mun, — groupes qui se font surtout remarquer lorsque les fils pêcheurs contrac- tés composent une touffe à points rouges à leur base. Les interstices entre les po- lypes ne sont pourtant point libres; on y voit, au contraire, une quantité d'autres appendices qui toutes paraissent avoir des rapports avec la reproduction. On voit d'abord une quantité de boyaux vermiformes * très-contractiles qui s’agi- tent continuellement dans tous les sens, et qui, sur les colonies adultes, paraissent disposés sans ordre apparent sur toute la longueur du tronc commun. Ces boyaux ont une structure tout à fait particulière ; — ils sont fixés sur le tronc commun par un petit moignon creux, et ils sont tellement transparents, qu'ils peuvent échapper LTab. 8, fis..9,1c. 2RT4D-28, 10:00, de 3 Tab. 9, fig. 14 et 15. Q Ua 74 C. VOGT. SIPHONOPHORES 74 facilement à l'observateur. Leur extrémité libre est toujours fermée et tapissée à l'intérieur de petites cellules arrondies dans lesquelles on voit des granulations noirätres. À cette extrémité succède ordinairement un petit espace élargi, puis un étranglement tapissé de cellules transversales, dans l'intérieur desquelles on voit de petits corpuscules resplendissant comme des éclats de cristal. Tout le boyau est tapissé dans son intérieur de cellules vibratiles dont le mouvement, surtout remarquable vers l'extrémité est tellement fort, que le liquide qui remplit ce boyau est agité dans cet endroit dans un tourbillon continuel. A la base de ces boyaux se trouve toujours un simple fil creux ‘ qui s’atténue vers son extrémité et qui est composé de tronçons successifs comme les fils pé- cheurs, de manière qu'il paraît articulé. La cavité qui parcourt ce fil contractile, mais beaucoup plus raide que les fils pêcheurs, s'ouvre dans le tronçon commun, sur lequel le boyau est attaché, et chaque fois qu'on arrache un boyau du tronc commun de la colonie, le fil le suit et se montre comme organe essentiel apparte- nant au boyau. J'ai longtemps hésité sur la signification que doivent avoir ces boyaux dans l’éco- nomie de la colonie tout entière. Les anciens auteurs les ont désignés ordinairement sous le nom d'ampoules, et leur ont attribué des rapports spéciaux avec les fils pêcheurs. M. Milne Edwards, dans son travail sur la Stéphanomie entortillée, les désigne sous le nom d’appendices à vésicules, et les considère comme des organes d'impulsion pour le fluide nourricier. M. Kælliker les appelle tentacules, tout en admettant qu'ils puissent avoir des fonctions de sécrétion ou de respiration. J'ai cru moi-même pendant longtemps que ces boyaux étaient en quelque sorte des polypes avortés, arrêtés dans leur développement et destinés au remplacement des polypes complets qui se perdraient peut-être par quelque accident. Enfin, je crois avoir été mis à même de comprendre la véritable signification de ces boyaux par ' l'étude du jeune individu représenté dans la pl. 6, fig. 2, et sous un faible grossis- sement dans la pl. 11. Ici ces boyaux étaient évidemment placés à des distances régulières sur le tronc commun entre les polypes nourriciers, et ils reposaient constamment au milieu d'une toufle de bourgeons incomplets qui doivent former ? Tab. 9, fig. 44, c. fig. 45 0. 75 DE LA MER DE NICE. 75 plus tard les organes sexuels. Il est vrai que cette position régulière et cette asso- ciation constante avec los bourgeons sexuels est effacée plus ou moins sur les colo- nies adultes, sur le tronc commun desquelles on trouve ces boyaux et les bour- geons sexuels en si grande quantité, qu'il est impossible de voir un ordre précis dans leur arrangement. Mais cet ordre, comme je viens de le dire, saute aux yeux dans les colonies plus jeunes, qui cependant, par leurs autres caractères, se déno- tent comme appartenant à la même espèce. Les boyaux fermés sont donc des indi- vidus sexuels qui, quoique construits sur le même plan que les polypes nourriciers, n'atteignent pourtant jamais un développement complet comme ces derniers. Leur bouche ne s'ouvre jamais, le fil pêcheur, quand même il est indiqué, ne se garnit jamais d'organes urticants et reste plutôt à l’état de tentacule. Ce résultat ne peut nullement étonner, vu que nous avons déjà trouvé dans les Vélelles deux espèces d'individus entièrement différents, les uns prolifères et nourriciers en même temps. l’autre stérile, mais éminemment nourricier. Ici, chez les Agalmes, les fonctions sont entièrement séparées. Les polypes à fils pêcheurs et à vrilles urticantes sont entièrement nourriciers et complétement stériles, etles individus prolifères, étant privés de bouche et complétement fermés au dehors, ne tirent leur subsistance que par le trone commun sans pouvoir prendre eux-mêmes de la nourriture. Nous connaissons d’ailleurs d’autres colonies de polypes fixes, telles que les Synhydres par exemple, chez lesquels les individus prolifères sont incapables de prendre de la nourriture, tandis que les individus nourriciers sont stériles. Nous verrons que les Apolémies ont aussi les mêmes individus prolifères et astomes, et que dans ce genre aussi la position de ces individus est la même comme chez les Agalmes, — savoir, sur Ja face inférieure du tronc commun, et au milieu des organes reproducteurs. Les organes protecteurs étant toujours placés, comme je lai démontré plus haut, sur la face supérieure et opposée aux polypes nourriciers, cette position seule suffit pour distinguer ces deux sortes d'appendices et pour ne pas confondre, comme l'a fait M. Kælliker, les organes protecteurs tentaculiformes avec les individus pro- lifères astomes. Les organes reproducteurs extérieurs sont de deux sortes, mâles et femelles, sur chaque colonie. Les colonies sont donc hermaphrodites comme les Physo- phores. 76 C. VOGT. SIPHONOPHORES 76 Les organes femelles * se montrent de distance en distance sur le tronc com- mun sous la forme d’une grappe arrondie et très-contractile, qui à son dernier développement atteint la grosseur d'un pois. Ce n’est que sur lextrémité posté- rieure de la colonie que l’on trouve ces grappes complétement formées ; plus qu'on avance vers la série des cloches natatoires, plus aussi ces grappes diminuent et deviennent à la fin entièrement méconnaissables en disparaissant entre les autres bourgeons qui garnissent le tronc. Arrivées à leur terme de développement, elles se présentent telles que je les ai dessinées dans la fig. 20. C’est, comme on voit, une grappe ronde simulant parfaitement un chou-fleur, qui est porté sur une tige arron- die assez ferme et creuse dans son milieu. Cette tige est formée par un tube mus- culaire à parois épaisses, qui, à l'intérieur, est garni de bourrelets circulaires de cils vibratils qui tiennent le liquide, remplissant la tige et ses ramifications dans une agitation continuelle. Cette tige se ramifie en un certain nombre de branches, qui, à leur tour, se subdivisent de nouveau et finissent dans des cœcums cylindri- ques, lesquels, à leur extrémité, portent des poches rondes, remplies chacune d'un œuf. J'ai toujours vu ces œufs composés de la même manière *, savoir d’un vitellus rond transparent (c), d'une vésicule germinative (d) également transparente, et renfermant dans son intérieur une petite vésicule ronde qui représente évidemment la tache germinative (e), et qui quelquefois est double. Aussi longtemps que ces œufs sont encore très-petits et visibles seulement par un grossissement considé- rable, on les voit entassés les uns sur les autres dans une même poche * ; mais, dès qu'ils atteignent une certaine grandeur, chacun de ces œufs est entouré étroite ment par un prolongement du tube en forme de sac. On découvre, en examinant cette poche fournie par la grappe, des détails de structure assez curieux."En met- tant le foyer de la lentille du microscope assez haut pour voir la couche interne du sac *, on remarque que celui-ci est tapissé sur toute sa surface par une couche de cellules rondes qui, en se serrant les unes contre les autres, forment un pavé à mailles héxagonales. On remarque en outre un dessin réticulé sur tout le pourtour de la poche ”, qui est dù à un réseau de canaux, lesquels forment le prolongement ‘ Tab. 9, fig. 20-22. Tab. 10, fig. 23-26. ‘ Tab. 10, fig. 24. * Tab. 9, fig. 22. Tab. 10, fig. 23. 5 Tab. 9, fig. 22. Tab. 10, fig. 23. ENTab fie. 21- < 14 DE LA MER DE NICE. #1 direct du canal de la tige de la grappe. Ces canaux ne me paraissent autre chose que des interstices dans l'intérieur de la masse, dont la disposition peut varier avec l'accroissement de l'œuf que contient la poche. On les voit en effet très-distincte- ment dans les poches contenant les œufs les plus jeunes ; plus tard, à mesure que l'œuf s'aggrandit ils deviennent moins circonscrits , plus larges, à bords frangés, de manière que les interstices de substance solide entre leur masse ressemblent à la fin * à des ilots ; formation qui correspond à la délivrance prochaine de l'œuf qui se détache toujours de plus en plus de la poche dans laquelle il est enfermé. L'œuf, en effet, lorsqu'il est arrivé à son terme de développement rompt la poche, comme je lai dit plus haut, pour flotter dans les eaux. Jai toujours trouvé des œufs déga- gés en quantité autour des Agalmes parfaitement frais, même au moment où je ve- nais de les prendre ; je les ai toujours trouvés formés tels que je les avais vus dans les poches, et composés d’un vitellus, d’une vésicule et d’une tache germinatives. J'avais donné, dans la lettre adressée à M. de Siebold, un petit croquis d’une poche à œuf avec le dessin réticulé de ses canaux. J'avoue que j'étais loin de m'at- tendre à une critique de l'observation de ces canaux, dont l'existence me paraissait hors de doute. M. Kælliker pourtant, dans son rapport sur ses observations à Messine, conteste la justesse de mes observations, en disant que les œufs possèdent bien dans leur jeunesse un dessin particulier réticulaire à la surface, mais que je me suis trompé en prenant ce dessin pour des canaux. Je n’ai pas pu reprendre mes observations depuis que j'ai pris connaissance de cette critique de M. Kælliker ; mais j'aime à me persuader que ceux qui verront mes dessins, pris sur nature et à la chambre claire, n'hésiteront pas dans leur opinion. J'ai trop bien vu les lumières de ces canaux là où le microscope me présentait leur coupe, comme, par exemple, dans la fig. 23, j'ai trop bien vu leur communication directe et immédiate avec le canal de la tige, continuation du canal général de la grappe, comme je l'ai repré- senté fig. 22, pour que je puisse douter un instant, que l'interprétation que je donne ne soit pas parfaitement juste. Je crois d’ailleurs que cette interprétation est par- faitement en harmonie avec le mode ordinaire de la formation de tous les bour- geons, quel que soit ailleurs leur rôle dans les colonies qui nous occupent; des PTab. 10, fig. 25. ? Tab. 10, fig. 26. 78 C. VOGT. SIPHONOPHORES 78 canaux d'arrangement divers étant un fait général dans le développement des bour- geons de cloches natatoires, d'organes mâles et femelles. Les bourgeons des organes mâles, ‘ se distinguent de bonne heure de ceux des organes femelles ; en ce qu'ils ne forment jamais des grappes, mais se montrent posés isolément sur des petites tiges creuses dont la cavité communique avec celle du tronc commun. La forme de ces bourgeons, d’abord globulaires, se tire de plus en plus en longueur, de manière qu'ils se présentent déjà de fort bonne heure sous la forme d’un fuseau arrondi aux deux extrémités ou d'un œuf très-allongé. Dans ce premier état (fig. 27), le bourgeon est formé uniquement par une couche hyaline externe, assez solide et creusée dans son intérieure par une cavité considérable ayant la forme générale du bourgeon. Bientôt cette couche externe se scinde con- centriquement en deux, de manière que le bourgeon est composé maintenant * d'une enveloppe externe entourant un sac transparent interne, lequel, à son tour, renferme une cavité communiquant avec la cavité de son attache. L'enveloppe externe s'ouvre à son extrémité libre par une ouverture circulaire entourée d’une iris musculaire. Le bourgeon mâle a maintenant la forme d’une cloche de cristal très-allongée, au milieu de laquelle pend un sac transparent. La cloche commence maintenant à se mouvoir, elle fait des contractions, semblables à celles d'une Mé- duse, et, à mesure qu’elle se développe, ces contractions deviennent plus fortes et plus marquées. La cloche aussi devient plus spacieuse par rapport au sac interne qui pend bientôt au milieu comme l'estomac d'une Méduse *. Pendant que la cloche ‘accomplit ces transformations extérieures, le sac interne, qui d'abord paraissait parfaitement transparent, se remplit d’une masse opaque sous le microscope qui, par la lumière réfléchie, a une teinte d'un blanc crayeux extrêmement brillant. Cette masse crayeuse, qui n'est autre chose que le sperme, se dépose d'abord à l'intérieur du sac suivant des lignes en chevrons, mais finit par augmenter telle- ment, que le sac qui la contient devient entièrement mince et ne laisse plus aper- cevoir, comme auparavant, des doubles contours. La communication ouverte entre la cavité du sac et son attache se rétrécit pendant le dépôt de la masse séminale de ! Tab. 40, fig. 28 à 30. ? Tab. 10, fig. 28. STab M0; fig. 229. 79 DE LA MER DE NICE. 79 plus en plus, et se ferme à la fin complétement, de manière que la cloche n'est plus que très-légèrement attachée au tronc commun de la colonie. A la fin la cloche terminale se détache entièrement et se lance librement dans les eaux. C’est alors, comme le montre fig. 30, une Méduse à ombrelle très-haute et conique, à ouverture large, ronde et entourée d'un bord musculaire, du sommet de laquelle pend ce sac blanc entièrement opaque, rempli de Spermatozoïdes, qui se déchire très-facilement et laisse sortir alors son contenu. Celui-ci est composé de zo0- spermes ronds, formés de deux parties ou deux globules, dont le plus petit est superposé à l'autre (fig. 31). Malgré le grossissement considérable que j'ai employé, je n’ai pu me convaincre de l'existence d'une queue chez ces Spermatozoïdes, qui se meuvent en sautillant à peu près comme des infusoires du genre Urostyle. Il est évident que la fécondation doit se faire dans l'eau libre par le contact des œufs dégagés de leurs poches et des zoospermes, qui ont quitté le testicule médusi- forme. Je n'ai pas réussi dans mes essais de fécondation artificielle, de manière que je ne puis rien dire du développement ; mais j'ai pourtant trouvé quelques individus jeunes qui donnent des indications sur le mode de développement. L'individu le plus jeune que je me suis procuré est représenté dans la fig. 32, tab. 10, par un grossissement de 150 diamètres. On ne pouvait pas le distinguer à l'œil nu. C’est en enlevant les organismes qui flottaient à la surface d’un bocal que je l’ai trouvé par hasard. Toute la colonie est encore dans son état primitif. Une seule plaque protectrice (a) très-considérable par rapport au reste, reçoit dans sa cavité la colonie entière; cette plaque protectrice (tab. 10, fig. 34) montre un canal médian, des côtes externes hérissées d’aspérités et une extrémité tronquée. A l’en- trée de son canal est attaché le tronc commun de la colonie (tab. 10, fig. 34, c), réduit à un petit moignon charnu sans vésicule aérifère, au milieu duquel on voit des dépôts de pigments rouges granuleux. Un seul polype (b), que la figure montre dans son état contracté, est attaché à ce tronc commun ; à sa base se voit une touffe de capsules urticantes (e), formées d’un bouton pyriforme dans lequel des petits sabres urticants sont disposés suivant des lignes courbes, comme les feuilles d’un cône de sapin ; à la base de chaque capsule urticante se trouvent quelques fèves urticantes plus considérables (tab. 10, fig. 33). Le fil pécheur n'est pas encore formé, chaque capsule urticante est attachée directement à la base du polype par une 80 C. VOGT. SIPHONOPHORES 80 tige très-courte qui montre des raies circulaires. Entre cette toufle de capsules et le moignon du tronc commun se montrent des bourgeons, dont les uns (f) me pa- raissent destinés à devenir des cloches natatoires, tandis que les autres (d) sont des polypes en voie de formation. J'ai rencontré beaucoup d'exemplaires dans un état de développement, tel que le montre la fig. 35 de la 10° planche. Ils nageaient toujours à la surface de l’eau comme des petites têtes d'épingles excessivement brillantes et couronnées d’un point rouge écarlate. C'était la vésicule aérienne, couverte d’une espèce de capu- chon de pigment rouge qui se présentait sous cet aspect. Cette bulle d'air (a), qui montre déjà un étranglement comme si elle voulait se séparer, reposait sur un tas de bourgeons, dont les uns étaient évidemment destinés à devenir des cloches nata- toires (c), tandis que les autres plus éloignés de la bulle d'air allaient devenir des polypes nourriciers (f). Un de ces polypes (d) était complétement développé et muni d’un long fil pêcheur (g), garni de capsules urticantes jaunes. La cavité di- gestive de ce polype était colorée en rouge par un tissu réticulé qui indiquait évi- demment le tissu du foie. A côté du Ppolype développé se voyait très-souvent encore un autre qui l’atteignait presque en grosseur (e) et qui allait s'ouvrir bientôt. Les organes urticants (tab. 10, fig. 36) du fil pêcheur étaient déjà très-différents de ceux décrits dans les plus jeunes individus, mais ils n'avaient pas non plus atteint la formation de l'adulte. C'étaient des capsules allongées dans lesquelles était enfermé un grand cordon jaunâtre (6) composé de sabres urticants disposés en quinquonce. Ce cordon était légèrement courbé, mais pas encore tourné en spirale; il était flanqué des deux côtés de quelques fèves urticantes (b) assez grandes. Le cordon jaune était terminé à l'extrémité de la capsule par un fil transparent (d), contourné en spirale et hérissé de lentilles urticantes. On voit, par cette description, que les éléments essentiels des organes urticants qui se trouvent chez les adultes, savoir la vrille rouge et le fil terminal, étaient déjà formés, quoique la première ne fût pas encore contournée en spirale. Mais on voit aussi que ses éléments étaient encore enfermés chez le jeune dans une capsule membraneuse d'une manière analogue à celle des Physophores. Ce qu'il y avait de plus curieux, c'était que la capsule était hérissée à son extrémité par des fils lanceolaires à pointes très-allongées, qui s’élar- gissaient d'abord pour s'attacher ensuite avec une tige arrondie à l'extrémité de 81 DE LA MER DE NICE. 81 la capsule. Ces fils étaient beaucoup plus raides que les fils urticants ordinaires et tellement élastiques qu'ils reprenaient leur forme droite dès que la pression, qui les courbait, avait cessé. Dans le jeune individu parfaitement formé, dont j'ai donné un dessin, grandeur naturelle, sur la tab. 1, et un dessin grossi tab. 11, se voyaient déjà les organes parfaitement développés. Cet exemplaire fut pris le 12 janvier et restait en vie jusqu'au 19 du même mois. Il avait, au moment de la capture, quatre cloches nata- toires et neuf polypes entièrement formés. Le 14, toutes les cloches, sauf une, se détachèrent ; — mais jusqu’au 18, deux nouvelles se formèrent. La bulle d'air (c) de cette jeune Agalme était ovale, allongée, entourée à son sommet de pigment rouge foncé (b), qui formait comme un capuchon à l'intérieur de la capsule transparente et dure (a), dans laquelle la bulle était enfermée. On distinguait facilement, au-dessous de la bulle d’air un tissu floconneux (d) légère- ment teint en rose, qui se continuait par le col nu (e) dans le tronc commun (/). Le col se terminait par les bourgeons des cloches natatoires (g) accumulés en grand nombre et d'autant moins formés, qu'ils étaient plus proches de la bulle d'air. Au- dessous du champ de bourgeons de cloches natatoires, dont les plus formées (4) avaient des pointes rouges, se trouvaient les cloches natatoires mêmes (1), entre lesquelles le tronc commun était parfaitement visible. Je voyais le soir à la loupe un mouvement continuel de petits granules transparents, brillants comme des gout- telettes d'huile, qui montaient dans toute la longueur du tronc commun comprise entre les cloches natatoires, pour s'arrêter pendant quelque temps au fond de la bulle d'air et pour redescendre ensuite. La montée de ces granules durait en moyenne de 10 à 15 secondes ; — l'arrêt de 20 à 30 secondes. J'apercevais ce jeu chaque fois que la jeune Agalme se tenait en repos, et je pouvais me convaincre qu'il était assez régulier dans ses intervalles. Les polypes (k) de ce jeune exemplaire ont la forme d’une bouteille allongée. Ils sont très-contractiles ; leur bouche se retrousse souvent sur la partie moyenne du corps. Ils sont teints en rouge et réticulés dans la cavité digestive. Chez les trois polypes les plus rapprochés des cloches natatoires le fil pêcheur n’est pas encore entièrement développé, et on y voit les vrilles urticantes dans différents états de développement. On peut poursuivre, sur ces fils secondaires en voie de formation, 11 82 C. VOGT. SIPHONOPHORES 82 tous les passages, depuis le simple bourgeon vermiculaire ({), par la vrille inco- lore (m) et incomplétement contournée jusqu’à la vrille colorée en jaune, mais pas encore garnie de tous ses sabres urticants (n). On peut aussi voir, immédiatement sous les cloches natatoires, le champ de bourgeons des polypes nourriciers, où les uns (0) sont déjà assez développés et pourvus d’une toufle de bourgeons urticants, tandis que les autres sont encore à l’état de simple vésicule (p). Entre deux polypes se trouvent toujours plusieurs même jusqu'à cinq boyaux sexuels (g) minces, très-transparents, munis d'un mouvement vibratil très-vif à l'intérieur, qui fait tourbillonner des granules. Ces boyaux sexuels sont d’un rouge pâle, plus foncé vers la base. Leur extrémité antérieure, qui est fermée entière ment, difflue facilement et s'ouvre alors pour laisser échapper les granules du fluide intérieur. Les tiges de ces boyaux sont entourées de petites poches pedicel- lées rondes, dont chacune contient un œuf entouré de canaux et muni de vésicules et de taches germinatives. En avançant vers les cloches natatoires, on trouve les (r) boyaux de plus en plus petits, de manière qu'entre les premiers polypes on ne voit que des petits bourgeons ronds (s), dont la place indique seulement la nature. Entre les deux derniers polypes se trouvent cinq bourgeons testiculaires en voie de développement. Le contenu du sac intérieur est déjà crayeux, mais je n'y puis voir que des petits granules parfaitement opaques et point de spermatozoïdes formés. Ces polypes n'ont plus pu trouver place sur la planche. Si j'insiste sur l’observa- tion détaillée ci-dessus de la jeune Agalme , c’est qu’elle fournit, par l’écartement des parties, l'explication péremptoire des boyaux astomes comme polypes repro- ducteurs rabougris, placés au milieu des bourgeons sexuels. Je dois ajouter, que le dessin a été fait tel qu'on le voit ici, au moyen de la chambre claire et avant même que j'eusse une idée précise sur la nature de ces boyaux. 83 DE LA MER DE NICE. 83 Agalma punctata. C. Vogt. TAB. 42. Je n'ai rencontré qu'un seul exemplaire de cette espèce pendant tout le temps de mon séjour à Nice, le 12 janvier 1851. Aussi mes recherches sont-elles très-incom- plètes à son sujet. Le premier jour de la capture, je ne pouvais prendre que le cro- quis de l'espèce dans son entier ainsi que des parties caractéristiques, notamment des cloches natatoires et des pièces protectrices. Le lendemain et le surlendemain une migraine violente, causée par le soleil ardent que j'avais essuyé pendant une pêche prolongée durant une journée entière, m'empêcha entièrement de reprendre mes observations. Je ne trouvais à la fin de mon indisposition que le tronc commun dépouillé de tous ses appendices, qui, à leur tour, s'étaient dissoutes en une pulpe gélatineuse. L'exemplaire pris montrait six cloches natatoires complètes, disposées sur deux rangs alternants et deux bourgeons incomplets. La bulle d'air était double, la supérieure grande et ovale, l'inférieure petite et entièrement globuleuse ; — elles étaient portées sur un cou assez long et très-contractile. Les cloches elles-mêmes sont très-hautes, l'ouverture circulaire petite et la partie supérieure ornée de pe- tites taches blanches brillantes. Entre les cloches natatoires se montrent des ten- tacules vermiformes. Je n’entrerai pas dans une plus longue description des cloches, mes dessins les montrant de tous les côtés avec une exactitude scrupuleuse. Ce qui distingue au premier abord cette espèce, c'est que tous les appendices sont rassemblés en touffes sur le tronc commun, qui entre ces touffes est entièrement lisse, arrondi et dépourvu de toute espèce de bourgeons. Outre la touffe d’appen- dices bourgeonnant entre les dernières cloches natatoires, l’exemplaire trouvé comptait quinze toufles espacées sur le tronc commun. A Ia face supérieure de ces touffes se voyaient les plaques protectrices, dont je ne puis comparer la forme mieux qu'à celle d'une estomac humain (fig. 5 et 6). Ces organes sont arrondis, allongés, courbés et portent à leur face interne un canal assez large, par le bout duquel ils sont implantés sur le tronc commun. Leur face bombée est tournée 84 C. VOGT. SIPHONOPHORES 84 vers le dehors et garni de points blancs semblables à ceux des cloches natatoires. Ces organes protecteurs forment un bouquet au-dessous duquel pendent les autres appendices. On remarque entre ceux-là, d'abord des polypes reproducteurs ayant la même forme en boyau, comme ceux de l’Ag. rubra. Ces polypes n'ont point de bouche, et leur partie antérieure est ornée de petits points blancs entremêélés de lentilles urticantes : leur cavité intérieure montre un mouvement vibratil prononcé. A leur base se montre un fil tentaculaire qui peut-être est muni de petites vrilles urti- cantes._ Ces fils forment un paquet avec les polypes, qui paraissent disposés en cercle au-dessous des plaques protectrices. Les points blancs disséminés en si grande quantité attirèrent d'abord mon atten- tion. Examinés sous un fort grossissement (fig. 7), les taches blanches se montrent composées d’une plaque semi-transparente, affectant des formes plus ou moins rondes, sur laquelle sont implantées des petites concrétions globuleuses et très- fermes, qui reflètent vivement la lumière et paraissent formées d’un dépôt de sub- stance minérale, Ces concrétions résistent à la force du compresseur sans s’altérer dans leur forme. Les plaques sur lesquelles elles sont fixées montrent souvent des défauts de continuité. Je trouve encore dans mes notes, qu'au milieu de chaque touffe pend un fil plus gros, ayant des petites vrilles de couleur jaune-rougeâtre, ce qui indique un polype nourricier armé d’un fil pêcheur au milieu de chaque touffe. Les circonstances particulières indiquées plus haut m'ont empêché de pousser mes observations plus loin. En compulsant les descriptions et les dessins de Eschscholtz, je me suis con- vaincu que l'organisme représenté par lui sur la tab. 13, fig. 2, de son ouvrage, et désigné sous le nom d’Apolemia uvaria, n’est autre chose qu'une toufle isolée de l'Agalma punctata. Les figures des plaques protectrices surtout se rapportent parfaitement à notre espèce. Les cloches natatoires rondes, que Eschscholiz repré- sente fig. 2, e, d'après une figure de Lesueur, ne sont rapportées que par con- jecture à cette espèce et ne lui appartiennent réellement pas. 85 DE LA MER DE NICE. 85 IV. SUR L'APOLÉMIE CONTOURNÉE. (APOLEMIA CONTORTA. MILNE-ED WARDS.) TAB. 43 et 14. Stephanomia contorta — Milne Edwards. Ann. Scienc. natur. 2° série, tom. XVI, p. 217, 1841. » » — C. Vogt. Zeitschrift für wissensch. Zoologie von C.-Th. v. Siebold und Keælliker. Tom. IT, p. 522, 1851. Apolemia Edwards. — Lesson. Nouv. suites à Buffon. Acalèphes, p. 519. Forskalia. (? — Kælliker. Zeitschr. für wissensch. Zoologie, von Ch.-Th. v. Siebold und Ke@lliker. T. IV, p. 306, 1852. Le genre Apolemia fut créé par Eschscholtz (Syst. der Akalephen, p. 143, n° 7) aux dépens des Stephanomies de Lesueur et de Péron et sur une seule espèce incom- plète, Ap. uvaria, qui n’est autre chose qu'une touffe séparée de l’Agalma punctata, comme nous l'avons dit en traitant de cette espèce. Le genre aurait donc dû dis- paraître complétement du cadre zoologique. Effectivement, MM. Quoy et Gaimard (Voy. de l'Astrolabe) l'avaient supprimé pour le faire rentrer avec plusieurs autres genres voisins dans leur grand genre Stephanomia, étendu peut-être outre mesure. M. Milne Edwards avait suivi sur ce point MM. Quoy et Gaimard, tout en recon- naissant, que la belle espèce décrite par lui avec une précision rare devait faire partie du sous-genre Apolemia. Plus tard, M. Lesson a de nouveau subdivisé le 86 C. VOGT. SIPHONOPHORES 86 grand genre Stephanomia ; mais en conservant le genre Apolemia, il l'a circonscrit d’une autre manière en tirant les caractères du genre des espèces étudiées par M. Milne Edwards. Cette circonscription plus étroite étant nécessaire, nous con- servons donc le genre Apolemia dans les limites proposées par M. Lesson, tout en repoussant la prétention de cet auteur de vouloir changer le nom spécifique donné par M. Edwards ; — changement arbitraire, qui ne repose sur aucune raison, ce nom ne faisant nullement double emploi dans la nouvelle circonscription du genre. Voici, du reste, les caractéristiques de la tribu et du genre, tels qu'ils ont été donnés par M. Lesson. (Nouv. suit. à Buffon. Acalèphes, p. 316.) « Tribu des Apolémies. Apolemiæ. Une petite vessie aérienne en tête d'une tige cylindrique, frondescente, à écorce épaisse, creuse, ayant à son sommet des am- poules creuses servant d'organes flotteurs et des paquets de corps vésiculeux entre- mélés de vessies oblongues, pédicellées, garnies à leur base de sacs digestifs cylin- driques, perforés, entourés de tentacules longs, tortillés sur eux-mêmes et très- élastiques. » « Genre Apolémie. Apolemia. Vessie capitale, petite, attachée à la tige par un pédicule; vessies natatoires compliquées, pédiculées , creusées à l'intérieur, par- courues par des canaux rameux, apastomosés, ouvertes au sommet et fermées par diverses cloisons membraneuses ; toutes groupées en tête d’une tige subcylindrique, épaisse, scissoïde sur un des côtés et la scissure s’évidant à l'intérieur pour former un axe creux; vésicules aérifères caulinaires, arrondies ou allongées, ayant des cloisons et un tube intérieur; à l’entour du pédicule des vessies natatoires qui s'épate, prennent attache des sacs digestifs probosciformes, pyriformes, à trompe allongée ou rentrante et de nombreux cirrhes capillacés, flexueux, se tordant sur eux-même. Sphérules natateurs? des sacs stomacaux arrondis, imitant des graines de raisin. Vésicule testiculaire munies de zoospermes. » M. Lesson fait entrer dans sa tribu, outre le genre Apolemia, un genre Apolemi- opsis, créé par Brandt, mais parfaitement inconnu du reste. Il range dans le genre Apolemia quatre espèces, savoir : les deux espèces décrites par M. Milne-Edwards, qui ne forment qu’une seule, comme nous le verrons dans la suite ; la Stephanomie uvaire, de Lesueur, dont M. Lesson change aussi arbitrairement le nom spécifique 87 DE LA MER DE NICE. 87 en Apol. Lesueurii et enfin une quatrième, la Stephanomia cirrhosa de Quoy et Gaimard, pour laquelle M. Lesson continue son déplorable procédé en l'appelant Apol. Quoyii, et qui n’est probablement établie que sur une portion mutilée de tige de l'Agalma rubra. Le genre Apolémia débarrassé des espèces établies sur des pièces mutilées et mal comprises, ne peut donc se conserver que pour l'espèce de la Méditerranée, décrite pour la première fois par M. Milne-Edwards. Plusieurs particularités de structure citées par M. Kcælliker me font soupçonner que son nouveau genre Forskalia s'applique aussi à cette espèce. Cette charmante espèce, qui réunit la forme la plus gracieuse à une délicatesse de tissu et une transparence étonnantes, se rencontrait en abondance dans le golfe de Villefranche, lors de mon premier séjour à Nice au commencement de l’année 1847. Je ne pouvais faire alors une excursion sans rencontrer une vingtaine de ces organismes que mon pêcheur appelait des « plumets », et qui en effet ressem- blaient beaucoup en nageant à un plamet formé de petites floques très-déliées, d'une couleur rouge ardente. Mais j'avoue, volontiers, que malgré mes études assi- dues sur ces Acalèphes, je ne pouvais encore me faire alors une idée complète de l'organisation de ces colonies si compliquées et que, tout en saisissant beaucoup de détails, je ne pouvais pourtant pas réussir à en comprendre l'ensemble. De re- tour à Paris, j'eus l’occasion de parler de mes observations incomplètes à M. Milne- Edwards, qui me montra alors un dessin inédit de l'espèce, fait par lui avec une rare perfection. J'avais l'espoir de pouvoir compléter mes recherches pendant mon second séjour à Nice, mais quel ne fut mon étonnement en voyant que je ne rencontrais plus que très-rarement ces Apolémies jadis si nombreuses, tandis que je trouvais à leur place les Agalmes rouges, que je n'avais pas vu pendant mon premier séjour. Cet état des choses continua pendant tout mon second séjour à Nice, et ce n’est qu'avec grande peine que j'ai pu me procurer quelques exemplai- res ultérieurs de notre espèce. Encore dans ces exemplaires les organes reproduc- teurs «n’étaient-ils pas assez développés de sorte que je dois laisser quelques lacu- nes dans l'appréciation de ces organes. Je n'aurai du reste que peu de chose à ajouter à la description si exacte de M. Mine Edwards, qu'il importe seulement de mettre au niveau de nos vues actuelles sur l’organisation de ces Zoophytes, en 88 C. VOGT. SIPHONOPHORES 88 conformant les dénominations des différents appendices à celles adoptées dans les pages précédentes. Les cloches natatoires * composent chez cette espèce une masse ayant la forme d'un œuf allongé et coupé par le milieu ; sur le sommet de ce cône, occupé par les bourgeons des cloches s'élève la vésicule aérienne par un col peu allongé. Les cloches sont disposées par séries verticales dont on compte une douzaine, et ces séries s'emboîtent mutuellement par les bords des cloches de manière à former des lignes en spirale de peu d'élévation. M. Milne-Edwards a déjà fait remarquer, que cette disposition spirale des cloches n'était qu'apparente et qu'elle était produite par l’enroulement spiralique du tronc commun, sur lequel les cloches étaient fixées. C'est ce qui a lieu effectivement et les cloches grandissant à mesure qu'elles sont éloignées du sommet occupé par la vésicule aérienne, il en résulte naturellement cette disposition conique de l'ensemble des cloches. Les cloches elles-mêmes sont remarquables par leur forme aplatie, par le grand développement de la partie so- lide et par la disposition si manifeste des canaux dans leur intérieur. Il y a toujours dans la partie postérieure et solide un seul canal montant directement depuis le tronc commun et se séparant ensuite en quatre branches, qui après avoir entouré la cavité natatoire se réunissent de nouveau dans un canal circulaire, servant de cercle d'attache à l'iris musculaire, destinée à fermer l’orifice de la cloche. C'est comme on voit une structure conforme au type général des cloches natatoires. Mais ce qui est remarquable et exceptionnel, c'est une tache jaune de soufre * située sur le bord interne du canal droit supérieur. J'ai constaté l’exis- tence de cette tache isolée sur toutes les cloches natatoires parfaitement formées, tandis qu'elle n'existait pas encore sur des bourgeons. Croyant au début de mes recherches d'y avoir trouvé un rudiment de système nerveux, je l'ai souvent exa- miné avec le plus grand soin sans y voir autre chose qu'un amas de cellules arrondies sans noyau *, parfaitement limpides et coloriées en jaune dans toute ! Tab. 14, fig. 3: ? M. Külliker mentionnant, dans sa courte notice sur les Siphonophores de Messine, cette tache jaune, ainsi que la disposition par paire des individus prolifères, comme caractères particuliers de son genre Forskalia; je crois pouvoir en conclure, que ce genre est identique avec le genre Apolemia, et notam- ment avec l’espèce qui nous occupe. 3 Tab. 14, fig. 5, 89 DE LA MER DE NICE. 89 leur masse. Cet amas de cellules est toujours parfaitement circonscrit ; ses contours sont nettement accusés et il est impossible d'y voir des filets ou d’autres particula- rités de structure, qui auraient pu donner un indice sur la fonction de cette tache énigmatique. Le tronc commun de l'Apolémie est toujours contourné en spirale, même dans son expansion la plus considérable ; il est teint en rose et un peu aplati, de manière à former un ruban, et il est marqué sur toute sa longueur d’aspérités ou de ma- melons creux, sur lesquels sont fixés les appendices. ‘, quoique très-petits en comparaison de ceux des Les polypes nourriciers Agalmes ou des Physophores, se font remarquer au premier coup d'œil par la couleur rouge ardente de leur cavité digestive. Ils sont fixés au moyen de pédon- dules assez allongés sur le tronc commun et à des distances assez égales, de ma- nière que leur disposition est presque toujours en quinconce. M. Milne-Edwards, dans sa description, a nommé les polypes les organes proboscidifères, et il a fort bien distingué leurs différentes parties, le pédoncule, sur lequel ils sont portés, la partie antérieure ou trompe, l’écaille protectrice ou foliole et le fil pêcheur appelé par lui tigelle. Le même auteur a remarqué la continuation de la cavité diges- tive par le canal de la tige jusque dans le canal central du tronc commun ; — il n°y a donc que très-peu à ajouter à sa description. Les polypes sont extrêmement dilata- bles et j'en ai souvent vu qui, par leur orifice buccal, s'étaient attachés à la surface du bocal et avaient tellement dilaté cet orifice, que tout le polype avait l'air d'une lame circulaire extrêmement mince surmontée d’un bouton rouge, lequel n'était autre chose que la cavité digestive et la tige considérablement contractée. La partie antérieure du polype (a) est toujours garnie de capsules urticantes implan- tées dans l'épaisseur de sa masse. Sur la partie moyenne (b) se remarquent les cel- lules biliaires disposées en douze bourrelets longitudinaux et que M. Edwards avait pris d'abord pour des ovaires, opinion dont il était revenu déjà depuis longtemps, comme je puis l'attester moi-même. Les cellules biliaires ont en eflet chez l'Apolé- mie comme dans plusieurs autres Siphonophores une grande ressemblance avec des ovules primitifs en ce qu’elles montrent au milieu une grande cavité circulaire que l'on peut prendre facilement pour la vésicule germinative. ? Tab..14, fig. 41. 12 90 C. VOGT. SIPHONOPHORES 90 Le fil pêcheur qui est attaché à la base de la tige du polype est extrêmement délié chez l’Apolémie et garni d'une multitude de vrilles urticantes de couleur rouge qui sont attachées à des fils secondaires dépendant du fil pêcheur, lequel montre la composition par tronçons, que nous avons déjà décrit dans les genres précédents. Ces vrilles ‘ ressemblent en petit à celles des Agalmes, à cette différence près qu'il n'y a ordinairement qu'un seul contournement en spirale ou en cercle, et que le cordon rouge qui compose la vrille est beaucoup plus large par rapport à sa lon- gueur, que dans le genre cité. Le cordon rouge est composé de deux sortes d'organes urticants ; — de petits sabres (b) serrés verticalement les uns contre les autres, et de fèves (b) urticantes plus grandes, posées sur les bords du cordon rouge. La vrille se termine par un cordon incolore (d) enroulé en spirale et hérissé de lentilles urti- cantes également incolores. M. Milne-Edwards a déjà parfaitement distingué et figuré ces différents éléments. Entre les polypes nourriciers sont placés les individus reproducteurs * qui ici aussi manquent complétement de bouche, et ont la forme d'un boyau très-allongé, très-dilatable et fermé au bout libre. Ces polypes astomes ont à peu près la lon- gueur des polypes nourriciers ; — ils sont toujours disposés par paire sur une sim- ple tige (a), et qui se partage en deux tiges particulières, portant chacune son po- lype. La base de ces derniers est entourée d’une touffe de bourgeons (b) au milieu desquels se voit souvent un fil pêcheur rabougri (c), court et hérissé sur toute sa surface de capsules urticantes, mais dépourvu de fils secondaires et de vrilles ur- ticantes. Le mouvement vibratil est extrêmement considérable, surtout dans la partie antérieure de ces individus prolifères où l'on voit une substance interne molle, gélatineuse et parsemée de petits granules très-opaques. Cette substance interne jouit à un haut degré de toutes les propriétés de la sarcode. Je l'ai souvent vu se creuser sous mes yeux pour former une cavité moyenne (g), qui s'agrandis- sait comme une fissure de manière que la substance diffluait à la fin entièrement et se dissolvait en un liquide gélatineux dans lequel s’agitaient les molécules opa- ques sous l'influence du mouvement vibratil qui s’étendait immédiatement sur toutes les surfaces nouvellement formées. L'épiderme, qui entoure tout le polype * Tab. 14, fig. 4. ? Tab. 14, fig. "2. 91 DE LA MER DE NICE. 91 reproducteur, devient plus épais à son extrémité où il est garni de quelques cor- puscules urticants. On trouve généralement derrière l'accumulation de masse sarco- dique décrite un collier de pigment rouge {f) qui revêt l'épiderme à la face interne en entourant la cavité du polype comme un anneau. Je viens de dire que ces individus prolifères, appelés par M. Edwards les ap- pendices à vésicule ou les sacs pyriformes, et par M. Kælliker les tentacules, sont toujours disposées par paires entre les polypes nourriciers. Je ne doute pas un instant que les bourgeons disposés à la base de ces individus, sont différents et qu'il y a toujours un individu mâle et femelle réunis sur la même tige, comme c’est aussi le cas pour les grappes prolifères des Physophores. Ce qui me fait croire à cette disposition, c’est que j'ai remarqué que sur l’un des individus prolifères les bourgeons étaient toujours plus allongés que sur l’autre, où ils montraient une forme complétement arrondie. Mais comme sur tous les exemplaires que j'ai pu me procurer pendant mon dernier séjour à Nice les bourgeons étaient excessivement peu développés, je n’ai pas pu saisir d’autres différences plus essentielles. En effet tous ces bourgeons ‘ se montraient seulement composés comme d'ordinaire d'une subs- tance externe épaisse dans laquelle étaient creusés quatre canaux, montant de- puis la base et se réunissant à l’extrémité libre du bourgeon oviforme. La substance de ces derniers était du reste d'une limpidité parfaite et je ne pouvais dis- tinguer ni ovule ni sac testiculaire dans ces bourgeons en voie de for- mation. M. Milne-Edwards a décrit sous le nom d’Apolémie prolifère une portion d’une tige plus développée de l'espèce qui nous occupe et de laquelle s'étaient déta- chées les plaques protectrices et les fils pêcheurs, ce qui a conduit M. Milne-Ed- wards à la regarder comme une espèce distincte. Mais ces différences, jointes à une longueur plus considérable des polypes nourriciers, sont ou accidentelles ou le ré- sultat du développement progressif, et ne sauraient justifier l'établissement d'une nouvelle espèce. Toutefois ce morceau de tige était remarquable par le grand dé- veloppement des bourgeons sexuels, que M. Milne-Edwards décrit et figure par- faitement. Je crois reconnaître dans les bourgeons ronds, que cet auteur si- gnale, les bourgeons femelles, quoique M. Milne-Edwards n'y ait point vu les ! Tab. 14, fig. 6. 92 C. VOGT. SIPHONOPHORES. 92 œufs primitifs, tandis que les bourgeons ovales sont évidemment les organes mâles portant à l'intérieur un sac rempli de Spermatozoïdes. M. Edwards avait déjà par- faitement reconnu les testicules dans ces derniers, mais la forme des bourgeons femelles s'écartant trop de tout type connu à cette époque-là, il n'avait pu recon- vaître leur véritable nature et les avait pris pour des bourgeons de vésicules na- tatoires. Ses dessins montrent du reste parfaitement que les bourgeons mâles de l'Apolémie acquièrent en grandissant des ombrelles natatoires et se détachent à la suite entièrement de la colonie. Toute la surface du tronc commun est recouverte à son bord supérieur par des plaques protectrices qui sont très-minces, un peu courbées et pointues, et que M. Edwards a très-bien comparé à des bractées ou des folioles. Ces plaques protectrices correspondent non-seulement aux polypes nourriciers, mais aussi aux polypes reproducteurs, et ils sont tellement nombreux qu'ils recouvrent entière ment, comme des tuiles imbriquées, l'assemblage des appendices attachés au tronc commun, lors de la contraction de ce dernier. Mais en même temps leur transparence est tellement considérable qu'on ne les distingue à l'œil nu que par des légers reflets irisés, produits par la réfraction de la lumière. Nous voyons donc en résumé que l’Apolémie est construite absolument sur le même plan que les Agalmes et les Physophores, que la structure des polypes nour- riciers, des plaques protectrices, des cloches natatoires, du tronc commun et de la vésicule aérienne est absolument la même, comme chez les Agalmes, dont les Apolémies se distinguent seulement par l’enroulement du tronc commun en spirale qui fait paraître leur partie motrice multisériale et donne en outre à la partie portant les polypes un caractère spécial. La disposition des individus re- producteurs diffère aussi, en ce qu'on trouve, chez les Agalmes, des testicules médusiformes dispersés, et des bourgeons d'œufs réunis en grappes, garnis tous les deux d'individus astomes, tandis que chez les Apolémies les grappes males et femelles sont réunies par paires sur une même tige comme chez les Physophores, dont elles se distinguent à leur tour par le développement d'individus reproducteurs astomes et par le développement des bourgeons mâles en produc- tions médusiformes. 93 DE LA MER DE NICE. 93 SUR L'HIPPOPODE JAUNE. (HIPPOPODIUS LUTEUS. Q. et G.) TAB. 14, FIG. 7-12. TAB. 15, FIG. À ET 2. Hippopodius luteus, Quoy et Gaimard, Annales des Sciences nat. 1"° série, tome X. » » Eschscholtz, System der Akalephen, p. 106. » » Lamarck, animaux sans vertèbres, 2° éd. par Dujardin, tom. IE, p. 76. » » Lesson, nouv. suites à Buffon. Acalèphes, p. 470. Stephanomia hippopoda, Quoy et Gaimard. Voy. de l’Astrolabe, p. 67, pl. I, fig. 13 à 21. Protomedea lutea, de Blainville, Manuel d'Actinologie, p. 121, pl. IH, fig. 4. Hippopus, Delle Chiaje, memorie sulla Storia nat. di regno de Napoli, tom. IV, pl. 50. Elephantopes neapolitanus, Lesson, Acalèphes, p. 473. Ce genre, créé par MM. Quoy et Gaimard, est peut-être un des mieux circons- crits parmi les Siphonophores. Le cône tronqué de cloches natatoires hyalines, semblable dans sa forme à un chaton de houblon ; les cloches natatoires fortement emboîtées et pourvues d'un couvercle mobile à leur ouverture ; le tronc commun, très-grèle et très-contractile, pouvant se retirer entièrement avec tous ses appen- 94 C. VOGT. SIPHONOPHORES 94 dices dans l’espace laissé entre les cloches natatoires ; tous ces caractères saillants le distinguent au premier coup d'œil de ses congenères. On n'en connaît, jusqu'à présent, qu'une seule espèce, qui se trouve répandue dans toute la Méditerranée avec assez d’abondance. L'Hippopode jaune est effectivement assez commun à Nice, et on fera peut-être rarement une excursion par la mer calme dans la baie de Villefranche sans ren- contrer quelques-uns de ces organismes, flottant à la surface de l'eau, et qui se font distinguer de loin par l'apparence blanchâtre et lactée de leurs cloches nata- toires. Mais s’il est commun de rencontrer l'Hippopode, il est au contraire assez rare de le voir se développer entièrement, tel que je l'ai représenté dans la fig. 1, tab. 15. Ordinairement on ne voit que le cône, formé par les cloches natatoires emboitées, de l'extrémité postérieure duquel pend une petite touffe de fils pêcheurs contractés, qui se retirent aussitôt par le moindre mouvement dans l'espace central laissé entre les cloches natatoires. Les cloches natatoires ‘ elles-mêmes sont construites sur un tout autre plan que chez les genres précédents. Ce sont des pièces extrêmement dures, solides, d’une apparence opaline et taillées en biseau par deux surfaces courbes, tandis que le pourtour est arrondi, de manière que le tout ressemble effectivement à un sabot de cheval. Ces pièces sont réunies en deux séries, de manière à former un cône d’un pouce de longueur à peu près, qui ressemble beaucoup à un chaton de houblon. La surface convexe est tournée en avant, la surface concave en arrière, et cette dernière montre une grande ouverture circulaire conduisant dans une fosse peu profonde, qui occupe le centre de la cloche natatoire. L'ouverture circulaire de cette cavité, peu profonde, se ferme par une valvule ou par un véritable cou- vercle, dont le bord circulaire s'applique parfaitement à l’orifice de la cavité, et qui joue comme le couvercle d’une boîte sur le bord interne de la cavité où il est fixé. C’est donc ici un mécanisme tout différent de celui que nous avons vu dans les cloches natatoires des genres précédents, l'iris musculaire étant remplacé ici par un battant jouant comme sur une charnière qui occupe une des faces de la cavité natatoire. Les pièces natatoires elles-mêmes sont très-solidement attachées Tab. 15, fig: À et 2. 95 DE LA MER DE NICE. 95 ensemble par une espèce d’engrenage composé par quatre éminences, disposées à la face inférieure autour de l'orifice de la cavité natatoire et par deux pointes émoussées postérieures, qui s’emboîtent avec la cloche du côté opposé. On ne peut séparer les cloches natatoires qu'avec une certaine force, et très-souvent on dé- truit par cela les organes qui se sont retirés dans la cavité, existant au milieu du chaton entre les pointes émoussées dont je viens de parler. La substance des clo- ches natatoires n’est pas entièrement transparente, mais d'un aspect opalin; et cette semi-transparence réside surtout dans la couche extérieure, tandis que la masse même de la cloche paraît transparente comme de l'eau. Les cloches nata- toires devenant plus petites vers le sommet, où elles sont moins développées, il en résulte cette forme de cône, à la pointe duquel les pièces les moins développées paraissent être enchàssées comme des coins. Le centre du chaton entier est occupé par le commencement du (ronc com- mun, dont l'extrémité antérieure ressemble à un bâton noueux par les nombreuses attaches des cloches natatoires en forme de verrues, ainsi que par les bourgeons des autres appendices qui s’y développent. J'ai vu quelquefois dans l'extrémité an- térieure de ce tronc et cachée entre les premières pièces natatoires cuneïformes, qui la surmontaient, une bulle d'air, dont la présence n'était rien moins que constante, car, dans d’autres exemplaires, je la cherchais en vain. L'organisation de cette extrémité antérieure du tronc n'est pas non plus développée en vue d'une bulle d'air constante. Nous avons vu que, dans les genres aérifères précédents, la bulle était toujours enveloppée dans une boîte cartilagineuse arrondie. On ne trouve rien de semblable chez l'Hippopode. La présence d’une bulle d'air est pure- ment accidentelle, et cette bulle provient probablement d'une proie quelconque avalée qui contenait de l'air, lequel a passé de la cavité digestive du polype à celle du tronc commun, à l'extrémité supérieure duquel il s’est arrêté. Mais la conclu- sion à tirer de ce fait est celle-ci : qu'on ne pourra jamais se servir d'un carac- tère aussi inconstant que celui de la présence d’une bulle d’air comme d’un carac- tère principal, lorsqu'il s’agit de la classification des Siphonophores. Le tronc commun se montre sur des exemplaires entièrement développés comme un fil assez fin et très-allongé, sur lequel sont fixés de temps en temps les polypes nourriciers. On ne remarque ni plaques protectrices, ni individus prolifères. Les 96 C; VOGT. SIPHONOPHORES. 96 groupes posés de distance en distance sur le tronc commun, entièrement nu du reste, sont réduits à leur plus simple expression, car ils ne sont composés que d'un simple polype nourricier, muni d'un fil pêcheur unique ‘. Le tronc com- mun (a) se fait remarquer par son canal central assez considérable et par l'aspect rugueux de sa surface qui augmente encore par la contraction. Les polypes sont placés de distance en distance. Ils sont très-longs par rapport à leur largeur, ver- miformes, très-agiles et composés des trois parties que l'on rencontre habituelle- ment, savoir : d'un pédoncule épais (b), à parois solides très-peu contractiles, d’une partie moyenne digestive (c) très-dilatable et d’une partie antérieure (d) por- tant la bouche (e). La partie moyenne est surtout remarquable par la disposition des cellules biliaires qui forment des espèces de plaques saillantes, creusées par une ou deux cavités circulaires, dans lesquelles s’élabore probablement le suc digestif. Ces cellules énormes forment la couche interne de la cavité digestive seu- lement, et disparaissent à la partie antérieure, qui, à son tour, montre les cils vibratils les plus développés que j'eusse rencontré jusqu'à présent chez les Sipho- nophores. Ce sont des espèces de soies où de poils plus ou moins raides, qui sont fixés à la surface interne du polype par une base arrondie qui les fait ressembler à un clou. Ces poils vibratils sont d'une telle longueur, qu'on peut les apercevoir déjà par un grossissement de dix diamètres. En s’agitant en cercle, ils produisent un mouvement continuel et un courant allant du dehors en dedans. Le fil pécheur (fig. 7 f.) est composé comme d'ordinaire d'une série de tron- çons alignés à la suite les uns des autres, et muni chacun d’un fil secondaire {g) auquel est attachée la capsule urticante (h). Celle-ci * est très-petite, d'une cou- leur jaunâtre et montre à l’intérieur un cordon jaune (b), composé de sabres ur- ticants disposés de manière à présenter leurs extrémités seulement en dehors. Ce cordon forme un demi-cercle dont la concavité est garnie par trois ou quatre fèves urticantes (c) d’une grandeur considérable. Le tout se continue en un fil ter- minal très-court (d) enroulé en spirale incolore et garni de lentilles urticantes sur toute sa surface. Je n'ai pas été très-heureux dans la recherche des appendices reproducteurs ! Tab. 14, fig. 7. * Tab. 14, fig. 8 et 9. 97 DE LA MER DE NICE. 97 Les exemplaires examinés montraient des bourgeons peu développés, mais qui par leur forme très-allongée et par le sac intérieur se dénotaient en partie comme des bourgeons testiculaires. Ces bourgeons se trouvent à la base des polypes sous forme de capsules isolées. M. Kælliker * nous apprend qu'à un état plus avancé de développement, ces bourgeons se présentent sous forme de capsules ou de calices cupuliformes qui entourent seulement la base des sacs médians, remplis d'œufs ou de Spermatozoïdes. Les bourgeons reproducteurs deviennent donc des appendices médusiformes à ombrelle très-petite, et à sac générateur interne très-considérable, et il est probable qu'ici aussi comme chez l'espèce précédente les bourgeons médusiformes se détachent à la fin, quand ils sont arrivés à la maturité pour opérer la fécondation. | Par la disposition bisériale des organes natatoires l'Hippopode se rapproche des Physophores et des Agalmes, dont il s'éloigne par l’inconstance de la bulle d'air, par la structure particulière des cloches natatoires, et par le manque absolu de polypes prolifères et de plaques protectrices. Il se rapproche au contraire de la famille des Diphyides par cette propriété de pouvoir retirer le tronc entier avec ses appendices entre les organes locomoteurs, par la nudité de ce tronc commun et par la structure des organes reproducteurs. Je dois mentionner encore la présence d’un Distome particulier * que j'ai ren- contré plusieurs fois dans l'intérieur même des Hippopodes et surtout dans les pédoncules des polypes nourriciers. Je donne quelques figures de ces Distomes de l'Hippopode par un grossissement de 16 diamètres. Ils étaient très-peu transpa- rents, surtout dans Îa partie postérieure où un amas de corpuscules calcaires brillants s’opposait à toute pénétration ultérieure. Les deux ventouses sont pres- que d'égale grandeur ; l’antérieure, tout à fait terminale, porte l'ouverture de la ! Tab. 15, fig. 3. = ZLeïtschr. für wissenschaftl. Zool., von C.-Th. v. Siebold u. Kôlliker. Tom. IV, 1853, p. 311. * Tab. 14, fig. 10, 11 et 12. 13 98 C. VOGT. SIPHONOPHORES 98 bouche, qui se montre ordinairement sous la forme d’une fente un peu allongée. La ventouse postérieure est ronde, très-saillante, son ouverture petite, circu- laire, et son emplacement variable suivant les contractions de l'animal. Ces dis- tomes paraissaient tout à fait dans leur habitation normale et rampaient avec viva- cité dans la cavité des pédoncules et du tronc commun. 99 DE LA MER DE NICE, 99 VI. SUR LE PRAYA DIPHYES BL, TAB. 46 ET 17. Praya diphyes, Blainville. Manuel d’Actinologie, p. 137, tab. 6, fig. 5. » » Lesson. Acalèphes. Nouv. suit. à Buffon, p..144. » » Kœælliker, Zeitschr. für wissenschaftl. Zool. Tom. IV, p 306. Diphyes Prayæ, Quoy et Gaim. Voy. Astrol. pl. 5, fig. 37 et 38. , » C. Vogt. Zoologische Briefe. Vol. [. p. 140. Rhizophysa filiformis, C. Vogt. Zeitschrift für wissensch. Zool. Tom. III, p. 522, 1851. Annal. Scienc. nat. 1852. Ayant péché, pendant l'hiver de 1846 à 1847, quelques individus de ces Zoo- phytes dont je ne pouvais trouver aucune description dans les auteurs à ma portée , je soumis, de retour à Paris, mes dessins à mon ami Krobn, qui, comme on sait, s'est longtemps occupé des animaux inférieurs de la Méditerranée. M. Krohn reconnut immédiatement l'organisme pour une espèce qu'il avait rencontrée quel- quefois dans les golfes de Naples et de Messine, et tout en m'indiquant le Diphyes Prayæ de Quoy et Gaimard, recueilli au Cap vert, comme analogue de l'espèce trouvée par moi, il me dit que celle-ci était traitée dans l'ouvrage de delle Chiaje sous le nom de Rhizophysa filiformis. N'ayant pu me procurer cet ouvrage, je n'ai pu vérifier cette assertion. Je reconnais maintenant la même espèce dans un Z00- phyte sur lequel M. Kælliker a donné quelques indications dans son rapport sur ses observations à Messine, et je m’empresse d'adopter le nom donné ancienne- 100 C. VOGT. SIPHONOPHORES 100 ment par Blainville à une cloche natatoire détachée, trouvée par MM. Quoy et Gaimard. L'espèce dont nous nous occupons ici n’est pas rare dans les environs de Nice, mais il est assez difficile de se la procurer entière, à cause de sa grande transpa- rence et de l'extrême facilité avec laquelle les grandes cloches natatoires surtout se détachent. L’exemplaire le plus grand que j'eusse rencontré fut pris le 4 décembre 1851 ; — il avait plus d’un mètre de long en nageant étendu à la surface, tandis que dans l'état de contraction sa longueur était à peine celle d'un doigt. J'ai compté sur son trone commun plus de cent polypes parfaitement développés, tandis qu'or- dinairement on ne trouve que trente à quarante individus complets sur le tronc commun. Le genre Praya appartient à ce groupe de Siphonophores chez lesquels la colonie entière n’a que deux grandes cloches locomotrices entre lesquelles le tronc com- mun peut se retirer. La bulle d'air, qui, dans les genres précédents, existe ordinai- rement, ne se trouve plus dans ce groupe où le tronc commun est attaché par deux filaments aux deux cloches natatoires entre lesquelles il est suspendu. Le genre Praya lui-même se caractérise facilement par ses grandes cloches natatoires molles, munies d'une petite cavité intérieure, et par ses polypes parfaitement isolés, garantis par une plaque protectrice en forme de casque et munis chacun d'une cloche natatoire spéciale. L'individualisation est arrivée en effet au plus haut point dans ce genre, où chaque polype forme un groupe à part parfaitement circonscrit par le casque protecteur, dans la cavité duquel le polype avec son fil pêcheur, sa cloche natatoire et son organe reproducteur est caché. La colonie entière n'est qu'une succession de groupes circonscrits de cette manière et réunis ensemble par un tronc commun mince, et les seuls organes, qui servent à l'ensemble, sont les deux grandes cloches attachées au bout du tronc. Ces cloches natatoires ‘ sont extrêmement transparentes, incolores et inégales. Elles différent de celles des autres genres par la grande mollesse de leur substance gélatineuse, qui est telle que ces cloches, placées dans un verre de montre, s’apla- tissent entièrement par leur propre poids. Leur forme est celle d'un sac arrondi ! Tab. 16. 101 DE LA MER DE NICE. 101 en avant, et tronqué en arrière. Sur cette face postérieure tronquée se trouve l'ouverture ronde de la cavité natatoire. Les faces internes des deux cloches qui se regardent sont creusées un peu en forme de gouttière, de manière que par la juxta-position des deux cloches un canal est formé, dans lequel peut se retirer le tronc commun. L'une des cloches est toujours plus grande que l’autre, ce qui fait croire que dans le jeune âge il n’en existe qu'une seule, et que la seconde s'ajoute par bourgeonnement. La cavité natatoire est très-petite par rapport au volume de la cloche et de forme conique ; son bord, muni d’une iris musculaire, est ordinai- rement ridé par la contraction ou finement ondulé. Un canal très-fin et à peine visible se rend depuis le point d'attache du tronc commun vers l'extrémité anté- rieure pointue (le fond) de la cavité natatoire. On remarque en outre dans le tiers antérieur de la cloche une petite cavité en forme de disque ou de raquette, remplie par un liquide jaunec-lair ayant l'apparence d'huile et qui, par un petit canal, communique avec l'extrémité du tronc commun. Cette petite cavité est tournée de manière à se montrer tout à fait ronde lorsqu'on regarde ses cloches natatoires d'en haut ‘, tandis que si on les voit de profil, elle se montre sous une forme plus ou moins elliptique. Cette cavité ? est tapissée sur toute sa surface interne par des cellules claires et transparentes, faisant saillie vers cette surface. Évidem- ment ces cavités ne sont autre chose que les extrémités des canaux qui se rendent depuis le tronc commun dans les cloches natatoires, et font participer ces der- nières à la distribution du liquide nourricier circulant dans la colonie tout entière. Le tronc commun * est fixé sur le tiers antérieur des cloches natatoires dans le fond de la rigole qui doit l'héberger dans son état de contraction. Une quantité de bourgeons d'une forme indéterminée se presse sur cette extrémité cachée entre les cloches natatoires ; plus l’on avance vers le bas, plus aussi ces bourgeons de- viennent indépendants, mieux accusés dans leur forme et reconnaissables dans les différentes parties dont ils se composent. Le tronc commun lui-même est rond, cylindrique, très-mince et excessivement trausparent dans ses parois. On y dis- üngue pourtant facilement la cavité qui le parcourt et les fibres musculaires disposés 1 Tab. 16, fig. 3. ? Tab. 17, fig. 4. 3 Tab. 16, fig. 2. 102 C. VOGT. SIPHONOPHORES 102 de la manière ordinaire. Sa surface, entre les groupes des polypes, est entièrement lisse; on ne remarque aucune trace de bourgeons ni d'autres appendices secon- daires sur les distances entre les différents groupes de polypes. Ces groupes ’, qu'ils soient grands ou petits, se composent toujours des mêmes éléments, et il suffit d'en décrire un seul pour avoir une idée complète de l’ensem- ble. Chaque groupe est composé d'un polype nourricier (a) ayant son fil pêcheur (b), d'une cloche natatoire spéciale (c), d'un bourgeon reproducteur mâle ou femelle (d), et d'un casque protecteur (e) enveloppant le tout. Nous allons successivement analyser ces différents éléments, qui sont assez faciles à isoler. Les polypes nourriciers vermiformes * sont assez grands et allongés par rapport à l'ensemble de la Colonie. Ils sont fixés sur le tronc commun par une tige (b) assez solide, cylindrique, peu contractile, qui est percée au milieu par un canal assez étroit, lequel établit la communication entre la cavité digestive et la cavité du tronc. Ce pédoncule dont la substance ferme est entièrement transparente montre une surface rugueuse et comme mamelonnée; et quelquefois on pourrait croire que cette substance ferme ne forme qu’une gaine ou une espèce de capsule allongée dans laquelle le véritable polype est enchassé. Celui-ci se compose comme par- tout de deux parties, de la partie digestive (c) ordinairement boursoufflée et de la partie antérieure (d) très-contractile, très-transparente et qui très-souvent forme par ses contractions une espèce de corolle plus ou moins régulière. On remarque dans la partie digestive douze bourrelets longitudinaux, disposés irrégulièrement, et sur lesquels on voit placé de distance à distance des espaces cellulaires * au mi- lieu desquelles on croit remarquer des noyaux entourés de granules. L'image de ces espaces rappelle parfaitement celle de grandes cellules munies d'un ou de plusieurs noyaux, entourés chacun d'une auréole de granulations ; mais la trans- parence de la substance, qui forme le polype, est si grande qu'on peut facile- ment se tromper à cet égard comme l'a démontré une expérience concluante. Ayant mêlé de l'indigo à l’eau d'un bocal dans lequel se trouvait un Praya plein de vie, Je vis après quelques temps les cavités digestives striées en bleu, la couleur s'é- CAD UNE fe LE EDab 1 fir22 Tab. 10, fi. 6: 103 DE LA MER DE NICE. 103 tant arrêtée dans les bourrelets de cette cavité, et je pus me convaincre alors par le microscope que les granules de couleur se trouvaient seulement dans les espaces celluliformes, qui ne sont autre chose que des cavités peu profondes ou des sacs glandulaires largement ouverts sur la surface digestive. La partie anté- rieure et contractile (d) du polype ne diffère en rien de ce que nous avons déjà vu dans les genres précédents. Le point de jonction entre le pédoncule du polype et le tronc commun est en- touré comme d'ordinaire par une touffe de bourgeons (/) plus ou moins déve- loppés du milieu de laquelle se détache un fil pécheur (k), auquel sont attachés une quantité très-considérable de fils secondaires (+), muni chacun d'une cap- sule urticante (k). Le fil pécheur lui-même est composé de tronçons successifs qui ne montrent aucune structure particulière. Les fils secondaires sont très-fins, longs et transparents. Les capsules urticantes * sont pyriformes, comprimées laté- ralement et contiennent un cordon brun, composé de sabres urticants (c), lequel fait à peu près les deux tiers de la circonférence de la capsule. Dans la conca- vité de l’espace, embrassé par ce cordon, se trouvent des fèves urticantes /{d) qui méritent à peine ce nom, car elles sont extrêmement allongées, comprimées et droites, et disposées comme un faisceau suivant l'axe longitudinal de la cap- sule. Tous ces organes urticants ont une couleur jaune-brunâtre et sont en- fermés dans une membrane qui est la continuation indirecte du fil secondaire d'attache. Je dis indirecte, car entre le fil secondaire et la capsule urticante est placé un élargissement en forme de sac ou de cornet (b) dans lequel se voit une bande musculaire plissée de telle façon, qu'elle présente ordinairement l'aspect d'un fil enroulé en spirale. Cette membrane musculaire plissée se continue sur la face interne et concave de la capsule urticante et s'attache vers l'extrémité anté- rieure de celle-ci, là où elle se continue dans le fil terminal (a). Je n'ai pu réussir à faire éclater une capsule urticante du Praya, mais je ne doute pas que cette mem-— brane musculaire plissée en spirale ne serve à lancer et à retirer le cordon urticant contenu dans l’intérieur de la capsule d'une façon analogue à celle que j'ai si- gnalé chez la Physophore. La capsule urticante se termine enfin dans un fil ‘ Tab. 17, fig. 3. 104 C. VOGT. SIPHONOPHORES 104 terminal (e) plus gros que le fil d'attache, assez long et contracté ordinairement de manière à simuler l'aspect d’un gros intestin. Ce fil terminal est hérissé sur toute sa surface de lentilles urticantes ‘ayant la forme d’une petite bouteille et une trans- parence parfaite. Dans l’intérieur de ces petites bouteilles est cachée une soie ur- ticante contournée en spirale, dont la pointe dépasse ordinairement un peu le gouleau de la bouteille, de manière que le fil terminal entier semble hérissé de petites soies raides. Je n'ai pas encore rencontré d'organismes chez lesquels on puisse voir avec tant de précision la structure de ces capsules urticantes comme chez . , x CL ï le Praya. Le fil terminal est couronné enfin à son extrémité par une touffe de cel= lules (f) parfaitement transparentes, très-grandes et entièrement dépourvues de toutes capsules urticantes. Les bourgeons de fils secondaires qui se montrent en si grande quantité autour de la base du polype de manière à rendre l'étude de ce point assez difficile, ces bourgeons, dis-je, sont d’abord arrondis, s’allongent ensuite successivement de manière à devenir vermiformes et montrent à la fin (fig. 2, g) leur extrémité contournée en spirale et se hérissant de capsules urti- cantes incolores. Au-dessous de cette partie en spirale, qui sera plus tard le fil terminal, se montrent les sabres et les fèves urticants, allongés, disposés sur deux rangs en forme de chevrons, et se coloriant petit à petit en jaune, tandis qu'ils étaient incolores dans leur début. A côté de chaque polype et sur la face opposée au fil pêcheur se trouve fixée une cloche natatoire spéciale *, dont l'existence a été constatée aussi par M. Kœl- liker, tandis que M. Leuckardt voulait lui donner une autre signification que celle que je lui avais attribuée primitivement. Cette cloche est creusée dans une pièce pyramidale de substance solide mais parfaitement transparente comme du cristal, de manière que ses contours mêmes échappent facilement à l'observation. La cavité creusée dans cette pièce est fort considérable, conique, ayant une large ouverture circulaire (c) en dehors et le sommet du cône formé par l’attache par laquelle la pièce se fixe au tronc commun. Cette cavité conique n’occupe pour- tant pas toute la masse de la pièce solide, elle est creusée plutôt à la face op- posée au polype, de manière qu'entre celui-ci et la cavité se trouve une espace Tab ANT Afeu: CNLab AN Bo Mc: 105 DE LA MER DE NICE. 105 considérable de substance solide (c°). Il résulte de cette disposition que la cloche natatoire occupe toujours à peu près le niveau du tronc commun, tandis que le polype pend en bas. L’orifice de la cavité conique de la cloche natatoire est en- touré d'une iris musculaire très-apparente laquelle à son tour est fixée sur un canal circulaire auquel se réunissent quatre canaux droits montant depuis le sommet de la cavité conique qui est tournée vers le tronc commun. Il ÿ a deux points d'attache différents situés dans le même axe de la cavité conique, et les quatre ca- naux se bifurquent dans la partie postérieure de la cavité pour se réunir sur cha- cun de ces points. Le point de réunion le plus avancé (c*) conduit dans un canal qui se rend au sommet de la pièce pyramidale pour s'attacher au fond du casque protecteur ; l'autre point de réunion un peu plus reculé (c*) se continue dans un canal qui se rend immédiatement vers l'angle de jonction entre le po- lype et le tronc commun pour s'attacher à ce dernier. Chaque cloche natatoire spéciale est donc doublement attachée, une fois au casque protecteur, une autre fois directement au tronc commun. Dans la contraction de l'ensemble la pièce pyramidale hébergeant la cloche spéciale, ferme comme un bouchon l'ouverture du casque protecteur à laquelle elle s'adapte parfaitement. Le casque protecteur * est formé par la même substance molle et gélatineuse que nous avons déjà signalé en parlant des cloches natatoires communes. Cette pièce a réellement la forme d'un casque arrondi ayant une fente antérieure et deux lèvres fendues transversalement entre lesquelles peuvent s’héberger la clo- che natatoire spéciale et le polype avec son fil pêcheur. Le casque est attaché seulement par un point vis à vis du polype au tronc commun, et malgré sa forme insolite il obéit donc aussi sous ce point de vue à la loi générale que nous avons signalé pour les pièces protectrices, savoir : qu'elles sont toujours attachées à la face du tronc commun opposée aux polypes nourriciers. Du point d'attache au tronc commun partent cinq Canaux finissant en cul de sac, et qui se rendent dans les différentes parties du casque protecteur. Le plus fort et le plus courbé 4\ de ces canaux (e‘) se rend dans la partie entourant le polype, un autre (e*) dans la partie supérieure, deux autres (e*) directement en arrière. Le cinquième (e‘), ap T-efe. A; e 14 106 C. VOGT. SIPHONOPHORES 106 commence par un large espace pyriforme, dont la base en cul de sac est tournée vers la circonférence, tandis que la tige communique directement avec le tronc commun. Les granules nageant dans le liquide nourricier circulent manifeste- ment dans cet espace ainsi que dans les canaux que nous avons signalés. Il est facile de confondre cet espace pyriforme creusé au milieu du casque protec- teur avec l'organe reproducteur, qui toujours est beaucoup plus petit, mais qui est souvent difficile à trouver au milieu des bourgeons et des touffes de bourgeons d'organes urticants, qui entourent la base du polype. Les organes reproducteurs * que j'ai pu trouver sur les differents individus sou- mis à mon investigation constituent de simples bourgeons plus ou moins globu- laires ou pyriformes, dans lesquels on constate facilement quatre canaux cour- bés, montant depuis le point d'attache vers le sommet du bourgeon. Le bour- geon lui même est extrêmement transparent, très-petit au commencement sur- tout, et attaché vis à vis de la base du polype au tronc commun de manière à être caché entre les différents points d'attache de la cloche natatoire particulière, du casque protecteur et de la touffe de bourgeons de capsules urticantes. J'ai con- staté deux types différents dans ces bourgeons, les uns étant mâles et les autres fe- melles ; mais vis à vis de chaque polype on ne trouve jamais plus d'un seul bour- geon qui montre tantôt des œufs, tantôt une cavité dans laquelle on aperçoit des Spermatozoïdes d'une forme particulière. J'ai donné dans la fig. 7 un dessin du bourgeon mâle le plus développé que j'ai rencontré. La couche extérieure (a) qui donne la forme à ce bourgeon est assez épaisse et se montre composée à sa surface de cellules arrondies, très-transparentes et réunies en pavé. Dans l'in térieur-est déposé une autre substance (b) d’un aspect vitré laissant au milieu une cavité irrégulière (c) montrant une communication directe avec la cavité du tronc. C'est dans l'intérieur de cette cavité que j'ai rencontré constamment des organismes en mouvement, (d) qui ressemblent plutôt à de jeunes Nématoïdes qu'à des Spermatozoïdes, et dont la nature peut être douteuse. Ge sont des petits vers très-transparents assez épais, de forme linéaire, ayant l'une des extrémi- tés du corps plus épaisse que l’autre, et qui se meuvent en serpentant, absolu- Tab 1 he 02 me 1-19: , 2 , 1 Oo 107 DE LA MER DE NICE. 107 ment comme des petits vers, qui nagent dans un liquide. J'ai vu ces corpuscules vivants se mouvoir non-seulement dans tous les sens au milieu de la cavité du bourgeon, je les ai vu aussi s'échapper par l'ouverture de la base dans la cavité du tronc commun, circuler dans cette dernière et dans toutes ses rami- fications et pénétrer même dans les tiges des polypes et les canaux des bourgeons femelles. Ces mêmes organismes se trouvent aussi chez les Diphyes, où M. Will les a déjà rencontrés. Leur forme diffère complétement de la forme des Sper- matozoides des autres Siphonophores ; il est donc permis de se demander si ce sont en effet des Zoospermes ou bien des vers intestinaux très-jeunes. La forme militerait en faveur de la dernière opinion, ainsi que la liberté avec laquelle ces petits organismes passent dans toutes les dépendances du tronc commun. Mais d'un autre côté on peut citer leur rencontre constante et l'absence complète de toute autre production spermatique comme une raison concluante. J'ai fait en- core une autre observation, militant en faveur de l'opinion qui regarde ces or- ganismes comme Spermatozoïdes. Je crois avoir vu en effet la formation d’un de ces corpuscules aux dépens de la substance interne, qui tapisse la cavité du bour- geon. On ne voyait d’abord que l'extrémité antérieure du corpuscule qui de temps en temps faisait des mouvements ondulatoires très-peu marqués. Cette extrémité avançait librement dans la cavité du bourgeon. La partie postérieure se confondait absolument avec la substance interne, dont la transparence hyaline aurait pour- tant certainement permis d’apercevoir les contours du corps de l’animalcule qui se serait enfoncé dans cette substance. Les mouvements de la partie libre deve- naient pius accusés, plus violents même, pendant que j'étais occupé à suivre cette observation sous le microscope. Petit à petit — on aurait dit sous l'influence de ces mouvements — le corps semblait se détacher toujours davantage de la substance “interne, et se montrait bientôt attaché à cette dernière seulement avec son ex- trémité postérieure. Cette attache cédait à la fin aussi et le petit vermicule en tout semblable aux autres, nageait alors en serpentant dans la cavité du bour- geon. Le tout avait duré à peu près une heure et je crois avoir employé tous les moyens possibles pour me garantir d’une erreur d'observation, qui pourtant n'est peut-être pas impossible, vu que je n’ai pas pu répéter et confirmer cette première observation. 108 C. VOGT. SIPHONOPHORES 108 Les bourgeons femelles se montrent sous différents aspects suivant leur déve- loppement. J'en ai vu de fort petits encore ‘ au milieu desquels se trouvait une substance interne embrassée par quatre canaux réunis au sommet du bourgeon. A la surface de la masse interne (fig. 10) se dessinaient des figures très-remarqua- bles en étoiles, composées d’un cercle rond au milieu, autour duquel étaient disposés sept à huit feuilles ovalaires, de manière que le tout ressemblait à une petite fleur étoilée ; toute la substance interne du bourgeon paraissait composée de ces cellules en étoiles, au milieu desquelles je cherchais vainement des indices d’un œuf. Je vis d'autres bourgeons (fig. 11) dans lesquels, au contraire, cet aspect étoilé avait disparu, et où l’intérieur du bourgeon était occupé par deux œufs parfaitement transparents, montrant au milieu une vésicule germinative et une tache germina- tive circulaire, entourées concentriquement et à distance par une auréole de cor- puscules vitellaires peu accusée. On voyait très-bien dans ces bourgeons les canaux montant des deux côtés le long des parois externes du bourgeon, et se rendant de- puis son point d'attache au sommet. Dans d'autres bourgeons enfin (fig. 12), le nombre d'œufs était plus considérable ; et dans le bourgeon le plus développé que j'aie rencontré et qui avait une figure pyriforme, les œufs étaient ramassés dans la partie antérieure du bourgeon, tandis que la partie près de l’attache était occu- pée par une cavité en forme de tampon. La substance interne dans ce bourgeon était entièrement détachée de la substance externe, laquelle, à son tour, était devenue plus mince sur toute la circonférence du bourgeon. Je ne doute pas que plus tard ce bourgeon en se développant aurait pris une forme médusaire, et que l'enveloppe externe se serait ouverte sous peu sur le sommet de la poire en se constituant conime ombrelle de ce bourgeon médusiforme. Mais n'ayant pu obser- ver ce développement, je ne puis émettre cette idée que sous forme d’hypothèse, et aucun autre observateur n'ayant parlé jusqu'à présent des organes reproduc- teurs du Praya, je ne puis compléter mes observations par celles des autres. M. Kælliker, qui a donné de si précieuses notices sur les autres Siphonophores, ne parle pas de ces organes, quoiqu'il ait trouvé le Praya aux environs de Messine. Nous verrons par l'examen des Galéolaires, des Abyles et des Diphyes, que le, 1 Tab. 17, fig. 8-12. 109 DE LA MER DE NICE. 109 Praya se rapproche effectivement, comme l'ont reconnu du reste déjà MM. Quoy, Gaimard et Kælliker, des Diphyides dont il ne diffère que par le développement inusité d'une cloche natatoire spéciale pour chaque polype nourricier. C’est, en effet, un spectacle surprenant que les mouvements de ces colonies et surtout des groupes fixés sur le tronc commun. Je ne puis mieux comparer toutes les évolu- tions des polypes qu'à celles d'une réunion de jongleurs faisant des exercices de gymnastique autour d'une corde, qui, ici, est représentée par le tronc commun. Sauf cette adhérence, la vie, la volonté de chaque groupe sont parfaitement indé- pendantes, et on ne remarque une dépendance de l'ensemble que lorsque le tronc commun se contracte pour ramener tous ses appendices vers les cloches natatoires qui se mettent alors en mouvement. Dans le cas que la signification zoospermique attribuée aux petits vermicules circulant dans la cavité des colonies se vérifiait, cette structure pourrait servir comme un caractère distinctif accessoire. Nous avons trouvé, en effet, chez tous les Physophorides (Physophore, Agalme) des spermatozoïdes à tête ronde et à queue (probablement) très-fine ; — tandis que chez le Praya, comme chez les autres Diphyides, les zoospermes seraient vermiculaires. Un caractère sur lequel j'insiste encore particulièrement, c'est l'hermaphrodi- tisme des colonies du Praya. Il y a sur le même tronc commun des groupes mâles et femelles, conformés absolument de même. Nous verrons que ce n'est pas de même chez d’autres Diphyides. 110 C. VOGT. SIPHONOPHORES 110 VIL. SUR LA GALÉOLAIRE ORANGÉE. (GALEOLARIA AURANTIACA. C. VOGT.) TAB. 48 ET 19. ras. 20, ric. 1-3. TAB. 21, FIG. À ET 2. Galeolaria, Lesueur dans Blainville. Manuel d’Actinol. p. 138, pl. 6, fig. 5. Epibulia aurantiaca, C. Vogt. Zeitschrift für wissenschaftl. Zoologie, von C.-Th. Siebold et Kælliker. Tom. IE, p. 522, 1851. Ayant trouvé, pendant mon dernier séjour à Nice, des exemplaires d'un Sipho- nophore très-délicat et qui m'avait échappé jusqu'alors, je cherchais, dans le système des Acalèphes de Eschscholtz, le seul livre sur la matière qui fût à ma disposition, le nom qui pût convenir à ma nouvelle trouvaille. La diagnose du genre Epibulia (Tentacula ramulis simplicibus obsita. Partes cartilagineæ inco- gnitæ), me paraissait d'autant mieux s’y appliquer, qu'elle ne précisait rien. L'em- ploi de ce nom générique donné à des pièces incomplètes et mutilées avait donc l'avantage de fixer un genre parfaitement inutile jusqu'alors sur une espèce, dont j'étais en état de donner des détails. Je préférai cette manière d'agir à la fabrica- tion d’un nouveau nom de genre. Grâce à l’obligeance de mon collègue, M. Pictet, j'ai pu consulter le Voyage de l'Astrolabe. Les fig. 29 à 33 de la 5% planche se rapportent évidemment à des cloches natatoires détachées du même genre, à tel point même, que j'aurais adopté le nom spécifique, si les exemplaires, différents du reste par quelques détails, n'eussent pas été recueillis dans l'Océan indien. MM. Quoy et Gaimard avaient 111 DE LA MER DE NICE. Ant considéré ces organismes comme faisant le passage aux Béroïdes, et leur avaient appliqué le nom générique « Beroïdes ; » mais M. Blainville ayant formé, sur des indications de Lesueur, le genre Galéolaire, MM. Quoy et Gaimard ont retiré le nom donné par eux, pour adopter celui donné par M. Blainville. F'applique aujourd'hui ce nom générique à une espèce dont les cloches natatoires se rapprochent beau- coup aux pièces dessinées dans le Voyage de l'Astrolabe, et je fais connaître, pour la première fois, l'organisation entière de cette belle espèce, dont la désignation spé- cifique est justifiée par la couleur des polypes nourriciers et des organes mâles. Le rapprochement de mon espèce et des organismes trouvés par MM. Quoy et Gaimard se justifie, outre par la forme, encore par une particularité. Ces natura- listes dessinent, sur une des pièces trouvées par eux, une appendice rose, contrac- tile, impaire, qu'ils désignent sous le nom de tentacule, et qui est évidemment l’ex- trémité antérieure du tronc commun déchiré et attenant encore à la cloche nata- toire à laquelle il est suspendu. Les indications de M. Lesueur avaient déjà fait soupçonner à Blainville l'existence d’appendices posées sur un fil contractil ; — mes recherches vont fournir la preuve que ces indications, comme toutes celles fournies par Lesueur, étaient très-exactes. La fig. 6, tab. 4, de l'Atlas de l’Astrolabe donne, sous le nom de Diphyes Bory, le dessin d'un Zoophyte qui ressemble beaucoup au tronc commun d'une Galéo- laire dépourvue des cloches natatoires. La forme surtout des cornets protecteurs est la même. Ce dessin a été copié ‘plusieurs fois sans que l’on ait remarqué qu'il ne peut se rapporter en aucune façon aux cinq autres dessins figurant le véritable Diphyes Bory, dont les auteurs, MM. Quoy et Gaimard, donnent la description sans mentionner le dessin fig. 6. La Galéolaire orangée a dans son organisation générale la plus grande ressem- blance avec le genre Praya. Ici aussi on ne trouve que deux grandes cloches natatoires placées à l'extrémité du tronc commun et servant d'appareil locomoteur à la colonie tout entière. On trouve de même un tronc commun extrêmement con- tractile sur lequel les polypes, placés de distance en distance, forment des groupes isolés, ayant chacun sa plaque protectrice et son organe reproducteur. Mais ce qui distingue la Galéolaire au premier coup d'œil, c'est le manque absolu de cloches natatoires spéciales appartenant à ces groupes isolés et la distinction des colonies 112 C. VOGT. SIPHONOPHORES 112 suivant les sexes. Il y a effectivement des Galéolaires mâles et des Galéolaires femelles, comme nous le verrons en traitant les organes reproducteurs ; car, sous tous les autres rapports, les colonies sont extrêmement semblables. Les cloches natatoires, les polypes avec leurs fils pêcheurs, les plaques protectrices ont exacte- ment la même forme dans les colonies de l’un ou de l’autre sexe, et la différence, quoique essentielle et même très-apparente à l'œil nu, ne se fait remarquer que par les organes reproducteurs. Les deux cloches natatoires *, placées au sommet du tronc commun, sont for- mées d'une substance extrêmement transparente, mais très-ferme, et d’une con- sistance cartilagineuse, se distinguant par ce caractère des cloches natatoires si molles du Praya et se rapprochant de celles des Diphyides en général. Ces deux cloches sont toujours de forme très-différente. La plus grande est presque cylin- drique, sauf une arête presque tranchante, courant le long de la face qui est tournée vers le tronc commun. C’est à l'extrémité antérieure de cette grande cloche allongée que touchent le tronc commun et une des faces de la petite cloche natatoires. Du côté opposé se trouve l'ouverture de la cavité natatoire, qui, dans sa forme générale, répète celle de la cloche en entier, et qui est bordée de quatre canaux, se réunissant en cercle sur le bord de l'iris musculaire établie sur l’orifice. La substance cartilagineuse de la cloche natatrice forme au-devant de cette ouverture six pointes un peu relevées, qui, par leur application, peuvent fermer presque entièrement l'entrée de l'orifice *. On voit encore, outre ces six pointes, deux petites éminences émoussées des deux côtés et deux prolongements en forme de cuiller *, que je ne puis mieux comparer qu'à ces œillères que l'on met sur les yeux des chevaux. Ces deux prolongements en cuilliers, ainsi que les deux proéminences latérales, sont tout à fait raides, tandis que les six pointes appliquées sur l'ouverture s'ouvrent et se ferment à chaque contraction de l'iris musculaire et de la cavité natatoire. La petite cloche natatoire est plus courte mais aussi plus épaisse que l'autre * et au lieu d'être droite elle est courbée en angle dans son milieu de manière que sa cavité natatoire aussi paraît brisée au milieu. La crête dorsale, qui chez ! Tab. 18. 3 Tab. 18, fig. 3. ? Tab. 18, fig. 4. Tab.18;: fig. net 2: 113 DE LA MER DE NICE. 113 la grande cloche montre un contour uniforme, est relevée en bosse sur la pe- tite cloche et c'est par cette face bossue que la petite cloche s'adapte à la grande pour former une gouttière dans laquelle est logé le commencement du tronc commun. Il résulte de cette disposition que c’est à côté de l'ouverture de la cavité natatoire que le tronc commun est attaché à la petite cloche, à laquelle il tient beau- coup plus solidement qu'à la grande, et où l’on voit même une fente pénétrant dans la crête dans laquelle s'engage un ligament retenant le tronc commun. L'ou- verture de la petite cloche manque entièrement de ces six pointes développées sur la grande cloche, mais on y voit deux prolongements surmontant l'ouverture dont l’un correspond à la crête relevée en bosse, l’autre à la face opposée où il y à une carène longitudinale beaucoup moins saillante. L'adaption de ces deux cloches est telle que leurs parties antérieures, dans lesquelles se terminent les cavités natatoires en cul-de-sac et par la répulsion desquelles la colonie avance, se trouvent pourtant dans le même plan et que c'est la partie antérieure de la petite cloche qui est portée en avant lorsque la colonie se met en mouvement. J'ai dessiné les deux exemplaires de la tab. XVIII dans la position que les cloches affectent, lorsque la Galéolaire se tient tranquille ment à la surface des eaux. L'ouverture de la grande cloche regarde alors en haut, celle de la petite au contraire horizontalement de côté, et le tronc commun pend au devant de l'ouverture de la petite cloche. Le tronc commun ‘ est extrêmement mince et contractile. On distingue dans son milieu un canal très-mince encore par rapport à l'épaisseur du tronc et renflé de distance en distance aux endroits qui correspondent à la fixation des groupes de polypes, dont les emplacements sont marqués sur le tronc débarrassé de ses appendices par des bourrelets embrassant la moitié du trone commun. C'est sur des prolongements de ces bourrelets que sont posés les polypes nourriciers * qui dans cette espèce sont très-minces, très-allongés et nettement divisés dans les trois parties ordinaires. Le pédoncule ou la tige (b') est à peine contractile, rugueux à la surface et parcouru par un canal assez mince. La ca- vité digestive (b°) est organisée comme celle des polypes des Prayas. On y re- Tab. 49, fig. À et 2, a. ab. 19 fig. 1 et 2,74. 114 C. VOGT. SIPHONOPHORES 114 marque des grands espaces circulaires *, visibles déjà par un petit grossisse- ment, et une teinte orangée générale qui est répandue dans le tissu tout entier. La partie antérieure (b°) est ordinairement vermiforme, mais en se contractant elle montre très-souvent une forme étoilée. Sur la base du pédoncule du polype se remarque la touffle de bourgeons urticants (c) du milieu de laquelle sort le fil pêcheur (d). Cette toufle est en général beaucoup moins épaisse que chez le Praya, quoique du reste la structure du fil pêcheur ne diffère pas sensiblement ? surtout ont la de celle signalée chez ce dernier genre. Les capsules urticantes même structure, à tel point même que je croyais d'abord pouvoir comprendre les Prayas et les Galéolaires dans le même genre et n’en faire que deux es- pèces. Il est donc inutile que je revienne ici sur la description de ces organes pour l'intelligence desquels la description donnée lors du genre Praya suffit complé- tement. Les plaques protectrices * diffèrent dans leur forme beaucoup des casques pro- tectrices du Praya. Ce sont des pièces pyramidales transparentes assez solides qui ressemblent à un cornet de papier, fendu dans toute sa longueur et dans l'intérieur desquels sont fixés les polypes et les organes reproducteurs. On pour- rait croire d'après les dessins de la planche 19 que la plaque protectrice du mâle fût beaucoup plus large que celle de la femelle. J'aurais pu donner d’au- tres dessins qui auraient fourni l'apparence du contraire, car suivant qu'on regarde le cornet de côté, comme c’est le cas dans le dessin représentant le po- lype femelle, ou suivant qu'on le voit de face, comme c’est le cas pour le polype mâle, il se montre plus ou moins large. Le cornet est fixé au tronc commun à peu près dans le tiers antérieur de sa hauteur par une attache filamenteuse, qui se termine par un petit bouton (f) et qui est comme d'ordinaire opposé au pédoncule du polype, tandis que les organes reproducteurs sont fixés à côté de ce dernier. J'ai dit que les organes reproducteurs étaient différents chez les différentes colonies et qu'il y en avait des mâles et des femelles. Ce fait saute déjà aux 2 Tab. 20; fig. 3. OT A0 fr 00) Tab 419 fie-ti 115 DE LA MER DE NICE. 115 yeux par la couleur différente de ses appendices, les testicules ayant une cou- leur rouge vermillon excessivement brillante, tandis que les appendices femelles sont parfaitement transparentes et incolores. J'ai examiné plus de vingt individus de chaque sexe, j'ai eu devant moi souvent deux ou trois colonies de chaque sexe établie chacune dans un bocal différent et malgré l'examen le plus scrupuleux je n'ai jamais pu trouver des organes mâles et femelles réunis sur la même co- lonie. On peut bien penser, que ce fait m'intéressait d'autant plus, que j'avais constaté sur toutes les autres colonies, traitées dans les chapitres précédents un hermaphrodisme complet en ce sens, que les organes reproducteurs males et fe- melles se trouvaient toujours réunis sur la même colonie. Je puis donc me pronon- cer ici avec une certitude pleine et entière en constatant cette exception à la règle. | Les organes femelles ‘ sont fixés sous la forme de bourgeons arrondis sur le pédoncule même des polypes près de l'angle que fait ce pédoncule avec le tronc commun. Ils se forment par bourgeonnements et on les trouve d'autant plus dé- veloppés que le groupe, auquel ils appartiennent, est plus éloigné des cloches natatoires. On ne voit d’abord qu’une petite verrue creuse à parois assez épaisses. Le plus jeune bourgeon chez lequel j'ai pu distinguer quelque chose est repré- senté dans la fig. 4. Il est ovoide et formé par une substance externe transparente et solide, dans laquelle quatre rayons montent depuis la tige vers le sommet. Son intérieur est rempli de masses vitellaires granulées et sphériques, au milieu desquelles je n'ai pu distinguer qu'avec peine la vésicule germinative. À mesure que le bourgeon se développe (fig. 5.) les œufs augmentent en nombre dans son intérieur, perdent leur aspect granulé, deviennent transparents et laissent aper- cevoir alors dans l'intérieur deux contours concentriques, dont l’un, le plus grand est celui de la vésicule germinative, et l’autre de beaucoup plus petit celui de la tache germinative. L'enveloppe externe semble alors plus mince sur le sommet que sur les bords. Enfin au dernier degré de développement que j'ai vu, (fig. 6) et qui ne se trouve que sur des individus très-developpés, cette enveloppe externe s'est transformée en une ombrelle allongée, étroite, très-transparente, ayant un ‘ Tab. 49, fig. 2, g. Fig. 4-6. 116 C. VOGT. SIPHONOPHORES 116 orifice rond, entouré d'une iris musculaire et surmonté des deux côtés par deux éminences émoussées et triangulaires comme par deux oreilles. Les œufs devenus plus grands sont fortement entassés dans le sac intérieur pendant du sommet de l’ombrelle et prennent alors par la pression une forme polygonale. Ces œufs ! montrent distinctement deux contours du vitellus, au milieu duquel se voient la vésicule et la tache germinative. Les bourgeons reproducteurs arrivés au point décrit laissent fort bien voir des contractions de l’ombrelle et se détachent très- facilement pour nager librement dans le liquide ambiant. Les bourgeons des organes reproducteurs mâles * se développent suivant le même principe avec celte différence seulement que le sac intérieur (?) se sépare de fort bonne heure de son enveloppe externe (A) et commence à se colorier en jaune. On distingue alors au milieu de ce sac un canal longitudinal, dans lequel pénètre le liquide nourricier depuis le tronc commun et qui à cause de sa trans- parence paraît moins colorié. L'enveloppe extérieure se détache de ce sac inté- ‘rieur beaucoup plutôt que chez les femelles de manière qu'il faut déjà remonter près des cloches natatoires pour trouver des bourgeons mâles chez lesquels l'en- veloppe n'est pas encore transformée en ombrelle natatoire, tandis que dans les colonies femelles ce ne sont que les organes reproducteurs des derniers polypes chez lesquels l'ombrelle est parfaitement formée. La couleur rouge-orange aug- mente chez les bourgeons mâles à mesure que les Spermatozoïdes dans l'intérieur se développent, et dans les colonies vigoureuses ce sont toujours les dix ou vingt derniers groupes au milieu desquels on remarque le sac allongé d’une couleur vermillon brillante, ayant à peu près la grosseur d’une tête d’épingle. Les om- brelles contenant ces sacs de couleur intense se détachent avec une extrême faci- lité et nagent avec beaucoup de vivacité pendant plusieurs jours dans les bocaux dans lesquels on tient les Galéolaires. L'ombrelle elle-même est formée sur le type ordinaire — elle est conique, allongée, à quatre canaux réunis au bord de l'iris mus- culaire. Elle montre sur le côté qui est tourné vers le polype une proéminence triangulaire. Tab. 19, fig. 7 et 8. Ab MO AT: : 4 DE LA MER DE NICE. ; 1 C J'ai trouvé plusieurs fois des organismes, que je crois pouvoir considérer comme des jeunes Galéolaires. Le plus petit de ces individus représenté ‘ sous un grossissement de cent cin- quante diamètres était parfaitement invisible à l'œil nu, et ce n’est que par ha- sard que je l'ai ramassé en prenant avec un verre de montre les organismes qui flottaient à la surface d'un large bocal, dans lequel j'avais réuni le produit d'une pêche faite le 14 septembre 1851. Cet organisme consiste dans une boule de substance gélatineuse (a) très-transparente , au dessous de laquelle pend un po- lype nourricier (b) contracté lui-même considérablement, mais teint faiblement en orange. Ce polype dont on voit parfaitement la tige courte, la cavité digestive sphérique et la bouche est attaché à une masse pyriforme de couleur orange aussi (c), qui est enchassé au milieu du globe gélatineux et dont la partie élar- gie (d) est composée de cellules arrondies massées ensemble (fig. 11) et ne mon- trant aucune structure intérieure. À côté du polype se trouve une touffe de bourgeons (e) finement granulés, qui sont évidemment des bourgeons d'organes urticants et de l’autre côté on voit un bourgeon plus clair et entièrement sphé- rique (f) ayant une cavité au milieu, qui ressemble à un bourgeon de cloche natatoire. Un individu plus développé, dessiné sous le même grossissement * et visible déjà à l'œil nu, fut pêché le 3 septembre de la même année. Le globe gélatineux (a) a pris ici une forme plus allongée. Dans son milieu se voit un espace fusiforme (b) rempli par des cellules très-transparentes dont les contours ont un reflet jaunâtre. Au haut de cet espace était engagée une très-petite bulle d'air entourée d’un pigment rouge foncé. L'espace rempli par ces cellules s'ouvre largement dans le bas du globe gélatineux par une ouverture circulaire (c), autour de laquelle on voit des rides comme si l'ouverture était resserrée par un oûrlet. De cette ouverture part un pédicule transparent, creux (d), auquel est attaché au milieu un polype nour- ricier (e) complétement formé et montrant déjà ses trois parties constituantes, le pédoncule, la portion digestive et la portion vermiforme antérieure. A côté du polype se trouve la touffe des bourgeons (f) de capsules urticantes, dont quelques- Tab. 19; fig. 40: ? Tab. 19, fig. 12. 118 C. VOGT. SIPHONOPHORRS 118 unes sont déjà presque entièrement formées et coloriées en jaune. De l’autre côté, on voit un bourgeon reproducteur (g) énorme par rapport au polype ‘. C’est une ombrelle natatoire enfermée encore dans un étui transparent, au milieu de laquelle pend un énorme sac ovoïde remplissant toute la cavité de l’ombrelle et la dépassant même du tiers de sa longueur. Entre le pédoncule, par lequel ce bourgeon repro- ducteur est attaché, et entre le pédoncule du polype se montre le même bourgeon circulaire (A) ayant un canal au milieu, que nous avons déjà signalé dans l'individu précédent et qui s’est fort peu développé. Un troisième individu * fut pris le 15 juillet 1851, et son développement est tel, que l'on ne pourrait guère nier les rapports étroits qui le lient à la Galéolaire adulte. Le globe gélatineux (a) s'est allongé encore davantage, il s'est ouvert par Je bas (k) et commence à se fendre en long, de manière à prendre la forme de cor- net. Le canal (b), rempli de cellules qui occupe son milieu, s’est allongé encore davantage. Une petite bulle d'air occupe son sommet ; à son orifice inférieur (c) est attaché le tronc commun (d), sur lequel est fixé un polype nourricier entièrement formé, un bourgeon circulaire et un bourgeon reproducteur. Le polype a un fil pêcheur (1) entièrement développé; le sac interne du bourgeon reproducteur a les rapports ordinaires avec l'ombrelle qui l'entoure entièrement. Il est donc impos- sible de méconnaitre dans cet individu, qui avait un millimètre de long, un groupe isolé de la Galéolaire qui est déjà complet en sa qualité de groupe individuel, ayant polype nourricier, cornet protecteur et bourgeon reproducteur, et qui maintenant sans doute va se compléter en poussant d’abord les organes de la colonie entière (tronc commun, cloches natatoires) ; puis d’autres bourgeons destinés à former une colonie entière. Cet individu donne en même temps l'explication nécessaire des individus plus jeunes avec lesquels il forme une série continue, de manière à per- mettre la détermination précise d'organes, qui, chez ces individus très-jeunes, n'ont pas encore leur forme caractéristique. Ce qui pourrait étonner dans l’organisation de ces jeunes individus, c’est le déve- loppement si précoce et si considérable des organes reproducteurs, qu’on est ha- bitué de voir se développer ordinairement en dernier lieu. Ce développement suit #Tab.19, fig. 13. Tab 21. 1: 119 | DE LA MER DE NICE. 119 pourtant celui des autres organes individuels, si je puis m'exprimer ainsi, c’est- à-dire des autres appendices composant le groupe isolé, et il précède seulement l'apparition des organes coloniaux, savoir des cloches natatoires et du tronc com- mun. Or, si l’on réfléchit que toutes les colonies se forment par augmentation d’un germe individuel, par addition de groupes nouveaux formés par bourgeonnement, à un groupe isolé primitif, on comprend que ce groupe peut se former d’abord de toutes pièces avant que le bourgeonnement coloniaire commence. C'est ce qui a lieu dans les jeunes Galéolaires ; — le groupe isolé, provenant de l'œuf, termine d'abord l'édifice isolé de son ensemble, avant de donner lieu à des bourgeons qui doivent, avec le temps, former la colonie composée. En suivant le développement des bourgeons reproducteurs tel qu’il se présente dans les jeunes individus recueillis par moi, on trouve plusieurs faits importants à signaler. Qu'on compare la fig. 13, tab. 19, à la fig. 2 de la tab. 21. Dans le pre- mier bourgeon, la tige est énorme, très-large; une première enveloppe, fendue toute de son long, entoure une seconde ombrelle très-épaisse, courte, à ouverture ronde, de laquelle sort l'extrémité antérieure d’un sac très-épais, qui pend du sommet de l’ombrelle et remplit sa cavité presque entière. Les différences sont grandes de cette forme à celle de la fig. 2, tab. 21. L’enve- loppe externe a presque disparue ; elle ne se remarque qu'en haut autour du tronc de communication avec le tronc commun. L'ombrelle interne, au contraire, a pris le dessus ; elle est fort grande, ses quatre canaux parfaitement dessinés et réunis par des anastomoses transversales. Le sac interne, en revanche, est très-petit, on le dirait flasque et sans vie, tellement il semble contracté et vide. La surface externe est couverte de cellules en pavé ; — sa cavité ne contient, pas plus que celle du sac de la figure précédente, aucune trace d’un produit génésique déterminé. On remarque donc sur les bourgeons reproducteurs, comme sur le groupe en entier, la tendance primitive d'une formation exubérante d'organes protecteurs qui, plus tard, sont ramenés à de justes limites. La position zoologique des Galéolaires est marquée, comme nous l'avons déjà dit, à côté des Prayas, dont elles ne diffèrent que par l'absence d’une cloche nata- toire propre pour chaque groupe et par la bisexualité des colonies. Dans tous les autres organes on ne saurait voir que des différences spécifiques. 120 C. VOGT. SIPHONOPHORES 120 VIIL. SUR LES GENRES ABYLA ET DIPHYES. (ra8. 15, FIG. 4 ET 5. TAB. 20, FIG. 4-7. TAB. 21, FIG. 3-13.) Le genre Diphyes, établi par Cuvier sur un Zoophyte trouvé par Bory de Saint- Vincent, fut longtemps le seul type connu d’une famille, adoptée généralement aujourd'hui et qui a été enrichie surtout par les observations de Lesueur, Esch- scholtz, Quoy et Gaimard. Aujourd’hui cette famille compte un grand nombre de genres et de sous-genres, qu'on s’est efforcé à classer convenablement ou à réduire à des divisions moins nombreuses. MM. Quoy et Gaimard, après avoir créé d’abord une quantité de genres (Calpe, Abyla, Cuboides, Enneagonum, etc.), genres adoptés et augmentés par Eschscholtz et Blainville, réduisirent plus tard toutes les formes connues dans le seul genre Diphyes, et revinrent ainsi à la manière de voir de Cuvier. Eschscholtz, dans son Système des Acalèphes, rangea les genres adoptés par lui dans deux divisions, suivant le nombre des suçoirs (polypes nourriciers). Il rangea dans la première division tous les genres pourvus d’un seul suçoir ; dans la seconde, ceux à plusieurs suçoirs. M. Lesson adopta cette division, en appelant les premiers monogastriques ; les seconds polygastriques ; — mais, tandis qu'Eschscholtz conservait encore un grand nombre de genres, M. Lesson fit une réduction considérable, en n'ad- mettant, parmi les monogastriques, qu’un seul genre, Microdiphyes, et parmi les polygastriques que deux, les Diphyes à pièces presque égales et les Hétérodiphyes à pièces inégales. Pour faciliter l'intelligence de ces genres nombreux, M. Lesson garda les genres de Eschscholtz comme sous-genres. 121 DE LA MER DE NICE. 121 Le présent mémoire conduira peut-être à de nouvelles simplifications. Les Di- phyides monogastriques sont en effet inadmissibles ; — ce sont les groupes formés à l'extrémité du tronc commun des polygastriques et qui se détachent facilement. Enfin, si mes prévisions se réalisent, les Diphyes de M. Lesson seront regardées comme les colonies femelles, les Hétérodiphyes comme les colonies mâles, et on reviendra peut-être ainsi de nouveau à un seul genre, Diphyes, contenant plusieurs espèces, dont la synoymie sera difficile à débrouiller. En attendant la solution des questions qui viennent de surgir, je préfère de me servir des noms admis jusqu’à présent par les auteurs. Le genre Abyla de Eschscholtz correspond exactement au genre Hétérodiphyes de Lesson, qui, par conséquent, est parfaitement inutile. Il comprend les sous- genres Abyla et Calpe de Quoy et Gaimard, et s'applique aux Diphyides polygastri- ques, dont les parties solides sont composées de deux parties inégales, portant chacune une cavité natatoire. L'espèce d'Abyle, que j'ai rencontré fréquemment dans la baie de Villefranche, se rapporte parfaitement à l'espèce suivante, découverte par MM. Quoy et Gaimard à Gibraltar. Abyla trigona, Quoy et Gaimard. Ann. Sc. natur., tom. X, 1827, 2 B. f. 1-8. » » Eschscholtz. Syst. d. Acaleph. p. 131. » ) Blainville. Man. d'Actinol. tab. 4, f. 4. Diphyes abyla, Quoy et Gaimard. Voy. Astrolabe, tab. 4, fig. 12-17. Quant à l'espèce de Diphyes, observée par moi dans la mer de Nice, je ne saurais lui appliquer exactement une des descriptions d'espèces données jusqu’à présent, et J'aime mieux m'abstenir d’un nouveau nom que de charger encore la nomen- clature, Les parties solides de l'Abyle sont composées de deux cloches natatoires de grandeur fort inégale, qui sont juxta-posées de manière à former par leur agglu- tination une seule pièce de forme pyramidale, qui, chez l'espèce qui nous occupe, a une base triangulaire. L’analogie de cette organisation avec la Galéolaire est frappante; chez les Abyles aussi c’est la petite cloche natatoire qui sert surtout à l'attachement du tronc commun. Mais, tandis que chez les Galéolaires l'inégalité 16 122 C. VOGT. SIPHONOPHORES 122 entre les deux pièces est très-petite, elle se montre poussée au plus haut point chez les Abyles, où la faculté motrice de la petite cloche est extrêmement réduite, et où cette pièce est surtout construite en vue de former une pièce d’attachement et de protection pour le tronc commun, de manière que la cavité natatoire y occupe une place fort restreinte. La fig. 4 de la tab. 20 fera peut-être mieux comprendre la forme de cette pièce antérieure de l'Abyle qu’une longue description. C'est une pièce (a) de crystal aplatie, taillée en facettes, dont la pointe anguleuse est tournée en avant. La sub- stance est très-dure, homogène, mais entièrement transparente. Les bords posté- rieurs de la pièce qui s'appliquent sur la pointe antérieure de la grande pièce nata- trice sont finement dentelés en scie, tandis que les autres arètes sont parfaitement rectilignes. Au milieu de la pièce, à peu près cachée dans son intérieur, se trouve l'extrémité du tronc commun (b), remarquable par la grande quantité de bour- geons qui l'entourent. De cette extrémité partent trois cordons ligamenteux, creu- sés au milieu, dont chacun se rend à une pièce différente, l'un (c) à la petite cloche natatoire (f) cachée dans la pièce terminale, l'autre (d) à un grand espace pyri- forme (g), rempli de cellules transparentes et creusé du côté opposé à la petite cloche natatoire. Le troisième cordon (e), enfin, se rend en arrière à l'extrémité antérieure de la grande cloche natatoire (h). La petite cloche natatoire (f), cachée dans la pièce terminale, a une forme allon- gée, un peu renflée au milieu, amincie sur les deux bouts arrondis. Elle a une ouverture circulaire (f”) garnie d'une iris musculaire, qui est dirigée en arrière, tandis que son grand axe court à peu près parallèlement à une des facettes latérales qui partent du sommet de la petite pièce, et que son fond postérieur est très-peu éloigné de ce dit sommet. Deux canaux (f*), élégamment courbés, partent à peu près au milieu de la longueur totale de la cloche, depuis le point d'attache avec le tronc commun. Arrivés au milieu de l'épaisseur de la cloche, chacun de ces canaux se divise en deux branches ; — les branches postérieures (f°) se rendent directement en arrière pour arriver sur le bord de l'iris musculaire, lequel est entouré d'un canal circulaire, dans lequel ces branches aboutissent. Les branches antérieures (/*), se portent directement vers le fond en cul-de-sac de la cloche et se rencontrent en ce point pour se confondre. 123 DE LA MER DE NICE. 123 Vis-à-vis de la cavité natatoire, que nous venons de décrire, se trouve une grande cavité (g) de forme assez variable, mais ordinairement plus ou moins globuleuse, et qui se continue en avant sur le sommet de la petite pièce anguleuse en un canal étroil (g') cylindrique, rempli de petites cellules, ayant un aspect granuleux. On trouve souvent à l'extrémité en cul-de-sac de ce canal une petite bulle d’air, qui probablement y arrive par les aliments ingérés; mais cette bulle d'air n’a rien de constant et manque dans beaucoup d'individus. La grande cavité, dont dépend le canal, est remplie de cellules très-grandes tout à fait limpides, qui laissent au milieu un espace plus ou moins considérable. On voit déjà par cette structure que cette cavité est l'analogue de ces cavités en forme de raquette, dont nous avons signalé l'existence chez le genre Praya. Le troisième cordon (e) se rend parallèlement au tronc commun en arrière pour se fixer au sommet de la grande pièce natatoire, laquelle s'adapte dans le creux formé dans le bas de la petite pièce anguleuse. Cette grande cloche natatoire * pyramidale est ornée de trois côtes saillantes qui se terminent en arrière par des pointes proéminentes, surmontant l'ouverture circulaire de la cavité natatrice. La carêne saillante, qui correspond au côté sur lequel se trouve l'ouverture de la petite cloche natatoire, se prolonge latéralement par une lamelle assez mince, dentelée en scie sur son bord. Cette lamelle, s’adaptant sur le côté angulaire de la pyramide, y produit une gouttière longitudinale par laquelle le tronc commun peut sortir ou se retirer. La cavité natatoire elle-même, qui se trouve dans la grande pièce, n’a rien de particulier, et, sauf la lame mentionnée qui forme la rigole pour:le tronc commun, la pièce détachée pourrait à peine être distinguée d'une cloche détachée de Galéolaire. Les deux pièces décrites de l'Abyle se séparent en effet avec une assez grande facilité par la rupture du pédoncule d’attachement (e), entre la grande cloche et le tronc commun que nous avons mentionné, et le tronc commun reste alors entièrement attaché à la petite pièce terminale, dans le creux de laquelle il peut se retirer au besoin. La grande pièce natatrice, détachée ainsi, reste encore très-longtemps douée de contractilité , et voyage isolée au milieu des eaux de la mer. IMPab-221, fig 3: 124 C. VOGT. SIPHONOPHORES 124 Le tronc commun (b fig. 4 tab. 20) est comme chez les genres précédents très-mince et excessivement contractile. On a réellement peine à croire, que ce cordon si long que les Abyles font sortir de temps en temps, puisse se retirer dans un espace aussi restreint que celui offert par les deux cloches natatoires. Quoi- qu'il en soit, le tronc commun est un canal muscuiaire très-mince sur lequel sont fixés les différents polypes (1) formant des groupes distincts. Dans le commence- ment du tronc les polypes sont dépourvus de toute pièce accessoire, sauf la touffe de bourgeons de capsules urticantes (k) qui entourent leur base. Les po- lypes se montrent de plus en plus développés vers l'extrémité inférieure du tronc commun et tandis qu'ils font voir les divisions ordinaires en trois com- partiments on voit aussi se développer leurs appendices. Le fil pêcheur grandit, les bourgeons placés en touffe autour du pédoncule du polype se tordent en spirale et deviennent à la fin des capsules urticantes placées sur des fils secon- daires. Ces capsules ‘ se rapprochent beaucoup dans leur structure de celles des Galéolaires et des Prayas. C’est un cordon jaune formé par des sabres urticants posés en rangées verticales et contourné en demi-ellipse, au centre duquel se trouvent quelques fèves urticantes extrêmement allongées. Le cordon se continue en un fil terminal enroulé ordinairement en spirale et hérissé de toute part de petits sacs pyriformes urticants et parfaitement incolores, dans l'intérieur desquels on voit avec la plus grande facilité le fil contourné en spirale. Les organes reproducteurs * manquent entièrement aux polypes placés au sommet du tronc commun tels que je les ai représentés dans la fig. 4, tab. 20. Sur le milieu à peu près de la longueur du tronc commun on aperçoit les bour- geons reproducteurs (fig. 7 d) placés vis-à-vis du pédoncule d'attache des po- lypes, et formés de la manière ordinaire par une substance transparente ex- terne, couverte de cellules en pavé et par une substance interne dans laquelle sont creusés quatre canaux. Bientôt ces bourgeons se développent davantage et de très-bonne heure déjà on voit leur transformation en cloches médusifor- mes. En effet le bourgeon fig. 11 montre déjà au milieu d'une cloche un peu allongée et couverte encore de cellules épidermoïdales en pavé, le sac testicu- 1 Tab. 21, fig. 3. 2 Tab. A, fig. 7 à 13. 125 DE LA MER DE NICE. 125 laire qui est assez petit et dans l’intérieur duquel on voit la cavité, autour de la- quelle vont se déposer les Spermatozoïdes. On devrait donc s'attendre à une croissance uniforme de ces parties et à un développement de l’ombrelle correspon- dant au développement du sac et des Spermatozoïdes dans son intérieur. L’om- brelle se développe en effet, elle acquiert des dimensions colossales et s’entoure de masses transparentes, extrémement solides et taillées sur quatre facettes ‘ qui surmontent l'ouverture extérieure de l’ombrelle par quatre pointes tranchantes. Mais le sac à l’intérieur de l’ombrelle reste à peu près à son point primitif de dé- veloppement. La formation des Spermatozoïdes n'avance point, et il paraît que toute la force formatrice du bourgeon est employée pendant longtemps pour dé- velopper des pièces protectrices, dures, taillées en facettes comme des cristaux et qui entourent non-seulement l’ombrelle testiculaire, mais aussi le polype nour- ricier et son fil pécheur. Il se forme ainsi à l'extrémité du tronc commun des Abyles, des groupes presque indépendants, entièrement isolés, et qui, chose cu- rieuse, se détachent très-facilement en entier du tronc commun pour flotter li- brement dans les eaux. J'ai donné plusieurs dessins, que je puis qualifier d’exacts de ces groupes singuliers que j'ai pris dans le commencement pour des colonies nouvelles formées par bourgeonnement sur l'extrémité du tronc commun. C’est un assemblage d’une multitude de pièces polygonales, d'une transparence par- faite, taillées en facettes et retenues ensemble dans leur position respective par des cordons assez considérables donnant dans des espaces remplis de cellules et semblables aux espaces signalés dans les cloches natatrices. Du milieu de ce paquet de pièces cristallines et taillées en facettes pend cette énorme cloche nata- trice testiculaire, au milieu de laquelle se trouve un très-petit sac que l’on pourrait tout aussi bien prendre pour un estomac en voie de formation, que pour un sac qui se remplira de Spermatozoïdes. Enfin à côté de cette cloche natatrice si étrangement garnie de côtes et de pointes, se voit toujours un polype nour- ricier, mais qui à l'air amoindri, rabougri et qui paraît sur le point de dépérir. Ce qui est singulier, c’est que la cloche natatrice testiculaire ne se détache ja- mais seule comme chez les Galéolaires ou chez les autres genres que nous venons ‘ Tab. 20, fig. 7. Tab. 21, fig. 12 et 13. 126 C. VOGT. SIPHONOPHORES _ 126 d'examiner; mais que ce sont toujours les polypes et les pièces protectrices qui se détachent ensemble du tronc commun avec la cloche, de sorte que le groupe ‘tout entier se sépare de ce dernier. Si l'on compare la structure de ces groupes fixés à la dernière extrémité des Abyles avec les descriptions et les dessins des Diphyides monogastriques (Cymba, Enneagonum, Cuboïdes, Cucubalus, Cucullus, Eudoxia, Ersaea, Aglaisma, etc). on se convaincra facilement, que l’organisation est identique et qu'il n'y a que des variations de forme et de détails. Le plan général de tous ces genres men- tionnés renferme une pièce taillée en facettes, à laquelle est attachée un seul polype nourricier et une seule cloche natatoire. C'est comme on voit, le même plan comme pour les appendices décrites et je me crois par conséquent fondé en disant que tous les genres de Diphyides monogastriques doivent être rayés des cadres zoologiques, parce que ces genres ne sont fondés que sur des appendices mutilées de Diphyides polygastriques, c'est-à-dire sur les groupes terminaux des colonies appelées Diphyides. Je dois mentionner encore une particularité. J'ai examiné beaucoup d’Abyles ; — presque toutes avaient les groupes terminaux que Je viens de décrire au bout de leur tronc commun, mais tous ces groupes étaient mâles. Je n'ai jamais trouvé une Abyle qui aurait présenté un groupe femelle. Est-ce un hasard ou bien les Abyles son-telles seulement des colonies mâles dont les femelles ne seraient pas en- core connues ? J'ai mentionné plus haut une espèce du genre Diphyes que j'ai rencontré aussi assez souvent dans les mers de Nice, mais dont je n'ai fait guère une étude très-approfondie. J'ai donné sa figure tab. 16, fig. 5. Examiné avec attention, le genre Diphyes ne diffère par aucun point de sa structure de ce plan général d'organisation, qui se trahit aussi dans les Abyles, les Galéolaires et les Prayas. Il y a toujours deux cloches natatoires posées au bout du tronc commun. La différence du genre Galéolaire, par exemple, ne consiste que dans l'emboîtement de ses deux cloches natatoires. Dans la cloche antérieure est fixé le tronc commun sur un espace fusiforme rempli de cellules exactement comme dans l'Abyle. La pièce inférieure porte à côté de sa cloche natatoire une gouttière par laquelle sort et rentre le tronc commun. La différence ne consiste donc que dans l'em- 127 DE LA MER DE NICE. 127 boïtement des deux cloches natatoires et dans leur développement réci- proque. Le tronc commun, les polypes fixés dessus ne m'ont paru différer en rien de ceux de l’Abyle. La seuie différence qui existe, c'est que des pièces protectrices de forme lancéolaire commencent à se montrer à peu près au milieu du tronc commun. Sur chaque polype nourricier est placé une pièce semblable. Il se développe peut-être aussi à l'extrémité du tronc commun des groupes analogues à ceux dé- crits chez les Abyles, mais les bourgeons reproducteurs que j'ai vu et qui ne dif- féraient en rien du type ordinaire étaient toujours femelles. M. Keælliker fait la même remarque ; les Diphyes qu'il a examiné à Messine ne portaient que des cap- sules ovigères et jamais d'organes mäles. Serait-il donc téméraire, de supposer que les Diphyes sont les colonies mâles et les Abyles les colonies femelles d'un même genre et d’une même espèce? Nous avons déjà vu dans la Galéolaire un exemple de colonies dioïques, mais dans les Galéolaires les cloches natatoires sont de la même forme chez les colonies des deux sexes. Ici la diversité serait poussée plus loin. Les cloches natatoires, quoique construites sur le même plan diffèreraient dans leur forme chez les colonies de sexe différente. Je dois dire que M. Huxley était déjà arrivé avant moi à des conclusions sem- blables. Dans une notice ‘ trop courte et qui m'avait échappé jusqu’à présent, M. Huxley s'exprime ainsi : « Dans tous les Diphyides, observés par moi (Diphyes, Calpe, Abyla, Eudoxia, Aglaisma, Cuboïdes, Enneagonum) l'organe reproducteur est un corps médusi- forme comme chez certaines Corynes. Il consiste en une cavité en forme de cloche entourée de quatre canaux rayonnants qui se réunissent à la périphérie dans un canal circulaire. Le bord interne de la cloche a une membrane circulaire comme beaucoup de méduses — mais on ne trouve ni tentacules, ni vésicules ou taches coloriées. » Un sac pyriforme, semblable à l'estomac d'une méduse, pend du sommet de la cloche. Mais ce sac n’est point ouvert à son extrémité et les éléments génésiques, œufs ou Spermatozoïdes se développent dans ses parois. La cavité ovale du sac ‘ Archives de J. Müller pour l’Anatomie et la Physiologie, 1851, p. 381. Tab. 17. 128 C. VOGT. SIPHONOPHORES 128 porte des cils vibratils et communique avec le système des canaux et avec la cavité générale du polype ou de la colonie, aussi longtemps que l'organe est attaché à la Diphye. « Les Diphyes monogastriques ne développent qu'une seule espèce d'organes générateurs et tous les polypes d’une Diphye polygastrique non plus qu'une seule espèce — les Diphyides sont donc, sans aucun doute — unisexuels. » M. Huxley décrit encore le développement des bourgeons reproducteurs et il donne d’excellents dessins, qui prouvent à l'évidence, que l'Eudoxie figurée par lui n'est autre chose, qu'un groupe terminal d’Abyle, tel que je l'ai représenté dans mes figures. 129 DE LA MER DE NICE. 129 IX. GÉNÉRALITÉS. Lesueur est le premier auteur qui ait prononcé l'opinion que les Stéphanomies (Apolémies) et les organismes voisins pourraient bien être des animaux composés. Dans la note accompagnant le dessin de l'Apolémie uvaire *, il dit textuellement : « MM. de Lamark et Blainville, auxquels j'ai communiqué mes observations, ont pensé avec moi que les Stéphanomies, dont je donne une figure, n'étaient, ainsi que je viens de le dire, que des animaux vivant en société. » Cependant, on chercherait en vain dans les ouvrages des naturalistes cités par Lesueur une trace de cette opinion, que M. Milne-Edwards a cité passagèrement dans son travail sur l'Apolémie contournée, sans toutefois la combattre ou l'ac- cepter. Les classificateurs avaient totalement oublié cette manière d'envisager ces organismes, et je croyais réellement avoir trouvé quelque chose de nouveau, lorsque, en 1846, je dus me convaincre par l'observation, que les Apolémies et les Prayas étaient des colonies de polypes hydraires, appropriées à la nage. M. Leuckardt, dans son travail cité sur les Physalies et les Siphonophores en général, se saisit de cette idée, exprimée par moi encore avec quelque doute dans l'ouvrage « Océan et Méditerranée, » et tous les observateurs modernes, parmi lesquels surtout MM. Huxley et Kælliker, ont adopté et étayé par des nouvelles preuves cette opi- nion, de manière que l'on peut dire aujourd'hui qu’elle a généralement prévalue. La structure des polypes nourriciers attachés à toutes ces colonies étant connue aujourd’hui dans tous ses détails, il ne peut pas y avoir de doute, que c’est à côté des polypes hydraires, des Hydres, Sertulaires, Corynes, etc., qu'il faut ranger les ‘ Journal de physique, 1813. 17 130 C. VOGT. SIPHONOPHORES 130 polypes nageants. L'organisation est absolument la même, et le naturaliste, auquel on présenterait un polype nourricier d'Agalme, par exemple, isolé de son tronc commun, n'hésiterait pas un instant à le reconnaître comme appartenant à cette grande division des polypes hydraires. L'existence d’une cavité digestive simple, sans parois propres, creusée dans la substance du corps, la communication de cette cavité digestive avec un système de canaux réunissant tous les individus entre eux et remplis par le fluide nourricier mis en mouvement par des cils vibratils, et enfin la construction des organes reproducteurs sous forme de bourgeons extérieurs, entrainant l'absence complète d'organes sexuels internes, décident irrévocablement en faveur de cette opinion. Tous ces caractères éloignent également les Siphono- phores des polypes proprement dits ou des Anthozoaires, chez lesquels on trouve une cavité digestive à parois propres et des organes sexuels internes. Tous les Siphonophores examinés jusqu'à présent possèdent des polypes nour- riciers stériles chargés uniquement de la nutrition. Chez la grande majorité aussi on trouve plusieurs de ces polypes stériles, suivant le développement de la colonie ; — la seule famille des Vélellides en fait exception, les trois genres qui la composent, (Vélelle, Porpite, Rataire) n'ayant qu'un seul polype stérile central. Mais nous savons aussi, par les observations détaillées ci-dessus sur les jeunes Physophores, Agalmes et Galéolaires, que l'organisme sortant de l'œuf ne possède jamais plus d'un seul polype nourricier, et que les autres viennent s’y joindre par bourgeonne- ment, en agrandissant ainsi la colonie presque à l'infini. Des individus nourriciers stériles se voient aussi chez plusieurs polypes hydraires fixes, notamment chez les Sertulaires, les Campanulaires et les Synhydres ; — tan- dis que chez beaucoup d’autres polypes hydraires fixes on ne trouve qu’une seule espèce d'individus, nourriciers par leur partie antérieure, prolifères par la base ou une autre partie de leur corps. Une différence notable se fait remarquer entre la plupart des polypes hydraires lixes et les polypes nageants quant à l’armature. Aucun polype nourricier de Sipho- nophores ne possède des bras posés sur le pourtour de la bouche ; — on remarque même rarement des traces d’une disposition rayonnée dans cette ouverture. Chez les polypes fixes, au contraire, tous les polypes nourriciers sont armés de bras, généralement en nombre variable et disposés en cercle autour de la bouche. Ces 131 DE LA MER DE NICE. 131 bras sont surtout, quelquefois même exclusivement, hérissés de différentes sortes d'organes urticants, qui se trouvent aussi, comme nous l'avons vu, disséminés sur le corps de la majorité des polypes nageants. Ces derniers, en revanche, sont armés de ces formidables fils pêcheurs qui ne manquent qu'aux Vélellides, et dont l’orga- nisation est si complexe. Malgré la grande variété des formes, nous avons toujours trouvé un plan constant de structure pour cet organe de préhension ; — savoir un fil principal composé de tronçons et sortant d’une touffe de bourgeons, auquel sont attachés des fils secondaires portant des capsules ou vrilles urticantes presque tou- jours coloriées. La seule différence à signaler se trouve peut-être dans l’organisa- tion de ces corpuscules urticants qui, chez l'Hippopode et les genres à deux vési- cules natatoires, ont un cordon courbé seulement en demi-ellipse, tandis que chez les Agalmes, les Physophores et les Apolémies, ce cordon fait généralement plu- sieurs tours de spirale. Le fil pêcheur est, sans aucun doute, un organe spécial aux polypes nourriciers ; — son existence est liée à celle de ces derniers ; — ses mouvements dépendent de la volonté du polype, et non pas de celle de la colonie. Il se forme chez le jeune par bourgeonnement seulement après l'apparition du polype. Les mêmes rapports existent-ils entre les polypes et les organes protecteurs ? Nous avons signalé des organes protecteurs incontestables chez les Agalmes, les Apolémies, les Prayas, les Galéolaires et les Diphyes. Ils manquent complétement chez l'Hippopode. Leur existence, admise par moi chez les Vélelles et les Physo- phores, a été combattue, quant à ce dernier genre, par M. Kælliker. Dans les Agalmes, les Apolémies et les Diphyes, ces organes ont la forme d’une lame plate et large, presque plane, dans les Galéolaires ils forment une cornue, dans les Prayas un casque ; dans tous ces genres ils sont immobiles. Chez les Vélelles et les Physophores, enfin, ils sont devenus mobiles, contractiles, vermiformes et subulés, ce qui leur a valu le nom de tentacules. Je ne reviendrai point sur les raisons, tirées de la position et de la structure, et exposées plus haut, qui me font retenir mon ancienne opinion sur ces appendices, contrairement à celle d'une autorité aussi considérable que l’est M. Kælliker ; — je ferai seulement remarquer, que la motilité de ces appendices ne peut être invoquée contre moi, car les appen- dices protectrices de l’Athorybie sont, de l'aveu même de M. Kælliker, douées d’une 132 C. VOGT. SIPHONOPHORES 132 haute motilité en faisant la fonction d'organes natateurs. Je sais bien que les plaques protectrices et natatoires en même temps des Athorybies ne sont point contractiles comme les tentacules des Vélelles et des Physophores; mais chaque degré de perfection ne doit-il pas aussi nécessairement introduire un élément organique où physiologique nouveau? Les organes protecteurs sont limités aux groupes chez les Diphyes, Prayas, Galéolaires et Physophores, tandis qu'ils sont dis- posés en cercle chez les Vélelles, et distribués également aux individus nourriciers et reproducteurs chez les Agalmes et les Apolémies. Les appendices servant à la reproduction demandent une analyse détaillée. Nous les avons trouvées individualisées au plus haut point chez les Vélelles. La ressem- blance des individus prolifères de ce genre avec ceux des Syncorynes est frappante. Chez les uns, comme chez les autres, la partie antérieure sert à la digestion, tandis que la base ou la tige produit des bourgeons, qui, dans les deux genres sont les véritables Méduses. La ressemblance s’efface déjà chez les Agalmes et les Apolémies, où les individus _prolifères sont astomes, privés de bourrelets biliaires au fond de leurs cavités et remplis de cils vibratils. J'ai mentionné plus haut que M. Kælliker a confondu à son tour les tentacules (organes protecteurs) des Physophores avec ces individus asto- mes, que M. Huxley, autant que moi dans le commencement de mes études, avaient pris pour des polypes nourriciers en voie de développement ; — d'autant plus qu'ils sont ordinairement armés d'un fil pêcheur rabougri sans capsules ou vrilles urti- cantes. M. Kælliker cite encore les genres Athorybie et Forskalia comme portant des individus astomes semblables, désignés par lui comme tentacules, tandis que Eschscholiz les nomme réservoirs de liquide (Füssigkeitshehælter), et M. Milne- Edwards appendices à vésicules. J'avoue que la véritable signification de ces appendices ne m'a été révélée que très-tard, peut-être même seulement par l'opposition de M. Kælliker contre ma manière d'envisager les tentacules protecteurs des Physophores. Je ne pouvais être content de l'opinion de M. Huxley etde la mienne propre. Je devais me dire que, dans l’organisation de ces colonies de polypes, chaque bourgeon, quoique construit sur un plan général commun, avait pourtant dès son apparition, une certaine place et un certain cachet,’ qui lui donnaient une signification spéciale, et que ce serait q 193 DE LA MER DE NICE. 133 déroger à la règle générale que de vouloir trouver, dans certaines de ces colonies, des appendices supplémentaires développées par bourgeons et frappées d'un arrêt de développement, jusqu'à ce qu'un accident vint les appeler à l’activité. Je ne pouvais pas regarder ces individus tout simplement comme des jeunes polypes nour- riciers ; — sachant que les bourgeons et les jeunes de ces polypes se trouvaient à l'endroit du tronc commun le plus rapproché des cloches natatoires. Leur nombre, chez les Apolémies et les Agalmes, était beaucoup trop considérable pour les envi- sager seulement comme des suppléants destinés à remplacer les polypes nourriciers auxquels arriverait un accident. Enfin, je connaissais la rapidité prodigieuse avec laquelle les appendices perdues se remplacent, moyennant les bourgeons normaux, — rapidité dont j'avais observé un exemple frappant dans la jeune Agalme rouge, et je devais me dire, que la nature pouvait suppléer à la perte d'un polype nourri- cier, tout aussi bien par la formation d'un nouveau bourgeon, que par la refonte d'un bourgeon rabougri mis en réserve. L'étude spéciale de la jeune Agalme rouge, chez laquelle tous les appendices étaient bien distancées, me mit enfin sur la voie. Ayant saisi une fois la relation intime de ces boyaux asitomes avec les organes reproducteurs, je la retrouvai chez les autres genres munis de ces appendices avec une constance remarquable. Ces rapports une fois constatés, il ne peut pas y avoir de doute sur la signification des appendices mêmes. L'existence d'individus prolifères astomes ne peut pas étonner dans une colonie de polypes hydraires. Nous en connaissons un exemple parmi les polypes fixes surtout dans la Synhydre étudiée par M. Quatrefages, et dans les Campanulaires, ou des individus, ramenés à la forme de cloches cupuliformes, produisent des œufs et servent uniquement à la reproduction. Nous aurions donc, chez les Siphonophores examinés jusqu'ici avec détail, trois sortes de polypes fixés sur le tronc commun. 1° Des individus nourriciers stériles. [ls ne manquent d’après nos connaissances actuelles à aucun genre. 2° Des individus nourriciers et prolifères en même temps. Ils n'existent que chez les Vélelles, les Porpites et les Physalies. 3° Des individus prolifères astomes chez les Agalmes, les Apolémies et les Athorybies. 134 C. VOGT. SIPHONOPHORES. 134 Il faut bien distinguer entre ces individus prolifères et les bourgeons reproduc- teurs mêmes. Ici, une diversité bien grande s'offre à nos regards qui pourtant se laisse ramener à un type d'identité générale. La gemme médusiforme est ce type de la conformation des organes reproduc- teurs. On peut trouver ce type sous différentes modifications — avec ou sans dé- veloppement de l'ombrelle, avec ou sans développement du contenu. L'absence de l'ombrelle est le caractère d’un bourgeon sessile; la présence de l'ombrelle au contraire celui d’un bourgeon libre qui se détache à la fin de son déve- loppement. Analysons sous ce point de vue les observations qui offrent quelque garantie d'exactitude. Dans les Vélellides, les gemmes se détachent sous la forme de Méduses complètes munies d'organes nourriciers (Estomacs\) mais sans éléments génésiques. (Oeufs ou Spermatozoïdes). La forme de Méduse ombellifère, mais sans estomac et en revanche muni d'un sac génésique existe chez les genres suivants : Les Agalmes, les Athorybies, les Abyles, les Galéolaires ont des gemmes médu- siformes isolées mâles, libres, à ombrelle. C'est probablement le même cas chez les Apolémies, (Forskalies) où les gemmes isolées sont seulement agelomérées en touffe autour du pédoncule de l'individu pro- lifère. Le développement de ces gemmes n’est point assez suivi. Les Diphyes, les Galéolaires ont des gemmes médusiformes isolées femelles, libres et munies d'ombrelles. Les Prayas, les Hippopodes ont des gemmes mâles, fixes et isolées, placées vis-à-vis des polypes nourriciers. | Les Physophores ont des gemmes mâles fixes réunies en grappe sur une simple tige. Peut-être aussi ces gemmes se détachent-elles au terme de leur déve- loppement. Les Prayas, les Hippopodes ont des bourgeons isolés et sessiles . remplis d'œufs. Les Apolémies ont des bourgeons femelles sessiles et isolés, mais agglomérés en toufle. 135 DE LA MER DE NICE. 135 Les Agalmes et les Physophores ont des bourgeons sessiles femelles réunis en grappe sur la même tige, contenant chacun un seul œuf. Nous voyons déjà par ces rapprochements combien doit être petite la différence entre les bourgeons sessiles et ceux qui deviennent libres, différence qui tient seulement au développement plus ou moins considérable de l'enveloppe externe des bourgeons. Nous ne pouvons même pas dire dans beaucoup de cas, si les bourgeons appartiendront à l’une ou l'autre catégorie, faute d'avoir observé leur développement définitif. Il résulte aussi de cet examen que tous les bourgeons se développent suivant le même plan. J'ai montré les variations de ce plan dans les différents cas spéciaux, et j'ai insisté sur la disposition des canaux montant depuis la cavité générale dans tous ces bourgeons sans exception, parce que ce fait est général à tous les bourgeons médusiformes, qu'ils se développent soit sur des polypes nageants comme les Siphonophores, soit sur des polypes fixes comme les Tubulaires. On voit donc combien M. Keælliker est dans son tort lors- qu'il nie la distribution réticulaire des canaux dans les bourgeons femelles des Agalmes, en les attribuant à un dessin particulier de la surface. Ce sont ici comme partout, des canaux différents seulement des canaux ordinaires en ce qu'ils sont réticulés comme je les ai figurés, tandis que dans la grande majorité ils sont dis- posés sur quatre rayons. Je reviendrai encore sur la haute importance zoologique de ces bourgeons mé- dusaires ; — j'insisterai ici seulement sur un cas particulier. Les bourgeons déta- tachés des Vélelles, ne ressemblent pas seulement à des Méduses, comme on s’est exprimé, ce sont en réalité des Méduses véritables, munies de tous les organes propres à soutenir une vie prolongée et indépendante. Le naturaliste, qui ne connaîtrait pas leur origine, rangerait sans hésitation ces individus indépendants, munis d'une ombrelle à canaux distribuant le fluide nourricier dans tout le corps, d'un estomac, d'organes génitaux et urticants parmi les Méduses les plus avérées. Je le répète, ces gemmes ne ressemblent pas à des Méduses, elles sont des Méduses. Mais ce sont aussi des individus indépendants, jouissant d’une vie propre, d'une volonté particulière, voguant dans les eaux suivant leur gré, mangeant et se multipliant par la fécondation de leurs produits génésiques. Là-dessus il ne peut y avoir de doute. 136 C. VOGT. SIPHONOPHORES. 136 Qu'on descende maintenant l'échelle de l'organisation de ces bourgeons. Re- gardera-t-on les testicules voyageurs des Agalmes, qui n'ont point d'organes di- gestifs et qui évidemment ne pourront vivre longtemps isolément, les regardera- t-on comme des individus? Il le faudra bien ! Ne connaissons-nous pas des insectes n'ayant point de bouche, incapables de prendre nourriture pendant leur état par- fait, dans lequel ils ne vivent que quelques heures, nécessaires pour vider leurs organes sexuels? M. Milne-Edwards a vu sur l'Apolémie des bourgeons ayant une faible ombrelle et se contractant à peine, qui étaient sessiles. Sont-ce là des indi- vidus? Ils ont peut-être encore une volonté propre, dont leurs contractions témoi- gnent. Mais ces bourgeons immobiles et sessiles sans vie propre, dans l'intérieur desquels se déposent les œufs et les zoospermes par le courant du fluide nourricier général et dont l'enveloppe crève à la fin par absorption, pour laisser sortir les produits ; — sont-ce là des individus? Evidemment ce serait jouer sur les mots, que de vouloir appliquer cette désignation à des corps sans mouvements, sans volonté, sans traces de vie particulière. Le mot individu, appliqué à ces corps, serait un mot vide de sens. Ce serait choquer le bon sens que de vouloir soutenir, que la grappe d'œufs d'une Agalme est une réunion d'individus femelles sur une tige contractile commune. Ce sont donc des organes. Mais où placer alors la limite entre les organes et les individus ? Nous avons déjà vu une dégradation analogue des polypes reproducteurs jusqu'à ces boyaux astomes, compris par les uns comme organes sous le nom de tenta- cules, et que j'ai désignés comme individus prolifères, ne fûüt-ce que pour faire ressortir leur signification. Nous verrons une dégradation semblable dans les or- ganes locomoteurs, et, en réfléchissant sur ces formations diverses, nous serons bien forcés d’avouer, qu'il n'y a pas de limites fixes et que les bourgeons s’indivi- dualisent plus ou moins suivant les cas particuliers. Je ne m'arrêterai pas plus longtemps sur ce sujet, qui peut conduire à des conséquences très étranges pour ceux qui, retenus dans une ancienne ornière tracée, ne voudraient pas se servir des faits nouveaux pour renouveler aussi les théories et les croyances basées sur des faits passés. La locomotion établit la différence principale entre les Siphonophores et les po- lypes hydraires fixes. Les organes locomoteurs sont donc les plus importants, de- vant fournir les caractères principaux pour la classification. 137 DE LA MER DE NICE. 17 En observant attentivement les dégradations diverses de cet appareil chez les genres mieux connus, on trouve d'abord deux catégories, les organes natateurs passifs et les organes locomoteurs actifs. Nous désignons par le nom d'organes natateurs passifs les appareils hydrostati- ques, tels que vessies, coquilles, capsules, remplis d'air, propres à balancer l’or- ganisme entier avec l’eau ambiant. Nous trouvons plusieurs modifications de ces appareils hydrostatiques. Chez les Physalies, c’est une vessie cartilagineuse ou cornée énorme, composant la plus grande partie du corps. Chez les Vélellides, c’est une coquille aplatie à cellules aérifères. Si l’on en peut croire au dessin de Rang, communiqué par Lesson, le genre An- gèle (Lesson. Acalèphes, p. 496, tab. 9, fig. 1) ferait le passage des Vélelles aux genres suivants, en ce que ses polypes armés de fils pêcheurs sont fixés au-dessous d'un plateau aérifère. Enfin, le dernier état serait celui de bulle d’air portée au sommet, formation qui distingue les Agalmes, les Apolémies et les Physophores. Les organes locomoteurs actifs sont développés comme cloches natatoires chez les genres Physophore, Agalme, Apolémie, Hippopode, Praya, Galéolaire, Abyle et Diphye; — sous la forme de feuillets solides chez les Athorybies ; ils manquent entièrement aux Physales et aux Vélellides. Toutes ces appendices ‘si diverses sont réunies en colonies par le fronc commun. Celui-ci est en général développé en forme de tube. Les Vélellides et les Physalides font seules exception ; les unes ayant un système vasculaire, les autres un espace globiforme. Les Physophores offrent, comme l'a fort judicieusement observé M. Kælliker, un état intermédiaire, ayant la partie antérieure du tronc commun allongée, tandis que la partie postérieure est aplatie en disque. Le développement embryonique et au delà des Siphonophores était jusqu'ici par- faitement inconnu. En publiant les détails de mes observations sur les jeunes Physophores, Agalmes et Galéolaires, je me flatte d'avoir apporté quelques faits, qui peuvent servir à jeter quelque lumière sur ce sujet. M. Keælliker (L. c. p. 312) a aussi observé un seul jeune animal, qu'il rapporte au genre Apolemia {Forskalia). « Le petit animal, dit-il, avait 1 ‘/,‘' de longueur et était formé d'un axe court, creux 18 138 C. VOGT. SIPHONOPHORES 138 et cylindrique, portant à son extrémité un seul polype, tandis qu'à l’autre il était en connexion avec une vésicule aérienne à bulle d'air double. Ces parties étaient formées comme dans l'adulte. » M. Kælliker décrit ensuite les bourgeons des dif- férentes appendices, tous creux et en communication avec l'axe creux, et repré- sentant des appendices urticantes, des cloches natatoires, des polypes nourriciers et des organes de génération. Peut-être que ces déterminations ne sont pas tout à fait exactes et que le petit animal avait perdu ses bractées protectrices primitives dont il doit être muni suivant l’analogie avec les autres genres de la même famille. M. Kælliker, en interprétant son observation, croit que l'œuf laisse naître d’abord une larve en forme d'infusoire qui devient polypiforme, développe à son extrémité inférieure, allongée en tige, la vessie aérifère et pousse ensuite des bourgeons latéraux, dont se forment les autres organes. Mes observations donnent peut-être droit à des interprétations différentes. Ce qui frappe d’abord dans les plus jeunes individus, c'est le développement excessif des organes protecteurs, que nous avons également rencontré dans tous les jeunes exemplaires des trois genres examinés. La disposition primitive des bractées pro- tectrices courbées des Agalmes, la forme et la position circulaire des appendices vermiformes des jeunes Physophores, ainsi que la forme du globe transparent des jeunes Galéolaires qui se métamorphose plus tard en cornet, nous apprennent, sans doute, que les organes protecteurs se forment primitivement dans l'œuf, — soit aux dépens du vitellus même, soit aux dépens des enveloppes extérieures. C'est surtout la jeune Galéolaire, représentée tab. 19, fig. 10, qui semble montrer au doigt son éclosion récente et une conformation telle qu'elle devait l'avoir dans l'œuf. La partie représentant l'organe protecteur est encore énorme, globiforme, et les autres parties sont réduites au rôle de simples appendices. Il est parfaitement vrai que les appendices se montrent d’abord toutes en nombre simple et augmentent plus tard par ce travail du bourgeonnement qui est en acti- vité incessante pendant toute la durée de la vie des colonies. Il n’y a primitivement qu'un seul polype nourricier, suspendu à un tronc commun fort court, creux, en forme de pyramide ou de cône. Ce tronc commun, situé comme un axe perpendi- culaire au milieu des organes portecteurs qui l'entourent, formant un verticille dans lequel il est eñnchàssé en partie ; — ce tronc commun, dis-je, porte d’un côté 139 DE LA MER DE NICE. 139 le polype nourricier ; de l’autre la bulle d'air, l'organe natateur passif. Et remar- quons bien que, même dans les genres, chez lesquels une bulle d’air n'existe pas à l'état adulte, cette bulle se trouve pendant une certaine époque de la jeunesse. Je ne crois pas à des états larvaires dans la jeunesse des Siphonophores — je crois que le jeune, qui se forme dans l'œuf, sort de ce dernier étant déjà composé de toutes les pièces mentionnées, savoir: organe protecteur, axe commun, po- lype nourricier et organe flotteur passif. Les parties externes de l'œuf ou les cou- ches externes du vitellus fournissent probablement l'organe protecteur tandis que dans le centre de l'œuf se forme l'axe ayant aux deux bouts deux organes qui se balancent, le polype nourricier et la bulle d'air. Le jeune Siphonophore, lancé à la mer dans cet état de composition, augmente sans cesse par bourgeonnement. Les bourgeons se placent, même sur cet axe si court de l'état primitif, à la même place qu'ils occupent plus tard. Les bourgeons des cloches natatoires se forment sur le sommet de l'axe — les bourgeons des polypes nourriciers entre les cloches naissantes et le polype primitif — les bourgeons des organes urticants sur la tige des polypes — les organes reproducteurs entre les polypes ou vis-à-vis d'eux. Mais nous remarquons déjà une différence entre les deux familles des Agalmides et des Diphyides quant à la succession de ces diffé- rentes appendices. Nous avons remarqué, que dans toute la famille des Diphyides le tronc com- mun était dépourvu d'appendices sur certaines parties et que les appendices mêmes étaient groupées de manière à former des toufles isolées. L'individualisation, la concentration des groupes individuels est poussée à un plus haut degré que chez les Agalmides, où, à peu d'exceptions près, tout le tronc commun est hérissé d’appendices diverses. On remarque déjà dans les jeunes ces tendances différentes. Dans les jeunes Galéolaires toutes les forces formatrices du bourgeon sont appli- quées à l'accomplissement du groupe primitif. L'organe protecteur se modèle en cornet, le fil pêcheur du polype unique se forme entièrement, l'organe repro- ducteur se montre dans tous ses détails avant que de nouveaux bourgeons de polypes se fassent voir. Le bourgeon de ja cloche natatoire, organe qui doit appartenir à l’ensemble et non pas au groupe individuel, est comme frappé d'un arrêt de développement — il ne montre aucun progrès, dans les trois exemplaires d'âge 140 C. VOGT. SIPHONOPHORES 140 différent que j'ai figuré. Nous remarquons donc, chez les Galéolaires, le dévelop- pement complet des groupes individuels, l'achèvement du groupe primitif dans tous ses détails avant l'augmentation de la colonie. Il en est autrement chez les Agalmes et les Physophores. Le polype primitif n'a encore que des bourgeons d'organes urticants, que d’autres polypes viennent déjà se placer à ses côtés. — L'organisme entasse bourgeon sur bourgeon, ceux des polypes nourriciers touchent les bourgeons des cloches natatoires, et ces organes, destinés au service de la colonie tout entière, se développent avant qu'on puisse distinguer avec précision les organes reproducteurs ou les individus pro- lifères. La tendance individualiste prévaut donc dans la famille des Diphyides, la tendance communiste au contraire chez les Agalmides. L’augmention d'une colonie une fois formée continue pendant toute la vie par le bourgeonnement actif, qui est toujours concentré au sommet du tronc commun. Nous avons vu que dans les genres à organes lonomoteurs actifs les bourgeons des cloches occupent le sommet du tronc, et que les cloches sont d'autant plus for- mées qu'elles s'éloignent de ce sommet — que le champ de bourgeonnement pour toutes les autres appendices se trouve immédiatement au-dessous des cloches et que le groupe le plus développé occupe l'extrémité postérieure du tronc commun. Même dans les genres à axe tordu ou ramifié les mêmes lois se laissent observer, comme nous l'avons montré sur les Vélelles et les Physophores. Nous n'avons plus rien à ajouter à la description du bourgeon. Le plan général se voit dans le commencement de tous les bourgeons — tous sont d’abord des ver- rues creuses, dont la cavité est en communication immédiate avec celle du tronc commun. Plus tard, une différence se manifeste. Les bourgeons destinés à former des organes simplement filamentaires où en boyau (polypes nourriciers et pro- lifères, fils pêcheurs et secondaires) s’allongent simplement en prenant petit à peut la forme définitive. Les bourgeons destinés à former des organes compliqués de forme et de contenu {cloches natatoires, organes sexuels) déposent au contraire dans leur intérieur une seconde substance interne, par le développement de la- quelle la cavité est transformée en canaux, rangés ordinairement suivant le nom- bre quatre et les parties internes formées tandis que l'extérieur continue à se modeler. 141 DE LA MER DE NICE. 141 C'est ainsi que tous les bourgeons se ressemblent dans le commencement et que toutes les appendices, sans exceplion, sont toujours en communication directe avec la cavité du tronc commun. Les affinités zoologiques des Siphonophores sont faciles à établir, du moment que l'on connaît exactement leur structure. J'ai insisté à différentes reprises sur leur affinité avec les polypes hydraires. Les étroites liaisons qui s’établissent d’un autre côté entre eux et les Méduses ombellifères ne peuvent pas non plus passer inaperçues. Les Siphonophores forment donc un lien de plus entre ces deux séries d'êtres. On connaît depuis longtemps la production médusipare de beaucoup de polypes bydraires. D'autres observations nous ont fait connaître les jeunes de certaines mé- duses, qui sont des polypes hydraires. Fondé sur ces faits, j'avais proposé, il y a quelques années, la réunion des po- lypes hydraires et des méduses en une seule classe, les Hydroméduses. (Zoologische Briefe. Vol. I. p. 126.) J'en avais éliminé, provisoirement, et jusqu'à plus ample informé, les Siphonophores. Aujourd'hui, ces doutes n'existent plus. Les Siphonophores forment un ordre parfaitement caractérisé dans la classe des Hydroméduses. On peut les désigner, avec M. Kælliker, sous le nom de polypes hy- draires nageants (Polypi nechalei). Qu'on me permette ici d'ajouter quelques mots sur la formation de la classe dans laquelle ces organismes doivent être rangés. Les seules objections contre cette innovation dans la classification, qui soient parvenues à ma connaissance, sont celles élevées passagèrement par M. Kælliker dans son rapport cité sur ses recherches à Messine. M. Kælliker cherche ses objec- tions surtout dans le mode de propagation de ces organismes. On ne peut rai- sonnablement, dit-il, regarder comme forme incomplète des Méduses que les po- lypes sur lesquels on n’a observé que des bourgeons médusaires, mais point d'or- ganes mâles ou ovifères. Puis M. Kælliker appuie surtout sur les faits, qui prou- vent que certaines Méduses produisent d'autres Méduses par gemmation, que chez d’autres Méduses on a observé des jeunes non polypiformes, qui deviennent 142 C. VOGT. SIPHONOPHORES 142 des Méduses, et que par là un état en polype alternant avec celui de Méduse est exclus. M. Kælliker tire de ces faits la conclusion, que les Siphonophores n'ont rien de commun avec les Méduses, et que l'établissement d’une classe de Hydroméduses est contraire aux faits. . Mais, de l'aveu même de M. Kœælliker, les faits suivants sont établis. 1. Certains bourgeons de polypes fixes sont des véritables méduses. Il est vrai que M. Kælliker dit seulement qu'ils ressemblent, à s'y méprendre, à cer- taines formes médusaires simples — mais quelle complication d'organisation plus grande pourrait-on trouver dans toute la série des Méduses, qu'un orga- nisme ayant ombrelle à canaux, tentacules développés, corpuscules du bord (yeux ou oreilles) patents, bouche, estomac et organes sexuels ? Des Méduses complètes, organisées aussi haut que le type le permet, dérivent donc de certains polypes hydraires. 2. M. Kælliker admet lui-même, que les jeunes des genres Méduse, Cyanea, Chrysaora, Cephea et Cassiopeja sont des polypes hydraires. Ceci une fois établi, recherchons les singularités et les exceptions. Nous avons une série d'êtres, présentant deux formes, alternant par génération, une forme polypaire et une forme médusaire. Certaines Méduses et certains polypes hydraires, présentant cette alternance de génération, doivent donc nécessairement rentrer dans la même classe, puis- qu'il serait impossible de séparer, même spécifiquement, la Cladonème, (Méduse) et le Stauridium (polype) dérivant les uns des autres. Il reste une grande quantité de formes, dont nous ne connaissons pas compléte- ment le développement. Nous le connaîtrons peut-être plus tard — pour le moment elles ne peuvent servir de base à aucun raisonnement. Puis vient une série d'êtres sur lesquels on a fait d’autres observations non con- cordantes. Il y a des polypes hydraires, qui produisent directement des œufs et du sperme, et point de gemmes médusaires. Il y en à d'autres produisant des organes génésiques et des gemmes médusaires à la fois. M. Koœlliker, tout en convenant que les capsules séminifères du Pennaria Cavolini 143 DE LA MER DE NICE, 143 ont une ombrelle à quatre lambeaux, un cône médian envoyant quatre rayons dans l'ombrelle, l'estomac non encore ouvert (?), et quatre corpuscules de bord, appuie beaucoup sur le fait qu'on n'a trouvé Jusqu'ici que des Méduses femelles, provenant de polypes hydraires. Les Abyles, les Galéolaires, les Agalmes produisent des Méduses mâles. La production médusipare peut donc manquer complétement, elle peut exister seule, elle peut être combinée avec la génération ordinaire, elle peut être bornée à l’un ou à l'autre sexe. Il y a des Méduses produisant des polypes. Il y en a d’autres produisant des bourgeons médusaires. Il y en a d'autres produisant des jeunes devenant directement des Méduses. D'autres enfin sont fissipares. Que résulte-t-il de tout cela ? La nécessité évidente de conserver cette classe des Hydroméduses, composée d'êtres qui, dans leur ensemble, ont deux formes correspondantes d'existence, la forme polypaire et la forme médusaire ! Ces formes peuvent exister isolément, sans connexion, se suivant seujement sur une ligne {les Hydres pour la forme polypaire, les Æginopsis pour la forme médusaire), ou bien elles peuvent se combiner de dif- férentes manières par génération alternante régulière ou irrégulière. Retournons après cette digression à notre principal sujet, à cet ordre de polypes nageants faisant partie de la classe des Hydroméduses. Il importe, si l'on veut établir une classification de ces êtres si compliqués, d’éli- miner d'abord toutes les formes incomplétement connues. Les classificateurs pré- cédents ont fait le contraire. Chaque figure, chaque note d'un voyageur, qui avait fait traîner un filet à la suite d'un navire, suffisait pour la création d'un genre, d’une tribu, d’une famille. Les organismes les plus mutilés servaient de types de division. Peu soucieux de suivre ce procédé, propre seulement à encombrer les registres de noms inutiles, nous n'établirons notre essai d’une classification que sur le petit nombre de genres connus, éliminant le reste jusqu'à plus ample in- formé. 144 G. VOGT. SIPHONOPHORES 144 Classe des HYDROMÉDUSES. Ordre des Polypes nageurs (Polypi nechalei). Colonies composées de polypes appropriées à la nage. Première division. Organes natateurs actifs. Polypes armés de fils pêcheurs. Cloches natatoires creuses. Famille des Agalmides. Cloches natatoires multiples creuses, à iris mus- culaire. Bulle d'air constante au bout du tronc commun. Pièces protectrices. Apolemia Esch. Cloches multisériales ; individus prolifères par paires sur une seule tige. Tronc commun en spirale. Bractées protec- trices. Agalma Esch. Cloches bisériales. Individus prolifères simples. Brac- tées protectrices. Tronc commun droit. Physophora Forsk. Cloches bisériales. Point d'individus prolifères. Organes protecteurs vermiformes. Tronc commun changé en disque *. Famille des Hippopodides. Cloches natatoires emboîïtées, bisériales, creuses, à battant mobile, Point de bulle d'air constante. Point de pièces protectrices. Hippopodius Quoy et G. Point de pièces protectrices. Cloches en forme de sabot de cheval. Vogtia. Kœæll. Cloches pentagonales *. Famille des Diphyides. Deux cloches natatoires inégales. Praya Blainv. Casques protecteurs. Cloche natatoire spéciale pour chaque polype nourricier. Colonies hermaphrodites. Cloches natatoires presque égales. ‘ Les genres Rhizophysa, Brachysoma, Stephanomia, Epibulia, Sarcoconus, Discolabe, sont établis sur des pièces mutilées; — le premier, probablement sur un tronc d’Agalme, dépourvu de ses cloches nata- toires ; — le dernier sur un tronc de Physophore n’ayant plus que ses grappes reproductrices. * Genres inconnus : Elephantopes, Racemis. 145 DE LA MER DE NICE. 145 Galeolaria Quoy et G. Cornets protecteurs. Colonies unisexuelles semblables. Cloches natatoires inégales, accolées. Diphyes Cuv. Bractées protectrices. Colonies unisexuelles dissem- blables. Cloches natatoires très-inégales, emboîtées ". Bractées natatoires pleines. Famille des Athorybides. Vésicule aérienne. Athorybia Esch. Bractées natatoires disposées en couronne *. Seconde division. Organes natateurs passifs. Famille des Physalides. Grande vessie natatoire. Tronc commun globi- forme. Polypes armés de fils pêcheurs. Physalia Lmck. Individus nourriciers et individus prolifères astomes”. Famille des Vélellides. Coquille aérifère disciforme. Tronc commun ra- mifié. Point de fils pêcheurs. Individus prolifères. Un seul individu stérile au centre. Velella Lmck. Voile verticale ; tentacules simples; coquille cornée, spiralique et oblique. Porpita Lmck. Point de voile; tentacules ramifiées ; coquille ronde, à chambres rayonnantes *. ‘ Tous les autres genres de la nombreuse famille des Diphyides sont à éliminer. Voir les raisons dans le chap. VIII. * Inconnu : le genre Anthophysa. La ressemblance des jeunes Agalmes avec les Athorybies est sur- prenante. ? Les sous-genres Salacias, Cystisoma, Alophotes de Lesson, sont parfaitement inutiles. C’est proba- blement à la suite des Physalies que viendrait se placer le genre Angela. ‘ Les Rataires sont des jeunes Vélelles. (Communiqué à l'Institut national genevois (Section des sciences) dans les séances du 22 mai et 24 juin 1855.) % 0 19 MR LA WP: : DAT A DEN) à ses sd cas DU ce ‘ sapasticn élialét) Levaloslog aanftèt) hi nié séshobtuo" P to ur rar eqio patoe-eatsof) she | Pas Ef pt CUS sunio). Air apitoréf à Hipé sm di hi dit re htierute Hdtioi): batif | ou: HAE 5: Cats blé rsfotelétiné res Aterpenés 4. Sun EN cu at ne ke aXtelae “A6 pi noie du trés: Sauvt East issu ME TA abéeti. D PEN 0 rails GES Mint: “0 ati sir sui te envie re Hons Hesiosei a5Niog! aber » brel vus cépuhde ET QUEUES an T ssantridtinantlomihitdite ohiugtir astra niv Le - evil Lin sel ego: ait at sbrioE. Han +4 1 ri tds re ARR ENS At tj ro Run ATENES # ) À AS pialmiese NN Pr -ARUN +3 rer Mr NES tofu cel QU SE PAT UTT wi Dit as PET NSEUTS SC TUE FRE CONTES wutisrite à AE | PT ki s) k 71 RENE cts hi A te joe 4 dE PAT TILR ri pen bus LRO CRETE PEACE ann gi ha amas 1 D œ cg Lim, a | tr PIE PTE sh 4 UT NT 5k Ÿ AU DEN PR 7 xt: NE at ar Ale TAMP OA S LIDT à [HE té s Cal ÉLLE os CT SEAT DER af w Get 479 ) palin kr DAC Lin nenh ml} 72 ste d élit D À : ttes 4 À it ‘Lg 6e W via A4 me TE » #1 CYR \ \ L'ReM VU n PR ane sv GPA RE EN AT far wir k "HUEelit A 'PPAE “Pr hd LE LAS LEP ARE CO, es mA) nr BTE 254 . x CUT PAT +à : LU Fo ets Fhéretrt ts L Ne 1 ET At à ARE Ste ki Lee did Ml PA daecs Ai CR AS TER rs 4 dis , alt sut prune arr RD UE: ir DNA \aÿ ne , + N Lotan y AT, "M re 0 sal d À © CPE N V DE à) 4 2 ta DÉS Mapa: + pee fans Lie Va 107 { 2 æ Vian A We a EXPLICATION DES FIGURES. 608 — TAB. I. Fig. 1. La Vélelle de la Méditerranée, vue de sa face supérieure. a, Les tenta- cules ; b, le limbe; c, le bouclier de la coquille ; d, la crête de la coquille. Fig. 2. La même, vue de profil. Les lettres a jusqu’à d ont la même signification ; e, frange de la crête; f, polype central; g, individus reproducteurs. Fig. 5. La même, vue de sa face inférieure. Les lettres 4, b, f, q, ont la même signification. Fig. 4. La même, vue de la face dorsale, après que le squelette a été enlevé. a, Bord glanduleux du limbe ; b, le limbe: €, vaisseau bordant le limbe à l’inté- rieur ; d, membrane à réseau vasculaire, sur la face inférieure de la quille, sont fixés les individus reproducteurs ; e, sac fusiforme du polype central d’où partent les troncs vasculaires. — Ces quatre figures sont de grandeur naturelle. Fig. 5. Coupe du bouclier aérifère de la coquille, montrant les chambres et les cloisons qui les séparent. Grossie seize fois. Fig. 6. Canaux aérifères près de leur dernière ramification; montrant les plis circulaires qui les divisent. Grossis cent cinquante fois. Fig. 7. Quelques individus prolifères séparés, pour montrer leur communication avec les canaux en réseau. Fig. 8. Réseau vasculaire de la frange de la crête. a, Tronc vasculaire courant le long de la crête; b, tronc vasculaire courant sur le bord de la frange; ce, vais- seaux sinueux entre ces deux troncs. Grossi seize fois. Fig. 9. Réseau capillaire dans la membrane qui couvre la crête des deux côtés. Grossi seize fois. 148 C. VOGT. SIPHONOPHORES 148 Fig. 10. Le bord interne du limbe à l'endroit où se développent les bourgeons des tentacules et des individus reproducteurs. a, Vaisseau courant sur le bord interne du limbe ; b, tentacule développé ; c, cavité interne de ce tentacule ; d, cou- che musculaire ; e, couche épidermoïdale à organes urticants ; ff, jeunes bourgeons de tentacules dans lesquels la couche musculaire et les organes urticants ne sont pas encore développés; g, individu reproducteur, montrant sa bouche largement ouverte et les mamelons d'organes urticants à son pourtour ; hh, autres individus d'un égal développement, sur lesquels on ne voit pas encore des gemmes médu- saires ; 4, jeunes bourgeons d'individus reproducteurs. TAB. Il. Fig. 11. Face inférieure de la Vélelle grossie au double. Les polypes proliferes sont enlevés pour montrer la disposition des canaux aérifères ; à, ligne indiquant la limite des individus prolifères ; b, tissu spongieux, sur lequel serpentent les canaux aérifères ; c, bouche; d, sac fusiforme du polype central. Fig. 12. Tissu spongieux au-dessus du sac fusiforme du polype central, mon- trant ses réseaux très-serrés de canaux. Fig. 15. Deux individus reproducteurs grossis seize fois, en différents états de contraction. a, Bouche; b, mamelons d'organes urticants; €, cavité digestive ; d, restes d’un cirrhipède avalé dans la cavité digestive de l’un de ces individus ; e, liquide à granules rouges, passant depuis le tronc vasculaire dans la cavité diges- tive; f, base prolifère ; g, bourgeons médusaires réunis en grappe autour de cette base ; À, tronc vasculaire sur lequel reposent ces deux individus. Fig. 14. Cellules jaunes, répandues dans le système vasculaire, par un grossisse- ment de 350 diam. Fig. 15. Capsules urticantes par le même grossissement. a, Capsule ayant lancé son fil; b, capsules fermées. Fig. 16. Le bord du limbe, vu par un grossissement de cent cinquante diamè- tres. a, Vaisseaux remplis de cellules jaunes, se réunissant dans le vaisseau du bord; b, follicules glanduleux alignés le long du bord du limbe; c, ouverture d'une pareille glande; d, extrémité arrondie des cellules en cylindre tournée en dehors. 149 DE LA MER DE NICE. 149 Fig. 17. Grappe de bourgeons médusaires, vue par un grossissement de cent cinquante fois. a, Jeunes bourgeons dans lesquels on ne voit pas encore des cel- lules jaunes ; bb, individu plus développé à cellules jaunes ; €, endroit où J'ai vu du mouvement vibratil. Fig. 18. Très-jeunes bourgeons médusaires, par un grossissement de trois cent cinquante fois. a, Trou de communication du bourgeon avec l'individu prolifère ; b, cavité interne montrant du mouvement vibratil ; c, couche interne encore simple ; d, couche externe dans laquelle se montrent les indices des organes urticants. Fig. 19. Bourgeon un peu plus âgé par le même grossissement. Les lettres a jus- qu'à d ont la même signification ; e, canaux au nombre de quatre, dans lesquels se divise la cavité interne ; /, accumulation de matière jaune au sommet du bourgeon ; q; organes urticants. Fig. 20. Un bourgeon plus âgé, vu par son sommet extérieur, par un grossisse— ment de cent cinquante fois. a, Couche externe couverte de cellules hexagonales ; bb, rangée d'organes urticants faisant saillie sur le pourtour ; ce, les quatre accu- mulations de substance solide à l'intérieur : dd, les huit rangées de cellules jaunes ; ë; cavité quadrilatère interne ; /, accumulation de cellules jaunes sur le sommet. Fig. 21. Un bourgeon un peu plus âgé, vu par le même grossissement et par la face opposée, de sorte que l’on voit le trou de communication, g, du bourgeon avec la base de l'individu polifère. Les autres lettres ont la même signification que dans la figure précédente. Fig. 22. Bourgeon un peu plus âgé, vu de côté. Les lettres a jusqu'à g ont la même signification que dans les figures précédentes ; h, fente entre deux rangées de cellules jaunes ou de substance interne, prise par M. Hollard pour l'indication de la crête de l'embryon. Fig. 25. Bourgeon médusaire prêt à se séparer, vu sur son endroit d'attache. Les lettres ont la même signification que dans la figure précédente. Le grossisse- ment est le même. Fig. 24. Bourgeon médusaire détaché de la Vélelle et nageant librement dans l'eau. a, Couche extérieure de l’ombrelle; b, organes urticants, disposés sur quatre rangées ; €, un tentacule naissant; d, ouverture de l'ombrelle ; e, cellules jaunes disposées sur huit rangées ; f, organes frangés internes disposés sur quatre ran- 150 C. VOGT. SIPHONOPHORES 150 gées ; g, estomac, montrant à l'intérieur du mouvement vibratil; h, accumulation de granules dans le fond de la cavité stomacale ; :, sommet de l’ombrelle par lequel la Méduse était attachée à l'individu prolifère. TAB. II. Fig. 1. La Physophore hydrostatique, vue de profil avec tous ses fils pêcheurs développés. Grandeur naturelle. Fig. 2. La portion verticale de la Physophore, dessinée au trait pour montrer les cloches natatoires de face. a, Bulle d’air, enfermée au sommet du tronc ver- tical commun ; b, bourgeons de vésicules natatoires en voie de développement; cc, vésicules natatoires ; d, ouvertures des vésicules natatoires entourées d’un rebord musculaire ; e, tronc vertical commun ; ff, tentacules ; g, polypes. TAB. IV. Fig. 3. La Physophore morte et dépouillée de la plus grande partie de ses ap- pendices. a, Vésicule aérienne ; b, tronc vertical commun extrêmement contracté et dépouillé des cloches natatoires, dont il ne reste que quelques bourgeons à peine développés ; c, partie horizontale du tronc commun enroulé de manière à for- mer un disque; d, tentacules ; e, polypes. Fig. 4. Le disque, vu de sa face inférieure. a, Le disque enroulé en spirale ; bb, polypes en différents états de contraction. On distingue sur ces polypes la partie antérieure portant la bouche, la partie jaune moyenne et le tronc rose par lequel ils sont implantés sur le disque; on voit encore la touffe de bourgeons d'organes urticants, entourant la base de la partie jaune du polype. Pour ne pas embrouiller la figure on a dû omettre les fils pêcheurs, dont chaque polype est muni. cc Grappes reproductrices mâles ; dd, grappes reproductrices femelles ; ee, tentacules. Fig. 5. Une portion du disque sur laquelle on a laissé trois polypes et deux paires de grappes reproductrices. a, Cavité du disque, ouverte ; b, bord du disque; c, tige rose des Polypes ; d, deux de ces tiges coupées et montrant leur cavité; e, touffe de bourgeons cylindriques reposant sur un rebord en couronne; f, fil pêcheur ; g, partie 151 DE LA MER DE NICE. 151 jaune des polypes, traversée par la cavité digestive ; h, partie antérieure des polypes en différents états de contraction ; t, bouche. Fig. 6. Jeune polype, grossi 32 fois. a, Cavité interne digestive encore fermée à l'extrémité antérieure et tapissée d'épithélium vibratil ; b, partie jaune par- semée de cellules; c, partie antérieure formée de substance transparente et homogène. Fig. 7. Cellules de la partie moyenne jaune du polype par un grossissement de trois cents diamètres Fig. 8. Une portion du bord du disque avec trois grappes reproductrices, grossie seize fois. a, Cavité du disque ouvert ; b, bord du disque ; €, entrées des canaux des grappes dans la cavité du disque ; d, grappes males ; e, grappes femelles. TAB. V. Fig. 9. Deux capsules urticantes dont l'une a éclaté, par un grossissement de seize diamètres. a, Tronçon du fil pêcheur principal ; bb, fils musculaires se- condaires ; ce, boyaux élargis à cellules; dd, capsules urticantes ; e, cavité in- terne tapissée de cellules ; f, sac musculaire faisant hernie à travers l’ouverture g; de la capsule éclatée ; h, fil urticant en banderolle ; i, grands corpuscules (fèves urticantes) disposées en deux rangées à l'extrémité de la banderolle urticante ; k, fil musculaire accompagnant la banderolle. Fig. 10. Une capsule urticante plus fortement grossie. Les lettres ont les mêmes significations que dans la figure précédente. Fig. 11. Une capsule urticante par un grossissement de cent cinquante dia- mètres. — Les lettres & jusqu’à ? ont les mêmes significations que dans les fig. 9 et 10; k, couche musculaire tapissant l'intérieur du boyau ; /, faisceau muscu- laire réunissant le sac musculaire de la capsule à la couche musculaire du boyau. Fig. 12. Fèves urticantes par un grossissement de trois cent cinquante diamè- tres. a, Pointe bifide, cachée à l'intérieur. Fig. 15. Capsule urticante de la jeune Physophore représentée sur la planche 152 C. VOGT. SIPHONOPHORES 152 suivante, Grossissement de trois cent cinquante diamètres. a, Tige creuse, servant d'attache au fil pêcheur ; b, sac musculaire; €, cavité interne ; d, fèves urti- cantes ; e, sabres urticants disposés en doubles spirales; f, lentilles urticantes. On voit à côté de la figure quelques sabres et lentilles urticantes détachées. TAB. VI. Fig. 14. Jeune bourgeon mâle par un grossissement de cent cinquante dia- mètres. a, Substance externe ; b, substance interne; c, cavité interne ; d, ou- verture de communication avec la cavité de la grappe ; e, enveloppe fournie par la grappe. Fig. 15. Bourgeon plus avancé, ayant la forme d’une poire. Lettres comme dans la figure précédente. Fig. 16. Un bourgeon un peu plus âgé, vu par le même grossissement. Les let- tres ont la même signification que dans les fig. 14 et 15 ; f, branche de la grappe terminée par le bourgeon. Fig. 17. Le même bourgeon, vu d'en haut. Fig. 18. Un bourgeon plus développé. Les mêmes lettres ont les mêmes si- gnifications ; g, masse granuleuse remplissant la cavité interne ; h, espace entre la substance externe et la substance interne, devenu sac à sperme. Fig. 19. Un bourgeon mâle au terme de son développement par un grossisse- ment de seize diamètres. t, Ouverture en voie de formation sur le sommet extérieur du bourgeon. Les autres lettres ont la même signification que dans les figures précédentes. Fig. 20. Morceau d'une grappe femelle par un grossissement de 16 dia- mètres. Fig. 21. Quelques bourgeons plus fortement grossis. a, Enveloppe externe ; b, espace libre entre l'enveloppe et la substance interne ; c, d, figure orbiculaire à double contour simulant la vésicule germinative. Fig. 22. Bourgeon de la même grappe encore plus fortement grossi. a, Ca- nal interne ; b, contour entourant ce canal ; c, substance solide du bourgeon. Fig. 25. Deux bourgeons plus développés. a, Canal de la grappe; b, trou de 153 DE LA MER DE NICE. à 153 communication entre les canaux sinueux du bourgeon et le canal de la grappe ; c, enveloppe externe; d, canaux superficiels, creusés entre cette enveloppe et la substance interne ; e, substance vitellaire ; f, vésicule germinative ; g, ta- che germinative. Fig. 24. Jeune Physophore par un grossissement de trente-deux diamètres. a, Partie verticale pyriforme ; b, accumulation de pigment ; 6, bulle d’air : dd, bour- geons de cloches natatoires ; ee, tentacules ; /, bourgeons de polypes ; g, polype dé- veloppé ; h, touffe de bourgeons cylindriques entourant la base jaune; t, du polype ; k, fil pêcheur ; /, capsules urticantes. TAB. VIL Fig. 1. Un exemplaire de l'Agalma rubra de grandeur naturelle. a, La vessie aérienne ; b, bourgeons de cloches natatoires ; €, cloches natatoires complètes, dis- posées en double série ; d, bourgeons de polypes; e, vésicules urticantes ; f, po- lypes entiers ; g, grappes femelles ; h, testicule entièrement développé; 1, polypes astomes reproducteurs ; k, fil tentaculaire de ces polypes ; /, plaques protectrices ; m, tronc commun. Fig. 2. Jeune individu déjà formé, pris le 12 janvier 1851. TAB. VII. Fig. 5. Plaque protectrice d'un individu adulte grossi dix fois. a, Canal mé- dian portant à sa base des capsules urticantes; bb, amas de cellules trans- parentes. Fig. 4. L'extrémité du canal avec ses capsules urticantes, grossi cent cinquante fois. Fig. 5. Plaque protectrice du jeune individu, grossie trente-deux fois. a, Cap- sule urticante. Fig. 6. Un polype entier détaché du tronc, grossi dix fois. a, Partie antérieure du polype considérablement contractée ; b, les douze interstices entre les saillies du foie, dans lesquelles se trouvent des sabres urticants; €, partie basilaire du po- lype ; d, tronc du fil pêcheur; e, cavité intérieure de ce tronc; f, fil pêcheur 20 154 C. VOGT. SIPHONOPHORES 154 secondaire ; g, vrille rouge urticante ; h, fil terminal; ?, extrémité de ce fil for- mant une vrille incolore ; k, fil pêcheur secondaire en voie de formation ; /, vrille urticante terminale; mm, bourgeons d'autres fils secondaires plus ou moins développés. Fig. 7. Le tronc du fil pêcheur grossi plus considérablement pour montrer la disposition de ses fibres musculaires, de son canal et des troncons qui le composent. Fig. 8. Un polype dans un autre état de contraction. a, Partie basilaire. Fig. 9. Une vrille rouge décomposée. a, Fil rouge contourné en spirale; bb, dou- ble fil gris; c, fil musculaire sur lequel sont implantés des corpuscules en zigzag ; d, fil terminal. | Fig. 10. Extrémité du tronc commun, grossie seize fois. aa, Bulle d'air; bb, ac cumulations de pigment ; c, tronc commun; dd, bourgeons de cloches nata- toires ; e, moignons d'insertion des cloches natatoires détachées. TAB. IX. Fig. 11. Sabres urticants composant le fil rouge. a, Un de ces sabres, dont le fil a été lancé. Fig. 12. Fève urticante située à l'intérieur du fil rouge. Fig. 13. Un des fils gris décomposé. a, Faisceau fibreux central ; b, lentilles urticantes. Fig. 14. Corpuscules en zigzag, considérablement grossi. . Fig. 15. Polype reproducteur grossi huit fois. a, Insertion dans le tronc com- mun ; b, extrémité fermée montrant un mouvement vibratil extrêmement vif; c, fil tentaculaire. Fig. 16. Morceau du tronc commun grossi 16 fois. aa, Polypes reproducteurs ; bb, fils tentaculaires ; ce, testicules plus ou moins développés. Fig. 17. Bourgeon d'une cloche natatoire grossi trois cents fois. aa, Canaux ; b, lumière de canaux vue de face ; c, tronçon servant à l'insertion. Fig. 18. Cloche natatoire du jeune individu grossi seize fois. a, Ouverture exté- rieure; b, bord musculaire ; c, cavité interne tapissée de cellules grenues ; d, ca- naux ; e, réservoir latéral du canal entourant l'ouverture. 155 DE LA MER DE NICE. 155 Fig. 19. Cellules grenues, tapissant la cloche natatoire à l'intérieur, grossies trois cent cinquante fois. Fig. 20. Grappe femelle, grossie seize fois. a, Tronc commun; b, ouverture de communication ; €, tronc creux de la grappe, pourvu à l'intérieur de bourrelets vibratils circulaires ; d, branche de la grappe ; e, œuf. Fig. 21. Branche terminale d’une grappe grossie cent cinquante fois. a, Rameaux creux ; b, œuf peu développé; c, œuf développé; d, enveloppe fournie par la grappe ; e, masse vitellaire ; f, vésicule germinative ; g, tache germinative. Fig. 22. Cœcum ovarique renfermant un œuf. 4, Canal du tronc; b, canaux entourant l'œuf en forme de mailles ; ce, œuf; d, vésicule germinative ; e, tache ger- minative double ; f, enveloppe fournie par le cæcum. TAB. X. Fig. 25. Une autre poche ovarienne par le même grossissement. Les lettres ont la même signification. Fig. 24. Une poche ovarienne par le même grossissement, mais avec une autre position du foyer, pour montrer les cellules en pavé qui tapissent la surface interne de la poche. a, Tronc ; b, enveloppe de la poche ; c, cellules en pavé. Fig. 25. Poche ovarienne plus âgée, montrant la disposition des canaux. a, Tronc creux de la poche ; b, canaux. Fig. 26. Une autre poche ovarienne, montrant des espaces insulaires entre les canaux. &, Espaces insulaires ; b, canaux; c, vésicule germinative; d, tache ger- minative. Fig. 27. Bourgeons testiculaires par un grossissement de seize diam. a, Tronc commun ; bb, tiges creuses des bourgeons testiculaires ; 6, bourgeons testiculaires ; d, enveloppe externe ; e, cavité interne. Fig. 28. Un bourgeon plus développé par le même grossissement. &, Attache ; b, cloche natatoire du bourgeon ; c, ouverture circulaire de la cloche, munie d'un bord musculaire ; d, enveloppe du testicule ; e, cavité du testicule encore vide. Fig. 29. Bourgeon testiculaire plus âgé. Les lettres ont la même signification. La cavité du testicule est remplie de masse séminale disposée en chevrons. 156 C. VOGT. SIPHONOPHORRS 156 Fig. 50. Bourgeon testiculaire qui vient de se détacher spontanément. Le testi- cule est tellement rempli qu'on ne peut plus distinguer son enveloppe. Fig. 51. Spermatozoïdes, grossis six cents cinquante fois. Fig. 52. Très-jeune individu, recueilli le 24 octobre 1851 et grossi cent cin- quante fois. a, Plaque protectrice unique; b, polype unique considérablement contracté ; €, tronc commun dépourvu encore de vésicules aériennes ; d, second polype en voie de formation ; e, capsule urticante. Fig. 55. Une de ces capsules urticantes grossie quatre cents fois. Fig. 54. Jeune individu, recueilli le 13 février 1851 et grossi seize fois. a, Vési- cule aérienne ; bb, plaques protectrices disposées en cercle; c, bourgeons de cloches natatoires ; d, polype formé ; e, polype naissant ; /f, bourgeons de polypes ; g, fil pêcheur. Fig. 55. Une des plaques protectrices, vue de face. Fig. 56. La plaque protectrice du plus jeune individu par un grossissement de quatre cents fois. Fig. 57. Capsule urticante de l'individu de fig. 34, grossie quatre cents fois. a, Tronc; b, fèves urticantes ; c, fil rouge en voie de formation ; d, fil terminal incolore ; e, sachet enveloppant les sabres urticants; f, pointes urticantes sortant de l’extrémité du sachet. TAB. XI. Portion antérieure de la jeune Agalme rouge, représentée tab. 6 et grossie vingt-deux fois. a, Capsule dure de la bulle d’air ; b, capuchon de pigment rouge grenu ; €, bulle d'air; d, substance musculaire interne et floconneuse; e, col du tronc commun ; f, tronc commun ; g, bourgeons de cloches natatoires ; hk, bour- geon plus développé; ?, cloche natatoire; k, polypes nourriciers ; !, bourgeons cylindriques du fil pêcheur ; m, bourgeons de vrilles incolores ; n, bourgeons de vrilles jaunes ; 0, polypes nourriciers incomplets ; p, bourgeons de polypes nour- riciers ; q, polypes reproducteurs astomes ; r, bourgeons sexuels ; s, bourgeons de polypes reproducteurs. 157 DE LA MER DE NICE. 157 TAB. XII. Fig. 1. Agalme ponctuée (4. punctata) de grandeur naturelle. a, Bulle d'air ; b, bourgeons de cloches natatoires; c, toufles de plaques protectrices ; d, polypes reproducteurs ; e, fil pêcheur au milieu de la toufle; /, tronc commun. Fig. 2. Les cloches natatoires vues de face. Fig. 3. Cloche natatoire grossie au double et vue d'en haut. 4, Ouverture; b, iris musculaire. Fig. 4. La même cloche vue d'en haut. Fig. 5. Plaque protectrice vue de sa face creuse. a, Ouverture de communica- tion avec le tronc ; b, canal. Fig. 6. La même vue de profil. Fig. 7. Taches blanches, par un grossissement de trois cent cinquante diamètres. Fig. 8. Polype reproducteur. a, Canal interne ; b, couche de substance interne : c, épithelium, garni de taches blanches et de lentilles urticantes. TAB. XIII. L’Apolémie contournée, ayant tous ses fils pêcheurs développés. Grandeur natu- relle. TABR::XIN- Fig. 1. Un individu nourricier de l’Apolémie contournée, grossi seize fois. a, Ex- trémité antérieure, portant la bouche; b, bourrelets biliaires ; c, vrilles urticantes du fil pêcheur. Fig. 2. Une paire d'individus reproducteurs grossi seize fois. a, Tige com- mune ; aa, tiges particulières ; b', grappe mâle ; b, grappe femelle ; c, filet pé- cheur rabougri; d, individu mäle ; e, individu femelle ; f, collier rouge ; g, ex- trémité antérieure garnie de quelques capsules urticantes et d’une substance gra nulée en diffluence. Fig. 5. Une cloche natatoire grossie seize fois. a, Canal central montant de- 158 C. VOGT. SIPHONOPHORES 158 puis la tige ; b, point de partage en quatre canaux entourant la cavité natatoire ; c, ouverture entourée de son iris musculaire ; d, tache jaune. | Fig. 4. Nrille urticante grossie cent cinquante fois. a, Fil secondaire, servant d'attache ; b, bande rouge formée par des sabres urticants ; c, fèves urticantes ; d, filet terminal. Fig. 5. La tache jaune grossie quatre cent cinquante fois. Fig. 6. Quelques bourgeons mâles grossis plus considérablement et montrant les canaux qui les traversent. a, Substance externe ; b, canaux; €, cavité interne. Fig. 7. Un polype nourricier de l'Hippopode jaune, attaché au tronc commun et muni de son fil pêcheur. Grossissement de seize diamètres. a, Tronc commun ; b, tige ; c, cavité digestive; d, partie antérieure ; e, bouche du polype ; f, fil pé- cheur ; 9, fil secondaire ; k, capsule urticante. Fig. 8 et 9. Capsules urticantes vues de profil et de la face convexe sous un gros- sissement de deux cent cinquante diamètres. a, Fil secondaire d'attache ; b, cordon jaune ; c, fèves urticantes. Fig. 10-12. Bourgeons mâles à différents degrés de développement. a, Tige ; b, sac interne à spermatozoïdes ; c, enveloppe externe. TAB. XV. Fig. 1. L'Hippopode jaune de grandeur naturelle entièrement développé. Fig. 2. Une cloche natatoire détachée vue de la face inférieure, pour montrer les éminences servant d'engrenages, l'ouverture et son couvercle. Fig. 5. Trois exemplaires du distome de l'Hippopode, grossis 16 fois. Fig. 4. Abyla trigona de grandeur naturelle. Fig. 5. Diphyes spec. de grandeur naturelle. TAB. XVI. Fig. 1. Praya diphyes de grandeur naturelle, nageant dans un bocal avec ses fils pêcheurs développés. Fig. 2. Les deux cloches natatoires vues d’en haut. a, Substance solide mais molle 159 DE LA MER DE NICE. 159 des cloches; b, espace en forme de raquette creusé au milieu de cette subs- tance; €, extrémité du tronc commun logé dans la cavité entre les deux cloches. t Fig. 3. Une des cloches natatoires, vue du côté interne. a, Tronc commun ; b, gouttière destinée à loger le tronc commun; €, cavité natatoire ; d, ouverture plissée de cette cavité. TAB. XVII. Fig. 1. Groupe entier fixé sur le tronc commun du Praya Diphyes, grossi huit fois. a, Tige du polype nourricier ; a’, partie digestive ; a*, bouche ; b, fil pécheur contracté ; €, cloche natatoire spéciale ; c', ouverture de la cavité ; c*, pièce py- ramidale solide ; c°, point d'attache au casque ; c*, point d'attache au tronc com- mun ; e, casque protecteur ; e*, canal inférieur ; e*, canal antérieur ; e*, canaux postérieurs ; e*, canal supérieur à renflement pyriforme ; f, tronc commun. Fig. 2. Un polype nourricier isolé, débarrassé du casque et de la cloche nata- toire et grossi trente fois. a, Tronc commun ; b, tige ; c, portion digestive; d, por- tion antérieure ; e, bouche du polype; /, touffe de bourgeons urticants ; g, bourgeon plus développé ; h, fil pêcheur ; , fil secondaire d'attache ; k£, capsule urticante ; L, fil terminal. Fig. 3. Capsule urticante grossie cent cinquante fois. a, Fil secondaire d'attache ; b, fil musculaire ; c, sabres urticants ; d, fèves urticantes allongées ; e, fil terminal : f, cellules terminales. Fig. 4. Lentilles urticantes du fil terminal grossies cinq cents fois. Fig. 5. Espace en raquette d’une grande cloche natatoire. Grossissement de cent cinquante diamètres. Fig. 6. Espaces celluliformes de la cavité digestive grossis trois cent cinquante fois. Fig. 7. Bourgeon mâle grossi trois cent cinquante fois. a, Enveloppe externe ; b, substance interne; c, cavité ; d, Spermatozoïdes ? Fig. 8. Bourgeon femelle très-jeune. Cette figure, ainsi que les suivantes, ont le même grossissement de trois cent cinquante diamètres. 160 C. VOGT. SIPHONOPHORES 160 Fig. 9. Bourgeon plus développé montrant les canaux qui entourent la substance interne. ù Fig. 10. Bourgeon du même âge par une autre position du foyer pour montrer la substance interne étoilée. Fig. 11. Bourgeon à deux œufs. 4, Tige, dans laquelle serpente un zoosperme : b, canaux ; c, vitellus; d, auréoles de corpuscules vitellaires ; e, vésicule germi- native ; f, tache germinative. : Fig. 12. Bourgeon avec beaucoup d'œufs. a, Enveloppe externe ; b, substance interne ; €, cavité externe remplie d'œufs; d, cavité postérieure; e, canal de la tige. TAB. XVIIL. Fig. 1. Colonie femelle de la Galéolaire orangée. Grandeur naturelle. Fig. 1 Fig. 2. Colonie mäle de la même espèce. 3. La grande cloche natatoire vue de face. 4 Fig. 4. Son ouverture vue de face. TAB. XIX. Fig. 1. Groupe isolé mâle de la Galéolaire, grossi huit fois. Fig. 2. Groupe femelle sous le même grossissement. Les lettres sont les mêmes dans ces deux figures. a, Tronc commun; b, polype nourricier ; b', tige ; b°, ca- vité digestive; b°, partie antérieure du polype; €, touffe de bourgeons urticants : d, fil pêcheur; e, cornet protecteur; f, bouton d'attache du cornet; g, bour- geon femelle ; k, bourgeon mâle; k', ombrelle; h*, sac interne; hk°, cavité du sac. : Fig. 3. Capsule urticante grossie. a, Fil secondaire d'attache ; b, partie muscu- laire; €, cordon jaune de sabres urticants ; d, fèves urticantes ; €, fil terminal. : Fig. 4. Jeune bourgeon femelle, montrant deux canaux et des œufs gra- nuleux. 161 DE LA MER DE NICE. 161 Fig. 5. Bourgeon plus ägé à enveloppe mince et œufs transparents et ho- mogènes. Fig. 6. Bourgeon femelle développé. a, Attache ; b, ombrelle ; c, ouverture ; d, ovisac. Fig 7 et 8. Deux œufs défigurés par la pression. Fig. 9. Jeune bourgeon de cloche natatoire. a, Tige ; b, enveloppe; c, canaux sinueux : d, cavité interne encore fermée. Fig. 10. Très-jeune individu de la Galéolaire. a, Globe gélatineux ; b, polype nourricier ; €, tige ; d, espace cellulaire ; e, touffe de bourgeons urticants ; /, bour- geon de cloche natatoire. Grossissement de 350 diam. Fig. 11. L'espace cellulaire sous un grossissement de 350 diam. Fig. 12. Individu plus âgé. a, Globe gélatineux ; b, espace cellulaire; c, ouver- ture ronde ; d, tige; e, polype nourricier ; f, toufle de bourgeons urticants ; g; bourgeon reproducteur ; h, bourgeon de cloche natatoire. Fig. 15. Le bourgeon reproducteur sous un plus fort grossissement. a, Tige creuse ; b, enveloppe externe ; c, ombrelle ; d, ouverture de l’ombrelle ; e, sac in- terne ; f, sa cavité. TAB. XX. Fig. 1. Plusieurs groupes d'une colonie femelle de Galéolaire dans leur assem- blage. Grossi au double. Fig. 2. Deux groupes mâles sous le même grossissement. Fig. 5. Espaces celluliformes de la cavité digestive. Fig. 4. Portion antérieure de l'Abyla trigona avec le tronc commun qui y est attaché. a, Pièce cristalline antérieure ; b, tronc commun ; €, cordon d'attache entre le trone commun et la petite cloche natatoire ; d, cordon d'attache du tronc commun à l’espace cellulaire ; e, cordon d'attache du tronc commun à la grande cloche natatoire ; f, petite cloche natatoire ; f', ouverture ; f*, canaux montants ; f5, canaux antérieurs ; f*; canaux postérieurs ; g, espace cellulaire ; g', Queue de cet espace; À, bord de la grande cloche natatoire ; t, polype nourricier ; k, toufle de bourgeons urticants. 24 162 C. VOGT. SIPHONOPHORES 162 Fg. 5. Un polype nourricier grossi seize fois. a, Extrémité antérieure garnie de capsules urticantes ; b, cavité digestive ; c, tige. Fig. 6. Espaces celluliformes de la cavité digestive, grossis trois cent cinquante fois. Fig. 7. Groupe terminal d'un Abyla trigona, Eudoxia des auteurs, grossi trente deux fois. a,b,c, — Trois bourrelets musculaires en connexion avec le tronc commun et envoyant chacun un canal creux de fixation dans la masse cris- talline, d, taillée à facettes dentelées ; e, polype nourricier ; f, ombrelle taillée en facettes de l'organe reproducteur ; g, cavité natatoire de cet organe ; h, ou- verture ; , sac interne creux, communiquant par la tige creuse, k, avec la cavité du tronc commun ; /, canaux. TAB. XXI. Fig. 1. Jeune individu de la Galéolaire orangée grossi seize fois. a, Globe géla- tineux fendu, devenant cornet protecteur ; b, espace cellulaire ; €, ouverture ; d, tige; e, polype nourricier ; f, toufle de bourgeons urticants ; g, bourgeon re- producteur ; , bourgeon de cloche natatoire ; 1, fil pêcheur ; k, fente du cornet protecteur. Fig. 2. Bourgeon reproducteur fortement grossi. a, Point d'attache ; b, enve- loppe externe ; c, ombrelle; d, canaux ; e, ouverture; f, sac interne; g, sa cavité. Fig. 5. Capsule urticante de l'Abyla trigona, grossi trois cent cinquante fois. a, Fil secondaire d'attache ; b, partie contenant l'appareil musculaire ; ce, cordon brun de sabres urticants; d, fèves urticantes ; e, grandes lentilles urticantes inco- lores ; /, fil terminal enroulé en spirale. Fig. 4. Une des lentilles urticantes grossie plus considérablement. Fig. 5. Lentille urticante de l'extrémité antérieure d'un polype de l'Abyla trigona. Fig. 6. La même ayant lancé son fil. Fig. 7. Bourgeon femelle de l'espèce de Diphyes, grossi cent cinquante fois pour 163 DE LA MER DE NICE. 163 montrer la disposition générale ; a, tronc commun ; b, cavité digestive : c, partie antérieure du polype; d, bourgeon. Fig. 8. Un bourgeon du même, un peu plus avancé. a, Tronc commun ; b, base du polype ; €, enveloppe externe du bourgeon ; d, substance interne ; e, cavité intérieure ; f, canaux en voie de formation. Fig. 9. Jeune bourgeon grossi trois cent cinquante fois, montrant les cellules en pavé de sa couche externe et la disposition de sa cavité ; a, substance externe ; b, substance interne ; €, cavité. Fig. 10. Jeune bourgeon mâle de l'Abyla trigona, grossi cent cinquante fois. a, Tige; b, substance externe très-épaisse ; c, dépression devenant l'ouverture de l'ombrelle ; d, canaux. Fig. 11. Bourgeon plus développé sous le même grossissement. 4, Canal de la tige ; b, couche externe; c, substance interne ; d, ouverture ; e, canaux rayon- nants ; L sac interne ayant une cavité. Fig. 12. Groupe terminal d’un Abyla trigona, grossi trente-deux fois, montrant deux cloches sexuelles. a, Pièce protectrice cristalline à facettes ; b, avant-dernière cioche ; €, dernière cloche ; d, polype nourricier ; e substance d'attache ; f, plaque protectrice du polype. Fig. 13. Groupe semblable sous le même grossissement. Les lettres ont la même signification ; g, toufle d'organes urticants. ———dh Q— — — — 164 164 Deux publications récentes, qui me parviennent au moment où je dois donner le bon à tirer de la der- nière feuille, montrent combien les Siphonophores ont attiré l'attention des naturalistes dans ces derniers temps. Je donnerai ici une courte analyse de ce qui me paraît important dans ces travaux. Le premier est une courte notice préliminaire de M. Gegenbaur, ayant pour titre : Sur quelques ani- maux marins inférieurs, qui se trouve dans « Zeitschrift für wissenschaftl. Zoologie, von C.-Th. v. Siebold et À. Külliker, Tom. V, cahier I, p. 103, » publié à Leipsie le 16 août 1853. Cette notice donne d’abord la description d’une nouvelle espèce d’Eudoxie (Eudoxia messinensis), puis celle d’un nouveau genre, Diplophysa, différent des Eudoxies seulement par l'organe protecteur, qui est globuliforme et mou, ainsi que par la forme de la cloche natatoire. M. Gegenbaur agite la question de savoir si les Eudoxies et les Diplophyses sont des animaux à part ou seulement des groupes séparés du tronc commun des Diphyides. M. Gegenbaur ne veut pas se prononcer, quoiqu'il ait vu les groupes terminaux des Abyles parfaitement semblables aux Eudoxies, mais il penche pour celte opinion que j'ai soutenue plus haut. Sur les trois espèces de Diphyides examinées par lui, M. Gegenbaur n’en a trouvé qu’une seule (Sulcu- levaria quadrivalvis Lesson) qui fût unisexuelle ; — les deux autres espèces ont des colonies hermaphro- dites. La supposition faite plus haut sur les rapports entre les genres Abyle et Diphye tombe donc néces- sairement. Je soupçonne, que le genre Sulculéolaire est identique avec le genre Galéolaire. Une espèce gigantesque de Praya est décrite sous le nom de P. maxima. M. Gegenbaur à observé des colonies entières de Rhizophyses. Il confirme l’absence totale d'organes natateurs actifs, la présence d’une bulle d’air, l'existence d’un tronc commun, de polypes à fil pêcheur et de grappes sexuelles. Ce genre prendrait donc sa place en tête des Siphonophores à organe natateur passif, et formerait un passage naturel des Agalmes aux Physalides. Sous le nom d’Apolemia uvaria, M. Gegenbaur décrit une colonie d’Agalme ponctuée. Il en résulte que les touffes d’appendices sont toujours composées de plusieurs polypes entourés d'individus astomes. Il faudra donc nécessairement séparer génériquement l’Agalme ponctuée de l’Agalme rouge. On pourrait donner à cette espèce le nom d’Agalmon punctata. La partie la plus importante du mémoire de M. Gegenbaur a rapport à la génération des Siphonophores. La fécondation artificielle lui a réussi par la réunion dans un bocal de capsules màles et femelles. Le vitellus se fractionne très-vite et en totalité ; — il en résulte un embryon en forme d’infusoire, vibrant à la surface, qui, le troisième jour, nage librement dans l’eau. La description ultérieure du développement se comprend diflicilement sans figures; — il en résulte pourtant que les Diphyides développent d’abord une seule cloche natatoire et un polype assez petit, tandis que les Physophorides n'auront l'appareil loco- moteur que très-tard après le développement des autres parties. M. Gegenbaur a encore observé une corrélation entre les tentacules (individus astomes) et les fil pê- cheurs. Pendant que ces derniers se développaient, les tentacules se contractaient pour chasser leur liquide dans le fil pêcheur. Le travail de M. Leuckart, ‘ quoique beaucoup plus volumineux que la courte notice de M. Gegenbaur, est pourtant beaucoup moins riche en faits nouveaux observés avec précision. Le pêcheur Jacquin, à Nice, dressé par moi pendant un séjour de plus d’une année, a procuré à M. Leuckart presque toutes les espèces décrites dans mon mémoire. La Diphyide mentionnée reçoit par M. Leuckart le nom de Diphyes acumi- nata. On trouve dans le mémoire de M. Leuckart une dissertation sur la structure des Siphonophores en général, étendant et élargissant les faits déjà connus, et une seconde dissertation sur les formes mono- gastriques des Diphyides, dans laquelle M. Leuckart prouve aussi que les Eudoxies sont des individus séparés du tronc commun des Diphyides polygastriques. 1 Zoologische Untersuchungen. Erstes Heft : Siphonophoren. Giessen, 1855, chez J. Ricker. MÉMOIRE SUR QUELQUES LIVRES CAROLINS OU DE L'ÉPOQUE CARLOYINGIENNE. A L'OCCASION D'UN MANUSCRIT LATIN AVEC COUVERTURE D'OR, PROVENANT DU TRÉSOR DU CHAPITRE DE SION EN VALLAIS, ET DÉSIGNÉ SOUS LE NOM D'ÉVANGÉLIAIRE DE CHARLEMAGNE, PAR Ho=Ee GAULLIEUR; PROFESSEUR D'HISTOIRE À L'ACADÉMIE DE GENÈVE, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L'INSTITUT GENEVOIS. (Lu à la Section des sciences morales et politiques, le 30 septembre 1853.) 4 FO d db ed 24 Rte) | x | l LE F | d CI à Ka } ‘4 sr 01$ à art 2 1170 A À j A " Ai Lt ES TU M Herr de 4 aps. “a ra A LEXUR UE DEA PE 7) POLE 0 Fa” win à : ÉLUS LEA , « L un LEA (pire ; Ë i y 14 “5 MOTO base CFP AS ET Re ) pe A : n 1 à Ms +, Vébil Ê ar he L a ni oui, ht: nn | MAT NT ES Sr 2 “ | DR { 2 VC) Cr É e V ar, et PO AT T Ph éral eve SANT TE ie " s ; LOST AMOR ET 0 NOEL F9 89 Remettre \ MÉMOIRE SUR QUELQUES LIVRES CAROLINS OÙ DE L'ÉPOQUE CARLOVINGIENNE A L'OCCASION D'UN MANUSCRIT LATIN AVEC COUVERTURE D'OR, PKOVENANT DU TRÉSOR DU CHAPITRE DE SION EN VALLAIS, ET DÉSIGNÉ SOUS LE NOM D'ÉVANGÉLIAIRE DE CHARLEMAGNE A VE 2 2 Ê Tr SO .-C. Cauflieur. e Sur les manuscrits de l’époque Carolingienne en général. Tout ce qui se rattache au nom de Charlemagne a laissé dans la mémoire et dans l'imagination des peuples des traces ineffaçables. Ce grand homme est pour le moyen-âge ce que furent pour l'antiquité Alexandre et César, ce qu'est déjà Napo- léon pour les temps modernes. Aussi est-il arrivé pour lui ce qui était advenu à tous ces grands noms de l’histoire que le souvenir ou la reconnaissance des hommes entourèrent d’un tel prestige, qu'on attribuait indistinctement à ceux qui les avaient portés, des actions, des paroles, des fondations et des monuments aux- 168 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 4 quels ils étaient parfois très-étrangers. Le but et le devoir de la saine critique histo- rique consistent à démêler et à discerner ce qui, dans la vie de ces personnages illustres, doit leur être réellement attribué, et ce qu'il faut élaguer de leur histoire. Rien de plus difficile que de rester constamment dans les limites de cette judicieuse raison qui sait se garder aussi bien du scepticisme que de la crédulité. Pour en revenir à Charlemagne, il est peu de pays, parmi ceux qui formaient son immense empire, où son souvenir soit aussi profondément empreint dans les tradi- tions, dans les légendes, dans les documents et dans les titres authentiques qu'au sein de notre Helvétie. Cela se comprend et s'explique facilement. Notre patrie, la région des Alpes suisses, vallaisannes et savoisiennes en général, formait comme le centre du nouvel empire d'Occident. Constamment appelé, par les nécessités de la guerre ou par le besoin d'organisation et de civilisation qui le travaillait inces- samment, d’une extrémité à l'autre de ses vastes États, Charlemagne, soit qu'il se rendit des Gaules en Italie ou en Germanie, soit qu'il se portàt sur le Pô, le Rhin ou le Danube, devait traverser une partie de l'Helvétie soit Burgonde, soit Allémanique, et y séjourner même plus ou moins longtemps avant d'aller plus outre, à où sa grande mission l'appelait *. C'est ainsi que l’histoire héroïque de l'antique Zurich, les annales de la Thur- govie et de la Rhétie sont pleines des actes mémorables du grand empereur d'Oc- cident. Les conteurs populaires de l'Allemagne ont exploité à l’envi cette veine *. Dans un genre plus sérieux et avec un caractère réellement authentique, les chroniques de l'Abbaye de Saint-Gall offrent aux investigations de l'historien des sources que l’on irait chercher vainement ailleurs pour reconstituer l'époque Caro- lingienne *. C'est à cet antique et vénérable monastère que la France doit recourir * En admettant, avec les historiens de Charlemagne, que ce grand prince a fait plusieurs voyages en Helvétie, soit en allant en Italie, soit en se rendant en Allemagne, nous n’entendons nullement préjuger et trancher la question des divers séjours qu'il aurait faits en diverses localités précises de nos contrées. Nous dirons en particulier, pour ce qui concerne la présence de Charlemagne à l'Abbaye de Saint-Maurice, que ce fait a été contesté par des raisons assez plausibles. * On sait entre autres que la fameuse légende du serpent, qui recourt avec insistance à la justice de Charlemagne, a trait à la fondation de la Wasserkirche, ou Église de l'Eau, attribuée à cet empereur. Le moûtier de Notre Dame de la même ville eut pour premières abbesses Hildegarde et Berthe, ses petites- filles. * Monachi'S. Galli Gestorum Caroli Magni Annales. C’est le recueil connu, dans les historiens des Gaules, sous le nom de l'Anonyme de Saint-Gall; annales Sangallenses majores dans Pertz. 5] DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 169 quand elle veut avoir les titres les moins contestables sur la période de transition entre la première et la seconde race de ses rois. Genève, la cité Burgonde par excellence, a vu le fils de Pépin rassembler sous ses murailles l'armée des Francs. C'est à Genève qu'il tint, en 773, ce célèbre plaid général dans lequel il délibéra, au milieu de ses capitaines et des grands de son empire, sur la campagne qu'il allait ouvrir en Italie contre Didier, roi des Lombards. C'est dans cette ville qu'il fit la répartition de ses troupes en deux corps d'armée, l’un qui devait traverser le Vallais et franchir le Mont-Jou (aujourd'hui le grand Saint-Bernard) pour pénétrer de là en Italie par les Alpes Pennines ; l'autre qu'il devait diriger, comme jadis son père, Pépin le Bref, par le mont Cenis dans les plaines de la Lombardie *. Au nombre des moyens d'instruction et de culture que Charlemagne employait pour dissiper les ténèbres d’ignorance que les invasions Barbares avaient étendues sur le monde Greco-romain, les historiens ses contemporains, ou ceux qui ont vécu peu après lui, placent en première ligne la propagation de l'Évangile et la distribution des Saints Livres dans les maisons religieuses dont il avait fait autant d'écoles. C'est pour arriver plus promptement et plus sûrement à ce résultat que le grand Empe- reur avait mandé auprès de lui le savant disciple de Bède, le moine anglais Alcuin ou Alcwin, afin qu'il procédàt à l’'émendation des erreurs qui s'étaient glissées par l'impéritie des copistes dans les divers textes de la Bible latine *. On sait qu'Alcuin était le résumé vivant des connaissances de son siècle parmi lesquelles la calligra- phie ou l'art de copier et d'illustrer les manuscrits sur parchemin ou velin occupait une place importante. Quelques auteurs ont pensé que le savant moine d'Yorck, comblé des bienfaits de Charlemagne, avait à Paris, dans le palais des Thermes (aujourd'hui l'hôtel et le musée de Cluny), un atelier où il faisait procéder à ce tra- ! Rex (Carolus) rebus quæ inter Romanos ac Longobardos gerebantur, ditigenti curà pertractis, bellumi sibi contra Longobardos pro defensione Romæ suscipiendum ratus, cum toto Francorum exercitu Geben- nam, Burgundiæ civitatem juxta Rhodanum sitam, venit : Ibique, de bello suscipiendo deliberans , copias quas secum adduxerat divisit, et unam partem cum Bernhardo patruo suo per montem Jovis ire jussit; alteram ipse ducens per montem Cinisium Italiam contendit; superato que Alpium jugo, Desiderium regem frustra sibi resistere conantem citra congressum fugavit, Ticino que inclusum obsedit. Eginhardi Annales, anno DCCLXXIIL.) ? Baronir Annales, ad annum 778. . 170 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 6 vail *. Il est certain que la plupart des beaux et corrects manuscrits, contenant la totalité ou une partie des textes sacrés, et particulièrement les Évangéliaires ou livres d'Évangiles, écrits sur velin blanc ou pourpre, quelquefois en lettres d’or et d'argent, mais le plus souvent en caractères rouge et noir, de différentes sortes, appartiennent à l'époque dite Carlovingienne ou Carolingienne, dans laquelle sont compris les règnes de ses successeurs et plus particulièrement ceux de Louis le Débonnaire, son fils, et de Lothaire, Louis le Germanique et Charles le Chauve, ses petits-fils *. Ces livres n'étaient pas moins recommandables, quand il s'agissait de monastères ou d’églises considérables, par la splendeur de leurs reliures que par leur contenu. Les auteurs ecclésiastiques du moyen-àge insistent sur la convenance qu'il y avait de réserver les pierres précieuses, les perles et les joyaux de haut prix pour l’ornement des Livres Saints qui renferment la perle par excellence. C’est ainsi que l'Évangéliaire de Saint-Riquier ou de Centulle, dans le Ponthieu, donné à cette célèbre abbaye par Charlemagne lui-même en 793, était couvert de plaques d'argent et orné d'or et de pierres très-précieuses *. Deux savants voyageurs du commen- cement du dix-huitième siècle, les bénédictins Don Martenne et Don Durand, dans leur visite aux principales églises et maisons religieuses de France, d'Allemagne et de Suisse où ils recherchaient des documents pour la nouvelle édition du Gallia ! Gurzor, Histoire de la civilisation en France, tom. Il, p. 148 et suiv. Mais c’est à Saint-Martin de Tours, bien plus qu’à Paris, qu'il faut se transporter pour assister aux travaux littéraires du sage Alcuin, qui avait reçu, vers l’an 796, le gouvernement de cette abbaye en récompense de ses services. L'école de Saint-Martin de Tours forma les plus savants hommes de la fin du huitième siècle, et prépara une foule d’apôtres qui illustrèrent le siècle suivant, et portèrent le flambeau de la foi et de la science dans les écoles de la Germanie et de l’Helvétie, à Utrecht, Prum, Luxeuil, Reichenau, Zurich, Saint-Gall, Moutier- Grandval dans notre Jura, Saint-Maurice et Sion dans nos Alpes. Lumières trop tôt éteintes dans ces contrées de l’Helvétie par les invasions subséquentes des Hongrois et des Sarrazins, ou plutôt encore étouffées sous l’apathie bourguignone. ? Carolus sacerdotibus serio injunxit ut diligenter litteris operam darent, pure et emendate scriberent. (Historia Garoli magni ex præcipuis scriptoribus sui temporis concinnata. Argentina 164%. 4.) I] ne faut pas perdre de vue qu’en ramenant les lettres latines d'Italie dans les Gaules, où elles avaient à peu près cessé d’être cultivées depuis les invasions Barbares, Charlemagne obéissait autant à une impulsion reli- gieuse qu'à un sentiment civilisateur. L'introduction des textes sacrés en langue latine et celle de Ja liturgie romaine devaient tendre à augmenter la puissance des pontifes et de la juridiction pontificale sur lesquels s’appuyait en partie l'édifice politique Carolingien. ® Centula ou S. Richarius d'Amiens, de l’ordre de St-Benoit. Cum tabulis argenteis, auro et lapidibus preliosis mirificè paratum, dit la Chronique d'Hariulfe en parlant de l'Évangéliaire donné par Charlemagne à ce monastère. 7 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 171 christiana, nous ont laissé des descriptions très-exactes et quelquefois très-enthou- siastes de diptyques ‘ en ivoire, de plaques d’or enrichies de camées et de pierreries, ayant servi à couvrir des livres, ou de reliures précieuses en métal ou en quelque matière autre que le cuir ou le parchemin *. Ils virent entre autres à Trèves, à l'abbaye de Saint-Maximin, un Évangéliaire provenant d’Ada, fille de Pépin le Bref et sœur de Charlemagne qui avait une couverture toute resplendissante de gemmes ou pierres précieuses, au centre de laquelle était une grande agathe gra- vée, large de cinq pouces et haute de quatre, représentant Ada, l'empereur Char- lemagne et ses fils *. Ce monument, de la reliure du huitième siècle, a disparu dès lors comme tant d’autres. Les mêmes voyageurs contemplèrent aussi, dans le trésor de l’abbaye de Saint-Médard de Soissons un autre Évangéliaire donné par Louis le Débonnaire, qui était couvert d’un très-beau filigranne de vermeil doré exécuté par les ordres de l'abbé Ingran en 1169. Au couvent de Hautvilliers, près d'Épernay, on en voyait un autre, écrit, comme le précédent, en lettres d’or et relié en ivoire historié. A l'intérieur on lisait ces deux vers latins en l'honneur du calli- graphe et du sculpteur : Hune auro interius Christi ornavit amicus Atque ebore exterius pulchré decompsit opimus. Louis le Débonnaire, à l'exemple de son père, offrait très-souvent aux monastères et aux prélats qu'il honorait de sa prédilection, des livres lithurgiques splendide- ment décorés. C'est ainsi qu'il envoya au pape Étienne, qui lui avait conféré l'onc- ‘ Les diptyques ou tablettes à deux feuillets (Diptycha), déjà d’un fréquent usage chez les anciens Romains, témoins les Diptyques Consulaires, étaient, dans les premiers siècles de l'Église chrétienne, des couvertures enrichies d'ivoire, d’or ou d'argent, qui recouvraient des tablettes où l’on inscrivait les noms des fidèles pour lesquels on devait prier, ou ceux des néophytes baptisés, ou la série des Évêques du Diocèse. On distinguait les diptyques des morts et ceux des vivants. On lira avec fruit, sur ces sortes de documents, parfois très-précieux pour l'histoire, la Description d'un Diptyque grec trouvé en Savoie par Mgr. Alexis Billiet, archevêque de Chambéry. Chambéry, 1846, in-8, fig. 2 VOYAGE LITTÉRAIRE de deux bénédictins de la congrégation de Saint-Maur. Paris, 1117 et 1724, 2 vol. in-4. * Codex Evangeliorum, operimento perquam eleganti quod gemmäà variis emblematis atque parergis, nilel affabrè factis. (Mabillon, Ann. Pened.) 12 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 8 tion sainte, un Évangéliaire couvert de lames d’or ‘. Un autre savant, Martin Gerbert, prince abbé du couvent de Saint-Blaise dans la Forêt-Noire, dans son Itinéraire publié en latin et en allemand, nous fait de semblables descriptions d'an- ciens manuscrits, richement reliés et dont on a dès lors perdu les traces *. On pourrait prolonger cette énumération fort loin encore, sans sortir des livres de piété qui se rattachent directement ou indirectement à Charlemagne ou à son époque. Il est facile de comprendre, en effet, pourquoi la plupart de ces manuscrits historiques ont disparu, et pourquoi aussi presque tous ceux qui nous restent ont perdu leur reliure primitive. Ils offraient un trop grand appât à la cupidité ou à la curiosité pour avoir pu rester intacts. C’est ainsi que les heures de Charlemagne, qu'on voit aujourd'hui à Paris dans la bibliothèque du Louvre, n'ont plus le petit coffre d'argent doré sur lequel étaient relevés en bosse les mystères de la Passion, et qui existait encore en 1620 quand Catel le décrivit dans son histoire des comtes de Toulouse, ville où ce manuscrit était déposé antérieurement dans le trésor de l’église de Saint-Sernin *. La Bible latine de Charles le Chauve, son livre de prières, le livre d'Évangiles de l'Empereur Lothaire, tous les livres Carolins ou Carlovin- giens que l'on voit à Paris dans les dépôts publics, et qui tous paraissent avoir été ! Textum sacrorum Evangeliorum aureis caracteribus exaratum, laminis que metalli ejusdem absque ad- mixlione cujusque maleriei inclusum. (Thegan, histoire de Louis le Débonnaire dans le recueil des histo- riens des Gaules.) ? M. GerBerT, lter alemanicum, ete. Typis S. Blasianis, 1769. in-8e, fig. 5 Ce manuscrit précieux aurait été donné à l’abbaye de Saint-Sernin, de Toulouse, par Charlemagne lui-même, quand son fils Louis (le Débonnaire) était roi d'Aquitaine. L’étui disparut en 1793, et le livre lui-même, après avoir couru bien des aventures, fut transporté à Paris et offert à Napoléon, en 1811, à l’occasion du baptême de son fils. Ce livre de prières (Evangelistarium) n’est pas seulement un manuscrit du temps de Charlemagne. Il a appartenu à cet empereur, et fut exécuté d’après ses ordres donnés en 114. Godescale, l'écrivain, mit sept ans à l’achever, comme le prouvent des vers placés à la fin : Hoc opus eximium Francorum scribere Karlus Rex pius egregià Hildegard cum conjuge jussit Ultimus hoc famulus studuit complere Godescalc Septies expletus fuerat centesimus annus Octies in decimo sol cùm cucurrerat anno Ex quo Christus Jesus secla beaverat ortu Exuerat totum et tetrà caligine mundum. (181.) 9 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 143 magnifiquement reliés, ont perdu leur enveloppe première. En revanche, on con- naît un certain nombre de ces reliures historiées, de ces couvertures précieuses, qui ont survécu aux célèbres manuscrits qu'elles protégeaient jadis. Rien de plus rare que de rencontrer à la fois le livre et sa couverture primitive, également intacts, et ayant bravé et traversé heureusement les siècles et leurs révolutions. À cette époque reculée, l'enveloppe ou l'habit d'un volume enrichi de miniatures ou peint avec un certain soin, était plutôt l'affaire de l’orfèvre que celle du relieur. La reliure proprement dite n’était guère encouragée au moyen-âge, puisque Étienne Pasquier, dans ses Recherches de la France, nous apprend que le relieur de la Chambre des comptes, qui assurément n'était pas le dernier de son état, ne devait savoir ni lire ni écrire, sans doute afin que les registres qu’on lui confiait fussent lettre morte pour lui ‘. Au seizième siècle même, les relieurs ne trouvaient que peu ou point de pratiques dans la bourgeoisie. Ils n'avaient pas non plus, du moins à Genève et dans nos colléges de la Suisse romande, la clientèle des écoliers. Ceux-ci reliaient parfois eux-mêmes leurs livres et cahiers. C’est ce que semble indiquer un colloque de Mathurin Cordier, notre excellent et savant pédagogue : « Je te prie, Angelin, relie-moi ce papier. — De quoi me pries-tu, Vignole, ce 2 À n'est pas mon mestier. — Et toutefois tu en relies souvent aux autres. — Combien A as-tu de feuilles? — Huit, mais elles sont déjà pliées ; il reste seulement qu'elles 3 soient cousues et mises dans le parchemin. — Que me donneras-tu si je te les « relie? — Je n'ay rien que je te puisse donner. — Cherche donc un autre ouvrier, 2 À car je ne le feray pas pour rien, etc., etc. » © En général, la reliure fut pendant longtemps une partie du travail des copistes et des enlumineurs. Le même homme faisait souvent les trois opérations de l’écri- ture, de l'enluminage et de la reliure (scripturam, illuminationem, ligaturam. * « Le lundi 30 juillet 1492, Guillaume Ogier fut reçu relieur des comptes, livres et registres de la Chambre, à la place d'Eustace d’Angonville décédé. Il a dit et affirmé par serment qu’il ne sçait lire ne escrire, ce que le relieur de la dite Chambre ne doit savoir. » (Registres de la Chambre des comptes.) ? Les Colloques de Mathurin Cordier en latin et en français, Genève, 1613, pour la veuve de Jean Durant. (Livre II, Colloque IX.) 174 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 10 IL. De deux monuments de l’époque Carlovingienne, provenant de la Suisse. Ces prolégomènes étaient nécessaires pour nous amener, des livres Carolins et des Évangéliaires en général, à quelques uns de ces manuscrits qui sont propres à la Suisse, qui se rapportent à son histoire et dont la provenance paraît certaine, bien que l'on puisse varier quant à la manière de les rattacher plus ou moins directement soit à Charlemagne soit à sa lignée. Trois de ces monuments nous occuperont essentiellement : Le premier con- siste dans une double couverture d'ivoire sculpté qui a été détournée de sa des- tination première ; le second est un manuscrit de toute la Bible qui a perdu sa re- liure primitive ; et le troisième est un Évangéliaire qui a conservé heureusement et l'intégralité de ses feuillets de velin et tout au moins la moitié de sa riche et curieuse couverture en or ouvragé et rehaussé d'émaux et de sculptures byzantines. Com- mençons parles deux premiers. On sait quelles immenses richesses bibliographiques possède la bibliothèque de Saint-Gall dont les annales, depuis l'année 830, date de sa fondation, jusqu’à l'année 1841, ont été recueillies et publiées par le savant bibliothécaire Weid- 1 mann ‘. Peu de villes au monde ont des trésors plus précieux, surtout sous le rapport de l'ancienneté, et pourtant ce n'est que le résidu d'une collection bien autrement considérable dont les Italiens, prélats ou autres, qui vinrent assister au Concile de Constance, surent enrichir leur patrie *. Au nombre des © Geschichte der Bibliothek von St-Gallen seit ihrer Gründung, aus den Quellen gearbeitet von Bibliothekar Weidmann. St-Gallen, 1841, in-8°. ? & Quantum, Di boni, doctrinarum thesaurum in bibliothecà S. Galli videre licuisset, si Constan tiensi Concilio libris non in varia distractis, ac propè dixerim furto alienatis, integra sibique constans mansisset. » (von Watt, acta monasterii S. Galli.) Voyez entre autres sur ces spoliations la correspondance de Poggio Bracciolini, appelé communément 11 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 175 choses rares qu'a conservées cet établissement d'une antiquité si vénérable, il faut citer en première ligne deux tablettes d'ivoire sculpté, qui servirent, dit-on, jadis à Charlemagne et qu'il avait habituellement sous son chevet pour y enregistrer ses pensées et ses projets ‘. On les tient pour être l'ouvrage de Tutilo, non moins habile artiste que savant et saint religieux du couvent de Saint-Gall au neuvième siècle. De Mayence à Metz son habileté comme peintre et sculpteur ne le faisait pas moins rechercher que sa science pour laquelle il avait reçu le surnom de doctor nobilis *. Sans trop insister sur l'emploi primitif de ce précieux dyptique, comme agenda ou livre de notes de Charlemagne, il est toujours certain qu'il offre un spé- cimen unique, et bien propre ou particulier au monastère de Saint-Gall, de l'art le Pogge, qui, durant le Concile de Constance, déterra un si grand nombre de manuscrits anciens dans cette ville et aux environs. Parmi les trésors inappréciables que conserve encore la bibliothèque de Saint-Gall, nous citerons seu- lement un Virgile latin du IV: siècle qui fit l'admiration du savant cardinal Angelo Mai, auquel il fut porté en Italie pour être examiné; les Homélies de l'Évêque Maxime, manuscrit du VIE siècle; un Lactance du IVe ou du V: siècle; l'Astrologie d'Aratus du IX° siècle, avec des miniatures représentant le Zodiaque ; à peu près tous les ouvrages d’Alcuin, en manuscrits autiques sur velin; un superbe manuscrit des Niebelungenlied du XIE siècle, renfermant le texte le plus correct de ces poëmes et qui a été publié par un des Schlegel. La bibliothèque de Saint-Gall ne compte pas moins de 1400 manuscrits plus ou moins précieux. Dans ce nombre, les Bibles, les parties de la Bible et les commentaires sur les Saintes Écri- tures, qui offrent tous les caractères d’une provenance très-antique (du VII au XII: siècle) sont pour une très-large part. On en voit qui sont d’origine Scote ou Ecossaise, et qui se lient historiquement à la fondation de la célèbre Abbaye de Saint-Gall. Ils sont appelés Libri scottice scripti. (Catalogue du IX: siècle.) Une autre bibliothèque célèbre de la Suisse, celle du couvent d’Einsidlen, n’est guère moins riche en manuscrits sur parchemin , contenant tout ou partie des textes sacrés et d’autres ouvrages religieux ou profanes remontant au IXe et au X° siècle. Les bibliothèques de Berne et de Zurich ont aussi des Bibles ou des parties de Bibles latines du IXe siècle en assez grand nombre. Enfin, le chapitre de Saint-Ours à Soleure, le fonds de l’ancienne bibliothèque de Rheinau dans le canton de Zurich, les bibliothèques d’Arau et de Lucerne, surtout de- puis qu’elles se sont enrichies des livres des couvents supprimés, offrent des manuscrits que l'on peut faire remonter sans témérité à l’époque Carlovingienne. Genève et Bâle en ont également. ! Erant autem tabulæ quondam quidem ad scribendum ceratæ, quas latere lectuli soporantem ponere soli- tum, in vità suâ scriptor ejus Karolum dixit. Alias tabulas eburneas magnitudine equipares rarissime videre est. (Eginhard in vitâ Caroli magni. Cap. 25 ; Ekkehard. IV. Cas. S. Galli anno 917.) 2 Sur Tutilo ou Tutelo consultez l'Helvetia sancta de Murrer, St-Gall, 1751, pag. 177, et Ild. von Arx’s Geschichte des Kantons St. Gailen, 1810, tom. 1, pag. 99. Il mourut en 896 selon Murrer, et selon d’Arx il aurait encore vécu l'an 912. Ces dates s'accordent assez mal avec l'emploi que l’on voudrait que Charle- magne, mort en 814 eût fait des tablettes de Tutilo. I ne les sculpta, dit Ekkehard, qu'après la mort du prince. 176 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 12 chrétien à l'époque Carolingienne qui fut celle où fleurit surtout cette illustre retraite monastique. Sur la tablette supérieure on voit au centre le Sauveur du monde assis et les mains élevées. Aux deux côtés de sa tête, à droite et à gauche, sont tracées les deux lettres grecques A (Alpha) et Q (Oméga) le commencement et la fin. Au-dessus et au bas de la figure du Christ on lit: HIC RESIDET. XPC. (Christus) VIRTV-TVM STEMMATE SEPTVS. Un encadrement ovale sépare la figure principale du reste du travail qui repré- sente six séraphins en prières. Aux quatre angles sont figurés les quatre Évan- gélistes avec leurs symboles ordinaires, l'aigle, l’ange, le lion et le taureau. Au bas de la tablette, entre Saint-Marc et Saint-Luc, sont deux figures allégoriques dont l’une porte des aîles à la tête comme le Mercure de la Mythologie Grecque et l’autre tient une corne d’abondance. L'ensemble de ce bas relief symbolique semble représenter le ciel, la terre et l'enfer qui viennent reconnaître la loi du Christ. La seconde plaque d'ivoire appartient à un autre ordre d'idées et représente des traits de la légende. Dans le compartiment supérieur on voit un lion qui s'élance sur un animal cornu. Au milieu est représentée l'assomption de la vierge avec cette inscription : ASCENSIO. SCE. (Sanctae). MARIE. Les anges qui forment son cortége céleste sont drapés avec un certain art. Au compartiment inférieur on lit : S. GALL’. PANEM. PORRIGIT. VRSO. Et en eflet on voit le pieux cénobite, fondateur du couvent de Saint-Gall, présentant un pain à un ours qui lui donne en échange un tronc d'arbre pour se chauffer. Cette scène a trait à une partie de la légende du saint dans laquelle l'hagiographe a voulu donner à entendre qu’il exerçait un empire irrésistible même sur les bêtes féroces qu'il força à quitter la vallée où il avait établi sa cellule, et à se retirer au plus profond des forêts. On a savamment disserté sur l’âge de ces deux sculptures : des critiques ont pré- tendu que la première était beaucoup plus antique que la seconde, et qu'elle figurait dans le trésor de l'archevêque Hatto de Mayence avant que l'abbé de 13 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 177 Saint-Gall, Salomon II, l’eût obtenue de lui pour orner un manuscrit fameux, le long Évangile /Evangelium longum), chef-d'œuvre du calligraphe Sintram *. Mais les arabesques et les enroulements qui encadrent l'une et l'autre plaque ont trop d'analogie pour qu'il soit possible de les rapporter à deux époques, à moins que l'artiste n'ait copié sur la seconde tablette le style pur byzantin de la pre- mière *. Le second des monuments de l’art carolingien dont nous avons à nous en- tretenir n'appartient malheureusement plus aujourd'hui à la Suisse. Il à passé à l'étranger depuis quelques années. Nous voulons parler de la fameuse Bible dite la Bible d’Alcuin, qui devait avoir été écrite et offerte par lui à Charlemagne. On sait que ce manuscrit, à supposer même qu'il fallût rabattre quelque chose des certificats que s'était fait donner l'un de ses propriétaires, M. J. H. de Speyer-Passavant, de Bâle, était toutefois de la plus haute importance soit sous le rapport calligraphique soit au point de vue philologique *. Les assertions de M. de Speyer ont trouvé, à certains égards, quelque contradiction chez les savants de l'Allemagne, entre autres chez MM. Hug, professeur de théologie à Fribourg, et Gustave Hænel professeur de droit à Leipzig *. L'histoire de cette Bible est un véritable roman, et en effet il y avait bien quel- quefois du romanesque dans les pérégrinations que lui faisait faire M. de Speyer pour expliquer sa provenance. Commençons par la fin et remontons si possible à ! Hoc hodie est Evangelium et Scriptura, cui nulla ut opinamur par erit ultra ; quia omnis orbis Cisal- pinus Sintrammi digitos miratur, in hoc uno, ut celebre est, triumphat. (Ekkehard IV. Cas. S. Gall 917-920.) Pertz désigne ainsi ce manuscrit : Evangelium longum à Sintrammo sæculo IX seriptum. 2? Le dyptique de Tutilo a été reproduit sur deux planches, de la grandeur des sculptures originales (11 pouces 7 lignes de hauteur, sur 5 pouces de largeur) dans l’ouvrage intitulé : Alterthümer und ge- schichtliche Merkwürdigkeiten der Schweiz. (Galerie d’antiquités et de curiosités historiques de la Suisse) 2e partie, planches I et II. Berne, 1824-1826, gr. in-folio. * Description de la Bible, écrite par Alcuin, de l’an 778 à l’an 800, et offerte par lui à Charlemagne le jour de son couronnement à Rome, l’an 801. Avec les certificats des MM. Champollion, Van Praët, Guerard, Nodier, Walcknaer, Daunou, Gence, Brunet, Monmerqué , Guizot, Guillon, Peignot, du Som- merard, ete. Paris, 1829, in-8. ‘ Hug, Xritisch diplomatischer Bericht über eine Handschrift der lateinischen Uebersetzung des Alten und neuen Testaments nach Alkuins Ausgabe. (Theologisches Zeitschrift, Ilter Heft). Notice critique et diplo- matique sur un manuscrit de la traduction latine de l’Ancien et du Nouveau Testaments d’après la version d’Alcuin. (Dans la Revue Théologique du professeur Hug, de Fribourg, 2° livraison, in-8°.) 178 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 14 l'origme de ce manuscrit. M. de Speyer l'acquit en 1822, de M. Bennot, négo- ciant, et vice-président du tribunal de la petite ville de Delémont dans l'évêché de Bäle (Jura Bernois), lequel l'avait eu par voie d'achat quand les troupes de la République française occupèrent l'évêché de Bâle après avoir expulsé le Prince-Evêque de sa résidence de Porrentruy (1792). Les pères Bénédictins de l'abbaye de Moutier-Grandval, couvent célèbre aux temps Carlovingiens, et qui avait été transféré à Soleure, puis à Delémont, après la réformation, ayant été dispersés définitivement alors (1793), cette Bible, leur propriété, fut, dit-on, vendue avec d’autres choses qui leur appartenaient ‘. Mais comment cette même Bible était-elle devenue originairement la propriété du couvent de Moutier-Grand- val? Selon M. de Speyer, Lothaire, petit-fils de Charlemagne, qui la tenait de son immortel aïeul, l'aurait donnée au couvent de Prum, en Lorraine, quand il y prit l'habit religieux ou quand il y mourut en 856. L'an 1576 le couvent de Prum ayant été sécularisé, et ses revenus donnés à l'électeur de Trèves, les Bénédictins qui le peuplaient transportèrent religieusement la Bible d’Alcuin au couvent de Grandval à Delémont. Les signatures de deux abbés de ce dernier mo- nastère prouvent qu'effectivement ils la détenaient en 1589 et 1597. Mais quant aux preuves du séjour antérieur de cette Bible à Prum et de son transfert à Grandval, elles manquent réellement. Sans aller chercher si loin ses origines Carlovingiennes, nous serions plutôt porté à croire que le couvent de Moutier- Grandval la possédait dès les temps Carlovingiens qui furent l’époque brillante de cette maison; qu’elle était en un mot la Bible de ce couvent, alors fort im- portant. Ce serait déjà un extrait de naissance assez respectable, et l'on n'aurait que faire de voir dans cet exemplaire, si beau et splendide qu'il soit, l'original autographe d’Alcuin. Le couvent de Grandval étant tombé dans l'abaissement et ! Cest par l’effet de cette dispersion des religieux des divers couvents de l'Évêché de Bâle (Lucelle, Bellelay, Moutier-Grandval), qu’une partie des archives de ces monastères allèrent enrichir celles d’Ins- pruck. Les moines de Bellelay, qui avaient été chercher un asyle dans la capitale du Tyrol, y transpor- tèrent les pièces les plus précieuses de leur couvent. L'administration française , qui organisa la conquète, fit aussi transférer à Colmar, chef-lieu du Haut-Rhin, des actes importants. Beaucoup de particuliers, qui avaient des parents dans ces cloîtres supprimés, se trouvèrent presque involontairement en possession de documents historiques précieux et de livres rares. La Bible dite d’Alcuin ou de Charlemagne gisait ainsi ignorée à Delémont, quand M. de Speyer, Bâlois, l'ayant découverte par hasard, en fit l'acquisition à vil prix, pour quelques centaines de francs, assure-t-on. 15 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 179 dans l’apathie intellectuelle, comme tant d'autres, aurait laissé ce manuscrit en oubli et dans le misérable état où il fut trouvé lors de sa suppression. Il est plus naturel, d’après le cours historique des choses dans les maisons monasti- ques, de voir ces religieux négliger leur propriété originaire , qui était devenue de petite ou de nulle valeur à leurs yeux, que de croire sans la moindre preuve qu'ils auraient accueilli en triomphe, à la fin du seizième siècle, cette vénérable relique transférée de Prum chez eux, pour la laisser ensuite à l'abandon dans l'état le plus abject. Chaque monastère de quelqu'importance, chaque église épisco- pale avait sa Bible manuscrite plus ou moins belle et dont chaque exemplaire était une reproduction de la révision d'Alcuin *. On en conserve une à Rome, dite la Bible de Juvenianus, parce qu'elle fut donnée jadis par un sous-diacre de ce nom à l'église de Saint-Laurent *, où l’on peut lire les mêmes pièces liminaires, ‘ Ce qui semblerait prouver que ces religieux traitaient jadis leur Bible comme une ancienne propriété, c’est la résolution qu’ils écrivirent en tête de ne jamais l’aliéner. Cet arrêté est ainsi conçu : € Sanctus Germanus et Randoaldus veri hujus libri possessores, et abbas, venerendum Collegium et Ecclesia (predictum librum) nunquam alienandum neque alio trensportandum statuerunt unanimi. JOHANNES HeNRICUS MELLIFER, præpositus; Pauzus pes Bots, archidiaconus. » L'arrêté ne parle ni de Charlemagne ni d’Alcuin. 2 On voit, à Porrentruy (canton de Berne), dans les archives de l’ancien Évêché de Bâle, des chartes écrites à Moutier-Grandval, et contenant des donations faites à ce monastère aux dixième et onzième siècles. Ces actes sur parchemin sont tracés en caractères élégants, que l’on peut mettre à côté des plus beaux manuscrits de l’époque. Voyez entre autres une donation de lan 907 faite par Temordus à l’église de Moutier. Cela servirait à prouver que cette maison avait alors des calligraphes habiles parmi les reli- gieux qui formaient le personnel du couvent. La Bible dite d’Alcuin ne pourrait-elle être l'œuvre pa- tiente de l’un de ces moines de Moutier ? 3 C’est la Bible appelée aujourd’hui la Valcellane, parce qu’elle est conservée par les pères de l'Ora- toire Saint-Philippe à Sainte-Marie in Valicella. On lit entre autres vers latins, en tête de ce manuscrit : Nomine Pandecten proprio vocitare memento, Hoc corpus sacrum lector, in ore tuo. Quod nune a multis constat Bibliotheca dictum Nomine non proprio ut lingua pelasga probat. In hoc dicta Dei conduntur mystica summi De quibus egregius vates in ore canit. Est mihi lex domini dulcis super omnia mella, Carior atque auri millia multa super. Strenuus hanc domini famulus custodiat arcem Cui merces cœli perpes in arce manet. Codicis istius quot sint in corpore sancto Depictæ formis litterulæ variis 180 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 16 les mêmes épigrammes d'Alcuin, sauf quelques variantes, que l’on trouve en tête de la Bible de M. de Speyer et sur lesquelles il se fondait pour établir qu'elle était bien réellement l'original unique écrit de la main du précepteur de Charlemagne. M. de Speyer vint à Paris en 1829 et présenta sa Bible aux experts, comme étant l’autographe authentique d’Alcuin. Il obtint d'eux des attestations qui sem- blaient corroborer son dire. Ainsi M. Van Praët, conservateur de la bibliothèque du Roi, dit « qu'il avait vu avec admiration cette précieuse Bible qui avait été offerte par Alcuin à Charlemagne. « M. Champollion ne va pas si loin. Il se con- tente de déclarer qu'il la regarde comme un des plus anciens et des plus beaux mo- numents de ce genre. M. Guérard la considère « comme plus ancienne que celle de Charles le Chauve. » L’archevêque d'Hermopolis dit très-brièvement : « J'ai vu avec beaucoup de plaisir cette Bible. » M. Valery, bibliothécaire du roi, dit : « qu’elle lui a paru, d’après le goût des vignettes (miniatures), contemporaine du livre d'Heures de Charlemagne placé sous sa garde. » M. Guizot, dans son certificat, semble indiquer la meilleure voie qu'il aurait fallu suivre pour bien constater l'originalité et l'authenticité du manuscrit: « Il est » bien difficile, dit-il, de croire que cet admirable manuscrit, une fois entré en » France, en sorte jamais. Ce serait pour tous les amis des antiquités historiques » et chrétiennes de la France une véritable douleur. Ce qui importe par dessus » tout, c'est que l'authenticité du manuscrit soit bien constatée, et mise en lu- » mière de manière à entrainer toutes les convictions. Un rapport de l'Académie » des inscriptions paraît le moyen le plus propre à atteindre ce but; et on peut Mercedes habeat Christo donante per ævum Is Carolus qui jam seribere jussit eum. On pourrait aussi bien se fonder sur ces vers, surtout sur les derniers, pour prétendre que la Valcel- lane est l'original d’Alcuin, d'autant mieux qu’on y lit encore ce distique : Pro me quisque, legas versus, orare memento; Alcuin dicor ego; tu sine fine vale. L'abbé Martin Gerbert, dans son Iter Alemanicum (p. #7 et 48), donne aussi la description d’un ma- nuscrit du Nouveau Testament conservé dans la bibliothèque Caroline à Zurich, et qui porte le nom d’Alcuin dans ces vers : Jusserat hos omnes Christi deductus amore Alchuinus Ecclesiæ famulus conscribere libros. 17 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 181 « espérer, ce me semble, qu'il déterminerait le gouvernement du Roi à faire cette « précieuse acquisition. » On ne sait trop si ce fut l'académie qui eut ses raisons pour ne pas se prononcer, ou si ce fut M. de Speyer qui eut les siennes pour ne pas recourir à son ju- gement. Quoiqu'il en soit, le gouvernement Français n’acheta pas la Bible de M. de Speyer. Il est vrai qu'il en demandait une centaine de mille francs. D’ail- leurs les événements politiques précurseurs de la révolution de Juillet vinrent troubler les négociations relatives à cette affaire *. Une courte description de ce manuscrit capital, si longtemps délaissé chez nous, ne sera pas déplacée ici. C'est un in-folio à deux colonnes écrit en let- tres onciales mixtes ou demi-onciales *. Il contient 449 feuilles et il est orné d'un frontispice en or et en couleur, et de quatre miniatures représentant des sujets bibliques ou allégoriques. On y voit de plus trente-quatre grandes lettres initiales décorées de figures emblématiques et d’arabesques qui ont beaucoup d'analogie avec les ornements du même genre que l’on trouve dans la Bible Vulgate manuscrite de la Bibliothèque de Genève, et qui est la même dont on se servait dans l’église de Saint-Pierre. Senebier a laissé une bonne description de ce der- nier manuscrit, qu'il donne comme étant du IX° siècle, et qui paraît avoir été offert au chapitre de Saint-Pierre par l’évêque Frédéric vers l'an 1035 °. En ! Vous m'avez exprimé , Monsieur, le désir de voir le gouvernement faire l'acquisition d’une Bible qui paraît avoir appartenu à Charlemagne. Je regrette que le haut prix auquel vous mettez cet ouvrage et l’état actuel des fonds s'opposent à ce que je puisse accueillir votre demande. Paris, le 30 mars 1830. Le ministre de l’intérieur, (Signé) MoNTBEL. ? On sait que l'écriture onciale est une espèce de caractère majuscule dont les lettres, au lieu d’être carrées comme dans les majuscules ordinaires, sont rondes. L'écriture onciale, considérée dans sa forme antique et primitive, cesse dès le milieu du VITE siècle; mais elle dure jusqu'aux X° et XI: siècles, revêtue de caractères accidentels qu’elle contracta dans les temps postérieurs. C’est ce que l’on appelle l’onciale réformée, semi-onciale, onciale lomburde ou Caroline, ou cursive, suivant les différents caractères que lui reconnaissent les auteurs qui ont écrit sur la Paléographie. L’étymologie du mot onciale est latine : L’once (uncia) était la douzième partie d’un total et la mesure d’un pouce et d'une ligne. On désignait par là les lettres dont on se servait en grand pour les inscriptions, et en petit pour les manuscrits. * Voyez le Catalogue raisonné des manuscrits contenus dans la Bibliothèque de Genève (page 51 à 60, manuscrits latins, n° 1), et notre histoire et description de la Bibliothèque de Genève. Neuchâtel, 1853, in-8. Il y a une différence curieuse à signaler dans ces deux Bibles : Le fameux passage des trois témoins 24 182 H.-E. CAULLIEUR. MANUSCRITS 18 général, sauf qu'elle est plus sobre d'ornements, la Vulgate de Genève a beaucoup d’analogie, quant à l'aspect extérieur et quant à la correction du texte avec la Vulgate de M. de Speyer dite « la Bible d’Alcuin » ‘. Du reste cette dernière était, quand ce citoyen Bâlois en fit l'acquisition, dans une condition assez satisfaisante de conservation à l'intérieur, bien que les moines de Moutier-Grandval l’eussent laissée dans un état de dégradation qui avait pourri et altéré les feuillets du com- mencement et de la fin. On trouvait entre les pages des chalumeaux de paille, des haricots, des pois et des fèves qui avaient servi de signets ou de marques. Elle avait aussi perdu, mais depuis bien des siècles, sa reliure primitive en or et en argent (comme on peut la voir représentée sur la dernière des quatre mi- niatures), et cette reliure précieuse avait été remplacée par des lames de bois et une peau de truie recouvertes de bossettes en cuivre doré représentant la croix, l'agneau et les quatre Évangélistes. Nous avons dit pourquoi, si les livres de l’époque Carolingienne sont déjà rares par eux-mêmes, ceux qui ont conservé leur décoration extérieure, leur reliure primitive sont rarissimes. Le contenant sert souvent à expliquer et à faire appré- cier le contenu. A cette époque antique l’ensemble d’un livre important était une affaire d'art et formait un tout où le moindre ornement avait sa signification. M. de Speyer avait eu soin à la vérité de faire recouvrir sa Bible d'un velours de soie noire, et il la tenait enfermée dans une caisse tapissée de velours cramoisi semé de fleurs de lys d'or; mais cette parure moderne faisait mieux ressortir encore l'absence de la reliure du temps. Enfin ce manuscrit si remarquable, alors même qu'il n’eùt été que du IX° siècle comme le disait M. Hug de Fribourg, ou même du X°, comme le voulait M. Hænel de Leipzig *, au lieu d’être du VIII< (Jean, v. 7 et 8) : Tres sunt qui testimonium perhibent in cælo pater verbum et spiritus et hi tres unum sunt, se trouve dans le texte de la Vulgate de Genève, tandis que dans celle de Speyer ce passage manque. Dans la Bible de Rome dite Codex Valicellanus (voyez plus haut), ce même passage a été ajouté en marge posté- rieurement. ‘ La Vulgate manuscrite de Genève est à deux colonnes, comme celle de M. de Speyer, mais elle a 58 lignes à la colonne, au lieu de 52. Elle a 21 pouces de hauteur sur 14 de largeur; celle de Speyer est un peu moins haute (19 pouces sur 14). Voyez l'Histoire et Description de la Bibliothèque publique de Genève, par E.-H. Gaullieur. ? M. Gustave Hænel dans son Catalogus Manuscriptorum (Leipzig, 1830, in-4°) s'exprime ainsi en pæ- lant de la Bible de Speyer ou de Moutier-Grandval : 19 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 183 et contemporain de Charlemagne ainsi que le soutenait énergiquement son pos- sesseur, fut vendu 1,500 livres sterling (soit 37,500 fr.) en Angleterre. C'est un des prix les plus élevés auxquels aient été portés, dans ces derniers temps, les plus beaux manuscrits. III. Du manuscrit provenant de Sion (Vallais). désigné sous le nom d'Évangéliaire de Charlemagne, et de deux manuscrits ana- logues conservés à Milan. Le livre d'Évangiles, dont nous avions plus particulièrement en vue la descrip- tion, en commençant cette revue de quelques manuscrits Carolingiens, se con- servait depuis un temps immémorial dans l’église dédiée à la Vierge, à côté du château de Valère, qui couronne une des croupes de rochers dominant la ville de Sion en Vallais. On sait que cette église, située sur l’un de ces deux monticules où commença la vieille cité, est l’une des plus anciennes, sinon la plus antique de la contrée ‘. Cette même église, connue dans des anciens titres de € Hug, D. J. L. (Einleitung in die Schriften des Neuen Testaments, p. 476), ipsum, quem Carolus « Magnus ab Alcuino accepit codicem esse opinatur; equidem etsi splendissimum exemplar est, ineunte « sæculo X, exaratum esse crediderim, in quam opinionem me litterarum formæ adducunt. Mecum sentit « Thomas Philips, baro Anglicus, vir rei diplomaticæ peritissimus. Litteris enim nuntiat : « 1 have seen Speyers Bible, and thought like you , thas it was of the Xth Century. There is one suspicious « circomstance in it the name of Carolus in the verses of Alcuin is in modern writing, and haas been written « in the place of the original word, which was erased. » ‘ Le château de Valère, d’après quelques historiens du Vallais, tirerait son nom de Valerius Procillus, capitaine de César, ou de tout autre guerrier romain qui fit fortifier cette éminence. On l'aurait confondu à tort avec Saint-Valère, autre soldat romain et chrétien qui fut martyrisé à Soissons avec Ruflin. (Bollan- distes, 2° tome du mois de juin (14). D’après une autre tradition, le mont de Valère ou Valérien, près de Sion , serait redevable de son nom à Valérie ou Valeria, matrone romaine, mère du préfet Campanus, dont le tombeau était placé, dit-on, au pied de cette élévation. De Rivaz, dans ses éclaireissements sur le martyr de la Légion Thébéenne, l’un des faits de l’histoire qui a donné lieu aux plus grandes controverses, nous transmet tout au long une épitaphe et d’autres inscriptions latines relatives à cette dame. Tout cela mériterait de passer par la filière d’une critique sévère. 184 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 20 999, 1003 et 1005, sous le nom de notre Dame ou de Sainte-Marie de Sion, jadis riche en reliques, en documents anciens comme dyptiques, livres d’anniversaires, missels et chroniques, aurait eu, selon quelques auteurs, une large part à la munificence de l'empereur Charlemagne par l'intermédiaire d'un évêque Théodore ou Théodule, contemporain de ce grand prince, et qu'il ne faudrait pas confondre avec le saint du même nom qui vivait bien antérieurement ‘. Telle est une des tra- ditions de l’histoire vallaisanne. D’après une autre, il n'existait pas d'évêché à Sion au temps de Charlemagne, c’est-à-dire à la fin du VIIF siècle de notre ère, mais bien à Octodurum (Martigny) ou à Saint-Maurice d'Agaune où il faudrait se transporter pour recueillir les preuves directes de la munificence de cet em- pereur. On voit que c’est déjà au commencement du moyen-âge, sous une forme essentiellement religieuse, la grande querelle du Haut et du Bas Vallais, qui occupe une si grande place dans l’histoire de ce pays. La division du Vallais en deux par- ties, dont Sion serait la limite bien qu'appartenant au Haut Vallais, est tracée dans le Gallia Chrishiana*. Enfin une opinion de conciliation, combattue par Briguet dans le Vallesia Christiana, mettrait deux siéges épiscopaux existant simultané- ment en Vallais, l’un à Octodurum et l'autre à Sion *. Plus tard les inondations * BriGuer, Vallesia Christiana seu Diocesis Sedunensis historia Sacra, p. 110 et 1114, s'exprime ainsi : « Huic veritati quæ Carolo magno coævum constituit Theodorkm Sedunorum episcopum, ejusque dona- tarium, concinnunt Testimonia ex Dyptichis, Indigitamentis, Fastis et Annalibus sacris, librisque Chronicis, et innumeris documentis tam Ecclesiæ Sedunensis et Castrorum Majoriæ et Valerie. » Les droits de souveraineté temporelle des Évêques de Sion sur le Vallais remontaient à un acte qu’on appelait la Caroline ou les lettres carolines. D’après ces titres, donnés par Charlemagne, Charles le Chauve ou Charles le Gros, et confirmés par Charles Quint, à la requête du célèbre cardinal Schinner, les comté et préfecture du Vallais auraient été concédés à ces prélats. On conçoit dès lors combien tout ce qui peut se rattacher à la personne de Charlemagne et à ses libéralités envers l’église du Vallais prend d'intérêt aux yeux des historiens ecclésiastiques de ce pays. (Vide legendam S. Theoduli in Gallia Christiana, Tom. XII, p. 450. Instrumenta.) Les savants auteurs de ce recueil avouent qu’ils n’ont pu découvrir aucun titre authentique où il fut question de la Caroline ou de la donation de Charlemagne. ? Tom. XII, p. 729. * M. le chanoine Boccard, dans son Histoire du Vallais, a enfin éclairci, par son catalogue des Évêques, cette question controversée. Leur premier siége fut Octodurum et Agaune alternativement, et il fut trans- féré à Sion vers 580 par Saint-Heliodore. Mais les Évêques postérieurs continuèrent à être abbés de Saint- Maurice d’Agaune. Villicaire, évêque de Sion en 771, reçut de Charlemagne cette abbaye en commande. « Triste héritage, dit judicieusement M. Boccard , d’un usage introduit par Charles-Martel, pour gratifier «les compagnons de ses victoires. » Villicaire avait été le premier, parmi les grands du royaume, à proclamer Charles pour roi après la mort de Carloman. 21 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 185 de la Dranse, torrent qui s'élance des Alpes dans le Rhône auraient entraîné la sup- pression du siége d’Octodurum et la réunion des deux évêchés. Quelques auteurs ‘ établissent que l'évêque de Sion, Althée, abbé de Saint-Mau- rice d’Agaune, parent et favori de Charlemagne, reçut pour ce monastère, de ce fameux prince, des présents dignes de lui, dont plusieurs, entr’autres le superbe vase d’agathe gravé, d'un travail grec bien connu des antiquaires, et une ampoule pro- venant dit-on du calife Aaroun al Raschid, enrichissent encore le trésor du couvent. « Il l'indemnisa, disent les légendaires, de toutes les pertes que les déprédations des Lombards lui avaient fait subir, s'arrêta plusieurs jours dans le monastère pour vénérer les reliques des martyrs de la Légion Thébéenne, et voulut que l’é- vèque Althée l'accompagnät en Italie *. Parmi les dons de Charlemagne quelques auteurs énumèrent aussi une chasse d’or destinée à contenir les restes de Saint- Maurice, capitaine et martyr, et une table d’autel en or, du poids de soixante-six marcs, qu'Amédée III, comte de Savoie, se fit remettre en 1146, pour faire face aux dépenses d'une expédition d'outre mer. D'après les mêmes sources, Saint- Althée serait mort à Milan en revenant de Rome. Un précieux reliquaire de cet évé- vêque se conserve dans le trésor de Saint-Maurice. C'est aussi une tradition universellement reçue chez le clergé de Sion et par- ticulièrement dans le chapitre métropolitain de cette ville, qu’il se conserve dans l'église de Valère des livres provenant directement de Charlemagne, et entre autres un volume lithurgique revêtu d'une couverture en argent doré, d’un travail en relief, repoussé, qui est évidemment d’une facture postérieure, peut-être du qua- torzième siècle, et que l'on montre comme un don de ce grand prince. Selon nous, s’il y avait jamais eu dans l'église de Valère un livre de provenance carlo- vingienne authentique, ce ne serait certes pas celui-là, mais bien l'Évangéliaire ! P. de Rivaz, Preuves authentiques du martyr de la Légion Thébéenne. Page 61, et Boccard, histoire du Vallais, p. 31. ? Ce fut durant ce séjour au monastère de Saint-Maurice d’Agaune que Charlemagne aurait été récréé, disent quelques auteurs ecclésiastiques, par une musique surnaturelle : « Cænobio suaviter hospitatus, meruit piissimus Rex, inter dormiendum cœælestis harmoniæ dulcedine refocillari. Audivit mirabiles voces noctu concinentium : Gloria tibi domine, etc., quæ res stupenda ita animum ejus implevit, ut spontaneo motu et sancto impulsu plurima in Cænobium hoc ab Eo beneficia promanärint. » (Petrus de Natal: in vità S. Sigismondi.) 186 H,.-E. GAULLIEUR. NANUSCRITS 29 que nous allons décrire et qui fut vendu en 1851 par le chapitre de Sion à M. Kuhn, marchand d'objets d’art à Genève, qui en est encore aujourd’hui pos- sesseur. Des religieux très-qualifiés du couvent de Saint-Maurice, quand ils virent récemment ce beau manuscrit entre les mains de M. Kubhn, n'hésitèrent pas à le proclamer comme provenant de leur abbaye. Il en avait, pensaient-ils, été arraché par le droit du plus fort, lorsque les Haut-Vallaisans firent la conquête du Bas-Vallais au quinzième siècle *, au moment où cette contrée, qui suivait ‘ Il est parfaitement certain que durant les guerres de Bourgogne, les Haut-Vallaisans, alliés des Suisses et particulièrement des Bernois, se répandirent avec eux dans le Bas-Vallais qui suivait le sort du duc de Savoie, allié de Charles le Hardi. Le 16 mars 1476, la bourgeoisie de Saint-Maurice dut prêter serment de fidélité à l'Évêque de Sion et aux patriotes du Haut-Vallais. De GINGINS, Développement de l'indépendance du Haut-Vallais et conquête du Bas-Vallais. — Archiv für schweiïtzerische Geschichte. 3ter Band. Zurich, 1845, in-80.) Le bourg et le mandement de Saint-Maurice furent traités selon le droit de la guerre par l’armée vallai- sanne qui s'intitule, dans le procès-verbal de la remise de Saint-Maurice, « Milice de Suint-Théodule. » Mais rien, dans les historiens, ne fait allusion à une attaque dirigée contre le couvent. Tout porte à croire qu’il fut respecté et mis sous bonne sauve-garde. Rien même dans les documents ne prouve qu'il ait été taxé et mis à rançon comme le furent Vouvry, Évian, Thonon, la Vallée d'Abondance, ete. Le livre d'Évangiles dit de Charlemagne, qui est aujourd’hui la propriété de M. Kuhn , aurait-il été enlevé du cou- vent de Saint-Maurice et transporté à Sion, dans l’église de Valère, au milieu de ces scènes de guerre et de conquête? C’est ce dont il paraît difficile d'établir les preuves positives. C’est cependant ce que l’on devrait inférer des deux témoignages suivants, qu’on lit en tête de ce manuscrit sur des feuillets volants : 4. « Nous avons reconnu avec grand plaisir, en ce volume dit Évangéliaire de Charlemagne, le livre si précieux qui fut enlevé au Trésor de l’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune pendant les guerres civiles de notre Canton au XIVe siècle (?) » (Signé) Un des doyens du chapitre d'Agaune, AUGUSTIN CLAIVAZ. 20 « Nous avons examiné le précieux livre d'Évangiles du VITE siècle, dont M. Kuhn, de Genève, a fait l’acquisition à Sion en Vallais. » « D’après quelques documents de nos archives, signalant l'existence et la disparution d’un Évangéliaire très-important que possédait autrefois notre trésor, nous ne doutons nullement que ce ne soit le même. » « Nous sommes d'autant plus portés à le croire, que la richesse de sa couverture et plus particulière- ment les émaux dont elle est ornée, sont tout à fait identiques à ceux des objets que nous devons à la munificence, à la piété de l’Auguste, du Saint Bienfaiteur de l'antique et royale abbaye de Saint-Maurice d’Agaune, CHARLEMAGNE. ..... (Signé) CHervaz, Protonetaire Apostolique, Chanoïne et Vicaire général de Saint-Maurice et de Bethléem, Chanoïine honoraire d'Angers et Chevalier de l’ordre royal et militaire des SS. Maurice et Lazare. » « Saint-Maurice, 1e décembre 1852. » (Ges deux pièces sont revêtues du sceau de l’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune.) Pour nous, nous avons peine à croire, pour des raisons que nous donnerons bientôt ci-après, que le monastère de Saint-Maurice ait jamais été pillé, spolié, mis à rançon par le Haut-Vallais dans les malheu- 23 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 187 “ les destinées de la maison de Savoie, fut vaincue avec elle et avec la famille des puissants ducs de Bourgogne. Nous n’avons aucune qualité officielle pour contester l'attestation donnée par de savants dignitaires du Chapitre de Saint-Maurice, dont nous honorons le caractère et la science, qui reconnaissent dans le livre en question, vendu par le Chapitre de Sion, l'Évangéliaire qui fut jadis donné à leur couvent par Charlemagne. Nous reconnaissons même ce qu'il y a de généreux et d'esthétique dans cet élan qui leur fait dire : « Voilà notre manuscrit retrouvé ‘. » Nous nous permettrons néanmoins quelques observations critiques, et afin de leur donner quelque poids, nous les ferons précéder de la description exacte du précieux volume, en commençant par l'intérieur. C'est un petit in-folio à peu près carré, de neuf pouces et demi de hauteur sur huit pouces de largeur. Le velin est très-pur et généralement très-blanc, sauf dans quelques pages qui ont été plus exposées au contact de l'air et du soleil et qui ont pris une teinte grisàtre. Les feuillets sont au nombre de 187 dont 146 pour la première partie ou les Évangiles proprement dits pour tous les jours de l’année, et le reste pour la seconde qui contient l'Évangile pour les anni- versaires des Saints. Le nombre des pages est donc en tout de 374. Il y a 18 reuses guerres intérieures qui amenèrent la soumission du Bas-Vallais. Il est à croire, que si l’on avait dépouillé alors le couvent de Saint-Maurice, on l'aurait privé de pièces de son trésor qu'il a encore et qui étaient d’un bien plus haut prix que l’Évangéliaire en question. Un des traits caractéristiques de l’histoire de cette maison célèbre dans les fastes de la religion, c’est au contraire d’avoir passé, depuis les ravages commis par les Sarrazins au milieu du dixième siècle de notre ère, à travers bien des invasions, des sinis- tres et des désastres sans avoir essuyé de pertes graves dans ses archives et dans son trésor. Le respect qui environnait la royale abbaye était tel, à l’époque où l’on voudrait faire remonter cette spoliation, qu’il n’y aurait eu qu'un cri dans tout le monde chrétien contre ce sacrilége et cette profanation. ! Si un antique inventaire du trésor de Saint-Maurice faisait mention d’un Évangile ou d'un livre quel- conque donné par Charlemagne, on pourrait adopter l’avis de MM. Chervaz et Claivaz. Ce serait un com- mencement de preuve plus convaincant que la ressemblance des émaux qui recouvrent l'Évangile de Valère avec ceux des vases du trésor de Saint-Maurice et entre autres de l’ampoule arabe, don de Charlemagne. Nous verrons, quand nous parlerons de ces émaux, que leur travail même est pour certains archéologues une raison de douter qu’ils soient contemporains de Charlemagne. M. le chanoine Boccard, dans son Histoire du Vallais, passe très-rapidement sur les relations de Char- lemagne avec les Évêques de ce pays et avec l’abbaye de Saint-Maurice. Il fait même la critique de plu- sieurs assertions des auteurs qui l'ont précédé, entre autres de Briguet, et semble convaincu que l’histoire n’est pas dans ces particularités anecdotiques. 188 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 24 lignes à la page. On y trouve diverses sortes de caractères, mais il n’y a ni majuscules ornées ni miniatures, ce qui serait bien réellement une preuve d’an- tiquité, puisque ces embellissements, du moins ceux qui ne sont pas d’un goût barbare, remontent à une date relativement récente dans les livres lithurgiques, et parce qu'on sait que Charlemagne avait proscrit les effigies profanes et même sa propre image, des livres sacrés qu'il faisait amender et multiplier. L'écriture de cet Évangéliaire est ferme et généralement égale. Elle réunit divers genres de caractères et elle se détache très-nettement du velin dont les marges sont très-amples. Les caractères principaux employés dans ce manus- crit sont : 1° Les lettres lapidaires ou grandes Capitales, qui sont les mêmes que les Ro- mains employaient dans les inscriptions; 2° la grande onciale ; 3° la petite on- ciale ; 4° la grande minuscule ; (scriptura minuta); 5° la petite minuscule, prin- cipalement aux renvois et dans la page finale ; 6° enfin cette sorte d’onciale qui a reçu le nom particulier de Cuspidata à cause de sa forme pointue et anguleuse. Elle sert pour les lignes de titre ou d'indication, et elle est presque toujours de couleur rouge. Nous ne saurions mieux faire, pour donner une idée de la proportion de ces divers genres d'écritures, que de reproduire aussi exactement que possible la disposition des trois qui dominent principalement. Pour cela nous employons le spécimen suivant ‘ : * Afin de conférer les caractères des diverses écritures du manuscrit de Valère avec celles d’autres ma- nuscrits carlovingiens, nous avons en tout premier lieu eu recours aux nombreux fac-similés qui sont figurés dans le premier volume des Monumenta Germaniæ historica de Pertz, qui renferme les chroniques de Charlemagne. Ceux qui nous ont paru avoir le plus d’analogie avec les écritures de l’Évangéliaire de Sion sont les n° 1 et 2 de la planche 2, reproduisant les caractères employés dans les Annales de Wein- gart (Annales Weingartenses) conservées aujourd’hui dans la bibliothèque de Stuttgart. Ce manuscrit est du dixième siècle, au dire des experts. L'Évangéliaire de Valère se rapproche aussi beaucoup, pour la calligraphie du corps du manuscrit, du caractère n° 1, figuré à la planche 6 de Pertz, et qui est celui des Annales d'Eginhard où Einhard, n° 652 des manuscrits historiques de le bibliothèque Palatine à Vienne. Il'est aussi du dixième siècle. Nous avons continué notre comparaison sur d’autres manuscrits de France et de Suisse, que nous indiquerons plus loin. Le caractère du corps du manuscrit de Valère offre encore de la ressemblance avec celui du n° 915 de la bibliothèque de Saint-Gall, Annales Sangallenses majores, qui porte la date certaine de l’an 956. 25 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 1389 INCIPIVNT EVAN GELIA IN NATALI CIIS SANCTORV LEGENDA IV NATAL: SCI STEPH ANI SEQ- S'ET- SEC: MATUH- ÆN ILLO TEMP- DICEBAT J HC TURBIS JUDEORV- ET PRINCIPIBVS ISACERDOTV.. Le premier caractère (lignes 1 à 4) figure le lapidaire ; le second, (lignes 5 et 6), celui dit cuspidatus ‘; et les lignes 7 et 8 sont de la grande minuscule qui forme le corps du manuscrit *. 2 Cette sorte d'écriture aigue et comme armée de pointes (cuspidata) se trouve souvent tracée, en cou- leur rouge, comme dans notre manuscrit, sur les maisons de Pompeia. On la voit aussi dans une inscrip- tion antique trouvée à Avenches et dans un manuscrit de médecine, d’un auteur incertain du VI: siècle, que l’on conserve à la bibliothèque de Berne. Sinner a donné des fac-similés de ces deux échantillons de cette sorte de caractère dans son Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de Berne. (Tom. I, pl. 1.) Enfin on le retrouve dans un Virgile du IX: siècle décrit dans le même Catalogue. (Tom. I, pl. 3.) 2 Cette espèce de caractère, qui forme le corps de l'Évangéliaire dit de Charlemagne, présente assez 25 190 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 26 Le point est l'unique signe de séparation employé entre les phrases et les propo- sitions, ce qui est parfaitement conforme aux habitudes des copistes du temps de Charlemagne. On sait qu'Alcuin leur recommandait de distinguer les phrases par une ponctuation correcte : © Per cola distinguant proprios, et commata sensus, « Et punctos ponant ordine quosque suo. » Ce point n’est pas placé, comme dans notre écriture, au bas de Ja lettre finale du mot, mais au haut ou au milieu de cette lettre. Le seul signe employé avec le point simple, c'est le point d'interrogation (?), ce qui est encore conforme à la diplomatique carlovingienne. Les points et virgules (:) ou les deux points (:), si on les rencontre de loin en loin, sont d’une encre diffé- rente, ce qui indique que ces signes ont été appliqués après coup, comme c’est très-souvent le cas dans les manuscrits bibliques ou lithurgiques très-anciens, dont les parties les plus usuelles ont été marquées postérieurement de différents signes de ponctuation pour la commodité des lecteurs. (Voyez dans la grande Bible de la bibliothèque de Genève, N° 1 des manuscrits latins de Senebier). Les abré- viations sont aussi les mêmes que dans les manuscrits de cette époque. Les deux dernières lettres de la syllabe que sont remplacés par deux points, par exemple quisq: quing: denig: Dans les verbes, la troisième personne du singulier et du pluriel est marquée ainsi : surrex*, dux*, pour surreæit, duxit, et deder', dixer, pour dederunt, dixerunt. La finale des mots en um, em, am est marquée domu'. anima’, triste’, magnu:, aule:, veru’, elia'; la terminaison en ws est indiquée ainsi : cædentibu: timentibu: hominibu: La syllabe per est marquée par un simple p, de même que la syllabe prae. Enfin les mots Dominus, Deus, Israel, sont écrits quel- quefois Dns*, Ds-, Isrl-. Tout à la fin du volume, et de la même main, à ce qu'il semble, mais d'une plus petite minuscule caroline que celle du corps du manuscrit, on lit une page qui a trait à l'expédition de Charlemagne contre les Lombards en Italie en 1773. Après avoir rappelé la manière dont ce peuple domina dans ce pays, les siéges de d'analogie avec celui qu’on trouve employé dans un manuscrit d’Eusèbe, que Sinner attribue au VI siècle, ef que l'on voit dans la bibliothèque de Berne. Cependant la calligraphie de l'Évangéliaire est plus cursive et conserve moins de traces d'écriture onciale. 27 DE L'ÉPOQRE CAROLINGIENNE. 191 Pavie et de Vérone par les Francs, la prise du roi Didier et la fuite de son fils Adalgise, la soumission à Charlemagne de tous les duchés qu’avaient occupés ces mé- mes Lombards dans la haute Italie, lesens est interrompu brusquement au milieu d'une phrase. Le feuillet qui suivait et qui contenait la fin du récit a été coupé, on ne sait dans quel but. Il aurait été important de l'avoir pour déterminer l’âge du manuscrit ; l'on peut croire qu'il allait plus loin que le règne de Charlemagne, car dans le commencement même il est parlé de ce prince comme appartenant déjà à l'histoire, et il se pourrait que le Charles, auquel cet écrit est adressé ne fût pas Charlemagne, mais bien Charles le Chauve, son petit-fils. A la première page, et d'une écriture du seizième siècle, on lit cette souscription : EST ECCLESIÆ VALLERIANÆ, et au-dessous, d’une main plus ancienne et qui paraît être du quatorzième ou du quinzième siècle, ces cinq lignes : € In isto testam. qui est de Capitulo Sedunensis principatus Est coperta de plateis aureis ; Item sunt sexdecim lapides sequentes : Primo quinque saflirii, item duo smaragdi Item quinque rubei et aliæ lapides. Il est facile, en comparant cette énumération des principales pierres précieuses qui relevaient l'or de la couverture de ce manuscrit, alors que celle-ci était par- faitement intacte et complète, avec son état actuel, de se rendre compte de ce qui a été enlevé par l'effet de diverses circonstances inconnues. Mais avant d’a- border ce qui a trait à cette couverture même, nous devons rappeler, quant à l'écriture du manuscrit, combien les règles de la paléographie sont parfois insuffi- santes pour déterminer l’âge de ces sortes de monuments. On voit souvent pa- 1 Voici le texte de cette page d'histoire, qui a la forme d’une missive ou d’un décret du pape Adrien (Adrien Il, 867?) à Charles, roi des Francs (Charles le Chauve ?) : « Ex decretis Adriani p. p. Carolo regi francorum. « Tempore ex quo Longobardi Italiam intraverunt, Romamque obsiderunt, atque ceperunt; Italicum regnum mvaserunt et per duodecim annos absque rege detinuerunt. Posteaque ex ipsis Regem consti- tuerunt et prevaluerunt usque ad Carolum Regem qui Desiderium cepit regem Longobardorum in Papiam post longam obsidionem. Cujus indè filius Adelchis fugam duxit in marinis partibus. Huc usque Legati Constantinopolitane urbis Romæ Italieque commorantes detinebant oppida et tributa colligebant erario et augusto Constantinopolis deferebant. Quibus autem expulsis agentes Longobardorum, ipsi quoque Lon- gobardi usque ad Carolum regem regnum detinuerunt. Accidit vero quod Luitprandus rex Longobardorum 192 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 28 raître des écritures identiques à des siècles de distance‘. Autrefois, on était presque constamment porté à reculer l’âge des manuscrits, on donnait au qua- trième et au cinquième siècles ce qui appartenait au septième et au huitième ©. Dès lors et de nos jours on a suivi la tendance inverse et l'on a paru croire Ravennam obsedit et classim destruxit. Exarcatum Ravenne cum Ravennatibus Romani reliquerunt et Constantinopolim navigio se direxerunt. Post hoc quoque Astulphus rex Longobardorum exarcatum Ravenne et exarcatum Histrie , seu ducatum Ferrari invasit et Faventiam seu Cesenam tulit de Romanàä ecclesià.…… (alia desunt. » Ce décret du pape Adrien paraît être une de ces recommandations pressantes, comme on en trouve plusieurs dans les Annales ecclésiastiques (Baronius, tom. IX, p. 379 et 452), par lesquelles la cour de Rome réclamait comme son domaine légitime en Italie plusieurs des pays conquis par les Lombards ou même occupés par les Grecs hérétiques de l'empire d'Orient dans l'Exarchat de Ravenne. Voyez dans Baronius les réclamations du pape Étienne auprès de Pépin, père de Charlemagne, pour la remise de Faenza (Faventiam) par Didier, roi des Lombards, et pour la restitution de ce qui avait été enlevé par les Grecs. (Papa agit ad Pipinum pro redditione Faventiæ et pro restituendis rebus a Græcis ablatis.) Déjà les Grecs étaient traités d’hérétiques à cause de la querelle des Iconoclostes. (Petit ab Imperatoribus Hadrianus Papa restitui Romane ecclesiæ que Herotici abstulerunt. Baronius loco citato.) On a conservé beaucoup de lettres ou de décrets d’Adrien IT à Charles le Chauve semblables à celui-ci. ? Si l’on compare le corps de l'écriture de l’Évangéliaire de Valère, avec celle du plus ancien acte que l’on conserve aux Archives de Genève (une donation faite en 934, la vingt-troisième année du règne de Rodolphe IL, roi de Bourgogne, par Eldegarde, veuve du comte Ayrebert, au prieuré de Satigny), on sera conduit à conclure, d’après diverses remarques paléographiques, que l’Évangéliaire de Valère est anté- rieur. La petite onciale cuspidée de ce même manuscrit est absolument la même que l’on voit figurer dans les signatures d’un acte du synode de Pistoie en 864 (voyez Mabillon, de re diplomaticä). La petite minus- cule de la page finale a aussi beaucoup d’analogie avec le caractère n° 10 ‘de la planche 4 de la Paléogra- phie de N. de Waïlly, qui est une minuscule caroline mélangée de cursive. Ce caractère n° 40 est pré- cisément celui qui est employé dans la souscription de l'Évangéliaire de Charlemagne, conservé à la bibliothèque du Louvre, et qui remonterait, dit-on, à l'an 781-782. Cette souscription indique, dans quelques vers latins, déjà cités plus haut, quand et comment Charle- magne fit exécuter ce manuscrit. Nous rappelons les deux premiers : € Hoc opus eximium Frankorum scribere Karlus, € Rex pius, egregià Hildegardà cum conjuge jussit. » On peu aussi comparer la minuscule du manuscrit que nous décrivons avec l'écriture n° 9, planche 5, de la paléographie de Wailly, qui remonte à l'an 823-855. C’est une minuscule mélangée de quelques restes d’onciale et de cursive. * L’Évangéliaire provenant de l'église de Valère présente indifféremment des E carrés et des E lunaires ou semi-cireulaires. Ces deux formes de lettre se retrouvent également mélangées dans plusieurs manus- crits du IX* et du X° siècle, entre autres dans la grande Bible de la Bibliothèque de Genève décrite par Senebier (manuscrits latins de la Bibliothèque de Genève, n° 1). * Le grand Traité de Diplomatique des Bénédictins , qui, au reste, n’est pas toujours infaillible , donne pour règle générale, € que quelque livre que ce soit, entièrement écrit en onciale, réformée ou non, est antérieur à la fin du X° siècle. » 29 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 193 qu'il n'existait pour ainsi dire point de copies latines des saintes écritures antérieures au IX° et au X'siècles. Dans la Suisse Romande ou Burgonde en particulier, il est certain que les li- vres d'église ou les manuscrits contenant des parties des textes sacrés, de prove- nance strictement carolingienne, sont infiniment rares. La plupart de ceux que nous possédons encore appartiennent plutôt à l’époque immédiatement postérieure qui fut signalée par les victoires de l'empereur Othon et de Conrad Il, roi de Bourgogne, sur les Hongrois et les Sarrazins. C'est au mouvement de ferveur qui suivit ces succès des armes chrétiennes que sont dues plusieurs de nos plus an- ciennes églises, dans le Vallais (Valère, S. Maurice), dans le pays de Vaud (Payerne), dans l'Évéché de Bâle (Saint-Imier) , dans le pays de Neuchâtel (la collégiale de Neuchâtel et le prieuré de Bevaix), à Genève (l’église de Saint-Pierre), comme aussi le Munster de Zurich. À mesure que l’on reconstruisait les églises rui- nées par les invasions, leurs bienfaiteurs avaient soin de les doter de livres pour le service divin en remplacement de ceux que les pillards Hongrois et Sar- razins avaient enlevés ou détruits avant que le roi Conrad fut parvenu à mettre leurs hordes aux prises les unes contre les autres (952). Peut-être, si l'on voulait être prudent, faudrait-il rapporter à cette rénovation, plutôt qu'au neuvième siècle, la grande Bible de Genève dont nous avons déjà parlé plusieurs fois, ainsi que celle de Moutier-Grandval, les deux livres d'Évangiles (Plenarien), l'un recouvert d'argent massif, et l’autre d'ivoire et d'or, dont font mention les in- ventaires du trésor du Munster de Zurich, la grande Bible latine de la biblio thèque du Sfift de la même ville, qu'on dit être un don de Charlemagne !, le manuscrit sans autre désignation estimé 3,000 ducats dans le catalogue des ob- jets précieux enlevés par les Bernois à Notre-Dame de Lausanne, ainsi que les deux livres des Évangiles et des Épitres provenant du même trésor, recouverts Muratori signale très-clairement les changements fâcheux survenus dans la calligraphie des manus- crits et des diplômes. à partir du onzième siècle, par l’effet de l'introduction de l’écriture dite gothique. « Calligraphia (dit-il) usque ad annum Christi millesimum usurpata non solum in bullis et diplomatibus, sed et in multis codicibus, venustè et Romanis litteris manu exaratis spectandam se præbet. Post sæcu- lum X plerosque e Codicibus rudi seripturà et compendiis innumeris (abréviations) horrentes cernimus et characteres quos Gothicos perperam nuncupamus. » ! Vügelin, das alte Zürich, p. 39 et 186. 194 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 30 d'ivoire sculpté garni d'argent et estimés chacun 500 florins en 1561 ‘. Muratori, dans sa savante dissertation sur l'état et la culture des lettres dans la Haute-Ita- lie, pays avec lequel l'Helvétie occidentale et méridionale, le Vallais surtout, avaient les plus intimes rapports et la plus grande analogie au moyen-àge, nous fournit plusieurs exemples de livres sacrés donnés par des pontifes, par des pré- lats et par des rois à des églises, et dont la réception était consignée dans l’his- toire et les chroniques comme un événement important *. Il nous cite même un curieux exemple d'une Bible de Ferrare, dont un chanoine avait mis en gage un volume, et qui fut proclamée inaliénable, vu sa haute valeur, par un statut lé- gislatif du peuple Ferrarais, l'an 1286 *. Comme nous avons dit que la couverture primitive d’un manuscrit ancien, lors- qu'il avait eu le bonheur de la conserver, était un indice souvent assuré pour cons- tater sa provenance et son âge, nous terminerons celte dissertation par la descrip- tion de celle qui recouvre la partie supérieure de l'Évangéliaire de Valère, car la couverture inférieure ou postérieure n’est pas une œuvre d'art, à beaucoup près, aussi remarquable. Celle-ci est tout simplement formée d’un ais de bois recouvert de cuir rougeàtre, et semée de cloux dorés disposés artistement en forme de 9ç ou de C majuscules crucifères ou adossés. Il serait difficile de dire si jamais ce manus- crit a eu une couverture de dessous aussi riche que celle de dessus. On a souvent remarqué dans l'examen des plus anciens volumes des bibliothèques célèbres du moyen-âge, que cet ornement postérieur manquait. On y tenait naturellement moins puisque les manuscrits de cette espèce n'étaient pas dispo- sés sur des rayons, comme dans nos bibliothèques modernes, mais bien étalés sur des pupitres de façon à ce que le côté supérieur de la couverture fût seule visible. ! Manuscrit trouvé à la confrérie des tanneurs de la ville de Berne, écrit par un auteur désigné par les initiales C. X. R., l'an de grâce 1561, contenant un catalogue des ornements trouvés à l'Église Notre- Dame de Lausanne. 2 Rari ergo quum olim forent, multoque ære redimerentur codices manuscripli, hine intelligimus eur tanti fieret eorum donatio ut si quando vel ipsi Romani pontifices ejusmodi munera sacris templis offere- bant, ad eorum gloriam de üs mentio in historia haberetur. (Murarort de litterarum statu, neglectu et culturà in Italià post Barbaros in eam invectos usque ad annum millesimum centesimum. Dissert. 43, tom. IT, antiquitatum Italiæ medii œvi.) 8 Exemplum habemus in Sfatutis Civitatis Ferrariensis, anno 1286, de Biblià Fabricæ episcopatus recuperandà et manutenenda per potestantem. (Muratori, loco citato.) 31 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 195 L'inférieure ou postérieure, quand elle existe, est ordinairement moins riche ou d'un travail relativement plus moderne. On voit aussi quelquefois qu'elle a été ajoutée après coup, à un ou deux siècles de distance. . La dimension de la couverture supérieure de l'Évangile de Valère, que nous avons donc seule à décrire, est absolument la même que celle du manuscrit même (9 pou- ces et demi sur 8). Précisement au centre, sur une plaque d'or fin de trois pouces six lignes de hauteur et de trois pouces de largeur, appliquée à un léger ais de bois sem- blable à celui de la couverture postérieure, on a représenté en demi-relief, d’un beau travail repoussé, le Christ assis, nimbé du nimbe crucifère et perlé *, placé dans une auréole circulaire, bénissant de la main droite à la manière latine *, te- nant de Ja main gauche le Livre des Évangiles. Il est vêtu d’une ample tunique lar- gement drapée, assis sur un trône richement décoré d'ornements en relief, et au pied duquel on voit une espèce de monogramme formant un X. Bien que le Christ soit figuré donnant la bénédiction à la manière latine, le style et le caractère général de cette figure peuvent la faire attribuer à une in- fluence byzantine. Alors comme aujourd'hui l'art n’abandonnait que lentement les caractères symboliques propres à sa patrie première, pour revêtir ceux des pays où il s'était transporté et naturalisé. Cette manière de représenter le Sauveur est désignée dans l'Archéologie chré- tienne sous le nom du Christ triomphant ou divin. Il est figuré imberbe, les cheveux longs et les pieds nus et très-apparents. Rappelons qu'une des règles de l’iconologie sacrée byzantine est de ne représenter avec les pieds nus que Dieu, les anges et les apôtres. ! On sait qu’en archéologie sacrée on appelle nimbe l’auréole circulaire dont on enveloppe la tête des personnes divines, de Dieu, du Christ, des Anges et des Saints. C’est un rayonnement lumineux qui se compose ordinairement de trois gerbes de lumière, dont deux semblent partir des tempes et s'étendre horizontalement, tandis que la troisième s'élève verticalement au-dessus de la tête. On appelle le nimbe du Christ, nimbe crucifère, parce que les rayons ont la forme d’une croix dont la branche inférieure est cachée par la tête de Notre Seigneur. Les archéologues ne sont pas d'accord pour savoir si cette croix est destinée à rappeler la croix du Calvaire ou seulement le rayonnement de la puissance divine. 2 Les Évêques grecs ne bénissent pas à la manière latine. La bénédiction latine se fait en ouvrant les trois premiers doigts de la main, et en tenant l’annulaire fermé. La bénédiction grecque s'opère en for- mant avec les cinq doigts une sorte de monogramme divin E. C. XC. L’index s'ouvre et forme FT; le grand doigt s’arrondit en C (l’ancien sigma S), le pouce se croise avec l’annulaire pour faire VX, et le petit doig s’arrondit en C. (Didron, le guide de la peinture, pag. XL.) 196 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 32 Autour de cette figure unique, et comme encadrement, court üne inscription tracée en caractères majuscules d’un blanc mat sur fond d'azur entouré d'une bor- dure verte, le tout d’un beau travail d'émailleur ou plutôt de mosaïste *. Sur le côté droit de ce cadre on lit distinctement : OREBO. AT. TE. X. REDEMPTOR Sur le côté gauche on déchiffre : LVCAS. SCS. D.IOHANNE. La partie supérieure, sur laquelle étaient probablement les noms des deux pre- miers évangélistes, Saint-Matthieu et Saint-Marc, a été totalement enlevée. A la partie inférieure dont le commencement a aussi disparu, on lit la fin et le commencement des deux mots Evangeliorum Quatuor. Re ORNE TON AN EE : Aucun des À de cette inscription n’est barré, et les lettres attestent par leur forme une grande ancienneté. Ce qui prouve aussi que l’ensemble de ce travail remonte fort haut, c'est qu'il est d’une unité et d’une simplicité réellement an- tiques. On n’y voit point figurer, comme dans des couvertures très-connues d’au- tres livres sacrés, les quatre évangélistes sous leur forme humaine ou sous la forme symbolique de l'ange, de l'aigle, du lion et du bœuf. On s’est contenté d'inscrire leurs noms, et l’artiste semble avoir pris à tache d'être sobre d'i- mages. La manière de représenter le Christ non crucifié, assis, triomphant et divin, 1! On sait combien les travaux d’art exécutés en mosaïque (mussiva) sont anciens et durables. Muratori, dans sa dissertation sur les arts en Italie après l’invasion barbare, a suivi les maîtres mosaïstes dans leurs ouvrages à Rome, à Milan, à Ravenne. « Olim (dit-il) Roma, Ravennæ, Mediolani, aliisque in locis periti « magistri numerantur qui reliquere eximia ejus modi (mussivi) pictura et minutissimis vitreis lapillis € varii coloris conflata monumenta. » (Muratori, Antiquitates Itahiæ med œui, dissert 24, tom. I, p. 366.) Le traité de Théophile sur les arts anciens, et un manuscrit très-antique décrit par Mabillon et qui était conservé à Lucques (manuscrit que ce savant assure être contemporain de Charlemagne), donnent une foule de procédés et de secrets employés par les artistes des premiers siècles de notre ère. « Compo- € siliones habent varias ad tingenda mussiva, ad conficiendam chrysographiam sive ad scribendum cum auro « liquido, alia que hujus modi artium secreta. » Muratori a donné in extenso des traités de ce genre conservés dans des bibliothèques d'Italie. Au temps de Charlemagne et de ses successeurs on exécutait dans cette péninsule des ouvrages dont on n’avait pas même l’idée, et auxquels on n'aurait pas même su donner des noms, en France et dans l’Europe centrale. 33 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 197 telle que nous venons de la décrire, a été en usage pendant une série de siècles. On en trouve déjà des exemples dans des diptyques du cinquième, et on la voit en- core dans des bas-reliefs du douzième. Sans doute il y a quelques variantes dans les ajustements, mais l'ensemble est le même. L'époque de Charlemagne est celle où ce type est reproduit avec le plus de pureté. On sait en effet que c’est au règne de ce prince qu'il faut rapporter une renaissance momentanée dans les arts en occident, comme aussi la réforme de l'écriture latine sur laquelle nous avons in- sisté, alors que cette écriture était devenue défectueuse. A la fin du VIIT: siècle et au commencement du IX° (770 à 814), les arts du dessin et l'écriture cherchent de nouveau à se régler sur les beaux modèles de l'antiquité. Dans le magnifique Évangéliaire que la tradition dit avoir appartenu à Charlemagne, et que l'on con- serve dans la bibliothèque du Louvre, on voit une image du Sauveur du monde qui offre la plus grande analogie avec celle de l'Évangéliaire de Valère, seulement la figure est plus jeune. Les ornements des rayons du nimbe, du trône et du livre sont indentiques, ainsi que les draperies et la pose des mains et des pieds *. Nous n'avons pas encore fini avec les ornements de la couverture de l'Évan- geliaire de Valère. En dehors de la bordure émaillée, où figurent les noms des Évangélistes, on voit une autre bordure plus large en or, parsemée de pierreries et figurant des dessins très-gracieux imitant des doubles C en feuillage mis dos à dos: JC. Ces ornements sont unis par des espèces de fleurs de lys, décoration es- sentiellement de l’époque Carlovingienne, qui rappelle celle des anciens pavés en mosaïque, et qui, employée comme ornement d’orfèvrerie, a beaucoup de ressem- blance avec une bordure que l'on voit à la bibliothèque de Vienne dans un Évangé- liaire manuscrit da VII siècle. Tout à fait à l'extérieur de la couverture et comme enveloppant l’ensemble, sont de magnifiques émaux incrustés, verts, bleus, jaunes et blancs, formant des lacs et des arabesques d’un très-grand goût. Ces émaux alternent avec de gros rubis cabochons et d’autres pierres précieuses encadrées avec beaucoup d'art dans Voyez cette miniature reproduite dans l'ouvrage intitulé le le Moyen-âge et la renaissance, tom. Il, pl. 3 bis, miniatures des manuscrits. Voyez aussi dans le même ouvrage, même volume, les planches G et H, miniatures de manuscrits de la bibliothèque de Bourgogne à Bruxelles. 26 198 H.—E. GAULLIEUR. MANUSCRITS , : 34 des filigranes d'or disposés artistement en facon d’arabesques et semés de pier- reries plus petites. Ces filigranes d’or qui enveloppent les grandes pierres et qui sont parsemés de pierres plus. petites et de perles, figurent des arabesques et des animaux fantastiques qui ont quelque analogie avec des dauphins, ou des ser- pents. Le tout atteste la main d’un orfèvre consommé dans son art. Chacun des seize compartiments qui forment le riche encadrement de cette couverture, est de la dimension d'un pouce et demi en tout sens. Les deux fermoirs, qu'on appelait anciennement fermaux ou mordants, qui ont pour destination de tenir le volume bien fermé et de préserver le velin du con- tact de l'air, sont en argent et curieusement travaillés. [ls paraissent contemporains du manuscrit. Malheureusement ce bel ensemble a souffert par l'effet de circonstances que nous ignorons mais que l'on peut conjecturer. Plusieurs des pierres fines manquent, et il est à croire que celles qui restent ne sont pas les mêmes qui décoraient primiti- vement cette couverture. Celles-ci étaient probablement des pierres gravées , du moins en partie, car il en reste encore une petite, mais qui a été retournée dans le mauvais sens. Sur les seize grosses ou moyennes pierres, rubis, saphirs etc., que l’on comptait anciennement, il en reste onze. Les plus petites sont demeurées en plus grand nombre. Ce sont essentiellement des rubis, des perles qui servent d'yeux aux dauphins et aux animaux imaginaires, figurés en or très-délicatement. Sur huit émaux trois ont été aussi arrachés. Parmi ceux qui restent il en est d'intacts et de la plus grande beauté. Ces émaux ont donné occasion à quelques antiquaires de placer bien après le siècle de Charlemagne la date de la confection de l'Évangéliaire de Valère ou du moins celle de sa couverture. Ils se fondent sur ce que les belles reliures en cui- vre émaillé qu'on exécutait pour les églises sont du XF et du XIF siècle tout au plus ”. ! Un très-beau spécimen de reliure émaillée du douzième siècle était à Paris dans la collection d'objets d'art du prince Soltykoff. Il représente un Christ avec les mêmes attributs que celui de l'Évangéliaire de Valère. Un Evangéliaire à couverture émaillée , du X° siècle, se voit à la bibliothèque de Munich (manus- crus, n° 37). 35 DE. L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 199 Quelques fois lorsqu'il est question de livres richement recouverts, donnés par Charlemagne ou Louis le Débonnaire aux églises, les Chroniques ou les historiens ont soin de constater que ces monarques n'avaient pas voulu qu'on employt d’au- tre métal, pour ces couvertures, que l'or, le plus noble des métaux. Il est bien certain que l'art de l’émailleur semble au premier abord avoir été inventé pour suppléer par la perfection du travail de louvrier à l'absence des métaux précieux. Mais d’un autre côté il est parfaitement positif que les émaux ont été en usage dans l'antiquité, et qu'on les trouve aussi employés dans le moyen-àge sous forme de pâte de verre enchassée (émail cloisonné) ou sous forme de plaques en métal dont la surface a reçu par l’action du feu une couche de matière vitreuse et opaque, {(émaux à champ leve). On a des collections d'émaux d'Italie, Gallo-Romains et Byzantins. On voit à la bibliothèque impériale de Paris un magnifique volume allemand, N° 1118, supplément des manuscrits latins, dont les caractères d’écri- ture ont beaucoup d'analogie avec ceux de l'Évangéliaire que nous décrivons. Sa riche reliure est ornée de sculptures en or, en ivoire et en argent, ainsi que de pierreries enchassées et d'émaux dans lesquels on trouve employés comme dans la couverture de notre manuscrit, le blanc opaque, le bleu clair et le vert semi- translucide. On fait remonter ces émaux au VITE sièle. On peut inférer aussi des divers passages des auteurs qui ont traité des arts au moyen-àge, que l'art de l'émailleur fencaustica) n’était guère moins connu que celui du mosaiste (mussiva). On voit donc que la considération des émaux peut être invoquée par les uns pour et par les autres contre l'authenticité de l'Évangéliaire dit de Charlemagne. Au fond elle est secondaire dans les deux points de vue. Pour se prononcer d’une manière quelque peu concluante, tant sur l'âge du manuscrit de Sion que sur sa provenance, il faudrait des raisons d'un autre ordre. Nous croyons les avoir trouvées dans sa comparaison avec d’autres livres d'église à peu près semblables qui sont conservés non loin de là. Il existe à Milan, dans le trésor de l'église de Saint-Ambroise et dans celui de Monza, indépen- damment du livre recouvert d’or qui fut, dit-on, donné par Théodelinde, reine des Lombards, au VII siècle, deux manuscrits des Évangiles dont les couvertures d'or et d'argent doré, ornées de camées, de pierreries et d'émaux enchassés dans 200 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 36 des filigranes d'or, ont la plus grande ressemblance avec celle de l'Évangéliaire de Valère. On les dirait sorties de la main du même artiste, et assurément elles sont à peu près contemporaines. Seulement les couvertures des Évangélixires de Saint-. Ambroise et de Monza, plus compliquées, attesteraient peut-être un art plus avancé. Or on sait de la manière la plus authentique, par les inscriptions même placées sur la couverture de l’un de ces manuscrits, et par d’autres actes, qu'ils furent donnés l'an 1045 par l’archevêque Aribert ou Héribert, (ERIBERTVS ARCHIE- PISCOPVS), dont on voit le portrait figuré avec ceux d’autres personnages sur cette couverture, aux églises de Saint-Ambroise et de Monza ‘. Il est évident à nos yeux, après cette comparaison, que l'Évangéliaire de Va- lère est de provenance Italienne et plus particulièrement Lombarde et Milanaise. Il est probablement venu d'Italie à Sion, à une époque que nous ne pouvons préciser, mais que nous croyons très-ancienne et de bien peu postérieure à l'an 1000. Quand on sait les étroits liens qui unissaient au moyen-âge le Vallais à l'I- talie; quand on se rappelle que l'histoire ecclésiastique désigne Théodore ou Théodule, premier évêque d'Octodurum en Vallais, comme assistant Saint-Ambroise au concile d'Aquilée et condamnant avec lui les hérétiques Ariens * ; enfin quand ! Ces magnifiques couvertures sont décrites et figurées avec beaucoup de soin dans le grand ouvrage de Giulini, intitulé Memorie spettanti alla storia, al governo ed’ alla descrizione della Citta et della Campagna di Milano ne secoli bassi. 1760. (Tom. III, p. 387 et suivantes.) Le comte Giulini a poussé l'exactitude jusqu’à dessiner à part les camées et les pierres gravées qui ornent ces couvertures auxquelles il consacre quatre planches. Il donne en ces termes une idée de leur travail : € Il lavoro e a basso relievo molto rozzo, ma altrettanto ricco ; imperciocchè oltre all esser formato tutto « d’oro purissimo, e altresi ornato di non poche gemme, fra le quali vi sono alcuni pezzi quadrati di « pietre preziose insieme connesse artifiziosamente con sottilissima fila d’oro (filigrane) , disposte in guisa « d’arabesco e vi sono due bellissimi Cammei. » On ne pourrait employer des termes d’art plus exacts quand on voudrait décrire la couverture de l’Évan- géliaire de Valère. Enfin, il est à observer, à l'égard de ces deux manuscrits, que Giulini en décrivant leurs couvertures fait remarquer, que celle de dessous, dans laquelle est figurée l’image du donateur, l’arche- vêque Aribert, est d'une facture postérieure au travail des couvertures supérieures qui offrent quelque chose de plus étrange et de plus barbare dans leur richesse même. Ceci nous conduirait à penser que les couvertures inférieures sont bien du onzième siècle et contemporaines de l'archevêque, mais que celles de dessus remontent plus haut, de même que celle de l'Évangéliaire de Valère avec laquelle les couvertures milanaises ont tant de ressemblance. ? Seduni in Gallia Sancti Theodori, alias Theodorici Episcopi, et Confessoris, qui sui sæculi clzrum lumen cûm apud Octodurum Veragrorum Cathedram episcopalem (quæ demum Sedunum Vallesiorum translata fuit) teneret, ad Concilium aquileense, quod Damaso Papà et Gratiano Augusto jubentibus cele- 37 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 201 on suit les destinées religieuses et politiques de ces deux contrées situées sur les deux versants des Alpes Pennines, on arrive à notre conclusion’. Avec tout le respect que nous professons pour les lumières du vénérable clergé de la royale abbaye de Saint-Maurice d'Agaune, nous la croyons plus fondée que la sienne qui revient, comme on l'a vu, à supposer que l'Évangéliaire de Valère, donné par Charlemagne en personne à cette maison religieuse, aurait été enlevé à une époque quelconque des guerres et des incursions des Haut-Vallaisans dans le Bas-Vallais dans le XV® siècle. Si cependant Messieurs les membres du chapitre de Saint- Maurice avaient des preuves de cette spoliation ou seulement un inventaire fai- sant mention d'un Évangéliaire, don d'une main royale, nous serions prêts à nous y ranger en toute déférence. Nous n'avons point de parti pris. Nous ferons encore observer qu'il paraît bien difficile que ce manuscrit précieux ait fait partie des offrandes que fit Charlemagne au trésor de la royale abbaye, offrandes dont la date est fixée généralement par les auteurs à l'an 780 *. bratum est adversus Palladium et Secundianum, Episcopos Arrianos, unus scilicet ex propriis Galliæ epis- copis invitatus accessit, Sancti que Ambrosii adversus horum sceleratam perfidiam strenue propugnantis sulfragator damnationis sententiæ quæ contra illos lata est, sacros inter Proceres conspicuus subscripsit. Dehinc ad sedem reversus cum triumpho orthodoxam fidem sedulo excoluit. (André du Saussay, supplé- mentum ad Martyrologium Gallicanum. X. Cal. April.) On voit par ce passage que dès ses origines l'évêché de Sion fut comme un diocèse suffragant de l’ar- chevèché de Milan, bien que plus tard l'archevêque de Tarentaise devint le Métropolitain de l'évêque de Sion, jusqu’au moment où celui-ci fut affranchi de la juridiction métropolitaine, en 1520. Les tendances de cette église furent très-souvent italiennes au moyen-àâge. Ceci pourrait servir à expliquer bien des pages de l’histoire de ce pays à cette époque encore si peu connue , et sur laquelle les travaux de M. de Gingins ont déjà commencé de jeter un jour lumineux. ( Voyez les Archives pour l'Histoire Suisse, tom. IT, TT, et dans les VII, VIII et IXe volumes de cette collection, les Mémoires pour l'Histoire de Provence et de Bourgogne Jurane.) Le tom. II traite à fond des relations du Vallais avec Milan au moyen-àge. Il est essentiel de rappeler ici que l'archevêque de Milan, Aribert ou Héribert, joua un rôle important dans l’histoire du Vallais au commencement du onzième siècle. Uni avec Boniface, marquis de Toscane, il aida puissamment Humbert aux Blanches-mains, tige de la maison de Savoie, dans la guerre qu'il sou- tint, dit-on, pour l'empereur Conrad le Salique, contre les prétendants bourguignons au trône de Ro- dolphe III le Fainéant , et entre autres contre le comte Eudes de Champagne, neveu maternel de ce roi. Aribert, ayant forcé le mont Jou, à la tête d’une armée d’Italiens, fit sa jonction avec Humbert, traversa le Vallais, se porta sur Genève et battit aux environs de cette ville les troupes Bourguignones. (Wippo , in vità Conradi Salici, cité par Jean de Muller, liv. [, ch. 13.) € Quumque nequirent Burgundiones resistere, deditionem accelerant, perpetu subjectonis condilione Chuon- rado substrati. (Arnulph. Milan, lib. II, ch, 8.) ? On cite cependant plusieurs autres voyages de cet empereur à travers les Alpes jusqu'à lan 804. 202 H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS 38 Alors en effet la révision des textes sacrés par Alcuin, qui a servi de base à toutes les reproductions des parties de la Bible telles que les Épitres et les Évan- giles, n'était pas encore ou était à peine achevée. On sait que ce savant disciple de Bède présenta sa Bible à Charlemagne l'an 801, lors de son couronnement à Rome. Nous serions bien plutôt porté à croire que l'Évangéliaire de Valère, dont les caractères et l'aspect intérieur et extérieur rappellent bien l'ère Carlo- vingienne, (ce qui ne veut pas dire qu'il ait été donné par Charlemagne), qui re- trace dans sa page finale les campagnes de Pepin et de son fils contre les Lombards et la délivrance de l'Italie, fut un présent de l’église métropolitaine de Milan, ou de quelque pieux archevêque de ceite cité, à l’église du Vallais, renaissant après les invasions sarrazines, ou si l'on veut à l'évêque et au chapitre de Sion. Il est fort possible aussi que ce fut une acquisition faite directement par cette église, ou un don de ses propres évêques". S'il fallait nécessairement trouver à ce livre une origine princière, nous ne serions pas trop éloigné de le faire remonter à Rodolphe IT, roi de Bourgogne Jurane, l'époux de la pieuse reine Berthe. On sait que ce monarque intrépide et ambitieux, après avoir disputé à Bérenger la Haute-ltalie, régna sur celte contrée qu'il joignit un moment à ses états héréditaires (922-926). Les Vallaisans, ses fidèles sujets, le secondèreni puissamment dans cette conquête Transalpine contre laquelle l'expédition de l'archevêque Aribert, citée plus haü£. ne fut qu'une réaction ?. On pourrait conjecturer que FEvangélaire de Valère, tra- vail tout Italien, fut donné par ce roi Italo-Bourguignon à l'église fidèle de Sion. Cette explication viendrait à la vérité se heurter contre les récits qui nous disent que les Sarrazins pillèrent et détruisirent de fond en comble Saint-Maurice et Sion immédiatement après le règne de Rodolphe IF, mais ne serait-elle pas pourtant Ainsi le Gallia Chrisliana dit qu’en 801 Charlemagne, revenant de Rome et traversant le Vallais, envoya à Sion un morceau du bois de la vraie eroix que l’on conserve dans l’église de Valère. (Tom. XIE, p. 738.) ‘Il nous semble aussi que si cet Évangéliaire avait été un don direct de Charlemagne, la mémoire de cette munificence aurait été consignée d’une manière quelconque sur les feuilles de garde qui po:tent simplement : Est Ecclesiæ Vallerianæ. La Bible d’Alcuin possédée par M. Speyer portait les lettres CARVLYS liées et enlacées ensemble. Il est vrai, comme on l'a vu, qu'un savant paléographe anglais démontrait que ces lettres avaient été peintes après coup et substituées à d’autres. 2? Rodulphus, Berengarii Morte et Hungarorum incursione permotus, Italiam rediit (924) et totum regnum sine contentione recepit. Extant diplomata, Veronæ data, quibus emnia privilegia regum et Impe- ratorum ecclesiis Italiæ confirmavit. (Sigonius, de regno Llaliæ, Liber VI.) 39 DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. $ 203 plus satisfaisante que celle qui, pour justifier la présence de ce manuscrit à Va- lère, dans une église vallaisanne, fait dépouiller l'église de Saint-Maurice, par les Vallaisans même? Notre version aurait en outre l'avantage de faire mieux concorder l’âge apparent du manuscrit avec l'événement. Au reste, si l'origine princière de ce beau volume ne peut être clairement établie, dans l’une comme dans l’autre hypothèse, nul ne peut lui contester le double et si rare mérite de sa belle conservation intérieure et de la richesse de ses ornements extérieurs qui lui donnent toute l'importance d’un monument très-précieux de l’art au moyen- âge ‘ Pour donner une idée plus exacte de la partie la plus apparente du manuscrit de Valère, nous avons fait reproduire le dessin colorié de sa couverture supérieure. Ce travail, exécuté avec intelligence, fidélité et bonheur, rend parfaitement l'original. Nous n’avons pas voulu restituer les parties dégradées, afin que notre dessin fût ün fac-simile dans toute l'étendue du terme, et non point une restauration. La ligne 1 des spécimens d'écriture est celle de l’entête des chapitres. La ligne 2 est du corps du ma- nuscrit. Les lignes 3 et 4 sont de la page finale. * Nous avons trouvé dans le rapport sur la bibliothèque de Porrentruy (p. 39), publié en 1849 par M. Trouillat, maire et bibliothécaire de cette ville, une note précise et curieuse sur les vicissitudes subies par la Bible de Moutier-Grandval, dite /a Bible d'Alcuin : € Après la suppression des couvents de l’ancien évêché de Bâle, M. Bennot, chargé de la surveillance des Bibliothèques des couvents de Moutier-Grandval et des capucins de Délémont, avait acheté, dans un encan du mobilier d’un chanoine de Moutier-Grandval, un manuscrit qui était considéré comme ayant appartenu à Saint-Germain, fondateur de cette abbaye au VII siècle, M. Bennot le vendit à un juif pour trois francs; le juif le céda à un amateur de Bäle (M. de Speyer) pour vingt-cinq louis. Celui-ci le fit passer en Angleterre où il s’est vendu, dit-on, soixante mille francs. C’est une Bible écrite sur vélin que Von attribue à la main d’Alcuin, précepteur de Charlemagne. » Nous avons donné le chiffre exact du prix de vente de cette Bible en Angleterre. M. de Speyer dans sa notice dit qu'il l’acheta directement de M. Bennot. Il ne parle pas d’un acquéreur intermédiaire. 204 ‘H.-E. GAULLIEUR. MANUSCRITS DE L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE. 40 IL. Ce mémoire était terminé quand nous avons reçu de M. le baron de Gingins La Sarra une lettre qui jetera un nouveau jour sur la question que nous avons essayé d’éclaircir touchant l’Évangéliaire de Valère. Nous avons été heureux de voir un juge aussi compétent et si éclairé tirer des conclusions qui, en plusieurs points, se rapprochent singulièrement des nôtres : € Il y a (nous écrit M. de Gingins) deux choses à distinguer dans la question : «4° L’Évangile de Valère provient-il originairement du trésor de Saint-Maurice ou a-t-il toujours appartenu à l’église de Sion? « 2° A-t-il été donné à l’une ou à l’autre de ces églises par Charlemagne? » € Quant au premier point, sans vouloir le moins du monde n’élever contre l’opinion de Messieurs du couvent de Saint-Maurice, je ne vois pas trop pourquoi les Haut-Vallaisans se seraient appropriés cet Évangile plutôt que tout autre objet tout aussi richement incrusté, tels que les reliquaires qui sont restés dans le trésor de Saint-Maurice. Ce sont les Bernois qui ont pris Saint-Maurice en 1475, et qui l'ont remis aux Commissaires de l’Évêque de Sion au mois de mars 1476. (Voyez Développement de l'Indépen- dance du Vallais), et je n’ai trouvé aucune trace de spoliation ou de mise à rançon à cette époque. « En ce qui concerne la question de savoir de quelle source provient l'Évangile acheté du chapitre de Sion, je ferai remarquer : 1° Qu'il n’est nullement démontré que Charlemagne ait jamais séjourné à Saint-Maurice ou à Sion, ni même qu'il ait fréquenté en personne les passages des Alpes Pennines, soit en allant, soit en revenant d'Italie. MM. de Rivaz ont fait voir que la légende insérée dans le tome XII du Gallia Ghristiana, page 138, était très-suspecte. Il est certain, au contraire, que Charles le Chauve et les derniers Carolingiens ont passé ou séjourné plusieurs fois dans cette abbaye. Mais d’une autre part, nous savons qu’en 940-941 (c’est-à-dire postérieurement au règne de Rodolphe II, mort en 937) l’abbaye de Saint-Maurice fut totale- ment brülée et pillée par les Sarrazins, et que la ville de Sion fut également exposée aux pillages de ces barbares. € 2 Parmi les objets que l’on suppose avoir été donnés à Saint-Maurice par Charlemagne, on parle de la table d’or empruntée au couvent par le comte de Savoie Amédée III, et d’une fiole d’Agathe gravée; mais je ne sache pas que les inventaires du trésor de Saint-Maurice fassent aucune mention d’un Évangile enrichi de pierreries. » « Je croirais plutôt que cet Évangile avait appartenu à l’un des évêques de Sion, tels qu'Éberhardt, Hugues ou Aymon second , tous parents ou alliés des rois Rodolphiens. Aymond Il, qui vivait en 1037- 1053, fit de grandes libéralités à l’église de Sion, et la comparaison que vous avez eu l’occasion de faire avec les Évangiles du trésor de Monza me confirmerait dans la pensée que l'Évangile de Valère est de la même époque et provient de l’évêque Aymon IL. » « Agréez, etc. CF. DE GINGINS LA SARRA. € Professeur honoraire à l'Académie de Lausanne. « Lausanne, le 1e septembre 1853. » #7 VE Va RU LL Aiâs; HE a pes ] ue à if LS QUTrE Tete, imp. Velella spirans Forskal. NES ne LA eo Ci NU 227 de re #7" t : À ee F4 p NN m0 F2 À ? "1 , Li * LE d Le : ‘ A, ' l CRE 1e = ; é vu: " t4r ï us Le TR Let Re ï ‘ ” LA 4 é 10 Din sp e n ST euh \ \ elella spirans. Forskal . 2 ent ds LT, VO A | FAT ei Lips à Ti Physophora. et | ‘ab. 1 «Nigent. Ti sophora hydrostatiea Forskal. Ledeux, tmp. Phy 4 EPS NA De LS PA x € Hiegas ur PRET EL Physophora . Abalma rubra - € Voôt. ae SRE : per LES » NO 7 2 # | F2 — SEE en) ES Pl SE COX \ CN TP 2 L Ÿ 3 = + . FRS \ TE » , _ À 9 ‘ = » F] \ È A À Ledone trie Agalma rubra. ca LR. À é a rx EL: Sa : et hs À L ) L Tab 10 CNigent/ith Aôalma rubra. Le) LE on RU 1 po LA It Mt LUS 5 LUN 2 | MAL ET SOA à RS LOL LA À 1UNTrTE 1 LJ > : s x “4 à : " L > F * LA n ? . Ÿ ! = ‘en e > Les) Qc = co — © = = Ex Li E __ < «Sn < ‘en _— … _ | L LU ENECEN stèle à Ps SE SSS MT A rA 1 Lafe 6 SES FNegent LEER. D L_0. Apolemia Héntortas 119 Hippopodues luteus. CA août. —istomum Hippopodii.. = Diphves spec ? 5 G. el Q Lriédona RE EREE RE E RTE EN EEE b.—.\br lu EL Se - f fs us — à PELLE LEE SES TE SEEN EE Pé RRELIRRRR,; S "É Re CRC RE SEE TETE EE PLANETE 4 SEL TII ITR = = S > E .— T _ = PA © Le) = = == - T = . T = = = à it ur os LAS Les I EE SN TE PL IE Le = Der Ne à ‘PR Ledoue np Praya Diphyés de Blainville. "1 [La Ts CVoét. _ cm Le) — ee SU L F4" Per . = Pr CN TS TS Galeolaria aurantiaca . €.Vogt. e à om qe Zidone. np. Ê Galeolaria aurentiaca-C. Vogt-A 7. Abyla trigona - Q.et G— | | a” 11e AA : en | UN \ à ce Vu sl: sn # | , d U ; 2" : Û { £ ; : muS fl HA LÉS 0 NT Ledsux imp . Galcolaria aurantinca. 3—6,10.—13. Abyla trigona. 1 —9 Diphyes. d tds Pre + AND PE dupe D TE PARTS De — A L] 2 Hit PA 1| l til “ 4 mn, It Hi PEU 1 EN MT À IN k es Hal À AMAR TEE LM ie Par (| ral , ] 1} [A LA k 4 1 | we | LL LR | [RL ta ! | 0} À | À | UE ur | ts | il dt pue M 4 L n bi Î 4 ll L Mer (juil 1 I us ul | . jl ñ Mile | | RU (HALLE UN Date RU h HAT {! } Li Ua | \ an * 1 A AI || Mate DAFT à PAL Li qi CALE 1 (ll F1, RFC Au us 4 LL qu {l | }! “it un à ali 1? # ITA 1 \# Fi ! ra URA HAN | ; | "(ICTIEU feel L LITE . nl | ul V | PIN PA LA TIRE ' v ARE AL CD (il ti ' ; if [ue UT: LA { | k \ ia l lu »#} | { ll +1 | . (W | 4 | js ; | U Mu | | i [A \ à l | null IA ( | [HN MALI | { | Q1 (0! | PT j À | ni | ) | à L ) { [l | ‘| y Î AE : qi NID REPAS CE Le ù | 4i AY Il La PAS 12 IL À i (NACRE AE DU D'N HE E not NEC CR SENTE LI rt \ è | "TT «| b Au * ONE d. EE ". d ù a CH . ln tail | té ( ni 4 fui ù Pa 1 rs |, min EN N [RS 0 : 1 ”) \ ù in r Ib ar-# a | Le Bt LT, Er SR + CR PE k M | … à sL ÉD — EXT _— Rire Te TA LE re : Æ Î il 1 pou ( LA L | Î { (1 [l | ti ll [ H l L | } l | | Wal} À 1 ire) À ] U} {| Î À il LE h ! pl L [l 1 | [! | , ] } | } }! ! (1 (PA {il \ l ÿ (il { { { {| | 4! F l 1 j Î : \ l { } il FA ' th { ( : { 11# | L « l ) { | L | { . } Î | { ( | | ( Lit0 | n ne t 1145 Î l #4 1) l Ut | : pr ( } : 1} | 1] \ : Î ni 1 { | | Î hi { }' LA l 1 t n (| n ! fl 11 {| { { 1 rt) il: 14 : vil init Hé le LAMPE Pr | ’ | j OU ent ) ; À le? l Î y { AU 1 ( 87 1 HUE | | N 1 4 : 4 1h91 N ! AA i | À { A ", QI T ÿ h f 1 À { lé k Der 117 jh RULES ARR PT ET PALETTE Lo" pt Ce Are Eee CE 0 y Leur Ride à des ris DNS Pr Qt ee jte Cu root | à mb rai À CL 6 4 1 OA RU CHECE UE CARPE DE CES ira N an (er + a UE UT UOTE | IDDN ES À Le Pa dead à à n * … Des LA tre nr Leur belr raû ol ee PE ST ES YA + 7 x 1 k | À } , 1 | | \ L 4 EX : 4 k MAT ‘4 RUN Û LG j , }40 és ü HA Wu? fi FA À 1 \ , 1 CPE ? IL | " LA fl, \ { Î SAMY “1 \ , } À j À Ê t F 10% ( » * à À AND AUND Don PALIN AOOK INDE NN (SAUT Q À D EN OO DER TUE HoUar SA . ne A