RECHERCHES SUR LES OSSEMENS FOSSILES DE QUADRUPEDES. TOME IV. RECHERCHES SUR LES OSSEMENS FOSSIEES DE QUADRUPÈDES, ou U’ON RÉTABLIT LES CARACTÈRES DE PLUSIEURS ESPÈCES D’ANIMAUX QUE LES RÉVOLUTIONS DU GLOBE PAROISSENT AVOIR DÉTRUITES-, Par M. CÜYIER, CbeTaller de l'Empire et de la Légion d’iionneur , Secrétaire perpétuel de rinstitnt de France , Conseiller titulaire de Eünlversité impériale , Lecteur et Professeur impérial au Collège de France , Professeur administrateur au Muséum d’Hîstoire naturelle ; de la Société royale de Londres , de l’Académie royale des Sciences et Belles - Lettres de Prusse, de l’Académie impériale des Sciences de Saint-Pétersbourg, de l'Académie royale des Sciences de Suède , de l’Académie impériale de Tarin , des Sociétés royales des Sciences de Copenhague et de Gottiugue , de l’Académie royale de Bavière, de celles de Harlem , de Vilua, de Gènes , de Sienne, de Marseille , de Ptonen , de Pistoia ; des Sociétés pliîlomatîque et philotedinique de Paris ; des Sociétés des Naturalistes de Berlin , de Moscou , de Vetteravie ; des Sociétés de Médecine de Paris , d'Edimbourg , de Bologne , de Venise , de Pétersbourg , d’Erlang , de Montpellier , de Berne , de Bordeaux , de Liège ; des Sociétés d’Agrîcultnre de Florence , de Lyon et de Véroune , de la Société d’Art vétérinaire de Copenhague ; des Sociétés d’Emulatîon de Bordeaux , de Nancy , de Soissons , d'Anvers , de Colmar , de Poitiers , d’Abbeville , etc. TOME QUATRIÈME. CONTENANT LES EDMINANS , LES ONGUICÜLÉS ET LES REPTILES FOSSILES. ■ Il - (3 A PARIS, Chez DETERVILLE, Libraire, rue Hautefeujlle, lU 8. 1812. TABLE DES CHAPITRES DONT SE COMPOSE CE QUATRIÈME VOLUME. III.® PARTIE. Ossemens de Rumiiians, de Chevaux, de Cochons , etc. Il s’y trouve traité par occasion de quelques Rougeurs. Nombre Nombre des paf^es. des planches» I. Sur les os fossiles de Rinnirians trouvés dans les fei'rains meubles. ..... 66 III. II. Sur les brèches osseuses cjui remplissent les fentes des rochers cl Gibraltar et dans plusieurs autres lieux des côtes de la Méditerranée 3B IL III. Sur les os de Chevaux, de Cochons , etc. 12 o. IV®. PAPlTIE. Ossemens de Carnassiers et d’autres Onguiculés. 1. Sur les ossemens du genre de l’Ours (jui se trouvent en grande cpianlilè dans certaines cavernes cV Allemagne et de Hongrie . . 72 VIL IL Sur les ossemens fossiles d’ Hyène. . . 18 1. HL Sur les espèces d’animaux carnassiers dcmt on trouve les ossemens mêlés à ceux d’Ours dans les cavernes d’Al¬ lemagne et de Hongrie . 20 IL TABLE DES CHAPITRE S. 6 IV. V. VI. VII. VIII. Recherches sur les espèces vivantes de grands Chats , pour servir de preuves et d’éclaircissemens au chapitre sur les Carnassiers fossiles . 3o De quelques Rongeurs fossiles , princi~ paiement du genre de Castors , qui se sont trouvés dans des tourbes ou dans des alluvions , et de quelcques autres Rongeurs enfermés dans des schistes. lo Observations sur l’ostéologie des Pa¬ resseux ..... . 28 Sur le Blegalonyx , animal de la famille \ des Paresseux , mais de la taille du Boeuf , dont les ossemens ont été dé¬ couverts en Virginie en 1796 . . . . Sur le Mégathérium y autre animal de ( la famille des Paresseux , mais de la taille du Rhinocéros , dont un sque¬ lette fossile prescjue complet est con¬ servé au cabinet royal de Madrid, j 43 IX. Sur l’ostéologie du Lamantin ; sur la place que le Lamantin et le Dugong doivent occuper dans la méthode na¬ turelle et sur les os fossiles de La¬ mantin et de Phoques . 4° II. I. IV. III. I. Ve. PARTIE. Ossemens fossiles de Quadrupèdes ovipares. I. Sur les différentes espèces de Crocodiles vivans , et sur leurs caractères dis¬ tinct ijs . . 60 II. TABLE DES CHAPITRES. 7 II. Ohservuiions sur Vostéologie des Croco¬ diles vivans . . ' . 26 II. III. Sur les ossemens fossiles de Ci'ocodiles , et particulièrement sur ceux des en¬ virons du Havre et de Honfleur^ avec des remarques sur les squelettes de Sauriens de la Thuringe . 38 II. IV. Sur le grand animal fossile des carrières de MaestricJit. .......... 32 II. V. Sur quelques quadrupèdes ovipares fos¬ siles , conservés dans des schistes calcaires . 38 II. VI. Sur les ossemens fossiles de Tortues. .16 IL y M /r .11 ' J ' 'r ’l «•\ • V ^ ■ 7'',a-> ; '.'î'^ 4'A>i.AVV.'.\v. ''' ".v ■- ''j 1 , 'v'-'. ■ '.'.U . ; .. .. . 'i . . >■. v / '■ ■ :.V;. t. .... ■ ,'.\i\ - . • H Vi J. . .'V ^•lïvvT''. . , . >A')V'.' Al, \ô -i ■ ^v;| '»-v A'' i - iiViv, H'sV, ?,V.v’\^SNO'o ■ ; ■i ,1 /’ : '‘a . .ïj ; \ RECHERCHES SUR LES OSSEMENS FOSSILES DE QUADRUPÈDES. QUATRIÈME VOLUME CONTEVAAT LES TROIS DERNIÈRES PARTIES. Après avoir fait dans notre troisième volume, l’histoire détaillée d’un terrain particulier ; après y avoir montré dans des couches pierreuses régu¬ lières , formées dans l’eau douce , recouvertes par des couches également régulières , mais d’origine évidemment marine, une foule d’animaux dont les genres même ont disparu ; après avoir recomposé péniblement les squelettes de ces animaux , nous revenons maintenant à des objets plus répandus et à des formes plus rapprochées de celles de nos jours. 2 RECHERCHES SUR LES OSSEMENS FOSSILES Nous terminerons d’abord l’histoire des ani¬ maux à sabots en traitant des ruminans, des chevaux et des sangliers des couches meubles. Les ruminans seuls nous fourniront dans le buffle de Sibérie et dans le cerf à grands bois palmés d’Ir¬ lande J des espèces bien manifestement inconnues; celle-ci sur-tout ne laisse aucune équivoque, et ne peut être confondue avec aucun grand cerf de fuii ni de l’autre continent; au contraire les chevaux et les sangliers fossiles n’ont dans leurs ossemens rien qui les distingue de ceux d’aujourd’hui; et cependant les premiers se trouvent dans les mêmes couches que les éléphans et les rhinocéros : il est vrai qu’on auroit aussi de la peine à distinguer les os du zèbre de ceux de notre cheval ordinaire, quoique l’espèce en soit regardée comme diffé¬ rente. A la suite des ruminans des couches meubles, nous traiterons des os renfermés par des stalactites ou des concrétions dans les fentes des rochers , et dont la plupart viennent aussi d’animaux rumi¬ nans ; iis J sont mêlés à ceux de chevaux et de différons rongeurs , dont quelques-uns sont incon¬ nus , mais dont la plupart ne peuvent être distin¬ gués de ceux du pays. Ne voulant pas séparer des os trouvés dans les DE QUADRUPEDES. 3 mêmes pierres, nous laisserons les descriptions de ceux des rongeurs dans la troisième partie, quoi¬ qu’ils appartiennent proprement à la quatrième, qui embrasse tous les os fossiles de quadrupèdes onguiculés. Nous commençons cette quatrième partie par le grand pliénomène des cavernes remplies d’osse- mens , si abondantes dans certaines montagnes d’Allemagne et de Hongrie , et par les ours qui ont fourni la plus grande partie de ces ossemens, et qui nous forment encore deux espèces dont l’une au moins est inconnue. Adennent ensuite les tigres, les hyènes^ les loups, les renards et ces autres carnassiers qui pa- roissent avoir eu dans les cavernes un repaire com¬ mun avec les ours , et qui y ont aussi laissé leurs os par milliers. Tous ces animaux se rapprochent assez, les uns de quadrupèdes étrangers encore vi- vans , les autres même de quadrupèdes du pays , pour qu’il soit difficile de soutenir la différence de leurs espèces , si elle n’étoit appuyée par la diffé¬ rence bien évidente des grands ours leurs com¬ pagnons fidèles. On peut en dire autant des castors trouvés dans les tourbes ou les terrains meubles 5 ce sont des 4 RECHERCHES SUR LES OSSEMEKS FOSSILES animaux identiques , ou au moins extrêmement semblables à ceux d^aujourd’hui. Mais le Mégathérium et le Megalonyx qui ter¬ minent cette quatrième partie , et en général toute l’histoire des quadrupèdes vivipares ensevehs dans le sein de la terre , nous offrent un autre spectacle ; ils nous ramènent à ces espèces gigantesques de la première partie ; à ces éiéphans , à ces rhino¬ céros , à ces Mastodontes de l’ancienne création 5 ils les surpassent même par la bizarre configura¬ tion de leurs diverses parties ; et quoiqu’ils offrent des rapports de famille avec les paresseux , fil est impossible au zoologiste de n’en pas faire un genre distinct de tous ceux qui ont été établis jusqu’à ce jour. Les lamantins ayant des rapports nombreux avec les quadrupèdes, n’étant pas non plus tout- à-fait des habitaiis de l’eau salée, qu’une inonda¬ tion marine ait pu épargner^ nous avions des mo¬ tifs pour en traiter, et nous avons placé leur his¬ toire à la suite de cette quatrième partie. Nous avons dit en même-temps quelques mots sur des os de phoques trouvés avec les leurs , mais l’os- téologie des cétacés ne nous a point paru assez connue pour entrer dans les détails de leurs DE QUADRUPÈDES. 5 ossemens fossiles ; nous avons cm d’ailleurs pou¬ voir nous en dispenser dans un ouvrage consacré par sa nature aux dépouilles d’animaux non marins. Notre plan nous engageoit au contraire à trai¬ ter des quadrupèdes ovipares de terre ou d’eau douce et nous l’avons fait dans notre cinquième partie j les résultats importans de nos reclierclies sur les crocodiles vivans , et sur les ossemens fos¬ siles de crocodiles et d’autres grands lézards , nous ont bien dédommagé de cette excursion dans le domaine d’une autre classe ; la détermination pré¬ cise du genre du fameux animal de I^.laëstriclit nous paroit sur-tout aussi remarquable pour la théorie des lois zoologiques ^ que pour l’histoire du globe. Ainsi se termine un ouvrage auquel nous avons travaillé pendant plus de douze ans , et que nous ne considérons néanmoins que comme un essai. Déjà il nous arrive de nouveaux morceaux, ou des renseignemens précieux, dont nous pourrons bien¬ tôt former un cinquième volume, qui servira de supplément aux quatre premiers, et où nous ferons entrer les corrections que le tems nous fera juger nécessaires. / “ — '* ' •■ -''l •' ! • - ■■. 'it)V/j i'.. i ! ;r- . ;j i;,. :;j; i , ‘ : j; {;'v tn ÿi» > N' ; i ^ ':r i u i'î > ; ' i ! ■ ■'■ ' - : ■'•■;■. ; .. . . >!•: 'i'- ■. jÿ iij âü:;. ,iÀj( .;. ‘ ■■j" • Iir. PARTIE. OSSEMENS DE RUMINANS, DE CHEVAUX DE COCHONS, etc. 1 \ I - « .. ». l •. ' V- v I' SUR LES OS FOSSILES DE RUMINANS, TROUVÉS DANS LES TERRAINS MEUBLES. Nous voici arrivés à la fois à l’une des familles les plus nom¬ breuses parmi les fossiles, et à celle qui présente le plus de difficultés dans son étude, soit sous le rapport ostéologique , soit sous le rapport géologique. C’est en effet celle dont les espèces sont le plus difficiles à discerner les unes des autres; car les ruminans, qui se distin¬ guent d’une manière fort tranchée des autres quadrupèdes, se ressemblent tellement entre eux, que l'on a été obligé d’em¬ ployer dans cette famille, pour caractères de genres, des par¬ ties telles que les cornes, qui non -seulement sont tout-à-fait extérieures, et par conséquent de peu d’importance, mais em core qui varient dans la meme espèce, selon le sexe, l’âge et le climat, pour la forme, pour la grandeur, et même jusqu’au point de manquer tout-à-fait dans plusieurs de ces circons¬ tances. 2 RUMINANS FOSSILES. Mais les difficultés que les ruminans offrent en géologie sont plus grandes encore, s’il est possible, que celles qui concer¬ nent la distinction de leurs os. Jusqu’à présent nous n’avons trouvé dans les terrains meu¬ bles que des pacbydermes différons par l’espèce de ceux d’au¬ jourd’hui. Les carnassiers qui les accompagnent sont au moins d’espèces fort étrangères à notre climat : les cavernes elles- mêmes ne nous offrent guère que des carnassiers inconnus ou étrangers; mais, parmi les ruminans , presque toutes les espèces que nous trouvons fossiles, soit dans les terrains meubles, soit dans les fentes de rochers remplies de stalactites, ne paroissent différer en rien d’essentiel de celles de notre pays et de notre temps. U élan fossile d’Irlande, qui paroît véritablement perdu, fait bien exception à cette règle, et rentre dans celles que nous avons observées relativement aux pacbydermes ; quelques espèces de corf peuvent encore s’y rapporter; mais je dois avouer qu’il m’a été impossible de ne pas reconnoître des crânes d’aurochs, de bœufs et de certains buffles, pour ce qu’ils sont véritablement. Le genre des chevaux partage, avec les ruminans, cette ressemblance des os fossiles avec ceux des espèces vivantes. A la vérité le plus grand nombre des os de cheval, de bœuf et d’aurochs que j’ai observés., avoient été tirés des alluvions les plus récentes, ou même des tourbières; quelques-uns sor- loient aussi de sables qui pouvoient s’être éboulés sur eux; mais il y eu a qui ne sont point dans ces situations, et Ton ne trouve guère d’ossemeus d’éléphans et de rhinocéros qui ne soient accompagnés d’os de bœufs , de buffles et de chevaux. Il y en avoit par milliers dans le fameux dépôt de Cansladt; RUMINANS FOSSILES. 3 j’en aî vu nioi-ménie retirer des centaines du canal de l’Ourcq, sans qu’il m’ait été possible d’apercevoir de différence entre leur gisement et celui des os d’éléphans sortis du même canal. Ces os appartenoient-ils à des races dont quelques individus, en se retirant sur les montagnes, ont échappé à la catastrophe qui a enfoui les éléphans et les rhinocéros dans nos plaines ? Ou les terrains dans lesquels on les trouve péle-méle avec des races perdues, ont-ils été remués postérieurement à la destruction de celles-ci ? Ou bien ces espèces de ruminans se distinguoient-elles de celles d’aujourd’hui par des caractères extérieurs que l’on ne peut plus retrouver dans leur squelette, comme le zèbre dif¬ fère de l’àne, par exemple, et le couagga du cheval? Ou bien enfin seroit-il arrivé que l’on n’auroit recueilli avec des os d’éléphans et autres semblables, que des parties non caractéristiques , qui étoient les memes dans les espèces per¬ dues et les vivantes , tandis que les crânes et autres parties distinctives, semblables à celles des espèces vivantes , n’auroient été retirés que de terrains modernes? Ces quatre cas sont possibles. Lequel a eu lieu? Je n’ose encore le décider 5 peut-être la suite de nos recherches nous donnera-t-elle des motifs d’être plus hardis 5 en attendant, poursuivons-en le cours, et cherchons à en remplir l’objet essentiel, qui est la détermination des os. Pour cet effet, commençons par exposer en peu de mots les principaux caractères ostéologiques communs à tous les ruminans, et par indiquer une partie de ceux qui peuvent le mieux servir à distinguer les genres. 4 RUMINANS FOSSILES, Article premier, Remarques générales sur T ostéologie des niminans. Leurs dents mâclielières doivent former leur premier carac¬ tère. Dans l’état parfait ils en ont six de chaque côté , tant en haut qu’en bas. Les chameaux et les lamas font cependant une exception notable à cette première règle comme à beaucoup d’autres; ils n’ont en série continue que cinq molaires, encore la pre¬ mière d’en-bas est-elle si petite, qu’elle tombe de bonne heure; mais les molaires qui paroissent leur manquer sont seulement séparées des autres et placées plus en avant , où on leur donne communément le nom de deuxièmes canines, à cause de leur forme simple et pointue. La dernière des mâchelières inférieures de tous les ruminans est formée de trois demi-cylindres, à la suite l’un de l’autre; les deux antérieurs, lorsqu’ils sont en germe, ont à leur cou¬ ronne deux collines saillantes en forme de croissans, dont la convexité seroit tournée en dehors ; en s’usant , ces croissans s’élargissent, et montrent leur ivoire bordé d’émail, jusqu’à ce qu’ils se confondent l’un avec l’autre : le troisième demi-cy¬ lindre ne présente qu’un seul croissant ; il y en a donc cinq à cette dernière dent. Les deux dents qui précèdent la dernière n’ont chacune que deux demi -cylindres, chacun à deux croissans ; elles ont donc chacune quatre croissans placés deux à deux. Telles sont les arrières-molaires , qui ne viennent qu’une fois , et ne changent pas. Mais les trois qui les précèdent dans la série, changent RUMINANS FOSSILES. 5 comme dans les autres animaux. Elles ont donc premièrement leur forme de molaires de lait , et ensuite celle de molaires de remplacement. Décrivons d’abord celles de remplacement, que l’animal porte pendant la plus grande partie de sa vie. La troisième, ou celle qui précède immédiatement la pre¬ mière arrière-molaire, est aussi formée de deux demi-cylindres et de quatre croissans; mais le cylindre postérieur est plus petit que l’autre , et ses croissans se confondent plus vite. Dans la deuxième, le cylindre postérieur se réduit à une petite arête saillante. La première est simplement comprimée, avec deux sillons à sa face interne. Quant aux molaires de lait, leur différence d’avec celles de remplacement consiste, comme à l’ordinaire, dans une plus grande complication. La troisième de lait est formée de trois demi -cylindres et de trois croissans doubles ; par conséquent elle est encore plus compliquée que la troisième arrière -molaire. La deuxième a deux croissans simples et trois proéminences transverses vers l’intérieur ; la première a deux croissans sim¬ ples, et une seule ligne transverse. Ces animaux prennent leurs deux premières arrière molaires avant la cbùte de leurs molaires de lait; par conséquent, tant qu’ils n’ont pas plus de cinq dents, c’est la troisième qui est formée de trois doubles cylindres; mais, quand ils en ont six, c’est la sixième qui est dans ce cas. Ce phénomène très-simple étonna Daubenton lorsqu’il décrivit le squelette àiélan du Muséum, et il crut que cette troisième dent, plus compliquée, pouvoit être un caractère d’espèce : ce n’étoit qu’un caractère d’âge, qui se retrouve le même dans tous les ruminans, et qui a son analogue dans tous les animaux. 6 RUMINAPsS FOSSILES. Les trois arrière -molaires supérieures des ruminans sem¬ blent être des inlerieures retournées; elles sont de même for¬ mées de deux demi - cylindres , présentant chacun un double croissant, mais dont la convexité regarde en dedans; elles sont aussi plus larges; la dernière, comme les autres, n^a que deux demi-cylindi'es, et non pas trois comme celle d’en -bas. Les trois molaires de remplacement, ou les antérieures de Faiîimal adulte, ont chacune un seul demi -cylindre et une seule paire de croissans, encore la première de toutes est-elle irrégulière; mais les molaires de lait, toujours fidèles à la loi d'une plus grande complication, ont toutes les trois des cylin¬ dres et des paires de croissans doubles comme les arrière-- molaires; et comme elles ne tombent aussi qu’api'ès l’éruption des deux arrière - molaires antérieures, il y a une époque où l'animal a cinq mâche’iières supérieures semblables entre elles. Il est essentiel de bien connoîlre ces variations pour ne pas s’exposer à multiplier les espèces. Nous n’avons pas besoin de dire que les chameaux n’ont, dans leur série, que deux molaires sujettes à l’échange: c’est ce qui découle de l’exception que nous avons établie pour eux; mais elles suivent dans les variations de leur forme les mêmes lois que les deux dernières de lait et de remplacement des autres genres. Nous ne nous arrêterons pas aux changemens des incisives qui ont été mieux observés, parce qu’ils étoient nécessaires pour juger l’àge des bœufs et des moutons; et quant au reste du squelette, nous en dirons quelques mots seulement, ren¬ voyant à Daubenton et à nos leçons d’anatomie comj^arée. Le principal caractère qu'il fournit est celui des pieds, tou¬ jours composés de deux doigts que portent un métacarpe et RUMINAINS FOSSILES. un métatarse d’une seule pièce, à dehx têtes inférieures, et que terminent deux grandes phalanges triangulaires, aplaties par leur côté interne, revêtues d'un grand sabot de même forme. ■* Les chameaux font encore exception à cette règle, par leurs dernières phalanges petites et symétriques, recouvertes seu¬ lement d’un petit ongle, et par la semelle unique qui réunit leurs deux doigts en dessous. Iis en font une autre, en ce que le scaphoïde et le cuboïde du tarse restent distincts chez eux, tandis qu’ils sont soudés dans tous les autres. Quelques espèces ont au pied de devant, en dehors de la base du métacarpe, un stilet mobile, très -court vestige d’un troisième doigt : dans d’autres il se soude au métacarpe^ dans le plus grand nombre il disparoît, La jambe donne un autre caractère, par son péroné, réduit a un petit osselet qui s’articule entre le calcanéum et le bord externe de la tête inférieure du tibia. I. es chameaux l’ont comme les autres; mais ce sont les chevrotins qui font exception ici. Leur péroné, comme celui des chevaux, est un stilet attaché au côté externe de la tête supérieure du tibia, et descendant jusque près de l’inférieure. Le radius forme la partie principale de l’avant-bras; sa tête occupe tout le devant du coude, et s’articule par gynglime à i’hnmérus. Le cubitus n’en est ])resque qu’un appendice, tantôt distinct sur toute sa longueur, comme dans les cerfs, les antilopes, les bœufs, les moutons; tai.tôt disparoissant bien¬ tôt apres l’olécrane, comme dans la giraffe, et encore plus dans le chame.'ju. Le fémur ifa point de troisième trochanter ; la crête deltoi- s RUMINANS FOSSILES, dienne de Thnniérus est peu saillante; l’omoplate en triangle isoscèle a la partie de son épine la plus voisine de la tête plus saillante, etc. Voilà une partie des traits les plus propres à faire recon- noitre les os de ruminaus, et qui, si l’on y joint la considéra¬ tion de la forme plus grêle ou plus grosse, et quelques autres relatives à la tête , que des figures ou des comparaisons immé¬ diates feront sentir mieux que des paroles, ne laissent pas que de conduire assez vite, en bien des cas, à la détermination des espèces. Mais le moyen le plus certain et le plus prompt d’y arriver, est d’employer le frontal et les os qui portent ou qui forment les cornes; avec cette partie on peut toujours décider la ques¬ tion et terminer tous les doutes : aussi nous sommes -nous donné les plus grands soins pour nous la procurer. Article II. OSSEMENS FOSSILES DU GENRE DES CERFS. § I. De [élan fossile d Irlande. Voici le plus célèbre de tous les ruminans fossiles, et celui que les naturalistes regardent le plus unanimement comiiie une espèce inconnue sur le globe ; aussi doit-on s’étonner que M. Faiijas n’en ait fait aucune mention dans ses Essais de géologie. C’est dans les ouvrages des naturalistes anglais qu’il faut en chercher les notices; ils en ont donné d’assez nombreuses, et les ont accompagnées de figures assez exactes, pour nous mettre en état de prononcer sur cette espèce, quoique nous D’ en ayons vu par nous-mêmes qu’une partie mutilée du crâné, RUMINANS FOSSILES. 9 Dès 1697, Thomas Molyaeux en fît représenter (dans les 'Transactions philosophiques, n.” 227), un beau crâne avec ses cornes, dont l’envergure étoit de dix pieds anglois. Il avoit été déterré à Dardistown, dans le comté àeMeath, à deux milles de Drogheda ; c’étoit la troisième tête trouvée dans le meme verger, qui n’avoit qu’un acre d’étendue, et l’auteur assuroit qu’on en avoit trouvé à sa connoissauce trente en vingt ans , toutes par hasard ; ce qui prouvoit à quel point elles dé¬ voient être communes. Ce crâne et sa description reparurent dans l’Histoire naturelle d’Irlande, page 137. Jacques Kelly, de Down Patrick, en représenta (dans le même recueil, n.° 394), un bois isolé, bien entier, de près de six pieds anglois de longueur, quoique le nombre des an- douillers indiquât qu’il provenoit d’un individu plus jeune que le précédent : il donna en même temps une bonne description des lits sous lesquels ces bois se déterrent. En 1746, il s’en découvrit en Angleterre, à Cowthrop , près ]S ortlidreigthon , dans le comté à’Yorck, un crâne avec ses bois, mais de six pieds seulement d’envergure 5 aussi étoient- ils encore couverts de duvet, au dire de Thomas Knowlton ^ qui les décrivit et en donna une assez mauvaise fîgure dans le D.° 479 Transactions philosophiques , t. 44 7 P- 124. Pennant en publia une autre dans son histoire des quadru¬ pèdes, p. 98, pl. XI, fîg. 1. Il ajoute que ces bois sont com¬ muns dans les cabinets et dans les maisons des gentilshommes irlandois. Le docteur évêque de Promore, en fît connoître, en 1785, dans le sixième volume &qV Archéologie britannique , une tête et un bois presque aussi grand que celui de Molyneuxj car son envergure étoit de neuf pieds dix pouces; on l’avoit 2 30 RUMINANS FOSSILES, trouvé près de Dromore, dans le comté de Down^ en l'jSS (i). Le plus grand de tous serôit cependant celui qu'a décrit Thomas Wrigih dans sa Louthiana, si, comme on l’assure, chaque hois avoit huit pieds, et si leur envergure étoit de qua¬ torze pieds. Enfin le comte Grégoire Razoumowski en a donné encore une fort belle tête avec son hois, dans les Mémoires de la so¬ ciété de Lausanne, t. II, p. 27, d’après un dessin fait par le comte de Preston , irlandois, dans les biens duquel on l’avoit déterré près du village de Dohher, dans la partie septentrio¬ nale du comté de Meath; le crâne surtout y est dessiné avec beaucoup plus de soin que dans les autres figures. Ce sont là, comme on voit, des renseignemens plus que suffisans pour donner une idée complète des parties les plus caractéristiques de cet animal. La pi’emière notion que nous en prenons, est celle de l’é¬ norme grandeur de son bois, dont l’envergure va communé¬ ment à près de dix pieds anglois, c’est-à-dire quelle passe neuf pieds de France, ou approche de trois mètres; et meme, suivant JVrigih^ elle passeroit quelquefois quatre mètres. Un semblable bois ne permettoit de chercher l’analogue de cette espèce que dans celle de l’élan, qui est le plus grand des cerfs connus, et cette idée dut se présenter avec d’autant plus d’avantage, que la forme des bois de l’un et de l’autre n’est pas non plus sans quelques rapports. P allas l’adopta au moins pour l'un de ces bois, celui de Kelly ^ auquel elle ne convient cependant pas plus qu'aux au- (i) J’ai dû la première connoissance de la description de ce beau morceau à l’in¬ térêt que M. le comte de Linange Westerbourg a bien voulu prendre à mes travaux sur les fossiles. RUMINANS FOSSILES. 1 1 très (i). l’auroit eue aussi un moment, suivant M. de Razoumo-wskj (2) ; mais il ne tarda pas à en énoncer et à en développer une bien contraire (3). M. P allas adoptoit égale¬ ment, pour quelques-uns de ces bois, l’opinion àe Mortimer, . qu’ils pouvoient provenir du renne (4) ; ce qui est beaucoup moins soutenable encore, puisqu’ils n’ont jamais d’empaumu- res ramibées. Buffon a avancé successivement l’une et l’autre idée, selon ce qu’il trouvoit dans les auteurs anglois qu’il consultoit, ou dans les lettres qu’il reeevoit de ce pays-là, mais non d’après des comparaisons qui lui auroient été propres (5). Il est cependant certain que les bois fossiles d’Irlande ne peuvent venir ni de l’élan ni du renne ; nous n’avons pas be¬ soin de le prouver au long pour ce dernier, puisque leur dif¬ férence saute aux yeux; l’andouiller qui descend sur le front, et qui a seul donné lieu à la comparaison, étant toujours simple dans le fossile, et jamais brancbu comme dans le renne (6); mais nous entrerons dans quelques détails de plus par rapport à l’élan, dont les caractères sont un peu moins tranchés. (1) Comment. Petrop. XIII, p- 4^8. Note. (2) Soc. de Lausanne, II, 27. (3) Nova acta Petrop, TI, 1788, p. 258. (4) Nov. Comm. Xlll , ib. (5) Il attribue ces bois aux rennes en 1776, suppl. III, p. ; et au.x élans en 1789 , dans son tome posthume, suppl. VII, p. 324. Ces deux passages, écrits à douze ans de distance, ont été ridiculement cousus dans l’édition de Buffon par Dufart, à l’article principal de l’élan, qui date lui-même de 1764; et comme rien n’avertit qu’ils sont tirés de volumes différens, rien n’explique la contradiction choquante qui résulte de leur rapprochement. (6) Voyez la note de Mortimer sur la lettre de Samuel Dale, concernant l’élan d’Amérique. Trans. phil, n.’ 444, p. 389. 12 RUMINANS FOSSILES. D’abortI les bois de nos plus grands élans atteignent à peine la moitié de la taille des bois fossiles. IM. de TVangenheim , grand maître des eaux et forets de la Lithuanie prussienne, qui a publié une excellente histoire na¬ turelle de Xélan dans les Nouveaux écrits de la Société des naturalistes de Berlin [t* I, in-4.", 1795, p. i), donne la série des formes et des grandeurs que prennent les bois de cet ani¬ mal , ainsi que les dimensions des plus considérables. Ceux-ci, en Prusse, ont 28 andouillers, et pèsent 36 livres. M. de Wangenlieim ayant été en Amérique, assure que les bois d’élans, les plus grands qu’il y ait vus, avoient 26 andouillers, et pesoient !\\ livres. Il ne donne pas les dimensions de ces grands bois, mais bien celles de bois de moyenne taille, à 16 andouillers, qui pesoient 27 livres 9 onces, et dont les extré¬ mités des perches étoient à 2 pieds 9 pouces de distance. Pennant décrit aussi le plus grand bois d’élan d’Amérique qu’il ait vu, et qui étoit à Londres dans l’hôtel de la compa¬ gnie de la baie d’Hudson 5 il pesoit 56 livres angl. Chaque palme avoit 32* angl. ou 0,82 de long , et leurs extrémités étoient distantes de 34" ou 0,86 (i). Nous avons examiné nous-mêmes tous les bois d’élan de notre Muséum, dont Daubenton avoit déjà décrit quelques- uns , et parmi lesquels il y en a d’Europe aussi bien que d’A¬ mérique, et voici un tableau des mesures et des poids que nous leur avons trouvés. (3) Hislor. of. quadr. l, 94. RUMI?yANS FOSSILES. i3 J Bois dont les deux perches adhèrent au frontal. Losgdede d'une. perche. Sa plus grande largeur. DiSXiNCE des deu.\ sommets. Plus grand écartement des deu.x; andouillers externes. 0.2, 0,8i5 0,33 1,53 ' 0,8 1 5 l,3o 0,92 1,55 • J5D1CATI0S. Poids. Danlj. XII pl. VIII. fig. 1 , du Canada. Daub. ib. fig. Danb. MCXVll . , Autre bois placé au cabi¬ net . Bois deBé- lan empaillé.. 33 liv. .V^SOUILLERS à gauche. Mais le mai* tre andouil- 1er est cassé. i5 AîcuocutEas à droite. 10 i8 Mais il J a. plasienn re¬ plis à l'em- paomure. i6 2°. Perches isolées. INDICATIOK. POIDS. ANDOUILLERS. LONGUEUR. LARGEUR. 3 1. 12 ' 6 o,4o5 0,33 DaubXTI, pl.IX, 4 14 7 P, 5g 0,25 1 fig- » . 20 1. i5 0,92 0)49 On voit que nous avons eu des bois plus âgés que ceux de ]M. de FF angenheim puisque leurs andouillers étoient plus nombreux, et cependant que leurs dimensions n’étoient pas beaucoup plus considérables ï4 HUMINANS FOSSILES. Il n’est pas possible, en effet, que ces bois atteignent à une grandeur indéterminée, puisque la vie de Yélanviesl pas très- longue. M. de TVangenheim en donne exactement tous les périodes, ainsi que ceux de l’accroissement de son bois. Il n’a^ la pre¬ mière année , que des tubercules d’un pouce au plus : la se¬ conde, il porte une dague simple, qui peut aller à un pied 5 la troisième, la dague devient quelquefois fourchue. Le bois de la quatrième année porte six andouiilers ( c’est-à-dire trois de chaque côté), et commence à s’aplatir. Ce n’est que la cin¬ quième année que les bois prennent la forme de petites palmes. Les andouiilers augmentent toujours en nombre , sans aller au- delà de vingt -huit, excepté dans des bois irréguliers, et dont l’empaumure a ses bords plissés, comme celui de trente -six, que nous avons au cabinet. Cette limitation se conçoit très- bien, d’après ce fait que l’élan atteint toute la taille de son corps, qui est de six pieds au garrot, avant l’âge de huit ans, et ne prolonge guère sa vie au-delà de dix -huit. Réduisons maintenant en tableau et en mètres les dimen¬ sions des principaux bois fossiles qui ont été observés par les différens auteurs , et nous verrons qu’avec beaucoup moins d’andouillers ils surpassent beaucoup en dimensions tous les bois d’élans connus. RUMINÀWS FOSSILES. i5 Bois fossiles. I.-îDicinos. Poids. Axsoüillebs à gauche. .^jreoTntLïRS à droite. Longueur d’une perche. Largeur. Distance des deux sommets. Plus grand | écartement des deuK bords externes. 1 Bois décrit 2,42 .... 4,249 i Bois décrit par le docteur 2,09 2,90 9 9 1 Bois décrit par Molyneus 10 IG 1,56 1;10 2,12 3,20 ( Bois décrit * par Knosvl- En partie ton. . . câsâéa. 8 1,543 0,63 1,82 1 Bois décrit par Razou- mowsly. .... 8 8 1,46 0,65 2,35 Bois décrit par Pennant. 1,64 0,45 2,35 1 Perche sé- parée, décrite par Kelly. .. 1 8 - 1,84 On voit, par cette table, que le nombre des andouillers est de seize à vingt, tandis que, dans Xélan , il va jusqu’à trente, et au-delà ; c’est déjà une circonstance de forme à ajouter à celle de la grandeur. Il y en a trois autres très -essentielles, qui distingueront toujours les bois fossiles de ceux d’élan, et qui ont été saisies par les premiers qui les ont coiuparés; car Moljneux les indique déjà. La première est cet andouiller qui sort de la base de la percbe fossile pour descendre sur le front, et qui manque toujours à l’élan. Il se détache bien quelquefois de l’empau- i6 RUMINANS FOSSILES. mure de celui-ci une branche qui se divise plus ou moins, mais ce n’est jamais de la partie cylindrique de la perche. La deuxième, c’est que le bois fossile a des andouillers le long du bord interne de son empaumuré, où l’élan n’en a jamais 5 car il les porte tous au bord externe. La troisième , c’est que Tempaumure du bois fossile va en s’élargissant par degrés, et prenant la figure d’un éventail; celle de l’élan est au contraire plus large à sa partie inférieure, et se rétrécit dans le haut. A ces différences dans la grandeur et dans la forme du bois, s’en joint une autre très-importante dans la forme de la tête, que Camper avoit déjà parfaitement sentie et indiquée (ij, mais qu’il est bon de développer ici. Le muffle cartilagineux et charnu de l’élan est singulière¬ ment renflé , et sa lèvre supérieure se prolonge plus qu’à l’or¬ dinaire; c’est meme ce qui a fait dire long-temps qu’il ne pouvoit paître qu’en reculant. Cette organisation exigeant plus de place pour les parties molles , a beaucoup réduit les parties osseuses^, et extraordinairement élargi et alongé les ouvertures osseuses des narines, en raccourcissant les os propres du nez. Il résulte de là , i.° que les os intermaxillaires, au lieu de remonter jusqu’aux os propres du nez, comme dans les autres cerfs et dans le plus grand nombre des animaux , finissent en pointe sur le milieu du bord antérieur des maxillaires; 2.° que les os propres du nez, au lieu de se terminer comme dans le cerf à quelques pouces en avant des mâchelières, finissent au- dessus de la seconde; 3.° que la longueur des narines osseuses extérieures fait presque moitié de celle de la tête , tandis qu’elle n’en est pas le quart dans le cerf. ■ (1) Nov. act, Petro£. II, 1788, p. 2S5. RUMINANS FOSSILES. n J’ai vérifié ces trois points dans des crânes d’élans adultes et jeunes, mâles et femelles. Sous tous ces rapports, l’animal fossile ressembloit au cerf et non pas à l’élan , comme on peut s’en assurer par la belle figure de sa tète, publiée par M. de Razouinow skj , dont nous donnons une copie réduite, pl. I, fig. 7,3 côté de celle de l’élan , pl. I, fig. 8. Les autres figures, quoique moins bonnes , s’accordent avec celle-ci, pour l’essentiel. Cela nous prouve que le fossile n’avoit ni le museau renflé ni la lèvre alongée de l’élan. Il paroît aussi que la tète fossile ne suivoit pas pour la grandeur la monstrueuse proportion de son boisj au con- traire, les plus grandes têtes fossiles sont plus courtes que des têtes ordinaires d’élan. Un élan de 6 pieds 2" au garrot avoit, selon M. de Wangenbeim, la tête longue de 2' 6*5 mais en suivant les courbures, et en y comprenant la lèvre. L’élan empaillé de notre cabinet, haut de 5 pieds, n’a la tête que d’un pied 9 pouces, ou 0,57; mais elle n’est pas soutenue par lé crâne, et la lèvre en est retirée et raccornie. Autant que j’en puis juger, en comparant la tête de notre squelette d’élan avec une portion de celle de l’élan empaillé, celle-ci devoit avoir, sans les chairs, o,53-, d’où je conclus pour la longueur de celle d’un élan de 6 pieds de haut, o,63. Mais je vois aussi, par des portions de crânes attachés à nos grands bois, qu’il doit y avoir des têtes de 0,7, ce qui annonceroit des élans d’environ 7 pieds. Camper dit aussi que les élans ordinaires ont la tête osseuse , longue de plus de deux pieds du Rhin , ou de 0,62, et que celle qu’il possédoit, quoique d’un jeune ^élan, étoit déjà plus longue qu’une tête fossile, j En effet, le plus grand bois que d’on connoisse, celui do 3 i8 RUMINANS FOSSILES. Dromore, est porté par une tête qui n’a qu’un pied ii* an- glois, ou OjSqS. La tête de Rnowlton n’a que i' lo", ou o,55y j celle de Ra- zoumowsky i 7" franc, ou o,5j5; celle de Molyneux seule est annoncée pour avoir 2 pieds anglois, ou Ojôo?. Si nous ajoutons à cette comparaison le fait prouvé plus haut, que l’animal fossile n’avoit point le museau renflé ni la lèvre pt'olongée de l’élan, nous trouverons que, dans l’état de vie, sa télé devoit encore plus différer de celle de l’élan, par la proportion de sa longueur avec celle de son bois, qu’elle ne le fait dans l’état décharné j mais elle étoit plus large à proportion de sa propre longueur que ne seroit celle de l’élan. Ces deux dimensions sont, dans le fossile, comme i 3 2, et dans l’élan comme i à 3. Il ne seroit pas sûr de vouloir calculer la grandeur du corps d’après celle de la tête, en suivant les proportions de l’élan : la tête de celui-ci est plus longue par rapport à la longueur de son corps que dans aucun autre cerf, et le fossile pouvoit bien avoir des proportions plus ordinaires. Si nous lui supposons celles du cerf commun , sa plus grande hauteur auroit été de 1,62, ou 4' 10" au garrot, et la longueur de son tronc, du poi¬ trail à la queue, auroit atteint 1,9 , ou 5' 10". Mais si l’on aimoit mieux lui supposer les proportions de l’élan, on ne trouveroit pour sa hauteur, comme pour sa longueur, que 1,48 , ou 4' 5" 9"', taille qui paroît beaucoup trop petite pour un bois si énorme : à peine conçoit-on même que la précédente ait pu suffire à le porter. Ce sont là des différences entre lesquelles l’observation ef¬ fective ne peut encore décider, puisque l’on n’a ni recueilli RUMINANS FOSSILES. 19 ni décrit les ossemens des membres et du corps de l’animal fossile; mais il n’en reste pas moins certain que son bois et sa tête sont déjà suffisans pour réfuter les naturalistesi qui les attribuoient à l’élan. [ Cb a donc été obligé, pour lui chercher un analogue vivant, de supposer qu’il existe en Amérique quelque autre animal du genre des cerfs, et supérieur en grandeur à l’élan. Pour cet effet, on s’est étayé de passages exagérés ou mal entendus des premiers descripteurs du Canada et de la nouvelle Angles- terre, et principalement de Josseljn et àe la Hontaii. Pour les expliquer, il faut d’abord poser en principe que les naturalistes modernes ne connoissent dans l’Amérique septentrionale que trois grandes espèces de cerfs ; savoir, le caribou ou maccariho , qui est analogue au renne ; Y orignal ou moose, qui n’est autre que Y élan', et le cerf de Canada, qui est de la forme et de la couleur du nôtre, mais dont le bois plus volumineux se termine simplement par une fourche , et non par une empaumure de plusieurs andouillers eu cou¬ ronne. C’est à ce cerf du Canada, dont Schreber a fait mal à propos deux espèces {cervus Canadensis et strongylo-ceros) , que les Anglois et les babitans des Etats-Unis ont donné le nom d’e/Æ, qui est dans tout le nord de l’Europe celui du vé¬ ritable e7«n; et M. Jefferson, poqr le distinguer, le nomme Y élan à bois ronds ( the elk with rofiind liorns). Or, on a prétendu que les descriptions des auteurs que nous venons de citer, indiquent encore une quatrième espèce plus grande que les autres. . . « Llorignal, dit la Hontan |t) , est' une espèce d’élan ’ c .tf' , i; .! {)) Tome I, in-12, p. S5, deuxième édition, . ' », • 30 RUMINANS FOSSILES. « qui diffère un peu de ceux qu’on voit en Moscovie. Il est » grand comme un mulet d’Aiivei'gne , et de figure semblable, » à la réserve du muffle, de la queue, et d’un grand bois » plat qui pèse jusqu’à trois cenls livres, et même jusqu’à » quatre cents , s’il en faut croire quelques sauvages , qui as- » surent eu avoir vu de ce poids là. » On voit que la Hontan n’établit pas meme une différence d’espèce, que la grandeur qu’il donne à l’animal est celle du véritable élan^ et qu’il se borne à exagérer le poids du boisj celui-ci paroît en effet si énorme , qu’on est tenté de le croire beaucoup plus lourd qu’il n’est quand on ne le pèse pas. Hearne , qui a fort bien décrit le inoose , donne à ses bois seulement soixante livres de poids , mais il ne dit pas les avoir pesés lui-mdme (i). Dudley ne rapporte que sur la foi de ses chasseurs , qu’il y a des mâles de quatorze empans dans l’espèce de son moose noir, qui est l’ordinaire; mais la biche, qu’il dit avoir été mesurée près de Boston, n’avoit que 6' i i" angl. ou 6' 4** de France, hauteur très-ordinaire (o.). Quant à son mooje , ou plus petit, nommé wanipoose par les sauvages, ce n’est que le cerf du Canada, Pour Josselyn , il exagère plus que tous les autres la gran¬ deur de son moose , puisqu’il lui donne douze pieds de haut et des bois de six pieds; mais il faudroit, pour ajouter foi à de pareils récits , C£ue l’on eût trouvé en Amérique , dans nos temps récens,. quelque chose qui en approchât. Pennant l’avoit espéré un moment , et sur des avis qu’il existoit dans le nord du Canada un animal supérieur à l’élan, (1) Trad. françoîse, f. II, p, 22, (2) Trans, phil, n° 368. RUMINANS FOSSIZES. que les sauvages appellent waskesser^ il s’étoit figuré que ce ptuvoit bien être le moose de Josseljn; mais des recher¬ ches ultérieures lui apprirent que le waskesser , Y orignal et Y élan ^ étoieut toujours la même chose (i). A la vérité, Hearne prétend que le nom de wewaskish (2) , qu’il croit le meme que waskesser, appartient à un animal très-différent de l’élan; mais comme il dit aussi que c’est un animal beaucoup plus petit, dont le bois n’est point palmé, et que les Anglois appellent daim rouge ^ il est probable qu’il veut parler du cerf du Canada , et dans aucun cas on ne peut appliquer ce qu’il dit à nos bois fossiles. En général, Hearne et JMackensie^ qui ont parcouru, dans tous les sens, les plus affreux déserts de l’Amérique septentrionale, n’y ont vu aucun cerf supérieur à l’élan ; par conséquent toutes les mesures de Hudlej^ et même de Josseljn, pourroient tout au plus faire étendre la limite que cet animal peut atteindre, mais non pas faire établir une espèce différente de la sienne. Il n’y a meme aucune preuve que Y élan d’Amérique, ou le moose, puisse être distingué de Y élan d’Europe par quelque caractère constant; l’anduuiller qui se sépare du bas de son empaumure, et qui le feroit reconnoitre, selon Dale (3), ne s’y trouve pas toujours, et se voit aussi quelquefois dans celui d’Europe. Pennant dit même ne l’avoir jamais vu dans les bois venus d’Amérique aussi prononcé que dans celui de Dale, qui est encore aujourd’hui au cabinet de la Société royale. Il est d’ailleurs évident que, quand même on trouveroit ces grandes espèces prétendues, elles ne seroient point notre (1) History of. quadrup. 1. gS. (2) Tract, franç. t. 2 , p. 176. (3) Trans, phil. d* 444, p. 384» aa RUMIKANS FOSSILES, animal fossile, puisque nous avons montré que ce n’étoit point par la grandeur de sa taille , mais seulement par celle de son Lois qu’il se distinguoit. Tout semble donc s’accorder pour faire de l’élan fossile d’Irlande un animal perdu, comme le rhinocéros a tête pro¬ longée, comme le petit hippopotame, comme l’éléphant à longs alvéoles , comme le tapir gigantesque , enfin comme tant d’au¬ tres espèces décrites dans cet ouvrage, et qui, pour appartenir à des genres connus , n’en sont pas moins inconnues comme espèces à la surface actuelle de la terre. Les os de cet élan, comnie ceux des autres quadrupèdes fos¬ siles de genres connus , se trouvent dans des couches assez su¬ perficielles. La tête décrite par Molyneux étoit à quatre ou cinq pieds de profondeur, dans une espèce de marne recouverte de tourbe et de terre franche. Rnowlton dit que la sienne fut trouvée dans un lit de mousse, peat moss^et rapporte qu’un M. Joice, bailli du comté de Carlisle, en avoit trouvé une autre sous deux pieds de terre végétale, un pied de sable, dix-huit pouces de pierre, six pouces de sable, et encore un troisième lit de pierre 5 mais il est pro¬ bable que celte pierre n’étoit que du tuf. Kelly décrit aussi avec soin lès lits qui recouvrent les bois de Down Patrick. C’est en cherchant de la marne dans les lieux enfoncés et marécageux qu’on les trouve. On rencontre d’abord trois pieds de tourbe, puis un lit de gravier d’un demi-pied, suivi d’une tourbe meilleure , dans laquelle sont couchés des troncs d’arbres, et qui recouvre des feuilles de chênes encore reconnoissables , mais trop décomposées pour supporter le toucher. Un demi -pied d’argile blque^ mêlée de coquilles, RUMINANS FOSSILES. 23 annonce la vraie marne, qui est blanche, et aussi mêlée de coquilles. Celles-ci, dit Kelly, sont de petits turbo {perry- ■w'inkles)^ semblables à ceux qu’ou nomme en Ecosse buccins d’eau douce [fresh-water wrilks)’^ ce qui me feroit croire que cette marne est uu tuf formé dans l’eau douce, comme celui qui est si abondant et souvent si épais dans nos environs de Paris. C’est dans cette marne qu’on trouve les bois fossiles. Leur situation seroit donc exactement la même que celle de nos ossemens fossiles d’éléphans. - " Il s’agit maintenant d’examiner dans quels pays on a trouvé de ces bois hors de l’Irlande. On voit déjà , par le mémoire de Rnowlton, qu’il y en a eu Angleterre, et je crois avoir la preuve qu’il y en a également en Allemagne et en France. M. de Rochow, chanoine de Magdebourg, homme digne de respect par les fondations utiles dont il a enrichi sa patrie, représente dans le IL® tome des Ecrits de la Société des na¬ turalistes de Berlin (Berl. 1781), p. 388, et pl. X, Cg. 2, une portion de bois enduite d’une légère couche pierreuse, et trouvée dans le Rhin, près de JVorms^ en 1771, dont nous donnons une copie réduite, pl. I, 6g. 3j sa longueur, depuis la meule a jusqu’à l’endroit i, où la perche est rompue, est de 3^ 4 pouces du Rhin. La meule a un pied de tour; la partie restante du premier andouiller c, 9 pouces, et le second an- douiller fZ, qui est entier, i pied 10 pouces de long. Le premier est aplati , le second se recourbe un peu vers le bas , et l’on voit plus haut et en arrière la naissance d’un troisième e, qui a été rompu; en6n, l’extrémité b s’élargit en s’aplatissant, et devoit donner naissance à une empaumure. M. de RoçJiow remarque, avec raison, que les grandes di*» a4 RUMINATES FOSSILES, jiiensions de ce bois, la place el la direction de ses andouillers, ne sauroient convenir à un cerf connu, et soupçonne qu’il pourroit venir de quelque espèce détruite, telle que le bisou de Jules-César, qu’il croit différer de l’urus ou aurochs, aussi bien que de l’alces ou élan. Ce qui est certain, c’est que ce bois n’est autre que celui d’un élan fossile , semblable à ceux d’Irlande, le premier andouiller descendant vers les yeux, le deuxième aussi un peu recourbé vers le bas , et surtout le troi¬ sième dirigé en arrière, enfin la sommité s’aplatissant, en sont des caractères certains. L’aplatissement du premier andouiller n’est pas constant dans cette espèce. On l’y observe cependant quelquefois, et le bois figuré par Penuant le montre tijès-clai- rement. Le renne a bien quelquefois un troisième andouiller dirigé en arrière, mais il est très-court; d’ailleurs son deuxième est toujours palmé ; enfin aucun renne n’a des bois de ce volume. Le daim a bien aussi ce troisième andouiller , mais le pre¬ mier n’est jamais aplati, et il n'y a aucun i:apport de grandeur. On a trouvé dans les fouilles du canal de l’ Ourcq , près de Sevrait^ dans la forêt de Bondi ^ à six lieues de Paris, précL sèment au même endroit que les os d’éléphans dont j’ai parlé à leur chapitre, une partie supérieure de crâne du genre du cerf, avec deux moignons de bois, qui, dans tout ce qui en reste, paroissent ressembler à Xélan d Irlande, J’en donne la figure réduite au cinquième., pl. I, fig. g. La largeur entre les bords externes des orbites est de 0,23, ce qui prouve que ce crâne étoit d’un individu de moyenne taille; car les grands crânes d’Irlande ont cette dimension de o,3o; mais celui de M, de Razoumowsky ne l’a que de 0,24- On reste, îa direction en dehors et en arrière des merrainSj leur diamètre RUMINANS FOSSILES. aS de 0,07, la rupture a, qui indique l’endroit d’où sortoit le premier andouiller, la position du trou pour l’artère de la corne, la saillie de la ligne entre les deux bois, la proportion de la largeur du front à sa longueur, tout se trouve ici comme dans le fossile d’Irlande. Cet animal auroit donc été répandu dans plusieurs parties de l’Europe. J’espérois que la découverte de son crâne, dans le canal de l’Ourcq, ne tarderoit pas à être suivie de celle de plusieurs portions de son squelette; mais je n’ai reçu jusqu’à présent que deux fragmens, l’un de bassin, l’autre de calcanéum, qui me paroissent lui appartenir. Ils sont évidemment du genre du cerf, et ressemblent assez à leurs analogues dans l’élan; mais, par leur grandeur, ils n’indiquent guère qu’un individu de quatre pieds et quelques pouces de hauteur au garrot. 2.° Sur un grand bois déterré en Scanie , et qui a des rap" ports éloignés avec celui du daim. C’est probablement encore ici le bois d’une espèce inconnue. M. Retzius., savant professeur à Lund^ qui en a publié la des¬ cription dans les Mémoires de Y Académie de Stockholm quatrième trimestre de 1802, p. 285, ne le rapporte au daim qu’avec doute , et expose lui-méme en détail les caractères distinctifs qui l’en séparent. 1. ° Il est beaucoup plus grand que celui du daim; sa lon¬ gueur, en suivant la courbure, étant de l\q pouces de Suède, quoique l’extrémité supérieure y manque. 2. ° Son empaumure, en partie plate, est beaucoup moins large à proportion, n’ayant presque que la largeur absolue 4 RUMINANS FOSSILES. -2 G de celle du daim, qui est de 4 pouces, tandis que celle du Lois fossile est de 4 pouces trois quarts. 3. “ La courbure de cette empaumure est beaucoup plus forte que dans le daim; car son bord antérieur, qui n’est pas dentelé, décrit plus d’un demi-cercle, et son extrémité a l’air de s’étre dirigée, non-seulement en avant, mais meme de s’étre un peu recourbée vers le bas. 4. ° La partie mince du bois ou le merrain est beaucoup plus longue à proportion , et fait plus des deux tiers de la lon¬ gueur totale; mais elle n’est pas ronde partout, et sa moitié supérieure s’aplatit et prend un contour ovale. 5° Il n’y a à ce merrain qu’un seul andouiller , placé à quatre pouces et demi au-dessus de la meule, et dirigé en avant. L’andouiller que le daim porte en arrière est remplacé dans cette espèce par un simple tubercule. 6.° L’empaumure paroît avoir eu quatre anc!»ouillers en ar¬ rière ou plutôt en dessus, et s’étre encore élargie à son extré¬ mité; mais les andouilleVs et l’extrémité étant cassés, on ne peut juger de leur grandeur. Peut-être trouvera-t-on ce bois plus semblable encore à celui du renne, par sa grandeur, et par la courbure et la con¬ figuration de son empaumure; mais il en différeroit toujours fortement par la simplicité et la petitesse de son maître an¬ douiller. Ce morceau important a été tiré d’une tourbière près du petit Svedala, en Scanie. Je dois témoigner ici ma reconnoissance à M. Retzius, qui a bien voulu contribuer à compléter mon travail, en m’in¬ diquant son excellent Mémoire, que je n’aurois peut être pas connu sans la complaisance du savant auteur. RUMINANS FOSSILES. »7 Je donne une copie réduite de sa planche, qui est la neu¬ vième du volume cité, dans ma pl. III, fîg. 2. 3.® Siir des bois assez semblables à ceux du daim, mais dune très -grande taille, trouvés dans la vallée de la Somme, et en Allemagne. Le bois dont on voit le merrain et une partie de l’empaumure, pl. I, fig. 19, A et B, a été découvert auprès d Abbeville^ et envoyé à notre Muséum par M. Traullé , correspondant de l’Institut. Il y manque une partie dont il est impossible de savoir au juste la longueur. La portion de frontal restée à la meule est aussi mutilée; mais on aperçoit cependant qu’elle n’étoit pas beaucoup plus considérable que celle d’un daim ordinaire. L’analogie de ce bois avec celui du daim se manifeste par les deux andouillers coniques, qui ont la même direction, et par l’empaumure de la sommité; mais il s’y montre aussi quelques différences : i.° Dans la grandeur; qui surpasse de plus d’un tier.s celle du bois de daim ordinaire. Le grand diamètre de la meule fl & est dans le fossile de o,o85; dans les vivans, de o,o4 à o,o5: l’intervalle des deux andouillers dans le fossile, de o,3o; dans les vivans, de 0,17 à 0,20. Dans les vieux daims, cet intervalle ne fait que le tiers de la longueur totale; ainsi, d’après cette proportion, notre bois fossile, s’il étoit entier, auroit o,go de longueur. Or, ^\.de Mellin nous apprend {Ecrits de laSoc.des nat. de Berl. I, lyd), que les bois de daim ne passent guère deux pieds de Rhin, ou 0,62, même en les mesurant selon la cour- ..1 RUMIKAKS FOSSILES, i'ure, et qu’à luesure que le daim vieillit, il lui revient des liüis plus petits. Daubenton ii’en cite point qui passent o,66 , et encore à présent le Muséum n’en a pas de plus longs; 2. ° Par l’aplatissement que prend le merrain dès le milieu de l’intervalle des deux audouillers, partie qui reste ordinaire¬ ment ronde dans les plus vieux daims. J’en ai cependant vu un où l’on commençoit de voir une apparence d’aplatissement; 3. ° Par la régularité des andouillers de l’empaumure qui est plus marquée f[ue dans le daim; 4-° Par la connexion immédiate de la meule au frontal, sans aucune proéminence ou pédicule intermédiaire qui la porte, comme il y en a dans le daim. Mais cette proéminence diminuant en général avec l’âge, tant dans le daim que dans le cerf, il seroit possible qu’elle se réduisit presque à rien dans les très -vieux individus. Il se pourvoit encore c[u’il y ait eu quelque autre différence dans la partie de ce bois qui nous manque. Cependant comme les bois de daims cjue j’ai rassemblés en assez grand nombre pour les comparer à celui-ci, m’ont offert entre eux des différences, qui, pour n’étre pas les memes que celles c|ue je viens d’indiquer, n’en doivent pas moins être considérées comme aussi fortes, je ne crois pas qu’on puisse établir une espèce nouvelle sur ce que je viens de rapporter: la grandeur seule pourroit y engager; niais les restes fossiles d’aurocbs et de bœufs, que je ne sépare point non plus des espèces vivantes , nous montrent la même supériorité de taille. Ce bois a été trouvé dans les sables qui couvrent le penchant des collines à droite de la vallée de la Somme, tout près d’ Ab¬ beville. Il paroît qu’on en trouve aussi en Allemagne ; car j’ai reçu RUMINAA^S FOSSILES. 29 (le M. Autenrieth le dessin d’un crâne et d’un merrain y ad¬ hérant, déposés au cabinet de Stuttgard, et que ce savant rap- portüit à l’élan fossile, mais qui me paroissent plutôt se devoir rapporter à ce daim, à cause de la longueur de la partie cy¬ lindrique. 4.° Sur une espèce particulière de voisine du renne, mais de la taille du chevreuil , dont les os se sont trouvés en abondance près ^^Etampes, avec une digression sur les espèces petites et moyennes de cerfs d’ Amérique. Guettard , qui étoit dlEtampes a fait connoitre cette découverte, et décrit ces os en détail dans ses Mémoires sur différentes parties des sciences et des arts, t. I, p. 29 — 80; malheureusement ses descriptions, quoique fort longues, ne sont pas toutes accompagnées de mesures, et ses figures sont sur des échelles différentes j mais comme nous avons sous les yeux quelques-unes des pièces dont il a parlé, nous pouvons les décrire et les comparer directement. La ville d’Etampes est placée dans une vallée qui ne fait en quelque sorte qu’effleurer la superficie de la Beauce, et' qui n’y pénètre pas assez profondément pour arriver au-dessous des sables remplis de grès, qui forment le massif principal de celte vaste plaine élevée. On creuse les flancs de la vallée pour y prendre un sable utile aux fondeurs, ou des grès propres aux constructions et au pavé, et la surface de la plaine supérieure offre de nom¬ breuses excavations pratiquées dans le tuf d’eau douce qui la recouvre immédiatement sous la terre végétale , et que l’on emploie à faire de la chaux. 3o RUMINANS FOSSILES. Les grès d’Etampes, comme tous ceux des environs de Paris, sont des concrétions formées dans le sable, et environ¬ nées de sable de tous côtés. C’est entre des blocs de ces grès, et dans le sable qui les enveloppe, et qui en remplit les inter¬ valles , que se trouvèrent les os en question. Il paroît qu’ils étoienl en fort grand nombre, et qu’ils ap- partenoient à des animaux de tailles assez différentes; car il y en avoit que l’on soupçonna d’hippopotames; mais les plus nombreux et les mieux caractérisés appartenoient évidemment à un ruminant d’une taille intermédiaire entre celle du che¬ vreuil et celle du daim, et qui, portant des bois, ne pouvoit être rapporté qu’au genre du cerf. Guettard ayant montré de ces bois à l’Académie, on leur trouva quelque ressemblance avec ceux du renne; et c’est sous le nom de renne que l’on parla de cet animal dans les journaux du temps (i). En effet, ces bois minces, presque filiformes, légèrement comprimés, et donnant à quelque distance de leur base un ou deux andouillers en avant, ne sont pas sans quelques rapports avec ceux des jeunes rennes, lorsqu’ils n’ont pas encore pris ces empaumures élargies qui caractérisent leur espèce. Cependant un examen attentif des fragmens de ces bois fossiles que Guettard a représentés, et de ceux que nous pos¬ sédons au Muséum, y fait promptement apercevoir des dif¬ férences assez marquées. On peut diviser ces bois en deux sortes, qui proviennent sans doute de deux âges différens du même animal. Les uns, pl. I, fig. i4, i5, i6, 17, donnent à un, deux ou (1) Mélanges d’Histoire naturelle, par Alléoa Dulac, î, ig et suir. RUMINANS FOSSILES. 3i trois pouces au-dessus de la meule, uu andouiller isolé, qui se porte en avant; et alors le merrain lui -même, qui n’est guère pfus gros que cet andouiller, se porte en arrière , pour se partager encore une fois de la même façon, ou au moins pour donner un deuxième andouiller de sa partie postérieure. C’est du<%poins là ce qu’on peut juger par les morceaux des figures i6 et l'j, qui sont un peu plus complets que les autres. Dans l’autre sorte de ces bois fossiles (fig. lo, ii, 12), le merrain produit, dans sa partie inférieure, ordinairement à un pouce au-dessus de sa base, quelquefois plus bas, deux andouillers à peu de distance l’un de l’autre , et qui se portent tous deux eu avant, tandis que le merrain se porte en arrière; et, dans ces deux sortes, la meule ou la partie par laquelle le bois s’attacboit au crâne, est presque ronde, quoique la tige ou le merrain ne tarde pas à s’aplatir, surtout dans ceux de la seconde sorte, où la réunion du merrain et des deux aa- douillers offre une partie plate , quelquefois de deux pouces de largeur : ordinairement le merrain n’a guère que dix lignes dans son grand diamètre. Il est clair d’abord que de pareils bois ne pourraient con¬ venir qu’à de très-jeunes rennes, vu leur petit diamètre; ce¬ pendant les os trouvés avec eux paraissent avoir été d’ani¬ maux adultes, et dont les épiphyses étoient soudées au corps de l’os. Ensuite les jeunes rennes eux-mêmes n’ont pas lout-à-fait la même disposition dans leurs andouillers. 1 Nous possédons le squelette d’un individu de celte espèce, que le feu roi de Suède, Gustave ///, avoit donné dxx prince de Coudé ^ et qui avoit vécu quelque temps à Chantilly. Le maître andouiller et le merrain y sortent en avant l’un de 32 RÜMIIN'ANS FOSSILES. l’autre delà meule, sans être portés d’abord par une tige com¬ mune , et cette meule a sa base de figure alongée , comme il le falloit , pour donner en quelque sorte naissance à deux merrains. Il paroit qu’il en est de meme dans tous les rennes où le maître andouiller est unique, et que, dans ceux où il est double, l’inférieur naît immédiatement de la meule, comnae on peut le voir dans les figures de jeunes rennes, faites d’après na¬ ture par M. le comte de Mellin^ et publiées dans les Ecrits de la Société des naturalistes de Berlin, t. I, pl. I et II, et dans les quadrupèdes de Sclireher^ pl. CCXLVIII, A et B. Une seule de ces figures montre un petit vestige de tige com¬ mune, qui pourroit être venu de l’inadvertence du graveur. Cependant j’avoue que c’est là un bien petit caractère , et que l’on n’oseroit soutenir sur lui seul que les bois di Etampes ne venoient pas de jeunes rennes ; mais com¬ ment, sur plus de trente bois que l’on trouva, n’y en avoit- il pas d’individus plus âgés, qui alors auroient eu une toute autre taille et des formes toutes différentes? Comment ces jeunes bois se trouvoient-ils avec des os d’une taille conve¬ nable pour eux , et qui cependant venoient d’animaux adultes ? ]N’est-il pas vraisemblable que cette ressemblance apparente avec le renne , ne tient qu’à la mutilation de ces bois , et que , si l’on en avoit conservé les extrémités , on y auroit trouvé d’autres caractères plus frappans ? Toutefois, il faut en convenir, ce ne sont là que des con¬ jectures, et je ne les donne que pour ce quelles valent. J’ai toujours eu soin de distinguer nettement , dans le cours de mes rechercbes , les faits positifs , résultats de l’observation im¬ médiate, déceux qui ne tiennent qu’aux combinaisons du rai¬ sonnement, et je ne quitterai pas ici cette méthode essentielle. RUMINANS FOSSILES. 33 Il est donc fort à désirer , pour approfondir ce sujet , que l’on fasse de nouvelles recherches sur les lieux , afiti d’y ob¬ tenir un bois entier ; c’est alors seulement qu’on saura avec certitude si le cerf fossile d’Etampes différoit constamment du renne. J’avoue que dès à présent je n’en doute presque pas, tant je suis porté à croire que l’analogie des autres espèces ne se trouvera pas en défaut pour celle-ci. Aucune des autres petites espèces de cerfs connues dans les deux continens, ne pourroit avoir fourni ces bois : cela est évident de reste pour ceux de l’ancien ; quant au nouveau , on ne connoit pas encore à la vérité d’une manière bien exacte toutes les espèces qu’il produit au-dessous de la taille du caribou et du cerf du Canada ; c’est meme une chose assez extraordinaire que tant de naturalistes qui en ont écrit , ne se soient pas donné la peine d’en faire graver de bonnes bgures ; pour moi, dans les longues recherches que j’ai faites, je n’ai pu découvrir l’existence que de cinq, dont deux, ne portant jamais que des dagues sans andouillers, n’appartien¬ nent point à notre sujet. Elles ne se trouvent toutes les cinq que dans les pays chauds , suivant la loi générale qui rend les quadrupèdes des pays froids à-peu-près comiaïuns aux deux continens; ce n’est donc qu’en Virginie qu’il faut commencer à chercher des cerfs propres à l’Amérique. Le premier nous est aujourd’hui bien connu, puisque nous le possédons vivant à la ménagerie, et qu’il y propage. Le premier couple avoit été envoyé de la Martinique à l’Impé¬ ratrice, sous le nom de cerf de la Louisiane, et S. M. a daigné en faire présent à notre établissement. 5 34 RUMINANS FOSSILES, Celte espèce est charmante par sa douceur , par l’élégance de sa taille, et la finesse de sa physionomie. Sa grandeur est à- peu-près celle du daim 5 'mais son museau est encore plus pointu , et ses proportions plus sveltes que celles de Taxis. Le pelage des deux sexes est semblable, savoir, en été, d’nn joli fauve roussâtre, et, en hiver, d’un fauve cendré tant dessous que dessus j les pieds sont un peu plus pâles ; un espace blanc occupe, comme dans Taxis, la gorge et le dessous de la m⬠choire inférieure. Il n’y a de blanc aux fesses que la partie que recouvre la queue; et celle-ci, qui est grosse et longue comme dans le daim , est blanche dessous , fauve dessus , à l’exception du tiers inférieur qui est noir : le petit bout est blanc. Il n’y a ni taches sur le corps, ni raies noires sur le dos , ou sur les côtés des fesses , comme au daim. Le dessus du chanfrein et la convexité de Toreille sont gris-brun foncé ; une tache blanche est sur la base de Toreille. Le bois de cette espèce est blanchâtre, assez lisse, excepté vers la base , où il a quelques tubercules. Il s’écarte d’abord un peu en dehors et en arrière , et se recourbe en demi-cercle , pour revenir en avant et en dedans. Il en naît, un peu au-dessus de sa base, à sa face interne , un petit an doubler simple; puis, au tiers de sa hauteur, un autre plus grand , dirigé un peu en arrière et en dedans , et la pointe se bifurque encore. Dans les divers individus que nous avons observés , le nombre des andouillers ne va point au-delà ; mais la longueur totale augmente avec Tâge jusqu’à quinze pouces, en suivant la courbure. Les faons de cette espèce sont tachetés comme ceux du cerf commun. Il n’y a point de doute que ce ne soit Tanimal auquel les RUMINANS FOSSILES. 35 Virginiens ont transporté le nom de daim (fallow-deer') ^ tout aussi mal-à-propos qu’ils ont donné celui d’e7^^7^ Çelk) au cerf du Canada , et dont Pejinant a donné nne descrip¬ tion incomplète, copiée par Gmelin^ et par M. Scliaw ^ sous le nom de cervus virginianus ^ il est bien probable aussi que c’est quelqu’un des mazarnes de Hemandès ; mais ce seroit en vain qu’on cbercheroit à deviner lequel, d’après les carac¬ tères incomplets de cet ancien auteur. Ni M. ^Azzara ni Lahorde , dans les supplémens de Bitffon , ne paroissent en avoir parlé. Le deuxième des moyens cerfs d’Amérique, est celui dont Daubenton a fait représenter les bois (Hist. nat. ,VI,pl. XXXVII ) , sous le nom de chevreuil d! Amérique. Ces bois ont la meme grosseur , la même courbure , et les mêmes an- douillers que les précédens : seulement le grand andouiller de derrière s’y bifurque quelquefois ^ mais leur couleur est brune , etleurmerrain est hérissé de nombreux tubercules ou perlu- res : il ne paroît pas non plus qu’ils deviennent si longs ; car nous n’en avons pas de plus de onze pouces, en suivant les courbures. Comme nous ne connoissons de cet animal que le bois, nous ne pouvons assurer qu’il ait été décrit par les auteurs ; il pa¬ roît cependant que c’est lui que Pennant entend , sous le nom àe cervus mexicanus\ car il cite la planche de Dauben¬ ton, et le bois qu’il représente, quoique surchargé d’andouillers , ne semble qu’une variété de celui-ci ; mais il ne nous dit pas d’où il a tiré sa description, et le fait que les faons sont aussi tachetés. Cette dernière circonstance me le feroit rapporter au gouazouti de d’Azzara: sans elle, je l’aurois plutôt rapporté au gouazou poucou du même. 36 RUMINANS FOSSILES. Dans tous les cas , il faut qu’il y ait au moins trois cerfs à bois ramifié dans la partie chaude de l’Amérique. Quant aux deux espèces à bois simple , c’est encore d’Az- zara qui les a le premier bien décrits , et nous eu possédons une au Muséum, qu’il a reconnu lui-même, son goua zou pita^ qui se distingue par sa belle couleur marron. Mais il est presque impossible d’accorder les descriptions de d’Azzara avec celles de Laborde j ce qui peut faire pré¬ sumer qu'il y a encore une ou deux espèces, outre les cinq que nous venons d’indiquer ; cependant leurs bois ne peuvent être considérables , d’après tout ce que l’on en rapporte. 5.° D’un chevreuil fossile des environs tf Orléans. Ces os sont , par leur situation , les plus extraordinaires que j’aie encore observés^ car ^ si ce qu’on en rapporte est juste, c’est la première fois que l’on trouve, avec des os d’animaux perclus, d’autres os que l’on ne peut distinguer de ceux d’une espèce vivante de notre pays. J’ai parlé ailleurs (i) de cette carrière du hameau de Montabusard , commune ô^Ingré , d’où M. Defay , natura¬ liste d’Orléans a retiré, depuis 1778 jusqu’en 1781, plusieurs os d’animaux différons, dont deux espèces au moins appartenoient au genre palceotherium^ et une autre, au genre mastodonte. Mais, dans le nombre, il se trouvoit aussi deux fragniens de bois, cités par M. Defay (2), et plusieurs portions de (1) Dans mon Mémoire sur les espèces fossiles de Montmartre, et dans le chapitre sur divers mastodontes. (3) La Nature eousidérée dans plusieurs de ses opérations, p> $7^ RUMINANS FOSSILES. 87 mâchoires, qu’il m’a été impossible de distinguer des parties analogues de notre chevreuil commun. Outre les morceaux qui m’ont été prêtés par M. Defay, j’en ai vu quelques autres envoyés au conseil des mines par M. Prozet, et qui sont dans le même cas. Nos chevreuils existoient-ils pêle-mêle avec des palæothe- rium de plusieurs tailles , et avec des mastodontes ? ou y avoit-il, entre les couches dans lesquelles on trouve leurs os, des distinctions à faire, qui n’ont pas été saisies par les observateurs.^ ou bien, enfin, étoit-ce une espèce de che¬ vreuils , dont le caractère distinctif se trouvoit dans des par¬ ties que je n’ai pas obtenues ? J’ai encore sous les yeux des fragmens de la pierre qui con¬ tient ces mâchoires de chevreuil ; c’est un calcaire marneux , rougeâtre, pénétré de petites feiites, et contenant quelques co¬ quilles qui m’out paru d’eau douce; en un mot, je le regarde comme un tuf d’eau douce, semblable à celui de nos environs, que M. Brongniart a suivi, non-seulement jusqu’à Orléans, mais jusqu’au fond de l’Auvergne. La pierre qui contenoit les os de palæolherium , étoit peut-être un peu inférieure; mais je n’oserois l’assurer, et les morceaux de ce genre que j’ai vas, étant dépouillés de leur gangue, je ne puis avoir d’opmion à cet égard. 6.” Sur un bois singulier de chevreuil^ des tourbières de la Somme (pl. I, tig. 12 ). J’ai été bien étonné , en apercevant encore des caractères particuliers dans ce bois, que sa grandeur et le nombre de ses principaux andouillers,me faisoienl rapporter au che vreuix com- 38 RUMINANS FOSSILES. mun ; mais, ayant réuni beaucoup de bois de chevreuils, je n’ai trouvé dans aucun le petit andouiller de la base de celui-ci , et je n’y ai jamais vu le troisième andouiller égaler le deuxième en hauteur. Au reste, tout cela peut n’étre pas spécifique]; et comme les tourbières recèlent beaucoup d’ossemens connus , il est très- possible que celui-ci doive être rangé dans la même cathégo- rie. Je le dois, comme tant d’autres fossiles du même canton , à l’attention de M. Traullé pour tout ce qui peut être utile aux sciences ou à l’archéologie. Au reste, on trouve de vrais bois de chevreuil dans les tour¬ bières et dans les sables d’alluvion. Il y en a au cabinet du con¬ seil des mines, qui ont été tirés des tourbières des environs de Beauvais, et qui ne diffèrent en rien des bois de chevreuil or¬ dinaire, si ce n’est qu’ils ont été teints eu noir par leur séjour dans la tourbe. 7.° Sur des bois semblables à ceux du cerf ordinaire, trouvés dans les tourbières ouïes sablonnieres d'un grand nombre de lieux Rien n’est plus abondant : les aHuvions récentes en ont toutes fourni. En France, la vallée de la Somme en est surtout plus riche qu’aucune autre : les bois de cerf s’y trouvent par centaines, dans les premiers pieds de profondeur, soit de la tourbe, soit du sable. M. Traullé en parle dans le Magasin encyclopédique , 2.® année, t. I,p. i83, et t. V, p. 35. Ce savant?élé en a adressé au Muséum des échantillons fort bien conservés, accom¬ pagnés de quelques os des nrembres, très-reconnoissables ; et l’établissement en doit aussi quelques-uns aux soins de M. Bail- RUMINANS FOSSILES. 3$ Ion , son correspondant à Abbeville , qui lui a procuré tant d’autres objets iutéressans. Il y en a également dans d’autres provinces de France. Le cabinet du conseil des mines possède de ces bois, qui ont été tirés des tourbières du département de l’Oise, avec différons os de bœuf, des bois de chevreuil, et des défenses de sanglier, par conséquent au milieu de dépouilles des animaux du pays. Le meme cabinet en possède un frag¬ ment, déterré à Fayence, département du Var, à huit mètres de profondeur, avec des coquilles dont on n’a pas mentionné l’espèce. Outre ces bois, que nous avons examinés nous-mêmes, et dont l’identité avec ceux de nos cerfs communs est frappante , les auteurs parlent de plusieurs autres, que nous croyons-pou- voir admettre sur leur témoignage, attendu qu’il seroit difficile de s’être trompé sur des objets si faciles à reconnoître. Ainsi , c’est encore un vrai bois de cerf que celui qui fut trouvé sous une roche de grès, dans le sable, sur le chemin de Nemours à Mon- targis , et que Guettard a fait graver {Mém. sur les sc.et les arts ^ t. VI, mém, X, pl. YIII, fig. 2). Il existe un mémoire particulier de M. Faujas^ sur des bois de cerfs déterrés près de Montélimart , à quatorze pieds de profondeur, dans du sable (i) j c’est un des premiers ouvrages de ce savant géologiste. La grande collection des Transactions philosophiques offre plusieurs pièces analogues, d’autant plus remarquables, qu’il n’y a point aujourd’hui de cerfs sauvages en Angleterre. Hopkins bgure (n.“ 4^^» ®g4) un bois de cerf, long de trente pouces, quoique mutilé, tiré par un pêcheur de la mer, sur la côte du comté de Lancastre. (1) Grenoble, 1776,10-4. 4o RUMINATES FOSSILES. Knowlton en représente (vol. 44? 479? P- i24,pl- 1, fig. 2) une tête , aves ses bois longs de deux pieds dix pouces ; chaque perche portoit neuf àndouillers On l’avoit trouvée dans un lit de sable, dans la rivière de Rye , qui coule dans la Derwent dans l’East-riding du comté d’York. décrit encore un bois {t. ']5), long de trente- neuf pouces et demi, déterré avec d’autres os, dans un tuf assez dur, à six pieds de profondeur, à Alport, paroisse de Youl- grewe , dans le comté de Derby. C’est aussi dans le Derby shire et près de Yoidgreave.^ à Lathilldale que fut trouvé le bois de cerf décrit par Roger Gale , dans le volume de 174^? p- 262. Il étoit à neuf verges sous le sol , et avoit auprès de lui des os qui vecoient sans doute du même animal, mais que l’on regarda, sans preuve, comme des os humains. Deigh^ dans son Histoire naturelle du comté de Dancastre , représente une tête de cerf, trouvée sous la mousse, et dont les bois avoient quarante pouces , c’est-à-dire , plus d’un mètre 5 ce qui est très -considérable. Il y en a une copie dans les Memora'- hilia Saxonice subterraneœ de Milîus , p. 55, pl. VIII. Il est aussi question de bois semblables dans l’Histoire natu^ relie du comté de Norihampton.^ par Morton. Je trouve encore un fragment de bois qui me paroit avoir été de l’espèce commune , dans l’Histoire naturelle du comté de Cornouailles., par pl. XXVH , fig. 5; mais ce tronçon étant très -gros, et ayant été arraché d’un roc, je conserve quelque doute sur l’espèce qui l’avou fourni. Il venoit de New- haye , paroisse du Bas-rSt - Colmnb , non loin de Padstow. Quant à Y elaphoceration ou bois de cerf fossile , que Luid ( Lithophil. brit. p. 79, n.^^ i562 ) rapporte avoir été trouvé à RUMINANS FOSSILES. 4i TJliîtney , et près de TVhitton en LincolnsMre , nous n'en pouvons rien dire, attendu que cet auteur n’en 'donne ni des¬ cription ni figure. Scheuchzer y dans son diluvianum\' '^. l oo, parle de deux squelettes entiers de cerf, trouvés, l’un, à PViedikon ^ dans une glaisière , à la profondeur de dix pieds j l’autre , à Flurlîngen , dans une carrière , à celle de vingt. Il cite aussi un morceau de bois de cerf, tiré d’une carrière , à Megenwil , dans les baillages libres. M. Karg., dans son Mémoire sur les carrières d’ ( Mém. de la Soc. des nat. de Souabe^ 1. 1, p. aS) , assure éga¬ lement que l’on trouva, il y a plusieurs années, dans la carrière supérieure, un squelette entier de cerf , qui fut brisé par l’incu¬ rie des ouvriers , mais dont il reste des fragmens dans le cabinet de Mersebourg. Le plus célèbre des cerfs fossiles , s’il étoit bien authentique , seroit celui dont parle Spada ( Catal, lapidum veronensium , p.45), et qui, dit-il, avoit été trouvé entier, mais ramassé en. bloc , dans les montagnes de Valmenara di Grezzana.^ in¬ crusté dans un roc si dur , qu’on ne put l’en arracher que par morceaux; Spada assure cependant qu’on y reconnoissoit les hois, le crâne, les mâchoires, les dents, les omoplates, les ver¬ tèbres et tous les os des pieds. Il est probable qu’il n’étoit pas dans la masse du roc, mais dans quelque fente remplie après coup de stalactite. ^.Allioni., dans son Essai sur l’oryctographie du Piémont, p. 82 , cite des bois de cerfs, trouvés dans des lits d’argile de la colline di Campagnole., qui lui furent donnés par le chevalier de Rubilant , et M. Faujas {loc. cit.., p 20) assure en avoir eu aussi du Piémont , et en avoir vu chez le comte de Guitry. 6 42 RUMINANS FOSSILES. rapporte (^Metallothecavaticana ^ p. 325] qu’il y avoit au cabinet du Vaticauplusieurs bois de cerf, déterrés au¬ près de Véronne. Si l’on ne trouve pas sur les bois de cerf fossiles beaucoup de témoignages au - delà de ceux que nous venons de rapporter , c’est probablement parce queces bois, appartenant visiblement à des animaux du pays, et ne se trouvant qu’à de petites profon¬ deurs , on rr’y a rien vu de bien remarquable , ni qui fût digne d’être noté. Article III. Sur les différentes espèces de bœufs fossiles. L’écrivain qui veut approfondir un sujet quelconque , ne se voit que trop souvent exposé au malheur d’être obligé d’exa¬ miner et de remettre en ordre tout ce qui a été confondu et embrouillé par ses prédécesseurs 5 et j’éprouve plus que per¬ sonne cèt inconvénient, parce que les faits relatifs aux os fossiles ayant presque toujours été transmis par des minéralogistes qui n’avoient pas des connoissances suffisantes en anatomie, il s’y est glissé plus de méprises que dans aucune autre matière. Ainsi dans ce chapitre, pour expliquer les os fossiles de bœufs qui devroient être si faciles à reeonnoître, je me vois obligé de reprendre une foule de questions relatives aux bœufs vivans et à leurs caractères, que j’aurois pu supposer connus, si je ne voyois qu’ils n’ont pas toujours été saisis, même par des savans très-célèbres. Par exemple^ mon illustre confrère, M.Faujas, qui semble s’être proposé de n’admettre parmi les fossiles, aucun animal inconnu , qui m’a combattu même sur les plus évidentes de mes propositions en ce genre , puisqu’il n’a voulu regarder ni RÜMINANS FOSSILES. 43 rélépliant à longs alvéoles , ni le rhinocéros à museau pro¬ longé, ni le crocodile de Honfleur, comme des espèces nou¬ velles , a fini par donner pour telles , deux crânes fossiles du genre des bœufs , qu’il a décrits et représentés une première fois dans ses Essais de Géologie, (tom. I, pag. 829 et suiv. , et pl. XVII), et une seconde dans les Annales du Muséum d’histoire naturelle, (t. II, p. 188, pl. XXXIII et XXXIV), affirmant à plusieurs reprises que ni Tua ni l’autre n’est un crâne âü aurochs , et disant que s’il reste quelque espoir d’en trouver les espèces vivantes , ce sera apparemment dans les parties intérieures et peu connues des Indes. Il n’étoit pas nécessaire d’aller si loin j la vérité est que le pre¬ mier de ces crânes est celui d’un aurochs^ sans aucune diffé¬ rence qui puisse raisonnablement être regardée comme spé¬ cifique ; et ( chose bien plus singulière encore ) , que le second appartient tout simplement à l’espèce de notre bœuf dcmes^ tique et en a tous les caractères. La grandeur de l’un et de l’autre comparée aux squelettes ordinaires de nos cabinets, et la di¬ rection des cornes ont seules fait illusion; mais les naturalistes savent bien que ce ne sont pas là des caractères constans ni propres à distinguer les espèces. Avant d’offrir une nouvelle description de ces deux crânes et de ceux qui leur ressemblent , il est nécessaire que je rap¬ pelle les caractères ostéologiques que j’ai donnés ailleurs pour distinguer le bœuf aurochs ^ ei je me livre encore à quelques autres discussions. « Le front du bœuf est plat et meme un peu concave; celui » de V aurochs est bombé, quoiqu’un peu moins que dans le » bœuf - ce meme frunt ^st carré dans le premier , sa baideur )) étant à-peu-près égale à sa largeur, en prenant sa base entre 44 RUMINANS FOSSILES. I) les orbites; dans Y aurochs ^ en le mesurant de meme, il est » beaucoup pins large que haut, comme trois à deux. Les » cornes sont attachées, dans le hœiif^ aux extrémités de la » ligne saillante la plus élevée de la tête, celle qui sépare l’oc- )) ciput du front; dans Y aurochs ^ cette ligne est deux pouces » plus en arrière que la racine des cornes; le plan de l’occi- )) put fait un angle aigu avec le front dans le bœuf; cet angle » est obtus dans Y aurochs; enfin ce plan de l’occiput quadra- ïi gulaire dans le bœuf^ représente un demi-cercle dans Yau- » rochs (i) ». Les caractères assignés à l’espèce du bœuf, ne sont pas seu¬ lement ceux d’une ou deux variétés; ils se sont trouvés cons- tans, non-seulement dans tous nos bœufs et vaches ordinaires , mais encore dans toutes les variétés étrangères que nous avons examinées, telles que les petits bœufs dY Ecosse ; les bœufs à grandes cornes, de la Romagne ; les bœufs sans cornes ; les zébus ou bœufs à bosse ^ grands et petits, avec des cornes et sans cornes; enfin jusque dans les crânes embaumés de bœufs, rapportés des grottes de \sl Haute- Egypte par M. Geof- froj. On peut s’en assurer en examinant la pl. II , où , à côté du crâne de Y aurochs , fig. i et 2, j’ai fait représenter; 1.“ celui du bœuf sans cornes, fig. 3 et 4 j 2.° celui du zébu à cornes, fig. 5 et 6; 3." celui d’un bœufde la Romagne à grandes cornes, fig. 7 et 8; 4.° celui d’un petit bœuf d’Ecosse à cornes descendantes, fig. 9 et 10, que j’ai fait suivre de ceux des différons buffles, tous d’après la meme échelle , c’est-à-dire réduits au dixième. Si l’on ajoute, encore à ces caractères pris du crâne, cette (1) Ménagerie du Muséum d’Hist, nat. art, du Zébu. HUMOxiNS FOSSILES. 45 circonstance déjà observée par Daubenton (i), et par moi, que Y aurochs a quatorze paires de cotes, tandis que Yes bœufs ^ comme la plupart des ruminans , n’en ont que treize ; cette autre que ses jambes sont plus minces et plus longues que celles du taureau et du buffle; et cette troisième, rapportée par M. Gilibert^ que sa langue est d’une couleur bleue (2) 5 l’on trouvera sans doute que c’est avec un peu de légèreté que nos plus grands naturalistes ont regardé Yaurochs , comme la tige sauvage de nos bœufs domestiques (3j. L’opinion des memes naturalistes, qu’il y a encore à présent, dans le nord de l’Europe , deux races sauvages différentes, l’une sans bosse, qu’ils appellent particulièrement aurochs^ et l’autre à bosse, à laquelle ils donnent le nom de èwo/z, n’est pas mieux fondée, quoiqu’elle semble s’accorder avec des témoignages for¬ mels des anciens, dont nous donnerons bientôt une explication plus vraisemblable (4). Personne en effet n’a pu retrouver, dans nos temps modernes, ces deux animaux des anciens; les deux bgures que Gesner prétend en donner , et dont il emprunte l’une âl Herberstein , et l’autre de VFiecl , ne représenteot que Yaurochs, et Pallas nous explique complètement les petites différences qu’on observe entre elles, en nous apprenant que les vieux mâles aurochs prennent des poils plus longs et une (1) Hist. nat. XI, p. 4i3. (2) Gilbert, Opuscula jih.j'lhologico-zoologîca prîma , p. 70. (5) Buff. XII, 307; Lin. Boi t auras férus. (4) Jubatos bisontes excellentique et vi et velocitafe uros, Plîn, VIII, i5r Tihi dant varice peetora tigres j Tibi villosi terga bisontes, JLaCispueferi eomïbus uri. SiNÈquE, Hippol. ete> 46 RUMINANS FOSSILES, saillie plus forte sur les épaules que les jeunes et les femelles j • enfin Raczinsky , auteur polonois , ne parle du bison que d’a¬ près Gesner / il dit même positivement que la figure à'Her- berstein appartient à Y aurochs^ nommé en Polonois zubr ; et le thiir des Polonois, que quelques-uns ont cru être le bison ^ n’est selon P allas , autre chose que le biifjle ordinaire intro¬ duit au midi de la Pologne bien après le temps des anciens. Il seroit fort à désirer que le grand bœuf sauvage de l’Amé¬ rique seplrionale , ou buffalo des Anglo - Américains ( Bos americanus ^ Linn. ,gm. ) fut aussi bien connu osléologique- ment que le bœuf et Y aurochs le sont maintenant. Ce seroit le seul moyen de décider s’il doit être regardé comme une espèce à part ; car les caractères que l’on peut lui assigner jusqu’à présent, d’après les descriptions extérieures que l’on en a , ne sont peut-être pas assez iinportans pour cela. On peut les voir dans les articles et dans les figures d’AUamand et de Buffoii; ils consistent dans une bosse plus sensible, dans une laine épaisse qui recouvre toujours les épaules, le cou et le dessus de la tête; dans une longue barbe qui leur pend sous le menton; enfin, et surtout, dans leur queue courte qui ne va pas jusqu’au jarret. Les naturalistes américains pourront facilement en dessiner le crâne , et nous apprendre s’il diffère autant de ceux du bœuf el de Y aurochs^ que ceux-ci diffèrent entre eux. L’identité de Y aurochs et du bœuf sauvage d! Amérique seroit d’autant plus singulière, qu’il n’y a point di aurochs en Sibérie, et qu’il faudroit, comme le remarque M. P allas ^ que l'espèce se fut portée d’un continent à l’autre par le nord de l'Europe. Heureusement la solution de cette question n’est pas pécessaire pour nos recherches actuelles; il nous sulfit d’avoir RUMINANS FOSSILES. 4^ montré les différences de et du hœuf'^ différences qui vont se trouver confirmées , puisqu’elles distinguoient déjà les deux espèces aux époques reculées où les deux sortes de crânes dont nous allons parler , ont été enfouies. i.° Des crânes fossiles déterrés en dwers pays, et qui ne dif¬ fèrent presque en rien de ceux d aurochs. Le premier dont nous parlerons est celui du Muséum, que M. Faujas a déjà représenté, et que nous reproduisons pl. III, fig. I , et de profil fig. 0. // Quoiqu’on ait dit ce savant géologiste ( Ess. de Géol. p. 343), la comparaison la plus scrupuleuse de ce crâne , avec celui du squelette d’aurochs de notre Muséum, n offre de différence forte, que dans la grandeur proportionnelle des cornes; mais comme on sait que les cornes croissent toute la vie, et que l’a- hondance de la nourriture exerce une grande influence sur leur volume, ce ne peut être là un caractère spécifique. L’aurochs de notre Muséum a bien aussi une corne courbée en en-bas , mais cen’est qu’un accident dont il est encore moins permis de tenir compte. Des différences plus légères dans la saillie des bords osseux des orbites , et dans la largeur proportionnelle de l’occi¬ put, peuvent tout aussi aisément s’expliquer par l’âge et par le sexe, non pas comme on l'a fait si souvent dans ces matières sur des conjectures vagues, mais parce qu’on a la preuve que ces circonstances produisent dans le genre des bœufs, des dif¬ férences aussi grandes que celle-ci. Néanmoins le crâne est d’une grandeur énorme., quoique l’individu dont il vient ne fut pas très-âgé , à en juger par les sutures. 48 RUMINANS FOSSILES. La largeur de la face occipitale entre les angles mastoïdiens est de i3" ou o,35j et la distance des bords des orbites dans le haut, de i5"ouo,4o5. Notre squelette d’aurochs , qui a ces deux dimensions de 0,2 et 0,25, est élevé, au garrot, de 5' i" ou i,65. Le fossile l’aoroit donc été de plus de 2,60, ou de 8 pieds de roi. Il ne paroit pas que les aurochs actuels , qui sont confinés dans les pays du nord, parviennent à cette taille -là. Le sque¬ lette d’un grand aurochs mâle , du cabinet de l’Académie de Pétersbourg, n’a, suivant M. Pallas, entre les angles mastoï¬ diens, que 9" 9"’ ou 0,265, et entr'e les orbites 11® 9" ou o,32. Sa hauteur devoit donc être de 2,11 ou 6 pieds 6 pouces. Mais il est possible que ceux qui vivoient autrefois dans des climats plus doux et plus abondans, acquissent ce volume. Or, tout le monde sait que les aurochs ont existé dans notre pays, même dans les temps historiques, puisque César et Pline en parlent assez au long. Ce qui reste des noyaux osseux des cornes est presque horizontal, remonte peu vers le haut, mais est légèrement arqué en avant. La circonférence de leur hase est de plus d’un pied, et tout fait juger que les cornes dévoient être fort con¬ sidérables. La croissance de ce gros noyau se porte même en partie sur l’épaisseur des os du front, où la base de la corne se prolonge en une espèce de bourrelet peu saillant. Mais un autre crâne fossile d’aurochs du Muséum , beau¬ coup plus jeune et plus petit que le précédent, a des noyaux de cornes très-courts. Comme il est parfaitement entier , je l’ai fait dessiner de face et de profil , fig. 8 et 9 ; et sa longueur étant exactement la même que celle de notre squelette d’au¬ rochs vivant, il a été aisé de les comparer, et de voir que RUMINANS FOSSILES, 49 leur différence se réduit à un peu plus de largeur du museau et de saillie des orbites dans le fossile ; mais le taureau et la vache diffèrent souvent davantage entre eux à cet égard. M. Faujas nous apprend (i) que le grand crâne a été trouvé sur les bords du Rhin , du côté de Bonn ; mais on ignore d’où vient le petit ; les personnes qui l’ont déposé au Cabinet n'ayant point laissé de note sur son origine. Ils ne peuvent, au reste , avoir été déterrés , ni l’un ni l’autre, dans des couches bien profondes ni bien anciennes. Lé petit surtout est à peine altéré autrement que par l’action de l'air, et ses parties intérieures n’ont presque point encore petchi leur couleur ni leur luisant naturel. Le grand l’est davantagè.' Le crâne représenté par Klein dans le 32.® vol. des Trans. philosophiques , est parfaitement semblable au grand crâne de notre Muséum, et ses dimensions en différoient fort peu, seu¬ lement les noyaux de ses cornes étoient encore plus gros ; mais tout habile zoologiste qu’étoit Klein , et quoiqu’il habitât si près du pays des aurochs^ il ne reconnut pas ce crâne, et dit expressément qu’il n’y a point de preuve que ce soit celui d’un de ces zubr dont Gesner a parlé d’après Münster. Cette pièce avoit été trouvée sous terre, près àej)i7'schaw ^ sur la Vistule, à trois milles au sud de Dantzig^ mais on ne nous indique ni la profondeur ni la nature de la couche. Il est pro¬ bable que c’étoit aussi dans l’alluvion du fleuve. On a également trouvé de ces crânes en Hollande. M. Brug- Tïians^ célèbre professeur à Leyden, a eu la bonté de m’en donner un dessin entièrement conforme à celui de Klein et au nôtre. L’intervalle des cornes y est de i3 pouces du Rhin, (i) Annales du Mus. II, ]5i. 7 5a RÜMINANS FOSSILES, ou Oj34, et le contour de leur noyau de i6, ou Les cornes y étoieut donc un peu plus fortes que dans le nôtre. Je ne puis non plus rapporter qu’à cette espèce un noyau de corne isolé, et d’une courbure unilorme, dont M. Hacquet^ savant minéralogiste, et conseiller des mines de l’Empereur, à Léopol en Gallicie, a bien voulu m’envoyer le dessin. Sa longueur, en suivant la courbure, est de 2 pieds de roi, ou 0,66, et le contour de sa base, de i5 pouces. M. Hacquet l’a trouvé près de la petite ville de Szczbrzeszyn , à quelques milles de Crcfcovie. Sa surface est enduite de terre calcaire. L’une des plus grosses cornes que l’on ait trouvées de cette espèce , est celle dont M. Peale a envoyé d’Amérique à notre Muséum une copie moulée en plâtre, avec la portion de crâne à laquelle elle teuoit, et dont nous donnons une figure, pl. II, fig. 2. Ce qui reste du crâne dans ce morceau est , ainsi que la direction de la corne*, semblable à ce que l’on observe dans les crânes déterrés en Europe , les dimensions du crâne elles- mêmes ne sont pas beaucoup plus considérables , mais le contour du noyau de la corne est de 18 pouces 2 ligues, ou de 0,49. M. Peale découvrit ce crâne dans la province de Kentuc- key ^ en allant à la recherche des os de mastodonte ; sa dé¬ couverte ne peut que rendre les naturalistes plus curieux de connoîtrela forme du crâne des bœufs sauvages de l’Amérique. Cependant, si le noyau de corne de sept pouces un tiers de diamètre, trouvé en Bohême, et représenté par M. Mayer, dans les Mémoires d’une société particulière de Bohême, t. VI, pl. III , p. 260 , est de cette espèce , comme il me le paroît , il surpasseroit encore ceux d’Amérique. Celte grandeur des cornes de crânes fossiles pourroit dis- RUMINANS FOSSILES. 5i poser à les croire d’une race plus différente de Xaurochs que nous ne le pensons , attendu que la plupart des naturalistes assurent que les cornes de l’aurochs sont plus petites que celles du bœuf domestique , et M. Hacquet m’écrit que les plus grands individus n’ont pas de noyaux de cornes de plus d’un pied de longueur. Mais aujourd’hui que les aurochs sont devenus^ si rares, on est peut-être réduit à juger de leur proportion d’après des jeunes os des femelles ; la figure â! Herberstein , copiée dans Gesner , dans Aldrovande , dans Jonston , dans Shaw et ailleurs, montre déjà des cornes qui restent fort peu au-dessous de la proportion des fossiles, et quand ces animaux disposoient à leur gré des vastes forêts et des gras pâturages qui couvroient la plus grande partie de la France et de l’Allemagne, l’abon¬ dance de leur nourriture influoit probablement sur le déve¬ loppement de leurs armes. a.® Des crânes qui paraissent appartenir à t espèce du bceuf^ mais qui surpassent beaucoup en grandeur ceux de nos bœufs domestiques , et dont les cornes sont autrement di¬ rigées. Tons les caractères que j’ai assignés à l’espèce du bœuf, se rencontrent dans ces crânes-ci, et je ne doute pas qu’il n’aient appartenu à une race sauvage, très- différente de Xaurochs y et qui a été la véritable souche de nos bœufs domestiques ; race qui aura été anéantie par la civilisation, comme le sont maintenant celles du chameau et du dromadaire. Le contour général du frontal, sa concavité, la courbe ren¬ trante qui le termine vers le haut , et qui s’étend comme une 52 RUMINANS FOSSILES, arête d’une corne à l’autre, l’angle que la face antérieure fait avec la face occipitale, la circonscription de celle-ci, la fosse temporale , sont absolument , dans ces deux, crânes , comme dans le taureau. Seulement, les cornes des bœufs les plus communs se diri¬ gent en dehors, et se recourbent plus ou moins en haut ou en avant, tandis que les noyaux des cornes de ces crânes, après s’être dirigés en dehors , se recourbent un peu en avant et en bas-j mais on sait à quel point la grandeur et la flexion des cornes varie dans nos races domestiques, et personne ne sera tenté d’y voir des caractères spécifiques. Nous avons même au Cabinet le crâne d’un petit taureau d’Ecosse , dont les cornes sont dirigées de côté et en bas. Cependant, ces crânes fossiles annoncent des animaux bien supérieurs à nos bœufs de France. Celui que nous représen¬ tons , pl. III , fig. 3 et fig. 8 , et que M. Faujas a déjà donné (Essais de Géologie, pl. XVII, fig. a, et Annal, du Mus., II, pl. XXXIV) a 12 pouces un quart, ou 0,332 de largeur entre les cornes, et ii pouces lo lignes, ou o,32 entre les orbites; ce qui , d’après les proportion» du taureau , annonceroit un animal de douze pieds de long , et de six pieds et demi de hauteur au garrot. La circonférence du noyau de la corne est de 1 2 pouces 8 *, et sa longueur, en suivant la courbure, de 27 pouces. Il n’y a néanmoins rien là qui excède beaucoup ce qu’on rapporte des grands bœufs de la Podolie , de la Hongrie et de la Sicile. Ces sortes de crânes ne sont pas rares dans les tourbières de la vallée de la Somme. Le Muséum en possède deux qui viennent des environs d’Abbeville, et qui lui ont été envoyés 53 RUMÎNANS FOSSILES, par M. Traiillé et par M. Bâillon^ et une corne adressée par M. Pincepré^ et déterrée auprès de Péronne. C’est aussi un pareil crâne qui a été trouvé à Piquignj^ et annoncé comme celui d’un aurochs M. Boucher^ dans le Magasin ency^- clopédique , IV.® année , tome IV, pag. 24. Il suffit de lire la table que donne l’auteur des mesures de ce crâne, comparées à celles du crâne d’une vache, pour juger que le.s proportions étant les memes, il s’agit d’un Crâne de l’espèce du bœuf et non de celle de l’aurochs. M. Faujas nous apprend qu’il a vu des crânes semblables dans les Cabinets de Mannheim, de Darmstadt, et chez M. Satz- Wedel, à Francfort (i). M. Autenrieih a bien voulu m’adresser le dessin d’un autre de la meme espèce, tiré de la rivière d’Æ’n^, en Souabe, et déposé dans le Cabinet de Stultgardt. Le diamètre des noyaux de ses cornes est, à la base, de six pouces du Rhin. Ce savant m’assure qu’on trouve assez souvent de pareilles cornes dans les tourbières de Sindeljingen ^ à deux lieues de Stuttgardt^ où elles sont accompagnées de coquilles ordinaires d’eau douce. On a envoyé récemment de Berlin, au Muséum, un noyau de corne de cette espèce, trouvé en 1749 dans le limon de la rivière de Stohr, près du village de Plate. Gesner en a fait graver , il y a plus de deux cents ans , un crâne tout pareil à celui que nous représentons, dont le dessin lui avoit été envoyé d’Angleterre par son ami Gains , qui lui assuroit avoir vu un autre crâne semblable dans le château de Warwick (2). (1) Annales du Muséum, II, 194. (2) Gesner, quadr, lîy. HUMINANS FOSSILES. 54 M. Soldmii^ dans son Essai orictographique ^ imprimé à Sienne, en 1780, représente encore, pl. XXIV et XXV, un crâne de cette espèce, parfaitement reconnoissable, dont le front avoit un pied de large, la corne deux pieds sept pouces de long et un pied deux pouces de contour à sa base, et trouvé au]»rès d’Arezzo, dans un sable mêlé de parcelles talqueuses et d’ocre jaunâtre , sans aucuns testacés. Le même auteur parle d’un crâne analogue trouvé près de Rome, à vingt pieds de profondeur, dans de la pouzzolane , par le père Jacquier. La distance des orbites y éloit de quatorze pouces, et le contour des noyaux des cornes de dix-huit. Cette espèce auroit donc été répandue dans la plus grande partie de l’Europe ; et si l’on se rappelle maintenant que les anciens distinguoient en Gaule et en Germanie deux sortes de bœufs sauvages, Xurus et le bison ne sera-t-on pas tenté de croire que l’une des deux étoit celle de cet article, qui, après avoir fourni nos bœufs domestiques, aura été extirpée dans sou état sauvage 5 tandis que l’autre, qui n’a pu être domptée, subsiste encore, en très -petit nombre, dans les seules forêts de la Lithuanie. 3.“ Des crânes fossiles de grands buffles trouvés en Sibérie et digression sur une race de buffles à très-grandes cornes^ dont les naturalistes moderne s font une espèce particulière^ sous le nom Je n’ai , sur les crânes de buffles fossiles de Sibérie, d’autres documens que ceux que me fournil M. P alias. 1! en a décrit une tête dans les Nov. comment. Petrop. Xlîl , pag. 4G0 : il l’a comparée à celle de l’aurochs j et , après avoir moutré RUMINANS FOSSILES. 55 leurs différences, il conclut qu’elle doit provenir du buffle ordinaire des ludes et de l’Italie. Ces têtes sont supérieures de près d’un quart, dans toutes leurs dimensions, à celles des plus grands buffles et des plus grands aurochs, comme on peut le voir par la table compa¬ rative de M. Pallas. Indépendamment de la grandeur, les différences de forme et de proportion, avec l’aurochs, sont trop frappantes pour qu’un naturaliste, tel que M. Pallas, ait pu s’y méprendre, en ayant l’une et l’autre tête sous les yeux ; mais il paroît qu’il n’avoit pas celle du buifle ordinaire, et qu’il ne s’est déter¬ miné à rapporter ses crânes fossiles à cette espèce, que par la considération de l’angle ou arête qui règne tout le long de leurs cornes. Or j’y trouve encore d’autres différences qui me paroissent plus fortes que celles qui distinguent les aurochs et les bœufs fossiles des vivans. Quoique le buifle ordinaire ait la convexité et le contour du front à-peu-près pareils à ceux du buffle fossile, la largeur desa tête est moindre à proportion de sa longueur, surtout entre les orbites, dont la distance donne au fossile un caractère tout particulier. La courbure des cornes est aussi différente; celles du buffle ordinaire se portent en arrière de côté et en haut, sans revenir sensiblement en avant; celles du buffle fossile vont- d’abord obliquement , en haut et de côté , et leur pointe revient en avant. Enfin V angle saillant longitudinal y paroit aussi moins marqué. On peut s’assurer de ces différenees en comparant le crâne 56 RUMINANS FOSSILES. du buffle, pl. II, fig. n et 12, avec le crâue fossi le, pl. m, fig. 4 et 5, M. P allas a reconnu lui • meme depuis, implicitement, que ces têtes fossiles ne viennent pas du buffle ordinaire ; car il les a rapportées (i) à une prétendue espèce de très-grands buffles, nommés arnee ou amis ^ que l’on disoit nouvellement découverte dans les montagnes de l’Indoslan , et dont le doc¬ teur d’Edimbourg, avoit donné une notice dans un journal intitulé : tlie Bee ( décembre 1792 ). M. Pallas assure que les dessins du crâne et des cornes envoyés par ressembloient entièrement à ceux qu’il a publiés autrefois (iVoe. Com. XIII). et qui font l’objet de cet article. Il faut qu’il y ait eu quelque méprise dans cet envoi , car les notions détaillées, publiées sur Yarni depuis cette époque, prouvent qu’il ne se rapproche pas plus que le buffle de l’espèce fossile 5 elles fon( même voir, selon nous, que Xarni n’est autre chose qu’une race de buffles à grandes cornes, dont on n’auroit pas dù faire une espèce particulière. Il en existoit depuis long-temps un indice dans les Transac¬ tions philosophiques. Les cornes de cinq pieds anglois, de longueur, trouvées dans un magasin de marchandises in¬ diennes, et décrites par iS/oane, en 1727, dans le n.® 397, ne peuvent appartenir qu’à Vami. Nous possédons aujourd’hui, au Muséum, quelques-unes de ces cornes, rapportées de Timor., par MM. Péron et Leschenaud. Elles frappent beaucoup par leur longueur, qui surpasse quelquefois quatre et cinq pieds de France; mais comme leur base n’est guère plus grosse que dans le buffle (1) Neue nordische beytræge, VI, a5oj RUMINANS FOSSILES. 57 ordinaire, elles ne prouvent rien pour la grandeur de ranimai qui les portoit. En effet, on a maintenant deux figures du crâne de \arni ; l’une est gravée dans les Abbildungen de M. Blumenbach^ pl. LXIII, d’après un dessin envoyé par sir Joseph Banks ; l’autre est en simple trait dans \ animal kingdom de Kew p. 336, pl. CCXCV, et dans la Zoologie générale de ShaWy tom. II, part. II, pl. CCX, p. 4oo. La tête de M. Banks, que nous avons fait copier, pl. 11^ fig. i3, est accompagnée d’une échelle qui montre que la lon¬ gueur est de 2 pieds anglois , ou de 0,607 ’ l^^i^sence des sutures fait bien voir quelle est adulte. Or , nos buffles ordi¬ naires d’Italie, hauts de 4 pieds et demi, ou i,5 au garrot, ont la tête longue de o,5; d’où je conclus que les semblables àcelui deM. Banks, doiventétre hauts de i,8i4, c’est-à-dire de 5 pieds 5 à 6 pouces. Les voilà bien descendus de cette taille de i4 pieds qu’on leur attribuoit ; mais on voit bien qne cette taille étoit , non pas observée, mais conclue d’après les cornes, et chacun sait que la longueur des cornes dans le genre des bœufsj n’est point en rapport constant avec la taille. La figure dV/mî, donnée par M. ÜCerr, quoique faite d’a¬ près une simple peinture indienne, ne dément point mon calcul 5 les cornes y ont à-peu-près deux fois la longueur de la tête , et le corps a un peu plus de deux fois et demie cette longueur en hauteur 5 or, les cornes ^arni étant longues au plus de quatre à cinq pieds , ce sont les mêmes proportion que nous venons de déterminer j mais M. Kerr a fait placer à côté de sou ami, une figure humaine trop petite, qui fait paroitre la hauteur du bœuf, au garrot, d’environ huit pieds. 8 58 RUMINANS FOSSILES. L’auteur ajoute que cet animal tient du bœuf, du cheval et du cerf, mais sa figure ne donne que l’idée d’un bœuf ou d’un buffle. Au reste, quelle que soit la taille de Xarni^ il suffit de com¬ parer son crâne, fig. i3, avec celui du buffle commun ^ fig. ii et 12, pour voir qu’il lui ressemble entièrement, à la longueur des cornes prèsj c’est la même convexité du front, la meme position des cornes et des yeux, la meme saillie des orbites, la même proportion du museau 5 et si Y ami est sauvage, on ne peut douter qu’il ne soit la souche primitive de notre buffle , laquelle surpassera les races domestiques en grosseur , comme cela arrive assez souvent. Au reste , il y a aussi en domesticité de ces buffles à longues cornes , dans plusieurs parties de l’Inde, et notamment dans toutes les Moluques. M. Lescbenaud en a fait une description qui paroît conforme à tout ce que l’on sait de positif sur Y ami. D’ailleurs, il est évident que la tête à' ami de notre fig. l3 , pl. II , ne ressemble pas plus que celle du buffle , fig. 1 1 et 12, à celle des buffles fossiles de Sibérie., pl. III, fig. 4 et 5*, les grandes cornes, seul caractère distinctif de Y ami., ne s’ob¬ servent même point dans le fossile. Je conclus de ces détails et de ces comparaisons , que les buffles fossiles de Sibérie sont d’une espèce particulière, dif¬ férente et du buffle commun et du buffle à grandes corne ou ami ; mais bien plus différente encore du bœuf et de Y au¬ rochs , soit vivans soit fossiles. Il seroit intéressant d’en connoître les gisemens , et de sa¬ voir s’ils se trouvent dans des terrains plus anciens que les autres espèces de bœufs ; mais M. P allas ne nous donne que bien peu de lumières là-dessus. RU3IINA1NS fossiles. 5c) Le premier crâne qu’il a décrit àvoit été trouvé près de la rivière d!Ilga , où une inondation l’avoit mis à découvert , et c’étoit Millier l’historien qui l’avoit rapporté. Le cabinet de Petersbourg possédoit alors des fragmeus de trois autres cr⬠nes dont on ignoroit le lieu originaire ; mais Gmelln , dans son voyage , assure qu’on en trouve dans les parties les plus reculées de la Sibérie , sur VAnadir et chez les nouveaux Tonguses. M. Pallas lui-méme a depuis augmenté ce nombre de plusieurs autres crânes trouvés sur les bords du Jaïk^ de Ylstiscli^ et meme, dans les régions les plus boréales, sur ceux de Y Ob (i). Je ne crois donc pas me faire illusion, en considérant cette espèce- ci comme véritablement contemporaine des éléphans à longs alvéoles , et des rhinocéros à crânes allongés , dont fourmillent ces contrées glaciales ; mais je conviens qu’avant de regarder cette idée comme certaine, il faudroit avoir des relations plus exactes des lieux de leurs découvertes. 4.® Des crânes fossiles à cornes rapprochées par leur hase , que Ton a trouvés en Sibérie ^ et qui parois sent analogues à ceux du boeuf musqué du Canada. C’est encore uniquement à M. Pallas que nous devons la connoissance des dépouilles fossiles de cette espèce. Ce sa¬ vant , aux recherches infatigables et aux vues ingénieuses du¬ quel l’bistoire naturelle doit tant d’accroissemens , dit n’en avoir vu que deux crânes , trouvés , l’un , sur les bords de (1) JVov. Corn. vol. XVII, p. 6o RUMINANS FOSSILES. Y Oh, sous le fort àlObdor, et l’autre, dans des contrées plus septentrionales, du côté de Tundra (i). Il hésiloit d’abord s’il devoit le rapporter au hiiffle du Cap , dont on ne connoissoit alors que les cornes , d’après Buffon^ et que Sparmann a décrit depuis, ou au bœuf mus¬ qué d’ Amérique , dont il avoit vu une tête dans le Muséum britannique, ou enfin, s’il ne falloit pas en faire une troisième espèce. Quelques années après, M. Pallas , ayant trouvé une description plus ample du bœuf musqué dans Pennant, et connoissaut , par sa correspondance avec M. Sparmann , ce que ce dernier avoit observé du buffle du Cap , se détermina à regarder les crânes dont je parle comme appartenant à l’espèce d’Amérique (2). Il paroît avoir été mu principale¬ ment par cette considération que ces crânes pouvoient facile¬ ment avoir été amenés en Sibérie par les courans de la mer Glaciale. Il est certain en effet que les crânes sibériens diffèrent de ceux du Cap. Comme nous avons au Muséum plusieurs de ces derniers , j’ai été à même d’en faire une comparaison exacte avec les figures de M. Pallas, et j’ai vu que, i.° les cornes de celui de Sibérie se rapprochent de manière que leurs bases se regardent par des droites parallèles, taudis que, dans celui du Cap, ces lignes forment presque un angle droit, dont la pointe est dirigée vers le sommet. 2,.° Le museau est plus étroit, à proportion du crâne, dans le buffle du Cap , que dans celui de Sibérie. 3.° Les orbites de celui de Sibérie forment des tubes sail- (1) 'Nov. Comment. Petrop. XIII, p. 601. (2) ^vo^'. Act, Petrop. t, I, part, II, p. 243, RUMINANS FOSSILES. 61 laas, tandis que, dans celui du Cap, ils ne sont point proé- mioens. Chacun peut vérifier ces différences, eu comparant les figures du buffle du Cap , pl. Il, fig. 1 4 et 1 5 et celles du buffle fossile à cornes rapprochées ^ pl. III. , fig 9 et 10, que nous avons copiées de M. Pallas. On peut voir aussi par ces figures, qui sont réduites sur la même échelle, que les crânes fossiles sont beaucoup plus petits. Tout rend donc vraisemblable la conjecture de M. Pallas^ qui les rapporte au bœuf musqué; mais, dans une matière comme celle ci, les conjectures les plus vraisemblables auroient besoin d’étre confirmées par des comparaisons effectives , et je suis hors d’état de les entreprendre, faute d’un crâne de bœuf musqué , ou même d’une figure de ce crâne dépouillé de sa peau. M. Favjas dit bien (Essais de Géologie, I, p. 336) qu’z'Z y en a une belle tête au Muséum cT histoire de Paris ^ mais c’est qu’il aura pris pour elle la léte du buffle du Cap. La figure donnée ])ar Bulfon (Suppl., t. VI, m 4°, pl- III), d’après un dessin envoyé par Maguan, est encore revêtue de son poil ; et celles que Pennant a publiées de tout l’animal , outre qu’ elles partagent le même inconvénient , ont encore celui de n’étre pas très-authe.. tiques. Il est évident, par exemple, que celle du mâle (History of quadrupeds, p. 27) est copiée d’une prétendue figure cl’ gravée dans le Césap infol., édit, de Londres, Tonson, 1712, pl. i3^[ , aux cornes près, qui ont été arrangées : cette même figure est encore dans l’Histoire des Voyages, trad. fr. ,1, p 48^5 in ^-” , sous le nom de buffle de Célébes. Pennant n’a pas même eu la précaution d’y faire raccourcir la queues 62 RUMINANS FOSSILES. quoique tous ceux qui ont vu le bceuf musqué, disent que sa queue est très -courte, et la comparent à celle de l’ours (i). Cependant M. Sliaw copie bonnement cette figure, et la sup¬ pose faite d’après un animal en mue (General Zoology, I, part. II, p. 449.) La figure de la femelle, donnée par Pennant, dans son Arctic Zoology , est faite avec plus d’adresse ; mais il fau- droit savoir si elle n’a pas été faite aussi d’après les descriptions. Je conclus toujours qu’il faut engager les naturalistes an- glois à faire venir du Canada la dépouille de cet animal sin¬ gulier , et à donner des figures exactes de son crâne osseux , avec les dimensions; c’est aloi’S seulement qu’on |)ourra por¬ ter un jugement certain sur les crânes fossiles de Sibérie, En admettant au reste l’identité de ceux-ci avec ceux du bœuf musqué d’Amérique, il faudra remarquer qu’ils sont dans une position relative bien différente de celle des autres os fos¬ siles de cette contrée. Les seuls analogues que l’on ait cru jus¬ qu’à présent trouver à ceux-ci , vivent dans la zone torride , et les bœufs musqués habitent la zone glaciale. Il est donc probable que si ces crânes leur appartiennent en effet , ils se seront trouvés dans des couches et à des profondeurs toutes différentes de celles qui fournissent les os d’éléphans, de rhi¬ nocéros et de grands buffles. C’est encore un point sur lequel il est de notre devoir de rendre attentifs les voyageurs qui vi¬ siteront à l’avenir les bords septentrionaux de la Sibérie. (i) Voyez Hcarne, RUMINANS FOSSIZES. 2 5° Quelques remarques sur les os isolés de bœufs. Après avoir distingué ainsi les quatre sortes de crânes de bœufs , qui ont été jusqu’à présent découvertes dans un état plus ou moins fossile, il faudroit examiner et comparer les os du tronc ou des extrémités trouvés' avec les crânes , soit iso¬ lément, soit dans les memes couches 5 mais cette recherche éprouve ici les mêmes difficultés que dans le genre des cerfs, c’est-à-dire qu’on a fort peu rassemblé de ces os, qu’ils sont très-difficiles à distinguer dans les différentes espèces de bœufs, et à plus forte raison quand ils sont mutilés, comme les os fossiles le sont presque toujours. Il y a cependant quelques caractères propres à fournir des indications, et les os des extrémités , surtout de leurs articula¬ tions inférieures, sont généralement plus gros à proportion dans le bulfle que dans le bœuf, tandis qu’ils sont plus grêles dans l’aurochs. C’est d’après cette différence qu’il m’a paru que les os de ce genre, trouvés avec ceux d’éléphant, dans le canal de fOurcq, sont plutôt des os de bulfle que des os de bœuf; et comme ils sont généralement plus grands d’un cinquième que ceux de nos buffles ordinaires d’Italie, j’ai tout lieu de croire qu’ils ap¬ partiennent à l’espèce du buffle fossile de Sibérie, observée par M. Pallas. Je vois, par les notes que j’ai reçues de divers savans, qu’il doit se trouver en plusieurs autres lieux d’Europe, des ossemens de cette espèce ; car on m’a envoyé de différeus endroits des figures d’os longs, du genre du bœuf, évidem¬ ment plus grands, mais surtout plus épais que ceux de nos 64 RUMINANS FOSSILES, bœufs ordinaires , quoi qu’ils en aient d’ailleurs tons les carac¬ tères ostéologiques. C’est ce que j’observe surtout par rapport à un métacarpe du Cabinet de Darmstadt, dessiné par M. Fischer^ et à la tête supérieure d’un radius, du cabinet de M. Camper^ trouvée avec des débris de rhinocéros et de chevaux , dans le terreau qui recouvre les basaltes d’ TJnkel. Cette tête est si forte que M. Camper l’avoit prise d’abord pour celle du radius d’une giraffe^ et sa grandeur s’y rappor- teroit assez ; mais il me semble, d’après le dessin que M. Carnper a bien voulu m’en adresser , que le cubitus s’y prolonge beau¬ coup plus bas qu’il ne fait dans la giralfe. Article III. Réswné général de ce chapitre. D’après cet examen , on voit que les os de ruminans des terrains meubles, autant qu’il est possible de les distinguer, se rapportent à deux classes , tant dans le genre des cerfs que dans celui des bœufs ; savoir celle des os de ruminans incon¬ nus dans laquelle nous rangeons Yélan d’Irlande, le petit cerf à bois grêle dEtampes , le cerf de Scanie et le grand buffle de Sibérie ; et celle des ruminans connus, qui sont le cerf ordinaire , le chevreuil ordinaire., T aurochs , le bœuf qui paroît être la souche originale de notre bœuf domes¬ tique , et le buffle à cornes rapprochées, qui semble ana¬ logue au bœuf musqué du Canada. Après quoi il nous reste une espèce douteuse; savoir le grand daim de la Somme, qui ressemble beaucoup d^xxdaim commun. RUMI5"A>'S FOSSILES. G5 I.es gisemens de tous ces os ne sont pas connus exactement à beaucoup p''èsj mais si l’on compai’e ceux de ces gisemens que l’on connoil, on trouvera que les espèces connues sont toujours dans des terrains qui paraissent plus récens que les autres. Cela est certain, du moins pour les cerfs ^ pour les che¬ vreuils et pour les bœufs delà vallée de la Somme, qui sont dans des sables mobiles et superficiels, ou dans des tourbières. Les aurochs paraissent également s’étre toujours trouvés dans des alluvions ou atlérissemens récens et encore susceptibles d’étre augmentés ou diminués; et les bois de cerfs d’Angle¬ terre ont été souvent retirés du lit même des rivières. Quant aux espèces inconnues, on a pu remarquer que Xélan cï Irlande ^ quoiqu’il faille traverser des lits de tourbe pour le trouver, n’est pas dans la tourbe même, mais bien dans des lits de marne ou de craie situés dessous; le cerf d’L*- tampes, trouvé dans les sables de la Beauce, étoit inférieur au terrain d’eau douce qui recouvre les sables ; enfin le buffle de Sibe'rie^ accompagnant les éléphans et les rhinocéros fos¬ siles^ de\ oit être de même âge et êtreenveloppé danslesmêmes couches. Il n’y a parmi les inconnus que le cerf de Scanie^ qui soit annoncé comme ayant été trouvé dans une tourbière, mais peut-être cette circonstance mériteroit-elle d’être vérifiée. Sans doute, avec le peu d’attention qu’on a donné jusqu’ici aux gisemens des os fossiles , le résultat que j’offre est encore bien chancelant; aussi i e prétens-j,e lui assigner d’autre valeur que celle d’une inJication digne d’étre examinée par les natu¬ ralistes qui en auront les occasions. Uneremar(p:e d’un autre genre a déjà plus de certitude. Les ruminans fossiles connus , sont aussi des animaux du climat 9 66 RUMINA]'^S FOSSILES. où on les trouve; ainsi le cerf, le bœuf, raurocbs, le chevreuil, le bœuf musqué du Canada , habitent et ont toujours habité dans les pays froids et tempérés, tandis que les espèces que nous re¬ gardons comme inconnus, si l’on vouloit à toute force les rap¬ porter à des analogues existans, ne trouveroient ces analogues que dans les pays chauds ; nos ruminans fossiles inconnus sui¬ vent en partie cette analogie; le grand buffle de Sibérie ne peut être comparé qu’au buffle des Indes ou à l’ami, tout comme ce n’est que dans V éléphant des Indes et dans le rhi~ nocéros d! Afrique que l’on a prétendu voir les originaux des mammouths et des rhinocéros fossiles avec lesquels on trouve les os de ce buffle. Uélan d Irlande et les cerfs d Etampes et de Scanie, pour- roient, à la vérité, être comparés à des animaux des pays- froids ; mais ils ne s’en rapprochent point assez pour que notre raisonnement en soit infirmé. Les faits recueillis jusqu’à ce jour , semblent donc annoncer , autant du moins que des do- cumens aussi incomplets peuvent le faire, que les deux sortes de ruminans fossiles appartiennent à deux ordres de terrains, et par conséquent à deux époques géologiques différentes; que les uns ont été ensevelis, et le sont encore journellement dans la période où nous vivons, tandis que les autres ont été vic¬ times de la même révolution qui a détruit les autres fossiles des terrains meubles, tels que les mammouths, les masto¬ dontes et tous les pachydermes dont les genres ne vivent plus aujourd’hui que dans la zone torride. /.mfrr///rrr/ /■/(>/. RUMINJNS FOSSILES IL. .1. élm^uLcerp-, /ieJ. . li f/MIÆlN.S FOSSILES PL . IL ôæu/s vivuns . y:io ? • f, l lUJMINANH FOSHILEH .PL.m. hœufJ- fhssile^ . Vxo . ^ ' Cüur/~ d'envi • / \ i//^z/'f/ Je/ . mmmanam mm iJLim- SUR LES BRÈCHES OSSEUSES Qui remplissent les fentes de rochers à Gibraltar et dans plusieurs autres lieux des cotes de la Méditerranée ^ et sur les animaux qui en ont Des rochers épars, et souvent isolés, à plusieurs centaines de lieues les uns des autres, mais formés de la même pierre, sont fendus en différens sens j leurs fissures sont remplies d’une concrétion senxljlahle partout, qui enveloppe des os et des fragmens de pierres , et à toutes ces distances les fragmens de pierres et les os sont à peu près les memes. Tel est l’objet de ce chapitre, et l’un des phénomènes les plus curieux de la géologie, La ressemblance de ces brèches osseuses , dans les lieux les plus éloignés , est une chose tellement étonnante que , pour éviter tout soupçon de nous être livrés à des rapprochemens hasardés, nous croyons devoir décrire séparément celles de chaque lieu, dans les termes même qu’ont employés les natu¬ ralistes les plus accrédités; c’est le moyen le plus sûr de faire ressortir clairement celte circonstance essentielle, en montrant la similitude frappante des observations faites par des hommes qui ont travaillé chacun isolément. I 2 BRÈCHES OSSEUSES. Nous commencerons pnr les brèches de Gibraltar, qui sont les plus anciennement célèbres. , Article premier. Des hrècJies osseuses de Gibraltar. Ge rocher de Gibraltar, si fameux dans Fbistoire politique de nos derniers temps , mérite aussi une place distinguée dans riiistoire naturelle, par sa position singulière- et par les obser¬ vations auxquelles il a donné lieu. Tout le monde sait qui! forme un cap étroit et escarpé, lié au continent par un isthme ou plutôt par une langue de sable basse et unie. On en trouve une bonne description minéralogique, faite par le major Imrie.^ dans les Transactions de la société royale d’ Edimbourg tome IV, pour 1798, pag. 191. > c( La direction du rocher (dit cet ofiicier) est presque du >) nord au sud; sa longueur est de trois milles, et sa largeur }) variable. Sa plus grande hauteur vers le nord est de i35o >9 pieds auglüis, vers le milieu de 1276, et vers le sud de 1439., » Le côté du nord est presque vertical, à un étroit passage >) près, qui conduit à l’isthme; celui qui regarde l’occident est » mêlé de précipices ou de talus très-raboteux; à l’orient sont )) encore des précipices et un banc de sable qui couvre les deux » tiers de la hauteur ; enfin le côté méridional tombe par une » descente rapide dans une plaine de roches fort étendue, bordée )) de précipices , suivie d’une autre plus basse, bordée de même, )) et qui fait l’extrémité du cap. » La masse de la montagne est un marbre gris, dense, en BRÈCHES OSSEUSES. 3 » bancs de 20 à 4o pieds d’épaisseur, inclinés de 35° de l’est » à l’ouest, sans autres lits entre eux, et ne contenant que » quelques coquilles changées dans la substance meme des )) bancs, et dont l’intérieur est spalhique. )) \ ers l’ouest seulement sont plusieurs lits hétérogènes, )) minces, de terre rouge et noirâtre; le plus inférieur, qui est » aussi le plus épais, quoiqu’il n’ait que l'j pouces, est d’un )) quarz bleuâtre, et a dans ses fentes de petits cristaux, que l’on appelle communément diamans de Gibraltar. » A peu de distance et plus près de la mer se voient quel- » ques lits d’une argile grasse, et vers le sud des nids de glaise rouge avec des pierres à fusil verdâtres. » Ces bancs de marbre sont creusés de plusieurs cavernes, » dont quelques-unes sont fort grandes. » La plus curieuse se nomme Grotte de Saint-Michel. Elle 5) est située entre le milieu et l’extrémité sud, à mille pieds » de hauteur, très-irrégulière, profonde, et remplie de stalac- » tites. » Ces memes bancs [ et c’est là ce qui nous intéresse prin¬ cipalement} ont plusieurs fentes perpendiculaires qui con- » tiennent une concrétion calcaire, d’un beau rouge de rouille, )) à cassure terreuse, fort dure, renfermant des os mêlés avec )) des coquilles d’escargot, des fragraens du rocher m-éme, et V des particules de spath, tous objets que l’on rencontre en- K core épars à la surface de la montagne. II y a aussi da cette concrétion dans quelques caivernes; )) mais il y a des preuves (dit le major Imrie} que celles-là » ont autrefois communiqué avec la surface. » Dans les fentes étroites, la concrétion est entièrement 4 BRÈCHES OSSEUSES. » durcie à 6 pieds de profondeur ^ dans les endroits plus larges, )) elle ue l’est pas à douze; dans les grottes où elle forme de » grandes masses, elle est divisée en lits, séparés par des cou- n elles minces de spath. » Les os n’ont pas éprouvé la moindre pétrification ; ils sont » plutôt calcinés, et se laissent entamer aisément. )) Ils sont de différentes grandeurs et dans toutes sortes de » directions; les cavités des plus grands contiennent de petits » cristaux de spath blanc ; mais dans la plupart il n’y a qu’une n croûte rougeâtre, à peine transparente. » Il n’y en a pas également partout; à la base de- la mon- » tague, la concrétion ne contient que des débris du roc prin- » cipal; dans les endroits où les pentes sont rapides, on voit » des brèches entièrement composées de coquilles de limaçons » avec une croûte spatbique jaune -brun; leur intérieur est » rempli d’un spath plus pur. » Du côté de l’Espagne, à une grande hauteur, il n’y a » qu’une terre calcaire rougeâtre, qui ne contient que des os de petits oiseaux, qui sont probablement les restes des éper- » viers qui nichent en grand nombre autour de cet endroit. w Au nord de la montagne, c’est toujours dans les fentes 5» verticales qu’on trouve la concrétion : mais à Rosia-Baj^ à J) l’ouest de Gibraltar, dans un lieu qui doit avoir été une grotte )i formée par des masses informes de roc tombées l’une sur « l’autre, la concrétion a tout rempli, et est aujourd’hui ex- )) posée à la vue, parce que la masse extérieure est tombée « par l’action de la mer. C’est là qu’on mène les étrangers, et » que, voyant les os occuper un grand espace, ils adoptent » l’idée que tout le rocher en est composé. BRÈCHES OSSEUSES. B B On peut cependant suivre la communication de cette grotte B jusqu’à la surface j mais le haut en est aujourd’hui couvert » par le rempart. )) Il y a de ces os ( dit toujours M. Imrie ) qui ont l’appa- B rence d’étre humains, dispersés parmi d’autres de différentes B espèces et grandeurs , jusqu’aux moindres os de petits oiseaux. B J’y ai trouvé (ajoute-t-il) une mâchoire complète de mou- B ton, avec toutes ses dents, dont Fémail étoit parfait, et la B blancheur et le lustre sans atteinte. Les ouvriers employés B aux fortifications trouvèrent un jour vers le haut de la mon- B tagne, à une grande profondeur, deux crânes que l’on sup- B posa humains; mais l’un deux, sinon tous les deux (dit B M Imrie) me parut trop petit, et ses os étant parfaitement B solides, ce qui prouve qu’il étoit adulte avant d’étre incrusté, B j’aime mieux croire qu’il vient de l’espèce de singes qui ha- B hite encore en grand nombre la partie inaccessible des ro- » chers ( i ) b. Le volume LX des Transactions philosophiques, pl, X, offre le profil de l’une des parties du rocher de Gibraltar, où l’on trouve des os à 45 pieds au-dessus du niveau de la haute mer. Cette figure accompagne une lettre de John Boddington à TT illiam Ilunter^ ( ib. art. XXXV, p. 4^4) où se trouve l’une des premières relations de ces os, et il paroît que l’idée qu’il y en avoit d’humains étoit en vogue dès ce temps-là; car TVill. Ilimter la contredit dans sa réponse, p. 4*5. « En exandnant B ces GS , dit-il, j’cd troiwé quils ne sont pas humains^ comme B je tavois cru d’abord^ mais quils appartiennent à quelques (i) Ces singes, qui sont des magots {simia inuus) ont le crâne trop petit, et tiop diff'rent de celui de l’homme, pour que l’on ait pu raisonnablement prendre l’un peur x’autre. 6 BKÈCÎiES OSSEUSES, y) animaux. Je l’ai reconnu avec l’aide de mon frère , en )) débarrassant les dents de la crante qui les recouvrait , et » en mettant leur forme à découvert » John Hunter., frère de f-ViUiam., confirme cette assertion clans les Transactions de 179/1, i partie, pag. 412. Les os » de Gibraltar., y dit-il, de la famille des ruminans du » genre des lièvres , et de la classe des oiseaux. Il y en a » cependant aussi qui appartiennent à quelque petit chien ou )) renard ». Tous les morceaux de Giorallar que j’ai pu oLservei’, et ceux dont mes amis vn’ont procuré des figures ou des descrip¬ tions, ont confirmé les rapports des naturalistes que je viens de citer. J’en ai dû. surtout une provision considcrahle à M. Cheva-r liep bibliotliécaire du Panthéon, et célèbre auteur du Voyage dans la Troade.^ qui les avoit arracLés lui-mêms du rocher. Les morceaux d’ossemens sont lardés dans la pierre rouge clans toute sorte de direction; et comme ils ne se touchent point entre eux, il faut de nécessité cme la concrétion f{ui les enveloppe se soit formée, à mesure que les os toinboient dans les fentes du rocher. Les os eux-mémes étoient en grande partie cassés avant d’étre incrustés; ils étoieot depuis du temps séparés les uns des autres, et n’ont plus dans leur position aucun rapport avec leur ordre dans le squelette. Cependant ils lî’étoient point roulés. I.a concrétion rcugeâtre ressemble singulièrement à de l’ar¬ gile à briques bien cuite ; elle est d’ailleurs criblée de petites cavités irrégulières, aujourd'hui toutes tapissées, et quelque¬ fois remplies d’une incrustation spathique. L’intérieur des os fistuleu.x est tapissé de la même manière; BRÈCHES OSSEUSES. ^ les os sont calcinés et d’une Llaucheur parfaite, mais ils ne manquent pas de dureté ; on pourroit même les considérer comme pétrifiés. L’émail des dents est intact et pur. Les empreintes de coquilles appartiennent à des limaçons terrestres; il n’y a aucun vestige de coquilles marines. Les morceaux de marbre gris-bleuâtre sont en partie an¬ guleux, et en partie arrondis; il y en a depuis la grosseur du p'oing jusqu’à des dimensions très-petites. Quelques-uns de ces morceaux ont des veines de spatb blanc. Quant à l’espèce des os, je n’ai pu trouver, dans ceux que je possède, que des os d’un ruminant, à peine de la taille du daim; mais comme je n’ai point aperçu de vestiges de bois ni de cornes, et que la tête inférieure du fémur, pi. î, fig. 2, est un peu plus semblable à celle d’une antilope qu’à celle d’un cerf ou d’un mouton, si j’avois à me décider sur le genre, je pencberois plutôt pour celui des antilopes. Cette télé inférieure se caractérise en effet pour celle d’un ruminant , par la longueur de son diamètre antéro-postérieur, parce que son côté interne ah est plus long que l’autre, parce que l’extrémité antérieure de ce côté a ne fait point saillie en dehors de l’os , etc. Le premier de ces caractères ne permet d’en cbercber l’o¬ riginal que parmi les animaux à sabots; le second écarte le cochon et le tapir; le troisième le cheval, l’âne , etc. Il ne reste eue les ruminans. X Les dimensions sont, d’a en h . o,o6 de c en d . . . o,o5 d'e en / . 0,046. ■g RRÈCÎIES OSSEUSES. Je n’ai pas besoin de prouver que les dents des figures i et 3 viennent de la niénie classe. Leui’S doubles croissans le dé¬ montrent suffisamment,' et le troisième fût fait voir en même temps que ce sont les dernières molaires inférieures. Longueur de ïa dent, fig. i . . . . o,o25 Longueur de celle de la fig. 3 . o,o23 Tous les autres fragmens que j’ai de Gibraltar, comme os de canon, phalanges, etc. annoncent un animal du même genre et de la même grandeur; mais comme ils sont trop mutilés pour offrir des caractères spécifiques , je n’ai pas jugé à propos de les faire graver. Je n’ai point vu moi-même d’ossemens de rongeurs de ces roches; mais la fig. 4? dessinée de la main de M. Adrien Camper, en présente deux demi-mâchoires et deux autres os, qui sont conservés dans le riche cabinet de ce savant anato¬ miste. Le premier coup-d’œil sur la mâchoire A prouve qu’elle ap¬ partient au genre des lièvres , mais qu’elle est trop petite pour venir de notre lapin commun. Quand j’ai eu découvert, comme je le dirai plus bas, dans les brèches de Corse une espèce de lagomjs très -voisine du lagomjs alpinus de Sibérie, j’ai soupçonné qu’elle se trouve- roit aussi à Gibraltar^ et que ces petites mâchoires pourroient bien lui appartenir. La comparaison du dessin de M. Camper^ avec la figure de la mâchoire du lagomjs alpinus, donnée par M. Pallas, pl. II, fig. 3, et avec celle du lagomjs ogotonna, ib. f. 3, n’est pas entièrement favorable à mon idée; car la mâchoire des lagoinys a en avant de la branche montante un 9 BRÈCHES OSSEUSES. petit crochet a a , qui paroit manquer à celles de Gibraltar ; cependant celles-ci pourroient être mutilées. Ce doit donc être maintenant un sujet de recherches inté¬ ressant pour les naturalistes qui visiteront Gibraltar, que de savoir s’il s’y trouveroit des ossemens de lagomys. Article II. Des brèches osseuses de Cette. Le rocher de Cette offre , avec celui de Gibraltar^ des traits d’une ressemblance physique, véritablement extraordinaire; il est de même avancé dans la mer, et comme isolé; il se lie de même au continent par un banc de sable long et étroit ; il est aussi formé en grande partie d’un calcaire compact ou espèce de marbre à pâte fine, d’un gris foncé; enfin les couches de ce marbre sont interrompues de même par des filons remplis d’une brèche à ciment rougeâtre, paitrie d’ossemens divers, et de fragmens d’un marbre qui, à la vérité, diffère un peu de celui dans lequel les filons sont pratiqués. Mon savant ami, M. Decandolle professeur de botanique à la faculté de médecine de Montpellier, a eu la complaisance d’examiner avec soin cette montagne singulière, et de m’en donner une excellente description, qui va servir de base à la mienne. La montagne de Cette est un cône isolé , qui tient à la terre par une langue de sable très-étroite, et par un long pont bâti sur le canal de Thau. Sa hauteur n’est que de io8 mètres; mais elle se fait re¬ marquer de loin aux vaisseaux qui viennent de Provence ou 3 DES BRÈCHES OSSEUSES. r\ \Q fl’Ttalie, par sa configuration et par son isolement, qui la fait paroître comme si elle étoit au milieu des eaux. Ija masse générale de la montagne est un calcaire gris com¬ pact, entrecoupé ça et là de veines de spath blanc. Ou y dis¬ tingue cependant, avec raison, différens lits. Vers la hase, la pierre est très-compacte et sans grain, ni couches sensibles. On la nomme pierre de masse ^ et on l’exploite pour obtenir les gros blocs qu’on jette chaque année devant le mole, afin de le garantir de l’eifort des vagues. Au-dessus est la pierre de couche, semblable à la précédente par la nature et l’ap¬ parence, mais disposée par couches, assez régulières, hori¬ zontales en quelques endroits , inclinées vers la mer et vers î’ouesl, tandis qu’à l’est elles sont relevées, et souvent cassées à pic. Les couches d’eu-bas sont les plus épaisses, et ont de 18 à 24 pouces; les autres diminuent par degrés, et les supérieures sont si minces et si friables, qu’on ne peut les employer. On ne les exploite que pour parvenir aux moyennes et aux infé¬ rieures qu’on débite en moellons pour les édifices particuliers. Telle est la composition générale de la montagne; voici maintenant la description particulière des filous qui contien¬ nent les os. Il y en a de deux sortes; les uns, appelés nerfs par les ou¬ vriers, qu’ils gênent beaucoup dans l’exploitation, sont des déchirures ou des coulées verticales pratiquées dans la pierre de couche; les autres, qui n’ont pas reçu de nom, se trouvent dans la pierre de masse. Les nerfs sont remplis dans le bas d’une pierre blanche, un peu cristalline, compacte et très-dure, où l’on a trouvé de loin eu loin des ossemens, que l’on rapporte avoir été un peu Il DES BRÈCHES OSSEUSES. plus grands que ceux de l’homme; dans le haut, celle pierre devient plus friable, se colore eu rouge, et est mélée ou re¬ couverte de spath calcaire. On n’y trouve point d’os fossiles. Les autres liions, qui occupent la pierre de masse, et qui sont par conséquent beaucoup plus bas que les premiers, sont remplis d’une brèche à ciment terreux et rougeâtre, qui reu- fei’me un grand nombre de morceaux, les uns anguleux, et les autres arrondis, d’un marbre salin à gros grains, de cou¬ leur bleuâtre, qui a toute l’apparence d’un grès. C’est là qu’on, trouve les petits os. Ils sont très-abondaus aux endroits où la brèche est plus molle et plus terreuse , et très-peu à ceux où elle est plus dure et plus infiltrée de spath. A ces renseignemens précieux , M. Decandolle a bien voulu joindre des échantillons de toutes les matières dont il vient d’étre question ; la pierre de masse et la pierre de couche sont en effet des calcaires d’un gris brun foncé, à pâte complètement homogène , parsemés de veines d’un spath blanc; la substance qui remplit la partie inférieure des nerfs, et où se trouvent quelquefois de grands os, est une concrétion jaunâtre, conte- tenant quelques fragmens de la pierre grise, et creusée de beaucoup de petites cavités que tapissent des cristaux de spath. La partie supérieure des nerfs, au contraire, est remplie d’une concrétion très-rouge, assez dure, et tout-à-fait sem- blaljle à celle de Gibraltar ; mais à Cette il ne s’y trouve point d’os; et dans les morceaux que M. Dçcandolle m’a envoyés, il n’y a point de fragmens de marbre. Quant à la substance qui remplit les filons de la pierre de masse, et rpii fourmille de petits ossemens, elle est très-rouge, plus tendre, et les morceaux de pierre qu’elle contient sont; des fragmens, d’un marbre à gros grain, d’un gris bleuâtre 12 BRÈCHES OSSEUSES. foncé, qui se dissout presque entièrement dans l’acide ni¬ trique, ne laissant qu’un léger résidu argileux. Ce n’est donc point un grès, comme l’ont cru quelques personnes trompées par l’apparence. Une partie de ces fragmens semble avoir été un peu roulée. Il seroit intéressant de savoir si les petits ossemens de Gi- brallar sont aussi dans des fiions inférieurs, et si leur gangue contient de ce marbre semblable à du grès; mais les descrip¬ tions de cette montagne ne disent rien de cette circonstance. Au reste , il y a aussi des ossemens plus grands dans ces filons inj’érieurs, et mêlés avec du marbre à gros grain; car c’est dans cette sorte de gangue que s’est trouvé le fémur de rumi¬ nant dont je parlerai bientôt. Mais ce qui seroit plus important à déterminer que tout le reste, c’est à quelle profondeur horizontale pénètrent ces filons de la pierre de masse, s’ils ne s’élèvent point jusque dans la pierre de couche, et si la brèche remplie de petits os les rem¬ plit partout. J’avoue qu’il me paroit qu’elle doit y être assez superficielle, attendu que la plus grande partie des os que j’y ai découverts ressemblent à ceux d’animaux du pays ; cependant j’en ai eu une grande quantité à ma disposition, grâces à la complaisance de M. Decandolle, et je me suis occupé avec beaucoup de soin, de dégager de leur gangue ceux qui conservoient le mieux leurs parties caractéristiques. Cinq sortes d’animaux ont fourni ces petits ossemens; des lapins de la taille et de la forme de ceux d’aujourd’hui, d’autres lapins d’un tiers plus petit, des rongeurs fort semblables au campagnol, des oiseaux de la taille de la bergeronnette; enfin des serpens de celle de la couleuvre commune^ BRECHES OSSEUSES. i3 Les os de .lapins sont les plus communs-, et dans tout ce que j’en ai vu, je les ai trouvés indiscernables d’avec ceux de nos lapins sauvages. Le lecteur peut en juger par lui -meme, s’il veut comparer les deux demi-mâchoires, pl.H, f. i3 et i4; les portions d’hu¬ mérus, f. i5; de cubitus, f. 175 de fémur, f. 16 et 185 le mé¬ tatarsien du petit doigt, f. 19, et les phalanges, f, 2oet 21 , avec leurs analogues dans le lapin sauvage de France. J’ai beaucoup d’autres os, tels que tibia, radius, calcanéum, cuboïde, sca¬ phoïde, cunéiforme, et une infinité de fragmens d’os de la même espèce 5 mais comme ils n’offrent non plus aucune dif¬ férence appréciable, je n’ai pas jugé nécessaire de les faire graver 5 on ne peut trop donner de figures quand il s’agit de constater l’existence d’une espèce inconnue; mais quand on a déterminé, selon toutes les règles de l’anatomie, une espèce vulgaire, quelques morceaux caractéristiques doivent suffire. Je ne voudrois cependant pas affirmer que ces lapins fossiles n’aient pu différer des noires à l’extérieur; car leur ostéologie ne s’en rapproche pas beaucoup plus que celle du lapin de l’Amérique septentrionale, ni même celle du lapin d’Egypte, que tous les naturalistes doivent cependant considérer comme des espèces différentes du lapin d’Europe. La deuxième espèce de lapins m’a été connue d’abord par des portions de son omoplate, qui ont tout-à-fait la forme des parties analogues de l’omoplate du lapin, et c|ui cependant sont à peine de la grandeur du cochon d’Inde. Il seroit très-possible que ces omoplates eussent appartenu à la même espèce que les petites mâchoires de Gibraltar, décrites précédemment. J’ai trouvé ensuite quelques autres os, notammentde petits os du tarse, qui, par leur forme, se rapportent encore au même DES BRÈCHES OSSEUSES. i4 genre , mais qui correspondent par leur graudeur aux omo¬ plates en question. Pour les campagnols ^ j’en ai eu diverses parties indubitables, et particulièrement les dents que j’ai représentées au triple de leur grandeur, pl. II, f. 24 et 2 5. Comparées à la loupe avec celles de notre campagnol vulgaire ( mus arvalis , Lin. ) , elles ne m’ont laissé apercevoir aucune différence; mais les espèces de campagnols ^ sans compter notre rat d’eau (^mus amplii- hius) et le scliermaus (^mus terre s tris ^ Lin.), étant très-mul- tipliées, principalement en Sibérie, je n’oserois rien affirmer sur l’espèce; la moitié inférieure de l’bumérus, et quelques phalanges que j’ai eues en meme temps que les dents, ne four¬ nissant pas plus que celles-ci de caractères spécifiques. Les oiseaux m’ont été annoncés par une seule moitié infé¬ rieure du cubitus, mais que personne ne peut méconuoi'tre, quand ce ne seroit qu’aux petites élévations qui servoient d’at- taclies aux plumes; son articulation inférieure et sa grandeur correspondent à celles de la bergeronnette et d’autres passeres. Enfin les vertèbres de serpens sont fort communes dans ces brèches. Elles ont la forme et la grandeur de celles de notre coulemre a collier (^coliiber natrijc , Lin.); mais on sent bien que, dans un genre où l’ostéologie des espèces a tant de res¬ semblance, ce n’est pas dans des vertèbres isolées que l’on peut trouver fcs caractères spécifiques. Voilà les genres dont j’ai pu découvrir les ossemens dans les nombreux morceaux de la brèche des filons inférieurs que m’a procuré M DecandoUe. J’ai dit plus haut qui! s’y trouve aussi des os de rumiuans; et c’est au savant et respectable M. Gouan que j’en ai dû la connoissance. On m’avoil dit qu’il possédoit dans son cabinet un fémur humain, tiré des carrières DES BRÈCHES OSSEUSES. .i5 lie Cette; je m’empressai de lui écrire pour être informé plus au juste d’uu phénomène aussi rare parmi les fossiles; il eut sur-le-champ la complaisance de m’adresser un dessin colorié de grandeur naturelle, et fait de sa jtiain , de l’os déposé dans son cabinet, et de la pierre quile contient. J’ai vu, depuis, ce morceau de mes propres yeux, en passant à Montpellier, et j’en ai dessiné la tête inférieure. Le lecteur peut voir une ré¬ duction des deux dessins au tiers de la grandeur, pl. ÏT, f. 22 et 23. La longueur de l’os et la proportion de'ses têtes peuvent s’y juger; mais une partie de la tête inférieure étant emportée, l’on ne peut bien eu rétablir la forme. Cependant la brièveté du col, la hauteur du grand trochanter, la grandeur du dia¬ mètre antéro-postérieur de la tête inférieure, et enfin les di¬ mensions absolues démontrent, au premier coup-d’oeil, que c’est ici le fémur d’uu ruminant qui avoit la même taille que le daim, et qui pourroit fort bien être de la même espèce dont les dépouilles sont si communes dans les brèches de Gibraltar. Ce fémur, dont l’intérieur est rempli de cristaux spathi- ques, avoit été tiré, il y a vingt-cinq ans, du bas de la montagne , avec des os et des mâchoires de lapin qui avoient passé dans le cabinet de madame de Marnézia ^ et dont M. Adrien Lezay-Maniézia a bien voulu me procurer uu dessin. Je n’y ai rien trouvé de différent des autres os de lapins de cette montagne. Il ne me reste plus qu’à parler des coquilles, pour avoir ter¬ miné tout ce qui regarde Cette. J’y en ai trouvé de trois sortes , toutes les trois terrestres ; savoir, deux hélix et un pupa. Je n’ai pu y découvi’ir, non plus que dans aucune autre des brèches que nous examinons dans ce chapitre j la moindre tr.acs i6 BRÈCHES OSSEUSES. de coquille de mer ni d’aucun autre animal marin ; et lorsque M. Faujas dit (^Annales du Muséum^ tom. X, pag. 4'o) « qu’à Cette des ossemens de quadrupèdes terrestres sont » confondus avec ceux d’animaux marins » , j’ai lieu de croire que son assertion est erronée. Article III. Des brèches osseuses de Nice et d' Antibes. s Le rocher qui porte le château de Nice est en quelque sorte la dernière extrémité de la chaîne des Alpes , qui se bifurque un peu au-dessus , pour former vers l’ouest les montagnes de Provence , et vers l’est celles de Gènes , qui sont elles-mêmes le commencement de la chaîne des Apennins. Le roc dont il est question est un peu isolé, et ne se lie à la montagne de Mon- talban , située à son orient , que par une colline un peu plus basse que l’un et que l’autre. Comme on y a pratiqué de grands escarpemens pour diverses constructions, il est facile d’aper¬ cevoir sa structure, et M. Faujas nous en a donné récemment une très-bonne description (Annales du Muséum d’hist, nat. loin. X, pag. 409' et suiv. }. « Sa hauteur moyenne est de 120 pieds; — la pierre calcaire, » dont il se compose, est d’un gi’is cendré, qui passe queG )i quefois au gris lavé de blanc , et d’autrefois prend une teinte )) jaunâtre-, son grain est fin, sa pâte est dure, et reçoit le V poli : — des déchirures, qui ont quelquefois 10 à 12 pieds )) d’ouverture, se manifestent depuis le sommet jusqu’à la base, » décrivant tantôt des diagonales, tantôt se courbant en arc de ») cercle, ou se croisant sur quelques points, avec des ouvertures^ BRÈCHES OSSEUSES. 17 semblaLIes , et formant alors de doubles cavités disposées en » voûtes et eu arcades. Ces grandes solutions de continuité » sont remplies tantôt par une brèche composée d’une mul- )) titude de fragmens et d’éclats anguleux de la pierre calcaire « qui constitue le rocher, d’une multitude d’ossemens frac- « turés de coquilles, — étroitement réunis par un ciment d’un )) rouge ocreux, très-dur, mélangé de quelques veines d’un » spath calcaire hlanc ». Il paroit, d’après ce que M. Fanjas ajoute (psg. 4i8) qu’il y a aussi de ces filons remplis de hrèches osseuses, près des ruines de Cimiez^ ancienne ville placée, comme on sait, un peu plus haut que Nice^ et de l’autre côté du Paillon^ et il y a lieu de conclure, de toute sa description , que la montagne de Montcilban ^ celle de Villefranche ^ et la plupart de celles qui entourent la petite plaine de Nice^ sont couvertes d’une terre ocreuse rougeâtre, semblable à celle qui fait le ciment de ces brèches M. Provençal^ docteur eu médecine de la faculté de Mont¬ pellier, et naturaliste très-instruit, s’étant trouvé à Nice, pré¬ cisément à une époque où l’on faisoit des travaux sur les flancs du rocher, a été plus à portée que personne d’en observer les particularités. « Malgré V abondance des os que l’on en reti~ » roû, dit-il. ye rî ai jamais vu de squelette entier^ mais j’ai » pu me convaincre ^ par l’examen d’un grand nombre d’os » et de dents ^ qu’il n’y a que des animauxlierbivcres. — On » y trouve aussi quelques coqïiilles terrestres , et j’ai vu , sur » une mâclwûx qui me paraît très-semblable à celle d’un » cerf^ une coquille de l’hélix algira. — Outré les fentes rem- » plies de concrétion ''ajoute M. Provençal) il y a quelques » cavernes peu profondes ^ dont les parois sont tapissées en 3 i8 BRECHES OSSEUSES. )) certains endroits , de la meme brèche ossexise qui remplit V les fentes ; mais elle y est très-dure; peut-être la mer on » le temps en ont-ils enlevé les portions plus molles^ et formé )i ainsi ces cavernes ». M. Provençal m’a procuré un assez ])on nombre' de mor¬ ceaux de celte brèche de Nice. Leur pâle est un peu moins rouge qu’à Gibraltar vl k Cette; mais elle ale même tissu, est pénétrée de même d’inbltralions spalbiques, et contient aussi, avec les os, des coquilles terrestres et des fragmens de marbre. Tous les os que j’ai eus viennent ou de chevaux ou de ru- jninans. Il y a surtout un bout antérieur de mâchoire inférieure de cheval avec les six incisives, dont deux entières, et les deux canines, cpii ne peut laisser aucun doute. On juge par les dents C{ue l’individu devoil être âgé de cinq à six ans, et par la gran¬ deur du morceau, que sa taille devoit égaler celle d’un fort cheval de carrosse. Quant aux os, et surtout aux dents de runiinans, j’en ai vu de deux grandeurs : les unes de ces dents répondent â la taille de celles de veau; les autres ne surpassent point celles de cerf. Je n’ai rien aperçu qui annonçât des animaux plus petits. ■ Je n’ai pu rien découvrir qui ait appartenu à des poissons ou à des cétacés; j’ai même examiné avec soin les coquilles de mes morceaux, et je les al toutes trouvées terrestres, soit ôlliélix ou de pupa : Vhélix algira s’y fait le plus remarquer par sa grandeur. 11 se peut qu’il y ait aussi des planorbes ^ comme l’annonce M. Faujas. {Ann. du Mus. X, pag. 413). Quant aux serpules et à la volute dont parle le même au¬ teur {ib. pag. 4i3) comme il ne les a vues que dans un ca¬ binet, il est possible qu’il ait été trompé, et l’analogie méfait BRÈCHES OSSEUSES. 19 soupçonner qu’il en est de meme pour le turho 7'ugosus, qu’il cite pag. 4'4- Je ne pense donc pas qu’il y ait à Nice plus qu’à Cette des animaus marins mêlés aux terrestres. La ville di Antibes n’est séparée de celle de Nice que par une baie de quatre lieues de largeur, dans le fond de laquelle se jettent quelques torrens, dont le Kar est le principal, et il paroit qu’elle est entourée de collines de même nature. A une demi-lieue au sud-ouest, vers le cap Gros ^ est un rocher nu, de trente à quarante toises de hauteur; et à peu de distance d’une chapelle construite à son sommet, s’observe une fente d’un à deux pieds de large, remplie de la même concrétion qu’à Nice. M. Provençal, à qui je dois ces détails, m’a procuré quel¬ ques morceaux où j’ai trouvé des os de ruminans semblables à ceux de Nice. On en voit un fragment, pl. II, fig. 10 et it. C’est une por¬ tion de mâchoire contenant trois dents entières. On dit qu’il y a quelques clous d’enfoncés dans les parois de cette fissure; on sait aussi le fait d’un clou trouvé au fond du port de Nice,. dans une pierre, et que l’on croit avoir été tirée des fissures des rochers du coté de Villefranche; mais ces deux faits n’ont rien de bien authentiques. On peut surtout consulter, par rapport au dernier, les éclaircissemeus fournis par M. Faiijas dans le Mémoire cité plus haut. 20 BRÈCHES OSSEUSES. Article IV. Des brèches osseuses de Corse. La découverte en est tout récente; elle'a été faite par M. Rampasse , ancien olücier d'infanterie légère Corse, qui en a inséré une relation dans les Annales du Muséum d’histoire naturelle^ tom. X, pag. i63 — 168. Elles sont à quelque distance au nord de Bastia, à une denii-lieue de la mer, et à peu près à cent toises au-dessus de son niveau, dans un banc calcaire d’environ vingt-cinq pieds d’épaisseur, de couleur bleuâtre et blaucliàtre, dont l’escarpe- ineul fait face au nord et à l’ouest , et occupe en demi-cercle une longueur de trente-cinq à quarante toises. Les fentes ou filous, remplis de terie rouge, et long de trois à quatre pieds, se dessinent sur ce ibnd bleuâtre comme autant de pilastres irréguliers, dont les uns occupent toute la hauteur de l’escar¬ pement, tandis que d’autres n’ont que deux ou trois pieds d’élévation , parce que des fouilles ou carrières en ont détruit une partie. Leur profondeur n’a pu être déterminée. On voit, par ce résumé de la description de M. Rampasse^ C]ue les brèches de Corse sont absolument semblables, par leur position, leur couleur et leur nature, à toutes celles de notre chapitre. M. Rampasse ayant bien voulu m’en faire voir plusieurs échantillons, et m’en ayant meme donné c[uelques-uns , j’ai pu me convaincre par mes yeux de leur ressemblance avec celles de Gibraltar., laquelle est beaucoup plus complète que dans celles de Nice et de Cette. C’est le meme ciment rou- 21 BRÈCHES OSSEUSES. çeàtre, enveloppant de même des fragmens anguleux de marbre salin, quelques coquilles de limaçons , et des parcelles innom¬ brables d’ossemens, et conservant quelques vides remplis ou tapissés après coup par de la stalactite. Seulement, il n’y a, dans les morceaux rapportés par M. Rampasse ^ que des os à peu près de la grandeur de ceux du lapin, du cochon (Y Inde ou du rat^ tandis qu’à Gibraltar le plus grand nombre est srand comme ceux du mouton ou du daim. C’est en effet à la classe des rongeurs que se rapportent tons les os de Corse que j’ai examinés; mais ils n’appartiennent pas, comme à Cette, à des espèces communes dans le pays; j’y ai meme reconnu une tète complète d’un genre dont les espèces n’ont été jusqu’cà présent observées qu’en Sibérie. : On voit ce morceau curieux r.e[irésenté par trois faces, pl. II, üg. 4, d et 6, tel qu’il a été dégagé de sa gangue, après beaucoup de peine et de travail. Je m’apperçus bien vile à l’intervalle vide entre la place des inàcbelières et celle des incisives que c’étoU un rougeur; mais l’aplatissement du crâne, la direction des orbites, dont l’ou¬ verture regarde en haut, l’apophyse eu forme de crochet aa^ placée à la base antérieure de l’arcade zygomatique; l’autre apophyse plus longue Z>Z), qui continue cette arcade en arrière, m’apprenoient que l’espèce et même le genre m’étoient in¬ connus. Je me rappelai cependant les Ggures données par Pallas {glires pl. IV, A.) des crânes des petits lievres sans cjueue de Sibérie (auxquels j’ai appliqué le nom de lagomjs)) j’y recourus, et je (us frappé de leur ressemblance; enfin mou savant amlTvI. Geoffroy ayant rapporté de Lisbonne une peau de lagomys ogotonna^ qui avoit encore son ci âne, et ayant 22 BRÈCHES OSSEUSES. permis qu’on Fen retirât, je ne conservai plus aucun doute. Pour n’en pas laisser davantage à mes lecteurs, j’ai fait graver par deux faces, 6g. i et 2 , ce crâne mutilé d’ogotonna, rap¬ porté par M. Geoffroy, et j’ai fait copier au simple trait , fig. 3, celui du lagomys alpinus, d’après le dessin de M. Pallas. On voit que ces deux animaux ont le meme aplatissement de crâne, la même direction d’orbites, et particulièrement les mêmes deux apophyses que notre fossile 5 mais on voit aussi que c’est le lagomys alpinus qui lui ressemble le plus par les proportions des parties aussi bien que par la grandeur absolue. Cette ressemblance est même telle, que j’ai cru d’abord à une identité parfaite; mais j’ai trouvé ensuite que le crâne fossile est un peu plus grand, et diffère encore à quelques autres égards. Voici d’abord les dimensions exactes du crâne fossile. Longueur totale . . o,o6 Largeur du crâne . o^oaS Largeur totale derrière les orbites . o,o33 Largeur devant les orbites . Saillie du petit crochet . . . 0,007 Saillie de la pointe zygomatique . 0,012 Largeur de l’occiput . 0,022 Distance des deux condyles en dedans . 0,008 Longueur de l’orbite . . . 0,01 5 Largeur. . . 0,012 Or, M. Pallas nous donne les dimensions d’un jeune indi¬ vidu et d’une petite variété, dont voici quelques-unes réduites en parties de mètres. Longueur du crâne . ' . . . . 0,041 Largeur devant les tympans . . . 0,0 iff Largeur totale avec les arcades. . 0,02 BRÈCHES OSSEUSES. a3 Saillie de la proéminence zygomatique en arrière . 0,007 Longueur de Torl^te . 0,009 Diamètre du trou occipital. . . 0,006 Ce savant naturaliste ajoute que les plus grands crânes, des individus de l’Altai , ont o,o56 de longueur. Ils n’égalent donc pas encore le nôtre. On voit aussi, par la comparaison des mesures, ainsi que par celle des figures, que l’orLite du fossile est plus grand, et le crochet de la base antérieure de l’arcade zygomatique plus saillant que dans le vivant. Il n’en est pas moins vrai que la ressemblance de ces deux êtres est frappante, et telle que l’on auroit peine à en faire deux espèces, s’il y avoit un peu plus de proximité entre les lieux qui les produisent. Le lagomjs alpinus n’habite que les montagnes les plus âpres, les rochers les plus escarpés de la Sibérie-, immédiate¬ ment au-dessous des neiges perpétuelles, et ne commence à se faire voir que sur la chaîne de l’Altaï, dans la province de Rolhvan, d’où il s’étend jusqu’à l’extrémité de l’Asie la plus voisine de l’Amérique j mais il n’y en a point dans la chaîne de l’Oural, qui sépare l’Asie de l’Europe. S’il y en avoit, on ne pourroit l’ignorer 5 car l’instinct qu’a cet animal de se faire des ' tas d’herbes séchées pour l’hiver, le fait remarquer de tous les peuples de Sibérie , pour qui ces amas du foin le plus pur sont souvent une ressource précieuse pour nourrir leurs chevaux, quand ils s’écartent en chassant les zibelines. Le lagomjs ogotonna se rapproche encore moins de nous, puisqu’on ne le rencontre qu’au-delà du lac Baïcal, A la vérité, le midi des monts Ouïals nourrit une espèce S o\i>\nQ ^\e lagomjs pudllus ^ qui descend au midi presque 2.i CRÈCHES OSSEUSES. autant que le Volga j mais outre qù’il est encore plus petit que les deux autres, la forme de sa tête ne perfnet pas de la con¬ fondre avec notre crâne fossile. Ceux qui attribuent une partie des phénomènes géologiques des bords de la Méditerranée à la rupture du Bosphore et à l’irruption de l’Euxin, auroient cependant eu beau jeu, de trouver en Corse les débris d’un animal qui vit précisément dans les contrées vers lesquelles l’Euxin s’étendoit, selon eux , avant cette catastrophe. Je sais que le Muffoli de Corse et de Sardaigne {ovis wusi- mon, L.)est fort voisin de VArgali de Sibérie, s’il n’est pa^ le meme, et que l’on peut admettre que les montagnes de ces deux îles nourrissent également quelque espèce voisine des lagomjs: ce seroit là l’objet d’une recherche bien intéressante de la part des naturalistes qui les habitent; car je ne crois point que l’observation en ait été faite d’une manière positive, et il seroit curieux que ce fut la recherche des os fossiles qui eût annoncé dans un pays l’existence d’une espèce vivante. J’ai trouvé aussi, dans ces brèches de Corse, une quantité énorme d’os d’un rongeur qui ressemble parfaitement au rat d’eaii, dans tout ce que j’en ai vu, excepté qu’il est un peu plus petit. Je le croirois volontiers le meme que le campagnol fossile de Cette ,• mais je le trouve un peu plus grand. Son abon¬ dance est telle, que j’en al retiré sept demi-mâchoires infé¬ rieures d’un morceau de brèche , qui n’est pas gros comme la moitié du poing. Je donne la figure de la plus entière, que M. B^ampasse a conservée, pl. II, fig. 7. Il y a en même temps des fragmens innombrables de petits os, dont tous ceux que j’ai pu recounoître viennent de ce 23 BRÈCHES OSSEUSES. meme animal. Si c’est une espèce connue, on ne peut le rap¬ porter qu’au scherr-maiiss à' Hermann^ mus terrestris de Linné, dont le nom a été si bizarrement changé en celui de Schemian^ dans les supplémens de Buffon, tom. VII, p.2'^8; erreur qui, malgré les avertissemens répétés Hermann, a été fidèlement copiée dans l’édition de Dufart, tom. XXV, pag. 219. Article V. Des brèches osseuses de Dahnatie. Ce sont celles de toutes qui occupent l’étendue la plus con¬ sidérable; car il paroit qu’on en trouve tout le long de la côte de la Dalmatie vénitienne, et même beaucoup plus loin vers le sud. V italiano Donati en a parlé le premier , et sa description est tout-à-fait conforme avec ce qu’on observe à Gibraltar. « Dans le voisinage des îles Couronnées , dit -il (Hist. de « la mer Adr. trad. fr. pag. 8 ) est un bas-fond appelé « où bon voit des os d’hommes pétrifiés ÿ ils sont dans un J) mélange de marbre de rovigno, de terre rouge et de » STALACTITE. - » aT ai aussi déterré de ces os pétrifiés avec le même mé- ï) lange à Rogos>tza, près de Sébénico, et sur les bords de )) la rivière Ciccola, du côté de Dernio «, Le zélé naturaliste Albert Fortis, en dit aussi quelques mots dans son voyage en Dalmatie ; mais il en donna ensuite une relation beaucoup plus détaillée dans ses Observations faites aux îles de Gherso et tantôt brisés et confus, tantôt Lien rangés et reconnoissablesj » Les dépôts les plus communs sont éloignés de la mer, et » dans les grandes fentes verticales et horizontales, ou dans » les séparations des couches de marbre. Les pêcheurs en J) montrent beaucoup quand on côtoie l’ile dans leurs petites « barques j les pâtres en connoissent sur terre et dans les ca- j) vernes, et le bazard pourroit encore en faire découvrir aux » observateurs. )) Chaque amas d’os est Incrusté d’une enveloppe de stalac- » tite spathique, épaisse d’une palme et plus, de couleur rou- » geâtre. — La substance des os est, pour l’ordinaire, calcinée » et très-blanche; on y voit quelquefois des dendrites; l’inté- » rieur des os creux est rempli de spath. — Quand ils sont )) grands, ils sont remplis d’une matière pierreuse , ocracée et >) rougeâtre. — Les dents conservent le brillant naturel de » leur émail. — Avec ces os sont attachés par le même ciment » beaucoup de morceaux de différentes grandeurs, et un grand )5 nombre d’éclats de marbre blanc anguleux, et par consé- )) quent n’ayant jamais été roulés par les eaux. La pâte qui les » unit est toujours rouge ocracée; elle s’endurcit beaucoup à » l’air, et l’on n’y aperçoit aucun vestige de corps marins. — n On retrouve cette enveloppe même dans des lieux dont le » terrain n’est point du tout ferrugineux. — Elle accompagne 6^ (i) Saggio d’osservazioni sopra l'isola di Cherso ed OzerOf pag. 90 etseq. BRÈCHES OSSEUSES. 37 » les os dans toutes les îles et sur toutes les côtes de l’Illirie. » — On n’a jamais trouvé aucun squelette entier On voit que, d’après cette description, les amas d’os de Dalmatie ressemblent, en tous points, à ceux des autres con¬ trées dont nous parlons dans ce chapitre. La seule première phrase de Fortis pourroit faire illusion , en donnant à croire qu’il y en a, au moins en apparence, une certaine continuité; mais l’auteur s’est rectiüé lui-méme dans un autre ouvrage. «J’ai entrepris (dit-il , dans ses Mémoires » sur l’histoire naturelle de l’ Italie ^ ioiu. II, pag. 335], un » voyage exprès vers une île, qu’on disoit toute paîtrie d’osse- n mens, et je n’y en ai pas trouvé plus d’une douzaine de dé- )t pots épars ». Fortis donne l’énumération de ces différens dépôts dans son Saggio d’osserif. pag. 97, et les marque sur sa carte. Il y en a deux sur le rocher isolé de Ciittim ; un dans l’en¬ droit de l’île de Cherso, appelé Platt^ et situé vis-à-vis de ce rocher; un quatrième dans les cavernes de Ghermoschall; trois différens dans l’île d’ Ozero , près de Porto - Cicale , à V alliscliall et k Balvanida; un dans la petite île de Canidole ou Stracani, et un enün dans celle de Sansego. Il cite encore les lieux de terre ferme dont Donati avoit déjà parlé, y ajoute l’endroit appelé Fustapidama^ dans l’île de Corfou^ et dit quelques mots des os de l’île Cerigo. Quant à l’espèce des os, Fortis a cru quelque temps, comme Donati^ qu’il y en avoit d’humains, et rapporte qu’en ayant examiné un bloc bien avant son voyage dans les îles de Cherso et d’ Ozero, il y trouva une mâchoire humaine, une vertèbre et un tibia, qui parurent aussi humains, quoique d’une taille au-dessiis de l’ordinaire , quelques os de bêles et des dents de BRÈCHES OSSEUSES. ü8 clievaux et de Lœufs; il cite même à ce sujet le témoignage du savant anatomiste Caldani; mais il ne donne ni figure ni description propre à justifier son assertion. Il se borne à faire graver un morceau de ces îles , conservé dans le cabinet du noble vénitien Jacques Morosini^ qui offre un fragment de mâcboire fendu selon sa longueur. A en juger par la forme que le graveur a donnée aux dents, cette m⬠cboire doit être venue d’un ruminant à peu près de la taille du mouton. Fortis n’a pas toujours conservé son opinion sur l’espèce des os de l’Illirie. a Je n oserais point assurer (dit-il, dans ses )) Mémoires sur l’ Italie , tom. II , pag. 335 et 336 ) , quil jy )) en eut un seul appartenant à notre espèce. Il est vrai qu’un » anatomiste , à qui j’en ai fait voir dans le temps des écban- >) tillons, a cru y reconnoître une mâchoire, un tibia et des » vertèbres humaines, un peu plus grands, disoit-il, que les » proportions communes de nos jours j mais, depuis ce temps- « là , j’ai bien des raisons de douter de son exactitude ». Pour moi, j’ai examiné avec beaucoup de soin tous les mor¬ ceaux des brèches osseuses d’Illirie que j’ai pu me procurer, et tous les os recounoissables que j’y ai trouvés étoient d© ruminans. Il y en a un bloc au cabinet de géologie du Muséum d’his¬ toire naturelle, et un autre dans la collection particulière de M. Faujas. Le premier, pl. I, fig. 5, contient deux arrière- molaires inférieures avec les empreintes de deux autres ; et le second, pl. I, fig. 8, deux arrière-molaires supérieures. II n’y a qu’une dent entière dans chaque morceau. La substance des dents , ainsi que celle des os et fragmens d’os qui les accom¬ pagnent, est d’un blanc purj le brillant de l’émail, se laisse BRÈCHES OSSEUSES. 29 encore apercevoir. Ils sont empâtés dans un ciment rougeâtre, percé irrégulièrement comme s’il eût été rongé des vers , et contenant, outre les os^ des morceaux irréguliers de marbre gris, de différentes grosseurs; la ressemblance de cette brèche avec les autres est donc très-frappante. Il ne peut y avoir de doute sur la famille à laquelle appar¬ tiennent les^ dents ; mais leur espèce n’est pas si aisée à déter¬ miner, puisque nous n’avons de ressource que dans leur gran¬ deur. La longueur de la grande arrière-dent inférieure, «û,fig. 5, est de 0,027; la hauteur de son fût, ed^ de 0,02; la longueur de la précédente ac, de 0,022, et sa hauteur gf, en y com¬ prenant une portion de racine, de o,023. Ces dimensions con¬ viennent assez à un cerf ou à quelque antilope de sa taille. La dent supérieure de la figure 8 est un peu plus petite. Je l’ai comparée à sa correspondante dans le daim^ sans y apercevoir la moindre différence de grandeur ni de confor¬ mation. Les 6g, 6 et 7, gravées d’après des dessins de M. Camper, représentent aussi deux portions de mâchoires inférieures de ruminans, qui paroissent venir d’une espèce de la taille du daim. Il est probable que ces trois morceaux sont du meme animal que les os si communs à Gibraltar. John Hunter^ qui a aussi examiné des os de Dalniatie, dit également qu’ils appartiennent, en général, à la famille des ruminans; mais il assure avoir trouvé parmi eux une portion de l’os hyoïde d’un cheval. ( Voyez son Mémoire sur les os fossiles d’ours d’Allemagne^ Trans. phil. 1794? pag- 4^^)^ 3o BSÈGUES OSSEUSES. Article VI. Des brèches osseuses de Vile de Cérigo. Nous ne les connoissons que par la description de Spallan- zani, insérée dans les M.émoires de la Société italienne , tom. III, pag. 439 (i), laquelle est fort loin d’étre complète, ni meme vraisemblable dans toutes ses parties. « On les trouve (dit-il) (2), dans une montagne inculte, « en forme de cône tronqué, peu éloigné de la mer, et dis- )» tante d’un demi-mille du village qui porte le nom de l’ile. 1) On lui donne le nom de la montagne des os. A l’endroit où » elle commence à en montrer, sa circonférence est d’un mille} » et depuis là jusqu à la cime , elle est remplie de ces dé- » pouilles animales., tant à l'intérieur quà V extérieur ». Sans doute que l’auteur n’a pas culbuté toute cette cime de montagne pour vérifier cette dernière circonstance, et qu’il faut expliquer sa phrase, eu supposant qu’eu effet on y trouve des os sur un grand nombre de points. On n a pas beaucoup besoin d’études (ajoute-t-il, p. 4^2) pour reconnoitre que la plus grande partie sont des os hu¬ mains. Je crois l’avoir vu clairement par quelques phalanges des doigts^ et quelques morceaux de radius et de tibia. Or, il faudroit au contraire beaucoup d’études pour être en état de vérifier une espèce sur des phalanges , et des morceaux de radius et de tibia, et Spallanzani donne, quelques lignes plus bas, la preuve que ces études lui manquoient entièrement. (1) Osservàzioni fisiche istituite nell isola di Giteba, osgidi delta Cerjgo. (j) Loc. cil. pag. 45 1 et seq. BRÈCHES OSSEUSES. 3i Il y a aussi quelques os d’aiiimaux (dit-il) bien que je naie pas pu reconnoître à quel genre ils appartiennent : je me suis seulement déterminé à croire quils sont plutôt de quadrupèdes que d’autres classes. On peut, je crois , affirmer, sans témérité, que celui qui n’est pas en état de distinguer sûrement si un os est d’un quadru¬ pède ou d’une autre classe, l’est encore bien moins de dire si cet os vient d’un homme ou d’un quadrupède. Spallanzani ajoute que le médecin de Z7/e, homme qui lui a paru digne de foi par la simplicité de ses mœurs et une certaine ingénuité naturelle , lui avoit dit avoir vu retirer de cette montagne une mâchoire humaine avec ses dents., et un morceau de crâne avec ses sutures; mais mon expérience m’a trop appris ce que valent de pareils témoignages, quand ils ne sont pas appuyés de pièces, pour que je m’en rapporte à cette assertion isolée. La simplicité des mœurs et Y ingénuité naturelle ne suffisent pas pour décider des questions d’anatomie comparée. Le reste de la description de ces os et de leur gangue est assez conforme à ce que nous savons des autres brèches os¬ seuses. « Leur couleur intérieure et extérieure est très-blanchej )) mais quelquefois la superficie est couverte de petites taches, îi comme en voit sur l’ivoire fossile. Ils ne sont pas entièrement » calcinés; mais leur poids et leur dureté montrent qu’ils sont r> en partie pétrifiés : rarement on les trouve entiers en roni- ï) pant les pierres qui les contiennent; ils sont plus souvent » brisés. — On voit qu’ils ont été enveloppés dans une matière » molle et terreuse, qui, en se pétrifiant, a produit un effet 32 BRÈCHES OSSEUSES. )) semblable sur les os. Dans quelques cavités j il y a de petits » cristaux spalbiques, très-élégans. >) Celte pâte n’est point volcanique, c’est une marne endur- » cie, d’un jaune rougeâtre, contenant de petites pierres mar- « lieuses aussi 5 quelquefois il y a de la marne dans les cavités » des pierres ». Fortis^ qui dit aussi un mot de ces brèches de Cérigo^ dans son Mémoire sur celle de Dahnatie ^ assure que la pâte des premières est plus dure, d’une couleur moins brune, et que les os y sont plus confondus. Article VIL Des os fossiles de Concud, près Téruel en Arragon. Je pense que ceux qui ont lu avec attention les articles pré- cédens, retrouveront à peu près les memes traits, quoique manifestement défigurés, dans la description que donne i?ow/e^ dans son Histoire naturelle d’Espagne, du dépôt d’ossemeus de Conciul^ village d’Arragon situé à une lieue au nord-ouest de Terne f sur la route qui va de cette ville à Madrid. » En sortant du village du côté du nord (dit-il) (i), on « parvient à la colline de Cueva-Rabia ^ ainsi nommée par » rapport à une espèce de terre rouge que les eaux d’un ravin » ont découverte. — Le sommet de la colline qui borde le B ravin est composé d’un rocher calcaire gris ; — il est rempli (1) Introduction; à l’histoire naturelle et à la géographie physique de l’Espagne', frad. en franc, par le vicomte de Flavigny , pag. 224, 33 BRÈCHES OSSEUSES. » de coquilles terrestres et fliwiatiles , comme de petits * » limaçons^ de buccins, etc. qui paroissent seulement être » calcinés. Ou trouve aussi dans le centre des memes roches » beaucoup d’os de bœuf, des dents de chevalet d’dne, ainsi « que autres petits os d’ animaux domestiques plus petits. » Plusieurs de ces os se conservent comme ceux des cime- » tières^ d’autres sont calcinés. Quelques-uns se trouvent so- » lides, et d’autres^ s’en vont en poudre. On trouve des jambes » et des cuisses d’hommes et de femmes dont les cavités sont » remplies de matières cristallines; il y en a de blancs, de jau- » nés et de noirs, etc. — Ordinairement ces os se rencontrent » dans une couche de roche de trois pieds d’épaisseur, décom- » posée, et presque convertie en terre, mais surmontée par » une autre couche de pierre dure, qui sert de couverture )) à la colline. — La couche qui contient les os est assise sur » une grande masse de terre rousse , accompagnée de pierres )) rondes calcaires , conglutinées avec du sable rouge, de » manière qu elles forment une brèche dure. Cette masse se « trouve également dans le fond du ravin. — De l’autre coté )5 du meme ravin, on trouve, dans le point où il commence, )) une caverne, où l’on rencontre des os dans une couche de » terre dure, de plus de soixante pieds d’élévation, qui est « couverte de différentes couches de rochers. — Dans quelque » partie de cette chaîne de colline que l’on creuse, on rencontre » des os et des coquilles fluviatiles et terrestres , en forme de » morceau de roche dure, de 4 pieds de large sur 8 de long. » J’ai vu des os encaissés dans le centre d’un de ces mor- )) ceaux, dont le grain étoitsi dur et si lisse, qu’on pouyoit le » polir comme le meilleur marbre. « A une portée de fusil du ravin , on remarque une colline BRÈCHES OSSEUSES. 34 ' » formée par tles rocliers, qui se décomposent peu à peu, et » qui se convertissent en terre. On y trouve quelques os et » une très-grande quantité de dents, à un ou deux pieds de » profondeur, et pas plus avant », J’avoue que ce rocher gris, ces coquilles de terre et d’eau douce, mêlés avec les os, et au centre du rocher; cette terre rouge, avec des morceaux de pierre ronds, annoncent tant de ressemblance avec les autres brèches décrites dans ce chapitre, qu’il me paroît fort probable qu’il y a la même ana-i logie de position. Bowles aura vraisemblablement pris pour des couches régulières ce qui n’étoit que des fissures ou des déchirures du rocher, remplies après coup, comme toutes celles dont nous avons parlé jusqu’ici. Je trouve aussi qu’il n’a pas assez nettement distingué les dépôts dans de la terre et ceux qui forment des brèches dures. II est difficile de croire qu’ils contiennent les mêmes os, et qu’ils aient la même ori¬ gine. Quoi Cju’il eu soit, lorsque mon savant ami, M. Duméril, fut envoyé eu Espagne il y a quatre ans, je le priai de me procurer de ces os de Concud, et il y réussit , par l’amitié du célèbre chimiste M. Proust, qui voulut bien lui en céder C[ue]ques-uns de sa collection. Malheureusement ces os paroissent avoir été pris dans la partie du dépôt, dont la gangue est terreuse et décom})osée, ou peut-être en avoient-ils été lavés et détachés par les pluies j car ils sont absolument débarrassés de toute enveloppe, ce qui me met hors d’état de vérifier ma conjectui’e sur l’analogie des brèches avec celles de Gibraltar, Pour ce qui regarde les os eux-mêmes, les plus nombreux de ceux qui m’ont été apportés, viennent, sans aucun doute, BRÈCHES OSSEUSES. 35 d’ânes et de bœufs, semblables à ceux d’aujourd’Iini ; ce que j’ai vérifié plus particulièrement pour l’àne, dont j’ai eu des os du carpe. Pour le bœuf, je n’ai eu que quelques dents, qui ne fournissent, comme on sait, que des caractères équivoques. J’ai trouvé aussi l’astragale d’un mouton de fort petite taille. Bowles a donc eu raison de dire que ces os viennent d’ani¬ maux domestiques, en tant du moins qu’il ne s’agit que des os pris dans les parties terreuses 5 reste à savoir s’il a été aussi heureux pour ceux de la brèche dure, et surtout lorsqu’il a prétendu y trouver des jambes et des cuisses d’hommes et de femmes. Il me semble qu’il faudroit une grande habitude de ces recherches pour distinguer les sexes dans des os fossiles presque toujours mutilés. Article \II. Des concrétions osseuses du Vicentin et du Véronois. J’ai presque autant de doute sur l’analogie de ces concré¬ tions avec celles de Gibraltar.^ que j^en ai eu sur celle des dépôts de Concud., attendu que leur ciment a un autre grain, une autre couleur, et que leur position ne m’est connue que par quelques passages épars dans les ouvrages deFortis et de quelques autres naturalistes 5 enfin parce que je ne trouve point de fragmens de marbre ni de coquilles d’aucune espèce dans les échantillons que je possède. Il existe bien une dissertation italienne de Grégoire Piccolî.) imprimée à Vérone en 1739, sur une grotte des monlagues voisines de celte ville, où se trouvent divers animaux dilimens.,' et il est probable que j’y aurois trouvé quelques renseignemensj, maiS je n’ai pu me procurer ce petit ouvrage! L 36 r)RÈCHES OSSEUSES. Il y a grande apparence aussi que le cerf trouvé dans une roche à Vahnenara di Grezzana^ dont parle Spada^ et les hois de cerf des environs de Véronne, déposés au cabinet du Vatican, selon Mercati ^ appartenoient à l’ordre des fossiles qui nous occupent maintenant 5 mais ces auteurs ne nous ont laissé aucun détail sur le gisement de ces objets. Les morceaux que j’ai eus en dessins et en nature, venoient, les uns de Romagnano^ dans le val de Pantena^ les autres de la vallée de Ronca^ et des cavernes mêmes dont a parlé Fortis. Je dois les dessins de Romagnano à l’amitié constante de "hl. Adrien Camper; les os du même lieu m’ont été commu¬ niqués par mon savant collègue M. Faujas , et ceux de la vallée de Ronca m’ont été donnés par le célèbre naturaliste M. Rose y qui les a recueillis sur les lieux. . M. Rose m’assure qu’ils ne forment point de couche régu¬ lière, mais qu’ils sont logés, comme à Gibraltar, dans les fentes des rochers, et qu’ayant comparé de l’œil leur position avec celle où se trouvèrent les os d’élëphantdu mont Serbaro, près Romagnano y dont j’ai parlé ailleurs , il la jugea beaucoup plus élevée. Je soupçonne cependant qu’une partie au moins des os de Romagnano accompagnoit ceux d’éléphant j mais il faut se rappeler que ceux-ci étoient dans un enfoncement de la montagne, incrustés dans de l’argile durcie, très-frac- turés , et ressoudés par de la stalactite , toutes circonstances qui les rapprochent des os ordinaires des brèches osseuses. Quoi qu’il en soit , tous les os de Romagnano et de Ronca , dont je parle maintenant, appartiennent au cerf et au bœuf commun, sans aucune différence sensible, et les diverses par¬ ties de ces deux espèces y sont rapprochées pêle-mêle. BRECHES OSSEUSES. ^7 Dans les morceaux que m’a donnés M. Bosc, il y a des mâchoires et des lemurs de oeif, des fémurs, des humérus, et des os du métacarpe de hœuf, parfaitement recounoissahles , paitris ensemble. Je n’ai pas cru nécessaire d’en faire graver autre chose que la mâchoire inférieure de cerf, représentée au tiers de sa grandeur, pl. II, fig 12. Le morceau du cabinet de M. Faujas, que je représente également au tiers, pl. II, fig. 8, est la partie antérieure de la mâchoire supérieure du meme animal. L’espèce en est meme -déterminée rigoureusement par l’alvéole de la canine ou du crochet, qui, comme on sait, manque à tous les autres rumi- nans cornus, et meme aux autres cerfs, tels que le daim^ Yélan, etc. Les chameaux seuls pourroient réclamer ce carac¬ tère; mais leur mâchoire seroit plus grande, celle du lama seroit plus petite, et sa canine seroit autrement faite et au¬ trement placée. Enfin les dessins de M. Camper représentent encore des parties de cerf. On en voit une portion de mâchoire supérieure et deux morceaux d’os longs, pl. II, fig. 9, et le même savant m’en avoit adressé des figures de plusieurs autres os, qui ne présentant aucune différence sensible, ne m’ont point paru nécessaiies à graver. Article VIII. Résrimé général de ce chapitre. Les observations recueillies dans les articles précédens me paroissent donner les résultats que voici. 1. ° Les brèches osseuses n’ont été produites ni dans une mer tranquille, ni par une irruption de la mer. 2. ° Elles sont même postérieures au dernier séjour de la mer 5?. 38 BRÈCHES OSSEUSES. sur nos continens, puisqu’il ne s’y observe aucune trace de coquilles de mer , et cp’ elles ne sont point recouvertes par d’autres couches. 3.° Les ossemens et les fragmens de pierres qu’elles con¬ tiennent tomboient successivement dans les fentes de rochers , à mesure que le ciment qui réunit ces différens corps s’y accu- muloit, 4° Presque toujoui'S les pierres proviennent du rocher, meme dans les fentes duquel la brèche est logée. 5° Tous les ossemens bien déterminés, viennent d’animaux herbivores. 6.° Le plus grand nombre vient d’animaux connus, et meme d’animaux encore existans sur les lieux. 'j.° La formation de ces brèches paroît donc moderne, en comparaison de celles des grandes couches pierreuses régulières, et même des couches meubles qui contiennent des os d’ani¬ maux inconnus. 8. ° Elle est cependant déjà ancienne relativement à nous, puisque lûen n’annonce qu’il se forme encore aujourd’hui de ces brèches, et que même quelques-unes, comme celles de Corse, contiennent aussi des animaux inconnus. 9. ° Le caractère le plus particulier du phénomène consiste plutôt dans la facilité que certains rochers ont eue à se fendre, que dans les matières qui ont rempli les fentes. 10. ° Ce phénomène est très-différent de celui des cavernes d’Allemagne , qui ne renferment que des os de carnassiers , répandus sur leur sol, dans un tuf terreux en partie animal, quoique la nature des rochers qui contiennent ces cavernes ne paroisse pas éloignée de celle des l’ochers qui contiennent des brèches. 1 nRECIlt:S ORSEUSER . PL.I. Ù^u^/- ^rcu/^ ' t Fùjf.: Fnf .2,^. niŒCIfES OSSEUSES . JU. . /[. 4 K 4' 7 » y -> ' :i';,KS'r:'v- ■ 'M^r'i^--- " :.n T ■''■ r .r.'gj^; ,.. . .. ..... i>.> ~ .-î.'vSi :ffe. .... .-..-.^-.U;., .,.'i-:f.:irf-a .-,.-. r/'W ■ '. :'.. ■ ■ «' . r- . - . ■'.>'■ ■' *.rf - ■*' -. il.' DES OS FOSSILES DE CHEVAUX ET DE SANGLIERS. 'Il Il ne nous reste plus à parler que de ces deux genres, pour avoir terminé Thistoire des quadrupèdes à sabots qui se sont trouvés à l’état fossile, et notre tâche, à leur égard, sera d’au¬ tant plus aisée , que l’on n’eu a déterré que dans des sols meubles, la plupart récens, et que celles de leurs dépouilles que l’on a recueillies ne peuvent les faire distinguer des espèces vivantes de nos jours. I ' - A ' ■ ■ ■ ’ Article premier. Des os fossiles de chevaux. Es sont aussi communs dans les couches meubles que ceux d’aucune autre grande espèce, et cependant l’on en a peu. fait mention dans les ouvrages sur les fossiles, soit parce que l’on considéroit leur présence comme un phénomène fort simple, et qui ne méritoit point d’attention, soit parce qu’on ne les reconnoissoit point pour ce qu’ils étoient. Il y a des preuves nombreuses de ce dernier motif, qui paroîtroit bien extraordinaire, si l’on ne savoit quelle légèreté 1 2 CHEVAUX ET SANGLIERS a toujours été mise dans les déterminations des fossiles et des pétrifications. Ainsi l’on trouve dans le Traité des monstres d’ Aldrovmide^ publié par Bernia, p. 3^, deux dents de cheval, données pour des dents de géans, tandis que dans le Muséum metallicum de cet auteur, publié par Ambrosinus ^ pag. 83ü, des dents du même animal sont données pour ce quelles sont véritable¬ ment. Nous avons déjà dit ailleurs que Lang^ dans son Historia lapidum figiiratorum Helveliæ^ tab. XI, f. i, 2, avoit pris une dent de cheval pour une dent à’ hippopotame. Nous pouvons ajouter cjue Kundmann en a fait graver d’autres, sans savoir à quoi les rapporter ( Bar. nat. et art. ta!/, il, f. 4 et 5), et que T'Valcli, qui en avoit reçu de Quedlim- bourg, se borne à remarquer leur ressemblance avec celles de Lang ei de Kundmann, sans vouloir non plus les déter¬ miner [ Müuumens de Rnorr. II, sect. II, pag. i52). Il n’y a qu’un petit nombre d’auteurs qui aient été plus har¬ dis, tels que Bourguet, qui cite une seule dent màchelière de cheval trouvée à soixante pieds de profondeur, en creusant un puits près de Modène ( Traité des pétrifications), et Bomé~ de-Lille, qui compte au nombre des objets du cabinet de Tavila , une dent de cheval ibssile dans son alvéole d’auprès de Caiistadt. [Cat. de DaviLa, III, pag. 23o}. C’est sans doute à ce silence de la plupart des naturalistes, sur les os lossiles de cheval, qu’est dû celui que garde M. Faujas sur le même objet dans sa Géologie, quoiqu’il eût pu en tirer grand parti, pour soutenir sou opinion favorite de l’identité des animaux fossiles avec ceux de nos jours. Eu effet, les os fossiles de chevaux ne peuvent se discerner FOSSILES. 3 des os de chevaux vivans, et cependant on les trouve certai¬ nement dans les memes couches qui recèlent des animaux inconnus. Nous avons déjà dit qu’il y avoit des milliers de dents de cheval dans ce célèbre dépôt d’ossemens àléléplians^ de rhinocéros^ de tigres et d^hjènes, découvert en 1700, près de Canstadt en TVirtemherg : leur association avec les éléphans paroit générale. Nous avons vu retirer, de nos propres yeux, des centaines d’os et de dents de cheval du canal de l’Ourcq, dans le lieu meme d’où l’on retiroit en meme temps des os d’éléphans, et parmi ceux de cheval il y en avoit queh^ues-uns de véritable¬ ment pétrifiés. Dans le dépôt de Fowent le Prieuré^ département de la Haute-Saone, d’où l’on a extrait des os éi éléphant et des os àlhjène^ on a trouvé en meme temps plusieurs os et dents de cheval , qui ont aussi été envoyés à notre Muséum. M. de Drée possède une portion de mâchoire et divers autres os de cheval trouvés à ArgenteuiL^ à peu près au meme endroit qu’une mâchelière d’éléphant. M. Fabbroni m’a envoyé des dessins de plusieurs portions semblables, déterrées dans le Fal d Arno supérieur, avec des os d éléphans ^ de rhinocéros et de mastodontes à dents étroites. Enfin M. Fischer vd a procuré des dessins de dents de cheval, apportées de la Bergstrasse au cabinet de Darmstadt. Je suis persuadé, d’après ces observations, que, si l’on n’a pas fait plus souvent mention de ces os de chevaux déterrés avec ceux d’éléphans, c’est qu’on jugeoit les premiers trop peu intéressaûs en comparaison de ceux-ci. 4 CHEVAUX ET SANGLIERS Nous ne répéterons pas ce que nous avons dit de ceux que l’on rencontre quelcjuefois dans les brèches osseuses; mais c’est dans les alluvions récentes qu’on en trouve le plus, comme l’on deVoit s’y attendre. Il n’est presque point de vallée où l’on puisse creuser dans quelque étendae sans en rencontrer dans les dépôts des ri¬ vières ; la vallée de la Seine, celle de la Somme, et bien d’au¬ tres sans doute, en fourmillent. M. Traullé m’en a envoyé beaucoup des bords de la Somme, et i’en ai vu retirer moi-méme des fondations du pont que l’on construit en ce moment vis-à-vis l’Ecole militaire. Ceux-là nous intéressent peu, puisqu’ils ont été déposés depuis c{ue nos continens ont pris leur forme actuelle; mais les premiers, ceux qui accompagnent les éléphans et les tigres, sont d’un ordre de choses antérieur. Les chevaux qui les ont füuri is ressemb!oient-i!s en tout à nos chevaux d’aujourd’hui? J’avoue que l’Anatomie comparée est hors d’état de ré¬ pondre à cette question. J’ai comparé avec soin les squelettes de plusieurs variétés de chevaux^ ceux de mulet ^ tïâne , de zèbre et de couagga^ sans puinoir leur trouver de caractère assez fixe pour que j’osasse hasarder de prononcer sur aucune de ces espèces, d’après un os isolé; et quoifpie je n’aie pu encore me pro¬ curer le squelette de Vhémione ou dgiggiietai ^ je ne doute point qu’il ne ressemble autant à toutes ses espèces qu’elles se ressemblent entre elles. Si l’on avoit une tète fossile en¬ tière, on pourroit peut-être établir quelque comparaison; mais avec les autres os, encore la plupart mutilés, l’on n’ob- tieudroit aucun résultat. On peut donc assurer qu’une espèce du genre du cheval FOSSILES. servoît de compagnon fidèle aux éléphans ou mammouths , et aux autres animaux de la meme époque, dont les débris remplissent nos grandes couches meubles; mais il est impos¬ sible de dire jusqu’à quel point elle ressembloit à l’une ou à l’autre des espèces aujourd’hui vivantes. Il ne me reste autre chose à faire que d’indiquer les carac¬ tères auxc[uels on peut distinguer les débris de chevaux. Comme c’est surtout avec ceux de bœuf ou de buffle que l’on pourroit les confondre, c’est avec eux qu’il faut les comparer. Les dents màcbelières supérieures de chevaux sont pris¬ matiques comme celles de bœuf et de bulfle, et marquées de meme de quatre croissans; mais elles en ont de plus un cin¬ quième au milieu du bord interne. Les inférieures sont plus comprimées, et ont quatre crois- sans dans le cheval comme dans le bœuf; mais au lieu d’étre parallèles^ deux à deux, ils sont alternatifs, le premier du bord interne correspondant à l’intervalle des deux du bord externe. L’omoplate du cheval a son épine plus élevée au tiers su-- périeur, et s’abaissant de là jusqu’à l’endroit de l’acromion. Dans les ruminans, il y a bien aussi une élévation au tiers supérieur; mais c’est à l’extrémité inférieure à l’endroit de l’acromiou que l’épine est le plus saillante. Dans l’humérus du bœuf, la grande tubérosité s’élève beau¬ coup au-dessus du reste de la télé supérieure, et il n’y a qu’une rainure pour le biceps; dans le cheval, cette tubérosité ne s’élèse pas plus que les autres, et il y a deux rainures dillé- renies en a\ant. Le chameau et d'autres ruminans ressemblent plus au che¬ val qu’au bœuf à cet égard. 6 CHEVAUX ET SANGLIERS Le cubitus du bœuf, quoique soudé au radius, s’en laisse distinguer sur toute sa longueur,- celui du cheval s’y confond entièrement dès son tiers supérieur, n’y restant marqué que par une espèce de filet. La tête inférieure du radius du cheval est divisée en deux facettes, par une arête presque perpendiculaire; celle du bœuf est divisée en trois, par deux arêtes fort obliques. Le bœuf a un os de moins au carpe que le cheval, parce que sou trapézoide est confondu avec son grand os. Chacun sait aussi la différence de leur métacarpe et de leurs doigts. L’ischion de bœuf relève sa tubérosité beaucoup plus que celui du cheval , et l’os des îles de celui-ci relève, au contraire, beaucoup plus sou angle supérieur ; ce qui fait la différence si sensiblé de la croupe de ces deux animaux. Le fémur du cheval a trois trochanters; celui du bœuf n’eu a que deux , et le grand s’y élève moins. La tête inférieure du tibia du bœuf est rectangulaire, et porte à son bord interne une facette pour l’articulation de l’osselet péronieu; celle du cheval est très-oblique, et presque triangulaire. Il en résulte la même différence d’obliquité pour les astra¬ gales; celui du cheval n’a d’ailleurs qu’une très-petite facette pour le cuboide; celui du bœuf appuie sur cet os près de moitié de sa tête inférieure. Le scaphoïde du cheval est beaucoup plus large que sou cuboïde, et en reste toujours distinct ; dans le bœuf, ces deux os sont également larges et toujours confondus. Le cheval n’a qu’un seul cunéiforme , et le bœuf en a deux. Les différences du métatarse ef des doigts, qui ont occa- FOSSILES. 7 sioné celles du tarse, sont connues de tous les naturalistes. Au moyen de ces caractères simples et courts, on pourra distinguer aisément les os d’extrémités des deux espèces. Chacune des vertèbres, prise à part, donneroit aussi des caractères 5 mais le détail en seroit infini , et il est bien rare que l’on trouve des vertèbres isolées sans aucun autre osj je crois donc avoir fourni aux géologisies tout ce qui leur est nécessaire. Article II. Des os fossiles de sangliers. Je ne trouve pas non plus beaucoup d’indications de ces os dans les auteurs; tous ceux que que j’ai vus veuoient de tourbières ou d’autres terrains récens , et je ne sache pas qu’ils aient jamais accompagné les éléphans. JValch ne cite que la vertèbre de cochon pétrifiée men¬ tionnée par Lukf et d’après lui par à’ Argent il le ; mais on ne peut se fier ni à de pareils auteurs, ni à de pareilles in¬ dications. Gmeliii^ TV allerius ^ et d’autres que j’ai consultés, ne parlent point du tout de cette sorte de fossile. Il y a cependant déjà dans le Muséum Beslerianum^ pl. XXXI, un germe fossile de inàchelière de cochon, sous le nom bisarre de pseudo-corona-anguina, et Grew dit que le cabinet de la Société royale en possède de semblables (Mus. soc. reg. p. 206); mais ni l’un ni l’autre n’en assigne l’origine plus que l’espèce. M. Delaimaj, dans son Mémoire sut' l’ origine des fossiles accidentels des provinces helgiques , pag. 36, rapporte que, dans les environs élAlost, en creusant une tourbière, «l’on 8 CHEVAUX ET SANGLIERS )) trouva la partie osseuse de la tête d’un sanglier inconnu en » Europe, vu la taille extraordinaire que devoit avoir l’ani- » mal vivant », et ajoute que ce qui avoit fait reconnoitre l’animal , « c’étoient les défenses d’une longueur tout-à-fait » remarquable ». Il auroit été bien simple d’ajouter la longueur de ces défenses, et quelque ligure ou description de cette tête 5 mais les géologistes ont rarement pris des- soins qu’ils jugeoient trop minutieux, et aimoient mieux réserver leur teuqis pour des systèmes que de l’employer à des recherches précises ; aussi ce renseignement , qui pouvoit être intéres¬ sant , nous est-il aujourd’hui parfaitement inutile. J’ai pour ma part quelques inâchelières de sangliers qui pa- roissent avoir séjourné dans la terre 5 j’en ai même de teintes en noir par la tourbe, où elles éloient sans doute enfoncées; enfin, j’en ai vu deux ou trois qui paroissoient pétrifiée, mais je ne connois d’origine certaine qu’à une défense trouvée en creusant les fondations de la culée du pont d’Iéna, du côté de l’Ecole mili¬ taire, avec plusieurs ossemeus de chevaux, et des débris de ba¬ teaux et d’autres objets artificiels, et à une portion de mâchoire retirée des tourbières du département de l’Oise, déposée au cabinet de l’Ecole des mines ; toutes les deux sont donc de terrains très-récens ; aussi toutes deux ne diffèrent-elles en rien de leur analogue vivant. M. Adrien Camper m’a envoyé le dessin d’une moitié in¬ férieure d’humérus de cochon ou de sanglier, qui lui a été adressé du Hartz, mais sur le gisement duquel il n’a point de notion certaine. La tête du cochon se distingue assez aisément de toutes les autres pour que nous n’ayons pas besoin d’en donner les caractères. FOSSILES. 9 Ses mâchelières représentent en petit celles du mastodonte à dents étroites, ayant de même des tubercules mousses garnis sur leurs côtés de tubercules plus petits. Dans les sangliers , cochons domestiques, cochons de Siam, sangliers de Madagascar , le nombre naturel et complet des mâchelières est de sept partout. La postérieure d’en-bas a cinq groupes de tubercules; celle d’en-haut en a six. Les huit qui les précèdent en ont chacune quatre groupes, rangés par paires. La quatrième de chaque côté en a trois groupes rangés en triangle, et les trois anté¬ rieures ayant leurs tubercules sur une seule ligne, sont presque tranchantes. La dent antérieure tombe de bonne heure dans nos co¬ chons, et je ne l’ai jamais trouvée dans le babiroussa, dont le nombre seroit de six, et où il est souvent de cinq par la chute de la dent antérieure. Je n’en trouve également que six à deux pécaris. Le sanglier d’Eihiopie n’a que trois dents, toutes composées de cylindres soudés ensemble , comme les lames de l’élépbant, et présentant des cercles à leur surface quand elle est triturée. Elles sont fort inégales; car la dernière a jusqu’à vingt-trois cercles rangés sur trois lignes. Chaque e.^pèce a ses formes particulières de défenses; mais toute, les défenses et toutes les molaires que j’ai observées étoient semblables à celles du sanglier commun. Les extrémités des cochons ont beaucoup de rapport avec celles des ruminans; comme c’est avec les os du mouton et du cf'i'f qu’on pourrolt confondre les siens, c’est avec eux qu’il faut ies coii) parer. Son omoplate a, comme celle du cheval, son épine abaissée 2 10 CHEVAUX ET SANGLIERS FOSSILES. en avant, et plus saillante au tiers supérieur, où elle forme un crochet reployé en arrière. La grande tubérosité de son humérus est très-haute, comme dans le mouton; mais elle s’élargit en arrière, et s’échancre par un large arc rentrant. Le cubitus est très-large et distinct sur toute sa longueur; la plus grande partie en est soudée dans le mouton. Dans le cerf, il est au moins beaucoup plus grêle. Le carpe ressemble beaucoup, avec cette différence que le trapézoïde y est distinct, tandis qu’il est soudé dans les ru- minans, et que l’unciforme y est moins large, tandis que le scaphoïde l’est beaucoup plus. Les différences des fémurs seroient très-difficiles à expri¬ mer en paroles; mais le tibia se reconnoît parce qu’il est plus court, que sa tête inférieure est carrée, et non rétrécie d’ar¬ rière en avant , et quelle n’a point d’articulation pour l’osselet péronien. La principale différence du tarse tient au petit cunéiforme, au vestige du cinquième doigt, et à ce que le scaphoïde reste distinct du cuboïde. Quant aux métacarpes, aux métatarses et aux doigts , on ne peut les confondre. IV/ PARTIE. OSSEMENS DE CARNASSIERS ET D’AUTRES ONGUICULÉS. J SUR LES OSSEMENS DU GENRE DE L’OURS > Qui se trouvent en grande quantité' dans eertaines cavernes d'Allemagne et de Hongrie, Article premier. ISotice des principales cavernes où se ù'ouvent ces ossemens et de [état dans lequel Us j sont. D. s grottes nomlireuses, brillamment décorées en stalac¬ tites de toutes les formes, se succédant l’ime à l’autre jusqu’à une grande profondeur dans l’intérieur des montagnes, com¬ muniquant ensemble par des ouvertures si étroites que l’bomme peut à peine y pénétrer en rampant , et que l’on trouve cependant jonchées d’une énorme quantité d’ossemens d’animaux grands et petits , sont sans contredit l’un des phé¬ nomènes les plus remarquables que l’histoire des fossiles puisse offrir aux méditations du géologiste, surtout lorsque l’on s )nge que ce phénomène se répète en un grand nombre de lieux et dans un espace de 2:)ays très-étendu. Aussi ont -elles été l’objet des recherches de pdusiours naturalistes, dont quelques-uns 1 5 OURS ont très-bien décrit et représenté les os qu'elles recèlent; et avant même que les naturalistes s’en occupassent, elles étoient célèbres parmi le peuple, qui, suivant sa coutume, ajoutoit bien des prodiges imaginaires aux merveilles naturelles qui s’y observent en réalité. Les os qu’elles renferment étoient depuis long-temps, sous le nom de licorne fossile ^ un article im¬ portant de commerce et de matière médicale, à cause des vertus puissantes qu’on lui attribuoit : et il est probable que le désir de trouver de ces os a beaucoup contribué à faire con- noitre plus exactement ces cavernes , et même à en faire dé¬ couvrir plusieurs. La plus anciennement célèbre est celle de Bauman , située dans le pays de Blankenhourg c^\ appartient au duc de Bruns¬ wick , au sud de la ville de ce nom , à l’est ^Elhingerode et au nord du village de l’endroit habité le plus voisin^ dans une colline qui fait l’une des dernières pentes du Hartz vers l’orient. Elle a été décrite par beaucoup d’auteurs, parmi lesquels nous citerons surtout le grand Leibnitz dans sa Proto- gcea^ pl. I, p. 97 , où il en donne une carte empruntée des Acta erud., 1702 , p., 3o5. L’entrée regarde le nord, mais la direction totale est d’o¬ rient en occident. Elle est fort étroite, quoique percée sous une voûte naturelle assez ample. On n’y pénètre qu’en i’am- pant. La première grotte est la plus grande. De là dans la seconde il faut descendre dans un nouveau couloir, d’abord en rampant, et ensuite avec une échelle. La différence de niveau est de 3o pieds. La seconde grotte est la plus riche en stalactites de toutes les formes. Le passage à la troisième grotte est d’abord le plus pénible de tous; il faut y grimper avec les pieds et les mains; mais il s’élargit ensuite, et les DES CAVERNES. ‘ 3 stalactites de ses parois sont celles où rimagination des curieux a prétendu voir les figures les plus caractérisées. Il a deux dilatations latérales dont la carte des Acta erucl. fait la troisième et la quatrième grotte. A son extrémité , on trouve encore à remonter pour arriver à l’entrée de la troisième grotte qui forme une espèce de portail. Behrens dit dans son Flercynia ciiriosa qu’on n’y pénètre point, parce qu’il faudroit descendre plus de 6o pieds; mais la carte ci-dessus, et la description de vander Hardt, qui l’ac¬ compagne, décrivent cette troisième grotte sous le nom de cin¬ quième , et placent encore au-delà un couloir terminé par deux petits antres. Silherscldag^ dans sa Géogénie ^si]OVLiQ que l’un d’eux conduit dans un dernier couloir qui, descendant beaucoup , mène sous les autres grottes , et se termine par un endroit rempli d’eau. Il y a encore beaucoup d’ossemeus dans cette partie reculée et peu visitée. Une seconde caverne à peu près aussi célèbre que la pre¬ mière et fort voisine , est celle dite de la licorne ( einJiorns- hæhle) , diU. \neA du château àe Scliarzfels ^ dans la partie de l’électorat d’Hanovre , qui se nomme le duché de Griihen- hcigen , et à peu près sur la dernière pente méridionale du Hartz. Elle a aussi été décrite par Leibnitz., ainsi que par M. Deluc dans ses Lettres à la reine d’Angleterre. L’entrée a dix pieds de haut , sept de large : on descend verticalement de quinze dans une espèce de vestibule dont le plafond s’a¬ baisse au point qu’au bout de soixante pas, il faut se mettre à ramper. x\près un long passage, viennent encore deux grottes selon Leibnitz; mais Behrens en ajoute trois ou quatre, et dit que , selon les gens du pays, on pourroit pénétrer à près de deux lieues. 4 OURS Bruchnann^ qui donne une carte de celte caverne [Epistoh itin. 34 ) , n’y représente que cinq grottes , disposées à peu près en ligne droite , jointes par des couloirs extrêmement étroits; la seconde est la plus riche en ossemens; la troisième , la plus irrégulière, a deux petites grottes latérales; la cinquième est la plus petite et contient une fontaine. La chaîne du Hartz offre encore quelques cavernes moins célèbres , quoique de même nature , indiquées par Behrens dans son Hercjnia curiosa^ savoir : Celle de Hartzhourg sous le château de ce nom , au-dessus de Goslar au sud. Je ne sais pourquoi Büsching conteste son existence. Il est vrai que Behrens cite à tort J. D. Horstius-povir en avoir vu tirer des os de divers animaux : car Hors tins ue parle (Obs. anat. dec. p.. \o) que de la caverne de Scharzfelz. Celle (ï üfftrungen ^ dans le comté de Stollberg , au sud du château de ce nom; on la nomme dans le pays Heim-kœhle ou Cachette. Behrens pense qu’on pourroit y trouver des os fossiles. Une autre du même voisinage, nommée Trou-de-voleur., Diehes-loch. On y a trouvé des crânes qu’on a cru humains. Je ne parle point ici de celles des cavernes du Hartz où l’on n’a point découvert d’ossemens. Au reste celles mêmes où l’on en a trouvé en sont à peu près épuisées aujourd’hui , et ce ii’esl presque plus qu’en brisant la stalactite qu’on peut en obtenir : tant on en a enlevé pour les vendre dans les pharmacies. Les cavernes de Hongrie viennent après celles du Hartz , pour l’ancienneté de la connoissance qu’on en a. La première notice en est due à P aterson-ÎIajn. [Ephem. nat.cur. 1672, ohs. C XXXIX et ex CI F. ) 5 DES CAVERNES. Brukmaim ^ ïnédecin de FFoIfenhüttel ^ les a aussi décrites plus au long [Epistola itineraîia j'j , et Breslauer Sa-m!ung, 1." trim. , p. 628) Elles sont situées dans le comté de Liptoi> , sur les pentes méridionales des monts Crapacks. On les connoît dans le pays sous le nom de Grottes-des-Eragons, parce que le peuple des environs attribue à ces animaux les os- semens qu’on y trouve, et qu’il connoît de temps immémorial. Les cavernes les plus riches de toutes en osseniens sont celles de Fi'ajiconie dont J. F. Fspei', ecclésiastique du pays de Baj renth, a donné une description fort détaillée dans un ouvrage ex professa^ imprimé en français et en allemand ( Description des Zoolithes nouvellement découvertes , etc. , JFuremherg. knorr. in-fol. avec \l\-pl. enliim. ), et dans un diémoire inséré parmi ceux de la Société des naturalistes de Berlin, iome IX, pour 1784, p- 56. Une grande partie d’entre elles est située dans un petit bail- lage nommé Streitberg , dépendant du pays de Bajreuüt, mais enclavé dans celui de Bamberg , et est creusée dans des collines entourées de trois côtés par les ruisseaux G Aufsess et de Visent. Cependant la principale de toutes, l’étonnante caverne de Gajlenreuih^esl en dehors de cette espèce de presqu’île, sur la rive gauche de la Visent , au nord-ouest du village dont elle tire son nom. Son entrée est percée dans un rocher vertical ; elle est haute de 7 pieds et demi et regarde l’orient. La pre¬ mière grotte tourne à droite et a plus de 80 pieds de long. Les inégales hauteurs de la voûte la divisent en quatre parties: les premières ont i5 à 20 pieds de haut ; la quatrième n’en a que 4 ou 5. Au fond de celle-ci, à Heur de terre, est un trou de 2 pieds de haut par où l’on va dans la seconde grotte. Elle OURS e est J’aLor J dirigée au sud dans une longueur de Co pieds sur 4o de large et i8 de haut : puis elle tourne à rouest])endanl o pieds, devenant de plus en plus basse jusqu’à n’avoir que 5’ de haut. Le passage qui conduit à la troisième grotte est fort incommode. Ou tourne par divers corridors. Elle a 3o’ de diamètre sur 5 à 6 de hauteur. Le sol en est pétri de dents et de mâchoires. Près de l’entrée, est un gouffre de i5 à 20 pieds, où l’on des¬ cend avec une échelle. Après y être descendu , l’on arrive à une voûte de i5 pieds de diamètre sur So’ de haut; et vers le côté où l’on est descendu, à une grotte toute jonchée d’ossemens. En descendant encore un peu, ou rencontre une nouvelle ar¬ cade qui conduit à une grotte de 4o pieds de long, et un nou¬ veau gouffre de 18 à 20 pieds de profondeur. Quand on y est descendu, on arrive encore à une caverne d’environ 4o pieds de haut, toute jonchée d’ossemens. Un passage de 5 pieds sur y mène dans une grotte de 20 pieds de long sur 1 2 de large : des canaux de 20 pieds de long mènent dans une autre de 20 pieds de haut; il y eu a enfin une de 83 pieds de largeur sur 24 de hauteur, et l’on ne trouve nulle part tant d’ossemens. La sixième grotte , qui est la dernière , se dirige vers le nord , de manière que toute la série des grottes et des couloirs dé¬ crit à peu près un demi-cercle. Une fente de la troisième grotte en a fait découvrir , en 1784, une nouvelle de i5 pieds de long sur 4 de large, où se sont trouvés le plus d’ossemens d’hyènes ou de lions. L’ouverture en étoit beaucoup trop petite pour que ces animaux y aient pu passer. Un canal particulier qui ahoutissoit dans cette pe¬ tite grotte a offert une quantité incroyable d’os et de grandes tètes entières. DES CAVERNES. 7 La petite presqu’île , placée à l’opposite de cette caverne , en offre plusieurs autres, comme le Schœne-Stein ou Belle-roche qui contient sept grottes contiguës^ le Bromienstein ou Boche- de-la-fontaiiie ^ où l’on ne trouve que des os modernes, mais où ils sont quelquefois encroûtés de stalactite \ le Holeberg ou Montagne creuse ^ où huit ou dix grottes forment une en¬ filade de 200 pieds , a deux issues. Des ossemens de même es¬ pèce qu’à Gaylenreutli s’y trouvent dans divers enfoncemens latéraux. Le JVizer-locli ^ ainsi nommé d’un ancien dieu slavon qu’on y adoroit autrefois , l’autre le plus lugubre de toute la contrée, situé dans sa partie la plus élevée, et où Ton a trouvé quelques vertèbres. Il a plus de 200 pieds de longueur. La JViinder-hœhle qui tire son nom de son inventeur 5 elle n’est connue que depuis 1773 : son circuit est de i6o pieds. Enlin , la caverne à.e Klaustein ^ composée de quatre grottes, et pro¬ fonde de plus de 200 pieds. On y a trouvé des ossemens dans la troisième grotte, et encore davantage dans le fond. Le nom de Klaiistein signifie Boclie-aux-ongles ou aux-griffes.. Il convient encore très-bien à un lieu où l’on trouve sans doute- comme à Gajlenreutli une infinité de phalanges onguéales d’ours, et d’animaux du genre des tigres. La contrée qui entoure cette petite presqi/îlc a elle-même plusieurs cavernes, indépendamment de celle de Gaylenreulh^ comme celles de Mokas ^ de Rabensteinet à.e Kirch-ahom^ trois villages du pays de Bamberg^ le premier au sud , les deux autres au nord-est de Gajlenreuth : la dernière porte dans le pays le nom expressif de Zahn-loch^ ou Grotte aux dents : il y en a deux autres dans le territoire du meme vil¬ lage. Celle de JZewig , tout près de JVaschenfeld^ au bord même de la Visent^ encore dans le pays de Bamberg^ qui a 8 OURS près de 8o pas de profondeur, et où l’on dit avoir trouvé des squelettes d’hommes et de loups. Enfin celle de Hohen-înir- schfeld ^ dans le même pays, où les paysans ont long-temps cherché de ces fossiles qu’ils croyoient médicinaux. [Schrcetei'^ Journ. de Lithol. et Conch. , vol. , IV.'’ cah. , p. 299. ) Toutes ces collines , creusées de cavernes et si voisines les unes des autres, semblent former une petite chaîne interrom¬ pue seulement par des ruisseaux , et qui va se joindre à la chaîne plus élevée àxxFiclitelherg où sont les plus hautes mon¬ tagnes de la Franconie^ et d’où découlent le Mein^ la Sale ^ VEgej'^ la ISaah et beaucoup de petites rivières. On vient encore de découvrir en 1799 une caverne remar¬ quable par sa situation, qui lie en quelque sorte celles du Hartz à celles de Franconie. C’est celle de Glücksbrun, au bailliage d’ Altenstein , clans le territoire de Meinungen , dans la pente sud- ouest de la chaîne du Thürmger-w ald ( Bluinenh. archœol. tellnris i5. Zach. monatl. corresp. 1800, janvier^ p. 3o). C’est la même que M. B.osenmüUer nomme Liebenstein , parce quelle est sur le chemin ^Altenstein à ce dernier endroit, qui est un lieu de bains. Î1 y en a une description par M. Koclier, dans le Magasin de Minéralogie par M. C. E. A. de Hof.^ vol. IV.” cah., p. 4^7. Le calcaire dans lequel elle est creusée repose sur du schiste bitumineux, et, s’élevant beaucoup au-dessus, appuie sa partie supérieure sur des roches primitives. Ce calcaire varie pour la dureté et la cassure, et contient des pétrifications marines, comme pectinites , échinites , etc. On découvrit , en faisant un chemin, une ouverture d’où sortoit un air très-froid epû détermina le duc de ^^Saxe-Mei- nungeu à faire creuser plus avant. Un couloir de 20 pieds de DES CAVERNES. î) long conduisit dans une grotte de 35, large de 3 à 12, tante depuis 6 jusqu’à 12, suivant les endroits, et terminée par un gros morceau de roche que Fou enleva. Uu travail de deux ans découvrit et nettoya une série de grottes liées eusemtle , et dont le sol s’élève et s’abaisse alternativement 5 elles se ter¬ minent dans un endroit où coule de Feau 5 mais diverses fentes latérales font présumer qu’il y a encore plusieurs grottes qui n’ont pas été ouvertes, et quelles forment peut-être une sorte de labyrinthe. Le sol et les parois de cette caverne soiat garnis du même limon que dans les autres. Les os y étoient assez nombreux, mais on n’a pu en retirer que deux crânes uu peu entiers. Celui dont M. Kocher àomiQ la figure, est de notre première espèce d’ours. Enfin il y aussi de ces cavernes en TV estpliàlie. J. Es. Silberschlag décrit , dans les Mém. des naturalistes de Berlin [Schriften , tome VI , p. 1 3^ ), celle dite Kluter-hœhle , près du village û! Oldenforde dans le comté de la Marck., au bord de la Milspe et de F£’nyye , deux ruisseaux qui se jettent dans la Ruhr., et avec elle dans le Pibin. Son entrée est à peu près à moitié de la hauteur d’une col¬ line dite KLuterhei'g , n’a que 3 pieds 3 pouces de haut, et regarde le midi. La grotte elle-même forme un véritable laby¬ rinthe dans l’intérieur de la montagne. Non loin de là, dans Je même comté, à Sandwich deux lieues ^ Iserlohn , est encore une grotte qui a fourni , depuis environ vingt-cinq ans, une très-grande quantité d’ossemens, dont une partie a été envoyée à Berlin : une autre est restée dans le pays entre les mains de divers particuliers. On n’en a point , que je sache , de description particulière. 2 lo OURS Si l’on jette un conp-d’cell sur une carte générale, il n’est pas dillicile d’apercevoir une certaine continuité dans les mon¬ tagnes où se trouvent ces singulières cavernes. Les monts Cvapacks se lient avec les montagnes de Morwie et celles de Bohême dites B œhme rw ald j^onr séparer le bas¬ sin du Danube , de ceux de la Vistiile , de F Oder et de Y Elbe. Le Fichtelberg sépare le bassin de Y Elbe de celui du Rhin 5 le Tlairinger-wald et le Harz continuent à limiter le bassin de Y Elbe en le séparant de celui du TVeser. Ces diverses chaînes n’ont entre elles que de légers inter¬ valles. Les cavernes de TV estphalie sont les seules qui ne tiennent pas aux autres d’une manière aussi évidente.. Il y a sans doute des cavernes dans beaucoup d’autres chaînes^ on en connoît une inlinité en France, en Angleterre. J’en ai vu moi-mévne en Souabe, mais je n’y ai point trouvé d’osse- mens:eten général je n’ai point entendu dire que d’autres en aient trouvé, si ce n’est dans celles que j’ai indiquées ci- dessus. La seule que Tou puisse croire en contenir, est celle d’auprès, de Païenne., décrite par Rircber. {Miuid. subter.Yih. VIII , sec. II, c. IV, pag. 62.) Il en représente une dent, qui res¬ semble beaucoup à mre rnâclielière d’ours.. Les collines où ces cavernes sont creusées se ressemblent par leur composition 5 elles sont toutes calcaires, et produisent toutes d’abondantes. stalactites : celles-ci y enduisent les parois, y rétrécissent les passages, y prennent mille formes variées. Les os sont à peu près dans le meme état dans touics.ces ca¬ vernes ; détachés, épars,. en partie brisés-, mais jamais roulés, et par conséquent non atnenés de loin par les eaux 5 un peu plus légers et moins solides que des os réceos :. cependant encore DESCÂVERNES. u dans leur vraie nature animale, fort peu décoUiposée , conte¬ nant Leaucoup de gélatine, et nullement pétriüés; une terre durcie, mais encore facile à briser ou à pulvériser, contenant aussi des parties animales, quelquefois noirâtre, y forme leur enveloppe naturelle. Elle est souvent imprégnée et recouverte d’une croûte stalactitique d’un bel albâtre 5 un enduit de même nature revêt les os en divers endroits, pénètre leurs cavités natu¬ relles, les attache quelquefois aux parois de la caverne. Cette sta¬ lactite est souvent colorée en rougeâtre par la terre animale qui s’y mélange. D’autrefois sa surface est teinte de noir ; mais il est aisé de voir que ce sont - là autant d’accidens modernes et indépendans de la cause qui a amené les ossemens dans ces cavités. On voit même journellement la stalactite faire des progrès et embrasser ci et là des groupes d’ossemens quelle avoit respectés auparavant. Cette masse de terre , pénétrée de parties animales , enve¬ loppe indistinctement les os de toutes les espèces 5 et si l’on eu excepte quelques-uns trouvés à la surface du sol, et qui y au¬ ront été transportés à des époques bien postérieures, que l’on peut distinguer aussi à leur bien moindre décomposition, ils doivent avoir été tous enterrés de la même manière et par les mêmes causes. Dans cette masse de terre, pêle-mêle parmi les os, sont (du moins dans la gi otte de Gajlenreuth) des mor¬ ceaux d’un marbre bleuâtre dont tous les angles sont arrondis et émoussés, et qui paroissent avoir été roulés. Ils ressemblent singulièrement à ceux qui font partie des brèches osseuses de Oïbra'.tar et de Dalmatie. Entin ce qui achève de rendre le phénomène bien frappant, ces os sont les mêmes dans toutes ces cavernes , sur une étendue de plus de deux cents lieues. Les trois quarts et davantage OURS Ï3 appartiennent à des ours que l’on ne trouve plus vivans. La moitié ou les deux tiers du quart restant vient d’une espèce àlijme qui se retrouve encore fossile ailleurs, et que nous dé¬ crivons. Un pins petit nombre appartient à une espèce du genre du tigre ou du lion^ et à une autre du genre du Icup ou du chien; enfin , les plus menus viennent de divers petits carnassiers comme le renard^ le putois^ ou du moins d’espèces très-voi¬ sines de ces deux-là , etc. ** Les espèces si communes dans les terrains d’alluvion, les éléphans , les rhinocéros cheçmix hujîes^\es tapirs xiQ s’y trouvent jamais. On n’y voit pas non plus ces palœotheriiims des ccucbes pierreuses, ni ces rnminans ^ ces rongeurs des fentes de rocliers de Gibraltar Dalmatie et de Cette: ré¬ ciproquement aussi les ours et les tigres de ces cavernes ne se retrouvent ni dans les terrains d’alluvion , ni dans les fentes des rocliers. Il n’y a , parmi les os des cavernes , que ceux de \ hyène qu’on ait reconnus jusqu’à présent dans la première de ces deux sortes de gisement. On ne peut guère imaginer que trois causes générales qui pourvoient avoir placé ces os en telle quàntité dans ces vastes souterrains : ou ils sont les débris d’animaux qui liabitoient ces demeures et quiy mouroient paisiblement 5 ou des inondations et d’autres causes violentes les y ont entraînés 5 ou bien enfin ils étoient enveloppés dans des couches pierreuses dont la dis¬ solution a produit ces cavernes, et ils n’ont point été dissous par l’agent qui enlevoit la matière des couches. Cette dernière cause se réfute, parce que les couches dans lesquelles les cavernes sont creusées ne contiennent point d’osj la seconde, par l’intégrité des moindres éminences des os, qui ne permet pas de croire qu’ils aient été roulés ; on est donc DESCAVETINES, î3 obligé d’en revenir à la première, quelques difficultés qu’elle présente de son coté. Il faut dire aussi que cette cause est confirmée par la nature animale du terreau dans lec[uel ces os sont ensevelis , nature déjà reconnue par plusieurs naturalistes, mais qui vient d’élre déterminée encore plus rigoureusement, à ma demande, par le très-habile chimiste M. Laugier^ aide-chimiste pour les ana¬ lyses dans notre Muséum, qui a bien voulu me permettre d’insérer son travail dans mon Mémoire, dont il va faire l’un des plus beaux ornemens. Il résulte de là que l’établissement de ces animaux dans ces cavernes est bien postérieur à l’époque où ont été formées les couches pierreuses étendues, et peut-être même à celle de la formation des terrains d’alluvion ; ce dernier point dépendra de la comparaison des niveaux. Ce c^ui est certain, c’est que l’intérieur n’en a point été inondé, ni rempli de dépôts quelconques, depuis que les animaux c[ui les composent y ont péri. Il n’y auroit donc rien d’étonnant, rpiand les os qu’on y trouve ressembleroient entièrement à ceux des animaux du pays. Ce qui l’esf davantage, c’est cju’il y en ait, comme on le verra plus bas, de pays si éloignés, et que les plus nombreux viennent d’espèces inconnues, et qui ont probablement disparu comme celles des couches pierreuses. Au reste , il est essentiel de remarquer que l’on n’y trouve aucun déhris d’animaux marins. Ceux c[ui ont prétendu y voir des os de phoques ^ de morses^ ou d’autres espèces sem¬ blables, ont été induits en erreur par les hypothèses qu’ils avoient adoptées d’avance. 4 O U E s EXAMEN et ANALYSE de la terre servant d'enveîop'pe aux os de la caverne de Gajlenreutli^ par M. Laugier. Celte terre qui sert d’enveloppe aux os fossiles en a reçu l’empreinte et la forme. Elle a contracté avec eux une adhé¬ rence telle qu’il est assez difficile de l’en séparer exactement. Elle a une couleur jaunâtre semblable à celle des os qui ont été long-temps enfouis. Elle noircit par le contact de la chaleur dans les vaisseaux fermés; mais cette couleur noire disparoît promptement lorsqu’on la chauffe avec le contact de l’air. Elle fait une vive effervescence par les acides. On a séparé le plus exactement qu’il a -été possible cinq grammes de cette terre; on a fait choix des parties les plus compactes, et ou a rejeté celles dans lesquelles on aperce- voit le tissu osseux. On a réduit ces cinq grammes en poudre, et on les a chauffés fortement dans une cornue revêtue à l’ex¬ térieur d’une couche de terre à four, jusqu’à ce que le fond du vaisseau fût rouge. Eu débitant l’appareil qu’on avoit laissé refroidir , on a été frappé de l’odeur qu’exhaloient les matières animales; le récipient contenoit quelques gouttes d’eau qui te- noient une substance alcaline en dissolution , car une seule goutte suflisoit pour verdir fortement le syrop de violettes. Au bout de quelques jours, celui-ci a repris sa couleur bleue, vraisemblablement à mesure que cet alcali, qui étoit de l’am¬ moniaque , s’est dégagé. La poudre restée dans la cornue étoit noircie par le cbarbon de la matière animale décomposée. Dans cet état , elle ne pesoit plus que quatre grammes et demi ; elle avoit donc perdu un demi-gramme ou lo pour loo. Calcinés de nouveau et fortement dans un creuset de platine, les 4 i5 DES CAVERNES, gi ammes et demi ont été réduits à 3 grammes 3o centigrammes; ainsi la dissolntion et la calcination ont fait perdre à la poudre soumise à ces expériences i gramme jo centigrammes ou 34 pour 100. Cette seconde perte de 24 pour 100 doit être at¬ tribuée au dégagement de l’acide carbonique combiné à la cbaux , et à une petite quantité d’eau qui avoit échappé à la distillation. Le résidu de la calcination avoit la saveur âcre , alcaline de la cbaux; il s’écbauffoit fortement avec l’eau et se dissolvoit dans les acides sans effervescence ; il avoit repris sa couleur jaunâtre. Les 3 grammes 3o centigrammes restant se sont dissous à l’aide d’une douce chaleur dans l’acide nitrique ; il n’est resté qu’une petite quantité d’une matière rougeâtre qui pesoit 2 décigrammes ou 4 pour 100, et que l’on a recoimue pour de la silice colorée par du fer. La dissolution , qui contenoit un assez grand excès d’acide, a été mêlée à de l’ainmoniaque qui y a formé un précipité blanc, gélatineux, que l’on a recueilli sur un filtre et lavé avec soin. On l’a fait bouillir encore humide avec une dissolution de potasse caustique ; au premier contact de la chaleur , le mélange a pris une couleur rougeâtre due au fer, qui s’est séparé vraisemblablement de l’acide phosphorique auquel il étoit combiné. Le mélange, étendu d’eau et filtré, a laissé une matière d’un jaune rougeâtre qui , traitée de nouveau avec la potasse caustique lavée et calcinée , pesoit 0,82 centigrammes ou 2G et demi pour 100. Ces 0,82 centigrammes ayant été dissous dans l’acide nitrique,, l’ammoniaque versé dans cette dissolution y a formé un pré¬ cipité gélatineux qui avoit tous les caractères de j)ho&phate de chaux. C’étoit la portion de ce sel qui n’ayoit point été OURS i6 décomposée par la potasse; ce précipité étoit légèrerneot rou¬ geâtre : sou poids étoit de 45» centigrammes; on en a séparé par l’acide nitrique très-afloibli 5 centigrammes d’oxide de fer : ainsi la quantité du phospîiate de chaux non décom¬ posée équivaloit à 8 pour loo, et l’oxide de fer qui le colo- roit à I pour loo. On a versé dans la dissolution d’où le phosphate de chaux avoit été séparé par l’ammoniaque, une solution de carbonate de potasse et quelques gouttes de solution de potasse caus¬ tique; il s’y est formé un précipité floconneux et lourd assez abondant, et après avoir fait bouillir le mélange pour faci¬ liter la précipitation en dégageant l’acide carbonique, on a recueilli sur le ültre une matière d’un blanc grisâtre qui, après une forte calcination , pesoit 3^ centigrammes et demi ou 'j et defni pour lOO : c’étoit de la chaux mêlée aune petite quan¬ tité de magnésie. La solution alcaline devolt contenir, outre l’acide phospho- rique enlevé à la chaux , toute l’alumine que la terre pouvoit recéler. Pour séparer celle-ci, on a versé dans la dissolution du muriate d’ammoniaque liquide : on a en effet ol)tenu un pré¬ cipité léger, floconneux, auquel ou a reconnu les caractères de l’alumine, mais elle est devenue noire par la calcination. Ce phénomène doit être attribué à la présence d’une très-pe¬ tite quantité de manganèse qui avoit donné à la potasse une couleur verte, que l’addition de quelque gouttes d’acide avoit fait passer au rose. L’eau. de chaux a formé dans la dissolution alcaline un pré¬ cipité floconneux, abondant , léger qui, la\é, séché, redis¬ sous dans l’acide nitrique et précipité par l’ammoniaque, pe¬ soit api’ès la calcination 0,67 c. et demi; ce qui fait pour lors DES CAVERNES. ir; $ i3 parties et demie, lesquelles ajoutées aux 8 parties de phos¬ phate de chaux non décomposé , en portent la somme à 0,2 1 parties et demie pour cent de la terre soumise à l’analyse. On a séparé de ce phosphate artificiel, à l’aide de l’acide nitrique très-étendu d’eau, 0,12 c. et demi d’oxide de fer qui vraisemblablement étoient restés combinés avec l’acide phos- phorique, et qui, ajoutés aux o,o5 centigrammes enlevés par le meme moyen au phosphate de chaux naturel , forment un total de 3 parties et demie pour 100. Il restoit à faire l’examen de la dissolution nitrique d’où l’ammoniaque avoit précipité le phosphate de chaux , le fer et l’alumine : le carbonate de potasse y a formé un précipité blanc, abondant, dont l’ébullition a fourni par l’acide sulfu¬ rique 4 grammes de sulfate de chaux qui représentent 1,60 de chaux ou 32 pour 100 de cette substance alcalino-terreuse. Le lavage du sulfate de chaux a fourni par l’évaporation une pe¬ tite quantité de sulfate de magnésie. Il paroit que cette terre s’y trouve à peu près dans les proportions où les os la con¬ tiennent. Les nouvelles découvertes sur la présence de l’acide fluo- rique dans les substances fossiles pouvoient faire présumer que la terre qui sert d’enveloppe aux os fossiles n’en étoit pas entièrement exempte 5 mais un mélange de cette terre et de 4 parties d’acide sulfurique concentré, soumis à la distil¬ lation , n’en a pas indiqué la moindre trace. Il résulte du travail dont on vient de rendre compte que 100 parties de la terre qui sert d’enveloppe aux os fossiles de la caverne de Gajlenreuth sont formées des principes ci-après indiqués et dans les proportions suivantes : 3 ï8. OURS is.^'Chanx mèlét d'un peu de magnésie et comLiuée à l’acide carbonique . 5t4 2. “ Acide carbonique et un peu tTliumidilé . 24 3. ° Phosphate de chaux . . . . 21 5 4. ° Matière animale et eau . . . 10 5. '^ Alumine colorée par un atome de manganèse . . . . . . 4 6. ^ Silice colorée par du fer . , . 4 7. ° Oxide de fer peut-être combiné à l’acide phospborique . 3 5 Perte . . . . i 100 O, AuTICtElî. Exposé des travaux ostéologiques faits jusqu à présent sub¬ ies animaux de ces cavernes.. Nous ne rapporterons point ce qu’en ont dit d’une ma¬ nière vague ceux qui les ont compris en général avec les autres- os fossiles sous le nom long-temps célèbre en matière médi¬ cale, de licorne fossile , unicornu fossile; mais nous nous bornerons à ceux qui en ont parlé avec quelque précision. La première notice certaine que l’on en trouve est celle de J. Paterson Hajn , dans les Epliémériâes des curieux de la nature déc. ï , an III, 16^2, Obs. CXXXIX , p. 220. Il en décrit et en représente passablement plusieurs- os, sous le titre bizarre d’ossemens de dragons: On reconnoît dans ses fi¬ gures des humérus de deux espèces, une moitié de bassin ^ une portion de crâne, une moitié de mâchoire inférieure, un axis, deux autres vertèbres et quelques os du métacarpe : ces os avoient été trouvés dans la première caverne des monts Crapacks non loin d’un couvent de Chartreux, près de la rivière de Dunajek, Le même auteur parle encore , Obs. CXCIV, d’un sacrum trouvé en cet ench'oit, ainsi que d’un fémur et de dents trouvées t) E s C À V E R N E s. 19 dans la caverne du comté de Liptov , près de Sentniclos , sur la rivière de Rcig. Le meme recueil, déc. I, an IV, i6j3 , Obs. CLXX, page 226, contient une autre notice de ces os par Henri Vollgnad^ qui les appelle toujours des os de dra^ons^ et qui va jusqu’à prétendre qu’on trouve encore de vrais dragons vivans et vo- lans en Transylvanie ^ mais ce qui vaut mieux que cette as¬ sertion , c’est une très-bonne figure de la tête entière de la grande espèce de nos ours, gravée d’après un dessin envoyé par Paierson Hayn^ lequel étoit mort dans l’intervalle. Voügnad y joint deux figures de phalanges onguéales, mais elles ne sont pas d’ours et appartiennent au genre des tigres. Ou ne trouve ensuite pendant près d’un siècle rien de précis ni de vraiment ostéologique sur ces animaux : seulement les minéralogistes et ceux qui décrivent les diverses cavernes en parlent ou en représentent quelque morceau par occasion. Ainsi Mjlius ( Memorahilia saxoniœ suhterraneæ , p. II , p. ’ÿg) en représente divers morceaux, comme mâchelières , canines, os du métacarpe, fragmens de mâchoires, avec assez d’exactitude. Ils sont tirés de la caverne de Schartzfels. Leibnitz^ dans sa Protogœa^ en donne, pl. XI , trois mor¬ ceaux tirés de la meme caverne : un de la mâchoire supé¬ rieure avec les incisives; un de l’inférieure avec une canine, et une canine isolée. On avoit cru long-temps que le premier morceau de cette planche, qui est un crâne, venoit de la même espèce, mais BI. Sœmmerring qui l’a examiné depuis, a trouvé qu’il appartient au genre du lion. Brückinann., dans sa description des cavernes de Hongrie., insérée dans la collection de Breslau, trimestre de 1732, 20 OURS p. CaS, et eît^e plus haut, annonça que leurs os ne différoient point de ceux des cavernes du Hartz. C’est aussi lui qui paroi t les avoir comparés le premier à ceux des ours. Dans son Epis- to!a ilineraria ds ,qui n’est qu’une traduction de l’arliclo ci- dessus, il donne des figures de deux phalanges, de ; potame. «Il en ignoroit l’origine 5 mais comme elles avoient appartenu à Knorr qui résidoit k Nuremberg , il est probable qu’elles venoient des cavernes de Franconie. La description de ces dernières cavernes par Esper con¬ tient un grand nombre de figures exactes de portions de la télé j et quoiqu’il n’y eut aucune tête complète , on y auroit trouvé déjà de quoi distinguer suffisamment les espèces dont ces fragmens proviennent, et qui dans la réalité se réduisent à trois ou tout au plus à quatre : mais rauteur, faute de con- noissances d’anatomie comparée, multiplie beaucoup trop les êtres , et compte pasqu’à neuf espèces , comme ayant fourni ces débris. DESCAVERNES. s* II ne rapporte au genre de c|ue les fragmeas de ses figures I , pl. VI 5 i , 2 , 3 , pl. VII, et i, pl. IX 5 tandis que toutes celles des kuit premières planches, et la fig. 2, pl. Xî, dont il fait tantôt des os dihjènes , tantôt des os de phoques , doivent y être rapportées également. Il n’y a en effet de morceaux appartenant à des genres dif- férens de celui de l’owrs que la fig. 2, pl. XII, qui est une portion de mâchoire supérieure du genre du tigre on du lion; les fig. 2 et 4 5 P^- ^ ongue'auæ ^ la fig. a , pl. X , qui vient d’un loup , et le reste de celte planche qui vient d’une hyène. ( Ecrits de la Société des naturalistes de Berlin.^ tome V, le IX.*’ de la collection pour 1784, page 56.) M. Esper qui s’étoit borné dans son grand ouvrage à re- connoître une certaine affinité entre les premiers des osse- mens ci-dessus nommés et le genredel’owr^, dit dans un autre, publié dix ans après , que s’étant procuré une tête d’ours po¬ laire , il en a reconnu l’identité avec celles de ces cavernes ; ou que s’il y a des différences, elles ne sont pas plus grandes que celles qu’offrent la figure d’ours blanc donnée par Buffon, suppl. lU , pl. XXXIV, et celle de Schreher.^ pl. CXLI. M. Fuchs , gouverneur des pages du roi de Prusse, ajoute dans le même recueil, tome VI, qu’ayant eu occasion devoir ensemble un crâne di ours fossile et un dèours polaire., il a trouvé entre eux la plus grande ressemblance. Cependant le célèbre anatomiste Camper ne tarda point à s’exprimer négativement sur cette opinion j il en donna pour raison principale le défaut de la petite dent que les ours or¬ dinaires ont toujours derrière la canine. Il est cité là-dessus par Merck, dans sa troisième lettre géologique , imprimée en 1786, p. 24. 22 OURS Mais comme il y avoit beaucoup d’autres raisons négatives, et même plus certaines à ajouter à celle-là , il étoit intéressant que quelqu’un s’occupât de les rassembler. C’est ce qu’a fait M. RosenmüUer^ anatomiste de Z;e«)y z/c A' , d’abord dans une description latine, imprimée en 1794? ensuite dans un petit écrit allemand intitulé : Matériaux pour thistoire et la con- noissance des os fossiles^ cahier, Leipzick, 1795. Il y donne une bonne fig-ure de la tête complète d'un ours fossile de la grande espèce , dont la mâchoire inférieure appartient seulement à unr individu un peu plus grand. Ce crâne vient de Gajlenreuili , et se trouve à Erlaiig. M. Rosenmüller le compare soigneusement avec celui d’un ours brun que lui avoit prêté M. Ludwig , et avec la description donnée par M. Pallas du crâne de Y ours blanc ou polahx : et il résulte de sa comparaison que ces trois animaux sont fort différens; mais l’auteur ne parloit point alors des autres os de cet ours, ni de la seconde espèce dioiirs dont on trouve les os pêle- mêle avec ceux de la première. Le célèbre chirurgien anglais, J. Hunter^ dans un Mémoire sur les os fossiles qui n’a que leur analyse chimique pour objet, et qui est inséré dans les Transactions philosophiques pour 1794^ P- 4^7 5 donne, pl. XIX, deux belles ligures des crânes des ours fossiles, les meilleures qui aient paru jusque-là, mais sans description détaillée, et en disant pour toute com¬ paraison que les différentes têtes diours des cavernes diffèrent autant entre elles quelles diffèrent de Vours polaire^ et que toutes ces difiërences ne surpassent point celles que l’âge peut produire dans les animaux carnassiers j assertion vague et même erronée. Il y joint, pl. XX, les figures des deux sortes d’humérus DES CAVERNES. (jiie nous décrirons plus bas 5 mais il se borne à en indiquer les différences d’une manière générale. Enfin, M. Rosenmüller ^ revenant une troisième fois sur cet objet favori de ses études , a publié , l’année dernière 1 8o4, une dissertation en français et en allemand où il ^crit et repré¬ sente parfaitement bien et de graiideur naturelle le même crcàne qu’d avoit déjà donné en 1795 , et un autre moins com¬ plet j un bassin entier, un atlas, un axis, une vertèbre lom¬ baire, un tibia, un cubitus, un radius, un huméius , un fé¬ mur, un calcanéum ,. un astragale, quelques os du carpe, du métacarpe et quelques phalanges : de manière que mon Mé¬ moire actuel seroit presque superflu sans les comparaisons, plus détaillées que je suis à même de faire des deux ours fos¬ siles entre eux, et de Tun et de l’autre avec les ours vivans; car i\I. Rosenmüller ne paroit pas avoir suffisamment distingué les deux espèces fossiles, et il attribue au sexe les différences qu’il paroit n’avoir entrevues qu’entre leurs crânes seulement, si même les deux crânes qu’il a examinés étoient réellement des deu.x espèces que j’ai à décrire. La première trace apparente que je trouve d’une distinc¬ tion établie entre ces deux espèces appartient à Pierre Cam¬ per. C’est ce- que dit d’après lui Merck , troisième lettre , p.. 24 : Outre ces os ( de Y ours inconnu ') , on trouve des restes » de lion ou de tigre , de vrais ours et des animaux de l’es- » pèce du cbien. » Par vrais ours , MM. Camper et Merck vouloient peut-être distinguer la deuxième espèce. Le fils de cet bomme célèbre qui marche dignement sur ses traces , ls\. Adrien Camper a suivi celte distinction dans les dessins des fossiles de son cabinet qu’il a bien voulu m’adresser; il me fait remarquer les grandes différences qui se trouvent OURS =4 entre deux sortes d’humérus de ces cavernes , différences sur lesquelles je reviendrai. Je vois aussi par les lettres de M. Blumenhach^ qu’il a dis¬ tingué deux espèces : il nomme la première , la plus ancienne¬ ment connue , ursus spelœus, et la seconde , ursus arctoicleus , sans doute parce qu’il la trouve avec raison beaucoup plus semblahleà Y ours brun [ursus arctos) que ne l’est la première. Ce sont probablement les différences de ces deux espèces qui ont fait dire à J. Hunier que les crânes des cavernes ne ressemblent pas moins au crâne de l’ours polaire , qu’ils ne se ressemblent entre eux ; idée qui l’aura empêché d’examiner de plus près les caractères spécifiques des uns et des autres. Article III. Exposé des moyens que fai eus à ma disposition. Tel est l’état de la science à l’égard de ces ours fossiles au moment où je publie cette' dissertation. Quoique je sois éloigné des lieux où se trouvent les os de ces animaux , j’ai été assez heureux , par ma position près des riches collections de ce Mu¬ séum et par les soins de mes amis, pour me voir en état d’en traiter d’une manière plus complète encore que tous ceux qui m’ont précédé , et même que ceux qui habitent le plus près des grottes où les os se trouvent. Je me crois obligé de témoigner ici ma vive reconnoissance aux savans qui ont bien voulu me seconder. M. de Jussieu m’a fait connoitre plusieurs morceaux de scharzfels qu’il a dans son cabinet ; M. Autenrieili m’a fourni la notice la plus complète de tout ce qui a été fait sur ce sujet 5 M. Camper m’a adi’essé des dessins faits par lui-même et de D E s C A V E R N E s. u'5 main de niaîli'e , des morceaux de Gajlenreuth qu’offre sa collection ; M. Karsten a eu la bonté de me faire faire par M. TVachsmann ^ axûsle àx\ plus grand talent, de superbes figures coloriées, des morceaux de Sandwich qui sont dans le cabinet de la Société des naturalistes de Berlin 5 M. Benzenherg m’a adressé des morceaux considérables et un dessin de crâne en¬ tier de cette meme grotte de Sandwich ; M. Fischer m’en a pro¬ curé de tous les ossemens de Gajlenreuth et d’autres endroits, qui sont déposés dans le cabinet du laudgrave de Hesse-Darm- stad : la permission que lui en ont accordée MM. Schlejer- macher , secrétaire intime de ce prince , et Borkhausen , con¬ seiller de la chambre , directeurs de ce cabinet , est aussi pour moi le sujet d’une gratitude que je m’empresse d’exprimer. Ces messieurs ont dignement rempli les nobles intentions de leur souverain. célèbre M. Blamènhach â'bien voulu m’en¬ voyer le dessin d’un jeune crâne et de sa rrrâclidire inférieure de la grotte SI Altenstein ; enfin, M. dé Pioissj m’a procuré tout récemment une tête et divers morceaux du tuf de Goj- lenreuth^ dont j’ai tiré beaucoup de petits os. Mais le secours le plus riche dont j’aie joui, c’est la collection très-considé¬ rable et très-bien conservée d’ossemens de Gajlenreuth , don¬ née, il y a plusieurs années , à Bujfon, pour notre Muséum, par le dernier margrave S Anspach. Ce prince , souverain du pays où la plupart de ces grottes sont situées, excité sans doute parla dédicace qaEsper lui fit de son premier ouvrage, eut tous les moyens de faire faire des fouilles très-productives, dont une partie est sans doute déposée à Erlang , et dont l’autre tu-f envoyée à Paris où , comme on sait , il se plaisoit à résider. Buffon en dit un mot dans son Supplément à la Théorie de la terre, Hist. nat. in-12, tome Xni,p. 2o5. 4 a6 OURS Les crânes décrits par limiter avoient été également offerts à la Société royale par ce prince, lorsqu’il se fixa à Londres, après avoir épousé lady Crawen, Celte collection étoit restée depuis près de trente ans dans notre Muséum, et sa description va faire un des plus importans matériaux de mon travail. Article IY. Sur les espèces vivantes d’ow'S , et sur leurs caractères. Cependant les os fossiles eux-mémes n’àuroient pu être suffisamment débrouillés sans un autre secours non moins in¬ dispensable , et C£ue j’ai eu beaucoup plus de peine à obtenir : je veux parler des squelettes des divers ours vivans. On n avait ici que celui d’un ours non d’une variété indé¬ terminée, et cependam: j’apercevois par les seules desci'iptions extérieures des^ naturab'stes , que les autres ours pouvoient avoir des caractères ostéologiques remarquables : aussi j’ai em¬ ployé plusieurs années à examiner tous les ours que j’ai pu me procurer , et, à en faire fabriquer les sc{uelettes. La ména¬ gerie de ce Muséum m’a été à cet égard de la plus grande utilité, et l’on a vu dans cette occasion l’importance scienti¬ fique d’un pareil établissement, lorsqu’il est dirigé par un na¬ turaliste tel que mon savant collègue Geoffroy. On est par¬ venu à y réunir jusc[u’à cinq espèces ou races d’ours , et à les comparer ensemble vivantes et en squelettes. Il ne falloit rien moins que de tels moyens pour éclaircir un peu l’obscurité répandue par les naturalistes sur l’histoire de ce genre , et dont on peut prendre une idée dans le résumé que je vais faû'e de leurs opinions. D F. ; Ç AVE P. N ES. 27 Quoique îes ruiciens aieut.biea connu les ours et qu’ils en aient vu souvent^ (juoiqu’üs- aient expressément distingué i’ours blanc; que Ptoîomée Philadelphe en ait montré un à rÈgtyple ( Athen. lib. Y. p. 201 , edit 1097 ); c^^^dristote dise qu’il Y eu avoit eu Mjsie ( De inirab. auscult. sub (in.) , et Paii- saniasen Phrace (Arcad. p. 483, edit. Hanau i5i3 ;,ils n’ont rien dit sur les différences des ours bruns et noirs. Le fameux évéque de Ilatisbonne, Albert-le- Grand ^ paroîfc être le premier qui ait aperçu ces différences, et qui ait re¬ gardé les ours noirs et Inuns comme deux races particu¬ lières. « Sunt auteni apiid nos nigri ^ fusci et alhi. Alb. » George Agricola semble avoir regardé les couleurs comme accideutelles , et ne distinguer deux races que par la taille. Gessner l’a suivi ( Quadr. p. 94 1 ) , et dit qu’on appelle en allemand la petite race Stein-hœr ( ours de roche ) , et la grande Ilaupt-bœr (ours capital). Selon eux, les petits ours grimpent plus facilement aux arbres. Les Allemands et les Russes distinguent depuis long-temps , selon P allas ^ de grands ours noirs plus cruels, et d’autres plus petits, d’un gris brun et d’un naturel plus doux. ( Spicil. zool. fascic. XiP ^ p. 4- )• paroit que c’est la meme distinction que fait Pontoppidan en ours-cheval ( hestebiorn ) et en pe¬ tit ours des fourmis. D’autres naturalistes ont distingué trois races; mais chacun d’eux semble l’avoir fait à sa manière. Gadd établit un grand ours noir plus rare ; un ours a col¬ lier.^ brunâtre, à collier blanc, et un ours des fourmis brun, e: le plus petit de tous. fd oirakis^àpi. que, selon les Norv/égiens, c’est Y ours brun ^ a8 OURS qu’il nomme Græssdjur [ours d’herbe) qui est le plus grand et le moins dangereux , ne vivant que de végétaux; noir[Ild- ^lersdjur) est plus petit et carnassier, attaquant les chevaux; enfin ro;/r,y des fourmis [Èljrehioni ) est le plus ]>etit de tous, et cependant encore assez dangereux. Ces trois races se mêlent et produisent des individus de couleurs et de grandeurs inter¬ médiaires. ( JVorm. mus. 3i8. } Rzaeziaski qI Klein., d’après lui, nomment ours des four- mis la grande variété noirâtre dont ils distinguent une variété fauve plus petite, et une autre argentée ou à poils blanchâtres. C’est aussi la distinction adoptée par M. Blumenbach qui du reste paroît attribuer à l’âge les différences d’^appétit ; Trad. fr. tom. ï, p. 1 15. Buffon nai. in-4.°, VIII, réduit tous les ours à une espèce brune et une espèce noire ; mais comme Buprats et Kahontan établissoient une distinction semblable entre les ours d’ Amérique , Buffon suppose qu’ils sont les mêmes que ceux éi Europe , et attribue à la race nome de ces derniers tout ce que les voyageurs ont observé sur celle d’Amérique, et particulièrement sa douceur et son naturel frugivore. Du reste , il ne leur donne d’autre caractère que la couleur du poil. Daubenton y ajoute conjecturalement le nombre des dents, parce que le squelette de celui qu’il avoit disséqué, qui étoit de la race brune , en avoit quatre de moins que celui de Perrault qu’il supposoit de la race noire; mais ce n’est qu’une différence d’âge. Buffon regarde aussi Yours blanc maritime comme spécifiquement différent des deux autres , quoiqu’il n’ait pas eu d’occasion de l’examiner par lui-même. Linnœus confondit tous les ours, même le blanc maritime., en une seule espèce. Ce ne fut qu’à sa dixième édition qu’il DES CAVERNES. 29 commença à soupçonner que ceîni-ci pourroit bien être distinct. Pallas fut le premier qui constata les caractères distinctifs de ro7/r.y hlanc maritime ( Spic. zool. fasc. XÏV ) , et qui iii- diqna ceux de l’ours noir d Amérique ( ib. p. 5 ) , caractères que j’ai confirmés depuis dans la Description de la ménagerie du Muséwn ÿ mais, à l’égard des ours ordinaires d’Europe, il paroit disposé à attribuer leurs différences à l’âge, conformé¬ ment au sentiment de Riedinger (E. c. p. 4 et 5). Gmelin ne fait de \ours noir et de hran que deux xariétés dont la seconde seroit à la fois la plus grande et la plus carnassièrej il distingue, comme Pallas^ spécifiquement l’oz/r^ hlanc maritime et Y ours noir d Amérique. Il y a donc parmi les modernes presque autant d’opinions qu’il y a d’auteurs , et il est remarquable qu’aucun de ceux-ci ne donne les raisons sur lesquelles il fonde la sienne. Sans en vouloir proposer une nouvelle, je dirai quêtons les ours terrestres d’Europe que j’ai pu observer , me paroisscnt pouvoir se réduire à deux espèces différentes par les formes et surtout par le squelette de la tête, et que l’une d’elles au moins se divise en plusieurs variétés, par rapport à la nature et aux teintes du poil. Dans l’une de ces espèces , le dessus du crâne est bombé de toute part. Le front fait partie de la même courbe qui règne depuis le museau jusqu’à l’occiput. Il est bombé de droite à gaucbe comme dans sa longueur, et il n’y a point de distinction bien nette entre le front , la partie moyenne des pariétaux et les fosses temporales. La crête sagittale ne commence à se marquer que fort près de l’occipitale. Dans l’autre espèce, la partie frontale est aplatie et même O U n s O concave , surloul eu travers ; les deux arêtes qui la séparent des losses temporales sont bien marquées , et forment en ar¬ rière un angle aigu qui se prolonge en une crête sagittale îrcs- élevée, laquelle ne Unit qu’à sa l encoutre avec la crête occipitale. On peut se faire une idée de cette différence très-sensible , eu comparant pour les courliures du probl les bg. i , 3 et 4 , pl. IV, qui sont de la première espèce, avec les lig. î et 2 de îapl. II, qui sont de la seconde, et pour la face supérieure, la {jg. 2 , pl. IV, avec les bg. 2 et 3 , pi. I. A la première espèce appartient Tours brun ordinaire des Alpes , de Suisse et de Savoie , celui qu’on élevoit dans les fossés de la ville de Berne. Plusieurs des individus qu’on y prit en Tan VI , ayant été amenés à Paris , ont été examinés par nous avec soin, vivaus et morts. Leur poil etoit brunâtre et un peu laineux. Les pointes eu tiroient sur le fauve ou le jaunâtre, surtout à la partie antérieure du corps et à la tête. On voit une excellente bgure de Tun d’eux , faite sur le vivant, par Maréchal, dans la Descri})tion de notre ménagerie. De la même espèce étoit encore un ours brun des Pyrénées, qui avoit beaucoup plus de fauve et de jaunâtre dans le pe¬ lage, et dent toute la tête notamment étoit d’un fauve dore et les oreilles blanchâtres. J’imagine que c’est à cette variété qu’appartiennent les ours dorés dont parlent quelques na¬ turalistes; Jerapjiorte encore à celte espèce une race qui s’écarte déjà un peu plus des deux précédentes. J’en ai vii deux individus amenés de Pologne, et j’en ai disséqué un des deux ; l’autre est encore vivant à la ménagerie. Le premier se rapproeberoit , encore assez des ours des Alpes 5 mais l’autre a son poil pins égal , plus serré, beaucoup moins laineux , et plutôt soyeux ou D E s C A V E R N E s. 5i velouté. Sa couleur est brune , sans mélange de jaune ; la tête est d’un gris brun cendré, avec une teinte de roux entre les oreilles. Lorsqu’on le regarde d’im certain coté, il paroit plu¬ tôt avoir nu redet blancbâtre. Il est probable que c’est à celte race particulière qif’appar- tiennent les oin's argentés des naturalistes polonais. Peut-être aussi que la variété entièrement blanche de l’uj/rj terrestre dont parle comme d’un animal très-différent de Fours' inaritiine ( Spicil. XIV^ p. 7), et que Buffon paroit avoir re¬ présentée , tome \III , pl. 32 , n’est que le dernier point d’al¬ binisme auquel cette race peut atteindre. Elle paroit arriver à une plus grande taille 5 son crâne est plus bombé dans la ré¬ gion frontale que celui des autres individus que je rapporte à la meme espèce : ce qui, joint au lisse et au soyeux de sou poil, donne nu autre aspect à sa tète. Je me suis assuré que les ours à collier ne sont que des ours de celte première espèce dans leur jeune âge. Le petit ours qui vient de naître est Irès-liicn formé et fort éloigné de ressem¬ bler à une masse grossière, comme Font cru les anciens. Sou poil est lisse et d’un gris brun cendré avec un beau coiiier blanc. Il coÈserve des traces de ce collier, qui jaunit cependant par degrés jusqu’à deux ou trois ans, et quelquefois plus lard. J’ai eu à disséquer un troisième ours de Pologne, le plus grand des ours que j’aie vus jusqu’ici. Il étoit plus élancé, plus élevé sur jambes que les autres, et son squelette montre en¬ core ces proportions particulières 5 son crâne proprement dit a les memes caractères que ceux des ours bruns, mais il est plus allongé dans l’espace qui s’étend depuis l’occiput jus¬ qu’au front. Le devant du front est plus plat et la racine du nez plus enfoncée, plus concave- ?.2 OURS Son poil est Lrmi foncé, avec de très-légers reflets de fauve à la tête et aux oreilles, et du noirâtre aux jambes. Ï1 faudroit avoir vu plusieurs individus pour savoir si ces différences constituent une race séparée; mais je suis sûr du moins quelles ne viennent pas du sexe : car cet individu étoit mâle , et j’ai eu des mâles de toutes les autres races. Je n’ai vu de la deuxième espèce ô^ours d’ Europe qu’un seul individu vivant, que j’ai disséqué ensuite. Il étoit d’assez grande taille et d’un poil brun - noirâtre , assez grossier, demi- laineux et long, surtout au ventre et aux cuisses. IjO dessus du nez est fauve-clair , et le reste du tour du museau d’un fauve- brun-roux. Je crois que c’est cet ours que les naturalistes ont désigné sous le nom d’ours noir d’ Europe , et qu’il faut bien se garder de conlondre avec Fours noir d’ Amérique , à poil noir , lisse et luisant. La forme particulière et aplatie de son crâne se fait assez remarquer au travers du poil qui le garnit , pour frapper par sa différence de celui de l’ours hrim ordinaire. Le squelette d’ours trouvé par Daubenton au cabinet et qu’on y conserve encore , étoit de cette espèce ; il paroît qu’il venoit des anciens travaux anatomiques de l’académie des sciences. ( Voyez sou crâne pl. ï,flg. 2 , et pl. K ,flg. i. ) tJn crâne séparé que j’ai aussi trouvé dans ce Muséum , sans indi¬ cation de son origine, paroît en être également, quoiqu’il offre quelques différences dans les proportions , dont les principales tiennent à moins de hauteur verticale, à plus d’allongement, eu égard à la largeur , et à plus de minceur du museau. Je crois cependant qu’il doit être dans l’espèce de l’ours noir d’Europe une race particulière, à peu près comme le qua¬ trième ours de Pologne dont j’ai parlé ci-dessus en est une dans l’espèce de l’ours brun. D E s C A V E R N E s, 33 Je ne peux dire d’où étoit l’individu que j’ai vu vivant : ainsi je ne puis indiquer si cette espèce habite de préférence dans certains pays , ou si on la trouve péle-méle dans les mêmes lieux que l’autre. Je ne puis dire non plus, par conséquent, si elle varie pour la couleur et les autres accidens du pélage. Mais je puis assurer que les dilférences qu’elle offre ne viennent ni de l’âge ui du sexe 5 car j’ai, dans la première es¬ pèce, des crânes de sexe différent et tout aussi adultes que ceux de la seconde. A en juger par la forme du crâne, par la grandeur des fosses temporales et par les attaches que les crêtes doivent four¬ nir aux muscles crotaphites, on ne peut guère douter que ce ne soit l’espèce noire qui semble mieux organisée pour être car¬ nassière , et je suis presque persuadé que si le contraire passe aujourd’hui pour véritable, c’est parce qu’on a confondu cet ours noir d’Europe avec celui ^ Amérique^ qui paroît en effet constamment/ra^iVore ou piscivore dans son pays natal ; mais dans le fait tous les ours sont omnivores , et dans les ména¬ geries on les nourrit tous, même le blanc maritime que l’on a dit si cruel , avec du pain seulement , sans qu’ils en pâtissent le moins du monde. Nous en avons tous les jours la preuve sous les yeux dans cette ménagerie, où l’on ne fait point suivre d’autre régime à ces animaux depuis plus de dix ans. Les dents màchelières des ours , plates et tuberculeuses comme celles de l'homme et des singes, et jamais tranchantes comme celles des lions et des loups, montrent d’avance qu’ils sont destinés à prendre toutes les sortes d’alimens. L’ours 77o/r d’ Ame'r'ique forme, selon moi, une troisième espèce plus voisine de ïours noir d’Europe que de Yoitrs 34 OURS briin^ ün peut cependant aussi le distinguer du premier par des caractères assez sûrs. Sa tête osseuse est plus courte à proportion de sa grosseur-j et ses arcades zigomaticpies moins convexes, moins écartées du crâne , laissent par conséquent moins de volume au muscle crotaphite ; ce qui explique jusqu’à un certain point le naturel plus doux de cette espèce, attesté par tous les voyageurs. Voyez pî. IV, fig. 6. D’un autre cClé^ son front est bombé comme dans l’orfn? brun, et non plat on concave comme dans le noir; et cependant Ses crêtes temporales sont bien marquées, et se rapprochent de bonne heure pour former une crête sagittale qui occupe Sur le crâne autant d’espace que dans les ours tioirs d’Europe. Il faut remarquer ici que dans les uns et les autres, ainsi que dans tous les carnassiers , la crête sagittale augmente de longueur avec l’âge , parce que les crotaphltes grossissent et produisent des impressions plus marquées \ mais cette obser*- Vation n’altère en rien la justesse de la distinction que nous établissons entre l’ours brun et l’ours noir, parce que le pre- mier n’a de longue crête sagittale à aucun âge. Un dernier caractère de Y ours noir d’ Amérùpie est d’avoir plus de petites molaires que les autî'es. Je reviendrai sur cc point dans l’article suivant. Le poil de cet ours est généralement d’un beau noir , bien lisse , bien luisant. Dans sa première jeunesse , il est plus brun, couleur de chocolat; et à un certain âge il se couvre d’un duvet gris , avant de prendre son beau noir. Sur quatre individus adultes que j’ai observés, deux , qui éloient mâle et femelle, de même âge, se ressembloient en¬ tièrement ; leur museau étoit brun foncé dessus , et gris-làuve 35: DES CAVERNES, aux côtés; une petite tache fauve marquoit le devant del’œil. Tout le reste étoit d’un beau noir luisant. Un troisième;, mort de maladie, avoit le poil un peu plus brun et moins lisse, et la tache de l’œil moins marquée. Un quatrième, qui vit en¬ core est du plus beau noir, sans tache à l’œil ; son museau est brun en dessus , et les bords de ses deux lèvres sont blanchâtres; deux lignes blanchâtres occupent la région du sternum enSre, les jambes de devant, et re})réseutent une H. Je le regarde comme une variété individuelle. Un cinquième, qui forme une variété encore plus marquée, a vécu à Chantilly. Sou noir est fort beau : tout le tour de son museau est fauve-clair; une tache blanche occupe le sommet de la tète ; une ligne blanche, commençant sur la racine du nez, va de chaque coté à l’angle de la bouche , et se continue sur la joue jusqu’à un grand espace blanc mêlé d'un peu de fauve, qui occupe toi>te la gorge , et dont une ligne étroite descend sur la poitrine. C’est Xqilt& gidaire de M. Geoffroy. [Calai, des Quadr. du Mus. d’hist. naturelle. ) Je regarde encore comme une variété individuelle de cette espèce, Tours yaune «e Caroline, qui étoit à la ménagerie de la tour de Londres en 1788, et dont on voit la ligure dans l’ouvrage intitulé drawn from nature, hy Charles Cation. Le fauve du museau et de la gorge des précédens se sera étendu sur tout le corps. Il paroit cependant que rAmérique produit aussi des ours différens de son ours noir ordinaire. Heame compte, outre l’ours polaire, ou blanc mariiime, et l’onrv noir ordinaire, un ours gris dont il n’a vu que la peau, mais qui devoit être énorme. (Voyage Je Heame, Irad. fr. in-8.”. Il, p. rqf).} Le savant naturaliste M. Masc m’assure qu’il y en a au OURS 3Q moins de trois espèces dans les Etats-Unis , dont un plus grand que le noir ordinaire; il n’a cependant par lui- mème que celui-ci. Je pense Lien aussi qu’il doit y avoir dans rancien conti¬ nent des ours bruns ou noirs que les naturalistes ne connois- sent pas encore assez. ]^î. Pérou m’a remis une note de M. Cha~ potin ^ médecin du capitaine général de l’Ile-de-France, et zélé naturaliste, portant qu’il y a dans les montagnes des Gates ^ dans Y Indostan ^ des ours qui se distinguent par une tache en forme d’œil, placée au milieu de la poitrine. JJ ours blanc polaire ou maritime ( JJ. maritimus j diffère plus de tous les autres , que ceux-ci ne diffèrent entre eux. Sa tête osseuse , pl. I et II , fig. 4 , est , pour ainsi dire , tout d’une venue. Le crâne, bien loin de s’élever au-dessus de îa- l'ace, semble au contraire s’abaisser. L’intervalle des orbites ne se distingue point de la ligne générale du dessus du crâne. Les apophyses post-orbitaires du frontal sont courtes et ob¬ tuses ; les crêtes temporales sont presque nulles, et l’on voit cependant cpie les muscles crotaphites se rapproclioient plus en avant que dans tous les autres; mais ils n’ont point laissé d’impressions profondes. Les arcades zygomatiques sont moins écartées en dehoi’S que dans tous les autres , même que dans Y ours d’ Amérique ^ elles sont aussi plus étroites le bord infé¬ rieur de la mâchoire est plus rectiligne. En un mot, cette tête est plus cylindrique, plus approchante de la forme de celle de la marte ou du putois, que de celle des ours ordinaires. La tête représentée par P allas , Spicil. zool.., XIV .^p. quoique assez médiocrement dessinée, porte, comme celle de notre Muséum , tous les caractères que je viens d’indiquer. . Les os longs de Y ours polaire se distinguent aussi de ceux DES CAVERNES. des espèces précédentes par plus de largeur et d’aplatissement dans leurs parties inférieures et articulaires. R T 1 c I, E V. Description des dents des ours en général^ et détermination du genre des aniinaiiæ les plus nombreux dans les cavernes. Les ours, si différons par les formes générales de leurs crânes, ont cependant tous des dents pareilles pour la forme et pour le nombre 5 mais comme ds sont sujets à les user plus ou moins et même à en perdre quelques-unes avec l’âge , ainsi que tous les animaux qui vivent en tout ou en partie de matières végé¬ tales, c’est sur les jeunes sujets qu’il faut les examitter pour en prendre une idée juste. Il y a six incisives à chaque mâchoire ; les deux externes d’en haut fortes , pointues , un peu obliques ,1a pointe dirigée en dehors, avec un bourrelet en arrière, descendant oblique¬ ment en avant, de dehors en dedans, et se terminant de manière à laisser une légère échancrure à leur hase interne. Les quatre intermédiaires sont un peu pointues par leur tranchant anté¬ rieur, et ont en arrière un talon échancré en deux lobes. Les deux externes den bas sont larges, assez pointues, avec un lobe latéral profondément séparé à leur base externe. Les deux suivantes ont leur hase portée plus en arrière, plus vers le dedans de la bouche que toutes les autres j elles” sont en coins et marquées sur leur pente postérieure de deux sillons qui se terminent par deux petites échancrures dont l’externe est plus profonde. Le bord externe est aussi plus reculé. L’échancrure interne manque quelquefois entièrement. Les mitoyennes sont les plus petites et n’ont qu’une seule échancrure un peu plus en dehors que le milieu. Il y a en haut trois grosses molaires, et en bas quatre, en 38 OURS avant «îesqueîles il y en a dans Tune et Tantre mâclioîre un noml)re variable de petites. En haut, c’est celle de derrière qui est la plus grande; elle est oblongue, un peu plus étroite en arrière: sa couronne est ridée irrégulièrement. Elle porte eu avant, au bord externe, deux fortes éminences et une médiocre; et à l’interne trois ou quatre médiocres, quelquefois réduites à de simples crénelures. L’ex¬ trémité ])OSténeure n’est que crénelée. Il y a quatre racines : une en avant, conique, une de chaque côté un peu comprimée, et une en arrière très-comprimée, s’avançant jusqu’entre les deux précédentes. La pénultième est rectangulaire et a deux grosses éminences coniques en dehors , et trois moins marquées en dedans , avec une petite au côté externe en arrière; et trois racines, deux ex¬ ternes et une interne plus forte. JJ antérieure ou antépénultième est triangulaire , a trois émi¬ nences coniques, deux externes et une interne, un peu en ar¬ rière; deux l’acines, une antérieure et une postérieure. Eu avant de celle-là est une petite dent simple, et après un certain intei'valle, et presque sous la base de la canine une autre encore plus petite. En has^ ce n’est que la pénultième qui est la plus grande; elle est rectangulaire et irrégulièrement bosselée; on y compte quatre ou cinq éminences vers le bord interne et quatre à l’externe, dont deux plus marquées. Il y a une élévation trans¬ versale de la plus grande éminence externe à l’inteime, versl© quart antérieur; deux racines, une en avant, conique , une en arrière, plus forte, un peu comprimée. La dernière molaire est en ovale arrondi : sa couronne est irrégulièrement ridée, sans tubercules qu’on puisse compter, Elie n’a qu’une seule racine qui semlde se continuer avec la DES CAVERNES. Sg coiiroTiTie, plus comprimée toutefois, et où uu ou deux sillons établissent un commencement de division. U antépénultième est plus étroite que la pénultième, et a des éminences plus marquées : une en avant, puis une externe répondant à deux internes, puis trois en arrière formant trian¬ gle , et quelquefois quatre. Elle n’a que deux racines , une eu avant et une en arrière. JJ antérieure est courte, un peu comprimée, et présente une forte éminence conique au milieu, une basse en avant, et deux petites au coté interne en arrière; elle n’a aussi que deux racines. Une très-petite dent et quelquefois deux se trouvent comme en haut sur la base de la canine. Les petites dents antérieures aux grosses sont sujettes à tomber dans les très-vieux ours , de manière qu’ils n’ont que trois molaires en haut et quatre en bas de chaque coté, tandis que les jeunes en ont cinq partout et quelquefois sLx. J’ai meme observé dans le cabinet un individu déjà grand de l’ours noir d’Amérique, qui avoit trois de ces petites dents à chaque m⬠choire ; il avoit donc six molaires de chaque côté en haut et sept en bas, vingt -six en tout; taudis que les vieux ours n’en ont en tout que quatorze. L’espèce de l’ours (ï Américpie doit être sujette à conserver ainsi plus de ces petites dents ; car j’en trouve aussi trois de chaque côté à notre squelette , mais à la mâchoire supérieure seulement. Les descriptions que je viens de donner de chaque dent en particulier s’appliquent à tous les ours, dont les différences individuelles se réduisent à plus ou moins de délrition. Elles s’appliquent également aux crânes et aux Iragmens de crânes fossiles, et à cette quantité innombrable de dents détachées qui se trouvent dans ces cavernes. H n’en est aucune dont on ne puisse maintenant déterminer OURS 4o ia place , comme si on l’avoit vue attachée au crâne. Pour fa¬ ciliter cette opération , j’ai fait représenter séparément toutes ces dents, ]jI. Vil, à moitié grandeur: l’incisive supérieure, fig. 24 5 l’inlérieure externe, hg. 2y 5 la deuxième inférieure, 11g. 25; une des supérieures intermédiaires, fig. 26; la première grande molaire supérieure ou antépénultième, lig. 32; la se¬ conde ou pénultième, lig 33; la dernière, lig. 34 5 la première grande molaire inférieure, lig. 29; la seconde ou antépénid- tième,lig. 3i ; la troisième ou pénultième, lig. 3o; et la dernière, lig. 28. Il faut remarquer seulement que les dents des ca¬ vernes sont considérablement plus grandes ,et en général moins usées , et quelles ont mieux conservé leur émail et toutes leurs éminences que celles des ours vivaus : ce qui prouve que les es¬ pèces dont elles viennent étoient plus exclusivement carnassières. Il n’y a parmi les crânes fossiles que les plus grands et les plus vieux qui aient aussi leurs mâchelières usées. Une différence plus marquée des crânes fossiles et de ceux des ours vivaus e.st relative à la petite molaire placée hnmé- diatement derrière la canine , tant en haut qu’en bas. Elle ne manque prescpie jamais aux derniers, quel que soit leur âge; et jusqu’à présent on ne l’a presque jamais trouvée aux premiers, ni jeunes ni vieux, J’ai examiné quatre crânes de la première espèce fossile, dont deux assez jeunes et un de la deuxième, et des portions de dix mâchoires inférieures, sans l’y trouver. Les crânes publiés par Hajn , Hunter j les morceaux re¬ présentés par Esper ; ceux dont MM. Eispher et Penzenherg îii’ont envoyé des dessins, étpient dans le meme cas, et il paroît par la remarque de P. Camper, citée plus haut par Merck , que ce grand anatomiste n’y aypit point trouvé non plus cette petite dent. DES CAVERNES. 4t Cependant elle né manque pas toujours , et on en voit ma- nifestemeut encore la racine sur une demi-mâclioire infé¬ rieure de notre collection. Une autre demi-mâchoire en montre aussi clairement l’alvéole. Je n’en al jamais trouvé à la supérieure ; mais M. Rosen- müller me met à cet égard dans quelque embarras : il en décrit une à la mâchoire supérieure , dans sa première disser¬ tation allemande , p. 48 , quoiqu’il n’en attribue point à l’in¬ férieure; et il n’en fait plus aucune mention dans son grand ouvrage in-fol. , p. 9 , où il j^arle cependant du meme crâne : car la ligure est absolument la meme. Peut-être est- ce cette petite dent qui avoit fait dire à P. Camper qu’il y a dans ces cavernes de vérilahles ours. Une autre différence est relative à la deuxième petite mo¬ laire supérieui’e, immédiatement placée en avant de l’anté¬ pénultième. Je ne l’ai jamais trouvée , non plus que son alvéole, dans aucun des crânes et des fragmens de crânes que j’ai examinés, et je ne vois pas qu’aucun auteur l’y ait trouvée non plus. Son absence formeroit donc pour les ours fossiles un caractère encore plus constant que celle de la petite dent placée der¬ rière la canine, puisqu’on trouve quelquefois celle-ci , au moins à la mâchoire inférieure , et jamais l’autre. Article VI. Comparaison des ossemens d'ours fossiles avec ceux des ours vivans. A. Comparaison des têtes et détermination des espèces fossiles. Ue genre des crânes les plus communs dans ces cavernes étant bien déterminé par leurs dents pour être celui de Y ours , G OURS 4» je n’ai pour ainsi dire pas besoin d’ajouter qu’ils portent aussi les caractères de ce genre dans toute leur conformation, et qu’à plus forte raison ils ont tous ceux de la grande famille des animaux carnassiers , comme un coud} le transversal et en portion de cylindre, une apophyse coronoide large et élevée,, une arcade zygomatique très-convexe en dehors et remontant eu haut, un orbite incomplet eu arrière et s’y confondant avec la fosse temporale, etc. Tous ces points sont toujours en liaison nécessaire avec la structure des dents. Il ne s’agit donc plus que de savoir si ces crânes appartiennent à l une ou à l’autre des espèces d’ours connus , ou bien s’ils diffèrent de toutes, comme les différences des petites molaires, antérieures semblent l’indiquer d’avance. J’ai déjà dit qu’ils sont eux-mêmes au moins de deux es¬ pèces : commençons par les plus nombreux, qui sont en même temps les mieux caractérisés. i.” Crânes à front homhé.. La figure de Paterson-Hajn, celles de Hunier et de Rosen~ mii/Zer représentent trois têtes à peu près entières de cette es¬ pèce. J'en donne une quatrième bien adulte , pl. I, fig.. i , et pL. II, fig. 3 5 et une cinquième un peu plus jeune, pl. III, lig. i et 2. Nous eu possédons encore une sixième et une septième un peu moins complètes. J’ai de plus dans mes porte-feuilles le dessin d’une huitième, du cabinet de Darmstadt Fis¬ cher; et celui d’une neuvième d’/.ycr/^>/^?^ , par ^1. Benzenberg i enfin, M. Karsten m’en a envoyé un de crâne. Ces neuf ou dix morceaux portent tous les mêmes carac¬ tères, et l’on peut sans crainte établir les formes d’un ani¬ mal sur des documens aussi nombreux. D E s C A V E ïl N E ?. 43 Or , quiconque comparera Tuue de ces neuf tetes avec toutes celles de nos ours connus dont j’ai donné les dessins, recon- noitra sans peine qu elles diffèrent plus de toutes ces dernières que celles-ci ne diffèrent entre elles, et en particulier que l’ours polaire, dont quelques personnes ont prétendu quelles étoieut l’analogue, est précisément l’espèce dont elles s’éloi¬ gnent le plus. En effet ces tètes fossiles ont pour principal caractère la forte élévation du front au-dessus de la racine du nez, et les deux bosses convexes de ce meme front , tandis que l’ours polaire est justement celui où le front est le plus plat. Elles ont encore pour caractèi'e la grande saillie et le prompt rapprocbement des crêtes temporales, ainsi que la grande lon¬ gueur de l’aréte sagittale, preuves d’une grande force dans les crotapbites; et l’ours polaire est encore celui où ces parties sont le moins prononcées. Les our.y /zo/rx d Europe eid Amérique approchent davantage du fossile à cet égard que les autres, mais ils s’eu éloignent aussi plus que les autres par leur front aplati. La table comparative que j’ajoute ici des principales di¬ mensions tant des tètes fossiles que des ours vivans, jointe aux ligures, fera connoître d’un coup-d’œil les différences de gran¬ deur et de proportion de toutes ces espèces. On y verra que ce premier ours fossile, à front bombé, surpasse de près d’un cinquième en grandeur les plus grands ours vivans connus 5 et comme l’ours polaire n’est pas à beau¬ coup près le plus grand de ceux-ci. Camper avoit déjà remar¬ qué que l’ours fossile le surpassoit d’un tiers. (Voyez Pujsemn. Diss. allem. p. 5g. j OURS îea cavernes adulte. Deuxième OURS des cavernes encroûté. OURS des caverne* jeone. Deuxième OURS des cavernes jeune. OURS cretoide. Longueur du crâne depuis la crête occipi¬ tale jusqu’aux incisives . . 1 0,457 cM 0,39 04 1 Largeur du crâne entre les apophyses post- orbilaires du frontal . ». • . . 0,121 0,119 0,1 o3 0,120 Distance depuis la crête occipitale jusqu’à la ligne qui va d’une de ces apophyses à l’autve . 0,258 0,24 o,ai3 0,22 T Distance de celte ligne aux incisives . , . 0,245 0,2 r8 0,207 0,202 ' 0,255 Distance de cette ligne à la re’union des crêtes temporales . . 0,09 0,1 0,1 47 0,106 o,ii3 Plus grande largeur des arcades zygoma¬ tiques . . . 0,275 0,221 Distance des deux apophyses postorbi¬ taires de Tos de la pommette . . . 0,175 o,i44 Hauteur verticale de l’épine occipitale . . 0,11 0 '0 00 Ut 0,1 • - ■ ■ ■ du point de réunion, des crêtes tem- porales . . . 0,1 65 0,12^ 0,147 . . . de l’endroit le plus bombé du crâne . 0,1 65 0,1 56 0,1-52 ■— du milieu de la ligne qui va d’une apopiiyse postorbitaire du frontal à 1 autre ............. 0,1 5 , 0,126 0,125 ■ ' — De l’endroit le plus enfoncé' à la ra- ciuedunez . . ,0,12 0,112 0,1 12 — — — — du bord supérieur des narines . . . 0,084 0,067 Trè5-5?»aJ OG&s Sara 4« Pologne OC?J B&(TS de Pologne OCRS Bsm det Âlpes ocss Bara des Pyrén<5e» à tête janae. Premier ooas tioix è'Eorope OCRS aols d'Ecrope. otrits aotR d’Europe de Patt^enf&n. OCRS aoin d’Amérique Très-)cuoe our.s Koip, d’Amérique. OURS POLAl R K. 0^75 0,557 0,5 0,298 o>5ü5 0,558 0,5 o,f8g 0,55'1 0,1 13 0,1 0,091 o,o85 £>,125 0,1 18 0,1 ï 0,101 o,o5i 0,095 0,21 8 o,î^5 0,166 o,t6i Or>97 0,1 88 0,2o5 0,18 0,112 0,187 0,173 o,>9 0,1 55 0,1 56 0,1 88 0,176 0,17 0,146 0,106 0,159 o,i5 0,1 5 0,128 0,089 0,098 Gjl2 0,096 0,1 0,075 0,075 6,195 o>i97 0,184 0,162 0,221 0,302 0,216 o,i6 - 0,1 1 2 0,169 0,1 4 0,126 0,128 0,1 l 0,148 0,157 0,141 0,12 o,p8i 0,125 •,07 o,o65 0,07 0,OJ 0,09 o,oS 0,08 0,07 o,o5 0,09 0,1 1 0,1 o5 0,08 1 o,oq6 0,1 04 0,109 0,12 0,099 0,078 0,106 0,120 0,129 0,102 0,10a 0,106 0,119 0,125 0»101 0,084 0,106 0,1 o5 0,119 0,09 0,091 0,09 0, 1 o5 0,1 a, 08g 0,071 0,098 0,087 o,o85 0,079 0,06 0,98 0,064 0,068 0,009 o,o55 o,o65 0,07 0,06 o,o65 0,04 1 0,077 46 OURS 2," Crânes à front plat. Les crânes dont je viens de faire la comparaison sont les seuls qui aient été jusqu’ici représentés et décrits d’une manière claire J les autres n’ont été indiqués que très-incomplélement. Camper les appelle de vrais ours , sans dire de quelle espèce. Esper est plus pi’écis à certains égards; il y a, selon lui , des têtes de deux pieds de long et d’autres d’un pied seulement ; celles-ci sont pins arrondies , ressemblent davantage à des têtes de doguin, et leurs dents , quoique de même former sont plus grosses que celles des grosses têtes. Il ajoiite la conjecturé que ces petites têtes pourr oient venir des femelle L (Soc. des Katur. de Berl. IX, p. 188.] Celte différence de grandeur est fort exagérée, et ne se rap¬ porte à rien de ce que j’ai vu en nature ou en dessin. Les plus grands crânes ont 1 6 pouces et quelques lignes; il y en a tout au plus de 1 8 pouces, et les plus petits, à front bombé , en ont 1 4- M. IXosenmüller adopte une conjecture semblable , mais sans admettre la meme différence de grandeur. « Comme quel- » ques-uns de ces crânes, dit-il , sont plus petits et plus arrondis, » et que d’autres au contraire sont plus allongés et d’un plus » grand volume , je suis porté à croire que ceux-là sont des » crânes de feinelles et ceux-ci de mâles. Si celte conjecture est « fondée en raison , la première de nos planches représente le n crâne d’une femelle , tandis que la vignette , ainsi que la se- » conde et la troisième planche nous offrent celle d’un mâle. » Or ces deux crânes ne diffèrent que d’un pouce pour la longueur. Il ne resteroit donc d’important que le plus ou le moins de D E s C A V E R N E s. 47 convexité du front; je n’oserois même dire si dans les écLan- tilîons de M. Rosenmüller celte diilérence est assez forte pour mériter attention. Mais j’ai une portion considérable de crâne qui Lien certai¬ nement ne peut être confondue avec ceux qu’on trouve le plus communément. Je l’ai fait dessiner, pl. III, lig. 3 , de prolil , et fig. 4 5 dessus; en comparant ces dessins avec les üg. pl. Il, et lig. I, pl. I , qui représentent le plus grand de mes crânes à front Lomljé , on pourra prendre une idée de leur différence. L’espèce de crânes la plus commune , celle qui a les deux fortes bosses frontales, a aussi les crêtes temporales plus promp¬ tement rapprochées , par conséquent l’angle qu’elles font en arrière plus obtus; et cette différence qui, dans les individus d’une même espèce , est un effet de l’âge ,ne lui est point due ici : car les jeunes crânes à front bombé que j’ai, enti’’autres , celui des lig. i et 2 de la pl. III, sont plus petits et ont les su¬ tures beaucoup plus marquées que ce crâne à front plat des fig. 3 et I. Ce dernier est même plus vieux , et s’il eût été en¬ tier, il auroit été plus grand cjue le plus grand de mes crânes à front bombé. Or on sait que les sinus frontaux de¬ viennent plus convexes avec l’âge, bien loin de s’aplatir. Le crâne à front plat a aussi l’intervalle entre la première molaire et la canine plus long à proportion, et celte dernière dent sensiblement plus petite; ce qui explique une partie du passage à’Esper cité plus haut. Ce sont les crânes à front plat qu’il aura décrits comme plus grands, plus allongés, et ceux à front bombé qu’il aura comparés à des têtes de doguin. Il est malheureux que l’on n’ait point assez recueilli de ces crânes à front plat, et qu’on n’en ait représenté encore 4s O U n s aucun d’entier. La comparaison d’un grand nombre de mor¬ ceaux pourroit seule nous faire connoître les limites de leurs variations, et nous apprendre s’ils se rapproclient quelquefois des crânes à front bombé , ou s’ils en restent écartés par des différences constantes. En attendant, je ne vois pas que rien nous autorise à croire que ces différences viennent du sexe; je n’ai du moins rien vu de semblable pour les espèces d’ours vivans. Les crânes det femelles n’ont ni les dents plus grosses , ni le front plus bombé que ceux des mâles, et réciproquement. Ce qui m’encourage encore à faire deux espèces, c’est que l’on trouve aussi deux sortes d’/i?m?em^ , àe fémurs ^ etc., comme on le verra dans les paragraphes suivans. Le crâne fossile à front plat, comparé à ceux des ours vi¬ vans, ne peut pas être rapporté à l’un d’eux, plus que le crâne à front lîombé. Il les surpasse aussi tous en grandeur; il manque de la petite dent qu’ils ont tous derrière la canine aux deux mâchoires, et de celle qui est en avant de l’antépénultième mo¬ laire supérieure. C’est de Y ours noir d! Amérique qu’il se rap¬ proche le plus par la forme de son front ; mais outre qu’il est d’un tiers plus grand , et qu’il n’a aucune des trois petites dents que cet ours conserve souvent , le crâne fossile a le museau plus allongé à proportion, et moins d’élévation verticale. 3.° Mâchoires inférieures. Les crânes des cavernes ne se trouvent pas réunis à leurs mâchoires inférieures, et c’est toujours un peu au hasard qu’on les rapproche: ainsi celle de M. Rosenmüller, pî. I, est un peu trop grande; la nôtre, pl. n,üg. 3^ ne s’arrange pas non plus parfaitement. Il faut donc les examiner à part. V DESCAVERNES. 49 Comme il y a des crânes d’ours de deux sortes , on devoit s’attendre qu’il en seroit de meme pour les mâchoires : et c’est ce -qui est ai'rivé. Les plus communes different des autres par une beaucoup plus grande largeur de l’apophyse coronoide. On en voit une première sorte , pl. III, fîg. 8 , et un fragment de la seconde , pl. \ II, fîg. 35. La largeur est à la hauteur, dans la première, comme 0,10 à o,0’ÿ55 dans la deuxième, comme 0,08 à 0,072. La largeur de la première est à celle de la deuxième comme 10 à 8 , quoi¬ que les dents soient un peu plus grosses dans celle-ci. Cette deuxième espèce a sa partie horizontale plus mince et un peu moins haute. Comme je n’eu ai pas eu d’entière , je ne puis déterminer la proportion totale. La demi-mâchoire, représentée pl. III, fîg. 8 , a de longueur d’a en b 0,82 ; et celle qu’on a placée sous le crâne, pl. Il , fîg. 3 , n’a que o,3o. La première suppose donc un crâne de 0,487 ou de 18 pouces. Lefi’agment, pl. ^ II, fîg. 35, quoique venant d’une m⬠choire évidemment plus petite que les deux précédentes, a les dents plus grosses. Une mâchoire très-jeune, qui me pa- roit aussi de celte deuxième espèce, pl. VII , fîg. 36 , a aussi une canine plus grosse à proportion. D’après ces deux cir¬ constances , je serois tenté de rapporter cette deuxième sorte de mâchoires aux crânes à front bombé; mais, d’un autre coté, comme elle s’est trouvée la plus rare, puisque je n’en ai vu que trois portions sur au moins douze que notre Muséum possède j et que les dessins envoyés par M. Karsten ne représentent aussi que la première sorte, tandis qu’au cou traire, les crânes à front bombé paroissent les plus communs, je ne sais à quoi m’arrcter. 1 5o OURS La petite dent derrière la canine ne peut donner de secours dans celte incertitude ; car c^est dans une mâchoire de la pre¬ mière sorte que i’en ai vu la racine, et dans une de la seconde que j’en ai o])servé l’alvéole. Tous les autres échantillons de l’une etderaulre,méineletrès-ieune,pl. VII, üg. Sôju’avoient aucune trace de celle dent. 4.*’ Têtes et mâchoires de jeunes individus.. Il y a dans ces cavernes des ossemens de jeunes animaux comme de vieux. Cela se voit non-seulement par une infinité d’os épiphysés qui s’y rencontrent , mais encore par de petits crânes qui n’oiit pas toutes leurs dents. M. Bliimenhach m’en a envoyé le dessin d’un, bien entier, de la caverne üê Altenstein pl. III, fig. 5 et 6, avec une m⬠choire inférieure qui paroît de même âge ou à peu près, pl. III, % 7- Celle-ci n’a encore que trois mâchelières de sorties : les si¬ nus frontaux du crâne n’étant point encore développés à cause de sa jeunesse , son profil ressemble à celui d’un ours brun adulte ÿ mais il n’est j)as pour cela de cette espèce, car un crâne d’ours brun du même âge seroit beaucoup plus petit et beaucoup plus plat. Je m’en suis assuré en le comparant, ainsi que sa mâchoire, avec deux jeunes têtes diours bnin et d’ours noir d’ Amérique ^ qui sont encore plus petites, quoique déjà un peu plus âgées, à en juger par l’état de leurs dents. Le dessin donne à ce jeune crâne d’Altenstein 0,27 de lon¬ gueur. Mon jeune crâne brun qui a toutes ses dents bien for¬ mées , n’en a que 0,26 , et le noir qui les a aussi toutes , mais DES CAVERNES. 5r dont les sutures sont mieux marquées, les os plus minces et le front plus plat qu’à ce brun , n’en a que 0,20. D est encore à remarquer que ce crâne d’Altenstein , malgré sa jeunesse, n’a point la petite dent placée derrière la canine, qu’on voit toujours aux ours vivans et surtout aux jeunes. Jen’oserois décider à laquelle des deux espèces fossiles ce jeune crâne appartient : ce ne sera qu’en recueillant plusieurs échantillons que l’on y parviendra. IM. Fischer m’a envoyé le dessin d’un fragment plus jeune encore du cabinet de Darmstadt, pl. VII, fig. 37. La canine n’est pas encore sortie de son alvéole. La partie postérieure est trop mutilée pour qu’il soit possible de tenter une com¬ paraison avec les deux sortes de mâchoires adultes. hl. représente aussi un fragment de très-jeune mâchoire , pl. V, fig. 3 et 4- B. Les grands os des extrémités, a. F omoplate. Nous n’avons point omoplates dans notre collection , et il me paroit qu’il n’y en a ni dans celle de M. Rosenmüller., ni dans celle dont M. Karslen m’a envoyé les dessins 5 absence due sans doute à la minceur de cet os, et à la fragilité qui en est le résultat. Esper pai’oît en avoir eu des fragmens , mais sa description sans figure est trop vague pour que nous puissions en faire usage. h. Uhwnérus. On trouve deux sortes à'humérus tous deux appartenans à des ours, et cependant fort différons l’un de l’autre. John. Hiniter les a déjà représentés ( Trans. phil. 1794, pl. XX) ; mais personne depuis u’a insisté sur leur différence. La pre¬ mière sorte , pl. V, lig. 1,2, 3 , est entièrement semblaMe aux liimiérus des ours communs tant blancs que bruns, et noirs. Les caractères qui s’en rapprocbent sont : La longueur de la crête externe ou deltoïdiene ^ qui ne vient se réunir à la crête antérieure qu’à près des deux tiers de la longueur de l’os. Dans le //o7i , le Zoï/p, etc., elle s’y réunit plus haut que le milieu. Elle y est aussi bien moins saillante. 2. ” La saillie convexe et marquée de la crête- qui remonte du condyle externe. Dans les lio7is, les loups ^ elle va en Ligne droite se confondre au reste de l’os. 3. ” La lame saillante que le condyle externe envoie obli¬ quement en arrière , et qui recouvre un peu la fosse pos¬ térieure. Le loup n’en a point 5 le lion l’a bien un peu , mais beaucoup moindre. La fosse elle-même y est moins profonde. 4. ° La forme de la poulie articulaire, qui représente une portion de cylindre très-peu concave vers le bord interne, sans presque de rainure marquée. Dans le //on, la concavité cubitale est profonde et presque au milieu de la poulie. 53 DES CAVERNES. Dans le loup , il y a de plus un gi’and trou percé de part en part au-dessus de la poulie , d’uue face de l’os à l’autre. 5.“ Par l’absence d’un trou percé au coudyle interne. Je n’ai pas eu la télé supérieure en assez bon état pour on faire la comparaison. C’est celte première sorte d’humérus que M. Rosenmülîer a représentée, pl. YII,lig. i . MM. et Camper vo en oxii aussi envoyé des figures. Il y en a de grandeurs assez diflérentes. Celui de M. Rosenmülîer a o,4J Je longueur. Celui de M. Karsten^ o,43. Celui de M. Camper^ o,3'7. Le tout mesuré sur leurs figures. J’en ai deux portions considérables, qui, si elles étoient en¬ tières, auroient eu environ o,35, à en juger par la propor¬ tion de leur partie inférieure avec celles des morceaux ci- dessus. Le plus grand de nos squelettes d’ours connus a cet os long de 0,36. La deuxième sorte d’humérus de ces cavernes, pl. V, bg. 4 ■, 5 , 6 et 7 , m’est connue par un échantillon bien entier que notre Muséum possède, par la gravure Hiinter , et par le dessin que je dois à M. Camper à! nne portion qui en comprend les trois quarts ini* rieurs. Il diffère éminemment du précédent par un trou percé au- dessus du condyle interne, et qui sert au passage d’une ar¬ tère. \ oyez a,fig. 4 et 5. Tous les autres détails de sa forme en font cependant un humérus diOurs ; et quoique ce trou existe aussi dans les humérus des divers /e/w, il ne suffît point pour leur faire attribuer celui-ci, qui diffère des leurs dans tout le reste. 54 OURS On observe ce meme trou dans quelques-unes des petites espèces rangées autrefois par Linnæus dans son genre iirsxis, comme le glouton ( U. gulo ) , le blaireau , [ U. me les } et le raton ( U. lotor). On le trouve encore dans le coati ^ viverra nasua , qui est aussi voisin des ours que la dernière espèce et beaucoup plus que les deux autres , et en général dans toutes les martes , loutres et civettes^ ainsi que dans les didelplies et tous les animaux à bourse ^ mais il manque aux chiens el aux hyènes. Les singes du nouveau continent l’ont, et non pas ceux de l’ancien. Il peut par conséquent servir à distinguer dessous- genres , et je suis persuadé que l’animal auquel cet humérus a appartenu faisoit effectivement une subdivision dans le genre des ours. Sa grandeur est considérable. Le nôtre a 0,465 celui de M. Camper est un peu plus petit. c. Le radius. Cet os est important, parce qu’il détermine en grande partie l’adresse des animaux, sa tête supérieure indiquant à quel de¬ gré la main peut tourner, et les impressions de sa tête infé-* rieure marquant quelle direction et quelle force ont les ten¬ dons des muscles des doigts. J’ai des cavernes de Franconie un radius évidemment du genre de l’ours, pl, VI, fig. 1,2, 3,4» La forme ovale de la tête, sa face carpienne propre à rece¬ voir un os seulement lui sont communs avec tous les carnas¬ siers ; mais ce qui le distingue des autres carnassiers de cette grandeur, c’est i.° le petit crocheta, plus considérable que dans les tigres et les lions, 2..^ La configuration plus étroite et moins approchante de DESCAVERNES. 55 la circulaire, deux circonstances qui gênent heaucoup la ro¬ tation dans les ours. 3. ° La fossette du tendon de l’extenseur commun des doigts J, peu profonde et placée plus en avant, tandis que dans les lions et les tigres elle occupe le milieu de celte partie de l’os. Ici au contraire le milieu est bombé. 4. ° Le bord antérieur de l’os beaucoup plus mousse et plus rectiligne, etc. Tous ces caractères deviendront plus frappans par la com¬ paraison qu’on en peut faire avec un radius du genre des tigres qui est des memes cavernes , et que j’ai fait dessiner à côté, pl. VI , fîg. 5,6, 7,8. J’y reviendrai dans la suite. Notre humérus d’ours fossile a de longueur 0,34; de largeur en bas, 0,08 \ en haut , o,o55. Notre plus grand ours vivant a 0,32 , sur o,o55 en bas. Il est donc presque aussi long et moins gros à proportion j mais la partie inférieure s’élargit avec l’àge, et les individus- les plus vieux ressemblent davantage en ce point à l’ours fossile. M. Rosenmüller représente un radius plus court et presque aussi large que le nôtre 5 il ao,3i sur 0,075. Sa tète inférieure paroitégalement présenter quelques légères différences dans les impressions. Il y anroit donc aussi dans ces cavernes des radius (Tours de deux sortes. Il est bon de remarquer que le radius du blaireau ressemble à celui de l’onr.y par les caractères que j’ai indiqués. Il seroit donc très-possible que l’un de ces deux radius eût appartenu au deuxième des huménis décrits dans le para¬ graphe précédent; mais il est diflicile de savoir précisément lequel. A tout hasard , je crois qu’on peut lui attribuer le plus grand des deux. 56 OURS d. Le cubitus. J’en ai eu deux fois les deux tiers supérieurs, pl. VII, fig. i et 2 , et 3 et 4, tellement semblables à la meme portion dans les ours communs , qu’on ne peut y voir de différence sensible. Il est aisé à distinguer de celui des lions et des tigres , parce que ceux-ci ont l’olécrâne plus long, tandis que dans l’ours il est coupé presque immédiatement derrière l’articulation j ce qui lui laisse moins de force pour appuyer sa pâte en courant ou en saisissant sa proie. M. Rosenmüller donne dans sa pl. VU , fig. 3 , un cubitus entier un peu plus court que ne seroit le mien. Il a o,35 de longueur , et 0,07 pour la hauteur de l’olécrâne. Le mien a 0,08 à l’olécrâne, et sa longueur auroit été sans doute propor¬ tionnelle, c’est-à-dire, 0,4. Notre plus grand ours brun n’a que 0,38. e. Le bassin. Nous en avons un, un peu mutilé^ pl. V, fig. 8 et 9. M. Ro- sennruller en représente un plus complet de trois côtés dans ses pl. IV, fig. 1 , pl- V, fig. I etpl. VI,fig. 4- Us sont l’un et l’autre de môme grandeur , et présentent tous les caractères du Ijassin de l’curs , surtout dans la largeur et l’évasement des os des îles , disposition qui contribue puissamment à donner à ces animaux la faculté qu’on leur connoît de se tenir debout. Les dimensions absolues de ces deux bassins ne diffèrent pas beaucoup de celles des oiii'S vivans. Voici celles que donne M. Rosenmüller comparées à celles / DES CAVERNES. 5j que j’ai pu preudre dans le nôtre et à celles de nos squelettes d’ours vivans. Eu comparant celles-ci entr’ elles et avec celles des tètes des memes individus, on s’apercevra que les ours dif¬ fèrent beaucoup entr’eux par les proportions de leurs bassins. C’est ce qui m’a engagé à donner la table suivante, qui peut encore aider à caractériser leurs espèces. Ouns des ccvernci d'après M. Rosenmûller. 0 V R s des caverno d'après notre échantillon. Très-grand OCRS BRUK de Pologne. •Ours brun de Pologne. Distance de répine aiilérieure d’un os des îles à celle de l’autre . . 0,277 0,5 0,5 1 Distance de l’épine antérieure d’un os des îles à sou épine postérieure . . 0,145 0,124 0,125 Distance du bord antérieur de l’os des îles au pos¬ térieur de l’os ischion .......... 0,56 0,36 0,52 0,5 1 1 Longueur de la symphyse . . ........ 00 0 0,1 12 0,1 5 1 Distance de l’extrémité inférieure de la symphyse à l’extrémité postérieure de la tubérosité de l’ischion . . • ......... o,r2 0,14 0,145 1 Diamètre antéro-postérieur du hassin ... . . 0,189 o.ï7 0, II 0,1 15 Diamètre transverse ............ 0,1 35 0,1 1 i 0,1 0,1 15 / Plus grande largeur du sacrum . 0,1 35 OjI23 o,r. 0,12 Diamètre de la cavité cotylo'ide ....... 0,067 0.07 o,o5 r o,o54 N. B. Une partie des mesures de la première colonne est traduite du discours , l’autre est me¬ surée sur les figures de M. Rosenmiüler. Cette dernière partie est peut-être inexacte. OcRS BRÎTN des Alpes. OlTRS BHÏN des Pyrénées à tètejaone. Jeûne OtrRs inUD. OüRs Noir d'Enrope. OüRS Noir d'Europe de Daabénton. OlTRS NOIR d'Âniérique. Très-jenoe OURS NOIR d'Amérique. Ours H polaire. S 0,25 0,24 0,2o5 0,29 0,27 0,2 0,122 0,225 0,096 0,09 o,o85 0,1 5 0,125 0,09 0,054 0,098 o,a56 0,235 o,2i5 0,28 0,28 0,224 0,1 55 0,2g 0,0g 0,086 0,07 0,1 5 0,1 CO 0 o,o5 0,096 0,125 0,114 0,1 o5 0,1 36 o,i3 0,106 0,06 0,12 0,1 0,091 0,093 0,097 0,102 0,06 0,117 0,096 0,092 CO 0 0,096 0,95 0,066 0,045 0.09 0,1 0,084 o,o85 0,1 0,t I CO 0 o,o5i 0,09 0.47 0,04 0,04 0.44 0,5 1 o,o44 o,o34 o,o55 6o OURS f. Le fémur. J’en ai eu aussi de deux formes et grandeurs; mais tous deux évidemment du genre des ours. Le premier, plus grand et plus svelte, pl. VI, fig. 9, 10, 1 1, a 0,46 déplus grande longueur , sur 0,1 o5 de largeur dans le bas, et o,o45 dans le milieu. Sa tête supérieure manque. M. Rosentnüller en représente un entier et encore un peu plus grand , pl. VU, lig. 2. Il a o,5 sur 0,12. Mon second /emur, pl. VI, fig. 12 , i3, i/f. et i5 , est plus court et plus gros. Sa longueur est de o,4; Sa largeur en bas, de 0,090; en haut, de 0,11 ; au milieu, de o,o4. M. Fischer m’a envoyé le dessin d’un fémur à peu près semblable du ca¬ binet de Dannstadt qui paroît avoir les mêmes dimensions. M. Karsten m’en a envoyé un autre plus robuste dans ses pro¬ portions , ayant 0,425 de long sur 0,11 en bas; o,i3 en haut, et o,o5 daios le milieu. Ces deux sortes àe fémurs portent également les caractères de leur genre, savoir ; un cou un peu plus allongé et plus oblique qu’aux autres carnassiers , et une tête inférieure plus courte d’avant en arrière, à proportion de sa largeur transverse, et permettant mieux en conséquence à la rotule de remonter sur le devant de la cuisse : deux circonstances qui rapprochent l’ours de Y homme., et qui lui facilitent beaucoup la station sur les pieds de derrière. Les dimensions du fémur de notre plus grand squelette éiours vivant sont : longueur , o,43 ; largeur en bas, 0,08; en haut,o,io; au milieu, o,o35 : ainsi ses proportions sont plus grêles. DES CAVERNES. 6i Le lion , le tigre ont le cou bien plus coui’t , prescpie nul, et nullement oblique. La tête est moins haute que le grand tro¬ chanter. La télé inférieure est plus longue d’avant en arrière que large. On ne peut donc confondre leurs fémurs avec ceux-ci. g. Le tibia. Je n’en al qu’un, mais bien complet, pî. VI, fig. i6, ly , i8 , 19. M. Roseninüller en représente un autre absolument pareil , [)1. Y, lig. 2. Il ne diffère en rien de celui de l'ours com¬ mun. si ce n’est qu’il est un peu plus gros à proportion. Yoici ses dimensions î Longueur , 0,265 Li'geur de la tête supérieure, 0,0865 de l’inférieure , o,oj 5 largeur à l’endroit le plus mince , o,o3. L n tibia d’ours noir d’Europe de même longueur n’a que 0,076 en haut 5 o,o55 en bas 5 mais un autre un peu plus âgé a quelques millimètres de plus en largeur. Notre plus grand squelette d’ou/’J brau de Pologne a son tibia long de o,33 5 large de 0,072 eu haut, et de 0,06 en bas. Il est donc non-seulement bien plus long , mais aussi absolu¬ ment plus mince. D’après les dimensions de ce tibia fossile, je le juge appar¬ tenant au fémur de la seconde sorte. Celui de la première nous manqueroit donc encore. h. Le péroné. Cet os qui a manqué à M. Rosenmüller é est trouvé une fois dans notre collection, pl. VII, fig. 23. Sa tête supérieure est rompue 5 mais l’inférieure est bien entière , et correspond en OURS pour la forme à celui de Tours noir d’Europe. Ses dimensions sont peu différentes. Je juge donc encore qu’il appartient à la même espèce que le tibia de l’article précédent , ou au deuxième fémur. J’ai eu de plus deux épiphyses qui me paroissent venir de la tête inféi'ieure d’une autre espèce de péroné. C. Les petits os des quatre pwds. a. Les os du carpe. U ours en a sept , comme la plupart des carnassiers 5 les ours des cavernes les avoient également. Ils ont été trouvés dans leurs débris , et nous les possédons presque tous. M. Ro- seninüller en a aussi représenté la plus grande partie 5 mais apparemment faute d’occasion de les comparer avec ceux de l’ours vivant il s’est trompé sur quelques-unes des places qu’il leur assigne dans le carpe. a. L’os qui tient lieu du scaphoïde et du semilunaire , pl. VI , bg. 20 eu dessous, et 21 en dessus. Il a tous les carac¬ tères de Tours. Celui du lion auroit la tubérosité a plus courte, autrement contournée , et portant en dehors une facette pour un petit os surnuméraire. Comparé à celui de notre plus grand ours brun , cet os s’est trouvé avoir le même diamètre antéro-postérieur , mais ses autres dimensions plus fortes d’un cinquième j mais un ours noir les avoit toutes dans la même proportion entr’ elles et d’un quart moindres, M. Rosenmüller le donne , pl. VIII , fig. 9 ; mais il le prend pour Yunciforme, Celui qu’il regarde comme scaphoïdo^ 63 DES CAVERNES. semihmaire , ib. 6g. 4, en est bien un, maïs du genre du lion, et non de celui de l’ours. Le véritable , celui de sa 6g. 6 , étant un peu plus petit cpie le nôtre, ilsepourroit qu’il vînt de la deuxième espèce d’ours. Dimensions du nôtre : largeur transversale , OjoS jj dianièlre antéro-postérieur au milieu, o,o3i 5 longueur de la tubérosité , 0,020. jS. Le cunéiforme m’a manqué ; mais M. Rosenmüller le représente bien et sous son vrai nom, pl. l'ÏII, 6g. 12, par sa face inférieure. II paroît ressembler à celui de l’ou/’^ , à la gran¬ deur près. Celui du lion est si différent, qu’on ne peut les confondre. y. Le piùfoiine ^ qui a manqué à M. Rosenmüller , s’est trouvé trois fois dans notre collection, pl. VI, 6g. 22 et aX Il ne diffère de celui de l’ours que parce qu’il est un peu plus grand. O. Je n’ai pas eu le trapèze , ni M. Rosenmüller laon plus 5; mais il paroît avoir donné ce nom à Xunciforme. i. J’ai eu deux trapézoïdes , pl. VI, 6g 24 et 26. M. Rosen¬ müller ne l’a point , mais il donne ce nom au grand os , pl. Vin,6g. 8. Le vrai trapézoïde fossile ne diffère de celui de l’ours noir commun, que parce qu’il est un peu plus large à proportion de sa longueur. grand os que M. Rosenmüller ^ comme nous venons de le dire, a pris pour le trapézoïde représenté, pl, VI, 6g. aô et 27. Outre sa grandeur qui est d’un tiers plus forte, il se dis¬ tingue encore de celui de l’ours par un enfoncement très-mar¬ qué vers «, par la tubérosité de la tête du métacarpien de l’index. Le lion ayant quelque chose d’approchant, quoique bien moins fort , je pourrois bien n’avoir eu ici que le grand 64 OURS OS de ce genre dont on a tu que les déln'is se trouvent aussi, quoiqii’en petit nombre, dans ces cavernes. Le dessin de M. Rosemnidler n a^anX. point cet enfoncement, il se ponrroit que ce fût lui qui eût trouvé le véritable grand os de L’ours, il. Pour l’unciforme, je l’ai eu bien certainement d’ours, et seulement d’un cinquième plus grand. C’est lui que M. Rosen-' müller paroit avoir nommé trapèze. Voyez pl. III , fig. 9 , par- devant 5 üg. io, par la face externe; Cg. 1 1 , en dessous. h. Les os du métacarpe. M. Rosenmüller n’en représente qu’un, pl. VIII, fig. i3, qu’il donne pour celui de \ index., mais qui est bien certai¬ nement celui du petit doigt du côté droit. J’en ai réuni quatre du côté gauche, qui se conviennent assez pour être considérés comme venus du même individu. Voyez pl. VII , lig. 5. Ils ont tous les memes conformations que dans les ours communs; celui du petit doigt est aussi le plus gros. Celui du pouce me manque , niais M. Rosenmüller dit qu’il est presque aussi grand que les autres , nouveau rapport avec les ours. Une différence très-sensible cependant, c’est que ces métacarpiens fossiles sont tous plus gros de près d’un quart , et en meme temps plus courts d’un sixième que dans notre grand ours bran ; ce qui devoit donner à la main une forme plus large et plus courte. c. Les os du tarse. L’ours en a sept comme l’homme. J’en ai trouvé six parmi ceux de ces cavernes. DES CAVERNES. 65 e. Le calcanéum. Nous en avons deux : un grand, pareil à celui que M. Ro~ senmûHer représente en dessous dans sa pl. VIII, Gg. i, long deo,io5, large en bas, à l’apophyse latérale, de 0,066. [Esper en a un plus grand encore, pl. XIV, Gg. 1) et un un peu plus petit de 0,087 sur o,o56. Celui-ci ne diffère pas sensi¬ blement, même pour la taille, de celui de notre grand ours brun. Le premier est plus grêle à proportion, et son apophyse laté¬ rale est un peu plus pointue. On le voit dans notre pl. V , Gg. 10. Il est cependant aussi d’ours. Le lion l’auroit plus long, plus comprimé , et l’apophyse y seroit beaucoup plus courte. Ce sont donc les calcanéums de nos deux ours. iS. L‘ astragale. J’en ai un bien entier , pl. V, Gg. 1 1 et 1 2 , et un autre un peu plus grand très-semblables tous deux à celui de l’ours. La plus grande largeur du premier est de 0,058^ sa plus grande hauteur de o,o53; le second a o,o65 de large, mais sa hauteur n’est pas complète. Notre plus grand ours n’a que 0,048 sur 0,043. L’astragale fossile de M. Rosenmüller est à peu près comme mon premier. Il n’est pas possible de confondre cet astragale avec celui du genre du lion , qui est plus long que large. V Le scaphoïde. On le voit, pl. V, Gg. i3, en dessus; i4, en dessous. Il est, comme celui de l’or/rf, triangulaire, plus large que long, très- 9 OURS (3S concave en cTesssus , sans se relever beaucoup en arrière, tous caractères qui le distinguent très-lûen de celui du lion. Sa lar¬ geur est de o,o4 j sa longueur , de o,o35 ; dimensions qui ne sont pas supérieures à celles de notre plus grand onrs rnvant. M. Rosenmiiller en représente un dans sa pl. VIII, lig. lo, un peu plus grand que le mien, et dont le bord externe se relève et s^éteud davantage : ce sera celui de la grande espècco. Le cuboïde.. Pl. V, fîg. i5 , en devant; lig. iG, en dessous; üg. l'y , à sa face interne: ressemble encore à celui de , excepté qu’il est un peu plus écrasé à proporüou de sa largeur. M. Rosenmidler en représente un fort différent, pl.. Vllt, fig. 5 , vu par derrière ; mais c’est celui d’un lion ou tigre , et non pas d’un ours. On le distingue sur-le-cliamp de ce dernier en ce qu’il est plus long que large. En général , tous les os da pied de derrière du lion sont faits pour élancer son corps avec force; ceux de l’ours pour marcher posément. fc Le premier cunéiforme.. M. RosemnülTer met encore ici , pl. VIII , fig. 6 , un os de lion ou de tigre pour un os d’ours. Ce dernier genre n’a point en arrière de cet os une longue apophyse terminée par une tubérosité; il y est simplement triangulaire , comme on le voit,, pl. V, lig. 1 8 , par ses faces supérieure et externe ou cuboïde et 19 , par les inférieure et interne. Le fossile diffère du vivant parce qu’il est un peu plus écrasé. Ç. Le troisième cunéiforme que M. Rosenmidler n’a f)as eu,, se voit, pl. V, fîg. 20, par sa face supérieure et tarsienne ,, et DES CAVEKNES. Sf fig. 21 , par l’inférieure et par celle qui fait le Lord interne du pied. Je n’ai pu y observer de différence avec ceux de nos ours communs, pas meme celle de la grandeur. ,. Le deuxième cunéiforme ^ celui qui porte le cj^uatrième doigt , m’a manqué, et à M. Rosemnüller aussi. d. Les os du métatarse. Xen ai réuni quatre os, dont deux mutilés; je les représente dans leur ordre naturel, pl. Vil, fig. 8. Ce sont ceux du côté gaucbe , et l’on voit que c’est celur du deuxième doigt qui me manque. Ils sont, comme ceux du métacarpe, plus courts d’un cinquième, à grandeur égale, que leurs analogues dans les ours vivans. Mais du reste leurs formes et leurs proportions res¬ pectives sont les mêmes : celui du pouce est le plus petit des cinq. e. Les phalanges. On en trouve en quantité, des trois rangées, dans ces cavernes. J’en ai fait dessiner trois de la première rangée , pl. VIII, fig. 9, lo et 1 1 ; deux de la seconde, fig. 12 et i3 ; et trois on¬ guéales ou delà troisième, Cg. i4, i5 et 16, en les choisissant dans les différentes grandeurs. Les onguéales sont faciles à rapporter à leur genre. Le bord supérieur de leur face articulaire un peu plus court , montre quelles peuvent se redresser à demi ; mais le peu de saillie du bord ieférieuj en arrière montre aussi qu’elles ne sont point entièrement rétractiles , et ne viennent point d’un lion. Les phalanges de la seconde rangée ne peuvent non plus venir d’un lion, parce ciuelles sont symétriques et ne laissent 68 OURS par conséquent point de places entre elles pour y loger les onguéales, si elles se redressoient entièrement. Pour celles de la première range'e, elles ne se distinguent point suffisamment dans les deux geni’es, et ou est exposé à les confondre. Il n’est pas aisé non plus de rapporter cliacpie phalange à son doigt propre, parce cruelles se ressemhlent trop enîr’ellesj seulement les onguéales les plus allongées sont celles de devant.. /. Les os sésamoïdeSy Sont en quantité dans ceS cavernes. J’en ai plus de trente,, et je ne conçois pas comment ils ont échappé à ISl. Rosenmüller qui dit n’en avoir jamais trouvé. Ils n’ont au reste rien de* particulier. D. Les os du tronc\. Lorsqu’on trouve des os détachés et épars comme ceux des cavernes , il est impossible d’avoir rien de certain sur le nombre des vertèbres et des côtes 5 mais comme toutes les espèces d’ours, vivans les ont en même nombre, il est probable que ce nombre se trou voit aussi dans les ours des cavernes.- Les vertèbres y sont fort abondantes.. a. Uatlas^ On y volt des atlas de plusieurs sortes 5 j’en ai représentémi èèhjène à l’article qui concerne ce genre. Ceux d’oz^r^ sont beaucoup plus communs. Les atlas des ours vivans diffèrent entr’èux pour la cir¬ conscription générale , au point que l’on ne peut y prendre de DES CAVE n NE s. 69 caractère meme spécifique 5 mais ils se resseuiblent toits par la disposition des trous et des échancrures. I L’échancrure en avant de chaque apophyse ou aile laté¬ rale est presque nulle. Elle est très-profonde dans les lions j les hyènes et les chiens. 2. ° On voit à la face supérieure en avant, deux trous réunis par un canal ouvert. L’interne vient du grand canal méduL laire; l’externe se rend très-ohliquement à la face inférieure de l’aile latérale. Ces deux trous sont aussi àwosYhjène ; mais l’externe y perce plus directement : dans les chiens , lions , tigres., etc., il n’y en a qu’un. 3. ° A la face inférieure, ce trou externe se continue en ar¬ rière par un canal ouvert , et va percer la hase de l’aile direc¬ tement en arrière : dans X hyène , ce percement a lieu un peu plus en dessus : dans le lion et le chien encore plus , et en outre le petit canal de la face inférieure ne communique point en dessus , mais pénètre transversalement par un trou dans le canal médullaire. Ces trois caractères sont réunis dans les atlas les plus com¬ muns dans les cavernes. Je n’en ai pas eu d’assez entiers ni d’assez différens entr’eux pour oser les répartir selon les deux espèces. Ceux qu’ont fait graver Esper, pl. III, fig. i,et7?o- senmüller , pl. IV, fig. 2, et ceux dont MM.. Karsten et Camper m’ont envoyé les dessins, ne sont pas plus entiers. J’ai repré¬ senté les deux des miens qui diffèrent le plus entr’eux, pL Vn , fig. 6 et 7 , et fig. 17 et 18. ^ 07 OURS h. U aocis. Cette deuxième vertèbre n’est guère moins abondante que la première. L’axis de l’ours se distingue de ceux des autres grands car¬ nassiers , I Parce que son apophyse épineuse est plus haute en ar¬ rière qu’en avant; 2. ° Parce que les parties latérales de son canal médullaire sont moins longues d’avant en arrière ; 3. ° Parce que le trou latéral antérieur est moins bas que dans le lion , et le postérieur plus en arrière que dans le chien. Ces trois caractères sont très-marqués dans les axis des cavei'nes. Le premier et le deuxième y sont même plus sensibles que dans aucun ours vivant. Voyez ma pl. VII , lig. 19, Æ'.yper, pl. XIII, lig. 2 , et Hosenmidler ^ pl. IV, lig. 3 et 4- n’ai pas non plus de moyen de répartir les axis que j’ai en nature ou en dessin entre les deux espèces. On pourroit caractériser de meme toutes les autres ver¬ tèbres, mais l’exposition de leurs dil'férences seroit longue et «lifiicile à entendre : il faudroit trop de figures pour la rendre sensible. Il suffit de dire qu’il n’est pas une des vertèbres des quatre grands genres de carnassiers, dont on ne puisse trouver le gei ire et la place dans le squelette , au moyen de caractères propres à dire aperçus, et que le plus grand nombre des ver¬ tèbres des cavernes, examiné ainsi, s’est trouvé ressembler, à peu de chose près , à leurs analogues dans les ours vivans. J’en donne des exemples , pl. Vil, fig. 21 et 22, qui sont deux vertèbres dorsales, et fig. 20, qui eu est une lombaire. DESCAVÉRNE'S. 71 Je n’ai trouvé sous deux formes que la dernière dorsale. Dans un échantillon , elle ressembloit davantage à celle de l’ourx brun,- et dans l’autre elle se rapprochoit de Y ours polaire^ surtout parce que les apophyses surnuméraires postérieures y étoient moins longues que les apophyses articulaires. Je me crois bien autorisé à y voir des vertèbres de nos deux espèces d’ours. E. Résumé général. Ainsi en dernière analyse les résultats de cet examen ostéo- logique sont que : 1. ° Les os les plus communs dans les cavernes, examinés chacun séparément, appartiennent au genre de rou7’,ï. 2. ° Les crânes et quelques-uns des grands os présentent des différences telles, qu’on doit les regarder comme venant d’es¬ pèces éiours différentes de celles que les naturalistes ont déjà décrites jusqu’ici, 3° Ces crânes et quelques-uns de ces grands os, les humérus et les fémurs^ par exemple, diffèreut assez entr’eux pour que l’on doive croire que les os de deux espèces différentes d’ours ont été ensevelis pêle-mêle. 4. ° Quelques-uns des os de l’une des deux étoient plus sem¬ blables à ceux des ours d’aujourd’hui que ceux de l’autre. Il y en a même parmi ceux deruue,commerAuÀ7zenu, etc., qu’on ne distingueroit point, si on les voyoit seuls, de ceux des ours vémns les plus communs. Il y en a d’autres qui paroissent être dans ce cas-là dans les deux espèces 5 comme ceux du carpe , etc, 5. ° Mais les crânes suffisent pour fournir des caractères qui ne laissent point de doute raisonnable, et comme ceux de ces crânes fos.siles qui ont le front bombé paroissent s’écarter do' 72 OURS ceux de nos ours communs plus que les crânes fossiles à front plat , il est naturel de rapporter aux premiers ceux des os des membres qui s’écartent dans le même degré de leurs analo¬ gues dans nos ours communs. Les os du corps ou des membres qui ressembleront davantage à ceux-ci seront alors donnés aux crânes à front plat , dans la répartition que l’on en fera. Mais pour compléter le squelette des deux espèces, il fau- droit avoir tous les os de chacune , et c'est ce qui nous manque encore, puisque nous n’avons bien clairement sous deux formes que Le crâne ; La mâchoire inférieure (en partie)} \J humérus ; Le fémur ,• La dernière vertèbre dorsale ; Le calcanéum } Et que les autres os n’ont encore été trouvés que d’une seule forme, de manière qu’on est même indécis à laquelle des deux espèces ceux des os que l’on a doivent être rapportés. Le temps et des recherches assidues compléteront ces la¬ cunes , mais le résultat général n’en est pas moins constant , en ce qui concerne l’existence dans les cavernes des os de deux espèces jus(]uici inconnues parmi les ours vivons. Nous laisserons à la première, celle à front bombé, le nom Cursus spelœus que lui ont donné MM. Blumenhach et Bo- senmüller, et à la seconde , celui d’ur^n^ actoideus que M. Blu^ menhach avoit employé pour la jeune tête indéterminée que j’ai décrite ci-dessus , mais qui peut très-bien s'appliquer à l’espèce à front plat. f 'oluzre O. noir ■yr a. noir J'Æurofje-'. C4iverno4‘- amori/^uo ca-ver. '//liTrticAiii l/l'/ Tk7'E,S 7) ’Orns . 7V> . /. J'.-, l'O Tèi’ks J) . /V. . //. ; ■ 'M K ' r. -.:v m *;<\ \-, V ; '"«WL'iWiA-. t % M 4 < ■t; VW N • I •l'Zr-'X' -4K- ">• /taz/rf/Z/z^r/- r//’/ , Coio.’i' kTcu^- SUR LES OSSEÎMENS FOSSILES D’HYÈNE. Il paroit qii’on trouve des ossemens d’hyène, non-seidement dans les memes carrières qui renferment tant d’ossemens d’ours, mais encore dans les terrains d’alluvion où sont enfouis des ossemens d’éléphans; on en reconnoit dans les figures d’os fossiles données par différens auteurs , quoique aucun d’eux n’en fasse une mention expresse. Esper^ il est vrai , suppose l’existence de l’hyène dans la caverne de Gaylenreuth, mais c’est d’après la considération d’une vertèbre allas qu’il forme sa conjecture , et cet atlas ( Esper, zool. pl. III , fig. i. } est sûrement d’un ours. En re¬ vanche , les fig. c de sa pl. X , qu’il croit venir d’un lion , sont à coup sûr de notre hyène. Lafig. c , est l’antépénultième mo¬ laire supérieure gauche ^ et c/, un fragment de la mâchoire supé¬ rieure gauche contenant la pénultième et l’anléjjénuUième molaires. Les fig. i et k me paroissent encore la pénultième molaire d’en haut et la dernière d’en bas 5 mais comme elles sont mal dessinées, il seroit possible quelles vinssent d’un tigre. Collini a décrit au long et représenté fort exactement, dans les mémoires de l’académie deManheim, tome , pl. V II, une tête et une moitié de mâchoire inférieure, trouvées au mi- 2 OSSEMENS FOSSILES lieu du sable , vers la surface d’une des montagnes qui bordent la vallée où est située la ville iï Eichslœdt , et à trois lieues de cette ville, entre les villages àe Haldorf el&e Reiterhuch. Après beaucoup de raisouuemens , il finit par conclure que c’est peut-être celle d’un phoque ou d’un épaidard inconnu ; mais le fait est que le premier coup d’œil comparatif jeté sur ses figures, y fait reconuoitre incontestablement une tête à'hjcne. Le nombre et la figure de toutes les dents, la forme générale , et surtout l’élévation extraordinaire de la crête sa- ^itto-Qccipitale ^ frappent sur-le-champ de manière à ne laisser aucun doute. Kundman [ Rar. nat. et art. j , pl. II , fig. 2 donne la figure d’une dent tenant à la mâchoire et arrachée par lui-même au roc dans la caverne de Bainnan. Il la prend ridiculement pour une dent de veau , mais elle est d’/y^ène 5 c’est la dernière molaire d’en bas du côté droit. On trouve donc déjà dans les ouvrages Imprimés , des preuves suffisantes de l’ancienne existence d’une espèce quel¬ conque dihjène , en trois endroits différens d’Allemagne. J’ai des preuves particulières à en donner par rapport aux grottes de Gajlenreiith et de Mu^gendorf : se fondent en partie sur mes propres observations faites sur des os , donnés , avec ceux d’ours , à ce Muséum , par S. A, S. le margrave di Anspach\ et en partie sur les dessins que m’a envoyés M. ./JfAve/z Camper.^ des morceaux de son cabinet. J’ai encore des preuves de cette existence par rapport à un quatrième endroit d’Allemagne , la vallée du Necker près de Canstadt.^ déjà si célèbre en géologie par cet amas d’os d’é'/e- plians découvert au commencement du dernier siècle. Je dois les derniers renseignemens à mes amis du Wirtem- 3 D’ H Y È N E. l>erg, et Aiitenrieth^ professeurs à TûLingeu, et M Jœger , directeur du cabinet électoral de Stuttgard , f|ui m’ont envoyé des dessins et des notices de tous les os fossiles dont ce cabinet abonde. J’y ai reconnu ceux d’un crâne et de plusieurs dents d’hj^ène. Enfin, j’ai à décrire des os d’byène trouvés en France, à Fouvent , près Gray, département du Doubs 5 et, ce qui est bien remarquable, comme à Canstadt^ péle-méle avec des os d’élépbans et de chevaux. Je les dois à M. Lefebvre de Morej , amateur éclairé , qui eut l’attention de les recueillir , lorsqu’ils furent trouvés en applanissant un jardin. Mais avant de décrire, toutes ces richesses , je vais indiquer en peu de mots les caractères ostéologiques de la tête de l’hyène. Le premier est pris de la dentition. Les lij 'enes ont 5 molaires en haut et 4 en bas , tandis que les tigres , lions et chats n’en ont que 4 en haut et 3 en has 5 Les chiens , loups et renards , 6 en haut et 7 en bas ; Les gloutons ^fouines ^ martes, 4 en haut et 6 en bas 5 Les civettes , genettes et mangoustes ^ 6 en haut et 6 en bas. On n’a pas besoin de voir toutes les dents pour établir ce nombre : mais voici la règle à observer. Il y a à chaque mâchoire une grosse dent qu’on doit re¬ garder comme la principale , et qui se retrouve dans tous , quoique plus ou moins modifiée. En has , c’est la dernière dans les chats et les hyènes ; La pénultième dans les martes et gloutons et dans les man¬ goustes et civettes ; L’antépénultième dans les chiens , etc. Elle a dans les chats un tranchant simple , divisé en deux angles saillans. 4 OSSEMENS FOSSILES Dans les martes^ elle a de plus une petite pointe en arrière; Dans les chiens et Yhjène commune^ un petit talon et un tubercule en dedans de l’angle postérieur ; Dans les civettes et mangoustes fort talon et deux tu¬ bercules pointus en dedans: elle y devient presque une dent à tubercules et lie fort ces animaux aux ours. La dent ou les dents placées derrière sont toujours pe¬ tites, à couronne plate et tuberculée. Ce sont elles qui rendent les animaux c|ui les ont , plus ou moins omnivores. Il n’y en a donc aucune dans les chats ^ ni dans les hyènes il y en a une dans les , les civettes elles mangoustes , et deux dans les chiens. Les dents d’en bas , plî^cées en avant de la principale , sont toujours divisées en trois pointes, dont celle du milieu surpasse les autres ; elles vont en diminuant d’arrièi’e en avant , et les pointes latérales diminuent aussi dans ce sens , plus que celle du milieu. Il y en a 2 dans les chats ., 3 dàihs l’/y^'éne commune et les martes, 4 Les maj'tes , civettes et ichneiimon Font fort petit. Les chats et les hyènes Font très-prononcé. La pointe antérieure interne est plus petite et plus effacée dans les chats et les chiens ; plus marquée et plus saillante , dans les hyènes 5 détacliée et pointue , mais courte , dans les martes et gloutons-, large et aplatie, dans les loutres , etc. Ce sont les dents situées derrière celle-là cpii rendent Fani- mal omnivore, à proportion de leur étendue. ^ Les chats Qi les hyènes n’en ont qu’une, fort petite, trans¬ verse, rentrant un peu en dedans. i,es martes elle glouton Font un peu plus grande et tuber¬ culeuse. Les loutres Font encore plus grande , à 4 tubercules. Dans les chiens, les civettes et mangoustes , il y en a 3 : une grande à 3 tubercules , et une plus petite. Les dents en avant de la principale sont , comme leurs ana¬ logues d’en bas, tranchantes , à 3 pointes, diminuant d’arrière en avant, et devenant déplus en plus en simple cône. Les en ont 2 , dont la postérieure a son dernier lobe écliancré. Les chiens en ont 3^ tranchantes 5 les civettes , loutres et glou¬ tons , 3 un peu en pyramide; Vhy è7Te , 3 dont 2 surtout eu gros cônes arrondis. La première de toutes est très-petite, surtout dans les chats et les hyènes. Ces premières petites dents sont sujettes à tomber dans tous ces genres. Le second caractère à^Yhyène est pris de la forme du crâne. Sa crête sagitto-occipitale est plus saillante, et l’épine occi¬ pitale plus haute , que dans aucun animal. De là la ligne du profil descend , presque en une courbe uniformément et légère¬ ment convexe , jusqu’aux incisives. OSSEIMENS FOSSILES Dans les chats , cette courbe est sensiblement plus convexe au-dessus des yeux. La crête sagittale a ensuite l’air de se üécbir vers le bas. Dans les chiens , la crête est presque droite j puis vient une inflexion sensible au-dessus des yeux pour former le museau, etc. Mais les chiens approchent de Y hyène par l’élévation de l’épine occipitale. Le troisième caractère de Yhyène vient de la position des orbites 5 elle les a plus en avant que les chats et surtout que les chiens et les civettes. Le glouton les a à peu près autant eu avant qu’elle. Les martes , et surtout les iQutres , les ont plus en avant. Un quatrième caractère peut se prendre de la configuration de l’occiput. Aucun animal ne l’a en triangle aussi pointu par en haut , que Yhyène , ni surtout s’y aiguisant autant 5 ce qui dépend de sa crête. Le glouton , qui en approche à ce dernier égard , est bien plus large à proportion 5 les chiens ont ^beaucoup moins de crête; les chats ont cet angle obtus; les martex l’ont arrondi, etc. Un cinquième caractère se prend du bord inférieur de la mandibule. Dans les chats , il est rectiligne ou même un peu concave; dans les autres, il se relève et fait une convexité vis-à-vis la dernière dent : Yhyène a cette convexité plus forte que tous les autres,. On pourroit trouver encore beaucoup d’autres caractères , mais ceux-là nous suffiront :1e lecteur peut les appliquer sui'- tout à la tête dYliyène décrite par Collini , et il reconnoitra bientôt l’espèce de celle-ci. Je suis même très-étonné que Collini ne l’ait pas reconnue à la seule inspection de la figure du squelette de Yhyène donnée par Dauhenton, Hist. nat. IX , pl. XXX ; la ressemblance est frappante. Cette tête fossile n’avoit qu’un dixième de plus qu’une grande D’ Il Y È N E. 7 tète ^hfène adulte , rapportée nouvellement de Perse par M. Olivier. La mâchoire inférieure , décrite en meme temps , et cpie Collini soupçonne , avec raison , de la meme espèce , a en effet les memes rapports avec celle de üiyène-, il n’y a qu’une légère différence dans la dernière molaire qui distingue Xhyène fossile de la vulgaire^ et sur laquelle nous reviendrons. Tous les caractères des hjènes en général sont également reconnoissahles dans plusieurs des morceaux trouvés à Can-^ stadt', le principal est un crâne dépourvu de sa face , de ses dents , et dont les apophyses et les crêtes sont en partie tronquées. M. Kielmejer a bien voulu m’envoyer des dessins de ce crâne, vu de quatre côtés. Comme la pointe de l’occi¬ put est cassée, on n’en reconnoît pas d’abord le profil; mais le dessin de la face occipitale est tellement caractéristique , qu’il ne laisse aucun doute: j’en donne, fig. 3, une copie ré¬ duite au tiers. M. Jœger , qui m^en a aussi envoyé de sou côté un profil , que je donne, fig. 4 7 avoit parfaitement reconnu l’analogie de ce crâne mutilé, avec celui que décrit Collini^ et même avec le squelette iïhj'ène représenté dans Buffon. Je suis bien heu¬ reux de pouvoir confirmer, par la comparaison avec l’objet même, la conjecture de cet habile naturaliste : seulement , ajoute-t-il , l’animal de Canstadt devoit être considérablement plus grand que Yhjène ordinaire ; le crâne en question surpasse même celui de Collini. Et en effet en comparant les dessins que ces messieurs m’ont envoyés , et qui sont de grandeur natu¬ relle, avec la plus grande des têtes HXliyenes qui sont sous mes yeux , je trouve aux premiers un cinquième de plus sur toutes leurs dimensions ; j’y vois aussi des courbures et des llnéamens a O s s E M E N s FOSSILES fjui indiquent quelque différence d’espèce : mais comme elles seroient difîiciles à exprimer , et que j’en trouve de plus claires dans d’autres morceaux, je ne m’y arrêterai pas ici ; le lecteur les saisira , s’il veut comparer l’occiput fossile avec celui de \hjène vulgaire^ dessiné à côté , fig. 2. On verra que ces dif¬ férences tiennent surtout à plus de largeur proportionnelle dans le premier. Ce crâne est du nombre immense d’os fossiles trouvés, en ï’ÿoo, près de Canstadt des fouilles faites par ordre du duc de Wirtemberg alors régnant , Eberhardt-Louis , et dont Spleiss a publié, en l'joi , à Schaffhouse ^ une relation sur- cbargée, à la manière de ce temps-là, de beaucoup de détails étrangers à son sujets et où il ne donne pas même une descrip¬ tion des os dont il parle : elle est intitulée OEdipus osteolitho- logicus. Heureusement ces os sont presque tous conservés dans le cabinet de Sliittgcird ; et M. Autenrieth a bien voulu examiner le terrain où ils ont été trouvés, et m’en donner des notions plus exactes que celles de Spleiss. Le lieu est éloigné d’un mille de la petite ville de Canstadt, sur le bord oriental et escarpé du Necker ; les os se sont trouvés en désordre, en partie brisés, dans une masse d’ar¬ gile jaunâtre , mêlée de petits grains de quartz ronds, de pierres calcaires roulées , et de quantité de petites coquilles d’eau douce blanches et calcinées. Cette masse paroît occuper le fond de la vallée du Necker, entre des couches calcaires , et va se joindre au pied de coî- luies de marne rougeâtre qui entourent des montagnes de grès. Ces collines marireuses semblent plus anciennes que le cal¬ caire , et celui-ci plus que l’argile, La marne contient des plantes de la famille des roseaux , et le sommet de ses col- / D ’H Y È N E. (j Hnes est couvert de pélriucations marines , comiiie ammomles et Léleniuites ; il ii'y eu a point dans les couclies calcaires. M. Âutenrielh a découvert dans le voisinage une foret en¬ tière de palmiers couchés , de deux pieds de diamètre. Cette argile jaune se retrouve en heaucoup d’autres branches de cette vallée, et l’ony rencontre prescpie partout dés fossiles. Les os d’éléphans étoient plus voisins de la surface : les autres étoient situés plus profondément. Ou conserve dans le cabinet (les os d’au-moins cinq individus d’éléphans 5 il y avoit des charretées entières de dents de chevaux , et pas d’os de ces ani¬ maux pour la dixième partie de ces dents. Il s’y en trouvoit quel(pies-unes de rhinocéros^ et certaines épiphyses de corps de vertèbres si grandes , quelles ne pouvoient provenir que de cétacés. Mais pom’ revenir à Fohjet particulier de notre article, outre ce crâne ^hyène , on trouva dans le meme endroit la moitié gauche d’un autre , et l’os temporal d’un troisième de la même espèce ; onze molaires, quatre canines, et une dou¬ zaine d’os de doigts. INI. Jæger m’a envoyé (pielques dessins de ces dents, que je donne ici. Celle de la fig. 1 2 , qu’il a quatre fois , est la dernière molaire inférieure gauche 5 elle est tout-à-fait semblable à celle de Y hyène des environs de Gray , que je vais décrire, et dif¬ fère , comme elle et comme celle de Collini^ de sa correspon¬ dante dans Yhyène vulgaire du Levant , par l’absence d’un petit tubercule pointu (pie celle-ci porte à sa face interne , vers a. Je l’ai observé sur quatre têtes èèhyènes du Levant^ dont une avoit ses dents très-usées , et conservoit cependant encore ce petit tubercule fort marqué ; en effet , il ne peut guère s’user , parce qu’il ne répond à rien dans la mâchoire supérieure. 10 OSSEIMENS FOSSILES l^osliyènes fossiles se rapprochent en ce point du genre des lions et des tigres , dont elles diffèrent d’ailleurs par le petit talon c[ue les tigres n’ont pas. La lig. 1 1 , qu’on a deux fois à Stuttgard , est la pénultième molaire supérieure gauche , xue à sa face interne ; mais si nous l’avions eue seule ^ nous aurions eu hien de la peine à l’attribuer à Yhj'ène plutôt qu’au tigre ou au //oz? , tant ces deux genres se ressemblent à cet égard. Cependant, en y regardant de très- près, on trouve quelesf/gre^ aur oient la })ointe postéi’ieure a plus saillante, et le tubercule interne b moins fort. On conserve aussi dans ce cabinet des canines du meme ani¬ mal, mais qui n’ont rien de caractéristique. Enfin j’ai reconnu dans les dessins de M. Jceger , une anté¬ pénultième inférieure de loup 5 je n’en fais la remarrpie ici , que parce que nous verrons qu’à Gaylenreutb on trouve aussi des os de loup pêle-mêle avec ceux d’Ayè/îe. Je viens maintenant à nos hyènes fossiles de France. Leur découverte, si importante pour la géologie, date de l’an VIÎI. M. Tourtelle, propriétaire à Fouvent-le-Prieuré ^ petit village près de Graj , département de la Haute-Saône , faisoit faire une excavation dans un rocher de pierre calcaire, pour agrandir son jardin : dans une fissure de ce rocher se trouvèrent une muîtis> tude d’ossemens de diverses grandeurs et de formes cpii pa¬ rurent remarquables. M. Febvre de Morej , amateur éclairé de l’histoire natu¬ relle , recueillit une partie de ces débris, et les ayant présentés au général Vergne^ préfet du département , on fit de nou¬ velles fouilles qui produisirent encore des os de ces mêmes animaux. Ces divers ossemens m’ont été adressés , et je les ai dé- D’HYÈNE. Il posés avec Leaocoup d’aiiircs clans le calilnet d’unatomie de ce Muséum. Ils se trouvèrent surtout consister en niâclielières d’éléplians et de chevaux 5 mais j’en reconnus trois dans le nombre c[ui ne peuvent avoir appartenu qu’à Yhjène fossile. Le premier, fig. i4, est un fragment de mâchoire inférieure du côté gauche , contenant les quatre molaires. Ce nombre meme de quatre indique déjàl’/y^è?;e , et l’on voit par l’intégrité du bord alvéolaire , en avant de la première de ces dents et en arrière de la dernière, cju’il n’y en avoit pas davantage. On aperçoit de plus en avant une portion de l’alvéole de la canine. Les formes de ces dents indiquent le meme genre ; les 3 premières , grosses , coniques et droites j la dernière tran¬ chante et bilobée, usée à sa face externe, ayant en arrière un petit talon. \oilà ce qu’on ne trouve que clans Xhjène parmi les animaux vivans. Cependant , avec cette ressemblance géné- ric^ue, on trouve des différences spéciliques. Comme je l’ai déjà remarqué pour Xhjene de Canstadl , la dernière mo¬ laire n’a point ce tubercule de sa face interne cju’on voit dans Ylijëne du Levant. Les trois molaires antérieures ont aussi moins d’étendue d’avant en an’ière , à proportion de leur largeur et de leur hauteur, et les pointes latérales y sont moins développées, surtout l’antérieure, qui se trouve meme tout-à-fait mancpier dans la seconde de ces dents, tandis qu’elle est fort sensible dans Yhyène du Levant. La dernière au contraire est plus longue à proportion dans le fossile que dans le vivant. 12 OSSEÎMENS FOSSILES Voici line taLle comparative qui fera mieux sentir ces dif¬ férences. DENTS. H y È N E fossiler H Y È N E rivante. 1 Longueur de la dernière molaire . . o,o55 0,022 1 de la pénullicme . . . 0,026 0,022 ï de Tantépénulticme . . 0,022 0,020 1 de la première . . . . 0,017 0,01 5 Comme elles sont posées un peu oîiliquement , la longueur totale de l’espace quelles occupent , est moindre que la somme de leurs longueurs particulières. Elle est , pour Ylijène fossile , de 0,094 5 pour la vivante , de 0,072. Ainsi , à en juger par cette partie seulement, \lijene fossile de France surpasseroit d’un peu plus d’un cinquième Xlijène ordinaire du Levant. C’est le même rapport que pour celle de Canstadt , et je ne doute point qu’elle ne soit de même espèce. Le second morceau étoit une canine assez mutilée : elle n’avoit rien de particulier. Le troisième étoit une portion inférieure d’humérus , Lien conservée. Je la représente par ses faces antérieure et posté¬ rieure , lig. 8 et 9 , au tiers de sa grandeur , et je mets à côté , hg. 7 , un humérus entier des cavernes de Gayleureuth,vupar sa face latérale externe, dont le dessin m’a été envoyé par M. Camper , et auquel mou fragment est parfaitement semblable. D’ H Y È N E, i3 La forme de sa poulie articulaire inférieure , permettant la rotation du radius , montre qu il vient au moins d’un carnassier; le grand trou percé au-dessus , et répondant à l’olécràne dans l’extension, exclut les genres des chats, des martes et des ours, qui n’ont point ce trou. Les deux premiers sont exclus encore parce qu’ils ont le condyle interne percé d’un petit trou oblique , qui manque ici. Il ne reste que le genre des chiens et celui de l’hyène : un peu moins de longueur proportionnelle dans la partie radiale de la poulie, exclut les chiens. La grosseur pro¬ portionnelle de près d’un tiers plus forte que dans le loup, tandis que la longueur est la meme , se réunit à tous ces motifs pour me faire regarder ces humérus comme appartenant au meme animal que les dents , et par conséquent à Vhjène. Mon humérus de Fouvent a de largeur d’a en Cg. 8 et g ^ 0^061 ; un grand loup n’a que 0,047. L’humérus de Gaylenreuth, du cabinet de M. Camper, qui- a par en bas la même largeur que le mien , n’a de longueur totale, de c en ri , fig. 7 , que 0,220 : l’humérus de loup a pré¬ cisément la même longueur. M. Camper avoit joint à ce dessin celui d’une vertèlîre a tlas prise du même lieu, et que je crois encore appartenir à la même espèce. On en voit des copies réduites au tiers, fig. 5 et 6. Cet atlas a cependant peut-être plus de rapport avec ceux des tigres et des chiens, qu’avec celui de l’hyène, par la cir¬ conscription générale ; mais c’est à l’hyène qu’il ressemble le plus par la direction du trou a a. J'ai trouvé moi-même parmi les os de Gaylenreuth , que nous possédons , deux morceaux qui appartiennent incontesta¬ blement à cette hyène fossile. Le premier , fig. 10 , est un fragment de mâchoire inférieure OSSE MENS FOSSILES contenant la dernière molaire du côté droit. Il confirme ce crue les morceaux & Aiclistedt , de Canstadt et de Fouvent nous avoient déjà appris , cpie celte molaire manque , comme dans les chats , du petit tubercule de la lace interne , et qu elle a, comme dans Vhjène vulgaire , le talon ou petit lobule pos¬ térieur. Ce fragment, conservant sou bord inférieur et une partie des apophyses coronoide et condyloïde , prouve encore par là qu’il appartient à ce genre. La coui’bure convexe de son bord inférieur l’éloigne surtout du genre des tigres, dont sa dent pourroit le rapprocher pour des yeux peu attentifs. Mon second morceau de Gajlenreuth^ûg i3 , est non moins certainement un fragment de l’os maxillaire gauche d’une hyène ^ contenant la troisième molaire supérieure : on y voit lë trou sous-orbitaire et le bord antérieur de l’orbite. Quant à la dent , sa forme conique et grosse la caractérise 5 mais la différence qu’elle montre de Yhjène commune est tout à fait analogue à celle des dents d’en bas ; elle est plus courte d’avant eu arrière , à proportion de sa longueur et de son diamètre transverse j son tubercule antérieur manque entièrement , et le postérieur est presque insensible. Tous ces caractères doivent faire croire que Yhjène fossile avoit le museau encore plus court à proportion crue Yhjèjie du Levant-, elle devoit donc mordre encore mieux j ce c[ui étoit difficile , car on sait f[ue l’hyène ne lâche jamais prise , et quelle a fait proverbe chez les Arabes : on dit d’un opiniâtre que c’est une tête d'hyène. Au reste, ce morceau est dans un rapport encore bien plus grand avec mes crânes d’hyène vivante , cp.e ne l’étoient les précédons. D’ II Y È N E. I 3 DIJIENSIONS. H Y È N E fossile. H YEN E.g du LevantJ Hauteur de la molaire, de sa pointe à son collet . . . 0,025 0,016 1 Largeur d’avant en arrière . 0,026 0,02 1 1 Distance du collet au hord inférieur du trou .... 0,o52 0,021 1 Plus courte distance entre le Lord postérieur du trou i sous-orLitaire et l’antérieur de l’orbite . 0,018 0,012 1 '■TU . . § On voit que cet individu-ci auroit eu un tiers de plus que Xhycne commune. J'ai pris toutes ces comparaisons de mesures sur la tête d hyène parfaitement adulte, rapportée du Levant par M. Oli¬ vier; c’est la plus grande que nous ayons : elle a 9 pouces ou 0,^43, de l’occiput aux incisives. Trois autres que j’ai observées varient jusqu’à n’avoir que 8 pouces ou 0,2 l'y. Comme Xlij 'ene de Dauhenton , dont le crâne avoit 8 pouces , étoit longue de 3’, 2”, 9”’ , ou i,o48> du museau à l’auus, celle de M. Olivier devoit avoir 1,179; fossile de Collini 1,210 ; les lijenes fossiles de Canstadt et de Foncent., environ i,4i3 ;et le plus grand iiYdividu, celui dont provient le deuxième morceau de Gajlenreuth ., près de 1,572 ou 4’ 10" : ce qui excède un peu , à ce qu’il me semble , la taille à laquelle l’byène du Levant peut parvenir , quoique je sache bien que certains voyageurs nous disent eu avoir vu de plus de 5 pieds (1) ; mais (i) Bruce en cite une de 5 pictb y pouces. OSSEMENS FOSSILES je les soupçonne d’exagération. Je n’ai vn aucune hyène , ni vivante , ni empaillée , de plus de 3 pieds et demi. Les morceaux représentés dans l’ouvrage d’Esper ne sont pas plus grands cpie celui-là. Mon dernier morceau de Oaylenreutli est l’astragale , repré¬ senté , fig. i5 : il est d’hyène, sans aucun doute et sans diffé¬ rence sensible. Tous ceux des autres carnassiers ser oient plus courts à proportion de leur largeur. Il ne vient pas d’indi¬ vidus aussi grands que ceux qui ont fourni les dents; car il n’est qu’égal en dimensions à celui de l’hyène de Daubenton, la plus petite de celles que j’ai observées. \oilà à quel résultat m’avoit déjà conduit la comparaison ri¬ goureuse de ces ossemens fossiles àhfènes\, avec les tètes et le squelette à!.lijène du Levant ^ dont je pouvois disposer ; mais je n’ignorois pas qu’il existe d’autres espèces d’hyène , et même qu il en existe au moins deux, quoique l’on n en compte qu’une dans les ouvrages systématicjues , le canis crocuta. Ces deux espèces sont tachetées l’une et l’autre ; ce qui les a fait confondre. Mais l’une est grise , tachetée de brun , et a les oreilles courtes; c’est la plus connue, Yhjène du Cap ^ celle qu’ont représentée Pennant et idlamand. L’autre est rousse, tachetée de noirâtre, et porte des oreilles cendrées aussi grandes que celles de Yhjène du Levant. Elle n’est point figurée dans les ouvrages ; mais je l’ai vue autrefois vivante. Je ne pouvois être content, si je ne cherchois aussi à com¬ parer mes os fossiles à ceux de ces espèces d’hyènes : je n’en ai pas eu complètement les moyens ; mais cependant je suis déjà arrivé à une demi - comparaison , dont le résultat est bien piquant. Nous avons Yhjène du Cap^ vivante à la ménagerie, et le D’ H Y E N E. caLinet en présente une peau, empaillée la gueule ouverte, et où l’on a laissé toutes les dents. Quelle fut ma surprise , en me promenant par hasard dans le calDinet et en jetant nu coup d’œil sur cette peau, de recounoître précisément les formes de mes molaires fossiles! La dernière d’en-has maucpie du tujjerculeiutévieiir ; ,les trois précédentes sont grosses , coniques , et n’ont pas ces lobes latéraux qui les alongent dans Yhjén^ vulgaire ; Içs supé¬ rieures sont dans le même cas : en un mot, c’est la meme cho^e. Par conséquent , si Xhjéne fossile a son type dans notre monde actuel , c’est dans Ylijêne du Cap qu’il faut le chercher. J e n’ai pas besoin de dire que la ressemblance des dents ne prouve pas encore identité parfaite d’espèce ; qu’il peut y avoir des différences dans le squelette et meme dans les tégumeus. Mais en admettant même cette identité, dans quel nouveau dédale ne retombent pas les géologistes ? Ps disoient jusqu’à nous que l’éléphant fossile est de l’espèce asiatique 5 et le voilà associé deux fois avec un animal du sud de l’Afrique. Ce dernier animal s’associe Ini-méme avec des ours , qu’on n’a cherchés jusqu’ici cpie dans le Nord. Quel étoit donc ce temps où des e'ie'phans et des hjénes du Cap de la taille de nos ours, vivoieut ensemble dans notre climat, et étoieut ombragés de forêts de palmiers , ou se réfugioient dans des grottes avec des ours grands comme nos chevaux Quoi qu’il eu soit , il faut se hâter d’obtenir un squelette ^lijene du Cap , pour achever l’iùstoire comparative de l’hyène fossile. J’ai déjà tiré parti de mes moyens incomplets , pour établir quelques rapports de grandeur. Les quatre dents inférieures de la peau Xhjéne du Cep, mentionnée ci-dessus j occupent une 3 ,8 OSSEMENS FOSSILES D’HYÈNE, longueur totale de 0,0^5 , différence à peine sensible avec yjijène commune : mais leurs longueurs particulières ont d’autres rapports ; en voici la table , qu’on peut comparer à celle de la page i38. Dernière molaire .... 0,025 3.* . 2.® . 0,020 3.“ . 0,0l6 On peut juger par là que la dernière est plus longue à pro¬ portion, comme dans l’byène fossile. Cette peau a i,i 4 , du mu¬ seau à l’anus 5 en prenant la longueur totale des molaires pour terme de comparaison , l’hyène fossile de Fouvent auroit eu 1,426, et la grande de Gajlenreutli^ i,58o, ou 4’ j lo"? 4’^ C’est presque la taille d’un petit ours brun. FÙ).23 Fùf.j. _2 J IIY^NKS FOSSlIiK vS . ^ » sieurs couleurs, sans qu’un individu ressemble à l’autre. » « Dans la multitude de peaux que nous vendent les Indiens, i) dit d’Azzara, I, 216, on remarque qu’avec le temps V elles perdent leur couleur noire qui se change en châtain : » quelques-unes deviennent brunes et meme blanchâtres dans X la partie de l’épine 5 quelques autres manquent absolument lô CARNASSIERS de raies blanclies. Il y en a qui les ont à peine indiquées eu )t peu sensibles sur les côtés; et dans d’autres elles s’étendent V plus ou moins ou point du tout sur les côtés de la queue. » Quelques personnes m’ont assuré avoir vu des individus enr » tièrement bjaacs. w Ainsi l’on auroit pu multiplier encore beaucoup les descrip¬ tions de mouffettes , si l’on avoit eu les diverses peaux que mentionne ici M. d’ Azzara. Je ne dois pas cacher cependant que les trois individus que j’ai vus du cmndie se ressembloient presque parfaitement pour les couleurs. Je piîis assurer aussi que l’odeur du chinche n’est pas à beaucoup près si terrible qu’on nous la représente. J’en ai vu un vivant ; je l’ai fait menacer q)ar un chien : sa colère se bor- noit à relever sa queue en l’étalant comme un panache; mais l’odeur qu’il répandoit n’égaloit pas celle de notre putois. Je puis assurer également que ni le chinche ni la mouffette du Chili n’ont la poche pleine de matière puante qu’on leur attribue , et je suis persuadé que leur odeur fétide , ainsi que celle de tous les zorilles ou mouffette s, est due, comme celle des martes et putois^ aux deux petites glandes qui aboutissent dans son rectum, et qui sont plus ou moins prononcées dans beaucoup de carnassiers. Cette bourse prétendue ne justifie donc point leur réunion, au genre des vwerra. Les tégumens de la langue ne la justi¬ fient pas davantage , car elle est douce dans le chinche comme dans les martes ^ et non âpre comme dajas les viverra^ soit civettes ^ ^oxiiehneumons. Enfin, les dents justifient celte réunion moins encore que; tout le reste. DESCAVERNES. 17 Les civettes et les mangoustes out comme les chiens deux molaires tuberculeuses derrière la principale tranchante d’en haut. Le cJiinche et la mouffette du Chili n en out qu’une comme les martes , et je suis trop habitué à recounoitre la constance de ce caractère pour douter qu’il ne se retrouve dans toutes les vraies mouffettes , s’il y en a plusieurs espèces. Cependant le chinche et la mouffette du Chili ne res¬ semblent pas en tout aux autres martes par les dents. Leur molaire postérieure tuberculeuse est beaucoup plus grande que la principale tranchante et aussi longue que large : la principale tranchante a un talon interne considéra¬ ble, et ils n’ont en tout que quatre molaires de chaque côté en haut, dont l’antérieure est très-petite et tombe de bonne heure : alors ils n’en ont que trois. Dans les martes proprement dites et les fouines , cette dernière molaire tuberculeuse est plus large que lougue , et n’offre guère plus de superficie que la principale tranchante : le talon interne de celle-ci est fort petit. Il y en a déplus cinq en tout , et quatre quand la première est tombée. Les putois ^ furets , hermines elhelettes ^ qui diffèrent sem siblement des martes et des mouffettes par la forme de la tête, en diffèrent aussi un peu par les dents. La dernière tuberculeuse est plus large que longue , comme aux martes , mais plus petite encore en superficie ; et il n’y en a que trois en avant, comme aux mouffettes. Ces deux ca¬ ractères réunis en font la famille la plus carnassière du genre. Les loutres ont les dents comme les martes excepté que le talon interne de la principale mâcbelière est large comme aux^ mouffettes , et que leur dernière tuberculeuse est aussi î8 CARNASSIERS plus large à proportion j deux points qui les aident dans leur régime piscivore. Enfin, les blaireaux ont cette dernière tu¬ berculeuse encore plus grande , et servent de nuance entre cette série des putois , martes , mouffettes , loutres et le genre des ours. ■ Le glouton du nord [ iirsus gulo) et ceux d’Amérique, c’est-à-dire le grison ou la grande fouine de la Guyane de Bujfon.) petit furet de if Azzara {viverra vittata de Gmél)^ et le tayra ou grande maiie de la Guyane de Buffon^ grand furet àe diAzzara (^mustela harhara de GmeL) y .sont des martes par les dents ; mais ils ont les uns et les autres les pieds plantigrades. Le premier n’a que cela de commun avec les ours. Ces caractères de détail, pris de la forme des dents , sont d’autant plus utiles pour subdiviser le genre des martes, qu’ils sont d’accord avec les nuances de leur forme , comme avec celles de leur naturel. Comparez à ce que je viens d’en dire mon article sur les os fossiles d’hyène. ' ? • Aux caractères pris des dents, on peut ajouter pour les mouffettes celui que fournissent les ongles longs et forts (u/z- gnes fossorii ) des pieds de devant, comme on a déjà employé depuis long-temps pour les celui que donnent leurs Si, après toutes ces déterminations . et rectifications , noos venons à examiner en lui-méme l’animal auquel Buffon a ap¬ pliqué le nom de zorille.^ et qu’il a représenté Hist. nat. in-4 °, tome XIII , pl. 4^, nous trouvons qu’il ressemble par les dents , parles ongles et par la forme, comme par la .grandeur, à noiïQ putois ^Europe* . x.. ■ a DE s C A V E R N E s. 19 ' C’est déjà un point de fait qui montre qu’il ne doit point être mis , comme Gmelin Ta fait , avec les viverra , et même que, dans le genre des martes ^ on^ne peut le placer que dans la subdivision des putois. Un autre point de -fait j c’est qqe cet animal n’est point d’Amérique, et que par conséquent c’est moins à lui qu’à tout autre que l’on devoit appliquer le nom espagnol zorillo. Buffon étoit pardonnable *.:. ti;ouvant une peau noire et blanche sans étiquette , ni indication. de pays , n’ayant d’ailleurs point -eu occasion du déterimner les. caractères des vraies mouffettes, il étoit pardonnable , dis-je , de prendre cette peau pour un de ces animaux, aussi noirs et blancs, décrits si va¬ guement et d,e -tant-de .n^npières par les voyageurs en Amérique. , r ’ [, Il l’auroit été encore davantage , s’il eût vu l’animal vivant car c’est le plus puant de tous les putois, et il surpasse beau¬ coup le chinche à cet égard. Un individu que j’ai vu dans l’esprit-de-vin répandoit encore une infection insupportable. Mais il est hors de doute aujourd’hui que cet animal est du Cap. Sparrmann l’y a observé 5 le cabinet du Stadhouder l’avoit tiré de là , et M. Pérou l’en a rapporté en peau et en squelette, Sparrmann.^ le regardant comme une vraie mouffette, en avoit même voulu tirer une exception à la règle des climats établie par Buffon; mais la distinction que nous venons de dé¬ velopper, rétablit cette règle dans son intégrité. Pour terminer ici tout ce qui concerne les animaux rangés mal à propos parmi les mouffettes, nous ferons remarquer, 1.0 Qu’il suflit de jeter un coup d’œil sur la ligure de Xisquié- patl de Hernandès J p. 332, dont Linnœus et Gmelin ont fait CARNASSIERS 20 leur ^>zVe^ra vuîpeciila^ pour voir qu’il est du genre des glou¬ tons d’Amérique; diAzzara le croit même synonyme de son grand furet ( mustela harhara ) , et la chose est très-vraisem- hlable; 2.° Que le coase de Buffan est presque impossible à recon- noître, à moins que ce ne soit une peau üe" coati défigurée, comme le pense aussi d Azzara ; 3.0 Que l’animal que Séba , I, tab. 4*2 , bg- i , a considéré comme Xisquiépatl de Hernandès , et dont Gmelin a fait son viverra Qiiasje, est certainement un jeune coati brun; [\.° Que la figure 2, tab. 4® de Séba^ dont Gmelin a fait, mais avec doute, un synonyme du précédent, est un jeune glouton d"^ Amérique ^ soit le grison ^ soit le taira ^ mais sans (ju’on puisse déterminer lequel des deux. J • i\j' ;a) ■. / (’.mNAuSiSl/iJiti fossiles . I ("ouet ^L//lÆAiSi'^ŒJ{S fossiles J/. ■'t RECHERCHES Sur les espèces vivantes de grands chats, pour servir de preuves et d'e' clair cissemens au cha¬ pitre sur les Carnassiers fossiles. Les grands carnassiers à griffes rétractiles et à pelage tacheté font, depuis long-temps, le tourment des naturalistes, par la difficulté d’en distinguer les espèces avec précision. Cette ma¬ tière semble avoir été obscurcie à l’envi par les voyageurs , par les fourreurs, par les montreurs d’animaux, et par les possesseurs et descripteurs de cabinets. Buffon lui-méme qui l’a traitée avec cette netteté de vues et cette abondance de moyens qui caractérisent son histoire des animaux quadru¬ pèdes, s’est laissé entraîner en de graves erreurs par le pré¬ jugé qu’il avoit sur la petitesse des espèces propres à l’Amé¬ rique , et a surtout refusé de reconnoître le vrai jaguar^ qui est le plus grand de tous les chats à taches rondes. Enfin , pour notre objet, il y a encore dans cette matière une, difficulté de plus, en ce que les caractères pris des couleurs ne nous suf- 1 2 ESPÈCES fisent point, et que, si nous n’en trouvions de correspondans qui portassent sur les formes des os, nous ne serions pas plus avancés dans notre détermination des animaux fossiles. Ainsi , après que j’aurai exposé toutes mes observations sur l’extérieur des grands chats pour en déterminer les espèces., je serai obligé d’y faire succéder encore une comparaison ostéologique de leurs os, et surtout de leurs têtes. J’espère que^ ce travail sera aussi agréable aux zoologistes qu’aux personnes qui n’étudient que les fossiles; mais je dois déclarer qu’il m’est en grande partie commun avec mon ami M. Geoffroy^ sans l’assistance duquel il m’auroit été impos¬ sible de le terminer. Le genre des chats est l’un des plus rigoureusement déter¬ minés du règne animal. Les proportions et les mœurs de toutes les espèces sont les mêmes, autant que leur grandeur le permet, et toutes les parties caractéristiques sont semblables à l’intérieur comme à' l’extérieur. b . Leur langue et leur verge âpres , leurs ongles crochus, tranchans, et qu’un mécanisme particulier rend naturellement relevés vers le ciel quand l’animal ne veut pas s’en servir; le nombre de leurs doigts, de cinq devant et de quatre derrière, leur naturel féroce, leur appétit pour une proie vivante sont des caractères 'COnstans et bien connus, et l'on a aussi de bons détails sur les proportions générales de leurs viscères; nous n’avons donc à ajouter ici que quelques caractères ostéologi- ques qui peuvent aider à distinguer leurs os de ceux ides genres voisins de carnassiers. >'■ ' Le premier sera pris de leurs mâchelières, dont le nombre est de quatre en haut et de trois en bas, toutes fort tranchantes, DE CHATS. 3 beaucoup plus, par exemple, que celles de l’hyène, avec les¬ quelles d’ailleurs elles ne sont pas sans rapport. La première d’eu-haut est fort petite, à une seule pointe ou lobe. La seconde a trois lobes 5 l’antérieur court et arrondi, le moyen le plus grand et assez pointu, le postérieur court et un peu arrondi 5 derrière lui est encore un petit feston. La troisième, qui est la plus grande, a trois lobes aussi, dont le moyen est le plus long et pointu 5 le postérieur le plus large et comme troncfué ; l’anterieur arrondi. En dehors et en avant de sa base est un petit tubercule, et à la face interne de la dent, vis-à-vis l’intervalle d’entre le lobe antérieur et le moyen, est un autre tubercule ou talon beaucoup plus grand. Une troisième racine part de cette partie. La quatrième dent est très-petite, et placée transvèi'sale- ment en dedans de l’extrémité postérieure de la précédente. Sa couronne est plate. Les deux premières molaires d’en-bas ont trois lobes, dont le milieu est le plus grand. La troisième n’en a que deux fort grands, sans tubercules, ni en arrière ni à sa face interne: telles sont les mâcbelières de tous les chats, et telles ne sont celles d’aucun autre genre. Autant il est aisé de les distinguer par-là, autant il le seroit peu de le faire par les incisives ou par les canines, qui ressem¬ blent trop à celles des chiens, des ours, des hyènes, et meme des petits carnassiers. Les chats ayant moins de molaires qu’aucun autre carnas¬ sier, ont aussi les mâchoires plus courtes, et plus fortes par la même raison. Ils se distinguent encore par la grandeur de leur apophyse ESPÈCES 4 coronoïde et l’écartement de leur arcade zygomatique, indices de la force de leur crotapliite j mais ce qui caractérise plus particulièrement leur physionomie dans leur tête osseuse, c’est l’abaissement de la partie postérieure du crâne, et l’élé- ■vation bombée de la région interoculaire, qui, jointe à la briè¬ veté de leur museau, donnent à leur tête cette forme arrondie si frappante; le lion seul s’écarte un peu des autres espèces à cet égard, parce qu’il a l’intervalle interorbitaire plus dé¬ primé; ce qui rend son cbamfrein un peu plus rectiligne. Comme ce sont généralement des os de grandes espèces de ce genre que l’on a trouvés parmi les fossiles, nous devons de préférence en donner les caractères comparativement à ceux des genres du chien et de l’ours. S’il s’agissoit de petites espèces, il faudroit les comparer aux civettes et aux martes. U omoplate des chats est plus large que celle des chiens ^ plus arrondie au bord intérieur que celle des ours; son acro- mion est échancré vers le bas, en avant, par un grand arc' de cercle ; son tubercule coracoïde est plus saillant en dedans que dans les deux autres genres, et le bord externe de sa tête a une échancrure qui leur manque. \Jhumérus des chats se distingue de celui des ours ^ parce que sa crête deltoïdale n’occupe que le tiers supérieur; de celui des chiens ^ parce qu’il n’a point de trou à la partie in¬ férieure répondant à l’olécrâne; et de tous deux, parce qu’il a un petit trou au-dessus du condyle interne. Le cubitus des chats diffère de celui des ours^ en ce qu’il a l’olécrâne plus long, moins élevé et moins irrégulier au bout, la facette sygmoïde moins oblique; de celui des chiens, par une forte échancrure qu’il a à sa tête inférieure, entre sa fa¬ cette radiale et sa facette carpienne. DE CHATS, 5 Le radius des chats se distingue de celui des ours, parce que son bord, vis-à-vis du cubitus, est large et concave, tandis que les ours l’ont comprimé et tranchant, par une saillie au- dessus de sa tête inférieure du coté du pouce, par plus d’uni¬ formité dans la courbure de sa tête supérieure. Celui des chiens n’a pas non plus de canal à son bord cubital 5 il est moins arqué, moins rétréci dans le haulj la saillie de sa tête inférieure est moindre. Les plus grandes différences du carpe des chats et de celui . des ours tiennent à ce que le trapézoïde est plus large, et le pisiforme plus gros à sa base et moins à son extrémité. Cha¬ que osselet a cependant son caractère particulier 5 mais nous ne finirions pas si nous voulions entrer dans ces détails. Les chiens ont le cunéiforme plus grand, le grand os plus petit, surtout plus bas, et d’une autre figure. La brièveté du métacarpien du pouce est le principal ca¬ ractère du métacarpe des chats, comparé à celui des ours. Les chiens l’ont presque aussi court, mais en même temps bien plus grêle. Les dernières phalanges plus hautes que longues, et les avant-derrières non symétriques pour permettre la rétrac¬ tion des dernières, distinguent les chats de tous les animaux. Le bassin des ours ne peut être confondu avec celui d’aucun autre carnassier, à cause de sa brièveté proportionnelle de la largeur et de l’écartement des os des isles. Celui des chats est à l’autre extrême; il est plus allongé, et a ses os des isles plus étroits même que celui des chiens. Les chats ont le grand trochanter plus élevé que la tête 'du fémur; les ours l’ont plus bas; la tête inférieure, dans ces derniers , est plus large à proportion , et son diamètre antéro- 6 ESPECES postérieur est moindre, surtout pour la partie qui répond à la rotule. Les chiens ont la rainure rotulienue encore plus longue et plus étroite que les chats. Le tibia de Tours est plus droit et transversalement plus large dans toutes ses parties que ceux des chats et des chiens. La meme brièveté et la même largeur proportionnelle se font aussi remarquer dans toutes les parties du tarse de Tours, comparées à celles des chats. Ceux-ci n’ayant d’ailleurs qu’un vestige de pouce, leur premier cunéiforme est mince et al¬ longé. Les chiens ont toutes les parties du pied encore plus étroites que les chats. Au moyen de ces caractères et d’un peu d’exercice, et en se rappelant les caractères généraux des carnassiers, il ne sera pas très- difficile de distinguer, dans tous les cas, les os des trois genres que nous venons de comparer. Il s’agit maintenant de déterminer les caractères des nom¬ breuses espèces qui composent le genre des chats. Pour mettre quelque ordre dans cette recherche, nous commencerons par séparer les espèces qui sont tellement connues et faciles à distinguer, qu’elles n’ont jamais embarrassé personne. On peut d’abord ranger dans ce nombre les grandes espèces sans taches noires, savoir; i.° Le LION (felis leo) ou grand chat fauve à queue flocon^ lieuse au hout^ à cou du mâle adulte garni d’une épaisse ' crinière. Il varie pour la taille et pour les nuances; on en a cité quel- DE CHATS. 7 quefois des races plus ou moins différentes entre elles; mais, malgré tout ce que Ton en a dit, il n’y a encore aucune preuve constante d’une multiplicité d’espèces. 2.® Le COUGUAR (felis concolor) ou grand chat fawe, sans crinière ni flocon au bout de la queue. C’est le puma ou prétendu lion du Pérou , le cuguaçua- rana du Brésil, selon Margrave, le gouazoïiara du Para- guai , selon d’Azzara ( couguar est une contraction de ces noms faite par Buffon), beaucoup plus grêle de corps et de membres que le lion, à tête ronde comme dans les chats ordinaires, et non carrée comme dans le lion, sans crinière ni flocons. Quand on le regarde obliquement, on voit quelques taches d’un roux plus foncé se marquer sur le pelage par le jeu de la lumière; sa longueur passe quelquefois quatre pieds, sans la queue, qui est de vingt-six pouces; mais beaucoup d’in¬ dividus n’atteignent pas ces dimensions. Comme cet animal paroît se trouver depuis les Patagons jusqu’en Californie, j’ai fait beaucoup de recherches pour savoir s’il n’y en auroit pas plusieurs espèces dans cette im¬ mense étendue de pays; mais je n’en ai pUj trouver aucune preuve. Le couguar de Pensylvanie ( Buff. suppl. III, pi. 4 i J, est évidemment le même que celui du Pérou, Lahorde parle bien {ib. pag. 22.4) d’un tigre noir, à l’indication duquel Buffon ajoute: c’est celui que nous avons fait représenter pl. 42, sous le nom de couguar ^OIR; mais Laborde ne paroît en¬ tendre que le jaguar noir dont nous parlerons ailleurs, et qui est noir partout, et Buffon donne une figure noirâtre dessus, blanche dessous, qui ne lui avoit pas été envoyée par s ESPÈCES Lahorde^ et qu’il ne rapportoit au tigre noir de celui-ci que par une conjecture vague. Comme le couguar est tantôt plus ou moins gris , tantôt plus ou moins brun, je suis persuadé que ce dessin n’est qu’uu couguar ordinaire à teinte un peu plus biune. Shaw l’a copié sous le nom de hlack-liger. ( Gener. zool. I. 2.® part. pl. 89). J’en dis absolument autant du blach-tiger de Peunant, pag. 264 , dont Schreber a fait sou felis discolor, pl. CIV, B , tout en l’enluminant d’un fauve plus vif encore que le vrai couguar [felis concolor). On peut encore inettre dans les espèces non douteuses celle dont les taches sont transverses. 3.° Le TIGRE , le tigre royal ( felis tigris ) ou grand chat fauve rajé en travers de bandes irrégulïeres noires. I* C’est l’animal dont on a transporté dans l’usage vulgaire le nom aux espèces à taches rondes, mais qui forme une espèce très-distincte, aussi grande que le lion, mais plus gx'éle et à tête ronde. Elle ne se trouve qu’ au-delà de l’Indus, et se porte jusqu’au nord de la Chine. Egal au lion pour la longueur, le tigre est plus grêle et plus svelte. Il passe communément pour le plus cruel des animaux, et beaucoup de naturalistes le disent indomptable; mais nous en avons vu successivement trois, aussi doux, aussi apprivoisés qu’aucune autre espèce de ce genre puisse le devenir. Ses bandes varient pour le nombre et la largeur. C’est après ces trois exclusions qu’il faut en venir à ces es- DE CHATS. 9 pèces fauves à taches rondes , qui font proprement la difficulté de tout ce sujet; nous cominençous par distinguer la plus re¬ marquable de toutes sur laquelle ou avoil toujours eu des idées plus ou moins confuses. /' 4.° Lé JAGUAR (i) (felis onça) ou grand chat fauve ^ à taches en forme dœif rangées sur quatre lignes de chaque côté. On ne sait par quelle fatalité les naturalistes européens sem¬ blent s’étre accordés à méconnoître le jaguar., à ce C[u’il paroît uniquement pour soutenir l’idée bizarre que, dans les memes genres, les espèces américaines dévoient être plus petites que leurs analogues de l’ancien continent. Enfin, après avoir fait les recherches les plus longues, après avoir hésité plusieurs années entre les assertions contradic¬ toires et vagues des auteurs, j’ai été convaincu par les témoi¬ gnages de MM. dAzzara et Humboldt., qui, ayant vu cent fois le jaguar d’x\mérique, l’ont affirmativement reconnu ici, ainsi quepar la comparaison scrupuleuse des individus observés vivans, et envoyés d’Amérique à notre ménagerie , de ceux que l’on a reçus empaillés du même pays pour le cabinet, et d’une (1) Je me borne aux synonymes suivans, tirés des auteurs originaux; c#ux des nomenclateurs et des compilateurs sont tellement embrouillés, qu'il, est inutile de s’y arrêter. 1. ® Jaguara Brasil. onza nostratïbus , Margr. Bras. pag. 235, mauvaise fig. descr. médiocre. 11 le fait trop petit en ne lui donnant que la taille du loup. 2. ® Tlatlauqui-ocelotl. Hernandez, pag. 498, bonne Cg. ligris americana, Bolivar, apud Hernand. Alexic. 5o6, descript. assez bonne. 3. ® Le tigre de Cajenne de Besmarchais , III, 2^3. Ce qu’il en dit est en partie tiré de Margrave. 4. ® Le Jagaruété d’Azzara, quadr. du Parag. I, 114, Voyage, I. 258. 2 10 ESPÈCES énorme quantité de peaux vues chez les fourreurs; j’ai été convaincu, dis-je, que le jaguar est le plus grand des chais après le tigre, et le plus beau de tous sans comparaison; que c’est précisément l’espèce à taches en forme d’œil rjue Buffon a appelée panthère ; r^ue ce n’est point cependant le pardus des anciens ni la panthère des voyageurs modernes en Afri¬ que, et qu’en général il n’y a point en Afrique de chat à taches œillées, ni même aucun chat cj^ui approche de la grandeur et de la beauté du jaguar. Pennant remarque déjà qu’il a vu chez les fourreurs de Londres des peaux venues des établissemens Espagnols en Amérique, et toutes semblables à la panthère de Buffon; c’est qu’elles étoient effectivement de l’animal que Buffon a nommé panthère ; mais que cette panthère de Buffon n’est point la vraie panthère. Pennant remarque encore c[ue les descriptions de Faher., de La Condamine et d’ Ulloa , ne conviennent qu’à celte pan¬ thère, et cela est très-vrai. Il ajoute que l’opinion générale des commerçans anglois est que ces sortes de peaux viennent d’Amérique, et c’est une conlirmalion de ce que nous avons reconnu. Mais il en conclut que l’espèce est commune aux deux con- linens,, et en ce^point il se trompe; il n’y a point de panthère œillée dans llancien continent, quoique Buffon l’ait cru et l’ait dit, et que Pennant, Schreher, et tous les autres, aient suivi Buffon en cela. Nous- mêmes , à- l’arrivée du jaguar aujourd’hui vivant à la ménagerie, toujours trompés par l’autorité de Buffon et des autres grands naturalistes, avions cru que c’étoit un animal d’Afrique, amené par un hâlimenî qui avoil touché aux An- DE CHATS. Il tilles, ou bien une variété de la panthère ordinaire; mais cette dernière conjecture ne tarda point à éire rélutée, et la pre¬ mière le fut également à l’arrivée de M. d’Azzara. . On observa en effet dès les premiers jours dans la ménage¬ rie, que la voix de ces deux animaux différoit essentielle¬ ment , celle de la panthère ressemblant au bruit d’une scie , et celle du jaguar à un aboiement un peu aigu. Lieniôt après M. Geoffroy reconnut et détermina pour les deux espèces des caractères distinctifs susceptibles d’une ex¬ pression précise, et les- publia dans le bulletin des sciences de pluviôse au 12, et dans les Annales du Muséum, toni. IV, pag- 94- II est juste de faire sentir par cet exemple à quel point les ménageries où l’on peut ainsi rapprocher et comparer des animaux d’une origine bien déterminée, peuvent être utiles à la science de la nature. Le caractère le plus essentiel du jaguar est de n’avoir que quatre, ou tout au plus et rarement cinq taches par ligne trans¬ versale de chaque flanc : du reste, ces taches, le plus souvent ceillées, c’est-à-dire en anneau presque continu , avec un point noir au milieu, sont aussi quelquefois en simple rose sur cer¬ taines parties du corps; elles n’ont presque jamais une régu¬ larité parfaite, et varient pour la largeur et la teinte plus ou moins foncée du noir, comme le fond pour l’éclat de sa cou¬ leur fauve; celles qui régnent le long de l’épine sont généra¬ lement pleines et allongées; la tête, les cotés, les cuisses et les jambes les ont pleines, rondes et petites. Le dessous du corps est d’un beau blanc, à grandes taches noires pleines, irrégulières; le dessous du cou a des bandes transversales noires de différentes largeurs. 12 ESPECES La queue descend jusqu’à terre, mais n’y traîne point comme celles des espèces suivantes. Les taches de l’épine s’y conti¬ nuent, et forment vers le bout quelques apparences d’anneaux sur les côtés et en dessous. Le bout est tout noir. La taille de notre jaguar est de près de quatre pieds sans la queue, et sa hauteur au garot de deux pieds et demij mais il y en a de bien plus considérables. Il s’agit maintenant de savoir s’il n’y a qu’une espèce de jaguar en Amérique, ou s’il y en a plusieurs. Margrwe semble déjà avoir eu cette dernière idée; car il dit que son onça ou jaguara est grand comme un loup, mais qu’il y en a de plus grands; et parlant ensuite de son jaguarété ou jaguar noii\ il le fait grand comme un veau d’un an (i). IjCS chasseurs du Paraguay supposent qu’outre le jaguar ordinaire ou jaguarété (2), il y eu a un plus grand, à pieds plus courts et plus gros, qu’ils nomment jaguarété - popé (3) ^ et un plus petit qu’ils appellent onza (4) ; mais ces idées peu¬ vent être en partie empruntées de Margrave ÿ et M. àiAz~ zara^ qui les rapporte, cherche à les réfuter (5), et pense que les différences innombrables que l’on observe dans les peaux, tiennent à l’àge, au sexe, et à des circonstances indi¬ viduelles. J’ai cru long -temps aussi qu’il n’y avoit dans l’ancien cou- (1) Margr. Brasil. a35. (2) Ce mot signifie jagua proprement dit. Autrefois on n’appeloit l’animal que jagua; mais ce nom ayant été aussi donné au chien, quand les Espagnols l'amenè¬ rent d’Europe, il fallut désigner l’ancien Jagua par une épithète. (3) Jagua à larges mains. (4) Nom espagnol venu du terme de basse latinité uncia. (5) Voyage, tom. I, pag. 23 1 et 262. DE CHATS. i3 tlnent qu’une espèce à taches en roses régulières, qui seroit \e parcïalis des anciens Grecs, le panîhera (l) et le pardiis des Latins du siècle d’Auguste, le leopardus des Latins posté¬ rieurs*, mais la comparaison des peaux, et celle des nombreux individus qui vivent ou qui ont vécu à la ménagerie, m’ont convaincu nouvellement qu’il y en a au moins deux. Le plus commun est nécessairement, 5.° Le PARDALis ou la vraie panthère ( felis pardus, Lin.). Son caractère est d’avoir six ou sept taches en rose par ligne transversale^ la queue est d’ailleurs beaucoup plus longue, et sa tête moins large que celle du jaguar, et le fond de son pelage plus pâle. 6.° L’autre^ que nous appellerons le léopard (felis leopardus), Est un peu plus petit que le précédent, mais ses proportions sont les mêmes ^ il a des taches en rose beaucoup plus nom¬ breuses, et on en compte au moins dix par ligne tranversale. Nous nous sommes assurés que ce n’est point une différence de sexe , et qu’il n’y a point de variété intermédiaire. Comme Buffon ne reconnoissoit pas le jagiLur y ei cpi’il a mal caractérisé son léopard, il est difficile de donner sa syno¬ nymie d’une manière certaine; mais après une comparaison exacte de ses figures et des descriptions de Daubenton, je pense que sa panthère mâle (Hist. des quadr. in-4.'’, IX, pl. Xï) est notre panthère; que sa panthère femelle (ihid. pl. XK) est (i) Il ne faut pas oublier que le panther des Grecs est un animal tout différent du panthera des Latins, et vraiseroblïiblement Vhyèae tachetée. ESPÈCES un jaguar; et c[\xe son léopard {ih. pl. XIV) est notre léopard; en sorte que je m’éloigne peu de sa nomenclature, et que je la corrige en un point seulement. Mais Buffon décrit et représente encore un animal plus pâle, à taches plus irrégulières, auquel il applique la déno¬ mination d’o/zce, en lui rapportant tout ce qu’on a dit des diverses espèces de chats que l’on emploie pour la chasse, de¬ puis Maroc jusqu’en Chine. Il y a d’abord à se demander ce que c’est que cet individu décrit par Buftbn. Il faut faire abstraction de ce qu’il dit de la plus grande longueur de sa queue et de l’infériorité de sa taille, comparées à celles de la panthère., parce que c’étoit en effet avec \e jaguar qu’il comparoît son once, et que le jaguar a réellement la queue bien plus courte, et est bien plus grand que notre vraie panthère. Il ne restera donc de différence que dans la teinte du poil et l’irrégularité des taches. Or, j’ai cherché en vain depuis dix ans à voir une peau qui ressemblât parfaitement à celle que Buffon représente sous ce nom éèonce. Toutes les fois que j’ai demandé chez les foui’- reurs leur tigre d’Afriqiie, que Buffon dit être son once, ils ne m’ont présenté que notre panthère ou notre léopard, et ils m’ont assuré ne pas connoître d’autre tigre d’Afrique. Enfin, comme parmi les peaux des panthères j’en ai trouvé quelques- unes qui approchoient de \once de Buffon par la pâleur du fauve et par l’irrégularité des taches, je ne doute presque plus que f individu, représenté pl. X de l’Histoire naturelle, t. IX, ne soit une simple variété de l’espèce que je nomme pan¬ thère. DE CHATS. i5 Les figures des antres naturalistes , comme Sclirehei\ Shaw, etc. sont tontes copiées de Bnfton. Quant à Thisloire de l’o/îce, telle que Buffon l’a composée, ce n’est autre chose qu’une compilation des passages des voya¬ geurs sur les espèces de chats que l’on emploie à la chasse, et que ce grand naturaliste a toutes regardées comme iden¬ tiques, quoiqu’elles dilfèrent par la taille non moins que par les couleurs; car on emploie en Syrie et en Egypte la ordinaire ; en Perse, le corcwal; cependant, autant que nous en pouvons juger sur des témoignages peu circonstan¬ ciés, on dresse pour cet usage, aux- Indes, une espèce parti¬ culière qui doit être placée ici, immédiatement après celles à taches en roses. C’est, 7.° le guépard ou léopard à crinière , ou tigre chas- seiir ( felis juhata ). Il se distingue par ses taches petites, rondes, également semées, et non réunies en roses; par ses jambes hautes, et par le léger commencement de crinière qu’il porte sur la nuque. Les figures qu’en ont données Buffon ^ suppl. III, pî. XXXVIII, copié dans Shaw^ I, part. II, pl. 86; Schreber^ pl. CV, et Pennant, pl. XXX, fig. i, sont au plus médiocres, et il n’en existe point de bonne. Celle de Pennant est encore la moins défectueuse; c’est à tort que Gnieliu^ d’après la conjecture de Buffon^ rapporte ici le loup tigré de Rolbe , qui n’est que X hyène tachetée [canis crocuta). Les animaux américains, si beaux par leurs grandes taches fauves bordées de noir, auxquels Buffon a appliqué le nom à' ocelot^ et que Linnœus désigne sous celui àe felis pardalis^ sont si différens de tous les précédeus par leurs couleurs et i6 ESPÈCES leur taille , qu’ils ne peuvent être confondus avec eux; mais je crois qu’il y en a deux sortes que l’on a confondues entre elles, et qui me paroissent spécifiquement différentes. La plus commune des deux, au moins dans les cahinets, est, 8.° celle.de l’Amérique méridionale ou le chihigouazou du Paraguay, grisâtre, à taches larges, réunies en bandes lon¬ gitudinales, fauves, bordées de noir, très -bien représentée dans Buffou, Xïîl, pl. 35 et 36. Quelques Espagnols lui ont appliqué le nom à’onça; sa longueur est de trente -quatre pouces, sans la queue, qui eu a treize (i). 9° L’autre est le véritable ?/<7ifco-oce/oï/ de Hernandez ou chat tigré du Mexique , représenté par Buffou sous le nom mal appliqué de jaguai^W ^ pl. i8, etsuppl. III, pl. 39. C’est aussi sous ce nom que Sclireber en donne une troisième ligure, pl. Cil, et Pennant une quatrième, pl. XXXI, fîg. i. Shaw s’esibornéà copier Buffou. Cet animal a, comme le premier, des taches fauves bordées de nom ou de brun, sur uu fond grisâtre; mais elles sont plus petites et plus nombreuses, et ne renferment point, comme dans le chihigouazou, de grandes bandes longitudinales ; ce qui fait que je serois fort disposé à le regarder comme une espèce particulière , malgré l’avis con¬ traire de M. d’Azzara. Outre tous ces animaux, il y en auroit encore, à en croire Sclireber, trois autres espèces plus ou moins voisines, savoir; le f élis varia, \e felis chaljheata , et le felis giittata ; mais le felis varia n’est que notre léopard, et les deux autres, tirés du cabinet d’Hermann, y ayant été nouvellement e.\aminées par mon frère, se sont trouvées, Tun un serval, l’autre une (i) D’Azzara, anim. du Paraguay, I, i58. DE CHATS. *7 'x jeune panthère , mais tellement défigurés par le dessinateur , qu’on ne les reconnoîtroit jamais à leurs images. Tiennent maintenant les animaux de ce genre, et de grande taille J à pelage noir, marqué de taches plus noires encore, qui ont été remarqués en différens pays ; ils paraissent être assez rares partout, et quelques-uns d’entre eux ressemblent telle¬ ment aux espèces de meme gi’andeur à pelage fauve, qu’ils en ont été souvent regardés comme de simples variétés. C’est ainsi qu’il y a dans l’Amérique méridionale un jaguar noiî', tout semblable à l’autre, à la couleur près. M. d’Azzara dit qu’il y est si rare, que l’on n’en a pris que deux en quarante ans (i). C’est à cette variété que Margrave donne particu¬ lièrement le nom de jaguarété (2). M. Geoffroy vient de rapporter de Portugal un de ces ja¬ guars noirs; ses taches ne se voient que sous une certaine obliquité; mais elles ressemblent, en forme, en grandeur et en nombre, à celles desq’aguars ordinaires; et quoique sa tête osseuse diffère un peu, comme c’étoit un jeune individu, nous ne pouvons en conclure une différence d’espèce. 10.° Nous avons eu à la ménagerie un autre animal noir, tacheté de noir plus foncé, dont les yeux étoient d’un gris d’argent presque blanc. M. Péron lui a donné le nom de felis mêlas; il avoit été apporté de Java à l’Ile-de-France, et en¬ voyé de là par le général de Caen à l’impératrice, qui l’a donné au Muséum. Ses jambes étoient plus basses que dans la pan- 3 ( 1) Anim du Parag. 1 , 116. {2) Brasil. 2 35. i8 ESPÈCES tlière et dans le léopard, mais sa taille étoit à peu près la mémej comme ses taches étoient de plus rondes et simples, au lieu d’étre en rose ou en œil , on ne pourroit rapporter cet animal à aucune des espèces à fond fauve , et il est difficile de ne pas le considérer comme une espèce particulière : ce¬ pendant sa tète osseuse ressemble beaucoup à celle de la pan¬ thère commune. M. de Lamélberie décrit, mais fort en abrégé ('Journ. de pbys. XXXllI, pag. 4^), une panlbère noire, envoyée du Bengale à. la tour de Londres, et en donne, pl, II, une figure qui n’est qu’une copie noircie de la panthère de Buffon. Il est fort probable que c’étolt aussi notre mêlas. Quoique les espèces de la taille du lynx et au-dessous ne nous intéressent pas pour notre objet, puisque nous n’en trouvons point d’aussi j)elites parmi les fossiles, étant une fois entré dans celte matière, et ces espèces étant toutes assez mal ca¬ ractérisées dans les zoologistes, nous croyons à propos de les décrire aussi en abrégé. Nous les divisei ons en deux petits groupes; les Ijna: qui ont des pinceaux de poil aux oreilles, et les chats proprement dits qui manquent de cet ornement. 11.° Le caracal ou Ijnx de Barbarie et du Levant., se distingue d’abord par sa couleur uniforme d’un roux ■\ineux; par ses oreilles, noires en dehors, blanches en dedans, et par sa queue qui atteint les talons. Iæ coracal a longue queue du Bengale n’étant connu que par un dessin d’Edwards, publié par Buffon, supplément III, ])l. XLV, il est difficile de pro¬ noncer s’il forme une espèce distincte. DE CHATS. *9 I2.“ Le ordinaire ou loup cercler àes> fourreurs {^felis fynx), quoique d’Europe, est fort mal représenté dans Schre- ber pour les couleurs II est presque double du chat sauvage, a le dos et les membres roux clair, avec des mouchetures brun-noiràtres, la gorge et tout le dessous blanchâtres; uneligne étroite noirâtre part du coin de l’œil, et descend jusqu’au mi¬ lieu du cou, où elle s’élargit; le tour de l’œil est blanchâtre; la queue va jusqu’au jarret, et a sa moitié extérieure noire. Il y en a des individus dont les taches sont seulement un peu plus rousses que le fond. C’est un d’eux que Pennant^ pl. XXXII, copié par Schreher, pl. CIX, B, nomme /e/i.î mfa, et qu’il confond mal à propos avec le chat cervier des Etats-Unis, qui est généralement plus petit. J 3.° Le lynx du Canada est de même grandeur, et a des taches semblables, mais brunes sur un fond gris-blanc. Il y en a des individus qui n’ont point de taches du tout, et qui sont en entier d’un gris mêlé de blanc. Leur pelage est si touffu, qu’ils ont un aspect tout différent du lynx d’Europe, et qu’il est difficile de les croire de la même espèce, 14° Le chat cervier des fourreurs est un peu moindre que le lynx; sa tète et son dos sont roux foncé, avec de petites mouchetures d’un brun - noirâtre ; sa gorge blanchâtre; sa poitrine et son ventre blanc-roussâtre clair ; ses membres du meme roux que le dos, avec des ondes brunâtres légères; sa_ lèvre supérieure a quelques lignes noirâtres sur un fond blanc roussâtre; le nez en tout roussâtre, et il y a un peu de blan¬ châtre autour de l’œil. La peau de cet animal arrive en assez grand nombre des Etats-Unis dans le commerce. Buffon, qui croyoit toujours que 20 ESPECES la meme espèce étoit plus petite en Amérique, l’a regardée comme une variété du ïjnx^ mais c’est bien une espèce. On peut lui appliquer le nom àe felis rufa. i5.° Le cliaus ou Ijjix des marais (felis chaus), est in¬ termédiaire pour la taille entre le lynx et le chat sauvage; son poil est brun-jaunâtre en dessus, avec quelques nuances plus foncées, plus clair à la poitrine et au ventre, blancbàtre à la gorge; deux bandes noirâtres marquent le dedans des bras et des cuisses. Sa queue va jusqu’au calcanéum, est blan- cbâlre vers sa pointe avec trois anneaux noirs. Le derrière des mains et des pieds est noirâtre, comme le bout des oreilles. Cet animal, découvert par Güldenstœdt^ dans les vallées du Caucase, où il fréquente les endroits inondés et couverts de roseaux, poursuivant les poissons, les grenouilles et les oiseaux aquatiques, a été retrouvé par M. Geoffroy à.Q.ns une île du Nil. C’est le meme que le Ijnx hotte de Bruce, qui se trouve dans les vallées basses" d’Abyssinie, où il guette les pintades au moment où elles viennent boire. Bruce, à la vérité, fait son animal un peu plus petit, et lui donne la queue un peu plus longue à proportion; mais on est accoutumé avec lui à ces inexactitudes II paroît aussi qu’il avoit mêlé dans les ren- seignemens qu’il avoit communiqués à Bnffon, les caractères de cette espèce de cbat avec ceux du caracal, et que de là sont résultées les notices des caracals de Barbarie et de Lybie, données par Buffon, suppl. III, 282, et adoptées par Pennant, Hist. I, 284. Les chats proprement dits, outre notre chat sauvage, se¬ ront les servals, le manul, le margaj, le jaguarondi, le DE CHATS. 21 nègre ^ Veira, le pajero ou pampas le guigna ^ le colo-colo et le chat des Indes. Si le jaguar m’a long-temps et beaucoup embarrassé, je puis dire que le serval m’embarrasse encore presque autant, et que je ne puis m’en rendre l’iiistoire intelligible qu’en ad¬ mettant qu’il y en a deux et peut-être trois espèces. Nous avons vu au Muséum deux servals, l’un de vingt-quatre pouces, sans la queue, qui est de neuf, l’autre de vingt-six. 16. ° Le premier qui a vécu à la ménagerie a été décrit par moi, dans l’histoire de cet établissement, et représenté par Maréchal. Il ressemble assez au serval de Buffon (Xni,pl. 35 (i) ) et au chat-pard des académiciens de Paris, pi. XJII, si ce n’est qu’il a les taches moins régulièrement rondes que le fremier, et plus nombreuses cjue l’autre. M. dAzzara, qui l’a vu, m’a assuré que c’est un animal de l’Amérique, celui-là même qu’il a décrit depuis dans sou voyage sous le nom de niharacaya (2). Le chat de montagne de Pennant est aussi très-ressemblant avec notre serval j il le dit d’Amérique, et lui. rapporte le cliat de la Caroline, de Collinson (Buffon, suj)pl. III, 227), aussi bien que le chat-pard des académiciens ; mais le chat de la Caroline n’a «pie dix-neuf pouces, et le chat de montagne en a trente, comn^e le chat-pard. 17. " L’autre individu du cabinet, celui de vingt-six pouces, a des taches plus grandes, moins nombreuses, formant des bandes très-marquées aux épaules et au jambes de devant. (1) Copié par Schreber, pl. CVIII, et Shaw, I, 2.' part. pl. go. {2) Nom dont Bulfon a tiré celui de margay. 22 ESPÈCES Il est extrêmement semblable à celui que les académiciens de Paris, tom. III, pl. III, ont nommé panthère^ et qu’ils di¬ sent avoir été apporté d’Afrique, Ils lui domieat, ainsi qu’à leur cbat-pard, trente pouces sans la queue. Buffon croyoit son serval de l’ancien continent j il lui rap- portoit le chat tigre du Bengale de Y Huilier^ celui du Cap de Kolbe^ et le maraputé ou serval du Malabar de f^incent Marie. La figure de Rolbe représente pluldt l’byène tachetée, et sa description est insignifiante. La taille d’un mouton, donnée à l’animal de l’Huilier, est bien forte; et celle moindre que la civette, attribuée à celui de Vincent Marie, est bien foible pour le serval. Cependant le chat du Cap de Forster ( Transact. pbilos. LXXI, pl. I), copié par Shaw (Gen. zool. t. I, part. 2, pl. 88), ressemble extrêmement à notre deuxième individu. D’a¬ près sa petitesse , j’ai long-temps supposé que ce n’étoil que la genette du Cap, qui a presque la même distribution de cou¬ leur; mais si la peau, de près de trois pieds, décrite par Pen- nant, est de la même espèce, ma conjecture ne peut être vraie, La description du chat du Cap de Miller, dans ses Cimelia phjsica., pl. 39, paroît aussi se rapporter entièrement à notre deuxième individu. ^ Y auroit-il dans ces tailles inférieures des animaux dans les deux continens aussi semblables l’un à l’autre que le jaguar l’est à la panthère? auroit-on commis à leur égard le même genre d’erreur.^ C’est ce que je laisse à examiner aux voya¬ geurs qui se seront munis, avant leur départ d’Europe, des connoissances nécessaires pour donner à l’Histoire naturelle DE CHATS. 23 les lumières dont elle a encore besoin sur tant de questions embrouillées, et surtout à ceux qui, ne se contentant pas de descriptions vagues faites à la hâte ou de mémoire, auront soin de rapporter les objets de leurs découvertes pour en faire la comparaison avec ceux que l’on a recueillis avant eux. 18. “ Buffon rapporte encore au serval son chat sauvage de la Nouvelle-Espagne (suppl. III, pl. 43) qui doit avoir trois pieds de haut, quatre de long, le pelage d’un cendré bleuâtre, tacheté de noir par pinceaux. Si cette notice, qui lui avoil été adressée d’Espagne sans nom d’auteur, a quelque chose de réel pour objet, c’est une grande espèce très-différente de toutes celles que nous connoissons. Pennant en a fait son chat de la Nouvelle -Espagne. 19. ® Le manul de la Mongolie [felis lyiamd, Pall, ) n’est connu que par une description abrégée de Pallas. Il doit sin¬ gulièrement ressembler à un lynx de la variété rousse, non tacheté; seulement sa queue est aussi longue à proportion que dans le chat, et marquée àr anneaux noirs. On ne dit {)oint qu’il ait de pinceaux aux oreilles; c’est pourquoi on peut le laisser ici. Il n’en existe point de ligure, et nous ne l’avons pas vu. 20. ® Le jaguarondi du Paraguay (felis jaguaroncli., Lacép.) que M. d’Azzara nous a fait connoîlre le premier, représente en petit le couguar par sa forme allongée; mais sa couleur est d’un brun-noirâtre, uniforme, jiiqueté partout de très- petits points plus pâles, formés par des bandes sur chaque poil. Il y en a une bonne figure dans l’Atlas du voyage de d’Azzara, faite par M. Huet, d’après les deux individus con¬ servés au Muséum. 2^ ESPÈCES 21° Le margaj {felis tigrina, Lin. Buff. XIII, pl. 37), a de la ressemblance avec \ ocelot pour la direction des taches; mais elles sont d’un hrun-noir uniforme, et non pas d’un fauve horde de noir. Le fond de son pelage est blanchâtre, et sa taille ne surpasse pas beaucoup celle du chat. M. d’Azzara seul a vu le nègre^ feira et le pajeros. Selon lui, le nègre seroit un peu plus grand cj[ue notre chat sau¬ vage (1), et tout noir. 22. ° Ueira un peu moindre (2) et tout rouge, excepté la mâchoire inférieure et une petite tache de chaque côté du nez, qui sont blanches. 23. “ Le pajeros auroit presque la taille du nègre (3) et le poil long, doux, gris-brun clair en dessus, avec des bandes transverses roussâtres sous la gorge et le ventre, et des anneaux obscurs sur les pâtes. Il y auroit encore, selon Molina , deux autres espèces de chats sauvages au Brésil, toutes deux de la grandeur du nôtre. 24° Le guigna^ fauve, tout couvert de petites taches ron¬ des noires, et 25.° le colo-colo, blanchâtre, avec des taches irrégulières noires et fauves; mais on sait que Molina^ qui a écrit de mémoire en Italie son Histoire naturelle du Chili, est un auteur peu Gdèle, et je le soupçonne d’avoir voulu parler ici du margay et de Xocelot. 26.° M. Leschenault a rapporté de Java un chat moindre que le nôtre (4), mais de même forme. Sa couleur est gris- (1) Vingt-trois pouces, et la queue de treize. (2) Vingt pouces, et la queue onze. (5) Vingt-deux pouces et demi, la queue dix et demi. (.4) Long de seize à dix-sept pouces, queue de huit pouces et demi. DE CHATS. Lrun clair dessus et blanchâtre dessous, avec des taches brunes, peu marquées et rondes, éparses sur tout le corps } celles du dos sont allongées, et forment quatre lignes plus brunes. Une ligne partant de l’œil, et allant en arrière, se re¬ courbe pour faire une bande transverse sous la gorge que sui¬ vent deux ou trois autres bandes sous le cou. Ce dessin delà gorge se remarque également dans les ocelots et les margays. Cet animal nje paroit singulièrement ressembler au chat du Bengale de Bennant et de Shaw. Un individu plus petit a des ondes plutôt que des ta¬ ches; il pourroit être comparé au chat sauvage Indien de Vosnuiër ( Monogr. tab. XI'I), si celui-ci n’éloit enluminé d’une teinte trop bleue. Quant an chat-bisaani de Vosmaër^ copié dans le suppl. de Bulf. VII, jd. 55^ ce n’est qu’une geneite ^ commQ Vosnxaër lui-iuémeen est convenu; aussi Ginelin l’a-t-il placé dans les viverra; mais il n auroit peut- être pas dù le distinguer de son x'iverra malaccensis , qui est évidemment le même que la geneite du Cap de Buffon. Après cette énumération critique des espèces bien connues de chats, qui pourra être de quelque utilité aux futurs rédac¬ teurs d’un Sjslema naturœ, j’en viens à la recherche des ca¬ ractères ostéologiques des principales. C’est surtout dans les têtes qu’on peut en trouver; mais,^ excepté ceux que fournit la grandeur, ils sont si peu sensibles, que l’on auroit beaucoup de peine à les exprimer par les paroles. C’est pourquoi j’ai fait graver ces têtes sur la même échelle, vues en dessus et de profil; et comme il y a quelques variétés entre elles , j’en ai donné des deux sexes dans les espèces du tigre et du lion. , On peut remarquer que le caractère dominant de la tête 4 26 ESPÈCES du lion consiste en ce que la ligne de la face «Z*, et celle du crâne 6c, sont presque droites l’une et l’autre. Un second caractère, qui tient au premier, est l’aplatisse¬ ment et même la concavité de la partie du frontal située entre les apophyses postoihilaires bb. La lionne a la partie du crâne plus courte à proportion de celle de la face, et toutes les deux plus courtes à proportion de leur largeur, et il paroit que c’est là un attribut général des femelles Le tigre, presque aussi grand que le lion, a la ligne de la face et du crâne plus serj)entante, et l’intervalle orbitaire bombé dans les deux sens II y a d’ailleurs des différences, même entre les mâles, pour la longtieur proportionnelle de la partie du crâne^ elles tiennent surtout au plus ou moins de développement de la crête occipitale. Les lenielles ont aussi toutes les parties plus courtes. Le jaguar a la tête plus courte à proportion que le tigre; l’intervalle des yeux est plus élevé, plus bombé; les apophyses poster bitaires bb sont plus saillantes, et le crâne a derrière elles, de chaque côté, une légère convexité ee. INotre plus grande tête de jaguar a le dessous de sa m⬠choire inférieure en ligne serpentante très - marquée; mais deux autres tètes, qui sont moins grandes, quoique adultes, l'ont presque rectiligne comme le tigre. La tête de jeune jaguar noir, rapportée avec la peau du Brésil, a tous les caractères des jaguars jaunes adultes, autant qu’un individu jeune peut les avoir, excepté la convexité der¬ rière les apophyses postorbitaires. La panthère a toute la ligne du dessus de la tête d’une con¬ vexité uniforme et modérée; mais l’intervalle des yeux est aplati transversalement. Cette forme, bien caractérisée, se DE CHATS. 27 retrouve dans le léopard, Je couguar et le mêlas, au point qu’il me paroit très-difficile d’assigner des caractères constans pour distinguer ces espèces; je trouve seulement à mes cou¬ guars la face un peu plus courte à proportion. Pour donner plus de précision à ces différences, j’ai cru devoir rédiger la table sjaivante des principales mesures des têtes des grandes espèces prises sur plusieiu’S individus de cbacune. Je dois dire qu’il n’y a point d’incertitude sur l’es¬ pèce de'cbaque tête, parce que j’ai toujours pris pour type celle d’un indi\Tdu que j’avois vu vivant, et que j’ai disséqué. s8 ESPÈCES NOMS D ES ESPÈCES. LONGUEUR depuis le bord alvéolafre jusqu’aux condj'les dei’occiput. LONGUEUR depuis . le bord alvéolaire jusqu’à la crête occipitale. LONCUE'IR depuis le bord alvéolaire jusqu’au milieu de l’iuti rvullc des apophyses postorbituircs. Lion . 0,335 0,070 0,20^ Autre lion plus petit. . 0,3 1 5 0,340 0,189 Lionne . 0,267 0,3o2 0,177 Lionne plus petite. . . 0,247 0,275 0, 160 Tigre mâle . . • , . 0,002 0,342 0,175 Autre tigre mâle . . . 0,285 0,3 16 0,175 Tigresse . 0,262 0,291 0,1 62 0,148 Jaguar plus petit . . . 0,223 P 0 o,i54 Autre jaguar plus petit. 0,238 0,265 0, 1 5 8 Jeune jaguar noir. . . 0,1 82 0,2o5 0,1 1 1 Panthère . 0, 1 85 0,2o5 0,1 16 Mêlas . 0,170 0,1 84 0,098 1 Couguar . 0,160 0,182 0,100 Ocelot . o,i3o 0, 140 0,071 DE CHATS I LONGUEUR depuis ce point jusqu^à la crête occipitale. DISTANCE entre les points des apophyses postorbitaires. HAUTEUR VERTICALE du milieu de leur intervalle , la tête étant posée sur sa mâchoire inférieure. PLUS GHiND ÉCARTEMENT des arcades 2ygomali(jues. 0,178 0,121 0,142 0,271 0,168 Ojl 12 0,140 0,229 0,143 0,1 10 0,10 1 0,225 o,i35 0,091 0,120 0,194 0,184 0,102 0, 1 52 o,2 5o 0,171 0, 1 02 0,1 34 0,232 0,146 0,101 0,125 0,2o3 0,091 0,1 38 0,194 0,140 0,074 0,1 1 1 0,172 0,1 56 0,075 0,1 22 0,176 0,114 o,o65 0,098 0,141 0,106 0,064 OjOgg 0,141 0,104 0,062 0,088 o,i3i 0,104 0,067 0,086 0, 1 20 0,086 0,0 5,3 o,o65 0,097 5 3o ESPÈCES Je n’ai pas cru devoir m’occuper des têtes des espèces in¬ férieures', qui ressemblent d’ailleurs infiniment à celle du chat par leur rondeur ; le seul ocelot excepté , qui a la sienne plus oblongué que toutes les autres. C’est d’après le travail dont je viens de rendre compte que j’ai comparé la mâchoire fossile, de mon chapitre sur les carnassiers, avec celles de toutes les grandes espèces, et j’ai trouvé, comme tout le monde pourra s’en convaincre , identité presque parfaite entre elle et celle du grand jaguar pour la grandeur, et surtout pour la courbure de sa ligne inférieure. Il est clair cependant que l’on ne peut pas eu conclure identité d’espèce 5 que l’on ne peut pas meme, d’après une circonstance si peu importante, donner l’exclusion aux autres espèces; car il se pourroit, à la rigueur, que des tigres ou des lions eussent quelquefois une courbure plus on moins approchante, surtout puisque nous avons vu que quelques jaguars ne l’ont pas. J lO/l lo/ine. / • Zfû7i/ie P ous parlons, au chapitre ries brèches ossenses,de plusieurs rongeurs, dont les os se sont trouves mêlés dans ces brèches à des os de ruininans : ici nous n’avons à traiter que des ron- geurs des tei’rains meubles ou des couches fissiles. Article premier. Txongeurs des terrains meubles. Nous parlerons d’abord d’une tête et d’une dent incisive de castor retirées des tourbes de la vallée de la Somme, par M. Traullé., à qui nous devons tant d’autres fossiles de ce canton- là. Trouvées dans un terrain tout récent, avec des bois de cerfs, des têtes de bœufs et autres. ossemens d’animau.x connus, et dans un pays où il y a eu autrefois beaucoup de castors, et 1 2 RONGEURS où il en reste encore quelques-uns, on devoit bien s’attendre qu’elles ressembleroient au castor ou bièvre ordinaire j et c’est en effet ce que l’examen a confirmé. Le caractère générique des molaires de castor est d’avoir l’émail de leur couroune replié de manière à former trois lignes rentrantes du bord externe, et une seule de l’interne à la mâchoire supérieure, et précisément l’inverse à l’inférieure. Leur nombre est partout de quatre, dont la première seule est susceptible de changer. On peut prendre une idée de ces dents, fig. i6 et ly, où les supérieures et les inférieures du meme côté sont dessinées de grandeur naturelle. Notre tète fossile, fig. i, 2 et 4? et sa mâchoire inférieure, fig. 5, présentent exactement ces caractères; et comme la dent de devant y est beaucoup moins usée que les autres, on voit qu’elle venoit de remplacer la dent de lait. Un heureux hasard a voulu que j’eusse deux télés de castor ordinaire à peu près du même âge; car l’une a sa dent antérieure encore parfaitement entière, et l’autre est au moment de perdre sa dent de lait. J’ai représenté celle-ci à côté de la tête fossile, fig. 3, 6 et y, et le premier coup-d’œil montre qu’elle vient de la même espèce d’animal. Je représente, fig. 8, g et 10 , la tête d’un castor adulte du Canada; elle diffère de ces jeunes têtes, en ce que les crêtes temporales, au lieu d’être presque effacées et écartées l’une de l’autre, sont rapprochées sur la ligne médiane en une seule crête saillante; en ce que la crête occipitale se porte plus en arrière; enfin en ce que la longueur est plus grande à propor¬ tion de la largeur, indépendamment de ce quelle surpasse absolument d’un cinquième celle des jeunes têtes. FOSSILES. 3 Une autre télé du meme pays et du même âge présente les mêmes caractères; mais on voit aisément qu’ils ne tiennent qu’à l’état adulte. Le rapprocliemenl des crêtes occipitales se fait de même avec l’àge, dans presque tous les animaux. ’ J’aurois bien voulu savoir s’il y a quelque différence entre la tête osseuse du castor d’Europe adulte et celle du castor de Canada; mais je n’ai pu encore me procurer la première. C’est le seul moyen de décider si notre castor diffère par l’espèce de celui d’Amérique; car, malgré que le poil des in¬ dividus de France que nous possédons au cabinet, soit d’uii gris jaunâtre, et que les castors ordinaires de Canada soient d’un fauve roussâtre, comme il y en a aussi dans ce pays-là, de roux, de dorés, de blancs et de tout-à-fait noirs, la cou¬ leur ne peut donner de caractère certain. Dimensions comparaWes des trois têtes. Tète Tète Tète fossile. de jeune castor. de castor adulte Longueur de la tête depuis la crête occipitale jusqu'à rextrémité des os du nez .... o,io5 _o,lo5 o,i35 Largeur du crâne entre les fosses temporales. 0,043 0,043 0,041 Plus grande largeur des arcades zygomatiques 0,078 0 0 0,086 Largeur entre les deux orbites . 0,025 0,023 0,020 M. Fischer., conseiller aulique de l’empereur de Russie , professeur et directeur du cabinet de l’Université de Moscou, l’un des naturalistes auxquels mon ouvrage surlesfossilesdoit le plus de bons matériaux, a eu la complaisance de m’envoyer la RONGEURS 4 gi’avure d’une tête fossile des environs d’Azof, qu’il a décrite daus le deuxième volume des Mémoires de la Société des na¬ turalistes de Moscou, et qu’il nomme trogontlieriiim^ c’est- à-dire animal rongeur. J’en donne la copie à demi grandeur comme toutes les précédentes, fig. ii et 12. Les dents et toutes les formes de cette léle portent les ca¬ ractères d’un castor ; on ne pourroit même la différencier de la tête du castor adulte du Canada, si la fosi ile n’étoit d’un quart plus grande. Cependant, comme il n’est pas certain que nous possédions les plus grandes têtes de castor vivant qu’il y ait; comme d’ailleurs le castor habitoit autrefois et habite peut-être encore les côtes du Pont-Euxin; comme enb’n presque tous les bords de la mer d’Azof ne sont que de vastes alluvions, je crois que l’on auroit besoin de bien connoilre le gisement de celte tête avant de décider si elle appartient à un animal perdu. Dans tous les cas, comme son genre n’est suscep¬ tible d’aucun doute, on pourra l’appeler castor trogontherium. Voila tous les os de rongeurs des terrains meubles dont j’aie une connoissance exacte; non sans doute qu’il n’y en ait eu beaucoup d’autres de déterrés, mais parce que leur petitesse et leur ressemblance apparente avec les espèces connues les aura fait négliger. ARTICLE II, Sur les rongeurs des couches fissiles. Parmi ces innombrables poissons qui remplissent en divers endroits les lames des schistes calcaires et marneux , il s’est trouvé , quoique très-rarement , des quadrupèdes vivipares qui appartiennent tous à l’ordre des rongeurs. Les plus nombreux et les plus considérables ont été tirés FOSSILES. b des célèbres carrières à' OEningen^ que ]e décris au chapitre des Reptiles trouvés dans les schistes^ et qui passent géné¬ ralement pour n’offrir que des restes d’aninjaux du pays, quoiqu’il s’en faille beaucoup que cette assertion soit exacte, M. Karg^ qui a décrit nouvellement ces carrières et toutes leurs productions (i) , parle de trois espèces de rongeurs qui en auroient été extraites. L’une d’elles est, selon lui, la souris domestique ^ dont on lui a assuré qu’on avoit trouvé plusieui’S individus ; mais il reconuoît que l’échantillon qui lui fut montré pour tel dans le cabinet de M. Lavater, n’étoit peut-être qu’une racine de cypérus (2). Une autre est le muscardin ^ dont il doit y avoir un indi¬ vidu au cabinet de Mersbourg ; il a cinq pouces de long, est tout courbé et comprimé, et ne conserve presque rien de ses membres; je voudrois donc qu’on eût dit comment on a pu reconnoître que c’étoit justement un muscardin. Enfin la troisième et la plus grande, déposée dans le ca¬ binet de M. Zieglera TVinterihur ^ la seule qui ait été gravée, et sur laquelle nous puissions par conséquent donner nos propres conjectures, a été regardée par M. Jean Gesner comme un cochon dinde ^ et rapportée aux rongeurs, seu¬ lement d’une manière générale par M. Blumenhach; mais M. soupçonne que ce pourroit bien n’étre qu’un putois. (1) Mém. de la Soc. des n f. de Souabe, tom. I, pag. 24 et 25. (2) M. Brard, jeune minéralogiste a taché an Muséum d’histoire naturelle, qui a fait un voyage en Suisse depuis peu, nous a fait voir le dessin d’un fossile du cabinet de M. La^ater, qui nous paroit représenter un rongeur-, de la grandeur du cocbon d’inde, et par conséquent de la même espèce que celui de M. Ziegler", mais nous n’y avons trouvé que les dents d’un peu reconnoissable ; c’est pourquoi nous ne l’avons pas lait copier. 6 RONGEURS Il seroit singulier que l’on eût pu regarder comme animal du pays le cochon dinde qui vient d’Amérique, et qui n’eu avoit sûrement pas été encore apporté en Souabe, quand les schistes d OEningen se sont déposés 5 d’un autre côté, il est assez difficile qu’on puisse soutenir qu’un animal soit d’un pays quelconque, quand on n’est pas encore sûr s’il est de l’ordre des rongeurs ou de celui des caimassiers. Cherchons donc à voir par nous-mêmes ce que nous pom’- rons y reconnoître. Nous avons deux bonnes figures de ce fossile; la première, dans les Mémoires de V Académie de Lausanne ^ tom. TII, pag. 5i , oû elle avoit été envoyée par M. TEild; la seconde, qui représente la contre épreuve, dans ceux de la Société des naturalistes de Souabe^ où elle accompagne le Mémoire de M. Karg. Nous avons fait copier celle-ci à moitié grandeur, fig. i5. On ne voit de traces de dents que dans la première de ces figures; mais ces traces marquent, à ce qu’il me semble, un rongeur, sans aucune équivoque. Les grandes incisives arquées de la mâchoire inférieure, les molaires composées de lames à la supérieure m’y paroissent bien exprimées. Si c’étoit un putois ou tout autre carnassier, il seroit bien extraordinaire que ses fortes canines et ses molaires tran¬ chantes n’eussent point laissé de vestiges. Pour que le lecteur en puisse juger, nous donnons, fig. i4, une copie de grandeur naturelle de cette tête, d’après la figure de TVild. J’adopte donc l’avis exprimé par M. Blumenbach ^ dans son Archœologia telluris , que c’est ici un rongeur ( scalpiis den~ tatum ). FOSSILES. 1 Mais lorsqu’il dit ailleurs que c’est une espèce détenni- noble, tout en ajoutant que c’est un rat d’eau ou quelque animal semblable, je pense que ce savant professeur va un peu trop loin. Ce n’est d’abord point le rat d’eau; car la grandeur du squelette fossile est de près d’un quart supérieure à celle de nos plus forts rats d’eau , et surpasse aussi plus ou moins celle du rat commun et du surmulot. Je ne trouve dans le genre des rais proprement dits, à dents molaires simplement échan- crées par les bords, que le rat de Java, appelé perchai par Buffon, que l’on puisse comparer à celui-ci pour la grandeur; mais le fossile montre véritablement plusieurs caractères qui se trouvent dans le sous-genre auquel appartient le rat d’eau, et non pas dans celui où se rangent le surmulot, le rat commun et le perchai. D’abord il a, comme le rat d’eau, des molaires composées de lames parallèles; ensuite la forme de son fémur, et surtout la position très-basse de son troisième trochanter, confirment ce que les restes de ses molaires annoncent; car tout le sous-genre des campagnols , parmi lesquels se place le rat d’eau, a le trochanter plus bas que les autres rats; mais aucun des campagnols que nous connoissons n’est plus grand que le rat d’eau. Le piloris des Antilles le surpasseroit seul s’il éloit du même genre; mais comme aucun naturaliste proprement dit ne l’a encore vu, l’on ne peut rien affirmer de positif sur sa classification. Si nous passons maintenant aux autres rongeurs , nous ne trouverons que les cabiais et les ondatras, auxquels les deux caractères que nous avons déterminés dans le squelette fossile puissent convenir; mais \ ondatra ou rat musqué est trop grand; et parmi les cabiais, le cochon dinde seul est de la taille nécessaire. s BONGEÜRS Ce résultat montre que la détermination faite par M. Jean ’Gesner étoit encore la plus juste de toutes 5 mais, si elle étoit vraie, elle prouveroit déjà combien l’on se trompe en faisant venir du canton environnant tous les animaux enfouis à CEningen. Cependant il y a encore un caractère distinctif et spécifique fort marqué dans la position et la grandeur de ce troisième trochanter. Quoique le cochon dinde l’ait, et l’ait à la meme place, il l’a incomparablement plus petit que ne le marque sur l’un des deux fémurs la figure de JVild^ qui paroit bien terminée à cet endroit. Celle de M. Karg le marque à l’autre beaucoup plus foible et plus semblable à celui du cochon dinde ; mais elle le place au côté opposé de l’os, ce qui laisse quelque doute. Nous faisons représenter à part, de grandeur naturelle, fig. i5, cette portion de fémur tirée de la figure de JVild^ afin que nos lecteurs puissent en faire la comparaison. Ainsi, de deux choses l’une; ou cet animal fossile est un cochon dinde, et alors il seroit d’Amérique, et non des en¬ virons du lac de Constance; ou, ce qui est beaucoup plus vrai¬ semblable et plus conforme à tout le reste de l’histoire des quadrupèdes fossiles des couches régulières, c’est une espèce inconnue de campagnol ou de cahiai, I.j’autre rongeur des couches fissiles, dont j’ai à parler, vient de TV ah ch en Bohême, dans le cercle de Saats, au revers des montagnes de VErzgebirg , lieu dont les carrières ne me sont pas connues en détail. Il a été représenté par JSÎjlius dans ses Memorahilia saxonice suhterraneœ, et par Hebenstreit , dans son Muséum richterianum. Nous en don¬ nons une copie à moitié grandeur, fig. i3. TValch {Monwn, FOSSILES. 9 de Knorr. II, ÎTag. loa), le rapporte au ratd'eau^ et j’ai lieu de croire que c’est de ce morceau que Gmelin a voulu parler, quand il dit qu’un squelette de musaraigne a été trouvé eu Bohême, enfermé dans une ardoise (^i). Comme ce squelette ne montre plus guère de caractères que ses incisives inférieures, que l’on pourroit aussi, à la rigueur, rapporter au genre soresc , on n’a que la grandeur pour se -décider. Elle est beaucoup trop considérable pour qu’on puisse croire que c’est une musaraigne d'Europe, ou une souris domestique ^ ou un mulot ^ ou un campagnol ; elle ne l’est pas assez pour en faire un rat d’eau. Le schermauss (^mus terrestris) ^ est le seul animal de ce pays-ci auquel ou puisse rapporter ce squelette avec quelque vraisemblance : mais combien ne s’en faut-il pas encore qu’il y ait de la cer¬ titude dans ce rîTpprochement ? (i) Syst. nat. fom. HT, pag. 5 "7. NT? ) 'J i ■ d Sur V Ostéologie des Paresseux. L’Ostéologie des paresseux n’est pas entièrement inconnue: DauLenton s’en est occupé dans le tome XIII de Fliisoire naturelle 111-4.° ; mais les squelettes qu’il a décrits venoient d’individus si jeunes , que presqu’ aucun os n’avoit conservé ses formes en se desséchant , et que l’existence même de quelques-uns étoit contestée, ou restoit prohlématlque, ainsi que nous le verrons plus lias; il a meme négligé d’observer un point qui eût été fort curieux pour lui, efqui le frappa beau¬ coup lorsque je le lui fis voir il y a quelques années : je veux parler du nombre de 9 vertèbres cei’vicales dans \aï. IJe] uis Daubenton , M. Wiedeman , professeur d’ana¬ tomie à Brunswick, a travaillé sur le même sujet; il a donné une description détaillée du crâne de l’rtï. Archives zool. et zoot. t. I , cab. I , p. 4^5 avec lig., pl. I et II ; une antre plus abrégée du squelette, ih. p. ida, sans figures, faite d’après un jeune individu; et quelques remarques additionnelles, faites dans notre Muséum , tant sur le squelette de V aï adulte , que sur le crâne de Xunau ^ ib. tome III, cab. I,p. 5^. Cependant comme il reste encore plusieurs points intéressans qu’il n’a point exposés, et que cette ostéologie est d’ailleiu'S fort importante, 2 OSTÉOLOGIE non seulement pour l’explication des pliénomènes singuliers f[ue Féconomie de ces animaux nous présente, mais encore j)our éclaircir ce qui concerne le gi'and scpelelte Fossile trouvé au Paraguay, et placé an cabinet du roi d’Espagne à Madrid, ainsi que certains ossemens tléccuverts en Virginie et décrits par M. JeFFerson , j’ai cru devoir y donner de nouveau toute mon attention. Outre les deux jeunes squelettes décrits par Daubenton , j’en ai eu à ma disposition deux autres à peu près du meme •âge que j’ai observés Frais , avant que leurs cartilages Fussent desséchés; mais j’ai sur-tout été aidé d’un squelette d’ai par- Faitement adulte, rapporté de Cayenne par M. Richard^ mou conFrère à l’Institut , et proFesseur d’iiistoire naturelle médicale à l’Ecole de médecine. J’y ai joint la tête et les pieds que j’ai Fait extraire de la peau empaillée d’un unau , aussi parFaite- ment adulte , donné du cabinet de zoologie de ce Muséum à celui d’anatomie comparée par mon ami et collègue M. Geolfroy. J’aurois bien voulu pouvoir décrire également l’ostéologie du grand paresseux pentadactjle fbradipus ursinus. Sbaw. J , si touteFois c’est un vrai paresseux, ce dont j’ai quelque lieu de douter. Cette espèce, ayant un nombre de doigts diFlérent des deux autres , n’auroit pas manqué d’oFFrir aussi quelque sin¬ gularité dans les os de ses extrémités ; inais cet animal rare n’a été vu qu’en Angleterre , et une Fois seulement : nous n’en possédons ici aucune partie. BuFl’on , après avoir peint avec éloquence et peut-être avec un peu d’exagération l’état miséralile où les paresseux sont retenus par leur organisation même, dit que « tout en eux » nous rappelle ces monstres par défaut, ces ébauches unpar- « Faites raille Fois projetées , exécutées par la nature, qui, ayant DES PARESSEUX. 5 « » à peine la faculté d’exister , n’ont dù suJjsister qu’un temps ^ » et ont été depuis effacées de la liste des êtres. )> Eu les considérant sous un autre point de vue , on leur trouve si peu de rapports avec les animaux ordinaires; les lois générales des organisations aujourd’liui existantes s’ap¬ pliquent si peu à la leur; les différentes parties de leur corps semblent tellement eu contradiction avec les règles de co¬ existence que nous trouvons étaljlies dans tout le règne animal , que l’on pourroit réellement croire qu’ils sont les restes d’un autre ordre de choses, les débris vivans de cette nature pré¬ cédente dont nous sommes obligés de chercher les autres ruines dans l’intérieur de la terre , et qu’ils ont échappé par quelque miracle aux catastrophes qui détruisirent les espèces leurs contemporaines. li n’y a peut-être parmi tous les quadrupèdes que le seul élé¬ phant qui s’écarte autant cpie les paresseux du plan général de la nature dans la formation de cette classe : encore les écarts que l’on y remarque correspondent - ils l’un à l’autre de ma¬ nière à corriger réciproquement leurs mauvais effets, et à produire un eusemhle concordant; mais dans les paresseux chaque singulaiûté d’organisation send^le n’avoir pour résultat que la foihlesse et l’imperfection , et les incommodités quelle apporte à l’animal ne sont compensées par aucun avantage. Comme l’ordi’e dans lequel nous décrivons chaque ostéo- logie n’est pas très-important dans le plan général de notre travail, nous allons considérer celle des paresseux par rapport à ses singularités et surtout par rapporté ses el’l'ets, dans les mouvemens de ces animaux et dans toute leur économie. Ce sera peut-être un moren de diminuer la sécheresse des détails dans lesquels notre sujet nous force de traîner le lecteur. 4 OSTÈOLOGIE I. Particularités dans V organisation du squelette qui causent la lenteur et la faiblesse des paresseux. i.° Des pi'oportions générales. Le seul aspect du srpielette de \aï[ pl. I.) indique d^s pi’oportions en quelc[ue sorte iiianquées. Le bras et l’avant- bras pris ensemble sont presque deux Ibis aussi longs que la cuisse et la jambe, de manière cjuecpiand ranimai veut marcber à (piatre, il est obligé de se traîner sur les coudes, et quand il est debout sur les talons, sa main toute entière peut encore appuyer sur la terre. Il n’y a que quelques singes cpil ap- procbent de cette disproportion j mais ils se tiennent souvent debout , ou marchent à l’aide d’un bâton : c’est ce que l’ai ne peut pas faire , parce que ses pieds de derrière sont si mal articulés qu’ils ne peuvent le soutenir , comme nous le verrons. Son bassin est de plus si large , et ses cavités cotyloides si tournées en arrière, rpi’il ne peut rapprocher les genoux, et qu’il est forcé de tenir ses cuisses écartées. U unau a des proportions un peu plus favorables. Ses bras et ses avant-bras pris ensemble ne sont à ses cuisses et à ses jambes que comme six à cinq. Les animaux, lorscpi’ils courent, reçoivent leur principale impulsion des pieds de derrière : aussi les bons coureurs ont- ils les pieds de derrière plus longs 5 le lièvre, la gerboise, etc. La longueur des pieds de devant ne sert qu’à embarrasser : c’est elle qui fait marcher les crabes à reculons. Les pares¬ seux ne peuvent presque les employer que pour se cramponner et traîner ensuite l’arrière de leur corps. DES PARESSEUX. 2.° Forme du bassin-, union extraordinaire de ses parties. Outre cette largeur extrême du Ijassiu et cette direction des cavités cotyloides vers le haut, que nous venons d’indiquer et dont aucun autre animal n offre d’exemple, le hassin des paresseux a quelque chose de particulier et de fort incommode pour la marche. Dans les autres cpiadrupèdes , l’os sacrum ne tient aux os innominés que pai’ une petite portion de ses cotés en avant; tout le reste est libre, et l’intervalle entre la partie postérieure du sacrum et l’os innominé se trouve vide pour loger des muscles et autres parties molles , et porte le nom de grande échancrure ischiatique. Dans les paresseux , il y a une seconde union en arrière , entre le sacrum et la tubérosité de l’ischion, et au lieu d’échancrure ischiatique il n’y a qu’un trou , comme un deuxième trou obturateur. ( Voyez pl. IV, fig. I, a. j Le phascolome ( didelphis iirsina de Shaw ) est le seul quadrupède qui présente cette structure , et il suffit de l’avoir vu marcher , ou plutôt ramper , pour juger cpi’il n’est guère plus agile que nos paresseux. Les détroits duhassin sont énormes à proportion. 3.° Articulation du pied de derrière. C’est peut-être ce qu’il y a de plus extraordinaire dans Y aï-, elle semble arrangée exprès pour ôter à l’animal l’usage de son pied. Par-tout la principale articulation de l’astragale se fait avec le tibia par un gynglyme plus ou moins lâche, qui permet au pied de se ployer sur la jambe. 6 OSTÉOLOGIE Ici la lacette principale et supérieure de l’astragale est une fossette conique dans lacpielle pénètre comme un pivot l’ex¬ trémité du péroné, faite en pointe. (Voyez pl. IV, lig. 2 , «. ) Le rebord de cette fossette du côté interne tourne contre une très-petite facette qui n’occupe pas le tiers de la tète infé¬ rieure du tibia. Il résulte de cette disposition que le pied tourne sur la jambe comme une girouette sur son pieu , mais qu’il ne peut pas s’y ployer. Il en résulte encore que le plan , le corps du pied, est presque vertical quand la jambe l’est, et que l’animal ne pourroit poser la plante de son pied à terre c[u’en écartant la jambe au point de la reudi'e presque horizontale. De ces deux particularités dérivent une foiblesse alDSolue du pied , et l’impossibilité complète de fournir au corps un point d’appui solide. L’astragale , pl. II,fig. 6, A, s’articule avec le calcanéum pai’ une petite facette ronde et concave , Z», opposée à celle, a, qui répond au péroné : après quoi vient un cou un peu rétréci, c, et eu avant une facette scaplioidienne un peu gynglymoide, d, au bord interne de laquelle eu est une petites pour le bord antérieur du calcanéum. Le calcanéum , ib. B , est très-comprimé en arrière , f, mais dans un plan presque horizontal quand la jambe est verticale. Il devient ensuite prismatique , porte en dessus le tubercule , g, pour sa première articulation avec l’astragale, et au bout une petite facette, //, pour la seconde. L’extrémité est terminée par deux facettes qui font un angle , l’interne i pour le scaphoïde D , l’externe A pour le cuboïde E. Uimau a le pied beaucoup mieux articulé : son astragale DES PARESSEUX. porte, il est vrai, une facette creuse pour le pivot du péroné, mais ce pivot fait un angle avec le reste de Fos , ou un crocîiet dirigé en dedans 5 de manière que l’astragale , tout en tournant sur lui, ne s’en meut pas moins dans un plan vertical, et que le pied peut poser à terre beaucoup plus facilement que dans Y aï. (Voyez pl. ,iig. 3 où T est le tibia j P le péroné, A la partie supérienre de l’astragale , a' sa partie inférieure , G le calcanéiun , c' sa tubérosité postérieure. 4° Roideur de toutes les parties des doigts. On sait qu’à l’extérieur , dans les paresseux, la peau enveloppe toutes les parties des mains et des pietls jusqu’aux ongles, qui sont séparés, et que tout le reste des doigts est réuni et sans intervalle ni mobibté entre eux j ils ne peuvent que se fléchir ou se redresser tous ensemble. Aussi toutes les articulations des phalanges sont des gyn- glymes serrés ^ les paj'ties creuses représentent des gorges pro¬ fondes de poiüies ; et ce qui prouve combien les mouvemens y sont gênés , c’est que dans Y aï plusieurs pièces qui restent toujours distinctes dans les autres animaux se soudent avec Fàge. Telles .sont d’abord les premières phalanges des doigts à tous les pieds , qui se soudent avec les os du métatarse et du métacarpe. Daubentou ne trouvant que trois os à chaque doigt, a été d’abord indécis sur celui qui manquoit ; il a pensé à la fin que c’étoit la première phalange. Le fait est (pi’elle ne manque pas, mais qu’elle se soude à l’os qni la précède^ on pourroit le juger à la forme de l’arti¬ culation ; dans les animaux, en général , c’est l’os du métacarpe OSTÉOLOGIE S OU du métatarse qui présente une partie saillante à la première phalange, et celle-ci en présente une creuse à la secciu^e. Dans IV«, le prétendu os du métatarse en présente au contraire une creuse. La chose est décidée d’ailleurs par Y unau ^ qui, en sa qualité d’animal heaucoup plus favorisé et plus agile , a ses premières phalanges encore distinctes à un âge où elles sont déjà soudées depuis long-temps dans Y aï. (Voyez pl. III , tig. 4 et 5 , Het I. ) Ou peut remarquer quelles y sont d’une brièveté singulière , quatre fois plus courtes que les secondes : elles doivent avoir par conséquent un mouvement très-peu marqué, et c’est sans doute ce qui leur permet de se souder. Qu’elles le soient ou non, l’effet est peu différent : mais , meme dans l’unau , les os sésa- moides se soudent à la partie inférieure de la première phalange et la prolongent en arrière. Dans l’rti , la soudure des parties va heaucoup plus loin : aux pieds de devant les trois os du métacarpe , et les vestiges des métacarpiens du pouce et du petit doigt se soudent par leurs hases , et ne font c[u’une seule pièce : de sorte qu’en coiuptant les premières phalanges , il y a huit os réduits à un seul, et qua¬ torze en tenant compte des os sésamoides. ( Voy. pl. II, hg. 5,M.) On peut juger si les mouvemens doivent en être entravés. La soudure du métacai'pieu de l’index avec celui du médius sé fait un peu plus tard que les autres. Aux pieds de derrière , non seulement les huit os correspon- dans à ceux des pieds de devant sont aussi soudés , mais il s’y joint de plus les trois os cunéiformes; par conséquent, un seul os y en remplace onze, et, en tenant compte des os sésa¬ moides , dix-sept. (Voyez pl. II, lig. 6, N. ) Dans Yunau., toutes ces parties sont distinctes, les sésa- DES PARESSEUX. 9 moitiés exceptés. Les trois métatarsiens sont plus longs à pro¬ portion tle tout le pied , et les vestiges de ceux du pouce et du petit doigt different moins des autres. ( Voy. pl. III, fig. 4, H, h.) Le carpe de est composé de sept os , et celui de l’ai, quoiqu’il ait un doigt de plus , n’en coutient que six 5 c’est que dans Yunau le scaphoïde se sonde avec l’os de dessous ou le trapèze : c’est une chose qui lui est toute particulière; car, dans les carnassiers où il n’y a aussi que sept os , c’est au semi- limaire ou à l’os d’à coté que le scaphoïde se soude. Le vestige de doigt du côté interne , H, tient à cet os sca- phoïdo-trapèze : on doit croire par conséquent qu’il représente le pouce. Le trapézoïde D , qui est fort petit , porte le premier doigt parfait H’ qui est l’index. Le second h tient à la fois au grand E et à Yunciforme F : et ce dernier porte le vestige de doigt du côté externe h' , lequel , quoique plus petit que celui du côté interne , représente cependant nécessairement à la fols le doigt annulaire et l’auriculaire. L’os semi-lunaire^ est fort grand, ce qui rend l’analogue du grand os E fort petit. Il forme avec le scaphoïde une sur¬ face convexe, uniforme, ohlongue qui répond à une facette semblable , mais concave, du radius. (Voyez pl. IV, fig. 5.) Le cubitus ne s’articule presque que par un point au cunéiforme C ; le pisiforme G est arrondi et médiocre. Dans Y aï , la soudure du scaphoïde au trapèze a toujours lieu ( voyez A , fig. 5 , pl. II. ), et il y en a de plus une entre le trapézoïde et le grand E , ib. C’est ce qui réduit ses os de carpe à six. Le troisième doigt parfait tient tout entier à YunciformeC’f, mais le médius y tient aussi toujours un peu. 3 CO OSTÉOLOGÏE 5° Manière dont les ongles sont jdiés dans l’état de repos ^ et caractère des dernières phalanges. Les ongles des paresseux sont d’une longueur monstrueuse; et l’arme redoutable qu’ils fournissent est sans doute le moyen par lequel ces animaux se défendent avec assez de succès pour couq^enser tout le désavantage du reste de leur organisation. Ceux de l’aï sur-tout surpassent tout le reste de sa main en longueur. Ils sont de moitié plus courts à proportion dans Vunau. Presque aussi aigus que ceux des chats , ils avoieut besoin , pour se conserver, d’élre mis à l’abri du frottement contre le sol : c’est en les redressant entre leurs doigts, et la pointe contre le ciel, que les chats conservent les leurs ; les paresseux ne pou- voient en faire autant , puisque leurs doigts réunis par la peau ne laissent point d’intervalle; d’ailleurs ces longues pointes redressées eussent été fort incommodes , et eussent pu blesser leur gorge et leur ventre. - Ils les tiennent donc recourbées en dessous lorsqu’ils ne s’en servent pas , et en posent la convexité sur la terre ; et comme dans les chats c’est sans peine pour leurs muscles et par la simple action élastique des ligameus que cette flexion se maintient , les muscles n’ont à agir que pour redresser. De cette différence dans la direction en résulte une dans la forme de l’articulation. Les dernières phalanges des chats, comme celles des paresseux , sont creusées en arc de cercle par derrière , puisqu’elles doivent se mouvoir en poulie sur les avant-dernières ; mais dans celles des chats la partie plus saillante de l’arc sera en dessous : dans les paresseux elle sera eu dessus., toujours du côté vers lequel l’ongle ne se porte pas. DES PARESSEUX. \ I a Par cette règle, ou distingue au premier coup d’œil une phalange même isolée , de Tun ou de l’autre de ces genres. Ou les distingue encore par la gaine osseuse qui doit retenir et enchâsser la base de l’ongle. Les deux genres l’ont égale¬ ment, pai’ce qu’ils ont besoin l’un et l’autre de solidité dans une arme si longue ; mais , dans les paresseux , c’est la partie inférieure de la gaine qui est plus avancée : dans les chats, c’est plutôt la supérieure. Ou peut reconnoître ces deux caractères dans les pl. n,hg. 6, et III, lig. 4, en M” M" , où l’on a re¬ présenté ces phalanges de profil 5 l’ongle à part , pl. II, fîg. y. Les chats , redressant leurs dernières phalanges non pas sur, mais à côté et entre les avant-dernières , ne peuvent avoir celles-ci di’oites et symétriques; elles sont un peu creusées d’un côté, et par conséquent comme tordues pour loger les dernières. Dans les paresseux, où l’ongle se replie simplement dessous et non entre les avant-dernières phalanges^ ce défaut de symétrie n’étoit pas nécessaire et n’existe pas non plus. 6.° Omoplates et clavicule ; leur soudure dans l’aï. L’^zf, si maltraité par rapport à la locomotion , auroit dû pouvoir se dédommager par une préhension facile et forte ; mais il est tout aussi malheureux à cet égard que pour le reste. Uunau a de gi'andes clavicules grêles qui vont, comme dans l’homme et les singes, du sternum à l’acromion, et prêtent un point d’appui au bras et à ses muscles lorsqu’il s’agit d’em¬ brasser quelque chose. U aï n’eu a point : un rudiment cartilagineux qu’on lui trouve dans sa première jeunesse , se soude bientôt à l’acromion , et 12 OSTÉOLOGIE ne sert qu’à prolonger un peu cette apophyse, mais est bien éloigné (le se porter jusqu’au sternum. Les paresseux sont bien, je crois, le seul genre qui com¬ prenne (les espèces claviculées et d’autres (pii ne le sont pas. L’omoplate est d’ailleurs remarcpiable. Son boid spinal est long et se rapproche en avant par une pointe, d’une autre pointe que l’apophyse coracoïde envoie en arrière j entre ces deux pointes est une grande échancrure arrondie , dont l’entrée est plus étroite que le milieu ; l’apophyse coracoïde se trouve avoir par-là la forme d’un marteau. La facette glénoïde est oblongue et légèrement concave. IL Autres particularité' s qui distinguent le squelette des paresseux. I .° Composition du tronc. Les animaux de même genre ont or(Unairement des nombres de côtes et de vertèbres à peu près semblaloles j ici , dans un meme genre, différence complète. n y a seize côtes, dont sept fausses, dans Y aï de M. Richard. Il n’y en a que cinq fausses, quatorze en tout, dans mon jeune squelette et dans celui de Daubenton , qui a indicpié ce nombre 5 mais il y a une vertèbre lombaire de plus : probablement il y avoitlàune côte restée encore cartilagineuse. Il y a vingt-trois côtes , dont onze fausses , dans Y unau. Il faut remarc[uer que ce nombre de vingt-trois est le plus considérable qu’il y ait parmi les quadrupèdes. Trois vertèbres lombaires dans l’aï 5 quatre dans Yunau. Une queue de onze vertèbres dans Y aï j un petit tubercule de trois dans Yunau. DES PARESSEUX. 16 U aï a six fausses vertèbres sacrées. M. Daubento» n’en a compté c[ue quatre , parce que son squelette n’étoit pas assez ossifié. Je crois que Viwaii en a sept; mais comme mon sque¬ lette est jeune, je ne suis pas bien sûr de ces trois derniers nombres dans cette espèce. U unau , comme tous les quadrupèdes , n’a que sept vertèbres cervicales. \Jaï en a neuf, et c’est la singularité la plus frap¬ pante que cet animal nous offre. La règle des sept vertèbres cervicales établie par Daubenton est si générale , que les cétacés meme , qui n’ont presque pas de cou, y ont néanmoins ce nombre de sept vertèbres , quoi¬ qu’elles y soient en partie d’une minceur extrême; et le cba- meau et la giraffe n’en ont pas davantage dans leur cou , d’une longueur presque monstrueuse. On doutoitsipeu de cette généralité , cpie Daubenton, qui avoit un squelette d’ai, négligea d’en compter les vertèbres du .cou. M. Rousseau , mon aide , fut le premier qui s’aperçut de cette exception en montant le squelette de Y aï rapporté par M. Richard ; mais comme celui-ci nous avoit donné les os sé¬ parés, il pouvoit s’y être glissé deux vertèbres de trop. Pour ne rien laisser de douteux à cet égard, je fis dissécpier sous mes yeux un jeune conservé dans l’esprit de vin, dont on fit le squelette naturel avec toutes ses vertèbres unies parleurs ligamens. Je m’empressai de consigner ce fait nouveau dans le Bulletin des sciences. Il se trouva ensuite que M. Wiede- mann avoit fait de son coté la même observation avant de connoitre la notre; et feu Herrman , professeur à Strasbourg, m’écrivit qu’il avoit aussi remarqué depuis plusieurs années , et démontré dans ses cours , ce nombre sur un individu d’r/f de son cabinet. Enfin, le petit squelette fait par Daubenton , et que I 4 OSTÉOLOGIE l’onnavoit plus au cabinet d’anatomie, s’étant retrouvé dans un des magasins , on y vit neuf vertèbres au cou, comme dans les deux que nous avions préparées. La chose a donc été vue sur cinq individus différens , et il ne reste aucun doute que ce ne soit un caractère pro])re à toute l’espèce, et non pas une circonstance accidentelle ou monstrueuse. Ces deux vertèbres surnuméraires sont d’autant plus sin¬ gulières que le cou de l’ai n’est pas très-long , qu’il est même beaucoup moins long qu’il ne faudroit qu’il fût pour la lon¬ gueur de ses pieds de devant , si l’animal devoit paître à terre ; mais il porte tout à sa bouche avec la main , ou bien il dévore les feuilles des branches , auxquelles il se cramponne. Le corps de chaque vertèbre cervicale a en dessous et en arrière une pointe qui se porte sous le corps de la vertèbre suivante, de manière que l’animal ne peut point fléchir son cou vers le bas. Cela l’aide à soutenir sa tête , qui doit l’être foi- blement par les muscles de l’épine , et par le ligament cervical ; car toutes les apophyses épineuses sont fort courtes. L’atlas n’a qu’un tubercule mousse, l’axis une apophyse carrée inclinée en avant; les quatre cervicales suivantes des apophyses pointues ; toutes les autres en ont de carrées , in¬ clinées en arrière , qui s’effacent presque sur les lombes , et disparoissent tout-à-fait sur le sacrum et la queue. Les apophyses transverses du cou sont courtes, larges au bout, qui est oblique , se baissant un peu en avant et y rentrant un peu en dedans. La huitième a la sienne un peu fourchue. La neuvième l’a prolongée en une petite pointe qui se porte en avant et en dehors. Dans le jeune individu , cette partie n’est pas soudée à la vertèbre : seroit-ce un petit vestige de côte ? DES PARESSEUX. 1 5 Les apophyses transverses du dos sont fort courtes , et leurs facettes pour les tubérosités des cotes regardent presque direc¬ tement en dehors. Celles des lombes ne sont guère plus longues. Les facettes des apophyses articulaires du cou sont dans un plan prescpie vertical, regardant un peu en bas et en arrière. Il se fléchit de plus eu plus eu arrière dans le dos , et y devient presque horizontal 5 puis il se redresse subitement dans les lombes , mais dans un autre sens que dans le cou. Ici c’est la vertèbre antérieure qui place son apophyse articulaire en de¬ dans ; dans les lombes , c’est la postérieure. Les côtes sont larges, plates et fortes^ les deux premières sont soudées ensemble, ensuite de quoi on trouve sept osselets sternaux très-distincts. 2.° Dents. On sait que les paresseux n’ont point d’incisives , mais des canines et des molaires seulement aux deux mâchoires, et que par-là ils diffèrent de tous les autres animaux, au point que nous avons cru devoir en faire un ordre à part, celui des tardigrades. Ils n’ont qu’une canine de chaque côté , à laquelle meme on pourroit contester cette qualité dans l’aï 5 car elle n’y reste pas pointue, mais s’use obliquement, la supérieure en arrière, l’inférieure des deux côtés, parce qu’elle répond, lors de la mastication, entre la canine et la première molaire d’en haut. Sa détrition est plus forte en arrière qu’en avant. La supérieure est comprimée par les côtés j l’inférieure l’est d’avant en arrieie et fortement. Dans les jeunes aïs , la canine supérieure est encore très- petite et tout-à-fait pointue , que l’inférieure est déjà grande , mousse, et comprimée comme je viens de le dire. iG OSTÉOLOGIE Dans Y unau ^ ces dents sont incontestablement des canines. Dès la jeunesse, elles sont plus grandes que les autres ,et leurs alvéoles forment une grande protubérance aux deux mâchoires. ( Voyez pl. III , fig. 2 et 3 , a, i.) L’une et l’autre y sont en py¬ ramide triangulaire. Il y a dans les deux espèces quatre molaires en haut et trois en bas de chaque coté. Toutes sont coniques dans la jeunesse, mais deviennent cylindriques quand le sommet en est émoussé, parce qu’il est seul aiguisé en pointe dans le germe. La troncature du sommet produit un creux dans la substance osseuse 5 les bords, qui sont d’émail restent saillans mais inéga¬ lement , tantôt plus d’un côté ou de l’autre, tantôt également en avant et en arrière et en laissant deux pointes latérales. Le tout dépend de la manière dont les dents se sont reiîcontrées et frottées les unes contre les autres. Les dents des paresseux sont les plus simples qu’il y ait au monde : un cylindre d’os enveloppé d’émail et creux aux deux bouts , à l’externe par la détrition, à l’interne faute d’ossifi¬ cation et pour loger le reste de la pulpe gélatineuse qui leur a servi de noyau. Voilà toute leur description. Ces animaux n’ont point, comme les autres herbivores, ces lames d’émail rentrant dans le corps de la dent , et qui en rendent la couronne plus propre à moudre les alimens végé¬ taux; aussi la mastication doit-elle être extrêmement imparfaite. Il faut encore remarquer que les lames qui composent leur substance osseuse sont mal unies ensemble. En sciant une dent longitudinalement , ou les voit toutes distinctes , les unes sur les autres comme des pièces de monnoie ou des dames à jouer qu’on auroit empilées dans un étui tubuleux ; c’est l’émail qui fait l’étui. DES PARESSEUX. *7 Mâchoire ; son articulation et les attaches des muscles qui la meuvent. La mâclioire inférieure de Y aï s’arrondit tout de suite en avant des canines, pl. II, fîg. 3 , a. Celle de Y unau y forme au contraire une pointe qui rappelle un peu celle de l’éléphant, pl. III, lig. 2 , C. Toutes les parties de celle de l’«ï, et sur-tout sa branche montante , sont plus hautes à proportion que celles de Y unau. [ Compai’ez les fîg. i des pl. II et III. ) L’angle postérieur se porte forteiîient en arrière dans tontes deux , mais encore beaucoup plus dans Y aï. ( Pl. II , fig. I , I5/5 I5 «5 et fîg. 3, cc. ) Le condyle de Y unau est transverse, peu convexe ( pl. III, fig. 2 d d. ) et appuie sur une facette aussi transverse, et peu concave du temporal. Celui de Y ai est plutôt un peu longitu¬ dinal j ü est aussi plus convexe [pl. II, fîg. 3,r/, J. et le mouvement latéral de sa mâchoire doit être beaucoup plus gêné. Mais ce qui est plus particulier à ces animaux , et ce qui seul les distinguer oit de tous les autres, c’est leur arcade zygomatique. L’apophyse zygomatique du temporal ne se joint point à celle du jugal 5 il reste entre deux un grand intervalle vide : cette dernière , après avoir donné une petite pointe en arrière de l’oi'hite, monte obliquement, de manière à ne pouvoir rencontrer celle du temporal , qui au contraire descend un peu. M. Daubenton , qui avoit observé cette conformation dans de très-jeunes sujets, soupçonnoit que la réunion pourroit se faire 3 i8 OSTEOLOGIE avec râge , mais elle n’a pas lieu non plus dans mon aï et mon unau adultes; et ce qui est plus extraordinaire que tout cela , le Lcru iuitrifcur de l’ajiopliyse zygomatique du jugal donne nue longue apophyse ohliquement descendante jusqnes près du hord inlérieur de la mâchoire. On ne trouve quelque chose d’approchant que dans le kanguroo. (Voyez la lig. i de la pl. II et de la pl. III. J Il n’y a point d’apophyse mastoide. La caisse du tpnpan , qui est assez homhée en dehors , porte un petit cz’eux où s’articule l’os styloide. 4.° Forme et composition de la tête. La face des paresseux est très-courte à proportion du crâne , mais ce n’est qu’une apparence fondée snr la position très- av année de l’œil, et sur l’étendue des sinus frontaux. Quand on la scie , ou voit que le nez se prolonge plus en arrière que l’orhite. Les fosses temporales sont assez larges , mais peu pro¬ fondes , et ne se rapprochent point sur le vertex , où il n’y a par conséquent point de crête sagittale. Dans l’n/zan, l’apophyse postorbitaire du frontal est courte et bien éloignée de rejoindre celle du jugal, qui est encore plus courte. Dans Y aï, celle du frontal est presque entièrement effacée. L’occiput est petit , coupé en demi-cercle , un peu surbaissé. Ce qui donne à l’rtz un caractère particulier de physionomie, c’est que la partie du crâne située au-dessus des yeux est plus élevée que celle qui est en arrière : c’est le contraire dans Yunau. Les apophyses ptérygoides ne font dans Yunau que deux crêtes rectilignes qui vont rejoindi’e les rochers. Dans Y aï, DES PARESSEUX. 19 elles forment une grande saillie arrondie. Elles sont simples dans tous deiix. n y a deux frontaux et deux pariétaux. La suture lambdoide fait un angle aigu en avant. La pai’tie du frontal qui descend dans l’orbite est très-large ; elle y touche le sphénoïde par un bord assez grand. L’os lacrymal est triangulaire et avance un peu plus sur la joue que dans l’orbite. Les naseaux et la partie des maxillaires située en avant des jugaux sont très-courts. Les incisifs sont extrêmement petits et transverses. C’est à la forme de ces trois os qu’est dû le raccourcissement extrême de la face. Les trous incisifs sont dans Yunau au nombre de deux, placés entre les canines. Dans r«ï,les os incisifs dispa- roissent tout à fait , et d n’y a point de trou incisif Cette cir¬ constance est extrêmement remarqualjlej je ne l’ai retrouvée dans aucun quadrupède. Le trou occipital est bien dans l’axe longitudinal de la fête; ce qui doit rendre la position verticale de l’épine, la seule dans laquelle ces animaux puissent être un peu stables, assez pénible pour eux, puisque leur bouche doit alors être tournée très en haut. 5.° Os des bras et des jambes. La tête de l’humérus est presque en demi-sphère. Les tubé¬ rosités en sont peu marquées; la ligne âpre est fort courte. Le quart inférieur de l’os est singulièrement aplati et mince d’avant en arrière , assez élargi et tranchant à ses bords ; le condyle interne est saillant et assez gros. L’externe est peu marqué; l’articulation est en portion de poulie pour le cubitus , et en portion de sphère pour le radius. Celui-ci par conséquent exé¬ cute très-bien la rotation et la supination. Son tubercule est 20 OSTÉOLOGIE Lieu marcp^ié ; il s’élargit fort en Las pour le carpe. L’ olécrane est très-court. Le cubitus arrondi s’arque en sens contraire du radius , de manière à laisser un intervalle assez large. Le fémur est large et plat d’avant en arrière dans toute sa longueur. Le col en est très-court. Le grand troclianter est plus Las que la tête; le petit tout-à-fait au bord interne de l’os; la tête inférieure a beaucoup plus de dimension de droite à gauche que d’avant eu arrière. C’est la même chose pour le tibia, qui est fort arqué en dedans vers son tiers supérieur ; vers le quart supérieur il y a une tubérosité à sa face interne. Sa partie inférieure est très- aplatie d’avant en arrière, et montre postérieurement un grand et profond canal , et un autre plus petit au côté interne de celui- là ; tous deux servent à des tendons. Le péroné est fort arqué en dehors ; sa tête supérieure s’articule par une facette oblongue , contre le côté externe de celle du tibia; l’inférieure est un peu en massue avant de s’aiguiser eu pointe pour s’articuler avec l’astragale. Dimensions du squelette de ï aï. Longueur du corps depuis le nez ]'usqu’à l’ extrémité de la queue . . . 0,649 Longueur delà tète, prise du nez à l’occipital . 0,088 Largeur de la tète, prise gntre les deux, yeux . o,o53 Id. . . prise d’un conduit auditif à l’autre . 0,04 Hauteur du crâne . • . o,o5l Distance d’une crête temporale à l’autre . 0,02 Distance de la crête occipitale au trou du même nom . 0,016 Diamètre longitudinal du trou occipital . 0,011 Diamètre transversal du trou occipital . 0,00g Diamètre du trou auditif externe . 0,00^ Hauteur de la fosse temporale . . • . 0,02 Largeur id . . . o,o54 DESPARESSEUX. 21 Hauteur des orLites . 0,02 Largeur, id . . o,oi3 Hauteur de l’apopliyse zygomatique temporale . 0,009 Hauteur de l’os jugal, prise de l’extrémité de son apopliyse inférieure à celle de sou apophyse zygomatique . o,o56 Id. . prise de l’extrémité de son apophyse inférieure à celle de son apophyse malaire . o,o5i Hauteur du corps de l’os jugal . ■ . . • . 0,011 Longueur de l’apophyse zt gomatique de l’os jugal . 0,01 3 Hauteur • . id . . 0,006 Longueur de l’apophyse inférieure de l’os jugal . • . . . . 0,03 Distance d’un angle orbitaire interne à l’autre . . 0,037 Distance des orbites aux fosses nasales . 0,018 Hauteur de l’ouverture des fosses nasales . 0,01 5 Largeur . id . 0,011 Espace entre les deux premières molaires de la mâclioire supérieure . 0,01 1 Id. entre les deux molaires postérieures de la mâchoire supérieure . . o,oo4 Longueur du palais . • . . ■ . . ; . 0,027 Distance d’une apophyse ptérygoide a l’autre . 0,018 Espace compris entre les deux molaires antérieures de la mâchoire inférieure . 0,00g Id. entre les deux dernières molaires de la mâclioire inférieure . . . 0,006 Distance d’un condvle de la mâchoire inférieure à l’autre o,o58 Distance d’une apophyse descendante de la mâchoire inférieure à l’autre o,o34 Longueur de la mâchoire Inférieure depuis la symphyse jusqu’aux apo¬ physes inférieures . . o,o58 Hauteur de la mâchoire inférieure , prise de la hase de l’extrémité de l’apophyse coronoide . 0,04 Distance de l’extrémité de l’apophyse corono'ide à celle du condyle . . 0,018 Distance du condyle à l’extrémité de l’apophyse inférieure . . ■ . . o,o25 Largeiu’ de la mâchoire inférieure, prise au-dessous des dernières molaires 0,0 1 8 Hauteur de la symphyse du menton . . 0,018 Longueur de l’os styloide . • . 0,037 Longueur de l’os hyoïde . • . 0,0 1 3 Harteur . id . . 0,006 Largeur . id . prise d’une branche à l'autre 0,0 1 3 Epais.seur de l'os hyoïde . • . o,oo4 Distance de la première vertèbre cervicale à la première vertèbre dorsale . 22 OSTEOLÔGIE Distance de la première vertèbre dorsale à la première vertèbre lom¬ baire . • . • . . • . . 0,219 Distance de la première vertèbre lombaire à Eos sacrum . o,o34 Longueur du sacrum • . . • . o,o85 Longueur du coccyx. . 0,092 Largeur de Latlas . . • . . . . o,o34 Largeur de Iaxis . . . . • • • . 0,018 Largeur de la dernière vertèbre cei’vicale . o,oag Largeur des vertèbres dorsales ... • . . . , • . . . 0,027 Largeur de la première vertèbre lombaire . o,o3i Largeur de la dernière vertèbre lombaire . . . o,o36 Largeur de la première vertèbre caudale . . 0,04. Id. ....... de la dernière vertèbre caudale . 0,004. N. B. Ces dimensions des vertèbres en largeur sont prises de rextrémité de .chaque ajDopbyse transverse. Diamètre antéro-postérieur des vertèbres cervicales . 0,022 Id • ... vertèbres dorsales . - . 0,022 Id ....... . vertèbres lombaires . 0,022 Id . vertèbres coccygiennes . 0,011 Largeur du bassin d’un angle externe de l’os des îles à l’autre .... 0,095 Longueur . ... id ... . depuis la partie supérieure de la crête de l’os des îles, jusqu’au milieu de la cavité cotyloïde . o,o63 Id . depuis le centre de la cavité cotyloïde jusqu’à la partie inférieure de l’iscbion . o,o34 Diamètre du bassin, pris du pubis au sacrum . 0,092 Diamètre transversal du bassin . . • . 0,061 Largenr du sacrum à sa partie supérieure . o,o56 Largeur du sacrum à sa partie inférieure . • ... o,o34 Grand diamètre du trou ovale . - . . 0,029 Petit diamètre . id . 0,022 Largeur de l’écbancrure iscliiatique ... • . 0,018 Longueur . id .... • . 0,020 Symphyse du pubis . 0,007 Longueiu" de la première côte . o,o45 Id t . de la 2.” . . . 0,061 Id . de la 5.“’ . 0,081 Id . de la 4-' . o,o85 /û? ........ de la 5.” . 0,081 Id . de la 6.® . • . 0,094 DES PARESSE ÜX. Id . de la 7.' . • . Id . de la 8.' . . Id . . de la 9.' . ». Id . de la 10.' . Id . de la 1 1 . . /ü? ........ de la 1 2.' . Id . . de la 1 5.' . . Id ... . .... delà 14.' . . Id . de la 1 5.° • . Id . de la 16.' . • . . . Largeur de la première côte sternale . • ..... Largeur des côtes suivantes en général . Largeur de la dernière cote vertébrale . • . . • . liOngueur du sternum . . . . N. B. Les cartilages des quatre premières côtes étoient ossifiés et non distincts. Longueur du cartilage de la 5.' côte . . Id . de la 6.' Id . de la 7.' . Id . de la 8.' . Id . de la 9.= . Id . de la 10.' Id. . de la 1 1 .' Id . de la 1 2.' N. B. A peine trouvoit-on quelque rudiment de cartilage aux côtes suivantes. Longueur des membres antérieurs depuis le bord supérieur de l’omoplate jusqu’à l’extrémité des ongles . Longueur de l’omoplate depuis l’angle postérieur jusqu’à l’apophyse acromion . • . ..... Id .... depuis son bord postérieur jusqu’à la cavité glénoide . . . Longueur de la crête de l’omoplate, prise depuis sa naissance jusqu’à l’ex¬ trémité du bec coracoïde . . Longueur de la cavité glénoide . . • . • . . Largpur . . id . . Longueur de l’humérus . . Largeur de l’humérus à sa partie supérieure . . Id . . . à sa partie moyenne . : . . . . . Id . . . . à sa partie inférieure . 23 0,101 0,1 10 0,117 0,117 0,1 17 0,121 0,108 0,101 0,094 0,002 0,006 0,01 I 0,006 0,076- 0,016 0,020 o,o36 0,04 0,002 o,o5o o,o3i 0,016 0,345 0,08 3 0,043 o,o56 0,02 0,01 1 0,176 0,022 0,01 3 0,027 34 OST^OLOGIE Longueur du cuLitus ... T . • . . o,i'^i Largeur du cubitus à Tolécrâne . . . . o,oi5 Id. . à sa partie moyenne . o,oog Id. . à sa paj’tie inferieure . . o,oii Longueur du radius . . . o, t55 Largeur du radius à sa partie supérieure . o,oi i Id. . . . . . à sa partie moyemie . 0,009 Id. . à sa pai'tie inférieure . 0,02 Distance de la tète du radius à sa protubérance bicipitale . 0,027 Distance du radius au cubitus à leur partie moyenne . 0,016 Longueur du cai-pe . 0,01 3 Largeur . id. . 0,02 Longueur du métacarpe . 0,027 Largeur . id. . 0,022 Longueur des premières phalanges . . . '. . o,o3i Longueur des dernières phalanges . 0,072 Longueur de l’ongle interne . 0,070 Longueur de l’ongle intermédiaire . 0,072 Longueur de Tongle externe . 0,072 Largeur des ongles à la base . 0,01 3 Longueur des extrémités postérieures . . o,556 Longueur du fémur . 0,108 Largeur du fémur, prise du grand au petit trochanter . «>029 Id. . prise à la partie moyenne . 0,01 3 Id. ..... prise d’un condyle inférieur à l’autre . 0,027 Longueur du tibia . 0,104 Largeur du tibia à sa partie supérieure . 0,022 Id. . . . . . à sa partie moyenne . 0,01 3 Id. . à sa partie inférieure . 0,022 Longueur de la rotule . . . 0,018 Largeur . id. . . . o,on Longueur du péroné . ' . Largeur du péroné à sa partie supérieure . 0,0 1 1 Id. ... . . . à sa partie moyenne . . . ■ . . . . . . . 0,009 Id. ...... à sa partie inférieure . 0,01 3 Distance du tibia au péroné à leur partie moyenne . 0,018 Longueur du calcanéum . . . 0,04 Longueur de l’astragale . 0,0 1 3 DES PARESSEUX. 25 I.ongueur du tarse . 0,006 Lai'geur . ici. . 0.02 Longueur du métatarse . 0,022 Largeur . id. . o,o5 1 Longueur des premières plialanges . 0,02g Longueur des dernières phalanges . o,o65 Longueur de l’ongle interne . o,o63 Longueur de l’intermédiaire . 0,061 Longueur de l’ongle externe . o58 Dimensions de quelques parties du squelette de ïunau. Longueur de la tète , prise du nez à l’occiput . . 0,092 Largeur de la tète , prise entre les deux yeux . o,o65 Hauteur du crâne . 0,06 Distance d’une crête temporale à l’autre . o,o43 Hauteur de la fosse temporale . o,o36 Largeur, id . o,o38 Hauteur des orbites . ‘ . 0,020 Largeur ,id. . . . 0,0 1 6 Hauteur de l’apophyse zygomatique temporale . o,oo’j Hauteur de l’os jugal , prise de l’extrémité de son apophyse inférieure à celle de son apophyse zygomatique . . .• o,o3o Id . prise de l’extrémité de son apophyse inférieure à celle de son apophyse malaire . 0,042 Hauteur du corps de l’os jugal . .....j. 0,011 Longueur de l’apophyse zygomatique de l’os jugal . 0,01 5 Hauteur, . 0,004 Longueur de l’apophyse inférieure de l’os jugal . . 0,011 Distance d’un angle orbitaire interne à l’autre . o,o33 Distance des orbites aux fosses nasales . 0,025 Hauteur des fosses nasales . • . 0,016 Largeur . 0,022 Espace entre les deux premières molaires de la mâchoire inférieure . . 0,018 Id . Entre les deux molaires postérieures de la mâchoire su¬ périeure . • . . . 0,009 Longueur du palais . o,o5o Distance d’une apophyse plérygoide à l’autre . 0,01 5 4 / 2G ostéologîe Espace compris eulre les devis molaires aulérieui'es de la mâchoire inférieure . . . Id . . . . . entre les deux dernières molaires de la mâchoire inférieure Distance d’un condyle de la mâchoire inférieure à l’autre ..... Distance d’une apopliyse descendante de la mâchoire infériem’e à l’autre . . . Longueur de la mâchoire inférieure dejiuis la symphyse jusqu’aux apo¬ physes inférieures . Hauteur de la mâchoire infériem’e, prise de la hase à l’extrémité coronoide Distance de l’extrémité de l’apophyse coronoide à celle du condyle . . Distance du condyle à l’extrémité vie l’apophyse inférieure . Largeur de la mâchoire inférieure , prise eu dessous des dernières mo¬ laires . . . Hauteur de la symphyse du menton . . Longueur du cubitus . . Largeur du cubitus à l’olécrâue . . . Id . à sa partie moyenne . Id ...... ... inférieure . . . . Longueur du radius . ^.....r....... Largeur du radius à sa partie supérieure . . Id . moyenne . . Id . inferieure . . . Longueur du carpe . . Largeur , id .... . . . . . «i Longueur du métacarpe . . . Largeur, id . . . Longuem' des premières phalanges . . Longueur de la dernière phalange interne . . ... , Id . . . . . .externe . . Longueur de l’ongle interne . . Id . externe . . . . Longueur du fémur . . . Largeur du fémur du grand au petit trochanter . Largeur à sa partie moyenne . . Largeur d’un condyle à l’autre . » . Longueur du tibia . Largeur ,id . . à sa partie supérieure Id . . moyenne 0,01 0,01 o,o4'.o o,o4j 0,082 0,002 0,019 0,01 5 o,o3 0,026 0,195 0,013 0,007 0,06 0,188 0,012 0,01 0,02 0,01 r 0,016 o,o56 0,019 0,007 0,043 0,047 0,044 o,o5 0,1 55 0,028 0,014 0,029 0,148 0,025 0,009 CT Ct . . inférieure , . 5 . « f . jTù? • • • • • 3 **7 Longueur du péroné Largeur à sa parlie supérieure . Id . moyenne . Id . inférieure Longueur de la rolule . Largeur , ïV/ ........ . . Longueur du calcanéum . Id . de l’astragale . Longueur du tarse . Largeim , /d . Longueur du métatarse . Largeur, id . • . . . . Longueur des premières phalanges . • . . Longueiu’ de la dernière phalange interne Id . intermédiaire Id . externe . . Longueur de l’ongle Interne . Id . intermédiaire externe. , > 0,01 8 0,143 0,009 o,oo5 0,008 0,01 5 0,01 1 0,023 0,018 0,008 0,016 o,o56 0,025 0,007 o,o58 o,o58 0,054 0,04 0,044 o,o58 1 ^ î V ^0 C:v,. ocr . À--' » J'. • ‘îO f '!fi J E. b ns . I ! ! I . ■! 1 i; g: . . -il' . . Vs. , ■inoji'iEi.r jfno'rr ■ . ■ ; :;u ;: : j. :.-:’lono V.l ■ 1 üT'EiJjbKi'iç: il « t .('il'-' ■cl^.io'i .' rj ■rj;irjgfr'...î ..vi 0 ^ < > •. / ■' -J -iv /5s Tète et Pieds de PAi . . ■i. -r .:A •ï'. - ' i ,r » I ^ J* s- ■. •_ Piu'osstnix. PI. Ill . Tcle ol Pieds (le rUiiiui. ■ . ' •'S*l fi.* •?V’J*.- ■. • . > . ty «J*.-' ** l’v.'V. N />. ;.Xv;- il* ■» 'V ■ ’'*• •■■Kf ' J4^' ■W Paresseux. PI. IV. l^assiii et Pied d’Aï. Av suit bras, Jaml)c et Pied d’üuaii. SUR LE MEGALONIX, Animal de la famille des Paresseux , mais de la taille du Boeuf , dont les ossemens ont été découverts en Virginie , en 1 796. M. Jefferson^ président des Etats-Unis, dont les vertus et les talens font le bonlieur du peuple qu’il gouverne et l’admi¬ ration de tous les amis de l’iiumanité , et qui joint à ces qua¬ lités supérieures un amour éclairé et une connoissance étendue des sciences auxquelles il a procuré plusieurs notables accroisse- mens , est le premier qui ait fait connoître cette intéressante espèce d’animal fossile. Il annonce dans un Mémoire lu le 10 mars 1797 , à la Société Philosophique de Philadelphie, et iiU'- primé dans le n.° XXX de ses Transactions ,p. 246 , qu’on en découvrit les ossemens à une profondeur de 2 ou 3 pieds , dans une caverne du comté de Green-Briar , dans l’ouest de la Vir¬ ginie. Il y a beaucoup de ces cavernes dans cette contrée dont le sol , depuis les montagnes bleues , est généralement de pierre calcaire, et qui ressemble par conséquent beaucoup aux cantons d’Allemagne et de Hongrie, où l’on trouve ces fameux ossemens fossiles qui appai’tiennent à une espèce d’ours dont nous trai¬ terons ailleurs. Feu Washington avertit M. Jefferson de cette découverte le 7 juillet 1796, et le colonel John Steward lui envoya peu I. 2 SUR LE M E G A L O N I X. de temps après une partie des os que l’on avoit trouvés. Il eu reçut encore quelques-uns de M. Hopkins de jVe%T-Yorck qui avoit aussi visité ces cavernes , mais le plus grand nombre fut enlevé et dispersé par différentes personnes. Les os remis à M. Jefferson furent, dit-il, un petit fragment de fémur ou d’iiumérus, un radius complet, un cubitus com¬ plet cassé en deux ; trois ongles et une demi-douzaine d’autres os du pied ou de la main. Il donne de tous ces os des ligures fort exactes , mais point de description détaillée. Les comparant ensuite à leurs analogues dans le lion, il trouve que le megalonijc c’est ainsi qu’il nomme cet animal , et nous adopterons sa dénomination), il trouve, dis-je, qu’il devoit avoir 5 pieds et quelque chose de haut, et peser en¬ viron 893 livres. Il en conclut que c’étoit le plus grand des onguiculés, et qu’il étoit peut-être l’ennemi du mammouth ( l’animal fossile de l’Ohio ) , comme le lion l’est de l’éléphant. Il ajoute que les plus anciens historiens des colonies anglo- américaines font mention d’animaux semblables au lion , et que l’on voit sur un rocher , à l’embouchure du Ranhawa dans rOblo , des figures d’animaux qui doivent avoir été tracées de la main des sauvages , tant elles sont grossières , et parmi les¬ quelles il y en a une qui représente le lion. Elle n’a pu être prise du puma ou prétendu lion (T Amérique ( felis discolor) puisqu’il n’a pas de crinière. Enfin des voyageurs^ parmi les¬ quels il y en a encore de vivans , ont entendu pendant la nuit des rngissemens terribles qui effrayoient les chiens et les che¬ vaux. Ces récits et ces images ne prouvent -ils pas, ajoute M. Jefferson , l’existence de quelque grande espèce inconnue de carnassier, dans l’intérieur de l’Amérique, et cet anima terrible ne seroit-il pas précisément le megalonijc? s U n L E U E G A L O K I X. 3 JL Faujas, mon savant collègue au Muséuni cVliistoire na¬ turelle , a transporté le nom de megalojiiæ à un animal fos¬ sile d’une autre espèce , cpioique de la meme famille , découvert au Paraguay, qu’il n’a point distingué de celui de Virginie, quoiqu’il eu soit assez différent , comme nous le verrons. Mais quand meme les deux animaux ne feroient cpi’une espèce, comme j’avois imposé à celui du Paraguay le nom de méga¬ thérium , avant meme que M. Jefferson eut parlé de son me- galonix^ et que le premier de ces noms est adopté par ceux qui ont pai'lé de l’animal depuis moi, cette interversion de nomenclature ne peut pas être admise. J’avois prouvé , à la meme époque , que le mégathérium appartient à la famille des paresseux , et je vais le prouver de même aujourd’hui pour le megalonix. M. Faujasa contesté la justesse de ce rapprochement par rapport à l’un et à l’autre 5 il a semblé n’y voir que \ahus dune méthode artificielle pour contraindre pour ainsi dire la nature à se plier à des classi¬ fications factices (pi elle ne connut jamais , etc. (1) Il a sup¬ posé que cet animal fossile n ajantpu exister qii en détruisant heaucoup , a dû avoir nécessairement de grands moyens d’attaque et de défense contre d’autres animaux , etc. , et qu’on ne peut le mettre sur la même ligne que lesparesseux , ces êtres malheureux faibles .,indolens etc.[d). L’autorité de ce célèbre géologiste étoit trop imposante pour que je ne m’empressasse pas de répandre sur cette ma¬ tière tout le jour dont elle est susceptible : c’est ce qui m’a déterminé à donner la description étendue de l’ostéologie des (i) Faujas, Essais de géologie, I, p. Siÿ. (a) Id. , ià. SUR LE IMEGALONIX. 4 paresseux ^ qui a fait le sujet de mon article précédent. La comparaison que je vais faire aujourd’liui de cette osiéologie avec les os fossiles de Virginie et avec ceux, du Paraguay, con¬ vaincront, j’espère , tous les naturalistes , 1. ° Que les animaux dont proviennent ces os fossiles n’é- toient point carnassiers , mais vivoient de x^égétaux 5 2. ° Qu’ils avoient en grand toutes les formes , tous les dé¬ tails d’organisation c[ue les paresseux offrent en petit , et que les effets de ces organisations dévoient être semblalxles 5 3° Que s’ils s’en écartent en quekp.ies points peu impor- tans, ce n’est que pour se rapprocher du genre d’ailleurs le plus voisin, celui àe&'fourmiliers 4.° Que le rapprochement de ces animaux fossiles et des paresseux , et leur classification dans la famille des édentés en général , ne sont pas arbitraires , ni fondés sur des caractères artificiels , mais qu’ils sont le résultat nécessaire de l’identité intime de nature des uns et des autres. Il est de mon devoir de témoigner ici ma reconnoissance de deux puissans secours qui m’ont mis à meme de faire cet examen approfondi des os du megcdonix. Je dois le premier à M, Peale , si célèbre par le beau muséum qu’il a formé à Philadelphie. Il a bien voulu m’adres¬ ser des plâtres moulés avec le plus grand soin sur les os indiqués par M. Jefferson, et m’a donné par-là la faculté de les décrire tous de nouveau , et d’en donner des figures faites sous des points de xme un peu différons de celles de M. Jefferson. L’autre m’a été fourni parM. PaUsnt de Peauvois^ ccu’res- pondant de l’Institut national, savant botaniste et xuyageur courageux , qrii a bravé les climats les plus terribles^ pour SUR LE M E G A L O N I X. 5 augmenter nos connoissances dans les deux, règnes organisés. Il s’étoit procuré , pendant le séjour quil lit à Philadelphie^ à la suite des premières révolutions de Saint-Domingue , deux morceaux trouvés dans la mémo caverne que ceux de M. Jefferson j l’im des detix , qui est une dent, étoit sur-tout im¬ portant , parce qu’il achevoit de faire connoitre la nature de l’animal, déjà si bien annoncée par ses pieds. M. de Beauvois a Lien voulu me permettre de dessiner ces deux pièces , et de les emjjloyer à compléter mon travail, autant qu’il peut l’étre. Entrons maintenant en matière 5 et, pour cet effets exa¬ minons d’abord les quatre os représentés de suite , ligure I , 2 , 3 , 4- lîs s’articulent bien l’im avec l’autre , et forment les quatre parties d’un doigt 5 M. Jefferson les a rapprochés comme nous. I. Si nous pi’enons la dernière phalange , ou l’os onguéal , hg. I . , nous ne pourrons meconnoitre ses ressemblances avec l’os analogue d’un paresseux ou d’un fourmilier , et scs diffé¬ rences de celui d’un lion. 1°. La face articulaire a dans son milieu une arrête bien marquée , qui en resserre fortement le gynglyme , avec la phalange moyenne. Cela est ainsi dans les paresseux et dans \es fourmiliers , dont les doigts sont toujours plus ou moins génés. Dans les chats qui ont toutes les articulations de leurs doigts plus libres, cette arrête est presque effacée. 2°. La partie supérieure de cette facette se prolonge plus en arrière que l’inférieure ; d’où il résulte que cette dernière^ phalange ne peut s’étendre sur l’avant-dernière au-delà de la ligne droite , ni par conséquent se redresser et porter sa pointe vers le ciel ; mais quelle peut se fléchir tout à fait en dessous. C’est là un caractère particulier aux paresseux et aux Ô SLR LL tl E G A L 0 R I L. founniliers , qui tiennent ieurs ongles clans ce dernier état, cl en posent la convexité à terre en marchant , lorsqu’ils ne s en servent pas. C’est tout le contraire dans les chats , ils redressent leurs ongles ; aussi la facette de leur dernière pha¬ lange se prolonge-t-elle en arrière à sa partie inférieure seulement , ce qui fait quelle peut se redresser , mais non pas se üéchir 5 3°. La plaque osseuse inférieure , percée de deux trous pour les vaisseaux sanguins qui vont nourrir le périoste sous Fongle , est parallèle au tranchant de la phalange , et fait un angle droit avec le Las de sa facette articulaire. Cela est encore ainsi dans les paresseux et dans les four¬ miliers j mais dans les chats cette plaque est prescjue per¬ pendiculaire au tranchant, et parallèle à la partie inférieure de la facette 5 4°. La hauteur de la phalange, mesurée en arrière , ne fait guère que le quart de sa longueur , comnae dans les paresseux et dans les fourmiliers ; dans les chats ces deux dimensions sont presque égales, ou meme c’est la première qui est la plus grande. Je conclus de ces comparaisons que c’est ici un os onguéal de paresseux. Je peux en conclure autant et par les memes raisons , pour les deux autres onguéaux , trouvés au même endroit , et appai’tenant probablement au même pied, représentés lig. 5 et 9. Ces trois phalanges onguéales sont fort inégales j la plus grande à 0,18 de long, sur 0,07 de hauteur; La moyenne 0,1 5, sur o,o5. La plus petite 0,09 , sur o,o35. SUR LE ÎNIEGALONIX. 7 A cet égard , l’animal fossile diffère également des pares-, seux et des chats, qui ont les uns et les autres tous leurs onglei, à peu près égaux. Mais il se rapproche plus particulièrement des fomvniliers qui les ont comme lui très-inégaux. La première de ces phalanges n’a point de gaine osseuse à sa hase. La seconde en a un vestige d’un côté , qui part de la plaque Inférieure, et s’élève parallèlement au corps de l’os, jusqu’au tiers de sa hauteur. La troisième en a une , aussi d’un côté seulement , mais qui s’élève au-dessus du dos de l’os. Les paresseux ont aussi de ces gaines qui partent des côtés de la plaque inférieure , et qui se rétrécissent vers le dos de l’os ; mais ils en ont des deux côtés et à tous les doigts. Dans les chats , au contraire , ces gaines s’élargissent vers le haut de l’os , et l’emhrassent en s’unissant ensemble. Nouvelle preuve que c’est ici un paresseux ^ ou tout au plus un fourmilier ^ et non un chat. II. La seconde phalange ^ fig. a , nous donne les memes indications. i“. Son articulation antérieure est en poulie, dont le milieu est un canal très-profond , pour recevoir l’arète correspon¬ dante de l’onguéal. Dans le lion et dans tous les chats, cette arti-, culation est en simple portion de cylindre , sans aucun canal 2°. L’os est à peu de chose près symétrique , et ses dem côtés à peu près égaux. Cela est ainsi dans les paresseux , dans les fourmiliers , et dans tous les animaux qui ne redres¬ sent pas l’ongle vers le ciel ; mais les lions et tous les chats ont à cet égard un catracère tout particulier. Comme il faut 8 SUR LE M E G A L O N I X. eue leur (leniière jolialange, quand elle se redresse , trouve une place entre les avant-dernières , celles-ci ne sont jamais symétriques 5 elles ont un côté concave , et l’autre un peu convexe : on diroit que ce sont des os malades et déformés. Oii' voit que ce caractère manque à nos os fossiles. 3° L’articulation inférieure fait une saillie arrondie en dessous, et cela étoit nécessaire, pour que l’onguéal , quand il se fléchit , pût tourner dessus comme sur une poulie ; la même raison produit le meme effet dans les paresseiijc et dans les fourmiliers ; mais cela n’étoit pas nécessaire dans les chats , où l’onguéal ne peut se fléchir. Aussi le dessous de cette articulation est-il de niveau avec le reste du dessous de l’os. 4.° En arrière de cette poulie , sous l’os , est un creux qui reçoit , lors de la flexion , l’extrémité inférieure de l’articula- , lion de l’onguéal 5 il n’y en a point dans le lion ; mais celui- ci a un tel creux en arrière, pour un ligament ou pour un tendon 5 creux dont notre os fossile manque à son tour. Le paresseux ressemble encore au fossile par ces deux; points. Je conclus donc que cette seconde phalange est une s^ conde phalange de paresseux, La meme conclusion s’applique à la seconde phalange de la fig. 10, qui paroît avoir porté l’onguéal de la iig. 5. La deuxième phalange de la fig. 2. a 2,0^5 de longueur. C’est moins de moitié de la longueur de l’onguéal. Dans \unau ces deux os sont égaux 5 dans Y aï , le premier n’est que le tiers de l’autre. Ainsi, notre fossile se rapproche plus sous ce rapport du paresseux tridactjle que du didactjle. III. La première phalange , fig. 3 , est encore plus carac¬ téristique que les deux autres ; elle sépare notre fossile de tous SUR LE MEGALONIX, 9 les animaux connus , pour le rapprocher uniquement des pa¬ resseux. Elle l’éloigne sur-tout heaucoup des chats. En eitet , dans le lion , comme dans tous les animaux , la première phalange est la plus longue j dans notre fossile , comme dans les paresseux , c’est la plus courte des trois 5 sa longueur est la plus petite de ses trois dimensions. Elle ressemble à une plaque concave des deux côtés , et si l’on n’en voyoit pas de pareilles dans les paresseux on auroit bien de la peine à la reconnoitre pour une phalange. Il faut remarquer encore le canal profond de l’articulation postérieure de cette phalange, qui en fait mi gyngljmie serré sur l’os du métacarpe. Le lion a cette concavité peu profonde et arrondie en tout sens, ce qui fait de son articulation une arthrodie, et lui donne heaucoup plus de liberté. Les paresseux sont encore plus mal partagés à cet égard que notre animal fossile 5 les os sésamoides s’y soudent à la partie inférieure, et y prolongent la facette articulaire , au point de presque anéantir le mouvement de la première pha¬ lange sur le métacarpe. C’est ce qui fait que les deux os se confondent dans l’ai, et que les doigts ne gardent que deux articles de mobiles. fourmilier s ont aussi cette phalange extrêmement courte dans une partie de leurs doigts, et elle s’y soude aussi avec l’àge ; mais ce n’est pas avec l’os du métacarpe , c’est avec la deuxième phalange que se fait cette union 5 caractère dis¬ tinctif très-essentiel j un autre qui ne l’est pas moins , c’est que celle circonstance n’a pas lieu dans tous les doigts j l’an¬ nulaire , par exemple , a sa première phalange de forme ordinaire , et elle reste toujours distincte. JO SUR LE MEGALO N IX. Ainsi , les trois phalanges de ce doigt sont des phalanges de paresseux , ou tout au plus de fourmiliers ; les inouveinens quelles peuvent exécuter l’une sur l’autre sont aussi gènes, aussi peu libres que ceux des paresseux ou des fourmiliers , ils se font dans la meme direction j tout le monde en conclura sans doute avec moi , que ce doigt est un doigt de paresseux , ou tout au plus de fourmilier. lY. L’os du métacarpe , (ig. 4 7 est singulièrement gros et court. On juge par sa tête supérieure que c’est le médius du coté gauche / on y voit deux facettes carpiennes , dont l’externe est plus étroite , et finit plutôt en arrière j l’autre descend en avant , et y est fort concave. La moitié antérieure de son bord interne est contiguë à une facette arrondie, qui descend sur le côté de l’os, pour l’articulation avec le mé¬ tacarpien de l’index. Celui-ci est représenté fig. 8; c’gst à lui qu’ont probaldement appartenu la deuxième phalange de la lig. 10, et la troisième de la fig. 5; mais on n’a pu les y lier faute d’avoir la première phalange qui leur servoit de moyeu d’union. Sa tête siq)érieure est triangulaire, son Lord interne est le plus grand ; l’antérieur est échancré. Il y a au côté interne de l’os une facette qui répond bien à celle du métacarpien du médius , et il est aisé de voir que ces deux os étoient placés à côté l’un de l’autre ; ils s’écartoieut un peu par le bas. Celui de l’index est sensi¬ blement plus mince, et un peu plus court que celui du mé¬ dius. Tous deux se caractérisent bien pour métacarpiens de paresseux ou de fourmiliers , par l’arrête mince et saillante de leur tête inférieure , arrête dont la ligne antérieure est de plus presque droite , et permet par conséquent très-peu de r It , SUR LE M E G A L O N I X, mouvement. Dans le lion celle partie est ronde et large en avant , etc. La totalité de ces deux doigts est beaucoup plus courte , à proportion de sa grosseur , que dans les paresseux ordinaires ; mais c’est une règle générale pour tous les animaux , qu’à mesure qu’ils grandissent, leurs membres s’épaississent dans une raison bien plus forte qu’ils ne s’allongent. D’ailleurs elle s’éloigne moins de la proportion qu’on observe dans \q?, four¬ miliers , lesquels ont les doigts beaucoup plus courts que les parresseux. \ oilà deux doigts bien restitués dans leur totalité ^ reste à savoir de combien d’autres ils étoient accompagnés : j’ai pour le découvrir, 1.° les facettes que les os du métacarpe montrent aux côtés par' lesquels ils ne se touchent pas; 2." les os que l’on a trouvés avec ceux dont nous venons de parler ; 3°. l’ana¬ logie du mégathérium et des autres paresseux el fourmiliers. Pour les facettes, il y en a à chaque os. Celle de l’index qui portoit le pouce ou son vestige , est médiocre ; mais elle indique toujours l’existence au moins d’un tel vestige : celle du médius est bien plus grande : U y avoit donc un métacar¬ pien d’ annulaire plus ou moins considérable. V. Pour les os , il y a d’abord ce troisième onguéal de la Cg. 9, qui prouve qu’il y avoit au moins encore un doigt complet , différent des deux que nous avons décrits. Ce qui cependant m’embarrassoit prodigieusement , c’étoit un troisième os du métacarpe que je ne pouvois rattacher à ceux quej’avois. Il est dessiné fig. 1 1. A force de le retourner, je remarquai qu’il appartenoit au pied droit , et qu’en le pre¬ nant en sens contraire la plus grandes dé ses facettes laté- / 12 SUR L E M E G A L O N I X. raies, corresponclroit parlaitement à ranuulairienne du më- lacarpien du médius. Mais un métacarpien de l’aniudaire , de moitié plus long que celui du médius ! où Irouver de quoi juslifier une telle singularité ? Les paressseux ^ hétéroclites à tant d’autres égards, ne m’offroient rien de semhlahle. Un coup-d’œil jeté sur les gra¬ vures du S(juelette du mégathérium du cabinet de Madrid me montra cependant la même singularité 5 il faut donc, me disois-je , que cens qui ont monté ce squelette aient été conduits à cet égard , à la même conclusion pour cet animal , que moi pour le mien. Ce n’est donc point une combinaison fantas¬ tique, et la nature nous en montrera peut-être encore quelque exemple dans les animaux vivans. Je le trouvai en effet bientôt , et ce fut dans la famille des fourmiliers : le tamanoir ( mjrmecophaga juhata ) a son métatarsien du médius plus gros et plus court que tous les autres ÿ celui de l’index est un peu plus long et plus grêle, et celui de l’annulaire et du petit doigt le sont beaucoup plus. Au squelette de Madrid on a attaché en dehors de ce métacarpien de l’annulaire celui du petit doigt , qui ne s’est point trouvé parmi les os de megalonix dont on m’a envoyé des plâtres ; mais dont l’existence est bien indiquée par une facette que porte la face externe de celui de l’annulaire. Il est aussi plus long que celui du médius ^ et tout annonce qu’il en étoit de même dans notre megalonix. \I. Il n’est fait mention d’aucun vestige de pouce dans la des cription du squelette du Paraguay, quoique son existence soit indiquée dans notre megalonix par la facette externe du mé- s U K LE M E G A L O N I X. i3 tacarpien de Fiiidex ; j’ai tout lieu de croire que c’est au pouce qu’appartenoil l’os qui m’a été communiqué par M. de Beau- Tois , et que je représente , à moitié grandeur, lig. i/f. On lui voit une facette eu c, qui correspond assez à celle de l’index qui devoit poi’ter le métacarpien du pouce j une autre en r/, pour le carpe. En a , une empreinte d’insertion musculaire j et sa terminaison inférieure h ressemble assez à celle des autres os du métacarpe ; l’articulation qu’on y voit indique quelle devoit porter au moins ime phalange. Le pied de devant du megalonix auroit donc eu , D’abord deux doigts bien complets , l’index et le médius j Ensuite au moins les vestiges des trois autres ; Mais l’un de ces trois au moins étoit plus qu’en vestige , puisque l'on a trouvé un onguéal différent de ceux du médius et de l’index, celui de la lig. 9. Auquel de ces trois doigts appartenoit-il ? Ceux qui ont monté le squelette de mégathé¬ rium ayant aussi trouvé un troisième ongle , l’ont attaché au doigt auuulaire, et il y a sans doute de fortes raisons pour justifier le parti cpi’ils ont pris. Dans les animaux à pied dé¬ fectueux , c’est-à-dire , à moins de cinq doigts complets , c’est le pouce qui disparoît d’abord; ensuite le petit doigt; puis l’annulaire : ainsi quand il n’y en a que deux , ce sont l’index et le médius; et quand il s’y en ajoute un troisième, c’est plutôt Y annulaire que tout autre. Quoi qu’il en soit, il est clair que cet animal avoit le pied de devant plus complet que nos deux paresseux actuels , puis¬ que, même dans l’e/j , le pouce et le petit doigt sont sans pha¬ langes. e ' :> Les os de l’avant-bras ne peuvent pas nous fournir des ca- 14 S U R L E M E G A L O N I X. ractères aussi frappans que ceux des doigts , parce que les mouyemens de flexion et d’extension , de pronation et de supi¬ nation que ces os déterminent , sont à peu près aussi parfaits dans la famille des paresseux que dans celle des carnassiers ; cependant ils sont encore assez faciles à reconnoilre pour ce qu’ils sont. VII. Le rridius du megaloniæ dessiné au tiers de sa gran¬ deur , de deux côtés , fig. 6 , comparé à ceux des paresseux et des chats ^ se trouve sensiblement plus voisin des premiers.- Je n’ai pu le comparer , non plus que le cubitus, aux memes os dans les fourmiliers , parce que je n’ai pas eu ces parties dans ce dernier genre , du moins dans une grande espèce. 1. ° Le contour de sa tète supérieure est circulaire comme dans les paresseux. Dans chats., ainsi que dans les autres carnassiers, il est irrégulièrement elliptique; 2. ° Sa pai’tie moyenne et inférieure est fortement aplatie et presque tranchante par ses deux bords , encore comme dans les paresseux. Il s’en faut bien qu’elle le suit autant dans les chats ; 3. ° Dans les chats , il y a vers le bas au bord interne , une apophyse en crochet qui est presque effacée ici comme dans les P are s s eux. Cette différence tient à la mobilité du pouce dans les uns , et à son peu de mobilité ou à sa disparition dans les autres. C’est que c’est sur cette apophyse que passe le tendon de l’abducteur long du pouce ; 4-° L’apophyse interne de la tète inférieure , est moins sail¬ lante que dans les chats , etc. Ce radius du megalonix a de longueur totale, o,45. ; lar¬ geur de la tête supérieure , o,o6 ; vers le milieu o,o8. ; de là s ü R L E M E G A L O N I X. i5 tète inférieure, o,io5j petit diamètre de la tète inférieure, 0,075, etc. Il est à celui de Funau comme 5 à 2 , et triple de celui de Fai ; mais il ne fait que les trois cinquièmes de celui du mé¬ gathérium qui a 0,76. ^ UI. Le cubitus représenté aussi au tiers de ses dimensions , bg. 7 , donne un résultat semblable dans sa comparaison. 1°. La facette articulaire humérale regarde le côté interne, comme dans les paresseux. Dans le /fon, elle est plutôt dirigée vers Fexterne ] 2.° La facette articulaire radiale supérieure est un simple disque rond , légèrement concave , regardant la l’ace interne de Fos : encore comme dans les paresseux. Dans le lion , c’est une portion concave d’annean. 3°. La tète inférieure n’est point partagée en deux apophyses par une échancrure profonde comme dans le lion ; elle est simplement tronquée par nue facette carpienne unique , etc. : toujours comme dans les paresseux. L’olécràue est plus considérable , et dirigé plus en dehors que dans les paresseux. Toute la forme de Fos ressemble à celle de son analogue dans le mégathérium : mais il est beau¬ coup moins grand. Il a de long o,5o 5 de hauteur verticale au devant de l’ar¬ ticulation , avec Fhumerus, 0,1 3, la longueur de Folécrâne est de 0,08 ; la largeur de la partie inférieure 0,075 ; le cubi¬ tus de l’n/zaK n’est que de 0,19 j mais celui du mégathérium à 0,76, c’est-à-dire un tiers de plus. Ainsi le radius et le cubitus , considérés séparément , étant un radius et un cubitus de paresseux., plutôt que de tout autre animal , je peux conclure à l>on droit que V avant-bras , ainsi i6 S U Tv L E M E G A L O N I X, qxie le pied de devant foniient une jambe de devant de pa^ resseux , ou tout au plus de fourmilier. J’ose croire maintenant qu’aucun naturaliste n’aura plus Lesoiu de voir le reste du corps de cet animal fossile pour être cer. tain que toutes les parties ont dû y observer le même accord , avec celles des êtres singuliers auxquels je l’associe^ mais comme dans ces matières l’évidence est toujours préférable au simple raisonnement , sur-tout quand il n’est fondé que sur l’induc¬ tion, quelque concluante qu’elle puisse d’ailleurs paroître, j’ai dû faire tous mes efforts pour me procurer d’autres os de mégalonix ^ ils n’ont abouti jusqu’à ce jour qu’à me faire connoitre une seule dent isolée , celle que m’a prêtée M. de Beauvois ; mais c’étoit de tous les morceaux celui que je désirois le plus j, puisque les dents sont avec les doigts les parties qui fournissent les caractères les plus décidés, préci¬ sément parce que ce sont celles qui ont l’influence la plus directe et la plus aisée à calculer sur l’économie générale des animaux auxquels elles appartiennent. Elle m’étoit d’ailleurs particulièrement nécessaire dans le cas présent , puisqu’elle seule pouvoit mettre un terme aux doutes qui restoient encore , et décider entre les deux genres des paresseux ou des fourmiliers. On sait que ces derniers n’ont point de dents du tout. Or , cette dent , représentée de grandeur naturelle , fig. i4, est précisément et rigoureusement une dent de paresseux ; on sait que les dents de ce genre, uniques dans leur structure, sont un simple cylindre de substance osseuse , enveloppé dans un étui de substance émailleuse^ la couronne de la dent s’use, et offre un ci’eux dans son milieu , avec des rebords saillans , parce que l’os plus tendre que l’émail s’entame plus profon- / s U R L E M E G A L O N I X. 17 dément j et on sait de reste qu^’aucun caimivore n’use ainsi ses dents. Ce qui est tout aussi sùi' , quoique moins généralement connu, c’est qu’aucun herbivore n’a de dents aussi simples que celles-ci ; mais que chez eux la sulistance émailleuse pé¬ nètre toujours en dedans pour s’y entre-méler à la substance osseuse, et former des lignes saillantes à la couronne; on peut meme déterminer assez bien la place de cette dent dans la mâchoire; car elle ressemble à la canine inférieure de l’ai plus particulièrement qu’à toutes ses autres dents, attendu qu’elle est aplatie d’avant en arrière , c’est-à-dire que son cylindre est à base elliptique, comme dans cette canine; tandis que ceux des molaires sont à base circulaire. Le longueur de ce qui reste de cette dent , dta en b\ est de OjoSy. Sa largeur transverse en haut de c’ en c’ de o,o36, et au mibeu du fust de d' en J’, de o,o4- Son diamètre antéro-postérieur de en Z»’ de 0,018. EUe est, ainsi que l’autre ossement que j’ai eu en nature, d’un jaune d’ocre : sa substance est peu décomposée ; le mi¬ lieu du creux de la couronne est d’un brun foncé. Ainsi , non seulement notre animal étoit un herbivore en général ; mais il étoit herbivore à la manière particulière des paresseux , puisqu’il avoit les dents faites comme eux ; aucun des hommes habitués aux lois de l’anatomie com¬ parée , ne doutera que ces deux genres n’aient dû. avoir la même ressemblance dans leurs organes de la digestion , esto¬ macs, intestins, etc., et par conséquent dans tout ce qui dérive de cette fonction-là ; la ressemblance de leur pied prouve suffisamment qu’ils avoient la meme démarche , les memes 3 i8 S U R L E M É G A L O N I X. mouYemens, aux différences près cpie devuit entraîner celle du jolume, qui est si considérable : ainsi , le inégal onix aura grimpé rarement sur les arbres , parce qu’il en aura trouvé rarement d’assez gros pour le porter j mais qui ne sait cpie le tigre et le lion n’y grimpent guère, tandis que le chat sau¬ vage y est toujours j et qui voudroit soutenir pour cela qu’il y a dans la structure de ces animaux des différences essen¬ tielles , puisque l’un est en petit ce que les autres sont en grand; et puisque le moindre écolier de logicpie sait cpie le petit et le grand ne sont que des caractères relatifs , qui ne sont essen¬ tiels dans aucune branche des connoissances humaines ? Le rapprochement du megalonix et des paresseux , n’a donc rien d’artificiel ; il ne fait aucune violence à la nature , mais il est au contraire invinciblement indiqué par elle , daus tout ce que nous avons retrouvé jusqu’ici de ce singulier qua¬ drupède. Je vaisen prouver autant, pour \q mégathérium , et je vais le faire avec plus de force encore s’il est possible , parce que nous en avons le squelette presque complet , et que toutes les parties y justifieront la première indication des doigts et des dents. Je n’ai pas besoin de dire que le mégalonix n’a jamais été vu vivant. Cela est suffisamment prouvé pour quiconque a une légère teinture d’histoire naturelle ; cependant son volume auroit dù le faire remarquer, s’il existoit. Son avant-bras est d’environ un sixième plus long que celui d’un bœuf ordinaire; il est probable que les autres parties avoient au moins la meme proportion , et que l’animal entier égaloit les plus grands bœufs de Suisse ou de Hongrie. SUR LE MEGATHERIUM Autre animal de la r/ej Paresseux , mais de la taille du Rhixocéros, dont un squelette fosssile presque complet est conservé au cabinet royal d’histoire naturelle à Madrid. C’est de tous les animaux fossiles de grande taille le plus nou« vellement découvert et jusqu’à présent le plus rare ; et cepen¬ dant c’est celui de tous qui est le mieux et le plus complètement connu, parce qn’on a eu le Lonlieur d’en trouver presque tous les os réunis , et que l’on a mis le plus grand soin à les monter en sqnelette. D’après l’ouvrage de don Joseph Garriga., que je citerai plus Las, il paroit que l’on en possède en Espagne au moins des parties considérables de trois squelettes différons. Le pre¬ mier et le plus complet est celui que l’on conserve au cabinet royal de Madrid. Il y fut envoyé dans le courant de septembre 1789 par le marquis de Loretto , vice-roi de Buenos- Ayre s , avec une notice qni apprit qu’on l’avoit trouvé dans des exca¬ vations faites sur les bords de la rivière de Luxan , à une lieue sud-est de la ville du même nom, laquelle est à trois lieues ouest sud-ouest de Buenos- Ayres. Le terrain dans lequel il a été trouvé n’étoit élevé que de dix mètres au-dessus du niveau de l’eau. 5.0 SUR LE MEGATHERIUM. Un second , arrivé en au meme cabinet, y avoit été envoyé de Lûna'^ et un troisième, que possède le père Fer- nando-Scio , des Ecoles Pies , lui a été donné en présent par* une dame , et a été trouvé au Paraguay. Ainsi les dépouilles de cette espèce sont répandues dans les points les plus éloi¬ gnés de l’Amérique méridionale. Don Jean-Baptiste Brii^ prosecteur du cabinet royal de Madrid, monta avec soin le premier de ces squelettes, en des¬ sina l’ensemble et les différentes parties sur ciuqplancbes qu’il lit graver , et en composa une description très-détaiUée. M. Boume^ corresjtondaut de l’Institut national, et alors re- , présentant du Gouvernement à Saint-Domingue, passant par Madrid en l’an 4 5 eut occasion de s’y procurer des épreuves de ces planches , et les envoya à l’Institut sans description et seulement avec nue courte notice de sa façon. Ce fut sur ces pièces que je fis par ordre de la classe des sciences un rapport détaillé dont on imprima un court extrait dans le Magasin encyclopédique , avec une mauvaise copie de la figure du sque¬ lette entier. Je développai dès-lors l’affinité de cet animal avec les pa¬ resseux et les autres édentés^ affinité sur laquelle je m’expli¬ quai d’une manière plus précise encore dans mon Tableau élé¬ mentaire de l’histoire des animaux , en plaçant le mégathérium à la suite des paresseux et dans la meme famille. C’est ce mor¬ ceau qui a servi de hase à ce qu’ont écrit sur ce squelette tant les naturalistes qui ont adopté mou opinion , comme Shaw, que ceux qui l’ont contredi te comme MM. Lichtenstein et FaujaSy et c’est aussi lui qui a donné occasion de publier la description plus étendue et plus ancienne de don Jean-Baptiste Bru. I SUR LE MEGATHERIUM. ai En effet , cloji Joseph Garriga , capitaine des ingénieurs cos- mograplies du roi d’Espagne , s’étant occupé de traduire cet extrait de mon rapport en espagnol , apprit l’existence de cette description, et en ayant obtenu la permission de l’au¬ teur , il la lit imprimer avec sa traduction , pensant avec raison qu’elle donueroit de ce squelette des idées plus complètes qu’une notice qui u’avoit point été faite sur l’objet meme. Cet ouvrage, accompagné des cinq planches dont j’ai déjà fait mention, a paru à Madrid en 1796. C’est lui qui a fourni les principaux matériaux du présent article. Dans la meme année 1 796 , feu M. Ahildgacu'd , professeur à Copenhague , donna de son côté en danois , une notice de ce squelette , sans avoir connu la mienne et d’après ce qu’il avoit vu lui-méme à Madrid, en décembre 1798. Il l’accom¬ pagna d’une figure de la tête et d’une autre de l’extrémité pos¬ térieure , dessinées toutes deux de mémoire et n’ayant qu’une ressemblance grossière avec les objets originaux. C’est aussi avec la famille des édentés ou des hruta de Lin- nœus , que M. Abildgaard cherche à comparer cet animal 5 et il est en effet impossible à un naturaliste de lui trouver des rapports avec d’autres. Les détails dans lesquels nous allons entrer , vont montrer que l’onpourroit àla rigueur l’appeler le paresseux géant ptml il ressemble aux animaux de ce genre par les formes et les proportions de toutes ses parties , et que lors¬ qu’il s’écarte en quehpies points des formes propres aux pa¬ resseux , ce n’est que pour se rapprocher des genres les plus voisins , tels (^eXesfounniliers et les tatous. Ainsi tout ce qu’on a pu dire contre ce rapprochement , se trouve réfuté par le fait. 22 SUR LE MEGATHERIUM. J’ai déjà rapporté dans mon article sur le megalonîx les argumens de M. Faujas. Un anonyme espagnol, dans une cri- ticpie sanglante de l’ouvrage de M. Garriga, insérée dans le Journal de Madrid, donne comme une forte objection contre la place que j’assigne à cette espèce , « que tous les autres édentés )) pourraient danser dans sa carcasse. » M. Lichtenstein., professeur à Helmstaedt , dans un mor¬ ceau d’ailleurs fort obligeant pour moi , inséré dans l’écrit de M. Schmeisser swv l’état des sciences en France, tome II, page 95 , suppose que ce squelette pourroit avoir été composé avec des ossemens apparteuans à des individus de grandeur diffé¬ rente , que par conséquent tous mes raisonnemens sont incer¬ tains j que les véritaljles proportions de l’animal ont pu être beaucoup plus semblables à celles de l’élépliant , qu’ elles ne le paroissent dans ce squelette. Il en conclut que l’on doit plutôt regarder cet animal comme une cinquième espèce d’éléphant propre à l’Amérique méridionale. Mais comme chaque os, considéré à part et indépendamment de ses proportions avec les autres, porte des caractères qui le rapprochent de l’os ana¬ logue des paresseux ou des édentés ,' et cpii l’éloignent de ceux deféléphant, cette objection tombe d’ elle-même. C’est ce que nous allons déveloper dans les réflexions sui¬ vantes , auxquelles nous joindrons la traduction abrégée de la description faite par D. J. B. Bru , comme le moyen le plus sùi’ de compléter la connoissance de cet important squelette. J’y ai fait ajouter des copies réduites des figures de D. Bru . le squelette, la tête et les pieds, vus pardevant , sont pris d’autres dessins faits à Madrid, par D. Joseph Ximeno , et et qui m’ont été communiqués par mon collègue Faujas, SUR LE MEGATHERIUM. 23 Le premier coup - d’œil jeté sur la tête du mégathérium , fait saisir les rapports les plus marqués avec celles des pares¬ seux , et particulièrement avec celle de Y aï. Le trait le plus frappant de ressemblance est la longue apophyse descendante, placée à la base antérieure de l’arcade zygomatique. Elle est aussi longue à proportion dans l’^zï que dans le mégathé¬ rium 5 mais celui-ci a son arcade entière , tandis quelle est interrompue dans les deux espèces de paresseux , même adultes. La branche montante de la mâchoire inférieure ressemble assez à celle des paresseux mais sa partie inférieure forme une convexité dont on ne trouve même dans l’éléphant qu’une légère ressemblance. Le museau osseux est plus saillant dans le mégathérium que dans l'«ï; cela provient d’une avance de la symphyse de la mâchoire inférieure , qui se retrouve aussi dans le paresseux a deux doigts ou Yunau , et d’une avance correspondante des intermaxillaires. Les os du nez sont fort courts; ce qui, d’après l’exemple de l’éléphant et du tapir , pourroit faire soupçonner que cet animal avoit une trompe. On pourroit le croire encore, d’après la multitude de trous et de petits canaux dont la partie antérieure du museau est criblée ; ils ont dù laisser passer des vaisseaux et des nerfs , propres à nourrir quelque organe considérable. Cependant si cette trompe a existé, elle a dû être très-courte, vu la longueur du cou,longueur quiparoit bien naturelle, et ne point venir de ce qu’en formant ce squelette on aura réuni des vertèbres d’in¬ dividus plus grands. Car cette tête n’étant point d’une gran- 5 4 SUR LE MEGATHERIUM, cleur démesurée , et sur-tout ne portant point de défenses un cou long n’étoit pas aussi nuisible que dans X éléphant. Les dents molaires sont au nombre de quatre de chaque côté, tant en haut quen bas, comme dans l’^z , et elles ont comme les siennes une forme prismatique , et une couronne traversée par un sillon. Seulement elles sont plus rapprochées , et n’ont point en avant, de canine pointue , comme Xaï en a une au moins à la mâchoire supérieure , et Xunau à toutes les deux. Cependant je crois à peine que cela suffise pour distin¬ guer un genre , car dans Xunau meme les canines diffèrent peu des molaires , qui sont aussi pointues dans cette espèce. Si le nombre de sept vertèbres que l’on voit au cou de ce squelette est véritable , comme l’analogie avec les autres qua¬ drupèdes le fait volontiers croire , le mégathérium différera beaucoup en ce point du paresseux aï., qui lui-méme s’é¬ loigne par là de tous les quadrupèdes connus. Il y a dans le mégathérium seize vertèbres dorsales , et par conséquent seize côtes de chaque côté , et trois vertèbres lombaires ; ce sont exactement les memes nombres que dans Xaï. Sa proportion relative des extrémités n’est pas la meme que dans les paresseux , où celles de devant ont presque le double de la longueur des postérieures ; ici , cette inégalité est beaucoup moindre ; en revanche , la grosseur démesurée des os de la cuisse et de la jambe , dont on voit déjà des indices dans les paresseux , les tatous , et sur-tout les pangolins , est postée ici à un point excessif, le fémur n’ayant en hauteur que le double de sa plus grande épaisseur , ce qui le rend plus SUR LE MEGATHERIUM. aS gros que celui d’aucun animal connu , meme de celui de l’oliio. Cette disposition générale des extrémités doit faire juger que cet animal avoit ime'démarche lente et égale , et qu’il u’alloit ni en courant ou en sautant, comme les animaux qui ont les extrémités antérieures plus courtes, ni en rampant, comme ceux qui les ont plus longues, et nommément les paresseux ^ auxquels il ressemble tant d’ailleurs. L’omoplate a en grand les memes proportions que celle des paresseux. Il existe une clavicule, comme dans l’un d’eux, ( Y unau } ; ce qui, joint à la longueur des phalanges qui por- toient les ongles , prouve que cet animal se servoit aussi de ses pieds de devant pour saisir et peut-être meme pour grimper. Cette présence des clavicules éloigne considérablement notre mégathérium de tous ceux qu’on auroit pu confondre avec lui, à cause de leur taille, comme V éléphant ,les rhinocéros et tous les grands ruminans , dont aucun ne possède ces os. L’humérus du est très-remarquable par la lar¬ geur de sa partie inférieure, qui est due à la grande surface des crêtes placées au-dessus de ses condyles. On voit par-là que les muscles qui y prennent leurs attaches , et qui servent , comme on sait , à mouvoir la main et les doigts , dévoient être très-considérables ; ce qui est une nouvelle preuve du grand usage que notre animal faisoit de ses extrémités antérieures. Aussi cette grande largeur du bas de l’humérus se rètrouve- l-elle sur-tout dans \e fourtnilier cpxi emploie, comme on sait ses énormes ongles pour se suspendre aux arbres ou pour déchirer les nids solides des thermès. Elle y est même des trois cinquièmes de la longueur , tandis qu’elle n’est cpie de 4 SUR LE ]M E G A T II E R I U M. 36 moitié dans notre animal : ce qui est aussi la proportion du fourmilier écailleux à longue queue, ou phatagin. Dans le rhi¬ nocéros cette largeur n’est que du tiers , et dans Z’e7e^/m7^^ du quart de la longueur. Les ruminans , qui ne font presque aucun usage des doigts , ont ces crêtes presque nulles. La longueur de l’olécrane a dù donner aux extenseurs de l’avant-bras un avantage qui leur manque dans \es, paresseux ^ dont folécrâne est extrêmement court, ce qui ne contribue pas peu à l’imperfection de leurs mouvemens. Le radius tournoit librement sur le cubitus, comme dans les paresseux ; mais je dois remarquer ici cpi’on l’a monté à contre-sens dans le squelette : sa tête humérale est eu bas , et la carpienne en haut 5 les figures le représentent aussi de cette znanière fautive. La main appuyoit entièrement à terre lors de la marche , ce qui se voit par la brièveté du métacarpe. Les doigts visibles et armés d’ongles n’étoient c|u’au nombre de trois, et les deux autres étoient cachés sous la peau, comme il y en a deux, dans l’ai et trois dans l’unau , et le fourmilier didactyle. Les dernières phalanges étoient composées d’un axe qui portoit l’ongle, et d’une gaine qui en affermissoit la base ab¬ solument comme dans les autres animaux à grands ongles , dont je poursuis le parallèle avec notre animal. Mais les os du métacarpe n’étoient pas soudés ensemble comme ils le sont dans Y aï. La proportion de ces os, ainsi que de ceux du megalonix ^ SUR LE MEGATHERIUM. 27 est aussi très - différente de celle des paresseux. Elle est , comme je l’ai dit dans l’article précédent , la meme que dans les fourmiliers. Les os du bassin sont ce que notre animal offre de plus différent avec les espèces voisines. Ceux des des, les seuls qui soient conservés dans le squelette de Madrid , forment un demi-bassin , large et évasé , dont le plan moyen est peiqien- diculaire à l’épine, et qui ressemble assez à celui de l’éléphant , et sur-tout du rbinocéros. La partie large de ces os a sur-tout une analogie frappante avec celle de ce dernier quadrupède par la proportion de ses trois lignes 5 mais leur partie étroite et voisine de la cavité cotyloide est beaucoup plus courte. Cette forme de bassin nous indique que le mégathérium avoit le ventre gros , et s’accorde avec la forme de ses mo¬ laires , pour nous faire voir qu’il vivoit de substances vé¬ gétales. Le pubis et l’ischion manquent au squelette de Madrid , mais je pense qu’ils ont été perdus lors de la fouille. Cepen¬ dant si ce défaut avoit été naturel à l’espèce , c’est encore dans un édenté, je veux dire dans \e foujinilier didactjle nous en trouverions le premier indice, quoique très-léger. Ses os pubis ne se réunissent point pardevant , et demeurent toujours écartés, comme l’observe Daubenton, et comme je l’ai vérifié sur un individu autre que le sien. J’ai déjà parlé de la grosseur énorme de l’os de la cuisse ; on ne peut le comparer à celui d’aucun autre animal ^ ceux qui s’en rapprochent par la largeur , comme les rhinocéros , en diffèrent par l’existence d’une apophyse particulière servant de point d’insertion au grand fessier , et qui manque ici. aS SUR LE MEGATHERIUM. Le tibia et le péroné sont soudés ensemble par leurs deux extrémités , chose al>solument propre à cet animal ; ils pré¬ sentent aussi par leur réunion une surface d’une largeur dé¬ mesurée. A cet égard, la jambe du megatlieriinn ressemble assez à celle de Y aï qui est très-large , parce que ses deux os forment une convexité. chacun de leur côté, et s’écartent ainsi l’un de l’autre. Les figures font penser que l’articulation du pied avec la jambe n’est pas aussi singulière que dans Yaï^ et qu’elle est beaucoup plus solide. Le mégathérium ayant un large astragale , articulé avec un tibia également large , et assuré encore par la position latérale du péroné , avoit beaucoup plus d’à-plomb que les paresseux , et devoit ressembler en ce point à la plupart des quadru¬ pèdes. On ne voit dans le squelette de Madrid qu’un seul doigt aux pieds de derrière qui ait été armé d’ongles 5 mais je pense qu'il y a à cet égard un peu moins de certitude que pour les pieds de devant , d’autant que les figures ne nous montrent avec ce doigt-là que deux autres qui n’aient point d’ongle, et que mes recherches m’ont fait établir comme une règle dont je n’ai point encore trouvé d’exception , que tous les ani¬ maux onguiculés ont cinq doigts , soit visibles au-debors , soit cachés sous la peau, soit réduits à de simples rudimens osseux. La queue manque au squelette de Madrid , et la petitesse de la face postérieure du corps de l’os sacrum doit faire penser qu’elle étoit fort courte dans l’anirnal. L’inspection d’un squelette aussi complet et aussi heureu“ SUR LE IM E G A T H E R I U M. 29 sement conservé nous permet tle former des conjectures assez plausibles sur la nature de l’animal auquel il a appartenu. Ses dents prouvent qu’il vivoit de végétaux, et ses pieds de devant , robustes et armés d’ongles trancbans, nous font croire que c’étoit principalement leurs racines qu’il attaquoit. Sa grandeur et ses griffes dévoient lui fournir assez de moyens de défense. Il n’étoit pas prompt à la course , mais cela ne lui étoit pas nécessaire, n’ayant besoin ni de poursuivre ni de fuir. Il seroit donc bien difficile de trouver dans son organisation meme les causes de sa destruction; cependant, s’il existoit encore , où seroit-il ? où auroit-il pu échapper à toutes les recherches des chasseurs et des naturalistes ? Je ne m’arrêterai point à la comparaison du mégathérium avec le genre des chats. J’ai fait cette comparaison pour le megalonix , parce que comme on n’a trouvé que des portions de son bras et de sa main , les personnes peu au fait de l’ana¬ tomie comparée ont pu avoir des doutes qu’il étoit juste de dissiper ; mais j’ose dire qu’aucun naturaliste raisonnable n’en peut conserver par rapport au mégathérium dont on a tout le squelette , et dont la tête seule est faite pour porter la con¬ viction dans tous les esprits. Quant à la comparaison entre le mégathérium et le mega¬ lonix , elle donne pour résultat une identité presque absolue de formes , du moins dans les parties que nous connoissons de ce dernier ; mais la grandeur est différente : les os du mégathérium sont d’un tiers plus grands que ceux du mega¬ lonix ^ et comme ces derniers portent d’ailleurs tous les ca¬ ractères de l’état adulte , on ne peut guère attribuer cette 3o SUR LE M E G A T TI E R I U 1\I. différence de grandeur qu’à une différence d’espèce : on peut ajouter que les ongles ont des étuis plus complets et plus longs dans les dernières phalanges du mégathérium ^ que dans celles du megalonix . Ces deux animaux auront donc formé deux esjièces d’un meme genre , appartenant à la famille des édentés, et servant d’intermédiaire aux paresseux et aux fourmiliers , plus voisin cependant des premiers que des seconds. Il est remarc[uahle qu’on n’en ait encore trouvé les dé¬ pouilles qu’en Amérique , seul pays où l’on ait aussi observé jusqu’à présent les deux genres vivans dont celui-là se rap¬ proche ; car le hradjpus ursinus ou paresseux pentadactjle^ qu’on nous donne comme africain, est encore trop peu connu pour qu’on puisse le regarder comme une exception suffisam¬ ment établie à cet le règle du climat. DESCRIPTION DES OS DU MEGATHERIUM, Faite en montant le squelette ^ par D. Jean-Baptiste BRU, traduite parM.. Bonpland, et abrégée [ij. Dans le crâne on remarque liuit os. L’os coroual ( tab. II , fig. i A ) est d’une figure rare. La partie supérieure présente un triangle , dont l’angle supérieur et intermédiaire est très-aigu , et s’avance au-delà de la moitié des pariétaux : il (i) Les figures sont réduites au tiers sur celles de D. Bru, qui sont elles-mêmes réduites au quart de la grandeur naturelle. Ainsi les miennes sont au douzième. Comme je les ai toutes fait entrer dans deux planches, pour rétablir une concordance avec les cinq siennes , j’ai désigné chaque figure par deux chiffres ; le romain indique le n.*^ de la planche de D. Bru où se trouve Poriginal j et l’arabe , le n.° de la figure. On pourra donc lire la description et citer les figures de comme si on les avoit sous les j'eux. Les figures x et s de ma pl. Il ne sont pas de D. Bru mais de D. Ximeno. s U Fx LE M E G A T II E E î U M. montre dans la partie antérieure quelques sillons peu sensibles. Après l’occipital l’os frontal est de tous les os de la tète celui qui a le plus de grosseur et le plus de diu’eté. Dans le bord orbitaire ou Yoit, comme chez l’homme , un petit trou pour le passage du nerf opbthalmique. Dans la face interne on voit deux cavite's qui reçoivent les lobes antérieurs du cerveau. L’os occipital (G) examiné dans sa partie supérieure, montre l’extrémité de deux lignes circulaires dont on voit la continuation sur les pariétaux. Ces lignes semblables à celles que nous voyons dans l’homme , ont aussi sans doute le même usage, celui de servir d’attache au muscle temporal. La face externe de l’os est assez inégale. La face interne est concave et présente à son extérieur deux protubérances dont chacune offre une cavité à son sommet. L’occipital s’unit avec les pariétaux , les temporaux et le sphénoïde. Au-dessus du trou occipital se remai'quent les mêmes inégalités que dans l’homme. On y voit les apophvses transverses divisées en deux demi-arcs par la ligne qui descend droit au trou occipital. Au-dessus sont quatre fossettes inégales qui sans doute servent de point d’attache aux muscles droits grands'et petits. Les deux inférieures sont plus grandes et plus inégales. Intérieurement il y a deux fossettes jiour loger le cervelet. Le pariétal ( B ) présente une figure assez irrégulière se rapproehant de celle d’un quadrilatère inégal dans tous ses cotés : le postérieur plus petit est celui qui offre les demi-cercles dont nous avons parlé plus haut, et que nous avons dit servir à l’insertion des muscles temporaux. L’os tfimporal ( C ) n’a qu’une très-petite portion de partie écailleuse. La partie pierreuse est encore moins considérable. Celle-ci ne présente rien de particulier, si ce n’est l’apophyse zigomatique (E) qui naît au-dessus du trou auditif : elle est large à son origine. On y observe encore la cavité glénoide qui sert à l’articulation de la mâchoire inférieure. Dans la partie pierreuse on remarque , i°. une inégalité très-considérable en arrière un peu au-dessus du trou auditif, laquelle, par sa situation, correspond à l’apophyse mastoide dans l’homme. 2°. Au-dessus du trou auditif on trouve les vestiges d’une apophyse ; c’est sans doute l’apophyse stylo ide. 5’. En dessous et un peu en arrière de l’apophyse mastoide, ])eaucoup d’inégalilés_ 4". Le trou auditif à l’entrée duquel se trouvent une multitude de petites déchirures qm le rendent très-inégal. 5°. On voit en outre d’autres petits trous, desquels les uns sont propres et d’autres sont communs à lui et à l’occipital. Enfin on voit au- dessous du trou auditif une petite faeette dont la superficie annonce avoir été couverte par un cartilage, et qui peut-être servoit pour faciliter le jeu de quelque tendon. Le sphénoïde est d’une grosseur prodigieuse : il touche à tous les os de la tète. A l’intérieur on observe quatre apophyses clinoïdes et à l’extérieur deux éiteincnces 32 SUR LE MEGATHERIUM. d’une figure trcs-semLlable aux mamelons d’une radie, quoique cependant elles soient plus grosses et plus larges, et unies dans leur siqierficlc. Comme ces apophyses sont très-différentes de celles appelées ptérygo'ides dans l’homme , je ne crois pas qu’on doive leur donner le même nom , et leur altrlhuer le meme usage : elles occupent à peu près le même lieu , G. L’os ethmoide ou os crihlé est d’un volume proportionné aux autres os; il se trouve placé entre le coronal et le sphénoïde. Dans sa partie supérieure , il offre une porosité admirable , et dans sa partie inférieure , au moyen d’une lame ( X ) que j’appellerai perpendiculaire, il divise le nez en deux trous dont la circonférence est assez grande. L’os de la pomette présente quelques particularités dignes d’être remarquées. Sa surface extérieure est lisse et prolongée inférieurement en manière de langue (F) , dont la j)olnte se retourne eu arrière , formant dans cet endroit un bord semi- circulaire un peu gros antérieurement , et un autre semi-circulaire plus mince dans sa partie opposée. Du bord supérieur de l’apophyse zygomatique et très-près de la suture correspondante du temporal, on voit un prolongement (S , R ), lequel se dirige d’avant en arrière , et qui se tourne jusque vers le crâne comme pour aller joindre les jiariétaux, desquels il s’approche. Ce prolongement forme un angle très-aigu avec le reste du zigoma. Je ne puis soupçonner l’usage de ces deux prolongemens , s’ils en ont d’autre que de servir d’attache aux muscles de la mâchoire. On observe encore dans ces os le bord orlsitalre, les deux prolonge¬ mens orbitaires des anguleux, im autre interne avec lequel s’unit le coronal, et enfin le bord semiJunaire opposé à. l’orbitaire , et diverses échancrures communes à lui et à l’os maxillaire supérieur. La lettre T démontre la portion de ce même os ajjpelé orbitaire qui , avec celles du même nom , formées par le coronal et l’os maxillaire supérieur, composent tout l’orbite. On ne trouve pas les os carrés du nez ; ils sont remplacés par un seul os de forme demi-circidaire ( M ) , qui présente à son extrémité trois prolongemens inégaux dans leur superficie. Il est nui au coronal par la suture transversale , et intérieurement avec la lame perpendiculaire (X). J’observe ici que de chaque côté de cette lame on en trouve une en forme de cornet. Sans doute qu elles ont les mêmes fonctions que les cornets dans l’homme : la porosité de cet os est très-grande. Les deux os maxillaires (L,D) ne ressemblent en rien à ceux des [autres quadrupèdes connus. La portion L est très-forte et très-dure ; elle offre dans son bord de grandes aspérités , du milieu desquelles s’élève une lame garnie de chaque côté de découpures imitant assez bien les dents d’une scie. Dans la partie supérieure on voit une grande quantité de petits canaux et de petits sillons qui se portent de ^a pointe de la mâchoire au palais ; ils s’élargissent à mesure qu’ils se rapprochent s U Tx LE MEGATHERIUM. 33 du palais; ils sont criblés d’une midtitude de petits trous destinés sans doute pour le passage des vaisseaux qui portent la nourriture à l’os. La lame perpendiculaire (X) se dirige vers le milieu de ces sillons , et repose sur cet os et s’unit avec lui ; elle se retourne ensuite sur le coronal, avec lequel elle s’unit. Dans la partie inférieiue on trouve deux bords gros, lesquels servent comme d’appui à une voûte qui se prolonge jusqu’au palais : ou y oljserve aussi une multitude d’éminences et de sillons disposés en manière d’escalier , lesquels se croisent transversalement et offrent une multitude de trous dsinégale grandeur. L ne partie (D) va en s’élargissant en dehors du eôté de l’orbite , et en bas du coté du palais , duquel l’os maxillaire forme une portion. Dans celte partie qui est le bord alvéolaire sont placées quatre dents, qui, avec les quatre de l’autre côté, font huit dents. A la partie supérieure se trouve placé le trou orbitaire externe (Z). La mâchoire inférieure est d’une figme assez régulière, si on en excepte le pro¬ longement de sa partie antérieure. A l’extrémité antérieure se remarque une petite échancrure qui annonce probablement la désunion de ces os dans les jeunes sujets. A l’origine de ce prolongement ( R ) on trouve une protubérance assez élevée qui , augmentant de volume jusqu’en bas , forme avec la voisine deux grosses éminences entre lesquelles il y a un canal qui correspond à ce que les anatomistes appellent symphyse dans l’homme. Elle va successivement en augmentant de volume jusqu’en (S), où commence le bord inférieur, appelé base, qui a bien un pied de long. On y observe également l’angle de la mâchoire ( P ) ainsi que les deux apopliyses connues, la première sous le nom de coronoide ( V) , et la seconde sous celui de coudyle. Cette dernière s’articule avec le temporal. Le bord supérieur de cette mâchoire est très-gros au-devant de l’apophyse coronoide , cù sont enchâssées quatre dents dans autant d’alvéoles particulières qui s’inclinent légèrement en arrière. Depuis la première molaire jusqu’à la pointe (P) ce bord va en diminuant de grosseur, et avec celui du côté opposé il représente un canal très-propre à loger la langue. Enfin on. aperçoit dans cet os trois ouvertures, dont deux extérieures ( Q et Pi). La troisième étant placée à la partie interne , n’a pas pu être représentée dans la figure. Ce troisième trou se trouve placé à l’opposé de (P) dans l’angle II de la mâchoire et correspondant avec celui de la Jettre ( Q )■ Les deux trous extérieurs correspondent à ceux que dans l’homme on appelle trou barbu et déchiré. Les dents , au nombre de seize (huit dans la mâchoire supérieure et huit dans l’inférieure ), surpassent tous les autres os parleur dureté. Les douze postérieures sont plus grandes que les autres. Chacune d’elles a à peu près deux pouces en carré ; elles présentent des angles arrondis, et entre chacun de ces angles on voit un petit canal. Chaque dent a qviatre angles , deux intérieurs et deux extérieurs. La partie inférieure, celle qui est enchâssée dans les alvéoles, va sensiblement 34 SUR LE M E G A T H E R I U M. en dimimiant, et n’a que deux, pouces de large; sa forme est carrée, et on voit dessous une cavité séparée par quatre pointes ( tab. IV, fig. V, F). La forme de cette cavité est pyramidale ; elle s’enfonce assez avant dans la dent. Les quatre premières dents , pesées avec exactitude , présèntent un poids de 20 onces ; les autres en donnent Jusqu’à 26. Les vertèbres du cou sont au nombre de sept. On peut les voir dans la planclie I."' qui représente le squelette. L’atlas , pl. V, f. 5, manque d’apopbyse épineuse. Son ouverture principale (A) est plus grande que celle des autres. Ses apopliyses(BB ) transverses sont plus considérables et plus droites que dans les autres vertèbres cervicales, où elles sont légèrement inclinées en arrière. Aux lettres (CC) on aperçoit deux trous j ils sont communs à toutes les autres vertèbres. Les cinq dernières vertèbres du cou sont semblables entre elles , si ce n’est qu’elles vont en augmentant de volume. Toutes ont un corps par lequel elles s’articulent , un trou pour donner passage à la moelle de l’épine ; sept apophyses , dont quatre obliques , deux transverses sur les côtés , et une dernière enfin couchée en arriè're : c’est l’apophyse épineuse ; elle est la plus grande de toutes. Toutes sont pourvues de quatre grandes échancrures , deux de chaque côté , une supé¬ rieure et une autre inférieure pour donner passage aux nerfs cervicaux. ( pl. 1.) Les vertèbres du dos sont au nombre de seize comme dans le cheval; elles sont plus grosses que celles du cou , mais plus petites que -celles des lombes. Les apophyses épineuses sur-tout sont remarquables par leur grosseur et leur gran¬ deur ; mais celle qu’on a représentée, pl. Il, fig. 2 et 3 , est la plus grande de toutes. Les apophyses transverses sortent sensiblement et sont grosses à proportion. La première de ces vertèbres mérite à juste titre celui d’éminente , pour être plus élevée que toutes les autres. Je n’ai pu voir que trois vertèbres lombaires , et peut-être ce quadrupède n’en avoit-il pas davantage. L’éléphant n’a que quatre vertèbres lombaires . le cheval eu a six. Ces trois vertèbres sont d’un volume plus considérable que celles du dos , et la première est plus grande que la seconde , et celle-ci plus grande que la troisième. Les os des îles forment un seul os avec le sacrum ; ils sont intimement unis : ainsi je les considère comme ne faisant qu’un. Son poids est de 690 livres : sa grandeur est énorme , et , par sa figure , il ressemble à celui de l’homme , c’est- à-dire à l’iléon et au sacrum réunis. Os sacrum. La description de cct os se verra assez bien si on jette les yeux sur les figures qui sont à la pl. III. Les lettres B B des figures i et 2 démontrent un bord semi-circulaire ou segment de cercle, lequel commençant dans les parties laté¬ rales de ce qui , avant l’ossification, formoit l’os sacrum , s’étend jusqu’aux exlrc- J 35 SUR LE MEGATHERIUM. mités C C des fig. i et 2 de la III.' pl. Depuis les es.lrémités jusqu’aux, lettres T Y de la fig. 3 , on aperçoit une écliancrure , et dans les extrémités signa¬ lées par lesdites lettres Y Y on voit le commencement ou l’entrée d’une cavité grande et arrondie ( fig. 2 , Y ) , dans laquelle entre la tête de l’os fémur. Les lettres A A de la iîg. t représentent sa face interne, et la superficie qui se voit dans la seconde découvre sa face externe, qui servoient sans doute dans l’animal vivant pour attacher les masses de chair qui formoientles fesses. Les lieux signalés parles n.os i, 2 , 3, 4i 5 de la fig. 2 montrent les cinq apophyses épineuses qui correspondent au nombre égal des vertèbres qui constituent le sacrum de ce quadrupède. La lettre E de la fig. i représente la première pièee de l’os sacrum. On y voit le lieu de son articulation avec la dernière vertèbre lombaire. La dernière pièce de cet os, qui s’articule avèc la premièi'e vertèbre de la queue, n’est pas visible dans la figure. La lettre Z de la fig. II indique la terminaison du canal mé¬ dullaire. Ce seroit ici le lieu de parler des os pubis et ischion ; mais je n’al rien vu qui leur ressemble. Je ne puis non plus parler de la queue, quoique cet animal en eût bien certainement , mais nous n’en avons pas un seul os. La cavité vitale (le thorax) est formée par les vertèbres, les clavicules,- les côtes et le steimum. Nous avons déjà parlé des vertèbres; nous allons passer aux autres os. Sternum. Je n’al vu que la première pièce de cet os , qui est d’une figure très- irrégulière ; cependant on peut la comparer à un triangle dont les angles sont tronqués. Sa lace extérieure est convexe , et comme séparée de haut en bas en deux parties par une espèce de crête. Cette crête semble se prolonger sur les autres pièces de cet os ; il est plus étroit dans sa partie supérieure , qui s’incline légèrement en dehors. C’est à son extrémité qu’on trouve une petite facette arti¬ culaire : j’ignore absolument quel os peut venir s’y articuler. Les clavicules sont d’un volume proportionné à tous les autres os : l’extrémité sternale s’articule avec l’extrémité de la première des vraies côtes et la jiremière pièce du sternum : l’autre s’articule avec l’omoplate , ainsi qu’on peut le voir dans la pl. I. La figure de ces os est en tout semblable à ceux de l’homme, seulement leur volume est beaucoup plus considérable. Les extrémités sont spongieuses et très-grosses, sur-tout l’extrémité humérale. {Vid. pl. IV, fig. A, l’extrémité A qui s’articule avec l’omoplate, et l’autre B qui s’articule avec le sternum.) La même figure représente en C son bord antérieur et le bord postérieur en D. Le nombre des côtes se monte à 52 , seize de chaque côté. Les onze ju-emières 36 -SUR LE MEGATHERIUM. paroissent entrer clans la formation du tlrorax , et doivént être regardées comme les Traies eûtes: les cinq suivantes seront les fausses. J’observe cpie les vraies sont plus lisses, plus unies cjue les fausses , et que leur articulation avec la colonne épinière se fait par deux endroits: l’un correspond au corps de la vertèbre, l’autre à l’apopbjse transverse. Les fausses côtes , plus inégales , s’articulent seulement avec le corps des vertèbres. ' L’extrémité des fausses côtes est plus apliitie , et on observe à son exti'émilé liltre une petite facette articulaire pour son articulation avec le cartilage. L’omoplate est assez semblable à celui de l’bommc ( Vicl. pl. V , fig. i et 2 ) , excepté qu’il est en tout plus gros. Sa forme est celle d’un triangle représentant aussi trois bords. Des angles, deux sont vertébraux, l’un antérieur et l’autre postérieur. Le troisième est l’angle buméral. L’angle vertébral antérieur est mince et troncpié , Eg., i -B. L’angle vertébral postérieur A est plus gros et un peii arrondi. L’angle huméral représenté dans la fig. 2 de la même planche en E, est plus gros que les deux précédens, et présente dans son extrémité la cavité glénoïdé qui reçoit la tête de l’bumérus. Dés trois bords , nous regarderons comme servant de base celui compris entre A et B de la; fig. i , et comme cotés ceux compris entre B et C , et entre A et E; observant que ce dernier, fig. i cl fig. 2 , D, s’est trouvé èn dehors : d’où il résulte qu’il est plus gros que l’autre. Le côté B C , fig. 1,2, n’a rien de, remarquable , si ce n’est qu’il va en grossissant à mesure qu’il s’avance vers la cavité gléno'ide. Là il forme une saillie qui cor¬ respond à l’apophyse coracoïde dans l’homme. On doit aussi remarquer dans cet os deux faces, l’une interne et l’autre externe. L’interne en A, fig; 2-, est un peu coneaye ( Vid. fig, i , K , Y G) avec quelques inégalités qui s’observent depuis le point B jusqu’au point A. La lace externe,, un peu convexe , est divisée pn deux par une ci’ète peu élevée vers , l’angle A. Son .volume va ensuite eu augmentant jusqu’en F, où elle est trois fois plus grosse qu’à son origine. Elle forme ensuite l’apophyse acromion , qui s’unit avec l’apophyse coracoïde. De l’élé¬ vation de la crête résultent deux cavités, une supérieure enît, et l’autre inférieure en G. Ce sont ces fosses qui , dans l’homme, sont connues sous les noms de fosses sus-épineuses et sous-éplue.uses. Enfin on remarque près de la cavité glénoïdé de cet os, T , fig. 1 et 2, un trou dont on Ignore l’usage. Do BEAS. U humérus ( pl. IV , fig. i et 2 ) est fort dans toute son étendue : sa grosseur est sensiblement augmentée par les éminences et les inégalités qu’on y observe j il a à peu près un pied et demi de long. On le divise en corps ou partie moyenne et en extrémités. La partie moyenne est d’une figure très-irrégulière , étant arrondie immédiatement en dessus de son extrémité supé- 'O '.'T' *'1 ' rieure , aplatie par son autre extrémité et triangulaire au-dessous du point B. On observe une grande éminence, fig. 2, G, de chaque côté de la tête, s Ü R LE M E G A T H E R I Ü RI. Sf. ou de restrémilé supérieure , dont l’exleriie est plus élevée que l’interne. L’une et l’autre sont remarquables par les impressions musculaires qu’elles présentent. Depuis le point B, fig. i , il se manifeste une éminence en forme de crête , qui augmente successivement son volume jusqu’au point G. Cette crête , donne à l’os une figure triangidaire, et présente par conséquent trois bords, un postérieur, un interne, et l’autre e:s.terne ; plus trois faces, une postérieure, légèrement conveve et inégale, et deus antérieures, l’une interne et l’autre externe, lesquelles sont plus petites que la postérieure. Les faces antérieures sont aussi un peu inégales. L’extrémité supérieure de l’humérus est terminée par une éminence spliériqitc (pl. rV, fig. 1 et 2, A): c’est là ce que les anatomistes appellent tête, qui est reçue dans la cavité de l’omoplate. Cette tête est plus spongieuse que le reste de l’os. Ou remarque au dessous une dépression qui , quoiqu’elle ne l’entoure pas entièrement , peut être compai’ée au col de rhumérus chez l’homme. L’extrémité inférieiue est aplatie depuis le point G où nous avons dit que se terminoit la crête antérieure. Les deux superficies supérieui-es et postérieures sont convexes , à l’exception d’un petit enfoncement qui s’observe en devant de K de la figure i , et un autre en arrière plus grand et de forme arrondie , fig. 2 , L. L’antérieure reçoit rme éminence de l’os radius ; la jjostérieure reçoit une autre éminence de l’os cubitus. Toute celte extrémité décrit un demi-cercle qui s’étend depuis les points F F jusqu’aux points E E. Mais on doit observer dans sa cir¬ conférence, i.° que le bord E représenté dans Tune et Tautre figure est inégal , raboteux ; 2.° que le bord E s’use plus que le bord F j 5.° que ce bord se confond peu à peu avec l’interne , au lieu que le bord E se termine subitement par une rainure bsse à sa superficie; 4-° que depuis le point F jusqu’au point D de Tune et de Tautre figure , il est lisse comme une petite cavité articulaire. La même chose arrive depuis le point D jusqu’au point C des deux autres, ou se prolonge de la même manière jusqu’au point E; 5.“ que la petite facette articulaire com¬ prise entre D et C se trouve séparée des autres par une petite crête légèrement saillante ; 6.° que dans cette petite facette se voit une rainure , laquelle reçoit ■une éminence du cubitus: elle fait l’office d’une poulie. L’inspection des planches montrera à l’observateur une midtitude d’autres choses qu’il efit été ennuyeux d’énumérer ici. Le radius est un peu plus grand que l’humérus. Comme celui-ci , il se divise en corps et en extrémités. Le corps est aplati dans presque toute son étendue : par conséquent il a deux faces et deux bords. De ces bords l’un est interne et l’autre externe ; des faces Tune est antérieure et Tautre postérieure. La face antérieure est convexe dans toute son étendue. L’interne est aussi convexe, mats elle se trouve divisée en deux par une ligne légèrement saillante. Ainsi cet os semble s’élever de l’un et Tautre côté pour avoir une forme arrondie: le bord 38 SUR LE MEGATHERIUM. eslerne est plus élevé et plus aigu que l’interne. Dans sa partie moyeitne , il présente une éminence anguleuse très-inégale. ( T^id. E , lig. 4 > pl. II )• De cliaque côté de cette éminence, on volt un petit canal. Le bord interne n’a rien de remarquable, si ce n’est qu’il est plus lisse que Teiterne , et qu’il com¬ mence en liant par deux lignes saillantes qui correspondent aux deux éminences qui s’observent à l’extrémité supérieure de cet os, lesquelles s’unissent avant son tiers supérieur , et forment par leur réunion un Y grec. (i) L’extrémité supérieure D est très-grosse ; on y observe cinq éminences qui l’entourent ; entre ces éminences on voit une dépression qui représente assez bien une sinuosité. De ces éminences, l’une sert à l’articulation avec l’humérus; les autres se voient en dehors. Parmi celles-ci l’externe, qui se voit en D, est plus large et plus élevée. Deux internes , qui ne se voient pas dans la figure, donnent nais¬ sance à deux lignes légèrement élevées qui se rapprochant l’une de l’autre, se réu¬ nissent dans le tiers supérieur de cet os , et forment , pai’ cette réunion , le bord interne du radius, ainsi que nous l’avons dit plus haut. Toutes ces éminences sont rangées autour d’une petite facette articulaire située entre les let. D et C de la fig. 4 dans la même pl. II. Cette petite facette articulaire est divisée eu deux par l’éminence D, et continue jusqu’à la partie opposée. La pointe de cette éminence entre dans la cavité observée à l’extrémité inférieure de l’huméins en K de la fig. i , pl. IV. Outre ces éminences il y en a encore deux autres assez écartées , l’une en forme de crochet qui se voit en D: l’autre, plus inférieure et plus en arrière , ne se peut pas voir dans la figure. L’extrémité inférieure est terminée par une facette large articulaire qui cor¬ respond aux os de la main , et sur le côté latéral on en voit aussi une qui sert à l’articulation du cubitus. Le cubitus est presque de la même longueur que le radius : sa forme peut être comparée à celle d’un triangle , selon sa longueur. Les angles qui le divisent à sa partie supérieure diminuent insensiblement jusqu’au milieu de l’os : là ils secon- fondent avec le corps de l’os qui devient rond. Le contraire arrive dans son extrémité inférieure , dans laquelle les trois bords de la face triangulaire vont également en diminuant jusqu’à son milieu, se confondant avec les trois faces de la partie supérieure et triangulaire ; d’où il résulte que ce qui est bord à la partie supé¬ rieure devient face à la partie inférieure , et vice versâ. L’extrémité supérieure A est assez grosse : on y compte quatre éminences: trois ■sont autour de la cavité articulaire, et donnent origine aux trois bords que nous avons remarqués dans cet os. La plus grande de toutes est en arrière , ainsi qu’elle (1) Le lecteur ae doit pas oublier que D. Bru prend ici l’extrémité inférieure pour la su¬ périeure . SUR LE MEGATHERIUM.. 38 est représentée en A : elle est terminée par un rebord assez gros: des deux autres l’une est externe et un peu aplatie en C ; l’autre interne est plus grosse , plus inégale, et comme divisée en deux par im canal tpii sans doute étoit destiné .a conserver les vaisseaux de cette extrémité. Cette dernière ne s’aperçoit pas dans la figure. Au devant de l’éminence postérieure A se voit la quatrième dont il a été parlé plus haut. Celle-ci s’élève comme de la substance de l’os , laissant une ■ rainure entre les deux, et au-devant de cette quatrième éminence il se trouve une cavité articulaire C , dont l’enfoncement s’augmente pour recevoir l’os radius. Entre l’éminence externe et la postérieure il y a un enfoncement considérable et un autre encore plus grand au-devant de l’os entre les éminences externes et internes. L’extrémité inférieure B est grosse et inégale ; elle affecte une forme trian- gidaire, et se termine par une facette articulaire convexe qui s’articule avec le carpe. Sur son côté interne elle en a d’autres qui servent à son articulation avec le radius. Le carpe est composé de sept os. Tous présentent une figure irrégulière qui de nulle msuiière ne peut être comparée avec celle des os du carpe de Tbomme. Us sont , comme dans l’homme , disposés sur deux rangées : la première en con¬ tient trois ( A A A, fig. 5 , pl. II ). La seconde en offre quatre. Les trois premiers présentent à leur partie postérieure une fapette articulaire convexe qui sert à l’articulation du radius et du cubitus. Chacun de ces os en particulier offre des facettes articulaires sur les côtés pour servir à leur articulation entre eux , et d’autres en devant , par lesquelles Ils s’articulent avec les os de la seconde rangée. Dans ceux de la seconde rangée on observe les mômes facettes, c’est-à-dire , pos¬ térieures , qui s’articulent avec les antérieures de la première rangée; les latérales servent à l’articulation de ces os entre eux , et les antérieures s’articulent avec les os du métacarpe. Parmi ces sept os il en est encore quelques-uns qui offrent quelques facettes articulaires , dont l’usage semble être de faciliter le jeu de quel¬ ques tendons. Le métacarpe est composé de quatre os , dont deux extérieurs plus grands ont une figure à peu près triangulaire : leur face externe , selon toute leur longueur , représente un canal. Le plus extérieur de ces os Y ne s’unit pas avec le carpe , si ce n’est par la partie externe de l’os suivant C, et très-proche del’union de celui-ci avec les deux de la seconde rangée du carpe. Par son extrémité antérieure il s’unit avec Tune des phalanges J du doigt extérieur. Le second os du métacaïqie C est plus long, et s’unit par son extrémité postérieure avec Tos B du carpe, et par ses parties latérales avec le précédent Y, et le troisième D, et par son extrémité antérieure ou digitale avec la première plialange M. Le troisième os du métacarpe D est le plus gros de tous. Il représente un carré long; il a donc quatre faces , une supérieure, une inférieure, une interne et l’autre externe, 4o SUR LE M E G A T II E R I U M. el deux exlrémltés articulaires qui s’unissent avec le second G et le quatrième G. Dans son extrémité postérieure il s’articule avec les os du carpe B, E,F; par l’antérieure avec la première phalange Q, au moyen de deux facettes articulaires divisées par une crête saillante. Le dernier de ces os ou l’externe (i est le plus court de tous, et en même tems le plus Irrégulier dans la, figure. Il s unit en arrière avec un petit os du carpe F , et avec le précédent par sa partie latérale et externe. Par sou extrémité extérieure il s’articule avec un petit os S contigu à l’os T. Quoique les os qui terminent l’extrémité inférieure ne ressemblent en rien aux phalanges , je leur donnerai cependant ce nom. Leur forme est arrondie; ils varient par lè nombre dans les doigts : c’est ainsi que dans le second et quatrième doigt il y a deux phalanges , tandis que dans le premier et le troisième on en trouve trois. Les deux du quatrième se voient en J et L. Les trois du troisième varient beaucoup dans leur grandeur et dans leur figure. Les deux premiers M N sont petits et irréguliers. Le troisième O est très-gros, très-large et a une forme ovale avec beaucoup d’aspérités au centre. De celui-ci on voit sortir comme d’une gaine une languette osseuse P assez dure et aussi de substance osseuse, (i) Je ne décris pas le premier os V et le second U, parce qu’ils n’ont rien de rcmarqua])le , que ne représente la figure. Extp.émité postobieure.. Le yé/7z «7- présente la forme d’un quarré allongé légè¬ rement aplati ; il offre par conséquent deux faces , l’une antérieure convexe et l’autre postérieure concave. La convexité de la première de ses faces présente une petite élévation diagonale qui , depuis l’angle supérieur interne , se dii'ige vers l'angle inférieur externe où elle se termine. La concavité de la face postérieure présente une égale direction. Il présente aussi deux bords, l’un interne et l’autre externe. Celui-ci est rond et forme une concavité , si on examine les points A et O de la fig. 3 et )4 .de la pl. IV. L’externe est plus aigu et présente aussi une concavité, comme il est facile de le voir dans la figure. Les quatre angles qui constituent le quarré long se divisent en deux supérieurs et deux inférieurs. De ceux-ci l’un est interne et l’autre externe. Le premier se trouve surmonté d’une éminence parfaitement sphérique et d’une superficie très-lisse: c’est la tête du fémur signalée par les deux let. A A. Au-dessous se trouve le col. L’angle externe , fig. 5 et 4 , let. F et E est le grand trochanter ou du moins une apo]>byse qui y correspond. Ici ou n’observe qu’un trochanter ; dans l’homme il y en a deux. Celui dont nous parlons est très-gros, très-inégal, fig. 45 let. G, et à sa partie antérieure on voit en F , fig. 5 , un trou qui commence par un canal , (j ) L’auteur de cette description compare cette apophyse aux griffes d’un tigre et d’un lion , et prélenil qu’elle étoit mobile et qu’elle ne s’est soudée que depuis la mort de l’animal. \ SUR LE MEGATHERIUM. 4i lequel donne passage aux vaisseaux qui portoient à l’os une partie de sa substance. A sa partie postérieure on voit un enfoncement assez sensible. Entre les deux apo- pbvses qui constituent les angles supérieurs on voit une concavité D, fig. 5 et 4 J elle peut être considérée comme le bord supériem- qui tient le milieu entre la tète et le trochanter. Les deux angles inférieurs signalés par les let. O et K des fig. 5 et 4 se divisent en internes et en externes. Le premier est plus incliné en devant que le second : il y a donc une correspondance entre ces angles et les supérieurs, quoique ceux-ci soient inclinés dans un sens contraire. Les angles inférieurs sont aussi très - gros et très - Inégaux : on peut les appeler condyles ; au - dessous , se voient deux éminences lisses B et G, fig. 5 et 4» qtii entrent dans deux cavités de la jambe. Entre ces éminences il y a une petite concavité qui peut être considérée comme le bord inférieur de la figure quadrolongue qu’offre cet os. La jambe paroît être formée d’un seul os divisé en deux dans sa partie infé¬ rieure ; mais comme nous ne counoissons aucun animal qui ait la jambe formée d’un seul os , nous devons être portés à croire que ce que nous voyons sont aussi deux os soudés d’une manière intime et accidentelle par leur extrémité supé¬ rieure. Admettant donc deux os dans la jambe de ce quadrupède, je leur conserverai le nom de tibia et de péroné. Le tibia, situé à la partie inférieure , se trouve un peu plus en avant que le péroné ; il est aussi d’im volume plus con¬ sidérable et présente deux faces , l’une intérieure et comme inclinée à sa partie externe , laquelle est encore près de ses extrémités et un jjeu convexe vers le milieu ; l’autre postérieure un peu tournée en dedans très - convexe dans toute son étendue , et montre plusieurs inégalités et sur - tout une en forme d’épine qui se prolonge diagonalement et comme un zig-zag depuis son extrémité supérieure externe jusqu’à son extrémité inférieure et interne. On y observe égale¬ ment deux bords, l’un interne et un peu antérieur, AD, pl. V, fig. 4» lequel présente une concavité et est cissez gros ; un autre externe et un peu posté¬ rieur E C : celui-ci a aussi une forme arquée j mais il est très-aigu. Son extrémité supérieure est plus grosse que l’inférieure; elle se '.^rmine par une facette articulaire assez concave, et affecte une forme ronde A. pour s’arti¬ culer avec l’éminence B du fémur. Autour d’elle on volt de légères inégalités. L’extrémité inférieure n’est pas aussi grosse que la supérieure. A «a partie interne est une éminence assez considérable qui fait fonction de inalléole. Au-devant on voit une sinuosité qui , sans doute , facilite le mouvement de quelque tendon. Dans cette extrémité les deux faces s’éloignent l’une de l’autre , et forment deux pro- longemens par en bas ; c’est entre ces prolongemens qu’est reçue la tète de l’as¬ tragale. 6 s Ü R L E IM E G A T II E R I U IM. 42 I;e péroné est long et mince, excepté cependant à ses extrémités où il est d’un volume plus considérable : c’est sur-tout son extrémité supérieure qui est la plus grosse ( V^id. let. G , et F ), et qui est terminée par une facette articulaire très-étendue, sur laquelle repose l’éminence du fémur. L’extrémité inférieure est presque triangulaire , ayant à sa partie externe un Lord trancliant qui peut être considéré comme faisant fonction de malléole; elle est terminée par une petite facette articulaire un peu concave où est reçue la partie externe de l’astragale , et par son côté interne elle s’unit avec le côté externe du tibia. Ces deux os ainsi unis laissent entre eux un espace ovale qui, comme dans l’bomme, étoit probable¬ ment rempli par une membrane ou ligament inter-osseux. Le tarse se compose de sept ps : leur disposition est la même que dan l’homme; ainsi |e 1cm' donnei'ai les memes noms. Le premier de tous , celui qui forme le talon, est l’astragale; sa figure est assez irrégulière; il est arrondi dans presque toute sa partie supérieure A pour s'articuler avec le tibia L, et par sa partie externe avec Finférieure du péroné IM , et en arrière avec le calcanéum B , quoique le lieu de cette dernière articulation soit plus aplati que rond. Du côté interne de l’astragale on voit une apophyse assez élevée qui , étant très-près de celle que nous avons appelée malléole du tibia, augmente con¬ sidérablement sa longueur. A sa partie antérieure il jirésente une éminence ter¬ minée par une légère concavité qui reçoit une facette articulaire un peu convexe de l’os naviculaire. Il y a encore dans cet os quelques enfoncemens et quelques cavités que je ne décris pas. Le second os du tarse ou le calcanéum B est le plus graiid de tous : sa figure est à-peu-près celle d’un soulier qu’on verroit par le talon. Il est très-inégal dans toute sa superficie, et principalement dans la j)artie supérieure; on y observe plusieurs éminences et plusieurs cavités. Cette partie est convexe , tandis que l’inférieure est plane : toutes deux sont terminées en arrière par une pointe un peu élevée. Il est comme divisé à sa partie antérieure , et représente ime espèce de fourche dont la branche interne s’avance beaucoup plus que l’autre. Au dessous tlb c>.'.te espèce de fourche on voit une facette articulaire qui sert à son articu¬ lation avec Vos cuboïde D. Le tro'vipme est l’os naviculaire C ; il est oblong, mais prolongé dans sa par';» Inférieure; il est situé au devant de l’astragale derrière les deux os cunéiformes et au côté inteiTip de l’os cuboïde. Il s’articule avec le ^Jremier au moyen d’un® petite facette articulaire a^sez étendue et un peu convexe qui, par derrière, en représente une autre grande , laquelle est divisée en deux par une ligne saillante. Elle sert pour s’articuler avec les deux os cunéiformes déjà cités , et par sa partie latérale externe on lui voit une autre petite facette pour s’unir avec le cu« I)oïde. 5i ^ s U R L E IM E G A T n E R I U M. 43 Le quatrlcme est improprement appelé cnljoicle. Il est aplati par sa partie supé¬ rieure et inégal à l’inférieure. Situé au dcTant de la pai’tie latérale externe , et un peu inférieure du calcanéum au côté externe en dessus de l’astragale , du navi- culaire, et derrière le secondes du métatarse, il s’unit avec tous ces os par autant de facettes articulaires. Les trois autres os appelés cunéiformes , parce qu’ils font l’office de coins, ne sont pas situés dans le même ordre que dans l’homme. La figure en présente deux qui sont signalés par les let. E G. Le premier E est ovale et a quatre facettes pour s’articuler en arrière avec l’os naviculaire , en avant avec le second G, par sa partie latérale externe avec le euhoide et le second os du métatarse, et par l’interne avec l’autre os cunéiforme qui ne se voit pas dans la figure. Le second os cunéiforme G est triangulaire du coté de la face supérieure, et il s’unit avec l’antérieure du premier os cunéiforme E avec la partie interne du second os du métatarse déjà cité , et avec la postérieure d’un autre petit os qui se trouve situé derrière le premier. Le troisième os cunéiforme est situé à la face interne du pied ; il s’articule avec l’os naviculaire et avec les deux autres du même nom ; il est inégal dans sa face externe , et uni dans sa superficie in¬ térieure. Les os du métatarse et les phalanges sont en tout semhlahles à ceux des e xtré mités antérieures. Seulement que dans la main nous avons compté quatre os dans le métacarpe et auttmt de doigts. Le pied n’en présente que trois. Dans le pied on trouve seulement un doigt avec un ongle; dans la main il y en a trois. Dans le reste tout est semblable. Ces quatre os peuvent sc voir dans la figure : le premier en R , le second en Y , le troisième en J , et le quatrième , qui est un© petite phalange, se voit en N. MEGATHERIUM. PJ.i. '•K • - ’• •• '■4. ME GATHE RI UM , SUR L’OSTÉOLOGIE DU LAMANTIN, Sur la place que le Lamantin et le Dugong doivent occuper dans la méthode naturelle, et sur les os fossiles de Lamantins et de Phoques, Tout le monde sait aujourd’hui, que les cétacés ressemblent aux quadrupèdes vivipares dans tous les détails de leur struc¬ ture interne et de leur économie, quoiqu’ils n’aient que les deux pieds de devant , que leur corps ressemble à celui d’un poisson par sa configuration générale, et que leur peau soit entière¬ ment dénuée de poils. Cependant ils ont aussi dans cette struc¬ ture interne, des formes et des combinaisons d’organes si particulières, qu’il seroit presque impossible de les rappro¬ cher d’une famille de quadrupèdes, plutôt que d’une autre. Leurs dents toutes uniformes, leurs estomacs multipliés, l’ab¬ sence du cæcum, des gros intestins, celle du nerf olfactif et I 2 LAMANTINS, DUGONG, des organes ordinaires de l’odorat; l’appareil singulier qui leur permet de lancer des jets d’eau d’une grande hauteur, et qui leur a valu le nom de souffleurs ^ sont autant de carac¬ tères qui ont obligé ceux mêmes des naturalistes qui ont mis les cétacés dans la classe des quadrupèdes vivipares ou mam¬ mifères, à les laisser dans un ordre à part , à la fin de cette classe. Le lamantin et le dugong avoient des titres presque aussi marqués à une pareille distinction, puisqu’ils partagent presque toutes les singularités d’organisation des cétacés, et notamment l’absence totale de pieds de derrière, et la multiplicité des estomacs. Cependant les naturalistes ne les ont pas si bien traités; ils les ont toujours rapprochés du morse ^ lequel est tout aussi quadrupède que les phoques^ et les ont fait courir avec lui de famille en famille , le plus souvent sans même les séparer de genre. Clusius paroît les avoir induit le premier à ce rapprochement, en rapportant le lamantin au genre des phoques (i) , et comme après les notices abrégées et sans figures d’ (2), de Go- mara (3) et de Rondelet (4), Clusius eut l’avantage de donner le premier, d’après nature, une figure et une description de cet animal; son opinion étoit faite pour obtenir du crédit. Gesner (5) u’avoit fait , comme à son ordinaire, que copier (1) Exolic. lib. VI, cap. XVTIT, pag. iSa. (2) Hist. gen. et nat. Tnd. Kb. XlII, cap. X. (3) Hist. gen. cap. XXXI. (4) De Piscih. lib. XVI, cap. XVIII, pag. 490. Voyez aussi Thevet, Singul. de la Fr. antarc. feuill. i38» 16) De Jqualil. pag. 21 3. 3 ET PHOQUES, Rondelet; Aldrovande (i) et Jonston (2) copièrent Gesner et Clusius j il en fut de même de Laet (3) , de Dutertre (4) , de Rochefort (5j 5 et même de Rabat (6) , au moins pour la figure; et l’ouvrage ^Hernandes (7) que l’on publia dans l’intervalle , n’ajouta rien à ce que l’on pouvoit trouver dans les auteui'S imprimés avant lui. Par un hasard singulier, quoique le lamantin soit assez commun dans les Indes occidentales; que sa chair soit un mets agréable; que ses mœurs singulières l’aient l’endu intéressant; que les os de ses oreilles aient même été pendant long-temps un article renommé de pharmacie , les naturalistes de profes¬ sion n’eurent point d’occasion d’observer l’animal entier et adulte , et employèrent chacun, suivant ses systèmes, les faits qu’ils empruntoient des premiers descripteurs. Ainsi Rai (8) le laisse avec les phoques et le morse ^ à la fin du genre des chiens; Klein (9) est tellement entraîné par l’analogie, qu’il va jusqu’à dire qu’on doit s’être trompé en lui refusant les pieds de derrière. Linnæus^ qui l’avoit laissé d’abord dans sa quatrième et sa sixième édition, à l’exemple diArtedi (10), avec les cétacés, (1) De Piscib. et cetis , pag. 278. (2) De Piscib, lih. V, art. VII. (5) Hist. des Indes occid. pag. S, {4) HIsf. nat. des Antilles franç. tom. II, pag. 199. (5) Hist. nat. des AjitiUes, chap. 17, art. V. (6) Voyage aux îles de l’Amérique, tom. II, pag. 200. (7) Mexic. pag. 82 3. (8) Syn. anim. quadr. pag. 193. (9) Quadr. disposit. p. 94. (10) Gener. pisc, pag. 79. 4 LAMANTINS, DUGONG, dans la classe des poissons , pendant qu’il mettoit le morse avec les phoques , le transporta ensuite seul dans l’ordre des hruta (dixième édition), et y remit enfin le morse avec lui ( douzième édition ) , en avertissant toutefois de l’affinité du lamantin avec les cétacés. C’étoit Brisson qui lui avoit indiqué ce double trans¬ port (i) et qui avoit été lui -meme persuadé par Klein ^ au point d’adopter aussi son doute sur l’absence des pieds de derrière. Enfin Daiihenton ayant disséqué un fétus de lamantin (2) , confirma ce défaut des extrémités postérieures, et d’après lui Pennant ( ;) l emit cet animal immédiatement avant Xescétacés ^ mais immmédiatement après les phoques , plaçant le morse avant ceux-ci. Cependant comme Daiihenton n’avoit connu que la télé du dugongs san^ remarquer ses rapports avec celle à\x lamantin^ Pennant laissa encore le dugong avec le morse (/J). Il y avoit néanmoins un perfectionnement dans cette dis¬ position; mais Erxlehen (5), Schreher (6), Gmelin (y) et Shaw ne l’adoptèrent point; ils mirent toujours les trois animaux dans un même genre, quoique le dernier auteur surtout (1) Règne animal, pag. 48 et 49. (2) Hist. nat. XIII, in-4.®, pag. 42^ et suiv. (3) History of quadr. pag. 536, (4) Ihid. 617. (5) Mammal. pag. SgS et suiv. (6) Sæuge-Thiere , part. II, pag. 262 et suiv. (7) Sjysf. nat. Lin. I, pag. Sg et 60. (8) Génér. zool. vol. I, part. I, pag. aag et suiv. 5 ET PHOQUES. n’eût, pour ainsi dire, plus d’excuse, depuis que Camper (i) avoit fait connoitre le dugong entier, qu’il avoit donné les moyens de le trouver dans les écrivains plus anciens qui l’a- voient décrit ou dguré sans qu’on y eût fait attention, et qu’il avoit montré son extrême ressemblance ai\ec\e lamantin. M. de Lacépède est, je crois, le seul naturaliste qui ait fait trois genres différens du morse , du dugong et du lamantin. On verra que le résultat de mes recherches tend à adopter ces trois genres, à y en ajouter un quatrième, l’animal de Steller à rapprocher le morse des phoques., et les trois autres des cétacés. Le dugong et le lamantin ont tant de rapports entre eux, qu’ils ont été désignés par le même nom de vache ou de bœuf marin, et que plusieurs navigateurs, observant le dugong dans la mer des Indes, l’ont confondu avec le lamantin des Antilles ( ), en quoi ils ont été suivis par un aussi savant naturadste (\\xArtedi (1). Steller ( ;), qui a décrit un troisième genre distinct du dugong et du lamantin, l’a encore tellement confondu avec celui-ci, que Gmelin s’est cru autorisé à regarder cet animal, (1) Opuscules, édit, allem. tom. III, pag. 20; édit, franç. tom. II, pag. 479- (2) Dampier, Voyage autour du inonde, tom. I, trad. fr. pag. 46. Gumilla, Hist. de l'Orénoque, trad. fr. tom. I, pag. 49, pl* de la pag. 304. La Condamine , Voyage à la riv. des Amaz. pag. 164, décrivent le vrai lamantin. Mais Léguât, tom. I, pag. gS , décrit et représente manifestement le dugong sous le nom de lamantin; et c’est sans doute aussi le dugong qui a fait dire à Dampier ^loc. cit.) qu’il y a des lamantins à Mindanao et à la Nouvelle-Hollande. (3) Gener. pise. pag. 80. (4) Novi comment. Petropol. tom. II, pag. .294. 6 LAMANTINS, DUGONG, de Steller , comme une simple variété du lamantin , quoique Schreber eut déjà averti du contraire (i). Il n’y a cependant nulle apparence que la même espèce puisse vivre aux Antilles et au Ramschatka; il n’y en a meme aucune que dans ce genre, une même espèce puisse avoir traversé de grands espaces de mer , et se trouve à la fois sur les cotes de l’ancien et du nouveau monde. En effet, les noms de bœuf^ de vache et de veau marin y ont été donnés aux dugongs et aux lamantins, principale¬ ment parce qu’ils paissent l’herbe comme les rumiuans. Leur estomac multiplié aura peut-être aussi contribué à ces déno¬ minations; mais la figure de leur tête, que quelques voya¬ geurs allèguent, doit y être pour fort peu de chose; car sa ressemblance avec celle d’un bœuf, est au moins équivoque. La forme de leurs dents n’est réellement appropriée qu’au régime végétal, et les mâchelières du lamantin ressemblent même, à s’y méprendre, à celle du tapir. Or il résulte de là, que ces animaux ne peuvent guère s’é¬ loigner des rivages, et l’on rapporte aussi que le lamantin ne va point à la haute mer, qu’il remonte plutôt les fleuves, et qu’il peut très-bien vivre dans des lacs d’eau douce. Le nom de lamantin , que quelques-uns on voulu dériver des cris que cet animal faisoit entendre , n’est qu’une corrup¬ tion de celui Aemanati ou àemanate; les nègres, et d’après eux les colons, on dit long-temps la manate , la manati, d’où' ils en sont aisément venus à dire lamantin et le lamantin. Quant au nom de manati lui-même , on n’est pas d’accord sur son origine. Hemandes le tire de la langue de Haïtj ; (i) Sæuge-Thiere , tom. II, pag. 277. ET PHOQUES. 5 La Condamine, de celle des Galihîs et des Caraïbes ( i ) ; tan¬ dis que la plupart des auteurs assurent qu’il a été imaginé par les Espagnols , pour exprimer que les pieds de devant de cet animal, ressemblent à des mains, ou plutôt qu’il n’a que des pieds de devant seuleniswt, attendu que le mot de mano^ en espagnol, signifie également la main, et l’extrémité antérieure toute entière. On peut adopter cette étymologie dans le premier sens, comme dans le second j car le lamantin et le dugong se ser¬ vent, avec beaucoup d’adresse et de force, de leurs pieds pour s’accrocher à la terre et pour porter leurs petits; et l’on y distingue aisément, au travers des membranes, cinq doigts, dont quatre sont terminés comme les nôtres par des ongles plats et arrondis, ce qui a pu faire donner à juste titre, à ces membres , le nom de mains , par comparaison avec les na¬ geoires des poissons ordinaires. Comme ces animaux ont leurs mammelles sur la poitrine , et qu’ils élèvent souvent la partie antérieure de leur corps au-dessus de l’eau; comme le nom de main , donné à leurs nageoires , a fait exagérer l’idée de la ressemblance de ces membres avec les nôtres; comme enfin leur mufle est entouré de poils (2), qui de loin peuvent faire l’effet d’une sorte de chevelure, on leur a donné des noms plus^singuliers, qui ont conduit ensuite à des récits extrêmes et entièrement fabuleux. Les Portugais et les Espagnols ont appelé le lamantin , pesce (1) Apud. Bu£F. Hist nat. XIII, pag. 378. (2) Ce sont ces poils qui lui ont valu le nom de trichecus , de etiz^ls, parce que, tant qu’on le rangeoit parmi les poissons, il étoit le seul de sa classe qui eût du poil (Artedi, philos, ichtyol. pag. 74); mais ce nom, transporté au morse, qui est un quadrupède, devient ridicule. 8 LAMANTINS, DUGONG, ' ynuler ^ pesce donna^ (^poisson femme); les Hollandois ont nommé le dugongs haart mannetje ( homme barbu ) De ces noms à l’idée d’un éti’e demi - homme et demi-poisson , il n’y a pas loin 5 il suffit d’un voyageur peu scrupuleux, ou de peu de mémoire, pour compléter la mét^iorphose. Chacun peut s’assurer, en lisant les descriptions données par les modernes, de prétendus tritons ou sirènes, qu’elles doivent leur origine à nos animaux; les unes faites raisonna¬ blement et d’après nature, comme celles que rapportent Dapper (i) et Merolla, en présentent clairement tous les ca¬ ractères ; les autres, écrites sur des oui-dires, ou d’après le souvenir confus d’un objet vu de loin, comme celles de Chré¬ tien {f), de Debes (3), de Kircher{l\), sont aisés à ramener à leur véritable type. Pour peu que l’on ait d’habitude du petit art de la caricature, on sait combien il est facile de changer, au moyen des altérations les plus légères , la figure d’un être dans celle d’un autre; et il est certainement tout aussi aisé de faire d’un dugong tel qu’il est rendu dans l’ouvrage de üe- nard (5), ou d’un lamantin, comme l’a figuré Gumilla (6), une sirène comme celle que représente Kircher, que de chan¬ ger une raie eu un basilic , tel que celui qu’ont gravé Aldro^ vande , Jonston , etc. et que l’on voit tous les jours dans les cabinets des curieux ou dans les boutiques des charlatans. (1) Afrique de Dapper , pag. 366. (2) Journ, des Sav. II, avril 1671, suppl. (3) Actamedica, Hafniens , 1671 et 1672, pag. 101. (4) Ars magnet. pag. 676 , et apud Ruisch, Theat. anim. de pîscih. pl. XL, p. 146. (5) Poissons des Moluques, pl. 34, fig. 180.. (6) Orénoque , trad, fr, in-12 , tom. I, pl. de la pag. 304. 9 ET PHOQUES. Voilà pourtant à quoi se réduisent ces récits ^JiomTnes et à.e femmes de mer^ accumulés par par Lâche snaje^ des- Bois (2), par Sachs (3) et par d’autres auteurs plus érudits que judicieux. Je sais que Valentyn prétend distinguer les hommes marins des dugongs (4); mais il ne dit point avoir vu des premiers, il ne donne que la figure ridicule déjà publiée par Renard^ à qui elle étoit suspecte ; et quand il décrit le du¬ gong (5), il lui attribue tant de caractères humains, qu’il se réfute .en quelque sorte lui-même. Cet abus manifeste d’observations imparfaites ou altérées, joint à toutes les singularités déjà remarquées dans ces ani¬ maux, étoient des motifs plus que suffisans pour chercher à éclaircir leur histoire, en y ajoutant quelques faits nouveaux : j’y ai été tout à fait déterminé, quand j’ai aperçu des vestiges de ces animaux parmi les ossemens fossiles. Je n’aurois pu cependant rien dire de bien important, qui ne fût déjà dans quelque auteur précédent, sans l’attention qu’a eue mon savant confrère, M. Geoffroy, de rapporter de Lisbonne un beau squelette de lamantin du Brésil, très-bien préparé, qui m’a mis à même d’en étudier et d’en décrire toute l’ostéologie. Il est juste que je témoigne encore ici ma reconnoissance à un ami à qui j’ai dû tant d’autres services. Après avoir décrit ce squelette et rappelé quelques autres (1) Telliamed, tom. II, in-12 , pag. 181. (2) Dictionnaire des animaux, articles Homme marin et Sirène, ,(3) Ephémér. nat. curios. ann. dec. I , obs. 23. (4) Oud en Niewoostindie, tom. III, pag. 33o. (P) Ibid. pag. 341, lo LAMANTINS, DUGONG, circonstances de l’anatomie du lamantin d’Amérique, je les com¬ parerai avec ce que l’on possède de celui du Sénégal et du Congo, pour montrer qu’il y a entre eux des différences spéci¬ fiques. Rassemblant ensuite tout ce que l’on sait sur le dugongs je montrerai que ce n’est point un morse , mais un genre aussi voisin du lamantin qu’un genre peut l’être d’un autre. Je ferai voir alors que l’animal décrit par Steller^ forme un troisième genre distinct du dugong et du lamantin. Je terminerai par cette conclusion, que ces trois genres doivent constituer une famille séparée, très-différente des phoques , et qui est à peu près aux cétacés , ce que les pachy- dermes sont aux carnassiers. Enfin je réduirai en passant, à deux, les quatre espèces nominales de lamantin , établies par Buffon. Article premier. Du lamantin d’ Amérique. Il paroît vivre également dans la rivière des Amazones , àîms X Orénoque ^ à Surinam., à Caïenne et aux Antilles; mais il est devenu rare dans les endroits fréquentés. Je n’ose- rois affirmer que celui que quelques auteurs placent sur les cotes du Pérou, soit le même. Hernandès a l’air de le sup¬ poser ( educat uterque Oceanus). MoUna n’en parle point pour le Chili. Sa taille va quelquefois à plus de vingt pieds , et son poids à huit milliers. La description que nous en allons donner, a été faite d’a- ET PHOQUES. n près un individu de 1,9 de longueur, envoyé de Gaïenne au Muséum d’histoire naturelle. Il a été assez justement comparé à une outre ; car il repré¬ sente un ellipsoïde allongé, dont la tète forme la pointe anté¬ rieure et dont l’extrémité postérieure, après un léger étrangle¬ ment, s’aplatit et s’élargit pour former la queue, dont la forme est ohlongue , et le bout large, mince et comme tronqué. La queue forme à peu près le quart de la longueur totale. Il y a. un peu moins du quart entre l’insertion des na¬ geoires et le museau. • Aucun rétrécissement ne fait remarquer la place du col. La tète paroît un simple cône tronqué. Le museau est gros et charnu. Son extrémité présente un demi-cercle, dans le haut duquel sont percées deux petites narines sèmi-l un aires dirigées en avant. Le bas , qui forme la lèvre supérieure , est renflé, échancré dans son milieu, et garni de poils gros et roides. La lèvre inférieure est plus courte et plus étroite que la supérieure. La bouche est peu fendue j l’œil est petit , placé vers le haut de la tête, à la même distance du museau que l’angle des lèvres. L’oreille n’est qu’un trou presque imperceptible : elle est autant distante de l’œrl, que l'œil du bout du museau. La nageoire est portée sur un avant-bras plus dégagé que celle du dauphin; on sent mieux les doigts au travers de la peau, et l’on conçoit quelle doit avoir plus de force et de mou¬ vement. Son bord est garni de quatre ongles plats et arrondis, qui n’en dépassent point la membrane. C’est le pouce qui n’en a pointj celui de l’index est au bord radial, et celui du médius, 12 LAMANÏIKS, DUGONG, h l’extrémité de la nageoire. Le quatrième , qui répond au petit doigt , est fort petit : il est possible qu’il manque quelque fois. Un individu plus jeune ne montre meme des traces que de deux ongles; et l’on n’en voit dans un fétus que trois d’un côté, et de l’autre seulement un quatrième fort petit. En dessous, avant la naissance de la queue, Ton aperçoit deux trous, dont l’un est celui de l’anus, et l’autre celui de la génération; soit vulve, soit fourreau. Je ne sais, en effet, si l’individu que j’ai observé, étoit une femelle; car je n’ai pu y trouver le moindre vestige de mammelles: aui’este, la vulve du lamantin est placée comme dans les autres animaux, et je ne sais ce que Buffon a voulu dire en annonçant qu’elle est au-dessus de l’anus ( i ). Toute la peau est grise, légèrement chagrinée, portant ci et là , quelques poils isolés. Ils sont un peu plus nombreux vers la commissure des lèvres et à la face palmaire des na¬ geoires. Le fétus en a un plus grand nombre sur tout le corps , que les grands individus. Tableau des dimensions du grand individu. Longueur totale. ..................... 1,9 Largeur du museau . ... 0,12 Distance du museau à la commissure des lèvres, . . . 0,084 Distancedu museau à l’œil . . 0,114 Distance de l’œil à la commissure des lèvres . « 0,074 Distance du museaU à la racine inférieure de la nageoire. .... 0,2 x Longueur de la nageoire .................. o,2/^5 Plus grande largeur de la main ............... 0,082 (1) Supplém, in-4.°, tom. VI, pag. i83, ET PHOQUES. i3 Longueur de la queue à compter de l’élranglemenf o,4§ Plus grande largeur . . . 0,37 Contour de la tête à l’endroit des yeux . . . Oj55 — du corps aux aiselles . . 1,01 — à l’endroit le plus gros . 1,25 — à l’étranglement de la queue. . . .' . 0,62 Distance du bord postérieur de la queue à l’anus, . 0,66 De l’anus à la vulve ou à l’orifice du fourreau . . 0,1 La tête osseuse du lamantin, 2 et 3, se distingue aisé¬ ment de celle des autres animaux, par sa forme générale. Ses principaux caractères distinctifs sont les suivans ; I ° Elle n’a que de très-petits os propres du nez, ce qui rend l’ouverture de ses narines osseuses très-grande. Néanmoins, le reste des os du nez est remplacé par des cartilages, et dans le vivant, l’ouverture des narines est comme à l’ordinaire au bout du museau ) 2° Les os intermaxillaires a, a, ne portent point de dents, et cependant ils sont très-étendus en longueur ; ils remontent le long du bord des narines , jusqu’au dessus de la région de l’œil j 3 ° Les orbites sont très-avancés et très-saillans; 4-° Le trou sous-orbitaire b, b se trouve percé dans l’angle rentrant que fait le cadre saillant de l’orbite avec la partie an¬ térieure de l’os maxillaire c, de manière qu’on ne l’aperçoit point quand on regarde la tête de profil^ 4. ° Cette saillie de l’orbite fait encore que la distance entre le bord inférieur externe de la partie zygomatique de l’os maxillaire et les dents, est plus grande que la largeur du palais 5 5. ° Les os frontaux cA d, qui écartent beaucoup leurs branches antérieures d'f/', pour embrasser l’ouverture des narines, et i4 , LAMANTirs^S, DUGONG, former leS' plafonds des orbites, donnent chacun une apo¬ physe postorhilaire ■ obtuse f/"; 6.° L’os de la poinmette e s’étend en e' dans toute la moitié inférieure de l’orbite , sur l’apophyse orbitaire du maxillaire ; •J? L’apophyse zygomatique du temporal/, est plus épaisse que dans aucun autre animal ; 8 ” Les deux crêtes qui limitent dans le haut la fosse tem¬ porale , marchent presque parallèlement, et ne se réunissent point en une seule ligne, comme dans la plupart des car¬ nassiers ; 9. ° Il n’y a qu’un seul pariétal impair 10. “ Le plan de l’occipital est incliné d’avant en arrière et de haut en bas , et la crête occipitale fait un angle obtus j n L’articulation de la mâchoire inférieure se fait par des surfaces presque planes, comme dans tous les herbivores; 12“ La branche montante est très-large, et l’angle posté¬ rieur arrondi; 15. ” L’apophyse coronoïde/st dirigée en avant et tronquée presque en fer de hache ; 14.“ La région de la symphyse est épaisse et allongée en avant ; i5° Toute la partie qui portoit la gencive, est criblée de petits trous; 16. ® Les trous pour l’issue du maxillaire inférieur h, sont très-gros ; 17. ° Les parties latérales et dentaires de la mâchoire infé¬ rieure sont très-grosses et arrondies; 18° A ces divers caractères, je crois devoir joindre une description particulière de l’os du rocher, qui est fort remar¬ quable. ET PHOQUES. i5 C’est véritablement lui que l’on a long -temps vanté contre les maladies des voies urinaires, et contre les hémor¬ rhagies, et dont Clusius représente une partie (ap.monar- dem simpl. medic. cap. XXXII ) ; mais il paroît que l’on a donné depuis, sous le nom d’os aiaiiati, celui de la caisse de la baleine ( i ). Au reste , l’iin doit valoir l’autre pour les vertus. Cet os est distinct du crâne comme celui des cétacés] mais il y est enchâssé dans une cavité de l’os temporal , et non pas simplement suspendu. Je le représente fîg. 8, par dehors j fig. 9, du côté de l’intérieur du crâne 5 fig. 10, par dessous. Sa masse, qui est irrégulièrement globuleuse, peut se di¬ viser en trois parties. Le dôme de la caisse , A ; le cadre du tympan, B 5 le labyrinthe ou rocher, proprement dit, C. Le dôme de la caisse est un segment de sphère très-épais arrondi de toute part, excepté du coté inférieur où le mar¬ teau et l’enclume sont placés sous sa concavité. Le cadre du tympan est un demi-cercle irrégulier; sa par¬ tie antérieure è, est beaucoup plus large et plus épaisse que la postérieure d. La première se joint au dôme en /, par un petit isthme, qui laisse un sillon profond par où passe le pre¬ mier muscle du marteau. La partie postérieure 0?, se joint au rocher en g, par* un isthme moins étranglé, sous lequel est en avant une petite apophyse pour l’autre muscle du marteau , et en arrière une fossette. L’une et l’autre sont exprimées dans la figure 10, mais trop petites pour qu’on ait pu y placer des lettres. (1) Voyez BlumenhacS. Manuel d'iiist. nat. art. Trichechus, i6 LAMANTINS, DUGONG, Le dôme s’attache par son bord interne, à tout le bord supérieur du rocher, et y dot la caisse en dessus 5 mais en dessous , il reste un grand intervalle entre les bords inférieurs du rocher et du cadre , et toute cette partie doit nôtre fer¬ mée, dans le vivant, que par les membranes. C’est par ce vaste intervalle que la figure lo nous montre l’intérieur de la caisse , et ses trois osselets m , , o. L’os en forme de co¬ quille , qui rend l’oreille des cétacés si remarquable , sert précisément à fermer cette ouverture inférieure 5 il n’a donc point d’analogue dans le lamantin. La partie postérieure du rocher 7i, est très-épaisse et so¬ lide; c’est dans sa partie antérieure /c, qui est plus compri¬ mée , que sont creusées les cavités du labyrinthe. La figure g nous montre sa face interne, et les deux trous P et q qui servent de passage aux nerfs. A sa face inférieure , figure 10 , se voit la fenêtre ronde s , qui est fort grande, et au travers de laquelle s’aperçoit une partie de la rampe externe et de la cloison osseuse du limaçon. Le limaçon est lui-méme très- considérable, par le grand diamètre de ses rampes, quoique le nonrbre de ses tours ne soit que d’un et demi, En #, est le promontoire qui sépare la fenêtre ronde de l’ovale. Celle-ci ne peut s’apercevoir dans notre figure 10, mais on peut se la représenter d’après la position de l’étrier o , qui la ferme avec sa platine. On la voit d’ailleurs en fig. 8, où nous n’avons laissé que le marteau en place. L’étrier du lamantin ne mérite presque pas ce nom , car ce n’est qu’un cylindre irrégulier percé d’un très-petit trou ; le marteau est très-gros et très-épais, mais ne s’attache à la mem¬ brane du tympan que par un manche fprt court et compriipé ; ET PHOQUES. 17 il s’articule avec le bord du cadre du tympan, près du petit sillon creusé sur l’isthme qui joint ce cadre au ddme. L’en¬ clume s’articule sous le dôme meme ; de sorte que la réunion des deux os tourne sur ces deux points comme sur deux pi-i vots, et l’étrier ayant une direction presque perpendiculaire à un plan qui passeroit par cette ligne fixe, frappe à chaque mouvement sur la fenêtre ovale d’une manière très-sensible. Camper avoit nié l’existence des canaux senii - circulaires dans le lamantin comme dans les cétacés ^ mais avec aussi peu de fondement : seulement ils y sont aussi , excessivement minces. On n’est pas d’accord sur le nombre des dents du laman¬ tin'^ le véritable est de trente six, neuf de chaque côté; les su¬ périeures carrées, les inférieures plus longues que larges, sur¬ tout en arrière, toutes présentant deux collines transversales et un talon qui devient plus considérable dans les postérieures d’en-bas. Ces deux collines, avant d’étre entamées, offrent chacune deux ou trois petites pointes mousses; ensuite, à mesure qu’elles s’usent par la mastication, elles monti ent deux lignes bordées d’émail, qui s’élargissent jusqu’à ce qu’elles se con¬ fondent en une surface aussi étendue que la dent, qui est alors entièrement usée. J’ai lieu de croire qu’indépendamment des dents de lait, une ou deux des molaires antérieures tombent comme dans beaucoup d’autres herbivores à mesure que les postérieures se développent. Nous représentons une de ces dents fig. n : elle est tirée de la mâchoire supérieure. L’omoplate est presque demi-elliptique ; sa ligne inférieure 3 i8 LAMANTINS, DUGONG, étant presque droite et répondant au grand axe de l’ellipse, l’épine n’occupe que la moitié antérieure de l’os. Sa plus grande saillie est près de sa racine : elle se prolonge en avant en un acromion pointu qui monte un peu obliquement , et qui a l’air de se terminer par une facette articulaire. Cependant le squelette que j’ai sous les yeux ne présente point de clavi¬ cules. Un fort tubercule mousse tient la place du bec cora¬ coïde. La face humérale est un peu plus haute que large et fort concave. La tête supérieure de l’humérus est aussi fort convexe : sa tubérosité extérieure est très-saillante. La rainure bicipitale est peu profonde , mais il reste un canal profond entre la tubé¬ rosité interne et la tête articulaire ; la crête deltoidienne est peu marquée. I.a tête inférieure est en simple poulie un peu oblique, montant davantage au bord interne. Sa largeur ne surpasse point son diamètre antéro-postérieur. Le condyle interne saille beaucoup plus que l’autre en arrière. Le cubitus et le radius assez courts pour leur grosseur, et encore plus pour la taille de l’animal, sont soudés ensemble par leurs deux extrémités. Leur articulation supérieure corres¬ pond à la poulie de l’humérus ; la tête du radius y est plus large que haute, et même quand elle ne seroit pas soudée, cet os ne pourroit exécuter sa rotation ; en quoi le lamantin diffère encore beaucoup des phoques pour se rapprocher des herbivores. Le radius a vers le bas, à sa face externe, deux crêtes aiguës. Nous avons représenté l’avant-bras par trois faces, fig. j4j i5 et i6. Le carpe n’a que six os, parce que le pisiforme manque, et que le trapèze et le trapézoïde sont réunis en un seul , qui ET PHOQUES. 19 s’articule à la fols avec le métacarpien du pouce et de l’index. L’analogue du grand os répond à ceux de l’index et du mé¬ dius. L’unciforme répond à la fois au médius, à l’annulaire et au petit doigt; celui-ci s’articule en meme temps avec le cu¬ néiforme de la première rangée. Chacun de ces os a aussi dans le lamantin^ son caractère particulier, qu’il seroit beau¬ coup trop long d’exposer; il sulïit de rappeler ici que le pisiforme manque également aux dauphins^ aux phoques et aux paresseux ^ tandis qu’il est très-long dans les animaux qui se servent beaucoup de leurs pieds de devant pour saisir ou pour marcher. Les os du métacarpe sont plats en dessus, en carène en des¬ sous; celui du pouce, qui n’a point de phalanges à porter, se termine en pointe : les autres s’élargissent à leur extrémité inférieure. Celui du petit doigt est le plus long et le plus élargi de tous. Le doigt annulaire est au contraire celui qui a les plus longues phalanges, mais celles du petit doigt sont plus plates et plus larges. Toutes les faces articulaires des phalanges sont assez pleines , et ces os doivent jouir de peu de mobilité. Le cou n’a que six vertèbres, comme Dauhenton l’avoit déjà observé, toutes très-courtes. La partie annulaire de la troisième, de la quatrième et de la cinquième, n’est pas complète. Les apophyses transverses de la quatrième, de la cinquième et de la sixième, sont percées d’un trou : elles sont toutes simples. Il y a seize côtes et seize vertèbres dorsales : les apophyses épineuses de celles-ci sont médiocrement élevées et inclinées en arrière. A compter de la sixième dorsale, il y a ii la face ventrale de leur corps, une petite crête aiguë. 21. LAMANTINS, DUGONG, Les deux vertèbres suivantes peuvent porter le nom de lom¬ baires , et il y en auroit alors vingt-deux pour la queue : il y a donc en tout quarante-six vertèbres. Sous les jointures des onze premières vertèbres caudales, sont articulés de petits os en chevron , comme il y en a dans la plupart des quadrupèdes à forte queue. Les apophyses transverses des vertèbres de la queue , sont fort grandes, surtout dans les premières, mais les épineuses sont peu considérables, ce qui s’accorde avec la forme dé¬ primée de la nageoire, pour prouver que le lamantin nage par un mouvement de sa queue dans le sens vertical. Les côtes sont singulièrement grosses et épaisses; leurs deux bords sont arrondis, et elles sont aussi convexes en de¬ dans qu’au dehors. Je ne connois aucun autre animal qui ait des côtes de cette forme. Les deux premières paires de ces côtes seulement, s’unis¬ sent au sternum par des cartilages : les quatorze autres sont de fausses côtes. La dernière paire est fort petite. Le squelette que j’ai sous les yeux n’offre aucun vestige de bassin, et M. Dauhentun n’en a point trouvé non plus dans le fétus qu’il a disséqué. Dimensions du squelette de lamantin qui a servi de sujet pour cette description. Longueur totale depuis le bout du museau jusqu’à l’extrémité de la queue. . . 2,3 Longueur de la tête . o,35 Sa plus grande largeur . o,ig5 Longueur du cou . . . . . ...o, i3 - du dos. . « . 0,87 ~ des lombes . 0,181 ^ — de la queue, . . . . . 0,76 ET PHOQUES. ai Longueur de l'omoplate . . 0,26 Sa plus grande largeur . 0,148 Longueur de l’humérus . . 0,178 - du cubitus . 0,143 — — du radius . 0,124 — — de la main . . 0,26 ■ du carpe . o,o35 Longueur du plus grand os du métacarpe, qui est celui qui porte le petit doigt . 0,107 Diamètre du corps entre les septièmes côtes. . . o,55 Longueur de la plus grande côte, qui est la neuvième, en suivant sa courbure . . . 0,47 Largeur de la onzième, qui est la plus large . 0,045 Longueur des plus longues vertèbres dorsales . 0,06 - - des vertèbres lombaires . 0,06 — — des plus longues vertèbres de la queue . o,o55 - des apophyses épineuses des vertèbres du dos . o,o36 . des apophyses transverses des vertèbres lombaires . o,io5 Article IL Des espèces nominales du petit lamantin des Antilles et du lamantin des Grande s- Inde s. C’est Buffon qui a établi ces deux espèces dans ses supplé- mens ( éd. in-[^.° tome VI , pag. 383 et suiv. ). Il ne donne point d’autres motifs pour distinguer le la¬ mantin des Grandes-Indes ^ sinon que les lamantins ne pou¬ vant traverser la haute mer, il faut bien que l’espèce des Indes soit différente de celle d’Amérique; mais la vérité est, comme nous l’avon,. dit, qu’il n’y a dans les Indes de lamantin d'aucune sorte, et que les voyageurs qui en placent dans les mers Orientales, ne paroissenl y avoir vu que le dugong ^ tel est surtout et évidemment Léguât. 22 LAMANTINS, DUGONG, Quant au petit lamantin des Antilles , on ne peut conce¬ voir par quel arrangement singulier d’idées, Biijf on s’est com¬ posé cette espèce imaginaire. Il lui donne pour caractère de manquer tout à fait de dents (i); mais lui-méme n’avoit point vu de lamantin sans dents, et les voyageurs qui refusent des dents aux lamantins^ les leur refusent en général, parce qu’ils n’ont examiné que la partie antérieure des mâchoires, mais aucun d’eux n’a prétendu faire de ce défaut de dents, un caractère spécifique. Article IIÏ. Du lamantin du Sénégal. Les voyageurs ont observé des lamantins dans presque toutes les rivières de la côte occidentale de l’Afrique, et les ont décrits tantôt sous ce nom-là , tantôt sous celui de vache marine^ de sirèîie^ de poisson-femme etc. mais ils ne nous ont donné aucun moyen de les distinguer de ceux d’Amérique. C’est fort gratuitement que Buffon les différencie (2), en ce qu’ils ont des dents molaires et quelques poils sur le corps, tandis que les prétendus petits lamantins des Antilles n’au- roient ni les uns ni les autres; nous venons de voir qu’il n’existe point aux Antilles de lamantin dépourvu de ces deux caractères. M. Shaw a fort exagéré la première de ces différences (3), en appelant le lamantin du Sénégal, trichecus pilosus, et ' (1) Buff. ib. pag. 4o3- (2) Suppl. VI, pag. 4o5. (3) Génér. zool. I, part. I, pag, 244 et 245, 23 ET PHOQUES. celui de la Guyane, trîchecus siih pilosus. Adanson dit au contraire, expressément de celui du Sénégal, « les poils sont )) très-rares sur tout le corps (i) ». Le reste de la description de M. Shaw étant emprunté de celle de Pennant, qui avoit été donnée pour les deux lamantins à la fois , ne prouve rien non plus. Je ne vois donc de différence sensible entre le lamantin de l’Amérique et celui de l’Afrique , que dans la forme de la tête ; et comme Daubenton n’avoit eu qu’une tête du Sénégal, il u’avoit pu la comparer à l’autre. ~ Nous la dessinons de deux côtés, fîg. 2 et 3, et nous pla¬ çons auprès celle des Antilles, fig. 4 et H est aisé de voir que ces deux têtes diffèrent par les points suivans : 1. ° La tête d’Amérique est plus allongée à proportion de sa largeur; 2. ” Cet allongement appartient principalement au museau et aux narines; 3. ° La fosse nazale est trois fois plus longue que large dans le lamantin d’ Amérique. Sa largeur fait les trois-quarts de sa longueur dans celui du Sénégal; 4 “ Les orbites de ce dernier sont plus écartés ; 5° Les fosses temporales sont plus larges et plus courtes ; 6° Les apophyses zygomatiques du temporal sont beau¬ coup plus renflées ; 7. ° En revanche , elles ont moins de hauteur ; 8. ® La partie antérieure de la mâchoire inférieure est cour¬ bée ; dans l’espèce d’Amérique , elle est droite. (i) Apud BufFon, XIII, in-4.', pag. Sgo. LAMANTINS, DUGONG, Table comparative des dimensions de ces deux têtes. Tète Tète d'Amérique. du Sénégal. Longueur totale . Longueur depuis la^crète occipitale jusqu’au bord supérieur 0,370 0,320 des narines . 0,137 o,i37 Longueur de l’ouverture des narines . . . 0,164 0,106 o,o5o 0,062 Long, du bord infér. des narinesjusqu’au b out du museau . 0,067 0,0 5 0 Largeur de l’occiput . 0. 170 0,182 Moindre distances des crêtes temporales . o,oî3 o,o33 Plus grand écartement des arcades zygomatiques .... 0,196 0,208 Plus grand écartement des orbites à leur bord inférieur . . 0,148 0,162 Distance des apophyses postorbitaires du frontal. .... 0,129 0,129 ARTICLE IV. Du prétendu lamantin du JVord, de Steller (i). Il suffîsoit de la plus légère attention pour juger que l’animal décrit par Steller est d’un autre genre que le lamantin d’A¬ mérique. i.° Au lieu d’épiderme, il porte une espèce d’écorce ou de croûte, épaisse d’un pouce, composée de fibres ou de tubes serrés , perpendiculaires sur la peau. Cette écorce singulière est si dure, que l’acier peut à peine l’entamer j et quand on est parvenu à la couper, elle ressemble à l’ébène par son tissu com- (i) Acad. Fetrop. novi commentarii , tom. II, ET PHOQUES. pact, aussi bien que par sa couleur. Cesfibres s’implantent dans la véritable peau par autant de petits bulbes ; en sorte que lors¬ qu’on arrache l’écorce, la surface qui tenoit à la peau est toute chagrinée , et celle de la peau elle-même est réticulée par au¬ tant de fossettes que l’écorce offre des luhercules. La surface extérieure de l’écorce est inégale , raboteuse , fendillée , et ne porte aucuns poils, comme il étoit aisé de s’y attendre 5 car on conçoit que les fibres qui la composant, ne sont que des poils soudés ensemble pour former cette espèce de cuirasse. On peut dire en un mot que cet animal est complètement armé d’une substance semblable à celle des sabots du cheval ou du bœuf, ou de la semelle de l’éléphant et du chameau ; armure qu’on voit aussi dans la grande haleine, mais qui n’a jamais existé dans le lamantin véritable; 2. ° La lèvre supérieure est double aussi bien que l’inférieure, et se divise en externe et en interne ; 3. ° Les mâchoires n’ont pas des dents simples, nombreuses, pourvues de racines, comme dans le vrai lamantin; mais elles portent chacune, de chaque côté, une plaque ou dent composée, que l’on peut comparer au palais de la raie-aigle^ qui ne s’enfonce point par des racines , mais s’applique et s’u¬ nit par une infinité de vaisseaux et de nerfs , lesquels pénètrent de la mâchoire dans cette plaque dentaire , par une quantité de petits trous , qui en font paroitre la surface contiguë à l’os maxillaire toute poreuse ou spongieuse, précisément comme je l’ai observé dans les dents de Y ornithorinque ^ et dans celles de Yoryctérope. Leur face triturante est inégale et creusée de canaux tortueux, destinés à faciliter la mastication, et compa¬ rables aux rubans qu’on voit sur les molaires des éiéphans, 4 26 LAMANTINS, DUGONG, mais qui représentent principalement des espèces de chevrons ; 4. “ La queue , va en diminuant depuis l’anus jusqu’à la na¬ geoire qui la termine, et les apophyses de ses vertèbres la rendent presque quadrangulaire j 5. ° La nageoire est large de soixante-dix-huit pouces, et longue seulement de sept, ce qui est tout le contraire de celle du vrai lamantin: aussi, dans l’animal dieSteUer^ représente- t-elle un croissant, et se termine-t-elle de chaque côté par une longue corne; 6. ” Les nageoires ont bien leur omoplate, leur humérus, leurs os de l’avant-bras, du carpe et du métacarpe; mais il n’y a point de vestiges d’ongles ni de phalanges; y.® L’estomac est simple, l’oesophage s’insère dans son milieu , et une grosse glande placée près de cette insertion , y verse des sucs par des pores nombreux et assez larges; 8.° Les intestins ressemblent beaucoup à ceux des chevaux; le cæcum est énorme, et aussi bien que le colon divisé en grandes boursouflures par ses ligamens; g®. Il y a des os du nez ; 10. ” Le bassin se compose de deux os innominés, sem¬ blables, à quelques égards, au cubitus de l’homme, atlachés d’une part, au moyen de forts ligamens à la vingt-cinquième vertèbre ( 1 ) , de l’autre à l’os pubis. Le vrai lamantin n’a point de vestige de bassin ; 11. ® Il y a six vertèbres au cou, dix-neuf au dos et trente- cinq à la queue, soixante en tout, nombres très- différées de (1) Steller dit la trente-cinquième; mais il est aisé de voir que c’est une faute -d’impression. ET PHOQUES. 27 ceux du vrai lamantin. Cependant Steller ajoute qu’il n’y a que dix-sept paires de côtes, dont cinq vraies et douze fausses j c’est qu’il fait entrer deux vertèbres lombaires dans le compte de celles du dos; 12° Cet animal ne mange point d’herbes terrestres, comme le vrai lamantin., mais seulement des fucus. On voit par cet extrait de la description de Steller., qu’il n’est guère possible que deux animaux d’une meme famille, se distinguent par un plus grand nombre de caractères que le lamantin des Antilles., et ce prétendu lamantin de Vile Beering. Il est douteux que l’on ait vu l’animal de Steller ailleui's que dans le nord de la mer Pacifique. Pennant, et d’après lui Shaw, y rapportent les lamantins vus par Dampier à la Nouvelle- Hollande, et à Mindanao, ainsi qu’un dessin fait à Diego - Raiz, et conservé chez M. Banks, mais cette assertion est plus que gratuite, et il est probable qu’il ne s’agit dans tout cela que du Dugong. Cependant Fabricius (i) assure avoir trouvé au Groenland, un crâne avec des os dentaires semblables à ceux qu’a décrits Steller. L’espèce passeroit-elle dans la mer Glaciale , au nord du continent de l’Amérique , et pourquoi alors ne l’auroit-oq, jamais vue en Islande ni en Norwége? (1) Faun. groënl. pag. LAMANTINS, DUGONG, Article V. Du dugong. Les naturalistes n’ont eu long temps, touchant le dugong., que quelques indications légères ou fautives des voyageurs, et une figure de sa tête donnée par Daubenton. Quoique ses défenses fussent implantées, comme celles de l’éléphant dans les os intermaxillaires, le peu d’attention que l’on donnoit alors aux caractères anatomiques ne permit pas de douter que le dugong ne dut avoir de grands rapports avec le tnoi'se , et c’est encore sous le genre de ce dernier , qu’on le range dans les ouvrages systématiques (i). Camper., ayant insisté sur cette différence de position des défenses, et donné une bonne figure du dugongs ayant aussi rappelé celle qui avoit paru depuis long-temps dans l’ouvrage publié par Renard., on put voir enfin que le dugong est bipède comme le lamantin ; qu’il a de même les pieds de devant presque en forme de nageoires, et les mammelles sous la poitrine; qué la forme de son corps est celle d’un poisson; qu’il se termine par une nageoire horizontale, et en forme de croissant, dans laquelle il n’y a point de charpente osseuse; et l’on put se rappeler qu’il vient de même paître l’herbe au rivage, et qu’il a reçu dans la mer des Indes, 'les mêmes noms comparatifs c[ui ont été donnés au lamantin dans la mer Atlantique. Si l’on eut été un peu plus hardi, l’on auroit pu présumer Ç>) Gmelin et Shaw, uhi supra. 29 ET PHOQUES. tout cela d’après la forme de sa tête, qui est aussi différente de celle du morse qu’elle ressemble à celle du lamantin. Le lecteur peut s’en convaincre en comparant les deux nouvelles figures que nous donnons de cette télé, pl. I " fig. 6 et 7, avec celles des têtes de lamantin. liCâ connexions des os, leur coupe générale, etc. sont à peu près les mêmes, et l’on volt que pour changer une tête de lamantin en une tête de dugong, il suflîroit de renfler et d’allonger ses os inter maxil¬ laires pour y placer les défenses, et de courber vers le bas la symphyse de la mâchoire inférieure, pour la conformer à l’in¬ flexion de la supérieure. Le museau alors prendroit la forme qu’il a dans le dugong, et les narines se relèveroient comme elles le sont dans cet animal. En un mot on diroit que le lamantin n’est qu’un dugong dont les défenses ne sont pas développées. Il pourvoit sembler que Linnœus a eu quelque soupçon de cette analogie, quand il a nommé le lamantin {trichecus dentihus laniariis tectis ) ; mais il est plus probable que cette phrase tenoit à l’idée que lui avoit laissée la figure du dugong de Léguât, qu’il confondoit avec celles du lamantin. Au reste, la phrase de Gmelin, pour le dugong ( dentihus laniariis exsertis), n’est pas exacte non plus; ce ne sont pas des canines, mais des incisives, et l’on voit par les figures de Camper et de Renard que dans l’animal vivant , elles ne sor¬ tent pas de la bouche. Les dents mâchelières du dugong diffèrent assez de celles du lamantin; mais ce sont toujours des dents d’herbivores : elles rejji’ésenient chacune deux cônes adossés l’un à l’autre par un de leurs côtés, et quand elles s’usent, leur couronne 3o LAMAl^TINS, DUGONG, offre deux cercles contigus et meme confondus par une partie de leur circonférence. II y a douze de ces dents en tout, dont les quatre postérieures sont les plus grandes. Le reste de l’anatomie àu. dugong est inconnu, mais il y a grande apparence quelle ressemble aussi beaucoup à celle du lamantin. Quant à l’extérieur il est presque le même, excepté que le mulfle est plus gros à cause des défenses qu’il renferme, que la queue est plus longue, et qu’elle se termine par une nageoire d’une toute autre figure. Il paroît aussi que le trou de l’oreillé est plus gros , et que tout l’animal est bleu sur le dos et blan- cliâtre sous le ventre. Le nom de vache marine ayant été donné par les Hollan- dois et par quelques autres peuples, à X hippopotame^ aussi bien qu’au dugong., certains voyageurs, trompés par cette homonymie , ont placé des hippopotames dans quelques pays où ils avoient entendu dire qu’il y avoit des vaches marines , tandis qu’on ne vouloit leur parler que de dugongs. J’ai une preuve récente de ce genre de méprise. Un voya¬ geur très-instruit me soutenoit avoir apporté des dents dihip- popotames des Molluques ; quand il me les montra , je vis que c’étoient des dents de dugong; et je suis maintenant fort porté à croire que c’est de cette manière que Marsden aura cru pouvoir donner des hippopotames k file de Sumatra (i). (j) Voyez son Histoire de Sumatra, trad. franç. tom. I, pag. 180. ET PHOQUES. 3ï ArTIC L E VL Ossemens fossiles de lamantins. Les animaux marins n’entrent point dans le plan de mon ouvrage, où je ne prétends étudier et décrire que les os fossiles des animaux terrestres ou d’eau douce, attendu qu’ils sont les seuls qu’une inondation marine ait pu détruire en couvrant tous les pays qu’ils habitoient, et que d’ailleurs leurs espèces aujourd’hui vivantes sont en assez petit nombre, et assez con¬ nues sous le rapport de leur ostéologie pour qu’on puisse espérer d’arriver à leur détermination précise par le seul examen de leurs os. Cependant le lamantin se rapprochant à quelques égards des animaux d’eau douce, puisqu’il ne fréquente que les côtes et les rivières, son ostéologie ayant été jusqu’ici peu connue, et donnant lieu à des considérations intéressantes, et l’existence de ses ossemens parmi les fossiles de notre pays étant un fait à peu près nouveau pour les naturalistes (i), je n’ai pas cru m’écarter trop de mon plan en embrassant encore ce genre, et en lui consacrant ce chapitre. Je dois la connoissance des os fossiles de lamantin a M. Ee- nou.1 savant professeur d’histoire naturelle à Angers, qui m’a communiqué en meme temps un fragment d’une carte miné- (i) M. Jean Meyer, médecin de Prague , dit bien (Mémoires d’une société privée de Bohême, toni. 6, pag. 262), que l’on a trouvé a Leufmeritz et à Theresienstadt des os et des dents de Manatus; mais il n’en donne point de figure, et n’explique point de quelle manière on est parvenu à les reconnoître pour tels. 32 LAMANTINS, DUGONG, ralogique qu’il a dessinée du département de Maine-et-Loiî’e| où il représente les lieux qui lui ont offert ces osseniens. Il paroît, d’après cette carte, que la partie de ce départe¬ ment située au sud de la Loire et aux deux côtés de la petite rivière du hayon , présente plusieurs plateaux d’un calcaire coquiller grossier , assez semblable à celui des environs de Paris, et tantôt assez compact pour former de belles pierres de taille, tantôt composé de petits fragmens de toute sorte de corps marins assez durs, quoique grossièrement agglu¬ tinés. On distingue dans ces pierres des débris de peignes, de cardiums , des retepores , des millepores , des grains de quartz roulés , mais iden d’absolument entier ; en un mot , ils ont tout l’air d’un dépôt formé par les courans, ou par le fiux dans quelque anse moins agitée que le reste de cette partie de la mer , mais non par la précipitation tranquille d’une mer où les animaux que cette précipitation auroit enveloppés au- i^oient vécu et seroient morts paisiblement. C’est en cela que les échantillons que j’ai vus de ces car¬ rières m’ont paru différer le plus de nos pierres des environs de Paris. Quant aux espèces des coquilles, je n’en ai point vu d’assez entières pour en hasarder la détermination. Des veines de charbon de terre se dirigent sous ce sol cal¬ caire du sud-est au nord-ouest, avec une inclinaison de ^5 degrés à riiorizon, et dans une profondeur connue de six cents pieds au moins. Les intervalles des plateaux calcaires sont remplis d’une terre argileuse, dont on fait des briques et des tuiles. C’est dans les couches de calcaire coquillier des deux côtés 33 ET PHOQUES. du Layon, et surtout près de Doué, de Chavagne, de Fave- raye, d’Aubigné et de Gonor, que se sont reucontrés des os, mais toujours isolés, et en petit nombre. M. Renou ayant eu la complaisance d’envoyer à notre Mu¬ séum plusieurs de ces os encore en partie incrustés dans leur gangue, j’ai reconnu qu’ils appartenoient tous à des animaux marins, savoir, à des phoques^ à des lamantins et à des cé¬ tacés. La plupart étoient mutilés, quelques-uns meme un peu roulés j ils paroisseut donc avoir appartenu à la meme mer que les coquilles dont l’amas les enveloppe, et avoir subi la même action qu’ elles. Les os longs, toujours plus ou moins fistuleux dans les qua¬ drupèdes ordinaires, sont ici pleins et solides comme dans tous les mammifères et reptiles aquatiques. On y voit seulement quelques pores qui attestent que ce sont de vraies pétrilications, et non pas des moules remplis après coup de matière pierreuse. Leur substance est changée toute entière en un calcaire fer¬ rugineux assez dur , d’un brun roussâtre. Leur surface seule est du même blanc jaunâtre que la gangue qui les enveloppe. La partie supérieure de crâne, fig. 22 et 23, ne peut avoir son type que dans la famille des lamantins. Les deux longues lignes qui limitent les fosses temporales en dessus ; l’écartement des branches antérieures des frontaux pour laisser l’intervalle nécessaire à la grande ouverture des narines , la petitesse des os du nez placés dans l’angle rentrant de ces branches, la forme de l’arcade occipitale et des proéminences situées derrière , le prouvent suffisamment; il suffira d’ailleurs au lecteur, pour s’en convaincre, de comparer cette portion 5 34 LAMANTINS, DUGONG, de léte avec les parties correspondantes des têtes de laman¬ tin , fig. 3 et 5. Cependant cette tête ne vient pas des deux lamantins dont nous connoissons Tostéologie, et encore moins du dugong. La proportion de la longueur à la largeur est plus grande même que dans le lamantin du BréAl ; la partie frontale est plus bombée; la partie pariétale, au contraire, est plus con¬ cave; les os du nez sont plus considérables; l’occiput est plus inégal, etc. Ces différences de proportion peuvent se juger en comparant la table suivante avec celle que nous avons don¬ née ci-dessus pour les lamantins vivans, art. III. Longueur depuis le bord inférieur des narines jusqu’à l’occiput. . 0,22 Largeur de l’occiput . . 0,0g 5 Distance des deux crêtes temporales . 0.026 Distance des apophyses postorbitaires du frontal. . . 0,146 Il faudroit savoir maintenant si l’animal de Steller., ou quel¬ qu’une des espèces de lamantins qui jieuvent encore exister dans les mers sans avoir été distinguées par les naturalistes, n’auroient point fourni cette tête, fie temps nous l’apprendra. Tout ce que nous pouvons dire aujourd’hui , c’est qu’elle vient d’un lamantin^ et d’un lamantin différent de ceux que nous connoissons. Wons pouvons en dire autant de l’avant-bras représenté fig. 19, 20 et 21. Qu’on le compare avec celui du lamantin du Brr'sîl , dessiné fig. i4i i5 et i6, et l’on dira aussitôt qu’il est du même genre, mais d’une autre espèce. La grande brièveté à proportion de la grosseur, la forme transversale de la tête du radius, la soudure des deux os à des points semblables, sont des caractères communs; mais la 35 ET PHOQUES. grosseur supérieure du cubitus , le plus grand aplatissement du radius, surtout à sa partie inférieure, une proéminence du cubitus vers son articulation supérieure, sont des carac¬ tères distinctifs de l’avant-bras fossile. Dimensions de cet avant-hras. Longueur du radius . . o, 1 5^ Largeur de sa tête supérieure . . . o,o54 Sa plus grande épaisseur . . . 0^027 * La largeur du radius à l’endroit le plus étroit. . . o,o35 Longueur du cubitus . . 0,1 85 Longueur de l’olécrane . . 0,047 Longueur de la facette sygmoïde . . 0,0 3 5 Largeur de l’articulation radiale . 0,0 5 8 Largeur de la tête inférieure . Il y a aussi parmi les os envoyés par M. Renou^ trois côtes faciles à reconnoitre pour des côtes de lamantin, attendu quelles sont arrondies de toute part, et non aplaties sur leur longueur, comme celles de tous les autres animaux connus. Si l’on a souvent trouvé au lamantin femelle , des rapports extérieurs avec la femme, la vertèbre fossile que nous repré¬ sentons fig. 12 A etfîg. 12 B, auroit bien pu être prise pour un atlas humain, surtout dans les temps où l’on prétendoit tou¬ jours que les os fossiles venoient de géants. Elle ne différeroit presque de notre atlas, que par la grandeur , si ses apophyses transverses étoient percées 5 mais ce premier caractère une fois aperçu, on en découvre bie.ntôt quelques autres 5 et notam¬ ment, que l’ouverture est plus étroite daus le haut, tandis que dans l’homme elle y est plus large, et que les facettes 36 LAMANTINS, DUGONG, qui répondent aux condyles occipitaux, remontent .un peu plus que dans rhomme. Je n’ai pu d’abord m’assurer que c’étoit une vertèbre de lamantin, parce qu’un malheureux hasard a voulu que cet os se perdît dans le transport de notre squelette \ mais ayant fait enlever les vertèbres du col d’un fétus, j’ai trouvé son atlas aussi semblable au fossile qu’il étoit possible de l’espérer dans une telle différence d’âge et de grandeur. Je ne doute donc pas que ce ne soit ici un os de la meme espèce d’animal qui a fourni la tête, l’avant-bras et les côtes décrites ci-dessus. Dimensions de cette vertèbre. Distance entre les apophyses transverses . 0,128 Distance des facettes articulaires antérieures . o,io5 Distance des facettes articulaires postérieures . 0,082 Hauteur verticale du tronc . 0,064 Largeur en haut . 0,045 Largeur au milieu . 0,069 Largeur en bas . 0,048 Voilà, parmi les os du département de Maine-et-Loire, que j’ai pu déchiffrer, tous ceux que j’ai reconnus pour être de lamantins ; mais j’en ai aussi reçu de quelques autres can¬ tons, qui portent des marques tout aussi certaines que les çrécédens de la meme origine. M. Dargelas., naturaliste fort instruit de Bordeaux, m’a envoyé entre autres os pétrifiés, trois de ces côtes presque cy¬ lindriques, pareilles à celles des environs d’Angers. Elles ont été trouvées dans la commune de Capians.) à dix ET PHOQjUES. 37 lieues de Bordeaux ; quelques restes de gangue qui y sont encore attachées, montrent qu’elles étoient comme auprès d’Angers, dans un calcaire marin grossier, et leur propre _suhstance est aussi changée en un calcaire compact rougeâtre. Article VII. De quelques os de phoques trouvés avec ceux de laman¬ tins , dans le département de Maine -et - Loire , et des prétendus os de morse annoncés par quelques natu¬ ralistes. Les os de phoques doivent être rares parmi les fossiles, car j’en ai peu vu dans les nombreux échantillons d’ossemens qui m’ont passé sous les yeux; je n’en ai point trouvé dans les gravures publiées sans détermination par certains naturalistes, et la plupart de ceux qui sont donnés pour tels par d’autres , n’en sont pas véritablement. C’est ce que l’on peut affirmer particulièrement de ceux que Esper croyoit avoir retirés des cavernes de Franconie; j’ai déjà dit, dans mon chapitre sur les os de ces cavernes, qu’ils appartiennent tous à des carnassiers terrestres. Il étoit naturel de croire que si l’on vouloit découvrir de ces os, ce n’éloit pas dans les couches qui en contiennent d’animaux terrestres, mais bien dans des couches simplement marines et coquillières qu’il falloit les chercher; et en effet c’est là qu’il s’en est trouvé avec des os de lamantins et de dauphins. J’en ai spécialement des environs d’Angers, et c’est encore 38 LAMANTINS, DUGONG, à M. Menou que je les dois. Ils consistent dans la partie supé¬ rieure d'un humérus , et dans la partie inférieure d’un autre plus petit. Je représente le premier morceau fig. 24 5 ^t 26. La tête articulaire est cassée, mais les deux tubérosités et la crête deltoidale y sont entières, et y montrent cette saillie extraor¬ dinaire qui fait un des caractères distinctifs de l’humérus du phoque. Le second morceau est gravé fig. 28 et 29. La forme de la poulie, son obliquité, le trou du condyle externe, sont les mêmes que dans le phoque. On peut voir aisément que ces deux portions d’os ne vien¬ nent pas du lamantin., en les comparant avec l’humérus de celui-ci, que nous donnons par devant , fig. 1 7 , et par derrière, fig. 18. La première vient d’un phoque a peu près deux fois et demie aussi grand que notre phoque commun des côtes de France {phoca vitulina, L.) ; la seconde est d’un phoque un peu plus petit que le premier. L’ostéologie des espèces de phoques, et ces espèces elles- mêmes, sont cependant encore beaucoup trop peu connues, pour que l’on puisse même établir quelques conjectures plau¬ sibles , sur celles dont ces os fossiles se rapprocheroient le plus. On peut dire que l’histoire de ce genre est à peine ébau¬ chée par les naturalistes , et par conséquent elle est bien éloi¬ gnée de pouvoir fournir à nos recherches une base suffisante. C’est ce qui me fait passer aujourd’hui si rapidement sur ce sujet -, mais je ne désespère pas d’y revenir quand j’aurai recueilli des matériaux sulfisans. ET PHOQUES. 39 Dimensions de la partie supérieure d'humérus. Hauteur de la crête deltoïdienne . . eo Sa plus grande largeur. . 0,080 Saillie de la petite tubérosité . 0,040 Distance entre les deux tubérosités . 0,040 Dimension de la tête inférieure. Largeur transverse . o,o85 Il y a encore Lien moins d’os de morses que d’os de phoques parmi les fossiles, et je ne crois même pas qu’on y en ai ja¬ mais vu , quoique plusieurs auteurs en aient annoncés. C’éloit sans doute pour le temps une conjecture assez ingé- nieuse de Leibnitz., d’attribuer au morse (i) , la plupart des os et des dents de mammouth de Sibérie 5 on s’évitoit ainsi la peine de les faire arriver des Indes ; mais celte conjecture ne supporte pas le moindre examen , et le premier coup- d’œil montre, comme nous l’avons dit, que ce sont des os d’éiépbani. Linnœus n’auroit donc pas dû adopter cette idée, et Gmelin auroit encore moins dû la répéter (2) , à une époque où la chose étoit depuis long-temps éclaircie. L’ivoire du morse es,l grenu, et sa tranche ne présente que de petites taches serrées et rondes: ceux de l’éléphant, du mainmoulh et du mastodonte, sont réticulés en lozauge; av c ce seul caractère, on ne sera jamais exposé à les con¬ fondre. (1) Protogœa, §§. XXXIII et XXXIV. (2) Syst. nat. art. Trichecus rosmarus. 4o LAMANTINS, DUGONG, Quant à la prétendue tête de morse des environs de Bo¬ logne , décrite par Monti (i), fai montré que ce n’est autre chose qu’une mâchoire inférieure de petit mastodonte (2) ; elle a cependant été citée comme morse fossile par tous les auteurs de minéralogie et de géologie du dix-huilième siècle i3]. Cependant s’il y a de vrais morses parmi les fossiles, il est probable qu’il faudra les chercher comme les lamantins et les phoques dans des couches essentiellement marines , et que ce ne sera ni avec les éléphans, ni avec les palæotheriums, ni même avec les ruminans des couches meubles , que l’on peut espérer de les trouver. (1) De monumento diluviano, nuper in agro hononiensi deteeto. Bol. 1719, ia-4.*» (2) Dans mon chapitre sur les divers mastodontes. (3) TValkrius, Linnæus . Gmelin, fValch, etc, etc. (-aruc Kpci J/etu/'iZ/twi/ t/^/ . L.ÏMAJVl'INS e/^ DUG02V0. (amt V’. PARTIE. OSSEMENS D E QUADRUPÈDES OVIPARES. rr’ ; = V- H i p- :r~^ f f . iVrfl ■ U'’v .r^’ ;■! t) ■Ll-L l _ ?S-. ■ ■> .-«i’ EtÆAîïVO :f;âs*:iJi-fa;AiJO • vh ,yÊiàiut ■. SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES D E CROCODILES VIVANS ET SÜE LEURS CARACTÈRES DISTINCTIFS. ARTICLE PREMIER. Remarques préliminaires. La détermination précise des espèces et de leurs caractères distinctifs fait la première base sur laquelle toutes les recherches de Thistoire naturelle doivent être fondées. Les observations les plus curieuses, les vues les plus nouvelles, perdent presque tout leur mérite quand elles sont dépourvues de cet appui; et malgré l’aridité de ce genre de travail , c’est par là que doivent commencer tous ceux qui se proposent d’arriver à des résultats solides. Mais depuis long-temps les naturalistes ont pu s’apercevoir que les grands animaux sont précisément ceux sur les espèces desquels on a le moins de notions exactes , faute de pouvoir réunir et comparer immédiatement plusieurs individus, soit a SURLES ESPÈCES à cause de leuc grandeur et de la difücullé de les tuer, de les transporter et de les conserver , soit à cause de réioigneinent des climats qui les produisent. Ce n’est, par exemple, que dans ces derniers temps qu’on a appris qu’il existe plusieurs espèces düéléphans et de rhino¬ céros^ et quoiqu’on ait eu plus anciennement des soupçons sur la multiplicité de celles des crocodiles ^ on peut dire que les caractères qu’on leur assignoit étoient si variables et quelque¬ fois si peu conformes à la vérité , que ceux qui nioient cette multiplicité d’espèces ne pouvoieut être blâmés. Avant d’entrer dans la discussion de ces différens caractères assignés aux espèces par nos prédécesseurs, établissons en peu de mots ceux qui circonscrivent le genre. J’appelle crocodiles, avec Gmelin et M. Brongniart, tous les lézards ou reptiles sauriens qui ont , 1. “ La queue aplatie par les côtés ; 2. " Les pieds de derrière palmés ou demi-palmés ; 3. ° La langue charnue attachée au plancher de la bouche jusques très-pr ès de ses bords , et nullement extensibleq 4. ° Des dents aiguës simples , sur une seule rangée ÿ 5. ” Une seule verge dans le mâle. La réunion des trois premiers caractères détermine le na¬ turel aquatique de ces animaux, et le quatrième en fait des carnassiers voraces. Tous les animaux connus jusqu’à présent dans ce genre réunissent encore les caractères suivans , mais qui pourroient se trouver un jour moins généraux et moins essentiels. i.Q Cinq doigts devant ; quatre derrière. 2° Tr'ois doigts seulement armés d ongle s à chaque pied : uinsi deux devant et un derrière sans ongle, • 3 DE CROCODILES VIVANS. 3. ° Toute la queue et le dessus et le dessous du corps revêtus d’ écailles carrées. 4. ° La plus grande partie de celles du dos relevées d’arêtes longitudinales plus ou moins saillantes. 5“ Les Jlancs garnis seulement de petites écailles rondes. 6° Des arêtes semhlahles foiinant sur la hase de la queue deux crêtes dentées en scie., lesquelles se réunissent en une seule sur le reste de sa longueur. Les oreilles fermées extérieurement par deux lèvres charnues. 8. ° Les narines formant un long canal étroit qui ne s’ouvre intérieurement que dans le gozier. 9. ° Les yeux munis de trois paupières. I o.° Deux petites poches qui s’ouvretit sous la gorge et contiennent une substance musquée. Leur anatomie présente aussi des caractères communs à toutes les espèces et qui distinguent très-bien leur squelette de celui des autres sauriens. 1. “ Leurs vertèbres du co7i portent des espèces de fausses côtes qui., se toucliantpar leurs extrémités , empêchent [ani¬ mal de touiver entièrement la tête de côté. 2. ° Leur sternum se prolonge au-delà des côtes et porte des fausses côtes dune espèce toute particulière qui ne s’ ar¬ ticulent point avec les vertèbres , mais ne servent quà ga¬ rantir le bas-ventre , etc. D’après tous ces caractères , les crocodiles forment un genre très-naturel, auquel différens auteurs systématiques ont eu tort de joindre des espèces qui avoient bien le caractère assigné par leur système , mais qui s’éloignoient du genre pour tout le reste. 4 SUR LES ESPÈCES En parcourant les auteurs niétliodiques qui avoient écrit sur ce sujet avant c[ue je m’en fusse occupé, on trouvoit , 1. ° Que Linnæus , dans les éditions données de son vivant, u’adniettoit qu’un seul crocodile , sans même en vouloir dis¬ tinguer V espèce à bec allongé du Gange ; 2. ° Que cependant son contemporain Gronovius distingua du crocodile proprement dit le caïman ou crocodile d' Amé¬ rique^ le crocodile du auquel il réunit le crocodile noir d’x4danson , et une quatrième espèce qu’il nomma cro¬ codile de Cejlan^ et qu’il distingua par ce caractère acci¬ dentel d’avoir seulement les deux doigts extérieurs entière¬ ment palmés ; 3° Que Laurenti établit^ outre le crocodile et le caïman , deux espèces particulières fondées seulement sur de mauvaises ligures de Séha ( crocodilus africanus et C. terrestris ) , mais qu’il oublia entièrement le gavial et le crocodile noir ; 4-° Que M. de Lacépède ^ admettant quatre espèces, comme les deux précédens^ les combinoit encore autrement; savoir: le crocodile^ sous lequel il rangeoit, à l’exemple de Linnæus^ les crocodiles ordinaires de l’ancien et du nouveau continent, comme une seule et même espèce; le crocodile nofr,. qu’il ne faisüit qu’indiquer d’après Aclanson ÿ \g gavial ou crocodile a long bec du Gange ^ dont il donna le premier une bonne description ; enfin un animal qu’il nonnnoit fouette- queue , parce qu’il le jngeoit le même que le lacerta caudiverbera de Linnæus. Sa description éloit prise seulement d’une figure altérée de Séba , pl. i o6 , tom. ï . 5.*^ Gmelin les réduisoit toutes à trois :.i.° en réunissant le crocodile ordinaire et le crocodilus africanus de Lau¬ renti sous son lacerta crocodilus 2.“ en réunissant également 5 DE CROCODILES V I T i: IN" S. le gavial., le crocodiliis terrestris de Laurenti et le crocodile noir, sous son lacerta gangetica\ 3.° en séparant le caïman sous le nom de lacerta alligator. Enlin , 6.° Bonnaterre revenoit au nombre quartenaire en ajoutant le fouette-queue de M. de hacépède aux trois espèces de Gmelin , et en négligeant le crocodile noir. \-. Cependant ces différences dans rétabiissetnent des espèces nétoient rien en comparaison de celles qui existaient dans leurs caractères et surtout dans leur synonymie. Ceux qui, comme Linnœus et M. de Lacépède , réunis- soient en une seule espèce tous les crocodiles à museau court , y étoient d’autant plus autorisés , que ceux qui vouloient les distinguer , n’en saisissoienl point les véritables caractères. Par exemple , M. Blwnenhacli, dans ses anciennes éditions, et Gmelin , d’après lui , disoient du crocodile : Capite cata- phracto, nuclia carinata^ et du caïman ( lac. alligator) : Capite imhricato piano , nucha niida. Or la tête est cuirassée ( cataphracium ) dans toutes les espèces j aucune ne l’a tuilée ( imhricatiiin) , il n’y en a pas même l’apparence. Pour plane , elle l’est dans toutes ÿ toutes ont la nuque garnie d’un bouclier écailleux, et non nue. Enfin, l’on ne comprend pas comment cette nuque pourroit être carence ,• car ce mot ne peut signifier que formée de deux plans qui font un angle ensemble: or c’est ce dont aucun cro- codile ne présente même l’apparence. Quant à l’autre caractère qu’ils assignoient ; cm/ij lateralihus horrida et Lineis lateralihus aspera, ce sont des différences du plus au moins qui varient dans les mêmes es- ])eces , et qui par conséquent ne les distinguent point les unes des autres. 6 SUR LES ESPÈCES M. Bonnaterre donnoit à son crocodile pour cnraclère, d’être : Pedibus posteriorihus tetradactjlis pcdmatis triwi- guiculatis , rostro siihconico elongato ,• caractère vrai , mais qui ne distingue rien. Celui qu’il donnoit à sou caïman : Pedibus posteriorihus tetradactjlis fissis unguiculatis , étoit faux ; et la suite , rostro depresso sursum rejlexo^ ne l’étoit guères moins. Laurenti donnoit à son caïman ou crocodile d’ Américpie cinq doigts à tous les pieds, parce qu’il se fondoit sur cette même figure fautive de Séba , tab. 106. Gronoviuj étoit le seul qui eût connu une partie des carac¬ tères réels, plantis palmatis , etplantis vix semi palmatis^ mais il n’avoit point fait mention de ceux qui se tirent des dents et de plusieurs autres encore : d’ailleurs tout ce qu’il avoit dit avoit été négligé par ses successeurs. Et si l’on vouloit suppléer à ces caractères imparfaits , en consultant les figures indiquées par chaque auteur, comme représentant les espèces qu’il étalilissoit , on tomboit dans de nouveaux embarras. Gmelin citoit, sous h. crocodilus , la figure 3, planche io5 , de Séba , qui est un caïman (celui que nous appelerons à pau¬ pières osseuses) ; et mettoit, sous L. gangetica ou le gavial^ toutes celles de la planche 10^, qui sont en partie des caïmans^ en partie des crocodiles. Il citoit sous ce même gangetica la figure I , planche io3, qui est un crocodile., et sous cj'ocodilus , les figures 2 et 4, qui sont à peine caractérisées. La figure 2 reveuoit une seconde fois sous le fouette-queue. Sous P. alli¬ gator Gmelin ciiQ d’après Z/<7ure/zf/, la planche 106, qui, comme nous l’avons dit, n’est qu’une figure altérée du cro¬ codile. D E C R O C O D I î. E s T ï T A K S. 7 C’est celte même (igure dont SIM. q.q Liccëpedà ci Bouna- terre font leur fouette-auene ^ et nu'ils associent à celle tle la planche 3 19 du premier volume de Feuilleë^ qui est un gecko. Gmelinàcson coté associoit àce^^ecAola figure 2, planche io3, qui paroît un vrai crocodile. Gronovius donnoit comme une excellente figure de ci'o- codile la douzième de la planche io4, assez bonne à la vé¬ rité, mais qui a un doigt de trop. Il étoit donc impossible de rien imaginer de plus embrouillé. Ayant besoin pour mes recherches sur les crocodiles fos¬ siles de me faire des idées justes sur les crocodiles vivans ^ j’essayai, il y a six ou sept ans, d’éclaircir ce sujet. Je commençai par mettre de côté les crocodiles à long bec , vulgairement nommés crocodiles du Gange ou. gacials ^ et qui formoient , de l’aveu de tout le monde, au moins une espèce bien distincte. Alors il me resta tout ce que l’on connoissoit sous les noms vulgaires et souvent pris l’un pour l’autre, de crocodile et de caïman ou à’ alligator. Ces animaux sont extrêmement multipliés dans les cabinets de France, àcausedenos relations avec XEgjpte, le Sénégal et la Guyane.! qui sont avec les Indes orientales les climats où on trouve le plus de crocodiles. J’en examinai à celte époque près de soixante individus des deux sexes , depuis douze à quinze pieds de longueur jus¬ qu’à ceux qui sortent de l’œuf, et je crus voir quÙls se rédui- soient tous à deux espèces, que je définis ainsi: 1 ° Crocodile :« museau oblong dont la mâchoire supé-^ rieure est échancrée de chaque coté pour laisser passer 8 SURLESESPÈCES- la quatrième dent d en-bas , à pieds de derrière entièrement palmés. 2° Caïman : à museau obtus dont la mâchoire supérieure reçoit la quatrième d’ en-bas dans un creux particulier qui la cachet a pieds de derrière demi-palmés. Tous les inclividus de la première forme dont je pus alors apprendre l’origine avec certitude, venoient du Nil,à\i Sé¬ négal 5 du Cap ou des Indes orientales. Tous ceux de la seconde dont je pus apprendre l’origine avec certitude , veuoient ^Amérique , soit de Cayenne ou d’ailleurs. J’étalalis donc à cette époque deux espèces Ijien distinctes de crocodiles , sans compter ceux à long museau , et je crus pouvoir assigner pour patrie, à l’une, l’ancien , à l’autre, le nou¬ veau continent. J’en indiquai une troisième, celle de l’Amérique-Septen- trionale, dont je n’avois alors qu’un seul individu et dont la distinction s’est confirmée depuis. Je cherchai enfin à rapporter à chaque espèce les diffé¬ rentes figures éparses dans les auteurs. Tels furent l’ohjet et les résultats de mon travail , que je consignai en i8oi dans les Archives zootomiques et zoolo¬ giques de feu IViedeman., professeur à Brunswick , tome II, cahier II, p. i6i et suiv. Mais pendant les six années qui se sont écoulées depuis l’impression de mon mémoire, il s’est fait sur les crocodiles des recherches importantes, soit par divers naturalistes fran- çois ou étrangers, soit par moi-ménie ; et ces recherches ont modifié en deux sens différens les résultats que j’avois obtenus. Elles ont montré, i.° que ce que Je regardoJs seulement J) E CROCODILES VI VA N S. 9 comme deux espèces , formoit réellement deux subdivisions dus,enre ^ susceptibles de se partager elles-mêmes, au moyeu de caractères secondaires , en plusieurs espèces différentes 2. " Que ces deux subdivisions ne sont pas entièrement propres aux deux continens auxquels je les attribuois respec¬ tivement , mais que le crocodile de Saint-Domingue , par exemple , quoique formant bien une espèce à part , ressemble néanmoins beaucoup plus aux crocodiles proprement dits , ou de l’ancien continent , qu’à ceux qui se trouvent le plus communément dans le nouveau , et auxquels j’ai restreint le nom de caïmans. 3. ° Il seroit donc possible que l’on découvrit réciproque¬ ment par la suite dans l’ancien continent quelque espèce ap¬ partenante à la subdivision des caïmans. Il est juste que je rapporte ici les noms de ceux à qui nous devons les augmentations de nos connoissances sur ce genre important. Je ne peux pas ranger dans le nombre ceux qui ont tra¬ vaillé aux nouvelles éditions de Buffon et au Dictionnaire dliistoire Tiaturelle de Déteiville ; ils n’ont rien donné d’ori¬ ginal : leurs figures même sont copiées d’après d’autres figures, et mal choisies. Le seul Daudin a indiqué, sous le nom de crocodile à large museau., une espèce nouvelle qui paroit être la même que mon caïman à paupières osseuses. jNI. Shaw n’y appartient pas non plus. Dans son Histoire des reptiles imprimée en 1802(1) , il n’admet que deux es¬ pèces à museau court , le crocodile commun et \ alligator : (1) Gener. Zoolog. voî. III, part. I. Amphibia. 2 10 SUHLE s ESPÈCES mais pour représenter V alligator ^ il prend, d’après Gmelin et Laurenti , cette figure altérée de Séha dont d’autres avoient fait \q fouette -queue ,• et ses deux figures de crocodiles , pl. 55 et 58 , sont des caïmans. Ses caractères sont les anciens de M. Blumeiihacli et de Gmelin. J’ai le regret de n’y pouvoir ranger davantage mon savant collègue M. Faujas de Saint-Fond., quoiqu’il ait écrit deux fois eæ professo sur le genre des crocodiles. Au lieu de vérifier, sur les individus nombreux qu’il avoit à sa disposition , les caractères que j’avois assignés aux cro¬ codiles et aux caïmans., ce célèbre géologiste a mieux aimé prononcer sans examen , que « Le caïman est si rapproché de )) t espèce d Afrique, que quelques naturalistes , et je suis « du nombre ( ajoute-t-il ] ,ne le regardent que comme une » simple variété qui tient au climat f). La preuve que , comme je l’avance , il n’avoit point examiné la question, c’est qu’il avoit donné quelque temps auparavant une figure d’un crocodile , qu’il croyoit faite d’après un in- » dieidu d’Afrique de douze pieds de long , conservé au Mu- )) séiim d’histoire naturelle (a) ^ mais qu’il s’étoit laissé tromper par son dessinateur, qui avoit trouvé plus commode de copier la planche 64 des Mémoires pour servir à l’histoire des ani¬ maux , en y changeant seulement le paysage. Je suis d’autant plus obligé de relever celte erreur singulière d’un ouvrage qui jouit d’une réputation justement méi’itée, que celte figure appartient, non pas au crocodile d Afrique , mais à celui de (1) Essais de ge'ologie , I, i49- (2) Hist. nat. de la montagne de Saint-Pierre, p. 23 1. ît DE CROCODILES VI VAN S. Sîatn ; espèce très-différente , comme on le verra ])ienlôt , et que nous ne possédons malheureusement point dans les col¬ lections de Paris. Cependant c’est celte même ligure qu’on a fait copier encore dans le Biiffon de Détennlle , pour repré¬ senter le crocodile du NU. Une seconde preuve queM. Faujas n’avoit pas suffisamment examiné la question , c’est ce qu'il ajoute [Essais, de Géol. I, p. iSs), qu’en supposant même quil existât des caïmans » dans l’état fossile , la demi-palmure de leur pied de der- w rièî'e disparoîtroit , et que leur second caractère ne serait ■n guère plus stable. » Comme ce second caractère consiste dans la forme des têtes osseuses, il est évident qu’il seroit aussi stable qu'aucun de ceux que l’on peut reconnoître dans les fossiles. C’est donc M. Schneider M. Blumenhacli et mon savant confrère M. Geoffroy -Saint- Hilaire , qu’il faut considérer comme ayant le plus enrichi dans ces derniers temps l’his¬ toire des crocodiles. Le premier écrivoit à peu près en même temps que moi , et nous ne connoissions point réciproquement notre travail. Après avoir recueilli avec soin les passages des anciens sur le crocodile , il cherche à se faire une idée nette du vrai cro¬ codile du Nil. Pour cet effet , il rassemble ce que divers auteurs modernes ont dit de l’extérieur et de l’intérieur du crocor/f/e en général, et compare cette description ainsi recomposée avec celle du crocodile de Siam , faite par les missionnaires , et celle d’un crocodile (T Amérique faite par Plumier dont le manuscrit se conserve à Berlin. ^ Mais comme les différences qu’il déduit de cette compa- 12 SURLESESPÈCES raison résultent seuleinent des termes J ou de la manière de voir des auteurs , et qu’aucun d’eux n’a eu l’intention de donner des caractères distinctifs 5 comme d’ailleurs le hasard a voulu que Plumier ait disséqué précisément l’espèce américaine qui rentre dans la forme des crocodiles proprement dits , je veux dire celle de Saint-Domingue , ainsi qu’on peut s’eu convaincre par ses dessins originaux encore aujourd’hui dé¬ posés à la Bibliothèque impériale ( 1 ) : ce travail de M. Schneider n’a mené à rien qui ait éclairci les espèces , si ce n’est celle de Siain^ dont les particularités se font bien remarquer dans celte comparaison. L’espèce du ]\'il y est meme si peu constatée que la phi- pai'l des caractères qui paroissent lui revenir dans ce résumé sont réellement ceux du cdiman. Le crâne dont M. Schneider donne la figure n’est pas non plus d’un crocodile , mais bien de l’espèce de caïman que j’appelle a paupières osseuses. Il se trouve néanmoins dans les passages allégués plusieurs indications vraies et utiles sur la multiplicité des espèces en Amérique. Laissant donc le croco^?f/'GE , à gueule allongée et étroite. II y avoit évidemment ici une confusion fondée apparemment sur le trop de confiance qu’avoit eue dans les rapprocbemens de Gronovius. L’individu contenu dans le bocal étoit de mon sous-genre crocodile , mais d’une espèce particulière. J’en ai trouvé un semblable empaillé et fort mutilé, dans le cabinet de l’Aca¬ démie des sciences. La couleur de l’un et de l’autre paroît plus foncée que dans les crocodiles vulgaires. Je ne doute donc presque pas que ce ne soit ici le vrai crocodile noir, vu autrefois par Adanson au Sénégal , ensuite oublié et con¬ fondu par lui avec d’autres espèces, lorsque ses études gé¬ nérales lui eurent fait perdre de vue les objets particuliers du voyage qui avoit occupé les premières années de sa jeunesse. Ce crocodile a les mâchoires un peu plus allongées que ceWes Ae Y espèce vulgaire ; mais elles le sont moins que dans celle de Saint-Domingue. 11 ressemble à cette dernière par les écailles du dos, ayant comme elle les deux lignes longitu¬ dinales d’arétes du milieu plus basses que les deux latérales , et celles-ci disposées un peu irrégulièrement. Mais son carac¬ tère le plus éminent, celui par lequel il diffère de toutes les espèces du^ous-genre , c’est que sa nuque n’est armée que de deux grandes écailles pyramidales sur son milieu ^ et de deux petites en avant. 48 SUR LES ESPÈCES Le nombre des rangées transversales jusque derrière les cuisses n’est que de quinze dans l’individu empaillé. Les deux crêtes latérales de la queue régnent jusqu’à la dix-septième rangée, et il y en a ensuite seize à crête simple. Les écailles des deux lignes longitudinales moyennes sont plus larges que longues. Celles du dessous ont des pores, mais je n’ai pu en voir aux supérieures, 6.° LE CROCODILE A MUSEAU EFFILE OU de Saiiit-Domingue. (^CrocodilusaciUus^^o^.) Il n’y a point d’équivoque pour cette espèce-ci : elle se dis¬ tingue nettement de celle du JSil par les formes comme par le climat. Le Muséum Fa tirée de la grande de de Saint- Domingue; mais il est probable quelle existe aussi dans les autres grandes Antilles , et il seroit curieux de savoir si on la trouve sur le continent de Y Amérique ^ à côté de l’un ou de Faulre caïman. M. Geoffroy est le premier qui Fait fait connoître. Le père Plumier Favoit cependant décrite , disséquée et parfaitement bien dessinée j mais ses observations étoient restées manuscrites, excepté ce que M. Schneider en a publié, sans savoir à quelle espèce elles se rapportoient. M. Descourtils vient d’en rédiger de nouvelles qui sont pleines d’intérêt, et qui achèveront de faire connoître ce dangereux reptile. Son museau est plus effilé que celui de tous les autres cro¬ codiles proprement dits , même du crocodile noir. La largeur de la tête à l'articulation des mâchoires est comprise deux fois et un quart dans sa longueur. La longueur du crâne ne fait qu’un peu plus du cinquième de la longueur D E C R O G O D I L E s V I y A N s. 49 totale de la tete. Les mâles ont cependant toutes ces propoi’- tious un peu plus courtes que les femelles , et se rapprochent un peu des femelles du crocodile vulgaire , surtout quand ils sont jeunes. Sur le milieu du chanfrein, un peu en avant des orbites, est une convexité arrondie plus ou moins sensible. La face supérieure du museau n’offre point de lignes saillantes ; les bords des mâchoires sont encore plus sensiblement festonnés que dans l’espèce d’Egypte , en prenant des individus du meme âge. Les plaques de sa nuque sont à peu près les memes que dans l’espèce d’Egypte 5 mais celles du dos , et c’est ici son caractère le plus distinctif, ne forment proprement que quatre lignes longitudinales d’arétes (comme dans le précédent ), dont les mitoyennes sont peu élevées , et les externes fort saillantes. Celles-ci sont de plus placées irrégulièrement, et en ont quel¬ ques-unes d’éparses le long de leur côté externe. Cette armure du dos n’approche donc point de l’égalité ni du nombre des pièces de celle du crocodile vulgaire. Les mitoyennes sont encore plus larges â proportion que dans l’espèce vulgaire. Il n’y a que quinze ou seize rangées transversales jusqu’à l’origine de la queue. Celle-ci a dix-sept ou dix-huit rangées avant la réunion des deux crêtes, et dix-sept après. Les arêtes mi¬ toyennes cessent à la huitième ou neuvième rangée. Ses pieds ne diffèrent point de ceux du vulgaire. Ses écailles inférieures ont chacune leur pore. La tète est un peu plus de sept fois dans la longueur totale. Le dessus du corps est d’un vert- foncé, tacheté et marbré de noir; le dessous d’un vert plus pâle. Depuis que nous possédons le grand individu envoyé par 7 5o SURLESESPECES le général Rochamheau , nous en avons reconnu au Muséum un autre qui y avoit été envoyé depuis long-temps d’Amé¬ rique , et nous en avons trouvé trois de dil’férentes grandeurs, empaillés, dans des cabinets et chez des marchands. Je ne doute j)lns que ce ne soit cette espèce que Séha a voulu offrir dans sa fameuse planche io6 , tome I. Le peintre y a mal rendu les dents et les écailles, surtout celles de la nuque, et donné un doigt de trop au pied de derrière mais il a fait des fautes plus graves dans vingt autres occasions. Néanmoins l’hahitude totale est celle du crocodile de Saint-Domingue , et c’est aussi d’Amérique que l’individu venoit. Si l’original de cette figure existoit comme espèce, et avoit en effet les carac¬ tères qu’elle montre, j’ose dire qu’il seroit impossible qu’on ne l’eùt pas revu depuis Séha. Un autre point de synonymie qui me paroit plus sur en¬ core , c’est que les difiérens petits crocodiles de Curaçao , représentés dans AeAa, pl CIV, fig. i — 9 , sont aussi de cette espèce. On peut le juger surtout par la disposition de leurs écailles. Nous avons trois de ces individus de Séha au Mu¬ séum , dans la liqueur , qui ne laissent aucun doute. M. Descoiirlils nous apprend que les mâles sont beaucoup moins nombreux que les femelles 5 qu’ils se battent entre eux avec acharnement ^ que l’accouplement se fait dans l’eau sur le côté ^ que rintromission dure à peine vingt-cinq secondes; que les mâles sont propres à la génération à dix ans , les fe¬ melles à huit ou neuf; que la fécondité de celles-ci ne dure guère C[ue quatre on cinq ans. Selon lui, la femelle creuse avec les pattes et le museau un trou circulaire dans le sable sur un tertre un peu élevé, où elle dépose vingt huit œufs humectés d’une liqueur vis- DE CROCODILES VI VA N S. 5i queuse, rangés par couches séparées par nu peu de terre, et recouverts de terre battue. La ponte a lieu eu mars , avril et mai , et les petits éclosent au bout d’un mois. Ils n’ont que neuf on dix pouces au sortir de l’œuf, mais ils croissent jusqu’à plus de vingt ans, et atteignent seize pieds et plus en longueur. Lorsqu’ils éclosent, la femelle vient gratter la terre pour les délivrer j les conduit , les défend et les nourrit en leur dé¬ gorgeant la pâture pendant Iroismois, espace de temps pen¬ dant lequel le mâle cherche à les dévorer. M. Descourtils conhrme ce qu’on a observé des crocodiles en général, qu’ils ne peuvent manger dans l’eau sans risque d’étre étouffés. Celui-ci se creuse des trous sous l’eau ^ où il en¬ traîne et noie ses victimes, qu’il y laisse pourrir. Il peut très-bien mordre sa queue: ce qui prouve que ces animaux sont plus flexibles qu’on ne le dit. Je trouve aussi dans une note d’un pharmacien de Saint- Domingue, qui m’a été remise par le respectable M. Par¬ mentier , que le crocodile de Saint-Domingue préfère la chaiio de nègre on de chien 5 qu’il la laisse pourrir avant de la dévo¬ rer^ qu’un individu très-jeune, retenu en captivité, ne put être nourri qu’avec des boyaux à demi-putréflés; que la femelle a l’instinct de venir découvrir les petits quand ils éclosent. Pour éviter le crocodile , les chiens aboient , et les chevaux battent l’eau dans un lieu, alin de l’attirer, et se hâtent en¬ suite d’aller boire plus loin. crocodile de Saint- Domingiie est généralement nommé caïman par les colons et par les nègres de cette île. SUR LES ESPECES :)a 111° espèces de cavials. Le premier qui ait parlé d’un crocodile à hec cjlindriqiie est le peintre anglois Edwards. Il en décrivit, en i'-56,dans le tome 49 tles Trans. pldl..^ pl. 19, un individu sortant de l’ceuf, qui avoit encore son sac ombilical pendant hors de Fabdomen , et il lit de ce sac , lequel n’est que le reste du jaune qui n’est pas encore rentré dans l’abdomen comme cela arrive toujours un peu après la naissance, il en fit, dis-je, un des caractères de l’espèce. Il Fannonça comme venant de la côte d’Afrique. Gronovius en décrivit brièvement un autre de son cabinet, en 1763 {Zooph. p. 10 ) , et loua beaucoup la figure ^Edwards. Merck en décrivit un troisième, en iy85 [Hessische Bey- ti'age,lE I , p. 73, et Troisième lettre surlesosfoss.'p. 20) , auquel la figure d’iir/warr/^ ne lui parut au contraire point res¬ sembler du tout. On auroit pu dès-lors soupçonner qu’il y en avoit deux, espèces. C’est ce que parut faire Gmelin ( System, nat. , tome I , part. III , p. io58 mais il indiqua des caractères peu exacts. Tous ces individus étoient petits et les descriptions courtes. M. de Lacépède donna le premier la description complète, avec les mesures et la figure, d’un individu long de douze pieds, venu de l’Inde au Muséum. C’est ce grand naturaliste qui a donné à l’espèce le nom indien de gavial. Son traducteur allemand M. Bechstein en a décrit un autre de six pieds. Mais notre Muséum en possède encore un de deux pieds , que M. de Lacépède a déjà indiqué dans son ouvrage , et un DE CROCODILES V I V A i\ S. squelette de mé'me grandeur que j’ai fait préparer : l’un et l’autre diffèrent très-sensiblement du grand individu. M. Faujas a fait graver de belles ligures tant de notre grand que de notre petit gavial ( llist. de la Montagne de Saint-Pierre , pl. 46 et 4^ ) , ainsi qu’une excellente de la tête osseuse du grand ( pl. 47 ) 5 dire que c est lui qui m’a rendu attentif à leurs dilférences, quoiqu’il n’ait pas jugé à propos d’en faire usage pour établir deux' espèces. Je les ai exposées, en 1802, dans mon premier Mém\3ire sur les crocodiles. Depuis lors j’ai ajouté à mes matériaux le squelette d’une télé du grand gavial, et cette tête m’a offert encore des différences nouvelles. Je me crois donc maintenant suffisamment autorisé à croire qu’il existe deux gavials différeus. 1 .° GR.xxD GAVi.xL. ( Ci'ocodUiis loiigirostris , Schx. Làcerta gangetica , Gmel. ) ' Le nom de crocodile du Gange a l’inconvénient de faire croire qu’il n’y en a point d’autre dans ce fleuve. Or des cro~ codiles semblables au vulgaire s’y trouvent aussi en quantité: les anciens ne l’ignoroieut pas. « Fe gange ( dit Elien (i) » nourrit deux sortes de crocodiles : les uns innocens^ les )) autres cruels, » En effet, le gavial ne se nourrit que de poissons; et quoiqu’il arrixe aussi à une’ taille gigantesque, il n’est pas dangereux pour les hommes. M. de Fichtel ,, ha¬ bile naturaliste, attaché au cabinet de l’Empereur d’Autriche, (i) Lib- XII, cap. 4i- 54 s ü II L E s E s P il G E s qui a vu lui-même les deux crocodiles sur les bords du Gangs ^ m’a garanti ce fait. Il est probable d’ailleurs qu’on retrouve le gavial dans les fleuves voisins du comme le Burarn-Pouter ^ etc. Celle espèce n’est encore bien représentée quepar ^1. F auj as ( Ilist. de la Mont, de Saint-Pierre pl. /|6 ). Son museau est presque cylindrique: il se renfle un peu au bout et s’évase à sa racine. La tête s’élargit singulièrement, surtout en arrière : sa dimension transverse est comprise deux fois et deux tiers de fois dans sa longueur totale puais la lon¬ gueur du crâne, à prendre jusqu’entre les bords antérieurs des orbiles , est comprise quatre fois et un tiers dans la longueur totale. La table supérieure du crâne , derrière les orbites , forme un rectangle plus large que long d’un tiers. Les orbites sont plus larges que longs ; l’espace qui les sépare est plus large qu’eux-mêmes. Les trous du crâne sont plus grands que dans aucune autre espèce , plus grands même que les orbiles, et, comme eux , plus larges que longs. Ils ne se rétrécissent pres¬ que pas vers leur fond. Je compte vingt-cinq dents de chaque coté en bas, et vingt- huit en haut dans les deux échantillons, en tout cent six dents. La longueur du hec est à celle du coi-ps, comme 137 Il n’y a derrière le crâne que deux petits écussons ; puis viennent quatre rangées transversales, qui se continuent avec celles du dos. Toutes ces rangées sont comme dans l’espècq suivante. 2.° le peti t g.vvial. [Crocodilus temdrostris Nob.) M. Faujas en a aussi donné une Ggure ( Hist. de la mont, de Saint-Pierre pl. 48). Scu crâne est plus long et moins large , à proportion de son museau , que dans \e grand gavial. DE CROCODILES VI VAN S. 55 La longueur du crâne ^ à prendre jusques entre les bords an¬ térieurs des orbites, est comprise trois fois et un tiers seule¬ ment dans la longueur totale. La table supérieure du crâne , derrière les orbites , forme un carré aussi long que large. Les orbites sont plus longs que larges, plus grands à proportion de la tète, séparés par un espace moilié plus étroit que chacun d'eux. Les trous du crâne sont plus longs que larges et bien ré¬ trécis dans leur fond. Il ne faudroit pas cependant se hâter de conclure , s’il n’y avoit que ces différences : elles me paroissent fort analogues à celles cpie l’âge produit dans le crocodile à deux arêtes. Je compte une paire de plus ou de moiüscde dents de chaque coté, soit eu bas, soit en haut , dans mes différens exemplaires. Le vrai nombre paroît le même que dans le précédent. La longueuf du bec est ii celle du corps comme i à ■j. Il est donc un peu plus long que dans le grand. Or celte diffé¬ rence est contraire à celle que l’âge produit dans les autres crocodiles et dans tous les animaux. Leur museau allonge toujours par le développement des dents. La nuque est armée derrière le crâne de deux paires d’écus¬ sons ovales , ensuite de quatre rangées transversales : la pre¬ mière, de deux grandes écailles ; les deux suivantes, de deux grandes et de deux petites^ la quatrième de deux grandes, et les bandes du dos sont la continuation de celles-là : elles ont toutes qualité grandes écailles carrées et deux fort étroites sur le coté. Toutes ces écailles ont des arêtes égales et peu éle¬ vées. Le nombre des bandes dorsales est de dix-huit. Les crêtes de la queue sont doubles jusqu’à la dix-neuvième bande. Si la distinction de cette espèce se confirme, comme je le pense, il faudra que les voyageurs nous apprennent dans c[ucls 5(5 SU 11 LES ESPÈCES pays elle habite principalement et à quelle taille elle peut par¬ venir. Nous n’avons encore sur ces deux points aucun ren¬ seignement authentique. A R T I c L E V. Résumé et tableau méthodique du genre et de ses espèces. Nous voilà loin de l’époque où les plus grands natu¬ ralistes n’admettoient qu’une seule espèce de crocodile j il faudra en inscrire maintenant douze et peut-être quinze dans le catalogue des reptiles. Préparons d’avance cette partie du travail des futurs rédacteurs du Sjstema naturce , en résu¬ mant ici les caractères génériques et spécifiques établis dans ce Mémoire. Je me bornerai à citer pour tous synonymes les bonnes figures originales : cette réserve vaux mieux que d’entasser une foule de citations douteuses qui ne servent qu’à tout embrouiller. CLASSIS. AMPHIBIA. ORDO. SAURI. GENUS. CROCODILUS, Dentes conici, sérié sîmplici. Lingua carnosa, lata, oriaffixa. Cauda compressa , supernè carinata serrata. Plautæ pal- matæ aut semi-palmatæ. Squamæ dorsi , ventris , et caudæ , latæ sub-quadratæ. ^ Alligatores. Dente infero utrinque quarto , infossam maxillœ supe- rioris recipiendo , plantis semi-palmatis. DE C R O C O D I I. E S VIVANT. 5? I. Crocodilus Indus. Rostro depresso parabolico , scutis nuchæ quatuor. Habitat in America septentrionali. 2. Crocodilus sclerops. Força transversa inter orbitas , nucba fasciis osseis quatuor catapbracta. [Séb. /, tab. io4, f. 10, fjg. mediocr. ) Habitat in Guyanâ et Brasilia. 3. Crocodilus palpebrosus. Palpebris osseis , nucba fasciis osseis quatuor catapbracta. Habitat . 4- Crocodilus irigonatus. Palpebris osseis , scutis nuchæ irregularibus cariuis elevatis trigonis. ( Séb. 1 , pl. io5 , f. 3. ) Num variet. præced. Habitat . Crocodili. Dente infero utrinque quarto , per scissuram maxillæ sii- perioris transeunte., plantis palmatis ^ rostro oblongo. 8 58 SUR LES ESPÈCES 5. Crocodilus vulearis. O Rostro æquali , scutis nuchæ 6 , squamis dorsi quadralis , sexfariam positis. {Ann. mus. Paris. JC, tab. 3). Habitat in Africa. 6. Crocodilus biporcatus. Rostro porcis 2 subparallelis , scutis nucbæ 6 , squamis dorsi ovalibus , octofariam positis. Habitat in Insulis Maris Iiidici. 7. Crocodilus rhomhifer. Rostro convexiore, porcis 2 conyergentibus , scutis nucbæ 6 , squamis dorsi quadratis sexfariam positis ; membro- sum squamis crassis, carinatis. Habitat . 8. Crocodilus galeahis. Crista elevata bidentata in vertice , scutis nucbæ 6. ( Hist. anim. Paris , t. 64- } Habitat in India ultra Gangem, g. Crocodilus hiscutatus. Squamis dorsi intermediis quadratis , exterioribus irregula- ribus subsparsis , scutis nuchæ 2. Habitat . DE CROCODILES V IVAN S. ^0 10. Crocodilus acutus. Squamis clorsl iutermediis qiiadratis, exterioribus irregula- ribus subsparsis, sentis nuchæô, rostro productiore, ad basim convexo. ( Geoff. An. Mus. Pai'is.IJ, tab. 3'].) Habitat iu magnis Antillis. » *** LoNGI ROSTRES. Rostro cylindrico , eïongato , plantis pahnatis. 1 1 . Crocodilus gangeticus. Vei'tice et orbitis transversis, nueba scutulis 2. ( Faiijas, Hist. mont. S. Pétri, tab, 46 J. Habitat in Gange fluvio. 12. Crocodilus tenuirostids. Vertice et orbitis anguslioribus , nuebæ scutulis 4- [Faujas, loc. cit.^ tab. 48.) Habitat ‘4“ U )IDI .--ï >ï f -« A"- / ^ . (rocv', qui porte les dernières dents et qui s’insère entre le jugal c, c, et un os particulier J, J, dont nous reparlerons. Ces maxillaires reçoivent entre eux , en arrière et en dessous, la pointe antérieure des palatins e, e. Ceux-ci sont longs, étroits , et s’élargissent très-peu en ar¬ rière, où les apophyses ptérjgoïde s internes /,/, au lieu d’être simplement des lames verticales qui allongeroient un peu de chaque côté le canal nazal, se réunissent l’une à l’autre sous ce canal, quelles prolorgent par conséquent en dessous, et 6 OSTÉOLOGIE DES CROCODILES. s’élargissent sur les côtés en une large surface horizontale et triangulaire , dont la pointe aiîtérieure pénètre entre les pala¬ tins/, ou est tronquée et se joint simplement à leur bord dans quelques especes. Vers son bord postérieur seulement sont percées les ouvertures postérieures du canal nasal. Aux bords latéraux de celte surface s'attache cet os parti¬ culier d, dont je viens de faire mention, qui va obliquement rejoindre l’apophyse dentaire de l’os maxillaire, de manière à laisser de chaque côté une grande ouverture ovale , interceptée entre le maxillaire , le pariétal , la lame ptérygoide et cet os particulier d. M. Geoffroy compare cet os à la grande aile du sphénoïde. Je pense que, s’il faut lui trouver un analogue, c’est plutôt dans l’apophyse ptérygoide externe que l’on doit le chercher. La grarideaile du sphénoïde est plus haut en et forme, comme à l’ordinaire, en dessous, les parties latérales et antérieures du crâne. On ne peut en apercevoir dans nos dessins qu’une petite portion. La partie du canal nasal, qui marche sur les os palatins, est fermée en dessus par une lame qui est en forme de demi- cylindre. M. Geoffroy la compare au cornet inférieur du nez; mais elle tient au sphénoïde sans en être séparée par une su¬ ture ; et d’ailleurs dans le gavial elle se dilate en un sinus ana¬ logue au sphénoïdal. On ne peut la voir dans nos dessins. Le jngal c, prend du bord supérieur de l’apophyse posté¬ rieure du maxillaire , marche sous l’orbite , le dépasse , et va se terminer en arrière par une pointe qui forme le bord ex¬ terne de l’apophyse ou proéminence condyloïde du crâne. Il s’articule en partie par sa face interne à cet os d, dont nous venons de parler, et donne de celte même face l’apophyse c'y OSTÉOLOGIE DÈS CROCODILÈS. ; dirigée en dedans, et qui s’articule à l’apophyse postorhitaire du frontal , pour fermer l’orbite en arrière. L’espace, occupé communément par le frontal ou par les deux frontaux, l’est ici par cinq os distincts. Un mitoyen H , qui règne entre les deux yeux , et va s’ar¬ ticuler en avant avec la racine des nasaux , comme il est or¬ dinaire au frontal. Sa partie moyenne est échancrée de chaque côté par les orbites; et l’antérieure encore plus par les deux os h, qui s’en séparent au moyen d’une suture particulière au crocodile. Leur bord orbitaire a une apophyse verticale qu’on ne voit pas dans mes dessins, et qui descend se joindre à l’os palatin, et à celui qui forme sur le palatin la voûte du canal nasal. Elle remplit la fonction de la lame orbitaire de l’elbnioïde ; aussi M. Geoffroy regarde-t-il ces deux os /i , // , comme des démembremens de l’ethmoide ; il rapporte même à celui-ci l’os mitoyen LT, qu’il suppose analogue au corps de l’etbmoide , lequel en se montrant en dehors auroit écarté les deux vraies moitiés du frontal A' et h'. La nature de celles- ci au moins n’est pas douteuse. Leur apophyse A”, If , répond à l’apophyse postorbitaire du frontal , et va compléter avec celle du jugal c’, c\ le cadre de l’orbite en arrière, absolu¬ ment comme dans les ruminans. J’avois autrefois regardé les os 7i, /î, comme des espèces de lacrymaux intérieurs; les vrais lacrymaux f, 7, par où passe le canal de ce nom, sont en dehors des précédons, entre eux les jugaux c , les maxillaires A, et les nasaux k. Ces derniers n’ont de remarquable que leur figure longue et étroite. Le milieu du crâne est couvert d’un seul os qui me paroît répondre an pariétal unique des ruminans. Les angles du crâne en arrière sont formés chacun par 8 OSTEOLOGIE DES CROCODILES. trois os qui me paroissent répondre à autant de parties du temporal. La partie écailleuse est représentée, selon moi , par l’os n , que M. Geoffroy a nommé pariétal. Il a une apophyse en avant qui va s’articuler au frontal latéral A', et laissant entre elle et le crâne ce trou ovale qui caractérise par sa grandeur relative les divers crocodiles, et qui communique dans la fosse temporale, elle forme ainsi, comme je l’ai dit ailleurs , une sorte d’arcade zygomatique placée au-dessus de l’ordinaire. Dans le caïman à paupières osseuses où ce trou manque entièrement, le pariétal , le frontal et ce temporal contribuent chacun, pour une part égale, à en couvrir la place. L’os /?, , envoie de son angle postérieur en bas une autre apophyse n , qui pose sur le suivant, et forme de ce côté l’aréte qui limite la face occipitale du crâne. Elle est l’analogue de l’apophyse mastoïde. Le deuxième os o , s’enfonce obliquement sous le précédent, qui déborde sur lui comme un auvent , et va entourer en des¬ sous et en avant la grande ouverture de l’oreille osseuse, dont le bord postérieur est formé par l’os n. Postérieurement et inférieurement , o se termine par le condyle articulaire o' , qui est reçu dans la fosse articulaire de la mâchoire inférieure. Euün le troisième os p, est placé obliquement entre le précédent et l’os jugal c. Il contribue à compléter extérieure¬ ment le condyle articulaire. M. Geoffroy a réservé exclusive¬ ment à cet os /? , le nom de temporal. Il nous reste à parler des parties postérieures et inférieures de la boîte du crâne. J’ai déjà comparé celle-ci , il y a long¬ temps, aune pyramide triangulaire renversée. La base est la Lee supérieure du crâne que nous venons de décrire. La OSTÉOLOGIE DES CROCODILES. 9 pointe, qui est tronquée , pose sur la partie postérieure de celle lame que forment les apophyses ptérygokles internes. La face postérieure ou occipitale, représentée, figure 4» a dans son milieu le trou du meme nom , sous lequel est le tu¬ bercule articulaire qui porte sur l’atlas. Du haut du trou part une suture en Y qui intercepte l’occipital supérieur cj. Deux autres sutures embrassent et le tubercule et le reste de l’occi¬ pital inférieur r, auquel il appartient, et qui se termine au bord postérieur de la lame ptérygoidienne f. Les deux occipitaux latéraux s, s , occupent chacun l’espace compris, entre les deux précédens, le trou occipital, l’os tem¬ poral supérieur n, et la proéminence articulaire de l’infé¬ rieur o'. Les deux faces antérieures de la pyramide renversée du crâne, sont formées par les grandes ailes du sphénoïde g, fig. 2 et 3 , lesquelles font joindre chacune leur bord supérieui’ à l’os frontal de leur côté , et laissent entre elles deux , en avant, un vide rempli en partie par des membranes, et ser¬ vant de passage aux nerfs olfactifs et optiques. Entre leurs bases inférieures naît une petite lame verticale qui avance un peu sur la lame ptérygoide et entre les deux tuyaux des narines. Elle donne attache en arrière à la mem¬ brane qui sépare les deux orbites. Onia voit un peu dans notre figure 3 où nous l’avons marquée t. La grande lame formée par les apophyses ptérygoïdes in¬ ternes , et les lames qui recouvrent le canal nasal sur les pa¬ latins , sont continues aces parties, et toutes ensemble forment, comme dans l’homme elles quadrupèdes, un seul os sphé¬ noïde. iO OSTÉOLOGIE DES CROCODILES. / La mâchoire //^^r/er/re(pl.I,fig. 3 en dehors, et 4 en dedans.) Loin de ne former qu’un os de chaque côté , comme celle des quadrupèdes, y en compte au contraire six. Le dentaire , dans lequel sont creusées les alvéoles de toutes les dents , s’articule seul en avant avec son correspondant , pour former l’angle antérieur ou la symphyse. operculaire &, ainsi nommé par M. Adrien Camper, couvre presque toute la face interne, excepté tout en avant, où elle est formée par le dentaire. Au reste celui-ci occupe encore une grande partie de l’espace recouvert par Yoperculaire qui repose sur lui par une lame mince. Le coronoïdien æ et l’angulaire placés au-dessus l’un de l’autre , s’étendent ainsi jusqu’à l’extrémité postérieure : ils laissent entre eux eu avant un espace occupé dans sa partie antérieure par la fin du dentaire, et ensuite par un grand trou ovale. \J angulaire v , se recourbe en dessous pour occuper un espace à la face interne de la mâchoire Entre lui et Yopercu- laire est un autre trou ovale plus petit que le précédent, et au-dessus de lui un grand vide, attendu que le coronoïdien ne se recourbe pas vers la face interne. La pointe antérieure de ce vide est bordée d’un petit os particulier en croissant marqué z. Le condyle , toute la face supérieure de l’apophyse posté¬ rieure, et toute la face interne de celle partie appartiennent encore à un os spécial que je nomme Y articulaire . Le coronoïdien n’a point dans le crocodile d’apopbyse co- OSTÉOLOGIE DES CROCODILES. n roDoide sensible, quoiqu’il donne attache au crotaphyte; mais c’est dans d’autres reptiles qu’il mérite le nom qu’il porte. Les dents Offrent aussi plusieurs remarques intéressantes dans le crocodile. La première c’est que leur nombre ne change point avec l’âge. Le crocodile qui sort de l’oeuf en a autant que celui de vingt pieds de long. Tout au plus les dernières sont-elles en¬ core uu peu cachées par la peau des gencives. Je me suis as¬ suré de ce fait sur une série de huit têtes croissant en gran¬ deur , depuis un pouce jusqu’à deux pieds. La seconde, c’est que leur solidité intérieure ne se remplit jamais , quoiqu’elles se forment, ainsi que toutes les autres dents, par couches superposées. Ces deux particularités tiennent à la manière dont elles se remplacent. La bourse dans laquelle se forme la première petite coque de la dent de remplacement n’est pas renfermée , comme dans les quadrupèdes, dans une loge particulière qui se développe- roit dans l’épaisseur de l’os maxillaire; mais elle pousse eu quelque sorte du fond de l’alvéole de la dent qu’elle doit remplacer. Cette petite coque ou calotte est d’abord sur la face interne de la racine de la dent en place; elle en arrête la continuation de ce côté, et y occasione une échancrure par laquelle , en augmen¬ tant toujours de longueur , elle finit par pénétrer dans le creux de la dent en place; elle achève alors de détruire par sa com¬ pression le noyau pulpeux qui remplit ce creux, et qui four- OSTÉOLOGIE DES CROCODILES. lî nissoit par ses exsudations la matière dont la dent en place s’augmentoit. Aussi à quelque âge qu’on arrache les dents du crocodile , ou trouve, soit dans leur alvéole, soit dans leur cavité meme, une petite dent, tantôt sous forme de simple calotte encore très-mince et très-courte , tantôt plus avancée et prête à oc¬ cuper sa place quand l’ancienne qui l’enveloppe encore sera tombée. Il paroh que cette succession se fait très- souvent, et qu’elle se répète aussi long-temps que l’animal vit. C’est probable¬ ment ce qui fait que les dents des crocodiles sont toujours fraîches et pointues , et que les vieux , qui les ont beaucoup plus grandes , ne les ont pas beaucoup plus usées que les jeunes. J’ai observé tous ces faits dans une tête fraîche et dans plu¬ sieurs conservées dans l’esprit-de-viii, et j’y ai très-bien dis¬ tingué des noyaux et des capsules semblables à ces mêmes parties dans les dents des quadrupèdes. Cette marche du remplacement des dents avoit été fort bien saisie Perrault Gi par Diwerney^Mèni. pour servir à ïliist. des anim. t. III, p. i6^ ). M. Faujas cherche à la contester; mais il n’a pas été heu¬ reux en argumens. « Cette dent intérieure, dit-il (^Essais de géol. I,p.i^'j ) , » est à peine adhérente à F alvéole , et s’ en détache avecfa- » cilité. — Elle ne forme quelquefois quune espèce de ca~ » lotte non- adhérente , etc. jj Or , tous ceux qui connoissent un peu les lois de la denti- lion, savent que les germes de dents ne peuvent s’observer autrement dans le squelette^ quand le noyau pulpeux qui les OSTÉOLOGIE DES CROCODILES. 1 3 soutenoit et la capsule membraneuse qui les enveloppoit , ont été détruits, M La position de cette double dent, ajoute-t-il [ihid. ), est » telle , que si elle venoit à être rompue par un coup ou » par un accident, sa compagne éprouveroit nécessairement )) le même sort. » Cela peut être vrai quelquefois, à cette époque du déve¬ loppement de la dent de remplacement où elle a déjà péné¬ tré fort avant dans le creux de la dent en- place, mais cela ne prouve rien pour le cas où celle-ci tombe naturellement. Il y a une difficulté plus réelle qui a été saisie par M, Tenon , et que ce savant anatomiste a résolue avec sa sagacité or¬ dinaire. Les dents du crocodile étant souvent des cônes parfaits qui vont en s’évasant toujours vers la racine, comment peu¬ vent-elles sortir de leurs alvéoles dont Tentrée se trouve plus étroite que le fond.^ C’est que la dent de remplacement , en se développant et en remplissant le creux de la dent en place , comprime sa substance contre les parois de l’alvéole; lui fait perdre sa con¬ sistance; la fait fendre , et la dispose à se détacher au moindre choc au niveau de la gencive : les fragmens restés dans l’al¬ véole en sont ensuite aisément expulsés par les forces de la nature vivante. On trouve souvent dans les crocodiles qui changent leurs dents de ces anneaux formés dans l’alvéole par les restes des anciennes dents cassées, et au travers desquelles les nouvelles commencent à poindre. Nous en verrons aussi de pareils dans les mâchoires fossiles des vrais crocodiles. OSTÉOLOGIE DES CROCODILES. i4 Lo plus souvent la base du cône de la dent n’est pas entière, et Ton y voit une écliancrure plus ou moins profonde à la face qui regarde le dedans de la mâchoire; c’est que le germe nouveau se forme un peu plus du côté interne de l’alvéole , et que c’est de ce côté qu’il commence à empêcher la conti¬ nuation de la dent en place, comme nous venons de le dire. li’écliancrure est proportionnée à la grandeur que le germe a acquise : quelquefois il y en a deux , parce qu’un second germe s’est développé avant la chute de la dent en place ; d’autrefois il y a un trou au lieu d’une échancrure ^ enfin , tant que le germe est fort petit , l’échancrure n’existe pas , et le germe lui-même n’eu a jamais. Nous n’avons pas besoin de dire en détail que toutes les dents du crocodile sont aiguës, qu’elles se croisent quand les mâchoires sont fermées, que leur émail est plus ou moins strié sur la longueur , qu’elles ont une arête tranchante en avant, et une autre en arrière, etc.; ce sont des faits géné¬ ralement connus. Nous avons déjà vu dans notre Mémoire précédent en quel nombre elles sont dans chaque espèce. Les trois sous-genres ont la première et la quatrième de chaque côté en bas et la troisième en haut plus longues et plus grosses ; ensuite dans les crocodiles proprement dits et les caimans^ c’est la onzième d’en bas , et les huitième et neuvième d’en haut. Le caïman à paupières osseuses fait une légère, exception : c’est la douzième d’en bas et la dixième d’en haut qu’il a les plus longues. Ap rès la quatrième, elles sont toutes presque égales dans les gavials : aussi leurs mâchoires ne sont-elles pas festonnées OSTÉOLOGIE DES CROCODILES. i5 comme celles des autres sous-genres. Ce festonnement aug¬ mente avec l’àge et avec la grosseur des dents qui en est la suite. La quatrième dent d’en bas peut porter le nom de canine, car elle répond à la suture de l’intermaxillaire et du maxil¬ laire de la mâchoire supérieure. Les cinq ou six dernières dents de chaque côté sont plus obtuses, plus comprimées que les autres , et leur couronne se distingue de leur racine par un étranglement notable ^ mais cette différence n’a lieu que dans les crocodiles et les caïmans. On ne l’observe point dans les gavials. Les vertèbres. Le crocodile a soixante vertèbres, comme Ælien Tavoit fort bien annoncé d’après les prêtres égyptiens , savoir sept cervicales, douze dorsales, cinq lombaires, deux sacrées et trente-quatre caudales. Perrault et Duverney n’en ont trouvé que cinquante-neuf à leur individu; mais c’est un accident bien commun que la perte d^une vertèbre, surtout dans les rep¬ tiles à longue queue. Grew en a compté soixante comme nous. Toutes ces vertèbres , à compter de \axis , ont la face pos¬ térieure de leur corps convexe , et l’antérieure concave , ce qui est important à remarquer pour la suite. L’une et l’autre de ces faces est circulaire. L atlas ( pl. II , fig. I } , Est composé de six pièces qui, à ce qu’il paroit, demeurent, pendant toute la vie, distinctes et réunies seulement par des cartilages. La première a , est une lame transverse qui fait le dos de OSTEOLOGIE DES CROCODILES. i6 la partie annulaire. Elle n’a qu’une crête à peine sensible pour tonte apophyse épineuse. Vieniïeut ensuite les deux latérales qui portent la pre¬ mière comme deux pilastres. Elles ont chacune une facette en avant h\ U , pour le condyleoccipital, une eu arrière pour une facette correspondante de la pièce antérieure de l’axis; et en haut une apophyse h" ^ qui se porte en arrière où elle a en dessous une facette qui est la vraie facette articulaire. La quatrième pièce c , représente le corps : elle s’articule en avant avec le condyle occipital, et en arrière avec l’apo¬ physe odontoïde de l’axis. Elle porte sur ses côtés les deux dernières pièces rf, r/, ouapophysestransverses, qui sont deux longues lames minces et étroites. L'axis ( fig. 2 ) N’a que cinq pièces : la supérieure a , ou annulaire , se joint au corps b , par deux sutures dentées. Son apophyse épineuse est une crête plus élevée en arrière. Ses quatre apophyses articulaires sont presque horizontales. A la face antérieur du corps, se joint par un cartilage, une pièce convexe à cinq lobes c, qui tient lieu d’apophyse odon¬ toïde par son lobe moyen; dont les lobes latéraux supérieurs s’articulent aux facettes postérieures inférieures de l’atlas, et dont les lobes latéraux inférieurs portent chacun une branche, comme l’atlas eu a. Ces branches r/, paroissent aussi ne s’unir que par des cartilages. Les trois autres vertèbres cervicales Sont à-peu-près semblables entre elles , 6g. 3. OSTÉOLOGIE DES CROCODILES. 17 La partie annulaire a, se joint toujours au corps Z», par deux sutures dentées. Les apophyses articulaires c, c\ sont dans une position oblique à l’horizon, niais parallèle à l’axe de l’épine. Les an¬ térieures c, sont toujours les extérieures dans l’articulation. . Les apophyses épineuses d, sont médiocrement hautes , com¬ primées, plus étroites en haut, et légèrement inclinées en arrière,: Le corps a une apophyse épineuse eu dessous, , devient cylindrique, se reconi'he en dedans, et s’évase ensuite pour présenter une longue face c, à la clavi¬ cule. Cette face porte en avant , à son bord externe , une apo¬ physe qui contribue avec une apophyse correspondante de la clavicule , à former la fosse qui reçoit la tête de l’humérus. La tête de la clavicule , (ig. lo , se trouve donc répondre , pour la forme, à celle de l’omoplate. Son corps n’y répond pas moins. Elle a aussi un col épais et arqué h , et une partie plane «, qui va, en s’élargissant un peu, s’unir au bord laté¬ ral du sternum. Cette ressemblance est ce qui a fait dire à Grew que le crocodile a deux omoplates de chaque côté. U humérus , lig. 1 1, A par devant , B par derrière , C en des¬ sus , D en dessous , est courbé en deux sens 5 sa partie supé¬ rieure un peu convexe en avant, l’inférieure concave. Sa tête supérieure est comprimée transversalement. De son bord ex¬ terne , vers son cinquième supérieur, saille en avant une crête deltoidale triangulaire a. Sa tête inférieure est aussi com¬ primée et élargie transversalement , et se divise en avant en deux condyles ô, b. Le cubitus , fig. i3 a , n’a point d’ olécrane ni de facette syg- moide ; sa tête supérieure s’articule au condyle externe de l’humérus par une facette ovale plus large du côté radial. Son corps est rétréci et comprimé dans le sens transversal, Î1 se courbe un peu en dehors 5 sa tête inférieure est plus pe¬ tite , comprimée transversalement , plus large et descendant un peu plus du côté radial. Le radius ô, est plus mince et plus court que le cubitus, • presque cylindrique. Sa tête supérieure est ovale : le grand axe antéro-postérieur J l’inférieure oblongue , plus mince vers le cubitus. OSTÉOLOGIE DES CROCODILES. 21 Il n'y a que quatre os au carpe, un radial c, et un cuLilal d, qui sont chacun rétrécis dans le milieu, et élargis à leur deux extrémités, mais dont le premier est du double plus grand que l’autre. Un troisième e, qui peut être regardé comme une espèce de pisiforme , s’articulant à l’osselet cubital et au cu¬ bitus. Il est arrondi en avant , et porte une sorte de petit cro¬ chet en arrière et en dehors. Enün un quatrième/’, de forme lenticulaire, entre l’osselet cubital et les métacarpiens de l’in¬ dex et du médius. Les métacarpiens ressemblent assez à ceux des quadru¬ pèdes. Il faudroit des discours infinis pour énoncer leurs petites différences. Nous les dirons quand nous en aurons besoin dans nos recherches ultérieures. Nous avons déjà dit ailleurs que le pouce a deux phalanges ; l’index trois 5 lemedius et l’annulaire quatre; le petit doigt trois. Ces deux derniers , n’ayant point d’ongle , leur phalange on¬ guéale est fort petite. U os des îles , i5 «, est placé presque verticalement: concave en dehors, convexe en dedans, où il reçoit les apo-^ physes transverses des vertèbres sacrées. Son bord supérieur et antérieur répond aux deux tiers d’un demi-cercle. Son angle antérieur est émoussé, et offre une sorte de facette articulaire ; le postérieur est aigu : sa facette , qui fait partie de la fosse colyloide, est en croissant. \Jischion b, est presque fait comme la clavicule. Il va se joindre à son semblable par une partie plane en triangle iso¬ cèle ; son col est épais, et sa télé encore plus. Elle offre deux facettes : une rude qui l’unit à l’o^ des îles , et une lisse, qui contribue à former la cavité cotyloide. Du col part en avant et un peu en dehors une apophyse plane qui supporte le pubis. 22 OSTÉOLOGIE DES CROCODILES. Celui-ci c, est encore un os plane en triangle isocèle, porté par un pédicule cylindrique, lequel s’articule à l’apophyse du col de l’ischion. Les deux puhis ne se touchent pas , mais se portent ohliquement en avant et un peu en dedans, soutenus par la même aponévrose qui réunit les fausses côtes abdo¬ minales. Le fémur , Cg. 12 , A en dehors, B en dedans, C en dessus , D en dessous , est un peu plus long que l’humérus et courbé en sens contraire. Sa tête supérieure est comprimée dans un sens presque longitudinal, c’est-à-dire, antéro-postérieur ; de saface interne vers son quart supérieur, saille une éminence pyra¬ midale mousse a, qui est son seul trochanter. Sa tête infé¬ rieure est plus large dans le sens transversal, et se divise aussi en arrière en deux condyles écartés b , b. Le tibia a , lig. 16 et lig. 17, A par derrière, C par dessus, D par dessous , s’éloigne moins que le cubitus des formes or¬ dinaires aux quadrupèdes. Sa tête supérieure est grosse et triangulaire; l’inférieure est en croissant posé obliquement, et sa surface est convexe. Le péroné Z>, lig. iG, est grêle, cylindrique. Sa tête supé¬ rieure très- comprimée ; l’inférieure un peu triangulaire. Le calcanéum , lig. 18, A en dessus. Ben dessous, C en avant , D par le côté interne , ne diffère pas autant que les autres os des extrémités , de ce qu’on voit dans les mammi¬ fères. Il a aussi sa tubérosité postérieure, sa facette péronienne et son apophyse interne, qui porto une facette calcanienne; enlinsatêle cuboidale : ses proportions sont courtes et larges. ^la\sV astragale ^ comme dans tous les lésards, est d’une ligure très-différente de celle qu’il a ordinairement, et fort irrégulière. Voyez la lig. 16 c, et lig. 19, A par devant , B par derrière , OSTÉOLOGIE DES CROCODILES. 23 C en dessus et D en dessous. Le contour de sa face antérieure est déterminé par quatre faces : une supérieure , petite, carrée pour le péroné^ une interne , oblique etallouf^ée pour le tibia; une externe , en forme de croissant , dont les parties supé¬ rieures et inférieures seulement portent contre le coté interne de la proéminence péronienne du calcanéum. Toute la partie inférieure de l’astragale est occupée par une surface irrégulière très-bombée, dont la partie postérieure externe appuie sur l’apophyse astragalienne du calcanéum, et dont le reste porte les deux premiers métatarsiens. Il y a encore trois autres os que l’on peut compter parmi ceux du tarse. L’analogue du cuboïde e ,{ig. i6, placé entre le calcanéum et les deux derniers métatarsiens; un cunéiforme f, ih.^ très- petit , qui répond au second et au troisième métatarsien ; et un surnuméraire ^ ^ z’ô. , aplati, triangulaire , à pointe faisant un peu le crochet, qui s’attache au-dehors du cuboïde. C’est lui qui tient lieu du cinquième doigt. Les métatarsiens n’ont rien de remarquable; ils sont plus longs et plus égaux que les métacarpiens. Les nombres des phalanges sont , à compter du pouce , 2, 3, 4 J 4- Le dernier doigt n’a point d’ongle. Principales dimensions d’ un Sfjuelette de crocodile des Indes de neuf pieds deux pouces de longueur totale ^ en mètre s. Longueur totale . . . Z, - de la tête . 0,44 - du cou . 0,27 - du dos . ’. . . 0,46 24 OSTÉOLOGÎE DES CROCODILES. Longueur des lombes . . • . . . 0,22 - du sacrum . 0,09 - de la queue . . . .1,5 Largeur de la tête aux eondyles . 0,226 - - des eondyles . . o,o5 - de la plaque supérieure du crâne . o, 1 2 Longueur de l’orbite . o,oS Largeur de l’orbite . 0,042 Distance de l’angle antérieur de l’orbite au bout du museau . o,3 Longueur de l’omoplate . • . 0,126 - de l’humérus . . 0,1 gS Largeur de la tête supérieure de l’humérus . . o,o5 — — - de la tête inférieure . . .0,045 Longueur du cubitus . . . 0,125 Largeur de sa tête supérieure . . o,o32 - — - inférieure . 0,022 Longueur du radius . . 0,112 Largeur de sa tête supérieure . 0,025 - — - inférieure . 0,026 Longueur de la main . • .. .0,126 Longueur de l’os des îles . . 0,11 Hauteur de l’os des îles ... . • . • . . . o,o65 Longueur du fémur . .0,216 Largeur de sa tête supérieure . . 0,062 - inférieure . 0,046 Longueur du tibia . 0,16 - - — du péroné . . 0,146 Largeur de sa tête supérieure . . . 0,024 - — - inférieure . 0,024 Longueur du pied . * . 0,246 Toute celte description des os, tant du corps que des membres, est prise , ainsi que je l’ai annoncé , de l’espèce des Indes ou à deux arêtes 5 mais elle convient aussi à toutes les autres. Le gwial lui-méme, et c’est une circonstance essentielle à remarquer pour nos recberclies ultérieures , a les memes formes de vertèbres et d’os des membres 5 il seroit à-peu-près OSTÉOLOGIE DES CROCODILES. 2 5- impossible de distinguer ces pièces', une fois qu elles seroient détachées du squelette , de leurs analogues dans les autres crocodiles. Je trouve seulement à mon individu des côtes à quatorze vertèbres au lieu de douze 5 mais comme il n’y a que trois lombaires au lieu de cinq , le nombre total n’est point changé , et ce pourroit bien être une circonstance purement individuelle. La tète est donc la seule partie osseuse par où les cro¬ codiles vivans puissent être caractérisés j encore ses différences n’influent-elles point sur le nombre et les connexions des os qui la composent. Le gavial , par exemple, dont la forme est si particulière, a les memes os que les autres j mais pour se conformer à l’étrange allongement du museau , ils ont reçu d’autres proportions. Ainsi la symphyse de la mâchoire inférieure régnant jus¬ qu’auprès de la dernière dent , l’os dit operculaire s’y trouve compris pour près du tiers de la longueur de cette articu¬ lation. Mais l’os condyloidien , l’articulaire , l’angulaire et l’os en croissant sont comme dans le crocodile. Les deux trous ovales , le grand vide de la face interne, l’articulation él l’apophyse postérièure y sont aussi placés et configurés de meme. C’est aussi l’excessif allongement des maxillaires supérieurs qui caractérise le plus la tête du gavial. Sa plus grande sin¬ gularité consiste cependant en ce que ses os du nez ne vont point jusqu’aux narines: ils finissent en pointe, à-peu-près au tiers de la longueur du museau , et pendant un autre tiers la suture médiane est faite par la rencontre des maxillaires , jus¬ qu’à une autre pointe formée par les intermaxillaires; mais tous les démembremens du frontal , de l’etbmoide et du tem- 4 36 OSTÉOLOGIE DES CROCODILES. poral sont placés comme au crâne du crocodile, sauf les figures qu’ils prennent pour s’arranger avec celle de la tête. Les plus curieux sont les lames du sphénoïde , qui font une voûte sur les palatins j au lieu d’un simple conduit demi- cylindrique, elles se renflent chacune en une vessie grosse comme une œuf de poule, qui ne communique avec le canal nasal que par un trou médiocre. Je ne l’ai point observée dans le petit gavial, et j’ignore si, comme tant d’autres sinus, elle est un produit de l’âge. Ce qui me le feroit croire , c’est que dans les vieux croco¬ diles des Indes, cet endroit du canal est beaucoup plus renflé que dans les jeunes ; ce sera donc l’analogue du sinus sphé¬ noïdal, comme je l’ai annoncé plus haut. Comme nos crocodiles fossiles ont plus de rapport avec le gavial qu’avec les autres espèces , nous donnons, fpl. I , fig. 6 , une figure de la tête du gavial , et une autre de sa mâchoire inférieure plus grandes et plus détaillées que celles qui avoient pu entrer dans notre planche comparative des espèces de crocodiles. Les lettres y désignent les mêmes os que dans les têtes du crocodile à losange y gravées à côté. C/i/U7J/)//^A'S. PL. f. /èfe,y . •/err/Z/frc/ r/e/ 7Ju’/i CROCODfLt'S /, ffurt/lar/'/ ■V .•îvj';' « [ .*» ■ ■ ! î*'"' •■•■ t::. C '/{ üCO/J/LA\ S' Fossi7e.s- . 7>L . H. Cam/ yÿcu^}- SUR LES OSSEMENS FOSSILES DE CROCODILES, Et particulih'ement sur ceux des environs du Havre et de Honfleur , avec des remarques sur les squelettes de sauriens de la Thu-’ RINCE. C’est à regret que je me vois encore contraint de mêler à mes recherches des discussions polémiques , mais mes opi¬ nions sur le sujet que je vais traiter ayant été attaquées pu¬ bliquement par un savant justement célèbre, ce seroit man¬ quer à la considération que je lui dois, que de persister dans ma façon de penser , sans répondre aux argumens qu’il m’oppose. M. Fciujas de Saint-Fond , professeur de géologie au Mu¬ séum d’histoire naturelle de Paris , qui a consacré une disserta¬ tion particulière aux crocodiles fossiles ^ dans son Histoire de la montagne de Saint-Pierre ^ p. 2 1 5 et suiv. , la commence par ces paroles : « Il existe des crocodiles fossiles : cette vérité ne 2 CROCODILES FOSSILES, >1 snuT'oit être révoquée en doute. « El après avoir raconté combien il lui a fallu de peines , de courses et de dépenses pour en observer et eu faire dessiner quelcpies-uns, il en cite expressément sept dont il en a lui-même examiné quatre, et il les /apporte tous les sept au gavial ou crocodile du Gange.) en répétant celle assertion pour chacun en particulier, page 224, 225, 226, et la réitérant encore aux pages 25o et 252. Je ne sais quel malheureux hasard a fait cependant qu’une partie de ces animaux ne sont pas des crocodiles , et qu’au¬ cun n’est le gavial:;) ni quel hasard plus malheureux encore a fait que l’auteur ayant voulu ensuite retirer un de ses ani¬ maux du genre des crocodiles , en a choisi précisément un qu’il auroit fallu y laisser. A la vérité c’est l’autorité du célèbre Pierre Camper qui paroît l’y avoir déterminé. Ce grand anatomiste , après avoir regardé comme le squelette d’un crocodile celui que TYoollcr et Chapman ont décrit dans le 5o.® volume des Transac¬ tions philosophiques ( 1 ) , se rétracta quelques années après , et le déclara une baleine. M. Faujas , qui n’avoit point fait d’attention à cette réti’ac- talion dans son Histoire de la montagne de Saint-Pierre , l’adopta en la modiliant dans ses Essais de géologie. « Ce ne » sauroit être un crocodile ^ y dit-il , p. 260, mais un phy- » seter. » La vérité, ainsi que nous le verrons, est que c’étoit réellement un crocodile. Un autre de ces animaux, déterré près êêHonJleur par l’abbé Bachelet ) et regardé par ce naturaliste comme un cachalot , fut reconnu et annoncé pour la première fois (1) Acta Petrop. 1777 , vol. I , pars II , p. 2o3. CROCODILES FOSSILES. 3 par moi (i) , comme ua crocodile y et je déclarai en même temps que ce n’étoit point le gavial^ quoiqu’il eût avec cette espèce de nombreux, rapports de conformation. Mais M. Faujas n’eut pas autant d’égard pour mon asser¬ tion que pour celle de Pierre Camper. « Ces os maxillaires ^ )) dit-il, {^Montagne de Saint-Pierre , p. 220) , appartiennent » à un crocodile de l'espèce du gavial. » Et s’exprimant avec plus d’étendue dans ses Essais de géologie, I, p. 16^ , « J’ai )) examiné cette tête, son museau allongé, la forme de ses » dents, son faciès le rapprochent si fort'du véritable gavial , K que je ne saurois me déterminer à le considérer comme » une espèce particulière; l’influence de l’àge ou de la nourri- » ture , celle du climat peuvent opérer tant de modifications » passagères sur certains animaux , qu’on auroit peut-être tort R de considérer alors les variétés comme formant des espèces R particulières. Le passage à l’état de pétrification peut aussi » occasioner des déplacemens , des compressions , des gonfle- » mens dans certaines parties, surtout dans bétat pyriteux, R qui doivent nous tenir en réserve sur cet objet, r Ce ne sont pas là, comme on voit , des raisons d’un grand poids dans une discussion d’ostéologie , et je ne saurois trop comment m’y prendre pour y répondre; aussi me bornerai-je à décrire les os de mon animal , et à les comparer avec ceux des espèces voisines. Il en résultera une défense suffisante de l’opinion que j’avois avancée. Mais je crois devoir faire précéder ce travail de l’examen des autres fossiles r egardés par M. Faujas comme des gavials , ainsi que de quelques-uns des mêmes genres, dont ce savant (1) Bulletin des sciences par la Soc. phil, brumaire an IX, p. i5g. 4 CROCODILES FOSSILES. gëologiste n’a point fait mention, quoiqu’ils fussent indiqués depuis long-temps dans des ouvrages connus. Je le ferai suivre de la description d’ossemens de crocodiles trouvés en d’autres lieux de France, et je terminerai le tout en restituant au genre des crocodiles l’animal de Wooller et de Chapman que l’on u’auroit pas dù en faire sortir. Article premier. Des squelettes de sauriens dont on trouve des empreintes dans les schistes pjriteux de la Thuringe, et qui ont été pris mal-à-propos pour des crocodiles ou pour f/e.? singes. Il y a dans presque toutes les parties de la Thuringe et du Voigtland^ dans les portions limitrophes de la Hesse , et jusqu’en Franconie et en Bavière , une couche de schiste marneux et bitumineux, que M. regarde comme la plus basse de ce qu’il nomme première formation du calcaire secondaire , et qui se trouvant presque toujours parsemée de grains de pyrite cuivreuse contenant argent , est exploitée en plusieurs endroits pour ces deux métaux , quoiqu’elle en soit assez pauvre 5 car M. Karsten m’écrit qu’elle donne à peine 2 pour cent de cuivre. Elle n’est pas non plus fort puissante^ car elle a rarement plus de deux pieds d’épaisseur 5 souvent elle ne jiasse point un ou deux pouces, et les ouvriers sont obligés d’y travailler couchés , afin de ne point enlever plus de pierre qu’il n’est nécessaire. Cependant on ne laisse pas que d’en tirer un revenu considérable. Les mines de Rothen- hurg, dans le pays de Halle ^ par exemple, produisent, année commune, 5ooo quintaux de cuivre dont on extrait 3 à 4ooo CROCODILES FOSSILES. marcs d’argent. Celles de Hekstedt , d’Eisleben , de Mans- feld , de Burgorner en Thui’inge , de Riegelsdorf en Hesse , de Munsteroppel dans le pays de Cologne, de Weissbach en Francouie, etc. fournissent sans doute aussi des quantités suffisantes de ces deux métaux pour rendre leur exploitation profitable. C’est de cette couche schisteuse que l’on retire ces nom¬ breuses empreintes de poissons qui ont rendu les cantons de Mansfeld , à’ Eisleben , àHlmenau et d’autres endroits de la Thuringe et du EoigtlandsX célèbres parmi les descripteurs et les collecteurs de pétrifications (i). Elle repose sur un grès rouge qui contient de la bouille en divers endroits , et que les mineurs ont nommé das todte liegende^ ou la couche morte y parce quelle ne donne point de cuivre. Au-dessus du schiste cuivreux, sont des couches calcaires, plus ou moins nombreuses qui contiennent les coquilles les plus anciennes, telles que bélemnites y entroques , anomies et autres, et qui passent pour être de meme nature que celles des Alpes et de l’Apennin. Le gypse, accompagné de sel- gemme, surmonte ce calcaire et est surmonté à son tour par des grès que recouvre une seconde sorte de gypse dépourvu de sel et recouvert par un autre calcaire coquillier analogue à celui du Jura , et dans lequel sont creusées ces fameuses cavernes remplies d’ossemens d’ours, et d’autres carnassiers dont nous avons parlé ailleurs. Ainsi cette couche de schiste bitumineux est des plus an- (i) Voyez surtout le Commentaire tleWalch sur les monumens de Knorr, et le Catalogue/ de Davila par Rome de Lille. 6 CROCODILES FOSSILES. ciennes parmi celles qui contiennent des débris de corps or¬ ganisés. Les poissons s’y trouvent comprimés comme dans tous les Schistes qui en recèlent, et ce sont eux surtout qui sont pyri- tifiés , ce qui sans doute en a déjà fait détruire un grand nombre de très-curieux. L’opinion générale est que ce sont des poissons d’eau douce, et tout extraordinaire qu’il puisse paroîtie de voir des productions d’eau douce recouvertes par des masses im¬ menses des productions marines les plus anciennes, nous avons tant d’autres preuves, meme dans nos environs, que la mer a plusieurs fois recouvert les continens, que ce ne seroit pas une raison de mettre cette opinion en doute. Pour ma part , je n’ai pas assez examiné ces poissons pour avoir quelque chose de positif à en dire ; mais ce que je vais ex¬ poser touchant les empreintes de quadrupèdes ovipares qui se mêlent quelquefois dans ces schistes avec celles des poissons , ne peut que conlirmer l’origine attribuée à ceux-ci. Ces rep¬ tiles , il est vrai , ne sont pas des crocodiles comme on l’a cru ; mais ce sont toujours des animaux dont le genre fré¬ quente les marais et les bords des rivières. Je n’ai vu par moi-même aucune de ces empreintes de rep¬ tiles; mais j’en ai trouvées trois gravées dans des livres , et mes amis de Berlin m’en ont procuré le dessin d’une qua¬ trième. Ces images, sans me mettre en état de porter un ju¬ gement aussi complet et aussi sûr , que si j’avois eu les pièces mêmes à examiner et à disséquer , me fournissent cependant déjà des données suffisantes pour déterminer le genre, et pour caractériser, jusqu’à un certain [point, l’espèce des animaux qu’elles présentent. CROCODILES FOSSILES. 7 Lia première est celle que Spener^ médecin de Berlin , publia, en 1710, comme une empreinte de crocodile ^ AdiUS les Miscellanea berolinensia I, fig. 24 et 25, p, ^9. Le mor¬ ceau venoit des mines de Kupfer-Suhl ^ à trois lieues à!Eise- nach^ et une et demie de Salzungen. On l’avoit tiré de près de cent pieds de profondeur. La seconde de ces empreintes , donnée aussi pour celle d’un crocodile , fit l’objet d’une lettre de Henri Link^ phar¬ macien de Léipsick, au célèbre géologiste anglais TVood- wardt ^ imprimée en 1718, et dont une partie, ainsi que la planche , fut insérée dans les Acta eruditonim de la meme année, p. 188, pl. II 5 elle est du même lieu et sur la même sorte de pierre que la précédente. La troisième est gravée dans le Traité de Cupro du fameux Emmanuel Swedenborg , pl. IL L^auteur la regarde comme une espèce de guenon ou de sapajou , et c’est sous ce titre qu’elle est citée dans la plupart des Traités sur les pétrifi¬ cations; elle venoit des mines de Glücksbronn près à^Al- tenstein, dans le pays de Meinungen^ où on l’avoit trouvée en 1 733. Enfin la quatrième, dont je donne aujourd’hui une gra¬ vure , a été retirée , en 1798 , des mines de Rothenbourg près de la Saale dans le pays de Halle , à 264 pieds sous le sol , et est aujourd’hui dans le cabinet royal de Berlin. J’en dois un beau dessin à l’amitié du célèbre minéralogiste M. Karsten , et au talent de l’habile artiste M. kVachsman, Ces quatre morceaux, trouvés dans des couches de même nature , présentent certainement aussi des animaux d’une même espèce , comme on peut en juger par la ressemblance de 8 CROCODILES FOSSILES. forme et de grandeur de toutes les parties communes, et spécia¬ lement de l’épine , de la queue et d’une partie des membres. On peut donc les employer toutes pour reconstruire un individu complet , en rattachant au tronc commun les parties isolées dans chaque morceau. Spener nous fournit la tête , le pied de devant et presque toute la queue. Celle-ci se trouve aussi dansZ/f/z^, avec une extrémité de derrière, les deux de devant complètes, et une bonne partie du tronc. Swedenborg a les côtes , presque toute la queue , les deux extrémités de derrière bien complètes , et plusieurs parties de celles de devant. Enfin ce que le dessin de M. TV achsmann offre de plus important , c’est l’empreinte d’une portion du bassin. Ces diverses parties sont plus que suffisantes pour nous éclairer sur la nature de cet animal. La forme de sa tête , ses dents toutes aiguës , la grandeur des vertèbres de sa queue montrent déjà suffisamment que c’est uu quadrupède ovipare, sans avoir besoin de ses membres postérieurs qui le confirment encore mieux. La tète n’est pas sans ressemblance avec celle du crocodile du JVil, et Spener^ qui ne connoissoit que la ligure extérieure du crocodile d’après des gravures, est excusable de l’avoir pris pour tel. M. Faujas lui-méme , qui paroît n’avoir connu ni la figure de Link^ ni celle de Swedenborg ^ n’auroit peut- être mérité aucun reproche , s’il s’étoit borné à voir dans le morceau de Spener un crocodile en-général; mais comment a-t-il pu affirmer que c’est « un crocodile à long bec , un véri¬ table GAVIAL?» ( Histoire de la montagne de Saint-Pierre , p. 226) , et redire encore la meme chose en d’autres termes , CROCODILES FOSSILES. 9 {Essais de géologie i5’j ). Il est au contraire évident que son museau est très-court, et diffère plus du gaçialque d’aucun autre reptile saurien. Mais je vais plus loin , et j’aflGrme que celte tête , gravée par Spener^ indique déjà à elte^seule le genre de ranimai. Si c’étoit un crocodile, elle auroit au moins quinze dents de chaque coté à la mâchoire inférieure , et dlx-sept ou dix-huit à la supérieure , lesquelles régneroient jusque sous le milieu des orbites ; elle n’en a que onze qui s^arretent sous l’angle antérieur de l’orbite ; c’est le caractère de l’une de ces nom¬ breuses espèces qui ont été entassées par Linnœus , sous le nom de lacerta monitor^ et distinguées par Daudin^ mais sous le mauvais nom générique de tupinambis. Ce premier trait une fois saisi , tous les autres le con¬ firment. Les pieds de derrière, qui sont d’une conservation admi¬ rable dans l’empreinte de Sî,vedenhorg , y montrent cinq doigts très-inégaux, dont le quatrième est le plus long, et qui ont le nombre d’osselets suivans, en commençant par le pouce, et en comptant les os du métacarpe, 3, 4? 5, 6, 4- On ne peut soupçonner l’auteur d’avoir suppléé à son échan¬ tillon d’après ses connoissances d’anatomie, car il regardoit cet animal comme une guenon ( cercopithecus) ^ et ces nombres réfutoient déjà son idée; une guenon auroit eu 3,47 47 45 4? et le troisième doigt auroit été le plus long. Link donne aussi les mêmes proportions et les mêmes nombres, quoique sa figure ne les exprime pas aussi claire¬ ment , parce qu’elle est rapetissée. Or , ce nombre et cette proportion des doigts, ce nombre des articulations de chaque doigt sont exactement les nrêmes 3 JO CROCODILES FOSSILES. que dans les monitors , ainsi que dans les lésards ordinaires et les iguanes , mais neconviennent nullement aux crocodiles ^ qui n'ont aux pieds de derrière que quatre doigts peu différens en longueur, et dont les nombres sont 3,4, 5,4- Les pieds de devant ne se voient que dans la figure de Link^ et ils y sont rendus d’une manière peu nette. On y distingue cependant cinq doigts presque égaux. Les crocodiles ont bien cinq doigts devant comme les lésards^ mais leur petit doigt est sensiblement moindre à proportion. Spener conjecture que la longueur de son animal devoit approcher de trois pieds; ceux de Swedenborg et de Link ont à-peu-près la même dimension, et c’est à-peu-près aussi celle qu’atteignent les monitors des espèces les plus ordinaires, tels que celui de terre et celui de rivière d Egypte ^ celui du C'ong O décrit par Danc/Zh, ceux des Indes orientales^ etc. tous animaux encore très-mal distingués dans les auteurs, mais que j’ai la faculté de voir et de comparer dans ce Muséum , et dont plusieurs y sont aussi en squelette. La comparaison peut se suivre sur les os des cuisses, des bras, des jambes et des avant-bras; les vertèbres de la queue,, telles qu’on les voit dans les quatre figures , sont aussi très- semblables à celles des monitors ; en un mot, je n’y trouve qu’une ou au plus deux différences spécifiques. La première sur laquelle toutes les figures- s’accordent , c’est que les apophyses épineuses des vertèbres dorsales sont beau¬ coup plus élevées que dans les monitors dont j’ai les squelettes, égalant presque celles de la queue ; l’autre que je trouve la jambe un peu plus longue à proportion de la cuisse et du pied. Mais ces deux différences n’empéchent pas que la détermi¬ nation du genre ne soit juste et rigoureuse. CROCODILES FOSSILES. On ne comptera donc plus les animaux de Spener et de Linck parmi les crocodiles ^ ni celui de Swedenborg parmi les guenons ou les sapajous 5 mais on les rangera tous parmi les monitors ou tupinambis. Il y a lieu de croire qu'il faut placer dans le même genre le squelette pétrifié de crocodile , de deux pieds dix pouces que l’on annonce exister au cabinet de Dresde (i), et avoir été trouvé,' selon les uns, à FTurtzbourg-^ selon d’autres, à Boll dans le TVurtemberg\ mais par une négligence dont on ignore la cause, aucun des naturalistes de ce pays-là n’a dé¬ crit ni figuré ce morceau, non plus qu’un grand nombre d’autres que ce riche cabinet passe pour contenir. Article II. Des ossemens enfermés dans les marbres coquilliers de la Franconie, et qui paraissent véritablement appartenir à des crocodiles. La petite ville à'Altorf^ qui étoit autrefois sujette de celle de Nuremberg ^ et qui vient de passer avec elle sous la domi¬ nation du royaume de Bavière^ a dans son voisinage des car¬ rières d’une pierre calcaire ou espèce de mauvais marbre de couleur grise, toute pétrie d’ammonites et d’autres coquilles anciennes , et que de savans minéralogistes , comme M. de Humboldt, pensent appartenir au même ordre de couches dans lequel sont creusées les cavernes qui recèlent des os (1) “Voyez la notice du cabinet de Dresde, inipr. en lySS, partie françoise, pag. 27. Ï2 CROCODILES FOSSILES. d’ours. On a trouvé à trois ou quatre reprises dans ce calcaire des fragmens et des empreintes de grandes têtes à museau al¬ longé , armé de beaucoup de dents aiguës , et sur l’espèce desquelles les naturalistes ne sont point d’accord. Merck en avoit une qui est aujourd’hui dans le cabinet de Darmstadt^ Gi il la considéroit comme celle d’un gavial (i). Une seconde, qui faisoit partie du cabinet de Manlieim^ a été soigneusement décrite et représentée par Collini (2), qui hésite s’il faut la regarder comme celle d’une scie , d’un es~ padon , ou de quelque animal marin tout-à-fait inconnu. Ija partie antérieure d’une troisième , découverte par Bander ^ bourguemestre ôiAltorf^ est gravée dans le VIII.® tome de l’ouvrage périodic£ue allemand, intitulé le Naturaliste i^natur- forscher) p. 2^9 : on la donne simplement comme une tête de crocodile. M. Faujas a publié de nouvelles figures des deux premières, qu’il a fait dessiner dans un de ses voyages ; mais elles sont peu exactes: celle de la tête de Manlieim surtout, comparée à la figure et aux mesures précises données par Collini , se trouve avoir le museau de plus d’un quart trop court. Elles ne sont, d’ailleurs accompagnées ni l’une ni l’autre d’aucune indication propre à nous instruire de ce qu’il seroit le plus nécessaire de savoir pour en déterminer l’espèce. Cependant M. Faujas se déclare positivement pour l’opinion de Merck que ce sont des têtes de gavial. Je n’ai vu non plus aucune de ces têtes ; mais les figures et (1) Troisième lettre sur les fossiles, 1786, p. sS. (■2) Acta Acad. Theodoro-palat. V, pl. III, fig. 1 et 2. CROCODILES FOSSILES. i3 les descriptions existantes me suffisent déjà pour montrer qu’elles ne viennent certainement point du grand gavial, La seule proportion de la longueur à la largeur le prou- veroit. La plus entière, celle de Manheim ^ a , selon Collini, i pied 'J pouces de longueur , quoique le bout du museau soit tronqué, et 5 pouces six lignes de largeur; c’est - comme 38 à 1 1 , ou près de trois fois et demie la largeur (i). IVotre grand gavial a la tête longue de 2' 1" , large de 9", c’est comme 25 à 9 , ou deux fois et un peu plus de deux tiers de fois la largeur. La figure générale de la tête fossile est d’ailleurs toute diffé¬ rente : elle se rétrécit graduellement en avant pour foétner le museau. ' Sous ces deux rapports , elle appartiendroit à un individu de la forme de notre petit gavial , et cependant sa taille la rapproche de notre grand. Elle ressemhleroit aussi au petit par les yeux dont l’em¬ preinte est ovale et longitudinale , selon la description de Col Uni. La figure de la tête de Damstadt , donnée par M. Faujas [Mont, de Saint-Pierre pl.LIV), semble néanmoins annoncer un caractère qui éloigneroit également l’animal fossile de l’un et de l’autre gavial ÿ c’est que la symphyse de la mâchoire inférieure ne s’étend pas si fort en arrière, et qu’il reste en¬ core au moins sept ou huit dents dans la partie séparée de chaque branche de la mâchoire, tandis qu’il n’y en a que (1) M. Faujas dit bien (Mont, de Maeslricht , p. 260) qu’elle a 2 pieds de long; mais U s’en tient ensuite à la mesure de Collini ( Essais de géologie, p. iGi ). CROCODILES FOSSILES. 4 deux ou trois dans les gcwials. Ce caractère se retrouvant dans mon crocodile d’HouÜeur, je serois très-disposé à l’a¬ dopter 5 mais la figure où je le trouve est si mal faite, qu’on ne sait si la partie où je crois le voir est la mâchoire supé¬ rieure ou inférieure, et rien, dans la description, ne nous éclaircit à cet égard. Il faut donc attendre des renseignemens ultérieurs , pour savoir si ce crocodile est le meme que celui Ci Honjleur ^ ou s’il en diffère. Nous savons du moins, à n’en pas douter , que c’est un crocodile et non pas un dauphin , comme quelques personnes pourroient être tentées de le soupçonner ; car il avoit des na¬ rines sur le bout du museau, et un double canal nasal qui s’étendpit jusque sous le crâne. Le morceau de Bander montre fort nettement les narines au bout du museau; et celui de Collini fait voir des empreintes très-reconnoissables de la partie postérieure des deux canaux du nez. Un dauphin auroit eu les narines percées verticalement à la racine du museau. M. Faujas dit aussi avoir reconnu des germes de dents dans le creux des grandes qui sont cassées aux deux morceaux de Manheim et de Darmstadt. Cette pierre grise, les cristallisations spalhiques dont les creux des os sont remplis , selon Collini, sont autant de circons¬ tances qui font ressembler la gangue de ces animaux à celle de mes ossemens de crocodiles à’ Honfleur , et il est bien à regretter que quelque minéralogiste moderne ne nous ait point encore décrit ces carrières d’Altorf, ni rapporté exactement la nature des couches placées dessus et dessous celles qui ont fourni ces os de crocodiles. CROCODILES FOSSILES. i5 Article III. De la tête de crocodile fossile trouvée dans le Vicentin. M. Faujas en fait mention [Mont, de Saint-Pierre ^ p. asS, et Essais de géologie\,Tp. i65), d’après un dessin que Fortis lui avoit procuié, mais qu’il n’a point fait graver. M. le comte de Sternberg y a suppléé dans son Foyage en Tjrol^ etc. publié à Patisbonne , en 1806, où il donne une boune figure de ce morceau , réduite à demi-grandeur. On y voit la portion antérieure du museau et les deux moi¬ tiés de la mâchoire inférieure détachées Tune de l’autre , mais restées presque dans leur position naturelle. Une bonne partie des dents étoit tombée et avoit été saisie ensuite par la pierre où elles entourent les os maxillaires. On voit d’ailleurs en place leurs alvéoles et meme une partie de leurs racines ; mais M. de Sternberg assure qu’il n’y a point de petite dent dans la cavité des grandes. La mâchoire supérieure ne montre que deux de ces al¬ véoles en avant , et cinq sur l’un de ses côtés : l’autre côté les ayant toutes perdues; mais on en voit encore seize d’un côté et douze de l’autre à l’inférieure. Ces ossemens paroissent bien appartenir à un crocodile ; mais il est fort aisé de s’apercevoir qu’ils ne viennent pas d’un gavial^ comme l’assure si positivement M. Faujas. La portion postérieure de la mâchoire ne seroit pas presque en ligne droite avec l’antérieure , c’est-à-dire avec celle qui appartient à la symphyse, mais elle feroit avec elle un angle pour s’écarter davantage de sa correspondante de l’autre côté, ainsi qu’on peut le voir en jetant un coup d’œil sur le dessin que nous CROCODILES FOSSILES. i6 avons donné dans notre chapitre précédent de la mâchoire inférieure du vrai gavial. Ce caractère sulütpour distinguer cette tête de crocodile, et principalement sa mâchoire inférieure, de celle du gavial^ et pour la rapprocher beaucoup de celles ^ Honfleiir et diAl- torf. Je n’hésiterois même pas à les regarder toutes les trois comme appartenant à une seule et même espèce , s’il étoit sûr de s’en rapporter à de simples dessins , dans des matières aussi épineuses, et si l’existence de deux espèces à Honfleur dé¬ montrée par les vertèbres qu’on y a recueillies , ne devoit me rendre particulièrement circonspect dans cette occasion-ci. Ce morceau est aujourd’hui dans le riche cabinet de M, Je'rome Bereltoni a Schio dans le F^icentin ; sa gangue est une pierre calcaire d’un jaune rougeâtre ; il fut trouvé dans une morftagne près de iÎ02zo , district des sur les conlins du Vicentin et du Tjrol. La mâchoire infé¬ rieure est longue de aS pouces et demi, et large de 8, me¬ sure de Vienne [i). Artictle IV. Description des ossemens des environs J’Honfleur et du Havre; leur comparaison avec ceux du gavial; détermi¬ nation des deux espèces inconnues de crocodiles qui les ont fournis. Venons maintenant aux os qui font proprement l’objet de ce chapitre , et examinons s’ils appartiendroient au gavial., plus que ceux dont nous venons de parler. (0 Voyez le voyage de M. de Sternberg, p. 86 et 87. CROCODILES FOSSILES. 17 Ici nous pouvons travailler d’après nos propres observations ; une riche collection de ces os recueillis autrefois près de Honfleur , par l’abbé Bachelet\ naturaliste de Rouen , nous ayant été remise pour le Muséum d histoire naturelle , par les ordres de M. Beugnot, alors préfet de la Seine-Inférieure, et depuis conseiller d’état. C’est seulement par les étiquettes attachées à ces os, que j’ai connu le lieu de leur origine, ainsi que le nom de leur collecteur, et je ne trouve point que l’abbé Bachelet ait rien publié sur leur gisement, ni sur la manière dont il en fît la découverte ; mais il y a dans le Jour¬ nal de physique ( i ) un Mémoire de l’abbé Dicquemarre sur les os des environs du Havre qui étant de la meme espèce et dans le même état que ceux dHonfieur^ ainsi que je m’en suis assuré en confrontant plusieurs échantillons des uns et des autres , doivent sans doute aussi leur ressembler par la position. Il paroit donc qu’ils sont tous dans un banc de marne cal¬ caire endurcie, d’un gris bleuâtre, qui devient presque noirâtre quand il est humide , et qui règne des deux côtés de l’embou¬ chure de la Seine, le long du rivage du pays de Caux et de celui du pays à’ Auge , comme au cap de la H'eve , et entre Touque et Dives , vis-à-vis les Tache s -noire s. Il s’élève en quelques endroits au-dessus du niveau des plus hautes marées, et dans d’autres il est recouvert par les eaux de la mer. Il récèle partout des huîtres , de petites moules et de petites tellines discoides d’espèces particulières , et les os eux-mêmes ont des huîtres et des tuyaux de serpules adhérens à leur surface; mais il n’est pas aisé de dire si ces coquilles 3 (i) Journal dephys. tome VII ( le premier de 1786), p. /joS et suiv. CROCODILES FOSSILES. y tenoient déjà avant qu’ils eussent été enveloppés par la marne ^ ou si elles ne s’y sont attachées que depuis que la mer les a lavés et mis à découvert. Quanta ce banc de marne , il est certainement plus ancien que la masse immense de craie qui repose sur lui , et qui s’éle¬ vant en falaises de 3 et 4oo pieds de hauteur , forme tout le pays de Caux, une partie du pays d’Auge, et s’étend en Pi¬ cardie ^ en Champagne et jusque en Angleterre. Ces os de crocodile ainsi que ceux des lézards de la Thu- ringe appartiennent donc à des couches bien antérieures à celles qui récèlent les os de quadrupèdes meme les plus an¬ ciens, comme sont nos gypses, des en\ irons de Paris , puisque ces gypses reposent sur le calcaire coquiller le plus commua, qui repose lui-même sur la craie. La substance des os est d’un brun très-foncé, et prend un beau poli; les acides la dissolvent et en prennent une teinte rougeâtre qui annonce qu’elle est colorée par le fer. Elle ace- pendant conservé une partie de sa nature animale. Les grandes cavités des os, comme la boîte du crâne, le canal des narines, celui des vertèbres, sont remplis parla même marne endurcie et grisâtre qui enveloppe leur extérieur ; mais les pores ou les petites cellules de leur diploë sont occupés par. un spath calcaire demi-transparent , et quelquefois teint en jaunâtre. La pyrite tapisse ordinairement chaque cellule, et enveloppe le spath d’une couche mince et brillante. L’intérieur des coquilles en est aussi quelquefois garni, et l’on en trouve dont la substance a été entièrement remplacée par de la pyrite. Le morceau le plus considérable de la collection de l’abbé Bachelet^ est une mâchoire infe'rieure presque complète , que nous représentons par ses faces supérieure et latérale, CROCODILES FOSSILES. 19 pl. II, Gg. I et 2 j il ne paroît y manquer que rextrémité articu¬ laire des branches. Celte mâchoire porte les caractères incontestables des cro~ codiles\ ses dents sont coniques, striées i la plupart, il est vrai , sont cassées , mais on en voit à côté et dans la même pierre , de bien entières , et où l’on distingué les deux arêtes tranchantes 5 plusieurs de celles qui sont en place montrent même dans leur cavité le petit germe qüi devoit les remplacer. J’ai un autre morceau cassé précisément selon l’axe de la dent en place, et où l’on voit le germe de remplacement déjà fort avancé, et occupant tout le vide de cette dent. On y distingue aussi fort bien les sutures 'qui la divisent en six os de chaque côté, à-peu-près dans les mêmes positions et de même forme que ceux dont sé compose celle du gavial. On ne peut donc nullement prendre cette mâchoire <,pour celle d’un dauphin o\x d’un cachalot^ comme l’avoit fait l’abbé Bachelet , quoiqu’elle ne soit pas sans rapports avec cette der¬ nière par sa forme générale. Néanmoins, un examen attentif ne tarde pas à y découvrir des caractères particuliers 'qui la distinguent tout aussi clai¬ rement de celle d’un gavial. 1 Les branches sont beaucoup plus longues à proportion de la partie antérieure ou l’éunie, quelles surpassent de quel¬ ques centimètres. Dans le gavial , lorsqu’on en a retranché , comme ici, la partie articulaire, elles sont au contraire plus courtes de plus d’un tiers 5 et même, en ajoutant celle partie, elles sont encore plus courtes d’un sixième. 2.° Elles ne font pas ensemble un angle si ouvert que dans le gavial ; le leur est de 3o et quelques degrés j celui du gavial de près de 60. ao CROCODILES FOSSILES. 3. ® Par la meme raison, elles s’écartent moins de la ligne extérieure de la partie symphysée , et en paroissent presque des proion gemens. Dans le gavial , elles s’en écartent par une inflexion beaucoup plus sensible. 4. “ L’échancrure, qui sépare ces branches , pénètre plus avaii'lt entre les dents que dans le gavial. Il y a sept dents sur chaque branche. Dans le gavial., il y n’en a que deux ou trois. 5 ° Cependant le nombre total est moindre : on n’en compte que vingt-deux de chaque côté, le gavial en a vingt-cinq. 6.° Enfin , il ne paroît point y avoit eu de trou ovale à la face externe de la branche. Les principales dimensions de ce morceau sont les suivantes ; Plus grande longueur, ah...... . . .. 0,76 I.ongueur de la partie symphysée depuis le bout jusqu’à l’angle de réunion des branches, ac . . . 0,37 Longueur de ce qui reste de la plus longue branche, c h . . o,3() Écartement des branches à l’endroit où elles sont tronquées, h d . . 0,1 85 Largeur de la partie symphysée au milieu, cf . 0,062 Hauteur, ib. f g . 0,040 Je n’ai pas eu la mâchoire supérieure en un seul morceau , ni d’un seul individu comme l’autre ; cependant à force de recherches, je suis parvenu à en rassembler toutes les parties. J’en ai trouvé le bout antérieur avec les narines dans le riche cabinet de curiosités de M. l’ahhé de Tersan {Voyez pl. II , fig. 6 et 7 ). Toute la partie cylindrique , depuis l’échan¬ crure qui sert de passage à la grande dent d’en bas jusqu’à la hase, est dans celui de M. Bexon, savant et respectable minéralogiste , ( pl. II , fig. 3 , 4 et 5) . Enfin la partie qui joint le museau au front, se trouve parmi les os rassemblés par l’abbé Baclielet ^ ( pl. II, flg. g )• mais ses deux côtés qui contenoient CROCODILES FOSSILES. 21 les dents sont emportés, ce qui^m’empéclie de donner le nombre total de celles-ci, Il résulte de la comparaison que j’ai faite de ces pièces avec leurs correspondantes dans le g'ÆwVzZ, qu’elles en ont tous les caractères génériques; mais qu’elles en diffèrent par des ca¬ ractères spécifiques analogues à ceux de la mâchoire inférieure. , i.° Ce museau est plus court à proportion que dans le ga¬ vial, comme la partie symphysée de la mâchoire. 2. ° Il est inoins déprimé , plus cylindrique , c’est-à-dire que sa coupe transverse est plus semblable à un cercle. 3. “ Le bout antérieur finit en pointe et ne s’élargit point en spatule comme dans le gavial-^ et il y a quelque différence dans la suture intermaxillaire. 4. ° La base est un peu carénée en dessous , où elle répond à l’é- cbancrure plus avancée de la mâchoire inférieure. Dans le gavial^ elle est tout-à-fait plate. 5. “ La partie frontale surtout montre de grandes différences. On y voit une portion des nasaux, a , la pointe antérieure du frontal, ù,et ce que je nomme lacrymaux internes, c. L’aplatissement de ces derniers montre que le bord antérieur de l’orbite ne se redressoit pas comme dans le gavial ; et l’on voit à leur côté externe une espèce de demi- canal, qui n’est représenté que par une petite échancrure du bord de l’orbite dans le gavial , et par un canal beaucoup moins marqué dans les crocodiles ordinaires. 6. “ Enfin , si l’on place cette partie sur l’endroit de la m⬠choire inférieure auquel il répond par sa largeur, on juge, d’après ce qui reste à couvrir en arrière, que le crâne de cette espèce étoit beaucoup plus long à proportion de son museau que dans le gavial. 23 CROCODILES FOSSILES. Longueur totale du fragment des figures 3 et 4 j pl- U, a l . . . o,236 Largeur au milieu, c d . o,o5o Hauteur . . . o,o35 J’ai encore quelques fragniens de la tête j mais le proprié¬ taire ayant eu l’idée malheureuse de les faire scier et polir en dilféreus sens, ils ne peuvent plus se rejoindre, et il fau- droit des restaurations trop hypothétiques pour les rattacher aux précédens. Il y en a cependant un qui est important : c’est un fragment de la base de la partie symphysée de la mâchoire inférieure, qui diffère assez de sa correspondante dans la mâchoire presque complète, décrite ci-dessus, et qui se rapproche ua peu plus de celle du gcwial , surtout par son aplatissement. Comme il y a des verlebres de deux espèces, ainsi que nous l’allons voir , il se pourroil très-hien que ce fut ici un fragment de la mâchoire de l’une des deux. En effet, un examen attentif des vertèbres m’a montré qu’elles forment deux systèmes, et m’a indiqué l’existence de deux crocodiles différens daus ce banc marneux. Le premier morceau qui se présente (pl. II, fig. g de côté, lig. 10 en dessous, lig. ii en avant), oière Yatlas et Vaxîs soudés ensemble , et personne n’y méconnoîlra les deux premières vertèbres d’un crocodile. U atlas n’a conservé que sa pièce inférieure et une partie des latérales , ô , c, destinées à embrasser lecoudylede l’occiput. Tout ce qui con- tribuoit à former le canal a disparu. IJaæis est plus complet , n’ayant perdu que la partie postérieure de sa pièce annulaire. Il y a déjà dans ce morceau plusieurs caractères c[ui annoncent une espèce particulière j entre autres, le tubercule d de l’axis. CROCODILES FOSSILES. 23 qui fait penser que la fausse côte de celle vertèbre avoit deux télés , comme celles des cervicales suivantes. Dans le crocodile, elle n’en a qu’une qui s’attache au tubercule analogue à e. Mais un caractère plus frappant encore, et qui répond à ceux que nous allons remarquer dans les vertèbres suivantes, c’est que la face postérieure du corps de l’axis est concave, tandis qu’elle est convexe dans tous 'les crocodiles connus. L’existence d’un double système vertébral dans ces bancs s’est annoncée dès ces premières vertèbres cervicales , car j’ai trouvé aussi un autre morceau contenant l’axis et l’atlas, mais avec des proportions différentes. Comme il étoit fort mutilé à Honfleur, et que je l’ai eu beaucoup plus parfait des envi¬ rons d’Angers , je remets à le décrire à l’article suivant. Longueur totale des deux vertèbres, pl. Il, fig. g, i g . 0,074 Hauteur de l’axis, h, i . , . o,o65 Sa longueur propre, e g . . . . 0,062 Un autre grand et beau morceau d’Honfleur , pl. II, fig. 1 2 , offre trois des premières vertèbres dorsales , et sufliroit à lui seul pour démontrer que notre animal a été un crocodile , et un crocodile inconnu. Le genre résulte d’abord de la suture qui joint le corps à la partie annulaire , et qui ne s’observe que dans les crocodiles et les tortues 5 mais l’espèce se distingue aussitôt par beaucoup de caractères. i.°En les plaçant de manière que la facette articulaire qui regarde en dehors soit la postérieure , la face antérieure du corps se trouve convexe et la supérieure concave : ce seroit le contraire dans toutes les vertèbres des crocodiles connus. Cette convexité se rapporte évidemment à la concavité de la face postérieure de l’axis, et annonce qu’au moins une grande CROCODILES FOSSILES. a4 partie de l’épine de notre animal avoit les faces de ses ver¬ tèbres disposées d’une manière contraire à celle des crocodiles ordinaires. 2." L’apophyse transverse naît par quatre cotes saillantes qui lui font une base pyramidale. 3 “ Derrière la facette , qui reçoit la tête de la côte, est une fosse profonde. Ces deux sortes d’inégalités manquent aux cro¬ codiles connus. 4-° Au lieu d’une apophyse épineuse inférieure unique , comme elle se voit dans les crocodiles , nous trouvons ici deux arêtes terminées chacune en avant par un tubercule. Il y a bien parmi les quadrupèdes vivipares des ordres entiers, tels que les rumlnans et les sollpèdes qui ont le corps de leurs vertèbres cervicales convexe en avant 5 mais toutes leurs apophyses sont autrement arrangées. Pour mieux faire saisir les caractères distinctifs de ces ver¬ tèbres, i’en ai représenté une séparée et dans une situation ho¬ rizontale, à demi-grandeur, pl. lî, fig. i3. Longueur du corps, a b ... . . . . o,o85 Hauteur totale, c d . o, i55 Il ne paroît pas au reste que ce crocodile fossile eût, comme ceux d’aujourd’hui, toutes les vertèbres convexes à une face, et concaves à l’autre. La convexité antérieure diminue déjà sensiblement dans un troisième morceau, pl. I, fig. 10, <2, qui est le corps d’une dorsale , analogue à-peu-près à la quatrième de notre croco¬ dile vivant. Sa partie annulaire a été enlevée, mais on voit en¬ core en e, les dents de la suture qui Funissoit au corps. Ou voit aussi eu c, la facette pour la tête de la côte, et derrière CROCODILES FOSSILES. en J, la fosse profonde qui est un des caractères des ver¬ tèbres de notre espèce j mais il n’y a ni arête , ni tubercules inférieurs. Le corps de celte vertèbre, ainsi que des suivantes, est beaucoup plus rétréci dans son milieu que dans les crocodiles connus. Longueur . 0,072 Diepièfre d'une des faces . o,o65 Diamètre du milieu . 0,041 Une autre vertèbre semblable à la précédente, mais qui paroît avoir été placée plus en arrière , attendu que sa facette costale est un peu plus haut , a déjà les deux faces de ^son corps à-peu-près égales et planes. J’en trouve ensuite plusieurs ( par exemple les trois de là Bgure 6, pl. I) qui n’ont plus de facettes costales au corps, et qui appartiennent par conséquent ou aux dernières dor¬ sales ou aux lombaires. Pour décider leur place, il faudroit savoir s’il y a une telle facette à leur apophyse transverse , et celle-ci a été cassée. On voit du moins dans deux d’entre elles, pl. I, fig. 3, qui ont conservé leur partie annulaire, que l’apophyse transverse naissoit aussi d’une pyramide formé par des arêtes saillantes a, b, comme celle des deux premières dorsales que nous avons décrites. Elles appartiennent donc bien sûrement à une même colonne épinière. Celle dernière vient d’un très-grand individu. , Sa longueur est de . • . • . . . 0,090 Le diamètre de ses laces de . o,o83 Celui de son milieu . . . o,o38 Mgis à côté de ce premier système de vertèbres dorsales 4 26 CROCODILES FOSSILES. dans les memes couches, et souvent pêle-mêle dans les mêmes morceaux, s'en trouve un autre très-différent, qui a bien ap¬ partenu aussi à un crocodile , et à un crocodile inconnu , mais qui ne peut avoir été à la même espèce que le précé¬ dent. Les vertèbres qui le composoient n’ont point le corps rétréci au milieu ; leurs apophyses transverses ne naissent point de la réunion de plusieurs arêtes saillantes ; elles res¬ semblent donc en général beaucoup davantage à celles de nos crocodiles vivons i mais leur différence principale, et de nos espèces vivantes et de la première espèce fossile, c’est que les faces de leurs corps ne sont convexes ni l’une ni l’autre, mais toutes les deux légèrement concaves. Du reste, elles ont la suture et toutes les dispositions d’apophyses qui peuvent ca¬ ractériser génériquement des vertèbres de crocodiles. Celle de la planche I , figure 1 1 , répond à la deuxième du, dos des crocodiles vivans , par la position de sa facette cos- laie a, h \ mais elle en diffère par l’absence de toute apophyse épineuse inférieure. Celle de la ligure 4 ? qui répond à la quatrième dorsale de nos espèces vivantes, parce que sa facette costale y, est plus voisine de l’apophyse transverse , manque aussi de cette apo¬ physe épineuse inféi’ieure quelle ^evroit encore avoir dans nos espèces. Celles de la ligure 9 répondent à la sixième ou septième dorsale , et lui ressemblent très-bien par la longueur de leur apophyse transverse , et parce qu’elle porte la facette cos¬ tale sur le milieu de son bord antérieur ; leur seule différence est dans la concavité des deux faces de leur corps. J’ai encore quelques grosses vertèbres lombaires qui appar¬ tiennent au même système, et qui ne diffèrent aussi dedeurs CROCODILES FOSSILES. ■^1 analogues dans nos crocodiles, que par l’absence constante de convexité à leur face postérieure. On va me demander auquel de ces deux systèmes verté¬ braux appartiennent la mâchoire presque complète et les portions de la tête que j’ai décrites d’abord. Il n’est pas possible de donner à cette question une ré¬ ponse entièrement exempte de doute; mais je trouve plus probable qu’elles appartiennent au premier système , attendu que l’autre fragment de mâchoire qui ressemble davantage à celle du gavial doit plutôt appartenir au deuxième. Cepen¬ dant des vertèbres de la deuxième espèce étoient pétries dans le même morceau que la grande mâchoire inférieure, ce qui pour- roit aussi engager à croire quelles venoientdu meme individu. Il me reste à parler des vertèbres du bassin et de la queue. Toutes celles que je possède me semblent aussi se rapporter au deuxième système par le peu de rétrécissement de leur corps (fans son milieu, seul caractère qui reste à employer, puisque les vertèbres du premier système avoienl déjà cessé d’étre convexes en avant, dès le milieu du dos. On reconnoît aisément celles de la queue à la compression de leur partie annulaire et aux deux petites facettes de leur bord postérieur inférieur , pour porter l’os en chevron. Nous en représentons une des antérieures, pl. I, fig. 5, et une des moyennes, fig. 12. L’une et l’autre sont considéra¬ blement moins grêles , moins allongées et moins comprimées que leurs correspondantes dans les crocodiles vivans^ ce qui peut faire présumer que le fossile avoit la queue plus courte à proportion. On trouve aussi dans les morceaux que j’ai sous les yeux plusieurs de ces osselets en chevron , qui s’articulent en des- CROCODILES FOSSILES. a8 SOUS de la queue du crocodile et de plusieurs autres sauriens. Quant aux vertèbres sacrées , je crois en posséder deux que je reconnois à la largeur transversale de leur corps, et à la grosseur des restes de leurs apophyses transverses. Elles sont plus courtes , à proportion de leur largeur , que dans les cro¬ codiles vivans. Je n’ai eu que bien peu d’os des extrémités dans un état reconnoissable. Ils se réduisent à un os des îles mutilé , une partie supérieure à’humérus et un os du carpe. Le premier ne diffère, dans son état actuel de son analogue dans le vivant , que parce qu’il est moins courbé. \j humérus a perdu presque toute sa crête deltoidale , par la maladresse de ceux qui l’ont extrait de la pierre j mais il a d’ailleurs tous les caractères du genre : et comme on l’a scié par en bas , on voit très-bien qu’il n’avoit, non plus que dans nos crocodiles vivans, et en, général dans tons les animaux aquatiques, aucune grande cavité médullaire. L’os du carpe est le radial. Il n’est remarquable que par sa grandeur qui annonceroit un crocodile de près de 3o pieds de longueur. Eu général, ces os viennent d’individus de tailles^ très- dif¬ férentes. L’humérus auroit appartenu à un individu de i8 pieds ; plu¬ sieurs vertèbres en annoncent au moins de cette taille : mais le plus grand nombre étoit au-dessous. Maintenant j’espère que ceux qui auront eu la patience de lire cette longue description, ne penseront plus que l’on puisse expliquer les différences extraordinaires qui distinguent ces deux sortes d’os de ceux du gavial, par ï influence de t âge , de la nourriture , du climat ou du passage à t état de pétri- / CROCODILES FOSSILES. sg Jî cation , ainsi que Ta voulu M. Faujas dans le passage cité au commencement de ce chapitre. Toutes ces causes réunies auroient-elles pu mettre en avant la convexité que les autres crocodiles ont en arrière de leurs vertèbres? auroient-elles pu changer l’origine des apophyses transverses, aplatir les bords des orbites , diminuer le nombre des dents j etc. ? Autant vaudroit dire que toutes nos espèces vivantes viennent les unes des autrés. • Article V. Des ossemens de crocodiles des environs Angers et du ■ Mans. Il paroît qu’il se trouve en plusieurs lieux de France des ossemens de crocodiles , soit de l’une des deux espèces pré¬ cédentes , soit peut-être encore d’uue troisième , car le petit nombre que j’en possède ou dont j’ai les dessins , ne me per¬ met de rien affirmer à l’égard de l’espèce, excepté pour un seul morceau. , Je dois la plupart des dessins à M. Mauny , professeur de botanique au Mans. L’un d’eux représente une portion de mâchoire qui contient six dents entières, coniques, aiguës, striées, légèrement ar¬ quées, portant, en un mot, tous les caractères de celles du gavial J et par conséquent aussi de notre animal d’Honfleurj Elles ont été trouvées dans une pierre calcareo-argileuse , des environs de Ballon à trois lieues du Mans département de la Sartbe. Un autre représente une dent isolée , plus grosse que les précédentes, mais également striée et pourvue des deux arêtes CROCODILES FOSSILES. tranchantes qui distinguent toutes les dents des crocodiles; son émail est teint en noir. Elle est dans une pierre calcaire Manche de la commune de Bernaj ^ même département. J’en possède moi-même une de cette forme et du même pays, qui surpasse en grosseur toutes celles que j’ai vues à des crocodiles vivans , et semble annoncer un individu de 3o pieds au moins. Sa gangue est un calcaire sableux. Quoique cassée aux deux bouts, sa hauteur est encore de 0,07 ; le dia¬ mètre de sa base de o,o35. Les stries de son côté concave sont remarquables par leur saillie tranchante et leur nombre de quinze ou seize. Du côté convexe , il n'y en a au contraire que trois très-écartées. L'émail est teint en brun-noirâtre. Les dessins de M. Mauny présentent encore deux vertèbres lombaires , d’une carrière de pierre calcaire de Chaufour , près do Mans. M. Renault , professeur d’histoire naturelle à Alençon , m’a fait remettre un morceau qui contient un atlas et un axis soudés ensemble. J’ai promptement reconnu que c’éloit le même que mou deuxième morceau de ce genre ^ Honjleur. II n’est donc pas douteux qu’il n’appartienne à l’une des deux espèces dé¬ couvertes en ce lieu , quoiqu’il soit à-peu-près impossible de dire à laquelle. Cette pièce a toujours le mérite d’apprendre que l’une des deux espèces Ôl Honfleur se trouve aussi eu d’autres lieux de France, et il est fâcheux qu’on n’ait point de détails précis sur la couche où elle a été trouvée, Nous la représentons, pl. I, Gg. 7 et 8. En la comparant avec le premier morceau analogue Ôl Honfleur ^ pl. II, Gg. g, lo et II, on verra que l’axis y est plus long à proportion; qu’au lieu d’une seule carène en dessous, il y a une face CROCODILES FOSSILES. longue et piale qui fait de son corps un prisme quadr angu¬ laire, etc. Longueur totale des deux vertèbres . . o,ogë Longueur particulière de l’axis . 0,067 Hauteur totale de l'axis . . • 0,078 Article VI. D’une portion de squelette de crocodile trouvée en Angle~ terre , et décrite par Stukely. L’estimable anatomiste , J'Villiam Stukelj, a fait connoîlre dans le trentième volume des Transactions philosophiques ^ p. 963, une empreinte de squelette qui fut trouvée k Elston ^ près de JYewark, dans le comté de Nottingham. La pierre qui le portoit avoit servi long-temps près d’un puits à poser les vases de ceux qui venoit chercher de l’eau j l’empreinte, qui étoit en dessous, fut aperçue un jour qu’on retourna la pierre par hasard. C’éloit une pierre argileuse , bleuâtre , qui venoit probablement des carrières de Fulbeck^ lesquelles appartiennent au penchant occidental de la longue chaîne de collines qui s’étend dans tout le comté de Lin¬ coln^ et récèle beaucoup de coquillages, et même des pois¬ sons. Comme à l’ordinaire, on jugea ce squelette humain; mais Stukely s’aperçut bien vite du contraire , et le déclara d’un crocodile ou d’un marsouin. Sa première conjecture étoit cependant seule plausible , puisqu’on voit des restes de bassin qu’un marsouin n’auroit 32 CROCODILES FOSSILES. pas eus; aussi les descripteiu’s de fossiles, comme Walch et autres , parlent-ils de ce morceau à l’article du crocodile. Je l’ai examiné avec d’autant plus de soin, que les carrières qui doivent l’avoir fourni semblent avoir plusieurs rapport avec celles dont on a véritablement tiré des animaux de ce genre. On y voit une portion de l’épine qui contient seize ver¬ tèbres , dont les apophyses épineuses sont carrées et à-peu- près égales ; les six antérieures portent de grandes côtes. Il y a de plus en avant les fragmens de trois côtes qui tenoient à des vertèbres que la cassure de la pierre a fait perdre ; tout ce qui éto i au-devant est également perdu. Les cinq vertèbres qui suivent celles qui portoient des côtes, paroissent n’avoir que de grandes apophyses transverses; les quatre suivantes n’en ont que de petites. L’os des îles vient après la dernière de ces quatre, qui est la seizième en tout; mais il est difficile de dire s’il n’a pas été déplacé, et l’on peut très-bien croire qu’il éloit derrière la cinquième des vertèbres à grandes apophyses transverses, qui seroient alors les ver¬ tèbres lombaires. Viennent ensuite douze traces qui semblent avoir été les vestiges d’une partie des vertèbres de la queue. Sur les côtés, sont deux os pubis de même forme que dans le crocodile , et près de celui du côté gauche , deux empreintes larges et courtes qu’on ne peut reconnoitre. A côté des côtes sont aussi de petits stilets osseux qui peu¬ vent venir des os en chevron de la queue. Tous ces caractères appartiennent aux crocodiles lesfoi’mes des apophyses épineuses, des os des îles et des pubis leui;sont même exclusivement propres. Ainsi nul doute que cet animal n’eu ait été un ; mais sa tête étant perdue , et les vertèbres n’ayant CaOCODILES FOSSILES. pas ëlé décrites avec assez de soin, l’on ne peut déterminer son espèce. Au reste , c’ëtoit un individu de taille médiocre; car les seize vertèbres entières n’occupent pas une longueur de 2 pieds anglais. Article VII. Du squelette de crocodile trouvé au bord de la mer près de Whitby dans le comté ifYorck, et décrit par Chap¬ man et Wooller (1). Ce qui m’a fait d’abord mettre en doute l’assertion de Camper sur cet animal , c’est la ressemblance de son gise¬ ment avec celui de mes crocodiles à’ Honjleur. Il ëtoit à un demi-mille de TVhitbj^snr le rivage même , dans un schiste noirâtre , appelé Roche alumineuse , ( sans doute parce qu’il contient de la pyrite) et qui peut s’enlever en feuilles. On y voit des cornes d’ammon dont l’intérieur est rempli de concrétions spalhiques. La marée haute recouvroit chaque fois ce squelette de cinq ou six pieds d’eau, et jetoit sur lui du sable et des galets qui l’avoient fort endommagé. Comme il n’étoit qu’à quelques verges du pied d’une falaise très-élevée , que la mer mine sans cesse, il n’y a point de doute qu’il n’ait été autrefois recouvert de toute l’épaisseur de cette falaise. Quand on le dessina , une partie des vertèbres et les os les plus minces de la tête avoient déjà été enlevés par la mer ou par les curieux; on en fit un (i) Transact, phil. tome L, p. 688 et 786, pl. XXII et XXX. CROCODILES FOSSILES. 34 dessin sur place, et on détacha ensuite les os, le in^eux qu’on put , non sans en briser plusieurs. Ils doivent être maintenant dans les cabinets de la Société royale. Le dessin montre une colonne épinière contournée , longue en tout de 9 pieds anglais , mais qui n’est peut-être pas com¬ plète , et une tête un peu déplacée , longue de 2 pieds 9 pouces. Il ne reste en place que douze vertèbres de la queue , et une série de dix autres vertèbres qui paroissent avoir formé les lombes ^ le sacrum et la base de la queue\ celles du com, du dos et du milieu de la queue n’ont laissé que leur empreinte; mais il est impossible que l’espace que ces dernières occupoient ait sulfi à plus de huit , en sorte que la queue n’auroit eu que vingt-deux ou vingt-trois vertèbres environ , si elle n’étoit pas tronquée au bout. Par une raison semblable , on doit croire que cette colonne épinière n’étoit pas complète en avant , quand elle a été incrustée dans la pierre; car il n’y a pas, à beaucoup près , la place nécessaire pour le nombre des ver¬ tèbres ordinaires aux crocodiles. La tête est renversée, présentant sa face inférieure. On voit en arrière le condyle occipital; aux deux côtés, les arcades zygomatiques qui se terminent en arrière , comme dans tous les crocodiles , en deux larges condyles pour la mâchoire in¬ férieure, lesquels sont placés sur la même ligne transverse que le condyle occipital. Le crâne n’occupoit qu’un espace étroit, et l’intervalle entre lui et les arcades n’étoit garni que de lamelles très-minces, venant sans doute des lames ptérygoïdiennes. En avant, la tête se rétrécit non subitement, mais par degrés, CROCODILES FOSSILES. 35 comme dans le crocodile à^Altorf^ et probablement dans celui ^Honfleur , en un museau pointu qui étoit recouvert en certains endroits par des restes de la mcàcboire inférieure. A ces endroits - là ; on voyoit dans les deux mâchoires de grandes dents pointues, placées alternaliveTiient et se croisant étroitement ; mais à ceux où la mâchoire inférieure avoit été emportée , les dents de la supérieure étoieul aussi enlevées , et l’on ne voyoit que leurs alvéoles profonds, et placés aux memes distances respectives que les dents elles-mêmes, c’est- à-dire, à trois quarts de pouce. \ers la pointe, il y avoit des défenses plus fortes que les autres ( large fcwgs ). L’émail de ces dents étoit bien poli. Les vertèbres paroissent avoir été placées sur le côté; nous en avons donné le nombre ci-dessus. Chacune d’elles avoit 3 pouces anglais de long; elles n’ont pas été décrites particulière¬ ment, et il est impossible de juger par la gravure à lac{uelle de nos deux espèces (ï Ilonjleur elles resserabloient davantage. Auprès de l’endroit où devoit être le bassin, l’on trouva, en creusant la pierre , une portion de l’os fémur, longue de 3 à 4 pouces; mais il n’y avoit que très-peu de chose de la partie des os innominés à laquelle ce fémur s’arliculoit. Quelques frag- mens de côtes se trouvoient aussi auprès des vertèbres dor¬ sales. Des témoins dignes de foi qui avoient vu ce squelette avant que la mer l’eùt autant altéré , assurèrent Chapmann qu’ils y avoient aussi oLservé des vestiges d’extrémités antérieures. Cette description , tirée en partie du Mémoire de Chap¬ mann et de celui de WooUer^ et en partie de leurs deux fi¬ gures, est plus que suffisante pour démontrer le genre de ce squelette et la figure de la tête; elle suffit même pour rendre 36 CROCODILES FOSSILES. son identité d’espèce ^ avec notre tête d’Honfleur , extrêmement vraisemblable. Ce qu’il y a de plus étonnant, c’est que d’habiles gens s’y soient trompés. Camper sans doute ne se souvenoit plus de tontes les cir¬ constances énoncées dans les descriptions , lorsqu’il prononça que c’étoit une baleine ; car la seule présence des dents aux deux mâchoires suffisoit pour réfuter son assertion , puisque les baleines n’ont aucunes dents. Anssi cet habile anatomiste ne donne-t-il aucune raison de son opinion, et l’exprime sim¬ plement en passant. M. Fanjas s’est expliqué avec plus de détails , et a voulu motiver le nom de physeter qu’il donne à ce squelette. « Cet animal^ dit-il, n' ayant point d apophyses aux vertèbres^ » et étant sans bras et sans jambes , ne sauroit être un » CROCODILE, MAIS UN fEYSETER (i). » Mais l’extrémc fatalité qui semble avoir poursuivi ce savant géologiste dans toute celte matière des crocodiles , l’a fait pécher ici dans tous les sens possibles. 1. ” Cet animal avoit des apophyses aux vertèbres, des bras et des jambes, selon le rapport exprès de Chapmann et de TV ooller. 2. “ Quand même il n’auroit pas eu d’apophyses ni de bras, ce n’auroit pas été une raison pour qu’il fût un pliyseter ; car les physeters en ont^ç’auroit au contraire été une raison de plus pour qu’il n’en fut pas un. (i) Essais de géologie I, p. 160. CROCODILES FOSSILES. h 3° D’ailleurs la présence des dents aux deux mâchoires ne permettoit nullement de le nommer phjseter, puisque le ca¬ ractère des phjseters ou cachalots est de n’eu avoir qu’à la mâchoire inférieure. 4.° Enfin la présence d’un fémur et d’une portion de bassin l’exclut entièrement de l’ordre des cétacés , qui n’ont que de forts petits vestiges de pubis, et le reporte nécessairement parmi les crocodiles. CONCLUSION. De toutes ces recherches, il résulte: 1. ° Que les bancs de marne endurcie, grisâtre et pyriteuse placés au pied des falaises d’Honfleur et du Havre, récèlent les osseraens de deux espèces de crocodiles voisines l’une et l’autre du gavial, mais toutes deux inconnues. 2. ° Que l’une des deux au moins se trouve en d’autres' lieux de France, comme à Alençon et ailleurs, 3. ° Que le squelette découvert par la mer au pied des falaises de FFhitbj^ dans un schiste pyriteux, étoit aussi d’un croco¬ dile , et probablement de l’une des deux espèces d’Honfleur , celle dont on a la mâchoire entière. 4. ° Que les portions de têtes du Vicenlin paroissent aussi appartenir à la même espèce. 5. ° Que les têtes et fragmens de têtes ôiAltorf sont aussi incontestablement d’un crocodile différent du gavial , quoique voisin, mais que la longueur du museau ne permet pas de les rapporter à celui dont nous avons la mâchoire à Honfleur. Peut-être est-ce l’autre espèce de ce lieu. 6 38 CROCODILES FOSSILES. 6. ° Le squelette décrit par Stukely esi un crocodile aussi , mais d’une espèce indéterminable. 7. ° Les prétendus crocodiles trouvés avec des poissons dans les schistes pyriteux de la 2'liurwge , sont des reptiles du genre des vionitors. 8. ” Enlin, tous ces quadrupèdes ovipares fossiles appar¬ tiennent à des couches très-anciennes parmi les secondaires , et bien antérieures même aux couches pierreuses régulières qui récèlent des ossemensde quadrupèdes de genres inconnus, tels que les palœothej'iums et les anoplotherùuns ; ce qui n’em- péche pas qu’on ne trouve aussi avec ces derniers quelques vestiges de crocodiles , comme nous le disons dans l’histoire des couches gypseuses de nos environs. Empreinte- (/e E^tf/ienùonnj ■ C7W(^OJ)/fÆS T ().SS/LJ:S . PL . / uri/Zar//- f/^/ r/e/ /'ûssi/<’,s- . /"'/ .// . Ca/ii/ SUR LE GRAND ANIMAL FOSSILE DES CARRIÈRES DE MAESTRICHT J’ai traité dans le chapitre précédent de la plupart des ani¬ maux fossiles qui ont été considérés à tort ou à droit comme des crocodiles. Il me reste à parler du plus célèbre , du plus gigantesque de tous, et de celui qui a occasioné le plus de controverses, ayant été pris tantôt pour un crocodile tantôt pour un saurien de quelque autre genre, tantôt enfin pour un cétacé ou pour un poisson. On n’en a découvert jusqu’ici les ossemens que dans un seul canton assez peu étendu , dans les collines dont le côté gauche ou occidental de la vallée de la Meuse est bordé aux environs de Maestriclit et principalement dans celle qui porte le fort Saint-Pierre près de cette ville, et qui forme un cap entre la Meuse et le ruisseau du Jaar. Leur gangue est une pierre calcaire très-tendre , dont beaucoup de parties se réduisent aisément en poussière , et I 2 ANIMAL DE MAESTRICHT. s’envoient en Hollande où on niéle celte poussière au ter¬ reau destiné pour la culture des fleurs. D’autres portions de celle pierre sont assez dures pour fournir des moëllons propres à bâtir , et ces deux usages en ayant fort étendu l’exploi¬ tation , les carrières en sont aujourd’hui très- va" les. Celles du fort Saint-Pierre ont environ 25 pieds de haut 5 le massif calcaire au-dessus d’elles -a été trouvé de 2 1 1 pieds , et l’on a creusé à 2i3 au-dessous, sans découvrir d’autre pierre. Tout est de meme nature, à l’exception de 16 pieds environ d’argile ou de terre végétale qui couronnent la colline. Ce massif calcaire a donc au moins 449 d’épaisseur; on y trouve en beaucoup d’endroits des rognons de silex; et ce qui achève de montrer qu’il appartient à la formation crayeuse , c’est que la pieri’e se change par degrés en une véritable craie , quand on remonte à quelques lieues la vallée de la Meuse ; elle contient d’ailleurs les mêmes fossiles que nos craies de Meudon et des autres environs de Paris ; savoir, des dents de squales, des gryphites, des échinites, des hé- lemnites et des ammonites. Toutes ces coquilles se trouvent avec les os dans les parties inférieures de la masse qui sont aussi les plus tendres ; les parties supéi’ieures sont plus dures , et contiennent plus de madrépores, aussi n’a-t-on de ces der¬ niers que lorsqu’il s’éboule quelques fragmens du haut de la montagne. Il y en a plusieurs de changés en silex. Je dois cette description à l’amitié de M. le docteur Gehler de Léipzig, qui la lient lui-même de M. Minkelers ^ phar¬ macien à Maestrichtj autrefois professeur à l’école centrale de la Meuse-Inférieure , et très-habile chimiste et naturaliste. On s’étonnera sans doute de la trouver si différente de celle. AîflMAL DE MAESTExICHT. 3 que présente \ Histoire naturelle de la montagne de Saint- Pierre , par M. Faujas , p, 4o > mais il paroît que mon sa¬ vant collègue n’a connu la composition intérieure de la mon¬ tagne que par une excavation qu’une mine avoit produite pen¬ dant le siège , et où tout étoit bouleversé; au lieu que la des¬ cription de M. Minkelers résulte de fouilles régulières faites sous les ordres des ingénieurs françois, pour les travaux des fortifications. M. Faujas n’a pas non plus exactement assigné la nature de la pierre , car il l’appelle ( p. [\i) y un grès quartzeux à grain fin , faiblement lié par un gluten calcaire peu dur. M. Loisel., associé de l’Institut, qui a été long-temps préfet de la Meuse-Inférieure , m’ayant assuré quelle étoit entière¬ ment calcaire, j’en ai fait l’expérience qui étoit d’autant plus aisée, que mous en avons ici de nombreux échantillons. En effet tout s’est dissout dans les acides ; à peine est-il resté un peu de poudre siliceuse ; la plupart des pierres calcaires et des craies de nos environs en laisseroient davantage. Les produits multipliés de la mer, dont cette pierre est remplie, sont généralement très-bien conservés, quoiqu’ils soient rarement pétrifiés , mais que la plupart aient seulement perdu une partie de leur substance animale. Les plus volumineux de tous ces objets, et ceux qui parleur forme extraordinaire ont dû frapper de préférence les yeux des ouvriers , et s’attirer davantage l’attention des curieux , ce sont les os de l’animal que nous allons examiner. Il ne paroît pas cependant qu’on s’en soit beaucoup occupé avant l’année 1766, qu’un officier nommé Drouin commença. à s’en faire une collection qui a passé depuis au Muséum 4 ANIMAL DE MAESTRICIIT. Tejléfien a. Harlem. Le chirurgien de la garnison, nommé Hofmann , marcha sur les traces de Drouin, et acquit un certain nombre de morceaux qui furent achetés aj)rès sa mort , arrivée en 1782, par THIustre Pierre Camper., lequel lit hommage de quelques-uns au Muséum britauuique. Cependant la plus belle des pièces recueillies par Hofmann^ qui étoit une tête presque entière trouvée en 1780, lui fut enlevée en vertu de je ne sais quels droits du chapilre de Maes- tricht , et passa dans les mains du doyen de ce chapilre , nommé Goddin., lequel, à l’époque de la prise de la ville par l’armée françoise, céda ce morceau pour le Muséum d’histoire natu¬ relle, où il est encore aujourd’hui conservé avec plusieurs autres. Les carrières creusées sous le fort Saint-Pierre de Maes- tricht, sont celles qui ont fourni le plus grand nombre de' ces- objets intéressans 5 mais on en trouve aussi dans toutes les autres collines, et dans ces derniers temps, le village de Seichem., placé à deux lieues au nord-ouest de la ville, en a donné un assez grand nombre, et entre autres plusieurs séries de vertèbres qui ont été aussi apportées au Muséum par les ordres de M. Loisel. Elles y avoient été précédées d’un excel¬ lent Mémoire de M. Minkelers , et de dessins aussi exacts qu’élégans, faits par M. Hermans., son collègue. Tels seront les principaux matériaux que j’emploierai dans mes recherches. Je ne manquerai pas non plus de secours littéraires. Cinq auteurs ont traité avant moi de ce sujet curieux. Le premier fut Pierre Camper qui poita sur les os de Maestricht cette même curiosité ardente, ce même coup- ANIMAL DE MAESTRICHT. 5 d’ceil rapide qui lui ont donné matière à tant d’aperçus brillans , mais qui ne lui ont presque laissé approfondir aucun des sujets qu’d a si heureusement effleurés. Dans un Mémoire imprimé parmi les Transactions phi¬ losophiques , en 1786, il déclara que ces os venoient de quel¬ que cétacé. M. V anmarum vint ensuite et décrivit les objets du cabinet de Tejler , dans les Mémoires de la société qui porte aussi le nom de ce généreux bienfaiteur des sciences ^ année 1790. Il adopta entièrement l’opinion de son maître Camper. Cependant les premiers collecteurs Hofmann et Drouin s’étoient figuré que leur animal devoit être un crocodile ^ et leur idée s’étoit répandue à Maeslricht et ailleurs. Camper ne put les faire revenir à la sienne. ^l.Faujas., qui, en sa qualité de commissaire pour les sciences dans la Belgi(jue , à la suite de l’armée du Nord , avoit contribué à procurer au Muséum les pièces de la col¬ lection de Godd n , et quelques autres qu’il recueillit pendant sou séjour à Maestricht, commença , bientôt après son retour, à publier par livraisons un ouvx^^e \nV\\.\)\ê\ Histoire naturelle de la montagne de Saint- Pierre où il fit graver de tres- belles figures de tous ces objets. Il s'y attacha aux idées en vogue à Maestricht, et y donna constamment à notre ani¬ mal le titre de crocodile. Mais avant que sou livre fut entièrement terminé, Camper digne fils d’un grand anatomiste (1), examinant de nouveau les pièces laissées parson père, se convainquit qu’elles ne venoient ni d’un cétacé m d’un poisson, ni d’un croco- (ij Journal de physique, vendémiaire an IX. 6 ANIMAL DE MAESTRICHT. dile^ mais bien d’un genre particulier de reptile saurien qui a des rapports avec les sauvegardes ou monitors ( i ) , et d’autres avec les iguanes. Toutefois M. F au j as continua d’appeler cet animal cro¬ codile de Maestriclit , et ménie il annonça quelque temps après que « M. Adrien Camper s’étoit rangé de son opi- » nion [i) , » quoiqu’il y ait bien loin du crocodile à X iguane ou au tupinambis ) cav ces trois animaux, placés Linnceus el par Gmelin sous le genre lacerta , diffèrent plus entre eux par les os , par les dents , par les viscères de la déglutition , de la digestion et delà génération, que le singe du chat, ou Xéléphant du cheval. Nous allons prouver aujourd’hui que M. Adrien Camper est le seul qui ait réellement saisi les caractères de cet ani¬ mal, et en même temps nous allons donner une description aussi complète qu’il nous sera possible de l’ostéologie de ce monstrueux reptile : description que le grand ouvrage sur la montagne de Saint-Pierre n’a point rendue superflue j car on n’y donne que des figures et quelques dimensions, sans au¬ cune comparaison , ni rien qu’on puisse appeler osléolo- gique. Mais avant de développer notre sentiment, qui est parfaite¬ ment conforme à celui de M. Adrien Camper il est conve¬ nable d’examiner en peu de mots les raisons sur lesquelles s’appuient les sentimens opposés. (1) L’animal que M. Camper appelle dragonne dans sa dissertation, et qui est ea effet le lacerta dracœna de Lin. , est du genre monitorj e’est même très-proba¬ blement le monitor d'eau d'Egfpte , ouaran des Arabes , et le lacerta nilotica de Lin. (2) Essais de géologie, I,p. 168. ANIMxiL DE MAESTRICHT. 7 Celles de Pierre Camper {i) sont au nombre de sept dont voici l’exposé fidèle. 1. ® Tous les objets qui accompagnent les os de Maeslricht sont marins et nonflwiatiles. 2. ° Les os sont polis et non rudes. 3° La mâchoire inférieure a en dehors plusieurs trous pour T issue des nerfs, comme celle des dauphins et des ca-- chalots. l\° La racine des dents est solide et non pas creuse. 5. ° Il J a des dents dans le palais, ce qu’on voit dans plusieurs poissons , mais non pas dans le crocodile. 6. ° Les vert 'ehres nont point de suture qui sépare leur partie annulaire de leur corps , comme il j en a toujours dans les crocodiles. q.° Il J a des différences entre les phalanges et les côtes fossiles et celles des crocodiles. Ces raisons , excepté la première qui n’est pas de grande valeur , prouvent en effet d’une manière démonstrative que l’animal en question n’est pas un crocodile j mais aucune ne prouve que ce soit un cétacé plutôt qu’un reptile-, car plu¬ sieurs reptiles , et notamment les monitors et les iguanes ont les os polis , des trous nombreux à la mâchoire inférieure, la racine des dents osseuse et solide, et des vertèbres sans suture. Il y a plus : le cinquième caractère, celui des dents dans le palais, démontreroit à lui seul que ce n’est ni un croco- dile, ni un cétacé-, ni les uns ni les autres n’ont des dents au palais, et Camper a été induit à employer ce motif, parce (i) Voyez les Trans. phii. pour 1786 , vol. LXXVI , p. 4^3 et suiv. et dans la traduction françoise des Œuvres de Camper , tome I , p. 357. ANIMAL DE MAESTÎIICHT. qu’il confoncloil alors les cétacés sous le nom et Tldée com-» mune de poissons avec les poissons à branchies , dont plu¬ sieurs ont en effet ce caractère. Peut-être ni’opposera-t-on le cétacé appelé hutskopf y dont M. de Lacépède a fait son genre hjperoodon \ mais on ne connoît la dentition de cet animal que sur le rapport d’un officier de marine ôi Honjleiir , nommé Baussard ^ qui n’étoit. point naturaliste, et dont voici les termes: « Il n' avait (le jeune) (i) ni ouies ^ ni barbes ^ ni dents. >) Le dedans de la mâchoire supérieure et le palais sont w garnis de petites pointes dures et aiguës dune demi- ligne . » d' élévation et un peu inégales. » Et plus loin , en parlant de la mère. (2) « Le museau était aussi sans dents à tune » et r autre mâchoire ; le dedans de la mâchoire inférieure ») et le palais étaient garnis de petites pointes mais plus » longues et plus fortes que celles dii jeune. » On voit qu’il s’agit là de pointes cartilagineuses ou cornées, adhérentes à la peau du palais , comme dans ce quadrupède épineux de la Nouvelle-Hollande que j’ai appelé échidné (or- nithorhjnchus histrix de Home, de Sliaw, etc.) , et non pas de véritables dents implantées dans les os palatins , et c’est aussi avec \ échidné que M. de Lacépède compare à cet égard son Jvyperoodoni Nous trouverons d’ailleurs par la suite une infinité d’autres raisons pour enlever notre animal à la classe des cétacés, et M,. Adrien Camper en a déjà indiqué plusieurs. Pierre Camper avoit donc inal placé son animal, mais il (j) Journal de physique , mars 1789 , tome SXXIV , p. 2.02. (2) Ih. 2o3, ANIMAL DE MAESTRICHT. 9 eembloît avoir très-bien prouvé qae Hofmann ^ Drouin et Goddin n’avoient pas été plus heureux que lui, et puisque M. Faujas vouloit soutenir l’opinion de ces habilans de Maes- tricht, on auroit dû s’attendre qu’il chercberoit à réfuter les argumens contraires de Camper ^ et à fournir de nouveaux argumens favorables. Or il ne dit pas un seul mot qui tende à renverser les pre¬ miers, qu’il ne rapporte même pas ;et quant aux seconds, j’ai eu beau lire et relire son grand ouvrage sur la montagne de Saint-Pierre et ses Essais de Géologie , je n’ai jamais pu y en trouver qu’un seul qu’il n’a développé nulle part , quoiqu’il le rappelle en beaucoup d’endroits, et qu’il semble y mettre beaucoup de conbance. « E illustré Camper , dit-il ( i ) , s'appujoit sur le système r particulier des dents de ï animal dont il est ici question , » pour soutenir quil ne poiwoit pas être de la famille des » crocodiles. La confoimation de ces mêmes dents nous ser~ >î vira a nous d indice pour regarder au contraire l animal J) de Maestricht , comme plus rapproché des crocodiles que )) des physeters. » Et il représente en effet sur deux planches différentes les dents des crocodiles et celles de cet animal , pour faire saisir leur ressemblance. « Un fait des plus remarquables et des plus instructifs , » dit-il ailleurs (2) , est celui qui a rapport à la structure des » dents. — On reconnut en tirant quelques-unes des dents n de cet amphibie ( le crocodile ) , que d autres petites dents (1) Montagne de Saint-Pierre, p. yS. (2) Essai* de géologie, I, i4&et 147? 2 ÎO ANIMAL DE MAESTRICIIT. » se montroîent dans le fond de s alvéoles. Ce caractère qui » m’« été si utile pour déterminer dans quelle classe il fal- » loit ranger l animal inconnu de Maestricht ^eic. » Voilà le seul et unique motif apporté par M. Faujas pour soutenir l’opinion deshabilans de Maeslricbl. Or , j’ose alïinner que la dentition de cet animal 'n’a rien du tout qui soit propre au crocodile'., que tout ce quelle a de commun avec cet amphibie, lui est aussi commun avec u e iulinité de poissons et de reptiles 5 enfin qu’elle a plusieurs choses que le crocodile n’a point, et qui distingueroient par conséijuent à elles seules notre animal de cet amphibie, quand même on ne trouveroit pas encore entre eux toutes les différences alléguées par les deux Camper, et la foule de celles que nous y ajouterons. ]N ous avons vu, dans notre ostéologie du crocodile , que dans cet animal la dent en place reste toujours creuse ; qu’elle ne se fixe jamais à l’os de la mâchoire, mais y re te seulement em¬ boîtée J que la dent de remplacement naît dans le même al¬ véole j que souvent elle pénètre dans le creux de la dent en place, et la fait éclater et tomber , etc. U animal de Maestricht , au contraire, n’a les dents creuses que pendant qu’elles croissent, comme le sont alors celles de tous les animaux; elles se remplissent à la longue, et on les trouve le plus souvent entièrement solides; elles finissent par se fixer à la mâchoire au moyen d’un corps vraiment osseux et fibreux très-différent de leur propre substance, quoiqu’il s’y unisse fort intimément ; la dent de remplacement naît dans un alvéole particulier qui se forme en meme temps qu’elle ; elle perce tantôt à côté, tantôt au travers du corps osseux qui porte la dent en place; eu grandissant, elle finit par détacher ce corps de la mâchoire avec laquelle il étoiî AîflMAL DE MAESTRICHT. ïï organiquement lié par des vaisseaux et par des nerfs; il tombe alors par une espèce de nécrose , comme le bois du cerf, et fait tomber avec lui la dent qu’il portoit ; petit à petit la dent de remplacement et sou corps improprement appelé sa racine osseuse, occupent la place que l’ancienne dent a quittée, etc. Mes lecteurs pourroient voir la plus grande partie de ces différences dans les planches memes de l’ouvrage de M, Faujas. Celle de l’existence d’une racine solide, osseuse et bbreuse, liée organiquement à la mâchoire, au côté ou dans l’épaisseur de laquelle s’ouvre quelquefois l’alvéole de la dent de rempla¬ cement , y est surtout très-frappante. Pierre Camper^ qui s’étoit fort bien aperçu de ce mode de dentition , n’avoit garde de le comparer à celui du crocodile. Il paroît même qu’il en fut extrêmement frappé. « La dentition est si singidière, dit-il , dans ces mâ- K choires fossiles , quelle mérite une description particu- » Hère (i). — Une petite dent secondaire est formée tout-à- f) la-fois avec son émail et sa racine solide dans la subs- >x, tance osseuse de la dent temporaire. — En continuant à » croître , elle semble former par degrés une cavité suffi- » santé dans la racine osseuse de la dent primitive ,, mais V il m'est impossible de décider ce quelle devient ensuite , R ni de quelle manière elle tombe (2). Tout l’embarras de cet habile homme venoit de ce qu’il n’avoit pas étudié la dentition des poissons osseux., ni celle des monitors et de plusieurs autres reptiles sauriens ou ophi¬ diens : car elle est la même que dans notre animal. (1) ÇEuvres de Camper, trad. franç. , I, 366. (2) ib. 567. IS ANIMAL DE MAESTRICHT. J^ai déjà exposé l’histoire de celle dentition dans mes Leçons d anatomie comparée ^ III, iii, ii3, etc.; mais j’y ai aussi commis l’erreur d’appeler racine cette partie celluleuse et osseuse qui s’unit à l’os maxillaire. J’ai reconnu depuis que c’est simplement le noyau de la dent qui , au lieu de rester pulpeux comme dans les quadrupèdes , jusqu’à ce qu’il se dé¬ truise, s’ossifie et fait corps avec son alvéole. La dent n’a point de vraie racine , mais elle adhère fortement à ce noyau qui l’a sécrétée , et elle y est encore retenue par le reste de la capsule qui avoit fourni l’émail, et qui en s’ossidant aussi et en s’unissant et à l’os maxillaire et au noyau devenu osseux, enchâsse ou sertit la dent avec une nouvelle force. On conçoit très-bien que ce noyau identifié avec l’os maxillaire puisse subir les mêmes changemens que lui ; que l’alvéole de la dent de remplacement puisse pénétrer sa solidité ; que la compres¬ sion puisse le détacher, soit en le cassant, soit en oblitérant les vaisseaux qui le nourrissent; en un mot, qu’il soit exposé à des révolutions analogues , comme je l’ai dit , à celles du bois des cerfs, mais très-différentes de celles qu’éprouve la deijkt qui est toujours un corps mort et devenu étranger à l’animal qui l’a sécrété , ainsi que je l’ai démontré après Hunier^ dans mon chapitre sur les éléphans vivans et fossiles. Les cétacés n’offrent rien de semblable, non plus que les crocodiles les dents des cétacés se remplissent, il est vrai, avec l’âge, et deviennent solides; mais loin d’adhérer à l’al¬ véole par une pièce osseuse intermédiaire , elles n’y sont que foiblement retenues par la substance fibreuse de la gencive , une fois qu’elles sont remplies de la substance de l’ivoire , et que leur noyau pulpeux s’est oblitéré. On ne peut donc hésiter sur la place de notre animal , ANIMAL DE MAESTRICHT. i3 qu^entre les poissons osseux et les iguanes et tupinamhis^ ou monitoTS. Un examen attentif de ses mâchoires mettra bientôt fin à ce doute , en meme temps qu’il confirmera l’ex¬ clusion donnée aux cétacés et aux crocodiles. Pour y procéder plus facilement , nous avons encore fait dessiner et graver , tig. i , la grande tête de notre Muséum , qui l’a déjà été si souvent, mais toujours assez incorrecte¬ ment et sans explication ostéologique (i). Cette tête, un peu en désordre, présente, 1. ® le côté gauche de la mâchoire inférieure bien entier , et vu à sa face externe, a b ; 2. ® Le côté droit, vu à sa face interne,, c d , dont la partie postérieure, un peu masquée par les palatins, se continue jus¬ qu’en e ; 3. ® L’os maxillaire supérieur droit , vu par sa face interne et par le palais, conservant à-peu-près sa situation naturelle relativement au précédent ; 4. ° Un fragment de celui du côté gauche, déplacé et tombé sur la mâchoire inférieure A , ï 5 (j) Il y en a une gravure grossière dans les Dons de la nature, par Buchoz , pl. § Une autre, qui ne l’est guère moins, dans le Magasin encjf'clopédique , première année , tome VI , p. 3^. Une troisième , où elle est représentée à rebours, Hist. de la mont, de Saint- Pierre, pl. IV. Une quatrième, très-belle, d'après Maréchal, mais mal terminée dans le haut, ii. pl. LI. Une cinquième , qui n’est que la réduction de la précédente. Essais de géol., J, pl. Vlll his. Enfin M. Vanmdrum donne les os palatins séparés , Mém.de la soc. Teylérienne, an 1790, pl. II, et M. Adrien Camper, la partie postérieure de la mâchoire infé¬ rieure , -Jour/i. de phys. , vendémiaire an 9, pl. II , fig. 4* 4 AKIMAL DE M AESTHICHT. 5.° et 6° Les deux os palatins , A, /, et A', A, m' o, dé¬ placés et jetés l’im sur l’autre , et sur la partie droite de la inâclioire inférieure. Il y a encore dans le morceau original une pièce osseuse fracturée , posée de m vers et une autre en <7, que j’ai fait omettre dans le dessin , parce qu’elles sont mutilées et indé¬ chiffrables , et qu’elles masquent les pièces instructives. La mâchoire inférieure nous montre d’abord quatorze dents de chaque côté, toutes conformées, ainsi que nous l’avons dit, à la manière de celles des monitors ", mais les monitors n’en ont que onze ou douze j les crocodiles en ont quinze , mais très-inégales : celles-ci sont égales ou à-peu-près. On y voit des trous grands et assez réguliers , au nombre de dix à douze. Il y en six à sept dans les monitors-, les cro¬ codiles en ont une infinité de petits et d’irréguliers ; un dau¬ phin n’en auroit que deux ou trois vers le bout. Il y a en une apophyse coronoide relevée , obtuse , dont le bord antérieur est élargi comme dans les monitors. Aucun crocodile n’a rien de semblable : celle du dauphin est beau¬ coup plus petite et plus en arrière : dans Y iguane elle seroit plus pointue. La facette articulaire r , est concave et très-près du bout postérieur , comme dans tons les sauriens elle est plus basse que le bord dentaire, comme dans les monitors-, dans les crocodiles et les iguanes elle est plus haute. Les dau¬ phins l’ont convèxe et placée tout-à-fait au bout. L’apophyse b , pour le muscle analogue du digastrique, est courte comme dans l’iguane -, le crocodile l’a plus longue ; le monîtor encore plus. Enfin la composition de cette mâchoire annonce de plus ANIMAL DE MAESTKICHT. i5 grands rapports avec le monitor qu’avec aucun autre saurien , et exclut entièrement tous les , ceux-ci ayant, comme tous les mammifères , chaque côté de la mâchoire inférieure d’une seule pièce. Pour bien entendre ceci, il faut comparer la mâchoire in¬ férieure du wonifor ( i ) , lig. 2 et 3, à celle du crocodile donnée dans l’oslëolügie de ce genre, pl. I, lig. 3 et 4- Les «némes os composent l’une et l’autre; mais dans le mo- nilor l’os angulaire v, beaucoup plus court et plus étroit, et le coronoidien x ^ ne laissent point entre eux de grand trou ovale; x est coupé carrément eu avant, pour s’unir au den¬ taire U. L’apophyse coronoide est formée par l’os que, dans le crocodile, j’ai nomme en croissant^ z. L’arliculairejK, forme seul l’apophyse j>oslérieure ; et à la face interne il va rejoindre l’os en croissant, et reporte au bord supérieur de l’os, l’ouver¬ ture si grande dans le crocodile, pour l’entrée du nerf maxil¬ laire ; enfin , il n’y a pas non plus d’ouverture à la face interne, entre \ operculaire ^ ^ et \an"idairev\ mais il y en a une petite dans V operculaire même, et une plus grande entre lui et le dentaire. On voit dans notre animal, soit parla grande tête, soit par les portions de mâchoires publiées par MM. Camper et an- muriim , 1“ Qu’il n’y avoit pas de grand trou ovale à la face externe; 2." Que l’apophyse coronoide étoit aussi un osa part, ana¬ logue à Z ; (1) J’ai choisi l’espèce appelée en Égypte ouaran aquatique , f|):i paroU le lacerta nilotiea. C’est aussi celle que représente Séba dans la planche que Linnaeus cite sous son lacerta draccena. J’y ai joint a côté la mâchoire dvl'iguane cornudeSaint-Domingue, ANIMAL DE MAESTLICHT. i6 3." Que l’os articulaire faisoit à lui seul Tapophyse posté¬ rieure, et repoussoit l’angulaire fort en avant; 4” Que le coronoidieu se joignoit carrément avec le den¬ taire; 5° Qu’il y avoit une petite ouverture dans l’operculaire. Ainsi à tous ces égards, c’est du monitor que notre animal se rapproche le plus; il s’en rapproche même plus que de Y iguane , tant par la mâchoire inférieure , que par la structure des dents , leur figure et leur insertion , quoiqu’il ait aussi en ce point quelque chose de particulier. En effet , dans le monitor comme dans Y iguane , les dents adhèrent simplement à la face interne des deux mâchoires , sans que les os maxillaires se relèvent pour les envelopper dans des alvéoles ; mais ici les pieds ou noyaux osseux qui portent les dents, adhèrent dans des creux ou vrais alvéoles pratiqués dans l’épaisseur du hoi d de la mâchoire. La mâchoire supérieure de notre télé fossile porte onze dents; mais comme l’os intermaxillaire paroît avoir été en¬ levé , et qu’il pouvoit fort bien en avoir trois , comme dans les monitors, il y en auroit eu le même nombre en haut qu’en bas. Le monitor d’ eau d’ Egypte en a aussi quatorze en haut j niais seulement douze en bas, Dans l’animal fossile , toutes les dents sont pyramidales ^ un peu arquées ; leur face externe est plane , et se distingue par deux arêtes aiguës, de leur face interne qui est ronde, ou plutôt eu demi-cône. Une partie des monitors aies dents coniques; une autre les a comprimées et tranchantes ; tous les iguanes et même les lézards et ameïva, parmi lesquels il faut compter le pré- ANIMAL DE MAESTRICHT. tendu tupinambis ou monitor d’ Amérique ^\es ont à Irancliaiit dentelé (i). Jusqu’ici notre animal de Maestricht seroit donc plus voisin des monitors que des autres sauriens; mais tout d’un coup nous trouvons dans ses os palatins un caractère qui l’en éloigne pour le porter vers les iguanes-^ ce sont les dents dont ces os sont armés , qui constituent ce caractère. Les crocodiles ^ les sauvegardes ou monitors^ parmi les-, quels il faut compter la dragone de M. de Lacépède , aussi Lien que le dracœna de Liunæus , qui en est fort différent • les ameïva et les lézards ordinaires , les dragons , les stel~ lions, les agames , les basilics , les geckos, les caméléons , les scinques et les chalcides ont tous le palais dépourvu de dents. Les iguanes et les anolis seuls , parmi les sauriens , partagent avec plusieurs serpens, batraciens et poissons celte armure singulière. Mais les serpens la portent à leurs os palatins antérieurs et postérieurs; les grenouilles , les rainettes aux antérieurs et sur une ligne transversale ; les iguanes et les salamandres , aux postérieurs et en long; plusieurs poissons , tels que les godes, les saumons et les brochets les ont aussi en long, et c’est ce qui avoit fait quelque illusion à Pierre Camper et à M. V anmarum. Mais si nous comparons les os qui les portent (i) Nous avons dit ailleurs quelle est l’origine du nom tupinambis ; celui de sauve¬ garde ou monitor est le nom propre que les colons hollandois donnent à respèce d'Amérique, laquelle n’est pas même tout-à-fait du même genre que les nombreuses espèces de l’ancien continent, que l’on a long-temps cru identiques avec elle; car elle se rapproche beaucoup plus des lézards ordinaires par ses dents dentelés , par les écailles carrées de son ventre et de sa queue , etc. Voyez la figure qu’en a donnée mademoiselle Mérian. 3 iS ANIMAL DE MAESTRICHT. eux-mémes , nous verrons bientôt qu’ils sont de l epiiles et non pas de poissons. Pour cet effet , nous avons fait graver la tele d’un inonitor., fig. 3 , et celle d’un iguane , fig. 2 , vues en dessous. U os que M. Geoffroy nomme palatin postéri'eur.i et que je crois analogue à l’apophyse ptérygoïde interne, n’est plus, comme dans le crocodile , soudé au sphénoïde , ni élargi en une grande 'plaque triangulaire. C’est ici un os à quatre branches dont une A', se porte en avant et s’unit au palatin antérieur la se¬ conde O, va de côté se joindre à l’os A, appelée alaire par M. Geoffroy , lequel s’unit lui-méme à Tos maxillaire supé¬ rieur Z) 5 la troisième m , appuie, par une facette garnie d’un cartilage, sur une apophyse de la hase du crâne; enfin la qua¬ trième /, se porte en arrière , et donne attache à des muscles , mais ne s’articule à aucun os. C’est sur le bord de la branche antérieure m, qu’est im¬ plantée la séi'ie de dents qui caractérise les iguanes. Les anolis ont cet os plus large dans toutes ses parties, et la branche postérieure l , plus courte, mais du reste à-peu-près comme les iguanes. Les monitors a\x contraire, ont toutes les parties de l’os plus grêles, et n’y portent point de dents, comme on le voit par la figure. Que l’on jette maintenant les yeux sur les os palatins de notre animal fossile, et Ton y recouuoîtra sur-le-champ les parties que nous venons de décrire. Celui qui paroît en dessus , A,/, 7U,est celui du côté droit. Son apophyse- externe o, se trouve cachée; mais la postérieure /, quoique cassée au bout, montre quelle devoitêlre aussi longue , à proportion, que dans \iguaiie. L’autre o', A', A, 7?i', est celui du côté gauche. Ï1 montre ANIMAL DE M AES TRICIIT. *9 ses quatre apophyses bieu distinctes. La principale différence spécifique qu’il offre , c’est que l’interne m' est plus longue à proportion que dans les deux genres que nous lui comparons. Il n’y a pas ici le moindre rapport de forme avec l’os palatin des poissons. Cet os paroît avoir porté, dans notre animal fossile, huit dents qui croissoient, se fixoient et se remplaçoient comme celles des mâchoires, quoique beaucoup plus petites. Les autres petites pièces qui sont placées dans ce grouppe, sont, comme je l’ai dit, malaisées à reconnoîti’e , surtout à cause de la pierre qui les encroûte encore eu partie-, je crois pourtant y avoir distingué les os analogues aux carrés des oi¬ seaux, ou qui suspendent la mâchoire inférieure. Au reste , nous en avons à présent assez pour assigner avec précision la place de notre animal. Sa tête le fixe irrévocable- merft, comme nous l’avons dit, entre les nîonûor^ et les iguanes. Mais quelle énorme taille en comparaison de celle de tous les iguanes et monitors connus. Aucun n’a peut-être la tête longue de plus de cinq pouces, etla sienne approchoit de quatre pieds. Voici les dimensions de toutes les pièces restées dans ce beau morceau. Longueur de la demi-mâchoire inférieure, a, J . 1,24 Hauteur à l’endroit de l’apophyse coronoïde,î , t . 0,267 - à l’endroit de la dernière dent, q, u . 0,127 - — vers la troisième, x, y . 0,07 Dimension de l’os palatin postérieur , k' , m' . 0,406 - . . 0,55 - - k' , o' . 0,2s En zoologie, cjuand les dents et les mâchoires d’un ani¬ mal sont données, tout le reste l’est à-peu-près, du moins en 20 ANIMAL DE MAESTRICHT. ce qui regarde les caractères essentiels j aussi n’ai-je point eu de peine à reconnoître et à classer les vertèbres, quand une fois j’ai bien connu la tête. Pierre Camper eu avoit dessiné une’ isolée, qu’il prétendit comparer à celle d’un cétacé. M. Faujas en a représenté quatre grotippes ( Mont, de Saint-Pierre , pl. VII , VIII , IX et LU ) ; mais il n’a songé à les comparer à rien : car s’il l’eût fait, il se fut aisément aperçu qu’elles n’avoient point d’analogie avec celles du crocodile \ il n’en donne même aucune description détaillée. Les découvertes faites à Seichem , et le Mémoire de MM. Minkelers ei Hermans qCi les expose, me procurent aujour¬ d’hui l’heureuse facilité , non-seulement de décrire chaque sorte de ces vertèbres eu particulier, et de les comparer à leurs analogues dans les animaux vivans , mais encore d’indi¬ quer avec beaucoup de vraisemblance , leur succession et le nombre de chaque sorte dans l’épine. Toutes ces vertèbres, comme celles des crocodiles des mo- nitors , des iguanes , et en général de la plupart des sauriens et des ophidiens , ont leur corps concave en avant et convexe en arrière, ce qui les distingue déjà notablement de celles des ce- /«cex qui Font à-peu-près plane , et bien plus encore de celles des poissons, où il est creusé des deux côtés en cône concave. Les antérieures ont cette convexité et cette concavité beau¬ coup plus prononcées que les postérieures. Quant aux apophyses , leur nombre établit cinq sortes de ces vertèbres. Les premières, pl.II, fig. i, ont une apophyse épineuse supé¬ rieure, longue etcomprimée; une inférieure, terminée par une concavité j quatre articulaires dont les postérieures sont plus ANIMAL DE MAESTRICHT. 21 courtes et regardent de dehors, et deux transverses, grosses et courtes : ce sont les dernières vertèbres du cou et les premières du dos. Leur corps est plus long que large , et plus large que haut; les faces sont en ovale Iransverse^ ou en figure de rein. D ’autres, fig. 2 , ont l’apophyse inférieure de moins, mais ressemblent aux précédentes pour le reste ; ce sont des moyennes du dos. II en est ensuite , ih. fig. 3 , qui n’ont plus d’apophyses arti¬ culaires ; ce sont les dernières du dos , celles des lombes , et les premières de la queue ; et leur place particulière se recon- noit à leurs apophyses transverses qui s’allongent et s’aplatis¬ sent. Les faces articulaires de leur corps sont presque triangu¬ laires dans les postérieures, telles que celle de la figure 4- Les suivantes ,fig. 5, ont, outre leur apophyse épineuse su¬ périeure et les deux transverses , à leur face inférieure deux petites facettes pour porter l’os en chevron. Les faces ai’ti- culaires de leur corps sont pentagonales. Puis il en vient, fig. 6, A et .S, qui ne diffèrent des précédentes que parce quelles manquent d’apophyses transverses. Elles forment une grande partie de la* queue, et les faces de leurs corps sont en ellipses , d’abord Iransverses, et ensuite de plus en plus comprimées par lés côtés , comme celle de la figure 7. L’os en chevron n’y est plus articulé , mais soudé , et fait corps •avec elles. Enfin les dernières de la queue, fig. 8, finissent par n’avoir plus d’apophyses du tout. A mesure qu’on approche de la fin de la queue , les corps des vertèbres se raccourcissent, et presque, dès son commen¬ cement, ils sont moins longs que larges et que hauts. Leur longueur finit par être moitié moindre que leur hauteur. 22 ANIMAL DE MAESTTIICIIT, Cette suite de vertèbres donne lieu à plusieurs remarques importantes. La première est relative à l’os en chevron et à la position de sou articulation. Sa longueur et celle de l’apophyse épi¬ neuse qui lui est opposée, prouvent assez que la queue étoit très-élevée verticalement. L’absence des apophyses transverses sur une grande partie de la longueur de la queue prouve en même temps qu’elle étoit fort aplatie par les côtés. ^ L’animal étoit donc aquatique et nageur à la manière des crocodiles ^ faisant agir la rame de sa queue à droite et à gauche, et non pas de haut en bas , comme les cétacés. Les monitors ont la queue plus ronde , et les apophyses iransverses y régnent beaucoup plus loin. Dans les crocodiles , les iguanes , les basilics , les lézards , les stellions en général dans tous les sauriens que Je connois, excepté les monitors , et meme dans les cétacés et dans tous les quadrupèdes à grande queue, l’os en chevron est ar¬ ticulé sous la jointure, et se trouve commun à deux vertèbres. I.es monitors seuls ont sorts le corps de chaque vertèbre deux facettes pour le recevoir comme notre animal 5 seulement le corps de leurs vertèbres étant plus allongé , ces facettes sont au tiers postérieur. Dans le fossile qui a les vertèbres fort courtes d’avant en arrière, les facettes sont presque ai|| milieu. Mais je ne connois aucun animal où l’os en chevron se soude et fa?se corps avec la vertèbre comme dans celui-ci , pour toute la partie postérieure de la queue, ce qui devoit beaucoup en augmenter la solidité. Un autre caractère qui distingue notre fossile et des mon/- ANIMAL DE MAESTRICHT. a 3' iors et des autres sauriens^ c’est la prompte cessation des apophyses articulaires des vertèbres qui manquent dès le mi¬ lieu du dos , tandis que dans la plupart des animaux elles régnent jusques très-près du bout de la queue. Les dauphins montrent ce caractère , et c’est probablement ce qui, joint à la brièveté du corps des vertèbres, aura fait illusion à Pierre Camper. Les vertèbres dorsales ont leurs apophyses transverses courtes et terminées par uue facette bombée et verticale qui porte la côte; en conséquence celle-ci ne s’y attache que par une seule léte. C’est un caractère des monitors et de la plupart des sauriens , excepté les seuls crocodiles dans lesquels précisé¬ ment il n’a point lieu, si ce n’est aux trois dernières côtes. Aussi peut-on regarder comme l’une des grandes singularités de l’ouvrage de M. Faujas , qu’il ait fait graver , pl, LU, une partie de dos trouvée à ajoutant, p. 248, « que cedes- » sin prouve mieux que tout ce qu il pourroit dire que ï ani- » mal de Maestricht a appartenu à un crocodile ; o tandis que cette pièce à elle seule nous mettroit en état de prouver le contraire. Quant aux vertèbres antérieures qui portent un tubercule ou apophyse épineuse inférieure, il y en avoit sûrement uue partie au cou ; mais comme on ne trouve dans aucune les deux tubercules qui, dans le crocodile, portent la petite fausse côte de chaque côté, c’est encore une preuve que notre ani¬ mal n’est pas un crocodile et qu’^l avoit plus de liberté que cet amphibie pour porter sa tête de côté. Les apophyses épi¬ neuses inférieures sont bien dans les crocodiles-., mais elles sont aussi dans les autres sauriens et dans beaucoup de ser~ pens ; il y en a mémè dans les ruminans et dans les chevaux. 24 ANIMAL DE MAESTRICHT. Quant aux cétacés , la brièveté de leur cou , la fréquente réu¬ nion de leurs vertèbres cervicales en une seule, ne leur per¬ mettent pas de montrer la moindre apparence de ces tu¬ bercules, La figure et la position de cette apophyse inférieure varie ; la plupart des genres de sauriens l’ont comprimée et au bord postérieur ; les crocodiles l’ont ronde et au bord antérieur : notre animal fossile l’a ronde, trpnquée, et au milieu de la vertèbre. Il s’agit à présent de déterminer le nombre absolu des ver¬ tèbres de chaque sorte. C’est en replaçant dans leur ordre les vertèbres trouvées récemmèiit à Seichem^ et qui paroissent y avoir formé une seule et même épine , que nous y parvien¬ drons^ et c’est ici que nous trouvons surtout des secours pré¬ cieux dans le Mémoire de MM. Hermans et Minkelers. L’un de ces morceaux qui a été gravé isolément dans l’ou¬ vrage de M. Faitjas , pl. LU, en montre déjà onze qui occupent une longueur de 0,77, avec des portions ou des empreintes de douze côtes qui y adbéroient. C’étoient donc autant de ver¬ tèbres du dos J les deux premières seulement ont des apophyses articulaires. Cependant la première des onze vertèbres n’ayant pas de tubercule inférieur , devoit encore être précédé de quelques autres vertèbres dorsales. En effet, on a encore trouvé à Seicliem cinq de ces ver¬ tèbres à tubercules inférieurs , qui étoient probablement en avant de ces onze. Mais un morceau du cabinet de Camper , cité dans la dissertation de son fils (i), prouve que le véri- p) Journ. de phys. vendémiaire an IX. ANIMAL DE MAESTRICHT. taLle nombi'e de celte première sorte étoit au moins de six. Trois autres vertèbres trouvées aSeichem dévoient encore se trouver entre ces cinq et les onze mentionnées d’abord : car elles avoient des apophyses articulaires très-marquées, etman- quoient d’apophyses inférieures. Enfin il y en a neuf, toujours du meme lieu, qui, par la forme de leur corps et l’absence des apophyses articulaires' dévoient venir à la suite des onze, mais dont une partie por- toient encore des cotes , à en juger par leurs apophyses traus- verses. Ce seroit donc vingt-neuf vertèbres en'toutpourle cou , le dos et les lombes, sans compter l’atlas et l’axis ; et si l’on suppose que les deux dernières de ces vertèbres ont porté le bassin , ce seroit vingt-sept, nombre précisément le même que dans les monir tors, chez lesquels quatre au cou et deux aux lombes ne portent point de côtes. H y a donc dans lesmomVorj vingt^trois paires de côtes vertébrales, tandis que les crocodiles n’en ont que di.x-sept , même en comptant les cinq petites fausses côtes cer¬ vicales. Il est fort probable que notre animal en avoit aussi vingt-deux ou vingt-trois pour le moins. La longueur totale de ces vertèbres cervicales, dorsales et lombaires , est de 1,76 , ou de 5 pieds 5 pouces, toujours sans compter l’atlas et l’axis. On a trouvé de plus à Seichem deux séries quj faisoient suite l’une à l’autre, et dont l’une est encore aujourd’hui en¬ castrée dans la pierre Elles constituent une portion de queue de soixante-onze vertèbres. Les vingt premières ont l’apophyse épineuse , les transverses et les deux facettes pour l’osselet en chevron. 4 26 ANIMAL DE MAESTRICHT. Les quarante - qüatre suivantes manquent des apophyses transverses, et deviennent de plus en plus comprimées et petites. Les sept dernières, qui terminoient évidemment la queue, sont fort petites, et n’ont plus d’apophyses du tout. Ces deux séries forment ensemble une longueur de 2,65, ou de 8 pieds 2 pouces. Mais elles ne composoient pas toute la queue, et il s’en est trouvé encore une autre série de vingt-six , dont les six dernières seules ont des facettes inférieures Les vingt qui n’en ont j)as,mais qui sont plus grandes et qui ont leurs apophyses éjuneuses et Iransverses , dévoient être à la hase de celte queue. La longueur de ces vingt-six est de i,6. Ce seroit donc pour la totalité de la queue, 3,25, ou lo pieds divisés en quatre-vingt-dix-sept vertèbres. W ous voilà bien loin du nombre àvi crocodile y qui n’en a que trente-cinq; mais nous surpassons de bien peu celui des monitors. Je compte soixante-dix-neuf vertèbres caudales au plus complet de més squelettes de ce genre, et il lui en manque encore quelques-unes. Si nous récapitulons maintenant ces différentes séries, en classant lés vertèbres, d’après leurs formes et le nombre de leurs apophyses , nous trouverons que l’épine de notre animal se composoit de, ANIMAL DE MAESTRICHT. *7 L’âtlas . . . . long de L’axis . . . Six vertèbres avec l’apophyse inférieure, les articulaires , les transverses . • . 6 - o,4« Cinq id. sans l’apoph. infér . 5 — — — o,3s Dix-huit id. sans apoph. artic. . . j8 - — 1,2 Vingt id. de la queue . . . . — i,i Vingt-six id. avec les deux facettes inférieures pour l’os en chevron . .....26 - i,3 Quarante-quatre id. sans apoph. transv. . . 44 - i,65 Sept sans aucune apophyse . . 7 - 0,1 5 Total 128 - 6,24 Ce nombre de vertèbres est plus que double de celui du crocodile qui n’en a que soixante , mais s’accorde bien avec celui des monitors où j’en compte cent dix , quoique la queue de mon individu en ait perdu quelques-unes. Cependant le grand nombre des vertèbres de la base de la queue qui n’auroient point porté d’os en chevron, tandis qu’il n’y en a qu’une ou deux de telles dans les monitors aussi bien que dans les crocodiles m’a causé un instant quelque doute. En vain aurois-je voulu placer le bassin plus en arrière : car alors j’aurois multiplié les vertèbres des lombes , et je me serois écarté des monitors pour la structure du tronc qui est naturellement plus constante que celle de la queue. J’ai donc fini par croire que c’est ici l’un des caractères propres et distinctifs de notre animal, qu’il ne partage point avec d’autres sauriens, et qui contribuent à en faire un genre particulier.. Sa queue étoit donc très-vraisemblablement cylindrique à sa base , et s’élar¬ gissant dans le sens vertical, seulement à quelque distance. 28 ANIMAL DE MAESTRICHT. en même temps qu’elle s’aplatissoit par les côtés , elle ressem- bloit à une rame, beaucoup plus encore que celle des crocodiles. Ce qui contribue à rendre cette multiplication des vertèbres caudales sans osselets en chevrons dans le squelette de notre animal assez vraisemblable, c’est qu’on en rencontre beau¬ coup de cette sorte isolées ou en grouppe de cinq ou six dans les pierres des carrières. Au reste, il ne faut point oublier, qu’excepté la série des vingt-six caudales et celle des onze dorsales avec leurs côtes, toutes ces vertèbres sont aujourd’hui détachées de la pierre , et que les ouvriers qui les ont rassemblées peuvent en avoir égaré ou mutilé quelques-unes , qu’ils peuvent aussi en avoir ajouté qui ne s’éloient point trouvées tout-à-fait dans l’aligne¬ ment des autres 5 mais ces altérations ne peuvent pas avoir été considérables , vu l’accord remarquable qui se trouve entre les nombres et ceux du genre le plus analogue. M. Faujas qui a profité, comme moi, du Mémoire en¬ voyé de Maestricht , en a tiré un résultat bien différent , car il annonce ( Mont, de Saint-Pierre., p. 247), « une épme » dorsale de 3 pieds 9 pouces , et une queue de 4 pieds 9 » pouces ou de cinq pieds l\ pouces'., » mais c’est qu’il n’a pas fait attention que ce qu’il nomme épine dorsale appartient aussi à la queue , et qu’il néglige de faire entrer en ligne de compte plusieurs morceaux, et notamment celui d’onze vertèbres avec les côtes. Mon énumération résulte d’une comparaison attentive des notes contenues dans le Mémoire , avec les objets mêmes que j’ai maintenant sous les yeux , et l’on peut y avoir d’autant plus de confiance, quelle est parfaitement d’accord avec les rapports naturels. ANIMAL DE MAESTRICHT. 29 Dans cette longueur commune du tronc et de la queue de 6,24 , ou 19 pieds 5 pouces, nous ne comprenons point Tatlas ni l’axis, parce qu’ils éloient sans doute placés entre les deux apophyses postérieures de la mâchoire inférieure , et qu’ils ne contrihuoient point à la longueur totale du corps. La mâchoire ayant 3 pieds 9 pouces , l’animal entier devoit être long de 23 pieds ou à-peu-près, et sa tête faisoit presque un sixième de sa longueur totale, proportion assez semblable à celle du crocof///e, mais fort différente de celle des où la tête forme à peine un douzième. Aussi W. Adrien Camper éloit-il parvenu à deviner à-peu-près celte longueur en cal¬ culant d’après la proportion du crocodile. La queue ayant 10 pieds est au reste du corps comme 10 à i3 , et au tronc comme 5 à 9 et demi. Elle est donc encore plus courte que dans le crocodile où elle surpasse d'un sep¬ tième la longueur du reste du corps , et à plus forte raison que dans les monitors où elle a moitié en sus. La brièveté extrême du corps des vertèbres fossiles est ce qui rend cette queue si courte. Elle devoit être fort robuste, et la largeur de son extrémité devoit en faire une rame très-puissante et mettre l’animal en état d’affronter les eaux les plus agitées , comme l’a très-bien remarqué M. Adrien Camper. Aussi n’y a-l-il nul doute, par tous les autres débris qui accompagnent les siens dans les car¬ rières, que ce ne fût un animal marin. H faudroit maintenant rétablir les pieds ; mais nous y trouvons deux difficultés. La première, qui est insurmontable pour le moment, c’est que l’on n’en a presque recueilli aucune partie; la seconde, qu’on peut éviter en y apportant quelque soin, c’est la crainte 3o AIN'IMAL DE MAESTRICHT. de prendre pour des os de pieds de notre animal, ceux des grandes tortues marines dont on trouve les débris pêle-mêle avec les siens. ■ Déjà M. Faujas a pris et fait représenter, pl. XVII, une épaule de tortue très-recounoissable, pour un bois de cerf ou de tout autre animal du même genre donné, pl. XV et XVI , des portions de plastrons de tortues , pour des empan- mures dun cpiadrupède de la famille de Z’elan; et deux os du carpe, toujours de tortue, sur la même pierre, pl.XVI, lui ayant paru un pubis et une clavicule de crocodile , il s’écrie ( p. io6 ) « Ainsi l’on voit sur la même pierre les restes dun » animal terrestre , ceux dun amphibie et une coquille ma- » rine. De pareils faits en histoire naturelle, sont dignes » sans doute dêtre recueillis , et peuvent servir de maté- )) riaux pour constater les diverses révolutions qua éprouvé » le globe terrestre. » La vérité est que dans ces trois planches tout est de tortue , excepté la coquille. Revenons à notre animal. La rareté de ses os d’extrémité , la facilité avec laquelle ort pouvoit avoir cru en trouver , tandis qu’on n’en auroit eu que de tortue , m’avoit fait mettre un moment en doute s’il n’étoit pas dépourvu d’extrémités 5 mais j’ai été détrompé en reconr noissant un os de bassin qui ne peut être qu’à lui. Il est gravé ( Mont, de Saint-Pierre , pl. XI ) sous le nom d’omoplate, mais c’est un pubis , et un pubis presque entière¬ ment semblable à celui d’un monitor. Ils ont tous deux la même courbure, la même articulation, une échancrure sem¬ blable au bord antérieur 5 seulement celle du fossile est plus profonde. On peut s’en assurer en comparant notre figure lo. 3t ANIMAL DE MAÈSTRICHT. planche II, qui représente ce pubis fossile , avec la figure 12 , qui représente celui du monitor. J’ai trouvé aussi, parmi les morceaux envoyés de iSe/c/jern , une portion d’une véritable omoplate ^ très-semblable par sa grande largeur, par la courbure, la grosseur et la brièveté de son cou , à cette meme partie dans les monitors , mais très- différente de l’omoplate étroite du crocodile , et même de celle de Yiguane. Nous donnons l’omoplate fossile, fig. 9, pL II , et celle du monitor^ fig. 11. Quant à l’os donné pour un fémur Mont, de Saint-Pierre , pl. X) , ce n’est autre chose que rbumérus d’une grande tor¬ tue vu par le côté de sa petite tubérosité, et dont la grande est détruite ou cachée dans la pierre. Nous le représentons, pl II , fig. i3. Voilà tout ce qui est venu à ma connoissance touchant les os des extrémités de l’animal de Maestricht. MM. Camper père et fils parlent bien d’os du carpe et de phalanges , mais ils ne les ont ni décrits, ni représentés. Je ne })uis donc dire ni quelle étoit la projiorlion des jambes entre elles et avec le corps ,ui quel étoit le nombre des doigts et leur grandeur rela¬ tive. Ces détails sont réservés à ceux qui feront des recherches ultérieures dans les carrières; mais les rapports de ses dents et de ses vertèbres avec celles des moniturs ^ me font jrrésumer qu’il avoit cinq doigts à chacpje p.ied, tandis que sa qualité d’animal nageur et marin me donne à croire que ses doigts et ses pieds de derrière n’éloient pas à beaucoup près aussi allongés que dans ces rej)tiles, en g'-ande partie terrestres. On voit donc , en dernière analy.se, que cet animal a dû for¬ mer un genre intei médiaire entre la tribu des sauriens à langue extensible et fourchue qui comprend les monitors et 32 ANIMAL DE MAESTRICHT. les lézards ordinaires^ et celle des sauriens à langue courte , et dont le palais est armé de dents , laquelle embrase les iguanes ^ les marbrés et les anolis\ mais qu’il ne tenoit aux crocodiles que par les liens généraux qui réunissent toute la grande famille des sauriens. Sans doute il paroîtra étrange à quelques naturalistes de voir un animal surpasser autatit en dimensions les genres dont il se rapproche le plus dans l’ordre naturel , et d’en trouver les débris avec des productions marines, tandis qu’aucun saurien ne paroit aujourd’hui vivre dans l’eau salée ; mais ces singula¬ rités sont bien peu considérables en comparaison de tant d’autres que nous offrent les nombreux monumens de l’his¬ toire naturelle du monde ancien. Nous avons déjà vu un tapir de la taille de l’éléphant; le mégalonix nous offre un pares¬ seux de celle du rhinocéros; qu’y-a-t-il d’élonnaut de trouver dans l’animal de Maeslricht un 77îo/t/^or grand comme un cro- codile. Mais ce qui est surtout important à remarquer, c’est cette constance admirable des lois zoologicjues qui ne se dément dans aucune classe, dans aucune famille. Je n’avois examiné ni les vertèbres, ni les membres, quand je me suis occupé des dents et des mâchoires , et une seule dent m’a, pour ainsi dire, tout annoncé; une fois le genre déterminé par elle, tout le reste du squelette est en quelque sorte venu s’arranger de soi- méme, sans peine de ma part, comme sans hésitation. Je ne peux trop insister sur ces lois générales, bases et principes de méthodes, de découvertes , qui , dans cette science comme dans toutes les autres , ont un intérêt bien supérieur à celui de toutes les découvertes particulières quelque piquantes qu’elles soient. LauT^Tlard del . ANIMJL DE MAESTRICHT . PL.I. Cvuet ,rculp ■ AÆI31L4L DE JkL£E SEIlfCHT. PL. U- Xaicn/lard. Je/^ ■ C im// SUR QUELQUES QUADRUPÈDES OVIPARES FOSSILES COSSERVÊS DANS DES SCHISTES CALCAIRES. Article premier. Observations générales, et description des carrières qui ont fourni ces fossiles. Les animaux enfermés dans les schistes y étant presque toujours plus ou moins écrasés, leurs caractères ostéologiques seroient beaucoup plus difficiles à déterminer que ceux des fossiles ordinaires , dont les ossemens ont conservé toutes leurs dimensions , si ce n’étoient heureusement presque toujours de petites espèces qui ont gardé leurs diverses parties réunies, et qui fournissent par là aux naturalistes des facilités d’un autre genre. Ils en donneroient davantage encore si nous possé¬ dions les morceaux memes, et que nous pussions y rechercher avec le burin les petites surfaces articulaires qui sont restées intactes ; mais nous avons été réduit à des gravures ou à des dessins pour lesquels on n’avoit pas pris cette précaution, où REPTILES 2 la forme des os est meme fort mal terminée; de sorte que nous n’avons d’autre ressource que la configuration générale et les proportions des parties; nous ne pouvons donc attribuer à nos recherches en ce genre la même certitude qu’aux autres. Au reste, si nous tombons dans quelque erreur, les natura¬ listes n’auront rien à nous reprocher; car ils n’ont jamais procédé d’une manière plus vague, ni ne se sont permis des conjectures plus hasardées que précisément sur ces corps or¬ ganisés comprimés dans les schistes; négligence d’autant plus impardonnable, que les innombrables espèces de plantes, d’insectes, de crustacés, et de poissons de mer et d’eau douce dont cette sorte de pierre fourmille en beaucoup d’endroits , et qui forment le cabinet le plus complet et le plus instructif pour l’histoire naturelle de l’ancien monde, ont été recueillis avec beaucoup de soin par les curieux de nos jours, et qu’il ne s’agiroit plus que d’étudier ces objets avec l’attention né¬ cessaire, et en y appliquant les règles de l’anatomie com¬ parée. On sait qu’il y a deux classes principales de ces schistes à pétrifications; les noirs , ou schistes bitumineux pyriteux, que l’on exploite pour en tirer le cuivre, dans une grande partie de l’Allemagne; et les blancs ou les gris, qui ne sont qu’une marne ou une pierre calcaire feuilletée, et plus ou moins en¬ durcie. Il faut encore ajouter anx uns et aux autres diverses soa’tes d’ardoises ou schistes argileux qui ont été moins exactement classées, comme sont celles de Claris et de quelques autres endroits. Les premiers de ces schistes qui constituent, selon M. Wer- ner, une des plus anciennes formations des terrains secon- DES SCHISTES. daires, offrent des quantités immenses de poissons, que l’ou prétend tous d’eau douce; des coquilles, et quelques reptiles du genre des mojiitors, dont nous avons parlé au chapitre des Crocodiles fossiles. Les schistes blancs ou gris, non pyriteux, paroissent appar¬ tenir à des formations plus diverses et recéler des fossiles plus variés, selon les lieux; l’étonnant amas de poissons de mer enfoui dans les carrières du Mont-Bolca., celui de poissons d’eau douce dans les schistes fétides à’GEningen^ les singu¬ lières espèces d’écrevisses de Pappenheim , le reptile volant ^Aichstedt.^ etc. ne peuvent guère être du même système de couches , ni avoir été ensevelis à la même époque ; mais com¬ bien ne faudroit-il pas d’observations comparatives pour re- connoître les rapports de superposition entre des couches si éloignées? combien n’en faudroit-il pas meme pour détermi¬ ner avec précision tant d’espèces qui appartiennent à des classes dont l’ostéologie est si peu avancée? Je ne parlerai pas des applications vagues de noms faites par les Scheuchzer ^ les FFalcli^ etc. à une époque où il auroit été difficile aux plus habiles gens d’en donner de meilleures; mais encore tout récemment M. de Razownowskj et M. Karg assurent , d’une manière positive, que tous les fossiles ài OEnmgen sont des espèces vivantes dans le pays; et, pour le soutenir, il faut qu’ils adoptent, à l’égard du prétendu homme fossile de Sclieuchzer qui vient de ces carrières, l’opinion de M. Jean Gesner., que c’est un mal {silurus glanis) ; tandis que l’éditeur du Mémoire de M. Rarg ( comme nous le faisons voir plus bas) réfute déjà fort bien celte opinion, et donne tous les moyens de prouver que cet animal est un proteus ou une salamandre à peu près dix fois plus grande qu’aucune de celles que nous connoissons. 4 REPTILES Je le demande! Croira-t-on aisément que tous les êtres ensevelis avec celui-là aient encore conservé leurs espèces dans le pays, tandis que celui-là seul auroit disparu de l’Europe et du globe? Comment accorder d’ailleurs cette assertion avec le catalogue des poissons âi OEningen^ donné par Lavater à Saussure, et publié par celui-ci en 1796 (Voyages des Alpes, III, pag. 336)? catalogue où, avec dix-sept espèces de cjprins, deux espèces de loches, le brochet, la truite com~ mime, Y anguille et la lamproje , on voit aussi le hareng, V alose, le turbot, le malarmat , et d’autres poissons de mer. Est-ce que le turbot et le hareng habiteroient le lac de Cons¬ tance ? Je ne doute donc pas qu’un examen anatomique attentif ne fasse découvrir encore beaucoup d’espèces inconnues ou étran¬ gères parmi les poissons (ü OEningen aussi bien que parmi ceux du Mont-Bolca la détermination desquels on n’a pas été non plus très -heureux jusqu’à présent), comme ou en a déjà trouvé plusieurs à Aichstedt et à Pappenheîm. Je ne désespère pas de m’essayer un jour sur cette ostéologie des poissons fossiles, et je m’y prépare dès aujourd’hui, en étudiant celle des poissons vivaus; mais ce sera l’objet d’un autre ouvrage , si mes forces me permettent de l’entreprendre. Je ne me suis engagé à examiner dans celui-ci que les restes de quadrupèdes, et je ne m’aperçois déjà que trop combien cette tâche est difficile , surtout en l’étendant aux quadrupèdes ovipares, comme j’ai cru nécessaire de le faire. Nous avons déjà traité, au chapitre des Crocodiles fossiles, de quelques squelettes de monitors conservés dans les schistes bitumineux pyriteux de la Thuringe. Il s’agit ici d’animaux de la meme classe, mais plus extraordinaires par leur forme et DES SCHISTES. 5 par leur grandeur, que recèlent les schistes calcaires ou fétides de quelques autres contrées; l’un d’eux, le prétendu antro- polithe de Scheuchzer, est célèbre depuis long-temps' en^géo- logie; un autre, le reptile volant de mériteroit bien de l’étre plus qu’il ne l’a été jusqu’à présenr, tatit il offre de considérations nouvelles et curieuses aux naturalistes. Ils sont tous deux au nombre des restes les plus précieux et les plus singuliers de l’ancienne population animale de nos climats, et nous ne pouvons que nous féliciter de les voir si entiers, que l’anatomiste n’a presque rien à faire pour les rétablir. Le premier de ces animaux n’ayant jamais été trouvé qu’à OEningen^ c’est ici le lieu de dire un mot des célèbres car¬ rières qui l’ont fourni. Elles ont été décrites en abrégé, en 1776, dans une note des Lettres sur la Suisse diAndreœ^ pag. 56: le comte Gré¬ goire Razournowskj en a donné une autre notice , dans son Mémoire sur l’ Origine des parties basses de la Suisse et de la Bavière^ inséré en 1788 parmi ceux de \ Académie de Lausanne. M. de Saussure en a fait une description sur les lieux , et l’a fait entrer dans le troisième volume de ses Voyages aux Alpes, imprimé en 1796; enfin M. Karg., médecin de Constance les a décrites tout récemiiTient, et dans le plus grand détail, dans un Mémoire exprès, publié dans le pre¬ mier volume de la Société des naturalistes de Souabe, p. i. Ces quatre ouvrages, mais surtout le dernier, nous ont fourni ce que nous allons dire. On sait que le Rhin, après avoir formé le lac de Constance, et s’étre rétréci près de la ville du même nom , se dilate encore pour former le lac appelé Zeliersee, et ne reprend l’étroitesse ordinaire de son lit qu’ auprès de la petite ville de Stein. REPTILES 6 ' C’est sur la rive droite, un peu au-dessus de Sfein, qu’est le village â! QEiimgen, appartenant autrefois à l’évéque de Co/zJto/îce,. et soumis aujourd’hui , comme le reste de l’évéché, au grand duc de Bade. La carrière des ichtyolillies est à trois quarts de lieue de là, sur le penchant méridional d’nne montagne appelée Schiener^ Berg , et au moins à cinq cents pieds au-dessus du niveau du lac (i). Un petit ruisseau coule le long de son côté oriental; la partie élevée de la montagne est d’un grès micacé tendre, et l’on trouve dans les champs des granits roulés rouges et verts. La carrière est ouverte sur deux cents soixante-dix pieds de longueur et sur trente de profondeur, mais le fond en est souvent plein d’eau. Sous la terre végétale se trouve d’abord une marne bleuâtre friable, de deux pieds d’épaisseur, que l’on emploie, faute de bonne argile, à faire des tuiles et des briques. Sous cette marne sont plusieurs pieds d’un premier schiste, gris- jaunâtre, tendre, à lames très -minces, rempli d’empreintes végétales. Vient ensnite une seconde marne blenâtre, semblable à la première, épaisse d’un demi- pied, et sans corps organisés. Toutes les couches suivantes sont cal¬ caires, et répandent , quand on les raie, une odeur de pétrole plus ou moins forte. On les distingue en plusieurs bancs; le premier est nommé par les ouvriers le gros banc ou la pierre soufrée ÿ il a de deux à six pieds, et ne se divise point en feuillets. Le deuxième s’appelle ardoise blanche^ il est épais de quatre pouces , très-argileux, tendre , et se divise en lames très-minces. On y voit des plantes, des insectes, et les premiers poissons. (i) Karg, pag. 2. DES SCHISTES. 1 Un autre schiste le suit, nommé petits morceaux ^ épais de deux pieds, divisible en feuillets minces, composé en grande partie ‘de débris de végétaux, et renfermant beaucoup de coquilles bivalves, excessivement petites, rondes et nacrées. Le banc suivant se nomme gros morceaux ,• c’est un calcaire feuilleté, épais de deux pieds, montrant à peine quelques traces de végétaux détruits. On trouve ensuite deux lits, à peine de deux pouces de haut , nommés plaques noires , qui paroissent aussi teints par des débris de végétaux. La première plaque blanche les suit. On en fait des dales pour les appartemens , et l’on y voit quelques grands poissons, quoique en petit nombre, et de belles dendrites. Elle a trois pouces de haut, et se divise en gros feuillets. En6n vient la plaque poissonneuse ^ qui tire son nom de la grande quantité de poissons qu’elle recèle avec de petits limnées. C’est un calcaire blanc , à grain fin, à feuillets minces, d’une dureté médiocre. Sous elle est la petite peau, très-mince, d’un gris noirâtre; puis la troisième plaque noire , haute de deux pouces et demi, que suit la pierre à cordons ou pierre d’indienne. Celle-ci est un schiste gris, à gros grains, piqueté et rayé de blanc et de jaune, rempli de poissons, et d’autres empreintes animales et végétales. On la recherche beaucoup , et son épaisseur est de quatre pouces. La pierre aux moules., est un calcaire micacé, noirâtre, plein de débris de végétaux , de petits limnées, et de fragmens encore nacrés de moules ; elle est épaisse d’un pied. Le dill strecken^ schiste calcaire, un peu micacé, à gros 8 HEPTILES feuillets, d’un gris blanchâtre, épais de dix pouces, n’a point de fossiles. La petite peau hlanche, schiste calcaire, tendre, à feuillets minces, est d’un pouce de hauteur. La petite pierre aux moules^ schiste calcaire, à gros grains, sec, jaunâtre, contient une quantité innombrable de petits limnées, diverses autres coquilles d’eau douce, ou leurs noyaux, et des empreintes végétales. La grosse plaque^ schiste gris, d’un demi-pied, à feuillets épais , ne contient que quelques fibres végétales. La plaque blanche^ schiste calcaire, à gros grains, est très- riche en pétrifications et en empreintes de toute espèce, et l’on y retrouve rapproché tout ce qui existe séparé dans les les autres couches. Enfin la pierre de chaudière est le dernier banc où l’on puisse arriver, encore dans les grandes sécheresses seulement j c’est un schiste gris ou roussâtre, à feuillets minces, contenant d’innomhrables limnées et de très-belles empreintes de feuilles de diverses couleurs. Elle repose sur un grès grossier, bleuâtre , qui forme géné¬ ralement les bords du Rhin dans cette contrée , où l’on voit quelques veines de houilles, et quelquefois de nombreuses moules, que l’on assure être d’eau douce. A un petit quart de lieue au-dessus de la carrière d’OEnin- gen, du même côté, et plus près du lac, est une autre carrière qui appartient au village de TV angen , et où l’on voit les mêmes pétrifications, à ce qu’il paroît, dans des couches analogues. M. Karg^ partant de la supposition que tous les animaux de ces couches sont les mêmes que dans les eaux environnantes, DES SCHISTES. 9 a clierclié à faire voir qu’elles ont dû se former assez récem¬ ment, dans un étang qui se sera vidé ensuite par quelque accident arrivé à ses digues, et cette hypothèse l’a empéché, sans doute, de nous donner plus de renseignemens sur leur position par rapport aux couches voisines, et de nous mettre en état de juger de leur ancienneté relative; mais son opinion n’est point celle des plus savans géologistes, et M. de Humboldt et M. Reuss s’accordent à regarder les schistes d’OEningen comme appartenans à une formation ancienne et régulière; le dernier paroit meme les croire de sa troisième formation calcaire. Nous voudrions pouvoir décrire les carrières de la vallée de YAltmülil^ près àiAichstedt et de Pappenheim ^ qui ont fourni le reptile volant, avec autant d’étendue que celles d’Œ- ningenÿ mais nous n’en avons pu trouver de relation aussi détaillée : en revanche nous avons de bien meilleures notions sur leur position relative. M. Reuss les rapporte ( Géognosie , IL® vol. pag. 468), comme celles ^OEningen^ aux couches supérieures de la troisième formation calcaire de iV erner, nommée par ce minéralogiste calcaire cocpdllier^ et cependant plus ancienne que notre calcaire coquillier grossier (i) des environs de Paris, plus ancienne même que notre craie, par conséquent bien antérieure à nos gypses. M. de Humboldt^ qui a examiné par lui -meme ces carrières, les fait encore plus anciennes que M. Reuss ^ et les rapporte à la formation du calcaire caverneuse , autrement nommé calcaire du Jura; il s’est même assuré que les couches où (i) On voit, parles ouvrages géologiques de l’école de M. Werner, que les minéralogistes allemands ont peu connu nos couches, et les ont rapportées un peu au hasard aux leurs. 2 10 REPTILES sont creusées les grottes de Franconie, si riches en ossemens d’ours, sont supérieures à celles-là, et qu’il se trouve un grès interposé entre elles. Les plus célèbres de ces carrières sont situées près de So- lenhofeii, entre Pappenheim et Aichstedt : exploitées à ciel ouvert sur pins de trois cent cinquante pieds de hauteur, elles ont leur sommet couronné d’une belle foret de hêtres. Selon Peuss Çloc. cit.) le haut est formé de couches extrêmement minces, que l’on emploie à couvrir les maisons; à mesure que l’on descend, les couches s’épaississent, et finissent par perdre leur nature schisteuse; en même temps, au lieu de poissons y l’on trouve des ammonites ^ etc. Celte pierre est compacte, ferme, d’un jaune grisâtre, ou d’un brun de foie. Au-dessous est un autre calcaire à grain feuilleté, assez épais, que l’on nomme sauvage, parce qu’on ne peut l’employer aux couveiiures. L’identité de cette formation ( ajoute M. de Humboldt àd^us la note qu’il a bien voulu me remettre), est facile à recon- noître dans les régions du monde les plus éloignées, à Vérone, dans les Apennins, sur les côtes d’Afrique, où elle renferme aussi des poissons pétrifiés. C’est un calcaire compact, divisé en couches minces, blanc- jaunâtre, quelquefois rouge de chair, à cassure unie, passant à la cassure conchoïde aplatie, et reposant en plusieurs endroits sur du gypse ancien, abon¬ dant en sources salées. En remontant vers le nord, et en se rapprochant de la chaîne primitive du Thùringer-Wald , on trouve que celte formation est successivement recouverte par le calcaire caver¬ neux de Gajlenreuih^ Muggendoif, etc. par une formation de grès d’ancienneté moyenne, contenant des veines de houille DES SCHISTES. 1 1 et des coucbes ai'gileuses avec des empreintes de fougères et de scitaminées. Sur ce grès repose souvent du gypse récent, fibreux, mêlé d’argile, sans aucun sel marin; et sur ce gypse, le calcaire coquillier, que l’on regarde en Allemagne comme le plus récent. Quand on a passé le Tbùringer-Wald, et qu’on redescend en Tburinge, on retrouve les mêmes coucbes, ex¬ cepté que le calcaire caverneux y manque quelquefois. Si nous avions des observations du même genre sur les en¬ virons des carrières Ôl CEningen^ nous saurions mieux à quoi nous en tenir sur l’époque , ou du moins sur l’ancienneté re¬ lative de leur origine; mais il paroît que l’on a toujours négligé de les considérer dans leurs rapports avec ce qui les environne^ ArticleII. Sur le prétendu homme fossile des carrières r/’OExiNGEN, décrit par Scheüchzer, que d’autres naturalistes ont re¬ gardé comme un silure, et qui n’est qu’une salamandre, ou plutôt un protée, de taille gigantesque et d’espèce inconnue. Il étoit naturel que ceux qui attribuoient toutes les pétrifi¬ cations au déluge, s’étonnassent de ne jamais rencontrer, parmi tant de débris d’animaux de toutes les classes , des osse- mens humains reconnoissables. Scheüchzer., qui a soutenu cette opinion avec plus de détail et de suite qu’aucun autre, étoit aussi plus intéressé à trouver des restes de notre espèce; aussi accueillit-il, avec une sorte de transport, un scbisle ôèOEningen, qui lui sembla offrir l’empreinte du squelette d’un bomme; il décrivit ce morceau REPTILES 12 en abrégé clans les 2^ rems actions pliilosopliiques pour 1^26 (tom. 34, pag. 38). Il en fit l’objet d’une dissertation parti¬ culière, intitulée Y Homme témoin du déluge Çiomo diluvii iestis) (1) reproduisit dans sa Ph^sicpie sacrée, pl. 49? assurant, pag. 66, «qu’il est indubitable — et qu’il contient )) une moitié, ou peu s’en faut, du squelette d’un bomme^ — » que la substance même des os, et, qui plus est, des chairs » et des parties, encore plus molles que les chairs, y sont )) incorporées dans la pierre^ ^ — en un mot, que c’est une des » reliques les plus rares que nous ayons de cette race maudite, » qui fut ensevelie sous les eaux «. Les naturalistes n’élevèrent, pendant plus de trente ans, aucun cloute c^ue ce ne fùt-là un véritable antropolithe, et M. Jean Gesner le cite encore pour tel dans son Traité des pé¬ trifications, imprimé à Leyde en i^SS. Il paroît cependant que ce savant, devenu propriétaire d’un morceau semblable, fut ensuite le premier à élever des doutes sur l’espèce qui l’avoit fourni , et à conjecturer que ce pouvoit bien n’étre qu’un medoxx salut Çsilurus glanis , Lin.) (2), opinion adoptée ensuite par tous les naturalistes (3), et encore aujourd’hui (1) Homo diluni testis, et theoskopos. Tiguri, 1726, avec une figure en bois, de grandeur naturelle, qui est en¬ core la meilleure représentation que l’on ait de ce morceau. Celle de la ptijsique sacrée, copiée dans Dargenville et ailleurs, est moins nette. J’en dois aussi un beau dessin à M. van Marum, qui l’a fait copier sur l’original, aujourd’hui déposé au Muséum de Teiler à Harlem; mais il paroît que quelques fragmens sont tombés dans le transport. (2) Andreæ, Lettres sur la Suisse, pag. Sa. (3) Vogel, Minerai System, pag. 242. Kazoumoçpsly, Acad, de Lausanne, tom. III, pag. 216. Blumenbach, Manuel, éd. de 1807, pag. 728; et Magasin de Voigt, tom. V, p. 22. Karg, Mém. de la Société des naturalistes de Souabe, t. I, pag. 34 et 55, etc. etc. V DES SCHISTES. î3 dominante , quoiqu’elle ne soit guère plus fondée que l’autre. Pour mettre nos lecteurs à meme de suivre nos raisonne- mens, nous avons fait copier la gravure àe Schéuclizej'^i^^. 2, au sixième, de la grandeur naturelle. Nous avons fait placer à côté le dessin d’un autre morceau plus complet que ceux de ScheiLchzer et de Gesner. Il appartient au docteur Am- viann, de Zuric^ et a été publié par M. Karg^ dans les Mémoires de la Société de Souahe , pl. II, fig. 3. Notre copie est aussi réduite au sixième de la grandeur naturelle (1). Le premier morceau, à lui seul, auroit déjà pu, si on l’eùt examiné avec attention, désabuser de l’idée que c’étoit un antropolitbe. Les proportions des parties offrent déjà de grandes diffé¬ rences. La grandeur de la tête est bien à peu près celle d’un liomme de moyenne taille; mais la longueur des seize vertè¬ bres est de quelques pouces plus considérable qu’il ne faudroitj aussi voit-on que chaque vertèbre, prise séparément, est plus longue à proportion de sa largeur que dans l’homme. Les autres différences qui se tirent de la forme des parties ne sont pas moins frappantes. La rondeur de la tête, qui aura été la principale cause de l’illusion, n’offre cependant qu’un rapport éloigné avec celle de l’homme. Qu’est devenue toute la partie supérieure, tout ce qu’il devrolt y avoir de front Et si l’on suppose que le front a été enlevé, la rondeur totale ne sera plus qu’un effet du hasard, c[ui ne prouvera rien. Comment les orbites sont-ils devenus si grands? que la . 'rr\ (]) Outre les morceaux de Scheuchzer et d’Ammann , et celui de Jean Gesner qui n’a pas été publié, il en existoit, dit-on, un quatrième dans le cabinet du couvent d’Augustins d’Œningenj qui n’a pas été publié non plus. ( Razoumowskyj loc* cit.)o REPTILES 4 tête ail élé comprimée d’avaut eu arrière, ou qu’il n’y en ait qu'une coupe verlicale , celte grandeur d’orbites est également inexplicable. Plus on enfoncera la coupe, plus les orbites y deviendront petits. L’intervalle des orbites est garni d’os entiers, qu’une suture longitudinale distingue. Où est l’analogue de cette stx’ucture dans l’homme? Pourquoi ne voit-on ni les os ni la cavité du nez, et s’il n’y a que des restes de la partie postérieure, com¬ ment cette suture s’y est elle formée? Comment dans une tête, soit comprimée, soit coupée, n’est-il pas resté trace de dents, tandis que les dents sont toujours la partie qui se conserve le mieux dans les fossiles. Scheuchzer suppose que les os placés aux deux côtés de la première vertèbre sont des restes de la mâchoire inférieure : mais où est la ressemblance, et pourquoi toujours ce manque de dents? Ces motifs et beaucoup d’autres sont sans doute ce qui a fait chercher à ce fossile un autre type que l’homme 5 mais, au lieu de le chercher par une comparaison directe, on aui’a employé la voie du raisonnement. Les carrières ^OEningen^ aura-t-on dit, fourmillent de poissons d’eau douce, qui pa- roissent tous des poissons d’Europe. C’est donc parmi les pois¬ sons, parmi les poissons d’eau douce, et parmi les poissons d’Europe, que nous trouverons notre animal. Or, quel est parmi ces poissons l’espèce assez grande pour avoir fourni ce squelette? On se sera souvenu alors c[ue le silunis glanis atteint souvent une très-grande taille, et que sa tête présente à l’e.xtérieur un contôùf "ai'rôpdTj et l’on âïïfà' ciüLle pfôbTème résolu, sans qu’il fût nécessaire d’établir une comparaison plus immédiate. DES SCHISTES. i5 Ce qui est fort singulier, c est queM. Kargaàl encore adopté celle opinion, après avoir observé et fait dessiner l’échantillon de M. Ammann^ dont la ressemblance avec une salamandre est si frappante, et qu’il ait dit, en termes exprès, «([ti’il ne » doute pas que le fossile ne soit un silure^ et quon y voit » la tête et les nageoires avec une netteté remarquahle » {loc. cit. pag. 36 ). Son éditeur, M. Jœger^ que j’ai déjà eu occasion de citer, comme m’ayant donné d’excellens documens pour mon ou¬ vrage, a pris un moyen bien simple pour le réfuter; il a fait dessiner à coté du fossile le squelette d’un silurus glanis. Nous avons imité M. Jœger, en faisant aussi le squelette du silurus glanis , et en le faisant dessiner à côté des squelettes fossiles de Scheuchzer et de M. Ammann^ sur une échelle telle, que sa tête fut à peu près aussi grande que les têtes fossiles. On voit mieux de celle manière l’impossibilité absolue de la supposition généralement reçue. Dès le premier coup-d’œil on remarque, i.° Qu’à grandeur égale de tête, le silure n’auroit pas plus des deux tiers de la longueur du squelette fossile de M. Am- mann^ lequel n’est pas encore complet; 2;° Que, dans le même espace où l’épine du silure contient quinze vertèbres, celle des deux squelettes fossiles n’en offre pas plus de cinq ou six; 3.° Qu’il n’y a aucun rapport de forme entre les vertèbres encore plus courtes du reste de Tépine du silure, et les ver¬ tèbres plus longues que larges des fossiles, et que la totalité de l’épine du silure est de soixante-dix vertèbres, tandis que l’on n’en peut compter que trente ou trente-deux dans l’épine beaucoup plus longue du fossile; REPTILES ï6 4.° Que les fossiles n’offrent aucun vestige des longues apophyses épineuses de la queue du silure ; 5° Que c’est par un pur hasard qu’il y a des os d’extrémité au fossile , vis-à-vis de l’endroit où sont attachées les nageoires ventrales du silure; mais que la correspondance est illusoire; car, dans le fossile^ c’es’t l’extrémité antérieure; dans le silure^ c’est la postérieure; 6.° Que l’extrémité postérieure du fossile est fort loin en arrière, et que, vis-à-vis du point où elle est attachée, la queue du silure est prête à se terminer ; Que ces deux extrémités du fossile présentent des os solides, cylindriques, semblables à ceux des jambes des qua¬ drupèdes et des reptiles, et nullement des rayons articulés ni épineux , comme ceux des nageoires des poissons ; 8. ° Que le silure ne montre rien de semblable aux petites côtes répandues des deux côtés de l’épine dans l’individu de M. Ammann ; 9. ° Enfin si l’on compare la tête , qui a probablement donné lieu à toute la supposition, on n’y trouve de ressemblance nî dans les contours généraux , ni dans les détails. Le contour du silure est beaucoup moins arrondi, et en¬ core celte rondeur est due à la mâchoire inférieure, tandis que, dans le fossile^ les branches latérales paroissent appar¬ tenir presque entièrement à l’arcade zigomatique. Les parties, placées derrière l’orbite, n’ont pas à beaucoup près la largeur quelles devroient avoir dans le silure. Depuis long-temps cette figure arrondie de tête, avec ses deux grands orbites, me frappoit, comme singulièrement ressemblante à une tête de grenouille ou de salamandre ^ et je n’eus pas plutôt jeté les yeux sur la figure de l’échantillon DES SCHISTES. dCAmmann^ donnée par M. Karg, que j’aperçus dans les vestiges de pieds de derrière, et dans la queue, une démons¬ tration en faveur du dernier genre. J’appris avec grand plaisir, dans la note jointe par M. Jceger au Mémoire de M. Karg^ que mon savant ami, M. Kielmejer avoit eu, de son côté, la meme idée , et je ne pus que me con¬ firmer dans la mienne sur une autorité aussi respectable. Prenez en effet un squelette de salamandre ^ et placez-le à côté du fossile^ sans vous laisser détourner par la diflérence de grandeur, comme vous le pouvez aisément, en comparant le dessin de salamandre de grandeur naturelle, fig. i, avec les dessins des fossiles réduits au sixième , fig. 2 et 3.“ Tout s’expliquera alors de la manière la plus claire, La forme arrondie de la. tête, la grandeur des orbites, la suture dans le milieu de leur intervalle, la partie anguleuse du temporal pour l’articulation de la mâchoire inférieure, la longueur des vertèbres par rapport à leur largeur , les petites côtes attachées à leurs deux côtés, les restes d’extrémités anté¬ rieures très-sensibles, dans les deux squelettes fossiles, ceux, d’extrémités postérieures, qui le sont encore davantage dans l’un des deux (celui de M. Ammann) où l’on voit les fémurs, une partie des tibia , et quelques fragmens du bassin ; tout en un mot forme preuve pour la famille des salamandres , et exclut toutes les autres. Je suis persuadé même que, si l’on poüvoit disposer de ces fossiles et y rechercher un peu plus de détails, on trouveroit des preuves encore plus nombreuses dans les faces articulaires des vertèbres, dans celles de la mâchoire, dans les vestiges des très-petites dents, et jusque dans les parties du labyrinthe REPTILES ï8 de l’oreille. Je ne puis qu’inviter les propriétaires, qu les dé¬ positaires de ces beaux morceaux, à procéder à cet examen. A la vérité , les salamandres portent leur bassin attaché à la quinzième vertèbre, et le fossile paroît l’avoir porté à la dix-huitième ou dix-neuvième^ mais c’est là une différence spécifique très-peu importante 5 Y axolotl du Mexique porte le sien suspendu à la dix-septième, et le protée de la Carniole vis-à-vis de la trente-unième. Notre animal est donc de la famille des salamandres ; mais à quel genre appartient-il Nous trouvons encore înoyen de répondre à cette question dans les os placés aux deux côtés de la première vertèbre, et dont il y a des traces dans les deux échantillons, quoique celui de Scbeuchzer les montre beaucoup plus complètement. Nous les avons marqués a a dans les deux figures. J’ai long-temps cherché à les expliquer , et je n’en ai trouvé la solution que lorsque j’ai eu disséqué les reptiles douteux sur lesquels j’ai donné un Mémoire , inséré dans les Observa¬ tions zoologiques de mon célèbre confrère M. àeHumholdt^ pag. 1 49 et suiv. Les sirènes^ les protée s ^ les axolotl^ en un mot tous les reptiles qui conservent des branchies avec leurs poumons, sont munis d’osselets pour ])orter les premiers de ces organes elles faire jouer 5 et ces osselets, comme les arcs branchiaux des poissons, s’articulent en dessous avec l’os hyoïde, et se rapprochent plus ou moins en dessus, de l’occiput ou de l’épine. Il y a toute apparence que les os que nous voyons derrière la tête de notre animal contrihuoient à former de semblables arcs, et par conséquent qu’il porloit des branchies : il a])par- DES SCHISTES. t9^ tenoit donc à ces genres particuliers, qui ont été nomrnés pendant quelque temps reptiles douteux; et puisqu’il étoit quadrupède, c’est parmi les proteus qu’il doit être rangé. Il avoit des rapports très-particuliers awecle prote'e du Mexique ou axolotl; mais la grandeur de ses orbites, qui annonce celle de ses yeux , devoit reudre sa physionomie plus semblable à celle de notre salamandre terrestre. Quant à sa grandeur absolue , il devoit avoir trois pieds , ou à peu près, depuis le bout du museau jusqu’à l’extrémité de la queue j il étoit donc encore un peu plus grand que la sirène; il étoit surtout plus gros à proportion; la longueur de sa tête étoit de quatre pouces, et sa plus grande largeur, qui déterminoit à peu près le diamètre de son corps, de six pouces trois lignes. Il est difficile de donner au juste la longueur de ses mem¬ bres, et à peu près impossible de fixer le nombre de ses doigts ; mais ses extrémités de devant étoient éloignées d’en¬ viron quinze pouces de celles de derrière , et la longueur de sa queue étoit au moins d’un pied. IXul doute qu’il ne fût aquatique, et qu’il ne vécût avec les innombrables poissons dont les dépouilles accompagnent les siennes , dans cet ancien lac qui a déposé les schistes d’ CEnin~ g^eu, et qui étoit à peu près à cinq cents pieds au-dessus du niveau actuel du lac de Constance. Ces poissons étoient-ils aussi semblables qu’on le dit à ceux qui habitent encore à présent les lacs et les rivières voisines.^ C’est sur quoi je ne me permets pas encore de prononcer ; je trouve seulement bien extraordinaire que les mêmes eaux.aient pu nourrir nos carpes., nos brochets., et des protées comme celui-ci, et que leurs rivages aient été fréquentés par un ron- 20 REPTILES geur, tel que celui que j’ai décrit dans un de mes chapitres précédens. Article IIL Digression sur deux vertèbres prétendues humaines^ décrites par SCHEUCHZER. Je ne crois pas hors de propos de montrer, par un autre exemple, avec quelle légèreté des naturalistes, d’ailleurs habiles, ont attribué à l’espèce humaine des os fossiles ou pétrifiés. Ce que je vais dire servira en outre de supplément à mon Mé¬ moire sur les crocodiles fossiles. SclieuclizerySe promenant un jour dans les environs à’Al- îorf ville et université du territoire de Nuremberg., avec son ami Langhans , alla faire des recherches au pied du Gibet. Langhans, qui avoit pénétré dans l’enceinte, trouva parmi les pierres un morceau de marbre cendré, qui contenoit huit •vertèbi'es dorsales teintes en noir , et d’un aspect brillant ; saisi, dit toujours Scheuchzer, d’une terreur panicjiie , Danglians jeta cette pierre par-dessus le mur, et Scheuclizer l’ayant ramassée, en garda deux vertèbres, qu’il considéra comme humaines, et qu’il fit graver dans ses Pisciurn querelœ, ])1. III. Il fait tout ce récit à Bajer, à l’occasion de deux vertèbres semblables, et probablement du même lieu c|ue celui-ci avoit fait représenter dans son Orjctographia norica, pl. VI, fig. Sa , et Bayer fit imprimer la lettre de Scheuclizer dans les supplémens à cette Orictographie, qui font suite à la descrip¬ tion de son cabinet (ij. (i) Joli. Jac. Bayer, Sciagraphia ftiusei sai, Norimb. ij5o, pag. 3o, DES SCHISTES. 21 Ces vertèbres, copiées par Dargemille fi), et citées par JValch (2], et par beaucoup d’autres descripteurs de pétrifi¬ cations, ont passé depuis pour humaines jusqu’à ces derniers temps, où l’on n’en a plus parlé du tout. Il n’est cependant besoin que des plus légères notions d’o's- téologie, ou mieux encore de la présence d’un squelette, pour voir que ces vertèbres, dont nous copions les figures à moitié grandeur, fig. 6 et 7, ne viennent pas d’un homme. Leurs corps n’auroient pas ce creux d’une face et cette saillie de l’autre, et l’on ne verrolt pas à la surface cylindrique ces côtes longi¬ tudinales; il resteroit quelques vestiges de leurs apophyses articulaires, etc. Il y a bien plus d’apparence que ce sont des vertèbres de crocodile; et comme nous avons déjà vu qu’il s’est trouvé des mâchoires fossiles de ce genre dans les envi¬ rons (YAltorf, tout doit porter à croire que ces vertèbres leur appartiennent également, d’autant que leur couleur est pré¬ cisément celle qui s’observe dans les autres os fossiles de cro¬ codiles du dessous des craies. ARTICLE IV. Sur un animal du genre de la grenouille, retiré des car~ rieres ^’OEningen, et conservé dans le cabinet de M. Lavater à Zlric. On ne le connoît que par une figure gravée dans les lettres àiAndfece sur la Suisse, pl. XV, fig. 6, dont nous donnons (1) Oryctologie, pl. XVII, fig. 2. {2) Monumeas de Knorr. Il, sect. II, pag. i43* 22 REPTILES une copie réduite de moitié, fig. 5. L’original, outre les os qui composent le squelette, ;^uoutre une masse arrondie brune qui les entoure , et qui pourroit bien être l’empreinte du corps. D’après cette forme, on a jugé que ce devoit être un crapaud ^ et MM. Razoumowskj (i) et Karg (2) disent qu’il est si bien conservé, qu’on y voit même les côtes et les fausses côtes. Celte description seroit faite pour rendre ce' morceau bien suspect, car les crapauds et les grenouilles n’ont jamais de côtes vraies ni fausses; mais la Ggure n’en montre non plus aucune, et il est impossible d’y méconnoître un squelette bien conservé du genre rana. Reste donc à en distinguer l’espèce. Cette forme ronde ayant pu être donnée au ventre par la compression que l’animal a éprouvée quand il fut saisi par la matière du schiste, ne suffit pas pour démontrer que ce soit un crapaud y et surtout que ce soit précisément notre cra¬ paud commun. Il y a cependant un autre caractère qui prouve que c’est un crapaud , et il consiste dans la largeur et dans l’aplatisse < ment des apophyses transverses du sacrum. Les grenouilles les ont simplement arrondies, et guère plus grandes que celles des autres vertèbres. Parmi nos crapauds, il n’y en a même qu’un seul qui ait ces apophyses précisément de la forme du fossile; c’est le crapaud à bande longitudinale jaune sur le dos ( bufo ca- lamita)., celui qui répand une si forte odeur de foie de soufre. Le crapaud commun les a plus étroites; \e crapaud brun des marais [bufo Rœselii] le crapaud à ventre couléur de feu (1) Acad, de Lausanne, III, pag. 217. (2) Nafur. de Souabe, I, 28. DES SCHISTES. [hiifo homhiniis), les ont plus larges d’avant en arrière que transversalement, ce qui leur donne la figure d’un fer de hache. J’ai vérifié ces caractères sur les squelettes memes, et ceux qui n’auroient pas les squelettes sous les yeux peuvent con¬ sulter les figures de l’ouvrage de Rœsel , où toutes ces diffé¬ rences sont fort bien exprimées. Un second motif en faveur de la meme espèce seroit la briè¬ veté du tibia du fossile, attendu que le biifo calamita porte aussi cet os plus court, à proportion, que les autres crapauds de notre pays. Mais si l’on passe à l’examen des vertèbres, on trouve bientôt qu’elles ont des apophyses tranverses, plus- longues et plus pointues que le bufo calamita , et que la seconde , qui devroit avoir ces apophyses plus courtes que la troisième et la qua¬ trième, et dirigées en avant, paroît au contraire, à en juger par le dessin , les avoir plus longues , et dans la meme direc¬ tion que les suivantes. Si ces traits sont fidèles, ce que le propriétaire du morceau original peut seul vérifier maintenant, je ne doute point que ce crapaud ne soit différent des nôtres; mais il faut avouer qu’à une époque où l’on croyoit fermement que tous les fos¬ siles d’ GEnmgen venoient d’espèces encore vivantes dans les environs , il étoil permis de ne pas examiner celui-ci avec tant de scrupule. 24 REPTILES Article V. Sur le squelette fossile d’un reptile vola.nt des emirons r/’AicHSTEDT , que quelques naturcdistes ont pris pour un oiseau^ et dont nous formons un genre de sauriens, sous le nom de pteR-O-dactyle, Feu M. Collini, directeur du cabinet de l’électeur Palatiu à Manlieim , qui avoit de l’esprit et de la sagacité , mais peu de connoissances positives d’histoire naturelle et d’anatomie comparée , a cependant rendu des services essentiels à ces deux sciences, en publiant les objets les plus intéressans du dépôt couüé à sa garde 5 attention que tant d’autres conservateurs de riches collections devroienl bien imiter 5 car le seul mérite réel d’un cabinet, le seul but raisonnable des gouvernemens qui en font recueillir', est de fournir des accroissemens aux sciences , en offrant des^ sujets de méditation à ceux qui les cultivent. Dans un Mémoire inséré parmi ceux de \ Académie pala¬ tine [partie physique^ tom. V, pag. 58 et suiv. }, Collini dé¬ crivit les os fossiles de ce cabinet, notamment ceux à’hjène^ de rhinocéros et de crocodile dont j’ai parlé ailleurs,- et le squelette entier qui fait l’objet de notre présent Mémoire, Il avoit été trouvé, dit l’auteur, dans une de ces pierres marneuses , feuilletées , grises , et quelquefois jaunâtres , Ül Aichstedt , qui abondent en dendrites et en pétrifications animales. On sait cpoL Aiclistedt est dans la vallée de XAltmühl^ un peu au-dessous de Soleiihofen ^ village du comté de Pappen- DES SCHISTES. 25 lieim^ célèbre depuis long- temps parmi les amateurs de pé¬ trifications , par ses schistes abondans en poissons, en crabes et en e'crevisses , en grande partie ineonnus, et offrant quel¬ quefois jusqu’à des animaux du genre du crabe des Molu- ques Çmonoculus poljphemus, Lin. limulus F abr.]. Il est donc probable que notre squelette appartenoit à la meme formation , et que l’animal qui l’a fourni vivoit à la meme époque, et dans la même région que ceux qui l’accoiupagnent. Sa figure extraordinaire m’ayant beaucoup frappé, j’aurois bien désiré pouvoir observer ce morceau par moi- même ^ mais il paroîl qu’il s’est perdu lorsque le cabinet de Manheim a été transporté à Munich; du moins M. le baron de Moll, minéralogiste célèbre , à qui je m’élois adressé, et qui en a fait la recherche avec toute l’obligeance qui le caractérise, n’a-t-il pu le retrouver. Il faut donc nous contenter de la figure et de la description de Collini, qui heureusement sont mieux faites et plus détaillées qu’il n’arrive d’ordinaire, et peuvent suffire pour déterminer la classe de l’animal , et pour en caractériser le genre. Je donne d’abord la description , et j’y ajouterai ensuite mes remarques. Voici les termes memes de feu M. Collini. Sa figure est copiée dans notre planche II. « C’est un petit animal de la longueur de dix pouces et r> quatre lignes, avec une fort grande bouche armée de dents, » avec un long cou, avec une queue, avec des pâtes et des » pieds de derrière garnis de griffes, et qui, à la place de bras « ou de pâtes de devant, a des corps fort longs, qui se plient, « étant composés de sept morceaux articulés. Son cou et son ïi corps se sont tellement pliés et courbés, que l’endroit où est 4 26 REPTILES » Tanus touche presque la partie postérieure du crâne, comme )) on le peut voir sur la planche , qui représente l’animal de » grandeur naturelle. Relativement à son corps, sa bouche )) est considérable. Je la désignerai dans cette description par » le nom de bec. « La tête avec son bec (AB) est une des parties remar- » quables de cet animal : elle s’est trouvée enfermée dans cette » pierre de profil^ elle est plus longue que le cou et le corps )) pris séparément, et a quatre pouces de longueur, depuis le » bout du bec jusqu’à la partie postérieure du crâne. La ligure » circulaire, assez grande, qu’on voit en G, paroîl marquer la i) place de l’œil; l’ouverture de la bouche, AD et ED, qui fait )> la longueur des mâchoires, a trois pouces et trois lignes de )) longueur. Cet animal, en périssant, est resté avec la bouche » tellement ouverte, qu’entre le bout de la mâchoire supé- ï) rieure A et le bout de l’inférieure E, il y a une distance de » deux pouces et dix lignes. Ce bec est ‘épais, droit, et de » forme conique; on voit à la mâchoire inférieure son arti- » culaiion et sa charnière en D. La supérieure à la base du » bec et à côté de l’œil, a six lignes de hauteur latérale, et va )) en décroissant jusqu’à son extrémité antérieure A, où elle » n’a de hauteur qu’environ une ligne, et où elle est un peu )) courbée en en-bas. La mâchoire inférieure, dans toute sa V longueur, paroît être d’une largeur égale, qui est de près de » deux lignes ; mais elle est un peu plus épaisse à sa partie an- » térieure, et son extrémité E est un peu courbée en en-haut. « Chacune de ces mâchoires est armée d’une rangée de » petites dents pointues, toutes d’égale grandeur, et un peu » courbées en arrière : ces dents n’occupent que la partie an- » térieure des mâchoires. Dans celle du dessus , les deux tiers DES SCHISTES. »7 » de celte longueur, à commencer depuis la base du bec, sont » sans dents , et on en compte onze dans l’autre tiers , jusqu’à » l’extrémité de celte mâchoire. Dans celle du dessous, plus » de la moitié de sa longueur est garnie d’une suite de dents. » On y eu compte dix-neuf j mais la plupart n’ont laissé que » leur empreinte sur la pierre. « Le cou est dirigé en en-bas , tel que le cou d’un oiseau } » mais il a pris sur la pierre une situation forcée, étant courbé « en demi-cercle FG. En suivant cette courbure, il a environ » trois pouces de longueur 5 il paroît partagé en six morceaux » articulés, mais qui sont unis si étroitement, qu’on ne peut » distinguer la liaison par laquelle l’un s’articuloit avec l’autre; » ils forment seulement autant d’angles saillans à la circonfé- ♦/ rence du cou ainsi plié. La première de ces vertèbres, celle » qui tient à la tête , est la plus courte, et a environ trois lignes » de longueur. La seconde est plus longue du double que la » première; les deux du milieu sont les plus longues de toutes, » et ont sept lignes; les deux suivantes ont la longueur de la » seconde. » Le diamètre de ces vertèbres est, en général, de deux » lignes; mais elles sont un peu plus minces à l’endroit où )) elles se rejoignent à la tête, et ont un peu plus de deux lignes M de diamètre à l’endroit où se fait leur réunion avec le corps. ») Quoique cet animal , en se trouvant engagé dans les terres » au milieu desquelles il a laissé sa carcasse, ait pris une situa- » tion forcée, cependant son corps tient encore au cou. Ce qui » prouve combien cette situation a été forcée, c’est que le )» corps de la partie inférieure, où se trouve le cou en G, » s’est élevé verticalement vers la supérieure, et est remonté n vers la tête ; de sorte que l’anus H se trouve à côté de la 28 REPTILES » partie postérieure du crâne; il n’a que deux pouces et cinq » lignes de longueur. II est composé de plusieurs petites ver- » tèbres, qui forment l’épine du dos, et qui ont conservé leur » ordre et leur union, quoiqu’un peu confusément dans quel- » ques endroits, ce qui empéclie d’en déterminer au juste le )) nombre. J’ai pu en compter dix-neuf à vingt : cîiaque ver- » tèbre a environ une ligne et un tiers de longueur. « De chacune des vertèbres dorsales sortent autant d’arètes V fort minces, qui forment les côtes de ranimai-, huit de ces >) côtes ont conservé leur situation et leur ordre naturel, JJ. » D’autres traits qui leur ressemblent, et qui sont répandus )) sur la pierre, font présumer que le reste de ces côtes s’est « dégagé. >) L’extrémité du corps, depuis l’anus, est suivie d’une queue )) mince H K, composée de plusieurs vertèbres, et longue de » dix lignes; quelques-unes de ces vertèbres, vers l’endroit où )) elles s’articulent avec celles de l’épine du dos, ne sont pas » clairement visibles. J’en ai ensuite distinctement ccmpté )) treize qui se suivent en une rangée, et qui diminuent snc- » cessivement de grosseur jusqu’au bout de la queue, où elles )) sont aussi minces que la pointe d’une épingle ; leur épaisseur, » vers la naissance de la queue, est d’ime ligne. La longueur )) de la plupart d’entre elles est d’un peu plus d’une demi-ligne, » excepté les dernières, qui sont extrêmement petites. » L’extrémité du croupion est distinctement marquée dans )) cet animal pétrifié par deux os, qu’on peut appeler l’os sa- )) crum et le coccyx. Tel est cet os large L, qu’on peut com- )) parer ]îar sa forme à l’os sacrum; tel l’autre en forme de » bec M, qui est au bout de l’os sacrum, et qui peut mériter » le nom de coccyx. DES SCHISTES. » Cet animal a des jambes de derrière assez longues. II en » subsiste une entière, composée de trois morceaux articulés, « à l’extrémité desquels il y a le pied. Le premier de ces mor- I) ceaux N s’emboîte dans une cavité qui se trouve à l’extré- )i mité du corps , entre l’épine du dos et l’os sacrum ; il a un » pouce et trois lignes de longueur. Le second O, qui est le » plus long des trois , a un pouce et dix lignes. Le troisième )) P a neuf lignes; par conséquent cette jambe, qui étoit la )) gauche de l’animal, a près de quatre pouces de hauteur. » Le pied Q est joint à ce dernier morceau par des arlicii- V lalions dont on ne voit pas le mécanisme ; car on n’aperçoit » point dans cet endroit aucune trace qui puisse faire présu- » mer l’existence d’un tarse ou d’un métatarse. Les phalanges )5 des doigts succèdent immédiatement à ce dernier morceau , )) et l’articulation se faisoit probablement par différens liga- « mens. Le pied a six lignes de longueur; il a quatre doigts )) articulés, armés chacun à son extrémité d’un ongle ou cro- cliet pointu. Les phalanges s’étant dérangées, on ne peut eu » fixer le nombre. On pourra s’en faire une idée plus claii’e, » en examinant deux autres pieds détachés, qu’on voit encore >) sur cette pierre. Celui qui est marqué de la lettre 11 est plus » effilé, plus long,. et a bien conservé l’union des phalanges » de ses doigts. L’autre, qui se trouve sous la lettre S, est )) plus défectueux; il n’a que trois doigts, et la plupart de ses n phalanges manquent; mais il est plus court et un peu plus » gros. Tous les deux sont également armés de crochets ou J) de grilfes au bout de leurs doigts. On ne peut pas savoir si » ces deux pieds, de proportion différente, ont aussi appar¬ ia tenu à cet anunal, ou si ce ne sont pas les débris d’autres » animaux de la même espèce. Ce qui paroît clairement, c’est 3o REPTILES » que ces deux pieds n’appartiennent pas à la place où ils se » trouvent, mais que ce -sont des parties détachées et éloignées » de leur place naturelle. On a fait représenter à la flgure 2 » le pied de la lettre R, comme mieux conservé, d’une pro- » portion plus grande. Trois de ses doigts sont composés » chacun de trois articles, dont les premiers, qui tiennent à » la jamhe, sont passablement longs. Le doigt le plus court » n’a que deux articles; mais il faut observer que les crochets *) qui sont au bout de ses doigts , paroissent leur être égale- » ment attachés par des articulations. Quelques-unes des arti- » culalions de ces doigts sont composées d’apophyses en forme » d’anneaux. » L’autre jambe de derrière, qui est la droite, s’est déran- » gée, et presque entièrement perdue; il en subsiste seulement n le premier morceau T, qui tient encore à l’endroit de son » insertion , à l’extrémité de l’épine du dos , comme dans l’autre » jambe le morceau correspondant N. Cette portion d’os dé- » taché, qu’on voit en U près de ce premier morceau, paroit » en avoir formé le second. Ce sont là les seuls vestiges de » cette jambe qu’on trouve sur cette pierre. « Ce qui achève de rendre remarquable cet animal pétrifié, » ce sont deux corps longs, qui ont leur origine et leur inser- » tion de chaque coté de la poitrine, ou plutôt des épaules; )) ce sont deux instrumens situés à la place où l’on pourroit » supposer des jambes de devant : on peut les regarder comme « les bras de l’animal. Chacun de ces bras est d’une longueur » considérable, relativement à la taille de l’animal, ayant dix « pouces et trois lignes de long. Il est partagé en sept moi’- « ceaux articulés, qui vont en diminuant d’épaisseur depuis « le premier, qui a son insertion aux épaules, et dont le dia- DES SCHISTES. 3i » mètre est de trois lignes, jusqu’au dernier, dont l’extrémité » est aussi mince que la pointe d’une épingle. Ils sont resté n dépliés de différente manière à la mort de l’animal, et sont » marqués sur la planche des deux côtés, depuis le n.” i jus- » qu’au n. » Les deux premiers articles de chacun de ces bras ( i et i) w manquent en partie sur la pierre sur laquelle ils ont distinc- » lement laissé leur empreinte. L’épaisseur du second article (2] » est de trois lignes, comme le premier. Chacun de ces articles » est plus épais à l’endroit de l’articulation qu’au milieu de » sa longueur 5 celte longueur varie dans chaque article. » Le second paroît être le plus long, et a un pouce neuf I) lignes de longueur. Les plus courts sont le premier et le « dernier (i et 7) qui ont un pouce et une ligne de longueur. » Chaque article d’un de ces bras, d’un côté de l’animal, ré- V pond parfaitement, pour l’épaisseur et pour la longueur, » au même article du côté opposé. Selon le mécanisme de ces » bras, ils pourroient aussi porter le nom de pâtes pliantes: » peut-être l’animal a-t-il pu les mouvoir en divers sens. « Il ne me reste enfin qu’à parler de deux os détachés; » l’un, marqué de la lettre X, se trouve près de l’endroit où » le cou se rejoint au corps. Par la forme de cet os, on peut » présumer que c’éloit une espèce de clavicule propre à fermer » et à lier cette partie qui est entre le cou et le corps, et à I) fortifier cet endroit pour qu’il pût résister %ux efforts qu’ont )) dû nécessairement faire dans leurs différons mouvemens les » deux bras dont je viens de parler. L’autre os, qui se trouve » près de la jambe de derrière et de l’os sacrum, et qui est » marqué de la lettre Y, est en forme de poire ». CoUini termine sa description par quelques recherches sur 3a REPTILES le genre de cet animal ; et après avoir fait remarquer que ce n’est ni un oiseau ni une roussette, il se demande si ce ne seroit point quelque amphibie, et finit par conclure qu’il faut en chercher l’original parmi les animaux maries. Avant de dire nous-mêmes notre sentiment , nous devons faire quelques remarques sur la description de Collini^ et y relever quelques erreurs qui pourroient influer sur la déter¬ mination. Nous croyons d’abord que la seconde jambe de derrière n’est ni aussi dérangée ni aussi mutilée qu’il le dit; on peut, au contraire, en suivre, selon nous, toutes les parties. T est le fémur, U est le tibia, et R. le pied, dont la jonction avec le tibia ne se distingue pas bien, parce qu’elle est cachée par l’épine du dos. Ce pied R étant plus développé que l’autre, nous fait aper¬ cevoir une seconde erreur, qui est d’avoir pris pour un seul os le métatarse P, qui est au contraire composé de plusieurs, mais jetés les uns sur les autres. Le pied R ne venant point d’un autre animal , et n’étant point détaché de sa place naturelle, il n’y a pas de raison pour croire que le pied S le soit. Il nous sèmble-voir en S trois doigts d’un pied de devant, attachés au bout d’un long métacarpe, et accompagnés d’un quatrième doigt 4, 5,6, 7, beaucoup plus long que les autres. Le carpe se trouve alors en 8 , où l’on distingue en effet plusieurs osselets. Les deux os 2,2 forment Favant-bras, i est l’humérus; les os X et G sont les clavicules , et les os 9 et 9 , dont Collini ne parle pas , les omoplates. Nous ne relèverons pas la légère inadvertance d’avoir appelé coccfjc l’os M, qui n’est qu’un ischion^ mais nous ferons re- DES SCHISTES. 33 marquer que l’os détaché Y n’est autre qu’un pubis, d’une forme particulière, qui achève de déterminer la classe, comme nous l’allons dire tout à l’heure. Une dernière remarque que nous ferons, c’est que Collini n’a pas bien compté les phalanges du pied R, et que sa figure en montre clairement deux au premier doigt, trois au second, et quatre aux deux suivaus, sans compter les os du métatarse; les mêmes nombres exactement s’observent à ceux du pied de devant. Enfin, quand nous aurons encore porté l’attention du lecteur sur le petit os cylindrique marqué Z, qui va du crâne à l’ar¬ ticulation des mâchoires, nous serons munis de tout ce qui nous est nécessaire pour classer ostéologiquement notre animal. D’abord ce n’est pas un oiseau, quoiqu’il ait été rapporté aux oiseaux palmipèdes par un grand naturaliste (i). Un oiseau auroit des côtes plus larges, et munies chacune d’une apophyse récurrente; son métatarse ne formeroit qu’un seul os, et ne seroit pas composé d’autant d’os qu’il y a de doigts. Son aile n’auroit que trois divisions après l’avant-bras, et non pas cinq comme celle-ci. Son bassin auroit une toute autre étendue, et sa queue osseuse une toute autre forme; elle seroit élargie, et non pas grêle et conique. Il n’y auroit pas de dents au bec ; les dents des harles ne tiennent qu’à l’enveloppe cornée, et non à la charpente os¬ seuse. Les vertèbres du cou seroient plus nombreuses. Aucun oi- (i) Blumenh, Manuel d’hist, nat. éd. de 1807, pag. 78 1, 5 REPTILES 34 seau n’en a moins de neuf; les palmipèdes, en particulier, en ont depuis douze jusqu’à vingt-trois, et l’on n’eu voit ici que six, ou tout au plus sept. Au contraire, les vertèbres du dos le seroient beaucoup moins. Il semble qu’il y en ait quinze ou seize, et les oiseaux en ont de sept à dix, ou tout au plus onze. Feu Hermann^ qui m’avoit rendu attentif à cet animal, le supposoit un mammifère, et s’étoit meme amusé à le dessiner entier, revêtu de son poil. « Je voulois depuis' long-temps publier un Mémoire sur » celte pièce ( m’écrivoit-il) et montrer que l’animal doit » avoir formé une espèce plus intermédiaire encore que les » chauve-souris entre les mammifères et les oiseaux ». Malgré l’autorité de cet habile homme, je pense qu’il y a encore de fortes raisons pour ne point admettre son idée. Il n’y a d’abord aucune analogie entre la structure des ailes de l’animal fossile, et celles des cbauve-souris qui ont tous les doigts allongés, excepté le pouce, taudis qu’il n’a point de pouce , et que son dernier doigt seul est allongé; les dents du fossile, toutes pointues et uniformes, ne pourroient être com¬ parées qu’à celles des dauphins, dont il diffère infiniment jiour tout le reste; le nombre inégal des phalanges dans des doigts d’ailleurs parfaits et terminés par des ongles , n’a pas non plus d’exemple dans les quadrupèdes, qui ont toujours deux pha¬ langes au pouce, trois aux autres doigts, et où, de plus, le pouce manque toujours le premier; enfin la structure de la tête, et particulièrement du bec, ne peut se comparer à rien de ce que l’on connoît dans les mammifères. Au contraire, tous ces caractères trouvent des exemples analogues dans la classe des reptiles^ et plusieurs circonstances DES SCHISTES. 35 de ce squelette, qui auroieut pu paroître insignifiantes par elles-mêmes, deviennent des caractères évidens et nécessaires, du moment où l’on admet qu’il s’agit d’un reptile^ ou plutôt d’un quadrupède ovipare^ car le nom de reptile convient aussi peu à notre animal qu’au dragon volant. Beaucoup de quadrupèdes ovipares comme le gavial., di¬ vers monitors, etc. ont des dents uniformes et toutes pointues. C’est dans les seulement, et non dans des mammi¬ fères, que l’on observe celte structure de tête, cet immense orbite, et que ce grande vide peut avoir été produit en avant de l’orbite, en enlevant une partie de l’os maxillaire. Dans les mammifères , il seroit encore resté toute la charpente osseuse de l’intérieur du nez. L’osselet marqué Z, qui joint le crâne à l’articulation de la mâchoire inférieure, est encore un caractère distinctif des reptiles. Il répond à ce qu’on nomme l’os carré dans les oi¬ seaux j mais il n’a cette forme cylindrique que dans les reptiles. Le nombre de six vertèbres au cou se rencontre encore dans plusieurs reptiles, notamment dans plusieurs monitors. Les monitors., et beaucoup d’autres lézards., ont aussi ces côtes grêles et filiformes qui caractérisent notre fossile. Les mammifères les ont tous plus fortes. Ce n’est que dans les reptiles que l’on voit avec des os du métacarpe et du métatarse distincts, des nombres croissans de phalanges aux doigts; celui de 2, 3, 4, 4 5 ^u pied de der¬ rière, est justement celui du crocodile. Enfin ce pubis détaché, élargi en avant, Y, est encore pré¬ cisément un caractère de reptile, et sa configuration est encore ici, à peu de chose près, la même que dans le crocodile. J’avûis jugé cet animal reptile au premier coup-d’œil, d’a- 36 REPTILES près la forme de l’osselet qui porte l’articulation des mâchoires, et je m’en étois expliqué ainsi avec Hermaim; c’est avec un plaisir extrême que j’ai vu ensuite, dans un examen plus ap¬ profondi, cette classification se confirmer par tous les détails de l’ostéologie, et les lois générales de coexistence, qui font la base de l’anatomie, recevoir dans cet habitant d’un monde si différent du nôtre, leur pleine et entière application, comme dans les animaux de nos jours. Cependant ce reptile, ce quadrupède ovipare, a aussi ses caractères génériques particuliers; mais la nature, fidèle à sa marche ordinaire, les a produits seulement en allongeant ou en raccourcissant quelques parties ; le raccourcissement de la queue, l’allongement du museau, du cou et des quatre mem¬ bres, et surtout l’excessif prolongement du quatrième doigt de la main , forment ces caractères génériques , et n’ont rien de plus extraordinaire que l’allongement du bec du gavial, celui des côtes du dragon, eX celui de quatre des doigts de la chauve-souris. Il n’est guère possible de douter que ce long doigt n’ait servi à supporter une membrane qui formoit à l’animal, d’a¬ près la longueur de l’extrémité antérieiu’e , une aile bien plus puissante que celle du dragon, et au moins égale en force à celle de la chauve-souris. Notre animal voloit donc autant que la vigueur de ses muscles le lui permeltoit ; il se servoit ensuite des trois doigts courts et armés d’ongles crochus pour se suspendre aux arbres ; ce n’est que dans le vol et dans la suspension que ce cou et cette tête, plus longs que ses pieds, pouvoieut ne le pas gêner; ses dents ne lui permettoient point d’entamer des végétaux , et sa taille ne lui permettoit guère de poursuivre que des insectes ; enfin la grandeur de ses orbites DES SCHISTES. 3? doit faire juger de la grandeur de ses yeux, et celle-ci doit faire croire que c’étoit un animal nocturne. Aucun naturaliste ne doutera qu’nn tel être n’ait appartenu à l’ordre des sauriens, et par conséquent n’ait été couvert d’écailles. Ainsi , à ses couleurs près, nous le conuoissons aussi bien que si nous l’a- vions observé vivant. Il reste à savoir si quelqu’un à jamais vu rien d’approchant dans la nature vivante. Je ne crois pas du moins que les na¬ turalistes aient rien décrit de semblable. Hermann me rappella une peinture chinoise, gravée dans le Journal intitulé Natur-forscher, VIL® cahier, pL C, fîg. 4- Cette figure grossière, tirée d’un livre d’histoire naturelle chinois, que l’on conserve dans la bibliothèque de Trew à Altorf^ représente une chauve-souris, avec un bec d’éperviei’, et une longue queue de faisan.. C’est une image fabuleuse 5 et quand elle seroit vraie, elle n’auroit point de rapport avec notre animal. 5^ t Tl PJiO'rUUS e/r G/ŒIVÛU/LfÆ d-Œ„„>ye„ . 'fil' ■ ?- '■;f '(m X '■#, lŒPTlLE FOEAWT ,/:ù c/uHeE . SUR LES OSSEMENS FOSSILES DE TORTUES. J’.ii hésité long-temps à entreprendre ce chapitre, tant ]e voyols de difficulté à distinguer, par des caractères précis, les espèces de tortues, une fois qu’elles sont dépouillées de leurs écailles, et qu’il ne reste plus que la charpente osseuse de leurs bou¬ cliers: m’apercevant cependant qu’il est au moins possible d’en déterminer les sous-genres avec assez de certitude, par la seule ostéologie, et ces sous-genres ayant chacun un séjour particulier, j’ai pensé qu’il seroit toujours agréable aux géo- logistes de savoir en quelles circonstances on trouve sous la terre des dépouilles de tortues de mer, de tortues de terre et de tortues d’eau douce; et comme mes recherches à ce sujet ont bientôt confirmé les résultats que j’avois obtenus par d’autres voies sur l’origine des divers terrains, j’ai cru qu’elles pourroient devenir encore une partie assez importante de mon ouvrage. Avant de décrire les morceaux fossiles de ce genre , il est nécessaire de rappeler ou de faire connoître les caractères ostéologiques de ses différentes tribus. I a TORTUES On sait qu’en général la carapace des tortues est formée par leurs huit paires de côtes, et par les portions annulaires de leur neuf vertèhres dorsales, qui s’élargissent au point de se rencontrer, et de se réunir par des sutures en un seul houclier. Leur plastron est un deuxième bouclier fo/mé par le ster¬ num, qui, dans les tortues, est composé, d’après les reniarques de M. Geoffroy, de neuf os, commençant par neuf centres d’ossification, mais ne se rencontrant pas toujours en assez de points pour former une surface continue. En effet, dans les tortues de mer {chelone^ Brongniart), et dans les tortues molles [trionjx^ Geoffroy), le plastron est représenté par des pièces distinctes, diversement confi¬ gurées et dentelées, suspendues dans l’épaisseur de la peau. Dans les autres tortues^ le plastron, plus ou moins échancré à ses quatre angles, selon la grandeur des membres qu’il doit laisser passer, ne forme cependant qu’une plaque ou au plus deux battans composés de pièces réunies par des sutures, comme celles de la carapace. Les tortues de mer- qui ont des rapports avec les tortues molles par leur plastron, ressemblent davantage aux tortues ordinaires par un autre j)ointj savoir, que tout le pourtour de leur carapace est ceint d’une rangée de pièces osseuses engrenées les unes aux autres, et avec les extrémités des côtes. Ces pièces, généralement au nombre de onze de chaque côté, forment, avec une impaire devant et une autre derrière, un total de vingt-quatre. Trois de ces pièces répondent à la pre¬ mière côte, deux à la dernière, et six aux six côtes intermé¬ diaires. Ces pièces que M. Geoffroy compare à la partie sternale FOSSILES. 3 ou cartilagiueuse de nos côtes manquent aux tortues molles^ ou du moins y restent toujours cartilagineuses ou membra¬ neuses, de sorte que le milieu seulement de leur carapace est soutenu par un disque osseux, tel que le représente la fig 5, pl. I. Si l’on ajoute à ces caractères, pris de la composition du bouclier, ceux que fournit sa ligure, toujours ovale et pointue en arrière dans les tortues de mer, elliptique et bombée dans les tortues de terre, elliptique et plus ou moins déprimée dans les tortues d’eau douce, et sa surface raboteuse et chagrinée dans les tortues molles, relevées en différentes bosses dans les chelydes et dans la serpentine, enfin plus ou moins lisse dans toutes les autres, on éprouvera peu d’embarras pour reconnoître à quel genre appartient un test osseux quelconque. Les pieds , vus séparément, peuvent aussi fournir des carac¬ tères, étant très-allongés et à doigts très-inégaux dans les tor¬ tues de mer, à doigts excessivement courts dans les tortues de terre, à doigts médiocrement longs et à peu près égaux dans celles d’eau douce et dans les chelydes, et trois de ces doigts seulement portant des ongles dans les tortues molles. La tête même se feroit reconnoître : celle des chelydes par son aplatissement et par ses mâchoires transverses; celle des tortues de mer parce que la région temporale y est couverte d’une voûte osseuse ; celle des tortues molles par son cham- frein allongé et arqué. A ces remarques, en partie déjà publiées dans divers ou¬ vrages, il faut ajouter celle que l’ossification des intervalles des côtes n.e se fait qu’avec le temps, et se termine beaucoup plus tard que celle des côtes mêmes, et que, dans le plus grand nombre cette ossification va en avançant de la région TORTUES 4 moyenne vers le Lord. Ainsi, dans la carapace de tortue de iner^ représentée fig. 2, et tirée d’un jeune individu, les côtes sont encore séparées l’une de l’autre à leur bout extérieur, dans près de moitié de leur longueur, tandis que dans la même espèce adulte, les côtes antérieures sont totalement réunies, et les intermédiaires ne laissent de vide que le sixième ou le huitième de leur longueur. La figure i , qui est la carapace d’une tortue d’eau douce (test, serrata), montre encore un petit espace vide vers le Lord, entre les côtes et les pièces du contour^ mais d’autres carapaces plus .âgées, de la même espèce que je possède, n’en montrent plus du tout. 11 n’y en a point non plus dans la carapace de tortue de terre adulte de la fig. 4i mais j’ai lieu de croire que dans ce sous genre l’ossification va en travers, d’une côte à l’autre, et à peu près également sur toute leur longueur. Une observation qui peut encore être utile, est que les côtes des tortues de terre vont le plus souvent en s’élargissant, et en se rétrécissant alternativement vers leur bout externe, comme on le voit fig. 4? tandis que la plupart des autres conservent à peu près la même largeur partout. Après ces détails préalables, nous pouvons nous occuper des os fossiles découverts jusqu’à ce jour, et qui sont en assez petit nombre. Il nous paroît qu’il n’y a de suffisamment décrits pour être susceptibles de quelque détermination , que ceux de Mae strie i it ceux des environs de Bruxelles ceux C^Aix en Provence, ceux de Claris, et ceux des plâtrières des en¬ virons de Paris. Ces derniers ayant été suffisamment décrits dans notre mémoire sur les reptiles et poissons fossiles de nos environs, nous ne traiterons ici que des autres. FOSSILES. 5 I. Tortues des environs de Bruxelles. Elles se trouvent dans les carrières de calcaire marin gros¬ sier, du village de Melshroeck-.^ M. de Burtin en représente une carapace, vue à son côté interne dans son Orjctogra- pliie de Bruxelles pl. 5, et dit en avoir possédé une autre qu’il donna à Pierre Camper. M. Faujas., dans son Histoire de la. montagne de Saint- Pierre, en cite encore quatre, savoir ; deux que M. Burtin avoit acquises depuis la publication de son ouvrage; une du cabinet de l’académie de Bruxelles; et une de celui du prince d’Auhalt. M. de Burtin, Orjctogr. pr 94, avoit soupçonné que ses tortues pourroient être de l’espèce nommée corticata par B-ondelet , qui est le caouane de MM. Lacépède et Daudin {test, caretta. Lin.). M. Faujas dit plus affirmativement que ce sont des tortues franches {test, mjdas.f J’ai encore le malheur de ne pouvoir être ici de l’opinion de M. Faujas. Ces tortues sont bien des tortues marines; mais ce ne sont point des tortues franches ; ce ne sont non plus aucune des tortues de mer c]ue nous connoissons, et eojnme nous n’en connoissons pas beaucoup, la chose est fa¬ cile à prouver. Pour cet effet j’ai fait copier, pl. ï; fîg. 8, le dessin donné par M. Burtin, de la face concave d’une carapace fossile de i3 pouces de long, et fig. 2 et 3 celle d’une tortue de mer franche de même taille. Comme ce naturaliste assure avoir fait dessiner toutes les sutures avec le plus grand soin, on peut y avoir une entière conüance; et en effet, les pièces verte- 6 TORTUES Lrales et costales, ainsi que celles ilu contour ont Lien les mêmes caractères que dans les tortues de mer en général; car il faut se représenter que les corps des vertèbres et les deux extrémités des côtes qui se détachent dans toutes les tortues du corps de la capace, ont été enlevées, et qu’il n’est resté que la partie moyenne des côtes. Si l’on veut maintenant rapproclier cette carapace de celle de la tortue franche de meme grandeur, on sera sur-le-cbarap frappé d’un caractère spécifique fort marqué; c’est que la tortue fossile a les intervalles de ses côtes complètement ossi¬ fiés, et qu’il ne reste aucun vide entre eux et les pièces du bord, lesquelles sont aussi beaucoup plus larges à proportion que celles de la tortue franche. Dans celle-ci, à l’âge où sa carapace n’a encore que i3 ou 1 4 pouces de long, il reste entre les côtes un vide non ossifié qui égale presque la moitié de la longueur de la côte, comme on peut le voir dans les fig. 2 et 3. Une partie de ce vide subsiste encore, comme je m’en suis assuré, dans un individu dont la carapace a trois pieds et demi de longueur. J’en ai aussi vérifié l’existence sur plusieurs individus de taille intermédiaire. Ï1 est donc de toute impossibilité que les tortues fossiles de Melshroeck soient des tortues franches. Par la meme raison ce ne peuvent être ni des carets [ test, imhricataf jii des caouanes ( test, caretta ) , ni des tortues flambées de la mer des Indes {test, virgata., Dumer., Bruc. Voyage en Abyss. V, pl. 4^)3 car je me suis assuré que l’ossification ne va pas plus vite dans ces espèces que dans franche. Ce ne peuvent non plus être des luths [test, coriacea)., car leur carapace est plus large à proportion et n’a point les trois lignes saillantes qui distinguent celle du luth. Or, ces cinq FOSSSILES. espèces étant les seules tortues marines que nous connoissions elistmclement , la cepedienne et la ridée de Daiidin étant en¬ core douteuse, et rien n’annonçant d’ailleurs qu’elles aient le caractère eu question, je puis bien soutenir que les tortues de Melshroeck^ comme tant d’autres animaux fossiles , sont d’une espèce inconnue. J’ai lieu de croire que si j’avois pu en examiner par moi- méme des éclianlillons, j’y aurois découvert encore quelques caractères spécifiques; mais ceux de M. de Burtin^ qui ont été déposés pendant quelque temps au ^luséum, ont été de¬ puis rendus à ce naturaliste et reportés à Bruxelles. II. Tortues des environs de Maestriclit. On les trouve dans des carrières d’une sorte de craie gros¬ sière et d’apparence sablonneuse, creusées dans la montagne de Saint-Pierre, et elles y sont péle-méle avec des productions marines de tant de sortes , et avec les os de monilor gigan¬ tesques qui ont rendu cette montagne célèbre en géologie. Le chirurgien Hofmann fut le premier qui en recueillit; JValcli^ Camper ei Burtin en ont parlé, mais en abrégé et vague¬ ment; Buclioz^ dans sa collection de planches, et M. Faujas, dcius l’histoire qu’il a publiée des fossiles de ces carrières, sont les premiers qui aient donné de bonnes figures de quelques tests de ces tortues. ÎS'ous en donnons d’autres prises sur nature, pl. Il, fig. 1 et 2 , qui ne représentent que des portions incomplètes du test supérieur ou carapace. liC savant géologisie que je viens de citer, frappé de la saillie que lorme de chaque coté la partie antérieure du bord de / 8 TORTUES ces carapaces, a conçu de leur structure, dans l’état parfait, une idée véritablement singulière , et que je ne puis m’empê¬ cher de rapporter dans ses propres termes. « Celte partie supérieure, dit -il ( Hist. de la montagne de » Saint-Pierre^ pag. 86] — ressemble assez au haut d’une cui- >) rasse militaire, qui seroit munie d’avant-bras, et annonce » que les pâtes de devant — étoieut recouvertes en partie d’é- )) cailles adhérentes au bouclier; ce qui constitue incontes- » TABLEMEiST Un Caractère tranchant ^ bien pj'opre à former » un genre particulier. — Aucune des tortues vivantes que » nous connoissons ne nous a encore offert ce caractère ». Il répète cette idée dans ses Essais de géologie ( tom. I, pag. i83). Elles diffèrent des tortues ordinaires par deux » espèces «D’avant-bras formés de trois pièces, qui se prolou- » gent de côté comme une manche d’habit ». Il n’y’ a cependant à ces prétendus avant-bras rien d’ex¬ traordinaire, et qui ne se retrouve dans toutes les tortues de mer, au.ssi bien que dans celles de terre et d’eau douce, les seuls trionyx exceptés, et M. Faujas s’en seroit convaincu lui-même, s’il eût comparé, comme il étoit naturel de le faire, ses tests fossiles avec des tests dépouillés de leurs écailles, et réduits à leur charpente osseuse, et non pas avec des cara¬ paces encore recouvertes de leur enveloppe extérieure. Il auroit vu que ce qu’il nomme avant-bras n’est que le commencement du bord qui entoure la carapace, et qui est ordinairement formé, comme nous l’avons dit, par vingt-quatre pièces osseuses. Deux ou trois de ces pièces seulement étoient restées à ses échantillons, les autres étoient tombées. L’échan¬ crure qui sépare ce commencenient de rebord du disque de la carapace, est produite par l’espace non ossifié qui reste dans FOSSILES. g les tortues, et surtout dans celles de mer, jusqu’à une époque plus ou moins avancée, comme nous l’avons dit plus haut, et comme nous le montrons dans nos ligures 2 et 3. Yoilà tout le mystère. Ainsi les tests de tortues fossiles de Maestricht, représentées dans X Histoire de la montagne de Saint Pierre, autant que l’on peut eu juger par ce que l’on en voit, n’annoncent point un nouveau genre; ils ne montrent aucune partie qui ne soit dans les tests de toutes les tortues, ni rien qui ne ressemble aux tortues de mer, et l’on pourvoit aisément dessiner ce qui a été emporté du rebord, dont la portion conservée a donné lieu aux conjectures que nous venons de relever. Nous indi¬ quons le commencement de ce dessin par des points dans 6g. 2, pl. IL M. Faujas, dans un autre ouvrage, va bien plus loin en¬ core; non content d’avoir établi ce premier genre, il en établit encore un autre, ou du moins une autre espèce, toujours avec ces tortues de la montagne de Saint-Pierre, mais avec des échantillons mutilés autrement. Camper avoit dit qu’il possédoit le dos entier d’une tortue de cette montagne , long de quatre pieds et large de seize pouces (i); et un chanoine de Liège, irlandois de naissance, nommé le comte de Preston, en avoit un dans son cabinet, à peu près de la meme grandeur , que Buchoz a aussi fait graver. M. Faujas regarde cette disposition singulière comme « te- » nant a une espèce particulière et inconnue (2] », et quelques (1) Trans. phil. pour 178S. (2) Essais de géol, I, 182. 2 10 TORTUES lignes plus loin il ajoute « que les trois individus du muséum » offrent deux autres espèces bien distinctes ». Il nous paroît, et il paroîtra sans doute de même au lecteur, que les deux échantillons de Camper et dePrestou avoient sim¬ plement perdu la totalité de leur bord, en ne conservant pas même ce commencement resté dans les autres, et nommé avant-bras par M. Faujas, tandis qu’il leur éloit resté la partie dorsale complète, mais c’est là un pur accident d’où l’ou ne peut tirer aucun caractère. Cependant , tout certain qu’il est que les tortues de Maes- tricht, dans tout ce que nous en connoissons, portent les ca¬ ractères génériques des chélonées ou tortues de mer^ il est certain aussi qu’elles appartiennent à une espèce très-diffé¬ rente de toutes les chélonées connues. Les chélonées de cette taille auroient leurs côtes ossiùées presque jusqu’au bout, tandis quelles sont à peine ossifiées sur le tiers de leur longueur , ce qui réduit en effeidâ partie osseuse continue de leur carapace à une largeur moindre que dans les autres espèces, meme en prenant celles-ci assez jeunes, comme on peut le voir par nos figures 2 et 3, pl. I. On voit toutefois que, dans ces tortues comme dans les autres, l’ossification faisoit des progrès avec l’âge; car, dans le grand individu de làfig. i , pl. II, la pièce impaire s’est déjà élargie au point de toucher la deuxième pièce du bord par une assez grande suture, tandis quelle eu est encore éloignée dans l’individu moindre de la fig. 2. L’examen des seules carapaces nous donne donc déjà ce résultat, que les tortues de Maestricht sont du genre des tor¬ tues de mer^ et d’une espèce inconnue. En partant de ce principe , nous pouvons avancer plus sû¬ rement dans l’examen de leurs autres os. FOSSILES. Il Nous avons dit ci-dessus que les tortues de mer ont les pièces de leur plastron irrégulièrement lobées et dentelées, et nous avons fait représeuter, bg-.ô et 7, pl. I, les plastrons de la tortue franche et du caret, pour montrer à la fois leur caractère générique, et jusqu’où peuvent aller leurs différences spécifiques. Les plastrons des tortues de Maestricht paroissent avoir ressemblé beaucoup à celui du caret, à en juger du moins par les fragmens que l’on en a, et que nous donnons pl. II, fig. 3. Ce sont ces fameux morceaux que M. Faujas avoit pris pour des bois d’élan, et représentés pl. i5 et 16 de son His¬ toire de la montagne de Saint -Pierre, mais en examinant avec attention les pierres qui les contiennent, et en en retour¬ nant une, nous nous sommes apperçu qu’elles se rejoignent entre elles et avec une troisième, donnée aussi par M. Faujas, pl. 10, et quelles présentent alors le grouppe dessiné dans notre fig. 3, où l’on peut remarquer que les deux pièces den¬ telées se rejoignent pour n’en faire qu’une qui est analogue à la pièce latérale supérieure du plastron du caret. Le lecteur s’en convaincra s’il veut comparer ce morceau a ù ,fig. 3, pl. II, avec la partie ah, àxi plastron du caret, fig. 7, pl. I. La pièce c d, fig. 3, est une partie du bord inférieur de ce meme plastron, analogue à c d àxx caret; e et/*, sont des os du carpe; ghi, qui, dans la séparation des morceaux avoit presque entièrement disparu, se trouve être un humérus, et kl, un fémur, parfaitement semblables à leurs analogues dans les tortues de mer. -Quant au morceau de notre fig. 6, pl. II, que M. Faujas a donné aussi dans sa pl. 17, pour un bois de cerf ou d’élan, nous avons déjà dit ailleurs, que c’est un fragment des trois TORTUES la OS dont la réunion forme l’épaule de la tortue, et nous le prou¬ vons ici, en dessinant à côté fîg. 5, les mêmes os pris d’une tortue de mer dans leur entier. Il faut seulement faire atten¬ tion que l’articulation humérale a est casséedans le fossile, ainsi que l’extrémité de l’omoplate ô, et des deux os claviculaires c et mais dans tout ce qui est conservé, l’identité est parfaite. III. Tortues des ardoises de Claris. Auprès de Claris, dans la montagne appelée Plattenherg ou montagne des Feuillets ou des Plaques, est une car¬ rière d’ardoise, à lits inclinés au midi, que l’on exploite de temps immémorial pour faire des tables et d’autres objets utiles. Cette ardoise est riche en impressions de diftérens pois¬ sons, dont Scheuclizer et Knoi'r ont représenté quelques uns, mais d’une façon peu caractéristique, et telle, qu’il est difficile de dire s’ils sont de mer ou d’eau douce. La tortue dont il va être question paroît s’être trouvée dans la même carrière. Déposée dans le cabinet de Zoller, elle fut représentée assez mal , pour la première fois , dans l’ouvrage de Knorr, tome i, pl. 34* Andreœ en donna, dans ses lettres sur la Suisse, pl. i6, une figure meilleure que nous avons fait copier en petit, dans notre pl. II, fîg. 4- Ceux qui ont cherché a en déterminer l’espèce , l’ont prise pour tortue connnune d’eau douce {testudo europœa de Schnei¬ der'). C’est ainsi que la nomme Andreœ, en ne manquant pas d’observer qu’il y avoit autrefois de ces animaux dans les lacs de la Suisse J comme si la formation des montagnes d’ardoise pouvoit avoir rien de commun avec les lacs actuels de la Suisse. Pour moi, je ne doute pas que ce ne soit une tortue de FOSSILES. i3 mer, etj’en tire la preuve de rallongement, et surtout de l’al¬ longement inégal de ses doigts. Dans les tortues d’eau douce, les doigts sont de longueur médiocre, et à peu près égaux; dans celle de terre, ils sont à peu près égaux et tous très- courts; dans les tortues denier, ils sont fort allongés, et ceux de devant forment une nageoire pointue, parce qu’ils vont en croissant du pouce au médius , et ensuite en décroissant. Or, c’est précisément ce qu’on observe dans la tortue de Claris; mais elle est du reste trop mal conservée pour que l’on en détermine l’espèce, ni même pour que l’on puisse dire si c’est ou non une espèce connue, quoique la forme arrondie de sa carapace en arrière, ne le rende pas vraisemblable. IV. Tortues des environs d^Aix. Elles ont été représentées en iy8o par feu Lamanon^ dans le Journal de physique, tome XVI, p. 868, pl. III, mais les figures en sont si imparfaites, qu’à peine peut on y reconnoître le genre, et toutefois, si ce sont des tortues, comme nous sommes à la fin obligés de le croire, leur carapace est trop bombée pour quelles soient autre chose que des tortues de terre. On les avoit prises d’abord pour des têtes humaines; Guet- tard imagina que c’étoient des nautiles; Lamanon fut le pre¬ mier qui les reconnut pour ce quelles sont. Nous donnons des copies des figures de cet auteur, pl. ï, fig. g, lo et ii. Il paroit, d’après les termes de Lamanon, que ce sont des noyaux qu’il a décrits. « Toutes les lames et sutures ne parois- » sent dans la tortue pétrifiée qu’après avoir enlevé ce qui )) reste de l’écaille. » — « La matière du rocher étant encore » molle a pris la place de l’animal, et formé un noyau sur 4 TORTUES « lequel on distingue parfaitement toutes les parties de l’é- » caille. » Du reste l’auteur décrit assez bien les sutures, quoi¬ qu’il faille quelques commentaires pour l’entendre, 'f- Il y d » huit lames de chaque côté (les côtes), elles sont très re- » courbées, et aboutissent à de petites pièces qui sont rangées >) longitudinalement (les plaques vertébrales) , et séparées par » un sillon assez profond. » ( C’est que la saillie des corps des vertèbres s’étoit imprimée en creux sur le noyau). Lamanon donne ensuite un caractère qui se joint à la grande convexité pour prouver qu’il s’agit de tortues terrestres. « — Les lames ne sont pas de la même largeur dans toute )) leur« longueur : elles vont en se rétrécissant, et s’emboîtept « les unes dans les autres, de façon qu’après une base vient » un sommet, et ainsi de suite. « (C’est précisément ce que nous avons observé ci-dessus, dans le squelette de la cara¬ pace d’une tortue de terre.) La hauteur de ces tests étoit de sept pouces sur une largeur de six, convexité aussi grande qu’il y en ait dans aucune tor¬ tue de terre. On les trouva, selon Lamanon, en 1779, à quatre ou cinq cents toises d’Aix, dans un rocher calcaréo-gypseux , mêlé de grains de quarz roulé, situé au pied de la petite montagne, dans laquelle sont creusées les plàtrières de cette ville, le long du chemin d’Avignon, et il est très-probable que la couche qui les contenoit appartient à la même formation que celles C|ue l’on exploite pour en tirer le plâtre, et où l’on trouve de nombreux poissons et des feuilles de palmiers. Ce rocher contenoit aussi (dit toujours Lamanon) «des » ossemens de toute espèce, comme des tibia, des fémurs, « des côtes, des rotules, des mâchoires et des dents. — Quel- FOSSILES. i5 « ques fémurs sont trop longs et trop gros pour avoir appartenu » à des tommes. — H y a aussi des ossemens plus petits encore » que ceux 'de la souris. — Quant aux rotules, aux mâchoires « et aux dents, elles sont entièrement semblables à celles que » M. Guettard a fait graver à la suite d’un Mémoire, qui est )) le troisième de sa collection » (la plupart tirées de Montmartre]. Lamanon , qui connoissoit Montmartre^ ne put manquer d’étre frappé de cette ressemblance entre les carrières à plâtre d’Aix et celles des environs de Paris , où l’on trouve également des ossemens d’animaux terrestres, des squelettes de poisson, des tortues et des restes de palmiers, et il parle expressément de ces rapports singuliers. Il est malheureux que ni lui ni les autres descripteurs des plâtrières de Provence n’aient poussé plus loin les recherches comparatives, ou n’aient donné du moins des figures exactes des autres restes des corps organisés qu’elles recèlent. On peut compter cependant, parmi ceux qui en ont parlé après lui, trois hommes habiles, Darluc , Saussure et M. Faujas ; mais quoique les deux derniers aient indiqué avec plus ou moins de détail les divers bancs de marne qui recou¬ vrent ceux de gypse, ils n’ont parlé des poissons que d’après Darluc. Or, celui-ci dit d’abord qu’on y trouve «l’empreinte )) de petits poissons rouges avec la tête un peu large, le bec « effilé et le corps formé en losange, dont les arêtes, l’épine )) du dos et la queue sont attachés à la pierre par le suc lapi- » difique, qu’on les prendroit, au premier aspect, pour au- » tant de petites dorades, mais qu’on en feroit plutôt des » malarmats ou galinetos., dont les analogues ne sont point » dans nos mers» (i). (i) Darluc, Hist. nat. de Provence, I, 49. i6 TORTUES Certainement c’est là un discours inintelligible; car il n’y a nulle ressemblance entre une petite dorade, soit que l’on entende par -là le cyprinus auratus^ ou le spams aurutus^ ou le corjpliena hippuris^ et le malarmat [trigla cataphracUi); d’ailleurs, \e malarmat n’est rien moins qu’étranger aux mers de Provence. Lors donc que Darluc ajoute : « qu’on y voit aussi des » mulets harhus , de grandes dorades et des loups , et qu’il y a » observé un merlan qui se mordoit la queue ». On peut bien révoquer en doute l’exactitude de sa nomenclature. On pourroit même suspecter la murène, dont parle d’après lui Lamanon. Saussure y découvrit une empreinte qu’il jugea de feuille de palmier (ij. M. Faiijas en ayant rapporté une autre, M. Desfontaines l’a regardée comme venant de quelque grande espèce de graminée étrangère à nos climats (2). M. Faujas nous a donné les hauteurs des divers lits. Celui qui renferme les poissons, est à 87 pieds de profondeur; le premier banc de plâtre exploité, à 6 pieds, et le second à 3g pieds plus bas. Celui ci, qui a cinq pieds d’épaisseur, l’epose sur un plâtre feuilleté qui contient encore des petits poissons (3). Si les poissons supérieurs sont en effet marins, la ressem¬ blance des plâtrières d’Aix avec celles Montmartre sera com¬ plète, puisque l’on retrouvera dans les premières comme dans les autres, des produits de la terre surmontés à une grande hauteur par des produits de la mer. (1) Voyage dans les Alpes, tom. III, pag. 33o. (2) Annales du Muséum, tom. VIII, pag. 226. (3) Loc. cit. pag. 226. ‘%‘^‘iéSS?SÏ*'>*S5>!rw