FE nes CNN ge Ny ae AE we j a) mt { E rte HA j OP in Lt IHM NUE An ia PE ue fe on la À ANA OA Len LN Ja : à ' Ay Fil } Wy ie fl | | Ab vay why Nite i Mie vad} \ [ (LAN) RECUEIL DE L'INSTITUT BOTANIQUE (UNIVERSITÉ DE BRUXELLES) PUBLIE PAR EVE. RRB RE TOME Ill AVEC CENT SOIXANTE-QUATRE FIGURES DANS LE TEXTE ET DIX PLANCHES RECHERCHES DIVERSES SUR LES BACTERIES, LES MYXOMYCETES, LES ALGUES ET LES CHAMPIGNONS. HISTOLOGIE, ANATOMIE, EMBRYOLOGIE. — INFLUENCE DES FACTEURS EXTERNES | SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ORGANES. INFLUENCE DES FACTEURS EXTERNES SUR LA CARYOCINÈSE ET LA DIVISION DES CELLULES. — CICATRISATION. CE ID BRUXELLES HENRI LAMERTIN, ÉDITEUR-LIBRAIRE 20, RUE DU MARCHÉ AU BOIS, 20 1908 REO OU ETE DE LP PNStI PUL BOTANIQUE PÉCULIL DE L'INSTITUT BOTANIQUE (UNIVERSITÉ DE BRUXELLES) PUBLIÉ PAR ESERRERA ———_ TOME iti AVEC CENT SOIXANTE-QUATRE FIGURES DANS LE TEXTE ET DIX PLANCHES \ RECHERCHES DIVERSES SUR LES BACTERIES, LES MYXOMYCETES, LES AL@UES ET LES CHAMPIGNONS. HISTOLOGIE, ANATOMIE, EMBRYOLOGIE. — INFLUENCE DES FACTEURS EXTERNES SUR LE DEVELOPPEMENT DES ORGANES. INFLUENCE DES FACTEURS EXTERNES SUR LA CARYOCINESE ET LA DIVISION DES CELLULES. — CICATRISATION. LIBRARY Ç SD NEW YORK BOTANICAL GARDEN. BRUXELLES HENRI LAMERTIN, EDITEUR-LIBRAIRE 20, RUE DU MARCHE AU BOIS, 20 1908 _ 4 = HAYEZ, IMPRIMEUR DES ACADEMIES ROYALES, BRUXELLES TABLE DES MATIÈRES DU TOME III. ÉmiLe LAURENT, Sur la prétendue origine bactérienne de la Sea: ER RE ee Ca ea an CE (Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3° série, t. X, ne 7, 1885.) I. Méthode suivie dans les expériences . . PÉNEXpErENCES PAPE LS NE 19 Avec graines conservées entières . 2H AVEC STAINES COUDÉES Manet 3° Avec des tissus pris dans des tukercules ou dans des tiges CHAPRUES IS NE ee 4e PERRO OHEIUINION Sera Hate Bee Un een lent de © Jen Le Emite LAURENT, La Bactérie de la fermentation panaire (Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3° série, t. X, n° 12, 1885.) Émize LAURENT, Les microbes du sol. Recherches expéri- mentales sur leur utilité pour la croissance des végétaux supérieurs (Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3° série, t. XI, n° 2, 1886.) Préparation des pots LENE cl DRE EME TR RTC CS MALES NT ca Mae Nee) 0 de Eire LAURENT, Recherches sur le te sd du Cla- deeper herbarium. "11: à J) se (Annales de l'Institut Pasteur, vol. II, pp. 558 et 582, 1888.) I. Cladosporium herbarum (Link) . . . . . . . . . Il. Penicillium cladosporioides (Ftésénius). . . JAN 2- 1909 LIBRARY NEW YORK BOTANICAL GARDEN, Pages. XO se eT On 29 31 TOME III, 1908. VI TABLE DES MATIÈRES. Pages. MDC IPULLUIANS (ACIBATY OUEN ee 0, 07, 53 IV. Formes-levures de Cladosporium herbarum . . . . . . . 61 A CHOnIGela CHAU yc ets AR NET ea Us! 5 Ae «cy tne 7% PNCUOM ICU LEEDS AE Aer LORMAN AE ce hoe, fs Oe le 72 Vi Humago de Cladosporium herbarume Vio EE MORT 0) 73 Émile LAURENT, Expériences sur l’absence de Bactéries dans VESUAISSEAUE desplantes | Jt SR TN NT ee ek Ge à 79 (Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3° série, t. XIX, n° 4, pp. 468-471, 1890.) Emile LAURENT, Sur le microbe des nodosités des Légumi- PICTUS ES SRE à Adee ee METAS: fa CA Ne TR EN end FO lun OR ANS ah AL SRE Comptes rendus de l'Académie des Sciences de Paris, 17 novembre 1800. 7 9 ÉmiLe LAURENT, Recherches sur les nodosités radicales des DÉGUMRINEUSESNENTe ie MERE aig te Pact tale) rere Meal bec trata. alk eam (Annales de l'Institut Pasteur, t. V, p. 105, 1891.) I. Les nodosités PE QU RE NET AC ater 88 II. Développement de nodosités à la suite d’inoculations . . . . 96 Inhuence/delage des modosités NL SAR AMIENS Formation de races chez le microbe des nodosités. . . . . 105 Dispersion du microbe dans laiterre .) 2 |. oi el). ro Iie Naturerdiu microbe des nodosites 0 NE nt ES EOS CUITE EEE 2 octane ER D UE BEN Won TN a eee TLS IV.) Proprictes physiologiquesidu RAzzobewm NO LEE TT Gequedeviennent les modosites te Gat. Wi. eee note See eS Intimencedevlarchaleun (en) seis) o, Bid the he ey NE No Influence duMemDS EME spas: RSR Mare RE aude be Seo Iniiience Gesmuitratess ih. fy. 2. noe 1. eth ieee ete) pe ont wre eB Culture du Æizobiuim dans les solutions minérales avec ou sans azote. Influence de substances diverses. . . . . . 121 EP CatiOMiGesHplanNGHES.™ ceo wiil Sony UE [wath EC EE TRE LT NE . 7 SS — d'été Tome III, 1908. TABLE DES MATIERES. VII : . Pages. ÉmiLE LAURENT, Etude sur la variabilité du Bacille rouge LE MS ee GS el rs 127 (Annales de l'Institut Pasteur, vol. IV, p. 465, 1850.) I. Caractéres des cultures du Bacille rouge . 130 II. Influence de la température et de l’oxygéne sur la fonction chro- men am Bagile une" 202 Bie Le ee 134 III. Influence de la réaction du milieu sur la fonction chromogéne du Bacille rouge. 135 IV. Influence de la température et de l’acide carbonique sur la fonc- tion chromogéne du Bacille rouge . 139 V. Action de la lumière sur le Bacille rouge. 142 VI. Propriétés de la variété incolore du Bacille rouge . 144 A. DE WEVRE, Note sur Ss Saas Mucédinées de la flore de JZ Oe: CRE ROSES Py cee eR TE 149 (Bulletin de la Société royale de botanique de Belgique, t. XXVIII, 2° partie, p. 128, 1889 ) Se duaepng! wen etat (RIESS) EE ie Fae es ee ee AST Œdocephalum glomerulosum (Bull.) . . . . . . . . 151 ichopalgmyces elepans (Corday “2° ER 2 Se A en on lee 152 A. DE WEVRE, Recherches expérimentales sur le Re OA ENT NE) M TRES NES ie lees ee 155 (Bulletin de la Société royale de botanique de Belgique, t. XXIX, 2° partie, Pp. 107-125, 1891.) RUE RTP/ CES CLISONHES rig > DG =.) wart, 3 Cu detre Se AT 168 Phycomyces renflés. 168 CoNCLUSIONS 169 A. DE WEVRE, Recherches expérimentales sur le Rhizopus Pan CERF Er AY ee RE eee EE, a het 171 (Bulletin de la Société belge de microscopie, t. XNIIL, p. 133, 1892) Milieux solides. 175 V0 ODS en ae in el TS 176 DATE ES ER PRESS Ae Sat lw 177 Tome III, 1908. VIII TABLE DES MATIÈRES. Pages. Léo ERRERA, Sur le « Pain du ciel » provenant du Diarbékir. 187 (Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3° série, t. XXVI, n° 7, 1893.) Bro ERRERASSIrAcC lune Oo the Weast- Celle EC os (Annals of Botany, décembre 1898, et [ rztish Association Report, 1808.) G. CLAUTRIAU,; Suriles Bactéries lumineuséso =... + 97 (Bulletin de la Société royale des Sciences médicales et naturelles de Bruxelles, 54° année, p. 11, février 1896.) Explicdtion de 1a splaniche MANN ARE onl eee te ee seh 5 2G Jean MASSART, Clautriavia, un nouveau genre de Fla- AIS UT CORRE OR Wash Mo teat EE eh ind OR ene ese MESA SEE Se ES Ree (Bulletin de la Société royale des Sciences médicales et naturelles de Bruxelles, 58° année, p. 133, novembre 1900.) P. NYPELS, La germination de quelques écidiospores . . . 203 (Mémoires de la Société belge de microscopie, t. XXII, 1898.) Endophylium Semperoiti De Baty, ME PER ONE NE CON ee Od EndophyliumniSedi ICE OUR NE NE RER EC OR CURE Ci A'ecidiumileucospermum DC" NS RER RER NE See OS NorBERT ENSCH, Notes sur les Myxomrycèles . . . . . 211 (MWiscellanées biologiques dédiées au Profr Alfred Giard à l'occasion du, XAVe anniversaire de la fondation de la station zoologique de Wimereux. Paris, 1899, p. 212.) I. Sur apparition du plasmode de Chondrioderma difforme . . . 212 EX PCTIENCE sini Woes iets trees RS ee Gl ae eee oe II. La culture des amibes de Chondrioderma difforme . . . . . 213 III. Germination de Chondrioderma difforme en gélatine . . . . 215 Pea durée duStade plasmode Meme eee Wie peak ie, ee) ne Vx. SPOLany es Cb SClerOtesmpy PE PONT ETS ER diet eS Désorganisation du plasmode devenu négativement hydro- LARIUC Rha Nees) eae ee) SN RSA uate eral” Sal ish) Joi,” eae HxXpérIeNCes 7) #0) NAN NT NT nce Lo so. A) dos Mesa TE mei) FICE DORISAtIOUS, EN RE PNR DE PRE RP RE: 2219 Bisteides MyxomycétesrTecuelliS MR ROC OR NL - 2220 BIBLIOGRAPHIE Aen iirc. mec EEE aia) Palate cea rch ice tyes ee QU arama DA, à PS PPT Tome III, 1908. TABLE DES MATIÈRES. IX Pages. É. DE WILDEMAN, Recherches diverses sur des Cha mpignons, des Algues et d'autres organismes inférieurs (Titres) . . . 222 nat CHARME NES Ur M Es LIL 0 282 Observations sur quelques Chytridinées nouvelles ou peu connues. 222 Quelques Chytridiacées nouvelles parasites d’Algues . . . . . 222 mavEnacéesdemdeltique tins.) 4 iS o MSS. Loi Lis 222 Note sur quelques Saproléguiées parasites d’Algues . , . . . 222 Mote sur le Chlorecystts Colmu Reinsch’ . . 3... 2,0, ! : 222 ESCORT en! Deere US LE ele Casa Census Chytridinaearum . . . . . . . ww . . . . . 222 Notes sur quelques organismes inférieurs, . . . . . . . À 222 Em. MARCHAL, Une Mucorinée nouvelle : Syncephalastrum ÉCRIRE 0 LE Sn LE NET M CE 923 Em. MARCHAL, Sur un nouveau Rhopalomyces (Titre) . . 223 C. BOMMER, Sciéroles et cordons mycéliens (Résumé) . . . 225 (Mémoires couronnés et mémoires des savants étrangers, Académie royale des sciences, des lettres et des b:aux-arts ds B:lgique, t. LIV, 1894.) Agglomérations mycéliennes des Basidiomycètes ; 225 Agglomérations mycéliennes compactes . . . . . . . . . 226 SNL EN TO CNRS ah Oe AM ow ek Mo att) agg Agglomérations mycéliennes des Ascomycétes Mine Et nt 2228 Comous TEMCÉNERS LE wi bets ef LU ST ee 10 à M 228 AO TA Ci ele Eu al ae rec De 0228 PRES CRE SRE ME RE CE CET. Le UE NT TN 220 ED NS RE ON CSS LR sehr’ ae 12340 A. DE WEVRE, Note préliminaire sur l'anatomie des Bromé- RS fe, ee) ax (Bulletin de la Société royale de botanique de Belgique, t. XXVI, 2° partie, 12 novembre 1887.) Tome III, 1908. x TABLE DES MATIERES. Pages. E. DE WILDEMAN, Sur les sphéres attractives dans quelques EG IES MC UCIALES NU sae ny ne ee I ee ashe bats AE + Ss. a ae (Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3° série, t. XXI, n° 5, pp. 594-603, 1891.) Explication de da planche NE CIS ENS EM he be se) ts wea Léo ERRERA, Note sur un tronc de Hétre à cœur rouge . . 243 (Bulletin de la Société centrale forestière de Belgique, 3° année, p.311, mai 1896.) Jean MASSART, La récapitulation et l'innovation en embryo- OT QIEN VE. Bs Pan Ung en codes, NN M PRE Me one ME (Bulletin de la Société royale de botanique de Belgique, t. XXXIII, 1894, 1re partie.) Sommaireae.cestravallits NN PT CN NT O2 1 Explication des planches CR ST nm NOTE Jean MASSART, Sur la morphologie du bourgeon. La diffe- renciation raméale chez les lianes (Résumé) ie he ik AP Cee 327 (Annales du Fardin botanique de Buitenzorg, vol. XII, 1895.) Jean MASSART, Sur des fleurs bicalcarées de Corydalis solida. 339 (Bulletin de la Société belge de microscopie, 1898.) Léo ERRERA, L’aimant agit-il sur le noyau en division? . . 343 (Compte rendu de la séance du rx janvier 1890 de la Société royale de botanique de Belgique). (Bulletins, t. X XIX, 2° partie, pp. 17-24.) E. DE WILDEMAN, Recherches au sujet de l'influence de la température sur la marche, la durée et la fréquence de la caryocinese aans lemeone Veselal CENDRES Fa es) USB (Annales de la Société belge de microscopie. [Mémoires], t. XV, 1891.) DES D ADD VEL NE Manors DUC A ch ei ERNEST OR TS RER DETTES Can AUP Pen ICTOLADM wage che ER CA AIMENT LC, ES RG TOME III, 1908. TABLE DES MATIÈRES. XI ae ; Pages. : Bou AD COA en See) Moye ee a eee we VK PRETO ages.) a Sk asi gy. st, swe Let oo e ey 6 389 Expleation dés planches. + se + 2... ww ee 306 Ne ne VU en + 307 / Jean MASSART, La cicatrisation chez les végélaux . . . . 399 (Mémoires couronnés et autres mémoires, Académie royale de Belgique t. LVII, 1898.) j erRaIMAINENGE COMUAUALL Me SR hs ec! ew st ey) a) 8). ZO9 É. DE WILDEMAN, Sur la réparation chez quelques Algues . 465 (Mémoires couronnés et autres mémoires, Académie royale de Belgique t. LVIIL, 1899.) oe J DATA e RARES : ru EL a SUR LA PRÉTENDUE ORIGINE BACTÉRIENNE DE LA DIASTASE PAR E. LAURENT (') Depuis que l'on connaît le rôle de la diastase dans la digestion de l’amidon, divers auteurs ont émis l’opinion que ce sont toujours des microorganismes qui sécrétent ce ferment soluble. Le phéno- mène facile à observer de la saccharification de l’empois d'amidon abandonné a l'air libre et les divers exemples de fermentations dues aux Bactéries ont pu donner quelque créance a cette hypo- thèse. Dans toutes les questions de fermentation, les nombreuses publi- cations de M. A. Béchamp sont à consulter. Cet auteur attribue à la présence d'organismes microscopiques autonomes le rôle pré- pondérant dans les réactions diverses qui se passent chez les êtres vivants, et pour le sujet qui nous occupe dans les phénomènes de digestion. La doctrine de M. Béchamp, connue sous le nom de théorie des microzymas, a eu quelque retentissement; elle était destinée, dans le principe, à sauver les théories hétérogénistes si cruellement atteintes par les travaux de M. Pasteur. (1) Ce travail a paru dans le Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3° série, t. X, n° 7, 1885. TOME III. 1 TOME III, 1885. 2 É. LAURENT. — SUR LA PRÉTENDUE M. Béchamp n’a pas abandonné la croyance aux microzymas, et il l'a défendue de nouveau dans un travail volumineux, publié en 1883 (*), et dans de récentes communications à l’Académie des sciences de Paris (’). Dès 1873, des idées analogues étaient appliquées d'une manière spéciale à la physiologie des plantes par M. J.-E. Bommer (°). Dans ses recherches sur les fermentations sous les tropiques, M. V. Marcano observa la digestion de l’amidon par des Bactéries; il s'empressa d'en inférer que les plantes supérieures, pour digérer leurs réserves, pour germer, ne peuvent se passer du concours des microorganismes (*). « Le microbe qui fait fermenter l’amidon dans le Mais et qui se trouve dans la tige de cette céréale, est celui qui produit la fermentation du jus de canne dans les fabriques de sucre. Ces vibrions sont contenus dans les cellules de la tige de cette plante, ou il est facile d’en constater la presence. » Récemment M. G. Wigand a affirmé que les ferments qui, comme la diastase, interviennent dans la vie végétale, sont des produits de l’activité des Bactéries ; de plus, restaurant les idées de M. Béchamp et de Karsten, il annonçait que les microorganismes peuvent prendre naissance par génération spontanée dans les matiéres fermentescibles (°). Au mois de novembre 1884, M. V. Marcano communiquait a l'Académie des sciences de Paris un travail sur les phénomènes de fermentation peptonique observés dans l'Amérique tropicale (°). Ce chimiste a laissé tomber quelques gouttes de seve d’Agave sur de la viande hachée maintenue à une température de 35 à 40°; ila constaté une fermentation peptonique, qu'il attribue à un ferment (1) Les microzymas. Paris, 1883. (2) Comptes rendus, t. C, pp. 181 et 458. (3) Bulletin de la Société de botanique de Belgique, t. XII, p. 346. (4) Comptes rendus, t. XCV, pp. 345 et 856. (5) Entstehung und Fermentwirkung der Bacterien. Marbourg, 1884; Bot. Central- blatt, 1884. (°) Comptes rendus, t. XCIX, p. 811; Fournal de pharmacie et de chimie, 1885, p. 245; Fournal de pharmacologie, 1885, p. 161. Tome III, 1885. ORIGINE BACTERIENNE DE LA DIASTASE. 3 figuré. M. Marcano ne précise pas l'origine de ce ferment, mais en ne mettant pas en relief le peu de soin de ses expériences, il insinue que la sève d'Agave renferme des Bactéries, tandis que tout indique que les germes venaient de l’air ambiant. L'auteur ajoute que d'autres jus végétaux ont la même pro- priété peptonisante, notamment le jus de canne à sucre. Dans les conditions où il a opéré, il faut peu s’en Ctonner, car il est plus que probable que les résultats eussent été identiques sans addition de sucs végétaux. M. A. Jorissen a présenté à l’Académie de Belgique une note sur la production de la diastase par les Bactéries dans les tissus végé- taux (*). Cet auteur a constaté que dans une atmosphere renfer- mant de l’acide cyanhydrique, des graines de Mais, d’Orge et d’autres espèces ne forment pas de diastase et n’entrent pas en germination. En rapprochant cette action de celle de l’acide cyan- hydrique sur la vie des microorganismes, M. Jorissen est arrivé par généralisation à attribuer la formation de la diastase à l'influence des Bactéries dans la germination. « La formation de la diastase est donc vraisemblablement indé- pendante de l'activité propre des graines, et les expériences rappor- tées plus haut confirment les résultats obtenus par M. Marcano. » Ce chimiste a constaté l’existence d'un vibrion sur les tégu- ments du Maïs. Ce vibrion, qui communique des propriétés diastasiques aux liquides dans lesquels il se trouve, se développe pendant la germination des grains de Mais, de telle sorte que sion fait des coupes de ces grains, on y apercoit au microscope des myriades d'organismes. Ceux-ci existent aussi dans la tige du Mais et dans diverses graines en germination qui ont été observées. » On comprend, dès lors, pourquoi l'acide cyanhydrique, anti- septique puissant, non seulement empèche la réduction des nitrates par les graines, mais encore arrête la formation de la diastase tant dans les semences que dans la farine humide. » (1) Bulletin de l’Académie royale de Belgique, 3° série, t. VIL, p. 553. Tome III, 1885. 4 É. LAURENT. — SUR LA PRETENDUE Comme on le voit, l’existence des Bactéries dans les tissus végé- taux n'est pas une hypothèse nouvelle; de mème que celle de la génération spontanée, elle a pu surgir à différentes époques sans toutefois rallier beaucoup de partisans. Ceux-ci n’ont pas réussi à faire admettre l'origine bactérienne des ferments solubles dans les plantes supérieures. La propriété des cellules végétales de pro- duire de la diastase a été admise sans que l'on ait jusqu'ici prouvé spécialement l'absence de Bactéries dans les tissus producteurs de diastase. Beaucoup de faits sont, a priori, favorables à cette opinion l'amidon ou son isomère le glycogène est fréquemment digéré dans des cellules isolées, comme des Algues très simples, des spores, etc. ; on sait, en outre, que les Bactéries prospèrent surtout dans les milieux alcalins, tandis que les sucs végétaux sont géné- ralement acides. Une expérience de M. Pasteur, faite en 1872, a même montré qu’il n'existe pas de germes dans le suc des fruits. Dans ses recherches sur la fermentation alcoolique, ce savant était parvenu à conserver pur du jus de raisin extrait sans être mis en contact avec l'air atmosphérique (*). Les partisans de l'action nécessaire des Bactéries dans les fonctions digestives des plantes auraient pu se demander quelle est l'origine de l'invertine dans les grains de raisia au moment de leur maturité. En limitant la faculté de produire des ferments solubles aux êtres microscopiques, on a oublié un peu trop facilement que cest établir une dittérence profonde entre les végétaux supérieurs et les végétaux inférieurs au moment où l'unité des phénomènes physiologiques tend de plus en plus à s'imposer dans la science. A divers points de vue, il était donc utile d'entreprendre des expériences sur l'existence des Bactéries dans les tissus végétaux. C'est ce que nous avons fait depuis le commencement de cette année. Nous exposerons successivement : I, La méthode suivie dans les expériences ; () Comptes rendus, t. LXXV, p. 781; Etudes sur la bière, Ds 55¢ Tome IIT, 1885. ORIGINE BACTERIENNE DE LA DIASTASE. 5 IT. Les expériences : 1° avec graines conservées entiéres; 2° avec graines coupées; 3° avec tissus pris dans des tubercules et dans des tiges charnues ; III. Les conclusions. I. — MÉTHODE SUIVIE DANS LES EXPERIENCES. Les nombreuses contradictions révélées par les discussions rela- tives aux Bactéries ont prouvé que les résultats différents souvent obtenus sont dus aux méthodes adoptées dans ces recherches. Cette considération nous engage à donner quelques détails sur les procédés que nous avons suivis. Nous avons employé, pour les expériences de germination, des graines de Zea, de Phaseolus multiflorus, d'Hordeum, d'Helianthus annuus et de Triticum vulgare. Pour des tissus riches en matières amylacées, ou de nature charnue, nous avons utilisé des tubercules de pomme de terre, des racines de Cichorium Intybus, de Beta vulgaris, de Tragopogon porrifolium, de Scorzonera hispanica, des bulbes d’Allium Cepa, les feuilles d'Agave americana, des tiges épaisses des Cereus coerulescens et geometrizans et de Carica Papaya. Les graines ont été lavées à grande eau, bien nettoyées avec une petite brosse quand leurs dimensions le permettaient; apres étre restées dans l'eau pendant quelques heures pour ramollir les enveloppes ainsi que les germes de la surface, elles ont été plongées pendant vingt a trente minutes dans une solution de bichlorure de mercure au ‘/s0. Le sublimé était ensuite décanté et remplacé par de l’eau qu'on avait eu soin de priver de germes par l'ébullition répétée à un ou deux jours d'intervalle. Des essais ont montré que la germination des graines soumises au sublimé n'est presque pas influencée par ce violent poison quand l’action de celui-ci n'est pas trop prolongée. Les graines débarrassées des microorganismes superficiels devaient germer à l'abri des germes de l'atmosphère. Pour cela, nous avons choisi des cristallisoirs assez larges, dans lesquels nous TOME III, 1885. 6 É. LAURENT. — SUR LA PRETENDUE avons versé du bichlorure de mercure au */,,.,; au bout d’une heure ou deux, le sublimé était enlevé et remplacé par de l’eau bouillie. Cette eau entrainait les traces de sublimé; elle était jetée, et le vase rempli d'eau bouillie jusqu’à 2 centimetres du bord. Une cloche nettoyée avec les mêmes soins était placée au-dessus du cristallisoir, reposant lui-même sur une assiette désinfectée par un lavage au sublimé à */;,.. Ces différentes opérations ont été faites dans la pièce du laboratoire, dont l'atmosphère renferme le moins de spores. Une toile métallique à mailles assez larges a été portée au rouge dans toutes ses parties et placée rapidement sous la cloche, au-dessus du cristallisoir. C'est sur cette toile métallique que les graines devaient germer. A l'aide de pincettes flambées, nous avons placé les graines une à une sur la toile, en évitant autant ae possible d'agiter l'air environnant. Quant aux tubercules et aux tissus charnus, lorsqu'ils devaient être mis en expérience sans qu'on les dépouillât de leurs couches extérieures, ils ont été lavés avec soin et plongés dans un bain de sublimé. Lorsque les graines commençaient à montrer leur tigelle ou un peu plus tard, elles ont été soumises à la recherche des Bactéries. L'examen microscopique direct des tissus en coupes très minces ne permet pas de reconnaître avec certitude ces microorganismes. Par les moyens de coloration, on ne peut pas non plus affirmer catégoriquement l'absence de Bactéries Il n'y a, sous ce rapport, que la culture dans des milieux appropriés qui permette de pro- noncer un jugement à l'abri de la critique. Les recherches de M. Robert Koch sur les Bactéries ont montré les qualités de la gélatine additionnée de matières nutritives comme milieu de culture. Nous avons suivi cette méthode en même temps que nous avons utilisé, dans le même but, des jus sucrés de fruits desséchés et particulièrement le jus de pruneaux. Pour préparer celui-ci, on fait bouillir dans l'eau des pruneaux de bonne qualité et l'on filtre la décoction d’abord à chaud; le jus filtré est renfermé dans un ballon bouché par un tampon d’ouate et soumis à l’ébullition jusqu'à ce que Ja vapeur s'échappe par le Tome III, 1885. ORIGINE BACTERIENNE DE LA DIASTASE. 7 bouchon. On filtre de nouveau apres refroidissement; si des matières en suspension persistent dans le liquide, on décante soigneusement jusqu'à ce qu'il ne se forme plus de dépôt au fond du vase. L’ébullition est répétée aussi souvent qu'on le juge néces- saire. | Pour écarter toute erreur venant d’une stérilisation incomplète, le jus est versé dans des tubes à réactifs fermés par un tampon d’ouate et qui ont été soumis auparavant pendant au moins quatre heures à une température de 140 à 150° C. Les tubes ainsi préparés sont encore recouverts d’un capuchon en caoutchouc (’) et laissés pendant huit jours à l'essai; ceux qui donnent des traces d'infection ne sont pas utilisés. Le jus de pruneaux a été préféré aux infusions de viande, afin de réaliser autant que possible les conditions des sucs cellulaires végétaux. On sait qu'ils sont généralement acides, tandis que les liquides de l'économie animale sont le plus souvent alcalins. Une faible alcalinité est favorable au développement des Bactéries. En tout cas, nous avons laissé une partie du jus de pruneaux acide et une autre a été légèrement alcalinisée avec du carbonate de soude. Il; — EXPÉRIENCES. 1° Avec graines conservées entières. — Le 27 janvier 1885, les semis sur toile métallique furent portés sur la terrasse du Jardin botanique par une température de 3° et un léger vent du sud- ouest. Quatre graines de Zea furent prises avec des pincettes flambées et mises chacune dans un tube renfermant de la gélatine nutritive de Koch préparée par M. Muencke, de Berlin. On a soin d’incliner le tube horizontalement au moment où lon ote le tam- pon d’ouate, l'ouverture tournée du côté opposé au vent. Le même jour, deux graines de Zea semées dans un sol riche en (1) On se les procure, sous le nom de Kappen von Kautschuk, chez M. Robert Muencke, à Berlin. Tome III, 188s. 8 É. LAURENT. — SUR LA PRETENDUE humus furent bien lavées à grande eau et mises avec précaution dans deux tubes de gélatine. Ces six tubes et deux tubes témoins furent placés dans une serre dont la température moyenne était de 16° C. environ, température assez favorable à la fois au développement des jeunes Zea et à celui des Bactéries. Dès le 30 janvier, la gélatine des tubes à graines germées dans la terre était complètement liquéfiée, tandis qu’un des quatre tubes à graines cultivées à l'abri des germes présentait à la surface de la gélatine des flocons blanchâtres. Deux autres de ces tubes ont montré, les jours suivants, les mêmes impuretés, offrant bientôt tous les caractères du Penicillium glaucum. Le quatrième tube, resté pur, a continué à pousser en développant ses racines dans la gélatine; le 17 février, la tige avait atteint une longueur de 5 centi- metres et l'expérience a été arrêtée. Les deux tubes témoins sont restés purs. | Cette expérience a été répétée avec plus de soin : une graine de Lupinus, trois de Zea, une d’Hordeum et une d'Helianthus germées, comme ci-dessus, sur toile métallique, ont été introduites dans des tubes de gélatine au moment où leur radicule commençait à poindre. La croissance, interrompue pendant quelques jours, a continué et les jeunes plantes ont pu arriver au sommet du tube à essais sans que la gélatine ait montré une trace de Bactéries ou d’autres organismes étrangers. Toutefois la graine d’Helianthus qui, à cause de sa faible densité, n'avait pas été bien en contact avec la solution de sublimé, a été recouverte de Penicillium au bout de huit jours. Après un mois, les autres plantules avaient atteint le tampon d’ouate et l'expérience a été terminée, sauf pour celle de Lupinus, restée plus courte; celle-ci est demeurée en observation jusqu'à ce moment (2 juin). Après avoir relevé et épuisé ses coty- lédons, la plante est morte d'inanition, faute d'être exposée à la lumière; elle a laissé suinter à sa surface son eau d’imbibition et s'est desséchée lentement, sans qu'il se soit développé de Bactéries. Nous avons ensuite substitué le jus de pruneaux à la gélatine. Nous avons laissé germer, au fond de tubes à essais, avec une petite quantité d'eau stérilisée par l'ébullition répétée : dans un TOME III, 1885. ORIGINE BACTERIENNE DE LA DIASTASE 9 premier tube, huit graines de Zea; dans un deuxieme, quinze graines d’Hordeum ; dans un troisième, quinze graines de Triticum. La germination s'est faite, et lorsque les tigelles étaient visibles, nous avons versé dans chaque tube un peu de jus de pruneaux stérilisé. Les tubes ont été soumis a une température de 16 à 20° C.; ils n'ont montré dans la suite aucune trace d'organismes étrangers, et la croissance a continué sous le liquide. Ces expériences prouvent que les Bactéries et autres microorga- nism¢s qui se trouvent habituellement à la surface des graines, n’interviennent pas dans les phénomènes de la germination. 2° Expériences avec graines coupées. — Il faut maintenant recher- cher sil n'existe pas de Bactéries à l'intérieur des tissus végétaux. Nous avons, dans ce but, examiné quantité de graines en germi- nation : Zea, Pisum, Lupinus, Triticum, Hordeum, Phaseolus. Pour éviter la confusion des granules protoplasmiques avec les microorganismes, les coupes ont été colorées au moyen de diverses couleurs d’aniline et particulièrement du violet de méthyle BBBBB, tant recommandé par M. Robert Koch pour caractériser les Bactéries. Malgré de très nombreuses observations, nous n'avons rien vu qui puisse être un Micrococcus ou un Bacillus quelconque. Il nous est arrivé de prendre des graines d'Hordeum et de Trilicum au moment où la tigelle avait atteint 10 à 12 centi- metres de hauteur; l’albumen est alors réduit à l'état pâteux au milieu des téguments. Il est évident que les innombrables Bactéries du sol s'efforcent alors de pénétrer au travers des enveloppes pour arriver aux restes de l’albumen dans une intention tout autre que celle de se rendre utiles à la plante. Et pourtant des Bactéries ne se rencontrent qu'exceptionnellement dans ces résidus désorga- nisés de l’albumen, ce qui montre que les téguments de la graine ne se laissent pas facilement pénétrer par les germes extérieurs dans les conditions normales. Il était aussi intéressant de voir s'il existait des Bactéries dans les feuilles où M. Baranetzky (*) et tout (1) Die Starkeumbildenden Fermente in den Pflansen, p. 16. Tome III, 1885. 10 E. LAURENT. — SUR LA PRETENDUE récemment M. Brasse (*) ont signalé la présence de la diastase. Nous avons eu l'occasion d'examiner au moins un millier de coupes soigneusement faites et colorées au violet de méthyle; il ne s’est jamais trouvé trace d'êtres microscopiques (’). Comme nous l'avons fait remarquer plus haut, on ne peut que rarement se fonder sur l'observation microscopique seule dans la recherche de ces organismes ; aussi ]’avons-nous complétée par les procédés de culture. Par des essais préliminaires, nous avions reconnu qu'il est très difficile de couper des graines en deux, trois ou quatre morceaux, et de les laisser tomber dans des tubes à gélatine ou à jus de pru- neaux sans introduire des germes à l’intérieur. Pour diminuer les chances d'infection, les couteaux et les pinces ont été flambés après chaque graine opérée, l'assiette sur laquelle les coupes étaient faites était lavée de temps en temps avec de l’eau bouillie ou rem- placée par une autre assiette lavée au sublimé. De cette façon, les germes qui auraient pu tomber pendant les opérations précé- dentes étaient écartés. Enfin, les graines qui devaient être coupées ont été transportées sous cloche sur la terrasse du Jardin bota- nique par un temps calme, après une pluie quand c'était possible. Dans quinze tubes à gélatine de Muencke, nous avons mis des morceaux de graines en voie de germination : cinq de Zea, cinq de Phaseolus multiflorus et cinq d’Hordeum. Des morceaux sont laissés à la surface de la gélatine, tandis que d’autres sont portés à une profondeur plus ou moins grande pour réaliser les conditions de vie des formes anaérobies. Trois tubes ont été altérés : 1° une graine d’Hordeum coupée avait un léger voile constitué par des Micrococcus; deux autres, renfermant des fragments de graine de Phaseolus, ont montré, au bout de quelques jours, des colonies de Penicillium sur la surface (1) Comptes rendus, t. XCIX, p. 878. (2) Ces observations ont été faites en décembre 1884 avec mon ami M. J. Mas- sart; nous avions cru pouvoir expliquer la contagion de la panachure par l’action des Bactéries. Nos recherches n’ont pas été favorables à cette hypothèse sédui- sante. Tome III, 1885. ORIGINE BACTÉRIENNE DE LA DIASTASE. II de la gélatine, mais la masse en contact avec les tissus en observa- tion est restée bien intacte. Dans les douze autres tubes, il n'y a pas eu altération de la gélatine à l’abri de l'oxygène comme au contact de l'air. A la longue, les cultures dans les tubes à essais se laissent envahir par des espèces ubiquistes, et particulièrement par le Penicillium. Ce sont des spores qui, tombées sur le tampon d’ouate avant le placement du capuchon de caoutchouc, finissent par arriver au contact de la gélatine soit directement, soit par l’inter- médiaire de mycéliums développés dans l'ouate ou sur les parois du tube. Ces accidents se produisent même dans les cultures faites par les expérimentateurs qui ont une longue pratique dans l'étude des Bactéries. M. Van Ermengem a eu l'obligeance de nous indiquer un moyen très facile de diminuer la fréquence de ces accidents. Aussitôt le tampon d’ouate remis, on l'enfonce entièrement dans le tube, dont on flambe la paroi externe jusqu'a roussir l'ouate; le capuchon de caoutchouc est ensuite fixé sur l'ouverture du tube. Après ces essais dans les tubes à gélatine, des expériences avec des graines coupées ont été faites comparativement dans du jus de pruneaux naturel, c'est-à-dire acide, et du jus de pruneaux alcalinisé. Dans quatre tubes à jus acide, ont été mis des morceaux de graines coupées de Phaseolus, de Zea, d'Helianthus et d’Hordeum, qui avaient germé sur du sphagnum sous cloche, mais sans soins de désinfection. Quatre tubes a jus alcalin ont reçu des fragments des mêmes graines. Dans tous les essais suivants, les graines avaient été désinfectées au sublimé et mises à l'abri des germes extérieurs. Le 22 mars 1885, par un temps calme, nous avons mis: dans dix tubes, moitié à jus acide et moitié à jus alcalin, des morceaux de graines coupées de Phaseolus ; dans dix tubes, moitié à jus acide et moitié à jus alcalin, des graines coupées de Zea; dans dix tubes, moitié à jus acide et moitié à jus alcalin, des graines coupées d’Hordeum. Il y avait donc en ce moment trente-huit tubes en expérience : ToME III, 188s. Twat. É. LAURENT. — SUR LA PRETENDUE huit renfermant des graines qu’on avait laissé germer sans prépa- ration spéciale; et trente renfermant des graines qui avaient été soustraites aux microorganismes de l'air. Au bout de dix jours, les huit premiers tubes étaient tous atta- qués par les Bactéries et les champignons ubiquistes, tandis que les trente autres tubes sont restés parfaitement purs. 3° Expériences avec es tissus pris dans des tubercules ou dans des tiges charnues. — En même temps que nous soumettions des graines à ces expériences, des fragments de tubercules et de tiges charnues étaient l'objet des mêmes recherches. Quinze tubes à essais, après avoir été stérilisés à 150°, ont reçu un peu de jus de pruneaux. Nous avions en culture des pommes de terre, des Cichorium Intybus, des Beta vulgaris, des Daucus Carota et des Allium Cepa, dont l'état de végétation indiquait la digestion partielle des réserves, ce dont on s'est d’ailleurs assuré au microscope. A l'aide d’un emporte-piece en laiton (comme on en emploie pour percer les bouchons) passé dans la flamme, des cylindres de tissus ont été pris dans les plantes indiquées; on les a fait glisser au fond des tubes à essais maintenus obliquement pendant la manipulation. Pour éviter les chances d'infection provenant des germes superficiels, les tissus corticaux avaient êté enlevés avec un couteau flambé ; cing tubes ont reçu des tissus de pomme de terre, quatre de Cichorium, deux de Beta, deux de Daucus, deux d Allium Cepa. : Tous ces tubes furent placés dans une serre à une température de 16 à 20° C. Au bout de dix jours, quatre étaient infectés : deux de pomme de terre, un de Cichorium et un d'Allium; dans les trois premiers, il y avait du Penicillium et dans le dernier un Bacillus (B. subtilis 2). Pour montrer que le milieu n’était pas contraire au développe- ment des microorganismes, trois des onze tubes restés purs ont reçu chacun une goutte d’eau de la ville en même temps que trois autres tubes furent ouverts pendant quelques minutes pour servir de témoins. Au bout de trois jours, les tubes avec de l'eau de la TOME III, 1885. ORIGINE BACTERIENNE DE LA DIASTASE. 13 ville renfermaient des végétations florissantes de Bactéries, tandis que les témoins étaient intacts. Dans les premiers jours d’avril, nous avons mis : dans douze tubes, moitié à jus acide et moitié à jus alcalin, des cylindres de tissu pris dans des tubercules de pomme de terre à pousses de 25 à 30 centimètres; dans dix tubes, moitié acides et moitié alcalins, des cylindres pris dans la racine d'un Cichorium; dans quatre tubes alcalins, des cylindres provenant de feuilles épuisées d’un A gave americana venant de fleurir ; dans quatre tubes alcalins, des cylindres des feuilles du même Agave, mais riches en réserves; dans six tubes alcalins, des cylindres pris à l’intérieur d'une tige de Cereus coerulescens. L'opération s’est faite avec difficulté pour les tissus du Cereus qui, dépourvus de consistance, ne restaient pas dans l'emporte-pièce. De ces trente-six tubes, trois renfermant des cylindres de Cereus ont présenté des impuretés; l'examen microscopique a révélé la présence dans le même tube d'un petit Bacterium et d'un Sacchäromyces. | En mai, nous avons répété ces expériences en employant le Cereus geometrizans, dont les tissus sont plus consistants que ceux de Cereus coerulescens. Le Carica Papaya, dont la richesse en pep- sine est bien connue, ainsi que la betterave à sucre en végétation ont été soumis au même examen. Nous avons également pris une dizaine de cylindres de tissu dans la partie blanche d'un Agave americana à feuilles panachées ; la surface avait été désinfectée en plongeant la feuille dans un bain de sublimé au ‘/,. Dix tubes, moitié alcalins et moitié acides, ont reçu des cylindres de tissu de Cereus geometrizans; douze tubes, moitié alcalins et moitié acides, des cylindres de tissu de Carica Papaya; dix tubes, les uns acides, les autres alcalins, des cylindres de tissu dépourvu de chlorophylle d'Agave americana fol. var.; enfin dix tubes, les uns également acides et les autres alcalins, des cylindres de bette- rave à sucre. Il n’y a eu au bout de vingt jours aucune trace d'infection. Nos essais avec le Phaseolus multiflorus ont été assez nombreux, comme on a pu le voir. Les graines de cette espèce ne renferment 14 Tome III, 1885. E. LAURENT. — SUR LA PRETENDUE pas de diastase avant la germination (*), mais ce ferment y apparaît bientôt pendant le développement de l'embryon. Comme les jeunes plantes n’ont été coupées qu'au moment ou la tigelle avait de 5 à 8centimètres, on ne peut mettre en doute la production de la diastase pendant la germination. III. — CONCLUSIONS. Une conclusion ressort clairement de l’ensemble de ces expé- riences : il n’y a pas d'organismes étrangers dans les tissus végé- taux à l’état normal. NOMBRE : Numeros Proportion : , ! d’ordre lo SERIE D’EXPERIENCES. de de ans e tubes tubes chaque série. . ; tubes infectés. 1 employés. | infectés. I 4 3 75 Avec graines entières . « 2 6 I 16 2/3 2 3 o fo) | I 15 3 20 Avec graines coupees 2 30 O O I 15 4 262}; Avec tissus de tubercules : ; ; 2 36 3 8 */3 et de tiges charnues. 3 42 fe) fe) (1) BARANETZKY, /oc, cit., p. 14. Tome III, 1885. ORIGINE BACTERIENNE DE LA DIASTASE. 15 On remarquera aussi que dans les premiers essais de chaque série d’expériences, le nombre des tubes infectés est relativement . considérable, tandis qu'il va en diminuant a mesure que nous avons multiplié les soins dont la connaissance s’acquiert par la pratique. Pour qu'on puisse mieux en apprécier l'importance, nous avons réuni en un tableau les différents résultats obtenus avec les graines désinfectées et avec celles qu'on avait laissé germer à l’abri des êtres microscopiques de l'atmosphère. La production de la diastase et des autres ferments solubles est bien un phénomène propre au protoplasme des végétaux supé- rieurs comme à celui des microorganismes. Ce n’est d'ailleurs qu'un exemple de l'analogie qui existe entre les réactions physio- logiques des uns et les phénomènes de fermentation et de putré- faction des autres. Si les moyens de vivre sont les mêmes, ne nous étonnons pas que les mêmes causes puissent produire la cessation des mouve- ments vitaux. Ainsi l'acide cyanhydrique suspend la germination -et arrête la formation de la diastase, bien que cet agent n’entrave pas l’action de ce ferment sur l'empois d'amidon. Dans ses recherches sur l’action de l’acide cyanhydrique au moment de la germination des graines, M. A. Jorissen a aussi constaté que cet agent empêche la réduction des nitrates en nitrites, phénomène déjà observé par Schdnbein (*). « On sait que l'activité de ces organismes (les Bactéries) se manifeste fréquem- ment par des phénomènes de réduction, et comme dans le cas qui nous occupe la transformation des nitrates en nitrites ne se produit pas en présence de l'acide cyanhydrique, il était vraisemblable d'attribuer aux Bactéries la réaction observée par Schônbein. » Comme le séjour des graines dans une atmosphère d'acide cyanhydrique ne tue pas l'embryon, puisque ce dernier se déve- loppe normalement quand on soustrait la graine à l'influence de () Bulletin de l’Académie royale de Belgique, 3° série, t. VIII, p. 551. Tome III, 1885. 16 É. LAURENT. — SUR LA PRETENDUE l'antiseptique, il semble que les propriétés réductrices des graines soient indépendantes de l’activité propre de celles-ci. » Nous avons fait sur ce sujet diverses expériences qui confirment les observations de Schônbein relatives au pouvoir réducteur des graines en germination. Nous n'en citerons qu'une seule pour le moment. Des graines de Zea et d’Hordeum ont été plongées pendant vingt a trente minutes dans une solution de sublimé au ’/4.. Elles ont été ensuite lavées a l'eau privée de spores par l'ébullition répétée et nous les avons laissé germer dans un cristallisoir stérilisé par le sublimé et lavé ensuite avec de l’eau bouillie. Lorsque la radicule avait atteint une longueur de 1 centimètre, les graines ont été mises avec précaution dans des tubes à essais stérilisés a 150°; on y a ensuite versé une solution de nitrate de potasse au ‘/.. Cette solution avait été également soumise à l'ébul- lition pour la stériliser. Les tubes ont été placés dans une serre à une température de 25 a 30° C. Au bout de vingt heures, la réduction du nitrate en nitrite était tres nette aussi bien pour les graines de Zea que pour celles d’Hor- deum. Il est possible que M. Jorissen ait eu l'occasion de constater, dans ses expériences, des actions réductrices dues à des Bactéries anaerobies, phénomène étudié à diverses reprises dans ces dernières années (7). Quoi qu'il en soit, la réduction des nitrates en nitrites paraît être, comme la production de l'alcool, une propriété com- mune à certains microorganismes et aux cellules de plantes supé- rieures lorsque la vie se fait dans un milieu privé d'oxygène libre. Qu'il nous soit permis, en terminant, de remercier M. le profes- seur Léo Errera pour les conseils qu’il a bien voulu nous donner (1) MEUSEL, Comptes rendus, t. LXXXI, p. 533. — DEHERAIN et MAQUENNE, t. XCV, pp. 691, 732 et 854. — Gayon et DuPETiT, t. XCV, p. 1365 Tome III, 1885." ORIGINE BACTERIENNE DE LA DIASTASE. 17 pendant le cours de ce travail; nous tenons aussi à témoigner notre reconnaissance à M. le Dt Van Ermengem, qui nous a généreu- sement communiqué les perfectionnements apportés par lui, dans ces derniers temps, à la technique des Bactéries. Bruxelles, Laboratoire d'anatomie et de physiologie végétales de l’Université. Tome IIT, 2 AMEN TERRE DE LA fem NIATION PANAIRE PAR É. LAURENT () L'usage d’ajouter à la pâte qui sert à faire le pain un peu de levain conservé depuis la cuisson précédente est d'origine très ancienne et se retrouve chez presque tous les peuples. La fermen- tation acquiert ainsi plus d'énergie et le pain en devient plus léger et plus facile à digérer. Bien que ce soit là une habitude presque universelle, on n'avait jusqu'ici que des idées très vagues sur la nature et sur le rôle du ferment renfermé dans le levain. Après les études de Pasteur sur le vinaigre, le vin et la bière, on avait le droit d'attribuer la fermentation panaire à un microorganisme du groupe des Levures ou des Bactéries. Les recherches de divers savants ont montré dans le levain des bâtonnets et une petite Levure appelée par Engel Saccharomyces minor (*). L'action de cette dernière espèce a même été exagérée au point d'y voir l'agent principal de la fermentation de la pâte. Quant aux Bactéries du levain, on ne leur a accordé que peu d'importance, faute de pouvoir leur attribuer des carac- () Ce travail a paru dans le Bulletin del’ Académie royale de Belgique, 3° série, t. X, n° 12, 1885. (2) Des ferments alcooliques, Thèse, Paris, 1872. Tome III, 1885. 20 E. LAURENT. — LA BACTÉRIE tères spécifiques. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner si un savant de la valeur de Duclaux affirme dans sa Microbiologie que « cette question importante (la fermentation panaire) est a reprendre depuis ses origines (*) ». L'étude d'une maladie du pain fréquente en Belgique m'a con- duit a faire un examen assez approfondi des ferments naturels du pain. Un seul par sa coustance et son abondance dans la pate me paraît devoir être considéré comme l'agent normal de la fermenta- tion panaire. C’est une bactérie du groupe des Bacillus et pour laquelle je propose le nom de Bacillus panificans. Ce qui confirme cette hypothèse, c’est qu'une culture pure de cette Bactérie intro- duite dans un peu de pâte y détermine une fermentation semblable a celle que produit le levain. Pour trouver le Bacillus panificans, il suffit de prendre un peu de levain quelconque de farine de froment, de seigle ou d’épeautre, et de le mélanger à une petite quantité d'eau dépourvue de micro- organismes. Dans tous mes essais, j'ai employé de l'eau filtrée sur un filtre Chamberland, système Pasteur, de temps en temps nettoyé et stérilisé à haute température. Une goutte du liquide agité au contact du fragment de levain est introduite dans un peu de gélatine de Koch, acide ou légèrement alcaline, que l'on répand sur une lame de verre suffisamment grande ou sur un verre de montre plat. Dès la fin du deuxième ou au commencement du troisième jour, on peut voir des colonies d’un aspect assez caracté- ristique. Leur contour est circulaire, à bord tout à fait entier.Vues par réflexion, elles sont d'un jaune de chrome très pâle ; par trans- parence, elles ont une teinte gris brunâtre plus ou moins accen- tuée au bout de quelques jours Le développement des colonies est très lent et on n'en voit presque jamais arriver à se toucher par les bords, même quand elles sont très serrées. A la température ordi- naire (15°), elles ne liquéfient pas la gélatine dans les cultures sur lames. Ce sont des caractères importants pour ceux qui sont habitués à (1) Microbiologie. (ENCYCLOPÉDIE CHIMIQUE DE FREMY, p. 585.) Tome III, 1885. DE LA FERMENTATION PANAIRE. 21 cultiver les microbes, car ils permettent de reconnaître le Bacillus panificans dans un mélange de Bactéries de la putréfaction. Inoculé dans un tube de gélatine par une seule piqûre, ce bacille donne une trace bien nette, formée de colonies plus ou moins serrées les unes contre les autres le long de la piqüre; a la surface, il se développe très lentement en une grande colonie découpée sur les bords comme un lobe de feuille de fougère. Des centaines de levains reçus de diverses régions de la Belgique et de divers points de l'Europe ont montré constamment des bâton- nets assez étroits et plus ou moins longs. Un grand nombre d'échantillons pris au hasard ont donné par la culture sur lame de gélatine les colonies caractéristiques du Bacillus panificans. L’ob- servation est facilitée par l'addition à la préparation d’une goutte de solution iodée, ou par la coloration des bacilles au moyen de solutions aqueuses de violet de méthyle BBBBB ou de fuchsine. Les cultures sur gélatine solide montrent que la Bactérie du pain vit parfaitement au contact de l'air. Ce n'est pas toutefois une condition indispensable au développement de cet organisme; des cultures faites au laboratoire de M. Paul Gibier, à Paris, m'ont donné une végétation rapide dans une atmosphère raréfiée dont la pression était inférieure a 1 millimetre de mercure. Le développement se fait déjà vers 6°, se continue jusqu'à 45° en passant vers 33° à 34° par son optimum. Dans les premiers jours de la culture, on observe au microscope des bâtonnets très courts et très mobiles; plus tard, quand les milieux liquides s’appauvris- sent, il n y a plus que des bacilles allongés, et, par une température suffisamment élevée, ils forment un voile superficiel. On y trouve souvent de très longs filaments. Bientôt après apparaissent les spores au milieu de chaque article, et elles ne tardent pas à tomber au fond du liquide. Les spores du Bacillus ane ne sont tuées qu'à la tempéra- ture de 100° prolongée pendant plus de dix minutes. Les bâtonnets sans spores résistent aussi à des températures assez élevées ; il est certain qu'ils survivent à la cuisson du pain lorsqu'ils se trouvent à la profondeur de plus de 7 ou 8 millimètres dans la mie. Cela n’a rien d'étonnant puisque, d'après mes recherches, la température interne du pain dans le four n’atteint pas ordinairement 100°. Tome III, 1885. 22 É. LAURENT. — LA BACTERIE Van Ermengem, dans ses études sur le choléra, a fait la même constatation (*). Au point de vue chimique, le Bacillus panificans rend facilement soluble le gluten de la pâte; il réussit à se développer aux dépens de l’amidon cuit dans un milieu qui n'est pas trop acide; on peut le cultiver aussi dans des solutions minérales additionnées de saccharose. Cette triple action est remarquable sous le rapport de la phy- siologie humaine. Dans 1 gramme de pain, il y a un nombre immense de bacilles du pain; j'en ai compté dans certains cas plus de 500,000. Ils ne sont pas détruits dans l'estomac, car des spores et des bâtonnets ont résisté à vingt heures de submersion dans du suc gastrique artificiel. Les bacilles introduits avec le pain dans le tube digestif de l’homme y trouvent un milieu extrèmement riche en matières albuminoïdes et en amidon cuit. Grâce à leurs propriétés d'être à la fois aérobies et anaérobies, de pouvoir vivre dans des milieux alcalins ou acides, ils doivent contribuer pour quelque chose à la digestion intestinale. Ce que je puis affirmer dès maintenant, c'est que le Bacillus panificans pullule réellement dans les selles. D'après une citation de Cornil et Babes, Bienstock paraît avoir signalé cette bactérie (*). Le n° 3 des bacilles des selles étudiées par ce savant se développe très lentement dans les cultures sur lames de gélatine, et la colonie n'atteint que 2 millimetres au bout de deux semaines. Examinée avec un puissant objectif, on peut distinguer la forme allongée de la bactérie, sinon on croirait voir un Micrococcus. Bienstock ne lui suppose aucun rôle dans la digestion. Le Bacillus panificans présente précisément ce caractère qui mé- rite d'attirer l'attention des bactériologues : il a une forme presque sphérique quand on le cultive sur gélatine solide. L'origine du bacille du pain est bien intéressante. Chicandard, (1) Recherches sur le microbe du choléra asiatique. (ANN. DE LA SOC. BELGE DE MICROSC., t. X, p. 246.) (2) Cornit et BABES, Les Bactéries, p. 125. Tome III, 1885. DE LA FERMENTATION PANAIRE. 2 qui a fait une bonne étude chimique de la fermentation panaire, avait été frappé de voir des bâtonnets dans la pâte (*). Il leur avait attribué une origine merveilleuse. Les matières albuminoïdes provenant des cellules végétales détruites se seraient organisées en êtres vivants de la forme la plus simple (Microzyma) pour évoluer ensuite dans la pâte en forme de Bacillus. Cette genèse spontanée d'êtres vivants a eu quelques autres par- tisans que j'ai cités dans une note publiée au Bulletin de l'Aca- démie (*). Il est facile d'établir que ces observations n'ont pu résister jusqu'ici à une critique approfondie. Aussi ai-je préféré m'inspirer des anciennes recherches de Pasteur sur la dispersion des germes de Saccharomyces à la sur- face des grains de raisin employés pour faire le vin. J'ai pris dans les champs éloignés de toute habitation des épis de froment, de seigle et d’orge, que j'ai mis isolément dans des tubes à essais sté- rilisés à haute température et bouchés par des tampons d’ouate. Un peu d'eau filtrée d’après le système Pasteur a été agitée au contact de l'épi. Quelques gouttes ajoutées à de la gélatine nutri- tive ont donné des colonies du Bacille du pain. Voilà donc une bactérie qui, sur presque toute la terre, est pro- bablement déposée par le vent à la surface des épis du froment, du seigle, de l'orge, de l'épeautre et peut-être d'autres plantes. Vraisemblablement, cette espèce est extrêmement répandue dans la nature et doit avoir une grande part dans les phénomènes de putréfaction. J'ai analysé les bactéries de nombreux échantillons de son et de farine de froment et de seigle. Toujours j'y ai retrouvé par la culture les caractères du Bacillus panificans. Le nombre de bacilles est plus grand dans le son et dans la farine non blutée que dans les farines pures. Cette remarque est bien en rapport avec l'origine superficielle des germes sur les grains. (*) Moniteur scientifique de Quesneville, 1883, p. 927. (2) Sur la prétendue origine bactérienne de la diastase. (BULL. DE L’ ACAD. ROY. DE BELGIQUE. 3° série, t. X, n° 7.) Réimprimé plus haut, dans le tome III du Recueil de l'Institut botanique. Tome III, 1885. 24 E. LAURENT. — LA BACTERIE La présence des germes du Bacillus pantficans dans le son et dans la farine explique certains faits pratiques assez intéressants. Lorsque dans les fermes on fait avec un mélange de son et de farine de seigle, ou avec l'une de ces matières seulement, une sorte de pâte grossière que l'on donne aux animaux domestiques, il y a augmen- tation de volume au bout de quelques heures. En Hongrie, on prépare un levain en jetant du son dans une infusion de son, de froment et de houblon. Enfin nos ménagères des campagnes belges, lorsqu'elles n’ont pas de levain, font une pâte molle avec de la farine mélangée à de l'eau tiède; le tout, mis dans un endroit chaud, donne au bout de douze heures environ une fermentation très marquée et peut être utilisé en guise de levain conservé. Comme on le voit, on peut obtenir une fermentation panaire spontanée de la même façon que les moûts de raisin et de bière fermentent sans addition de levure. Le pétrissage a pour but de répartir dans la pâte aussi également que possible les bacilles, l'eau et en même temps lair, afin d’assurer une fermentation régulière. Dans la pâte, le Bacillus se nourrit des albuminoïdes solubles et insolubles ainsi que des sucres déjà assimilables; je ne crois pas quil y attaque l’amidon cru dans les cas normaux de fermentation. Il produit notamment de l'acide carbonique qui s’accumule dans les méats formés par suite de la résistance du gluten. C’est là le phénomène le plus apparent de la fermentation panaire. Il se forme en même temps divers corps parmi lesquels je signale, d’après Chicandard (*), les acides acétique, butyrique et lactique. Ce sont ces derniers corps qui donnent au levain son acidité bien connue. Si le Bacillus panificans ne paraît pas pouvoir attaquer l'amidon cru, il n’en est pas toujours ainsi après la cuisson. L'action de cette bactérie peut même devenir alors tellement énergique que la mie de pain se transforme en une masse de consistance très visqueuse. On a dans ce cas la maladie du pain visqueux ou du pain qui file. () Moniteur scientifique de Quesneville, 1883, p. 933. Tome III, 1885. DE LA FERMENTATION PANAIRE. to A Jen ai fait l'objet d'un travail que je soumettrai dans quelque temps au jugement de l'Académie. Je me bornerai ici à un aperçu rapide. Pendant les mois les plus chauds de l'année, de juin à septembre, il arrive souvent que le pain préparé dans les ménages de la cam- pagne subisse des transformations d'une nature toute spéciale. Deux ou trois jours après la cuisson, il répand une odeur putride; con- sommé alors, il a un goût sucré qui ne déplaît pas. Peu de temps après, l'odeur devient plus forte et ne tarde pas à rappeler celle des matières albuminoïdes en décomposition. Un couteau intro- duit dans la mie se couvre d'une matière gluante qui se détache difficilement. Si l'on enfonce le doigt dans la partie centrale de la mie et qu'on le retire lentement, il entraîne des lambeaux qui prennent la forme de filaments analogues à ceux que donne la colle forte. Le pain malade ne peut plus être consommé. Les pertes qui en résultent sont élevées et elles frappent surtout les populations laborieuses des localités où la consommation du pain de boulanger est encore très restreinte. Déjà en 1884, des préparations de pain visqueux m'avaient montré des myriades de bacilles. L'époque était alors trop avancée pour en entreprendre l’étud:; les matériaux suffisants me faisaient défaut. Encouragé par M. le professeur Léo Errera, j'ai eu soin de rechercher des échantillons de pain visqueux dès le commence- ment de juin de cette année (1885). Voici les résultats généraux obtenus à la suite de longues recherches exécutées au laboratoire de physiologie végétale de l'Université de Bruxelles et au labora- toire de pathologie de M. Paul Gibier, aide-naturaliste au Muséum de Paris : i° La bactérie du pain visqueux est le Bacillus pantficans ; 2° Le pain visqueux ne se produit pas quand on porte du pain pendant quinze minutes à 100° ou quand on imbibe de la mie avec une solution à 1 °/,, de sublimé corrosif; 3° Il en est de même quand le pain est suffisamment acide; 4° Il suffit d’alcaliniser légèrement du pain quelconque pour le voir devenir visqueux en moins de quarante-huit heures à 35°; Tome III, 1885. 26 É. LAURENT. — LA BACTERIE 5° Cette transformation est surtout trés rapide entre 30° et 45°, mais elle commence a une température d'autant plus basse que le pain est moins acide et plus humide; 6° La matière visqueuse, qui me paraît être de l’érythrodex- trine, semble devenir plus abondante au moment où les albumi- noïdes du pain sont en grande partie épuisés. La multiplication des bacilles cesse et les spores apparaissent dans la plupart des batonnets. [| suffit alors d’ajouter une solution minérale azotée (du nitrate d’ammoniaque) pour faire germer les spores et provoquer une consommation de la matiére visqueuse par les bacilles. Le pain visqueux est done produit par le Bacillus panificans lorsque la mie est insuffisamment acide. Des calculs acidimétriques précis ont confirmé mes observations. Mes travaux de laboratoire ont été suivis d’expériences en grand exécutées par des personnes dont le pain devenait visqueux sous l'influence de la haute température de été dernier. On a fait des pâtes avec les mêmes farines qui avaient donné quelques jours auparavant du pain visqueux; les procédés de préparation furent identiques, sauf que l'on ajouta une quantité de vinaigre du com- merce variant entre 1 et 2 litres par 100 kilogrammes de farine, selon l'acidité du vinaigre et la nature de la farine. J'ai observe, par exemple, que les farines qui ont déjà fermenté dans les maga- sins donnent souvent en été du pain visqueux. Je n'ai pas eu le temps jusqu'ici d'approfondir ce dernier point, mais je suis convaincu qu'il s'agit là d'une altération de l'acidité normale des farines. Le pain acidulé comme je l’ai indiqué n'est jamais devenu visqueux. Les idées que je viens d'émettre sur la panification me permet- tent d’entrevoir la possibilité de tirer un meilleur parti des farines avariées (=). (1) Pendant l'impression, j'ai vu que Zopf (SCHENK, Æandbuch, p. 90) a indiqué un Bacillus (Bacterium) dysodes qui produit une altération du pain, mais pour lequel il ne signale aucun rapport avec la panification normale. Je me propose d'étudier plus tard si ce bacille est le même que celui dont il est ques- tion dans ce travail. ToME III, 1885. DE LA FERMENTATION PANAIRE. to | Voici le résumé succinct des faits principaux énoncés dans cette note : I. Il y aa la surface des grains de froment, de seigle et d'autres céréales les germes d'un Bacillus qui par la mouture passe dans la farine; IT. Ce Bacillus se développe normalement dans la pâte et y dégage de l'acide carbonique qui la fait lever ; III. [1 donne dans les cultures sur gélatine nutritive des colonies suffisamment caractéristiques pour le distinguer des autres ba- cilles. Je lui donne le nom de Bacillus panificans ; IV. Le Bacillus panificans est aérobie et anaérobie; V. Il rend solubles les albuminoïdes et principalement le gluten; il peut se nourrir de saccharose et. dans un milieu faiblement acide, d’amidon cuit; VI. Il résiste a la cuisson lorsqu'il se trouve dans la mie a une profondeur supérieure a 7 ou 8 millimetres; VII. Il abonde dans le pain consommé et on le retrouve en quan- tité très grande dans les selles: VIII. Le bacille du pain, après la cuisson, peut attaquer l'amidon dans un milieu insuffisamment acide: il le transforme en une ma- tière analogue à l'érythrodextrine. C’est le processus de la produc- tion du pain visqueux; IX. L’addition d'une quantité suffisante d'un acide organique empéche la formation du pain visqueux. Bruxelles, Laboratoire d’anatomie et de physiologie végétales de l’Université. | Fe he) Pee ROBES DU SOL RECHERCHES EXPERIMENTALES SUR LEUR UTILITE POUR LA CROISSANCE DES VEGETAUX SUPERIEURS É. LAURENT (') Les agriculteurs ont cru pendant des siécles que les matiéres organiques du sol servent directement à l’alimentation des plantes cultivées. Dans cette hypothèse, l'humus était considéré comme une réserve nutritive dans laquelle les racines pouvaient puiser en toute liberté. Liebig fut le premier à affirmer que la nourriture de nos plantes cultivées est essentiellement minérale; que, par conséquent, les débris organiques du sol doivent être réduits en composés plus simples, inorganiques, avant d'être utilisés par la plante verte. On sait combien fut féconde cette théorie du grand chimiste alle- mand : elle renversa les anciennes idées sur la jachere, l'assole- ment et sur d'autres pratiques agricoles ; elle eut comme corollaire l'emploi des engrais chimiques en agriculture. Pendant bien des années, l'humus fut un peu oublié, sacrifié a la doctrine nouvelle. Il n'y a pas si longtemps qu'il attira de nou- (:) Ce travail a paru dans le Bulletin de 1’ Académie royale de Belgique, 3° série, t. XI, n° 2, 1886. Tome III, 1886. 30 É. LAURENT. veau l'attention des chimistes, préoccupés de connaître les trans- formations que subit la matière organique dans la terre arable. Une découverte capitale due à Schloesing et Muntz (*) fit entre- voir la grande importance des réactions qui s’accomplissent dans le sol. Grâce aux travaux de ces chimistes, complétés par ceux de Warington (’), la nitrification est aujourd’hui bien connue. Sous l'action de certains microorganismes du sol, désignés par le terme un peu général de Micrococcus nitrificans, il se produit des nitrates dans les sols riches en débris d'origine organique. L'interprétation de ce phénomène a remis en relief le rôle de l'humus et a donné une première notion des services que les bac- téries du sol rendent à la végétation. L'étude de ces microorga- nismes n'a pas encore été entreprise d'une façon méthodique; il est a souhaiter que pareil travail se fasse, car il permettrait de résoudre bien des questions encore mal. comprises de chimie agricole. Dans ces dernières années, divers microbiologistes ont pensé, avec raison, que les Bactéries jouent un grand rôle dans le sol cultivé en détruisant les matières organiques pour les rendre absorbables par les racines. Ces vues a priori ont toutefois provoqué jusqu'ici peu de recherches expérimentales. En dehors de celles de Schloesing et Muntz, de Warington, on ne peut guère citer que l'expérience de Duclaux sur l'impossibilité où est la racine des plantes de digérer des corps organiques (°). Ce savant a pris des haricots et des pois qu'il a fait germer dans un sol arrosé avec du lait, du sucre candi et de l’empois d'amidon, mais privé de bactéries. Ces matières sont restées intactes et les plantes n'ont pu les utiliser faute de pouvoir sécréter des ferments solubles adaptés à la digestion nécessaire. Cette expérience n'est pas des plus concluantes, à cause de la nature assez insolite des matières mises à la disposition des racines des plantes. (:) Comptes rendus, t. LXXXIV, p. 301; t. LXXXIX, pp. 891 et 1074. (2) Journal of the Chemical Society, 1878, p. 44: 1879, p. 429. — Chemical News, XV D 42050. LV ap 82075 (3) Comptes rendus, t. C, p. 66. Tome III, 1886. LES MICROBES DU SOL. 31 Le jour où la communication de Duclaux fut faite à l'Aca- démie des sciences de Paris, Pasteur émit l'idée de nourrir entièrement un animal en le soustrayant à l'action des microbes. La cul- ture des plantes vertes dans de l'humus privé de bactéries me parut mériter aussi un essai, et je me promis de l’exécuter pendant l'été. Préparation des pots de culture. Apres avoir examiné avec M. le professeur Léo Errera les conditions de l'expérience pro- jetée, je fis fabriquer des pots en terre d’un ‘ modèle tout particulier. Ils ont la forme ordi- naire des pots a fleurs, avec cette différence que le rebord supérieur présente une entaille circulaire pour recevoir un couvercle. Celui- ci est, comme la paroi des pots, épais d'envi- ron 1 centimetre; il est percé de cing trous circulaires, dont trois (fig. 1 et 2,a et b) de 4 centimètres de diamètre et deux (c) de 2 cen- timètres. L'une des premières ouvertures (a) est centrale et doit donner passage aux tiges des plantes, les ceux autres (b) servent a l'aération de la terre du pot; quant aux deux trous plus petits, ils sont destinés aux arro- sements. Tous les pots, d'égales dimensions, ont 18 centimètres de profondeur, 18 centi- mètres de diamètre à l’ouverture supérieure et 12 centimètres au fond. Du terreau provenant de fumier de ferme décompose est grossié- rement tamisé pour le priver des parties les plus massives, diffi- ciles à stériliser. Dans la partie qui a passé au tamis, il y avait principalement des tiges de céréales plus ou moins recouvertes de cette matière d'un brun noir qui constitue l'humus du fumier de ferme. Tomer III, 1886. 32 E. LAURENT. Des quantités énormes de bactéries se rencontrent dans la moindre parcelle de cet humus. Une partie du terreau tamisé est portée pendant quatre heures à 140° dans une étuve peu profonde, de façon à obtenir dans toute la masse une température régulière. Toutes les spores du sol sont tuées par ce traitement, comme je m'en suis assuré par divers essais dans des moûts stérilisés ou dans la gélatine peptonifiée. Chaque pot est renversé au-dessus d'un fort bec de Bunsen jusqu'à ce que les parois aient pris la teinte de la terre à briques recuite. La température élevée a détruit tout germe qui se serait trouvé sur les parois. Les tessons (fragments de pots) que les jardi- niers ont l'habitude de mettre au fond des pots pour en assurer le drainage sont aussi fortement chauffés en les passant plusieurs fois dans la flamme du chalumeau oxyhydrique. Avant d’étre refroidi, chaque pot est porté sur une assiette ste- rilisée placée sous une cloche également stérilisée, et les tessons sont jetés directement au fond du pot. Le couvercle est également stéri- lisé a la flamme du chalumeau. Les deux ouvertures (b) pour l’aération sont fermées avec de lVouate stérilisée et dans chacune des deux ouvertures (c), laissées pour l'introduction de l'eau, on ajuste un bouchon auquel est adapté un tube de verre coudé pourvu d’un tampon d’ouate. Bouchons et tubes ont séjourné plus d’une heure dans l’eau bouillante. Les pots sont alors prêts à recevoir le terreau. Cette opération se fait par un temps calme dans une atmosphère renfermant peu de germes. J'ai soin de me laver les mains au sublimé et a l'eau stérilisée. Le terreau ne remplit pas complete- ment l'intérieur du pot il reste sous le couvercle un espace libre d'environ 3 centimètres, afin d'empêcher le contact de la terre et des tampons d’ouate. Aussitôt le couvercle remis, il est soudé au bord du pot au moyen de plâtre stérilisé coulé sur un peu d’ouate roussie introduite dans l'intervalle à fermer. Du plâtre est en mème temps versé sur la surface des bouchons de liège pour en assurer la fermeture hermétique. Le terreau stérilisé, complètement desséché par la chaleur, doit être mouillé avant de servir à la culture des plantes. Les jardiniers Tome III, 1886 LES MICROBES DU SOL. 33 savent qu’il est bien difficile de faire pénétrer l’eau dans une masse de terreau qui a perdu presque toute son eau d’imbibition. Force est de laisser la terre stérilisée au contact de l’eau pendant un cer- tain temps sans permettre l’introduction de germes. Pour atteindre ce résultat,chaque pot fermé avec du plâtre ainsi qu'il a été dit plus haut, est remis sur une assiette stérilisée et recouvert d'une cloche. Je soulève légèrement la cloche et à l’aide d'une pissette j’introduis de l’eau stérilisée au filtre Chamberland; la plus grande partie de cette eau parvient rapidement au fond du pot et se dépose sur l'assiette. La paroi du pot et son contenu s’en imbibent lentement et il suffit en général d'un second arrosement pratiqué le deuxième jour pour ramener le terreau au degré d'humidité convenable. Un coup d’œil jeté par les ouvertures d'aération, dont j'enlève l’ouate un instant, permet de s’en assurer à la teinte de la terre. Sept pots sont préparés comme je viens de le décrire. J'en ai trois dans lesquels je compte cultiver des plantes sans microorganismes du sol; deux autres, stérilisés avec les mêmes soins que ces pre- miers, sont inoculés avec des bactéries du sol obtenues en faisant passer un peu d’eau sur du terreau; enfin les deux derniers, privés aussi de bactéries, devaient recevoir plus tard un supplément de nourriture constitué par des solutions minérales nutritives. Afin d'avoir un point de comparaison, j'ajoute a ces pots deux autres remplis de terreau ordinaire, fermés aussi au moyen d'un cou- vercle avec plâtre. J'aurai donc quatre séries de plantes en expérience : 1° Dans du terreau naturel; 2° Dans du terreau stérilisé, puis inoculé avec des bactéries du sol ; 3° Dans du terreau stérilisé; 4° Dans du terreau stérilisé avec addition d'engrais chimiques. La deuxième série est mise en expérience pour s'assurer que la haute température à laquelle le terreau a été porté ne le rend pas inapte à la nourriture des plantes. Il suffit pour cela d’établir qu'en lui inoculant des bactéries du sol, on lui fait reprendre peu à peu ses propriétés alimentaires. On peut donc s'attendre à voir les plantes de la deuxième série, inférieures d’abord à celles de la pre- Tome IIL. 3 ToME III, 1886. 34 É. LAURENT. mière, regagner graduellement la distance perdue. Et c'est ce qui est arrivé. La troisième série, comparée à la deuxième, montrera la part qui revient aux bactéries dans la préparation de la nourriture souterraine des plantes. Quant à la quatrième série, elle réalisera artificiellement l’action naturelle des bactéries du sol. Culture des plantes. Pendant que le terreau subissait la préparation que je viens d'exposer, des graines de sarrasin (Kagopyrum) ont été stérilisées par un bain de vingt minutes dans une solution de sublime au NE (20 juillet 1885). On les a ensuite laissées germer dans un cristalli- soir au préalable stérilisé; pour maintenir l'atmosphère humide, je fermais le cristallisoir par une lame de verre portant à la face inférieure un morceau de papier à filtrer légèrement imbibé d’eau stérilisce. Le 25 juillet, au moment ou les radicules commencent a poindre, je laisse tomber cinq graines dans l’ouverture centrale des pots, jusqu'ici bouchée avec de l’ouate. Les graines sont de volume aussi égal que possible; pour les prendre, je me sers de pincettes passées dans la flamme. L'ouverture (4) est aussitôt fermée avec un verre de montre et par surcroît de précaution j'y ajoute encore une cloche. Les neuf pots sont portés le 27 juillet dans une serre à double versant, mise obligeamment à ma disposition par M. Lubbers; les conditions de chaleur et de lumière sont aussi égales que possible. Chaque pot repose sur deux briques séparées par un intervalle de quelques centimètres; par cette disposition, les vers de terre ne peuvent pénétrer par l'ouverture du fond qui sert à l'écoulement de l’eau en excès. M. Pasteur a, en effet, attiré l'attention sur le rôle des vers de terre dans la dispersion des germes des bactéries. Lorsque les tigelles ont donné trois ou quatre feuilles, deux sont sacrifiées de manière à conserver dans chaque pot trois plantes de même taille. Dans deux des pots, deux plantes seulement sont conservées, les autres étant trop délicates. Dès que les tiges ont dépassé de quelques centimètres le niveau du couvercle, elles sont entourées d'ouate de façon à fermer l'ou- Tome III, 1886. LES MICROBES DU SOL. 35 verture centrale. Les cloches qui protégeaient les plantes devien- nent alors inutiles. Cependant, pour éviter la chute de gouttelettes d’eau sur les tampons d’ouate appliqués aux ouvertures d'aéra- tion (b), ils sont recouverts de capuchons en papier assez fort et non collé. De cette facon, l’ouate reste séche et stérile. Il y a donc en culture 25 pieds de sarrasin répartis entre neuf pots. Chaque jour, a deux reprises, l'état des pots est observé. Un dixième pot, pourvu d’un couvercle non soudé avec du plâtre, in- dique approximativement la quantité d’eau nécessaire. Tout en distribuant l'eau aussi régulièrement que possible, j'ai soin d'en donner un peu plus aux plantes qui, par leur plus grand dévelop- pement, annoncent une transpiration plus active. De temps à autre, je soulève également le tampon d'ouate des pots faisant partie des deux premières séries afin de juger directement de l’état de la terre. L’eau employée pour les arrosements est stérilisée par le filtre Chamberland et renfermée dans des pissettes pourvues d’une tubu- lure effilée; celle-ci peut être introduite pour l'arrosage dans les tubes coudés adaptés aux pots. Le petit tampon d’ouate de ces tubes est remis, aussitôt l'arrosement terminé. Pendant les journées chaudes, les parois des pots ainsi que les environs immédiats sont fréquemment aspergés avec de l'eau afin d'éviter la dessiccation trop rapide de la terre des pots et l’aridité de l’atmosphère. Des différences bien sensibles n'ont pas tardé à se montrer entre les diverses séries de plantes. Dès les premiers temps après la ger- mination, les plantes des séries 1 et 2 ont pris une avance assez marquée sur celles des deux autres séries. A partir du 15 août, c’est-à-dire au moment de l’épuisement des cotylédons, les plantes de la quatrième scrie sont arrosées deux fois par semaine avec une solution composée de : ASIE MISES EME ETES ese 925 grammes. Mitrate de potassium® . ©: . . . . 30 — Orthophosphate tricalcique . . . . 15 — RE ie Glen 21-02. wy fs 15 — oulate dé magnésium : . ..- = : 15 = SHMALENGEHICE 5 ssn HU ht Ju traces. Tome Ili, 1886. 36 É. LAURENT. L'état des plantes a été examiné à diverses époques de la crois- sance. Je copie mes notes prises le 28 août 1885. Ports I et II. — Dans chacun, trois plantes très robustes, entre- ve série . . 4 nœuds normaux; feuilles grandes, vertes; grappes florales | bien fournies. Por III. — Trois plantes dont une est restée plus faible, tiges robustes, un peu moins élevées que les plantes des pots I et IL; feuilles grandes, vertes; grappes bien fournies. 2e série Por IV. - Trois plantes dont une tige très robuste et deux moins fortes ; feuilles grandes, vertes; grappes bien fournies. Por V. — Deux plantes, tiges grêles, entrenœuds allongés; feuilles petites, jaunâtres; grappes peu fournies. 3° série . . 4 Pors VI et VII. — Dans chacun, trois plantes, tiges petites et grêles, entrenœuds allongés; feuilles peu nombreuses, jau- natres; grappes peu fournies. Por VIII. - Trois plantes, qui sont devenues plus robustes à partir de l’arrosage avec la solution chimique indiquée pius haut; feuilles moyennes, d’un vert sombre; grappes bien AciSérie |... = JONIOUENIES Por IX. — Deux plantes, ont souffert dans les premiers temps de la plantation; cotylédons petits, feuilles moyennes, d’un vert sombre. Dans le tableau [, j'ai indiqué le nombre des feuilles (outre les cotylédons) que portaient les différentes plantes à la date du 28 août 1885 (:). (‘) Les plantes de la quatrième série sont restées souffrantes pendant tout le mois d'août, bien que j'aie donné la solution minérale à partir du 15 de ce mois. J'attribue le peu d’action des engrais chimiques, dans les premiers temps, à l’époque relativement tardive de leur emploi : j'avais attendu l'épuisement des réserves. Mais avant ce moment, les racines doivent absorber dans la terre des matières minérales, qui n’ont pas été fournies dans le terreau sans microbes. Cette remarque peut avoir son importance dans la grande culture lorsqu'il s’agit de fixer le moment le plus propice pour l'emploi d’un engrais chimique. Tome III, 1886. LES MICROBES DU SOL. 37 TABLEAU I. ls 2 14 8 5 Vitec. II 10 6 Pise 8 7 3 IV - 7 6 5 UN - 5 5 VI 3 2 4 VED 5 3 2 VIII. 6 5 4 1X s 5 3 Le 11 septembre, le nombre des feuilles de chaque plante a de nouveau été noté (tableau II). TABLEAU II. Tome III. 1886. 38 E. LAURENT. La comparaison des tableaux I et II montre que les plantes de la deuxième série, dont la végétation ne paraissait pas le 28 août dif- férer beaucoup de la troisième série, n’ont pas tardé à croître avec plus de vigueur. Cette influence un peu tardive se comprend aisé- ment si l'on se représente la multiplication graduelle des bactéries inoculées dans la masse de terreau. La floraison n'est pas moins intéressante à suivre dans les diverses séries que le développement de l'appareil végétatif. Les premières fleurs se sont montrées le 17 août sur I et II, le 20 sur III et IV, le 28 sur VIII et seulement le 30 sur V. Les grappes sont grandes, bien ramifiées sur les plantes cultivées dans du terreau riche en bactéries; elles sont moins belles sur les plantes nourries avec des engrais chimiques. Quant aux pieds de la troisième série, les grappes en étaient courtes et peu ramifiées; les enveloppes florales même n'étaient pas sans paraître quelque peu réduites. Le tableau III indique le nombre des fleurs comptées jusqu'au 13 septembre, époque où les derniers boutons commengaient a s'ouvrir. Les colonnes de même ordre représentent les mêmes plantes dans tous les tableaux. TABLEAU III. Tome III, 1886. = LES MICROBES DU SOL. 39 Le 29 septembre, la floraison est terminée; les fruits sont en voie de formation et une bonne partie ont déjà atteint l'époque de maturité. Comme je devais quitter Bruxelles dans les premiers jours d'octobre, j'ai compté le nombre des fruits mûrs sur chaque plante en y ajoutant ceux qui étaient sur le point d'atteindre leur entier développement (tableau IV). L'erreur qui a pu résulter de ce mode de calcul est faible et peut être négligée, puisqu'elle s’ap- plique uniformément à toutes les séries. Vers la mi-septembre, un vent violent s'était fait sentir dans la serre, dont les ventilateurs n'avaient pas été fermés. Plusieurs plantes ont été renversées et quelques-unes n’ont pas survécu à cet accident. TABLEAU IV. À Mie ee CRE DRE OO 138 89 57 M 246 5 ec Ce MERE 144 plante morte | plante morte Pees hie Ant 137 95 61 IV 133 92 68 V 36 14 VI 29 24 23 WLS" aie ER CAR AE 26 25 II UNE oh ge Coe ae PER e 83 79 plante morte IX 64 4I Afin de mieux faire ressortir les differences que présentent les plantes des diverses séries, j'ai calculé, par plante, le nombre moyen des feuilles le 28 août et le 11 septembre, des fleurs et des fruits. Ces moyennes sont réunies dans le tableau V. ToME III, 1886. 40 E. LAURENT. TABLEAU V. NOMBRE de feuilles de feuilles de fleurs de fruits le le jusqu’au le 28 août. |11 septembre.|13 septembre.|29 septembre. 1re série . . . 9 15 126.33 94.0- (1) D VETS es 5 1 LE 6 13.17 128 96 RO ete sie 3.62 6.62 58 2385 AOVSETIE\, © 1 2 4.6 10 88.4 66.75 A l’aide de ces moyennes, j'ai dessiné la figure 3 dans laquelle la relation qui existe entre les diverses séries est représentée graphi- quement. En réunissant Jes points qui se rapportent a chacune d’elles, on a des lignes brisées dont la comparaison permet de saisir rapidement les phases de la végétation dans chaque série. A tous les points de vue, la troisième série est très inférieure aux autres. Il est remarquable que la deuxième série ait donné un peu plus de fleurs et de fruits que la première, qui a cependant été cultivée dans du terreau naturel. Les chiffres consignés dans les cinq tableaux ci-dessus montrent a l'évidence que l'action des microbes est des plus utiles dans la terre arable, riche en détritus organiques. Et n'oublions pas, en envisageant ces résultats, que les plantes cultivees dans le terreau privé de bactéries ont encore profité des matières minérales produites par ces microbes avant la stérilisation. Il n'est plus permis de négliger l'importance des microorga- nismes du sol dans l'alimentation des plantes pour lesquelles l'acide carbonique et les matières minérales constituent la nourriture prin- cipale. (:) Moyenne du pot I. Tomr III. 1886. LES MICROBES DU SOL, 41 Désormais, la chimie agricole aura à s'occuper des propriétés biologiques des bactéries du sol. Nous ne pouvons encore entre- voir les découvertes a faire dans cette voie, qui a été si féconde pour la chimie organique générale. Tout permet de présumer que bien des faits observés par les agriculteurs, difficiles à accorder avec les théories actuelles, pourront ainsi recevoir leur véritable inter- prétation scientifique. Fig. 3. 26 95 24 23 HR EM 2 21 eee eT ae a Bay) aa eee wi 18 7] M 16 15 14 NI 13 12 11 10 17° série - - 9 8 7 2me série : - 6 5 AUST Serie? -e- 4 gme série’. 5 3 4 2 5e See gee go 27 us a3 2 = un = Bw RE bas Sf Beak Z ov Zz v © AT > Ze > cS = gs CES L'assimilation du carbone par les plantes vertes est actuellement ee 1 div.=r feuille \ ‘Tome III, 1886. 42 É. LAURENT. — LES MICROBES DU SOL. la seule cause connue de production de matiére organique. Elles peuvent, lorsque leur alimentation est exclusivement minérale (plantes cultivées dans des solutions nutritives), vivre indépen- damment des autres êtres vivants. Toutefois la quantité de matières assimilables qui renferment du phosphore, de la potasse et surtout de l'azote et qui sont à la disposition de la vie végétale à la surface du globe, est limitée, et les générations successives sont obligées de vivre les unes aux dépens des détritus des autres. Mais la plante verte est incapable de s’assimiler directement les débris de ses pareilles qui viennent de mourir. Il faut ici l’intervention des microorganismes du sol qui vont précisément puiser leur carbone dans les restes des végétations disparues. Une telle dépendance, une mutualité si utile et si simple à com- prendre peut être comparée à la symbiose des Algues et des Cham- pignons dans les Lichens et à celle non moins remarquable des racines de Cupulifères avec des Champignons hypogés. Pendant que les feuilles vertes exploitent l'air ambiant, les microbes rendent utilisable humus du sol sillonné par les racines. Mais ici encore la symbiose n’est pas également nécessaire aux deux parties : les plantes a chlorophylle pourraient se passer quelque temps des microbes du sol, mais ceux-ci sont impuissants a soustraire leur carbone a une source entièrement inorganique. A l'époque où j'avais imaginé la méthode suivie dans cette étude (mai 1885), M. Errera m'avait engagé à l'appliquer à l'étude de la symbiose des racines de Cupulifères avec des mycéliums de Cham- pignons hypogés (‘). Malheureusement la saison avancée ne me permit pas de trouver des fruits non germés de Chéne et d’autres espèces de la même famille. Je me propose d'aborder cette ques- tion plus tard. Bruxelles, Laboratoire d'anatomie et de physiologie végétales de l’Université. (1) B. FRANCK, Ueber die auf Wurselsymbiose beruhende Ernährung gewisser Baume durch unterirdische Pilse. (BER. DER DEUTSCH BOT. GES., 1885, p. 128.) Oe eee RECHERCHES fae r OLY MOKPHISME DU CLADOSPORIUM HERBARUM PAR É. LAURENT (°) Il existe parmi les champignons une foule de formes d'organisa- tion peu compliquée, très répandues dans la ature, et qui depuis longtemps ont attiré l’attention des botanistes. Ce sont les Hypho- mycètes ou Mucédinées. Les uns, au début des études crypto- gamiques, les considéraient comme des champignons complets, autonomes, et en décrivaient les aspects si variés comme autant d'espèces distinctes. D'autres, à une époque qui n’est pas si loin- taine, admettaient pour ces organismes un polymorphisme presque indéfini. Par leurs caractères souvent peu distincts, la succession de leurs formes sur un même substratum, les Hyphomycétes semblaient se prêter à merveille à ce transformisme. Il fallut les recherches de de Bary, de Brefeld et de Van Tieghem pour ramener les esprits à des idées plus saines. Comme il advient souvent à la suite des controverses, l'autonomie des champignons inférieurs parut de plus en plus évidente. Quelques cas de polymorphisme (?) Ce travail a paru dans les Annales de l'Institut Pasteur, vol. II, pp. 558 et 582 (1888). Tome III, 1888. 44 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME restaient cependant incontestables; tel est le Botrytts cinerea, forme conidienne du Peziza Sclerotiorum. Apres les récents travaux sur le développement des champi- gnons inférieurs, les botanistes qui s’en occupaient au point de vue systématique, reprirent la description détaillée de ces végétaux. Les formes considérées comme especes devinrent de plus en plus nombreuses. Pour s'en convaincre, il suffit de parcourir le volume que Saccardo consacre aux Hyphomycètes dans son Sylloge Fungorum et les diverses flores mycologiques publiées dans ces dernières années. Trop rarement, ces prétendues espèces sont soumises à une étude méthodique basée sur le développement des organes repro- ducteurs. Des travaux de cette nature ont une utilité d’un ordre plus élevé : pour beaucoup de naturalistes, toutes ces moisissures ne seraient que des états de développement de champignons à structure plus compliquée, qui pour la plupart appartiennent à l’ordre des Ascomycètes, un petit nombre a celui des Basidio- mycètes. Cette hypothèse ne peut assurément être confirmée que par de nombreuses cultures expérimentales. Dans ces études, il importe de ne pas oublier que les milieux liquides ne conviennent guère au plus grand nombre d’Hypho- mycetes. Beaucoup n'y développent que les filaments mycéliens sans revêtir l'aspect naturel avec cellules reproductrices. D’autre part, la méthode des cultures dans les liquides se préte assez mal a la séparation des divers types qui peuvent se trouver mélangés sur un même substratum. Des procédés de culture plus parfaits étaient a désirer. Une nécessité du même ordre s'était révélée dans l'étude des bactéries; c'est R. Koch qui y répondit par la vulgarisation de la méthode de culture sur milieux solides et particulièrement sur gélatine. Pendant le mois de décembre 1886, je fus amené à appliquer ce procédé a l'étude du Cladosporium herbarum, recueilli sur les matières végétales les plus variées. J'ai fait de ce champignon une étude prolongée, qui m'en a fait connaître le curieux polymor- phisme. Tome IIL, 1888. DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 45 Le milieu de culture dont j'ai fait ’emploi le plus fréquent, est le moût de bière additionné de 8 à 10 °/ de gélatine. Il est excellent pour la croissance d'un très grand nombre de moisissures. Les cultures ont été faites sur verres de montre placés dans des godets en porcelaine disposés en pile. Le procédé est très commode et permet d'observer facilement la croissance des mycéliums sous le microscope. Tous les résultats consignés dans ce travail ont été contrôlés par la culture en goutte de gélatine nutritive suspendue à la face infé- rieure d’une lamelle. On peut ainsi suivre d’une manière continue, sous le microscope, le développement d’une même spore, sans crainte d'impuretés causées par les germes de l'atmosphère. CLADOSPORIUM HERBARUM (Link). Cette mucédinée est extrèmement commune dans la nature. Elle recouvre de taches foncées, parfois roussâtres, les tiges des plantes mortes; elle est très répandue à l'automne et au printemps. En été, elle abonde également sur ies baies, surtout dans les derniers temps de la maturation. Ce sont au début des filaments irréguliers, cloisonnés, qui rampent à la surface des tiges mourantes, et qui parfois pénètrent dans les tissus corticaux. Çà et là il se produit des amas de cellules brunes, d'où s'élèvent bientôt des filaments dressés, terminés par des conidies. Les productions appliquées sur les écorces se rapportent aux formes décrites par Link sous les noms de Demalium nigrum et de Torula herbarum. Des masses identiques peuvent cependant appartenir à d'autres champignons. La culture seule peut ren- seigner exactement sur la nature des mycéliums dématioïdes qui se reñcontrent sur les débris végétaux. Au sommet des filaments dressés naissent des conidies, à accrois- sement terminal et qui sont de forme extrèmement variable. Tantôt ce sont des cellules ovoïdes à membrane assez épaisse et Tome III, 1888. 46 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME brune; ou bien ces conidies se divisent et deviennent septées, formées de deux a cing cellules. D’autres restent unicellulaires et conservent leurs parois hyalines; elles ont l'aspect de cellules de Levures, surtout des formes-levures mycodermiques (Saccharo- myces Mycoderma). Plongées dans une goutte d'eau ou d'alcool, ces conidies se détachent avec la plus grande vivacité et se répandent dans le liquide. \ Fic. 1. — Cladosporium herbarum, récolté sur courge : a, mycélium et filaments conidifères. Gr. — 200. — 6, diverses formes de conidies. Gr, = 200. — c, coni- dies en germination. Gr. — 600. La vigueur des filaments du Cladosporium et les dimensions des conidies varient suivant la nature spécifique des plantes hospita- lières. Les exemplaires récoltés sur les fruits charnus en décom- position (courges,...) sont beaucoup plus forts que ceux que l’on rencontre sur les tiges sèches. Enfin les divers échantillons placés en chambre humide donnent toujours des filaments plus élevés que ceux qui ont été recueillis en plein air. Ce sont là des varia- tions causées par la différence de milieux nutritifs et qui dispa- raissent dans les cultures en milieux artificiels. Cependant on peut admettre l'existence de plusieurs races qui semblent se main- tenir dans la suite des générations et qui se caractérisent par st nt dé D — Tome III, 1888. DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 47 l'étendue des mycéliums, le diamètre des filaments et la taille des appareils conidifères. Des variétés de même ordre existent aussi chez d’autres moisissures très communes (Penicillium glau- cum). Il n'y a certainement pas lieu de les considérer comme espèces. La description que je viens de donner du Cladosporium her- barum se rapporte à la forme conidifère. D’après plusieurs bota- nistes (*), celle-ci appartiendrait à un Ascomycete, le Pleospora herbarum, qui se présente en petites masses noires et globuleuses, sur les tiges mortes des plantes herbacées. De pareils rapproche- ments, faits sans cultures de vérification, sont toujours sujets a caution. L'identité spécifique du Cladosporium et du Pleospora a déja été contestée par Gibelli et Griffini (’). Dans mes nombreuses cultures de Cladosporium, je n’ai jamais observé la production de périthèces. Ce n'est toutefois pas une raison suffisante pour nier l'identité spécifique du Cladosporium et du Pleospora, car il est permis d2 supposer que la transformation d’une forme conidifère en forme ascomycète exige des conditions physiologiques particulières. J'ai essayé sans plus de succès la transformation inverse par la culture du Pleospora. Si la culture du Cladosporium ne m'a pas permis d'observer la production de périthèces, elle m'a révélé la variété remarquable des états conidifères de ce champignor. Cultivé dans des solutions nutritives, moût de bière, infusion de pruneaux, liquide de touraillons sucré, etc., le Cladosporium typique en recouvre la surface d'un feutrage serré, pourvu a la face supérieure d’appareils conidiens de couleur foncée. La couche mycélienne est parfois gaufrée comme celle d'une culture d’Asper- gillus niger dans le liquide Raulin. Si l'on prend la semence (1) TULASNE, Selecta Carpologia fung., Il, p. 261. O. WUNSCHE, Flore générale des Champignons, 1885, p- 45 (2) Sul polimorfismo della Pleospora herbarum. (ARCH. DEL LABORAT. DI BOT. CRITTOG. IN PAVIA, I, p. 53, 1875.) Tome III, 1888. 48 É. LAURENT, — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME sur une écorce exposée à l'air, il arrive, mais rarement, que la culture s'arrête a l'état mycélien. On obtient ainsi des aspects dematium qui, en vieillissant, brunissent et forment des croûtes noirâtres analogues à l'état fumago que l'on rencontre sur les feuilles. Lorsque la végétation du Cladosporium est dématioide, il y a production dans le liquide de cellules isolées ou groupées en très petit nombre, absolument comparables à celles des Levures. Je les désignerai sous le nom de cellules formes-levures de Cladosporium. Cuboni, qui les a observées, les appelait cellules saccharomycéti- formes (*). J'aurai l'occasion de parler de cette forme-levure. Le Cladosporium croît assez bien dans le liquide Raulin, sans présenter de caractère particulier. En somme, la culture du Cladosporium herbarum sur milieux liquides reproduit l'aspect typique; de plus, elle présente parfois à l’intérieur du liquide des filaments sans conidies aériennes, mais pourvus de conidies aquatiques qui ont la forme des cellules de Levures. J'emploie ici le mot aquatique pour caractériser ces pro- ductions cellulaires, car, à mon avis, elles correspondent exacte- ment aux conidies portées par les filaments aériens. Si, aux milieux liquides, on substitue la gélatine nutritive, le développement du Cladosporium devient bien plus intéressant à observer. Quand les conidies semées proviennent d’une forme typique, c’est-à-dire non dématioïde, on voit les filaments mycéliens envahir la gélatine, puis atteindre la surface, se dresser dans l'air et se terminer par des appareils conidifères beaucoup plus compliqués que ceux du Cladosporium observé sur débris végétaux ou à la surface des liquides nutritifs. Ce sont de petites cimes arbo- rescentes, à rameaux nombreux, dont les cellules diminuent pro- gressivement de taille vers l'extrémité de chaque ramification. La croissance est terminale comme chez le Cladosporium ; les cellules du sommet sont donc celles qui ont été produites en dernier lieu. (4) CuBONI, Sulla probabile origine det Saccaromicete, 1885. Tome III, 1888. DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 49 Au contraire, chez le Penicillium glaucum, l'accroissement se fait 4 la base des chapelets de conidies. La forme conidienne que présente le Cladosporium cultivé sur gélatine nutritive est connue des mycologues sous le nom de Peni- cillium cladosporioides Frésénius. Pour l'obtenir à l’état le, plus parfait, il ne faut semer sur gélatine riche en matières sucrées qu'un nombre modéré de coni- dies, de manière à assurer à chaque mycélium une abondante alimentation. Vues au microscope, à un faible grossissement, l’aspect des taches mycéliennes recouvertes de leurs appareils coni- difères est vraiment admirable. Lorsque de nombreux mycéliums se pressent sur un petit espace, les filaments conidifères restent beaucoup plus maigres et ne diffèrent pas de ceux du Cladosporium récoltés sur tiges mortes. ja) PENICILLIUM CLADOSPORIOIDES [Frésénius (*)]. Synonymes : P. olivaceum Corda; P. nigrovirens T'résénius; P. viride Frésénius; P. chlorinum Frésénius; Hormodendron cladosporioides Saccardo. Il est caractérisé par des filaments dressés, cloisonnés, terminés par des appareils conidifères formés de rameaux disposés en grappes plus ou moins ramifiées, portant des conidies ovoïdes en chapelets, unicellulaires ou pluricellulaires, olivacées ou fauves. Au contact de l'eau, les conidies se détachent de leur support avec la plus grande facilité ; il est presque impossible d'en faire de belles préparations microscopiques. L’étude du Pen. cladosporioïdes a été entreprise par E. Loew (’). (') G. FRÉSÉNIUS, Bettrage zur Mykologie, 1850, p. 22. (2) E. Lav, Zur Entwickelungsgeschichte von Penicillium. (JAHRBÜCHER FÜR WISSENSCH. BOTANIK, t. VII, p. 472, 1870.) Tome III. 4 Tomer III, 1888. 50 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME Comme G. Frésénius, Loew admet la distinction de ce champi- gnon, mais identifie P. viride, P. nigrovirens, P. chlorinum de Frésénius et le P. olivaceum de Corda avec le P. cladosporioïdes. Ces formes diffèrent par le diamètre et la couleur de leurs filaments conidiferes, ainsi que j'ai pu le constater fréquemment dans la suite de ces recherches. Une forme naine, gréle dans tous ses organes, est surtout commune sur la plupart des fruits sucrés arrivés a maturite. Fig. 2. — Penicillium cladosporioïdes, cultivé sur gélatine. Gr. = 8o. Les diverses variétés de Pen cladosporioïles correspondent aux races de Cladosporium herbarum dont j'ai déjà fait mention. J'aurai l'occasion d'indiquer des variations de même nature dans la forme dematium et la forme-levure qui derivent du Cladospo- rium. La mucédinée décrite par Frésénius n'est un vrai Penicillium Tome III, 1888. DU CLADOSPORIUM HERBARUM. SI que par la disposition en pinceau plus ou moins parfait de ses rameaux conidifères. Elle se distingue du Pen. glaucum par la croissance terminale de ces derniers, ainsi que je l’ai déjà fait remarquer. Pour ce motif, on devrait abandonner ici le nom géné- rique de Penicillium. Je ne le fais pas, parce que j'estime que pour les Hyphomycètes, la valeur des noms génériques est trop relative pour avoir la même importance que dans la classification des animaux et des végétaux supérieurs. Pour moi, le nom de Pen. cladosporioides désigne simplement et d'une facon commode un état conidifère du Cladosporium herbarum. Fic. 3. — Penicillium cladosporioides, varièté à filaments mycéliens étroits et à filaments conidiferes très courts. Gr. = 80. Malgré l’extréme dispersion des spores de ce champignon, la forme Penicillium est tres rarement citée dans les flores cryp- togamiques. Dans ses études sur les germes de lair, E. Hansen a observé le Pen. cladosporioides a plusieurs reprises (*). Avant d’entreprendre le présent travail, je ’avais trouvé sur une solution de dextrine très concentrée, et sur ce milieu J'avais pu constater toutes les transitions entre la forme Cladosporium à conidies peu abondantes et la forme Penicillium à conidies nombreuses. Il n'y a (:) Comptes rendus du Laboratoire de Carlsberg, 1879, pp. 59 et 66. Tome III, 1888. 52 E. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME la qu'une question de nutrition plus ou moins favorable a une végétation vigoureuse. Les milieux sur lesquels le Cladosporium développe son mycélium sont ordinairement trop pauvres pour produire du Pen. cladosporioïdes. Lorsque la gélatine qui sert à la culture se dessèche fortement, les filaments mycéliens qui y sont plongés concentrent çà et la leur protoplasine. Les masses ovoides ainsi formées semblent constituer des chlamydospores analogues à celles de plusieurs Mucorinées. Ensemence dans des tubes de gélatine par piqûre avec un fil de platine, le Pen. cladosporioïdes se développe exclusivement dans la portion superficielle. I] n'est nullement anaérobie. J'insiste sur ce point, car d'autres formes conidiennes de Cladosporium, que je décrirai plus loin, peuvent se développer dans la profondeur des liquides. La transformation du Cladosporium en Pen. cladosporioides est aisée a réaliser sur gélatine. Le contraire est-il possible? Peut-on, avec des conidies de ce dernier, revenir à la forme normale des tiges mortes? Ce n'est pas difficile, pourvu que l’on emploie des milieux nutritifs appropriés. J'ai bien réussi sur empois d’amidon et surtout sur des morceaux de courge et de tiges de topinambour qui avaient été stérilisés par la vapeur d'eau et placés ensuite en chambre humide. J'ai obtenu des productions identiques à celles du Cladosporium placé dans les mêmes conditions. La même transformation est aussi facile à réaliser par la culture du Pen. cladosporioïdes sur morceaux d’aubier de peuplier abattu au mois de juin et gorgé de matières sucrées. Enfin M. Massart est arrivé au même résultat par l'emploi d'une gélatine nutritive additionnée de 60 à 70 °/, de saccharose, de 20 °/, de glycérine, de 10 °/. de chlorure de sodium ou de 20 °/, de nitrate de potassium. À pareille concentration, ces substances sont nuisibles a l'assimi- lation par leur action osmotique considérable. Il n’y a donc aucun doute : le Penicillium cladosporioides est une forme bien nourrie, très vigoureuse du Cladosporium herbarum. Mais le sujet n'est pas épuisé, et nous y reviendrons dans un prochain article. Tome III, 1888. DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 53 IT] DEMATIUM PULLULANS [de Bary (°)]. Sous ce nom, de Bary a décrit des masses mycéliennes qui abondent dans les solutions organiques abandonnées a lair. Ce sont des filaments formés de cellules courtes, d'abord hyalines, mais qui s’entourent plus tard de membranes épaissies d'un brun olivâtre; les cellules deviennent alors renflées et paraissent arti- CS ESS = = Fic. 4. — Dematium pullulans, sans formes-levures, observé dans une solution d’acétate de potassium. culées. Jamais il n’y a formation de filaments aériens avec coni- dies, mais, dans le liquide, il se produit souvent des cellules (‘) Morphol. und Physiol. der Pilze, p. 182, 1866. Tome III, 1888. 24 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME formes-levures, qui bourgeonnent à la façon des cellules de Levures. Dans ses Etudes sur la bière (pl. IX, fig. G), Pasteur a très bien figuré l'aspect du Dematium avec formes-levures, récolté sur des grains de raisin plongés dans des solutions sucrées. Cette mucédinée est extrêmement répandue; il n'est pas possible de placer dans des solutions nutritives un fragment de plante cueilli à l'air sans la voir apparaître. Elle est l’hôte habituel des liquides organiques préparés dans les laboratoires. Si commune quelle soit, cette moisissure n’avait pourtant jusqu'ici qu'une histoire très obscure. Fic. 5. — Dematiuin pullulans, avec formes-levures. Gr. = 300. E. Loew en a fait l'objet d'une bonne étude (*). Cet auteur a remarqué la ressemblance du Demalium avec les filaments mycé- liens de Cladosporium, mais na pas cru devoir admettre une communauté d'origine. Lcew a parfaitement observé la produc- tion de cellules formes-levures sur les filaments du Dematium. Saccardo, dans son Sylloge Fungorum (vol. IV, p. 351), indique le Dematium pullulans comme un état mycélien du Cla- dosporium herbarum. Cette opinion n'est basée, d'après ce que (1) E. Low, Ueber Dematium pullulans. (JAHRB. FÜR WISSENSCH. BOTANIK, t. VI, p 467, 1868.) ToME III, 1888. DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 55 m'a écrit le botaniste italien, que sur l'aspect des filaments mycé- liens. | Frank (*) rattache avec doute le Dematium au Pen. cladospo- rioiles. Pour Flügge (*), le Dematium appartient vraisemblablement au Fumago ou au Pleospora. Enfin, tout récemment, Costantin (*) déclare identiques le Dematium et le Cladosporium, sans en donner de preuve. Fig. 6. — Un rameau d’une colonie etoilee de Dematium avec formes levures, cultive sur gelatine. Gr. = 60. Depuis l’année 1884, j'ai eu fréquemment l’occasion de rencon- trer le Dematium, et j'ai essayé en vain d'en obtenir des conidies aériennes. En 1886, j'avais fortuitement observé, dans une solu- tion d’acétate de potassium, un Dematium dont les tilaments se prolongeaient par des appareils conidiferes de Pen. cladospo- rioides. J'étais donc porté à admettre la mème origine pour ces (7?) A. FRANK, Synopsis der Pflanzenkunde, Bd II, Kryptogamen, p. 610, 1886. (2) G. C. FLiGGE, traduction de F. Henrijean, Les microorganismes, p. 72, 1887. (3) J. Cosrantin, Les Mucédinées simples, p. 144, 1888. Tome III, 1888. 56 E, LAURENT, — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME deux mucédinées, lorsque mes études sur le Cladosporium her- barum me conduisirent a faire de nombreuses observations sur Je Dematium. Dans les cultures du Cladosporium dans des milieux liquides, on rencontre parfois, je l'ai déjà dit, des formes Dematium et levures. Mais elles sont peu favorables à l'examen, car les cellules formes- levures se séparent du filament et se répandent dans le liquide Fic. 7. — Six colonies de Dematium avec formes-levures, cultivé sur gélatine. On voit toutes les transitions entre les colonies étoilées et les colonies arron- dies, analogues à celles des levures. Gr. = 66. nutritif. Il n'en est plus ainsi dans les cultures sur milieux solides, principalement sur gélatine. On voit alors les filaments mycéliens produire latéralement des formes-levures, qui par bourgeonne- ment constituent des colonies analogues à celles des Levures Tome III, 1888. DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 57 cultivées sur gélatine. Ces colonies ne subissent aucune altération tant que la gélatine reste solide. Il s'en produit ainsi tout le long de chaque rameau; elles sont d’autant plus petites qu’elles sont plus rapprochées du sommet du filament, au voisinage duquel on voit encore des formes-levures isolées. Chacun des rameaux mycéliens est ainsi transformé en un chapelet de colonies de formes-levures ; l’ensemble du mycélium a l'aspect d’une étoile à rayons plus ou moins nombreux fixée dans la couche de gélatine nutritive. L'examen microscopique à un faible grossissement en est des plus intéressants (fig. 6). Fig. 8. — Un rameau de Dematium avec formes-levures, terminé par un appareil conidifère de Penicillium cladosporioides, observé dans une culture sur gélatine. Gr. = 66. Cultivé sur gélatine, le Dematium avec cellules formes-levures donne très rarement des filaments aériens avec conidies; j'en al cependant observé, à plusieurs reprises, qui n'étaient autres que les appareils conidifères du Pen. cladosporioïdes. J'ai eu la bonne fortune de constater le même fait dans des cultures de pollen faites dans des solutions de saccharose concentrées, et avec lesquelles il n'était presque pas possible d'éviter l'envahissement par le Dematium des chambres humides placées sous le microscope. Tome ill, 1888. 58 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME Plusieurs mycéliums produisirent des filaments aériens de Pen. cladosporioides. Ces observations permettent de considérer le Dematium pullu- lans comme une forme mycélienne, aquatique, du Cladosporium herbarum. Il convient de faire ici une remarque qui n'est pas sans impor- tance dans cette question de polymorphisme. Le Cladosporium donne sûrement du Pen. cladosporioïdes, mais toutes les conidies de ces deux moisissures ne sont pas aptes à prendre l'aspect dema- tium. J'ai pu le constater dans des centaines de cultures. ll y a plus. Parmi les formes dematium, on rencontre toutes les tran- sitions entre des mycéliums vigoureux, dépourvus de formes- levures, et des mycéliums réduits à quelques-unes de ces cellules. Les premiers, cultivés sur gélatine, produisent du Pen. cladospo- rioides ; ils ne sont pas encore dégénérés aussi profondément que les formes dematium avec formes-levures. qui, elles, sont absolu- ment incapables de reprendre l'état conidifère aérien. Tous les artifices de culture que j'ai employés : cultures sur tiges, sur fruits stérilisés, dans les milieux organiques les plus variés, ne m'ont jamais donné trace de retour au type originel. J'étais donc arrive à cette conclusion, pressentie par Frank et Saccardo, que le Dematium pullulans est un état affaibli du Cladosporium herbarum. Une preuve expérimentale était cepen- dant nécessaire pour appuyer cette opinion. |’eus recours a bien des essais sans arriver au résultat espéré. Dans les milieux les plus pauvres (acctates...), les spores de Cladosporium donnent des mycéliums avec filaments conidiferes typiques. Je n'ai pas été plus heureux avec l'emploi de la chaleur. L'idée me vint d’essayer la lumière solaire. Des spores de Pen. cladosporioides furent placées avec un peu de moût sucré dans des tubes à essai couchés très obliquement sur du papier blanc. Le tout fut exposé dans une serre, et recevait les rayons solaires, en été, depuis 8 heures du matin jusqu à 6 heures du soir. Des tubes témoins se trouvaient non loin de là, sous une cloche noire; je me suis assuré que la température n'était pas sensiblement différente au voisinage immé- diat de chaque série de tubes mis en expérience. Après une inso- Tome III, 1888. DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 59 lation plus ou moins prolongée, les tubes furent retirés et j'y versai quelques centimetres cubes de moût sucré stérilisé. Voici alors ce qu’on observe. Les tubes qui n'ont été exposés au soleil que pendant quelques heures ou durant deux ou trois jours. ne tardent pas a présenter la couche mycélienne superficielle si caractéristique du Cladosporium. Une insolation plus longue, de quatre. cing jours ou plus en été, de plusieurs semaines au prin- temps, amène un changement bien marqué dans le développe- ment. Des masses mycéliennes apparaissent dans la profondeur du liquide sous forme de taches floconneuses, et l'examen microsco- pique permet d'y reconnaître du dematium, encore assez vigoureux, mais pourvu de formes-levures analogues à celles que donne la culture du Dematium pullulans. L'action de la lumière sur les Bactèries a été étudiée par divers observateurs (7), qui ont reconnu qu’elle affaiblit le pouvoir germi- natif et finit par tuer les spores de ces microbes. Mais c'est la première fois qu'une modification morphologique durable est signalée parmi les champignons comme due à un agent physique. L'influence de la lumière explique suffisamment la fréquence assez grande des formes dématioides dans les cultures de Cladospo- rium recueillies sur des tiges ou des fruits exposés au soleil. il y a d’ailleurs un autre moyen d’arriver au même résultat. Conservé a l'obscurité, le Ciadosporium se modifie aussi avec le temps : des cultures âgées de près de six mois ont aussi donné des dematium avec formes-levures. Il importe d'observer que, par suite de la modification causée par la lumière, le champignon acquiert la propriété de se déve- lopper dans la profondeur des liquides et même dans le vide. Il est devenu partiellement anaérobie. Le Cladosporium typique n'est nullement anaérobie; ses spores refusent de germer dans le vide. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, la diminution de dimensions des conidies n'est pas un symptôme de dégéné- (:) Voir Annales de l'Institut Pasteur, t. 1, p. 88. Tome III, 1888. 60 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME rescence. Je me suis assuré que les spores les plus ténues, non affaiblies par la lumière, donnent sur gélatine des mycéliums a filaments gréles, mais néanmoins pourvus de rameaux conidifères aériens. Au bout de quelque temps, les cultures de Dematium sur géla- tine et sur pomme de terre changent d’aspect : elles perdent leur teinte blanchatre pour devenir d’un noir souvent très foncé. Les filaments et les formes-levures cessent d'être hyalins, leur mem- brane cellulaire s’épaissit, brunit fortement et le tout rappelle les pellicules de fumago, que l'on observe sur les feuilles des plantes. La méme modification se produit aussi dans les cultures en milieux liquides; apres un laps de temps de durée très variable, on y trouve des amas de filaments et de formes-levures à mem- brane épaissie et de couleur très foncée. C’est là, sans conteste, un état favorable a la conservation du pouvoir germinatif, qui corres- pond pour le Demalium aux spores des Bactéries. Lors de la germination, ces kystes émettent des filaments de dematium avec formes-levures; les plus volumineux, nés de- formes affaiblies, n'ont jamais reproduit l’état cladosporium. Voila donc un cham- pignon qui peut donner du dematium par dégénérescence, sans que la transformation inverse paraisse possible à réaliser. Les états dematium et fumago ne sont pas propres au Cladospo- rium. Il en est de beaucoup moins répandus dans la nature, qui appartiennent à d’autres moisissures (A/fernaria tenuis, Penicil- lium glaucum, etc.). Eux aussi reviennent très difficilement au type primitif, et il est souvent très malaisé de déterminer, même par la culture, la nature spécifique de ces productions crypto- gamiques. Une insolation prolongée complète la dégénérescence du c/a- dosporium : la forme dematium diminue progressivement de vigueur et tend à donner exclusivement des colonies de plus en plus réduites. Des colonies étoilées très rameuses ne donnent plus par ensemencement que des masses à un ou deux filaments laté- raux, et on arrive bientôt a des colonies arrondies comme celles de Tome IIl, 1888. DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 61 la levure de biere (voir fig. 7). Enfin, aprés une exposition au soleil d'autant plus courte que les rayons sont plus ardents, la plante meurt. I] n’est pas possible d’exprimer par des chiffres la résistance du Demalium à la lumière solaire. Je l'ai vu détruit après six jours d'insolation pendant le mois d'août 1887, tandis qu'il a pu résister du 25 février au 7 avril 1888. IV FORMES-LEVURES DE CLADOSPORIUM HERBARUM (‘). J'ai signalé la production de cellules a aspect de Levures sur les filaments mycéliens du Dematium dans les cultures sur gélatine et Fic. 9. — Forme-levure de Cladosporium. Gr. = 60. les solutions nutritives. Ces cellules se détachent rapidement de leur support dans les cultures liquides. Isolées, elles bourgeonnent (*) Il y aurait peut-étre lieu de réserver le terme levure aux champignons inférieurs qui provoquent les fermentations alcooliques typiques (levures de bière, de vin, etc.). Les microbes qui leur ressemblent, mais qui sont dépourvus du caractère ferment, seraient réunis sous le nom de formes-levures. Lorsque celles-ci recouvrent la surface des liquides organiques, ce seraient des formes-levures mycodermiques. Cette nomenclature empêcherait de confondre des organismes qui se ressemblent au point de vue morphologique, mais qui sont doués de propriétés physiologiques bien différentes. Tome III, 1888. 62 E. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME a la facon des Levures; plus rarement elles donnent des filaments germinatifs, qui ne tardent pas a prendre l’état dematium ou fumago. Les formes-levures ont été signalées chez les champignons par divers observateurs : par de Bary et Loew pour le Dematium pullu- lans; par Cuboni pour le Cladosporium; par Brefeld pour des Ustilaginées (*) et des Basidiomycetes (*); par Duclaux pour le Oidium lactis (*). J'en ai observé chez plusieurs Ustilaginées non citées par Brefeld et chez le Tubercularia vulgaris. Enfin, Massart en a obtenu tout récemment dans la culture du Lycoperdon cælatum. Au moment de leur formation, toutes ces formes-levures sont dépourvues du caractère ferment, mais conservent indéfiniment cet état. Il convient de rappeler que des Mucorinées, dont l'organi- sation est si distincte des champignons que je viens de citer, ont aussi des formes-levures. Mais la durée de l'état levure n'est pas indéfinie: La multiplicité des espèces qui peuvent engendrer des cellules à aspect de Levures, rend bien difficile à préciser l'origine des formes-levures si répandues, surtout dans l'atmosphère. Sous le nom de torulacées, Pasteur a étudié des formes- levures rencontrées sur des grains de raisins, et qu'il rattachait avec raison au Demalium pullulans. J'ai pu m'assurer, par la culture, de la présence du Dematium et de ses formes-levures sur les fruits les plus variés, principalement sur ceux de nature pulpeuse. Ces productions sont aussi répandues sur les fruits des espèces sauvages que sur les fraises, les cerises, les groseilles, etc., récoltées dans les jardins et dans les serres. Toutefois elles sant bien plus abondantes en plein soleil que sur les baies situées à l'ombre, où prédomine le Cladosporium typique. Nous savons (1) Osc. BREFELD, Untersuchungen aus den Gesammtgebiete der Mykologie, Heft V, Hefenpilze. Leipzig, 1483. (?) Idem, Heft VII, Basidiomyceten, 1888. (3) Ducraux, Microbiologie, p. 673, 1883 Tome III, 1888. DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 63 maintenant pourquoi. Les fruits protégés par un épiderme résis- tant, comme les pommes, les poires, certaines variétés de raisins, sont aussi peu favorables a la production des formes dematium et levures. Pasteur a émis l'hypothèse que c’est parmi ces végétations superficielles que naissent les ferments alcooliques (*). Il y avait donc le plus grand intérêt à soumettre la forme-levure de Cladospo- rium à une étude aussi complète que possible. Pour obtenir une semence bien pure, je suis parti des colonies plus ou moins rameuses gue produit le Demaiium cultivé sur gélatine. Les cellules formes-levures sont le plus souvent ovoïdes, mais on en voit de forme presque sphérique. Leur taille est extrè- mement variable dans la même culture : les dimensions les plus communes sont de 8 à 15 v pour le plus grand diamètre et de4àgu pour la largeur. Presque toujours les cultures de forme-levure renferment un nombre plus ou moins grand de filaments de Dematium, car le passage de l’un a l’autre état ne cesse de se faire que dans les races les plus affaiblies. Les renseignements qui vont suivre, relatifs a l'histoire de la forme-levure de Cladosporium, s'appliquent par . conséquent au Dematium pullulans, arrivé a l’état producteur de cellules formes-levures. Cultivée dans ies solutions sucrées, moût de bière, de vin, liquide de touraillon sucré, etc., la forme-levure trouble bientôt le liquide, le rend fortement visqueux et donne à la surface du liquide une masse blanchâtre appliquée sur les parois du verre. Dans les tubes à essais, et dans les matras Pasteur, il se produit ainsi un anneau mycodermique assez caractéristique. À la longue, cet anneau noircit par suite de l'épaississement et de la subé- risation des membranes. En même temps, la taille des cellules devient beaucoup plus considérable; elles se remplissent de goutte- lettes de matière grasse et revêtent l'état fumago. Cette transfor- mation n a pas seulement lieu à la surface, elle se fait aussi, mais (1) Etudes sur la bière, p. 155, 1876. TOME III, 1888. 64 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME avec plus de lenteur, dans la profondeur des solutions sucrées. Les cultures dans le vide ne présentent pas d’anneau mycoder- mique; il en est de même pour les cultures des races les plus dégénérées. La figure 7 représente l'aspect des colonies rameuses et non rameuses du Dematium et de la forme-levure sur lame de gélatine. En tube de gélatine, après un ensemencement par piqûre dans la masse, le développement est curieux à observer. À la surface, c'est une colonie épaisse, blanchâtre, qui s'accroît lentement et qui plus tard liquéfiera la gélatine. Tout le Jong de la piqre, il se produit des rameaux qui rayonnent vers la paroi du tube. On ne peut mieux comparer l'aspect de la culture qu’à une jeune racine de maïs développée dans une chambre humide et couverte de poils radicaux. Au sein de la gélatine, la pénétration de l’oxygène extérieur est fort difficile. Il faut donc que la forme-levure possède le pouvoir de croître en l'absence d'air. Le Cladosporium typique, dont elle provient, est au contraire nettement aérobie. Les produits de dégénérescence de ce champignon sont donc mieux doués que le type originel pour ce qui est de la nutrition dans la profondeur des liquides sucrés. La forme-levure liquéfie la gélatine assez rapidement à la tempé- rature ordinaire : du sixième au huitième jour, la culture a pris la consistance d'une matière extrèmement visqueuse. Je me suis assuré que cette viscosité n’est point due à des gaines gélatineuses analogues à celles qui sont si fréquentes chez beaucoup d’orga- nismes inférieurs. | Lorsque les cultures sur gélatine se desséchent, les cellules noircissent, se gonflent et forment des masses à aspect de fumago. Cette modification se fait aussi bien à l'obscurité qu'à la lumière. J'ai fait aussi des cultures sur tranches, stérilisées à la vapeur, de pomme de terre, de carotte, de navet, placées dans de larges tubes à essais fermés par un tampon d’ouate. Dans ces conditions, il se produit des pellicules visqueuses, d'un blanc de crème, sur lesquelles on aperçoit çà et là un léger duvet, dû aux productions filamenteuses de nature dématioïde. Ces pelli- cules noircissent aussi avec le temps; mais auparavant, si on les Tome III, 1888. DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 65 expose à la lumière, même diffuse, elles acquièrent une teinte rose assez marquée. J'ai fait des cultures comparatives à l'obscurité, à la lumière diffuse et en plein soleil. La différence de coloration a toujours été des plus frappantes. J’exposerai plus loin les résultats auxquels je suis parvenu par la culture des formes devenues rouges à la lumière. / Pour ce qui est de la nutrition, la forme-levure de Cladospo- rium (et il en est de même du Cladosporium et du Dematium) a des aptitudes extrêmement variées. Elle se nourrit avec facilité des diverses matières sucrées, des peptones, de la gélatine pure, des citrates, tartrates, malates, succinates, lactates et acétates; elle végète dans des solutions minérales appropriées additionnées de glycérine, de divers glycosides et même de certains alcaloïdes (colchicine, atropine). Le Cladosporium et ses formes réduites intervertissent la saccha- rose, attaquent jusqu’a un certain point les albuminoides et peuvent même se nourrir de matière amylacée à l'état d’empois. La forme-levure préfère les milieux acides; elle résiste à 15 millièmes d'acide tartrique, a 25 millièmes d’acide lactique. Toutefois elle parvient à croitre dans des moûts additionnés de 5 millièmes de soude caustique; une proportion de 1 °/o de cet alcali entrave la croissance. J'ai remarqué que la liquéfaction de la gélatine est un peu plus rapide dans les cultures en gélatine alcaline; il y apparaît aussi de bonne heure des formes fumago, qui trahissent un état de souffrance. Les grosses cellules noires ainsi produites peuvent, à la germi- nation, donner des filaments dématioides. Le retour de la forme- levure ordinaire a l'état demalium est donc aussi facile à réaliser que la transformation inverse. Comme pouvoir d'assimilation pour les substances organiques, il n’y a guère que le Penicillium glaucum et la Levure de bière (*) (1) E. LAURENT, Sur les aliments organiques de la Levure de bière. (BULL. Soc. BOT. DE BELGIQUE, t. XXVII, 1888.) Tome III. 5 Tome III, 1888. 66 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME qui puissent rivaliser avec le Cladosporium et ses états poly- morphes. Ceux-ci se laissent cultiver sans difficulté dans les solu- tions minérales qui renferment, outre un aliment azoté, un peu de phosphate de potassium et de sulfate de magnésium associé à l'une des matières combustibles dont je viens de faire l’'énuméra- tion (*). La nature ammoniacale ou nitrique de l'engrais n'est pas indifférente. Le Cladosporium préfère les nitrates; il pousse moins bien dans les solutions qui contiennent du sulfate d’ammoniaque. Voici les résultats de cultures comparatives faites dans des solutions renfer- mant des quantités équivalentes d'azote, de nitrate de sodium et de sulfate d'ammoniaque, et une proportion de saccharose égale 4219 0/0 Matière sèche produite pour 20 centimètres cubes du mélange après vingt jours de végétation à la température de 20 à 22°: Ve Il. Avecvemitrate de sodium) . . ~ 0;2037om: 0,1895 gr. Avec le sulfate d’ammoniaque . . . . 0,164 — 0,120 — Il n’en est pas de même de la forme-levure, qui donne un poids de cellules toujours plus élevé dans la solution ammoniacale. Trois (t) Voici la composition du mélange salin que j’emploie le plus fréquemment dans la culture des microbes; il a été calculé d’après la composition de la levure de bière et convient à une foule d'organismes : FAUNE RE RE 0) 4. je) Os Br OOOICC: Nuitrate de sodium Rj. =. - . .. . 60707 ou sulfate d'ammoniaque . . . . . . 4,71 — Phosphate'de potassium.) 2). .: ws . :£ «0,75 — Sulfateidenmnaonesiumime ss 6). D TO — Une matière organique Pour les champignons, il est utile d'ajouter un millième d’acide tartrique; le liquide doit être légèrement alcalinisé s’il est destiné aux bactéries. Tome III, 1888. DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 67 races différentes ont été cultivees dans les mémes conditions que le Cladosporium : I. Il. II. Avec le nitrate de sodium . . 0,0795 gr. 0,078 gr. 0,0325 gr. Avec le sulfate d’ammoniaque. 0,090 — 0,0895 — 0,058 — L’addition de sulfate de sodium à 1 °/, aux deux solutions ne modifie en rien les résultats; ils sont donc bien l’effet de l’action différente des nitrates et des sels ammoniacaux. Fic. 10, — Forme-levure cultivée dans la solution nitrique. Gr. == 200. Un examen attentif des cultures montre que dans la solution ammoniacale, il y a l’anneau mycodermique habituel, et que le liquide est devenu trés visqueux. Dans le mélange nitrique, ni anneau mycodermique ni viscosité. Ce n’est pas tout. Le microscope révèle une différence d'un autre ordre. La solution nitrique favo- rise le développement de filaments dématioides (fig. 10), tandis que dans la solution ammoniacale, ce sont les cellules formes-levures ToME III, 1888. 68 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME qui prédominent à l'exclusion presque complète de productions filamenteuses (fig. 11). Fic. 11. — Forme-levure cultivée dans la solution ammoniacale. Gr. — 180. Une relation paraît exister entre cette influence du nitrate de sodium sur la forme-levure et la préférence du Cladosporium pour le même sel. I] n’est pas non plus impossible que l'observation actuelle puisse être rapprochée de l'action presque nulle des nitrates sur le développement de la Levure de bière. La forme-levure, et il en est de même du Cladosporium, réduit les nitrates en nitrites. La réaction qui nous a servi à vérifier ce fait est celle du chlorure de naphtylamine et de l'acide sulfo- anilique. Dans les milieux peu nutritifs, la forme-levure passe rapidement à l'état fumago, et souvent aussi ses cellules se remplissent de nombreux globules gras, de dimensions parfois considérables. Comme dans la grande majorité des champignons, le Cladospo- rium, et surtout ses formes-levures, se prêtent très bien à la formation de réserves hydrocarbonées, qui s'accumulent dans les cellules à l’état de glycogène, et que l’iode colore en rouge brun plus ou moins foncé. La réaction est surtout bien visible dans les cultures sur gélatine, avant le moment de la liquéfaction. Des que les cellules peuvent reprendre leur croissance sans obstacle, comme dans les liquides, la rèserve ne tarde pas à disparaitre. Cultivée dans les solutions sucrées, de maltose, de glycose ou de sucre interverti, la forme-levure normale est dépourvue du caractère ferment. Cependant il se produit un peu d’alcool par suite de la continuation de la vie dans la profondeur des liquides. & Tome III, 1888. DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 69 La proportion d'alcool ainsi formée est toujours très faible; à diverses reprises, j'ai trouvé, dans des moûts sucrés à 5 °/,, de 0.6 à 1 °/, d'alcool après un mois de végétation. La forme-levure se distingue en outre des vraies Levures par l'absence d'endospores. J'ai fait de très nombreux essais, à des températures variées, surtout sur le plâtre, en vue d'observer la production de spores internes. Jamais la forme normale ne m'en a donné, tandis que des cultures simultanées de Levures de bière et de vin m'en produisaient en abondance. Plusieurs fois cependant j'avais cru en avoir observé; mais ce n'étaient que des corps gras réunis par deux, trois ou quatre dans chaque cellule. Le contact prolongé de l'éther les faisait disparaître et enlevait toute illusion. Je me suis assuré par la culture que la forme-levure ne peut pas non plus produire de végétations mycodermiques à la surface des liquides alcooliques (vin et bière). Il semble donc que. les cellules bourgeonnantes de dematium soient absolument différentes des Levures. Néanmoins, j'estime que rien ne nous autorise à abandonner l'hypothèse de Pasteur sur l'origine des ferments alcooliques, et j’indiquerai bientôt des faits probants dans cet ordre d'idées. Je ne veux insister pour le moment que sur la production de races de formes-levures de Cladosporium à colonies roses sur Pomme de terre. J'avais eu l'occasion de l'observer pendant le mois de décembre 1887, mais je n'y avais pas attaché grande importance parce que cette variation ne m’avait pas paru persister dans des cultures successives. Pendant le mois de septembre dernier, une petite forme-levure de Cladosporium, trouvée sur des Groseilles desséchées, fut exposée au soleil, et comparativement a l'obscurité, afin d’en étudier les modifications. Je fus très surpris de trouver, au bout de quelque temps, dans les tubes exposés au soleil, non seulement la dégradation morphologique dont j'ai déjà parlé, mais encore la formation d'un anneau rose au niveau du liquide. Des cultures faites sur gélatine avec des ceilules contenues dans les tubes insolés et non insolés, m'ont fourni des résultats bien différents. Celles qui provenaient de tubes conservés a l'obscu- Tome III, 1888. 7O É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME rité ont produit des colonies pour la plupart étoilées et blanches comme d’habitude. Elles liquéfiaient la gélatine au bout de six ou sept jours. Les cultures provenant d’une semence exposée au soleil pendant deux jours ne différaient guére des premieres. Quatre jours d’insolation avaient provoqué la production de colonies a contour arrondi, caractère du à l’action débilitante des radiations solaires. Les plus superficielles présentèrent, dès le troisième jour, une nuance rose qui s’accentua au point de donner des productions absolument semblables à la forme-levure rose, si répandue dans les eaux et l'atmosphère. J'en avais en culture au moment de ces expériences. La ressemblance des colonies et des cellules n'aurait permis aucune distinction pour l'œil le plus exercé. Les cellules, assez allongées sur la gélatine (fig. 12), devenaient plus arrondies sur tranches de Pommes de terre (fig. 13). 0 S@o s ( 2) 0 CO Fic. 12. — Forme-levure de C/a- Fig. 13. — La même, cultivee sur dosporium rose, cultivé sur géla- Pomme de terre. Gr. = 600. tine. Gr. — 600. La forme-levure rose de lair (Saccharomyces ou Cryptococcus glutinis de Frésénius et de Cohn, Rosahefe des auteurs allemands modernes) a été l’objet de nombreuses observations. Hansen (*) croit qu'il en existe plusieurs espèces (*), les unes a cellules arron- dies, une autre à rameaux germinatifs (°). La forme-levure rose de Cladosporium diffère, il est vrai, quelque (*) Comptes rendus du Laboratoire de Carlsberg, 1879, p. 81. (2) Il vaudrait mieux employer le mot races. (3) Pour l’une d’elles, cet auteur dit avoir observé des endospores. Bien sou- vent, j’ai voulu vérifier ce fait : tout ce que j’ai obtenu, c’était des corps gras qui simulaient des spores de la manière la plus parfaite, mais disparaissaient à la longue dans l’éther. ‘Tome II], 1888. DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 71 peu de la forme-levure rose de l'air : dans les liquides sucrés, la coloration est moins nette; elle liquéfie aussi la gélatine plus tôt, et il y a, plus souvent qu'avec la forme-levure rose de l'air, dévelop- pement, dans les cultures, de rameaux latéraux semblables à ceux du demalium cultivé sur gélatine. Il se produit ainsi des formes dematium roses. Cette diversité d'aspect montre que l'insolation n'avait pas encore affaibli la descendance d’une façon égale pour tous les individus d’une même race. Il y en avait de plus atteints les uns que les autres. Dès lors, il nous est possible de comprendre et d'expliquer l'existence dans l'air de plusieurs races de forme- levure rose, comme l'avait observé Hansen. Rien ne nous dit, d’ailleurs, que d'autres Champignons ne puissent donner des formes-levures analogues. Il me paraît, en effet, assez probable que les mycéliums roses que l'on trouve souvent sur les lames de gélatine exposées à l'air, dérivent aussi de spores influencées par la lumière solaire. Beau- coup de ces mycéliums appartiennent au Peziza Sclerotiorum (Botrytis cinerea). Dans les cultures, ils perdent aisément leur matiere colorante et retournent aux types spécifiques, tandis que la forme-levure rose de l'air ne m'a jamais présenté de variation incolore, et semble par conséquent plus stable. Action de la chaleur. — Comme la plupart des microbes ubi- quistes, la forme-levure de Cladosporium se montre peu difficile au point de vue de la température. A 6°, le développement en est bien marque : il ne cesse qu’a 38°; l’optimum de croissance est compris entre 26° et 30°. Le chauffage dans l'eau à 45°, pendant cinq minutes, des cellules de la forme-levure et des conidies de Cladosporium, affaiblit forte- ment le pouvoir germinatif; pour la première, les cellules courtes prédominent au détriment des formes filamenteuses. La tempé- rature de 48° pendant cinq minutes est mortelle. Si le chauffage se fait à sec, il faut élever la température à 100° pendant le temps indiqué pour détruire la vitalité des germes. Je n’ai pas indiqué la production des formes dégénérées dans le chauffage des spores du Cladosporium ; on y parviendrait peut-être Tome III, 1888. 72 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME par une action plus longue de la chaleur, plus favorable a une oxydation lente du protoplasme. Action du temps. — La forme-levure de Cladosporium et ses variétés sont extrèmement répandues dans l'air et même dans les | couches superficielles du sol. Des centaines de lames ont depuis deux ans été exposées à l'air dans des localités diverses. Toujours j'ai rencontré des colonies étoilées ou arrondies de dematium et de forme-levure, que la culture m'a permis de rapporter au Cladosporium. Il ne faut donc pas s'étonner si les fruits charnus portent des légions de cellules, tant à l'état de Cladosporium que sous l'aspect de dematium et de formes-levures. J'en ai compté des milliers sur des Fraises, des Cerises et des Raisins de moyenne grosseur, récoltés avec toutes les précautions exigées en pareille circonstance. Cette abondance de germes d'une même espèce s'explique beau- coup mieux par la facilité avec laquelle ces moisissures se nour- rissent des substances les plus variées que par la durée du pouvoir germinatif des spores. Les conidies du Cladosporium et du Pen. cladosporioides, ainsi que les cellules hyalines ou noires de dema- tium et de forme-levure, ne tardent pas à s’altérer, surtout au contact de l'air. Après six mois, des conidies de Pen. cladospo- rioides cultivé sur gélatine en tubes à essais et conservé à l’obscu- rité, sont restées inertes sur gélatine comme dans les moûts sucrés. J'en ai vu d'autres se développer apres trois, quatre ou cing mois de conservation dans les mêmes conditions. Les cellules hyalines de la forme-levure ne résistent pas pendant un temps plus long; même dans des ampoules de verre, elles ont été trouvées mortes apres neuf mois, malgré l'absence d'air. Par contre, les cellules qui ont pris l'aspect fumago sont plus résistantes; j'en ai vu se développer vigoureusement après dix mois de séjour dans un matras Pasteur placé à l'obscurité. D'après Duclaux (*), les conidies de Penicillium glaucum (*) E. DucLaux, Sur la durée de la vie chez les germes des microbes. (ANN. DE CHIMIE ET DE PHYSIQUE, 68 série, t. V, 1885.) Tome III, 1888. DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 73 sont encore vivantes apres six années de conservation a sec. Le Cladosporium, quoique tres répandu comme le Pen. glaucum, est donc moins bien doué pour ce qui est de la longévité des germes. Par contre, il résiste beaucoup mieux que celui-ci à l'influence de la lumiére solaire, qui est rapidement mortelle pour les spores de Penicillium glaucum. Ainsi s’explique la prépondérance du Clado- sporium dans la nature. y FUMAGO DE CLADOSPORIUM HERBARUM. Les botanistes s'accordent généralement à appeler fumago des productions noirâtres qui recouvrent les feuilles de plantes, surtout des espèces atteintes de la miellée. Zopf (*) a montré la variété des aspects que présente le Fumago, surtout en ce qui concerne la production des conidies. Il en a également signalé la forme- levure. J'ai été amené, dans le cours de ces recherches, à faire un grand nombre de cultures sur gélatine de fumagos récoltés sur des plantes très variées dans les diverses régions de l'Europe et même dans les pays tropicaux. Il résulte de ces essais que ces productions se rapportent à plusieurs types, au moins à deux ou trois que je crois bien distincts, mais parmi lesquels le Cladosporium herba- rum est le plus commun. Bien souvent les cultures sur gélatine de fumago recueilli sur des plantes de pleine terre et de serres, surtout sur Oranger, m'ont donné du Pen. cladosporioides, du Dematium pullulans et la forme-levure de Cladosporium. Comme on le voit, l’action solaire a pu dans ce cas modifier profondément les cellules du Cladosporium. J'aurais voulu réaliser expérimen- (1) Zopr, Die Conidienfruchte von Fumago. (NOVA ACTA DER LEOP. CAROL., tXEpArs 7.) ; Tome III, 1888. 74 E. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME talement la transformation de ces derniers en fumago sur les feuilles des plantes les plus sujettes à ce développement crypto- gamique. Il n'est pas possible de les stériliser sûrement sans les tuer, ce qui modifie les conditions de vie des Champignons super- Fig. 15. — Fumago produit par la forme-levure cultivée dans une solution minérale additionnée de colchicine. Gr. = 200. Fic. 16. — Fumago de forme-levure cultivée dans un liquide sucré. Gr. = 200. Tome III, 1888. DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 79 ficiels. Mais sur gélatine et surtout sur Pomme de terre, j'ai observé bien souvent la formation d'états fumago dérivés de cultures de dematium et de Cladosporium. Il n’y a donc aucune raison pour laquelle les conidies de ce Champignon et de ses formes végétatives ne puissent se développer sur les feuilles recouvertes de matières sucrées. Il convient de remarquer que je réunis sous le nom de fumago de Cladosporium des productions dérivées d'états très différents de ce Champignon. Ainsi les conidies de Cladosporium typique et de Pen. cladosporioïdes, les cellules de dematium et de forme-levure blanche peuvent revêtir l'aspect de grosses cellules, véritables kystes à membranes épaisses et brunes. Ce ne sont là que des états plus résistants, auxquels on ne peut accorder, au point de vue du polymorphisme, l'importance des formes dematium et levure. Jai déjà fait remarquer que cellé-ci retourne à celle-là par l'inter- médiaire d’un état fumago, dans lequel on pourrait voir une forme de retour vers le type immédiatement supérieur, le Dematium. C'est là un exemple d'évolution progressive qui se manifeste dans le développement des formes très dégénérées de Cladosporium. Quand il vit à l'état de fu:zago sur les feuilles des plantes, le Cladosporium n'est pas un vrai parasite : il se nourrit des matières sucrées diffusées au travers de l'épiderme par suite d’un état maladif des tissus foliaires. Il est cependant des cas où le Cladospo- rium prend des allures parasitiques plus nettes. C'est ce que j'ai pu constater en Belgique sur des Ananas magnifiques, cultivés dans des conditions d'humidité telles que les fruits étaient atteints de gommose, et se laissaient pénétrer par des filaments mycéliens. Ceux-ci appartenaient à une race grêle de Cladosporium avec formes dematium et levure. Le mycélium provoquait une rapide décomposition des tissus atteints. La maladie disparut avec la cessation de l'humidité excessive dont on entourait les plantes. J'ai pu me convaincre que certaines affections de plantes de grande culture (pourriture des feuilles de Betteraves, Carottes...) sont également dues à des races de Cladosporium. Il n’y a pour moi pas le moindre doute que des états de dévelop- Tome II]. 1888. 76 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME pement du Cladosporium ont été a diverses reprises décrits par des botanistes trop désireux de créer des noms nouveaux. C'est ce qui ressort de l'examen des travaux des anciens mycologues. Mais le laconisme des descriptions ne permet guère de faire des identifications certaines. VI Restreint aux résultats obtenus dans le cours des présentes recherches, le polymorphisme du Cladosporium herbarum peut suggèrer quelques réflexions sur la nomenclature des Hypho- mycètes. D'après mes observations, ce Champignon peut présenter les états suivants : 1. Cladosporium herbarum (type naturel); 2. Penicillium cladosporioides ; 3. Dematium (pullulans) sans cellules formes-levures ; 4. — = avec cellules formes-levures ; 5. Forme-levure blanche ou torulacée de Pasteur; 6. — — rose; 7. Fumago ou état d’enkystement commun aux cing premières formes. En laissant de côté les Furnago, on peut classer ces états de déve- loppement en deux groupes: le premier comprend les n° 1 et 2, et on peut y réunir le n° 3 dépourvu de conidies aquatiques, mais capable de produire des conidies aériennes. Le second groupe est formé des n°* 4, 5 et 6, à conidies uniquement aquatiques. Les formes du premier groupe ne peuvent donner celles du second sans l'intervention de causes qui affaiblissent l'organisme. Et les races suffisamment affaiblies n’ont jamais repris l’état dont elles ne sont que des produits dégénérés. On se trouve dans la nécessité de désigner ces formes sous des noms différents pour éviter des descriptions sommaires. ToME III, 1888. DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 77 Comme on le voit, la nomenclature des organismes inférieurs n’aura jamais la précision qui en fait le mérite chez les êtres supé- rieurs à développement défini. Néanmoins une réforme complète du langage botanique appli- qué aux Hyphomycètes serait à souhaiter et pourrait être réalisée au fur et à mesure des progrès des études. En admettant, ce que je ne crois pas, que le Cladosporium herbarum ne se rapporte a aucun Champignon d'organisation plus élevée, il y aurait avantage à en désigner les états végétatifs de la manière suivante : forme penicillium, forme dematium, forme-levure blanche, forme-levure rose, fumago. Cette réforme, toute radicale qu’elle puisse paraître, s'imposera tôt ou tard; elle sera le corollaire nécessaire de l'étude expérimen- tale des Hyphomycetes. - Jusqu'ici je me suis abstenu d'émettre une hypothèse sur l'état ascomycete du Cladosporium herbarum. Ce n'est pas le Pleospora herbarum, dont jai obtenu les péritheces dans la culture de l’'Allernaria tenuis. Il semble mème, d'après mes observations, ne pas exister d'affinité tres grande entre le Cladosporium et l'Alternaria. Il est très vraisemblable que la forme ascospore du premier n'est autre que le Capnodium salicinum, auquel jusqu'ici les mycologues ont attribué exclusivement les fumago foliaires. J'aurais voulu vérifier cette hypothèse par la culture des ascospores de Capnodium, mais je n'en ai jamais rencontré pendant la durée de ces recherches. Il n'est pas inutile, pour la compréhension du polymorphisme des êtres inférieurs, de mettre en relief l’idée générale à déduire des recherches actuelles. Le Cladosporium est un exemple d'organisme capable de con- server indéfiniment son état végétatif avec conidies aériennes. L'influence de la lumière, ainsi que du temps, modifie l’organi- sation de ce Champignon au point de lui faire prendre des états absolument distincts, aussi persistants que la forme typique (dema- ttum, formes-levures blanche et rose). Un tel polymorphisme n’est nullement comparable a la succes- sion des états conidiens et ascomycetes (Botrytis et Peziza Sclero- Tome III, 1888. 78 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME, ETC. tiorum), ni à l'alternance des appareils sporifères des Champignons parasites qui vivent sur des plantes d'espèces différentes (des Urédinées). Dans un prochain travail, je démontrerai que les variations morphologiques et surtout physiologiques sont chez les Bactéries encore bien plus remarquables. Travail fait au laboratoire de physiologie végétale de l’Université de Bruxelles et au laboratoire de microbiologie de la Sorbonne, à Paris. EXPÉRIENCES SUR L'ABSENCE DE BACTERIES DANS LES VAISNEAUX DEN PLANTES PAR É. LAURENT (:. Dans une note publiée en 1885 (*), j'ai démontré qu'il n'existe pas de bactéries dans les graines de Maïs et d'Orge ni dans les tuber- cules de Pomme de terre et de quelques autres plantes. Depuis quatre ans, des recherches analogues ont été faites par Fern- bach (°), di Vestea (*) et J. Grancher et E. Deschamps (°). Ces expé- rimentateurs ont également conclu que les tissus des plantes qu'ils ont étudiées ne renferment pas de bactéries lorsqu’on les examine a l’état normal. Si les tissus cellulaires des graines et des tubercules ne se laissent pas pénétrer par les microbes, on peut supposer qu'il en est autre- ment dans les canaux vasculaires des plantes dont les racines plongent dans le sol. Un petit nombre de couches cellulaires sépa- (!) Ce travail a paru dans le Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3° série, t. XIX, n° 4, pp. 468-471, 1890. (2) Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3° série, t. X, p. 38. (3) Annales de [Institut Pasteur, t. II, p. 567, 1888. (4) Zôidem, t. II, p. 670, 1888. (5) Archives de médecine expérimentale et d'anatomie pathologique, 1*° série, t. I, Pp. 33, 1889. Tome III, 1890. 80 E. LAURENT. — SUR L'ABSENCE DE BACTERIES rent les extrémités des vaisseaux du milieu extérieur si riche en microbes de toutes sortes. Souvent aussi des racines sont détruites, soit par les petits animaux souterrains, soit par la pourriture. Il y avait donc lieu de s’assurer par l'expérience si des bactéries exis- tent dans la sève des plantes observées à l’état normal. J'ai fait choix de jeunes Vignes cultivées en pots. Le grand diamètre et la rareté des cloisons transversales des vaisseaux de cette espèce la rendent a priori très favorable à la circulation des germes bactériens à travers la tige. Onze pieds de Vigne, qui n'avaient subi aucune taille, furent mis en expérience pendant l'hiver dernier. Après quelques semaines de séjour dans une serre chaude, chaque tige avait donné plusieurs rameaux couverts de feuilles. A ce moment, on la coupa avec un scalpel flambé après avoir eu soin de passer dans la flamme d’une lampe à alcool la partie de l'écorce où devait se faire la section. La plaie était elle-méme soumise avec rapidité au même traitement, et aussitôt la tige était recourbée dans un large tube à essai muni d'un tampon d’ouate. Ce tube avait, au préalable, reçu 10 centi- mètres cubes d'un liquide nutritif et avait été stérilisé. Des onze tubes employés, quatre renfermaient du bouillon de veau légèrement alcalin; quatre du liquide de touraillons neutre; dans les trois derniers, j'avais introduit le même liquide, mais après l’avoir légèrement acidulé avec l'acide tartrique. Le bouillon de veau et le liquide de touraillons conviennent admirablement au développement des bactéries vulgaires. Au bout de vingt-quatre heures, il y avait dans chaque tube > à 10 centimètres de sève qui s'était mélangée avec le liquide stérilisé. Les tiges furent retirées avec précaution et les tubes placés à la température de 30°. Une semaine plus tard, un seul présentait des bactéries dans le liquide nutritif dilué par la sève. C’étaient de petits bacilles dont les germes provenaient assurément de l’air et avaient pénétré dans le tube au moment de l’expérience. Ceux qui sont habitués aux recherches microbiques se rendront facilement compte de la difficulté de se mettre complètement a l'abri des germes aériens dans des expériences aussi délicates. On peut donc admettre que les microbes du sol ne cheminent Tome III, 1890, DANS LES VAISSEAUX DES PLANTES. 8r aac eee pas dans les vaisseaux de la Vigne, et tout nous porte a supposer qu'il en est de même chez toutes les plantes vasculaires. Il n’en est pas ainsi lorsqu'une plante n'est plus à l'état sain, qu'elle a été tuée pour une Cause quelconque (maladie, froid, etc.). Souvent alors, l’intérieur des vaisseaux se remplit de matière gommeuse dans laquelle se développent de nombreuses colonies de bactéries saprophytes. On enrencontre defréquents exemples chez les plantes cultivées dans les terrains trop humides ou épuisés par une culture mal entendue. Wakker (‘) a signalé des bacilles qui envahissent les plantes bulbeuses par la voie des vaisseaux. Le plus souvent, la contamination des tissus ne se fait pas par les vaisseaux, mais par le parenchyme lui-même. Les microbes se développent de proche en proche dans les masses charnues des tubercules et finissent par en amener la désorganisation. C'est ainsi qu’il faut expliquer un fait auquel Béchamp (*) avait autrefois attribué une assez grande importance, et dont la véritable interprétation n'a, que je sache, pas encore été donnée. Il s'agissait de pieds d'Echinocactus et d'Opuntia qui avaient été gelés. Peu de temps après, leur tissu cellulaire était rempli de bactéries que Béchamp supposait provenir de la transformation de microzymas, c'est-à-dire des granulations protoplasmiques. Leur origine est beaucoup moins extraordinaire. Pendant l'hiver de l'année 1887, des Echinocactus que j'avais laissés geler à dessein, ont subi le mème sort que les pieds observés par Béchamp. Mais une section longitudinale des plantes gelées montrait que le tissu cellulaire avait été entamé de proche en proche par des bactéries originaires du sol. Elles appartenaient à une espèce très répandue dans la terre, assez analogue à ce qui a été décrit sous le nom de Baclerium termo et qui à la longue digère les membranes cellulaires. Le fait que je viens de rapporter donne la mesure de la valeur qu'il faut accorder à la fameuse théorie des microzymas de (*) Archives néerlandaises des sciences exactes et naturelles, t XXIII, p. 6, 1888. (2) Les microzymas. Paris, 1883, p. 141. Tome III. 6 ToME III, 1890. 82 E. LAURENT. — SUR L’ABSENCE DE BACTÉRIES, ETC. Béchamp. Elle est le résuitat d'une vive imagination dépourvue du moindre contrôle expérimental. Les opinions de A. Wigand sur le même sujet ne méritent pas plus de crédit. De Bary (°) l'a prouvé lorsqu'il a montré que les prétendues bactéries du Trianea bogotensis et du Galeobdolon luteum ne sont que des cristaux d’oxalate de chaux! (1) Les Bactéries. Paris, 1886, p. 85. SUR LE MICROBE DES NODOSITÉS DES LEGUMINEUSES PAR É. LAURENT (:) (’). , Malgré les nombreux travaux consacrés a l'étude des nodosités des racines de Legumineuses, on est encore bien peu renseigné sur les causes qui président a leur formation. Les organismes qu’on y rencontfe ont été tour a tour considérés comme des étres parasites, rangés parmi les Myxomycètes, les Bactéries ou les Champignons filamenteux ; d'autres botanistes leur ont refusé toute autonomie. Il est pourtant facile de s'assurer, en cultivant des Pois à l'abri de tout germe étranger, que les racines de Légumineuses ne don- nent pas spontanément de tubercules; l'intervention d’un germe est nécessaire, soit qu’il provienne d’une nodosité ou d'une terre qui a porté des Légumineuses. On peut aussi (et de nombreux savants l’avaient fait avant moi) faire des inoculations de racine à racine. Sur des Pois nains, cultivés sur une solution nutritive privée d'azote combiné, j'ai tou- jours vu ces inoculations réussir quand je prenais la semence dans des tubercules par trop âgés. Les premières nodosités apparaissaient huit ou dix jours après la piqûre sous-épidermique de la racine à infecter. Le succès est moins constant quand la semence est pré- (*) Cette note a paru dans les Comptes rendus del Académie des Sciences de Paris, le 17 novembre 1890. (2) Travail du laboratoire de microbiologie de la Sorbonne, à l'Institut Pasteur. Tome III, 1890. 84 É. LAURENT. — SUR LE MICROBE levée sur la plante vers l'époque de la formation des graines. J'ai ainsi réussi à inoculer au Pois les nodosités de plus de trente espèces de Légumineuses appartenant à des genres très différents. Le nombre, les dimensions des nodosités, ainsi que l'aspect des microbes qu'on y trouve, varient pourtant avec la nature des espèces auxquelles on a emprunté la semence. Il y avait un pas de plus à faire pour assurer à ces microbes l'au- tonomie qu'on leur a contestée : c'était de les cultiver dans des cultures pures, en dehors des tissus. Divers savants assurent y avoir réussi; mais les affirmations de plusieurs d’entre eux me semblent contestables, car ils donnent comme mobiles les êtres rencontrés dans leurs cultures. Or les bactéroïdes des nodosités, comme ceux de mes cultures, n'ont jamais que le mouvement brownien. De mon côté, j'ai obtenu des cultures florissantesen ensemençant, à l'abri de tout germe étranger, un peu de la substance d’une nodosité sur des bouillons, gélatinisés ou non, de Pois et de Lupin. Dans les milieux liquides, un dépôt visqueux se forme au fond des matras de culture, et l’on y retrouve, au microscope, les formes en Y, en T, et même les formes les plus compliquées des bacté- roïdes observés dans les nodosités. Ces liquides de culture, inoculés dans la racine de jeunes Pois, y déterminent la formation de nodosités. I] n’est même pas nécessaire d'avoir recours à des sucs végétaux; on peut cultiver le microbe des nodosités dans de l’eau pure, a laquelle on a ajouté un millième de phosphate de potassium, un dix-millième de sulfate de magnésium et cinq ou dix millièmes de saccharose bien pure. Dans ce mélange, dans lequel on n’a pas mis d'azote, les bactéroïdes donnent, après quatre ou cing jours à 24°, une membrane visqueuse collée au fond du vase de culture. La saccharose peut être remplacée par la maltose, la lactose, la dextrine, la mannite ou la glycérine. Dans ces milieux privés d'azote, les Bactéries banales, cultivées comparativement, poussent peu ou mal. Le microbe des nodosités donne, au contraire, un dépôt assez notable. Il semble donc qu il ait la propriété d'assimiler l’azote libre. Mais c’est là un point sur lequel je me réserve de revenir. Tome III, 1890. DES NODOSITES DES LEGUMINEUSES. 85 Ces êtres sont donc bien réellement autonomes. Dés lors, à quelle place faut-il les mettre? Beaucoup de savants en ont fait des Bac- téries, en se fondant sur leur aspect dans les nodosités adultes. On les voit sous forme de corpuscules bactériformes rectilignes, courbés, quelquefois en Y ou en T, quelquefois a ramifications plus compliquées. Lorsqu'on examine au microscope des tubercules en voie de croissance, surtout si l'on plonge les coupes dans une solution assez étendue de violet dahlia, on découvre toujours des filaments très irréguliers, traversant la région centrale du tissu cellulaire. Je les ai même observés dans les nodosités des Lupins et du Haricot d'Espagne, contrairement aux assertions de plusieurs botanistes. Ca et la, ces filaments donnent des renflements sessiles, ou situés au sommet de petits rameaux latéraux. A la surface de ces renfle- ments apparaissent des ramuscules très courts qui leur donnent l'aspect d’une mûre. J'ai ainsi observé chez le Lathyrus sativus, le Galega officinalis et chez le Pois, la production de ces bactéroides sur les renflements mamelonnés des filaments et parfois le long des rameaux. Ces corpuscules ne tardent pas à se détacher et conti- nuent à vivre dans la masse protoplasmique environnante. Au lieu de se multiplier par division transversale, comme les Bacté- ries, les bactéroides se ramifient par une sorte de bourgeonnement dichotomique qui aboutit à la production des formes en Yeten T si caractéristiques. Les bourgeons ainsi produits se séparent à la façon des cellules de levures. Ce mode de ramification et de reproduction rappelle celui que Metchnikoff (") a signalé chez le Pasteurta ramosa, parasite des Daphnies. Ce microbe et les orga- nismes des nodosités légumineuses me paraissent devoir constituer un groupe distinct, intermédiaire entre les Bactéries et les cham- pignons filamenteux inférieurs, et qu'on pourrait appeler Pasleu- riacées. (1) Annales de l'Institut Pasteur, t. I, p. 165, 1888. re iy Pate cele sae “ee Deus: nat ar ips br: nie dik eh amt iz NE si ah AE PET 4 hy 4 ; lof NOT Ter ya À: RECHERCHES SUR LES NODOSITÉS RADICALES DES LEGUMINEUSES (’) PAR É. LAURENT (°) Bien peu de questions de physiologie végétale ont été l'objet d'autant de controverses que celle de l'origine de l’azote des Légu- mineuses. Depuis deux mille ans, ces plantes sont considérées, à bon droit, par les agriculteurs, comme améliorantes, c'est-à-dire qu'elles semblent rendre le sol plus fertile lorsqu'elles l'ont occupé pendant un certain temps. Cette propriété, qui implique l’assimi- lation par ces plantes de l'azote libre de l'atmosphère, a paru long- temps paradoxale aux chimistes et aux physiologistes. Elle n'a commencé à entrer dans la Science que lorsque Hellriegel fit voir que la végétation des Légumineuses, dans les sols privés d'azote, ne peut réussir complètement que si leurs racines sont pourvues de petits lubercules particuliers. Mais que sont ces tubercules, et à quelle cause sont-ils dus? On () Les points principaux exposés dans ce travail ont été présentés dans une note préliminaire à l’Académie des sciences de Paris, à la séance du 17 no- vembre 1800. (2) Ce travail a paru dans les Annales de l'Institut Pasteur, t. V, p. 105, 1891. TOME III, 1891. 88 É. LAURENT. — RECHERCHES les connaît depuis longtemps, et les botanistes du XVIIe siècle les mentionnent; on les a pris tantôt pour des productions physiolo- giques, tantôt comme le résultat de l'intervention des microbes (*). Quelques détails sur leur structure ne seront pas inutiles pour bien comprendre leur genèse et leur étiologie. LES NODOSITES. Les nodosités radicales ont été observées sur la plupart des Légumineuses, et sont si régulièrement présentes en particulier chez les Papilionacées, que certains botanistes les ont considérées comme un caractère de famille. Très communes dans les genres Tréfle, Pois, Fève, Lupin, elles sont beaucoup plus rares chez les Genéts, les Astragales, et surtout la Pistache de terre (Arachis hypogæa). Elles ne sont du reste pas toujours également abon- dantes dans la même espèce : certains sols, en général les moins | fertiles, sont plus favorables que d’autres à l'apparition des tuber- cules. Des formations analogues, souvent plus volumineuses, se ren- contrent sur les racines des Aulnes et des Elæagnus. En dehors de ces deux genres, on ne connaît de nodosités radicales, comparables a celles des Légumineuses, sur aucun autre végétal à l'état normal. La forme de ces tubercules peut différer beaucoup dans des espèces voisines, mais elle est assez constante dans la mème espèce. Tantôt les tubercules sont simples et sphériques (Haricot), ovoides ou elliptiques (Trèfle, Gesse), tantôt ils présentent des ramifica- tions plus ou moins nombreuses nées à la suite de dichotomies successives (Vesce, Luzerne). Les Lupins, surtout le Lupin jaune, (*) Sous le nom de microbes, je comprends l’ensemble des organismes infé- rieurs. Tome III, 1891. SUR LES NODOSITÉS RADICALES DES LÉGUMINEUSES. 89 fo es EE ee Le ne sont pas pourvus de nodosités abondantes; souvent, au voisi- nage du collet, il se forme une masse volumineuse, d’abord latérale, mais qui, plus tard, enveloppe toute la périphérie. A premiere vue, les tubercules radicaux ne semblent pas obéir aux règles qui président à l’apparition des racines nouvelles sur les axes radicaux. Il n'en est rien cependant et, comme l'ont dé- montré Van Tieghem et Doulliot (*), la position occupée par les nodosités se trouve en relation constante avec le systéme libéro- ligneux ou fibro-vasculaire de la racine. Une couche cellulaire spéciale, le péricycle ou péricambium, donne naissance aux tubercules de mème qu’aux radicelles des Légumineuses. Elle se trouve a la périphérie du cylindre central, et confine donc à l’assise cellulaire la plus interne du système cor- tical. Cette assise, appelée endoderme, et parfois aussi les assises corticales les plus internes, agrandissent et cloisonnent leurs cellules autour des endroits ou des formations latérales vont se produire: elles constituent la poche digestive, chargée de digérer le reste de P’écorce. p, poils radicaux; v, vaisseaux; pd, parenchyme à bactéroides; m, méristéme; Pp, pericycle; end, enduderme. A l'état adulte, un tubercule présente toujours deux catégories de cellules nettement distinctes. Les unes occupent la portion cen- (1) Bulletin de la Société botanique de France, t. XXXV, p. 105, 1888. Tome III, 1891. 90 É. LAURENT. — RECHERCHES trale; elles sont relativement trés grandes, et, de prime abord, semblent remplies d’un contenu dense et fortement granuleux. Autour d'elles, des couches cellulaires plus ou moins nombreuses constituent l'écorce; leurs cellules sont plus petites et hyalines. Au milieu de celles-ci existent des cordons libéro-ligneux en rela- tion avec un ou plusieurs faisceaux correspondants de la racine. Dans la grande majorité des cas, on découvre sur une coupe trans- versale un nombre variable de faisceaux libéro-ligneux disposés en cercle autour des grandes cellules centrales. Des coupes longitudi- nales permettent de constater que ces faisceaux partent de l’axe radical, ordinairement en un tronc unique qui se bifurque plu- sieurs fois, et dont les branches divergent vers la périphérie. Chaque cordon comprend, au moins sur une portion de son parcours, une région ligneuse et une région libérienne. Lorsque la nodosité est très jeune, elle porte encore des poils radicaux; mais ils disparaissent par la suite. En même temps, elle prend une teinte brune, et ses cellules les plus externes se subé- risent, au moins dans la portion parvenue à l'état adulte. Parfois aussi les tubercules deviennent rougeatres : c'est le tissu central qui prend cette coloration. Les cellules les plus extérieures de l'écorce sont souvent l’objet d’exfoliations partielles; leur surface prend alors un aspect assez irrégulier, qui rappelle celui de certaines pilorhizes. Reprenons l'examen du tissu à grandes cellules qui occupe la région centrale des nodosités. Il se distingue très nettement des cellules hyalines environnantes; çà et la des éléments ont conservé leur aspect ordinaire, ce qui annonce déja que la transformation n'est pas due à une cause générale, mais est provoquée par un agent particulier localisé à certains endroits. Un grossissement suffisant met en évidence, tout au moins dans les cellules situées vers la base de la nodosité, des éléments bacté- riformes extrèmement abondants. Parfois ils paraissent mobiles: mais ce n’est pas autre chose que l'effet du mouvement brownien, car les mouvements persistent dans les solutions iodées et d'autres liquides toxiques. Des fragments de tubercule écrasés sur une lame, et examinés TOME III, 1891. SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. 9I au microscope, permettent d'observer les aspects très variés des petits corps bactériformes, que je désignerai sous le nom de bactéroides, à l'exemple de Brunchorst. Ils ont environ 1 u de diamètre transversal, mais il y en a de plus gros et de plus minces. Les uns rappellent à s'y méprendre l'aspect des bacilles les plus communs, avec cette différence que leurs contours sont moins réguliers (Haricot, Cytise, Lupin). D'autres sont ramifiés et simu- lent soit la lettre Y ou bien la lettre T (Pois, Vesce); il y en a parmi ceux-ci qui ont des formes plus irrégulières encore par suite de ramifications dichotomiques. Ainsi que l'ont fait remarquer Franck et Beyerinck, la forme des bactéroïdes est assez constante chez une même espèce, ou, tout au moins, il existe pour chacune une forme dominante. Cette règle n'est cependant pas absolue, et je signalerai plus loin une cause assez intéressante de variations. Sous l'influence des réactifs, les bactéroïdes se comportent comme les Bactéries banales : ils se colorent en jaune par l’iode, absorbent avec la plus grande facilité des couleurs d’aniline, particulièrement la fuchsine et le violet de méthyle, ainsi que |’hématoxyline. Au chapitre III, j'aurai l’occasion de discuter la nature des bacté- roïdes. Ce sont ces corpuscules qui attirent le plus l'attention de ceux qui observent pour la première fois des nodosités au microscope. Il y a cependant d autres éléments non moins intéressants dans le tissu à bactéroïdes. Les cellules qui constituent ce tissu ne sont pas semblables dans une nodosité en voie de croissance. Nous venons de voir que les plus anciennes sont bourrées de bactéroides; à côté de celles-la, il y en a qui sont creusées de plusieurs vacuoles ou d'une grande vacuole centrale entourée d’une couche protoplas- mique relativement épaisse ; on y distingue un noyau volumineux avec nucléole apparent; enfin les cellules les plus jeunes, voisines du tissu générateur ou méristeme, se trouvent vers le sommet du tubercule. Ce méristème reste actif pendant un temps assez long, de sorte que sur une coupe longitudinale de nodosité, perpendicu- laire à la racine mère, on distingue le plus souvent des cellules à bactéroïdes aux différents états de développement. Tome III, 1891. 92 É. LAURENT. — RECHERCHES eee Une telle coupe, traitée par une solution iodée, présente la colo- ration bleue caractéristique de l’amidon, tout au moins dans une partie du tissu central. Au microscope, on reconnait la pré- sence de grains d’amidon dans la plupart des cellules à bacté- roides, et aussi dans celies qui, arrivées a leur taille adulte, n'en contiennent pas encore. Généralement, une assise ou deux des cellules internes de l'écorce renferment également de l'amidon. Cet amidon n'est que transitoire, et un rôle important lui est réservé dans la physiologie du tubercule. Dans les cellules les plus jeunes du parenchyme à bactéroïdes traité par l’iode, un examen microscopique très attentif permet d'observer des filaments protoplasmiques non cloisonnés, assez irréguliers, qui traversent les membranes cellulaires et se renflent çà et là en masses ovoïdes ou sphériques, sessiles ou pédicellées, isolées ou réunies par deux ou trois sur un même support. Décou- verts d’abord par Prillieux (*) et par Frank (°), ces filaments ont été l'objet d’observations tres soignées de la part de Vuillemin (*) et surtout de Marshall Ward ({), qui les vit pénétrer dans les racines par les poils radicaux. Il est difficile de comprendre l'opinion de Beyerinck (°), qui, s'attachant surtout à l'étude biologique des bactéroïdes, fut porté à considérer les filaments muqueux comme les restes des tonnelets nucléaires. Tschirch (°) avait, quelque temps auparavant, adopté une opinion analogue. Kny (’) et Prillieux considéraient ces productions comme sem- blables à celles que donnent certains Myxomycètes, entre autres le Plasmodiophora Brassicæ, qui cause la hernie des racines de plusieurs Crucifères. (') Bulletin de la Société botanique de France, t. XXV1, p. 98, 1879. (2) Botan. Zeitung, p. 377, 1879. (3) Annales de la Science agronomique, 5° année, t. II, p. 121, 1888. (4) Philosoph. Transactions of the Roy. Society of London, B, vol. CLXXVIII, p. 539, 1887, et Proceedings of the Roy. Society, vol XLVI, p. 431, 1889. (5) Botan. Zeitung, n® 46 à 50, 1888. (°) Berichte d. deutsch. botan. Gesellsch., t. V, 1887. (7) Botan. Zeitschrift, p. 57, 1879. TOME III, 1801. SUR LES NODOSITÉS RADICALES DES LEGUMINEUSES. 93 Prazmowski (*) voit dans les filaments intracellulaires des formations protoplasmiques appartenant au microbe des tuber- cules, et dans lesquelles des Bactéries spécifiques naissent et se multiplient avant de se transformer en bactéroides. Les cordons protoplasmiques seraient donc des sortes de zooglées. Récemment, Frank (*) a émis une opinion entièrement diffé- rente : la légumineuse produirait les filaments, dans le proto- plasme desquels les bactéroides prendraient naissance sous l'in- fluence de Micrococcus particuliers. Dès 1874, Eriksson (*) avait identifié les filaments dont il vient d’étre question a un véritable mycélium pourvu d’une membrane cellulosique propre. L'existence d'une telle membrane a été de nouveau affirmée par Vuillemin (*), Pichi (°) et plus récemment par A. Koch (°). Ces savants ont pu la découvrir après avoir traité des coupes par l'hypochlorite de soude ou l'eau de Javel, et ensuite par le chlorure de zinc iodé. Cependant, la présence d'une enveloppe ceilulosique ne termine pas toute discussion sur la nature du microbe des nodosités Plus d'un point important relatif à la morphologie de cet organisme est resté jusqu'ici des plus controversés. Dans l'étude des nodosités et des êtres vivants qui les habitent, il importe de renoncer aux moyens employés d'habitude pour les travaux histologiques. Ainsi l'immersion dans l'alcool donne de mauvais résultats; les filaments deviennent alors tres difficiles à distinguer au milieu du contenu cellulaire coagulé. Mieux vaut ne les étudier que sur des coupes fraîchement préparées. L’iode suffit pour les rendre plus apparents; ce réactif les colore en jaune. Les (1) Botan. Centralbl., t. XXXVI, 1888, et Die Wurzselknôllchen der Erbse (LANDWIRTSCH. VERSUCHS-STATIONEN, t. XXXVII, p. 161, 1890.) (2) Berichte d. deutsch. botan. Gesellsch., t. VII, p. 332, 1889, et Ueber die Pilz- symbiose der Leguminosen. (LANDWIRTHSCH. JAHRBUCHERN, 1890.) (3) Studer üfver Leguminernas rotknôlar. Lund, 1874. (4) Loc. cit., p. 189. (5) Atte d. Societa Toscana d. scienze natur., 1888. (°) Botan. Zeitung, p. 607, 1890. TOME III, 1891. 94 E, LAURENT. — RECHERCHES couleurs d’aniline ordinairement employées ne conviennent guére, parce qu'elles n'ont d'action que sur le protoplasme mort, Il en est tout autrement du violet dahlia, cet excellent réactif que Certes a fait connaître comme capable de colorer les protoplasmes vivants. Des coupes très minces de nodosités de Pois, de Fève, de Gesse cultivée, etc., etc., plongées pendant quelques minutes dans une solution aqueuse de violet dahlia, m'ont donné d'excellents résul- tats. Dans toutes les cellules du parenchyme à bactéroïdes, l'exis- tence des filaments muqueux est alors des plus nettes. Ils traver- sent les cellules, et présentent le plus souvent un épaississement local au niveau des cloisons cellulosiques qu'ils traversent. Pour Frank, cette particularité, de même que la forme amincie et pointue de certains rameaux, s’expliquait (1879) par l’étirement des filaments dans les cellules en voie de croissance. Certes, il y a une part de vérité dans cette interprétation; mais il est aussi vrai que les filaments protoplasmiques s'appliquent fréquemment contre les parois des cellules qu'ils traversent (voir pl. II, fig. 7 et 11). Grâce à la coloration par le violet, on les voit parfois se diviser en ramus- cules très délicats qui se perdent dans le protoplasme environ- nant. Un fait beaucoup plus important m'a été révélé par l'emploi du violet dahlia. Les productions arrondies que présentent les fila- ments ont été considérées dès 1879 comme des sucoirs par Frank. Pour Prazmowski, ce sont des sortes de sporanges où s'accu- mulent les Bactéries avant de se répandre dans les cellules exté- rieures. | Ni l’une ni l’autre de ces opinions n’est exacte. En effet, le violet dahlia employé en solutions aqueuses diluées donne, après quelques minutes, à la plupart des masses globuleuses, un aspect mamelonné, parfois hérissé, que l'on ne pourrait que très difficile- ment soupconner en l'absence de coloration. Chacune présente un certain nombre de ramifications très courtes dont les stérigmates des Aspergillus nous donnent une idée assez exacte. Cette observation, faite en premier lieu sur la Gesse cultivée et sur le Pois, fut vérifiée sur une assez grande quantité de Papiliona- cées. Toutes les espèces ne conviennent pas d'une manière égale; TOME III, 1891. SUR LES NODOSITÉS RADICALES DES LÉGUMINEUSES. 95 ainsi chez la Fève, les petites aspérites en question sont peu appa- rentes, et l’organe qui les porte a plutôt l'aspect d'une mire. L'observation de ces rameaux hérissés de pointes très courtes et très délicates me fit tout de suite supposer que c'était sans doute là l'origine des bactéroïdes. Le pressentiment était des plus fondés. D’innombrables coupes furent faites avec soin dans des nodosités d'âge variable de Gesse cultivée et de Pois. Je finis par découvrir un certain nombre de renflements muqueux auxquels des bacté- roïdes typiques étaient encore attachés. J'ai représenté, planche II, plusieurs de mes observations. Ce n’est pas tout. L'existence de ces stérigmates à bactéroïdes me fit observer avec plus d'attention certaines aspérités que j'avais remarquées le long des filaments muqueux; elles sont souvent groupées en petit nombre vers l'extrémité amincie de certains de ces filaments. Bientôt, j'acquis encore la conviction que ces petites pointes latérales se continuent parfois en filaments très minces qui se perdent dans le protoplasme cellulaire; je les ai vues aussi en continuité évidente avec des bactéroides; d’autres se terminent brusquement à peu de distance de leur insertion, ce qui permet de supposer que leurs productions spéciales ne s'étaient pas encore formées ou venaient de s’en détacher. Voici encore un détail qui confirme la production des bactéroïdes par les filaments protoplasmiques : dans l’examen des prépara- tions, il m'est arrivé de rencontrer des cellules laissées intactes par le rasoir et dans lesquelles un petit nombre de bactéroïdes environ- naient les renflements muqueux. Ce n’est pas une opinion nouvelle que de considérer les bacté- roides comme des productions bourgeonnantes des filaments observés dans les nodosités. L'idée fut d’abord émise par Knÿ (loc. cil.), puis par Frank (loc. cit.), qui l’abandonna depuis pour une opinion toute différente. Marshall Ward l'a reprise sans l'affirmer d'une manière catégorique : les bactéroides semblent, dit-il, naître des hyphes par bourgeonnement (loc. cit. p. 547). Les observations du botaniste anglais devaient rencontrer peu de crédit. On révoquait même en doute l'autonomie biologique de ces corpuscules. Tome III, 1891. 96 É. LAURENT. — RECHERCHES Comme je lai exposé plus haut,il est très facile, à l'aide du violet dahlia, d'observer les filaments du microbe des nodosités. Le moment est venu de faire une remarque qui n'est pas sans intérêt. Dans les nodosités des Lupins et du Haricot commun, l'existence des hyphes a été niée par maints observateurs. Ils étaient de bonne foi, mais la prudence ne permettait pas de conclure avec autant de précipitation. Brunchorst (?) a également contesté la présence des hyphes chez le Haricot d'Espagne, la Podalyre, le Desmodium canadense et deux autres espèces peu connues. Prazmowski (*) a signalé la présence de ces filaments dans les nodosités du Lupinus perennis et du Phaseolus vulgaris. J'ai fait la mème constatation pour le Lupinus luteus et le Phaseolus multi- florus sur des coupes colorées par le violet dahlia (voyez pl. I, fig. 2, 3 et 4). Chez ces especes, les filaments disparaissent de bonne heure et ne laissent d’autre trace que de rares amas protoplas- miques de forme tres irréguliere. Cette destruction plus ou moins compléte des hyphes est assez générale et se fait quelque temps après la production des bactéroides. Dans l'intervalle, les noyaux des cellules a bactéroides se désorganisent, comme le prouve la diminution du pouvoir chromatique dans les tissus adultes. Je reviendrai de nouveau sur le cas des Lupins dans le chapitre suivant, et je d4montrerai par une voie differente la parenté qui existe entre les organismes des tubercules des Lupins et ceux des autres Légumineuses. IT DEVELOPPEMENT DE NODOSITES A LA SUITE D’INOCULATIONS. Ce fut Prillieux qui remarqua le premier que le développe- ment des nodosités sur les racines de Légumineuses peut être pro- voqué par l'introduction, dans le milieu de culture, de racines (:) Berichte d. deutsch., botan. Gesellsch., t. XIT, 1885. (2) Botan. Centralblatt, t. XXXVI, p. 252. Tome III, 1891. SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. 97 pourvues de semblables organes. La méme observation fut faite presque simultanément par Frank. Déjà à cette époque, on pouvait pressentir la nature vivante de la cause qui produit les tubercules. Hellriegel et Wilfarth (*) ont confirmé cette opinion par leurs nombreux essais de culture dans le sable, avec ou sans ensemencement de germes du microbe provenant soit des tubercules, soit d’une terre qui avait porté des Légumineuses. D’autres essais d'inoculations ont ensuite été entrepris par Marshall Ward, Prazmowski, Beyerinck, Bréal (*), et par moi- même (°). Pour ma part, j'ai fait, cette année, plusieurs centaines d'essais de culture avec la variété de Pois nain de Grâce ou Gonthier, dont la tige ne dépasse guère 30 centimètres de hauteur. Mes essais m'ont permis de faire quelques remarques que je crois utile de signaler. En premier lieu, je me suis appliqué à démontrer rigoureuse- ment que l'intervention d'un germe est nécessaire au développe- ment des nodosités. C'est la une vérité que différents auteurs ont cru établir, sans toutefois apporter des preuves tout à fait con- cluantes, parce qu'ils n’opéraient pas dans des conditions de stérilité absolue. Or, en pareille matière, on a le droit de penser que toutes les probabilités, si grandes qu'elles soient, n’équivalent pas a une cer- titude, et qu'il est besoin de preuves décisives. C’est dans l’intention de les donner que j’ai fait croître des Pois nains dans des conditions completes de stérilité (*). () Untersuchungen über die Stickstoffnahrung der Gramineen und Leguminôsen. Berlin, 1888. (°) Annales agronomiques, t. XIV, p. 481, 1888, et t. XV, p. 529, 1889. (3) Bulletin de l’Académie royale de Belgique, 3° série, t. XIX, p. 764, 1890. (4) Dans le numéro du 26 décembre dernier de la Botan. Zeitung, Beyerinck a décrit un procédé différent de celui que j'ai adopté, pour cultiver des plantes à l'abri des microbes. Tome III, ~I Tome III, 1891. 98 É. LAURENT. — RECHERCHES Les graines avaient été d’abord stérilisées par l'immersion, pendant quinze minutes, dans une solution à 1 °/ de sublimé, contenue dans de larges tubes à essais; c’est dans ces tubes bien lavés à l’eau stérilisée que se fit la germination. Le mélange nutritif que j'ai employé était composé de : Eau distillée: = (our ee een, LT OO0!C:C- Sulfate de magnésium . Cine Carat OSS. PTs — Wide POIASSILNN cite qe) east TO — — "de Calcium 0 NEO seule tes 0,5 — =. «deifer./ EME ERNEST SO OT == Phosphatetricalcique PREND TO, — Ghlorure de SOU EEE ES Os TRE Le mélange était renfermé dans des éprouvettes de 200 ou de 350 centimètres cubes, fermées par un bouchon plat coupé en deux moitiés. Entre celles-ci, dans une petite ouverture centrale, était fixée avec un peu d’ouate la partie inférieure de la tige. Les bocaux des cultures stérilisées étaient fermés d’une façon hermétique au moyen de bouchons choisis avec le plus grand soin. Ils furent, après remplissage, chauftés à l’autoclave ; lorsqu'ils furent refroidis, j'introduisis avec précaution la radicule des plantules germées en tubes stériles entre les deux moitiés du bou- chon ; enfin, du coton stérile entourait la radicule de manière à empêcher le passage des germes. La graine se trouvait ainsi placée au-dessus du bouchon; afin d’éviter la des- siccation, le bocal fut placé pendant dix jours dans une atmosphère saturée de vapeur d’eau. Six Pois ainsi cultivés se sont développés d’une manière normale; les racines étaient plus longues, même plus ramifiées que celles des Pois inoculés et pourvus de nodosités. Quant aux tiges, elles avaient une douzaine de feuilles, qui sont devenues jaunâtres après l'épuisement des graines. Chaque tige a donné de deux à quatre fleurs, dont une seule a noué et a donné une graine plus petite que celle qui avait été semée. L'analyse de deux de ces plantes n’a indiqué qu’un enrichissement minime en azote. Azote ides deux prdiNES RS ee LO NET. — ‘des plantes récoltées "MM 20,5 mer- A la fin de la culture, j'ai vérifié la stérilité des mélanges nutritifs par des ensemencements sur milieux gélatinisés appropriés : cinq se sont montrés stériles; le sixième contenait du Mucor racemosus. Tome III, 1891. SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. 99 Si l’on compare les racines d’un Pois privées de nodosités avec celles d’un autre qui a été inoculé avec succès, on est toujours frappé de la ramification plus abondante des premières. La plante multiplie ses organes d’absorption comme si elle était prévenue de l'insuffisance de son alimentation. Telle est également la ramification de maintes espèces cultivées dans l’eau distillée et dans les sols stériles. Nous sommes donc certains qu'un organisme particulier est indispensable à la production des nodosités. On a cru et dit que c'est une des Bactéries banales qui vivent et pullulent dans le sol. Il n'en est rien, comme je m'en suis assuré par l'inoculation, à des Pois maintenus jusque-là stériles, de plusieurs races de ces microbes, provenant du sol et de l'air et qui avaient été isolées avec le plus grand soin. Jamais la moindre nodosité ne s'est développée sur les racines soumises a ce traitement. C'est donc à tort que l’on a iden- tifié les microbes des nodosités avec des Bactéries ubiquistes. Je viens d'attirer l'attention sur l’allongement et la ramification plus touffue des racines des Pois qui ne sont pas infectés. Une diffé- rence non moins curieuse s'observe sur les pieds cultivés dans le mélange nutritif additionné de nitrate de sodium ou de sulfate d'ammoniaque a I °/. Les Pois souffrent dans ce dernier mélange, mais ils sont très prospères en présence de nitrate de sodium; leurs tiges sont vigoureuses et robustes; leurs feuilles larges et d'un vert foncé; les fleurs nouent parfaitement. Quant aux racines, elles sont ramifiées en proportion du développement foliaire, mais ne présentent qu’un très petit nombre de tubercules. Des observations analogues avaient été faites depuis longtemps par de Vries (*) sur le Trèfle rouge, et plus récemment par Schindler (7) et Vines (*). Ces auteurs avaient observé que beaucoup de Légumineuses, cultivées dans des sols riches en engrais azotés, ne portent presque pas, parfois méme pas du tout (!) Landwirth. Fahrbiicher, t. V1, 1877. (2) Botan, Centralblatt, t. XVIII, 1886. (3) Annals of Botany, vol. II, 1888-1889. Tome III, 1891. 100 E. LAURENT. — RECHERCHES de nodosités radicales. Dans ce cas, ces plantes se conduisent comme si elles avaient conscience de l'inutilité de leur association avec le microbe des nodosités. Je reviendrai sur ce point au chapitre IV, et dirai comment je le comprends. Il n'y a pas que les substances azotées qui fassent sentir leur influence sur la production des nodosités; celle-ci dépend encore des matiéres salines qui existent dans le milieu ambiant. Pour mettre en lumière cette action des substances minérales, j'ai cultivé des Pois dans l’eau distillée et dans des solutions privées de soufre, de phosphore, de potassium, de calcium, de magnésium ou de fer; j'avais soin d’ajouter au liquide quelques nodosités écrasées pour en faire sortir le suc. L'absence d'acide phosphorique, de chaux et de magnésie déter- mine une végétation rabougrie et supprime l'aptitude à produire des nodosités. Sans potasse et sans fer, les plantes poussent mieux, les racines sont ramifiées et assez vigoureuses, mais ne portent guère de tubercules. Pour ce qui est du soufre, ni la végétation des Pois ni le développement des nodosités ne paraissent se ressentir de son absence, sans doute parce que la graine renferme une quan- tité suffisante de cet élément. Il convient de remarquer à ce propos que les graines de Pois sont particulièrement pauvres en chaux et en magnésie, et beaucoup plus riches en potasse. Dans l'eau distillée, les plantes se comportent beaucoup mieux que dans les solutions privées d'acide phosphorique, de chaux ou de magnésie; mème leurs racines sont pourvues de quelques nodo- sites. C’est, du reste, un résultat qui est conforme à ce que l'on observe lorsqu'on fait des cultures aqueuses de Mais ou d’Avoine comparativement dans l’eau distillée et dans des mélanges privés de chaux ou de potasse. Les plantes croissent mieux dans l’eau pure que dans ces derniers milieux. Il semble alors que certaines combinaisons salines, utiles dans le mélange nutritif complet, aient la propriété de nuire à l’utilisation des réserves de la graine. L'influence si marquée des phosphates et des sels de calcium et de magnésium sur la croissance des Pois et leur aptitude à donner des nodosités mérite d'attirer l'attention, et n’est pas sans avoir une certaine importance pratique. Tome III, 1891. SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. IOI J'ai signalé plus haut la réussite constante des cultures de Pois inoculées avec le contenu des nodosités. Rien n'est plus facile que d'obtenir, à jour fixe, des pieds pourvus de nodosités radicales. Lorsque les essais ne doivent pas être faits dans des conditions de pureté absolue, il suffit de faire germer des graines de Pois nains, variété de Grâce, sur une toile à larges mailles tendue au-dessus d’un cristallisoir rempli d’eau et placé sous une cloche. Quand les radicules ont 5 à 8 centimètres de longueur, on les pique avec une pointe de verre ou mème une aiguille ordinaire plongée, au préa- lable, dans une nodosité de Pois ou d’une autre Légumineuse. Lorsque le temps est favorable à la végétation, ies premieres nodo- sités apparaissent sur les racines environ dix jours aprés l'inocula- tion. Ces tubercules se trouvent dispersés sur les racines et non pas limités au voisinage des points d'infection. Cela n'a rien d'étonnant, car une partie des germes apportés par l'opération peuvent se mélanger au liquide de culture. Le microbe envahisseur peut aussi se propager de proche en proche dans l’intérieur des tissus, comme je l'établirai plus loin (IV). Lorsqu'on se contente de déposer la semence dans le liquide sans blesser l'écorce des racines, il faut généralement deux à quatre jours de plus avant de voir apparaître les premières nodosités. Les microbes trouvent une porte d'entrée toute préparée dans les racines blessées, tandis qu'ils doivent pénétrer dans celles qui sont intactes. Enfin, j'ai remarqué qu'un délai de quelques jours est nécessaire lorsqu'on remplace, dans les inoculations par piqûre, le contenu de nodosités par un peu de terre qui a porté des Légumineuses. Il semble que le microbe se trouve dans la terre à l’état de repos, et qu'il mette un certain temps avant de pouvoir entamer les racines de la plante hospitalière. La semence nécessaire aux inoculations ne doit pas forcément être empruntée à l'espèce que l'on se propose d'infecter. Ainsi, j'ai inoculé avec succès des Pois nains avec des nodosités prises sur les espèces indiquées ci-dessous. Quelle que soit la nature de l’es- pèce qui a fourni la matière inoculée, il se développe toujours des nodosités; le nombre et les dimensions de celles-ci varient avec la nature des espèces auxquelles on a emprunté la semence. Tome III, 1891. 102 E. LAURENT. — RECHERCHES Le tableau suivant résume les résultats de mes observations faites dans cet ordre d'idées. Je crois-utile de faire remarquer que les nodosités servant aux inoculations étaient plongées pendant dix minutes dans une solution de sublimé à 1 °/..; parfois elles étaient simplement lavées vivement au moyen d’un jet d'eau stérilisée lancée au point où j'allais percer la nodosité; il m’est aussi arrivé de stériliser cet endroit au moyen d'un objet en métal porté au rouge. eee NATURE DES ESPECES REMARQUES qui ont fourni faites LA SUBSTANCE INOCULÉE AUX POIS. SUR LES NODOSITÉS. Acacia leptophylla . . . . . . . | Nombreuses, de moyenne grosseur. ESA UCOL EN SE TE CE » » » Mimosa saligna. 5. - + +» + + = >» » » Dolichos melanophthalmus . . . . » » » Haricot commun (Phaseolus vulgaris) > et grosses. Pois (Pisum sativum). Gesse cultivée (Lathyrus sativus) . . > > » — odorante( — odoratus) . . » » » — sans feuilles (Lathyrus aphaca) . » » » Fève (Faba vulgaris). . . . « . » » » Lentille (Ærvum Lens) . . . . . | Rares et petites. Baguenaudier (Co/utea arborescens). . | Assez nombreuses et grosses. Psoralea acaulis . . . . . . . | Quelques-unes, grosses. Lotus uliginosus. . . . . + . .| Nombreuses et grosses. LL FALODEUS. « ; + “ia, o> fee » de moyenne grosseur. Tome III, 1891. SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES 103 Lupinus luteus . — Cvruiskshanksti . » » NATURE DES ESPÈCES REMARQUES qui ont fourni faites LA SUBSTANCE INOCULEE AUX POIS. SUR LES NODOSITEs. Tetragonolobus purpureus. . . . . | Nombreuses de moyenne grosseur Securigera corallina . . > » » Trifolium incarnatum. > et grosses, = pratense. . > » — repens (Tréfle blanc). Nombreuses et grosses. _ elegans. . » et assez petites. — subterraneum . Rares et petites. Melilotus albus . Rares et grosses. = ONCE A Votes) oe Sh, » » Limacon (Medicago scutellata) . . . | Nombreuses et assez petites. Lupuline ( — lupulina) . . . | Rares et grosses. Luzerne ( — Satida) « =~ » > Medicago orbicularis . . . . . . » > — machlaia. 71% » » Genista sibirica. . . > » — spachiana. . » » > » ae RICHI LE RE tea dese be » » et NEA Die Sole SS » » — albus » > Tome III, 1891. 104 É. LAURENT. — RECHERCHES Ces renseignements montrent que les espèces qui conviennent le mieux pour communiquer au Pois l'aptitude a produire des tuber- cules sont le Pois, la Fève, les Gesses, les Acacias, les Lotiers et certaines espèces de Trefle. Par contre, les Mélilots, les Medicago, les Genéts et surtout les Lupins sont beaucoup moins favorables aux essais d’inoculations avec le Pois. Les divers genres indiqués au tableau sont rangés selon leurs affinités botaniques. Après examen comparatif des résultats, on est porté a croire que le microbe des tubercules se propage mieux sur les racines d’une espèce de Légumineuse, lorsque celle-ci n'est pas trop différente de l'espèce qui a fourni la semence. Il ne convient cependant pas d'exagérer cette remarque, car le développement des nodosités dépend aussi de l’âge des tubercules inoculés aux racines à infecter. Influence de l’âge des nodosités. — Dans les essais d’inoculations rapportés au tableau, la semence était toujours empruntée à des tubercules jeunes, en voie de croissance. Souvent même, ceux-ci étaient percés avec une pointe en verre à l'endroit où le parenchyme continue à se diviser; le microbe y est encore à l'état de vie très active. Il en est tout autrement lorsque la substance inoculée pro- vient d’un tissu adulte, d’une nodosité qui cesse de s'accroître. Aussi, pour assurer le succès des inoculations, il importe de les pratiquer avec des tubercules récoltés sur des plantes dont la végétation n'est pas trop avancée. C'est Beyerinck qui signala le premier ce fait intéressant. Dès que les fleurs commencent à se former, la vitalité du microbe diminue sensiblement ; il met plus de temps à se développer, à produire des tubercules, et en donne une quantité moindre. Plus tard, beaucoup d'inoculations restent stériles sur les racines du Pois. Le microbe trahit une sorte de malaise, et les germes qui restent dans le tissu des tubercules ne pourront évoluer qu'après avoir traversé une période de repos dans la terre. Ces faits ont été vérifiés de nombreuses fois avec des nodosités de Pois et de Fève en boutons, en fleurs ou en fruits. Ils pourraient faire supposer que les racines des Légumineuses ne constituent pas Tome III, 2891. SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. 105 Phabitat naturel du microbe des nodosités, et qu’il n’y peut vivre indéfiniment. Des observations analogues ont été faites pour la vie anaérobie de la Levure par Cochin.. Une telle hypothèse ne serait pourtant pas justifiée, car le microbe des Légumineuses peut étre propagé sur des Pois pendant plusieurs mois, lorsqu’on a soin d’employer des nodosités très jeunes pour les inoculations succes- sives. Formation de races chez le microbe des nodosités. — Non seule- ment la nature spécifique des plantes qui fournissent les nodosités inoculées retentit sur le nombre et les dimensions des tubercules chez le Pois, mais encore sur l’aspect des bactéroides. Comme Beyerinck l’a mis en évidence, l'aspect de ces corpuscules diffère sensiblement chez les diverses espèces de Légumineuses; leur gros- seur est assez variable, leur forme tantôt simple, tantôt plus ou moins ramifiée. Ces caractères sont assez constants chez la même espèce; les exceptions qui se rencontrent dans la nature s’expli- quent sans difficulté de la manière suivante. Après avoir habité une espèce, le microbe s'en ressent dans sa descendance, tout au moins pendant une génération. Voici qui le prouve. Un certain nombre de nodosités, dont il est question au tableau de l'avant-dernière page, furent broyéesetexaminéesau microscope. Les bactéroïdes, quoique développés sur le Pois, offraient des diffé- rences assez sensibles pour un œil exercé. La figure 2 en donne une idée assez exacte. LIE if (fe Ul ( pean gol Ph EN a> | Ni) v . De) \ 2 § S7 J} DST Ye eer MCs es ara ane PS Be =F, we 0 iy 24 Ÿ a b Fig. 2. — GR. 700. a, Bactéroides de Pois inoculé avec nodosités de Haricot vulgaire. 6, Id. id. de Limacon. Cy Id. id. d’ Acacia leptophylla. TOME III, 1891. 106 É. LAURENT. — RECHERCHES Il m'a paru exister une certaine analogie entre ces diverses formes de bactéroïdes et celles qui sont propres aux différentes espèces de Légumineuses. De nouvelles observations m’éclaireront définitive- ment sur ce point. Quoi qu'il en soit, les différences entre les microbes observés dans les nodosités ne sont pas assez tranchées pour qu'il soit opportun d'y voir plus d'un type spécifique. La race propre aux Lupins ne réussit guère à s'implanter sur les racines des Pois. Elle se distingue, en outre, comme je l’ai dit plus haut, par la durée éphémère des filaments mycéliens et la prédominance des bacté- roïdes. Cependant, inoculée sur le Pois, elle y produit des nodo- sités au milieu desquelles abondent des filaments très irréguliers et plus durables que dans les nodosités des Lupins. (Voir pl. I, fig. 5.) Peut-être cette race pourrait-elle s’accoutumer à la longue sur le Pois et s'y développer d’une façon plus régulière. Je m'étais pro- posé d'examiner ce point par une série de cultures successives sur des Pois, mais l'hiver est venu les interrompre. Dispersion du microbe dans la terre.— Toutes les terres ne renfer- ment pas les germes du microbe des nodosités. C’est la un fait qui tend à prouver que ce n'est pas un organisme saprophyte et ubiquiste, qui vit passagerement a l'état de symbiose dans les racines des plantes supérieures. Déjà Hellriegel a démontré, surtout pour le Lupin jaune et aussi pour la Serradelle, que les terres qui n’ont pas porté de Légumineuses ne conviennent pas aux ensemencements faits en vue d’infecter les racines de ces végétaux. Pour les Lupins, on peut admettre que dans les terrains qui jusque-là en ont été privés, le développement des nodosités est tout à fait exceptionnel. Des cen- taines de pieds cultivés depuis deux ans dans le jardin de l'Institut Pasteur, où, sans doute, on n’a jamais cultivé de Lupins, ne m'ont présenté qu'une seule nodosité de très petite taille. À côté, des Fèves, des Pois, des Gesses et des Haricots avaient des racines plus ou moins riches en tubercules. Pour peu que l’on fasse attention lors de l'arrachage de Légumineuses cultivées côte à côte, on Tome III, 1891. SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. 107 observe que les unes sont mieux pourvues que les autres de la méme espéce. Et dans les sols pauvres en azote, tels que le sable, la vigueur de la croissance coincide constamment avec l'abondance des nodosités sur les racines. C’est méme cette remarque qui conduisit Hellriegel a sa célebre découverte. L’absence de tubercules sur les racines des Lupins cultivés a côté de Pois ou de Fèves qui sont pourvus de ces organes est encore une preuve de l'existence de races physiologiquement distinctes chez le microbe des nodosités. Tels germes répandus dans la terre cultivée envahissent les racines de maintes espèces et sont cepen- dant incapables de vivre en symbiose avec les Lupins. Dans les terres cultivées, les germes capables de se développer sur les racines des Pois, et vraisemblablement de la plupart des Légumineuses autres que les Lupins, ne sont pas répandus d'une manière uniforme. J'ai eu l’occasion de m'en assurer par des cultures en solutions aqueuses, dans lesquelles j'avais introduit un peu de terre recueillie dans des carrés du Jardin botanique de Bruxelles consacrés depuis soixante ans à la culture de plantes autres que les Légumineuses. Dans ces conditions, les Pois n'ont donné qu'un très petit nombre de nodosités, dont le vent avait sans doute apporté les germes à la surface du sol. Tout nous fait donc supposer que les microbes fixateurs d'azote ne vivent pas à l’état autonome dans la terre, et que leurs germes n'y sont introduits que par la pourriture des nodosités. C'est la une vérité dont les agriculteurs devront se souvenir toutes les fois qu'ils ensemenceront des Légumineuses, surtout des Lupins, dans des champs qui jusque-là en avaient été privés. Tome III, 1891. 108 É. LAURENT. — RECHERCHES IT NATURE DU MICROBE DES NODOSITES. L’idée que les nodosités des Légumineuses résultent de l'inter- vention d'un microbe fut intreduite dans la science par Woro- nin (*} en 1866. Ce botaniste considérait les corpuscules bactéri- formes du parenchyme des tubercules comme de véritables Bactéries. En 1874, Ericksson observe dans le tissu central de jeunes nodosités des filaments mycéliens intracellulaires, et il les voit même traverser l'écorce des jeunes racines. Pour Kny et Prillieux, ces filaments sont de même nature que certains plasmodes de Myxomycétes, comparaison que motivait la difficulté d'observer la membrane propre des filaments mycéliens. Quant aux bactéroides, ce seraient des formations de ces prétendus plasmodes. Quant à Frank, il supposait, dès 1879, que les bactéroïdes sont des bourgeons produits par les hyphes; il niait tout mouve- ment propre à ces corpuscules et donnait au Champignon le nom de Schinzia leguminosarum. Plus tard,le même botaniste a refusé le caractère d'organismes aux bactéroïdes et les a considérés comme des corps albuminoïdes formés dans le protoplasme des cellules des tubercules. Cette opinion est due a Brunchorst (*), qui considérait aussi les filaments comme de nature mycélienne, mais sans aucune relation avec les corpuscules bactériformes. Hellriegel reprend l’idée que les bactéroides sont réellement des Bactéries, mais il ne se fonde que sur leurs apparences. A la suite (1) Annales des Sciences naturelles, Botanique, t. VII, 1866. (°) Berichte d. deutsch. botan. Gesellsch., t. II, 1885. Tome III, 1891. SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. 109 des recherches du chimiste allemand sur la nutrition azotée des Légumineuses, beaucoup d’observateurs ont admis son avis sur la nature du microbe des nodosités. Cependant Marshall Ward met en évidence les filaments mycéliens; il les voit pénétrer par les poils radicaux de la Féve dans le parenchyme des racines et en provoquer l'hypertrophie. Ward considère les bactéroïdes comme des bourgeons (gem- mules) produits par les filaments mycéliens, sans toutefois indi- quer ce fait comme démontré par des observations certaines. La même année, Tschirch défend l'opinion de Brunchorst, et l’exagère même au point de nier la nature mycélienne des fila- ments intracellulaires; ils n'étaient, à son avis, autre chose que des débris protoplasmiques. Bien que favorable à l'idée que les bactéroïdes ne sont pas des êtres vivants, Vuillemin étudie principalement les filaments myceliens, qu'il attribue a une Chytridiacée. C'est sans doute sous l'impression des travaux de Brunchorst et de Tschirch que Beyeriack considère les filaments du tissu des nodosités comme des cordons muqueux provenant de la division des noyaux. Il accorde la plus grande attention aux bacté- roides, qu’il range parmi les Bactéries sous le nom de Bacillus radicicola.Le même savant en a obtenu les premières cultures pures sur des bouillons de Légumineuses gélatinisés et additionnés d'as- paragine. Au chapitre I‘, j'ai indiqué les opinions de Prazmowski et de Frank sur la nature des filaments et des bactéroïdes. Ce dernier assure (") que le Haricot commun, en sol stérilisé, donne des nodo- sités contenant des bactéroides. Je n’ai pu, pas plus que Praz- mowski (*), vérifier cette assertion par des cultures de trois variétés de Haricots faites dans le sable chauffé a 120° et dans la solution nutritive stérilisée par le même procédé. Aucune précaution spé- ciale n'avait mème.été prise contre les germes que l'air pouvait (!) Berichte der deutsch. bot. Gesellsch., t. VII, p. 336, 1889. (2) Die landwirtsch. Versuchs-Stationen, t. XXXVIII, p. 59, 1890. TOME III, 1801. 110 É. LAURENT. — RECHERCHES apporter. Néanmoins, je ne pus découvrir la plus petite nodosité sur les racines de douze Haricots ainsi cultivés. Telles sont les opinions successivement émises depuis le travail de Woronin sur la nature du microbe des tubercules des Légu- mineuses. Il n'est pas sans intérêt de faire remarquer que dans cette question, comme dans tant d'autres, la vérité a été devinée ou entrevue, a plusieurs reprises, par différents observateurs : Kny, Frank (1879) et surtout Marshall Ward; celui-ci toucha presque du doigt la solution du probléme. Ainsi que je l’ai établi au chapitre I, le microbe des nodosités est constitué par des filaments qui traversent l'écorce des racines et qui, apres une abondante ramification, produisent par bour- geonnement les bactéroides. Dans la suite de ce travail, je désignerai cet organisme sous le nom de Rhizobium leguminosarum, donné par Frank aux Bactéries qui, d’apres lui, existent dans les tubercules. Inutile de dire que nous différons complètement sur les caractères morphologiques du Rhizobium. Culture du Rhizobium. — Les contradictions signalées dans l'étude morphologique du microbe des tubercules se retrouvent dans les résultats des essais de culture entrepris par plusieurs expé- rimentateurs. Confiants dans l'aspect de cet organisme, quelques- uns ont cru avoir réussi à le cultiver avec une facilité sujette a caution. Je m’empresse d'affirmer que les essais si heureux tentés par Beyerinck et puis par Prazmowski sont à l'abri de tout reproche. De même que dans toutes les recherches de microbiologie, il est dans l'étude du Rhizobium tout à fait nécessaire de recourir aux cultures d'une pureté absolue, afin d’écarter toute confusion pos- sible avec les Bactéries banales. Le meilleur critérium pour s'assurer de la pureté d’une culture du Rhizobium est d'en faire des inoculations à de jeunes Pois. Au chapitre II, j'ai déjà annoncé que les Bactéries banales ne peuvent déterminer la formation de tubercules sur les racines du Pois. Elles ne les empêchent pourtant pas, ainsi que j'ai eu l'occasion de m'en assurer au début de mes recherches, lorsqu'elles sont inocu- Tome III, 1801. SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. III lées à l’état de mélange avec le Rhizobium. Mais les cultures pures sont d'un effet plus sûr, et voici comment j'ai réussi à en obtenir. Sur les racines des Pois cultivés dans les solutions nutritives, jai coupé quelques fragments pourvus de nodosités pas trop avancées, mais contenant déjà des bactéroïdes. Je les ai plongés dans une solution de sublimé à 1 °/, et, après dix minutes, lavés à trois reprises avec de l'eau stérilisée à 120°. Les fragments de racines avec leurs tubercules ont ensuite été broyés avec un agita- teur préalablement flambé; quelques gouttes du mélange aspirées avec un tube capillaire ont été introduites dans les milieux de culture. Ce procédé m'a paru meilleur que celui que j’avais suivi d'abord, et qui consistait a percer les nodosités stérilisées avec un tube capillaire; souvent, des microbes étrangers pénètrent dans les cultures pendant les manipulations. Un avantage plus important encore, c'est que le broyage permet de mélanger les bactéroïdes d'âges différents, et dont l'aptitude au développement est fort inégale. Quant au milieu de culture, je me servais de prime abord de bouillon de Pois gélatinisé et additionné d asparagine, d après les indications de Beyerinck. Mais cette substance amidée ne s'est pas montrée bien nécessaire, ni même avantageuse dans des cultures comparatives. Sur bouillon de Pois gélatinisé, le développement des colonies est assez inégal. On voit côte à côte, et à la surface de la gélatine nutritive, des colonies tres petites formées de cellules peu nom- breuses, tandis que d’autres atteignent un diamètre de près d'un millimètre. Cette différence tient sans aucun doute à l'état physio- logique des bactéroïdes au moment de l’ensemencement. Les plus petites colonies sont arrondies, les plus grandes m'ont présenté plusieurs fois des contours sinueux qui rappellent les colonies de la forme-levure de Cladosporium, que j'ai figurées naguère dans les Annales de l'Institut Pasteur (t. II, p. 584; voir pl. II, fig. 12). Ces formes de développement sont très rares; je me suis assuré qu elles étaient bien dues au Rhizobium, par le procédé des inocu- Tome III, 1801. 112 É. LAURENT. — RECHERCHES lations au. Pois, et en y constatant la présence des formes ramifiées des bactéroïdes. Prazmowski indique une membrane très mince qui enveloppe les jeunes colonies. Au moment de mes recherches, mon attention n’a pas été attirée sur ce point. Ce qui m'a frappé, c'est l’extréme viscosité des colonies les plus vigoureuses. Elle est due à une sub- stance glaireuse qui environne les éléments cellulaires, et qu'un examen superficiel pourrait faire considérer comme de nature protoplasmique. Elle absorbe avec énergie le violet dahlia, se colore en jaune par l'iode, et ne présente pas la réaction de la cellulose avec ce réactif et l'acide sulfurique. Dans une note récente (*), Prillieux a cherché à établir une analogie entre le dépôt visqueux dans lequel sont plongés les bac- téroïdes cultivés et le plasmode qu'il décrivit autrefois dans les tubercules. Cette opinion me paraît difficilement acceptable; tout fait supposer que la matière qui rend le liquide filant est l'une de ces nombreuses substances visqueuses si répandues dans le monde des microbes. Nous la retrouverons, d'ailleurs, dans les cultures liquides aux- quelles le microbe communique la viscosité. Les colonies du Rhizobium sur gélatine sont blanchatres et leur surface semble glacée ; on peut assez facilement les reconnaître dans un mélange de Bactéries banales lorsqu'on a une grande habitude de la culture de ces organismes. _ En tube de gélatine, ensemencée par piqûre, les bactéroides donnent une trace peu marquée qui diminue avec la profondeur. Dans les bouillons de Pois non gélatinisés, un dépôt visqueux se forme au fond des matras de culture, et on y retrouve, au micro- scope, les formes en Y, en T, et même les formes les plus compli- quées des bactéroides observées dans les nodosités. De méme que sur gélatine, le diamètre de ces corpuscules est un peu plus petit que dans les nodosités, leurs formes sont moins souvent ramifiées, et il y a prédominance des états de bactérium et de bacille. (1) Comptes rendus, t. CXI, p. 926. Tome III, 1891. SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. 113 Mes cultures ne m'ont jamais offert que des organismes dé- pourvus de tout mouvement propre. Je n'ai pas eu l'occasion d'observer les bâtonnets mobiles d'un très petit diamètre (0.2 u environ) signalés par Beyerinck (*) et Prazmowski (’). La petitesse de ces éléments m'a probablement empêché de les distinguer. Avant de continuer l’exposé des propriétés physiologiques du Rhizobium, le moment est venu de discuter la place à lui accorder dans la classification. | Le Rhizobium n'est pas une Bactérie proprement dite. L'idée de considérer le microbe des nodosités comme une Bactérie s'imposait naturellement à l'esprit des premiers naturalistes qui observèrent les bactéroides. On n’en connaissait ni l’origine ni le mode de reproduction, et l’on ne pouvait présumer que la similitude n'était qu'apparente.Aujourd'hui nous savons que les bactéroïdes naissent par bourgeonnement des filaments mycéliens, et que c’est encore par le même procédé qu'a lieu leur reproduction. Chez les Bac- téries typiques, celle-ci se fait par division transversale. Le bourgeonnement des bactéroïdes suffirait a leur assurer une certaine parenté avec les champignons iniérieurs du groupe des Levures et des formes-levures. Ce rapprochement s'impose si l'on tient compte de l'existence constante dans les nodosités des fila- ments mycéliens. Longtemps, on n’en avait pas vu les membranes cellulosiques; mais ce caractère est devenu tout à fait certain à la suite des observations faites par Vuillemin, Pichi, et plus récemment par Koch. Il faut donc abandonner la parenté du Rhizobium et des Myxo- mycètes. Tout un groupe de Champignons filamenteux présentent avec cet organisme plusieurs caractères communs. Ce sont les Ustila- ginées, parasites également entophytes, dont plusieurs pénètrent par les racines dans les végétaux supérieurs; presque toutes, (x) Loc. cit., p. 758. (2) Loc. cit., t. XXXVII, p. 202. Tome III. 8 Tome III, 1891. 114 É. LAURENT. — RECHERCHES comme l’a montré Brefeld, produisent des formes-levures; d'autre part, la formation des spores chez ces Champignons n'est pas sans analogie avec celle des kystes arrondis qui persistent après la décomposition des nodosités. L'affinité du Rhizobium et des Ustilaginées a été signalée déja par Marshall Ward (loc. cit., p. 540). Et c'est, à mon avis, une opinion tout à fait justifiée. Assurément, les Ustilaginées sont, avec les Hyphomycètes, les Champignons à thalle cloisonné les plus inférieurs, si l'on veut bien faire abstraction des états plus élevés auxquels beaucoup de Mucé- dinées ont pu être rapportées. J'ai hâte de faire remarquer qu’il est un caractère, d'importance peut-être assez relative, qui rapproche le Rhizobium des Bactéries. Ce sont les corps ovoïdes, signalés surtout par Beyerinck, et qui apparaissent dans l’intérieur des bactéroïdes. Je les ai rencon- trés, assez rarement il est vrai, aussi bien dans les nodosités que dans les cultures en milieux artificiels. Il est difficile d'admettre que ce ne soient que des globules huileux, ainsi qu'on l'a affirmé. Bien que la germination n'en ait pas été observée, il est permis de croire que ce sont là des spores endogènes analogues à celles des Bactéries typiques. Il existe un organisme qui présente également avec le Rhizobium une grande analogie. Je fais allusion au Pasteurza ramosa décrit dans les Annales de l’Institut Pasteur (t. II, p. 165) par Metchnikoff. C'est cet éminent naturaliste qui a bien voulu me signaler la ressemblance entre les bactéroïdes et le Pasteuria. Pendant l'été dernier, il avait étudié, en Russie, un grand nombre de tubercules de racines de Légumineuses, et avait été frappé du mode de ramification des bactéroïdes. Je dois aussi à la bienveillance de Metchnikoff le dessin de la figure 14 (pl. Il), qui, comparée aux divers aspects du Pasteuria, établit la grande ressemblance entre cette espèce et les formes ramifiées du Rhizobium. Je saisis cette occasion pour remercier publiquement M. Metch- nikotf de l'intérêt qu'il a témoigné a mes recherches actuelles. Les lecteurs des Annales de l'Institut Pasteur se le rappellent, le Pasteuria ramosa vit dans les Daphnies, se ramifie par division Tome III, 1801. SUR LES NODOSITÉS RADICALES DES LÉGUMINEUSES. 115 longitudinale qui aboutit a la production de groupes analogues a certains bactéroides ramifiés. Il se forme également des spores endogènes. Les ramuscules du Pasteuria sont représentés chez le Rhizobium par les filaments qui pénètrent l'écorce et se ramifient dans le parenchyme. Enfin, le bourgeonnement des bactéroides est souvent dichotomique, et est accompagné alors d’une division longitudinale de la cellule en voie de croissance. Lorsque l’une des deux ramifications prend une direction perpendiculaire a l'autre, il se produit un bactéroide en forme de T; dans le cas contraire, ce sont des bactéroides en Y qui apparaissent, parfois méme des figures dichotomiques plus ramifiées. Jestime avec Metchnikoff que ces caractères permettent de réunir en un même groupe le Rhizobium et le Pasteuria, et ce groupe est, à mon avis, intermédiaire entre les Bactéries authen- tiques et les Champignons filamenteux les plus inférieurs (Ustila- ginées, Hyphomycetes et Levures) (*). (*) Dans ma note préliminaire, j’ai proposé de désigner cette nouvelle famille de microbes sous le nom de Pasteuriacées. En agissant de la sorte, je n’obéis pas seulement aux lois de la nomenclature botanique, mais me réjouis d’honorer le nom du savant illustre, qui a donné aux études microbiologiques une impulsion si féconde. La famille des Pasteuriacées comprend actuellement deux genres, l’un parasite des Daphnies, l’autre vivant en symbiose avec les Légumineuses. Chez le Pasteu- ria, il y a prédominance de la division longitudinale, tandis que chez le Rhizobium, des filaments produisent des bourgeons souvent réunis sur des sortes de capitules; on observe fréquemment l’existence de bourgeons dichotomiques entre lesquels se fait d’abord un commencement de division longitudinale. Les naturalistes respectent autant que faire se peut la première dénomination donnée à un être vivant. Quelques explications sont nécessaires afin de motiver le nom que j'ai adopté pour le microbe des nodosités. Le genre Schinzia comprend aujourd’hui des espèces assez différentes de ce microbe. Au reste, c’est l’auteur lui-même, Frank, qui a créé le nom de Rhizobium leguminosarum pour la Bactérie en forme de Micrococcus dont il admet la présence dans les tubercules des Légumineuses. Tout en conservant cette dénomination, j’attribue au microbe en question des caractères tout différents. Quant au genre C/adochytrium, dû à Vuillemin, il est fondé sur des organes (zoospores) dont l’existence est très problématique. Ils ont été observés dans Tome III, 1891. 116 E. LAURENT. — RECHERCHES IV PROPRIETES PHYSIOLOGIQUES DU RHIZOBIUM. Non seulement le Rhizobium pénètre dans les racines par des fila- ments perpendiculaires à l’épiderme, mais il peut aussi s'y déve- lopper dans la direction longitudinale, et porter l'infection de proche en proche. Chaque nodosité d’une méme racine n’est donc pas due a un germe différent. Voici le procédé qui m’a permis de me convaincre de ce fait : Dans deux éprouvettes cylindriques, je fis entrer avec force un bouchon de liège assez épais; il partageait chaque vase en deux compartiments dont le supé- rieur était clos par un autre bouchon coupe en deux. Le premier était perce d’un trou central dans lequel j’introduisis l’extrémité d’une jeune racine de Pois, et que je fermai avec du coton stérilisé. La solution nutritive ne remplissait pas complètement le compartiment inférieur. La culture fut entourée de toutes les précautions décrites au chapitre II, et l’inoculation fut faite sur la portion de racine située au-dessus du bouchon. Il y avait donc des racines qui croissaient dans l’air maintenu humide au moyen d’un peu de papier à filtrer imbibé d’eau stérilisée; d’autres plongeaient dans le liquide de culture. Les nodosités se sont formées d’abord dans l’air humide et quelque temps après dans l’eau, surtout au voisinage de la cloison séparatrice. Des filaments mycéliens avaient dû croître dans la direction des faisceaux libéro-ligneux, à la façon des mycéliums des Usti/ago qui vivent dans les tiges de diverses Graminées. Ces deux cultures m'ont mis à même de constater avec certitude que la production des bactéroïdes dépend de l’aération du milieu des tubercules récoltés après l’hiver, sans doute envahis par des organismes étrangers. Enfin, la désignation adoptée par Beyerinck, Bacillus radicicola, ne peut pas non plus être conservée pour un microbe nettement different des Bactéries authentiques. Tome III, 1891. SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. 117 qui entoure les tubercules. Plusieurs observateurs avaient mis en doute la fixation de l'azote aérien par les Légumineuses cultivées dans les solutions nourricières. Cependant Bréal (*) et plus récemment Prazmowski (*) ont obtenu avec des Pois des gains d'azote très notables. La divergence des résultats s’explique, à mon avis, par les conditions d’aération des racines. A plusieurs reprises, j'ai examiné au microscope des tubercules de Pois dont les racines n'avaient jamais cessé de plonger dans l'eau. Bien qu'elles fussent arrivées a l'état adulte, elles ne conte- naient pas ou presque pas de bactéroïdes, mais étaient bourrées d’une grande quantité de grains d’amidon, dont la plupart se colo- raient en rouge-brique par l'iode, comme du glycogène. On a signalé plusieurs variétés d’amidon qui ont la mème propriété. Au contraire, les nodosités formées sur les portions de racines situées hors de l'eau ne m'ont pas présenté d’amidon rougi par l'iode, et contenaient invariablement de grandes quantités de bac- téroïdes, à un stade suffisamment avancé de leur développement. Ce n'est pas tout. Les Pois avec tubercules insuffisamment aérés ne fixent que des quantités insignifiantes d'azote libre, restent malingres, donnent peu de fleurs et tout au plus une seule graine. Ils étaient aussi misérables que leurs congénères de la même variété cultivés à l'abri de tout microbe. Au contraire, les pieds dont les nodosités plongeaient dans l'air humide, ont donné plus de feuilles, de fleurs et presque toujours plusieurs graines. C'est la un résultat très satisfaisant, car le Pois nain de Grâce donne rarement dans les jardins plus de quatre ou cinq gousses. Les deux Pois de la page précédente, dont la majorité des nodo- sités avaient été maintenues tout le temps dans l'air humide, ren- fermaient à la fin de leur végétation 31™8'3 d'azote; les deux graines originelles en contenaient 19 milligrammes. Bréal (loc. cit., p. 536) a déjà attiré l'attention sur l'influence (1) Annales agronomiques, t. XV. (2) Die landwirtsch. Versuchs-Stationen, t. XX XVIII, p. 46. Tome III, 1891. 118 E. LAURENT. — RECHERCHES de l’air sur la fixation d'azote. La rareté des bactéroïdes dans les tubercules mal aérés fait supposer que leur apparition est conco- mitante de l'assimilation de l'azote aérien. Dans les nodosités qui renferment beaucoup de bactéroïdes, l'amidon finit constamment par disparaître. Il est utilisé pour la formation de substances albuminoïdes aux dépens des produits de l'assimilation de l'azote aérien. Ce que deviennent les nodosilés. — Les bactéroïdes formés dans les tubercules n'ont d'ordinaire qu’une durée assez courte. Les auteurs qui avaient été portés à leur refuser toute autonomie (Brun- chorst, Tschirch), avaient signalé la disparition plus ou moins complète de ces corpuscules, et s'étaient fondés sur ce fait pour les considérer comme des réserves de nature protéique. Ce sont, en effet, des réserves, mais qui dérivent de l'activité d’un organisme étranger, et qui servent à la nutrition de la Légumineuse. La digestion des bactéroïdes est vraisemblablement due à une zymase ou diastase, qui finit par les transformer en combinaisons solubles. Une telle hypothèse nous expliquerait la diminution et finalement la perte de vitalité, constatées d'abord par Beyerinck, et que j'ai vérifiées bien souvent dans le cours de ces recherches. Il suffit d'employer un tubercule cueilli sur un Pois ou une Fève en fleurs ou en fruits pour rendre le succès de l'inoculation très aléa- toire; souvent même on ne voit apparaître aucune nodosité. Après la digestion des bactéroïdes, beaucoup de tubercules pré- sentent une cavité centrale; le plus souvent ils sont bientôt la proie des microbes banaux du sol et ils entrent en putréfaction. J'ai étudié attentivement des nodosités, les unes encore pleines, les autres déjà creuses, envahies ou non par la pourriture; partie provenaient de Pois cultivés dans l’eau, partie de Fèves et de Pois semés en pleine terre et arrivés au terme de leur végétation. Dans tous ces tubercules, j'ai observé des corpuscules arrondis, le plus souvent ovoides, de taille assez inégale (5 à 10 u) et enveloppés par une mince membrane. L’iode les colore en jaune; ils absorbent vivement le violet dahlia. Je les considère comme des sortes de kystes provenant des filaments mycéliens en grande partie ré- Tome III, 1891. SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. 119 sorbés ; j'en ai vu (pl. Il, fig. 13) en relation avec des restes de ces filaments. Parfois, ces kystes ont leur surface légèrement mame- lonnée comme les renflements producteurs des bactéroïdes, ce qui me fait supposer que ceux-ci participent à leur constitution. A côté de ces renflements, on trouve assez souvent des produc- tions arrondies, fréquemment groupées par trois ou même quatre, et dont la surface est lisse. Par leur forme, ces masses ressemblent à celles qui ont leur surface mamelonnée et qui donnent les bacté- roïdes ; d'après Ward, elles pourraient prendre le même aspect. On peut donc admettre que les unes et les autres concourent à la formation des kystes dans les tubercules. Les kystes résistent à la putréfaction des tubercules, et on les retrouve sans difficulté au milieu des restes cellulaires envahis par les Bactéries banales. Je n’ai pu observer la germination de ces germes. Les insuccès des inoculations avec les nodosités trop avancées font supposer qu'ils doivent passer un certain temps à l'état de repos au sein de la terre. Et leur germination pourrait bien être déterminée par des actions chimiotaxiques provoquées par les poils radicaux des Légumineuses. Influence de la chaleur. — Sur gélatine et dans les bouillons de Pois ou de Lupin, la race de Rhizobium que j'ai cultivée se développe le mieux aux températures comprises entre 22° et 26°; elle ne croît plus a 30°; à 10°, la croissance des colonies est encore assez vigoureuse. Cependant, des Fèves et des Pois cultivés a une température voisine de celle-ci (semis faits en pleine terre a la fin de septembre et au commencement d'octobre) ne donnent guère de nodosités radicales. Il en est de mème des Pois cultivés en hiver dans des serres suffisamment chauffées. La cause de cet arrêt dans le développe- ment du Rhizobium ne doit pas être recherchée dans la tempéra- ture ambiante, mais dans la diminution de la fonction d’assimila- tion du carbone. On sait, en effet, que tout ce qui nuit à celle-ci diminue l'aptitude à produire des tubercules, parce que le Rhizo- bium emprunte des aliments hydrocarbonés à la plante hospita- lière. TOME III, 1891. 120 E. LAURENT. — RECHERCHES Plusieurs savants (Hellriegel, Beyerinck, Prazmowski) ont indiqué que les germes du microbe des nodosités sont tués par un chauffage a 60°, 70° ou 75°. Des nodosités en voie de croissance et intactes, doivent être chauffées dans l’eau à 90° ou 95° pendant cinq minutes pour perdre leur pouvoir d'infection sur racine de Pois. On abaisse notablement le chiffre de ces degrés de résistance, quand on assure la rapide pénétration de la chaleur en chauffant de petites ampoules de verre remplies de liquide de cultures pures; le chauffage a été fait dans l'eau et a duré cinq minutes. Le microbe a résisté a 5o°, mais a été tué à 55°, même lorsqu'il était emprunté a d’anciennes cultures. Dans celles-ci, il y avait ça et la des corps brillants en forme de spores à l'intérieur des bacté- roïdes. Leur résistance est donc très limitée; mais cet argument ne suffit pas pour leur refuser la qualité de spores. Lorsque je faisais des essais de chauffage avec des nodosités, j'ai remarqué que celles qui avaient été portées à 56° et 62° provo- quaient chez le Pois l'apparition de tubercules plus nombreux que dans les cultures faites sans chauffage de la semence. J'attribue ce résultat à l'excitation que la chaleur avait communiquée au microbe. Influence du temps. — Des cultures de Rhizobium faites en juin 1889 dans du bouillon de poule, et conservées jusqu'au mois d'octobre 1890, c'est-à-dire pendant quinze mois, ont été ensemen- cées sans succes. Influence des nitrates. — L'addition de '/so ou de ‘/. de nitrate de potassium ou de sodium aux bouillons de Pois ou de Lupin les rend presque stériles pour le Rhizobium. Il n'en est nullement ainsi dans les milieux minéraux additionnés de sucre dont il sera bientôt question, et dans les bouillons de Pois et de Lupin gélatinisés. Ces résultats permettent de supposer qu'il existe dans le Pois et le Lupin une substance qui, en présence des nitrates, paralyse le développement du Rhizobium, substance dont la gélatine empéche- rait la diffusion rapide. ToME III, 1801. SUR LES NODOSITÉS RADICALES DES LÉGUMINEUSES. 121 Culture du Rhizobium dans les solutions minérales avec ou sans azote. Influence de substances diverses. — Les premières cultures de Rhizobium en solutions minérales avec ou sans azote ont été faites par Prazmowski (*). Sans connaître les résultats obtenus par ce savant, j'avais entrepris des essais analogues, dont il a déjà été question dans ma note (*) des Comptes rendus du 17 novembre. Comme Prazmowski, j'ai vu le microbe des nodosités végéter dans des solutions privées d’azote; bien qu’aucune estimation précise de l'azote libre fixé dans ces conditions n'ait été faite, l’assi- milation de ce gaz par le Rhizobium est extrèmement probable. Tout récemment, Frank (?) et Beyerinck (*) ont annoncé égale- ment avoir fait des cultures dans des solutions minérales avec ou sans azote. Le milieu que j'ai employé est de l’eau distillée privée de combi- naisons azotées et additionnée de phosphate de potassium à 1 °/, et de sulfate de magnésium à 0.1 °/oo. Les cultures que l’on obtient sont assez prospères si l’on ajoute a ce mélange 1°/.. d'asparagine, 1 à 10 ‘/,, de peptone, un peu de fibrine du sang, d'albumine de l'œuf, ou de caséine. A la tempéra- ture de 24°, le liquide se trouble bientôt et produit une membrane visqueuse collée au fond du vase. Mais le développement est plus actif, et très appréciable après trois ou quatre jours, lorsqu'on ajoute une substance sucrée à l'un des mélanges que je viens d'indiquer. Le dépôt s’accentue progressivement pendant plusieurs semaines. Comme on le voit, les substances organiques azotées peuvent suffire à la nutrition du Rhizobium, mais il préfère l'association de ces aliments avec une matière hydrocarbonée assimilable. La suppression de l'aliment azoté n’empéche pas du tout le déve- loppement de cet organisme, tandis que dans les mêmes conditions les Bactéries banales poussent peu ou mal. (1) Die Wurzelknôllchen der Erbse, p. 201. 1890. (2) Voir p. 83 du présent volume. (3) Berichte der deut. botan. Gesellschaft, séance du 28 novembre 1890. (+) Botan. Zeitung, 1890, n° 52 (26 décembre 1890). Tome III, 1801. 122 É. LAURENT. — RECHERCHES J'ai fait de nombreuses cultures dans la solution minérale a laquelle j'ajoutais 5 à 10 °., de saccharose, de maltose, de lactose, de dextrose, de mannite et de glycérine. Ces produits étaient très purs; les sucres avaient été purifiés avec soin en vue de recherches spéciales. . La saccharose m'a paru convenir particulièrement au Rhizobium ; les bactéroïdes qui s'en nourrissent sont plus gros, plus réguliers, moins ramifiés que ceux qui avaient végété sur bouillon de Pois gélatinisé. Le dépôt visqueux ne s'est pas formé au fond des vases de /\ 7 A RS MCE) p A S > (\ V 2 = eel a DIA) Min ee) CC } ee Fee S Ver \ — J an ry J es Nn C ee x EE (RES Q f == A )) 5 4 LE FX \0E NEC N x x J = Boe NO) S > S| Witter cs CP ER AIRE NAN =) CS = U 2 SS i Fig. 3. — GR. 1,000. a, Bacteroides de Pois cultivés sur bouillon de Pois gélatinise. 6, Bactéroides de Pois cultivés dans la solution minérale sans azote et avec saccharose. c, Bactéroides de Pois cultivés dans la solution minérale avec fibrine. culture lorsque le liquide nutritif a une épaisseur de plus de 5 mil- limètres; avec une couche de 1 centimètre d’épaisseur, il s’est pro- duit seulement des flocons qui flottaient dans le liquide; enfin,dans les liquides plus profonds, j’ai observé un trouble, mais pas de dépôt. Dans les bouillons de Pois et de Lupin, le manque d'air se fait moins sentir, et l’on obtient un dépôt assez abondant, sous des couches de liquides de 3 ou 4 centimètres d'épaisseur. Il semble donc que l’action de l'air soit surtout nécessaire dans les mélanges privés d’azote combiné. À propos des cultures des Pois dans les solutions sans azote, j'ai signalé la même exigence. Ces deux remarques portent à croire que l'air n'est pas seulement indispensable comme source d'oxygène, mais aussi comme source d'azote dans les milieux auxquels cet élément fait défaut. Tome III, 1801. SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. 123 L'expérience suivante me paraît prouver l'exactitude de cette présomption. Au fond de deux petits matras coniques, j'avais introduit du bouillon de Lupin gélatinisé, qui après stérilisation fut ensemencé avec du Rhizobium. L'air des matras fut chassé par un courant, prolongé pendant un quart d'heure, d'azote préparé au moyen de cuivre chauffé au rouge. Après fermeture hermétique, les deux récipients furent retournés sous l’eau. Des colonies larges d'environ 3 millimètres se sont développées sur la gélatine nutritive; bien que plus réduites que d’autres laissées à l'air ordinaire, elles attes- tent que dans l'azote pur le Rhizobzum peut continuer à croître pendant quelque temps. Le microbe est donc un organisme aérobie qui, dans les milieux privés de combinaisons azotées, exige le concours de l'azote plus que celui de l’oxygène. J'ai commencé à étudier l'action de diverses substances minérales ou organiques. A la dose de 1 °/,., les sulfates de zinc, de cuivre, d’alumine, de fer, le chlorure de sodium, l'acide tartrique, le tartrate de potassium et l'urée empêchent le développement du Rhizobium dans la solution minérale avec 1 °/,, de saccharose. Le sulfate d'ammoniaque et la potasse à 1 °/o ne sont pas nui- sibles ; ce sont donc les milieux neutres ou légèrement alcalins qui sont les plus convenables. Et, en effet, j'ai constaté que les colonies développées sur gélatine sont toujours bien neutres. Dans les diverses décoctions végétales naturellement acides (Carotte, Navet, Chou, Pomme de terre, Chou-fleur), ainsi que dans l'eau de Levure, dans le liquide Raulin, aucune croissance n'a été remarquée. Lorsque ces mêmes liquides sont gélatinisés et neutralisés, ils conviennent parfaitement a la culture du microbe; j'en ai obtenu de très grandes colonies sur bouillon de Carotte ainsi préparé. Enfin, je me suis proposé de rechercher si chacun des éléments minéraux composant la solution nutritive (soufre, phosphore, potassium et magnésium) est indispensable à la végétation du Rhizobium. J'ai préparé des mélanges auxquels l'un de ces corps simples faisait défaut ; après ensemencement, ils sont restés vierges TOME III, 1891. 124 É. LAURENT. — RECHERCHES de toute végétation, à l'exception de celui qui était privé de soufre et dans lequel un faible dépôt s’est formé, grâce sans doute à l'exis- tence d’un peu de soufre dans le sucre employé. Il ne suffit pas de cultiver un organisme dans des milieux miné- : raux privés d'azote pour démontrer l'assimilation de l'azote libre : des indications numériques fournies par l'analyse sont de toute nécessité pour emporter les convictions. Pour obtenir un gain d'azote sensible, il convient de disposer de dépôts de cultures assez considérables; l'obligation de ne donner à celles-ci qu'une très faible épaisseur exige l'emploi de matras à fond plat d’un très grand dia- mètre, et dont le col serait étiré et fermé pour éviter l'influence des combinaisons azotées de l'atmosphère. Une première série d'essais réunissant ces conditions n’a pas donné des résultats assez concluants. J'espère les répéter bientôt avec plus de succès. En attendant, et en considérant comme permis d'attribuer au Rhizobium la propriété d’assimiler l'azote libre de l'air, la biologie de cet organisme peut être résumée comme suit : Les germes de Rhizobium mélangés à la terre arable se dévelop- pent au contact des poils radicaux des Légumineuses, y pénetrent a l'état de filament, et donnent lieu à un développement cellu- laire anormal. Lorsqu'il assimile l’azote de l'air, le mycélium pro- duit par bourgeonnement une infinité de corpuscules, les bacté- roides, riches en matière albuminoïde. Plus tard, ces corpuscules se dissolvent et sont utilisés par la plante hospitalière pour sa propre nutrition. Quant au microbe, il se conserve soit par des spores nées dans les bactéroïdes, soit par des kystes qui persistent après la résorption des filaments mycéliens. Ces germes finissent par se mélanger à la terre par suite de la pourriture des tubercules. Travail fait au Laboratoire de chimie biologique de la Sorbonne à l’Institut Pasteur, 1891. Re Tome III, 1891. SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. 125 EXPLICATION DES PLANCHES PLANCHE I Fic. 1. — Fragment d’une coupe d’un jeune tubercule de Fève cultivée dans l’eau, montrant les filaments du RAzzobium avec leurs renflements mamelonnés : z., noyau; v., vacuoles. Gr. 700. Fig. 2. — Fragment d’une coupe de nodosité de Haricot d’Espagne; les fila- ments sont bien visibles dans les cellules du bas, tandis que dans celles du haut, remplies de bactéroïdes, les filaments sont en voie de résorption. Gr. 700. Fig. 3. — Fragment d’une coupe de nodosite de Lupin jaune dans laquelle il ne reste plus que des tronçons de filaments mycéliens : /, restes de filaments myceliens; »., noyau; am., grains d’amidon. Gr. 400. Fic. 4. — Deux cellules très jeunes d’un tubercule de Lupin jaune avec fila- ment mycélien très fin. Gr. 700. Fig. 5. — Portion d’une coupe d’une jeune nodosité de Pois, inoculé avec nodosité de Lupin tricolore, montrant des filaments anastomoses. Gr. 300. Les cellules pointillées appartiennent au parenchyme a bactéroïdes, les autres à l’écorce. PLANCHE II Fig. 6. — Fragment d’une coupe de tubercule de la Gesse cultivée, dans lequel on voit des filaments qui portent des bactéroides : »., noyau; &., masses ovoides à surface lisse qui deviendront des kystes. Gr. 500. 126 Fie. Fig. Fi1G. Fie. Fie. Fie. Fi. Tome III, 1891. É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LES NODOSITES, ETC. 7. et 8. — Cellules d’un tubercule de Gesse cultivée, avec filaments qui portent des bactéroides. Gr. 700. 9. — Cellules d’une nodosité de Ga/ega officinalis. Gr. 700. 10. — Morceaux de filaments mycéliens de Rhizobium observés dans les cellules de la même espèce. Gr. 700. 11. — Cellules d’un tubercule de Pois dans lesquelles les filaments du Rhizobium portent des bactéroïdes. La cellule centrale renferme quatre corps ovoïdes, nés en grappe et à surface lisse. Gr. 700. 12. — Diverses formes de colonies de bactéroïdes cultivés sur bouillon de Pois gélatinisé, et observées après huit jours. Gr. 150. 13. — Cellules d’une vieille nodosité de Fève, dont le contenu est en voie de résorption, et qui renferment des corpuscules brillants (kystes) : J., restes de filaments; z., noyau; #., kystes. Gr. 700. 14. — Diverses formes de bactéroïdes cultivées en solution minérale additionnée de 1 °/, de saccharose et de 1 °/oo de peptone. Gr. 1500. Dessin fait par Metchnikoff. Toutes les coupes dessinées avaient été colorées avec le violet dahlia. Recuell de l'Institut botanique de Bruxelles. 7. III. BL LAURENT. PL 1 LUE ‘4 Recueil de l'Institut botamque de Bruxelles, T, IL E LAURENT. Pl. TL. ÉTUDE SUR Eee eer LA PTE DU BACILLE ROUGE DE: KIEL PAR E. LAURENT (:) A plusieurs reprises, il a été question, dans ces annales, des variations durables que peuvent présenter les propriétés physiolo- giques des Bactéries. Je n'en ferai done pas l'histoire, et je me borne à rappeler que ces variations portent tantôt sur la viru- lence ou l’aptitude a donner des spores, tantôt sur la production de matières colorantes ou d’autres substances faciles a caracté- riser. Une sélection méthodique, secondée par l’influence de milieux de culture appropriés, permet d'obtenir des races nouvelles parmi les organismes inférieurs, d’une manière analogue à celle que mettent en œuvre les horticulteurs pour modifier certaines caté- gories de plantes cultivées. Beaucoup de microbes sont, en outre, particulièrement sensibles aux agents extérieurs; leurs propriétés se transforment plus ou moins rapidement lorsqu'on soumet (:) Ce travail a paru dans les Annales de l'Institut Pasteur, vol. IV, p. 465, (1890). TOME III, 1890. 128 É. LAURENT. — ÉTUDE SUR LA VARIABILITÉ leurs cellules à l’action prolongée de l'oxygène, à l'influence de substances nuisibles ou antiseptiques, ou encore à des tempéra- tures assez élevées. Peut-on cependant affirmer que, dans la nature, il puisse se faire une sélection aussi méthodique et aussi certaine ? Certes, l’action de l'oxygène est presque universelle, mais il s’en faut de beaucoup qu'il en soit de même pour les substances antiseptiques et les températures favorables à la production de variétés nouvelles dans le monde des microbes. Les adversaires de la variabilité de ces organismes peuvent donc arguer que les modifications observées dans les laboratoires ne sont dues qu'à des circonstances exception- nelles, et que, à l'état naturel, les types se maintiennent sans présenter de variations bien sensibles. Cette objection m’a conduit à rechercher si d’autres influences naturelles, auxquelles les germes sont normalement exposés, ne pourraient pas provoquer des changements rapides et durables dans les propriétés des Bactéries. Parmi les tentatives que j'ai faites, c'est la lumière qui m’a donné les résultats les plus con- cluants. Ce n'est pas la premiere fois que la radiation solaire est utilisée pour modifier les propriétés de ces microbes. D'après Arloing (:), les filaments du bacille du charbon, exposés au soleil et à l'air, perdent peu à peu leur virulence : les bacilles issus de la culture insolée ne tuent plus les cobayes, et leur confèrent parfois l’immunité. De toutes les espèces que j'ai exposées au soleil, c'est le bacille rouge de Kiel qui m'a donné les résultats les plus remarquables. Parmi les bactéries chromogènes, le Micrococcus auranliacus n'est pas décoloré ni affaibli par plusieurs heures d’insolation très vive; le Micrococcus prodigiosus est rapidement décoloré, mais la modi- fication ne se transmet que très imparfaitement dans les cultures successives. Mes expériences ont été faites en déposant quelques parcelles de colonie adulte de M. prodigiosus à la surface d’une tranche de (1) Archives de physiologie, 1886, p. 232. TouE III, 1890. DU BACILLE ROUGE DE KIEL. 129 Pomme de terre stérilisée et renfermée dans un tube incliné, que je placais dans une direction perpendiculaire a celle des rayons solaires. Dans ces conditions, le pigment est détruit apres deux ou trois heures d’insolation, mais les germes restent vivants. Ensemencés sur tranche de Pomme de terre, ils donnent des colonies qui présentent, il est vrai, toutes les teintes entre le blanc pur et le rouge vif. Mais les colonies incolores et celles qui sont rose päle donnent sans exception des colonies rouge vif, dès le deuxième ou le troisième passage sur Pomme de terre. La modi- fication subie n'est donc pas héréditaire. Si l'on prolonge l'insolation jusqu'à une durée de cing heures à un soleil ardent, toutes les cellules du M. prodigiosus sont tuées sans exception; elles ne se développent plus dans les milieux les plus favorables au rajeunissement. La décoloration provoquée par la radiation solaire chez le NW. prodigiosus n'est donc que passagère. Il en est tout autrement du bacille rouge de Kiel : bien que sa coloration résiste mieux que celle du M. prodigiosus a la lumière solaire, les descendants des germes insolés ont une tendance nette- ment accusée à rester incolores. Cette intéressante bactérie a été trouvée dans les eaux de la ville de Kiel par J. Breunig, qui l'a décrite dans sa these de doctorat (*). A l'œil nu, il n’est guère possible de distinguer les cultures du bacille rouge sur milieux solides de celles du Wicro- coccus prodigiosus. La teinte est à très peu de chose près la même, et il faut une très grande habitude pour ne pas s'y tromper. Il en est tout autrement au microscope. Tandis que, sur Pomme de terre, le M. prodigiosus est légèrement ovoide et a environ un x, dans son plus grand diamètre, le bacille rouge est un bacille bien caractérisé, quels que soient les milieux sur lesquels il a été cultivé. Comme l'histoire biologique du bacille rouge n'a pas encore été (:) Bacteriologische Untersuchung Trinkwassers der Stadt Kiel, Kiel, 1888. Tome III. 9 ToME III, 1890. 130 É. LAURENT. — ÉTUDE SUR LA VARIABILITÉ — ———ZE faite, j'ai profité de mes études sur la variabilité de cet organisme pour faire un certain nombre d'observations relatives a cette espèce. J'en donne ici le résumé, autant pour l'intelligence de ce travail que pour l'intérêt que présentent quelques particularités de l'histoire de ce microbe. CARACTERES DES CULTURES DU BACILLE ROUGE. Dans une culture récente sur Pomme de terre, le bacille rouge a une longueur qui varie entre 2.5 et 5 y, et une largeur de 0.7 a 0.8 u. Ces dimensions ne sont guere modifiées par la culture dans le lait ou le bouillon. Cependant, dans les cultures anciennes sur Pomme de terre, on trouve des bacilles qui peuvent atteindre 8 et 104. Quatre ou cing heures après l'ensemencement sur Pomme de terre, à la température de 35°, les bâtonnets sont mobiles, sans être cependant tres agiles; le mouvement dépend de la présence de ’oxygene, et il cesse dès que ce gaz fait défaut dans la prepa- ration. Cultivé a la température de 18-20° sur bouillon gélatinisé, le bacille rouge donne dans la profondeur des colonies ovales, a con- tour entier ou sinueux, d'un jaune pâle au microscope, blanches a l'œil nu. Les colonies superficielles sont colorées en rouge sang, s'étalent largement, et leur contour devient sinueux; elles sont entourées d’une zone claire et, dès le cinquième jour, liquéfient lentement la gélatine. Après six ou sept jours, les colonies les plus voisines de la surface deviennent légèrement roses; plus profondément, elle restent incolores par suite de la privation d'oxygène à l'état libre. En tube de gélatine légèrement alcaline, le bacille rouge donne une trace profonde et bien marquée; la gélatine ne tarde pas a se liquëfier vers la surface, et le liquide ainsi formé est vivement TomE III, 1890. DU BACILLE ROUGE DE KIEL. E34 coloré. Dans la profondeur du tube, il se produit souvent des bulles gazeuses. Sur gélose a 30-35°, le bacille est d'abord rose pâle et passe ensuite a la teinte rouge-brique. Cultivé sur Pomme de terre a 30-35%, le bacille se développe très rapidement, et recouvre toute la tranche, après vingt-quatre heures, d’une grande colonie d'un rouge pourpre violacé. Il en est parfois de même à des températures inférieures à 25°, surtout lorsqu'on a des races vigoureuses. Le plus souvent, les colonies formées sur Pomme de terre à ces températures sont d’un rouge moins foncé, qui, d'abord orangé, devient ensuite rouge carmin. Toutefois, cette coloration est presque toujours localisée à la surface de la colonie et, dans la profondeur, elle fait place à la teinte violacée. J'aurai l'occasion d’expliquer ces variations de colo- ration produites sous l'influence de la température. La matière colorante du bacille rouge est peu soluble dans la benzine, plus soluble dans l'eau et surtout dans les alcools méthy- lique et éthylique. Elle est insoluble dans l'essence de térében- thine, l'éther de pétrole, l'alcool amylique, le chloroforme, le sulfure de carbone. L’éther sulfurique décolore la substance rouge, mais cette action cesse dès que l'on ajoute au mélange quelques gouttes d'acide chlorhydrique. A petite dose, les acides, même les plus énergiques, comme l'acide sulfurique, avivent la coloration rouge. Au contraire, elle disparaît sous l'action des alcalis (soude, potasse, ammoniaque), mais elle réapparaît ensuite par l'addition des acides. Les solutions dans les alcools méthylique et éthylique, évaporées lentement, laissent des corpuscules arrondis d’un rouge sang. Il m'a été impossible d'obtenir des combinaisons cristallisables de la substance chromogène. Toutes ces propriétés appartiennent également au pigment du M. prodigiosus. Dans le bouillon de veau neutre, le bacille rouge trouble forte- ment le liquide après vingt-quatre heures, et le colore en rose pâle. Cependant, on peut obtenir des cultures liquides qui présentent une coloration rouge magnifique. Je préciserai plus loin les condi- tions nécessaires pour arriver à ce résultat. ToME III, 1890. 132 É. LAURENT. -— ETUDE SUR LA VARIABILITÉ Le bacille rouge se développe admirablement dans les solutions minérales nutritives additionnées d’une substance organique assi- milable. J’ai de préférence employé le mélange suivant, qui m’a déjà servi a des études sur la Levure : EAU” -14. Sel ye DE RENTE CRM AE CE TL OOO).C3 (CE Phosphate de potassium’)... (soe) sen <2 00,75 27: Sulfate de magnésium MEL 5 9. <1. 10,10 — — dammoniaque:: | ©.) 33\/\. .J -= §,60/— Les corps organiques les plus variés conviennent a l’alimentation du bacille rouge. Tels sont : albumine de l'œuf et du sang, peptone, caséine, fibrine du sang, asparagine, leucine, saccharose, maltose, lactose, dextrose et sucre interverti, mannite, gomme arabique, salicine, glycérine, succinate, citrate et tartrate d’ammoniaque, lactate de calcium et méme les acétates. Les oxalates et les for- miates ne sont pas assimilés. Lorsque l'on ne prend pas de précautions spéciales, la matière rouge n'apparaît pas dans tous les milieux artificiels formés avec ces différentes substances organiques. Je l'ai observée dans les cultures ordinaires avec les albumines, la peptone, la caséine, le succinate d'ammoniaque, et surtout avec le lactate de calcium. La réaction n'avait pas cessé d'être alcaline, ou tout au moins neutre. Dans tous les autres mélanges nutritifs, qui étaient demeurés incolores, j'ai constaté une réaction très nettement acide. C’est la substance acide, produite surtout dans les solutions hydro- carbonées, qui a empêché la formation du pigment. Si l'on retarde la croissance du microbe, ce qui a pour effet immédiat de dimi- nuer l'acidité du liquide de culture pendant les premiers jours, la coloration rouge peut devenir visible dans les solutions sucrées. Elle est beaucoup plus accusée si l'on alcalinise le mélange nour- ricier, ou lorsqu’on y ajoute une petite quantité de carbonate de chaux. Les cultures dans le mélange minéral additionné de saccha- rose, de maltose, de dextrose, de glycérine, etc., deviennent alors d’un rouge très marqué. Enfin, dans le lait, à la température de 35°, il y a coagulation au Tome III, 1800. DU BACILLE ROUGE DE KIEL. 133 bout de vingt-quatre heures, et il ne se produit pas la moindre trace de coloration rouge. Au contraire, à la température ordi- naire, la coagulation se fait longtemps attendre, et la surface du liquide devient rouge sang comme à la suite d'un ensemencement de M. prodigiosus. La matière rouge se répand graduellement dans la profondeur du liquide. La coagulation du lait n’est pas due à une sécrétion de présure, mais résulte de l'influence de l'acide produit par le microbe aux dépens de la lactose. En effet, le lait additionné de carbonate de chaux ne se coagule pas, bien que le bacille y végète à merveille, et du lait qu’il a rendu acide, neutralisé avec la soude, n’a pas non plus d'action sur la caséine. J'établirai bientôt la cause pour laquelle la matière rouge ne se développe pas dans le lait a la température de 30-35°. Je tiens cependant à faire remarquer que la culture du bacille rouge à cette température a une certaine influence sur la fonction chromo- gène de cet organisme : ainsi le bacille qui avait vécu dans ces conditions, donne sur Pomme de terre, à 30°, des colonies qui sont d'abord blanches; ce n'est qu'au troisième jour que j'ai vu appa- raitre de nouvelles colonies légèrement teintées de rose. Une deuxième culture, à 30°, des colonies incolores, prend, dés le début du développement, la coloration rouge normale. A la température de 18-20°, les colonies de la race cultivée dans le lait à 30° sont rouges dès le premier jour. L’exemple de la culture dans le lait nous permet de prévoir que la fonction chromogène du bacille rouge peut être influencée par la présence d'un acide organique, et par l'action d’une température assez élevée. Nous allons voir qu'il peut encore exister d’autres causes de variations. ToME III, 1890. 134 E. LAURENT. — ETUDE SUR LA VARIABILITÉ I INFLUENCE DE LA TEMPERATURE ET DE L’OXYGENE SUR LA FONCTION CHROMOGENE DU BACILLE ROUGE. Le bacille rouge ne croît presque pas a des températures infé- rieures à 10°, et ne se développe plus a 42°; l'optimum de tempé- rature est compris entre 30 et 35°. A partir de 36°, il souffre et donne des colonies incolores, qui redeviennent colorées lorsqu’on les cultive a des températures plus basses. Dès la premiere géné- ration, la matière rouge fait sa réapparition. Même des cultures faites à 39°5, et que j'avais maintenues pendant quatre jours à cette température, sont devenues roses après quelque temps de séjour a 15°, et a la suite d’une croissance nouvelle. L'action de l'air n’est pas indispensable à la croissance du bacille rouge. Sans être doué de propriétés anaérobies très accusées, il se développe dans le vide, mais n'y est jamais coloré, de même que les autres bactéries chromogènes. La privation d'oxygène paraît exercer une certaine influence sur Ja race. J’ai préparé trois tubes à essais, dont chacun contenait un petit fragment de Pomme de terre. Après y avoir ensemencé une très petite parcelle de colonie rouge, j'ai fait le vide dans l'un des trois tubes, introduit de l'hydrogène dans le deuxième et de l'acide carbonique dans le troisième. L'air renfermé dans les parties profondes de la Pomme de terre est difficile à enlever : il était donc resté une très petite quantité d'oxygène dans les tubes, malgré le temps assez long que j'avais consacré à chasser l'air avec de l'hydrogène. Aussi, quelques colonies rouges prirent naissance dans les trois cultures placées a 30°; la croissance s'arrêta bientôt faute d'oxygène, mais lorsque j'eus fait pénétrer de l'air dans les tubes, ces colonies rouges produisirent de nouvelles colonies vigou- reuses et {out à fait incolores. Il y a plus. Les colonies nées dans le tube qui avait été rempli d'acide carbonique, ensemencées en série Tome III, 1890. DU BACILLE ROUGE DE KIEL. 135 sur des tranches de Pommes de terre, ont donné, à la temperature de 30°, des cultures incolores pendant deux générations. A 15-20°, le retour de la coloration fut immédiat. Les colonies formées dans l'hydrogène et dans le vide ont fourni à 30° des cultures légèrement roses au premier passage et rouges par la suite. IT INFLUENCE DE LA RÉACTION DU MILIEU SUR LA FONCTION CHROMOGÈNE DU BACILLE ROUGE. La coloration du bacille rouge est influencée d’une manière assez curieuse par les acides. On en a la preuve lorsqu'on le cultive comparativement dans du bouillon neutre, dans du bouillon addi- tionné de 1 °/. d'acide tartrique, et dans le même liquide avec I °/ de soude. La croissance est sensiblement la même dans le bouillon neutre et dans celui qui est alcalin. Celui-ci se colore en rouge assez vif et celui-là en rouge beaucoup plus pâle. Si l'on examine la réaction avec le papier de tournesol, on voit que le bouillon neutre est devenu acide, tandis que, après vingt-quatre heures à 20°, l’autre est encore légèrement alcalin. Dans le liquide acide, la croissance est extrêmement lente, et il n’y a aucune trace de coloration. La conclusion à tirer de ce premier essai, c'est qu'un certain degré d’acidité nuit à la croissance du bacille rouge et l'empêche de produire son pigment. Pour que cette vérité soit encore plus évidente, j’ai eu recours a la culture dans des solutions de saccharose très pure, additionnées de sels minéraux. Dans six larges matras a fond plat, j'introduis 100 centimètres cubes du mélange minéral indiqué plus haut, plus 2 °/, de saccharose. Deux de ces matras sont neutres, deux alcalinisés avec I °/ de soude; les deux autres sont additionnés de I %oo d'acide tartrique. Tous sont ensemencés avec deux races TOME III, 1800. 136 É. LAURENT. — ÉTUDE SUR LA VARIABILITÉ —————————————— ——————— de bacille rouge, que jindiquerai par les lettres À et B; ces races avaient la même origine, mais différaient légèrement l'une de l'autre par suite de cultures antérieures dans des milieux diffé- rents. Après vingt-quatre heures de séjour à 20°, seuls les matras 4 réaction neutre sont légèrement colorés, surtout celui qui avait été ensemencé avec la race A. A la fin du deuxième jour, l’état des cultures est encore plus frappant. Dans le mélange alcalin, le bacille A est rouge vif et le bacille B est rouge très pale; la colo- ration de ce dernier devient plus accentuée les jours suivants. Dans le mélange primitivement neutre, les deux bacilles sont demeurés rouge pâle; par la suite, ils ne sont jamais aussi colorés que les deux cultures faites en milieu alcalin. Quant aux cultures acides, elles sont restées vierges de tout développement. J'ai dosé l'acidité de trois des matras fertiles. Les deux matras neutres au début de l'expérience avaient, après quarante-huit heures, une acidité équivalente à celle de 5.9 °/, d'acide tartrique. Dans la solution alcalinisée et ensemencée avec le bacille B, l'acidité, après le même laps de temps, correspondait seulement a 3.5 ‘Lo d'acide tartrique. Elle a augmenté les jours suivants concurremment avec l'intensité de la coloration, et a atteint 5.9 °/oo à la fin du troisième jour. Une autre expérience a été entreprise afin de déterminer l'influence de la température sur la production de la matière acide et sur le pigment. J'ai mis en culture avec le bacille A deux matras contenant chacun 100 centimètres cubes du mélange salin, et 18'9 de saccharose (quantité correspondant à 2 grammes de sucre inter- verti). La réaction était bien neutre apres stérilisation. Un matras fut placé a 33°, l’autre a 20°. Vingt-quatre heures plus tard, le matras mis a 20° présente une légère coloration rose; son acidité équivaut a 3.9 °/.. d'acide tartrique, et la solution contient 0895 de sucre interverti sans trace de saccharose. La culture a 33° n’est nullement colorée; son acidité correspond à 4.6 °/..; elle renferme o®'46 de sucre interverti. Après quarante-huit heures (a partir du début de l'expérience), Tome III, 1890. DU BACILLE ROUGE DE KIEL. 137 le matras a 20° est rouge vif; l'acidité est de 4.8 °/.. et la quantité de sucre de o8'8. Le matras a 33° est toujours incolore; son acidité est 5.9 °/.. et il renferme o'4 de sucre. Dans un dernier essai, j'ai mis deux matras avec la méme solu- tion que dans l'expérience précédente, mais j'y ajoutais une certaine quantité de carbonate de chaux. L’un fut placé a 20°, l'autre a 33°. Tous les deux se sont colorés en rouge d’autant plus rapidement que la température était plus favorable a la croissance. La coloration n'était cependant pas aussi vive que dans un matras mis à 20° et dans lequel il n’y avait pas de calcaire pour neutra- liser l’acidité. Mais une goutte d’acide chlorhydrique, ajoutée à quelques centimetres cubes du liquide de culture avec calcaire, avivait aussitôt la coloration et lui donnait une belle teinte fleur de pècher. On peut résumer ces diverses expériences sur le rôle des acides vis-à-vis du bacille rouge, de la manière suivante : 1° Le bacille rouge ne se développe pas dans nn liquide de culture artificiel additionné de I °/.. d’acide tartrique; 2° Il rend acide le milieu de culture; lorsque l'acidité ainsi pro- duite correspond à 5.9 °/.. d'acide tartrique, le microbe cesse de se multiplier ; 3° L’acidité gène également la formation du pigment à une con- centration plus faible que celle qui arréte la croissance (4.6 °) ; mais elle augmente l’intensité de la coloration du pigment produit dans un liquide alcalin, neutre ou peu acide. J'ai, a la page 132, attiré l'attention sur ce fait, en apparence inexplicable, que le lait ensemencé avec le bacille rouge est inco- lore à 30-35°, et se colore en rouge à la température ordinaire. La cause en est très simple. Aux températures voisines de l'optimum, la multiplication des bâtonnets est très active, et par suite la production d’acide est très abondante au point d’empécher la formation du pigment. A la température ordinaire, l’augmentation d’acidité est beaucoup plus lente et ne contrarie pas le développe- ment de la substance chromogéne. L'influence des acides sur le bacille rouge nous explique aussi pourquoi il reste incolore dans les liquides additionnés de sucres, ToME III, 1890. 138 E. LAURENT. — ETUDE SUR LA VARIABILITE de mannite, de glycérine ou d'autres corps qui favorisent la pro- duction de l'acide particulier a ce microbe. Wasserzug ('), qui avait observé la même influence des sucres sur le Bacillus pyocyaneus, le M. prodigiosus et d’autres espèces, croyait a l'action directe des sucres sur le pouvoir chromogène de ces bactéries. Le mème auteur avait vérifié cette observation faite par Hueppe (’), que le Bacillus cyanogenus (du lait bleu), devenu incolore dans les liquides a la suite de cultures sur les milieux solides, redevient coloré par des cultures successives dans des liquides d’acidité progressivement croissante. A la suite de ces observations, on était porté à admettre que l'acidité est toujours favorable à la production du pigment par les bactéries chromo- gènes. Les faits relatifs à la coloration du bacille rouge montrent que cette opinion n'est pas complètement exacte. Il convient de distinguer au sujet des acides : 1° leur action sur la végétation des bactéries chromogènes et indirectement sur la coloration des cultures; 2° l'action directe des acides sur la production de la matière colorante; 3° l'action de l'acide sur l'intensité du pigment déjà formé. Enfin, il y a une quatrième action dont il convient de tenir compte : c'est l'influence des acides sur le pouvoir chromogène, influence qui avait été signalée par Hueppe et Wasserzug. | Chez le bacille rouge, on peut aussi obtenir des races qui sont colorées dans les liquides légèrement acides. Il suffit de débuter par des cultures dans du bouillon avec 1 pour 10000 d’acide tar- trique, et de passer ensuite dans des bouillons à */s000, ‘/50 et même "loo GU même acide. Le bouilion devient alors très vivement coloré. Ceci nous prouve une fois de plus l'importance qu'il faut attacher à l'éducation donnée à une race de microbes par une suite de cultures faites dans des conditions particulières. 2 (1) Annales de l'Institut Pasteur, t. 1, p. 587, 1887. (2) HUEPPE, Arbeit. a. d. Kais, Gesund., t. Il, p. 353, 1884. Tome III, 1800. DU BACILLE ROUGE DE KIEL. 139 IV INFLUENCE DE LA TEMPERATURE ET DE L’ACIDE CARBONIQUE SUR LA FONCTION CHROMOGENE DU BACILLE ROUGE. J'ai indiqué précédemment la différence que présentent a 25-35° et à 10-25° les cultures du bacille rouge sur Pomme de terre. Il en est de même des cultures sur gélose, avec cette légère diffé- rence, qu'elles sont, à 30-35°, d’abord rose pale, et ensuite rouge brique. | Sur Pomme de terre, à une température voisine de l'optimum, les colonies sont d’un rouge pourpre violacé, qui rappelle la cou- leur du sang veineux. A la température ordinaire, les colonies sont le plus souvent d'un rouge orangé qui devient plus tard rouge carmin. Quelle est la cause qui détermine cette variation? Est-ce une question de race, ou bien n'est-ce qu'un effet dû aux conditions de culture? Jusqu'à un certain point, on peut dire qu'il y a ici inter- vention des phénomènes d'hérédité, en ce sens que l'on peut exalter la différence de coloration par des cultures successives à la température ordinaire. Mais ils sont dominés par d’autres influences, et voici ce qui le prouve jusqu'à l'évidence. Une culture du bacille rouge est faite à 35°; après quarante-huit heures, elle est rouge violacé et je la mets à 18. Vingt-quatre heures plus tard, elle est devenue rouge carmin à la surface de ses colonies. Replacée à 35°, elle est de nouveau rouge violacé après un jour, et redevient encore rouge carmin à 18° vingt-quatre heures plus tard. Enfin, un cinquième et dernier changement modifie la colo- ration d'une partie des colonies dans les vingt-quatre heures suivantes. Au bout de cinq jours, toutes étaient redevenues rouge violacé. j Il importe de remarquer que ces changements de teinte provo- qués par la température n'intéressent que la couche superficielle ToME III, 1890. 140 É. LAURENT. — ÉTUDE SUR LA VARIABILITÉ des colonies. Les couches profondes restent rouge violacé; au début de la culture, elles sont parfois plus claires, mais ne tardent pas à devenir plus foncées. Aussi longtemps que la culture n’est pas trop âgée, sa coloration est sensible à l'influence de la température. Au lieu de placer les cultures colorées en rouge carmin à l’étuve à 35° pour leur donner la teinte violacée, on peut arriver au même résultat par l'exposition à un soleil modéré pendant cinq ou six heures. Cette observation m'avait fait supposer que les change- ments de coloration du bacille rouge étaient d'ordre chimique. De prime abord, j'avais cru qu'il y avait oxydation d’une matière associée au pigment, et que, par suite de cette action, celui-ci devenait plus foncé. Le mécanisme qui intervient dans cette circonstance est beau- coup plus simple. A l’intérieur de tubes avec tranches de Pomme de terre recou- vertes de colonies rouge violacé du bacille de Kiel, j'ai introduit de l'acide carbonique. Les colonies ont conservé leur teinte à 18-20°, sans jamais présenter le moindre îlot rouge carmin. Au contraire, les colonies rouge carmin des cultures sur Pomme de terre et sur gélose faites à 18-20°, deviennent, dans l'acide carbonique, d'un rouge violacé très foncé après dix à quinze heures de séjour à 30-35°. La coloration est beaucoup plus intense que dans les cultures au sein de l’air faites à la même température. Ni l'hydrogène ni le vide n’exercent la même influence que l'acide carbonique sur la matière colorante du bacille rouge. C'est donc ce dernier gaz qui lui donne la coloration violacée. Peut-être y a-t-il intervention d'une substance particulière, mais il est tout aussi admissible que c'est la matière colorante elle-même qui se combine avec l’anhydride carbonique. Dans cette dernière hypo- thèse, on ne pourrait mieux comparer le rôle de ce gaz qu'à celui de l'oxygène sur l’hémoglobine du sang, avec cette différence que, dans le sang, c'est une teinte moins foncée qui résulte de la combi- naison. L'action de l’anhydride carbonique sur la fonction chromogene du bacille rouge permet d'expliquer certaines particularités que Tome III, 1890. DU BACILLE ROUGE DE KIEL. I4I j'ai signalées dans les pages précédentes. Il arrive que des cultures soient colorées en rouge violacé a 18-20°; ce sont des races tres vigoureuses, au point de produire des bulles gazeuses qui bour- souflent les colonies. Je n’ai pu déterminer les conditions dans lesquelles ces races se produisent; d’ailleurs, elles ne sont pas fixes et, dans leur descendance, il se produit plus ou moins rapidement des colonies rouge carmin sur Pomme de terre. Lorsqu'on a des colonies douées d’une grande vitalité, la pro- duction d'acide carbonique est très active, et toute l'épaisseur de ces colonies est rouge pourpre violacé. Au contraire, à une végé- tation plus lente correspond une respiration moins énergique, et le pigment n'est violacé que dans les couches profondes, là où la diffusion des gaz se fait avec peine. A la surface, cette diffu- sion atteint son maximum et les colonies y sont colorées en rouge car min. Quant à la coloration rouge violacé que présentent toutes les cultures aux températures voisines de l’optimum, elle s'explique par l'intensité des phénomènes respiratoires, et par une émission abondante d’acide carbonique. Les colonies développées à 30-35", placées ensuite à 20°, perdent leur coloration violacée pour devenir rouge carmin, parce que la respiration diminue et permet à la couche superficielle de perdre l’excès d'acide carbonique. La difference de teinte des colonies aux diverses températures est moins manifeste dans les cultures en tube de gélatine que sur Pomme de terre ou sur gélose. Elle n’existe pas dans les milieux liquides, ce que j attribue à la facilité avec laquelle les matières s'y mélangent ; ea outre, ces milieux sont bientôt saturés d'acide car- bonique. Cependant, il se produit parfois de petits îlots rouge carmin a la surface d’une couche de gelatine, liquéfiée et vivement colorée par le bacille rouge. Dissoute dans l’eau ou dans l'alcool, la substance rouge carmin des cultures a 18-20° donne une coloration plus pale que la matière violacée des cultures à 30-35°. On ne sen aperçoit pas si l’on a soin d'éviter le mélange de la couche superficielle moins foncée et des couches profondes saturées d’acide carbonique. ToME III, 1890. 142 É. LAURENT. — ETUDE SUR LA VARIABILITÉ y ACTION DE LA LUMIÈRE SUR LE BACILLE ROUGE. Le bacille est particulièrement sensible à l'action de la radiation solaire. Le 6 juillet 1889, trois cultures que je venais de préparer sur Pomme de terre, ont été exposées dans une direction perpendicu- laire aux rayons lumineux. La matière rouge ne résiste pas à une très vive insolation et se décolore. Un soleil moins ardent la respecte, mais influe néanmoins sur la race. Les trois cultures du bacille rouge furent retirées, l'une après une heure d'insolation, l’autre après trois heures et la troisième après cinq heures; toutes les trois furent placées à l'étuve a 33°. La culture exposée au soleil pendant une heure a donné des colonies blanches et un petit nombre de taches roses. Celle qui avait subi l'influence solaire pendant trois heures a produit des colonies incolores, sauf quelques-unes qui étaient rose pâle. Cinq heures d’insolation avaient stérilisé la troisième culture. Les colonies blanches des deux premières cultures ont été ense- mencées sur tranches de Pommes de terre placées à l’étuve à 33°. La coloration rose se développa dans presque toutes les colonies issues de la culture exposée pendant une heure au soleil. Sauf quelques exceptions, toutes les colonies qui provenaient de la semence insolée pendant trois heures étaient restées incolores. Au troisième passage sur Pomme de terre de ces colonies, il n’y eut plus la moindre trace de coloration rouge. Nous verrons bientôt que cette variation s'est maintenue intacte dans des conditions déterminées. La lumière avait modifié la physiologie du bacille au point d'en faire une race décolorée des plus stables, capable de garder indéfiniment l'impression de la radiation solaire. L'expérience a été répétée plusieurs fois avec le même succès. Il n'est pas nécessaire que la lumière soit très ardente pour deter- Tome III, 1890. DU BACILLE ROUGE DE KIEL. 143 miner la perte du pouvoir chromogéne chez le bacille rouge. J'ai vu des cultures, exposées au soleil pendant trois, quatre ou six heures en septembre et octobre, donner aussi un mélange de colo- nies blanches et roses. Celles-ci étaient plus nombreuses que dans les cultures insolées pendant l'été. Quant aux colonies blanches, leur descendance avait une tendance assez prononcée à retourner au type originel ; néanmoins, j'ai pu en obtenir des races absolu- ment décolorées. Le peu de stabilité des variations incolores obte- nues en automne est la conséquence d’une radiation insuffisante et se conçoit sans difficulté. Des cultures du bacille rouge faites à 18-20°, et qui avaient la teinte rouge carmin, ont donné également des races incolores à la suite d’une insolation suffisante. Dans toute culture dont la semence a été exposée au soleil, on observe toujours des colonies entièrement blanches et d’autres d'un rouge plus ou moins pâle. Il faut attribuer ces différences à l'in- égale sensibilité des germes vis-à-vis de la lumière. Un autre facteur entre également en jeu : c'est la différence d'action de la radia- tion par suite de causes accidentelles, comme les impuretés qui recouvrent çà et là le verre, ainsi que l'inégale épaisseur de la couche de semence sur la tranche de Pomme de terre. Un certain nombre d'essais ont été faits pendant le mois d'octobre 1889 et le mois de juillet 1890, dans le but de déter- miner le rôle que joue l'oxygène dans les phénomènes en cours d'étude, et la nature des rayons qui influent sur la perte de la fonction chromogène chez le bacille rouge. Des tubes de culture ont ete exposés au soleil après avoir été vidés d'air ou remplis d'hydrogène ou d’acide carbonique. 11 résuite de ces essais que l'action de la lumière sur le bacille rouge se fait surtout sentir en presence de l'air; c'est alors seulement qu'il se produit des races décolorées d'une manière durable. Dans le but de rechercher l'influence propre aux diverses régions du spectre, j'ai eu recours à des écrans constitués par des solutions saturées d’alun, de bichromate de potassium, de sulfate de cuivre ammoniacal et de sulfate de quinine. Les solutions qui servaient d'écrans avaient 15 millimètres d'épaisseur. TOME III, 1890. 144 É. LAURENT. — ÉTUDE SUR LA VARIABILITÉ Sous l’alun, le bacille est impressionné aussi vivement qu'à la lumière directe; il en est à peu près de même sous la solution de sulfate de quinine. Ce sont donc les rayons lumineux du spectre qui ont l'action prépondérante sur le bacille rouge. Cependant, les cultures dont les semences avaient été exposées au soleil sous la solution de bichromate de potassium n'en avaient gardé aucune modification bien apparente. Sous le sulfate de cuivre, la perte du pouvoir chromogène était un peu plus marquée. Il semble que toutes les radiations lumineuses interviennent dans la destruction du pigment et la production de races incolores chez le bacille rouge, mais que le maximum d'action appartienne à la partie la plus réfrangible de ces radiations. VI PROPRIÉTÉS DE LA VARIÉTÉ INCOLORE DU BACILLE ROUGE, La variété incolore du bacille rouge, obtenue sous l'influence de la lumière, ne diffère du type ni par la taille des bâtonnets, ni par la rapidité du développement. Sur lame de gélatine, les colonies ont le même aspect que celles du type originel; celles qui sont superficielles se colorent à 18-20°, en rouge pâle. Il en est de même en tube de gélatine à la tempéra- ture ordinaire. Au contraire, les cultures sur gélose et surtout sur tranches de Pomme de terre, placées à l'étuve à 25-35°, restent complètement incolores. A cette température, le type originel est toujours rouge violacé. Trente-deux cultures successives de la race incolore ont été faites sur Pomme de terre à la température indiquée. Jamazs il n'est apparu la moindre trace de coloration. Dans ies liquides nourriciers, la constance de la même variété n'est pas moins remarquable. A la température ordinaire, de Tome III, 1890. DU BACILLE ROUGE DE KIEL. 145 même qu’à l’étuve à 30-35°, le bacille demeure incolore, non seule- ment dans le bouillon, mais dans tous les mélanges qui se sont montrés le plus favorables à la production du pigment, tels que les albuminoïdes, la peptone, les sucres en solution alcaline, le lactate de calcium. La culture dans des bouillons de plus en plus acides ne rend pas la fonction chromogène au bacille décoloré, comme cela se fait pour le bacille du lait bleu. Dans le lait, il reste incolore à toutes les températures. La coa- gulation, sous l'influence de l'acidité, se produit tout aussi rapide- ment que dans les cultures du bacille rouge typique. Quel que soit le milieu de culture où ie bacille s’est maintenu incolore (Pomme de terre ou gélose a 30-35°, bouillon, lait. mélanges nutritifs), la matière colorante reparait toujours quand on le reporte sur tranches de Pomme de terre, à une température comprise entre 10 et 25°. La coloration est tout aussi vive que celle du type placé dans les mêmes conditions. Mais le retour de la fonction chromogène n'est pas définitif : des que la race se retrouve dans les conditions indiquées plus haut, elle donne de nouveau des cultures tout à fait incolores. J'ai fait une douzaine de cultures successives sur Pomme de terre, alternativement à 18-20° et a 30-35°, sans jamais avoir vu une colonie incolore à 18°, ni une trace de coloration à 35°. Une colonie née à haute température ne devient pas colorée si on la porte ensuite à basse température. Lorsque la Pomme de terre n'est pas complètement recouverte, on voit un bord rouge se former autour des colonies incolores. Inversement, une culture rouge à 18-20° ne se décolore pas à 35°; elle devient plus violacée par suite de l'activité des phénomènes respiratoires. Si la croissance continue, les nouvelles formations sont tout à fait incolores. La variété artificielle du bacille rouge se distingue donc par l'absence de coloration dans les milieux de culture liquides les plus divers à toutes les températures ; par le mème caractère dans les cultures sur tranche de Pomme de terre et sur gélose à 25-35°, et par une coloration rouge très pale dans le bouillon gélatinisé. Elle ressemble au type dont elle provient, par la forme de ses Tome III. 10 TOME III, 1890. 146 É. LAURENT. — ETUDE SUR LA VARIABILITÉ bâtonnets et de ses colonies, et surtout par l'identité de coloration sur Pomme de terre et sur gélose aux températures inférieures à 25°. Ces propriétés sont complètement stables depuis plus d’un an, malgré les nombreux passages subis par la variété incolore dans les milieux ies plus différents. Par le chauffage à 56 et à 63°, pendant cinq minutes, de semences de la variété incolore conservées pendant trois mois, j'ai obtenu une variété qui reste incolore, à toutes les températures, sur tranches de Pomme de terre. Cette nouvelle variété est fort débile et peut être considérée comme le produit d'une véritable dégénérescence. Quant au bacille rouge typique, il résiste à 63° sans présenter d’altération ni dans la coloration ni dans la vigueur du développe- ment. Le chauffage à 70°, et pendant cinq minutes, le tue de même que la variété incolore. Je ferai remarquer en terminant l'importance du retour de la fonction chromogène sur tranche de Pomme de terre à la tempé- rature ordinairé comme preuve de la pureté de mes cultures. A défaut de cette preuve, on aurait pu m'objecter que le bacille que j'ai étudié a été peu a peu remplacé accidentellement par une autre espèce dans la série de mes essais. Je me suis ainsi trouvé en mesure de rattacher directement la nouvelle race décolorée au type primitif. Mais on peut facilement concevoir des cas de varia- tions qui n’ont plus d'attache avec leurs types originels. Et ceux qui les étudient seraient naturellement conduits à les considérer comme des formes spécifiques. Seules, des études expérimentales suffisamment variées pourront nous éclairer sur ces variations des Bactéries. Il me semble, en outre, que quelques notions solidement établies sur des faits du même ordre, seraient de nature à appuyer des idées qui tendent de plus en plus à se faire jour dans la science des microbes pathogènes. Supposons, en effet, pour fixer les idées, que le bacille rouge de Kiel soit pathogène et qu'il doive sa virulence à sa matière colorante. On serait naturellement porté à le consi- dérer comme différent d’un bacille saprophyte qui lui ressemblerait ToME III, 1800. DU BACILLE ROUGE DE KIEL. 147 en tout sauf dans sa fonction chromogéne. Celui-ci serait considéré comme inoffensif, jusqu’au jour où l'un de ces hasards de la vie de laboratoire aurait mis un expérimentateur sur la voie de la trans- formation de la race saprophyte en race pathogène. Dans notre hypothése, par la culture sur Pomme de terre a basse température, la première deviendrait capable de produire la substance toxique; elle serait devenue virulente. Si l'étude des conditions de ce retour a la virulence n'a pas encore été abordée, il est déjà permis de prévoir sa possibilité, et d'envisager le vaste champ qu'elle fournira aux investigations dans un avenir peut-être rapproché. Les relations étroites signalées dans le dernier numéro des Annales de l'Institut Pasteur (vol. IV, p. 409), par MM. Roux et Yersin, entre le bacille pseudo-diphté- rique et le bacille diphtérique vrai, en fournissent un remar- quable exemple. Assurement, le transformisme indéfini des Bactéries rêvé par l'ancienne école polymorphiste n’est qu'une chimère. Mais quel vaste champ de recherches reste à explorer dans la voie des varia- tions physiologiques des microbes ! Travail fait au Laboratoire de chimie biologique de la Sorbonne. NOTE SUR QUELQUES MUCÉDINÉES DE LA FLORE DE BELGIQUE PAR A. DE WËVRE (1 On range sous le nom de Mucédinées simples (?) tous les Cham- pignons filamenteux se développant à la surface des matières vivantes ou inanimées et produisant des spores externes. On admet généralement que ces organismes ne sont que des formes conidiennes d’autres Champignons, appartenant soit à des Ascomycètes, soit a des Hyménomycètes, ou à des Mucorinées. Pour certains d’entre eux, on sait avec certitude que ce ne sont que des formes conidiennes: tels sont, par exemple, les Aspergillus et Jes Penicillium; mais pour le plus grand nombre, on n'a que de très vagues idées ou même on ne connaît rien touchant leur auto- nomie. Pour ma part, je crois que certaines Mucédinées ne se pre- sentent que sous un seul état, et je pense qu'il sera impossible de les rattacher à une forme ascomycète. Tel pourrait bien être le cas des OEdocephalum, dont je n’ai pu trouver de formes ascomycètes, bien que je les aie cultivés pen- dant assez longtemps, en grande masse, sur crottin de Cheval. (*) Cette note a paru dans le Bulletin de la Société royale de botanique de Belgique, t. XXVIII, 2° partie, p. 128, 1889. (7) CosTanTIN, Les Mucédinées simples. TOME III, 1880. 150 A. DE WEVRE. — NOTE SUR QUELQUES MUCEDINEES Il se peut très bien que certaines Mucédinées ou n'aient jamais eu que la forme conidienne, ou que les formes ascomycètes et autres, -ne leur étant d’aucune utilité, se soient à jamais perdues. Ayant trouvé quelques OEdocephalum et Rhopalomyces nouveaux pour la Belgique, je les ai étudiés, et ce sont les remarques et obser- vations faites à leur sujet que je vais exposer; je crois bon d’y joindre une description aussi complète que possible et d'indiquer la place que l'on est convenu de leur accorder actuellement dans la classification. C'est au premier des quatre grands groupes de Mucédinées de Costantin que se rapportent les Champignons dont je vais parler, c'est-à-dire à celui où les spores sont insérées sur un appareil spécial en forme d’ampoule arrondie ou sphé- rique. Ce premier groupe renferme plusieurs genres, entre autres les deux genres Rhopalomyces Corda et OEdocephalum Preuss. Les Rhopalomyces sont constitués par un mycélium fin (1 «), sur lequel se dressent des filaments non cloisonnés, terminés a leur extrémité par un renflement sphérique dont la surface est hérissée de pointes portant des spores allongées noirâtres. Ainsi délimité par Costantin, ce genre ne contient plus que les trois espèces suivantes : R. elegans (Corda), R. nigripes (Cost.), R. Cucurbitarum (Berk. et Br.). D'après Van Tieghem, ces Cham- pignons posséderaient des stylospores, ce qui les rapproche- rait des Mucorinées. Le Rhopalomyces elegans, que j'ai observé, ne me les a pas présentés. Les OEdocephalum sont très voisins des Rhopalomyces; ils s'en distinguent par un mycélium rampant, à filaments larges et cloi- sonnés. Les filaments fructifères qui en naissent, sont terminés par un renflement en massue ou en sphère. Sur cette dilatation se trouvent de petites verrues auxquelles viennent s'attacher des spores incolores ou peu colorées. Saccardo (') indique quatorze espèces comme appartenant au genre OEdocephalum. (*) SAcCARDO, Sylloge Fungorum. Tome III, 1880. DE LA FLORE DE BELGIQUE. 151 Voici la description, ainsi que quelques recherches sur deux OEdocephalum. Œdocephalum fimetarium (Riess.) Sacc., Haplotrichum fimeta- rium. — Ce Champignon a été trouvé a diverses reprises sur crottin de Cheval. Il forme sur ceux-ci de petits amas blanchatres ou des sortes de guirlandes qui s'accrochent aux Mucors. Examiné au microscope, on y reconnaît la présence d’un mycé- lium incolore, cloisonné, à filaments assez épais, d’où partent des tubes conidifères. Souvent les filaments sont placés à deux l’un à côté de l’autre, ou bien l'un des filaments présente à sa base un renflement d’où part une deuxième branche. Les tubes conidifères sont dressés, cespituleux, hyalins, d'une hauteur de 200 à 250 x, pourvus de cloisons ayant un épaississe- ment central. Ils se terminent par un renflement sphérique, incolore, revêtu sur toute sa surface de petites éminences, points d’attache des spores et dont l'ensemble (renflement et spores) forme une tête sphérique. Les dimensions des filaments sont : à la base de 10 à 142 et au voisinage du renflement de 4 à 7 p. Celui-ci mesure de 17 à 28 «, généralement 17 p 85 en hauteur. Les spores sont incolores ou un peu jaunâtres, hyalines, ellip- tiques, allongées, mesurant 8 « en longueur sur 3 « de large. Œdocephalum glomerulosum (Bull.) Sacc., Haplotrichum glo- merulosum (Bull.), Mucor glomerulosus, OEdocephalum elegans (Preuss). Le petit Champignon que je vais décrire m'a présenté des carac- teres qui me le font rapporter a OE. glomerulosum (Bull.), bien qu’il soit plus grand. Son mode de vie ainsi que son habitat sont identiques a ce que nous avons dit de l'OEdocephalum fimetarium; comme celui-ci, il forme sur crottin de Cheval de petites touffes, seulement elles sont plus élevées et leur taille peut atteindre 1 millimètre. Le mycélium est formé de tubes épais assez larges, incolores, d’cu s'élèvent des filaments conidifères à peu près incolores, cylin- Tome III, 1880. 152 A. DE WEVRE. — NOTE SUR QUELQUES MUCEDINEES driques, larges de 7a 8 «, pourvus de cloisons à épaississement central très net. Cette espèce permet d'observer très bien ce genre de cloison, assez fréquent du reste chez les Champignons. Ce sont des mem- branes en verre de montre dont le centre est occupé par un épais- sissement plus ou moins marqué suivant les espèces; cet épaissis- sement se produit des deux côtés de la cloison. Le tube précédemment décrit présente à son extrémité un ren- flement en forme de ballon, dont la surface est garnie d’éminences au sommet desquelles les conidies viennent s’insérer. La hauteur de ce renflement est de 35 w. Les conidies, assez nombreuses et peu colorées, forment une tête sphérique: elles sont soit ovales, soit plus ou moins piriformes; leurs dimensions varient de 17 à 25 « en longueur. J'ai pu observer toutes les phases de la formation de ces conidies. Voici comment les choses se passent. Sur le mycélium, on voit une protubérance prendre naissance ; celle-ci s’allonge jusqu'a ce qu'elle ait la grandeur voulue, puis alors elle renfle son extrémité en ballon. Sur le renflement ainsi constitué, les spores se forment par bourgeonnement; on y aperçoit tout d'abord de très petites sphères pédicellées qui, dans la suite, augmentent de volume, s’allongent et construisent leur pédicelle; en même temps, la conidie acquiert sa forme et son volume définitifs. Cette espèce m'a aussi servi à faire quelques recherches sur les noyaux. Les tubes conidiens placés pendant un certain temps dans de la picronigrosine. puis traités successivement par l'alcool, l'essence de girofle et finalement inclus dans le baume, m'ont montré de très petits corps colorés en bleu, que je considère comme étant des noyaux. Ils sont fort petits (1 «), ovales, a plusieurs dans une cellule et plongés dans le protoplasme qui tapisse le tube. Dans les spores, il paraît n’y avoir qu'un seul de ces petits corps. Rhopalomyces elegans (Corda), Haplotrichum elegans (Corda). J'ai rencontré ce joli petit Champignon sur des crottins de Chèvre. Tome III, 1889. DE LA FLORE DE BELGIQUE. 153 Bien qu'il n’ait pas plus d'un millimètre de hauteur et que ses filaments soient épars sur le substratum, on le remarque assez faci- lement grace a la téte noire relativement forte qui termine le fila- ment. Le tube conidifere, incolore, hyalin, cylindrique, non cloi- sonné, d’un diamètre de 15 à 20 uw, se termine, d’une part, par une sorte de système radiculaire/formé de quelques filaments inco- lores et cloisonnés, d’autre part, par un renflement globuleux, incolore, dont la hauteur est de 53 » et la largeur de 5o w. La surface du renflement est hérissée d'une quarantaine de pointes ayant jusqu’à 7 « de longueur et servant à l’insertion des spores. Ces spores sont remarquables par leurs dimensions extra- ordinairement grandes: j'en ai mesuré dont la longueur allait jusqu’à 57 « sur 27 « de large. Elles présentent la forme ellipsoide et, lorsqu'elles sont bien mûres, elles ont une teinte brun noirâtre tres caractéristique. On remarque habituellement sur ces spores un enfoncement qui dispa- raît apres quelques minutes de séjour dans l’eau. J'ai essayé de faire germer ces spores, mais malheureusement je n'ai pu y par- venir ; elles ne se développent ni dans l’eau, ni dans une solution de glucose, ni dans une décoction de crottin de Cheval. Peut-être doivent-elles préalablement passer par le corps d'un Animal, comme c'est le cas pour les Ascobolus. Nr EU : É HU he MAÉ ee a Mi . RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR RE Phy CUMYCES . NEFENSKRUNZE) PAR A. DE WEVBRE (’). Ce Champignon fut trouvé pour la premiere fois en 1817 par C. Agardt (*), qui, a cause de sa coloration verte, le prit pour une algue et lui donna le nom d’Ulva nitens. Il fut ensuite retrouvé par Kunze (), qui le placa parmi les Champignons et l’appela Phyco- myces nitens; cet auteur le considérait comme un Aspergillus. Ce fait fut démontré inexact par Berkeley (*), qui, remarquant la similitude de cet organisme avec le Mucor, l'incorpora dans ce . genre. Quelques autres botanistes le rencontrerent encore et le décri- virent sous différents noms. Tous les mycologues précités avaient trouvé le Phycomyces sur des substances imbibées d'huile ou des corps gras; Carnoy (°) le (1) Ce travail a paru dans le Bulletin de la Société royale de botanique de Belgique, t. XXIX, 2° partie, pp. 107-125, 1801. (2) C. AGARDT, Synopsis Algarum Scandinaviae, 1817, p. 46: IDEM, Spectes Algarum, 1823, I, p. 425. (3) Kunze UND SCHMIDT, Mykhologische Hefte, IL, 1823, p. 113. (4) BERKELEY, Outlines, pp. 28 et 407. (5) CARNOY, Bulletin de la Société royale de botanique de Belgique, t. IX, n° 2, p. 157, 1870. Tome III, 1801. 156 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES rencontra a Rome sur un excrément humain et fit sur cet orga- nisme un très long travail. Il le désignait sous le nom de Mucor romanus. L'étude de ce Champignon fut ensuite reprise par Van Tie- ghem (*), qui vérifia et corrigea les recherches de ses prédécesseurs, en y ajoutant des détails nouveaux et en indiquant ses zygospores. Il le sépara du genre Mucor pour le rapporter au Phycomyces nilens. Aujourd'hui ce Champignon, quoique toujours rare dans la nature, se voit dans presque tous les laboratoires de physiologie, où il est employé pour la démonstration d'un grand nombre de phénomènes; je citerai l'hydrotropisme, l'héliotropisme, le géotro- pisme, la croissance, etc. Cultivé en grande masse, ce Champignon forme des touffes d’une teinte vert bleuâtre plus ou moins foncé et d’une hauteur qui est généralement de 7 ou 8 centimètres, mais qui peut atteindre 15 à 20 centimètres et même, d’après Van Tieghem, 30 centimètres, dimension à laquelle je n'ai jamais pu arriver, même avec des milieux identiques à ceux employés par cet auteur. Ce cryptogame est constitué par un mycélium d’où s'élèvent des tubes portant à leur extrémité une sporange contenant des spores. Prenons maintenant une spore et observons ce qui se passera si nous la plaçons dans un milieu nutritif convenable. Pour cela, nous pouvons la mettre soit dans une goutte de décoc- tion de pruneaux, soit sur une plaque gélatinée, ce qui me semble encore plus commode. Dans ces conditions, la spore se décolore et, absorbant de l'eau, se gonfle très fortement ; bientôt elle envoie de l’une de ses extré- mités, ou de toutes les deux, une branche hyaline qui s'allonge fortement et produit sur tout son parcours des branches secon- daires, lesquelles se ramifient à leur tour et finalement donnent naissance à un système très ramifié, ce qui est évidemment très (6) Van TIEGHEM et LE MONNIER, Annales des sciences naturelles, 5° série, t. XVII, p. 284. Tome III, 1891. SUR LE PHYCOMYCES NITENS (KUNZE). 157 favorable a l’exploitation du substratum. Ce mycélium présente certains rameaux renflés en massue; ce genre de production est surtout abondant dans les cultures sur plaques gélatinées avec moût de bière. Ces renflements mycéliens donnent habituellement naissance à des radicelles, plus rarement à des filaments fructifères. Ils sont quelquefois remplis d’un protoplasme granuleux et parfois une cloison les sépare de la branche mère, ce qui permettrait de les considérer comme des sortes de chlamydospores mycéliennes dépourvues de stade de repos. Si l'on examine les plus gros rameaux du mycélium à un fort grossissement, on voit que le protoplasme interne est animé d’un mouvement assez rapide; c'est un spectacle vraiment curieux que de voir ce protoplasme s'écouler comme l’eau d’un ruisseau en charriant d'innombrables petits granules. Les tubes sporangifères apparaissent sur le mycélium sous forme de protubérances qui s'allongent, sortent du milieu nutritif et viennent à l'air. Si le substratum est solide, le deuxième ou le troisième jour (suivant la température), on constate qu'il est recou- vert d'un mycélium, d'où partent des filaments dressés, d’un blanc sale, terminés en pointe, d’une hauteur de 10 à 15 millimètres. A ce stade, la croissance s'arrête, chaque hyphe renfle alors son extrémité en une petite sphère arrondie. Ce renflement prend d’abord une teinte jaune qui s’accentue de plus en plus et finit par être d'un jaune doré; le restant du filament, jaune dans le voisinage du sporange, commence à prendre une légère teinte verdâtre qui arrive à son maximum d'intensité vers la base. En mème temps que le sporange se forme, la columelle se développe, et les spores y apparaissent lorsqu'elle est achevée. La croissance du Chainpignon reste stationnaire pendant toute la durée de la formation du spo- range; une fois celle-ci achevée, le Phycomyces se remet à croître avec une rapidité beaucoup plus grande que dans la période d’allon- gement précédente. Ce développement rapide se continue pendant quelques jours, après quoi il se ralentit pour s’arréter définitive- ment; cet arrèt survient au bout de sept, huit, douze et même quinze jours, Selon le milieu et la température ; notre Champignon a alors acquis sa taille maximum. Tome III, 1807. 158 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES Si nous l’examinons a ce moment, nous constatons que les fila- ments fructiferes sont simples, non cloisonnés, d’une couleur bleu verdâtre plus ou moins foncé, dont l'intensité augmente encore avec l'âge et varie avec le milieu, comme je le démontrerai dans la suite de ce travail. Ses dimensions en longueur varient énormément, suivant la nature des substratums sur lesquels il se développe. Sur pain, il a babituellement 8 ou g centimetres de hauteur, mais en addition- nant le pain de diverses substances nutritives, on peut lui faire atteindre 15 a 20 centimetres. Van Tieghem a vu sa taille s’élever a 30 centimetres sur laque de cochenille. La largeur des filaments varie d'un individu à l’autre et elle n'est pas la même à toutes les places d'une même tige, car le tube, large à la base, s’amincit en se rapprochant du sporange. Voici les dimensions qui se con- statent le plus fréquemment : Base au filament LP 200 GO 1 En'peuplus hawt ss ON EE NEO Voisinage du sporange. . . . 60p Lorsque le sporange est près d'atteindre son volume définitif, la columelle s'y forme et s'y développe; enfin, quelques heures après l'apparition de la columelle, la croissance du sporange finit ; c’est alors que la division en spores s’y effectue et qu'il acquiert son état de maturité complète. Pendant le temps que les spores formées mûrissent, la couleur du sporange se modifie; de jaune qu'elle était, elle devient bru- nâtre pour être finalement d’un brun noiratre a la maturité. Le sporange n’est pas déhiscent comme celui de certains Mucor, mais il est diffluent, c'est-à-dire qu'il absorbe de l'eau et se trans- forme en une masse semi-liquide dans laquelle la membrane spo- rangiale et la matière intersporaire disparaissent ; de sorte qu'à un moment donné on n’observe plus de membrane. Les sporanges du Phycomyces sont globuleux, leur dimension est ordinairement de 1 millimètre, quelquefois davantage. La columelle est habituellement remplie d'un protoplasme gra- Tome III, 1891. SUR LE PHYCOMYCES NITENS (KUNZE). 159 nuleux, jaunâtre; sa forme la plus habituelle est celle d’un cylindre déprimé vers son milieu (forme de violon, panduriforme); parfois, surtout les filaments malingres, présentent une columelle cylin- drique ou ovoide. Les sporanges renferment un très grand nombre de spores : d'après Van Tieghem jusqu'à 80,000. Ces spores sont elliptiques, allongées, parfois un peu aplaties sur l’un des côtés, hyalines ou légèrement jaunâtres quand elles sont isolées et d’un jaune bru- nâtre quand elles sont en grand nombre. Leurs dimensions varient entre 17 p 85 et 22 p, très souvent 21 » en longueur; leur largeur est comprise entre 8 et 15 z. Toute cette description s'applique au Phycomyces normal, tel qu'il se présente sur du pain humide; nous allons maintenant exa- miner l'aspect qu'il prend sur d’autres milieux, ainsi que les ano- malies qu'il peut présenter. Carnoy et Van Tieghem avaient déja fait quelques observations au sujet de l'influence du milieu; j'ai revérifié les faits avancés par ces auteurs et J'ai fait des recherches nouvelles qui prouvent que le milieu a une très grande influence sur la forme, la couleur, la taille, le port et l'aspect du Champignon. Les milieux employés sont : les substances solides, liquides et semi-liquides. Comme liquides, j'ai fait usage de la décoction de pruneaux, de jus de citron, de diverses décoctions de crottins, de solutions de sucre et de glucose, de liquides nutritifs minéraux, etc. Semées dans l’eau distillée ou dans l'eau ordinaire, les spores ne germent jamais; dans l’eau distillée sucrée (8 °/), on obtient une germination, mais elle ne continue pas. Cela est dû au manque d'aliments. | Dans les solutions concentrées de glucose (8 °/.) faites avec de l'eau ordinaire, les spores développent quelques branches mycé- liennes qui se remplissent bientôt d'un protoplasme granuleux, puis, une douzaine de jours aprèsl'ensemencement, produisent deux ou trois sporanges. Ces productions avaient environ 250 # de hau- teur et se terminaient par un sporange brunâtre, renfermant une douzaine de spores de 10 p de longueur. Ce faible développement Tome III, 1897. 160 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES était sans doute dû au manque d'azote. J'ai aussi fait quelques essais avec de l’eau ordinaire stérilisée, additionnée des diverses substances suivantes: acide oxalique 1 °/,, chloral 1 °/,, chloral 0.5%/o, acide tartrique 1 °/., sucre de glycose 8 °/.. L’acide oxalique n’a pas permis la germination; au bout de quelques jours, les spores étaient plasmolysées, ce qui indiquait que la concentration était trop forte. Le chloral à 1°/. et celui à 0.5 °/, n'ont rien donné, mais il n’y a pas eu plasmolyse. Avec l'acide tartrique à 1 °/., les spores n’ont pas germé, mais par contre du Penicillium glaucum s'y est parfaitement bien déve- loppé. La solution de sucre seule a donné des résultats, mais, comme je l'ai dit plus haut, ils étaient bien maigres. Les décoctions de pru- neaux et d'autres permettent la germination, mais ne donnent jamais d'aussi beaux résultats que les milieux solides, même les plus mauvais. Les aliments solides expérimentés sont le pain, seul ou addi- tionné de liquides nutritifs divers, différentes gélatines, l'agar- agar, du foie de bœuf, des rondelles de carotte, de citron, de pomme de terre, de la fécule de pomme de terre, différents excré- ments (Chien, Cheval, Mouton), etc. Sur pain simplement mouillé, les Phycomyces acquièrent, après une huitaine de jours, leur développement maximum (si la tempé- rature est d'au moins 14°); ils présentent alors tous les caractères précédemment indiqués : couleur d’un vert bleuâtre foncé, taille de 8 ou 9 centimètres. Si nous prenons une pincée des filaments qui recouvrent immé- diatement le pain, nous trouvons un très grand nombre de Phyco- myces anormaux; ce sont de petits avortons dont la présence avait déjà été constatée par Carnoy et Van Tieghem. L’humidité m'a paru en augmenter considérablement le nombre; toutefois on les trouve dans toutes les cultures, aussi bien sur gélatine que sur pain, et dans toutes les conditions. Leur apparition a lieu soit tout au commencement du développement, alors que le mycélium n'est pas encore suffisamment formé pour pouvoir absorber une grande quantité d'aliments, soit à la fin lorsqu'il est épuisé. Je les Tome III, 1891. SUR LE PHYCOMYCES NITENS (KUNZE). 161 ai également vus se former sur une plaque de gélatine placée dans une atmosphère d’anhydride carbonique. Les spores germant dans les liquides ne donnent souvent pas lieu à autre chose. Ces Phyco- myces avortes sont très petits; souvent ils n’ont pas mème 1 milli- mètre; leur coloration est jaune brunâtre; ordinairement ils partent du mycélium à plusieurs en un même point, formant un petit faisceau. | Leur tube sporangifère est habituellement très renflé et terminé par un petit sporange arrondi, la columelle diffère totalement de celle des Phycomyces normaux; exceptionnellement, elle est bien marquée et affecte alors une forme presque cylindrique ou celle d'un ellipsoïde placé sur un de ses côtés larges ; le plus souvent, la columelle n’est représentée que par une simple cloison à peine bombée, placée soit au sommet du tube sporangifère, soit à une distance plus ou moins grande dans le tube. Carnoy a dessiné une de ces formes dans laquelle les spores remplissent non seuicment le sporange, mais aussi tout le tube. Bien que j'aie examiné un très grand nombre de ces formes naines, je n’ai jamais rencontré ce cas, ce qui me fait croire que l'individu examiné avait perdu sa columelle, ce qui avait permis aux spores de se répandre dans le pied. Les spores sont sphériques ou plus ou moins elliptiques, d'une coloration jaune, a contenu granuleux; leurs dimensions oscillent autour de 16 w. J'ai recherché quelle pouvait bien être l'influence d’une humi- dité très forte sur le Phycomyces. A cet effet, J'ai pris deux morceaux de pain de mêmes dimensions; je les ai stérilisés, puis ensemencés. L'un des deux fut placé dans une atmosphere très humide, l’autre dans les conditions ordinaires. Cette expérience m'a permis de constater qu'une humidité très forte leur était très nuisible; les Phycomyces y sont moins nombreux, plus petits et de plus pré- sentent toutes sortes de déformations dues a l’hydrotropisme. La lumière solaire agit aussi sur le Phycomyces. Pour le constater, il suffit de prendre deux cultures faites dans les mêmes conditions, placées au même endroit, également chauflées, et de recouvrir l’une d'une cloche noire, l’autre, d’une cloche ordinaire. Tome III. II Tome III, 1891. 162 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES Au bout d’un certain temps, on peut constater que celui qui a été exposé à la lumière est plus petit que l’autre. ‘ Deux cultures faites, l’une sur du pain humecté d'eau, l'autre sur du pain imbibé d'une solution sucrée (glycose), m'ont démontré l’action bienfaisante du sucre sur le développernent de notre Cham- pignon. En effet, les Phycomyces développés sur pain sucré étaient beaucoup plus beaux et plus grands que ceux de l’autre culture. Le quatorzième jour, j'ai mesuré des filaments ayant 14 */, centi- mètres de hauteur. Une autre culture sur pain additionné de sucre m'a offert des faits assez singuliers. Les Phycomyces qu'elle donnait étaient d'une taille assez élevée, certains avaient jusqu’à 16 centimetres de hau- teur, mais ils étaient pour la plupart stériles ; au lieu de présenter un sporange à leur extrémité, ils se terminaient par une pointe; de plus, un grand nombre d’entre eux, quoique bien vivants, présen- taient un enroulement en tire-bouchon très curieux. Les filaments fertiles enroulés d’une semblable façon étaient rares. Les cultures sur pain arrosé d’une solution de peptone à 1 ° donnent des Champignons dont la taille est plus forte, la couleur plus vive et la croissance plus rapide que sur pain seul. Le pain humecté de jus de pruneaux donne de fort beaux Phycomyces, mais les cultures sont encore bien plus belles et mieux fournies si, outre le jus de pruneaux, on ajoute une solution de sucre à 6°. C'est l’un des meilleurs substratums. Le Phycomyces semé sur des rondelles de carotte produit, après deux jours, un mycélium blanc qui s'étale à la surface du milieu nutritif; puis, continuant à s’accroître les jours suivants, il a vers le quatrième jour des filaments sporangifères hauts de 1 a 2 centimètres, terminés par un sporange jaune brun. Le sixième jour, ils ont 6 centimètres de hauteur; ils sont bien colorés et tout a fait nor- maux; seulement on remarque que le mycélium, de bianc qu'il était, est devenu jaune, par suite d’un dépôt huileux, et de plus que les filaments sporangifères se sont développés à la périphérie de la rondelle, sur la partie rouge, tandis que ia partie centrale (portion jaune) en est à peu près totalement dépourvue ou n'en possède que de très petits. Dans la suite, les filaments se sont encore accrus, jusqu'à acquérir 8 centimètres de hauteur, et même apres douze Tome II], 1891. SUR LE PHYCOMYCES NITENS (KUNZE). 163 jours les tubes les plus élevés mesuraient jusqu'à 12 centimètres de hauteur. La carotte est donc un excellent milieu de culture. Si l'on prend comme substratum un Oignon cru ou stérilisé à la vapeur d'eau, on observe des choses très singulières; les Cham- pignons qui s'y développent présentent, en effet, un aspect tout différent de celui qu'on est habitué à leur voir. Le mycélium blanc provenant de la germination des spores prend, vers le troisième jour, une couleur jaune; vers le quatrième jour, il s'en échappe des filaments de 1 à 2 centimètres de hauteur, terminés par un sporange jaune. Ces filaments s’accroissent encore un peu les jours suivants et atteignent vers le sixième jour 3 centimètres. A cette époque, ils ont encore toujours leur sporange jaune. Ce Phycomyces, avec ses filaments hyalins et ses sporanges jaunes, est tout à fait remarquable. Toutefois, il a le port du Phyco- myces ordinaire et ses spores ont les dimensions normales, soit 18 à 21 » 5 de longueur sur 7 & 14 à 14 « 28 de largeur ; le diamètre des filaments est toujours moindre que celui de tubes normaux. La columelle peut offrir toutes sortes de formes. En somme, l'Oignon est un mauvais milieu nutritif, qui agit sur le Champignon en empêchant la formation de la matière colo- rante verte. Cette modification résulte probablement de l’action de l'essence. Semé sur tranche de citron frais, le Phycomyces pousse sur les parties blanches du fruit (écorce et cloisons), mais je ne l’ai pas vu se développer sur les portions charnues; ce qui est dû bien certai- nement à leur acidité trop forte. Notre Mucorinée était un peu plus pale que sur pain, mais sa taille allait jusqu’à 7 centimètres de hauteur. J'ai aussi vu le Phycomyces se développer sur une graine de citron coupée en deux; il y était normal, mais petit (4 à 5 centi- mètres de hauteur). Les tranches de pomme de terre crue ne conviennent pas; on n'y voit jamais que des individus rabougris. Les tranches qui ont été bouillies valent beaucoup mieux; elles sont d’autant meilleures qu'elles ont bouilli plus longtemps. Ce fait est facile a vérifier; il suffit de faire bouillir une pomme de terre entière de telle façon que la couche externe soit cuite, tandis que la partie interne soit laissée intacte ou a peu près. Tome III, 1801. 164 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES Si l'on ensemence une semblable tranche, on constate que les Phycomyces de la périphérie, ceux qui se sont développés sur la partie cuite, sont vigoureux, tandis que ceux du centre sont peu nombreux et petits. Sur une tranche de pomme de terre cuite, les filaments peuvent atteindre une hauteur de 7 a 8 centimetres. La fécule de pomme de terre crue ou cuite convient beaucoup moins que le pain. Si l'on fait deux cultures, l'une sur de la fécule de pomme de terre que l'on a cuite de façon a la réduire à l'état gélatineux, l'autre sur de la fécule crue imbibée d'eau ordinaire, froide, mais ayant été préalablement bouillie, on constate sur le premier substratum l'apparition de Phycomyces ayant 4 ou 5 centi- mètres de hauteur, c’est-à-dire d'individus d'une taille inférieure a ceux croissant sur pain. Cela résulte probablement de ce qu'ils n'ont pas assez d’azote à leur disposition. Avec le deuxième milieu (fécule et eau refroidie), j'ai obtenu des Phycomyces nains; c’étaient de petits filaments dressés, verdatres, terminés par un petit sporange brun noiratre; leur hauteur était de 1 centimètre environ. Les cochenilles broyées, préconisées par Van Tieghem pour la production des zygospores, ont aussi été expérimentces. Il s'y est produit des Phycomyces splendides, dont la taille avait 20 centi- mètres de hauteur, mais jamais je n'ai vu une seule zygospore apparaitre. La laque de cochenille, indiquée par le méme auteur, ne ma rien donné de bon, il faut croire qu'elle ne valait rien. Sur papier filtre humide, il était à prévoir que l'on n'obtiendrait rien; c'est ce que l'expérience a confirmé. J'y ai toutefois vu un commencement de mycélium se montrer, mais, faute de nourriture, sa croissance s'est arrêtée. Le foie de porc cuit est un assez bon substratum. Les Phyco- myces qui y avaient été semés, sy sont bien développés; ils avaient une coloration verte assez intense et une apparence vigou- reuse. Ce que j'ai remarqué cependant, c'est la grande taille qu'ils acquéraient avant de donner lieu à la formation de leur sporange; certains avaient au moins 5 centimètres de hauteur et malgré cela ils ne présentaient pas encore trace de renflement ; leur extrémité était mème encore jaunatre. Tome III, 1891. SUR LE PHYCOMYCES NITENS (KUNZE). 165 Différents excréments ont été employés comme substratum : les crottins de Mouton, de Cheval et de Chien. Sur tous, les PAyco- myces se développent, mais leur taille varie suivant la nature du crottin. Les excréments de Chevaux permettent d'obtenir de beaux individus, tout à fait normaux, dont la taille peut s'élever à 8, 9 et 10 centimètres de hauteur. Les crottins de Chien ont donné d'assez beaux Phycomyees ; quant a ceux de Mouton, ils semblent être moins favorables que les autres. En effet, après seize jours, les Champignons ne mesuraient encore que 7 centimètres de hauteur; quelques-uns présentaient une ramification latérale. Les gélatines donnent tantôt de fort belles cultures, tantôt, au contraire, des cultures très médiocres. Cela dépend des substances nutritives dont elles sont additionnées. La gélatine seule ne donne rien; elle n’est pas nutritive. La gélatine additionnée d'une décoction de crottins de Chevaux ne m'a jamais fourni de beaux résultats; au bout de peu de temps, ce substratum se liquéfie. La gélatine aux poires (décoction) vaut beaucoup mieux; j'y ai vu les Phycomyces atteindre 6 centimètres de hauteur; leur colora- tion était plus pâle que la teinte normale. La gélatine avec décoction de figues est encore meilleure. Les filaments fructifères y acquièrent jusqu'à 6 centimètres de hauteur; leur teinte est un peu plus foncée que celle des précédents, mais toutefois encore un peu plus faible que ceux développés sur du pain. De toutes les gélatines expérimentées, la meilleure me paraît être celle du moût de bière. Les tiges y ont la couleur normale et une taille s'élevant à 7 centimètres de hauteur. Ce dernier substratum permet d'observer un phénomène curieux que j'ai vu se reproduire dans toutes les cultures faites avec cette substance nutritive. Voici de quoi il s’agit. Si l'on observe les Phycomyces développés après neuf jours, on constate qu'un très grand nombre d’entre eux présentent une ou deux branches laté- rales. Ces ramifications naissent presque toujours perpendiculaire- ment au filament; elles sont parfois terminées par un sporange. Lorsque ce sporange existe, on peut y constater l’existence d’une TOME III, 1891. 166 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES columelle jaunâtre, en violon, et de spores elliptiques allongées de 21 «. Habituellement au-dessus du niveau ou les branches ont pris naissance, il y a une cloison. En somme, les gélatines sont inférieures au pain comme milieu de culture, mais elles sont plus commodes et permettent d’obtenir plus facilement des cultures pures. L'agar-agar seul ne donne absolument rien. J'ai voulu voir si des cultures en voie de croissance seraient modifiées par une immersion de quelques jours dans l’eau. A cet effet, j'ai pris deux petits cristallisoirs en verre, renfermant de la gélatine nutritive stérilisée ; je les ai ensuite ensemencés, l’un avec des Phycomyces, l’autre avec du Mucor racemosus. Après deux jours, j'ai rempli les cristallisoirs d’eau et je les ai laissés a l’obscurité pendant quatre jours. Apres ce temps, l’examen microscopique m'a démontré que ni l'un ni l’autre n’avait été modifié et que le seul résultat obtenu avait été la mort des Cham- pignons. J'ai alors vidé les cristallisoirs et les ai placés sous cloche; le Phycomyces n'a plus bougé, il était donc bien mort. Le Mucor racemosus, lui, a, au bout de quelques jours, développé de nouveaux filaments sporangifères, lesquels provenaient de la germination des chlamydospores. L’épaisseur du substratum peut-elle influencer les cultures? Pour répondre à cette question, j'ai pris trois morceaux de pain égaux en surface, mais d'épaisseur ditférente. Le moins épais avait environ 3 millimètres d'épaisseur, le deuxième 1 centimetre et le troisième 2 centimètres. À un moment donné, j'ai pu remarquer que c'était le substratum le moins épais qui présentait les filaments les plus longs; plus tard, toutes les cultures eurent à peu près la même taille. Le neuvième jour, j'ai constaté que les morceaux les plus épais présentaient des cultures sensiblement égales et mieux fournies que sur le substratum mince. Ce fait est facile à expliquer. Au commencement du développement, le mycélium est peu abondant ; il pénètre dans le pain et y trouve une nourriture suffisante, les spores ne développant pas un mycélium plus consi- dérable sur les fragments épais que sur les minces. Il va de soi que, étant tous dans les mêmes conditions (sous la même cloche) et étant tous également nourris, ils devront avoir le même aspect. Tome III, 1801. SUR LE PHYCOMYCES NITENS (KUNZE). 167 Pour ce qui est de la taille plus grande sur le fragment mince, je crois qu'elle doit être attribuée a ce que l'aérage y est plus facile. Dans la suite, le mycélium augmente; il s'enfonce de plus en plus dans le pain, ce qu'il peut faire librement dans les gros morceaux, tandis qu'il en est empêché sur les fragments de moindre épaisseur. Il arrive, en effet, un moment où les filaments ne peuvent plus descendre; ils se tassent alors, s’étalent à la surface du substratum et empêchent la germination des spores qui tombent des sporanges mûrs. Il n’en est pas de même pour les autres cultures; là les spores peuvent encore arriver au contact du substratum et germer; il en résulte des cultures plus fortes, plus fournies, pourvues de nom- breux filaments jeunes. La méme expérience répétée avec de la gélatine au moût de bière m'a fourni des résultats du même genre, Ici des substratums épais ne servent à rien, car le mycélium n'y pénètre pas plus profondément. La conclusion à tirer de ces expériences, c'est que pour avoir de belles cultures on doit employer des milieux nutritifs d’une épais- seur suffisante, mais que, à partir d’une certaine limite, l’augmen- tation d'épaisseur n’influence plus la culture. Ainsi un morceau de pain de 2 centimètres d'épaisseur fournira une culture aussi belle (en surface) qu'un morceau de 5 centimètres. La plupart des expériences dont j’ai parlé ont été répétées dans des tubes à réactifs stérilisés trois fois; les résultats sont à peu près les mêmes que ceux obtenus en grand sous cloche, à cela près que les tubes fructifères sont généralement moins colorés. J'attribue ce fait à ce que ces derniers y sont plus serrés et par conséquent plus mal à l'aise. C'est ce que l’on peut constater en prenant pour sub- stratum un peu de pain, de crottin de Cheval, de Mouton, etc. Les Oignons fournissent des filaments fructiferes hyalins, terminés par un sporange jaune, semblables à ceux que j'avais constatés sous cloche. Ayant fait deux cultures semblables avec ce même substratum (Oignon), jai pu voir combien était grande l'influence du nombre des individus sur la vigueur des cultures. En effet, c'était celle des deux cultures où les filaments sporangifères étaient les moins nombreux qui présentait les plus fortes dimensions (jusqu’à 8 centimètres Tome III, 1891. 168 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES de hauteur); l’autre avait des filaments plus nombreux, mais par contre leur taille était bien plus réduite. Phycomyces cloisonnés. — On croit généralement que cette Mucorinée ne se cloisonne pas : c'est une erreur. Elle peut se cloi- sonner, mais seulement dans certaines conditions spéciales. Voic: à quelle occasion je lui ai vu des cloisons. Ayant un jour placé dans un cristallisoir de 5 centimètres de hauteur des crottins de Cheval, jusqu’à ce qu'il fût rempli, puis les ayant ensuite ense- mencés avec du Phycomyces qui avait porté des Syncephalis nodosa (le tout ayant été recouvert d’une lame de verre et laissé à l'obscu- rité), j'ai constaté au bout de quelques jours que les Phycomyces avaient poussé très vigoureusement. Certains d'entre eux étaient passés entre le cristallisoir et le couvercle et étaient venus mürir leur sporange à l'air, les autres, au contraire, s'étaient entassés les uns sur les autres et par suite s'étaient trouvés dans d'assez mau- vaises conditions. C’est parmi ces derniers que se trouvaient les filaments cloison- nés ; les cloisons sont en verre de montre, semblables à celles des autres Mucor; elles étaient parfois très rapprochées les unes des autres. Phycomyces renflés. — J'avais observé chez un grand Mucor simple une anomalie assez curieuse; elle consistait en ce que toute la portion du filament fructifère avoisinant le sporange s'était renflée assez fortement et avait déterminé une ampoule sous-spo- rangiale, donnant a ce Mucor un aspect assez singulier. Je me suis demandé s'il n’y aurait pas moyen de reproduire expérimentale- ment la même monstruosité à l'aide des Phycomyces. L'expérience m'a démontré que cela était possible. J'ai, en effet, pu obtenir des Phycomyces munis d’un renflement sous-sporangial; seulement l'ampoule n’était guère aussi forte que celle du Mucor dont il a été question. Voici de quelle façon j'ai opéré pour arriver à ce résultat. Ayant pris un morceau de pain stérilisé, je l’ai humecté (assez faiblement) avec du moût de bière renfermant une assez forte dose d’azotate d'ammonium, de façon à avoir un milieu nutritif très concentré; Tome III, 1891. SUR LE PHYCOMYCES NITENS (KUNZE). 169 je l'ai ensuite ensemencé, puis placé sous une cloche bien sèche. Je l'ai laissé bien tranquille, jusqu'au moment où j'ai vu les Phycomyces renfler leur extrémité en un sporange; j'ai rendu alors le milieu très humide. Après quelque temps de repos, le phéno- mène dont j'ai parlé pouvait s'observer çà et là, surtout sur les filaments les plus gréles. Ces renflements semblent donc être dus à ce que, en vertu de la richesse saline du suc cellulaire, une grande quantité d’eau y est appelée; celle-ci presse fortement sur la paroi cellulaire encore jeune et très élastique, et donne ainsi lieu au renflement sous- sporangial (’). Conclusions. — Ce petit travail peut être résumé comme suit : 1° Les substratums solides donnent de meilleurs résultats que les milieux mous et surtout que les liquides. 2° Les meilleurs aliments sont fournis par le pain additionné de 6 °/, de glucose, les cochenilles broyées, les rondelles de carotte, les crottins de Chevaux, la gélatine au moùût de bière. 3° Le Phycomyces est susceptible de se modifier suivant le milieu nutritif sur lequel il se développe; les modifications portent prin- cipalement sur la taille, la couleur, la rapidité de croissance, la production de ramifications, de cloisons, de renflements ou de tire- bouchons. 4° Il existe un degré optimum d'épaisseur du substratum, après lequel une augmentation plus forte de celui-ci devient inutile. 5° La lumière diminue la taille des Phycomyces. 6° L’humidité leur est très pernicieuse. (1) Toutes les expériences citées ont été faites, autant que possible, dans les mêmes conditions; en tout cas, j'avais toujours une culture-témoin sur pain ou sur un autre milieu connu, qui me permettait, méme si le milieu n’était plus tout a fait identique, de comparer les diverses cultures et de les rapporter tou- jours a la culture normale typique sur pain. Oo en ae du à ro ie Ne M rie f | p ae de > = RECHERCHES EXPÉRIMENTALES EF RHIZOPUS NIGRICANS (EHRENBERG) A. DE WEVRE (’°). Le Rhizopus nigricans est un Champignon extrémement com- mun dans la nature; il suffit d'abandonner à lair, pendant un jour ou deux, une croûte de pain, un morceau d’écorce d’orange, une tranche de melon, etc., pour les voir se recouvrir au bout de peu de temps d’une innombrable quantité de Rhizopus nigricans. C’est a son peu de rareté qu'il doit sans doute d'avoir éte signalé et décrit de très bonne heure. C'est en effet la première Mucori- née connue; elle fut indiquée pour la première fois par Malpighi, en 1729, puis rencontrée par Tode, qui la nomma Ascophora mucedo. Ehrenberg, qui l’étudia ensuite, la considéra d’abord comme une sorte de Mucor, et l’'appela Mucor stolonifer; dans la suite, il changea d'idée et il en fit, sous le nom de Rhizopus nigricans, le type d'un genre nouveau, le genre Rhizopus. Ses successeurs, Fries, de Bary, etc., en firent tantôt un Mucor, (") Ce travail a paru dans le Bulletin de la Société belge de microscopie, t. XVIII, p- 133, 1892. Tome III, 1802. 172 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES tantôt un type distinct. C'est Van Tieghem qui décida, d'une façon définitive, de sa place dans la classification en en faisant un genre distinct du genre Mucor, comme Ehrenberg l'avait fait anté- rieurement, et en lui restituant le nom que cet auteur lui avait donné. Les caractères des ÆRhizopus sont trop nets et trop constants pour qu'il soit encore nécessaire de discuter aujourd’hui la question de savoir si ce sont des espèces du genre Mucor, ou s'ils doivent constituer un genre à part, ce dernier point étant évident. Cela permet de dire que le genre Rhizopus est très proche parent des Mucor proprement dits, mais qu’il possède des caractères suffisants pour qu'il soit nécessaire de réunir les espèces qu'il comprend sous une dénomination générique. C'est probablement aussi à son extrème abondance dans la nature qu'il doit d'avoir été décrit si fréquemment, et cela sous toutes sortes de noms. Voici, d’après Berlése et de Toni (°), les synonymes qui peuvent lui être donnés : Rhizopus nigricans (Ehrenb.), Mucor stolonifer (Ehrenb.), Ascophora Mucedo (Tode), Ascophora cordata (Bon.), Ascophora Coemancii (Bon.). Zimmermann y ajoute Ascophora glauca, Mucor ascophorus. A ceux-là, j'ajouterai les noms suivants donnés a des Cham- pignons classés par ces auteurs, parmi les Mucor, mais dont la description très incomplète me paraît devoir être rapportée au Rhizopus nigricans ; ce sont : Mucor amethysteus (Berk), Mucor cucurbitarum (Berk. et Curt.), Mucor clavatus (Link), Mucor de Barii (Bonorden), Mucor fuliginosus (Bonorden), Mucor pygmaeus ?, Mucor nigropunctatus? (Berl. et de Toni). Cultivée sur pain, cette Mucorinée forme d'abord un mycélium blanc qui s'étale a Ja surface et à l’intérieur du substratum et d’où partent au bout de deux ou trois jours des pinceaux de filaments (1) SACCARDO, Sy//oge fungorum. Tome III, 1892. SUR LE RHIZOPUS NIGRICANS (EHRENBERG). 173 sporangifères. En même temps que les tubes sporangifères se développent, des stolons prennent naissance à leur base, s’allongent fortement et viennent s'appliquer contre l'assiette ou contre les parois de la cloche, où ils développent a leur extrémité, d’une part, un pinceau de filaments sporangifères, d'autre part, un faisceau de crampons qui servent à attacher la plantule au verre. Le contact n’est pas nécessaire pour déterminer la formation de ces filaments sporangifères : on peut le démontrer facilement en retournant une culture et en la suspendant, tête en bas, sous une cloche; les faisceaux de sporanges se forment aussi bien que si lextrémité des stolons était en contact avec un objet solide quelconque; on remarque cependant que les stolons sont plus longs. D'abord blancs, les tubes sporangiferes ne tardent pas à prendre une teinte plus foncée et deviennent finalement noirs. Au bout d'une douzaine de jours, la culture a acquis un dévelop- pement considérable et la surface du pain est recouverte d'un ensemble de tubes sporangifères noirs, entremélés de stolons blancs qui se dirigent en tous sens, produisant a leur extrémité, surtout contre les parois de la cloche, des pinceaux de filaments a sporanges noirs. Pour bien suivre le développement de ce Champignon, il est nécessaire de faire des cultures en chambre humide en prenant comme liguides nutritifs du jus d’orange, de cerises, de gro- seilles ou de pruneaux, substances qui lui conviennent trés bien. En opérant de cette façon, on reconnaît que la spore augmente d'abord de volume, puis pousse un tube qui se ramifie et produit un mycélium incolore d’où s'élèvent bientôt des filaments sporan- gifères; en même temps, de la base des filaments partent des stolons qui développent à leur extrémité un pinceau de tubes sporangiferes et quelques crampons de coloration brune. Les filaments sporangifères sont gris brunâtre, simples, lisses, non cloisonnés, à parois épaisses, et d’une hauteur variant entre 2 et 4 millimètres, exceptionnellement 5 millimetres. Les faisceaux peuvent être formés de sept branches, plus souvent de cinq, par- fois d’une seule, si le milieu est très peu nutritif. TOME III, 1892. 174 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES Les tubes fructifères sont terminés par un sporange globuleux piriforme noir, a membrane diffluente, mesurant de 130 à 250 w de hauteur. La columelle des khizopus est grande, globuleuse, aplatie, lar- gement appuyée sur la membrane sporangiale, d'une coloration gris brunatre. Les spores sont très nombreuses, généralement elliptiques, par- fois sphériques, d'un gris bleuâtre, à surface externe pourvue de petites crêtes saillantes qui donnent aux spores un aspect rayé, caractéristique pour presque toutes les espèces du genre. Leurs dimensions varient de 8 5o à 9 & 71. Elles sont séparées les unes des autres par une matière granuleuse. Elles conservent très long- temps leur pouvoir germinatif; j'ai pu, non seulement faire germer des spores vieilles de trois et de six mois, mais même des spores d’un an et quatre mois. Le fait est absolument certain, car j'ai ense- mencé deux morceaux de pain stérilisés et tous deux m'ont donné des Rhizopus ; comme je n'avais plus cultivé ce Champignon dans le laboratoire depuis trois mois, on ne peut pas dire que cela est dû a des spores plus jeunes qui y seraient tombées. Le Rhizopus nigricans peut donner naissance a des formes bour- geonnanles. Pour les obtenir, j’ai opéré de la façon suivante : des spores de Rizzopus étant semées sur liquide nutritif stérilisé, je les laisse se développer pendant quelques jours, après quoi j'en- lève les plantes du liquide, je les lave à l'eau stérilisée, puis je les plonge dans une solution de glucose, en ayant soin de les v main- tenir immergées. Au bout de deux ou trois jours, on voit des cloisons très rapprochées se montrer dans certains filaments, puis les articles ainsi constitués se gonflent et donnent lieu à une série de cellules ovales, sphériques ou elliptiques pouvant avoir jusqu à 30 et 40 « de longueur, placées comme les grains d’un chapelet les unes à la suite des autres; ces dernières cellules peuvent bour- geonner. Malgré les nombreuses cultures que j'ai faites avec les substra- tums les plus divers et dans les conditions les plus variées, je n'ai jamais vu se former de chlamydospores; il est donc probable que la plante n'en possède point. Tome III, 1892. SUR LE RHIZOPUS NIGRICANS (EHRENBERG). 17) Les zygospores sont connues. Décrites d'abord par de Bary, elles furent ensuite réétudiées par Van Tieghem, qui confirma ce que son prédécesseur en avait dit. Ces zygospores sont constituées par une masse sphérique noire, à épispore cartilagineuse, hérissée de tubercules, qui est placée entre deux bras, droits, non /recourbés, inégaux, l’un des deux ayant souvent un volume double de l'autre, colorés en brun, par- fois mouchetés de blanc. Leurs dimensions oscillent entre 170 et 220 p. Elles se forment à l'intérieur du milieu nutritif ou bien entre les parois du verre et du substratum. Outre la forme normale précédemment décrite, on rencontre parfois des individus anormaux; ainsi il m'est arrivé de trouver dans une culture un filament dont toute la surface, depuis le haut jusqu'au bas, était couverte de granules calcaires, solubles dans l'acide chlorhydrique. Ce fait me semble démontrer le peu de valeur que l’on doit accorder à des distinctions spécifiques basées sur la présence ou l'absence d aspérités calcaires. Parfois l'on trouve des Rhizopus dont la columelle est d'un bleu noir, alors que le restant du Champignon est noiratre. Enfin un Rhizopus m'a montré, immédiatement sous la colu- melle, un renflement sous-sporangial analogue a ceux que Jai indiqués pour le Phycomyces nitens et pour le Mucor Mucedo. La forme normale change plus ou moins sous l’influence des milieux nutritifs et des divers agents physiques. Les faits qui suivent nous l’indiqueront suffisamment et nous permettront de nous rendre compte des matières nutritives qui conviennent le mieux à cette espèce. Les substratums essayés étaient : 1° Solides ; 2° Mous; 3° Liquides. Milieux solides. — Le Rhizopus nigricans pousse excessivement bien sur les substratums solides. J'ai expérimenté les diverses substances suivantes : Tome III, 1892. 176 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES Le pain humecté d’eau, sur lequel le Champignon se développe bien, mais est moins vigoureux que sur pain humecté d'une décoction de crottins, de pruneaux, de glycose, de jus de cerise, de moût de bière ou de bouillon, etc. Le pain stérilisé arrosé de jus de fruits lui convient tout particu- lièrement. Il croît aussi sur la viande cuite, sur les écorces d’oranges et surtout sur les fruits de Cucurbitacées (Melon, Potiron). Les excréments (crottin de Cheval et autres) sont trés peu favorables au développement de ce Champignon : on ne l'y rencontre jamais qu'en petite quantité et dans un état de prospé- rité médiocre. Comme milieux solides, ce sont surtout les fruits et le pain addi- tionné de jus de pruneaux ou de l’une des solutions minérales dont je vais parler qui donnent les meilleurs résultats. Le Champignon s'y montre alors avec de nombreux stolons blancs et une grande quantité de petits faisceaux fructifères dont les filaments ont 4 ou 5 millimètres de hauteur. Lorsqu'il croît sur un milieu pauvre (sur du papier humide imbibé de crottin de chenilles), il reste tout petit, chétif et ne pro- duit plus de faisceaux de filaments fructifères ; il ne donne plus alors que quelques rares filaments isolés, peu élevés. Milieux mous. — J'ai rangé dans cette catégorie les diverses géla- tines. J'ai cultivé les Rhizopus sur gélatine au moût de biere, au jus de cerises, aux poires, aux figues, au crottin de Che- valsietc. Il se développe sur tous ces milieux, mais ce sont encore une fois ceux aux fruits acides et au moût de bière qui ont la préfé- rence. Lorsque l’on veut étudier le développement de ce Champignon, il n'y a rien de tel que de le cultiver sur plaques de verre gélatini- sées; on peut ainsi le voir germer, grandir, donner naissance à ses stolons, assister au mouvement du protoplasme à l'intérieur des tubes, etc. Tome III, 1892. SUR LE RHIZOPUS NIGRICANS (EHRENBERG). 177 Liquides. — Ils permettent le développement du Rhizopus, et cela d’autant mieux qu'ils sont plus nutritifs. L'eau seule ne convient pas, mais additionnée de substances chimiques ou de matières organiques, elle devient un milieu permettant plus ou moins bien le développement de notre Cham- pignon. Les décoctions d’Orge en germination, de crottins, de poires, les jus de groseilles, cerises, pruneaux, etc., peuvent tous servir. Les cultures comparées prouvent toutefois que le moût de bière, la décoction de pruneaux et le jus de fruits donnent les meilleurs résultats. Comme liquide nutritif, je me suis principalement servi d’une liqueur très concentrée que je diluais ensuite, ce qui me permettait de constater l'effet de la concentration et en même temps de trou- ver le meilleur liquide nutritif minéral pour Rhizopus. Voici la formule de la solution mère : Phosphate de soude. . . . . 1 gramme. Chlorure de Soie: "+". I — Sulfatede magnésie . . . . . I — Witrate de potasseis En . à: - I — Acide tantrique Lan 31152. % 2 grammes. (55 (0 OR SCT EN 24 7 — Paie ee NICE." 2 1 200 — Une semblable solution n’a pas permis la germination, cela était du reste à prévoir. Le mème liquide additionné de son volume d'eau a rendu la ger- mination possible; toutefois les filaments obtenus étaient peu nom- breux, rares et gréles. Un volume de la liqueur concentrée et trois volumes d’eau ont permis l'obtention de filaments encore peu nombreux et grêles. Avec trôis volumes de liqueur concentrée plus un volume d'eau, la germination a été rendue impossible. Enfin, j'ai pu constater que les meilleurs résultats étaient obte- Tome III. 12 Tome III, 1892, 178 A. DE WÈVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES nus lorsque l’on ajoutait à un volume de liqueur mère, neuf volumes d’eau. Avec une semblable solution, on n’obtient cependant pas de résultats aussi beaux qu’avec des décoctions de cochenilles ou de pruneaux, surtout avec cette derniere. Les Rhizopus sont rendus bien plus vigoureux si a la solution nutritive minérale on ajoute un peu de peptone. Un résultat assez curieux est celui que l’on obtient en prenant une certaine quantité de liquide de culture (a ‘/..) et en l'addition- nant de quantités croissantes de glucose. En prenant 20 centimetres cubes de ce liquide et en y ajoutant 2 grammes de glycose, on constate que la culture contient un bien plus grand nombre de filaments sporangiferes, mais que par contre ils sont beaucoup plus petits que ceux d’une semblable culture dépourvue de glycose; ils n’ont en effet que de 1™™5 a 2 millimetres de hauteur; en augmentant les doses de glycose suivant la progres- sion que Voici : Pour 20 centimètres de liquide, 45710 de glycose, a= — 6 grammes de glycose, am = 8 uy j'ai toujours vu le nombre de filaments sporangifères s'accroître, mais par contre leur taille diminuer. Est-ce l'effet de la concentration ou de la glucose, je ne l'ai pas recherché, mais comme on l'a vu précédemment, plus la concentration est grande, plus les Champignons deviennent gréles. Ce qu'il y a aussi de certain, c’est que dans un essai pour voir l'effet de la concentration, j'ai obtenu les résultats suivants : Avec liquide nutritif minéral bien proportionné, j'obtenais du Rhizopus ayant jusqu’à 3 millimètres de hauteur; tandis que lors- que j'employais le même liquide dilué de son volume d'eau, le nombre d'individus obtenus était moins considérable et leur taille était plus faible: ils avaient seulement 2"*5 de hauteur. Le zinc est favorable au Rhizopus, c'est ce que démontre l'expé- rience suivante : ayant pris deux tubes contenant la même dose de Tome III, 1892. SUR LE RHIZOPUS NIGRICANS (EHRENBERG). 179 liquide nutritif et ayant additionné l'un de deux ou trois gouttes d’une solution à ‘/.. de chlorure de zinc tandis que l’autre était laissé tel quel, j'ai pu constater au bout de quelques jours que la culture avec zinc présentait des filaments plus nombreux et plus vigoureux que l’autre. En faisant varier certaines substances minérales, j'ai trouvé que : 1° Avec un liquide minéral renfermant du phosphate de soude, on obtient de belles cultures, bien fournies avec filaments sporan- giferes atteignant 5 millimètres de hauteur. 2° Si, au lieu de phosphate de soude, on met du phosphate d’am- monium, on obtient une culture un peu mieux fournie et présen- tant des filaments un peu plus grands. Cela démontre encore une fois que l’azote sous forme ammonium semble être préférable a l'azote nitrique pour les Champignons. 3° Un mélange de parties égales des deux liquides donnait les mèmes résultats que l’un des deux seul. 4° Si l'on emploie du liquide nutritif au phosphate d’ammo- nium additionné de 2 centigrammes pour 20 centimètres cubes de peptone, les résultats sont beaucoup plus beaux que ceux obtenus avec liquide nutritif seul. Puisque je suis aux essais avec liquide nutritif minéral, j'en profiterai pour intercaler quelques expériences ayant pour but de rechercher l'action de diverses substances nutritives, poisons ou antiseptiques. Dix centimètres cubes de liquide minéral nutritif au phosphate d’ammonium étant additionnés : 1° D'une goutte d'acide chlorhydrique, on obtient un mycélium et des sporanges différant a première vue plus ou moins du Rhizo- pus ordinaire. 2° D'une goutte d'huile d'olive, les Rhzzopus obtenus sont beaux, identiques a la culture temoin. 3° D’une goutte d’aldéhyde, pas de germination. 4° De5 milligrammes de sulfate de cuivre, le développement ne s'en est pour ainsi dire pas ressenti. 5° D'une goutte d’essence de girofle, le développement a été rendu impossible. ToME III, 1892. 180 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES 6° De 2 centigrammes d’hydroquinone ont permis l'obtention d'un mycélium très faible. 7° De 3 centigrammes d’antipyrine, le liquide s'est comporté comme la culture témoin. 8° De 1 décigramme de chloral, pas de germination. 9° De 5 centigrammes de salicine, la culture est aussi belle qu'avec liquide nutritif seul. 10° De 1 gramme de glucose, la culture ne semble pas plus belle qu’avec la solution nutritive témoin. 11° De 4 centigrammes de mannite, la culture est rendue un peu plus belle qu'avec le liquide minéral seul. 12° De 2 centigrammes d'asparagine, la culture présente de nom- breux individus. Ces expériences permettent de constater que c’est toujours en milieu azoté que l’on obtient les meilleurs résultats, les composés hydrocarbonés non anesthésiques, ou bien ne renforcent pas les cultures, ou bien ne leur donnent qu’un surcroît de vigueur insi- gnifiant. Enfin, il est des corps qui tuent le Rhzzopus à des doses même assez faibles. Il nous reste maintenant à savoir quel est l'aliment qui convient le mieux à notre Rhizopus; des expériences comparatives nous ont démontré que c'étaient les jus de fruits, les décoctions de pru- neaux et le moût de bière qui semblaient surtout avoir la préfé- rence; il fallait ensuite déterminer si les milieux solides étaient oui ou non préférables aux substratums liquides. Pour démontrer cela, j'ai fait des essais comparatifs (sous la même cloche) avec mott de bière, gélatine, moût de bière et décoction de pruneaux; c'est le milieu mou qui montrait les filaments les plus vigoureux. Les substratums solides sont encore préférables, c’est ce que j'ai toujours observé dans toutes mes cultures. Partant de ce fait que la décoction de pruneaux et le moût de bière sont les meilleurs liquides de culture, je me suis dit, qu'en les rendant meilleurs encore, puis en arrosant alors avec ces solutions un milieu solide, du pain par exemple, j'obtiendrais certainement le meilleur substratum qu’il soit possible de réaliser. A cet effet, j'ai Tome III, 1892. SUR LE RHIZOPUS NIGRICANS (EHRENBERG). 181 recherché l'effet produit par l’addition de diverses matières nutri- tives à une décoction de pruneaux. 1) 10%£3 de décoction de pruneaux, sans aucune addition, donnent après quelques jours une culture présentant de nombreux individus bien constitués. 2) La même plus 2 centigrammes de peptone donne une culture beaucoup plus belle que la précédente, quatre ou cing fois plus fournie. 3) Une addition de 3 centigrammes d'azotate de soude ne rend pas le jus de pruneaux meilleur que sans aucune addition. 4) Il en est de même pour l'addition de 3 centigrammes de phosphate. 5) Une faible addition d’asparagine (2 centigrammes) détermine l'apparition rapide de nombreux et beaux filaments sporangifères. Cette culture était aussi belle que celle obtenue n° 8. 6) L'acide picrique (1 centigramme) empéche la germination. 7) L’addition de 15 milligrammes d’azotate de soude et de 15 milligrammes de phosphate de soude donne une culture moins belle qu’avec les pruneaux seuls. 8) Les meilleurs résultats ont été obtenus avec une décoction de pruneaux additionnée de 15 milligrammes de phosphate de soude, 1) milligrammes d’azotate de soude ct 20 milligrammes de peptone. Les filaments avaient jusqu'à 5 millimètres de hauteur, cé qui est très rare sur liquide. Cet ensemble d’expériences démontre encore une fois que le Rhizopus aime beaucoup l'azote et que plus on lui en donne, mieux il se porte. De plus, l’azote hate le développement de ce Cham- pignon, c'est ce que j'ai pu constater avec les cultures renfermant de l’asparagine, des peptones, etc. ; La résistance du Rhizopus à la chaleur a également fait l'objet de quelques recherches. A cet effet, je prenais des tubes à réactif contenant de la gélatine au moût de bière, je les stérilisais trois fois, puis je les ensemençais. j Quatre tubes ainsi préparés furent soumis : Le premier à 45° pendant une demi-heure; Le deuxième à 50° pendant une demi-heure; TOME III, 1892. 182 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES Le troisième a 55° pendant une demi-heure; Le quatrième à 60° pendant une demi-heure. Tous ont germé. La culture chauffée à 55° était même très belle et présentait des filaments au moins aussi longs que ceux venus sur des cultures non chauffées. Cette même culture fut ensuite portée à 55-56°, puis immergée; cette fois elle ne repoussa plus. La chaleur au-dessus d'un certain degré retarde les cultures, c’est ce que j’ai pu constater en exposant des tubes ensemencés à 45° pendant trois quarts d’heure, une heure et une heure quarante-cinq minutes: les spores avaient germé, seulement on pouvait s’apercevoir qu'elles se développaient d'autant plus lentement qu’elles étaient restées plus longtemps soumises à l’action de la chaleur. Toutes les expériences que je viens de faire connaître, de même que celles qui suivent, ont eu deux buts : 1° Rechercher le meilleur substratum pour la culture du Rhizo- pus nigricans et voir l'influence de celui-ci sur l’aspect du Cham- pignon ; 2° Obtenir les zygospores du Rhizopus. Pour se procurer ces zygospores, de Bary et Van Tieghem opé- raient de la façon suivante : Ils prenaient un vase cylindrique, à fond plat, préalablement lavé à l'eau bouillante, puis ils le remplissaient à moitié ou aux deux tiers de mie de pain frais, après quoi ils arrosaient le pain _avec quelques gouttes d'eau bouillie dans laquelle un sporange de Rhizopus avait été délayé, ensuite ils bouchaient le vase et le laissaient après cela au repos pendant quelques jours. D’après ces auteurs, après deux ou trois semaines, le fond du vase est tapissé de milliers de petits points noirs qui sont les zygospores. J'ai refait a différentes reprises, pendant divers mois de l’année, cette experience, en suivant ponctuellement les indications de de Bary et Van Tieghem, sans cependant étre arrivé au résultat désiré. En analysant le procédé employé, il est facile de se rendre compte, comme le dit d'ailleurs Van Tieghem, que les zygospores Tome III, 1892. SUR LE RHIZOPUS NIGRICANS (EHRENBERG). 183 se forment ici dans de mauvaises conditions; elles n’ont en effet qu'une quantité d'oxygène insuffisante, devenant du reste de plus en plus faible par suite du développement; ensuite elles se placent là où Pair ne peut que très difficilement leur parvenir (au fond du vase). Enfin, je ferai remarquer aussi que le substratum employé n’était pas précisément un aliment de toute première valeur. Partant de ce fait que les zygospores de ce Champignon se forment lorsque sa vie est en danger, j'ai institué toute une série d'expériences destinées à vérifier jusqu’à quel point cette manière de voir est exacte. Je dois dire que les résultats de l'expérimentation ne semblent pas du tout confirmer cette hypothèse. En effet, non seulement en faisant l'expérience de de Bary et Van Tieghem je n’ai rien obtenu, mais je n’ai pas eu plus de chance en employant d'autres substratums que le pain. J'ai aussi enfermé des Rhizopus, cultivés tantôt sur d'excellents milieux, tantôt au contraire sur de détestables milieux, soit avant, soit pendant le cours de leur développement, dans des vases clos, et jamais je n'ai vu la moindre trace de zygospore. J'ai examiné sans plus de succès des cultures vieilles d'un mois. J'ai eu recours aux cultures successives, c'est-à-dire que je semais des spores de Rhizopus sur du pain nutritif, placé à l'obscurité, soit sous cloche, soit dans un cristallisoir recouvert d’une lame de verre, puis lorsque les individus étaient arrivés à maturité, je les ressemais aussitôt et ainsi de suite; ici encore les résultats ont toujours été négatifs, bien que la culture sous cloche ait été refaite au moins douze fois. Jeus alors l’idée d’essayer l’insolation; à cet effet, je prenais des tubes à réactifs renfermant des substances nutritives, je les ense- mençais, puis je les exposais au soleil pendant un temps plus ou moins long. Trois tubes de gélatine au moût de bière, ensemencés de Rhzzo- pus, ont été exposés au soleil : Le premier pendant une demi-heure ; Le deuxième pendant une heure; Le troisième pendant une heure et demie : ils portaient le TomE III, 1892. 184 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES quatriéme jour des fructifications, celles-ci étaient plus petites que dans les cultures non insolées. Une quatrième culture faite en même temps que les autres, exposée une première fois au soleil pendant une demi-heure, puis le lendemain pendant une heure à un soleil faible, ne présentait le quatrième jour qu'un faible mycélium sans trace de sporanges; le cinquième jour, elle montrait quelques sporanges blancs, très petits. Huit jours après, toutes les cultures étaient arrivées à maturité; on pouvait alors constater que les groupes de filaments sporan- giferes venus en second lieu (à l'ombre) étaient plus grands que les premiers apparus. Ces cultures ne m'ont jamais montré ni chlamydospores ni zygospores; cependant le Champignon se trouvait manifestement géneé dans son développement. La seule chose que j'aie parfois vue, c'est l'apparition de cloisons dans les filaments mycéliens et quel- quefois, mais plus rarement, dans les tiges. L'effet principal des rayons solaires semble donc être de retarder le développement du Champignon et de diminuer sa taille. J'ai pu constater le mème fait avec gélatine aux cochenilles : toujours les Champignons obtenus étaient petits et malingres. Plus la lumière agit longtemps, plus les résultats obtenus sont marqués : c’est ce que j’ai surtout pu observer avec deux cultures sur cochenilles, exposées d’abord pendant trois quarts d'heure au soleil, puis l’une d’entre elles, le lendemain, pendant deux heures à un soleil faible. Sur la première, il est venu des sporanges assez nombreux, mais pas très grands, avec filaments stolonifères; sur la seconde, les sporanges étaient peu nombreux et à peine visibles. Il m’a semblé que l’action du soleil n'était pas la même avec des substratums différents. Les spores de deux cultures de Rhizopus sur gélatine au moût de bière ayant été insolées successivement pendant trois heures, trois quarts d’heure, trois heures, deux heures, une demi-heure, furent ensuite ressemées; au bout de trois jours, elles possédaient déja de nombreux filaments stolonifères et de petits tubes sporan- giaux. LR id * ai Tome III, 1892. SUR LE RHIZOPUS NIGRICANS (EHRENBERG). 185 Le Rhizopus résiste donc bien à l’action des rayons solaires, puisqu'il permet aux spores de se former et ne leur enlève pas leurs propriétés germinatives. Dans une autre expérience ayant pour but de gèner le Champi- gnon dans sa croissance tout en lui fournissant un bon substra- tum, je n'ai pas vu non plus de traces de zygospores; voici en quoi consistait cette expérience : Un Rhizopus cultivé sur décoction de pruneaux était placé sous une cloche bien séche, où se trouvait en même temps un petit vase rempli de chlorure de calcium ayant pour but de dessécher peu à peu la culture. Le seul résultat digne d'être noté fut l'obtention de ors très grèles, peu nombreux, petits, très peu colorés, mais pas de zygo- spores ou de chlamydospores. Un autre genre d'expériences qui, à ma connaissance, n'a pas encore été fait jusqu'à présent, consiste à immerger les cultures dans une solution nutritive; voici comment je procédais : je prenais un tube renfermant de la gélatine au moût de bière, je le stérilisais trois fois, puis je l’'ensemençais de Rhizopus; celui-ci se développait, et lorsqu il était parvenu, soit a l'état de mycélium, soit à l'état adulte, je liquéfiais ma gélatine à une très douce chaleur (sans déboucher le tube afin de ne pas introduire des spores étrangères), puis j'agitais de façon à immerger complète- ment la culture. Les Rhizopus traités de cette façon repoussaient, mais étaient plus petits et mettaient plus de temps pour arriver à maturité. La même expérience faite avec un Phycomyces nitens, immergé après deux jours de développement, alors qu'il ne présentait encore qu'un mycélium, m'a fourni des résultats analogues : la culture a parfaitement repoussé, seulement, tandis que, au bout de cing jours, les Phycomyces non immergés avaient 6 centimètres de hauteur, les immergés n'avaient que quelques rares filaments de 4 ou 5 centimètres de hauteur. Après un certain temps, cette culture est devenue aussi belle et aussi fournie que l'autre. En immergeant les Rhizopus chaque fois qu'ils arrivaient a maturité et en répétant cela quatre ou cing fois, j'ai vu le Cham- Tome III, 1892. 186 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES, ETC. pignon repousser sans que sa taille en fût sensiblement affectée, mais finalement, après un certain nombre d’immersions, le Cham- pignon mourait assez brusquement. Cette mort peut être attribuée soit à l'épuisement du milieu nutritif, soit à la présence de substances toxiques sécrétées par le Rhizopus et qui, en s’'accumu- lant, finissent par annihiler complètement son développement. En tout cas, même ici, où le Champignon était forcé de se développer successivement, sans interruption, et où en même temps il était gèné dans sa croissance par suite des immersions et de l'appauvrissement du milieu, jamais je n’ai vu la moindre appa- rence de zygospores. Tout cet ensemble de faits ou le Champignon s’est trouvé dans presque toutes les mauvaises conditions imaginables, prouvent-ils que l'hypothèse avancée par de Bary et Van Tieghem est fausse? Cela n’est pas absolument certain. Ce méme Champignon, placé dans des conditions tout a fait inverses, c'est-à-dire dans un milieu très favorable a son dévelop- pement et sur les substances que mes expériences m'avaient indi- quées comme les meilleures, n’a pas non plus montré ses organes sexuels. Ce qui semble pouvoir être énoncé au sujet des résultats obtenus, c’est que, ou bien le Rhizopus qui a servi à mes expé- riences avait perdu la faculté de produire des zygospores, ou bien que celles-ci ne se forment que dans des circonstances spéciales et sous des influences particulières. Peut-être encore existe-t-il des races chez qui la formation des zygospores ne peut plus se faire. SUR LE (PAIN DU CIEL PROVENANT DU DIARBÉKIR () PAR L. ERRERA Dans sa dernière séance, l'Académie a reçu de M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publique, des échantillons d’une sub- stance, ainsi que la dépêche suivante : Bruxelles, le 26 mai 1893. Monsieur le Secrétaire perpétuel, Mon Département a reçu, par l'intermédiaire du consul de Belgique à Alep, l'échantillon ci-joint d’une substance alimentaire que les Kurdes de la Mésopota- mie désignent sous le nom de « pain du ciel ». Dans les premiers jours du mois de mai 1890, une violente tempête s’est déchaînée sur le vilayet de Diarbékir, ravageant, sur certains points, les champs, déracinant les arbres et portant sur son passage la désolation, sauf pourtant dans la région du Djebel-el-Ooffet, dans la plaine qui l'entoure, où il tomba une grêle abondante qui, en se fondant, laissa à découvert une couche épaisse de la sub- stance dont il s’agit. : Il résulte d’informations prises à Diarbékir et à Mardin, que cette matière (1) Ce travail a paru dans le Bulletin de l’Académie royale de Belgique, 3° série, t. XXVI, n° 7, 1893. Tome III, 1893. 188 L. ERRERA. — SUR LE «€ PAIN DU CIEL » n’existe ni dans le vilayet en question, ni dans son voisinage, et qu’un tourbillon doit l’avoir charriée d’une région lointaine. D'aucuns prétendent que c’est plutôt une matière végétale, que les pluies tor rentielles ont mise à découvert. Quoi qu’il en soit, la matière en question, pétrie avec un tiers de son poids de farine, fut trouvée mangeable, et elle entre aujourd’hui pour une part notable dans l’alimentation des habitants de cette province. Bien que les phénomènes du genre de celui relaté par notre agent consulaire ne soient pas d’une extrème rareté, notamment dans les contrées s'étendant au sud-est de l’Asie-Mineure, il m’a paru utile de le signaler à l’attention de l’Académie royale de Belgique. Agréez, etc. Le Ministre, (Signé) J. DE BURLET. Comme il est facile de s'en assurer par l'examen microscopique, cette substance n'est autre que le Lichen connu sous le nom de Lecanora esculenta Eversm. (*). Trouvé d'abord par Pallas dans les montagnes arides, calcaires et gypseuses du désert de Tartarie, rencontré en abondance par Ledebour et par Eversmann dans les steppes des Kirghizes, pres de la partie méridionale du fleuve Jaik, au pied des collines gypseuses qui entourent les lacs salés, ce Lichen a été rapporté également par le voyageur Parrot, de la Perse, où il passe pour être tombé du ciel. Au total, il est commun dans l'Asie moyenne (*), et sobserve aussi en Palestine et en Algérie (*). Dans certaines parties de l'Asie, le Lecanora esculenta couvre le sol en si grande abondance qu’il y forme, d'après Parrot, une couche de 15 à 20 centimètres d'épaisseur. Les spécimens du Diarbékir, envoyés par notre consul a Alep, concordent avec la description et la figure qu’Eversmann a don- nées. Ils constituent des masses irrégulières, cérébriformes, dures, de 2 à 12 millimètres de diamètre, a surface brun clair, parfois un (*) EVERSMANN, Nova Acta Ac. Nat. Curios., XV, IL, 1831, p. 356. (?) LEDEBOUR, in FR. GOEBEL, loc. cit. infra. (3) Hur, Lichen, exotic. (Nouv. ArcH. DU MusEuM, 3° série, t. III, 1891, Pp. 74.) ; Tome_ III, 1893. PROVENANT DU DIARBEKIR. 189 peu grisdtre, et marquée d’un assez grand nombre de petites dépressions punctiformes. Sur une cassure fraiche, tout le tissu interne apparait blanc de craie. La plupart des exemplaires présentent, sur l’une de leurs faces, une cassure tantôt récente, tantôt cicatrisée. Il faut en conclure, sans doute, que le Lichen est fixé au début de son développement, mais qu’il peut continuer à vivre et à croître après avoir été arraché par la tempête. On reconnaît au microscope une structure caractérisée de Lichen hétéromère : tissu fongique avec nids de cellules d’Algues (°). Comme d’habitude, on peut distinguer, de dehors en dedans à partir de la surface, une couche corticale et une couche médullaire. Dans la couche médullaire, les hyphes sont ramifiées, lâchement enchevétrées, souvent sinueuses, a paroi fort épaissie, à lumière très réduite. Elles emprisonnent entre elles une certaine quantité d’air; mais leur aspect blanc crayeux est dt surtout à de petits cristaux irréguliers, dont elles sont absolument recouvertes. Les réactiors microchimiques ne laissent pas de doute sur la nature de ces cristaux : c’est de l’oxalate de calcium. D’après le dosage que vient de faire M. Clautriau, assistant à l’Institut botanique, et que l’on trouvera plus loin, l’oxalate représente près de 58 °/, de la sub- stance sèche de notre Lichen. Gübel, de Dorpat, en indiquait même près de 66 °/) dans les exemplaires de Perse qu'il a ana- lysés. Vers la périphérie, immédiatement en dessous de la surface brune, les extrémités jeunes des hyphes constituent un liséré étroit (couche corticale), plus transparent, plus dense, privé d'air, hyalin dans les préparations microscopiques, ne présentant presque pas d’oxalate. Ce liséré est plus marqué lorsque le Lichen se dispose à fructifier : quelques-uns de nos échantillons portent, en effet, de jeunes apothécies. Quant aux spermogonies, elles existent en grand nombre sur (*) Cf. la figure de Linx, Bot. Zeit., 1849, n° 41 (sous le nom de CA/orangium Jussufii). TOME III, 1893. 190 L. ERRERA. — SUR LE (PAIN DU CIEL » presque tous les exemplaires : leur orifice correspond toujours à l’une des dépressions punctiformes dont il a été question tout à l'heure. Chaque spermogonie contient une énorme quantité de spermaties aciculaires, comme Nylander (*) l’a déjà reconnu, et contrairement à des observations plus anciennes. Les spermaties mesurent de 14 à 18 u de long sur 1 p, à peine, de large. L’Algue qui concourt à la formation de ce Lichen est une espèce très commune: le Protococcus viridis Ag. (?). Ala base de la couche corticale et immédiatement au-dessous d'elle, elle constitue de nombreux amas verts, bien délimités, eaveloppés par les filaments fongiques. En appuyant avec force sur la lamelle de la préparation, une grande partie de l’oxalate de calcium se détache des hyphes : il leur est certainement extérieur. Les cristaux d’oxalate sont biréfringents, insolubles dans l’eau, la potasse, l’acide acétique, solubles dans l’acide chlorhydrique. L’acide sulfurique les transforme en ure masse considérable d’aiguilles de gypse. Après dissolution de la gangue d’oxalate, les hyphes persistent, mais en per- dant de leur réfringence. Le tissu fongique du Lichen ne se colore qu’en jaune pâle, par l’iodure de potassium iodé, sauf les apothécies qui deviennent bleu intense (reaction de Visolichénine), et les spermogonies qui prennent une nuance brun orangé, due probablement à des traces de glycogène. Je n’ai pu constater de réaction nette de glycogène dans le contenu des jeunes asques. L’iodure de potassium iodé fait apparaître au centre des cellules de l’Algue un noyau bien délimité, et donne à tout leur contenu une nuance jaune brun, un peu dorée. Dans leur masse chlorophyllienne périphérique, de tout petits gra- nules paraissent se colorer en noir : c’est sans doute une minime quantité d’amidon. : Par le chlorure de zinc iodé, les membranes des hyphes prennent a peine une teinte jaunâtre, même après avoir été débarrassées de leur oxalate au moyen de l'acide chlorhydrique concentré, tandis que celles des cellules de l’Algue deviennent d’un bleu violet foncé. Grâce à cette réaction, on remarque dans la couche médullaire, en dessous des nids d’Algues, les restes plus ou moins ratati- (!) NYLANDER, //ova, 1858, p. 500. (2) Borner, Recherches sur les gonidies des Lichens. (ANN. SC. NAT., BOT., 5e série, t. XVII, 1873, p. 69.) Tome III, 1893. PROVENANT DU DIARBEKIR. 191 nés de membranes qui leur sont en tout semblables : ces restes proviennent évidemment d'individus morts et en voie de désorganisation, abandonnés en chemin par les colonies de Protococcus, à mesure que le bord du Lichen s’accrois- sait et offrait seul aux Algues qui s’y multiplient des conditions convenables d'éclairage. A en juger d’après leur aspect désorganisé et corrodé, les cellules d’Algues qui meurent dans les régions profondes, faute de lumière, sont digérées ensuite par les hyphes environnantes : au mutualisme ordinaire du Lichen s’ajouterait ici une sorte de saprophytisme des hyphes tirant parti des Algues mortes. I] semble qu’un phénomène analogue doive exister assez généralement chez les Lichens hétéromères à thalle épais et opaque. Suivant mon attente, je l’ai retrouvé, en effet — quoique moins accusé, — chez le Psoroma lentigerum, dont le thalle, comme celui du Zecanora esculenta, est rendu opaque par des quantités formi- dables d’oxalate de chaux. La mortalité des Algues de la profondeur, telle qu’elle s’observe chez notre Lecanora, est, on le voit, toute différente de la destruction des portions externes de l’écorce et des Algues qu’elles renferment, décrite jadis par Schwendener pour beaucoup de Lichens foliacés et crustacés (1). Si une certaine dose de saprophytisme se manifeste chez le Lecanora esculenta et le Psoroma lentigerui, rappelons que chez quelques autres Lichens (Arno/dia minutula, Physma chalazanum) le mutualisme se complique, au contraire, d’après Bornet (2\, de parasitisme proprement dit, les hyphes pénétrant dans certaines cellules vivantes de l’Algue, et amenant leur hypertrophie, puis leur mort. L’abondance extréme d’oxalate de chaux dans le Lecanora escu- lenta permet d’affirmer que ce Lichen se développe en des endroits où existent des roches calcareuses. On a pu voir, en effet, que Pallas aussi bien qu’Eversmann parlent des terrains gypseux auprès desquels on le trouve. Dans les parties du désert de Syrie et de Mésopotamie qu'il a visitées, M. Diener, de Vienne, a également vu la surface du sol consister en gros débris de calcaire com- pact (5). s (!) SCHWENDENER, Ueber Bau und Wachsthum des Flechtenthallus. (NATUR- FORSCH. GES. ZURICH, 27 Febr. 1860, p. 14.) (2) BORNET, /oc. cit., p. 90. (5) Communication privée, que je dois à l’obligeance de M. Dollo, du Musée d’histoire naturelle de Bruxelles, Tome III, 1893. 102 L. ERRERA. — SUR LE « PAIN DU CIEL » Le Lecanora esculenta peut être broyé sous la dent, mais il n’a aucun goût. A part les traces d’amidon qui existent dans les cel- lules de l’Algue, et les traces douteuses de glycogène des spermo- gonies, il est formé surtout de membranes cellulaires épaisses, ainsi que d’oxalate de calcium. L’analyse de 2 grammes environ de notre Lichen du Diarbékir a conduit M. Clautriau aux nombres suivants : Le Lichen pulvérisé et séché à l’étuve pendant quatre jours à 110° a perdu : abe kes BSA Ake Baten PS os et ey NY SE Ci: La matiére See renferme : Substances facilement solubles dans l’eau tiède (sucres réduisant Fehling, mucilages, etc.) 15.997 °/o Lichénine (insoluble dans l'eau tiède), 00... . . .-. "5.000 Cellulose de Champignons Substances précipitées par l’ Paire Goble de He et t de K Pre albuminoides, etc., pesées à l’état de combinaison NES 3.70 o Oxalate de calcium 2.50 Yo En Autres sels de calcium Cho, ATA etc., pesés à l’état d’oxalate) PNR RE TE vo ee Be ee Cendres insolubles Hans HCI 5 ye NS Med PLAQUE Sy, Ce Fr. Gôbel, de Dorpat, avait obtenu, pour des spécimens de Perse, les résultats que voici (1) : 100 parties de Zecanora esculenta (matière sèche) contiennent : 1.75 Résine molle, jaune verdâtre, de saveur âcre, soluble dans l’éther, renfermant de la chlorophylle. 1.75 Résine molle sans odeur ni saveur, soluble dans l'alcool. 1.00 Substance amère soluble dans l’alcool et dans l’eau. 2.50 Inuline (2). 23.00 Mucilage. 3.25 Membranes de Lichen. 65.91 Oxalate de chaux. 99.16 (!) G6BEL, Chem. Untersuchungen einer in Persien herabgeregneten Substanz, der Parmelia esculenta. (SCHWEIGGER’S JOURNAL F. CHEM. UND PHYSIK, 1830, III, 4, p. 390.) Cr E.) Tome III, 1893. PROVENANT DU DIARBEKIR. 193 On voit que la valeur nutritive de ce Lichen, pour l’homme, doit être minime. Malgré cela, il est employé à l’alimentation en temps de disette — surtout après avoir été mélangé, il est vrai, avec une certaine quantité de farine. De Candolle (*) rapporte, du reste, que lors de la disette de 1816 à 1817, on faisait dans les envi- rons de Genève du « pain de Lichen », mais il ne précise pas Vespece dont on se servait. Le Lecanora esculenta, ce « pain du ciel », ne peut manquer de faire songer à la légende sacrée. Il a été regardé, en effet, comme la manne des Hébreux. On sait que d’autres substances sont également désignées sous le nom de manne, notamment des exsudats sucrés qui proviennent de différents arbres. Celle du frène est d’un usage courant en phar- macie ; celle qui porte le nom de manne du Sinaï découle du Tamarix mannifera, sous lV influence de la piqûre d’un insecte, le Coccus manniparus. Pour autant qu’il soit possible de fonder une détermination bota- nique sur les textes peu précis de la Bible, il semble que deux sortes de manne, le Lichen et l’exsudat, soient confondues dans l'Écriture. Avec O’Rorke et Planchon (°), je pense que la descrip- tion de l’Exode (ch. XVI) convient bien a l’exsudat du Tamarix, tandis que le passage des Nombres (ch. XI) se rapporte plutôt a notre Lichen. Institut botanique, Universite de Bruxelles, 1 juillet 1893. (?) A. DE CANDOLLE, Zntrod. étude Bot., Bruxelles, 1837, p. 354. (2) Voyez GUIBOURT et PLANCHON, Histoire naturelle des drogues simples, 1869, f. IF ps 590: Tome III. 13 CE ue eo ODE tn ME STRUCTURE: OF THE YEAST-CELL BY L. ERRERA (1) A study of the cells of Saccharomyces Cerevisiæ has led me to the following conclusions, part of which merely confirm former researches : 1. À relatively large nuclear body exists in each adult cell. 2. Young cells contain no such body; a little later the old nuclear body divides, and one of its two daughters wanders through the narrow connecting-channel into the young cell. 3. After the division is complete, the two cells are still kept together by a mucilaginous neck-shaped pedicel, which appears not to have been noticed hitherto. It may persist or not, thus explaining the occurrence of cell-chains or of isolated cells in different races of Yeast. 4. Carbohydrates are stored up in Yeast in the form of glycogen, which accumulates or disappears from the vacuoles very rapidly, according to conditions of nutrition and growth. The colour given by a known quantity of iodine- solution to a known amount of Yeast-culture shows these variations most sharply. The change of tint by heat after iodine- action, and the destruction of the intracellular glycogen by saliva, also give very clear results. (:) Cette note a paru dans Annals of Botany, décembre 1898, et dans British Association Report, 1898. SUR LES BACTÉRIES LUMINEUSES PAR G. CLAUTRIAU (: Le phénomène de la phosphorescence se rencontre chez les espèces les plus diverses, aussi bien du règne animal que du règne végétal. Il n’est l'apanage d'aucun embranchement de ces règnes; et cette faculté d'émettre de la lumière est présentée par des verté- brés et des invertébrés, de même qu'un certain nombre de Phané- rogames et de Cryptogames la possèdent. Chez les végétaux inférieurs, les organismes lumineux sont sur- tout des Champignons et des Bactéries, et parmi ces dernières on en connaît actuellement un certain nombre d'espèces phosphores- centes. La première a été découverte par Pflüger, il n’y a guère plus de vingt ans; c'était un micrococcus. Depuis, grâce aux recherches de Nuesch, Ludwig, Fischer, Forster, Beyerinck, Giard, etc., on connaît des formes Bacillus et Bacterium. La lumière émise par ces diverses espèces ne présente pas la même teinte chez toutes. Elle peut être blanche ou plus ou moins jaunatre, verdatre ou bleuâtre. Voici, par exemple, des cultures du Photobacterium phosphorescens. Je dois ce microbe a l'obligeance de M. le professeur Beyerinck, de Delft, qui a fait une étude très (‘) Cette note a paru dans le Bulletin de la Société royale des Sciences médicales et naturelles de Bruxelles, 54° année, p. 11, février 1896. TOME III, 1806. 198 G. CLAUTRIAU. — SUR LES BACTERIES LUMINEUSES. remarquable sur la nutrition des bactéries photogénes. La lumiére émise par ce Photobacterium est sensiblement bleu verdatre. La lumiere des divers microbes phosphorescents, examinée au spectroscope, montre un spectre continu, plus ou moins étendu suivant l’espéce et, surtout, suivant l’intensité de la lumière émise par la culture. Cette intensité est très variable et elle est sous l'influence immédiate de la nutrition de l'organisme; tel aliment, comme la peptone ou la glycérine, provoque une luminosité intense, tandis que d'autres, tout en permettant le développement normal de la culture, n’occasionnent aucun dégagement de lumière. Les plaques photographiques sont impressionnées par cette lumière des microbes. Voici deux clichés qui ont été obtenus, dans l'obscurité, en plaçant devant l'appareil photographique une cul- ture bien brillante de ce Photobacterium phosphorescens. Le pre- mier cliché a été obtenu après dix-neuf heures d'exposition, tandis que pour le second, la pose n’a duré que quatre heures. Sur ce second cliché, tous les détails de la culture se retrouvent avec la plus grande netteté. Les bords, beaucoup plus lumineux, ont plus impressionné les sels d'argent, et si l’on examine à la loupe les toutes petites colonies isolées, on constate également une impres- sion plus forte à la périphérie. De même que la lumière ordinaire, celle de ce microbe a une action très nette sur le Phycomyces nilens, mucorinée très sensible aux radiations lumineuses et qui se courbe d’une façon excessive- ment marquée dans la direction des rayons émis par une culture phosphorescente. ' Les bactéries lumineuses retirent-elles un avantage quelconque de leur phosphorescence? Il est difficile, actuellement, de répondre à cette question. De ce que nous ne voyons pas, en ce moment, l'utilité de cette fonction photogène des microbes, il n’est pas per- mis de conclure qu’elle n’a aucune signification biologique, d'autant plus qu'il est établi que beaucoup d'animaux phosphorescents tirent un grand profit de leur luminosité, et dans des buts très différents. Peut-être la lumière de ces microbes leur offre-t-elle un avantage dans la lutte pour l'existence contre les autres microbes. Tome III, 1806. G. CLAUTRIAU. — SUR LES BACTERIES LUMINEUSES. 199 M. Errera, qui m'a communiqué cette idée, m'a engagé à faire quelques recherches dans le genre de celles faites par Marshall Ward, pour mettre en évidence l’action destructive de la lumière solaire sur les Bactéries. Mes expériences ne m'ont donné aucun résultat ; mais on ne peut les considérer comme concluantes, car les appareils que j'ai employés étaient en verre assez épais, et, d'après Marshall Ward, pour ce genre de recherches, l'emploi de quartz mince poli est indispensable, car le verre retient trop de rayons lumineux. Il a été dit plus haut que la nutrition a une grande influence sur la luminosité, et que suivant le milieu de culture le microbe peut être phosphorescent ou bien ne dégager aucune lumière. Par suite, la phosphorescence n'est donc pas une fonction physiologique étroitement liée à la vie de l'organisme. Chez les Bactéries chromo- gènes, un cas analogue se présente. Là aussi on peut, à volonté, provoquer ou empêcher la production de la « substance chromo- gène », Cette analogie nous permet d'admettre pour le Photobacte- rium une sécrétion de « substance photogène ». D'autant plus que celles-ci sont nombreuses, et Radzizewski a montré que beau- coup de composés chimiques, mis en présence d'un alcali, émet- taient de la lumière au contact de l'oxygène de l'air. Il existe une Bactérie lumineuse chez laquelle la fonction photo- gène marche de pair avec le pouvoir pathogène. C'est la Bactérie lumineuse du Talitre, étudiée par Giard. Cette Bactérie, lorsqu'elle est phosphorescente, est très toxique pour les talitres et quelques autres crustacés. L'animal inoculé devient phosphorescent au bout de quelques jours et reste lumineux jusqu'au douzième ou quin- zième jour, après lequel survient la mort. Toute inoculation occa- sionne infailliblement l'infection et la mort. Mais si l'on cultive la Bactérie sur gélatine au bouillon de poisson, elle perd très rapide- ment sa luminosité, et à partir de ce moment elle cesse complète- ment d'être toxique. L’inoculation au Talitre de doses massives ne produit plus aucun trouble, et il faut rendre à la Bactérie son pouvoir photogène pour lui restituer, en mème temps, son action pathogène. TOME III, 1896. 200 G. CLAUTRIAU. — SUR LES BACTERIES LUMINEUSES. EXPLICATION DEA PLANCHE’! Clautriau avait obtenu de ses cultures de Bactéries lumineuses, des photo- graphies faites a l’aide de la lumiére propre des Bactéries. La pose avait été de vingt heures. Nous donnons ici deux épreuves du cliché de Clautriau, l’une imprimée fortement, l’autre imprimée d’une façon plus légère, chacune montrant certains détails particuliers. J. M: Recueil de l'Institut botanique de Bruxelles. T. III. G. CLAUTRIAU, Pl. 1. CLAUTRIAVIA UN NOUVEAU GENRE DE FLAGELLATES PAR JEAN MASSART (|: Pendant le séjour que le laboratoire ambulant de biologie de l'Université fit à Coxyde, en juillet et août derniers, M. Errera rapporta un jour de Nieuport des Algues prises dans un petit ruis- seau. Parmi elles vivait un curieux Flagellate nouveau, dont voici la description : Le corps est long de 18 à 20 y, large de 12 à 13 2, épais de 6 à 7 yp. Il est entouré d'une membrane rigide, à double contour apparent. La bouche (b) est antérieure et ventrale; elle se continue en arrière par un pli longitudinal médian. Le fouet unique part du fond de la bouche et se dirige en arrière. Le noyau (n) est à gauche, près du bord postérieur. L'organisme se nourrit principalement de Flagellates verts et de zoospores d’Algues, dont il suce le contenu; l’ ingestion d’une seule cellule d’Algue donne plusieurs vacuoles ali- mentaires (v. a.). En outre, il y a dans les cellules de nombreux grains réfringents, inco- lores, qui sont probablement du paramylon. Clautriavia mobilis, vu par la face ven- trale. — 4, bouche; — nm, noyau; — v. 4, Va- cuoles alimentaires ; — 1470/1. (*) Cette note a paru dans le Bulletin de la Société royale des Sciences médicales et naturelles de Bruxelles, 58° année, p. 133, novembre 1900. Tome III, 1900. 202 J. MASSART. — CLAUTRIAVIA, NOUVEAU GENRE DE FLAGELLATES. Ce Flagellate ne nage pas librement dans le liquide : il s'appuie avec son fouet contre un objet résistant et se pousse en avant par des mouvements saccadés qui le jettent alternativement a droite et a gauche. Le fouet unique semble donc représenter, fonctionnelle- . ment et morphologiquement, le fouet trainant (pulsellum) des Anisonémés. Quand un individu est suffisamment repu, il s'arrête pour se diviser pendant la digestion; ces individus fixés ne sont jamais encystés. La division est longitudinale; la bouche primitive s’efface et les nouvelles bouches se forment sur les faces opposées (conti- gués) des deux jeunes individus. Je crois pouvoir considérer cet organisme comme un Flagellate Anisonémé qui a perdu le fouet antérieur. Je lui donne le nom de Clautriavia pour rappeler le souvenir de notre regretté confrère Georges Clautriau, qui faisait partie du laboratoire ambulant lors- qu'en 1897 il fut une première fois installé à Coxyde. LA GERMINATION DE QUELQUES ÉCIDIOSPORES PAR P. NYPELS (’) Les écidiospores des Urédinées, placées en atmosphère humide, germent d'ordinaire de suite; elles ne paraissent pas conserver très longtemps leur vitalité. En général, les écidiospores conservées à sec ne germent plus dans l'eau pure après une huitaine de jours. J. Eriksson (?) a montré l’action favorable des basses tempéra- tures sur la germination des. spores d’Urédinées (*); on sait que certaines substances favorisent ou activent également leur germi- nation. Ce n'est nullement là un phénomène spécial a ces Cham- pignons et l'on observe des phénomènes analogues pour les plantes et les graines. Dans la plupart des cas, les écidiospores germent en émettant un tube mycélien plus ou moins long, généralement simple, se rami- fiant quelquefois. . Toutefois les Urédinées du genre Endophyllum produisent des écidies dont les spores germent d’une façon tout à fait différente, a la façon des téleutospores. () Cette note a paru dans les Mémoires de la Société belge de Microscopie, t. XXII, 1898. (?) Centralblatt fiir Bakteriologie und Parasitenkunde, 2 Abt., B. I, p. 557. (3) Observé également par Fischer; voir : Bulletin Herbier Boissier, vol. IV, p. 897. Tome IIT, 1808. 204 P, NYPELS, == LA GERMINATION —————— Enfin, comme nous le verrons plus loin, un Aecidium typique, pour lequel on ne connaît pas de formes Uredo et Teleuto, peut présenter dans la germination de ses spores des particularités intéressantes, EnpoPpuyLLum Sempervivt DE Bary, — Cette espèce a existé pen- dant quelques années au Jardin botanique de Bruxelles. Elle reparaissait régulièrement tous les ans, au printemps, sur divers Sempervivum. Des cultures très nombreuses de spores ont été faites et m'ont fourni des aspects assez variés. Dans beaucoup de cas, on observe la germination typique et bien connue : promycélium dans lequel se séparent quatre cellules qui produisent chacune latéralement une sporidie, Mais on aurait tort d'affirmer qu'il en est toujours ainsi. Le nombre des cloisons est variable ; les sporidies ne se forment pas toujours et peuvent être remplacées par des filaments plus ou moins ramifiés, etc. Des sou- dures peuvent se produire entre promycéliums voisins. On observe aussi quelquefois des spores germant à la façon d'une écidiospore typique et produisant un long filament simple et non cloisonné, comme le font parfois aussi les téleutospores de divers Puccinia, Si ce cas se présentait plus fréquemment, on devrait peut-être admettre l'existence dans les écidies de deux espèces de spores, les unes germant et fonctionnant comme des écidiospores, les autres germant à la façon des téleutospores. Mais le fait se pro- duit assez rarement et doit être considéré plutôt comme un cas anormal, relevant de la tératologie ou de l'atavisme (les cas d'ata- visme ne sont le plus souvent que des cas tératologiques arbitraire- ment choisis), Dans mes cultures, les spores qui ont germé de cette façon se trouvaient à la surface comme les autres, et ce n'est pas parce qu'elles se trouvaient dans la profondeur d'un liquide qu'elles ont germe ditiéremment. EnpopuyLLum Sept Liv, — Le genre Endophylium a été créé en 1825 par Lèveillé, qui y a placé deux espèces : l'Endophyllum Per- Tome III, 1898. DE QUELQUES ECIDIOSPORES. 205 soonti (Uredo Sempervivi Alb. et Schwein.), qui est devenu plus tard Endophyllum Sempervivi De Bary, et l'Endophyllum Sedi (Uredo Sedi DC. p. p.). Ce dernier est indiqué par De Toni (*) comme un Endophyllum douteux. La troisième espéce actuellement connue est l'Endophyllum Euphorbiae-Silvaticae Winter. Au printemps dernier, nous avons trouvé en abondance sur les rochers de Samson des Sedum reflexum envahis par une Urédinée. Les pieds attaqués portaient des écidies et des spermogonies; ces dernières ont une odeur assez forte, rappelant celle des spermogo- nies de Puccinia suaveolens. L'écidie et les écidiospores répondent assez bien a la description de l'Endophyllum Sedi, mais l'espéce _ n'est certainement pas un Endophyllum. Les spores mises en culture germent comme de véritables écidiospores et ne produisent jamais ni promycélium ni sporidies, Si donc il existe réellement un Endophyllum Sedi, l'espèce trouvée À Samson serait une espèce nouvelle; mais il paraît plus vraisemblable que l'attribution au genre Endophyllum est erronée et que le parasite de Léveillé doit s'appeler en réalité Aecidium Sedi. L'Aecidium erectum du Puccinia australis Korn. diffère par la grandeur des spores et la forme des péridies, d’aprés la description donnée par Dietel. Quelques-unes des plantes recucillies 4 Samson portaient, en méme temps que l'Aecidium, le Cordalia persicina Gobi (Tuber- culina persicina Sacc.), un parasite habituel de beaucoup d'Uré- dinées. AECIDIUM LEUCOSPERMUM DC. — Cette espèce, parasite sur l’Ane- mone nemorosa, est bien distincte (*) du Puccinia fusca qui se déve- loppe sur la même plante et avec lequel on l'a souvent confondue. Elle est assez abondante tous les ans au Bois de la Cambre, près de Bruxelles, et j'ai cultivé plusieurs années ses spores. (*) Saccardo Sylloge Fung., vol. VII, p. 767. (2) Barclay, Magnus, Plowright, Rostrup, Soppitt. TOME III, 1808. 206 P. NYPELS. — LA GERMINATION Les spores germent le plus souvent en produisant un filament plus ou moins long, d’ordinaire simple, parfois un peu ramifié. Mais chez quelques-unes d’entre elles il se forme a l'extrémité de ce filament une production spéciale, qui constitue une espece de spore secondaire (*). La formation de ces corps a été observée par Soppitt (*), qui les mentionne brièvement, mais n’a pas observé leur maturation complète. Dans mes cultures, les spores secondaires qui se sont formées atteignaient à peu près les mêmes dimensions que les écidiospores elles-mêmes. Elles avaient donc des dimensions plus considérables que les ampoules terminales observées par Soppitt. Tantôt le filament germinatif sorti de l’écidiospore reste très court et se termine presque immédiatement en une spore secon- daire, tantôt au contraire le filament s’allonge plus ou moins avant de produire l’ampoule terminale (fig. 1). Tout le contenu du fila- ment vient bientôt saccumuler dans cette ampoule qui se sépare du reste du filament par une cloison (fig. 2). La spore ainsi formée s’arrondit et diminue un peu de volume; ensuite sa membrane s’epaissit et atteint en deux ou trois jours a peu près l'épaisseur de la membrane des écidiospores (fig. 3). Aucun changement ultérieur ne se produit, et la spore parait passer a l'état de repos; le filament qui la rattachait a la spore primitive se flétrit. Je n'ai jamais pu obtenir la germination de ces corps, et ne puis dire quel est leur sort ultérieur. Quand on met a germer un grand nombre d’écidiospores, quel- ques-unes seulement, en proportion trés variable, produisent de ces spores secondaires, et J'ai essayé vainement de déterminer quelles étaient les conditions qui amenaient cette production. D'après le résultat de mes expériences, la lumière n'a aucune influence : les cultures mises à l’obscurité complète ou partielle, comme celles placées à la lumière diffuse, ont donné de ces spores (r) On sait que les sporidies de nombreuses Urédinées peuvent produire des sporidies secondaires; par analogie, j'appelle ici spores secondaires, les organes comparables formés dans la germination de spores. (2) Fournal of Botany, vol. XXXI, 1893, p. 273. > ER ee ee ee dE à Tome III, 1898. DE QUELQUES ECIDIOSPORES. 207 en nombre variable, mais sans aucune prédominance marquée dans l’un des cas. L’age des écidiospores ou leur position dans l’écidie ne parais- sent pas non plus avoir d'influence ; cependant, en ce qui concerne ces derniers facteurs, il était plus difficile d’opérer avec certitude; le résultat ne peut étre considéré comme rigoureusement certain. Les spores secondaires se forment habituellement sur les bords des gouttelettes d'eau, et l’on aurait pu se demander si elles ne se produisaient pas au contact de la lamelle en verre. Il ne semble pas en être ainsi, car beaucoup de filaments rampant le long du verre ne produisaient aucune spore, et d’autre part certaines spores se sont produites à distance de la lame. La figure 4 représente un cas anormal, observé une seule fois : le contenu entier d’une écidiospore est sorti de la membrane et a formé une masse arrondie à côté de celle-ci; je n'ai pas observé dans ce cas l'épaississement de la membrane et ne puis dire si la sphère ainsi formée était une vraie spore secondaire. Il n’est pas très rare, dans les cultures d'urédospores et d'écidio- spores, d'observer sur le parcours des filaments germinatifs des par- ties épaissies, des ampoules plus ou moins prononcées. Mais ces renflements accidentels ne se séparent jamais par des cloisons et le contenu du filament ne s’y accumule pas à demeure; ils ne sont donc en aucune façon comparables aux spores si nettement diffé- TOME III, 1898. 208 P. NYPELS. — LA GERMINATION renciées que peut former l'Aecidium leucospermum. Cette espèce paraît être jusqu'ici la seule que l'on ait vu produire des spores de ce genre. Mentionnons cependant une observation de Büsgen (‘), qui a vu se former, dans la germination d’urédospores d'Uromyces Poae, « Anschwellungen die eine sehr dicke Membran besitzen und den Eindruck machen von Dauerzellen ». Je n'ai pas cultivé cette espèce. Dans un tout autre domaine, le phénomène qui se produit dans la germination des grains de pollen de charme rappelle beaucoup, par l’apparence extérieure, celui qui s’observe pour les écidiospores d’Aecidium leucospermum. On sait, par les observations de M! Ben- son (’), que chez le Carpinus betulus tout le contenu du tube polli- nique vient s’accumuler à l'extrémité de celui-ci dans une ampoule terminale et que, dans la plante, le tube reste ainsi longtemps à l'état de repos avant de continuer sa marche vers l'oosphère. Dans un certain nombre de cultures d’écidiospores d’Aecidium leucospermum, j'ai encore observé sur les filaments une autre appa- rence assez singulière. Les filaments se trouvant dans l'air humide semblaient à première vue se terminer en un chapelet continu de cellules. La désarticulation du promycélium en cellules qui s’isolent et peuvent germer a été fréquemment observée chez les Gymnospo- rangium (°). Le mème phénomène peut se produire aussi chez divers Leptopuccinia, notamment le Puccinia heterogenea Lager- heim (*). Carleton (°) a observé également une formation analogue de cellules en chapelet dans trois espèces de Puccinia. Il eût donc été très intéressant de retrouver une formation ana- logue chez notre Aecidium. Seulement un examen un peu attentif suffisait pour montrer qu'il n'y avait la qu'une apparence trom- (*) Botan. Zeitung, 1893, 1. Abt., p. 66. (2) Zrans. Linnean Soc. London, Botany, vol. III, 24 ser., part 10, 1894. Voir figures 57 et 58 de la planche 72. (3) Cramer, Kienitz-Gerloff, Richards, Thaxter. (+) Fournal of Mycology, vol. VII, p. 46 avec planche. (5) Botanical Gazette, December 1893, p. 455, planche 39. Tome III, 1898. DE QUELQUES ECIDIOSPORES. 209 peuse due a des anneaux de liquide entourant le filament. La figure 5 est une coupe optique d’un de ces filaments. Ce phénoméne ne sest produit que dans quelques séries de cultures faites en avril 1894. Les anneaux réguliers de liquide qui entouraient le filament paraissaient exsudés par lui et disparaissaient immédia- tement dans l'eau et dans l'alcool. Il y a la une cause possible d'erreur, sur laquelle il est peut-être bon d'appeler l'attention. Toutes mes cultures ont été faites par la méthode ordinaire, dans des gouttelettes d'eau pure en cellule humide. Un carton perforé imbibé d’eau est posé sur une lame de verre et sur l'ouverture on dépose la lamelle retournée portant la goutte d'eau ensemencée. La culture se trouve ainsi dans une atmosphère humide et les échanges gazeux peuvent se faire jusqu’à un certain point à travers le carton humecté. Malgré cela, j'ai observé avec étonnement que certaines écidio- spores d’Aecidium leucospermum refusaient obstinément de germer dans une atmosphère aussi confinée, et qu’il suffisait d’écarter un peu la lamelle afin de permettre l’accès de l'air extérieur pour que la germination se produisit. Ce fait, rernarqué par hasard dans une série de cultures, a été vérifié par moi à plusieurs reprises. Non pas qu'aucune spore de cette espèce ne puisse jamais germer en cellule humide fermée : j'ai fréquemment obtenu d'excellentes germinations dans ces conditions. Mais certaines spores, à vitalité probablement atténuée, ne germent pas en cellule fermée et ger- ment au contraire en cellule ouverte. Ce fait semble montrer chez ces spores un besoin tout particulier d'oxygène (?), et il m'a paru intéressant à signaler. Il explique peut-être l’action nettement favorable, observée par Carleton (*), du peroxyde d'hydrogène. Une atmosphère plus riche en oxygène que l'atmosphère normale serait peut-être également avantageuse. Janvier 1898. (1) Botanical Gazette, 1893, p. 447. Tome III. | 14 NOTES SUR LES NVMÉeOMYCETES PAR NORBERT ENSCH (‘) Invité par M. le professeur Errera a étudier la répartition du glycogène chez les Myxomycètes, nous avons éprouvé dès le début une grande difficulté : celle du maniement de ces organismes. Il nous arrivait souvent dans nos herborisations de récolter des plas- modes que nous nous réjouissions d’avance d'étudier au labora- toire; quelques heures après, nous les trouvions évolués, trans- formés en sporanges. Nous venions de lire le grand ouvrage de Klebs sur le déterminisme de la sexualité chez les Algues et les Champignons inférieurs, et nous avions été vivement frappé par la grande influence que le milieu extérieur exerce sur le cycle évolutif des organismes. Peut-être y avait-il moyen d’influencer celui des Myxomycètes. Des notes qui vont suivre, quelques-unes se rapportent à l'étude du développement de ces êtres, les autres à la désorganisation du sporange et à la recherche microchimique du glycogène. Enfin, nous ajoutons aux observations que nous avons eu l'occasion de faire la liste des Myxomycètes que nous avons récoltés, et dont M. Lister, le savant spécialiste anglais, a bien voulu vérifier la détermination. (1) Cette note a paru dans les Miscellanées biologiques dédiées au Prof” Alfred ‘Gtard à l’occasion du XXV° anniversaire de la fondation de la Station zoologique de Wimereux. Paris, 1899, p. 212. Tome III, 1899. 212 NORBERT ENSCH. — NOTES I. — SUR L’APPARITION DU PLASMODE DE CHONDRIODERMA DIFFORME. Une chose bien remarquable et admirablement mise en lumière par Stahl [13] (*) dans ses recherches sur la biologie des Myxo- mycètes, ce sont les modifications de l'irritabilité qui se produisent au cours de l’existence de ces organismes et qui jouent certaine- ment un grand rôle dans les changements d'état. Pendant des semaines entières, des amibes peuvent grouiller dans les liquides nutritifs, y être soumises a des contacts incessants avec d’autres amibes, et pourtant elles ne se fusionnent pas. Puis, à un moment donné, sans que l’on sache pourquoi, elles s’attirent, confondent leurs cytoplasmes et leurs noyaux en une seule masse, et le plas- mode se trouve constitué. De même dans des cultures en gélatine que nous avons entreprises, les amibes demeuraient parfois pen- dant toute une journée en contact continu. Loin de se fusionner, elles s’enkystaient. Nous n'avons pas réussi à préciser les conditions dans lesquelles les plasmodes se forment; nous voulons simplement attirer l'attention sur une expérience tres simple avec Chondrio- derma difforme. Cette espèce est l’une des rares que l’on puisse cultiver jusqu'ici. Strasburger [15] en a précisé les conditions de culture dans son traité de technique microscopique. EXPERIENCE. — Dans un récipient contenant une décoction de tiges de Faba,nous suspendons des fragments de tige ou des gousses du même végétal, de telle façon qu’en aucun point elles ne vien- nent en contact avec la paroi. Nous ensemençons ce milieu avec des spores de Chondrioderma. Le développement se fait, mais — et c'est là le fait intéressant — les plasmodes se forment uniquement sur les tiges de Faba et non sur les parois du récipient. (*) Les chiffres entre crochets renvoient à l’index bibliographique, p. 220. TomE III, 1899. SUR LES MYXOMYCETES. 213 Il semble légitime de conclure de cette expérience que la tige de Faba laisse diffuser dans le liquide de culture une substance chi- mique exerçant sur les amibes une influence chimiotaxique. Toutes les amibes sont attirées vers la tige de la Fève, et l'on comprend que les plasmodes ne puissent se former que la. Stange [14], d’ail- leurs, dans un travail fait au laboratoire de Pfeffer, avait déja montré qu’on pouvait attirer les myxamibes de Chondrioderma dans des tubes capillaires contenant de l'extrait de Faba. Il. — LA CULTURE DES AMIBES DE CHONDRIODERMA DIFFORME. Nous avions observé que si l’on ensemence des spores de Chon- drioderma difforme dans des tubes qui ne contenaient qu'une décoction de Faba, le développement des plasmodes ne se faisait point, mais que les amibes y abondaient. Nous sommes parti de là pour maintenir les amibes en culture. Voici comment nous procédons. Nous répartissons dans une série de tubes une décoction de Faba. Nous stérilisons ces tubes à l’auto- clave; ensuite, en nous entourant de toutes les précautions de l’asepsie, nous ensemençons le liquide avec des spores de Chondrio- derma. De huit en huit jours, nous prélevons une goutte du liquide ou le développement avait déja eu lieu, pour en ensemencer un nouveau tube. Les amibes se propageaient de tube en tube, et nous avons pu ainsi a deux reprises continuer la culture pendant cing a six mois. Nous avons réussi ainsi la culture d’amibes végétales. D'autres auteurs ont réalisé la culture d’amibes n’appartenant pas à un cycle. Ainsi Celli [2, 3] rapporte qu'en employant divers milieux solides (agar-agar, gélatine, Fucus crispus), il est arrivé à cultiver toute une série d’amibes(A. gut/ula, undulans, coli, spinosa, diaphana, etc.). Schardinger [12] est parvenu, a force de soins, à obtenir des cul- tures pures de certaines Monadines. Beyerinck [1] a réussi à isoler et à cultiver deux espèces d’amibes TOME III, 1800. 214 NORBERT ENSCH. — NOTES très curieuses. L’une, Amœæba nitrophila, pousse sur de l’agar-agar à laquelle il ajoute des composés ammoniacaux. Elle présente un mode de sporulation analogue à celui des Mycétozoaires supérieurs, dont elle diffère pourtant par l'absence du stade zoospore et du stade plasmode. L'autre, Amæba zymophila, est intéressante par sa coexistence avec une Levure, Saccharomyces apiculatus, et les bactéries de la fermentation acétique dont il a été impossible de la séparer. Gorini [7] est venu confirmer les faits avancés par le bactériolo- giste hollandais, et a montré que les amibes pouvaient aussi être cultivées sur Pomme de terre. : Ni Celli, ni Gorini, ni Beyerinck n'ont obtenu de cultures pures. Les nôtres ne l'étaient pas davantage. Elles étaient infectées de bactéries, de flagellates. Bien que nos amibes eussent tous les attributs extérieurs des amibes de Myxomycete (elles en avaient la grandeur, l'aspect, la structure, le mode de progression), nous n'avons pas pensé que nous étions d'emblée autorisé a en affirmer l'identité à travers une longue série de cultures. Il aurait parfaite- ment pu arriver que pendant ce temps d'autres amibes soient venues contaminer le liquide. Dans l'état actuel de la science, il est tout aussi difficile de rapporter, par la simple inspection, une amibe au cycle biologique auquel elle appartient, que de déterminer l'espèce d'un mycélium de Champignon. Pour établir notre con- viction, il était nécessaire d'assister à l’évolution de ces amibes, de voir si elles étaient capables de se fusionner en plasmodes, puis d'évoluer en sporanges. Nous avons recueilli cette preuve en intro- duisant de temps en temps dans nos tubes des tiges de Faba soigneusement stérilisées. Dans ces conditions, il s'est formé des sporanges comme dans les conditions ordinaires de la culture de Chondrioderma. Nous concluons de cette expérience que les amibes de Chondrio- derma peuvent mener une vie indépendante pendant très long- temps, peut-être indéfiniment. Elles se rapprochent en cela du mycélium des Champignons, du prothalle des Fougères et du protonéma des Mousses (Klebs). 2 sis _ Tome III, 1800. SUR LES MYXOMYCÈTES. 215 Ill. — GERMINATION DE CHONDRIODERMA DIFFORME EN GELATINE. EXPERIENCE. — Sur une lamelle stérilisée par la chaleur, nous déposons une goutte d’une solution à 10 °/, de gélatine dans de l'extrait de Faba. Nous ensemengons le plus aseptiquement possible avec des spores de Chondrioderma difforme. Nous renversons la lamelle sur une chambre humide en carton et nous observons. Voici ce qui se passe : Au bout d'un jour, les spores éclatent, mais les zoospores naissent sans flagel. Elles progressent avec une len- teur extrême et par mouvements amiboïdes, Elles se divisent même parfois très activement. Mais au bout de vingt-quatre à trente-six heures, elles s’arrondissent, prennent l'aspect de micro- cystes dans lesquels on peut voir, pendant plusieurs jours encore, les pulsations des vacuoles et les migrations du noyau. La germination des spores de Myxomycète est d'ailleurs suscep- tible de certaines variations. Ainsi, tandis que chez le Chondrio- derma la zoospore bat le liquide avec son fouet dès que la spore a éclaté, plusieurs espèces de Physarum, de Trichia n'acquièrent le fouet qu'après un stade de repos intermédiaire. Il est vraisemblable que pour progresser dans l'intérieur de la gélatine, les amibes doivent la liquéfier graduellement en sécrétant une zymase. Beyerinck [1], d'ailleurs, a observé que son Amceba zymophila avait le pouvoir de liquéfier la gélatine. IV. — LA DUREE DU STADE PLASMODE. Le stade plasmode est très fugitif. Peut-on prolonger à volonté ce stade? En théorie, on peut concevoir l'éternité du plasmode puisque, dans les conditions mauvaises de vie, il peut résister par sa forme sclérote. Mais pour maintenir le stade actif, il faudrait empêcher d'une part que la mort n'intervienne, et d’autre part entraver son évolution vers la forme sclérote ou la forme sporange. Tome III, 1899. 216 NORBERT ENSCH. — NOTES EXPERIENCE. — Nous récoltons un grand plasmode d'Aefhalium septicum. Nous le divisons en deux parties. Nous permettons à l’un des plasmodes d’évoluer dans les conditions naturelles sur le sup- port sur lequel nous l'avons trouvé. L'autre est placé sur une lame de verre que nous renversons sur une infusion de tan. Le plasmode, grace a son exquise sensibilité au contact, s'applique intimement sur le verre. Il rampe entre celui-ci et la surface du liquide; de cette façon, il reste en vie pendant cinq semaines. L’autre avait évolué le troisième jour vers le stade sporange. Le même procédé nous a servi pour maintenir en vie un plas- mode de Badhamia utricularis. Il est donc possible de prolonger pendant un certain temps la vie active du stade plasmode. Lister [10], d’ailleurs, a pu observer un plasmode de Badhamia utricularis pendant un an, mais sans préciser les conditions dans lesquelles on peut le faire a volonte. Quelques mots encore à propos de l'expérience précédente. Comment se fait-il que le plasmode reste entre le verre et la surface de l’eau? On sait depuis Stahl que le plasmode, pour fructifier, change de sensibilité et devient négativement hydrotaxique. Que n'est-il sorti du liquide pour fructifier sur la face supérieure de la lame de verre qui était bien sèche? Il ne l'a pas fait, et il est vraisemblable que c’est à cause de la transition brusque entre un support sec et un support humide. Notons encore que le plasmode n’a jamais rampé a la surface du liquide, ainsi que le font les autres amibes qui y sont très sensibles. ll y aurait donc là encore un changement d'irritabilité pendant le passage du stade amibe au stade plasmode. V. — SPORANGES ET SCLEROTES. Klebs [8] a montré pour certains Champignons inférieurs (Mucor racemosus, Eurotium repens) qu'une condition indispensable à la formation des amibes était que le mycélium soit entouré d’une couche d’air. Dans l’eau, leur formation est impossible. 11 en est de même, quoique d’une façon moins absolue, pour les fructifications des Myxomycètes. Devenus négativement hydrotaxiques, les plas- Tome III, 1899. SUR LES MYXOMYCETES. 217 Se TT RE pL dette) modes s’éloignent des endroits où règne une trop grande humidité, se débarrassent peu à peu du liquide qu'ils ont entraîné, et, arrivés sur un support relativement sec, ils commencent à fructifier. Dans les souches, on les voit quitter l’espace très humide qui se trouve entre le bois et l'écorce, pour venir étaler leurs sporanges à l’exté- rieur, Cependant on rencontre parfois des sclérotes (de Bary [5], Cienkowski [4]) et même des sporanges (Stahl [13]) à l'intérieur du liquide de culture. Nous avons fait des observations identiques pour Chondrioderma difforme. Mais ce sont des productions atro- phiées. La vie dans un milieu liquide empéche généralement la formation des stades de repos. Quand un plasmode a vécu pendant un certain temps dans un liquide, il cesse de s'appliquer intimement sur le support, ne s'étale plus en herborisations élégantes, il pousse des hernies proto- plasmiques assez épaisses; en un mot, il prend l'aspect que Stahl [13] désigne sous le nom d'aspect coralloïde. 11 semble que tout soit prêt pour une fragmentation. En effet, quand on retire alors le plasmode du liquide, les sclérotes se forment rapidement. C’est vraisemblablement à une déshydratation rapide qu'il faut attribuer le curieux phénomène signalé par Pfefler [11] et étudié par Demoor [6] dans sa thèse de doctorat spécial. Quand on dépose sur un plasmode de la gélatine à 1 °/,, les mouvements du proto- plasma s'arrêtent, le polioplasme s'’accumule en différents niveaux en masses puissantes qui se cloisonnent au moyen de véritables lames d’hyaloplasme. Si, au lieu d’une solution de gélatine à 1 °/., on emploie une solution a 10 °;, il s'opère une véritable fragmen- tation du plasmode au moment de la prise de la gélatine. En liquéfiant celle-ci, les « cellules » isolées se fusionnent à nouveau dans le plasmode primitif. DÉSORGANISATION DU PLASMODE DEVENU NÉGATIVEMENT HYDROTAXIQUE. Un plasmode est devenu négativement hydrotaxique. Qu’arrive- t-il si on le place dans l'eau? EXPÉRIENCE, — a) Dans une de nos cultures, nous avons observé TOME III. 1899. 218 NORBERT ENSCH. — NOTES que Chondrioderma s'apprètait à fructifier. Nous élevons le niveau du liquide pour l’einpécher d’en sortir. Le lendemain, en observant la culture, nous trouvons les plasmodes ramassés sur eux-mêmes, présentant un aspect coralloïde et flottant pour la piupart dans le liquide. L'examen microscopique nous révèle que les masses plas- modiales s'étaient décomposées en petites sphères de volume et de contenu variables. Les unes étaient composées d'un cytoplasme tres dense, très granuleux; les autres étaient hyalines, d’autres semi-hyalines, semi-granuleuses. b) Nous avons suivi à diverses reprises cette fragmentation sous le microscope chez plusieurs espèces de Myxomycètes (Comatricha oblusata, Arcyria cinerea, Stemonitis fusca, Trichia varia). Au moment ou le plasmode cessait de se mouvoir et se ramassait sur lui-même pour s’élever ensuite en colonne, nous le plongions dans une goutte d’eau. Voici ce que montrait l'observation. A peine Vorganisme se trouvait-il dans l’eau, que son contour devenait irrégulier. Au fur et a mesure que ce séjour se prolonge, la déformation s’accuse de plus en plus. Peu a peu, de grosses masses protoplasmiques se séparent, se meuvent dans le liquide par mouvements amiboides tres actifs; puis, de ces masses encore considérables partent d’autres masses de plus en plus petites, qui finissent par s’arrondir. Les unes sont hyalines, les autres granu- leuses. Le tout finit par se désorganiser. Si le plasmode se trouve tres pres de la maturité, on observe parfois encore une fragmentation du sporange en trois ou quatre masses plus petites dans lesquelles se poursuit la formation des spores (Arcyria). Klemm [9], dans son travail sur la mort des cellules, s'exprime comme suit : « Si nous envisageons les phénomènes de désorgani- sation au point de vue des propriétés dynamiques de la cellule, nous devons relever les points suivants : » De grandes modifications ne sont possibles qu’aussi longtemps que la motilité persiste. Quand de grands changements de forme se produisent, c'est que la motilité est conservée. Celle-ci ne s'éteint souvent que dans les derniers stades de la désorganisation. Il arrive aussi qu’il se produit une augmentation d'intensité du mouvement » Tome III, 1890. SUR LES MYXOMYCETES. 219 (Klemm, p. 694). Il nous a semblé que ces observations sur la désorganisation cellulaire s’appliquaient fort bien au phénomène spécial que nous avons étudié, car les mouvements amiboïdes des masses protoplasmiques qui se détachaient du plasmode étaient extraordinairement actifs. Quant à la cause du phénomène, elle se trouve vraisemblablement dans les troubles apportés dans les échanges osmotiques (’). HERBORISATIONS. Nos récoltes ont été faites surtout dans la forét de Soignes et dans les bois des environs d’Arlon. M. Lister, qui a revu et corrigé nos déterminations, ne considére comme rares, parmi les especes recueillies, que le Physarum citrinum et le Physarum viride. Nous avons été frappé par la grande abondance du genre Trichia pen- dant les mois d'automne. Nous nous demandons si la formation des sporanges, quand la lumière est très forte, ne se fait pas entre le bois et l’écorce. Ainsi, nous avons un jour trouvé une multitude de sporanges de Trichia varia et de Badhamia entre le bois et l'écorce de grosses souches situées en plein soleil sur la grand’ route. Nous avons cru utile d’emporter au laboratoire les fragments de souche qui avaient déjà porté des Myxomycétes. En les plaçant dans des cristallisoirs humides, nous avons pu observer fréquem- ment de nouvelles poussées de sporanges. (:) La partie de cette note qui est relative au glycogène chez les Myxomycètes a déjà paru dans le Recueil de l’Institut botanique (voir t. I, p. 297). TOME III, 1899. 220 NORBERT ENSCH. — NOTES Liste des Myxomycètes recueillis. 1. Badhamia punicea Bonnert près d’Arlon. 2. Badhamia utricularis Birenhof près d’Arlon et forêt de Soignes. 3. Physarum nutans . . . Environs d’Arlon et forêt de Soignes. 4. Physarum viride var. aurantium . Groenendael. 5. Physarum citrinum . Clairefontaine (Arlon). 6. Physarum cinereum. Boitsfort. 7. Chondrioderma difforme Forêt de Soignes. 8. Chondrioderma (Michelii?) Jardin botanique. 9. Æthalium septicum . Forêt de Soignes. Environs d’Arlon. 10. Comatrichia obtusata Id. 11. Stemonitis fusca . Oe Id. . Stemonitis ferruginea . Enerthenema elegans . Perichena populina . . Lepidoderma tigrinum . . Reticularia Lycoperdon . . Arcyria punicea . . Arcyria albida AN! he . Arcyria albida var. pomiformis . Arcyria incarnata bes . Arcyria flava . . Trichia varia NE . Trichia fallax . : . Trichia affinis . Trichia persimilis . Oligonema nitens. . Lycogala miniatum . Groenendael. Samson (Namur). Clairefontaine (Arlon). Bonnert (Arlon). Samson. Environs d’Arlon et forêt de Soignes. Id. Boitsfort. Id. Environs d’Arlon et forêt de Soignes. Id. Boitsfort. Id. Id. Tan d’une serre d’Arlon. Bonnert et forét de Soignes. Nous tenons a adresser nos plus vifs remerciements a MM. les professeurs Errera et Massart, dont nous avons pu, pendant plu- sieurs années, suivre le remarquable enseignement. Qu’à l'occasion de ce premier travail de biologie, MM. les professeurs Giard, de la Sorbonne, Lameere et Dallemagne, de l'Université de Bruxelles, dont les laboratoires nous ont toujours été généreusement ouverts, veuillent bien accepter l’expression de notre gratitude. Tome III, 1899. SUR LES MYXOMYCETES. 221 [4] [6] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] BIBLIOGRAPHIE 1895. BEYERINCK, Versuchen zur Amcebencultur auf festem Substrate. (Bakt. Centralbl.) 1895. CELLI (Rome), La biologie des amibes. (Atti dell’ Accademia di Catania.) 1895. CreLit, Die Kultur der Amoeben auf festem Substrate. (Baht. Centralbl.) 1863. CIENKOWSKI, Die Entwicklungsgeschichte der Myxomyceten. (Fahr6. für wissensch. Bot., Bd III.) 1884. DE Bary, Vergleichende Morphologie und Biologie der Pilze. Leipzig. 1895. 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DE WILDEMAN. RECHERCHES DIVERSES SUR DES CHAMPIGNONS, DES ALGUES ET D'AUTRES ORGANISMES INFÉRIEURS, par É. DE WILDEMAN. Une nouvelle Chytridinée (Micromyces Mesocarpi De Wild.). (Mém. de l'Herbier Boissier, n° 3, 1900.) Observations sur quelques Chytridinées nouvelles ou peu connues. (Mém. de l Herbier Boïssier, n° 15, 1900.) Quelques Chytridiacées nouvelles parasites d’Algues. (Za MNofarisia, n° 3, 1895.) | Chytridiacées de Belgique. (Ann. Soc. belge de Microscopie, t. XIV, 1890.) Note sur quelques Saprolégniées parasites d’Algues. (Bu//. Soc. belge de Microscopie, t. XVI.) Note sur le Chlorocystis Colmii Reinsch. (Bu//. Soc. belge de Microscopie, t. XIX.) Notes mycologiques, 10 fasc., 1893-1898. (Ann. Soc. belge de Microscopie.) Fascicule I, 32 pages, 3 planches. = REA St = — Ill, 30 — ~ IV, 24 — — V, 35 — — VI, 42 — — VII, 42 — — VIII, 32 — — IX, 24 — — X, 16 — [En partie aux laboratoires de Genève (Prof. Chodat), de Nancy (Prof. Le Monnier) et de Paris (chaire de cryptogamie, Prof. Van Tieghem).] M D I © À RD = OO | Census Chytridinaearum. (Zu//. Soc. roy. de Botan. de Belgique.) Notes sur quelques organismes inférieurs. (Bu//. Soc. roy. de Botan. de Belgique, t. XXX, 1891.) Tome III, 1892, 1893. EM. MARCHAL. 223 UNE MUCORINEE NOUVELLE : « SYNCEPHALASTRUM ELEGANS », par Em. MarcHaL. (Bull. Soc. belge de Microscopie, 1892.) SUR UN NOUVEAU RHOPALOMYCES, par Em. Marcuac. (Revue mycolo- gique, janvier 1893.) Rate = EUR 1 A PT aan a Nek Ate [PR LIN 7 He An" SCLÉROTES ET CORDONS MYCÉLIENS, par C. BOMMER. Ce travail a paru dans le tome LIV des Mémoires couronnés et Mémoires des savants étrangers, publiés par l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique. — 1894. Le présent résumé a été fait par l’auteur. Les modifications adaptatives de l'appareil végétatif sont particulièrement développées chez les Basidiomycètes et les Ascomycètes;.elles peuvent être rapportées aux catégories suivantes : adaptations pour l'attaque, pour la protec- tion, la propagation de l’espèce et l'accumulation des réserves nutritives. Agglomérations mycéliennes des Basidiomycètes. CORDONS MYCÉLIENS. Scleroderma Pers. Zone superficielle formée d'éléments minces indépendants dont certaines hyphes représentent des organes d'absorption; masse interne à structure pseudo-parenchymateuse avec hyphes à grand diamètre contenant de l’oxalate de chaux. Cyathus striatus Hoftm. Haut degré de différenciation : hyphes corticales protectrices, non vivantes; moelle formée d’un tissu fondamental d’hyphes minces, hyphes vascu- laires localisant les réserves, de nature grasse, hyphes larges à cristaux d’oxalate de chaux localisant les produits d’excrétion. Collybia platyphylla Fr. Epaississement des grosses hyphes de la moelle constituant une accumula- tion de matières de réserve cellulosiques; hyphes vasculaires très développées; enchevêtrement des hyphes corticales donnant aux cor- dons une très grande résistance; hyphes superficielles fonctionnant comme organes d'absorption. TOME III. 15 Tome III, 1894. 226 C. BOMMER. — SCLEROTES Phallus impudicus L. Analogie des cordons mycéliens avec ceux de Collybia platyphylla avec en plus une couche superficielle pseudo-parenchymateuse d’éléments larges à parois minces; épaississement des hyphes interprété erroné- ment comme une substance intercellulaire mucilagineuse ; zone corti- cale interne riche en glycogène. Gros cordons cheminant dans le sol à une certaine profondeur et envoyant dans la couche d’humus superficielle des ramifications dont les unes portent des carpophores tandis que les autres se transforment a leur extrémité en mycelium diffus essentiellement assimilateur; dispo- sition en colonie des carpophores produits par un mycélium commun. AGGLOMERATIONS MYCELIENNES COMPACTES. Polysaccum De Cand. Pseudo-stipe formé par un groupement d’hyphes de deux espèces et de structure tout à fait comparable à celle des cordons de Scleroderma. Ce groupement du mycélium est destiné à le protéger contre la sécheresse, Polysaccum habitant des stations très arides. Polyporus tumulosus Cke et Polyporus lucidus Fr. Mycélium se condensant en grandes masses englobant une forte proportion de particules terreuses. Chez P. /ucidus, ces agglomérations, formées de mycélium à peine différencié et recouvertes d’un tissu cortical, sont pérennantes et peuvent donner naissance à des carpophores plusieurs années de suite. SCLÉROTES. Collybia tuberosa Bull. Sclérote à point végétatif défini établissant la transition entre les cordons et les sclérotes proprement dits. Chez Co//ybia cirrhata Pers., le sclérote peut produire des cordons. Armillaria mellea Vahl. Le point de départ de la formation des rhizomorphes est un sclérote et les rhizomorphes peuvent produire des sclérotes massifs très développés. Lentinus Woermanni Cohn et Schrôter. Sclérote caractéristique de grandes dimensions ; accumulation de réserves cellulosiques dans la membrane des hyphes minces qui finissent par se transformer en masses compactes de cellulose; il en est de méme chez Lentinus scleroticola G. Murr. Tome III, 1894. ET CORDONS MYCELIENS. 227 Polyporus umbellatus Fr. Sclérote formé de gros rameaux noirâtres à substance interne blanche et compacte, se développant dans le sol au pied des Hétres et des Chénes. Ecorce trés distincte formée par la sclérotisation des hyphes superfi- cielles qui finissent par se fusionner en une masse amorphe formant un revétement impermeable. Zone de tissu sous-cortical formé d’hyphes filamenteuses, puis zone d’hyphes plus larges contenant de l’oxalate de chaux; enfin moelle carac- térisée par des hyphes très épaisses, noueuses, d’aspect coralloïde ou même tuberculeuses, à réserves cellulosiques, mélangées à des hyphes minces ; réserves glycogéniques très peu abondantes. Mycélium se développant d’abord sous une forme filamenteuse dans les racines des Chênes et des Hétres, d’une manière analogue à celle qu’on observe chez Pachyma cocos Fr. Une croissance plus définie que celle des autres gros sclérotes donne a celui de P. umbellatus son allure en longs rameaux se divisant et s’anastomosant de manière à occuper dans le sol un espace pouvant atteindre un demi-mètre cube. Jeunes rameaux en voie de croissance à tissu médullaire peu diffé- repcié, à surface formée d’hyphes filamenteuses absorbantes, de l’acti- vité assimilatrice desquelles dépend l'accroissement d’ailleurs fort lent du sclérote rameux. Blessures amenant avec une très grande rapidité la formation de l'écorce sclérotisée au point lésé; ces zones sclérotisées protectrices peuvent aussi se former au milieu de la moelle, par exemple pour la défendre contre l’attaque des rhizomorphes d’Armi//aria mellea. Pachyma cocos Fr. Sclérote de type analogue à celui de P. wmbellatus, mais à hyphes coral- loïdes beaucoup plus nombreuses et plus développées. Fructification vaguement indiquée par un passage de Rumphius et paraissant se rapporter soit à une Clavarice, soit à un carpophore mal formé de Lentinus. Polyporus tuberaster Fr. Agglomération mycélienne devant être considérée comme un vrai sclérote; hyphes filamenteuses très rares, hyphes coralloïdes formant la masse de tissu interne. Couche filamenteuse périphérique comme chez Pachyma cocos, dépourvue d’éléments minéraux et constituant une véritable écorce. Zone sclérotisée superficielle à éléments fusionnés. Tome III, 1894. 228 C. BOMMER. — SCLEROTES NH Polyporus sacer Fr. Accumulation des réserves se localisant dans les cellules terminales, à protoplasme abondant, des hyphes filamenteuses; elle se fait par l’appo- sition successive de couches de cellulose qui finissent par transformer la cellule primitive en une grosse masse ovoïde compacte, présentant par- fois un aspect stratifié. Cette structure concentrique est beaucoup plus manifeste dans les productions analogues du sclérote d’une espèce voisine, Polyporus rhinoceros Cke. Agglomérations mycéliennes des Ascomycétes. CORDONS MYCELIENS. Cordyceps ophioglossoides Link. Structure trés peu différenciée, sans localisation de réserves nutritives. Poronia Doumetti Pat. Cordons très différenciés adaptés contre la sécheresse. Couche superficielle d’hyphes larges et aplaties, à paroi épaisse, formant un véritable épi- derme, émettant de longues hyphes cloisonnées formant un véritable feutrage autour du cordon; très grande proportion d’oxalate de chaux dans le tissu de la moelle. SCLÉROTES. Xylaria Tulasnei Nits. Moelle analogue à celle du sclérote de Co//ybia racemosa Pers., écorce ressemblant à celle du cordon de Poronia Doumetii et formant aussi une sorte d’épiderme. Cordon reliant le carpophore au sclérote formé comme les rhizo- morphes d’ Armillaria mellea par l'expansion des tissus du sclérote doué de croissance localisée. Xylaria vaporaria Berk. Moelle formée d’hyphes filamenteuses larges à parois très épaisses et d’hyphes étroites à parois minces; zone périphérique de la moelle à hyphes larges à parois très minces, entièrement remplies de glycogène. Zsaria densa Fr. Tissu sclérotique compact remplissant le corps des larves de Hanneton, formé d’hyphes larges abondamment pourvues de matières de réserve, glycogéniques d’abord, grasses ensuite. 7 Tome III, 1894. ET CORDONS MYCELIENS. 229 "|" "—"" " " " _—"— _" —" __ _ _ anna De semblables sclérotes peuvent produire chez d’autres espèces, telles que Cordyceps Taylori, des cordons propagateurs très développés, ana- logues à ceux des Basidiomycètes. TYPES CRITIQUES. Sclerotium stipitatum Berk. Corps arrondis d’aspect sclérotiforme portés à l'extrémité d’une sorte de rhizomorphe et dont le tissu possède d’abondantes réserves glycogé- niques. Ils semblent dus à l’hypertrophie du cordon mycélien qui existe à leur base. Ces productions se trouvent toujours dans les nids de Termites auxquels les Hindous attribuent leur formation. Cette station particulière, aussi bien que les caractères morphologiques de S. sépétatum, peuvent faire songer à un rapprochement avec les « Pilzgärten » décrits par Moller. Mylitta australis Berk. Corps volumineux durs, compacts, formés d’une substance cornée et translucide à l’état sec, parcourue par des veinules de tissu blanchâtre. Partie translucide du tissu interne offrant une grande analogie de structure avec celui des sclérotes d'Hyménomycètes à réserves cellulo- siques, formée d’hyphes ramuleuses massives très épaissies, mélangées à des hyphes filamenteuses plus minces. Il existe en outre des hyphes renflées, ovoïdes, pouvant prendre une forme sphéroïdale; elles renferment dans leur cavité un corps arrondi, à surface verruqueuse, offrant les dimensions et les caractères d’une spore de Tubéracée. Mylitta paraît donc devoir être rapporté au groupe des Tubéracées et se rapproche beaucoup par sa structure du genre Terfezia ; mais d’autre part Mylitta donne parfois naissance à un Polypore, Polyporus Mylittae Cke et Mass., dont l’hyménium peut même se développer à l'intérieur de son tissu, ce qui démontre que ce champignon n’est pas un parasite de Mylitta. Comme Mylitta possède des organes reproducteurs typiques d’Asco- mycète, on ne peut donner d’autre interprétation à P. Mylittae que de le regarder comme une fructification conidienne d’une Tuberacee. Si cette conclusion semble exacte dans le cas de M. australis, on doit admettre d’une manière générale la dépendance des Basidiomycètes par rapport aux Ascomycètes, suivant l'opinion émise par De Bary que les Basidiomycètes et les Urédinées peuvent être des formes conidiennes d’'Ascomycètes. : TOME III, 1894. 230 C. BOMMER. — SCLÉROTES ET CORDONS MYCÉLIENS. CONCLUSIONS. Les caractères morphologiques permettent seuls de se faire une idée d'ensemble des modes de condensation du mycélium des Basidiomycètes et des Ascomycètes; en raison de leur caractère exclusivement adaptatif, ces agglomérations mycé- liennes ne sont en effet reliées les unes aux autres par aucun lien génétique. Elles peuvent exister à des degrés très variables chez des formes voisines et être remarquablement semblables dans des groupes très éloignés. C'est ainsi qu’il n’y a pas de différence tranchée entre les agglomérations mycéliennes des Basidio- mycètes et des Ascomycètes; chez ces derniers, on remarque seulement une richesse de formes et une différenciation moins grandes, et les divers types de modification sont représentés par un nombre d’exemples plus restreint. La classification la plus rationnelle devrait être basée sur les fonctions de ces formations particulières, mais elle aurait l’inconvénient d'amener de grandes confusions, certains types devant faire partie de plusieurs catégories différentes. NOTE PRÉLIMINAIRE SUR L'ANATOMIE DES BROMELIACEES PAR A. DE WEVBRE (°) Depuis quelques années, les botanistes sont a la recherche de caracteres tirés de la structure anatomique pour distinguer les familles, les genres et les espéces. C'est ce que Vesque a fait pour différents groupes; Duval-Jouve, pour les Graminées et les Cypéracées ; Bertrand, pour les Conifères; Pirotta, pour les Oléinées; M.-K. Müller, pour les Clusiacées, Hypéricacées, Dipterocarpées et Ternstrcemiacées; Pax, pour les Euphorbiacées; Kamienski, pour les Primulacées; Born, pour les Labiées et les Scrophularinées; Maury, pour les Plombaginacées ; Lignier, pour les Mélastomacées, les Calycanthacées et les Myrta- cées,/ etc. Cette méthode présente le grand avantage de rendre possible la détermination du groupe auquel appartient une plante dont on ne possède qu’un morceau de feuille; car c'est surtout sur les carac- tères anatomiques tirés de cet organe que l’on s'appuie. (‘) Cette note a paru dans le Bulletin de la Société royale de Botanique de Belgique, t. XXVI, 2° partie, 12 novembre 1887. TOME III, 1887. 232 A. DE WEVRE. — NOTE PRÉLIMINAIRE J'ai cru qu’il serait utile de faire la même chose pour les Bromé- liacées, végétaux qui offrent un intérêt spécial à cause de leur mode de végétation. On sait, en effet, que la plupart croissent en épi- phytes sur les arbres des forêts tropicales. La note que je présente aujourd’hui n'est que l’ensemble des conclusions d'un travail beaucoup plus étendu qui sera publié ulté- rieurement. Les caractères extérieurs permettent déjà de dire avec beaucoup de probabilité si l'on a affaire à une plante de la famille des Bro- méliacées. Leurs feuilles allongées à bords souvent épineux, épaisses, coriaces, alternes, dont les bases se réunissent pour former habituellement une espèce d'urne, les font déjà recon- naître. Il n'y a guère que quelques groupes voisins, tels que ceux des Liliacées, Iridées, Amaryllidées et Pandanées, dont les feuilles pos- sedent un facies rappelant celui des Broméliacées. On pourra alors avoir recours aux indications que l’anatomie nous fournit et qui permettent de les en distinguer avec cer- titude. | Les caractères anatomiques que je vais indiquer sont déduits non seulement de mes observations perscanelles sur environ soixante-dix espèces de Broméliacées, mais encore des travaux de Pfitzer, Westermaier, de Bary, Schwendener et principalement de l'étude anatomique qu'un botaniste suédois, Cedervalt, a récem- ment faite. Ce dernier auteur a examiné la structure d’une soixan- taine d'espèces appartenant a des genres différents. | 1° Le caractère le plus important, celui que toute feuille de Broméliacée m'a présenté, consiste dans la présence des poils écailleux. Ce sont des plaques d’une seule épaisseur de cellule, portées par un pied central pluricellulaire. Ces poils sont de formes diverses. C'est à ce revêtement pileux que les feuilles doivent leur aspect argenté. Chez certaines espèces, ces poils n'existent que vers la base et sont très clairsemés; on ne peut les voir qu'en pratiquant des coupes parallèles à la surface. Tome III, 1887. SUR L’ANATOMIE DES BROMELIACEES. 233 On a indiqué (*) des poils écailleux chez différentes feuilles, notamment parmi les Oléinées, Jasminées, Éléagnées, ainsi que chez le Solanum argenteum, le Croton nitens, le Myrica cerifera, l' Hippuris, et sur les jeunes feuilles des Palmiers, mais il suffira de faire une coupe de tige pour reconnaître des plantes dicotylées, et par conséquent pour les distinguer des Broméliacées. Quant aux Palmiers, leurs poils étant caducs, on ne les retrouve plus à l’état adulte; de plus l'hypoderme aqueux de leurs feuilles est très peu développé, contrairement à ce qui a lieu dans les Broméliacées, et se réduit à une ou deux rangées de petites cellules. Jai remarqué une Liliacée, l'Astelia Banksiz, qui ressemble beau- coup à certaines Broméliacées du groupe des Pitcairnia ; les feuilles sont allongées et présentent a la face inférieure l’aspect argenté caractéristique des plantes qui nous occupent. Examinée au microscope, cette plante diffère entièrement, par ses caractères anatomiques, des Broméliacées. En effet, les poils ne sont pas écailleux comme ils le paraissent à l’œil nu; l'hypoderme aqueux ne comprend qu'une seule assise de cellules ; l’'épiderme présente des cellules beaucoup plus grandes que celles que l’on voit chez les Broméliacées. 2° On ne voit jamais d’assise en palissade bien développée. Les _ cellules les plus externes du mésophylle de certaines espèces sont, il est vrai, très légèrement plus allongées que les autres, mais on ne peut pas considérer cela comme un tissu palissa- diforme. L'absence des cellules en palissade différencie les végétaux dont nous nous occupons d’avec les feuilles des dicotylées, où cette assise est presque toujours présente. 3° Les stomates sont disposés en séries, séparées par des bandes qui en sont dépourvues. Les cellules qui entourent les stomates sont toujours au nombre de quatre, dont deux parallèles à l'ostiole et les deux autres per- pendiculaires à cette ouverture. (*) VAN TIEGHEM, 7 railé de botanique, p. 639. Tome III, 1887. 234 A. DE WEVRE. — ANATOMIE DES BROMÉLIACÉES. 4° Il est bon de signaler un tissu que l’on trouve chez toutes les Broméliacées, l’'hypoderme aqueux, et qui peut aussi leur servir de signe caractéristique, quoiqu'il ne leur soit pas exclusivement propre. En effet, on Je rencontre aussi chez les Palmiers, les Pan- danées, certaines Amaryllidées, etc. Ce tissu constitue chez l’Ananassa macrodosus et chez quelques autres Broméliacées près des trois quarts de l’épaisseur de la feuille. Il est composé d’éléments cellulaires tantôt polygonaux, tantôt allongés, parfois aussi de ces deux formes. On peut encore signaler quelques caractères d’importance moindre; tels sont: 5° En coupe tangentielle, les cellules épidermiques ont toujours les parois ondulées. Ce caractère est commun à beaucoup de plantes. 6 Les cellules épidermiques ont généralement les parois très épaisses; il est rare d'en trouver à membrane mince. Les épaississements sont tantôt sur la paroi externe, tantôt sur la paroi interne. 7° Les faisceaux fibro-vasculaires, habituellement très nombreux, qui parcourent la feuille dans toute sa longueur, sont à structure collatérale et entourés d’une gaine scléreuse généralement tres forte, surtout chez les espèces à feuilles longues. 8° Comme la plupart des monocotylées, les plantes de cette famille possèdent de l'oxalate de chaux en raphides, très rarement sous forme de prismes (Caraguata Zahnii). Bruxelles, Laboratoire de physiologie et d'anatomie végétales. SUR LES SPHERES-ATTRAGFIVES DANS QUELQUES CELLULES VEGETALES PAR É. DE WILDEMAN (1 ¢ Grâce aux belles recherches de Ed. Van Beneden (’*), nous con- naissons dans les œufs de |’Ascaris megalocephala l'existence, pen- dant la division nucléaire, de masses particulières auxquelles il donne le nom de « sphères attractives ». Ces masses joueraient un rôle considérable dans la caryocinèse. Leur étude a été reprise, dans ces derniers temps, par plusieurs auteurs. Dès 1888, Boveri (°) a exposé les résultats de ses observations, qui sont venues confir- mer celles de Van Beneden. Ces différentes recherches avaient été faites sur les cellules embryonnaires des organismes animaux pendant la division nucléaire. Mais depuis la publication de ces travaux, les mêmes corps ont été retrouvés dans les cellules d’un assez grand nombre (1) Cette note a paru dans les Bulletins de l'Académie royale de Belgique, 3° série, t. XXI, n° 5, pp. 594-603, 1891. (2) Ep. VAN BENEDEN et Neyt, Nouvelles recherches sur la fécondation et la division mitosique chez l’ Ascaride mégalocéphale, (BULL. DE L’ACAD. ROY. DES SCIENCES, ETC., 1887, t. XIV, p. 215.) (3) Dr TH. Bovert, Ze//en Studien, Heft 2. lena, 1888. Tome III, 1891. 236 É. DE WILDEMAN, — SUR LES SPHÈRES ATTRACTIVES d'animaux, même en dehors des phases de la caryocinese (7). Dans le règne végétal, on ne possédait pas, jusqu'à ces derniers temps, de données certaines sur la présence de sphères attractives, lorsqu’au mois de mars dernier, Guignard, professeur à l’École de pharmacie de Paris, présenta à l’Académie des sciences une note intitulée : Sur l'existence des sphères attractives dans les cellules végétales (*). Des observations que j'ai commencées récemment m'ont fourni des résultats analogues pour un certain nombre de cellules végé- tales. ll est fort probable que nous avons affaire là à des organes constants de la cellule et qu’on les retrouvera associés a presque tous les noyaux. Ces sphères attractives sont constituées, dans leur état typique, par une petite masse centrale ou centrosome, qui se colore un peu plus vivement que le reste du protoplasme environnant par les réactifs colorants. Cette masse est entourée d'une zone hyaline mince qui se trouve, à son tour, environnée d’une zone plus épaisse, granuleuse. Les granulations de cette enveloppe peuvent, dans certains cas, se disposer radialement; c’est ce que l'on voit surtout se produire dans les phases de division. Ces stries radiales donnent ainsi lieu aux étoiles si souvent figurées. Dans la cellule au repos, la sphère attractive se trouve située dans le voisinage du noyau et paraît avoir une position indétermi- née par rapport à celui-ci. Dans les cellules dont le noyau est en division, la sphère se dédouble et l’on voit chacune des deux nou- velles sphères disposée à l’un des pôles du fuseau. Il y a longtemps déjà, Hugo von Mohl a décrit et figuré, dans les cellules meres des spores d’une Hépatique (Anthoceros lævis), une masse granuleuse contenant du protoplasme et de la chlorophylle, qui paraît se conduire de la même manière que les sphères attrac- tives. Le travail de Mohl, qui a été publié en 1839 dans le Linnea (1) W. FLEMMING, Attraktionssphären und Centralkirper in Gewebessellen und Wanderzellen, (ANATOMISCHER ANZEIGER, 1891, n° 3.) (7) Comptes rendus de l'Académie des sciences de Paris, t. CXII, 9 mars 1891. Tome III, 1891. DANS QUELQUES CELLULES VEGETALES. 237 et réimprimé dans ses Vermischte Schriften en 1846, est accompa- gné de figures très intéressantes (°). Strasburger, reprenant l'étude de ces cellules mères, nous a montré, dans son beau livre Zellbildung und Zelltheilung (*), les phases par lesquelles passent ces masses durant les phénomènes de division. Les figures du travail de Strasburger sont comparables à celles du mémoire de Mohl. Longtemps avant la division nucléaire, on observe une masse granuleuse qui entoure presque complètement le noyau. Cette masse augmente de volume, se divise; il se forme alors deux espèces de calottes qui sont contiguës au noyau. Chacune de celles-ci se divise à son tour, et il en résulte ainsi quatre agglomérats de matière protoplasmique granuleuse qui vont se placer aux quatre sommets de la tétrade. Alors seule- ment commence la division nucléaire. Strasburger n'indique pas de centrosome à l’intérieur de ces masses. Il n’est d’ailleurs pas facile d'étudier leur constitution, ces amas étant en grande partie formés par une accumulation de pro- toplasme granuleux. En 1880, au moment où Strasburger publiait son mémoire, on n'avait pas encore attiré l'attention sur les sphères attractives. Une masse granuleuse analogue se rencontre chez l'/soetes Durieui. Strasburger a figuré les stades de division des cellules mères de spores (*) dans la première édition de son travail (+). Dans les Mousses, nous retrouvons les mêmes masses. Les espèces dans lesquelles je les ai recherchées sont : Funaria hygro- (!) H. von Mont, Vermischte Schriften botanischen Inhalts. Tübingen, 1846, p. 84, tab. IV. (?) STRASBURGER, Zel/bildung und Zelltheilung. Yéna, 1880, pl. X, fig. 145-166. (3) STRASBURGER, Ucber Zellbildung und Zelltheilung. Iéna, 1875, pl. VI, fig. 93-100. (4) Dès 1887, M. le professeur Errera avait, dans son cours, attiré l’attention sur l’analogie qui existe entre ces masses et les sphéres attractives que Van Beneden venait de décrire. GUIGNARD, Fécondation (BULL. SOC. BOT. DE FRANCE, t. XXXVI, 1890, p. cxxxvim), cite également |’ Axthoceros et l’Zsoetes à propos des spheres attractives. TOME III, 1891. 238 É. DE WILDEMAN. — SUR LES SPHERES ATTRACTIVES metrica, Ceratodon purpureus, Bryum cæspilicium. Pour retrouver ces masses, on prend de jeunes urnes, on enlève la coiffe et l’oper- cule; en pressant alors légèrement sur la base de la capsule, on fait sortir la columelle entourée des cellules mères que l’on recueille dans une gouttelette d'eau. Les observations que j'ai pu faire sur les cellules mères des spores chez ces Mousses, ne sont pas encore assez nombreuses ni assez approfondies pour que je puisse homo- loguer ces masses bien visibles avec les sphères attractives typiques, telles que nous les connaissons dans le règne animal et dans certaines cellules végétales. On peut les suivre pendant un certain temps dans les cellules vivantes (cf. fig. 1-4); j'aurai d'ailleurs à revenir sur les stades de division des cellules mères des spores de Mousses et sur ces masses attractives, dans un travail ultérieur. D'autres végétaux m'ont fourni des matériaux d'étude meilleurs et plus faciles à interpréter. Mais il a fallu recourir ici à des maté- riaux fixés et colorés, l'examen à l'état frais ne donnant pas de résultats assez nets. Le fixateur employé est l'acide chromo- acétique (*). Après un lavage énergique à l’eau pure, on colore les matériaux par le vert malachite. La matière colorante a été au préalable dissoute dans de la glycérine, puis étendue de beaucoup d'eau. La coloration par les carmins aluné et boracique, que j'ai essayés à diverses reprises, m'a donné de bien moins bons résul- tats. Il en est de même pour les deux fixateurs acide osmique et acide picrique. Le Spirogyra (fig. 5-10), traité de cette façon, m’a montré des sphères attractives absolument typiques, soit que nous considé- rions le noyau a l'état de repos, soit que nous le considérions dans une de ses phases de division. Dans ce dernier état cependant, la grande quantité de protoplasme rassemblé aux deux pôles du fuseau, empèche fréquemment de voir avec netteté la zone granu- leuse qui entoure le centrosome. Ce dernier s'aperçoit souvent assez facilement entouré d’une auréole claire. Un autre écueil dans 1) Acide chromique, 0.70; acide acétique glacial, 0.30; eau, 100. / , 15 ToME III, 1891. DANS QUELQUES CELLULES VÉGÉTALES. 239 l'étude de la sphère attractive des Spirogyra, c'est la présence des bandes de chlorophylle avec leurs pyrénoides et leurs grains d’amidon; c'est ce qui fait que l’on ne peut, dans bien des cas, observer qu’un seul des corps attracteurs. Dans la cellule au repos, il est plus facile de se rendre compte de la structure de la sphere. A ce stade, les masses attractives se présentent sous le méme aspect que celui que Boveri a figuré (*). Elles répondent donc com- plètement a la description que j'ai reproduite plus haut; on peut ainsi les distinguer aisément des pyrénoides et des grains d'ami- don, qui ne se trouvent d’ailleurs pas au même niveau dans la cel- lule. Les figures 9 et 10 permettent de se rendre compte des diffé- rences qui existent entre les sphères attractives et les masses amylacées logées dans les sphères chlorophylliennes. Au repos, je n'ai réussi a trouver généralement qu'un seul cen- trosome, sauf dans quelques cas qui présentaient probablement une prophase de division; le noyau était en effet déjà assez forte- ment gonflé. Cet état est représenté dans la figure 9. Quant à l'origine du fuseau, l'étude de la division des cellules chez ces Algues prouve, de la façon la plus complète, que les stries achromatiques des figures caryocinétiques ont leur origine dans le protoplasme, comme le soutiennent avec raison Strasburger, Gui- gnard et Went (’). Les espèces de Spirogyra que j’ai pu étudier au point de vue des corps attracteurs sont les Spirogyra jugalis et nitida. Cette der- nière espèce est de beaucoup préférable; les sphères y sont mieux visibles et les bandes de chlorophylle sont souvent plus espacées que dans le Spirogyra jugalis. | Chez certains Equisetum (°) nous avions cru reconnaître un cen- trosome. Dans les spores encore très jeunes et bien arrondies de ce () Boveri, Zellen Studien, Heft 2, pl. II, fig. 29 6. (?) WENT, Beobachtungen über Kern und Zelltheilung. (BER. DEUTSCH. Bor. GESELLSCH., 1887, Bd V, Heft 7.) (3) [Les paragraphes relatifs aux Zgwisetum ont été remaniés en 1907.] Tome III, 1891. 240 É. DE WILDEMAN. — SUR LES SPHERES ATTRACTIVES Cryptogame, on observe, accolée au noyau qui remplit à lui seul la presque totalité de la cavité cellulaire, une espèce de vacuole hyaline qui tranche fortement sur le reste du contenu cellulaire granuleux. Dans les cellules meres, au moment ou le fuseau nucléaire est formé, on voit, a chacune des extrémités, une sorte de masse spécialisée. Ces masses sont souvent difficiles a différencier du protoplasme environnant tres granuleux. On peut remarquer fréquemment, aux extrémités du fuseau, des stries rayonnantes. À un stade plus avancé encore, les masses qui se trouvent aux pôles se dédoublent et semblent préparer ainsi la division future. À cet état, leur constatation dans la cellule devient encore plus difficile, car il se forme vers le même moment un amas plus ou moins réfringent, qui se trouve disposé souvent tout autour de la figure de division, et empêche de bien saisir les différenciations qui se passent aux extrémités du fuseau. Cet amas servira plus tard à la constitution des membranes séparatrices des spores. La première caryocinese a donné naissance a deux noyaux filles, qui, a leur tour, vont se diviser; mais avant cette nouvelle division, ils se placent en croix de manière que les quatre noyaux qui vont résulter de cette bipartition, se trouveront au sommet d'un tétraëdre. Strasburger, qui a étudié également la division chez l'Equise- tum, n'a pas pu voir ces différents détails, par le fait que ses obser- vations ont porté sur des matériaux fixés par l'alcool. Ce réactif ratatine le contenu des cellules mères et change ainsi fortement leur aspect, Laboratoire d'anatomie et de physiologie végétales de l’Université libre de Bruxelles, 4 mai 1891. For —- ToME III, 1891. DANS QUELQUES CELLULES VEGETALES. 241 EXPLICATION DE LA PLANCHE (Toutes les observations ont été faites avec l’objectif apochromatique 4 sec 0.95 N. A. et l’oculaire compensateur 12 de Zeiss, éclairage Abbe, lumière artificielle.) Funaria hygrometrica. Fic, 1-4. — Différents états de la masse: fig. 1, masse unique entourant le noyau; fig. 2, 3 et 4, masses divisées. Spirogyra nitida. F1G. 5-8. — Différentes formes présentées par les sphères attractives. Fic. 9. — Sphère attractive à deux centrosomes. A gauche du dessin, on voit une bande de chlorophylle avec pyrénoïdes et grains d’amidon. Spirogyra jugalis. Fic. 10. — Prophase de division; à droite s'aperçoit une des sphères; à gauche elle est cachée par une spire chlorophyllienne. Ce dessin montre très bien la naissance extranucléaire des stries du fuseau. Fig. 11. — Fin de la division; les deux noyaux possèdent chacun une sphère s et un nucléole z. Equisetum limosum. Fic. 12. — Masses spécialisées aux pôles du fuseau; à gauche s’apercoit déjà lamas réfringent qui servira à former la cloison séparatrice des spores. Fic. 13. — Seconde bipartition de la masse, vers le bas de la figure; les masses du haut ne sont pas visibles, cachées sans doute par l’amas réfringent. Fic. 14-15. — Deux stades de division, accompagnés à l’équateur de deux amas réfringents semi-lunaires. F1G. 16. — Amas réfringents analogues entourant presque complètement le noyau. Tome III. 16 | ed ou ‘ ae ve È af ao nu Ae 2e: 2 Zz a Pe a RATE 3 pe ra babs NUE TAXE M en A =. RE, Bee = * TiGELLE. — Dans la grande majorité des cas, la tige a une struc- ture normale et le premier entrenceud possède déjà la structure définitive. Il ne manque pourtant pas d’especes dont la tige est anormale, soit parce qu’elle contient des faisceaux surnuméraires, comme certains Begonia, Gunnera, Piper, Artanthe, diverses Nym- phéacées, etc., soit parce que les faisceaux, au lieu d’être disposés en un seul cercle, forment deux cercles concentriques (Cucurbita- cées), soit, enfin, par réduction du nombre des faisceaux, comme chez beaucoup de plantes aquatiques à tige flottante. Trécul a étudié les plantules de quelques Nymphéacées. Chez le Nuphar luteum (19) et le Victoria regia (20), le premier entrenœud (entre les cotylédons et la feuille aciculaire) ne contient qu’un seul faisceau à structure rayonnante. Divers Nymphaea (N. alba, den- tata, scutifolza et stellata) présentent la mème disposition. Chez le Nelumbium codophylium (20), les choses sont tout autres : le pre- mier entrenceud contient un cercle central de faisceaux, auquel sajoutent, dans le cours du développement, des cercles périphé- riques. La tige adulte a une structure analogue. L'étude du développement montre que la tige des Cucurbitacées renferme en réalité non pas deux cercles, mais un seul cercle de faisceaux qui sont alternativement déplacés vers le centre et vers Tome III, 1894. 256 J. MASSART. — LA RECAPITULATION la périphérie. Le premier entrenœud de Sicyos angulatus est sou- vent très court, mais dans les cas ou il est possible d’y faire des coupes transversales, on constate que les dix faisceaux sont rangés en un seul cercle. Dans le deuxième entrenœud (IV, 64), le cercle n'est plus tout à fait régulier. A mesure que la plante avance en âge, ses entrenœuds présentent une disposition des faisceaux qui se rapproche de plus en plus de celle de la tige adulte (1V,65 à 67); en même temps, les appareils mécaniques accessoires, collenchyme, tissu fibreux, se développent davantage. Dans la tige d'Ecballium agreste, l'une des rares Cucurbitacées non grimpantes, les faisceaux sont rangés en un cercle unique; la même disposition existe dès les premiers entrenœuds. Chez l'Hippuris et le Ranunculus aquatilis, qui ont un système vasculaire très réduit, les premiers entrenœuds offrent déjà la mème disposition que ceux de la plante adulte. * > * CoryLEpons. — Les cotylédons doivent être considérés phylogé- niquement comme des feuilles qui ont été chargées de fonctions spéciales, souvent différentes de celles des feuilles assimilatrices ordinaires, et qui, se formant dans la graine, ont dd par cela méme subir certaines modifications. La place restreinte que ces organes occupent dans la graine, fait qu'ils ne présentent pas d'ordinaire de lobes ou de dents et que leur surface est lisse et peu étendue. Le plus souvent, les cotylédons sont au même titre que les feuilles des organes d’assimilation ; maisils remplissent en outre le rôle de réservoirs. Lorsque la dernière fonction devient prépon- dérante, il n’est pas rare que les cotylédons cessent complètement d’assimiler. On conçoit facilement comment des cotylédons folia- cés, les végétaux passent aux cotylédons réservoirs. Les cotylédons les plus voisins du type primitif sont probablement ceux qui s'accroissent beaucoup lors de la germination, verdissent et deviennent semblables aux feuilles primaires. Dans d'autres espèces, l'accroissement des cotylédons est plus limité; ils gardent sensiblement la forme qu'ils avaient dans la graine, et quoiqu’ils Tome III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 7 12g verdissent, leur fonction principale consiste a accumuler des réserves. Au stade plus avancé de spécialisation, ils ne s’accroissent plus guère et verdissent à peine; mais l'allongement de l’hypoco- tyle les amène encore au-dessus du sol. Un pas de plus et l’hypo- cotyle reste court, maintenant ainsi les cotylédons sous terre; très rarement, les cotylédons quittent néanmoins la graine: dans la majorité des cas, les cotyledons hypogés restent enfermés dans l'enveloppe de la graine. Enfin, le terme extrème de la spécialisa- tion est représenté par l'absence complete de cotylédons. Voyons quelques exemples de ces divers cas. 1. Les cotylédons s’accroissent beaucoup lors de la germination et verdissent. Fic. 2.— A. Plantago Psyllium.— B. P.maritima. — C. P. Coro- nopus. — D. P. lanceolata. — E. P. media. — C = cotyle- dons; I, 2, 3... = feuilles successives de la plantule (!/:). Tome III. 17 Tome Ill, 1894. 258 ; J. MASSART. — LA RECAPITULATION C'est le cas de beaucoup d'espèces a petites graines dont les plan- tules ont les cotylédons relativement grands. Trés souvent, les cotylédons prennent alors la forme et la structure des feuilles pri- maires. Sir John Lubbock (16), dans son étude si complete sur les plantules, figure beaucoup d’espéces qui présentent cette disposi- tion : Rivina, Embelia, Clerodendron, etc. Il est a remarquer que les cotylédons ressemblent, non aux feuilles de la plante adulte, mais aux feuilles primaires. Chez les Plantago (fig. 2), cette dis- tinction est trés manifeste. Les P. Coronopus et lanceolata, qui ont des feuilles primaires linéaires, ont des cotyledons de méme forme. Les P. media et major, qui ont des feuilles primaires élargies, ont aussi les cotylédons relativement larges. Il en est de même chez l'Hippuris (fig. 3), chez le Sagittaria (fig. 1) et jusqu’à un certain point chez l’Erodium (fig. 4). Fic. 3. — Hippuris vulgaris. — A. Plan- Fie. 4. — Ærodium cicutarium. tule trés jeune, dont les cotyledons ne c—cotylédons; 1, 2,3—feuilles sont pas encoredégagés del'enveloppe successives (*/1). de la graine. — B. et C. Stades plus avancés. — c = cotylédons (*/r). L'inégalité des cotylédons et leur disposition à des niveaux diffé- rents chez les espèces à feuilles alternes, est moins rare qu'on ne le suppose généralement. Sir John Lubbock en cite plusieurs exemples. Chez l'Hibiscus vesicarius (fig. 5), l'alternance des coty- Tome III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 259 lédons est la règle; le supérieur est plus grand et sa forme se rap- proche davantage de celle des premières feuilles. Les plantes à feuilles charnues ont pour la plupart des cotylé- dons épais et gorgés d'eau. Ceci est vrai, non seulement pour les plantes charnues des lieux secs, telles que Mesembrianthemum (fig. 6), Sempervivum, etc., mais encore pour celles qui habitent le à Ye FiG. 5.— Hibiscus vesicarius. — c—cotylédons (inégaux); Fic. 6. — Mesembrian- I, 2, 3... = feuilles successives (#/1). themum tricolor (|). littoral : Salicornia (fig. 7), Suaeda, Salsola, Cakile, Lotus cornicu- latus crassifolius, Honckeneya peploides, Convolvulus Soldanella (fig. 8), etc. Il en est de même pour celles des Monocotylédones qui ont un bulbe formé par le renflement de la base des feuilles. La graine d’Amaryllis longifolia (fig. 9), par exemple, est trés grosse et gorgee d'eau; elle germe au bout d’un ou deux jours et le cotylé- don pénètre en terre; tout le liquide contenu dans l’albumen s’accumule dans la base du cotylédon où il est mieux abrité contre l'évaporation. Les Coniferes et les Gnétacées ont, pour la plupart, des cotylé- Tome III, 1894. 260 J. MASSART. — LA RECAPITULATION dons qui s’allongent beaucoup lors de la germination. Les cotylé- dons sont en nombre considérable, mais peu constant, chez les Pinus et les Cedrus; leur nombre se réduit et devient constant pour chaque espèce dans d’autres tribus. Le Cryptomeria japonica (tig. 10) a trois cotylédons ; les Taxus, les Callitris, les Thuya, les Cupressus ont deux cotylédons. Il y a aussi deux cotylédons chez les Ephedra (fig. 11). Fic. 7. — Salicornia Fic. 8. — Convolvulus Soldanella (*|;). herbacea (#1). Beaucoup d'Onagracées (Oenothera, Clarkia) présentent un phénomene tout particulier, sur lequel Sir John Lubbock (16) a attiré l'attention. Pendant la germination, la partie proximale (voisine de la base) du limbe cotylédonaire s'accroît presque seule, de sorte que le cotylédon complètement développé se compose d'une portion dis- tale (voisine du sommet) qui a gardé l'aspect qu'elle avait dans la graine, et d'une portion proximale, nouvelle, qui a la même struc- ture et la même forme que les feuilles primaires. Tome Ill, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE, 261 2. Les cotylédons conservent sensiblement la forme qu'ils avaient dans la graine; leur croissance est moins notable que dans le cas précédent ; ils sont plus épais et ont plus d’importance comme réser- vorrs que comme organes d’assimilation. Fic. 9.— Amaryllis longi- Fig. 10. — Cryptomeria FiG.11.—Æphedra altissr- Solia (|r). japonica (°|1). ma. L’enveloppe de la graine est restée atta- chée sur l’un des coty- lédons ({/r). Beaucoup de plantes à graines volumineuses sont dans ce cas : Papilionacées (Astragalus, fig. 27), Fagus (fig. 12), Casuarina (fig. 13), etc. Irmisch (12) a observé que les cotylédons épais et ordinairement épigés de Clematis recta et de C. corymbosa restent parfois sous terre. 3. Les cotylédons ne s’accroissent guère; ils sont épigés mats deviennent à peine verts; ils se flétrissent bientôt et tombent. TOME III, 1894. 262 J. MASSART. — LA RECAPITULATION C'est ce qui se présente pour Dolichos Myodes (fig. 14), Phaseolus vulgaris et diverses autres Papilionacées. Sir John Lubbock (16) cite encore Trichosanthes palmata, Polygala rarifolia, etc. Fic. 12. — Fagus silvatica. — A. Le FiG.13.— Casuarina stricta.— A. Début sommet de l'embryon ne s’est pas de la germination. — B. Partie encore dégagé de l’enveloppe de la supérieure d’une plantule plus avan- graine. — B. Plantule plus avancée, cée (4/r). au moment du déplissement des cotylédons (1/2). Chez les Ardisia crenulata et A. japonica (16) et chez lAnona muricata (fig. 14bis) les cotylédons, tout en étant épigés, ne quittent pas la graine. D’autres Anona (16) ont des graines qui restent en terre, mais l’hypocotyle s'allonge considérablement; l’Anona muricata n'en diffère donc que très peu. 4. Les cotylédons sont hypogés, mais ils sortent de la graine. Ce cas est réalisé, d'après Sir John Lubbock (16), chez le Tricho- santhes cucumeria, chez l'Edwarsia chilensis, accidentellement aussi chez le Thropaeolum majus (fig. 49). 5. Les cotylédons hypogés restent sous terre el souvent ils ont perdu complètement la faculté de verdir. C’est ce qu’on trouve chez les Citrus (fig. 34), chez beaucoup de Nymphéacées (Nymphaea, fig. 44 et 46, Nelumbium, fig. 45), chez les Viciées (Lathyrus, fig. 37 et 39, Vicia, fig. 36) et beaucoup hé... Tome III, 1804. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 263 d’autres Papilionacées, chez le Smilax asparagoides (fig. 33), chez les Cycas, les Araucaria, le Gingko, etc. La transformation de cotylédons épigés en cotylédons hypogés n'est possible que pour des graines riches en matières de réserve. On comprend que dans ces conditions il importe assez peu à la plante d'amener au jour des organes à peu près incapables d’assi- miler. Lorsque les graines sont exposées à être ensevelies avant la Fic. 14. — Dolichos Myodes. — A. Plantule jeune avec les cotylédons déjà ratatinés. — B. Plantule plus avancée; les deux premières feuilles sont opposées : leur foliole unique est dépourvue de stipelles. — c = le point d'attache des cotylédons (1/;). germination sous une couche épaisse de vase, de terre ou de feuilles mortes, il sera avantageux pour l'espèce de laisser les cotylédons dans la graine et de n’amener a la lumière que la jeune tige. TOME III, 1894. 204 J. MASSART. — LA RECAPITULATION I] est a remarquer que plusieurs plantes a cotylédons hypogés sont voisines d'espèces a cotylédons très spécialisés : les Plerocarya ont des cotyledons profondément découpés; ceux du Juglans regia ont conservé les découpures, mais ils ne quittent pas la graine lors de la germination, ce qui pourrait bien tenir a ce que la plantule : avait trop de peine a extraire de la graine ses gros cotylédons seg- mentés. FiG. 146. — Anona muricata (d’après des plantules issues de graines que M. Laurent a rap- portées du Congo). — A. Plantule jeune encore coiffée de l'enveloppe de la graine (1/4). — B. Extrémité de cette plantule en coupe pour montrer les cotylédons et le bour- { geon terminal de la plantule (1/,). Fic. 15. — ris setosa. — Le cotylé- — C. Extrémité de la plantule don est engagé dans la graine par après la chute des cotylédons (:/,). son extrémité distale (1/;). Beaucoup de Monocotylédones ont un cotylédon à fonctions tres complexes. La pointe reste engagée dans l’endosperme, où elle fonctionne comme sucoir. Le cotylédon s’allonge notablement, mais sans verdir. C’est ce qui est réalisé chez l’/ris setosa (fig. 15), chez VAmaryllis longifolia (*) (fig. 9), etc. Le cotylédon des Graminées verdit en partie. 6. Les cotylédons manquent complètement; hypocotyle est charnu, et c'est en lui que s'accumulent les matières destinées à nourrir l'em- bryon pendant la germination. Nous ne connaissons dans cette (*) Si nous avons décrit et figuré plus haut l’Asmaryllis longifolia, c'est unique- ment pour mettre ensemble toutes les plantes charnues. ToME III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 265 catégorie que le Bertholletia excelsa et un Lecythis figurés par Sir John Lubbock (16). Chez ces plantes, l'absence de cotylédons tient probablement a ce qu’elles dérivent d’especes a germination hypogée. Les cotylé- dons n’ayant plus aucune fonction foliaire, c’est ’hypocotyle qui s’est chargé du rôle de réservoir. Les Cuscuta sont également privés de cotylédons; la plantule est réduite à une tigelle avec une radicule très peu développée. Mais de même que chez les Orobanche, étudiés par Caspary (3), l'absence de cotylédons doit être mise sur le compte du parasitisme. En résumé, on voit que les cotylédons sont assez variables sui- vant les espéces : un méme genre renferme des cotylédons étroits et des cotylédons élargis (Plantago, fig. 2). Sans parler des Phaseo- lus où la différence est peu marquée (’), il n'est pas très rare que dans un mème genre il y ait des espèces a cotylédons nettement épigés et d’autres à cotylédons hypogés. Le Rhamnus Frangula a des cotylédons épigés; le R. cathartica les a hypogés. D'après Winkler (23), le Mercurialis perennis a des cotyledons hypogés, tandis que ceux de NW. annua sont épigés. Mais l’exemple le plus curieux est fourni par le genre Anemone, réétudié en ces derniers temps par de Janczewski (14) et par Hildebrand (11). À côté de certaines espèces qui ont des cotylé- dons épigés, longuement ou brièvement pétiolés, il en est d'autres dont les graines mûres n’ont pas encore la moindre trace de coty- lédons : ceux-ci se forment lors de la germination et tantôt ils restent petits et hypogés, tantôt ils acquièrent un long pétiole et deviennent épigés. Dans un autre genre de Renonculacées, Delphinium, les cotylé- (*) Tous les Phaseo/us ont les cotylédons non assimilateurs; mais tandis que chez le P. vulgaris, Vhypocotyle s’allonge de façon à élever les cotylédons au-dessus du sol, chez le ?. mu/tifiorus Vhypocotyle reste court, les cotylédons demeurent en terre et ne se dégagent pas de la graine. TOME III, 1894. 266 J. MASSART. — LA RECAPITULATION dons sont aussi tres variables. La plupart des espèces, D. Staphy- sagria, par exemple (fig. 17), ont des cotylédons développés à la façon ordinaire. Le D. nudicaule (fig. 18) a des cotylédons connés par tout le pétiole et par la base du limbe. De plus, il n'est pas rare que l'un des cotylédons soit plus petit que l’autre. L'un des deux peut même manquer complètement, et l'on observe alors que les bords du seul cotylédon restant se soudent pour donner à l’ensem- ble la forme d'un cornet (’). «EN FIG. 16. — Cuscuta Epilinum. — A. Début de la germination ; l’em- bryon n’a pas encore entiérement quitté la graine. — B. Plantule exécutant déjà des circumnuta- tions ; elle possède inférieurement une radicule rudimentaire. — C. Plantule plus âgée, attachée à une tige de Zimum. La radicule et la partie inférieure du Cuscuta sont flétries (1/;). Fig. 17. — Delphinium Staphysagria (*]1). Quelle est la valeur phylogénique des cotylédons? La forme de ces organes est trop variable pour qu’il soit possible de lui accorder la moindre valeur pour établir les parentés. Il serait également erroné de supposer que les cotylédons reproduisent un type ances- () H. de Vries (22) a figuré dernièrement des plantules de Helanthus à cotylédons connés; grâce à sa sélection, l’anomalie était devenue héréditaire. Nous nous occupons de fixer la polycotylédonie chez le Cobaca scandens, ainsi que les anomalies que présente le De/phinium nudicaule. Tome III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 267 tral de feuilles. Tout au plus doit-on admettre que si beaucoup de plantes ont encore des cotyledons hypogés sans aucune fonction foliaire, c'est un legs d’ancétres qui avaient ces organes mieux Fic, 18. — Delphinium nudicaule. — A. Plantule normale avec les cotylédons connés; la premiére feuille a déchiré la base du tube formé par les pétioles des cotyledons. — Bet C. L’un des cotyledons est beaucoup plus petit que l’autre. — D. Plan- tule avec un seul cotyledon dont les bords sont connés (1/;). développés et capables d’assimiler. De méme encore, les incisions des cotylédons de Juglans paraissent être un reste d’un stade Pterocarya. x ae Tag FEUILLES PRIMAIRES. — I] est très rare que la plante présente pendant tout le cours de son développement des feuilles semblables, même en ne tenant pas compte des feuilles qui composent la fleur. Beaucoup de plantes dont les feuilles radicales sont longuement pétiolées, ont des feuilles caulinaires sessiles, pourvues d'oreillettes embrassantes : Lepidium perfoliatum, Doronicum Pardalianches, Alchemilla vulgaris, etc.; le plus souvent même, les fleurs naissent à l’aisselle de bractées, qui sont des feuilles très réduites. On peut ordinairement distinguer sur un rameau de plante vivace ou de plante ligneuse les formes suivantes de feuilles : 1° de petites feuilles qui garantissent le bourgeon pendant l'hiver (feuilles basilaires = Niederblatter); 2° des feuilles assimilatrices bien déve- TOME III, 1804. 268 J. MASSART. — LA RECAPITULATION loppées (feuilles moyennes = Laubblatter); 3° vers le haut du rameau, il y a de nouveau des feuilles réduites, qui protègent ici les fleurs (feuilles apicales — Hochblätter). Les feuilles moyennes sont celles qui se rapprochent le plus de la forme ancestrale; chez le Sagitlaria (fig. 1), par exemple, ce sont les feuilles sagittées émer- gées ; chez les Rosa, on appellera feuilles moyennes, celles qui por- tent des folioles bien développées, à l'exclusion des petites écailles qui garnissent la base du rameau et des feuilles uniquement stipu- laires à l'aisselle desquelles naissent les fleurs : l'ancêtre des Rosa avait probablement des feuilles analogues à celles que nous appe- lons feuilles moyennes, et non à celles qui sont réduites. La plantule de Lathyrus À phaca (fig. 37) porte d’abord des feuilles très réduites, puis une ou deux feuilles composées de deux stipules et d’une paire de folioles latérales, qui sont les feuilles moyennes, puis une ou deux feuilles composées uniquement d’une paire de stipules, enfin des feuilles semblables aux précédentes, mais pourvues en outre d'une vrille; les fleurs naissent à l’aisselle de ces dernières : chaque plante porte donc un nombre très restreint de feuilles moyennes. Chez le Ranunculus aquatilis à feuilles submergées lacinées et à feuilles flottantes lobées, ce sont les dernières qui sont les feuilles moyennes, quoique contrairement aux Kosa et au Lathyrus Aphaca, ce soient elles qui sont voisines des fleurs (*). Il en est de (*) Tous les individus de X. aquatilis n’ont pas les feuilles moyennes flottantes au moment de la floraison; certaines formes, particulièrement celles qui vivent en eau profonde, ne produisent que des feuilles immergées à l’aisselle desquelles se trouvent les fleurs. Il y a pédogenèse, au sens que les zoologistes attachent à ce mot : la reproduction se fait pendant une phase infantile. La pédogenèse est fixée définitivement chez d’autres espèces de Ranunculus : R. fluitans, À. diva- ricatus, etc., qui ne donnent plus de feuilles flottantes. Il est probable que les Ranunculus de la section Batrachium dérivent, par des types tels que R. hedera- ceus, d'espèces aquatiques ou marécageuses comme À. sce/eratus dont les pre- mières feuilles sont flottantes et qui donnent plus tard des feuilles émergées. Par pédogenèse, les feuilles émergées du Æ. sceleratus disparaissent et la plante fleurit lorsqu'elle a des feuilles uniquement flottantes (X. hederaceus). Plus tard, un stade nouveau est intercalé dans l’ontogénie : l’espèce acquiert des feuilles submergées laciniées (2. aquatilis). Enfin, seconde pédogenèse superposée à la Tome III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 269 même pour le Hedera Helix : les feuilles les moins différentes des feuilles ancestrales se trouvent sur les rameaux florifères, dépour- vus de crampons. I] serait oiseux de discuter s'il y a récapitulation dans les nom- breuses espèces où les fleurs naissent à l’aisselle de bractées très réduites ou dont l’inflorescence porte des bractées souvent excessi- première, les feuilles flottantes disparaissent à leur tour et l’on obtient une forme telle que le À. fuitans. On pourrait citer d’autres exemples encore : celui des Cabomba est tout à fait parallèle à celui des Ranunculus. Le C. aquatica a des feuilles submergées laciniées et des feuilles flottantes peltées, portant les fleurs à leur aisselle; il arrive parfois que certaines feuilles laciniées aient aussi une fleur. Le C. War- mingi n’a plus que des feuilles submergées. Les plantes telles que les Va//isneria sont probablement dérivées par pédo- genèse de formes présentant la même succession de feuilles que les Sagittaria, les Alisma, etc. On sait du reste (voir Goebel, 8) que quand ces dernières plantes sont placées en eau profonde ou dans un ruisseau à courant rapide, elles fleurissent sans donner de feuilles émergées. Des phénomènes analogues s’observent ailleurs que chez les plantes aqua- tiques : l’Z/ex Aquifolium, qui d'ordinaire fleurit sur des rameaux à feuilles non piquantes sur les bords, donne souvent des fleurs sur les rameaux à feuilles piquantes. D’après Marchal, qui s'occupe spécialement d'Hédéracées, il n’y aurait pas pédogenèse, même accidentelle, chez les Æedera ; ceux-ci ne fleurissent jamais sur les rameaux dorsiventraux pourvus de crampons. Schenck (17) ne cite du reste aucune plante grimpante à crampons typique qui présente de la pédogenèse. Ces divers cas, et bien d’autres que nous pourrions citer, sont dus à la fixation héréditaire de la faculté reproductrice pendant une phase infantile; mais celle-ci n’a pas de valeur phylogénique : elle représente non un stade ancestral, mais un stade intercalé par adaptation. Il en est autrement pour les Xefinispora. Divers auteurs, et en particulier Beissner (1), ont montré que ces Conifères sont le produit de la fixation de la phase infantile de divers Zhuya, Chamaecyparis, etc.; on peut par le bouturage de la forme jeune, obtenir des individus qui ne dépassent pas ce stade. Goebel (6) cite, d’après divers auteurs, des exemples de Retinispora qui ont fructifié. Nous avons affaire ici à un cas de pédogenèse diffe- rent peut-être des précédents en ce que la phase infantile représente un état ancestral. En présence des nombreux cas de pédogenèse, il est souvent très difficile de Tome III, 1894. 270 .. J, MASSART. — LA RECAPITULATION vement petites. Il est bien évident que, dans ces cas, la plante donne d’abord des feuilles assimilatrices et que celles-ci rappellent un stade ancestral (fig. 19). FiG. 19. — Serratula centauroides. — A. Feuille moyenne longuement pétiolée. — B, C, D, E. Feuilles apicales de plus en plus réduites. — F. Bractée de l’involucre (1/5). Nous nous occuperons exclusivement dans ce travail des feuilles que porte la plante dans sa jeunesse. Lorsqu'on compare ces feuilles primaires à celles de la plante adulte, on constate que tantôt elles sont semblables à celles-ci ou n’en différent que par la taille et le nombre des parties qui les composent, tantôt elles ont à remplir des fonctions différentes de celles qu’assument les feuilles de la plante adulte, tantôt enfin elles rappellent un état ancestral. fixer la valeur de certaines phases. Ainsi nous verrons que la plantule des Lathyrus porte des feuilles dont le segment terminal très réduit est remplacé par une petite pointe. Or, en dehors des feuilles basilaires très réduites, les Orobus ne donnent que des feuilles analogues à ces feuilles primaires des Zathyrus. Les Orobus dérivent-ils par pédogenèse des Lathyrus? ou bien les Lathyrus pro- viennent-ils d’ Orvodus qu’ils rappellent encore de façon transitoire? Le problème est aussi peu soluble pour certains Conifères ressemblant à des Retinispora et qui fleurissent normalement. Tome III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE, 271 A. — FEUILLES PRIMAIRES SEMBLABLES AUX FEUILLES SUIVANTES. C'est le cas de beaucoup le plus fréquent. Nous nous bornerons a citer quelques exemples caractéristiques. Les feuilles primaires d’Iris (fig. 15) sont bilatérales et distiques. Les feuilles primaires des Scorpiurus, de l'Honckeneya peploides, etc., ont les deux faces égales, absolument comme les feuilles suivantes. Les feuilles pri- maires des Cirstum, des Carduus (fig. 20) sont piquantes sur les Fic. 20. — Carduus nutans (*/r). Fig. 22. — A. Veronica longi- folia. — B. V. longifolia incisa (?/;). Fic. 21. — Potamogeton densus. — La première feuille se trouve à peu près au niveau du cotylédon; les feuilles suivantes paraissent opposées (1/1). bords; celles de Stlybum Marianum sont déjà veinées. Les plantules de Casuarina (fig. 13), d’Ephedra (fig. 11) et de beaucoup d’autres plantes à feuilles peu développées, ont les mêmes feuilles qu'à l’état adulte. Le Potamogeton densus est l’une des rares Monocot y- lédones dont les feuilles soient (en apparence) opposées. Cette disposition est réalisée dès les premières feuilles. Parmi les plantes qui offrent le plus d'intérêt au point de vue de la récapitulation, il faut citer les variétés nées dans les cultures : toutes celles que nous avons pu étudier sont dépourvues de tout stade récapitulatif. Le Veronica longifolia incisa a des feuilles pri- ‘Tome III, 1894. 272 J. MASSART. — LA RECAPITULATION maires déja découpées (fig. 22). Les légumes a feuilles frisées (Petroselinum, Cichorium, etc.) ont des feuilles frisées dès l’origine; il en est de même de beaucoup de Fougères (Pteris, Adiantum, etc.) dont les feuilles sont « crispées ». Les plantes panachées qui se reproduisent par semis (Zea Mays, Apium, etc.) ont les premières feuilles panachées. Les divers légumes à feuilles rouges ou pour- pres (Beta, Brassica, Lactuca, etc.) ont leurs feuilles primaires et souvent les cotylédons colorés. Chez les Cobaea scandens, on peut, a la teinte des plantules, distinguer les individus à fleurs pourpres de ceux qui auront les fleurs blanches. Fic. 23. — Centaurea melitensis. — Plantule (1/1). — B. Feuille d’une plantule adulte (:/;). La similitude des feuilles primaires et des feuilles suivantes est aussi très nette chez les plantes grasses (8, 16) : aussi bien celles qui accumulent l’eau dans les feuilles et la tige que celles qui ont un bulbe, possèdent déjà ces organes charnus dès la première feuille et souvent dès les cotylédons (fig. 6, 7, 8, 9). Ces plantes habitent des pays très secs, où les espèces qui sont pourvues d’un réservoir d'eau peuvent presque seules se maintenir. Si les plan- tules passaient par un stade ancestral et étaient privées de réser- Tome III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 273 voir, elles succomberaient inévitablement; la sélection naturelle doit donc intervenir ici très efficacement pour empécher la récapi- tulation. — Fic. 24. — Lepidium perfoliatum (1/1). Fic. 25. — Laserpitium glabrum (*/,). Fic. 26.— Eryngium maritimum (#2). La similitude des feuilles primaires et des feuilles suivantes est souvent moins nette. Tome III. 18 Tome III, 1894. 274 J. MASSART. — LA RECAPITULATION Beaucoup de plantes dont les feuilles sont profondément lobées, ont des feuilles primaires à peine lobées ou bien formées d’un nombre de segments moindre que les feuilles ultérieures : Hibiscus vesicarius (fig. 5), Centaurea melitensis (fig. 23), Lepidium perfolia- tum (fig. 24), etc. Lorsque les feuilles moyennes sont composées d'un nombre considérable de segments, il n’est pas rare que les feuilles primaires ne portent qu'un seul de ces segments. C'est ce qui a lieu chez la plupart des Ombellacées : Laserpitium (fig. 25), Fic. 27. — Astragalus baeticus (1/1). Fic. 28. — Ornithopus (L’un des cotylédons est enlevé.) sativus (2/1). Eryngium (fig. 26), etc. Cet unique segment a la méme structure que ceux qui forment les feuilles suivantes. La premiere feuille des Adiantum ne comprend également qu’un segment. Ce qui montre bien qu'il ne s’agit pas ici d'un stade récapitulatif, c'est qu'un Adiantum adulte mis dans des conditions peu favorables refait des feuilles d’un aspect analogue. Il suffit de couper toutes les feuilles “Pee Tome III, 1804. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 275 d’un individu pour qu'il donne de nouvelles feuilles réduites a un segment. La même expérience est souvent réalisée accidentelle- ment pour les Asplenium Trichomanes et A. Ruta-muraria qui croissent entre les joints des murailles. Fic. 29. — Æippocrepis F1G. 30.— Trigonella FIG. 31. — Begonia multisiliquosa (*/2). caerulea (*/1). Evansiana (4];). Chez les Papilionacées, on rencontre tous les intermédiaires entre les formes dont les feuilles primaires sont unifoliolées jusqu'à celles chez qui elles comprennent un grand nombre de folioles. Ce dernier cas est réalisé, par exemple, chez l’Aséragalus baeticus (fig. 27) et l'Ornithopus sativus (fig. 28). La première feuille d’Hzp- pocrepis (fig. 29) n'a que trois folioles. La première feuille des Trifoliées est à une seule foliole : Medicago, Melilotus, Trifolium, Trigonella (fig. 30), etc. Chez certains Ononis (O. repens maritima, TOME III, 1894. 276 J. MASSART. — LA RECAPITULATION O. Natrix, etc.), ce stade unifoliolé est conservé longtemps. Les Phaséolées (Dolichos, fig. 14) ont également les feuilles primaires composées d’une seule foliole : de même que chez les Trifoliées, elle est pourvue d’un bourrelet moteur; mais elle manque de sti- pelles et diffère par sa forme de celles qui constituent les feuilles suivantes. Les Citrus (fig. 34) et les Thalictrum ont des plantules qui ne sont pas sans analogie avec celles des Phaséolées : les feuilles primaires des Citrus sont privées des ailes latérales du pétiole et celui-ci ne s'articule pas avec le foliole ; de même que les feuilles pri- maires des Phaséolées, celles des Citrus sont opposées. Les feuilles primaires des Thalictrum manquent de stipelles. Jusqu'à quel point les feuilles primaires simplifiées dont nous venons de citer quelques exemples, peuvent-elles être considérées comme représentant un stade ancestral? Nous ne saurions le dire, mais nous doutons beaucoup que l'on en puisse déduire un rensei- gnement phylogénique. Les feuilles des plantules étant générale- ment plus petites que celles de la plante adulte, on doit s'attendre à ce quelles se composent d'un nombre moindre de lobes, de segments ou de folioles : en théorie, deux feuilles d’une même plante peuvent être inégalement grandes soit par diminution du nombre des parties semblables, soit par réduction de la taille des diverses parties. leur nombre restant le mème; c’est toujours le pre- mier cas qui se réalise. Les observations de Sachs (Flora, LXXVII, p. 49, 1893) et de Amelung (/bid., p. 176) montrent que les mêmes règles s'appliquent aux cellules, éléments constitutifs des organes : la dimension de ceux-ci dépend, non de la dimension des cellules, mais de leur nombre. On pourrait aussi se demander si les Begonia présentent un stade récapitulatif; la première feuille de la plupart des espèces (fig. 31) est symétrique; l’asymétrie apparaît de plus en plus prononcée dans les feuilles successives. dd n. Tome III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 277 B. — FEUILLES PRIMAIRES SUCCÉDANT AUX COTYLÉDONS HYPOGÉS. Nous avons vu plus haut que chez beaucoup d'espèces, les cotylé- dons servent uniquement de magasins dans lesquels la plante mère accumule des aliments destinés à la plantule. Dans ces condi- tions, certaines plantes ont des feuilles primaires très réduites, d’autres ont les deux premières feuilles opposées, comme pour remplacer au point de vue de l'assimilation les cotylédons restés dans la graine. a. Feuilles primaires réduites. — Les graines, et particulièrement celles des espèces à germination hypogée, sont souvent enfouies sous une couche épaisse de terre, de vase, de feuilles mortes, de détritus de toute espèce. Il s’agit donc pour la plantule d'amener au jour son bourgeon terminal. La réduction considérable que subissent les feuilles de beaucoup de plantes à graines très grosses et très denses, doit faciliter beaucoup le passage de l'épicotyle au travers des matériaux qui recouvrent la graine; si les feuilles étaient développées comme elles le sont dans les plantules à cotylé- dons épigés, elles s’accrocheraient inévitablement en chemin et la plantule risquerait fort de ne point parvenir au-dessus du sol. Chez les plantes dont il est question ici, la réduction des feuilles primaires est tellement bien fixée par l’hérédité, que ces feuilles ne se développent pas même lorsqu'elles sont placées à la lumière. Nous avons cultivé comparativement à la lumière et à l'obscurité des plantules de divers Vicia, Pisum, Lathyrus, Cicer, Faba, etc. Dans tous les cas, les feuilles primaires produites à l'obscurité avaient les mêmes dimensions que celles qui avaient poussé à la lumière. Les graines des deux séries d'expériences étaient semées sur la terre de façon à mettre les plantules à la lumière depuis les premiers temps de la germination. Ces feuilles très réduites n'ont évidemment aucune valeur phylo- génique. Si la plante les conserve, c'est uniquement comme por- teurs et protecteurs de bourgeons axillaires. La réduction des TOME III, 1894. 278 J. MASSART. — LA RECAPITULATION feuilles primaires doit élre considérée comme un caractère adaptatif. En effet, a part quelques exceptions, a part aussi les espéces a feuilles primaires opposées dont nous parlons plus loin, toutes les plantes à germination hypogée ont les premières feuilles tres petites, quel que soit le groupe auquel elles appartiennent. Parmi les Dicotylédones, citons les Viciées (sauf Abrus) (fig. 32, 36, 37, 39), Nymphaea (fig. 44, 46), Quercus, Bertholletia, Lecythis et bien d'autres figurés par Sir John Lubbock (16). Chez la plupart des Monocotylédones, la réduction des feuilles primaires n'aurait pas de raison d'être, les feuilles et le cotylédon linéaire traversant faci- lement le sol; la réduction est pourtant très nette chez le Smilax Fic. 32. — Lathyrus Fic. 33. — Smilax Fi. 34. — Citrus aurantium. Nissolia (*|1). asparagoides (*]1). c — point d’attache des cotyledons (*/,). asparagoides (fig. 33). Les Conifères ne renferment, a notre connais- sance, que deux genres a cotylédons hypogés: Gingko et Araucaria; tous deux ont les premiéres feuilles réduites. Ajoutons que les Tome III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 279 Chara se conduisent de même : la spore est très volumineuse et renferme une masse considérable de réserves; lors de la germina- tion, le premier nœud ne donne pas de feuilles. B. Feuilles primaires opposées. — Chez d'autres plantes à cotylé- dons hypogés (Citrus, fig. 34, Tropaeolum, fig. 40, etc.), ainsi que chez quelques espèces à cotylédons peu assimilateurs (Dolichos, fig. 14, Caesalpinia, fig. 51, Fagus, Cobaea, fig. 35), les deux pre- mières feuilles sont opposées. La disposition de ces feuilles au même niveau est beaucoup plus nette chez les premières plantes Fic. 35. — Cobaea scandens. — A et B. Plantules; les feuilles de la seconde se terminent en vrilles. — C. Jeune feuille d’une plante adulte (1/,). que chez celles que nous citons en second lieu. Chez ces diverses espèces, les deux premières feuilles paraissent remplacer, au point de vue fonctionnel, les cotylédons peu aptes à l’assimilation ; il est certain que dans des plantes telles que Cobaea (fig. 35) et Fagus (fig. 12), les cotylédons, quoique devenant verts, doivent être gènés dans leur fonctionnement par les réserves qui y sont accumulées. Les feuilles primaires opposées sont déjà ébauchées dans la graine mûre, et de même que pour les cotylédons, leur disposition au même niveau sembie avoir quelque rapport avec leur formation hative. * * * Tome III, 1894. 280 J. MASSART, — LA RECAPITULATION C. — FEUILLES PRIMAIRES DES PLANTES GRIMPANTES OU VOLUBLES. a. Les plantes grimpantes pourvues de crampons et à rameaux dorsiventraux présentent cette disposition depuis leur jeunesse. Les tout premiers entrenœuds de Hedera (2) sont semblables a ceux que produit la plante jusqu’au moment où elle fleurit. 8. Quant aux plantes volubles, on sait que les premiers entre- nœuds n'exécutent que des nutations insuffisantes pour amener l’enroulement. Il serait du reste absolument inutile que les plan- tules, parfaitement aptes à se soutenir elles-mêmes, cherchassent déjà un support. Chez les Cuscuta, obligés sous peine de mort de trouver immédiatement une plante nourricière, l'enroulement commence beaucoup plus tôt, presque au sortir de la graine (fig. 16). y. Les choses sont plus complexes chez les plantes à vrilles foliaires. On peut dire d'une façon générale que les feuilles pri- maires ne fonctionnent pas comme vrilles; cette règle s'applique aux diverses catégories : 1° plantes dont les segments peu différen- ciés sont sensibles au contact et s'’accrochent aux corps voisins, Corydalis, Adlumia, Fumaria, etc.; 2° celles qui grimpent à l’aide de leur pétiole : Tropaeolum, Nepenthes, etc. ; 3° celles dont les feuilles se terminent par un filament préhensible : Flagellaria, Gloriosa, etc.; 4° celles qui ont des vrilles bien différenciées : Cobaea (fig. 35), Sicyos et autres Cucurbitacées, Vicia (fig. 36 et 41), Lathyrus (fig. 37, 39 et 40) et la plupart des Viciées (*). Toutes ces espèces donnent des feuilles primaires dépourvues de vrilles. Chez le Cobaea (fig. 35), les feuilles primaires sont le plus souvent nette- ment récapitulatives et pourvues d'un segment terminal. Il n'est pourtant pas très rare que les premières feuilles soient terminées en vrilles qui alors portent le plus souvent de petits bouts de (*) Pour tous les détails relatifs aux plantes grimpantes et aux plantes volu- bles, consultez Darwin (4) et Schenck (17). Tome III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 281 limbe; ces vrilles sont moins ramifiées que celles des feuilles adultes. Les espèces vivaces parmi les Viciées et les Cucurbitacées pro- Fig. 36. — Vicia monanthos (1\;). Fic. 37. — Lathyrus Aphaca. — Les feuilles 4 et 5 portent cha- cune une paire de folioles (1/;). — (La racine est garnie de no- dosités.) duisent chaque année au printemps des pousses dont les premières feuilles sont dépourvues de vrilles, tout comme les premières feuilles des plantules. TOME III, 1894. 282 J. MASSART. — LA RÉCAPITULATION Les Viciées ont des feuilles extrêmement polymorphes. Les espèces grimpantes doivent être considérées comme dérivant de formes dressées, à feuilles imparipennées, telles que Cicer arieti- num. Chez les formes les plus typiques, Vicia monanthos, par exemple (fig. 36), les plantules produisent d’abord de une à trois feuilles très petites, succédant aux cotylédons hypogés, puis des feuilles pourvues de folioles latérales et terminées par une petite pointe, enfin des feuilles qui se terminent en une vrille simple ou ramifiée. Fic. 38. — Lathyrus Aphaca unifoliatus (|). — (D'après un échantillon d’herbier.) Chez plusieurs Vicia (V. picta, monanthos, varia, etc.), il yaune hétérophyllie assez inexplicable : les folioles que portent les feuilles de l'axe principal (fig. 36) sont linéaires et se terminent en pointe, tandis que les feuilles des rameaux latéraux ont des folioles plus courtes, souvent échancrées au sommet. Ces différences s’éteignent a mesure qu'on s élève sur l’axe principal et sur les rameaux : les feuilles de la plante adulte sont toutes lancéolées et mucronées. Nous avons déjà décrit antérieurement la succession des feuilles chez le Lathyrus Aphaca (fig. 37). Faisons remarquer seulement que les feuilles de la plante adulte ont une vrille unique sans aucune trace de folioles latérales ou des vrilles qui les remplace- raient. La disparition des folioles sur les feuilles définitives est tellement complète, que lorsque accidentellement la vrille est de nouveau remplacée par un limbe (dans la forme unifoliatus, fig. 38), —" | sie Tome III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 283 il se produit une foliole terminale et non des folioles latérales (*). I] serait intéressant de connaître le développement de cette forme anormale, afin de savoir si elle présente aussi quelques feuilles transitoires a folioles latérales. 45] Fic. 39. — Lathyrus tenuifolius. — A et B. Plantules à deux états de développement. — C a J. Quelques formes de feuilles successives (*/,). — (La racine est garnie de nodosités.) (*) Cet exemple montre combien les indications fournies par la tératologie sont vagues et sujettes à caution. La forme wxifo/iatus ne reproduit pas un stade ancestral, qui était certainement pourvu de folioles latérales; elle nous présente quelque chose de neuf, n’ayant jamais existé dans l'évolution du Zafhyrus Aphaca. Mais si nous ne connaissions pas l’ontogénie de l'espèce, ce cas tératologique nous induirait nécessairement en erreur. TOME III, 1894. 284 J. MASSART. — LA RECAPITULATION Très curieuses sont aussi les formes telles que Lathyrus tenuifolius (fig. 39) et L. Ochrus (fig. 40), chez lesquelles un nouveau stade est intercalé. Les deux espèces ne diffèrent qu'en des points de détail. Après les toutes premières feuilles très réduites et dépourvues de toute trace de stipules, il se forme des feuilles semblables à celles-ci, mais plus grandes. Un peu plus haut apparaissent des feuilles privées encore de stipules, et dont le pétiole élargi porte supérieu- rement une ou plusieurs vrilles accompagnées ou non d’une foliole. Fic. 40. — Lathyrus Ochrus. — Quelques formes de feuilles successives (1/,). — (D’après un échantillon d’herbier.) On passe ainsi graduellement aux feuilles définitives qui, chez le Lathyrus Ochrus, ont un pétiole élargi: tandis que celles du L. tenuifolius dépassent ce stade et ont un pétiole non ailé. Le premier serait donc probablement dérivé par pédogenèse d'une forme analogue au L. fenuifolius. D'après Darwin (4) et Schenck (17), le Lathyrus Nissolia (fig. 32) proviendrait d’une espéce grimpante voisine du L. Ochrus. Cette plante ne donne jamais de vrilles : apres deux feuilles très réduites, TOoME"’III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 285 il se forme des feuilles semblables à celles qui suivront, linéaires et pourvues de deux petites stipules sétacées; la présence de ces stipules montre, à notre avis, que le Lathyrus Nissolia ne dérive pas d’une forme analogue à celles dont nous venons de parler. Quelques autres Viciées (Orobus, Faba, etc.) sont dépourvues de vrilles : leurs feuilles se terminent en une petite pointe ou en une minuscule foliole; elles n'ont jamais, même transitoirement, des feuilles avec une vrille ou avec une foliole terminale bien déve- loppée. Il ne nous paraît pas possible de décider si elles dérivent par pédogenèse de plantes grimpantes, ou si elles ont, au contraire, donné naissance à ces dernières. Fic. 41. — Vicia pyrenaica (*/,). — (D'après un échantillon d’herbier.) Parmi les diverses Viciées grimpantes que nous avons examinées, il n'en est qu'une qui présente des feuilles pourvues d’une foliole terminale : c’est le Vicia pyrenaica (fig. 41). D'après Schenck (17), cette espèce ne serait pas toujours nettement grimpante et man- querait fréquemment de vrilles. Cet auteur la considère comme dérivant de types grimpants; nous croyons, au contraire, qu'elle représente une forme assez primitive du groupe, voisine des Vicia argentea, qui, d’après Schenck, porte des folioles terminales bien développées. * + « TOME III, 1894. 286 J. MASSART. — LA RECAPITULATION D. — FEUILLES PRIMAIRES DES PLANTES AQUATIQUES. Certaines plantes aquatiques ont des graines ou des spores flot- tantes qui germent à la surface de l’eau : Azolla, Salvinia, Lemna, Pistia, Trionaea, etc. La plantule développe d'abord un organe spécial destiné à assurer le flottement de l'organisme. Goebel (8) a étudié en détail et figuré un grand nombre de ces plantules : nous n'avons pas à y revenir ici. La plupart des espèces aquatiques ont des graines qui flottent pendant quelque temps et qui souvent sont munies à cet effet d'une couche assez épaisse de tissu aérifère (Nymphaea, Aponogeton), mais qui finissent par aller au fond. Là elles sont souvent recou- vertes d'une couche de sédiments vaseux. Lors de la germination, il s'agira d'amener le bourgeon à la lumière. Chez les Monocotylé- dones, c’est le cotylédon qui entre en jeu. Après avoir exécuté quel- ques nutations, le cotylédon prend une position verticale et s'accroît directement vers le haut. En même temps que lui, l’hypocotyle s’allonge aussi considérablement. L’accroissement ne s'arrête que lorsque la base du cotylédon est parvenue au-dessus de la vase; à ce moment, le cotylédon se rejette sur le côté de façon à permettre au bourgeon qu'il porte à sa base de se développer librement. Il résulte de ce mode de croissance que la longueur de lhypocotyle se règle exactement sur l'épaisseur de la couche de vase qui sur- monte la graine en germination (*) (voir fig. 1). Nous avons observé ces faits chez divers Sagittaria (fig. 1), Alisma, Damasonium, Pota- mogeton (fig. 21), Zannichellia, Triglochin (fig. 42). Les Chara germent exactement suivant le même type (voir les figures de de Bary dans Botanische Zeitung, 1875, pl. V et VII). Lorsque les spores germent au-dessus de la vase, la plante définitive se forme contre la spore; lorsque la germination se fait sous la vase, il se (1) C’est du reste par une série de phénomènes sensiblement analogues que les Monocotylédones terrestres aménent au jour leur bourgeon. ri , oe ee SS eee Tome III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 287 produit un allongement considérable — et égal à l'épaisseur de la couche de vase — de la portion du proembryon comprise entre la spore et l'insertion de la plantule définitive. Parmi les Monocotylédones aquatiques, le Calla palustris est l’une des rares plantes qui germent suivant un autre type. Le cotylédon reste court ainsi que l’hypocotyle. Aussi les graines qui sont semées sous la vase refusent-elles de germer. Il en est encore de mème de l’A ponogeton distachyum : le cotylé- don reste ici enfoui dans la graine. Fig. 42. — ZTriglochin maritimus Fic. 43. — Calla palustris, — Sta- semé dans l’eau sous une couche des successifs de la germination trés peu épaisse de vase (3/,). ia Les Dicotylédones aquatiques renferment un certain nombre de formes dont les deux cotylédons restent unis pendant la germina- tion, et coiffés de l'enveloppe de la graine (Hippuris, fig. 3). La plantule croît ainsi verticalement par l'allongement de l'hypoco- tyle jusqu’à ce qu'elle soit arrivée à la lumière; puis les deux coty- lédons s’écartent l’un de l’autre pour livrer passage au bourgeon. La germination des Nymphéacées à cotylédons hypogés est tout autre. Chez les Nymphaea (fig. 44), les Nuphar, le Victoria, elle se fait suivant le méme type fonctionnel que chez les Sagittaria, Potamogeton, etc. Seulement ce n’est pas ici un cotylédon et l'hypocotyle qui s’allongent, c'est la premiere feuille et le premier entrenceud. Lors de la germination, les pétioles des cotylédons Tome III, 1894. 288 J. MASSART. — LA RECAPITULATION s’accroissent un peu et poussent au dehors la tigelle et la radicule; celle ci reste d'abord stationnaire et ne forme que quelques poils. En même temps, la tigelle et la première feuille se développent; Wa en =: / 2 | 3 | | Limon c | Fic. 44. — Nymphaea alba semé sur la vase et à diverses profondeurs sous la vase. — 1, 2, 3, stades successifs d’une même plantule (*/,). leur allongement ne cesse que lorsque le sommet de la première feuille arrive à la lumière. Dès ce moment, l'allongement du pre- mier entrenœud devient beaucoup plus lent et le bourgeon termi- nal commence à son tour à s'accroître. Maintenant seulement se D 16, Gq | i 4 ‘ 1 | TOME III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 289 forme la radicule. Le premier entrenoeud est peu complexe et ne contient qu'un seul faisceau central a structure rayonnante; son rôle est terminé et cet article disparait dès que les cotylédons sont vides et que la jeune plante a émis des racines au premier nœud. Goebel (8) figure une plantule d'une autre Nymphéacée, le Cabomba : apres les cotylédons hypogés, il se forme deux feuilles linéaires, puis des feuilles segmentées. FiG. 45. — Nelumbium codophyllum Fic. 46. — Nymphaea dentata. — C4) A. Plantule avec deux feuiiles. — B et C. Feuilles prises à des plan- tules plus âgées. La germination des Nelumbium (fig. 45) est encore différente. Les graines ne germent pas lorsqu'elles sont enfouies sous la vase. Tous les entrenœuds sont raccourcis et les premières feuilles ont un long pétiole. La grande majorité des plantes aquatiques produisent donc d’abord un appareil (cotylédons ou feuille) qui a spécialement pour but de traverser la vase. Ensuite il se forme généralement des Tome III. 19 TOME III, 1804. 290 J. MASSART. — LA RÉCAPITULATION feuilles submergées qui appartiennent à deux types très différents : profondément laciniées ou entières. Les Ranunculus de la section Batrachium, le Bidens Beckii(8), etc., ont des feuilles primaires du premier type; plus tard seulement apparaissent les feuilles flottantes beaucoup moins découpées à ~ l’aisselle desquelles se forment les fleurs. Il est probable que les Myriophyllum, les Ceratophyllum, etc., sont au même titre que les Ranunculus divaricatus, R. fluitans, etc., des dérivés pédogené- tiques de formes à feuilles d'abord submergées puis flottantes. Les espèces dont les premières feuilles sont entières, sont beau- coup plus nombreuses. On en trouve des exemples parmi les Phanérogames les plus diverses. Les Calla palustris (fig. 43), Triglochin (fig. 42), Sagiltaria (fig. 1), Alisma, Damasonium, Eichhornia, Nymphaea (fig. 44 et 46), Nuphar, Victoria, etc., appartiennent à cette catégorie. Le nombre de formes qu'affectent les feuilles successives d'une même espèce est souvent considérable. Le Nymphaea dentata, par exemple (fig. 46), donne une première feuille aciculaire, puis des feuilles submergées minces et étroites, puis des feuilles submergées de plus en plus larges et devenant mème cordées à la base, puis des feuilles flottantes à bord entier; en dernier lieu, les feuilles dentées caractéristiques. Le fait que des feuilles primaires submergées existent dans les familles les plus éloignées, montre déjà que ce n'est pas un stade récapitulatif, mais simplement un stade intercalé par adaptation. Les Nuphar luteum et N. pumilum donnent chaque printemps des feuilles minces submergées avant les feuilles flottantes. Le Nelumbium codophyllum étudié par Trécul (20) ne donne jamais de feuilles submergées ; il produit d'emblée des feuilles flot- tantes (fig. 45). Chez cette plante, les feuilles émergées dérivent manifestement de feuilles flottantes : d'après Goebel (8), elles n'ont de stomates que sur la face supérieure. Les feuilles flottantes seraient donc récapitulatives et rappelleraient le stade où les ancêtres de l’espèce n'avaient que des feuilles de ce type. Nous pensons qu’il en est de même pour les Ranunculus Flam- mula (fig. 47) et R. Lingua (fig. 48). Lors de la germination, la plantule produit des feuilles élargies a bords dentés, qui ressem- blent beaucoup plus aux feuilles des autres Ranunculus que les Tome III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 291 feuilles définitives. Il est à remarquer que ces feuilles ont presque exclusivement des stomates à la face supérieure, ce qui indiquerait qu'elles représentent un stade ancestral. Chaque printemps, la Fic. 47. — Ranunculus Flammula. Fic. 48. — Ranunculus Lingua. — A. Plantule. — B. Feuille prise A. Plantule. — B. Feuille prise au printemps sur une plante au printemps sur une plante adulte (*/,). adulte (*/;). plante forme quelques feuilles qui rappellent par leur forme ét par la distribution des stomates les feuilles primaires de la plantule. Nous aurions donc ici un exemple de récapitulation gemmaire, c’est-à-dire dans l’ontogenie de chaque bourgeon, superposée à la récapitulation plantulaire. * cere: Nous avons vu que chez les plantes grimpantes a crampons, nous avons affaire a une phase intercalée dans le développement; cette phase fait place au stade définitif (phylogéniquement le plus ancien) TOME III, 1894. 292 J. MASSART. — LA RECAPITULATION a ee EE lorsque la plante a atteint le sommet de l’arbre ou la crête du mur contre lequel elle grimpe. Les plantes aquatiques présentent quelque chose d’analogue : elles donnent d’abord des feuilles sub- mergées et ne produisent de feuilles définitives que lorsqu'elles peuvent les étaler à la surface de l’eau. A ces exemples, on peut encore ajouter celui de certaines plantes épineuses, telles que l'Ilex : aussi longtemps que l’arbuste a besoin de se protéger contre les Mammifères, il donne des feuilles épineuses, représentant un stade intercalé; dès qu'il dépasse une certaine taille et se trouve hors de l'atteinte des animaux, les feuilles ancestrales, à bord entier, repa- raissent. Dans ces divers cas, le stade intercalé peut durer pendant un temps très long; le plus souvent le moment de la floraison coincide avec celui de l'apparition du stade ancestral. Mais nous connaissons bon nombre de cas où par pédogenèse accidentelle ou normale, la floraison est plus hâtive. * * + \ E. — FEUILLES PRIMAIRES RECAPITULATIVES. À diverses reprises, nous avons eu l’occasion de citer des exemples de végétaux dont les feuilles primaires rappellent plus ou moins les feuilles ancestrales. Mais c’étaient le plus souvent des exemples assez douteux. Examinons maintenant quelques cas typiques. Le Phyllocactus crenatus présente très nettement la récapitula- tion gemmaire. Nous avons vu précédemment que les Cactacées, comme la plupart des plantes grasses, sont charnues dès le début de leur existence; ces espèces croissent dans des conditions telles que si les plantules n'étaient pas bien garanties contre la sécheresse, elles périraient inévitablement. Elles ne sont pas simplement charnues; elles ont à défendre leur réserve d’eau contre les ani- maux et elles sont très efficacement protégées par leur armure d'épines et souvent aussi par leur goût désagréable, Or, un certain nombre d'espèces de RAipsalis et de Phyllocactus vivent en épi- TOME III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 203 phytes et ne sont donc pas exposées aux attaques des Mammifères : a l’âge adulte, elles n'ont pas d’épines; mais d’après les observa- tions concordantes d’Irmisch (13) et de Goebel (8), leurs plantules sont souvent anguleuses, ou tout au moins garnies d’épines, ce qui indique que ces genres dérivent probablement de formes voisines des Cereus. D'après ce que nous a dit Lubbers, le P. crenatus a également des plantules épineuses. Cette espèce est remarquable par l’extréme polymorphie de ses rameaux; les uns sont aplatis et présentent sur les bords de petites feuilles écailleuses, nullement piquantes (IV, 73); d'autres sont anguleux et ont de trois a six côtes portant des feuilles épineuses (IV, 69); d'autres encore sont anguleux et épineux dans le bas, tandis que vers le haut les côtes s'aplanissent progressivement (IV, 68 et 70); d'autres, plus rares, ont la base arrondie, nullement anguleuse, et garnie d’épines (IV, 72 et 73); enfin, il en est d’exceptionnels, dont la base arrondie porte uniquement des feuilles écailleuses (IV, 71). Ajoutons que tous les rameaux, quelle que soit leur forme, ont une base d’inser- tion arrondie. Sur un exemplaire de Phyllocactus, on peut rencon- trer toutes ces diverses formes, et en outre un nombre considérable de formes intermédiaires, comme par exemple celles où la région arrondie de la base est très longue (IV, 72). Les rameaux des diverses sortes naissent les uns sur les autres; la figure 73 montre trois rameaux aplatis et complètement dénués de côtes, naissant au sommet d’un rameau anguleux. Nous n’avons pourtant jamais observé de rameaux anguleux et épineux naissant sur une portion aplatie à feuilles écailleuses : il semble que les bourgeons axillaires des feuilles épineuses aient une plus grande amplitude de variabi- lité que ceux des feuilles écailleuses. Les différences de rameau à rameau sont, comme on le voit, très grandes : certains d’entre eux présentent un stade récapitulatif très net; d’autres ne dépassent même jamais ce stade; d'autres enfin ne récapitulent pas. La collection si riche du Jardin botanique de Bruxelles ne ren- ferme aucun autre Phyllocactus qui ait une telle variété de formes; certaines espèces, le P. anguliger, par exemple, ne présentent plus à l'état adulte aucune trace de récapitulation. On pourrait citer quelques autres exemples de plantes dont les TOME III, 1804. 294 J. MASSART. — LA RECAPITULATION rameaux commencent par offrir plus ou moins l'état ancestral : Rhipsalis rhombea, Muehlenbeckia platyclados, Ranunculus Flam- mula et R. Lingua, parfois Acacia Melanoxylon. Ajoutons-y quel- ques cas où la recapitulation est plutôt négative, en ce sens que les premières feuilles du rameau sont moins profondément décou- pées que les feuilles définitives et ressemblent ainsi davantage aux feuilles ancestrales : Ficus Carica, Morus nigra, Acer tataricum, Symphoricarpus, etc. (7). Voyons maintenant quelques cas dans lesquels la récapitulation est nette sur les plantules, mais manque pour les rameaux. La plantule de Tropaeolum majus, sur laquelle Goebel (7) a attiré l'attention, a les deux premières feuilles peltées et opposées; elles (:) Il n’est du reste pas bien rare de voir sur une plante adulte se former tout à coup, sans raison apparente, des branches qui rappellent l’état jeune de cette espèce. On donne à ce phénomène le nom impropre de retour atavique (Rückschlag). Sur le Hedera Helix var. arborescens (qui n’est que le produit du bouturage d'un rameau florifère orthotrope de Lierre ordinaire), on observe souvent la formation de rameaux dorsiventraux. Goebel (8) cite aussi plusieurs cas de retours chez des plantes aquatiques. Il faut remarquer que dans ces divers exemples, il s’agit simplement d’un retour à la forme infantile; mais celle-ci n’est pas du tout un stade ancestral : elle représente au contraire un stade dérivé, acquis par l’espèce plus tard que la forme qui apparaît en dernier lieu, lors de la floraison. Il serait donc logique de désigner ces cas sous le terme de retour infantile, en réservant le nom de retour atavique à ceux où il s’agit bien réellement de la réapparition d’une phase ancestrale. C’est ce qui s’observe chez les Cereus monstrueux décrits par Goebel (8) : ils présentent souvent des rameaux typiques de l'espèce dont ils proviennent; la même chose se passe pour l’Æuphorbia havanensis cristata. Le plus bel exemple que nous connaissions de plantes grasses monstrueuses avec retour atavique se trouve au Jardin botanique de Bruxelles. Un pied d’Echinopsis multiplex cristata a donné sur toute l’étendue de sa « crête » des rameaux normaux d'Æchinopsis multiplex ty pique. Hildebrand (11) cite un retour atavique chez |’Zucalyptus Globulus : un pied adulte produisit subitement des branches à feuilles opposées, analogues à celles de sa jeunesse. Dans les Alpes du Tyrol, on observe très souvent des retours ataviques sur le Juniperus Sabina. Tome III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 205 sont pourvues de minuscules stipules; celles-ci manquent aux feuilles ultérieures. Plusieurs autres 7ropaeolum (voir Chatin, 5), le T. tuberosum par exemple, ont toutes les feuilles stipulées. Le T. canariense, au contraire, n’a pas mème de stipules aux feuilles de la première paire. Les petites stipules récapitulatives du T. majus semblent en voie de disparition : comme elles n'ont plus aucune utilité pour la plante, elles occupent à la base du pétiole les positions les plus variées (fig. 49) et manquent quelquefois. Fic. 49. — Tropaeolum majus. — A. Plantule normale avec les deux premières feuilles non encore développées. — B. Portion supe- rieure d’une plantule dont les limbes foliaires sont enlevés; les stipules sont insérées à diverses hauteurs sur les pétioles. — C. Plantule anormale dont l’un des cotylédons a allongé consi- dérablement son pétiole (*/3). Citons aussi quelques exemples dans lesquels les feuilles pri- maires sont beaucoup plus profondément dentées ou incisées que les feuilles définitives, sans qu'il soit possible d’assigner à cette différence une valeur adaptative. Sir John Lubbock (16) figure Lasiopetalum ferrugineum, Dodonaea viscosa, Carpinus Betu- lus etc. Nous avons eu l’occasion d’examiner un assez grand nombre de plantules de Rubiacées. Chez la plupart des Galium, on observe que les premiers verticilles sont en tout semblables a ceux de la plante adulte; mais le premier verticille de Sherardia arvensis et surtout celui de Galium peregrinum montrent une différence très marquée entre les feuilles et les stipules, différence qui disparaît complètement plus tard. La plantule de Plantago Coronopus (fig. 2) ressemble beaucoup Tome III, 1894. 296 J. MASSART. — LA RÉCAPITULATION à un Plantago à feuilles linéaires, tel que P. Psyllium ou P. alpina: peut-être le P. Coronopus dérive-t-il d'une forme analogue à ceux-ci. La récapitulation est beaucoup moins nette pour le P. lan- ceolata. Quant aux P. media et P. major, ils ne présentent pas de trace de récapitulation. Les Conifères offrent plusieurs beaux exemples de récapitulation. Le Larix europaea étudié par Schenck (18) a des feuilles primaires persistantes au moins en partie. Les plantules de Pinus ont des feuilles isolées et non groupées par plusieurs. Les Thuya, Biota, Juniperus et Cupressus, qui ont à l'état adulte des feuilles écail- leuses, apprimées, ont sur la plantule des feuilles squarreuses, piquantes. Fig. 50. — Galium peregrinum. — Fia. 51. — Caesalpinia pulcherrima. Dans le premier verticille, les sti- Issu de graines rapportées du pules sont très distinctes des Congo par M. Laurent.—c, point feuilles. Chaque cotylédon porte d'attache des cotyledons (1/;). plusieurs bourgeons axillaires(1/:). Dans les Thuya, Biota, etc., l'état adulte doit être probablement considéré comme résultant de l’adaptation à la vie dans un milieu pauvre en eau. Il y a beaucoup d'autres plantes xérophiles, appar- tenant aux familles les plus diverses, qui ont, à l’état adulte, des feuilles réduites, transformées en phyllodes ou en épines, ou même TOME III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 297 entièrement atrophiées, mais dont la plantule porte des feuilles normalement développées, analogues à celles des plantes voisines. Tels sont le Zylla myagroides (8) parmi les Cruciféracées; l’Euca- lyptus Globulus parmi les Myrtacées; les Colletia parmi les Rham- nacées ; enfin parmi les Papilionacées (16) les Ulex, Carmichaëlia, Viminaria, Acacia, etc. L’abondance relative des exemples de réca- pitulation parmi les plantes xérophiles tient probablement à ce que, pendant le jeune âge, ces plantes ont moins à craindre l'évapo- ration excessive, grâce à la protection qu'elles reçoivent des végé- taux voisins. Même en dehors des espèces xérophiles, les Papilionacées paraissent avoir de la tendance à reproduire l’état ancestral au début du développement. Nous avons déjà cité les Trifolium, Trigonella (fig. 30) et les autres Trifoliées ainsi que les Phaséolées (Dolichos, fig. 14), dont la premiére feuille est unifoliolée, ainsi que le Lathyrus Aphaca (fig. 37) et le Vicia pyrenaica (fig. 41). Peut-être convient-il d'y ajouter le Caesalpinia pulcherrima : les deux premières feuilles sont opposées et pennées; la troisième feuille est quatre fois pennée, tandis que toutes les feuilles suivantes le sont deux fois. Les folioles de toutes les feuilles sont accompagnées de stipelles. Les deux premieres feuilles opposées sont, a notre avis, adaptatives, la troi- sieme est récapitulative. RESUME ET CONCLUSIONS. Les exemples de récapitulation sont rares chez les végétaux. Dans immense majorité des cas où la plantule a un aspect différent de celui de la plante adulte, on peut montrer que la différence est due à ce que ses besoins sont autres que ceux de l'individu sexué. Ce stade primaire se conserve parfois très longtemps (Hedera, Ranun- culus aquatilis type, etc.) — jusqu'au moment de la floraison, — et il n'est même pas rare que la phase définitive soit supprimée (Ranunculus fluitans et nombreux autres cas de pédogenése). Tome III, 1894. 298 J. MASSART. — LA RECAPITULATION Dans les cas si peu fréquents ou la plantule présente transitoire- ment une phase récapitulative, celle-ci rappelle toujours un ascen- dant peu éloigné. Le Vicia pyrenaica rappelle le V. argentea. Le Lathyrus Aphaca, plus spécialisé que les Vicia, ne remonte dans sa phase récapitulative que jusqu'à un parent Lathyrus. Le Tro- paeolum majus a transitoirement les stipules d’autres Tropaeolum. Les Acacia a phyllodes ont, dans le jeune age, les feuilles d'espèces du méme genre. Chez les animaux, au contraire, les cas de récapitulation sont beaucoup moins rares, et le plus souvent la phase récapitulative nous renseigne sur les ancêtres lointains de l’espèce plutôt que sur ses parents immédiats. La rareté des cas de récapitulation et leur faible récurrence tiennent, d’une part, à ce que le végétal est fixé au sol, d'autre part, à ce que ses cellules ont une paroi rigide. L'immobilité du végétal l'oblige à habiter, dès sa jeunesse, le même milieu que pendant l'âge adulte. Parmi les animaux, il arrive au contraire très souvent que les jeunes ont un genre de vie tout différent de celui des adultes, mais semblable à celui des ancêtres. Les jeunes Cirrhipèdes sont libres et ont les mêmes besoins — et partant les mêmes organes — que les autres Crusta- cés; les Grenouilles mènent d'abord une vie aquatique comme leurs ancêtres Poissons. Chez les végétaux, rien de pareil : toutes les Phanérogames aquatiques dérivent de plantes terrestres; mais si, au début de leur existence, elles avaient des feuilles adaptées à la vie aérienne, elles seraient inévitablement vouées à la destruc- tion. Les quelques rares traces ancestrales qui s’observent transi- toirement chez certaines espèces sont de telle nature qu'elles ne gènent pas leur possesseur. Mais il serait inconcevable que ces caractères provinssent d’ancétres éloignés : ils ne seront épargnes par la sélection naturelle que s'ils sont légués par des ascendants assez proches et qui ne vivaient pas dans des conditions trop diffé- rentes. L'absence de la faculté de déplacement a aussi amené, chez les végétaux, une adaptabilité plus grande que celle des animaux : ceux-ci peuvent, lorsque les conditions d'existence changent autour ? Se re Et ÉEE TOME III, 1804. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 299 d’eux, se mettre à la recherche d'un milieu plus favorable; la plante étant fixée au sol, ne se tirera d'affaire que si elle peut se modifier de façon à s'adapter aux nouvelles conditions de vie. Aussi y a-t-il chez les végétaux de nombreux exemples d'adaptation individuelle. (Plantules de Nymphaea, fig. 44.) Nous ignorons si des modifica- tions de ce genre peuvent étre transmises aux descendants, mais il ne parait pas douteux que la sélection naturelle ait déterminé la fixation héréditaire d'une adaptabilité très étendue. Aussi les espèces végétales se débarrassent-elles rapidement de toutes les inutilités que leur leguent leurs ancêtres. Les organes transitoires des animaux sont réemployés en tota- lité au profit de l'organisme : les arcs branchiaux des Mammifères servent a former une quantité d’organes de la face et du cou; la queue de la Grenouille est dévorée par les phagocytes et sa sub- stance est réutilisée par le jeune Batracien. Au sein du végétal, de pareils phénomènes sont exceptionnels et d'ailleurs incomplets : les cellules sont entourées d’une membrane rigide qui les empêche de se déplacer ; le contenu cellulaire est plus ou moins complète- ment résorbé, mais la cellulose reste inaltérée. L’organe inutile ne peut être éliminé qu'avec « perte de substance ». Pour établir la phylogénie des espèces végétales, l’ontogénie n’est donc que d'un faible secours; il faut s'adresser essentiellement a la morphologie et à la paléontologie, qui n’en est du reste qu’une branche. . Nous pouvons conclure en disant que /e végétal forme, dans le cours de son évolution individuelle, les organes dont il a successive- ment besoin; les organes transitoires sont le plus souvent interca- latres et acquis nouvellement par l'espèce ; très rarement, ce sont des legs faits par un parent. Tome III, 1894. 300 J. MASSART. — LA RECAPITULATION BIBLIOGRAPHIE Nous ne citons que les travaux les plus importants. On trouvera une bibliogra- phie trés complète dans les ouvrages de Klebs (15) et de sir John Lubbock (16). 1. L. BerssmErR, Ueber Jugendformen von Pflanzen, speciell von Coniferen. . (Ber, d. deutschen Bot. Ges., Bd VI, S. Lxxxul, 1888.) 2. Fr. BucHenau, Zur Morphologie von Hedera Helix. (Bot. Zeit., 5. Au- gust 1864.) 3. R. Caspary, Ueber Samen, Keimung, Specien und Nährpflanzen der Oro- banchen. (Flora, 1854, p. 577.) 4. C. Darwin, Les mouvements et les habitudes des plantes grimpantes. Tra- duction francaise. Paris, Reinwaldt, 1877. 5. J. CHaTIN, Mémoire sur la famille des Tropéolées. (Ann. des Sciences natur. [4],t. V, p. 383, 1856.) 6. K. GorBEL, Ueber die Jugendzustande der Pflanzen. (Æ/ora, 1889, S. 1.) 7. K. GoEBEL, Vergleichende Entwickelungsgeschichte der Pflanzenorgane. (Schenck's Handbuch der Botanik, Bd III, Erste Halfte, S. 99.) 8. K.GoEBEL, Pflanzenbiologische Schilderungen, 2 vol. Marburg, Elwert’sche Verlagsbuchhandlung, 1889, 1891, 1893. 9. G. HABERLANDT, Die Schutzeinrichtungen in der Entwickelung der Keim- pflanze. Wien. Carl Gerold’s Sohn, 1877. 10. G. HABERLANDT, Ueber die Ernahrung der Keimlinge und die Bedeutung des Endosperms bei Viviparen Mangrovepflanzen. (Ann. du ard. bot. de Buitenzorg XII, p. 91, 1894.) 11. Fr. HizpeBraAND, Einige Beobachtungen an Keimlingen und Stecklingen. (Bot. Zeit., 8. Januar 1892.) 12. Tu. IrmiscH, Zur Naturgeschichte von Me/ittis Melissophylum. (Bot. Zeit., 6 August 1858.) 13. Tu. Irmiscx, Ueber die Keimpflanzen von Rfzpsalis Cassytha und deren Weiterbildung. (Bot. Zeit., 31 Marz 1876.) 14. Ep. DE JANCZEwskI, Etudes morphologiques sur le genre Anemone. (Rev. gén. de Bot., IV, p. 241, 1892.) Tome III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 301 15. G. Kiess, Beitrage zur Morphologie und Biologie der Keimung. (Unters. a. d. Bot. Inst. zu Tübingen, Bd I, S. 586, 1885.) 16. Sir Jon Lussock, A Contribution to our Knowledge of Seedlings. 2 vol. London, Kegan Paul, Trench, Trübner and Co, 1892. 17. H. ScHENCK, Beitrage zur Biologie und Anatomie der Lianen. I. Th Bio- logie. (Schimper’s Botanische Mittheilungen aus den Tropen. Jena, G. Fischer, 1892.) 18. H. ScHENCK, Ueber Jugendformen von Gymnospermen, speciell von Larix europaca. (Sitzungsber. d. Niederrhein. Ges. f. Natur- u. Heilkunde zu Bonn. 5 Juni 1893.) 19. A. TRECUL, Recherches sur la structure et le développement du Vuphar luteum. (Ann. Sciences natur. [3], t. IV, p. 331, 1845.) 20. A. TRÉCUL, Etudes anatomiques sur la Victoria regia. (bid. [4], t. I. p. 145, 1854.) 21. M. Trevs, Notes sur l’embryogénie de quelques Orchidées. (Natuurhk. Verh. d. kon. Akad. Amsterdam. Bd XIX, 1870.) 22. H. DE Vries, Eine Methode, Zwangsdrehungen aufzusuchen. (Ber. d. deutschen bot. Ges., Bd XII, S. 25, 1894.) 23. A. WINKLER, Ueber die Keimpflanze der MWerurialis perennis. (Flora, 1880, S. 339). Tome III, 1894. 302 J. MASSART. — LA RECAPITULATION Il. — ORGANOGENIE DE LA FEUILLE. Nous avons dit en commençant que l’embryologie végétale peut être envisagée à deux points de vue : l’ontogénie de l'individu dans son ensemble, et l’organogénie de chacune de ses parties. Pour vérifier si le principe de la récapitulation s'applique au développement des végétaux, l'organogénie des racines et des tiges offre peu de faits intéressants. Les racines se développent presque toujours directement et leur structure est du reste assez analogue dans tout le groupe des Phanérogames. Pourtant les racines de Stratiotes aloides présentent nettement de la récapitulation : les racines adultes sont complètement privées de vaisseaux, mais les parties voisines du point végétatif renferment des vaisseaux bien formés qui se désorganisent ultérieurement. Schenck (8, vol. 2) a montré que dans la fige de la plupart des lianes à structure anormale, la région jeune a la structure ordinaire des Dicotylédones. La récapitulation y est donc évidente. Il y a néanmoins certains types qui sont déjà anormaux dés l'origine. L'organogénie de beaucoup de tiges charnues a été étudiée par Goebel (5, vol. 1). Quelques espèces d'Euphorbia et d'Opuntia ont des feuilles vertes près du point végétatif; ces feuilles tombent bientôt et sont souvent remplacées par des épines (’). A côté de ces espèces qui récapitulent, il en est beaucoup d'autres qui ne présen- (7) Cette récapitulation organogénique est toute différente de la récapitulation ontogénique dont nous avons parlé à propos des PAy/locactus. Chez ceux-ci le rameau n'offre les caractères ancestraux qu’au moment de sa naissance; dès qu’il a atteint un certain âge, il cesse de former des épines et des côtes (IV, 68, 70, 73) : le rameau récapitule dans son ensemble. Chez les Æuwphorbia et les Opuntia décrits par Goebel, toutes les portions d’un rameau ont été, pendant leur jeu- nesse, garnies de feuilles ancestrales : le rameau récapitule au fur et à mesure de sa croissance. chat: rss TOME III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTAL.E. 303 tent aucune trace des feuilles vertes que possédaient les ancêtres. Dans le présent travail, nous nous occuperons de l'organogénie de la feuille, et nous étudierons successivement la disposition des feuilles sur le rameau, leur forme et leur structure. Nous aurons aussi, à propos de la forme, à étudier quelques organes transitoires (glandes, stipules, etc.) : exemples d'intercalation dans l’organo- génie, analogues aux exemples d’intercalation dans l’ontogénie, que nous ont offerts beaucoup de plantules. Si l’ontogénie nous a donné peu d'exemples de récapitulation, l'organogénie en montrera moins encore; c'est à peine si nous trouvons quelques cas où des particularités du développement peuvent être considérées comme des legs ancestraux. Dans la grande majorité des espèces, le développement foliaire est direct ; nous essaierons de montrer suivant quelles règles il s’accomplit. Voici le procédé qui nous a servi dans nos recherches. Les objets fixés et débarrassés de l'air par l'alcool, sont plongés un jour dans l'eau, puis un jour dans une solution aqueuse d’hydrate de chloral à 50 °/., puis un jour dans une solution à 100 °/.. Les points végé- tatifs sont alors préparés sous le microscope simple et montés dans : eau, 100 centimètres cubes; glycérine, 16 centimètres cubes; hydrate de chloral, 100 grammes; gomme arabique, 50 grammes. Le lendemain, ils sont devenus tout à fait transparents. La même méthode convient parfaitement pour l'étude de l’organogénie de la fleur. Le milieu conservateur durcit rapidement, et il est inutile de luter les préparations. 1. Disposition des feuilles. Les feuilles gardent le plus souvent la disposition qu’elles avaient au point végétatif. Les feuilles de Ceratophyllum (IV, 61) naissent déjà en verticilles. Les feuilles de Cunonia (’) (II, 43, 44, 45), de Sambucus (III, 49), de Cerastium, etc., sont opposées des leur jeu- (!) Les rameaux de Cunonia capensis proviennent du Jardin botanique de Gand et ont été mis obligeamment à notre disposition par le professeur F. Mac Leod. TOME III, 1894. 304 J. MASSART. — LA RECAPITULATION nesse. De méme, les feuilles distiques des Graminées (Ammophila, Ill, 55), d'Iris, d’Hydrocotyle (I, 14, 15), de Cicer (I, 2), de Vacza (I, 3), de Lathyrus (I, 4 à 7), naissent sur deux rangs. Le fait est inté- ressant pour l’Hydrocolyle et les Viciées; en effet, ces plantes appar- tiennent a des familles dont la plupart des types ont les feuilles alternes et disposées suivant une spire. Les feuilles alternes sont généralement alternes dès leur formation : Spiraea (II, 24), Acacia (I, 8), Péarmica (III, 42), Araucaria (III, 56), etc. Dans quelques rares cas, la disposition primitive des feuilles est altérée dans la suite. Sur le point végétatif de Potamogeton densus (III, 54), les feuilles naissent alternes et distiques comme chez les autres Polamogeton. Mais ultérieurement, les divers entrenœuds s'allongent d'une façon très inégale : il y a alternativement un entrenœud qui s'accroît et un autre qui reste très court, de sorte que les feuilles ont l'air d'être opposées (fig. 21). L’Eucalyptus Glo- bulus (*) porte dans le jeune âge des feuilles opposées qui naissent opposées (III, 53); sur la plante adulte, les feuilles sont alternes, mais elles naissent également opposées (III, 52), et n’acquièrent leur position alterne que lors de l'allongement de la tige (III, 51). Chez d’autres Eucalyptus, la disposition des feuilles au même niveau sur le point végétatif est moins bien marquée : les feuilles alternes d’E. Raveretiana et d’E. Gunnii naissent tantôt à peu près opposées, tantôt distinctement alternes; ces différences existent d'un rameau à l’autre d'un mème exemplaire. 2. Forme des feuilles. Le développement de la forme des feuilles a été surtout étudié par Trécul (10), par Eichler (2) et par Bower (1). Les feuilles naissent sur le point végétatif sous la forme d’un petit mamelon (feuille primordiale) qui se différencie ensuite. () Les rameaux à feuilles alternes d’Eucalyptus Globulus proviennent du Jar- din botanique de Liége et ont été mis obligeamment à notre disposition par le professeur A. Gravis. Tome III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 305 Eichler distingue a ce second stade : 1° la portion basilaire (Blatt- grund) qui donne la gaine de la feuille ou bien la base du pétiole avec les stipules; 2° la portion supérieure (Oberblatt) dont provien- nent le limbe et le petiole. Bower a modifié cette terminologie : il appelle phyllopode tout l'axe de la feuille depuis la base jusqu'au sommet; la partie inférieure (Blattgrund d’Eichler) est appelée hypopode; la partie qui donne le pétiole est nommée mésopode ; enfin, la portion qui supporte directement les ramifications du limbe, est l’épzpode. Il est à remarquer que le terme « phyllopode » désigne uniquement, chez Bower, l'axe de la feuille, à l'exclusion de ses ramifications. Ce serait une erreur de croire que toutes les feuilles présentent cette distinction en un hypopode, un mésopode, un épipode et des ramifications; les feuilles les plus simples ne montrent rien de pareil. Il est possible que chez | Araucaria (III, 56) cette disposition soit primitive; mais dans d’autres feuilles dont la simplification est probablement secondaire (Sempervivum, IV, 63; Ceratophyllum, IV, 61, 62), la distinction entre ces diverses portions fait néanmoins défaut dès l'origine. Ce n'est que dans les cas les plus typiques que les diverses portions du phyllopode sont nettement différenciées. Où sont, par exemple, le mésopode et l'hypopode dans une feuille de Cobaea (fig. 35)? Nous verrons à propos de la position des stipules que l’hypopode et le mésopode ne sont pas non plus nettement distincts. A notre avis, la valeur morphologique de la terminologie de Bower consiste dans la distinction entre le phyllopode et les ramifications de celui-ci. Examinons d'abord la formation de quelques organes qui servent a protéger les jeunes feuilles. Leur évolution présente deux traits communs : 1° ils naissent tres tôt ct sont complètement formés alors que le limbe foliaire est encore à l'état de méristème; 2° ils disparaissent (pour suppression d'emploi) des que les tissus de la feuille n'ont plus besoin de protection. A. ORGANES TRANSITOIRES, — Pendant leur période de développe- ment, les jeunes feuilles ont a se garantir contre un grand nombre d'influences nuisibles: chaleur, lumière, pluie, animaux, etc. ; aussi Tome III. 20 TOME III, 1894. 306 J. MASSART. — LA RECAPITULATION n'est-il pas étonnant gue dans la grande majorité des espèces, elles soient mises d'une façon ou d’une autre à l’abri des risques exté- rieurs. Beaucoup de moyens de protection ont été décrits dans ces dernières années, particulièrement par Potter (6), Groom (7) et Stahl (9). Nous ne nous occuperons ici que des cas où la protection est effectuée par les jeunes feuilles elles-mêmes. a. Poils. — Les jeunes feuilles des plantes terrestres sont souvent couvertes d’un feutrage de très longs poils : Aruncus sylvester, Acacia myriobotrya, Æsculus Hippocastanum, etc. (Dans nos des- sins, les poils ont toujours été négligés.) Ces poils sont complète- ment formés et ont leur paroi fortement épaissie lorsque la feuille elle-même est à peine différenciée; ils tombent sans laisser de ves- tiges dès que la feuille a pris un développement suffisant. 6. Glandes terminales. — Chez diverses plantes aquatiques, les segments des jeunes feuilles se terminent par une pointe effilée portant une glande dont les cellules renferment du tanin et une manière huileuse : Myriophyllum, Ceratophyllum (IV, 62). Les segments de la feuille de Hottonia palustris (III, 46 et 47) se termi- nent également par un groupe de cellules à contenu huileux et tannifère, laissant au milieu d’elles un creux en forme d’entonnoir, au fond duquel aboutit la nervure étalée en pinceau; cet organe fonctionne probablement comme un stomate aquifere (*). Il ne nous paraît pas douteux que ces glandes aient pour fonction de défendre les tissus tendres des jeunes feuilles contre les mollusques et les autres animaux aquatiques. y. Stipules. — Ce sont les organes les plus efficaces dans la défense des feuilles. Quoiqu'il ne manque pas de cas où la protec- (*) Il n’est pas rare que les jeunes feuilles portent des stomates aquifères aux- quels aboutissent les ramifications de la nervure : Æydrocotyle (1, 17); ils ne fonc- tionnent que pendant le jeune âge et se flétrissent bientôt. ToME III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 307 tion soit effectuée par les feuilles plus âgées qui s’enroulent autour des jeunes feuilles ou les recouvrent comme des capuchons {Lathy- rus tenuifolius, 1, 4; L. Nissolia, 1, 7: Spiraea Douglasi, Il, 24; Eucalyptus Globulus, Ill, 52 et 53; Ammophila arenaria, III, 55), on peut dire que dans la généralité des Dicotyledones, ce sont les sti- pules qui abritent les feuilles les plus tendres. Aussi ces organes sont-ils le plus souvent transitoires : leur fonction est terminée et ils tombent des que la feuille est adulte. Que représentent phylogéniquement les stipules? Il n’est pas possible de fournir a cette question une réponse décisive. L’orga- nogénie montre qu'elles naissent d’ordinaire sous forme d’émi- nences placées à la base du phyllopode, de même que les segments du limbe naissent sous forme d’éminences placées plus haut sur le phyllopode. Il se pourrait donc que les stipules fussent simplement des segments spécialisés en vue de la protection. Toujours est-il que la différence d'origine entre les stipules et les folioles est loin d'être aussi tranchée qu'on l’admet en général : il est inexact que les segments du limbe naissent toujours de l'épipode, tandis que les stipules naitraient seules de l’hypopode. Chez le Lathyrus tingitanus (I, 10) et le L. hirsutus (1, 9), les folioles latérales naissent en partie sur l'hypopode. Les stipules « soudées au pétiole » des Rosa, du Potentilla fruticosa (III, 36 et 37, et fig. 53, F) et du Fili- pendula hexapetala (II, 32, et fig. 53, E) se forment en partie sur le mésopode. Il en est de même des stipules « libres » du Swainsonia coronillaefolia (I, 12). Nous avons dit plus haut que les stipules de la première paire de feuilles de Tropaeolum majus (fig. 49) sont sou- vent tout entières sur le pétiole. Dans les cas où la protection est le plus efficace, les stipules, souvent très spécialisées, abritent la feuille mème dont elles dépen- dent (Hydrocolyle, I, 14 et 15; Cunonia, III, 43) : toutes les feuilles et le point végétatif lui-même sont recouvertes par les stipules; ailleurs, elles protègent seulement les feuilles plus jeunes que celles dont elles font partie (Lathyrus pratensis, |, 13; Sorbaria sorbifolia, II, 29); enfin, il ne manque pas d’especes dont les stipules réduites ne jouent plus qu'un role effacé (Lathyrus Nissolia, 1, 7; Sambucus). Eichler donne une longue liste (2, p. 26) dans laquelle i] indique, TOME III, 1894. 308 J. MASSART. — LA RECAPITULATION d'après ses observations et d'après celles de Trécul (10), a quel moment naissent les stipules relativement au limbe : tantôt elles se forment avant ou pendant que l’épipode se ramitie; tantôt elles prennent naissance apres que la ramification principale de l'épi- pode est déja terminée. Essayons de déduire quelques régles des nombreux faits connus. + Lorsque les stipules protègent leur propre feuille, elles naissent et se développent avant la différenciation du phyllopode en hypopode et épipode. Chez l'Hydrocotyle (1, 14 et 15), la première ébauche des stipules est constituée par un bourrelet qui fait tout le tour du point végétatif (I, 14, B); le bourrelet s'accroît beaucoup, de façon a former un capuchon qui recouvre aussi bien le point végétatif que la petite éminence représentant la feuille (I, 15, B et b. s.); celle-ci n’a pas encore le moindre vestige de ramification. Plus tard, l'entrenœud s’allonge, écarte les stipules et la feuille peut enfin s'étaler. Les stipules de Cunonia capensis sont encore plus spécialisées. Elles constituent a l’extrémité de chacun des rameaux de l’arbre deux lames foliacées, appliquées l'une contre l'autre. Lorsqu'on écarte ces lames ou qu’on enléve l’une d'elles (III, 43), on constate que la portion inférieure et médiane de leur face interne est recou- verte d’un enduit (‘) blanc (cireux ou résineux?) soluble dans l’éther; la masse pâteuse cache les deux limbes foliaires encore rudimentaires entre lesquels se trouvent deux nouvelles lames beaucoup plus petites, souvent à peine visibles. La position des lames foliacées et la comparaison avec les types voisins de la famille des Saxifragacées montrent que ce sont des stipules : chaque lame est formée phylogéniquement par la soudure de deux stipules appartenant chacune à l’une des feuilles. Lors de l'épanouissement des feuilles, celles-ci écartent les stipules qui se recourbent vers le (:) L’enduit est sécrété par des glandes stipitées très nombreuses, répandues sur la portion inférieure et médiane de la surface interne des stipules, ainsi que sur les jeunes limbes. Ces glandes meurent bientôt : c’est un exemple typique d’organe transitoire intercalé dans le développement de la feuille. Tome III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 309 dehors et tombent bientôt en laissant une cicatrice circulaire à la base de la paire de feuilles. Voyons maintenant comment se forment ces stipules. Sur un point végétatif très jeune (III, 45, C), on les voit apparaître sous forme de deux petits mamelons (les futures feuilles) décussés avec les premiers (III, 44, D). Contrairement à l'opinion généralement reçue (*), les stipules se forment ici avant la première ébauche du phyllopode. Ajoutons que les mamelons stipulaires ne montrent dans leur évolution aucune trace de la « soudure » des deux sti- pules dont dérive chacune des stipules de Cunonta : ces organes sont simples dès l’origine. tt Lorsque les stipules ne protègent que les feuilles plus jeunes qu’elles, elles naissent avant ou pendant la ramification de l'épipode. Le plus souvent, elles naissent avant que l'épipode montre de mamelons latéraux : Cicer (I, 2), Vicia (I, 3), Lathyrus pratensis (I, 13), Phaseolus (I, 11), Swatnsonia (I, 12), Sorbaria sorbifolia (II, 29), etc. Parfois elles se forment pendant que l'épipode se ramifie : Filipendula hexapetala (II, 32), F. Ulmaria (Il, 34, 35), Ranunculus aquatilis (IV, 59, 60); enfin, Eichler cite des Ombelli- fères chez lesquelles les stipules naitraient apres que la ramifica- tion du premier degré est terminée (Heracleum, Ægopodium, etc.). Nous n'avons pas eu l'occasion de vérifier ce point qui nous paraît douteux. ttt Lorsque la fonction protectrice des stipules est peu importante, elles naissent après que l'épipode s'est ramifié. C'est ce qui se produit pour les feuilles assimilatrices de Rosa (II, 22). Nous ignorons comment se développent les feuilles basilaires et les feuilles apicales des rameaux de Rosa. tttt Lorsque les stipules n'ont plus aucun rôle de protection, le (*) Goebel (4, p. 230) dit : « Die zeitliche Entstehung der Stipulæ ist keine fest bestimmte, sie erfolgt aber immer erst nach der Diflerenzirung des Primordial- blattes in Blattgrund und Oberblatt, entweder vor oder nach Anlegung der Glieder erster Ordnung an der Spreitenanlage. » Or les mamelons stipulaires de Cunonia se montrent certainement avant les mamelons foliaires. Tome III, 1894. 310 J. MASSART. — LA RECAPITULATION début de leur formation est encore plus tardif ; souvent méme elles n'apparaissent plus du tout. Des stipules très réduites et tardives se rencontrent chez le Lathyrus Nissolia (I, 7), chez les Sambucus (III, 48, 49 et 50). Les espèces de ce dernier genre sont très intéres- santes : le S. Ebulus a normalement de petites stipules sans impor- tance; celles du S. nigra sont, quand elles existent, transformées en nectaires, mais dans ce cas elles ne fonctionnent naturellement qu'après l'épanouissement de la feuille. Chez les diverses espèces, leur formation débute seulement lorsque la feuille forme ses rami- fications du second degré. Enfin, on connaît des plantes dont cer- taines feuilles sont privées de stipules, quoique les autres feuilles possèdent ces organes : Tropaeolum majus (feuilles postérieures a celles de la première paire, II, 18), Lathyrus tenuifolius (feuilles de la plantule, I, 4 et 5) : dans l’organogénie de ces feuilles, les stipules ne sont pas même ébauchées. En résumé, nous pouvons dire que les stipules protectrices naissent d'autant plus tot, qu'elles doivent fonctionner plus tôt. x à * A côté des stipules transitoires à fonction uniquement protec- trice, il en est d’autres qui ont un rôle d'assimilation : ce sont, par exemple, les stipules de Lathyrus Aphaca et celles des Rubiacées de nos régions. Les stipules de L. Aphaca sont les organes d’assi- milation essentiels de la plante adulte : elles naissent très tôt (I, 6). Quant aux stipules des Rubiacées, elles débutent sur le bourrelet circulaire aux dépens duquel se forment toutes les feuilles et stipules d'un verticille: chez les Galium étudiés par Trécul (10), par Eichler (2) et par Goebel (5), les deux feuilles opposées sont ébau- chées avant les stipules. Au contraire, chez le Sherardia arvensis (I, 1), stipules et feuilles se forment en même temps. Le Lathyrus Aphaca et les Rubiacées nous fournissent de nouveaux exemples de la formation d'autant plus hâtive d'un organe que son impor- tance fonctionnelle est plus grande. x ar Tome III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. SIT B. LimBE FOLIAIRE. — On sait qu’à l'exception des Palmiers (8) et de quelques Aroïdées, dans lesquels la feuille se déchire (*), la segmentation du limbe est le résultat d’une véritable ramification. Celle-ci est le plus souvent latérale, mais il est pourtant des cas non douteux où elle est terminale et dichotomique. Il n'est du reste pas possible d’indiquer nettement la différence entre la ramification terminale et la ramification latérale. a. Ramification terminale. — L'exemple le plus frappant est fourni par le Ceratophyllum demersum. Les feuilles naissent en verticilles et les éminences foliaires subissent bientôt une première dichotomie (IV, 61, D), puis chacune des branches se divise encore, de façon à constituer un ensemble à quatre lobes (IV, 61,B et A, et 62). Les feuilles d’Utricularia vulgaris subissent, d’après nous, une première ramification par dichotomie (’) (IV, 57); les ramifica- tions ultérieures sont latérales (IV, 58). Chez le Ranunculus aqua- tilis (IV, 59 et 60) naît d’abord latéralement une paire d’éminences qui se divisent ensuite par dichotomie. 8. Ramification latérale (*). — L'ordre dans lequel naissent les lobes du phyllopode est assez variable; il est acropèle, lorsque les lobes les plus anciens sont a la base et que les nouveaux lobes naissent progressivement au-dessus de ceux-ci vers l'extrémité (") Un déchirement analogue se fait chez plusieurs Laminaria et genres voi- sins. Certains Basidiomycétes présentent aussi quelque chose de comparable : le chapeau jeune de C/itocybe laccata a des bords entiers; plus tard il s’y produit des déchirures radiales. (2) Goebel (4, p. 227) dit : « Eine Dichotomie im strengen Sinne des Wortes findet auch bei Utricudaria nicht statt : der obere Blattleppen entsteht etwas vor dem untern. » Nous pensons qu’en réalité les deux rameaux naissent en même temps (par division du point végétatif propre de la feuille), mais ils ne croissent pas également vite. (3) Pour la facilité de l’exposition, nous appellerons « lobes » tous les rameaux de la feuille, quelle que soit la profondeur des découpures du limbe : les dents, les segments et les folioles. Il y a des lobes de divers degrés : ceux du premier degré sont portés par le phyllopode et portent, à leur tour, les lobes du second degré. TOME III, 1894. 312 J. MASSART. — LA RECAPITULATION distale du phyllopode : Cicer (I, 2), Vicia (I, 3), Savainsonia (I, 12), Sorbaria (II, 21), Holodiscus discolor (Il, 31), Sambucus Ebulus (IU, 48), etc.; — l'ordre est basipèle, lorsque les lobes les premiers formés sont au sommet et que la naissance de nouveaux lobes se poursuit vers la base : Holtonia (III, 46 et 47), Rosa (II, 22), Sambucus nigra (III, 40), etc.; — il est divergent, lorsque les lobes les plus anciens se trouvent vers la portion moyenne du phyllopode, et que la for- mation de nouveaux lobes procède de la vers le sommet (lobes acropètes) et vers la base (lobes basipètes); mais la production de lobes acropètes et la production de lobes basipètes ne sont pas toujours simultanées : le plus souvent, les lobes du sommet sont formés avant ceux de la base et le phyllopode continue à donner des lobes basipètes longtemps après que sa portion distale a cessé de se ramifier : Achillaea (III, 40 et 41), Ptarmica (III, 42), etc.: — nous croyons qu’il est utile d'admettre avec Eichler, contrairement a l'avis de Goebel (4, p. 227), un quatrième type; la ramification parallèle, dans laquelle, après les deux rangées de lobes latéraux, il se forme deux nouvelles rangées plus rapprochées du milieu; la chose se voit très nettement chez le Filipendula (II, 34). Ce dernier mode de ramification existe même chez des feuilles qui ne portent qu'un petit nombre de rameaux : chez le Potentzlla fruticosa (fig. 53, F), les feuilles n'ont souvent que deux paires de lobes : il naît d’abord une paire de lobes latéraux (III, 36), puis, entre ceux-ci, une nouvelle paire de lobes (III, 37). La ramification cyclique d’Eichler — mode suivant lequel se forment les feuilles peltées : Hydrocotyle (1, 14 à 17), Tropaeolum (II, 18) — et la ramification ternée — dans laquelle il ne se produit qu'une paire de lobes late- raux : Phaseolus (I, 11), Ranunculus (IV, 59 et 60) — ne sont, comme le fait remarquer Goebel (4, p. 227), que des cas particuliers des types que nous venons de passer en revue. On peut appliquer à la formation des lobes du deuxième degré et à la formation des lobes du troisième degré, ce que nous venons de dire pour les lobes du premier degré ('). Leur ordre de naissance (*) Il n’est pas toujours facile, ni même possible, de distinguer les lobes des divers degrés, surtout lorsque les échancrures du limbe sont peu profondes : ‘ ‘ 4 | | ToME III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 313 peut être acropete (Filipendula, II, 33), basipète (Sambucus nigra) ou divergent (Achillaea, III, 41; Sorbaria, II, 30). Les stipules se ramifient parfois aussi; nous n’avons observé que des cas de ramification basipète : Sorbaria (II, 29), Frilipendula (IT, 33). Dans une méme feuille, la formation des lobes des divers degrés ne suit pas nécessairement le même type: chez le Filipendula hexapetala (II, 32 et 33), la formation des lobes du premier degré est divergente-paralléle; celle des lobes du deuxième degré est acropète; enfin, la ramification des stipules est basipète. Chez le Sorbaria, la ramification du premier degré est acropete; celle du second degré, divergente; celle des stipules, basipete (II, 29 et 30). * CE Tous ces divers modes de développement doivent être considérés comme dérivant du type acropète. Nous voyons, en effet, que les organes végétaux à croissance indéfinie (tiges, racines) se ramifient toujours suivant ce type; les autres modes ne se rencontrent que dans des organes à croissance limitée (placenta, étamines, feuilles). La relation qui lie le mode — défini ou indéfini — de croissance et le type de développement se voit dans certains cladodes, rameaux assimilateurs à croissance limitée comme celle des feuilles. Ce sont, à notre connaissance, les seules tiges à ramification basipète : chez l'Asparagus plumosus, on voit le bourgeon axillaire des feuilles réduites donner des ramifications latérales basipètes (II, 19); les rameaux sont donc de plus en plus jeunes à mesure qu'on se rapproche du point d'insertion du bourgeon (II, 20). A l'étatadulte, les rameaux les derniers formés sont plus petits que les premiers. Spiraea chamaedryfolia et sa variété w/mifolia (fig. 53, A, B, et Il, 25 à 28). La même difficulté existe pour les ramifications de la feuille de Sambucus nigra laciniata (fig. 52, C, et III, 50) : les deux paires inférieures de segments (à forma- tion basipète) sont incontestablement du premier degré; mais les segments placés au-dessus de ceux ci (et à formation acropéte) peuvent être considérés comme des lobes du premier degré ou comme des lobes du segment terminal (et partant, du deuxième degré). Tome III, 1894 314 J. MASSART. — LA RECAPITULATION Les cladodes de Phyllocactus, Phyllanthus, Xylophylla ont con- serve le type acropete de développement. Demandons-nous maintenant a quoi tiennent les différences qu'on observe d’une plante a l’autre dans le type de développement de la feuille : ébauchons une éfiologie du développement foliaire. Fic. 52. — A Sambucus racemosa. — B. S. nigra. — C. S. nigra laciniata. — D. S. Lbulus (*/4). — (Photographies directes de feuilles.) D'une façon générale, on peut affirmer que les lobes qui se forment les premiers deviennent les plus grands, ou, ce qui revient presque Tome III, 1804. ET L'INNOVATION EN\EMBRYOLOGIE VEGETALE. 315 au même, que les lobes destinés a devenir les plus grands naissent les premiers (*), Le Sambucus Ebulus est la seule espèce du genre dont les segments du premier degré soient de taille graduellement décrois- sante de la base vers le sommet de la feuille (fig. 52, D). Les S. nigra, nigra laciniata, canadensis et racemosa (fig. 52, A, B, C) ont au contraire les segments supérieurs plus grands que les inférieurs. La différence de taille n'est pas très marquée, mais elle n’en influe pas moins sur le type de ramification des feuilles : acropète chez le S. Ebulus (III, 48), il est basipète chez tous les autres (III, 40 et 50). Toutes les espèces, a l'exception du S. nigra laciniata, ont les segments finement dentés; les dents les plus grandes sont au som- met,les plus petites a la base des segments: leur ordre de développe- ment est basipete. Le S. nigra laciniala a les segments profondé- ment découpés et segmentés a leur tour: les divisions deviennent de plus en plus petites à mesure qu'on se rapproche du sommet des segments : leur formation est acropète. Le S. nigra laciniata dérive probablement du S. nigra type; il est curieux de voir qu’en modi- fiant leur forme, les feuilles ont aussi changé complètement leur type de croissance : il y a donc ici absence complète de récapitu- lation. Le Filipendula hexaretala a, comme nous l'avons vu, des feuilles dont le développement est assez compliqué. La feuille adulte (fig. 53, E) présente entre les deux rangées de segments latéraux, d’autres segments plus petits : l'organogénie montre que ces petits segments se forment après ceux des grandes rangées et en dedans d'eux (II, 33). Les segments des deux rangées principales n'ont pas tous les mêmes dimensions; les segments les plus proches du sommet de la feuille sont moins grands que ceux du milieu : ils se forment plus tard (II, 32). Les segments de la base sont plus petits encore : ils continuent à se former longtemps après que le sommet du phyllopode a cessé de produire de nouveaux mamelons (II, 32). Les segments latéraux se ramifient à leur tour; leurs divisions (1) Nous discuterons les deux énoncés à la fin du travail. TOME III, 1894. 316 J. MASSART. — LA RÉCAPITULATION Fic. 53. — A. Spiraca chamaedryfolia. — B. Sp. chamaedryfolia ulmifolia. C. Sp. bullata. — D. Sp. Douglasi. — KE. Filipendula hexapetala. (Sp. Filipendula). — F. Potentilla fruticosa.'— G. Holodiscus discolor (Sp. ariaefolia). — H. Agrimonia Eupatoria (segment du premier degré). — I. Sorbaria sorbifolia (Sp. sorbifolia) (segment du premier degré) (1/1). (Photographies directes de feuilles). TOME III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 317 décroissent de taille de la base au sommet de chaque segment : leur formation est acropète. Les plus étendues de ces divisions ont une plus grande surface que les plus petits segments de la base de la feuille : elles naissent avant ceux-ci. Chez les Spiraea chamaedryfolia, S. chamaedryfolia ulmifolia, S. bullata et S. Douglasi (fig. 52, A, B, C, D), les dents foliaires sont peu accusées; en règle générale, les dents les plus proches du sommet et de la base sont plus petites que celles du milieu de la feuille : généralement aussi leur formation est du type divergent. Mais la variabilité individuelle est assez étendue : l'importance fonctionnelle de ces dents est si faible que la sélection naturelle n'intervient plus guère pour fixer telle ou telle variation. Le déve- loppement (II, 24 a 28, et III, 38) reflète le défaut de fixité de la forme : les dents naissent presque en même temps à une époque tardive du développement de la feuille. Il n’est pas rare que les premières dents formées soient celles du sommet ou de la base (II, 24, C, et IT, 28) : le type de ramification devient ainsi basipète ou acropète (*). L’organogénie de la feuille d’Holodtscus (II, 31) montre aussi le parallélisme entre le développement et la forme définitive (fig.53,G). De même, pour la feuille de Sorbaria. Les segments primaires sont graduellement décroissants vers le sommet de la feuille : ils sont acropètes (Il, 29); les dents de ces segments sont le plus longues vers le milieu (fig. 53, I) : elles se développent suivant le type diver- gent (II, 30). Sur les segments d’A grimonia (fig. 53, H), les dents voisines du sommet sont les plus grandes : elles naissent d’après le mode basi- (1) Le genre Spiraea est, depuis les observations de Trécul (10), un exemple classique des différences que montre l’organogénie de la feuille chez des espèces d’un même genre. Mais. depuis lors, ce genre a été complètement démembre : certaines espèces sont devenues des Potentillees; d’autres, des Sanguisorbées; d’autres encore ont été transportées dans des genres voisins de la tribu des Spiréées. Mais le genre Sambucus offre d'excellents exemples de variations organogéniques étendues d’une espèce à l’autre. Tome III, 1894. 318 J. MASSART. — LA RECAPITULATION péte. Mais il n'est pas rare de rencontrer tout à côté du sommet une dent plus petite que les autres : celle-ci se forme tardivement CITI S0): Chez le Potentilla fruticosa, la paire de segments née en dernier lieu (III, 36 et 37) reste plus petite que la premiere paire (fig. 53, F). Quelle que soit la famille a laquelle elles appartiennent, les feuilles « palmatinerves » ont les lobes inférieurs plus petits que les supérieurs (Alchemilla, Lupinus, Æsculus, Hydrocotyle, Tropaeo- lum, etc.) : leur développement est toujours basipète (I, 16 et 17, II, 18), même chez les Lupinus et VHydrocolyle qui appartiennent a des familles dont tous les autres représentants ont des feuilles a ramification acropète. Les stipelles de Phaseolus et de Dolichos, qui sont probablement des folioles réduites, naissent longtemps apres les folioles assimila- trices (I, 11). Comparons maintenant deux plantes voisines (fig. 54), dont l'une a des feuilles profondément découpées, tandis que l'autre a les lobes moins accusés. Si réellement l'ordre de formation des lobes dépend de la taille qu'ils sont destinés à atteindre, il faudra que la ramifi- cation débute plus tôt sur la feuille d'Achillaea que sur celles de Plarmica; c'est en effet ce qui a lieu. Les figures 40 et 42 de la planche III sont dessinées au même grossissement : on voit qu’a taille égale des jeunes feuilles, la ramification du phyllopode est plus avancée chez l'Achillaca Tournefortii (II, 40) que chez le Ptarmica alpina (Ill, 42). La différence est plus manifeste encore lorsqu'on compare Achillaea Millefolium et Plarmica vulgaris. La comparaison du Sambucus nigra et de sa variété laciniata fournit des conclusions analogues. * * = Le mode de développement de la feuille est donc déterminé par la forme de la feuille adulte bien plutôt que par la forme ancestrale, ce qui exclut naturellement toute idée de récapitulation. Il y a pourtant quelques exceptions à cette règle. Dans la généralité des Composées et particulièrement chez les Tome III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 319 Achillaea, les feuilles ont les plus grands lobes dans leur portion moyenne, et le développement est divergent. Mais les feuilles de Fic. 54. — A. Achillaca Tourneforlti. — B. Ptarmica alpina (#);). (Photographies directes des feuilles). Ptarmica alpina (fig. 54, B) ont tous les lobes sensiblement égaux : néanmoins le développement est resté divergent (III, 42). Les feuilles d’Achtllaea Tournefortii (fig. 54, A) portent pres de la base Tome III, 1894. 320 J. MASSART. — LA RECAPITULATION des segments plus longs que ceux qui se trouvent immédiatement au-dessus d’eux : néanmoins le développement de la feuille est régulièrement divergent (III, 40 et 41) et les segments basilaires, quoique plus grands, se forment aprés ceux qui sont au-dessus d'eux. Dans ces deux cas, le type de ramification doit être consi- déré comme une survivance d'espèces chez lesquelles le développe- ment divergent correspondait a la forme des feuilles. D'après Trécul (10), les segments de la feuille de Podophyllum pellatum se développent tous en mème temps; les segments infé- rieurs sont pourtant pius petits que les segments supérieurs. Cette plante devrait être réétudiée. Goebel (4, p. 234) signale comme exemple de récapitulation dans lorganogénie, les feuilles peltées d’Hydrocotyle, Umbilicus, Tro- paeolum, etc. De ce que, à l’état embryonnaire, les découpures du limbe soient plus prononcées qu'à l’état adulte ({, 14 à 17, II, 18), il déduit que ces plantes répetent une forme ancestraie dont les feuilles étaient plus profondément divisées. Remarquons toutefois que les feuilles peltées commencent par avoir l'épipode nettement lobé, même chez l'Umbilicus (10) dont les voisins (Sempervivum, Crassula, Echeveria) ont des feuilles entières à tous les moments de leur développement (IV, 63). En outre, les feuilles peltées (excepté Podophyllum ?) ont, comme toutes les feuilles palmati- nerves, la ramification basipète, même chez l'Hydrocotyle, alors que toutes les autres Ombellifères l'ont acropète. La segmentation des feuilles peltées a l’état embryonnaire ne peut donc point être citée comme un exemple probant de récapitulation. Étudions maintenant l'organogénie de quelques feuilles plus spécialisées. Il existe, parmi les Légumineuses, de nombreuses espèces qui ont des feuilles incomplètes : chez toutes, le développement est direct et privé de toute trace de récapitulation : les phyllodes d’Acacia (I, 8), les feuilles de Lathyrus Nissolia (I, 7), de Lathyrus Aphaca (I, 6), les feuilles primaires de Lathyrus lenuifolius (I, 4), n’ont à aucun moment de leur évolution le moindre vestige de TOME III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 321 folioles latérales. Le fait est d'autant plus remarquable qu'il existe des folioles sur les feuilles primaires de Lathyrus Aphaca (fig. 37) et d’Acacia, et sur les feuilles définitives de L. tenuifolius (fig. 30). Cette dernière espèce donne, après les feuilles primaires trés simples, des feuilles pourvues de quelques vrilles ou folioles; mais les unes et les autres sont privées de stipules, aussi bien a l'état embryonnaire qu'à l'âge adulte (I, 5). Les vrilles sont considérées par Goebel comme des exemples typiques de récapitulation dans l'organogénie. Parlant des vrilles de Cobaea scandens (4, p. 431), il dit : « Es haben die Ranken nicht nur den « morphologischen Werth » von Blattheilen, sie sind mor- phologisch thatsächlich während eines jugendlichen Entwicke- lungsstadiums nichts anderes als Blattorgane ». En effet, lorsqu'on compare le développement d’une feuille de Vicia avec vrille ter- minale (I, 3) a celui d'une feuille imparipennée de Cicer (I, 2), on constate une très grande analogie de forme pendant la jeunesse; mais, a ce stade, les lobes ne sont pas encore différenciés, les uns en folioles, les autres en vrilles, de sorte qu’en réalité on n’assiste pas a la transformation de folioles en vrilles. Avant les feuilles pourvues d’une vrille, beaucoup de Papiliona- cées donnent des feuilles terminées par une petite pointe qui est phylogéniquement une foliole réduite (fig. 36 et 41). Le développe- ment de ces feuilles (I, 10 et 13) montre que, dans le jeune age, le lobe terminal est aussi développé que les lobes latéraux; mais, encore une fois, c'est a une phase où la différenciation n’est pas accomplie. Chez le Lathyrus hirsutus (I, 9), on observe parfois que le lobe terminal se développe en une petite foliole, analogue a celle qui existe chez plusieurs Orobus. En résumé, on peut dire que chez ces Papilionacées a feuilles paripennées ou terminées en vrille, les premières phases organo- géniques sont les mêmes que celles d’une feuille imparipennée, ce qui est inévitable; mais les différences sont nettes dès le moment où les divers segments se spécialisent. Les feuilles primaires rubanées de Sagittaria et d'Alisma qui, phylogéniquement, dérivent des feuilles moyennes, ne ressemblent a celles-ci à aucun moment du développement. Il existe, dans plusieurs familles, des feuilles dont les bords sont Tome III. 21 TOME III, 1894. 322 J. MASSART. — LA RECAPITULATION enroulés en dessous : Calluna, Erica, Andromeda, Empetrum, Oxycoccos, etc. Cette disposition existe toujours depuis la jeunesse de la feuille (II, 21). Les feuilles charnues de Sempervivum (IV, 63), de Sedum, de Mesembryanthemum (voir Goebel, 5) se développent directement sans aucun rappel ancestral. Beaucoup de Graminées des dunes : Agropyrum, Ammophila, (III, 55), ont des côtes longitudinales sur la face supérieure de la feuille : elles existent des le jeune age. Les feuilles de | Eucalyptus Globulus adulte ne different pas seu- lement des feuilles primaires par leur disposition alterne, mais encore par leur structure (voir plus loin) et par leur forme : elles ont un long pétiole et sont falciformes. Dans le jeune age, elles sont symétriques (ILI, 52) et ressemblent aux feuilles primaires (III, 53); bientôt leur pétiole s'allonge, et il se produit une aile membraneuse sur sa face externe. L’organogénie des feuilles d'Eucalyptus montre donc nettement de la récapitulation dans leur disposition et leur forme. 3. Structure des feuilles. A. PARENCHYME. — La grande majorité des feuilles ont le paren- chyme disposé d'une façon identique : du tissu palissadique à la face supérieure, du tissu lacuneux à la face inférieure. Mais il existe d'assez nombreuses feuilles à structure aberrante, parmi lesquelles les feuilles équifaciales (*) qui ont le parenchyme disposé de la même façon sur les deux faces. Il n’est pas douteux que phylogé- niquement ces feuilles proviennent de types à structure normale. Nous avons étudié le développement des feuilles de Fabricia laevigata, Eucalyptus Globulus (feuilles falciformes), Honckeneya peploides, Scorpiurus muricatus, Eryngium marilimum et Halimus portulacoides : du méristème primitif dérive directement le paren- (1) La dénomination « équifaciale » nous paraît convenir à cette structure mieux que les termes « centrique » ou « isolatérale », qui ont été employés jusqu'ici. Pe ty aye Tome III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 323 chyme a structure équifaciale sans jamais passer par un stade ancestral. Les feuilles de Lotus corniculatus crassifolius ont une structure presque équifaciale : le tissu lacuneux est dense et differe peu du tissu palissadique; l’organogénie de ces feuilles montre qu’à un stade peu avancé, la différence entre le tissu lacuneux et le tissu palissadique est plus marquée qu'à l'état adulte. Les individus qui croissent dans les fonds humides des dunes, ont à la face inférieure de leurs feuilles, à peine épaissies, un parenchyme lacuneux très nettement distinct du tissu palissadique. Il nous paraît très pro- bable que la structure presque équifaciale des individus qui vivent sur les flancs arides des dunes, est due à l'adaptation individuelle : les jeunes feuilles protégées par leurs aînées ont la structure ordi- naire des organes foliaires; mais dès qu’elles sont soumises a la transpiration, leur évolution s’accomplit différemment et elles acquièrent une structure mieux adaptée à leurs nouvelles condi- tions d'existence. La feuille d’/ris setosa, I. florentina, etc., et de Narthecium ossi- fragum doit être considérée phylogéniquement comme le produit de la soudure des deux moitiés de la feuille par leur face supérieure. L'évolution de ces feuilles est tout à fait directe et l’organogénie ne présente pas le moindre vestige de la phylogénie. Certains Alstroemerza, le Brachypodium sylvaticum et l'Allium ursinum ont une particularité curieuse : les feuilles sont tordues de telle façon que la face inférieure regarde en haut, et la face supérieure, en bas; la disposition du parenchyme vert est telle que le tissu lacuneux se trouve contre la face morphologiquement supérieure (fonctionnellement inférieure) et le tissu palissadique contre la face inférieure (fonctionnellement supérieure); celle-ci porte moins de stomates que la première. Nous avons étudié le développement des feuilles d’A/stroemeria aurantiaca : dans le bourgeon, les feuilles sont disposées à la façon ordinaire : la face supérieure concave tournée en dedans, la face inférieure convexe dirigée en dehors. Dès le début de la différenciation du méristème primitif, on voit nettement se former la structure définitive, sans aucun rappel de la structure ancestrale. TOME III, 1894. 324 J. MASSART. — LA RECAPITULATION B. Faisceaux. — La différenciation des faisceaux au sein du méristème progresse généralement dans le mème ordre que la ramification de la feuille. Ainsi, les feuilles a ramification diver- gente d’Achillaez ont déjà des vaisseaux dans la région moyenne de la feuille avant d'en avoir a la base ou au sommet : la formation des vaisseaux est donc également divergente. Dans d'autres plantes, elle est convergente (ce qui n’existe jamais pour la ramification) : dans le phyllopode de la feuille de Sambucus canadensis, les pre- miers vaisseaux apparaissent a la base et ils progressent vers le haut; lorsqu'ils sont arrivés aux deux tiers supérieurs, ils sont rejoints par d’autres vaisseaux dont la formation a débuté au som- met. Nous avons aussi rencontré quelques exemples de formation manifestement baszpéefe, surtout dans les feuilles pourvues de sto- mates aquiferes terminaux et dont le faisceau s'étale en éventail au sommet (Hottonia, III, 47). Chez le plus grand nombre de plantes, la différenciation des faisceaux est acropèle, ce qui est sans doute le type primitif. Ce mode de formation existe non seulement dans les feuilles à ramification acropète (Vicia, I, 3; Holodiscus, II, 31), mais encore dans des feuilles dont la croissance et la ramification sont nettement basipètes (Potamogelon densus, segments de la feuille de Sambucus canadensis). Nous avons vu plus haut que le type de développement des lobes secondaires est loin d'être toujours le mème que celui des lobes primaires. Des différences analogues existent pour la formation des faisceaux. Ainsi, chez le Sambucus canadensis, la formation du faisceau, convergente dans le pétiole, est acropète dans les segments de la feuille. Dans les feuilles alternes d'Eucalyptus Globulus et @E. Ravere- tiana, la nervure principale et les deux nervures marginales sont acropètes. Mais entre celles-ci naissent de petites nervures qui les font communiquer ; leur formation débute au sommet de la feuille et non à la base. En même temps que se produisent les petites nervures de communication, il se forme encore au sommet de la feuille des glandes internes a contenu huileux, qui progressent comme les nervures du sommet vers la base. Chez ces Eucalyplus, la feuille est donc d'abord acropète, mais sa spécialisation défini- ne. Tome III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 325 tive est basipéte (*). Ce sont les parties distales qui émergent d'abord du bourgeon en voie de développement; elles sont exposées les premières à la transpiration, et c’est la que se forment les pre- mières glandes à huile volatile. Ceci n’est qu'un cas particulier d'une règle plus générale dont nous avons déjà vu les applications à propos des organes transitoires : les organes se forment dans l'ordre de leur fonctionnement. RESUME ET CONCLUSIONS. Nous n’avons trouvé d’exemple bien net de récapitulation que dans le développement des feuilles alternes et falciformes d’Euca- lyptus Globulus adulte : les feuilles naissent opposées et symé- triques comme celles de la plante jeune. Méme ici, la récapitulation est incomplète : l'évolution de la structure interne de ces feuilles est tout à fait directe. Chez certains Achillaea et Plarmica, le type de la ramification de la feuille est le même que celui des espèces voisines, et non pas celui que faisait prévoir la forme de la feuille adulte : ici encore, nous avons probablement affaire à un legs ancestral. Enfin dans lorganogénie des feuilles de Lotus corniculatus cras- sifolius, il s'agit probablement d'un cas d'adaptation individuelle, plutôt que de récapitulation. En somme, lorsque l'organogénie de la feuille récapitule la phy- logénie (Eucalyptus, Achillaea, Plarmica), la récapitulation porte sur des caractères provenant d’ascendants très peu éloignés; nous avons vu qu'il en est de mème pour l'ontogénie. * as - Dans tous les autres cas que nous avons étudiés, l'organogénie de la feuille est directe : on n’observe pas la formation (même (*) On sait que la feuille des Sphagnum est aussi d’abord acropète, tandis que sa differenciation ultérieure est basipète. TOME III, 1894. 326 J. MASSART. — LA RECAPITULATION se incomplète ou transitoire) d’organes ancestraux, devenus inutiles dans l'espèce considérée. De même que pour l’ontogénie, la sélec- tion naturelle a bientôt éliminé ce qui serait superflu et, partant, nuisible. Aussi, quand les espèces d’un même genre ont des feuilles diffé- remment formées (Sambucus), constate-t-on que l’organogénie reflète nettement ces différences. De même, lorsque dans une même espèce les dents foliaires ont une forme peu constante (Spiraea ulmifolia, S. Douglasi, etc.), l'organogénie de la feuille est tout aussi variable. Dans les exemples de feuilles réduites que nous avons étudiés (phyllodes d’Acacia, feuilles primaires de Sagittaria, de Lathyrus tenuifolius, etc.), les feuilles ne possèdent à aucun moment du développement les organes qu’elles ont perdus. Nous croyons avoir établi que l’organogénie de la feuille se fait d'après les règles suivantes : 1° Les portions qui naissent les premières, fonctionnent les pre- mières : les organes de protection des jeunes feuilles (poils, sti- pules, etc.) naissent tôt et se développent rapidement; ils tombent dès que leur fonction est accomplie. 2° Des portions qui fonctionnent en même temps, celles qui naissent les premières deviennent les plus grandes : le type de développement est acropète, basipète, divergent, suivant que les lobes les plus grands de la feuille seront à la base, au sommet ou au milieu. L'ordre de fonctionnement des diverses parties de la feuille serait donc déterminé par leur ordre de formation; la taille relative des portions qui fonctionnent en même temps serait également déter- minée par leur ordre de formation. I] est probable que primitivement toutes les feuilles se ramifiaient suivant le type acropète; des variations individuelles dans le mode de développement ont amené des feuilles à forme aberrante; lorsque cette particularité de forme était avantageuse, le nouveau mode de développement avait grande chance d'être fixé. On peut donc dire que, sous l'influence de la sélection naturelle et de l'hérédité : 1° les organes qui doivent fonctionner les premiers, nais- sent les premiers; 2° les organes qui doivent fonctionner en même temps, naissent par ordre de taille. Tome III, 1894. i | ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 327 BIBLIOGRAPHIE 1. F. O. BowER, On the comparative Morphology of the Leaf in the Vascular Cryptogames and Gymnosperms. (PAi/. Trans., 1884, Part IL, p. 365.) 2. A.W. EICHLER, Zur Entwickelungsgeschichte des Blattes. Marburg, Elwert’sche Universitats Buchhandlung, 1861. 3. A. W. EICHLER, Zur Entwickelungsgeschichte der Palmenblatter. (484. d. K. Preuss. Akad. d. 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MASSART. — LA RECAPITULATION TABLE ALPHABETIQUE DES GENRES CITES Les figures dans le texte sont indiquées par un astérisque (*). Les figures des planches sont indiquées par le numéro de la planche. Abrus, *278, *281, *283. Acacia, 294, 297, 298, 304, 306, 320, 321,320: El Acer, 294. Achillaea, 312, 313, 318, *319, 324, 325. Pls Til, 40, 47. Adiantum, 272, 274. Adlumia, 280. /Egopodium, 309. /Esculus, 306, 318. Agrimonia, *317, Pl. III, 39. Agropyrum, 322. Alchemilla, 267, 318. Alisma, 269, 286, 290, 321. Allium, 323. Alstroemeria, 323. Amaryllis, 259, *261, 264. Ammophila, 304, 307, 322. PI. III, 55. Andromeda, 322. Anemone, 265. Anona, 262, *264. Apium, 272. Aponogeton, 286, 287. Araucaria, 263, 268, 304, 305. PL. III, 56. Ardisia, 262. Artanthe, 255. Aruncus, 306. Pl. II, 23. Asparagus, 313. Pl. II, 19, 20. Asplenium, 275. Astragalus, 261, *274, 275. Azolla, 286. Begonia, 255, *275, 276. Bertholletia, 265, 278. Beta 272. Bidens, 290. Biota, 296. Brachypodium, 323. Brassica, 272. Bruguiera, 252. Cabomba, 289. Caesalpinia, 279, *296, 297. Cakile, 259. ‘ Calla, 287, *290. Callitris, 260. Calluna, 322. Pl. Tl, 2x. Carduus, *271. Carmichaélia, 297. Carpinus, 295. Casuarina, 261, *262, 271. Cedrus, 260. Centaurea, *272, 274. Cerastium, 303. Ceratophyllum, 290, 303, 305, 306, 311. PI LV; 61,62 Cereus, 293, 294. Chamaecyparis, 269. Tome III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 329 Chara, 279, 286. Gicer, 277,282, 304, 300, 312, 321. Pl. I, 2. Cichorium, 272. Cirsium, 271. Gitous, 262, 2765 *278) 270. Clarkia, 260. Clematis, 261. Clerodendron, 258. Clitocybe, 311. Cobaea, 272, *279, 280, 305, 321. Colletia, 297. Convolvulus, 259, *260. Corydalis, 280. Crassula, 320. Cryptomeria, 260, *261. Cunonia, 303, 307, 308, 309. PI. III, 43, 44, 45. Cupressus, 296. Cuscuta, 265, *266, 280. Cycas, 263. Damasonium, 286, 290. Delphinium, 265, *266, *267. Dodonaea, 295. Dolichos, 262, *263, 276, 279, 297, 318. Doronicum, 267. Ecballium, 256. Echever a, 320. Echinopsis, 294. Edwarsia, 262. Eichhornia, 290. Embelia, 258. Empetrum, 322. Ephedra, 260, *261, 266, 271. Erica, 322. Erodium, *258. Eryngium, *273, 274, 322. Eucalyptus, 294, 297, 304, 307, 322, 324, 225 JID Gigs 528402 Euphorbia, 294, 302. Euryale, 255. Faba, 277, 285. Fabricia, 322. Fagus, 261, *262, 278, 279. Ficus, 294. Filipendula, 307, *309, 312, 313, 315. Pl. IL, 32, 33, 34, 35. Flagellaria, 280. Fumaria, 280. Galium, 295, 310. Gingko, 263, 278. Gloriosa, 280. Gunnera, 255. Halimus, 322. Hedera, 269, 280, 294. 297. Helianthus, 266. Heracleum, 309. Hibiscus, 258, *259, 274. Hippocrepis, *275. Hippuris, 256, *258, 287. Holodiscus, 212, 217,224 ble leat. Honckeneya, 259, 271, 322. Hottonia, 306, *312, 324. Pl. III, 46, 47. Hydrocotyle, 304, 306, 307, 308, 312, 218, 3200 Pls PET ENS TOME Ilex, 269, 292. Iris, *264, 271, 304, 323. Juglans, 264, 267. Juniperus, 294, 296. Lactuca, 272. Laminaria, 311. Larix, 296. Laserpitium, *273, 274. Lasiopetalum, 295. Lathyrus, 262, 268, 270, 277, *278, 280, *281, *282, *283, *284, 285, 297, 298, 304, 307, 309, 310, 320, 321, 326. Pl. Me 4, 5, 6, 7; 9; 10, 13. Tome III, 1894. 330 J. MASSART. — LA RECAPITULATION Lecythis, 265, 278. Lemna, 286. Lepidium, 267, *273, 274. Lotus, 259, 323, 325. Lupinus, 318. Medicago, 275. Melilotus, 275. Mercuryalis, 265. Mesembrianthemum, *259, 322. Morus, 294. Muehlenbeckia. 294. Myriophyllum, 290, 306. Narthecium, 323. Nelumbium, 252, 253, 255, 262, *289, 290. Nepenthes, 280. Nuphar, 287, 290. Nymphaea, 254, 255, 262, 278, 286, 287, *288, *289, 290, 299. Oenothera, 260. Ononis, 275, 276. Opuntia, 302. Ornithopus, *274, 275. Orobanche, 265. Orobus, 270, 285, 321. Oxycoccos, 322. Petroselinum, 272. Phaseolus, 262, 265, 309, 312, 318. TRAIL, ly sei Phyllanthus, 314. Phyllocactus, 292, 293, 302, 314. PL.IV, 68 a 73. Pinus, 260, 296. Piper, 255. Pistia, 286. Pisum, 277. Plantago, *257, 265, 295, 296. Podophyllum, 320. Polygala, 262. Potamogeton, 271, *286, 287, 304, 324. Pleo 54" Potentilla, 307, *312, 318, Pl. III, 36, 37. Ptarmica, 304, 312 318003102325; elle LOM 42: Pteris 272. Pterocarya, 264, 267. Quercus, 278. Ranunculus, 256, 268, 269, *291, 294, 207, 300, 311, 312. Pl. IV, 597008 Retinispora, 269. Rhamnus, 265. Rhipsalis, 292, 294. Rivina, 258. Rosa, 268,207, 300,212. Fl, 11022 Sagittaria, 253, *254, 258, 268, 286, 287, 290, 321, 326. Salicornia, 259, *260. Salsola, 259. Salvinia, 286. Sambucus, 303, 307, 310, 312, 313, 315, 317, 318, 324, 326. Pl. III, 48) 49,850: Scorpiurus, 271, 322. Sedum, 322. Sempervivum, 259, 305, 320, 322. Pl. IV, 63. Serratula, 270. Sherardia, 295, 310. Pl. I, 1. Sicyos, 256, 280. Pl. IV, 64 à 67. Silybum, 271. Smilax, 263, *278. Sorbaria, 307, 309, 312, 313, 317. Pl. II, 20, 30. Sphagnum, 325. Spiraea, 304, 307, 313, 317, 326. Pl. II, 2425, 20, 27, 2ounbl. Uliasz es Stratiotes, 302. Suaeda, 259. ToME III, 1804. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 331 Swainsonia, 307, 300, 312. PI. I, 12. Symphoricarpus, 294. Taxus, 260. - Thalictrum, 276. Thuya, 260, 269, 296. Trianaea, 286. Trichosanthes, 262. Trifolium, 275, 297. Triglochin, 286, *287, 290. Trigonella, *275, 297. Tropaeolum, 262, 279, 280, 294, *295, 208, 307, 310, 312, 318, 320. Pl. II, 18. Ulex, 297. Umbilicus, 320. Utricularia, 253, 311. Pl. IV, 57, 58. Vallisneria, 269. Veronica, *271. Vicia, 253, 203, 297, P280, "201, 252, *285, 297, 298, 304, 3cQ, 312, 321, BVP ell, Victoria, 255, 287, 290. Viminaria, 297. Xylophylla, 314. Zannichellia, 286, Zea, 272. Zylla, 297. TOME Ill, 1894. 332 J. MASSART. — LA RÉCAPITULATION EXPLICATION DES PLANCHES Les signes ont la même valeur dans toutes les figures, sauf dans 43 à 45. A, B, C... — feuilles successives, lorsqu’elles sont alternes; ou paires successives de feuilles, lorsqu’elles sont opposées; ou ver- ticilles successifs. a, 6, c... = lobes du premier degré. a, 8, y... — lobes du deuxième degré. a.s., b.s., c.s, — stipules de feuilles successives. A moins d'indications contraires, toutes les figures de points végétatifs et de feuilles sont vues de profil. Dans tous les dessins, les poils qui recouvrent les jeunes feuilles ont été supprimés, pour ne pas compliquer les figures. PLANCHE I 1. Point végétatif de Skerardia arvensis vu par dessus. C, bourrelet voisin du point végétatif, sans aucune différenciation. B, bourrelet plus âgé avec des éminences correspondant aux feuilles et aux stipules. À, un verticille de feuilles et de stipules (250/.). 2. Point végétatif de Cicer arietinum. La feuille C, qui ne présente pas encore de rudiments de folioles, possède déjà une stipule {c. s.) (37/,). 3. Point végétatif de Vicia varia. La feuille C, qui ne présente pas encore de rudiments de folioles, possède déjà une stipule (c. s.) (137/:). 4. Point végétatif de plantule de Zafhyrus tenuifolius. I] ne se forme ni folioles ni stipules. Les feuilles C et D ont un bourgeon axillaire (5*/;). 5. Point végétatif d’une plantule un peu plus âgée de Zathyrus tenuifolius. Les feuilles A et B montrent une paire d’éminences (folioles ou vrilles) (S$/,). 6. Point végétatif de Lathyrus Aphaca. Pas de rudiments de folioles. 11 y a un bourgeon à l’aisselle des feuilles A et B (137/,). 7. Point végétatif de Zathyrus Nissolia. Les stipules, qui restent petites, se forment tardivement (1%/;). 8. Point végétatif d’Acacia celastrifolia. (Le contour seul des stipules anté- Tome III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 333 rieures est indiqué pour les feuilles A, B et C.) Pas de rudiments de folioles (137/1). 9. Point végétatif de Lathyrus hirsutus. La foliole terminale (A) et la stipule (a. s.), accidentellement déjetée vers le dehors, sont planes et minces; la foliole latérale (a) a les bords recourbés vers la face postérieure. La foliole latérale (b) de la feuille plus jeune, se forme partiellement sur l’hypopode (137/,). 10. Point végétatif de Lathyrus tingitanus. Les stipules se forment très tôt; puis elles restent stationnaires (b. s.); enfin, elles prennent un grand développe- ment (a. s.). Les folioles latérales se forment partiellement sur l’hypopode (b) (74/,). 11. Point végétatif de Phaseolus multiflorus. (Les stipules postérieures ne sont pas figurées; le contour seul des stipules antérieures est indiqué.) A la base de la foliole latérale (a) se forment les stipelles. Les feuilles A à D portent un bour- geon axillaire (74/;). 12. Point végétatif de Swairnisonia coronillaefolia. (Les stipules postérieures ne sont pas figurées ; le contour seul des stipules antérieures est indiqué.) Les folioles latérales se différencient très tardivement (112/;). 13. Point végétatif de Lathyrus pratensis. Les feuilles A et B portent un bour- geon axillaire (55/,). 14. Point végétatif d’Æ/ydrocotyle vulgaris. Les stipules (a. s.) de la feuille À. qui recouvrent tout le point végétatif, sont vues en coupe optique; la ligne pointillée indique leur attache sur la tige. Les stipules de la feuille B commencent à se différencier sous forme d’un bourrelet annulaire (53,,). 15. Point végétatif plus avancé d’Hydrocoty/e. Les stipules des feuilles A et B sont vues en coupe optique. Leur attache sur la tige est indiquée par des lignes pointillées. La feuille B n’a encore aucune ramification de l’épipode. La ligne pointillée dans l’épipode de la feuille A indique la face supérieure concave du limbe (58/,). 16. La feuille A de la figure précédente, privée de ses stipules, étalée et vue par sa face supérieure (58/,). 17. Feuille plus avancée d’ Hydrocotyle, privée de ses stipules, étalée et vue par la face supérieure. La forme peltee est devenue manifeste. Les nervures s’étalent au sommet des segments. On voit aussi les faisceaux dans le méso- pode (5*/,). PLANCHE II 18. Point végétatif de plantule de Zvopacolum majus. La feuille A est celle qui suit immédiatement la première paire de feuilles opposées; elle n’a pas de traces de stipules (58/;). 19. Point végétatif d’ Asparagus plumosus. Les bourgeons axillaires des Tome III, 1804. 334 J. MASSART. — LA RECAPITUL ATION feuilles A et B présentent déjà des ramifications; celui de la feuille C est encore simple (31/1). 20. Feuille (f) d’ Asparagus plumosus avec un bourgeon axillaire plus développé, vus par dessus : 1 = axe du bourgeon; 2... 6, 2’... 6’ — rameaux latéraux; les plus petits (6 et 6’) sont à la base (58/;). 21. Jeune feuille de Ca//una vulgaris avec une paire de feuilles plus jeunes et le point végétatif. La feuille est vue par sa face inférieure (74/,). 22. Point végétatif de Rosa rugosa. La feuille A porte quatre paires de folioles a formation basipète. Les rudiments de stipules se voient à peine (137/;). 23. Point végétatif d’Avuncus sylvester. La feuille A porte deux paires de ramifications acropétes et n’a pas encore de rudiments de stipules (*37/;). 24. Point végétatif de Spiv@a Douglassi. La ramification des feuilles A et D est divergente; celle de la feuille C est basipéte (*37/;). 25 et 26. Jeunes feuilles de Spiraea chamaedryfolia à deux états de développe- ment. La ramification est divergente (*37/r). 27 et 28. Jeunes feuilles de Spiraea chamaedryfolia ulmifolia. La ramification du premier et celle du deuxième degré sont acropétes (5%/;). 29. Point végétatif de Sorbaria sorbifolia. (La stipule antérieure de la feuille A est enlevée.) La ramification du premier degré est acropète. Les stipules se ramifient aussi; leur ramification est basipète. La feuille C a déjà des rudiments de stipules, mais pas encore de traces de folioles (74/1). 30. Segment du premier degré d’une feuille de Sorbaria sorbifolia. La ramifi- cation du deuxième degré est divergente (58/;). 31. Point végétatif de Holodiscus discolor. La ramification est acropète. La feuille est fortement plissée (112/;). 32. Point végétatif de Æ%/ipendula hexapetala. La ramification du premier degré est divergente. La feuille A a ses stipules; la feuille B possède déjà la ramification de l’épipède, mais pas de traces de stipules (°**/1). 33. Portion inférieure d’une feuille de Pilipendula hexapetala, vue par sa face supérieure. En dedans des rangées de segments du premier degré, il se forme deux nouvelles rangées. La ramification du deuxième degré est acropète. La ramification des stipules est basipète (112/;). 34. Point végétatif de /z/ipendula Ulmaria vu par dessus. La feuille A n’a pas encore de stipules (137/,). 35. Feuille de Pilipendula Ulmaria, avec les stipules (st.) formées (137/,). PLANCHE III 36. Point végétatif de Pofentilla fruticosa. La feuille A porte une paire de segments latéraux et deux stipules (137/1). 37. Feuille de Potentilla fruticosa, plus avancée que la feuille A, de la figure Tome III, 1894. ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 335 précédente, vue par sa face supérieure. Elle a formé deux nouveaux segments en dedans des premiers (137/;). 38. Feuille de Spzvaca bullata, a ramification acropéte (74/1). 39. Segment de premier ordre d’Agrvimonia Eupatoria. La ramification du deuxième degré est basipéte. Une dent tardive naît entre la dent latérale supé- rieure et la dent terminale (74/;). 40. Point vegetatif d’ Achil/aea Tourneforti. La ramification du premier degré est divergente (74/,). 41. Portion de la base d’une feuille d’Achillaea Tourneforti. La ramification du deuxième degre est divergente ('!?/,). 42. Point végétatif de Ptarmica alpina. La ramification est divergente. La feuille B, plus longue que la feuille A de la figure 40, est moins avancée en ramification (74/,). 43. Point végétatif de Cunonia capensis traité par l’éther après l’ablation de la stipule antérieure. Les jeunes feuilles (B) ainsi que la partie avoisinante de leurs stipules : A) sont couvertes de glandes. Au centre se trouvent deux jeunes stipules :C) (?/,). 44. Point végétatif de Cunonia capensis avec des feuilles plus jeunes que les feuilles B de la figure 43; elles n’ont encore qu’une paire de segments latéraux; leurs stipules ont été enlevées. Les stipules C ne recouvrent pas encore leurs feuilles D (74/;). 45. Point végétatif de Cunonia capensis avec des feuilles encore plus jeunes que celles (B) de la figure 44. Les stipules C sont rudimentaires. Il n’y a pas encore de trace des phyllopodes dont dépendent les stipules C. Les stipules de la feuille B ont été enlevées; la ligne pointillée indique leur attache (7+/,). 46 et 47. Feuilles de Hottonia palustris à deux stades de développement. La ramification est basipète. Les segments les plus ages portent des cellules termi- nales à contenu brun. Les faisceaux sont basipètes (74/1). 48. Feuille de Sambucus Ebulus, vue de dessus. La ramification est acro- pète (87/1). 49. Point végétatif de Sambueus nigra. La ramification est basipète (74/:). 50. Feuilles de Sambucus nigra laciniata. La ramification du premier degré est basipète. La ramification du deuxième degré (sur le segment terminal) est acropète (5/;). 51. Extrémité d’un rameau à feuilles alternes et falciformes d’ Eucalyptus Globulus. Les feuilles les plus jeunes sont opposées. Les feuilles d’une même paire sont indiquées par la même lettre. L'une des feuilles B porte un bourgeon axillaire à feuilles encore opposées. Les bourgeons axillaires des feuilles À sont coupés (4/1). 52. Point végétatif d’un rameau à feuilles alternes et falciformes d'Euca/yptus Globulus. Les feuilles sont placées sensiblement au même niveau; leur pétiole Tome III, 1894. 336 J. MASSART. — LA RECAPITULATION s’allonge hativement et est ailé sur le dos. Cette aile se voit de face sur l’une des feuilles B (74';). 53. Point végétatif d’un rameau à feuilles opposées d'Eucalyptus Globulus \74',). 54. Point végétatif de Potamogeton densus. Les feuilles sont alternes (250/,). 55. Point végétatif d’Ammophila arenaria. La feuille A est étalée; le point végétatif et les feuilles C, D, E sont vus par transparence au travers de la feuille B. Celle-ci présente déjà les rudiments des plis longitudinaux de la face supérieure (5°/;). 56. Point végétatif d'Araucaria excelsa (°*?/;). PLANCHE IV. 57. Point végétatif d’ Utricularia vulgaris. Les feuilles A à D se ramifient par dichotomie (*5°/,). 58. Portion de feuille d’Ufricularia vulgaris (vue de face) avec une jeune utricule. La ramification des segments est basipéte (74/;). 5) et 60. Jeunes feuilles de Ranunculus aquatilis. Les segments latéraux (nés par ramification latérale) se ramifient par dichotomie. La feuille la plus âgée (60) a les rudiments de stipules (st.) (250/1). 61. Point végétatif de Ceratophyllum demersum. Les feuilles les plus jeunes (verticilles G, F, E) ne sont pas divisées. Les feuilles des verticilles D et C pré- sentent la première dichotomie. Les feuilles plus âgées (B et A) sont deux fois dichotomisées. A droite et en bas, un bourgeon (170/;). 62. Jeune feuille de Ceratophyllum demersum vue par dessus. Chacun des quatre segments est terminé par un groupe de cellules à contenu huileux et tannifère. Les cellules distales sont déjà vidées (74/;). 63. Coupe longitudinale d’un point végétatif de Sempervivum arachnoideum. Les feuilles A, B et C ont les cellules mucilagineuses différenciées (58/;). 64 à 67. Coupes transversales de la tige d’une plantule de Sicyos angulatus. — 64, 2 entrenœud. — 65, 3° entrenœud. — 66, 4° entrenceud. — 67, 5° entrenceud; ce dernier est très jeune (1). 68 à 73. Rameaux de PAyl/ocactus crenatus. Les figures 68 et 70 donnent des coupes transversales des rameaux à diverses hauteurs {"/2). SLL ASS OTM LA AL A. Hacha, Lith. SMassart LET A Hache, sith. JM ad nat del & a a x RL Recueil del Institut Botanique de Bruxelles 1 AMassart (OT eo 35, JM ad nat del A Hache, Lith. ~ S SY > YS SS “ 8 RQ RS sa | L Recueil. de L'Institut Botanique de Bruxelles a JM ad nat.del ae | JMassart OP HE 1 Hache, bith, Lith. A Hache, Recueil de Ulnstitut Botanique de Brurelles TH : TMassat PEI | | fe 4 73 68 71. 72 AM ad nat del A Hache. bi SUR LA MORPHOLOGIE DU BOURGEON LL — LA DIFFÉRENCIATION RAMEALE CHEZ LES LIANES par JEAN MassarT. Cette note a paru dans les Annales du Fardin botanique de Buitenzorg, vol. XIII, 1895. Le présent resumé a été fait par l’auteur. Beaucoup de lianes ont, à l’état adulte, des rameaux de deux sortes. Les sarments sont très longs et souvent dépourvus de feuilles vertes; ils ont pour fonction d’aller chercher au loin de nouveaux supports. Les ramilles, généralement raccourcies, naissent sur les sarments; elles portent les feuilles et les fleurs. Les organes d’attache sont, chez les plantes volubles, les sarments eux- mêmes, Ailleurs, ils sont presque toujours sur les ramilles; chez les Wz/- lughbeia et les Ancistrocladus, dont les sarments ont une structure sympodiale, les organes de préhension terminent chacun des articles du sympode, Dans les cas où la différenciation raméale est le plus accusée, chaque bourgeon a une prédestination immuable. Le plus souvent, chaque feuille du sarment porte à son aisselle plusieurs bourgeons sériés; celui qui se développe le premier forme une ramille. Chez d’autres plantes, les bourgeons qui donnent les sarments et ceux qui donnent les ramilles occupent l’aisselle de feuilles distinctes. Tome III. 22 PET à] AA Satie, SR ai Bee hee NE Les 2 + ae ate COR x A: may tet ' a CPAS PURE Piha? M EG TUE re ca MATE. BAC TA PE aie SGP AGRE! DR ERA 6 OES Zool irene es ERP RER NT ETES thes £ ñ À WS a \ A4 7 t Tal 5 ‘Val A> Me + LA - | 2 — as TRS à i ; ; à + +4 4 LA ’, 4 ' j L4 . j a 2 ‘ , s} A y - " ites Fake « VTC: ase . Ss LES CRE { a . i 17 > * ain r. + A, Ie > , = Si + LI ¢ m A ‘ ou R DES FLEURS BICALCAREES DE CORYDALIS SOLIDA PAR JEAN MASSART (°) Il existe peu de familles végétales aussi intéressantes que celle des Fumariacées. Nulle part, peut-être, on n’observe dans un groupe aussi restreint, des variations aussi étendues. Les anomalies les plus singulières se présentent au sein d'un même genre : ainsi, Hegelmaier (1) a montré que l'embryon de Corydalis cava, contrai- rement à ce qui a lieu chez l'immense majorité des Angiospermes, est dépourvu de suspenseur : cette même espèce ne possède, d'après Irmisch (2), qu’un seul cotylédon qui reste hypogé, tandis que le C. lutea présente, d’après Sir John Lubbock (3), les deux cotylédons épigés habituels. Irmisch a montré aussi que le tubercule des Corydalis n'a pas partout la même valeur morphologique : celui du C. cava est formé par la tige, celui du C. solzda est une racine. Ajoutons encore que chez plusieurs Fumariacées (par exemple Dicentra formosa et Adlumia fungosa), la corolle est nettement gamopétale. Il n'est pas douteux que ies Fumariacées sont très voisines des (1) Cette note a paru dans les Bulletins de la Société belge de Microscopie, 1898. ToME III, 1808. 340 J. MASSART. — SUR LES FLEURS Papavéracées. Le genre Hypecoum établit la transition entre les deux groupes. Chez lAdlumia et les Dicentra les deux pétales du verticille externe, placés a droite et a gauche du plan antéro-pos- térieur, portent chacun un éperon généralement court. Les fleurs de Corydalis et de Fumaria n'ont qu'un éperon : un seul des deux pétales externes se prolonge en dessous de son point d'insertion. La corolle devient donc zygomorphe, mais comme l'éperon est latéral, le plan de symétrie de la fleur est, non pasantéro-postérieur, mais transversal. Or, pour que les insectes puissent se poser faci- lement sur la fleur, quand ils viennent chercher le nectar accumulé au fond de l'éperon, il faut que le plan de symétrie soit vertical; aussi les fleurs de Corydalis et de Fumarza effectuent-elles sur leur pédicelle une torsion de 90°. Pendant que le laboratoire ambulant était installé à Samson, en avril 1897, nous avons eu l'occasion de récolter sur les rochers, près de la grotte, trois individus de Corydalis solida chez lesquels les pétales externes avaient tous deux éperons (fig. A); les deux éperons avaient exactement la mème forme et la même dimension, et ils contenaient du nectar sécrété par des nectaires filiformes (qui sont figurés en pointillé). Les nectaires dépendent de l'étamine médiane de chaque groupe, tout comme chez les Dicentra. Non seulement ces fleurs avaient le mème diagramme que celles de Dicentra, mais de plus étant actinomorphes, elles avaient négligé de tordre leur pédicelle. Une étude attentive des nombreux Corydalis solida de Samson et des environs ne fit plus retrouver un seul échantillon compa- rable aux premiers; mais bon nombre d'entre eux avaient un second éperon réduit (fig. B). Ceux-ci étaient mème plus abondants que les individus dont les fleurs étaient totalement privées de cet appendice (fig. C). Pendant notre séjour a Samson, M. le professeur L. Errera nous apporta des fleurs de Corydalis solida recueillies dans la vallee de la Semois, qui présentaient la méme disposition que celle de la figure B. [l est, du reste, probable que cette anomalie n'est pas rare du tout. Dans la description de la famille des Papavéracées, Prantl et TOME III, 1898. BICALCAREES DE CORYDALIS SOLIDA. 341 Kündig (4) disent : « Hier darf nicht unerwähnt bleiben, dass abnormer Weise bei Arten mit zygomorphen Blüthen auch ent- weder beide Kronenblätter gespornt sein kénnen (beobachtet bei Corydalis solida) oder die Spornbildung vüllig fehlen kann, so bei Corydalis sempervirens und bei Sarcocapnos enneaphylla, wo die Missbildung zur Aufstellung des Gattungs Aplectrocapnos Anlass gab. Ob auch die von Franchet for Arten von Corydalis neuerdings angegebenen Fälle von 1- und 2 spornigen Blüthen an der gleichen Pflanzen in ahnlicher Weise zu deuten sind, muss einstweilen dahingestellt bleiben. » Voici ce que dit Franchet (5) : « Le genre Dicentra ne saurait être maintenu, puisqu'on rencontre des Cory- dalis présentant à la fois des fleurs régulières à deux éperons comme celles des Dicentra, et des fleurs irrégulières à un seul pétale éperonné. Le C. chinensis Franch. Plant. David., page 38, et une autre espèce encore inédite, envoyée du Tonkin par l'abbé Bon, sont tout particulièrement dans ce cas. » Ce qui fait l'intérêt des Corydalis solida de Samson, c'est que chaque individu porte des fleurs d'une seule et même forme, même TOME III, 1808. 342 J. MASSART. — SUR DES FLEURS BICALCARÉES, ETC. dans les cas où le second éperon est fortement réduit et où sa taille est encore inférieure à celle de la fleur de la figure B. Nous nous trouvons donc dans le genre Corydalis en présence d'espèces qui sont parvenues a des degrés très divers d'évolution. Tout l'ensemble des Papavéracées et des Fumariacées dérive sans doute d’une plante voisine d'Hypecoum. Le phylum qui a donné les Fumariacées a d’abord acquis des fleurs à deux éperons, comme chez Dicentra. Plus tard, l’un des deux éperons s'est atrophié et la fleur, devenue zygomorphe à plan de symétrie transversal, a dû se tordre sur son pédicelle. Mais cette disposition, réalisée en son entier chez les Fumaria et chez la plupart des Corydalis, est encore incomplète chez le C. ochroleuca dont les fleurs possèdent d’une façon normale un grand éperon fonctionnel et un petit éperon réduit ; enfin, le C. solida présente, dans ses divers individus, tous les stades successifs de la réduction, depuis ceux qui ont des fleurs a deux éperons égaux, jusqu'à ceux où il ne reste plus la moindre trace du second éperon. BIBLIOGRAPHIE (1) HEGELMAIER, Vergleichende Untersuchungen über Entwickelung dikotyle- doner Keime. Stuttgart, 1878. (2) Irmiscx, Ueber einige Fumariaceen. (464. d. Naturf. Ges. Halle, V1, 1862.) (3) Sir Jon Luppock, A contribution to our Knowledge of Seedlings. London, 1892. (4) PRANTL und Kiinpic, Papaveraceæ, dans Engler und Prantl’s natürlichen Phlanzenfamilien, I]. Teil, 2. Abteilung, p. 134. (5) FRANCHET, Plantae Yunnanenses. (Bud/. Soc. bot. France, XXXIII, p. 391, 1886.) L'AIMANT AGIT-IL SUR LE*NOYAUD EN DIVISION? PAR L. ERRERA (’) Les phénomenes morphologiques de la division du noyau commencent a étre bien connus. Au contraire, les problemes phy- siologiques que la caryocinèse soulève ont été jusqu'ici a peine abordés. Quelques indications éparses et très incomplètes sur la durée de la caryocinèse à différentes températures; la fréquence de la fragmentation des noyaux dans des cellules de jeunes Haricots hypertrophiés par une chaleur excessive (Prillieux) (*) ou par décor- tication (Olivier); l'influence de la gravitation sur la division constatée notamment pour la macrospore de Marsilia (Leitgeb, Sadebeck) et l'œuf de la grenouille (Pflüger), mais diversement interprétée (Roux, Born, O. Hertwig); l'absence d’une telle influence pour les œufs de Fougères (Heinricher) et les spores d’Equisetum (Stahl); la coincidence de l’axe de Ja figure caryociné- tique, dans les spores d’Equisetum en germination, avec la direc- tion des rayons Jumineux incidents (Stahl) : voila, a ma connais- sance, les seuls faits positifs que l’on puisse citer. On le voit, nous ne savons encore presque rien de l'action de la chaleur, de la lumière, de la gravitation, de l'électricité, du magné- (*) Cette note a paru dans le Compte rendu de la séance du 11 janvier 1890 de la Société royale de botanique de Belgique. (BULLETIN, t. XXIX, 2e partie, pp. 17-24.) (?) [PRiruiEux, Comptes rendus, Paris, 17 janvier 1881, et Annales de la Société des sciences naturelles, 1881, p. 347.] TOME III, 18co. 344 L. ERRERA. — L'AIMANT tisme, de la composition chimique du milieu, sur la marche de la caryocinèse. Une série d'études intéressantes restent à faire. En un mot, si l'observation nous a révélé beaucoup, nous ignorons encore à peu près tout ce que l’expérimentation doit nous apprendre. Ces considérations m’avaient conduit à entamer, il y a plus de huit ans, l'étude expérimentale de la caryocinese. Certaines figures caryocinétiques ont une ressemblance telle- ment frappante avec les courbes magnétiques, qu'il ne faut pas s'étonner si la plupart des observateurs ont cherché des points de comparaison pour la division du noyau soit dans des phénomènes électriques, soit dans les phénomènes magnétiques proprement dits. Dès 1873, Fol, en décrivant la division des œufs de certaines Hydroméduses (Geryonia) (*), signalait l’analogie de la figure radiée avec le groupement de la limaille de fer autour des deux pôles d'un aimant; et la même idée se retrouve bientôt chez Stras- burger (‘). Peu après, dans son grand ouvrage (*), Fol essaie d'expliquer la division cellulaire par ce qu’il nomme la théorie électrolytique des mouvements protoplasmiques. Flemming (*) a formulé avec réserves une conception magnétique, sur laquelle il est revenu depuis (°), tout en soulignant qu'il ne s’agit la que d'un schéma et non d’une hypothèse sur les forces en jeu. Dans une petite notice parue en 1880 (°), j'avais dit à mon tour : « A certains égards, il y a la même différence entre le noyau au repos avant la division et le noyau en activité pendant la division, qu'entre un barreau de fer doux ordinaire et ce même barreau aimanté ». J'ajouterai que j'étais parvenu, en groupant convenablement des (r) For, Fenaische Zeitschrift, VII, 1873, p. 475. (2) STRASBURGER, Zel/bildung und Zelltheilung, 17° ed., 1875, p. 185. (3) For, Recherches sur la fécondation ct le commencement de l’hénogénie chez divers animaux. (MEM, SOC. PHYS. ET HIST. NAT. GENEVE, 1879, pp. 264 sqq.) (4) FLEMMING, Beitr. s. Kenntn. d. Zelle, XL. (ARCH. F. MIKROSK. ANAT., XVIII, 1880, p. 230.) (5) FLEMMING, Zel/substans, Kern- und Zelltheilung, 1882, p. 364. (6) Bull. Soc. belge de microscopie, séance du 29 avril 1880, p. LxxI. pr Tome III, 1800. AGIT-IL SUR LE NOYAU EN DIVISION? 345 pôles magnétiques, a reproduire avec une grande fidélité, au moyen de limaille de fer, bon nombre de figures de la caryocinése, (bipartition ordinaire, pluripartition des endospermes, œufs des animaux), au moins en ce qui concerne les fils achromatiques et les rayons protoplasmiques. La comparaison avec un aimant plongé dans de la limaille se trouve aussi développée d'une façon très heureuse par Oscar Hertwig. Afin de montrer comment, tout en attribuant au noyau les forces qui déterminent la caryocinèse et la division cellulaire, il admet néanmoins une coopération du protoplasme, il emploie l'image suivante (‘) : « De même que l'aimant est formé de particules régulièrement disposées, sous l'influence desquelles la limaille de fer ordinaire est polarisée à son tour, ainsi, d'après notre hypothèse, le noyau présente un agence- ment micellaire fixe qui modifie, lors de la division, le groupement assez lâche des micelles du protoplasme. De même que l'aimant est influencé par des masses de fer voisines qui peuvent, comme on sait, le faire dévier de sa direction, ainsi la position du noyau en division est déterminée, comme je crois l'avoir démontré dans un travail antérieur (*), par la distribution des masses protoplas- miques, ses deux centres d'attraction venant toujours à se placer dans ia direction de la plus grande accumulation du proto- plasme (5) ». Rappelons, d'un autre côté, que Matteucci (*) a vu des gouttes d'huile d'olive, suspendues dans une solution alcoolique de proto- chlorure de fer de même densité, exécuter des mouvements pro- (1) O. HERTWIG, Das Problem der Befruchtung und die Isotropie des Eïes. (JENAISCHE ZEITSCHRIFT, XVIII, 1884, p. 42.) (7) O. HERTwWIG, Welchen- Einfluss übt die Schwerkraft auf die Theilung der Zellen? Jena, 1884. (3) OBERBECK (Naturwiss. Rundschau, 1°* mai 1886) a donné des figures qui montrent de quelle facon des masses de fer modifient les courbes d'un champ magnétique. (4) MATTEUCCI, Sur les figures d'équilibre et sur les mouvements de certaines masses liquides et gazeuses. (COMPTES RENDUS, 1853, XXXVI, p. 917, cité dans J. PLATEAU, Statigue, etc., t. I, 1873, p. 156.) Tome III, 1890. 346 L. ERRERA. — L’AIMANT noncés et se ranger suivant des formes constantes, lorsque le vase qui renferme l’émulsion est placé entre les pôles d'un puissant électro-aimant (°). Il me parut donc intéressant de commencer par des expériences sur l’action du magnétisme. Mes essais devaient s'étendre ensuite a l'influence des autres agents extérieurs; malheureusement d'autres recherches et des occupations pressantes m’ont fait abandonner cette question. Comme je ne vois pas encore la possibilité de la reprendre dans un avenir prochain, je me décide a publier le résultat de mes expériences sur le magnétisme. Ce résultat, comme on va le voir, a été purement négatif. Les expériences ont été faites au mois de septembre 1881 au laboratoire du Musée de l'Industrie de Bruxelles, au moyen de l'électro-aimant que le directeur, M. Gauthy, et le chimiste du Musée, feu Léonce Rommelaere, avaient obligeamment mis à ma disposition. Cet électro-aimant, en forme de fer à cheval horizontal, a une longueur totale de 35 centimetres; l’'écartement des axes des deux branches du fer à cheval est de 17 centimètres. Les pôles sont formés par deux masses de fer à peu près cubiques, de 5.5 centimètres de haut sur 6 centimètres de large, prolongées chacune sur sa face interne par une pyramide tronquée de 2.5 cen- timètres de haut qui se termine par une facette carrée de 2 centi- mètres de côté (voir la figure). Les deux facettes en regard sont distantes l’une de l’autre de 5 centimètres. ea esata RUE Pôles de l’électro-aimant (*/; grand. nat.). (1) [D’après R. DuBois, Compte rendu de la Société de biologie, 20 mars 1886, le Micrococcus prodigiosus cultivé sur hostie, entre les pôles d’un aimant, se déve- lopperait plus ou moins suivant les lignes de force du champ magnétique.] Tome III, 1800. AGIT-IL SUR LE NOYAU EN DIVISION ? 347 Le courant était fourni par des piles Bunsen: dans mes expé- riences, j'ai fait varier le nombre des éléments de 4 a 20. Pour donner une idée approximative de la force de l’électro- aimant, je dirai qu'avec 4 éléments Bunsen la force portative, mesurée en adaptant un contact aux deux pôles et en y accrochant des poids, atteignait 72 kilogrammes; avec 8 éléments, 100 kilo- grammes. Quatre éléments suffisaient pour qu'un fragment de cuivre suspendu entre les deux pôles fût arrêté dans sa rotation. Avec 20 éléments, les phénomènes de diamagnétisme étaient très nets : une forte barre de bismuth se place équatorialement ; une baguette de liège, au contraire, se place axialement comme le ferait une aiguille de fer, peut-être à cause des traces de fer que le liège peut renfermer. J'ai fait des cultures de poils staminaux de Tradescantia virginica dans l’eau sucrée, en chambre humide de carton (modèle de Stras- burger), d'après la méthode connue (‘). J'ai réussi a conserver ainsi les poils en pleine vie pendant plus de cinq jours et j'ai vu des divisions cellulaires s’y faire plus d’un jour après le début de la culture, ce qui prouve assez qu'ils se trouvaient dans de bonnes conditions. En plaçant de telles cultures dans le champ magné- tique, entre les deux pôles de l’électro-aimant, et en les y laissant pendant plusieurs heures consécutives, j'ai pu constater au micro- scope : 1° Que les courants du protoplasme persistent (tout au plus diminuent-ils un peu de vitesse) (*); | 2° Que la division caryocinétique s'effectue d’une manière nor- male et que la cloison se forme comme d'habitude; 3° Dans l’idée que l'électro-aimant énergique pourrait amener une orientation des particules invisibles du protoplasme ou du () AXEL N. LUNDSTRÔM, Zakttagelser af celldelning pa lefoande material (BOTA- NISKA NOTISER, 15 sept. 1879); STRASBURGER, Ueber ein zu Demonstrationen geeignetes Zelltheilungsobjekt (SITZGSB. D. JENAISCHEN GEs , 18 juillet 1379.). (2) [Ewarr, On the Physics and Physiology of protoplasmic Streaming in Plants.] TOME III, 1890. 348 L. ERRERA. — L'AIMANT noyau, comme pour les gouttelettes d'huile dans l’expérience de Matteucci, et que peut-être cette orientation se traduirait par une action sur la lumière polarisée, j'ai observé aussi entre nicols croi- sés les poils de Tradescantia cultivés dans le champ magnétique : aucun effet ne s’est manifesté quand on ouvrait ou fermait le cou- rant de l’électro-aimant. En résumé, dans les conditions où je me suis placé, un électro- aimant puissant n’a pas d'action appréciable sur la caryocinèse dans les poils staminaux du Tradescantia virginica (*). Ce n'est donc point du côté des actions magnétiques qu'il faut, semble-t-il, chercher l'explication des phénomènes compliqués de la caryocinèse. Ceci n'est pas une critique à l'adresse des auteurs cités tantôt. Car, tout en signalant certaines ressemblances, ils se sont bien gardés d’assimiler les phénomènes nucléaires aux actions magnétiques et de les attribuer aux mêmes forces. Mes expériences montrent combien cette réserve était justifiée. Le magnétisme paraissant ainsi écarté, vers où faut-il désormais tourner les yeux? Doit-on voir dans la striation radiée du proto- plasme l'expression d'un changement physico-chimique qui se propagerait à partir du noyau, comme le voulait Bütschli, et admettre ensuite, avec cet auteur, des variations de la tension superficielle pour rendre compte de l’étranglement et de la division en deux de la masse protoplasmique (*)? La tension superficielle nous permettra-t-elle aussi un jour d'interpréter mécaniquement (*) Le magnétisme s’est aussi montré sans influence sur la croissance dans les quelques expériences de Ciesielski (Cohn’s Beiträge, I, 1872, 2, p. 7) et de Reinke (ot. Zeit., 1876, p. 131). Dans les premières, des graines furent mises en germination au-dessus des pôles d’un petit aimant et les racines se dirigérent toujours verticalement en bas, indépendamment de la position de l’aimant. Dans les secondes, il s'agissait de déterminer si les variations brusques de la vitesse d’accroissement diminuent lorsqu'on soustrait la plante aux variations d'intensité du magnétisme terrestre. Le résultat fut également négatif. (2) O. Bürscazr, Studien über die ersten Entwichlungsvorgänge der Eïizclle, die Zelltheilung und die Conjugation der Infusorien. (ABH. SENCKENB. GES., t. X, 1876, pp. 414, 415.) Tome III, 1890. AGIT-IL SUR LE NOYAU EN DIVISION ? 349 les changements et les mouvements que présentent les diverses parties du noyau lui-même pendant la caryocinèse (*)? Ou bien y a-t-il lieu de faire intervenir les phénomènes hydrodynamiques si remarquables que Bjerknes nous a fait connaître et qui sont inver- sement analogues à ceux de l'électricité et du magnétisme (7)? Ce sont là de simples possibilités que j'énumère et non point des hypo- thèses que j'entends proposer. Aujourd'hui, comme il y a huit ans (*), la seule conclusion légi- time, c'est que nous ne savons encore rien des forces qui inter- viennent dans la caryocinèse. La simple observation ne saurait suffire à résoudre le problème ; c’est à l’expérimentation à nous éclairer. (*) Mon savant collègue, M. le professeur F. Plateau, à Gand, est arrivé de son côté à des idées analogues à celles de Bütschli et à celles que j’indique ici à titre de possibilité; je ne puis mieux faire que de rapporter, avec son autorisa- tion, un passage d’une lettre qu’il a bien voulu m'adresser (21 décembre 1886) à la suite de l’envoi de ma note : Sur une condition fondamentale d'équilibre des cellules vivantes. (BULL. SOC. BELGE MICR., 30 octobre 1886.) Voici comment il s'exprime : « J’ai dit aux élèves du cours de zoologie, comme hypothèse person- nelle, que tous les phénomènes de la caryocinèse et des mouvements nucléaires lors de la fécondation de l’œuf sont des phénomènes capillaires et des phéno- mènes dus à des différences de tension, Ces idées ont été émises par moi pour la première fois dans le cours de 1884. » (2?) Un résumé des travaux de Bjerknes a été publié par BERTIN (Ann. de chim. et de phys., 1882, t. XXV, p. 257). (3) FLEMMING, Zel//substanz, etc., pp. 357, 364. Re fe pat 3; os . | Gah ae asi 23 t f SPAN Ser teh hy) "Jee ect ity» L Ds yD be REE AY Be 4 Mn sn MUR À i‘ AU AM j ‘ 4 x : 4 Fi Voir a af bie BN = Sh A eM te ie es ie = 12 LOUE ees EE RECHERCHES AU SUJET DE L'INFLUENCE DE LA TEMPERATURE SUR LA MARCHE, LA DURÉE ET LA FRÉQUENCE DE LA CARYOCINESE DANS LE RÈGNE VEGETAL PAR É. DE WILDEMAN (') » Die hohe Abhangigkeit der Entwicklung der Pflanzen von der Temperatur ergibt sich schon aus den in Freien zu gewinvenden Beobachtun- gen Ziemlich zahlreiche experimentelle Prüfun- gen haben dann in Näheren festgectellt, dass hinsichtlich der Zuwachsbewegung ein specifisch und auch individuell verschiedenes Minimum, Optimum und Maximum besteht. / PFEFFER, Pflanzenphysiologie, » P. 122. L'étude de la division nucléaire a été faite avec soin dans ces dernières années, soit sur des matériaux fixés, soit sur des maté- riaux frais; mais on n’a fait jusqu'ici que fort peu de recherches sur les modifications occasionnées par les agents extérieurs sur la durée, la fréquence ou la marche de la division caryocinétique dans un même type. Quelques auteurs ont constaté, dans certains cas, l’action de la (*) Ce travail a paru dans les Annales de la Société belge de microscopie (Mémoires), t. XV, 1891. Les premiers paragraphes avaient fait l’objet d’un mémoire de concours présenté à la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles en 1890. TOME III, 1891. 352 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE —————————— gravitation sur la caryocinése; d'autres auteurs ont prouvé que la division nucléaire n'est pas influencée par la même cause chez quelques organismes végétaux (°). Si pour l'action de la pesanteur les expérimentateurs arrivent à des résultats positifs ou négatifs, suivant les cellules considérées, pour le magnétisme et l’électricité, le peu d'expériences que nous possédons jusqu'à ce jour sont négatives. Errera, dans les études qu’il a faites sur ce sujet, a vu les noyaux se comporter normalement, lorsque les cellules étaient cultivées entre les pôles d’un électro-aimant puissant (?). La lumière, étudiée par quelques auteurs, paraît avoir une influence assez différente, suivant les organismes sur lesquels on la fait agir. Dans un travail publié en 1885, Stahl (°) a fait connaître l'action directrice de la lumière sur le fuseau dans la division du noyau de la spore chez l’'Equisetum. L’axe de la figure caryociné- tique correspond avec la direction du rayon lumineux, et la membrane se forme perpendiculairement à cette direction, revêtant une forme bombée, qu'il a désignée sous le nom de « verre de montre », si la spore est éclairée. L’on obtient ainsi deux cellules, l'une, plus grande, qui donnera naissance au thalle, l’autre qui fournira les rhizoides. Si l'éclairage n'est pas suffisant ou bien nul, la cloison formée est plane et partage la spore en deux moitiés égales et semblables (+). Chez ie Pelvetia canaliculata, Kolderup- Rosenvinge (°) a observé que la première cloison qui apparaît dans (*) Voyezle résumé Schwerkraftund Zelltheilung (BIOLOGISCHES CENTRALBLATT, 1% janvier 1886, p. 663); et HEINRICHER, Beeinflusst das Licht die Organanlage am Farnembryo? (Mirrx. Bor. INsr1TUT zu Graz, 1882, Heft IL.) (*) L. ERRERA, L’aimant agit-il sur le noyau en division? (BULL. SOC. ROY. DE BOT. DE BELG., t. XXIX, 2° partie, pp. 17-24 et page 343 du présent volume.) (3) STAUL, Zinfiuss der Beleuchtungsrichtung auf die Theilung der Equisetum- sporen. (BER. DEUTSCH. BOT. GESELLSCHAFT, 1885, Bd III.) (4) BUCHTIEN, Lntwicklungsgeschichte des Prothallium von Equisetum. (BiBL\0- THECA Boranica, Heft 8, p. 18, pl. 1, fig. 8.) (5) KorDERUP-ROSENVINGE, Znfluence des agents extérieurs sur l'organisation polaire et dorsi-ventrale des plantes. (REY. GÉN. DE BOTAN., 1889, n°% 2-6, et 1890, n° 18, p. 284.) .ToME III, 1891. SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC., DE LA CARYOCINESE, 353 l'œuf est également perpendiculaire à la direction des rayons lumi- neux. Le Fucus serratus, que le mème auteur a étudié, ne présente plus la même sensibilité : la première cloison qui est formée dans l'œuf s'oriente indifféremment par rapport aux rayons qui le frappent. Maupas, dans son travail sur l'accroissement et la multiplication des infusoires ciliés (’), trouve que la lumière n'intervient en aucune façon dans le phénomène de la division. Des expériences faites parallèlement a la lumière et à l'obscurité ont donné des résultats absolument comparables. Les travaux de Famintzin sur l'action de la lumière dans la multiplication cellulaire, ont plutôt une autre portée, que l'on ne peut faire intervenir ici, car l'auteur soumet les algues à un éclai- rage intense qui ne se réalise presque jamais dans la nature. Les spirogyres, d’ailleurs, ne supportent pas bien un éclairage trop considératle ni une chaleur trop forte. La composition chimique du milieu n’a pas encore fourni de résultats au sujet de la durée de la division caryocinétique. Cepen- dant W. Migula (°) a observé que dans des cultures de Spirogyra, faites dans de l’eau acidulée, soit par l'acide phosphorique à0.002°/, soit par l'acide citrique à 0.004 °/o, la division cellulaire est retardée, quoique la croissance en longueur de la cellule se fasse d'une façon très notable. Un total de quatre-vingt-quatre cellules de spirogyre, placées dans une solution à 0.004 °/, d'acide citrique, ont donné au bout de huit jours, par division cellulaire, un total de quatre-vingt- quinze cellules; quarante-deux cellules de la mème espèce d’algue placées dans de l’eau ordinaire ont fourni au bout du même temps un total de deux cent vingt-sept cellules. Dans la première série d'expériences, à partir du sixième jour, le nombre des cellules ne s'est plus accru, tandis que la longueur cellulaire a augmenté con- (1) Maupas, Rajeunissement haryogamique des ciliés. (ARCH. DE ZOOLOGIE EXPERIMENTALE, 1888-1889, p. 255.) (?) Micuta, Ueber den Einfluss starch verdiinnter Saurelisungen auf Algen- sellen. Breslau, 1888. > Tome III. 23 Tome III, 1891. 354 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE sidérablement, les cellules ayant acquis une longueur de 252 u. Dans le second cas, la longueur a diminué, et de 79 » que les cel- lules possédaient au commencement de l'expérience, la longueur est tombée à 73 4. La longueur totale du filament a la fin de l’expé- rience a été pour le filament ayant subi l'action des acides de 23.940 p, pour l’autre de 16.751 seulement. Ce qui résulte de ce fait est donc assez important : c'est que la division nucléaire n'est pas nécessairement en rapport avec la croissance en longueur de la cellule. Pendant la division des cellules de Spirogyra, j'ai pu faire des mensurations exactes qui m'ont prouvé que tout le temps que dure la caryocinèse, la cellule n’augmente pas de longueur. Je ne pour- rais assurer le même fait pour le Tradescantia ; ici, au contraire, il m'a paru que pendant les premières phases de la division il pou- vait encore se faire un certain allongement de la cellule. Maupas a également fait sur les infusoires ciliés des expériences intéressantes au point de vue de la nutrition. Il a pu obtenir par certains artifices de culture (milieux faibles) des espèces, ou plutôt des races, se divisant un bien moins grand nombre de fois que dans les cas où on leur fournissait un aliment plus complet. Les observations de Maupas, relatives à la température, sont des plus intéressantes et montrent que, par un accroissement de cha- leur, la bipartition se fait plus vite. C'est ainsi que pour un infusoire, à ne citer que celui-là, Leucophrys palula, l'auteur obtient (°) : Températures . . . 6-8 8-II II-I4 14-17 17-20 20-23 23-26 Bipartitions en vingt- quatre heures fe Ce 2 3 4 5 6 7 ll est regrettable que nous ne possédions pas d'expériences à des températures plus élevées, qui nous permettraient peut-être de comparer la marche du phénomène dans les deux règnes. La cha- (7) MaAUPAS, loc. cit., p. 250. Pre ee À, Po Tome III, 1891. SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC. DE LA CARYOCINÈSE. 355 leur est, comme on le voit, tres favorable au développement de ces organismes. Cette action est peut-être celle sur laquelle on possède le moins de renseignements : les caryocinèses que l’on trouve décrites dans une masse de travaux ne sont que rarement accompagnées d'indi- cations de températures exactes, et n'ont point été observées dans le véritable but de rechercher les modifications que cet agent pou- vait faire subir aux différentes phases de la division. Nous trouvons dans le travail de Strasburger (*) : Zellbildung und Zelltheilung, quelques données sur le temps qui s'écoule pen- dant une division complète du noyau, dans les cellules des poils staminaux de Tradescantia virginica et de Spirogyra, mais la température exacte à laquelle les expériences ont été faites n’est pas signalée. Pour le Tradescantia, il a obtenu des divisions complètes en trois heures trente minutes environ. Ce chiffre est supérieur a celui que j'ai trouvé; cette différence provient sans doute du moment où l’on prend le noyau et de la variété qui sert à l'expérience. Les mêmes observations de Strasburger sont reprises dans le Botanische Practicum (*). Dans son travail sur le rôle du noyau dans la division des cellules végétales, Treub donne également quelques séries d'expériences sur la division, pour lesquelles il a noté la durée des phénomènes caryocinétiques. Ces expériences ont été faites sur les filaments proembryonnaires de l'Orchis latifolia et de l'Epipactis palustris. Mais ici également des indications relatives à la température à laquelle ces durées ont été observées nous manquent complètement. Les études d'Olivier (*) ont montré que la formation des noyaux avait certains rapports avec la pression, ou du moins que l’accrois- sement des cellules était en rapport -avec la pression. Car en (*) Zellbildung und Zelltheilung. Dritte Auflage, 1880, p. 380, pl. VIII, fig. 38-55. (©) STRASBURGER, Bot. Practicum. léna, 1887, p. 568. (3) OLIVIER, Expériences sur l'accroissement des cellules et la multiplication des noyaux. (BULL. DE LA SOC. DE BOT. DE FRANCE, t. XXIX, mars 1882.) Tome III, 1891. 356 E. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE diminuant cette derniére, il a obtenu des cellules géantes dans lesquelles le nombre des noyaux était assez considérable. Pril- lieux (°) a obtenu le mème résultat en faisant agir la chaleur; il a vu les cellules parenchymateuses de la courge et du haricot aug- menter de volume en mème temps que le nombre de noyaux allait croissant, sans qu'il y ait pour cela division cellulaire. Mais dans ces cas il n’y a plus division caryocinétique du noyau, il y a multi- plication par simple étranglement. Dans une note publiée par Chabry dans les Comptes rendus de la Soctélé de biologie de Paris, l'auteur a démontré que, par une compression pas trop énergique des œufs, il y avait encore caryo- cinese, mais que la division cellulaire s'effaçait (°). L'action de la température sur Jes autres phénomènes vitaux a été pour quelques cas déjà bien étudiée; 1l reste à voir si sur le phénomène physiologique de la division nucléaire le mème facteur a une action marquée. On a pu déterminer pour la faculté germinative et pour la crois- sance d’un certain nombre de plantes, un minimum au-dessous duquel, et un maximum au-dessus duquel le phénomène ne se produit pas; enfin un point intermédiaire optimum, qui convient le mieux au développement. Dans un travail sur la fécondation (°), Errera a énoncé cette loi de l’optimum de la façon suivante : « Tout phénomène vital qui est fonction d’une variabie commence à se produire à partir d’un certain état de la variable (minimum), se réalise de mieux en mieux à mesure que la variable croît jusqu'à un état déterminé (optimum), après quoi un accroissement de la variable fait se réaliser de moins en moins bien le phénomène; celui-ci s'arrête enfin quand la variable a atteint une certaine valeur maximum. » En 1860, dans son travail publié dans les Jahrbücher de Prings- () PRILLIEUX, Comptes rendus, 1881, t. XCII, p. 147. (2) Comptes rendus de la Société de biologie de Paris, 7 juillet 1888. () ERRERA et GEVAERT, Sur la structure et sur les modes de fécondation des fleurs. (BULL. SOC. ROY. BOT. DE BELGIQUE, 1878, p. 246.) Tome III, 1891. SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC. DE LA CARYOCINESE. 397 heim (*), Sachs nous a fait connaître les températures maximum, optimum et minimum de germination d’un assez grand nombre de graines; en 1864, dans le Flora (’), il indique, d’après une série d'expériences, les températures pour le mouvement protoplas- mique. Avant cette époque, plusieurs auteurs avaient déjà appelé l'at- tention sur les températures minima et maxima de végétation. Errera est le premier qui ait signalé la portée générale de cette loi. En 1864, Sachs, dans son Traité de botanique (*), en avait encore exposé un cas particulier se rapportant aux points extrèmes entre lesquels les phénomènes vitaux se produisent. Ils seraient confinés entre o° et 50°. Comme l’auteur en convient, on ne peut assigner de limites générales aux phénomènes de la vie, car elles varient énor- mément d’un genre et d’une espèce à l’autre et même entre deux plantes d'une même espèce suivant les conditions auxquelles elles ont été soumises. Plus tard, dans ses Vorlesungen (*) de 1882, il arrive également à une généralisation analogue. D’après tous ces faits, nous voyons que la chaleur a une grande influence sur la végétation. Cette action s’exerce-t-elle également sur le noyau cellulaire? Nous verrons que oui. Pour démontrer l’action de la température sur le noyau et sur la division cellulaire, j'ai fait plusieurs séries d'expériences, sur trois espèces végétales différentes, appartenant l’une aux plantes phanérogames, les deux autres aux cryptogames. Les premières séries ont été faites sur la division nucléaire du Spirogyra, les secondes sur les noyaux bien connus des poils staminaux de Tradescantia, et les troisièmes sur les Cosmarium. _ J'exposerai d’abord les résultats des expériences faites sur les (1) Sacs, Physiologische Untersuchungen über die Abhängighkeit der Keimung von der Temperatur. (JAHRB. WISSENSCHAFT, 1860, pp. 338-377.) (2) Sacs, Ueber die obere Temperatur-gränse der Vegetation. (FLORA [Regens- burg], 1864, p. 69.) (3) Sacus, Lehrbuch der Botanik. Leipzig, 1868, p. 558. (4) SACHS, Vorlesungen über Pflansen-Physiologie. Leipzig, 1882, p. 233. Tome III, 1891. 358 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE Spirogyra, puis ceux que j'ai obtenus par la culture des cellules des poils staminaux de Tradescantia, enfin ceux obtenus dans l'étude des Cosmarium. SPIROGYRA. La spirogyre qui a servi à mes expériences a été récoltée pendant tout l'hiver, à partir du mois d'octobre 1880; il m'a été possible de l'étudier jusqu’au mois de février dernier, mais brusquement, à la fin de ce mois, par suite de travaux exécutés dans les environs du ruisseau où elle végétait en abondance, l'espèce a disparu et je n’ai pu l’observer à nouveau jusqu'à ce jour. Cette forme est une des grosses espèces voisines du Sp. crassa; elle est caractérisée par des cellules assez courtes, présentant de grandes analogies avec celles de l’espèce sur laquelle Strasburger a fait sa première étude (’). Malgré le grand nombre de bandes chlorophylliennes qui tapissent la paroi interne de la cellule, le noyau relativement très gros se voit bien et l'on peut suivre facilement, sur le vivant, les différentes phases de la division nucléaire. Cette division a fait l’objet de beaucoup de travaux, les auteurs ont émis plusieurs opinions opposées. Certains admettent chez ce noyau une structure exceptionnelle et le rangent dans une caté- gorie spéciale, celle des « nucléoles-noyaux » (°). D’autres y voient un noyau assez ordinaire, qui ne différerait du type que par une moins grande condensation de matière chroma- tique dans la portion externe, et par la présence d'un gros nucléole ). Je ne puis entrer ici dans la discussion nécessaire pour vider cette question, je ne puis que renvoyer aux auteurs qui ont (*) STRASBURGER, Ueber Kern- und Zelltheilung, pp. 3 et SUIv., p. 213. (2) J.-B. Carnoy, Biologie cellulaire, fasc. 1, p. 236. (3) STRASBURGER, Ueber Kern- und Zelltheilung, pp. 3 et suiv., p. 213. Tome III, 1801. SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC. DE LA CARYOCINÈSE. 359 publié sur cette question (*), me réservant de reprendre plus tard cette étude. Presque tous les auteurs qui ont étudié la division cellulaire chez les spirogyres, Pont observée la nuit. Sachs, dans son traité de botanique, nous dit : « Um die Theilungen zu beobachten, ist es nôthig, kräftig vegetirende Fäden nach Mitternacht in sehr ver- dünnten Alkohol zu legen um sie später zu beobachten, da die Theilungen nur Nachts stattfinden (*). » Il en est de même pour Al. Braun, qui trouve les spirogyres en division pendant les toutes premières heures du jour. Al. Braun est certainement le premier qui ait observé la division cellulaire chez cette algue; ses observa- tions sont naturellement incomplètes, mais déjà à cette époque il a attiré l'attention sur le nucléole (°). Plus tard, en 1880, Strasburger nous dit : « Die Spirogyren theilen sich des Nachts, der Vorgang pflegt zwischen 10 und 12 Uhr zu beginnen. Man kann ihn auf den Tag verlegen, wenn man die Pflanzen des Nachts über niederen Temperaturen, oberhalb o°, doch unterhalb + 5° C., aussetzt (*). » Dans un de ses derniers travaux, nous trouvons a nouveau le méme fait signalé, pour l'espèce qu’il a appelée Spirogyra polytaeniata (°). Pringsheim est le seul qui paraisse avoir vu la division en plein jour dans les conditions naturelles de végétation (°). La presque totalité des divisions que j'ai suivies se sont présen- () Voyez aussi STRASBURGER, Ze//bi/dung und Zelltheilung, loc. cit. MEUNIER, Le nucléole des Spirogyra. MACFARLANE, The structure and division of the vegetable cell. TANG1, Ueber die Theilung der Kerne in Spirogyra Zellen. (S1TZB. K. AKAD. DER WISSENSCH., 1, Abth., 1882.) Sacus, Lehrbuch der Botantk. (2) SACHS, Lehrbuch der Botanik. (3) BRAUN, Xeyuvenescence in Nature. Traduction anglaise de Henfrey, p. 237. (4) STRASBURGER, Zellbildung und Zelltheilung, p.171. (5) STRASBURGER, Ueber Keyn- und Zelltheilung, p. 325. (6) PRINGSHEIM, Untersuchungen über Bau und Bildung der Pflansenselle. Erste Abtheilung. Berlin, 1854. TOME III, 1801. 360 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE tées pendant le courant de la journée, le point de départ se trouvant entre 8 heures et 10 heures du matin ; j'ai cependant fréquemment observé des cellules entrant en division l’après-midi, vers 3 et 4 heures. Au contraire, en fixant, vers 12 heures de la nuit, des matériaux qui avaient été récoltés pendant la journée, je mai trouvé que fort peu de phases et parmi celles-ci presque toutes se rapportaient aux derniers stades de la caryocinèse. Si nous ne possédions que les données des auteurs que je viens d'exposer plus haut, on serait tenté de croire à l'intervention de la lumière, qui exercerait une influence contraire à la multiplica- tion cellulaire. J'ai pu cependant établir que la lumière n’a pas d'action bien sensible sur les phénomènes caryocinétiques. Des séries d'expériences parallèles ont été faites a la lumière et a l'obscurité : la différence qui a été observée entre les cellules expo- sées à la lumière et à l'obscurité, n'a pas été plus forte que celle que l'on remarque quelquefois entre deux cellules mises toutes deux à la lumière; cette différence provient donc d’autres causes. Il faut noter que les expériences qui ont donné lieu aux observa- tions de Sachs et de Strasburger ont eu lieu pour la plupart en été, tandis que je les ai faites en hiver, alors que l'eau dans laquelle je récoltais les Spirogyra n'avait pas une température qui dépas- sait 2°. Le procédé indiqué par Strasburger et qui consiste à refroidir l'eau dans laquelle sont conservées les algues, prouve tout au moins que les températures basses ne sont pas propices à la division cellulaire, et dans mes récoltes en plein air, je me rapprochais donc de cette expérience. Pringsheim (*), pour la division chez les Conferva, n'a pu déter- miner non plus un moment exact du jour pendant lequel le phé- nomène s’accomplirait; il a observé la multiplication cellulaire le matin, l'après-midi et le soir. Pour le Cladophora, le matin conviendrait le mieux; pour l'Oedogonium, ce serait ’aprés-midi. Il y aurait a rechercher quelles sont les causes qui déterminent ce choix pour ces deux dernières algues. (1) PRINGSHEIM, loc. cit., pp. 78-79. | { L | { 4 ; { Tome III, 1891. SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC. DE LA CARYOCINÈSE. 361 On suit facilement la division du noyau chez la Spirogyra crassa. Il suffit de placer sous le microscope quelques filaments et de porter son attention sur une cellule dont le noyau se trouve dans la première phase de division. Les filaments à examiner sont placés dans l'eau du ruisseau où ils ont été récoltés, afin d'éviter les erreurs qui pourraient provenir d’un changement de milieu. Ce qui rend l'observation facile, est la façon dont les stades principaux de la division sont marqués : ils sont bien distincts les uns des autres, le noyau passant souvent presque instantanément d'une forme à une autre. Le premier stade est, comme on sait, caractérisé par une augmentation de volume du noyau, et en même temps il se forme à la face interne de la membrane cellulaire un cercle de micro- somes qui indique l'endroit où va se former la nouvelle cloison. Cette membrane ne se constitue pas ici, comme dans la division ordinaire, d'une façon centrifuge, a l’aide d'un phragmoplaste (°) ou corps lenticulaire, mais d’une façon centripète. Un noyau se trouvant dans cette premiére phase de division n'est pas toujours forcé de passer par les stades suivants. On peut remarquer en effet fréquemment qu’un noyau dans cet état, et même lorsqu'il a atteint des stades plus avancés dans la division caryocinétique, aussi longtemps que le nucléole n’a pas été entamé, peut revenir a l'état de repos, laissant sur la membrane la trace d’une formation interrompue de membrane, le reste de la cellule paraissant absolument normal. Nous verrons d’ailleurs le mème fait se reproduire dans l'étude suivante, mais là il n’y aura plus la première ébauche d’une mem- brane qui viendra nous indiquer qu'il y a eu rétrogradation. Quelles sont les causes qui agissent dans ce cas? Il est probable quelles sont internes, liées peut-être a la nutrition. On peut en tous cas affirmer que, aussi longtemps que le nucléole n'a pas subi de modifications visibles, le noyau peut reve- nir à l'état de repos et la cellule reprendre son état normal. (1) L. ERRERA, Phragmoplaste. (TAGEBLATT NATURFORSCH. VERSAMEN. WIES- BADEN, 1887, n° 8, reprod. in B10L, CENTRALBL., 1** février 1888.) TOME III, 1891. 362 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE Placé à une température variant entre 20° et 23° C., un noyau qui se trouvait dans une des prophases, considérablement gonflé, dans l’état que j'ai représenté planche I, figure 1, a subi les modi- fications suivantes. Après a voir passé par les stades intermédiaires, figures 2 et 3, il a rétrogradé et a repris au bout de sept heures environ une forme arrondie à gros nucléole central, analogue à sa forme primitive. Il y a, il est vrai, ici un cas spécial, peut-être un cas pathologique, car toutes les cellules contenues dans la culture avaient un noyau plus ou moins modifié, toutes paraissaient malades. Les bandes de chlorophylle étaient contractées et le mou- vement protoplasmique très lent, pour ne pas dire nul. Après la phase rectangulaire, la figure que revêt le noyau est celle de deux cônes tronqués, accolés par leurs sommets. Peu de temps après il se forme une masse rectangulaire dont le grand axe est perpendiculaire à celui de la figure que représentait le noyau dans la phase antérieure. C’est le moment de la fragmentation interne du nucléole (boyau nucléinien?), car bientôt se forme un fuseau dont les deux extré- mités attirent chacune d'un côté les anses nécessaires à la forma- tion des noyaux filles, La forme que présentent les deux extrémités, constituées par des amas de protoplasme granuleux, est caractéristique et constante; je les ai toujours vues telles que je les ai figurées dans la planche I, figure 5. Dans les phases suivantes, cet amas de protoplasme dispa- raît complètement. Les deux nouveaux noyaux formés qui sont encore attachés à la jeune membrane, laissent entre eux une cavité sphérique. Petit à petit cette cavité diminue, la membrane s'achève et les deux noyaux ne se trouvent plus réunis que par un pont de protoplasme, dans lequel les microsomes sont animés d’un mouvement très rapide. Le pont protoplasmique finit par disparaître et les deux noyaux filles entièrement formés sont rejetés chacun vers le milieu de leur cellule respective. Mes expériences n’ont malheureusement pu aboutir pour des températures inférieures à 3° au-dessus de zéro ; je n’ai pu observer à ce degré la division complète. Un fait que j'ai remarqué souvent Tome III, 1891. SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC. DE LA CARYOCINÈSE. 363 est que, enchâssées dans la glace, les spirogyres continuent a vivre et que l'on peut les extraire facilement du bloc qui les contient, grace probablement a la couche de mucilage qui les enveloppe et qui les protège peut-être contre l'action de trop basses tempéra- tures, Si l'on examine les filaments ainsi extraits, l'on ne trouve rien d’anormal dans leur structure. Cette propriété existe d’ailleurs chez beaucoup d’autres algues. Entre 3° et 4°, de même qu’entre 4° et 5°, une division complète n'a pu être observée. Mais on peut la déterminer approximative- ment, en comparant la durée de deux phases connues avec celle des mémes phases a une température ou la division a pu étre suivie enti¢rement. On trouve ainsi que la durée doit être d’envi- ron quatorze heures, chiffre qu'il serait nécessaire de vérifier par lexpérience. Entre 6° et 7’, j'ai pu obtenir des divisions complètes en douze heures environ. Plus la température augmente, plus nous allons voir la durée diminuer ; entre 8° et 9°, la division complète s'effectue en neuf heures environ. Pour la température supérieure suivante, entre 10° et 11°, vient se produire un écart : plusieurs expériences ont donné des résultats variant entre dix heures vingt minutes et onze heures vingt minutes. C’est surtout sur les dernières phases qu'a portè le ralentissement. Ces résultats, obtenus le même jour, nous fourniraient un optimum entre 8 et 9° ; ce qui n'est cependant pas exact, car si nous voyons les chiffres suivants, nous allons trouver une nouvelle diminution par rapport à ce que nous avons obtenu pour les expériences faites entre 8° et 9°. A quoi est du cet écart? Il ne peut, ce me semble, se rapporter qu'à des variations individuelles ou à des conditions défavorables subies par les filaments le jour précédent ou pendant la durée de l'expérience. A 12°, la division totale s'obtient en un temps variant de six heures quinze minutes a sept heures. A 13°, la courbe commence a changer de direction, Ja durée de la division augmente : la moyenne de plusicurs expériences nous donne huit heures. Entre 14°-15°, les résultats obtenus sont trés différents et tendraient, si l'on ne tenait compte que de certains d’entre eux, a former un nouvel optimum; mais si l’on en fait une moyenne, nous conti- TOME III, 1891. 364 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE nuons la courbe ascendante avec une durée de huit heures trente minutes. Ces différences montrent bien que toutes les cellules ne sont pas équivalentes, la plupart de ces expériences ayant été faites le même jour, sur des matériaux pris au même endroit. Entre 15° et 16°, la durée de la division est d'environ dix heures; à la température plus élevée 16°-18°, elle est de onze heures. Si nous continuons à élever la température, les expériences ne réussissent plus et, comme je l’ai dit plus haut, entre 20° et 23° le noyau acquiert une forme pathologique et la cellule ne peut plus reprendre son état normal. Le point optimum pour la division caryocinétique chez cette espèce de Spirogyra, dans les conditions où elle a été récoltée, se trouverait vers 12° au-dessus de zéro, le maximum vers 20°. Dans le tableau I, nous trouvons la durée totale de la division cellulaire placée en regard de la température à laquelle l'expérience a été faite. Les temps écoulés sont les moyennes obtenues dans TABLEAU I. Résumé des observations. TEMPERATURE DUREE TOTALE DE LA DIVISION 39-40 Au delà de 14 heures. 49-50 14 heures. 69-70 12 heures. 80-99 9 heures. 100-710 10 h. 20 m.-11 h. 20 m. 12° 6 heise 7 ee 13° § heures. 149-150 8 h. 30 m. 159-160 10 heures. 160-180 11 heures. 209-230 Rétrogradation. TETE TOME III, 1891. SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC. DE LA CARYOCINESE. 365 eo SSeSFSSseses quelques expériences; si les résultats étaient assez différents, j'ai noté les durées extrèmes entre lesquelles la caryozinése s'était effectuée. Ces résultats sont, comme je l'ai dit, fournis par des expériences faites sur des matériaux pris à 2° au-dessus de zéro. Certaines expériences faites au mois d'octobre dernier, mais dont la série n'a pu être terminée, ont donné des résultats qui me paraissent prouver de la façon la plus évidente l'action de la température antérieurement subie par la cellule mise en expérience. A 13°, la division totale qui, pour les échantillons pris à 2° au-dessus de zéro, demandait huit heures, n'a pris qu'environ six heures. Cette diffé- rence doit provenir de la température subie, car si nous prenons la moyenne des températures d'octobre, nous trouvons 14°, tempé- rature qui se rapproche beaucoup de l’optimum trouvé dans mes expériences. Je n’ai malheureusement pas de données sur la tempé- rature de l'eau dans laquelle les filaments qui avaient servi à ces expériences avaient été récoltés. TABLEAU II, , = NOMBRE TEMPERATURE FIGURE I FIGURE 4 FIGURE 5 d'expériences. 12h. 55 m. | 4 expériences. 60-70 gh. Orne. SIT. Tihs 20m.) |e — 89-90 9 ho Sam: gh. 55 m. 11 h. 10 m. » » » OR US M; 10 h. 30 m. » » 8 h. 40 m. 9 h. 20 m. 10 h. 35 m. » D 3 h. 20 m. 4h. 5m. » 5 expériences. 109-I 10 9 h. 40 m. 10 h. 20 m. II h. 40 m. » » 2b 2h. 35 m. 3 h. 50 m. » » 8 h. 40 m. gh. 30 m. 10 h. 55 m. » » 8h. 35 m. 9 h. 35 m. 10h. 55 m. | 4expériences, 120 9 h. 9 h. 50 m. 10h. 30 m. | 2 — 13° 8h. 30m. gh. 10 m. » » » gh. 10 m. 9 h. 50 m. 10 h. 50 m. » Tome III, 1891. 366 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE TABLEAU II (suite). NOMBRE FIGURE I FIGURE 4 FIGURE 5 | jexpéri expériences. TEMPÉRATURE | 13° gh. gh. 30m. 10h. 50 m. | 2 experiences. » 8h. 45 m. 9 h. 30 m. 10h. 5m. » » 9 h. 55 m. 10 h. 45 m. Tr hom: » » 8 h. 50 m. gh. 15 m. 10 h. 30m. | 9 experiences. » Gyliks Lysate gh. 35 m. 10 h. 40 m. » 140-150 8 h. 35 m. 9 h. 25 m. » » » 11 h. 45 m. » eh » » gh. 15m. gh. 45 m. 10 h. 30 m. » » 8 h. 35 m. gh. 20m. 10 h. 15 m. » » Che anne TO be ETS Em. 11h. 10 m. » » 9 h. 20 m. 10 h. 11 b. Ioexpériences. 15° 9 h. 30 m. gh. 55 m. 10h. 40 m. | 2 — 150-160 zh: 10m. 2 h. 50 m. » » » 8 h. 30 m. gh. 10m. » » » gh. gh. 40 m. 10 h. 15 m. » » 8 h. 30 m. on: 25 m: » 8 experiences. 160-189 iy he) rom" it 55) m0: » » » Ioh.50 m. eek 251). 11h, 50m. | 4 experiences, 209-230 gh. Rétrogradation. » 2 — (Les chiffres de la première colonne correspondent aux températures d’expé- rience: les trois colonnes suivantes donnent les heures auxquelles les phases représentées par les figures 1, 4 et 5 de la planche ont été atteintes. Les lignes horizontales montrent les durées observées successivement sur une même cellule.) Dans le tableau qui précède, je donne quelques chiffres corres- pondant à la durée des phases indiquées en tête des colonnes; le résultat de toutes les expériences n’a pas été indiqué. Le nombre des expériences a été bien plus considérable, mais un certain nombre d’entre elles n'ont pas donné des résultats suffisamment complets pour être relevés. Du tableau I, nous pouvons déduire le temps qui s'écoule entre Dr Sy 7 2 Tome III, 1891. SUR LA MARCHE, LA DUREE, ETC. DE LA CARYOCINESE. 367 les phases pour lesquelles les durées ont été notées; en prenant une moyenne, nous obtenons le tableau suivant : TABLEAU III. DUREE DE LA PHASE DUREE DE LA PHASE TEMPERATURE figures 1 à 4. figures I à 5. 49-50 45 minutes. 3 hs SEM 60-70 55 — 2 h. 30 m. 80-90 45 — 2h. 10°] 10 7 40 — 1h. 40 m. 122 50 — 1 h. 30 m. 13° 38 — Ih. 34 m. 149-150 43 — Ih. 30 m. 150-160 44 — rh. 16m 16°-180 40 — rh; Un autre point qu'il est nécessaire d'étudier, c'est celui de savoir s'il y a proportionnalité entre les différentes durées exigées par deux phases à une température donnée, par rapport au temps global de caryocinèse, et les mémes phases à une autre tempéra- ture. Pour autant qu'il m'a été possible d'étudier cette question, je dois répondre négativement. |.a comparaison n’a pu être faite que pour trois phases. Pour la première des trois, on voit un résultat inverse à celui que l'on devrait trouver, c'est-à-dire que, en aug- mentant la température jusqu'a 18°, la durée entre la phase où le noyau se trouve gonflé et celle où il prend la forme d'un fuseau allongé, au lieu de présenter un optimum à 12°, le présente entre 16°-18°. [ci donc l'optimum qui s'applique a la division totale ne coïncide pas avec celui des phases. Il est possible que si les expériences pouvaient se continuer au delà de 18°, sans entrainer la mort de la cellule, nous verrions la courbe remonter (voyez le graphique, tableau V, b et c), mais à 20° TOME III, 1891. 368 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE le noyau n’atteint plus la phase qui a servi de point de compa- raison. Il est possible aussi qu’une température aussi élevée soit favorable a la croissance de l’algue, aussi longtemps que celle-ci n'y est soumise que pendant quelques instants; si l'exposition devient trop longue, Ja chaleur influant sur d’autres portions de la cellule en entraîne probablement ia mort. Pour une autre phase, dont la durée est donnée dans le tableau III (phase figures 1 à 4), nous obtenons des valeurs qui. dans une por- tion de la courbe, suivent le tracé précédent, mais qui, dans les dernières portions, reviennent également vers le bas. Pour une troisième phase, qui comprend le passage de la forme figure 1 à l’état représenté par la figure 8, des expériences directes et quelques calculs m'ont conduit aux durées consignées dans le tableau suivant; ces résultats concordent avec les deux précédents. En comparant les tableaux I, III et IV, on remarque d'ailleurs que l'optimum de la division totale ne coincide pas toujours avec l'optimum de certaines phases. TABLEAU IV. DURÉE DE LA PHASE TEMPÉRATURE figures 1 à 8. 69-70 4h. 20m. 8-90 sb 30 m. 109-119 4h. 120 3h. 13° 3h. 14°-15° 4h. 15°-16° 4h. 169-180 Behe Ouse Le tableau V nous montre, résumées dans un graphique, les courbes formées par les durées totales et partielles, et permet de les comparer entre elles. TABLEAU V Graphique résumant la duree de la division caryocinétique (noyau de Spirogyra) Taratata Bee ea NT La ligne horizontale indique les degres PTT INE ae chaleur; la tige perperdicutaire tes à PE NÉ a CRUE La courbe a représente la duree totate. ee a 6 la duree de la phase Fg1a5, e de la Rene | | phase Fig. ie 4,d de laphase Fig 7a à, Base) | x,æ,une duree excephuonnrelle | oe ape os S NS D ee ea eb od 2a eee eee _ Je aa eee TOR ee eee ee a a a IEEME URI LOST Se eee a 7 us SABRE we a A Sill sa Ke ON J 2S See. ae Sea eee ee fea a el ft pe ee 4 Q Pee à iS 5 ; a ue i if é 5 Eeees pales esicie Vs : a A : el | cs al is E a HN | [| ; : St 4-H AEË ER NE PRE ul | i PPE ner) HEURE CRAFT mee lei |e sels : At || : Serie th /| : ie : Hy : a = à BAIE i His BBS + 8 8 QD Q à ~ 8 È $ NW 8 S 8 oe >_> 8 à 8 à 8 ~ NX Q 78° oa poi, i | ins LL. j 2 eo ! > j { i‘ 5 t | NN MU { oe AL 4 ) TI :: dar, < oT rc: hank NN ala athe hie oh ce » AR i 4 if | i ne: 63 ’ ? } À) ar , f 1 } ~ 4 1] Mr, yi 7 J Li ‘ i. a FE i ’ pre y 4 1 1 | à à oe : i. ‘ Per 7 a ~ Led 4 | rs La 1 = 5 fi? + ñ | Fe SA À ; - p< « ¢ “ 4 , J -” Tome III, 1891. SUR LA MARCHE, LA DUREE, ETC., DE LA CARYOCINESE. 369 FE , TRADESCANTIA VIRGINICA Linn. Depuis 1844, les noyaux des poils staminaux de Tradescantia ont servi aux observations sur la division cellulaire. Nägeli en 1844, Hofmeister en 1849, Weiss en 1867, ont publié les résultats d’études sur ce sujet. Lundstrôm a fait le premier la culture des poils, dans le laboratoire de Strasburger à Iéna; le travail qu'il a publié sur ce sujet (*) a paru presque en même temps qu'une note de Stras- burger sur le même objet (*). Ce n'est qu’en 1880 que ce dernier, dans son remarquable travail sur la division cellulaire, a publié le résultat complet de ses études, tant sur Je vivant que sur des maté- riaux fixés et colorés, et qu'il a figuré les stades de la caryocinèse chez cette plante (’). En 1884, un de nos compatriotes, feu le D™ Bernimoulin, a égale- ment publié une note sur la division du noyau dans les cellules mères des stomates et des grains de pollen et dans les poils stami- naux du Tradescantia (*). La culture se fait dans une solution sucrée a 3 °/,; elle n'offre pas grande difficulté, pour autant que l’on expérimente sur des plantes normales et que l’on opère pendant la saison d'été. Des essais faits pendant l'hiver sur des fleurs de Tradescantia cultivés en serre, ne m'ont fourni aucun résultat. Le Tradescantia que j'ai employé croissait en plein air; les plantes avaient une hauteur d’environ 50 centimètres; la tige était () LUNDSTRÔM, Botaniska notiser, 1879, p. 113. (2) STRASBURGER, Ueber ein zur Demonstration geeignetes Zelltheilungs-Objekt. (SITZUNGSBER. JENAISCHEN GESELLSCHAFT, 1870, P. 93.) (3) STRASBURGER, Ze//bild. und Zelltheilung, pl. VIII. (4) Note sur la division des noyaux dans le 7radescantia virginica, (BULL. DE LA SOC. ROYALE DE BOT. DE BELGIQUE, 1834, 1r° partie, p. 7.) Tome III. 24 Tome III, 1891. 370 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE épaisse et les feuilles mesuraient environ 3 centimetres de large; les fleurs, assez grandes, étaient rose violacé. Pour l'observation, on prend les jeunes boutons, encore enfermés dans la base des feuilles, on enlève les sépales et les pétales à l'aide d’une pince; on sépare ensuite les étamines que l’on prive de leurs anthères. Les filets munis de leurs poils sont déposés, dans une gouttelette d'eau sucrée à 3 °/, sur une lamelle de verre que l'on renverse au-dessus d’une chambre humide. Les poils les plus propices à l’observation de la division nucléaire sont ceux qui sont formés de filaments à parois parallèles et dont le suc cellulaire n'est pas encore coloré. Les meilleures cellules sont généralement celles qui terminent les filaments. La chambre humide à l’aide de laquelle j'ai fait mes expériences est formée par un morceau de carton humecté, percé d’une ouverture circulaire ou rectangulaire, que l'on place sur un porte-objet ordinaire. Le tout a été préalablement stérilisé par un séjour de quelques minutes dans l’eau bouillante; on peut alors continuer les expé- riences pendant plusieurs jours sans voir apparaître trop de bacte- ries ou de mycéliums de Champignons. Pour obtenir une température basse ou élevée, j'ai fait usage de l'appareil décrit et figuré par Sachs (*)(Warmekasten). Il consiste en une caisse de zinc à double paroi; à l’intérieur, on place le micro- scope, et sur la platine de celui-ci on fixe la préparation que l'on veut étudier. La caisse est munie d’un couvercle en zinc au travers duquel passent le tube et la vis de rappel du microscope. La partie antérieure de la caisse est munie d'une ouverture rectangulaire fermée par une plaque de verre qui permet l'éclairage. Par le couvercle passe encore un thermomètre qui donne la température intérieure de la caisse. La forme que j'ai donnée à l'appareil qui m'a servi diffère peu de celle que lui donne Sachs; les changements introduits ne sont que des variations de détail. Pour les températures élevées, on peut chauffer l'appareil en (§) SACHS, Vorlesungen über Pflanzenphysiologie. Tome III, 1891. SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC., DE LA CARYOCINESE. 371 entier par une veilleuse, comme le recommande Sachs, ou bien entretenir la chaleur en ajoutant de temps en temps a l'eau contenue entre la double paroi, de l’eau bouillante. A cet effet, on ménage dans le couvercle deux ouvertures communiquant avec le réservoir interne. Pour les températures basses, au lieu d’eau chaude, il suffit de placer de la glace ou un mélange réfrigérant. Dans son travail relatif à l’action de la chaleur sur le mouvement protop'asmique, Sachs nous donne le résultat d’expériences faites sur des poils de Tradescantia virginica; à 49° C., le protoplasme ne se meut plus. Entre 46° et 48°, le même phénomène se reproduit au bout d'un court séjour à cette température, mais si l'on enlève le bouton de ce milieu pour le placer dans un milieu plus propice, le mouvement reprend. Dans les expériences que j'ai faites, j'arrive à un résultat un peu différent; à la température de 45°-46°, que ces poils ont supportée tres bien, j’ai au contraire vu un mouvement très accusé du proto- plasme et, comme nous le verrons plus loin, une activité très grande du contenu cellulaire, puisque en trente minutes de temps j'ai pu observer la division complete du noyau et de la cellule. Pour le Tradescantia, nous ne trouvons pas, comme dans les autres cas ou la loi de l’optimum peut s'appliquer, un optimum suivi d’une série de températures différentes pour lesquelles le phénomène peut encore s'effectuer, mais d'une manière moins rapide; mais nous voyons presque immédiatement après l'opti- mum se présenter le maximum. La première phase de division est caractérisée par la disparition du nucléole et par la visibilité de la substance chromatique, qui se ‘présente sous l'aspect de granules passant ensuite à la forme d’anses. On peut considérer une division comme terminée quand, une fois la membrane nouvelle rattachée aux deux parois, on voit apparaître, dans la masse protoplasmique qui la recouvre, des vacuoles ne laissant plus qu’une légère couche de protoplasme. C'est cette phase qui m’a servi de point de comparaison final (fig. 19). Si l’on prend des cellules de Tradescantia, qu'on les place dans une atmosphère dont la température oscille entre 8° et o°, on ne peut suivre jusqu'à la fin la division; si l'on a eu soin de bien fixer sous le microscope le noyau qui se trouvait dans une des TOME III, 1891. 372 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE prophases, on remarque quelquefois un commencement de divi- sion, mais on voit immédiatement que la température basse occa- sionne un retard dans l'apparition des phases. Au bout de quelques heures, toute la structure cellulaire est désorganisée, il se forme dans l'intérieur un grand nombre de vacuoles et le noyau se désagrège. : Si l'on expose un noyau entre 10° et 11°, on peut observer la division complete en deux heures quinze minutes, chiffre moyen de quelques expériences faites généralement le même jour. Comme je l’ai dit pour le Spirogyra, l'on observe ici fréquemment des noyaux qui, dans les mêmes conditions, parfois dans une même culture côte à côte, offrent des différences de durée pouvant aller jusqu'à trente minutes. Ces différences notables pourraient égale- ment provenir du fait que dans ces noyaux, surtout à l'état vivant, les premiers stades de division sont très difficiles a diflé- rencier les uns des autres; il est malaisé de juger de la disparition du nucléole et de la formation des anses. Entre 13° et 14°, la durée totale de la division prend deux heures vingt minutes; si nous continuons, entre 16° et 17°, les résultats varient de deux heures à une heure trente minutes, ce qui nous donne une valeur approximative de une heure quarante-cinq minutes. À 19°-20°, la durée n’est plus que de une heure vingt à une heure vingt-cinq minutes. Ici viennent se placer quelques expériences dont le résultat n'est plus tout à fait en rapport avec la série descendante que nous avions obtenue jusqu’à présent. Plusieurs observations faites le même jour à une température variant de 20° à 21° m'ont demandé de une heure quarante minutes à deux heures cinquante minutes; il y aurait donc ici, comme pour le Spirogyra, un premier opti- mum. Il est probable que cette différence assez considérable provient de l'individu même sur lequel l'expérience a été faite, ou que la température subie par la plante la nuit précédente lui a été pernicieuse et a retardé la division. En examinant en effet la température qui a régné la nuit quia précédé ces observations, nous la trouvons descendue entre 8° et 9°, c'est-à-dire vers le point minimum; ce qui pourrait expliquer le retard de la caryocinèse. | ToME III, 1801. | SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC., DE LA CARYOCINÈSE 373 Si nous examinons les résultats obtenus à une température supérieure, nous trouvons entre 24° et 25° une durée de une heure quinze minutes environ pour la division totale. Entre 26° et 27°, le temps demandé pour l'ensemble des phéno- inènes caryocinétiques n'est plus que de cinquante-cinq minutes; entre 39° et 31°, nous trouvons encore une fois un accroissement de même qu’entre 20° et 21°. J'ai obtenu a cette température une durée de deux heures a deux heures quinze minutes; la différence doit provenir de l'individu même, car elle ne peut plus s'expliquer ici que par une différence calorifique des nuits précédentes, la moyenne ayant été la même que celles des nuits suivantes. Entre 39° et 40°, nous ne trouvons plus que trente à trente-cing minutes; mais une seule expérience faite à 43° nous fait à nouveau remonter à une durée d’une heure; mais à 45°, la diminution s’accentue encore: nous obtenons un optimum de trente minutes pour la durée totale de division. Les expériences faites à 43°ont été observées l'après-midi; cette dernière circonstance peut-elle influer sur la caryocinèse ou est-ce un cas accidentel? Je n’ai pu étudier ce point, mais ce que j'ai remarqué, c'est la fréquence des divisions nucléaires le matin, le nombre allant en diminuant jusqu'au soir. A une température favorable, telle que 45° à 46°, le nombre de noyaux entrant en division devient assez grand; c’est ainsi que des noyaux paraissant au repos et exposés peu de temps à cette tempé- rature, sont entrés rapidement dans les prophases. La fréquence de la division serait donc en rapport avec la température. Si nous continuons les expériences à 5o° et au dela, nous n'obte- nons absolument plus aucun résultat; la cellule exposée quelque temps à cette température se désorganise et ne reprend plus même à 20° sa structure normale. Pendant les premiers moments de son exposition, il peut cependant se faire un commencement de caryo- cinèse, mais généralement, lorsque le noyau arrive à la formation du fuseau, il s'arréte et le phragmoplaste n'apparaît pas ; il ne se forme par conséquent pas de cloison. Les deux noyaux filles dégé- nérent alors petit à petit. Dans la division normale, le phragmo- plaste s'attache généralement à l’une des parois et gagne alors la paroi opposée à laquelle il se soude. Tome III, 1801. 374 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE La figure 16 nous montre un phragmoplaste attaché d'un côté seulement à la membrane cellulaire. TABLEAU VI. Résumé des observations. TEMPERATURE DUREE TOTALE DE LA DIVISION 8°-9° Pas de continuation dans la division. [O0—1 10 24h45 am: 130-140 2 h. 20 m. 160-170 Ih. 45 m. 199-200 Ih. 25 m. 200-210 1h. 40 m.-2 h. 50 m. 249-250 In TS En 269-270 55 m. 300-310 2 h.-2 h. 15 m. 350-360 45 m. 39°-40° 35 m. 43° i!) Me 45° 30 m. Pas de continuation dans la division. Dans des expériences toutes récentes, Hertwig a obtenu par le froid des modifications assez curieuses. Toutes les parties achro- matiques des figures de division disparaissent, les portions chro- matiques seules résistent. Par l’action de la chaleur, les premières réapparaissent (*). J'ai obtenu des résultats analogues, mais pas (1) O. HERTWIG, Æxperimentelle Studien am thierischen Ei vor, wihrend und nach der Befruchtung. (JENA. ZEITSCHRIFT, 1890, Bd XXIV, p. 268.) V. ref. in NATURWISS. RUNDSCH. IN BRAUSCHWEIG, juin 1890, n° 25, pp. 328-330. ToME III, 1891. SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC., DE LA CARYOCINÈSE. 375 par l'action du froid ; il est vrai que je n’ai pu faire des expériences à un froid aussi considérable. Par l’action de la chaleur, j'ai obtenu, comme nous l'avons vu, la division du noyau sans forma- tion de phragmoplaste et, comme conséquence, pas de mem- brane. L'observation est isolée : on ne peut donc pas en tirer de conclusions générales. Dans des expériences récentes, comme je l’exposerai plus loin, j'ai remarqué que des Desmidiées en division à des températures basses ne formaient pas de nouvelle membrane, le noyau se divisant normalement. Comme nous le voyons, le noyau soumis à des degrés de chaleur différents, ne suit, pour le Tradescantia virginica, la loi générale de l’optimum que pour autant que nous considérions cet optimum très proche du maximum. Ce serait en quelque sorte l'analogue de ce qui se passe pour l’action de la chaleur sur la respiration; la aussi la vitesse augmente constamment avec la température, jusqu’a ce que la mort survienne; la courbe indi- quant le phénomène ne nous montre également aucun retour. La fréquence de la division suit peut-étre aussi la méme marche, car, comme je l'ai dit plus haut, le nombre de divisions paraît augmenter avec la chaleur, mais il ne m’a pas été possible de déterminer la valeur de cette augmentation. La proportionnalité entre la durée des différentes phases peut exister, mais je ne puis établir de lignes complètes, ne possé- dant pas de points de repère suffisants. Ce sont d'ailleurs des points assez difficiles à déterminer pour le Tradescantia, car sur le vif une phase passe a l’autre sans donner lieu a des figures bien tranchées. C'est ce fait probablement qui a donné lieu, au moins en partie, aux quelques résultats discordants que nous trouvons dans cette étude. L'action des températures extrèmes paraît néanmoins prépondé- rante sur les premières et les dernières phases de la caryocinèse. Dans le tableau suivant, nous trouvons le détail des expériences ayant pu être suivies pendant un certain temps. Le grand nombre d'expériences qui n’ont fourni que des résul- tats incomplets est cause de ce que je ne puis dresser un tableau Tome III, 1891. 376 E, DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE _ TaBceau VIT. NOMBRE TEMPÉRATURE FIGURE 13 FIGURE 14 FIGURE 19 d'expériences. 89-00 TO°=TE0 130-140 160-170 7 expériences 190-209 ; : h. : » » 2 : : é ; 3 experiences. 200-210 5 expériences. 260-270 é : , ‘ » » : à : : 3 expériences. 309-310 , : : » » à ; By Ine 3 expériences. 359-369 : ! : d : DOUÉ » ; ; A eye 3 experiences 399-400 : : : 5 » » 4 experiences. 2 ae 459-460 xs 3 : » » i : é 3 expériences. (Les chiffres de la première colonne correspondent aux températures d’expé- rience, les trois colonnes suivantes aux heures notées quand se sont présentées les phases figurées sous les numéros 13, 14 et 19 de la planche. Les lignes hori- zontales montrent les durées observées successivement sur une même cellule.) te a Fee * > POS à or Ksénle en ee LA 75 © PA ake c Fes OES + mer Te & ics TABLEAU IX. Graphique résumant la durée de la division caryocinétique (noyau de Tradescantia ). Courbes représentant la duree totale de Ba eC SE ee La lugne horvzontale inde les z PECL] eee et à er heures. CELE) eee cere te dust La courbe b porurllee et ivcomplete la duree Be SE NT) PORN ieee ee LISTEN. 72 dE AIS PL CPIPINNE NS BUELL) en ce RHONE HTC DM T ENT EE ETC EN EERE ST EUR LC LC LEE US PLAN PAP EN ne 8 ee ae DEEE LOU EE EE HE pe Be ie SUN EET REET PE DONNE CNT ON TU ML [LITE LMANE HDI LIT || A CCIE NCC CICIEE IEEE ISSCC EPR CUTIE TT TTT TIT ES RENAE SUPE TTT AE RRQ he ere 9° 10° 17° 12° 13° 14° 15° 16° 17° 18° 19° 20° 270 22° 230 240 25° 26° 27° LS 29° 30° 31° 32° 339 34° 449 G60 S7° 8° 39° 40° UI? 47° a3 due 65? 46° 47° à lié Tome III, 1891. SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC., DE LA CARYOCINÈSE. 27 complet du temps qui s'écoule entre deux phases successives. Nous ne pouvons, en effet, déduire du tableau précédent que les quelques chiffres suivants, qui sont, comme on pourra le voir, souvent en désaccord avec la durée totale de la division cellu- laire. TaBLeau VIII. DUREE DE LA PHASE TEMPERATURE figures 13 et 14. 80-90 1 heure. 130-140 55 minutes. 16-170 50 ues 19°-20° 47 = 249-250 15 Le 359-369 beurre 39°—400 20 > 459-460 ne = Le tableau graphique IX résume les observations précédentes et nous permet de les comparer. mr COSMARIUM. Avant d'exposer le résultat des expériences relatives à l’action de Ja chaleur, il sera nécessaire de donner la description de la forme étudiée et de sa division. Le Cosmarium qui a servi à faire mes observations, est relative- ment petit. Son diamètre est d'environ 18 p, sa hauteur de 25 pu; il est constitué par deux hémisomates ovales, un peu tronqués. Il possède de la chlorophylle qui, vue de face, remplit toute la cavité TOME III, 1891. 376 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE de l’hémisomate, et présente dans son intérieur un pyrénoide entouré de grains d’amidon. Vu par la partie supérieure de la cel- lule, le chromatophore est échancré de chaque côté. Entre les deux hémisomates, dans la portion qui les relie entre eux, est logé le noyau. Celui-ci, même à l'état vivant, montre en son centre un nucléole très apparent. Ce noyau présente d'ailleurs le même aspect que celui des autres Desmidiées et de beaucoup de Diato- mées. La carapace de cette forme de Cosmarium est lisse, mais si on l’observe avec un grossissement assez considérable, surtout lorsque l'Algue est privée de son contenu, on remarque un pointillé très fin qui la recouvre complètement. Si sur des matériaux fixés — c'est dans ce cas le liquide de Klei- neaberg qui m'a le mieux réussi, — on fait agir du carmin bora- cique, on obtient une belle coloration du noyau. On peut alors, après un lavage suffisant, passer les cellules petit à petit dans la glycérine concentrée qui constitue un bon milieu d'examen. Par ce réactif, on trouve le nucléole fortement coloré en rouge, le reste du noyau étant simplement rosé. Le mode de multiplication le plus ordinaire chez les Desmidiées est, comme on sait, la réduplication, c'est-à-dire une division cel- lulaire. La conjugaison paraît, du moins pour l'espèce qui nous occupe, et pour les Cosmarium en général, se faire moins fréquem- ment que dans d’autres groupes, par exemple chez les Closterium. lle ne se fait d'ailleurs que dans les conditions peu favorables au développement, et est un mode de conservation de l'espèce et non de multiplication. La réduplication a fait l'objet de plusieurs études. De Bary, dans son travail sur la famille des Conjuguées (°), a figuré et décrit la division du Cosmarium Botrytis. Dans un mémoire tout récent de Klebahn (°), il est fait mention de quelques phases de cette réduplication chez une forme voisine de ce Cosma- rium. Mais dans aucun des deux travaux, nous ne trouvons de (1) DE Bary, Untersuchungen über die Familie der Conjugaten, pl. VI, fig. 1-3. (2) KLEBAHN, Studien über Zygoten. 1. Die Keïmung von Closterium und Cosma- vtum. (JAHRB. F WISSENSCHAFT, Bd XXII, p. 415, pl. XIV, fig. 29-30.) Ë . Tome III, 1891. SUR LA MARCHE, LA DUREE, ETC., DE LA CARYOCINESE. 379 données relatives a la température, et méme les durées ne sont souventindiquées que pour une ou deux phases successives. Aucune des descriptions si nombreuses de réduplication, relatives aux autres Desmidiées appartenant au mème groupe que les Cosma- rium, n’est accompagnée de déterminations de durées, corres- pondant a des températures données. Les seules Desmidiées pour lesquelles nous possédions encore quelques données relatives a la durée de la division sont les Closterium, sur lesquels je reviendrai plus loin. Dans l’Algue qui a servi à mes expériences, la division s'accom- plit de la manière suivante. Les deux hémisomates s’éloignent petit à petit l’un de l’autre; dans la communication qui les relie entre eux, se trouve le noyau qui reste pendant assez longtemps dans son état normal. Au moment où cette communication revêt la forme que j'ai représentée dans la figure 15, planche II, se passent les premiers phénomènes de la division nucléaire, par caryocinèse. Mais ces phénomènes ne peuvent être suivis sur le vif, même sur des échantillons fixés et colorés, ils sont encore souvent très difficiles à interpréter. Ce dont j'ai pu me convaincre, c'est qu’au moment où la portion cellulaire qui relie les deux hémisomates primitifs est renflée en tonneau, la masse colorable qui dérive sans aucun doute du noyau (nucléole?), se trouve disposée suivant le diamètre, présentant l'aspect d’une plaque nucléaire. On peut dans certains cas distinguer nettement des stries disposées dans le sens du grand axe de l'Algue; stries qui sont les fils achromatiques du fuseau. Puis il y a attraction d’une portion de la plaque colorable, vers chacun des hémisomates: il se forme ainsi deux masses allongées qui se colorent fortement par les réactifs colorants. En même temps que se fait ce transport, une membrane commence à appa- raître. La membrane paraît se former comme chez le Spirogyra, d'une façon centripète. Avant son apparition, on voit dans la partie cellulaire qui relie les deux cellules au point où elle naîtra, une grande quantité de microsomes en mouvement qui cachent le contenu. Le noyau alors se reconstitue et l’on peut en suivant la division sur le vivant, peu de temps après que la membrane a TOME II], 1891. 380 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE apparu, voir les deux noyaux contenant chacun leur nucléole, logés dans chacune des moitiès de l'isthme divisé. Les deux noyaux filles restent dans le voisinage de la paroi qu'ils ont servi à former. Les deux nouvelles demi-cellules continuent leur accroissement; on voit d’abord s'écouler le protoplasme charriant des granules en mouvement, puis le chromatophore pénètre à son tour dans le nouvel hémisomate. Dans la forme à un seul pyrénoïde, et à une seule plaque de chlorophylle, telle celle que j'ai étudiée, la pénétration se fait par un glissement contre les parois de l’isthme, de sorte que l’on voit apparaître la chlorophylle sous forme de deux proéminences laté- rales. Vers ce moment, le nouvel hémisomate a déja presque acquis sa forme et sa grandeur définitives; sa membrane est cependant encore plus mince que celle de la cellule primitive. La chlorophylie, en pénétrant plus avant, pousse de plus en plus le noyau vers la jeune paroi, contre laquelle il est appliqué. Quand la plus grande portion du chromatophore est introduite dans le nouvel hémisomate, on voit pénétrer a son tour le pyré- noide qui provient de la division directe de celui qui existait dans la demi-cellule primitive. Cette division peut se faire quelquefois avant la pénétration de la chlorophylle, d’autres fois au moment méme ou le pyrénoide devra être transporté. On le voit alors s’allonger, prendre une forme en biscuit, s’étrangler progressivement, jusqu’à ce qu’il se divise, emportant avec lui dans la nouvelle moitié cellulaire une partie des grains d’amidon de la moitié la plus ancienne. Le pyrénoide en place, la plaque chlorophyllienne se scinde, laissant l’isthme libre, prêt à recevoir le noyau. Celui-ci, qui reste encore souvent pendant assez longtemps accolé à la paroi de for- mation récente, voyage en glissant le long de la membrane et vient occuper sa position normale, où il reprend la forme carrée avec au centre son gros nucléole. Puis les deux Cosmarium se séparent et continuent individuellement leur cycle d'évolution. Pour les Cosmarium à deux pyrénoïdes, les phases de la divi- sion sont les mêmes; je n’ai pu les suivre sur le vif, mais sur des échantillons fixés et colorés j'ai pu me rendre compte des phases Tome III, 1801. SUR LA MARCHE, LA DUREE, ETC., DE LA CARYOCINESE. 381 qui se succèdent. La forme dont j'ai pu ainsi étudier la réduplica- tion, a beaucoup d’analogie avec le Cosmarium Bolrytis et celle sur laquelle Klebahn (*) a pubiié son travail relatif aux zygospores. Chez cette espèce, j'ai toujours vu les pyrénoides divisés avant leur transport vers le nouvel hémisomate. Le pyrénoide est relativement assez considérable et entouré d'une forte couche d’amidon. Le chromatophore est dans chaque hémisomate divisé en deux parties, laissant entre elles un vide, dans lequel on remarque souvent les corpuscules mouvants que Fischer a fait observer. Une question assez difficile à trancher est celle de savoir a quel moment on doit considérer la réduplication comme terminée. Est-ce à l'instant ou les deux cellules se séparent d’elles-mémes, ou au moment où les noyaux ont repris leur position, au centre de la cellule? C’est à mon avis ce dernier point qui est l'indice de la fin de la division. J'ai vu en effet fréquemment deux cellules qui venaient à peine de se diviser et qui étaient encore réunies, subir chacune d'entre elles une nouvelle division. Ce fait de rester soudées, même longtemps après la division, dépend probablement de causes extérieures. Je dois faire observer ici que la forme étudiée était entourée d'une gaine gélatineuse, qui réunissait les cellules en masses souvent assez compactes. C’est probablement à la suite de modifications subies dans cette gaine que ces Desmidiées se séparent plus ou moins vite après leur division. On observe fréquemment des hémisomates de formes anomales ; tous les auteurs qui se sont occupés de l'étude de ces Conjuguées en ont figuré, sans toujours se rendre compte de leurs origines. Jacobsen (*) a fait une classification de ces modifications. Dans l'espèce qui nous occupe, j’en ai observé plusieurs. C'est ainsi que la division du noyau accomplie, il ne se forme pas de membrane pour séparer les deux nouveaux hémisomates; on se trouve alors (7) KLEBAHN, Loc. cit., pl. XIV, fig. 28. (2) JACOBSEN, Aperçu systématique et critique sur les Desmidiacées du Danemark. (JOURN. BOT. DE LA SOC. DE COPENHAGUE, 1874-1876, p. 143.) ToME*IIl, 1891. 382 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE en présence d'une cellule dont les deux extrémités sont consti- tuées par les deux moitiés primitives, réunies par une portion arrondie ou rectangulaire, d'un diamètre plus ou moins considé- rable que celui des hémisomates qui lui ont donné naissance. Dans cette portion, nous trouvons les chromatophores et les pyrénoïdes disposés comme dans le Cosmarium normal. D'autres modifications peuvent encore se présenter ; les hémiso- mates peuvent être disposés en croix l’un par rapport à l’autre, ou l'isthme peut être considérablement agrandi. Ces aspects anor- maux se présentent souvent dans la réduplication. Dans mes cultures sur porte-objet, j'ai vu fréquemment ces dispositions en angle droit prendre naissance, sans pouvoir déterminer les causes intervenant dans cette modification. Les figures 8, 10, 11, 13 de la planche II montrent quelques-uns des nombreux cas de déformation cellulaire que l’on peut rencon- trer. Dans le travail de Klebahn (*), nous trouvons des figures analogues. Le premier cas cité est peut-être en rapport avec la tempéra- ture. En effet, il s'observe surtout lorsque la chaleur, reçue par l'organisme, a été peu considérable. J'ai surtout remarqué ces états sur des cellules qui s'étaient divisées la nuit a des températures voisines, si pas inférieures à zéro degré. Ce fait serait en rapport avec les expériences dont Hertwig (*) a publié les résultats dans le Jenaische Zeitschrift, et qui consistent dans la disparition par le froid de toutes les portions achromatiques de la figure caryociné- tique; par conséquent, il n’y a pas formation de membrane. Je n'ai pu faire des expériences directes a ce sujet. Ce qui est certain, c’est que le nombre de divisions que l’on peut observer est beaucoup moins considérable quand on examine ces Desmidiées à des températures basses, que lorsque les observations sont faites à un degré voisin de l’optimum. A l’époque où j'ai fait mes expériences, je n'ai pu voir qu'un petit nombre de divisions se produire la nuit, la température descendant vers o°: tandis que (1) KLEBAHN, Loc. cit., pl. XIV, fig. 41. (7) Hertwie, Loc. cit. Tome III, 1891. SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC., DE LA CARYOCINESE, | 383 pendant la journée, a partir de 8 heures du matin, je pouvais observer des réduplications nombreuses. Ce nombre paraissait étre en rapport avec l’accroissement de la temperature; mais ici non plus, pas plus que pour le Spirogyra et le Tradescantza, je n'ai pu calculer la valeur de cette augmentation. J'ai pu d'ailleurs souvent me convaincre de l'action très énergique qu’exerce la cha- leur sur la division du Cosmarium. En plaçant sur la platine du microscope une culture de l'Algue, à une température de 24°, l'on ne voyait au commencement de l'expérience aucune prophase de division, mais au bout de peu de temps, plusieurs cellules étaient prêtes à servir à l'étude de la division. J'ai pu ainsi observer jusqu’à cinq cellules dans le même champ du microscope avec un grossissement de 300 diamètres environ. Si, comme nous l’avons vu, la chaleur exerce une action favorable sur le phénomène de la division cellulaire, et le froid une action opposée, il ne faut pas en déduire que ce dernier agent est con- traire aux phénomènes vitaux : il les retarde simplement. On peut, en effet, congeler l'eau qui contient ces Desmidiées sans que pour cela il se produise à l'intérieur de la cellule une modification importante. Les mémes cellules, placées ensuite à une tempéra- ture convenable, peuvent très bien se diviser et se développer comme à l'ordinaire. Le froid est beaucoup moins nuisible que la dessiccation, qui détruit complètement la structure interne ; aussi une immersion dans l’eau, même à des températures favorables, ne rend plus la vie à ces Algues. Je ne puis fournir des durées exactes pour la division totale de ce Cosmarium : il ne m'a pas été possible de suivre une réduplica- tion complète. Tout ce que je puis signaler relativement à ce sujet, c'est que, à une température variant de 10° à 11° C., la réduplication exige au delà de sept heures, et que entre 15° et 16°, elle demande encore plus de six heures pour les mèmes phases. Dans un travail publié par Douglas Campbell, dans le Bulletin du Torrey Botanical Club ('), sur la division cellulaire en général, (1) Doucias H. CaMPBELL, Studies in cell-division. (BULL. TORREY. Bor. CLUB, mai 1890, p. 117, pl. CII, fig. 9.) Tome III, 1891. 384 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE l'auteur nous dit, à propos de la réduplication d'une forme de Staurastrum : « The whole process under proper conditions is completed in about two hours, but care must be taken that the tem- perature of the water in which thespecimen is mounted is about the same as that from which it is taken. A marked rise of temperature is apt to kill the cells.» Il est regrettable que l’auteur ne nous donne pas de plus amples détails sur la durée et sur les conditions propres a fournir ce résultat. Par le calcul, nous obtenons dans les experiences qui ont servia ce travail une valeur d’environ deux heures a 24° pour les mémes phases qui nous ont demandé six et sept heures aux températures indiquées plus haut. De Bary, dans son étude sur les Conjuguées, nous donne quelques durées relatives à certaines phases de la division chez le Cosmarium Bolrytis (*); mais ici non plus, nous ne trouvons d'indication quant au degré de chaleur auquel les expériences ont été faites. Ces renseignements ne peuvent donc servir à nous faire connaitre les rapports qui existent entre la température et la durée de la division cellulaire. J'ai pu déterminer, par un grand nombre d'expériences, la durée de certaines phases. Le choix de ces phases est assez difficile, car on ne peut se baser sur des caracteres tirés du noyau, celui-ci n’étant, dans la plupart de ses transformations, pas visible sur le vif. J'ai pris, après bien des tatonnements, comme points de compa- raison les stades suivants : pour une premiere série d’expériences, le temps qui s’écoule entre les phases représentées dans la plan- che II par les figures 3 et 5; pour une deuxieme série, la durée des phases figures 2 et 3, et pour une troisième série, très incomplete, la durée employée par l’Algue pour passer de la forme figures 1 et 3. Ces trois séries ont fourni des résultats tres comparables entre eux, qui se trouvent consignés dans les tableaux suivants : (*) DE Bary, Loc. cit., pp. 86 et 87. Tome III, 1891. SUR LA MARCHE, LA DUREE, ETC., DE LA CARYOCINESE. 385 TABLEAU X. Durée de la phase, planche Il, figures 3 à 5. NOMBRE d'expériences. TEMPÉRATURE |10°-11°|15°-16° ! | 2h. 40/2h.15|1h.35|/rh. 15 50 m.|40 m. 45 m.|45 m.| rh. 5| 1h. 30 2h. 45|2h, 13 1h. 25/50 m.|40m.|4o m.|45 m.| 50m. | 3 h. 15 1 h. 10/55 m.|4om.|45 m.|50 m.| 50 m. Th. 15/55 m.|40 m. 50 m. Ih. 20/55 m.j40 m. | 155 Mm.|45 m. 60 m.|45 m. TABLEAU XI. Durée de la phase, planche II, figures 2 à 3. NOMBRE d'expériences. TEMPERATURE. | 100-110 | 159-160 220 | 240 ec | | - Y LU Ts Et Le 30 m. |30 m.|30 m.[35 m.|40 m.|45 m. Ih. 30 25 m. |20 m.|25 m. Phe 35 35 m. |25 m.|20 m. 35 m. |30 m.|20 m. 35 m.|25 m. 25m. Tome III. 25 Tome III, 1891. 386 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE TABLEAU XII. Durée de la phase, planche II, figures 1 à 3. NOMBRE d’experienc: s. 55 m. 4h. 20m. Dans ces tableaux, la premiére ligne horizontale nous indique le nombre d’experiences; la seconde, les températures auxquelles les observations ont éte faites; enfin les colonnes sous ces chiffres donnent les durées en heures et minutes de la phase inscrite en téte du tableau. Un nombre bien plus considérable d'expériences a été fait, mais plusieurs n’ont fourni que des résultats partiels qui ne peuvent être utilisés. Les tableaux X et XI, qui exposent le détail des expériences, peuvent être réduits, et nous obtenons, en prenant la moyenne des résultats, les durées suivantes : TaBLeEau XIII. Résumé du tableau X. DUREE DE LA PHASE TEMPERATURE. SR figures 3 à 5. 10°-11° | 2 h. 43 m. 152-160 ry Vales ius) ioe 18° Th. 35 1m; 209 1 h. 16 m. 220 54 M. 24° 41 m. 26° 43 m. 28° 47 m. 309 50 M. 34° 2 hes me ON Ng SE ae | PA MAT n oe) a da PRE SEPT PO RE" ee à TE es a a, | ———— — J Fae ve OL oF 092 WC oËc coe 0 0 of! 0. 7 ol GL où OE! od! - oll oO on . “ = à S ; ps 5 \ . z > 2 i | APOUUON dore PLN aun X “4, 2VAgD) MP SPA? 9 79 10210) ND 021177) é q $2) 4 ‘JJN DAG) NP S2011D 597 APUISILBIL © AQMNOI DT \ ‘SIMMIY UO SOTINP SAP DAVIS UI Nad sub ry «rrapoyp ip seasbap say anbyna arpomsey aubn v7 q UOISIND Ip s050yd SIUTD]LII AP 09.11 V} FUDJUISILIOA SAQING ) “UINILLUISOD NP JA1P[NI[99 UOISTAIP P| op soseyd sonbjonb op voanp ey yuRuinsos anbrydeay AN AE BG es a Tome III, 1891. SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC., DE LA CARYOCINESE. 387 TABLEAU XIV. Résumé du tableau XI. DURÉE DE LA PHASE TEMPÉRATURE. figures 2 à 3. 109-110 1 h. 40 m. 159-160 1 h. 15 m. 18° 38 m. 20° 31 M. 220 28 m. 24° 24m. 26? 35 M. 280 40 m. 30° 45 M. 34° 2h Comme nous le voyons par l'inspection des deux tableaux préce- dents, il y a un optimum très marqué vers 24°. Dans ce cas, l’optimum paraît constant; il est le mème pour les trois séries d'expériences. Le tableau graphique ci-contre nous mon- tre de la façon la plus nette cet optimum; il nous montre en outre queles courbes bet c, qui sont le résumé graphique des tableaux XIII et XIV, suivent les mêmes variations. La courbe a, qui est donnée par les résultats exposés dans le tableau XII, nous montre, quoique très incomplète, une allure semblable à celle que présentent les deux autres, si nous en excep- tons une durée exceptionnelle qui s'est présentée dans une expérience à 20°. Ce résultat, qui s'éloigne fortement de la marche régulière du phénomène, est dd probablement à l’action de causes internes, qu'il ne m'a pas été possible de définir. Les résultats obtenus sur le Cosmarium correspondent donc complètement avec ceux que j'ai exposés dans le paragraphe TOME III 180. 388 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE relatif au Spirogyra. Pour cette dernière espèce, la température optimum variait entre 12° et 14°; pour le Cosmarium, elle se trouve vers 24°. Dans les deux cas, nous obtenons une augmentation de durée dans les phénomènes de division, en augmentant ou en diminuant le degré de chaleur. Il paraît donc y avoir chez cette espèce, de même que chez le Spirogyra, un minimum dont le degré exact n’a pu être déterminé, et un maximum auquel je ne suis pas arrivé dans mes séries d'expériences. La température de 34°, à laquelle je n’ai pu faire que quelques observations, ne doit cependant pas être très éloignée de ce maximum, car il n’est pas probable que ces Algues supportent un degré de chaleur beaucoup plus élevé. D'ailleurs, dans mes cultures à 34°, l’on observait une désorganisation accusée chez un assez grand nombre de cellules, après un séjour de quelques heures dans l'eau à cette tempé- rature. | L’optimum que nous trouvons à 24° est en rapport avec les conditions dans lesquelles ces Desmidiées vivent. Le spirogyre vit surtout dans les eaux dont la température ne dépasse pas de beaucoup l’optimum de 12°-14°, et si par suite de conditions acci- dentelles qui se réalisent parfois dans la nature, souvent dans les laboratoires, on vient à élever le degré de chaleur de l'eau dans laquelle sont cultivés les Spirogyra, on voit une désorganisation rapide s’ensuivre. La Desmidiée que j'ai étudiée, et la plupart d'ailleurs des formes de ce groupe, possède au contraire un mode de vie assez diffé- rent. Elle végete beaucoup mieux sous l’action directe des rayons solaires, dans des flaques d’eau peu profondes, la où l'eau peu renouvelée atteint une température beaucoup plus élevée que celle des ruisseaux et des fossés où vivent d'habitude les spirogyres. Les résultats obtenus dans cette étude sur le Cosmarium prou- vent donc que dans l’action de la chaleur sur la réduplication on peut trouver un maximum, un optimum et un minimum. Tome III, 1891. SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC., DE LA CARYOCINESE. 389 IV CLOSTERIUM Les observations que je puis présenter ici quant à l'action de la chaleur sur la division cellulaire dans ce groupe, sont extrèmement réduites. Quant à la division et à la constitution même de l’Algue, il y a quelques points sur lesquels je voudrais attirer l’attention. L'espèce principalement étudiée est une forme analogue à celle que présente le Closterium Ehrenbergii. J'ai également eu l'occasion de voir d’autres espèces, telles que Closterium acerosum et quelques formes voisines du Closterium Letbleinit et Dianae. Les Closterium présentent, comme on sait, a chaque extrémité de la cellule, une vacuole qui contient un plus ou moins grand nombre de cristaux animés d'un fort mouvement. Dans le cas général, cette vacuole est unique à chaque extrémité. Dans certains cas, j'ai pu en observer deux, disposées l'une au-dessus de l'autre, sans qu’il m’ait été possible de déterminer l’origine de cette seconde vacuole. La chlorophylle se trouve disposée en deux portions symétriques, séparées par un espace clair qui contient le noyau. Cet espace prend des aspects différents, suivant les espèces que l'on considere. Il faut naturellement prendre pour la comparaison des échantillons qui ont atteint leur complet développement, car, comme nous le verrons plus loin, pendant la division cet espace se modifie considérablement. 4 Le noyau des Closterium est du mème type que celui des Cosma- rium et des Spirogyra. Il est formé par une masse arrondie ou rectangulaire, contenant un gros nucléole central. Le noyau n’emmagasine presque pas de substance colorante; le nucléole, au contraire, en est très avide et se teinte fortement, quel que soit le réactif qu’on lui présente. Les meilleurs résultats de coloration ont été obtenus avec le carmin et la picro-nigrosine, Après avoir fixé l’Algue soit par l'alcool, ou mieux par l'acide chromo-acétique, on colore par le Tome III, 1891. 390 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE carmin, d'où, après lavage, on passe graduellement par les alcools de plus en plus concentrés, pour arriver à l'essence de girofle ou à l’huile de cajeput, et de la on porte l’Algue dans le baume de Canada. Jai pu ainsi obtenir des préparations montrant fort bien la consti- tution nucléaire. Cette constitution est d’ailleurs, d’après les observations que j'ai pu faire, la même que celle des autres Desmidiées, de beaucoup de Conjuguées et probablement aussi des Diatomées. Dans les noyaux des Mesocarpus, Zygnema, Zygogonium, on retrouve toujours au milieu d'une masse claire un nucléole forte- ment coloré, très apparent (°). Il est fort probable que l’on se trouve en présence, chez ces orga- nismes, d'un noyau spécial, comme le veulent Carnoy et ses élèves. Dans toutes les préparations durables que j'ai faites de ces Clos- terium, j'ai trouvé le noyau sous la forme décrite. Mais si l'on consi- dère un Closterium vivant, il se présente souvent dans l’intérieur de la masse nucléaire des variations considérables. C’est, je crois, le seul cas de variations qui ait été signalé. Le noyau de Spirogyra paraît présenter quelquefois des modifications analogues; le professeur Errera a observé des changements dans l’état du nucléole chez ces Algues, mais n’a pas publié le résultat de ses observations. Dans son travail sur la division du Closterium, Fischer (*) a décrit et figuré les variations du nucléole. J'ai moi-même pu voir des modifications analogues. Dans le cas ordinaire, le nucléole est arrondi, mais dans d’autres, la masse centrale est granuleuse et de forme indéterminée. On l'observe même parfois sous l'état de petites sphérules, réunies ou séparées les unes des autres. (*) Voyez pour le noyau : GAY, Monographie locale des Conjuguées, p. 14, fe. pl'retz: Bulletin des séances de la Soc. belge de microscopie, t. VI, p. LxxI. (2; FISCHER, Ueber die Zelltheilung der Closterien. (BOT. ZEITUNG, 1883, n° 14.) Tome III, 1891. SUR LA MARCHE, LA DUREE, ETC., DE LA CARYOCINESE. 301 Le nombre de ces dernières peut aller en diminuant par la fusion ce plusieurs d'entre elles. J'ai pu suivre plusieurs fois ces stades sur différents noyaux. Chez le Closlerium acerosum, le noyau se trouve disposé dans une portion centrale sphérique, et est entouré de toutes parts par la chlorophylle. Mais dans d'autres espèces, le noyau est libre, et dans ce cas il prend la forme que nous lui avons vue revêtir chez les Cosmarium, c'est-à-dire qu'il se présente sous l'aspect rectangu- laire rattaché aux chromatophores par des tractus protoplasmiques. Si par une cause quelconque ces tractus se brisent, le noyau s’arrondit au centre de l'espace vide. Dans les petites espèces du genre, et surtout chez celles fortement courbées, le noyau est beaucoup plus allongé, plus étiré. L'espace privé de chlorophylle est alors plus large, et la masse nucléaire souvent appliquée contre la membrane. De la conjugaison, il n’y a pas grand'chose à dire : ce mode de reproduction a été fréquemment étudié. On sait qu'il a lieu entre deux cellules issues d’une division récente. J'ai pu l’observer chez deux espèces, Cl. acerosum et Cl. Ehrenbergii. Chez ce dernier, le renflement qui se forme sur le côté interne de la fronde est avant la conjugaison encapuchonné dans une zone mucilagineuse. Sous l'action de l'iodure de potassium ioduré, cette masse prend une coloration jaune-brun pâle. Dans la zygospore, les grains d’amidon, au lieu d’être comme dans la cellule répartis autour d’un pyrénoïde, sont disséminés dans toute la masse, qui prend ainsi sous l'action de l'iode une coloration bleue intense. Je n'ai pu observer une division complète chez le Closterzum. Il ne m'a été possible de suivre la réduplication qu'à partir du moment où le noyau est déjà divisé et la nouvelle cloison comple- tement terminée. Fischer a décrit quelques phases qui précèdent cet état; il est fort probable que pour ce qui concerne le noyau et la membrane, les phénomènes se passent de la même façon que chez le Cosmarium. Tome III, 1891. 392 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE Hauptfleisch a également étudié la division chez les Desmidiées (*). Son travail porte surtout sur la structure de la membrane et sur la constitution de la gaine, plutôt que sur les phénomènes intimes de la division nucléaire et cellulaire. Il y a cependant une phase que Fischer n’a pas signalée et qui paraît être préparatoire à la division : c'est le commencement de la fragmentation des chromatophores. J'ai observé souvent les masses de chlorophylle étranglées, le noyau se trouvant encore au milieu de la cellule. Le Closterium se trouvait ainsi sous l’aspect figuré planche II, figure 19. Dans mes nombreuses cultures, je ne suis pas parvenu à suivre pendant assez longtemps une cellule pour savoir quel est le temps qui s'écoule entre le stade signalé plus haut et une des phases de division bien connues, ni pour pouvoir déterminer si un Closte- rium, se présentant sous cet aspect, continuera à manifester les autres phénomènes de réduplication. On trouve généralement dans les Algues à cet état une grande quantité de microsomes dans la zone transparente. Focke (?) a, dans ses Etudes physiologiques, figuré un Closterium présentant le mème aspect. Une structure analogue se remarque aussi chez le Penium interruptum. Dans ses Untersuchungen, De Bary (*) nous dit à ce sujet : « Die Theilung des Inhalts geht der Querwandbildung lange vorher. Sobald die Trennung der beiden Tochterzellen beginnt, wachsen die abgestutzten Chlorophyllkorper ihrer einander zugekehrten Hälften mit der Wand zur Form der ausgebildeten Zelle heran. Mit Vollendung dieses Wachsthumsist die Vacuolein dem neugebildeten Ende sichtbar ». Fr. Gay, dans sa Monographie des Conjuguées, a fait allusion à (© HAUPTFLEISCH, Zel/lmembran und Hiillgallerte der Desmidiaceen. Greifswald, 1888. (?) Focxe, Physiologische Studien, erstes Heft, pl. III, fig. 10. (3) DE Bary, Loe. cit., p. 46 pl. V, fig. 1-4 Tome ILI, 1891. SUR LA MARCHE, LA DUREE, ETC., DE LA CARYOCINESE, 393 ces cas particuliers,en exposant sommairement les différents modes d’accroissement des cellules après leur division (*). Une fois la membrane transverse achevée, le noyau voyage du centre de la figure vers les extrémités et vient se placer a l’endroit ou a commencé l’'étranglement du chromatophore. En même temps se font, au point de jonction des deux nouvelles cellules, un étranglement et une disjonction. Dans les deux bouts incolores, l’on aperçoit un fourmillement très actif des microsomes, et l'on voit apparaître bientôt la vacuole terminale. Je n'ai pu suivre cette apparition, mais il m'a paru qu’elle naissait autour de cristaux au sein du protoplasme, et non d'une fragmentation d'une vacuole préexistante. Les vacuoles primitives sont restées sans changement aux sommets des cel- lules. Pendant que se passent ces différenciations, la masse de chloro- phylle continue à s’étrangler, et le noyau reprend petit à petit une position centrale, telle que celle qu'il possédait dans la cellule mere. A une température variant entre 16° et 17° C., la division demande, à partir du moment où la cloison est formée et le noyau situé dans l'étranglement, jusqu’au stade où les deux cellules se séparent, deux heures et vingt minutes. Mais à cet état, le noyau n’a pas repris sa position centrale. I] m’a fallu deux heures cinquante minutes à trois heures cinquante minutes d'observation, pour voir reprendre par le noyau sa situa- tion médiane. Cette durée est très variable, elle diffère même entre les deux cellules issues d’un même Closterium. Fischer a déterminé des durées, mais elles se rapportent à la croissance de la cellule même. Quelques données cependant sont signalées dans son travail, pour Ja phase qui s'écoule entre la consti- tution de la membrane et l'état arrondi des jeunes extrémités cellulaires. Mais ces durées ne se rattachent pas entre elles, ni à celles que j'ai eu l'occasion de déterminer. Il n'est d'ailleurs pas fait (1) FR. Gay. Æssai d'une monographie locale des Conjuguées, pp. 23-24. TOME III, 1891. 394 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE mention des températures auxquelles les observations de l’auteur ont été faites. Quelles sont les conclusions que nous pouvons tirer de l'exposé des expériences précédentes ? Comme pour les autres phénomènes physiologiques, l’action de la chaleur est manifeste dans la division nucléaire ou cellu- laire. Nous avons vu qu’au-dessous d’une certaine température, le phénomène ne s'accomplit pas, du moins dans sa totalité; nous avons trouvé un point pour lequel le phénomène s’accomplit le mieux et, enfin, un point au-dessus duquel la chaleur empêche la marche régulière de la caryocinèse ou de la division cellu- laire. Pour le Spirogyra, étudié dans les conditions signalées plus haut, loptimum se trouve vers 12°; pour le Tradescantia virginica (forme décrite plus haut), il se trouve entre 45°-46° C., très proche du maximum, et pour le Cosmarium vers 24). En outre, on voit que ces points varient d’une plante à l’autre, les exemples qui ont servi aux expériences nous le prouvent. Il est vrai que, de prime abord, ce fait était à prévoir, les conditions de milieu dans lesquelles ces plantes végètent étant totalement diffé- rentes. Ces premières recherches sont nécessairement encore incom- plètes, mais la difficulté de l’expérimentation est également fort grande. Chez le Spirogyra et le Cosmarium, le temps demandé par une division est très long, et aux températures basses il est presque impossible de suivre une division complète; chez le Tradescantia, la division n’a pu être suivie que pendant les mois d'été. La durée de la division nucléaire et cellulaire est donc en dépendance directe des facteurs suivants : 1° espèce, 2° tempéra- ture. La lumière n’a aucune action directe sur le phénomène dans les cas étudiés. Je ne puis terminer cet exposé sans remercier le professeur ToME III, 1807. SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC., DE LA CARYOCINESE, 395 L. Errera. C’est dans son laboratoire que les expériences qui ont servi de base à la rédaction de ce travail ont été entreprises, et c'est grâce aux conseils qu'il n’a cessé de me donner, que j'ai pu commencer l'étude de l'action de la chaleur sur la division du noyau. Novembre 1890. Laboratoire d'anatomie et de physiologie végétales de l'Université libre de Bruxelles. TOME III, 1891. 396 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE EXPLICATION DES PLANCHES PLANCHE I. Fic. 1-12. — Phases différentes d’un même noyau de Spirogyra, prises sur le vif. Fic. 13-19. — Phases différentes d’un même noyau de 7radescantia, prises sur le vif. Ogs. — La figure 13 représente la phase à partir de laquelle je compte le commencement de la division. Fic. 20. — Noyau de 7radescantia au repos, dans une cellule adulte. PLANCHE II. Fig. 1-18. — Cosmarium. Fic. 1-7. — Phases successives de la division du Cosmarium, observées sur le vivant. Fic, 8-10-13. — Formes anomales dues à la réduplication. Fig. 9. — Cosmarium encore réunis, entrant en division. Fic. 14. — Noyau de l’Algue encore au repos. dans l’isthme déjà agrandi. Fic. 15. — Masse nucléaire transformée, montrant des masses de substance colorable à l'équateur. Fic. 16. — Cosmarium coloré par le carmin après fixation par le liquide de Kleinenberg; au centre, le noyau avec son nucléole. Fic. 17. — Hémisomate contenant encore la chlorophylle, vu par la partie supérieure. Fig. 18. — Cosmarium, vu de profil. Fig. 19-39. — Closterium. Fic. 19. — Closterium, présentant les deux chromatophores échancrés. Fic. 20-21. — Stades de la conjugaison. Fig. 22. — Zygospore, avec zone mucilagineuse. Tome III, 1801. SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC., DE LA CARYOCINESE, 397 Fic. 23-26. — Phases successives de la réduplication. Fic. 23. — 8h. 30m. entre 16°-17°; », 2, sont les noyaux. Fic. 24. — 9h. 20m. — — Fic. 26. — 10 h. 10 m. — — Fic. 27. — Noyau voyageant vers le centre de la cellule. Fic. 28. — Le même arrivé au milieu du Closterium ; les deux masses de chloro- phylle sont complètement séparées. Fic. 29-31. — Formes présentées par le noyau dans différentes espèces de Closterium. Fic. 32. — Extrémité de la cellule du C/osterium acerosum présentant deux vacuoles superposees. Fic. 33-34. — Noyaux à nucléole granuleux et irrégulier. Fic. 35-38. — Transformations successives subies par le nucléole, fig. 35 a 1oh.; fig. 36 à 11 h.; fig. 37 à 11 h. 30 m.; fig. 38 à 11 h. 45 m. Fic. 39. — Noyau à nucléole formé de trois masses. ERRATA OBSERVATION. — Graphique tableau IX. Quelques erreurs sont passées inaperçues dans les lignes a et 6, mais ces erreurs ne modifient pas fortement l'allure de la courbe. Vey | ae oo oe Pe ig ' re a 7 res { À J [a NA) Went 1 AHacha lth. EES 0 0 PI. I. Recueil de l'Institut Botanique de Bruxelles 1 LE. De Wildeman 20 E DeWildenan ad nat del Atfaehia Jith Adacha [ith PI. 11. E De Nildeman. £ De Wildeman ad nat del Alloeha tite L A CICATRISATION CHEZ LES VÉGÉTAUX PAR JEAN MASSART (') SOMMAIRE. CONMUErTATIONS PCNEM MICS alan sey loo) 0... ete. et Monies oes) boa AOE eA TOPE PES ener ce ss) a). a wpa Dep eet oe etch aude Arn COL OBUASTES MER hentia) or irs!’ 3) vce pene “114102 PARA LGULSRE TAM EN MMOS GMs iar De ne | soil 2) IN 407 @) AlSUeS aFamegduae onesie 1. 4. (eee aie HO CRM ONU 6) Algues à rameaux juxtaposés en une lame continue, . . . 405 Ce ALGUES ATH R RER INR SSI ie.) =, ere am Mo at MN) dO) a) Fiondées athallespem complexe. 2 2". Te Eos es 07 8) Floridées et Phéophycées à thalle épais . . . . 3 «= 409 TA GiCrtnisd On SIE DHE s: cs 5 0: 1 ion D AIG 2: GICATISAHONIAVEC TEPeNeration® si. Yai Be ws) ON ANS Dy | CHAMPIGNONS) (Yj COMPRISILES LICHENS). . %) «0 \e fouls) ol RTS ie NBRYOPANEES Et PRERIDOPHYTES |...) 02" ay ae aan Ro (Gerhogkenao Ue <5 En. se. à de ON ac a Got PAT 2a Cicathisation pa epalssissemient Ges PATOIS -) |.) fs) |) ssn 122 (*) Ce travail a paru dans les Mémoires couronnés et autres Mémoires publiés par l’Académie royale de Belgique, t. LVII, 1598. TOME III, 1808. 400 J. MASSART. — LA CICATRISATION — 8 —……. 2 IS V1 a ee 3. Cicatrisation par courbure des parois. . . . . . . . . . 423 4. Cicatrisation avec réparation MO". (s,s 5. Cicatrisation par cloisonnement cellulaire . . . . : . . . 425 TL == PHANÉROGAMES one. ae. EL PEER RE 1, Phénomènes qui accompagnent le début de la réaction . . . . 428 a) Agrandissement des cellules . . . . . . . . . . = 430 8) Amincissement des parois. . +. . - + + . + + - = 432 y) Disparition de Vamidon etides'plastides "OR RE 6) Segmentation des cellules. + - . … + +. +» = = = 433 2. Propagation de l’excitation traumatique. . . - « . . . . 436 3::Comblement des lacunes =<) 2.00. Ae) in yey =) ee 4. Influence des facteurs externes et internes sur le début de la reaction: cicatricielles.) yee.) eee ce ie) asl l=) iyo) (ite) tele foun => me I) Facteursexternes ar) cy ose DEC eet ea on eae ee [hk Pacteursunternes) eee a) cheno) agen RE oars i 197 a) Influence de la spécificité des cellules sur la faculté de réagir. 447 8) Influence de l’âge des cellules sur la faculté de réagir . - . 449 y) Influence de la spécificité des cellules sur la vitesse de la RÉACTIONS TE ME EN CC ee ONE Re RE RE DIE 5. Sort final des cellules cicatricielles MEUM BADE eon tic RSR x) Influence des facteurs internes) ): "NON ONE 6) Influence des fic ETS Externes) 2 SVM M eee RE y) Destinée des cellules profondes + .- : + + + - 1": 458 6) Action lointaine de l'excitation traumatique . . . . - . 460 IV. “RESUME ETICONCLUSIONS.N ES =o... co iat eee een BIBLIOGRAPHIE SCOR n, ac, VE VU CPE ToME III, 1898. CHEZ LES VEGETAUX. 401 CONSIDERATIONS GENERALES. Lorsque les couches superficielles d’un animal ont subi quelque injure, la formation d'une nouvelle surface externe est toujours accompagnée d’inflammation, c’est-à-dire d’un processus qui implique, d’après les idées de beaucoup de physiologistes et en particulier de Metchnikoff (92), une abondante immigration de cellules mobiles vers le foyer de la lésion. © L'absence complète de cellules mobiles chez les végétaux doit nécessairement donner à leurs phénomènes de cicatrisation un cachet tout différent. Ici se sont les cellules zm situ, les cellules pro- fondes mises à nu par la blessure, qui doivent se modifier pour se transformer elles-mêmes en cellules superficielles. Quelque spécia- lisées que fussent leurs fonctions habituelles, les éléments pro- fonds, devenus superficiels, ont maintenant à former une barrière capable de défendre les tissus contre les causes de destruction du dehors, capable aussi de séparer les portions saines de celles qui ont été tuées par le traumatisme. Souvent la lésion a enlevé une grande portion de l'organe, et dans certains cas le point végétatif lui-même a été amputé. Il s'agit alors non seulement de cicatriser la plaie, mais de réparer complètement le dommage qu'a subi l'organisme. Les deux pro- cessus sont en général distincts chez les plantes supérieures ; chez les Thallophytes, au contraire. ils se pénètrent l'un l’autre, et les mémes cellules profondes qui vont devenir cellules superficielles ont en outre la faculté de se développer davantage et de régénérer le membre perdu. C’est donc chez les Thallophytes seules que nous aurons à étudier, en même temps que la cicatrisation, le processus qui Tome III. 26 Tome III, 1808. 402 J. MASSART. — LA CICATRISATION conduit a la réparation intégrale de l’organe lésé. Partout ailleurs, nous nous contenterons d’examiner les modifications cellulaires qui accompagnent la formation des nouvelles assises limitantes. Dans la rédaction définitive de ce travail, j'ai légèrement modi- fié le texte original, de façon à rencontrer les critiques formulées par Errera dans le rapport qu'il a publié sur ce mémoire (*). Mes expériences sur la cicatrisation ont été commencées en 1892, à l’Institut botanique de Leipzig. Depuis lors, elles ont été conti- nuées à Bruxelles et dans divers laboratoires étrangers, surtout à Wimereux (France), a Buitenzorg et Tjibodas (Java). Je suis heureux de pouvoir remercier cordialement Pfeffer, Giard et Treub, ainsi que les nombreux botanistes qui m'ont procuré des matériaux pour mes recherches. LE TRALLOPHYTES. Chez ces plantes, la réaction cicatricielle dépend presque uniquement de la structure du thalle. Tous les Cceloblastes se conduisent de la même façon, que ce soient des Myxomycetes, des Siphoninées ou des Mucorinées. Toutes les Algues filamenteuses (Chlorophycées, Phéophycées ou Floridées) réagissent également d’une manière analogue. Les Algues à thalle massif (Phéophycées et Floridées) forment un troisième groupe. Enfin nous étudierons les Champignons et ies Lichens. A. CŒLOBLASTES. — Lorsqu'un Cceloblaste est blessé, la couche hyaloplasmatique limitante se reforme immédiatement. D’après des recherches de Hanstein (72) et de Strasburger (76, p. 416) cités par H. de Vries (85), la surface mise a nu (d'un Vaucheria) ne se recouvre d'une nouvelle couche limitante et d'une nouvelle mem- brane que si elle possédait au moins une portion de l'hyaloplasme (1) Bulletins de l'Académie royale de Belgique, 3° série, t. XXXII, n° 12, décembre 1896. TOME III, 1898. CHEZ LES VÉGÉTAUX. 403 primitif. Klemm (94, pl. V, fig. 3) a vu également que sur un fila- ment coupé de Derbesia (Siphoninée), les lèvres de la plaie cyto- plasmique se rapprochent jusqu'à la complète occlusion de la bles- sure. [| n’en est pas de même pour les Myxomycètes. Chez eux, Pfeffer (90, p. 123, pl. II, fig. 4) a vu la nouvelle couche d'hyalo- plasme naître sur place, aux dépens du cytoplasme granuleux. Je puis confirmer ces observations, que j’ai eu l’occasion de refaire sur le Fuligo septica et sur le Chondrioderma difforme. B. ALGUES FILAMENTEUSES. — Parmi les Algues dont les cellules sont simplement placées bout à bout pour former des filaments, je n’ai observé de phénomènes cicatriciels que chez celles qui peuvent se ramifier; encore avons-nous affaire plutôt à de la répa- ration qu'à de la cicatrisation proprement dite. Chez les Cyanophycées, et parmi les Algues vertes, chez les Conjuguées, il n’existe pas à proprement parler de réaction cicatri- cielle. Les cellules lésées meurent, tandis que leurs voisines conti- nuent a vivre et a se diviser normalement. On peut à peine considérer comme une réaction cicatricielle le bombement tardif de la membrane transversale mise à nu par le traumatisme. Peut- être est-il permis de parler de cicatrisation à propos des proto- plastes de Spzrogyra que Klebs (88) sépare de la membrane par la plasmolyse et qui s’entourent d'une nouvelle membrane. Dans les Algues a filaments ramifiés, la réaction s'opère diffé- remment suivant que les filaments sont isolés les uns des autres, ou qu'ils se touchent latéralement pour constituer un thalle mem- braneux. a) Algues à rameaux filamenteux libres : Cladophora, Trente- pohlia, rameaux fertiles de Cephaleuros (fig. 1), Ectocarpus, Anti- thamnion (fig. 2). La cellule lésée meurt; la cellule sous-jacente émet un rameau latéral. Chez l’Antithamnion sp., les rameaux formés après lésion (fig. 3A) se distinguent aisément des rameaux normaux (fig. 3B), en ce que la cloison la plus inférieure ne se trouve pas contre la cellule du filament principal. Tome III, 1808. 404 J. MASSART. — LA CICATRISATION Les filaments tertiles, portant les zoosporanges a crochet, du Cephaleuros parasiticus (*), présentent très souvent une ramification qui se rapproche un peu de celle que nous étudions ici. Aprés que le renflement terminal du filament a produit un certain nombre de zoosporanges, il se flétrit et meurt; mais auparavant il a donné une branche latérale qui s’accroit et se renfle à son tour (fig. 1Cz et Az). Fic, 1. — Rameaux fertiles de Cepha- F1G. 2. — Rameau lésé (A) et rameau leuros parasiticus. (Récoltés au jardin normal (B) d’Antithamnion sp. (Ré- botanique de Buitenzorg, a Java.) coltés à Wimereux.) 190/1. 315/1. —I = point lésé; : = renfle- ment d’un rameau, qui a proliféré aprés avoir produit des zoospo- ranges. Le Griffithsia setacea se conduit différemment : d'après ce que m'a montré le professeur Giard pendant un séjour que je faisais au laboratoire de Wimereux, la cellule sous-jacente à la cellule lésée pousse un prolongement dans la cavité de cette dernière. Lors- qu’une cellule meurt dans la continuité d’un filament, les deux voisines s'accroissent à la fois et se rencontrent environ à mi- chemin. Je n'ai pas pu étudier en détail ce phénomène (’). (1) C’est M. De Wildeman qui a attiré mon attention sur cette Algue. (2) Un fait analogue se présente pour les zoosporanges des Saprolégniinées et pour la cellule terminale des Sphacélariacées : voir le travail de TH. GEYLER (66, pl. XXXV, fig. 6). TOME III, 1898. CHEZ LES VÉGÉTAUX. 405 8) Algues a filaments juxtaposés en une lame continue : Phyco- peltis (tig. 3 a 6), Coleochzete scutata, Melobesia Lejolisi. Fic. 3. — Portion d’un thalle de Phy- F13. 4. — Portion d’un thalle de Phy- copeltis Treubii qui a été blessé à la copeltis Treubii dont la lésion mar- périphérie. (Récolté dans la forêt de ginale est en voie de réparation. Tjibodas, à Java.) 190/1. (Récolté dans la forêt de Tjibodas, | à Java.) 190/1. Le filament dont la cellule terminale est morte cesse de s'allonger ; les filaments voisins s'accroissent et se ramifient davantage. Le rameau lésé ne réagit pas, mais l'excitation se transmel aux rameaux les plus proches. La figure 3 montre comment les choses se passent. Le bord du thalle a été lésé en deux points. Les rameaux restés intacts ont seuls continué à croître; quant aux cellules distales des filaments atteints, elles accusent tout au plus un léger bombement de la cloison terminale. Dans la figure 4, on voit une portion de thalle qui a subi une destruction plus profonde. Ici encore les filaments lésés ont arrêté leur croissance, tandis que les branches voisines, fortement rami- fiées et conniventes, ont en partie comblé la lacune. Il en est de même lorsque la cellule terminale se désorganise, non sous l'influence d’une cause externe, mais après qu'elle s'est transformée totalement en ce zoosporange. Les rameaux contigus au filament décapité se recourbent de part et d'autre. ToME III, 1898. 406 J. MASSART. — LA CICATRISATION La figure 4 montre un fait intéressant: c'est que la croissance d'un filament peut être enrayée, non seulement par la destruction accidentelle ou normale de sa cellule terminale, mais aussi par le simple fait que sa pointe touche une autre cellule vivante du Phy- copeltts. Pour que la croissance s'arrête, il ne faut même pas que les fila- ments qui se touchent appartiennent a un méme individu. La figure 5 représente un grand thalle de Phycopeltis qui a touché un Fic. 5. — Portion d’un thalle de ?4y- FiG. 6. — Portion d’un thalle de Pzy- copeltis Treubii qui touche un indi- copeltis Treubii (A) qui a touché un vidu plus petit. (Récolté dans la individu plus petit (B). (Récolte forêt de Tjibodas, à Java.) 190/1. dans la forêt de Tjibodas, à Java) 190/1. — (Pour l'explication des lettres, voir dans le texte.) thalle beaucoup plus jeune : les filaments qui viennent butter contre ce dernier ont cessé de s’allonger, tandis que les portions latérales, abondamment ramifiées, auront bientôt englobé le petit individu. Dans la figure 6, on voit que l’arrêt de croissance est définitif et, en outre, qu'il n’est déterminé que par des cellules vivantes de Pkycopeltts. Voici comment les choses se sont probablement passées : le thalle A a rencontré le thalle B alors que celui-ci était encore vivant; le premier contact s est opéré entre les points p —p. Les filaments voisins se sont ramifiés et, a leur tour, se sont buttés contre le thalle B. Lorsque l'individu A était arrivé aux points p’, p’, le thalle B est mort. Les rameaux arrêtés ne se sont pas remis à croître; mais, dès ce moment, les tilaments encore vierges de tout contact et ne rencontrant plus d’obstacle vivant ont empiété sur le thalle B et sont en train de le recouvrir. Tome III, 1898. CHEZ LES VEGETAUX. 407 Tout au contraire d'une lutte pour l'existence, il semble que nous assistions ici a une entente fraternelle entre les divers fila- ments d’un méme individu, et méme entre individus différents, chacun évitant avec soin de recouvrir ses voisins, afin de ne pas leur enlever la lumière. Rien ne serait plus facile à ces rameaux que d’empiéter sur leurs voisins et de leur couper la lumière. S'ils ne le font pas, c’est sans doute parce que l'organisme trouve plus d'avantages à arrêter le développement des parties qui se trouve- raient en conflit avec d’autres, quitte a activer la croissance et la ramification des filaments mieux situés. J'ai fréquemment observé des phénomènes analogues chez le Coleochaete scutata et chez le Melobesia Lejolisit. C. ALGUES A THALLE MASSIF. — La plupart des Floridées et des Phéophycées. Les cellules profondes, mises à nu, se multiplient; les cellules filles prennent tous les caractères de cellules superficielles normales. +) Considérons d’abord quelques Floridées dont le thalle est peu complexe : les Delesseria, d’une part; les Polysiphonia et les Cera- mium, de l’autre. Chez les Delesseria, le thalle n'est massif qu'au niveau de la nervure médiane; la plus grande partie des lobes est formée d’une seule couche de cellules. Lorsque le thalle est lésé, les cellules dont les parois latérales sont mises à nu se divisent activement et donnent de petits éléments, en tout semblables à ceux qui occupent le bord normal du thalle (fig. 7). Si la blessure intéresse la nervure, ses longues cellules se conduisent de même. Toute meurtrissure un peu importante du thalle provoque encore une autre réaction : au niveau de la lésion, on voit une ou plusieurs cellules proliférer fortement et former un point végé- tatif. Chez le D. Hypoglossum, c'est toujours des cellules de la nervure que procèdent les nouveaux points végétatifs, mème dans les cas ou l'incision marginale du thalle ne s'étend pas jusqu'a la nervure (fig. 7). L’excitation traumatique doit dans ces cas se propager à travers des cellules intactes et qui ne réagissent en aucune façon. TOME III, 1808. 408 J. MASSART. — LA CICATRISATION —— Au contraire, chez le D. alata, toutes les cellules peuvent donner naissance a un point végétatif. La cicatrisation se fait exactement comme dans l'autre espèce (par multiplication cellulaire avec réduction de la taille des cellules filles); mais, en outre, quelques- unes des cellules marginales se divisent plus rapidement et Fic. 7. — Portion d’un thalle de De- Fic. 8. — Portion de thalle de Deles- lesseria Hypoglossum qui a été blessé seria alata. Il a subi deux blessures sur son bord. z = cellules superfi- latérales qui ont toutes deux déter- cielles de la nervure; p. v. = nou- miné la formation de points végé- veau point végétatif. 1 Recolté a tatifs. Dans la bifurcation, un point Wimereux. vegetatif normal. (Récolté à Wime- reux.) 41/1. donnent autant de points végétatifs. Si la nervure a été atteinte, c'est principalernent à son niveau que se forment les nouveaux sommets ; quand la lésion n'intéresse que les bords du thalle, les points végétatifs naissent le long de la plaie, de préférence vers le fond (fig. 8). Les branches des Ceramium et des Polysiphonia se composent d'une file unique de cellules axiles et d’un revêtement plus ou moins continu de cellules assimilatrices (fig. 9C). Lorsque le sommet d’une branche est amputé, les réactions cica- ~ ToME III, 1898. CHEZ LES VEGETAUX. 409 tricielles proprement dites sont peu accusées: les cellules assimi- latrices se multiplient et recouvrent la surface dénudée (fig. 10). Fic. 9. — A et B, rameaux de Po/ysi- phonia sanguinea qui ont été privés Fic. 10. — Rameau de Ceramium dia- phanum dont le sommet a été en- de leur pointe. De nouveaux points végétatifs se forment au sommet (f) ou au-dessous du sommet (2'); C, coupe transversale schématique d’un levé. Un nouveau point végétatif (f) se forme aux dépens d’une cellule corticale. (Récolté à Wimereux.) 315/1. rameau. Récolté à Wimereux.) 190/1. Plus importante est la régénération du point végétatif. Chez les divers Polysiphonia que j'ai étudiés(P. sanguinea, P. atrorubescens, P. nigrescens), c’est la cellule axile qui seule est capable de se déve- lopper en un nouveau sommet aussi bien lorsque l'axe a été coupé (fig. gA, p et 9B, p) que dans les cas où rien que la couche assimila- trice avait été entamée (fig. 9B, p’). Il en est tout autrement chez les Ceramium diaphanum et C. rubrum. Ici la réparation du sommet amputé s'opère toujours aux dépens d’une cellule assimilatrice (fig. 10). 8) Les Algues dont le thalle est composé en tous ses points de plusieurs assises cellulaires, peuvent être divisées a notre point de vue en deux groupes : celles qui cicatrisent simplement leurs Tome III, 1898. 410 J. MASSART. — LA CICATRISATION plaies sans y produire de points végetatifs, et celles dont la cicatrisation s'accompagne d’ordinaire de la formation de nouvelles initiales. 1. Dans le premier groupe nous étudierons, en fait de Floridées, le Plocamium coccineum et le Rhodymenia palmata, et parmi les Algues brunes, les Laminarza et l'Himanthalia lorea. Les cellules profondes (médullaires) sont à peu près incolores. Dans le thalle des deux Floridées, elles sont très larges, surtout chez le Rhodymenia (fig. 11) et sensiblement isodiamétriques ; chez les Phéophycées, elles sont très allongées. Fic. 11. — Coupe transversale d’un thalle de Rhodymenia palmata, au niveau d’une blessure. (Récolté à Wimereux.) — x = la surface normale. 190/1. : La surface du thalle est occupée par une ou plusieurs assises de cellules très riches en chromoplastes. Ces éléments sont arrondis chez le Rhodymenia (fig. 11), polyédriques chez les Plocamium, Himanthalia et Laminaria (tig. 13 et 14). La cicatrisation suit toujours la même marche, quelle que soit l'importance de la lésion ou son siège : que ce soit une minime éraflure, une plaie pénétrante ou une coupure traversant l'organe d'outre en outre; quelle atteigne le thalle aplati du Rhodymenia (fig. 11) ou les fines branches du Plocamium, le stipe arrondi des Laminaria (fig. 14) ou leur large limbe (fig. 12), le petit disque végétatif de l’Himanthalia ou ses lanières fertiles, — la surface dénudée se revêt d’une couche de tissu assimilateur. Ces cellules Tome ITT, 1808. CHEZ LES VEGETAUX. 4Il naissent sur place par le cloisonnement répété des cellules médul- laires. | Fic. 12. — Portion de limbe de Zaminaria digitata, avec des lésions multiples. (Récolté à Wimereux.) — 2 = la surface normale. 31/1. La direction de la blessure n’a aucune influence sur la multipli- cation cellulaire ni sur les caractères des nouveaux éléments formés. La figure 15 représente une coupure qui a mis à nu les faces transversales des cellules: dans la figure 13, ce sont les faces Fic. 13. — Coupe transversale du limbe blessé et en voie de cicatrisation de Laminaria digitata. (Récolté à Wimereux.) 315/1. — # = la surface normale. superficielles; dans la figure 14, les faces profondes; dans la figure 12, les divers cas se trouvent réunis. La réparation suit de près le traumatisme. La figure 15 montre une portion de limbe de Laminaria saccharina qui a été coupée en travers à Wimereux (*), le 18 août 1892, et récoltée le 3 octobre de la même année. Il n'est pas rare chez le Rhodymenia et le Laminaria saccharina que les cellules périphériques se multiplient plus vite que les (1) Tous mes matériaux d’Algues marines ont été récoltés pendant des séjours que j'ai faits au laboratoire de Wimereux, en 1892 et 1893. TOME III, 1898. 412 J. MASSART. — LA CICATRISATION cellules médullaires. Ce phénomène ne s'observe pas uniquement quand le thalle est coupé en travers, mais encore et surtout lors- qu'il porte un grand nombre d’écorchures peu profondes. J'ai vu des thalles de Rhodymenia avec de nombreuses petites blessures, dont l'épaisseur était plus que doublée. Chez le Laminaria digitata, il se produit normalement des lésions qui se cicatrisent de la même façon que les blessures acci- dentelles. On sait en effet que la segmentation du limbe est due, non à une ramification primitive, mais à l'apparition après coup de déchirures qui s'étendent progressivement jusqu'aux bords du limbe. Les thalles se développent en avril-mai et déjà en juillet les parois de ces fissures ont pris les caractères de la surface normale. Chez les deux Laminaria, le traumatisme exerce encore une action plus lointaine et plus tardive. Dans le voisinage de toute lésion, quelque légère qu'elle soit, le limbe a perdu la faculté de donner naissance à des cellules reproductrices. Et cette stérilité Fic. 14. — Coupe transversale d’un Fic. 15. — Coupe transversale du lambeau partiellement détaché sur limbe de Laminaria saccharina, le stipe de Laminaria digitata. blessé le 18 août 1892, récolté le 315/1. — 7 — la surface normale. 3 octobre 1892. (Expérience faite à Wimereux.) 61/1. — 2 = la surface normale. locale s'observe aussi bien Je long des déchirures qui découpent le limbe du L. digitata qu’aupres des blessures accidentelles. Rien de semblable n’existe chez l’Himanthalia lorea ni chez les diverses Fucacées que nous allons maintenant passer en revue : lorsqu'un ToME III, 1898. CHEZ LES VÉGÉTAUX. 413 jeune conceptacle est lésé, la portion restée indemne se développe de façon normale et forme des cellules sexuelles. 2. Voyons maintenant les Algues chez lesquelles on observe, lors de la cicatrisation, un développement exagéré de certains groupes Fig. 16. — Coupe longitudinale d’un rameau de Pelvetia canaliculata, blessé le 18 août 1892, récolté le 10 janvier 1893. (Expérience faite à Wimereux.) 128/1. — 2 = la surface normale. de cellules, amenant ainsi la production de points végétatifs à la surface de la plaie. Ce sont, parmi les Floridées, le Polyides lumbri- calis,le Gigarlinamamillosa et le Chondrus crispus ; parmiles Phéo- Fic. 17. — Rameaux de Pe/vetia canaliculata, blessé le 18 août 1892, récoltés le 10 janvier 1893. Bourgeonnement des plaies. (Expérience faite à Wimereux.) 4/1. Tome III, 1898. 414 J. MASSART. — LA CICATRISATION phycées. les Fucus, le Pelvetia canaliculata, l'Halidrys siliquosus et l'Ascophyllum nodosum. Dans ses traits essentiels, la cicatrisation s'accomplit de la même façon que chez les espèces que nous avons étudiées dans le chapitre précédent : les grandes cellules médullaires se segmentent en des cellules courtes, arrondiesfou polyédriques, chargées de chromo- plastes (fig. 16). Quant jaux points ivégétatifs, ils naissent sur toute l'étendue de yl et) à 7 VRP Fig. 18. — Rameau blessé de Fucus ve- Fic. 19. — Rameau blessé de Fucus siculosus (forme du fond). (Récolté à. serratus. (Récolté à Wimereux.) 4/1. Wimereux.) 4/1. : la plaie chez les Floridées ainsi que chez le Pelvetza (fig. 17), l'Hali- drys (*), l'Ascophyllum, les Fucus vesiculosus (fig. 18) et F. platy- carpus, tandis que le F. serratus (fig. 19) n'en forme que sur la (*) Les bourgeons d’origine traumatique sont rares chez cette lante. £ 81 q Pp Tome III, 1898. CHEZ LES VEGETAUX. 415 nervure. Ajoutons toutefois qu'il n'apparaît de nouveaux bour- geons chez les Fucus vesiculosus et F. platycarpus que si l’entaille intéresse la nervure. Mais méme chez les Fucacées ou des bourgeons naissent en tous les points de la plaie, il est certains organes qui n’en donnent jamais. Ce sont les flotteurs. A l’état normal, la cavité de ces Fic. 20. — Coupe transversale d’une plaie (en voie de réparation) faite à un flotteur de Fucus vesiculosus. — n = la surface extérieure normale. (Récolté à Wimereux.) 128/1. organes est tapissée par de grandes cellules pauvres en plastides. Les cloisons transversales des flotteurs de l'Halidrys (fig. 21 et 22) sont formées de cellules analogues. Mais qu'un accident ouvre l’un de ces flotteurs et permette à l'eau de mer d'y pénétrer, et aussitôt les cellules des couches internes se divisent pour donner des cellules assimilatrices semblables à celles qui revétent la périphérie de l'organe. Chez les Fucus (fig. 20) et l’Ascophyllum, toute la surface du flotteur se garnit ainsi de cellules colorées. Chez l’Halidrys, au contraire, il n’y a en général qu'une seule loge qui soit mise en communication avec l'eau de mer et la réaction cicatricielle ne s'opère que dans la loge ouverte, aussi bien sur les cloisons transverses qu'a l'intérieur des parois latérales (fig. 21 et 22). D. CHAMPIGNONS, Y COMPRIS LES LICHENS. — Chez ces plantes, de mème que chez les Algues à thalle massif, les surfaces mises à nu TOME III, 1898. 416 J. MASSART. — LA CICATRISATION se revétent d’une couche analogue a celle qui les recouvrait au début. La structure des Champignons est toujours nettement filamen- teuse. Toute blessure aura donc pour effet de couper un nombre plus ou moins considérable de filaments. Souvent les hyphes enchevétrées forment un ensemble massif, comme chez la plupart des Basidiomycetes et des Ascomycètes. Beaucoup de Basidiomy- cétes à carpophore temporaire régénerent facilement les couches superficielles enlevées. On le voit sans peine sur les chapeaux de Russula nigricans où la couche supérieure est formée d hyphes Fic. 21. — Coupe longitudinale d'un F1G. 22. — Coupe longitudinale de la flotteur d'Æalidrys siliquosus. Le cloison supérieure de la figure pre- flotteur a été blessé et les loges cédente. 190/I. terminales enlevées. (Récolté a Wimereux.) 10/1. noires, et sur le stipe de Clitocybe nebularis où la surface est occupée par des filaments beaucoup plus fins et plus embrouillés que dans les régions profondes. L’hyménium peut, lui aussi, se régénérer. Ainsi, on observe fréquemment que les surfaces des érosions (dues a des limaces) dans l’hyménium de Boletus edulis se recouvrent complétement d’une couche basidifere. ToME III, 1808. CHEZ LES VÉGÉTAUX. 417 Lorsque ces Champignons sont lésés très jeunes, la régénération est souvent plus complète. Brefeld (77, pl. IT) donne des figures de Coprinus stercorarius à qui il a plusieurs fois de suite enlevé le chapeau et qui le reformaient toujours. Très souvent on rencontre dans les bois des Champignons qui portent les traces d’une blessure reçue pendant le jeune âge. Il serait facile de dresser une longue liste d'espèces, principale- ment parmi les Agaricées, qui régénerent plus ou moins parfaite- ment la surface manquante. On rencontre parfois des blessures spontanées qui se guérissent de même. Clautriau m'a donné un Psallio!a campestris, récolté près du cap Gris-Nez, dont la surface est parsemée de fissures complètement cicatrisées, produites pen- dant la croissance du chapeau. Mais à côté de ces espèces qui se cicatrisent aisément, il en est quelques-unes, surtout parmi celles dont le chapeau est déliques- cent, chez lesquelles la réaction cicatricielle fait constamment défaut. Tel est l’Hypholoma fasciculare. J'ai eu l’occasion de faire un grand nombre d'expériences avec cette Agaricée a tous les états de développement. Jamais il n’y a régénération ni de la surface supérieure du chapeau, ni de sa couche hyméniale, ni de la surface du stipe. Les Hyménomycètes à chapeau persistant réagissent tous à peu près de même. Des expériences que j'ai faites dans la forêt de Soi- gnes sur le Trametes gibbosus et sur le Polyporus versicolor ont toujours donné des résultats concordants : régénération de la surface normale aux dépens des filaments atteints. Disons en quel- ques mots ce que l’on observe chez le Trametes gibbosus (fig. 23). Le chapeau étalé dans le plan horizontal se compose de couches superposées (c’, c’...) dont chacune correspond a une période de développement. Dans ces couches, les filaments sont a peu près verticaux ; vers le haut, ils se recourbent de côté et s’enchevêtrent pour former la surface temporaire du chapeau. Lorsqu’on fait une entaille dans le chapeau, les filaments mis a nu se ramifient abon- damment et les nouvelles hyphes se dirigent normalement a la surface de section (quelle que soit sa direction). La réaction s’accom- plit beaucoup plus vite lorsque la blessure est faite a un chapeau Tome III. 27 TOME III, 1898. 418 J. MASSART. — LA CICATRISATION en voie de croissance que lorsqu'on la fait a un moment où /indi- vidu est en repos. La figure 23 montre un chapeau de Trametes qui a été récolté cing jours apres la blessure. La ligne verticale s indi- Fic. 23. — Schéma d’une coupe verticale dans un chapeau de 7rametes gibbosus. chic, ci CU EM les (couches successives= 7 — la surfacessupeneunes—— Les lignes indiquent la direction des hyphes. Le chapeau a subi une incision verticale le 7 septembre 1893 et a été récolté le 12 septembre 1893. — s = la surface de section; / = la couche d’hyphes développées sur la plaie. (Expé- rience faite dans la forét de Soignes.) 6/1. que la surface de section ; la couche produite sur la surface blessée a sensiblement la même épaisseur que celle qui s’est ajoutée pendant le même temps à la face supérieure intacte. Parmi les Gastromycètes, je n’ai observé de lésions que sur le Scleroderma vulgare. Ces Champignons présentent fréquemment de larges fentes béantes, produites sans doute sous l'influence de la croissance. Ainsi qu'on le voit par la figure 24, les couches qui limitent la blessure sont restées stériles : mais comme la fente s’est approfondie de plus en plus à mesure que le Champignon croissait, les tissus avaient des âges différents au moment de leur mise à nu. Dans les régions voisines de la surface normale, la stérilisation a frappé des tissus encore jeunes où les spores n'étaient pas déve- loppées. Mais vers l'intérieur de la masse, les spores étaient formées et commengaient déjà à noircir. Aussi la couche cicatricielle y est- TOME III, 1898. CHEZ LES VÉGÉTAUX. 419 elle parsemée d’ilots noirâtres, représentant des spores arrêtées dans leur développement. Dans le même individu, des galeries creusées par des larves d’Insectes étaient également isolées du tissu sporifère par une couche stérile (’). Ac: FIG. 24. — Carpophore de Sc/eroderma vulgare avec une fissure spontanée. — m = la surface normale ; g — une galerie creusée par une larve, (Récolté à Westmalle par M. Clautriau.) 2/1. Cet exemple de stérilisation traumatique est à rapprocher de ceux que nous ont offerts les Laminaria. Il semble, à première vue, que nous ayons encore affaire à un fait du mème genre chez les Discomycètes (Peziza vesiculosa). Mais une observation attentive fait voir que la couche stérile qui occupe les lèvres d'une plaie hyméniale est constituée par des filaments de nouvelle formation, nés des hyphes sous-hyméniales, et que les asques fertiles existent jusque tout près des bords primitifs de la plaie. Quant aux sclérotes que produisent beaucoup de Champignons, leur cicatrisation a été étudiée en détail par Bommer (94, p. 37, (:) M. Errera m'a montré des pédicelles de Phallus impudicus qu’il avait entaillés avant l’allongement. Quelques jours plus tard, on constatait qu'aucune cicatrisation ne s'était opérée pendant la croissance. Tome III, 1808. 420 J. MASSART, — LA CICATRISATION pl. I, fig. 31-41) chez le Polyporus umbellatus. Une écorce brune se forme sur les plaies; la même chose se passe le long des galeries que lesrhizomorphes d’Armillaria mellea creusent dans lasubstance du sclérote. C'est aussi par un procédé analogue que le sclérote isole les portions désorganisées. J’ai pu refaire ces observations sur des sclérotes de Polyporus umbellatus récoltés par Errera au bois de la Cambre, et sur des sclérotes de Ganoderma lucidum récoltés a Buitenzorg (Java). Des faits du méme genre avaient déja éte décrits par de Bary (84, p. 42) sur des sclérotes de Coprinus slercorarius. Parmi les Lichens homéomeres, j'ai étudié plusieurs espèces gélatineuses, non encore déterminées, récoltées à Java. Les fila- ments atteints par le traumatisme régénerent sur la plaie une couche pseudo-parenchymateuse analogue à celle qui limite le reste du thalle. Chez les Lichens héteromeres, la plante doit pourvoir non seule- ment à régénérer une couche corticale, mais, pour peu que la lésion entame la couche médullaire, à regarnir de cellules vertes la surface mise à nu (fig. 25). Fic. 25. — Schéma d’une coupe verticale d’une plaie de la surface supé- rieure du thalle de Sficta pulmonacea. — n = la surface normale. (Récolté à Brigsdal, en Norvège.) 77/1. Certains Lichens, par exemple l’'Umbilicaria pustulala, forment en abondance des sorédies le long de leurs blessures. Ces corps se développent près de la surface supérieure. Dans sa partie infé- rieure, la plaie se garnit d’une couche limitante analogue à celle qui recouvre la face inférieure du thalle. | Tome III, 1898. CHEZ LES VEGETAUX. 421 Il. — BRYOPHYTES ET PTERIDOPHYTES. Aucun groupe de plantes ne présente de réactions cicatricielles aussi peu prononcées que celui des Archégoniates inférieures. Je n’ai observé la cicatrisation par cloisonnement cellulaire que chez les Marattiacées. Partout ailleurs les cellules mises à nu par le traumatisme ne subissent que de très légères modifications. 1. Parfois même, les cellules ne réagissent en aucune façon. C’est, par exemple, ce qui se présente chez les Marchantiacées (°), sur les tiges et les feuilles de la plupart des Mousses (*), ainsi que chez les Filicinées (à l'exclusion des Marattiacées), chez les Équisé- tinées et chez les Lycopodinées (°*) : les cellules lésées meurent; (t) J’ai fait des expériences sur Marchantia polymorpha et sur Fegatella conica. Aucune cicatrisation ne s'était opérée. Vôchting (85) a vu pourtant que des morceaux de thalle de Zunu/aria sont capables de reformer un point végétatif et de se compléter à nouveau. (2) Des expériences ont été faites sur des feuilles et des tiges de Wnium hornum. Après deux mois, les cellules des organes coupés étaient mortes sur une large étendue, sans avoir aucunement réagi. Ici aussi, il faut se garder de trop généraliser. Nous verrons plus loin que les Mousses peuvent dans certaines conditions se régénérer et, d’autre part, K. Müller (56) a vu des feuilles lésées de Bryum Billardierii qui avaient reformé des portions manquantes. (3) J’ai observé, en fait de Lycopodinées, les Psi/otum flaccidum et P. trique- trum ainsi que divers Lycopodium et Selaginella. Parmi les Équisétacées, j'ai vu les tiges blessées d’Æquisetum palustre, E. limosum, E. maximum et Æ. debile (ce dernier, récolté à Java). Parmi les Fougères, j'ai fait des expériences sur les feuilles de Pferis serrulata et les bulbilles produits sur les feuilles de Cystopteris bulbifera. En outre, j'ai observé des lésions sur les feuilles, les pétioles et les rhizomes de Doryopteris nobilis, Asplenium compressum, Platycerium biforme et Osmunda regalis. Toujours on voit les cellules mourir avec brunissement des parois, et la mortification envahir les tissus profonds. Un phénomène en tout semblable se remarque chez les Fougères dont les TOME III, 1898. 422 J. MASSART. — LA CICATRISATION puis la mortification atteint les éléments sous-jacents et, de proche en proche, gagne tous les tissus voisins. 2. Ailleurs, la destruction cellulaire est bientôt arrêtée par l'épaississement que subissent les cloisons des cellules voisines de la blessure. J'ai observé ce mode de cicatrisation sur les prothalles d'un Viffaria récolté a Java (fig. 26), ainsi que sur les feuilles de Fig. 26. — Portion d’un prothalle de Véffaria sp. blessé en deux points. — mz = le bord normal. (Récolté à Buitenzorg, Java.) 315/1. toutes les Hyménophyllacées étudiées et sur le thalle d’une Junger- manniacée anacrogyne (Pallavicinia Lyellit) de Java. Somme toute, il n’y a pas de limite tranchée entre ce mode-ci de cicatrisation et la mortification progressive des tissus. En effet, l'isolement de la partie lésée par une cloison épaissie et brunie ne s'opère avec certi- feuilles ou les segments se détachent en laissant une cicatrice nette. C’est le cas pour les feuilles de beaucoup de Polypodium, Goniophlebium, etc., et pour les segments foliaires de Didymochlaena lunulata. Au niveau de la cicatrice, il n’y a aucun cloisonnement cellulaire: pourtant la destruction lente des tissus n’est jamais aussi accentuée que lors des traumatismes accidentels. Disons aussi que les Fougères, quoique absolument incapables de produire de nouvelles cellules en présence d’un traumatisme montrent néanmoins cette réaction lorsqu’elles subissent certaines autres influences externes. Des balais de sorcières ont été décrits par Giesenhagen (92) chez diverses Fougères. J’en ai observé également à Java sur l'Angiopteris evecta et sur divers Nephrolepis. Tome III, 1808. CHEZ LES VEGETAUX. 423 tude que sur des organes jeunes; dès qu'ils commencent à vieillir (les feuilles âgées des Hyménophyllacées, par exemple), les cellules se détruisent de plus en plus loin. Fig. 27. — Portion d’une feuille blessée F1G. 28. — Portion d’un thalle ‘blessé - de Cololejeunea Goebelii. — n = le de Metzgeriopsis pusilla. — p = pro- bord normal; p = propagules. (Ré- pagules. (Récolté dans la forêt de colté dans la forêt du Goenoeng-Tji- Tjibodas, à Java.) La plaie est à bodas, à Java.) 315/1. droite. 315/1. 3. Les feuilles et les tiges de la plupart des Jungermanniacées acrogynes, ainsi que le thalle des Anthocérothacées, présentent également des réactions cicatricielles peu marquées : on voit sim- plement les cellules voisines de la blessure arrondir la paroi mise à nu (*). C'est ce qui s'observe notamment sur les feuilles de Pla- giochila opposita, de Cololejeunea Goebelii (fig. 27), sur le « thalle » de Metzgeriopsis pusilla (fig. 28), sur la tige de Zoopsis argentea, de Telaranea javanica Schiffner n. sp. (fig. 29) et de Leptolejeunea diversifolia Schiffner n. sp. (fig. 30); enfin sur le thalle d’Antho- ceros grandis et de Dendroceros javanicus var. clathratus (fig. 31). (!) Le bombement de la paroi ne s’accomplit qu’au bout de quelques jours; il ne peut donc pas être attribué à l’action mécanique de la turgescence. TOME 111, 1808. 424 J. MASSART. — LA CICATRISATION Un mot sur trois de ces plantes. Les feuilles de Cololejeunea (fig. 27) et le thalle de Welzgeriopsis (fig. 28) forment des propa- gules qui naissent aux dépens de certaines cellules : l’existence d'une lésion n'a aucune influence sur la production de ces corps. Fic. 29. — Bout supérieur d'un rameau F1G. 30. — Bout inférieur d’un rameau de 7claranea javanica dont le som- de Leptolejeunea diversifolia, qui a met a été enlevé. — f = cellules ba- été détaché de la plante. — a = la silaires des feuilles. (Récolté dans la cellule axile. (Récolté dans la forêt forêt de Tjibodas, à Java.) 550/1. de Tjibodas, à Java.) 550/1. Le thalle de Dendroceros, formé d’une seule assise de cellules, est percé d'un grand nombre de lacunes schizogènes (dues à l'écar- tement des cellules). Les membranes qui limitent ces lacunes FIG. 31. — Portion de thalle blessé de Dendroceros javanicus var. clathratus. — n = le bord normal du thalle; / = cellules lésées. (Récolté sur le Gedeh, à Java.) 190/1. ToME III, 1808. CHEZ LES VÉGÉTAUX. 425 restent planes, tandis que les membranes qu'un traumatisme isole de leurs voisines se courbent bientôt en avant. Les cellules saisissent donc la différence entre l'absence normale d’une cellule et son absence accidentelle. 4. Les Mousses nous offrent pour la première fois une réparation qui est manifestement indépendante de la cicatrisation. La figure 32 Fic. 32. — Portion d’une feuille de Funaria hygrometrica qui a été détachée le 16 juin 1893 et cultivée en atmosphère humide jusqu’au 22 juin 1893. n = le bord de la feuille: zerv. — sa nervure. 128/1. montre un fragment de feuille de Funaria hygrometrica cultivé sur silice gélatineuse depuis six jours : les cellules voisines de la surface de section ont arrondi leur paroi mise à nu. En outre, quelques cellules, tant parmi celles qui sont proches de la plaie que parmi celles qui en sont éloignées, s’allongent en filaments de protonéma; sur ceux-ci se développent des tiges feuillées. La pro- duction de protonéma sur des organes coupés s’observe non seule- ment sur des bouts de feuille, mais encore sur les tiges, les rhi- zoides, et, ainsi que l'ont montré Pringsheim (76) et Stahl (76), sur les sporogones. Enfin. d’après Goebel (95, p. 109), un bout de tige coupée a un Sphagnum peut également donner de jeunes indi- vidus. Chez toutes ces espèces, on assiste donc à une régénération de la plante après lésion. Mais on voit clairement dans la figure 32 que la formation du protonéma est indépendante du processus cicatri- ciel, puisque les filaments procèdent aussi bien des cellules éloi- gnées de la plaie que de celles qui l’avoisinent. 5. Nous rencontrons enñn, chez les Marattiacées, des plantes dont la cicatrisation se fait par cloisonnement cellulaire. Les éle- Tome III, 1808. 426 J. MASSART. — LA CICATRISATION ments atteints par le traumatisme se désorganisent, mais sous eux, les cellules restées vivantes se cloisonnent activement. Les cellules nouvelles ont perdu la chlorophylle, ce qui rapproche ce mode de cicatrisation de ce que nous offrent les Phanérogames; il reste pourtant entre les Marattiacées et les Phanérogames une différence essentielle : c'est que chez les premières les cellules filles n’acquié- rent pas de parois subérisées; tout au moins n’ai-je jamais réussi à mettre en évidence la subérisation des membranes (*). Contraire- ment à ce qui a lieu chez les autres Fougères, celles-ci présentent aussi du cloisonnement dans la cicatrice que laisse la chute des feuilles et des segments foliaires. Ill. — PHANEROGAMES. Autant la réaction cicatricielle est rudimentaire chez les Lyco- podiacées, autant chez leurs descendants phanérogames elle est compliquée et exactement adaptée au but a atteindre. Méme en laissant de côté tout ce qui touche à la régénération des tissus enlevés et aux courbures qu’exécutent les organes blessés (*), pour ne nous attacher qu'au processus cicatriciel (*), nous rencontrerons (1) D’après de Bary (77, p. 114), le liège est très rare en dehors des Phanéro- games et n’aurait été indiqué que chez certains Ophioglossum par Russow (72, p. 121). Voici ce que dit Poirault (98, p. 134) : « Van Tieghem (A/émoire sur la racine, p. 70) a signalé depuis longtemps les productions péridermiques de la racine des Marattiacées. » Plus récemment (Bul/. Soc. bot. de France, 1888, p. 171), il a montré que dans les grosses racines d’Angiopteris il se fait, outre le liège, une couche assez épaisse de phelloderme. Nous ajouterons seulement que ce liège n'est pas lignifié (*)... Les racines d’ Ophioglossum ne forment pas de liège. » (*)? (2) Voir sur ce point le travail de Spalding (94). (3) La cicatrisation des tiges ligneuses, qui présente un grand intérêt pratique pour la sylviculture, a été beaucoup étudiée et est connue dans tous ses détails. Frank 95) la traite longuement et donne la bibliographie. Je me suis particulière- ment appliqué à l’étude de la cicatrisation dans les organes herbaces. Tome III, 1898. CHEZ LES VÉGÉTAUX. 427 encore des différences très notables qui dépendent en partie des espèces et des tissus que nous considérerons, et surtout des condi- tions dans lesquelles se font les’expériences. La même réaction cicatricielle peut être amenée par les trauma- tismes les plus divers : plaies de surface ou plaies pénétrantes, piqûres, contusions sans destruction de cellules (fig. 42, Ricinus), brûlures (fig. 35, pomme de terre; fig. 34, Phyllocactus; fig. 54, feuille de Hoya carnosa), etc. Les lésions les plus complexes sont celles qu'on obtient en écrasant les organes, les tiges herbacées par exemple : il se produit alors une foule de félures dans tous les sens et dans tous les tissus,les unes communiquant avec l’extérieur, les autres limitées de toutes parts par des cellules vivantes, d’autres encore qui s'ouvrent dans la cavité médullaire. Il n'est pas rare non plus que des blessures se produisent spon- tanément pendant la croissance. On les observe le plus souvent sur les organes charnus a développement rapide, tels que les navets, les radis, les carottes, les choux-raves, ainsi que sur les galles (fig. 38, galle de Trypeta cardui). Certainesvariétés de melon se recouvrent spontanément d’un reseau de fissures peu profondes. Toutes ces blessures se cicatrisent de la même façon que les lésions accidentelles. Il en est encore ainsi lors de la chute des feuilles. La surface mise a nu se recouvre de liége, et souvent méme le tissu cicatri- ciel est déjà formé longtemps avant que la feuille ne soit prête a se détacher. Les choses se passent tout autrement lorsque, d'une façon nor- male, des cellules se détruisent dans la profondeur sans qu'elles ecient mises a nu. Ainsi, lors de la formation des lacunes lysigènes et pendant que les jeunes racines percent Jes couches périphériques, des cellules meurent en grand nombre, écrasées ou déchirées, sans qu’on observe la moindre réaction de la part des tissus voisins. L’absence’de la réaction cicatricielle lors de la naissance des racines est d'autant plus,remarquable que la réaction se manifeste dans des cas à peu près analogues. J'ai vu, en 1892, à l'Institut botanique de Leipzig, que lorsqu'on fait germer des graines à l’intérieur des plantes charnues ou dans des tiges herbacées, la plante habitée TOME III, 1898. 428 J. MASSART. — LA CICATRISATION se défend contre la racine de la plantule par une couche de liège. D'autre part, Prunet (91) a constaté que dans une pomme de terre traversée par des rhizomes de chiendent (Cynodon Dactylon), la galerie est également limitée par du tissu cicatriciel, et la méme chose a lieu le long des racines que le rhizome émet dans les tissus du tubercule. J'ai observé les mémes phénomènes dans une racine de Pastinaca sativa perforée par un rhizome d’A gropy- rum repens. Enfin, la réaction cicatricielle fait encore défaut lorsqu'une plante est attaquée par un parasite, tant animal que végétal. Ni les para- sites phanérogames (Loranthacées, Cuscutacées, Rafflésiacées, etc.), ni les Champignons, ni les animaux (larves d'Insectes, Nema- todes, etc.) ne provoquent de la part de leur hôte la moindre cica- trisation défensive. La multiplication cellulaire, parfois très abon- dante, qui accompagne l'infection, est plutôt utile au parasite et ne peut en aucun cas être considérée comme un moyen de défense. Il faut peut-être excepter le cas cité par Molliard (95, pl. XI, fig. 5), où les étamines de Sinapis arvensis attaquées par un puceron, avaient formé du tissu cicatriciel autour des anthères atrophiées. Il est logique de faire une catégorie spéciale, parmi les lésions spontanées, pour celles qui accompagnent le développement des feuilles des Palmiers et de certaines Aracées. La découpure du limbe est déterminée, tout comme chez les Laminaria, par un véritable traumatisme. Les surfaces mises à découvert se revêtent parfois d'un épiderme semblable à celui de la surface normale, par exemple chez le Monstera deliciosa, d'après Haberlandt (82, p. 592), chez le Livistona australis (85, pl. IL, fig. 23) et chez le Chamaerops humilis var. macrocarpa (85, pl. II, fig. 35), d'après Eichler. 1._— Phénomènes qui accompagnent le début de la réaction. Voyons maintenant quels sont les caractères de la réaction cica- tricielle chez les Phanérogames. Nous nous en tiendrons de prefe- rence aux blessures expérimentales, puisque dans ces cas nous connaissons exactement l'âge de la lésion. Presque toujours les cellules qui ont été lésées succombent Tome III, 1808. CHEZ LES VEGETAUX. 429 bientôt. Il n’y a d’exception que pour les contusions légères qui, sans amener la mort des cellules, déterminent néanmoins de leur Fic. 33. — Coupe transversale d’une portion de tige de Cordyline rubra qui a été blessée (incision superficielle) le 21 avril 1896 et récoltée le 16 juin 1896. — p = la surface de la plaie; / = le périderme normal; /’ = le périderme cica- triciel. Les cellules mortes au niveau de la plaie sont teintées, comme dans toutes les figures qui suivent. Les cellules superficielles du périderme /’ sont subérisées. 112/1. part des réactions manifestes (fig. 42, Ricinus). Souvent plusieurs couches de cellules meurent encore sous la lésion (fig. 33, Cordy- Fic. 34. — Coupe transversale d’un rameau plat et assimilateur de PAy/locactus crenatus qui a été brûlé à sa surface le 3 août 1892 et récolté le 13 août 1892. a = les tissus tués directement par la brûlure; 4 = les tissus qui sont morts ultérieurement ; /’ = le périderme cicatriciel, dont les cellules superficielles sont subérisées. 61/1. Tome III, 1898. 430 J. MASSART. — LA CICATRISATION line; fig. 35, Phyllocactus), et les phénomenes de cicatrisation n’apparaissent qu'à une distance plus ou moins grande de la surface lésée. 7 A Fic. 35. — Coupe transversale d’une Pomme de terre qui a été brûlée (à la surface) le 1° août 1892 et laissée à l’air libre jusqu’au 22 août 1892. — /= le périderme normal; 6 = cellules détruites par la brûlure; 7’ = le périderme cicatriciel. Les cellules superficielles du périderme /’ sont subérisées. 61/1. a) La premiere modification réactionnelle que présentent les cellules consiste dans leur agrandissement. L'augmentation de volume ne se fait pas également dans tous les sens : chaque fois que la nature de la lésion permet de distinguer avec certitude d’où vient l'excitation traumatique (*), on constate que les cellules s'allongent vers la surface lésée (fig. 43, feuille de Nuphar). On comprend qu'un tel allongement à direction définie n’est possible que pour des cellules qui touchent les cellules mortes et qui n’ont qu’à les repousser devant elles. Mais souvent l'excitation gagne la profondeur des organes et, dans ce cas, les cellules, entourées de toutes parts d'éléments qui, eux aussi, augmentent de volume, ne peuvent plus en général s'accroître dans la direction voulue. Pourtant on observe parfois, méme alors (fig. 49, tige de Ricinus), que les cellules s’allongent de préférence du côté de la blessure. I] n'en est pas moins vrai que les cellules profondes en (1) Lorsque les tissus ont été écrasés, les lésions sont tellement multiples qu’il n’est plus possible de déterminer d’où part l'excitation contre Lee réagis- sent les cellules. — =. den Tome III, 1898. CHEZ LES VEGETAUX. 431 ee real sont ordinairement réduites à s'agrandir dans tous les sens. Le premier résultat visible de cette croissance est l'effacement des ER =es a ass. * ITS Fic. 36. — Coupe transversale d'une tige de Datura Stramonium qui a été écrasée le 6 septembre 1893 et récoltée le 26 septembre 1893. — m = moelle; 7 = rayons médullaires; / = fissure produite dans le bois. 11211. petits méats intercellulaires, de sorte que l'air disparaît entre les cellules (fig. 37, fruit de Cucurbila moschala). La figure 34 fait voir clairement l'influence de la position de la blessure sur le sens de l'allongement des cellules. Elle représente une coupe transversale d’un rameau aplati de Phyllocactus crena- tus, qui a été brûlé par une baguette de verre. En dessous de la couche cautérisée (a), un certain nombre de cellules sont encore mortes (b). Plus profondément, les longues cellules hyalines ont réagi : encastrées par leur bout interne au milieu des éléments voisins, elles ont courbé leur bout périphérique de façon à le diri- ger normalement à la surface léséc. Je m'empresse d'ajouter que dans un très petit nombre de cas je n’ai pas observé avec certitude d'augmentation de volume au début de la réaction cicatricielle. Pour ce qui est des longues cellules rayonnantes qui entourent les cellules sécrétrices médullaires de Sambucus (fig. 40), il est fort difficile de se prononcer. Dans l’épi- derme et le collenchyme de Tinanlia (fig. 44), l'accroissement est à TOME III, 1898. 432 J. MASSART. — LA CICATRISATION peine visible; enfin il est certainement nul dans l'épiderme de la feuille de Hoya (fig. 54); ces cellules se sont subérifiées sans avoir subi au préalable la moindre modification de volume. ANT TT rc = Le 1s = = Ca a D } Se s) [ j i ~ TAUX TY) k [ | | DT ea hee ME He Al nn Ft V4 if | \ \ | \ LL À A ey | Vers AN at if f | \ 7 \ | ~ = 4 \ j N | 1 | SS À | | NS Fic. 37. — Coupe transversale d’un fruit de Cucurbita moschata, incisé le 4 août 1893 et récolté le 12 août 1893. — « = épiderme; p= parenchyme cortical; #’ = parenchyme cortical avec des méats remplis d'air; s = cellules à paroi épaissie; 2 = grandes cellules parenchymateuses internes. 315/1. 6) En même temps que les cellules augmentent de volume, celles qui ont des parois épaissies les amincissent graduellement. La réduction de la paroi se voit le plus nettement dans les cellules à grosse membrane ponctuée qui se trouvent dans l'écorce du fruit de certaines variétés de Cucurbita moschata (fig. 37), ainsi que dans les cellules de la galle qui est déterminée sur la tige de Cirsium arvense par la larve de Trypeta cardui (fig. 38). y) Conjointement avec la croissance de la cellule et l'amincisse- ment de ses parois épaissies, on voit l'amidon et les plastides se réduire et disparaître. L’amidon est sans doute employé à la nutri- tion de la cellule; il semble même que les éléments qui réagissent Tome III, 1808. CHEZ LES VEGETAUX. 433 peuvent en emprunter a leurs voisins (fig. 35, Pomme de terre), puisqu'on voit le nombre et le volume des grains diminuer beau- coup dans la couche sous-jacente ("). Quant aux chloroplastes, ils Sua (7 LIL Fic. 38. — Coupe transversale d’une plaie spontanée sur la galle que la larve du Trypeta cardui provoque sur les tiges de Cérsium arvense. (Récolté à Amble- teuse.) 91/1. disparaissent dans tous les cas où il va se former du liège (fig. 34, Phyllocactus); ils persistent quand les cellules filles auront à rem- plir des fonctions assimilatrices (fig. 43, feuille de Nuphar). 6) Lorsque les cellules ont atteint une certaine longueur, elles se segmentent. Les nouvelles cloisons sont perpendiculaires au grand axe de la cellule, parallèles par conséquent à la surface de lésion. Le parallélisme de ces cloisons est en général très manifeste (fig. 33, tige de Cordyline; fig. 35, Pomme de terre; fig. 34, rameau de Phyllocactus; fig. 37, fruit de Cucurbita; fig. 39, tige d'Impa- liens Sultant; fig. 42, tige de Ricinus; fig. 44, tige de Tinantza; fig. 54, feuille de Hoya). La relation entre la direction de la surface lésée et celle des nou- (1) Von Bretfeld (77, p. 135) a également observé la disparition cicatri- cielle de l’amidon; mais dans les Pommes de terre de ses expériences, l’amidon disparaissait plus tard que dans les miennes. Tome III. 28 TOME III, 1898. 434 J. MASSART. — LA CICATRISATION velles cloisons est plus évidente encore ‘dans la figure 49, qui montre la cicatrisation sur les parois d’une blessure profonde de la tige de Ricinus. Tout le long de la fente, les cloisons sont paral- ct Ersoy P RE, ° Per ; ; Las Fic. 39. — Coupe transversale d’une tige d’/mpatiens Sultani qui avait été blessée le 1° août 1892 et récoltée le 22 août 1892. — ¢ = épiderme; € = cam- bium; # = moelle; p = surface de la plaie. Les cellules superficielles du périderme cicatriciel sont subérifiées. Les cellules teintées contiennent des raphides coupées. 91/1. lèles à la blessure. Au contraire, le fond de la fente est entouré de cloisons nouvelles dont l’ensemble fait un cercle autour de la lésion. On ne peut se défendre de l’idée que la surface blessée émet une excitation qui détermine de la part des cellules une série de réac- tions particulières. Celles-ci se manifestent surtout par l’allon- gement ‘des cellules et par leur segmentation. Les cellules s’accroissent directement vers l’excitant et peuvent même, dans des cas spéciaux (fig. 34), se courber vers lui; les nouvelles cloisons, au contraire, s'étendent dans le plan perpendiculaire a la direction de l’excitant. Il y a plus de trente ans déjà, Hofmeister avait signalé le parallé- Tome III, 1808. CHEZ LES VEGETAUX. 435 lisme des cloisons nouvelles et de la surface de lésion. Pour lui, les jeunes cloisons sont toujours perpendiculaires a la direction de la croissance récente : « Die Stellung der neu entstehende Scheide- wand ist durch das vorausgegangene Wachsthum genau bestimmt; die theilende Wand steht ausnahmlos senkrecht zur Richtung des Fig. 40. — Coupe transversale de la portion périphérique de la moelle d’une jeune tige de Saméucus nigra, qui avait été écrasée le 18 avril 1896 et récoltée le 27 avril 1896. Les cellules sécrétrices se sont injectées du liquide accumulé à la surface des plaies. 61/1. starksten vorausgegangenen Wachsthums der Zelle. » (63, p. 272.) Mais nous venons de voir que si les cellules qui réagissent vis-a-vis d’un traumatisme commencent presque toujours par s’allonger, il y a pourtant des cas non douteux dans lesquels le cloisonnement des cellules n’est pas précédé de leur accroissement (fig. 54). E. Bertrand (84) a également attiré l'attention sur la direction des cloisons dans le phellogène. Dans un travail qui a paru depuis le dépôt de ce mémoire, Kny (96), voulant démontrer que l'orientation de la figure caryo- cinétique peut être déterminée par les agents extérieurs, a soumis des cellules à des tractions et à des pressions souvent considérables. Nous pouvons laisser de côté les expériences qu'il a faites sur les racines de Vicia Faba et sur les spores d’Equisetum, pour. n’envisager que celles dans lesquelles il courbait ou étirait violemment des lanières découpées dans des tubercules de Pomme de terre. Dans les lanières auxquelles il suspendait des poids, ainsi que sur la face convexe de celles qu'il maintenait pliées en deux, Kny a observé beaucoup de cloisons nou velles qui étaient, non pas TOME III, 1898. 436 J. MASSART. — LA CICATRISATION parallèles, mais perpendiculaires a la surface de lésion. L'auteur en conclut que ces cloisons se sont formées dans des cellules qui, par suite de la traction mécanique, s'étaient allongées parallèlement à la surface, non vers elle. Kny ne dit pas si des félures ne s'étaient pas produites dans les minces lanières (elles avaient de 4™™5 a 6™"5 d'épaisseur) qu'il pliait en les chargeant de poids variant entre 945 et 1,424 grammes, ou dans les lanières, plus minces encore (2""5 à 3"%5), auxquelles il suspendait jusque 1,186 grammes. Si nous considérons que presque toujours les objets en expérience finissaient par se rompre, nous serons amenés à croire que de petites déchirures y étaient inévitables, et dès lors, il n’y a plus rien d'étonnant à ce que Kny ait constaté la formation de membranes perpendiculaires à la surface de section, mais paral- lèles aux félures. Dans les trois plantes que j’ai étudiées a ce point de vue (Ricinus communis, Cucurbita ficifolia et Tradescantia virginica), j'ai vu que la division du noyau dans les cellules réagissantes est presque toujours directe. Je n’ai observé en tout que deux cellules qui pré- sentaient de la caryocinèse; elles se trouvaient dans la tige de Tradescantia, en dehors de la stele. Partout ailleurs je n’ai ren- contre que de l’amitose. Von Bretfeld (28, p. 141) n’a pas non plus constaté de caryocinese dans les cellules cicatricielles des feuilles. Il est probable que la division du noyau est directe dans tous les phellogènes cicatriciels. Les expériences de Kny sur la pomme de terre ne pourraient donc pas donner de résultats quant a la direc- tion de la figure caryocinétique. 2. — Comment se propage lexcitation traumatique. Souvent la réaction est limitée a une seule assise cellulaire (fig. 33, tige de Cordyline; fig. 35, pomme de terre; fig. 34, Phyllocactus). Chacune de ces cellules donne alors naissance a une file de cellules filles et le tissu qui prend naissance présente un aspect des plus réguliers. Ailleurs, plusieurs rangées réagissent a la fois (fig. 39, tige d’/mpatiens). Pour une même plante, des diffé- Tome III, 1898. CHEZ LES VEGETAUX. 437 rences peuvent exister sous ce rapport entre les divers tissus. Chez le Ricin, par exemple (fig. 49), l'excitation traumatique due a une fissure longitudinale provoque le cloisonnement d’une seule rangée de cellules dans le parenchyme cortical, le parenchyme libérien, le cambium et le parenchyme ligneux, c’est-à-dire que l'excitation reçue par ces cellules est gardée en entier et que rien n'est transmis aux cellules sous-jacentes, tandis que dans la moelle, l'excitation se transmet de cellule à cellule jusqu'à une distance de cinq à six cellules. La même espèce présente souvent une propa- gation encore plus lointaine (fig. 41) (*). Dans la moelle de Cucur- Fic. 41. — Coupe transversale de la portion périphérique de la moelle d’une jeune tige de Ricinus"=smmunis qui a été écrasée le 6 août 1893 et récoltée le 2 octobre 1893. Il y avait une fêlure dans la moelle vers la gauche du dessin. Les trois ou quatre couches cellulaires qui limitaient la fêlure ne sont pas indiquées; l'excitation traumatique partait d’en bas, à gauche. — f= l’extré- mité interne de deux faisceaux. 190/1. (:) La figure 42 montre le cloisonnement des cellules de l’épiderme et de deux couches de cellules collenchymateuses à la suite d’une excitation venant de la surface. Mais le traumatisme consistait ici en une contusion et nous ne savons pas jusqu’à quelle profondeur il avait fait sentir son action directe. La contra- diction entre les figures 42 et 49 est donc purement apparente. Tome III, 1898. 438 J. MASSART. — LA CICATRISATION bita ficifolia, ’excitant arrive jusqu'à des cellules qui sont séparées de la surface blessée par une quinzaine de couches cellulaires. Dans les cas de pénétration profonde de l'excitant, on observe souvent, surtout si au début les cellules n’avaient pas une forme très régulière, que les cloisons formées dans la profondeur ont perdu leur parallélisme. On dirait que l’excitant vis-a-vis duquel Fic. 42. — Coupe transversale de l’épiderme et du parenchyme cortical dans une portion de tige de Ricinus communis qui avait été légèrement écrasée, sans destruction de cellules, le 6 août 1893, et récoltée le 2 octobre 1893. les cellules réagissent, se propage d’une façon diffuse au sein des tissus (fig. 38, galle de Cirsium). Au contraire, dans les tissus tels que la moelle de Cucurbita ou de Ricinus (fig. 49), où les cellules étaient régulièrement polyédriques, les cloisons profondes sont encore sensiblement parallèles aux cloisons périphériques. Le transfert de l'excitation de la surface lésée aux couches pro- fondes se fait avec une grande lenteur. Aussi les cellules superfi- cielles sont-elles toujours beaucoup plus grandes et ont-elles plus de cloisons nouvelles que les cellules profondes. Ainsi, la figure 41 représente une coupe transversale faite au travers d’une tige de Ricinus qui avait été écrasée le 6 août 1893 et récoltée le 2 octobre. Les trois ou quatre couches les plus voisines de la surface lésée (dans la moelle) ne sont pas indiquées sur le dessin; elles se trou- vaient en bas, à gauche, et présentaient jusque dix cloisons nou- velles par cellule. Tous les éléments sont-ils également aptes à transmettre l'exci- tation? Nous avons déjà vu (p. 38) que chez le Ricin les cellules du faisceau et toutes celles qui lui sont extérieures paraissent abso- ai si TOME III, 1898. CHEZ LES VEGETAUX. 439 lument inaptes a se laisser traverser. Quand elles sont excitées, elles se cloisonnent, mais elles semblent garder pour elles-mémes toute l'excitation qui leur vient de la surface blessée. Il en est de même pour toutes les cellules, quelles qu'elles soient, de Cordyline (fig. 33), du tubercule de la Pomme de terre (fig. 35), des rameaux plats de Phyllocactus (fig. 34), etc. Lorsque l'excitation traverse une série de cellules, se propage- t-elle en ligne droite ? Aussi longtemps qu'elle ne rencontre que des cellules de même nature, oui. Mais qu’elle vienne butter contre des cellules mortes, et aussitôt elle est déviée de sa direction pre- mière. Dans la figure 41, on voit l'excitation (venant d’en bas, a gauche) d’une blessure assez éloignée, se transmettre en ligne droite de cellule à cellule, jusqu'à ce qu’elle rencontre un groupe de vaisseaux et de fibres; elle contourne ces éléments de telle sorte qu'en arrière de ceux-ci les cloisons nouvelles ne sont plus du tout parallèles aux premières. Une « réfraction » analogue s’observe chaque fois que l’excitant rencontre sur son passage des cellules mortes (fibres, vais- seaux, etc.). Ces élèments, incapables de réagir, sont également inaptes à laisser passer l'excitation. Quant à la nature de cet excitant qui part de la surface lésée, qui se transmet à travers les cellules et qui provoque de leur part la formation de nouvelles cloisons perpendiculaires à la direction qu'il suit, nous ne pouvons émettre a son sujet qu’une hypothèse. Les faits observés tendent à faire croire qu'il s’agit d’un excitant chimique. Citons particulièrement le fait que voici. La moelle du Sambucus nigra contient vers sa périphérie de longues cellules sécrétrices entourées de cellules rayonnantes. Sur une jeune pousse herbacée qui avait été écrasée le 18 avril 1896 et récoltée le 29 mai, j'ai trouvé plusieurs cellules qui s'étaient remplies sur une grande longueur du liquide brunâtre accumulé auprès des surfaces lésées. Autour de ces canaux injectés, les cellules rayonnantes, sous l'influence sans doute de l’excitant contenu dans le liquide, s'étaient régulièrement segmentées (fig. 40). TOME 11], 1808. 440 J. MASSART. — LA CICATRISATION 3. — Comblement des lacunes. Les phénomènes que nous venons d’esquisser — agrandissement des cellules dans une direction strictement définie, apparition de nouvelles cloisons parallèles entre elles — ne se manifestent que dans les tissus homogènes. Mais si la lésion atteint à la fois un e fi Fig. 43. — Coupe transversale d’une feuille blessée de Nuphar luteum. — e = épiderme supérieur; # — parenchyme palissadique; / — parenchyme lacuneux; e’ = épiderme inférieur. 112/1. grand nombre de tissus divers, surtout quand elle n'est pas nette, mais qu'elle est obtenue, par exemple, en écrasant une tige herba- cée, les réactions deviennent très embrouillées. Des cellules réagissent en beaucoup de points à la fois et leurs rapports perdent toute régularité. Nous ne pouvons examiner ici que quelques-uns des innombrables cas que l’on observe lorsqu'on étudie des lésions multiples et nous ne nous occuperons que du processus qui conduit au remplissage des cavités, normales ou accidentelles, que contient le tissu. Souvent la déchirure des tissus détermine de petites cavités limitées de toutes parts par des cellules vivantes. Dans ces condi- tions, la mortification des cellules est réduite à un minimum, et Tome III, 1898. CHEZ LES VEGETAUX. 441 les cellules arrachées sont les seules qui meurent. La réaction est, elle aussi, fort limitée; en général, elle ne se manifeste que de la part des éléments les plus voisins de la déchirure (fig. 45, collenchyme de Fic. 44. — Coupe transversale d’une tige de 7nantia fugax, écrasée le 6 sep- tembre 1893 et récoltée le 2 octobre 1893. — e — épiderme; c = collenchyme; f = faisceau jeune avec lacune encore petite; /’ = faisceau plus développé; J” = faisceau dont la lacune est comblée par des cellules cicatricielles. 91/1. Ricinus). Ces éléments s’accroissent et envoient dans la lacune des prolongements arrondis qui se séparent par une cloison de la celiule mère Dans le jeune âge, ces cellules ont très souvent une membrane garnie à l’extérieur de petites protubérances cellulo- siques (*). Plus tard, les cellules prennent par pression mutuelle une forme plus ou moins polyédrique et remplissent complètement la cavité accidentelle. (1) Nous aurons l’occasion de revoir plus tard des cellules analogues dans les cas où les lèvres d’une plaie sont serrées les unes contre les autres (fig. 47, feuille de Clivia miniata) et au niveau des déchirures spontanées qui se forment dans les parois parcheminées des loges de la pomme (fig. 53). ToME III, 1898. 442 J. MASSART. — LA CICATRISATION C'est par un procédé analogue que se comblent les cavités naturelles, que nous ayons affaire a de vraies lacunes inter- cellulaires ou a la cavité des vaisseaux. Comme on le sait, ces Fic. 45. — Coupe transversale du collenchyme d’une tige de Ricinus communis qui a été écrasée le 6 août 1893 et récoltée le 2 octobre 1893. Une fissure s’est produite dans les tissus. 315/1. derniers se remplissent de thylles, cellules nées du parenchyme ligneux qui pénètrent dans le vaisseau par les points faibles de sa paroi. Sous l'influence d’un traumatisme, des thylles peuvent se développer dans des vaisseaux fort jeunes. J'en ai trouvé notamment dans les vaisseaux d’une branche de Robinia Pseudo-Acacia, âgée d’un an, qui avait été incisée le 27 mars 1896 et récoltée le g mai, et dans de tout jeunes entrenœuds de Cucurbita ficifolia, blessés le 17 juin 1896 et récoltés le 23 juillet. Quant aux lacunes intercellulaires, elles se remplissent par la prolifération des cellules limitantes. Nous avons déjà vu l’efface- ment des méats intercellulaires comme phénomène à peu près constant de la réaction (fig. 51, fruits de Cucurbita moschata). De tres grandes cavités peuvent se combler de la méme facon, par exemple celles du tissu spongieux de la feuille de Nuphar luteum (fig. 43) et les lacunes intrafasciculaires de la tige de Tinantia fugax (fig. 44). : Les exemples les plus frappants de ce genre se présentent chez les plantes aquatiques. Ici, en effet, nous rencontrons souvent d'immenses cavités — tantôt continues, tantôt interrompues sl nus ToME III, 1898. CHEZ LES VEGETAUX. 443 par des diaphragmes transversaux — qui parcourent les organes suivant leur longueur. Lorsqu’une pareille tige est blessée, on assiste presque toujours a un épaississement énorme des parois mises à nu, amenant en fin de compte l'oblitération totale de la lumière des cavités. Le processus est un peu différent pour le comblement des cavités qui se produisent dans le bois. Ici la félure est limitée en partie par des cellules mortes (vaisseaux et fibres ligneuses), en partie par des cellules vivantes (parenchyme ligneux et cellules des rayons médullaires). Ces dernières sont les seules qui proliferent. Encore ne le font-elles que si elles ont l’occasion de s’agrandir d'abord, ce qui n’est possible que pour celles qui, auprès d’une fêlure circulaire, se trouvent dans la portion périphérique (fig. 36, tige de Datura Stramonium). En effet, on comprend sans peine que les rayons médullaires de la portion interne ne peuvent pas se dilater, tandis que ceux qui sont voisins de l'écorce peuvent écarter les massifs de cellules mortes. C'est donc de ces derniers que dérivent les cellules nouvelles qui vont combler l'espace vide - créé par la fêlure. 4. — Influence des facteurs externes et internes sur le début de la réaction cicatricielle. Après avoir rapidement passé en revue les premiers phéno- mènes qui accompagnent la réaction cicatricielle des Phanéro- games, demandons-nous quelle influence ont les facteurs externes et internes sur l'apparition de ces phénomènes. I. Nous verrons plus loin que les facteurs externes ont une importance prépondérante quand il s'agit de déterminer quel sera le sort final des cellules cicatricielles. Ils interviennent égale- ment pour accélérer ou ralentir les premières phases de la réaction. Il serait sans doute intéressant de rechercher si la lumière exerce quelque action sur la marche des phénomènes du début. Nous savons en effet par les observations de Douliot (89, p. 392) que le périderme est beaucoup plus épais sur la face éclairée d'un rameau Tome III, 1898. 444 J. MASSART. — LA CICATRISATION que sur la face ombragée. L’action « méragogue (7) » de la lumière est done manifeste. Fic. 46. — Sommet d’une vieille feuille de C/ivia miniata. Pour Vexplication des lettres et des chiffres, voir dans le texte (p. 450). 2/1. On peut affirmer avec certitude que l’exposition à l'air libre active la réaction. Nous avons déjà vu que dans les fissures qui ne communiquent pas avec l’atmosphere, la réaction reste limitée aux cellules les plus voisines (fig. 45, collenchyme de Ricinus). Les exemples les plus décisifs à cet égard sont fournis par les expé- riences dans lesquelles on produit en même temps des lésions semblables, les unes s’ouvrant à l'extérieur, les autres privées de toute communication avec lair libre. On les obtient sans peine (1) Nous employons ce terme (par analogie avec lymphagogue, emménagogue, etc.) pour désigner les agents qui provoquent la division cellulaire. Tome III, 1898. CHEZ LES VÉGÉTAUX. 445 quand on comprime latéralement une tige dont l'anneau vascu- laire est peu épais et dont la moelle est au contraire développée et aisément dépressible (Phytolacca decandra), ou mieux encore une tige pourvue d’une large cavité médullaire. La figure 48 représente Fic. 47. — Coupe transversale d'une jeune feuille de C/ivia miniata qui a été incisée le 22 juin 1896 et récoltée le 22 juillet 1896. — s = cellules superfi- cielles subérisées. 91/1. une tige de Ricinus écrasée par les côtés et qui s’est fendue sui- vant quatre lignes longitudinales. Deux des fissures s'ouvrent vers l'extérieur, mais s'arrêtent dans la moelle; les deux autres s'ouvrent dans la cavité médullaire, sans traverser l'écorce. aN . / ae Ne Wine ot 4 à | capes TN Fic. 48. — Schéma de coupe transversale d’une tige de Ricinus communis qui a été comprimée latéralement le 6 septembre 1893 et récoltée le 18 sep- tembre 1893. Il s’est formé deux fissures s’ouvrant en dehors (f) et deux fissures dans la cavité médullaire (/’). (Voir les deux figures suivantes.) 10/1. ToME III, 1808. 446 J. MASSART. — LA CICATRISATION Les figures 49 et 5o montrent respectivement une fissure externe et une fissure interne, dans une tige qui avait été écrasée le 6 sep- tembre 1803 et récoltée le 18 septembre. Les cellules voisines de la Fig. 49. — L'une des félures (f) de la figure 48. — ec — écorce; / = liber; c = cambium; 6 = bois; 74 = moelle; v = vaisseaux qui ont été poussés en avant par la croissance du parenchyme ligneux. 91/1. fissure externe (fig. 49) ont fortement réagi; nous avons déjà décrit leur aspect. Quant a la fissure interne (fig. 50), elle ne présente qu'une réaction peu marquée. Seules, quelques cellules limitantes se sont agrandies; elles ont le même aspect que celles que nous avons deja décrites dans le collenchyme (fig. 45). C’est à peine si les cellules médullaires, qui se cloisonnent si activement dans la fissure externe, réagissent ici. Les parois de la plaie externe sont garnies d’une épaisse couche de cellules mortes et brunies, tandis que le long de la plaie interne, des cellules mortes n’existent qu’en très petit nombre. Tome III, 1898. CHEZ LES VEGETAUX. 447 II. Plus profondes encore sont les différences de réaction qui dépendent de la nature de la plante et de l'espèce de cellules qui a été atteinte par la lésion. a) Il n'existe probablement pas une seule espèce phanérogame qui ne puisse en l’un ou l’autre point de son corps présenter des phénomènes de cicatrisation. Il s’en faut de beaucoup pourtant Fic. 50. — L’une des fêlures (/’) de la figure 48. 91/1. Les lettres ont la même signification que dans la figure 49. que la lésion d'un endroit quelconque du corps détermine fatale- ment chez toutes les plantes une réaction de ce genre. Beaucoup de feuilles se montrent absolument incapables de cicatriser les plaies. La plupart des plantes aquatiques et marécageuses réagis- sent peu : tiges, pétioles et feuilles des Alisma, de Sagittaria sagit- tifolia, des Scirpus, des Juncus, des Potamogeton, des Utricularia, etc. Chez ces plantes, on voit simplement les tissus mourir et bru- nir (‘). On dirait que ces espèces n’attachent que peu d'importance a la défense d'organes qu'elles peuvent aisément remplacer et qui n’ont du reste qu’une existence éphémère. Cependant, même chez elles, les organes dont l’intégrité a plus d'importance (rhizomes) ou ceux qui sont destinés à passer l’hiver (bourgeons hivernants de (‘) Au nombre des feuilles dépourvues de réaction cicatricielle, von Bretfeld (80, p. 139) cite Æncephalartos. Dans les feuilles des diverses Cycadinées que j'ai examinées (Æncephalartos caffer, E. Altensteinit, Cycas circinalis et Ceratoza- mia longifolia), j'ai toujours vu un liège très manifeste. TOME III, 1808. 448 J. MASSART. — LA CICATRISATION Sagittaria, de Potamogeton, d'Utricularia, etc.}, cicatrisent rapide- ment leurs blessures. En somme, toutes les cellules vivantes, à quelque catégorie qu'elles appartiennent, sont capables de réagir vis-à-vis d’un trau- matisme. Dans le méristeme du point végétatif, toutes les cellules prennent part au processus cicatriciel, aussi bien celles qui donne- ront naissance aux éléments conducteurs et mécaniques des fais- ceaux que celles qui produiront le parenchyme et l’épiderme. J'ai observé aussi de la cicatrisation dans l’albumen de l'Amarryllis lon- gifolia, dans les pétales et dans tous les organes floraux de Yucca Fic. 51. — Coupe longitudinale du bourrelet formé à la base du pétiole sur une feuille bouturée de Cephaëlis peduncularis. — 7 = racines nées sur le bourre- let. 10/1. (Expérience faite au Jardin botanique de Bruxelles par M. V. Lam- bert.) pendula, y compris les ovules. De tous les tissus, l’épiderme est celui qui offre le moins souvent le cloisonnement cicatriciel. Dans la feuille d’Hoya carnosa, par exemple (fig. 54), les cellules épider- miques se subérisent sans se cloisonner. [1 n’en est pas moins vrai que chez d’autres plantes, l’épiderme présente souvent un cloison- nement tres actif (fig. 42, tige de Ricinus ; fig. 44, tige de Tinantia). L'épiderme foliaire lui-même peut se segmenter, comme par exemple chez le Clivia miniata, d’après von Bretfeld (80, p. 143), et surtout chez le Banisteria argentea. Tome III, 1808. CHEZ LES VEGETAUX. 449 Quant aux cellules vivantes qui sont mêlées aux éléments morts du faisceau, elles interviennent activement dans l'acte de la cicatri- sation. On les voit grandir et se multiplier beaucoup. La figure 36 montre le phénomène pour les cellules des rayons médullaires de Datura. Dans la blessure représentée par la figure 49 (Ricinus), le parenchyme ligneux du faisceau qui a été atteint par la lésion (celui de gauche) s’est développé au point de repousser devant lui les vaisseaux (»). Le même phénomène se remarque dans la figure 51 (bourrelet d'une bouture de feuille de Cephaëlis peduncularis) et dans la figure 52 (bourrelet d’une bouture de rameau de Chorisia Fic. 52. — Coupe longitudinale du bourrelet formé sur une tige bouturée de Chorisia speciosa, Les élements des faisceaux sont disjoints par la croissance du parenchyme ligneux. Le bourrelet est recouvert de liége. 6/1. (Expérience faite au Jardin botanique de Bruxelles par M. V. Lambert.) t speciosa). Dans les deux cas, on voit que les éléments du bois ont été disjoints par la müitiplication des cellules du parenchyme ligneux. 8) Il est inutile d’insister sur ce fait, que les éléments morts sont incapables de réagir : vaisseaux, fibres, tubes criblés, cellules du voile des racines d'Orchidacées, cellules médullaires des tiges adultes de Sambucus, etc. Mais pendant le jeune âge, ces diverses cellules se cloisonnent activement sous l'influence d'un trauma- tisme. A mesure qu'elles vieillissent, leur irritabilité décroit, et il vient un moment où, tout en étant encore vivantes, elles sont pourtant incapables de se remettre à se segmenter. Ajoutons que, Tome III. 29 TOME III, 1898. 450 J. MASSART. — LA CICATRISATION dans certains cas, des cellules relativement jeunes ont déjà perdu la faculté de se segmenter, tandis qu’ailleurs des cellules destinées à mourir bientôt peuvent reprendre une nouvelle vigueur sous l’in- fluence d’un traumatisme. Ainsi les cellules corticales de la racine de Vicia Faba se montrent incapables de toute réaction lorsque la blessure est faite à plus d'un centimètre du point végétatif. D’autre part, lorsqu'on fait une incision profonde dans une jeune pousse de Sambucus nigra, les cellules de la moelle, quelque éphémère que soit leur existence dans les conditions habituelles, réagissent aussi- tôt ; elles peuvent même, comme nous le verrons plus loin, donner naissance à des tissus qui conserveront pour toujours leur vitalité (fig. 55). Quoi qu'il en soit, l’âge des organes blessés exerce une influence considérable sur l’activité de la cicatrisation, et il n'est pas rare que les vieilles cellules d’une plante ne se cicatrisent plus du tout alors que les jeunes réagissent nettement. Aucune espèce ne montre mieux l'influence de l’âge que le Clivia miniata. Lorsque les feuilles approchent du terme de leur exis- tence, la moindre blessure provoque la mortification d'une grande portion du limbe, et la couche cicatricielle destinée à séparer la région morte de celle qui est restée active, apparaît fort loin de la lésion. Ainsi, la feuille représentée par la figure 46 a été contu- sionnée près de sa pointe; les tissus se sont détruits dans la por- tion À, jusqu'au niveau de la ligne 1 — 1. Bientôt une seconde lésion a amené la destruction des tissus dans la région B, limitée par la ligne 2 — 2. Chose curieuse, — et pas du tout rare chez cette plante, — la petite portion latérale C’ était restée vivante au milieu de l’espace mort; mais, isolée du reste de la plante, elle n'a pas tardé à jaunir à son tour. En même temps, la mortification s'étend de proche en proche, avec de courtes pauses, à tout le som- met de la feuille. Pendant que mourait la portion C’, on observait le jaunissement de la portion C, limitée par la cicatrice tempo- raire 3 — 3. Puis mourait le petit espace D, limité en 4 — 4. Au moment où j'ai coupé la feuille, la grande zone E montrait le jau- nissement préparatoire à la mort, et une nouvelle ligne cicatri- cielle 5 —5 se formait au-dessous d’elle. Lentement, avec de petites intermittences, la feuille meurt par zones successives, limitées Tome III, 1898. CHEZ LES VEGETAUX. 451 — i chacune par une couche de liège; mais cette barrière ne suffit pas a défendre efficacement les tissus sous-jacents, puisque, après un temps d'arrêt, nous voyons la gangrène s'étendre plus avant; encore une fois, la feuille essaie de se défendre et élève une nou- velle barrière de liège qui sera franchie à son tour. Tout autre est la marche du phénomène quand on blesse des feuilles jeunes ou des feuilles adultes de Clivia. Sur les premières, les cellules voisines de la lésion réagissent sans retard et forment un cal qui réparera complètement la blessure ; celle-ci n'apparaîtra plus que par la fine couche de liège qui la limite sur les faces supé- rieure et inférieure de la feuille (fig. 47). Si le traumatisme atteint une feuille adulte, il n’y a plus de réparation, mais nous assistons à la formation d’une couche de liège tout contre la blessure. Pour- tant, même chez les feuilles jeunes ou adultes, la blessure est un point faible et, plus tard, lorsque la feuille se préparera à mourir, c'est par là que débutera le jaunissement. y) Il s'en faut de beaucoup que toutes les cellules vivantes d’un organe réagissent également vite. Nous avons déjà vu que sur une racine de Vicia Faba, les cellules de l'écorce ne se cicatrisent pas : les éléments vivants de la stèle sont les seuls qui se cloisonnent. Au contraire, dans la tige de Cordyline rubra, on constate que les cellules voisines des faisceaux réagissent plus lentement que les autres, de sorte que la mortification avance plus loin le long des faisceaux qu'au niveau du parenchyme interfasciculaire. La même différence s’observe entre le parenchyme périphérique et le parenchyme profond du fruit de Cucurbita moschata. La figure 37 montre l'état le la blessure sur un fruit incisé le 4 août 1892 et récolté le 12 août. Le cloisonnement, déjà très actif dans les tissus internes, fait complètement défaut près de la surface. C'est d’ailleurs un phénomène assez général que de voir les régions internes réagir plus vite que les régions périphériques. Aussi constate-t-on le plus souvent qu'une blessure longitudinale faite à une tige herbacée est, au bout de quelques jours, largement béante (fig. 55 A). Enfin, des différences dans la vitesse de réaction se manifestent non seulement entre des cellules d'espèce différente, mais entre des TOME III, 1898. 452 J. MASSART. — LA CICATRISATION cellules de même espèce, suivant qu’elles renferment tel ou tel corps. Les cellules à cristaux, qui sont répandues au milieu du paren- chyme, montrent presque toujours un retard manifeste dans le cloisonnement (*) (fig. 30, tige d’Impatiens Sultani). Plus manifeste encore est l'influence de la chlorophylle. Une lésion chez une plante panachée se guérit beaucoup plus vite dans les portions vertes que dans les portions blanches. Ainsi, sur une feuille panachée d’Agave Americana qui avait reçu des entailles transversales peu profondes, on constatait que dans la portion verte du milieu de la feuille, la cicatrisation était intervenue sans retard, tandis que dans la bande décolorée qui borde la feuille, les cellules s'étaient desséchées jusqu'à une assez grande distance de la blessure, et leur mortification s'étendait aussi bien en profon- deur qu’en largeur, mettant a nu les faisceaux. 5. — Sort final des cellules cicatricielles. Après avoir étudié la réaction cicatricielle ainsi que les diverses influences modifiant la marche du phénomène, nous avons main- tenant a nous demander ce que deviennent les cellules filles. Disons tout d’abord que nous ne pouvons admettre la distinction entre le « liège » et le « cal » qui est proposée par Frank. Voici ce gue dit cet auteur (95, p. 59) : « Alle behufs Heilung eintretenden Neubildungen lassen sich in der That auf einen dieser beiden Pro- zesse (Wundkork und Callus) zurückführen, wobei freilich zu bemerken ist, dass Fälle vorkommen, wo die Grenze zwischen beiden Typen verwischt ist. Bei der Bildung des Wundkorkes ist jedes Wachstum ausgeschlossen, indem die betreffenden Zellen, allerdings unter Wiederauftritt von Zellteilungen, sich unmittelbar in Korkzellen umwandeln. Der Callus kommt dagegen stets durch (1) Lorsqu’une cellule de ce genre se cloisonne, on constate que le contenu cristallisé reste accumulé dans une seule des cellules filles (fig. 39), quelles que soient la forme et la disposition des cristaux : macles, raphides, etc. ToME III, 1898. CHEZ LES VÉGÉTAUX. 453 eine Spitzenwachstum des betreffenden Zellen zustande, welches gegen die Wunde hin gerichtet ist, so dass diese Zellen zu Schläu- chen oder zu Zelireihen auswachsen und dadurch eine über die Wundfläche hervortretende Wucherung oder Vernarbung erzeu- gen. Dieses Wachstum stellen sie aber bald ein, und dann erleiden die äusseren Zellen des Callus eine Verkorkung der Membranen, wodurch also wiederum ein neues Hautgewebe aus Kork ge- schaffen wird... » Pour cet auteur, la formation du liège n’est pas accompagnée d'une croissance des cellules. Or nous avons vu plus haut que, à part quelques cas douteux, à part aussi les cellules épidermiques de la feuille de Hoya (fig. 54), toute réaction cicatri- cielle débute par l’augmentation de volume des cellules. Si nous acceptions les idées de Frank, nous devrions donc classer dans la rubrique « liege » les seules cellules épidermiques subérifiées de la feuille de Hoya, et dans celle de « cal » toutes les autres néoforma- tions cicatricielles que nous avons étudiées. Nous admettrons qu'entre ces deux tissus, la limite est encore moins tranchée que ne le dit Frank, d'autant plus que les cellules superficielles d’un cal peuvent se subériser (voir plus haut la cita- tion). Ajoutons aussi que la figure que donne Frank (95, p. 61) pour montrer la formation du liege chez la Pomme de terre, laisse voir de la façon la plus manifeste que les cellules se sont accrues. Nous nous contenterons donc d’étudier quelle influence les facteurs internes et externes exercent sur l'état final du tissu cicatriciel et en particulier sur la subérisation des cellules qui le constituent. x) Parmi les facteurs internes, nous n’aurons à considérer que l'âge. En effet, les autres facteurs internes : nature de la plante, nature des cellules, etc., n'ont pour ainsi dire aucune influence. Tous les tissus des Phanérogames, pour peu qu'ils aient présenté la réaction cicatricielle, se conduisent de la même façon dès que les conditions externes sont les mêmes. Ainsi, dans la figure 34, on voit que toutes les diverses cellules de Phyllocactus donnent du liège. Une plaie profonde faite a la tige du Ricinus se revêt d'une couche subérisée continue qui a partout les mémes caractères, Tome III, 1898. 454 J. MASSART. — LA CICATRISATION qu'elle dérive de l'écorce, du péricycle, du parenchyme libérien, du cambium, du parenchyme ligneux, des rayons médullaires ou de la moelle (fig. 49). Au contraire, les différences d'âge ont une action manifeste. Nous savons déjà que la cicatrisation est tardive et insuffisante dans les cellules vieillies (fig. 46, feuille de Clivia). En outre, les cellules filles qui naissent dans des tissus très jeunes sont beaucoup plus plastiques, beaucoup plus aptes à acquérir des formes variées, que celles qui dérivent d'un tissu adulte. Alors que les feuilles adultes ne peuvent se cicatriser que par du liège, les feuilles des mêmes espèces, si elles sont blessées suffisamment jeunes, sont capables de se réparer complètement, de former, aux dépens des cellules pro- fondes, un épiderme ayant tous les caractères de l’épiderme normal. Certaines Aracées et Palmiers (voir p. 30) présentent normalement ce phénomène. C'est aussi ce qui s'observe chez d’autres plantes. La figure 57 représente le bord d’une blessure faite à une feuille de Lysimachia vulgaris lorsqu'elle était encore très jeune; la plaie s’est recouverte d’un épiderme typique, portant même des poils. Ailleurs, la réparation est moins complète : il se forme, non pas un épiderme, mais des cellules qui, sans être subérisées, ont néan- moins des membranes épaissies et ne laissent aucun vide entre elles; ce tissu ne diffère de l’épiderme qu'en ce qu'il est formé de plus d’une assise. Les feuilles d’Acer Pseudo-platanus et de Rubus frulicosus montrent nettement cette disposition. Inutile d'ajouter que si ces mêmes feuilles sont lésées à une époque plus avancée de leur développement, elles forment simplement du liège. B) Voyons maintenant comment agissent les influences externes. Nous remarquons en premier lieu que la nature de la lésion n’a aucune importance. L’état final de la cicatrice est le même pour toutes les lésions : il suffit que des cellules aient été tuées par un moyen quelconque; une brûlure amene la formation de liège aussi sûrement qu'une incision. Bien plus, on peut tuer des cellules par simple exposition à l'air, et voir les cellules sous-jacentes former du liège. C'est ce qui arrive quand on ouvre par une large coupure un jeune pétiole de Cucurbita ficifolia. Les cellules médullaires qui limitaient la cavité se dessèchent à l’air, tandis que leurs voisines se Tome III, 1898. CHEZ LES VEGETAUX. 455 gs Si aS a Re Bae a NES PR ee AP RNEnT RSS segmentent aussitôt et se revétent de liège. Il n'est même pas nécessaire de tuer des cellules. Ne voyons-nous pas qu'il suffit de les écraser fortement, sans pourtant détruire leur vitalité, pour qu'elles forment de nouvelles cloisons dont les externes se subérisent (fig. 42 épiderme et collenchyme de la tige de Ricinus)? Parmi les facteurs externes, l'exposition à l'air est le seul qui exerce une action bien nette sur le sort de la cicatrice. Son influence est tout à fait prépondérante. C'est ce facteur qui décide si les nou- velles membranes seront ou non imprégnées de subérine. Ainsi, dans une file de cellules nées par division répétée d’une cellule mère, les plus superficielles sont toujours subérisées, tandis que les profondes conservent une membrane cellulosique (°) (fig. 33, 34, 35, 38, 39, 42, 44, 54). | Un mot sur quelques autres exemples. Les figures 49 et 50 représentent des fissures de la tige de Ricin, dont la première communiquait avec l'air extérieur tandis que l’autre ne s’ouvrait que dans la cavité centrale. Celle-la s’est revétue de liège, alors que les nouvelles cellules nées sur les parois de celle-ci ont des membranes cellulosiques. Dans les pommes, il n'est pas rare que les parois parcheminées des loges se crevassent sous l'action des tensions qu’exerce la crois- sance. Les cellules parenchymateuses situées sous la crevasse pro- liférent et envoient dans la cavité de la loge de longues files de cellules (fig. 53) qui parfois finissent par combler entièrement la loge. Jamais je n’ai observé la moindre trace de subérisation sur ces cellules. Dans la feuille de Huya représentée par la figure 54, les cellules distales de chacune des rangées qui dérivent d’une cellule assimi- latrice sont subérifiées, comme dans les cas cités plus haut, En (1) Le réactif qui m’a donné les meilleurs résultats pour reconnaître la subéri- sation est l’hématoxyline d’Ehrlich. Ce liquide colore en violet toutes les membranes qui ne sont ni lignifiées ni subérifiées. J’ai contrôlé les résultats que me fournissait cette méthode à l’aide des divers moyens qui sont indiqués par Zimmermann (92, pp. 146-152). ToME III, 1808. 456 J. MASSART. — LA CICATRISATION outre, on observe une subérisation non douteuse dans les mem- branes des deux ou trois cellules épidermiques qui limitent la brûlure et qui, du reste, ne présentaient aucune autre réaction cicatricielle. Ces divers exemples ne laissent aucun doute quant à l’action de l'exposition à l'air sur la subérisation. Plus démonstrative encore est la figure 47, où l'on voit les deux lèvres d'une plaie perforante de la feuille de Clivia proliférer activement et donner des cellules Fig. 53. — Coupe transversale d’une plaie spontanée sur la paroi des loges d’une pomme, — c = couche parcheminée qui limite la loge; p == parenchyme du fruit; / = cellules qui ont traversé la fissure pour s'engager dans. la cavité de la loge. 77/1. qui prendront tous les caractères de cellules assimilatrices. Seules les cellules les plus proches des faces supérieure et inférieure du limbe, répondant à une nouvelle excitation venue du dehors, ont donné des cloisons parallèles aux faces de la feuille, cloisons qui se sont ultérieurement subérisées. Si nous essayons d'analyser l’action « phellagogue » de l’atmo- sphère, nous nous heurtons à autant de difficultés que pour expli- quer l’action « méragogue » du traumatisme. L'hypothèse la plus vraisemblable consiste à attribuer le rôle principal à la dessiccation que subissent les cellules superficielles, dessiccation contre laquelle elles réagiraient en subérisant leurs parois. Divers faits, étrangers ToME III, 1898. CHEZ LES VÉGÉTAUX. 457 au sujet qui nous occupe, semblent donner raison à cette manière de voir; citons notamment l'absence ou le tres faible développe- ment de la cuticule chez les plantes submergées et l'épaississement notable de cette couche chez les plantes qui transpirent d'une manière exagérée. D'autre part, on voit souvent que le méristème phellogéne, après avoir donné de nombreuses assises de liège, peut ensuite produire, par sa face superficielle, des cellules non subéri- fiées; il suffit pour cela de placer les organes dans une atmosphère très humide. Nijpels m'a remis des rameaux de Populus pyrami- Fic. 54. — Coupe transversale d’une feuille de Hoya carnosa qui avait été brûlée le 3 août 1892 et récoltée le 22 août 1892. — s — cellules épidermiques subé- rifiées. 91/1. dalis qui avaient longtemps séjourné sous une cloche et qui avaient formé, au niveau des cicatrices laissées par la chute des feuilles, cicatrices déjà revétues d'une épaisse couche de liège, une multi- tude de longs filaments cellulaires enchevètrés, analogues a ceux qui naissent dans les loges des pommes (fig. 53). J'ai reçu de Bommer des tubercules aériens de Cissus gongylodes, maintenus en atmosphère humide et dont toutes les lenticelles avaient proli- féré de la mème façon, et Errera me dit que ce phénomène s’ob- serve facilement sur les rameaux de Sambucus. . On en arrive donc forcément à considérer la transpiration comme le principal excitant « phellagogue ». Disons pourtant que certains ToME III, 1898. 458 J. MASSART. — LA CICATRISATION faits plaident contre cette hypothèse. Une Pomme de terre blessée forme toujours du liège, même quand on la met dans une atmo- sphère saturée de vapeur d’eau. Elle en produit aussi, d’après von Bretfeld (80, p. 158), autour des foyers de putréfaction déterminée sans doute par des bactéries. D'autre part, j'ai constaté la présence d'une légère couche de liège sur toute la surface du bourrelet de boutures de feuilles de Cephaëlis (fig. 51) et de rameaux de Chorisia (fig. 52), quoique ces boutures fussent enterrées par leur extrémité inférieure. y) Il nous reste a dire quelques mots sur le sort des cellules pro- fondes. Nous avons déjà vu que dans la feuille jeune de Clivia, elles deviennent assimilatrices (fig. 47). Leur sort eût été tout différent . si les deux lèvres de Ja plaie n'avaient pas été coaptées, et l’on peut affirmer que l'état final des cellules cicatricielles profondes dépend en grande partie du contact des surfaces blessées. La figure 55, A-D, indique plusieurs des cas qui se présentent quand on fend longitudinalement une tige encore herbacée de Fic. 55. — Coupes transversales de tiges jeunes de Sambucus nigra qui ont été fendues le 18 avril 1896. — A. Tige récoltée le 27 avril 1896; B, C, D. Tiges récoltées le 29 mai 1896. 6/1. Sureau. En À on voit une tige qui a été fendue le 18 avril 1896 et récoltée ie 27 avril, soit après neuf jours. Tous les tissus lésés ont proliféré ; mais comme l'accroissement a été le plus actif dans la moelle, la plais est devenue béante de part et d'autre, tandis qu’au centre de la tige les deux surfaces de la plaie sont venues en contact. Les figures B, C et D sont faites d'après des rameaux fendus le 18 avril 1896 et récoltés seulement quarante et un jours plus tard, TOME III, 1898. CHEZ LES VÉGÉTAUX. 459 le 29 mai. La surface libre est partout recouverte d'une couche de liège, mais les cellules profondes ont donné naissance a des tissus fort différents suivant que la surface était ou non en contact avec la =) ef (HH Se ù i\J Fic. 56. — Portion médiane de la figure 55, B. — cm = cellules mortes et écrasées. 91/1. surface opposée. La figure D montre que dans le cas où les deux moitiés de la tige étaient tout à fait isolées l’une de l'autre, il se forme dans chacune d’elles, aux dépens des cellules médullaires, des faisceaux qui complètent le demi-anneau vasculaire primitif. Fic. 57. — Coupe transversale de feuille de Lysimachia vulgaris qui a été blessée dans sa jeunesse. x = épiderme primitif; 7’ = épiderme nouveau formé sur la plaie. (Récolté dans le bois d’Oisquercq par M. Errera.) 315/1. Tout autre est la marche du phénomène quand les surfaces de sec- tion se touchent en partie (fig. 55, B et C): la régénération de l'anneau ne s'opère que dans les portions où la surface de la moelle Tome 111, 1898. 460 J. MASSART. — LA CICATRISATION était libre: partout où elle touchait la surface opposée, il y a eu soudure et formation de nouvelles cellules médullaires. Quant à la façon dont s'opère cette soudure, elle est indiquée par la figure 56, qui représente à un plus fort grossissement la partie médiane de la figure 55, B. Les jeunes cellules se sont insinuées entre les lèvres de la plaie, écartant et écrasant les cadavres des cellules qui ont été meurtries par le traumatisme. Nous sortirions du cadre de notre étude si nous insistions plus longuement sur les régénérations et les soudures. Le premier point a été étudié par un grand nombre d'auteurs, et en dernier lieu par Lopriore (95 et 96). 6) La régénération des organes ne nous intéresse que comme preuve de l'action à distance de l’excitation traumatique. Non seu- lement cette excitation provoque l'accroissement et la segmentation cellulaires, mais plus tard elle agit, plus ou moins modifiée par les facteurs externes, sur les cellules profondes et décide celles-ci à revêtir telle ou telle forme. Il n'est pas douteux, en effet, que des cellules médullaires de Sambucus ne donneront des éléments du faisceau que si la tige a été profondément blessée et si ensuite la plaie subit certaines influences extérieures (absence de contact notamment). Ce ne sont pas les seuls cas où nous voyons un traumatisme retentir sur les cellules profondes. Toute surface de radis rose ou de betterave rouge mise à nu, prend au bout de peu de jours une teinte rose ou rouge : il y a production de matière colorante dans le suc cellulaire des éléments sous-jacents (*); dans les cas que j'ai eus sous les yeux, ces cellules n'intervenaient pas dans la cicatri- sation proprement dite. De même, on constate qu’auprés des bles- sures subies par les poires, le tissu charnu, jusqu'à une distance de plusieurs millimètres, est beaucoup plus chargé de cellules pier- reuses qu il ne l'est a l’état normal. Le cas le plus curieux d'action a distance nous est fourni par Impatiens Sultani. Lorsqu'on ampute un entrenœud vers sa partie () C’est M. Errera qui attira mon attention sur ce fait. Tome III, 1898. CHEZ LES VÉGÉTAUX. 461 supérieure, il ne s'opère aucune cicatrisation dans le voisinage de la plaie; mais au bout de peu de jours on voit l’entrenceud se déta- cher au niveau du nœud qui le limite vers le bas. L’excitation méragogue a été transmise sur un trajet de plusieurs centimètres a travers des cellules qui ne présentent aucune modification appréciable, jusqu’à celles qui se trouvent dans le voisinage du nœud. Ici la réaction cicatricielle s’est produite, de nouvelles cloi- sons se sont formées et l'entrenœud tombe en entier, laissant en dessous de lui une cicatrice en voie de développement. Exacte- ment le même phénomène se produit quand on brûle ou qu'on coupe la nervure médiane d’une feuille près de la base du limbe : les phénomènes de cicatrisation font défaut autour de la bles- sure, mais après deux ou trois jours, la feuille se détache de la tige. IV. — RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. Les plantes dont les organes sont formés d’un tissu massif sont les seules qui offrent de la vraie cicatrisation; celles dont les cel- lules sont simplement disposées en filaments ne présentent à pro- prement parler que de la réparation. Encore, parmi les premières, les Archégoniates inférieures ne cicatrisent-elles, pour la plupart, leurs blessures que d’une manière très imparfaite. Chez le plus grand nombre de Phéophycées et de Floridées, le processus cicatriciel suit, dans ses traits essentiels, la même marche que chez les Phanérogames : segmentation des cellules profondes et acquisition par les cellules filles des caractères des éléments superficiels. Nos expériences nous conduisent à admettre que chez les Phané- rogames, la segmentation cellulaire se fait en réponse a une exci- tation émise par la surface lésée. La réaction qui s’accomplit en réponse à cet excitant « méragogue » est caractérisée par la divi- sion amitosique de la cellule, et par l'orientation strictement définie des cellules filles. Cette réaction n'est pas sans analogie avec les réactions héliotropiques, chimiotaxiques, etc., qu’accomplissent Tome III, 1898. 462 J. MASSART. — LA CICATRISATION les organes végétaux en présence d'autres excitants externes, réac- tions qui consistent essentiellement dans l’orientation des organes excités. Quant à l'excitation « phellagogue », elle est probablement déter- minée par la transpiration. Les cellules réagissent en subérisant leurs membranes. Les deux modes d’excitation sont entièrement distincts. Si tout phénomène cicatriciel doit être considéré comme une réaction de la plante vis-à-vis de l'excitation méragogue, l'excitation phella- gogue, au contraire, ne se manifeste que dans les cellules subé- risées. En général, celle-là précède celle-ci ; il existe pourtant des exemples où l’on voit les cellules ne réagir que vis-à-vis d'un seul de ces excitants. Des cellules qui dans les conditions habituelles n’ont qu'une exis- tence passagère peuvent recevoir, par le fait d’un traumatisme, un regain de vigueur et donner naissance à des tissus dont la vitalité se prolongera indéfiniment. Toutes les cellules des Phanérogames sont aptes à donner du tissu subéreux; celui-ci aura des caractères identiques, quelles que soient les cellules qui ont contribué à sa formation, qu’elles déri- vent du dermatogène, du périblème ou du plérome. Tome III, 1898. CHEZ LES VEGETAUX. 463 BIBLIOGRAPHIE (56) K. Mürzer, Zur Kenntniss der Reorganisation im Pflanzenreiche. (Bot. Zeit., 1856, p. 200.) (63) W. HOrMEIsTER, Zusatze und Berichtigungen zu den 1851 verôffentlichten Untersuchungen der Entwickelung hôherer Kryptogamen. (Pringsheim’s Fahrb. f. wiss. Bot., Il, p. 259, 1863.) (65) TH. GEYLER, Zur Kenntniss der Sphacelarieen. (Pringsheim’s Jahrb. f. wiss, Bot., IV, p. 479, 1865.) (72) Hansrein, Ueber die Lebensthatigkeit der Vaucheriazelle. (Sztzungsber. niederrhein. Ges. Bonn, 4 nov. 1872.) Cité dans H. de Vries (85). Russow, Vergleichende Untersuchungen der Leitbiindelkryptogamen. (Mém. Ac. imp. sc. Saint-Pétersbourg, 7° série, t. XIX, 1872.) Cité par A. de Bary (77). (76) N. 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Certes il faut admettre que chez les Algues dont les cellules sont simplement placées bout à bout pour former des filaments non ramifiés ou à fausse ramification, il n’y a pas de vrai phénomène cicatriciel, il n'y a même pas de réparation. Toutes les cellules d'un Spzrogyra sont équivalentes, elles vivent (*) Ce travail a paru dans les Mémoires couronnés et autres Mémoires publiés par l’Académie royale de Belgique, t. LVIII, 1899. (2) La cicatrisation chez les végétaux. (MEM. COUR. DE L’ACAD. ROY. DE BEL- GIQUE, t. LVIII, in-8°, 1898.) — Réimprimé dans ce volume. (Voir le travail pre- cedent.) Tome III. 30 ToME III, 1800. 466 E, DE WILDEMAN. — SUR LA RÉPARATION séparément, et l’on n'observe pas la prolifération d'une cellule vivante dans une cellule morte. Pour certaines Algues de structure très semblable a la Spirogyre, l'Ulothrix zonata, par exemple, on peut observer la prolifération des cellules vivantes dans les cellules mortes, et la formation de cellules chlorophylliennes ou de rhi- zoïdes dans l’intérieur de ces cellules mortes. Mais cette produc- tion ne peut être intitulée réparation, car il n'y a pas remplace- ment complet des cellules mortes et reformation d'un filament continu. Dans certains cas spéciaux, que nous n’avons pas a rappeler, parce que Massart en tient compte, on pourrait peut-étre parler de cicatrisation; ce sont la des cas tout a fait exceptionnels, des phé- nomènes qui se passent en dehors du filament de VAlgue. Mais chez les Algues filamenteuses ramifiées, il y a des réactions particulières qui se présentent; c'est sur ces réactions que nous ne pouvons être d’accord avec les idées de Massart. Massart range les Algues filamenteuses en deux catégories : Algues à rameaux filamenteux libres. Algues à filaments juxtaposés en une lame continue. La première de ces catégories, dans laquelle cet auteur place les genres suivants : Cladophora, Trentepohlia, Cephaleuros (rameaux fertiles), Ectocarpus, Antithamnion, répond, au point de vue de la réparation, à la règle suivante : La cellule lésée meurt; la cellule sous-jacente émet un rameau latéral. Pour les Algues énumérées par Massart, le phénomène peut certes se passer tel que le formule la loi et tel qu’il est figuré dans les deux dessins qui accompagnent le texte, dans la notice de Massart. On peut voir très souvent chez le Cephaleuros et chez beaucoup d'espèces de Trentepohlia pléiocarpes, un rameau naître à la base des renflements qui supportent les zoosporanges flétris. Mais il se produit aussi très souvent, après le détachement des zoosporanges, une prolifération de la cellule qui les supporte; il se forme alors un nouveau filament qui peut porter à son extrémité un nouveau capitule de zoosporanges. Après la chute de ces derniers, une nou- velle prolifération peut se produire et le mème phénomène peut Tome III, 1899. CHEZ QUELQUES ALGUES. 467 se répéter jusqu à dix fois. Nous avons figuré cette succession de capitules zoosporangiaux chez le Trentepohlia arborum dans nos Observations sur les Algues rapportées par M. J. Massart d'un voyage aux Indes néerlandaises (pl. XVIII) (”). Le même phénomène se produit chez le Cephaleuros, où nous avons signalé jusque cinq glomérules superposés (’). Le zoosporange terminal n'arrête pas la croissance d’un filament, et la cellule sous-sporangiale peut, dans la plupart des cas, se développer et donner naissance soit a un filament normal, soit à un nouveau zoosporange. Les zoosporanges emboités des Saprolégniées et des Chytridi- nées sont bien connus. Ce ne sont d'ailleurs pas seulement les zoosporanges terminaux qui peuvent présenter de la prolifération, mais aussi les zoosporanges latéraux ; de tels zoosporanges emboités ou remplacés par des rameaux sont signalés et figurés en grand nombre chez les Myrionémacées dans le travail de Sauvageau, auquel nous aurons à renvoyer plusieurs fois encore le lecteur (°). Nous ne pourrions citer tous les travaux où il est fait mention de telles proliférations : cela nous menerait fort loin et ne serait d'aucun secours ni appui pour ce que nous voulons démontrer. Nous aurons d’ailleurs bientôt à montrer la prolifération normale, pour- rions-nous dire, des zoosporanges dans une nouvelle espèce du genre Trentepohlia, récoltée au Congo par notre regretté camarade Alfr. Dewèvre. Mais il s’agit ici, pourrait-on objecter, d'une destruction physio- logique normale, et il est question, dans le travail de Massart, de blessures; aussi n'insisterons-nous pas sur les cas de prolifération de zoosporanges. Nous allons envisager particulièrement les Phycopeltis et Trente- pohlia; les observations que nous avons pu faire sur ces deux genres d’Algues seront suffisantes pour permettre de tirer des (1) Annales du Fardin botanique de Buitenzorg, Suppl. 1, 1897, p. 56, pl. XVIII. (2) Note sur le Cephaleuros virescens. (NOTARISIA, 1890, p. 953.) (3) Sur quelques Myrionémacées. (ANN. SC. NAT., sér. 8, t. V, n°5 3 et 4.) Tome III, 1899. 468 E. DE WILDEMAN. — SUR LA REPARATION conclusions; elles montreront que les regles Fe par Massart ne peuvent avoir une portée générale. Dans les deux dessins figures 1 et 2, nous montrons que même dans le cas de blessure, la cellule sous-jacente à la dernière cel- lule morte peut proliférer directement dans la continuité du fila- ment, et qu’elle n’est pas forcée de donner une ramification latérale, comme semble le croire Massart. La figure 1 nous montre la nou- velle cellule encore entourée d’un manchon constitué par la paroi Fic. 1. — Rameau fructifère de Cephaleuros virescens dans lequel, la cellule terminale étant morte, la cellule sous-jacente a proliféré à travers la cellule morte. Fig. 2. — Rameau de Cephaleuros virescens dans lequel, la cellule terminale étant morte, la cellule sous-jacente a proliféré et donné naissance à un rameau pluricellulaire terminé par un glomérule fructifère. A la base du rameau, une gaine formée par l’enveloppe de la cellule morte. cellulaire morte. Dans la figure 2, la membrane de la cellule pri- mitive est déchiquetée, elle finira par disparaître; le rameau de réparation est pluricellulaire et terminé par un glomérule fructi- fere. Ces deux figures sont prises sur des filaments fertiles de Cephaleuros virescens (C. parasiticus), la même Algue qui a servi a Massart pour démontrer la ramification latérale des filaments après blessure. Chez les Trentepohlia, le même fait se reproduit. Outre les cas observés dans le cours de nos études sur ce genre, nous avons pu en réétudier de très nombreux dans les matériaux rapportés de Java par J. Massart lui-même, dans ceux communiqués antérieure- ment par Mr Weber-van Bosse et dans ceux que nous avons reçus tout récemment de H. Müller, par l'intermédiaire du profes- Tome III, 1899. CHEZ QUELQUES ALGUES. 469 seur O. Nordstedt. C’est dans les matériaux de provenance tropi- cale que les blessures et les proliferations semblent le plus fré- quentes. On observe en général que la cellule sous-jacente à une cellule morte se développe comme si cette cellule n’existait pas, et cela que la cellule lésée soit terminale ou intercalaire, que la cellule lésée soit unique ou qu'il y en ait plusieurs disposées en série. Nous devons même ajouter que les cas de développements directs sont beaucoup plus fréquents que ceux où l’on observe la formation d’une ramification latérale, du moins en ce qui concerne le genre Trentepohlia. La figure 3 nous montre l’extrémité d’un filament de T. arborum Fic. 3. — Extrémité d’un rameau de Zventepohlia arborum,; la cellule terminale est morte, la cellule sous-jacente a proliféré à l’intérieur. dans lequel la cellule terminale est morte, mais a conservé sa forme; la cellule sous-jacente a donné naissance à une nouvelle cellule terminale encore enfermée dans la paroi de la cellule pri- mitive. La figure 4 représente un cas semblable pour le Trentepohlia aurea var. polycarpa. Dans le fragment de thalle dessiné figure 5, les deux cellules terminales sont mortes; c'est la troisième qui a proliféré et a donné naissance a une nouvelie cellule terminale. Dans la figure 6, trois cellules sont mortes; la quatrième a fourni une nouvelle cellule terminale. Dans les trois cas, la cellule terminale remplaçante n’a pas encore percé la paroi des cellules mortes, elle est toujours enfermée dans une des cellules. Dans les figures 7 et 8, la prolifération des cellules sous-jacentes aux cellules mortes est plus avancée. Dans la figure 7, il y a deux nouvelles cellules formées et la terminale a percé la paroi supé- rieure de l’ancienne cellule terminale. Dans la figure 8, deux cel- lules étaient mortes, le nouveau rameau formé comprend quatre Tome III, 1899. 470 É. DE WILDEMAN. — SUR LA RÉPARATION cellules, la supérieure a également percé la paroi de l’ancienne cellule terminale. Fic. 4, 5 et 6. — Rameaux de 7rentepohlia aurea var. polycarpa. Fic. 4. — La prolifération s’est faite au détriment de la cellule sous-terminale. Fic. 5. — La troisième cellule a proliféré dans le vide laissé par la mort de la deuxième cellule. Fic. 6. — La quatrième cellule prolifère, les trois supérieures étant mortes. La figure 10 fait voir une cellule terminale morte dans laquelle deux cellules se sont développées au détriment de la cellule sous- jacente. La figure 9 montre la prolifération d’une cellule interca- laire en contact avec plusieurs cellules mortes. Quant aux figures 11 et 12, elles sont destinées, comme certaines des précédentes, à faire voir que les cellules intercalaires peuvent proliférer en présence de la cellule terminale. Dans la figure 11, la cellule terminale est séparée du reste du filament par trois cellules mortes, et la cinquième cellule com- mence à proliférer ; quant au filament de notre figure 12, la solu- tion de continuité n’est que d'une cellule, mais elle sera bientôt comblée par la prolifération de la cellule sous-jacente. La figure 13 est intéressante, car elle montre la phase initiale, peut-on dire, de la prolifération; la paroi cellulaire des cellules Tome III, 1899. CHEZ QUELQUES ALGUES. 471 27 Line eee Fe Se ee ee ae Fic. 7 et 8. — Trentepohlia aurea Var. polycarpa. Prolifération des cellules sous- jacentes à des cellules terminales mortes; les nouvelles extrémités de rameaux ont percé la paroi des anciennes cellules. carpa et Trentepohlia arborum. Proli- Fig. 9 et 10. — Trentepohlia aurea var. poly une cellule sous-terminale. fération d’une cellule intercalaire et prolifération d’ Tome III. 1890. 472 É. DE WILDEMAN. — SUR LA RÉPARATION mortes est refoulée par l'accroissement de la dernière cellule vivante du filament. Dans les divers cas examinés plus haut, il ne s'agit nullement de ramification ; certains de ces cas auraient peut- être s’il nous avait été donné de poursuivre leur développement, FiG. 11 et 12. — Trentepohlia aurea var. polycarpa. Prolifération de cellules intercalaires; fig. 11, trois cellules intercalaires sont mortes; fig. 12, le contenu d’une seule cellule a disparu. Fig. 13. — Tvrentepohlia aurea var. polycarpa. La dernière cellule vivante repousse devant elle les parois des cellules mortes qui se trouvent au-dessus d’elle. montré des ramifications, mais ces dernières n’auraient en tout cas pas été directement dues a l'excitation produite par la bles- sure. Notre figure 14 montre un fragment de filament dont la cellule Tome III, 1899. CHEZ QUELQUES ALGUES. 4a terminale et une cellule intercalaire sont mortes; dans les deux cas, la cellule sous-jacente a proliféré et a formé un filament dont les cellules, au lieu de remplir la cavité de la blessure, sortent du | La Fic. 14. — Zrentepohlia aurea var. polycarpa. Les cellules terminales et une cellule intercalaire sont mortes; dans les deux cas, les cellules inférieures adjacentes prolifèrent et donnent naissance à des rameaux latéraux qui sortent obliquement du filament initial et tranchent par leur aspect sur le rameau normal # que l’on voit dans le dessin. filament et constituent une sorte de ramification qui tranche sur la ramification normale dont on peut voir un exemple dans la même figure en b. Quant aux figures 15 et 16, elles représentent une ramification Fic. 15 et 16. — Zrentepohlia aurea var. polycarpa. Ramification du thalle à la suite de la prolifération d’une cellule sous-jacente à une cellule morte. TOME III, 1X99. 474 É. DE WILDEMAN. — SUR LA RÉPARATION analogue, mais ici la cellule, née du développement de la cellule sous-jacente à la blessure, a presque complètement rempli la cavité, avant de sortir du filament pour former une ramification. Mais ce qui fera toujours reconnaître qu’il s'agit d’une ramification ano- male, alors même que la cavité de la cellule morte serait comple- tement oblitérée, c'est la disposition de la cloison située vers la base du rameau; elle est toujours oblique par rapport à la direction du filament primitif. Quand la ramification se fait normalement, elie nait toujours latéralement a la cellule, et la premiere cloison qui apparaît dans le rameau est parallèle a la direction du filament primitif, généralement même elle est située au niveau de la cellule mere du rameau primitif. Reste un dernier cas à examiner : c'est celui où les deux cellules, avoisinant une blessure, prolifèrent toutes les deux et poussent des prolongements à la rencontre l’un de l'autre. Il se forme alors une double ramification, les deux rameaux formés étant forcés, par suite de leur accroissement, de sortir côte à côte de la cellule morte, comme le montrent les figures 17 et 18. Il peut se présenter naturellement ici toute une série de cas différents et des aspects bizarres, suivant le développement des deux rameaux; cette rami- fication géminée rappelle ce qui se présente chez certaines Cyano- phycées. Fig. 17. — Zrentepohlia arborum. Une cellule intercalaire est morte, les deux cellules adjacentes prolifèrent et donnent naissance à des rameaux qui sont poussés hors de la cellule morte et donnent une ramification géminée. Ce n’est d'ailleurs pas la première fois que l’on signale ce fait chez les Thallophytes : citons l’exemple décrit et figuré par Sauva- Tome III, 1890. CHEZ QUELQUES ALGUES. 475 geau chez l’Hecatonema maculans (*), où l’un des rameaux issus de la prolifération d'une des cellules voisines de la cellule lésée, a même développé à son extrémité un zoosporange. Fic. 18. — Trentepohlia arborum. Même formation que dans la figure précédente; les deux rameaux sont plus fortement développés. Sauvageau cite d’ailleurs toute une série de faits qui viennent à l'encontre de la règle formulée par Massart. Ce dernier cite, il est vrai, le cas du Griffithsia et du Sphacelaria, qui sont a mettre en parallèle avec les faits que nous signalions plus haut; cela seul aurait déjà dû mettre l’auteur en garde et lui faire voir que sa loi ne pouvait avoir une portée générale. Lorsque l’on envisage une Algue filamenteuse et en général un Thallophyte filamenteux à filaments libres, il faudrait, si l'on veut essayer de formuler une règle, dire : La cellule lésée meurt, les cellules voisines peuvent proliférer en donnant naissance soil à des (*) SAUVAGEAU, loc. cit., fig. 22, A et B. ToME III, 1890. 476 É. DE WILDEMAN. — SUR LA RÉPARATION cellules qui remplacent complètement les portions mortes, soit à des ramifications latérales qui arrêtent la croissance directe du filament. La deuxième catégorie proposée par Massart, celle des Algues à « filaments juxtaposés en une lame continue », serait, pour la répa- ration, régie par la loi : Le filament dont la cellule terminale est morte cesse de s’allonger; les filaments voisins Ss'accroissent et se ramifient davantage. Le rameau lésé ne réagit pas, mais l'excitation se transmet aux rameaux les plus proches. L'auteur s'attache particulièrement aux observations qu'il a faites sur le Phycopeltis Treubii, dont il a récolté de très beaux matériaux pendant son séjour à Java. D'après la loi rappelée plus haut, il semblerait que le développe- ment si curieux des Phycopeltis, dont le bord du thalle est géné- ralement muni d’excroissances irrégulières, serait dû à l'excitation occasionnée par la blessure et la mort de cellules périphériques du thalle, ou accessoirement par suite de l'arrêt de croissance de certaines cellules, par l’attouchement des cellules d’un autre thalle. Or, si ces deux facteurs peuvent avoir une action, ilsne peuvent en tout cas être considérés comme les seuls capables de donner au pour- tour du thalle de ces Algues épiphytes leur crénelure si variable. Notre figure 19 représente un fragment de la bordure du thalle d'un Phycopeltis et nous montre la prolifération d'une des cellules périphériques; et cependant aucune des cellules voisines n’est lésée, et il n’y avait point dans les portions avoisinant la proliféra- Fig. 19. — Fragment du thalle de Phycopeltis Treubii. Une des cellules péri- phériques a donné naissance à une expansion pluricellulaire; les cellules voisines de l'expansion sont toutes saines. Tome III, 1899. CHEZ QUELQUES ALGUES. 477 tion, de thalle de Phycopeltis ou d'une autre Algue qui aurait pu arréter le développement. Pour ce cas, il faudrait donc chercher ailleurs la cause de la prolifération. Ne pourrait-on pas admettre, avec assez de raison, que c’est la cellule sous-jacente a une cellule périphérique lésée qui a donne naissance a cette expansion du thalle? Sauvageau (‘) a aussi noté la formation de ramifications anor- males après blessures, et dans les cas observés par lui, c'est bien la cellule sous-jacente aux cellules mortes qui donne naissance, soit directement, soit latéralement, à une nouvelle file de cellules. Certes, les faits exposés par Massart se présentent dans la nature, et l'on comprend aisément que dans bien des cas, avant que les cellules sous-jacentes à des cellules mortes aient pu se développer, et refouler ou traverser les cellules mortes, les cellules voisines, bien vivantes et n'ayant pas à repousser devant elles des parois cellulaires inertes, ont pu acquérir un certain développement, qui peut à son tour arrêter le développement des cellules sous-jacentes à la blessure. La figure 20 prouve, nous semble-t-il, suffisamment que les Fic. 20. — Fragment de thalle de Phycopeltis dans lequel un grand nombre de cellules sont mortes, les cellules terminales des fragments de files encore vivants vont proliférer comme le montrent particulièrement trois cellules. (4) SAUVAGEAU, loc. cit., fig. 1 M, fig. 18 C, fig. 28 B. Tome III, 1899. 478 É. DE WILDEMAN. — SUR LA RÉPARATION files de cellules dont les extrémités sont détruites, peuvent se développer et donner naissance a de nouvelles cellules terminales. En effet, ce dessin a été pris dans un thalle dont toutes les cellules périphériques avaient été détruites; toutes les cellules terminant les fragments de rameaux encore vivants ont leur paroi supérieure fortement bombée et trois d’entre elles montrent un commence- ment de ramification, indice certain de la formation de ces épan- chements de thalle analogues à celui de notre figure 19. Il n’y a point de doute dans ce cas: la cellule sous-jacente aux cellules lésées peut directement proliférer. La régénération d’un thalle peut se faire aussi par le bourgeon- nement d’une cellule ou de quelques cellules seulement. Comme le montre notre figure 21, nous avons vu des thalles dont le Fic. 21. — Fragment de thalle de Phycope/tis dont presque toutes les cellules sont mortes; quelques cellules de deux files contigués sont encore vivantes et l’une de ces files a formé latéralement une expansion qui donnera un jeune thalle. contenu cellulaire avait presque complètement disparu : il ne restait que les parois, sauf pour des fragments de files dans lesquelles certaines cellules étaient encore vivantes et avaient pro- liféré latéralement, en donnant lieu a un jeune thalle de structure analogue a celle des proliférations que nous signalions plus haut. Citons encore pour le Phycopeltis les cas intéressants d’hétéro- morphose, en tout comparables à celui que signalait Sauvageau (*) chez un Myrionema. (1) SAUVAGEAU, /oc. cit., pp. 198 et 209. Tome III, 1899. CHEZ QUELQUES ALGUES. 479 Le thalle de Phycopeltis perd souvent les cellules centrales, et l’on ne retrouve même plus, dans certains cas, les parois cellu- laires; il y a alors au centre de l'Algue un véritable vide. Dans le cas figuré ci-dessous, l'on voyait plusieurs cellules du bord de la plaie qui avaient proliféré en sens inverse de la croissance ordi- naire des files cellulaires du thalle. La figure nous montre un fragment de ce thalle dont deux filaments ont proliféré et ont donné naissance à deux portions de thalle se développant dans le vide central. Il s'agit donc bien ici d’une hétéromorphose, et c'est bien une cellule sous-jacente à une cellule lésée qui a donné nais- sance à ce bourgeonnement. Si ce thalle avait pu continuer sa croissance, il serait arrivé un moment où la blessure centrale du thalle primitif aurait été comblée par le bourgeonnement des cellules du bord de la plaie. C’est grâce à cette prolifération dans tous les sens que l’on trouve des thalles dont lirrégularité est très grande, et dont il n’est plus possible de trouver le vrai centre de développement. Fic. 22. — Hétéromorphose du Phycope/tis; le bas de la figure représente le vide central d’un thalle à l’intérieur duquel deux cellules de bordure de la plaie ont prolifére. On ne peut donc, en aucune façon, admettre comme générale la règle que propose Massart, car nous voyons clairement le filament dont la cellule terminale est morte réagir lui-même, la cellule voisine de la dernière cellule lésée pouvant proliférer et remplacer les éléments morts. Dès lors, le second membre de phrase : Le TOME III, 1899. 480 É. DE WILDEMAN. — SUR LA RÉPARATION rameau lésé ne réagil pas, mats l'excitation se transmet aux rameaux les plus proches, ne peut avoir la valeur que lui accorde Massart. Certes, comme nous l'avons dit, il peut se faire que ces filaments voisins se ramifient plus rapidement que les cellules avoisinant les éléments morts, mais ce cas ne peut être considéré comme géné- ral; il n'est certes pas plus fréquent que celui de l'accroissement direct des cellules adjacentes aux cellules lésées. Pour les Algues à thalles formés de files cellulaires juxtaposées, nous pourrions donc répéter la même règle que celle que nous formulions plus haut (p. 13); les deux groupes d’Algues se con- duisent, pour la réparation, d'une manière identique. On peut déduire, semble-t-il, des quelques faits présentés, que chez les Algues filamenteuses toutes les cellules sont capables, dans certaines conditions, de bourgeonner, et qu'il n'y a pas, même chez les Algues déjà assez spécialisées telles que Phycopeltis, Myrionema, une différence si nette entre les cellules intercalaires et les cellules terminales, qui seules à l’état normal sont destinées à remplir les fonctions de méristème. Toutes les cellules interca- laires peuvent être amenées à remplir la fonction de cellules termi- nales, et il peut même se produire de l'hétéromorphose, car nous avons vu une cellule intercalaire voisine d’une blessure proliférer en sens opposé à la direction de la croissance normale du thalle. Une cellule adulte peut donc réacquérir la fonction de méristème, qui, dans l’état normal chez les Algues de la deuxième catégorie, était dévolue à la cellule terminale. Les deux règles proposées par Massart pour la réparation des Algues filamenteuses, ne peuvent donc être admises comme lois générales. La loi régissant, d'après Massart, la cicatrisation des blessures chez les Algues à thalle massif, pourrait également s'appliquer à la réparation chez les Algues filamenteuses. Massart dit en effet : Les cellules profondes, mises à nu, se multiplient; les cellules filles prennent tous les caractères de cellules superficielles. La première partie de la phrase rappelle bien ce qui se passe dans les divers cas que nous avons examinés et dans ceux rapportés TomE III, 1890. CHEZ QUELQUES ALGUES. 481 par Sauvageau; on ne peut tenir compte naturellement du deu- xième membre de phrase, car il n'est pas question chez les Algues filamenteuses de cellules non superficielles. Si l'on veut donc formuler une loi spéciale pour les Algues filamenteuses, chez lesquelles la réparation et la cicatrisation sont moins accentuées que chez les Algues a thalle massif, il faudra englober les deux catégories d’Algues filamenteuses, pour lesquelles les phénomènes de réparation sont les mêmes. Cette loi pourrait se formuler ainsi que nous l'indiquons plus haut. Cette loi envisage tous les cas possibles, et l’on pourrait fort bien la remplacer par une loi plus générale, a savoir : Toutes les cellules des Algues filamenteuses sont capables, après blessure et mort d’une de leurs voisines, de donner naissance à des cellules et de régénérer, par suite, les portions détruttes du thalle. C'est-à-dire que chezles Thallophytes filamenteux (du moins chez les Algues et probablement aussi chez les Champignons), la fonc- tion de méristème dévolue en général aux cellules terminales, peut être reprise par toutes autres cellules, si ces premières cellules viennent à manquer. Toutes les cellules de ces Thallophytes sont donc équivalentes ou peuvent le devenir. TOME III. 31 ae ae Aa Seer Rn y | MCE É 4 un \ LE Fi HA lov crabs SEAL t and Meh FQ dee pt à ‘era ei PUR aa i 4 be “il ii ]