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NOTICES ET MÉMOIRES

DE LA

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SOCIETE ARCHEOLOGIQUE

DE \.K

PROVINCE DE CONSTANTINE

1864

Conslaiiliiie. - Typ.-lilli. ALESSl & ARMET.

RECUEIL

DES

NOTICES ET MÉMOIRES

DE LA

S§ïI:ïÉIÎ AMIIdMSMfl

BE LA

PROVINCE DE CONSTANTINE

t-^-TTSjjDiÇjKTr-^

1864

CONSTANTINE ALESSl & ARNOLET, Libraires-Éditeurs, rue du Palais.

ALGER

BASTIDE, Libraire -Éditeur Place du Gourernemeu) .

PARIS

CHALLAMEL, aîné, Éditeur 30, rue des Boulangers.

1864

CONSTANTINE L. ARNOLET, Libraire-Éditeur, rue du Palais

PRÉFACE

Yuis ces dflii'is saTan(s par rUommr iuleiTuyé* ; la l'oulUe de l'airaiii et les marbrrs i-ouyés. De muels mouameuts, d'informe» caractère», De quelques noms usés frêles dépositaires. Composent à nos jeui des fastes éclatants El racontent les faits dévorés par le temps. THOMiS. —{Pctréide,)

Cette épigraphe ne semble-l-elle pas être une véritable et poétique préface de notre préface inhabile? N'indique- t-elle pas le but honorable de notre publication modeste et pourtant si intéressante au prismatique point de vue de l'art, de la science, de l'histoire, de la géographie et des mœurs aniiques ? L'archéologie n'a-t-elle pas la gloire, à force de soins, d'efforts, de recherches et de rapprochements merveilleux, de faire mentir le poète ancien :

Tabida consumil ferrum lapidem que vetiisias, NuUaque res niajus lempore rohur habet.

OV...

Eh bien! la chose plus forte que ce grand démolisseur,

VI

c'esl Varchéologie, qui triomphe sur les ruines du temps et refait l'histoire du passé en rajustant les débris qui devaient, par leur dissémination à toute distance et leur confusion babélique, en rendre impossible la reconstruc- tion idéale ou scientifique. Elle recueille tous ces élé- mcnls épars et tire de leur étude des inductions qui deviennent bientôt des certitudes.

Voilà pourquoi, avant l'impression du volume de 1863, notre ami Bâche faisait remarquer, dans une séance de la Société, que le mot Anmiaire était un titre mal choisi ou impropre, et suppliait l'assemblée d'adopter le mot RECUEIL, qui est à lui seul une définition. Ce nouveau titre reçut sa consécration immédiate et nous le voyons briller en tcle du septième volume.

Aujourd'hui, la Société archéologique de la province de Conslanline publie son huitième RECUEIL, contenant les travaux de l'année. Ses recherches et ses éludes an- térieures, les noms de ses écrivains, l'importance des services qu'elle a rendus à la science, tous ces avantages n'ont point été méconnus par le monde savant. Nous di- rons seulement ici, comme mention honorable, que plu- sieurs revues et plusieurs journaux, grands et petits, ont maintes fois daigné rendre un juste hommage à ses labeurs.

Elle a mis à contribution toute la Numidie, qui lui a fourni de nombreux monuments épigraphiques. Enfin, elle a pensé que ce n'était point assez d'embrasser cette science vaste, mais aride ou trop sérieuse : l'histoire et tout ce qui peut avoir un intérêt local entreront désor-

vit

mais dans son cadre. Chaque lecteur y trouvera donc ainsi des études conformes à ses goûts.

En effet , le présent RECUEIL renferme déjà deux mémoires d'un genre tout nouveau et cependant très- utiles pour connaître le pays que nous habitons.

Le premier est une notice de M. le commandant PAYEN sur les travaux hydrauliques du Hodna, remon- tant à l'époque de la domination romaine. Ce savant tra- vail aie mérite d'offrir un attrait tout particulier et nous semble du plus haut intérêt. Les moyens de recueillir les eaux en Afrique, leur aménagement, l'équité de leur ré- partition, la série d'avantages qu'elles procurent au point de vue de l'hygiène, de la fécondation et des phénomènes atmosphériques, tous ces faits donnent une grande im- portance à cette question toute algérienne.

Le second mémoire est une monographie de la grande tribu des Abd-en-Nour ; c'est en faire un assez brillant éloge que de dire qu'elle est due à la science et à la plume de M. l'interprète FÉRAUD, dont les travaux consciencieux^ originaux et toujours pleins d'attrait^ font autant d'honneur au RECUEIL de la Société archéologique de la province de Constantine qu'à la REVUE Africaine, publiée par la Société historique algérienne.

Mais, si nous venons de louer avec justice les collabo- rateurs vivants, nous n'en devons pas moins un hommage aux ouvriers de l'œuvre qui se sont en allés, après la vie, dans ce mystère de ténèbres dont nous sondons les secrets à propos des morts anciens. Que l'archéologie

vil

n'ait pus besoin, un jour, de fouiller dans les débris de leur tombe pour savoir comment ils se nommèrent et ce qu'ils furent.

En tête de notre liste nécrologique, malheureusement trop longue pour une année, nommons M. Faudon, juge d'instruction à Constantine. Jl n'a point donné d'articles dans le RECUEIL, c'est vrai, mais il n'en était pas moins dévoué aux autres labeurs de la Société.

Après lui, c'est notre ami Paul-Eugène Bâche, poète, prosateur, érudit; l'art, la science et toutes les connais- sances humaines lui étaient pour ainsi dire familiers. Sa mort a été une perte immense pour la poésie, l'art, la science, le dévouement et la courtoisie littéraire et fra- ternelle. Nous lui avons consacré une notice qui a été insérée dans le n" 41 (septembre 1863) de la Revue afri- caine; et M. Berbrugger a bien voulu y ajouter quelques détails qui prouvent son estime pour M. Bâche et l'afTec- tueux souvenir qu'il en conserve.

M. Seguy-Villevaleix, maire de Constantine et présiden de la Société, n'a cessé, jusqu'à sa mort, de porter un vif intérêt à cette œuvre de science et de désintéresse- ment ; plus d'une fois il en a donné des preuves en ai- dant à la prospérité de l'entreprise. Rappelons aussi qu'il a été le fondateur du Musée archéologique.

M. Cordonnier, premier adjoint, continue cette mission .ivec une grande bienveillance et un zèle digne d'éloges ; lui aussi possède à un degré remarquable le sentiment de Tari et comprend tout l'intérêt que méritent la créa-

IX

tion et l'accroissement de ce musée. Nous sommes sûr que notre nouveau maire ne restera pas en arrière de ses devanciers.

Quelques mois après cette perle, nous devions en dé- plorer une autre, celle de M. Gadot, pharmacien à Cons- lantine, un ancien du pays, un ami de la science, un cœur à tous dévouements, une âme sans fiel, une main toujours ouverte, une figure sereine, un citoyen sans reproches.

On peut dire de lui : c'était un homme de bien ; il aurait pu être riche ; il a préféré mourir comme Aristide.

t

Il nous reste à faire mentir le proverbe qui dit : Les absents ont toujours tort. Nous voulons parler de M. Cher- bonneau, que la ville d'Alger nous a ravi. Depuis la création de la Société, il a constamment rempli les labo- rieuses fonctions de secrétaire ; ses recherches actives, ses nombreuses connaissances et ses savants articles, ont singulièrement contribué à élever notre RECUEIL au rang honorable qu'il occupe aujourd'hui. Qu'il nous rende donc souvenir pour souvenir et qu'il continue sa collaboration à la Société, qui en sera toujours aussi honorée que reconnaissante.

Donnons aussi un adieu à son digne successeur, M. le docteur Leclerc, qui est resté trop peu de temps à Constantine. Sa science et son entier dévouement étaient acquis à notre Société, el, sous l'impulsion d'un tel homme, haut placé dans le monde savant et parmi ses confrères du corps médical militaire, notre RECUEIL ne

pouvait que gagner en prospérité et en réputation ar- cliéologique. Mais nous sommes persuadé que, de loin comme de près^ il ne nous refusera pas son précieux concours.

Aussi, travaillons toujours avec une nouvelle ardeur au grand œuvre de l'archéologie, au grand livre de l'his- toire, à la résurrection idéale des générations passées, à la restitution des vols commis par le temps, à la recons- truction scientifique des monuments détruits.

Comme Démocrile, le sublime philosophe d'Abdére, l'illustre fou de la science immortelle^ V Archéologie s'as- sied sur les cercueils, médite dans les tombeaux, et sort des ténèbres les trésors obscurcis et mutilés par le temps ; puis, à l'aide de son flambeau sacré, elle reconnaît dans quelques poignées de poussière les différents peuples disparus, et dit avec Feulry :

« Là, cent tombeaux, pareils aux livres des prophètes, « Sont (les lois de la mort les tristes interprètes : « Ces marbres éloquents, monuments de l'orgueil, « Ne renferment, ainsi que le plus vil cercueil, (' Qu'une froide poussière autrefois animée, « Et qu'enivrait sans cesse une vaine fumée! «

Réméon Pescheux.

LISTE ALPHABÉTIQUE

DES MEMBRES TITULAIRES

Ji:»^-^

MM. Arnolet, imprimeur-libraire, à Conslantine.

AsTRiÉ, inspecteur primaire, à Narbonne.

AuBENNE, inspecteur primaire à Constanline.

Bastard, sous-chef de bureau à la préfecture.

Belcour, lieutenant, chef du bureau arabe à Bordj- bou-Arréridj.

Brosselard % , secrétaire-général de la préfecture d'Alger.

Cahen, grand rabbin à Constanline.

Chabassières, géomètre.

Challamel (A), libraire-éditeur, à Paris.

Cherbonneau %, officier de l'Université, directeur du collège arabe-français d'Alger.

Cordonnier, premier adjoint au maire de Conslan- tine.

DuNANT (Henri), homme de lettres, à Genève.

Féhaud (L.) %, interprète de l'armée d'Afrique.

Ferrie (l'abbé), curé de Bréa, province d'Oran.

GiLLOTTE, adjoint au maire de Constanline.

GiNSBURG, missionnaire évangélique.

GuENDE (Jules), gérant de V Africain, à Constanline.

Harâmboure ^, procureur impérial à Conslantine.

JoFFRE, juge de paix à Conslantine.

XH

M.M. Lâmouroux, cuiiseiller de préleclurc.

Lambert, secréiaire de la municipalilé.

Lannoy (de) 0 f^, ingénieur en chef des ponts-el- chaiissées de la province de Constantine.

Lauueau, inspecteur des bâtiments civils à Guelina.

Lebiez ^, ingénieur des ponls-el-chaussées, en mis- sion à Tunis.

Leclerc (L.) %, médecin-major de i'*^ classe.

LiCHTLiN #^, conservateur des eaux et forêts.

Luc, conseiller municipal, défenseur à Constantine.

Marchand, directeur de l'école ccmmunale-

iMarle, imprimeur-libraire, à Constantine.

Meurs ^, architecte en chef du département.

Mœvus ^, ingénieur en chef des mines du départe- ment.

MoLL (Charles-Aug.) %, capitaine du génie, à Paris.

Moussard, professeur au collège de Constantine.

Olivier, principal du collège de Constantine.

Payen ^, capitaine, commandant supérieur du cercle de Bordj-bou-Aréridj.

PiGALLE ^, capitaine, à Biskara.

Réméon I^escheux, correspondant de la Société his- torique algérienne.

Remond, architecte de l'arrondissement de Constan- tine.

Vayssettes , interprèle-traducteur assermenté , à Constantine.

ViCREY, employé du service municipal.

Vital, 0 ^, médecin en chef des hôpitaux militaires.

Viviez ^, inspecteur des domaines, à Constantine.

Yanville (d')^, capitaine au lanciers, à Maubeuge.

XIIl

MEMBRES HONORAIRES.

. Albert (d') de Luynes (le duc), 0 é, membre de r Institut, d-.

Berbrugger (A) 0|e, membre correspondant de l'Ins- titut, conservateur de la bibliothèque et du musée d'Alger, &.

Beulé #, membre de l'Institut, professeur d'Ar- chéologie à la bibliothèque impériale.

Creuly, C %, général du génie.

DuLAURiER (E.) ^, professeur à l'école impériale des langues orientales.

DuKET (le docteur), maire de Nuits.

EspiNA |j, consul de France à Soussa (Tunisie).

Judas (le docteur) %, ex-secrétaire du comité de santé des armées.

Lacroix (Frédéric) #, ancien préfet d'Alger.

Neveu (de) C ^, général, commandant la subdivision de Dellys.

Renier (Léon), 0#, membre de l'Institut, adminis- trateur de la bibliothèque de la Sorbonne.

Romeguère, homme de lettres à Toulouse.

Texier f^, membre de l'Institut.

MEMBRES CORRESPONDANTS.

MM. Aucapitaine, sous-lieutenant au 36e de ligne.

BoissoNNET (le baron) 0 #, colonel d'artillerie, membre du conseil général d'Alger.

XIV

MM. BoNVALET 0 #, lieulenanl-colonel, commandant su- périeur ilu cercle de Bougie.

Bron (le baron) ^, commissaire civil de Baina.

Ceccaldi 0 ^, inspecteur du service médical en Algérie.

Creuzat, directeur de l'institution de Ben-Aknoun.

Deloche ^, chef de bureau au ministère des lia- vaux publics.

Devilliehs ^, capitaine, ancien commandant supé- rieur du cercle d'Aïn-Béïda.

DuvEVRiER (Henri) ^, géographe.

FouRTiER, homme de lettres.

GiRONCOURT (de) 0 ^, lieutenant-colonel, chef du génie à Conslantine.

Grellois (le docteur) 0 f^, secrétaire du comité de santé des armées.

Langlois (Victor), secrétaire de la Société Orientale.

Lapasset, g %, colonel, commandant supérieur de Mostaganem.

Maréchal |j, capitaine du génie, ancien comman- mandant supérieur de Souk-Ahras.

Poulle, vérificateur des domaines, à Bône.

Watebled (Ernest), chef de bureau à la préfecture d'Oran.

MiLLOcniN ^, directeur des domaines, à Blois.

0. Mac-Carthy, ingénieur-géographe, à Alger.

Roger (J.) conservateur du musée de Philippeville.

Sachot (Octave), homme de lettres.

Seroka 0#, colonel, commandant supérieur de la subdivision de BaIna.

XV

MEMBRES DU BUREAU.

Présidents honoraires : MM. Le général Desvaux, G. 0#, Commandant supérieur de la division ; Lâpaine Oa|, préfet du département ; CoNTENCiN (de) 0 %, maire de Gonstanline.

Président poar l'année 1864 : M. Mœvus ^. Vice-président : M. Lamouroux. Secrétaire : M. Leglerg ^. Vice-secrétaire: M. Féraud ^. Trésorier : M. Rémond. Bibliothécaire : M. Marchand.

Par suite du départ de Constantine de M. le docteur Leclerc , la So- ciété a procédé, dans sa séance du 28 avril, à de nouvelles élections.

Ont été nommés : Secrétaire : M. Féraud. Vice-Secrétaire : M. Vayssettes.

ConiinàiifiiBon cliargée «ie l'examen des inauiiscrilei

[. Lamouroux, président. Leglerg ^. Olivier.

SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES.

Institut archéologique de Rome. Société impériale des antiquaires de France. Société historique d'Alger. Société archéologique de l'Orléanais. Société d'études scientifiques et archéologiques de Dra- guignan.

XVI

Sociélc impériale (ragricullurc, sciences et aris de Va- lencicnnes.

Société archéoiogicjue de Cherciiel.

Institut égyptien.

Société des antiquaires de Picardie.

Société impériale d'agriculture, sciences et arIs d'Agen.

Académie d'Hippone.

Société archéologique de Sens.

Société des Antiquaires de l'Ouest.

Société des antiquaires de la Morinie.

Comité flamand de France.

Académie impériale des sciences, inscriptions ei belles- lettres de Toulouse.

Société d'émulation de Montbéliard.

Société historique et archéologique de Langres.

Académie du Gard.

Société des sciences naturelles et archéologiques de la Creuse.

Société des antiquaires de Normandie.

Société d'archéologie et d'histoire de la Moselle.

Société d'ethnographie orientale et américaine.

Société académique d'archéologie, sciences et arts du département de l'Oise.

Société d'archéologie et Comité du musée Lorrain.

Société historique de Castres.

Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers.

Académie des sciences, agriculture, arts et belles-lettres d'Aix.

Société d'émulation des Vosges, à Epinal.

Société pour la conservation des monuments historiques d'Alsace, à Strasbourg.

NOTICE ADRESSÉE A M. LE GÉNÉRAL DISVAUX

Coniniandaiit la Division

Et Présidi^nt Houoraire do la Société Arcliéologiciiic

SUR

les travaux hydrauliques anciens, dont il existe encore rfe nombreux vestiges dans la 'partie du Hodna

Dépendant de h Province de Conslanîine.

§ l<"r. GÉOGRAPHIE HISTORIQUE.

Toute personne qui a jeté les yeux sur une carie de l'Algérie a remarqué l'immense plaine située aux confins des provinces d'Alger et de Constanline, à environ 445 kilomètres au sud du littoral de la Méditerranée,

Cette plaine, ou mieux cette contrée, à laquelle l'in- vasion arabe a donné le nom de Hodna (1), appartenait, avant les conquêtes de l'islamisme, à la province du Zab, en formait la partie septentrionale et avait pour chef- lieu administratif Sétif, métropole de la première Mauri- tanie. (Procope, de Bello Vandalico, lih. II, cap. XX.)

A la même époque, l'église chrétienne, alors un peu entachée du schisme donatiste, était solidement établie dans le Hodna, et y comptait les sièges épiscopaux de

fi) b-'^XCisr ' sic

(1) i>^.fXCiSr ' signifie la brassée contenue dans le bras ; or, la plaine du Hodna est embrassée ou entourée par les bras de deux chaînes de mon- tagnes. (Voir la carte 1 de l'album joint à cette notice, et plus loin la constitution géologique du bassin du Hodna )

Le mol , .Aia;:s^ signifie aussi couver, et , »/w2:sr'* l'endroit l'oiseau couve ses œufs. Note dk la Rédaction.

-)

(laslelluin-Cellense, Macri, Jusliiiiana, Zabi et Aras (1), dont les posilions lopograpliiques ont été récemment reconnues et sont exactement déterminées aujour- d'hui (2); ces quatre cités occupaient des stations im- portantes sur le parcours de la principale ligne de com- munication des possessions romaines en Afrique, grande voie qui reliait Carlhage à Ccsarée. (Itinéraire d'Anto- nin, III, C.)

Le panégyriste de Bélisaire, déjà cité plus haut, rap- porte (au même livre de la guerre contre les Vandales, chap. XIII) i\u'au-delà du Monl-Aurès {Aiirasius mous),

vers r Occident, s'étend une grande et fertile contrée

Quel est ce pays, dont le nom n'est pas indiqué par l'historien de l'occupation gréco-romaine?... L'orienta- tion semble le désigner, et d'ailleurs la qualification de grande et fertile contrée ne peut appartenir qu'au Ilodna, encore aujourd'hui dans les mêmes conditions agricoles, et oîi l'attention du voyageur moderne est attirée à chaque pas par des ruines de villes, de postes, de camps fortifiés, des tronçons de roules, des fragments de mosaïques, etc., constatant qu'une civilisation avancée y a fait un séjour de plusieurs siècles.

Un autre signe apparent d'exactitude dans l'application au Ilodna de l'expression de contrée fertile employée par

(1) D'après Morcelli (Africa Chrisliana, vol. 1, corn 11), les noms des évoques connus sont : pour Cellœ, Crescitarus en -tSl ; pour Macri, Deu- Icrius (donalisle) en 580, Silvanus en 403, Félix (donalisle) en 411, et Restulus en 484; pour Zabi, Félix (donatisle) en 362 et Possessor en 484; enfin pour Aras (vel Arœ, vel Arenœ), Crescentianus en 411.

(2) Voir les Annuaires archéologiques de la province de Conslanline, de 185G à 1862.

3

Procope, c'est la trace indestructible d'une installation rurale, solidement établie sur tous les points, paraissant dénoncer que l'agriculture y a été en honneur. Toutefois, si l'on peut en juger de nos jours par la multiplicité des vestiges de hameaux et d'habitations isolées, proba- blement de fermes ou exploitations agricoles, près des- quelles on rencontre souvent^ soit un puits artésien en- sablé ou un puits ordinaire (i), soit une citerne, et tou-

(1) Les anciens puits du mode artésien, visités et reconnus par l'au- teur de celle notice, sont les sources jaillissantes désignées par les indi- gènes sous les noms : d'Aïn-Qçob-ben-Mennam, à l'ouest du Fened, ma- melon rocheux qui fait cap sur le lac ; une autre source à l'est de ce cap ; Aïn-el-Bey et Aïn-el-Hadjar au sud-est du lac; deux autres dont, Aïn- Qçob, situés à gauche et à droite de Mokta-Djedien ; Aïn-Nakhar, Aïa- Keîbba et Aïn-Taboucha au nord du lac. Ces puits artésiens sont échelon- nés à des distances presque égales, sur le parcours d'un chemin de cein- ture qui faisait le tour du lac sans jamais s'en éloigner de plus de 5 à 6 kilomètres. Les indigènes assurent qu'au sud-ouest du lac il existe des fontaines du même genre, entre autres Aïn-el-Amia. Si ces données sont véridiques, le bassin artésien exploité par les anciens habitants du Hodna devait avoir environ 20,000 hectares de superficie.

Une particularité de ceux de ces puits artésiens les plus ensablés, tels sont : celui situé à l'est du Fened, Aïu-el-Hadjar, Aïu-el-Bey et les deux de Mokta-Djedien, c'est que les suintements des eaux ont retenu, près des ouvertures, les sables apportés par les vents et en ont formé des dunes plus ou moins élevées que l'on aperçoit à une assez grande distance dans la plaine.

Quant aux puits ordinaires, il s'en trouve de construits, çà et là, dans tout le Hodna, toujours près des ruines romaines ; la plupart sont com- blés par les alluvious de la plaine et on ne les remarque qu'à l'orifice en- core béant et souvent orné d'une margelle en pierre de taille généralement usée par la corde qui a servi à puiser l'eau. Telle est l'incurie et la pa- resse de l'arabe, qui préfère se plaindre continuellement de manquer de l'eau nécessaire à ses besoins, envoyer sa femme la chercher à de grandes distances, plutôt que d'opérer, sur le lieu même de son campement habi- tuel, le simple curage d'un puits tout maçonné, près duquel il est chaque jour en contemplation et qui, depuis des siècles, lui offre d'étancher sa soif... (Voir un exemple à la planche 25 de l'album.)

jours des auges en pierres de taille (I). Cependanl, los indices qui précédenl ne sonl pas les marques les plus certaines de l'étal florissant de l'agriculture dans la plaine du Ilodna, sous les Romains ; il existe encore sur le sol des données plus convaincantes qui sont l'objet de cette notice.

§ 2. TRAVAUX HYDRAULIQUES ANCIENS.

Le voyageur désireux d'étudier le pays qu'il traverse, puise d'abord aux sources de l'histoire et de la géogra- phie, puis il continue ses recherches en visitant les pro- vinces, les localités et les choses intéressantes qu'elles re- cèlent. Cette méthode porte toujours pour fruits des enseignements nouveaux ou utiles, lorsqu'elle est suivie avec persévérance, quel que soit ie but de l'excursion.

Ainsi, le chapitre précédenl donne un aperçu de l'ins- tallation romaine clans le Ilodna et de la réputation de fertilité dont jouissait celte plaine au moment oîi les Vandales en étaient expulsés par Bélisaire (année 534 de Jésus-Christ)... Ce chapitre cl le suivant exposeront les résultats d'explorations récentes.

Les dernières explorations ont dénoncé, entre autres découvertes archéologiques, des vestiges de constructions

(!) A Klioibet-Rças, ruine romaine silure au centre du Ilodna (au nord- ouesl du lac ei à environ 2o kilomètres au sud de Mesila), et par suite, loin des cairièies de pierres, iliaque li;d)italion avait (jualre auges en plûlre moulé d'un seul bloc carré el enterré à 11 ur du sol. [\o\v l'album •les cartes el d^'S^ins, planches I, 14 el 24.) On voil aussi sur le sol de celle ruine les restes d'une basilique, d'un autre nionumenl impoitant, el de nombreux débris de jarres, de poteries diverses el de moulins à bras.

5

hydrauliques sur chaque rivière ou torrent présenlant la moindre importance par le débit de l'eau qu'il est sus- ceptible de fournir, soit pour les besoins d'un centre de population, soit pour les irrigations de la grande cul- ture. Le plus souvent, ces restes de travaux anciens ont été remarqués sur les points les grandes vallées dé- bouchent dans le Hodna; il en existe aussi, plus bas, au milieu des terres et des ruines romaines : les premiers appartenaient à des barrages et à des bassins de rete- nue; les seconds, à des canaux, à des aqueducs et à des citernes. Les uns et les autres ont été exécutés au moyen de matériaux trouvés sur place, soit du ciment et des cailloux roulés, composant des blocs de béton tellement solides que la pioche ne peut y faire brèche.

De l'ensemble passant au détail, ces monuments vont être signalés dans l'ordre de la position topographiquo des cours d'eau sur lesquels ils se trouvent, en commen- çant par ceux situés vers l'ouest de la plaine, et avec des indications au double point de vue de l'archéologie

et de l'agriculture.

I.

Ruines d'un barrage et d'un canal sur l'Oiied-Chelal, ail point dit Çed-Djir.

Des versants sud du Djebel-Dira et du Djebel-Ouen- noûr'a descendent de nombreux torrents, réunissant leurs eaux à l'entrée de la plaine, dans un mémo lit portant le nom d'Oued-el-Ham, en amont du canton de Çed-Djir et en aval celui d'Oued-Chelal, conservé dès lors jusqu'au lac ou-Sebka. L'étendue de pays traversée

6

par rOned-el-lIam et ses affluents, depuis leurs sources jusqu'à Çed-Djir, n'est pas moins de 70 lieues carrées; aussi, ce torrent est-il sujet à des crues considérables, qui surviennent accidentellement à la suite des orages ou des grandes pluies, et annuellement après la fonte des neiges qui couvrent les montagnes pendant plusieurs mois de l'hiver. (Voira l'album la carte 1.)

Le nom du point oi!i affluent ces masses d'eau, Ccd- Djir, signifie en langue arabe barrage en chaux; en eiïct, il existe dans le lit et sur la berge droite de l'Oued- Clielal, les ruines d'un barrage en béton construit, dit la légende, par les ancêtres des habitants actuels du pays , les Ouled-Sidi-Brahim , du cercle de Bou-Saàda. Est-il prudent de s'en rapporter à la légende pour fixer l'époque de la construction du barrage de Çed-Djir?.... Cette induction serait au moins aventureuse avant qu'au- cunes fouilles n'aient été faites et après une simple ins- pection, sachant surtout que les Arabes n'ont jamais été capables d'exécuter des travaux de ce genre. (Voir à l'Album les planches n»* 3 et A.)

Après avoir été détournées de leur cours par le bar- rage, les eaux étaient dirigées sur la rive droite de rOued-Chelal par un chenal en maçonnerie dont les traces paraissent encore, de distance en distance, jusqu'à plusieurs kilomètres (1). commence un territoire de plus de 2,500 hectares auquel les Ouled-Sidi-Brahim ont essayé, il y a cinq ou six ans, de rendre le seul élément de fertilité de la contrée ; mais après dix-huit mois d'efforts inouïs cl dignes d'un meilleur succès, la pre-

;i) Voir à ralbum la carie topogra|>hi(iue n" 2.

mière crue a prouvé que leurs moyens sont insufllsanls, ou mieux que l'argile, même soutenue i)ar dos racines, ne peut résister à l'action d'une masse considérable d'eau courante.

L'ancien barrase est encore en bon état de conserva- lion, sur une longueur de cinquante mètres, qui pour- ront être utilisés un jour en rétablissant la brisure large de dix mètres, brèche sous laquelle le lit du torrent offre un fond de poudingue ; seulement, il y aura lieu d'évi- ter la faute commise par les premiers constructeurs, qui n'ont pas remarqué ou n'ont pas tenu compte que les poudingues étaient formés par lames peu adhérentes entre elles et n'ont pas creusé de fondations pour con- solider leur travail.

II.

Ruines de barrages, d'un bassin de retenue, de canaux et de citernes, sur les deux rives de l'Oued-Legouman.

L'Oued-Legouman a ses sources sur les versants sud de Djebel-Ktefi, dont le sommet est couvert de neiges de novembre à avril. Ce torrent, rapide et souterrain en certains endroits, reçoit les eaux d'une vallée profonde, aux flancs boisés et accidentés, dont la superficie est de 25 lieues carrées. Bientôt il entre dans le Hodna#y ar- rose les cultures de Faguès et de Djessessia ; puis son lit, le plus souvent à sec, serpente à travers la plaine pour atteindre le lac, après un parcours de 45 kilomètres.

Les vestiges de quatre anciens barrages, dont l'inférieur a être un bassin de retenue, se succèdent ici à des

s

inlervalles trenviron 3,500 mèlies à partir des dernières penles.

Le premier en amont est appelé Çed-Fagucs ; on n'y voit plus que de petits blocs de béton dispersés çà et là. Sa position aurait été parfaitement eboisie en face d'une gorge qui permet de conduire les eaux sur le territoire de Faguès jusqu'au Coudiat-Suam, voisin lui-même du canton de Çcd-Djir. (Voir à l'album la planche 5.) Aussi, les Oulcd-Mansour ou Madhi installés à Faguès s'ingénient-ils, avec une persévérance admirable, à réta- blir la levée de terre, en lui donnant pour soutien des branchages que les eaux emportent à chaque grande crue.

Le second est désigné sous le nom de Ced-Djessessia. Il n'en reste plus qu'un bloc de béton de 7 mètres de long sur 2 mètres 50 centimètres d'épaisseur, avec élé- vation de 4 mètres au-dessus du sol. (Voir les n^s 6 et 7 de l'album.) Cette muraille ayant fait obstacle au cou- rant, celui-ci s'est creusé un nouveau lit plus à droite, lit dans lequel les Arabes ont élevé une digue peu solide, qui souvent réparée, reporte les eaux dans l'ancien canal pour être utilisées aux irrigations de Djesscssia.

Le troisième barrage, quoique beaucoup mieux con- servé que les précédents, est cependant abandonné et n'a reçu^ucune dénomination des indigènes ; comme celui de Çed-Djir, il serait facile de le rétablir, à peu de frais, et il a de plus l'avantage de posséder une citerne sur la berge droite et à la naissance d'un aqueduc^ duquel il reste des traces jusqu'à Coudiat-Ouglif. (Voir les plan- ches 5, 8 et 9 de l'album.)

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Un mot sur ce point d'Ouglif, appelé aussi Klierbet- Djessessia :

Coudiat-Ouglif est un mamelon isolé, de forme co- nique, dominant le cours de l'Oued-Legouman et élevé de 10 mètres au-dessus du niveau de la plaine d'oî^i il est aperçu à de grandes distances; couronné d'une cons- truction antique, il est entouré, de son sommet à sa base, de ruines romaines qui, sous le nom de Kherbet- Djessessia, couvrent les environs sur une étendue de 400 hectares; au milieu de ces vestiges, traversés par ceux de la voie qui reliait autrefois Zabi à Aras, on re- connaît les emplacements des bains, de temples ou basi- liques, à côté des débris de colonnes et de pierres sculp- tées, etc.

C'est encore au milieu de ces vestiges d'habitations ag- glomérées, que se voient les restes du quatrième et double barrage, uu plutôt vaste réservoir ayant pour côtés les berges de la rivière et deux barrages établis à 400 mètres de distance , bassin de la capacité de 1,200,000 litres. A 100 mètres en amont, l'eau source sous les graviers et probablement était retenue par le barrage supérieur, avec moyen de l'introduire dans le réservoir... Les arabes nomment cette filtration honçeul Ouglif... (Voiries planches 10 et 11 de l'album.)

Pour compléter ce système, un canal parlant du ré- servoir longeait la rive droite et aboutissait, après un trajet de 1,250 mètres, à une citerne adossée sans doute à un distributeur. (Voir les planches 12 et 13 de l'al- bum.)

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III.

Ruines de barrages, bassins de retenue, aqueducs et citernes sur l'Oued-Qçob.

La rivière la plus importante du bassin du Ilodna, et sans contredit la plus abondante en eaux dans les temps ordinaires, est l'Oued-Qçob, qui a aussi des crues pério- diques et accidentelles très-considcrablcs. L'Oued-Qçob prend naissance en face de Sétif, au Djebel-Brabam, coule sous la Medjàna , reçoit en aval de celte plaine ondulée de nombreux affluents descendants des versants : est du Djebcl-Ktef, sud du Djebel-Ncetnen et du Djcbel- Oum-el-Rican, et nord du Djcbel-Madliid, toutes monta- gnes Irés-élevées, boisées et couvertes de neige en biver. De ses sources à l'entrée du llodna, l'Oued-Qçob a un cours de 85 kilomètres et la superficie de sa vallée, large dans le haut et resserrée au bas de la Medjàna, est de 52 lieues carrées ; ces chiffres ne comprennent pas 40 kilomètres de parcours à travers les terres, cultivées ou cultivables, qui s'étendent du pied des montagnes aux abords du lac. (Voir la planche il de l'album.)

A la sortie de la vallée, commence le territoire des Beni-Msil, autrefois celui de Zabi, sur lequel le visiteur rencontre à chaque pas des ruines romaines, lui impo- sant de reconnaître qu'une population très-dense a habiter ce district.

Au milieu du labyrinthe, de vieilles murailles écroulées et de pierres éparses, on distingue des constructions hy- drauliques très-importantes, ayant pour point de départ

Il

les berges de l'Oued-Qçob, un peu au-dessus des jardins de la belle oasis de Msila. Là, les vestiges de plusieurs barrages se succèdent à des intervalles très-rapprochés, faisant supposer que leur ensemble formait un vaste bassin à compartiments qui distribuait la réserve d'eau sur les deux rives. En effet, ce réservoir avait deux issues sur ses flancs : Celle de gaucbe était un aqueduc alimentant, de procbe en procbe, cinq citernes de moyenne capacité, avant d'aller aboutir, à 5 kilomètres des barrages, dans d'autres citernes plus grandes réunies au centre des rui- nes de Zabi, aujourd'hui Kherbet-Bcbilga. Au faîte de l'aqueduc régnait un double chenal dont chaque voie avait 0'n20 en longueur et 0'"30 en hauteur, mais rien n'indique plus, exactement, si ce chenal était recouvert ou à ciel ouvert. (Voir la planche 19 de l'album.) L'en- semble de l'aqueduc représente une crémaillère dont chaque crochet est occupé par l'une des citernes dési- gnées ci-dessus, citernes qui devaient faire office de filtre en recevant et retenant en dépôt la vase charriée par les eaux bourbeuses de la rivière.

Aucunes fouilles n'ayant été pratiquées, des indications plus détaillées ne peuvent être données dès à présent : il semble cependant possible de déduire ici une hypothèse parfaitement acceptable qui assignerait la période d'édi- fication des travaux hydrauliques dans le Hodna. L'aque- duc de Zabi étant du même genre de construction, en béton et cailloux roulés, que les autres vestiges de Ira- vaux hydrauliques existant dans tout le Hodna, n'est-il pas judicieux d'admettre que celui-ci et les autres ont été exécutés, si non simultanément, au moins à la même

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époque et par un même peuple; or, il est probable, si par hors de doule, que l'aqueduc de Zabi a élé érigé au temps celte ville devait cire dans sa splendeur, et ce temps était, sans conlredit, celui de l'occupation ro- maine, on peut donc, sans trop se hasarder, conclure que les nombreux vestiges de travaux hydrauliques exis- tant dans tout le Hodna sont une œuvre romaine.

L'issue de droite du bassin élail une conduite en maçonnerie dirigeant les eaux d'irrigalion au loin dans la plaine ; il en reste encore de belles ruines sur la rive même de l'Oued-Oçob et dix piles d'un pont-aqueduc au passage du ravin dit Oued-el-Benia. (Voiries planches 14-, 17, 18, 19, 20, 21, 22 et 23 de l'album.)

Avant de quitter les environs de Msila, il y a lieu de ne pas omettre ce qui existe aussi au nord et prés de Bchilga, sur l'Oued-Deb, petit torrent presque toujours à sec et ne recevant d'eau qu'après des pluies abondanles ; mais il est à supposer qu'autrefois on y faisait aboutir un canal de dérivation parlant de l'un des barrages de rOucd-Qçob, sans quoi le distributeur avec cilerne cl l'aqueduc dont les vestiges sont près des rives auraient été d'une utilité secondaire. (Voir les planches 14, 15 et 10 de l'album.)

Barrages, canaux, aqueducs et citernes dans l'est

du Ilodna.

Des travaux hydrauliques du même mode que ceux indiqués sur l'Oued-Chelal, l'Oued-Legouman et l'Oued- Qçob ont existé sur l'Oued-Selman, l'Oued-Mnaifa, l'Oued- Magra, l'Oucd-Barika, l'Oued-ben-Mazoïiz , et peut-être aussi sur rOued-M<;if.

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L'Oued-Selman, alimenté par les neiges des versants sud du Djebel-Madliid, a l'importance de l'Oued-Legou- man, et de plus offre l'avantage de n'avoir jamais son lit à sec ; cependant, on y remarque bien peu de traces de constructions hydrauliques.

L'Oued-Mnaifa et TOued-Magra sont à peu près dans les mêmes conditions que l'Oued-Selman ; seulement, il existe encore sur l'Oued-Magra, rive droite^ les restes d'un aqueduc.

A l'extrémité est du Hodna , un grand cours d'eau égale la source abondante de fécondité de rOued-Qçob ; prenant naissance dans le Djebel-Tourgour(i), non loin de Balna et à 2,100 mètres au-dessous du niveau de la mer, il traverse le Belezma, y reçoit divers atïluents, comme lui descendant de hautes montagnes, celles des Ouled-Sellem et Ouled-Ali-ben-Sabor à gauche, et des Ouled-Sulthan à droite, et après un parcours de plus de 80 kilomètres, il arrose le canton de Barika, auquel il donne son nom.

Près de Barika, comme près de Msila, l'antiquité avait sa ville florissante, sous la désignation de Tubuna, que ses ruines ont conservé jusqu'à ce jour. Au centre de Tu- buna comme au centre de Zabi étaient de vastes citernes alimentées ici par deux aqueducs (voir la planche l""* de l'album) ; l'un, en partie respecté par le temps, y appor- tait les eaux de l'Oued-Barika,, et l'autre, simplement in- qué par une légère dépression du sol et quelques béton- nages, celles de l'Oued-ben-Mazouz. La remarque faite à

(I) Nous pensons qu'il faut lire : Djebel-Tougourl, ainsi qu'on lit sur les caries. Nort de la Rédaction.

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Zabi pour l'époque d'édificalion des travaux hydrauliques du Ilodna s'applique aussi à Tubuna, oi!i tout semble dé- montrer que ces conslruclions sont l'ouvrage des Ro- mains; malheureusement, aucun monument épigraphique ne contrôle encore cette hypothèse.

Après avoir reconnu l'existence de tant de vestiges im- portants de constructions hydrauliques, exécutées dans le double but de satisfaire aux besoins de centres de popu- lation et d'arroser, au moyen d'irrigations abondantes, plus de 100,000 hectares de terres naturellement fécon- des, n'est-on pas en droit de croire à l'état llorissanl de l'agriculture de la plaine du Ilodna dans l'antiquité,

*

Bordj-Bou-Arréridj, le l^r avril 18G3.

Le Capitaine (1),

PAYEN.

H>:»3r<-€'0-<

(i) Aujourd'hui eommaniliint.

LE MONUMENT DES LOLLIUS ET APULÉE

LE MONUMENT DES LOLLIUS

Un des plus beaux restes de l'antiquité romaine, sinon le plus beau, que l'on puisse voir aux environs de Cons- tanline, est le monument des Lollius. Il y a quelque temps un heureux hasard nous le fît rencontrer sur notre roule, dans une excursion chez les Mouya, et nous consa- crâmes à son examen tous les moments dont nous pûmes disposer.

Ce n'est pas une découverte que nous venons annon- cer, puisque ce monument a été vu et représenté il y a une dizaine d'années ; seulement, nous croyons qu'il vaut mieux qu'une sorte d'oubli , que les mentions par trop sommaires que lui ont consacrées deux ou trois archéo- logues.

M. Creuly le vit en 1852, et le premier Annuaire de la Société Archéologique de Constantine en donna, d'après lui, un dessin, sans texte à l'appui, mais reproduisant assez exactement l'ensemble et les proportions du monu- ment restauré.

Avec M. Creuly se trouvait M. Renier, qui dans son

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Recueil des Inscriptions de l'Algérie, n'a vu le nionunienl qu'au point de vue épigraplii(juc.

Reslc noire regrcllable ami, I\I. Delamarc, qui l'a fait entrer dans son Archéoloijie. Mais ce magnifique ouvrage n'a pas de texte à l'appui de ses planches. De plus, M. Dela- marc se serait aidé, pour les inscriptions, d'un dessin de M. Boissonnel, ainsi que le rapporte M. Renier. Or, les trans- criptions de M. Boissonnel, relatées par M. Renier, nous les avons reconnues inexactes. Raison nouvelle pour en rétablir la lecture. D'un autre côte, les raj)porls étroits qui rat tachent ce beau morceau d'architecture à une inscription du Khcneg, rapports vaguement indiqués par M. Creuly, n'ont ])as été sufTisamment établis. Enfin, nous croyons qu'il est temps d'appeler l'attention et la solli- citude de l'autorité sur un monument qui intéresse encore sous d'autres rapports. Voilà pourquoi nous en parlons sous l'impression toute récente que sa vue nous a suscitée.

Le monument des Lollius est situé à 4 lieues N.-O. de Constanline, à une lieue à l'est du Khcneg et à une égale distance du confluent de l'Oued-Smendou et de l'Oued- el-Kébir, au lieu dit Elheri par les indigènes.

En suivant la roule qui y conduit du Ilamma, on ren- contre sur la droite deux ou trois groupes de ruines, d'une superficie peu étendue,, accusant plutôt des villas ou des fermes que des centres de populations. Nous n'y avons pas trouvé de pierres inscrites, mais, dans la plus rapprochée du monument, des fragments de colonnes, et un peu plus loin un chapiteau perdu au milieu des cultures.

Le monument couronne le sommet d'un massif dont les pentes descendent à l'Oued-Smendou, distant environ d'une demi-lieue. Prés de la rivière se voit lyie autre

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pelile ruine. Comme nous aurons hionîôt occasion de le redire, la famille des LoUiiis avait sans doule des pro- priétés considérables dans ce canton.

La forme du monument esl celle d'un tambour ou d'un cylindre creux, relevé par un soubassement et une coi'- niche surmontée d'une assise formant atlique.

On esl frappé tout d'abord p;',r l'barmonie de ses pro- portions dont les détails rappellent d'une façon curieus*» notre système métrique. C'est une observation que nous avons déjà faite, il y a bientôt quinze ans, en étudiant le Médracen. Ses gradins ont juste un mèlre de largeur; c'était aussi la mesure de l'assise supérieure, aujourd'hui déplacée; enfin, la hauteur des gradins est de six déci- mètres.

Noire monument, construit en très grand appareil, se compose de onze assises superposées. Chacune d'elles ayant cinq décimètres de hauteur , l'élévation tolale du monument est de cinq mètres et demi. Le diamètre est de dix.

L'épaisseur des parois, à la partie moyenne du fût, est d'un mèlre et demi.

Le soubassement et la corniche sont en saillie sur le fût de cinquante centimètres, ce qui leur donne deux mètres de profondeur.

Des onze assises, trois appartiennent au soubassement, six au fût, une à la corniche et une à l'attique.

Le soubassement comprenant, a'm^'i que nous l'avons dit, trois assises, mesure un mètre et demi de hauteur. L'assise supérieure se raccorde au fût par une série de moulures. En raison d'une inclinaison légère du sol, ou n'aperçoit le soubassement que du côté du nord, et en-

IS

core l'assiso inférieure est elle à demi enlt'née. Au àihI, le soi çsl .'111 niveau du fut.

I>a pallie uKiyenne du uionument, avons-nous dil, se compose de six assises : elle mesure en conséquence trois mélres de hauteur. Chacune d'elles esl consliluée p;ir cinquante pierres larges de six décimètres hors-d'œuvre. Nous avons déjà dil que la profondeur de ces pierres était d'un mèire et demi. Tons ces blocs sont creusés à leurs laces inférieure el supérieure, d'une cavilé de cinq cen- timètres de laigeur sur dix de lonj^ueur et autant de prolondeiir.

La sixième assise ou autrement l'assise supérieure, porte quatre inscriptions occupant rharune une pierre d'une largeur double, c'est-à-dire un mètre deux déci- mètres. Cliacime de ces inscriptions esl orientée. Leur encadrement esl côtoyé à droite et à gauche d'un relief en queue d'aronde. Ue ces quatre inscriptions, celle du sud esl la mieux conservée. Celle de l'est l'est un peu moins. Celle de l'ouest esl presque illisible. Celle du nord a complètement disparu. Toutes ces inscriptions sont identiques, el comjtrennent six lignes d'écriture. Nous y reviendrons lout-à-l'heure.

La surface de ce cylindre n'est f)as unie. A leur point de jonction, les pierres sont creusées d'un retrait de cinq centimètres de largeur d'autant de profondeur, ce qui rompt mei veilleusement la monotonie d'une surface plane.

Nous avons déjà dit que la corniche était d'un demi-mélre en saillie sur le fût, ce qui donne à ses blocs une profon- deur de deux mètres. Comme ceux du fût ils sont creusés d'une cavilé à leur partie moyenne. Ils ont de plus, sur

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chacun de leur côté, une double cnvité en queue d'arnnde se raccordant avec une cavité pareille du bloc vojsin.

Quant à l'atlique, ses éléments sont pareils à ceux du fût comme forme, comme dimensions, comme position el comme nombre.

D'après l'épaisseur des parois, que nous avons dites d'un mètre et demi, le diamètre dans œuvre serait de sept mètres.

Voilà notre monument complet. Nous devons dire les dégradations que dix-sept siècles lui ont infligées.

,Le soubassement el le fût sont à peu près intégrale- ment conservés. C'est à peine s'il y a ça el quelques écaillui'cs.

A gauche de l'inscription du sud, la sixième et dernière assise a une lacune de quatre pierres ou de deux mètres el demi, lacune qui existe naturellement aux parties su- perposées, c'est-à-dire à l'attique et à la corniclie.

Deux autres lacunes existent à la corniche, de deux et de quatre pierres. Nous n'avons compté que trente-cinq pierres à l'attique.

La partie saillante de la corniche est fréquemment ébréchée.

En somme, le monument est peu dégradé, mais une végétation parasite le menace.

Au nord, un térébinthe s'est implanté entre deux pierres de ''attique, légèrement écartée?. Cet arbre, qui compte peut-être plus d'un siècle d'existence, a le tronc de la gi'osseur d'un homme, et étend au nord el au sud deux branches vigoureuses, issues d'une souche à demi rongée. Sur la brèclie faite à la dernière assise pousse une aubépine.

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Qnanl à l'inlérieur flu monument, le fond en t'st à peu prés «Ip'iiivr'aii avec le sol exlérienr. Il est envahi par ries arums, des asperges el des pariétaires. Deux ou irois blocs, peu voluinineux, percent à travers ce la[)is de ver- dure> Au sud, sur les parois, sont implantés un petit figuier et un petit lérébinthe. Ça et se voient aussi des asperges.

Le reste de la surface est légèrement inégal, quelques blocs ayant été rongés.

A l'exiérieur se voient une quinzaine de blocs détachés du monument ou appuyés contre lui. Comme nous l'avons déjà dit, le sol environnant s'incline du sud au nord, de telle sorte que le soubassement enterré, au sud, apparaît a peu près complètement au nord.

Parlons maintenant des inscriptions, qui ont aussi leur intérêt.

De la collation des trois qui restent, nous avons établi la restitution suivante :

M.LOLLIOSENECIONIPATRI GRANIAE HONORATAE ' MaTRI L-LOLLIO-SENECIONI-FRATRI M . LOLLIO HONORATO ' FRATRI P.GRANIOPAVLOAVONCVLO Q.LOlLIVSVRBICVSPRAEFVRBIS

Ces lettres sont d'un beau style, en rapport avec celui fin monument. Aucune n'est liée. Elles remplissent com- plètement l'espace compris dans leur encadrement.

Telles sont les variantes que M. Hoissonnel a rlonnées à M. limier.

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COELIO au lu u de LOLLIO

PAVIO PAVLO

AVVNCVLO AVONCVLO

STRAEF PRAEF

(les variniites HoivenI être écarlées corrnie erronées.

Noire Iraiisciiplion difl'ère de celle de M. Renier en un seul point, à la troisième ligne.

Nous lisons SENECIONI, oii M. Renier lit SENI.

C'est efîeclivement à cet endrcjjl que les pierres inscrites^ sont le plus frustres et que la lecture est le [)l(is difïicile. La position respective des letlies lisibles nous parait au- toriser notre lecture.

Tel est en français le sens de l'inscription :

A Marcus Lollius Senecio, mon père.

A Grania Honorata, ma mère.

A Lucius Lollius Senecio, mon frère.

A Marcus Lollius Honoratus, mon frère.

A Publius Granins Paul, mon oncle.

Quintus Lollius Urbicus, préfet de la ville, (i)

Voilà donc. un monument, sans doute un cénotaphe, un tombeau honoraire, une sorte de mausolée élevé par un Lollius à cinq membres de sa famille. Mais qu'était-ce donc que cette famille, à laquelle un de ses membres, le dernier inscrit, élève un monument de cette importance et d'un appareil princier?

(t) Celte charge consistait à rt'utjtlacpr, dans la ville, les rois d'abont, puis les consuls, quand ils sortaient pour aller se metde à la tète des armées. Barhe, Dign. rom. Revue africaine, VI, p 4/4.

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Les inscripliuns leciioillies non loin de là, au Kheneg, el niéiue à Conslaiilino, vont lépoiidiu à celle question.

Trois inscriplioris funéraires, trouvées à Conslanline, ont trait à tics Lolliiis; elles sont reproduites par M. Re- nier sous les [)"* "20.j.'3, 203 i et 2035. La première nous donne un surnom t|ui nous est déjà connu, celui d'ilo- noratus. La seconde nous donne la tribu du défunt, la tril)u Onirina, ct'Ue précisément de Lollius Urbicus. Nous voilà donc en pleine parenté.

Deux autres inscriptions funéraires de Lollius ont été découvertes au Kheneg (1) par M. Renier. La première est relative à Lollia Saturnina, femme de Lucius, peut- être le frère d'Urbicus. La seconde est celle de Lollius Pinna. Enfin, M. Cherbonneau a découvert trois nouvelles inscriptions relatives à des Lollius, dont deux lumulaires et une dcdicatoire.

Voilà donc dos Lollius ayant vécu non loin de notre monu lient. Mais il est une troisième inscription, décou- verte cgalemenl au Kheneg par MM. Renier et Creulv, d'une bien plus grande importance et qui va nous donner sommairement la biographie du fondateur.

La voici telle que l'a reproduite M. Renier :

Q'LQLLIO'M-FILIO

QVIRVRBICOCOS

LEG'AVG-PROVINCGERM INFERIORISFETIALILEGATO IMP-HADRIANJ- IN EXPEDITION IVDAICAQVADONATVSEST HASTAPVRACORONAAVREA'LEG

(I; L'aucionne Tiiidis.

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LEG-XGEMÎNAE-PRAET- CANDIDAT CAES'TRiBPLEB- CANDIDAT- CAESLEG PROCOSASIAE-QVESTVRBIS-TRIB LATICLAVIOLEG-XXirPRIMIGENlAE IIIIVIRQVIARVM-CVRAND PATRCNO DD PP

Telle en est lu Iradncliun :

A Qiiinlus Lolliiis, (ils de Maivii?, (de 'a tribu) Quirina, (surnonimé) Ur'icns, consul, Lép,al de l'enipereur dans la province de Geimanie inférieure, lëtial (1), légal (2) de l'empereur Hadrien dans l'expédilion de Judée il fut gratilié

d'une lance pure (.']), d'une couronne d'or, légal de la légion Geuiina, prêteur candidat (A) de César, tribun du |)euple, candidat de César, légat du proconsul d'Asie, questeur de la ville, tribun laliclave (5) de la XXIl^ légion Primigenia un des quatre inspecteurs de la voirie,

Patron (B) Pai" décret des uécurions et aux Irais publics.

(1) Membre d'un coll.'ge tir lnTauls à Hoine. liich.

(2) Le tilre de lojîal, on lieuiciiaiil (Se lEinpereur, était ()Orlé par des foiiclioimaires des ilivers ordre>, civil, mililaire, judiciaire el adiiiinislralif.

(3) Lance sans lête.

(4) C'est'à-diie sans avoir couru la cliance d'un rchec dans le sônal lors des éleclions. Renier, Mél. d'Eptg .

(5) Autorisés à porter sur la tunique la bande dite laliclave.

(6) Les torpof'aliuus el les villes, aus-^i b en que les imlividu», avai' ni leur paliou.

t>;

Nous savons maiiilonafit quel est l'homme qui a élevé l(î monument des Lollius. L'importance de ce personnage, Loilius Urbicus, est altuslée par l'énoncé de sa carrière honorifique. La menlion de l'empereur Adrien nous fait en môme temps connaître l'époque oii le monument fut édifié, c'est-à-dire vers le milieu du second siècle de l'ère chrétienne. Certes, à voir sa noble simplicité, la beauté de ses lignes, l'importance et la perfection de son appa- reil, on se douterait qu'il appartient au beau temps de l'architecture romaine, et particulièrement au lôgne de cet empereur, qui se picpiait d'être un artiste, au point que Ihistoire lui impute la mort d'un architecte, victime de sa jalousie. Un personnage tel que Lollius, un protégé de l'empereur Adrien, ne pouvait élever un monument vulgaire.

Parmi les édifices de celte importance et d'un jçenre analogue, nous ne connaissons en Algérie que le Soumà, qui n'était probablement qu'une reproduction grossière du tombeau de saint Rémi, car c'est à peine si nous osons parler ici du .Medracea et du Kobbeur errouinya, consa- crés à des dynasties. A Rome, à Pompeï, on rencontre des constructions funéraires dont la forme rappelle celle de notre monument.

Tel qu'il est, par son import;uice architecturale, sa conservation, l'intérêt qui s'attache au nom de son fon- dateur, le monument des Lollius nous parait devoir pren- dre place en Algérie après les deux colosses que nous avons cités.

Nous pensons aussi qu'il mériterait d'être protégé fontre les causes de détérioration qui le menacent, et

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inêiiie d'être complété, ce qui n'exigerait pas des frais bien considérables.

Quoiqu'il en soit, nous le recommandons aux photo- graphes.

Ce serait une belle page que le monument des Lollius, dominant de son plateau la vallée de i'Oued-Smendou et se détachant sur les montagnes abruptes des Mouya.

Encore un mot sur LoUius Urbicus.

Ce nom paraît deux fois dans les écrivains de l'histoire Auguste, Il a trait à deux personnages, dont le premier nous paraît être le fondateur de notre monument.

Voici ce que rapporte J. Capitolin dans la vie d'Anlo- nin le Pieux :

Per legalos suos piurima bella gessit. Nam et Britan- nos per Lolliuni Urbicum legatum vieil, alio muro cespi- iilio submolis barbaris ducto : et Maures ad pacem po>i- lu'andam coegit : et Germanos et Dacos et multas gentes Clique Judœos rebellantes contudit per prœsides ac legalos.

1! fit plusieurs guerres par ses lieutenants. C'est ainsi que LoUius Urbicus vainquit les Bretons, et fit élever un second mur de gazon après avoir repoussé ces barbares. Les Maures furent réduits à demander la paix. Les gou- verneurs de provinces et ses généraux soumirent les Cermains, les Daces, plusieurs autres peuples, et les Juifs qui s'étaient révoltés.

Ce Lollius Urbicus ne saurait être que le nôtre, Anto- nin le Pieux, successeur d'Adrien, n'ayant régné que trois ans.

L'autre Lollius Urbicus appartient à un âge inférieur. Voici ce qu'en dit Lampride, à propos de lettres compro- "rnettanles écrites par le jeune Diadumène, mort en 218:

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Lolliiis L'rbicus rapporte, dans l'Iiisloire de son temps, (jue ces lettres livrées par un {Jarde-notes, firent beaucoup de [(»rt à ce jeune prince dans l'esprit des soliiats.

Pour en liriir avec les Lollius, nous citerons deux autres membres de celte famine dont les noms se ratlaclienl à rAfritjue.

Les médailles de la Cvrérianiue porlenl le nom d'un Lollius (jue Borgliesi croit être ce L. Lollius, lé<iat de Pompée, stationné darjs la mer Egée pendant la guerre des- pirates, qui aurait réduit la Cyrénaïque en province, et en aurait été le [u'emier proprèleur. Voyez Muller, Numismatique de l' Afrique.

L'autre Lollius toucbe de plus près à l'Algérie; peut- être même élait-ce le fils de Lollius Urbicus.

Quoiqu'il en soit, nous allons donner, m extenso, l'ins- cription suivante que nous trouvons sous le 16LS dans l'ouvrage de Zell, intitulé : Deleclus inscriptionum roma- narum.

Lucie LoUio quinli filio Aniensi (tribu) (1) fronloni, tribuno militum legioni III Augusioe, piailecto fabrum terlium, prtefecio equilum alae primae Numidorum, duumviro, pontifici, civitates XXXXIIII ex provincia Africa quœ sub eo censœ sunt.

Ce Lollius avait donc laissé de bons souvenirs en AIrique.

(1) ftn i>oiivnii Aire (le <lt'ii\ lril)iis, île l'iin<> pur sa naissance, de Tanlre |i.ii M(lu|)!iuii; iii;ti.s un ix: tloiiiiail .sa vuix ({uo iJans iiiu' dos >l<*iix.

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JI

LES LOLLIUS ET APULEE

Nous venons de parler du monument des Lollius comme d'une œuvre qui se recommande à un double titre : sa valeur propre et le nom de son fondateur. Des documents épigraphiques trouvés dans le voisinage, nous ont présenté LoUius Urbicus comme un des personnages les plus considérables du règne de l'empereur Adrien.

il est des documents d'une autre nature, qui donnent à ce monument et à son fondateur une importance nou- velle et qui en font en quelque sorte le commentaire vivant des écrits de l'un des plus grands esprits qu'ait produit la Numidie romaine, à savoir d'Apulée, contem- porain de Lollius Urbicus.

Comme il s'agit d'un compatriote d'un autre âge, pour ainsi parler^ on nous pardonnera les quelques détails dans lesquels nous allons entrer pour exposer les liens qui rattachent le monument des Lollius à la personne et aux écrits de cet illustre écrivain, sur le compte duquel nous saurions peu de chose, s'il ne nous avait tracé lui-même une partie de sa biographie. Cela, de plus, nous fournira l'occasion de toucher, chemin faisant, à quelques points d'histoire et de géographie locales.

Apulée naquit l'année 114 de l'ère chrétienne, à Ma- daure, ville de la province de Numidie, dont le nom s'est conservé légèrement altéré dans celui de Mdaourouch, localité située à 20 kilomètres au sud de Souk-Harras.

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A colle époque, clii M. Léon Renier, Madame élail une ville aneientiti, puis(jue Apulée qui y élait né, nous apprend qu'elle avait apparlenu à Sypliax et avait ensuite é;é donnée par le peuple romain à Massinissa, Plus tard, probablement au commencement du deuxième siècle, on y élablil des vétérans, et elle prit le litre de colonie. Le père d'Apulée y fut élevé aux Ibnctions de décemvir, chargé de rendre la jusiice, et Apulée lui-même y par- courut toute la carrière des honneurs municipaux. Celait une ville lilléraire, oij les arls du dessin étaient cultivés avec autant de laveur que les lettres et la philoso[)hie, et c'est sans doute pour cela que le paganisme y fut prati- qué plus longtemps, et s'y montra, dés l'apparition du christianisme dans la province, plus intolérant que dans la plupart des villes voisines. Saint-Augustin (né à ïagaste, aujourd'hui Sonk-Harras), après avoir apris dallfesa famille les premiers élémenls de la grammaire, fut envoyé à Madaure pour y étudier la lilléralure et l'éloquence. »

Nous nous permettrons, en passant, une réllexion à propos de la citation que nous venons de faire du savant archéologue : elle pourra servir à faire comprendre la situation respective du Christianisme et du Paganisme en Numidie.

Si les lettres échangées entre le grammairien Maxime de Madaure et Saint-Auguslin, nous démontrent que le paganisme élail encore à leur épocjue vivace à Madaure, tout en se transformant chez les esprits supérieurs, d'au- tres lettres nous le font voir peut-être encore plus vivace à Calama, la moderne Guelma. Dans les premières années du cin(|uiéme siècle de notre ère, une cérémonie payenne sp pioduisit dans les rues de la ville, malgré la publica-

59

lion récente d'édits prohibilifs. Des clercs ayant voulu s'y opposer, l'église fui assaillie à coups de pierres, un chré- tien fut tué et les autres durent se cacher ainsi que révè(|ue, sans que personne intervint, hormis un étran- ger. Ces faits se passaient vers l'année 4-08. Ils sont con- signés dans les lettres 90 et 91. L'une est de Saint-Au- gustin et l'autre de Nectaire, citoyen de Calama, qui in- tercède pour sa patrie avec l'accent du patriotisme le plus touchant.

Apulée nous apprend lui-même qu'on lui reprocha le lieu de sa naissance en le traitant de moitié Numide et moitié Gétule, qualifications qui impliquaient le reproche deperfidieet de grossièreté. On a voulu conclure de celte qualification de Gétule que Madaure ne pouvait-être le moderne Mdaourouch, la Gétulie, d'après les idées géné- ralement reçues, étant plus reculée vers le sud. Cependant Saint-Augustin nous apprend dans ses Confessions que Tagaste et Madaure étaient deux villes voisines. Ensuite le grand évêque ne semhle-t-il pas prendre la moitié du reproche adressé à Apulée quant il dit autre part : on nous demandera pourquoi l'Ilalie réclame toujours des hivers sereins tandis que notre pauvre Gétulie a toujours soif, et ilem semper noslra misera Getulia siliat. Il nous semble donc quf3 la Gétulie n'a jamais eu des limites bien déterminées, à l'instar des provinces, et que Madaure se trouvait dans un point intermédiaire entre les populations numides et gétules : ces mots de moitié numide et moitié gétule ne pouvant avoir d'autre signification. Du reste, comme l'a déjà fait observer le commandant Delamare, les Gélules n'étaient pas seulement des peuplades erran- te», ils habitaient aussi "des villes.

liO

A|inlée est le pieinier homme émiîient par la penséo qu'ail produit la Numidie , le grand Juba s'étaut fait ailleurs. C'est peut-être le plus haut représentant de la liltéralure latine dans ce siècle les plus grands écri- vains, comme Plolémée, comme Galien, comme Plutar. que, parent d'Apulée, se servaient du grec. Son trait le plus saillant est un amour passionné pour la science. Il voyagea beaucoup, étudia les arts, les lettres, la pliiloso- phie, les religions et leurs uiyslcres et s'adonna particu- lièrement à l'élude expérimenlale de la zoologie. Ces dernières éludes, négligées dépuis Arislote, le firent passer pour magicien.

On dut cependant voir en lui aulre chose qu'un magi- cien vulgaire, car il éveilla de nombreuses sympalhies et l'admiration publique se traduisit par l'érection de statues en son honneur.

Sainl-Augusiin, dans sa letlre 188, peut nous donner une idée de l'enthousiasme que provoquait la personne d'Apulée, enthousiasme dont il parle avec une certaine aigreur.

« N'est-il pas ridicule de voir que l'on compare Apol- lonius, Apulée et autres habiles magiciens à Jésus-Christ, et que l'on essaye même de les faire passer avant lui ? Nous pouvons parler surtout d'Apulée, qui nous est par- liculiéiement connu, étant comme nous africain. Malgré ses arlilices magiques il ne put arriver, je ne dirai pas à la souveraineté, mais un emploi judiciaire dans la ré- publi(iu(', lui issu d'une bonne famille, libéralement élevé, «loué d'une grande éloquence. Serait-ce (|u'il mépris.lt ces choses, en sa qualité de philosophe? Nous le voyons ce- pf'ndanl pu proiîés contre fjuciques |tersounes qui s'oppo-

rA

saien! à réreclion de sa statue (lans..la ville d'Œa, patrie (le sa femme. »

Voici commenl Apulée se fixa dans 'la ville d'Œa, la moderne Tripoli. En route pour l'Orienf, il s'arrête dans celte ville oi!i il fait la rencontre d'un ancien condisciple et ami, qui l'engag-e à y séjourner. Cet ami, Pontianus, avait perdu son père, et sa mère Pudenlilla restait veuve avec une fortune de 4-, 000, 000 sesterces : il veut faire é[)0user sa mère par Apulée. Apulée, c'est lui-même qu» nous l'apprend, avait reçu de son père 20,000 sesterces de revenu, et malgré ses voyages et ses dé|)enses il avait su faire des largesses, récompenser ses anciens maîtres et doter leurs filles, presque sans toucher à son fonds. Ces libéralités sont également relatées par Saint-Augustin. Apulée finit [lar céder et on l'accusa d'avoir usé de sor- tilèges pour se faire aimer de la riche veuve.

Telle était l'origine de ces accusations intéressées. Pu- denlilla restait avec deux enfants de son premier mari : Pontianus, l'ami d'Apulée, et Ptidens. Leur aïeul Sicinius, qui avait survécu à son lils, devint leur tuteur et voulut donner à Pudenlilla un époux de son choix, sous peine de déshériter ses enfants. Ce choix répugnait justement à Pudenlilla. Elle feignit de l'accepter et temporisa. Ce. pendant Sicinius mourut, après avoir testé en laveur de ses deux petits-fils, et Pudenlilla, devenue lihre, prit Apulée pour mari. Nous verrons comment ce testament fut attaqué.

Un homme perdu de débauches et de dettes, un certain Rufinus, avait mirié sa fille à Pontianus, espérant que celle riche alliance lui permettrait de refaire sa fortune. Pontianus vint à mourir et Rufinus, poursuivant ses

rd

projets, voulut de recliff faire p[)oiiser sa fille, ignoble créature, au frère du défunt, c'esl-à-dire à Pudens. Excité aussi par un oncle paternel, Sicinins .Emilianus, Pudens ne rougit pas de traduire Apulée devant le tribunal du proconsul Glaudius Maximus, pour avoir à répondre à l'accusation de caplation d'bérilagc et de magie, n'osant pas l'accuser ouvertement de la mort de Pontianus.

Apulée plaida lui-même sa propre cause et le fit avec une éloquente et victorieuse indignation, ne reculant devant aucune des perfides insinuations arliculées en dehors du tiibunal. C'est ce plaidoyer qui porte dans ses œuvres le titre (VApologie.

Après s'être défendu, avoir exposé l'état de sa fortune personnelle, la manière dont s'était fait et avait pu se faire son mariage avec Pudentilla, sa conduite généreuse après ce mariage, après avoir expliqué le secret de ses études et répondu à d'autres accusations également fri- voles, Apulée prend corps à corps ses adversaires, il dé- voile leurs complots, et de la hauteur de son génie, avec une verve admirable d'ironie, il les couvre d'une confu- sion méritée. Il s'adresse en particulier à iEmilianus, il lui re[)roche d'avoir voulu invalider le testament de Sici- nius, (juand ce testament avait été reconnu valide dans une assemblée d'hommes consulaires par Lollius Urbicus, préfet de la ville, dont la modération seule avait pu sauver i^imilianus de sa perte.

Voilà bien le nom du personnage qui a fait construire le monument d'El-liéri, qualifié du litre de Préfet de la ville tout comme il l'est dans les inscriptions. Mais il y a plus; de nouveaux détails vont nous prouver qu'il s'agit bif'n rlu m^me personnage.

3:]

Lolliiis Urbicus méritait d'èlrc a[i[)olé un homme mo- déré. Alors qu'il se prononçait en faveur de Pudenlilla, ses alliés étaient en procès avec elle, et c'est encore Apulée qui va nous l'apprendre.

J'avais, dit-il au début de son plaidoyer, entrepris de plaider la cause de ma femme contre les Granius, quand tout-à-coup les avocats d'^Emilianus se mirent à me char- ger d'outrages, à me reprocher des maléfices, à m'accuser de la mort de mon beau-fils Pontianus. Mais comme je reconnaissais moins une accusation en règle que l'in- tention de faire du scandale, je les sommai moi-même d'articuler leurs plaintes.

Voici encore un des noms inscrits sur le monument d'El-Héri, celui des Granius. On se rappelle, en efïet, que parmi les personnages dont ce monument consacre le souvenir, figurent la mère de Lollius Urbicus, Grania Ilonorata, et son oncle Publius Granius Paulus.

Le nom des Granius se rencontre assez souvent sur les inscriptions de l'Algérie, notamment dans la province de Conslantine. Le recueil de M. Renier en compte jusqu'à quinze, dont une à Madaure.

Si les monuments épigraphiques ont surtout de l'intérêt en ce qu'ils servent à compléter les monuments écrits, on ne saurait refuser ce genre de mérite au monument des Lollius et aux inscriptions qui le complètent. Par eux est déterminée la qualilé de personnages cités dans un auteur classique, personnages sur lesquels les commen- tateurs avaient resler muets. Pour nous algériens, cet intérêt est plus grand encore en ce que personnages et écrivain habitaient jadis le même sol quSv nous habi- tons aujourd'hui.

3

.j4

Si le momiment ries Lolliuseût été connu pins toi, cor- tainemenl il eût figuré dans le travail do M. P'euillerot sur Apulée, lra\ailque nous nous plaisons à ciler comme un hommaye rendu à la mémoire de l'un des rares écri- vains dont la Psumidie puisse s'honorer, et comme un des meilleurs morceaux de littérature que l'Algérie ait produits jusqu'.^ présent. Cet ouvrage est une excellente préparation à la lecture d'Apulée.

L. LECLERC, Secrétaire de la Société archéologique.

MÉDAILLON DE L'ARC-DE-TRIOMPHE DE TÉBESSA

(façade nord) DÉcouv^m en 1803

DESSINÉ PAR M. LE CHEF DESCADUON FLOG.XY, CO'.IHANDANT StPÈRIEUR (!)

Extrait d'une lettre de M. Flogay au secrétaire :

Dès l'apparition de cette sculpture, qui élait cachée par un revêtement byzantin, le génie avait baptisé la figure du nom de Jiilia Domna.

La frise qui surmonte le plein cintre N.-O. porte bien une dédicace à Julia Domna, que vous pouvez d'ailleurs voir dans l'un des volumes de la Société Archéologique ou dans l'ouvrage du capitaine Moll, mais elle ne me paraît pas avoir de rapport avec la sculpture, et les raisons données par M. Cherbonneau pour transformer Julia Domna en Théveste me semblent péremptoires.

Lettre de M. Cherbonneau au commandant Flogny :

Monsieur le Commandant,

Lorsque j'examine le charmant dessin que vous avez eu la bonté d'offrir à notre Société et dont nous nous empressons de vous remercier, je ne puis me figurer que l'artiste romain ait eu l'intention de représenter Julia Domna sur le médaillon nouvellement découvert. Ce n'est

(I) Voir la planche 26.

30

point aitisi qu'elle csl figurée sur les médailles. La coiffure des im(iéralrices romaines, notamment à cette époque, était plutôt relevée sur le liaul de la tête ou rassemblée en cliii^non sur la nuque. D'un autre côté, nous ne con- naissons aucune princesse romaine portant une couronne de tours.

Je suppose que l'image si habilement reproduite par votre crayon est simplement un emblème, l'emblème de Théveste, ville jeune encore à cette époque.

La figure est celle d'une jeune femme ;

Le type de la figure (de la face) et la longue cheve- lure appartient plutôt à l'Afrique qu'à l'Europe ;

Le diadème de murailles fortifiées est l'emblème d'une ville de guerre (la clé de la Numidie) ;

40 Celle fixité du regard, qui ne vous a point échappée et que je considère comme l'indice de la menace, con- corde avec l'ornement de la tête ;

50 Le collier, qu'il est si difficile de définir en félat, est loin de ressembler aux joyaux d'une impératrice. Est- ce un ruban, est-ce un serpent?

Dans l'aigle éployé qui tient la foudre dans ses serres, je vois le patronage de Jupiter, sous les auspices duquel Théveste fût bâtie et dont le temple avoisine la porte Caracalla.

INSCRIPTIONS NOUVELLES

RECUEILLIES A CONSTANïlNE

Toutes ces inscriptions, à part, quatre ou cinq re- cueillies au Musée, proviennent du Coudial-Aty.

Elles se rapportent à trois gisements : les deux pre- miers sur les pentes qui descendent aux cimetières, le troisième sur les pentes nord.

Quant aux deux premiers , la propriété de M. Marius nous en a fourni une demie douzaine et celle de M. Bruyas une quinzaine. Le reste provient de la propriété de M. J.-J. Martin, troisième et dernier gisement.

Le terrain de M. Marins a donné quelques lampes à reliefs et des fioles dites lacrymatoires, avec quelques débris de vases en argile et en verre.

Dans le terrain de M. Bruyas on a trouvé trois stèles numidico-puniques, dont deux sculptées. L'une repré- sente le Caducée ; l'autre^ simplement au trait, celte figure caractéristique des monuments numidico-puniques, sur laquelle les archéologues se sont peu accordés, et que M. Muller, dans son savant ouvrage sur la Numisma- tique de l'ancienne Afrique, regarde comme servant à représenter l'image de Ba;il Chamman ou de Baal comme

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Dieu solaire. On y a Innivé aussi des amphores et un grand nombre de ces larges tuiles plates, dont on peut voir des échaniiliuiis^iui Musée, plus une dizaine d'auges funéraiies.

Le terrain de M. Martin est situé au faubourg Saint- Jean, au-dessous de la roule (|ui conduit au cimetière euiopéen, et vis-à-vis le premier coude que fait la route de Constantine à PliilippeviHc pour longer le bas tKi mar- ché arabe : il csl'attcnanl à son habitation. En préparant un emplacement pour une nouvelle bâtisse, on a mis a découvert une quantité prodigieuse de cailloux, de moellons, de pierres tombales arabes et de monuments romains.

La hauteur verticale du plein-pied à la rouie mesure environ dix métrés. On y distingue quatre couches bien distinctes. La première est un sol qui n'a guère élé louché. La seconde contenait les débris romains. La troi- sième les tombes arabes. Enfin, par dessus est une cou- che d'environ deux mètres de puissance , formée de terres de remblai, provenant sans doute des travaux de la roule.

La superficie du terrain mis à nu équivaut à un carré de vingt mètres de côté.

Outre les stèles funéraires, au nombre de quarante à cinquante, on a trouvé des fragments de colonnes et de corniche, des lampes, des vases dits lacrymatoires, des vases en verre et quelques médailles. Il (>st à ci'oire que les fouilles pratiquées dans les lalus avoisinanls donne- raient des résultais pareils. Celle abondance de monuments funéraiies fait su|q)oser (ju'il y avait un cimetière romain.

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Nos inscriptions sont toutes funéraires. Qnel(iiies unes n'en sont pas moins d'un grand inlérèt.

Quant aux pierres sur lesquelles elles sont inscrites, la forme en est variée : elles n'ont de commun que d'être plates.

Généralement elles n'ont de polie que la partie infé- rieure, qui doit recevoir l'inscription. La plupart sont arrondies au sommet, et quelques unes avec des oreillons sur les côtés. Un petit nombre se présentent avec des par- ticularités que nous signalerons en leur lieu.

Sous le rapport de l'exéculion elles peuvent se diviser en trois classes : un tiers d'un bon style, un tiers de style médiocre, et un tiers de très mauvais style.

Nous les classerons par familles..

Cette classification nous parait avoir une certaine im- portance et nous regrettons qu'elle n'ait pas été adoptée jusqu'ici. D'abord cela rend les recherches plus faciles, et rien n'est plus fastidieux que de rechercher, dans des conditions contraires, si telle inscription a déjà été pu- bliée ou non. Ensuite, par ce groupement naturel, les inscriptions jettent réciproquement l'une sur l'autre de la lumière et de l'inléièt. Nous dirons tout d'abord que les deux 'familles le plus abondamment représentées sont celles des Julius et des Sittius (1).

(1) A propos ilt^ Sitiiiis, on nous pprmptlra de relat'^r ici une conjcc- tiirp (Je M. Caussin de Peneval, Bisl. des Arabes. Pour lui le fameux partisan de ce nom sérail peul-êlre «et Afriljos que les bisloriens arabes nous disent avoir envahi le Magrt-b. M Caussin se fonde sur des concor- dances de dates. Il fait aussi le rapprorliemeni curieux d'un vers de Vir- gile VIII, 70t).

imu.mi!;i;k série.

No i.

ANNIA NATALIS PAI _F^ DI VA- LUMISE

Stèle arrondie au sommet avec oreillons. Assez mauvais style. L'A final d'ANNIA est lié à l'N de NATALIS. L'I de ce dernier mot est sur la branche horizontale de la lettre L et rS lui est superposé. Nous renonçons à lire la se- conde ligne. Les deux autres se lisent ainsi :

Annia Natalis... vixit annis quinquaginta tribus. Hic sita est. Bruyas.

No 2.

T AEMILI

VSLFOVI

SILO- E- VA

VIIIISE

Titus JEmilius Luciis filius ovisilo, E. vixit annis seplem. Hic situs est.

Nous inclinerions à lire à la seconde et à la troisième ligne : OUFENTINA (tribu) SILO. Quant à l'E de la troi- sième ligne, nous en ignorons le sens. Cette inscription d'un assez mauvais style est massée au sommet de la stèle dans un espace carré et légèrement en retrait. BnuYAs.

41

No 3.

QAEMIL IVS-GIRI BITANVS VA-XXII

Quintiis Mmilius Giribitanusvixil annis vigintiduohus.

Le mot GIRIBITANUS est sans doute l'adjectif dérivé de GIRBA, la moderne Djerba. Stèle en carré long. Assez mauvais style. Martin.

No 4.

D M AFRANIAE

Dis manibus Afraniae.

Stèle petite et écriture grossière. Martin.

No 5.

SEX ARRIDIVS

FELIXV-ALXXXV

H- S- E

IVLIA-ROGA

TAVANN-

LI-HSE

VXOK

Sextus Arridius Félix vixit annis octoginta quinque. Hio situs est. Julia Rogata vixit annis quinquaginta uno. Hic sita est. Uxor.

Stèle arrondie au sommet. La seconde partie consacrée à la femme est d'un meilleur style, à part le mot UXOR, qui a l'air d'avoir élé surajouté. Bruyas.

4-2

No G. .

P BASILIVSPFQ-

MAXIMVS

VALXXXX

HSE

Piiblius Basil lus Publii filins, Quirina tribu, Maxi- mas, vixit annis nonaginta. Hic silus est.

Sléle arrondie au sommet, avec oreillons carrés. Style médiocre. Bruyas.

7.

BASILIAFE

LICLAVA-LXXX

USE

Basilia Felicla, vixit annis odoginla. Hic sita est. Sléle arrondie au sommet, cantonné de deux saillies hémisphériques. Bon style. Martin.

8.

DIS M

CCAECILIVS

IVLIANVS

VAXXXV

USE

Diis nuniibus. Caïus Cœcilins Jnliaiius, l'ixit anJiis iriijinlii quinque. Hic situs est.

Sléle cariée. Mauvais .sl\l(\ Bruyas.

43

9.

CARNIA POCOSA VALI

Carnia Pocosa, vixit annis quinquaginta uno. Stèle petite, à sommet arrondi. Mauvais style. Actuelle- ment au Musée.

No 10.

P 3^ CAR

NIVS

CRESCENS

VALXX

HSE

Piiblius Carminius Crescem, vixit annis sepluaginta. Hic situs est .

Stèle carrée, mutilée au sommet et partagée en deux tronçons. Les dimensions de la lacune, à la première ligne, autorisent à lire CARMIJNIUS, la famille Carminia se trouvant du reste représentée dans le recueil de M, Renier. Style médiocre. Martin.

11.

D M CORNELIVS

SONCESSV SVALXXXXI

Dits manibus. Cornélius Soncessiis , vixit annis nona- ginta uno.

Stèle en carré long, d'un assez bon style, Buuyas.

4i

N" 1-2.

L- CORNE LIVS-C F

Liicius Cornélius Cornelii Cail filius. Partie supérieure d'une slèlu arrondie, d'une assez médiocre exécution. Martin.

18.

CAIUS EGRILIV

S QVRSOR V

A XXXXXXXX

IX s

Caius Eyrilius Qursor vixit annis odoginta novem.

Stèle arrondie^ d'une assez mauvaise exécution.

Cette inscription est curieuse par la manière dont sont écrits le mot CURSOR et le cliiiïre des années.

Les nos 236 et 4-27 de M. Renier, font voir le chiffre 80 pareillement figuré. Martln.

O-ECRILIVS

QF-OVIR

CLEMES-VA-

XXXV- USE

Quintus Egrilius, Quinli filius, Quirina, Clemens, vixit annis IrUjinta qiiinqne. Hic situs est.

Stèle carrée, portant au sommet des entailles figurant deux oreillons et une partie centrale arrondie. Beau styli.'. Martin.

45

No 15.

D M

EGRILIVS

HILARIO

VAXXXXV

H-SE

Diis manibus. Egrilius Hilario vixit annis quadraginla quinque. Hic situs est.

Stèle carrée, dont le champ est presque entièrement couvert par l'inscription. Style médiocre. Martin.

No 16.

D M CN PFE LIX VA

LXXV

Diis manibus Félix vixit annis septuaginta quinque.

Petite stèle ogivale^ d'une mauvaise exécution. Les traits horizontaux des F et des E sont obliques en haut et ceux des L obliques en bas. Bruyas.

No 17.

D M ÏFLAVIVS

VITVLVS

VAXXV . H-SE

Diis manibus. Titus Flavius Viiulus vixil annis viginii quinque. Hic situs est. Stèle en carré long, d'un style commun. Martin.

AG

No 18.

C-GARGILIVS C-FCANINIA NVSV * AXV USE

Caius Gargilius Cad filins Caninianus , vixil annis quindecim. Hic silus est.

Partie supérieure d'une stèle arrondie, d'un bon style. Bruyas.

N" 10.

GEMINI A

FORTVN

VA-XXIHS-E

Geminia Fortuna, vixii annis viginti uno. Hic siiaest. Stèle arrondie avec oreillons, d'un mauvais slvle. Bruyas.

No 20.

D «?« M 46

HÛRATIA

MONNV

LAOVIR

I)iis manibus. Horalia Monnula Quirina tribu... Partie supérieure d'une stèle carrée, dont la dernière ligne est mutilée. Assez bon stylo. Martin.

47

No 21.

C IRIVS-CA

THHVARIVS

VAXXII

Caius Irius (ou mieux peut-être : Cirius) Cathruarius, vixit annis viginli tribus.

Petite stèle carrée, avec une bordure en relief, d'un mauvais style. Martin.

22.

CIVLIVS

BALBVSV

VACTS

Caius Julius Balhus V. Vixit annis centum. Tibi sit terra levis

Stèle carrée, mutilée à droite, d'une mauvaise exécu- tion. Actuellement au Musée.

23.

D M OIVLIVSQF-

OVIHFELIX OMNIVMSTVD PERITISSIMVS

VAXX . USE

Dis manibus sacrum. Quintus Julius Quinti filius Qui- rina tribu, Félix omnium studiorum peritissimus. Vixit annis viginti. Hic situs e^t.

AS

Partie supérieure d'une stèle carrée, d'un style ordi- naire. — Brlyas,

C'est peut-être de toutes nos inscriptions la plu;» inté- ressante. Elle (i\it songer naturellement à une inscription de Sétif, celle du jeune Damalius Urbanus, qui mourut à 22 ans, ayant fait preuve d'une égale précocité intel- lectuelle. On peut appliquer à ces deux jeunes gens les paroles de la Bible : Consummaliis in hrevi explevit tem- pora mnlta.

No 24.

D M

MIVLIVS

LIBERALIS

VALXXXXI

Diis manibus. Marais Julius Libcralis vixit annis no- noginta uno.

Stèle en carré long, avec des petits oreillons. Style vulgaire. Martin.

No 25.

C IVLIVS

ONESIMYS

VALXXV

II-S-E

Caius Julius Oncsimus vixit annis scpluaginta quin- que. Hic sihis est.

Stèle carrée, d'une exécution médiocre. Les lettres de la dernière ligne sont en partie fruslres. Martin (1).

(1) Celle iiiscriplion figure rfans le recueil de M. Renier, ii» 2019, avec V^Se LXXX au lieu de LXXV.

49

N" 20. Ti.

M ^ IVLIVS ^0 D M

RIGLO^ê VA G -IVLIVS

XVi^JI-SE PVDENS

VA-CIHS-E

N^ 20. Marciis Jiilius Oriclo, vixit annis sexdecim. Hic situs est.

Stèle allongée et arrondie, d'un bon style. Biiuyas.

No 27^ j)ii<i manibus. Caius Juliiis Pudens, vixit annis centimi et uno. Hic situs est.

Stèle en carré long, d'une mauvaise exécution. Remar- quons, en passant, un centenaire. Martin.

No 28. No 29.

G -IVLIVS M- IVLIVS G

RVFVS FIL-QVIR-BI

V-A-XX TVS-V-A-LV H-S-E II-S-E

No 28. Caius Juliiis Ru fus, vixit annis viginti. Hic situs est.

Stèle arrondie, d'un style ordinaire. Bruyas.

No 29. Marcus Julius Caii fdius, Quirina tribu Bitus, vixit annis quinquaginta quinque. Hic situs est.

Stèle arrondie, d'un style commun. Bruyas.

No 30. No 31.

L- IVLIVS -P DIS M

LIBER -VRBA IVLIA-G-F-

NVS VA-LXX

50

N" 30. Liicius Jalius Ptiblii Liberius Vrbamis, vixit annis scptuaginta.

Stèle en carré long, d'une exécution vulgaire.- Martin.

N^' 31. Dits manib\(s. Julia Cad filia...

Portion supérieure d'une stèle cassée, d'une exécution vulgaire. Martin.

•d^

N" 52. 55.

IVLIACF IVLIA-PLIB

CALLITTA ECLOGE-VA-

VAXXI LXXH'S-E

HSEO T-BQ

No 32. Julia Caii filia Callilla, vixit annis viginti uno. Ilie sita est. Ossa tua bene quiescant.

Stèle arrondie au sommet, mutilée à droite, les dernières lettres des deux premières lignes sont entamées. Exécution très vulgaire. Martin.

N*^ 33. Julia Publii liberta Ecloge, vixit annis scp- tuaginta. Hic sita est.

Stèle arrondie, d'une mauvaise exécution, Martin.

N" 34. 35.

DIS MANIB IVLIA

SACR- NABI

IVLIA RO RA-VA-L-

GATA VIXIT H S E

ANNIS XXXV HICSE O-TBQ

N" 3-4. Diis manibus sacrum. Julia Rogata, vixit

51

amiis triginta quinqiie. Hic sita est. Ossa tua bene quies- cant.

Slèle arrondie, d'un assez bon style. Marius.

85. Jiilia Nabira, vixit annis quinquaginta. Hic sita est

Stèle carrée, d'un style vulgaire. L'A de Julia n'est que faiblement représenté, la pierre étant mutilée. M.\rtin.

N" 36.

M E M 0 R 1 A E

lYLAENAM

FAMILLE KA RISSIME CON

1 VG I FECI

V A X L 1 1

H S E

Memoriae JuUae Namjmmille carissimae conjugis feci. Vixit annis quadraginta duobus. Hic sita est.

Nous avons trouvé cette inscription à Constantine dans la cour d'une mosquée. Peut-être est-elle déjà publiée, vu la facilité de la découvrir, mais nous n'avons pu la dé- couvrir dans les Annuaires, faute d'un classement plus méthodique. Comme on le voit, son champ se trouve dé- limité par des lignes droites.

La première ligne est à peu près complètement effacée, mais nous croyons qu'on peut la restituer comme nous

5^2

l'avons liiil. Tuul au plut, pouriail-uu lire MEMOKIE. Les Irails uhlitiues du K dans KARISSIMK sont très courts.

57. N" 58.

P-MANILIVS P-MELISSAEVS

P-F-QVIRINA L'FQVRBASSV

SEVERVS S'V-A'XXII

VALIIH-SE H-S'E

N" 37. PiiOlius Manilms Pnblii filius Quirina Sevc- rus, vixit annis quinquafjinia duobiis. Hicsilus est.

Slèle carrée, à sommet arrondi avec oreillons, d'un assez bon style. Bruyas.

No 38. Pîiblius Melissaeiis Liicii filins Quirina tribu Dassus, vixii annis viginti diiobus. Hic sitiis est.

Slèle en carré long, d'une assez bonne exécution. Cette inscription a déjà été publiée. Nous la reproduisons parce que nous croyons qu'il faut lire QMR, Quirina tribu, au lieu de QVI, qui Bassus. Peut-être serait-il nécessaire, ]iour cette dernière lecture, qu'il y ait QVI ET BASSVS. Du reste nous avons cru voir un R.

N" 59. 40.

D M L-MEMMIVS

MEMMIV OCEANVS SEVERIANI F VA'XXV

VAIJII'HSE H-SE

39. Diis manibus. Mcmmius Severiani filius, vixit annis quatuor. Ilic silus est.

Stèle à sommet arrondi, d'une très mauvaise exécution. Le dernier jambage de l'V, à la seconde ligne, est ligure à peu près en forme d'S. La lin de la troisième ligne est

53

confuse. Les M et les A Ibrment des angles très ouverls, l'un des jambages débordant l'autre. A la seconde ligne l'A et l'E de la fin sont liés. Marius.

N" 40. Lucius Memmkis Oceanus, vixit annis viginti quinque. Hic silus est.

Stèle carrée, à sommet très légèrement courbé avec de petits oreillons. D'un bon style. Martin.

41. . No 42.

NAEVIA D M

GEVA POMPEI

H-S VS-EVTIC

VSVA'LXXV

N" 4i. Naevia Ecloge ? vixit annis.... Hic sita est.

Ce n'est qu'un fragment d'inscription, dont les lettres situées à la périphérie sont mutilées. A la première ligne l'A et l'E sont liés. Style vulgaire. Martin.

No 4,2. Diis manibus. Pompeiiis Euticus, vixit annis scptaaginta quinque.

Stèle arrondie au sommet, d'une médiocre exécution. Martin.

43.

OMPEIA NATA VIXIT XI HIC SITVS TIBI

Pompeia Fortunata, vixit annis... Hic sita est. Sit tihi terra levis.

Stèle en carré long, mutilée et d"une mauvaise exécu- tion. Les M et les A ont les caractères que nous avons

54

déjà signalés, c'esl-à-dirc que leurs angles sont très ou- vcrls et que l'un des traits dépasse l'autre. Cette inscrip- tion présente aussi une particularité curieuse. II est probable que le tailleur de pierres eut une distraction et qu'au lieu de SITA, à la troisième ligne, il écrivit SITVS. Ayant reconnu son erreur, il fit de son V un A renversé et laissa probablement TS pour en faire le commence- ment de la formule : Sit lihi terra levis. Martjn.

44.

D M

POMPEIE

LEONTIDIS

VA-LX

Diis manibus. Pompeiae iixoris Lcontidis. Vixit aiinis scxcujinta.

Stèle en carré long, d'une très mauvaise exécution. Les M et les A ont la même forme que dans l'inscription précédente. Les deux 0 qui figurent à la seconde etoà la troisième ligne sont plus petits que les autres caractères. Martin.

45.

D M

M-POMPONIVS

L-F-MARTIALIS

V-ALXXX

HSE

Biis manibus. Marcus Pomponius Lucii filius Martialis, vixit annis octoginta. Hic silus est.

Stèle allongée, à sommet arrondi, avec oreillons. D'un assez bon stvle. Martin.

55

No 40.

A POMPONIVS

MACER- VAXXX

Comme on le voit, la forme de celte stèle est originale. Aldus Pomponius Macer, vixil annis triginta. Les lettres sont d'un assez bon style. Martin.

47.

PROPERTIA

D-F-ROGATA

VACIII

HS-E

48.

PVBLICIA-A-F

ROGATA-VAXL

HS-E

No 47. Propertia Decinii filia Bogata, vixit annis centum et tribus. Hic sita est.

Celte inscription, d'un bon style, se trouve encastrée dans la maison voisine de celle de M. Martin. Notons en passant l'âge de Propertia, plus que centenaire.

N" ^S. Publicia Auli filia Rogala, vixit annis qua- draginta. Hic sita est.

Stèle allongée, au sommet arrondi, avec oreilions, d'un style commun. Bruyas.

nn

49. N" ?>o.

PVBLICIA Q SA

TERTVLLA DENIVS S

V-A-XXXX ATVRNIN

HSE VS V A XI H S E

'iO. Puhlicia TcrluUa, vixil annis quadraginla. Hic si ta est.

Stèle carrée, d'un style médiocre, aclucllcnicnl au Musée.

50. Quinius Sa....denius Saturninus, vixit annis tnulecim. Hic situs est.

Stèle carrée, mutilée et fendue en trois morceaux. Les caractères, d'un assez mauvais style, sont profondément tracés. A la première ligne on voit comme l'amorce d'un D. Le commencement de la dernière est à moitié enlevé. Parmi les familles mentionnées dans les recueils d'inscriptions, nous n'en avons pas trouvé dont le nom s'adaptât à notre inscription. Martin.

51. 52.

D M S D M

SAMIARI Q-SCRIB

ONI OPT

ATVS V A XXXXII

No 51. Diis manibus sacrum. Samiarius...

Nous avons oublié la provenance de cette petite ins- cription très-mal gravée, dont les A et les M ont la forme que nous avons déjà signalée, c'est-à-dire celle du laml>da minuscule.

57

N* 52, Diis manibus. Qumtus Scribonms Oplatus, vîxil annis quadraginta chiobus.

Stèle petite, au sommet arrondi, d'un mauvais style. Actuellement au Musée.

JNo 5r3.

SEXTIASATV

RI^goFIVLIA

VALXXXI

II-S-EST

Sextia Saiuri filia Julia, vixit annis octoginta uno. Hic sita est.

La forme de la stèle a quelque chose de particulier. C'est un carré long, terminé par un arc de cercle, dans lequel sont inscrits deux demi-circonférences appuyées sur une ligne transversale. Les caractères sont d'un assez bon style. Martin.

No 54.

D M

M'SITTIVS

ABASCAN

TIO

VAXXI

HS-E

Diis manibus. Marcus Sittius Abascanlio, vixit annis uno et viginli. Hic situs est.

Stèle allongée, terminée par un arc de cercle, avec oreillons. Assez bon style. Bruyas.

Une inscription de Bône, qui figure au 2874 dans

le recueil de M. Renier, donne le mol ABASCANTl. Abas- canlos est un nom grec, assez fréquent, dont le sens est : assuré contre les sortilèges.

No 55. 50.

P-SITTIVS-Q-F D M

OVm LVGVL P-SITTIVS

LVS lAMGVl; FELIX

VAVll- VA-LXXV

H S E II- S 0 T B 0

55. PubUus satins Quintl filins Lncullus Jam- f/nr, vixii annis scptrm. llic silus est. Ossa tua bcnc (juiescant.

Stèle carrée, inulilée en liaul, d'un assez bon style. Nous ferons remarquer ici le nom d'IAMCVR. Le n* 3G9o (lu recueil de M. Renier fournil un nom qui se lappro- che du nôtre, celui d'IAGVMVS. Martin.

No 56. Diis manibns. Pnblins Silliiis Félix, vixit annis septnaginta qninque. Hic silus est.

De toutes nos pierres inscrites, celle-ci est la ])lus re- marquable pour sa forme élégante. C'est bien au fond la stèle au sommet arrondi avec oreillons, mais ici les oreil- lons sont représentés par des torsades couronnant des pilastres creusés d'un double sillon et se prolongeant sui- vant toute l'étendue de la stèle. De plus, la courbe est de forme ogivale et dans celte ogive sont inscrits deux demi- cercles concentriques. Le style des caractères est aussi drs jdns beaux que nous ayons rencontrés. Wauius.

59

No 57.

P SITÏIVS

ONORATVS

*

VA- VIII

No 58.

USE

xNo 59.

TIV>3

0

SITTIA-PF

I D lANVS

T

IIOSPITAV

A- XXX

A-L-H-S-E

No 57. Pxihlms Sittiiis Onoralus, vixil annis octo. Hic situs est. Ossa tua bene quiescant.

Petite stèle en carré long, d'un style vulgaire. Les lettres de la formule 0'ï-B*Q sont superposées. Les deux dernières manquent. On trouve quelques exemples de cette disposition dans le recueil de M. Renier. Actuelle- ment au Musée.

No 58. Sittius Idianus, vixit annis Iriginta.

Fragment d'une stèle à sommet arrondi, avec oreillons, d'un style vulgaire. Martin.

No 59. Sittia Publii jilia Hospita, vixit annis quin- quaginta. Hic sita est.

Petite stèle, arrondie au sommet, d'un style vulgaire. Marius.

No 60. No 01.

SITTIA-L-F SITTIA -P- F

INGENVA MODESTA

VALXVIHSE VA-XXXI

No 60. Sittia Lucii filia Ingenua, lÊcit annis sexa- ginta sex. Hic sita est.

60

Stèle allongée, au sommet arrondi et mutilé, d'un assez beau style. Martin.

No 61. Sitlia Publii filia Moclesta, vixit annis tri- (jinla et uno.

Stèle allongée el arrondie, d'un style très vulgaire. Bruyas.

62. 03.

SITTIA-PI SITTIAROGATA

VIXIT A VIXIT-ANLV

HSES

02. SiUia Publii filia? Vixit annis Hic sita

est.

Fragment d'une stèle carrée d'un assez mauvais style. Martin.

N** 63. Sittia Rogala, vixit annis quinquaginta quinque.

Partie supérieure d'une stèle arrondie avec oreillons, d'un mauvais style. Bruyas.

64. 65.

SITTIA Q TTIA PF

SAMATE VIX AN

VAXXX LX 0 USE

64. Sittia Quinti filia Samate, vixit annis tri- (jinta. Hic sita est.

Stèle allongée et mutilée au sommet. La première ligne n'est pas complète. Style vulgaire. Martin.

65. &îtlia Publii filia, vixit annis seœaginla. Ossa tua bene quiescant.

61

Slèle arrondie. Caractères peu apparents et d'un mau- vais style. Martin.

N«> 66. No G7.

Q^gêTRESI D-M

VS ^ NAM A I S A

PAMO V 0 L I M P 1

A-XIIX AS V

A XXXX H S E

No 66. Quintiis Tresius Nampamo, vixil annis dilo de viginti.

Stèle carrée, mutilée au sommet, d'un bon style.

Nous ferons remarquer, en passant, la manière dont le chiffre 18 est représenté. On en trouve du reste d'autres exemples. Ainsi, le 602 du recueil de M. Renier donne XXXIIX, duo de quadraginla.

No 67. Diis manibus. Aisa Olimpias, vixil annis quadraginla. Hic sila est.

Stèle en carré long, grossièrement taillée, d'un assez mauvais style. Martin.

No 68.

ISAT BELL^

VAXXXXV

H-S E

Isat Bélla, vixil annis quadraginla qiiinque. Hic sila est.

Cette pierre est comme la plupart des aiftres, partagée en deux portions, dont l'une polie, destinée à recevoir

IJ2

l'inscriplion el l'autre plus grossièrement iravailléc. Le T de la première ligne esl assez mal ligure et pourrait se confondre avec un I. Le style, du reste, est vulgaire,, l'exé- cution négligée et la pierre grossièrement taillée. -Martin.

DEUXIÈME SÉRIE.

Nous allons maintenant donner des fragments d'ins- criptions qu'il ne nous a pas été possible, pour la grande majorité, de classer dans la catégorie précédente^ d'une façon positive. ^

69.

L 0

L-F' QVr PI

CVLVS ' V ' A ' LX

H'S'E

Lollitis ? Lucii filius Quirina tribu Proculus, vixit annis scxaginla. Ilic situs est.

Ceci est une stèle carrée dont la partie supérieure est mutilée : c'est à peine si l'on voit des traces de la pre- mière ligne. Le style, du reste, en est beau. Notre lec- ture n'est donnée que sous toute réserve. Martin.

No 70. No 71.

A E I TLV C lA RA-I-F

CATA-V-A USE

H S E

70. Laertia? Cata, vixit annis.... Hic sita est. Le milieu de la première ligne est douteux. La pierre esl mutilée à droitf- et à gauche. Martin.

63

71. Fragment d'une pierre carrée, ornée d'une bordure en relief.

T2. 73.

ANIROS VITALI

L XXX-HS-E N XIIII

0-TB-Q

72. Fragment d'une stèle carrée, d'un mauvais style. Les deux dernières lettres de ia première ligne sont douteuses. Martin.

73. Fragment d'une stèle carrée d'un style vul- gaire. — Martin.

74. No 75. No 76.

M M M-F-P

LYS ELIA V-A

YGOLV 0-T

XLV H

No 74. Fragment d'une stèle en style vulgaire. Martin .

No 75. Fragment de stèle de style commun. Martin.

No 76. Fragment de stèle d'un style vulgaire. Martin.

No 77.

No 78.

No 79.

No 80.

A

BRV

lES

LXXXI

V-A

XX

XXX

BQ

S-E

Q

S-

Nos 77^ 78 et 79. Fragments de slèles funéraires. Martin.

G4

N** 80. Fragmenl de stèle funéraire. Les jambages des X sont recourbés, la queue du Q est très longue. Martin.

81.

RVM

ERIVM MA

ARITAE ET DESIT T

INA EX CVIVS DE OPES HVIVS....

Quelques lettres de la périphérie sont tronquées. La dernière ligne est en petits caractères un peu confusé- ment serrés. Actuellement au Musée.

No 82.

Sous ce titre nous rangerons une quinzaine de frag- ments qui appartiennent tous à un seul et unique mo- nument.

Il y a quelques années on le découvrit dans la pro- priété de M. Bruyas, un ouvrier inintelligent, nous a- t-on dit, le mit en morceaux, qui furent recueillis trop lard et apportés au Musée. Déjà M. Cherbonncau en a publié une portion dans l'Annuaire de l'année 1861, page 250. Il n'est pas probable que l'on parvienne à dé- couvrir le reste. Le moment est donc venu de publier tout ce que nous avons pu recueillir. Puisse, un jour, la saga- cité des archéologues, en combler les lacunes. En atten- dant, nous allons exposer aussi bien qu'il nous sera possible l'état actuel de ce monument, qui ne peut, avec Ir temps, c|ue se détériorer davantage encore. Si nous

05

hasardons quelques lectures^ ce sera pour mieux fixer son état actuel, cl peut-être aider au déchiffrement ul- térieur.

Il s'agit d'un cippe carré, inscrit sur ses quatre faces, mesurant chacune environ cinq décimètres de largeur, sur une hauteur qui devait être un peu supérieure.

L'exécution est très soignée et les caractères d'un très beau style. Sur l'une des faces ils mesurent six centimè- tres de hauteur et la moitié sur les trois autres.

C'est avec beaucoup de peine qu'il nous a été possible de mettre ces nombreux fragments en place et leur assi- gner leur position respective. Seulement un des quatre angles, composé d'un fragment isolé, ne faisait pas corps avec la masse et nous avons lui chercher une position.

Nous donnerons successivement chacune des faces, et sur les côtés nous placerons, à leur hauteur respective, le commencement des lignes correspondantes dans les faces contiguës de droite et de gauche.

io

Mis

FEC

RES

NX

NNS EDI ATO

D

CA V

C'AVDA S^

FIL'R

VI 1

DI GENTIS DECVS ADTV IVNX SI TIS

00

Celle première face comprend une demi-douzaine de fragments dont le groupement nous a donné l'ensemble des caractères représentés ci-dessus.

A la seconde ligne, nous pensons qu'on ne peut lire autrement que CAKi.lA. Le premier A a son second jam- bage faiblement indique, la pierre manquant précisément à cet endroit. Le second A n'a non plus qu'un jambage, le second, tracé sur un fragment attenant à l'angle voisin.

Nous pensons que celte face comporte la lecture sui- vante :

Dits manibus sacrum. CAcUA Caii AYDASi FI Lia nesUlVTA.

Quant au fragment de lettre de la dernière ligne ce ne peut être que l'amorce d'un B ou d'un l\.

La mention de la famille Cœlia dans une des autres faces, nous a fait penser que ce nom devait être inscrit sur celle-ci.

Quant à la famille Audasia, elle avait des représentants en Numidie, notamment à Tbéveste, nous trouvons un monument consacré à la mémoire d'Audasia Fortunala, par Audasius Primilivus cl Audasia Januaria (Renier, no 3108).

Ces deux familles élaienl sans doute alliées (1).

La deuxième face, telle que nous la donnons, ne diffère pas sensiblement de la reproduction qui en a été faite dans l'Annuaire de 48G1, page 250. Seulement nous ajou- tons ou rectifions quelques lettres.

(I) En |il»oe du nom de famille dn pJ're, en rjMiconlre ;»ssp7, souvent le nom do fumille do la mère porté par une fille.

S'

07

FI b i / A M A R I T 0 N

G K N T I i. A E L I A E D E C 0 R MO DECVSETFLAVIAEGENTIS PLI ADTVGAREPRECORCON QVA

IVNXSI ^ACTA RECORP VS

SI FECVNDATJBIPI TISA \ORERELIO r.ORi I fNDO INN

Nos variantes, comparativement, à la reproduction déjà publiée, sont les amorces de la première ligne^, que nous lisons DIA ; la détermination du premier mot de la seconde, GENTIS au lieu de GENTI ; l'amorce de l'M, à la septième ; enfin, à la dernière, la lecture TIBI au lieu de VBI.

En laissant de côté les trois premiers caractères tron- qués, dont le dernier nous a semblé un A, nous pensons que le reste pourrait se lire ainsi :

(Rapla?)... a marito gentis Caeliae décor decus et Caeliae gentis. Ad tu care precor conjux si fada recordes

si fecimda tibi pi tis amore reliqui... commendo in-

nocent... tibi conjux....

Comme on le voit, il y a ici des velléités de versifica- tion que nous retrouverons aussi ailleurs.

Cette face se compose de quatre fragments, dont trois attenants aux faces voisines. De même qu'ailleurs les I et les T dépassent souvent le niveau des autres lettres.

30

La troisième face se compose de deux parties, celle

68

de drciilo do doux IVagmonls, et celle de gaiiclie d'un seul.

ITO

COU

TIS

CON

MOi l' L I C QVAM

vsnt

Mis

HIC

olUTA

SIM

v^SIM

cai:l

m: S

rvs

ATAPRI

Sl-D

ftEMini

QV

ITAM CON

QV

OSTRILABOIUS

MV

OQVAM UOI

110

PERI

TIS

Comme nous l'avons déjà dit, des quatre angles de notre cippe nous n'en avons que trois qui se continuent sans interruption : le quatrième formant une masse assez mince, qui ne se raccorde pas aux autres fragments. C'est donc arbitrairement et de la façon qui nous a sem- ble la plus plausible, que nous avons fait le raccordement des lignes inscrites sur chacune des moitiés de cette face. De ces deux moitiés^ celle de droite appartient à cet angle qui fait corps à part.

Quant à la moitié de gauche, la dernière lettre de la troisième ligne nous paraît être un C.

Dans la moitié de droite, la plupart des lettres qui commencent les bouts de lignes sont tronquées.

Nous croyons qu'on peut la lire ainsi :

Siis Gvila u . sim vos ala pri re milti ilam con ostri laboris o cjîiam do\ e pcri.

Quelques Uns de ligne de la moitié de droite nous ont paru se raccorder avec lo commencement des lignes de

69

la moitié de gauche, ainsi : sim plie, pri us, et c'est d'après cela que nous avons adopte notre raccordement.

IS

HIC an;

SiIS

lUTA

SI MA FID

SIM

C A ELI A l\V

^ FEC

SES

TV SIMIL

i, PARES

l'RI

SEL) MISER

)NI NX

MlHI

QV 'Ov

VIXIM \NNS

CON

QVl

MI )EDI

RIS

MV

MI ^ATO

DO»

HOC TIS

D

C C F

Nous dirons de celte face ce que nous avons dit de la précédente. Les deux moitiés ne se rajustent pas entre elles et c'est d'après certaines coïncidences que nous avons opéré le raccordement des lignes. Ainsi la fin de la pre- mière ligne de la moitié de droite nous paraît donner avec le commencement de la seconde ligne de la moitié de gauche, le mot : GASTISSIMA.

Le commencement de la première ligne nous paraît devoir se lire : IIIG SITA.

Avant les lettres FEG de la troisième ligne se trouve une petite amorce. Avant le^ lettres PARES, de la ligne suivante, s'en trouve une aussi, plus accusée, paraissant appartenir à un E.

La fin de la cinquième ligne doit se compléter ainsi : CONIVNX, une bonne partie de l'O apparaît devant l'N.

Le commencement de la sixième ligne me paraît devoir

70

se lire : QVI NOVEM. Eu tout cas l'amorce qui se trouve après rO est penchée et doit appartenir à un V. La fin de cette ligne doit évidemment se lire : VIXIMVS ANNIS. Dans le mot ANNIS, l'I est lié au second N.

Le dernier mol de la ligne suivante doit se lire : DEDI, la portion courbe du D est très apparente.

A la huilième ligne le dernier mot est NATO : il se voit une assez bonne partie de l'N pour aflirmer cette restitution : on ne saurait admettre DESTINATO.

A la ligne suivante, la lettre qui suit l'O ne saurait être qu'un C et l'on doit lire : HOC.

Cette face pourrait comporter la lecture suivante :

Hic sila est conjux caslissima /Welissima que Caelia-

rum fcc tu simil... pares sec misen'nw... ? conjux qui

novom... viximus annis, etc.

Nous pensons (jue l'on nous pardonnera les détails dans lesquels nous sommes entré sur ce monument. La beauté de son exécution, le peu que nous en avons décliiflré nous ont paru légitimer la peine que nous nous sommes donnée pour en recueillir et en grouper les précieux débris.

On nous demandera quelle est la signification sommaire de ce monument, et dans quelles conditions il fût érigé. Nous allons émettre une hypothèse.

Ne s'agirail-ii pas d'une jeune femme enlevée préma- turément et soudainement à son mari, NOVEM VIXIMVS ANNIS, PEUEIDIA SORTIS? RAPTA MARITO ; peut-être en son absence et laissant un fruit de son mariage, AD TVCARE PRECORCONIVNX... COMMENDO INNOCENT... TIBI.

La face n*^ 1 nous donne ses noms, les faces n"* 2

71

et 4 conslalenl son inhumalion, sa noblesse, et nous donnent ses recommandations à son époux.

INous n'en dirons pas davantage, laissant à de plus habiles le soin d'avoir le dernier mot de l'énigme.

Nous terminerons par deux nouvelles inscriptions, dont la première recueillie encore dans la propriété de .M. iMarlin.

D M S

MYRINVS SCAENI

CVS PIVSV-A-Lll

H-S-E

84.

MVNNIA REDVC

TAVAXX

HS

83. Dits manibus sacrum. Murinus Scaenicus Pins, vixit annis quinqiiaginta duobus. Hic silus est. Sièle carrée, d'un style vulgaire.

84. Munnia Redacta. Vixit annis viginti. Hic si ta est.

Stèle arrondie au sommet, d'un style vulgaire. Propriété de M. Audureau, Goudiat-Aly.

INSCRIPTIONS RECUEILLIES PENDANT l'IMPRESSION DES PRÉCÉDENTES.

85.

D

CLODIVS

AERMETIO

V-ALIHSE

86.

DVRIDIA

FAVSTA

VAXXVIU

72

85. Diis manibtis sacrum. Clodius Acrmelio, vixU annis quinquaginla uno. Hic sitî(s est. Slèlc carrée, tronquée. Style commun. Martin. No 86. Duridia Fausta, vixit annis viginti et octo. Slèle allongée. Mauvais style, Martin.

87.

ANTONIA II A ONNA V A

NNIS L V IX H S II

Stèle allongée îivec oreillons. Très mauvais style. Sur- face à peine dégrossie. Martin.

Le tracé des caractères est trop incorrect pour que nous donnions une lecture de cette inscription. Nous ferons seulement remarquer les deux II de la fin, très lisibles et qui sont en remplacement d'un E.

88.

II y a quelques jours, les travaux exécutés au pont de Constantine ont fait découvrir deux nouvelles pierres inscrites.

Ce sont deux blocs^ longs de près d'un mètre sur un demi-mètre dans les autres sens.

Les lettres n'ont pas moins de 14 centimètres de haut et sont d'un large et beau style. Sur l'un des blocs elles sont tracées dans le sens de la longueur et sur l'autre dans le sens de la largeur.

40

IIAD I FILIO

AE PRO

73

Nous pensons qu'il s'agit d'une dédicace à l'empereur Antonin le Pieux, en raison de celte ligne : AE PRO, nous voyons : nervAE PRO nepoti.

Le reste se lirait donc : HADrmnl FILIO.

On pourrait ainsi compléter l'inscription :

hwp. Caesari divi Hadriani filio divi Trajani nepoH, divi Nervae pronepoti, Tilo JElio Hadriano Antonnio Augusto Pio, etc.

h. LECLERC.

NO^^a&^^^H

UNE INSCRIPTION DU KAF-TAZROUT

Au centre du massif compris enirc l'Oued-Rummel supérieur et l'Oued-Endjas, l'un de ses affluents, à dix lieues à l'ouest de Constanline, s'élève un large plateau d'où l'on domine au loin les environs. Du côté du nord, la vue s'étend jusqu'aux montagnes des Mouya et des Zouara, sur le Fcrdjioua, et même en tournant à l'ouest sur les cimes du grand Babor. Au sud, on voit se dérouler les vastes plaines des Abd-en-lNour, des Telarma, des Zemoul, et à l'extrême horizon, l'œil distingue le lointain Aurès.

Ce plateau, de nature calcaire, est recouvert d'une légère couche d'humus. Au sud, en regard de l'Oued- Decri, les couciies supérieures, suivant une étendue de quelques centaines de mètres et une hauteur de quinze à vingt mètres, sont brusquement coupées à pic. (^es roches découvertes portent le nom de Kef-Tazrout, dénomina- tion qui signifie doublement rocher, en arabe et en ber- bère.

Au point le Kaf-Tazrout fait un petit angle saillant, côtoyé à droite et à gauche de volumineux fragments détachés, on aperçoit vers le tiers inférieur de cet angle saillant, au milieu d'une surface aplanie, un espace légè- rement en retrait, d'une longueur d'-environ quatre-vingts centimètres sur soixante de hauteur. Cet espace en retrait

/o

porte une inscription. Muni d'une échelle, apportée Je chez le caïd des Ouled-Kebbab, à six kilomètres de là, j'ai pu, avec le concours de M. Marchand, en prendre une copie.

D'un assez bon style, cette inscription présente quelques défectuosités. Les unes sont consécutives et l'eiïet du temps, les autres sont primitives ou dues à la nature de la roche qui ne s'est pas partout également prêtée à la taille, ce qui a pu nécessiter des reprises.

Telle est cette inscription.

CAELE STI =|ê AVG SACR PRO SALVTE C-ARRI

ANTON I NI N ^ ANTONVS PHILE T S S LA

TEMPLI ^ DE SVO FECIT IDEM Q

Comme on le voit par le fac-similé, les lettres sont fort inégalement distribuées, en raison des défauts de la roche. Toutes sont isolées, excepté une lettre double.

Les deux premières lignes ne représentent pas de diffi- culté à la lecture.

(Juant à la troisième, le premier mot nous paraît devoir être lu ANTONINI, et le dernier ANTONIVS. Le milieu de ce dernier mol présente une lacune de deux lettres, dont il nous a semblé distinguer les traces sur la roche. Quant à la lettre N qui se trouve isolée au milieu de ces deux mots, il se pourrait que ce lut une répétition des deux dernières lettres du premier mot NI, que le graveur n'au- rait pas trouvées convenablement taillées sur une roche écaillée.

70

Le premier mol de la (iiialrième ligne nous semble pouvoir être lu PIIILETVS. Quant au second, nous pro- posons de le lire SACELLA.

La dernière ligne doit se compléter naturellement par un D, ou par deux D D.

En résumé, nous proposons de restituer ainsi cette inscription :

CAELESTI AVG SACR PRO SALVTE C ARRI ANTONINI ANTONIVS PHILETVS SACELLA TEMPLI DE SVO FECIT IDEM Q D D

Telle en serait la lecture :

CAELESTI AVGuslae SACRum PRO SALVTE Caii ARRIi ANTONINI ANTONIVS PHILETVS SacelLA TEMPLI DE SVO FECIT IDEM Que DeDicavii.

Telle en serait la traduction :

Consacre à la déesse Céleste Auguste pour le salut de Caïus Arrius Antoninus. Antonius Pliiletus a réparé à ses frais les oratoires du temple el en a fait la dédicace.

Celte inscription a déjà été publiée j»ar M. ilenier sous le n*^ 2454. Nous la reproduisons en raison de l'origina-

11

lité de sa position, de l'importance du personnage à qui elle est dédiée, et parce que notre transcription diiïère de celle de M. Renier. C'est ainsi qu'il donne la troisième et la quatrième ligne :

ANTONINI MNVS

PTNEI A

Nous avons expliqué les raisons de notre lecture. Nous ajouterons qu'il s'agit peut-être de l'aïeul d'Antonin le Pieux, Arrius Antonirius, personnage consulaire et homme irréprochable, dit J. Capitolin, et victime de Commode, au dire de Lampride.

A quelques mètres à l'ouest de l'inscription et à peu près à la même hauteur, la roche est taillée de deux en- foncements rectangulaires et accouplés, d'une superficie un peu moins étendue el en retrait d'environ un décimè- tre. Nous n'y avons observé aucune trace d'écriture.

A quelques centaines de mètres, de l'autre côté d'un ravin, au point le territoire civil confine au territoire militaire, sont quelques ruines romaines de médiocre im- portance.

En regagnant la roule de Sétif, on rencontre deux ou trois groupes de ruines, dont un entre Aïn-Sollhan et la route : c'est le plus important. On y voit encore debout un pan considérable de mur en grand appareil.

Du côté du sud le pays est au loin légèrement ondulé et de partout on aperçoit comme une raie blanche la roche de Tazrout.

L. LECLERC.

INSCRIPTIONS RECUKILLIES CHEZ LES OULED ABD-EL-NOUR

l'AR M. FÉRAUD

Les inscriplions qui suivent ne nous étant connues que par de simples copies, nous serons nécessairement aussi sobre que possible de réflexions et de reslilulions.

INSCRIPTIONS FUNÉRAIRES

i.

Aïn-Âzis-bou-Tellis. Aujourd'hui au Musée.

Cippe arrondi au sommet, figurant une niche conte- nant trois personnages en relief, d'un assez bon style, mais ébauchés, le père, la mère, et entre les deux un enfant qui leur tend les mains. Au-dessous une étroite bande se lit l'inscription suivante :

I AVRELI D ^ M ^ S CoRCH A ^ HONNIVS FAVSTINVS ORATA V * A "îe L

... A X

Cette inscription est assez fruste et le temps nous parait avoir altéré les caractères, en leur juxia-posant dos mem-

79

bres étrangers. Nous croyons qu'il y a deux inscrip- tions enchevêtrées et voici comment nous les lisons, sauf erreur.

Diis manibus sacrum.

. . . Aurélia Honorata, vixit annis X. . . .

Caius Orsenius? Faustinus, vixit annis quinquaginta.

L'inscription du mari est à droite, celle de la femme à gauche.

2. 3.

DlVi-S DMS

AELIA- MVNA C' CAECI

LIA V A- LIVS PAS

XXXV TORVAXL

VIIII-HSE

2. Biar O.-Khelouf. Cippe arrondi. Diis manibus sacrum. yElia Munacia , vixit annis tri- ginla quinqiie.

N<^ 3. Même 'provenance. Stèle arrondie. Diis manibus sacrum. Caius Caecilius Pastor, vixit annis quadraginta novem. Hic situs est.

4. N" 5.

D'M-S IVLIVS IVQV

CAELIVS.. VS NDVS MA

TVSV'ALXXX RITVS

SOLEMNIS ET V S I l-.- SATVRNINS FEC PPH'S-E-OT....

80

N" 4. Mcmc provenance. Slèlc arrondie.

Dits manibiis sacrum. Caelius Jusiiis, vixit annis octo- r/inta. Sollcninis et Saturninus fecerunt palri pienlissimo. Hic situs est. Ossa tua bcne quiescant.

5. FA-Qucssaria. Plusieurs tombes se voient autour d'une ruine figurant une tour carrée, d'environ six mètres de côte. Fragment de stèle carrée.

Julius Jucundus marilns vivxis sibi fecit?

6. N" 7.

D-M-S DM

FABIA P- IVLIVS

GVDVL MARCVS

LA-VA VIXIT ANNIS

LXXXV LXXXXV

HSE

No G. Aïn-Aziz-bou-Tcllis. Slèlc allongée, dont la partie supérieure porte en relief une double ogive, dans le champ de laquelle est un croissant, et dont les angles inférieurs sont occupés par des palmctles.

Diis manibus sacrum. Fabia Gudulla, vixit annis oc- tofjinta qiiinque. Hic sita est.

Dans cette inscription les L au lieu d'avoir la forme (jue nous avons leur donner, faute de caractères typo- graphiques spéciaux, ont la foime du lambda grec,

7. Aïn-Karcb. Au-dessus de l'inscription un croissant.

Diis manibus. i^nhlins Julius }farcuSf vixit annis no- nayinta quinqiw.

81

N" 8.

D-M IVLIA-Q....

NTOSA

RISSIM

MiA-y-A-x

ONFENTA.... FLORESVI... DVCTA HO...

Bou-Thouil-O.-Haddad. Cippe tronqué, avec enca- drement.

Diis manibus. Julia Quinti filia Juniosa....

La transcription, du reste, nous paraît peu sûre, et le monument paraît aussi tronqué par en bas.

9.

IVLIA TECVSA VIXIT'A'XXXVI BONASCV..TAS

IVLIA LVC lOSA VIX A'Llli

Aïn-Bou-Tellis. Stèle au sommet arrondi, figurant une niche oii l'on distingue trois personnages. En bas une inscription double.

Julia Tecusa, vixit annis triginta sex....

Julia Luciosa, vixit annis quinquaginta tribus.

Dans la seconde moitié nous avons cru devoir restituer le mot LUCIOSA dont le commencement était mal trans- crit.

82

10. N" 11.

D'M.S DM-S

IV... ORTVNATA IVLIASECVNDA

...A-LXXVHSE VIXAXIMCAESA

...VLEGNATIVS V NINVS CO V SI

. . .ATRI SVE FECIT ET IVLI SIA HINETIV

CAE RA RI

No 10. Henchir-d-Atcuch.

T)iis manibus sacrum. Julia Fortunata, vixit annis sep- luaginta qtiinqiie. Hic siUt est. Jiilius Egnalius malri suce fecit.

11. Même provenance.

A la Iroisièmc ligne l'A et TE cjui le suit sonl liés. A la quatrième rantépénullième lettre est figurée comme re- présentant un T et un V. Nous ne pouvons hasar«ler de transcription pour les quatre dernières lignes qui nous paraissent peu sûres.

N" 12. N" 15.

DMS PEDIVS

IVNIA CALI FEDOSVS

LAVIXAN SE VIVENTE VI MENS FECIT VIX

Vllll AN'LXXXXVII

N" 12. Ain-Dou-TclUs. Stèle carrée.

Diis manibus sacrum. Junia Calila, vixit annis sex mcnsibus novem.

N" 13. Même provenance. Stèle carrée.

Pcâivs Fcilosus se vivenle fecit, vixit annis nonaginta septem .

83

No 15.

...BIA FO

...VN.TA

VALXXV

16.

DM

ELDONA

TA VIXIT

AN LXIV

FFXEBVNT

El NEPOT

14.

DM-S SIXTIVS SAI....V.. OV..N..TIN OA.DP.V ....VAL M XVI FILII PATRI CARISSIMO FECERVNT

H-SE

»

N" 14. El-Guessaria. Cippe en forme d'autel.

Diis manibus sacrum. Sixtiiis Saturninus Oufentina

(tribu) vixit annis quinquaginta filii patri ca-

rissimo fecerimt. Hic situs est.

No ^5. Aïn-Bou-Tellis.

Yibia? Fortunala, vixit annis septuaginta quinque.

No 16. Henchir-el-Ateuch.

Diis manibus. Eldo7iata, vixit annis sexaginta et qua- tuor. Fecerunt et nepotes.

No 17.

ME SA MISINIS

ET SAB INAIS

Biar-Djeded. Stèle carrée. Au-dessous de l'inscrip- tion une entaille cruciforme.

84

No 18. 19.

... LVS DMS

VICTOR OHlHlVn

VIXIT MVSTIA

VIXIT ANiMS XXXV

18. Ain- Bon- Tel lis. Sléle arrondie, creusée à sa partie supérieure d'une niche se voient deux bustes. L'L est en forme de lambda grec.

No 49. _ Ouled-Khclouf.

La deuxième ligne nous paraît suspecte.

INSCRIPTIONS VOTIVES ET AUTRES

20.

IMP CAES M... REUO SEVERO AN TONINO PIO FE LICE AVG MAX MAX BRITA MAX GER MAX PO... MAX TRI.... XVlili PA....

COS 111! P

COS I

AVG M

O I

Henchir-el-Alcuch , Sur une colonne.

^ 85

Celte Iransciiplion est évidemment défectueuse. A la quatrième ligne il faut lire PART ou PAR au lieu de MAX. Il s'agit en effet de Caracalla, auquel, disait Helvius Per- linax, il ne manquait plus que de s'appeler Geticus Maxi- miis, par allusion au meurtre de Gela. Celte inscription a du reste la même date que celle qui se voit sur l'arc de triomphe de Djimilah et doit se lire en conséquence :

Imperalore Caesare Marco Aurelio Severo Antonino Pio Feiice Augusto Parlhico maximo Britannico maximo Ger- manico maximo Ponlifice maximo trihunitiae potestatis XVIIII imperatore III pâtre pair iae consule IV proconsule cl Julia Domna Pia Auyusta maire ejus et caslrorum

Nous avons ici FELICE, mais peut-être faudrait-il IM- PERATORI... FELICI...elc.

No 21. 22.

FELIC ..VPTVNIO

PO... MAXIMO AVG-î^AC

TRIB PO... COS CAECILI

iniP-P-MIL-IIi YS FORTY

NATVS-A-P Q-PS-P-FEC

21. Mémo provenance. Sur une colonne mil- liaire.

Feiici... Augusto... Ponlifici Maximo Irihuniciae potes- tatis... Consuli IV, Palri palriae. Milia III.

N" 22. Ain-bou-Tellis. Cippe en forme d'autel.

La première ligne de cette inscription est évidemment incorrecte. Nous lisons :

Nepluno Augusto sacrum. Caecilius Fortunalus aedili- cia polestatc quinquennalis perpetuiis sua pecunia fecit.

86

^^ 23.

1 S CAPOMVS SECVNDVS SA CERDOS AGNT DO MINO lAVRV DOMI NO OVICV lAN VI RI CI.I.RI.C.IIOVIOVICV LA I..I..I.V.IAGNV IIERC VU AGN VENERI EDV MERCV-VII P FI TESTI MOMO....M..IXV

34.

DBS ce PRIMVS A G S AIVI NI AC NV lAVRV DOM INO OVIC I Al El V RIVIRBECI...

CAOVICIA

TESTIMONI ..RCVLI CV MERG VRI DIVAVENER I TESTIMON

No 23.— Ain-bou-Tellis.

Sur une slèle allongée divisée en trois comparliments. Supérieurement, quelque chose qui ressemble à un pal- mier, entre deux couronnes. Vient ensuite l'inscription encadrée dans un filet. Inférieurement, on voit un bas- relief qui ressemble à un autel duquel s'élèverait une flamme pyramidale. A la droite^ quelque chose comme une pelle et un crochet, sans doute les instruments du sacrifice.

De toutes nos inscriptions celle-ci nous paraît la plus intéressante et nous ne saurions trop regretter l'absence d'un bon estampage, qui nous eût permis de reproduire avec toute certitude quelques parties douteuses. Telle qu'elle est, cependant, nous la considérons comme d'un grand intérêt.

Elle rappelle le culte des Frères Arvales, si même elle n'en est pas un acte, attendu que dans les recueils d'Orelli et de Zell nous n'avons pas trouvé d'inscription de ce genre

87

en dehors des acles de la célèbre corporation. Ce qu'il y a à remarquer aussi, c'est que le nom du prêtre qui a présidé aux sacrifices porte un nom connu dans les fastes des Frères Arvales, celui d'Aponius. Ainsi, lors des sacri- fices qui furent faits au Capitole à l'occasion du consulat de Néron, M. Aponius Secundus était présent. Quand de nouveaux sacrifices furent faits pour le salut de cet em- pereur, le même Aponius présidait : prœeimte M. Aponto Secundo. Nous laissons à de plus savants à expliquer comment des actes de ce genre se firent en dehors du siège de la corporation.

Comme on le voit par les actes qui nous ont été con- servés, ces sacrifices se faisaient ordinairement en vue de l'empereur, pour écarter quelque mauvais présage, puri- fier un lieu sacré. Par la nature des victimes ils rentraient dans l'espèce dite suovetaiirilia.

Dans les procès-verbaux de ces solemnilés, voici com- ment s'énoncent habituellement les victimes immolées : Jano Patri arietes II Junoni oves N. II Florae oves numéro II. Ainsi on immolait généralement deux victimes à cha- que divinité, mais parfois ce chiffre était dépassé.

Les procès-verbaux se terminent par les mots : ad ftierunt, étaient présents.

Quoiqu'il en soil, voici comment nous lisons notre ins- cription, sauf, en certains points, rectification :

Infra scriptis. Caius Aponius Secundus sa cerdos : agnum Do

88

mino, taurum Domi no, oviculam Jano, verve . cem Marli, arietem Jovi, ovicu lam Junoni, agnuni Ilerc uli, agniim Veneri, hedum

Mercurio lesli

monio

Notre co[)ie ne nous a pas permis d'admettre le nombre binaire des victimes.

I\o 94. Même provenance. L'inscription propre- ment dite est aussi encadrée, et au-dessus se voient deux couronnes.

Celte inscription est congénère de la précédente. Elle est d'une transcription non moins difficile et nous nous trouvons entre deux écueils : taire les indications de cer- tains fragments de lettres, ou bien leur demander plus que nous n'avons droit d'en exiger. C'est sous toute ré- serve que nous hasardons la transcription suivante :

. . . Primus sacerdos Satiirni : agmnn taurum Domino, oviculam Mercurio, verbecem.... oviculam.... testimonio Ilerculi.. Mercurio Divœ Veneri testimonio...

N" 2o. N" 26. 27.

C 1 0...

.RINV

OICISSI..

V.. OLA'L

H CDIO.

...N 1

SAGNO....

EXHAVSTA

SSIMIS C

ET VITA CN

SSDONNE

AVIO MATER

I....OSIAN

... TIOE II E

... RIO V. E

1 A

89

N^ 25. Même provenance et peut-êlre analogie de destination.

26. Même provenance. Stèle allongée.

Celle-ci est trop incorrecte pour que nous en essayions la transcription.

N^ 27. Bordj-Mamra. Fragment de stèle,

28. N" 29.

M . DACVMS ANTONIA L F SATVI .

.. I RESTI..I Al S ET NVNDINAV KALE...

CVIVSQVE MENSl..-

No 28. Bir-Djedid. Stèle carrée,

29. Am-Mechira. Pierre oblongue.

Antonia Lucii filia Saturnina et Nundina V calendas cuju^que mensis

Il s'agit probablement ici de la femme d'Arrius Pacatus, dont répitaphe se lit sous le n^ 1815 dans le recueil de M. L. Renier. On sait que cet Arrius Pacatus est le même qui fit construire les bains de la rue de France.

30.

M . CRESCENTIS 1 V R D VII KAL AVG

Bir-Errahian. Inscription tracée circulairement sur une pierre en forme de meule, d'un diamètre de 0'"80 et d'une épaisseur de 0'n20.

90

INSCRIPTION CHRETIENNE

DEI BEATA jfj KT \\ CHISTO COIVPARATA

Oiiled-Olhman. Les caractères sont en relief, d'une hauteur de 0"'10 et occupent un espace de 2'n50 en lon- gueur. Ils sont encadrés entre deux filets. Après le mot BEATA, dans un encadrement carré, se voit le mono- gramme du Christ.

L. LECLERC.

>-î-<>s^jiE-^!<îe^K-

INSCRIPTIONS

RECUEILLIES PAR M. LE COMMANDANT PAYEN

Nous regrettons de n'avoir pu consacrer plus longtemps à l'étude de ces inscriptions qui sont généralement d'un grand intérêt.

Elles ont été recueillies dans le cercle de Bordj-bou- Arreridj, contrée jusqu'alors à peu près inexplorée, si ce n'est par notre zélé collègue, les monuments sont d'autant plus précieux qu'ils y sont rares, cette contrée touchant à l'ouest à un pâté montagneux oii les vestiges de la domination romaine sont nécessairement clair semés. C'est précisément que s'arrête la carte de Peulinger.

I

INSCRIPTIONS FUNÉRAIRES

Trouvée à Khroub-el-Hachem (Medjana).

D M S CAYFIDIVS YALERI ANYS VIXIT ANNIS LXXill A P CCLX PYOMAQVINriHA YAN LXXY APCCLXXXYI Fin . FECEKVJNT

9-2

Celle inscriplion est gravée sur une pierre oblongue et presijue en enlier dans un relief en carré long, duquel se détache à droile et à gauche une queue d'aronde. Les lettres D M S sont en dehors et en dessus du carré et les mots FILI FECERVNT en dehors et en dessous. A chaque angle de la pierre est une sorte de feuille de vigne.

Dans la dernière date provinciale l'A et le P sont liés. A la même ligne la date présente celte particularité que les trois X sont liés de manière que l'un des traits obli- (jues sert pour les trois.

Nous lisons ainsi :

Dlis manibus sacrum.

Caius Aufidiiis Valerianus , vixit annis septuaginta tribus. Anno provt7iciae ducentissimo sexagesimo.

Publia Volumnia? Quintilla , vixit annis septuaginta quinque. Anno provinciae ducentesimo septuagcsimo sexto.

Filii fecerunt.

Ces deux dates nous reportent, l'une à la fin du troi- sième siècle de l'ére chrétienne, et l'autre au premier (juart du quatrième.

N- 2.

Cette inscription et les suivantes ont été trouvées dans la localité dite Kherbet-Achir, les ruines d'Achir.

Jadis, c'est-à-dire il y a seulement une quinzaine d'années, alors que l'on ne connaissait qu'imparfaitement les annales des Berbères, on avait pris celle Achir pour l'ancienne ca()ilale des Zeiriles, et M. Caretle admet celte identité dans sa carte de la grande Kabylie. Aujourd'hui on sait que celte capitale était dans la province de Titteri.

93

L'Achir en question est une bouriiade assise aux pieds et au sud du Djebel-Lachl)uur, à l'extrémilé occidentale de la Medjana, sur le seuil de celte vaste plaine qu'elle semble protéger contre ce massif montagneux sont Mansoura, les Biban et l'Ouennoura.

Toutes ces inscriptions se distinguent par ce fait que la partie supérieure de la stèle est occupée par une niclie contenant un ou plusieurs bustes, ou personnages en pied^ sculplures, du reste, assez médiocres.

Telle est la première, terminée par un angle obtus, au-dessous duquel est une niclie contenant un personnage féminin en pied.

D M S

ai:l mazjça t hlia vixit

ANIS XVI VIRGO HIC

SEP '^

A la troisième ligne l'I et le T de VIXIT sont liés.

Nous lisons :

Dits manibus sacrum. jElia Mazica Titi filia, viccit annis sexdecim virgo. Hic sepiilla est.

Comme le fait observer M. Payen, le mol MAZICA esl une dénomination ancienne. Dans ce mot, en effet, on voit percer VAmazigh des Berbères. Titus .^lius aurait probablement épousé une indigène, et aurait donné à sa" fille un nom berbère, loul comme nous avons vu le faire à l'auteur des Annales Algériennes.

94

3.

L'inscription qui suit est gravée sur une stèle en carré long, dont les deux tiers supérieurs sont occupés par une niche contenant deux personnages en pied se donnant la main.

D M S

MAVIORTVN

ATVSVEV AN LXXXV

Diis manibiis sacrum. Marais Avitis? Forlxmalns vir egregius, vixit annis octoginla quinque.

Nous avons cru devoir rendre AV de la seconde ligne par Avius : on trouve à Lambèse une AVIA MONNIGA , 1258 de M. Renier. Ces deux lettres A et V sont liées. L'R et le t le sont aussi. De môme à la troisième ligne A et N.

4.

Celle pierre, au sommet arrondi, porte un buste de femme.

D M S VELIA FEUX VIXIT

ANIS XXI

Diis manihiis sacrum. Velia Félix, viœit annis viginti ùno.

D'après la copie, serait du plus mauvais style : les jam- bages horizontaux des L et des E seraient déjetés en bas.

95

Le nom de la défunte prèle à discussion. Les quatre pre- mières lettres ne comportent aucune difficulté. Vient en- suite une lettre composée nous croyons reconnaître A F E liés. M. Payen dit le buste assez finement sculpté.

5,

Stèle au sommet arrondie. Niche avec deux person- nages à mi-corps se donnant la main.

D M S

MAVRELIVS CLE

MENS FLAMEN AVG'-

PPVIX ^ ANLXIlll FLAS

ECUNDA VANsLI HO C FECIT AVRs EMERITVS FILIVS EORVM DEDICA VIT

Diis manibus sacrum. Marais Aurelius Clemens Fla- men Augiistalis Pontifex perpetuiis vixit annis sexaginla et quatuor.

Flavia Secunda vixit annis quinquaginta imo. Hoc fecit Aurelius Emeritus filiiis eorum dedicavit que.

Nous remarquons ici des § retournés.

Le style est dans le genre de celui de l'inscription précédente,

6.

Stèle au sommet arrondie, avec quatre personnages en buste, les deux supérieurs dans une niche.

m

D M S AHRANA CE ROZONf

KAVSTA CALVIVM

\ANLXXXX LXXXIIf

ROZONIM

ROZOiNA CRINIV

CRESCE ANNIS

USVA

La lecture de celte inscription quadruple, dont la co- pie ne nous parait pas absolument sûre, présente quel- que difiicullé. Telle est celle que nous proposons :

Dits manihus sacrum.

Arrania Caii filia Fcmsta vixit annis nonaginta,

Rozonia Calvii (uxor?) vixit annis octoginia tribus.

Rozonia Crescens hic sita est. Vixit annis . . .

Rozania Crinii vixit annis ....

Nous avons ici quelques lettres doubles. Ainsi, parmi celles dont la lecture ne comporte aucune diiïiculté, à la troisième ligne T et A, et à la quatrième A et N. Notre lecture en admet d'autres.

Nous donnons à la suite une ligne très-fruste tracée seulement au pointillé, dans un encadrement oblong.

DOMINE IVBA N0§

Le D initial a la forme grecque et l'S final est retourné. M. Payen propose de lire : Domine juba nos. Nous pensons qu'il vaudrait peut-être mieux lire : Domine libéra nos.

97 ~

9.

D M S EMILIVS CLAVDIA FELIX SATVRNI VJX AN NAYIX LXXXX AN LV V

Même provenance. Stèle allongée avec niche conte- nant deux bustes.

Diis manibus sacrum.

Emiliîis Félix, vixit annis nonaginta quinque.

Claudia Saliirnina, vixit annis quinquacjinta qninqiie.

Deux lettres liées : A et N à la quatrième et cinquième lignes.

N" 10.

V

IX . A

L .XXXV

Même provenance. Fragment de stèle carrée. Dans le chiffre de l'âge la branche horizontale de l'L, se prolonge sous les autres lettres.

98 II.

BORNES.

NMI.

La pierre qui porte celte inscription^ trouvée à Guer- ria, toujours dans le même canton, n'est autre chose qu'une borne milliaire. Elle est tronquée au sommet et sur un côté, cl présente à son milieu une lacune proba- blement de deux lijjncs.

RELIVS

ANVS PIV5 F

MAXIMIAN

VS FELIX AVGET FLA VIVS VALERIVS CON STANTINVS ET. . . . VALERIVS MAXIM! ANVS NOBILISSIMI CAESARESA MVNI CIP-EQUIZ M P

XV

L'exécution est vulgaire. Quelques particularités sont à noter. A la i^^, à la 2^, à la 4*^, à la el à la 8" lignes, on trouve des I, grands de moilié, placés sur la branche

-- 99

horizontale d'un L ou au-dessous de celle d'un T, D'après la copie, la 3^ ligne serait ainsi : MAXIMianv, l'V se trou- vant deux fois écrit.

A la Te ligne, M et A sont liés. A la 10«, après EQVI, est une ligne ondulée traversée d'un trait, que la typo- graphie ne saurait reproduire ; en définitive, c'est un Z. Nous lisons ainsi :

Imperator Cœsar Caius Aurelius Valcrius Diocletia- mts PUIS Félix inviclus Angustiis et Imperator Cœsar Mardis Aurelius Yalerius Maximianus Félix Augustus et Flavius Yalerius Constantius et Galerius Yalerius Maxi- mianus nobilissimi Cœsares. A municipio Equizelo milia passuum quindecim.

Cette inscription est intéressante à plus d'un titre. C'est d'ahord un curieux spécimen de la tétrarchie im- périale, car il s'agit ici des deux Augustes Dioclétien et Maximien Hercule, et des deux Césars Constance Chlore et Galère Maximien, qui régnèrent simultanément, ce qui en porte la date tout-à-fait à la fin du troisième siècle de l'ère chrétienne.

C'est ensuite un document précieux pour fixer la posi- tion d'Equizelum.

Jusqu'alors, cette localité n'avait été mentionnée que par un seul monument épigraphique, à notre connais- sance du moins, monument que nous avons relevé à Aumale en 1851. Equizetum y figure, non pas avec le titre de municipe, mais avec celui de colonie et semble faire partie d'une sorte de confédération avec les colo- nies de Rusgunie et d'Auzia. Le monument est daté de l'année provinciale 216, ce qui le porte à l'année 256 de l'ère chrétienne. Les trois colonies rappellent les quatre

100

de la Niimidie, à savoir : Collo, Mila, Russicade el Cirla, fréquemment associées.

Nous connaissons deux évêques d'Equizclum, qui com- parurent à Carllinge, l'un Victor, donalisle, en 41 1 , et l'autre Pacalus, en 4^84, sous la domination vandale.

La table de Peutinger parle aussi d'Equizelum, sous la forme altérée Equehclo (sous entendu : ab) et le place sur un tronçon de route qui part de Sélif pour se diriger à l'occident.

Nous allons donner ce tronçon de la table, malbeu- reuscment toutes les distances ne sont pas indiquées : Sitifis Tamnnnuna praesidium et caskllum X Tamas- cani municipinm X Equizetum Galaxia XX Caslra.

Sans parler de MM. Lapie et d'Avezac, qui opéraient à une époque la géographie moderne, base essentielle de la géographie comparée, n'était pas encore assez avan- cée, on s'accorde à placer Equizetum à Bordj-Mcdjana, nous-mème, entre autres, nous avons constaté des vestiges romains, et l'on a recueilli des inscrip- tions.

Bien que nous n'ayons pas trouvé le nom de Guerria sur les cartes que nous avons pu consulter, sa position sur rOued-Lachbour nous permet d'admettre la syno- nymie d'Equizctum el de Bordj-Mcdjana.

Comme nous l'avons dit en commençant , nous nous trouvons ici précisément au point la carte de Peutinger fait défaut. Nous en dirons encore un mol. D'Equizelum se détache à l'occident un petit tronçon de roule muet, c'est-à-dire que nous n'y Irouvons inscrite aucune station. Ce tronçon que nous n'hésitons pas à confondre avec la roule qui se dirige sur Aumale, en passant par Mansou-

101 --<

ralî, derrière les Biban, complaiL probablcmenl noire borne milliaire sur son tracé.

Quant à la prolongation de la route qui s'arrête à Castra, elle passait sans doute par Roumila pour aboutir à Quela des Beni-Abbès. Nous avons parcouru ce trajet en 1851 et nous nous rappelons y avoir remarqué des vestiges de voie romaine.

Nous espérons que M. le commandant Payen fera quel- que jour, pour ce canton, ce qu'il a fait pour le Hodna, cette année. Dès-lors la solution du problème sera facile et sûre.

12.

Les deux inscriptions qui suivent sont des bornes de territoires. La première nous est donnée avec cette note : « Au haut de la Smala des spahis, sur la rive gauche de rOued-Lachbour. »

D N

MAP CAE MAV

RELIO SEVERO ALE

XANDRO PiO FELICE

AVG TERMNI AG

GRORVM DEFE

NI

SIONIS MATIDAE A D

SIGNANTVR CO

LO

NIS KASTVRRE

NSI

IVSSV VEAX

lAELI

ANI PROC-AVG

RP

PERCAE-MAR

TIALE

AGRIMES

ORE

Cette pierre dut avoir^ dès l'origine, une tissure ou

10-2

lin défaut à droite, ce qui a nécessité de ce cote une solution de continuité dans l'écriture.

Les caractères, d'un style commun, sont fréquemment liés.

2e ligne, M et A.

3c

L et I, A et L.

4e

A et N, P et I.

5c

N et I (et sans doute M et 1).

7e

N et I, M et A, T et I, A et E (et sans doute aussi D et I).

8c

A et N.

Oc

N et I.

■10c

A et E.

11c

A, N et J.

12c

A et E, A et L.

13c

R et I, M et E.

Nous proposons de lire ainsi :

Rcfjnanle Domino noslro

Imperaiore Caesarc Marco Aii-

rclio Scvero Ale-

xandro Pio Felice

Aufjusto, tcrmini ag-

groriim Defen- sionis Malidiac ad

sifjnantur colo-

nis Caslurrensibiis

jitssu viri ecjrcgii Axii JFAi-

ani procuratoris Augusti rcfpublicac

Pcrcac : Martiale

agrimensorc.

103 Ce qui nous paraît signifier :

Sous le règne Je notre souverain l'empereur César Marc Aurèle Sévère Alexandre, pieux et heureux Auguste, les bornes du terrain de la redoute Matidia sont assi- gnées comme limites aux colons Casturrensiens; cela par ordre de l'cminent personnage Axius JElianus procura- teur impérial prés la commune de Perça ; Martial étant arpenteur.

Quoiqu'il en soit, celte inscription n'en est pas moins du plus grand intérêt : elle enrichit le groupe restreint de ces sortes de bornes et elle nous révèle de nouveaux noms géographiques.

En premier lieu, nous voyons les colons Casturrensiens, dénomination inconnue jusqu'alors. En second lieu, nous croyons que l'on ne saurait voir autre chose qu'un nom de localité dans le mot PERCAE que nous allons, du reste, rencontrer dans l'inscription suivante.

12.

Celte inscription nous est donnée avec cette note : 4 Au bas du Guerria, sur la rive gauche de l'Oued- Lachbour. »

Il convient de dire, pour l'intelligence du lecteur, que rOued-Lachbour descend d'une monlagne du même nom située à deux lieues à l'ouest du Bordj Medjana, et à égale distance au nord d'Achir, que cette rivière coule au midi pour se joindre à l'Oued-Bou-Arreridj, à deux lieues au sud du poste de ce nom.

104

INDVLoENTI MP CAES TRAIA ' NI ADRIANIA. :... INES ADSIGN....

I GENTI NVMID

VM PERC-PLI... VIVM CEPERE A... ROC AVG PROL... MAVRETANIAE CAE ... RESIS-

Plusieurs lettres sont tronquées et plusieurs liées.

I^c ligne. Le milieu est tronque.

2c La première lettre donne les S/^ d'un M.

3e A la fin, sur la copie, nous trouvons, au

pointillé, quelque chose comme un A penché,

4c ligne. Les lettres N, V et M sont liées. Apres le D est un trait figurant un angle droit sur la copie.

6c ligne. Le commencement, tronqué, nous paraît devoir être lu : RVM, l'V et l'M étant liés.

ligne. A la fin se voit comme un commencement d'A ou d'M.

9*= ligne. Les lettres M et A sont liées, du reste mal figurées dans la copie.

Nous lisons :

E.v induUjenlia Impcratoris Cœsaris Trajani Adrianiy

fines adsUjnali fjenll Numidarum Pcrcœ, per

Procuraloran Aurjusli , prolcfjatum Maurclaniœ Cœsa- rien sis.

Nous voyons encore apparaître ici le nom de Pcrciiy

105

tout comme dans rinscriplion précédente, ce qui vient à l'appui de noire opinion.

Nous ferons une autre observation. Il paraît évident que nous nous trouvons sur les limites respectives de la Mauritanie Césarienne et de la Numidie, puisque des bornes sont affectées à une peuplade dite Numide par le gouverneur de la Mauritanie Césarienne.

Il serait à désirer que ces deux inscriptions fassent apportées au Musée de Conslantine.

13.

Les inscriptions qui précédent^ moins deux, étaient livrées à l'impression quand nous avons reçu communi- cation d'un nouvel envoi de M. Payen contenant trois nouvelles inscriptions, sans compter les anciennes.

De ces trois inscriptions, deux étaient tumulaires et nous les avons intercalées sous les n°s 9 et 10.

La troisième est encore une borne milliaire et nous allons la donner avec la note qui l'accompagne.

IMP-CAES-M-AVRELIO

PIO

FELICE'AVG PONTCE

MAXIMI es-

PROCO I B

N AE S

TATIS M

BON IVSSV LIR AELIVM I

ANVM VP PRO S VV M-AB ARAS MP VI

106

« A environ 8 kilomèlios de Tarmount (Hodna). Borne niilliairc cylindrique, liaulc de qualre-vingl-dix cenlimè- tres et du diamclre de quaranle-deux centimètres ; très frustre, lecture difficile; la deuxième ligne a été martelée, »

l'c ligne. Les trois premières lettres IMP sont liées. Il en est de même des lettres AVU.

3^ ligne. A et V sont liés , ainsi que N et T. Après se trouve un C traversé verticalement par un trait qui doit être considéré comme représentant un E.

5c ligne. I et B sont liés.

(je ligne. A et E ne sont indiqués qu'au i)ointillé.

8e ligne. Le second V n'est indiqué qu'au pointillé. Après un fragment qui peut appartenir à un L ou bien à un E, vient une lettre double qui peut se lire, d'après la copie, IR ou TR.

IQe ligne. L'A initial est au pointillé. Il en est de même des caractères que nous avons lus VP.

ilc ligne. Les deux V sont enchevêtrés comme dans l'écriture allemande. L'M est tracé à l'encre rouge.

Un pied déjà dans l'élrier nous n'avons pas le temps de discuter les questions géographiques soulevées i)ar ce monument.

Nous dirons seulement qu'à l'avant-dernière ligne nous croyons devoir lire NVM, ce ([ui nous donne pour la fin de l'inscription :

. . . IVSSV ....

.... PROcuralori

S NVMidiac aB ARAS

Millia passuuni VI

Ces lignes, du reste, sont l'intérêt de l'inscription.

107

Tels sont encore quelques renseignemenls extraits de la nouvelle communication de M. Payen.

A Kherbet-el-Hachem on a recueilli des vases et lampes funéraires et quelques médailles frustes.

A Kherbet-Achir se voit l'enceinte d'une vaste forte- resse de construction romaine, dont les murailles et tours carrées sont conservées de un à trois mètres de hauteur. Cinq de nos inscriptions tumulaires ont été recueillies dans cette enceinte.

L. LECLERC.

MONUMENTS DITS CELTIÛUES

DE LA TROVINCE DE CONSTÂNTINE

I

En essayant de décrire pour la première fois les monu- ments dits Celtiques des environs de Conslantine, nous n'avons pas craint de faire appel aux lumières des savants de l'Europe à qui il apparlenait de nous éclairer et d'assi- gner une origine à ces étranges constructions (1).

Le résultat de nos fouilles de Ras-el-Oued-Bou-Merzoug n'a pas plutôt été connu en France qu'il y a excité une vive curiosité et a éveillé l'attention des archéologues. S'il est permis d'en juger par l'elTet qu'a paru produire notre notice, nous avons lieu de croire que nos décou- vertes , que nous supposions d'abord n'offrir d'autre intérêt que celui de la nouveauté, ne sont pas sans importance au point de vue historique. M. Alexandre Bertrand , secrétaire de la Société des Antiquaires de France, en a rendu compte dans la Revue Archéologique de Paris et a développé à leur sujet des observations très judicieuses. Il n'hésite pas à déclarer que les faits signalés jettent un jour tout nouveau sur ces monuments primitifs.

Pour justifier l'opinion de ce savant, il ne s'agit que d'achever ce que nous avons commencé.

(1) Voir la première notice sur les inoiuiinents Celliquos dans le flecH6»7 de 1863.

409

La queslion des monuments celtiques a toujours été l'objet de beaucoup de controverses dans lesquelles l'hy- pothèse s'est donné libre carrière. Les opinions sont encore partagées; beaucoup de ceux qui en ont parlé sont restés dans la même incertitude et, bien rarement, se sont accordés sur leur âge, leur origine et leur desti- nation première. La science réclame donc une solution qu'il importe de trouver et nous espérons que, grâce à un heureux hasard, la lumière jaillira prochainement sur ce qui est encore si vague et si obscur.

Nous ne reviendrons pas sur les détails descriptifs que nous avons déjà donnés sur la nécropole dite Celtique de Ras-Bou-Merzoug. Qu'il nous suffise de dire que ces mo- numents funéraires, sur la destination desquels nous ne conservons plus le moindre doute, sont exactement semblables à ceux que l'on retrouve en France et en Danemark.

« On ne s'imaginerait jamais, dit M. A. Bertrand, en « passant d'une des planches de l'Annuaire de Constan- « tine à l'une de celles de Sjoborg, que l'on a sous les « yeux des monuments, ici, d'un pays du nord de l'Eu- « rope, là, d'une contrée africaine. Les planches se res- (( semblent à ce point que l'on pourrait, sans causer « d'étonnement à l'observateur, les substituer les unes . < aux autres. »

Une chose digne encore de remarque et qui n'a pas manqué d'éveiller l'attention de M. Bertrand, c'est le mode d'ensevelissement des cadavres renfermés dans ces tombes, dont le corps était replié de manière à ramener les genoux vers le menton, se croisant les bras sur la poitrine, c'est-à-dire l'homme rentrant dans le sein de la

110

iciTC tel qu'il était sorti tlu sein de sa mère. M. Troyon, qui a écrit l'histoire des peuplades lacustres, dit à ce sujet :

« Cette altitude repliée est le mode caractéristique « de l'inliumalion pendant l'âge de pierre en Europe ; « rare dans l'âge de bronze, il l'est bien plus encore « dans les périodes postérieures, mais sur d'autres par- « lies du globe, ce mode usité dans les premiers siècles « de noire ère, a même subsisté jusqu'à nos jours. »

En cITel, des tombeaux ofïrant les mômes traits ont élé retrouvés en assez grand nombre en Suisse, en Savoie, en Anglelerre et dans le nord de l'Allemagne. On en a vu également au Pérou et, ces jours derniers encore, M. Yillet d'Aoust signalait l'existence de squelettes à altitude repliée découverts au Mexique (1).

Depuis la publication de notre première notice nous avons exploré les dolmens du Khencg, sur la rive droite du Uoumel, au nord de Conslantine. Le résullat de nos fouilles, dont nous donnerons plus loin le détail, n'a pas été aussi fructueux que nous l'avions espéré. Cependant nous avons pu constater, une fois encore, que ces mo- numents avaient recelé des cadavres.

Nous allons décrire également les observations que nous avons faites pendant noire séjour dans la Iribu des Oulad-Abd-en-Nour ("2).

Mais avant d'entreprendre de nouvelles fouilles, nous

(1) M. Villot (J'Aoust.— Tiimulus du Mexique. Altitude repliée.— Moniteur Universel du 28 avril 18G4.

(2) Détaché pendant cinq mois k la Commission chargée d'appliquer le SéiKitus-Consulle pour lu Ofinstitulinn de b propriété dans la liihu des Uulad-Ahd-en-Nour.

111

avons cru indispensable de dresser une slalislique des principaux monumenls celtiques de la province. Une partie des renscignernenls qui vont suivre nous ont été tournis par quelques officiers des affaires arabes qui, dès que l'existence de ces monuments a été signalée, ont bien voulu s'employer pour rechercher ceux qui se trou- vaient dans les territoires qu'ils administraient.

L'année dernière, M. René Galles, de la Société Ar- chéologique du Morbilhan, a eu la bonne fortune de découvrir de curieuses inscriptions et des dessins bizarres sur les dolmens de Locmariaquer qu'il a explorés. Son travail, qu'il a bien voulu nous communiquer, nous sera d'une grande utilité, comme terme de comparaison, dans les nouvelles, fouilles que nous entreprendrons prochai- nement.

Moins heureux que lui, nous n'avons encore rien vu de ce genre sur les monuments de l'Algérie. Cependant nous devons appeler l'attention des observateurs sur le dessin relevé par M. le lieutenant Sergent sur le dolmen de rOued-Barach, ainsi que sur l'inscription que M. le capitaine Ardaillon a copiée sur un autre dolmen à Remel- Koumzan.

1!2

II

SUBDIVISION DE CONSTANTINE

Nous mcnlionnerons, en lêle de noire liste, les dolmens que nous avons eu occasion d'explorer l'élé dernier. Ils sont situés à 2-4 kilomètres au nord de Conslanline, sur les crêtes du Klieneg, auprès des ruines de Tiddi Res publica Tidditauorinn, signalées par M. Cherbonneau(l).

Si ce savant archéologue n'en a pas parlé, ou si ces monuments sont restés inaperçus pour lui, il faut l'attri- buer au quartier sauvage et isolé dans lequel ils se trou- vent, car ils ont une physionomie tellement tranchée qu'il est impossible de ne pas les reconnaître à première vue.

Sur la déclivité sud-ouest de la croupe rocheuse du Kaf-Oum-IIadidan, à 500 mètres des vestiges de la cita- delle romaine, nous avons vu trois dolmens assez rappro. chés l'un de l'autre et parfaitement conservés ; ils sont orientés N.-O. S.-E. et ouverts de ce dernier côté. Les tables ont S^'SO à 2^50 de longueur; les dalles qui les supportent ont l"i50 de haut. Des enceintes en gros blocs, tantôt rondes, tantôt carrées, les entourent, ne laissant qu'un étroit passage en forme de couloir entre elles et le dolmen proprement dit. Dans l'un d'eux, que nous avons fouillé, nous n'avons trouvé que quelques débris d'ossements humains et des tessons d'une poterie assez

(1) Notice sur Tiddi. Annuaire de la Société Archéologique àe Cons- lantine, année 1863.

113

fine. Les deux autres reposent à nu sur le roc même; les terres qui devaient les entourer et l'humus de l'inté- rieur de la fosse paraissent avoir été entraînés par les eaux.

Ces constructions sont nommées par les indigènes El- Haouanet les boutiques, mais ils n'ont à leur sujet aucune légende.

A quelques pas plus bas nous avons vu les fragments de sept à huit autres dolmens renversés et de plusieurs enceintes de pierres en gros blocs informes ayant plus d'un mètre de côté. Ce qui a surtout piqué notre curio- sité, c'est la présence simultanée sur ce point du dolmen et de tombes circulaires ou petites tours, exactement sem- blables à celles de la subdivision de Batna, décrites par M. le commandant Payen dans l'Annuaire de 1863.

En escaladant les roches escarpées qui dominent la gorge dans laquelle s'engouffre l'Oued-Roumel, nous avons trouvé plusieurs de ces petites tours, perchées en quelque sorte sur les bords de l'abîme, comme les gué- rites d'une fortification. Planche 28. 11 fallait marcher en tâtonnant et avec de grandes précautions, car en cet en- droit le sol est couvert de pierres roulantes et, au moindre faux pas, l'on court grand risque d'être entraîné dans un précipice taillé à pic, qui n'a pas moins de 200 mètres de profondeur.

Deux de ces tours sont encore intactes. Leur hauteur est de 2m50 sur 3 mètres de diamètre. Elles sont cons- truites avec des pierres plates de petit appareil, grossiè- rement taillées, mais ajustées de manière à former une muraille très régulière; une large dalle recouvre tout le système.

9

114

Plusieurs tours se sont écroulées et c'est en déblayant rinlérieur de l'une d'elles que nous avons pu retrouver, au milieu d'un terreau noir et humide, quelques débris d'ossements. La chambre dans' laquelle reposait le cada- vre a des proportions bien inférieures à la taille ordinaire de l'homme. Le défunt avait être assis, les genoux ramenés sous le menton, le dos appuyé contre une des parois.

Les squelettes trouvés dans les tombes circulaires fouillées par M. le conmiandant Payen, avaient le corps de façon à ce que les pieds touchassent le crâne. Je crois volontiers, pour mon compte, que cette altitude étrange des pieds touchant le crâne provenait de rabaissement naturel produit par la décomposition du cadavre et non point par le fait anormal d'un déboîtement de la tête du fémur, ainsi que quelques personnes l'ont supposé.

Sur la rive gauche du Kheneg nous avons aperçu plu- sieurs dolmens encore debout, mais le manque de temps nous a empêché d'aller les visiter. Ici, comme au Bou- Merzoug, la montagne est formée de blocs calcaires, pour ainsi dire taillés par la nature et sans adhérence entr'eux. On y trouve en grande quantité des lames de pierre de forte dimension, très propres à l'édification dts dolmens. La facilité avec laquelle on se procurait les matériaux nous explique leur présence en nombre considérable sur des espaces assez restreints.

Oulad-Abd-en-Noiir. La tribu dos Oulad-Abd-en- Nour dont le vaste territoire s'étend entre Constantine et Sétif, offre beaucoup de vestiges appartenant aux i^ges reculés de l'Afrifiue romaine. Xou5 v avons reconnu l'em-

115

placement de plusieurs villes dont le nom ne tardera pro- bablement pas à nous être révélé. Les monuments dits celtiques y figurent aussi en nombre assez considérable.

Le territoire de cette tribu peut se diviser en deux zones soumises à des influences climatériqucs bien dis- tinctes et, par conséquent, d'un aspect tout différent : le Tell ou bauts plateaux de culture et les Sebakli, plaines basses et salsugineuses réservées pour le parcours des bestiaux. Ces deux zones sont séparées par le système montagneux du Djebel-Tafrent, que coupent plusieurs cols, dont le plus accenluô est celui de Mecbira.

L'importance de ce passage, aboutissent les routes du Tell aux Scbakb, n'avait point échappé aux Romains qui, pour garder la position, avaient construit un fort auprès de la magnifique source d'Aïn-Mecbira, qui donne son nom à la contrée.

Mais en examinant avec attention les vestiges que l'on rencontre sur ce point, on arrive à conclure qu'un peu- ple, autre que les Romains, y a laissé aussi des traces de son passage. En effet, deux immenses murailles qui semblent des restes de fortifications, l'une sur le versant nord, l'autre sur la partie du col qui fait face au sud, partent du sommet du Koudiat-el-Beni et abou- tissent, en se dirigeant de l'est à l'ouest, à la cime du Koudiat-bou-Terma.

Ces murailles, fermant le passage au nord et au midi, formaient ainsi, entre les deux montagnes, une vaste en- ceinte ou sorte de camp retranché qui n'avait pas moins de 340 hectares de superficie.

D'après la tradition et de l'inspection même des lieux? il résulte que cet emplacement était très boisé. La source

110

(le i\Iocliira, plus qu'ahondnnic, coiilnil au milieu tle ce camp clabli de celle manière dans une position des plus favoraldes. Cet immense enclos devait servir de re- fuge à une nombreuse populalion et aux troupeaux plus nombreux encore que probablement elle Iraînail à sa suite.

Les murailles serpentant à iravcrs les sinuosités de la plaine et de la montagne, sont construites en gros blocs de pierres brutes alignées sur deux rangs. L'épaisseur de tout le système est d'environ deux mèlres, sa hauteur ne s'élève pas actuellement au-delà de un mèlre au- dessus du sol.

Quelle que soit la véritable destination de ces aligne- ments dans les temps anciens, on peut cependant les classer sans crainte dans la catégorie des ruines dites celtiques. Notre opinion est justifiée par la présence de nombreux cromlechs que les dites murailles relient en- Ir'eux, comme nous l'avons déjà constaté en explorant les alignemenls du Bou-Merzoug. Planche W, n" /.

Nous nous appuyons aussi sur la description suivante qui doit avoir la plus grande autorité :

« Les Celtes appelaient oppida ces lieux protégés par des forêts ou des marécages admirablement fortifiés par la nature et l'art dont tous les abords étaient fermés

<i L'oppidum celtique était un immense lieu de refuge des armées nombreuses, des populations entières chassées des campagnes pouvaient se retirer avec leurs femmes, leurs enfants et leurs troupeaux. C'était un es- pace immense enlouié de rochers abrupts cl ne présen- tant d'accès que d'un seul côté... » (Comm. de César).

Dans renccinie même, au-dessous du cimelièrc arabo

117

du marabout Sidi-Yaliia et entre la fontaine de Mecliira et le moulin d'Ormoy, on aperçoit une infinilé d'autres rangées de grosses pierres, en lignes droites, courbes, formant des cercles, des carrés, se coupant entr'elles et figurant en un mot des dessins capricieux que les arabes dans leur langage imagé nomment Cliebaïk les fdels. Ce n'est point le hazard qui a ainsi disposé ces pierres, elles sont évidemment posées avec intention; mais dans quel but?

Un plan topographique du pays et des ruines qui s'y trouvent nous dispensera de tout autre commentaire. Planche 27.

Comme toujours, les indigènes attribuent ces cons- tructions aux païens. Les alignements étaient des mu- railles servant de limites; quant aux enceintes circulaires, aux cromlechs et aux galgals, ils les nomment Mezaïr ou Enza lieux de pèlerinages, amas de pierres placées sur une tombe.

« Jadis, rapporte la tradition locale, vivait à Mechira « un prince païen du nom de Ahd-en-Nar, l'adorateur « du feu. Il épousa Zana (1), souveraine de la ville oîi l'on <i voit encore les ruines de ce nom. Lors de la conquête « de l'Afrique par les Arabes, Abd-en-Nar abjura ses « erreurs, se fit musulman et, à dater de ce jour, s'appela « Abd-en-Nour adorateur de la lumière. »

Peut-être verra-t-on dans ce nom de Abd-en-Nar, ado- rateur du feu, transmis par la légende, une réminiscence du culte de Mithra, religion des anciens peuples de l'Iran qui eût aussi des autels en Afrique. C'est une simple hypothèse sur laquelle nous n'insisterons pas d'avantage.

(1) Diana Veteranoruui.

118

Le tenitoirc île Zaouïat-ben-\aliia el Ben-Zeroug, ainsi que celui de l'Azcl-Mechira, qui avoisinent le col, sont parsemés de cromlechs et de vastes enceintes circulaires dont le diamètre varie de 10 à 30 mètres. Nous en avons vu une centaine dans les plaines des Scbakli, au pied du Djebel-Tarf, du Guedman et du Rekbet-el-Djemel.

A Drà-el-Oust nous avons remarqué quatre cromlechs d'environ 10 mètres de diamètre, placés régulièrement el enfermés dans une enceinte carrée. Une sorte de che- min pavé les sépare. Planche 29, 2.

A Aïn-cl-Kerma, au pied méridional du Djebel-bel- R'crour, nous avons visité une autre grande enceinte ou muraille en gros blocs de calcaire, qui doit avoir au moins deux kilomètres de développement.

Au fond des vastes plaines des Sebakh, sur les bords du lac salé, dit Chott-Saïda, s'élèvent plusieurs buttes en terre que nous supposons être des Tumulus. Celle qui est située non loin des ruines romaines de Enchir-el- Alech, que les indigènes nomment Koudial-Roumada (le mamelon de la Cendrière), est la plus remarqua- ble. Nous n'avons vu aucun dolmen chez les Oulad-Abd- en-Nour. Peut-être en trouverons-nous quand nous fouil- lerons dans les nombreux cromlechs dont nous avons constaté l'existence.

Tribu des Seynia. Dans noire première notice nous avons signalé les dolmens des environs de l'ancienne Sigus. M. Chcrbonneau, qui a cxi)loré depuis les ruines de cette antique cilé, a bien voulu m'adresser ces quel- ques lignes :

« Sur le plateau rocheux qui domine lu nécropole de

119

« Sigus, en fi\cc cl au sucl-ouesl de la ville, se dressé « une quantité notable de dolmens, de cromlechs et de « menhirs; à vous le soin de les dessiner. »

C'est ce que nous ferons, en effet, dés que nous pour- rons reprendre nos fouilles.

Cercle cV Ain-Bcida. Dans ce cercle existe d'abord le dolmen de Bir-Rouga, dont nous avons fait mention dans notre première notice. Il est composé de trois pierres plates de 3 mètres de long sur 1 mètre de large et 0'n25 d'épaisseur. A côté est un disque de pierre de i mètre de diamètre. Chacune de ces dalles est supportée par quatre pierres verticales de 0'"50 de côté, placées aux angles. Le monument, orienté du nord-est au sud-oucsl, était construit primitivement avec quatre pierres ho- rizontales. L'une d'elles a été cassée et ne porte plus que d'un côté sur les pierres verticales.

A 65 mètres à l'est de ce point, existent trois pierres debout, de 2^29 de haut; une quatrième a- été brisée. Elles sont taillées et ne paraissent pas appartenir à la même époque.

La vallée de l'Oued-Meskiana renferme trois tumulus qui ont environ 50 mètres de diamètre sur 4 de hauteur. Les indigènes les nomment Bazina (butte ou monti- cule en langue Berbère), mais ils n'ont aucune légende à leur sujet. Ces tumulus étaient beaucoup plus élevés qu'ils ne le sont aujourd'hui; les pluies ont fait descen- dre les terres qui les composent et, chaque année, le niveau du sommet tend à s'abaisser.

Sur l'un des pitons du Djebel-Bardo, une pierre de S mètres de long sur 2"i50 de large et 0"^G0 d'épaisseur,

120

a clé posée à plat sur des rochers. Ainsi placée, elle offre l'aspect de la toiture d'une petite grotte.

A l'extérieur, huit grosses pierres debout forment en- ceinte. Les deux pierres placées vers l'ouverture de la grotte ont environ 2"'50 de haut; elles composent, à elles seules, une sorte de façade qui se trouve orientée au sud.

Les indigènes nomment ce monument El-Mezara (1) du Djebel-Bardo. Ils viennent y sacrifier des poules ou des boucs et y brûler de l'encens dans de petits vases en terre dont il reste un grand nombre dans la grotte. Ils prétendent qu'en faisant ces sacrifices ils sont certains de recouvrer la santé lorsqu'ils tombent malades, mais ils ne disent pas par quel miracle s'opère la guérison, ni à qui sont adressés ces sacrifices évidemment d'ori- gine païenne.

Cercle de Tcbessa. Les Montagnes du Dyr, dans le cercle de Tébessa, fournissent quelques traces de monu- ments dits Cclli(|ues. A l'endroit nommé Remila existe un dolmen et deux demi dolmens juxta-posés. Au-dessous, à Gaslal, sont encore deux autres dolmens d'une très petite dimension.

Cercle de Collo. La iribu des Beni-Mehenna possède douze dolmens ou demi dolmens, dont quelques-uns sont assez bien conservés, surtout ceux qui se trouvent aux environs de Tamalous.

A Taabna existe un beau menhir, nommé Iladjer-Touïl, la pierre longue.

(Il Le mol arabe Ulciaia, signifie un lieu de [icléhuagc ([ue l'on visite par dévu,tion.

Chez les Oulacl-Allia, auprès de Marsel-ez-Ziloun, on voit aussi un dolmen très-bien conservé.

SUBDIVISION DE BONE

Cercle de Bàne. Il existe, nous assure-t-on, une grande quantité de dolmens le long de la Seybouse, sur les monticules qui bordent celle rivière ; mais, pour le moment, nous n'avons sur eux aucun autre renseigne- ment.

Cercle de La Calle. Douze dolmens sont signalés sur différenls points du cercle de La Calle, chez les Oulad- Mahammed, Chennata, Oulad-Nacer, Oulad-bou-Sedra et Beni-Salah.

Leur orientation n'est pas uniforme et quelques-uns seulement conservent des vestiges d'une enceinte circu- laire.

Le dolmen des Oulad-Mahammed paraît bien conservé. La table, qui a environ deux mèlres de longueur, est percée d'un trou de forme à peu près hémisphérique de 0ni35 de diamètre.

Au versant nord des montagnes du Tarf, sur le ma- melon nommé El-Argoub, existent trois dolmens dont les dalles horizontales ont Sn^SO de longueur et 0'"60 d'épais- seur. Les jambages ont 1 mètre à l'intérieur de la cham- bre.

Sur la roule de la Zmala du Tarf à Bône, depuis Dir- el-Tir jusqu'au marabout de Sidi-Kacem, on voit encore plusieurs dolmens entourés d'enceintes circulaires, quel-

4^2

ques fois réunis par groupes de 3, 4 et U. Les enceinles sont de différentes grandeurs el varient de 3 à 14 mètres. Quelques dolmens sont placés sur le bord extérieur de l'enceinte, mais c'est l'exception, car tous généralement se dressent au centre de l'enceinte et sont orientés à l'est.

A un kilomètre environ du marabout de Sidi-Kacem, au lieu nommé Remel-Koumzan, existe un dolmen dont la pierre de la table porte l'inscription reproduite à la planche 30, n^ 1.

Cercle de Souk-Ahras (ancienne Thagaslc). Reclier- ches de M. le capitaine Oudan et de M. le lieutenant Sergent.

Lorsque, partant de Souk-Aliras pour se rendre à Constanline, on arrive devant l'Oued-Medjerda, trois routes sur lesquelles se trouvent des monuments dits Celtiques se présentent.

Sur la première, à Encbir-Derboudji, dans une étendue de 4 à 5 hectares, on remarque 22 cromlechs, 32 dol- mens el 3 demi dolmens. Les pierres formant table ont en moyenne 1"'75 de longueur, 0"'70 de largeur et 0"'20 d'épaisseur. La plus grande de toutes a 2"'35 de longueur.

Les cromlechs ont deux ou trois enceintes circulaires dont le diamètre extérieur a environ 8 mètres.

Dans beaucoup de cromlechs les enceintes ont presque complètement disparu par suite de l'exhaussement du sol, on ne remarque aucun alignement. La plupart de ces monuments occupent les sommets de petits mamelons.

Sur la deuxième route, à l'est du ruisseau qui descend du col qui sépare les deux rochers appelés Kiran-Dckma,

123

on remarque quatre dolmens. Dans trois d'enlr'eux la pierre formant table est tombée.

A l'ouest du même ruisseau, on trouve un demi dol- men et un cromlech. Autour d'eux quelques grosses pierres surgissent du sol qui semble s'être considérable- ment exhaussé.

Sur la troisième roule, à El-Golïa, à l'extrémité d'une croupe qui descend du Djebel-Guelala, on rencontre un cromlech isolé. A trente mètres au-dessous, sur un petit plateau qui domine le cours de la Medjerda, se trouvent 7 dolmens. Les pierres supérieures de deux de ces dol- mens gisent à terre.

A 300 mètres de là, à El-Haouïma, on compte 5 dol- mens. Ils n'ont qu'une seule enceinte formée de quartiers de rochers, dont quelques-uns ont plus d'un mètre cube.

Les supports et les tables ont des proportions beau- coup plus considérables qu'à Enchir-Derboudji.

Sur les bords de l'Oued-Barach existent encore plu- sieurs dolmens à une seule enceinte d'environ 8 mètres de diamètre. Les tables ont toutes plus de 2 mètres de côté ; deux dolmens se trouvent dans la même enceinte- Un dolmen, situé sur la rive gauche de l'Oued-Barach, ouvert au sud-est, est fermé du côté opposé par une grande pierre sur laquelle se trouvent représentés les dessins de la planche 31.

La partie laissée en blanc est creusée de 2 à 3 milli- mètres et présente une teinte 'moins foncée que le rest^ de la pierre. Le cercle extérieur a O'^SS de diamètre.

Au sud de la colhne appelée Guelàt-Barach, une pointe de rocher sort de terre. Elle a la forme dessinée à la planche 30, 2. La partie supérieure est plane et un peu

~ l-2i

inclinée. Elle est entourée, île trois côtés, par un rebord dune hauteur qui varie de O^SO à 0™40. Au-dessous est aussi un bassin profond d'un mètre. Le pointillé indique les rebords. En A se trouve une petite niche, eu 13 un déversoir pour le trop plein du bassin. Une couche de boue couvre le fond du bassin, le sol s'est exhaussé au- tour du rocher, il n'a pas été possible de s'assurer s'il existe, à la partie inférieure du bassin un trou destiné à !e vider.

Est-ce une pierre sacrificatoire(l) ?

Des monuments dits Celtiques sont signalés sur d'autres points du cercle de Souk-Ahras; il sera facile de s'assurer de leur existence lorsque l'occasion s'en présentera.

Des indigènes qui connaissent la Tunisie prétendent qu'il se trouve des dolmens à Ebba, sur la route du Kef à Gafsa; à Zouarin près d'Ebba; à Toual-cl-Zame, sur la roule du Kef à Kaïrouan ; à El-Medina, sur la route du Kef à Tébessa; à Edja, sur la route du Kef à Taboursouk; à Touga, sur la route de Taboursouk à Testour; ù llaïdra près de Tébessa; à Siitla, sur la route de Tébessa à Kaïrouan.

Gueîma. Sous le titre d'antiquités Vandales, M. Carette a déjà signalé, dans V Univers pitlorcsque, des monuments de forme celti»]ue.

L'un d'eux a été observé par M. Judas aux environs < de Guelma, Nous en avons trouvé nous-mème un grand nombre à l'est et sud-est de Constantine.

||i Nous aM>ns vu uno pirm' en fornjo do b.issin cxacteniont sembla- ble auprès du dolmca d'tl-Aroussa dans la hal>>Iie orionlaie.

125

« Les monumenis du même genre que j'ai obscnés « sont assez nombreux pour éloigner l'idée d'un fait « accidentel ; ils prouvent que l'érection de ces tables « grossières se rattache à une croyance ou tout au moins « à une coutume qui, à une époque demeurée inconnue, « unissait une partie de la population de ces contrées.

« Sous ces trépieds muets se cache peut-être un fait « liislorique important. Qui sait même s'ils ne recèlent « pas un feuillet perdu de nos archives nationales ? > Cap.ette.

SUBDIVISION DE BATNA

Des monuments, d'origine présumée Celtique, se trou- vent en assez grand nombre dans la subdivision de Balna. Ils sont disséminés par groupes sur les points suivants :

El-Kerma 66

Djebel-Bellout 32

Djebel-el-Mahir 70

Koudiat-Serira 25

Total. . . 193

Nous n'avons noté que ceux de ces monuments qui sont encore debout. S'il avait fallu en dresser la liste exacte, en y comprenant tous ceux qui sont plus ou moins brisés, nous serions arrivés à un chiffre de plu- sieurs centaines.

Tous affectent la forme bien connue des dolmens, mais sont peu élevés au-dessus du sol. Généralement un cercle

1^20

(le pierres brûles les enlourent. L'opinion accréditée cliez les intligènes est que ce sont des sépultures des an- ciens habitants du pays, mais ils ne peuvent citer aucune légende, aucune tradition s'y rattachant.

On remarque aussi, dans toute cette partie du pays, de nombreux cromlechs et enfin de grands alignements en pierres brutes, semblables à ceux que nous avons vu au- près-de Has-bou-Merzoug.

Cercle de Bishm. Deux dolmens sont signalés dans le cercle de Biskra par M. le capitaine Pigalle. L'un est situé à Botmet-or-Rous, et l'autre à El-Meguisba chez les Oulad-Zian. Ils- sont, assuro-l-on, bien nets et en bon état de conservation.

V

SUBDIVISION DE SÉTIF

M. le commandant Payen, dont les travaux archéologi- ques dans l'ancienne Numidic font faire tous les jours de progrés à la géographie comparée de cette contrée, signale un chitTrc extraordinaire de monuments dits Celtiques dans le cercle de Bordj-bou-Arreridj (Medjana).

Ceux-ci sont des menhirs et leur nombre ne s'élève pas îi moins de iHx mille.

Ils sont situés :

1" Dans la tribu des Aïad à Melab-el-Teboul et àTeniet- cs-Senam ;

Dans celle dos Ilachem à Teniet-Aïn-Soultan et à Mcchta-bel-Bedar.

Toutes ces pierres ont une hauteur de 1"i25 à l'^CO, sur 0"i40 d'épaisseur. Les unes sont encore debout et

127

les autres renversées et coucliées sur leur emplacement primitif.

A Mechta-bel-Bedar, se trouve un monolithe colossal qui a 11 mètres de diamètre à la base et 16 mètres de hauteur. Une caverne naturelle se trouve à l'intérieur de ce bloc, que les indigènes nomment Hadjer-el-Merkeb, les pierres debout ou montées.

Les menhirs des Oulad-Aïad forment d'immenses ali- gnements se dirigeant de l'ouest à l'est. Les indigènes nomment ces alignements Es-Senam (les idoles).

Voici ce que la légende locale, dont le texte arabe a été mis à notre disposition, raconte à leur sujet :

« A l'époque de l'invasion musulmane ces contrées « étaient habitées par une population païenne, qui éleva « ces vastes rangées de pierres pour arrêter le flot enva- « hisseur.

« Les musulmans n'étaient pas gens à s'arrêter devant (T un pareil obstacle. Pendant la nuit ils abordèrent le « retranchement, renversèrent à coups de sabre les pierres « qui les gênaient et parvinrent ainsi à s'emparer du « pays, dont ils massacrèrent les premiers habitants. »

Dans le cercle de Bougie, auprès de la grande Kabylie, on ne signale encore l'existence d'aucun monument de ce genre. Il y en a, cependant, car dans la Guergour nous connaissons déjà un dolmen assez bien conservé.

De nouvelles recherches compléteront cette statistique.

1-28

III

On peut juger, par la statisliquc qui précède, du nom-

m

brc considérable de vcsliges, dits Celtiques, qui existent dans la province. II faut attribuer le peu d'altcnlion qui s'est porté jus(ju'ici à ces monuments, à ce qu'ils sont situés en général dans les parties les plus sauvages du pays. Quant à ceux qui sont placés assez prés des routes frayées, ce qui est le cas de la plupart de ceux signalés plus haut, leur aspect fruste et barbare les fait confondre à peu de dislance avec des roches naturelles et empêche de se détourner pour aller les visiter. Il est plus que pro- bable que les nouvelles recherches qui seront dirigées sur divers points encore inexplorés viendront augmenter cette première nomenclature déjà très importanle.

M. Henri Christy, qui nous a donné le goût de l'étude que nous poursuivons aujourd'hui, a laissé entre nos mains un couteau en silex et un ccllœ pour nous servir de types dans nos nouvelles recherches.

Nous avons trouvé, en elTet, un grand nombre de silex taillés, non seulement auprès des ruines celtiques, mais un peu partout dans les endroits que nous avons visités. Beaucoup de ces silex ont le type dit couteau, trian- gulaire et à facettes, décrit par MM. Lartet et Christy (1).

Les alignements de pierre de Ras-el-Oued-bou-Merzoug ont éveillé la curiosité des archéologues, mais ce n'est pas le seul exemple que nous ayons de ce genre de cons-

{\) Ivtvue Airlu'vIdd'Kiuc, 1 " .ivril I8(>1.

. 129

truclions. La vaste enceinte de Mecliiia, les menhirs ou peulvens de Melab-cl-Teboul et de Teniet-es-Senam, offrent beaucoup de ressemblance avec ceux de Carnac et d'Er- deven en Bretagne. Le cachet dont sont empreints ces monuments d'une civilisation primitive est le même : arrangement symétrique, étendue et orientation. On peut donc les juger par analogie.

Un éminent écrivain, qui a décrit les alignements de pierre de la Bretagne, expose ainsi les deux hypothèses les plus généralement adoptées sur leur destination pre- mière (i),

Les uns, les considérant comme de vastes cimetiè- res, voient à chaque peulven un tombeau ; les plus grands désignent les chefs, le menu peuple se contente d'une pierre de 3 à 4 pieds de haut ;

La seconde hypothèse fort en vogue, en Angleterre surtout, fait de ces avenues un temple immense, monu- ment gigantesque d'une religion qui aurait régné sur toute la terre et qu'on appelle ophiolatrie, c'est-à-dire culte du serpent.

Toutes ces hypothèses, fondées uniquement sur les légendes et les traditions, ne font que multiplier les in- certitudes. Ce serait trop hasarder que de les attribuer aux Gaulois servant dans les Légions romaines ou aux Vandales, comme l'ont fait déjtà quelques observateurs au sujet des dolmens des environs de Guelma. Nous ne les suivrons pas sur ce terrain scabreux, nous bornerons notre travail à signaler leur existence et à décrire le ré- sultat de nos fouilles.

(l) 1>. M(M'imée. Explora lion dons f ouest de la France, 1836.

130

Kn lorminanl le comple-rondu de noire première no- lice^ M. A. Berlrand ajoute :

« Si les observations ont été bien faites et si les lom- « beaux ouverts étaient réellement intacts, comme le croit « M. Féraud, une seule ressource nous reste pour expli- « quer les liens qui unissent les monuments d'Europe « avec ceux de l'Algérie : à savoir que ces monuments « sont, non d'une époque^ d'un âge particulier, mais « ceux d'une race qui, rebelle à toute transformation et « à toute absorption par les races supérieures à elle, « qui ont peuplé de bonne lieurc l'Europe, après avoir « été refoulée de l'Asie centrale vers les contrées du « Nord, avoir suivi les bords de la mer Baltique et sc- « journé en Danemark, en a été de nouveau cbassée, a « remonté jusqu'aux Orcades ; puis, redescendant par le « canal qui sépare l'Irlande de l'Anglelerre, est arrivée (' d'étape en étape, d'abord en Gaule^ puis en Portugal, « puis enfin jusqu'en Afri(]uc, les restes de ces mal- « heureuses populations se sont éteints, étoud'és par la a civilisation qui ne leur laissait plus de place nulle pari.

« Toujours est-il que la découverte de MM. Clirisly et « Féraud est très importante et qu'il serait du plus liaul « intérêt de fouiller avec mélliode cl circonspection ces (i étranges monuments égarés sur le sol Africain. On ne « pourrait surtout recueillir avec trop de soin les têtes « et les ossements des sciuclclles, dont l'examen permettra « de déterminer la race à laquelle ces populations appar- « tenaient. Il serait aussi indisj)cnsable de bien constater « quels sont ceux de ces monuments qui sont incontes- (' tablemont inlacls cl dans lcs(iuelb il ne peut pas y

131

« avoir eu superposition de sépulture. La queslion mé- « rite qu'on y apporte toute son attention. »

En Europe, ce qui a rendu très diflicile l'élude de ces monuments, c'est 'que beaucoup ont été détruits (1). Ceux qui restent auraient été démolis aussi si leur masse ne les eut préservés; mais ils ont été, pour la plupart, fouillés à diverses époques et la disparition à peu prés complète de ce qu'ils renfermaient a empêché de pou- voir fixer avec certitude, ou même approximativement, la date à laquelle ils se rapportaient.

Nous sommes beaucoup plus fiivorisés en Afrique. La paresse naturelle des indigènes, mais surtout le respect superstitieux qui s'est toujours attaché à ce que la main des païens a édifié, nous mettent à même, aujourd'hui, de nous trouver en présence de monuments intacts, c'est- à-dire qui n'ont été ni violés, ni fouillés depuis leur première fermeture. Il est facile de s'en convaincre en examinant les nombreux dolmens de Ras-el-Oued-bou- Merzoug. Beaucoup d'entr'eux sout littéralement fermés de tous côtés par d'énormes blocs de rocher. Malgré le désir que nous aurions de les conserver dans leur struc- ture primitive, nous nous verrons dans la nécessité, pour éviter tout accident, de renverser la dalle supérieure quand nous voudrons les fouiller. M, Christy a pu juger des difficultés que nous éprouvions chaque fois que nous voulions pénétrer dans la chambre d'un dolmen. C'est donc une mine nouvelle et féconde que nous avons à ex- plorer, très importante surtout au moment on se livre

(1) En France, sous Louis le IWbonnaire, une ordonnance enjoignait, sous peine de mort, la destruction de toute espace de monument païen.

132 -^

à de sérieuses reclierclics sur les niigralions ncconiplics dans les temps primilifs par les peiijtles qui ont laissé en Europe des traces de leur passa^^e.

Dans nos nouvelles fouilles nous. nous efTorcerons de remplir le programme que nous a si bien tracé M. Ber- trand. Avant de touclier aux monuments, nous indiijuc- rons avec soin les traits distinctifs de chacun d'eux, avec des dessins exacts cl des photographies môme, si c'est possible. Nous ne négligerons aucun des moyens qui peuvent nous conduire à la découverte de tout ce qu'ils renferuient, afin d'en faciliter l'étude aux personnes sa- vantes en cette matière (!).

Ces recherches, nous avons lieu de l'espérer, produiront pour la science et l'hisioire même de l'Africjue les résultats les plus heureux.

L. FÉRAUD, Interprèle de l'armée d' Afrique.

ConslaïKino, mai I8(>i.

Xi^^OiÊHî^^^^

(I) Le Magasin VUtoreaque , qui a rfiaicnuiil rendu ((tiiiulo do nos dr- coiiverd's, a liitMi voulu inms cédor sa vijiUfllr, osl livs-UdMcmcu» icproduilc la Ibiinr de nos dolmens. Voir la l'Iiiiiche 32.

NOTE SUR LE MEDRACEN

La Sociélé Archéologique a déjà publié quelques mé- moires sur le Medracen : cependant une étude sérieuse de ce monument reste encore à faire. En efïet, les Ira" vaux publiés ont à peu près laissé dans l'ombre un point de vue important, celui de l'art, d'autant plus important qu'à défaut de monument écrit, pour un archéologue, le slyle est une date. Or c'est précisément le cas du Me- dracen.

Nous n'avons pas la prétention de combler cette lacune, nous voulons seulement la signaler par la production de quelques matériaux inédits, qui serviront provisoirement de complément aux travaux publiés par la Société.

Il y a une quinzaine d'années que nous visitâmes le Medracen et nous n'avons plus l'espoir d'y retourner. Depuis nous avons publié une étude dans la Revue d'Orient, et la Revue oublia de donner les planches. Ce sont celles de ces planches qui présentent l'intérêt susdit que nous offrons à la Société Archéologique.

Elles ont trait à la colonnade du Medracen, qui nous paraît être un élément précieux pour assigner une date au monument.

Comme nous l'avons dit, nous donnons les éléments de la question, n'ayant pas le temps de les étudier, ne nous proposant pas d'autre but que d'attirer de nouveau l'atten- tion des personnes compétentes. Voir la Planche 33.

L. LEGLERC.

NOTICE SUR LES OULAD-ABD-EN-NOUR

Préparer l'iiislorique des Oulad-Abd-en-Nour, tel est le but dans lequel j'ai réuni des documents aussi com- plets et aussi exacts, que cinq mois passés dans celle tribu m'ont mis à même de le faire.

Arrivés à ce moment de transformation tous les vieux préjugés et les systèmes administratifs de l'ancien temps font place à un ordre de clioscs plus en rapport avec nos mœurs, j'ai pensé qu'il sérail utile d'exposer la situation actuelle, afin de pouvoir mieux juger, dans l'avenir, les progrés qui auront été réalisés. C'est donc également dans celle intention que j'ai recueilli les moin- tlres renseignements présentant un intérêt relatif à l'his- toire locale et, si je puis m'cxprimer ainsi, que j'ai fait en quelque sorte un procès-verbal, un inventaire de la situation physique et morale de celle tribu.

Nous n'avons aucune donnée bien exacte sur le rôle que durent remplir, pendant la domination romaine, les habitants du pays occupé actuellement par la tribu des Oulad-Abd-en-Nour. Les nombreux vestiges de villes, de vastes édilices, de bourgs, de fermes et de voies antiques, reliant enlr'eux ces divers établissements, constatent ce- pendant que cette contrée devait être très habitée par les romains.

La tradition locale a conservé le souvenir de l'invasion arabe, ainsi que celui dos Senhadja, des Zenala, des

435

Kalama el des Ililaïlia qui dominèreril le pays; j3iiis des Sedouïkich, Guecha, Ghomara et des Sekhara qui, à tour de rôle, maintinrent leur puissance jusqu'au moment de l'établissement des Turcs en Algérie.

Celte source de renseignements ne nous l'ait pas, du reste, remonter à une époque bien éloignée; elle ne se compose que de quelques données vagues sur les temps antérieurs, de quelques noms importants échappés heu- reusement à l'oubli et de la légende sur l'origine et la formation de la tribu actuelle des Oulad-Abd-en-Nour.

C'est encore que nous avons puisé tous les faits his- toriques dont les anciens du pays ont été témoins, ou qui leur ont été racontés par leurs ancêtres dans des récils amenés fortuitement et en aucune façon destinés à être transmis.

Ce qui nous a embarrassé considérablement en recher- chant les traces de ces traditions, ce sont précisément ces légendes altérées ou amplifiées, quelques fois même contradictoires, selon l'imagination du narrateur. Il en est résulté souvent qu'elles finissaient par perdre tout caractère authentique.

On ne saurait recueillir des renseignemenis auprès des indigènes sans de grandes précautions, car la croyance populaire, peu scrupuleuse en général, ne s'inquiète en aucune façon des fautes chronologiques commises par les auteurs des légendes, qui mettent en présence des per- sonnages que des siècles ont séparés. Nous devons re- connaître qu'il ne peut en être autrement chez les popu- lations de l'Algérie, jusqu'ici indifférentes à toutes choses par nature et par religion.

Cette notice renfermera d'abord un aperçu rapide sur

les temps primitifs de la Numiclie, puis les renseignemenis que nous avons puisés clans l'ouvrage d'Ihn-Khaldoun (1) au chapitre des dynasties Berbères. Nous emprunterons à cet écrivain de nombreux délails que nous rattache- rons à l'histoire moderne et à la tradition locale.

Nous transcrirons ensuite tous les faits que nous avons pu recueillir verbalement ; le nom des peuples ou tribus Berbères qui ont laissé le souvenir de leur passage et de leur domination; tout ce qui a trait aux démêlés de tribu à tribu: nous verrons les Oulad-Abd-en-Nour, tantôt en- vahisseurs et tantôt refoulés. Nous parlerons de certains faits qui ont rapport à riiisioirc des beys et aux actions plus ou moins merveilleuses de quelques marabouts, dont les descendants jouissent encore d'une certaine considé- ration dans la contrée. Nous conserverons à ces légendes de marabouts toute la poésie orientale qui les caractérise, telles que les racontent les indigènes qui les répètent et les acceptent sans en examiner la vérité.

La dernière partie de notre notice exposera la situation actuelle de la tribu, sa population, ses mœurs, usages, agriculture, commerce, industrie. Elle contiendra, en un mot, tous les renseignements qui peuvent nous mettre ù même de connaître les ressources du pays.

Tout en déclinant pour ce petit travail qui a été rédige sous la tente une portée scientifique, j'espère, néanmoins, qu'il pourra avoir plus lard une utilité réelle.

Onla(l-Al)cl-cn-Nour, février t8(U.

(1) Traduclioii ilc M. le baron de Slane, iiilcrprète itriiiti|»al de raruiéc d'Afrique.

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DESCRIPTION DU PAYS

La tribu des Oulad-Abd-en-Nour, l'une des plus vastes de la province de Constantine, est située dans la région du Tell, désignée sous le nom de hauts plateaux. Elle occupe une partie des plaines qui s'étendent entre Cons- tantine et Sétif. Aïn-el-Kebcb, que nous prendrons comme point central du pays, est à une hauteur de 900 mètres au-dessus du niveau de la mer.

Son territoire, dont la superficie est encore aujourd'hui d'environ 200,000 hectares, était bien plus vaste sous la domination turque. A cette époque les campements de la tribu étaient dressés autour d'Aïn-Soultan , au pied des montagnes des Oulad-bou-Aoun ou des Oulad-Sellam, souvent même dans la riche plaine de Zana.

En été , on les voyait dans le nord sur les bords de rOued-Almania, oîi existe aujourd'hui le village Euro- péen de ce nom et ils menaient même leurs troupeaux sur le flanc du Djebel-Chettaba et du Sidi-Zouaoui, dont la chaîne s'étend jusqu'à Constantine.

On disait alors, par allusion à l'étendue de ce terri- toire :

Lfrli^ , ,ax-' ,1 V js^f- )û>3i j>^^ ^^ûi fi>_Ja?

138

Le giietif ou tapis des Oulad-Abd-en-Nour, a quaranle brasses de longueur (1).

C'est qu'à celle époque les Oulad-Abd-en-Nour compo- saient une des plus puissantes tribus de la province; il leur était facile, en elîet, de réunir jusqu'à 2,000 cava- liers et de se faire soutenir, au besoin, par les monta- gnards des Oulad-bou-Aoun, leurs amis. Toutes les tribus voisines recbercbaient leur alliance et se seraient bien gardées de les mécontenter.

Cette grande puissance, c'est EI-IIadj-Alimed-Dey qui l'a abattue, en les isolant, en rompant les traités d'alliance séculaires qui existaient entre eux et leurs voisins, et en les réduisant ensuite de concert avec derniers. Dès (jue cette influence fut ébranlée, le bey commença par resserrer la tribu dans des limites plus étroites. On ne revit plus les Oulad-Abd-en-Nour, ni dans les plaines de Zana, ni à l'est du Djebel-Grous. Les terres enlevées furent données à d'autres tribus, constituées azel (2) ou accordées en apanage à des familles influentes du pays.

Quand on quille Conslanline pour se rendre sur le territoire des Oulad-Abd-en-Nour, on remonte la vallée de rOucd-Roumcl. La route impériale qui mène à Sélif, tracée sur la rive gauclic de la rivière, côtoie une infi- nité de contreforts qui, jusiju'au village d'El-Almania, rétrécissent considérablement la vallée.

(I) Expression fifçuréo par opposKion aux iliiiiciisions ordinaires des tapis qui sont bien moindres.

{i) Domaine de lÉtat.

-- 1:39

Après avoir dépassé ce village, on enire dans une gorge d'un aspect sauvage et sinistre; c'est un cahos de rochers arides, aux formes bizarres et d'une couleur plombée, qui semblent suspendus et menacent sans cesse de tom- ber sur les voyageurs. La route exécutée par nos troupes, depuis quelques années, est taillée en corniche au-dessus du lit du RoumcK

Cette masse rocheuse, qui domine des deux côtés, s'évase brusquement, les montagnes se reculent à droite et à gauche et, sans qu'on soit préparé à cette transition, on découvre tout-à-coup devant soi les immenses plaines qui s'étendent sans interruption jusqu'au delà de Sétif.

A droite, en sortant de la gorge, sont les ruines de la Zaouïa de Sidi-Hamana qui se distinguent par une teinte rougeatre très prononcée. Les arabes, qui ont des légen- des pour tout, racontent que ce marabout fit jaillir la source d'eaux chaudes de Ilammam-Grous pour faciliter, pendant l'hiver, les ablutions de ses disciples trop frileux.

Les plaines des Oulad-Abd-en-Nour, complètement dé- pourvues de végétation arborescente, s'élèvent doucement de l'est à l'ouest jusques vers Sétif qui est le point cul- minant. Elles sont légèrement ondulées^ sauf dans les parties qui les rattachent aux chaînes de montagnes limi- trophes, au nord et au sud, les pentes sont alors plus accentuées.

Du côté nord, le système orographique est sans grand caractère. Le Djebel-Grous, que l'on voit d'abord, est un piton décharné, brûlé par le soleil et sans la moindre apparence de terre végétale. Viennent ensuite les hau- teurs du Sidi-Mçaoud qui n'offrent point d'escarpement brusque et s'élèvent au contraire progressivement en

l'iO

Itrésenlanl des lerrcs de ciilliire jiisi|u'à leur sommel. Elles continuent, pour ainsi dire, la j)laine dont on ne" dislingue de ce côté ni le commencement ni la fin.

Vers le sud , se déploie le rideau des montagnes du Djcbel-Tafrcnt, coupées par les cols de Mcchira, d'Aïn-el- Kebch et d'autres moins importants. Enfin, pour clore celte perspective, on voit à l'horizon la silhouelle du Djehcl-Tenoulit.

En résumé, le territoire des Oulad-Abd-en-Nour peut se diviser en deux zones soumises à des influences cli- matériques bien distinctes et, par conséquent, d'un aspect tout diflérent : le Tell et les Sebakh, séparés par le sys- tème du TafronI, puis, beaucoup plus à l'ouest, par le Tenoulil. Ces deux montagnes sont en quelque sorte au centre de la tribu.

Le Tell, dans sa partie la plus élevée, vers le nord, prend le nom de Seraouat, pays de haute culture ; c'est la région fertile par excellence. En été, il y règne conti- nuellement des vents modérés qui ne cessent de rafraîchir la terre en arrêtant les rayons du soleil qui sont brûlants dans la plaine. En hiver, l'air y est vif et môme très- froid. Nous avons vu, au mois de janvier dernier, le. thermomèlre descendre à au-dessous du zéro. Les orages et la grêle y sont fréquents. La neige s'y main- tient parfois pendant plusieurs jours.

La partie basse du Tell, qui est marquée par le cours de l'oued Mordj-IIariz, est marécageuse et souvent sub- mergée (1).

Les Sebakh (terrains salsugineux), que l'on nomme

(1) 777 nii'trfS.

141

aussi Bled-el-IIamia, la région chaude, consislenl en des plaines très basses, jadis exclusivement réservées au par- cours des bestiaux et aux campements d'hiver.

Quand on pénètre dans ces étendues par l'un des cols du Tafrent, l'œil est attiré par une perspective grandiose et imposante. Vers le sud, derrière Aïn-Soulan, on aper- çoit une succession de montagnes présentant des décou- pures bizarres que la pensée n'imaginerait pas. Ce sont les crêtes parfois neigeuses des Oulad-bou-Aoun^ des Oulad-Soullan et les massifs qui entourent Balna.

Puis, à l'extrémité occidentale du Djebel-Agmerouèl, comme pour faire opposition aux teintes vaporeuses de l'horizon, paraît le lac salé de Chott-Saïda, éclatant de blancheur et brillant comme un miroir au soleil.

Les Sebakh sont généralement couverts de touffes de :

Guettof (Atriplex halimiisj. Chih (Artemisia herba Alba). Halfa (Stipa tenacissima).

On voyait jadis dans ces prairies immenses, dans ces landes herbeuses, paître de grands troupeaux de mou- lons, des bœufs, moins nombreux, mais surtout une race de chevaux renommée. Depuis l'occupation française ces conditions se sont bien modifiées. Les cultures se sont accrues dans de grandes proportions, les terrains en friches de la plaine ont été remués par la charrue et, peu à peu, la sécurité et la confiance qui la suit s'augmen!ant, les tentes ont suivi les charrues, la mechla a été construite et de nouveaux douars se sont créés de ce côté.

Limites actuelles de la Tribu. La liinile de la tribu, telle qu'elle est établie aujourd'hui, part du sommet du Djebel-Grous, se dirigeant vers le nord, atteint la crête du Kaf-Tazerout qui la sépare des Oulad-Kebab ; suit les crêtes vers l'ouest, descend dans la vallée de TOued-Dahs elle est limilrophe de la tribu de l'Oued-bou-Selah.

Elle remonte ensuite jusqu'à la crête du Djebel-Sidi- Mçaoud, franchit à leur tête les ravins qui en descendent, coupe la prairie de Belhîa à la tête du ruisseau dit Oued- Tadjenant (Roumel), sont les Eulma. Conservant sa direction ouest, elle passe au pied du Djebel-Slita, à rOued-Djcrman, traverse la grande plaine d'El-Bahara, passe à l'ouest de la source d'eaux chaudes de Sokhna et atteint les bords du lac salé dit Sebka-Saïda. Dans toute cette i)laine ils ont les Eulma pour voisins. La limite re- prend ensuite à partir de Teniet-Roumada, sur le bord oriental de la Scbkha, se dirige alors vers l'est en suivant le chemin de Sétif à Aïn-Soullan qui les sépare des Oulad- Saïd-bcn-Selama du Modna, puis des Oulad-bou-Aoun, jusqu'au col de Acheraf. Passe sur la crête du Djebel- Agmcrouèl, redescend à Bir-ben-Khelifi et de se diri- geant vers le nord, en laissant Aïn-Soultan cl l'Oued-bou- Rezal à droite; fait quelques crochets dans la vaste plaine des Sebakh pour arriver au Teniet-Sedra et au Djebel-Mokta-cl-ILuljar. Reprenant alors la direction esl^ elle suit la crête du Djebcl-Tizourit, passe au puits dil Bir-ben-Zireg, remonte au nord vers les mamelons ro- cheux de Daïat juscju'à Teniet-Saïda, près du Djebel- Guedman. Le territoire limitrophe, jusqu'à ce point, appartient aux Sahari.

De Teniel-Saïda elle revient vers le nord, traverse la

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plaine du Gabel-Tafrenl jusqu'au ravin de Djebanl-Oulad- Bahïa, laissant une partie des Telarma à sa droite. Re- monte le Chabet-bent-Kàam à travers un pays couvert de broussailles, qui le sépare de la tribu des Berrania, descend ensuite dans la plaine qui s'étend à l'est de Me- chira, franchit plusieurs mamelons, et atteint les bords de rOued-Mordj-Hariz, coupe la route de Sétif à Cons- tanline, et arrive enfin au Djebel-Grous, laissant à sa droite l'ancien télégraphe aérien construit sur le flanc de cette montaone.

Ravins, cours d'eau. Tout ce qu'on appelle cliabet ou ravin ne consiste qu'en torrents intermitlenls, pres- que toujours à sec, mais qui conservent et des flaques d'eau, dont quelques-unes persistent jusqu'au milieu de l'été. Dans les plaines du Tell et des Sebakh les ravins prennent le nom de R'edir ou de Feïd.

Le territoire des Oulad-Abd-en-Nour est parcouru, dans presque toute sa longueur, par les eaux du fleuve qui baigne le pied de Gonstanline, oi^i il porte le nom d'Oued- Roumel. 11 se jette ensuite à la mer sous le nom de Oued-el-Kebir (Ampsaga des anciens).

Ce cours d'eau, qui descend des hauteurs du Djebel- Sidi-Mçaoud, est appelé successivement Oued-Farer, Oued- Bellàa, Oued-Mamra, Oued-Tadjenant, Oued-Atmania et enfin Oued-Roumel en sortant de la gorge de Hammam- Grous. Il est guéable sur presque tous les points. Ses affluents sont l'Oued-Mordj-Hariz, l'Oucd-Ouskourt (d'abord nommé Oued-el-Mahari) et l'Oued-Dekri, petits ruisseaux sans importance, dont le lit est parfois à sec, mais qui

iU

sont dangereux en hiver, lorsque à la suilc d'orages ils viennent à s'enfler.

Un fait, tout récent, suffira pour démontrer combien sont considérables les ravages causés par ces crues subites.

Dans la soiiée du 18 septembre 1802, un violent orage éclatait aux Oulad-Abd-en-Nour et l'Oued-Roumel débor- dait tout-à-coup. C'était la veille du marché du village de l'Atmania, sur remplacement duquel une douzaine de tentes étaient déjà dressées par des marchands indigènes.

En moins de cinq minutes, quatre centimètres d'eau couraient le long du versant des montagnes qui dominent ce centre et formaient torrent au bas de la vallée. Tentes, gourbis, arbres, hommes et animaux étaient entraînés par la violence des eaux. D'énormes grêlons donnaient à cette scène de dévastation un aspect encore plus étrange. L'eau envahit la route et atteignit une hauteur de 0'"50 dans les chambres du caravansérail de l'Atmania; plu- sieurs ponts furent emportés. Le nombre des victimes fut d'une centaine.

A l'ouest, coule l'Oued-Djerman servant de limite avec la tribu des Eulma.

Montagnes , forcis. Au nord des Oulad-Abd-en-Nour existe d'abord le Djebel-Grous (l), aujourd'hui entière- ment dénudé, sec et aride, quoique la tradition nous dise que ses arbres fournissaient jadis des bois de charrue pour les habitants des Seraouat.

Viennent ensuite le DjeLcl-Sidi-Mçaoud, que les indi-

(1) I,!07 mî-lrcs.

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gènes ont également déboisé; le Djebel-Tenoutit (1), que les arabes nomment le frère du Djebel-Braham des Euhna. Ainsi que le Djebel-Grous, il était boisé autrefois. Il n'est relié au système du Tafrent que par une série de contre- forts, dils El-Meksem^ la ligne de partage, c'est-à-dire les bauteurs qui séparent le Tell des Sebakb.

Le Djebel-Tafrenl est une vaste montagne s'allongeant de l'est à l'ouest. Ce système montagneux^ situé au milieu de la tribu, a plusieurs pics, désignés sous différents noms. Le point culminant est le Rekebet-cl-Djemel, le genou du cbameau (1,-400 mètres); viennent ensuite les crêtes de Tamer'za, de Bel-R'erour, du Tarf, Ces mon- tagnes ont plusieurs cols, tels que celui de Mecbira, Teniet-Sed-el-Bab, Teniet-Trik-el-Beïda, de Tamer'za et du Meksem, dont nous parlerons plus loin.

Le Tafrent, surtout autour du Rekbet-el-Djemel, est couvert de broussailles de chêne-vert, de lentisque, de genévrier oxicèdre et de phenicie, et de quelques oliviers sauvages.

Celte forêt, si toutefois dans l'état actuel des choses on peut lui donner ce nom, est susceptible d'avenir. Le ser- vice forestier a déjà fait des réserves pour le bien de la tribu elle-même qui a gaspillé sans discernement une ressource précieuse. Il est essentiel de noter ici qu'au milieu de tous ces restes de forêts existent encore sur plusieurs points, enlr'autres au Djebel-Tarf, des oliviers, rabougris et sans vigueur il est vrai, mais qui prouvent que cet arbre précieux y pousserait avantageusement s'il était cultivé. Du reste, ce qui vient encore à l'appui de

(1) 1,274 mètres.

Il

- lin -

colle opinion, (•"er-l le praml nomlirc d'îuicions pressoirs romains dont on Ironvc IfS vesli*:cs dans la partie des Sebakii, comprise cnlro Aïn-el-Mocliira et le ravin de Djebanel-Oulad-ljaïa, snr le versant sud du Djebel-Tarf.

Djeliol-Agmerouèl.— Celle montagne, située au fond des Sebakli, s'étend de l'est à rouesl dei)uis Aïn-Soullan jus- (ju'aux bords de la SebIJia-Saïda. Les crêtes de TAgme- rouèl sont bien boisées, l'essence dominante est le gené- vrier, mélangé de rpiebpies pins avec un sous-bois ilo lentisque pliyllirea et d'oliviers rabougris.

Scrilicrs, chemins, roules. Le cliemin le plus impor- tant, du temps des arabes, était le Trik-cs-Soultania, que l'on pcul traduire par roule impériale. Ce nom lui venait de ce que les beys le suivaient habituellement lorsqu'ils se rendaient à Alger pour porler le ilenouche ou impôt triennal. Ce chemin traversait de l'est à l'ouest les Se- vaoual ou partie élevée des Oulad-Abd-en-Nour, en passant par Kaf-Tazerout, Ksar-Ueni-Filan , Drà-Toubal, Djamà- Sidi-Ali-el-Meksi, etc.

Celte voie de grande communication, hàtons-nous de le diie, n'était point ce (jue son nom pourrait le faire sniiposer de prime abord. Il n'y avait ni fossés, ni rem- blais, ni ))onceanx ; ce que nous désignons par travaux (l'art élail complètement inconnu.

Qu'on se ligure un chemin sans limites bien arrêtées, coupant des ravins souvent impraticables en hiver, gra- vissant des côtes excessivement raides et serpentant à travers champs. Telle est la nature de lout chemin arabe en général, de laquelle ne fait j)as exception le Trik-cs- Soultania.

Il y avait encore un autre chemin parallèle au précè- dent. Celui-ci, parlant de la gorge de Hammani-Grous, longeait le versant méridional des Seraouat pour aboutir à Bordj-Mamra. C'est à peu près le tracé de noire route passant par le village de Dekri.

Au pied du Djebel-Tenoutit et du Tafrent, un autre sentier va également de l'est à l'ouest, depuis les ïclar'ma jusqu'aux Eulma.

Enlin, dans les Sebakh existent deux chemins ayant la même direction que les précédents.

L'un, venant des bords du lac Tinsilt chez les Zemoul, passe au pied du Nif-en-Necer, sous le Rekebel-el- Djemel, à Biar-el-Taïa, aboutit à El-Bahara et de aux Eulma.

Le second, venant des Zemoul, passe à Aïn-Soullan, au pied du versant nord du Djcbel-Agmerouèl et aboutit à Sokhna, près du Cholt-Saïda. Un embranchement de ce chemin côtoie, depuis Aïn-Soullan, le versant méri- dional de l'Agmerouèl et arrive à Enchir-el-Atech toujours sur les bords du Chotl-Saïda.

Outre ces grandes voies de communication, il en existe d'autres se dirigeant du sud au nord, coupant les précé- dentes presque à angle droit et formant avec elles comme les lignes d'un vaste damier.

A l'est des Oulad-Abd-en-Nour, un chemin descend des hauteurs de Kaf-Tazeroul, traverse les Oulad-Idir, le col de Mergueb-et-Tir, celui de Mechira, arrive à Biar-Djeded, Bir-er-Raïan et de chez les Oulad-bou-Aoun.

Un second, venant de Aïn-Kareb, passe auprès du village de Dekri, traverse la plaine des Oulad-Khelouf, puis le Djebel-Tafrenl au col d'Aïn-el-Kcbche et aboutit

aux Sebakii. Un autre clieniin parlant également de Aïn- Karol) passe à Manira, coupe la chaîne thi Tafrenl au col (le Tamei'za cl après avoir traversé les Sebakh arrive à Aïn-Soullan.

La connaissance du territoire me permet de supposer que cette route est celle que suivit le voyageur Peyssonncl.

Voici ce qu'il dit à ce sujet :

« Le 12 juin 1725 nous coucliàuies à un douar des 1 Ouled-Abdenour, près d"unc fontaine appelée Aïne- « Querbe.

« Le 13, nous passâmes dans une plaine stérile au milieu « de laquelle il y a une mosquée dite Gclme-Mour

« Nous traversâmes cette plaine et nous rencontrâmes « ensuite des montagnes que nous coupâmes par un beau <( vallon pour entrer dans une seconde plaine fort grande <( l'on ne trouve point d'eau. Il mourut, cette journée- « là^ plusieurs bœufs et chevaux, soit par la fiitigue, soit « par le manque d'eau. 11 nous fallut traverser celle a plaine, oîi nous vîmes les ruines d'une ville qui devait « être considérable, appelée aujourd'hui Lamaza, peut- « être autrefois Lamasba..., nous lûmes coucher auprès « d'une belle source d'eau appelée Aine-Soultan, ou « fontaine du Roi.

« Cette source forme un joli ruisseau qui va se perdre « du côté des étangs salés. La roule fut S.-O. onze lieues. »

N'est-il pas permis de penser que le voyageur Peysson- ncl demandant le nom des ruines romaines qui se trou- vent en ellel dans les Sebakh, au sud du Djebel-Tamer'za, ses guides lui auraient donné celui de la montagne qui domine le pays, n'en connaissant pas d'autre. Tamcr'za serait ainsi devenu Lamaza ou Lamasba.

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Un chemin, parlant des environs do Manira, passe à Di\à-el-Meksem cnlie le Djebol-Tenoulil et les derniers contreforts du Tafrent et aboutit dans les plaines des Sebakh. Un embranchement va passer à Biar-et-Taïa.

Enfin, à l'ouest du Tcnoulit se trouve un autre sentier, partant des hauteurs de Djerman et descendant dans la plaine vers Sokhna.

Le territoire est en outre sillonné dans tous les sens par de nombreux sentiers, qui relient enlr'cUes les di- verses fractions ou les mcchla.

Sources, fontaines, puits. Les Seraouat, des Oulad- Abd-en-Nour, sont arrosés par de nombreuses sources dont l'eau est limpide et abondante. Au temps des Ro- mains, prcstpie toutes étaient aménagées, mais à une époque qu'il nous est impossible de déterminer d'une manière précise, elles furent bouleversées. Auprès de chacunes d'elles, et selon leur importance, s'élevaient jadis des villes, des bourgs ou des fermes^ dont on n'aperçoit plus que les vestiges.

Nous citerons, entr'autres, les fontaines de :

Aïn-Kareb ; Aïn-el-Me!ouk; Aïn-el-Atia; Aïn-Aziz-ben-Tellis.

Dans l'état actuel des choses, ces eaux se perdent au milieu des substruclions anciennes, mais des déblais, convenablemeni faits, permettraient à ces sources de re- prendre leur ancien niveau et^ sans aucun doule, leur débit serait considérablement augmenté.

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Dans le système monlagnciix du TalVenl on trouve les fontaines d'Aïn-Mccliira cl (rAïn-el-Kebcli.

Celle de Mccliira, l'une des plus abondantes du pays, coulait jadis sous une voûte aujourd'hui entièrement comblée. Malgré cela, le volume d'eau est encore assez fort pour faire tourner un moulin européen établi à peu de dislance.

Près du ravin, au-dessous du moulin, on voit un an- cien aqueduc qui devait servir aux irrigations.

Les indigènes ont nettoyé, pour leurs besoins, plusieurs puits romains creusés dans les plaines auprès d'anciens établissements.

Dans les dépressions des dunes (feïd), il leur a suffi de faire des trous de quelques mètres (liassi) pour obte- nir de l'eau en quantité suffisante.

L'autorité militaire a fait creuser aussi plusieurs puits pour venir en aide aux populations. Les principaux sont ceux do :

Dir-Oulad-Klielouf;

Diar-et-ïaïa (5 puils);

Bir-Taoura ;

Dir-el-Klicrlia ;

15ir-Encliir-el-Alccli, dont l'eau est bonne et abondante, on doit lui reprocher cependant d'être légèrement fade. On ne peut malheu- reusement en dire autant des puits nommés :

lîir-Oulad-Oudjcrlen

et Biar-Tamimount, creusés dans les bancs gypseux qui s'étendent au pied des massifs secondaires du Djebcl-Tafrcnt, Leurs eaux sont saumàircs, d'un goût dé«;igrèable et ont une action purgative liès-prononcéc.

151 Les animaux, eux-iiièines, ne la boivent qu'avec répu-

gnance.

Curiosités naturelles. Ciiott-SaÏda. Le Cliult- Saïtla, viennent se perdre les eaux des Sebakh, est une vaste cuvette qui occupe une surûice de plus de quatre mille hectares. Le fond en est gypseux et recouvert d'une couche miroilante de sel cristallisé, que les indigènes récoltent pour leur consommation.

La partie du Chott, qui appartient aux Oulad-Abd-en- Nour, est presque toujours à sec en été, les hommes et même les troupeaux peuvent la traverser sans danger.

Eaux chaudes de Sohhmi. La source d'eaux chaudes de Sokhna se trouve au milieu des dunes de sable (jui bordent le Chott-Saïda, sa température varie de 40 à 45« centigrades. Les indigènes lui attribuent de grandes pro- priétés hygiéniques. A côté se voient des ruines qui té- moignent de l'usage fait par les romains de ces eaux thermales, que les arabes continuent, de nos jours, ù fréquenter.

Desfontaines, qui les visita, dit à leur sujet :

« Ces lieux sont arides et incultes, on y voit

« des espaces de terrain considérables, blancs comme la « neige. 11 n'y a aucun arbre dans toutes les plaines. A « une heure, nous campâmes dans un lieu glaiseux, fort « plat, il se nomme Srama (Sokhna) : il s'y trouve des « eaux salées très-chaudes. Les plaines sont superbes, « mais peu cultivées; elles s'étendent, à perte de vue, de « l'est à l'ouest. »

152

II

TEMPS PRIMITIFS

Avant (l'enlrcprendre la monographie des Oulad-Ahd- en-Nour, il convient de jeter un regard rapide sur le rôle que joua ce pays dans l'anliquitc et sur le caractère primitif de ses liabilanls.

En dépouillant l'Afrique septentrionale des nuages dont les fictions des temps barbares et la tradition mylliolo- gique couvrent ses premiers Ages, on peut suivre les di- verses phases qui ont eu des influences sur les mœurs et les coutumes des peuplades qui l'habitaient. iMais c'est seulement à partir de l'époque des luîtes de Carthage avec Rome, qu'il est permis de compter sérieusement et sans craindre de grosses erreurs chronologiques.

Strabon, est celui des géographes anciens qui a déter- miné, de la manière la plus pVécise, les bornes de cette région. Il nous dit que les deux royaumes, des Massy- licns et des Massessylicns, étaient séparés par l'Ampsaga, rOucd-cl-Kebir, sur les bords duquel s'élevait Cirta ou Conslanline. Or, l'un des principaux afllucnls de l'Amp- saga, peut-être l'Ampsaga lui-même est l'Oucd-Uoumel, qui traverse de l'ouest à l'est, sur presque toute son étendue, la tribu des Oulad-Abd-en-Nour (1).

(i) Uno inscii[>Uiin, iirs imporlaiite iionr la gvograpliic comparée du pays, a été découverte par M. Chorboniicau. Elle porte le mots : CAPVT AMSAG.I^. Il nous larde <pie ce savant arcliéologuc pul)lie le rapport qu'il Icra, sans nul doute, à ce sujet.

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Les Massyliens el les Massessyliens portaient un nom qui leur étaient commun, celui de Numides, parce qu'ils se plaisaient, dit Strabon, à mener une vie errante, sans fixer leur demeure nulle part.

L'incertitude la plus vague règne sur l'origine des Numides. Sallusle, qui traite cette question, les fait des- cendre des Perses alliés aux Gélules, peuplade authoc- tone. Il dit aussi qu'on les appela Numides, c'est-à-dire pasteurs, parce qu'ils vivaient à l'état nomade, allant sans cesse çà et là, cherchant les meilleurs pâturages.

Procope mentionne une autre tradition qui a paru plus vraisemblable :

« A l'époque de l'invasion de la Palestine, par Josué, « tous les peuples qui habitaient la région maritime, « depuis Sidon jusqu'à l'Egypte, abandonnèrent leur « patrie pour échapper au glaive exterminateur des israé- « lites et se transportèrent, à travers l'Egypte, en Afri- « que. »

Quoi qu'il en soit, les Numides, comme les Maurita- niens, prirent une part très-active aux diflerentes guerres puniques; mais nous n'avons, pour l'historique qui nous occupe, aucun fait particulier à signaler. Un important travail sur la Mauritanie Sétifienne, publié tout récem- ment, nous apprend cependant que dans les vastes plai- nes des Oulad-Abd-en-Nour, entre le Djebel-Tenoutit et le Stita, dût avoir lieu la sanglante bataille des Marius contre les rois africains Juguriha et Bocchus (1).

Après la victoire de Tliapsus, c'esl-à-dire 46 ans avant notre ère, la Numidie fut réduite en province romaine.

(1) M. Poulie. Recueil de la Société Archéologique de Constantine, 1863.

15i

A la suilc tic la nouvelle division lerriloriale, la région siluée à l'ouest de l'Ampsaga (ut comprise dans la Mau- rilanie Sélilienne.

Sous Scplime Sévère, qui aneclionnait beaucoup l'AIVi- (jue il élail né, le pays atteignit l'apogée do sa splen- deur. Les auteurs anciens rapportent (ju'à celle épot|ue la Numidie et la Mauritanie présenlaienl partout l'aspect d'une terre civilisée. Des routes nombreuses et sûres sillonnaient celle contrée en tous sens, soit sur le littoral, soit dans l'inléricur, reliant les villes les plus im))or- lanles. (210 ans de noire ère).

Malgré Télablissement de la domination romaine, la paix fut loin d'èlre la situation normale de celle région. La Numidie et la Mauritanie se font encore remarquer par une prodigieuse variété d'événements.

Terre classique des bouleversements de toute nature, c'est dans son sein, en elVel, (|uc prirent naissance ces grandes luttes de croyances religieuses qui jettèrent le trouble, non-seulement en Afrique, mais même en Eu- rope. Les passions, les rivalités, les baines et le fana- tisme embrasèrent le pays à [)lusieurs reprises. Les populations aulbocloncs, prolilanl des dissensions intes- tines, cbercbèrent souvent à secouer le joug des romains. Tacfarinas, puis Firmus, semblables à ces cliérifs que nous avons vu surgir contre la domination IVanraise, parvinrent sans peine à soulever les populations remuan- tes de la Numidie, à toute époque faciles à exalter et d'une mobilité de caractère surprenante. Les Gélules déboucliant du sud, de leur côté, désolèrent frétjuemment le pays par leurs incursions. Après plusieurs siècles de domination, les llomains tombèrent dans un état de

155

dissolulion cl ilc décadence (iiii prccipila leur cliùle. Leur puissance cxpiranlc ne put résister aux Vandales, qu'ils firent intervenir dans leurs querelles. Boniface, rcgrellant d'avoir appelé d'aussi terribles auxiliaires, essaya d'arrêter leur marche, mais fut baltu dans une rencontre qui eut lieu non loin de l'Ampsaga.

Pendant la période de la domination vandale et de l'expédition greco-byzantinc, l'histoire de l'Afrique sep- tenlrionale ne mentionne aucun fait particulier se rappor- tant directement au sujet qui nous occupe.

150

III

INVASION ARABE

Quand les Arabes eurent envahi le nord de rAfri(|ue, une nouvelle division [tolitique fui adoptée et la contrée habitée aujourd'hui par les Oulad-Abd-en-Nour se trouva comprise dans rifrikia proprement dite, dont les limites s'étendaient depuis Bougie jusqu'à Tripoli.

Les ouvrages que nous avons pu consulter, et au besoin la tradition locale elle-même, nous permettent de consi- dérer la grande tribu berbère des Ketama comme celle qui aurait occupé ce pays depuis les temps les plus reculés. Ibn-Khaldoun nous donne, sur les Ketama et les Berbères en général, des renseignements tellement délaillés, que nous croyons devoir les reproduire textuellement (1).

« Les Ketama, dit-il, brave et puissante tribu berbère, sont regardés par les généalogistes de cette nation comme les enfants de Ketam ou Ktm, fils de Bernes.

« La souche des Ketama étendit ses ramifications sur le Maghreb et poussa des rejetons dans plusieurs parties de ce pays. Mais, après l'introduclion de l'islamisme, à la suite des bouleversements causés par l'apostasie des Ber- bères, celte tribu se trouva élablie dans les campagnes fertiles qui s'étendent à l'occident de Conslantine jusqu'à Bougie et au midi de Constanline jusqu'aux Aurès.

« Ce fut dans ce leiritoire que les Ketama dressaient

(I) Ibii-Khukioun, tradiielioiulo M. lo huroii <lo Slanc, iiilcrprcli' principal de l'armée tl'Africiiit".

157

leurs campemenls passagers et faisaienl paître leurs trou- peaux.

« Parmi les tribus kelamiennes établies dans les plaines, la plus importante est celle de Sedouikich. Depuis les temps les plus anciens, la tribu de Sedouikich a conservé le même nom. Elle habile les plaines de celte partie du territoire des Ketama, qui est silué entre Constanline et Bougie.

« Les Sedouikich se servent de chevaux pour montures, ils vivent sous la tenic et parcourent le pays avec des troupeaux composés de chameaux et de bœufs.

« A l'instar des Iribus arabes jouissant d'une certaine puissance, ils sont tantôt en paix, tantôt en guerre avec les empires voisins. Ils ne veulent pas être regardés comme ketamiens, ils désavouent même tous les rapports de parenté qui les attachent à cette race, croyant par éviter l'opprobre dont la tribu des Ketama se voit cou- verte, depuis 400 ans, à cause de son attachement aux doctrines des Chiites et de son hostihlé aux gouverne- ments qui succédèrent aux Falemiles. Aussi se donnent- ils, quelques fois, pour une branche des Soleïm, tribu arabe descendue de Moder.

« Quant aux écrivains grecs et latins, ils parlaient déjà du peuple de Kedamosioï (Ketamiens), habitant les plaines de la Nuraidie qui forme actuellement la province de Constanline.

« La religion de ce peuple, comme celle de toutes les nations étrangères de l'Orient et de l'Occident, était le paganisme. Pendant la domination romaine, les Berbères se résignèrent à professer la religion chrétienne et à se laisser diriger par leurs conquérants auxquels, du reste,

15S

ils payaient rimjiùl ?aiis (.lilliciillc. Hans les campagnes, situées en dehors de l'action des grandes villes, il y avait toujours dos «Jiarnisons imposantes, les Berbères, forts par leur nombre et leurs ressources, obéissaient à des rois, des cliefs, des princes et des émirs. Ils vivaient à l'abri d'insultes et loin des altcinles que la vengeance et la lyrannie des Romains et des Francs auraient pu leur l'aire subir.

« A l'époque rislamisme vint étendre sa domination sur les Berbères, ils étaient en possession de privilèges qu'ils venaient d'-'irracber aux Bomains.

« Sous le khalifat d'Olliman, en l'an 27 (047-8), les mu- sulmans, commandés par Abd-Allab-Ibn-Sad, cnvaliirent rifrikia, Djoreidjir (Grégoire), était alors roi des Francs établis en ce pays. Son autorité s'étendait depuis Tripoli jusqu'à Tanger. Pour résister aux Arabes, il rassembla tous les Francs et Boums qui se trouvaient dans les villes de rifrikia, ainsi que les populations berbères qui, avec leurs chefs, occupaient les campagnes de cette province.

« Avant réuni cent-vinçt mille combattants, il livra ba- taille aux vingt mille guerriers dont se composait l'armée musulmane. Cette rencontre amena la déroule des chrétiens.

« Les Berbères, dit Ibn-Va/id, aposlasiérent jusqu'à douze fois et chaque fois ils soutinrent une gueri'c contre les musulmans cl n'adoptèrent délinitivement l'islamisme que sous le gouvernement de Moura-lbn-Nacer. »

« Nous lisons également dans l'ouvrage de M. Carelle (Origine cl )iili/ralions de V AUirric) , la lurl)ulence de ce peuple (les Ketama), sa parliei|ialion constante aux trou- bles qui agitaient le Mat-hreb, liiir adhésion aux inquélcs

159

de risniaélisme, leurs mœurs qui répugnaient à la cons- cience des peuples avaient fini par appeler sur le nom des Ketama la réprobation et le mépris de tous les hommes.

c C'est pour cela que, vers le milieu du VI^ siècle de riiégire, il ne restait plus que quatre mille personnes comprises sous ce nom. »

De nos jours, en interrogeant attentivement la tradi- tion locale, on retrouve encore le souvenir des Ketama.

Dans la tribu des Oulad-Abd-en-Nour on parle des Senliailja, des Zenata, mais surtout des Ketama, tribus berbères qui dominèrent la contrée : on considère la fraction des Oulad-Klielouf comme les descendants directs des Ketama. Une famille, connue sous le nom de Oulad- el-Ketaimi, réside encore près de Dekri. Les Ketama^ disent-ils, élaient une population païenne, juive, puis chrétienne, qui habilait jadis le pays.

Comme au temps d'Ibn-Khaldoun, cette dénomination est encore une injure, une sorte d'opprobre pour ceux auxquels on l'applique.

Nous pouvons ajouter que l'épithèle de Ketami ou Klim est en grand usage à Constantine. C'est une expres- sion outrageante, synonime de proxinéte, sodomisé, homme avili, renégat, qui renferme en elle tout le voca- bulaire injurieux de la basse classe algérienne.

Du temps des Ketama, dit encore la tradition locale, le pays fut gouverné par des princes païens, dont voici les noms :

Mouch, Kebchich, Dahmich, Sedomhich, Bêcha, Bou- R'arda, Ganfaf, Kerbouch, Saàda, Taman, Negach, Zahak et Bergoug, ancêtre de la fraction des Oulad-Mehenna- ben-Bergoug, l'une des plus importantes de la tribu.

100

Signalons, en passant, le nom de la penplailc des Se- douiliich, mentionnée i)ar Ihn-Klialdoun.

Le même auteur ajoute :

« Parmi les noml)reuses lamifications (de la tribu de Sedouikicli), on com|)le les Silin, les Tarsoun, les Tor- gliian, les iMoulet, les Cascha, les Lemaï, les Bcni-Mcrouan, les Segdal, etc....»

La plupart de ces noms subsistent encore de nos jours. Nous retrouvons les Silin, Casclia ou Gueclia et Merouan dans le pays au nord des Oulad-Abd-en-Xour, dépendant actuellement du cbeikbat du Ferdjioua. C'est dans celte même contrée, au col de Fdoulès, à 40 kilomètres des Oulad-Abd-en-Nour, qu'existe l'inscription latine qui a tant préoccupe les arcbéologes algériens et sur laquelle nous avons lu :

1{ E X G E ]\ r I s A K > T A M A X O 11 \ M

Que l'on traduit par :

Roi de la nation des Uhiilamicns ou Kalamicns

La ville de Tazerout, assiégée et démantelée en l'an 280 (902) par Abou-el-Kliavval, envoyé contre le Melidi et les Kelama qui avaient embrassé ses doctrines, se trouvait aussi sur le territoire des Oulad-Abd-en-Nour.

Auprès des ruines de cette ville se voient, aujourd'hui, deux ou trois meciita ou villages, désignées encore sous le nom de Mccliata-Tazerout.

La tradition locale parle encore dec Hilaïlia arabes venus, disent-ils, du sud, pour s'emparer du pays. Ibn- Klialdoun dit à leur sujet : « la tribu des Ililal fut envoyée en Ifrikia par le khalife Kl-.Moslancer , en l'an Mi (lOiO-fjO). (les arabes ayant enlevé au peuple Senhadjien

ICI

loules ses villes, firent subir sans relâche à leurs nou- veaux sujets toute espèce de vexations et de tyrannie. Expulsés bientôt des grandes villes dont ils avaient pousse à bout les habitants par leur insolence et leur injustice, ces bandits allèrent s'emparer des campagnes et là, ils ont continué jusqu'à nos jours^ à opprimer les populations, à piller les voyageurs et à tourmenter le pays par leur esprit de rapine et de brigandage. Il mirent en ruine les villes de Tobna et d'EI-Mecila, dont ils avaient chassé les habitants, ils se jeltèrent sur les caravansérails, les villa- ges, les fermes et les villes, abattant tout à ras de lerrc et changeant ces lieux en une vaste solitude. De celte manière ils répandirent la désolation partout. i>

L'histoire locale disparaît maintenant au milieu des riva- lités des diverses dynasties et des guerres intestines qui pesèrent sur l'Afrique.

Ibn-Batouta, voyageur marocain, qui vint à Conslan- tine au XIV^ siècle, ne nous dit rien sur le pays qu'il traversa. Nous devons regretter celle absence de rensei- gnements, car lui, d'habitude si minutieux dans ses des- criptions, nous eut probablement fourni des détails très intéressants. Les ouvrages nous manquent pour faire des recherches plus complètes.

Une grande lacune existe entre cette époque et la venue de Sidi Mahammed-ben-Yahia, le grand mara- bout qui fait le sujet de la légende des Oulad-Abd-en-Nour. Ce dernier trouva le pays à peu près désert. Les familles puissantes de ce temps étaient les Romara et les Sekhara.

Qu'étaient ces individus ? Étaient-ce les descendants des arabes Ililaliens dont parle Ibn-Khaldoun ?

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162 IV

LÉGENDE SIJU l'oRIGINE DE LA TRIBU

Si Moliammod-Yaliia, ancêtre du marabout, qui d'après la tradition locale serait le fondateur ou le premier habitant de la tribu des Oulad-Abd-en-Nour, était origi- naire de Saguiat-cl-Ilanira (Maroc),

A une époque qu'il est de toute impossibilité de fixer et pour un motif dont la tradilion n'a conservé aucun souvenir, Si Moliammed-Yabia alla se fixer à Tougourt, il se maria. Il eut de nombreux enfants. Si Moham- med ne larda pas à donner des preuves de la mission divine dont il était investi et le bey de Tougourt, en signe de la vénération que lui inspirait un personnage si saint, lui fit tous les vendredis les honneurs du Teboul.

Si Yahia ramassa, dit-on, de grands biens, dont il consacra une |)artie à faire bâtir des mosquées. Un de ses enfants quittant la demeure paternelle vint plus tard se fixer au Djebel-Tazoulets.

Le seigneur du pays lui donna une de ses filles, qui le rendit père de plusieurs enfants, au nombre desquels est Si Mahammed-ben-Yahia, (jui fait le sujet de ces lé- gendes.

La chronique ne dit rien de particulier sur l'enfance de Si Mahammed; il grandit sous les yeux de sa mère jusqu'au moment ayant eu connaissance des actes de son père, il résolut de l'imiter et, comme lui, il quitta le toit natal sans but de voyage déterminé.

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Ses pérégrinations l'ayant amené près de Sidi Bel- Kacem-ben-IIamani, à Megaous, il résolut de s'y fixer pour quelque temps.

Pendant son séjour, il suivit assidûment les leçons du maître, en grand renom dans toute la contrée par son savoir et sa piété.

C'est à partir de cette époque que la vie de Si Maham- med commence à marquer. C'est aussi à partir de ce moment que la légende a conservé le souvenir de ses actions.

Les tolba, qui suivaient les leçons de Si Bel-Kacem, avaient la coutume d'aller porter à tour de rôle les grains au moulin. Si Maharamed qui s'acquittait de ce devoir à l'égal de ses condisciples, une fois arrivé au moulin s'en- dormait, laissant à la meule le soin de moudre seule et sans aide le grain destiné à la n'ourriture commune et, son sommeil achevé, il reprenait tranquillement le che- min de la Zaouïa.

Un jour un des tolba étant allé voir comment son ca- marade accomplissait sa lâche, fut grandement étonné de trouver le moulin tournant tout seul et Si Mahammed endormi tranquillement près d'un bon feu, qui s'entrete- nait sans le secours de personne. Il revint en grande hâte à la Zaouïa rapporter la nouvelle d'un lait si extraordi- naire.

Si Bel-Kacem, informé du prodige, accourut en vérifier l'exactitude ; il fut facilement convaincu et reveilla alors le dormeur, en lui disant : « un Cheikh ne travaille pas pour un Cheikh. » Il donna immédiatement l'ordre aux tolba de ne plus permettre, désormais, que Si Mahammed prit part à aucun de leurs travaux. A la suite de cet

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év»;nemonl, Si Maliammod pria Si riel-Kacem de lui per- mcllre de conlinuer le cours de ses voyages.

Au sortir de Mej,Mous, il se rendil chez les Bcni-R'oum- rian, en compagnie de deux tolba résolus d'unir leur destinée à la sienne.

En passant près d'un douar, ils aperçurent une lente de dimension plus grande que celles qui l'entouraient et qui, par ce seul fait, attira l'atlenlion des voyageurs. Le maître du lieu les reçut d'abord assez mal, mais, pendant leur sommeil, des signes certains lui ayant fait connaître à quels hôtes il avait affaire, il voulut à toute force ré- parer ses torts et insista si vivement prés d'eux, qu'ils consentirent à prolonger leur séjour d'une nuit.

Une ample diffa et les soins dont on les entoura, les dédommagèrent de l'accueil un peu froid qu'ils avaient reçu à leur arrivée. Le lendemain, le maître de la lente invita Si Mahammed-ben-Yahia à rester chez lui, le priant de se charger de l'instruction de ses enfants.

Cédant aux instances, il consentit à accéder à la de-, mande qui lui était faite et, dans la suite, il entra telle- ment dans les bonnes griices du R'ouinriani, qu'il finit par épouser une de ses filles, nommée Aïcha.

Après son mariage, il continua à habiter chez son beau-|)ére, mais au bout de quelque temps, il résolut de le quitter. Lorsqu'il fut question de son départ, il pria son beau-père de laisser sa femme l'accompagner, h con- dition, toutefois, (juo ce dernier verrait partir sa fille de son plein gré.

Celle faveur lui fut accordée de bonne grâce, son beau- père se montra même très généraux envers lui et voulut,

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à loule force, lui faire emmener un troupeau et le faire accompagner d'un fort bagage.

Si Mahammed refusa tout et ne voulut accepter qu'une fente, un bœuf et une mule, pour éviter à sa femme les fatigues du voyage. 11 fit ses adieux à son beau-père et partit avecc les tolba qui le suivaient depuis Megaous. Des Beni-R'oumrian, Si Mahammed se dirigea sur Marara, traversant le pays actuel des Oulad-Abd-en-Nour, alors dépourvu d'habitants et couvert en partie de vastes forêts. II établit son campement sur les bords de l'Oued-Tadje- nanl, près de l'endroit oîi se trouve, aujourd'hui encore, son tombeau.

Bien que la chronique ne puisse préciser l'époque à laquelle se passaient ces événements, on sait cependant qu'ils avaient lieu sous le gouvernement des Sekhara, douaoudia ou puissantes familles arabes, mais leur chute devait être proche, car Si Mahammed disait sans cesse : « Je suis Turc et non plus Arabe.» Signe certain, disent les chroniqueurs, que les gouvernants ne devaient pas tarder à être remplacés par de nouveaux conquérants.

H ajoutait aussi ces paroles :

« Le bâton des Turcs est une barre de fer, celui des « Sekhara est une simple tige de berouag (asphodèle). »

Sans chercher à examiner quels furent les moyens qu'il employa pour impressionner l'esprit des arabes qui vi- vaient de son temps, nous dirons, cependant, qu'il a laissé dans les imaginations de profondes traces et que sa haute réputation attira autour de lui de nombreux prosélytes.

Nous reviendrons sur ce sujet en faisant l'historique de la Zaouïa de Mamra. Si Mahammed-ben-Yahia laissa quatre fils.

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Le premier ne lartla pas à le suivre dans la tombe.

Un autre vécut et mourut à El-Mecliira, il est enterré.

Le troisième émigra à rOuc<l-Akbou, dans la Kabylie, son tombeau est près de la source cbaudc, dite llnmmam- Sidi-Yabia, sur les bords de l'Oued-bou-Sellam.

II maria une de ses filles à Zcroug, ce fidèle compa- gnon qui l'accompagnait depuis Mcgaous.

Au moment Si Mabammed-ben-Yabia venait de s'installer à Mamra, sur les bords de l'Oued-Tadjcnant, arrivèrent trois individus de l'ouest qui allaient faire le pèlerinage de la Mecque. La légende locale nous a con- servé le nom de ces trois hommes, dont les descendants ont peuplé une partie des Oulad-Abd-en-Nour.

Le premier se nommait Nour et était d'origine maro- caine.

Le deuxième, El-'Aïd, du Jurjura, et le troisième, Zougar'-el-IIaoufani, de la tribu kabyle des Bcni-Our'lis.

Nos trois voyageurs, ayant reconnu la sainteté et les vertus de Sidi Mahammed-ben-Yahia, résolurent de se fixer près de lui.

El-'Aïd abandonna ensuite Mamra pour s'établir avec sa nouvelle famille aux environs d'Aïn-el-Melouk, dans les Seraouat. Les Oulad-cl-Aïd, qui babitent actuellement celle région, descendent de lui.

Zougar'-el-IIaoufani alla s'installer à Bou-Merab, terri- toire actuel des Oulad-bou-IIaoufan.

(Juant à Nour, il continua à vivre à Mamra auprès du marabout qui, par reconnaissance, lui donna une de ses filles en mariage et l'institua, en quelque sorte, le chef de la famille.

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Nour se fit remarquer par son courage, sa justice et sa probité. Cette réputation attira auprès de lui d'autres individus qui, à dater de cette époque, furent connus sous le nom de :

« ABD-EN-NOUR » « les serviteurs ou les sujets de Nour. » (4)

Nour laissa deux fils : Abd-AUah et Ali, dont les des- cendants ont formé deux fractions de la tribu actuelle. De nombreux élrangers vinrent se fixer auprès de lui, formèrent soucbe dans le pays, et c'est ainsi que la popu- lation augmentant, de génération en génération, constitua la tribu actuelle des Oulad-Abd-en-Nour.

Voici une autre version plus romanesque sur l'élymo- logie du nom de cette tribu.

A l'époque des Djouhalia (des païens), le maître du pays se nommait Abd-en-Nar, le serviteur ou l'adorateur du feu. Ce prince, dont la capitale ét.iit Mechira, épousa Zana, souveraine de la contrée oi!i existent les ruines dites Enchir-Zana (2).

Après la conquête musulmane, Abd-en-Nar abjura ses anciennes erreurs, embrassa, ainsi que sa femme, la re- ligion de l'Islam et changea son nom en celui de Abd- en-Nour, serviteur de la lumière.

Quand une altercation a lieu entre tin homme des Oulad-Ab-en-Nour et un individu appartenant à une autre

(1) Abd est au singulier, on devrait dire Abad, serviteurs.

(2) Zana, l'antique Diana Veteranoruni.

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Uibii, celui-ci, pour insnller son adversaire, ne manque pas de lui dire : « Tit seras toujours pa'ien œmmc ton ancêtre qui adorait le feu. »

N'est-il pas permis de supposer (jue ce nom d'adora- teur (lu feu pourrait-être une réminiscence du culte de Jlitlira, religion des anciens peuples de l'Iran qui eiàt aussi des autels en Afrique ? Ci'est une simple hypothèse sur laquelle nous n'insisterons pas davantage.

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HISTORIQUE DEPUIS L ETABLISSEMENT DE LA DOMINATION TURQUE jusqu'à NOS JOURS

Les Turcs s'inlroduisirent à Constantine en l'an 1050 de l'hégire (1G4-0). Les populations de l'extérieur étaient alors entièrement indépendantes et livrées à elles-mêmes. Ce n'est que sept ans après que les tribus consentirent à faire acte de soumission , afin de rétablir la confiance et sortir de l'état de misère dans lequel les avait plongés l'anarchie (1).

Le manque de documents historiques contemporains et le silence de la tradition locale, m'obligent à franchir d'un trait des intervalles assez considérables. En faisant la monographie de laZaouïa de Mamra, nous raconterons l'invasion des Tunisiens en 1112 (1700), et les ravages qu'ils firent, à cette occasion, chez les Oulad-Abd-en- Nour. Lorsque les Tunisiens eurent été expulsés, les Turcs songèrent à amener le calme dans le pays et des cheiks, choisis dans les tribus mêmes, furent placés à la tête des populations.

Idir, premier cheikh investi chez les Oulad-Abd-en- Nour, administra la tribu pendant quelques années, mais son caractère violent, ses injustices et ses exactions, le rendirent odieux. On prit les armes pour le chasser et

(I) Essai d'Histoire de CoiistanUne, par Si Salah-el-Anteri.

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un sanglant combat fut livré |)rès de l'Oued-bou-R'ezal. Idir, soutenu par les Gràcha et les Oulad-'Aïd, fui battu, ]»erdit tous ses enfants, ainsi que plusieurs de ses parti- sants. Obligé de s'expatrier, il se réfugia à Conslantine pour y implorer la protection des Turcs. Mais à cette époque leur domination n'était point encore assise sur des bases solides, aussi ne purent-ils rien faire pour soutenir le cheikh qu'ils avaient investi. Ils se bornèrent à l'installer aux environs de Milah, en lui faisant espérer des temps plus heureux.

Le cheikh Idir habitait sa nouvelle résidence depuis (juelqucs mois, lorsqu'il eut à se défendre contre une troupe de cavaliers des Oulad-Abd-en-Nour, venus pour le massacrer et se venger ainsi des vexations qu'il leur avait fait souffrir. Idir, prévenu à temps, rassembla quel- ques hommes, repoussa les agresseurs et leur fit même éprouver des pertes sensibles. Après l'expulsion d'Idir, la tribu se déclara indépendante et se donna pour chef le nommé Bel-Kacem-ben-AIi, des Gràcha, homme d'une in- trépidité à toute épreuve. Ses brillantes qualités lui avaient fait de nombreux partisans ; dans quelques razias chez les Oulad-Sellam, il dirigea les cavaliers de sa tribu et les ramena avec un butin considérable. Les Turcs cherchèrent à se l'attacher en lui faisant de brillantes propositions, mais il resta toujours incorruptible et main- tint les Oulad-Abd-en-Nour dans cette voie d'indépen- dance.

Quand Bel-Kaccm allait combattre, il revêtait une cui- rasse et s'armait d'une lance; le fusil, disait-il, ne con- venait qu'aux enfants.

La jouissance de la fontaine d"El-Mcchira mit en pré-

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sence les guerriers des Oulad-Abd-en-Nour et des Te- lar'ma, leurs voisins. Ces derniers furent complètement battus.

A cette époque les Oulad-Abd-en-Nour allaient biverner périodiquement du côté du Hodna, à l'endroit nommé Djezar; en traversant un jour le territoire des Oulad-Saïd- ben-Selama^ ils furent attaqués à El-Beïda par tous les montagnards réunis, sous le prétexte qu'ils dévastaient leurs cultures. Cel-Kacem, arrêtant la marcbe des siens, repoussa vigoureusement les montagnards et, pour les punir de cette agression inattendue, fit manger toutes leurs récoltes par les troupeaux de sa tribu.

C'est aussi vers la même époque qu'éclata la guerre entre les Oulad-Abd-en-Nour et les Oulad-Soultan. Voici les causes qui provoquèrent les hostilités. Un homme des Oulad-Soultan vint chez les Ouhd-Abd-en-Nour et y vola une jument. Le propriétaire de la bêle suivit les traces du ravisseur jusque dans son pays et réclama, mais en vain, aux grandes familles des Oulad-Soullan, la restitu- tion de son bien.

Rentré dans son pays, il adressa ses plaintes à Bel- Kacem. Celui-ci se rendit lui-même auprès du cheikh du Bellezma, lui raconta l'affaire de la jument volée, exposa cet incident comme une insulte faite à la tribu et, en un mot, lui demanda son appui pour attaquer les Oulad- Soultan.

Au jour indiqué, les contingents alliés attaquèrent l'en- nemi, lui brûlèrent plusieurs villages et réussirent à s'emparer du voleur, à qui on trancha la tête.

Tous ces succès, dûs à l'énergie et aux bonnes dispo- sitions de Bel-Kacem, portèrent ombrage aux principales

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familles de la Iribu, excitèrent leur jalousie et pour ne plus subir son ascendant on résolut de s'en défaire. 11 fut, en elTet, massacré traîtreusement pendant la nuit. Quand la nouvelle de sa mort parvint à Constantine, les Turcs firent de nouvelles ouvertures aux Oulad-Abd-en- Nour pour les amener à se soumettre. Ces démarches n'oblijirenl aucun résultat.

Le bey Kelian-IIasseïn-bou-Kemia, qui gouvernait alors (1125-1713), se mit en campagne et atteignit les Oulad- Abd-en-Nour près de l'Oued-bou-Merouna ils s'étaient rassemblés. Après quatre jours d'escarmouches et d'atta- ques infructueuses, les Turcs battirent en retraite, aban- donnant leurs morts et leurs blessés. Le bey envoya des cadeaux aux principaux de la tribu , promit l'aman et l'oubli du passé; tout rentra dans l'ordre en effet et un cheikh fut investi.

Sous le gouvernement du bey Hassein-bou-Kemia, qui ne dura pas moins de 24 ans, le calme régna dans la majeure partie de la province. C'est pendant cette période de paix que le voyageur français Peyssonnel, puis l'anglais Shaw traversèrent le territoire des Oulad-Abd-en-Nour.

Vers l'année 1200 (1785), les Oulad-Abd-en-Nour se révoltent; dans la crainte d'être assaillis à l'improviste, ils abandonnent leurs plaines et vont dresser leurs cam- pements à Tcniel-Oum-el-lIaroug. Salah bey n'hésita pas à se mettre à leur poursuite et à les attaquer dans cette position. II n'obtint aucun résultat et dut rentrer à Cons- tantine. Quehiues mois après, cependant, les Oulad-Abd- en-Nour demandaient un cheikh à Salah bey et se mettaient entièrement à sa disposition.

Sous le bey Mustapha-el-Ouznadji en 1209 (l70-i), l'hu-

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meur vagabonde de celte Iribu se réveilla de nouveau, elle ne pouvait supporter longtemps les volontés d'un maître.

Les Oulad-Abd-en-Nour êmigrèrent auprès du cheikh du Bellezma, leur allié. El-Ouznadji attaqua les contin- gents réunis, et pendant sept jours on se battit de part et d'autre avec acharnement, sans obtenir de succès bien marqué. Les Oulad-Abd-en-Nour consentirent à re- cevoir des parlementaires, les deux partis finirent par s'entendre et l'investiture fut donnée à Tahar-ben-Bergoug de la fraction des Oulad-Mehenna. Cette nomination ne larda pas à faire des mécontents. Tahar fut massacré et la tribu se déclara de nouveau indépendante.

1212-1797.— El-Hadj-Muslapha-Ingliz bey, profitant de l'état misérable dans lequel se trouvait le pays, réduit à la dernière extrémité par suite de deux années de sé- cheresse, attaqua les Oulad-Abd-en-Nour au Djebel- Mestaoua. Il fut, à son tour, repoussé avec pertes.

1218-1803. Son successeur, Osman bey, fut plus heureux, il réussit à les surprendre dans la plaine, en- toura leurs douars et, afin de les maintenir, il leur enleva cinquante des principaux de la tribu qu'il emmena à Constanline comme otages. L'année suivante, lorsqu'il se rendit dans la vallée de l'Oued-el-Kébir à la poursuite du chérif El-Boudali qui, à la tête des populations de la kabylie orientale, avait essayé de s'emparer de Constan- line, les Oulad-Abd-en-Nour fournirent un contingent de 200 cavaliers qui marchèrent avec la colonne du bey.

Dans celte désastreuse expédition, Osman bey commit la grave imprudence de diviser ses troupes et de les en- gager ainsi dans un pays montagneux et excessivement

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(liiïicile. Le bey succomba et la majeure partie de son armée fut massacrée par les Kabyles. Nous ne répélerons pas les détails que nous avons écrits à ce sujet dans la lievue Africaine, nous dirons, cependant, que sur les 200 cavaliers Abd-en-Nour, 32 seulement revinrent dans leur tribu.

1221-1806. Sous Ilassein bey les Tunisiens étant venus faire le siège de Conslanline, envoyèrent un corps de troupe cliez les Oulad-Abd-en-Nour, afin d'y trouver des vivres pour la multitude qu'ils avaient traînée à leur suite. Ils dévaslcrent la vallée du Roumel et poussèrent jusqu'à Mamra étaient les silos de la tribu. Nous au- rons occasion de parler de cette razia quand nous ferons l'bistoriquc de la zaouia de Mamra.

Lorsque, un mois après, les troupes de secours arri- vèrent d'Alger pour débloquer Conslanlino, les Abd-en- Nour qui avaient à se venger du pillage de leurs silos, marcbcrcnt aussi contre les Tunisiens et contribuèrent pour leur part à les mettre en déroule.

Ils accompagnèrent encore Ilassein bey dans l'expédi- lion qu'il tenta sur Tunis. Nous ignorons le rôle qu'ils jouèrent sur les bords de l'Oued-Sirat, quand les deux armées en vinrent aux mains. Firenl-ils défection, comme tant d'autres, ou bien restèrent-ils fidèles à Hussein bey?

1226-1811. Sous Nàman bey, nous voyons encore une fois les Oulad-Abd-en-Nour en révolte, attaqués au Djebel-Meslaoua et repoussant les troupes du bey.

1229-1813. Tcbaker bey avait assisté à l'infructueuse expédition de son prédécesseur Nàman. Dès qu'il fut élevé au pouvoir, il organisa une nouvelle armée et marcha à son tour contre les lebclles.

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Les Oulad-Abil-en-Nour, campés sur la montagne de Mestaoua, résistèrent pendant trois jours. El-Bey-bou- Aziz fut présenté pour avoir l'investiture, Tchaker la lui donna en effet, mais l'ayant amené avec lui à Constan- line, ainsi que plusieurs grands de la tribu, il leur fit trancher la tête pour les punir de la résistance qu'ils lui avaient opposée.

Gtit acte de mauvaise foi indigna les tribus, qui arbo- rèrent aussitôt l'étendard de la révolte. Tchaker attaqua' les Oulad-Abd-en-Nour au Djebel-Akrad, mais il fut re- poussé et comme l'insurrection gagnait de tous côtés, il se vit obligé d'évacuer le pays et de rentrer à Cons- tantine.

A partir de cette époque, jusqu'à l'avènement d'El- Iladj-Ahmed bey, l'histoire locale n'a à enregistrer aucun événement important.

Les Oulad-Abd-en-Nour, dont l'insurrection était l'état normal, toujours prêts à se livrer au désordre et ne de- mandant qu'un prétexte, quel qu'il fut, pour le com- mettre, furent tantôt soumis aux beys, tantôt indépen-^ dants, selon leurs caprices. Chaque fois qu'un bey veut leur imposer son autorité, on les voit se retirer, à l'abri d'un coup de main, dans les montagnes des Oulad-bou- 'Aoun, leurs alliés, attendre les colonnes turques et, presque toujours, les repousser avec succès. La période de leur asservissement date d'El-IIadj-Ahmed bey. Celui- ci va les maintenir dans l'obéissance par la crainte qu'il leur inspire. Mais, avant d'arriver à ce résultat, il est obligé de les ruiner et de les menacer sans cesse d'en- vahir leur pays avec les nomades sahariens.

L'an 1241 de l'hégire (1825), El-Hadj -Ahmed, ancien

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klialilij, fui nommé au beylik de Conslanline. Sa position de famille lui donnait un immense ascendant sur les tri- bus de la province, il était koulougli, c'est-à-dire fils d'un turc et d'une femme arabe de la famille des Oulad- ben-Ganà, clieiklis des arabes sahariens. On le consi- dérait donc comme Arabe et sa domination était ac- ceptée par les populations avec plus de facilité. Il convo(|ua , à Conslanline, les principaux de toutes les tribus, les réunit à Djamà-el-Kebir, la grande mosquée, et là, en présence du cheikh El-Islam, il nomma des cheikhs et leur donna l'inveslilure. Les Oulad-Abd-en- Nour promirent, comn.e les autres, de rester lidéles et de maintenir l'ordre chez eux.

En rentrant dans leur pays, ces derniers parlèrent de la réception bienveillante que leur avait fait le bey, et montrèrent les cadeaux qu'ils en avaient reçu. Mais l'in- Iriguc et la jalousie allaient détruire le calme et le bon esprit qui s'annonçaient sous d'heureux présages. Ceux qui avaient espéré obtenir une position sous le nouveau gouvernement tournèrent en ridicule les nouveaux élus et enfin finirent par déclarer que, puisque le bey donnait aussi facilement l'investiture et des cadeaux, c'était parce qu'il voulait se faire bien venir des populations, qu'il avait peur sans doute des Oulad-Abd-cn-Nour, alors très puissants. Ceux (jui venaient de prêter serment de fidé- lité se laissant enlraîner par les conseils et les excitations des mécontents, détruisirent eux-mêmes les insignes du commandement qu'on leur avait donnés et entrèrent, sans coup férir, dans le parti qui se déclarait contre les Turcs.

Dès le lendemain, des groupes (\o maraudeurs inler-

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ceplaienl les roules et poussaient même l'audace jusqu'à aller aux portes de la ville dévaliser les habitants de Constantine. El-Hadj-Alimed occupé à bien asseoir sa domination, fit semblant de ne point s'apercevoir de ce manque de foi, attendant une occasion favorable pour en tirer une vengeance éclatante.

1830. Sur ces entrefaites, Hussein-Pacha, prévenu de la prochaine expédition que la France se disposait à diriger sur Alger, ordonna à El-Hadj-Ahmed bey d'accou- rir à son aide avec les contingents de la province. Ce dernier s'était déjà mis en route pour Alger, allant comme d'habitude y porter son denouche ou impôt triennal. Il se hàla de faire connaître aux tribus l'appel' qui lui était fait par le Pacha menacé.

Devant l'annonce de la guerre sainte toutes les haines particulières s'éteignirent, on ne songea plus qu'à aller combattre les chrétiens. Les Oulad-Abd-en-Nour s'em- pressèrent de fournir un contingent de 300 cavaliers, clïoisis parmi les plus braves et les mieux montés.

Nous allons laisser la parole aux vieillards de la tribu qui assistèrent à cette campagne :

Le contingent de la province de Constantine, recruté dans toutes les tribus, formait un effectif de trois mille chevaux environ. Arrivés auprès d'Alger, on nous fit camper sous le bordj El-Harrach et ce n'est que quelques jours après que nous aperçûmes devant la baie les pre- mières voiles de la flotte française.

Quand on apprit que le débarquement avait lieu sur la plage de Sidi-Ferruch, on nous dirigea, en toute hâte, dans cette direction.

Le débarquement s'était déjà efTeclué et nous vîmes le

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camp de l'armée ennemie établi sur la plage. Le lende- main, le bcy, qui s'était mis à notre tête, nous forma en masse et nous fit pousser une charge sur l'aile gauche des Français. Celle attaque de nos cavaliers obtint un excellent résultat, car nous parvînmes à pénétrer dans les retranchements des Français et à mettre le désordre dans leurs rangs. Notre manœuvre avait été tellement subite et bien combinée que l'ennemi, probablement étonné à la vue de cette multitude arrivant au galop et en poussant des cris, n'eut pas le temps de laire usage de ses armes à feu.

Ce premier succès ne fut pas de longue durée. On nous avait annoncé que nous jetterions les Français à la mer, mais aussitôt revenus de leur première surprise, ils prirent l'offensive et, à leur tour, nous chargèrent à la bayonncttc. Quelques-uns des nôtres furent même écharpés par les boulets tombant parmi nous. En un mol, on nous chassa, avec des pertes sensibles, du retran- chement dont nous avions cru nous rendre maîtres (1).

(1) Le récit des Oula<l-Abt!-cn-Nour est confirmé par le passage suivant, que nous avons lu dans un ouvrage publié tout récemment :

« Le 19 juin 1830, était le jour fixé par les Turcs pour la destruc- tion de l'armée!

a A la pointe du jour toute la ligne est attaquée en même temps, avec cette fureur que l'arniée d'Egypte avait admirée dans les Mameluks. L'ennemi se précipite vers la plage orientale, déborde la gauche, enve- loppe un bataillon du 28« qui venait de recevoir l'ordre de se porter en arrière et qui, formé en carré, repousse toutes ces attaques. Cepen- dant les retranchements sont francliis; le colonel Monnier est atteint de trois balles cpii s'arrêtent dans son hausse-col et ses habits; le bataillon a perdu cent trente liommos. La seconde ligne marche à son secours et le dégage, les Turcs sont rejetés dans leurs positions. »

Mémoire sur les opérations de l'armée Française sur les côtes d'Afrique en 1830, par un capitaine de l'Ktat-Major général de l'armée expédi- tionnaire.

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L'armée française, ayant avancé, s'empara de noire camp et nous perdîmes tous nos bagages.

Après cet échec, on nous fit -replier sur les hauteurs du côté d'Alger. Plus heureux que les contingents des autres provinces, dont les canons étaient tombés aux mains des Français, nous pûmes ramener les deux qui nous avaient été confiés.

On nous fil arrêter sur les hauteurs quelques nou- velles tentes et des provisions nous furent apportées d'Alger pour remplacer nos bagages perdus, comme nous l'avons dit, à la première attaque de l'ennemi. Mais nous étions destinés à ne pas jouir longtemps de notre nouveau matériel. Il nous fut enlevé une seconde fois par l'infanterie française (probablement dans le combat du 29 juin).

Ayant éprouvé celle nouvelle débâcle, le bey El-Hadj- Ahmed et l'agha du Pacha réunirent à part les cavaliers des Oulad-Abd-en-Nour et des Telar'ma, formant en tout un effectif de AOO à 450 hommes.

Ils nous ordonnèrent d'abandonner nos chevaux et de nous embusquer dans les fermes et les maisons de cam- pagne qui couronnaient les hauteurs en avant d'Alger. Là, nous disaient-ils, vous ferez des créneaux, et à l'abri de murailles il vous sera facile d'empêcher les troupes françaises d'avancer. Une mission de celte nature ne pou- vait nous convenir; depuis que les hoslilités étaient com- mencées, le bey nous avait toujours placés aux postes les plus périlleux; quelques-uns des nôtres avaient déjà été tués.

Nous avions donné jadis des motifs de mécontentement,

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par conséquenl le hey ilevait nous liaïr; nous en conclû- mes qu'en nous enfermant clans des maisons, il avait l'intention de se débarrasser de nous d'une manière plus certaine.

Ces suppositions, de notre part, passèrent à l'état de conviction, et pour éviter celle embûche, nous répondî- mes que nous avions l'habitude de combattre à cheval, que nous étions toujours prêts à marcher à l'ennemi, mais que nous ne consentirions jamais à nous enfermer dans des maisons.

Comme le bey el l'agha insistaient, nous montâmes à cheval pour nous éloigner. Cependant quelques-uns des nôtres firent observer qu'il était honteux d'abandonner ainsi le champ de bataille, le pacha et le bey ne nous le pardonneraient jamais. Cet avis trouva de nombreux adhérents et on s'arrêta dans la plaine au-delà du terrain oii existe aujourd'hui le champ de manœuvre de Mous- tapha.

Le bey el l'agha revinrent nous haranguer, et promirent de pardonniM* noire acte de désobéissance si nous con- sentions à marcher à l'ennemi. Notre persistance fut la même : refus complet de combattre à pied. Ils nous me- nacèrent alors de nous faire désarmer el massacrer en- suite par les cavaliers des autres provinces. L'agha, joignant l'action à la parole, fit mine de saisir ses pistolets. L'un des nôtres, moins patient ou plus entêté, lira sur l'agha, qu'il n'atteignit pas heureusement. D'autres coups de feu furent échangés entre nous et l'escorte de l'agha ; enfin, nous nous éloignâmes au galop pour sortir de la plaine d'Alger, avant que le pacha n'eut donné aux tribus environnantes l'ordre de nous barrer le passage.

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Nous n'étions qu'à unu laible ilislancc d'Alger quand une forte détonation nous fit tourner la tête : c'était le fort l'Empereur qui sautait ; les français étaient maîtres d'Alger. Nous traversâmes la vallée de l'Oued-Scbaou ; Si Ali-Cherif, apprenant noire approche, envoya à noire rencontre el nous donna l'hospitalité dans sa zaouïa de Chellata. Avec l'anaïa ou sauf-conduit de ce marabout, dont l'influence religieuse s'étendait dans toute la Kabylic, nous pûmes enfin regagner les plaines de Sélif el notre tribu.

La nouvelle de la prise d'Alger, par l'armée française, ne tarda pas à se répandre dans la province. Dès ce moment, toutes les tribus qui avaient eu à souffrir de la violence el du système spoliateur des turcs, commencè- rent à s'agiter ouvertement çt à déclarer qu'elles n'obéi- raient plus aux beys. Les Oulad-Abd-en-Nour, de môme que plusieurs aiulres grandes tribus, telles que les Segnia et les Haracta, se donnèrent un chef nommé Bev-el- Amma, le bey du peuple.

Cependant, El-Hadj- Ahmed, après avoir pris une part des plus actives à la défense du territoire algérien et assisté à la chute de son seigneur Hassein pacha, com- prit qu'il était grand temps, pour lui, de sauver son gouvernement.

Il rassembla tous les turcs qui voulurent le suivre, tous les algériens fanatiques qui fuyaient le contact des Fran- çais, et avec ce petit corps d'armée il reprit le chemin de Constantine. Ce n'est que par adresse, par astuce, en faisant des promesses impossibles à tenir, qu'il parvint à ramener à lui quelques chefs influents, qu'il se créa îTième des parlisanb parmi ceux qui avaient juré de le

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repousser s'il reparaissait dans la province. La puissante tribu des Bir'a de Sétif n'attendait qu'un signal pour monter à cheval et courir sur le bey. Les Eulma et les Amer-R'eraba étaient dans les mêmes dispositions. Ben- el-Guendouz, de la grande famille des Oulad-Mokran de la Medjana, était à la tôle du mouvement.

Le bey, prévenu de cette levée de boucliers, s'adressa à l'ennemi, au compétiteur de Ben-el-Gendouz. Il est rare de ne pas trouver chez les Arabes plusieurs individus dont les familles ont exercé à diverses époques, ou selon le caprice des gouvernants, le commandement dans la tribu.

EI-IIadj-Ahmed entra en relations avec le compétiteur de Ben-el-Guendouz, le détacha de la coalition en lui offrant l'investiture, et obtint môme de se faire livrer Ben- el-Guendouz, pieds et poings liés (1).

Dès ce moment le nouvel élu, Ben-Abd-es-Selam-el- Mokiani, réunit ses partisans, ses futures créatures, in- trigua en faveur du bey et, en un mol, lui prêta main- forte pour assurer sa marche vers Constantine.

El-Hadj-Alimcd bey, pendant sa roule, n'eut à repousser que quelques attaques partielles el atteignit Aïn-Kareb, chez les Oulad»-Abd-en-Nour, sans avoir éprouvé de résis- tance bien sérieuse. Le lendemain il couchait à Drû- Toubal, non loin du tombeau de Sidi Ahmed-el-Graïchi.

(I) Ces rivalilés de famille paraissent remonter très haut. Nous lisons dans le voyage de Desl'ontaines, en 1783 :

« Le pays se nomme Mejjenali (Medjana) el la nation Mokaïna

(Oulad-Mokran?) Le cheikh se nomme Bouremem : l'année dernière il était en guerre avec Alger et enlevait des bestiaux sur le territoire de Constantine. 11 faisait aussi la guerre à un autre cheikh, son parent, qui se nomme Bengendouss (Ben-el-Guendouz).

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Mais la famille et les gens de Ben-e!-Giiendouz l'avaient déjà devancé chez les Oulad-Abd-en-Nour.

Ben-el-Guendouz avait une fille d'une ravissante beauté, mariée à Salah-ben-Illès, kaïd des Amer-Reraba, qui courant de douar en douar, échevelée et la figure dé- voilée, contrairement aux usages arabes, réussit sans peine à exalter les populations pour délivrer son père.

El-Hadj-Alimed bey emmenait en eiïet Ben-cl-Guen- dûuz à Conslaniine; son bivouac était établi à Drâ-Toubal. Le lendemain, au point du jour, il était complètement entouré par plus de trois mille cavaliers des Oulad-Abd- en-Nour, des Telar'ma, des i\ir'a, des Amer et des Eulma. En cette circonstance, El-Hadj-Abmed prouva qu'il ne re- culait devant aucun obstacle et donna un exemple écla- tant de son adresse; je dirai même du talent qu'il possé- dait pour dominer les Arabes et les faire mouvoir selon ses vues. Cerné par un ennemi aussi nombreux qu'exalté, trop inférieur en forces pour résister, il recommanda à son monde, d'une manière très formelle, de n'engager aucune lutte, de se tenir immobile dans le camp. En même temps, il faisait avancer vers les agresseurs quel- ques adroits personnages, dont la parole éloquente et persuasive devait calmer les esprits, refroidir leur humeur belliqueuse, en un mol, gagner du temps. C'est qu'en effet El-Hadj-.\hmed s'attendait h chaque minute à être secouru. Prévenu des intentions hostiles des tribus dont il devait traverser le territoire, il avait, dès son arrivée dans la Medjana, envoyé plusieurs exprès à ses oncles et cousins, les Oulad-ben-Gana, pour qu'ils accourussent à sa rencontre avec leurs nomades. Le bey connaissait bien les Arabes et leur caraclère. Les masses s'exaltent avec

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une rapidilé el une fureur qui lieni ilu délire, mais aussi il n'est pas de peuple plus léger, plus inconstant dans ses passions. Avec le temps il se calme, il abandonne et oublie l'idée qui lui souriait au début, il redevient indiffé- rent, et retombe comme un enfant dans ce calme, celte insensibilité qui le caraclérise.

Les Oulad-Abd-cn-Nour déléguèrent l'un des leurs, Seddik-ben-el-Mokbenach, pour aller demander au bey la mise en liberté de Bon-el-Guendouz. On ignore ce qui se passa entre le bey et Seddik; mais on doit admettre que ce dernier se laissa gagner par le bey; la conduite qu'il tint, plus tard, le prouvera suffisamment.

Quoiqu'il en soit, Seddik revenant auprès des siens, leur fit connaître que le bey consentait à relàcber Ben- el-Guendouz, à condition que lui, Seddik, donnerait ses deux frères en otage. Cet arrangement parut convenir aux assaillants; Seddik s'éloigna, en effet, sous le pré- texte d'aller chercheu ses frères, alors aux >'ebakh, et se fit accompagner par beaucoup de ses compagnons venus pour faire le coup de feu.

Une sorte de suspension d'armes s'établit tacitement de part et d'autre. Enfin, à la tombée de la nuit, la ma- jeure partie des Oulad-Abd-en-Nour et de leurs alliés, venus sans provisions, s'éloignèrent peu à peu el par groupes, afin d'aller passer la nuit dans les douars en- vironnants. En raison de la dislance à parcourir, Seddik et ses frères ne pouvaient reparaître que le lendemain dans la journée.

Dés qu'El-IIadj-Alimed bey ajjercut la campagne libre, il se remit en marcbe, sans bruit, afin de ne pas éveiller l'attention do l'ennemi rpii, à ];\ première alerte, pouvait accoui'ir à Inuir bride.

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Cependant j au point du jour, les goums alliés étaient de nouveau sur pied, mais grande fut leur surprise, en arrivant à Drâ-Toubal, de ne plus y revoir le camp du bey. Ils trouvèrent seulement sur l^emplacement de ce camp une fosse fraîchement comblée, et dans cette fosse le cadavre de Ben-el-Gendouz, étranglé depuis quelques heures à peine.

Tous les contingents, mystifiés et exaspérés, se mirent aussitôt à la poursuite du bey et Falteignirent auprès des Oulad-'Aïd, sur la crête de Kaf-Tazerout. Le bey fit arrê- ter sa colonne, se fortifia derrière ses bagages, dont il forma une sorte d'enceinte autour de son monde. 11 est probable qu'il eut succombé si le secours attendu n'était arrivé à temps ; l'histoire des beys de Conslantine aurait eu à enregistrer un désastre dans le genre de celui de Osman ^ey_, dans la Kabylie orientale. El-Hadj-Ahmed en parlait souvent, lorsqu'à ses familiers il racontait, plus lard, les diverses phases de son existence. Le secours arriva au moment réduit à la dernière extrémité, il était sur le point de succomber sous les coups d'un ennemi irrité. Les Oulad-ben-Gana et les Sahariens pri- rent aussitôt l'otFensive et dégagèrent le bey, après avoir même coupé plusieurs tôles aux contingents des tribus coalisées.

Les difficultés qu'éprouva encore El-Hadj-Ahmed pour pénétrer dans Constantine, la garnison turque s'était donné un nouveau bey, npjïartiennent à l'histoire, pro- prement dite, de celte ville. Nous n'en parlerons donc pas dans notre récit.

Dès qu'il vit sa fortune prendre une tournure favora- ble, qu'il se fut débarrassé, en la décimant, de la milice

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turque dont il redoutait les caprices, il songea à rompre la ligue qui s'était formée à l'extérieur- Diviser pour ré- gner, telle était la politique d'El-Hadj-Alimed. Il suscitait des rivalités et des querelles entre les tribus, et les armait les unes contre les autres afin de les affaiblir par elles- mêmes. Les Oulad-Abd-en-Nour furent les premiers aux- quels il songea et dont il résolut la perte. Celte tribu était trop puissante, avait trop d'alliés pour songer à l'attaquer ouvertement. 11 s'entendit secrètement avec son cousin Mohammcd-bel-Iladj-ben-Gana, clieikb El-.\rab, et avec les principaux des Oulad-bou-'Aoun, qui jurèrent d'abandonner les Oulad-Abd-en-Nour, leurs alliés depuis des siècles. Il leur adjoignit ses Zemoul (I) afin de leur prêter main-forte dans cette circonstance décisive.

Nous devons ici mentionner un fait dont les consé- quences eurent une très grande influence sur les desti- nées des Oulad-Abd-en-Nour. De temps immémorial celte tribu était ralliée des Oulad-bou-'Aoun, population chaouia nombreuse et puissante qui, protégée par la na- ture même du pays montagneux qu'elle babitc, fut tou- jours à l'abri des invasions étrangères. Les Oulad-Abd- en-Nour, dont les vastes plaines les mettaient à la merci d'un ennemi pouvant les attaquer à l'improvisle, avaient souvent recours aux Oulad-bou-'Aoun, au milieu desquels ils se réfugiaient dès qu'ils se croyaient menacés. Ainsi que nous l'avons vu déjà, c'est grâce à ces mesures de prudence qu'ils parvinrent toujours à se soustraire à la domination des bcys et même à les repousser avec avan- tage, quand ils essayèrent de les forcer dans leur retraite.

(1) Tribu Maghïen au service du bey dont le Jerritoirp f st situé •ntre Constantinp et Batna.

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El-Hadj-Ahmed bey comprit admirablement la situa- tion; il ne pouvait réduire les Oulad-Abd-en-Nour qu'en les isolant dans leur pays; c'est ce qu'il obtint par sa politique.

Au printemps 1831, Mohammed-bel-Hadj arrivait avec ses nomades sur les bords de l'Oued-bou-R'ezal pour y camper pendant les chaleurs. il rassembla secrètement les Oulad-bou-'Aoun et les Zemoul. Il dissimulait toute intention hostile, mais sa présence seule avec des forces si considérables devait éveiller l'attention des Oulad-Abd- en-Nour.

Au bout de quelques jours Mohammed-bel-Hadj écrivit aux principaux des Oulad-Abd-en-Nour, leur disant que. celte situation ne pouvait durer plus longtemps, que dans l'intérêt commun il convenait de faire la paix, de vivre en bonne intelligence, en un mot, de renouer des rela- tions aussi utiles aux uns qu'aux autres. Il invitait donc les Oulad-Abd-en-Nour et leurs amis les Telar'ma à venir les trouver auprès d'Aïn-Soultan et de dresser leurs tentes à côté des siennes.

Au jour indiqué les goums sahariens se mettaient en mouvement, mais chaque cavalier portait en croupe un fantassin, et ils allaient s'embusquer derrière un pli de terrain auprès d^Aïn-Soultan. Mohammed-bel-Hadj espé- rait que les Oulad-Abd-en-Nour et les Telar'ma croiraient à sa parole et arriveraient en masse au lieu indiqué. Son plan était de tomber sur tout ce monde, dans ce moment de confusion les animaux sont déchargés et qui précède le dressage du campement.

Les Oulad-Abd-en-Nour et les Telar'ma arrivèrent au rendez-vous, mais par mesure de précaution, les cavaliers

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seuls se présenlaicnl pour juger le degré de confiance qu'ils devaient accorder aux paroles du cousin du bey.

Moliammcd-bel-Iladj et les principaux des Oulad-bou- 'Aoun dont ils ignorf^icnl la trahison, se portèrent seuls à leur rencontre, leur reprochèrent leur méfiance, et les invitèrent à venir se reposer à la fontaine d'Aïn-Soultan.

On met pied à terre de part et d'autre. La conférence avait pris une tournure pacifique, quand un ordre mal compris fit avorter toutes les mesures ourdies pour le guei-à-pens. Les contingents embusqués se montrent trop tôt. Les fantassins des Oulad-bou-'Aoun, par un mouvement tournant qui s'était fait en silence, cherchent à couper la retraite aux Abd-cn-Nour et aux Telar'ma. Une affreuse confusion se produit, on monte à cheval en toute hàtc, mais néanmoins deux cents individus, tant morts que vivants restaient entre les mains de Mohammed- bel-IIadj qui, le lendemain, envoyait plusieurs fellis pleins de têtes à El-Hadj-Ahmed bey. Toutes ces tètes restèrent plusieurs jours exposées sur les murs de Bab-el-Oued h Conslantine.

Cette infâme trahison souleva tout le pays. Les alliés des Oulad-Abd-en-Nour, tels que les Oulad-Sahnoun, Eulraa,Rir'a et Amer, accoururent pour aider leurs amis à en tirer vengeance. Ils se mirent à la poursuite des Sahariens qu'ils chassèrent des Scbakh, après leur avoir enlevé quelques troupeaux; puis ils allèrent, tous en- semble, s'établir en Zmala au[)rés de Zana, pour sur- veiller les mouvements de Mohammed-bel-lladj.

Celui-ci s'était retiré dans la plaine d'El-Madèr. Les contingents réunis l'attaquent encore dans ce nouveau campement, lui font éprouver do nouvelles pertes et

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l'obligent à s'éloigner définilivement vers In sud. Débar- rassés ainsi de l'ennemi commun, les Iribus alliées se séparèrent pour rentrer cliacunc dans son pays.

Quelques mois plus tard, les Oulad-Abd-en-Nour et les Telar'ma ayant pris leurs quartiers d'hiver aux environs de Mechira, apprirent que les Sahariens s'avançaient de nouveau. Ils ne purent, à l'arrivée de cette nouvelle, se défendre d'un sentiment de crainte. On délibéra sur le parti qu'il fallait prendre, les avis furent partagés. La majeure partie des Oulad-Abd-en-Nour, ne se sentant pas assez forts, voulait se retirer vers les Rir'a de Sétif. D'au- tres demandaient le combat. Celte divergence d'opinion détruisit toute entente et l'on finit par lever le camp pendant la nuit et se séparer.

Le cheikh des Oulad-Abd-en-Nour, El-Eulmi-Châraouï, ne voulut pas abandonner ses amis les Telar'ma, qui per- sistaient à rester à El-Mechira. Dés que l'armée du bey, les contingents arabes et les Oulad-ben-Gana apprirent que les Oulad-Abd-en-Nour avaient décampé, laissant les Telar'ma réduits à leurs propres forces, ils en conçurent un heureux présage et se promettant la victoire ils mar- chèrent droit sur eux.

Ei-Eulmi-Châraouï voyant ce mouvement, sentit de son côté que les Telar'ma allaient être vaincus; il ne com- muniqua ses craintes à personne, mais présenta comme nécessaire de faire éloigner rapidement les femmes, les enfants et les troupeaux du côté de Mordj-Hariz, étaient quelques douars des Oulad-Abd-en-Nour. On se tint à cheval au col de Mechira pour proléger cette re- traite.

L'armée du bey était, nous l'avons dit, très considé-

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rable. En têle, au premier rang, il avait placé une lon- gue ligne de dromadaires. Un grand nombre de fantas- sins, Saga du sud, marchaient au milieu des chameaux, s'avançaient de temps en temps pour faire le coup de feu et se retiraient ensuite à l'abri de ce retranchement mouvant.

Les goums sahariens et l'armée du bey marchaient en arrière, attendant le moment favorable pour charger. El- Eulmi-Chàraouï et les Telar'ma ne pouvaient résister à ce flot qui s'avançait rapidement, semblable à un oura- gan qui renverse tout sûr son passage. Ils furent obligés de baltre en retraite en traversant la plaine de Kelella. Enfin, arrivés au col de Mergueb-et-Tir, El-Eulmi s'aper- çoit que ses gens sont prcis à se débander. Il les rassem- ble alors, leur montre vers le nord les femmes et les enfants fuyant vers Mordj-IIariz, et du côlé de Kelella l'armée du bey qui avance toujours.

Œ C'est aujourd'hui, dit-il, qu'il faut mourir, on ne me reprochera pas d'avoir abandonné les Telar'ma nos alliés. »

Ses sept fils sont près de lui, il fond à leur tète au milieu des conlingenls ennemis. Pressés par le nombre, El-Eulmi et ses sept fils, tous issus du même lit, tombent percés de coups.

Cet exemple de bravoure et de dévouement stimula le courage des Telar'ma, mais il était impossible de résister; ils durent baltre en retraite.

Vers neuf heures du malin, ceux qui s'étaient réfugiés vers Mordj-IIariz étaient entourés et tombaient entre les mains du bey, qui livra tout au pillage et encouragea les cruautés les plus atroces.

Les goums sahariens enivrés par ce succès et par des

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excès de tout genre, n'en conlinuèrenl pas moins la pour- suite des défenseurs qui avaient été assez heureux pour s'échapper. Cette lutte de cavaliers, courant les uns après les autres dans de vastes plaines, devait produire un spectacle saisissant. Un premier retour ofTensif eut lieu au pied du Djebel-Tenoutit; les nomades perdirent à leur tour une dizaine de cavaliers. Le lendemain malin, s'étant rassemblés de nouveau, ils se remirent à la poursuite des douars des Oulad-Abd-en-Nour, qui à la nouvelle de l'invasion , décampaient au plus vite et fuyaient vers l'ouest chez Salah-ben-Illès.

Les Rir'a, les Amer et les Eulma accourant à la hâte pour protéger la retraite des fugitifs, se joignirent aux Oulad-Abd-en-Nour et attendirent les sahariens dans la plaine au pied du Djebel-Braham.

Les sahariens, dont les chevaux étaient épuisés par cetle chasse à l'homme qui durait depuis deux jours, ne purent soutenir le choc et perdirent un nombre consi- dérable des leurs qui furent, par représailles, massacrés sans pitié.

Les Oulad-Abd-en-Nour et les Telar'ma restèrent quel- que temps auprès de Salah-ben-Illés et de Ben-Henni. Ces chefs dont l'influence, due à leur valeur, s'étendait très loin, firent accueillir avec soin les fugitifs. Pendant quelque temps les plaines des Oulad-Abd-en-Nour restè- rent désertes.

C'est à celte époque que Brahim bey vint ofl'rir aux vaincus de les relever de leur défaite et de les opposer avec succès aux troupes d'El-Hadj-Ahmed bey.

Brahim-el-Gritli, ancien bey de Constanline, destitué par Hussein Pacha, arrivait de Médéah précédé par des

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leltres répandues dans toute la contrée, annonçant qu(3 les Français avaient débarqué à Donc el qu'ils l'avaient nommé bey de Conslantine.

Braliim bey descendit chez Salali-ben-Illés, à qui il promit le poste de kbalifa s'il l'aidait à détrôner El-IIadj- Ahmed et à se substituer à lui.

Tous ceux qui avaient à se plaindre des injustices d'El- lladj-Abmed vinrent se ranger autour du prétendant. On remarquait parmi eux Si Magoura-bcn-'Achour, ancien <)heildi du Ferjioua, destitué par le bey.

Le quartier-général des coalisés s'établit à Aïn-Kareb, chez les Oulad-Abd-en-Nour.

EI-IIadj-Ahmed bey, prévenu de cette levée de bou- cliers, fit partir immédiatement son bach-serradj avec mission d'observer les mouvements de l'ennemi. Le bach- serradj rassembla les cavaliers des Serraouïa, les Oulad- Kebab et les gens de rOued-bou-Sclah, et s'approcha du camp de Braliim bey. Ben-IIenni, à la tête des Rir'a et des Oulad-Abd-en-Nour, se porta immédiatement à sa rencontre, l'attaqua et le mit en déroule, après lui avoir enlevé un assez grand nombre de chevaux.

Braliim bey fut rejoint par Ferliat-ben-Saïd des Oulad- bou-AkUaz du Sahara, qui avait été cheikh El-Arab jus- qu'à l'avènement d'EI-IIadj-Alimed.

Ferliat-ben-Saïd amenait avec lui les arabes Cheraga el une partie des Oulad-Sahnoun du Ilodna.

Au moment ou Brahim bey et Ferhat-ben-Saïd allaient marcher sur Constantinc, le cheikii El-arab Mohammed- bel-Hadj était à Oum-el-Asnab, sur la route de Constan- line au Sahara. Moliammcd-bci-Haddj écrivit au bey de venir le rejoindre.

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Brahini et Ferhat-ben-Saïd^ avec tout leur monde, se portèrent un peu au sud de Mechira, à l'endroit nommé Biar-el-Djeded. El-Hadj-Ahmed bey et Mohammed-bel- Hadj étaient installés eux-mêmes non loin de là. On atten- dit au lendemain pour livrer le combat. Mohammed-bel- Hadj sut tirer parti de la nuit. Saci-el-Bar'la était un des Oulad-Sabuoun les plus influents, il fut gagné, reçut de l'argent qu'il distribua adroitement aux principaux de la tribu et revint au matin assurer Mobammed-bel-Hadj que les Ouîad-Sahnoun ne se battraient pas (1).

En effet, le lendemain quand l'affaire élait bien enga- gée, le goum des Oulad-Sabnoun au lieu de venir se ranger avec celui des Cheraga, fondit tout-à-coup sur la zmala de Brahim bey. A cette vue les Cheraga, les Abd- en-Nour et les Telar'ma tournent bride pour sauver leurs tentes. Ce fut une épouvantable déroute qui porta un coup mortel aux tribus rebelles.

Brahim bey et son allié Ben-Illès s'éloignèrent rapide- ment vers l'ouest, emmenant à leur suite les Telar'ma et les Oulad-Abd-en-Nour.

Quant à El-Hadj-Ahmed bey, heureux d'avoir rompu la ligue et chassé son compétiteur, il rentra à Constan- tine et s'y reposa pendant quelques mois.

Il rassembla ensuite un corps d'armée considérable et se mit à parcourir sa province pour rétablir le calme et percevoir les impôts.

En arrivant sur les bords de l'Oued-bou-R'ezal, il fit venir Seddik-el-Mokhenach, dont nous avons eu déjà occa- sion de parler, lui donna l'investiture du cheikkat des

(1) C. s. Histoire inédite,

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Oulatl-Ab(l-en-Noiir, lui prescrivant en même temps de rassembler toute la tribu.

Le bey promettait l'aman cl l'oubli du passé s'ils ve- naient immédialemenl dresser leurs lentes auprès de la zmala. Confiants dans ces promesses, les Oulad-Abd-en- Nour, depuis quelque temps dispersés et misérables, lassés par la suite des maux qu'ils avaient éprouvés, n'eurent d'autre parti à prendre que celui de la soumis- sion et accoururent de toute part. Dès qu'ils furent réunis, El-Hadj-Ahmed convoqua vingt individus renom- més par leur bravoure el leur influence. Il les fil lier et conduire aussitôt à Constantine, on les mit en prison.

(Juand les Oulad-Abd-en-Nour reconnurent la trahison de Seddik et les intentions perfides du bey, ils prirent la fuite pendant la nuit, et de nouveau se réfugièrent chez leurs alliés de l'ouest. Leur territoire devint désert encore une fois ; c'était une vaste solitude, on ne voyait . plus ni habitants, ni tentes, ni troupeaux au milieu de ces immenses plaines naguère cultivées et si animées.

A celte époque les Oulad-Abd-en-Nbur et les Telar'ma, auxquels se joignirent les Rir'a, écrivirent au gouverneur des possessions françaises à Alger, offrant leur soumission si on leur donnait les moyens de se soustraire à la tyran- nie d'El-Hadj-Ahmed bey. La demande resta sans réponse, on ne pouvait alors s'occuper de leurs affaires.

Seddik-el-Mokhenach , craignant d'être égorgé par les siens, continuait à vivre auprès du bey; mais celui-ci voyant qu'il n'avait aucune influence, qu'il ne pouvait lui être d'aucune utilité, lui donna l'ordre de s'éloigner. Les Oulad-Abd-cn-Nour ne lui avaient point pardonné sa double trahison ^l leur haine s'était accrue encore davan-

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lage depuis que le hey, désespérant de les soumettre, avait fait trancher la tête à six des prisonniers qu'il con- servait en otage à Constanline. Seddik^ abandonné à lui- même, fut attaqué par les Oulad-Abd-en-Nour, ses deux frères tués, ses femmes et ses tentes enlevées, mais il fut assez heureux pour échapper à leurs coups en fuyant à toute bride vers le pays des Oulad-Sellam, chez lesquels il habita jusqu'à la prise de Conslantine par l'armée française.

El-IIadj-Ahmed bey donna un kaïd aux Oulad-Abd-en- Nour qui, complètement ruinés et errants en tous lieux, consentirent à revenir dans leur tribu.

Pour quelque temps le pays jouit d'un peu de tran- quillité, quoique parfois le bey fit enlever et égorger sans pitié ceux qui lui portaient ombrage.

En 1836 les tribus de la province furent convoquées par le bey pour repousser l'armée française marchant sur Constantine. Les Oulad-Abd-en-Nour fournirent leur con- tingent et quelques-uns de leurs meilleurs cavaliers trou- vèrent la mort sur le plateau de Sidi-Mabrouk, en abor- dant l'arrière-garde du commandant Changarnier.

Les contingents suivirent l'armée française jusqu'à Sidi-Tamtam, et ayant éprouvé de nouvelles pertes au moment d'un retour offensif de la cavalerie française, ils abandonnèrent la poursuite et rentrèrent dans leur pays.

1837. L'année suivante, quand nos troupes repa- rurent devant Conslantine, les Oulad-Abd-en-Nour cam- pèrent auprès du bey au-dessus de l'Oued-Roumel et à Aïn-Hadj-Baba (1), prêts à être lancés sur les Français,

(1) Aïn-el-Hadj-Baba est au-dessous de l'ancien télégraphe aériçn la ligne de Sétif, au-delà du polygone.

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si la forliine leurélanl contraire les obligeait de nouveau à battre en retraite.

Quand Conslanline tomba entre nos mains, ils rentrè- rent immêdialoment dans leur tribu, sans se préoccuper du bey, ni des services qu'il pouvait encore leur réclamer.

1838. Au lieu de suivre l'exemple de leurs voisins, ils tardèrent à demander l'aman; se fiant un peu trop sur leur éloigncmcnt et sur leur nombre, ils croyaient n'avoir rien à craindre de nos troupes et ne voulaient pas renoncer si tôt à un état de choses dont ils avaient tous les bénéfices, à cause de leur supériorité sur les tribus voisines. Mais malgré leur confiance et leurs pré- cautions, ils éprouvèrent une razia qui les força à l'obéis- sance. Ils avaient attaqué les Oulad-Kebab, leurs voisins, qui avaient déjà fait acte de soumission à l'autorité fran- çaise. Le général leur envoya l'ordre de rendre le bétail pris aux Oulad-Kebab ; ils s'y refusèrent. Cette infraction fut punie très-sévèrement. En effet, le 27 fé- vrier 1838 une petite colonne française surprit au point du jour les douars de la zaouïa Ben-Yahia et Ben-Zeroug, Oulad-ldir et Oulad-Cheliali, dont les tentes étaient dres- sées au pied du Djcbcl-Grous, près d'Aïn-Melouk. On tua une vingtaine d'hommes aux robellos cl on leur prit une partie de leurs troupeaux.

1839. Vers 1830 la fraction de Mekhencha se laissa influencer par les conseils pernicieux de Seddik-ben-el- Mokhcnach, dont nous avons eu plusieurs fois l'occasion de parler. Seddik était à la tête d'un parti qui faisait une opposition acharnée au kaid investi par 'nous : il espérait se faire nommer à sa place. Nos troupes attaquèrent les

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Mekheiicba à Aïn-Kareb, s'emparèrent de Seddik et intli- gèrcnt une rude punition ù tous ses partisans (1).

1840. En 1840, El-IIadj-iMustapha , frère de l'émir Abd-el-Kader, parut à l'ouest de la province. Toutes les tribus de la subdivision de Sétif et même les Oulad-Abd- cn-Nour lui envoyèrent des contingents. Les insurgés s'établirent à Aïn-Mederga, à quatre lieues à l'ouest de Sétif et firent tous les jours des démonstrations sur le camp ou sur la route de Djemila.

El-Hadj-Muslaplia était parvenu à former un rassem- blement de 6,000 chevaux -et de 1,200 fantassins, dont COO réguliers. Les communicalions avec Constantinc furent interrompues. Des troupes de renfort furent alors envoyées à Sétif et aussitôt le commandant de la subdi- vision se mit en roule pour allaquer le camp d'El-Hadj- Muslapha à Mederga. On vint lui annoncer, en parlant, que les 80 cavaliers soldés du kaïd Ben-Ouani, sur lesquels il avait compté, avaient déserté pendant la nuit. Il conti- nua son mouvement et une heure après la petite colonne qu'il conduisait eut un combat sérieux et brillant pour toutes les armes. Entouré de tous côtés par environ G, 000 cavaliers, il se dirigea sur Mederga. A la première nouvelle de notre mouvement, le camp ennemi était entré dans les montagnes sous l'escorte d'un bataillon régulier. Cette retraite devait être appuyée par 4 ou 500 Kabyles qui, ayant reçu l'ordre de se tenir en arrière, se trou- vaient encore sur l'emplacement du camp. Ils furent

(1) Plus lard, Seddik-ol-Moklionacli , dont il a élé quoslion souvent, chercha à fomenter de nouvelles intrigues. Traduit devant un conseil de guerre, il fui envoyé à Toulon, il passa quelques années. 11 vit encore, mais dans l'obsctnité la plus complète.

198

aperçus à Icmps et chargés vigoureusement par quatre escadrons de chasseurs. Un drapeau fut pris et 150 cada- vres furent comptés sur le terrain de la charge ; les troupes rentrèrent le soir même à Sétif.

Celte attaque suflit pour dissiper le rassemblement et les Oulad-Abd-en-Nour, comme les autres tribus, rentrè- rent également sur leur territoire.

Dans le courant de la même année, la fraction des Oulad-Assas des Oulad-Abd-en-Nour, dévasta les cultures des Eulma. Une petite colonne, sortie de Sétif, réprima facilement les coupables.

El-IIadj-Ahmed, ex-bey de Gonslantine, puis le chérif Moulay-Mohammed, cherchèrent à fomenter des intrigues pour entraîner les Oulad-Abd-en-Nour dans une insurrec- tion générale. Mais leurs menées n'obtinrent aucun ré- sultat ; la tribu continua à rester calme.

Au mois de mai 1844-, une colonne dut opérer chez les Oulad-Soultan, l'ex-bey El-Hadj-Ahmed s'était re- tiré. En cette occasion, les Oulad-Abd-^-Nour nous ren- dirent d'assez bons services avec leurs goums et en four- nissant des mulets de transport pour nos convois.

Depuis lors, ils n'ont plus donné de motifs de mécon- tentement. La tribu des Oulad-Abd-en-Nour a toujours été soumise à l'autorité française et a obéi constamment aux kaïds que nous avons placés à sa tête.

Ces kaïds, que nous allons nommer par ordre chro- nologique, sont :

El-IIadj-ben-Zekri ; Mohammed-bou-Aziz-ben-Ganà; Ahmed-bcl-IIadj-ben-Illès ; Salah-ben-ba-Ahmcd ; Touami-ben-Taïeb; Si Ismaïl-ben-Ali ; Mokhtar-ben- Deïkha ; —Si Mngoura-ben-Achour ; Bou-Ras-ben-Scddik.

199

Vf

DIVISION POLITIQUE DE LA TRIDU

Fractions, Azcls, Aguedal-el-beylik, Colonisation.

Lorsque, à de rares intervalles, la tribu des Oulad- Abd-en-Nour consentil à se soumettre à la domination turque, les trente fractions qui la composaient furent réparties en trois cheikhats :

Cheikhat des R'eraba (de l'ouest).

1 fraction des Oulad-Oum-el-Hana;

2 Oulad-el-Hadj-ben-Ali;

3 Oulad-Rabah;

4 Oulad-Mehenna-ben-Kebab ;

5 Oulad-bel-Haoucliat ;

6 Oulad-Zaïm;

7 ^ Oulad-Atsman;

8 Oulad-Mahammed ou Mouça;

9 Mekliencha.

Cheikhat des Oussata (du centre).

i fraction des Oulad-el-Haïf;

2 Oulad-Ahmed;

3 Oulad-el-Arbi; ^i Oulad-Si-Ali ;

5 Oulad-Acliacli;

200

G fraction des Oulad-Ahmed-ben-Amer ;

7 Oulad-bel-Kheïr;

8 Oulad-Khelf-Allah ;

9 Oulad-Charef; 10 Oulad-Rihan.

Cheikhat des Cheroga (de l'est).

1 fraction des Oulad-Mehenna-ben-Bergoug ;

2 Oulad-Zerga;

3 El-Mechira (azel); A Oulad-el-IIaddad ;

5 Oulad-bou-Haoufan ;

G Ourzifa;

7 Chcraroua;

8 Oulad-el-R'edban ; y Grùcha;

10 Oulad-Khelouf.

La fraction des Oulad-Idir, quoique dépendant' de la tribu par sa position topographique et par ses alliances de familles, fut constituée fraction Makbzen et adminis- trée directement par le kaïd Zemala.

Quand El-Kadj-Ahmed bey eut réduit les Oulad-Abd-en- Nour, il supprima les trois grands cheikhals ; chaque fraction eut un kébir obéissant à un kaïd unique. La zaouïa de Mamra et le territoire dit Zaouïat-ben-Zeroug et Ben-Iahïa étaient administrés directement par un des descendants du marabout Ben-Iahïa, relevant du kaïd Zemala. Toutes les terres labourées pour le compte du marabout et de sa famille étaient exemptes d'impôt; mais

201

les étrangers établis sur le bled Zaouïa payaient les re- devances habituelles.

Cette exemption s'étendait aussi à quelques familles de marabouts, telles que les Oulad-bou-Krana, les Oulad- Oudjerten, Oulad-Saci, Oulad-el-Graïchi, etc., qui possè- dent encore de nombreux titres délivrés par les beys pour les faire respecter, les traiter avec considération et les exempter de toutes corvées ou impôts.

Après la soumission du pays à la France, un kaïd ayant sept cheikhs sous ses ordres fut placé à la tête de la tribu; ces cheikhats étaient :

cheikhat des Oulad-Abd-AUah ;

%o

Kouaoucha ;

R'eraba-R'edjala ;

40

Zaouïa ;

5o

Merabtin ;

6o

Oulad-Assas;

70

Oulad-Idir.

Par décret impérial du 25 février 1860, la partie nord (Seraouat) des Oulad-Abd-en-Nour a été remise à l'admi- nistration civile et fait partie aujourd'hui des arrondisse- ments de Constantine et de Sétif. La limite qui sépare la tribu, en territoire civil et militaire, est formée par l'Oued-Mordj-Hariz, l'azel Mamra et la roule de Constan- tine à Sétif jusqu'à l'Oued-Djerman.

La zaouïa de Mâmra, considérée comme le berceau de la tribu, a été le théâtre des événements qui ont eu le plus d'influence sur les destinées du pays. C'est donc par elle qu'il convient de commencer l'historique des fractions.

20-2

ZAOUÏA DK MAMRA (1)

'J-

A peu près à moitié chemin de la roule de Conslanline à Sélif, on voit une koubba connue vulgairement sous le nom du Marabout. C'est le tombeau de Sidi Mabammed- ben-Iabia qui, selon la légende du pays, fut le fondateur de la tribu actuelle des Oulad-Abd-en-Nour.

Nous avons déjà raconté sommairement la vie de ce saint homme dont le souvenir s'est perpétué jusqu'à nos jours et dont la tombe est encore l'objet d'une grande vénération. D'après la tradition locale, nous allons dire quelles furent les circonstances qui valurent à Sidi Ma- hammed une réputation de sainteté si bien établie.

Les légendes, même les plus fantastiques, ne sont pas indifférentes à recueillir, ne fût-ce que pour connaître le génie et la poésie d'un peuple. La génération actuelle venant à s'éteindre pourrait emporter les dernières tra- ditions et les dernières traces du passé.

Si Mahammed-ben-lahia, en parlant des Beni-R'omrian, emmenait Lalla-'Aïcha sa femme et les deux lolba qui depuis Tougourl n'avaient cessé de le suivre.

(I) Mftmra, signifie un endroit habile, peuplé, fréquenté, que l'on visite. Les Chaouïa et les Kabyles emploient ee mol pour désigner les zaouïa, les écoles et les dilTérenls étahiissenienls religieux.

203

En approchant de Mamra il envoya en avant ses deux compagnons, leur enjoignant de chercher un tronc d'ar- bre qui devait se trouver près des rives de l'Oued-Tadje- nant, sous le Kaf-el-Ahmer, le rocher rouge. Les tolba se hâtèrent d'obéir et trouvèrent bientôt l'arbre, grâce aux indications qu'ils avaient reçues. L'un d'eux se détacha alors pour aller au-devant de Si Mahammed et revint avec lui rejoindre son compagnon. A son arrivée le cheikh bâlit une mezara autour de l'arbre, puis il dressa sa tente sur un petit mamelon (Kaf-Hadjer-el-Ahmer) qui de nos jours est désigné par les voiluriers sous le nom des terres rouges du marabout.

A peine fut-elle installée, qu'elle se remplit d'effets de toute sorte. Si Mahammed la déplaça deux fois et le même miracle se renouvela. Il comprit que c'était une tentation de Satan, aussi ne cessait-il de répéter :

« Je cherche un refuge auprès de Dieu contre les ten- tations de Satan le lapidé. » (Coran).

A la troisième fois seulement, il put introduire sa femme dans sa demeure. Deux autres tentes : celle des tolba Zeroug et Abd-Allah prirent place à ses côtés.

Nour, El-Aïd et Zouggar-el-bou-Haoufani, ces trois individus qui se rendant à la Mecque avaient renoncé à leur voyage pour s'attacher à Sidi Mahammed-ben-Iahia, s'installèrent également auprès d'eux. Ce petit douar devait former le noyau de la future tribu des Oulad-Abd- en-Nour.

Nous avons déjà dit qu'à l'époque Sidi Mahammed vivait à Mâmra, les seigneurs du pays étaient les Sekhara, douaoudia ou nobles arabes dont il annonçait la chute prochaine. Malgré le caractère dont il était revêtu, ses

-204

j)rédictions ne man(|iièi'enl pas d'indisposer conlre lui le chef de la contrée qui, pour s'en venger, résolut de lui faire payer l'impôt dont jusque il avait toujours été aflVanclii. Du Ferdjioua, il se trouvait alors, le chef des Sekhara envoya des émissaires chargés de percevoir le trihut. A leur arrivée le marabout ne manifesta en aucune manière son mécontentement, il se borna à leur dire :

« Je m'estimerais très heureux de continuer à ne pas payer d'impôt, mais si votre maître y tient absolument, amenez-moi cinq cents chameaux pour emporter l'orge et le blé (1). »

Les envoyés, croyant la chose, s'en furent à la recher- che de cinq cents chameaux, mais lorsque le cheikh Sidi Mahamraed eut connaissance de leur approche, il sortit de sa tente et prononça ces paroles en se tournant vers

eux: *à_^^!L_> 1 > ^^^L;:^ I o ^_x— l_j(

«

ft Engloutis ce qui te vient, ô toi qui engloutis on qui avales. »

Et à peine avait-il achevé cet analhéme, que les ani- maux disparurent dans les entrailles de la terre qui s'en- Irouvit sous leurs pieds. L'endroit s'est passé le fait est la riche prairie des Oulad-Zaïm, qui porte encore le nom de Bellàa (l'avaleuse). Quant aux cavaliers qui con- duisaient les chameaux, ils coururent de toute la vitesse de leurs chevaux informer les Sekhara de ce qui venait de se passer. A cette nouvelle le chef du pays, craignant

(1) Jadis l'inipôl sr |i;»\ait en naliiir.

205

pour lui-même, parlit sur-le-cliamp pour implorer la clémence de Si Mahammed-ben-lahia, amenant sa fille et apportant de riches présents. Il offrit le tout au mara- bout qui, touché de son repentir^, consentit à lui faire grâce. La légende ajoute que le chef Sekhara eut une telle panique, qu'il n'osa prendre le chemin de Bellâa, quoique le plus direct.

A tous ces cadeaux il joignit des esclaves et le don de la contrée environnante, qu'il constitua habous (1), en faveur du marabout. Ce territoire était encore, dans ces derniers temps, un asile inviolable pour tous ceux qui cherchaient à se soustraire à la justice des hommes.

Cette légende est un curieux exemple de l'imagination arabe, elle est fort répandue dans le pays et c'est pour cela que nous lui conservons son cachet original et féeri- que. Cependant il nous est permis de chercher à nous rendre compte d€S circonstances qui y donnèrent lieu. Le ruisseau qui prend le nom de Oued-Tadjenant descend des hauteurs des Oulad-Zaïm. D'abord très encaissé, il se déverse brusquement dans la plaine de Bellâa il prend le nom de Oued-Farer', le ruisseau vide, parce qu'il n'a plus de lit et qu'il formerait un marais si les eaux n'étaient immédiatement absorbées par les terres. Il est probable que les gens de Sekhara commirent l'imprudence de camper dans ce bas fond et qu'une de ces crues subites, si fréquentes en ce pays, oi^i aucune végétation arbores- cente ne retient les eaux du ciel, inonda brusquement la vallée. Peut-être avons-nous trouvé la véritable cause qui

(1) Acte par lequel on institue tel établissement religieux, telle mos- quée, tel saint ou marabout nu-propriélaire d'un objet meuble ou im- meuble. (Bresnier, Chrestomathie arabe).

donna lieu ;\ cette légende. C'est une simple opinion que l'inspection des lieux nous a suggérée.

Sidi Mahammed-ben-Ialiia, comme on doit bien le pen- ser, n'est pas sans avoir sur son compte un certain nom- bre de fables plus ou moins fantastiques , dont les prin- cipales sont les suivantes :

Si Mahammcd avait l'habitude d'aller camper, au printemps de chaque année, aux environs ôeïjuna. (Diana veleranorum), ruines antiques situées dans un pays très riche en pâturages. Les habilanis de celte contrée, qui étaient les R'amra, virent cette démarche de mauvais œil el résolurent celte fois de s'y opposer de toutes leurs forces.

Deux mille cavaliers montèrent à cheval et s'avancèrent contre Si Mahammcd, bien décidés à lui barrer le passage.

Le marabout, qui n'avait que vingt-cinq cavaliers, sen- tait l'impossibilité de lutter contre de telles forces. Néan- moins il ne voulut pas céder, et après une fervente prière, il lança ses vingt-cinq cavaliers qui mirent les R'amra en déroute complète el leur firent -400 prison- niers. A la suite de cet événemenl, les vaincus, confus de leur conduite, se rangèrent au nombre des plus zélés serviteurs du saint personnage.

Un jour que le marabout était allé au Djebel-Meslaoua réclamer la zekkat ou impôt religieux, les habitants du pays s'y refusèrent ; il se tourna alors vers le rocher qui couronne la montagne en disant :

« Et loi rocher, auras-tu pour moi un peu de respect quand les gens de la contrée me reçoivent si mal ? »

Le rocher oscilla alors sur sa base et descendit jus- qu'aux pieds du cheikh. En voyant ce prodige, les gens

207

Je la tribu vinrent tous, hommes, femmes et enfants, baiser la main de Si Mahammed-ben-Iahia et mettre de la terre sur leur têle en signe de soumission. Depuis ils ne manquèrent plus de lui payer la zekkat.

On dit encore qu'il rendit la vue à des aveugles, guérit des paralytiques et qu'il fit jaillir des sources dans des endroits jusqu'alors privés d'eau.

Si Mahammed, dit la tradition, vécut plus de cent ans, et après une vie exemplaire subit la loi de la nature; il tomba malade chez son gendre Zeroug, qu'il était allé visi- ter à sa résidence de Mechira. Sentant sa fin prochaine, il fit appeler ses plus fidèles serviteurs et leur donna ses der- nières instructions au sujet de ses funérailles. Prévoyant ce qui devait arriver, il leur recommanda de la manière la plus expresse, lorsqu'il ne serait plus, de placer ses restes mortels sur sa mule favorite, de la laisser aller bon lui semblerait et, surtout, de bien se garder de la toucher ou de contrarier ses mouvements. Quant à eux, il leur ordonna de se contenter de la suivre; l'endroit elle s'arrêterait pour passer la nuit était celui qu'il choi- sissait pour le lieu de sa sépulture. Peu de temps après il rendit le dernier soupir.

Sa mort fut une cause de querelle entre les Abd-en- Nour et les Telar'ma leurs voisins, se disputant à l'envi les restes du saint homme que chacun voulait posséder comme gage de prospérité.

Dans ce but, la mule était tiraillée de tous côtés, quand toul-à-coup survint un brouillard si épais que personne ne pouvait apercevoir son voisin. La mule, se sentant libre, se mit en route dérobant sa marche. Les Abd-en- Nour voyant enfin que le corps tant désiré leur échappait,

-208

all(''rent de Ions cotés à la recherche et au boni d'un certain temps on rclrouva la mule couchée au bord de rOued-Tadjenant, près de l'endroit Si Mahamnied était venu dresser sa tente au sortir des Bcni-Roumrian. Les Oulad-Abd-en-Nour reconnaissants, exécutèrent les der- nières volontés du marabout, et l'enterrèrent à l'endroit même la mule était couchée; puis lui construisirent la chapelle ou koubba ç\\ie l'on voit encore aujourd'hui. La chambre dans laquelle se trouve le tombeau a en- viron cinq mètres carrés; les murs, formés de quatre arceaux pleins, ont à peu près trois mètres de haut. Cette construction est surmontée d'une coupole lourde et mas- sive, à base heptagonale, donnant à l'ensemble de l'édifice une hauteur de cinq à six mètres. Autour des murs règne un soubassement en carreaux vernis. Au milieu des deux arceaux, faisant face au nord et au sud, sont deux petites croisées garnies de barreaux de fer. Sur le mur, à droite en entrant, se trouve l'inscription tuniulaire suivante peinte à fresque :

^ [.} fJu Liiil^ b

« 0 toi qui es arrclc devant notre tombe, ne félonne pas de noire état.

a Hier nous étions comme toi, demain lu seras comme nous. î)

Au centre de la coupole existe un fragment de chaîne en cuivre était jadis suspendu un lustre. Nous dirons bientôt en quelle circonstance ce lustre fut enlevé.

-201)

La chambre sépulcrale renferme cinq tabout ou châsses en bois peint, recouverles d'étendards religieux.

Inscription sur le tabout de Sidi Mahamraed-ben-Iahia:

i^.

.kwt.i_A^_J a 0>.^A^^ J

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Aw

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« -4 /aî7 écrire et graver (le présent) le kciicl Hassen-Amer- el-Ouzan-hen-Abd- Allah. Que Dieu le protège. Je cherche auprès de Dieu un refuge contre Satan le lapidé.

13

-210

« Au nom de Dieu clément et miséricordieux', que Dieu répande sa miséricorde sur notre seiijneur Mohammed, sur sa famille et ses compagnons, salut.

« Ceci est le tombeau du cheikh, du saint, du vertueux, du seigneur fortuné fils de Sidi Mohammcd-Iahia , le pur Mahammed-hen-Sidi-lahia-hen-V Hassen .

« // est décédé l'an i09i (1680 de J.-C). »

Sur une autre cliàsse on lil :

i " ^ ^ •■ O ' -^

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<Jr J J-

^1 z. ^? J

« /c cherche auprès de Dieu un refuge contre Satan le lapidé. Au nom de Dieu clément et miséricordieux. Que Dieu répande sa miséricorde sur notre seigneur Mohammed.

« Ceci est le tombeau de l'homme versé clans la connais- sance de la loi divine, du vertueux, le Sid Ahmed-Zeroug- ben-Mahammed-ben-Sidi-Iahia, décédé l'an iOOi (1080).»

Zeroug ctnil gendre du marabout et comme tel, dit la

211

légende, on le désigna toujours sous le nom de Zeroug- ben-Sidi-Mahammed.

Trois autres tabout n'ont pas d'inscriptions.

L'un d'eux recouvre la cendre de Lalla-Aïcha, femme du marabout Sidi Mahammed-ben-Iahia.

Attenant à la chambre sépulcrale existe une autre chambre plus vaste et également carrée, dont la toiture en tuiles creuses est supportée par deux colonnes anti- ques. Cette pièce sert actuellement de salle d'école. Il existait autrefois autour de la zaouïa plusieurs autres maisons, également couvertes en tuiles, affectées au loge- ment des tolba. Enfin, à côté de ce groupe de bâtiments se trouvait aussi un four dans lequel on préparait le pain pour les étudiants de la zaouïa, les mendiants et les voyageurs. Un puits, connu sous le nom de Bir-et-Tolba, était à quelques pas.

Les terres qui s'étendent à l'ouest étaient et sont en- core couvertes de tombes. C'est le cimetière le plus re- nommé de la contrée; on y apporte des cadavres de très- loin. Les environs sont pleins de silos que l'on comptait naguères par milliers. Mais la création toute récente des mechta ou hameaux, près desquels les indigènes aiment à serrer leurs grains, a fait abandonner les silos de Màmra, qui sont maintenant éfondrés ou comblés pour la plupart. C'était là, autrefois, le grenier et le magasin de la tribu. Le territoire de la zaouïa étant inviolable, on n'avait à craindre ni les voleurs, ni même l'invasion des tribus ennemies. Dès qu'un silos était rempli de grains, on plaçait à la surface un papier sur lequel était inscrit le nom du dépositaire. La dalle bouchait ensuite rorifice du silos qu'on recouvrait de terre.

21^2

A côté de la zaouïa élail le douar des Rellaba, gai'diens de silos. Quarante familles composaient ce douar. Elles labouraient aussi les terres dépendant de l'établissement religieux, en qualité de kbemas ou fellab. Les Retlaba avaient non-seulement la surveillance des silos, mais devaient aussi enfermer eux-mêmes le grain qu'on leur portait et le sortir quand le dépositaire le réclamait; pour celte dernière opération ils percevaient une mesure de grain par silos vidé. Le produit de celte imposition était partagé entre les Heltaba et le cbef de la zaouïa.

A deux cents mètres environ de la koubba existait un vaste établissement fondé sous Salah bey et connu sous le nom de Bordj-Màmra. Dés que les Oulad-Abd-en-Nour firent î\cle de soumission, les beys construisirent cette maison pour y recevoir les grains de l'impôt. résidait un agent du bey, dit Kaïd-el-Achour, fonctions longtemps remplies par la famille Den-Nàmoun de Conslantine, qui se les transmit de père en fils. Si les Ben-ISàmoun ne furent pas égorgés lors des différentes levées de boucliers des Oulad-Abd-en-Nour, ils le durent à l'inviolabilité du territoire de la zaouïa et à la protection directe des des- cendants du marabout. La zaouïa de Màmra a cependant été envaliie en deux circonstances qui méritent d'être racontées.

En 1700, Mourad bey, de Tunis, étant venu faire le siège de Conslantine , eut besoin de vivres pour nourrir la nombreuse année qu'il traînait à sa suite; les silos de MAmra lui furent signalés comme renfermant des appro- visionnements considérables; il dirigea immédiatement sur ce point une partie de son monde. Voici de quelle manière les tolba de la zaouïa racontent l'épisode de

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l'irruption des Scbàa-Maliai, les sepl corps d'armée, qui fournit à Sidi Mahammed-bcn-lahia de donner, même après sa mort, de nouvelles preuves de la faveur céleste dont il jouissait près de Dieu.

Les Tunisiens, en effet, non conlenis de saccager les environs de Conslanline, poussèrent jusqu'à Màmra. Les Oulad-Abd-en-Nour se voyant serrés de près et ne sachant comment sauver leurs bagages, les avaient entassés autour de la zaouïa, espérant qu'aucun ennemi, si osé qu'il fût, n'oserait violer la sainteté d'un lel lieu. Cet espoir fut déçu, car les Tunisiens qui avaient connaissance du fait s'avancèrent hardiment vers la koubba, lançant sur elle des coups de canon et bien décidés à ne s'arrêter devant aucun scrupule. Mais grand fut leur étonnement quand un lion, d'un aspect terrible, sortit des bâtiments qui renfermaient les effets des fidèles. A son aspect, les plus intrépides reculèrent effrayés et s'enfuirent sans avoir pu accomplir leur dessein sacrilège.

Au moment de leur fuite la Mezara du Kaf-el-Ahmer se couvrit de fumée; on eût dit une infinité de canons dont les projectiles allèrent achever la déroute et la des- truction des Tunisiens. Dans la zaouïa on voit encore quelques vieux boulets en fer que les descendants du marabout montrent avec orgueil aux visiteurs. Ces boulets, lancés par les Tunisiens, venaient tomber sur la coupole sans y causer le moindre dommage, comme si une main invisible eut amorti leur choc.

La légende est assez bien imaginée, mais l'histoire contemporaine, beaucoup plus véridique, nous apprend que les Tunisiens rencontrèrent non loin de là, à Djouama- el-Eulma, l'armée algérienne qui marchait au secours de

~ 2U

Conslanline. Les habilants de celle ville, se voyant cernés de toutes parts, envoyèrent un courrier à Alger pour demander des renforis. Par une nuit sombre, ils descen- dirent Ben-Zekri, le bacli-seïar du bey (courrier de ca- binet), du baul de la tour romaine dans un Y)anier de palmier nain. Sa jument, Ilaliiifa, fut descendue en même temps dans un filet. L'ennemi ne put voir ce manège. Ben-Zekri se rendit auprès du Pacha en trois jours, par la route de Ilamza; ce fut alors que les Algériens amenè- rent une armée pour défendre Conslanline. A celle occa- sion les gens de Conslanline composèrent un chant de guerre, dont voici le commencement :

Chut! voici l'armée d'Alger!

C'est Ben-Zekri qui l'amène;

Ben-Zekri l'intrépide cavalier

Monté sur Halilila,

La mignonne et la soyeuse.

Halilifa va paître avec les gazelles

Et revient avec les vaches.

Elle se lave le mains

Et dîne avec le Sultan.

Sa litière est un lit de soie;

On emmaillolte son corps avec de la mousseline (1).

Voici comment le chroniqueur arabe, El-lladj-IIamouda- ben-Abd-el-Aziz, raconte cet épisode :

« En l'an 1112 (1700 de J.-C), Mourad bey, de Tunis, et Khalil bey, gouverneur de Tripoli, commencèrent de concert le blocus de Conslanline, qui dura cinq mois.

(1) A. Clicrbonncau, expédition de Mourad bey contre Constantine et Alger, en 1700.

215 -

« Mourad bey était sur le point de s'en rendre maître lorsqu'il apprit que l'armée des Algériens s'approchait pour le repousser des murs de Constanline.

« Mourad bey s'avança à leur rencontre. Pendant trois jours il ne posa son camp qu'après le coucher du soleil, et reprit sa course avant l'aurore. Enfin les deux armées se trouvèrent en présence dans un lieu nommé Djouama- el-Eulma, sur la route de Sétif. Malgré la fatigue et la démoralisation de ses soldats, Mourad bey monta à cheval le matin du quatrième jour et voulut engager le combat. Ses lieulenanls s'efforcèrent de l'en dissuader, ils lui re- présentèrent que les troupes avaient besoin de repos, qu'il était nécessaire de réorganiser le matériel de guerre et qu'on ne pouvait se dispenser de laisser aux chevaux le temps de se refaire. Loin de se rendre à ces sages avis, le bey de Tunis accabla d'invectives ses conseillers et les accusa de lâcheté. La guerre s'alluma et les deux armées s'entrechoquèrent. Alors tourna la meule de la guerre et le feu de la destruction s'alluma de toutes parts. La mêlée devint si compacte qu'on ne pouvait plus respirer.

« Profitant du désordre général, Khalil bey prit la fuite avec ses cavaliers. Il y eut méprise. On crut d'abord que c'était Mourad bey qui lâchait pied; une grande partie de sa cavalerie fut mise en déroute. Cette scène ranima l'acharnement des Algériens; ils chargèrent vigoureuse- ment et mirent les Tunisiens en pleine déroute. Mourad bey eut beaucoup d'hommes tués et laissa deux fois autant de prisonniers entre les mains de l'ennemi (1). ?>

{\) Traduction par M. A. Cheibonneau.

Peyssonncl qui visita Màmra le 13 juin 1725, raconlc ainsi son voyage dans le pays des OuIad-Abd-en-Nour ; nous citons ce passage, parce qu'il y est question aussi de cet épisode :

« Le 12 juin nous couchâmes à un douar de lanation des Ouled Abdenour, près d'une fontaine appelée Aine Qucrbc. Le 13, nous passâmes dans une plaine stérile au milieu de laquelle il y a une mosquée dite Gclme Moiir (Djama-Màmra). C'est dans cette plaine que Mourat bey de Tunis, qui assiégait Constantine en 1700, apprenant qu'un camp de Turcs algériens, composé de cent tentes, ou quatre à cinq mille hommes, venait au secours de la ville, fit avancer ses troupes, qu'on disait au nombre de trente mille hommes, ce que j'ai peine à croire, mais enfin elles étaient bien plus nombreuses que celles d'Alger. C'était afin de combattre avec bien plus d'avantage dans la plaine; mais à peine eut-il posé son camp que les Algériens, sans lui donner le temps de se préparer au combat (1), mirent leurs bonnets aux dents, ce qui est une marque de rage, donnèrent sur les troupes de Mourat et le défirent entièrement.

(' Il y eut un si grand nombre de morts cette journée qu'on ne put les enterrer. L'on trouve encore des osse- ments épars dans la campagne. »

Desfontaines, au mois de septembre 1785, passait aussi à Màmra :

« A dix heures, dit-il, nous atteignîmes un

(1) Dans l'essai sur Vllistohe de Constantine de Si Salah-el-Anteri , il est dit que les Algériens atlaquèrent les Tunisiens pendant leur sommeil et les mirent ainsi en déroute.

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ruisseau, coulant du nord au sud (Oued-Tadjenani), au- près duquel sont quelques maisons maures avec un nom- bre très considérable de matamores (silos). Il y a en ce

lieu un kaïd Le lieu des matamores se nomme

Mahammera. Il y a des ruines tout prés. »

Shaw dit également :

« Il y a à Hadjar-el-Hammar, ou la pierre rouge, un ruisseau et un sanctuaire fameux, les zwovviah habi- tent dans des matamores. »

Le voyageur Anglais a pris, sans doute, les silos ou matamores pour des habitations.

En 4807 les Tunisiens reparurent devant Constanline et, comme la première fois, dit la légende, ils poussèrent jusqu'à Mâmra. Pour éviter un ennemi qui pouvait les harceler à tous moments, ils amenaient avec eux un cer- tain nombre de marabouts armés d'un bâton ferré. Lors- que l'on campait ces marabouts fichaient en terre leurs bâtons. Si le lendemain au 'réveil le bâton n'avait pas bougé, c'était signe que l'on pouvait continuera avancer, sinon les Tunisiens vidaient la place et allaient chercher un endroit plus hospitalier. Dans une de ces excursions, se dirigeant, comme il vient d'être dit, vers Mâmra, les marabouts ne trouvèrent plus les bâtons à leur réveil. Ils reconnurent à ce signe qu'il était grand temps de re- Irogader et, en effet, ils déguerpirent au plus vite. Mais il était déjà trop tard ; dans leur retraite ils furent acca- blés par un ennemi invisible.

Arrivés à l'Oued-Sirat, sur les confins des Oulad-Iahïa-

^218

ben-Taleb (IVonliére lunisienne), Lalla-Manoubia (I), qui accompagnait les Tunisiens, s'écria :

« Assez, Maliammed-ben-Ialiia, assez ! j

Sa prière fut exaucée et à partir de cet endroit la pour- suite discontinua.

La véritable cause de la fuite des envahisseurs, c'est qu'une armée venait comme la première fois d'Alger au secours de Constantine assiégée. Ces troupes traversèrent le territoire des Oulad-Abd-en-Nour et obligèrent tous les maraudeurs tunisiens à rebrousser chemin vers le gros de leur armée. Attaqués à la fois par les gens de Cons- tantine et le renfort venu d'Alger, ils furent de nouveau mis en pleine déroule.

En 1831, après le combat de Mechira, les Oulad-Abd- en-Nour et les Telar'ma abandonnèrent le p^iys. Nous avons vu que le boy El-Hadj-Abmed lança les nomades sahariens à leur poursuite. En cette circonstance, le ter- ritoire de la zaouïa fut encore envahi. Les bandes du sud n'ayant aucun respect pour la cendre et la mémoire de Sidi Mahammed-ben-Iahia, biùlèrent tous les bâtiments dans lesquels logeaient d'habitude les lolba. Le four fut également consumé par les llammes et il est probable que si la chambre sépulcrale n'eut été entièrement isolée et séparée des autres constructions par un intervalle de quelques pas, elle eut été également détruite. Les Saha- riens pénétrèrent dans cette chambre, remuèrent les tabout, les déplacèrent pour s'assurer que rien n'y était caché. L'un des pillards avisant le lustre en cuivre qui

(1) Maraboiit*» dont 1p tombe."»!! ^sl pros <\p Ttim*.

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pendait au centre de la coupole voulut l'enlever. 11 tira ce lustre si brusquement, que la chaîne qui le suppor- tait se cassa; l'un des bouts venant lui fouetter le visage avec violence lui creva un œil. Nouveau prétexte pour un miracle, que les tolba n'ont pas manqué d'exploiter, en prétendant que le marabout punissait ainsi le sacrilège du Saharien.

Lorsqu'après la prise d'Alger les Oulad-Abd-en-Nour se révoltèrent, El-Hadj-Ahmed bey fit peser sa main de fer sur cette tribu. Les marabouts qui avaient pris part à cette insurrection ne furent pas plus épargnés que les autres. Les descendants de Sidi Mahammed-ben-Iahia, dont l'influence eût pu arrêter l'efTervescence générale, perdirent tous les privilèges dont ils avaient joui jus- * qu'alors. Tous leurs biens furent confisqués et constitués azel beylik; c'est ainsi que les terres de Màmra, de Zaouiat-ben-Iahia et Ben-Zeroug entrèrent dans le do- maine de l'Etat. Un poste de vingt hommes fut établi dans le bordj du kaïd El-Achour afin de garder les silos.

Quelques descendants du marabout vivent encore de nos jours. Celui qui en 1838 était le chef de la famille se nommait Si Seddik. Celait un personnage de la pire espèce, vivant dans sa zaouïa et employant tous les pré- textes pour n'avoir aucune relation avec les européens. Ses tolba de Màmra, dont il ne s'occupait d'aucune ma- nière, étaient les plus mauvais sujets de la contré. Leurs aventures nocturnes et les vols fréquents qu'ils com- mettaient sur la route de Sétif, éveillèrent souvent l'atten- tion de^l'aulorilé..

Si Seddik se détermina à abandonner la résidence de ses pères i^t à émigrer en Tunisie. Malheureusement,

i>-20

pour l'histoire de la tribu, tous les (.locumenls, tous les écrits qui étaient conservés religieusement clans la zaouïa, comme au moyen-àge les chartes dans un monastère, furent emportés par Si Seddik. Peut-être les retrouvera- t-on quelque jour. C'étaient, m'a-t-on dit, des chedjera ou arbres généalogiques des principales familles, des lettres et des exemptions d'impôt délivrés par les R'omara, les Sekhara et les beys de Conslantine. 11 eut été très intéressant pour nous de voir ces écrits et d'en extraire tout ce qui eût pu être utile pour l'historique de la tribu. Si Seddik est mort au Kef, en Tunisie.

Les autres descendanls de Sidi lahia sont d'abord Si Brahim, qui habite aujourd'hui près de Mechira. C'est encore un vieillard, imbu de préjugés, un radoteur que les Oulad-Abd-en-Nour honorent à cause de son origine, mais qui n'a plus aucune inilucnce religieuse. Après le départ de Si Seddik il se trouvait à la tête de la famille cl dirigeait la zaouïa de Màmra. Son incapacité l'obligea à se démettre de ses fonctions. Comme il est l'aîné des descendants du marabout, il a eu souvent la prétention de bénéficier seul des produits de la ziara ou dons reli- gieux offerts à la mémoire de son aïeul.

Enfin, le dernier est Si El-Merouani, en ce moment chef de la zaouïa; celui-ci n'est pas fanatique du tout. Encore jeune, il est surtout intelligent, digne et affable vis-à-vis des Européens, qualité bien rare chez un mara- bout. Si El-Merouani emploi le revenu de la ziara à en- tretenir une vingtaine de lolba de dix à vingt ans, qui apprennent à reciter le koran. Ces écoliers sont nourris et logés dans la grande chambre qui précède le sépul- cre du santon. Tous les mendiants et les voyageurs rc-

çoiventriiospilalité ou du pain pour continuer l^ur route. De malheureux ouvriers européens voyageant sur la route de Sélif, à la recherche du travail, y ont même trouvé assistance.

La zaouïa de Sidi Mahammed-hen-Iahia avait jadis de grands privilèges et un revenu considérable. Les descen- dants du marabout exerçaient des droits seigneuriaux sur toute la contrée. Ils exploitaient d'abord les terres cons- tituées habous ou données en apanage, désignées sous le nom de Azaïb-Sidi-Iahia- Ces terres étaient exemptes d'impôt. Au primptemps chaque tente des Oulad-Abd-en- Nour et souvent même des tribus limitrophes, apportait un mouton. En été, c'était la dîme religieuse sur les grains.

Le marché de Màmra, tenu les lundi et jeudi, était encore une source de bénéfices. Tous ceux qui y venaient pénétraient dans la chambre sépulcrale, toujours ou- verte, baisaient les châsses et déposaient une offrande pour attirer sur eux, leur famille et leurs troupeaux, la baraka ou bénédiction du marabout. Tout ce revenu, avons-nous dit, servait à distribuer des aumônes et à entretenir la zaouïa et les tolba.

Du temps des Arabes les tolba étaient quelques fois au nombre de quarante ou cinquante. Des professeurs, assez bien salariés, étaient attachés à cette institution. Aujour- d'hui le nombre des professeurs et des élèves a considéra- blement diminué, c'est que les revenus ont diminué aussi et que le zèle pour la religion s'éteint de jour en jour.

A son passage à Mâmra, le bey de Constantine, en se rendant à Alger pour porter le denouche ou impôt triennal, donnait une mule pour se concilier les bonnes grâces du

22-i

inaral)OiiL; le kaïd Kd-Dar versait un kaflan et un pan- talon en drap; le cheikh El-Arab, une jument; le cheikh de i'Aurès, une jument; la tribu des Zemoul, un tapis dit Guclif; les Telar'ma, un tapis dit Guetif ; les Oulad- Daoud, des moulons.

Une partie du territoire de l'ancien azih Sidi-lahia, forme aujourd'hui l'azel Màmra, dont la superficie est d'environ 2,300 hectares. Sur cet azel, mis périodiijue- ment en location par le domaine de l'État, vit une popu- lation répartie dans dinérenles mechia.

Près de Màmra habite la famille des Oulad-el-'Azzam, Tune des plus anciennes du pays. Elle nous a montré diflcrenls diplômes d'exemption d'impôt et de corvées remontant au commencement du XVil*' siècle. (Daha- raoual).

L'un, daté de l'an 1009 (IGOO de J.-C), prescrit aux chefs de Negaous, des Hir'a, de Biskra et de Msila, de ti^ailer avec considération les Oulad-el-'Azzam, porteurs du titre. La signature et le sceau apposés sur celle pièce sont illisibles.

Une autre lettre écrite par Seliman-ben-el-lladdad, l'an 1040, enjoint aux gens de Ahl-Dif-Allah de proléger les Oulad-el-'Azzam.

Un troisième litre semblable est établi j>ar ordre de Si Ahmcd-Sakheri et daté de l'an 1055 (1645).

Je ne mentionne, que pour mémoire, les ditïérenls papiers de la même forme délivrés par les bcys qui se sont succédés à Constanline.

A un kilomètre environ de la zaouia s'élève le cara- vansérail dit de Màmra, qu'à fait construire l'autorité française. Il est situé à 82 kilomètres de Conslanline.

223 " ;

1*^ CHEIKHAT DES OULAD-AI)D-ALL\H

Le cheikbat des Oulad-Abd-Allah tire son nom d'Abd- AUab, fils de Nour, qui en fut le premier cbef. Il se divise en sept fraclions, dont nous allons indiquer sépa- rément l'origine et faire l'bistorique.

Du temps Nàman était bey de Constantine, deux fractions de ce commandement prirent. les armes l'une contre l'autre pour soutenir les prétentions de deux indi- vidus qui voulaient être nommés cheikli : Ferhat, des Oulad-Acbacb, et El-Hadj-Mohammed-bou-Ras, desOulad- el-Haïf. Ce dernier se rendit à Constantine, se fit bien venir des Turcs et reçut l'investiture. Ferhat, jaloux de cette préférence, tua Bou-Ras et six de ses partisans, puis émigra chez les Rir'a afin de se soustraire aux repré- sailles et au châtiment, que n'aurait pas manqué de lui infliger Ben-Zekri, bach-seïar du bey et protecteur de Rou-Ras.

Ferhat resta pendant onze ans chez les Rir'a. Au bout de ce temps il écrivit à Ben-Zekri, le priant d'oublier sa faute et d'intercéder, même auprès des Oulad-bou-Ras pour qu'il lui fut permis de rentrer dans son pays. Cette faneur lui fut accordée ; Ferhat donna même une de ses filles en mariage à Ren-Zekri. Ce lien de parenté lui valut peu à prés l'investiture au cheikbat de sa fraction.

Le bey de Constantine ayant été changé, Ben-Zekri fut destitué et avec lui toutes ses créatures. Ferhat, obligé

22/1.

de céder la place à un aulre compétiteur, se relira celle fois chez Mustapha-ben-Achour du Fcrdjioua.

Un troisième bcy arrivait au pouvoir. Celui-ci était l'ami de Mustapha-ben-Achour : nouvelles intrigues, nou- velles prétentions. Ferhat reprend ses fondions de cheikh après avoir fait étrangler à Constanline le cheikh Mçaoud qui l'avait supplanté.

Il serait trop long et surlont fastidieux de raconter les jalousies, les luîtes, les nominations ou les destitutions de toutes les familles qui ont occupé le premier rang- dans la tribu.

Nous avons cependant cru nécessaire de mentionner les épisodes qui précèdent, afin de faire bien compren- dre ce qui se passait jadis.

Chaque nouveau bey arrivait au pouvoir avec ses créa- tures auxquelles il donnait des emplois, après avoir destitué ou fait mettre à mort les anciens possesseurs de ces emplois. Celle situation durait tant que le bey du moment était en fonctions. Le jour sa fortune s'éclip- sait, un nouveau bey arrivait à son tour avec ses parti- sans et recommençait, comme son prédécesseur, à étran- gler et à couper des tôles.

Fraction des Onlad-cl-'Haif.

Leur ancêtre était originaire des Oulad-Mahdi, tribu située aux environs de Msila (subdivision de Sétif). II vint s'établir sur le territoire des Oulad-Abd-en-Nour, à l'endroit nommé Koudial-Safra. Sa postérité étant très

225

nombreuse, une partie des Oulad-el-Haïf alla habiter les Sebakb, autour du puits nommé Bir-ben-Fihadj.

Les Oulad-el-Haïf se subdivisent en deux douars : Tellia et îiebaïkhia.

La superficie de leur territoire est de 4,421 hectares.

2'^ Fraction des Oiilad- Ahmed. j.^1 :)2.J\ ^-ij.-?

L'ancêtre des Oulad-Ahmed est également originaire des Oulad-Mahdi. Il s'établit aux environs de l'Oued- Ouskourt ses descendants vivent encore.

Chez les Oulad-Ahmed se trouve le tombeau de Sidi Hamana-ben-Achour. La tradition rapporte que ce mara- bout voyant les récoltes perdues par suite d'une grande sécheresse, intercéda auprès de Dieu et obtint une pluie abondante.

Les terres de l'azel de Mordj-Hariz appartenaient jadis aux Oulad-Ahmed; un bey de Conslantine se les appro- pria et depuis cette époque elles sont restées terrains beylik. Mordj-Hariz est aujourd'hui au domaine de l'État.

Cette fraction forme un seul douar.

Superficie : 2,044' hectares.

5^ Fraction des Oulad-el-Arhi.

Leur ancêtre était originaire de Bou-Zina de l'Aurès. Il vint s'établir à Aïn-ben-Serour.

46

226

La fraction se subdivise en douar Tellia et douar Se- baïkhia. Superficie : 3,109 hcclares.

Fraction des Oulad-Si-Ali.

Celte fraction descend directement de Ali, fils de Nour ; elle forme trois douars :

Oulad-Si-Ali ;

Oulad-Si-Ali-el-Djer;

Oulad-Si-Âli-Tellia. Superficie : 2,107 hectares.

.50 Fraction des Oulad-et-' Achach.

U^

Leur ancêtre était originaire des Oulad-Mahdi et vint s'établir anpiès de Kclella. II y a environ soixante ans les Oulad-el-'Achacl) avaient à leur Icte une femme nommée El-Iïaflja-Kliedra. Cette femme, portant toujours des vêlements d'homme, montait admirablement à cheval et en marchant avec les goums donna souvent des preu- ves d'un grand courage. Elle est morte deux ans avant la prise d'Alger.

Cette fraction ne forme qu'un douar.

Superficie : 4,870 hcclares.

227 (S« Fraction des Oulad-Mehenna-ben-Bergoug.

D'après la tradition locale cette fraction serait une des plus anciennes de la tribu. Bergoug descendait des Se- douïkich, chefs du pays du temps des berbères kelamiens.

Cette fraction forme trois douars : Oulad-Mehenna-ben-Bergoug-Tellia;

Sebaïkhia ;

Oulad-Saï.

Elle comprend aussi deux familles de marabouts nommés les Oulad-Cheliah et les Oulad-Madleb. Superficie : 10,089 hectares.

Fraction des Oulad-Zerga.

Leur ancêtre étaii originaire du Djebel-Aïad de l'ouest.

Un seul douar.

Superficie : 3,685 hectares.

S'^ Fraction des Oulad-Khelouf.

D'après la tradition locale les Oulad-Khelouf sont les plus anciens habitants du pays et descendent de la grande tribu berbère des Kelama.

Forme deux douars, Tellia et Sebaïkhia,

Superficie : 507 hectares.

±2^

!2" CHEIKIIAT DES KOUAOUCIIA

Ce nom de Kouaoucha aurait été donné à la fraction par un individu qui en était le chef.

Il y a environ cent cinquante ans un Turc, qui avait commis qucUiuc faute grave, déserta l'oudjak d'Alger et de pérégrination en pérégrination arriva chez les Oulad- Abd-en-Nour, il se fixa.

Comme le métier de cultivateur ne lui convenait point, il préféra aller vivre à la zaouïa do Sidi Mahammcd-ben- laliia 011 il s'employa comme boulanger (kouachi); c'était lui qui fcsait cuire le pain pour les tolba.

A une certaine époque les Oulad-Abd-cn-Nour étant en guerre avec leurs voisins furent obligés de prendre les armes. EI-Kouaclii le Turc abandonna le four pour pren- dre le fusil. Sa bravoure lui acquit l'estime des Oulad- Abd-en-Nour.

Dans d'autres occasions il rendit de véritables services à la tribu. Enfin on le désigna pour marcher à la tôle des cinq fractions qui, à dater de ce moment, prirent le nom de Kouaoucha les gens du boulanger.

Les fractions qui composent le cheikhat des Kouaoucha sont :

i" Fraction drs Oulad-Ahmed-hen-Amer,

Ivour ancêtre était originaire des Metarfa, tribu du Modna.

Ils se subdivisent en douars Tellia et Sebaïkhia. Superficie : 5,126 hectares.

Fraction des Oulad-Bel-Kheir .

Bel-Kiieïr, leur ancêtre, était orignaire des Mctarf*. Ils se subdivisent en quatre douars : Oulad-bel-Kheïr-Teliia ;

El-Djer;

O.-Hamouda;

Sebaïkbia. Superficie : 4,870 hectares.

3^ Fraction des Oulad-Klielf- Allah .

Sont originaires de la vallée de l'Oued-Sahel, Kabylic de Bougie. Un seul douar. Superficie : 5,857 hectares.

Fraction des Oulad-Charef.

Leur ancêtre, Gharef, était originaire des Oulad-Ali- ben-Sabor. Ils se subdivisent en trois douars : Oulad-Charef-Tellia ;

El-Aour ;

Sebaïkbia. Superficie : 'i,58() hectares.

'im

Fraction des Oulad-Hihan.

.Lsrr., ^Y^l ii

Sont originaires des Oulad-Sellani.

Un seul douar.

Superficie : 1,398 iiectares.

3" CHEIKHAT DES R'ERABA-R'eDJATA

11 nous a été impossible de connaître l'origine du nom de R'edjata.

Vraclion des Oulad-Ouni-cl-Hana.

l-:^^\ J\ :i^^\ i^j^

Disent que leur ancêtre est venu de Saguial-el-Hanira (Maroc). 11 s'installa à EI-Bahara oiî vivent encore ses descendants.

Il se subdivisent en quatre douars : Oulad-Oum-cl-Ilana ;

Tellia;

Sebaïkhia ;

Enchir-el-Alech. Superficie : 5', 62^ hectares.

231 Fraction des Oulad-el-Hadj-ben-Ali.

E!-Hadj-ben-Ali, marocain de Saguial-el-Hamra, vint s'établir à l'endroit nommé Selita. Celle fraction se subdivise en trois douars : Oulî\d-el-Hadj-ben-Ali ;

Tellia ;

Scbaïkhia. .Superficie : S,?^ hectares.

Fraction des Oulad-Rabah.

Leur ancêtre, venu des Oulad-Soultan, s'établit à Ei- Mebdouâ.

Un seul douar. Superficie; o,2'14 hectares.

Fraction des Oulad-Alehenna-ben-Kebab.

.b ^ji 'iS-^ .^Yji ii|î

Les Oulad-Mehenna-ben-Kebab sont les frères des Me- henna-ben-Bergoug. Leur origine est donc la même. Forment un seul douar. Superficie : o69 hectares.

232

4-0 CIIEIKHAT DE ZAOUIA

d^ Zaoula Ben-Iahia et Ben-Zeroug .

Le territoire connu sous le nom de Zaouia Ben-Iahia et Ben-Zeroug, était jadis un apanage de la famille du marabout Sidi Maliamcd-ben-Iahia,

Auprès de la magnifique source d'Aïn-el-Mecliira, s'é- levait une Djama ou oratoire dans lequel reposent les cendres de Sidi Ahmed, fils du marabout de Màmra. Cette djama est en ruines, ce qui n'empêche point les indigènes d'y enterrer comme par le passé. Elle a aussi sa légende merveilleuse; nous la transcrivons parce qu'elle semble impliquer l'idée que les montagnes qui dominent Mechira étaient jadis couvertes de forêts.

Près du tombeau de Sidi Ahmed était une zaouïa fon- dée par Zeroug, gendre de Si Mahammed-ben-lahia. C'est que ce dernier rendit le dernier soupir et c'est de aussi que la mule qui transportait son corps se mit en marche pour ne s'arrêter qu'à Màmra. La zaouïa de Sidi Ahmed était très fréquentée, on y comptait un grand nombre de tolba vivant des offrandes religieuses.

A celte épo(iue le pays était très boisé; des animaux de toute espèce habitaient les montagnes aujourd'hui complètement dénudées. Les tolba découvrirent la retraite d'une lionne et prirent ses petits qu'ils apportèrent à la zaouïa. Un des lionceaux s'apprivoisa et grandit au milieu des écoliers, mais il arriva qu'en jouant, il mordit l'un

233

d'eux et finit par le croquer, trouvant la chair humaine à son goût. Le lionceau fut immédiatement chassé à coups de pierres et de bâton ; mais le lendemain un autre taleb disparaissait encore. La zaouïa fut dés lors abandonnée, la toiture s'écroula, personne depuis n'a songé à la relever.

Superficie : 15,256 hectares.

Azel Mechira.

En faisant l'historique de Màmra, nous avons raconté en quelle circonstance le territoire de Mechira, qui faisait partie des apanages du marabout Sidi-Iahia, entra dans le domaine de l'État. Nous n'ajouterons rien à ce sujet-

CIIEIKHAT DES MER.\BT1N

Fraction des Oulad-el-Haddad.

^ J-

Les gens de celle fraction se disent venus du Djebel- Aïad de l'ouest.

Celle fraction se subdivise en trois douars : Oulad-el-Haddad;

Tellia;

Sebaïkhia. Superficie : 5,653 hectares.

-- 234

2" Fraction des Oulad-bou-Haoufan et Ouenifo.

^Ji_J 'lia « . , L? a-^i. aJ ^ Û «1 i^ Ji -JJ^ ^ \^ -^ ^- ^ J-

Les inlérêls de ces deux fraclious sont unis si élroile- rnenl, qu'il serait impossible de les diviser sans causer \ à l'une et à l'autre de graves préjudices.

Les Oul-'id-bou-IIaoufan descendent de ce Zougar-el- Haoufani, Kabyle des Bcni-Our'lis de Bougie qui, renon- çant à son voyage à la Mecque, s'arrêla à Màmra pour vivre auprès du marabout Si Mabammed-ben-Ialiia.

Les Onerzifa formaient jadis une puissante fraction dans le Ferdjioua (Kabylie orientale). Quand les Oulad- Acbour s'établirent dans ce pays ils y acquirent une grande influence et parvinrent à en cbasser les Ouerzifa qui vinrent alors habiter les Oulad-Abd-en-Nour.

Les deux fractions des Bou-IIaoufan et Ouerzifa forment quatre douars :

Oulad-bou-Haoufan et Ouerzifa ;

Tellia ;

Ojlad-Yaïch ;

Sebaïldiia. Superficie : 9,802 hectares.

Fraction des Oïdad-bou-Krana.

Si Bou-Krana habitait jadis chez les Oulad-Sidi-Lnhia- ben-Zekri à Tazoult (prés Lambése), et alla s'établir à Zana il termina sa (;arrière. Ses enfanls se transpor-

us:)

lèreiit chez les Oulatl-Abd-eii-Nour ils soiil reslés déti- nilivement. De graves discussions s'élanl élevées eiilre les Abd-en-NoLir et les Telar'nia, la poudre parla souvent et il y eut des moris et des blessés de part et d'autre. Les Oulad-bou-Krana s'interposèrent entre les combattants et par l'influence de leurs paroles parvinrent à rétablir la paix entre les deux partis. Los Oulad-bou-Krana étaient jadis exempts d'impôts et de corvées et ne relevaient que du bey comme toutes les autres familles de marabouts.

Forment un seul douar.

Superficie : 322 hectares. '

4" Fraclion des Oulad-Saci.

V" ^ J'

Les Oulad-Saci descendend d'un marabout qui serait originaire des Oulad-Cheboul^ tribu qui habite aux envi- rons du Kef dans la régence de Tunis.

Un seul douar.

Superficie : 1,797 hectares.

Fraction des Oulad-Oiirdjerlen.

A une épo([ue que la tradition ne peut préciser, un marocain de Saguiat-el-Màmra, revenant de la Mecque, s'arrêta dans le Zab, puis alla habiter chez les Oulad- Oudjerten, fraction de la tribu des Oulad-Soultan. Il se maria dans ce pays et eût un fils susnommé El-Oudjeralni, qui se signala par ses vertus et donna maintes preuve?

de sa sainleté. El-Oudjeralni, devenu homme, vint liabiler chez les Oulad-Ahd-en-Nour.

Enlr'autres choses remarquables accomplies par ce marabout, on cile la prédiction qu'il fit à Ei-Hadj-Ahmed, du temps qu'il n'était que khalifa, de sa prochaine nomi- nation de bey de Constanline. 11 aurait également annoncé la venue des Français en Algérie.

Un seul douar.

Superficie : 1,575 hectares.

Fraction des Oulad-Si-Ali-R'edjall .

La tradition ne dit rien de particulier sur ce marabout. Son origine nous est inconnue. Un seul douar. Superficie : 1,052 hectares.

Fraction des Chentroua.

Les Cheraroua se disent originaires des Aït-Iahia de la Kabylie du Jurjura. Ils vinrent s'établir à Aïn-Aziz- ben-Tellis dans les Scraouat.

Les Cheraroua forment cinq douars : Cheraroua ; Cheraroua-Khellouta-cl-Mahbib ;

O.-Ahmed-ben-Iahia;

Brana-Taâmacht :

Sebaïkhia. Superficie : rî,09(i hectares.

237

^0 Fraction des Oulad-el-R'edhan.

O ^ J-

Prétendent que leur ancêtre vint de Guergour-Beni- Iladjeb et s'installa chez les Oulad-Abd-en-Nour à l'Oued- Taourit. Un seul douar.

Superficie : 923 hectares.

Fraction des Grâcha.

Leur ancêtre était originaire du Djebel-Aïad de l'ouest et vint s'établir à Drâ-et-Toubal. Cette fraction se subdi- vise en deux douars :

Les Grâcha-Souarguia (de l'Oued-Sareg), et Grâcha- Seraouïa (des Seraoual).

Superficie : 2,725 hectares.

Près de Drâ-et-Toubal existe la koubba du marabout Sidi Ahmed-el-Graïchi. Sa légende, que nous nous sommes faite raconter, n'a rien de remarquable.

Un peu plus au nord dans les Seraouat, à la limite des Oulad-Kebab, se trouve la mosquée de Sidi Ali-el-'Arian le nii, que par pudeur les bons musulmans nomment El- Meksi, le vêtu.

La djama de Sidi Ali est parfaitement construite et très bien entretenue par son oukil Si Saïd. On entre d'abord dans une cour carrée, autour de laquelle sont plusieurs chambres. A l'un des angles du bâtiment est la koubba ou coupole qui recouvre la cendre de Sidi-Ali-el-'Arian, santon d'origine turque, dont la légende n'offre aucun

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inlérêl. Son taboul n'a pas d'inscription, mais nous savon:* qu'il fût conslruit il y a une cenlaine d'années après la mort du marabout.

L'oukil de la mosquée possède de nombreux litres ou diplômes délivrés par les beys de Conslanline. Nous avons copié l'un d'eux, qui dépeint avec beaucoup de clarté les idées et les préjugés du temps. Avant de transcrire ce document, il convient d'exposer en quelques mots les circonstances dans lesquelles il fut délivré par le bey Hussein.

En 1807, Ilamouda Pacha, souverain de Tunis, était en guerre avec la régence d'Alger. Une véritable armée d'in- vasion, composée non seulement de troupes régulières, mais encore de plusieurs tribus, telles que les Dreïd, tunisiens, traînant à leur suite femmes, enfants et trou- peaux, comme dans une émigration, marcha sur Cons- lanline pour s'en emparer. Hussein , fils de Salah bey, alors gouverneur de la province, réunit à la hàle le peu de troupes qu'il avait sous la main et fit un simulacre de résistance aux environs de Bin-el-Bemr'et (que nous nommons la rivière des chiens), ruisseau qui coule à cinq kilomètres à l'est de la ville. Il se heurta sans aucun succès contre celte masse innombrable d'agresseurs et se rebuta tellement de ce premier échec, qu'il s'éloigna aussitôt dans la direction de Djcmila, puis chez les Rir'a de Sétif, sans vouloir une seconde fois tenter la fortune des armes. 11 ne revint à Conslanline qu'un mois après avec les troupes de secours envoyées d'Alger.

Les Tunisiens dressèrent leur camp sur les plateaux du Mançoura et de Sidi-Mabrouk, et pendant un mois et un jour assiégèrent Conslanline sans interruption.

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Les assiégés, livrés à eux-mêmes, se défendirent avec énergie contre les fréquents assauts des Tunisiens dont les efforts se portèrent sur Bab-el-Oued et les abords du Tabia (i). Les deux seules pièces de canon qui existaient alors en ville étaient traînées à tour de rôle sur les points menacés. Le trentième jour du siège, ceux des gens de Constantine, veillant du côté du Tabia, aperçu- rent les immenses troupeaux de moutons et de droma- daires tunisiens paissant journellement dans les prairies du Hamma, retourner rapidement vers le camp, chassés par leurs gardiens effarés. Les premières troupes venues d'Alger par mer, après avoir débarqué à Bône, étaient enfin signalées vers Smendou. C'était la cause de cette panique.

Presque en même temps revenaient, fuyant également, les nombreux maraudeurs Tunisiens qui étaient allés ra- vager le pays entre Constantine et Sétif, enlr'autres la zaouïa de Màmra. Les Algériens, qui avaient suivi la voie de terre, couronnaient bientôt de leurs tentes les hau- teurs d'Aïn-el-Hadj-P)aba(2). Le lendemain les deux corps d'armée, sous les ordres du bach-agha, faisaient leur jonction et prenaient position sur les contreforts de Bou- 'Amroun, entre l'aqueduc romain et le Fedj-Allah-Akber, sur la rive droite du Roumel (8). L'artillerie algérienne ouvrit aussitôt son feu, de part et d'autre des colonnes

(1) Le Tabia est ce que nous nommons aujourd'hui le boulevard du Nord, se prolongeant jusqu'à la Tour romaine.

(2) Aïn-el-Hadj-Baba est au-dessous de l'ancien télégraphe aérien de la ligne de Sélif, au-delà du polygone.

(3) Le Fedj-Allah-Akber est le petit col dans lequel passe l'aucienne route de Batna, à côté du premier télégraphe aérien de cette ligne.

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d'allaque descendirent vers les bords du Bou-Merzoug et se livrèrent un combat à outrance sur l'emplacement existe aujourd'hui la pépinière du gouvernement.

Pendant la nuit qui suivit celle balaille, le kihaïa de Tunis, démoralisé alors que le succès était encore en suspens, prit la fuite avec ses troupes régulières, aban- donnant sur place ses canons et tout son malériel de campagne. Lorsque, au point du jour, les Algériens re- vinrent à la charge, ils ne trouvèrent devant eux que les tribus arabes dans un désordre inexprimable, épouvan- tées et n'opposant plus aucune résislance. Le butin fut immense, on traîna en triomphe, à Conslantine, les canons laissés par les Tunisiens. Ce sont ces mêmes pièces qui ont défendu la ville contre nous pendant nos expéditions de 1836 et 1837. On amena aussi un nombre considéra- ble de femmes et d'enfants, qui furent relâchés quelques jours après. Quant aux hommes faits prisonniers, on leur coupa les oreilles pour les envoyer à Alger comme trophée de la victoire.

« Coupe une oreille et laisse un oreille »

dit-on encore ici aux Tunisiens pour leur rappeler leurs cris de désespoir pendant la poursuite qui suivit la dé- route. Mais ceux-ci répondent à l'injure par ces mots, qui auraient été prononcés par Seliman-Kihaïa en ren- dant compte de son désastre :

« 0, Hamouda-Pacha , les habitants de Constant ine sont des juifs , ils n'ont osé ni se ranger en bataille-, ni faire parler la poudre. »

Les Tunisiens ajoutent encore pour exprimer la diffi- culté df. pénétrer dans Cnnstantine :

241

« Bénissez la mémoire de vos aïeux qui ont construit votre ville sur un roc; les corbeaux fientent ordinairement sur les gens, tandis que c'est vous qui faites tomber vos excréments sur les corbeaux. »

Quatrain rabelaisien, dont la grossière naïveté en dit plus que toutes les descriptions topographiques sur Cons- lantine, véritable forteresse naturelle.

Le Bach-Agha demanda au dey d'Alger l'autorisation de poursuivre sa victoire jusque sous les murs de Tunis, qui, ajoutait-il, après l'échec que venaient d'éprouver ses armées, ne pouvait manquer de tomber sous leurs coups. C'est au moment d'aller faire cette conquête que Hussein bey écrivit le document dont voici la traduction (1).

(Cachet). « le serviteur de dieu

Hussein bey, fils de Salah bey, 1221 (1806).

« Louanges à Dieu. Que Dieu répande ses grâces sur notre seigneur Mohammed, sur sa famille et ses compa- gnons; qu'il leur accorde le salut.

« Qu'il soit notoire aux cheikhs érudits, aux nobles docteurs, kadis et fonctionnaires qui notre présent ordre verront, qne nous déclarons d'une manière formelle, authentique, afin de ne pouvoir revenir sur cette déci' décision, que :

« Si nous marchons sur Tunis avec nos armées, et que Dieu, favorisant notre entreprise, nous accorde de pren-

(1) Nous avons publié le texte de ce document dans la Revue Africaine, 7= année, n"' 37-38.

17

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drc celle ville, nous nous imposons l'obligalion tle donner à la cliapelle du cheikh Sidi Ali-el-'Arian, dans la per- sonne de son oukil, Si Mohammed-l)en-Si-Saïd, tout ce qui lui sera nécessaire de notre part pour la construc- tion d'une maison prés de l'oratoire du santon et mettre en bon élat sa chapelle.

K Nous lui assignerons une dotation déterminée, dont les revenus subviendront à l'entretien des tolba, à donner l'hospitalité aux étrangers, prêter secours aux indigents et aux voyageurs qui auront besoin de son aide.

« Nous réclamons d'eux qu'ils nous assistent par leurs saintes invocations qui sont de nature à nous attirer toutes les faveurs célestes, car nous sommes leurs enfants; ils sont responsables des maux qui pourraient nous attein- dre. (Texl, : nos fautes seront sur leurs faces).

« Nous mettons notre confiance en Dieu Très-Haut, en son prophète (que Dieu lui accorde sa bénédiction) et en eux.

« Nous n'avons plus à réclamer que l'exaucement des vœux qu'ils feront en notre faveur et de ceux des saints personnages qui peuvent leur être compapés. Dieu fasse que nous soyons placés dans leur catégorie. Dieu dirige dans la voie de la vertu, tout retourne à lui et il dispose de tout. Il n'y a d'autre maître que lui.

« Salut de la part du très-fortuné Hussein bey, que Dieu le fortifie par sa bonté.

« Premier tiers de Rebia-ol-T?ani, l'an 1222. (Deuxième quinzaine de juin 1807).

On se méprendrait sur le but de cette pièce, si l'on .■supposait que le bey Hussein rétablit par zèle pour la

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foi musulmane. Ce fut de la part du bey un acte politi- que, déguisé sous les couleurs de la religion, pour se créer un appui dans les gens de cette zaouïa. Les Turcs, intérieurement, avaient en effet une confiance peu solide dans les vertus de ces prétendus santons; ils n'hésitaient point à leur faire trancher la tête quand ils les gênaient, mais ils les traitaient aussi avec certains égards, pour ménager, ilatter, dirais-je même, leur susceptibilité et s'en faire ainsi des alliés, toutes les fois qu'ils en avaient besoin. Leur concours était donc très utile pour mainte- nir le calme dans les esprits. Au moment Hussein allait entreprendre une expédition lointaine, il cherchait de cette manière à s'attacher ceux qui pouvaient exercer une influence quelconque sur ses sujets et les détourner de toute velléité de rébellion.

Hussein bey et Bach-Agha, à la tête d'une puissante armée composée des troupes venues d'Alger et des con- tingents de toutes les tribus de la province de Constan- tine, firent leur entrée sur le territoire Tunisien, le massacre et le pillage marquant leurs pas sur tous les points.

Arrivés sur les bords de l'Oued-Sirat, affluent du Mellag, ils trouvèrent tout-à-coup devant eux les troupes de Ha- mouda Pacha, venues pour leur disputer le passage. Ces troupes formaient deux camps non loin l'un de l'autre : le premier de ces camps ne s'attendant point à une atta- que aussi brusque, fut enlevé avec rapidité. Tout annon- çait que les Algériens allaient remporter une nouvelle victoire, qui leur eût ouvert probablement les portes du Kef et les eût conduits ainsi jusqu'à Tunis, comme du temps du bey Bou-Kernia. Pour obtenir ce résultat, ils

2/t4

n'avaient qu'à poursuivre les fuyards dans la dircclion de leur second camp qui, pcut-êlre, surpris aussi, n'eût pas opposé plus de résistance que le premier. Mais, trop confiants dans ce premier succès, ils les laissèrent s'éloi- gner tranquillement, pendant que de leur côté ils pillaient les tentes dont ils venaient de se rendre maîtres.

Les Tunisiens ayant eu tout le temps de revenir de leur première surprise, se réformèrent sous les yeux de Seliman Kihaïa ; leur artillerie tonna sur les Algériens agglomérés dans le premier camp avec celte confusion et ce désordre qui caractérisent les Arabes dans un pillage. Des colonnes d'attaque sont lancées; à cette vue les contingents arabes prennent la fuite , entraînant les plus résolus dans leur mouvement. Hussein bcy, lui- même, abandonna le champ de bataille; son défaut d'ex- périence ou son manque d'énergie causèrent sa perle, aussi la calomnie ne l'épargna-t-elle pas.

Le Bach-Agba essaya de résister avec ses troupes ré- gulières. Se voyant débordé de tous côtés, sans espoir de secours, au milieu des populations hostiles, il dût éga- lement effectuer sa retraite, après avoir perdu beaucoup de monde et un matériel considérable.

Pour compléter ce qui précède, nous citerons le passage suivant, extrait des Annales Tunisiennes de M. Rousseau :

« La fortune, longtemps indécise, sembla se déclarer d'abord en faveur des Algériens; mais, grâces à la fer- meté du Sahab-Taba cl à l'énergie d'un certain Osman, renégat Français, nommé Moreau, ancien soldat de l'ar- mée d'Egypte, qui fil dans celle journée des prodiges de valeur, les Tunisiens', un instant rompus, se réforme-

24-5 rcnt bienlôt en lignes serrées et, excités par leur cliel, marchèrent sur l'ennemi avec tant d'intrépidité qu'ils ne lardèrent pas à le mettre en fuite et à prendre ainsi une éclatante revanche de leur défaite de Constantine. »

S'il faut croire le récit de témoins occulaires, dont quelques-uns vivent encore, la fuite de la cavalerie auxi- liaire de Constantine^ au moment du retour offensif des Tunisiens, eut tout le caractère d'une trahison méditée. Les soupçons les plus graves se portèrent sur le Bach- Serradj et le kaïd des Haracta qui auraient reçu de fortes sommes d'argent pour faire défection et jetler même la confusion dans l'armée algérienne. Ces deux traîtres furent décapités peu après par ordre du Pacha. On cité aussi, comme ayant fait défection, le cheikh Moustapha- ben-Achour du Ferdjioua.

Le Bach-Agha se plaignit au Pacha du manque d'éner- gie de Hussein bey et fit retomber sur lui toutes les fautes. Le Pacha le crut et, sans prendre d'autres infor- mations, il ordonna que le bey fut immédiatement mis à mort.

G" CniiJKIlAT DES OULAD-ASSAS

Les cinq grandes fractions qui forment le cheikhat des Oulad-Assas ont, à toute époque, partagé la bonne ou la mauvaise fortune du reste de la tribu.

Cependant, en plusieurs circonstances, l'ambition ou la jalousie armèrent ces fractions les unes contre les au*

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très. La nomination des cheikhs fui toujours la cause de graves désordres. Nous devons citer, entr'autres, le combat qui eût lieu aux environs de Mi\nira entre les Mekhencha et les Oulad-bel-IIaouchat, du temps d'Ahmed bey, mame- louk.

Les djemâa de ces deux fractions s'étanl rendues à la zaouïa pour procéder à l'élection d'un cheikh, ne pu- rent pas s'entendre et se retirèrent sans avoir rien conclu. En s'éloignant, des propos outrageants furent échangés, des paroles on en vint aux coups. On se battit avec achar- nement : plusieurs individus, de part et d'autre, succom- bèrent dans cette rencontre.

Shaw dit, au sujet des Oulad-Assas :

« A quelques lieues à l'ouest de Iladjar-el-IIammar sont les douwars des Weled-Eisah, lesquels s'incorporent souvent avec les Weled-Elmah et les Weled-Abde-Nore. Leur principale habitation est cependant dans le voisi- nage du Jibbel-Agreese (Djebel-Grous). »

1^ Fraction des Oulad-bel-Haoïichat.

Leur ancêtre vint de Zamora et s'établit à El-Mebdoua, près de Aïn-Arama. Celle fraction forme trois douars : Oulad-bcl-IIaouchal ;

Tellia ;

Sebaïkhia.

Superficie : 7,412 hectares.

247 i^" Fraclioa des Mekhencha.

■^

Les Mekhencha descendent d'un nommé Mekhcnach des Oulad-Saoula du sud, qui vint s'établir Kareb, chez les Oulad-Abd-en-Nour.

Ils forment deux douars : TelHa et Sebaïkhia.

Superficie : 7,936 hectares.

.S» Fniclion des Oulad-Zâim.

Les Oulad-Zàïm descendent d'un homme des Oulad- Naïl du Sahara, qui vint s'étabhr à Aïn-ez-Zenad. Ils forment trois douars : Oulad-Zàïm ;

Tellia;

Sebaïkhia. Superficie : 3,740 hectares.

Fraction des Oulad-Mahammed ou Mouça.

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Js-^-sr-* .i'^J

Leur ancêtre était originaire de la Kelà des Beni-Abbas, il vint s'établir à l'endroit nommé El-Kaceria. Ils forment trois douars :

Oulad-Mahammed ou Mouça;

Tellia ;

Sebaïkhia. Superficie : 7,395 hectares.

us

5*^ Fraction des Oulad-Ahman.

Je-

; Les Oiilad-Alsman", originaires des Aït-Iahia de la Kabylie du Jurjura, vinrent s'établir à Bir-el-Harech.

Dans celte fraction existe le tombeau du marabout Sidi Seliman.

Légende : Ouznadji n'étant encore que simple soldat de la garnison turque de Constanline, demanda un jour l'hospitalité au marabout, qui s'empressa de le recevoir.

« Sois le bien-venu, Ouznadji bey, lui dit-il. Je te donne le gouvernement de la province de Constantine. » Quelque temps après, Ouznadji étant allé à Alger au moment du paiement de l'impôt, fut en effet nommé bey de Constantine. Le nouvel élu se hâta de venir à son nouveau poste. Mais déjà, du bordj Ilaraza, il avait écrit au marabout Sidi Seliman pour lui faire part de sa haute fortune et de l'accomplissement de sa prédiction. Si Seli- man alla à sa rencontre. Le bey le reçut avec grand honneur et le pria de manifester librement ce qu'il vou- lait qu'il lit pour lui. « Je n'ai de demande à adresser qu'à Dieu, répondit le marabout. » Il accepta cependant les litres d'exonération d'impôt que se sont transmis ses descendants.

Sidi Ilamidou, (ils de Sidi Seliman, aurait été aussi un marabout distingué.

Deux individus en contestation vinrent le prier d'être l'arbitre de leur différent. Celui qui perdit son procès était un scélérat renommé par ses brigandages. Soit pour

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se venger de ce que le marabout ne lui avait pas donné gain de cause, ou pour le dépouiller de ce qu'il possédait, il s'introduisit pendant la nuit dans sa demeure avec l'in- tention de le tuer. Son fusil était armé, il marchait en tâtonnant dans l'obscurité pour atteindre sa victime. Tout-à-coup une vive clarté inonde la chambre, en même temps qu'une odeur pénétrante de benjoin se fait sentir à l'entour. Le brigand, comprenant qu'il était témoin d'une manifestation céleste, rebrousse chemin au plus vite. Le lendemain il revenait auprès du marabout pour implorer son pardon. Celui-ci, d'aussi loin qu'il le vit, lui dit : « Que la bénédiction de Dieu soit sur toi. Hier, lu as voulu me tuer, mais Dieu ne l'a pas permis. Puis- qu'il t'a pardonné, je te pardonne aussi. »

Celte fraction forme trois douars : Oulad-Atsman-Tellia ;

Sebaïkhia;

Enchir-el-Attech. Superficie : 2,260 hectares.

Fraction des OiUad-Idir.

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J

Les Oulad-Idir se disent originaires des Zouawa. Au commencement de la notice historique sur la tribu, nous avons dit que le premier cheikh investi par les Turcs se nommait Idir. D'après la tradition, cet individu était le descendant direct de celui qui aurait donné son nom ù la fraction.

450

Les Turcs léconipensèrenl la lidélité d'Idir en l'exoné- rant, lui et les siens, de l'impôt beylik et de toutes les corvées exigées habituellement. Ils en firent une fraction de Mezarguia (lanciers), nom employé dans la province pour désigner les individus au service des beys. Les Oulad-ldir, quoique enclavés au milieu des Ou!ad-Abd- en-Nour, relevaient directement du kaïd Ez-Zemala et, par une vieille habitude, nous les avons vus encore au début de notre domination compris parmi les administrés du kaïd des Zemoul.

Les Oulad-ldir, employés souvent par les beys pour réprimer les fautes ou châtier l'insubordination de quel- ques tribus, se firent de nombreux ennemis. Chaque fois que les Abd-en-Nour se révoltèrent contre l'autorité, ce qui était assez fréquent, ils commencèrent par attaquer les Oulad-ldir qu'ils ruinèrent à plusieurs reprises.

Afin de les reconstituer et do repeupler le pays, les beys se virent obligés d'y attirer des étrangers, gens souvent sans aveu et sans patrie, quelquefois même cri- minels, qui se mettaient à la disposition des Turcs pour se soustraire à la punition qui les eût atteint dans leur pays.

Superficie : 908 hectares.

AGUEDAL-EL-BKYLIK

Ce nom, qui appartient à la langue berbère, signifie Réserve, c'est-à-dire que les terres ainsi désignées étaient une réserve de l'État.

Lorsque les beys voulurent établir leur domination

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dans la province, il durent se créer une force conslam- ment disponible qui leur permit de maintenir les popu- lations trop remuantes. Constantine avait une garnison turque, des chevaux, des mulets et des dromadaires pour le transport des bagages, qu'il fallait nourrir de la ma- nière la moins coûteuse. Pour arriver à ce résultat, les beys firent choix d'une certaine étendue de terrain qu'ils nommèrent Aguedal-el-Beylik, sur lesquelles ils faisaient pâturer tous les animaux de transport et les troupeaux de bœufs ou de moutons destinés à la subsistance des troupes. L'aguedal-el-beylik comprenait environ 25,000 hectares pris sur le territoire des Oulad-Abd-en-Nour, Berrania, Telar'ma, Oulad-bou-'Aoun et Zemoul.

Nous n'avons à nous occuper, pour le moment, que de la partie qui se trouve dans les Sebakh des Oulad- Abd-en-Nour, au pied du Djebel-Guedman, dont la con- tenance est évaluée à 4,994 hectares. L'aguedal était sous la surveillanciî du kaid El-Azib qui venait, tous les hivers, établir ses tentes à 'Aïn-Taklilt (la fontaine de la négresse), pour mieux surveiller les animaux de toute nature appartenant au beylik.

Plus tard, ces fonctions furent scindées et réparties entre le kaïd Tchentcheri, chargé des troupeaux de mou- tons, et le kaïd El-Ibel, surveillant des dromadaires. Les gardiens ou bergers étaient fournis parles tribus Mezar- guia, telles que les Zemoul et quelques fractions de Ber- rania. Les troupeaux hivernaient habituellement sur les terres aguedal; en été, on les faisait remonter vers le nord, entre Constantine et le littoral.

Il était expressément défendu aux populations envi- ronnantes de labourer ou même de faire paître leurs

25^

troupeaux sur les lerres de l'aguedal. Celle mesure donnait lieu à des abus de pouvoir et des vexations dont se souviennent bien encore les Oulad-Abd-en-Nour.

Sous le gouvernement d'El-IIadj-Ahmed bey, les déira ou Zemoul préposés à la garde des terres réservées, s'embusquaient souvent au col de Teniet-Saïda, guettaient comme des oiseaux de proie tous les imprudents qui se basardaicnl dans la plaine de Gabel-Tarf ou de Bir-er- Raian, couraient sus, les arrêtaient, les menaçaient de la colère du bey, mais les relàcbaicnt presque toujours en se faisant donner une djahala quelconque (cadeau en argent).

AZELS

Les azels situés sur le territoire des Oulad-Abd-en- Nour sont ceux de :

Aïn-Melouh, dont le beylik prit jadis possession à titre de biens tombés en déshérence à la suite d'une épidémie qui en avait fait mourir toule la population.

Blcd-Dekri, Azel-Mordj-Hariz Outani et Fokani.

Ouldjet-Mcrabôt-Seliman, tire son nom d'un marabout qui l'occupa pendant longtemps; devenu propriété beylik à la suite d'intrigues et révoltes fomentées par la famille du marabout.

Blcd-Bakhbakha, Azel-el-Bey.

Azel-Mâmra (voir l'historique de Màmra).

Azcl-Mechira, id.

La majeure partie de ces terres a été remise à la colo- nisation et concédée ensuite à des européens et à des indigènes. Le reste appartient encore au domaine de l'État.

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CONCESSIONS DE TERRES

Les établissements européens sont : le moulin Gassiot, la ferme Rimbert, les moulins Hérand et d'Ormov, les établissements Gaucher, Nicolas, Pons, Lamonie, Saulnier, Krajewski et Sègle.

Le moulin Gassiot, situé au bout de la plaine de Mordj- Hariz, est parfaitement construit et bien installé. Plus de quatre mille arbres fruitiers ou forestiers ont été plantés. Toutes ces plantations forment autour du moulin une charmante oasis, qui repose l'œil de l'européen, peu ha- bitué à traverser de vastes plaines dénudées comme celles des Oulad-Abd-en-Nour.

M. Rimbert est un agriculteur laborieux, qui a obtenu de magnifiques résultats en exploitant avec intelligence et lui-même les terres qui lui ont été données en conces- sion. Dans sa ferme, vaste et solide, vivent dix européens avec femmes et enfants, travaillant toute l'année comme dans les établissements agricoles d'Europe. M. Rimbert a fait aussi de grandes plantations; ses écuries et ses hangards renferment de nombreux troupeaux. Il suffira d'énumérer les prix et les mentions honorables accordées à M. Rimbert, à la dernière exposition de Constantine, pour se faire une idée exacte des résultats qu'il a obtenus.

Sur les ruines de l'ancien bordj Mâmra, M. Gaucher a élevé une maison , des écuries, et enfin une auberge pour les rouliers et les voyageurs. En face l'auberge il a planté des arbres, creusé un puits dont l'eau est excel- lente et créé le beau jardin qui se voit aujourd'hui.

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Le moulin d'Ormoy est silué au-dessous de la fontaine de Mechira, dans un ravin isolé, couvert de substructions romaines et au milieu de l'oppidum celtique dont nous ferons bientôt la description. Les quelques plantations commencées autour du moulin ont donné un peu de gailé et de vie à ce quartier dont l'aspect est sauvage et si- nistre.

Village de Dekri. Ce village, dont la création a été décrétée le iC décembre 1854, est silué à cinquante-huit kilomètres de Constanline. Le manque d'eau l'a toujours empêché de prospérer. La compagnie qui en a obtenu la concession avait construit une cinquantaine de maisons qui sont restées inhabitées; aujourd'hui elles s'éfondrenl, s'écroulent et offrent l'aspect d'une ruine moderne.

Des concessions de terres ont été faites également à plu- sieurs indigènes qui, suivant l'exemple des européens, ont construit de belles maisons de campagne et fait des planta- tions d'arbres fruitiers et forestiers. La ferme de Si Abd- Allah-Khodja, à Aïn-Melouk, est solidement construite, les plantations y sont considérables. Celle des frères Bach-Tarzi, à Mordj-IIariz, est dans les mêmes conditions. Si Dcl-Kaccm-bou-Hcgà a construit et élevé la jolie mai- son et planté le bouquet d'arbres qui se voient prés de la nouvelle route de Sélif, au-delà du pont de l'Oued-Dekri. D'autres indigènes ont construit des mechta sur leurs concessions et ont commencé à faire aussi quelques plan- tations.

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Vil

ETHNOGRAPHIE

Population. Les transmigrations qui se iiont pro- duites, à toute époque, ont mis une extrême confusion dans la généalogie de chacune des familles qui compo- sent la tribu des Oulad-Abd-en-Nour. Dans l'historique qui précède, nous avons vu que cette population, d'ori- gines diverses, n'était unie entr'elle que par le seul lien de la légende de Sidi lahia. Beaucoup de ces familles, aimant à orner leur filiation avec plus ou moins de fan- taisie, prétendent venir de l'Orient ou du Maroc; ces noms leur paraissent avoir plus d'harmonie et constituer des litres de noblesse. La tradition locale désigne seule- ment deux fractions : les Oulad-Mehenna-ben-Bergoug et Ben-Kebab, et les Oulad-Khelouf, comme issues des Ketama et des Sedouïkich, Berbères, jadis maîtres du pays. Quant au reste de la population, il proviendrait de familles kabyles du Jurjura, chaouia de l'Aurès ou Arabes sahariens qui, d'après la tradition, seraient venues se fixer dans le pays à l'époque vivait le marabout Sidi Mahammed-ben-Iahia. Leur physionomie est du reste par- faitement distincte ; les premiers sont généralement blonds, aux yeux bleus et à la peau blanche; les autres ont le type saharien, c'est-à-dire le teint brun, la peau bronzée.

Il n'y a dans la tribu que deux ou trois nègres, anciens

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esclaves de familles puissantes qui, aujourd'liui , labou- rent pour leur compte et sont devenus chefs de tente.

Les juifs ne s'y sont jamais établis, il en vient parfois quelques-uns qui parcourent les douars pour vendre ou réparer les bijoux. La population actuelle de la tribu se décompose ainsi :

Hommes 8 . 132

Femmes mariées ou veuves 7.089

Enfants màles 4.322

Jeunes filles 3.921

Total delà population au 1 ^^ janvier 1 864. 23 . 464

Langue. Dans les fractions originaires de la Kabylie, des montagnes de l'Aurès ou des Oulad-bou-'Aoun, on parle la langue berbère beaucoup plus que l'arabe. Ce- pendant les relations constantes qui existent entre les nomades Sahariens et les Oulad-Abd-en-Nour tendent à faire disparaître l'usage de l'idiômc berbère; dans cer- taines fractions la nouvelle génération ne le comprend déjà plus.

Corporations religieuses. Les ordres des Tidjania et de Ben-Abd-er-Rhaman ont beaucoup d'adeptes. Ces der- niers sont les plus nombreux.

Mariages. La polygamie est assez répandue, les gens riches ont jusqu'à trois et même quatre femmes. Assez généralement les deux sexes se marient quand le jeune homme a atteint l'âge de 15 à 20 ans et la jeune fille celui de 12 à 14. Si les parents agréent la demande et sont d'accord sur le chiffre de la dot, le mariage se conclut immédiatement et assez souvent sans consulter

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la jeune fille. Au jour indiqué, les amis du mari vont chercher la future épouse et la conduisent avec des cris de joie, des chants, et au bruit de la poudre. En arrivant à sa nouvelle demeure la mariée est aspergée à plusieurs reprises avec de l'eau que jettent sur elle les vieilles femmes du douar, afin de la purifier. Puis on lui pré- sente du beurre, dont elle doit oindre les montants de la tente ou de la mechta, pour attirer la bénédiction divine sur son ménage. La durée des fêtes qui ont lieu à l'occasion d'une noce est subordonnée à la fortune des nouveaux mariés.

Ces mariages précoces et les fatigues de la vie domes- tique arrêtent presque toujours le développement de la femme et la font vieillir avant l'âge. Arrivée à cette pé- riode prématurée de décrépitude oîi elle ne peut plus concevoir, elle est entièrement délaissée et traitée parfois avec tyrannie. Dans les familles aisées, la femme ne sort pas de la tente ou de la mechta ; ses occupations se bornent aux soins intérieurs du ménage, à tisser des burnous, des liaïks ou des tapis. Mais, dans la basse classe, sa position est très précaire, la plus grande part aux travaux lui est dévolue; à elle de porter les plus lourds fardeaux, de moudre le grain, de travailler dans les champs, soigner les chevaux et les bestiaux, et d'aller chercher de l'eau souvent h de grandes dislances. La femme ne prend jamais part au repas du mari ou de ses fils; elle les sert et mange ensuite ce qui reste. Naturel- lement très jaloux, les hommes traitent leurs femmes avec brutalité et barbarie sur le moindre soupçon d'in- fidélité. Les aventures galantes et les enlèvements de femmes mariées ne sont cependant pas rares. On'^nt lo

<8

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mariage n'est pas dissous par le divorce, il en résulte toujours des haines invétérées, qui se traduisent par des vengeances et des rixes sanglantes de famille à famille.

Naissajiœs. Aussitôt qu'une femme est accouchée on en donne avis aux parents et aux amis. Si le nouveau- est un garçon, chacun s'empresse d'aller féliciter le père, mais si c'est une fille, la mère seule reçoit les compliments des voisines.

Circoncision. La circoncision de l'enfant, qui a lieu habituellement lorsqu'il atteint l'âge de six à huit ans, est encore une occasion de fêtes. Quand le moment est venu, que tout est préparé pour. cette solennité, on place sur la lente qui abrite la famille une perche au bout de laquelle llolle un linge quelconque, qu'ils nomment Raïa

'i. i\. (drapeau, signe, étendard). Ce drapeau lient lieu

de lettre de convocation. A ce signal les amis apportent leur oiïrande à l'enfant et viennent prendre part au festin. Les femmes se réunissent en même temps, vont à une certaine distance du douar et remplissent de terre un plat, dans lequel doivent tomber les quelques gouttes de sang que fera couler le circonciseur. L'opération achevée, elles rapportent celle terre imbibée de sang dans le trou elle a été prise. Lorsque tout le monde est arrivé, une vieille femme décroche le drapeau placé sur la tente el va se mettre à quelques pas; alors commencent les courses à cheval et les coups de fusil ; chaque cavalier, cherchant k montrer son adresse, s'approche du drapeau que la vieille femme agite constamment avec la perche, et essaie de l'enlever avec le boni de son fusil qu'il dé- rharge en même temps.

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Éducation des enfants. L'enfant qui appartient à une famille aisée est envoyé à l'une des écoles de la tribu. Là, il apprend à réciter des prières ou à psalmo- dier quelques passages du Koran. Celle instruction est tout-à-fait insignifiante, car on trouve dans les douars peu d'individus capables de lire ou d'écrire une lettre. Les familles peu fortunées confient à leurs enfants la garde des bestiaux. On voit souvent, près des troupeaux, des bambins d'une dizaine d'années, vêtus de loques in- suffisantes pour satisfaire lu décence, galoper avec une hardiesse incroyable sur des chevaux sans selle ni bride. Cet exercice les habitue de bonne heure au cheval et ils arrivent de cette manière à faire plus tard d'excellents cavaliers. Ils grandissent ainsi dans les champs jusqu'au moment ils sont en état de conduire la charrue. Telle devait être l'éducation des Numides qui, les premiers, ont habité ce pays. Les jeunes filles restent auprès de leur mère, apprennent à faire la cuisine, à tourner la meule, lisser des burnous , des felidj pour les tentes et vont chercher de l'eau à la fontaine.

Funérailles. Dès que le malade a rendu le dernier soupir, ceux qui l'entourent donnent des marques exté- rieures d'affliction en poussant des cris. Les femmes se déchirent la figure et appellent sans cesse celui qui n'est plus. Après avoir lavé le corps, on l'enveloppe dans un linceul et on le transporte presque immédiatement à sa dernière demeure.

Le 21 novembre dernier. Si Magoura, kaïd des Oulad- Abd-en-Nour, qui depuis deux mois prenait part à nos

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travaux (l), siiccomliait u une maladie de poilrine. La veille de sa niorl nous élions venus dresser nos lentes non loin de sa demeure et nous pûmes assister à toutes les cérémonies funèbres qui eurent lieu en cette occasion.

A neuf heures du soir Si Magoura expirait; aussitôt des cris déchirants se firent entendre. La cour de la mechla était pleine de monde, hommes et femmes con- fondus, se lamentant et frappant à coups redoublés sur des plateaux en tôle ou en cuivre. On eût dit que les animaux eux-mêmes prenaient part à ces marques d'alïlic- lion : les chiens, les bœufs et les moutons mêlaient leurs cris à ceux des hommes.

Si Magoura était étendu sur son lit (des nattes, des tapis et un matelas). Un grand réchaud brûlait du benjoin était placé à ses cotés; de nombreuses bougies éclairaient la chambre mortuaire. Les lamentations se firent entendre toute la nuit. Au point du jour, plus de deux cents individus, venus de tous les points de la tribu, arrivaient pour prendre part au nedab, c'est-à-dire pleurer le mort, faire son éloge. Les serviteurs du kaïd, les vêtement déchirés et en désordre, avaient la poitrine serrée avec des cordes ; ils s'étaient maculé la figure avec de la boue et de la suie, avaient mis des sacs et toutes sortes de guenilles sur leurs têtes ; les femmes, surtout, s'étaient égratignées et avaient le front et les joues en- tièrement déchirés et ensanglantés. Dans la matinée le cadavre fut transporté au cimetière. Un homme, monté sur un mulet, tenait devant lui le corps qui avait été ficelé sur deux perches en guise de civière ; de nombreux

(I) Travaux de la Coiiiniissioii liiarj^oe d'applitiuor lo .S«'nalus-(".onsnll<* |iinir la constUiilion do la jiroprioté araho.

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cavaliers suivaient silencicusemenl le curlége riinèbrc. Le lendemain, le cheval de Si Magoura, liarnaclié et équipé, portant en outre les armes et les vêtements de luxe du défunt, était promené au milieu du douar. Une sorte de danse macabre s'organisa. La plupart des assis- tants formèrent un grand cercle, marchant comme dans un rondeau, dont le centre était occupé par le cheval. Alors un improvisateur entonna un chant funèbre, dans lequel il fît l'éloge du défunt. Après chaque siropho le rondeau se remettait en mouvement et l'on répétait en chœur le refrain que cadençait un tambour lugubi'o.

Voici la traduction de ce chant :

0 vous qui montez de grands chevaux, allez-vous donc si pressés? Marcheriez-vous à l'ennemi? Par Dieu, je viens me renseigner. Est-il vrai que l'homme aimé n'est plus ; Qu'elle est la cause de cris que j'entends.

Verse des larmes, ô toi qui le lamentes, Sur cet homme bien-aimé, L'illustre parmi les guerriers.

Es-tu fou, loi qui interroges,,

Oublies-tu qu'il faut avoir conhance en Dieu,

Et que les destinées s'accomplissent.

Tu demandes ce qu'est devenu ce guerrier accompli,

Magoura-ben-'Achc-ur, le chéri;

On l'a emporté à Mer'elsa (l),

11 repose dans la tombe.

(1) Mer'elsa, cimetière dans la tribu des Telai'ma, ati|irôs du toini)eau du marabout Sidi Naoer.

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Verse des larmes, ù foi qui te larnenles, Sur cel homme bien-aimé, L'illustre parmi les guerriers.

Quand les Teboul se font entendre,

Magoura, droit sur son cheval gris,

S'avance pour combattre, les balles ne l'arrêtent pas.

Il court comme un nuage;

L'ennemi qu'il louche ne remonte plus en selle.

Magoura habile maintenant dans la tombe;

Chacun s'en retourne affligé

Et s'écrie : ô Magoura, assez;

Reviens, reviens parmi nous.

Verse des larmes, ô toi qui te lamentes, Sur cel homme bien-aimé, L'illustre parmi les guerriers.

Cette cérémonie se renouvella durant huit jours, pen- dant lesquels tous ceux qui se présentaient pour faire leurs compliments de condoléance étaient nourris et hébergés. Au bout de ce temps une quarantaine de taleb se réunirent à la mechta pour prier et lire le Koran. Celte dernière cérémonie se nomme Fedoua, ou action de racheter les fautes du défunt.

Autrefois, quand un homme avait été assassiné, les membres de sa famille ne se lavaient, ne lavaient leurs vêlements et ne coupaient leur barbe et leurs cheveux que lorsque le meurtre avait été vengé. Les jeunes gens s'entouraient la tête avec une corde enduite de goudron, afin de se rappeler sans cesse qu'ils avaient une vendetta à exercer.

Dans les familles riches ou nobles (douaoudia), les

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rymmes prennent le deuil, c'est-à-dire (ju'elles portent des vêtements noirs pendant quelque temps.

Superstilions. Us croient aux revenants cl à touîf les mauvais génies que l'imagination orientale a inventés. Les marabouts leur confectionnent des lalismans pour les l'endre invulnérables, éloigner d'eux les maladies ou les rendre beureux en amour. Leurs amulettes ont aussi la propriété de conjurer l'influence du mauvais œil. Si les cbiens aboient la nuit d'une manière lugubre, ou que les corbeaux, eu nombre impair, s'envolent du côté gau- che, il n'en faut pas d'avantage pour tirer des augures néfastes et faire renoncer à un projet, suspendre ou dif- férer un voyage.

Quand un cadavre a été inhumé, ils aplanissent avec soin les terres qui entourent la tombe, puis il reviennent le lendemain examiner si cette ferre s'est fendillée ou si elle porte les empreintes de quelque animal. Si le sol est resté intact, c'est signe que Dieu accorde sa miséri- corde au défunt. Si le contraire a lieu, ils font des au- mônes et renouvellent leurs prières.

Les Arabes ont la mauvaise habitude de mettre leurs cadavres dans des fosses qui, souvent, ont moins d'un demi-mètre de profondeur; il arrive donc qu'au bout de quelques jours le cadavre se trouve a découvert. Ils disent, dans ce cas, que la terre a craché le mort parce qu'il est maudit et qu'elle ne veut pas être brûlée avec lui. Les lolba exploitent toutes ces absurdités qui leur procurent toujours quelques bénéfices. On les appelle pour écrire des versets du Koran que l'on place sur le front ou dans la main du mort; s'il est permis de le dire, il lui donnent un sauf-conduit pour le faire entrer dans l'autre monde.

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lis croient aussi aux inalélices, aux (jliiilres et aux sor- liléges. Cliaque fois qu'un individu succombe d'une ma- nière qui ne leur paraît point nalurellc, ils procèdent à l'exhumalion du cadavre dix ou quinze jours après son enterrement. Les lolba piclendcnt que si le défunt est victime d'un sorlilcge, ses dénis, sa barbe et ses cheveux ont tomber comme par cncbanlemenl avant la décom- position des auUes parties du corps. Cette exhumation nécessite l'achat d'un nouveau suaire et oblige les parents à faire dire d'autres prières. Il est bon de remarquer que ces pratiques, qui ont tout le caractère de coutumes païennes, ne sont faites par les tolba que pour les morts dont les fiimilles sont aisées, qui peuvent, en un mot, largement payer leurs simagrées.

Habitations. Avant la domination française les Oulad- Abd-en-Nour étaient nomades, c'est-à-dire que, vivant sous la tente, ils n'avaient pas de demeure fixe. Selon les exigences du moment, de la saison ou de leurs intérêts, ils transportaient le campement tantôt dans le nord sur les hauts plateaux, tantôt dans les basses plaines des Sebakh. Dès que les terres des Seraoual étaient ense- mencées, que les froids commençaient h se faire sentir, ils abattaient les tentes et poussaient devant eux les trou- peaux. La crainte de représailles suffisait pour éloigner des champs abandonnés les bestiaux des tribus voisines.

Ces émigrations périodicjues obligeaient les Oulad-Abd- en-Nour à entretenir de nombreux chameaux pour le transport des tentes et des bagages. Depuis que la domi- nation française a fait goûter aux populations de l'Algérie les bienfaits de la paix et de la sécurité, la manière de

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vivre des Oulad-Abd-en-Nour s'est modifiée d'une manière très sensible. Ce qui frappait naguères en traversant les plaines qui séparent Constantine de Sétif, c'était l'absence de l'homme, le pays avait l'aspect d'une vaste solitude; mais, aujourd'hui, de nombreuses habitations se voient de toutes parts. Dans chaque Iraclion on commence à construire des mechta ou gourbis couverts en chaume, pour abriter quelques laboureurs laissés dans les Seraouat auprès des cultures; puis, l'utilité de ces mechta ayant été appréciée, elles se sont multipliées avec rapidité. Un arand nombre de familles ont renoncé à la vie nomade pour se fixer définitivement sur un point; leur exemple a été imité dans toute la tribu.

La mechta, qui ressemble un peu à nos chaumières, n'est donc plus un campement d'hiver comme le nom pourrait le faire supposer, et le temps n'est pas éloigné ces agglomérations de gourbis pourront prendre le nom de villages, car on y voit déjà quelques groupes de maisons parfaitement construites, bâties en maçonnerie de chaux et plâtre et couvertes en tuiles. Dans les hauts plateaux, partout oîi il existe une fontaine ou un ruisseau, et dans les Sebakh, partout il a été possible de creuser des puits ou de curer les anciens puits romains retrouvés, s'élèvent des hameaux susceptibles de prendre une cer- taine extension. Autour de la denmure du riche, d'autres mechia, plus modestes, servent d'habitation aux fellah ; c'est ainsi que le village se forme.

Dans les endroits il existe des ruines romaines, les gourbis sont bâtis en moellons liés avec du plâtre ou de la terre pétrie. Dans les Sebakh , la pierre manque généralement, ils sont construits en touba, briques cuites

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au soleil (juc l'on comi)ose avec de la terre et de la paille hachée.

Dans l'intérieur du gourbi, il y a ordinairement deux ou trois montants pour soutenir les poutres transversales sur lesquelles s'appuye tout le système de la toiture. La porte d'entrée est presque toujours tellement basse, qu'on ne peut la franchir qu'en se courbant, et comme il n'y a aucune fenêtre, que la porte seule éclaire, il faut uu instant pour que les yeux puissent s'habituer à l'obscu- rité qui règne dans l'intérieur. Il n'y a pas non plus de cheminée, le feu s'allume dans un trou au milieu de la chambre et il arrive fréquemment que l'on est presque asphyxié par la fumée.

Les nouvelles habitations sont construites à peu près toutes sur le même type. Au début, une vaste chambre de sept à huit mètres de long sur quatre ou cinq de large a été élevée; puis on en a fait une semblable en face celle-ci. L'un des côtés est fermé par un grand gourbi ou hangar dans lequel on abrite les animaux, tels que chevaux ou mulets. La forme de ces maisons est donc un vaste carré, dont trois côtés seraient fermés par des constructions. Dans la cour intérieure on parque les moulons et les chèvres. On se demande souvent quel peut être l'usage de ces petites tours rondes, de deux ou trois mètres de haut sur deux mètres de diamètre, que l'on voit à côté de chacune de ces maisons. Ce sont des zeriba qui contiennent l'approvisionnement ô'oiikid ou combustible pour préparer les aliments. Disons tout de suite que l'oukid n'est autre chose que de la bouse de vache pétrie en tourteaux , séchée au soleil et enfermée avec soin dans la zeriba. L'oukid supplée au bois qui

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manque dans le pays. Autour de chaque mechta on a creusé des silos, réservé des emplacements pour battre le grain et mettre la paille en meules.

La conséquence de la création des mechta, que nous préférerions nommer dechera ou villages, est facile à apprécier. D'abord, les populations sont stables, se fixent et s'attachent au sol qu'elles ont grand avantage à faire fructifier sous leurs yeux. Pour le bien-être et sous le rapport hygiénique, on doit constater que cette nouvelle manière de vivre a déjà produit d'excellents elfets. Pen- dant les émigrations périodiques, du nord au sud et du sud au nord, la mortalité causait de grands ravages chez les enfants et les bestiaux. Enfin, comme intérêt matériel, les Oulad-Abd-en-Nour ont pu se débarrasser, par vente ou par échanges, des nombreux chameaux indispensables autrefois pour les transports ; quelques fractions de la plaine, seulement, ont conservé les leurs, mais elles ne tarderont pas à s'en défaire également. Quoi qu'il en soit, les indigènes ont encore leurs tentes qu'ils dressent au printemps, à côté des mechta ou sur leurs champs, quand ils sont trop éloignés de l'habitation. Toute la famille reprend alors l'existence nomade ; le campement se trans- porte tantôt sur un point, tantôt sur un autre, on forme le douar, c'est-à-dire que les tentes sont plantées en cer- cle, de manière à établir un vaste enclos pour y par- quer les troupeaux pendant la nuit. C'est ainsi, par des déplacements successifs, qu'ils fument leurs terres. Les déplacements périodiques ont encore une utilité hygié- nique : dans la mechta les hommes et les animaux vivent souvent en communauté^ il est donc nécessaire de l'aérer et de la débarrasser de temps en temps des insectes qui y fourmillent.

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Propriété. Tout le temloire des Oulad-Abd-eii-iNour élait terrain arch, sauf quelques exceptions pour les azels beylik et les apanages des marabouts. L'individu qui, avec l'assentiment de la djemaà, avait défriche un terrain, en avait la jouissance et l'usufruit, droit qu'il trans- mellait à ses héritiers. Ces droits, s'appelanl melk-arou- chia, constituaient la possession individuelle, mais sans liberté de transaction ou d'aliénation. Aucun individu ne possède de titre écrit, l'usage et la notoriété publique seule en tiennent lieu. Les familles de marabouts ont cependant quelques papiers transmis par leurs ancêtres et délivrés à diverses époques par les beys, pour leur accorder la faveur de jouir d'un terrain quelconque avec exonération d'impôt et exemption de corvées. Ces diplô- mes étaient renouvelés à l'avènement de chaque nouveau bey. Il arrivait aussi que les beys supprimaient les pri- vilèges des marabouts qui donnaient des motifs de mé- contentement.

Autrefois la partie lellia était seule labourée et encore ces cultures étaient-elles largement espacées; les plaines des Sebakh étaient exclusivement réservées pour le pacr cage. Quand la population s'est accrue, un partage des terres en friches a été fait par les cheikhs et la djemaà entre les nouveaux cultivateurs.

Lorsque jadis il y avait contestation pour la jouissance d'un terrain, ou empiétement entre voisins, l'aflaire élait jugée par serment. On jurait à la zaouïa de Sihi-lahia, et celle des parties qui prenant à témoin les mânes du marabout, certifiait ses prétentions en mettant une poi- gnée de terre sur sa tête, avait gain de cause ; les lolba lui délivraient un papier tenant lieu de jugement. Au-

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jourd'hui, loules les affaires sont portées devant le kadi, et en dernier ressort devant nos tribunaux.

Commerce, industrie. Les OuIad-Abd-en-Nour ne font aucun commerce et n'ont d'autre industrie que la cul- ture de leurs terres et l'élevage des bestiaux. Cependant, dans beaucoup de familles et pour l'usage personnel, on confectionne des effets qui méritent d'être indiqués d'une manière toute spéciale. Nous parlerons d'abord des tapis, que les indigènes divisent en quatre catégories, distin- guées par l'aspect et le mode de tissage (1).

Zerbia, moquette; 2" Guetif, lapis à longs poils ; .S» Hambel, tapis poil ras; 4-0 Melrah, petit tapis.

Le zerbia ou tapis moquette a le plus de perfection, tant sous le rapport de la qualité de la laine que de l'en- gencement des nuances, de la grâce et de la variété du dessin, qui rappellent le tapis d'Orient.

Le guetif, se dislingue surtout par la longueur de son poil et une confection moins soignée. Il en est, cepen- dant, qui n'en différent que sous le premier rapport. Ces deux genres de tapis ne sont en usage que dans les familles riches ou aisées.

Le hambel, simple tissu croisé, a cependant beaucoup de force et de durée. Il sert de tapis et de couverture. Son dessin consiste en bandes longitudinales de couleurs diversement alternées.

(1) Ces renseignements nous ont été fournis par M. le lieutenant Viven- sang, adjoint au bureau arabe.

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Le niclrali, comme perfectionnement, ressemble à la zerbia et a le poil ras à peu près comme le hambej. Le prix de revient de ces articles est extrêmement diffi- cile à apprécier; il varie suivant le cours des laines et les arrangemenis pris avec l'ouvrier confectionneur quand ils ne sont pas faits dans la famille. La fabrication des Oulad-Abd-en-Nour, analogue à celle des tribus de la même région, doit être avantageusement classée parmi les produits similaires, mais il convient de dire qu'elle ne donne pas lieu à un véritable commerce. L'babitant de la tente travaille pour l'ameublement de son intérieur et non pour la vente. Si le besoin d'argent se fait sentir, il troque son tapis avec son voisin ou l'apporte au mar- cbé, l'on ne rencontrera presque jamais un tapis neuf. Aussi la valeur vénale de ces objets est-elle essen- tiellement variable, subordonnée surtout à l'urgence des besoins qui déterminent la vente et toujours inférieure au prix de revient; ce dicton arabe le prouve :

« Si lu veux im tapis, ne le fabrique pas, achète le...y>

On peut dire, sans crainte d'erreur, qu'il y a un mé- tier |)ar tente, mais on n'en trouve davantage que dans les familles très aisées. Les seuls hommes qui prennent part à la fabrication des tapis, sont les apprcleurs, qui se trou- vent au nombre de trois seulement dans la tribu. Quand les fils sont teints et préparés, l'apprêteur va faire la Irâme et donne la forme au dessin. Ce travail se paie à raison de dix francs le mètre, sans compter le mouton qui lui est donné en difa quand il a achevé sa besogne.

Les burnous fabriqués dans la tribu sont de l'espèce ordinaire, c'est-à-dire blancs, ils n'oiïront rien de parti-

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culier et varient de 30 à 70 francs. Ils achètent ordinai- rement leurs burnous aux Arabes du Sahara et surtout aux Kabyles de l'Oued-Sahel.

La fabrication des haïks se trouve dans des conditions analogues, avec cette diflérence que les machines euro- péennes ont mieux réussi dans cette partie du vêtement indigène que dans les autres, à faire concurrence aux produits du pays. Il en est résulté une sensible diminu- tion, non seulement dans les achats aux marchand arabes et kabyles, mais encore dans la production locale.

Le travail des tellis a beaucoup d'analogie avec celui du tapis hambel, mais on emploie pour sa fabrication que la laine de qualité inférieure.

Dans plusieurs mechta sont installés des forgerons, des maréchaux ferrants et quelques menuisiers. Les ustensi- les en terre, tels que plats, tasses et marmites, sont confectionnés par les femmes-

Il existe sur l'Oued-Tadjenant quelques moulins à fa- rine exploités par des arabes, mais les grands avantages qu'offrent le perfectionnement de nos usines, diminuent chaque jour l'importance des premiers.

Productions. La richesse de la tribu consiste dans la culture des céréales. Le sol y est excellent, sabloneux, facile à labourer et l'un des plus féconds de l'Algérie, ce qui a fait dire que « cette région produisait de l'or. »

Par habitude traditionnelle les indigènes ne cultivent que le blé et l'orge, cependant, depuis quelques années, on a songé à introduire dans le pays l'usage des cultures diverses et augmenter ainsi la richesse naturelle du sol. La pomme de terre a déjà donné des résultats satisfai-

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sanls; son utilité y est appréciée et il est même permis d'augurer que ce genre de culture pourra se développer rapidement. Dans le Tell, quelques jardins ont été créés; on y a planté des arbres fruitiers, de la vigne et sur plusieurs points irrigables on a essayé la culture du sorgho. Il y a aussi des prairies dont l'herbe a été coupée jusqu'ici à la faucille. Il faut espérer qu'on amènera les Oulad-Abd-en-Nour à. imiter les Kabyles en se servant de la faux, et recoller de celle nianicrc une quantité de fourrages sulïîsanls pour leurs besliaux.

Il convient maintenant de donner quelques détails sur le mode employé pour la culture des céréales. La mesure agraire est la djabda, c'est-à-dire l'étendue de terrain labourée pendant la saison par une charrue attelée de deux animaux. Dans la partie des hauts plateaux la con- tenance de la djabda est de dix à douze hectares et dans les plaines des Sebakh de quinze à vingt. L'aitelage de la charrue se compose ordinairement de juments ou de mulets. Le bœuf n'est employé que dans les Seraouat.

Les travaux de labour commencent ordinairement vers le mois de novembre et sont continués jusqu'en février, et même davantage si les terres sont suffisamment hu- mectées par les pluies.

Par djabda on ensemence de huit à douze saâ de blé environ et de six à dix d'orge.

La capacité du saâ est de 1G0 lilres (huit doubles déca- litres).

Les termes en usage pour désigner les terres, sont :

La Djorro, sillon fait par la charrue et par extension tout le lorrain labouré par un individu.

liour, terrain qui n'a jamais été labouré.

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Meskouk, terrain labouré jadis, puis abandonné depuis huit ou dix ans.

Atil, terrain labouré et laissé en jachères depuis moins de quatre ans.

Kçob, terrain labouré l'année d'avant.

Lorsque le propriétaire ne laboure pas lui-même, il emploie la main-d'œuvre du khemas ou associé, qui per- çoit le cinquième de la récolte pour salaire. Le khemas vit des avances qui lui sont faites par le propriétaire plutôt que du cinquième qui lui est dévolu. Malgré celte difficulté de se libérer vis-à-vis de son maître, il arrive fréquemment qu'il y parvient, grâce à une succession de deux ou trois bonnes récoltes, à l'économie constante ou plutôt aux privations qu'il s'impose. La plus grande partie des khemas est d'origine étrangère à la tribu. Ils viennent, soit des tribus montagnardes du sud, Aurès, Oulad-bou- 'Aoun, Oulad-Sellam, soit des tribus kabyles. C'est surtout par ce moyen d'atteindre à la jouissance du sol que se produit l'aggrégation des étrangers à la tribu. Leurs enfants finissent par être considérés comme issus de la souche commune.

Dans la partie Tellia, à moins d'année tout-à-fait mal- heureuse, les récoltes sont presques toujours assurées, tandis que dans les Sebakh elles sont tout-à-fait inter- mittentes ; si le terrain n'est pas suffisamment humecté les laboureurs récoltent tout au plus leur semence. Mais, après un hiver pluvieux, tous les Sebakh se couvrent d'une végétation exubérante, m?i ^mm produit jusqu'à cent cinquante et deux cents épis (1), et on s'indemnise

(1) Il y a deux ans, un phénomène de végétation a été envoyé de Msila à Constanline, c'était une gerbe de 400 épis de blé produite par un seul grain.

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largement des pertes éprouvées par la sécheresse. Aussi les indigènes disent : a La pluie d'avril fait sorlii- Vcpi, serail-il au fond d'un puits. >>

Bergers, pasteurs. Les bergers reçoivent comme rétribution le dixième du produit des brebis dont ils ont la garde. Au-delà de cent, ils ne reçoivent d'augmentation proportionnelle que pour chaque demi-centaine complète. Ils reçoivent, en outre, un vieux burnous chaque année, une gandoura, une paire de guêtres en tricot de laine, des semelles de peau pour chaussure. On ajoute une certaine quantité d'orge pour leur nourriture. Le propriétaire joint aussi à son troupeau un certain nombre de chèvres dont le lait doit subvenir à la subsistance du berger.

Les Oulad-Abd-en-Nour possèdent très-peu de bœufs; on en voit guère que chez les habitants des Seraouat. Mais, en revanche, leurs troupeaux de moutons sont con- sidérables et constituent une partie de leur richesse. L'espèce ovine présente quelques variétés, telles que le mouton, dépourvu de laine à la tète et aux jambes, celui à deux ou quatre cornes, et enfin le mouton dit de Bar- barie, à large queue.

L'incurie et l'imprévoyance de l'indigène ont toujours été proverbiales ; les grands froids et le manque de four- rages décimaient naguère les troupeaux. Pendant la mau- vaise saison tous les douars émigraient vers le sud de la tribu , au milieu des pâturages abondants. Mais il leur arrivait quelques fois d'être surpris par les neiges sur les liauls plateaux. Moutons, bœufs et chevaux, rassem- blés au milieu du douar, restaient alors exposés au veni, ;"i la plnio o\ à la neige, lournanl sur i>lace pour se rè-

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cliaufTcr, piélinant dans la boue liquide, les moutons se rongeant la laine mutuellement, faute d'autre nourriture, et celte situation durant jusqu'à ce que la fonte des neiges permit de les renvoyer aux champs. Nous devons cons- tater que l'administration a déjà obtenu sous ce rapport des résultats satisfaisants. A côté de la mechta dans la- quelle réside la famille, on a construit des abris pour les chevaux et les mulets; ce premier pas en a nécessité un autre, celui de recueillir des approvisionnements de paille ou de foin pour l'hiver. Il faut espérer qu'ils cons- truiront bientôt des hangars pour le menu bétail. Au- jourd'hui, on n'envoie dans les Sebakh que les bestiaux qui ont le plus à souffrir de la température. A moins de temps tout-à-fait mauvais, que le manque de bois de chauffage rend encore plus difficile à supporter, la famille n'émigre plus en masse comme autrefois ; les bergers, seuls^ se rendent vers le sud avec les troupeaux confiés à leurs soins.

Pâturages. A mesure que les cultures se sont éten- dues sous l'influence de la sécurité, les espaces défrichées réduisant les paccages, l'élève des animaux a se res- treindre. Dans la tribu même, la pâture vive existe sur tous les terrains communaux; la vaine pâture existe aussi à peu près sur tous les héritages à partir du moment oîi les fruits ont été enlevés. Quant aux règles qui sont ob- servées dans l'exercice des usages de vaine pâture, c'est la djemaà qui intervient toutes les fois que cela est né- cessaire. En général, chaque habitant d'un douar a le droit de faire pâturer tous les animaux qui lui appar' tiennent, quand il le fait aux époques réglées par la

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(liemaà, mais il ne pourrait prendre des animaux appar- tenant à d'autres et les faire pAlurer sous son nom.

Les habitants des tribus voisines mènent quelques fois leurs troupeaux chez les Oulad-Abd-cn-Nour; de même que ceux-ci vont à leur tour chez les voisins. C'est une simple condescendance de la part des uns et des autres. Ces relations amicales sont établies suivant des conven- tions traditionnelles pour se prêter un secours mutuel à certaines époques de l'année. Si les pâturages sont abon- dants sur tous les points du pays, chacun reste chez soi, mais dans les mauvaises années, quand la plaine est dessé- chée, que les pluies ont été insufTisantes pour favoriser la végétation, chacun cherche à établir la réciprocité de parcours avec les voisins plus favorisés. En hiver, par exemple, quand l'abondance des neiges empêche le par- cours dans les montagnes, les Oulad-bou-'Aoun prévien- nent les Oulad-Abd-en-Nour, qui s'empressent de les re- cevoir dans les pâturages des Sebakh, après leur avoir indiqué préalablement les endroits labourés ou destinés à la culture qui doivent être respectés. Par réciprocité, les Oulad-Abd-en-Nour envoient en été leurs troupeaux chez les Oulad-bou-'Aoun.

De temps immémorial, quelques tribus sahariennes ont l'habitude d'amener leurs troupeaux sur le territoire des Oulad-Abd-en-Nour. Ces tribus arrivent généralement en masse, en juin, à Sokhna , à Aïn-el-Garsa et à Biar-et- Taïa, campements situés dans les Sebakh. Ils restent dans les pâturages voisins jusqu'à ce qu'ils aient trouvé à conclure des conventions amiables avec les habitants du Toll. Ils vont alors se placer chez eux comme moisson-

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neurs et leurs troupeaux sont reçus également dans leurs pâturages. Ils restent ainsi jusque vers le mois de sep- tembre ou octobre, époque à laquelle ils rentrent dans leur pays à cause des froids et aussi parce que leurs in- térêts les rappellent dans le sud.

Avant leur départ, ils se réunissaient autrefois soit à Drâ-Tobal, soit à Ouldjet-Merabôt-Seliman, et ouvraient un grand marché dans lequel ils échangeaient des dattes et des vêtements de laine contre des grains; en même temps ils payaient leurs impôts. Quelques fois les tribus qui ont reçu les Sahariens, envoient à leur tour, à leur rentrée dans leur pays, des troupeaux de chameaux et de moutons. L'importance de l'émigration annuelle des Sahariens, chez les Oulad-Abd-en-Nour, est évaluée de la manière suivante :

Tentes 820

Chameaux , 3.000

Moutons 11.200

Le cheikh El-Arab établissait autrefois sa zmala à Ouldjet-Merabôt-Seliman et administrait de tous les Sahariens campés dans le Tell pendant la saison des fortes chaleurs. Ce système présentait d'immenses inconvé- nients, car il lui était matériellement impossible de sur- veiller son monde disséminé un peu partout. Vers l'année 1856, l'autorité supérieure décida que les nomades se- raient justiciables, pendant leur séjour dans le Tell, des kaïds de la circonscription oii ils seraient campés.

Marchés. Du temps des Arabes, de même qu'au- jourd'hui , le marché de Màmra s'ouvrait deux fois par semaine, le jeudi cl le lundi. Les indigènes de toutes les

-278

tribus voisines y étaient reçns et on y voyait parfois un nombre très-considérable d'individus. L'administration française a maintenu le marché de Màmra, mais afin de favoriser le commerce local, elle a créé depuis longues années un second marché qui se tient le jeudi de chaque semaine, auprès du village de Dckri. Ces marchés sont fréquentés par des marchands mozabiles et juifs de Cons- tanline, qui viennent y vendre des cotonnades, de la mercerie, des drogues de toute espèce et des ustensiles en fer battu. Les négociants européens trouvent à y ache- ter des bestiaux, des laines et des céréales. Comme par le passé, les kaïds et les cheikhs sont toujours chargés de la police des marchés.

Jadis, lorsque les Oulad-Abd-en-Nour émigraient en hiver dans les Sebakh, le grand marché de la tribu était tenu auprès de Aïn-Soultan.

Animaux de toute espèce, bêtes sauvages. On voyait autrefois des troupeaux de gazelles paître dans les Se- bakh, mais elles n'y font plus que de rares apparitions depuis que cette partie du pays est livrée à la culture.

Le Tafrent était jadis le repaire de lions et de pan- thères, qui ont émigré par suite du déboisement de la montagne. Sur la cime des rochers se voient des aigles, des vautours, des éperviers; plus bas des vols de pi- geons et des compagnies de perdrix. Comme gibier, on trouve aussi, à diverses époques de l'année, des ganga, courlis, pluviers gris et dorés, canards, oies sauvages, bécasses et bécassines, lièvres, grues, flamands près du Chott. Dans les eaux du Roumcl, on trouve du barbeau en assez grande quantité. Il y aurait aussi du poisson

279

dans les alllucnls do ce lleuve, si les lorlues d'eau ne leur fesaienl une guerre acharnée.

Les animaux domestiques sont : le cheval, mulel, âne, dromadaire, boeuf, chèvre, mouton, poule, quelquclbis des pigeons et des canards, des chiens et des chats.

Les Oulad-Abd-en-Nour possèdent une race de chevaux renommée, réunissant toutes les qualités du cheval de guerre : vigueur et sobriété. La paix, qui depuis vingt ans règne dans le pays, fait que beaucoup d'entr'eux ont renoncé à l'élevage du cheval; ils trouvent de plus grands avantages à reproduire des mulets qui leur sont d'abord plus utiles pour leurs travaux de labour, et dont la vente leur offre ensuite des bénéfices assurés.

Les Oulad-Abd-en-Nour possèdent :

Moutons 89.134

Chèvres 12.794

Bœufs et vaches 2.298

Chevaux 767

Juments 3.420

Poulains et pouliches. . . . 540

Mulets 2.120

Chameaux 324

Administration sons la domination turque. Quand un bey arrivait au pouvoir, il nommait aux divers em- plois des individus qui, au temps de son obscurité, étaient ses amis, ou bien ceux qui, par leur influence, pouvaient lui être d'une ulihté réelle pour l'aidera main- tenir son autorité. Il ne tenait aucun compte, le plus souvent, de leur aptitude ou de leur moralité.

iJ80

Kn entrant en fondions, le kaïd ou le cheikh nouvel- lement investi cherchait à dépouiller son prédécesseur et quelquefois môme à le faire périr, s'il avait à craindre son antagonisme. Puis, il percevait sur chaque lente une somme de 7 fr. 50 dite ferait ou droit de joyeux avène- ment. Mais il était rare que le produit de celte première imposition suflit à le faire rentrer dans les avances qu'il avait été obligé de débourser pour assouvir la cupidité de ses protecteurs et du bey lui-même quelquefois, qui lui avaient pour ainsi dire vendu son emploi. Un moyen as- sez fréquemment usité pour obtenir de l'argent était celui du mariage. Le nouveau kaïd prévenait tous ses administrés qu'il se mariait tel jour et les invitait à venir assistera sa noce. Malheur à celui qui, le jour fixé, n'ar- rivait pas avec sa mâouna ou offrande consistant en ar- gent, objets de toute sorte ou en bestiaux. Au moindre prétexte, quelque futile qu'il fut, il était mis à l'amende, traqué sans relâche et dépouillé de tous ses biens, heu- reux quand il ne perdait pas la vie.

Si la femme du kaïd accouchait d'un fils, c'était un nouveau prétexte pour se faire apporter la mâouna. De cet état de choses il résultait que le chef du pays, n'étant pas contrôlé, ne s'occupait jamais du bien-être de ses administrés ; son seul but était d'exploiter le mieux pos- sible sa position, de manger, comme disent les Arabes, c'est-à-dire d'acquérir de la fortune. Fatigués et poussés à bout par ces exactions incessantes, les populations finissaient quelquefois par massacrer leur tyran. Quand la crainte les empêchait d'en venir à cette extrémité, chacun dissimulait sa fortune, affectant même de porter des vêtements sordides pour ne pas éveiller la cupidité

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d'un maître qui s'arrogeait le droit de prendre ce qui lui convenait.

Service militaire sous les heys. Quand les beys fai- saient une sortie^ ils convoquaient les contingenls des différentes tribus qui arrivaient aussitôt sous la conduite de leurs kaïds. Chaque cavalier devait subvenir, pendant toute la campagne, à sa nourriture et à celle de son cheval.

Le partage des razias ou prises était ainsi fixé : pour le bey sur les moutons, bœufs, mulets, les deux tiers ; pour les auxiliaires des tribus, un tiers. Les chevaux re- Yenaient de droit à l'État.

Le cavalier auxiliaire qui rapportait une tête ennemie recevait une gratification de 30 réaux (60 fr.) ; celui qui prenait un fusil, 10 réaux (^0 fr.). Les vêtements, effets ou bagages restaient aux capteurs.

Impôt. L'impôt comprenait :

Le hokor ou sorte de loyer de la terre, qui était de 5 douros par djabda.

L'achour ou dîme prélevée sur les récoltes.

La zekkat, impôt sur les bestiaux.

La touiza, corvée de la tribu pour ensemencer des terres pour le compte des kaïds et des cheikhs, faire en- suite la moisson, dépiquer le grain et le transporter.

Et enfin la mâouna, que le kaïd prélevait toutes les fois que le besoin d'argent se fesait sentir.

Actuellement, l'impôt principal se compose du hokor et de l'achour pour la terre et de la zekkat pour les troupeaux.

28^

Le hoko)' est de "20 IV. par charrue et Vachour de 25 fr., ce (|ui forme un total de -45 fr.

Les moutons, chèvres, hœufs et chameaux sont les seuls animaux imposés :

Les moutons payent 0 15

Les chèvres 0 20

Les bœufs 3 00 ~

Les chameaux 4 00

L'impôt delà tribu, pour l'année 1803, s'est élevé à la somme de 144,490 francs.

283

VIII

ARCHEOLOGIE

Au commencement de celle notice, nous avons dit que le territoire des Oulad-Abd-en-Nour était jonché de débris du passé ; il est, en effet, peu d'endroits oi^i l'on ne trouve des vestiges antiques, placés comme autant de jalons d'une prospérité disparue. La destruction de tous ces établis- sements est généralement attribuée aux Vandales; s'il est avéré que ceux-ci ont commis de grands ravages partout ils ont passé, on doit reconnaître aussi qu'ils ont eu en Afrique des imitateurs, pour le moins aussi barbares qu'eux. Les Arabes et les Berbères ne leur cédaient en rien dans cette manie de la destruction. Les uns démo- lissaient pour anéantir la puissance byzantine, et les autres pour dégoiîter les nouveaux conquérants et re- prendre leur indépendance. Lorsque la Kahina soulevait les populations berbères contre les envahisseurs musul- mans, elle leur dissait :

« Les Arabes ne viennent chercher, en Afrique, que les villes, l'or, l'argent et les arbres. Nous, n'avons besoin que de champs ensemencés et de pâturages. En détrui- sant les cités, ils cesseront de venir dans ces contrées (1).»

C'est par ces ravages successifs que l'ancienne Numidie, jadis si riche, si habitée et si prospère, offrit bientôt

(1) M. Urbain, interprète principal de l'armée cl'Africiue. Univers Pitto- resque.

28-4

l'aspect d'une contrée désolée et inliabiléc. Le temps cl la main de populations ignorantes ont mis ce qui restait dans un état complet de dégradation.

A côté des ruines romaines se voient des vesliges cel- tiques qui rappellent une autre civilisation. Nous allons signaler tout ce qui se prête encore à l'analyse et qui peut offrir quelques sujets d'étude.

Kaf-Tazerout. Au sommet des Seraouat, à la limite qui sépare les Oulad-Abd-en-Nour du territoire des Oulad- Kebab, est un plateau rocbeux du nom de Kaf-Tazerout (le rocher, en arabe et en berbère). Au pied do la crèlc, du côté du midi, se voient des décombres qui attestent la position d'une cité détruite aujourd'hui, mais qui jouait encore un certain rôle en l'an 902 de notre ère. A cette époque existait la ville de Tazerout, que Abou- el-Kha\val fut obligé de faire démanteler parce qu'elle était le foyer des intrigues des Kelama, dissidents. (Ibn- Kbaldoun). Nous n'y avons trouvé d'autre inscription que celle gravée sur un des rochers du Kaf-Tazeroul, déjà signalée par M. L. Renier et tout récemment par M. le docteur Leclerc. Voir ci-dessus, page 75.

A gauche, et à quelques mètres de celte inscription, sont deux petites niches également taillées dans le roc, accouplées et arrondies par le haut. Au-dessus d'elles, sont trois trous régulièrement espacés c! qui semblent avoir servi à fixer des crampons. Dans la niche de gau- che, je crois avoir vu une aulre inscription très fruste, dont les lettres finales seraient : EllV ou HIV. Il m'eût fallu une échelle pour pouvoir faire un estampage ou même lire de plus près celle finale douteuse.

285

Aux superstitions païennes sont venues se joindre celles des arabes, et l'ancien sanctuaire du paganisme est en- core pour les indigènes un endroit consacré, une mezara, lieu de pèlerinage les femmes viennent accrocher des chiffons et déposer des petites lampes en terre.

Kçar-berd-Filan. Muraille en grand appareil, qui bervait probablement d'enceinte à un gros village.

Kçaria. Un peu plus au nord, dans la fraction des Mekhencha, s'élève une tour carrée que le service topo- graphique nomme, je ne sais pourquoi, tombeau de Piltacus. Cette tour, construite au sommet des Seraouat, en pierres de taille bien ajustées, s'aperçoit de très loin ; elle a environ ^n^SO de haut sur 2^50 de large. Sur le côté qui fait face à l'est, existe une ouverture carrée, ornée d'une corniche semblable au chambranle d'une porte, à laquelle devait s'adapter un panneau mobile. Il n'existe aux environs aucune trace de ce panneau; peut- être porlait-il une inscription.

En entrant dans la tour par l'ouverture formée par cet encadrement à corniche, on se trouve dans une chambre très haute, couverte en partie de larges dalles. Était-ce un tombeau, un monument commémoratif, ou une tour de signaux? C'est ce que nous saurions dire.

Aïn-Aziz-ben-Tellis. Chez les Cheraroua, coule dans un ravin la fontaine dite Aïn-Aziz-ben-Tellis. Aux deux côtés du ravin s'élèvent des mechta, construites sur les ruines d'une ville qui possédait plusieurs édifices, en pierres de grand appareil , dont on reconnaît encore la

28G

(.lisposilion inlcricurc. C'est que nous avons relevé les inscriplions des pages 80 et suivantes, inscrites sous les nos 0, 9, 12, 18, 23 et 24.

En fouillant les fondations d'un grand bâtiment carré, situé au bas de la colline oîi gisent les ruines princi- pales, nous avons trouvé, en faisant une tranchée de moins de deux mètres de large sur un mètre de pro- fondeur :

Un beau chapiteau corinthien en calcaire gris;

2o Un fragment de lampe en terre cuite, portant l'em- preinte en relief de la croix latine ;

Plusieurs médailles, moyen bronze, de Constantin et d'Hadrien;

Et les deux inscriptions tumulaires, inscrites sous le 1, page 78, et 13, page 82.

Les ruines d'Aïn-Aziz-ben-Tellis valent la peine d'être explorées avec soin. J'ai toujours supposé qu'il fallait chercher l'ancienne ville tridicra (des itinéraires), et celte hypothèse repose sur la synonimic qui existe entre ce nom et celui de FOued-Dekri, dont les eaux descen- dent des hauteurs qui circonscrivent Aïn-Aziz. Le village moderne de Dekri est à six kilomètres environ au sud, sur les bords du ruisseau.

Karch. Au nord d'Aïn-Aziz, dans la partie la plus élevée des Seraoual, se voient les ruines d'un gros bourg, au milieu desquelles nous n'avons remarqué les restes d'aucun monument important. Dans un ravin au bas de ces ruines, existait une magnifique fontaine entourée d'un mur semi-circulaire, construit en pierres de grand appareil. Les eaux de cette fontaine, qui sont encore

287

très-abondantes, se perdent dans le ravin. Il serait peut- être possible de remettre les choses dans leur état pri- mitif en nettoyant les conduits de la prise d'eau, proba- blement obstrués par du sable ou du gravier.

Mâmra. Ruines dont les matériaux ont servi à construire la zaouïa, le bordj du kaïd El-Achour et le caravansérail. Nous avons vu sur un fragment de colonne une inscription très-fruste dont nous n'avons lu que les lettres indiquées au n^ 27.

Bir-el-Harch et plaines d'El-Bahara. Ruines de plusieurs établissements agricoles.

Biar-Oulad-Khclouf. Ruines sur lesquelles s'élève une grande mechla entourée de jardins ; puils nombreux; inscriptions indiquées plus haut, sous les n°s 2, 3 et 4.

Aïn-el-Kebch. Avant d'entrer dans la gorge de ce nom, on trouve à gauche les vestiges d'un établissement agricole d'une certaine importance. Parallèlement au système du Tafrent, entre Aïn-el-Kebch et le col de Mergueb-et-Tir, on voit une sorte de chaussée en pierres de moyenne grandeur encadrées dans une double ran- gée d'autres pierres plus grosses. Cette chaussée avait environ trois mètres de large ; les cultures l'ont fait disparaître sur plusieurs points. D'autres voies romai- nes,, dont on ne retrouve que quelques tronçons, tra- versaient encore la région Tellia et les plaines du Se- bakh.

288

El-Mckscm. Un |T3u au nord du Meksem, près de la roule qui mène des Sebakh à Màmra, sont des ruines nombreuses et de grandes enceintes en pierre de (aille. A étudier.

Plaine de Kelella. Dans cette plaine, à peu près à 3 kilomètres au nord du col de Mechira, sont les restes d'un gros village. Puis^ en avançant vers Mechira, on ren- contre un petit aqueduc jeté sur un ravin dont les eaux descendent d'Aïn-Mechira.

Mechira. Dans le col de Mechira, auprès de la fon- taine de ce nom, s'élevait jadis un fort byzantin en pier- res de grand appareil. L'intérieur était disposé comme nos modernes caravansérails, c'est-à-dire une vaste cour autour de laquelle se trouvaient des hangars, des écuries ou des logements. Sur une muraille du moulin d'Ormoy, nous avons vu la pierre portant l'inscription 29, page 89. Autour de Mechira existent les monuments dils celtiques et les vestiges de l'Oppidum, dont nous avons fait la description dans ce Recueil, à la page 115. (Voir Monuments celliqucs.)

Biar-Djcded (Sebakh). Ruines considérables. Grands puits romains. Inscriptions n^s 17 et 28.

Bou-TckhcmaUm (Sebakh). Les ruines de ce nom occupent un espace d'environ 3 kilomètres de longueur sur 1 kilomètre de large. Rien que le pays paraisse privé d'eau, il n'a pas en être de même du temps des Ro- mains, car on y trouve encore d'anciens puits et plusieurs

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châteaux d'eau étages les uns au-dessus des autres. devait se trouver une grande ville dont le nom est encore inconnu. Nous y avons vu les vestiges de plusieurs édifi- ces importants, des rues bien apparentes, des pierres sculj)tées avec grand soin et de nombreuses colonnes, dont quelques-unes, en calcaire gris tacheté de rouge brun, sont à cannelures en spirale. On pourrait utiliser ces colonnes torses, si la municipalité de Constantine construisait un théâtre ou tout autre monument public. Quelques fouilles amèneraient probablement la découverte d'antiquités précieuses et d'inscriptions importantes pour la géographie comparée du pays. Jusqu'à présent on n'y a fait aucune recherche, c'est donc un point très-impor- tant à explorer.

Gabel-Tarf. Dans la plaine dite Gabel-Tarf, sur le territoire de Zaouïa-ben-Yahia, sont les débris de nom- breux pressoirs à huile et de cuves en calcaire, à peu près semblables à ce que l'on rencontre également en grande quantité dans le cercle de La Galle, sur la fron- tière tunisienne.

Biar-et-Taïa. Sur ce point, oiî existaient des traces de puits romains et quelques trous creusés par les Ara- bes, l'autorité française a fait construire cinq nouveaux puits dont l'eau est bonne et abondante. Autour des puits s'étend une vaste prairie réservée, qui, de temps immémorial, sert de lieu de campement aux nomades sahariens et aux caravanes. L'humidité du sol, à une faible profondeur (le niveau de l'eau est à 3 mètres), per- mettrait d'y faire une magnifique plantation d'arbres fo-

21)0

rcsliers. On pourrait, en peu de temps, y créer une oasis dont l'ulililé ne manquerait pas d'être Irès-appréciée par les voyageurs. A Biar-el-Taïa al)oulissent plusieurs che- mins venant des Sebakh et du Tell par les différents cols de Tamer'za et du Tafrenl. Du temps des Romains, il y existait de vastes enclos en maçonnerie qui se sont écroulés et dont les fondations disparaissent de jour en jour sous les efforts de la charrue arabe.

Rckbet-el-Djemcl. Les indigènes nous ont assuré que sur ce pic, le plus élevé du système du Tafrenl, existe une construction romaine qu'ils nomment Dar-en- Nador, la Maison de la Vigie. Que conclure de cette ap- pellation probablement transmise par la tradition ? Cette construction aurait-elle servi jadis de poste à des guet- leurs chargés de surveiller l'approche de l'ennemi ou d'annoncer l'apparition des Gétules qui, comme nos mo- dernes Sahariens, devaient, à des époques périodiques, faire irruption dans le Tell? Peut-être y avait-il une tour de signaux correspondant avec celle de Kçaria (dit lombeau de Pyltacus), des Serouat, que nous avons déjà signalée, et avec une autre tour nommée également Kça- ria, située au fond des Sebakh.

Bir-ben-Zircg. Au sud des Sebakh, auprès d'un ancien puits romain dit Bir-bcn-Zireg, se trouvent les restes de la tour dite Kçaria, dont nous venons de par- ler. Celle-ci, également carrée, avait environ six mètres de côté et était construite en grandes pierres de taille.

Auprès de cette ruine, nous avons trouvé les inscrip- tions lumulaires n" \\ (p. 83) et 5.

291

Bir-er-Ratan. Les ruines situées prés de Bir-cr- Raïan offrent les traces de quelques maisons d'importance secondaire et d'une immense construction qui semble être une basilique. Ici comme auprès de tous les anciens puits romains, on voi^t des auges en pierre servant à abreuver les bestiaux.

Sur une pierre en forme de meule, d'un diamètre de 0"i80 et d'une épaisseur de O^'SO, nous avons relevé l'inscription reproduite plus haut sous le 30.

Kherbet-Oiilad-Saci. Ici encore se trouvent des ruines importantes et qui méritent la peine d'être explo- rées avec soin. Nous y avons vu plusieurs colonnes, des chapiteaux et des pierres sculptées. L'une de ces pierres, que nous avons fait transporter au musée de Constanline, porte des dessins d'un genre très-bizarre. Autour d'un grand puits antique, creusé à peu prés au centre de l'ancien établissement, sont plusieurs auges en pierre. Sur l'une de ces auges, creusée évidemment après coup, nous avons lu l'inscription tumulaire :

QAVRELIVS VICTOR VIXAN XXX ^^?î,TO RIA FVSCILLA MARITO CARIS SIMO

Dans le mot marito, M et A sont liés, mais penchés de telle manière que l'on croirait, de prime-abord, que ces lettres appartiennent au mot précédent, dont elles seraient la finale; on lit, dans ce cas, FVSCILLANA.

En attendant que notre maître en épigraphie, M. Léon

29-2

Renier, se soit prononcé, je me hasarde à traduire ainsi cette inscription :

Quintus Aurelius Victor a vécu trente ans. Victoria la- Fuscillane (a élevé ce monumenl) à son très-cher époux.

La lecture de Fuscillane étant admise, on pourrait peut-être rattacher ce nom à celui de la ville de Numidie dont l'emplacement est encore inconnu, désignée dans VAfrica Chrisliana par cvêché des Fossalcnsis ou Fussa- lensis.

Les documents nous manquent pour rechercher la po- sition de cette ville et nous assurer quelle peut avoir quelque rapport avec les ruines de Kherhet-Oulad-Saci.

Enchir-el-Atech ou les Ruines de la Soif sont situées dans les Sebakh , entre le Djebel-Agmerouèl et le bord oriental du lac dit Chott-Saïda. Le périmètre de la ville antique occupait une superficie d'une trentaine d'hecta- res; il est indiqué par un mur à petit appai'cil dont on ne distingue plus que les fondations au niveau du sol. On y voit les ruines d'une basilique ayant la forme d'un carré long; l'entrée est placée sur l'un des petits côtés faisant face à l'ouest. Deux rangées de colonnes divisaient le vaisseau en trois nefs; contre les murs latéraux étaient des colonnes engagées dont on retrouve les bases. L'ab- side, demi-circulaire, élait circonscrile par des piliers mo- nolithes encore debout, autrefois reliés entr'eux par une maçonnerie, servant de supports à de larges linteaux à corniches dont les fragments gisent sur le sol. Deux lar- ges dalles sculptées ayant environ un mètre de haut et posées sur champ servaient de clôture à l'abside, en lais- sant ainsi un passage au milieu pour pénétrer dans Je

293

sanctuaire. Je ne crois pas qu'il existât de mosaïque, je n'ai trouvé aucun en pierre de couleur ou en marbre, mais le sol de l'abside que j'ai mis à découvert m'a paru revêtu d'une sorte de béton rougeâtre en briques pilées.

Autour de cette basilique, nous avons vu plusieurs fùls de colonnes, ronds et octogones, en granit, et quelques fragments de chapiteaux d'un assez bon style. Il existe encore plusieurs autres monuments importants auprès desquels nous avons trouvé des portes monolithes, de plusieurs dimensions, s'adaptant au linteau et au seuil à l'aide de deux tourillons qui lont corps avec le reste de la porte. Ces portes sont généralement ornées de dessins figurant des losanges ou des carrés. Elles devaient se fermer à l'aide de barres de fer ou en bois fixées contre les chambranles.

Il serait à désirer que des fouilles fussent faites au milieu de ces ruines dont le nom antique est inconnu. Notons, en passant, qu'Enchir-el-Atech est un point in- termédiaire entre Sétif et Zana, l'antique Diana Vetera- norum ; c'est le chemin que suivent encore de nos jours les caravanes.

Il devait exister plusieurs puits qui ont été comblés postérieurement à l'occupation romaine, témoin les traces laissées sur des margelles par les cordes dont on s'est servi pour puiser l'eau. Quoique le nom arabe. Ruines de la Soif, le fasse supposer, le pays n'est pas entièrement privé d'eau ; dans un vallon à côté de la ville antique, l'autorité militaire a fait creuser un puits autour duquel est venu se grouper une population d'une trentaine d'ha- bitants qui ont déjà construit deux mechta.

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A Enchir-el-Atech, nous avons relevé plusieurs inscriji- lions reproduites plus haut, aux pages 83 et 84.

Biar-Oulad-Alman. Auprès des puits qui portent ce nom j'ai remarqué de vastes ruines, que l'exhausse- ment du sol Icnd à faire disparaître. Non loin de la mechta des Oulad-Atman se trouvent deux espèces de tumulus, élois:nés d'une vingtaine de mètres l'un de Tau- tre et formés par un amas de décombres qui doivent provenir de la chute de monuments dont on distingue encore les fondations.

Un phallus en relief, qui figure sur une grande pierre taillée, pourrait faire supposer qu'il existait sur l'un des tumulus un temple dédié au dieu Priape.

Sur l'autre hutte de décombres, une pierre également taillée, de 2ni50 de long, a attiré notre attention; l'aide de plusieurs bras nous a été nécessaire pour parvenir à la déchausser et la tourner ensuite. Sur le coté de la pierre qui était enterré et protégé ainsi de l'action de l'air, nous avons trouvé l'inscription suivante dans un état remarquable de conservation :

DEl BEATA jtj ET I\ CIUSTO CO^PARATA

Les lettres sont en relief sur un fond profondément fouillé et ont dix centimètres de haut. Elles sont toutes en capitale droite, excepté les deux N qui sont en ca- pitale penchée. Le bout de la pierre se trouvait le commencement de l'inscription est malheureusement brisé; des fouilles feraient peut-être retrouver le morceau qui manque. Le monograme du Christ devait former le milieu de l'inscription. Avant le mot DEl on remarque le

295

fragment d'une autre lettre qui semble être la courbe inférieure d'un 0. En tous les cas, cette pierre est trop massive et trop lourde pour avoir été changée de place depuis le jour oîi elle a été abattue ; il est donc permis de supposer qu'elle faisait partie du monument dont les décombres se voient alentour. Sa forme même et la cor- niche en saillie très prononcée qui court immédiatement au-dessus de la frise la dédicace est écrite, me font penser qu'elle servait de linteau ou de frontispice à une porte monumentale.

L. FÉRAUD,

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Lis'o alpliabélique des mcmhres liliilaires xi

Membres lionoraircs xui

Membres correspundanls xiii

Membres fin bureau xv

Commission cbargce de l'examen des manuscrits.. xv

Sociélés correspondanles xv

Notice adressée à M. le général Desvaux, comman- dant la division, sur les travaux hydrauliques anciens, dont il existe encore de nombreux ves- tiges dans la partie du Ilodna, par M. Payen, commandant supérieur du cercle de Bordj-bou-

Arréridj . . . . , I

Le Monument des Lollius et Apulée, par M. Leclehc,

secrétaire de la Société archéologique 1.*)

.Médaillon de l'arc-de-triomphe de Tébessa (façade nord) découverte en 18G8, dessiné par M. Flogny,

commandant supérieur de Tébessa .>"»

Inscriptions nouvelles recueillies à Conslanline, par

298

M. Leclehc, secrélaire de la Société o7

Une inscription du Kaf-Tazioul, j)ar M. Lecllrc. . 7i Inscripliojis lecueillios chez les Ouiad-Abd-cn-Nour

j>ar M. Féraud, par M. Li:cLi:itc 7S

Inscriplions recueillies par M. le commandant Payeii,

par M. Lkci-EI!C. 01

Monuments dils celli<]ues de la province de Cons- . (aniine, jiai'î\l. L. Fkraud, inicrprèle de l'armée

d'Africiue lOS

Noie sur le Médraceni, par M. Leclliic !.j.!

Notice sur les Oulad-Al)d-cn-Nour, pai M. FÉiiwu. I:li Planches.

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