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RECUEIL

DF.S

Notices et Mémoires

DE LA

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SOCIETE ARCHEOLOGIQUE

DU

DÉPARTEMENT DE CONSTANTINE

8e VOLUME DE LA CINQUIÈME SÉRIE

CINQUANTE-ET-UNIEME VOLUME DE LA COLLECTION

ANNÉES 1917-1918

CONSTANTINE Imprimerie V™ I). BRA1IWI, 21, rue Caraman

ALGER

J< MIUi AN. i.ir.r.\iiii:-i;i.in i i. Place du GrOuvernemenl

II

PARIS

M (Mi e i; Librairie africaine ci coloniale rnp de Fleuras

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1919

SèVSr /f 17.-/2

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UNIVERSITY OF FLORIDA LIBRARIES

RECUEIL

DES

Notices et Mémoires

DE LA

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SOCIETE ARCHEOLOGIQUE

DU

DÉPARTEMENT DE CONSTANTINE

S VOLUME DE LA CINQUIÈME SÉRIE

CINQUANTE-ET-UNIEME VOLUME DE LA COLLECTION

ANNÉE 1917-19-18

CONSTANTIN K Imprimerie V I). BRA1I&M, 21, rue Caraman

ALGER JOURDAN, LlBRAIIUB-EDITEl i;

Pl;»cc du Gouvernement

PARIS

René ROGER Librairie africaine et coloniale

38, rue <le Kleurus

1919

K^ti »t mm t*****

Avis important

Article 29 des statuts. « La Soci-été laisse aux « auteurs la responsabilité des faits et déductions histori- « ques, archéologiques, scientifiques ou autres, exposés « dans les mémoires imprimés dans son Recueil. »

LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ

PRESIDENTS D'HONNKUR

MM. Abel, Gouverneur Général de l'Algérie.

Duvernoy, Préfet du Département.

De Bonneval, C. 'Jfè , Général, commandant la Divi- sion de Conslantine.

Morinaud, 0. %, 0. il, Maire de Constantine.

Composition du Bureau pour 1918

Président : M. Maguelonne.

V1 Vice- Président : M. Gustave Mercier

2e Vice Président : M. Choisnet.

Secrétaire-Bibliothécaire : M. Thépeniek.

Trésorier : M. Debuuge.

Commission des Manuscrits

MM. Maguelonne, Président; Mercier (Gustai

DEBRUliE,

_ ' Membre*

Choisnet,

Thépenier,

IV

MKMBHKS HONORAIRES

1904 MM. Babelon, $ , membre de l'Institut, conser- vateur à la Bibliothèque nationale, rue de Vermeuil, 30.

1904 Ballu,0 ej|<,01 &J, inspecteur des Monuments

historiques de l'Algérie, rue Blanche, 80.

1893 Gagnât (René), O jfe, O 1 1|, professeur au

Collège de France, secrétaire perpétuel de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques, 96, Boulevard Montpar- nasse, Paris.

1919 Chabot (l'abbé , membre de l'Académie des

Inscriptions et Belles-Lettres, 18, rue Clau- de-Lorrain, Paris (XVIe).

1891 Gsell, #, 0 I ||, professeur au Collège de

France, correspondant de l'Institut, 92, rue de la Tour, Paris.

1904 Keinach (Salomon), %, 0 I CJ, membre de

l'Institut, conservateur du Musée de Saint- Germain, rue de Traktir, 4, Paris (xvie ar.).

1904 Schlumberger (Gustave), îfc , membre de

l'Institut. Avenue d'Antin, 37.

1892 Toutain, %, 0 I M, directeur à l'école des

hautes études. 25, rue du Four, Paris.

MEMBRES TITULAIRES

1892 MM. Arripe, O #, 0 I Éjl, secrétaire Général de la Préfecture, à Constantine.

1916 Arripe (Joseph), 0 I Éj, administrateur prin-

cipal de commune mixte honoraire, à Cons- tantine.

1892 AuBRY(Dr), *, O A Q, sénateur, Sétif.

1909 Barraud (A.), O A f|, docteur en médecine,

1, rue Casanova, Constantine.

1917 Basset (Paul), avocat à la Cour d'Appel, à

Alger.

r.>16 Bernard (Eugène), O I Éj, propriétaire, à

à Constantine.

1917 Beruahd (Chanoine), curé à l'église S'-Félix,

à Constantine.

1917 - Bessière (Monseigr), évêque de Constantine

et d'Hippone.

1919 Besson, sous-économe au Lycée de Constan-

tine.

1911 Bonnell, O A f|, architecte à Constantine.

1916 Bonzom (Abhé), vicaire à la Cathédrale de.

Constantine.

1911 Bosco (Joseph), O. A. ^|. correspondant du

Ministère de l'Instruction publique, Cons- tantine, 20. avenue d'Angleterre.

1913 Caron, %, commandant, Villa Mora, Alger.

*895 Camduzat- Boy, propriétaire, Boulevard du

Temple, Auxerre (Yonne).

1876 Carbonnel, O A ^ff, imprimeur, Constantine.

1883 Charrier, O A ||f, sous-chef de bureau de

Préfecture, en retraite, correspondant du Ministère de l'Instruction publique, 69, rue Rovigo, Alger.

VI

1907 MM. Choisxkt, 0 I Ç|, préfet honoraire, directeur du Mont de Pieté, à Constanline.

1918 Cakcopino, inspecteur- adjoint des antiquités,

à Alger.

1918 Clémenti, O A f| médaille militaire, commis

des contributions directes à Constantine.

1913 Cour, professeur à la chaire publique d'arabe

à Constantine.

1902 Debiuge, O I %$, commis principal des Postes,

correspondant du Ministère, Constantine.

1918 Dournon, O. I. •!!, directeur de la mélersa à

Constantine.

1918 Fabke, vice-président du Tribunal civil à

Constantine.

1912 Fauvelle, O. A. -ff , receveur de l'Enregis-

trement, à Alger.

1906 Gastu, O I i|, avoué à Constantine.

1907 Gauthier, Joseph (l'abbé), secrétaire général

de l'Evêché à Constantine.

1916 Glénat (Jeanï, conservateur du musée, Alger.

1914 Gousse, médaillé militaire, propriétaire à Be-

karia, par Tébessa.

1919 Iehl, professeur à l'école primaire supérieure

à Constantine.

1912 Joleaud, ^j, docteur es sciences, collaborateur

au service de la Carte géologique de l'Algé- rie, maître de conférences à la Sorbonne, Paris.

190 i Joly, #. O I II, architecte, délégué financier,

maire de Guelma, correspondant du Minis- tère.

1907 Jonchay (du), Jfe, général commandant la

place de Bizerte.

1917 Jouaivne, docteur en médecine, à Guelma.

1916 Laifon (Jean- Eugène), juge d'instruction à

Constantine.

1910 Laiournerie (Maurice), O A Çf, imprimeur,

Constantine.

1903 I. f.roy, % , O I CI, docteur en médecine,

conseiller général, Constantine.

vu

1878 MM. Luciani, $-, 0 I 41, conseiller du Gouverne- ment, Alger.

1892 Maguelonne, 0 I 41, directeur honoraire de

l'Enregistrement et des Domaines, Mem- bre non résidant du Comité des travaux historiques et scientifiques, à Constantine.

1918 Malavai , professeur au Lycée, Constantine.

1913 Maniquet (de), directeur général de la Com-

pagnie des Phosphates de Constantine, à Tébessa.

1907 Marçais, OAtl, villa Sintès, village d'Isly,

Alger.

1916 Marchetti. huissier à Constantine.

1891 Mejdoub Kalafat, 0 I CJ, professeur d'arabe

au Lycée, Constantine.

1896 Mercier (Gustave), $, 0 A 41, avocat près

la Cour d'Appel correspondant du Ministè- re, Parc Gatlif, Mustapha supérieur, Alger.

1908 Merlin, ^, directeur des Antiquités, à Tunis-

1912 Meyer (Edmond), pasteur protestant, à Cons-

tantine.

1904 Montagnon (l'abbé), 0 A 41, à Tamaris-sur-

Mer (Var).

1890 Morinaud (Emile), 0 e&, député, maire de

Constantine, président du Conseil Général.

1907 Morris, |,OA %$, secrétaire général de la

Préfecture, Constantine.

1913 Mourot (Eugène), O A ^, professeur à

l'Ecole normale, Constantine.

1908 Narboni ( Elie), président du Consistoire israé-

lite, Constantine.

1918 Onesta-Tavolta, notaire à Constantine.

1918 Panisse,^, avoué, conseiller général, Guelma-

1917 Paulette (Auguste), directeur de la maison

Braham, Constantine.

1874 Poli, O A 41, professeur au Lycée, Constan-

tine.

1919 Pommerbau, interprète judiciaire au Tribunal

civil, Constantine.

vin

1911 MM Renault (Jules), architecte, correspondant du

Ministère, place Sidi-el Bahri, Tunis.

1916 Richier (Gaston), pharmacien à Châteaudun-

du-Rhumel.

1917 Rigal dessinateur au Service Topographique,

à Constantine.

1881 Robert, 0 I %$, administrateur principal en

retraite, correspondant du Ministère, Bordj bou-Arréridj (Constantine).

1907 Saint Calbre, 0 I Êjs, directeur de la Mé-

dersa, à Alger,

1918 Salse, directeur des mines d'Aïn-Barbar,

département de Constantine.

1919 Sergent (Edmond), directeur de l'Institut

Pasteur à Alger.

1915 Thabaut, % , directeur des Contributions di-

rectes, à Constantine.

1910 Thépenier, 0 A $$, contrôleur du Mont-de-

Piété, conservateur du Musée, Constantine.

1912 Tron, professeur d'histoire au Lycée de Cons-

tantine.

1911 Touze, 0 A CJ, receveur des Postes, à Cons-

tantine.

1919 Vallat, professeur agrégé d'arabe au Lycée

de Constantine.

MEMBRES CORRESPONDANTS

1889 MM. Bernard, architecte, 3, rue des Cordeliers, Compiègne.

1891 Biktrand (François), conservateur- adjoint

du Musée de Philippeville.

1900 Carton (Dr),|s,0 1#, médecin -major de

lre classe, en retraite, correspondant de l'Institut, Villa-Stella, à Khereddine, par La Goulette (.Tunisie).

IX

1910 MM. Causse, conservateurdes Hypothèques, Batna. 1903 Cherbonneau, 0 A H, avoué, Alger.

1916 Coutil (Léon), antropologiste, à Saint-Pierre-

de Vauvray (Eure).

1917 Ciiristofle (Marcel), architecte du Gouver-

nement Général. Bould Malakoff, Alger.

1888 Delattre (le R. P.), |, 0 I f|, prêtre mis-

sionnaire d'Alger, correspondant de l'Insti- tut, conservateur du Musée de S^Louis de Carthage, La Goulette (Tunisie1.

1917 Deshayes (Eugène), artiste peintre, 2 Boul'1

Laferrière, Alger.

1890 Espéuandieu, %, 0 I s|, commandant d'In-

fanterie en retraite, membre non résidant du Comité, correspondant de l'Institut, Saint- Hippolyte-de-Calon, parVézenobres (Gard).

1912 Perhez,0 I i|,commissaire, chef delà Sûreté,

Oran.

l'.'19 Forsyth, major de la Société Royale de

Londres, La Vilella Torriglia, province de Gênes (Italie).

1905 François (l'abbé), curé à Philippeville.

1916 Gaude, capitaine, chef de l'Annexe des Ouled-

Djellal (Biskra, Constantine).

1892 Gœtschy, 0 |t, 0 1 %$, général de division

en retraite, villa Carolie, rue Théodore de Banville, Nice (Alpes Maritimes).

1919 Gordon Home, capitaine de l'armée britanni-

que à Londres, Warwick Square, 43, Gloucester Street.

1892 Hannezo, 0 %-, 0 1 '41, liejtenant-colonel,

Saint Clément, Mâcon.

.1917 Laynald (Mgr), archevêque d'Alger.

1912 Lévi-PROVENCAL(Evariste), professeur d'arabe

à 1 école supérieure d'arabe et de dialectes berbères, à RabM.

lî'Ol Loizillon, ^.administrateur de la commune

mixte des Bibans (Bordj-Medjana).

1914 Massiilot, jfe, administrateur de la commune

mixte de Ténès.

1888 MM. Milvoy, architecte, rue Dijon, 1, Amiens,

1908 Maitrot, 0 |t. 0 A ||, commandant de gen-

darmerie à Ajaccio.

1917 Oppetit (Gaston), administrateur à Bou-

Saada.

1916 Parés (Baptiste), négociant à Bouira. 1911 Beygasse, administrateur, Tébessa. 1913 Bolland (Edouard), avocat à Biskra.

1902 Bouquette (Dr), $, 0 1 tl, médecin-major

chef de service, correspondant du Ministère, 4, place de la Liberté, Nice.

1903 Sabatier (Jules), ingénieur des Ponts et

Chaussées, à Batna.

1910 Simon (Henri, colonel, commandant la région

a Fez (Maroc).

1908 Solignac (Marcel), licencié es sciences, géo-

logue, chargé de mission, 4, rue d'Angle- terre, Tunis.

1917 Thepenier (Adolphe), # , croix de guerre,

lieutenant honoraire, adjoint technique des Ponts et Chaussées, villa des Thuyas, Hammam-Lif (Tunisie).

1903 Vallet, 0 A CJ, ancien publiciste, conseiller

général, Fedj-M'zala.

1905 Vel, 0 A tl) inspecteur de l'assistance pu-

blique, 3, rue Babelais, Oran.

XI

SOCIETES CORRESPONDANTES

Agkn. Société d'agriculture, sciences et arts.

Aix. Académie des sciences, agriculture, arts et belles- lettres.

Société d'études provençales.

Bibliothèque de l'Université. Alais. Société scientifique et littéraire. Alger. Kcole supérieure des Lettres.

Société de géographie d'Alger et de l'Afrique du

Nord.

Société historique algérienne (Reçue africaine).

Amuns. Société des antiquaires de Picardie.

Angouléme. Société archéologique et historique de la Charente.

Auch. Société archéologique du Gers.

Autun. Société éduenne.

A vallon. Société d'études.

Avignon. Académie de Vaucluse.

Auxkrrf. Société des sciences historiques ec naturelles de l'Yonne.

Bar-le-Duc. Société des lettres, sciences et arts.

Beaune. - Société d'archéologie.

Béai vais. Société académique d'archéologie, sciences et arts du département de l'Oise.

BÉZIERS. Société archéologique, scientifique et littéraire.

Bône. Académie d'Hippone.

Bordeaux. Société archéologique.

Société de géographie commerciale.

Bourg. Bulletin de la Société de géographie de l'Ain.

Bourges. Société historique, littéraire et artistique du Cher.

Brest. Société académique.

XII

Chambéry. Société savoisienne d'histoire et d'archéo- logie.

Chartres. Société archéologique d'Eure-et-Loir.

Dax. Société de Borda.

Douai. Union géographique du Nord de la France.

Epinal. Société d'émulation des Vosges.

Gap. Société d'études des Hautes Alpes.

Grenoble. Académie delphinale.

Guéret. Société des sciences naturelles et archéologi- ques de la Creuse.

Langres. Société historique et archéologique.

Laon. Société académique.

Limoges. Société archéologique et historique du Li- mousin.

Lyon. Société littéraire, historique et archéologique.

Académie des sciences, belles-lettres et arts.

Bulletin historique du diocèse de Lyon.

Le Mans. Société historique et archéologique du Maine.

Marseille. Société de statistique.

Société archéologique de Provence, 63, bou-

levard Longchamps.

Maroc. Ecole supérieure de langues arabes et berbères, à Rabat.

Bulletin des Archives berbères et de la cores-

respondance africaine, à Rabat.

Montauban. Société archéologique du Tarn-et-Garonne.

Montbéliard. Société d'émulation.

Montpellier. Société languedocienne de géographie.

Société archéologique.

Nancy. Académie de Stanislas.

. Société d'archéologie lorraine et du musée his-

torique lorrain.

Société de géographie de l'Est. Nantes. Société archéologique. Narbonne. Commission archéologique. Nice. Société des lettres, sciences et arts.

XIII

Nîmes. Académie du Gard.

Oran. Société de géographie et d'archéologie.

Orléans. Société archéologique et historique de l'Orléa- nais.

Paris. Institut de France.

Comité des travaux historiques et scientifiques.

Bulletin de l'Ecole des Chartes.

Société des antiquaires de France.

Société d'ethnographie.

Société de géographie.

Société d'anthropologie.

Association pour l'encouragement des études grecques.

Société des études historiques.

Revue géographique internationale.

Musée Guimet.

Revue des Colonies et dès Protectorats, ministère

des Colonies.

Réunion d'études algériennes, 12, galerie d'Or-

léans.

Bulletin de la Société des études coloniales et

maritimes.

Perpignan. Société agricole, scientifique et littéraire.

Pertuis. Athénée de Perluis (Vaucluse).

Poitiers. Société des antiquaires de l'Ouest.

Reims. Académie nationale.

Rennes. Société archéologique d'1 Ile-et-Vilaine.

Rocuecuouart. - Société des Amis des sciences el des

arts.

Rodez. Société des lettres, sciences el arts de l'Aveyron.

Rouen. Commission des antiquités de la Seine- Infé- rieure.

Saint Brieuc. Société d'émulation des Gôtes-du-

Nord.

Saint- Die. Société philomathique.

Saint-Malo. Société historique et archéologique.

SaJNT-OmER. Société des antiquaires de la Morinie.

XIV

Semur. Société des sciences historiques et naturelles.

Sens. Société archéologique.

Soissons. Société archéologique, historique et scienti- fique.

Sousse. Bulletin de la Société archéologique.

Toulon. Académie du Var.

Toulouse. Académie des sciences, inscriptions et belles- lettres.

Bulletin de la Société de géographie.

Société archéologique du Midi de la France. Tours Société d'archéologie de la Touraine.

Société d'agriculture, sciences, arts et' belles-

lettres du département d'Indre-et-Loire.

Société de géographie.

Tunis. Institut de Carthage. Association tunisienne des lettres, sciences et arts, à Tunis.

Valogne. - Mémoires de la Société archéologique.

Van.\tes, Société polymathique du Morbihan.

Verv.ns. Société archéologique.

XV

SOCIETES ETHANGERES

Alsace-Lorraine. Société d'histoire et d'archéologie de

la Lorraine, à Metz.

Société pour la conservation des mo- numents historiques de l'Alsace, à Strasbourg.

Amérique du Sud (La Plata). Direction générale de

statistique de la province de Buenos- Ayres.

Angleterre. Société des antiquaires de Londres.

Ecosse. Société des Antiquaires, Edim

bourg.

Société des antiquaires de Cambridge.

Institut canadien de Toronto (Canada).

Société de numismatique et d'archéologie

de Montréal.

Belgique. - Société des Bollandistes, Bruxelles.

Société d'archéologie de Bruxelles. Brésil. Musée national de Rio-Janeiro. Egypte. Institut égyptien, au Caire.

Comité de conservation des monuments de l'art

arabe.

Société khédivale de géographie, au Caire.

États-Unis d'Amérique. Musée Peabody d'archéologie

et d'ethnographie américai- nes de Cambridge.

Institut Smithsonien de Wa-

shington.

Commission d'inspection géo-

logique des Etats-Unis (Dé- partement de l'Intérieur), à Washington.

Société d'anthropologie, à Wa-

shington

Académie des sciences 'natu-

relles de Davenport, Iowa,

XVI

États-Unis d'Amérique. Université de Californie, à

Berkeley.

Musée américain d'histoire

naturelle, à New-York.

Association américaine pour

l'avancement des sciences, à Washington.

Italie. École française de Rome.

Société africaine d'Italie, à Naples.

Société africaine d'Italie, à Florence.

Académie des Lincei, à Rome.

Société piémontaise d'archéologie et beaux-arts,

rue Napione. 2, Turin.

Norvège. Université royale, à Christiana.

Pérou. Bulletin de la Société de géographie de Lima.

Suède. Académie royale archéologique de Stockholm.

Institut géologique de l'Université d'Upsala. Suisse. Société d'histoire et d'archéologie de Genève.

Société de géographie de Berne.

Société neuchâtelloise de géographie, à Neu-

châtel.

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k

LES PRINCIPALES VOIES ROMAINES

DE LR RÉGION DE TÉBESSft

Les renseignements que nous publions ci-après, sur les principales voies romaines de la région de Tébessa, sont puisés dans un travail fourni par M. le Chef de Bataillon Guénin, lorsqu'il était Commandant du Cercle de Tébessa.

Il eût été regrettable, à notre avis, que ces rensei- gnements ne fussent pas livrés à la publicité et que les judicieuses recherches faites à cet égard par M. Guénin eussent été faites en pure perte.

Quatre routes principales partaient de Théveste

de Théveste à Télepte ;

de Théveste à Timgad et Lambèse ;

de Théveste à Mascula, Khenchela et Setifis;

4" de Théveste à Ad Majores, Badias, etc.

■0 _

I.

Route de Thcvcste à Télepte

Deux routes partant de Tébessa aboutissaient à Feriana. Aucune d'elles ne figure sur les itinéraires anciens.

La première passait par Beccaria, Aïn-Djediet, Bir-Salem, Henchir-Touati. Les traces en sont mani- festes au pied du Djebel-Taga. De ce point, la route s'infléchissait vers le Sud, traversait vraisemblable- ment la gorge de Tramesmida (Tunisie), passait près de l'importante ruine de ce nom et se dirigeait en- suite droit sur Télepte, à travers l'immense plaine qui s'étend au Nord de cette ville. La chaussée est apparente pendant plusieurs kilomètres au sud de Tramesmida; aucune borne milliaire n'a été retrou- vée le long de cette route.

La deuxième voie semble avoir été la plus impor- tante; elle daterait du règne de Trajan, à en juger par l'inscription d'Enchir-el-Maïz Elle suivait à peu près le tracé de la route moderne de Tébessa par Bir-oum-Ali et Ténoukla. Au col de ce nom, un pont romain en pierres de taille bien conservé subsiste encore. Les points qui jalonnent la route antique sont : Draa-er-Rahel, Gar-et-Djehouche, Henchir-el- Maïz, El-Gamra, El-Guiz, Busgam, El-Khenigue, Draa-Tebessi, Henchir-Derirat et Oum-Ali, La chaus- sée est très visible sur une grande partie du parcours; les milliaires y sont nombreux. Le Commandant Guérin les a relevés après M. le Capitaine Douan, Commandant supérieur de Kebili, qui les a reconnus en 1905.

Les milliaires de cette route sont généralement d'énormes colonnes, dont le diamètre atteint parfois 55 centimètres et la longueur 2m50. La colonne et son embase étaient la plupart du temps d'une seule pièce. Quelquefois la partie inférieure du milliaire était encastrée dans une grosse pierre évidée à cet effet.

Les inscriptions relevées sont les suivantes :

9e mille. Au débouché Sud du col de Ténoukla se trouvent deux colonnes; l'une d'elles est brisée en deux morceaux de un mètre environ chacun.

D N

M A G N O DECENTI

0 NOBIL

1 S S I M O

C A VIIII

Caractères mal faits, mal gravés.

A côté de la première existait une autre colonne, aujourd'hui brisée, dont les fragments ont disparu à l'exception d'un seul qui porte le reste d'inscrip- tion ci-après :

/ a, ! a H n n

INNU M A X I MOCES/// V 1 1 1 I

lo mille. Au U) mille, deux énormes colonnes avec leur base cubique faisant corps avec elles; pas d'inscription.

- 4

11e mille. Borne de la même forme que les précé- dentes.

D D DN N N

FLAVIOVALE RIO CONSTAN TINO GERMANI S A R M A T I C O ETFVALF.RIO

////////'//////// ////////////////

//////////////// ET GALE/////// TOPF AVG XI

12e mille. Au pied du Draa-er-Rahel, deux colon- nes; inscriptions disparues.

13e mille. A l'Est d'Henchir-el-Maïz, près de la ruine d'un groupe de fermes, deux bornes cylindri- ques. L'inscription de l'une d'elles est effacée. Sur la deuxième, qui est en deux morceaux, nous lisons :

IMPC A ES DI VINERVAE NER VATRAI A NVSAVGGER M A N 1 C V S M AX1M VS IMP

//////////////// XIII

Le 14e mille n'a pas été retrouvé. La voie romaine, à partir du col de Ténoukla, est constamment à l'Est de la route actuelle; elle s'en écarte de plus en plus, de manière à gagner le col dit Fedj-Zammit.

- 5

15° mille. Le 15e mille est à Draa-Zenad. Deux colonnes l'indiquent ; l'une de 2U150 de long surO'MO de diamètre, est encore debout; les caractères en sont à peu près effacés, mais on y lit le nom de Constantin et la distance :

ddn////

////ON////

INO////////

INV///////

AVG

XV

Sur la deuxième colonne, également mal conser- vée, nous ralevons les noms de Constance et de Constantin :

DDNNCON/////

tioavge//////

CONSTANTIN/'// OB.L1 ///////////

//////////////////

Le 16e mille manque.

Le 17° mille se trouve dans le col de Fedj-Zam- mit; il est en quatre morceaux, il porte l'inscription ci-après :

1MPNCON

stantinoma

ximovictor/

SEMPIiRAVCVST// BONOKEIPV///// G EN AT V S

XVII

Les 18'" et 19" mille n'ont pas été retrouvés.

- 6

20e mille. En face de la ruine d'Henchir el-Gamra, sept colonnes sont réunies; quatre d'entre elles pré- sentent des restes d'inscriptions; sur les trois autres, ou bien les caractères ont été effacés, ou bien ils n'ont jamais existé.

lre colonne : 2m de long, 0m55 de diamètre, carac- tères 0m10 :

////DN//// ///////IN //////////////////

2m de long, 0m30 de diamètre, lettres

2e colonne de 0"'04 :

////////////

Il II**. Il II

///1NO////

///S SI /////

3e colonne brisée : sur un tronçon de lm20 de long, diamètre 0m40, lettres de 0m07, on lit :

DDINN.

/////lOVALERIO CONSTANTIOPIO FEL1CEIN VICTO

/////////////////////// (partie martelée)

4e colonne : 2m de long, 0m30 de diamètre ins- cription très mal gravée :

IMP

CONS///////// NOM ////////// VI CT ///////// G ER//, ///////

B R P ////////// XX

- 7 -

2L mille. Groupe de quatre bornes; les inscrip- tions sont illisibles, sauf l'une d'elles qui porte :

i m p c A li s

MAX////////

MAXENTFO

P I O F E LI ///

XXI

22e mille. A l'entrée de la ruine d'Henchir-el-Guiz, six bornes.

lre borne

2e borne

I M P P DO M FLAVOVALKKIO CONSTANT 10 PIOFELICEINVICTO

///////////////////////// (partie martelée)

I M P D N

FLVALIiHIOC ONSTANTIO ////F EL////////

3e borne : 2'" de long, 0"'iO de diamètre

IMPDN CONSTANTINO VICTOIUSEM P E R A V G ///// BON OR El PN A TO XXII

Les autres bornes sont illisible

S

23e mille. Deux bornes, Tune porte une inscription effacée, sur le tronçon de l'autre on lit :

I M P D N CONSTA NTI NOM ACXI MO VICTORI ///// P E R

24e et 25e mille. Non retrouvés.

26e mille. Une borne sans inscription.

27e mille. En face de l'Henchir-Khenigue, colonne brisée de 0m60 de diamètre; sur un tronçon de im50 de long, on retrouve le fragment d'inscription sui- vant très apparemment gravé sur une autre qui a été grossièrement martelée :

////////////////

////////////////

OKEI PVBLICE N ATVS

XXVII

A 1,500 mètres plus loin, on remarque une pierre plate et un d'autel dont les inscriptions ont dis- paru. Sur un deuxième dé, de lm10 de hauteur et 0m55 de côté, existe le texte votif ci-après, en belles lettres de 0m07 :

GEN10 DDDDNNNN DIOCLETIANIKT M A X I MI A N I AVGETCON STANTIETM AX IMININOBILC A K ////STVSFLAVIA N VSVPPVAL

- 9 -

29e mille. Une colonne brisée, inscription effacée.

30; mille. Quatre ou cinq colonnes brisées; ins- criptions disparues Sur un tronçon de i"\ a été re- levé le reste d'inscription suivante, très mal gravée, caractères de 0ln03 :

////////////////

M A X I M O VIC TO RI SE M

PERAVG

///// R P NATO

/////////////////

31 mille. A hauteur de Draa-Tébessi, quatre co- lonnes; inscriptions disparues, sauf sur l'une d'elles nous lisons les mots ci-après, gravés très gros- sièrement et superficiellement, comme avec la pointe d'un couteau :

D N CONSTAN ////// M A X I M O S E M P E R A VG BON OR NATO

32' mille. Cinq bornes, dont deux sans inscription ; sur les trois autres, il a été relevé les inscriptions ci dessous :

DNFI, D N F L A

G R ATI A ////// VAL UN VDIOCLE/////

SEPAVG SIM'' AV TAMTION////

MGVS GVSTVS BILISSIMO

lettres de 0 LO Inscription sur ACBLiATrSSI

très mal gravées) nn«

autre mari- MOCAESARB

- 10

33e mille, En face de l'Henchir-Derirat, cinq bor- nes très détériorées; inscriptions disparues. Sur un fragment, on relève les deux lettres :

m p

Sur une immense colonne, ,dont la partie supé- rieure manque, nous déchiffrons difficilement le texte ci-après, qui rappelle une réfection de la route et des ponts :

///////////////////////V//////7/

pontesve//////////

d il aps0set1te ri /////////

// VRI A CORPVS ///////////// TVERVNTETPR o//////////// ///T1GABILIPROVI Dj /////// //// R V I V M C O M M E A ///////// HEDDIDERVNT

A partir de Bir-oum-Ali, la route s'engage ,sur le territoire tunisien, elle demeure très visible jus- qu'à Thélepte.

II. Route de Tébessa à Tiuigad et Lauibese

Theveste

Ad Aquas Csesaris VII m Ad Mercurium XVI m Ruglata IX '"

Ad Germani X m

etc. Lambafudi

Table de Peutingerj.

La voie romaine se tient à l'Ouest de la route ac- tuelle de Constantine, entre celle-ci et la montagne; les traces en sont apparentes aux environs d'Ain-

- 11 -

Chabro. Entre ce point et Youks, la route antique suit à peu près la traverse actuelle; au-delà de Youks, la piste d'Aïn-Gaga. Elle passe aux ruines d'El-Hamacha, traverse les rochers du Djebel-Sène sur lesquels on retrouve des ornières très profondes creusées par les roues des chars anciens, franchit avec une pente très raide le col de Guiguia, et reste à la sortie du col un peu à l'Est de la route actuelle qu'elle coupe auprès de Bir-Derroudj ou Bir-bou- Yayha; de là, elle chemine parallèlement à la piste moderne, à deux ou trois kilomètres en moyenne au nord de celle-ci, jusqu'aux environs de Delaa; elle passe ensuite par Draa-Faïza, Draa-el-Ferdjani, un peu au-dessous de Bou-Chekifa, à Bir-el-Abiod, un peu au Nord d'Henchir-Naga, à Ras-Dalaa, Hen- chir-el-Kelb, Ferdj-Boukahil, Baghaï Les vestiges en sont très apparents dans le cercle de Tébessa. On ne la perd de vue que durant quelques kilomètres.

La voie est constituée par un blocage entre deux deux murs en pierres sèches et à fleur de terre. Elle a 6"'50 environ de largeur.

Près de Bou-Soltane, au passage d'un bas-fond marécageux, elle est pavée de grosses dalles épaisses sur un parcours de quelques mètres.

Les routes Théveste-Lambèse et Théveste-Cirta paraissent avoir eu un tronçon commun jusqu'au- delà d'Aïn-Chabro.

Les milliaires relevés sur cette voie sont les sui- vants :

-2 mille (?j Colonne brisée, sur laquelle ou lit :

DN

CONSTAN T1NO

m m m ii i

12

5e mille. Près d'Aïn-Chabro ; les deux inscrip- tions suivantes se trouvent sur deux faces opposées du milliaire :

DDNN D N

FLAWALEN FLAVIO

TINIANOETVA CLAVDIO LENT1AVG DN

II1II MAGNO

DN DECENTI

FLGRATIANO NOBCAES SEMPERAVG 1 1 1 1

Ces milliaires n'ont pas été retrouvés.

Le 6e mille manque.

Le 7e mille, trouvé près d'Aïn-Chabro, en 1858, par M. le Capitaine du Génie Moll, porte le nom de Constantin.

Le 8e mille manque.

Le 9e mille est à 800 mètres environ de la maison cantonnière, à 50 mètres à gauche de la route mo- derne. Deux colonnes y sont enfoncées dans le sol : l'une d'elle n'a pas d'inscription lisible; sur la deuxième, dont la partie supérieure a disparu,, on lit :

////////////////

NOBI

L I S S I M O

C AESARI

VIIII

Cette distance de 9 milles, soitl3u500, correspond exactement à celle qui sépare aujourd'hui Tébessa de ce point.

Aquae-Ca^saris serait donc la ruine qui est auprès

13

de l'Aïn-Chabro, à moins que la Table de Peutinger ne soit erronée, et que, comme plusieurs archéolo- gues le pensent, il ne faille voir Aquae*Caesaris à Youks.

10 mille, non retrouvé.

11* mille (?), colonne portant l'inscription suivante :

DN

///////OCL ///DIOCON /////NTIO ////IOFELICE AVG

Les milliaires suivants manquent jusqu'au 16e mille. Celui-ci est au pied du Djebel-Sène; son emplace- ment est indiqué par quatre embases et deux tron- çons de colonnes, sur l'un desquels ne subsistent lue les mot et nombre ci-après :

AVG XVI

Au même endroit, existaient les deux milliaires ci-dessous qui ont disparu :

IMPCAE il II III lll II

SARMAV VICTOR!

RELIVSSEVE O F E L I C I S

RVS////////////// IMPAVG

////PIVSFEL XVI

A V G D I V I M A Kl V [SE VER I A N TON IN 1/ //////MA///////// i i: [BJPOTC PPRESTITVIT X VI

14

Le 17e mille était à Henchir-Gaga f1».

Le milliaire ci-après, retrouvé au fond d'un profond ravin, était le 19e mille. Il est brisé et plusieurs tron- çons manquent.

1er tronçon (partie supérieure) 2' tronçon

|/NvI I M P C A E S , . . . .

B O M I N/////

COLVCIOL//

A L C X A N,/// O

O R I O F E Ç I

1 A VG

Les 18e et 20e mille n'ont pas été retrouvés.

Le 21e mille esi à Bir-bou-Yayha. C'est une colonne de lni50 de long sur 0m35 de diamètre. L'inscription en est grossièrement gravée en lettres de 0m10 :

DDNN E TFL VA L E N T I N IANOET VALENTI

PPAVG XXI

22e mille. Colonne de 2m50 de hauteur, diamè- tre 0m40, caractères de 0m06. Cette colonne est par- tagée en deux dans sa longueur, la deuxième moitié manque; on y lit l'inscription suivante :

(1) Masqueray, Revue africaine, 1877.

- 15 -

PERPETV//// I M P C \ E S A //

C VA I.EKIO/// CLETIANO//

vie top/////// avgpon///// maxtrib v//

POTVI//////// PP PPLM

M XXII

Le 23,; ;«t7/e est à Draa-Faïza; à hauteur de la mine importante de Ksar-Belkacem il existe un tronçon de colonne avec le chiffre :

xxin

Cette distance est celle à laquelle la Table de Peu- tinger place Ad-Mercurium, aujourd'hui Ksar-Bel- kacem.

A partir de ce point, on ne retrouve plus que quel- ques débris de bornes et quelques embases; plus d'inscriptions.

L'étape suivante, Ruglatà, était située à 9 milles de Ksar-Belkacem; à cette distance, se trouve Hen- chir-Naga, ruine assez étendue et située, comme Ad-Mercurium, un peu au Sud de la route romaine.

C'est, semble-t-il, à Henchir-Naga qu'il convient de placer Ruglata, et à Henchir-el-Kelb, Ad-Germani ; dans ces dernières ruines, on a trouvé, il y a quel- ques années, une colonne milliaire avec l'inscription ci-après :

DN

G ALERIO V A L E K I O

M A N O '

(1) Recueil archéologique de Constantine, vol. XX, p. 249.

- 16 -

La route atteint ensuite le pied du Tafrent, qu'elle longe jusqu'au col dit : Fedj-Boukahil ; elle se pour- suit ensuite dans la direction de Ksar-Baghaï. Un embranchement s'en détachait probablement vers l'extrémité de Ghekaïa et rejoignait Mascula (Khen- chela).

III.

Ronte de Théveste à Mascula

Khenchela et Sitifis (Sétif)

Théveste Tinfadi XXII Ve^esala XX

■"&■

Mascula XVIII

(Itinéraires d'Antoninj.

Les opinions émises sur le tracé de cette route sont très diverses en ce qui concerne sa première partie. Les uns estiment que la voie romaine passait par Aïn-Lamba, d'autres par Aïn-Saboun.

L'emplacement de Tintas est supposé correspondre à Henchir-Metkidès (Tasbenti, d'après un fragment d'inscription trouvé en 1858 dans cette ruine par M. le Capitaine du Génie Moll, mais les distances ne concordaient guère avec celles qu'indique l'Itiné- raire.

Vegesala est généralement placé à Ksar-bou Saïd. Or, cette ruine est à 45 kilomètres de Tasbent, soit 30 milles, alors que l'Itinéraire d'Antonin n'en indi- que que 20.

La voie romaine est visible ,au sortir de Tébessa, le long du champ de tir; on la retrouve plus loin, près de Refana. Entre le moulin de Rafana et Ain-

- 17 -

Saharidj, les traces en sont manifestes sur les ro- chers où les chars antiques ont laissé de profondes empreintes.

A Aïn-Saharidj, deux bornes milliaires avec leurs embases indiquent encore la présence de la route; à partir de là, les traces se perdent. Peut-être la voie romaine se dirigeait-elle alors sur Ksar-Tebinet, franchissait le Doukhan au col d'Aïn-Saboun, pour atteindre Metkidès, Thymphas. De là, jusqu'à Bir- el-Ahzem, son Itinéraire est incertain; étant donné que dans cette région il ne se présente aucune diffi- culté de terrain, il est à supposer que le tracé en était à peu près en ligne droite.

A Bir-el-Ahzem , une borne milliaire indique le 36e mille, distance correspondante à celle qui sépare ce point de Tébessa.

Pendant huit kilomètres, la voie romaine est ja- lonnée de colonnes milliaires, treize sont réunies en un seul point, puis plus de traces.

Deux milliaires sont retrouvées bien au Sud, dans la plaine de Garet, près de Ksar-el-Ghoula (cercle de Khenchela). Nous ne sommes donc plus en cet en- droit sur la route de Khenchela. La voie romaine s'est bifurquée. Si l'embranchement est à Allouchet treize bornes sont réunies, les chemins antiques se dirigeaient de ce point, d'un côté vers Henchir- el-Abiod et Ksar-Ouled, Zid, Djebria, Tazougart, Mascula, de l'autre, vers Henchir-Gouoat, dans la plaine de Garet et ensuite vers le Sahara, Ad Badias (.'i ou plutôt Ad Médias.

L'Itinéraire d'Antonin place Vegesala à 20 milles

- 18

de Thymphas. Ce serait donc dans l'importante ruine d'El-Abiod qu'il faudrait voir l'emplacement de Vege- sala.

Dans le col de Djebria et à Aïoun-Bedjene, la voie est parfaitement apparente sur plusieurs kilomètres.

Les milliaires, reconnus sur la route de Théveste- Mascula par Thymphas, sont énumérés ci-après :

Aïn-Saharidj . Deux bornes à section rectangu- laire, auprès d'elles gisent les pierres dans lesquelles elles étaient encastrées; pas d'inscriptions.

Bir-el-Ahzem. Sur un fragment de borne trouvé en 1878 par M. le Capitaine de Bosredon, et revu avec soin, on lit .

DNFLVAL

c on a r a n

T I N Ol N VIC TOP F

A V G N O B

Sur une colonne entière bien conservée :

SAC H ATISSIMOAT O V E V h L I N V I C T I S S I M O FLVA LCONSTA N II OH ERC VLKO

CM S

M

XXXVI

A 1,500 mètres plus à l'Ouest, deux colonnes sans inscriptions marquent le 37e mille.

Au centre de la ruine d Henchir-el-Abiod, deux milliaires portent les textes ci-après :

19

////// I M P O N

B 1 L I S S /////// M A VR E L

C A K S A/////// I O C L A V

K M D I O P F

XXXVIII AVGP- P-

// L P I C A X XX VIII

38 milles représentent la distance exacte de The- veste à Vegesala (Henchir-el-Abiod), si comme le pensent MM. Tissot et Reinach, le nombre 22 milles, indiqué par l'Itinéraire d'Antonin, entre Theveste et Thymphas, est erroné et doit être remplacé par celui de 18.

A 800 mètres plus loin, à hauteur de Bir-Allou- chet, [treize bornes, dont plusieurs avec leurs em- bases, indiquent le 38° mille. lre colonne :

D N M A V H E L I O V A L E H I O M A X E N T 1 O NOBILISSI M O C A E S A R

2e colonne :

////////////////

A V G N O B I L) SS I M O C A

B S MIL

XXXVIII

3e colonne :

DN I M PC A lis LICIN1 /// SINV/////////

//// v -

- 20 -

4e colonne

5e colonne

i m //////////

////v /////// ///CLE////

///AVG/////

MIL

XXX///////

flavioval erioseve roetgale riova|le

RIOMAXI

MIANO//// ECAESS

6e colonne

IOVICIVNI

ORESACRATI

SSIMOATQVE

VELNVICTIS

SIM OC VA LE

RIOMAXIM

IAVNOCAES

MIL XXX (peut-être XXXX)

7e colonne, très mutilée

///////A ES

/////////no lll!llll*o

muni oo

AVG

XX> Il {peut-être XXXVII)

21 S" colonne :

SACRAT

1SSIM

ISATQ

VELN

VICTIS

stmis c a e s s [•: t

VALCONS TANTIVS HERCVLIVS ET C VAL//// XI MI AN VS ////IVSSA

9e colonne, tronçon de moindre diamètre que les précédentes :

/ N VICTO PF/Wcco

/£_=.

Uct

1

Cette inscription est peut-être votive et non celle d'un milliaire. Les quatre autres colonnes ne portent pas d'inscriptions.

22 -

Embranchement de la route précédente se dirigeant vers Henchir-Gouçat et Ad-Badias (?

A Bir-Allouchet, une route se détache de la voie Théveste-Thymphas-Vegesala-Mascula et s'infléchit vers le Sud. Elle passe à Henchir-Brighitta, auprès duquel on remarque deux milliaires avec leur socle. Ces bornes sont à section trapézoïdale; elles corres- pondent au 40e mille. La voie du Sud n'est pas visi. ble, elle passait vraisemblablement par Henchir-Gaba, Henchir-el-Hadjedje, Ksar-Ghoula.

Sur ce dernier point, elle est indiquée par deux bornes qui marquent le 54e mille.

L'un des milliaires d'El-Ghoula porte deux ins- criptions :

lre borne 2e borne

DDN ////// VALENTl//// IANOETVA LENT1AVGGV STISVICTO //////////RE 8 N ///////// S S //////////////// PS

LIIII

////////////

////cos///

GERM ME CT1 AVGN

///SS///D//

////PTI////

////SD/////

////lp/////

/////////////

/////////////

VAL EN////

INIAN OIVNI ORI//////// /////////////

IV.

Route de Téhessa h Ad Majores, Badias, etc.

Ad Majores, 42

(Table de Peutinger)

Nous n'avons sur cette voie que des données très

Théveste Ubaza Castellum, 59 m

- 23

vagues. L'emplacement d'Ubaza Castellum a été déterminé par M le Capitaine de Bosredon II se trouverait à l'endroit appelé Terribza, existent des restes d'une enceinte bâtie sur un rocher for- mant une forteresse naturelle par la disposition de ses parois verticales.

Terribza est à 70 kilomètres de Tébessa, si l'on passe par le Trik-el-Kareta, Ranès Tilidjène, Bou- Aced La distance en est portée à 86 kilomètres, si l'on fait le détour Ténoukla, Bouraani, Telidjène.

Aucune trace de la route n'a été retrouvée à partir de Sahaiidj pour le premier itinéraire, à partir de Ténoukla pour le second.

Des vestiges de la voie romaine sont apparents au Nord de Telidjène à Hencliir-Touta et au Sud aux environs d'Aïn-Regada, d'Henchir-Zoura, Bou-Aced et jusqu'à Ras-el-Euch la route s'engageait dans la vallée étroite de l'Oued-Mechera, qu'elle suivait jusqu'à son débouché dans la plaine.

Une autre voie romaine cheminait parallèlement à la précédente On en constate la présence depuis l'IIenchir-el-Anted jusqu'à Habs-Spahi par Henchir- Litima, Ronadji, Belfronts, Rachi, El-Heïrane, Re- tem. Elle allait vraisemblablement rejoindre la pre- mière au Sud de Ras-el-Euch, en suivant le cours de l'Oued-Zerga. Il n'a pas é'é trouvé de milliairessur ces routes. Ce n'est qu'à partir de Besseriani qu'on les rencontre Cela nous indiquerait que la voie Thé- veste-Ad-Majores n'était qu'un chemin de raccord du premier de ces points à la grande route stratégi- que qui reliait Mezar-Filia (Tolga et Ad-Piscinam (Biskra) à Tozeur et Nefta.

- 24 -

Les nombres de milles inscrits sur les bornes re- trouvées le .long de cette voie démontrent, en effet, que le numérotage des milliaires ne prenait pas son origine à Théveste.

Les milliaires reconnus par la mission topogra- phique de M. le Capitaine Guéneau, en 1906, sont les suivants :

A Henchir-Bekeiret : trois bornes mutilées; une quatrième est complète, mais ne porte pas d'inscrip- tion :

ni ni uni m i i mpc a es

niii^nu

DIVIMACA /////////SE

mu m\ un

NIPIIFELICI VERO/////

I//II PH 1/1/

////////D1VIS ////////////

I////IM////

PI1FELICIS/ IHII II II III

/////FE////

llllll/lll/lllll MILIA

///// A ////

XVIII1

///// P ////

/.'/// M ////

A Henchir-Ouled-Taounchi : bornes brisées :

IMPC A ////// II' H,' 1 IJI

IMPCAES

1VLIOPHLI////// IIM

//////SEV

//ICT0P10FEL1C ANNO

////////////

//VGPONTMXI AAGPI

TR.PPP //////////

////////////////

DIVI/////

RIAN1SEV///

»*/////////////

///antonini

AAGNIPIII

h mm ii il il ii

WllllIllHIlll

- 25 :-

A G kilomètres à l'Est de Ber-Djali, deux mil- liaires sont debout; l'un d'eux est sur son embase, le second est planté en terre, la tête en bas :

Sur le premier : Sur le deuxième :

MI LIA /////////////////

IIX ///////MLR

/////////////////

///////ID///////

LMINICTONATALE

LEGAVGPRPR

XIII.

Certaines des inscriptions qui précèdent sont connues ; nous avons cru devoir les donner quand même parce qu'elles font partie d'un travail d'ensem- ble intéressant et qui aurait été incomplet si elles avaient été supprimées.

J. MAGUELONNlî.

irsir) of Honda Libraria»

A PROPOS DES ORIGINES

DE CONSTANTINE

Tout essai de rattacher la préhistoire à l'histoire est digne d'intérêt. Les premières données de nos connaissances historiques sont comme renouvelées lorsqu'on les confronte à cette source de découvertes récentes jaillies de l'observation et de l'étude du sol, qui sont les études préhistoriques.

M. Joleaud, déjà connu par d'intéressants travaux géologues sur les monts de la région de Constan- tine, vient de faire une tentative de ce genre dans son article publié par la Société de Géographie d'Al- ger sur Les Origines de Constantine U).

Au cours de ces dernières années, des vestiges préhistoriques ont été mis au jour dans les environs de cette ville et dans la vallée du Haut-Rhumel i2>.

L'industrie du paléolithique supérieur y est très

(1) Bulletin de la Société de Géographie d'Alger, 1918, p. 1.

2j Voir notre article Bat L" Station préhistorique de Chdteau-

dun-du-Rhumel, Kecueil de la Société arche '1 igique «le Constan- tine, 1907. A. Débride, La Station />n:/t!ït<>fi(jt/.<' de Djebel~Ouach, ibid. 1912. <;. Mercier et A. Debnage, La Station préhistorique de Mechta-Chdteaudun, ibid, 1908. Debruge, La Grotte des Ours,

ibid., 1909. l.e même, Fouill* -• «/-• /m Grotte </'<■ MoQflon, Assoc. franc. Av. Se, 1909, etc.

28

largement représentée par des types assez caracté- ristiques pour qu'on ait pu les grouper sous une dénomination nouvelle, celle de gétulien, qui offre l'avantage de n'impliquer aucun synchronisme avec les types correspondants découverts en Europe et dénommés moustérien, aurignacien, magdalénien. A ces types, succèdent ceux plus évolués du néolithi- que ancien et récent, dont des stations ont été mises au jour par M. Robert, à Aïn-M'lila W, par M. De- bruge dans les Grottes de Constantine.

M. Joleaud constate que ces grottes présentent, indépendamment des vestiges néolithiques, une in- dustrie localisée dans la couche inférieure du rem- plissage et qu'il qualifie de moustérienne. La région de Constantine était donc habitée par l'homme, il n'en faut pas douter, dès une époque reculée, remon- tant à l'âge paléolithique. Mais il nous paraît hasar- deux de dater du même temps la fondation d'une agglomération importante sur le rocher lui-même. Autre chose est l'habitat intermittent de certaines grottes par des races de troglodytes et l'établissement d'une cité, aussi fruste et rudimentaire qu'elle puisse être, impliquant une organisation commune de dé- fense, une accumulation de réserves. Il ne semble pas douteux que les avantages naturels, offerts par la plate-forme du rocher de Constantine, ont tenter les hommes depuis le jour ils ont eu le souci raisonné de leur sécurité en commun, ce qui ne veut pas dire depuis toujours. J'ai montré ailleurs <2) que

(1) A. Robert, La Grotte de Bou-Zabaoucne, Soc. arch. de Cons- tantine, 1902.

(2) L'Homme do Mechta-Ckâteaudun, in Société préhistorique fran- çaise, 1914.

- 29 -

*

les races paléolithiques de Mechta-Chàteaudun n'en- terraient pas les morts; elles les laissaient pourrir à l'air libre, pèle-mèle, avec des débris de tout genre. Il est même probable que ces races étaient anthro- pophages. La horde humaine vivait en plein air, se nourrissait d'herbes, de tubercules et de limaces, exceptionnellement de la chair des animaux sauva- ges et n'avait d'autre organisation que celle décou- lant de l'autorité d'un mâle vigoureux, sur les êtres plus faibles de son entourage.

Cette horde habitait elle mangeait; elle n'a pas eu le souci de s'établir sur un rocher stérile, loin de ses terrains de chasse ou de parcours, ce qui eût impliqué déjà toute une organisation dont elle était incapable.

Nous pensons, par contre, avec M. Joleaud, que la plate-forme du rocher a pu être habitée dès l'épo- que néolithique, au cours de laquelle l'aggloméra- tion a se constituer, avec, comme noyau, une guelaa, forteresse-magasin dont dont la tradition s'est conservée jusqu'à nos jours, dans tous les pays ber- bères de l'Afrique du Nord. Il faut espérer que l'ex- ploration méthodique du rocher, dans ses fissures, ses cavernes intérieures, de même que l'examen de la couche archéologique, à la base des constructions édifiées à su surface, nous apporteront sur ce point quelque lumière. La chronologie préhistorique en est encore à se constituer; elle ne le pourra même, de façon toute lelative, (pie par une foule d'observations s'étendant sur l'ensemble d'une contrée les décou- vertes actuelles sont encore trop peu nombreuses, trop isolées pour représenter autre chose que des jalons provisoires.

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Il faut se garder, en attendant, de généralisations hâtives, basées soit sur des traditions controuvrées ou inconsistantes, soit sur des étymologies erronées. Une semblable méthode ne pourrait qu'accréditer des erreurs ou perpétuer des malentendus. En s'im- plantant clans la science, ils en rendent plus tard les progrès difficiles ou impossibles. Il importe de les signaler au passage pour les empêcher d'acquérir l'autorité que confèrent par la suite la répétition, l'habitude, l'ignorance de ceux qui acceptent les explications les plus hasardeuses sur la foi d'un au- teur. Cela importe d'autant plus que le sujet intéresse passionnément notre société q\\, pierre à pierre, accumule depuis bientôt trois quarts de siècle des matériaux, authentiques ceux-là, relatifs à l'antiquité et à l'histoire de Constantine f1'.

M. Joleaud croit à l'existence de forêts de chênes- lièges dans les environs de Constantine, parce qu'une montagne à l'Ouest du Djebel-Ouach porte le nom de Tafrent. Il nous déclare que Tafrent, en berbère, veut dire chêne- liège. Il y a une confusion prove- nant de ce que chêne-liège en berbère -arabe se dit f émane . U j> . Or, l'identité de ce mot avec le ber- bère n'est pas démontrée. L'étymologie de Tafrent nous paraît devoir être cherchée dans la racine FRN qui exprime l'idée de choisir : Mzab afren, choisis (2).

(1) Le Rrcwil entier des Mémoires de la Société serait a citer. On me permettra simplement de renvoyer le lecteur, pour la partie préhistorique, à L'Histoire de Constantine. d'Ernest Mercier, éditée sous les auspices de la Société (Constantine, 1903).

(2) Cf. Basset. La Zenatia du Mzab, p. 208. Paris, Larousse.

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Il existe des Tafrent un peu dans toute l'Afrique du Nord. J'en connais plusieurs dans l'Aurès, en des points où, soit en raison de l'altitude (1,500 mè- tres et plus) soit en raison de la constitution du sol, le chène-liège ne saurait croître. Tafrent désigne une terre de choix fertile, située sur le versant d'une mon- tagne. Quant au chène-liège, son aire d'habitat très restreinte, se trouve étroitement limitée par des conditions physiques : sol siliceux, acide, terre de fougère, climat chaud et humide, conditions qui ne se trouvent réunies que dans la zone littorale. Celle des hauts plateaux, avec son sol calcaire, son climat sec et de températures extrêmes, n'a jamais pu lui convenir. Les Tafrent pourtant y abondent.

Mais ce n'est qu'un détail à signaler en passant. Ce qui est plus important, c'est que M. Joleatnl réédite, en paraissant y attacher créance, cette fable des auteurs arabes, de bien dangereux éty- mologistes, sur l'origine du nom de Constantine, eu arabe (Jsentina £,'. h'^q . D'après cette « antique tradition » nous dit M. Joleaud, « Ksentina serait Ksar Tina, le château de la reine Tina; ce nom n'est pas, en effet, sans rappeler celui d'Athèna, employé par Hérodote pour designer la divinité du Triton. »

De semblables rapprochements, il n'y a rien à tirer que des confusions ou des erreurs. A quand donc remonterait cette prétendue antique tradition » ? \ une époque antérieure à Cirta, à la domination punique? Il sérail bien étrange qu'aucun auteur an- cien n'en ail jamais parlé cl que la tradition ait som- meillé pendant vingt siècles pour se révéler au cré- dule auteur du Kitab et Adouani. Mais nous voyons,

- 32

à l'admettre, une objection capitale : c'est que le nom de Constantine vient tout simplement de Cons- tantin. Que les Arabes l'aient déformé légèrement en Qsentina, ce n'est pas fait pour surprendre, si l'on songe qu'ils ne voyellent pas la première syllabe et qu'il y a dès lors difficulté réelle à prononcer Qsentina. En tout cas la syllabe Qsen avec un sin ^

et un noun , n'a-t-elle rien de commun avec le mot Qcar avec un çad ^ et un ra .. Quant à la pré- tendue reine Tina, nous attendrons, pour la rap- procher d'Athèna, qu'on nous démontre autrement son existence, d'abord, et ensuite sa parenté.

Nous n'avons pas plus dégoût pour l'autre étymo- logie proposée, toujours d'après le Kitab el Adouani, qui explique Qsentina par Ksar Tina, le château du figuier. Ce château adoré par les Nçara, M. Jo- leaud voit « une survivance de l'influence exercée par les Egéens en Afrique Mineure », n'intervient dans la cause que pour les besoins d'une étymologie fallacieuse. Nous n'avons rien à gagner à cette accu- mulation d'explications contradictoires mais égale- ment inopérantes.

Ceci dit sans préjudice de l'action très réelfe que les Egéens ont pu avoir sur la civilisation africaine antérieure à Carthage. M. Joleaud rappelle opportu- nément à ce propos les travaux de M. Van Genep, sur l'ornementation des poteries kabyles, cet au- teur voit a des ressemblances frappantes avec les dessins relevés sur les vases provenant des îles de la Méditerranée et datant de l'ôge du bronze; il pense que la technique, alors en usage à Chypre, a été

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introduite clans l'Afrique du Nord dès le IIe millé- naire avant J.-C. »

Nous signalerons en passant, dans le même ordre d'idées, le décor des tapis et des tentures berbères, kabyles ou mozabites. Tandis que les tapis arabes affectionnent les lignes courbes, rinceaux, fleurs et feuillages, les tapis berbères sont uniquement déco- rés de chevrons. Il faut voir un tapis de Ghardaïa pour comprendre l'effet décoratif qui peut être tiré, la couleur aidant, de simples lignes brisées, motif ingrat s'il en fut. I /origine de ce tissage remonte à une antiquité fabuleuse. Il n'y a pas de preuve plus frappante du conservatisme de la race berbère. La tradition de ce décor dérive des anciennes civilisa- tions de la Méditerranée orientale. On la retrouve chez les Etrusques, dans la période antérieure à l'in- fluence grecque. Peut-être ces très anciens alliés de Carthage ont- ils contribué à la répandre en Afrique.

Mais nous voilà loin des origines de Constantine. Après avoir rappelé des traditions arabes que nous avons intérêt à laisser elles sont, M. Joleaud s'occupe d'une prétendue tradition grecque relative, non plus à la reine Tina, mais à l'origine de Cirta, qui dériverait tout simplement de la déesse Gerthé, femme d'Héraclès. Or, Héraclès n'est autre que Baal Hammon Certhé devient dès lois Tanit Paie Baal, c'est-à-dire îuno Caeltsiis, et, comme cette dernière, après la prise de Cirta, elle s'est trouvée « nominalement substituée à Tanit Tina, lorsque Cirta est devenue la Sittianorum Colonial »

Nous sommes dans le domaine de la fantaisie pure. Nous renonçons franchement à y suivre M. Joleaud.

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Le nom de Cirta ou Qirta ou KipOr,, tel qu'il figure dans sa légende punique sur les antiques monnaies de la ville et que nous l'ont transmis les auteurs anciens, a déjà été expliqué; depuis Gesenius v1), par la racine phénicienne Qart 3"Hp, ville. Nous nous tiendrons à cette explication, tant que d'autres raisons que celles tirées de traditions aussi incertaines ne nous y feront pas renoncer.

Il semblerait en abordant le troisième chapitre de l'étude de M. Joleaud, Rôle historique de Constantine, que nous en ayons fini avec Tina, dont l'imaginaire existence ne saurait résister au plein jour, ni même aux demi-clartés de l'histoire. Il n'en est malheureu- sement rien. Nous allons revenir à cette fabuleuse personne par les détours les moins prévus.

C'est Eumaque, général syracusaire, qui, bien à son insu, nous conduit à elle.

Au dire de Diodore, rapporté par M. Joleaud, Eumaque s'avança, vers 306 avant J.-C, « au-delà des cités d'Hippo et d'Acra (Bône) », jusqu'à la ville de Miltiné. Notons en passant qu'Hippo et Acra « Iincôu zv.pz » ne désignent qu'une seule et même localité, probablement située entre Bône et Herbil- lon (2), dans les parages du Cap de Garde. Mais arri- vons à Miltiné « Ce nom semble composé, dit M. Joleaud, du mot mil, qui se retrouve dans les ap-

(1) Et même bien avant lui par Bochait V. G>ell, Atlas 17, 12G, p 9. col. 1.

(2) Gsell Atlas, F. 2, n" 2. Un autre Hippone Acra existait au Cap Blanc, près de Bizerte.

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pellations de deux bourgs de la région, Mila et El- Milia, issue peut-être l'une et l'autre du même voca- ble phénicien signifiant citadelle, comme l'hébreu Millov; du mot Tiné pour Tina (?). Miltiné pourrait donc être le Ksar Tina des légendes arabes ulté- rieures, c'est-à-dire Conslantine. »

Voilà une traduction nouvelle et assez inattendue du nom de Constantine. Mais ni l'histoire ni la philo- logie ne sauraient s'accomoder de semblables fantai- sies. Celle-ci passe tellement la mesure qu'on peut se demander s'il n'est pas nécessaire de la relever. Elle nous fournira cependant l'occasion d'une re- marque intéressant la toponymie du pays. M. Joleaud attribue arbitrairement à la syllabe mil une origine phénicienne avec la signification de « Citadelle » ou « Qçar. » Disons d'abord qu'El-Milia est tout sim- plement un diminutif arabe de Mila. Formé selon les règles de la grammaire la plus régulière, El-Milia signifie « la petite Mila. » Quant à cette dernière, il vaudrait mieux avouer franchement que son étymo- logie n'est pas connue, plutôt que de l'apparenter à un hébreu fort suspect lui-même. S'il nous fallait à tout prix l'expliquer, nous aimerions mieux y retrou- ver le radical berbéro-lybien MLL qui indique l'idée de blancheur et qui a formé tant de topiques anciens et modernes : Aïn-M'lila, Aïn-Toumella, Meliii, Aïn-Mellout parmi les modernes et parmi les anciens : Tamallula, la Respuhlica Tamallutensiam, Mila se- rait, dans cetie hypothèse « la blanche » au même titre qu' Aïn-M'lila ou Aïn-Toumella On peut objecter que les latins écrivaient Milev avec un v final. Mais il n'est pas démontré que ce V ou U fassent bien

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partie du radical. Saint-Augustin disait à l'accusatif Mileum, Saint-Optat emploie Mdei au génitif, Saint- Cyprien Mileo à l'ablatif ; les Grecs disaient MiXeov'1). L'étymologie berbère s'applique également à Miltiné, qui pourrait très bien être un pluriel féminin de la même racine, du mot libyen correspondant à Tamel- lalt, la blanche, ou de ce mot lui-même. Bien des termes de la toponymie ancienne s'élaireront d'un jour nouveau, quand on les examinera à la lumière des progrès réalisés depuis vingt ans dans les études berbères.

C'est peut-être d'ailleurs ce que M. Joleaud a voulu faire, et il faut lui savoir gré de l'intention, tout en regrettant qu'il n'ait pas cru devoir contrôler les sources de sa documentation linguistique avec la même rigueur qu'il apporte dans ses recherches géo- logiques ou d'histoire naturelle. Il eût évité certaines méprises, certaines généralisations hasardeuses. Par- lant de Thougga (Dougga), capitale des Massyles, il rapproche à juste titre ce nom de Tucca, sur l'Am- saga, de Tugga terebentina et de Tuccabora, en Tu- nisie, et conclut de qu'il y avait « pour les berbé- rophonnes de l'époque romaine, le pays des Tuccas (berbère Tucca, pâturage). » C'est beaucoup dire; que trois ou quatre topiques dérivent d'une même racine dans un pays s'étendant de Carthage à la Césarienne, il ne s'ensuit pas que cette racine puisse caractériser le pays, même si on lui donne arbitrai- rement la signification de pâturage. Nous disons à dessein arbitrairement, car ce mot n'existe dans

(1) Gsell, Allas, F. 17, n* 59.

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aucun des dialectes actuels, et l'on est en droit de demander à M. Joleaud ses sources. L'étymologie de Tucca nous parait toute différente. Abstraction faite du T initial, préfixe berbère des topiques, il reste une racine K K qui a formé de nombreux topi- ques : le Ras Takkouk, Koukou, en Kabylie, Tak- kouch (Herbillon), T'kout (en berbère Tkoukth) dans l'Aurès et sans doute Kouka au Soudan et qui dési- gne un village, un chàteau-fort, bâtis sur une col- line. C'est, proprement, le vocable berbère désignant

ce que les Arabes ont appelé guelaa L\xi. L'antique Tacaiua (aujourd'hui Takkouch-Herbillon ), s'est formé sur le mot libyen absolument comme nous avons tiré notre moderne T'kout du berbère Tkoukth .

Il n'en reste pas moins, du travail de M. Joleaud, et malgré ses erreurs, un enseignement à tirer. Les auteurs anciens, lus, relus et commentés par tant de générations, nous ont fourni des renseignements précieux, mais incomplets, et qui ne peuvent mal- heureusement pas s'accroître par eux-mêmes. Inter- rogeons le sol lui-même et la nature. Aidons-nous de ces sciences nouvelles, la linguistique, la préhis- toire, toutes deux imparfaites, fragmentaires, en voie de constitution, mais pour lesquelles la source de documentation, loin d'être tarie, est grande ouverte devant nous, à peine effleurée.

Gustave MLRCIEU.

LA TOUH HASSAN

Au bord du Bou-Regreg, dominant toute la plaine qui s'étend, presque sans aucune ondulation, jusqu'à Settat, surveillant la forêt de la Manora et gardant jes deux villes de R'bat et de Sla, tapies à ses pieds, se dresse, hautaine et impassible, une énorme Tour carrée, drapée dans une dentelle de pierres, qu'un coup de foudre malencontreux a déchirée dans l'angle Sud, il y a de cela environ deux siècles.

On la voit de partout : en venant de Casablanca, on l'aperçoit émergeant de poiriers et d'abricotiers en tleurs et mettant une tache rousse au-dessus de la neige des vergers. De Salé, le fleuve se tord à ses pieds, en un long ruban d'argent, et, au milieu de ce décor archaïque, les vapeurs modernes, entrepre- nants pygmées, jettent une note discordante, cepen- dant que les fumées noires ou blanches crachées par leurs machines diaboliques, font une auréole de gloire à l'antique géant de pierres. De la mer, R'bat et Sla, toutes blanches, semblent deux petites chien- nes fidèles, levées craintivement aux pieds du guer- rier terrible qui veille au salut du pays du Maghreb. De la terre, c'est le phare qui appelle les voyageurs

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venus du fond des montagnes, à goûter les délices charnels delà ville maghzen ou les charmes spirituels de la cité religieuse. C'est la Tour Hassan.

Tout honteux de notre moderne costume de tou- riste, pratique, mais combien ridicule au milieu de tout cet Orient occidental , dirigeons-nous vers le monument, sans nous laisser distraire par d'autres contingences de moindre importance.

Voici la tour, haute de 50 mètres exactement. Elle se présente sous la forme d'un parallélipipède de 16 mètres de côté. Sa base est nue, lourde et mas- sive, formée qu'elle est de pierres de grand appareil, taillées régulièrement et disposées avec un art par- fait ; on se croirait en présence d'un monument de la belle époque romaine, ne seraient les trous que l'on aperçoit de place en place, percés régulièrement ; il y en a une trentaine, de la base au sommet, le long du bandeau de pierre, qui forme les angles sur une largeur de deux mètres. Dans ces trous on voit encore émerger, de place en place, des restes de poutres qui ont servir à l'édification des échafau- dages de construction ou qui, beaucoup plus proba- blement, suivant la coutume berbère, forment chaî- nage au colosse de pierre.

La lourdeur de la tour est corrigée à partir de la hauteur de 16 mètres ; je ne m'arrêterai pas sur le cube parfait ainsi formé, c'est la technique particu- lière à tous les beaux monuments antiques, romains, byzantins, berbères ou arabes, par une série de sculptures de grand aspect. C'est d'abord sur la face Nord-Ouest, regardant Rabah, une série de trois

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ogives, hautes de 5 mètres. Ce n'est pas du gothique, ce n'est pas de l'arabe. C'est cet art mitigé, particu- lier au Maroc, créé par les lignes sévères de l'art berbero-bysantin, corrigées par les mièvreries pré- cieuses de l'art hispano- mauresque. C'est cet art si délicat, fait d'ogives polylobées, dont les arcs, pour certaines, dessinent sur l'archivolte une double bor- dure pendant que les tympans sont couverts de rinceaux dont l'emploi deviendra traditionnel. Elles sont plaquées sur un fond nu et en retrait et sont soutenues par de légères colonnes, engagées, de coin, dans le raccord avec le plan général d'aligne- ment du monument. Les deux ogives d'extrémité sont percées d'une fenêtre, celle du centre est aveu- gle. Le même dispositif se retrouve sur les faces Nord-Est et Sud-Ouest, mais il n'y a qu'une ogive sur l'angle adjacent à la face Nord-Ouest.

A 23 mètres, un immense dessin de même style occupe tout le tableau compris entre les deux ban- deaux de coin.. Il mesure 10 mètres de hauteur et se compose d'un tableau plein dans lequel est décou- pée une ogive à stalactites, puis, en retrait sur elle, dans son segment, se trouve, en plus petit, le dispo- sitif précédent : deux fenêtres éclairées et une aveu- gle ; surmonté d'une fenêtre à arc outrepassé dont la grande ogive forme elle-même l'archivolte. Le tympan est décoré de deux fenêtres outrepassées.

Il est à remarquer que toutes ces baies ne sont pas, comme dans les monuments du Caire, datant du XIVe siècle, entourées d'une moulure en relief, mais sont simplement soulignées d'un trait gravé très profondément.

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Un bandeau horizontal, puis un magnifique motif qui échappe à toute description et qui mesure 15 mè- tres de hauteur. C'est une résille grandiose jetée sur toute la largeur du tableau de la Tour.

En Mésopotamie et en Perse, il est fait emploi de petits matériaux, ce mode de décoration a pour but de consolider la muraille, sans en alourdir l'as- pect. Ce n'est pas le cas à Rabat, sur un parement de grand appareil. Il ne faut y voir qu'un but orne- mentatif. Ces imbrications, en relief et en creux, dessinent des feuilles simplifiées de l'arbre de Judée, très voisines de la croix ovée ou du trèfle.

Le relief en méplat est superbe, c'est de la dentelle colossale et délicate en même temps et, toujours, au- dessous, une partie nue qui fait mieux ressortir la beauté de la sculpture et qui est séparée de la résille par trois ogives polylobées sans colonnes-supports, se terminant par des pendentifs en larmes. Les pe- tites colonnes ont disparu, disent certaines person- nes; rien ne prouve qu'elles existaient.

Puis la Tour ne se finit pas, des pierres se dressent sans aucun alignement. Telle la tour de Babel, la Tour Hassan brave le ciel, mais, comme elle, arrête brusquement son défi jeté à la Divinité.

Si l'on s'en rapporte à ce que l'on voit à la Kou- toubia et à la Giralda, ses deux sœurs du Sud et du Nord, il est probable qu'il devait y avoir une bordure d'arcatures aveugles, puis une rangée de merlons ; enfin, sur la plate-forme, le lanterneau traditionnel du Maroc avec l'épi de bronze ou de fer doré.

A droite et à gauche du monument, se trouve un parapet en pisé très compact, de 6 mètres d'élévation

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et de G4 mètres de longueur. Les angles externes sont revêtus d'un parement de pierres de 7m50 de longueur, suivant le mode que les Berbères ont emprunté, en même temps, aux Chaldéens et aux Syriens. C'est, d'ailleurs, un siècle à peine avant la construction de la Tour, que les Egyptiens, pour la première fois en Afrique, employèrent, de la même source, ce mode de construction pour les deux en- ceintes du Caire (1060).

Sur le parapet, est assis solidement un mur d'en- ceinte, en pisé également, de 1 m 30 de largeur et d'une dizaine de mètres de hauteur. Ce mur est en retrait de 4 m 50 et prend appui sur le côté interne d'un épaulement massif formant contrefort à la Tour et haut de 10 mètres, large de 4 m 20 et long de 3 mè- tres. Sur l'extérieur, on voit une nervure de section rectangulaire, de 0 ,n 50 de largeur et de 0 m 30 de saillie, placée à 0ra'90 du bord de l'épauleraent et dont on ne s'explique pas très bien la nécessité et le rôle, à moins d'y voir simplement un souvenir de l'architecture mésopotamienne, remise en honneur dans l'Afrique du Nord, à la tour du Ménar, de la Kalaa des Béni Ilammad (XIe siècle).

Le parapet-terrasse est percé de chaque côté de la Tour de deux canaux enduits de tectorium romain, ou, tout au moins, d'une composition semblable à celui-ci, faite de chaux et de tuileaux piles assez fine- ment, leur largeur est de 0 '" 65 ; leur hauteur varie un peu de l'un à l'autre ; elle est voisine de 1 mètre; jeur profondeur est insondable aujourd'hui. Au Nonl- l'.st, ils se trouvent, le premier, à 20 mètres de la Tour, il est en voûte de briques enduites; le second, à 7'"50 du premier, est en voûte de pisé enduite.

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Au Sud-Ouest, le premier, en couverture plate, est à" 19 m 50 de la Tour ; le second, est à 11 mètres plus loin, il est couvert en voûte de pisé enduite. Leur sol, autant qu'on peut le déduire actuellement, serait au niveau du sol normal.

Jetons un coupd'œil sur l'angle Nord-Est ; le mur d'enceinte, perpendiculaire au parapet, se devine en- core, mais, il n'en existe plus que la base interrompue de place en place. A un certain endroit, se trouve, couchée à terre, une colonne schisteuse, coupée en plusieurs tronçons cylindriques réguliers de 0 '" 80 de diamètre et de 0 m 30 à 0 m 60 de hauteur.

Le côté Sud-Ouest est mieux conservé. A 14 mè- tres de l'angle, on trouve un contrefort de coupe verticale triangulo-rectangulaire, de 8 mètres de lon- gueur, sur 0 m 60 d'épaisseur, de hauteur mal définie, mais voisine de 4 mètres.

Puis on trouve les mêmes dispositifs distants, les uns des autres, de 11, 14, 11, 17, 11, 14 et 11 mè- tres ; leur hauteur va en diminuant. Le dernier est presque au ras du sol. Le parapet-terrasse disparaît alors et il reste seulement le mur d'enceinte qui repose directement sur le sol naturel. En un mot, le monument que dominait la Tour était formé d'une partie plane et d'une partie en remblai, d'une hauteur maxima de 6 mètres et étayée par des contreforts.

Nous nous présentons devant la Tour. La face Sud-Ouest, la seule que nous n'ayons pas vue en- core, est semblable aux autres, sauf que les motifs décoratifs ne sont qu'au nombre de deux : les fenê- tres isolées ou par trois n'existent pas et l'ogive des autres tableaux est remplacée par un plein-cintre,

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décoré, d'ailleurs, de la même façon et circonscrivant une portion de résille. Le troisième étage est sem- blable à celui des autres faces.

Celle qui nous occupe est percée d'une porte de 1 m 50 de largeur et de 3 mètres de hauteur, de style arabe ordinaire. L'épaisseur du mur, découpé par elle, est de2m50.

De l'autre côté d'un couloir de 1 m 90 de largeur et de 5 mètres de hauteur environ, se voit une seconde porte rectangulaire, ouverte dans un mur de lm60 d'épaisseur. < >n pénètre, par elle, dans une chambre carrée de 3ni50 de côté et de 6m50 de hauteur, cou- verte en arêtes. Le couloir tourne à angle droit au Nord, à droite du visiteur; à l'angle Est, sa couver- ture, qui était en berceau, devient tout naturellement en arête pour redevenir ensuite en berceau dans les parcours rectilignes, exactement comme à la Tour du Ménar et à celle de la mosquée de la Kalaa des Béni Hammad. Son sol va en montant suivant une pente approximative de 1/7°. Sur la quatrième face Sud-Ouest, le sol n'existe plus, il a élé remplacé momentanément par des fers à T, sur lesquels on a jeté des planches. Après avoir tourné cinq fois, on arrive a la porte d'une nouvelle chambre, on est alors sur la face Nord-Est. On trouvera ainsi six cham- bres au total, chacune d'elles s'ouvrant sur une face dilïérente de la précédente, en reculant chaque fois d'une dans le sens de l'ascension, de sorte que la porte de la cinquième est au-dessus de celle de la première, celle de la sixième au-dessus de celle de la deuxième. Ce couloir à angles, tournant autour d'une chambre centrale, est nettement berbère et a

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été emprunté à la Mésopotamie. Plus tard, la cham- bre, dans des minarets moins grandioses, a été remplacée par un pilier massif central et cela jus- qu'au moment les Turc3 ont introduit, dans l'Afrique du Nord, le minaret rond ou octogonal.

Ce mode d'ascension, dans la Tour Hassan, expli- que que les fenêtres percées dans les parois ne soient pas à la même hauteur sur toutes les faces.

Il importe de signaler la quatrième chambre, face Sud-Ouest, qui est couverte en coupole formée d'écaiHes imbriquées ou plutôt de stalactites dérivées, reposant sur une architrave octogonale décorée de l'étoile ovidée à six branches, dite sceau de Salomon, et qui est, en quelque sorte, l'emblème national du Maghreb. En effet, les monuments berbères, contem- porains de la Tour, portent, dans le reste de l'Afrique Mineure, l'étoile à huit branches, dont l'assemblage donne des croix en creux, ce qui a fait, un peu à la légère, conclure à un atavisme chrétien.

Ce couloir a 29 pans, est éclairé par des fenêtres, celles que nous avons vues découpées dans les motifs ornementaux extérieurs et dont certaines ont les dimensions d'une véritable salle; plusieurs personnes s'y trouveraient très à l'aise, abstraction faite du vertige et du courant d'air. Les portes des chambres correspondent aux fenêtres du couloir, sauf pour la cinquième qui serait privée de lumière, si un créneau n'était pas percé dans le mur Nord-Est.

Des brisures, des ruptures et des écroulements permettent de se rendre compte de la façon dont est construit ce chemin ascendant, qui pourrait être monté à cheval, sans la disparition de la quatrième face Sud-Ouest.

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La voûte, faite de briques, est recouverte d'un che- min en tuf qui forme le sol de la face immédiatement supérieure. Les poutres de thuya de chaînage sont visibles de place en place, surtout dans les angles qu'elles traversent complètement jusqu'à s'engager dans les murs des chambres centrales. Les voûtes sont assises sur des épaulements creusés dans le parement intérieur du mur et dans le parement ex- térieur des chambres, suivant une ligne continue.

Cela est très visible au sommet de la Tour, sur la vingt-huitième face (Sud-Ouest). C'est une innovation, car, aux Béni Hammad, la voûte repose sur une murette plaquée contre le mur.

La vingt-neuvième face n'existe plus qu'à moitié. Il faut, à cet endroit, se hisser, par un rétablissement savant, sur le dessus du mur haut de 2 mètres. Il serait à désirer que la Direction des Monuments Historiques du Protectorat fît la petite dépense cessaire pour édifier un modeste escalier de briques qui permit aux dames et aux personnes âgées de jouir du magnifique spectacle qui se découvre du haut de la vieille Tour (' .

Montons, en faisant appel à toutes nos connais- sances en gymnastique, sur la plate-forme de 2m50 de largeur qui constitue le dessus du mur.

Cette plate-forme est faite, comme tout le monu- ment, de mollasse marine, autrement dit de gros coquillier; le grain de la pierre est extrêmement net. En faisant cette constatation, on comprend très bien comment le travail, colossal d'apparence, de la

(1 Peut-être cela a-t-il été fait depuis que j'ai écrit ectte étude.

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construction de la Tour, s'est, somme toute, réduit à l'ajustage des pierres légères taillées au pied et mon- tées sans effort le long des rampes édifiées au fur et à mesure de l'avancement du travail.

Sur la dernière assise, la pluie a creusé des trous nettement circulaires dans lesquels poussent des fleu- rettes venues là, sous formes de graines, un jour de grand vent, à moins qu'un oiseau ne les y ait ou- bliées.

Moins poétiques, les arabes sont venus eux aussi et, dans la même pierre, ils ont découpé les petits creux qui constituent le jeu de dames des désœuvrés, la kerbeta.

Mais arrachons- nous à ces considérations de moindre importance et levons les yeux.

Voici, devant nous, à l'horizon, la masse verte et argentée en même temps de la forêt de la Manora, l'ancien repaire de dissidents, que de hardis chas- seurs parcourent aujourd'hui à la recherche d'un gibier abondant. D'ailleurs, que craindre sous ces frais ombrnges lorsqu'on aperçoit sortant de dessous les chènes-liéges, le serpent minuscule qu'est le chemin de fer de Kénitra, de Meknès et de Fez. La fumée blanche de ses locomotives Decau'ïlle met un panache au faîte des arbres et accroche des volutes aux arceaux des vieux monuments démantelés épars dans la campagne, pendant que la Maison de Conva- lescence les regarde passer avec toute la bienveil- lance de ses grandes baies ouvertes. Ne sont-elles pas, elles et elle, les enfants derniers nés de la nou- velle civilisation, au milieu de ce paysage archaïque et arcadique.

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Au premier plan, les vapeurs dont j'ai déjà parlé, se balancent lentement. Plus près encore, ce sont des salines couvertes des herbes grasses d'un vert som- bre que l'on trouve dans les Chott du Sahara.

Puis, vers le Nord-Ouest, c'est l'embouchure du fleuve avec sa perpétuelle barre écumante, laquelle triomphe, sans grande difficulté, de la force d'inertie des calmes eaux du bled marocain. Blanche est l'é- cume qui la couronne, blanches aussi sont les deux villes jumelles; Sla se présente à l'extrémité d'une plage qui monte lentement jusqu'à ses murs blancs, surmontés de cubes blancs piqués de points noirs, qui sont des portes et des fenêtres. Est-ce une ville ou un jeu de dominos? On hésiterait à se prononcer, si ce n'était la tache de verdure que découpent les jardins, au milieu de toute cette blancheur.

R'bat est plus vivante. La vieille ville, elle aussi, est d'une couleur que l'on croirait de loin immaculée; mais cette uniformité est relevée par les minarets des mosquées au haut desquels flotte l'étendard vert du Prophète; puis, en avant, tout au bord de la mer, couvrant l'entrée du fleuve, c'est la Casbah des Oudayia, la Casbah maghzen, la Casbah histo- rique, se découpant en roux, tlambé, çà et là, sur le bleu glauque de l'Océan.

Avançons toujours, c'est encore la vieille ville poignardée au cœur du minaret d'un gris sévère de Moulay-el-Mekki (rue Sidi-Fatah), puis plus loin quatre gros cubes blancs, 1rs états-majors de la Place, dominant la pente sur laquelle s'étagenl les tombes aux emblèmes phéniciens des Mesleh de la

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Région '''; encore plus loin, entre les deux enceintes, le camp Garnier avec ses baraques de bois couvertes de tôles ondulées et son cercle installé dans le Ha- rem des Circassiennes'; puis, à côté de lui, le plus beau produit que l'on ait jamais vu de la camelote allemande : le fort Rotembourg, avec ses deux longs canons, longs de volée, sinon de portée ; ce fort qui ne fit jamais de victimes que lorsqu'on vou- lut le dégarnir de ses poudres. Le capitaine Garnier y trouva une mort glorieuse, à porter à l'actif ou au passif, suivant la façon de comprendre la vengeance de notre ennemi d'Outre-Rhin.

Encore un pas, voici le palais du Sultan et la caserne de sa garde, la mosquée de la Loi Sainte où, le vendredi, il va faire la prière en observant fidèle- ment les rites que lui impose le plus sévère des protocoles.

Puis, le camp des Touarga plein d'officiers aux foudres étincelants, les vergers plus pacifiques, la Résidence avec ses chalets vernis comme des cabi- nes de Transat, la Cour d'Appel et son escalier monumental en marbre blanc, la maison de M. Le- riche, l'ancien consul de France à Rabat, les trois figuiers s'élèveront plus tard les bâtiments défi- nitifs de la Résidence.

Mais, à nos pieds, qu'est ceci ? une série de cel- lules ou plutôt de stalles gigantesques creusées dans le sol. On m'a dit que c'étaient des arènes. J'en res- tais un peu estomaqué ; que l'on me pardonne l'ex-

(1) A. M.iitrot, La Swoie des Symbole* religieux dans l'Afrique du Nord.

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pression, c'est la seule exacte, car on m'aurait décro- ché un direct à 1 epigastre que je n'aurais été surpris davantage

On m'explique alors que ce fut une grande fosse clans laquelle on plaçait l'homme livré aux bêtes ; le lion entrait par un endroit que l'on me désigna et la poursuite se faisait de stalle en stalle ; mais on ne put certifier si c'était en commençant par la droite ou par la gauche. Cela a son importance!!!

Mais, outre ! comme aurait dit Tartarin, ce devait être un grand prince que celui qui s'est fait édifier une loge de 50 mètres de hauteur.

Derrière la fosse se devinent un premier renfle- ment parallèle à son grand axe, puis un rectangle coupé en deux par une cloison et recoupé ensuite par une seconde ligne de façon à former deux petites salles et une très grande. Sur les deux côtés on aperçoit un alignement de belles et grandes colonnes. C'est le forum, m'a-t-on également dit.

J'avais cru, jusqu'à ce moment, que le forum était une place entourée de bâtiments d'utilité publique. Il paraît qu'à Rabat, c'est l'inverse.

Puis, nous retrouvons, enfin, l'alignement des murs que nous avions vus du bas. Ils forment un immense rectangle et sur la fac3 la plus éloignée, ils sont appuyés de tours rectangulaires.

Mais descendons; ce forum à arènes mérite d'être examiné de près.

A Snir><) environ de la porte de la Tour, se trouve un mur de 3m50 d'épaisseur, en pisé de terre, il'1 «•baux et de galets de rivière. Ce mur forme la limite N.-O. de la fameuse arène.

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Celle-ci est formée d'une immense salle de 68 mè- tres de longueur, sur 28 mètres de largeur et 4 mè- tres de profondeur.

Elle est partagée par des murs de lni40 d'épais- seur en solins de lni90 de hauteur, surmontés d'un mur de 0m80 d'épaisseur.

Ces murs ont des longueurs différentes. Les qua- tre premiers vers le S.-O. et les trois derniers vers le N.-E. ont 13 mètres; les trois autres ont 15m40.

Ils forment onze chambres, les deux extrêmes ont 3m90 de largeur, les autres mesurent 5 mètres, excepté celle du milieu qui a 6m70.

Les murs de séparation, comme ceux du pour- tour, sont recouverts d'un enduit semblable à ceux des canaux du parapet-terrasse. Ces canaux sem- blent avoir abouti dans cette salle aux angles N. et 0. , leur direction l'indique du moins. Cet ensemble constituerait donc une immense citerne avec quatre orifices de sortie ou de distribution.

C'est le dispositif en chambres rectangulaires étroites et de dimensions variables, que l'on trouve au palais particulier des Emirs, à la Kalaa des Béni Hammad, « le dispositif en tuyaux d'orgue », dit le Général de Beylié.

Et la Tour et la citerne sembleraient, dès mainte- nant indiquer une immense mosquée dont les toits développés auraient été l'impluvium gigantesque. C'est, d'ailleurs, conforme à la coutume de l'Afrique du Nord.

Au pied de la Tour, à lm90 de son angle E., on remarque, noyés dans le sol, deux murs de Om80 d'épaisseur et de 5ni40 d'écartement. Ils correspon-

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dent exactement aux murs de la quatrième chambre à partir de l'angle Est.

Sur l'alignement du mur S.-O. de la citerne et appuyée perpendiculairement à l'enceinte, se décou- vre une trace de mur.

A 10 mètres au S.-E. de la citerne et parallèle- ment à elle, une haie de figuiers de Barbarie semble reposer sur un mur; puis, 20 mètres plus loin, c'est un rectangle de 60 mètres sur 58 intérieurement, limité par des talus de 3 mètres de largeur; à l'inté- rieur, deux autres talus forment trois chambres, l'une N.-O.-S.-E. de GO mètres sur 35, les deux autres de même direction, mais l'une derrière l'autre de 28 "50 sur 20 mètres.

Les talus sont formés de morceaux de briques et de tuileaux assez petits; aucune pierre de dimen- sions plus fortes ne s'y rencontre.

L'intérieur des salles, ainsi limitées, est couvert de troncs de colonnes couchées, leurs morceaux cylindriques sont presque jointifs que l'on me par- donne l'expression, elle semble, seule, fixer l'image; on dirait de gigantesques rondelles de saucisson découpées sur le marbre d'un charcutier.

Mais examinons les colonnes encore debout. Elles sont en calcaire schisteux, de 0"8J de module et sont formées de tronçons cylindriques de hauteur non Wxe Elles sont, elles-mêmes, cylindriques île haut en bas. Elles semblent reposer sur le sol sans l'intermédiaire d'aucun cavet, terre, boudin ou base. Elles mesurent 6 mètres de hauteur et sont coiffé' toujours sans intermédiaire, d'un abaque carré

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de 0ni20 de hauteur et de 0"'75 de côté, reposant sur un tronc de cône de 0m 10.

L'intervalle de colonne à colonne est de 6m30 d'axe à axe.

Il y a 34 mètres de la haie de figuiers au mur d'enceinte et 7m80 de la première rangée de colonnes au même mur. D'après ces mesures et les vestiges des colonnes debout, décapitées ou couchées qui existent encore, on peut déduire qu'il y avait cinq rangées de colonnes dans ces 34 mètres; la pre- mière, couchée actuellement, a 2m51 à compter de l'axe.

Il faut remarquer, de plus, que les colonnes de l'intérieur des salles sont également à 6m30 les unes des autres, que les talus occupent tous l'emplace- ment des lignes de colonnes, quelques tronçons y sont même visibles.

11 n'y aurait donc pas eu de salles mais une im- mense colonnade de 441 colonnes (6m30 X 6'" 30) formant, par groupe de quatre, des cubes parfaits. (Hauteur 6m30). Il est à remarquer que, dans l'art africain, les tètes de colonnes sont reliées par des tirants de bois ouvré, le cube a donc une grosse importance.

Comme il sera vu plus loin, il convient de retirer du chiffre 441 des colonnes, la première rangée, ce qui donne 420, chiffre à rapprocher des 412 colonnes du Palais de la Perle (Qasr el Lou'loua à Bougie, construit en 1100, par El Mançour Ibn en Nacer, et transformé en mosquée par ce prince. D'autre part, les dimensions générales sont assez voisines : 130 mètres à Rabat, 222 X 150 coudées (115,44 x 78 mètres)

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à Bougie, 20 galeries couvertes à Rabal, 14 à Bou- gie, dimensions sensiblement égales si l'on considère que, dans la seconde ville, la largeur est d'un quart inférieure à la longueur.

Les colonnes étaient-elles couvertes elles-mêmes par de vastes berceaux orientés Sud Est Nord-Ouest? ou formaient elles une série de tholi ou de coupoles? Il est assez difficile de conclure; la nature des maté- riaux qui forment les talus ne semblent pas suffi- sante pour asseoir une opinion. Mais on sait que si la multiplication des coupoles remplit bien le rôle d'un impluvium, elle est une innovation turque. Or, les janissaires n'étaient pas encore venus au Magreb à l'époque qui nous occupe et même plus tard, ils ne résidèrent pas suffisamment longtemps pour qu'ils aient eu le temps de faire école. Tandis que le berceau, déjà si cher aux Romains, est, pour les mu- sulmans, une tradition sacrée venue des ancêtres sémites de la Chaldée. Malgré cela, les débris sont encore trop peu nombreux et il faut s'en tenir à la couverture en plafond de bois.

Ces débris ont été rassemblés suivant des lignes régulières de façon à déblayer le sol qui a être transformé en jardins, limités par des haies de cac- tus, ou bien ils se trouvent à leur place et provien- draient de clôtures légères.

Jl nous reste à examiner l'enceinte. Sur le côté Nord-Est, les vestiges sont peu considérables. Sur la face Sud-Est, au contraire, le rempart est presque intact.

Il est formé d'un mur en pisé de l'"3U d'épaisseur et de 10 a 12 mètres de hauteur, contre lequej sont

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plaqués des tours de même hauteur et pleines. Elles ne sont ajourées que sur leur dessus, leur para- pet rectangulaire, à trois faces, fait suite à celui de la courtine. Elles mesurent 2m40 de saillie et 3'"90 de largeur; la courtine a S"1 70 de longueur. Mais il n'y a pas de tours d'angle; la première est distante, du coin de l'enceinte, de 5n' 80; on aperçoit à la même distance sur la face Nord-Est, trace d'une tour sem- blable.

Les tours sont en revêtement de maçonnerie jus- qu'à 2m30 de hauteur; le reste est en pisé mélangé de briques plates de 0m20 x 0mll X 0"04. Vers le milieu de la hauteur, on remarque sur chacune d'elles, un étranglement qui est tout simplement l'emplacement de la poutre de thuya de chaînage. Tout cela est du pur berbère. Mais il faut signa- ler l'atavisme bysantin, du fait que les tours ne sont pas jointes au mur. mais y sont accolées. Ce dispositif, comme le précédent, avait pour but de diffuser le choc des béliers et de ne pas entraîner la chute du mur avec celui possible de la tour.

Dans le mur d'enceinte, on remarque, à des inter- valles verticaux réguliers de 2 mètres environ, des trous dans lesquels furent engagés les boulins qui servaient à fixer les coffrages de bois destinés à la compression du pisé.

Sur la face S.-O., le mur existe, plus ou moins bien conservé, jusqu'à hauteur du dernier des contre- forts que j'ai déjà signalés. Les tours n'existent plus. On remarque seulement les vagues attachements de quelques-unes, vagues d'après ce qui vient d'être dit de leur accotement.

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Sur l'alignement dos deuxième et troisième ran- gées de colonnes, dans la partie située au S.-O. de la citerne, on voit enfin deux tronçons de murs.

Il n'est nulle part trace de porte d'entrée. Dans les environs de la colonnade, il ne saurait en être question, les murs sont, d'ailleurs, presque entiers sur deux faces ; la porte semblerait plutôt avoir été ouverte entre les deux contreforts distants de 15 mè- tres, c'est-à dire vers le milieu de la citerne.

Qu'il me soit permis, avant d'aller plus loin, de dire quelle est ma façon de voir sur l'origine et la destination de ce gigantesque monument.

L'emploi des briques de grandes dimensions, alternant avec les pierres et le pisé indique, avant toute autre chose, que nous nous trouvons en pré- sence d'un monument berbère f1». La conception de la fortification tours-bastions de même hauteur que la courtine et disposées régulièrement dans les lignes droites et planes seulement '2|, la forme des colonnes cylindriques en plusieurs tronçons (*) semblent confir mer cette opinion. Il n'est pas, jusqu'au style, résille exceptée, de la Tour qui ne réponde aux données de l'art berbère islamisé si bien décrit et fixé par le regretté Général de Beyliél3).

On a alors, comme lui et comme M. A. Robert tendance à prendre cette Tour pour un phare, pour un poste à signaux, un fenar ou un menai-. Pas seu- lement un phare maritime, mais un de ces phares

(1) A. Maitrot, Les Fortification» berbères de Médina-Zaoui. - \. Maitrot. Traité de Fortification Nord-Afrieain».

(3) Général de Beylié, La Kalaa </<•.< Bani-Hamm

(4) A. Robert, La Kalaa et Tihamamine,

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terrestres qui servaient de moyens de communica- tion avec les tribus de la montagne.

Le vaste rectangle couvert en colonnes aurait pu être un marché, un lieu de réunion. C'est une im- pression qui saute à l'esprit; en tout cas, ce fut cer- tainement un impluvium par multiplication des sur- faces, destiné à remplir la citerne chargée elle-même de distribuer l'eau par ses quatre canaux de sortie.

Le monument s'appelle Tour Hassan, des fonda- teurs de la dynastie Hassanite et non de Mbulay Hassan, comme le prétendent certains indigènes. Ce prince, père du Sultan actuel, aurait, d'après la croyance populaire des R'bati, fait édifier une mosquée, mais la mort serait venue le surprendre avant que le minaret ne fut achevé et il a été enterré sous celui-ci. Il est invraisemblable que de pareilles légendes puissent prendre naissance, surtout quand on songe que Moulay Hassan est mort il y a vingt ans. Son tombeau se trouve au palais du Sultan, à gauche de la porte d'entrée.

L'opinion la plus généralement admise et qui est celle de l'Histoire, est que la construction fut faite par Youssef \acoub el Mançour, au XIIe siècle, plus exactement de 1178 à 1197 (574-594 hégire). C'est ce Sultan qui créa Rabat au sud du promontoire de R'bat el Fath, en souvenir du combat d'Alarcos. L'architecte de la Tour aurait été un Sévillois nommé Goewer, .lequel aurait, d'ailleurs, construit la Giralda, de Séville et la Koutoubia, de Marra- kech M. Le Sultan aurait voulu faire plus beau qu'à

(1) Louis Botte, Au cœur du Maroc.

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Séville et c'est pour réaliser ce désir que l'on avait l'ait le chemin en plan incliné, lequel permettait aux mules de monter les matériaux, sans effort, à des hauteurs jusque-là inaccessibles.

Le monument aurait été détruit par Sidi Moham- med, lors de la prise de Rabat i1'.

L'origine commune des trois tours semble assez justifier que l'on attribue leur conception à Goewer ou à Aboul' Laith el Sequilli (le Sicilien .

Les points communs sont nombreux, en dehors des époques très voisines de leur construction.

La Giralda est le minaret de la mosquée de Séville, elle fut édifiée de 1171 à 1172 (567-568) par ordre d'Yacoub el Mancour. La décoration devient de plus en plus riche au fur et à mesure que l'on s'élève. Au second tiers, au lieu de la résille continue qui couvre la Tour Hassan comme une robe de dentelles, cette résille ne se compose que deux bandes dont le millieu est occupé par quatre étages d'ogives rap- pelant, en plus petit, la grande baie du second étage de sa sœur marocaine. Gomme la Koutoubia, elle est couronnée d'un épi à pommes d'or; mais cette orne- mentation, comme toute la partie supérieure, date de la Renaissance. Il convient de remarquer que, contrai- rement à ses sœurs, bâties en belles pierres, la Giralda est en briques. 11 faut voir là, une des né- cessités imposées par les ressources du pays. G'esl la transformation des piliers de briques de la Pei qui sont devenus des piliers en pierres en Egypte, les carrières étaient plus nombreusi 1. a Koutoubia (1184-584) esl d'aspect plus, sévère

[\) Docteur Mauran, /. one.

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que ses sœurs. Elle rappelle, dans ses grandes li- gnes, les monuments romans de l'Europe; mais à faut, malgré tout, y remarquer une baie ogivale- il stalactites, ouverte de deux fenêtres outrepassées en retrait sur un tableau rectangulaire et deux autres fenêtres de plein cintre, au milieu du tympan, qui ressemblent singulièrement à certain dispositif, aveu- gle, il est vrai, de la Tour Hassan; plus haut, un plein cintre rappelle celui qui est au-dessus de la porte de celle de Rabat La résille, enfin,, se trouve sur le lanterneau.

Il faut, à ces trois tours, donner comme proche parente, celle de Mansourah (1334) de Tlemcen. Elle est couverte d'une résille dans sa partie supé- rieure, au-dessous d'une série d'arcatures aveugles. Elle porte, au-dessus de la porte, un tableau renfer- mant une ogive découpée et plaquée tout comme les tours maugrebines.

Mais, il est à remarquer que la Giralda, la Kontou- bia et la Mansourah étaient simplement des minarets de mosquée et que la dernière servait de porte d'en- trée.

La Tour Hassan serait certainement de destination semblable. Mais la mosquée maugrebine était tou- jours rectangulaire ou carrée, à l'opposé des mos- quées syriennes généralement cruciformes, à cause des quatre rites malékite, chaféite, hanbalite et hané- fite qui construisaient leurs medrassés autour de la cour centrale. Au Magreb, il n'y a qu'un rite, le malékite, donc pas de plan cruciforme.

Dans l'Occident musulman, on trouvegénéralement une cour centrale carrée (sahn) avec une fontaine et

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des portiques (liouan). Celui de l'Est est souvent plus profond et surtout plus large, car le mirab qui se trouve dans le mur oriental, souvent dans une tour, indique la direction dans laquelle se doivent placer les fidèles derrière l'iman. Aussi, les nefs sont-elles fort nombreuses, placées côte à côte dans l'orienta- tion Est- Ouest. Quelquefois, il y a une maksoura ou chœur, d'origine berbère, certains disent chrétienne. A la Tour Hassan, il n'existe rien de tout cela. La citerne classique est visible, le minaret est carré en souvenir du phare d'Alexandrie, le mirab a pu se . trouver dans une tour qui a disparu , mais c'est tout; le sahn aurait pu se trouver au milieu des talus existant actuellement, mais que viennent faire, dans ce cas, les colonnes y existant.

Il faut alors chercher plus loin, dans le Moyen- Age.

Le plan de la Tour Hassan est à rapprocher de celui de la mosquée de la Kalaa des Béni Hammad, son aînée de cent ans presque exactement. L'entrée, ou plutôt les entrées, se trouvent de chaque côté de la Tour élevée sur la citerne et entourée d'un porti- que. Le minaret carré est au fond de cette cour. La mosquée forme un immense rectangle de 56x36 mè- tres, avec 84 colonnes. Le mirab se trouve dans une tour carrée, mais est orienté plein Sud ; devant, se trouve une maksoura dont il reste une colonne cylin- drique et lisse, en marbre blanc, reposant sur une base en maçonnerie. Les matériaux de couverture sont peu nombreux et le Général de Beylié conclut à une couverture en bois. Le minaret est semblable en plus petit à la Tour Hassan, il mesure 25 mètres

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sur 6m50 de côté; les voûtes, ascendantes en carré, mais avec escaliers, sont en berceaux; mais la face de la mosquée seule est décorée.

C'est bien le plan de la Tour Hassan. On a trouvé une colonne dans l'angle Nord-Est, il en existe une rangée au bord de la citerne; enfin, derrière cette rangée se trouve un talus. On peut en conclure qu'il y avait une colonnade-portique et que la deuxième rangée de colonnes était engagée dans une murette qui séparait le salin de la mosquée. L'entrée se fai- sait par le côté entre deux contreforts, peut-être y en avait-il une autre de l'autre côté.

Les talus intérieurs, peu volumineux, sont peut- être les restes de la barrière de la maksoura ; s'il y a des briques, c'est que c'était un claustrum dans le genre de celui des fenêtres supérieures du minaret de la Kalaa des Béni Hammad. Le mirab se serait trouvé contre le mur du fond, son orientation aurait été plus orthodoxe encore que celui des Béni Ham- mad. Mais, me dira-t-on, pourquoi cinq travées entre le mirab et la maksoura : pour placer, comme à Kairouan, à la mosquée de Sidi-Okba, le minbar (chaire à prêcher) et les dikka (chaires on lit le Coran).

Que viennent faire enfin, les tours rébarbatives? ne faudrait-il pas voir un de ces ribat ou couvents fortifiés dont l'exemple avait été donné par les ordres militaires religieux des Latins ou plutôt par les mo- nasteria des Bysantins si fréquen's en Afrique (').

Des fouilles méthodiques portant sur l'emplacement

(1; Maitrot, T/œocste.

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exact des colonnes, sur les attachements de la porte monumentale, sur les conduites de la fontaine cen- trale, sur les traces du mirab fixe, (alors que le mimbar et le dikka ont pu être mobiles), sur les cel- lules des religieux et des disciples, pourront seules fixer les idées sur la destination première de ce grandiose monument.

Mais il conviendra de n'agir qu'avec !a plus grande prudence, car, se conformant à la coutume chal- déenne, l'orientation se fait par les angles; cela trouble un peu, comme je l'ai dit, les règles litliur- giques musulmanes et les points de repère devien- nent plus difficiles à découvrir.

Capitaine MAITROT.

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UNE VIEILLE KASBAH

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C'est le plein bled. A gauche, une montée rude, rocheuse, malaisée que des chameaux gravissent de leur long pas traînant, en projetant lourdement leur col en avant, pendant que leur pied mou s'écrase sur le sol avec le son sourd d'une vieille semelle que l'on traînerait péniblement.

A droite, des tiges sèches d'asphodèles, piquées de chardons bleus, s'étendent en larges nappes jusqu'aux pentes que domine un poste optique, point noir mi- nuscule sur le ciel azur immense.

Tout à coup, à l'horizon, surgissent de longues files de silhouettes. Sont-ce des cibles préparées pour un tir monstrueux? Sont-ce des lignes de tirailleurs à la recherche d'un ennemi ou d'une source"? Le soleil qui rutile, en tombant d'aplomb sur nos têtes, donnerait plus de vraisemblance à la seconde hypothèse. Mais les silhouettes restent indéfiniment immobiles. Leurs formes se tassent, se géométri- tlent. Ce sont les dents d'une gigantesque mâchoire; les molaires carrées bien arasées en leur tablature

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rectiligne, ici les canines pointues comme les crocs d'un chien de douar. Aucun vide dans cette rangée formidable. Mais les gencives grandissent au fur et à mesure que l'on approche, leur hauteur dépasse celle des dents, elle devient deux fois, trois fois, vingt fois plus grande, et du haut d'un dernier pli de terrain,, on se trouve, tout à coup, en face d'une kasbah rébarbative, comme celles que l'.on découvre, à chaque pas, au Magreb Mais une kasbah entière, complète, sans brèche, sans tour découronnée, sans courtine abattue.

C'est Médiouna.

La forteresse se compose de deux parties bien dis- tinctes. La première, la plus proche de la route, est toute blanche, ses tours sont à la hauteur de la mu- raille, presque aussi larges que hautes, ce sont plutôt des bastions. Leur parapet est nu, sans merlons.

La seconde, plus sérieuse, est plus élancée, plus élégante, malgré sa teinte terne. C'est elle qui est hérissée de merlons, prismatiques aux courtines, pyramidaux aux tours. Bien que celles-ci soient exactement de la hauteur de la muraille, les pointes des merlons les allègent et les l'ont paraître plus hautes.

L'intérieur de la kasbah est occupé actuellement par les troupes françaises, mais les traces nombreu- ses des antiques murailles et les souvenirs assez précis des vieux indigènes de la région, recueillis avec un soin méticuleux et précieux par le capitaine Bidot, du 114e territorial, permettent de reconstituer les anciens habitacles et de se faire une idée assez exacte de ce qu'était une kasbah., dans la Chaouia.

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Que mon cher camarade reçoive ici mes remercie- ments chaleureux pour le concours précieux qu'il a bien voulu me prêter.

La kasbah primitive, bâtie vers 1700 de notre ère, autant que l'on peut préciser, se composait d'un quadrilatère, très proche du carré, de 100 mètres sur 95, complètement isolé de tout lieu d'habitation. On se demanderait à quoi pouvait bien servir cet appareil guerrier, si on ne savait que les caïds d'autan, agents fort peu accrédités auprès des populations, avaient à se défendre de leurs ennemis et de leurs administrés, lesquels étaient souvent mêmes personnes.

Chacune des faces du fortin, faites d'un mur de moellons assez régulièrement taillés et larges de 2m50, est garnie de quatre tours, deux d'angle et deux de milieu de courtines, distantes de 25 à 30 mètres et .lisposées d'une façon absolument régulière C'est le retour aux premières méthodes romaines en Afrique, qui voulaient que les tours ne fussent distantes que de 20 mètres environ, de façon à se commander l'une l'autre. C'est, d'ailleurs la seule communauté de conception que les deux systèmes aient entre eux. Car, au lieu de dominer les courtines ou d'encadrer les portes, les tours comme il a été dit, sont de plein pied avec la première. Elles ne sont même pas des tours à proprement parler, c'est-à-dire des chambres superposées, en deux étages et surmontées d'une plate- forme pour machines de guerre; ce sont plus simplement des saillants de la muraille sans ferme- ture à la gorge. Le chemin de ronde de la courtine, large de 1 mètre et compris dans l'épaisseur du mur, suit les angles des saillants et La plate-forme n'existe

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que lorsque l'appareil guerrier a été transformé en appareil économique : pour servir d'habitations ou de magasin, comme c'est le cas pour les tours : logement des gardiens des animaux; logement des moghazeni; logement des gardiens de céréales; loge- ment d'un corps de garde à l'étage et prison au rez- de-chaussée; magasin; logement au rez-de-chaus- sée et à l'étage. Les autres tours sont des bastions berbères qui auraient deux mètres environ de saillie, sur cinq à sept mètres de largeur et une dizaine de mètres de hauteur. Elles sont rectangulaires de sec- tion, sauf celles des angles qui, pour prendre l'ali- gnement des autres, sont barlongues.

La tour 1 renferme la porte d'entrée. Celle-ci, contrairement à ce qui existe actuellement, et confor- mément à la coutume antique, était en atf, c'est-à- dire à angle droit, de façon à rompre l'élan de l'ennemi et à permettre un commandement direct par la chambre qui formait le fond du premier cou- loir. Au point de vue architectural, il faut remarquer une série de trois arcs qui se profilent l'un sur l'au- tre, tout en étant complètement différents. Le pre- mier est ogival et outrepassé ; le second est ogival suivant le mode latin; le troisième est proche de l'arc égyptien. Le génie militaire français a redressé le couloir, assez incommode pour le passage des voi- tures et par une conception hardie, a construit un quatrième arc, en plein cintre, qui termine la pers- pective d'une façon extrêmement heureuse.

L'arc d'entrée est accosté des deux colonnettes grêles qui sont de mode au Magreb, qui reposent, d'une part, sur des piliers engagés et sont coiffées,

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d'autre part, d'une console. Les chapiteaux des deux colonnettes et les deux consoles sont réunis par une corniche en doucine qui, dans les conceptions primitives, servait à placer un mâchicoulis mobile en bois. Mais il est peu probable que ce dispositif existait à Mëdiouna, parce que la porte n'est pas, comme à Chella et à Mehediya, accostée de deux tours dont les faces adjacentes servaient à assurer la position de l'appareil descendu, d'ailleurs, de leur plateforme au moment de l'assaut. L'époque de la construction de la forteresse est postérieure à l'em- ploi de ces dispositifs et bien qu'une console plus petite que les deux autres se trouve placée au- dessus de la clef de voûte, comme pour aider au soutien du plancher, l'embrasure de canon qui coupe, immédiatement au-dessus, sa baie trilobée en fait un anachronisme flagrant. Il faut, simple- ment, voir, dans cette corniche, un souvenir îles dispositions anciennes, certainement plus à sa place sur une porte fortifiée, qu'il ne l'est au portail d'une mosquée ou au porche de quelque demeure bour- geoise. L'embrasure est encadrée par deux tableaux unis, surmontés en méplat dune ogive à stalactites, assez applatie et proche du persan.

Le parapet, destiné à couvrir la pièce de canon, fait que la porte est un peu plus haute que la cour- tine et que les quatre merlons pyramidaux, qui If couronnent, sont simplement décoratifs ; ils ont, d'ailleurs, un écartement exagéré, non seulement au point de vue militaire, mais même au point de vue envisagé (fig. Il }.

Au nord du couloir, sous la voûte, se trouve une

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salle oblongue, qui dut être un corps de garde, bien poétique, car son porche en arc polylobé très sur- baissé (caché par une boiserie rapportée) est sur- monté d'une corbeille de fleurs ou de fruits, dans le goût italien, et pas absolument irréprochable (fig. F.).

La voûte de la porte est en trois parties. La pre- mière, en entrant, est en berceau, les deux autres sont en arêtes Ce dispositif est extrêmement rare dans les lignes droites et s'il s'explique, pour le der- nier intervalle, se trouvait le coude de l'atf ; il ne se comprend pas, sauf par symétrie, dans le précédent. L'emploi des arêtes dans les tournants, s'il est assez fréquent dans l'architecture berbère, n'est cependant pas d'une règle absolue. Je connais, même à Casa- blanca, plusieurs maisons dans le quartier du vieux port, des cages d'escaliers sont voûtées de deux berceaux en angle droit se raccordant par un pan coupé supporté par une trompe en demi -voûte d'arêtes, qui, elle, est nettement berbère.

. Un escalier placé au Sud du couloir et à deux pentes opposées permettait d'atteindre à la plateforme du canon.

Les escaliers, conformément à la méthode afri- caine, qu'il s'agisse des Romains, des Bysantins ou des Berbères, ne sont pas très nombreux et se trouvent à proximité des portes. Un second est placé à l'angle Nord-Ouest, contre la tour 6 Au pied de cette tour, est percée une petite poterne dont le rôle devait être double. Ou bien c'était un échappa- toire en cas d'enlèvement de l'enceinte; son rôle,

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dans ce cas, devait être bien précaire, car un assiégé, réduit à cette extrémité, était bien à plaindre, le pays environnant n'offrant absolument aucun refuge ; il ne faut pas parler sérieusement des pentes douces et dénudées du Merchich. Mais beaucoup plus cer- tainement, elle devait servir d'entrée au harem tout proche, comme il sera vu, ou de sortie pour se ren- dre à la mosquée-mahakma située en dehors de l'enceinte. Cette hypothèse expliquerait l'existence du petit réduit qui lui est adjacent et qui n'a abso- lument rien de militaire; il ne communique même pas avec l'enceinte, et ressemble singulièrement à la loge d'un pacifique concierge, alors que le corps de garde, établi au premier étage de la tour 6 et desservi par un escalier spécial, avait un rôle plus guerrier. Au-dessous de cette pièce, au rez-de-chaussée de la tour, se trouve un réduit qu'on prétend avoir été une prison, celle des femmes peut-être, puisque les hom- mes avaient un autre grand local, à moins que ce fut le bit el ma, les latrines, qu'on ne trouve nulle autre part. Celles-ci auraient eu une fosse commune avec celles de la mosquée qui devaient vraisembla- blement se trouver dans le local attenant au mur Est de cet établissement.

Comme toute demeure indigène, la kasbah, qui était entièrement affectée au service du caïd, se di- visait en deux parties. Les appartements privés et les bâtiments d'intérêl général. Comme de coutume également, les derniers n'offraient aucun caractère architectural, tandis que les autres étaient dans le cas présent, décorés avec une sobriété du meilleur goût, lequel en fait un véritable bijou, qu'il y a inlé-

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rêt majeur à conserver et à faire connaître au grand public.

Les appartements se trouvaient relégués contre la face Est, la plus éloignée de l'entrée. La partie Nord était particulière au caïd, la partie Sud était destinée à sa famille et aux notables passagers.

Cette dernière partie n'offre rien de très particulier. Le quartier des parents communiquait par une porte assez basse avec celui du caïd, l'autre était complè- tement isolé. Chacun des quartiers était, suivant les usages, desservi par un puits.

Le caïd logeait dans un bâtiment à un étage, ou- vrant, en même temps, sur la cour générale et sur le jardin particulier.

Sur la cour, se trouvait une double porte assez jolie dont la partie basse des lobes et des stalactites est remplacée par des volutes plus ou moins dérivées, des enroulements des cornes de Baal, traces d'ata- visme phénicien extrêmement fréquentes au Ma- roc i1). Cette porte ouvrait sur une grande salle allongée coupée en deux par un portique simple, de même dessin que le précédent. La partie haute a l'intérieur de ses stalactites creusée en lobes plus ou moins réguliers, suivant la technique berbère.

En arrière, par décrochement, se trouvait une salle obscure aux murs énormes destines à supporter l'étage et un escalier conduisante ce dernier. Là, se voyaient deux salles séparées, par une porte outre passée et polylobée, alors qu'une double porte-fe- nêtre coupée en deux par une colonne cylindrique,

(1) A. Mititrot, La Suroie des Symboles religieux dans l'Afrique du Nord.

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présentait des pleins cintres répétant celui de la porte du rez-de-chaussée sur le jardin. Toutes les colonnes sont coiffées de chapiteaux dont l'épanne- lage, un peu lourd, est dérivé du composite, avec des motifs en méplat dérivés du lotus cher aux Phéniciens.

Les fenêtres, au contraire, sont d'une innovation un peu hardie qui doit son origine à une influence turque que l'on s'explique peu, à moins que les Hadji ne l'aient subie au cours de leur pèlerinage aux Lieux Saints.

Dans un cadre rectangulaire, à moulures, comme le serait un cadre de glace de bazar, se trouvent deux stalactites, dont l'ogive d'encadrement a com- plètement disparu, les stalactites se présentant elles- mêmes simplement en profil, comme cela se trouve à la mosquée du Sultan Bayesid, à Constantinople (877 de l'hégire) (fig. 1).

D'une façon générale, la maison est entourée de grands bandeaux de pierres nues, qui sont nette- ment de style berbère, avant que celui-ci ait subi les mièvreries déprimantes de l'art hispano-mauresque. C'est, d'ailleurs, la caractéristique générale de la Kasbah toute entière et ce qui fait son grand charme et son principal intérêt.

A proximité de la maison du Caïd, se trouvaient quelques chambres qui devaient être occupées par ses parents les plus proches.

La tour 7 et une salle adjacente servaient de ma- gasins aux vivres et de cave (9).

Enfin, dans le milieu du mur nord du quartier, se

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trouvait le hammam à cheval sur la séparation du quartier du caïd et celui du harem.

Il se composait d'une salle de chauffe (3), d'un vestiaire (4), d'une salle pour les femmes (6), dont il reste encore une amorce de voûte et d'un très beau bain de vapeur. C'est une sorte% de Koubba qui réunit les deux styles berbère et turc dont nous avons, jusqu'à présent, vu les manifestations séparées. La coupole est formée d'une multitude de cannelures en côtes creuses, suivant la technique du Turbé de Mohammed I Tchelebi et du Turbé Vert ou Yechil Turbé de Brousse; l'éclairage et la sortie de vapeur se font par la voûte, comme à la salle de piscine des bains d'Yeni Kaplidja, à Brousse (1513-1566); tandis que le raccord de la coupole octogonale avec le cube de base se fait par des demi voûtes d'arêtes, comme à la Kalaa berbère des Béni Hammad.

Le quartier du harem est disposé autour d'une cour centrale ayant son puits comme les autres quartiers. Dans l'angle N.-E. se trouvait la cuisine.

On pouvait pénétrer dans ce quartier par deux portes.

Le caïd y entrait par une porte rectangulaire, en- cadrée de deux colonnettes engagées sur piliers, avec la corniche d'usage. Le linteau formait tableau de bois; il était surmonté à chacun de ses angles de l'inscription couffîque réversible en l'honneur de Sidna Mohammed, que l'on trouve un peu partout au Maroc. Au-dessus de la porte, se découpe une fenêtre assez semblable à celle déjà décrite (fïg. M). Cette fenêtre éclairait une salle d'étage à laquelle on accédait par un escalier adjacent et intérieur.

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Les femmes et les serviteurs entraient par la po- terne de l'enceinte, suivaient un couloir encore exis- tant et aboutissaient à une porte en plein cintre ffig. Ki, sur pilastres nus, surmontée d'une rose phénicienne en haut relief.

Les différentes portes du harem étaient en arcs outrepassés simples, mais il faut signaler que l'éclai- rage se faisait par une trinité de petits créneaux coiffés soit d'un triangle ifig. L), soit d'un outre- passé appointé (fig. E). ("es pièces étaient fermées par des portes disparues ouvrant sur l'extérieur, dont on voit encore les lanternes de gonds très sim- ples de dessin (fig. L).

Les quartiers d'intérêt général étaient au nombre de cinq.

Contre le harem, se trouvait un moulin compre- nant un magasin à grains, couvert en arcades, un moulin circulaire 1(, un four, une panneterie et un puits.

A proximité, un dar-diaf, avec des petites cham- bres séparées, recevait les seigneurs de moindre importance, qui n'avaient pas droit à l'hospitalité directe du caïd; il comportait un puits.

Deux chambres et une tour étaient affectées à la demeure des mokhazeni.

Une cour enclose recevait les mulets et les che- vaux; elle contenait un puits et la tour 3 servait de logement au gardien.

Enfin une prison, avec une salle pour le geôlier, était proche de la porte d'entrée.

(1) A Maitrot, /.'/" aine,

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A la tour 1, est attenante une petite enceinte qui n'a rien de militaire et que l'on prétend avoir été la demeure du Khalifa. Cette assertion n'est évidem- ment pas à rejeter de parti pris; mais elle est au moins extraordinaire. En dehors de ce que le Kha- lifa est fort souvent un parent du caïd et, par suite, devait loger dans un des quartiers intérieurs, la dis- position de l'immeuble n'est pas celle des maisons particulières.

Au côté Sud-Ouest d'une cour quadrilatérale irré- gulière est adjacente une construction à un étage et une terrasse, comportant une grande salle à cha- cun de ces étages.

Celle du rez-de-chaussée, divisée en deux par un mur longitudinal ressemble assez à ce que nous pourrions appeler une chambre à coucher de récep- tion, ou plutôt une chambre de repos, d'usage très fréquent au Maroc, avec des matelas et des tapis dans les bouts. Mais que vient faire, dans le fond, un mirab assez mal orienté, d'ailleurs, bien que cette erreur cardinale ne soit pas une exception au pays des Chorfa. De plus, ce mirab se trouve dans une espèce de tourelle carrée qui est très visible à l'exté- rieur du bâtiment; c'est bien le mode maugrebin, dont le plus bel exemple se trouve au Chella (l!.

Au premier, la salle est semblable, sauf que le mirab est remplacé par une large fenêtre, sans carac- tère à l'intérieur, mais très intéressante à l'extérieur (fig. A).

Ne serait le croissant qui la surmonte, et encore ce n'est pas une caractéristique, on dirait une fenê-

(1) A. Maitrot, Le Chella.

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tre phénicienne. La baie elle-même est formée d'un cadre rectangulaire uni berbère. Mais le tout est gra- cieusement et vigoureusement encadré de volutes formant, en bas, un V majuscule et, sur les cotés, de grandes virgules. Le linteau est un tableau ren- fermant une multitude de rinceaux dans lesquels, avec un peu d'attention, on retrouve les volutes qui accompagnent généralement les lotus. Cette fenêtre n'est pas d'une rareté absolue; on en trouve d'autres exemples, notamment à la mosquée de Casablanca, sur le front de mer; mais le dessin n'est générale- ment pas aussi vigoureux et aussi hardi.

La salle du bas est éclairée, d'une façon plus sobre, par une triple arcature en plein cintre, dont les deux extrémités sont aveugles, alors que la centrale est découpée d'une fenêtre géométriquement rectangu- laire, c'est le mode berbère du minaret de la Kalaa des Béni Hammad; c'est un peu aussi, en plus sim- ple, les ouvertures de la Tour Hassan et de la Gi- ralda, mais plus pures, sans fioritures et avec le sévère bandeau d'encadrement <1ig. B).

Au milieu de la hauteur qui sépare ces deux fenê- tres, mais sur le bord ouest de la tourelle du mirât). au-dessus d'une trompe d'allégement d'angle, formée d'une coupole au profil égyptien, peu profonde et rac- cordée d'un simple talon ifig. <>), se voit une troi- sième fenêtre formée de deux colonnettes engagées de coin, supportant une ogive dans laquelle est ins- crite une accolade à amorce de stalactites, proche de 1 art persan ancien (fig. J .

La face Nord du bâtiment est largement éclair au rez-de-chaussée, par des arcades sans. # grand

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style; an premier, par une série de trois fenêtres doubles, semblables aux grandes baies du premier étage de la maison du caïd, en plein cintre et enca- drées du bandeau plat berbère, descendant suivant la coutume sur le chapiteau de la colonne médiane (fig. D).

Sur le côté Est du bâtiment, est ouverte une dou- ble niche avec banc de repos. Ce dispositif semble- rait indiquer que si le rez-de-chaussée de la maison fut non pas une mosquée, mais un oratoire, le pre- mier fut une salle d'audience pour les plaideurs qui auraient eu la double niche, non comme salle des pas-perdus, mais comme lieu de repos, ce qui est plus compatible avec l'indolence orientale.

A moins que ce ne fût, comme dans les villes syriennes, une école au-dessus d'un lieu religieux consacré au patron de cette école, bien que le tom- beau fasse défaut ici.

La porte d'entrée de cet immeuble mérite une mention spéciale. Elle est en plein cintre sur pilas- tres droits, ce qui n'a rien de caractéristique dans la Chaouia, mais porte, à sa clef, une sculpture qui surprend au premier abord ; c'est une croix latine, 'fig G.). Il faut s'empresser cependant d'ajouter que la branche verticale est en méplat alors que la branche horizontale est en demi-boudin. C'est-à-dire que le profil de la pierre est celui, que l'on rencontre très souvent, des rouleaux dérivés des cornes de bélier, mais, par une fantaisie, dont il ne pouvait prévoir le résultat, le sculpteur a partagé son motif par un bandeau plat qui est tout, simplement le parement primitif de la pièce laissé tel qu'il était, suivant une bande verticale.

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La seconde partie de la kasbah (12 à 18) est tonnée par un mur de pisé de tracé trapézoïdal et dans le- quel on voit encore les trous des boulins. 11 esl défendu par six tours basses, découvertes et formant bastions, sauf celles n 3 l!et 18 qui ont servir de logements à des gardiens ou à des passagers, et celle 16 qui renferme la porte. Cette dernière, comme celle de la vieille enceinte, présente un proli- lemeut d'arcs dissemblables et d'ouverture de plus en plus large, mais de trace plus simple au fur el à mesure que l'on s'éloigne. Le dernier est français, car le couloir était en aft. Il est flanqué de deux salles et fermé d'une troisième à laquelle était adossé un escalier conduisant à une plate-forme dont l'exis- tence ne semble avoir riende bien militaire; il manque jusqu'au parapet et la corniche de mâchicoulis qui est au ras de cette plate-forme, est purement orne- mentative. Le mur d'enceinte n'a pas de chemin de ronde; il a lin50 d'épaisseur au maximum.

Dans l'intérieur de la cour, se trouvaient, au Nord, des silos ; au Suri, un puits. Que faut-il voir dans cette cour fortifiée ou tout au moins ceinte de mu- railles? Un caranvansérail pour les passagers? ou bien une enceinte le caïd emmagasinai! les im- pôts en nal ure, avant de les verser au trésor ché- ritien et les harkas de perception venaient camper? ou encore une enceinte1 légère, copiée sur le mode bysantin seraienl venues se réfugier les tribus en cas d'attaque par un ennemi?

Les daux premières hypothèses semblent les plus vraisemblables. L'enceinte, mesurant L20 mètres sur 60, est trop petite pour avoir pu servir de refuge à une

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tribu, mais elle est bien suffisante pour avoir servi de Guelâa, comme on dit dans l'Aurès, et même de lieu de séjour obligatoire pour les passagers, com- merçants et militaires, à l'abri ainsi des voleurs étrangers mais non en contact avec les autorités qui restaient maîtresses de la situation. C'est le système turc de la Régence dont le plus bel exemple existe encore à l'Argoub Ismaïl, de Mascara. C'est le dis- positif naturel dans un pays que j'ai, dans une autre étude, appelé « de la défiance mutuelle » W.

Quoiqu'il en soit, la Kasbah de Médiouna forme un tout parfait Elle peut donner au touriste une idée complète de ce qu'était la Kasbah des grands caïds, sans moyens militaires trop terribles, mais cependant suffisants et un aperçu pas trop dégénéré de ce que fut l'art berbéro-marocain resté digne, malgré l'introduction d'innovations hardies venues de Turquie et de Perse, on ne sait comment, mais mariées assez habilement avec les grandes lignes berbères et les ornements symboliques dus à l'ata- visme phénicien |2 .

Capitaine MAITROT.

(1) A. Maitrot, La fortification berbero-maroeaine.

(2) A. Maitrot, La Suroie des Symboles rcligicu-r //ans l'Afrique du Nord.

TOPONYMIE PHÉNICIENNE

Sur le préfixe GI, LA M, RVS et SVB

de certaines localités de l'Afrique du Nord

PAR

M. Joseph BOSCO,

Membre titulaire de la Société archéologique de Constantine

PREFACE

Ce travail devait embrasser toute la toponymie phéni- cienne de l'Afrique du Nord, la nécessité de paraître nous oblige à nous restreindre.

Nous nous bornons donc aux quatre préfixes les plus in- téressants et les plus répandus : GI, LAM, RVS et SVB.

Les parties traitées sont étudiées à fond.

On remarquera la nouvelle et rationnelle interprétation <{ue nous donnons au préfixe LAM, elle s'écarte absolument de toutes celles qui ont clé proposées jusqu'ici; elle ral- liera demain, nous l'espérons, les suffrages dos spécia- listes.

Notre méthode d'interprétation repose sur des principes qui seront expliqués au cours de celle élude, mais, d'ores et déjà, nous déclarons que nous ne remontons jamais, au déluge pour expliquer le terme toponymique. Nous prenons

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ce terme en son état adulte, si nous pouvons nous expri- mer ainsi, sans nous préoccuper des transformations qu'il a pu subir antérieurement, ce qui n'est rien moins que certain en ce qui concerne le groupe de langues auquel appartient le phénicien, et si à l'origine il n'a été qu'une parcelle, qu'un atome d'un ou de plusieurs autres mots. Ce sont des conceptions du domaine plutôt philosophi- que et théologique, nous n'y pénétrerons point, ces concep- tions sont d'ailleurs dangereuses. On a vu des esprits dis- tingués, des linguistes profonds, éblouis par le mirage de l'homophonie des mots, de la décomposition des termes, apparenter ou pour mieux dire accoupler ensemble les lan- gues qui ont le moins d'affinité entre elles : l'arabe, le ber- bère, le sanscrit, le kymrique, l'hébreu, etc., faire sur- gir du radical sanscrit kritle mot arabe gourt « fourrage », le mot anglais gardien « jardin » et le mot hirta. en phéni- cien « ville » ! Nous en passons et des meilleurs !

Nous démontrerons, dans la suite, sans Irop nous y attar- der, sur quelles bases fragiles ces théories ont été édifiées; elles sont contraires aux vraies données scientifiques; un simple examen suffit pour s'en rendre compte, ainsi qu'on le verra.

Quoiqu'il ensoit, le terme phénicien dont nous cherchons à saisir le sens, l'âme, tout adulte qu'il se présente à nous, est vieux déjà de plus de quatre mille ans ! Il était employé couramment partout le génie de la race le portait ; nous le trouvons dans les livres bibliques, dans les textes hiéro- glyphiques, dans les classiques grecs et latins, dans les monuments épigraphiques , dans les écrits des auteurs ecclésiastiques, dans les monnaies, chez les écrivains ara- bes, dans la tradition indigène et enfin dans les langues affines, l'assyrien, l'hébreu, l'arabe, le chaldéen, le maltais. Nous le suivons dans ses pérégrinations. Il est toujours jeune, toujours identique à lui-même, en dépit des siècles, en dépit des transplantations, en dépit du temps et de l'espace.

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Nous chercherons à le saisir, malgré les dépouilles opimes dont ont l'aurait affublé, malgré les mutilations qu'une Langue étrangère lui aurait fail subir et nous essayerons de lui rendre sa personnalité réelle. Ce faisant, nous ne puiserons les éléments reconstitutifs <pie dans un milieu adéquat ; nous ne sortirons pas de la famille.

il serait oiseux de dire qu'un travail comme le nôtre exige de nombreuses références. Malheureusement, si multiples qu'elles soient, les indications que nous fournis- sons sont loin d'être complètes; il ne nous a pas toujours été- possible de nous piocurcr, même en recourant à des bibliothèques extra-algériennes, quelques ouvrages dont l'utilité, pour nous, était essentielle; nous nous bornerons donc à ne les produire que de seconde source.

Nous ne connaissons, d'une façon parfaite, que notre chère région de Constantine ; une visite sur les lieux dont nous expliquons la toponymie, nous aurait parfois grandement facilité la tâche, surlout lorsque, pour le même vocable. plusieurs solutions viennent s'offrir et qu'il faut en faire un choix judicieux, approprié à la neture de ce lieu; cette visite, nous n'avons pu l'effectuer.

Une autre visite aussi s'imposait, celle des sépultures rocheuses attribuées par nous aux Phéniciens de diverses époques. De nombreux mémoires ont été écrits à ce sujet, nous avouons n'avoir voulu les consulter sommairement qu'après coup. Nous avons été heureux d constater que la plus grande partie de nos déductions se trouvaient confir mées à l'avance et ee> suffrages proviennent de m litres en la matière.

El maintenant que nous avons montré le but de cet opuscule, se- qualités et, hélas! se- imperfections, nous allons entrer dans le vif du sujet.

Mais, au préalable, nous jetterons un rapide regard en arrière sur les civilisations pré plié ai siennes qiri se -ont

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développées sur notre rocher, objet principal de cette esquisse.

Cela fera mieux comprendre le grand rôle historique du grand peuple qui a su conquérir les peuples voisins autre- ment que par les procédés à jamais flétris de certaines na- tions de nos jours.

Constantine, 1er mai 4919.

Joseph BOSCO.

OBSERVATIONS

I. Le titre complet autant que possible d'un ouvrage cité ne sera donné qu'une seule fois au cours de ce travail; pour le surplus, on l'indiquera abréviativement.

II. Il est rappelé que, dans la transcription des termes sémitiques et berbères, toutes les consonnes finales doivent se faire sentir. On lira donc : 'Ain Aine, Gha'bet Cha'bète, Khdem Khdeme, Oued Ouède, Kessèr Kessère, etc. Le son ch se prononcera comme dans le mot français charité, son équivalent est le chin i arabe et \'x maltais. L'm dans le maltais a la valeur du son ou français.

PREMIERE PARTIE

CHAPITRE PREMIER

Introduction à l'établissement des Phéniciens à Cirta

LES PRÉHISTORIQUES

VESTIGES PREHISTORIQUES

Industrie des Cavernes et des Campements

en plein air

Le rocher de Constantine a-t-il été l'habitat de l'homme primitif ?

Cette question ne saurait être traitée convenable- ment qu'après examen succint des vestiges des alen- tours du rocher. Les investigations porteront tout d'abord sur le Msid.

I. Le Msid -V^l

F>LATE-KORME DU MSID

Durant ces dernières années, de nombreux et pré- cieux vestiges de diverses époques préhistpriques

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ont été constatés sur le rocher voisin de Constan- tine, con munément appelé à tort 0 Djebel Sidi M'cid », exactement Kef Msid 0 Rocher du Msid m'1); ces vestiges ont été exhumés à la surface de l'îlot rocheux et à la base.

Le Grobbodj, ^-> ^ 'Aouinef et Tain, k_ Lj ^c . . U n 'Aïn Vlhoud $ » * . Il .^_r, 'Aïn eV Arab, ^j ,_*JI , ,_.w^

Tout d'abord, il existe un vallonnement entre le Msid et le Mançoura, on peut lui donner approxi- mativement la longueur de 1,500 mètres et la lar- geur moyenne d'une centaine de mètres. Dans cer- tains documents cartographiques, il est appelé a Gha- bet el Arab •> et aussi « Chabet Sfa » I2'.

Un ruisseau arrose la dépression; on a appliqué à ce cours d'eau le nom que l'on croit être celui de la source principale et conséquemment le petit oued devient 'Aïn l'Ihoud pour les uns <3 , Cha'bet 'Aïn el 'Arab pour les autres1.

Autant de désignations, autant d'erreurs.

Chez les indigènes, le ruisseau n'emprunte sa dé-

1 Le nom sera étudié dan- une monographie spéciale du massif ro cheu.x. 11 sera rapproché d'un terme biblique el pourrai! alors s'écrire Mciii. Pour l'instant, nous l'écrivons tel qu'il résulte de la prononciation arabe-

2 1 t. L. Joleaud, Bulletin </<■ In Société de Géogr. d'Alger, 1907, p. 2 du tiré ii part; Elude géologique de la chaîne numidique et[des monts de Constantine, in-8°, Montpellier, 1912, p. 16. Cf p. 169, note 3.

3 1 f. Dureau de la Malle, Peysonnel et Desfontaines, Voyages dans les régences </<> Tunis et tl "Alger, II, ln-12, 1 3i [pjiendice, p. 336. Celte pièce sera appréciée plus haut.

'1 cf. Joleaud, ibidem.

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nomination qu'à In minuscule vallée qu'il bnigne et celle-ci n'esl pas appelée nutremeut que Grobbodj. Que signifie ce terme? Ou l'ignore. 11 a, dans tous les cas, une forme diminutive : Gribbdja, elle dénomme une excavation quasi inaccessible de la grande voûte du ravin, à la sortie, en contre-bas de la plate-forme, à gauche.

Le cours d'eau reçoit l'appellation tantôt de Oued Grobbodj et tantôt de Cha'bet Grobbodj.

La source de Cha'bet Grobbodj est 'Aouïnet et Taïn, elle se trouve à la tète de la petite vallée, do- minée par le col que traverse la piste muletière de Djbel Ouahch; ce col " est surplombé par la terre Khetmïa, revers occidental du Djbel Tafrent. L'amé- nagement de la source trahissait une origine ro- maine, elle a été remaniée il y a quelques aimées, et dans sa nouvelle transformation si peu esthétique, elle a perdu les pierres de grand appareil qui l'en- touraient; on a, en outre, creusé aux alentours des trous de dérivation du liquide.

La désignation de 'Aouinet et Tain « Petite source de l'argile n est justifiée, une belle argile noirâtre existe aux abords de la source; les indigènes exploi- tent de nos jours mêmes cette argile pour la fabri- cation de certains ustensiles de ménage, tels que les kouanen a fourneaux o, (singulier kénoun) et les touadjen plats »>, i singulier tadjin). Les Romains en ont fait usage, la poterie d'Henchir el Mouadjen, située à 1,100 mètres de là, au Nord, en témoigne. Aouïnet et Taïn a deux autres désignations : «-elle

i n a peu d'ampleur. Est-ce le FedJ Slouana ou < ni nu Parasol qui existe dans les parages cl doni nous ne retrouvons pas la position '

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de 'Ain el Khdem, -»»>=>J' ^ « Source des Né- gresses » et celle de 'Ain Ould el Dziri Cette der- nière dénomination vient du nom de l'ancien pro- priétaire de l'endroit. Quant au second nom, nous ignorons son origine. Une localité du département d'Alger est appelée « Le Puits de la Négresse »> Bir el Khadem (Birkadem). Ces appellations sont très probablement antérieures à l'occupation française.

Sept Cha'ab ( a ravines », ruisselets », au singulier Cha'ba, et Cha'bet avec le rapport d'annexion), des- cendent actuellement du Mançoura sur le Grobbodj ; deux de ces Cha'ab conservent généralement le pri- vilège, avec 'Aouïnet et Taïn, de ne point sécher à l'étiage.

Le débit du Grobbodj a été plus important. Il était alors alimenté en outre par deux autres sources, 'Ain l'Ihoud « Source des Juifs » et 'Aïn el 'Arab « Source des Arabes ». La première s'échappait, d'où son nom, de l'ancien cimetière Israélite W; ses eaux sont sans doute absorbées par la plantation de la forêt des pins ou bien ont été dirigées ailleurs.

La seconde, située sur la rive opposée, c'est-à- dire la rive gauche, émergeait dans la propriété de notre confrère et ami M. Bernard, route de Djbel el Ouahch (avenue ForcioH ; un mouvement sismi- que l'a fait disparaître i2).

Quoi qu'il en soit, le Grobbodj, grossi par les ora- ges, devient un véritable torrent, à telles enseignes

'li Ct. Dureau de la Malle. Peysonnel et Desfontaines. Voyages dans les régions de Tunis et d'Alger, u, Appendice, (oc cit.

2 Renselffnenieni fourni par .\i. Bernard.

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que des mesures ont être prises par nos muni- cipalités, afin de mettre les riverains à l'abri de ses débordements périodiques.

E. Renou, arrivé à Constantine en mars 1810, constate qu'il se jetait près du pont u d'El-Kantara »" ; il le qualifie de « ruisseau » (2>. C'est aussi la quali- fication que lui donne un autre savant géologue, Henri Fournel, qui vint également à Constantine en 18i5(;!.

El Bekri (1028-1084), visait-il notre ruisseau, lors- qu'il écrivait que Constantine était notamment en- tourée de trois grandes rivières?'41. En comptant le Rhumel et le Bou-Merzoug, on ne voit pas trop l'emplacement du troisième cours d'eau, si ce n"est dans le vallonnement du Grobbodj.

Sept siècles après le témoignage du célèbre géo- graphe arabe, il s'en produit un autre en faveur du Grobbodj, celui de James Bruce. Le grand voyageur anglais entra à Constantine le 30 novembre 1765. Il remarqua au ravin une colonne d'eau qui se pré- cipitait en cascade du sommet du rocher « dans une vallée très étroite, ou plutôt dans l'abîme. »

L'explication que donne Bruce du phénomène est inacceptable, car il le suppose provenir de la rupture de la conduite du « Physgeah » 5). Or, on sait que

■-' i i Exploration scientifique de l'Algérie pendant 1rs années (841, 184!, Sciences physiques, II. Description géologique de l'Algérie, Paris, m ; . MDl i l m.vïii. pp. i:.. ic.

î iim /cm. p. 16. -ni- la géologie du vallonné m. Cf. pp. 16, n

i Richesse minérale de i ilgérie, 1, In i», Paris; MDl i i \uv p. ain

i i r Description de i ifrique septentrionale, par El Bekri, traduite par Mac Gucklo. de Blane, ln-8a, Paris, MDi CCL1X, p. l

5 Voyage au-t sources du Nil, en Nubie et en Abyssinie pendant les années 1768, (769, mo, i::i et mt, tradull de l'anglais par .i.-ii i astera, ln-8», Paris, i. MDCCXC, pp. L, il Lieutenant-Colonel R.-L. Playl Travels in ///<■ footsteps -</ Bruce in ilgeria and /mus. London, In 1 , 1877, p. 50.

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la grande conduite d'eau romaine pénétrait à Cirta par le Koudiat 'Aty (*).

Fournel a voulu corriger ce qu'avait d'absolue l'assertion de Bruce et pour lui la gerbe aqueuse trouvait son origine dans la rupture de la conduite romaine de Sidi-Mabrouk ^2).

L'argument est aussi peu convaincant.

En attendant que nous épuisions le sujet, consta- tatons que. sur les deux nves du Grobbodj, il existe des vestiges antiques : carrières et citerne à droite, citernes à gauche. En outre, divers échantillons de l'homme primitif y ont été mis à jour Au Nord du nouveau cimetière israélite, à proximité du fort, il a été découvert un gisement important de silex taillés. C'était un atelier, un campement en plein air ou néolithique. On a trouvé enfin, aux abords de l'école normale des Instituteurs, des quartzites probablement du paléolithique inférieur, ainsi qu'un broyeur de l'époque néolithique récente, qualifiée de berbère par M. Paul Pallary (3).

BASE ET FLANCS DU MSID

Le rocher du Msid est troué de nombreuses exca- vations, une seule, murée depuis, se trouvait située sur la plate-forme; on trouve les autres au Nord, au

i et provisoiremeni Joseph Bosco, Recueil des Notices et Mémoires de lu Société archéologique du département de Constanline, 1914, p. 235 el

noie 7. i ii embranchement, toul a »lns, de la conduite romaine passai!

vers le milieu de l'emplacemeni de la nouvelle poste, place de la Brècne; Mini- l'avons vu en place lors des Fouilles de construction.

2 Loc. cit., p. 209, note -

3 Cf. Instructions /mur les recherches préhistoriques dajis le nord- ouest de l'Algérie, Alger, ln-4", 1909, p. 96.

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Sud et à l'Ouest, accrochées au massif rocheux au sommet, à mi-flanc ou à la base.' L'excavation disparue offrait un certain intérêt paléontologique, c'est un coup de mine qui, vers 1893, en amena la découverte derrière la pharmacie de l'hô- pital civil. Sa faune, fortement fossilisée, a pu être en partie identifiée par notre confrère M. le docteur Leroy. Ce distingué praticien, auquel nous sommes redevables de ces détails, y a reconnu des ossements de carnassiers, hyènes et panthères: ils étaient dans une chambre de 2 mètres de largeur sur autant de longueur et la hauteur de lm60 environ. Elle com- muniquait avec d'autres fissures I1'.

Les excavations des revers du rocher sont plus ou moins spacieuses. On ne peut ici les décrire toutes. Il sera fait pourtant mention de celles susceptibles d'intéresser l'archéologie d'époques diverses.

Oumm Bia'd ^L--j -. \ ou la « Grotte blanche »

Le mot sémitique oumm, omm, signifiant habituel- lement c mère », se retrouve en toponymie phéni- cienne de l'Afrique Mineure; il est toujours suivi alors d'un second terme qu'il qualifie, tout en lui imprimant une énergie nouvelle- Ce double rôle spé- cilicalif et augmentatif, déjà par nous indiqué en ce Recueil, appareil dans le nom composé du o grand

i i esi en ces Fissures, probablement, que fui reconnue par Poi i

Ovis Palaetragus, Pomm. i i Pomniel, Les Ovides, i w, pp. I .y, pi. I, IV, a/iud i. Joleaud, Elude yéolot/ii/ue de la chaîne numidtque l. c.p. 310, note

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fleuve de Cirta » l'Amsaga, HpW Otf, dont le sens littéral est « Mater irrigationis d, c'est-à-dire, tra- duction libre « rivière par excellence oW.

Cette dernière acception du mot phénicien se cons tate en arabe aussi bien à Constantine qu'ailleurs.

Quant à Bia'd, second mot de l'appellation, il dé- signe, dans l'arabe de Constantine et par métaphore, la chaux, appelée communément Djir >:.?"■

Des termes de la même famille que Bia'd s'obser- vent en toponymie arabe locale, ce sont des adjectifs isolés ou précédés d'un nom : Abiad « blanc », Beï'da « blanche », Bayya'd « blanchissant », Bia'di « blan- châtre »; on les voit appliqués à des roches et à des terrains à la tonalité soit blanchâtre, soit grisâtre. Il y a Cha'bet el Bei'da, ainsi que Bayy'ad aux abords de l'Oued ben Djelloul, cours supérieur de la « Ri- vière des Chiens « et d'un affluent de celle-ci, l'Oued el Hadd (Djbel el Ouahch). Au Hamma et nous nous bornons là, on trouve Bia'di et Fahs l'Abia'd. Ces toponymes recèlent des débris antiques ou évo- quent des souvenirs historiques qui seront rappelés.

La désignation de l'excavation qui nous occupe a donc le sens de « Grotte très blanche ». C'est aussi le nom que lui décerne, superlatif en moins, la jeu- nesse européenne constantinoise, laquelle certaine- ment ignorait le nom arabe exhumé par nous de l'oubli. Le suffrage unanime des uns et des autres, en ce qui concerne le vocable, est à l'enduit lai- teux couvrant les parois de la caverne.

Cette matière semble avoir plusieurs couches; elle

i Cf. provisoirement J. Bosco, Reô. de Const-, 1914, p. 235 el note n el p. 236.

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s'y détache aisément au grattage; deux analyses chimiques contradictoires en révèlent la nature, c'est du carbonate de calcium provenant d'une couche de chaux carbonatée 11 serait permis ici d'envisager I hypothèse d'un blanchiment artificiel ancien. Il est à noter que les Carthaginois revêtaient d'un stuc très blanc les parois verticales encadrant l'escalier du caveau funéraire (*). Mais l'analogie, que nous ré- duisons à cette unique constatation, s'arrête là. ijuoi qu'il en soit, Oumm Bia'd est la seule excava- tion de ce genre, à notre connaissance, existant dans la région de Constantine.

On la voit s'étaler sur le versant Ouest du Msid, entre les deux premiers tunnels de la voie ferrée, à une trentaine de mètres en contrebas d'un sentier de chèvres sur lequel nous conduirons bientôt nos lec- teurs.

Les difficultés d'accès n'ont pas rebuté les visi- teurs, on l'a vu par les particularités déjà exposées, on le verra encore par ce que nous allons dire : l'excavation a été connue depuis les époques les plus lointaines, il y a été reconnu, avec des ossements très fossilisés et qui seront ultérieurement détermi- nés, des fragments de poterie romaine striée et d'au- tres fragments qui, sans avoir à nos yeux un carac- tère nettement préhistorique, apparaissent être pré romains.

l-.lle se compose d'une première salle, orientée à l'Ouest, rectangulaire à l'entrée, ogivale au fond, au

i Cf. Beulé, Fouilles à Carthage, m i°, Parla 1861, p. 132, apudGet Perrot el Charles Chipiez. Histoire </-■ l'Art, ln-4», Paris, m, Phénicte> Chypre, 1885, p. 237., n 1 p

9i

sol terreux et ayant ces dimensions : largeur 8 mè- tres, hauteur 4 mètres, longueur 4 mètres. Au tond, è gauche, une ouverture un peu en contre-haut du plancher, d'un ovai allongé, de la largeur de 0m65 et la hauteur de 0m40, donne accès à deux cham- brettes, rotondes, l'une à la suite de l'autre et de la profondeur totale de 5 mètres sur 2in50 et lm45 maximum de largeur et de hauteur. En la première chambrette on remarque, à gauche, face à l'ouver- ture, une cavité cylindro-conique accusant : lon- gueur 2 mètres, largeur et hauteur à l'entrée L mè- tre et 0m55.

Dans la seconde chambrette, au fond et vis-à-vis d'une cavité stalagmatique et à suintements, on ob- serve à ras de sol, comme la cavité précédemment mesurée, un second boyau en bec de canard ayant : longueur 4 mètres, largeur moyenne l'n50, hauteur à l'entrée 0'"50.

Dans ces chambrettes et leurs annexes, le sol est pierreux.

On y constate également des fossiles de végétaux que nous ferons connaître plus tard.

L'excavation porte des traces antiques d'extrac- tion de stalagmites à la première salle, un filet d'hé- matite se remarque à sa base; elle se déploie enfin sur une terrasse assez. large et au-dessus d'une au- tre petite grotte à moitié comblée.

Une petite cavité ovale également blanchâtre orne la paroi de face de l'excavation à gauche.

On ne peut dire jusqu'ici si l'homme a contribué pour sa part ;i la confection des diverses cavités passées en revue de la caverne en question.

!).-. -

c.

Ghirèn es Seba'a, àju-JI ,1 ►_*_&, « La Grotte du Lazaret »>. G La Grotte terrible », « La Grotte au Hibou », « La Grotte de La Petite Corniche », « La Grotte à la Pierre branlante », « La Grotte à l'Asperge », (< La Grotte au Caveau » Le Hzem es Sa fur, (JjivJU Ls-J).

Le même versant, à 1.» sortie du dernier tunnel de la Corniche, est barré au-dessus de cette route par ce que nous appelons « Chemin Mathilde » M. C'est l'ultime tronçon subsistant encore du I.I/em es Sghir ou ft Petite Ceinture », un pittoresque sentier na- turel, bordé de figuiers de Barbarie^2 et de cactus, qui ceinturait du Sud à l'Ouest le massif rocheux

qui a été utilisé dans l'antiquité et qui fut détruit pur la nouvelle voie d'accès.

Il y a toute une collection d'excavations entre ce sentier et le plateau. On les désigne en arabe sous le nom de Ghirèn es Seba'a, signifiant a La Pléiade des sept Grottes », cela, d'ailleurs est très exact.

Elles sont orientées au Nord.

I n premier groupe, donnanl de la roule l'illusion d'une immense tète de mort, comporte deux grandes

i un voll .1 la paroi rocheuse de ce sentier, avec le millésime li 16, ce

de Mathilde, rail ainsi que toul le reste à la peinture, el surmonté

autrefois d u :ouronne ducale. < e chem si le prolongement de celui

appelé Edith Cavell.

I Opuntia Ficufi Indien, Haw. Cf \ Julien, Flore de lu région de

i isl min if. |ii'llt in COfl Mn'lllr. 1- >', |. III

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excavations, elles sont séparées par l'espace de quel- ques mètres et occupent clans le plan d'ensemble la ligne horizontale, ce sont : (< La Grotte terrible » à droite, (i La Grotte du Lazaret o à gauche. Une autre ligne d'excavations est verticale, on la voit composée de K La Grotte du Hibou » et de a La Grotte de la Petite Corniche », la ligne passe presque au milieu du premier système. « La Grotte du Hibou », pla- cée au sommet de la ligne, n'est qu'un trou; une cheminée très étroite la fait communiquer, sem- ble-t-il, extérieurement à l'excavation située au- dessous qui, sans atteindre les proportions des deux cavernes de la ligne horizontale, mérite néanmoins le nom de grotte; elle est, d'où son vocable, en contre-bas d'une corniche rocheuse.

En dehors des deux lignes, il existe à gauche et en contre-bas de « La Grotte du Lazaret », « La Grotte à la Pierre branlante »; elle se dresse à 7 mètres au. dessus du « Chemin Mathilde » et elle est domi- née, à 5 mètres d'élévation, par une ligne horizontale de deux excavations : « La Grotte à l'Asperge » et « La Grotte au Caveau » éloignées l'une de l'autre de 3 mètres. C'est le second groupe de la pléiade. La ligne horizontale est encadrée d'un abri sous roche et d'une « Marmite de Géant »; ces deux ca- vités sans importance ont été négligées dans la dési- gnation globale des deux groupes d'excavations Grottes et cavités ont été toutes visitées, à l'excep- tion de la Marmite de Géant >. située à gauche et qui est inaccessible sans engins. Cela ne veut pas dire que les autres excavations soient d'un abord plus facile, surtout « La (Jrotte terrible » !

-91 -

Il ne sera retenu pour l'instant de ces excavations qu'une seule, « La Grotte du Lazaret. »>

Cette grotte, outre qu'elle est la plus importante de la pléiade, a un double intérêt au point de vue touristique et du Folk lore.

D'un aspect impressionnant, elle s'ouvre à une quinzaine de mètres d'un sentier en contre-bas de 30 mètres environ du plateau, au Nord du futur Monument aux Morts de la Grande Guerre.

A l'entrée, à droite, se présente « Le Couloir », le terme s'applique à un petit tunnel naturel et dont l'ori- fice en façade également fait accroire, de l'extérieur, à une excavation indépendante; il surplombe le sol abrupt de la grotte. L'escarpement atteint quelques mètres plus loin, le niveau de la seconde ouverture du tunnel et s'adoucit, mais au « Raidillon » il reprend encore; au-delà, le passage de 83 mètres environ, se poursuit-il, se ramifie parfois et se réduit en boyau.

Au pied du « Raidillon », situé à une trentaine de mètres de l'entrée de la grotte, dans une cuvette produite par le fléchissement du rocher, on remar- que, au ras de sol et à gauche une ouverture toute obstruée de guano. Celle-ci donne accès en rampant à une superbe salle d'une architecture imposante. Des creux cylindriques, quelques-uns d'une certaine profondeur, percent la voûte ; ils sont au nombre de sept; c'est o La Grotte .iux sept Dômes », Ghar bou

Seba'a obob, ( ,•..? L*..-..*, ij Xi, des anciens Arabes.

Le souvenir de son emplacement s'était elïicé; quel- ques indigènes le fixaient à Fedj er Rih, sur la piste de 'Aouïnet et Tain ;i Henchir el Mouadjen.

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Le niveau du plancher est en contre-bas de celui de la première grotte.

Voici maintenant le côté légendaire. Cet antre a la réputation, chez nos indigènes, d'être Meskoun,

. a\w.,j, c'est-à dire « Hanté par les Génies », du moins c'est unhcheïchi peu courageux, interprétant à sa manière certains bruits insolites de la grotte, qui est allé le raconter. Nous avons tort de traiter de lé- gende le récit du fumeur de kif, la caverne est la de meure permanente, en effet, d'êtres surnaturels plus ou moins fourchus ou cornus, mais qui, en la circons- tance, se sont métamorphosés, sous la forme à coup sûr plus rassurante, à'Oumm et LU ou chauves- souris Depuis quelques années, elles ont abandonné les parties de l'excavation exposées aux visites et se sont principalement réfugiées dans les creux cylin- driques; on les voit suspendues en grappes et en chapelets et cela ajoute à l'étrangeté de l'endroit. La grotte contient une couche de guano humide qui, dans la chambre se trouvent ces creux atteint parfois l'épaisseur d'un mètre à la sonde. Il n'est pas aisé, étant donnée cette particularité, de recon- naître si l'homme primitif a été l'hôte de ce refuge. Toutefois, en raison de la situation de la grotte et des commodités qu'elle offrait, il ne serait pas témé- raire de le supposer.

Des fragments de poterie rouge romaine et pré- romaine ont été recueillis au pied de Ghirèn es Seba'a.

99

D

Ghorrot ed Dhéb ^* JJ f ï j*

Négligeant Ghar el 'Afrous ou « La Grotte du Bouc », cette belle excavation du « Chemin Edith Cavell » de 7 mètres de largeur, 12 mètres de hau- teur, 25 mètres de profondeur et aux abords de la- quelle il a été trouvé de la poterie romaine, nous conduirons nos lecteurs directement à Ghorrot ed Dhéb, située plus loin et sur le même versant, le versant méridional.

Ghorrot ed Dhéb attire les regards par sa struc- ture bizarre; c'est l'excavation que l'on rencontre à droite et au bout de la passerelle, presque en face le Lycée de Garçons.

A quelques mètres de la sortie du deuxième tun- nel de la Corniche, une coulée rocheuse avançant sur la masse, descend de la crête et vient s'appuyer à la plate-forme du Qaous; celui-ci signifiant en arabe « L'Arceau », , ^ JUJ, n'est autre que la der- nière voûte naturelle du ravin, située au pied de la grande passerelle; la coulée a environ la hauteur de 70 mètres; vers le milieu, c'est-à-dire à 35 mè- tres, elle est coupée par la route en question.

A une certaine élévation de cette voie d'accès, le promontoire rocheux est percé de part en part. Ce tunnel naturel offre l'orientation Ouest-Sud. Son sol rocailleux s'incline à ses extrémités il atteint le maximum de hauteur, environ 20 mètres; on lui constate la largeur île L4 mètres et la profondeur de 9 mètres. D'aspect prismatique, il est orné à droite,

100

à 3 mètres de l'entrée,, d'un exhaussement rocheux perforé lui-même de façon identique au tunnel. Ce- lui-ci conduit à la grotte proprement dite, dont il n'est pour ainsi dire que l'imposant vestibule.

La grotte, orientée à l'Ouest, se trouve située à 25 mètres en contre- bas de la crête. C'est le niveau du tunnel.

Ce dernier n'est accessible que du Sud. On s'y rend par la plate-forme de la vieille rampe de Biskrïa. Chemin faisant, à 15 mètres de la crête, un encaisse- ment de la roche sollicite l'attention. Ce passage, de la profondeur de 2 mètres, a, en haut, une largeur de 2 mètres, réduite de moitié en bas; sa hauteur arrive à 4 mètres. Sur le côté gauche, deux entailles antiques superposées et espacées de 0m55 en permet- tent, très relativement, la descente

Vestibule et grotte ont un incontestable intérêt ar- chéologique.

La grotte est dans une faille dont la base se trouve masquée actuellement par Ja route de la Corniche et qui se développe jusqu'à la crête; on la voit barrée d'une saillie rocheuse, échancrée à 6 mètres en contre- bas de l'excavation; au-dessus, au sommet, son épanouissement prend la forme d'un gigantesque champignon.

Une cavité, peut-être artificielle, orientée Est-Ouest, traversait toute l'épaisseur de la voûte et débouchait à même le sol de l'assiette du Msid. C'était le a Trou du Diable », ainsi que l'appelaient les vieux Constanti- nois.il a été bouché après la construction de la passe- relle ; on y avait une vue frissonnante sur le ravin O.

(i) Cf. Joseph Bosco, Le Trou du Diable , Dépêche /<• Constantine, ,"i mars 1912. n devenait un danger pour les passants distraits, on ànrail pu le conserver en l'entourant d'une grrîlle.

101

Sous les rayons solaires filtrés de cette cavité béante, certaines minéralisations jaunâtres ou d'un rouge brunâtre, certaines cristallisations d'un blanc argentin des parois extérieures et des abords de la grotte, s'allumaient de mille feux étincelants. De viendrait le nom arabe, qui a le sens de & Lucarne d'Or»; nous l'appliquons à la grotte et à ses an- nexes. Une faille du versant Nord-Ouest du rocher de Constantine doit son appellation de Derdjet Fo'dd'a (.' Gradin d'Argent » à une cause physique analogue.

La légende arabe s'est emparée de la grotte, elle 30cie celle-ci à Tina, à propos justement de la dé- signation. Nous avons, en ce Recueil, identifié la mythique reine de Cirta à Athena 1: et à Tanit'2); elle apparaît ici, ainsi qu'à la « Grotte des Pigeons » confondue avec l'infortunée et héroïque Sophonisbe.

A ouverture en fer de lance, à allure conique in- térieurement, la grotte est campée sur une terrasse de 3m50, un vestibule de 3 mètres la précède, un banc rocheux comme tout le reste, de 2ni50 de lar- geur, se dresse, à son entrée. Au-delà, elle atteint une dizaine de mètres de profondeur, sa largeur et sa hauteur moyennes accusent recpectivement 3 mètres et l'"50.

La stratification de l'excavation est remarquable, elle est faite de bancs réguliers de minces couches d'hématite d'un rouge brun alternés parfois de limo- nite et de cristallisations de calcaires d'un blanc mar- moréen. Ces couches débordent extérieurement des

i i r ] Bosco, Rec. de < onst. 19M, p i Ibidem, 1915 p 813 et no

102

deux côtés de l'entrée de la grotte,, dans le sol du tunnel, et sous l'exhaussement de celui-ci.

Le sol de la grotte n'est qu'un mélange de guano et de déchets de ses minéraux. Ces minéraux y ont été exploités dès la plus haute antiquité et à travers divers âges. A gauche de l'excavation, on constate, en effet, à même le sol qui, là, est rocailleux, une première entaille rectangulaire ayant : largeur 0m08, hauteur 0m10, profondeur 0ni12; dans la même ligne verticale, on en voit une seconde semblable donnant : largeur 0mll, hauteur 0m17, profon- deur 0m20; à 1:"20 plus bas, on remarque un trou oval de 0m09 de hauteur et le diamètre de 0m18. Ce broyeur, c'en est un vraisemblablement, de facture primitive, il en existe peut-être d'autres dissimu- lés sous les décombres est indubitablement anté- rieur aux deux entailles qui, trahissant une civili- sation plus avancée, fournissent la preuve indénia- ble de l'exploitation antique dont il a été parlé, exploitation que viennent corroborer des constata- tions relevées au tunnel.

Les Préhistoriques, le broyeur pourrait en témoi- gner, ont exploité et traité sur place l'hématite et la limonite, ces sels ferriques, solubles dans l'eau, pro- duisaient un colorant; c'est avec l'hématite que les peintures rupestres de la région du Khroub ont été exécutées l1).

Au point de vue de l'exploitation antique, le tunnel et son exhaussement fixent également l'attention. A la voûte du premier, des stalactites ont été arra-

(i; cf. .t. Rosro ei Marcel Solignac, Bec. de const., 1911, p. 346

103

chées, probablement à l'époque romaine, et le même fait s'est produit à la « Grotte des Pigeons » et à diverses autres excavations de ses abords. L'exhaus- sement, de la profondeur et de la hauteur respec- tives de 4 mètres, a ses baies orientées Sud Est Nord -Ouest La première, de forme ogivale, présente la hauteur de •'! mètres, sa largeur arrive à 4 mètres. La seconde est haute de l'"50 et large de 3 mètres. Notre regretté ami Louis Marcou, s'inspirant de ce genre d'ouvertures, désignait l'excavation par le nom de « Grotte de l'Anneau ».

Entre les deux baies, la banquette s'évase, telle une baignoire; c'était sans doute un broyeur de dimensions moins réduites que celui observé dans la grotte. Il serait d'une époque postérieure. A 4m50 du sol, à gauche de la première baie, deux petits trous ronds, disposés sur une ligne verticale à 0m50 l'un de l'autre, ont été tailladés dans l'antiquité; ils ser- vaient de support à un câble. M. Debruge a signalé une cavité semblable dans le mégalithe de Bougie W. On en observe de pareilles dans la « Grotte aux Câbles », située à El Gli'aa, contrefort occidental du Msid, et en diverses cavernes sépulcrales phénicien- nes du Mançoura.

Le tunnel comporte plusieurs autres cavités, mais il est dilïicile de distinguer celles qui sont dues à la nature de celles pouvant être l'œuvre de l'homme; la cuvette de la banquette tombe sous cette observa- lion, il semble pourtant qu'il y ait une entaille arti- ficielle parabolique à la paroi de droite, a 3 mètres du sol, près de la seconde baie.

i i r. Rec. de < onst , 1904 pp. - 9, rig

104

Ghorrot ed Dhéb, on peut le déduire de ce irop rapide aperçu, fut connu de tous les âges, comme Oumm Bi'ad.

Il est à présumer que le « Trou du Diable » a été utilisé aux époques historiques pour y faire passer les matières extraites de la grotte par le câblée).

K

La « Grotte du Mouflon »

A la base du Msid, versant Nord, des constata- tions du plus haut intérêt, concernant l'homme pré- historique ont été faites ces dernières années par notre confrère et ami M. Debruge. Ce distingué et zélé préhistorien a fouillé deux excavations; ce sont celles appelées par lui et à juste titre, « La Grotte du Mouflon » et « La Grotte des Ours ». La pre- mière a livré notamment un squelette humain*2) et divers spécimens de l'industrie néolithique'3 ; elle a livré, en outre, avec une faune très ancienne et fos- silisée, parmi laquelle figure le mouflon, une belle industrie d'os poli et de silex que M. Debruge assi- mile à l'Aurignacien et au Présolutréen (*).

(1) Au sujet, de certaines mines antiques du Département.. Cf. le beau travail de notre confrère M G. Mercier, Rec. de Const., 1919, pp. 37-63, planches.

(2) Cf. Association française pour l'avancement des Sciences (Congre* de Lille 1909, p. 822. Cf. Bec. de Const. 1909, p. -2bo.

(3) Ibidem, p. 818; Rec. de Const.. 1909, p. 284. i Cf. Association, p. 817-

10.ï

La « Grotte des Ours »

La a Grotte des Ours » n'a pas été moins prodi- gue, elle recelait des richesses aichéologiques des plus variées; tous les échantillons des industries du néolithique et du paléolithique y étaient représen- thés !). Quant à sa faune, elle est des plus sugges- tives. Citons : ours, zèbre, rhinocéros, mouflon, etc. r- .

Cette faune qui n'existe plus, qui a déserté nos régions, l'homme préhistorique de ce pays l'a vue. Il a été aussi témoin d'une végétation puissante qui tlorit également maintenant sous d'autres latitudes'3*. (!e sont de nouveaux arguments en faveur de l'âge reculé de l'établissement de l'homme sur notre sol.

Notons l'absence complète à cette grotte, à celle du Mouflon et à toutes les grottes naturelles dont il sera parlé par la suite, d'entailles telles que niches en sifflet, cupules, etc , qui se rencontrent avec tant d'abondance dans les cavernes artificielles funéraires phéniciennes du Mançoura et de divers autres points.

i î /,. de ' onsl 1008, pp. i tncnes i. i\

I Pallary, Note sur lea \ trouvés par M-Debn

de Const . 1908, pp 150 sqq

5 ' i provisoirement Pn - Recherches tur tes Bovidés fossiles

de l'Algérie, extrait du Bull, de la s"*' zool. de France, Meulan, ln-8*, pp 9 i" Rec de ' onst , 1914, i»i> 236, .">s sqq ei notes

lOli

G

La « Khenga » *-JL<Ls>JJ Le Qbou » »JU'

« La Grotte des Ours » est à 200 mètres environ et à l'Ouest de « La Grotte du Mouflon ». Son appel- lation est Ghar Zahér, js>] •. ,li, qu'on peut inter- préter par « Grotte qui gronde », « Grotte mugis- sante ». Toutefois, quelques indigènes font dériver zahér, non pas du radical « mugir », mais du terme zhar, js: •. « chance » , ce qui changerait la signifi- cation de la désignation de l'importante caverne en celle de » Grotte chanceuse », << Grotte fortunée ».

Il est inutile de répéter qu'à la base de cette der- nière interprétation, il existe une légende de trésors. Ghar Zahér a sa principale ouverture sur la plate- forme du rocher d'El Gli'aa, sur laquelle se trouve aussi « La Grotte du Mouflon ».

Cette plate- forme comporte un passage appelé en arabe El Khenga, LJLjLjsJI. C'est, en effet, ainsi que le nom l'indique, une gorge, sa direction géné- rale est N.-S. ; elle raye de haut en bas la paroi sep- tentrionale du Msid. Les premières assises de la paroi sont autant de gradins naturels permettant d'atteindre l'étranglement rocheux ; ces assises, d'une cinquantaine de mètres de hauteur, facilitaient mieux autrefois la grimpade de la gorge, une carrière fran- çaise les a modifiées. La gorge a environ 150 mè- tres de longueur et 4 mètres en moyenne de lar- geur. Son lit pierreux est tapissé de vigne sauvage et d'acanthes, ses parois sont émaillées, ainsi que sur

107

d'autres points du Msid, de paquets de silex. Aux deux tiers de la longueur, l'escarpement est de 5 mè- tres de hauteur; actuellement, on l'escalade laborieu- sement, des blocs énormes retiennent les déjec- tions supérieures. On débouche sur un véritable chemin abrité de deux côtés par la muraille rocheuse, vierge des roches et des pierrailles qui partout ail- leurs encombrent le plateau. De nombreux témoins de l'activité antique s'éparpillent sur le plateau : carrières, deux pressoirs à huile, rigoles, figuration de Tanit, etc.

Sur cette même paroi septentrionale, à gauche de la Khenga, en contre-bas des jardins du fortin, ser- pente le Zqaq M el Djenn, ,j»J' a, U •. ou « Chemin

des Génies ». Aux abords, on remarque une curieuse excavation hémisphérique, « La Grotte du Fort » ; elle a au-devant une terrasse soutenue par un mur en pierres sèches moderne. Enfin, il existe égale- ment une autre intéressante caverne, « La Grotte du Qbou ». Nous nous bornons, comme pour la pré- cédente, à la mentionner seulement, mais nous di- rons un mot de la désignation que nous lui donnons.

Elle est tirée de l'endroit.

Le Qbou est une coulée rocheuse dont le nom arabe signifie « Mirador »; elle arrête brusquement à l'Est une falaise d'une centaine de mètres d'éléva- tion et 80 mètres de longueur ; ce sentier de chèvres, dominé par le Zqaq el Djenn, domine à son tour,

i Le nom de Zqaq passage esi aussi donné . i ,i un chemin llmltani ;i L'Ouest L'ancienne poudrière ei condutsam au Bas Rimmel, en race de Hdjar Hazzoum. en aval des cascades; 2* il est donné également a une pi te passant entre les Jardins el allani de Hdjar Hazzoum au Poni (\ K\ eole i es deux cnei - Boni sillonnés de vestiges antiques

108

mais plus à l'Ouest, Oumm Bia'd ou « la Grotte blanche. »

« La Grotte du Qbou » s'élève à 42 mètres de ce sentier; elle se dissimule dans le repli occidental de la coulée laquelle est encore perforée à sa base par la chambre de droite de « la Grotte du Mouflon. »

La Khenga est à égale distance du Qbou que ce- lui-ci de Ghar Zahér.

Elle a été utilisée comme passage, le doute n'est pas permis, dès les âges les plus lointains.

Nous allons retrouver un second passage aussi archaïque, corollaire du premier, de nature différen- te, le passage d'El Gil'aa.

H

El Glia'a, ÎjlJjjJJ Le Chemin Oumm Rdjila,

<^— V— -—=>■ , .* 1 Le Fedj er Ri h, 5«cJ J) t^j? La « Grotte aux Câbles ». La « Grotte aux Gradins ».

Le nom d'ElGli'aa s'applique à ce contrefort rocheux du revers Ouest du Msid que traverse le deuxième tunnel de la voie ferrée de Constantine à Phi.lippeville. La dénomination rappelle la Gli'aa (Koléa) du département d'Alger, et, plus près de nous, en notre Chettaba, le vocable donné par les indigènes au rocher s'élevait jadis la petite ville phénicienne d'Arsacal. On sait que Gli'aa est le diminutif de Qal 'aa ,

** i

Gal'aa, «^_x_A_.? « forteresse. »

109

En ce qui concerne l'éperon rocheux du Msid , la désignation est méritée deux fois. D'abord à causé de l'aspect ruiniforme de l'éperon qui, vu du Nord et de l'Ouest, a l'allure d'un castel féodal. En second lieu, parce qu'il existe sur la terrasse dont il a été parlé, aux abords de la mechta, les vestiges en bri- ques ou en pierres de taille d'un édifice qui certaine- ment, à l'époque romaine, protégeait, sa position l'in- dique, ces parages alors si pleins de vie : il devait être en relation avec cet autre poste stratégique dont parle Fournel , la tour romaine du sommet du Msidd).

Le second passage auquel il a été fait allusion dévale de la mechta sur la voie ferrée, à gauche de l'entrée du tunnel ; il se déroule conséquemment dans le flanc du contrefort qui regarde le Sud. Il y a une vingtaine d'années, c'est-à-dire antérieurement à la mechta, il était en meilleur état de conservation; actuellement, on le voit encore couronné au sommet, d'un très vieux mur fait en grandes et petites pierres sans liant, d'environ 12 mètres de longueur et 4 mè- tres en moyenne de hauteur.

Au bas du passage, existait un chemin qui per- mettait de regagner le plateau du Msid de moins excentrique façon que par la Khenga. C'était une piste muletière, elle escaladait le liane occidental du massif. Sur cette piste, dans le rocher, abrupte et cahoteuse, de multiples petits pas étaient nécessaires, de le nom de sentier : Oumm Rdjila, qui veut dire « Mère du petit pied ». On peut, de cette rampe, rejoindre, mais pédeslrement, le I.Izèm es Sghir.

i a Richesse cit., p. 2li; UUts, grand colombier,

i-.i ris, mi» Cl i.n. rigrure 8

.tt*

110

La rampe dessert 'Ain el Ghaba, àjlxJ) « Source de la Forêt », elle n'est autre que la pis- cine thermale, si appréciée des anciens et des contem- porains.

C'est par Oumm Rdjila que les gens de Bkira se rendaient en leur vieille dechra (village) ; le sen- tier au pied d'El Gli'aa tournait au Nord par la terre 'Illouta (contraction de ;Aïn, 'In, l'Outa) et franchis- sait le Zièd; le trajet est encore appelé Hzem el Bkeïriyin « Chemin des Bekiriotes ».

Ces voies de communications subsistent, modifiées par la ligne du chemin de fer et la route de la Cor- niche.

Une troisième voie, la plus importante dans l'anti- quité, un peu plus longue, reliait El Gli'aa par Fedj er Rih au bassin du Grobbodj. Le « Col du Vent », c'est la traduction du toponyme arabe, est situé entre le Msid et la terre Khetmïa. La voie partait de Cirta, elle touchait Henchir el Mouadjen notamment, ainsi que Bkira; c'était celle certainement qu'em- pruntait le puissant proconsul Salluste lorsqu'il visi- tait à Bkira ses propriétés.

C'est de Fedj er Rih que descend Cha'bet el 'Azri, limitant au Nord El Gli'aa, elle longe le versant Nord du iVlsid, fait sa jonction avec le Cha'bet Ksir ben Çalah et afflue ensuite au Zièd au 3" kil. 2U0 de la route de la Corniche. La terrasse d'El Gli'aa, de la profondeur de 350 mètres environ, s'affaisse au Nord et se relève au contraire à l'Ouest. La mechta et l'antique fortin occupent presque le point culminant.

Il nous faut justifier encore, mais par un argu- ment d'ordre économique, le choix de l'emplacement

111

du vieil ouvrage dëfensif. Toute la région si déserte actuellement, depuis la o Rivière des Chiens » jusqu'à l'Oued I.Iamma, depuis le Msid jusqu'au mont Sidi 'Abd Allah, a été un vaste foyer de l'activité anti- que {>.

En ce qui a trait à la terrasse d'El Gli'aa et à ses parages immédiats, d'autres témoins de celte activité féconde viennent s'ajouter à ceux déjà produits.

Sur la terrasse môme, des silex, des ossements anciens ont été constatés <2'.

Le long du Cha'bet el 'Azri, sur les deux rives de laquelle on remarque d'importantes ruines romaines, ainsi qu'un barrage antique, des silex taillés ont été vus. Il y a des dolmens sur la rive gauche!3'. Sur la même rive existe la « Grotte du Mou lion ». On a trouvé, en outre, dans cette célèbre excavation, des lampes supposées puniques'4; elles semblent plus archaïques, c'est-à dire phéniciennes. Ou a mis à jour également à Ghar Zahér de nombreux objets ro- mains

Deux inscriptions funéraires proviennent de ces

parages

La faveur particulière dont jouit de tous temps, aux yeux de l'homme, le petit coin d'El Gli'aa trouve une explication facile : l'homme a toujours aimé

i Noua dre e de cette réi ius avons repéré une tren-

taine de ruines ne riguranl nulle part, ainsi que des nouvelles communl cations romaines de i Irta la mer

Cf. ] Rec. de Const., 190 p m

Ibidem.

-, ibidem iasoc. franc., p. Bl i

Ibidem, //<•<•. de Const., 190E pp 124, 127, 128

i i vel, apud Hlngrlals, Rec de Const., a.'

112

d'établir sa demeure notamment aux voisinages des points d'eau'1'.

Or, il y a une source perenne, 'Aïn Gli'aa, sur les peux. Elle est au Nord de IaKhenga. Son aménage- ment est récent, bien qu'une pierre romaine y figure, mais tel n'est pas certainement l'emplacement pri- mitif, celui-ci est en amont. C'est un trou d'un oval allongé de la longueur de lm35 et la largeur maxi- mum de 0m75; il est revêtu d'un mur en pierres sèches dont la symétrie et la patine attestent l'origine antique. Une citerne d'époque identique est à 100 mè- tres environ au Sud de 'Aïn Gli'aa. Elle est consti- tuée partie par le creusement artificiel de la roche et partie de grosses pierres; on lui constate 4 mè- tres de longueur et autant de largeur, ainsi que la hauteur moyenne de lm10. A gauche, en haut, il y a un évidement dans la paroi qui est ici entière- ment rocheuse; cet évidement atteint : longueur 0'"70, hauteur 0m20, largeur 0'"55.

Le passage de l'homme antique de diverses épo- ques se signale encore à El Gli'aa, mais il faut aller en relever les traces soit en certaines cavernes, soit à proximité.

Les « Grottes d'El (ili'aa », Ghirèn Gli'aa, ainsi qu'elles sont dénommées globalemeut par les indi- gènes, au lieu de s'ouvrir en façade de la terrasse du promontoire rocheux, comme la « Grotte du Mou- lion » et la « Grotte des Ours », s'excavent au contraire dans les parois de la base de cette terrasse, au flanc ou au pied, du Nord au Sud-Ouest.

i cf. Josepï Bosco, Rec. de Const., 1914, p. 240, noies i. 2.

113

Nous limiterons notre tâche à la description de trois d'entre elles.

Une faille de l'Ouest possède, à une cinquantaine de mètres d'élévation, deux des excavations qui vont être décrites; on peut les atteindre par cette faille ou, moins péniblement, par un sentier en falaise de chaque côté de la faille, mettant ces grottes, à droite, à la distance d'une douzaine de mètres.

Elles se font face, sont situées sur la même ligne, occupant l'une la droite, l'autre la gauche delà faille. Un vigoureux figuier a réalisé le miracle de pous- ser ses racines sur le sol rocailleux abrupt, raviné et ingrat de l'excavation de droite; nous ferons l'hon- neur à l'unique représentant en ce lieu de la flore de donner son nom à la caverne naturelle, dont il défend d'ailleurs jalousement l'entrée. Celle-ci est orientée au Nord. Les dimensions extrêmes de la « Grotte au Figuier » atteignent : hauteur et profon- deur 12 mètres, largeur 5 mètres.

Certains fossiles indéterminés en proviennent. Elle n'a d'autre intérêt archéologique que d'être située à proximité de vestiges antiques.

C'est le cas de l'excavation voisine, la « Grotte aux Cables ». Cette dernière a, en efïet, sur une corniche rocheuse extérieure, qui est à gauche et qui a la longueur d'environ 10 mètres et la largeur moyenne de ln,50, deux trous à câble d'une exécution bien prononcée. L'un, près del'enlrée, à 0"90 d'élévation, donne : longueur 0" lô, hauteur 0"07, largeur 0m0 75 . Le second est à 8 mètres plus loin, el à Lm20 de la corniche, on lui voit : longueur U'"07, hauteur 0'" 10, profondeur 0 L5. Au bord de la corniche, on remar-

114

que une rigole artificielle, cassée au milieu, de la longueur jadis de 2m30, présentant la hauteur de 0m10, et la largeur de 0m30, si nos souvenirs sont exacts. Les anneaux d'attache avaient cer- tainement, comme la rigole susdite, relation avec d'autres marques antiques dont il va être question. Ce sont deux séries, la prmière de cinq et l'autre de deux petites cavités rectangulaires; elles sont entail- lées sur une terrasse rocheuse. Aux abords, il a été recueilli récemment une pièce de monnaie numide intéressante. C'est un petit module anépigraphe, fait d'un alliage peut-être de cuivre et de plomb et à l'effigie de Micipsa très probablement; la tête du sou- verain est barbue et laurée. Au revers, on voit un cheval debout au-dessus duquel il y a un globule surmonté d'un croissant renversé. La terrasse à monnaie et à carrière, sans doute de la même épo- que, est enrichie en outre à sa base vraisemblable- ment d'un dolmen. Elle est à une dizaine de mètres à droite de la « Grotte aux Câbles ».

Cette dernière, d'environ 20 mètres de profondeur, est tubulaire, ses autres dimensions moyennes sont : largeur 4 mètres, hauteur 1"50. On y constate à l'entrée une banquette rocheuse naturelle de chaque côté sur une longueur de 9 mètres; le sol est couvert d'une mince couche de terre, elle présente enfin des traces fumifuges et quelques suintements.

La « Grotte aux Gradins » se transforme dans la saison pluvieuse, comme la partie gauche de la « Grotte du Mouflon », en véritable lac.

1011e est à gauche de la faille, sur la même paroi, à 30 mètres au-dessus du sentier; l'ouverture d'en-

115

trée, qu'abrite un porche, est orientée à l'Ouest. Cette entrée se détache à 3 "50 d'une plateforme ro- cheuse, l'espace est occupé par plusieurs marches, trois d'entre elles accusent nettement un travail hu- main. De forme générale ronde, on y trouve une seconde ouverture à 2m30 d'élévation, orientée au Nord, ainsi qu'une excavation à droite, à 4 mètres du sol. Celui-ci, argileux, a donné quelques silex taillés.

La grotte accuse : hauteur 10 mètres, largeur 8 mètres, profondeur 9 mètres.

II, III. HdjarHazzoum, ,,"^ ,1^1 Bkira, ïf.iC

Henchir el Mouadjen, >>( JJ 'iJ>

Henchir Yadjoura, s a^[> r.j:J^ Oued Zièd, i L > ^ \ «

El Gli'aa, ainsi que de nombreuses parcelles de terre, s'étendant notamment jusqu'à Fedj er Rih et de ce point jusqu'à Oued Zièd, appartiennent à Blèd (*) Bkira, dont on a vu l'ethnique au pluriel il est au singulier Bkeïri. Cela résulte d'un acte du Qa'di HanafUe Si Cha'ben ben Djelloul, en date de la dernière dizaine du mois de Djoumada et Tsèni, L183 de l'hégire (22-30 octobre 1769).

i mu >;ni qu'en Algérie Blèd, ijb esl un pluriel qui esi employé Indif- féremment pour désigner une ville, un pays, une propriété. Cf. i. i Bres nier, Chrislomathie arabe vulgaire, Alger, m Pareille

confusion n'existe pas en maltais, Beld .m pluriel BUed signifie toujours vlili

116

Aux termes de ce document, Ahmed Bey, plus connu sous le nom d'Ahmed Bey el Qolli (1756-1771) et qui est le grand-père de Hadj Ahmed, dernier Bey de Constantine 1826-1837), constitua un habous, en faveur de ses descendants, de la terre de Bkira et ses dépendances, à l'exception, toutefois, de la dechra et d'un jardin potager.

Avec les terres qui en dépendent, Bkira forme une immense propriété d'un seul tenant, à cheval sur la commune de Constantine et la commune du Hamma. Il nous est impossible de nous attarder à préciser ses limites; nous indiquerons celles, toutefois, qui seront indispensables.

Mais, d'ores et déjà, il nous faut en souligner une qui a quelque importance, et sur laquelle, malheu- reusement, nous n'avons que des renseignements plus ou moins contradictoires. D'après ces rensei- gnements, les annexes de Bkira formeraient au S.-O. deux ailes, dont la première irait jusqu'aux cascades et la seconde atteindrait Hdjar Hazzoum.

Hdjar Hazzoum est appelé aussi Hdjar en Nçara,

Ç jLrfajf ,LSm, c'est-à-dire soit les « Pierres de

Hazzoum », soit les « Pierres des Chrétiens » (*). Les indigènes prononcent parfois le premier mot Haz- zoun, ^jjj^-

Il existe en ce point une très épaisse enceinte rec- tangulaire préhistorique, des silex ont été trou- vés; il y a aussi des carrières romaines, une impor- tante et légendaire Mzara i2), etc.

i Hadjar el Ensaran de Sir Grenvitle Temple el du Chevalier Falbe, Cf. Relation d'une excursion de Bône à Guelma et à Constantine, in-s°. Paris, MDCCCXXXVIII, pp. B9. 90.

2 Mzara vienl du [radical arabe Zar, . ) « Rendre visite ». La Mzara est clone un lieu de pèlerinage, de dévotion.

117

Le Zièd arrose ce terrain sur toute sa longueur de l'Est à l'Ouest.

Ce cours d'eau est en cet endroit la limite du territoire proprement dit de Bkira.

Bkira, avec ou sans les annexes, avait aux pre- miers temps de l'occupation romaine, deux grands propriétaires, Salluste'1) et les Cirtéens 2); un bor- nage limitait les deux propriétés au moyen d'une inscription rupestre en double de part et d'autre'3). Des pagi existaient sur les deux territoires; on le verra ci- après.

Sous le règne d'un Antonin, un important édifice d'utilité publique fut érigé à Bkira'1) sur l'emplace- ment qu'occupe le jardin ; c'est se trouve le bordj de la dernière usufruitière, du habous, la princesse Deïkha bent Mouni bent Ilafizf5).

On arrive au bordj par une piste qui, partant du viaduc du Zièd, à un peu plus du kilomètre de la Corniche, traverse le passage à niveau 42 de la voie ferrée, et se dirige ensuite, par 'Aïn Sahridj, sur la gare du Hamma, laissant à gauche, près de la gare, la source rocheuse El Ghorra, qui appartien- drai! encore à Bkira.

Au bordj vient s'embrancher une autre piste, c'est le chemin desservant 'Aïn ech Chouk, située de l'au-

i i r Corpus inscriplionum lalinarum, VIII, 714

i Josepn Bosco, n/'iii/ Jules routaln, Bulletin archéologique du < omilé, 1911, p l.'.'i . 1912, p. 512

/./ . vin. /..<■ cit., ! indi Sallustiani : /;»//.. toc. cit..

i iiui-s p ublici >*// ' * irtensiui

| | i liull . loc. cit., 1914, p 148 I r ( / / . \ III

titlne le 6 mal 1919. Noua tenons de In véné

ranle défaille, qui a vu les Français enirei & l onsiantli n 1837, de curieux

renseignements intéressant noire ville lis jeroni utilisés plus lard m court d impression

118

tre côté du Djbel Bkira et regardant l'oasis du Hamma; ce chemin passe par Fedj Bkira.

Le bordj est en plein territoire de Bkira.

Il est aussi le centre d'un premier groupe de ves- tiges antiques importants. 11 ne sera question, pour l'instant, que des débris qui, à l'Ouest du bordj ils sont plus compacts, sont appelés l'Ahnacher <• Les Ruines » (1). Ces vestiges sont romains; ils se relient avec ceux du jardin du bordj, jardin dont le nom est Djnèn Ma'rouf'2); on les voit dévaler ensuite d'une part vers le passage à niveau du chemin de fer et se poursuivre d'un autre côté en contre-haut à Djeb- bènet Sidi Mousa les Békiriotes enterrent leurs morts depuis plusieurs générations. D'autres vesti- ges de la même époque et d'époque antérieure s'ajou- tent à ce groupe.

Un chemin relie au premier groupe le deuxième grand groupe de ruines. Ce deuxième groupe, d'âges divers, comme le premier et non moins intéressant, est à l'Est.

Il rayonne aux abords de 'Aïn Bou Khmis; cette source est desservie plus directement par une piste qui, actuellement franchit également le Zièd sur un second viaduc de la ligne du chemin de fer. C'est dans ce groupe que l'on remarque un très beau dol- men aux abords duquel des échantillons de l'indus- trie primitive ont été trouvés (3>. On y observe, en outre, la <> Grotte des Martyrs -> et les inscriptions dé- limitatives des Cirtéens et de Salluste. L'une de ces

i Les ruines d'un pagus de noire cnettaba om un nom Identique. Cf. J. Bosco, /'/""/ Ch. Vars, Ree. de Const-, 1904, p. 218.

2 Cf. ihiii., apud Toutain, Hall, arch., 1914, p. 147.

Ci) Cf. Ibidem, 1911, p. l

119

dernières inscriptions est gravée à la base d'un bloc appelé par les indigènes, à cause de certaines entail- les, le a Rocher aux Gradins », Kèf Bou '1 Droudj.

La troisième agglomération de vestiges archaïques est aussi d'époques diverses. Elle se développe des deux côtés de la piste qui, continuant celle de 'Ain Bou Khmis, prend la direction du Nord. Elle esca- lade Djbel Bkira par le « Col des Sangliers », Fedj el Hlélèf, et communique alors avec 'Aïn Kerkèr, situé sur le même plan que 'Aïn ech Chouk et reliée avec elle.

Sur la piste de 'Aïn Bou Khmis à Fedj el Hlélèf, ' on rencontre les importantes ruines d'El Mahdjar et de 'Aïn Mchihra; elles sont romaines. Plus loin, vers le col, certaines entailles dans le roc parais- sent appartenir à une époque plus reculée. On a in- diqué en ces parages des alignements préhistori- ques O; des alignements analogues existent sur la piste du « Col de Bkira », notamment. Enfin, des vestiges incontestablement préhistoriques, ont été recueillis en abondance aux abords d'El Mahdjar; ce sont des silex; l'abri sous roche qui les contenait en débordait latéralement ; l'excavation , très fumi- fuge, est appelée, par les habitants de Bkira, Ghar ed Dba' « Grotte de la Hyène •>.

Fedj el Hlélèf, tête d'un réseau de chemins, était la voie phénicienne de Cirta à Azimacia, par Fedj er Rih et Yadjoura II limite à l'Est Bkira et le Djbel Tafrent.

Nous reviendrons a la région de Bkira, occasion- nellement, et ce sera pour indiquer sommairement,

i et. L Joleaud ei \ Joly Hec de Consi

120

à. défaut d'une monographie qu'il n'est pas actuelle- ment en notre pouvoir de tenter, les richesses pré- historiques, libyques, phéniciennes, romaines et byzantines, qu'en véritable terre privilégiée, elle renferme, soit groupées, comme il a été dit, soit éparpillées en divers points.

En attendant, on repassera le Zièd et on visitera, dans les annexes de Bkira et sur un territoire limi- trophe, les ruines de Yadjoura. On peut les atteindre directement par Fedj el Hlélèf ou, plus bas, par 'Ain Mchihra. Nous préférons ramener nos lec- teurs, en remontant El Gli'aa, sur la vieille voie de Fedj er Rih, qui porte encore des traces évidentes de son utilisation aux anciennes époques.

La Carte du Service géographique de l'Armée n'in- dique nominativement en ces régions, à part Bkira, l'Oued Zièd et le « Djebel Salah », que la ravine dite Cha'bet l'Ehoua l1). C'est celle qui borne au Sud Henchir el Mouadjen. S'étageant en contrehaut de la voie de Fedj er Rih, cette ruine, située à un kilomè- tre environ du col, retiendra un instant, notre atten- tion à cause de sa désignation- Dans l'acte de Habous dont il a été parlé, on mentionne plusieurs parcelles de terre du voisinage de Ghar Zahér ; ces parcelles étaient connues globale- ment sous le vocable de Mouadjen l'Ouchich. El Gli'aa dont on tait le nom en ce document, est certaine- ment comprise parmi ces parcelles. En serait-il ainsi en ce qui a trait à Henchir el Mouadjen? Dans ce cas, il n'y aurait aucun inconvénient à identifier ce- lui-ci avec Mouadjen l'Ouchich.

i. Feuille /:/ Aria, au 1 50,000e, révisée en I9is,

- 121

Les indigènes ont fait de ce terme désignatif Madjalouchich Qui a raison, eux ou l'acte?

Ils en ignorent l'emplacement précis.

La question sera approfondie à propos d'une vieille ferme de la banlieue de Cirta dénommée au IVe siè- cle : Muguas.

Constatons, avant de poursuivre notre route, que Mouadjen l'Ouchich ainsi déformé (en supposant qu'il l'ait été) a singulièrement l'allure d'un ethnique ro- main en eusis et que, si Mouadjen peut s'interpréter, il n'en est pas ainsi en ce qui concerne le reste de la désignation.

EU Mouadjen a le sens ici de « les mares. »

En cette région les mares abondent; on en voit même une à la descente de la piste de Bkira à la gare du I.Iamma. Ce sont des cavités généralement rectangulaires ou rondes et situées au pied d'une éminence; elles se remplissent d'eau en hiver, à la grande joie de la c gent batracienne », et sèchent dans la saison estivale; il en est une dans la région de Blèd Mo(;tfa qui forme un petit lac.

Ces cuvettes ont en général un lit d'argile.

La région elles s'étendent est au Nord du Msid. C'est un pays accidenté, coupé de Cha'ab, les mechta y sont très rares; c'est qu'on voit quelques arbres; on y pratique l'élevage des bêtes i\ cornes principalement, et la culture des céréales.

Le parcours de Fedj er Rih à I.kmchir Yadjoura si approximativement de trois kilomètres.

On y trouve, en aval de Henchir el Mouadjen, Aïn Bou Ksèkes ^o L*o ys. et 'Aïn Kreïma

OU Krima &4J r^ k* Ce sont deux sources voi-

122

sines et perennes, coulant en contre-bas de l'ancien bordj Moçtfa actuellement D Moussa. La première, signifie la « Source de l'homme aux passoires. » La seconde tire son nom de la ruine située de l'autre côté de la route et à gauche : Henchir Kreïma. C'est sur cette ruine, qui est d'une certaine étendue, qu'existe l'embranchement conduisant à 'Aïn Mchihra et à El MahdjaH1) du 3e groupe de ruines de Bkira.

Cet embranchement est aussi une vieille piste; il dessert également, avec la voie de Fedj er Rih Henchir Yadjoura et sans qu'il soit nécessaire de franchir le Zièd, ce qui n'est pas le cas pour 'Aïn Mchihra.

Il y a deux autres gués en amont et le dernier est à la distance approximative de 700 mètres du gué de Mchihra.

Celui-ci est au confluent du Zièd avec Cha'bet l'Aduièrn, -»U> ï û) Ï,**.L> (?) dénommé plus haut

Cha'bet el Djaref, ^a . U>J' k^.w et à son origine

Chabet Bou Derbèla Ïj b , ^ <o &+*£>

Ce gué franchi, on voit à quelques mètres et sur la piste un fût de colonne en calcaire de Bkira à

(1) En noire calligraphie ces noms d'Encnir Kreïma. 'Aïn Mchihra el El Mahdjar oui été lus Henchir Khima, Ain Meher ou Mchira et El Mohdjar. Cf- J. Bosco, apud Toutain, Jiull. arch., 1911, p. 156.

3 Cela veui dire" La Cha'ba de l'Aubépine ». L' 'Admèm esi le Cratœgus o.riyacantha, L- Cf. Julien, /■/<</•('. p. 102. Admèm appartient an berbère; il se prononce chez les Igaouaouen zouaoua) Idmim, réminin Tidmint- Cf. P.-J.-B, Creusât, Essai de dictionnaire français- kabyle, Algrer, 111-12, MDCCCLXXIll, p. 24.

un a note aux Aurès un toponyme dans la composition duquel entrali le terme Tdmamen. Cf. G. Mercier. Etude sur lu Toponoanie berbère de lu région de V Aurès- Actes <iu Congrès international des OrientaMstes, 1

p. 25 du lire à part. 11 y aurait lieu, à notre avis, de considérer ce terme comme le pluriel régulier masculin d Admèm.

123

moitié engagé dans le sol. Est-ce une borne milliaire comme celle de Sidi 'Ali 'Eurab, située plus à l'Est? Est-ce encore un fragment de colonne qui aurait roulé de 'Aïn Mchihra des objets de cette nature existent?

Le Zièd conflue aussi au deuxième gué avec une cha'ba qui descend du versant méridional du « Dje- bel Salah » de la carte I1). La cha'ba est appelée Dar bou Chmakh ; elle est couronnée par l'importante ruine dénommée Ilenchir Derbouka.

Le mont est loin d'avoir aux yeux des indigènes l'extension toponymique que le document cartogra- phique lui prêle, il est en réalité dénommé Djbel Tafrent à l'Ouest jusqu'au a Col des Sangliers » et Bin Djeblin au Nord.

En outre, au troisième gué, le Zièd conflue, d'une part, avec la source du Zièd et des eaux de 'Ain el Fiyyèla coulant dans Cha'bet l'Enzaouèt appelée aussi Cba'bet el Kha'dra, et, d'autre part, avec une cha'ba portant le nom de Sra, Serraouèt et encore de Bel Loudani.

Le point reçoit des indigènes la désignation justi- fiée de Mgaren, , ,UU « Confluents ». C'est à cet

endroit, rive droite de la parcelle de terre dénommée Bou Slal.i que le Zièd prend son nom; il le conserve jusqu'à son embouchure au Rhumel

La source du Zièd qui, pendant l'étiage est à sec, sourd du revers nord d'un contrefort du Djbel Ta- frent surplombant In pépinière du Djbel el Ouahch' elle se trouve presque au pied de Fedj l'Enzaouèt.

I) Cf. < "//>■ <"/ / reuilli i Ma, /"<■■ <■'/.

124

A ces deux derniers confluents apparaissent les débris d'une importante localité antique, totalement tombée dans l'oubli, placée ailleurs, qui fut un cen- tre d'activité industrielle sous les Préhistoriques, les Phéniciens et les Romains, qui fut même un évêché, et dont nous nous enorgueillissons d'être les pre- miers, non seulement à ramener la souvenance, mais encore à indiquer l'emplacement de ce qui reste de son opulence passée.

Ce sont les débris de Blèd Yadjoura, « Pays, Cité de Yadjoura ou de la Brique ».

Ces débris couvrent plusieurs hectares. L'ensemble des ruines apparentes est limité au Nord ainsi qu'à l'Ouest par les confluents et au Sud par une dépres- sion appelée Merdjet Bou Djda', -j.^^ Lz» ~* (1)-

« Prairie de Bou Djd'a », et une piste aboutissant à l'embranchement de Henchir Kreïma.

Ils forment quatre lots principaux.

En voici leur description succincte.

Les deux premiers lots ont la longueur totale d'environ 200 mètres. Ils limitent au Nord la terre de Bkira.

Le premier lot est au deuxième confluent et est en partie arrosé par lui.

Le deuxième lot se trouve situé au troisième confluent, au Nord du premier, il est desservi direc- tement par la voie de Fedj er Rih.

Au deuxième lot, il existe probablement les vesti- ges d'un bain thermal romain. Ces vestiges, autant

] Djd'a, à Constantine, esl l'étal Intermédiaire de l'animal qui, sans être poulain, n'esi pas encore cheval. Bou Djd'a signifie donc l'homme au ne cheval

125

qu'on peut en juger, ont au moins une douzaine de mètres de longueur et 9 mètres de largeur; ils sont soit légèrement en surface du sol, soit au sous-sol. Dégagé convenablement , l'établissement antique atteindrait certainement, s'il ne les dépassait pas, les dimensions plus que réduites d'un bain de Tim- gad, situé à gauche du Cardo maximus et qui a 22m10sur 23'"75(1>.

L'édicule de Yadjoura est caractérisé par deux groupes de constructions Le premier groupe com- porte une entrée orientée à l'Ouest, faite de pierres de taille. Plus loin, parallèlement à l'entrée, on voit un mur en petites pierres. A gauche, une masse bé- tonneuse émerge au ras de terre; elle est ondulée et semble former, en un point, un cercle ayant envi- ron l mètre de diamètre. Serait-ce le Frigidarium?

Le second groupe en arrière et prolongeant le premier, est en profondeur du sol. Il offre une cons- truction rectangulaire, sauf à gauche, elle est à pan coupé. Elle a : longueur l'"80, largeur 1 mètre, profondeur 0 m50.

Une canalisation à gauche, rectangulaire, dont il n'est pas possible d'apprécier la longueur et présen- tant la largeur de 0'"68, la profondeur de 0m72, s'ajoute à ce système, qui se complète encore par deux petites cavités rectangulaires, l'une à la paroi de la tosse, l'autre à celle de la canalisation.

Les deux lots restant sont au Sud; le plus rap- proché est à la distance de 2 )0 mètres approxima- tivement.

i i Boeswilwald, - ei Ballu, Tungad, m \ . Paris, 1915, pp

rig 135.

126

Il y a aussi les restes d'un édifice important, basilique ou forum, et dont on retrouve, semble-t-il, le prolongement dans le quatrième lot, à une cen- taine de mètres du troisième.

L'édifice de ce dernier lot a un nom chez les indi- gènes, il est purement de circonstance, c'est celui d'El Makhrouga, ïâ ^ ^l) Il rappelle un pseudo dolmen de la région du Khroub t1). A Henchir Yad- joura, il s'appliquait, d'où le vocable, à une fente de la masse bétonneuse du sol produite par une fouille; le terme maintenant désigne l'édifice.

Voici en quoi consiste ce dernier :

On aperçoit d'abord un mur formé de béton attei- gnant, à gauche, l'épaisseur et la hauteur respecti- vement de lm50; il est moins épais et plus bas à droite, à ce point il est déchaussé. De chaque côté de ce mur (baptisons-le ainsi , il existe à la suite une rangée de pierres de taille disposées en quart de cercle; la rangée de droite apparaît être en place; mais il n'en est pas de même de celle de gauche, elle est dénivelée.

Cet hémicycle a la largeur de 9 mètres.

Le sol, caillouteux, s'infléchit en cuvette. C'est qu'existe la déchirure que l'on sait; elle est bouchée avec des pierres de fortune.

Sur le même plan, dans le dernier lot, se dressent, tels des piliers, trois blocs de béton; ils sont dispo- sés en ligne horizontale et ont globalement le déve- loppement de la largeur de l'hémicycle et la hauteur

' i Josepù Bosco el Marcel Sollgrnac, liée, de Const., 1911, y. 330. Cf- P- 332.

127

moyenne chacun séparément de 0m80, la largeur de 0m70.

Ces piliers ne sont, aux yeux des indigènes, que les a Pierres de l'Ogresse », I.Idjar el Ghoula. Le mot Ghoula, L ÛJ,, est attaché à deux édifices anti-

ques, l'un de la périphérie, l'autre de la banlieue de Constantine. Le premier, un arc de triomphe, se trouvait dans les parages de la gare. Le second, qui subsiste encore en partie, est au Sud, sur la rive gauche du Rhumel, à trois kilomètres environ de la ville (i).

On reviendra sur ces monuments à propos de ces dénominations.

On devine sans peine que les ruines de Yadjoura comprennent encore d'autres vestiges existant sur les quatre lots. Nous ne dirons rien des pierres de grand appareil, dont quelques-unes de dimensions énormes, encombrent spécialement les deux premiers lots. Parmi ces pierres, on notera au troisième lot une pierre à mortaise en queue d'aronde, ayant 1 "' 40 de hauteur; ainsi qu'une autre pierre avec deux petites cavités rectangulaires.

Au premier lot, il y a un alignement de plusieurs mètres en pierres de taille. Sur le quatrième, il existe à droite un autre alignement, mais en briques.

Il a été recueilli, le 24 septembre 1909, sur le troi- sième lot. un fragment de poterie portant l'étoile et un second, que reproduit notre dessin, figurant une croix pattée (*). De petits cubes de marbre très fin,

i Sur cei édifice, cf. provlsolremenl Joseph Bosco, apud R Cagnat, Bull, arch., 1909, p. VI.

apud J routaln, Bull, archéol., 1919, p. 503, fignûte

128 -

de diverses couleurs, proviennent aussi de cet en- droit. Un signe ënigmatique ayant l'allure d'une qua- druple croche ou d'un caractère égyptien (l), se répète sur deux pierres des deux premiers lots, au bord de l'Oued.

Ces derniers appartiennent à Bkira, les deux au- tres lots sont sur la propriété d'un sieur Ben Chérif.

Les ruines de Yadjoura seront identifiées ci-après.

Elles sont à 1,500 mètres approximativement et au Sud-Ouest de Henchir Derbouka, à 2 kil. 500 envi- ron à l'Ouest de Fedj l'Enzaouèt, que nous visiterons bientôt.

Sur le parcours de Fedj er Rih à Henchir Yad- joura, on a trouvé des silex taillés.

i il j. Bosco, apud Toutain, Bult. arch., 1912, p. 503. On voll un signe analogue reproduil plcturalemem à l'extérieur de La porte d'une maison mauresque, rue Perrégaux. C'esl -ans doute un prophylactique.

129

IV.

La vallée de l'Oued Klienrja, iLi-L». ^ \

A.

Kessèr el Qlel, JAiL'l .L*,

D'Henchir Yadjoura, on peut aller directement à Blèd Moçtfa, qu'il ne faut pas confondre avec le bordj du même nom dominant Henchir Kreïma, Nous préférons remonter le Zièd à son confluent avec Cha'bet l'Admèm. L'écart, d'ailleurs n'est pas bien grand. On remarquera dans la cuvette de Cha'- bet el Djaref une vigne vierge. La Cha'ba est couron- née à gauche d'une belle ruine romaine; dans cette ruine existe une source dont une partie de l'amé- nagement est antique. A Blèd Moçtfa, l'on arrive entin, il y a une mechla. La piste qui la dessert et qui dessert le bordj du Dr Moussa part du 3" kil. 500 de la route de la pépinière du Djbel Ouahch ; elle est en contre-haut et parallèlement à la voie de Fedj er Ri h.

La mechta et ses abords sont couverts de ruines romaines; il y a peut-être aussi des alignements préhistoriques.

Au dire d'un vieillard indigène, natif de la contrée, l'exhaussement pierreux qu'on rencontre sur une certaine étendue dans le voisinage de la Mechta, se- rait un drain fait par les Djouhala.

L'acte de I.Iabous mentionne ces ruines sous le nom de « Henchir Moçtfa ». A l'origine Blèd Moçtfa

130 -

englobait le bordj dont il a été question ; on l'appe- lait aussi a Blèd el Mouadjen. »

On trouve à la Mechta les sources 'Aïn Bou Der- bèla et 'Aïn el Fiyyèla que l'on sait.

Le drain est sur la piste de la Mechta à Fedj l'Enzaouèt ou a Col des Tumuli. »

La piste deConstantine à Fedj l'Enzaouèt traversait le Grobbodj I1), escaladait Khetmïa, [où existent des ruines romaines et des carrières antiques, longeait la route actuelle de la pépinière ou Parc de Lannoy; elle passait enfin derrière le massif mamelonné au pied duquel se trouve la dite pépinière.

De Fedj l'Enzaouèt, on franchit l'Oued Khenga par un gué bordé, comme à Cha'bet el Djaref, de vigne vierge. Nous suivrons la piste jusqu'à Fedj el Kbir, « le Grand Col ».

Tout ce tracé, depuis Khetmïa jusqu'à Fedj el Kbir est jalonné de vestiges antiques. A Fedj l'Enzaouèt on rencontre la plus vaste nécropole peut- être préhistorique de la région de Constantine <2). Des alignements préhistoriques, semble-t-il, existent dans le trajet du gué à Fedj el Kbir. Une inscription libyque provient de la route de la pépinière, vers le quatrième kilomètre'3', près d'un « arbre marabou- tique •). Les ruines romaines réapparaissent après Khetmïa, çà et là, sur la piste; on en constate encore

(l) A son dépari de Clrta, la piste se dédoublait; les deux chemins sui- vaient, L'un la rive droite ei L'autre la rive gauche du Grobbodj; ils sere-

joig'iiaieni au-delà de 'Aouïnei el Taïn. A ce point de croise rit venail

s'ei 'ancber une autre piste, celle passani par le Zqaq de l'ancienne pou- drière; ellegagrnall ensuite Hdjar iiazzoum parle Bas Rhume! et El Gli'aa.

Cf. Joseph Bosco, liée. <le Const., 1914, p. 275, note 2.

(3) Cf. Kolle, "/""/ J. Bosco, ibidem, pp. 275, 276, planche. L'inscription

Tut trouvée sur la croupe, et non pas groupe, comme on nous fait dire du Djbel Tafrent.

131

entre les deux cols; cette partie du chemin est co- pieusement garnie de sources perennes. Fedj el Kebir qui fait face à Fedj l'Enzaouèt, parait être plutôt l'œuvre de l'homme que celui de la nature; peut-être que celui-ci a aidé celle-là.

C'est donc une très vieille voie de communica- tion, aussi vieille que celle de Fedj el l.Ilelèf par Fedj er Rih. Les deux voies devaient fatalement se rencontrer après Azimacia et se diriger ensuite à Rusicade.

C'était la voie entrevue par Aniable Ravoisié (' , Ville'2' et le colonel Mercier1').

Les deux premiers se bornent à en indiquer le point de départ : le pont d'« El Kantara ». Le colo- nel Mercier la repère jusqu'à El-Arrouch, il la fait passer près de la Mzara de Sidi 'Abd 'Allah (ou 'Abd Ellah, ainsi que le prononcent les indigènes). Il a ignoré, comme ses devanciers, la double voie de Bkira et de la vallée de l'Oued Khenga.

La Mzara de Sidi 'Abd 'Allah s'élève sur le pla- teau du massif de ce nom. De ce sommet, par un temps favorable, on aperçoit dans un coin extrême de l'horizon, à l'Est, la mer. Le regard embrasse un immense pays. Le plateau est vierge, néanmoins, de vestiges antiques, et on ne rencontre ceux-ci que dana le liane Sud et presque à la base.

Sidi 'Abd 'Allah est séparé par le Fedj el Kbir de

i i r. Exploration scientifique de l'Ain idant le

. Beau v-Ai ts, Archileclw e, i. m VI,

\< 16.

: Voyage d'exploration dans les bassins du ffodna et du Sahara, m i,

i, Pai .xviii, v

imii. m chéol , î- fô, •■

- 132

son contrefort rocheux le mont qualifié par la carte de « Ksar Kelal » f1'.

Le premier mot, ainsi orthographié, pourrait faire

accroire qu'il s'agit d'un « palais » Qaçr ou Qçar,

f^^J. Il n'en est rien. Le terme complet est Kessèr

el Qlel, ce qui veut dire « le Briseur de Cruches », ce nom viendrait d'une plante qui pousse dans la région. C'est très probablement d'après la description qui nous en a été faite par les indigènes, Y Iris Sisirinchum L (2). Selon Cherbonneau, la fleur de l'Iris serait dénom- mée Kessèr et Touadjen, ,,♦=>-) JaJJ »LvO, c- Briseur

de Plats » <3). Ces plantes sont ainsi désignées parce que, malaxées avec de l'argile dans la confection des poteries, elles les font éclater au séchage ou à la cuisson.

L'appellation carthographique est totalement incon- nue des riverains de la Khenga ; la confusion, il en existe une, est cependant très excusable; d'ailleurs il est très difficile en pays arabe d'obtenir des ren- seignements précis.

Il est probable que l'on se trouve (le cas se pro- duit souvent), en présence de deux désignations, celle des habitants de l'Oued Khenga et celle des indigènes de Kessèr el Qlel.

Nous avons déjà indiqué en ce recueil les désigna- tions employées par les premiers en ce qui concerne ce contrefort. La principale est Qabr er Roumïa,

i_^»j JI j,i, ou Qabr el Djahél, J^U-J) ^i, ce

(l) Feuille d'JSl-Aria, loc. cit.

(v) Cf. A. Julien, Floret loc. cit., V- 298.

(3) Cf. Journal asiatique, 1849, p. 69.

133

qui signifie « Tombeau de la Chrétienne », « Tom- beau du Payen » ; l'appellation vise un magnifique dolmen dont la couverture, une dalle énorme, a glissé. Il y a aussi la dénomination affectant plutôt

la pointe occidentale de Tbayeb Bou Grit, s oL-L>

J2.> J *>, c'est-à-dire « Parcelles de terre de Bou Grit »d).

Une autre appellation qu'il nous faudrait contrôler est celle de Djbel Tafrent.

Le mont Qabr er Roumïa est un rocher dont le sommet étroit, déchiqueté par les agents atmosphé- riques, a été littéralement occupé par les Préhistori- ques 2). Ils y ont élevé plusieurs enceintes rectan- gulaires ou circulaires ; ces vestiges sont marqués par place très nettement. Il est probable qu'ils ont éga- lement tiré parti de certaines excavacations du flanc septentrional 3) et de l'îlot de Sidi Ali 'Eurab.

Les Préhistoriques ont eu des imitateurs. Sur le versant Nord du Djbel Qabr er Roumïa, on voit au pied et dans le flanc du mont, des ruines berbères (4) que nous étudierons une autre fois.

B.

Sidi ' Ali ' Eurab, s ,\ fr, \^ ^^

Le pâté rocheux est baigné au Sud par l'Oued Khenga, qui doit son nom à l'encaissement il

i i i .i Bosco, apud U. Hlnglals, Recueil de Const., 1906, pp 131,

Ibidem, p. i32.

Sur la eréologle du rocher, cf. notamment Flcneur, Bull. Soc. </>•"/■ de i , ance p. (H.

I i r. l. Joleaud et A Joly Rec de Const , 1908 p

- 134

coule. Cet encaissement est désigné sous le nom de Oued Tafrent à son cours supérieur; il prend le nom de Khanguet Sidi Khlil, en face la mechta Tafrent; plus bas, il devient Khanguet Sidi 'Ali 'Eurab.

Sidi 'Ali 'Eurab, un vénérable marabout de la contrée, y résidait, il y a trois ou quatre siècles, il nous a été impossible de le savoir d'une façon pré- cise. Il est inhumé dans une chapelle funéraire tom- bant de vétusté et située au milieu d'une végétation luxuriante, sur un très pittoresque îlot rocheux por- tant également le nom du saint personnage et existe une vieille nécropole indigène.

Les Romains avaient fait de ce point un important poste stratégique qu'attestent des restes d'enceinte et une borne milliaire n'indiquant malheureusement que le chiffre V I1); il est probable que les matériaux employés dans l'antiquité à Sidi 'Ali 'Eurab provien- nent d'une carrière située entre ce dernier et Hen-

chir Derbouka, à Cha'ab ed Dièb, s .ib^J s „<U^

« Les Cha'ab des Loups ».

Il nous faut souligner l'importance de cette borne suivant notre objectif. Elle se rapporte indubitable- ment à la voie de Fedj er Rih par le Fedj el Hlelèf. C'était la voie desservant, on le sait, 'Ain Mchilira et Yadjoura. Elle desservait également Azimacia, dont nous tenons à fixer l'emplacement précis qui se trouve dans la ferme Brédin, sur la route nationale de Constantine à Philippeville, à gauche, à 11 kil. 450 mètres de la ville. C'est qu'existait cette mai-

i) cf. J. Bosco, apud .1. Toutain, Bull. unit.. 1911, p. 154. Pour les bor- nes VI. VII. XIV, XV. cf. C. I. /... VIII, 10307, 22370, 22378. Cf. Stéphane Gsell, Texte explicatif des planches de Ad.-ff.-Al. Delamare, in-b°, Pans, 1912, p. 50.

135

son cantonnière construite en 1856 et h proximité de laquelle on voyait une ruine, il en existe encore des traces, fut exhumée par AT. Cartier l'ins- cription romaine donnant le toponyme -Azimacia (1>, C'est dans cette ferme qu'existe la borne mil- liaire VIL Elle aurait été relevée sur place, selon le fermier, et contrairement à ce qui a été avancé (2\

G.

Sidi Khlil, J^i*- c, -V-

Sidi Khlil est plus à l'Est.

Moins fortuné que Sidi 'Ali 'Eurab, son fils, il dort son éternel sommeil simplement dans la terre. En revanche, sa sépulture, que recouvre une Mzara des plus fréquentées, riche de multiples ex-voto, est ombragée par le plus bel arbre de la région de Cons- tantine. C'est un pistacia terebinthus Linn., en arabe Batma, L^hv au singulier et Btom, x U\ au pluriel'3);

on le désigne en français communément par son nom pluriel Bétoum. Cet arbre gigantesque, aux vigoureuses et puissantes ramures semblant délier le temps, a attiré l'attention du regretté botaniste constantinois A. Julien ; il le qualifie, avec raison, « le roi des végétaux du pays ». Les indigènes ra- content à son sujet de curieuses légendes, entre au- tres celle-ci : Sidi Khlil, mis à mort par les Turcs,

i i r Revue Africaine, [,p. 315; G /• /.. VIII, 7741.

' / /... VIII. ic 3) Flore, loc. cit., p

136

à l'endroit même, aurait ordonné à ses disciples de l'inhumer sur les lieux et de planter à son chevet le bâton noueux dont il se servait habituellement. C'est ce bâton qni aurait fleuri et serait devenu l'arbre magnifique que nous admirons. Malheureusement pour la légende, l'arbre de Sidi Khlil est certaine- ment antérieur à l'occupation turque. En réalité, la vénération des indigènes à rencontre du térébinthe miraculeux, est un très vieux reste d'un très vieux culte, qui n'a rien d'islamique et sur lequel la per- sonnalité maraboutique de Sidi Khlil vient jeter un voile discret et puissant.

I.

Le Culte de l'Arbre

Ce culte de l'arbre, on le rencontre un peu partout dans notre région, sous des formrs diverses. Qui ne connaît et l'Arbre Marabout », c'est-à-dire l'arbre aux branches du- quel sont attachées des loques les plus variées. On a vu que parfois il abritait une mzara. Parfois aussi il porte le nom simplement d'un saint de l'Islam. Ce culte fleurit spéciale- ment au Djbel Ouahch et notamment à Bkira et Hdjar Ilazzoum ses contreforts. Sur d'autres points du massif constantinois, on le rencontre à Sidi l'Akh'dar, rive droite de l'Oued Bin el Braghetsil) et à Djama' et Tarcha, rive gauche.

(l) Bin fl Braghets 0«£ )yj] .^o . un nom gui a été passablement

estropié aussi bien par les européens que par les indigènes, signifie, et on va voir pourquoi : » Entre, flans les Puces ». C'esl la Rivière des Chiens » des Français. A propos, nous connaissons ions les noms de ce cours d'eau, aucun ne représente l'équivalent- de l'appellation française en arabe ou en berbère. C'esl donc une assertion purement gratuite que de l'at- tribuer aux indigènes el d'y voir une .illusion injurieuse à rencontre des héroïques soldais français de la malheureuse expédition de Constantine de 1836. Cf. s.... Rev. afric, 1895, p. 169. En réalité, les nombreux chiens kabyles existant autrefois sur les mechtas des deux rives, rendaient ces abords dangereux pour le mollet des passants. Le nom arabe doit viserun autre iiéau de ers parages, aujourd'hui bien tranquilles, les puces. El Guedj écrll ce nom, en 1807, Bir el Berghouts. Cf. S..., toc. cit., p. 165 du texte arabe-

137

Bornons-nous à ces indications.

Une halte à quelques-unes des localités vénérant un vieil et bel arbre est nécessaire. Elle sera très courte.

Sur la piste de IIdjar Hazzoum, à la hauteur des sources thermales du Msid, un térébinthe d'un cimetière indigène est qualifié du titre de Lella-Batma. Lella répond à nos termes catholiques : « Notre-Dame » ou la « Bienheu- reuse ».

A Bkira, en ce cadre de sainteté hétéroclyte, formé par la « Grotte des Martyrs » (antérieurement, cela est presque certain « Grotte du. dieu Bacax ») et, d'autre part, par la. gorge de Sidi Bou Khmis, vient s'ajouter, au milieu de la ligne, Lella Za'roura. La qualification est appliquée à un dolmen, le plus beau de la région. Une za'roura (M ou azé- rolier le couvrait autrefois de son ombre. Le dolmen avait été transformé en mzara, et avant d'être fouillé par M. Debrugel2), il contenait encore, alors que l'arbre avait cessé d'exister, des ex-voto. La dénomination a donc gagné l'antique sépulture mégalithique. Cette extension d'aire toponymique n'est pas particulière à Lella Za'roura, elle s'observe notamment à Lella Batma, en ce point le terme désignatif est donné également au cimetière de l'endroit.

Plus à l'Ouest, en face du bordj, se trouve le «Mûrier de Sidi Bou IIdjar», Et Touta mta'a Sidi Bou ildjar ; cet arbre vénérable plus que centenaire, dont le tronc puis- sant, recourbé et décharné, démontre le nombre des années , est indubitablement antérieur au marabout ainsi appelé, lequel voit son nom porté encore par la Grotte aux pein- tures rupestres de la région du Khroub. Les Bekiriotes n'avouent pus que Sidi Bou Ildjar soit enterré à l'endroit,

i) Le nom collectif est Za'rour, , ° »c i. L'azeroller est un arbuste ;i ra

m eaux étales ci ;i Hun-; Jaunes acidulés. C'est le Crataegus azarolw, !.. Cf. Julien, Flore, p 102. Ses rnm- m. m appelés ici pommetli

(S Cf Bulletin de /" Société archéologique de Sousse, 1909, pp 19 pi anche.

138

mais que le saint personnage venait s'y asseoir. Au Khroub on donne, pour la dénomination, un renseignement analo- gue (1).

Les Romain? ont pratiqué à Bkira le culte de Saturne Frugifer(2), incarnation lui-même du Ba'ul phénicien (3). Les Phéniciens ont adoré l'arbre (4); une inscription phéni- cienne de Carthage révèle le nom de « Serviteur de l'Arbre» ou «des Arbres», ' Abd Sadjàr ou Chadjàr, 15U"ll'2f (5). Sur une pierre actuellement disparue de Ildjar Hazzoum, qui se trouvait à l'angle gauche d'une fouille rectangulaire dans le sol, devant la mzara, nous avons cru lire, il y a quelques années, en caractères phé- niciens très frustes, des lambeaux de mots, parmi lesquels figurait le nom de Ba'al.

Nos fellah perpétuent inconsciemment l'antique culte floral.

Une remarque à propos du nom arabe du Pistacia ttre- binthus, Linn. s'impose ici. Pline a constaté en Syrie l'exis- tence de cette plante ligneuse (6), ainsi que l'autre variété, le Pistacia vera Linn. (7). Dans la Genèse, on trouve le mot D'Jtsn, Batnim (8); c'est un pluriel. Ce même terme désigne dans les Juges une localité de la tribu de Gad (9).

(1) Cf. J. Bosco el ^hircel Solignac. Bec. de Const., 1911, p. 330: Bosco, ibidem, 1914, p. 243, note.

(2 Cf. Bosco, apud Gsell, Bull, archéol., 1908, p. XIV; ibidem, apud a. Vel,Bec. de Const., 1908, p. 296.

(3) Cf. provisoirement J. Bosco, Rec. de Cous/., 1912, p. 247 el note 6.

i « f. Ferd. Hoefer, Chaldée, Assyrie, Médie, Babylonie, Mésopotamie, Phénicie, Palmyrène, L'Univers, Histoire el description de tous les i>eu- ples, Paris, in-8°, MDCCCLU p. 72sqq.

5 Cf. Eusèbe Vasselj Revue tunisienne, 1909, p. 340 sqq. Arbre, se dil en maltais : Siglar.

6 C. Plinii secundi, Naturalis Historiae, édition E. Littré, l, In Paris, MDl l l l.V, XIII, 12, p. 505.

(7) XIII, 10.

(8) XLIII, H.

'.» XLIII, 26. Betonim dans la Vulgate. C'esl probablement le village de Batneh. Cf. F. de Saulcey, Dict topograph. abrégé de la Tare suinte. ln-12, Pai is, 1877, p. 80-

139

La Vnlgate rend cette expression du premier des livres du Pentateuque par terebinthus; il s'agit probablement du pistachier et non pas comme l'interprète à tort une version française (1). Les deux espèces étaient, paraît il, confon- dues. On a pensé que Je singulier de Batnim pourrait bien être Botma, Î<^12*2; c'est ainsi que le vocable se dit en syriaque (2).

Botma ou Batma est donc le nom sémitique du Pistacia vera Linn. et du Pistacia terebinthus Linn. (3); le mot était employé dans l'Afrique du Nord bien antérieurement aux Arabes; il est également d'importation phénicienne.

II Géolatrie

En Phénicic et dans les colonies phéniciennes, on ado- rait la terre en ses multiples accidents physiques et géolo- giques. C'est ainsi qu'au rapport de Polybe les Carthagi- nois juraient par la terre et les prairies (4). Des traces de ce culte se remarquent, toujours déguisé, au Msid, à Bkira, pour nous en tenir à ces régions.

Au Msid, l'adoration est censée s'adresser à des esprits invisibles, aussi leur allume-t-on, en certaines circonstan- ces, force bougies en cire vierge, de grandeurs et de cou- leurs diverses.

î vers sterwald.

v cf. Gull. Gesenius, Lexicon manuale hebraicum ei chaldaicum, Llpslae, m - . ('du. de MDI C( XI.YII. p. 125

3 Hoefer, loc. cit., p. 28, avati proposé d'appliquer .;i toui un groupe de plantes ligneuses peuplani la région méditerranéenne ei appartenani près- Que exclusivement au genre Pistacia Linn-, les mots /•.'/. Elon, /

,k lorlste maltais P.-Em. Magrl, s. j. suppose que l'Ela désl gnall le Pistacia terebinthus, cf X. tgheid il Malti, u. Afoghdija tnz a. Malta, ci note.

r. Polybii hisloriarum reliquiae, texl el version latine, édlt.

Dldot, ln-fc", MDCCCLXXX, Paris, IX, J2, p : 0 Cf. Hoefer, loc. cit., p. 7; Eusèbe Vassel, /.'■ Panthéon d ffannibal, extrait de la Rev. lun Tunis, 1912, i>. 9.

140

L'hommage suprême, on le devine, est rendu sur le « Chemin des Génies », Zqaq el Djenn, qu'un sentier en falaise prolonge à l'Ouest jusqu'à la crête d'Oumm Rdjila. Les Soudanais, pour ne pas demeurer en reste, ont édifié une mzara en contre-haut de Zqaq el Djenn, qu'on décore du titre de « Sidi Msid » ; l'appellation est, toutefois, relati- vement récente.

Peut-être que le prétendu Sidi Hazzoum, dont la mzara est au pied d'un pittoresque bloc, n'est il qu'un prétexte à ce culte aux rochers. Ce nom prête à un important rappro- chement; il sera indiqué en ce travail.

A Bkira, un groupe de rochers est entouré d'une haie vive de figuiers de Barbarie ; la roche la plus élevée de ce groupe rocheux se trouve entaillée par une niche (!) phéni- cienne, à sommet triangulaire. Le groupe est limité à l'Est par le chemin de Fedj Bkira. La niche est située sur la paroi qui fait face au chemin conduisant du bordj à la gare du Hamma par 'Aïn-Sahridj ; on l'aperçoit très bien de la route. Il est évident qu'à l'époque phénicienne, elle abritait quelque chose; un évidemenl intérieur en témoigne, c'était vraisemblablement la statue d'une divinité. La divinité a laissé des souvenirs. Le groupe est vénéré par les indi- gènes ; ils lui donnent le vocable de Lella Mestaoua(2); de nombreux ex-voto déposés dans les anfra^tuosités des blocs témoignent la continuation d'un rite cultuel qui s'adresse maintenant non à la représentation sacrée disparue depuis des siècles, mais aux objets placés sous sa garde tutélaire : les rochers.

(1) Cf. J- Bosco, apud Toutaln, Bull, arch., 1911, p. 154.

(2) Le nom de Mestaoua est assez fréquenl en toponymie arabe nord- africaine. 11 s'appliquait, selon les indigènes, à une plaine resserrée par des ravins ou des montagnes, ou par les uns el par les autres. 11 vlendraii du nom d'un objel dont il emprunte la forme, le mot Mest \Z^*~<* « Botte ». On trouve, rapprochement curieux, les éléments de celui-ci dans notre ins crlption llbyque du Djbel el Ouabcb; elle se compose uniquement de trois grandes lettres mts et a été relevée précisément non loin du Mestaoua du massif en question. Cf. itec de Cous/.. 1914, pp. 275 576 el planche.

141

Les Arabîs n'ont pas l'idée de l'affectation primitive de l'antique cavité et elle n'est plus, à leurs yeux, qu'une anti- que Taqa « fenêtre ».

La même remarque s'applique à un monument funéraire phénicien, appelé par eux Setha «Terrasse». C'est une masse rocheuse (1) à la surface de laquelle on constate une banquette; elle devient une plateforme tabulaire; on voit à chaque extrémité de la plateforme une cavilé sépul- crale. De nombreuses Kharbgal2) antiques émaillent la ban- quette et l'espace compris entre les deux fosses tombales.

La Setha est située sur la piste du Col de Bkira, à quel- ques mètres du bordj et de Lella Mestaoua, à l'intersection de la piste du Col avec celle conduisant à la gare du Hamma par 'Ain Sahridj « Source du Bassin ». Celui ci, situé dans un jardin, est, comme la source, d'origine romaine.

La Setha a à sa droite le Dr'aa, f îj-5, « Bras». C'est une langue rocheuse s'avançant en pointe et qui a l'allure du membre corporel dont elle tire le nom. Sur sa paroi occi- dentale, il y a gravées des inscriptions funéraires romai- nes d'une lecture très laborieuse (3). Vers le milieu du petit promontoire rocheux, on remarque une ligne horizontale de trois cavités rectangulaires, fosses à ossements, peut- être Un, menhir à sommet arrondir*), avec texte épigraphi- que libyque probablement, se trouve au-delà du Dra'a et de Lella Mestaoua, en aval et sur la piste dn « Col de Bkira ».

i i t. Joseph Bosco, apud J. Toutaln, Bull. arch. du Co nité, I9U, p. 134.

.■ ii sera question fie KJiarbgra, a propos notamment de la nécropole phénicienne du Mançoura.

Di i lnscrlpttons latines rupestres soni Indiquées au Msld. < r Steph.

Il, Atlas archéologique de l'Algérie, In-folio, Algrer, 1911, reullle 17,

istantlne, n*31, p. l». Deux de ces inscriptions onl trali au bornage du

i ,i Salluste ei se trouveni & Bkira aux abords d'Ain h m Khmls ; la

tlficatlon en a déjà été Faite d'ailleurs, cr. Ibidem, Supplément, p. 9. Les

autres dolvenl être toutes reportées au Dra'a. Ces inscriptions funéraires

rupestres soni analo celles qu'on observe notammeni a Uzells

Oudjel). Elles soni parfoU, comme a SI gais, remplacées par l'image du

mort. Cf. De La Mare, Exploration scientifique de l'Algérie, iivhéologiet

Paris, m ', . 1850 1851, pi. 50, ris 6, ; Gsell, Texte explicatif, p

(i) cr. Bull, arch., /<«■■ cit.

142

Une juxtaposition de croyances aussi disparates s'observe encore à Bkira, au deuxième groupe de vestiges antiques, c'est-à-dire à Sidi Bou Khmis. Il y a d'abord un éboulis cahotique de roches d'un superbe effet et qui tenterait la palette d'un peintre ; c'est Sidi Bou Khmis dont le nom est donné aussi à la source située tout près de là, mais, par- ticularité que nous soulignons, avec l'ablation du titre de Sidi. Cet amas de blocs forme un couloir que l'on peut traverser de part en part. Dans ce réduit, on admire de nombreux et variés ex-voto : poterie, aromates, bougies de cire multicolores, oriflammes. Interrogez à ce sujet les indigènes. Ils vous répondront tous que ces objets ont été donnés afin d'honorer les dépouilles mortelles d'un très vertueux ouali (saint personnage), celui-là même qui a doté de deux toponymes la localité.

Est ce bien exact?

11 est impossible que le sol rocailleux de la petite grotte soit en état de recevoir une sépulture. En réalité, on se trouve encore en présence d'un culte qui n'ose s'affirmer, qui se transmet inconsciemment, le culte des rochers.

Mais poussons plus loin nos investigations.

Un peu plus au Nord, et faisant face au dolmen Lella Za'aroura (lequel se trouve derrière Kèf Bou '1 Droudj), se dresse un abri sous roche appelé par les indigènes El Ilouanet « les Boutiques ». La désignation arabe vise la forme extérieure de l'excavation. Plus renseignés que nos amis Bekiriotes, nous donnons à la petite caverne un voca- ble moins matériel, celui de « Grotte des Martyrs ».

A la paroi de droite on voit, en effet, à côté d'un chrisme, ce mot unique mais combien éloquent, MARTVFT. La der- niùre lettre est très fruste; sous certains éclairages propi- ces on la voit suivie d'un petit V ; parfois aussi l'R ne se distingue que sous la forme d'un I. Dans tous les cas l'émi-

143

nent M. Paul Monceaux a lu notre estampage : (Mensa) Marturu[m] (1).

Sur la même paroi, plus bas, il existe un second mot, il n'est pas de la même époque, cela saufe aux yeux. Il est certainement l'œuvre d'un indigène antique peu familiarise avec les formes de l'alphabet romain. C'est le mot DEOBA ; le I) et le B sont dans un sens opposé. Il prête à une dou- ble interprétation.

La première serait de voir en ce laconique et peu com- mode texte épigraphique une formule donatiste : « D[eo b[r- nedicto a[ltissimo] ».

La dernière renfermerait une abréviation également, elle concernerait une divinité des eavernes trop connue pour qu'on ne nous dispense pas, au moins pour l'instant, de nous étendre à son. sujet : DEO BA[CAX.

El Ilouanet est à une centaine de mètres de Kef Bou ' l Droudj, à 90 mètres de Lella Za'aroura.

Bkira est décidément la terre de la piété. On a vu ce qu'elle a été à ce point de vue dans l'antiquité, et, sous ce rapport, elle ne le cède pas de nos jours, car à côté de Si li Bou Ivhmis, de Sidi Bou Hdjar, de Sidi Mousa, - celui ci ligure dans l'aete de Habous, - d'un autre santon Sidi 'Adjroud, de Lella Za'aroura, de Lella Mestaoua, il y a en- core Lella Bkira.

Le culte s'exerce aussi dans une caverne rocheuse appe- lée « Ghar Lella Bkira », et située au sommet, entre les deux cols. La forme tangible du culte, est toujours la même : des dons d'ex-voto de la nature déjà indiquée.

La légende a beau faire de « Notre Daine Bkira » une sainle anachorète dont le nom a servi plus tard à design r tOUlc eelte terre '-). il n'en lcMe pas moin S acquis que l'on

ini il il" Mail i, 13 Jan\ lei

Ibidem, apwt romain, Bail, arch., 191 1, p chanoine Jaubert,

de Const., i.'i'.1. p. 6 et note .' i i reproduction du rrapbique qu'en

donne le ch in tin i lai Irer.

apud .i Toutaln, Bull, arch., 1911, p, 154.

144

se trouve ici en présence d'une personnification de toute une région. C'est, avec Lella Mestaoua, l'argument le plus probant de la survivance du vieux culte phénicien de la terre parmi les indigènes.

Des constatations d'un intérêt eaptivant viennent mar- quer les deux étapes les plus extrêmes de ce culte; elles forment la longue chaîne des siècles, reliant, souciant le passé à l'époque actuelle; il faut, pour les saisir, retourner encore à la « Grotte des Ours » et à la « Grotte du Mouflon ». En la grande salle de la première de ces cavernes, à gauche et à une certaine élévation du sol, une Mzara, sans but hien déterminé, fait apparaître aux )eux de l'observateur l'exer- cice actuel de l'antique culte On retrouve le point de dé- part de celui-ci à la « Grotte du Mouflon ». Il nous est révélé par un fragment de sculpture en calcaire très blanc ayant : hauteur 0m21, largeur 0m13 et reeueilli récemment dans la tranchée de la chambre de gauche ; un pointillé en creux, analogue à celui qu'on remarque sur certains édifices cul- tuels phéniciens de l'Ile de Malte (1) et de Garthage l'affecte. L'hypothèse d'un culte phénicien à la « Grotte du Mouflon » peut s'imposer. Notons d'abord l'ampleur de cette grotte t Une longue chambre au sol rocailleux la prolonge à droite; ce;te dernière communiquait peut-être aux époques préhis- toriques avec la « Grotte aux Chauves-Souris », négligée jusqu'ici par nous. L'excavation, en boyau, s'ouvrant à la base du Qbou et se dirigeant du Nord au Sud et ensuite à l'Est atteint une quarantaine de mètres de longueur et se trouve située à 15 mètres environ de la chambre en question.

Notons encore à même le sol de celle-ci une entaille de 0m10 de côté, semblable à celles observées dans la « Grotte du Qbou ». laquelle se relie directement par un sentier en rochers aux excavations du plateau d'El Gli'aa.

(i) r.r. Perrol ei Chipiez, Sist. de l'Art, ni. p. 302, figf. 226. Cf. Hg.227,

p. 303.

145

On verra dans la nécrépole phénicienne du Mançourà des preuves évidentes d'un culte pratiqué dans des caver- nes.

L'homme a fécondé de son labeur, embelli de son ingé- niosité, idéalisé de sa rêverie cette terre, à la poussière de laquelle il a mêlé sa propre poussière. Et si de l'effort dé- pensé à travers les siècles et les âges, la terre n'a gardé que faiblement la trace, elle conserve par surcroît jalouse- ment le souvenir des vieilles croyances qui ont bercé son hôte passager et lui ont poétisé la vie.

Avant de quitter Sidi Khlil, auquel nous sommes redevables de cette digression hagiologique, disons que juste en face de l'arbre du saint marabout, il existe, au lieu dit Mdououed, au bord du cours d'eau, une carrière romaine. Il y a aussi des pierres de grand appareil, quelques-unes de forte dimension, aux abords du dit arbre. Des ruines romaines se rencontrent le long de cette rive, ainsi que sur la rive opposée.

Des quartzites et des silex taillés ont été vus aux abords de Sidi 'Ali 'Eurab et de Sidi Khlil.

D.

Mechta Tafrent, ^Jj_aJ jL"_Au-*

L'étape qui suit après Sidi Khlil est une terre appelée également comme à Bkira, mais Lella en moins, Mestaoua.

On peut y parvenir par le Mdououed, que domine la Mechta Tafrent, et par Fedj l'Ënzaouèt. On connaît ce col. Une halte avant de l'atteindre est nécessaire à Mechta Tafrent.

146

C'est plutôt une dechra un peu déchue. Elle porte un nom typique, celui du mont voisinant avec Bkira, le Djbel Tafrent, et dont la signification est « Mon- tagne du chêne-liège»^). C'est un terme hybride mi-arabe, mi-berbère, il signifie que ce pays était autrefois couvert d'essences forestières des plus utiles à la colonisation.

La Mechta elle-même évoque un souvenir lointain de cette colonisation; une femme, une romaine, [The]o[do]ra y mourut à l'âge de 82 ans.2); elle avait probablement une propriété.

Avec la trace des Romains, on retrouve à Mes- taoua celle de plusieurs civilisations antérieures.

(1) Tafrent est le Quercus Suber L., ou chêne-liège, Cf. C Rivière et H. Lecq, Traité pratique d'agriculture pour le Nord de l'Afrique, Paris, 1914, p. 438. Dans le dialecte kabyle de Bougie, le mot signifierait, nous assure-t-on, ■■ jujubier », (zizyphus),

M- Gustave Mercier fait dériver Tafrent soit de Efren « trier », «lier», « choisir ». soil de Kill'er « cacher ». Il constate que le mot est employé à désigner un grand nombre de localités en Algérie. Cf. Etude sur fa topo- nymie berbère de la région de l'Aurès. Actes </u Congrès des Orienta- listes, Paris, 1897, p. 28 du tiré à part.

Tafrent. en arabe l'einen. est employé comme toponymc en tous les pays de langue berbère et notamment au Maroc, cf. Vicomte Ch. de Fou- cauld, Reconnaissance au Maroc, issa-tsm. Texte, ln-4», Paris, 1888, pp. 288, :

Les ressources typographiques locale-; ne nous permettenl pas de repro- duire en caractères originaux les mots berbères tels que Tafrent.

Pour la même raison, la sous-ponctuation de certaines lettres n'a pu être donnée partoul et notamment dans les cuites.

(2) Cf. J- Bosco, apud Hinglais, Rec. de Const., 1906, p. 431.

14"

V.

Le Djbel el Ouahch, >*>. J! Ju-»- Mes- taoua s ?L~*. Le Djbel Sidi l'Akh'dar

wCaâ-^T CJw^. J--^« Ras ei 'Aïoun,

~*JJ ^ij.

A

Mestaoua

Mestaoua, se trouvent les quatre lacs artificiels, ainsi que la pépinière, est une infime partie de l'im- mense massif du Djbel el Ouahch. Mais les Cons- tantinois qui adorent l'admirable oasis créée par nos ingénieurs et nos municipalités, synthétisent tout le massif en cette oasis qu'ils appellent « Jibel Ouach ».

Le nom de Djbel el Ouahch est expliqué de deux manières par les indigènes. A quelle époque remonte la dénomination, nous l'ignorons. Peut-être est-elle mentionnée dans un acte datant de 1751 de notre ère et par lequel un Gha'bèn ben Djelloul se rendai- acquéreur de dix à douze mille hectares en ce mast sif (D.

En ce qui concerne la signification, on sait en pre- mier lieu que les Arabes donnent le nom de Bgueur el Ouahch ou Ouahch tout court au Cerf ainsi qu'au Bubalus boselaphus; notre confrère M. Joleaud en déduit que l'aire de l'habitat du cerf a pu s'étendre, d'où le nom, jusqu'à Djbel el Ouahch'21.

i ii Va Bec de ( onst-, v 310, noie i.

Ifric., IW2, p 181, note •-• Cf. p. 175, note

148

D'après des vieillards de la région, tel serait en effet le sens de l'appellation, Djbel el Ouahch signi- fierait donc « Montagne du Cerf ». La seconde ver- sion interprète le toponyme « Montagne de la soli- tude ». Les deux manières de voir sont favorables à cette thèse : On a adoré la forêt à l'époque où, selon la toponymie, la forêt abritait le sanglier i1), le cerf (2) et que le chêne -liège peuplait ses flancs, domaines aujourd'hui presque sans partage du diss ; on vénère l'arbre qui, par sa robustesse et sa verte vieillesse, représente la forêt si bienfaisante pour la contrée et dont la disparition a transformé celle-ci en une vaste et mélancolique solitude '3).

Au milieu de cette ambiance de mélancolie, Mes- taoua (ou « Parc De Lannoy », ainsi que la dénomme une décision municipale récente), avec ses bosquets et ses eaux, vient jeter une note gaie.

Elle est mollement assise au pied du relief le plus élevé des environs de Gonstantine, le Djbel Sidi

1 1 Le terme Hallouf, pluriel Hlèlef, n'était appliqué par nos indigènes, antérieurement à la conquête française, qu'au sanglier; il désigne mainte- nant plus communément le porc. Le toponyme de Bkira, figure le mot Hlelèf, est mentionné clans l'acte de Habous. Il est clair que la dési- gnation ne visait que le sanglier, le seul qu'ils connaissaient et qu'ils chassaient parfois comme bête nuisible et non le porc, dont la religion leur interdisait non-seulement l'usage, niais encore l'élevage.

Le sanglier, Sus Scrofa L-, n'est pas d'hier en notre région. Il a été constaté paléontologiquement à la » crotte du Mouflon » (Debruge, Asso- ciât-, R.821), à la « Grotte des Ours ». (Pallary, apud Debruge, Mec. de Const., 1908. p. 152) et » la « Grotte des Pigeons « (L. Joleaud, fiec. de Const., 1916, pp. -.'6. 39, 30).

En 1853, on découvrait à 700 mètres du pont d' « El Kanlara », dans les fouilles de la conduite d'eau du Djbel el Ouahch, les ossements fossiles d'un grand animal ayant des défenses analogues à celles du sanglier. Cf. L'Africain, Estafette de constant/ne. 20 novembre 1853.

(■2) Le Cerf Sp. ru ! reconnu à la - Grotte du Mouflon » (Debruge, toc cit.)_ ainsi qu à la « Crotte des Ours » (Pallary. toc. cit., p. 153).

3 Ouahch, en arabe, est la solitude engendrant la tristesse, la crainte l'épouvante. Sur le mot Ouahch et ses dérivés. Cf. A. De Biberstein KazlmlrsKl, /net.

arabe fran\ ais, II, Paris. ln-8°, 1860, au terme ^j*>s

149

Abi Allah , dont l'altitude atteint presque 1,100 mè- tres (i).

Mestaoua révèle, comme dans le bassin de l'Oued Khenga, une très vieille civilisation pré-phénicienne, et c'est encore à M. Debruge qu'on en doit la décou- verte. Il a, en effet, exhumé d'un des lacs momen- tanément desséchés, une industrie paléolithique d'un intérêt considérable I2).

Les Romains y ont construit un édifice d'une cer- taine importance'3). A cette époque,- on a adoré en ce point Mercure; un bas relief, de bonne exécu- tion, en calcaire, ayant: hauteur 0m52, largeur 0m22, épaisseur 0m08 et encastré dans le mur extérieur de la maison du garde, à droite, l'atteste.

B.

Le Djbel Sidi l'Akh'dar, ^^-21 cj^- J-:-?-

Mestaoua développe sa plus grande largeur au Sud; c'est qu'elle apparaît se limiter toponymi- quement avec un contrefort méridional de Sidi 'Abd 'Allah, le Djbel Sidi l'Akh'dar, sur la rive droite du cours supérieur de la « Hivière des Chiens », que baigne la pittoresque gorge de 'Ochch el 'Fugab, existe un captage d'eau français.

Sidi l'Akh'dar incarne un culte mixte, le culte de l'arbre associé à celui des rochers. Au sommet du

i Exactement 1.082 mètres <r Carte i El Iria, /"-■. cit.

Ailleurs, le Djbel Ouahch dépasse cette altitude.

r Debruge, Rec. de Conat., 1911, pp. 219-229 el planches l i Joli Reu ifric., 1918, p. I

Cl Del annoy, apud Debruge, toc. cit., p

150

mont, dans un amas cle rochers de grès medjaniens, poussant, on ne sait comment, de vigoureux ulma- cées; de multiples ex-voto s'échelonnent dans les interstices des blocs et à la base de l'arbre principal.

Il devient oiseux de répéter sans cesse la même antienne, le Ouali Sidi l'Akh'dar n'est encore ici qu'un paravent, en vertu de cet adage, point pour- tant oriental « Le pavillon couvre la marchandise ».

Dans tous les pays d'influence phénicienne, des traces du culte à la terre, aux arbres, aux rochers doivent subsister parmi les populations modernes, mais celles-ci ne l'exercent qu'ataviquement, en ignorant même l'origine, inconsciemment f1).

Ras el 'Aïoun, .j^*J) , ^ ' ,

Entre le Djbel Sidi l'Akh'dar et 'Aïn Driès, nous noterons très rapidement, car nous avons l'intention d'y revenir, un système hydraulique antique du plus haut intérêt. C'est un captage d'eau indiquant quatre époques bien tranchées et qui ne peuvent, d'aucune façon, être confondues; l'époque préro- maine, l'époque romaine, l'époque islamique et l'épo- que française (2L

i A .Maiic le pays le plus catholique du monde el dont la foi esi restée vive el intacte depuis l'apôtre Saint-Paul, on jure encore par le dieu des Pierres < el le « dieu de l'Argile > : Haqq Alla ta! Hagiar, Haqq Alla tai Tafal. Ces jurons som censés être le correctif à des jurons beaucoup moins Innocents.

2) Malgré toute notre diligrence, oous n'avons pu savoir de raçon pré- cise à quelle é] ue remontait ce captage. n'ai ht- Béquet, Annuaire civil

et militaire cle l'Algérie pour 1848, Paris, in-8°, juillei 1848, page 116, on capta les eaux de Sidi-Maorouk en même temps que celles de >• l'Oued el Bragatl ». Oued Bin el Bragnets), Cf. Louis Piesse, Itinéraire historique et descriptif de l'Algérie, ln-12, Paris, 1862, page 378. Avani leur captage, les eaux de Ras el Aïoun se déversaieni dansl'Ouèd en question.

La conduite de SldJ MabrouK a été terminée en 1848. Cf. Tableau de la situation des établissements français dans l'Algérie, 1846, 1847,184 l 19, Paris, m V' 1851, p. 347.

151

Le liquide capté parvenait à lepoque romaine aux vastes citernes existant sur la propriété Plantaz- Floquet 1); l'endroit porte en arabe cette désignation

bien typique de Djnèn el Hammèm. _, LjjUf , \j&.

« Jardin du Bain ». 11 est sur la rive gauche du Grobbodj, faubourg Lamy.

Du Grobbodj, en franchisant la rive gauche, on p;isse dans une autre circonscription territoriale de Constantine, le Mançoura.

VI

Le Mançoura, '< ( y^Di

1.

Peuplement forestier

Le Mançoura acquiert à nos yeux une importance exceptionnelle; cette hauteur ne renferme-t-elle point en ses lianes une nécropole phénicienn pouvante rivaliser avec les plus belles de ce genre? Il nous

i i r. .i Bosco, i propos de Toponymie, Républicain, 21 .1 < Ti t r> Quelques Inscriptions funéraires el deux dédicaces ou fragments de dé- dicaces oni été exbumés sur la propriété Plantaz Fioquet. Cf. Rec. de Consl. 1903, pp. 287-290 ; 1907, p. 262. Les deux fragmei essous -"in iné-

dits.

/G RVS

EA"1 PER-Ll

iOD -oi

Nous avions remis, en 1902, ni regretté Vars, sans 1er copie, l'es

tampage d'une runéralre Intéressante concernant nu légionnaire romain; i'estamp i L'inscription ;i été employée dans la maçonnerie

ci,'- bal Imenl

i.a propi intaz-Floquel tmble avoir appartenu autrefois

une terre de plus grande étendue appelée Bled B Sir Grenvllle

ci Palbe, Relation, /<"•. , des citernes.

i.,- nom arabe du faubourg Lamy esl ri Greïer, t~' Ml el signifie •rai jmplanté de figuiers de Barbarli

152

faut faire saisir son caractère archaïque, démontrer son origine véritable, préciser ses confins primitifs.

Pour ce faire, une foule de questions apparaissant de prime abord, hétérogènes et sans lien avec le sujet, vont nous solliciter. Elles seront étudiées avec tout le soin nécessaire, dussions-nous, par l'ampleur donnée à chacune d'elle fatiguer le lecteur.

En premier lieu, l'examen portera sur l'hydrauli- que du mont, but nouveau de notre visite

Au préalable, il sera dit un mot visant certaine flore de l'éminence.

Il n'est pas en notre esprit d'inventorier la florule, si intéressante soit-elle, du Mançoura. Nous consta- terons simplement, avec tous nos concitoyens, le superbe développement de la forêt des pins créée par les Français sur les flancs jadis dénudés de ce mont.

La pomme de pin sculptée aux côtés du person- nage rupestre de la nécropole phénicienne, montre en quelle estime était tenu chez les Phéniciens l'ar- bre produisant ce fruit; ils en avaient fait de l'un et de l'autre un symbole divin. Il faut en conclure qu'à l'époque phénicienne un semblable peuplement fores- tier noyait, sous un nid d'éternelle verdure, le site plein d'ombre de notre faubourg (*).

(i)Les pressoirs ;i huile du Msid prouvem qu'il cette époque lointaine on cultivaii l'olivier sur les lieux: les ollvastres qu'on remarque encore tani on cepolnl qu'au ravin ne soni probablement que les rejetons de ce bois, cloiu retondue se repère en outre aux environs do la ville.

153

2. Sources publiques

A.

'Aïn el Louzet, sJi^l wUI ^.s.

Il a été indiqué, indépendamment de 'Ain el Glidir, entre le pont d' « El Kantara » et Mdjez el Ghnem (pont d'Arcole), deux sources : 'Ain el Louzet o source des Amandiers » et 'Ain el Mizèb I1'.

La première de ces sources, au rapport des indi- gènes, émergeait jadis à Blèd Takkouka. Cette terre a été expropriée par l'établissement de la voie ferrée au faubourg. On voit dans le talus, en face les quais de la gare des voyageurs, deux sources perennes; elles sont à la distance, l'une de l'autre, de 70 mè- tres environ. Leurs eaux se confondaient autrefois et il est probable que l'appellation les concerne.

B.

'Aïn el Mizèb

Sur le plan de Constantine, par Ravoisié, ligure,

de l'autre côté du ravin, une « fontaine » ; elle se

trouve vers le milieu de la ligne des deux pointes

extrêmes du rocher « El Kantara » et Sidi Rached (2i.

(1) Cf. Dureau De la Malle, Voyages de Peysonnel et Desfontaines, II, Appendice, loc. cit., i> 2136.

Cel appendice, déjà cité par nous, esl consacré a la reproduction d'une Notice sur i ine, anterleuremeni ;i la prise de la ville par les t'ran

cals, i m ne connaii pas l'auteur de cette pièce que noua avons reproduite en partie dans ['Indépendant, de Constantine, des 31, 22 el 23 mal 1909. Bile a

été traduite en arabe par Limbéry, Cf. *=*■> =-,— iLL.— a...JI <r _^. ,

\^^i^^î, m i . 1346 de l hégire, feull qq, manuscrli inédit, 1797,

de ïa Blbliothèq ommunale Llm béry rail l'attribution de la Notice reull-

let 30 au Maréchal Valée, ce qui, à notre avis est très douteux.

Nous signalons un autre inanuscril Inédil de Limbéry, aussi Inl *res en français, intitulé au dos Les Vrabes Illustres >, 1856. Il appartlen h in h ;i la Bibliothèque en question, n* I79d ; Il renferme sur les Vra documents paléotrraphlques que, pour notre part, nous n'avons \u- nulle pari ailleurs. Pourqu il ne publie i on pas ces ouvrages '

■: i r. Exploration, Beaux \ris. loc. cit., i>i il. p. 26.

154

La même fontaine « existe au même emplacement dans le plan de la dite ville par De la Mare'1'.

C'est probablement 'Aïn el Mizèb, ^ A L4J ^s,

« Source du Conduit ».

Sir Grenville Temple et Falbe n'ont pas ignoré cette source (2) ; et ils l'identifient avec celle que men- tionne en ces parages Léon l'Africain (3). Selon ce géographe, la source avait une inscription en carac- tères hiéroglyphiques (4 .

Peut-être renfermait-elle un texte phénicien passé inaperçu <5'.

'Aïn el Mizèb, aménagée par le Service des Ponts et Chaussées, n'occupe plus son emplacement pri- mitif; la dénomination, fait qui se produit souvent, a suivi la fontaine dans la pérégrination. C'est celle que l'on voit en contrebas du talus, rive droite du Rhumel, vis-à-vis de l'infirmerie indigène.

On est en train de transformer ce talus en square. Une faille, située à quelques pas de la vieille fon- taine, prend le nom de cette dernière et s'appelle

(1) Cf. Exploration, Architecture, loc. cit., pi. 113.

2 CE- Relation d'une excursion, p. 76.

(3) Johanis Leonis Africani. De Africae descriptione, édition Elzevir Lugdini Batavarum, II, MDCXXXII, p. 543. Tous les géographes anciens uni reprodull ce renseigrnemenl de Léon L'Africain. Citons : Pierre Davity, Description générale de l'Afrique, in-f°, Paris. MDCLX, p. 210; L'Afrique ,/<■ Marmot, d+. la traduction de N\colas Perrot, Sieur d'Ablancourt, il. Paris, in-'i°, MDCLXVII, p. 440; D. 0. Happer. 1). M. Description de V Afri- que, traduction du flamand, Amsterdam, in-fu. MDCLXXXVI, p. 187. De l Afrique contenant lu description de ce pays par Léon VAfricain, tra- duction de Jean Temporal. Paris, in-12, 111, 1830, p. 16.

(4) Le voyageur allemand Hebenstreit venu à Constantine au XVIIIe siè- cle aurait vu a L'ancien puni <i El-Kantara ■> notamment, des hiéroglyphes égyptiens, c.r. Nouvelles Annules de Voyage, t. XL VI, in-8°, Paris, 1830, probablement p. 61. L'exemplaire consulté est incomplet.

(5) Dans la célèbre coupe de Palestrina, le texte phénicien ne comporte qu'un nom, lu texte hiéroglyphique égyptien qui l'accompagne a, en re- vanche, plusieurs lignes. cf. Corpus inscriptionum semeticarum 1, 2, a' L64, pp. 215 216.

155

conséquemmentFellet 'Ain elMizèb. Cette faille four- nissait aux grimpeurs, antérieurement à la cons- truction du « Chemin des Touristes », une occasion de plus de descendre « dans l'abîme ». Vers les deux tiers de la hauteur de la faille, il existait encore, il y a deux ans, une sorte de corniche et des pierres de taille antiques. Ces vestiges ont certainement une relation : avec les vestiges des parages de la gare et avec le pilier que l'on remarque sur la rive gauche du ravin. Il a existé, contrairement à ce qui a été diU1), un pont gigantesque entre l'infirmerie et la faille du Mizèb. Nous traiterons la question plus amplement plus tard.

o.

'Aïn el Mrabet ou Atn el Qgob

Nous n'avons pas encore de renseignements posi- tifs au sujet d'une source de ce nom, dont la signi- fication est « Source du Marabout » et « Source des Roseaux », coulant actuellement sur la propriété de notre confrère M. Bernard. Cette propriété est située à 300 mètres au Sud du o Rocher des Martyrs », sur la route qui, du pont d' « El Kantara » conduit au pont d'Arcole. Elle n'est pas mentionnée par l'Appendice. C'est peut-être là, existent de nom- breux vestiges antiques dont nous parlerons, qu'il faudrait placer l'introuvable ferme portant le vocable phénicien romanisé par la suite de Muguas; c'est à

i Sur ce piller, cf. en attendant < berbonneau, Journal asiatique, 1849,

p 211. Il en fall un pilier d'aqueduc II a été considéré comi punique.

Cf- L>' Guyon, Voyage d ilger au Ziban.. . in 8*, Uger, 185*2, i>

156

Muguas que furent arrêtés les saints martyrs Jac- ques et Marien f1).

D.

'Aïn Çafçaf

Au moyen de conduites souterraines, le dernier bey de Constantine avait fait réunir les eaux d"Aïn el Mizèb, dont il a été question, avec celles de 'Aïn Çafçaf (( Source des Peupliers », émergeant à Sidi Mabrouk; le tout coulait dans un bassin près du pont cl' c El Kantara » '2l.

'Aïn Çafçaf est probablement la source que Ton voit dans les jardins de la Remonte, qui est d'un captage antique et que les Français appellent Source du Marabout » (3 .

'Aïn Mehboula

La a Source folle », telle est la signification de la désignation, justifie amplement son titre. Elle cesse de couler pendant des mois, des années même, ré- apparaît pendant un temps plus ou moins long et disparaît ensuite. Les pluies locales n'ont aucune influence sur elle; nous l'avons vue couler au plus fort de l'été, nous l'avons vue interrompre le débit dans la saison pluvieuse. En cette dernière saison il se forme parfois une seconde source éphémère à une cinquantaine de mètres au Nord de la première.

(i) Cf. provisoirement Rulnart, Acta martyrum sincera, édlt. 1713, Passio sanctorum Jacobi, Marianiel aliorum plurimorum martyrum in Vumidia, pp. -■ 3, l, apud Paul Monceaux, Histoire littéraire de l Afrique chrétienne, ln-8°, Paris, 1902, pp. 153, 154 el notes.

(■>) cr. Appendice, io<-. cit., p. 336.

13) Cf. notamment De ta Mare, loc. cit., pi. 150; Gsell, Texte explicatif,

i). 1

157

Les Constantinois connaissent bien la fantastique et capricieuse source, ils ont francisé son vocable en celui de o Fontaine Mahboule », mais ils la confondent toponymiquement assez souvent avec 'Aïn Sahridj » à laquelle ils donnent le nom de « Fontaine du Curé «. Il est ici fait allusion au Père Landmann, concessionnaire de la propriété; il dirigea la paroisse de Notre-Dame des Sept Douleurs, de Constantine, après l'abbé Suchet, qui en fut le pre- mier curé (J).

La « Fontaine du Curé » se confond à son tour avec la fontaine monumentale construite en 1846 <2), restaurée ou plutôt complètement transformée en 1863 et qui est située au bord de la route, à proxi- mité de la Pépinière C'est l"Aïn Bou Tambel des indigènes.

F.

« Fontaine du Garde »

Cette fontaine, en aval de 'Aïn Mahboula, est éga- lement très connue; elle est alimentée par les eaux

de la ville.

3.

Citernes antique*

A.

On a noté une citerne antique avec tuyau de conduite en plomb dans la cour de l'ancienne Fcole normale d'Instituteurs, avenue du Mansoura.

i L'abbé Landmann, Les Fermes </" Petit Atlas, ln-8*, Paris, 1841, pp 1". 28, 29; -i Bosco, Rec. de Const., 1914, p. 286, note 5.

2 Cf. Tableau '/<• /" situation des Etablissements français dans l'Ai- m i; Paris, mm i l i.vn. p. 681. Elle aval) un débli de t .v< litres

158

B.

Des citernes et une galerie souterraine sont indi- quées dans les parages*1).

o.

Citernes antiques du Quartier du 3e Chasseurs

d'Afrique

Dans le quartier, à l'Ouest, presque au bord du plateau, on voit une citerne ayant environ 4m50 de longueur sur 3 mètres de largeur. Elle est cintrée en briques; un enduit couvre les parois susceptibles d'être atteintes par le liquide. Celui-ci est amené à la citerne au moyen d'un procédé moderne. On note à l'entrée du réservoir un fragment en marbre de chapiteau à volutes paraissant ancien, comme le réservoir, au surplus.

Il est à noter que l'unique source, à très faible débit d'ailleurs, qui jaillissait dans la nécropole était celle d"Aïn Mehboula, située à 150 mètres environ au Sud des cavernes sépulcrales.

Les citernes, bassins et réservoirs sur roche de la nécropole phénicienne du Mançoura ou des alen- tours viennent attester que sous ce rapport celle-ci n'était guère mieux favorisée dans l'antiquité.

4. Le hameau de Sidi Mabrouk, v - > « ^^ ca.^

Si nous ne nous trompons pas, l'hagiographie isla- mique de Gonstantine, soit écrite, soit orale, ne four-

i cf. Sir Grenville Temple et Falbe, pp. :-i. 7:.: Ravoisié, i. pp. 12, 13, pi. ii, ngr. J.

159

ni t aucun indice au sujet de la personnalité mara- boutique de Sidi-Mabrouk Mébrouk selon la pro- nonciation locale dont le nom se rattache au ha- meau que l'on sait.

On avait élevé au Santon un édicule'1' qualifié par les Français de « Marabout », d'où le nom français de la source située alors à proximité ou à l'intérieur de Tédicule.

Non loin de la source existait une basilique chré- tienne ; elle a pu remplacer un temple dédié à Esculape 2|.

A Henchir Hammam Aquae Flavianae des Ro- mains, — près Khenchela, les eaux thermales d'une source sont dédiées à Esculape associé à Hygie <3).

Mabrouk, Mébrouk, dans le langage courant de Constantine a le sens de « propice », « favorable », « profitable » ; ce sont des qualifications d'Escu- lape. Cette coïncidence serait-elle purement fortuite? Esculape identifie le divin Echmoun des Phéniciens'4).

Le plateau du Mançoura a donné plusieurs ins- criptions romaines ; il renferme de nombreux ves- tiges antiques, colonnes en marbre ou en granit, chapitaux corinthiens et d'autres ordres, mosaïques formées de cubes en calcaire gris, pierres de grand appareil, etc. ; ces débris sont disséminés principale- ment aux abords du hameau. Q. Pactumeius Fronto l'illustre cirtéen y possédait sa villa ' .

1 i r De la Mare, pi. 150, rigr- 16 Gsell, texte explicatif, p. 136.

2 CI J. Bosco, Rec. de Const., 1915, p 105, noir 2.

CI C /■ T., VIII, 177-.''., \> Il ', Cf. C / S. l. i. -'. ii 143, p 18S .■ Cf. Bosco, Ibidem- .

160

Il y a quelques années, il a été constaté à 400 mè- tres environ au Sud-Est de la nécropole phénicienne d'abondants fragments de céramique et de poteries antiques ; la plupart avaient la coloration noire. Celles-ci sont peut-être Cretoises ou grecques f1). Dans les mêmes parages, notre ami M. Kolle recueil- lait récemment un fragment de poterie du type rhoclien avec estampille grecque'2). Récemment en- core, les tranchées effectuées en divers points du plateau pour les exercices de tir de mitrailleuses, ont amené la découverte de spécimens d'une indus- trie d'un autre genre, des pointes en quartzite, des pointes en silex barbelées, etc., de diverses époques du préhistorique (3).

VII Qaria, h yJu\ Cha'ab er Rçaç, v ,_*_£,

U J

Le Mançoura, limité à l'Est par la « Rivière des Chiens », au Nord par le Grobbodj, à l'Ouest par le

(1) Cf. L. Franchet, Nouvelles archives des missions scientifiques et littéraires T. XXII, MDCCCXVIII, pp. 14 sqq.

2) L'estampille est en relief sur une anse d'amphore de la hauteur de 0"8,5, ei ii' diamètre de 0"5,5. Le cartouche renfermani le texte esl cassé à grauche ; il a la hauteur de o" i .:.. ci la largeur de om il- En voici la teneur :

0 Y ///////////////// S P

////////////////a onoY

Cf. provisolremenl au sujet des marques on Sigilla d'amphores grecques (l.l.. VIII. 5, MCM1V, p. 2189, am 22639 sqq ; U. Hinglais, Rec. de Const. : 1904, il- 573-283, p. 299.

3 Au moment de mettre sous presse nous apprenons la découverte dans le jardin de la Remonte, an boui du bameau, d'un chapiteau chrétien, n

rte gravé sur une race le Chrisme Constantlnien avec feuilles dans les intervalles. Sur la face opposée, on observe probablement deux cervidés

marchant à la queue leu leu ei le dernier de dimension plus petite. Les textes bibliques mentionnent le cerf dans ses divers états en plusieurs cir- constances. Cf. Deut. XII, 15; XIV, 5; Isaïe XXX, 6 ; Cantique, il, 9; Psaume, XLII, 2.

161

ravin, est baigné au Sud en partie par le Bou Merzoug.

On a indiqué le confluent de celui-ci avec le Rhu- mel en un point situé entre Dar el Qouas ou Arcades Romaines et Qaria t1'. Qaria s'étend sur les deux rives du premier de ces cours d'eau et sur la rive droite de celui-ci, après sa jonction. La limite appa- raîtrait donc avoir pour point initial à l'Ouest la ligne formée par les Arcades Romaines et le pont d'Arcole. Ses autres limites sont aussi vagues. Il est certain que le moulin Bertrand, l'ancien moulin Prudhomme, rive droite, appartiennent à Qaria; il en est de même en ce qui concerne la Pépinière <2'. La limite sur la rive opposée semble comprendre les propriétés veuve Pérals, Ghozland, veuve Mouret, les anciens jardins militaires, les propriétés J. Zahra, VveBraham (actuellement Paillette) et Truchet-Girard.

Dans les documents cartographiques, la région est dénommée Cha'ab er Rçaç uniquement ; le nom y est plus ou moins écorché.

Le nom de Cha'ab er Rçaç figure dans un acte de 1751 13). Cette appellation n'est appliqué par la plu- part des indigènes qu'au-delà de la ferme Truchet- Girard ; il y a en effet en amont de celle-ci, à droite de la route de l'ancien séminaire Sainte-Hélène des ravins pouvant justifier l'appellation arabe de Cha'ab er Rçac, <• Ravins du plomb »l4>.

1 1 1 Oureau de la Malle, Appendice, L. 0. p. xw 1 es termes y -"in estropiés la raute esl Imputable aux éditeurs

(.■ 1 r 1 Plesse, //<■ l c, i>

1 Vaj -' -il-. Rec. de < onsl . 1868, pp 30 1 310.

(4) 1 1 Fournel, Richesse Minérale, l.c, 1, p. 356, note

- 162 -

Selon les Arabes, c'est ce dernier sens qu'il fau- drait donner à l'appellation; cette dernière viendrait des exercices de tir pratiqués à l'endroit sous la do- mination turque. Gela apparaît très vraisemblable; les Zmoul qui constituaient, on le sait, la force armée des beys s'installèrent jadis en ces parages f1'. Les hauteurs surplombant la ferme Truchet- Girard sont appelées encore Dar ez Zméla, c'est-à-dire : « Quar- tier des zmoul ou de la zmala ». Dans tous les cas, notre confrère et ami M. Marcel Solignac constatait naguère dans les fouilles du tunnel de la future ligne Ouéd 'Athménia, chez Mme Vve Mouret, de la galène blanche en abondance.

Qaria, qui en arabe a le sens de « Petite Ville », a le sens dans les textes bibliques de « Ville » <2> iT")p ; il dérive du même radical ayant formé le terme romanisé en celui de Cirta.

Elle renferme des vestiges antiques. Aux Jardins militaires, on voit dans l'axe de l'ancien moulin Prudhomme un mur à matériaux antiques appelé

par les Arabes Es Sedd j^JJ « La Conduite ».

Il est évidé au sommet, d'un développement d'une cinquantaine de mètres, la largeur de 1 m 80 et la hauteur au Nord de 1 mètre. Des pierres de taille romaines existent dans la Pépinière au Nord et à l'Est ainsi que sur la propriété voisine, l'ancienne ferme Schittenhelm.

Les ruines les plus intéressantes sont sur la rive

(1) Cf. L. en. Féraud, Ree. de Const., 1866, p. 17; Çalah bey déplaça une dernière fols la zmala et lui assigna le territoire d"Aïn-M'lila. Cf. va.v îettes, Rec. de Const., 1808, p. 364.

(2) Cf. Isa'ie I, 21, 20 ; XXII, 2 : XXX, 13 ; Rois, I, 41, 45.

163

gauche, roule de l'ancien séminaire. Il y a quelques années, une ruine romaine couronnait la colline à gauche de la voie d'accès et à l'entrée de celle-ci. Plus loin, au 3k900 de la route au Sud de Constan- tine, se trouvent les constructions de la ferme Tru- chet-Girard.

La dénomination de Qaria pourrait être d'origine phénicienne. Dans tous les cas il ne serait nullement téméraire d'admettre qu'elle aurait été appliquée par les Indigènes aux importants édifices élevés à l'épo- que byzantine existent les constructions d ; la dite ferme et aux abords.

<>n a trouvé à droite des dites constructions, sur un emplacement occupé actuellement par des écuries, plusieurs sépultures chrétiennes antiques. Deux de ces sépultures celle de Maximus et celle de sa sœur probablement Asella étaient recouvertes d'une mo- saïque avec inscription1'). Les mosaïques en question décorent intérieurement notre Hôtel de-Ville.

On a interprêté de deux façons les lettres C. F. qui se trouvent à la suite du nom d' Asella. On y a vu la filiation (2', ou le titre de Clarissima femina <3'.

Nous avons assisté à l'ouverture, lors de la décou- verte, du caveau d'Asella ; il avait été jusque inviolé. Il ne contenait aucun mobilier funéraire Le squelette était dépourvu des membres inférieurs, la cage thoracique recevait une sorte de corsage en ph'itre.

(i) Cf. i Hlnglals, /!!■<■. '/>■ Conat., L907, pp. 221 (2) l r. Ibidem., v

:i) if i h, munir .hinlicii . Ibidem., 1912, pp. 154, 155

164 -

Plusieurs grandes briques dont une est au Musée proviennent du lieu de sépulture ; elles portent toutes en grandes lettres le grafrtti VICTOR, leur nombre exclut l'idée que ce nom ait pu, comme il a été dit (*) désigner un défunt de la petite nécropole ; c'est plutôt l'estampille du potier.

On a supposé que sur ces sépultures s'élevait une basilique chrétienne t2> ; les partisans de cette hypo- thèse verront le Proihesis de la basilique dans l'amas important de débris de vases, d'amphores et divers autres récipients que nous constatâmes aux abords de la ferme; ces débris étaient calcinés et mélangés à des cendres.

En aval et à quelques mètres du lieu de sépulture, au bord de la route, près d'un viaduc de la future voie ferrée, il existe une importante source. Son dé- bit est d'un litre par seconde et sa température de 18 degrés centigrade. Le captage est romain, l'eau était amenée dans un beau bassin de la bonne époque, il a crevé en partie et le liquide coule plus bas.

On a retiré des abords de cette source non pas une Naïade ainsi qu'il a été écrit l3) mais un gracieux torse en marbre de femme vêtue ; il est dans la cour de la Mairie. On y voit encore notamment un frag- ment de colonne en calcaire blanc atteignant : Hau- teur, 0m72. Diamètre 0 m 36. Le nom de la source nous est inconnu. D'après des anciens propriétaires, il existerait sur la ferme une longue canalisation antique.

(1) Cf. Hinglais, Tbidem., p. 223. n lit : Victoro.

(2) Cf. Ibidem., pp. 221, 223; Uull. Arch., 190 X. p. CCXXII. (:fj Cf. U. Hinglais, Rec. de Const-, 1907, p. 224.

165

A une centaine de mètres en deçà de la borne ki- lométrique 5 de la dite route, on remarque, au bord de la rivière, un vieux four à chaux byzantin, il est absolument analogue aux fours de l'époque remar- qués pir nous à Timgad ; on l'appelle El Koucha « Le Four ».

11 est construit de plaques de schistes et de cail- loux roulés; un enduit blanchâtre le tapisse à l'in- térieur jusqu'à une certaine hauteur. Il présente ex- térieurement la forme ovale. Sa hauteur est inégale; elle varie de l mètre à 4 '" 50 Sa circonférence exté- rieure est de 15 mètres et son diamètre à l'intérieur de 3 mètres. Sa bouche cintrée et orientée au Nord a la largeur de 0 '" 90 et la hauteur de 0 '" 1/0.

Les fours à chaux indigènes ont été copiés sur les fours à chaux antiques, à moins que l'inverse ne se soit produit. Dans tous les cas, ces derniers ne répondent nullement à la description des clas- siques latins (*).

Des affleurements de constructions antiques s'ob- servent sur une certaine étendue de l'autre côté de la route, en face le four. Nous y avons relevé un panneau sculpture ; il est bordé d'une guirlande avec motif au milieu. Cette sculpture, sur un calcaire tendre blanchâtre étranger à la localité, est peut-être chrétienne.

(i) i.r. notamment M. Porclus Calo, De re ruilica, édli . Nlsard, Parla MDCCCLVI, In 8, XXXVI, p. 37.

Des fours romains oni élé observés sur celle même roule, dans la pro prlété Bonjean. CT Cn. Vars, Rec. de Const., 1895-6, i> 296. Celle propriété esi située vers le il tllom-, puun terminus de ce cnemln.

166

VIII X

Le Plateau d"Aïii el Bey, j. LJ( sj-tr^'^

'Aïfour, j^-^. Le Chettaba, So tkj'Jf .

Le Khneg, ^_£-Li>J)

Les affleurements ci-dessus mentionnés se dres- sent sur le flanc du revers méridional d'un plateau communément appelé, du moins officiellement 'Ain el Bey.

Sur ce plateau on y signale notamment un Kjoe- kœnmœding composé de silex, d'hélix passés au feu et d'ossements f1).

Des outils en silex et en calcaire proviennent du susdit plateau ^2) ; on a recueilli en cette même sta- tion des ossements et particulièrement quelques crânes ;3).

Un centre romain existait sur l'emplacement de la ferme de l'ancien Pénitencier militaire, il était dé- nommé Sarîdar (4). C'est un nom phénicien : la loca- lité en fournit deux autres, celui de 'Aïn Guidjaou et celui de 'Aïfour. L'étude plus détaillée des débris antiques du plateau viendra ci-après. En attendant

<i, Cf. L. Joleaud el A. Joly, Rec. de Const., 1908, p. 39; L. Joleaud, Etude géologique de la chaîne numidique, p. 313.

il est semblable à celui observé par noire ami M. Soligrnac et nous sur la route de Mlla, aux abords de 'Aïn-Tlne.

r. t'ii. Thomas, Bull. Soc. sciences physiques, naturelles et clima- tologiques d'Alger, 1877, pp. 37, 51 : Bull. Soc. Arch. Sousse, 1906, pp. --;>. 26. Cf. Gsell, Atlas Arch., feuille 17. Constantine, 276, p. 28.

\ i< r archives de la Soc. Areh. de Const., il existe des cllcbés Inédits notamment de ces crânes, ils méritent de sortir de leur oubli.

(4) Cf. C I. L. VIII, 5934.

167

il sera dit quelques mots à propos des ruines de Aïfour. 'Aïfour est situé au Sud-Ouest de Constan- tine et à environ 9 kiloin. Ses vestiges se dévelop- pent des deux côtés de l'antique voie de Girta à Subzuar (Saddjàr) et s'étendent sur une longueur de plus de 1.500 mètres. L'une des pistes qui y conduit, celle partant d'un gué du Rhumel, à 3 kil. de la ville, est jalonnée de ruines pré-romaines et romaines. Au delà du gué et en aval du « Col d" Aï- four o, on remarque deux fontaines antiques dont une avec bassin ; celle ci est connue sous le nom d"Aïu 'Aïfour. Une ruine romaine enveloppe les fontaines et gagne la crête à gauche ; c'est le Henchir el Bey ; il a la réputation d'être hanté par les génies. A quelques distances, en contrebas de la crête, à proxi- mité d'un ancien télégraphe, il y a une soixantaine de pierres de taille perforées cylindriquement, les unes intactes, les autres brisées. A droite du Col, on voit un alignement préhistorique. Un autre ali- gnement préhistorique en contrehaut du bord] Mer- zoug ben l.lasin à 'Aïfour môme est appelé Dar Djezia a La Maison de Djezia ». Dans le jardin du dit bordj il existe une mosaïque. Les Indigènes si- gnalent dans les abords sur une roche une em- preinte de pied de cheval l1).

En dernier lieu, on a remarqué, et nous négli- geons afin de nous borner, sur d'autres points, des silex d'âges divers au Chattaba ainsi qu'au Khneg.

i \ Henchir el Bey, un peu en c m rebas de la crête ù l'Ouest, un re- marque sur la tranche d'une pierre ces lettres antiques <i â de hauteur :

///// "i

An sujel 'i Mfour, Cf. provlsolremenl Steph. Gsell, Allas Irch., reullle it.

Constanllne, «fô <■! supplément : Cher! neau a pris reibniqirq pluriel

Mii.iina singulier iniaiii pour un toponyme CI C l. L. vin

168

Le nom primitif de ce dernier que nous fait connaître l'épigraplrie locale romaine est Tiddis M. fl est probablement phénicien ainsi qu'on le verra.

Le Chettaba a un vocable d'origine identique, ce massif voisin de notre ville, nous fournira bientôt l'occasion d'une intéressante étude toponymique et topographique. En attendant, nous y fixons l'empla- cement d'un évèché et d'un centre antique. Celui-ci, que nous ressuscitons de l'oubli des siècles, est CASAE AMARAE ; nous l'entrevoyons dans le to- ponyme indigène Blèd Gasmira. C'est une grande ruine avec une nécropole signalée par nous en ce RecueilA2). Les initiales de ('asae Amarae semblent résulter de la poterie que nous trouvâmes sur place <3). Il y a dans l'appellation tant antique que moderne une juxtaposition de noms absolument analogue à celle observée à propos de Guicul <4).

Quant à l'évêché, c'est celui de Fesseï ; son em- placement était resté jusqu'ici ignoré.

(1« Cf. C. /• L. VIII. 0702.

(2i Cf. provlsolremenl .1. Bosco apud. A. Farees, Rec île tous/. 1901, p. soi-. //'/'/.. apud. Ch. Vars, L904, pp. 214 sqcf.

:;) Cf. Ibidem., apud. Hingrlals, 1903, p. 133, 188. Cf. 189 i es poteries sonl au Musée.

,4) Cf. J. Bosco, /ire. de Const., îoio. pi»- 167 sqq.

169

CHAPITRE II

Vestiges préhistoriques de différents âges

A.

Peintures et Gravures rupeslres

Des peintures et gravures rupestres ont été signa- lées dans la région du Khroub et notamment à 'Ain Nl.ias(1). Elles peuvent s'échelonner du paléolithique au néolithique I2». Certaines de ces productions sont probablement contemporaines de l'industrie de l'os poli de la « Grotte des Ours du Msid ».

Il a été indiqué comme points susceptibles de fournir la matière colorante des peintures rupestres de la région du Khroub, cette même région et le Chettaba ,:{) ; il faut ajouter Ghorrot ed Dhéb que l'on connaît. Ce colorant est employé encore, paraît- il, en certains pays de l'Afrique du Nord'4). A Cons-

tontine on se sert du Seukk, L ^,, (5),

(l)cr. .1. Bosco el M. Soligrnac, Rec. deConst., 1911, pp. 330 sqq., pi. iv. v.

2 cf Bosco, Ibidem., 1914, p. 343, note I

(3) Cf. Bosco el Soligrnac, Ibidem., p. 346.

i Cf. provisoire ni Ricard, Arts et industries indigènes <iu Nord de

i ifrique, i. In 3, Fês, 1918, p. 25.

:•) Voici la définition 'i'"' nous en donne un notable indlgrè onstanil-

nois de nos amis :

1 -*~o> V ... dLr_^a)t 5,,-i) **£| ,.^ . i. iit» J»JJI

i.J .J.JJ) « > r ?— ' ^ ? ** * *■* ' '— > O** ~ ' ; ; : •"•■■*

Comme on le volt, le Seukk esl le résidu de la matière emp ir les

teinturiers el gui se compose de tartre de vin el de bols de eampeche

170

En Egypte, on voit l'hématite employée sous la XVIIIe dynastie pour colorer la poterie1'.

Ecriture azilienne

En outre de la représentation d'une faune disparue de nos climats, la région d' 'Aïn Nhas donne la figu- ration d'un pointillé coloré*2' observé déjà ailleurs'3'. Les spécialistes voient dans les pointillés de ce genre les rudiments d'une écriture primitive 4). Elle serait probablement de l'âge de l'industrie de l'os poli.

Un critérium chronologique d'une valeur incon- testable est offert en la circonstance par l'Egypte. Un bas-relief notamment du tombeau de Mera, à Saqqarah (YT dynastie, représente une scène de chasse au Boumerang dans les marais l5>. Une pein- ture rupestre d' 'Aïn Nhas figure précisément un homme armé du Boumerang <6'.

o.

Cupules •Dans cette même région d"Aïn Nhas, il existe

(1) Cf. L. Francbet, Nouvelles Archives, /.. c, p. LIS.

(2) Cf. Bosco el Solignac, Rec. de const., îvii. pi. VI, p. 341.

(3) Cf. provisoiremenl Abbé il. Breuil, Congrès internat. d'Anthrop. et Archéol. préhistoriques de Monaco, 1906, Hg. 133, pp. 3 5, 386; Decbeîette, Manuel d' Archéol- préhist. celtique et gallo-romaine, l. iti-s, Paris, 1908, fier- lai, pp. 318-3V0.

'41 Cf. provisoirement Plette, L'Antropologie, 1906, p 425, apud. Decbe- îette, i. p. s36; Breuil, /.. c, p. 378.

lui chine, le premier élément de l'écriture fui un simple trait' Cf. ['Uni- vers Pittoresque G. Pautnier, Chine Moderne in-s°. il. Taris.

MDCCLLVIH, p. 290

(5 Cf. J. de Morgran, Recherches sur les origines de l'Egypte- L'Age 'le la pieive et les métaux, in-4, Parts, L896, p. 170, ttg. 508.

(6) Cf. Bosco el éollgrnac, Ibid., pi. IV, p. 344 el note.

171

des cupules de formes diverses. Il y en a également à Bkira (1' sur la piste du bordj au I.Iamma, en amont de 'Ain Sahridj. Des cupules ainsi que des entailles cupuliformes se remai'(juenl dans les ca- vernes sépulcrales phéniciennes du Mançoura.

Une kharbga avec cupules se remarque sur une roche située à une cinquantaine de mètres à l'Est des clôtures du jardin d' 'Ain Kerkèr, versant Nord du Djbel Bkira ; la roche est près de la piste de Fedj Bkira au I.Iamma. La kharbga présente 7 lignes de trous, les. lignes sont parallèles et disposées vertica- lement, elles contiennent respectivement une dou- zaine de petites entailles circulaires, quelques-unes sont plus grandes et en forme de coupe. Elle occupe la surface de 0 ,n 50 de largeur et approximativement 0 "' 65 de longueur.

Le Bélier d sphéroïde

Dès la plus haute antiquité on a vénéré en Egypte et dans la Nubie le Bélier - . Il symbolisait le « dieu modeleur des hommes, le générateur des dieux'' ».

« Le maître des pères des dieux et des déesses de

H)i;r Marcel Sollffnac, Bull, de la Soc d'.Oiog. el d'Avchéol. d'Oran, i. \\\. vu. rase . i xi.. VIII, pp. 5, 13 du lire & pari. Dans cel opuscule la question des cupules en rapport avec les représentation-; rupestres du partemenl esl traitée .^ ec talent.

(-_•) i r i hampolllon, Monuments de l'Egypte el de la Vubie, pi. i.xxxi. apud-, Paul Detber, Mémoires publié* par les Membres de l'Institut frun çais il \ rc néologie orientale 'lu < aire, \ Le ( aire, 190 i, p 100 el note.

1)1 i i hampolllon, Votices descriptives I, p 682, apud Paul Dellwr. / <•.

172

toutes les éternités, le maître du devenir, l'auteur du ciel de la terre de l'autre monde, de l'eau des mon- tagnes » i1).

0- '^■pr' a aaWAa fil amwwa *nu&* ^Atx. é^>- AVMVA fa^M

C'est le Bélier de Mendés(2). Son culte s'est étendu jusqu'en Afrique mineure 13». On le trouve figuré picturalement dans la région d' 'Aïn Nhas égale- ment!4); la représentation rupestre est pour le moins contemporaine de 1' « Homme au Boumerang » ; ce second ériterium vient s'ajouter à celui indiqué déjà.

Dans la 2e partie de cette étude on verra que l'un des noms de l'animal sacré révélé par les monu- ments égyptiens subsiste encore notamment chez nos Indigènes.

Le Bélier, on le sait, est le principal attribut de Ba'al Hammon à Cirta surtout'5*.

E.

Dolmens

Il a été observé sur le Msid des roches paraissant être des « pierres druidiques »(°). Elles étaient situées au Nord-Est d'une tour ruinée couronnant le mont.

d) Cf. Brugsch, Religion and mythologie der alten Aegypler, pp. 290) 303, 308, apud., Paul Deiber, Ibidem-

(2) Au sujel du Bélier de Mendés, cf. le très remarquable el très érudil ouvrage de Paul Deiber, /. c.

Ci) cf. provisoirement G. B. M. Flamand, Deux stations nouvelles de pierres écrites..., l'Anthropologie t. xxv, l'.Hi. pp. 444, sqq;. rigures el notes.

(i) Cf. J. Bosco el M. Solignac, Rec. de Const., 1911, pp. 342, sqq., pi. rv, V.

153 Cf. J. Bosco. Ibidem., 1912, pp. -240, sqq.

(6) Cf. Fournel, Richesse minérale, i. i> 212.

173

La figure qu'on en donne ne nous renseigne pas au sujet de l'affectation de ces blocs rocheux. I1'.

A proximité de la « Grotte des Ours », on a déjà vu qu'il existait des dolmens. Ils sont à l'Est de la médita de la Gli'aa, au Sud-Est du passage à niveau du 2" tunnel de la voie ferrée, sur la piste de Fedj er Rih. On y note un dolmen effondré et la trace de deux autres près de là. Le dolmen effondré a une couverture ovale de 2 "' 35 de longueur, 1 m 40 de largeur et l'épaisseur de 0 '" 20 environ. Ils se trou- vent à gauche de la Khenga.

Au pied de la terrasse couronnée par les entailles d'une mine probablement pré-romaine, dont il a été parlé, s'appuie contre l'assise rocheuse un édicule se dressant à 10 mètres d'élévation du sentier. Est- ce un dolmen ? Il est écroulé en arrière, sa dalle de couverture donne : Long1', 1"'35; haut1 max"\ 0ra75; épaissr max,n, 0"1 45. La muraille de droite est formée d'une unique pierre régulière cassée au fond, la par- tie de gauche par une seule pierre aussi régulière mais moins longue; la chambre ainsi indiquée accu- se : largr, 0M,57; haut1', 0"G0; prond* maxm, 0,n90.

De l'autre côté du Zièd, entre les deux cols de Bkira sur la crête et dans le voisinage de murs en pierres sèches dont l'époque n'est pas évidente à nos yeux, on voit un dolmen présentant les détails ci- après : la couverture est pentagone et faite d'une pâte sont intercalés des cailloux roulés quelques- uns en saillie. Cette dalle, longue de 2 "90, large de 2 '"70, épaisse de 0 "' 22 environ, est tendue dans

H) Fouraelj Atlas, pi. i. rig, P.

174

toute sa longueur; elle est en outre cassée à gauche sur une partie de la largeur, au premier tiers de la longueur. Elle couvre une fosse de 0 m 60 de hauteur, lm25 de largeur et la profondeur est de 2mG5. La paroi de gauche se compose de trois pierres assez grandes et de petites pierres par dessus ; à droite, le mur est constitué d'une grande pierre à l'entrée et de petites pierres à l'extrémité; le fond ne contient que des petites pierres en désordre. La couverture incline de ce côté.

A 6 mètres à droite, il existe des assises proba- blement d'un autre dolmen privé de couverture.

Les dolmens occupent à peu près le sommet d'un triangle dont la base à droite est formée par le dol- men de Lella Z'aroura et à gauche par 'Ain Mchihra et El Mahdjar; ils sont à 400 mètres au Nord du premier, à 300 mètres au Nord également d'El Mah- djar, rive droite du Ziéd.

Plus à l'Est, à 300 mètres environ au Sud de l'ilôt de Sicli 'Ali 'Eurab, il existe aussi un dolmen. Sa dalle de couverture atteint la longueur d'environ 2 mètres, la largeur moyenne est de 2 mètres égale- ment et l'épaisseur de 0'n25. Quand à la chambre elle a la largeur et la hauteur de 1 m 15 et la profon- deur de 1 m 70. La muraille de droite est formée d'un monolithe, celle de gauche par une grande pierre et de petites pierres par dessus, celle du fond, assez basse, par de petites pierres. C'est un remplissage indigène.

Le dolmen est situé dans un couloir entre le Djbel Tafrent et le Kèf Çalah, d'où le nom donné à ce cou- loir de Bin Djeblin, L. r^-V- r*" . nH > dont 'e sens est « entre deux monts ».

175

Le Kèf Çalah n'a donc qu'une longueur et une profondeur très bornées. Les Indigènes de Constan- tine lui donnent une désignation différente : Kèf Bou Qnicer ou Qnisér.

On l'a vu, il existait une importante station méga- lithique sur le sommet du mont Qabr er Roumïa dans la vallée de l'Ouèd Khenga.

Sur une des croupes descendantes du Djbel Oual.ich, à Draa' en Naga, on constate un dolmen!1).

I n dolmen et des demi-dolmens ont été étudiés dans la région d' 'A'm el Bey<2>; ils semblent présen- ter des points de ressemblance avec le dolmen de Sidi Mgharouel du Chettaba (3).

Plusieurs dolmens se dressent au Khneg <4'.

F.

Tumuli

De nombreux tumuli sont dispersés dans les en_ virons de Constantine ; on en voit notamment au Chettaba !r' , les plus importants sont ceux de Bordj ben TobbaH6', de Fedj l'En/aouèt P) et d"Aïn el Bey <8>.

i cf. Col. Mercier, Bull. Vrch., 1885, pp. ■>■•■:

2 i r ni. r m as, ' ongrès international des sciences anthrop. de

Paris, 1878. Extrait, ln-8", Paris, MDCCi LXXX, pp 6, sqq.

i i .i Bosco, /.'■ c. de Const., 1912, p. 258, planches.

i i i.i.iiHi. Rec. de Const., 1864, pp. 110, 112, H3, 114, pi. XXVIII Col.

Brunon, Ibidem., 1876-1877, 330 pi \n el XIII; Col Mercier, Bull.

\rch . 1885, pp. 552, 553; itlas Archéol., reullle 17, Constantine, 89 el supplément

..) n v Reboud el \ Ooj i Rec de < om 1879-1 ( co, apud,

Gsell, itlas Lrch., reullle 17, Constantine, 120, p 9.

6 .1. Bosco, Rec. </<• Const., 1914, p. 241

(7) Ibidem., p. 275, note Infrap.

(8] Ph. Thoina-. / <■

176 G

Carrière préhistorique

Il existe un pointement ophitique au Cheftaba f1). Un fragment de hache en ophite a été trouvé à Bkira (2) entre le dolmen Lella Za'roura et la « Grotte des Martyrs ». Des haches en ophite de divers genres proviennent de la « Grotte des Ours » (3). Il est pro- bable que tous les outils de cette catégorie ont été exécutés avec la matière prise à ce pointement (4Î.

Il est à noter que le lieu existe ce dernier s'ap- pelle Nogra. C'est un terme sémitique. Il a le sens de « creux, cavité », aussi bien dans le terme bi- blique iTipj <5i que dans l'arabe S j-k-i

3 Communications

I

Grottes diverses

L'homme primitif, aux diverses époques lointaines de son histoire, a donc essaimé ses habitats en notre région immédiate nous ne pouvons aller au-delà, et cela résulte éloquemment de la course très ra- pide et très sommaire que nous venons d'effectuer

(1) Marcel Solignac, apud Rosco, Rec de Const, H>t:>. p. 228, noie 2.

(2) Cf. ,i. Bosco, apud Toutaln, Bull- Arch., 1911, p. 155.

(3) Cf. Debruge, Rec. de Const, 1908, pp. 135-138, rigures 17-00. Cf. fig.

21, p. 138.

(4 On avall cru jusque que le pointement ophitique le plus rapproché de Constantine étall situé dans la région de Djldjelll- Cf. Joleaud, apud Debruge, Rec. de Const, L908, p. 136, note.

(5) Cf. Exode, XXXI1I, 22-

177

autour de Constantine, à une vingtaine de kilomètres à la ronde.

Il a habité également notre rocher.

Le rocher de Constantine, nous en parlons en par- faite connaissance de cause, est bien loin d'être aussi inaccessible que la plupart des auteurs se sont évertués à le représenter ; en réalité, il est abordable sur tous ses versants, même le plus terrible, celui du Nord; tout au moins dans sa partie supérieure à laquelle on parvient par le revers de l'Ouest.

Pendant plusieurs siècles, à l'époque musulmane, notre ville, privée de ponts l1) n'eut point d'autres communications que ses voies naturelles. De notre temps, antérieurement au « Chemin des Touristes » le ravin n'avait plus de secret pour les Indigènes; ils ont donné à ses moindres détails une désignation particulière; nous avons, pour notre part, noté une centaine de ces désignations que nous publierons un jour; quelques-unes sont d'un pittoresque achevé.

A.

Le llzèm cl Kbir, h^>ji ■» ' \=^- '. Er Roua, u JJ.

I ^ I.

Gliar Maqçab, . **^sl* ,u.

Un sentier de chèvre ceinture le rocher de Cons- tantine depuis le square de Béhagle, sous le boule- vard Joly de Brésillon, jusqu'au « Pont du Diable » sous la pointe de Sidi Rached. C'est le Hzèm el Kbir, pur opposition au l.l/.ém es Sghir.

ii i i i berbonneau, innuaire de la s"> ■"■/<■ Archéologique ite la pro vince de Constantine, 1853, pp. U8, 113.

178

Le Hzèm est un chemin en falaise étroit et se dé- roulant comme l'objet dont il emprunte le nom.

Les deux sentiers en ceinture se rencontraient à Fomm el Hzèm, a Bouche du chemin en ceinture », sur la grande voûte du ravin.

On a vu que le I.Izèm es Sghir permettait de contourner le Msid. Le Hzèm el Kbir par contre fa- cilitait la circulation du ravin. Les habitants en ont fait usage à toutes les époques. Il est probable que certaines grottes de son parcours, celles surtout ap- pelées Er Roua, PEurie, situées entre l'échelle mé- tallique en contrebas du moulin de Mme Vve Mouret et les assises d'un pilier antique, rive gauche du Rhumel (*), ont été la demeure des préhistoriques à l'époque des cavernes. Une petite excavation connue sous le nom de Ghar Maqçab, « La Grotte aux Ro- seaux », actuellement vidée <"->, a pu également servir tout au moins d'abri-refuge; elle est située au-dessus de la u Piscine César », ou 'Aïn Ghoqqa, sous la Médérsa.

A l'époque romaine, cette partie du sentier cons- tituait une promenade; celle-ci, d'après des repères qu'on nous fera grâce de ne pas énumérer, pouvait s'étendre depuis la plateforme de la grande voûte du ravin jusqu'aux vestiges du second pont antique, au- delà d'Er Roua.

i ii. Joseph Bosco, Républicain de Const., 30 janvier, i" février 1911. 2) Ibidem-

- 179 - 13.

« La Grotte des Pigeons », « La Grotte du Bouc, » « La Grotte des Champignons »

Sur le rocher même, l'homme des cavernes a pu élire domicile dans de nombreux abris, (les abris, nous les soupçonnons, étant donné la nature acci- dentée de l'assiette de la ville, étant donné surtout la constitution géologique de la masse rocheuse, la- quelle est identique à celle du Msid.

L'un de ces habitats a pu être la « Grotte des Pi- geons ». Celle-ci a produit jusqu'ici une industrie de différentes époques du préhistorique W, un occipital humain appartenant à une race qui eut sa plus grande extension à l'époque néolithique!2), ainsi qu'une faune remontant au paléolithique*3'. Nos investigations, em- brassant un grand nombre d'années, nous permet- tront de silhouetter sa physionomie toute spéciale.

Cette excavation est appelée en arabe Ghar en

Na'oura, S ,»_*_'_.'' . U. « Grotte du Tourniquet,

v^ > SV \\ 1

du Manège » et Ghar es Skekèn, ♦_- ^,.J' j L-t

c Grotte des Poignards » (*). Ces désignations lui viennent d'une savoureuse légende, nous la ren- voyons o une autre occasion.

La \ Grotte des Pigeons o n'était pas l'unique res- source de l'homme primitif; il avait a sa dispension

i i r Debruge, Rec de Const., 1915, p. 180; Ibidem., 1916, p 21.

Marcel Sollgnac, Rec. de Const., 1916, p 56

i Joie nul. Ibidem., p 35 Rev. A fric, n l 191

note -2

I i i Joseph Bosco, Dépêche de Const., iv aoûl 1910: Ibidem -, Salil Maltei, 16 septembre 191 1

180

d'autres excavations en ces lieux. Nous en citerons deux : la « Grotte du Bouc » et la « Grotte des Champignons ».

La première est située dans le talus de la « Grotte des Pigeons ». Elle est remplie d'une telle couche de débris de toutes sortes qu'elle ne donne à l'entrée que la hauteur de 1 "' 10, qui ailleurs se réduit delà moitié ou davantage. De forme rotonde, elle indique la longueur de 10 mètres et la profondeur de 7 m., le tout approximativement.

Quand à la « Grotte des Champignons », elle s'é- lève au contraire au-dessus du niveau de la (< Grotte des Pigeons » d'une douzaine de mètres à droite de celle-ci. On devrait plutôt l'appeler la « Grotte du Figuier », car un beau spécimen de cette famille des Morées (le Ficus Carica L.) obstrue son entrée, la- quelle à gauche tient un peu de l'ogive. Le plafond est décoré de boursouflures circulaires, telles des carapaces de tortues gigantesques, comme on en ren- contre en diverses grottes du voisinage et en parti- culier à la « Grotte des Pigeons ».

Un filet rougeàtre raye sa base.

L'excavation a été exploitée dans l'antiquité; des traces nombreuses se constatent à toutes les parois. Le sol est terreux. On peut assigner à la grotte ces dimensions : longr, 10 mètres ; prof, 7 mètres ; haut', 2 mètres. Parmi ces nombreuses entailles, mentionnons en pour l'instant deux : sur la paroi du fond se trouve la niche phénicienne en sifflet dont il sera amplement question au cours de cette étude ; celle qui nous occupe atteint : haut'', 0 m 12 ; larg1', 0 m 14 ; prof, 0 m 90. La seconde entaille est à la pa-

181

roi de gauche; elle porte profondement gravé en lettres de 0M10i le mot énigmatique BALASTO, dont l'origine nous échappe absolument.

c.

Souterrains

De nombreux souterrains voûtés, sur l'origine des- quels nous ne sommes pas fixés, s'observaient à Constantine en 183G 1 . Cherbonneau en indique un, d'après les Arabes, se dirigeant depuis la « Kasbah » jusqu'à la porte Valée ; il a découvert personnelle- ment à la limite du quartier israélite, sous la mai- son Ben Zerbib, un tunnel avec des embranchements à droite et à gauche (2). On en signale un, sous la la maison Ben Zekri, rue du 26e de Ligne. Nous en avons vu un autre, mais très superficiellement, sous la tribune du chœur de l'église-cathédrale '".

Dans la rue du Palais, un passage conduisait dans les entrailles du rocher; ce passage était indiqué sous le nom de Rous ed Douâmes « Tètes des sou- terrains ») (*).

En mai 1916, nous notions lors des fouilles de l'é- largissement du Boulevard Joly-de-Brésillon, à 3 m. en avant des remparts, dans l'espace compris entre l'hôtel Lagleyze el l'Intendance militaire, l'existence d'une voûte. Sa hauteur apparente pouvait être de

i i r Dureau de la Malle, Appendice, p.

(•-') CI \nn. de i onsL, 1853, pp. 138, 129 el noies; cf. Edrlssl, Description de i Ifrique et de l'Espagne, traduction de it. Dozy el J. de Gœje, Leyde,

m i . p. ni de la traduction el 05 du texte arabe El HadJ Ah d i i

Mobarek, Tarikh (josantlna, trad. Dournon, Rev. ifric, extrait a' 989,

■.'• tri stre i

(3) Cf. J. Bosco, Indépendant de Const., 18 aoûl i l ' i Ernesi Mercier, Rec. de Const., iffi

182

3 mètres, son épaisseur de 0 m 65 et sa largeur d'en- viron 4 mètres. Le cintre se composait d'un, deux et trois rangs de briques; une pierre calcaire bleue au centre formait la clé de voûte. L'intérieur était encombré de déblais. Tout un système de murs de diverses époques antiques et modernes venait s'ap- puyer extérieurement à ce mystérieux passage.

T).

Poches d'eau

On a constaté, en divers points de la ville, en poussant les fondations des constructions à une cer- taine profondeur, des nappes d'eau. Sous le Grand Hôtel de Paris, une grotte contient un étang 1(. Des sources devaient donc jaillir à la surface rocheuse, à l'époque préhistorique; à cette époque d'ailleurs, les précipitations atmosphériques étaient plus abon- dantes. L'homme primitif pouvait, sur place, se dé- saltérer à son gré.

On a vu qu'au Msid, une source, 'Aïn l'Ihoud, s'échappait du milieu de l'ancien cimetière israélite, <2> au pied de l'hôpital civil ; les vieux Constantinois s'en souviennent encore.

La Rampe Biskrïa. L ouverture du Snides Communications diverses

Du Msid, l'homme préhistorique n'avait que l'em-

i cr. .1. Bosco, Républicain de constantine, 8, 9 février 1907; .•">• 27 vrier 1908. Des argiles rouges de remplissage, remontam probablement au Sicilien, se renconiraleni dans le creusemenl du puits aboutissant à la grotte.

•i i r huit, m de ia .\iaiic. Appendice, i>- 156; Fournel, Richesse miné- rale, i. p. 211. An sujet des pocbes d'eau, ci', en outre El Hadj Ahmed el

Uuharek. j > i ; 9.

- 183

barras du choix pour se rendre sur notre rocher. Il lui était loisible à cet effet d'emprunter une voie na- turelle qui, les vestiges en témoignent, a été utiliser par les Phéniciens, les Numides, les Romains et les Byzantins notamment.

Elle avait son point de départ sur la plate-forme, en cou I relias de laquelle se trouve le passage menant à Ghorrot ed Dhéb. Sur cette plate-forme on remarque encore des vestiges d'une enceinte hémisphérique. I ne relation a donc existé autrefois entre Ghorrot ed Dhéb et la rampe. La plate-forme et les rochers voisins portent le nom de Biskrïa. Ce nom vient de l'ancien propriétaire de l'endroit, Si Ahmed el Biskri, un personnage de l'entourage du dernier bey de Constantine M.

La plate-forrae est traversée par le deuxième tunnel de la route de la corniche. Entre ce tunnel et le pre- mier tunnel de la voie d'accès en question, on voyait naguère encore une falaise rocheuse limitée à gauche par deux grottes superposées, et à droite par une troisième excavation Sur celte falaise se dressaient des tronçons d'une muraille formés de pierres aux dimensions énormes comme celles de l'enceinte de la plateforme à laquelle ils se reliaient, (les archaïques débris, remontant à l'époque phénicienne vraisem- blablement, et d'un effet imposant en ce cadre sau- vage, ont été détruits.

La voie antique, jalonnée actuellement par des vestiges, desservait la nécropole punique du Msid, dévalail ensuite sur la plate-forme de la grande voûte

i, Vnmed el Blskrl esl mentionné par Féraud. Cf Rec de Consl., \ p. aè, noie, i ii grand Immeuble de la rue l'Huilier esi appelé Dar el Biskri.

184

du ravin ed 'Dleïmèt « Petites Obscurités » i1) ; elle tournait enfin à droite et trouvait un passage facile au lieu dit Snides, ^.XuL* « Petit Cloaque », dans une crevasse de la masse rocheuse en contre-bas du viaduc de la rue Thiers. C'était la voie directe se rattachant d'une part, à Oumm er Rdjila et de à Fedj el Hlelef, et d'autre part, à Fedj el Kbir par le Grobbodj.

F.

Le Hzèm er Rqiq, ^-^J' C J~^' <( ^es ■^r0l's

Pierres ». « Le Rocher » du précipice ou

vertigineux

En négligeant l'issue du Snides, il est probable qu'il existait aussi un passage vers la naissance du pont d' « El Kantara » on pouvait continuer le hzèm et atteindre notre rocher aussi bien par la c Grotte des Pigeons » que par la crevasse de Bèb er Rouah.

On poursuivait alors le sentier du Snides en lon- geant le versant Nord-Est et l'on s'engageait sur le versant Nord. Ici, le sentier se réduit parfois à la largeur de quelques centimètres, d'où le qualificatif de rqiq « mince, étroit » qu'on lui donne. Il le conserve durant toute la largeur du versant, c'est-à- dire, jusqu'à la o Falaise du Renard » <2), située à l'autre extrémité du versant, en contre-bas de quel-

(l) Cf. J. Bosco, Une relique des temps passés, Républicain de Const., 1907, i mal. Nous avons des cllcnés des tronçons détruits.

Le sens de L'appellation arabe, de la voûte en question, esl < caverne Ténébreuse Cf. J. Bosco, Réc. de const., 19.2", p. 240, noie 1.

(■_>. cf. Josepb Bosco, La Falaise du Renard, Républic, de Const., 3 vrler L9I0.

185

ques mètres du belvédère qui se trouve à gauche de l'entrée du tunnel de la « Grotte des Pigeons », sur le Boulevard de l'Abîme.

Il existait jadis à la plate-forme de ce versant un point connu sous le nom de Ets Tselts Iladjrèt'1' « Les Trois Pierres » ; on y précipitait dans le gouffre béant, à l'époque turque notamment, les femmes adultères et les criminels 2>. Certaines vic- times, avant d'être ainsi suppliciées étaient au préa- lable enfermées dans un sac i3). Cette particularité vaudrait à la nouvelle Roche Tarpeïenne, les écrivains l'on dit, cent fois !a dénomination de Kèf Ghkara, « Rocher du Sac ». C'est très possible, mais il existe une autre particularité généralement ignorée; c'est qu'à côté de cette désignation on en remarque une seconde, celle de Kèf Chkoura ou Âchkoura. Elle est en usage principalement chez les vieux Indigènes constantinois ; actuellement les deux désignations sont confondues. L'historien de Constantine, Lim-

béry, confirme la leçon de Chkoura à , » <~~\ *i

et Achkoura, i , i^*-l (4>.

Achkoura a donné naissance à un verbe local Ckékkér, ►XA. « précipiter quelqu'un dans le vide ».

i <f Carette, apud. L. Ch. Faraud, Bec. de Const., 1857, pp 60,61; Joseph Bosco, sur le Sentier de la Grotte des Pigeons, Dépèche de Const., n 1910

2 i r, Carette, Ibidem. Cf. en outre Hebenstrelt, l. c. p. 62; Vbbé Pol ret, Voyage en Barbarie, 1, p. 165, apud. Dureau de la Malle, Province de Constantine. Recueil de renseignements pour l'erpédition mi l'établisse ment des Français dans cette partie de l'Afrique septentrionale, m 12° Paris, 1837, |i :.-.' el notes; Peysonnel, p. 307; voyages </<■ Mon Shaw, \i D., dans plusieurs provinces de Barbarie <■/ 'lu Levant, m i La Haye, I, Mi" i.i. in. p. 161; Dureau de i;i Malle, Appendice, p. ::.;.'.. Ravolslé, l. p. 5, note.

i arette, /. <■.

i cr. /. <■.. reulliei 31.

186

Il se pourrait toutefois, mais nous en doutons, que l'inverse se soit produit; Âchkoura viendrait alors de Ghékkér.

Au risque d'être taxés de voir du phénicien par- tout comme d'aucuns y voient du libyque et même du grec, il nous faut constater ici une adaptation homophonique de termes semblable à celle que nous observions naguère en ce Recueil^.

Achkoura semble dériver d'un radical biblique ""OIÏP, Chakar « enivrer ». Une signification analogue

est offerte par l'arabe écrit r ' * w Sak'ra, l'arabe

usuel y ^.w Sker, et le maltais Siker. En maltais,

il signifie également : « Perdre le sens de la réalité sous l'effet d'un sentiment violent »(2).

Notons q u' Achkoura est de la même forme que le terme désignatif Astoura (Stora).

Ces données, rigoureusement linguistiques, per- mettent de remonter à la signification primitive de la désignation ; le Kèf Achkoura n'aurait été à la période phénicienne que le « Rocher de l'Ivresse », c'est-à-dire, du a Vertige ».

Des personnes ont été jetées dans le gouffre, an- térieurement aux Turcs et sur d'autres points pro- bablement que le Kèf Achkoura 3'. A l'époque turque, beaucoup d'Indigènes étaient précipités dans les ci- ternes de la Qaçba (4).

(1) liée. île Const., 1916, pp. 204, 205.

(2) Acception ignorée des lexicographes maltais Vassalli, Vella, Falzon, Caruana, etc.

3 Viri. de Vil. //<■ persecut- Vand., il. apud. Snaw, /• c, I. i>- 115 et noie. Cf. p- 165. Cl', en outre Henri Fournel, Hic/iesse minérale de I A Igé- rie, i. p. 201.

(■'0 On précipitait dans ces antiques citernes ceux dont la mon devait rester ignorée. Cf. Dureau de la Malle, Appendice, p. 337. Cf. aussi Feraud,

liée, de (nus/.. 1867, p. 89.

- 187 -

Revenons à la « Grotte des Pigeons o. La paroi de face de cette excavation présentait à gauche des saillies qui en permettaient relativement l'escalade. En outre, au-delà du mur bâti par le Génie vers 1873 et qui masque le fond de la grotte, celle-ci avait à la voûte une large ouverture, entre l'Arsenal et l'Hôpi- tal militaire. Cette communication directe de l'exca- vation, avec la plate-forme du rocher, nous avait suggéré l'idée que c'est en ce point que l'on devait placer la grotte consacrée au culte de Mithra'b dont parle une inscription de la Qaçba(2).

La masse considérable de déblais qu'elle renfer- mait à cet endroit ^) ne nous a pas permis de nous assurer à quelle hauteur du sol se trouvait 1 echan- crure et si elle a été accessible par des moyens na- turels ou artificiels. En ce point, la grotte s'élevait à environ 25 mètres.

(i) Joseph Bosco, apud- Evarlste Lévi, Rec. de Const., 1911, p. 271 ; Tbi dem., apud Debruge, Rec. de Const., 1916, pp. li, 16. La question du culte de Miiina .i Clrta esi traitée dans le travail de notre excelleni ami Lévl, m une façon digne d'éloges.

(2) C /■ /... VIII, 6975.

(3] ii y avaii a la Qaçba 30 alsons Indigènes qui rureni démolies les

déblais ont été Jetés au ravin. Ravoisé n'a pu visiter le bain tbermal de Sldl Meïmoun m cause des <i' c imbres en question. Cf. Exploration, l. c, pp. 9, i- Ce bain avali été, depuis, déblaye ei livré au public. Les eaux étaleni conduites extérieuremeni dans un bassin construil par les Français; Il ser vail de lavoir il notre p ipulatlon el surtoui aux soldats, n serall à souhaiter que l'antique établlssemeni tbermal fui déblayé el sa source, coulani malnlenani ailleurs, el effl :ace co lire les rhumatismes, -- soll rétablie en emplacemenl primitif. Cf. provlsolremeni J Bosco pub. <(<' Const., 26 lulllei I

Les déblais Jetés oni obstrué égalemeni diverses grottes des versants Nord Ouesi el notammeni une excavation au fronton à droite de la Grotte des Pigeons tmii- i ,i|i|>''i"ii-. ;i défaui d'autre nom Orotte (je S ipbo nlsbe

188

G.

Bèb er Rouah, p-1 3 ^' s vj , « La Rampe aux

Gradins », « La Faille au Gradin d'argent », « Le Hammèm de Sidi Mehnoun » G/ïar VErn- daredj. Ghar Zdjoul. Gliar et Touba.

Bèb er Rouah ou la « Porte des Brises » ainsi que la Rampe du Mdarédj, lui faisant suite, ont été l'objet de nombreuses communications; nous les étu- dierons dans notre prochain travail sur le Capitole de Cirta; elles sont généralement inexactes, car, les auteurs de ces communications, à de très rares ex- ceptions, n'en ont pu voir qu'une partie ou n'en ont rien vu du tout, et se sont rapportés à des références plus ou moins sincères, plus ou moins complètes'1).

De la « Porte des Brises », qui était située en contre-bas et à une trentaine de mètres de l'Hôpital militaire, partait une rampe dont Léon l'Africain a parlé le premier &). Les Arabes l'ont connue et ils l'ont dénommée avec justesse Mdarédj ou Mdèrédj,

57 ,Lu, ce qui veut dire « Rampe aux Gradins ». En effet, on voit encore sur son parcours, à distances inégales, quatre tronçons de marches d'escaliers tailladés dans le roc vif. On a détruit, récemment, sans rime ni raison, quelques gradins inférieurs du dernier tronçon. Ce tronçon, le plus important des trois, est au-dessus du petit tunnel des Cascades!3).

(1) Sur ce versant, cf. J. Bosco, Républic, de const-, 26 juillet 1906, Indé- pendant de Const., L. 14, 30 juillet, 5, 14, 26 septembre 1909, Dépêche de Const.} 16 mal 1911.

(2) L. c.

(3) En prolongeant mal 1919— à L'Ouesl le bassin de décantation del'é- goui latéral adossé contre le pied Nord du rocher, on ;i détruit encore d'autres gradins du tronçon en question. Note durant l'impression.

189 -

La rampe décrivait de nombreux lacets, coupait une feule verticale de plus de cent mètres de hau- teur!1) et arrivait enfin à l'important bain thermal de Sidi Meïmoun. La fente est appelée « Gradin d'ar- gent », Derdjet Fo'd'da, 1-^-2 ^_>- , ~ ; elle doit

ce nom à certaines cristallisations reflétant ce métal lorsqu'elles sont caressées par les rayons solaires'2'. Aux abords de la faille et dans la faille même, il existe de curieux abris sous roche ; la pluoart ont des entailles antiques ; les trois abris sous roche en- globés sous le nom générique de Ghar l'Emdaredj, sur la plate-forme El-Maïda, « La Table », à l'angle extrême et en contre-bas de l'ancien sentier de la « Grotte des Pigeons » par l'Ouest, ont toutes l'allure d'être préhistoriques. Nous avons en effet recueilli dans cet escarpement des silex taillés. Dans la pre- mière faille de ce versant, Fellet et Tabya, il faut noter une assez vaste grotte murée par le Génie vers 1880; elle est dénommée la « Grotte des Chansons », Ghar Zdjoul i3'. Il y a une autre excavation à la base. Plus loin, dominant autrefois presque le tombeau de Praecilius, sous la Mairie, on remarque

ii Le Général Cn. Cadari l'appelle Un précipice d'une effrayante pro- rondeur, 180 mètres, peui être plus Cf. Souvenirs de Constanline, Jour- nal d un Officier du Génie, rédigé en I8S8 I8S9 et coordonné en 189 l par le Général Cn. Cadari, In 12°, Paris, 1894, p. 112. En juin i 38, Cadart, avec quelques camarades, sulvireni les escarpements de l'Ouesi ei pénétrèrent ;i la Qaçba par la poterne de Bèb er Rouan h nnllemenl par la < Grotte des Pigeons >, comme 11 a été dit le 'me, en mal Interprétanl une n

relire dullll e par DOUS. I I I. JaCC-UOt, AVr. >!<■ COllSt-, 1916, |M>

Par contre, c'esi très probablemeni en rorçani la Grotte des Pigeons

qu'à l'assaul de Constanline, le 13 octol n h un détache ni de sapeurs

et de voltigeurs h la tête duquel se trouvalenl deux Jeunes officiers de l'é i.-ii major du Général Trezel et doni parlent Sir Grenvtlle, Temple et Falbe, /. c., p 65, escalada la Qaçba < r J. Bosco, in beau ï<ni d'armes, Dépêche de i ■'usi.. 16 mal i > 1 1.

; Josepb Bosco, Indépend, de Const., S septembre i

(3) Ibidem., 30 jmiiei 1909

190

Ghar et Touba ; elle a été connue des anciens, nos gamins l'ont appelée d'un nom rabelaisien '1>.

Le bain romain de Sidi Meïmoune, sur lequel nous reviendrons, était encore accessible en partie il y a une douzaine d'années; il a été depuis entièrement submergé sous les déjections.

La rampe antique desservait, non seulement l'éta- blissement balnéaire mais aussi, par un embranche- ment, les Cascades!2); des vestiges de cette portion de la voie subsistent nombreux ; un écrivain arabe local s'en est fait une très fausse conception <3».

L'embranchement passait en contre-haut du che- min actuel, au-dessus d'un tunnel naturel; mais il est probable que ce tunnel, un peu élargi le 12 juin 1873, par le 63e de Ligne, a été lui aussi utilisé.

Le nouveau Boulevard de l'Abîme a profondément modifié la partie du versant s'étendant notamment entre la « Porte des Brises » et la « Grotte des Pi- geons ». On s'en rendra compte, en attendant la pu- blication de nos autres dessins ou clichés, par la re- production que nous donnons de l'état de l'ancienne porte Bèb er Rouah, antérieurement aux travaux du Boulevard.

C'est au pied de cette porte, entre celle-ci et l'ori- fice supérieur de Derdjet Fo'd'da, que furent trouvés les vases kabyles si bien présentés par notre distin- gué confrère M. G. Marçais, dans ce Recueil^); ils

(i; Josepïi Bosco, Indépend, de Const., il jutllel 1909. : Cf. Cherbonneau, .\n». de * uns/.. 1853, pp. l-'T, 108, 3 El Hadj Ahmed el Mobarek, pp. '■>. 10.

! lier. de Const., 1914, ]>■ 1"7. lï.u'. 1. 2.

Nous avons recueilli vers 1909, à la Grotte des Pigeons », deux frag- ments de faïences berbères qui onl été étudiés égralemeni par M. G. Marçais ; ils sont, l'un du XIe siècle el l'autre du Mil1, ci'. G. Marçais, Les poteries el faïences de Bougie, ln-4», Constantine, 1916, p. 35, fis- XI, 4, 6.

BÈB 1:1; R0UAI.1 Dessin de <• àlarçais, d'après une photographie de l'auteur prise en

191

avaient glissé sous le talus fort raide existant en ce point et dont parle avec effroi le Général Ch. Cadart'1 .

Le passage rocheux des Cascades est doté'en arabe d'une double dénomination. La première rappelle la porte disparue de Bèb er Roual.i. La seconde a le nom trivial mais probablement plus ancien de Chaqq et Tolla. Nous ne le traduirons pas, car si : « L'Arabe dans les mots brave l'honnêteté, « Le lecteur français veut être respecté ».

4. Premières Organisations «In Préhistorique

L'homme primitif s'est installé sur notre rocher; il en a pris possession définitivement.

On y constate avec certitude son existence, en se basant sur les découvertes des grottes de la base du Msid, dès la phase aurignacienne correspondant en France à l'âge du Renne notamment <2'.

11 est permis toutefois, d'après des constatations faites en des régions voisines, de reculer de beau- coup cet Age.

Aussi haut que l'on peut remonter l'immense fleuve des siècles écoulés, l'homme, dès qu'il est permis de pouvoir saisir les principaux caractères de son type, y traduit déjà des modifications profondes. Ce n'est plus un type pur. 11 est issu du croisement de deux races de stature inégale'3). Le cerveau a tra-

(l L. c.

.' i f. Decbeletie, Manuel d'archéologie préhistorique, celtique et gallo- romaine, Paris, m . i. 1908, p 13. i i Steph. Gsell, Histoire ancienne de i [friquedu Nord, Paris, In . i. 1913, pp : el noies

f. D Bertholon, Vote sur l'ossuaire de \fechta el t /■'</. (Fouilles de i/.i/- Debruge et G. Mercier) flec de Const., 1912, p 3l0w*

192

vaille, le crâne a acquis une certaine ampleur. Le prognathisme accentué de sa mâchoire s'est atté- nué f1', Il est enfin le prototype d'une race nouvelle la race africaine néanderthaloïde <2>.

Et puis, en ce qui concerne l'industrie, il est un âge, à ce que nous savons, qu'on n'a pas en- core étudié ou suffisamment mis en relief, celui ayant précédé le paléolithique à tous ses niveaux, l'âge de la pierre simplement utilisée, l'éolithique des spécia- listes <3\

De la première organisation de l'homme sur le ro- cher qui devait plus tard s'appeler Cirta, il nous restait un pan de mur dans le voisinage de Bèb er Rouah ; il a été aux trois quarts détruit ; nous en parlerons en notre étude sur le Capitole. Il est pro- bable que certaines assises couronnant encore la plaie-forme de Biskrïa sont contemporaines au mur en question. Elles portaient la trace de remaniements postérieurs.

L'homme a évolué. Il a maintenant des chefs. Notre confrère et ami M. Charrier, le très distingué nu- mismate africain, a publié des documents suggestifs à cet égard Ce sont des monnaies en cuivre ou en plomb, en assez mauvais état de conservation, et qu'on trouve, dit-il, « en grande quantité sur tout le territoire de l'ancienne Numidie et particulièrement à Constantine ». M. Charrier a examiné attentive- ment plusieurs centaines d'exemplaires de ces mon-

i Dr Bertholon, Ibidem.

(2) J'ttssim. Cf. cm outre Bertïiolon el Chantre, Htdi- de lu sec/ion tle géograi Me, T. XVIII, MDCCCCXIÏI, p. 370.

[3 Cf. Georges Engerrand, Six latins de ■préhistoire, Bruxelles^ ln-8°, pp. 25-5&

193

naies, et il est parvenu ainsi à constituer une série dont il donne une reproduction photographique. Il s'agit bien de pièces antérieures à Massinissa (202-1 iS av. J.-C ); elles représentent des portraits absolument différents. M. Charrier en conclut qu'on doit assigner à leur émission une longue durée t1'.

Il n'a pas été possible à l'auteur d'attribuer des médailles à divers prédécesseurs du Grand Roi nu- mide : Narva, Oesalcés, Capusa et Gala (?), que Tite Live nous fait connaître ,3>.

Avec M. Debruge, nous allons assister à l'aurore même de la monnaie. Il a découvert dans la Grotte 'Ali Bâcha à Bougie des pièces en cuivre, sans aucun signe, bien aplaties, de l'épaisseur variant entre deux ou trois millimètres et de formes ronde, ovale, en losange ou trapézoïdale. Cette monnaie préhistorique a été fabriquée dans la grotte, l'auteur de la trou- vaille en a acquis la preuve évidente (*).

Ainsi, dès cet âge éloigné, l'homme ne recourait plus à l'échange des produits par d'autres produits naturels ou manufacturés ; il commerçait déjà, au moins sur le littoral et les agglomérations impor- tantes de l'intérieur, lin admettant avec l'Abbé Breuil et Piettc (pie les points dits aziliens constituaient l'expression de la pensée de l'homme primitif, on peut dire que celui-ci était déjà, dès l'époque mag-

n Description des monnaies de la Numidie el de la Mauritanie, ln-4°, Maçon, 1912, p. '.'. pi. •-'. n \i

Nous avons pu voir les originaux de cette série dans le cabjnel de M. < narrler, a notre passage a Uger en I9lï el 1919.

Cf i narrler, l. ... p. 9.

.; iiisi. Rom., édlt. Nlsard, 11. Paris, In l«, MDi 1 l 1 VII, xxix. 30, etc., p. 127.

(',1 //,■,-. de ' onst., 1906, pp. 142, 143, planche a la -mie de la ï> 142.

194

dalenienne, possesseur d'un système embryonnaire d'écriture AK

On a vu que chez les Chinois, dans l'invention du système figuratif dit Koù ivèn, c'est-à-dire o écriture antique », par Foù-hi (3369 av. J.-C.) ou par Tsâng- hië (2637-2697 av. J.-C), on connaissait un système presque analogue.

Ce rapprochement extrême entre le procédé pri- mitif d'un des plus anciens et des plus grands peu- ples de la terre, occupant son emplacement depuis les origines mêmes de l'homme, et le système azilien, est des plus suggestifs. Comment l'évolution s'est- elle accomplie ? A-t-elle été autochtone en vertu de la grande loi du progrès de la nécessité, ou bien n'aurait-elle été ici comme dans l'Empire du milieu (2I que le résultat d'apports de peuples encore plus avancés ?

II Les Phéniciens en Afrique

Il est permis de constater cependant en Afrique mineure un apport civilisateur du plus haut degré et dont l'influence se répercute encore; il est aux Phéniciens.

On croit que la colonisation phénicienne en Afrique a pu se répandre de Malte3'. La première apparition

i cf. Congrès internat, de Monaco, l. <•.. p. 378; Piette, apud. Deche- lette, /. <•.. [, p. 236. Dechelette admei que ces signes, toul en étani une dégénérescence de l'an glyptique, possédaienl un sens symbolique ou magique. Cf. Manuel, l, p. 136.

2 Cf. Pautnier, l. <■■■ pp. 0 6 290 el notes. Voir infra. p. 170, note \.

3 Cf. Stéphane Gsell, Histoire ancienne de l'Afrique </u Nord, i. in-8°. Paris, 1913, i). wii.

195

des Phéniciens à Moite, en Sicile, en Sardaigne, en Espagne, aux Iles Baléares et en Afrique, est placée communément à la cessation de la domination des Rois pasteurs en Egypte, vers le II" millénaire'1'.

Cette apparition est plus ou moins avancée ou re- culée par certains écrivains'2). Nous ne pouvons nous attarder à discuter ces opinions.

Il reste avéré qu'antérieurement à la fondation de Cartilage (813-814 av. J.-C.), des émigrations phé- niciennes, qu'elles proviennent de Tyr, de Sidon ou d'ailleurs, ont eu lieu à diverses époques dans l'A- frique du Nord.

C'est ainsi que nous lisons dans Procope que des Chananéens, obligés de fuir la Palestine devant l'in- vasion de celle-ci par Josué, se répandirent en Lyhie et érigèrent à Tigisis, en Numidie, deux colonnes commémoratives de l'événement, en langue phéni- cienne :i). D'aucuns ont taxé de légendaire le récit de l'Historien byzantin du VIe siècle; l'assertion vaut autant ipie la plupart des faits énoncés par les au- teurs antiques et qui sont acceptés pourtant les yeux fermes. L'événement est reporté par divers écri- vains au \I\ ' siècle avant J.-C. C'est la date qu'as- signe l'Historien maltais Abela, à l'arrivée des Phé- niciens dans l'Ile de Malte'4'.

M Cf. i'' V A Caruana, Framento critico délia storia fenicio cartagi- ne.se... délie isole di Mail a, m l», Malta, 1899, p Renan, ffisto

générale et système comparé des langues sémitiques, m . édition, Paris, MD( i CLX1II, p. i ;

f-.Mcr j. Bosco ei M Sollsrnac, Bec. de Const., 191 1, p. 323, note i J B /.'(///. </,• / icadémie d'Hippone, :;•.'. I912, p 89 '■' note 2; P i Bellantl, Maltn Kadima, n* 133 de la collection Mogndija lu: zmien, In 12°, Malta, 1913, |p.

i i] Bell. \ninL. 2. n. m. 88, apud. Gsell, l <■ . p. 339 i i [(las archéol . feuille 17, Constantine, n

(4) Cf. lice, de ConSt., L9H, p. 323, ll'ilf itlf

- 196

Suivant Velleins Paterculus, les Tyriens fondent la ville d'Utique ll> ; la date de cette fondation est fixée vers l'an 1110 avant notre ère''2).

Au rapport de Menander, cité par Josephe, Itho- bal, Roi de Tyr, père de la fameuse Jezabèle qui épousa Achab, roi d'Israël, crée en o Lybie o la ville d'Auza 3>.

Enfin, Stéphane de Byzance mentionne en Tunisie la ville d'Acholla créée, dit-il, par les Melitains <4\ c'est-à-dire, les Maltais.

Nous ne dirons rien de l'Empire carthaginois l5>.

L'expansion des Phéniciens est connue. Ils ont rayonné partout, à travers tous les continents. Au Maroc, ils fondent trois cents cités G\ dont il ne restait au temps de Pline, assure à tort et un peu narquoiseraent cet auteur classique, pas même le souvenir '7l. Ils accomplissent le tour de l'Afrique (8l. Ils vont jusqu'au Brésil*9', vraisemblablement jus- qu'en Chine'10).

(l) 4. I, 2, 4. apud. Gsell, Hist. mit-.. I. p. 360.

2) Gsell, Hist. mie, I. p. 360.

C-t) Flavii Josephi Opéra... édlt. G. Dindorf, [. Antiquitatum Judaic, Paris, MDCCCXLVI, in-8°, \'III. 13, 2, p. 320; VIII, 13, 1, pp. 319-320.

(4i « "AxoXXx a -o'.v.o: MeXltaîtov )). Cf. Mûller, Numis- matique, il. 1861, i). 44, note 5; Steph. Gsell, Hist. une. de l'Afrique du Nord, i. il 372, note 4; il. 1918, pp. 130, 131 et notes.

c.' Au sujei de cei empire, cf. Steph. Gsell, Hist. une. I. c., i. p. 360 sqq,

IL III. 1918-

161 Cf. Eratosthene, apud Strabon, KV1I, 3, 3. in-4°; Gsell, /• c, I. p. 364, note 2.

(7. V. 7. p. 209.

isi r:r. Herodoti historiarum, édlt. Millier, ln-4°. Parisiis. MDCCCLVII, IV. 12.

i'.») «m a contesté l'authenticité d'une inscription phénicienne trouvée au Brésil ; notre regretté ami F. Calleja, donl la compétence en matière tlngruis tique étall indiscutable, admel qu'elle porte ions 1rs cachets de la vérité. Cf. //////. de la Société de géogr. d'Alger, 2" trimest., 18U9 pour l'inscription; 1902, p. I4i pour la traduction.

(m) Les historiens chinois rapportent'qu'à la5" année du règne de Yao, 2353 av. J.-C-, cul lieu l'arrivée à la Cour d'un « Barbare du .Midi. Il appor-

197

Partout ils vont, leur action civilisatrice s'exerce ; c'est à l'étincelle apportée par eux, dit ex- cellemment le D1 Judas, que s'est allumé le Génie grec ' .

Dans quel état se trouvaient, à la première appa- rition des Phéniciens en Afrique, les naturels du Pays? Ils en étaient encore, très probablement, au néolithique.

C'est ce milieu assoupi, imprégné autrefois des émanations civilisatrices de la vieille Egypte, que les Phéniciens vinrent à nouveau galvaniser de leur ac- tivité intelligente et de leur savoir fécond.

Nous suivrons leurs traces à Cirta mieux que par- tout ailleurs.

2. Les Phéniciens à Cirta

Agriculture

On a émis l'opinion que l'apparition de la civilisa- tion néolithique, caractérisée par la fabrication du pain et de ses accessoires, a pu survenir sur la pé- ninsule ibérique de l'Est et par mer vers le III" mil- lénaire l2).

Des éléments d'appréciations de l'inlluence phéni-

talt, en présent, une grande tortue doni le <i"~ étall couverl de caractères

<• prenani l'histoire du monde. Le savant orientaliste G. Pauthler, /. <•..

note, pp 280, 281, Incl a croire qu'il s agirai! la plulôl d'un Phénicien

Dans ic- textes bibliques, mi mentionne le Pays <!<■- Sinlens -. c'esi a dire, i.i 'lune Cf. fsate, \i i\. i-j.

(M Etude démonstrative de i<i Langue phénicienne et de /" Langue li- byque, Paris, m i», 1847, i>. i.

-.') Cf. Congrès international d'Anthropologie et d'Archéologie préhisto- riques, Monaco, 1906, pp 38, .".'•

198

cienne, en ce qui concerne l'agriculture, sont fournis par un travail d'une portée mondiale, le travail du Phénicien Magon ; Pline en fait le plus grand cas l]. Columelle appelle Magon le « Père de l'agriculture ». *2' L'original est perdu, Cassius Dionysius d'Utique le traduisit en grec en vingt livres'3). Diophane abré- gea la traduction de Cassius Dionysius; les noms de Magon et de son traducteur Cassius se trouvent souvent liés dans Pline'1).

Au point de vue toponymique, seul point que pour nous restreindre, il nous est permis d'envisager ici tout ce qui a trait à la terre, joue en Afrique mineure un rôle insoupçonné ; nous revendiquons fièrement l'honneur de le prouver.

Citons, pour l'instant, quelques toponymes figurent des plantes, l'exposé complet de la méthode et la nomenclature de tous les toponymes intéres- sants viendront après, avec les références nécessai- res. Que n'a-t-on pas écrit, surtout de l'autre côté du Rhin, au sujet du terme LAM dont les variantes sont LEM, LIM, préfixant un certain nombre de lo- calités Nord -africaines? C'est tout simplement le mot chananéen, existant en hébreu, en arabe, en maltais, etc., 'Ain, *py « Source, Fontaine ».

11 nous donne notamment ; 'Ain Besam (Lambe- sam), o Source du Baumier »; 'Aïn Birdi (Lambiridi), « Source du Jonc >) ; 'Aïn Fououa (Lamphua, Phua ou Cheftaba), « Source de la Garance ».

(l) ffist. natural, édition E. Littré, ln-8", Paris, I. MDCCCLV, Lib. t., pp. 23, 31, 3?, ■'><■■ 38, v .

(2 I. I. XVII, 11, il" 3, 16; XVII, 19, 30, 2; XVIII, 5, 7. n- 3, 23; XXI 68, 69, ln-8°, Littré, l. c, p. 89.

(3 Littré, Ibidem, p

i ffist. mil.. I. <■.. I. pp. 31, 32, 36, 38, 18.

199

Rusicada (Philippeville) et Rusicmona, (Porto Fa- rina, Tunisie), s'interprètent : a Gap de l'Amandier », « Cap du Cumin » b.

Des toponymes sont consacrés au palmier, Thamar, l'exemple a été suivi par les Romains <- .

L'antique Beschera (Biskia) est dotée d'un nom à double sens. Il peut signifier « Sucrée » et aussi a iïntrepôt de marchandises ». Le premier fait allu- sion aux fruits des palmeraies de l'Oasis. Le second montre qu'à l'époque phénicienne, c'était le grand marché s'échangeaient les produits du Littoral et îles Hauts-Plateaux avec ceux des régions du Sud.

Ce nom indique que l'expansion phénicienne ne s'est pas arrêtée à quelques villes de l'intérieur et du rivage, et qu'elle a rayonné jusqu'aux régions désertiques.

Enfin, certains animaux domestiques et la terre, en ses divers phénomènes physiques, ont la plus grande part dans la toponymie phénicienne, ainsi qu'on le verra plus tard.

13.

Industrie -phénicienne à Cirta

L'inépuisable trésor de documents qu'est la topo- nymie vient de révéler une insdustrie aux environs de Cirta, la fabrication de la poterie. Elle avait lieu, le topjnyme l'indiquerait, à Tiddis ainsi qu'à Auzu- ra. On commit Tiddis dont le nom arabe est El

i n sera discuté sur toutes ces pla s, dans la seconde partie de ce

travail.

2) cr provisoirement, I. Bosco, Rec de Const-, 1915, p. 328, note i.

200

Khneg ; on va être fixé au sujet de l'emplacement que nous assignons à Auzura.

Tiddis n'est certainement que l'équivalent du terme biblique Tit, 10*13 « Argile » (*) ; les Romains en a- doucissant sa dernière radicale lui ont ajouté le cas oblique IS. Ces exemples sont fréquents, ils seront examinés au moment opportun. On sous-entendait à l'époque phénicienne le mot « Endroit », « Emplace- ment o ; il est très probable même qu'il ait existé ; le terme répondrait au toponyme arabe, sur lequel nous reviendrons et situé sur la piste de Fort- Bellevue au Polygone, Mahfer et Tain, , vJ^J' fis^a « Endroit l'on extrait de l'argile ».

Evidemment, l'appellation ne visait pas autrefois une petite cité, mais les carrières d'argile qui furent également utilisées à l'époque romaine, et que l'on trouve à proximité. La toponyme antique offre d'ailleurs plus d'un exemple de transplantation de noms.

Quand à Auzura, qui s'est écrit Aiura et Azura^2), nous l'identifions avec la ruine Yadjoura, placée, comme on l'a vu, entre Fedj er Ri h et le Zied. Ya- djoura perpétue une dénomination dont les termes n'existent pas non seulement dans l'arabe parlé,

s » a. =>- b mais aussi dans l'arabe écrit, y =>-i

Adjor, ainsi que dans l'assyrien Agour - ri :

13). Ces termes signifient : c Brique cuite ». Des car-

ÎBMfflïï

1 et Tsaïe, xi. 1. 25'; Naii m. l'i TU a mi sens en berbère; il sera

examiné plus tard.

(2) Cf. Steph. Aui. Morcela, Africa Christiana, in-v. Brixiae, 1, MDCCCXVI, p. 17'.

{.}) Cf. J. Oppert, Inscription de Borsippa, ./mimai Asiatique, 1856, pp. 491 194.

201

rières d'argiles, comme à Tiddis, se remarquent aux alentours. Auzura fournissait, on ne l'ignore pas, sous les Romains, des tuyaux de la conduite d'eau de Cirla (i).

On a supposé que l'Evèché d'Auzura était placé à l'Ouest de Rotaria, du côté de Constantine*2).

La poterie et la céramique de Henchir Yadjoura justifieront encore ultérieurement notre identification.

La ruine est à 1.500 mètres environ au N.-E. de la a Grotte des Martyrs » de Bkira.

Sur la même rive des carrières d'argile de Tiddis, à une dizaine de kilomètres la moitié à vol d'oi- seau — à l'Est et dans ce même territoire de la commune du Hamma, il existe le « Puits des Fou- lons ». Ce toponyme que nous traduisons est employé encore par les Indigènes en l'idiome original et comme à la meilleure époque phénicienne : Ber-régli (3); les Français le prononcent à tort Bergli.

Ber-régli est, à peu près, à égale distance de notre ville. Les cavernes sépulcrales phéniciennes appelées

El Ghirèn, ,,] fJJi et dont il sera question par la suite, ne sont pas loin de là.

c.

Les Phéniciens firent de Cirla la capitale d'un état autonome dont l'étendue nous est inconnue et qu'au- cun auteur de l'antiquité n'a indiqué. L'existence de

i et provisoirement Col. Creully, .\n». </,• const., 1858, dp. 132-186!

' / /... i ///. io, m.

(2) Cf. provisoirement P. i Mesnaare, l'Afrique Chrétienne, Pans, in-8*, 1912, p. LOI.

(3) Cf. J. BOSCO, Rec de const., 1919, p. 256, notç 3.

202

ce royaume est antérieure à Carthage ; elle est prouvée par des inscriptions phéniciennes trouvées sur place. On n'y mentionne pas moins de cinq personnages royaux. L'un de ces rois a régné, on peut l'assurer, 44 ans; le règne d'un autre a duré, cela est certain, 50 ans («.

Au sujet de ces souverains, il a été émis l'opinion qu'une autre désignation s'appliquait alors à Cirta, celle de Batim Sarim&L Elle sera étudiée à l'article consacré au premier de ces noms, dans la suite <3).

Plus de la moitié des textes épigraphiques en lan- gue phénicienne provenant de Constantine sont en- core inédits ; leur publication qu'on annonce comme prochaine nous permettra, sans doute, de dévelop- per à l'aise le thème historique et philologique.

En tous les cas, l'établissement des Phéniciens à Cirta, à l'époque la plus archaïque, résulte des ves- tiges de cette époque et notamment de la très impor- tante nécropole phénicienne du Mançoura dont l'ample description suivra ci-après.

On ignore comment le royaume phénicien de Cirta

passa aux mains des prédécesseurs de Massinissa

dont il a été question.

(A suivre).

H) Cf C / S., I. I. IV, ii" 294, pp. 964-6; Philippe Lier.ner. Actes du On- zième Congrès des Orientalistes, Paris, 1897 ; IV" Section, Paris, in-4», MDCCCXCV1U, pp. 292, 293. .,„„„». , , ,,

Sur les inscriptions pnéntciennes de Cirta, cf. J.-B. Chabot. Journ. Astat. 11 x, I, Juillet-août 1917, pp. 72, sini : Combles rendus des Séances de l'Académie des inscriptions et Belles-Lettres, 1916, pp. 242. sqq.

(2) Cf. Berger. I. <■■

c») Nous publierons à cei effet une inscription punique rélevée par nous le 14 mai 1918 à Gueima ei encore inédite.

203

COllli- K OTION S

Page 82, ligne 32, après maltais, ajouter etc.

84, 7, lire 1918 au lieu de 1919.

85, ajouter 1 entre la ligne 3 et la ligne 4.

'.'0, 32, lire note au lieu de noe.

93, 11, après de. ajouter l'industrie.

104, note 1, lire 19tA au lieu de 1919.

138, 5, lire arbres au lieu de arbre.

138, 9, lire De Sauley au lieu de De Saulcoy.

150, ligne 2, lire poussent au lieu de poussant.

151, 16, lire pouoant au lieu de pouvante.

192, 6, lire à ce que nous sachions au lieu de à ce que

nous savons.

194, ajouter 1 entre la ligne 18 et la ligne 19.

199, 24, lire c'vnt révéler au lieu de vient de révéler.

2C0, 20, lire quant à au lieu de quand a.

11 y a quelques autres coquilles sans importance, dans l'accentua- tion surtout, que le lecteur corrigera de lui-même.

Joseph BOSCO.

-0—00— >-

NOTICE

SUR

DEUX CURIEUSES PIERRES A CUPULES

Au moment l'on semble s'occuper d'une façon sérieuse des pierres à cupules, il n'est pas sans in- térêt de signaler deux de ces monuments assez curieux que j'ai découverts il y a une dizaine d'an- nées dans un atelier de taille néolithique à Takdempt, près Dellys.

A vrai dire, je recherchais la fameuse borne ro- maine qui a déterminé l'emplacement de Rusuccuru et qui a été précisément découverte à cet endroit peu d'années après.

L'atelier de taille de Takdempt m'avait été signalé par mon ami M. Camille Viré, et profitant d'un sé- jour au bord de la mer, je l'ai exploré. Cet emplace- ment préhistorique est admirablement situé dans l'angle formé par l'embouchure de l'Oued -Sebaou et la mer; il est couvert, dit M. Camille Viré, jusqu'à mi-côtejde la montagne de grès siliceux taillés.

Soit dit en passant, j'y ai découvert de magni- fiques échantillons, notamment de nombreux et beaux disques, juste en bas de la montagne, face à l'Oued-Sebaou, dans des terrains nouvellement défri- chés, et qui avaient été ramenés au jour par la charrue; j'y ai ramassé également quelques belles pointes de lance en grès siliceux.

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Cet emplacement représente la succession de plu- sieurs âges ; un peu plus loin entre la route de Dellys et la mer {vigne Lieutaud), j'y ai ramassé plusieurs haches en grès siliceux, franchement chelléennes.

La station de Takdempt proprement dite, au pied de la montagne, a été recouverte d'une épaisse cou- che de terre de Loess qui a été très profondément et largement ravinée, au point que l'ancien niveau des terres est représenté par des tables hautes parfois de dix mètres; les bords sont abrupts et l'escalade en est quelquefois impossible; ces tables rappellent, en petit, la montagne de Kâalat-ès-Snam-

Fig. i

La magnifique pierre à cupule (fig. 1) est taillée dans un grès demi-tendre; c'est une dalle naturelle, elle mesure 0m35 de diamètre, 0m12 d'épaisseur et

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pèse 18 kilos ; elle était tournée en dessous et pré- sente la particularité d'être piquée à la pointe juste en face de l'emplacement les trous ont été creusés sur la face opposée.

Les trous sont demi-sphériques ; celui du milieu a une capacité de près d'un litre, les petits sont comme les trous d'un gros coquetier, ils sont faits à la grosse pointe et on remarque aussi bien le détail du travail que s'il avait été fait récemment. A première

vue, cette pierre a l'aspect d'une petite table, cependant les petits trous, vu leur minime capacité, ne peuvent que difficile- ment laisser suppo- ser qu'ils étaient des- tinés à recevoir des aliments.

J'ai découvert la pierre ( fig. 2), non loin de la première, au milieu des buis- sons et touffes de ronces; elle a été tra- vaillée également dans une dalle natu- relle mais sur une seule face, elle est taiilée dans un grès identique à la pre- Fig- 2 mière et mesure 0m65

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de longueur ; le trou du milieu affecte une forme ellipsoïdale et n'est pas terminé, le détail du travail est visible, l'artiste a d'abord creusé un trou à une profondeur de trois ou quatre centimètres, puis il a recommencé à creuser à fond à une extrémité du trou, mais à cette seconde reprise il n'a pas terminé son travail et l'a abandonné à moitié fait.

Les deux petits trous sont un peu plus grands que ceux de la pierre 1.

Quels pouvaient être les usages de ces pierres?

De l'examen le plus minutieux, elles ne portent aucune trace de frottement ou d'usure pouvant four- nir une donnée quelconque ou indiquant qu'elles ont servi à un usage domestique, et nul doute qu'au moment de leur découverte elles n'étaient pas à l'emplacement l'homme préhistorique les avait déposées.

A remarquer que, dans la vallée de l'Oued-Sebaou, j'ai très souvent rencontré des trous semblables, mais creusés dans des rochers en place et l'explo- ration la plus minutieuse de cette vallée, ne m'a ja- mais permis de découvrir aucune autre pierre à cupules " portative ".

E. GOUSSE,

Officier du Ministère public, près le Tribunal répressif du Khroub.

UNE

STATUE DE L'EMPEREUR CONSTANTIN

à Constantine

I

Au mois de novembre 1908, la Société archéo- logique de Constantine, sur l'initiative de la Mu- nicipalité de cette ville, se constitua en Comité spécial en vue d'élever, sur une des places de la ville de Constantine, une statue à l'Empereur Constantin qui avait fait relever de ses cendres l'antique Cirta et lui avait donné son nom.

Ainsi qu'en témoignent deux inscriptions actuelle- ment encastrées dans les murailles de la Casbah de notre ville, et rappelées, ci-après, l'ancienne Cirta, res- taurée et reconnaissante, avait élevé à cet Empereur deux statues détruites depuis.

Constantine, devenue française, se devait à elle- même et devait à son passé, d'ériger, elle aussi, une statue au Grand Empereur dont elle porte toujours je nom, et sans lequel elle ne serait peut-être restée qu'un amas de ruines comme Lambèse, Timgad, Djemila, Sigus, Sila et tant d'autres villes, autrefois florissantes, qui n'ont jamais été rec instruites.

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Un jeune et distingué sculpteur, François Bras- seur, premier grand prix de Rome, fut chargé de ce soin; la statue qu'il a livrée est une copie, en marbre blanc, de celle de Constantin conservée à la basilique de Saint-Jean-de-Latran, à Rome. Constantin y est représenté debout, étendant le bras droit, dans un geste d'autorité et de protection.

Elle est placée au faubourg d'El-Kantara, en face de la gare des voyageurs, dominant les coquets jar- dins qui surplombent les pittoresques escarpements du Rhumel; son socle, dont le plan avait été ap- prouvé par M. Ballu, architecte en chef des Monu- ments historiques de l'Algérie et Membre d'honneur de notre Société, est l'œuvre de notre collègue, M. Bonnell, architecte du Gouvernement Général de l'Algérie. Il porte l'inscription suivante :

A Constantin-le-Grand, qui releva de ses ruines Cirta détruite par Maxence et lui donna son nom en 3;3.

A cette occasion, il semble opportun de rappeler très succintement comment Constantin, devenu seul maître de l'Empire, fut amené à reconstruire l'an- cienne Cirta, et de faire ressortir, en même temps, que cette ville avait bien été détruite par Maxence, contrairement à l'avis de certains auteurs, et non par Alexandre.

II.

Lorsque Dioclétien revêtit de la pourpre un de ses compagnons d'armes, Maximien, qu'il adopta comme son fils et auquel il donna le nom d'Hercu- lius, en attendant de lui accorder peu après le titre

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à* Auguste, il partagea l'Empire avec lui; mais bien- tôt la part de chaque Empereur lui parut trop grande pour que l'action du Gouvernement fût partout effi- cace et prompte, et, clans l'espoir aussi que la grave question de la succession du trône serait ainsi résolue sans que les soldats eussent désormais à intervenir, il décida que les deux Augustes s'adjoindraient, sous le titre de Césars, deux lieutenants qui, subor- donnés aux Augustes, seraient leurs héritiers néces- saires. De cette façon, au lieu de deux princes régnant ensemble à Rome, leur action, n'étant pas divisée, se contrariait, chacun des Augustes et des Césars devait avoir, d'une manière permanente, sa part de frontière à surveiller et de barbares à contenir.

En conséquence, le 1er mars 293, Constance et Galère furent proclamés Empereurs.

Dioclétien s'était réservé l'administration de l'O- rient avec l'Egypte et la Lybie, les îles et la Thrace; Galère dut veiller sur les provinces danubiennes, sur l'Illyrie et la Macédoine, la Grèce et la Crète; en oc- cident, l'Italie, l'Afrique et l'Espagne échurent à Maximien Hercule, la Gaule et la Bretagne à Cons- tance.

En 30 i, Dioclétien, qu'on avait surnommé le Père des Empereurs, se détermina à quitter le pouvoir, dont il avait résolu de limiter l'exercice, pour chaque Auguste, à une période de vingt années. C'est en Asie Mineure, à trois mille de Nicomédie, sur un monticule qui domine la plaine et s'élevait une colonne surmontée d'une statue de Jupiter, que, le 1' mai de l'année 305 il annonça sa résolution, en présence de tous les grands de l'Empire, des Olli- ciers du Palais et des Représentants de toutes les

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légions. Il désigna pour lui succéder Sévère et Maxi- mien-Daza, et, se dépouillant de son manteau de pourpre, il en revêtit aussitôt ce dernier, présent à la cérémonie.

Le même jour, à Milan, Sévère était proclamé César par Maximien-Hercule.

Dioclétien se retira dans son magnifique palais de Dalmatie; il laissait auprès de Galère, le fils de Cons- tance, Valérius Aurélius Constantin, en 274, à Naissus (aujourd'hui Nisch), dans la haute Mésie, et alors âgé par conséquent de 3i ans. Ce jeune homme, de belle apparence, brave et adroit à tous les exercices du corps, joignait à ces dons extérieurs, qui charment les soldats et la foule, un esprit péné- trant et rusé, une vive intelligence, le talent de sa- voir mettre à profit les moyens les plus propres à servir son ambition, et la volonté énergique qui neu- tralise les influences contraires, mais sans scrupule, disent les historiens*1), pour les mensonges utiles et pour les meurtres qu'il jugeait nécessaires.

Après le départ de Dioclétien, Constance demanda instamment à Galère de lui envoyer son fils; quoique à regret, Galère accéda à cette demande et Constan- tin rejoignit son père à Boulogne; il partit bientôt après, avec lui, pour la Bretagne une expédition toute préparée lui permit de se faire connaître des troupes ; de faciles succès servirent de prétexte à des gratifications qui achevèrent de lui gagner le cœur des soldats; et lorsque, peu après, le 25 juil- let 306, Constance mourut, les légions proclamèrent son fils Auguste. Selon la coutume, Constantin en-

(1) Duruy, Histoire des Romains, t. VII, p. 5.

- 213

voya aux Empereurs son image couronnée de lau- riers et rendit compte de l'événement à Galère en des lettres modestes il déplorait l'impatience des soldats qui ne lui avaient pas permis d'attendre que ses droits eussent été reconnus par le Chef de l'Em- pire. Galère accepta l'excuse, mais ne concéda, à l'élu des légions bretonnes, que le titre de César et le 4e rang parmi les princes^1'. Faisant preuve de pru- dence, Constantin accepta la condition qui lui était faite, afin de ne pas attirer sur lui l'inimitié des au- tres princes.

Dans l'intervalle, Maximien, dont les vingt années de règne avaient expiré, avait lui aussi abdiqué; son fils Maxence, ne voulant pas être moins désintéressé que le (ils de Constance, se fit proclamer Empereur, le 28 octobre 306, à Rome, il s'empressa d'appeler son père. Moins sage que Dioclétien, celui-ci quitta aussitôt sa retraite et revêtit de nouveau la pourpre aux acclamations du Sénat et du peuple.

L'Empire Romain compta alors, à la fois, six Empe- reurs, mais ce nombre devait se réduire bien vite.

C'est d'abord Sévère, qui, vaincu par Maximien, se donna la mort, le 1" mars 307, en se faisant ouvrir les veines.

Trois ans après, Maximien, dont l'ambition trom- pée et l'esprit remuant l'avaient jeté dans des in- trigues contre son fils Maxence et contre son gendre Constantin, finit au bout d'une corde, dit Lactance.

« Nodum informis l&ti trabe nectit ab ullu » - .

(1; Lactance, <le morte, pers. '-'5.

i- Lactance. op., rit. 30: d'après Virgile, XII, 803; Duruy, histoire d( Romains, vol. Vil, p. 15.

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L'année suivante, Galère mourut à Nicomédie d'un mal hideux; avant de mourir, il avait donné le titre d'Auguste à Licinius, son ancien compagnon d'armes, qu'on disait fils de l'Empereur Philippe.

A Rome, Maxence se livrait à toutes sortes de débauches et tyrannisait l'Italie et l'Afrique. La pro- vince d'Afrique était alors administrée par le Comte Alexandre, d'un tempérament faible, qui n'avait pris parti ni pour ni contre Maxence; mais quand celui- ci lui demanda son fils en otage, comme preuve de sa soumission, il refusa, et cet acte décida de sa conduite ultérieure. Lorsque le bruit, vrai ou faux, se répandit que Maxence avait envoyé des émissaires pour le tuer, il céda aux sollicitations de ses troupes et se laissa imposer la pourpre. Son règne ne dura qu'un peu plus de trois ans ; battu et fait prisonnier par les généraux de Maxence, il périt étranglé.

Maxence profita de cette révolte pour soumettre la province d'Afrique aux plus grandes cruautés; non seulement il fit procéder à de nombreuses exécutions, mais il saccagea Garthage, détruisit Girta presque de fond en comble, et la livra au pillage.

De retour en Italie, il continua ses orgies, ses vio- lences et ses crimes; aussi, secrètement sollicité de mettre fin à un aussi triste état de choses, Constan- tin, qui venait de réprimer la révolte des tribus ger- maniques, se décida à envahir l'Italie. Franchissant le Mont-Cénis avec une armée composée de 25,000 hommes de vieilles troupes et d'auxiliaires barbares, il descendit les vallées du Po et de l'Adige, et arriva, par une marche victorieuse, à quelques kilomètres de Rome; la rencontre avec les troupes de Maxence

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eut lieu aux Roches rouges; Maxeuce vaincu, en fuyant, se noya dans le Tibre au pont Milvius le 28 octobre 312.

Le vainqueur fit dans Rome une entrée triom- phale; on portait derrière son char, en guise de tro- phée, la tète livide de Maxeuce, qui fut ensuite en- voyée en Afrique pour être montrée aux populations de cette province. Les amis, les conseillers et le (ils même de Maxeuce furent mis à mort; mais, aussi- tôt après ces exécutions, Constantin se hâta de met- tre fin à la guerre civile, donna des jeux et fit des libéralités qui lui attirèrent la sympathie du peuple, et le Sénat lui accorda le premier rang parmi les A ugustes.

Il n'en restait plus que trois : Constantin, Maxi- min-Daza et Licinius, devenu le beau-frère de Cons- tantin.

A la suite de démêlés avec Licinius, Maximin- Da/a, vaincu, s'enfuit jusqu'à Tarse, en Cilicie, il mourut en 313.

Sous le prétexte d'une conspiration vra;e ou'fausse formée par un nommé Bassianus et par Licinius, Constantin lit "mettre à mort Bassianus et marcha contre Licinius avec une armée de 20,000 hommes. La rencontre eut lieu en Pannonie, mais la bataille fut indécise et les deux beaux-frères se réconcilièrent; cependant, dejnouveau, la guerre éclata bientôt entre eux, et, le li.'t septembre 323, Licinius vaincu vint déposer la pourpre aux pieds de son vainqueur qui le rélégua en Thessalonique, l'année suivante il reçut un ordre de mort.

- 216

Seul maître de l'Empire, Constantin se préoccupa d'en sui veiller et d'en défendre les frontières, et aus- si de réparer les désastres causés par Maxence.

Sur la demande de la population de Cirta, qui lui avait envoyé une délégation pour lui vanter les sites merveilleux de cette cité, et lui signaler les grands avantages que présentait cette place au point de vue de la défense du pays, Constantin, accédant au désir formulé par les députés, en ordonna la restauration.

Des monuments épigraphiques de l'époque, trou- vés en Algérie, témoignent de l'exactitude des faits qui viennent d'être rappelés.

Citons dabord une curieuse plaque découverte à Cherchell, en avril 1855, transportée au Musée d'Al- ger, et sur laquelle est mentionnée la victoire du pont Milvius. On y voit, en effet, au premier plan, trois hommes en marche, couverts de vêtements am- ples, couronnés de lauriers, dont un, le premier, tient dans sa main droite un rameau d'olivier ; au second plan, quatre autres personnages, revêtus d'une tunique courte serrée à la taille, portent, sur leurs épaules, la reproduction de l'arche d'un pont que traversent des guerriers et des chars; une barque est amarrée à l'une des piles du pont; en avant de cette arche, à la hauteur de la tête des deux premiers porteurs, se lit, dans un cartouche, 1 ins- cription suivante, un peu mutilée, mais encore assez nette :

PONS MILVlVS-tXPEDITlON IMPERATORIS CONSTANTIN!

Cette plaque, allusion à la bataille livrée aux Ho- ches Rouges, à la fuite de Maxence et à sa mort au

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pont Milvius, est due sons doute à une personne de Julia Caesaria, qui avait eu à souffrir des cruautés de Maxence.

Les deux inscriptions ci-après, aujourd'hui encas- trées dans les murs de la Casbah de Constantine, témoignent tout particulièrement de la rééditication de Cirta par Constantin; elles étaient originairement gravées sur le piédestal de chacune des deux statues élevées à cet Empereur, grâce à la bienveillance du- quel la ville avait pu renaître de ses cendres.

En voici le texte :

PERPETVAE SHCVRITATIS AC LIBERTATIS AVCTOFU DOMINO NOSTRO FI. A VIO VALERIO CONSTANTINO PIO FELICI INVICTO AC SEMPER AVGVSTO IALLIVS ANTIOCUVS VIR PERFECTL-iSIMVS PRAE8ES PROVENCIAE NVMIDIAE DEVOTV8 NVMINI MAIESTATIQVE

I IVS

TRIVMPHATORI OMMV.M QEN1IVM AC DOMITORl VNIVER3ARVM I.1BI UTATI M TENEBRI3 SERV1TVTIS OPPRESSAM SVA FELICI VICTORIA LVCE INLVMINAV1T DOMINO NOSTRO FLAVIO VALKRIO CONSTANTINO MAXIMO PIO FELICI INVICTO AVGVSTO PROV1NCIAE NVMIDIAE NVMINI MAIESTATIQVE EIVS DE VOTA

La première, dédiée à l'Empereur par Jallius An-

tiochus, dont la famille était chrétienne, célèbre la gloire de celui qui était l'auteur de la liberté el de la sécurité perpétuelle, et la seconde rend hommage b Flavius Valérius Constantin, très grand, très pieux,

heureux, invincible et Auguste, triomphateur de toutes les nations, qui a soumis toutes les bâclions

218 -

et qui, par son heureuse victoire, a illuminé d'un rayon les ténèbres de la liberté opprimée par l'es- clavage.

III.

Certains historiens de l'Afrique du Nord se sont demandés si la ville de Cirta avait élé réellement dé- truite par Maxence, et quelques-uns ont exprimé l'a- vis qu'elle avait pu l'être par le Comte Alexandre, dans sa lutte contre Maxence.

Avec un de meséminents prédécesseurs, M. Poul- ie1-1', j'estime que cette dernière opinion n'est pas exacte et ne saurait prévaloir.

Elle est basée sur une traduction erronée, à notre avis, du texte d'Aurélius Victor, qui après avoir ra- conté la défaite de Maxence, sa mort près du pont Milvius, et les restaurations faites à Rome par Cons- tantin, ajoute que Cirta, ruinée par le siège qu'elle avait soutenu contre Alexandre, fut rebâtie, embellie et appelée Constantine.

Or, voici le texte d'Aurélius Victor :

Çirtaque oppido, quod obsidione Alexandre ceciderat, reposito, exornaloque, nomen Constantina inditum&).

Traduire Obsidione Alexandri par le siège de Cirta fait par Alexandre, ne paraît pas exact et sem- ble constituer, selon nous, un contresens. Ces deux mots doivent être traduits littéralement : le siège d'Alexandre, c'est-à-dire le siège d'Alexandre dans Cirta.

(1) Recueil de la Société ArcUculorjiqw, vol. 1S, p. 463.

(2) De Cacsar, cap. XI..

219 -

Cette interprétation, qui est d'ailleurs la plus ra- tionnelle, est également celle de Gisbert Cuper, qui, dans ses notes sur Lactance, dit : « Alexandre sem- ble avoir été assiégé clans Cirta «i1).

D'après Onésime, dit Tillemont ("2l, la ville de Cirta fut détruite à la suite du siège d'Alexandre, soit qu'il l'eut assiégée parce qu'elle refusait de lui obéir, soit qu'il y ait été assiégé lui-même ; dans ce passage, cet auteur se contente d'élever un doute, mais, dans son (i histoire de l'Eglise », après avoir rappelé avec quelle joie l'Afrique avait reçu la tète de Maxence, il écrit : « La Ville de Cirta surtout avait beaucoup souffert, ayant été assiégée et ruinée dînant la guerre île Maxence, contre Alexandre. »

Nous, savons, d'autre part, que cette guerre fut très courte et qu'Alexandre, battu dès la première rencontre, se réfugia dans Cirta qui fut prise de force et il fut fait prisonnier.

Telle est aussi l'opinion de M. d'Avezac dans son Afrique ancienne^ : Maxence. dit-il, envoya contre Alexandre Rufus Volusianus, son Préfet du Pré- <• toire, et Zénos, général expérimenté, qui le bat- « tirent, le poursuivirent, l'assiégèrent dans Cirta « il s'était réfugié, emportèrent la place qui fut « saccagée, et, s'étant emparés d'Alexandre (dans » Cirta, cela va sans dire), le firent étrangler. »

Enfin, M. Lacroix, l'historien de lu Numidie et de

1 Dans ses Notes sur Lactance, ohap. 44. '2 Histoire <

(3; p. 231, a.

■2 H istoire des Empereurs, t. IV, p. 120, Recueil delà : archào-

nstaiittne, vol. 18, p. 47b* à i~v

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la Mauritanie, émet une interprétation conforme^. Au surplus, si Cirfa avait été détruite par Alexandre, il n'aurait pas pu s'y réfugier. Il n'avait, du reste- pas de raison pour la détruire puisque la Numidie s'était déclarée pour lui, comme les autres villes romaines d'Afrique.

L'inscription trouvée au mois de février 1876, sur la place du Palais, à Constantine, n'est nullement en opposition avec la version que nous soutenons et que nous croyons être la vraie.

Elle est ainsi conçue :

Restitutori publicae Ubertatis ac propagatori totiua gene- ris huma ni nominisque romani.

Domino nostro Domiiio Alexandro , pio, felici, inoicto, Augusto.

Scrivonius Pasicratea, vir perfectissimus. praeses Numi- diarum, num'tni ma/estatique ejus dicatissimm; .

(Traduction) Au restaurateur de la liberté publique et au propagateur de tout le genre humain et du nom romain.

A notre maître Lucius Domitius Alexander, pieux, heu- reux, invaincu, Auguste.

Scrivonius Pasicrates, homme très parfait, Gouverneur des Numidies, très dévoué à sa volonté et à sa Majesté.

Ainsi que nous l'avons dit, le règne d'Alexandre avait été très court et il n'est pas admissible que cet Empereur ait détruit Cirta, sa capitale, il s'était réfugié, et dont les habitants lui avaient élevé une statue, l'appelant, dans leur dédicace, le restaura- teur de la liberté publique et le propagateur de tout le genre humain et du nom romain La pierre, qui porte celte inscription, tombée sous l'édifice auquel

(1) Histoire de la Numidie, page 83, a.

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elle appartenait, se trouva ensevelie et échappa ainsi à la mutilation. C'est un des très rares témoins du règne d'Alexandre.

Nous estimons donc que c'est avec juste raison que l'inscription suivante a été gravée sur le socle de la statue de Constantin inaugurée à Constantine.

A Constantin-le-Grand, qui releva, de SbS ruines Cirta détruite par Maxence, et lui donna son nom en 313.

IV.

Constantin a été incontestablement un homme de grand génie, redouté les barbares ses voisins, res- pecté des peuples éloignés qui lui envoyaient des ambassadeurs, les uns de la rive de l'Océan orien- tal, les autres des sources du Nil; mais il est regret- table que son tempérament et son éducation mili- taire l'aient porté à des actes de cruauté. On trouve en lui un mélange de qualités qui, par moments, paraissent se combattre; il avait l'âme d'un guerrier, et il aima la pompe et la mollesse; il fut cependant humain dans sa politique et son règne fut un grand règne. Au cours des dernières années de sa vie, \\ mérita le titre de Fundator Pacis qui lui fut attri- bué par un décret du Sénat, et que porte uns de ses médailles; cette paix ne fui, en effet, troublée que par une sédition qu'excita, dans l'île de Chypre, un conducteur de chameaux nommé Calocerus, et par l'intervention de l'Empereur dans la guerre des Sarmates et des Goths.

Il mourut le 27 mai 337, dix mois à peine après la célébration de la 3CT année de son avènement au

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trône; en déclarant que la seule vie véritable était celle dans laquelle il allait entrer. Les haines jalou- ses avaient cessé et il fut généralement regretté.

On lui fit des obsèques magnifiques; la flatterie des païens le plaça au nombre des dieux; la grati- tude des Grecs et des Chrétiens en fit un apôtre; la justice et la postérité le comptent parmi les plus grands monarques.

Si, du sein de la sérénité il repose après un si long règne, il lui est possible de suivre les événe- ments de notre planète, il ne peut qu'être sensible au témoignage de vive reconnaissance de l'ancienne et pittoresque Girta, aujourd'hui française, qui lui a élevé une statue après seize siècles ; et quelle ne doit pas être, en même temps, sa satisfaction de voir la part glorieuse que les peuples de l'ancienne Afri- que romaine ont prise, comme sous son règne, à la grande défaite que viennent d'infliger à la déloyale Germanie les descendants de ces valeureux Gaulois dont il dut se préoccuper si souvent de défendre les frontières contre les « Alamans », comme on les appelait déjà à cette époque.

Il semble, comme l'a écrit récemment un Membre de l'Institut Français O, que, sous des aspects va- riés, l'histoire n'est, comme les phénomènes de la nature, qu'un perpétuel recommencement.

De tous temps, la Gaule, avec ses vallées fertiles, ses richesses minières, son climat égal et doux, a exercé, un attrait irrésistible sur les peuples Ger- mains, dont les hordes envahissantes ont toujours

(1) Babelon, Le Rhin dans l'Histoire, préface du 2e volume.

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montré, au cours des siècles, la même barbarie et la même perfidie César dans ses Commentaires^) dé- peint déjà leur cruauté et leur fourberie; Tacite'2', I lorace'3 et plus tard Claudien l) sont eux aussi una- nimes à cet égard.

La barbarie et la perfidie sont ancrées chez, les Germains et il est facile d'en suivre les traces à tra- vers les siècles. Ce peuple, continuel danger pour monde civilisé, ne connaît que la force; sa mentalité, façonnée par tous ses penseurs et ses poètes, par ses philosophes, ses économistes et même ses his- toriens, qui, pour justifier ses odieuses prétentions, ne se gênent nullement pour falsifier l'histoire au gré de la raison d'Etat, le pousse à dominer le monde.

Il enseigne que la France lui a arraché autrefois par la violence les provinces de l'Alsace et de la Lor- raine, selon lui essentiellement germaniques, alors que ces provinces, placées dans un état intermé- diaire par le traité de Verdun, du 10 août 8i3, furent livrées à l'Empire par la félonie de Louis le Germa- nique, et la France dut lutter près de deux siècles pour les reprendre.

Dans une étude récente sur Les Anciennes répu- bliques alsaciennes fo, M. Louis Battifol a mis en lumière que, sous Louis XIII, les villes alsaciennes de llanau, Haguenau. Saverne. Colmar, foulées par

(1) César, de Bello Gallico, I. 31.

(2) liante des Eludes historiqu s, avril-juin 1917, page 2-1.

(3) Odes, IV, 4. V. Babelon. Le Rhin dans l'Histoire, vol. l,p. 223.

(4 Babelon, I.*' Rhin dans l'Hlst < , volume 1. page 128.

.. V. le compte rendu, par M. Deschanel, à lu séance des Sciences morales et politiques, du 26 octobre 1918, ./. ".

994

les Impériaux et les Suédois, sollicitèrent la protec- tion de la France. Leur requête, apportée à Paris par Melchior de l'Isle, résident de France à Stras- bourg, d'abord rejetée par le Cardinal Richelieu, qui ne tenait pas sans doute à entretenir des troupes en Alsace au moment les affaires de l'Europe se compliquaient, fut, un peu plus tard, accueillie sur les instances réitérées des Alsaciens.

Il est donc inexact que la France ait conquis ces populations par la force, et il est bien établi, au contraire, qu'elles sont venues à elle de leur propre mouvement et de leur seule volonté.

L'étendue du désastre que vient de subir le peuple allemand le fera peut-être réfléchir sur l'opportunité d'une nouvelle agression à plus ou moins brève échéance. Mais, il serait aussi téméraire que dange- reux de croire qu il a renoncé aux convoitises et aux appétits qu'il a caressés de tous temps. Allemand il est, Allemand il restera. A nous de ne pas l'ou- blier et de veiller à ce que notre victoire, payée de tant de sang et de sacrifices, ne reste pas précaire.

J. MAGUELONNE,

Président de la Société archéologique:

UNE

NOUVELLE INSCRIPTION LIBYQUE

DE LA MAHOUNA

M. Lemaire, inspecteur des Forêts, a trouvé dans La Mahouna, cette région si riche en épitaphes ber- bères, une nouvelle inscription en caractères libyens; il l'a fait transporter à la maison forestière du can- ton. Un estampage n'ayant pas réussi, le Service des Forêts en a fait établir un calque qui représente fidèlement les caractères gravés, et que notre Prési- dent a bien voulu me transmettre.

T O

u m . ir

= > u

Les dimensions de l'inscription sont environ de 0,n56 sur 0m30. Elle est formée de trois lignes ver- ticales qui ont respectivement 0m45, 0m50 et Qm56

226

de longueur. Les caractères sont gravés en traits réguliers, d'une largeur moyenne de 15 millimètres. Le calque, fait avec soin, est très lisible ; il n'y existe aucune incertitude sur la forme des caractères.

La lecture, comme dans toutes les incriptions de ce genre, doit se faire de bas en haut. Le texte seul indique de façon certaine si l'on doit commencer par la droite ou par la gauche, quoique le commence- ment à droite soit un peu plus fréquent. Nous sui- vrons cette dernière méthode.

Première Ligne

La première iigne est formée de cinq caractères. Tous les berbérisants sont d'accord sur la valeur de trois d'entre eux, les 2e, 3e et 4e U 1h II, M K OU. Une certaine incertitude règne, à la suite des contra- verses déjà anciennes de Halévy et Letourneux, sur sur la valeur du premier I et du cinquième =.

Halévy (1) assigne à la lettre I la valeur A, Letour- neux (2) la valeur N.

Nous nous prononçons sans hésiter en faveur de la lecture de Letourneux, pour l'excellente raison qu'elle est imposée par un bilingue trouvé dans la nécropole de la Cheffia, c'est-à-dire, dans une région toute voisine de La Mahouna.

Ce bilingue t3' donne en caractères latins un nom d'homme, CHINIDIAL et un nom de tribu, NISIC1RI qui s'écrivent respectivement en libyque :

(1) Journal Asiatique, 187'», I. III., T série.

(2) V. Reboud, Hecueil d'inscription libyco-berbères, in-Mémoires de la Société archéologique de Constantine, 19e vol., 1878, p. 195.

(3) 210 du Recueil de Reboud, In-Mémoires de la Société, vol., année 1875.

_ 227

N =

C *

I LU

ir i

Il n'y a donc aucune incertitude, et dans les deux cas, le signe I correspond à N.

Quant au 5e caractère de la colonne qui nous oc- cupe, Halévy le traduit par A, Letourneux par G' ou R' grasseyé (le r'aïn i arabe).

Ici encore, le même bilingue semble confirmer la lecture de Letourneux. Le signe = se retrouve à la fin du nom libyen de la tribu NISICIR, et le latin le rend par R.

D'autre part, la fréquence de ce signe sur les épi- taphes libyennes, presque toujours à la fin des noms propres, paraît assez étrange ; et dans le nombre de cas il est difficile de ne pas y voir, soit avec M. Ha- lévy, une véritable lettre quiescente de son A, soit un signe sans valeur phonétique, indiquant simple- ment que le mot est terminé.

Suivant la version adoptée, la lecture de la pre- mière ligne sera donc : Namakour' ou Namakoua.

Mais, au lieu d'y voir simplement, comme nos prédécesseurs dans les cas analogues, un nom pro- pre, nous y reconnaissons la réunion de deux mots : une préposition et un nom propre.

La préposition n ou en, usitée actuellement encore dans tous les dialectes berbères, est l'indice du gé- nitif et correspond à notre préposition de : Chaouïa Haddarth en tamettouth, la maison de la femme. Tamacheq en de.

228

Mais il importe de ne pas se fier à un rapproche- ment superficiel et de rechercher si cette hypothèse est confirmée par d autres données. La question est assez importante pour l'interprétation des inscrip- tions libyques. Elle mérite qu'on s'y arrête.

Les inscriptions commençant par la lettre N sont

nombreuses. Nous en examinerons quelques unes.

Le 197 du Recueil de Reboud^) trouvé aux Béni

Medjaled (route de Constantine à Guelma par le

Taya), commence par les lignes :

R O III A ou R'

U M

B ° = L

D C tt K

OU II IN

Nous lisons : En Kalama ou Dabar, traduction :

de Kalama (ou Qalama <2) avec un Qaf ^ 'd ) fils de

Dabar.

Il nous paraît difficile, sinon impossible, d'amal- gamer l'N initial au nom propre, pour faire un seul nom de l'ensemble. Manifestement, N est ici prépo- sition, indice du génitif.

Les nos 200 et 201 du même Recueil, trouvés dans les environs de Duvivier(3) commencent tous deux

par la ligne :

H 5 = A ou R'

C D

ir K

I N que nous lisons : en Kedda, de Kedda.

(1) Recueil de la Société, 1875, p. 55. ,

(2) A rapprocher du nom ancien de Guelma. Calama, en arabe A_*J U.

(3) Recueil. 1875, p. 56.

229

Le 217, de la nécropole de La Cheiïia commence gauche) par la ligne :

+ T

C D

ir k

I N que nous lisons : en Keddet, de Keddet (ou Kedda). L'inscription doit bien se lire de gauche à droite. La ligne de droite est en effet constituée par l'eth- nique Nisicir que nous avons déjà rencontré dans le bilingue Chinidial. L'inscription présente le type le plus fréquent, essentiellement constitué par : le nom du défunt ; le nom de son père ; le nom d'origine ou de tribu.

Citons encore : Le 2 18 : en Banir'ou, de Banir'ou. Le 221, ainsi conçu : I X

c

c

o

I

que nous lisons : en Reddasen ou Usa Masacra, De Reddasen, (ils d'Ilsa, Masacra (tribu).

Il nous parait, ici encore, bien ditïicile d'amalga- mer l'N initial au nom propre Reddasen.

Le 228 est remarquable en ce qu'il commence par un double I N :

N

III

III

S

A

A

M

o

D

S

R

1r

D

L

K

z

X

R

I

S

II

U

N

OU

M

A

+

u

M

T

N

8

c

o

R

D

S

O

c

D

A

R

I

u

I

N

M

N*

ir

II

I

N

OU

K

230

que nous lisons : en Nedroma ou Madat Kenrasen. De Nedroma fils de Madat Kenrasen (tribu).

Il est, ici encore, difficile d'incorporer 1' N initial au nom propre Nedroma. L'exemple paraît caracté- ristique.

Nous pourrions en citer beaucoup d'autres.

La lecture de la première ligne serait donc : en Mekoua (ou Mekonr') de Mekoua. Cette lecture est confirmée par ailleurs.

L'inscription 315 (*), trouvée dans la région de Du vivier, débute en effet par ce même nom Mekoua qu'elle orthographie Mekououa, et qui est ici débar- rassé de la préposition initiale en.

De même dans l'inscription 323, trouvée dans La Mahouna, il est orthographié Mekouar', sans préposition initiale.

De même dans l'inscription 195, des Béni Medja- led (2). Makoua ou Naltis. Dasilan. Trad. : Makoua fils de Naltis. (Des) Dasiian (tribu). Makoua y est orthographié exactement comme dans l'inscription qui nous occupe.

La première ligne doit donc se traduire : (stèle ou tombeau) de Makoua, réserve étant faite sur la va- leur du dernier signe = qui peut être lu R' ou R, comme dans le bilingue Nisicir. Makoua serait alors Makour' ou Makour.

Une observation doit ici être faite en ce qui concerne la valeur exacte du signe 1f\ Correpond-il

au K ou au Q, au phénicien 3 ou p, à l'arabe \jS ou « f

il 'Recueil de Constantine, 22' vol., 1889, p. lis. (2) Recueil de Constantine, t. 17, 1875, p. 55.

231

Les Latins rendent ordinairement le p phénicien par CIL Ainsi dans Zucchabar. De même dans le bilingue Chinidial, qui correspond au Henchir Qen-

dil ou Guendil Ajù>L3 actuel. Le 1r libyen repré- sente ici le p s 9

Sans vouloir faire de cette lecture une règle géné- rale applicable à tous les cas la lettre libyenne 1r est employée, on est en droit d'en conclure que dans certains cas le 1r peut correspondre au p. Le mot Makour devient alors Maqour et l'on peut y retrouver la racine berbère Moqor, être grand. Ka- byle et Chaouïa : Amoqran, grand.

Cette hypothèse a contre elle la lecture du dernier signe E qui correspond au t R' et non à l'R. Elle

a pour elle la traduction latine du signe = dans Nisicir.

Deuxième Ligne

Elle commence par la lettre II OU, qui marque ici, comme dans tous les cas analogues, le signe de la filiation.

Il n'est pas inutile de noter en passant la persis- tance, après tant de siècles, de ce signe de la filia- tion, actuellement usité dans tous les dialectes ber- bères, et qui remonte à l'antiquité libyenne.

De même que les Kabyles disent Qasem ou Qasi, (Qasem fils de Qasi^ les Chaouïa H' and ou Bala, 'Mohammed fils de Bala , les Touareg disent Aou Adem fils d'Adam). Ils prononcent souvent ag, plu- riel ait, et l'on peut se demander si AG n'est point la véritable racine. Il n'est en tout cas pas indiffé- rent de savoir que dès l'antiquité, la prononciation ou était adoptée dans tous les dialectes du Nord.

232

Nous n'avons point rencontré une seule inscription la filiation fût indiquée par AG ou AK.

Les quatre lettres qui suivent . n'offrent aucune

Z ambiguïté et représente I, A, M, L.

La dernière lettre de la ligne, 8 est généralement assimilée par les savants qui se sont occupés d'écri- ture libyque au signe 8, qui en diffère par la ferme- ture des deux boucles. Ces deux signes différents sont rendus également par S dans les travaux de M. Halévy. Nous ne pensons cependant pas que cette assimilation du 8 au 8 soit fondée.

Il est bien étrange, en effet, qu'on rencontre les deux signes voisinant dans le même corps d'écriture, ainsi que cela a lieu dans les numéros 214, 215, 223, 224, 226, 240, 248, 250 et tant d'autres du Recueil de Rebond. Ce serait pour la première fois qu'une lettre libyenne affecterait simultanément deux formes dif- férentes.

Mais il y a mieux : les mots dans lesquels le pré- tendu S affecte la forme 8 sont toujours les mêmes, alors qu'à côté d'eux d'autres mots sont constam- ment écrits avec un 8 S normal.

Ainsi les nos 215, 216, 217, 214 orthographient tous le mot Nizicir avec un 8.

De même, les nos 221, 223, 224 orthographient le mot Usa avec un 8.

Nous pourrions multiplier les exemples.

Par contre, les mots qui s'écrivent avec un 8 ne le changent jamais en 8. Tel le mot Masakra que

233

l'on retrouve dans les nos 223, 22 i, 230, 232 et tant d'autres.

En d'autres termes, on peut arïirmer que 8 et 8 ne permutent point. Il est donc faux qu'ils soient employés indifféremment l'un pour l'autre.

La valeur de la sifflante YES 8 étant déterminée sans doute possible, il reste à découvrir la valeur de 8 qui est différente.

La première hypothèse qui se présente à l'esprit est que le signe 8 représenterait la chuintante CH.

Il est remarquable que ni l'alphabet d'IIalévy ni celui de Letourneux ne fassent aucune place à la consonne Cil, hébreu-phénicien H,*, arabe , il<

Cette articulation est cependant d'un usage géné- ral dans tous les dialectes berbères actuels.

L'alphabet (tifinar') des Touareg comporte égale- ment le IECH figuré par 9- Cette lettre existait cer- tainement dans l'alphabet libyen.

D'autre part, le signe 8 est passé dans les tifinar' il représente le son G. C'est la lettre IEG. N'ou- blions pas que la majorité des caractères tifinar' ont conservé non seulement la forme, mais la valeur qu'ils possédaient dans l'alphabet libyen.

Le signe 8 a pu, dans l'antiquité, figurer soit le son (111 soit le son G. Le passage de l'un à l'autre se fait dans divers dialectes par les intermédiaires suivants : Cil, TCII, K et G.

8 Quelle que soit la solution adoptée, le mot

doit se lire Iamalech ou Yamaleg. Il s'agit évi- demment d'un nom propre d'origine punique.

Z Le fait se rencontre assez, rarement dans les épitaphes libyennes.

234 Troisième Ligne

Elle est formée de six caractères divisés en deux groupes de trois. Entre eux existe une lacune de la dimension d'une lettre. A-t-elle été voulue par le la- picide pour séparer deux mots? Est-ce au contraire une lacune de la lecture? Seul l'examen de la pierre permettrait de se prononcer.

Les trois premiers caractères ont pour valeur R L R'. Les trois derniers R J L. Avec Letourneux, nous traduisons T par J, et non par V comme le veut Halévy. La forme du T est évidemment celle du T, IEDJ actuel des Tifinar, un IEDJ dans lequel les deux points ont été réunis par une barre.

Ces six lettres constituent-elles un ethnique, un nom propre, deux noms propres? Le plus simple est d'avouer notre ignorance.

Nous traduisons donc l'inscription nouvelle de la manière suivante :

« (Tombeau ou stèle) de Makoua (ou Maqouri fils a de Iamalech. Ralar' rajal (?) ».

Gustave MERCIER.

LA RELIGION MUSULMANE

à ALGER AYANT LA CONQUÊTE FRANÇAISE

Lors de notre installation à Alger, l'autorité fran- çaise y trouva, comme clans toutes les villes des états barbaresques, un grand nombre d'édifices religieux consacrés au culte musulman, et un clergé mahomé- tan parfaitement organisé.

Il nous a paru intéressant de fixer la situation et l'importance de la religion islamique à Alger avant l'occupation française, cette religion ayant toujours été le prétexte invoqué à Alger, comme dans tout le Nord-Africain, par les Chefs indigènes rebelles, pour combattre notre expansion coloniale.

La religion musulmane, on le sait, comporte quatre sectes orthodoxes et était à Alger observée de la façon la plus scrupuleuse par tous les habitants; les établissements religieux étaient nombreux et les ma- nifestations ardentes des fidèles s'y produisaient très fréquemment.

Les algérois, d'origine turque, suivaient le rite

hanafi jl.'^>~, les arabes et les berbères musulma-

/ nisés le rite maleki JO L>. H n'y avait que très

236

peu de sectateurs des rites hanbali c\->- et chafaï

c*ï

Les quelques Membres de la corporation des Beni- Mzab qui se trouvaient à Alger, suivaient le rite ibadi, secte méprisée par les autres musulmans, mais il n'existait pas de mosquée affectée aux Beni- Mzab, ils se réunissaient clandestinement pour leurs pratiques religieuses.

Indépendamment des lieux consacrés à la prière il existait, dans Alger et aux abords de cette ville, un certain nombre de tombeaux vénérés de merab- tines ..t^iaf k8 (hommes saints) périodiquement, les fidèles se rendaient en ziara h . b \ (pèlerinage religieux, offrande aux Membres de la famille du saint; ou en zerda £o » \, réunion solennelle pour décider une prise d'armes, une insurrection ou ci- menter la paix entre deux tribus réconciliées après une longue lutte, ou rogation pour appeler la béné- diction divine sur les récoltes.

Rite hanafi

Le rite hanafi était sous la direction générale d'un muphti 'JS-* (interprète de la loi) et avait comme établissements religieux quatorze mosquées. Ces mosquées possédaient des immeubles qui n'étaient pas administrés par un oukil J^jj (mandataire) spécial, à chaque immeuble. Les mosquées étaient groupées sous l'autorité de trois oukils et du cadhi o L? (magistrat) hanafi d'Alger.

L'oukil de la confrérie de La Mecque et Médine

»ej] <J^fj administrait trois

237 -

mosquées. Il était chef de la corporation, qui compre- nait de nombreux Membres, et était assisté d'adouls

\ j ù,z. (suppléants) et de tolbas LLb (lettrés).

Cette sorte de Conseil de fabrique administrait les biens de la corporation qui se subdivisaient en quatre catégories :

Ceux dont les revenus étaient employés au sou- lagement des pauvres par des distributions hebdo- madaires d'argent et de vivres, distributions faites tous les jeudis, veille du vendredi, jour consacré aux pratiques religieuses musulmanes;

Ceux dont les revenus servaient à l'entretien des édifices religieux des saintes villes de La Mecque et de Médine. Ces revenus étaient adressés chaque

année au cheikh-el-islam *jL*. :!] ^.i, chef de l'islamisme à La Mecque ; '

3" Ceux dont les revenus étaient destinés au ra- chat des musulmans tombés en esclavage, en pays étranger ;

Ceux dont les revenus étaient destinés à l'en- tretien des mosquées et aux dépenses du culte dans Alger 0).

Nous indiquerons dans le relevé des mosquées

.«^l»- ou Messedjed Ast**^ des deux rites : hanali

ou maleki, les noms des rues du vieil Alger (en 1836) dans lesquelles se trouvaient ces établissements reli- gieux. Quelques-unes de ces rues ont disparu ou leurs dénominations ont été changées par suite de

(Il Notes sur la propriété << Alger aoant l'occupation française par < -h Mangny, capitaine du Génie, 1830.

238

la transformation de la ville ou de décisions émanant de la municipalité.

Les mosquées du rite hanafi, que suivait la po- pulation d'origine turque, étaient au nombre de qua- torze; il n'existait pas pour le rite hanafi de mes- sedjed.

Mosquées du rite hanafi

1. Djama Mogrein, rue Macaron, n 31 ;

Mezzo morto, rue de Chartes, 14;

Ali Bâcha, rue Médée, 25 (gérées par l'oukil de la corporation de La Mecque et Médine).

Sidi Ali Betchenine, rue de la Casba, 19;

Kheir-ed-dine Bâcha, place du Gouver- nement (servant en 1836 de corps de garde). Ces deux mosquées étaient gé- rées par l'oukil de Sidi Ali Betche- nine.

id. Zenket Staoueli, rue d'Orléans, ir 41 ; (gérée par le cadhi hanafi d'Alger).

Khader Bâcha, rue Bab-Azoun, n 222;

Casba (extérieur), rue de la Casba, 237 ;

Casba (intérieur), dans l'intérieur de la Casba ;

10. id. Chaabane Khodja, rue des Consuls (dé- molie en 1836);

Hassane Bâcha, rue du Divan, 100;

Seida, place du Gouvernement ('démolie en 1836);

Djedid, entrée de la rue de la Marine;

Safir, rue Kléber, n' 136;

Ces huit dernières mosquées étaient administrées

2.

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3.

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4.

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5.

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7.

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8.

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9.

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12.

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13.

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14.

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239 -

par l'oukil mtà seboul kheirat , \ <v-~> *£* Li * s.1^1 y—^-ocJi ^gérant des biens réunis,) sous le contrôle du muphti hanafi.'1'

Rite maleki

Le rite maleki, suivi exclusivement par les habi- tants arabes d'Alger, était dirigé par un muphti et possédait quatre-vingt-neuf mosquées ou messedjed.

Les messedjed étaient des chapelles on ne lisait

pas la khotba iLJas»- (prière pour former des vœux en faveur du souverain) et moins importantes que les mosquées. Ces chapelles étaient réparties dans les divers quartiers afin de permettre aux fidèles de ne pas s'éloigner de leurs demeures car la prière du vendredi, obligatoire pour tout bon musulman, de- vait toujours s'effectuer dans les grandes mosquées, établissements plus vastes et plus en rapport avec

la prière solennelle du nehar-ed-djemà *.&=*} ' ,Lo vendredi.

Chaque mosquée maleki avait des immeubles don- nés par les fidèles et gérés par l'oukil de la mosquée. Les revenus servaient aux frais du culte et au paie- ment des émoluments du personnel.

Mosquées et Messedjed du rite maleki

1. Djama Kebir, au milieu de la rue de la Marine.

2. id. Sidi-Ramdane, rue Ramdane, 8.

3. id. El Quechech, rue des Consuls, n' 35.

4. id. El Belata, rue de Nemours, w 57.

(1) Notes sur la propri 'té à \ Igor ac ni '" u cupati »/i /'•■■ i /mr

Ch Mangay, capitaine du Gônie, 1S:!<>.

240

Djama Souikh Ammour, rue de Chartres, 150.

El Kebabtia, rue de Chartres, 207.

Souk Semen, rue de Chartres, 257.

Ilammam-el-Kebech, rue du Lézard.

Souk el Keten, rue de la Porte-Neuve 221.

Kouchet Boulaba, rue Boulaba.

Mallek, rue Blanc, 1.

Sidi Mesbah, rue des Gétules, iV 1.

Si Ahmed Mechdali, rue Salluste, n'13.

Si Ahmed el Gheffar, rue de la Girafe,

42.

Sidi Boukedour, rue Kléber, nn 39."

Abdel Moula, rue des Pyramides, 9.

Houanet Sidi Abdallah, rue Sidi Abdal- lah, n° 32.

Zenka Bouakacha, rue du Centaure.

Sebaghine Place du Gouvernement (dé- molie en 1836).

Khodja Beré, rue Bab-Azoun, n' 24.

Essoubir, rue de l'Etat-Major, 52.

Fokaïn Abdallah el Euldj, rue de la Cas- ba, n 147.

Sidi Mohammed Chérif, rue du Palmier.

Ben Gaour Ali, rue Staoueli, 1.

Si Ahmed ben Abdellah, rue de l'Inten- dance, n° 1.

Sidi Daoud, Place du Soudan (démolie).

Abd-er-Raine, rue d'Amfreville, 26.

Sidi-ben-Farès, rue Caton, 14.

Sidi Djebbah, rue Gariba, 7.

Kouchet elOukid,rue Ptolémée (démolie).

Ain Chaa el Hassein, rue de la Porte- Neuve, 238.

5.

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6.

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7.

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8.

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31.

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- 241 -

32. Djama Bah Sten, place du Gouvernement (dé- molie).

Akbet Ghercliali, rue Akerminout, 4.

Ain Abdailah el Euldj. rue de la Gasba, 110 l"s.

Akbets ben Chekour, rue de Toulon, 14.

El Rabta, place du Gouvernement (dé- molie).

KabelFondek-ez-z.it, rue Bab Azoun.n' 191 (démolie).

Eddiarm, rue Bab el Oued, n1 84.

Dar Cadi Malekia, rue Bab el Oued, n * 100.

Sid Ahmed Bouabdallah Zouaoui, rue Sogdjema, n1 48.

Sidi Ali el Fahsi, rue Philippe, n' 6i.

Akbet Selam, rue Ducfuesne,, n1 39.

Sidi Ali El Miliani, rue d'Orléans, n1 21.

El Hammamat, rue de la Porte-Neuve,

n- 227.

Sidi El-Marechi, rue Médée, n1 127.

Haoumet Selaoui, rue du Centaure, 1 1.

Sidi Abderahmane, rue de la Charte, G6

Sidi Hellel, rue Sidi Hellel.

49. Messedjed Haoumet el Beta, rue des Consuls,

nc 82.

Kahassour, rue du 14 Juin, 31.

Kharb el Djenane, rueLalahoum, n" 23

Bir Derouiche, rue du Scorpion, 2i .

Guedem Hammam Yettou, rue de la Gasba, 12.

Guerib Hammam Yettou, rue du Coin - merce, 17.

Sidi Rebbi, rue Tourville, n" 5.

33.

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55.

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56. Messedjed Chaatbi, rue Lokdor, 27,

57. id. El Miliani, rue de la Casba, 60.

58. id. Oulad Soltane, rue Cataroudjil, 3.

(démolie,.

59. id. Haoumet Tiberkoutine, ruedelaLyre,

7.

Ramdane Bâcha, rue Médée, 22.

Ain el Attach, rue Sidi Abdallah, 3.

Kaïd Ali, rue du Soudan, 47.

Ketchaoua, rue Boutin, 1.

Ben Chelmoune, rue de la Porte-Neuve, n'J 196.

Sidi Ahmed ben Ali, rue de l'Empe- reur, n° 76.

Hammam el Caïd Moussa, rue de Thèbes (démolie).

Sabbat el Ars, rue du Delta, 2.

Berkhissa, rue des Sarrasins, 3.

Abdelaziz bou Nahla, rue du Chameau,

2.

Haouanetz Ziane, rue de la Casba, n" 304

Hammam Casba, rue de la Baleine, 14.

Bab Edjdid, rue de la Victoire, 4.

Djama Zitoune, rue de la Porte-Neuve, ri' 352.

Sidi Mansour, place Massinissa.

Sidi el Djoudi, rue des Trois Cou- leurs, n'J 25.

Sidi Felcheha, rue du Cheval, 3.

Tsadouli, rue Philippe, 35.

Habbi Souka, faubourg Bab Azoun.

Ben Soltane, rue des Trois Couleurs. 95.

60.

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61.

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79.

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243

80. Messedjed Setna Mariam, rue Babel Oued, 295

81. id. Sidi Habbi Souka, rue de l'Aigle.

82. id. Rekrouk, rue du Caftan, 17.

83. id. Sidi Abderahmane, près le logement

des Officiers d'Artillerie.

Si. id. Sidi Ainor Tsenessi, fossé de la porte

liai) el Oued

s.) id. Sidi Djemia, hors la porte Babel Oued.

hG. id . El Messala, hors la porte Bab el Oued.

87. id. Sidi Belka, hors la porte Bab Azoun.

88. id. Zaouiat Moulay Hassane, rue Boutin,

n" 3i.

89. id. Si Abbas, rue des Dattes '> .

Comme on le voit, il existait un grand nombre de mosquées et messedjed à Alger; les rues ces éta- blissements étaient en plus grand nombre étaient celles de la Casba (8), rue Bab el Oued (6;, rue Bab Azoun (6>, place du Gouvernement (5), rue de la Porte-Neuve (5), rue de Chartres (4), rue des Consuls (3), rue Médée (3). Les mosquées Seida, Sebaghin, Bab Sten, Er-Rabta de la place du Gouvernement furent démolies pour les nécessités de la défense. La mosquée Kheir-ed-dine Bâcha était affectée en 1836 à un corps de garde qui disparut également plus tard.

Tombeaux vénérés

Les édifices contenant les restes des merabtines (religieux) comportaient pour la plupart une pièce quadrangulaire surmontée d'une coupole koubba ^3 se trouvait le tombeau du saint et quelquefois

(1) Notes Ktir la propriété à .!/</'•/• aeant l'occupation française par Ch, Mangay, capitaine du Génie (18^6).

- 244 -

ceux de ses descendants ou de dévots ayant par leur

piété, obtenu de se faire enterrer dans l'édifice vénéré.

La tombe du saint était surmontée d'un cadre en

bois, grillage formant entourage (chebak) i_- > L.A. et ce cadre était garni de riches étoffes brochées soie et or; une lanterne de style oriental était appendue au-dessus du tombeau et les drapeaux de la confré- rie étaient appuyés contre le cadre de bois précité.

Une seconde pièce était souvent attenante à celle du tombeau et affectée aux fidèles visiteurs ou à l'oukil qui desservait l'établissement religieux, car cet oukil encaissait les offrandes destinées à l'entre- tien de l'édifice, aux ornements, au luminaire et aussi à son entretien et à celui des tolbas (lettrés) lorsqu'il

s'agissait d'une zaouïa ào j i '. importante se don- nait l'enseignement religieux.

Les tombeaux vénérés étaient au nombre de dix- huit dans la ville d'Alger aux abords :

1. Merabet Sidi Hallel, rue Sidi Hallel.

2. id. Sidi Ali-ben-Hafsi, rue Philippe, 54.

Sidi Chaïb, rue Tombouctou.

Sidi el Djoudi, rue des Trois Couleurs, 19.

Sidi ben Youb, rue des Trois Couleurs,

60. Sidi Ahmed ben Abdellah, place Bab

el Oued 'démoli).

Sidi el Meraïchi, rue Médée, 127. Sidi Mohammed Chérif, rue du Palmier. Sidi Roumdane, rue Roumdame, 16. Sidi Ouelhi Dada, rue du Divan, 108. Sidi Mansour, rue Massinissa, nrs 29 et 31.

3.

id.

4.

id.

5.

id.

6.

id.

7.

id.

8.

id.

9.

id.

10.

id.

n.

id.

245

12. Merabet Sidi Abderahmane, près du logement

des Officiers d'artillerie à Bab el Oued.

13. id. Sidi Saàdi, près du poste de gendar-

merie.

14. id. Sidi Amor Tenessi, logement d'un garde

du Génie.

15. id. Sidi Yacoub, près de la Salpetrière.

16. id. Sidi Betka, caserne des Spahis, porte

Babel Oued.

17. id. Sidi Abdelkader, rampedu débarcadère.

18. id. Sidi Aïssa, près du parc du Génie'1 .

Il eut été intéressant de relater, pour chacune des mosquées, l'époque de leur construction ainsi que le nom du fondateur, mais malheureusement les ren- seignements nécessaires nous manquent. Nous au- rions voulu aussi donner quelques détails sur la vie des religieux dont les tombeaux sont vénérés ainsi que sur l'enseignement religieux pratiqué dans cer- taines zaouïas, mais encore, faute de documents précis, nous devons y renoncer. On peut toutefois dire pour l'enseignement religieux (pie pendant long- temps, Alger fut un foyer de culture et que certains lettrés musulmans y ont acquis, par leurs travaux, une certaine réputation.

Personnel du culte musulman

Indépendamment, de l'oukil qui pouvait être consi- déré comme l'administrateur comptable de la mos- quée, il existait dans chaque établissement un per- sonnel religieux se composant d'un imam *L»i,pon-

1) Notes sur la propriété â Alger aoant l'occupation française par

CI). Mangny. capitaine du Génie (18361.

246

tife, prêtre assimilable à nos desservants et d'un %2 *.o mouedzin crieur] qui, du haut du minaret

appelait les fidèles à la prière par ces paroles : a Dieu « est grand ; j'atteste qu'il n'y a qu'un Dieu, j'atteste « que Mohammed *> est l'envoyé de Dieu. Venezà la « prière, venez au salut, Dieu est grand et unique ».

L'appel à la prière était répété deux fois par le mouedzin; il ne pouvait être fait que par un musul- man d'un esprit sain, du sexe masculin, et au moins pubère!2'.

Pratiques religieuses*3)

O^l * U"*-^ PRIÈRES QUOTIDIENNES

Les musulmans pratiquant exactement la religion de Mohammed devaient, dès l'âge de dix ans, faire cinq prières chaque jour : la première, au lever de l'au- rore, la deuxième à midi, la troisième dans l'après- midi, au moment l'ombre de l'aiguille du cadran solaire est double de la longueur de cette aiguille'4), la quatrième lorsque le disque du soleil disparait, la cinquième dans le premier tiers de la nuit.

Ces cinq prières devaient s'effectuer le visage tour- né à l'Est vers l'oratoire sacré (la kaaba de La Mec- que). Le fidèle devait au préalable: se laver le visage, les mains jusqu'aux coudes, ainsi que le bas des jambes et les pieds afin d'être en état de pureté.

(1) Nous adoptons Mohammed au lieu de Mahomet comme plus conforme à l'orthographe arabe.

(2) Précis de jurtsprudcnni musulmane, par Khalil ben Ishak, pages 97-98. Traduction He Perron.

(3) Toules ces pratiques sont encore en usage aujourd'hui.

(4) Le Coran analysé, par J. La Beaume. 1878, Maisonneuve.et Cie, libraires, éditeurs, quai Voltaire. ',;5, Paris.

241

Selon le prophète Mohammed les cinq prières furent instituées par les cinq grands prophètes : Adam, Abraham, Jonas, Moïse et Jésus, mais Mohammed indiqua pour toutes ces prières le cérémonial devant être effectué'1).

Prières facultatives

Indépendamment des cinq prières quotidiennes obligatoires, les musulmans d'Alger récitaient les prières facultatives suivantes :

Prière solennelle du vendredi qui avait lieu en commun dans les mosquées;

Prière dite : Outser (unique) prononcée à la lin de la nuit;

3' Prière des deux grandes fêtes de la rupture du jeune et des immolations;

Prière à l'occasion des éclipses de lune ou de soleil ;

5> Prière de l'aurore, dans une mosquée, préféra- blement ;

Prière lorsque l'on voyage avec un but quel- conque;

Prière de la peur ou des combats lorsque dans une guerre apparaît un danger. Cette prière fut ins- tituée par le prophète Mohammed eu l'an V de l'hégire;

8" Prière pour les morts. Cette prière funèbre se dit au cimetière;

9' Prière dite salut à la mosquée, en s'y arrêtant un instant;

! Précis de jurisprudence musulmane par Klialil l>en Isliak, tra- lui-tion Perron

- 248 -

10 Prière aux pauses, dans les demeures parti- culières réservées au mois du jeûne ;

11° Prière pour demander la pluie (Rogations). Cette prière fut instituée par Mohammed qui, à une période de sécheresse extrême, implora Dieu et aus- sitôt la pluie tomba pendant sept jours et sept nuits.

Les pratiques d'exécution de ces prières, ainsi que les versets du Coran devant être récités, sont encore en usage chez les musulmans nord-africains et conte- nus dans la remarquable traduction du Précis de jurisprudence de Sidi Khalil, l''1' volume, par Perron.

,, L^-s . Le Jeûne obligatoire

Le jeûne du Ramadane de 30 jours a été établi la deuxième année de l'Hégire en commémoration de la pénitence d'Adam, qui ne fut acceptée de Dieu que trente jours après le péché commis (*).

La rupture du jeûne n'avait lieu que lorsque le croissant (halal) \ jU de la nouvelle lune du mois suivant 'chaoual apparaissait; il durait conséquem- ment trente jours (2|.

Le jeûne était, et il est encore obligatoire pour tous les musulmans; il avait lieu le neuvième mois de l'année lunaire (ramdane) après la fin du précédent mois dit : chaabane.

Le jeûne commençait depuis le moment ou l'on pouvait distinguer un fil blanc d'un fil noir dès le matin et durait jusqu'à la fin du jour, après le cou-

(1) Perron Traduction do Sidi, Kkalil, note 123, page 573. ■2; Les musulmans nord-africains actuels pratiquent encore sévère ment le jeûne du Ramadane.

249

cher du soleil. Le fidèle ne devait ni boire, ni man- ger, ni fumer, ni priser pendant la journée'1'. Il pou- vait prendre ses repas dans la soirée et dans la nuit.

^c^t.1' Pèlerinage de La Mecque

Les arabes avant l'islamisme, faisaient des proces- sions, des sacrifices à la kaaba, oratoire construit à La Mecque par Abraham et Ismaël. Mohammed, devenu maître de cette localité, s'empressa de débar- rasser la kaaba des idoles dont elle était encombrée'2' et de recommander aux arabes le pèlerinage à la maison sainte au moins une fois dans leur existence.

A l'époque turque, comme antérieurement et encore aujourd'hui, les musulmans fortunés effectuaient le pèlerinage de La Mecque après le soixante dixième jour de la fête de la rupture du jeûne.

Le canal de Suez n'étant pas encore creusé les fidèles d'Alger et du Nord-Africoin se rendaient à

Damas cette perle de la Syrie -»li- point de concen- tration générale pour la grande caravane du pèleri- nage annuel. Les musulmans de toutes les parties du monde se donnaient rendez-vous dans Damas la sainte, la ville aux trois cents mosquées, aux dix- huit portes que les poètes arabes appelaient : la Porte du Ciel. Des Turcs, des Egyptiens, des Chinois, des Indiens, des Russes, des Malgaches, des Malais, des Syriens, des Algériens, Marocains, Tunisiens, Berbères ou Arabes du Nord de l'Afrique, des Nègres

(1) Les musulmans nord-africains actuels pratiquent encore sévère- ment le jeune du Kamadaue.

(2) Coran analyse par Jules La Baume, p. 562.

250

du Soudan, du Congo, du Sénégal formaient une caravane immense, une foule innombrable et jamais entassement humain ne fut plus dense.

C'est que tous les musulmans lettrés connaissent cette légende racontée sur Damas : « Quand du haut « des montagnes Mohammed aperçut la vallée du « Barada et Damas et ses jardins il fut frappé de la c beauté du site et s'arrêta tout à coup, mais refusa « de descendre vers la ville : Il n'y a qu'un seul pa- « radis destiné à l'homme, se serait écrié le pro- « phète, pour ma part, j'ai résolu de ne point pren- « dre le mien dans ce monde. »

Et il pressa ses guerriers, craignant sans doute qu'ils ne s'attardent dans la blanche cité des Mille et une Nuits.

Le pèlerinage aux lieux saints était l'acte religieux considéré comme le plus important pas les maho- métans. Tout fidèle est du reste, encore tenu, de remplir ce devoir et les musulmans ayant effectué le pèlerinage à La Mecque sont entourés de la consi- dération générale. Les diverses formalités ou prati- ques concernant le pèlerinage, indiquées par le Coran étaient suivies ponctuellement par les musulmans d'Alger et du Nord-Africain.

Fêtes religieuses

Les musulmans d'Alger célébraient sept fêtes reli- gieuses :

La fête de la rupture du jeûne aïd el fether

i»JaflJ' J^ appelée aussi aïd es serir j^x/^JJ J^s, Cette fête fut inaugurée par le prophète Mohammed

- 251

la deuxième année de l'hégire et elle se célèbre de- puis cette époque le premier jour du mois qui suit le mois de jeûne, elle dure trois jours. Les turcs d'Alger appelaient cette fête El fether Baïram ;

La fête des sacrifices aïd en nehar y=t.J) .Xdt

appelée aussi la grande fête j..^xJ' £*£> aïd el kebir

a été instituée en commémoration du sacrifice d'A- braham qui, selon le très antique usage datant chez les arabes d'avant l'islamisme, allait immoler son fils Ismaël. L'ange Gabriel s'étant présenté et voyant Ismaël déjà étendu et menacé d'avoir la gorge cou- pée par le patriarche prophète, s'écria, afin d'arrêter Abraham : Dieu est grand! Dieu est grand !

Abraham qui comprit aussitôt la parole de grâce répondit : « Il n'y a de Dieu que le Dieu unique, Dieu est grand » ; et Ismaël s'écria également : « Dieu est grand et à Dieu soit toute louange »<•).

Les turcs d'Alger appelaient cette fête kourbane Baïram ;

La fête du dixième jour : achoura 1 , o_.i. L_c.

se célébrait le dixième jour de moharem premier mois de l'année. Le jour de cette fête, les femmes musulmanes d'Alger préparaient diverses pâtisseries et s'en envoyaient réciproquement en cadeaux, elles se rendaient des visites, allaient voir des malades. faisaient des aumônes. Elles se mettaient du (koheul) sulfure noir d'antimoine aux paupières, du (lianna) henné aux mains et aux pieds. Les hommes faisaient aussi un brin de toilette, se taillaient les ongles, la

(1) Kxtraitdu commentaire d'El Cliabraklnti.

252

barbe, allaient visiter aussi leurs amis, lisaient mille fois la sourate de l'unité de Dieu ou la 112e sourate : « Dis, Dieu est un, c'est le Dieu clément il n'a point enfanté et n'a jamais été enfanté et n'a pas d'égal. »

D'après la tradition, c'est le dixième jour de Mohar- rem que se produisirent un nombre considérable défaits extraordinaires ou miraculeux. En voici l'énu. mération : Adam se repentit de sa faute. L'arche s'arrêta après le déluge sur le Djebel Djoudi Moïse sépara les eaux de la mer Rouge et le Pharaon fut noyé Jésus vint au monde Jonas sortit du ven- tre de la baleine Joseph fut retiré du puits Les Ninivites rirent pénitence Abraham fut mis au monde Plus tard il fut conservé intact au milieu de la tour de feu l'avait précipité Nemrod Jésus fit son ascencion au ciel Idris fut également enle- vé au ciel Job fut guéri David reçut le pardon de son péché Jacob recouvra la vue.

Toujours d'après la tradition, c'est le dixième jour du mois de moharrem, que Dieu créa Adam après avoir créé les cieux, la terre, le soleil, la lune, les étoiles, l'empirée, le trône éternel, le paradis, etc.'1);

Le jour de l'an : ras-es-senna ^_L..w^_J) r< 1 ,

se célébrait le jour qui suit la fin de l'année précé- dente ; Le jour de l'anniversaire de la naissance du

prophète El Mouloud aJ S ). Cette fête assimilable à notre Noël est la commémoration de la naissance

(1) Précis do jurisprudence de Khalil ben lshak, traduction de Perron, notes et éclaircissements 127, page 575 (premier volume).

- 253 -

du prophète Mohammed ben Abdallah ben Abdel Mo(aleb le fondateur de la religion musulmane (27 août 570 de l'ère chrétienne).

D'après la légende arabe de prodigieux miracles se produisirent ce jour : Le feu sacré s'éteignit chez les Mages ; les génies du mal furent précipités du haut des étoiles; quatorze tours du palais de Khosroés, le roi des rois, s'écroulèrent ; une lueur céleste intense embrasa le pays, et le nouveau-né s'écria : « Dieu est grand, il n'y a d'autre Dieu que « Dieu et je suis son prophète. »

La nuit d'El Mouloud est une des sept nuits bénies les plus saintes, les plus révérées des musulmans, les plus augustes; elle se célèbre à la fin du dou- zième jour du mois Rebi H Louai troisième de l'année.

La fête d'El Mouloud se célébrait à Alger par la visite des fidèles aux nombreuses mosquées. Ils laissaient dans chacun de ces endroits saints des dons consistant en menue monnaie, cierges en cire de diverses couleurs, benjoin, encens, cascarille, pains garnis d'œufs durs colorés en rouge, jaune ou vert. Les enfants, après une copieuse absorption de pûtisseries diverses se rendaient chez leurs connais- sances et les aspergeaient d'eau de fleurs d'oranger criant : El Mouloud ! El xMouloud ia el moumenine. La nativité! la nativité! ô croyants!.

Le soir, les mosquées étaient brillamment illumi- nées ainsi que les magasins des commerçants et les demeures particulières. De véritables processions s'organisaient, les processions des bougies, un cor- tège criard, tumultueux, d'arabes de tous âges et conditions vêtus de burnous blancs ou de loques

254

innomables, chantant des sourates du Coran et des litanies monotones auxquelles la foule répondait uni- formément par des aminé! aminé I aminé! Précédés des tambourinaires des diverses confréries, les chan- teurs étaient accompagnés du bruit formidable de 50 à 60 benadirs (tambourins) maniés très vigoureu- sement par des khouans (membres des confréries).

Les processions circulaient dans les rues, saluées à chaque instant par les joyeux you-you, signalant l'allégresse des femmes, acclamant frénétiquement le cortège.

Les you-you stridents des femmes, les litanies récitées par les chanteurs les aminé! aminé! de la foule enthousiasmée, les coups sourds et rythmés des tambourinaires, les détonations d'armes à feu, les cris de joie des gamins, tout cela constituait un bruit infernal, un tapage magnifique, qui augmentait encore lorsque les processions pénétraient dans les mosquées.

Après les prières d'usage, la dernière profession de foi récitée, les drapeaux aux couleurs du pro- phète étaient replacés dans leurs mosquées respec- tives et chacun rentrait chez soi^).

La fête de chaabane ,, Lx.w qui se célébrait le dernier jour du mois précédant le mois de ramdane;

La fête du vingt- septième jour de ramdane : sebaa ou achrine men ramdane ('mois du jeûne)

(li La fête d'H Mouloud se célèbre encore de cette façon dans toute l'Afrique du Nord (dans les principales villes).

- 255

Fêtes familiales

Indépendamment des fêtes religieuses, les arabes d'Alger ainsi que les turcs célébraient des fêtes fami- liales à l'occasion de la naissance, de la circoncision de leurs enfants et de leurs mariages. Au cours de ces solennités intimes, la religion n'était pas délais- sée, les prescriptions coraniques qui, on le sait, concernent la vie civile comme la vie religieuse étaient scrupuleusement exécutées et c'est en raison du mélange intime de la vie familiale et de la vie religieuse que nous donnons quelques aperçus sur les principaux actes de la vie musulmane.

ï *j '1\ naissance

Pour la naissance d'un enfant le fidèle devait tuer un animal : mouton ou bœuf le septième jour après la naissance. Avant d'abattre l'animal le père devait faire des aumônes aux malheureux.

Si l'enfant nouveau-né était du sexe masculin le père devait manifester sa joie aussitôt après la nais sance par une détonation d'arme à feu précédée au préalable de l'invocation El hamdou Lillah (Louange

Dieu!) ôJU *X*sdf.

a

S ^jjl

C1KCONC1SION

L'enfant musulman devait être circoncis avant d'avoir atteint l'âge de dix ans. La fête donnée à l'occasion de la circoncision consistait en une pro- cession à une petite distance, des femmes invitées,

- 256 -

parées d'effets aux couleurs voyantes, suivies des hommes et enfants. La procession accompagnée de musiciens tambourinaires, flûtistes, joueurs de haut- bois qui exécutaient leurs meilleurs morceaux; elle était précédée d'une matrone armée d'un sabre, por- tant sur la tète un grand plat en bois destiné à rap- porter la terre traditionnelle, nécessaire à la circon- cision. La terre ayant été préparée et placée dans le plat était apportée à la demeure devait avoir lieu la circoncision.

A l'arrivée près de la dite demeure, des coups de feu annonçaient le retour des femmes et au moment ou le groupe pénétrait, une nouvelle salve de coups de feu retentissait. A ces salves, les femmes répon- daient par des you-you répétés.

La circoncision effectuée, au-dessus du plat en bois rempli de terre, par un opérateur habile, la musique redoublait d'ardeur; les you-you devenaient assourdissants, des vapeurs de benjoin, encens, cas- carille envahissaient et parfumaient le local, les né- gresses s'emparaient des mortiers de cuivre et de leurs pilons s'en servaient comme de cloches. Tout ce vacarme était fait pour étourdir l'opéré et lui faire oublier sa douleur.

Puis la terre qui a servi à la circoncision était rapportée avec le même cérémonial à l'endroit elle avait été prélevée. Un repas, offert à tous les invités, terminait la fête et durant la journée les assis- tants effectuaient les cinq prières lithurgiques appe- lant la bénédiction divine sur le nouvel adpete de la religion islamique.

257

E

r^y

MA RI AGIS

Chez les musulmans, le mariage ne pouvait être contracté par une jeune fille, qu'autant qu'elle avait

un ouali J' «(représentant), qui en son nom, accep- tait le don nuptial fourni par le futur époux et débat- tait avec les parents les diverses conditions du ma- riage.

Lorsque les conditions du mariage fixées par le ouali étaient acceptées par les parents, elles étaient sanctionnées par des notables. Quelquefois le ma- riage était contracté par-devant le cadhi - ^l 5

qui dressait un acte, mais cette formalité n'étant pas obligatoire, le plus souvent le mariage était simple- ment contracté par-devant les notables, les parents des futurs et l'ouali, hors la présence des futurs époux.

Lorsque le jour du mariage était fixé, la jeune fille était amenée en grande pompe chez son mari et la fc-te commençait. Cette fête consistait en concerts suivis de danses, exécutées par des femmes seules, courses de chevaux, galopades, coups de feu des cavaliers et repas pantagruéliques. La fête durait ordinairement trois jours.

Lors des fêtes familiales que nous venons d'es- quisser, ni les muphtis, ni les autres religieux ne prenaient obligatoirement paît à ces diverses céré- monies mais les versets du Coran appropriés étaient récités avec ferveur , attestant ainsi de la foi pro- fonde des assistants.

258 -

, i!

LA MORT

Les prescriptions coraniques relatives à la mort sont de laver le corps du décédé avec une eau sans impureté, de faire les prières funèbres pour le mort, d'ensevelir le cadavre.

Dès qu'un musulman d'Alger accusait les signes précurseurs de la mort sans avoir pu prononcer la chahada (attestation) : « Il n'y a d'autre Dieu que Dieu unique et Mohammed est son envoyé », ses coreligionnaires l'aidaient, s'il ne pouvait plus par- ler, à lever le bras droit et l'index de la main droite afin qu'il atteste ainsi l'unité de Dieu, puis on le cou- chait sur le côté droit et tourné dans la direction de la kibla.

Après le décès J«.«x[ ] (el moughassel) le laveur lotionnait le cadavre avec de l'eau pure en commen- çant par les mains puis continuant par l'enlèvement des souillures, ensuite il lavait la tête, le visage et le corps à grands flots d'eau, d'abord le côté droit puis le côté gauche. Il était de convenance religieuse de laver le cadavre trois ou cinq fois. Ensuite le cadavre était enveloppé dans des linceuils blancs, de toile ou de coton noués aux deux extrémités. Un turban lui entourait la tète et l'extrémité du dit tur- ban était ramenée sur la figure de façon à la recou- vrir complètement; des substances à odeur forte : musc, ambre, camphre, plantes odoriférantes étaient placées dans la bouche, les narines, les oreilles et aussi sur diverses parties du corps.

Le corps n'était pas placé dans un cercueil et il était enterré dans ses lincueils tout simplement.

259 -

Le convoi, en quittant la maison mortuaire, se diri- geait vers le cimetière, les chanteurs psalmodiaient

El Borda JO iJJ ( poème mortuaire), précédant le cadavre.

Près de la fosse, la prière funéraire commençait, l'imam se plaçait devant le cadavre, lui tournant le dos à la hauteur du milieu du corps, de façon à avoir son bras droit du côté de la tête du défunt.

Les invocations adressées au ciel pour le mort

étaient commencées par Kl hamdou lillah ^U^.%)) louanges à Dieu suivi de Salla allahou ala nebihi ou

salam jvL « i^JJi -le bJJ* À^o. Que le sei-

gneur comble de ses bénédictions et de ses grâces son prophète.

Les invocations terminées, le corps était placé dans la fosse, sur le côté droit la face tournée vers la kibla, et la tète surélevée par un amoncellement de terre; les assistants devaient jeter trois fois plein leurs deux mains de terre en disant la première fois : a vous en avez été crées » la seconde fois : o nous vous y ferons retourner » la troisième fois : « nous vous en ferons sortira nouveau wi1).

La fosse était ensuite remplie de terre et était surélevée d'un petit tumulusl1'. Souvent le tumulus, surtout chez les turcs, était surmonté d'un morceau de bois dont le sommet était sculpté mais ne portait pas d'inscription.

La cérémonie de l'ensevelissement terminée, la

(1) Voir Perron, Traduction de Sidi h'/ialil, l" volume, p. 302 303.

- 260

famille du mort offrait un repas à ceux ayant accom- pagné le convoi funèbre et à ceux venant apporter leurs condoléances!1).

Confréries religieuses

Indépendamment des prêtres, des religieux du culte officiel, il existait à Alger différentes confréries

religieuses musulmanes ^ L Js qui, a côté du clergé

salarié, exerçait le pouvoir religieux d'une façon plus intense.

Ces confréries étaient dirigées par un cheikh ^c^w

directeur spirituel et temporel de l'ordre. Sa supré- matie était complète sur les khouans , >l ai» frères

de l'ordre, il était considéré comme un savant pos- sédant tous les dons, tous les pouvoirs, toutes les sciences, et était obéi aveuglément par tous. Le

cheikh avait sous ses ordres un khalifat k_0_£__Li>. qui le suppléait le cas échant. Au-dessous du khali- fat venait le mokaddem .xà-o délégué du cheikh,

qui avait sous sa direction un certain nombre de khouans.

Les titulaires de ces dignités : cheikh, khalifat, mokaddem conféraient le titre de khouan aux candi- dats désirant être initiés, après toutefois, s'être assu- rés de la piété des dits candidats et de leur connais- sance des pratiques spéciales à la confrérie.

(1) Toutes ces pratiques sont encore en usage aujourd'hui.

261 -

Tous les musulmans d'Alger faisaient partie de confréries diverses et chaque membre exerçait une surveillance active sur l'exécution stricte des règles

lithurgiques prescrites par la tharika ÔJb fh)i (voie divine), de chaque confrérie.

Les principales confréries existantes à Alger avant notre arrivée étaient : la Kadria fondée par Sid-Mahi- ed-dine Abou Mohammed Abdel-Kader el Djilani en 1079 de Jésus -Christ la Rahmania fondée par Si Mohammed ben Abderahmane el Guechtouli Abou Kobrine en 1715 - la confrérie des Aïssaoua fondée par Sid Mohammed ben Aïssa en 1323. Les quelques khouans de certaines confrérie maro- caines qui se trouvaient occasionnellement à Alger

prenaient part aux hadra h r^>- (réunions), de la

secte dont les pratiques se rapprochaient le plus de celles de la confrérie à laquelle ils appartenaient'1'.

Les confréries religieuses musulmanes d'Alger envoyaient dans toute l'Algérie de nombreux émis- saires chargés de répandre la bonne parole, de re- cruter des affiliés. Ces émissaires, choisis parmi les fanatiques, les apôtres, les thaumaturges, les der- wichs stimulaient les fidèles, réchauffaient leur foi religieuse et selon les lois coraniques excitaient les populations contre les infidèles.

Le nid de forbans qu/étai! Alger avant notre oc- cupation, avait, par les Membres des confréries, de vigoureux et audacieux défenseurs qui ne craignaient

1 1 Voir pour les détails des pratiques des membres des confréries le magistral ouvrage Le* Contrèruis religieuses musulmanes par Octave Depont et Xaxier Coppolani.

- 262 -

pas d'aller faire la course jusque sur les côtes d'Es- pagne, de Provence et d'Italie.

Lorsque une voile européenne apparaissait à l'ho- rizon, la population entière se levait pour procéder au pillage du bateau qui s'était aventuré, et cette population qui, en temps ordinaire, affectait des sen- timents de douceur, de solidarité, de charité, deve- nait féroce, cruelle et dans une ruée assaillait le bateau capturé par les felouques turques, en tuait les défenseurs, pillait les marchandises et emmenait en esclavage les survivants du massacre qui souvent restaient de très longues années dans les bagnes d'Alger, obligés d'effectuer les plus durs travaux.

Nous l'avons dit plus haut tous les musulmans d'Alger appartenaient aux confréries religieuses et constituaient ainsi une solide armée, très entraînée, et toujours prête à défendre l'accès d'Alger aux Européens.

Avec une telle organisation, nos troupes, lors de la conquête de l'Aigrie, ne pouvaient qu'éprouver les plus grandes difficultés et on s'explique alors facilement qu'il ait fallu une période de près de trente ans de combats continuels de 1829 à 1857 (époque de la pacification par le Maréchal Randon de la grande Kabylie) pour asseoir définitivement notre domination.

Achille ROBERT,

Administrateur principal de commune mixte honoraire, Correspondant du Ministère de l'Instruction publique.

L'ESCARGOTIÈRE DE CHÉRIA

■-* > » «. «-

Cette station m'a été, pour la première fois, signa- lée il y a six ans environ par mes amis M. Delahaut, commandant Supérieur du Cercle de Tébessa et M. le lieutenant Bugnet, chef du Bureau Arabe De cette époque datent mes premières recherches à Chéria.

Le centre de Chéria est situé dans la tribu des Brarchas, à 36 kilomètres Sud-Ouest de Tébessa. Une route carrossable permet de s'y rendre mais la dis- tance à parcourir dans ce cas est de 50 kilomètres. L'eau y est abondante. Ce point, de tout temps, fut recherché pour les facilités de vie qu'il offrait. Des tribus y séjournèrent aux âges préhistoriques. Plus tard, la colonisation romaine prit, en cette région, un essor particulier.

Ses environs immédiats, aujourd'hui moins favo- risés par le régime des eaux, sont habités par les Brarchas semi-nomades. Cette région est parsemée d'établissements agricoles antiques. Certains étaient très importants. Dans la seule feuille de Chéria, M Stéphane Gsell a signalé 298 ruines romaines'1).

Les campements préhistoriques étaient bien moins denses. J'ai découvert et étudié dans cette région une di/.aine de stations habitées pendant le paléoli-

(l) Stéphane Gsell, Atlas archéologique de l'Aly'-ri-, feuille 39.

264

tliique supérieur. Une seule était connue. Les plus importants foyers se trouvent aux environs d'Aïn- Cherout et d'Aouïnet-el-Ghaîan. Je publierai plus tard leurs industries qui ont beaucoup d'affinités avec la technique présentée aujourd'hui.

L'escargotière de Chéria se trouve à l'extrémité Sud-Ouest du village. Elle est actuellement entière- ment coupée par le chemin qui passe devant le bâti- ment de la Remonte et se trouve à hauteur même de ce bâtiment à une centaine de mètres et à droite du canal.

La partie riche, légèrement surélevée, s'étendait sur une longueur de 25 mètres environ; sa largeur moyenne était de 12 mètres. Vers le milieu, la hau- teur maxima des débris archéologiques atteignait 2 mètres. La hauteur moyenne était de 1 mètre seu- lement. Des deux côtés du chemin et sur une cin- quantaine de mètres, en surface, les éclats de silex sont encore nombreux et patines en blanc sale. Les silex trouvés dans l'intérieur de la station au con- tact des cendres sont au contraire noirâtres.

Cette escargotière répond à la description générale de ces stations, que j'ai donnée dans V Anthropolo- gie (l).

Les ossements trouvés étaient tous très fragmen- tés et calcinés

La couche archéologique était couverte par une épaisseur de terre stérile d'une hauteur moyenne de 50 centimètres. Par places seulement le ruissel- lement avait dégradé la couche supérieure et laissait

(1) Maurice Reygasse, Elude de paléthnologic maghrébine, in An- thropolgie, Masson, éditeur, Paris, 1916, pages 351 et suivantes.

265

apparaître en surface la couche de cendres et l'outil- lage en silex.

Cette station avait été l'objet de remaniements à des époques bien différentes : sous la domination romaine ; en 1864.

J'ai trouvé sur place quelques matériaux prove- nant de constructions romaines. M. le commandant Guénin avait, d'ailleurs, en 1909, signalé près du bâtiment de la Remonte et à deux mitres sous le sol le soubassement d'un monument romain important'1'.

Le deuxième remaniement a eu lieu en 1864, an- née de grande famine. De nombreux indigènes morts à cette époque de disette furent inhumés aux envi- rons immédiats et parfois dans la station môme. La partie centrale paraissait seule inviolée.

En suivant le chemin et à hauteur de l'établisse- ment de la Remonte, à droite et à gauche, quelques poches noirâtres renfermant des fragments nombreux de coquilles d'escargots ainsi que des éclats de silex permettent de voir les limites du gisement.

Sur le plateau, aux environs immédiats de ma fouille, on pourra encore creuser et recueillir des éléments de comparaison relatifs à cette industrie.

La presque totalité des cendres a été passée au crible; une partie de la terre provenant de cette sta- tion a été ensuite répandue sur la place du village de Chéria. Dans ce milieu, l'industrie trouvée à la base parait identique à celle du sommet.

(1) Commandant Guiini i, Inoentaire archéologique du Cercla de Tébe-txa. Nouoellea d - Missions scientifiques, tome XVII,

Paris, Imprimerie nationale, 1903, page 10'J.

266

Observations sur l'industrie /Unique de la Station

Les lames simples sans retouches sont assez fines. La plus grande mesure douze centimètres de lon- gueur. Certaines minuscules sont très régulières.

Pointes à main

Les pointes à main sans retouches, larges à la base, s'amincissent très régulièrement à l'opposé du conchoïde de percussion. Enlevées du nucleus par une seule frappe, ces pièces sont d'une régularité parfaite. Elles sont au nombre de seize, sept sont symétriquement retouchées au sommet.

La grandeur moyenne de ces pièces est de 5 cen- timètres en longueur, la largeur à la base est de 2 centimètres et demi environ. Il s'agit d'éclats trian- gulaires retouchés, pièces de hasard n'offrant pas la symétrie des pièces moustériennes.

Lames à dos

Les grosses lames à dos sont nombreuses. Cette forme était particulièrement recherchée. Les retou- ches avaient leur utilité car elles permettaient d'avoir un outil bien en main.

L'index allongé sur les retouches à l'opposé du tranchant donnait plus de force pour utiliser soit la lame, soit la pointe. Le médius entourait le conchoïde de percussion et sur l'éclat opposé se trouvait géné- ralement une place toute préparée pour le pouce al- longé.

Les ouvriers étaient arrivés dans la fabrication de ces lames et dans la finesse des retouches à un de- gré de perfection remarquable. Parfois, l'éclat obte-

PLANCHE I Types divers et modifications de la lame à dos

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PLANCHE I Ma Types divers et modifications de la lame a dos

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PLANCHE II Industrie raicrolitbique

PLANCHE II Ws Lame à dos typique (grandeur naturelle)

PLANCHE III Burin multiple (grandeur naturelle)

PLANCHE IV 'iiuttoir burin (grandeur naturelle)

- 267 -

nu d'un seul choc sur le nucleus donnait déjà la force achevée de ces lames à dos. Seules, manquaient les belles retouches marginales appelées à donner à cet outil l'harmonie de formes qui le caractérisent. On retrouve ici à peu près tous les types avec tou- tes les nuances de transition, depuis la forme mas- sive des outils de l'abri Audi et de Ghatelperron jus- qu'aux types affinés de la Gravette. Ces belles lames s'allègent encore pour aboutir à l'industrie microli- thique (Voir planches i et 2).

J'ai relevé deux scies et un silex géométrique en forme de croissant très régulier. Cette station m'a également donné une lame à encoches bien caracté- ristique. •

Burins

Les divers types de burins trouvés dans la station de Chéria, tous très bien travaillés, étaient au nom- bre de 130 (Voir planche 3, type de burin multiple).

Les divers types relevés sont :

Burins à double enlèvement latéral ;

Burins à un seul enlèvement latéral ;

Burins à un seul enlèvement latéral sur sommet de lame à dos ;

Lames simples à troncature retouchée ;

Burins simples de fortune;

Burins à deux enlèvements latéraux présentant un grattoir concave à chaque extrémité;

Burins polyédriques.

Si toutes ces formes se retrouvent avec les marnes caractères de technique classique qu'en France, dans les milieux aurignaciens, il y a lieu cependant, dès

- 268 -

maintenant, de constater dans cette station l'absence du burin busqué avec ou sans encoches1).

La présence de nombreux burins dans le paléoli- thique français, en contact avec la gravure sur os et ivoire parvenue à son apogée, avait permis de sup- poser que ces outils étaient surtout destinés à gra- ver. Les belles découvertes faites dans le Sud-Tuni- sien par MM. de Morgan, Capitan et Boudy, les tra- vaux du docteur Gobert aux environs du Redeyef, mes observations montrent que cette première hy- pothèse ne se trouve nullement vérifiée dans le pa- léolithique supérieur du Nord-Africain. En effet, dans les nombreux milieux des burins ont été relevés, jamais il n'a été trouvé en contact avec ces outils, des gravures artistiques analogues à celles de la belle période magdalénienne. Sporadiquement ont été découverts, avec les burins, des fragments d'œufs d'autruches gravés ; ornements géométriques très simples. Aucune représentation humaine bien nette n'a encore été relevée

Cet outil servait certainement à des fins diverses ; son utilisation précise nous échappe peut-être encore. Comme Dechelette, je suppose que « c'est sans doute avec le burin que les artistes de l'époque du Renne travaillaient des matières dures, telles que le bois de renne, l'ivoire et la pierre ». Mais sa présence dans les milieux aurignaciens avec très peu d'objets gra-

(i) Voir à ce sujet la Station préhistorique de la Coumba-dcl-Boui- to'i, p'ès Brives, par MM. les abbés L. Bardon, A. et J. Bouyssou- nie, iq Bulletin d * la Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèse, pages 45-46.

Veir également des mêmes auteurs : Stations préhistoriques de Planchetartc. La Grotte Lacoste, Brive, imprimerie Roch<?, page 10, fig. 2.

2H9

vés, sn grande abondance dans les milieux archéo- lithiques du Nord-Africain par rapport à une infime minorité d'oeuvres artistiques permet d'affirmer que son emploi n'était pas limité à cette seule lin.

A ce sujet, je donnerai les quelques exemples sui- vants : La station préhistorique de la Coumba d'Kl- Bouïtou a donné à MM. les abbés L Bardon, A. et J. Bouyssonie et dans les foyers supérieurs 140 bu- rins busqués, 81 burins d'angle, 240 burins ordi- naires et divers, 56 grattoirs-burins. Les foyers infé- rieurs ont seulement donné 3 burins ordinaires com- plets. Aucune gravure, malgré cette abondance de burins, n'a été trouvée en contact avec cette indus- trie de la base de l'aurignacien.

La grotte de la Font-Robert, méthodiquement étu- diée par MM. L. Bardon, A. et J. Bouyssonie !*) et qui appartient à l'aurignacien supérieur, n'a donné ni gravure ni sculpture et cependant sur un ensemble de 2487 objets en silex, il a été découvert 587 burins divers.

Des mêmes auteurs, voir encore : Les Stations pré- historiques de Planclietorte (près Brive) ; La Grotte Lacoste, Brive, imprimerie Roche, 1910, pages 25, 20, 33, 34.

Le foyer n" 2 seulement a donné un fragment d'ar- doise, étudié par M. l'abbé Breuil, professeur à l'Ins- titut de paléontologie humaine. Ce fragment portait une gravure indéterminée. L'industrie lithique de cette station, qui, d'après les savantes recherches de

(l) Stations préhistoriques du Château de Bassaler près Mrive. (Corrèze) 1. La 'ir<,tt<- </<■ la Font-Robert par les abbés L. Hardon, A. et J. Bouyssonie, Brive, imprimerie Roche, 11)08.

- 270 -

MM. A. et J. Bouyssonie et Bardon et aussi de M. Breuil, serait du niveau aurignacien supérieur et se rapprocherait d'un des niveaux sous-jacents au solutréen primitif de la grotte de Tribobite, a, dans ses divers foyers, donné 421 burins divers pour une seule représentation artistique.

Enfin, dans l'Afrique du Nord et principalement dans le Sud-Constantinois et le Sud-Tunisien les stations à faciès aurignaciens donnent exceptionnel- lement des ornements exclusivement géométriques sur œufs d'autruche malgré l'abondance de burins constatés.

L'outillage de Bir-Khanfous, étudié par le docteur E. Gobert, lui donnait 205 burins d'angle et seule- ment 7 grains de collier, 2 colombelles percées et 3 fragments de coquilles gravés. Nous nous trou- vons, à Bir-Khanfous, dans un milieu plus évolué que celui de Chéria. J'ai, d'ailleurs, moi même après le docteur Gobert, effectué en Tunisie des fouilles au Bir-Khanfous, ce qui m'a permis de recueillir dans ce milieu une belle industrie de silex géométriques .

Dans cette station, le burin formait 40% de l'ou- tillage total et les productions artistiques étaient à peu près nulles'1). Grâce à ces quelques exemples, il est facile de se rendre compte que l'existence du bu- rin dans nos milieux se présente en général sous des caractères analogues à ce qui a eu lieu pour certains stades de la civilisation aurignacienne.

(1) Docteur Gobert, Introduction à la palHhnologi.0 tunisienne. Cahiers d'archéologie tunisienne publiés sous la direction de Renault. Paris, Gambcr, page 134.

PLANCHE V Grattoir burin (grandeur naturelle)

PLANCHE VI Grattoir burin (grandeur naturelle)

271

Grattoirs

Les grattoirs provenant de la station de Chéria sont d'un très beau travail et reproduisent des types très variés. Il y a lieu de remarquer l'absence de grattoirs carénés, de rabots et de grattoirs nucléi formes caractéristiques. Les grattoirs simples sont les plus nombreux.

Je dois signaler 25 grattoirs doublement convexes, 1 grattoir circulaire, 1 grattoir à pédoncule denticulé qui devait être sans doute emmanché, 7 grattoirs concaves au sommet, terminés à la base en burins, 6 beaux grattoirs convexes terminés en pointes-bu- rin Voir planches 4 et 5), 2 grattoirs convexes au som- met, terminés à la base en burins (Voir planche 6). Ces pièces offrent beaucoup d'analogie avec celle qui est figurée dans le musée préhistorique de MM. Ga- briel et Adrien de Mortillet (sous le n" 401 « Grat- troirs en silex : Le Grand-Pressigny (Indre-et-Loire ; Musée de l'Ecole d'Anthropologie), retouchée avec soin tout le tour. » Dans ces pièces, très harmonieu- ses de formes, un seul côté est cependant régulière- ment retouché de la base au sommet.

Une autre pièce de même technique donne au contraire un grattoir concave terminé à la base par une pointe très régulière.

Deux scies assez fines ont été trouvées dans ce milieu, ainsi que deux pièces plus volumineuses à coches, un broyeur aplati par suite de l'usage et une belle meule évidée; 2 percuteurs très étoiles et enfin 50 nucléus réguliers. L'os poli est représenté par 5 fragments de poinçons.

J'ai également trouvé 5 fragments d'ocre. De rares

272

lames à dos portaient, sur les retouches, des traces de colorant rouge. Enfin, ce milieu m'a également donné trois retouchoirs. J'ai retrouvé des types de ces outils très caractéristiques dans presque tous les milieux paléolitiques supérieurs que j'ai fouillés; ils ont été cependant très rarement relevés dans l'Afri- que du Nord. Leur forme est constante. Il s'agit de gros éclats de silex, surélevés vers le milieu, larges et bien en main. La partie médiane est généralement incurvée des deux côtés; plus rarement l'un des côtés est horizontal ou bien même convexe et un seul côté est concave.

Les escargots relevés au milieu des cendres et qui servaient à la nourriture de ces primitifs ne sont ja- mais volontairement perforés contrairement aux curieuses observations faites à ce sujet en d'autres milieux.

Les espèces trouvées vivent actuellement dans le pays; l'alhea candidissima et l'hélix melanostoma , dominent.

Les ossements trouvés dans la station de Chéria étaient généralement très fragmentés, souvent cal- cinés et difficilement utilisables. J'ai adressé au sa- vant professeur du Muséum M. Boule, au cours de mes fouilles, les pièces qui paraissaient pouvoir être étudiées ainsi qu'une série représentative de cette industrie. Ces documents ont été déposés au Labora- toire de paléontologie humaine. J'ai également fait don, au Musée des Antiquités d'Alger et au Musée de Constantine, d'une série de pièces bien caracté- ristiques provenant de cette fouille.

La technique de la station de Chéria offre les plus

273 -

grandes analogies avec l'aurignacien , mais nous nous trouvons ici en présence d'un niveau qui me paraît devoir ùtre placé, d'après les affinités techni- ques, entre les stades de Chatelperron et l'Abri Audi d'un côté, et Noailles de l'autre. Rien ne permet d'é- tablir le synchronisme de ces civilisations.

Une étude comparative et précise des divers ni- veaux du Gétulien et de l'Aurignacïen me paraît en- core prématurée. Je crois devoir, avant d'entrepren- dre ce sujet, publier le résultat de plusieurs de mes découvertes. J'ai pu, en huit années de recherches, relever les stations les plus importantes et les plus nombreuses qui soient, je crois, dans l'Afrique du Nord, mais c'est seulement, après avoir présenté les niveaux les plus archaïques, et aussi les plus évolués qu'il m'a été donné d'étudier, qu'il me paraîtra pos- sible de publier sur ce sujet une étude d'ensemble.

Statistique des pièces provenant de la station de Chéria

Pointes à main 16

Burins polyédriques 8

Burins à un seul enlèvement latéral .... 42 Burins à double enlèvement latéral sur sommet

de lame à dos, le côté opposé étant relouché. 35

Burins de fortune 7

Burins à deux enlèvements latéraux présentant

un grattoir concave à chaque extrémité. . i!

Lames simples à troncature retouchéb en burins. 32

Lames à dos épaisses 3J

Lames à dos plus fines, élancées et droites . . 72

Lames à dos lendant aux types microlithiques . 50

Lames microlithiques finement retouchées. . . 25

Lames amenuisées au sommet en perçoir. . . '.'

Lame à encoche 1

274

Lames simples complètes sans retouches fines

élancées 86

Lames simples sans retouches massives, du type

de Ghatelperron 12

Grattoirs simples très finement retouchés, légers . 145

Grattoirs doubles . 25

Grattoir circulaire 1

Grattoir à manche denliculé 1

Grattoirs concaves au sommet terminés à la base

en burin à bec de flûte 7

Grattoirs convexes au sommet terminés à la base

en bec de flûte 2

Beaux grattoirs convexes terminés en pointes fine- ment retouchés d'un seul côté 6

Un autre type, le sommet formant grattoir concave 1

Silex géométrique en forme de croissant ... 1

Scies assez fines 2

Scies épaisses 2

Os poli (4 fragments) 5

Fragments de colorant rouge 5

Compresseurs 3

Broyeur 1

Meuke dormante 1

Percuteurs 2

Nucléi 50

Eclats, ébauches etc. (environ) 1000

Total 1691

Toutes les pièces représentées ont été dessinées grandeur naturelle par M. Nublat, architecte à Tébessa.

Maurice REYGASSE,

Administrateur de la commune mixte de Tébessa, Correspondant du Ministère de l'Instruction publique, Membre de la Société archéologique de Constantine,

OBSERVATIONS

SUR

LES TECHNIQUES PALÉOLITHIQUES

DU NORD AFRICAIN

Je crois devoir signaler très brièvement à nos col- lègues de la Société archéologique de Constantine le résultat d'une partie de mes découvertes relatives à l'évolution des industries lithiques dans l'Afrique du Nord.

Je désire, aujourd'hui, résumer une partie des théories que je développais dans un mémoire déposé le 25 août 1919, à Y Association Française pour l'a- vancement des Sciences. Je dois, d'ailleurs, me rendre sous peu au Congrès scientifique de Strasbourg afin de pouvoir solliciter une large critique de mes théo- ries.

Plusieurs idées sont de nature à changer partiel- lement les théories classiques relatives à l'évolution des premières industries. Sur certains points, mes conclusions différent entièrement de celles déjà adop- tées par des hommes qui sont l'honneur de notre science, dont j'admire les travaux et qui, pour la plupart, veulent bien m'accorder leur précieuse sym- pathie.

- 276 -

C'est dire avec quel sentiment de respect pour les personnes, j'émets des théories contradictoires qui devront, avant d'être acceptées, être l'objet de lon- gues ciiliques précises, basées sur le seul examen des faits.

En ce qui concerne le paléolithique inférieur, j'ai découvert dans le sud constanlinois de nombreux ateliers très riches. Je citerai seulement les stations de Zeraa-el Araneb, de Bir-Touibia et de Smaïr. Mes longues recherches sur ces immenses ateliers de surface m'ont permis de constater, à ce sujet, combien étaient vérifiées chez nous les remarquables observations faites dans le Sud tunisien par MM. De Morgan, Capitan et Boudy I1] relatives aux techniques paléolithiques inférieures.

Sur le plateau de Tazbent, j'ai relevé, cependant, un outillage acheidéo-moustérien qui diffère essentiel- lement de toutes les industries analogues signalées jusqu'à ce jour. Sur ce point, en effet, les coups de poing acheuléens sont associés à d'énormes grattoirs concaves et à des rabots de grandes dimensions. Cette industrie, qui nécessitera une étude spéciale, ne me paraît pas devoir être considérée comme un horizon nouveau de la préhistoire, et seulement, malgré le nombre et le fini de ces pièces d'exception, comme un stade évolutif tout à fait spécial et régio- nal de l'acheuléen supérieur.

Le 11 juin 1911, je découvrais enfin avec mon ami et compagnon de fouille, Latapie, attaché à l'Ins-

gran

i; Etude sur 1rs stations préhistoriques </« Sud tunisien par J. De.Mor- n. Capitan el Boudy, in revue do l'Ecole d'anthropologie, Paris, Alcan, 1910.

277

titut de Paléontologie humaine, la belle station ncheuléenne d'El-Ma el-Abiodh I1'.

Depuis l'époque déjà lointaine nous signalions notre découverte, j'ai continué seul de longues fouilles dans ce milieu qui donnait en place l'indus- trie acheuléenne la plus pure qui soit dans l'Afrique du Nord. Ses objets peuvent rivaliser avec ce que Saint Acheul a fourni de plus harmonieux <2>.

J'ai conservé également tous les éclats provenant de ce milieu afin de permettre une étude critique approfondie de cet outillage. Mes conclusions der- nières sont les suivantes : la technique d'El-Ma-el- Abiodh représente le terme le plus évolué de l'acheu- léen et devrait industriellement se placer tout à la base du moustérien. Nous avons déjà la pointe à main parfaite ; de longs éclats dus au hasard de la taille sont aussi latéralement retouchés mais ne donnent pas encore le pur racloir voulu pour lui-même et qui se retrouvera nombreux à l'étage supérieur ; il en est de môme pour le disque ; il manque totale- ment.

Ce niveau pourrait industriellement être rapproché de la micoque.

Moustérien avec outils pédoncules

Déjà, dans la caverne des ours, M. Debruge trou- vait une grossière industrie de quartzites qui laissait

i. Découvertes préhistoriques </"//>■ le Cercle de Tébessa, par Maurice Reygasse ei M. Lataple

Recueil des Notices et Mémoires de la Société archéologique de Cons- tantine, \ui xi.v, ivii. m. Braham, éditeur, Constantlne.

2 Qrftce i h >s 'i m-, des spécimens de cette Industrie provenani de nos premières rouilles communes peuveni être étudiés aux musées d' Alger et de Constantlne, au musée de Saint-Germain, ■> rinstltul de Paléontologie Humaine, au musée de Toulouse, au musée des Eyzles ei a'u musée royal de Bruxelles

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voir la possibilité d'une pure industrie moustérienne chez nous (u.

Il m'a été donné de découvrir plus tard les plus belles industries moustériennes qui soient dans l'Afrique du Nord.

Les planches I et II reproduisent des pièces bien caractéristiques de mes collections provenant de mes recherches au Fedj-el-Boltna. Leur reproduction est due à l'amabilité de M. Masson, éditeur-libraire de l'Académie de Médecine, qui a bien voulu nous en communiquer les clichés.

Après avoir publié cette découverte dans V Anthro- pologie il m'était donné de trouver encore à Bir-el- Ater une nouvelle industrie moustérienne tout aussi pure et qui peut être comparée avec ce que nous avons de plus beau en France.

Ayant présenté ces pièces à des préhistoriens dont la science est universellement reconnue : à M. Car- tailhac à Toulouse, à M. Bouyssonie à Gublac, à M Peyrony aux Ezyes, à Armand Viré, etc. Ayant pu, à loisir, examiner les résultats de leurs belles découvertes, sur ce point le doute n'est plus permis pour moi ; il y a identité absolue de forme entre notre moustérien et le moustérien de France.

Mais à côté de cette industrie, il est un faciès bien spécial du Paléolithique africain qu'il m'a été agréable de présenter aux savants qui ont bien voulu m'ac- cueillir avec la plus grande bienveillance au cours d'un voyage d'études préhistoriques fait en France

(i) A. Debrugre. « La Grotte dos Ours près Constantlne, iteciieil de Cous- in ni nie, îyus, 12e vol., pages 145, 146.

PLANCHE I

PLA.NGHE II

- 279

l'été dernier. Il s'agit des outils pédoncules mousté- riens.

Les récoltes faites à El-Oubira par MM. Latapie, Debruge f1 et Pallary 2 ne permettaient nullement, à mon avis, d'être ntïirmatif sur l'âge de ces outils. Il s'agissait, pour M Debruge, d'un outillage trou- blant réunissant une industrie à faciès néolithique mêlée à des outils de technique bien plus ancienne; pour M Pallary nous nous trouvions en présence du néolithique berbère. En Tunisie, bien avant ces découvertes, eu 1887 :! , M. Frédéric Moreau relevait dans le lit de l'Oued-Seldja un outil pédoncule ana- logue ; les caractères de taille le frappaient, le pé- doncule affectait des formes néolithiques a tandis que la taille unilatérale implique à la pièce en ques- tion un cachet nettement moustérien ».

Dans leur beau travail sur les industries du Sud tunisien, déjà cité, MM. De Morgan, Capitan et Boudy représentent des outils pédoncules (Fig. 95 et 9G) absolument identiques à ceux que je retrouve dans le paléolithique inférieur, ces outils appartien- draient, pour eux, à l'énéolithique.

En Tunisie, également, M. le docteur Gobert qui retrouvait aussi cette industrie, y voyait un « néoli- thique de tradition moustérienne » (*).

J'ai relevé en Tunisie et à El-Oubira de nombreuses

(1) Debruge. Le Préhistorique dans la régrion de Tébessa. Recueil '/'-s Notices ci Mémoire* de i<> Société arckéolog. de Constant-, vol. xi.lV, 1910. Braham, éditeur, Constantlne.

(•.m Pallary. Le Préhistorique dans la régrion de rébessa. anthropolo- gie Masson, éditeur, Paris

(3) i'r. Moreau. Notice sur les aile t taillés recueillis en Tunisie. Paris, Quant In, 1888

Ci Introduction à ta Palethnologie tunisienne, par le docteur Gobert, pp 152 à 168 in cahiers d'archéologie tunisienne -.■■ cahier. Gamber, édl leur, Paris

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pièces et dois dire qu'au début j'étais troublé par la présence de pointes de flèches dans ces milieux, mais, il m'était, je le reconnais, impossible de donner un âge précis à ces outils.

Il m'a été permis de découvrir des stations igno- rées de mes prédécesseurs J'ai retrouvé dans l'oasis de Négrine et à Aïn-el-Mansoura ces outils pédon- cules avec du beau moustérien, le doute ne me pa- raissait plus possible,

Aujourd'hui, je puis être affirmatif, car j'ai fouillé une riche station en place dans la région de Bir-el- Ater qui me donne l'outillage moustérien avec de nombreuses pointes de flèches et outils pédoncules en présence. J'ai pu recueillir aussi dans les foyers de nombreux éléments de faune. La discussion sur ce point sera indubitable.

C'est sous trois mètres de dépôts que se trouvent sans mélange ces industries qui appartiennent au paléolithique inférieur A mon avis, l'erreur des pré- historiens qui ont étudié ces techniques et qui les attribuaient au néolithique vient sans doute de ce que les pièces par eux recueillies se trouvaient en surface et souvent mélangées à des industries bien plus récentes, ainsi que j'ai pu le constater par exem- ple en Tunisie, à Tameza. Dans ce milieu, j'ai pu faire de bonnes récoltes, grâce à la bienveillance du chercheur distingué qu'est M. Laugé. Les outils pé- doncules se retrouvent avec du néolithique très évo- lué et aussi avec des outils du paléolithique. Il y a eu mélanges, d'où impossibilité de tirer des conclu- sions précises sur cette industrie. Cet outil pédon- cule apparaît dans l'Afrique du Nord avec le mous-

281 -

térien; en France bien pins rare et moins caractéris- tique nous le retrouvons aussi dans des milieux su- périeurs. C'est à mon avis cet outil qui réparai I dans l'Aurignacien de la Dordogne à Laussel, remarqua- blement étudié par le docteur Lalanne W et à la Fer- rassie, station <2) qui nous vaudra encore de beaux travaux de la part de M. Peyrony.

Les outils pédoncules de La Font-Robert (Corrè- ze) :i) découverts dans l'Aurignacien supérieur par MM. Bardou et Bouyssonie me paraissent dériver de nos types moustériens africains et laissent déjà cependant entrevoir timidement la retouche solu- tréenne.

'Solutréen

Enfin, le solutréen paléolithique était encore in- connu chez nous. J'ai découvert à El-Ouesra de très nombreuses séries de pièces solutréennes qui viennent combler cette lacune. De plus, (et c'est, je crois, ce point qui fait tout l'intérêt de ma décou- verte), contrairement à ce que j'ai constaté à El-Ma- el-Abiodh, je puis suivre en place le développe- ment normal d'un acheuléen évolué qui aboutit aux techniques moustériennes, à El-Ouesra, au contraire, on sent l'évolution du coup de poing qui s'allège en conservant les caractères archaïques de la taille sur les deux faces de l'outil, pour aboutir directement au solutréen sans passer par les stades du moustérien ou de l'aurignacien. Cette constatation peut avoir

(i) i'i r.1 Peyrony La pointe en silex dans les différents niveaux d'

puis le ustérien supérieur Jusqu'au solutréen Inférieur. liaoue préhit

torique, 1909, n S. i Iff. --• i>

(:•.) Station préhistorique du Château de Bassaler i. i.n Grotte de La Vont- Robert, par MM. Bardou el Bouyssonie, 1903. Brlve, imprimerie, Roche.

- 282 -

une grande influence sur les théories actuellement admises. Nous aurions eu chez nous, en effet, un développement industriel moustérien et solutréen synchroniques.

Ce fait que j'ai constaté à El-Ouesra peut s'être également produit en d'autre milieux, et dans ce cas, nous pouvons supposer dès maintenant qu'il est très possible, par suite de l'apport de peuplades ayant évolué d'une manière analogue à celle d'El-Ouesra, de rencontrer en Europe et en Afrique un solutréen coexistant avec le moustérien, tout comme ce solu- tréen se retrouve superposé à l'aurignacien.

Je prépare sur ces théories diverses un long tra- vail qu'il me sera agréable de communiquer à tous mes collègues. Ayant déjà présenté mes séries en France à de nombreux savants, il me paraissait lo- gique de les exposer ici très brièvement, afin de pou- voir dès maintenant solliciter toutes critiques abso- lument indispensables pour admettre ou rejeter des théories un peu différentes, je le reconnais, des opi- nions admises.

Maurice REYGASSE,

Administrateur, Correspondant du Ministère de l'Instruction publique.

-*— OO- 6-

NOTE

au sujet de deux fragments inédits d'inscriptions latines et sur un nouveau toponyme antique

Notre excellent confrère et ami M. le pasteur Ed- mond Meyer de Constantine nous a remis la photo- graphie d'un fragment d'inscription latine provenant de Doucen, ainsi que la copie et l'estampage d'un second fragment de même nature relevé aux Ouled Djellal.

Nous regrettons de ne pouvoir étudier en ce mo- ment, d'une façon plus approfondie, ces deux textes épigraphiques mutilés, mais nous y reviendrons en des circonstances plus propices; notre lecture n'en est pas d'ailleurs encore définitive.

I

Fragment d'inscription de Doucen

Le cliché microscopique de ce fragment, lu péni- blement et hâtivement à la loupe, donne ce qui suit :

SEVS GONDIN II

..SE POTESTATIS/N Letlres lrès h"m"-

■■■Airtif i -^ * -Ata-vi > a\'i Moulures en baul el

.QVAM fcb Q\ I

en bas. i i ii per eivs CONSTANT1A

Il s'agit ici d'un fragment de dédicace à l'empe- reur Gordien. Notre fragment vient compléter, sans toutefois combler la lacune entière, une inscription

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fragmentée dont les morceaux épars ont été encas- trés dans le mur du bordji1).

Nous nous bornerons provisoirement, en ce qui concerne le fragment nouvellement exhumé et qui n'existe plus, ayant été détruit quelques heures après la découverte.

II Inscription des Ouled Djellal

Nous ne donnerons de ce fragment, pour l'instant, que ce qui paraît être incontestable, c'est-à-dire, le texte ci-après :

GENIO AVSVM VALERIVS CRESC^

il S/OR Û/ S SI Sur un autel cassé au

n\r'i/«5\' bas,Haut'0»37;Lars'

UlNI/ a A 0 ,„ 37: Epaiss' 0 28.

\PRj Texte dans un enca-

drement.

Nous serons moins sobres en ce qui a trait au to- ponyme que cette très importante dédicace, faite au génie d'une localité par un Valerius Cresce[n]s, nous révèle. C'est le toponyme AVS romanisé. Il rappelle par sa formation syllabique AVB, second toponyme, peut-être, de Subzuar <2' ou Sadjdjàr.

AVS est purement phénicien, 'Aouc, yiV; il est merveilleusement approprié aux lieux, il signifie en effet « Terre molle, terre sablonneuse ».

On le trouve employé dans les textes bibliques

(1) cr. Corpus inscriptionum latinarum, VIII, 8779 a et 6, 17988.

(2) Cf. C /• L. VIII, 0001.

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désignant l'Arabie déserte. La Vulgate en donne deux transcriptions : Terra HUS& et Terra Ausi-

tidis'2'. Les Septantes traduisent « Xwpa -f, AùciTtSt »(3).

Ce fragment proviendrait u' « El-Kseur », situé à 7 kilomètres environ à l'Est; il aurait été placé en 1906 dans la cour du bordj, par le Capitaine chef de poste Ru/. y.

Notons que deux fragments de Doucen portent, gravé, l'unique mot AYS <4) ou VS <5'.

AVS semble avoir désigné à l'époque tout au moins phénicienne, non pas une seule localité, mais toute une région. Serait-il téméraire, dans ces condi- tions, de rapprocher le nom avec celui donné à une peuplade par le père de l'histoire, la peuplade des Anses, \'j7ii; . et qui se trouvait de l'autre côté du lac Tritonis ? (6)

Doucen renferme de nombreuses ruines. Elle est située à 84 kilom. de Biskra. Les Ouled Djellal sont à 22 kilom. de cette dernière oasis et plus au nord <7>.

Quant à « El-Kseur » c'est, nous le supposons, la localité appelée « Henchir el Ksar » par le comman- dant Toussaint »■, et « Et Toual » par le R. P. De- lattre iH. Elle est couverte de vestiges antiques; on lui trouve une chapelle chrétienne. Dans les fouilles de cette chapelle, effectuées vers 1882, des sépultures en jarre furent constatées pour la première fois en

i Job, i. i.

3 Jéremie, XX^

Fob, i. c. -, CI C I. L. VIII, 1799

Ibidem., L79! 6 Herodoti historinrum, édlt. Miiller, Parlslis, mi» Cl LVII, ( i XXX ; h p Delattre, Rec. de Const . 1888-9, pp. 273, 274.

i Bull, h, th. du i omité, 1905, p - '.i ibidem., pp. 271 273 i i Stéphane Gselli Atlas archéol. de l'Algérie, feuille 18, il- 19, p. i.

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Algérie ; les crânes présentaient l'angle facial bien développé, et la tête, fort allongée, se rétrécissait sur les tempes f1).

Nous étudierons ultérieurement ce mode de sé- pulture qu'on observe encore dans la région de notre Rouffach.

Nous noterons aussi dans cette contrée un se- cond terme toponymique phénicien et qui nous par- vient, celui-ci, par la bouche des Indigènes, le terme « Doucen ». On le trouve également en hébreu : ]W1 '•> il peut signifier, d'après les textes sacrés, Terre grasse, terre fertile » (2).

Félicitons chaleureusement M. le pasteur Meyer, d'avoir attiré l'attention sur des monuments épigra- phiques d'une si grande valeur.

Constantine, le 1er mars 1920.

Joseph BOSCO,

Membre titulaire de Société archéologique de Constantine.

(1) Cf. Massle, /ire de Const-, 1882, pp. 410-412, figures a b. 2) Cf. Isaïe, xxx, 23.

ETUDE

SUR

DEUX PIÈGES BYZANTINES

Un de mes amis, qui a séjourné plusieurs mois clans la région de Tébessa, m'en a rapporté plusieurs pièces de monnaies anciennes, parmi lesquelles se trouvent les deux qui font l'objet de la présente étude.

Au premier examen, je m'étais bien rendu compte qu'il s'agissait de pièces chrétiennes et, j'avais l'es- pérance (étant donné la région dans laquelle elles avaient été achetées) qu'elles pouvaient provenir du monastère de Tébessa. La chose eût été intéressante à tous les titres.

Mais, des recherches auxquelles je me suis livré, il résulte que les pièces en question sont des pièces byzantines et bien postérieures à la ruine du monas- tère de Tébessa.

La première, dont j'ai retrouvé le type dans Saulcy (suite) planche XXII, n" I, représente, d'un côté, le Christ, vu de face; les détails de la figure ont près-

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que disparu. De l'autre côté, existe une inscription latine sur quatre lignes, dont voici le fac-similé :

(J s .is-Çhrist, roi des rois)

Cette pièce, frappée sous Jean Zimiscès qui fût empereur de 969 à 975, mesure 0 m 030 de hauteur et 0m 020 de largeur.

D'après Scylitzes et Cèdrenus, Jean Zimiscès ordonna « de placer sur les monnaies : d'un côté, l'image du Sauveur, ce qui n'avait pas eu lieu jus- qu'alors, et, de l'autre côté, étaient inscrites des lettres latines formant la phrase : Jésus-Christ, roi des rois ».

L'image du Christ n'avait pas encore paru à la place de l'eiïigie impériale sur le premier côté des monnaies de l'Etat.

C'est ce monarque qui a introduit la mode de frapper les pièces de monnaies anonymes, de cuivre, mode qui s*est propagée chez ses successeurs. Par suite, suivant les mêmes auteurs, il ne faut pas s'é- tonner du manque de monnaies de cuivre frappées au nom des empereurs qui suivirent Jean Zimiscès.

La deuxième pièce représente, d'un côté, un buste du Christ tenant le livre des Evangiles. De l'autre,

289

une croix sur des degrés, et, dans les angles formés par les branches, les caractères :

*. n f>k§ fi. M% m.

soit l'abréviation de Basileu, Basile.

Cette pièce, toujours d'après Saulcy, peut être classée dans celles qui furent frappées pendant la période qui suivit celle de Jean Zimiscès, sans au- cune précision de date. Elle est décrite dans Saulcy (suite) planche XXII, figure 6. Elle mesure 0 "' 028 de haut sur 0 m 025 de large. Les lettres B ont été détériorées dans l'inscription de Basil.

Il reste, maintenant, à se demander comment et à la suite de quelles pérégrinations ces pièces vinrent échouer dans nos régions. On peut supposer qu'à la suite des batailles nombreuses que livra Jean Zi- miscès aux Sarrasins, certaines pièces byzantines, tombées entre les mains de ces derniers, furent transportées en Afrique par des soldats et restèrent enfouies, jusqu'à nos jours, dans la région tébes- sienne.

TOUZE.

-r— CrO—C-

CHRONIQUE ARCHÉOLOGIQUE

L'année 1918 marquera dans l'histoire du Monde. Grâce aux glorieux efforts de la France et des pays alliés, la perfide Allemagne, comme l'appelaient déjà les auteurs anciens : César, Tacite, Ovide, Claudien et bien d'autres, malgré son organisation de violence et malgré sa barbarie, a vu son incommensurable orgueil sombrer dans la défaite, et la paix victorieuse est enfin venue nous délivrer de l'affreux cauchemar qui nous obsédait depuis plus de quatre années.

Bientôt les pays envahis, détruits par le mas- sacre et les incendies du Germain détesté, seront restaurés, et bientôt aussi une radieuse aurore repa- raîtra derrière les fumées mal éteintes qui montent de nos villes consumées ; la grandeur de leur gloire se mesurera à la grandeur de leur infortune et elles renaîtront plus vives et plus prospères que jamais.

Enfin, les peuples délivrés, les nations désormais indépendantes rendront à la France triomphante et agrandie le tribu d'admiration qu'elle mérite dans l'histoire. Mais ne nous endormons pas sur la vic- toire. Veillons, au contraire, car l'Allemagne pense déjà à la revanche.

Malgré les terribles années que nous venons de

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vivre, la plupart des sociétés savantes ont pu, quoi- que avec beaucoup de difficultés, continuer leurs travaux, et notre compagnie n'est pas restée inac- tive puisqu'elle a pu faire paraître son volume an- nuel.

Les fouilles et les travaux entrepris par le Service des Monuments historiques n'ont pas, non plus, été interrompus. Comme ceux des années précédentes, ces travaux ont été surtout importants dans le dé- partement de Conslantine i1) ; en voici un très suc- cinct compte rendu :

Khroub. Le monument de La Soumma, qu'on suppose, avec quelque raison, être le tombeau de Massinissa, est tn pleine reconstitution sous la di- rection de notre excellent confrère M. Bonnell, ar- chitecte du Gouvernement Général.

* *

Madaure. M. Joly, délégué financier et membre titulaire de notre Société, a réussi, après plusieurs années de recherches, à trouver le forum et une amorce du théâtre; malheureusement ce forum ne pourra pas être entièrement dégagé parce que la for- teresse byzantine a été bâtie sur à peu près la moitié de sa superficie septentrionale. Cette forteresse, une magnifique construction, est fort bien conservée sauf au front Nord, réparée avec de mauvais matériaux et sans soin.

A 10 mètres du portique Sud du forum, se trou-

i v. Rapports de M. Alberi Ballu sur les rouilles exécutées par le Ser- vice des Monuments historiques pour 1917 el 1918.

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vait une inscription de 10 '" 50 de long gravée sur la dalle de YArea ; il n'en reste plus qu'une partie; elle porte :

FORVM CVM portiCV. NOVO. OPERE. EX. I H F. C C M . /////// SVA. PECVNIA. STRAVIT. 1DEMQUC. DEDICAVIT.

Les déblais du théâtre, ceux du forum et du fort byzantin, réunis, ainsi qu'il a été dit, clans le même espace de ruines, sont poursuivis avec activité. En dehors de la forteresse, ont été découverts un temple et la curie, disposés, comme à Timgad et comme à Khamissa, sur la droite du forum par rapport à l'en- trée principale. Devant la porte du fort, se trouve une plate- forme, avec traces d'édicule carré, qu'on suppose être la tribune aux harangues. Le théâtre, dont la plus grande dimension en largeur mesure seulement 33"' 20, est, de beaucoup, le plus petit de tous les théâtres antiques connus ; en effet :

Celui d'Herculanum vltalie) a une largr de 56'"

de Pompeï (Italie) 60m

de Guelma 60"'

de Djemila 62'"

de Timgad 63m60

'B

de Khemissa 70 m

de Dougga 7.V"

de Philippeville - 82m40

d'Orange 92" . - d'Arles 102'"

de Marcellus (Rome) 127"'

De très nombreuses inscriptions ont été décou- vertes ; la plupart sont des inscriptions funéraires, dont une est une longue épitaphe à la mémoire d'une nommée Mammosa, et une autre à la mémoire de son mari.

29i

Parmi les autres inscriptions, beaucoup présentent de l'intérêt ; nous citerons : la liste, sur deux co- lonnes, des membres d'un collège religieux, proba- blement les Hastiferi de la déesse Virtus ; une ins- cription célébrant la réparation des thermes estivaux, jadis splendides, puis ruinés, que l'on embellit et consolida sous le proconsulat de Publius Ampelius; une grande inscription, en trois fragments, à Sep- time Sévère; une dédicace à l'Empereur Hadrien; une autre au dieu Frugifer pour le salut de l'Empe- reur Septime Sévère; une autre relatant la recons- titution d'un sanctuaire à la Fortune pour le plus grand éloge de la félicité des temps bienheureux régnaient les Empereurs Gratien, Valentinien et Va- lens ; et enfin une inscription au philosophe platoni- cien Apulée, à Madaure en l'an 114, décédé en 190, qui laissa de nombreux ouvrages dont le plus cé- lèbre est la Métamorphose, appelée plus ordinaire- ment Y Ane d'or, conte philosophique à la manière des fables milésiennes et emprunté en grande partie à Lucius de Patras.

Lambiridi. A cinq kilomètres au Nord de Ra- djati, entre Batna et Aïn-Touta, sur la route de Ra- djati à Yictor-Duruy, se trouvent les ruines de Lambiridi, on a déjà découvert les restes d'une église chrétienne à trois nefs, une grande enceinte fortifiée avec fort byzantin, et un arc de triomphe aujourd'hui disparu. On vient d'y trouver une inté- ressante mosaïque, de 1 m 40 sur 1 m 96, qui ferme le dallage d'une chambre sépulcrale et qui est entou- rée de tombeaux sur les côtés et à son extrémité.

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Cette mosaïque, en bon étal de conservation, porte au centre, sur fond blanc, un médaillon, et aux qua- tre angles, des monstres dont la partie supérieure, jusqu'à la taille, représente des hommes; le bas du corps se termine en serpents tournant leurs têtes de chaque côté, avec la gueule ouverte, comme pour défendre les approches des monstres dont les bras coudés et les mains touchant le cercle du médaillon semblent le supporter à l'instar des cariatides. Au- dessus et au-dessous du médaillon, dans son axe, deux inscriptions l'une grecque, l'autre en lettres romaines ; cette dernière signifie : « Je n'étais pas, je suis devenu ; je ne suis pas, cela m'est égal ». Une troisième inscription ainsi conçue : « v. c. vrbanillae », est placée dans un rectangle allongé, surmonté d'un autre rectangle renfermant le dessin d'une momie couchée, la tête à droite. Cette mo- saïque a été emportée à Alger en vertu d'une déci- sion de la Commission des Monuments historiques, contre laquelle la Société archéologique de Constan- tine ne saurait trop protester au nom du Musée de Constantine.

Un autre pavage à dessins géométriques, sans fi- guration humaine, a également été trouvé à Lambi- ridi ; il mesure 10 m 90 sur 6 "' 90 ; le panneau cen- tral porte l'inscription suivante :

IN VIDE

VIVE ET VID

EVT POSSIS

PLVRA VI

Dl RE

Traduction littérale : Envieux, vis et vois, afin que tu puisses voir plus de choses encore.

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La Commission des Monuments historiques aurait également décidé de faire transporter cette mosaïque à Alger ; la Société archéologique se plaît encore à espérer qu'elle sera attribuée au Musée de Constan- tine.

Lambèse. Les fouilles, dans cette localité, ont eu lieu sur deux points distincts, au Sud-Ouest de l'établissement balnéaire déblayé en 191i et 1916, et au Sud-Est des emplacements réservés au Capitole

*

et à la Curie ; elles ont amené la découverte d'un ensemble de constructions qui font partie des bains découverts en 1916, et qui sont dallées en mosaïques de marbre.

On y a trouvé plusieurs inscriptions parmi les- quelles de nombreuses dédicaces, l'une à tous les dieux et déesses : « omnibvs deis deabvsqve sa crvm », d'autres à Septime Sévère, à Magnia Urbica, fe^mme de l'Empereur Marc-Aurèle Carin, à Cara- calla, fils de Septime Sévère, à Pomponius Magnus, légat des deux Empereurs, propréteur, aux dieux bons : Mars et la Sainte Victoire, à Aurelius Comi- nius Cassianus, à l'Empereur M. Aurèle Numerien (283-284), à l'Empereur Dioclétien et enfin une ins- cription, par le légat M. Aurelius Decimus, à Jupiter, a Junon, à Minerve, à la Victoire, à Hercule, au Gé- nie de la ville et à tous les dieux et déesses. A si- gnaler aussi une dédicace, en grec, à Sérapis, dieu secourable, et une autre à Jupiter (Jovi, Optimo, Maximo), par un légat impérial et son fils.

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Djemila. Les travaux exécutés ont amené la découverte de sept voies ou parties de voies, et, dans le quartier Sud de la ville, d'un vaste monu- ment auquel on accède par un portique que soute- naient 13 colonnes de 0m38 de diamètre. Ce sont de grands thermes existent des restes de magni- fiques mosaïques ; celle qui se trouve dans l'apodyte- rium est formée par des carrés de rosaces blanches et rouges et par des feuillages noirs et rouges sur fond blanc.

Au cours des déblais, quelques inscriptions ont été découvertes, parmi lesquelles une dédicace à Esculape, une autre à Seplime Sévère, une autre, dont la première ligne est martelée, mentionne que les thermes ont été construits sous Septime Sévère et dédiés à M. Valerius Maximianus, prolégat im- périal, propréteur, patron de la Colonie, et enlin, sur une frise surmontée d'une corniche, dans une seule assise de pierre, une autre inscription indique que tout le travail a été exécuté sous le gouvernement de Valerius Concordius et sous la direction de M. Rulilius Félix, chevalier romain, pontife, cura- teur de la République.

*

Timgad. Les fouilles ont permis de dégager une rue dallée, se dirigeant de l'Est à l'Ouest, garnie de trottoirs et possédant un égout, ainsi qu'une série de constructions sans caractère spécial et paraissant avoir été affectées plutôt au commerce qu'à l'habita- tion. Une inscription y a été découverte ; c'est une dédicace à l'Empereur Hadrien.

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Khamissa. Les travaux continués à Thubursi- cum Numidarum par notre distingué confrère M. Joly, ont permis de dégager le grand établissement ther- mal situé à l'Ouest du forum novum ; les parois in- térieures des deux grandes salles de ces thermes, l'ephebeum et le frigidarium, étaient revêtus de pla- cages en marbre.

Quelques inscriptions, dont une dédicace à Escu- lape, ont été mises à jour; il a été découvert, en outre, trois statues en marbre : l'une, dont les deux bras manquent, paraît représenter la fortune; l'autre, sans tête, est une statue de femme, et la troisième représente Esculape; elle a 2m60 de hauteur, mais le bras gauche manque ainsi que la partie inférieure de l'avant-bras droit.

Le dévoué secrétaire de la Société ardvHoogiqiie, M. Thépenier, signale la découverte, parmi les dé- molitions d'une maison incendiée, située à Constan- tine, rue Pinget, des trois inscriptions suivantes :

No 1

P. CAEC1LIVS

NECOTIM OR. VA. LV.

H. S. E.

Ce sont des stèles du IIe siècle ; le 1 a le som- met arrondi en demi-cercle ; les mots et les sigles sont ponctués; la dédicace dms ne figure ni sur cette stèle, ni sur celle qui porte le 2 ; à remarquer sur

2

3

CLODIAM

///////// ' I' i m m

SELENE

FELIX

VA. XXIII

VA XXX

HSE.

HSE

OTBQ.

OTBQ

299

cette dernière le cognomen de Glodia : selene, la lune. La stèle 3, consciencieusement équarrie, a une largeur de 0 "l 45 et ne laisse plus voir que la partie inférieure du nom feux.

Les stèles n t et 2 ont été olîertes gracieusement au Musée de la ville par MM. Lapraye et Alin, in- dustriels, dont l'usine est contigue à l'immeuble in- cendié.

Rectification. Notre dévoué confrère, M. Robert, administrateur-principal en retraite à Bordj-bou Ar- réridj, signale que, dans le 40e Recueil de notre So- ciété arche oiog-ique (année 1906), il avait indiqué, sur la foi de renseignements erronés fournis par des in- digènes du pays, que la mosquée de Sid-el-Djoudi, dans laquelle existent six cottes de mailles, était située sur le territoire du douar de Tassamerth (Bi- bans). Un nouveau transport effectué sur les lieux lui a démontré que cette djemaà se trouve bien si- tuée, comme l'avait indiqué le capitaine Payen dans le 14e Recueil de la Société, dans les Beni-Yala, commune mixte du Guergour.

J. MAGUELONNE, Président de la Société archéologique.

-o— oo-o-

NÉCROLOGIE

La liste est longue de ceux de nos confrères que la mort a fauchés au cours de ces dernières années.

Afin que leur souvenir reste vivant parmi nous le plus longtemps possible, nous publions ci-après une notice nécrologique sur chacun d'eux.

Le Commandant FARGES

Le 6 septembre 1918, s'éteignait à Amplepuis (Rhône), le Commandant Farges, un des Membres les plus anciens et les plus distingués de notre Société archéologique.

Dans sa prime jeunesse, cédant aux inspirations de sa nature généreuse, M. Farges s'engagea dans les Zouaves pontificaux il eut la bonne fortune de servir sous les ordres du Général Charette.

Rentré en France, en 1889, pour son service militaire, il fut incorporé au 82e régiment d'Infanterie de Ligne, avec lequel il fit la campagne de 1870-1871 comme sous-ofTficier. Promu Sous-Lieutenant le 15 novembre 1874, au 87e régi- ment de Ligne, puis Lieutenant au même régiment, il fut nommé Capitaine le MO novembre 1887 et Chef de Bataillon le 11 novembre 1898.

Avide d'inconnu, son imagination ardente l'appelait vers je pays du soleil, et il demanda à servir en Algérie ; en 1876, il fut, sur sa demande, détaché au Service dis Affaires in- digènes de la Colonie et désigné successivement p )ur colla- borer aux travaux des bureaux arabes de Souk-Ahraa,

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Tébessa, Khenchela, El-Ouedet Biskra. Son service l'obli- geant à faire de fréquentes tournées en territoire indigène, il eut l'occasion de parcourir en détail la plus belle partie de notre province de Constantine si riche en monuments anciens, et c'est ainsi qu'il prit goût aux choses d'archéolo- gie et qu'il lui fut possible de découvrir de véritables ri- chesses archéologiques; sa magnifique collection était par- ticulièrement attrayante et c'est avec le plus vif intérêt que j'ai pu y admirer notamment une très belle série de lampes antiques et une série non moins belle de monnaies romaines dont quelques-unes excessivement rares.

Il appartenait à notre Société depuis 1878 ; il assistait très régulièrement à nos réunions et ses communications y étaient toujours écoutées avec la plus vive attention et un attrait toujours nouveau.

Atteint par la limite d'âge, en décembre 1903, il rentra dans la vie civile, et, à cette occasion, ses Chefs directs et le Gouverneur Général lui-même lui témoignèrent, en termes émouvants, leurs sincères regrets de voir s'éloigner un col- laborateur aussi compétent et aussi dévoué.

Il se retira à Amplepuis il se consacra surtout aux œuvres humanitaires et au soulagement des malheureux ; appelé, par ses concitoyens, à l'honneur de présider le Co- mité de Secours institué dans cette locatité pour venir en aide aux pauvres, dont les besoins venaient de plus en plus grands par suite de la guerre.il s'acquitta de ces nouvelles fonctions avec son zèle et son activité habituels, n'épar- gnant aucune démarche ni aucune fatigue quand il s'agis- sait de faire du bien autour de lui ; mais il n'eut pas la sa- tisfaction de connaître la victoire des allliés et d'apprendre la défaite des ennemis de notre chère France.

Il était correspondant du Ministère de l'Instruction pu- blique, Officier de la Légion d'Honneur, Chevalier du Mé- rite agricole, Officier del'Instruction publique, Commandeur

303

du Nicham-Iftikar el du Nicham ElAnouar, Chevalier de Saint-Grégoire-le-Grand, titulaire de la Médaille coloniale et de la Médaille de 1870 1871.

La Société archéologique adresse un souvenir ému à la

mémoire de cet homme «le hien, qui fut un collaborateur

éclairé, aimable et dévoué.

J. MAGUELONNE,

Président de la Société archéologique.

Monsieur LUCIEN JACQUOT,

Membre de la Société

Nous devons un particulier hommage à notre éminent confrère Lucien Jacquot, décédé d'un mal presque fou- droyant, le 2 novembre 1918, à Constantine, il était mo- bilisé comme Capitaine d'Artillerie.

11 était fils du Général d'artillerie de ce nom, et était à Metz, le 3 octobre 1862. Son père lui avaitinculqué de forts principes de droiture ; loute l'existence de notre regretté collègue en fait foi. Il lit de solides études de droit; muni de son diplôme de licencié, Jacquot se sentit appelé dans notre belle Colonie. Après avoir été attaché au Parquet de Constantine, il débuta comme suppléant rétribué du Juge de paix à Relizane, en mars 1888. Il dirigea, peu de temps après et ëuccessivement, les prétoires cantonaux de Bou-Medfa et de Mila. Dans ces postes, le jeune magistrat fut frappé des souvenirs laissés en Algérie par les civilisations précédentes. Appelé par sa nature, à l'étude du passé, il com- ment a les recherches qui ont constitué l'occupation capi- tale de toute sa vie. Il lit rapidement d'énormes progrès dans la science archéologique. A Mila, notamment, ses dis- positions se donnèrent, avec ardeur, un cours qui a provo- qué, à ce moment, lctonnement en même temps que la

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joie du monde des antiquaires. Il chercha et découvrit tout ce que ce beau canton, qu'il appelait Le cœur de la belle Numidie contenait de choses anciennes. Avec la col- laboration de son suppléant, M. Camille Viré, depuis Juge de paix et ensuite avocat à Bordj Manaïel, il est décédé, après avoir été l'un de nos meilleurs sociétaires, et de l'ho- norable Directeur de l'école, M. Ponté, il constitua un vé- ritable musée archéologique et épigraphique. L'étude du romain ne suffisait plus à l'activité de M. Jacquot et il s'o- rienta, fort heureusement, du côté de la préhistoire. Il fouilla toutes les ruines et arriva à la reconstitution par- faite de la voie antique qui reliait Milevum à Cirta. C'est ainsi qu'on lui doit, en grande partie, l'identification de la station de Numituriana, la première élape, d'après les anciens routiers, entre Mila et Constantine, avant Aquar- tille (Aïn- Kerma). L'histoire des religions ne le laissait pas indifférent; il s'intéressait également aux ruines chrétien- nes, aux souvenirs des dieux du paganisme et au culte de Mithra. On lui doit la découverte de sanctuaires souter- rains et de nécropoles intéressantes.

Nommé Juge suppléant au Tribunal d'Oran, le 27 décem- bre 1892, il continua, pendant près de trois ans qu'il occupa ce siège, ses intéressantes recherches archéologiques, pre- nant des notes nombreuses qu'il accompagnait de croquis exacts, car il était habile dessinateur. Il avait toujours le crayon et le mètre à la main. Mais sun désir était de se rapprocher de sa L'e//e Numidie, qu'il regrettait, et son vœu fut enfin exaucé; le 23 mars 1895, il fut nommé Subs- titut à Sétif. Là, en pleine force de son talent et pen- dant plus de trois ans, il continua ses recherches inces- santes et, d'ailleurs, couronnées de succès. Il parcourut, à maintes reprises, tout son arrondissement. Il visita tous les centres des ruines lui étaient signalées. Il décrivit, notamment, les tombeaux mégalithiques et les souvenirs berbères de la région. Il s'acharna véritablement sur l'idcn-

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tifioation de la gigantesque muraille que les indigènes dé- signent communément sous le nom de Krett Faraoun (sillon de Pharaon) et chercha, à tout prix, à appeler l'at- tention du monde savant sur cet extraordinaire veslige du passé. Qui ne se rappelle qu'au cours d'une de nos dernières réunions, il posait encore la môme question ; Quelqu'un de cous connaît- il le « Krett Faraoun » et pour- rait-il me dire ce qu'il penne de cette étrange et formidable construction'/

Au printemps de 1898, fatigué par ses travaux conti- nuels et pénibles, Jacquot contracta le typhus. Il ne dut qu'à sa robuste constitution d'échapper à cette effroyable maladie. Mais sa santé était restée altérée et, sur les pres- sants conseils des médecins, il dût quitter l'Algérie. Il ren- tra en France comme Juge à Saint-Jean-de-Mauriennc, le 19 mai 1898. De 1 ô , * il continua son active collaboration à notre Société, mettant au net, les observations nom- breuses qu'il avait prises en Algérie. C'est ainsi qu'il nous faisait parvenir, vers la fin de 1898, une note aussi substantielle qu'intéressante sur Guerrara. Dans ces com- munications avec nous, il manifestait de continuels regrets d'avoir été obligé d'abandonner ses excursions algé- riennes. Il écrivait textuellement : Les découvertes de la Maurienne sont bien peu de chose auprès de ce que Von trouce en Algérie ! Dire que j'ai visité plus de 200 ruines de toute importance, rien qu'en parcourant un rayon d? 20 à 30 kilomètres, autour de Sitifis. . .

î père, le Général Jacquot, possédait une belle pro- priété au bord du lac Léman et c'est ce qui décida notre collègue a demander sa nomination au l ribunal de Thonon ; son désir fut réalisé le 17 mars 18!)9. et, pendant six ans exactement, jusqu'au 16 octobre 1905, Jacquot partagea son temps entre le Palais de Justice et ses excursions, au cours desquelles il continua sa moisson de souvenirs an- riens. Enfin, fatigué par ses nombreux travaux et cher-

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chant le calme, il quitta la magistrature, obtint l'honora- riat et se fit inscrire comme avocat au barreau de Grenoble. Là, comme dans ses précédentes résidences, il n'a laissé que d'excellents souvenirs. Dans le silence du cabinet, il continua la revue de ses notes et prépara deux ouvrages considérables : VHistoire du tatouage dans l'Afrique du Nord et Les armes employées aux différents âges par les Berbères et les Arabes.

Il classa les matériaux résultant de ses nombreuses et patientes recherches en Haute-Savoie et en Suisse (aux environs de Genève), concernant les pierres à cupules, et prépara un ouvrage traitant de ces curieux et mysté- rieux vestiges de l'époque préhistorique.

La guerre surprit Jacquot h Grenoble. Il aurait pu se faire exempter, mais il eut à cœur de servir son Pays. Otlicier de réserve d'Artillerie, il avait le grade de capi- taine au moment de la mobilisation et c'est en cette qua- lité qu'il fût, sur sa demande, envoyé en Algérie. Attaché d'abord à la Direction d'Alger,il occupa ses loisirs à explo- rer, de fond en comble, l'endroit intéressant connu sous le nom de Ravin de la Femme sauvage. Il décrivit les grot- tes et en fit des croquis extrêmement intéressants, qu'il nous communiqua à l'une de nos récentes réunions. Son esprit était aussi éveillé qu'au premier jour, au point que le gouvernement militaire le désigna comme Rapporteur au Conseil de guerre de Constantine. Mais, il désirait excur- sionner encore dans sa Belle Numidie et, sur sa deman- de, il fut attaché, en qualité de Capitaine-contrôleur de la main-d'œuvre agricole, h M. le Colonel Francez, comman- dant la Subdivision de Constantine. Il occupait son emploi avec zèle et compétence, lorsque le mal qui devait l'em- porter, le toucha de sa fatale empreinte. Négligeant de sa santé, Jacquot n'y prit pas garde; mais bientôt il dut s'aliter. Une violente fièvre typhoïde le minait. Les soins

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étaient tardifs, et 48 heures à peine, après son entrée à l'hôpital militaire, il rendait le dernier soupir.

Cet homme extraordinaire, qui avait résisté à toutes les fa- tigues et défié toutes les intempéries, mourait en quelques heures, sur un lit d'hôpital, loin des siens et presque seul!... Au eimetière, le Colonel Francez a retracé briève- ment les grandes qualités du défunt et sa vie toute d'hon- neur, de travail et de probité.

Le souvenir de Jacquot subsistera toujours dans le monde savant et, particulièrement, dans la Société archéologique de Constant ine. Sa facilité de travail, son expérience, sa ténacité, son indépendance presque farouche et ses con- naissances approfondies resteront comme exemple chez les fouilleurs de choses antiques. Les écrits de cet infati- gable travailleur portent le cachet de sa belle intelligence, alliée à un rare esprit d'ordre. Ses découvertes scientifi- ques étaient présentées avec une parfaite clarté, qui don- nait du charme et de l'originalité aux descriptions techni- ques, quelquefois d'apparence si aride. Ce savant laborieux laisse d'importantes productions littéraires et scientifiques, remarquables par le fond comme par la forme vive et colo- rée : 76 brochures et plus de 400 articles de journaux ou de revues sur des sujets d'ethnographie et d'archéologie ou sur des problèmes d'histoire et de géographie des antiqui- tés découvertes en Afrique, déposées au Trocadéro, aux musées Guimet et de Saint-Germain-en-Laye. Ses impor- tantes collections, classées avec méthode, d'après une do- cumentation rigoureuse, témoignent de sa compétence et de l'originalité de ses recherches personnelles. La Société pré/ùstorique de France, La Revue des Traditions popu- laires, La Nature, La Société archéologique de Constantine, la Société Dauphinoise d'elhnograpkie et d'anthropologie,

i niaient à une haute valeur ses communications, tou- jours intéressantes, non seulement par les faits révélés, mais aussi par les explications historiques ou ethnographi-

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que?, pleines d'érudition et de logique, 'qui les éclairaient en les commentant. En relisant les Mémoires et les Notices de .Iacquot, on est frappé par la clarté et la sûreté de son jugement, par la simplicité du récit et la netteté des remar- ques. Il est profondément regrettable que notre confrère ait disparu si jeune au moment son expérience consom- mée était, plus que jamais, utile à la science et il par- lait de se fixer définitivement à Constantine, alors que la croix de la Légion d'honneur allait lui être, enfin, décernée pour ses nombreux et brillants services, tant au titre mi- litaire que pour ses ouvrages civils, qui lui avaient déjà valu les palmes d'Officier de l'Instructio.i publique.

Jacquot était extrêmement bon. Possesseur d'une belle fortune, il a fait beaucoup de bien autour de lui. Comme magistrat, ses anciens Chefs sont unanimes à le dire ferme, intègre, droit et bienveillant. Comme officier, il avait l'es- time générale. Comme avocat, on vantait son désintéres- sement et ses aptitudes aux affaires. Comme archéologue, il s'était fait une place, en tous points, remarquable.

Depuis 25 ans environ, nos Recueils étaient pleins des Mémoires et Notices émanant de la plume féconde et sa- vante de cet homme qui fut, entre tous, un érudit et un travailleur. Son œuvre a été considérable, au point qu'une telle activité semblait extraordinaire. Et, cependant, Jacquot n'a jamais négligé, pour cela, aucun de ses autres devoirs mondains et professionnels. Sa biographie est par- ticulièrement édifiante. Il représente le type du chercheur, du collectionneur, ne négligeant rien et ne laissant rien au hasard. Il remontait à l'origine de toutes choses et chaque détail avait, pour lui, une portée et une significa- tion. Le vide qu'il laisse dans notre Société archéologique sera difficilement comblé.

La fatalité a voulu qu'il meure quelques jours à peine avant la signature de l'armistice, qui consacrait notre vie-

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toire sur le Teuton! L'officier patriote et lorrain qu'il était, avait souhaité et prédit la fin heureuse des hostilités. S'il n'a pas vu le couronnement de nos efforts, au moins il le sentait certain et proche. 8a fin a en être adoucie.

.Tacquot n'a laissé que des regrets dans sa famille et parmi ses amis d'Algérie, de Grenoble et de Savoie. Pour sa part, la Société archéologique de Constantine n'oubliera jamais sa collaboration continuelle et savante.

Nous adressons un souvenir ému à sa Mémoire et nous saluons avec reconnaissance, et un infini respect, la tombe de celui qui fût l'un de nos Membres les plus actifs, les plus brillants et les plus dévoués.

Constantine, le 31 décembre 191'.).

Jean MARCHETTI, Membre titulaire.

Monsieur HERON de VILLEFOSSE,

Membre honoraire

Le 14 juin 1919, s'éleignaitchréliennement à Paris, après une longue et cruelle maladie, l'éminent savant Antoine Héron de Villefosse, à Paris, le 8 décembre 1845. 11 entrait en 1869 comme attaché au Musée du Louvre; c'est qu'il fit toute sa carrière. En 1836, il était nommé Conser- vateur du déparlement de la sculpture grecque et romaine, et élu Membre de Y Académie des Inscriptions et Belles- Lettres qu'il présida par la suite.

Nous ne pouvons suivre l'ancien et brillant élève de l'école des Chartes dans les si nombreux travaux archéo- logiques et épigraphiques, qu'il consacra aux antiquités da la France, de l'Algérie, de la Tunisie , etc., dans les Comptes rendus de VAca lèmie des Inscriptions et Huiles- Lettres, les Mémoires et le Bulletin de la Société des Antiquaires d>: France, la Revue archéologique, le Bulletin archéologique du Comité, le Bulletin de iAca- déuiie d'Hippont , etc., etc. ; nous ne dirons rien non plus

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de sa Monographie du Trésor de Boscoreale, nous nous tiendrons strictement sur le terrain de la SociHè archéo- logique 'Jont il était Membre honoraire depuis 1885.

Il enrichit notre Recueil de trois communications. Daas la première, il commenta des inscriptions latines de la petite Kabylie {Rec. de Const., 1873-74, pp. 355-361). La deuxième est consacrée aux mosaïques de Tébessa (Rec. de Const., l886-87,]pp. 234-245, deux planches). La der- nière, écrite à l'occasion du cinquantenaire de la Société, est relative aux inscriptions latines de Taoura (Rec. de Const., 1902, pp. 47-52).

Venu plusieurs fois en Afrique en mission épigraphique, Héron de Villefosse avait connu personnellement la plu- part des membres de la première heure de notre Société; il en parlait encore avec attendrissement dans sa commu" nicalion du cinquantenaire.

Il meurt au champ d'honneur du Travail ; sa vie se résu- me en deux ces mots : Honneur et labeur.

La Société archéologique de Constantine perd en lui un ami éclairé constant et dévoué. Nous perdons nous ce- lui qui guida avec bonté nos premiers pas au Bulletin ar- chéologique du Comité.

Joseph BOSCO, Membre titulaire.

Monsihuu FLAMAND

Membre honoraire

(( La carrière scientifique de Monsieur G.-B.-M. Flamand peut être citée comme un bel exemple d'unité dans le but poursuivi et de persévérance dans Veffort ». Ces mots, que l'éminent doyen de la Faculté des Sciences de Lyon, M. Ch. Depéret, plaçait, en 1914, en tète d'un rapport adressé à la Société géologique de France^) lors de l'attribution du prix Viquesnel à M. Flamand, résument, avec une éloquence

(1) Comptes rendus sommaires des séances de la Société géologique de France, n'3 11, 12, page 113 (Séance du 4 juin 1914).

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simple mais précise, l'œuvre et la vie du Maître et du Collègue dont nous déplorons, aujourd'hui, la perte pré- maturée.

à Paris le i) février 1861, Georges-R^rthé!emy-Mé- déric Flamand euL une jeunesse studieuse. Dès l'obtention de son baccalauréat qu'il passa, en juillet 1878, devant la Faculté des Sciences de sa ville natale, il se sentit attirer vers la minéralogie et la pétrographie: auditeur assidu des conférences du muséum d'histoire naturelle, son esprit avait été subjugué par le charme de ce monde minéral, dont l'étude est une source intarissable de méditations philoso- phiques, car elle possèle le secret, encore in violé, de l'ap- parition de la vie et nous met sans cesse en présence des trois plus graves problèmes de l'himanité, ceux du temps, de la vie et de la mort.

Flamand fréquentait le laboratoire du minéralogiste Pisani ; c'est qu'un jour, au hasard d'un voyage politique, le savant Directeur de l'école supérieure des Sciences et Sénateur d'Alger, A. Pomel, le rencontra et, frappé de ses qualités et de ses goûts, lui proposa de l'emmener avec lui, en Algérie. Flamand accepta et, dès le mois de décembre 1880, il fut attaché, en qualité de Préparateur de minéralo- gie et de géologie, au laboratoire de Pomel.

Sous la direction de ce maître éminent, le jeune homme fut reçu licencié ès-sciences physiques, en Sorbonne; peu après, dès 188 i, il fut chargé, par le Service de la carte géologique de l'Algérie, de l'étuie des alïleuremenU de roches éruptives compris entre le cap Djinet et la frontière marocaine. Les recherches, entreprises dsms ce but, abou- tirent à la publication, en 18S9, avec la collaboration de M. Jacques Curie, d'un important mémoire sur les Hoches i-ruplcces de l'Algérie se trouvent associées, suivant les termes de M. Depéret*1' , « l'application précise des mé- thodes pétrographiques modernes et la préoccupation cons- tante de la détermination d'âge sur le terrain ».

1) Comptes rendus sormviir, >s des se mces de la Son ' g dogqui i Freinte n 11, 12, paga 113 (Séance du 4 juin 19Uj

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A partir de ce moment, Flamand, élargissant le cercle un peu restreint dans lequel l'avait confiné la minéralogie, s'orienta plus spécialement du côté de la géologie et alors s'ouvre devant lui un vaste champ dans lequel sa prodi- gieuse activité ne cessera de se dépenser avec profusion jusqu'au moment de sa mort.

Les nouvelles explorations qui lui sont confiées par le Service de la carte géologique le conduisent bientôt au seuil du Sahara, dont les immensités, jusqu'alors à peu près in- violées, le fascinent et le tentent. 11 est là, devant lui, le grand désert, plein de mystère et de sauvage poésie, d'où s'exhale la senteur acre mais enivrante des campements bé- douins égrena ni de rudes et et ranges mélopées, mélancoliques comme le désert lui-même, chansons d'amour, de combats et de souffrances, tableaux naïfs mais vivants de la vie du nomade, etque le souffle du soir clair emporte vers l'infini immuable du ciel. La voix du désert l'appelle comme la voix des sirènes appela Ulysse, mais il sent bien qu'il ne pourra pas résister et qu'il ne continuera pas sa route en détournant son regard. Et puis ce sont les horizons chan- geants des dunes qui déferlent et se rident sous la colère du simoun, la hammada caillouteuse sur laquelle les caravanes avancent péniblement et souffrent de la soif, les couchers du soleil qui font rutiler les milok et les gour lointains et embrasent l'atmosphère dans une glorieuse apothéose de feu. Ce spectacle enchante l'âme de Flamand, éprise de beauté et de sublime, et force sa vocation. De plus, l'ardent Français qu'il est rêve aussi, devant ce panorama sublime, à la gloire de la France plus grande dont le drapeau n'a pas encore llottésur la majeure partie du désert et n'a pas encore embrassé dans ses plis, pareils aux bras d'une mère compatissante et vigilante, les fils du Sahara, ignorants des bienfaits de la civilisation ; il sent enfin errer, à travers l'immensité désolée, l'âme de Flatters qui crie vengeance et semble ne vouloir d'autre vengeur que lui.

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Toute la beauté du désert, Flamand l'a comprise, et le désir de pénétrer le mystère saharien, dont la résolution est intimement liée à l'expansion de la colonisation fran- çaise et de la science universelle, l'a conquis.

En 1896, il dirige une mission au Gourara qui comporte l'exploration de l'archipel Touatien, des grands Oueds Sud- Oranais et du grand Erg occidental. Les résultats écono- miques et scientifiques en sont considérables et valent au chef de la mission l'attribution du prix Henri Duveyrier, de la Société de géographie de Paris.

Trois ans après, la question saharienne se pose sous un aspect nouveau : sans cessa inquiétés par des pillards venus du Sahara Soudanais, nos postes avancés et les populations qu'ils protègent ne pourront retrouver leur tranquilité que dans une modification de frontières harmonisée avec les nécessités stratégiques. C'est a Flamand que l'on s'adresse pour découvrir et explorer la ligne de démarcation idéale que le Gouverneur Général Laferrière désire établir à 3 de- grés plus au sud de la ligne de protection jalonnée par Fort Mac-Mahon, Fort Miribel, Haci-Inifel, Fort Lalle- mand, Ilaci-Mey et Bir-Berreçof.

Une mission scientifique, subventionnée par les Minis- tères de L'Instruction publique et des Colonies, le Gouver- nement Général de l'Algérie, les Conseils généraux d'Alger et d'Oran, la Chambre de Commerce d'Alger est constituée ; son but est de parcourir les régions du Méguiden, du Tadmaït et du Tidikelt; elle est dirigée par Flamand au- quel a été adjoint Alexandre Joly, collaborateur auxiliaire à la carte géologique de l'Algérie et professeur à la Méder- sa d'Alger, le savant collègue que la Société archéologi- que de Constan'ine a eu l'honneur de compter parmi ses Membres.

Le H novembre 1899, la mission Flamand quitte Alger; le 23 du même mois, elle est à Ourgla, d'où elle repart, le 28,

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escortée par le goum du Capilaine Pein, chef de poste d'Ouargla.

On sait à quelles difficultés se heurtèrent les vaillants explorateurs et à travers quelles dramatiques péripéties ils durent passer. De pacifique qu'elle était, la mission ne larda pas à acquérir un caractère mililaire qui lui fut imposé par l'attitude hostile de cerlains groupements indigènes. Le 27 décembre; le Capitaine Pein dut engager un combat à Igosten qui fut tout à l'honneur de nos armes et ouvrit à la mission les portes d'In-Salah. Un second engagement (combat de Deghamcha et de Sali) livré victorieusement, le 5 janvier 1900, dans les ksour les plus méridionaux de l'oasis du groupe d'In-Salah, permit aux faibles effectifs de la mission d'attendre l'arrivée de la colonne de secours du commandant Baumgarten, treize jours plus tard.

Flamand rentra à Algérie 24 février 1900. Les résultats scientifiques de ses recherches étaient importants. Il rap- portait d'abord la détermination des positions géographiques de plusieurs points principaux choisis comme bases de la cartographie du Sahara, des données précises sur le nivel- lement barométrique des régions pat courues par la mission et des renseignements météorologiques le long de l'itiné- raire de Touggourl à Ghardaïa par In-Salah.

Au point de vue de la géographie physique, l'explorateur avait étudié les reliefs et les dépressions de l'Oued-R'ir, déterminé les zones d'épandar/e, pbistocènes et actuelles, des Oueds Igharghar et Mya. effeclué des recherches sur les plateaux hammadiens, les plateaux du Tadmaït et du Mzab, les pénéplaines du Méguiden et du Tidikelt, les Aregs rencontrés sur le parcours de l'itinéraire, les tratir' ou étalements sableux situés entre Haci-Farès-Oum-elLil et In-Salah.

Les études géologiques apportèrent aussi une série de faits nouveaux sur la stratigraphie, la paléontologie et la

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eclonique du Sahara : ce Sahara que l'oncousidérait vo- lontiers, jusqu'alors, comme un immense dépôt quaternaire, avait révélé à notre savant collègue les secrets de son horst primaire et de ses dépressions comblées par des sédiments d'origine tluvio-lacustre, le lorrain des Gour, dont l'âge peut aller de l'oligocène au miocène supérieur, tandis que des travertins pliocènes couronnent, en plateaux, cette série continentale dans laquelle se sont creusées les ter- rasses pléistocènes des Oueds.

Le régime hydrologique des régions de l'Oued Mya, de l'Oued In Sokki, du Tadmaït et du Tidikelt avait aussi été étudié au point de vue de l'utilisation des najpes arté- siennes, de l'aménagement ou de la création de points d'eau.

L'ethnographie, le commerce, l'industrie et l'agriculture des pays traversés par la mission avaient également reteDU l'attention de Flamand.

Enfin, le point de vue archéologique n'avait pas été né" gligé : de nombreuses stations d'ateliers de taille de silex avaient été rencontrées et examinées, et deux nouveaux groupes de gravures rupeslres avaient été trouvés à Haci- Moungar et à Tilmas Djelguem.

Mais le résultat le plus important de la mission Flamand fut d'amener l'occupation par la France des oasis du Sud- Ouest Saharien : Touat. Gourara, Tidikelt.

La Croix de Chevalier de la Légion d'Honneur vint ré- compenser, en août 1900, l'audace et la science du vaillant Chef de mission à qui la Société de géographie de Paris, venait déjà de décerner le Grand Prix Herhet-Fournet. Le résumé de l'épopée d'In Salah et de ses conséquences est éloquemment contenu dans la phrase suivante, empruntée au rapport d'A. de Lapp.'uvnt sur l'attribution de ce prix à Flamand : « Le voile qui depuis trop longtemps dé- robait à la curiosité scientifique le Sud-Ouest de nos pos- sessions africaines se lève d'une façon définitive, et l'in-

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fluence de notre drapeau, désormais installé à In- Salah, en reçoit un accroissement précieux, en même temps que Flat- ters est enfin vengé ».

Flamand avait été nommé, en novembre 1891, chargé de Conférences de Minéralogie et de Pétrographie à l'école supérieure des sciences d'Alger; en 1894, il s'était fait re- cevoir licencié en sciences naturelles. A la suite de sa mis- sion de 1900, on créa, à la même école, un cours de géo- graphie physique du Sahara dont il fut chargé. Peu après ]a transformation de l'école supérieure des sciences d'Alger en Faculté des sciences (1910-191 1), il fut nommé profes- seur adjoint, puis professeur titulaire du même cours. En- tre temps, en 1905, il recevait la Direction du service géo logique des territoires du Sud de l'Algérie qui venait d'être constitué.

Son activité ne cessa jamais d'être absorbée par de nom- breuses missions qu'il effectua dans le Haut-Pays et le Sahara des trois départements algériens ainsi que dans la région frontière du Maroc.

Il dirigeait simultanément son laboratoire de la Faculté et son Service géologique, consacrant de préférence à ce dernier ses moments de loisirs et ses mois de vacances uni- versitaires. Accueillant et serviable, le Professeur Flamand avait su développer, dans son labc raloire, celte atmosphère de sympathie et de cordialité qui met de suite à l'aise l'élè- ve ou le chtrcheur nouveau venu et l'attache aussitôt, corps et âme, à son Maître.

C'est avec une émotion indicible que je me souviens de ces années passées au Laboratoire de géographie phy- sique de Sahara et du Maître, toujours affable, toujours prêt à rendre service, qui prodiguait, sans masurer et avec toute la confiance de son âme désintéressée et uniquement désireuse du bien d'autrui, les trésors de sa science et les fruits de ses découvertes. Les leçons du Professeur étaient

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suivies par un auditoire nombreux ; son enseignement, ayant surtout un but complémentaire, réunissait un public d'élite principalement composé d'officiers, d'ingénieurs, d'administrateurs coloniaux que leurs fonctions appelaient à circuler dans les régions sahariennes. On apprenait, chez le professeur Flamand, non seulement à lire dans les livres de géographie et de géologie, mais aussi dans le livre de la vie car il symbolisait, pour tous ses élèves, l'image vivante du courage opiniâtre et de la grandeur d'esprit qui sait planer bien au-dessus des mesquineries quotidiennes de l'existence.

L'œuvre scientifique de ce maître, à jamais regretté, esi bien trop considérable pour faire l'objet d'une analyse, auss peu détaillée fût-elle. Disons cependant qu'il ne négligea jamais le point de vue pratique, qu'il ne fut pas seulement un théoricien mais aussi un technicien.

Ses publications sur la géographie physique et descrip- tive sont au nombre de 22 dont plusieurs constituent de gros volumes; elles renferment, presque toutes, des en- seignements d'ordre pratique concernant l'agriculture, l'in- dustrie pastorale, la géodésie du Haut Pays algérien et du Sahara.

Ses ouvrages géologiques et hydrologiques dépassent le chiffre de iO; ils sont résumés dans cette thèse magistrale qui a pour titre : Recherches géologiques et géographiques sur le Haut-Pays de l'Oranie et sur Le Sahara et qui valut à son auteur, en 1911, le grade de Docteur ùs sciences na- turelles ' et en 1!)14, le Prix Viquesnel de la Société géo- logique de France. Celte œuvre gigantesque apporte un

11) Recherches géologiques et géographiques sur i Haut Pays de VOranie et du S Algérie et Territoires du Sud . Thèse de Doc-

torat es sciences naturelles présentée fi la Faculté îles Sciences de l'Université de Lyon. Ouvrage de 1004 pages, orné de 152 \ dessins, coupes schéma iques, similigravures, de sept cartes i'h couleurs, <!<• quinze cartes et cartons en noir et <ie sei/e planches lithographi- ques et [>liototypi(|ues, juillet 1911, Lyon.

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tribut sans égal à la connaissance des terrains primaires du Sahara et du Sud Oranais, terrains dans lesquels Flamand avait trouvé, dès 1907, une série carboniférienne avec de la houille; on sait tout le parti que la Défense na- tionale sut tirer, au cours de la grande guerre, de cette dé- couverte qui eut pour théâtre la région de Kenadsa. Les formations secondaires, tertiaires et quaternaires, ainsi que la technique ont donné lieu aussi à des constatations et à des conclusions nouvelles qui constituent autant d'im- portantes conquêtes dont se sont accrus les domaines de la géologie et de la paléogéographie.

Les recherches et les travaux de Flamand concernant l'agriculture, la colonisation, les travaux publics (Service géologique, mines, ponts et chaussées, voies ferrées, car- tographie) font l'objet de plusieurs dizaines de rapports qui ont été déposés aux archives des Services respectifs du Gouvernement Général de l'Algérie (Algérie proprement dite et Territoires du Sud).

L'œuvre archéologique du Maître est non moins consi- dérable. Dès 1892, il s'était mis à l'étude de ces curieux documents que sont les gravures rupestres, les Pierres- Ecrites du Sud-Oranais et du Sahara. Le sujet était à peu près neuf, car les travaux des docteurs Jacquot, Armieux, Bonnet, d'Henri Duveyrier, du professeur Hamy, de Barlh et de Rohlfs sur cette question n'avaient guère eu qu'un caractère descriptif, sans préoccupation sérieuse d'une clas- sification méthodique ayant pour base l'étude paléontologi- que des sujets représentés et la corrélation possible entre ces œuvres primitives, d'une part, les industries lithiques sahariennes et la géologie des terrains quaternaires, d'autre part.

Après de longues et patientes recherches, au service des- quelles il mit ses connaissances micrographiques et géolo- giques, après de minutieuses observations sur le terrain

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qui enrichirent la collection, déjà nombreuse, des gravu- res rupestres Nord Africaines, Flamand tira de l'é- tude de tous ces documents des conclusions entièrement nouvelles, modifiant les conceptions, admises jusque là, sur l'évolution dans le temps du Préhistorique de l'Afrique du Nord. On pensait, et quelques- uns pensent encore, que le Préhistorique Nord-Africain est issu du Préhistorique eu- ropéen et que, par conséquent, il lui est postérieur. Cette opinion, qui est vraie et vendable pour certaines périodes du Paléolithique, ne Test plus lorsqu'il s'agit du Néolithi- que, et c'est à Flamand que revient l'honneur d'avoir dé- montré, par l'étude des gravures rupestres dont la facture est Néolithique, que nombre d'espèces animales, représen- tées sur les rochers gravés, appartiennent a la fin des temps quaternaires; tandis que le Néolithique euro- péen date, géologiquement, de la période Néopleistocène, le Néolithique Nord-Africain des gravures rupestres est nettement synchronique de la On des temps Pleistocènes, et, par conséquent, est chronologiquement antérieur au Néolithique d'Europe.

Il est impossible, dans le cadre restreint de cette notice, de donner un aperçu, même très schématique, de la classi- fication de l'art rupestre, proposé par Flamand. Elle est, tout au long exposée dans un gros ouvrage intitulé : « Les Pierres Ecrites » et dont la guerre a retardé la publication. 1! esl hors de doute que la famille du savant Mailre aura a cœur de faire paraître bientôt ce travail qui est imprimé depuis 11)11 et auquel, il ne manquait, pour être complet, que des détails insignifiants.

Dans l'impossibilité d'analyser avec quelques détails les autres travaux de Flamand sur l'ethnographie et l'anthropologie préhistoriques, je crois bon d'ajouter, à cette notice, une liste bibliographique complète de ses tra vaux, qui sera certainement appréciée de uns savants col- lège s de la Société archtolof/ir/ue de Constantine.

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Flamand élait Membre correspondant de la Société archéologique du département de Constantine depuis 1906. Sa réputation d'archéologue rayonnait au delà des fron- tières de France ; elle avait nolamment pénétré jusqu'en Allemagne et, en 1905, sur la présenialion de l'explorateur G. Schweinfurt, Flamand avait été élu Membre étranger de la Berliner Gesellschaft fur anthropologie, ethnologie und urgeschichte, compagnie scientifique n'admettant qu'un nombre limité de membres. Il est superflu de dire que le savant Français résilia ce litre extrêmement honori- fique dès la déclaration de guerre. Et, de fait je ne connais nul contraste plus frappant que celui existant entre le Maître qui a mis sa science au service de la civilisation, qui a vécu la vie du savant désintéressé et pacifique et les apôtres de la kultur germanique qui ont mis leur science au service de la barbarie et de la guerre!

Flamand est décédé le 14 décembre 1919, à la suite d'une longue et douloureuse maladie qui l'avait frappé dès fé- vrier 1914. Eloigné, depuis cette date, de la vie scientifique, il semblait, au début de l'année dernière, que son état de santé allait s'améliorer; il avait déjà repris la plume et écrit deux notes géologiques, publiées récemment par la Société géologique de France et V Académie des sciences, lorsque, brusquement, au moment même l'espoir de guérir renaissait en lui, la mort impitoyable faucheuse, cette mort qu'il avait frôlée tant de fois au cours de sa car- rière périlleuse et qui n'avait jamais voulu de lui, l'arra- cha à l'affection de sa famille, de ses élèves, de ses amis, de l'Université.

Dormez en paix, maître vénéré : le ciel de gloire dans lequel vous êtes entré est la juste récompense de cette vie que vous avez si bien remplie en servant, dans l'honneur et la droiture, votre Patrie, votre Famille et la Science. Votre œuvre impérissable vous assure ici-bas la plus écla- tante et la plus durable des Immortalités.

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La Société archéologique de Constantine et vos disciples garderont toujours le souvenir du Collègue et du Maître exquis que vous avez été. Ils s'inclinent bien bas devant votre tombe et assurant votre veuve et vos enfants, juste mt.nl éplorés. de leur bien vive sympatbie.

Marcel SOLIGNAC, Membre titulaire de la Société archéologique.

Bibliographie des travaux de M. G.-B.-M. FLAMAND sur l'Ethnographie, l'Anthropologie et l'Archéologie préhistoriques

1892. I%Jofe §nr les stations nouvelles ou peu fournies de IMerres-Ecrites (lladjrat llektoubat), de ins-

criptions rupestres du Sud Oranais, in comptes rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (19 février et in l'Anthropologie, numéro de mars-avril, avec figures.

1895. Recherches préhistorique s dans le Mud-Oranais

(Puits et R'dirs utilités*, in compte rendu <ht Congrès de l'Association Française pour l'acancemunt des Science.-!, tome I, p. 318, Bordeaux.

1897. Note sur deux l'ierres-Iîcrites (fl.-ul.jrat llekloubat),

dessins rupestres provenant d'El-Hadj -Mimoun, région de Figuig (Sud Oranais, in C. R. de l'Académie dos Inscrip- tions et Belles-Lettres (marsj et in l'Anthropologie (juin) avec 13 ligures.

1899. l-<es l*îf rre «.-!> rites, 52 planches in-8* don' is lithogra-

phies, d'après des calque** photographiques, ei 1 photoiy- pies, reproduisant l'ensemble des gravures e( inscriptions rupestres recueilles par M. Flamand dans le Sud-Oranais de 1890 à 1896, Alger.

Réservées par railleur, ont fait l'objet de présentations à l'Exposition Unioerselle de Paris 1900, au Congrès inter- national d'Anthropologie et d'Archéologie préhistoriques de M "ii so 1906), au i£us< itiquités algériennes de

Mustapha-Alger, etc.

1899 lie» premiers habitants des Hauts-Plateaux et du Sahara- Algérien, d'après les monuments rupestres, in C. It. du Congrès nain, mil des Sociétés de géographie, p. 207, avec :> figures, Alger,

I, Nouvelles observations aur lea Pierrea-Ecrttea, « les

Béliers à Sphéroïdes de Bou-Alem ». lecture faite à l'A© - demie des Inscriptions et Belles-lettres (juillet).

1900. - l'fft l'ierres-Kerites «lu \itril- Africain et partieuliè-

remenl de la llé^ion ii'Iu-Hnlult . in compte ren lu

- 322

de la XII' session du Congrès International d'Anthropo- logie et d'Archéologie préhistoriques, août, p. 265, Paris.

1900. Note sur les outils et objets préhistoriques et leur

figuration sur les ESadjrat Mekloubat (Pierres- Ecrites), du Sud de l'Algérie et du Sahara; leur nature et leurs gisements d'origine, in C. R. du Congrès de l'As- sociation Française pour l'avancement des Sciences, p. 210, Paris.

1901. Sur la figuration «le Béliers à sphéroïdes (tiares),

dans les gravures rupestres du Sud-Oranais, apud C. Gail- lard : « Le Bélier de Mendès ou le Mouton domestique de l'ancienne Egypte » in Bulletin de la Société d' Anthropo- logie de Lyon, p. 69; apud S. Gsell : « Les munuments antiques de l'Algérie, tome 1 » apud G. Sehweinfurl in Zeitschrift fur Ethnologie, Berlin, 1908 p. 88-95 apud G. Schweinfurt in Annales du Seroice des antiquités égyp- tiennes, Le Caire, 1908.

1901. Iladjrat-IIekloubnl ou les Pierres-Ecrites, premières

manifestations artistiques dans le Nord-Africain, 14 figures d'après les photographies et les croquis de l'auteur, in Bulletin de la Société d'Anthropologie de Lyon, 29 juin, pages 181-222.

1902. Sur l'utilisation, comme instruments néolithiques

«le coquilles fossiles à taille intentionnelle (Lit- toral Xordvl fricain), in Compte rendu du Con- grès de l'Association Française pour l'aoancement des Sciences, Ajaccio, p. 729.

1903. Note snr les inscriptions et dcisins rupestres de la

Gara «les i hoefa, du district de l'Aoulef (Tidikelt, Ar- chipel Touatien), recueillis par M. ie commandant Deleuze, in Bulletin de géographie historique et descriptioe, 3, p. 499, 20 figures, décembre.

1905. Note sur quelques stations nouvelles ou peu con-

nues «le Pierres-Ecrites du Sahara. ( \rohipel, Toua- tien, Tadmayt, Mouïdir et région de la Saoura), d'après les documents recueillis par M VI. le commandant Deleuze, l'adjudant Montassin, le maréchal des-logis Pâté et l'otfi- cier-inlerprète Brudin, in Bulletin de géographie histori- que et descriptioe, 2, p. 275, avec 8 figures et 13 planches.

19i»5. Nouvelles recherches iur le Préhistorique dans le

Sahara. Note présentée au Congrès des Sociétés savantes à Alger et publiée au Bulletin de géographie historique et descriptioe, 2, p. 271 (En collaboration avec M. le lieute- nant-colonel Emm. Laquière).

19UG. Nouvelles recherches sur le Préhistorique dans le Sahara, in Bulletin de la Société Historique Africaine (Reçue Africaine) avec 68 dessins, n»s 261-272, et 3e tri- mestre (En collaboration avec M. le lieutenant-colonel Emm. Laquière).

1906. De l'Introduction «lu Chameau «lans l'Afrique du

Nord, in Actes duXfVe Congre* international des Orien- talistes, t. II, p. 62.

323 -

1906. Communications faites aux séances de la XIII» session du Congrès international d'Anthropologie et d'Archéologie préhistorique de Monaco (avril) auquel M. G.-B.-M. Fla- mand avait cti' délégué par le Gouvernement Général de l'Algérie pour représenter la colonie :

Observations sur les s préhistoriques et libyco- ber-

bères du Haut-Pays de la Berbérie et du Sahara.

Quelques observations à propos de l'âge de gravures rupes- tres de la période dite libyeo-berbère, dans le Nord-Afrique.

3" Remarque mit la chronologie du néolithique africain. Impor- tance de la présence du Bubalus antiquus. Duv. parmi les figurations rupestres de cette penode.

i1 Nouvelles observations sur le préhistorique dans le Sali ira ; formes d'outils ou d'armes, nouvelles ou peu connues.

Les contacts de la Libye intérieure et de l'Egypte aux temps préhistoriques (néolithique) et protohistoriques : le Bélier à sphéroïde (liare), le fourreau libyen, le boomerang, le taweau à plumes, etc.

Voir le compte rendu du Congrès (t. I et t. II).

1909. Idole* (Pierren-roulée») à tête «le elioiiette ilii Kaha-

ra central Tassili des Az ijer) in Bulletin et Mémoires de la Société d Anthropologie de Paris, p. 179, 10 figures (en collaboration avec M, le lieutenant-colonel Lmm. Laquière).

1909. Pointe* il flèolieH néolithiques en forme île « Tour I-.iltYl » «le 1* ■% oulef (Sahara) in Bulletin de la Soi Préhistorique de France, avec 27 dessins, il juin. (En col- laboration avec M. le lieutenant-colonel Emut. Laquière).

1911. lie» Plerres-EEcritei (Hadjrat-Mektoubat), gravures et ins- criptions rupestres du Nord-Africain (missions du Ministère de l'Instruction publique et du Gouvernement Général de 1' Mgérie). Ouvrage, pr. in-8\ orné de planches phototy- piques el gravées, el de nombreux dessins dans le texte exécutés par l'auteur d'après des photographies et des cro- quis — Ouvrage publié sous les auspices du Gouvernement Général de l'Algérie et ho'ioré d'une souscription du Minis- tère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts.

Le premier fascicule (408 pages) imprimé devait paraître au moment de la déclaration de guerre. (Masson, Paris. Imprimerie Algérienne, Alger).

1911 Deux station* nouvelle» «le l*ierreii-Kerite« (ijra- vnrea rapealre*) «lécouvertei» «laiiM le Cercle de H.ielt'u. Su | Algérois m Y Anthropologie, t. XXV, p. t'î'i.

M. S.

- 324 Monsieur Léon ROY,

Membre correspondant

M. Roy, membre correspondant de notre Société depuis 44 ans, s'est éteint le 25 mai 1919, après une longue vie de travail et de dévouement, pendant laquelle il avait donné le meilleur de lui même à la France et au développement de notre protectorat de Tuuisie. De simple Receveur des Postes en 1880, il s'était élevé au rang de Ministre plénipoten- titaire. 11 était Secrétaire général du Gouvernement tunisien depuis 1889. Son nom restera pour toujours attaché à l'his- toire de la conquête de la Tunisie car c'est lui qui révéla à M. Roustan, alors Consul général à Tunis, les complots qui se tramaient et la connivence du Gouvernement du Bardo avec les tribus rebelles pour les engager à nous atta- quer. C'est à la suite des révélations de M. Roy, en com- munauté d'idées avec M. Féraud, consul de France à Tri- poli, et des généraux Forgemol et Riiter, que l'action se déclancha le 24 avril 1881. Malgré le péri: qui le menaçait. au milieu de populations rebelles et fanatiques, M. Roy n'abandonna pas son bureau de poste du Kef, où, par son influence., il réussit a dissuader les chefs religieux et mili- taires de cette ville, parmi lesquels Si Rechid et Si Kaddour, de résister à nos armes, ce qui eut pour résnltat de per- mettre au général Logerot d'entrer dans cette ville, le 26 avril 1881, à onze heures du matin, s^ns effusion de sang.

Au point de vue archéologique, M. Roy, en collaboration avec M, Julien Poinsot, étudia les abondantes ruines ro- maines situées dans la région du Kef, l'antique Sicca Veneria, Il put identifier le lieu dénommé le Pont romain avec le municipe d'L/cu6i, point situé sur la route de Sélif par Sigus, et cela en parfait accord avec les Tables de Peu- tinger. Il était Officier de la Légion d'Honneur.

La Société archéologique s'incline sur la tombe de ce

325

grand patriote, de ce bon Français et y dépose la palme du souvenir.

THÉPENIER,

Secrétaire de la Société archéologique.

Monsieur ZEVAGO,

Membre titulaire

Notre éminent collègue, M. Zévaco, avocat et ancien bâtonnier du barreau de Constantine, Conseiller Général, Délégué financier, Membre du Conseil Supérieur de l'Al- gérie et Membre titulaire de notre Société archéologique, a été enlevé subitement, en pleine santé, à l'affection de sa famille et de ses nombreux amis, le 12 septembre 1919.

Une foule énorme avait tenu, en l'accompagnant au champ du repos, à rendre un dernier hommage à l'homme de bien, aimé et estimé de tous, dont on pouvait dire qu'il n'avait pas d'ennemis. De nombreux discours, exaltant les belles qualités du défunt et exprimant les regrets unanimes qu'il a laissés parmi tous ceux qui l'ont connu, ont été pro- noncés sur sa tombe par M. le Préfet, par M. Morinaud, maire de Constantine et Président du Conseil Général, Massonoié, avocat, au nom du barreau, Villa, juge, au nom du Tribunal, et par MM. Gdnon et Fiorini.

Nous ne rappellerons pas ici la brillante carrière de notre regretté collègue, mais nous croyons devoir citer quelques extraits de l'émouvant discours de M. Morinaul, son ami personnel et qui le connaissait bien :

« M. Zévaco occupait l'une des premières suintions j l.i

« barre constaatinoise. Bientôt se; confrères le portèrent unanimement « au bàtonnat. Il remplit ses fonctions à divers reprises avec une urba- « nité exquise, une bienveillance et un tict auquel ses confrères ont « toujours rendu hommige. On pjjt dire Je note Mgretté concitoyen a que, pétulant plus Je 40 ans, il honora grandement le barreau co

- 326 -

« tantinois par sa haute correction, ses connaissances juridiques pro- « fondes, sa parole élégante et facile qui savait souvent se faire rail- ce leuse et spirituelle, sans jamais verser dtns l'attaque méchante et « perfide.

« La place brillante que notre ami avait su conquérir parmi les avocats « de Constantine, les grandes qualités d'intelligence qu'il avait montrées « dans l'exercice de sa profession, la douceur de son caractère, la bonté « de son cœur, bien vite appréciées par toute la cité, devaient fatale- ce ment le désigner à toute sa confiance

« Zevaco siégea dans notre Assemblée municipale jus- ce qu'en 1904, apportant dans toutes les discussions un souci des inté- cc rets publics, une clairvoyance, un attachement à notre avenir qui ce s'affirmèrent dans maintes circonstances encore présentes à nos esprits.

<e Dans l'intervalle, notre regretté ami, dès 1895, avait été appelé à ce représenter Constantine au sein de l'Assemblée départementale*. Ré- ce élu par trois fois en 1901, en 1907 et en 1913, il fut nommé par ses c< collègues membre de la Commission départementale, président de la ce Commission des finances, et enfin vice-président de cette grande ce Assemblée dont il devint l'un des membres les plus assidus, l'un des ce orateurs les plus remarquables et les plus utiles.

ce Toujours ménager des finances départementales, il s'opposait avec ce acharnement à toutes les dépenses qu'il considérait comme insuffisam- cc ment justifiées. Placé à la tête de la grande Commission des finances, « il gardait comme un cerbère la caisse départementale. Que de fois ce nous eûmes à rompre des lances avec lui pour en ouvrir les portes.

ce Mais, disons-le bien haut, ces portes, il était le premier à les ouvrir ce toutes grandes lorsqu'il s'agissait d'assistance aux malheureux, de se- ee cours aux prolétaires, d'oeuvres humanitaires, comme les coopératives, ce et comme ces habitations à bon marché auxquelles il s'intéressa dès ce la première heure en acceptant et en t emplissant avec dévouement la er présidence de leur Comité départemental.

ce II était d'une sensibilité et d'une humanité extrêmes. Aucune in- ee fortune ne le laissait indifférent ; vers elle ses mains se tendaient cha- ce ritables et généreuses.

ce Plein d'amablilité pour tous, c'était l'homme sympithique par ex- ce cellence ; il a pu avoir des adversaire;, il n'eut jamais d'ennemis.. . ,

ce La rosette d'Officier de l'Instruction pubUque, le ruban

ce de la Légion d'Honneur, qui lui fut conféré il y a déjà 11 ans, furent ce pour lui comme la consécration de toute une une existence de labeur. ce dans la probité .

Ce démocrate était en même temps le plu; ardent des

« patriotes. Je le vois encore, dans m du bureau, il y a quelques jours ;

- 327 -

v il s'écriait : « La Franee est trop haute et trop belle pour sombrer « dans l'anarchie comme la Russie. En Algérie comme en France, unis- « sons- nous tous pour éviter cette calamité et cette honte. La France ! « sa prospérité et son avenir avant tout ».

La Société archéologique ne peut que s'associer à ces éloquentes paroles. M. Zévaco s'intéressait particulièrement aux choses de l'archéologie, qu'il s'assimilait avec une fa- cilité surprenante et qu'il présentait ensuite d'une façon lu- mineuse; aussi, dans nos réunions, sa parole claire, élé- gante, vibrante et précise était-elle religieusement écoutée.

Au nom de la Société archéologique tout entière, nous adressons un dernier adieu à notre très distingué et très regretté collègue, et nous conserverons pieusement son souvenir.

J. MAGUELONNE, Président de la Société archéologique.

Monsieur SORREL,

Membre titulaire

M. Sorrel (Max -Charles), interprète judiciaire au Tri- nal civil de Constantine, membre de la Société archéolo- gique, est décédé le 9 avril 1919.

Il était à Sidi-bel- Abbès (département d'Oran), le 6 juin 1860. Après un stage à la Cour d'Appel d'Alger, il fut nommé interprèle judiciaire à Sebdou (Tlemcen), puis à Sidi-bel-Abbès, à Cherchell et enfin au Tribunal civil de Constantine, le 28 juin 1912. Dans l'intervalle, il avait oc- cupé, pendant un peu plus de deux ans, l'emploi de Secré- taire-interprète en chef au Parquet général d'Alger. Partout il est passé, sa compétenee incontestée, sa bonté et son dévouement, auquel on ne faisait jamais inutilement appel, lui ont acquis l'estime de ses chefs et l'affection de tous ceux qui l'avaient approché.

- 328

Il s'intéressait depuis longtemps aux choses d'archéolo- gie; aussi, dès son arrivée à Constantine, demanda-t-il à entrer dans notre Compagnie, sa vive intelligence, son esprit fin et cultivé, sa grande érudition lui gagnèrent tout de suite la sympathie de tous ses confrères. Mais, souffrant depuis plusieurs années, et miné par la maladie qui l'a em- porlé, il nous a quittés au moment il nous promettait une collaboration active et quelques travaux intéressants. Il était Officier d'Académie.

Nous adressons à sa mémoire un souvenir ému et à sa famille l'expression de nos condoléances sincères.

J. MAGUELONNE,

Président de la Société archéologique.

Monsieur CHOISNET,

Membre titulaire et Vice-Président de la Société

Au moment de paraître, nous apprenons, avec la plus vive peine, le décès de notre excellent vice-président M. Chois- net, préfet honoraire, Directeur du Mont-de- Piété de Cons- tantine.

Fils d'un haut fonctionnaire algérien, archéologue dis- tingué, dont le nom figure, parmi les fondateurs de notre Compagnie, M. Choisnet était entré de bonne heure dans l'Administration préfectorale et grâce à sa vive intelligence et à sa grande connaissance des choses d'Algérie il fut nommé très jeune Sous-Préfet.

Archéologue lui-même, il s'intéressait, dans ses déplace- ments à travers les territoires qu'il administrait, aux ves- tiges grandioses des civilisations disparues et plus particu- lièrement à ceux de l'occupation romaine. C'est à lui qu'on doit les premières fouilles de Rapidi. Il reconnut une par-

329

tie de la voie jalonnée de tours qui y conduisait, il déblaya une des portes de la ville et découvrit les fragments de l'ins- cription qui annonçait sa restitution à fundamentis.

Nous ne pouvons mieux faire que de reproduire les pa- roles prononcées devant le cercueil de cet homme de bien, de ce savant, par notre dévoué Secrétaire M. Thépénier '

« Mesdames, Messieurs,

« En l'absence du Président de la Société archéologique, c'est au Secrétaire qu'incombe le devoir d'adresser le der- nier adieu au Vice Président de notre Société.

« M. Ghoisnet était pour ainsi dire archéologue ; il avait du reste de qui tenir, talis pater quàlis filius, puisque le 5 décembre 1852, son père alors Secrétaire général de la Préfecture de Constantine, fut un des fondateurs de notre Société.

« Il aimait à me causer de ses fouilles, alors qu'il était Administrateur de commune mixte, et c'était toujours avec la joie du savant qu'il me parlait des travaux qu'il avait exécutés dans les ruines de Rapidi (près d'Aumale). Il me disait des jours infructueux aucune pierre remuée ne révélait une inscription fixant un nouveau point d'histoire de la domination de Rome; puis, de cette trouvaille de dé- bris de marbre, qui, rapprochés racontaient comment la ville détruite avait été relevée de ses ruines depuis ses fondations.

« Il me disait aussi l'histoire de celte bague trouvée dans la tombe d'un chevalier romain et qu'il portait au doigt, et de cette inscription d'un fonctionnaire de l'œrarium chargé de demander une exonération d'impôls pour ses administrés victimes de calamités, et qui avaitétéassasiné à son retour. M. Ciioisnet aimait à approfondir les légendes indigènes et à les adapter à des origines antiques. Il en a, du reste, publié plusieurs dans notre Recueil, ainsi qu'un certain nombre d'inscriptions qu'il avait relevées.

« A notre cher et regretté Vice- Président, à notre excel-

330

lent et si affectionné confrère, nous adressons l'adieu éter- nel et, comme les anciens dont il a souvent traduit les ex- pressions, je lui dis : ossa tua bene quiescant, sit sibi terra levis, et j'y ajoute la formule chrétienne antique : fidelis in pace. »

La Société archéologique tout entière gardera pieuse- ment le souvenir de son cher Vice-Président dont la dispa- rition un peu brutale l'a profondément endeuillée.

TIIÉPENIER, Secrétaire de la Société archéologique.

TABLE DES MATIÈRES

Présidents honoraires. Composition du Pages. Bureau pour 1918 et Commission des manus- crits III

Membres honoraires IV

Membres titulaires v

Membres correspondants V11I

Sociétés correspondantes XI

Sociétés étrangères XV

Les principales voies romaines de la région de

Tébessa. J. Maguelonne 1

A propos des origines de Constantine. Gus- tave Mercier 27

La Tour Hassan. Capitaine Maitrot ... 39

Une vieille Kasb ah. Capitaine Myitrot . . 65

Toponymie phénicienne. Sur le préfixe GI, LAM, R VS et S VB de certaines localités de l'Afrique du Nord. Joseph Bosco ... 81

Notice sur deux curieuses pierres à cupules.

Joseph Bosco 205

Une statue de l'Empereur Constantin, à Cons- tantine. — J. Maguelonne 209

Une nouvelle inscription libyque de La Mahou- na. Gustave Mercier 225

La Religion musulmane à Alger avant la con- quête française. Achille Robert. . . . 235

L 'escargotière de Cheria. Maurice Reygasse. 263

Observations sur les techniques paléolithiques du Nord- Africain. Maurice Reygasse. . 275

- 332 -

Note au sujet de deux fragments inédits d'ins- criptions latines et sur un nouveau topont/me antique. Joseph Bosco

Etude sur deux pièces byzantines. Touze .

Chronique archéologique. J. Maguelonne .

Nécrologie :

MM. le Commandant Farges

Lucien Jacquot

Héron de Villefosse

J.-B.-M. Flamand

Léon Roy

Zévaco

Sorrel

Ghoisnet

Pages

2M3

287 291

301 303 309 310 324 325 327 328

STORAGE

UNIVERSITY OF FLORIDA

3 1262 07673 918 3

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EXTRAIT DES STATUTS

DE LA

SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE DE CONSTANTINE

Article premier. La Société archéologique du départe- ment de Constantine a été fondée en 1852 dans le but de recueil- lir, de conserver et de décrire les monuments antiques du dépar- tement ; elle a aussi pour but de favoriser l'étude de l'histoire, de la géographie et de l'archéologie algérienne; elle peut accueillir également des communications intéressant l'Afrique septentrionale.

Art. 3 .— Le nombre des membres titulaires est illimité. On en fait partie après en avoir fait la demande par écrit, avoir été présenté par deux membres et admis au scrutin secret et à la majorité des voix dans la séance qui suit celle de la présentation.

Art. 22. Les membres correspondants, sur leur demande écrite et sur leur présentation par deux membres titulaires, sont admis à la pluralité des voix -dans la séance qui suit celle de leur présentation La Société peut aussi conférer d'office ce titre à des personnes qui lui adressent des travaux pour son %ecueil ou des communications utiles.

Art 20 La Société laisse aux auteurs la responsabilité des faits et déductions historiques, archéologiques, scientifiques ou autres, exposés dans les mémoires imprimés dans son Kjcueil.

Art. 32 . Les membres titulaires de la Société sont astreints à une cotisation annuelle de douze francs, les membres corres- pondants à une cotisation annuelle de cinq francs, payable inté- gralement dans le courant du mois de janvier.

Le prix du diplôme est fixé à cinq francs pour les membres titulaires ou correspondants.