RECUEIL DES-FPEEGES QUI ONT REMPORTÉ LES PRIX DE L’ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, Depuis leur fondation jufqu'à préfent. Avec les Pieces qui y ont concouru. TOME TROISIEME. Contenant les Pieces depuis 1734 jufqu'en 1737- A J.B. COIGNARD, Imprimeur ordinaire du Roi, rue S. Jacques, à la Bible d'Or, HIPPOLYTE-LOUIS GUERIN , rueS. Jacques à Saint Thomas d'Aquin. CHARLES-ANTOINE JOMBERT , Libraire du Roï, pour l’Artillerie & le Gé- nie, rue Dauphine , à l'Image Notre-Dame, MED GER" EE. Avec Approbation & Privilege du Roi. F GABRIEL MARTIN, rue Saint Jacques, à l'Etoile. Chez D EC ms AA 10 AOL à À no. sa à) 1 Fe HO af A ARS do re k ÿ a «1 ci fau je 1 Na te “as: TORT à . © de D: dd] ii id IAE bp D D Pb PSS 79% xx cr EEEEENNEEEEEE D DD A RERE REA EE REP MER PEER EIRE EEE EEE RER EEE EEEEREE ES ë AERRAR ANNE NN NE NN NN ANCIENNE NON EIRE S contenues dans ce trofiéme Volume. RE 8 Le " EPS or 7, ERA EEE ES SN RANK EMEMENAELEAMENAX prit n'ayant pas été farisfaite des Ouvrages qui lui furent envoyes pour mériter le prix de 1732, laiffa encore pour deux ans la méme matiere propofte aux recherches des S Ça “vans, avec un Prix double. Elle a u4 cette année le fucces de fon délai ; parmi les Piéces qu'elle a reçües , Elle en a trouvé deux qui méritent le Prix, © qui par des beautés différentes , lui ont park chacune y avoir un droit égal, Ces Piéces font : I. Effai d’une nouvelle Phyfique célefte , fervant à ex- pliquer les principaux Phénomeres du Ciel, & en par- ticulier la caufe phyfique de l’inclinaifon des Orbites des Planetes par rapport au plan del’Equateur du Soleil : par M. Jean BerNoULLI, Profefleur de Mathématiques en l'Univerfité de Bafle. II. Difquifiriones Phyfico-Affronomicæ problematis ab inclyta Scientiarum Academia Regia, que Parifis floret, iterums propofiri : par M. Daniel BerNouLLI, Profefleur en Ana- tomie , en l’Univerfité de Bafle. III.Recherches phyfiques & géométriques fur Ja queftion: Comment fe faitla propagation de la Lumiere; par M. Jean BerNouLLI, Doéteur en Droir. L'Acañémie ayant jugé à propos de remettre à certe année 1737 le Prix du fujet propofé en 1735 fur les Ancres, Elle par- ragea ce [jet en trois parties : la premiere [ur la figure des An- ses, la feconde fur leur fabrique ; & la troifieme fur la maniere de les éprouver. Les deux premiers Prix ont été adjugés à M. Jean Bernoulh & à M. Trefaguet ; mais le [ujet du troifieme ne lus ayant pas paré [ufifamment rempli, Elle l'a partagé égale- ment entre deux Pieces qui lui ont paru mériter également [on approbation. IV. Difcours fur les Ancres : par M. Jean BERNOULLI, - Docteur en Droit. V. Mémoire fur la fabrique des Ancres : par M. TREsA- GUET , ancien Ingénieur des Ponts & Chauflées. VI. Réflexions fur la meilleure figure à donner aux An- cres, & la meilleure maniere de les effayer : par M. Daniel BERNOULLI , Profefleur en Anaromie. VIL. Differtations fur les Ancres, qui répondent aux trois queftions propofées à ce fujet par l’Académie R. D. 5. par M. le Marquis de PoLENI. Avis au Relieur pour placer les Figures de ce * Recueil. Tome troifiéme. La planche de la premiere Piece de M. Jean Bernouzzr, après la page 92 La planche de [a feconde Piece fur la Lumiere , par M. Jean BERNoOULL: , après la page 66 Les trois planches de la premiere Piecede 1737. fur les Ancres ;, par M. Jean BERNOULLI , après la page 32 Les onze planches du deuxieme Mémoire fur les Ancres, par M. 'FRESAGUET , doivent fe placer à la fin , à la pa- ge 46 La planche du troifiéme Mémoire fur les Ancres ; par M. Daniel BERNOULLI, après la page 54 Les planches 1,2,3,4, 5, 6,7, 8 & 9 , du quatrieme Mémoire fur les Ancres, par M. le Marquis POLENI ; doivent fe placer à la fin du Volume après la page 159. PTE CES QUI ONT REMPORTÉ LE PRIX DOURE E DE L'ACADEMIE ROYALE WES SCTEINCES, EN M DCCXXXI/, ; re ll 4 Sy] EE rt 9 Avertifement de l'Acadeinie. | ‘ACADÉMIE, lorfquelle propofa la quef- tion fur l’Inclinaïfon des Plans des Orbites des Planetes , en défiroit la folution plus qu’elle ne l’efpéroit ; aucun des ouvrages qui lui furent envoyés ne lui parut mériter le Prix de l’année 1732, & elle laifla encore pour deux ans la même matiére propofée aux recherches des Sçavans, avec un Prix double. L'Académie voit aujour- d'hui le fuccès de fon délai ; parmi les Piéces qu’elle a reçûes , elle en a trouvé deux qui méri- tentle Prix, & qui, par des beautés différentes, lui ont paru chacune y avoir un droit égal. Dans ce cas, où légalité ne permet pas de choi- fir, & femble“delle-même établir la loi de ré- . compenfer également des mérites égaux , l’Aca- démie elt encore autorifée , par l’Arrèt du Parle- ment, qui a expliqué le Teftament de M. de Mef lay ; elle a donc jugé que le Prix double de cette année feroit partagé également entre Les deux Au- teurs des Piéces fuivantes. Cependant l'Académie avant que de pronon- cer fon jugement, avoit réfolu de renouveller dans cette occafion un avertiflement qu'elle a déja fait autrefois : Comme elle ne reflraint à aucun [yfléme es explicatioas qu'elle demande des Phénomenes , le fuffra- ge auf] qu'elle donne äces explications n'eft point une adop- 1} tion des principes fur lefquels elles [ont fondées, ni de toutes les conféquences qu'on en tire. Les trois Piéces qui ont le plus approché du Prix , font la Piéce 26, dont la Devife eft, Deus autem nofler in cœlo, omnia quæcumque voluit , fecit la Piéce 17, dont la Devife eft, Emendantur priora polterioribus ; & la Piéce 28, dont la Devife eft, Tochnavit cœlos, &° defcendit , © cahigo [ub pedibus ejus. M. Jean Bernoulli, Profefleur en Mathémati- que à Bâle, & M. Daniel Bernoulli {on fils, Pro- fefleur en Anatomie & en Botanique , Ont rein- porté le Prix de 1734 ESSAI Œ ES : Rat IN Z L D y S LASER En ESSAI NOUVELLE PHYSIQUE CÉLRSTE, Servant a expliquer les principaux Phenomenes du Ciel, € en particulier la caufe phyfique de l'inclinaifon des Orbites des Planctes par rapport au plan de l' Equateur du Soleil. Felices animæ, quibus hæc cognofcere primüm, Inque domos fuperas fcandere , cura fuit. Ovid. Faftor. lib. 1« DISCOURS PRELIMINAIRE, LCR E ACADÉMIE ROYALE DEs ScIENCES, felonfonnoble deffein de faire fleurir les Sciences & les beaux Arts , invite les Scavans de toutes les nations , fans diftinétion , à travailler Tome III, A 2 NOUVELLE PHYSIQUE | fur les fujets qu’elle leur propofe tous les ans ; avec un prix def- tiné à celui qui aura le mieux réuffi. Le fujet pour l’année 173 2. n'ayant point été traité à la fatisfattion de l’illuftre Académie , elle l’a remis fur le tapis une feconde fois pour l’année 1734. & pour encourager davantage les curieux, elle a trouvé bon d’en doubler le prix. La queftion eft conçüe en ces termes : Quelle ef? la cauft phy- Jique de Pinclinaifon des Plans des Orbites des Planetes par rapport au plan de l'Equateur de la révolution du Suleil autour de fon axe, dr d’où vient que les inclinaifons de ces Orbites [onx différentes entre elles. C’eft, fans doute, une matiere très-importante ; & très- digne d’être approfondie avec une férieufe application, SRE T1 n’y a eu jufqu'ici que deux fyftémes de Phyfique, qui ayent fait grand bruit, & partagé les opinions des Phyficiens : l’un eft le fameux fyftéme des Towrbillons ; introduit par M. Defcartes ; l'autre eft celui de-M. Newton, qui fe fert du /’wide & dés 4r- traétions , fondé d’ailleurs fur deux loix que la Nature fuit dans le mouvement des Planetes & de leurs Satellites. L'un & l’autre de ces deux fyftémes efttrès-bien imaginé, & chacun a fes beautés ; mais auffi faut-il convenir qu'il y a de part & d'autre de grands défauts, & des difficultés que perfonne n’a encore entiérement levées : de forte que je ne m'étonne point que Les pieces données pour le dénoûment de notre queftion , n’ayent pas eu le bonheur de contenter le goût exquis de M: les Juges : c’eft apparemment que les Auteurs des pieces ont donné avec trop de déférence dans l’un ou l’autre de ces deux fyftémes,, fans affez de difcernement du bon d’avec le mauvais. Car, en- core un coup, il faut demeurer d’accord que chacun a fon mau- vais côté , par lequel il faudroit l’envifager aufli ayant que de s’y livrer entiérement. F SUNET. M. de Maupertuis, dans l'excellent Difcours fur les différen- tes figures des Afires, qu’il donna au public vers la fin de l’an- née derniére ; expofe très-diftinétement toutes les difficultés anfquelles les deux fyftémes font fujets, quoiqu’en qualité de CELESTE. Prix de 1734: 3 Géométre, il admette celui de M. Newton, à caufe de l’exac- titude avec laquelle la plüpart des phenomenes céleftes s’expli- quent dans ce fyftéme, & non point à caufe de l'évidence des principes qu’on y adopte. Il araifon de dire, que tout effetréglé, nonobftant que fa caufe foit inconnue, peut être l’objet des Ma- thématiciens ; témoin Galilée, qui, fans connoître la caufe de la pefanteur des corps vers laterre , n’a pas laiflé de nous don- ner fur cette pefanteur , une théorie très-belle & très-füre, & d'expliquer les phénomenes qui en dépendent ; témoin auffi lui-même, qui, dans le chapitre penultiéme, nous donne, en habile Mathématicien , la folution de deux probiémes diffci- les , fur les figures que doivent prendre les fluides qui tournent autour d’un axe, & fur la nature d’un torrent de matiére fluide, circulant autour d’un axe hors du torrent : où il fuppofe la pe- fanteur du fluide comme une attra@tion , fans avoir befoin d’en indiquer la caufe , ni de dire en quoi elle confifte. Il remarque fort bien, que M. Newton avoit affez de candeur, pour ne re- garder jamais l’attraétion comme une explication de la pefanteur des corps les uns vers les autres, & pour avertir qu'iln’employoit ce terme que pour défigner un fait , & non point une caufe. Il n’en eft pas autrement du Vuide parfait que M. Newton fuppofe ; il lui eft permis de le fuppofer, tant qu'il ne s’en fert que comme d’un milieu, ou d’un fluide fans réfiftance, fe mettant peu en peine fi un tel milieu ou un tel vuide peut exifter ou non. Un Géométre , en tant que tel, n’eft pas obligé d’expliquer l’o- rigine des faits : il peut les fuppofer , pourvû que , pour en dé- couvrir les propriétés, il raifonne jufte fur les hypothéfes éta- blies. 11 feroit à fouhaiter que les partifans de M. Newton euf fent fuivi l'exemple de leur maître; & qu’au lieu de prétendre que le vuide & l’attraétion font des réalités dans la nature des chofes , & que ce font des principes d’exiftence , ils les euffent feulement envifagés comme des maniéres de concevoir. UE V. C’eft donc au Phyficien quiveut chercher les caufes des faits à établir des principes d’exiftence , & ces principes doivent être clairs & intelligibles, fi bien que leur poñfibilité fe manifefte d’el- le-même, Je ne penfe pas que le principe d’attraëtion ait autant Ai 4 NOUVELLE PHYSIQUE d’évidence que celui d’impulfion : je vois, par exemple, avec une évidence entiére , qu'un corps en mouvement qui en ren- contre un autre en repos, doit le mouvoir aufli, non-feulement parce que les corps font impénétrables , maïs parce que le choc eft une aétion , & que toute aëtion doit avoir fon effet, qui pro- duitun changement dans l’état de celui qui le reçoit: mais il n’y a point d’autre changement d'état dans le corps choqué, que . celui de quitter l’état de repos où il étoit pour fe mouvoir; car c’eft une loi générale recûe dans la Statique & la Méchanique, que les corps preflés plus d’un côté que de l’autre , doivent cé- der vers où ils font le moins preflés. Or le choc fe fait par pref- fion ; c’eft doncune a&tion dont il réfulte un effet. Qui veut con- cevoir une action fans effet , il veut concevoir une chimére. Tout au contraire, un corps fans mouvement ne peut pas agir, puifque lation d’un corps dépend uniquement de fon mouvement ; ainfi je ne vois pas comment deux corps éloignés & en repos peuvent s’attirer mutuellement, c’eft-à-dire, fe met- tre en mouvement d'eux-mêmes; ce feroit un effet fans caufe, &t une ation fans principe d'agir. Vouloir recourir à la volonté immédiate de Dieu , & dire que Dieu les pouffe lun vers l'au- tre avec une certaine force, lorfqu'ils font à une certaine dif- tance de l’un à l’autre, ce feroit bannir les caufes fecondes de la Nature; il vaudroit autant dire que tous les phénomenes , & tout ce qui arrive dans l’univers , s'exécute immédiatement par la caufe premiére , je veux dire, par la volonté divine ; & que les caufes fecondes n’y contribuent que comme des occafions ui déterminent l’Etre fouverain à agir d’une telle ou telle ma- niére , felon les diverfes contingences : mais ce feroit introduire de nouveau le fyftéme des caufes occafionnelles, qui n’a guéres contenté les Philofophes de bon goût. SV. Les inconvénients qui réfultent de ces deux principes incom- préhenfibles pour un Phyficien', je parle du Vuide & de l’Attrac- tion, ne font pas les feuls qui empêchent d'admettre dans la Phyfiquele fyftéme de M. Newton: ily en a d’autres,par rapport à quelques phénomenes, quireftent inexplicables, quand même on accorderoit ces principes; ce font , par exemple, la rotation 4 CELEST EX Prix de 173 des Planetes autour de leur axe ; comme aufli La direétion com- mune de leur révolution autour du Soleil , fe faifant chacune fous le zodiaque d'Occident en Orient , ainfi que fe fait auffi la révolution du Soleil fur fon axe ; item , les mouvemens irrégu- liers des Cometes , dont prefque chacune a fa direétion particu- liére, & fouvent contraire l’une à l’autre. Il femble que le Vui- de parfait , tel que M. Newton le fuppofe, devroit permettre aux Planetes aufli-bien qu'aux Cometes , de fe choifir chacune une route particuliére , & indépendante de la régularité de di- rection. M. Newton a fi bien fenti cette difficulté , qu'il avoue que ce phénomene eft quelque chofe de furneturel. $. VI. Le fyféme des Tourbillons imaginé à la maniere de M. Def cartes , ne laïfle pas d’être expofé aufli à de grandes objeétions: on fçait que la gravitation des Planetes vers le Soleil ; attribuée à l'effet de la force centrifuge de la matiére du T'ourbillon , ne devroit pas fe faire direétement au centre du Soleil , mais per- pendiculairement vers l’axe du Tourbillon , de même que Îes corps graves fur la terre devroient avoir une tendance perpen- diculaire à l'axe, & ne point tendre au centre de la terre. Il femble aufli que les Planetes principales, fi elles étoient fim- plement entrainées par le courant de la matiére du Tourbillon {olaire , devroient avoir la même vitefle & la même denfité, qu'ont les couches du Tourbillon , dans la région oùelles na- gent ; tout comme un vaileau abandonné au courant d’un fleu- ve, acquiert enfin une vitefle commune avec l’eau qui l’em- porte : de forte que la force centrifuge des Planetes deviendroit précifément égale à celle qu'auroit un égal volume de matiére du T'ourbillon aux endroits où nagent les Planetes : donc à caufe du parfait équilibre entre ces deux forces centrifuges , les Pla- netes ;, n'ayant point de gravitation plus ou moins grande dans un tems que dans un autre, ne varieroient jamais de diflance au Soleil. Il eft vrai qu’on a propofé différens moyens pour faire voir comment les Planetespeuvent s'approcher & s'éloigner du Soleil, pendant que le Tourbillon les entraîne; mais tous ces moyens, quelque vraifemblables qu'ils foient d’ailleurs , ne m'ont jamais paru aflez naturels, | Ai 6 NOUVELLE PHYSIQUE Il y a encore dans le Tourbillon à la Cartéfienne une diffi- culté , qui confifte en ce que les viteffes de fes couches font beaucoup trop grandes , par rapport à celle de l’Equateur du Soleil , pour que la circulation de cet aftre & celle de fon Tour- billon dépendent d'un même principe. Cela eft fi vrai, que Kepler avant la découverte des taches fur le difque du Soleil, foupçonnoïit qu'il devoit avoirun mouvement de rotation, dont la période étoit de 3 jours au lieu de 25 + jours ;, comme les obfervations des taches l'ont montré dans la fuite. $. VII. Mais ce qu'il y a de plus fort contre le fyftéme des T'ourbil- lons , comme le remarque très-à-propos M. de Maupertuis, réfulte de l’incompatibilité pour ce fyfléme entre les deux loix de K epler, qui s’obfervent pourtant généralement dans le cours des Planetes , tant principales que fecondaires. En vertu de la premiére de ces loix , les feéteurs de l’orbe elliptique d’une Pla- nete , formés autour du foyer qu'occupe le Soleil, font conf- tamment proportionnels aux tems qu'elle emploie à parcourir les arcs de l’ellipfe , compris dans ces feéteurs. Par la feconde loi, il faut que les tems périodiques de différentes Planetes foient en raifon fefquipliquée de leurs diftances moyennes au Soleil, ce qui s'étend auffi aux Satellites par rapport à la Planete principale, autour de laquelle ils font leurs révolu- tions. Si donc, felon l’hypothéfe commune des Tourbillons , {a vitefle des Planetes fe regle fur celle des couches de la matiére du T'ourbillon , il faudroit, fuivant la premiére loi des feéteurs proportionnels aux tems, que les viteffes réelles des couches fuflent en raifon inverfe des diftances au centre , c’eft en quoi confifte la circulation harmonique de M. Leiïbnits. Mais en conféquence de la feconde loi , qui veut que Les tems périodi- ques des différentes Planetes foient en raifon fefquipliquée des diffances au centre, il faudroit que ces mêmes viteffes réelles des couches fuffent en raifon foudoublée réciproque de leurs diffances. Les vitefles des couches auroient donc en même tems deux différentes raifons par rapport aux diftances , ce qui impliqueroit une manifefte contradiétion. CELESTE. Prix de 1734. 7 Pour [a fauver, on pourroit peut-être inventer un nouveau Tourbillon qui fatisfic à une des loix , pendant que l’autre fatis- feroit à l’autre ; & chacun de ces deux T'ourbillons devroit cir- culer fuivant fa propre regle, fans s’interrompre mutuellement en fe traverfant, à peu près comme M. Bullfinger a voulu ex- pliquer ( d'une maniére plus ingénieufe que vraïfemblable) l’ef- fet de la pefanteur & fa tendance vers le centre de la terre ,en: multipliant les Tourbillons. Mais c’eft ici où l’on pourroit de- mander fi la fimplicité des opérations de la nature permet de pro- diguer fi libéralement des matiéres & des mouvemens ; [ans autre raifon que le befoin qu’on en a. IL eft vrai que c’eftune libéralité qui ne coute rien, mais aufli peu pardonnable que celles des anciens Afironomes , qui , pour fuppléer à l’infuffifance de leurs hypo- théfes , n’ont point fait fcrupule de créer de nouveaux cieux cryftallins , des épicycles , & d’autres ouvrages de cette nature, à mefure qu'on en avoit befoin pour expliquer de nouvelles irrégularités qui fe découvroient dans le mouvement des Af- tres ; fans fe mettre en peine fi tous ces embarras étoient con- venables à la fimplicité , à la beauté, & à la fymmétrie de lU- nivers. Que n’auroient-ils pas encore fait, ces mêmes Aftrono- mes , fi déja de leur tems on eût connu les merveilles du ciel, découvertes dans ces derniers fiécles, que n’auroient-ils pas fait, dis-je , pour les expliquer à leur maniére? on ne verroit, Je crois , qu’un labyrinthe d’une infinité de cercles nouveaux. $. VIII. Je reviens à nos deux fyftémes donnés par Defcartes & par M. Newton : de quelque côté que je me tourne, je rencontre dans chacun des difficultés prefque infurmontables. J'ai donc erû qu’en voulant fe dévouer aveuglément à l'un ou à l’autre de ces deux fyftémes , on ne pourroit pas répondre d’une maniére fatisfaifante à la queftion propofée. Un jufte milieu entre les deux m'a paru le plus für ; pour cette fin, j'ai choifi de lun & de l’autre ce qu'il ya de plus naturel & de plus fimple : j'ai aban- donné dans chacun , ceux des principes qui choquent ou la rai- fon ou le bon fens , ne me fervant que de ceux qui font clairs & intelligibles : j'en ai tiré des conféquences, qui en découlent naturellement fans les forcer. De cette maniére j'ai tâché de 8 NOUVELLE PHYSIQUE FT concilier enfemble les deux fyflémes par leur beau côté, pouf en former un nouveau. J'admets dans ce nouveau fyftéme les Tourbillons des deux efpeces , tant ceux du Soleil & des Etoi= les fixes , que les particuliers autour des Planetes principales. Jé ne leur donne point d’autre mouvement que celui qu'ils ont recû du même principe qui a fait tourner les Aftres fur leur cen- tre qu'ils environnent. C'eft la maniére la plus fimple de con- cevoir la circulation d’un T'ourbillon. La gravitation des Planetes vers le centre du Soleil , & la pefanteur des corps vers le centre de la terre , n’a pour caufe ni Vattration de M. Newton, ni la force centrifuge de la matiére du Tourbillon felon M. Defcartes ; mais l’impulfion immédiate d’une matiére , qui, fous la forme d’un Torrent que je nomme central , fe jette continuellement de toute la circonférence du Tourbillon fur fon centre, & imprime par conféquent à tous les corps qu'il rencontre fur fon chemin , la même tendance vers le centre du T'ourbillon. De-là je rends raifon de la propriété de cette gravitation des Planetes , néceffaire pour qu'elles décri- vent des ellipfes autour du foyer , qui eft le centre des tendan- ces : Et tout ce qu’en déduit M. Newton par fes attraétions, fe déduit naturellement de ma théorie des impulfions du Torrent central. … Cependant mes principes ayant entre euxune liaifon étroite, je ne pourrois pas commodément raifonner fur le fujet en quef- tion , fans faire préalablement une defcription de mon fyftéme : ce que je fais d'autant plus volontiers , que j'aurai occafion d’ex- pliquer en même tems les caufes des principaux phénomenes du ciel , & de donner ainfi une idée générale d’une nouvelle Phy- fique célefte. Je partage mon ouvrage en quatre parties ; les trois premié- res feront employées à l'expofition du nouveau fyftéme, & à l'explication des faits ; & la quatriémeé partie traitera en parti- culier de la Queftion propofée ; où je ferai voir que la caufe qui fait que la route des Planetes principales s’écarte du plan de l'Equateur du Soleil , eft femblable à celle qui détourne les vaiffeaux fur mer de la direétion de la Quille, ce que l’on ap- pelle la Dérive des vailleaux. PREMIERE CELESTE. Prix de 1734: 9 PREMIERE, PE ALR.T I E. $. IX. Ï L y a long-tems que l’on a remarqué, que fuivant l’idée que Defcartes donne pour expliquer la caufe de la pefanteur par laétion de fes Tourbillons , les corps graves ne devroient pas tendre direttement au centre , mais perpendiculairement à l'axe de ces mêmes Tourbillons ; les expériences faites depuis, ont confirmé cette objeétion , en ce qu’on a vù qu'une fphere de verre remplie d’eau jufqu’à une partie qui contenoit de l'air , ou une matiére liquide de moindre denfité que l’eau , étant tournée rapidement fur fon axe , cet air ou cette matiére moins denfe fe rangeoit non point autour du centre en forme deglobe , mais plutôt le long de l'axe, & formoit un noyau allongé , approchant de la figure cylindrique, conformément à 1a nature des forces centrifuges , qui veut que les parties qui en ont moins, comme font les moins denfes , cédent aux plus denfes, qui ont plus de force centrifuge , & tendent par conféquent vers le centre du cercle parallele à l'équateur de la fphere , c’eft-à-dire , perpen- diculairement à fon axe. Qu'on life pour cela le difcours de M. Bulfinger. M. Huguens voulant obvier à cet inconvénient , a imaginé une autre forte de Tourbillon, dont la matiére fe meut en tout fens fur la furface fphérique de chaque couche dont il conçoit compofé fon Tourbillon; de-là il prétend faire voir pourquoi les corps pefans tendent direétement au centre du Tourbillon : mais Ce mouvement prétendu fouffre de très-grandes difficul- tés, parce qu'on ne fçauroit dire ce qui peut entretenir ce mou- vement, d'autant qu’il femble que chaque particule du T'our- billon, étant rencontrée par une autre de mafle & de vitefle égale direétement oppofée ; toutes les deux devroient s’arrêter tout court , à moins qu'on ne veuille fuppofer un reflort parfait dans ces corpufcules élémentaires qui les repoufle , fans pou- voir dire d’où leur vient ce reflort, & partant plus difficile à expliquer que la caufe de la pefanteur elle-même, Tome III, B 10 NOUVELLE PHYSIQUE $: 52 Selon mon fyftéme, il faut concevoir deux fortes de matiére ; comme aufli deux mouvemens principaux dans un T'ourbillon célefte ; l'une de ces fortes de matiére , eft celle que je conçois comme parfaitement liquide, je veux dire , non-feulement di- vifible à l'infini, ce qui eft commun à tous les corps, mais divi- fée réellement à l'infini & fans bornes , ou plutôt c’eft un flui- de uniforme , qui n’eft pas compofé de corpufcules élémen taires, comme on conçoit les fluides ordinaires , qui, felon la multitude & groffeur de ces corpufcules plus ou moins ferrés, font conçûs être plus ou moins denfes, & faire une plus ou moins grande réfiflance aux corps fenfibles qui y nagent : au lieu que notre matiére parfaitement liquide , en tant qu’elle eft deftituée de corpufcules élémentaires, eft fans réfiftance, com- me nous verrons plus amplement ci-après. M. Defcartes paroît avoir fuppofé quelque chofe d’appro- chant , par fa matiére qu'il appelle du premier élément ; mais il y a une tres-grande différence entre nos deux maniéres de con- cevoir la nature & l’origine de cette matiére. La voici: $. XI. On fçait que ce Philofophe prétendoit, que lorfqu’un T'our- billon célefte devoit fe former d’une mafle de matiére, au commencement en repos , & divifée en petits corpufcules qui fe joignoient exaétement les uns aux autres ; ne laiffant aucun vuide entre eux ; que toute cette grande maffe ayant pris par la volonté de Dieu , un mouvement de circulation autour d’un centre, ces corpufcules ont dû quitter leurs places, & fe cho- quer de toutes parts , d’où il eft arrivé , felon lui, que par la fréquente attrition de leurs angles & prominences avancées , ils fe font enfin écornés , jufqu'à s’arrondir parfaitement en pe- tits globules très-folides , & deftitués de pores ; car Defcartes croit que la folidité ou la dureté des corps n’a point d’autre caufe que le repos relatif de leurs parties entre elles. C’eft l’amas de tous ces petits globules qu'il a voulu nom- met la matiére du fecond élément, & qui par la continuation de fon mouvement circulaire une fois imprimé , forme un des CELESTE. Prix de 1734. 11 T'ourbillons céleftes. Le déchet, ou la raclüre provenue après l’arrondiflement des globules , eft ce que Defcartes à nommé matiére du premier élément, dont les particules incompara- blement plus petites que les globules , n’ont aucune figure ré. guliére ni déterminée , mais fervent en partie à remplir les in- terftices triangulaires des globules, & en partie à s’amaffer au- tour du centre du Tourbillon dans l’efpace qui feroit refté vuide par la formation & diminution des globules, lefquels par leur force centrifuge fe font éloignés du centre. Cet amasde matiére du premier élément qui occupe la région centrale du Tourbil- lon , eft, felon Defcartes , la fubftance du Soleil, ou d’une autre étoile. $. XII. Je ne veux pas m’amufer à faire l’hiftoire de toutes les con- féquences que ce grand Philofophe a tirées de cette hypothefe, pour en compofer tout fon fyftéme du monde. Il me fufit de faire voir que fa matiére du premier élément n’eft pas a@tuelle- ment divifée à l'infini, puifqu'il veut que chacune de ces parti- cules ait été féparée d’une plus grande , dont elle faifoit partie ; elle eft donc encore un corpufcule entier & indivifé , quoique fujet à des changemens infinis de grandeur & de figure. De-là il fuit que notre Philofophe a regardé la folidité ou la dureté des particules élémentaires , c’eftà-dire, ce repos relatif de leurs parties internes , comme un attribut effentiel ou attaché à leur nature. S'AIME Mais moi, tout au contraire, je penfe que la dureté des corps, quelque petits qu'ils foient, eft une qualité acciden- telle, qui n’eft point comprife dans l’idée que nous devons avoir du corps. La cohéfion des parties , foit parfaite ou im- parfaite , eft un phénomene qui a fa caufe comme tous les au- tres phénomenes de la nature. Qui dit corps , ne dit autre chofe que ce qui eft étendu , mobile & impénétrable ; voilà tout ce que l’idée du corps doit renfermer ; il n’eft pas même néce£ faire de faire entrer la divifbilité dans la définition du corps, comme étant déja comprife dans la feule notion de l'étendue. Bi 12 NOUVELLE PHYSIQUE $. XI V.: Cela étant, il ef vifible que la matiére , en tant que matiére, eft non-feulement divifble à l'infini, mais qu'immédiarement après fa création , elle pouvoit être réellement divifée à l'infini; j'entendsici une infiniré abfolue , en forte qu'il n’y a pas même des particules infiniment petites, ou , pour parler ainfi, des dif- férentielles de matiére , dont on puilfe dire qu’elles ont une folidité néceffaire : car, encore une fois , la folidité n’entre pas dans la nature du corps, & n’en eft point du tout effentielle. Je fçais bien qu’il y a des Philofophes , & prefque la plüpart , qui croyent que les corpufcules élémentaires qui compofent les corps fenfibles, font folides de leur nature, comme fi la petiteffe pouvoit changer la nature du corps; mais c’eft un préjugé tout pur, dont on devroit fe défaire. Ainfi je concois très-clairement, qu'il peut y avoir fans con- tradition dans le monde, une telle matiére que je viens de dé- crire , & que j'appellerai , prife dans ce fens , matiére premiére, ou matiére du premier élément, dont la nature eft d’avoir une di- viñon , ou plutôt une diflolution de parties qui va à l'infini ab- folu. En eflet, qu'eft-ce qui m'empêche de fuppofer l’exiftence de ce premier élément ? car après la création de la matiére en général , le créateur n’avoit qu'à en laïffer une partie dans fon état naturel, & cette partie étoit déja ce premier élément, fans que le Créateur y ajoûtât une nouvelle qualité. $. X V. è L'autre partie de la matiére aura été employée primitivement à en former des corpufcules , en prenant pour chacun une petite quantité de matiére du premier élément, ramaflée enfemble , & qui par le feul mouvement confpirant dans tous fes points, fait une maflule dont Les parties font par cela même cohérentes, fans dire qu'elles foient invinciblement dures. Ce font doncces corpufcules élémentaires que je qualifierai du titre de matiére, du fecond élément. Je ne prétends pas, à l'exemple de Defcartes, montrer comment par les différentes combinaifons de la ma- tiére du fecond élément avec le concours du premier s’eft formé la matiére du troifiéme élément , & de-là comment les corps CELESTE. Prix de 1734. 13 terreftres & céleftes ont pù prendre leur origine ; ce feroit une entreprife trop hardie & trop préfomptueufe pour moi. Mon but eft feulement de faire voir que par la nature & par l’aétion de la matiére du premier & du fecond élément, tels que je les ai ex- pliqués ici, je me trouve en état de rendre raifon des principaux phénomenes céleftes que l'Aftronomie a obfervés, & partant aufli de celui qui fait le fujet dela queftion de l'illuftre Académie, $S. X VI. La matiére du premier élément étant parfaitement liquide, & n'ayant point de parties cohérentes , on voit bien qu'elle ne fait aucune réfiftance aux corps qui s’y meuvent ; car la réfiflan- ce des fluides ne vient que de l’inertie des molécules dont les fluides font compofés , & dontun corps qui ynage , doit à tout moment remuer & déplacer une certaine quantité , ce qui ne fe peut faire fans leur communiquer une partie de fon mouve- ment, & en perdre par conféquent tout autant. Et c’eft en quoi confifte la réfiftance , qui, la vitefle étant égale , fera toujours proportionnelle à la denfité du fluide indépendamment de la groffeur des molécules : car c’eft le volume entier, & non pas le nombre , que le corps mû déplace dans un petit tems don- né , qui doit déterminer la quantité de la réfiftance. Ainfi on accorde à M. Newton, que faifant abftraétion de la ténacité & du frottement du fluide contre le corps, ce qui caufe une autre efpéce de réfiftance , & ne regardant que la réfiflance qui vient de loppofition & du déplacement d'un volume de molécules que le corps rencontre, cette réfiftance fera enraifon compofée de la denfité & du quarré de la vitefle : on accorde donc aufli, qu'une plus ou moins grande fubtilité de ces molé- cules , ne fait rien à l’eftimation de la réfiftance , étant vifible que les plus fubtiles molécules peuvent être fi ferrées, que le fluide qui en eft compofé fera beaucoup plus denfe qu'un autre dont les molécules ( peut-être plus groffiéres ) ne laiffent pas de compofer un fluide d’une rareté fort grande; tel eft, par exem- ple , l'air dont toutes les molécules élémentaires , felon toutes les apparences, ont plus de groffeur que celles du vif-argent, quoique le vif-argent foit bien dix mille fois plus denfe que l’aix B ïüj 14 1:- NOUVELLE PHYSIQUE A A 4 E “Mais felon l’idée que nous avons de notre matiére du pre- mier élément, puifqu’elle n’eft pas un amas de molécules foli- des comme un autre fluide, il eft évident qu'elle n’a pas cette inertie requife pour oppofer de la réfiftance aux corps qui s’y meuvent. C’eft donc une matiére liquide d’une continuité & homogénéiïté parfaite, qui cede avec une facilité infinie au moindre mouvement d’un corps; qui ne fait que remplir le vuide , & s’accommoder à tout moment aux différentes fitua- tions des corps qu’ellé environne. Cela fait que les corps y peu- vent continuer leur mouvement fans en rien perdre , tout com- me ils feroient , s'ils nageoïient dans un vuide parfait, tel que le fuppofent les partifans rigides de M. Newton. SURUN PAU ET. Suivant ma théorie , la nature & la formation d’un T'ourbil- lon célefte , fe fait comme je vais l'expliquer. Il faut concevoir une prodigieufe quantité de matiére fluide , mais non pas de celle que Defcartes appelle des globules céleftes ; je fuppofe que fa plus grande partie foir faite de cette matiére du premier élément parfaitement liquide , dans laquelle foit mêlée une bonne partie de matiére du fecond élément, difperfée par toute la mafle, en forte que les particules du fecond élément , quoi- que bien proches les unes des autres, ne laiflent pas d’avoir des intervalles , qui font bien grands en comparaifon des diametres* de ces particules , à peu près comme je conçois que le peu de fumée qui fort d’un grain d’encens mis fur un charbon ardent remplit tout l'air d’une chambre ,; ou comme un grain de co- chenille peut teindre une grande quantité d’eau claire. Donc toute cette mafle de matiére parfaitement liquide, mais im- pregnée de particules du fecond élément , commençant à être tournée autour du centre en forme d’un T'ourbillon, continuera de fe mouvoir avec la viteffe une fois acquife; mais cette vi- tefle , qui fera vers l'équateur du Tourbillon à peu près en rai- fon réciproque de la racine quarrée de la diflance au centre, comme on a démontré ailleurs que la nature du Tourbillon le requiert , n’ef pas à beaucoup près fi rapide que fe l’imaginent CELESTE: Prix de 1734. 15 ceux qui croyent avec Defcartes , que les Planetes font em- ortées par Le Tourbillon autour du Soleil. Car je ferai voir que re Planetes ont un tout autre principe de leur mouvement an- nuel, & que la circulation de la matiére du Tourbillon eft def. tinée à un autre ufage qu'à celui d’emporter les Planetes. URI X Je reviens à confidérer le Tourbillon dans l’état de généra- tion : dès le moment donc qu'il a commencé à circuler, les par ticules du fecond élément ont à la vérité acquis un peu de for- ce centrifuge ; Je dis #n peu, parce que leur mouvement circu- laire eft très-lent par rapport à celui qui feroit requis pour entrai- ner les Planetes, fuivant l'idée de M. Defcartes ; cependant cette force centrifuge, quelque petite qu’elle foit, a fait monter ün peu les particules du fecond élément, en s’éloignant du centre ; s'étant ainfi rapprochées entre elles, elles ont compofé le corps du Tourbillon plus denfe qu'il n’étoit, & la denfité introduite a été diflérente , felon les différens éloignemens du centre, & la diverfité des particules, foit dans leur groffeur, figure , ou autres circonftances, ce qu'il n’eft pas à propos d’ap- profondir, comme ne faifant rien à mon deffein. 11 fuffit que je dife que la denfité la plus grande qui fe trouve dans le T'our- billon , peut être conçüe de fi peu de conféquence , que malgré cette denfité , la matiére du fecond élément eft encore fi rare, que le mouvement d’une Planete n’en fçauroit être retardé fen- fiblement pendant un grand nombre de fiécles. s. X X. Cependant , par l'éloignement du centre & par la condenfa- tion de la matiere du fecond élément , il refta un efpace autour du centre du T'ourbillon , qui fut rempli de matiére du premier élément d’une liquidité parfaite , entremêlée pourtant de parti- cules grofliéres , qui, par l’irrégularité de leurs figures, fe font accrochées en partie , & n’ont pas acquis affez de force centri- fuge pour fortir de cet abyfme de matiére du premier élément. Ca go, Ci à C’eft cette matiére infiniment liquide, accumulée & renfer- mée dans l’efpace central de chaque Tourbillon ; qui fait ce 16 NOUVELLE PHYSIQUE qu'on appelle une étoile fixe , ou le Soleil qui eft au centre du Tourbillon folaire , dont je veux entretenir mon leéteur ; tout ce que j'en dirai pouvant être appliqué aux autres T'ourbillons, dont chacun eft parmi les autres , comme entouré de ceux qui lui font les plus voifins tout à l’entour. ST LL La maffe totale du Soleil , ramaflée autour du centre de fon Tourbillon , aura acquis par la premiére impreffion ce mouve- ment de rotation fur fon centre, dont une révolution ( comme on le connoît par fes taches) s’acheve dans le tems de 25 + Jours par rapport aux étoiles fixes, mouvement trop tranquille & trop lent pour produire une force centrifuge de quelque confi- dération , comme je le ferai voir ci-deflous. SX XALTT. Mais la matiére du Soleil , qui eftinfiniment fubtile , & dont la moindre portion l’eft aufli , par conféquent fufceptible d’une extrème agilité, cette matiére, dis-je, n’auroit-elle point d’autre principe de mouvement que celui dont je viens de parler, en vertu duquel tout le globe folaire tourne fur fon axe d’une vitefle affez uniforme , de même que fon tourbillon dans chacune de fes couches? Il ne faut pas douter que la matiére du Soleil, outre fon mouvement rotatif, ne foit encore dans une agitation très-violente, qu’elle a reçûe dès le commencement de fon exiftence., & qui ne fçauroit diminuer par la longueur du tems, quoique cette agitation fe faffe confufément & en tout fens : car comme ce liquide parfait eft d’une nature à ne point faire de réfiftance aux corps qui y nagent, ainfi que nous l'avons dit, il s'enfuit que les parties n’ayant point de connexion entre elles, fe mouvront auffi très-librement , fans s'empêcher ni fe réfifter en aucune manijére. $. X XIV. Voyons ce qui doit arriver aux corpufcules groffiers & irrégu- liers , que j'ai dit ( $. xx.) être mêlés par-ci par-là dans cet océan du premier élément; & qui par l’irrégularité de leur figure , & par la lenteur du mouvement de rotation de la maffe du Soleil; CELESTE. Prix de 1734: 17 Soleil, n’acquiérent pas affez de force centrifuge pour fortir & s'éloigner du Soleil , ou s'il y en a qui s’éloignent, cet éloigne- ment ne s'étendra qu’à une certaine diftance ; par exemple , tout au plus jufqu’à l'orbite de la terre , peut-être dans un tems plus que dans un autre. Enfin felon la conftitution &c l’agilité de ces corpufcules , une partie ira affez loin , une autre ferangera plus ou moins haut à proportion de la force centrifuge que les cor- pufcules reçoivent par le tournoyement du Soleil. s. XXV. C'eft peut-être de cette matiére qui s'échappe du Soleil, que fe forme une efpece d’atmofphere platte autour de cet aftre, & particuliérement fur le plan de fon équateur , puifque c’eft ici où le mouvement de circulation ef le plus vite, & où par conféquent la force centrifuge eft la plus grande. Ainfi il n'y a nul doute que ce ne foit cet atmofphere qui caufe la lu- nuére zodiacale , que M. Cafini le pere obféfva la premiere fois le foir du 18. Mars 1683. comme il l’a annoncé lui-même dans le Journal des Scavants du 10. Mai de la même année. Après lui, M. Fatio de Duiller remarqua aufli cette lumiére dans l’Automne le matin avant le lever du Soleil , d’où il con- je&tura d’abord, qu'elle devoit paroître le plus fenfiblement dans ces deux faifons , fçavoir dans le Printems après le cou- cher du Soleil, & dans l’Automne avant fon lever, parce walors dans nos climats, l’écliptique ( ou plütôt le plan & l'équateur folaire ) fur lequel la lumiére ( qu'on appelle zo- diacale ) fe répand, s'éleve le plus droit fur lhorifon, ou s’ap- proche le plus d’un cercle vertical. $. XXVI. . Après cette petite digreflion je reviens à mon fyftéme , qui fe développera par l'explication des principaux phénomenes aftronomiques, entre lefquels celui qui eft en queftion demande Le plus d’attention , vû l’extrême difficulté qui fe préfente detout côté en voulant chercher une caufe phyfique probable, qui faffe détourner la route des Planetes du plan de l'équateur fo- laire, d’autant qu'il paroît être contre le cours & l’ordre de la nature , que les corps müs ne fuivent pas la direétion de la Tome LIT. C 18 NOUVELLE PHYSIQUE caufe mouvante ; là où les corps céleftes ont un champ libre d'aller en tel ou tel fens , vers où la force motrice les détermine. C'eft ici en effet, que lation des Tourbillons à la Carté- fienne foufire un horrible échec ; car le mouvement du Tout- billon & celui du Soleil fur fon axe , fe faifant chacun d’Occi- dent en Orient , prennent fans doute leur origine d’une même caufe : le T'ourbillon & le Soleil font un tout , ainfi la même force primitive qui a fait tourner l’un ;, aauffi faittourner l’autre; donc l’équateur de l’un & l'équateur de l’autre devroient être dans un même plan ; donc aufli les Planetes , qui flottent tran- quillement ( felon l’idée de Defcartes) dans la matiére du Tour- billon , devroient fuivre abfolument fa direction, tout comme un bateau dans une riviere abandonné à lui-même, eft bien- tôt entrainé par l’eau , & dirigé fuivant le fil du courant. Ce- pendant les Planetes ne marchent pas fur les traces du courant du Tourbillon , elles s’en écartent, & décrivent des routes par- ticuliéres , dofit Les plans coupent le plan commun du Tour- billon & du Soleil dans la ligne des Nœuds qui pafle par leur centre commun. Voilà le point capital de la difhiculté. s. XXVII. Pour me préparer à y répondre convenablement , je continue à faire mesréflexions fur les effets que doit produirelavéhémente agitation de la matiére du premier élement, dont j'ai commencé a parler.( $. XXIIT. ) Je regarde d’abord cette agitation comme la plus forte ébullition que l’on puiffe concevoir , & d'autant plus forte que la quantité de corpufcules irréguliers du fecond élément qui s’y trouvent difperfés , ne fçauroit rallentir ni dimi- nuer en rien la violence de cette ébullition , parce que quelque copieufe que foit cette matiére hétérogéne des corpufcules, elle eft comptée pour rien en comparaifon de toute la mañle du Soleil , & n'yfera pas plus qu'une pincée de poufliére que je jetterois dans un grand chauderon rempli d’eau bouillante. Cependant ces corpufcules ne laiffent pas d’être la caufe de plufieurs effets confidérables tant au dedans qu’au dehors du So- leil ; car comme ils font obligés de fubir la même agitation con- fufe , ils ne peuvent que fe choquer très-fréquemment avec une grande impétuofité, par où il arrive qu'une partie des plus grof CÉLESTE,. Prix de 1734: L9 fiers & irréguliers , pouvant réfifter à la rupture, s'accrochent enfemble , & forment enfin de gros pelotons , à peu près comme {e font les avalanges de neige, qui groffiflent en roulant avec précipitation du haut d’une montagne. C'eft de-là fans doute, que tirent leur origine les taches de diflérente grandeur & fi- gure , que l’on obferve fur le difque du Soleil , qui vraifembla- blement ne font autre chofe que ces grospelotons, expulfés quel- quefois vers la furface du Soleil , & enfuite derechef engloutis. L'apparition de ces taches a été d'un grand fecours aux Afiro- nomes ; qui par leur mouvement fur le difque folaire ont eu l’a- vantage de déterminer deux chofes : 1°. letems périodique d'une révolution du Soleil fur fon axe; & 2°. la fituation de fon équa- teur par rapport aux étoiles fixes. Par où ils ont connu que ce mouvement de rotation fe fait en même fens que la révolution des planetes autour du foleil, fçavoir fuivant l’ordre des fignes ; marque certaine que ces mouvemens font les effets d'une même caufe. Quant à l'équateur folaire, ils ont aufli trouvé par leurs fre- quentes obfervations , qu'il n’eft pas dans un plan commun avec l'écliptique ou l'orbite de la terre , ni avec les orbites des autres Planetes , mais que toutes ces orbites font difléremment incli- nées , tantentre elles , que par rapport à l’équateur du Soleil. Or, comme cette différence ne paroit pas bien s’accorder avec la mutuelle dépendance qui devroit régner entre le mouvement de rotation du Soleil, & celui de fon tourbillon, c’eft juftement ce quia occafonné l'illuftre Académie d’en demander la caufe Phyfique ; mais avant que d'en venir à la folution de cette im- portante queftion , il faut néceffairement achever d'expliquer mon fyftéme ; afin que la liaifon entre tous les phénomenes , dont l'explication en découle fi naturellement, foit expofée dans un plus grand jour. Je me flatte que la fimplicité , aufli-bien que la fécondité des principes dont je me fers , fera agréable à tous ceux qui aiment qu'un fyftéme foit clair & incelligible. $. XXVIII. : Nous avons confidéré l'effet que produifent les corpufcules groffiers & crochus, en formant par leur rencontre &t leur con- crefcence, les taches du Soleil. Je pafle maintenant à méditer far ceux qui font moins grofliers , & d’une FRE friable: L1 20 NOUVELLE PHYSIQUE je vois avec une évidence entiére, que ceux-ci ne pouvant pas réfifter à l'impétuofité & fréquente collifion , fans fe rompre de plus en plus , deviendront d'une fubtilité qui furpañfe la force de l'imagination. C’eft donc dans l'agitation incroyablement violente , & la collifion perpétuelle de ces petites maflules que confifte la lumiére éclatante, & la chaleur exceflive du: Soleil. Il n'y a qu'à voir comment l’une & l’autre eft portée au- dehors du Soleil à une diftance immenfe , & avec une rapidité: prodigieufe. s XXIX. Je ne fçais fi on ne m’accordera pas facilement , que ces maf- fules réduites à une petiteffe quai infinie, & mifes dans une effer- vefcence extraordinaire , ne pouvant plus fe contenir dans leurs bornes, feront chaflées & jettées hors du Soleil avec une vitefle incomparablement plus grande que tout ce qu'on peut imagi- ner de plus rapide, & cela en direétion droite du centre vers tous les points de la furface extrême , & au-delà même ( com- me nous l’entendrons bientôt ) du T'ourbillon. Nous voyons au moins une foible image de telles explofions dans les liqueurs fpiritueufes faites par la chymie , lefquelles étant fortement fe- couées & agitées , rendent une odeur beaucoup plus forte & plus au loin que quand elles font dans un état calme , marque certaine que par le mouvement d’agitation les particules fpiri- tueufes font pouflées dehors, & difperfées de toute part à la ronde jufqu'à une diftance confidérable. Je conçois donc que ces effluves qui fortent du Soleil fans ceffe en ligne droite par l'effet d'une explofion très-violente , font ce qu'on appelle les rayons du Soleil , qui portent fur tout ce qu'ils rencontrent la lumiére & la chaleur de la maniére qu'on fcait affez , fans que je m’y arrête long-tems. XX X. Je dois plutôt répondre à deux obje@tions qu’on peut me fai- re ; la premiére eft , pourquoi par ce continuel écoulement de ces maflules , qui dure déja depuis la création du monde, la fource qui eft dans le Soleil , ne tarit pas à la fin, & que la ma- üére ne lui en manque jamais ? La feconde obje&ion confifte CELESTE. Prix de 1734. 27 en ce qu'on me demandera , d’où vient que les rayons qui tra- verfent les vaftes étendues du ciel , ne perdent rien de leur rapi- dité ? Pour ce qui eft de la derniére de ces objeëtions , à laquelle je répondrai en premier lieu , je dis fans détour, que chaque Tourbillon n'étant qu'une mafle de matiére du premier élé- ment , mais fans agitation inteftine, qui fe trouve feulement dans celle du Soleil & des autres étoiles fixes , & que dans cette mafñle du T'ourbillon y ayant bien quantité de particules du fe- cond élément , mais qui font fort difperfées les unes des autres; on voit bien, que puifque la matiére du premier élément ne réfifte pas , Les rayons y pafleront fans aucun obftacle de la part de cette matiére , & à caufe des grands interftices que laïflent entre elles les particules du fecond élément, l’extrême fubtili- té des maflules dont les rayons font compofés, fait aufli qu'il n'y a point d’empêchement à craindre pour leur paflage ; & que fi par hafard il y ena, l’une ou l’autre de ces particules, qui fe rencontre fur leur chemin , fera bien vite refoulée , & écartée par Le flux continuel du rayon. $. XX XI. Mais quant à la premiére obje@ion , elle mérite plus d’atten- tion , d’autant que la réponfe que j'y donnerai, m'ouvre jufte- ment le chemin pour parvenir à la connoiffance de la caufe phyfique d'un des plus importans phénomenes, je parle de la efanteur. On renvoie donc la réponfe ; pour la donner lorfque j'aurai à expliquer la pefanteur dans toute fon étendue ; il fuffit que je dife en paflant , que la perte de la matiére du Soleil qui fe fait par l'écoulement des rayons , eft à tout moment réparée par une égale quantité d’autre matiére qui s’y jette de tout côté, venant des extrémités du Tourbillon vers le Soleil , de la ma- niére que j'indiquerai. Revenons donc auxrayons da Soleil , dans le progrès def- quels confifte la propagation de la lumiére. IL y along-tems que l'on eft défabufé de croireavec Defcartes,que cette propagation foit inffantanée comme un effort qui fe communique à la fois d'un bout à l’autre par toute la longueur d’un bâton ; quand il eft preffé par l’une des extrémités. L’obfervation qu'a faite M. Romer , montre évidemment que le progrès de la lumiére eft Ciï ‘ 22 NOUVELLE PHYSIQUE fucceffif, quoique prodigieufement rapide, puifqu’elle parcourt le diametre de l’orbe annuel de la terre dans le tems de 22 minutes horaires; en forte que dans une feule minute elle fait un chemin de mille diametres de la terre, & 162 diametres dans une feconde. Une telle vitefle , qui eft fix cens mille fois plus grande que celle du fon, a paru à M. Huguens trop énorme pour croire que la propagation de la lumiére fe fafle par un tranfport atuel d’une matiére, qui, depuis l’objet lumineux, s’en vienne jufqu’à nous. Il a donc mieux aimé concevoir cette propagation fur le pied que fe fait celle du fon, qui s'étend par des ondes fphériques , comme on le voit dans fon Traité de la Lumiére , d’ailleurs très-ingénieux; où il prétend que les parti- cules qui compofent le rayon, fans fortir loin de leur place , fe ouffent fucceflivement, comme feroient de petites boules élaftiques mifes bout à bout fur une longue file en ligne droite, dont la premiére en mouvement choqueroit la feconde, celle- ci la troifiéme ; & ainfi de fuite , tout le mouvement de la pre- miére boule feroit tranfmis à la derniére par les boules inter- médiaires. $ XX XII. Mais fans parler de l’impoffibilité du hafard , qui demande- roit que toutes ces petites boules fuffent mifes très-exactement & à la rigueur géométrique en ligne droite ; car ce qu'il dit, que fi une des boules en rencontroit à la fois trois ou plufieurs autres , la communication du mouvement en ligne droite ne laifferoit pas de fe faire fur les fuivantes avec la même vitefle, eft très-faux , & contre les regles de la communication du mou- vement ; fans parler donc de cet inconvénient, on voit bien que par-là il ne gagneroir rien pour fauver la difficulté qu'il y auroit à comprendre cette énorme vitefle , qu'il faut fuppofer en ftatuant que la matiére des rayons fe tranfporte effective- ment depuis l’objet rayonnant jufqu’à la plus grande diftance où la lumiére fe porte ; car quand on lui accorderoit cette forte de tranfmiflion de mouvement d’une boule à l’autre, ne faut-il pas que chacune recçoive fucceflivement la même vicefle par l'imprefion de la précédente ? & la rapidité de cette fucceffion de l’une à l’autre n’eft-elle pas plus incompréhenfible, que fi la CELESTE. Prix de 1734. 23 viteffe une fois imprimée à chacune des boules ne fait que per- févérer, puifqu'il n’y a rien en leur chemin qui leur réfifte, comme nous avons fait voir ? Outre cela , l’élafticité des boules d’où leur viendroit-elle ; vû que les corps font naturellement fans reflort? &s'ilsen ont, il faut qu'il y ait une caufe qui le produife ; car certainement l'idée que l'on a du corps, ne renferme pas celle de l'élafticité , autrement tout corps devroit être élaftique , ce qui eft contre l'expérience : donc, felon M. Huguens, il faudroit fuppofer encore un autre genre de matiére , qui fut incomparablement lus fubtile que ces boules qui compofent les rayons de lumié- re , lefquelles font déja d’une fi grande fubtilité, qu’elles paf- fent librement les pores les plus étroits, tels que font ceux du verre , du cryftal, du diamant ; ce feroit donc cette autre ma- tiére , qui, entrant avec une rapidité inconcevable dans les globules de la lumiére, leur devroit procurer cette parfaite élafticité. Ainfi M. Huguens, bien loin d'éviter la difficulté; qui, felon lui , fe rencontre en fuppofant un tranfport effectif des globu- les de lumiére avec une fi grande vitefle , eft réduit à fuppofer dans la matiére qui leur donne le reffort , une vitefle infiniment plus grande ; ou veut-il peut-être , que l’'élafticité leur foit innée ou eflentielle , fans qu’on ait befoin de fuppofer pour cela une caufe étrangére ? mais ce feroit attribuer à la matiére une qua- lité aufli incompréhenfible que l’eft la vertu attraétrice ;, que donnent fi libéralement aux corps M" les Newtoniens, fe met- tant peu en peine qu’on l’entende ou non. En fait de Phyfique, on a raifon de rejetter la coutume de ceux, qui , pour expliquer quelque phénomene ; ont recours à des principes chimériques , plus obfcurs que ce qui eft en queftion. $. XX XIITL Après cette difcuflion ; nous ne balancerons plus à établir pour hypothéfe , que les petites mafles très-fines ( que je nom- merai maf]ules ) formées dans le Soleil par cette agitation vio- lente, font continuellement chaffées hors du Soleil avec une rapidité néceffaire pour parcourir mille diametres de Îa terre dans une minute de tems. Et comme cette explofion fe fait de 24 NOUVELLE PHYSIQUE tout côté , ou vers toutes Îles plages du monde, il eft vifible qu'il y a autant de rayons partans du Soleil , que l’on peut s'imaginet de lignes droites tirées du centre vers toute la cir- conférence de fon T'ourbillon, & que chaque rayon eft une file rediligne d’une infinité de maflules qui fe fuivent immédiate- ment les unes après les autres avec cette prodigieufe vitelfe. Rien n'empêche donc de concevoir, qu’à caufe de leur ex- trême petitefle, elles pénetrent librement les pores des corps grofliers fur lefquels elles tombent , comme font les Planetes & leurs atmofpheres , fans y produire d’autre effet que la lumiére & la chaleur; la lumiére fe termine fur la furface des corps, à moins que leurs pores ne foient difpofés en ligne droite , auquel cas la lumiére paffe plus outre avec les rayons; car ceux-ci paf fent toujours ( au moins pour la plüpart ) de part en part, quoi- qu'ils foient obligés d’aller en ferpentant par les corps qu'on nomme opaques , à caufe des détours & des finuofités obliques des pores, mais néanmoins fans rien perdre de leur rapidité ; car les pores font affez larges pour donner un libre paflage , ils changent feulement la direétion ; & interrompent par-là l'effet de la lumiére , qui demande la continuation en ligne droite. Mais pour la chaleur, qui eft caufée par le frottement continuel que fouffrent les pores intérieurs ou leurs parois, quand les rayons y paflent, & agitent les petits filamens qui avancent hors de ces parois ; il eft clair que les parties des corps opaques en étant ébranlées en diverfes maniéres , reçoivent cette qualité qu'on appelle chaleur. SUR XX PV, Ce n’eft pas mon deffein de n''arrèter plus long-tems fur lex- plication de ces deux effets, j'entends de la iwniére & de la chaleur ; je n’en euffe même point du tout parlé , comme hors de mon fujet, fi la petite defcription de mon fyftéme ( que je dois faire préliminairement avant que de donner une folution robable de notre queftion ) ne n'y eût conduit direétement. Je reprends donc le fil de mon difcours , pour voir ce qui arrive de plus, lorfque les rayons du Soleil , après avoir paflé au travers des Planetes , aufli-bien que tous ceux , qui, ne les traverfant pas, font parvenus au-deflus de la région de Saturne, ou CELESTE,. Prix de 1734. 2$ où ils ne rencontrent plus de Planetes jufqu’à l'extrémité du Tourbillon ; à moins que dans cette vafte étendue, il n'y ait peut-être encore quelques autres Planetes, mais qui pour êrre trop éloignées ou trop petites , ne font pas vifibles. $.: XX X V. Les maflules, dont les files compofent les rayons, étant ainf parvenues à l'extrémité du Tourbillon , font d'une très-grande rareté ; puifque toutes celles qui partoient à la fois en lignes droites depuis la furface du Soleil, font préfentement répandues par toute la furface du Tourbillon ; par conféquent les denfités étant en raifon réciproque des efpaces qu’une même quantité de maflules occupe, il eft évident que la denfité de leur mañle totale dans l’inftant qu'elles partent du Soleil ; eft à la denfité de cette même mafle répandue fur toute la furface du T'ourbil- lon ; réciproquement comme le quarré du demi-diametre du Tourbillon eft au quarré du demi-diametre du Soleil, D’où il paroît qu'a caufe de cette grande raréfaëtion de la matiére des rayons folaires , la lumiére doit être afloiblie dans la même rai- fon direéte; avec tout cela les rayons ne laïffent pas de conti- nuerÎeur route avec la même rapidité , & de pénétrer non-feu- lement dans les Tourbillons voifins, mais de les traverfer, & encore d’autres plus éloignés , pour porter leur lumiére , quoi- qu'’afloiblie extrêmement, à des diftances immenfes: il faut bien que cela foit ainfi , car fans cela les étoiles fixes, we dardent leurs rayons dans notre Tourbillon au travers de plufieurs au- tres qui font entre deux , ne feroient pas vilibles. $._ XXX VI. Cependant, confidérons maintenant un autre effet qui doit arriver à la matiére des rayons, lorfqu’elle eft portée à l’extré- mité de fon Tourbillon , & qu’elle eft prête à entrer dans celui qui le touche immédiatement : il eft très-probable, & morale- ment certain, que parmi tant de millions de milliards de ces maffules qui fe préfentent à chaque inflant fur toute la fuperfi- cie du Tourbillon , & dont le plus grand nombre pañfe plus ou- tre , il y en a pourtant aufli une multitude très-confidérable , qui font rencontrées par tout autant de mañlules femblables , Tome III, | D 26 NOUVELLE PHYSIQUE lefquelles chaflées du fond des Tourbillons qui environnent le nôtre, viennent fondre fur les premiéres avec la même force. D'où il s'enfuit que ces maflules n’ayant naturellement point de reflort, comme je l'ai dit ci-deflus , il faut que toutes les fois que deux de ces maflules de différens Tourbillons viennent à fe choquer direétement , elles perdent toutes deux leur mouve- ment, & s'arrêtent tout court colées enfemble , & forment ainfi une nouvelle maflule en repos, deux fois plus groffe que chacune n’étoit auparavant. Il peut même arriver fans beaucoup de hafard, que plufieurs de ces nouvelles maflules en repos, viennent à être choquées à la fois par deux autres primitives ; Fune d’un côté, & l’autre du côté oppofé , auquel cas il eft de- rechef manifefte par les regles de la communication du mou- vement des corps fans reflort , que ce fecond choc détruifant le mouvement oppofé de ces deux nouvelles maflules , & les collant aux deux premiéres , il s’en formera un petit peloton en repos , & quatre fois plus gros qu’une des maflules primitives. * De cette maniére je conçois clairement, que ces pelotons peuvent groffir de plus en plus avant que d’être chaffés de leur repos par des chocs qui viennent d’un feul côté, foit pour re- tourner enfemble au Soleil , fi le choc vient du côté d’un T'our- billon voifin, foit pour pénétrer plus avant dansun des T'ourbil- Honsvoifins, lorfque le choc vient du côté du Tourbillon folaire. $ XX XVII. Ainfi voilà notre Tourbillon folaire , & chacun des autres, terminé par une efpece de voile d'un tiflu fort rare & poreux, dontles parties ne font point liées enfemble, en forte que le plus grand nombre des maflules qui compofent les rayons y paflent librement , pour fortir & entrer d’un Tourbillon dans l’autre: mais à caufe de leur multitudeinfinie, il y en aura toujours aflez que le hafard dirige à tomber centralement fur autant de pelo- tons, qui font là dans l’ina@tion & en repos, par conféquent dans un état d’indifférence à être emportés vers où ils font pouflés , c’eft-à-dire , les uns pour defcendre au Soleil, les autres pour ren- trer dans un autre T'ourbillon. Il peutmêmearriver qu'en chemin faifant, quelques-uns de ces pelotons fejoignent à d’autres qu'ils entraînent avec eux , & grofliront par ce nouvel accroifflement, CE LEST E. Prix de 1734. 27 De cette maniére nous concevons qu’il doit defcendre conti- nuellement du ciel une pluie abondante & impétueufe de pelo- tons repouflés en bas par le choc des maflules , qui fortent des Tourbillons circonvoifins. s. XX XVIII. Je vais faire X préfent mes réflexions fur la nature & l’effet de ce déluge de pelotons qui tombe de toute part de la circonfé- rence du Tourbillon vers le centre, & que j'appellerai pour cela Torrent central, parce qu'effeétivement fa matiére eft affez copieufe pour qu’elle fe jette avec précipitation comme un T'or- rent perpétuel fur le Soleil. C’eft donc de cette matiére , que le Soleil recouvre fa nourriture , pour réparer la perte qu'il fait fans ceffe par l’'émanation des files de maflules, je veux dire, par les rayons ; à peu près comme les eaux qui fortent de l'O- céan , foit par l’évaporation , ou par la filtration par les pores de la terre , lorfque de maniére ou d'autre , moyennant la chaleur, elles fe réfolvent en vapeurs , dont enfuite plufieurs parcelles fe joignant enfemble en gouttes , retombent en forme de pluie, ou fortent des lieux élevés de la terre pour compofer de petits ruiffeaux , qui eux-mêmes par leur concours, forment de grands fleuves pour regagner les mers. Ou bien ne pourroit-on pas faire cette autre comparaifon, prife de ce que nous voyons la fumée qui s’éleve de la ma- tiére combuftible , & dont une partie s’attache au tuyau de la cheminée , & fait la fuyé , laquelle reprenant peu à peu par la réunion des petites particules de la famée une confiftence plus groffiére , fe détache enfin, & retombe au foyer. C’eft donc ainfi qu'on répond à la premiére objeétion formée dans le $. xxx. Or il eft aflez intelligible, fans que je le dife , que les pelotons rentrés dans le Soleil , font d’abord contraints de fui- vre la violente agitation confufe, qui fe trouve dans toute la maffe du Soleil , & ne feront pas long-tems fans être réduits, par la fréquente collifion , dans leur premier état de petiteffe ; c’eft-à-dire, dans la forme des ns propres à fubir l’explo- fion néceflaire pour le dardement des rayons , tout comme la fuye retombée dans le feu, fe brûle , & fe diffout une feconde fois en fumée , & remonte, Di 28 NOUVELLE PHYSIQUE En tout cela je ne vois rien qui puiffe choquer l'imagination; mais il fe préfente une difficulté dans la maniére de concevoir la defcente du Torrent central jufqu’au Soleil , fans que lesfiles de pelotons s’empêchent mutuellement de defcendre avant que d'arriver à la furface du Soleil : car fi les pelotons encore en repos occupent toute la vafte étendue de la circonférence du Tourbillon ; & qu'ils viennent enfuite fe précipiter fur la far- face du Soleil ; où ils doivent occuper une étendue quafi infi- niment plus petite, il faut fans doute que la denfité des files près du Soleil devienne comme infinie par rapport à celle que les pelotons ont entre eux pendant qu'ils font difperfés à l’ex- trémité du T'ourbillon : ainfi il femble que les files devroient enfin en defcendant , fe toucher par les côtés , avant.que d’a- chever la defcente totale ; mais cela fe faifant, il eft fenfible que les files du Torrent ne pourroient plus defcendre davanta- ge ; fans que les pelotons fe pénétraffent , d'où il s'enfuit que le Totrent s’arrêteroit, & demeureroit fufpendu à une bonne dif- tance du Soleil. Pour lever cette difficulté, on n’a qu’à dire que , quoique les files foient aflez ferrées autour même de la circonférence du Tourbillon, rien n'empêche pourtant qu'on ne.puifle fup- pofer que leurs interftices peuvent être diminués tant que l’on veut , pouryü que l’on concoive que la fomme de tous Les dia- metres des pelotons fitués autour de la circonférence du Tour- billon , n’excéde pas la circonférence du Soleil : de cette ma- niére nous comprendrons aifément que le Torrent defcendra jufqu’au Soleil, fans que les files viennent à fe toucher. Il eft vrai que pour que cela foit , il faut que les pelotons foient fup- pofés d’une fubtilité extrême, nonobftant que le plus petit d’en- tre eux ait une mafñle trois fois plus grofle qu'une maflule du rayon folaire. La divifibilité de la matiére à Finfini ; permet de donner aux particules une telle fubtilité que l’on jugera conve- nable. Il n’y a donc point de contradiétion de ftatuer que nos pelotons occupant toute la furface du Tourbillon, & ferrés entre eux fi près que l’on voudra, ils pourront néanmoins , étant tranfportés fur le Soleil, trouver affez d’efpace fur fa furfa- ce, pour y être fitués au large, & fans fe toucher les uns les autres, CELESTE,. Prix de 1734: 29 JE CON D RS P ARTE. .$ XXXIX. PRE’s avoir donné une idée, ce me femble , affez intel- ligible de la génération de nos pelotons , qui doivent for- mer le Torrent central , je pourfuis ma théorie, pour en dédui- re les caufes des phénomenes & des faits céleftes ; je commen- ce par expliquer la caufe de la pefanteur. A cette fin, je ferai mes remarques fur les groffeurs refpeëtives, & les vitefles que peuvent acquérir les pelotons, lorfqu’ils font mis ea mouvement par l’impulfion des maflules qui viennent des Tourbillons du dehors. De ce que je viens d’expliquer, il eft d’abord mani- fefte que les plus petits pelotons qui forment le Torrent cen- tral , font compofés pour le moins de trois maflules, fcavoir de deux, qui, par leur choc direët, fe font mis en repos, & de la troifiéme, qui leur donne l’impulfion, & vont conjointement defcendre vers le Soleil, ne faifant plus qu’un feul petit corps que j'ai nommé peloton , dont la commune vitefle fera ( par les regles de la communication du mouvement pour les corps fans reflort }) le tiers de la viteffe d’une maflule avant le choc. La feconde forte de pelotons , font ceux qui font compofés de ;ÿ maflulés, lorfqu’après que deux ont perdu leur mouvement par le choc direét , deux autres les heurtent en même-tems, & en direétion oppofée , par où elles perdent aufli leur mouve- ment , & ne font qu'augmenter la maffe du peloton, qui fera par conféquent compofé de 4 maflules, & encore fans mouve- ment , jufqu’a ce que la 5° vienne du dehors les choquer , & defcendre enfemble comme une mafle commune avec la $ "© partie de la viteffe d’une mañflule. La 37°, la 47%, la $ % forte de pelotons , & ainfi de fuite , feront compofés de 7 maflules, de 9 , de 11, &c. & defcendront avec =,+, 7, &c. de la vi- teffe d’une maflule. Je ne prétends pas cependant que la forma- tion de nos pelotons {oit juftement fi réguliére que nous venons de le dire ; il peut arriver qu'un des pelotons déja mis en mou- vement , en rençontre fous lui un autre qui eft encore en repos, D ii 30 NOUVELLE PHYSIQUE ou qui a une vitefle plus petite , auquel cas il s’en feraun pelo- ton plus gros , qui acquerra une viîtefle felon la combinaifon de la différente groffeur & vitefle de leur mañfe particuliére. Con- cevons en général un peloton de mañle Z avec la vitefle m, qui choque fous lui un peloton de mafle B , qui a déja une vitefle, mais plus petite » ; la maffe dupelotoncompofé, quifera 4+B, . À B prendra une vitefle = "+?° +8 nication du mouvement pour les corps non-élaftiques. Enfin, mon but étoit de faire comprendre que le Torrent central doit être compofé de pelotons de toutes fortes de groffeur & de vi- teffe avec laquelle ils fe portent vers le Soleil. $. XL. Nous pouvons prendre de tous ces pelotons de différente groffeur & vitefle, un d’une groffeur & d’une vîtefle moyenne, quelle qu’elle foit ; par exemple, qu’il foit dix ou cent fois plus gros qu'une des maflules , & qu'il ait la centiéme ou la dixiéme partie dela viteffe de celle-ci : une exaéte détermination de cette circonftance n’eft nullement néceflaire pour mon deffein; c’eft aflez que je puifle concevoir l’exiftence d’un Torrent central en forme d’un fluide , compofé de ces pelotons;, qui font pouflés de haut en bas depuis toute la furface du Tourbillon jufques dans le Soleil, & que ce fluide du Torrent , qui , comme nous l’a- vons montré , ne manque Jamais de matiére , fe précipite avec une grande rapidité. Car quand même cette rapidité feroit mille fois plus petite que celle d’une feule maflule, qui eft celle de la lumiére ; cette rapidité du Torrent central ne laïfferoit pas d’être encore très- confidérable , puifque felon ce que nous avons remarqué ( $. xxx1. ) elle feroit affez grande pour parcourir dans le tems d'une minute la longueur d'un diametre entier de la terre. Le Torrent central avec une telle viteffe, fera donc en état de pro- duire un effet tout particulier fur un corps qu’il rencontre dans fon chemin, & cer effet eft précifément la gravitation des Plane- tes vers le Soleil : voici comme je conçois quela chofe fe fait. s. XLI. Les pores & les interftices entre les parties élémentaires fuivant les regles de la commu- CELESTE. Prix de 1724. 31 terreftres qui compofent les Planetes, font fuflifamment larges pour laïffer paffer fans obftacle les files des maffules qui partent du Soleil; mais après qu’à leur retour une bonne quantité de ces mêmes maflules fe font accumulées en petits pelotons , qui fourniffent la matiére au Torrent central, & defquels le te petir eft pour le moins trois fois plus gros qu'une maflule ; il eft déja affez évident que les pelotons n'enfileront plus fi aifément les mêmes pores des corps terreftres ; d’où il arrive que le Tor- rent central fait un effort continuel fur la Planete qu’il rencon- tre , pour la pouffer en bas vers le centre commun du Tourbil- lon , de la même maniére qu'un courant d’eau donnant contre un obftacle, fait un effort continuel pour l’entraïner, égal à la force avec laquelle cet obftacle réfifte. Il n’y a point d’autre différence entre ces deux aËtions, finon que l’eau frappe feulement les furfaces extérieures des corps qui lui réfiftent, au lieu que notre Torrent ayant des pelotons de toutes fortes de groffeur, les plus petits pénétreront jufqu’aux moindres pores avant que de perdre leurs forces , & les impri- meront par conféquent aux moindres parties des corps terreftres, pendant que les plus gros pelotons confument leurs forces en frappant la premiére fuperficie de la Planete, après en avoir déja employé une partie à pénétrer, en vainquant la réfiflance de l’atmofphere qui enveloppe Îe corps de 1a Planete. Les pelotons qui conferventun refte de mouvement aprèsleur affage à travers la Planete, pourfuivront leur route vers le So- feil ; mais ceux qui confument tout-à-fait leur force , en don- nant ou fur l’atmofphere feulement, ou fur la fuperficie exté- rieure du corps de la Planete, refteroient là fans mouvement, fi par la fucceflion continuelle de la nouvelle matiére du T'or- rent, ils n’étoient cbligés de faire place en efquivant à côté, &c de fe laïffer entraîner par le fluide latéral du Torrent, qui ne fait plus que frifer la Planete , ou fon atmofphere. $. SCLTLE Jene crois pas qu’on puiffe rien prétendre de plus pour la caufe de la pefanteur des Planetes vers le Soleil ; l'explication cour- te, mais claire, que nous en avons donnée , comprend tous les éclairciffemens qu’on pourroit demander fur diverfes particula- 32 NOUVELLE PHYSIQUE rités & circonftances qui accompagnent la nature de cette gras: vitation. Car on voit 1°. que non-feulement le corps de la Pla- nete, pris dans fon total, doit être pefant , mais que chacune de fes parties en fon particulier le doit être aufli à proportion de fa maffe , parce que la matiére du Torrent central pénétre & agit fur la Planete felon toutes fes dimenfons , fur les parties intérieures aufli-bien que fur les extérieures. On s’apperçoit 2°. pourquoi les forces de la gravitation, que M" les Newtoniens attribuent à une vertu attraétrice, doivent être entre elles en raifon réciproque des quarrés des diflances au Soleil, puifqu'il eft évident que les filets du Torrent fe rétréciffent par les côtés à mefure qu'ils s’approchent du Soleil, & partant que leur den- fité , dont dépend l’eftimation des forces abfolues , obferve cette proportion , tout comme les rayons aufi produifent une lumiére dont les vivacités font comme leur denfité, c’eft-à- dire, réciproquement comme les quarrés des diftances du point lumineux. Il eft clair 3°, que les particules élémentaires des corps grofliers ( j'entends les plus petites, qui font folides & fans pores) ne reçoivent l’aëtion de la pefanteur que par leur furface, puifque ces particules n’ayant point de pores, ne peuvent pas admettre dans leur intérieur la matiére du Torrent, qui doit les rendre pefantes. Il me femble que cetté feule confidération fait voir claire- ment la nullité de la prétendue attraétion. Car fi les corps avoient de leur nature cette qualité effentielle de s’attirer l’un l'autre , il eft certain que les particules élémentaires feroient pefantes en raifon de leur folidité, & non pas de leur furface; & qu’ainfi une même patticule élémentaire à un éloignement double du corps dont il eft attiré, en recevroit une force qui ne feroit pas fous-quadruple, mais fous-odtuple de celle qu’elle recoit à une diflance fimple , puifque la denfité , ou la multi- tude des rayons qui partent du corps attirant , & qui faififfenc la particule , devroit être eftimée par la quantité de fa mañle, & - non point de fa furface ; d’où il s'enfuit que la force de cette attraction diminuéroit en raifon triplée , ou comme les cubes, & point du tout comune les quarrés des diftances : de-là on peut démontrer aifément, vaio mafles entiéres des Planetes n’auroient point d'autre gravitation fur le Soleil ; que celle . . les CELESTE. Prix de 1734. 33 fs particules élémentaires, dont la diminution fe feroit en rai- fon des cubes des diftances. ue deviendra donc le fyftéme de M. Newton par rapport à la Phyfique, fi fon fondement principal tombe en ruine ? Je m'étonne que pas un de fes partifans outrés ne fe foit apperçû de l’inconvénient qui réfulte de l’hypothéfe des attractions, que lon veut attribuer, comme une qualité effentielle , non-feu- lement aux corps grofiers, maïs aufli à leurs particules élémen- taires deftituées de pores, ce qui ne peut fublifter, ainfi que nous l'avons démontré , avec la loi fuivant laquelle la gravita- tion des Planetes doit varier par rapport aux éloignemens du Soleil , pour qu’elles décrivent des orbites elliptiques autour de cet aftre placé dans un de leurs foyers. $. XLIIL Il n’y a nul doute que ce que nous avons dit jufqu’à préfent far la caufe & la nature de la pefanteur des Planetes vers Le cen- tre du Soleil , ne doive être appliqué aufli aux pefanteurs parti- culiéres qui agiffent fur les corps enveloppés dans les Tourbil- lons fecondaires, pour les pouffer vers les centres de ces Tour- billons. Car naturellement chaque Planete principale, comme, par exemple , la terre qui tourne fur fon propre axe, fera munie d'un Tourbillon particulier , & aura dans fon centre une efpece de petit Soleil , je veux dire , un amas de cette matiére parfai- tement liquide & bouillante , laquelle , avec les autres circon- fances , doit produire en petit ce que la force du Soleil fait dans un degré beaucoup plus éminent. Ainfi tous les corps, & même la Lune, qui font de la dé- pendance du Tourbillon terreftre , feront pouffés par un Tor- rent central qui s’y forme, vers le centre de la terre , avec des forces réciproquement proportionnelles aux quarrés des diftan- ces. C’eft donc aufi dans l’a@tion de ces forces , que conlifte la pefanteur des corps graves tetreftres. Je n’en dis pas davantage, de peur d’ennuyer mon Leéteur par une longue répétition de ce qui a été expliqué fur la caufe générale de la pefanteur. $. XLI V. Je ne faurois n’empêcher à cette occafion, de communi- Tome IIL, 34 NOUVELLE PHYSIQUE quer mes penfées fur la maniére d'expliquer la pefanteur, que l’on voit dans le petit livre de M. Villemot, intitulé : Vouveau Syfléme , ou Nouvelle explication du mouvement des Planetes ; où Auteur expofe fon fyftéme , établi aufli fur le bouillonnement d’un feu central, mais dont la nature, l’origine & les effets dif- férent infiniment de l’idée fous laquelle je le conçois , outre qu'il le donne dans une toute autre vûe pour en tirer les phéno- menes céleftes , que je ne le fais dans mon fyftéme. On wa qu'à lire l’un & l’autre pour en voir la différence : le feul cha- pitre de la pefanteur fait déja connoître que les principes de Statique & d'Hydroftatique ne lui étoient pas aflez familiers. Voici de quelle maniére il raifonne, p. 182. Après avoir fup- pofé que rien ne peut fortir de la matiére bouillonnante au cen- tre de la terre, cette matiére , felon lui, ne fait que tendre ou s’efforcer à s’en éloigner en ligne droite , fans s’en éloigner ef- fettivement ; « mais on conçoit, dit-il, qu’elle pouffe ; ou plu- » tôt qu'elle preffe toute la matiére voifine, & qu'ainfi elle » doit pouffer vers Le centre les corps grofliers, par la même > raifon que l’eau tendant en bas fait monter le liége dont elle > prend la place. » M.Villemot confidére cette matiére voiline;répandue jufqu'à l'extrémité du T'ourbillon, comme un fluide renfermé de toute part , lequel venant à être preflé par un bout, cette preflion fe communique d’abord à l'extrémité oppofée, & de-là ne pouvant aller plus loin, elle rejaillit fur le corps groflier qui s’y trouve , & l’oblige , à ce qu'il croit , de s'approcher vers le principe de la preffion : mais ne devoit-il pas voir que par la loi d'Hydrofta- tique la preffion fe communiquant également fur toutes les pär- ties du fluide , le corps qui en eft environné , doit foñtenir une compreflion uniforme tout à l’entour , & fera par conféquent preflé par-devant tout autant qu’il left par derriére, ce qui lui fera garder un parfait équilibre, Si quelqu’autre que M. Ville- mot eût allégué la compreffion prife du liége ate Pet fait mon- ter, comme un exemple pour expliquer la caufe de la pefanteur, je dirois que ce feroit commettre le Sophifme, que lon appelle dans les écoles Petition de principe , puifqu'il fuppoferoit que Veau eft pefante , & que le liége eft moins pefant , fans expli- quer la caufe pourquoi l’un & l’autre eft pefant. Car fi on pou- CELESTE, Prix de 1734: 3$ voit Ôter à l’eau & au liége fubmergé leur ar naturelle, & qu'au lieu de cela on preflät de haut en bas la fuperficie hori- fontale de l’eau ;, on auroit beau preffer , on verroit que le liége ne bougeroit pas de fa place. : SA NUE Ve Pour én être convaincu, on n’a qu’à prendre un tuyau de verre ZB, fermé en B, & ouvert en À : qu'on le rempliffe d’eau jufqu'en P ; & qu'étant mis dans la fituation horifontale, on y mette vers le milieu un petit morceau de liége L , qui puiffe na- ger librement dans l’eau fans aucun frottement fenfible contre le vérre ; que l’on faffe entrer par l’ouverture 41e pifton PC, & qu'on prefle fortement le cylindre d’eau CB de Cvers B. C’eft-là juftement le cas de M. Villemot; car la preflion de la matiére bouillonnante ef ici repréfentée par la preflion du pifton PC ; la matiére voifine preflée, qui fe termine par l'extrémité du Tourbillon ; doit être comparée au cylindre d’eau PB, dont la preflion fe termine en B ; Le corps groflier dont il veut expliquer la pefanteur, fe repréfente par le morceau de liége L : donc fi fon explication avoit lieu, il faudroit que par l'effort du pifton PC, le liége L s’en approchät, & vintäs’y joindre. Mais la faine Hydroftatique m'apprend, fans en faire l'expérience , qu'avec la plus grande force du pifton que le tuyau puifle foûtenir, on ne déplacera jamais le morceau de liége L , bien loin de le faire approcher du pifton PC. Ainfi l'explication donnée par M. Villemot fur la caufe dela pefanteur , n'eft qu'une pureillufion ;, aufli évidente que celle qui fe trouve à la p. 186 de fon livre, où , pour prouver que la terre eft plus élevée vers l'équateur que vers les poles , c’eft-à- dire , qu’elle eft un fphéroïde applati, il recourt à l’obfervation de M. Caflini, qui a obfervé que les degrés de la terre dimi- nuent en allant de l’équinoxiale vers les poles; car cette obfer- vation fuppofée exaéte , comume il n’en faut pas douter , prouve juftement le contraire, fcavoir que la figure de la terre doit être un fphéroïde allongé : la raifon eneft, parce que les méridiens d’un tel fphéroïde ont leur plus grande courbure aux poles, ce qui fait que les degrés de latitude diminuent à mefure qu'ils s’é- loignent de l’équinoxiale, au lieu que dans un Part applati, 1] 36 NOUVELLE PHYSIQUE par une raifon contraire , leur plus grande courbure fe trouvant où les méridiens croifent l’équateur , y racourcit le plus fenfible- ment la longueur des degrés, qui enfuite s’allongent en allant vers les poles. La fçavante Differtation fur ces deux fortes de fphéroïdes , publiée par M. de Mairan dans les Mémoires de 1720 , mérite d’être lüe, parce qu’elle contient des raifonne- mens folides touchant la figure de la terre. ‘ $. XL VI. Quoi qu'il en foit, il faut avouer qu'une fimple preffion ; telle que M. Villemot l’a imaginée , n’eft point du tout propre à en tirer la caufe de la pefanteur ; & comme nous avons déja vüû, ($.1x.) queles T'ourbillons conçus à la maniére de M. Hu- guens , defquels il fait mouvoir la matiére fur des furfaces fphé- tiques en tout fens ; ne pourroient pas fubfifter, parce que leurs particules s’entre-choquant , & n'étant point élaftiques , s’ar- réteroient mutuellement, d’où il arriveroit dans peu, que toute {a matiére d’un Tourbillon de cette nature fe changeroit en une mañfle immobile. D'ailleurs le Tourbillon fait felon Fidée de M. Defcartes que nous adoptons aufli, mais pour un autre ufage ( comme nous le verrons ) que pour caufer la pefanteur par la force cen- trifuge de fa matiére , prévalente à celle des corps terreftres; ce L'ourbillon, dis-je, n'étant point du tout fufhfant pour ex- pliquer les propriétés de la pefanteur , puifque les corps grof- fiers devroient être chaflés , non point au centre, mais perpen- diculairement à l'axe d’un Tourbillon ; outre plufieurs autres inconvéniens qui réfultent de cette hypothéfe , dont nous avons indiqué quelques-uns, (5. vi. & vir.) l'unique reméde quirefte pour avoir une idée générale de la caufe de la pefanteur , & de. toutes fes propriétés , à moins qu'on ne veuille recourir aux at- traûions de M. Newton, c’eft d'admettre notre Torrent cen- tral , par lequel on explique fi naturellement & fi intelligible- ment tout ce qu'il a voulu expliquer par fes attractions , & bien davantage , ainfi qu’on le verra bientôt, par la raifon que je. rendrai de la rotation des Planetes principales autour de leur axe , où il paroîtra très-clairement que cette rotation (difficile: à expliquer par le fyftéme de Newton) n’eft qu'une fuite de l'ac-- tion du Toyrent fur la Planete. CELESTE. Prix de 1734. 37 $. XLVII., Je vais donc contempler de plus près les Tourbillons de Defcartes , afin de tirer de leur nature ce qui fert principalement à perfectionner ma théorie. J'ai déja dit au commencement de æc Difcours, qu'un Tourbillon célefte eft 1°. un amas ou une quantité prodigieufe de matiére parfaitement liquide , qui ne fait point de réfiftance aux corps qui s’y meuvent ; 2°. que cette matiére , quoique de la même nature que celle du Soleil , n’a pas ce bouillonnement exceflif dont celle-ci eft agitée ; mais 3°. qu’elle tourne d'un mouvement tranquille autour du Soleil, avec une vitefle que je déterminerai ; 4°. que ce Tourbillon de matiére parfaitement liquide charrie avec lui une multitude in- finie de particules du fecond élément, que je veux bien nom- mer avec M. Defcartes , globules célefles ; fans s’entre-toucher pourtant , comme il les a conçus, mais féparés & difperfés, laiflant entre eux des intervalles, fi vous voulez , cent ou mille fois plus grands que le diametre d’un globule ; je fais cette fup- pofition dans cette feule vüe , que l’on puiffe concevoir com- ment les maflules des rayons &les pelotons du Torrent pañlenc à travers des diftances immenfes fort librement , fans rencon- trer de fréquents obftacles , en heurtant contre des globules cé- leftes ; & que s'ils en rencontrent par-ci par-là , ils les écartent facilement par la rapidité de leur mouvement, & rendent le pañlage libre à ceux qui les fuivent de près. $. XLVIITI. Pour ce qui eft de la viteffe avec laquelle le Tourbillon doit tourner autour du Soleil, on a démontré ailleurs que la viteffe ( quelle qu’elle foit) des parties du Tourbillon fous fon équateur, doit être à peu près réciproquement proportionnelle à la racine quarrée de leurs éloignemens du centre du Soleil , d’où dépend la regle de Kepler ; qui veut que leurs tems périodiques foient en raïfon fefquipliquée de ces mêmes éloignemens. Mais pour avoir une idée diftinéte de la viîteffe atuelle à chaque diftance, je fais cette réflexion : Le mouvement de circulation de la maffe du Soleil , & celui de fon Tourbillon, fe faifant en même fens, {avoir d'Occident en Orient , il n'y a pas lieu de douter que ii] ’ - 38 NOUVELLE PHYSIQUE ces deux mouvemens ne viennent d’un même principe, en forte ue l’un doit être la regle de l’autre. Or la viteffe d'un pointde l'équateur du Soleil eft telle, qu'il acheve fa circulation autour du centre en 2$ + jours, ce qu'on connoît par le mouvement destaches folaires. Donc concevant le T'ourbillon divifé en une infinité de couches concentriques d'une épaiffeur infiniment pes tite, il faut que la premiére couche contigué à la furface du So- leil , ait la même vitefle , c’eft-à-dire, qu’elle faffe fa rotation conjointement avec le Soleil ; car quelle raïfon auroit-on de lui donner une viteffe différente & beaucoup plus grande, fans forger un nouveau principe de mouvement de circulation , in- dépendant de celui du Soleil ? & que pourroit-on imaginer de capable d’entretenir cette grande diverfité de mouvemens entre deux fluides, qui fe touchent immédiatement, fans qu'ils fe confondent enfin en un mouvement commun ? ‘Suppofons donc comme une chofe raifonnable , que la pre= miére & plus baffle couche faffe fa circulation avec le Soleil en 25 L jours; pour en tirer la viteffe réelle d’une autre couche, par exemple, de celle qui a pour demi-diametre la diftance moyenne de la terre au centre du Soleil , que l’on compte or- dinairement de 22000 demi-diametres de la terre ; le demi-dia- metre du Soleil contenant 100 demi-diametres terreftres , il faut faire , en vertu de la regle de Kepler , ( car on a démontré dans une autre occafion , que le T'ourbillon a la propriété , que les vireffes réelles de différentes couches font à peu près réci- proquement proportionnelles à la racine quarrée de leurs diftan-" ces au centre, & non pas aux fimples diftances , comme quel- ques-uns l'ont avancé ) il faut faire, dis-je, cette analogie ; comme V 22000 eft à 100, ainfi la vitefle d’un point de l’é- quateur folaire , que je nomme 7”, eft à la vitefle de l'équateur de la couche, pour la diflance moyenne de la terre ; mais on a à fort peu près V22000.V100::1$0.10::1$.1;doncla viteffe de l'équateur de cette couche = V’, c'eftà-dire, 15 fois plus petite que celle de l'équateur du Soleil , de forte qu'il lui faut 15 fois 25 } ou 382 + jours pour parcourir un arc égal en longueur à la périphérie du Soleil ; cet arc eft donc contenu dans toute fa circonférence autant de fois que le demi-diametre du Soleil eft contenu dans le demi-diametre de la couche, c'eft: CELESTE. Prix de 1734. 390 à-dire, 220 fois ; ainfi il faut prendre 382 + jours 220 fois, & nous aurons 84150 jours, ce qui fait 230 années & 143 jours our le tems d’une révolution entiére de la matiére du T'our- billon à la diftance moyenne de la terre au Soleil. Ce calcul appliqué à toutes les Planetes , on trouvera les tems périodiques de la matiére du Tourbillon pour la diftance . moyenne de chacune ; voici le réfultat de mon calcul , en né- gligeant les jours à ajoûter : Pour Saturne.......,... 6744 années, JUPE. re me pesis 271 Mars: a Ji 0 ee, Terre: ns 2 0 230 Ménus:il Wir yinr + “n40 Mercuterhiit set 7 $4- La conclufon que j'en tire, eft que chaque Planete a fon mouvement moyen fur fon orbite plus de 230 fois plus vite que n’eft la vitefle avec laquelle circule la matiére du Tourbillon dans la région moyenne où fe trouve la Planete : voici mainte- nant les remarques que je fais là-deflus. $. XLI X. Le principe du mouvement des Planetes autour du Soleil ne vient pas de celui de la matiére du Tourbillon qui l'emporte, comme l’eau d’une riviére emporte un tronc d'arbre, felon le fentiment de Defcartes ; car la Planete fe laïffant entraîner par le courant du T'ourbillon , ne pourroit acquérir tout au plus que la viteffe du fluide où elle nage , comme je lai déja dit. IL faut donc que la grande viteffe avec laquelle les Planetes circulent autour du Soleil , ait un autre principe ; c’eft pour- quoi je ne fais point de difficulté de ftatuer ici avec M. New- ton ;, que cette vitelle eft primitive , qui Leur a été imprimée dès le commencement de leur formation. Cette viteffe dure encore aujourd'hui , & durera fans doute jufqu’à la fin du monde, fans que la réfiftance de la matiére du Tourbillon puifle lui caufer le moindre retardement fenfible : car la plus grande partie de cette matiére étant parfaitement liquide , ne réfifte pas, & les globules céleftes qui y nagent fort au large, font encore d’une 40 NIOUWELDE" PHYSIQUE petiteffe & d'une rareté plus que fufffante , pour que leur choc contre les corps d’une groffeur énorme , comme font ceux des Planetes , ne puifle rien gagner fur eux, ni retarder leur mou- vement d’une maniére fenfible , durant le cours de plufieurs centaines de fiécles. On peut donc confidérer fñrement les Planetes, comme fi elles fe mouvoient dans un vuide parfait, tel que M. Newton l'a fuppofé, quoique véritablement tout foit rempli de matiére. “A Par-là nous ne tombons pas dans l'embarras où fe trouvoit M. Newton à l’occafion de la régularité du mouvement de tou- tes les Planetes, qui fe fait, fuivant la commune direétion, d'Occident en Orient. M. de Mairan dit très-judicieufement dans les Mémoires de 1729, qu'on eft fondé à demander rai- fon de ce mouvement commun des Planetes d'Occident en Orient dans le fyftéme de NeWton, cette uniformité n'étant nul- lement requife là où il y a un grand vuide , qui permettroit aux corps céleftes de fe mouvoir en tout fens , fçavoir à chacun fe- lon fa propre direétion , comme il arrive aétuellement aux co- metes qui fuivent leurs routes particuliéres. On en a même ob- fervé , qui faifoient leurs cours contre l’ordre des fignes. Cette régularité, dis-je, du mouvement des Planetes fous le Zodiaque , a tellement réduit à l’étroit M. Newton, qu'il fut obligé d’avouer ingénûment , que dans fon fyftéme on ne peut point donner de raifon phyfique de ce phénomene , qu'il regarde prefque comme un miracle : voici comme il s'exprime fur cet article (pag. $27. Princ. phil. edit. 3. ) Feruntur , dit-il , cometæ motibus valde excentricis in omnes cœælorum partes , quod fieri non potef} nifi vortices tollantur ; perfeverabunr quidem in orbi- bus fuis per leges gravitatis , [ed regularem orbium firum primitès acquirere per leges hafce minime potuerunt planere & cometæ. Hi motus regulares (planerarum ) originem non habent ex caufis mechanicis. Si ces caufes ne font pas méchaniques , elles ne font donc pas naturelles ou phyfiques ; il prétend donc qu'elles foient furnaturelles ou miraculeufes : mais fied-il bien à un grand Phi- lofophe de crier au miracle, quand il s’agit de donner l'expli- cation CELESTE. Prix de 1734. 41 cation d’uñ phénomene que la nature nous préfente, $. LI. Par la théorie que je viens d'établir , on trouve un expédient affez facile pour montrer la caufe de ladite régularité du mou- vement des Planetes, & de l’irrégularité de celui des Cometes : car quant au premier point, fuppofons que les Planetes com- mencent d'exifter , chacune avec fa direction & viteffe particu- liére , felon que le hafard l’a voulu; qu’en arrivera-t-il ? Je vois d’abord que chacune pouffée par le Torrent central vers le So- leil , pendant que fa vitefle primitivement acquife , la tranfpor- te au travers d’une colomne du Torrent à l’autre, elle fera obli- gée de décrire une ligne courbe, plus ou moins éloignée du Soleil , felon que la direétion & la viteffe primitivement impri- mée le demande , afin que la force centrifuge , qui dépend de la courbure & de la vîteffe , puïfle contre-balancer l'effort cen- tral du Torrent, dérivé perpendiculairement fur la courbe; Lors donc que la Planete eft parvenue dans cet état d'équilibre, elle continuera , en vertu du principe de Statique, de décrire toujours la même courbe , fçavoir fon orbite autour du Soleil. Mais les forces centripetes, qui font dans ma théorie les pref- fions du Torrent central , étant enraïifon réciproque du quarré des diftances au Soleil , il eft vifible par la démonftration indi- reûte de M. Newton, & par celle qu’on en a donnée enfuite à priori, que cette orbite doit être uneellipfe , dontun des foyers eft dans le centre du Soleil. Nous avons donc autant de diffé- rentes orbites elliptiques , dont les plans paflent néceffaire- ment par le centre du Soleil , qu’il y a de Planetes principales. Cependant jufqu'ici nous ne voyons pas encore pourquoi tous ces plans font refferrés ou renfermés entre deux plans pa- ralleles , qui terminent dans le firmament une zone peu large, qu’on appelle le zodiaque , partagée en deux felon la largeur par un 3° plan, qui eft celui de l’écliptique ou de l'orbite de la terre ; & pourquoi le mouvement de toutes les Planetes, qui décrivent leurs orbites elliptiques fur ces plans , eft dirigé réguliérement d'Occident en Orient, & pas un en fens con- taire; je parle du mouvement réel , & non pas de l’apparent, qui eft quelquefois rétrograde. Tome III, EF 43 . NOUVELLE PHYSIQUE $ LIT. Voici ma penfée là-deflus : s’il n’y avoit point de Tourbillon, je veux dire , fi toute la matiére qui remplit cette vafte étendue autour du Soleil bien loin au-delà de Saturne , n’avoit point de mouvement de circulation, je tiens pour inconteftable , que les direétions des Planetes feroient encore comme au commence- ment purement fortuites , & fans aucune régularité ; en forte que les plans de leurs orbes couperoient le firmament en de grands cercles qui feroient fitués fans ordre par rapport aux pla- ges du monde, de même que cela s’obferve encore aujourd’hui dans le mouvement des Cometes , dont prefque chacune a fa direction particuliére , par la raifon que je dirai ci-après. Mais puifqu'il y a un Tourbillon , quoique fort tardif & fort foible , Î aura eu, quelque foible qu'il foit , affez de force pour changer peu à peu la direétion de la Planete , fans altérer fen- fiblement fa vitefle , jufqu’à ce que fa direétion foit devenue à peu près conforme à la direction du Tourbillon ; qui va d'Occi- dent en Orient , je dis 4 peu pres , pour marquer qu’il y a une caufe que j'expliquerai ; qui empêche l’entiére conformité de direttion ; c’eft juftement en quoi confifte le nœud de la quef- tion propofée , pour le dénoûment duquel il m'a fallu faire tout ce difcours afin de faire voir la connexion des phénomenes qui découlent fi naturellement des principes de monfyftéme. SA IA ELITE On voit donc déja par quelle raifon les Planetes ont pû chan ger leurs direétions primitivement irréguliéres en direction ré- guliére & commune d'Occident en Orient, qui eft celle du Soleil fur fon axe , & aufi celle de fon Tourbillon : on m’ob- jeétera peut-être , que J'ai ôté à la matiére du Tourbillontoute force fenfible de réfifter au mouvement des Planetes, pen- dant que je lui en accorde affez pour en changer les direétions ; mais on fe levera cette difficulté , fi on daigne faire cette réfle- xion , qu'il faut incomparablement plus de force, pour augmen- ter ou diminuer la viteffe d’un corps qui eft déja en mouvement, que pour en changer feulement la dire&tion. Nous voyons, pag exemple, qu'une fufée , qui vole tout droit dans les airs avec CÉLESTE. Prix de 1734: 43 beaucoup de viteffe, change confidérablement de dire@ion par le moindre vent qui fouffle, fans une perte fenfible de fa vitefle : auffi voyons-nous qu'une bale de plomb chaflée avec une extré- me rapidité par la force de la poudre , ne laïffe pas, malgré toute fa denfité, d’être détournée de fa direétion par un petit vent à peine fenfible , qui vient de côté. Ce qui rend cette explication plus probable , c’eft juftement l'irrégularité des directions des Cometes, qu'elles ont pà gar- der depuis leur origine jufqu’à nos tems ; tant s’en faut que cette irrégularité ferve d’argument pour détruire le fyftéme des Tour- billons , comme M. Newton l’a voulu infinuer à l'endroit cité; voici de quelle maniére j'en prouve le contraire : comme les orbites des Cometes font des ellipfes extrêmement longues en comparaifon de leur largeur ; ayant le Soleil dans leur foyer , quafi infiniment plus près du périhélie que de l’aphélie, felon le fentiment même de M. Newton ; il faut que le tems que la Comete emploie à parcourir la partie fupérieure de fon orbite allongée; qui s’étend à une énorme diftance au-deflus de Satur- ne ; foit de beaucoup plus grand que le refte du tems périodi- que; qu'elle emploie à paffer par la région des Planetes, & qui ne peut qu'être fort court, tant à caufe de la grande vitefe que la Comete acquiert en approchant du périhélie , qu’à caufe de la petitefle du chemin à parcourir dans la baffe région par rap- port à l'extrême longueur de la partie fupérieure , où il faut paf fer par l’aphélie avec un mouvement très-tardif. Puis donc que dans ces grands éloignemens du Soleil les circulations du T'our- billon doivent être fi lentes , que fa matiére peut bien être con- fidérée comme immobile , elle ne fera par conféquent point d’effet fenfible pour changer la direétion de la Comete, pen- dant tout le tems qu’elle féjourne dans ces endroits fi élevés: mais le féjour qu'elle fait dans notre voifinage, eft trop court pour fe laiffer détourner beaucoup de fa route par la circulation du Tourbillon. SOLEIL V. Cela étant, il n'y a pas lieu de s'étonner qu'on n’obfervepas dans le cours des Cometes cette régularité de direétion, qui fe voit dans celui des Planeres : c’eft plutôt une conféquence na- Fi 44 NOUVELLE PHYSIQUE turelle de notre théorie, que chaque Comete doit fuivre fa route particuliére , que le cas fortuit lui a aflignée dans le pre- mier commencement , fans aucune altération perceptible. Sile monde eût déja duré quelques mille fiécles , ou qu'il durât en- core autant, pour permettre aux Cometes de parachever plu- fieurs centaines de révolutions, je ne doute pas que leur direc- tion ne s’accommodât enfin aufli peu à peu à fuivre le Zodiaque d'Occident en Orient. La fameufe Comete de 1680 , dont M. Newton fait la def- cription avec beaucoup d’exattitude , fe trouva dans fon péri- hélie le 8 Décembre , felon fon calcul, laïffant un fi petit in- tervalle entre elle & le Soleil, qu'à peine la fixiéme partie du diametre du Soleil eût pû être mife entre deux : cependant le $ Janvier fuivant , c’eft-à-dire, en moins de 30 jours elle étoit déja hors de la région du grand orbe ; & après le s Mars elle difparut , en allant s’enfoncer dans les plus hautes régions du Tourbillon, où elle paffera $ 75 années ( fuivant la fupputation de M. Halley) avant que de redefcendre dans nos quartiers, où pareillement elle ne reftera vifible que $ ou 6 mois: elle fera donc pour le moins $ 74 années fans fouffrir la moindre alté- ration fenfible dans fa direétion de la part du Tourbillon, ni dans l’'inclinaifon de fon orbite fur le plan de l’écliptique, la- quelle inclinaifon eft , felon le même M. Halley, de 60 deg. 56 min. & les 6 mois, ou fi on veut , le double qu’elle eftià pañler par les régions planétaires , ne font pas à beaucoup près. {ufifans, pour que la force du Tourbillon circulant puife la troubler dans fa direction , à moins que ce ne foit l’atmofphére du Soleil , par laquelle cette Comete pafle en allant vers fon périhélie ( comme le croit M. Newton ) qui y puiffe apporter quelque petit changement ; mais ce n’eft pas de quoi il s’agit ici. Enfin, les Planetes quine fortent jamais des régions où elles font fans ceffe expofées à l’aétion du Tourbillon qui tend à ren- dre par petits degrés leur direétion uniforme , quand elle ne l'eft pas déja ; que fçait-on fi d’abord après leur création il ne falloit pas des fiécles entiers pour leur procurer cette unifor- mité permanente, à laquelle nous les voyons aujourd’hui ré- duites ? N'eft-il donc pas probable que l'unique raifon pour: CELESTE. Prix de 1734: 45 quoi les direétions des Cometes font fi irréguliéres , eft parce que fe trouvant la plus grande partie du tems de leur révolution hors de cette aétion du Tourbillon ; il s’en faut beaucoup qu'il n'y ait eu affez de tems pour conformer leurs direétions à la ré- gularité de celles des Planetes ? & cela d’autant plus que les Cometes qui defcendent plus fouvent vers nous, c’eft-à-dire, qui achevent leur révolution en moins de tems , ne paroiflent pas entiérement exemptes de l’effet que la circulation du Tour- billon peut faire fur elles , en ce que les plans de leurs orbites : approchent plus de celui de l'équateur du Tourbillon , que ne font ceux des Cometes , dont les révolutions font d’une durée exceflive. Il y a effetivement une Comete , que M. Halley croit être la même qui parut dans les années 1531, 1607, 1682 , & qui, felon lui, avoit aufli paru l’an 1456 , & reparoi- tra l'an 1758 , laquelle par conféquent n’emploie que 75 + an- nées pour parcourir fa période ; cette Comete, dis-je, a fon orbite inclinée feulement de 17 deg. $6 min. fur le plan de l'écliptique ; fuivant la remarque de M. Halley , au lieu que l'inclinaifon de la Comete de 1680 fur l’écliptique , eft, com- me nous avons vû , de plus de 60 degrés. Il eft vrai que la dif. férence de ces inclinaifons peut. provenir du hafard des direc- tions primitives ; mais rien n'empêche que la caufe alléguée n'y puiffe avoir aufli fa part. Le meilleur moyen de s’en affürer , {e- roit que les Aftronomes qui viendront après nous, obfervaffent, à chaque retour, la Comete qui doit reparoître en 1758, fitant eft qu’elle revienne tous les 75 + ans, pour voir fi l'angle du plan de fon orbite avec celui de l’écliptique, ou plutôt avec le plan de l'équateur folaire , ne diminuera pas peu à peu après plufieurs de fes révolutions. Si cela arrivoit, ma conjeéture deviendroit une vérité certaine. | Au Sy Se 7 LR Fu 46 NOUVELLE PHYSIQUE LROISIEME PARTIE s. LV. À VANT que d'entrer dans le point eflentiel du fujet de la Queftion , il refte encore à examiner un des plus impor- tans phénomenes : c’eft le mouvement diurne des Planetes principales , ou la rotation fur leur axe, dont j'entreprends d’ex- pliquer la caufe phyfique par les principes établis de ma théo- ie ; Je Le fais d'autant plus volontiers , que je n’ai point lû d’Au- teur qui m'ait donné là-deflus une entiére fatisfaétion. M. Vil- lemot, dans fon Traité ( chap. 1. part. 2.) croit de ce que la terre eft emportée par le Tonibillon ; & fe meut moins vite par le bas de fon globe que la matiére du Tourbillon , mais plus vite par le haut , que le fluide reflue , ( comme il dit ) d’un hé- mifphére à l’autre, d’où il prétend prouver que la terre doit tourner fur fon axe d'Occident en Orient , comme fait le T'our- billon lui-même. M. de la Hire lui a fort bien obje&té , que, felon ceprincipe, la terre devoit tourner dans un fens contraire : l’Auteur lui a voulu répondre , par un éclairciffement que l’on voit à la fin de fon Traité; mais 1l n’y a pas affez de folidité dans fa réponfe , & la difficulté fubfifte toujours. J'ai là dans les Mémoires de l Académie de 1729 ; une piece excellente de la façon de M. de Mairan, où il rejette aufli l’ex- plication de M. Villemot, & lui fubflitue la fienne , qui eftà la vérité très-ingénieufe. Il déduit la caufe de la rotation des Planetes d'Occident en Orient, de ce que l'hémifphére infé- rieur de la Planete doit être plus pefant que le fupérieur , par cela feul , que celui-ci eft plus éloigné du Soleil que celui-là, d’où il conclud que l'impulfion du fluide contre l’hémifphére fupérieur , comme le moins pefant, devoit avoir plus d'effet pour l’entraîner , que celle fur l’hémifphére inférieur, qui, ayant plus de poids , a auffi plus d'inertie pour réfifter. Or, les deux hémifphéres inégalement pefants, ne l’étant pas conftam- ment par leur nature, mais par leur pofition feule; il eft vifible CELESTE. Prix de 1734: 47 que l'inférieur qui eft le plus pefant quand il monte, perd fon avantage , & devient le plus leger, & au contraire le fupérieur en defcendant prend cet avantage, de devenir le plus pefant du plus leger qu'il étoit. De cette maniére le fluide du Tour- billon ayant une fois ébranlé le fupérieur avec plus d’efficace que l'inférieur, cette aétion fe renouvellant toujours, il falloit que le fupérieur fe précipitant en avant , c’eft-à-dire , d’Occi- dent en Orient , fit enfin tourner par degrés la Planete fur fon axe , jufqu’à ce que la rotation eût pris une vitefle conftante, qui dure encore aujourd’hui. Mais quelque déférence que j'aie pour les fentimens de l'il- luftre Auteur de cette explication, je dois dire que j'ai de fortes raifons , que le tems ne me permet pas d’expofer tout au long ; de douter que la rotation des Planetes puille être l'effet de l’iné- galité perpétuelle de pefanteur des deux hémifphéres ; car fans rien dire des autres difficultés qui fe préfentent contre cette conjetture fi fubtilement imaginée , il me femble que l’inéga- lité de pefanteur des hémifphéres eft trop infenfible pour pro- duire un effet fi confidérable , tel que feroit la grande vitefle de rotation imprimée à la prodigieufe maffe de Jupiter, pour lui faire faire une révolution entiére fur fon axe en moins de dix heures. Si on veut prendre la peine de faire le calcul , on trou- vera que cette vitefle du mouvement diurne d’un point pris fur l'équateur de Jupiter , eft prefque égale à la vitefle du mouve- ment annuel de cette Planete autour du Soleil, par conféquent auffi prefque égale à la vitefle même du fluide du Tourbillon , qui l'emporte fuivant le fens du fyftéme de M. Defcartes : il faudroit donc que l’impulfion faite par le fluide fur Fhémifphére inférieur , fans doute contraire à la rotation, ne l’eût ou point retardé , ou fort peu , de forte que toute la force du fluide eût été uniquement employée à la rotation ; fans rien contribuer ni à pouffer l’hémifphére inférieur, ni à tranfporter tout le corps planetaire fur fon orbite ; cependant, il s’y meut librement d'un mouvement progreffif , & tourne en même tems fur fon axe; comment accorder tout cela ? $s. LVI. Voyons s'il n’y auroit pas moyen de s’en éclaircir par quel-= 48 N'OUFV E LIL'E "PHYSIQUE que expérience, qui nous mit devant les yeux l'effet que pour- roit produire l’aétion d’un fluide à faire tourner un corps fphéri- que qui y nage , & dont la partie inférieure fût , par fa pofition feule , conftamment plus pefante que la fupérieure. Pour cette fin, on prendra une boule creufe d’une matiére moins pefante que l’eau , par exemple, de bois; on y verfera par une petite ouverture une liqueur plus pefante , par exemple, du vifargent, autant qu'il en faut pour donner à la boule avec le vif-argent au-dedans , un poids prefque égal à celui d’un vo- lume d’eau , que la boule entiérement enfoncée y occuperoit, afin que la boule ainfi chargée de vifargent, mife dans l’eau, s’y plonge jufqu’au niveau, fans pourtant defcendre au fond. Cela fait , & après avoir bouché le trou par lequel on a fait en- trer le vif-argent, on fe choifira une riviére dont le courant foit uniforme , & la furface bien unie comme la glace d’un miroir ; on y plongera doucement la boule jufqu’à fon fommet : voilà donc la boale dans un état femblable à celui que M. de Mairan attribue aux Planetes, quand elles ont commencé d'être em- portées par le fluide du Tourbillon. Car l'hémifphére inférieur de notre boule , chargé de vifar- gent, eft aufli conftamment & par la pofition feule , plus pefant que l’hémifphére fupérieur, en forte qu’elle peut tourner fur fon axe, & avoir néanmoins l’hémifphére d’enbas toujours plus pefant qu® celui d’enhaut, tout comme le fcavant Auteur le conçoit dans les Planetes, avec cette feule différence , qu’au lieu que dans les Planetes l'inégalité de pefanteur des hémifphé- res eft quafi infiniment petite , ici dans notre boule, on peut faire cette inégalité auffi fenfible que l’on voudra, & ce qui plus eft , la vîteffe de l’eau qui donne contre l’hémifphére fupérieur de la boule, eft pour le moins aufi grande, fi elle n'eft pas plus grande , que celle avec laquelle eft frappé l’'hémifphére inférieur , au lieu que dans le T ourbillon la premiére eft plus petite que l’autre ; d'où il devroit réfulter par cette double caufe une rotation bien prompte dans la boule : cependant je ferai bien furpris quand j'apprendrai ( car je n’ai pas fait cette expé- rience ) que la boule venant à être plongée dans le courant de la riviére, & abandonnée à elle-même, aura fait autre chofe que fuivre fimplement le mouvement progreffifde l’eau qui l'entrai- ne, fans fubir la moindre rotation, $. LVII, CELESTE. Prix de1734. 49 Su VTT Croyant avoir de bonnes raifons de prévoir quel fera le fuccès de cette expérience, je puis m'être trompé, ce qui efl très-facile en fait de Phyfique, auquel cas je déclare que j'adopterai volon- tiers l'explication ingénieufe de M. de Mairan. En attendant que je fois convaincu d’un fuccès contraire, il me fera permis de dire à mon leéteur, que j'ai cherché ailleurs la caufe du mouvement diurne des Planetes , & que je crois l'avoir trouvée dans notre Torrent central; voici comment : Je confidére d’abord la Pla- nete comme n'ayant point encore de mouvement progreffif fur fon orbe; dans cet état je vois quele Torrent la poule de toute fa force en ligne droite vers le Soleil avec une accélération que doit produire la preflion du Torrent , qui eft reciproquement proportionnelle aux quarrés des diffances au Soleil : Je vois aufli que durant la defcente , la Planete ne tournera nullement fur fon centre, non plus qu’une pierre fPhérique qui tombe ver- ticalement fans pirouetter , parce que la preflion du Torrent fe répandant également fur toutes les parties de la Planete, les retiendra en équilibre , & donnera le parallélifime à leur mou- vement. Mais s'il furvient à la Planete une viteffe latérale primitive- ment imprimée , qui lui fait décrire fon orbe elliptique de la maniére que nous l'avons expliqué ci-deflus , alors l'équilibre & le parallélifme du mouvement des parties ne peut plus fe foû- tenir ; la raifon en eft manifefte ; car il eft très-clair que les par- ties antérieures de la Planete, qui fe trouvent du côté où elle tend , vont en quelque façon au-devant & à la rencontre des filets du Torrent que la Planete eft prête à traverfer , au lieu ue les parties de l’autre côté fuyent en quelque maniére ceux Fo filets qu’elles vont quitter, ce qui fait que la Planete eft frappée fur le devant avec plus de force que fur le dos. Il faut donc que le côté antérieur céde au Torrent, c’eft-à-dire, quil defcende , & que le côté poftérieur monte contre l’aétion du Torrent;& cela continuait toujours;la Planete, à mefure qu'elle avance fur fon orbe ; eft obligée de pirouetter avec une vitefle proportionnée à cet excès de force. On voit donc d’abord, fans l'expliquer davantage , que ces deux mouyemens , Le diurne & Tome IIL, G so NOUVELLE PHYSIQUE l’annuel, doivent fe faire en même fens , fcavoir d'Occident en Orient. $. LVIII. Ceci bien entendu , on ne doit pas s’imaginer que ce foit feu- lement la furface extrême de la Planete, dont la partie fupérieu-. re foufire une plus forte impulfion par-devant que par derriére : mais la même chofe arrive à toutes les couches paralleles au- tour du centre dont on conçoit compofé le corps planctaire, parce que les pelotons du Torrent étant de toutes fortes de grandeur , ( $. xxxIx. ) il y en aura toujours , qui, après avoir pénétré les pores des couches les plus éloignées du centre , tom- beront fur une qui a affez de denfité , par conféquent fes pores affez étroits, pour ne leur pas donner Îe paffage libre, en forte que cette autre couche doit , aufli-bien que la premiére , foûte- nirlimpulfion du Torrent, & par la raifon alleguée , une impul- fion plus forte fur la partie qui va devant , que fur celle qui fuit. Il faut même étendre cette explication jufqu’aux couches ex- térieures qui environnent le corps de la Planete, je parle de celles qui doivent compofer fon Tourbillon particulier, & qui feront fans doute frappées par les plus gros pelotons du Torrent. Par où l’on voit non-feulement pourquoi le Tourbillon parti- culier doit avoir la même direétion pour tourner d'Occident en Orient, qu'a le Tourbillon général ; mais que toutes ces cou- ches tant de la Planete que de fon Tourbillon, s’entre-aident à fuivre cette commune direétion , chacune contribuant de fa part à la rotation par la prévalente impulfion qu’elle reçoit fur le devant. Cette force du Torrent central , qui frappe avec plus d’éner- gie la partie antérieure de la Planete & de fon Tourbillon par- ticulier pour lui procurer la rotation , peur fort bien être com- parée à la force de l’eau d'une cataraëte, laquelle fe précipitant fur les ailes d’une rouë de moulin, la fait tourner fur fon axe ; car quand même à l’oppofite de cette cataratte , il y en auroitune autre, mais moins forte, tombant fur les aîles diamétralement oppofées , celle-ci feroit à la vérité un effort fur la rouë pour la faire tourner à contte-fens : mais la premiére l’emportant fur l’au- tre ne laïfferoit pas de faire pirouetter la rouë de fon côté , quoi- qu'avec moins de viteffe qu’elle ne feroit fans fon antagonifte, CELESTE. Prix de 1734. ÿ1 $. LIX. Dans cette nouvelle théorie, je regarde la Planete comme ayant déja acquis par la longueur du tems la commune direc- tion permanente du grand Tourbillon folaire, de la maniére dont je l’ai expliqué ci-deflus. Car il eft bien vrai que pendant ce tems-là elle étoit déja contrainte en paffant continuellement à travers le T'orrent , de pirouetter ; mais à caufe de l’irrégula- rité de fa route, l’axe de fa rotation a dû changer à tout moment de fituation dans le globe, jufqu'à ce qu’enfin fe conformant avec la direétion du Tourbillon général , la fituation de l’axe fe fixât. Quant à la vitefle du mouvement de rotation , on s’apper- çoit bien qu’elle ne dépend pas feulement de la rapidité ou de la force avec laquelle le Torrent central agit fur la Planete , & fur fon Tourbillon particulier , mais de plufieurs autres circon- ftances , comme, par exemple, de la denfité de la matiére dont le corps planetaire eft compofé : puifqu’il eft notoire ;, toutes * chofes d’ailleurs étant égales , qu'un corps plus denfe eft plus difficile à remuer , à caufe de fa plus grande inertie, qu’un corps moins denfe ; item, de l'éloignement du Soleil, car dans une plus grande diftance les filets du Tortent ont plus de rareté, pat conféquent moins de force pour faire tourner la Planete, en même raifon que la pefanteur eft plus petite que dans une moin- dre diftance : aufli la différente groffeur des Planetes peut faire varier la vitefle de rotation ; non pas tant parce que le Torrent a plus de prife fur les grandes couches à caufe de leurs plus gran- des furfaces ; que parce que La même force étant appliquée à la circonférence d’une grande rouë , fait plus d'effet qu'étant appliquée à celle d’une plus petite. Ajoûtez-y l’obliquité de Vaxe de rotation par rapport à la dire@tion du Torrent; cette obliquité devant néceffairement diminuer l’aëtion du Torrent pour faire tourner la Planete autour de fon axe. . La complication‘de toutes ces caufes peut faire que a rota- tion fe fait plus ou moins vite , que n’exigeroit la diftance de la Planete au Soleil , felon que les unes ou les autres de ces caufes font les prévalentes. s.'LX: Ainfi Jupiter qui eft environ $ fois plus éloigné du Soleil que Gi 52 NOUVELLE PHYSIQUE la Terre, & partant la force du Torrent dans cette région 2$ fois plus foible qu’elle n'eft dans la région dela terre, néanmoins Jupiter acheve une de fes rotations en dix heures de tems, au lieu que la Terre a befoin de plus du doublede cetems pourune feule révolution fur fon centre; la raifon en eft manifefte par ces trois circonftances : 1°. l’équateur de Jupiterrepréfente une rouë dont le diametre eft 10 fois plus grand que celui de la Terre; donc fi ces deux corps n'étoient que des difques plats de même épaifleur , il y auroit par la nature du levier dix fois plus de faci- lité à faire tourner Jupiter que la Terre. Maïs puifque ce font des globes , dont les furfaces expofées à l’a&ion du Torrent, font comme les quarrés de leurs diametres , il y aura, tout le refle étant égal , dix fois dix, ou cent degrés de facilité pour le tournoyement de Jupiter contre un degré pour celuide la Terre: mais comme par-contre l’a@tion du Torrent à la diftance de Ju- piter eft 25 fois plus foible qu’à la diftance de la Terre , il faut combiner ces deux raifons de 100 à 1 , & de 1 à 25 , d’où ré- fulte la raifon de 4 à 1 , qui marque que fi Jupiter & la Terre étoient d’une même denfité, la facilité de rotation dans Jupiter ne feroit plus que quadruple de celle dans la Terre. Mais 2°. Ia matiére qui compofe le corps de Jupiter, étant, fi nous nousen rapportons au calcul de M. Newton, $ fois moins denfe que le corps de la Terre, cela fera la raifon quadruple encore $ fois plus grande, de forte qu'à ces deux égards la facilité de rota- tion, c’eft-à-dire, la vitefle qui en réfultera dans l'équateur de Jupiter , doit être 20 fois plus grande que celle de l'équateur de ia Terre. Outre cela, 3°. les obfervations montrent que l'axe de Jupiter eft prefque perpendiculaire au plan de fon or- bite, par conféquent aufli à a direétion du Torrent central , au lieu que l’axe de la Terre incline de 23 + degrés , ce qui dimi- nue encore , comme il eft aifé à prouver , la viteffe de rotation de la Terre en même raifon que le quarré du finus du complé- ment de 23 + degrés eft plus petit que le quarré du finus total. Orles Tables des finus font connoître que ces deux quarrés font à peu près comme 5 eft à 6. Compofant donc laraifon de 20 à 1 , avec celle-ci de s à 6 ; la viteffe rotative abfolue de l'équateur de Jupiter eft à celle de Ja Terre comme 20 eft à £, ou comme 24 à 1. Ainfi puifque CELESTE. Prix de 1734: TE Îes tems périodiques de deux globes qui tournent fur leur axe, font en raifon direéte de leurs diametres, & inverfe des viteffes abfolues de leurs équateurs , nous aurons le‘tems d’une révolu- tion de Jupiter fur fon axe à celui de la Terre::2.1::10.24, conformément aux obfervations. $. LXI. De tout cela nous tirons cette regle générale pour le mouve: ment diurne des Planetes : 1/ faut compofer ou multiplier enfemble ces quatre raifôns , [pavoir ; la raifon inverfe du quarré des diffances au Soleil ; la raifon direële du quarré des diametres ; la raifon fimple inverfe des denfités ; & la raifon direëte du quarré des finus du com- plément des inclinaifons des axes [ur les plans des orbites : le produis donnera la raifon des vitelfes rotatives des équateurs. Mais n’y ayant aucune obfervation qui puifle nous apprendre les denfités des Planetes, il faudra fe contenter de quelque con- jeéture probable. Or, fi on veut accepter ce que M. Newton a trouvé par fa fupputation ; que la denfité de Jupiter eft à celle de la Terre à peu près comme 1 eft à $ , c’eft-à-dire, récipro- uement comme leurs diftances au Soleil ; & comme d’ailleurs ï paroît fort probable que les Planetes Les plus denfes occupent les plus baffes régions dans le Tourbillon folaire ; on feroit porté à établir pour un principe général ; que /es denfitésdes corps planetaires font réciproquement proportionnelles à leurs diflances au Soleil, La même chofe devroit s'entendre des Satellites par rap- port aux diftances à leurs Planetes AE a Cela pofé , on pourroit abreger la regle que jesviens de don- ner; car les deux raifons qui entrent dans cette regle, fçavoir, la premiére inverfe du quarré des diftances au Soleil , & la troifiéme fimple inverfe des denfités, donneroient toujours par leur compofition ; la fimple raifon inverfe des diftances ; ainfi il n'y auroit plus que ces trois raifons à multiplier enfemble , fçavoir /a raifon fimple inverfe des dif'ances ; la raifon directe dou- blée des diametres ; & la raifon direéte doublée des finus du comple- ment des inclinaifons des axes : le produit donneroit la raifon des vireffes roratives des équateurs, G iüÿ s4 NOUVELLE PHYSIQUE $. LXII. Voyons ce qui r'éfulteroit en appliquant cette regle à la Pla= nete de Vénus, & en adoptant. ce qu'il y a dans la Connoiflance des Tems , où je trouve que 1°. la diftance moyenne de Vénus au Soleil eft à celle de la Terre environ comme $ à 7, dont la raifon inverfe eft de 7 à 5 ; que 2°. leurs diametres font égaux , & par conféquent leurs quarrés font comme 1 à 1 ; & 3°. par l’obfervation de M. Bianchini , l’inclinaifon de l’axe de Vénus fur Le plan de fon orbite eft de 75 degrés: mais puifque M. Bian- chini ajoûte qu'il y a des tems dans la période de Vénus , où l'axe de rotation paroit fe confondre entiérement avec l’axe d’il- lumination , c’eft-à-dire , que l’inclinaifon eft totale, ou de 90 degrés ; nous prendrons un jufte milieu entre 75° & 90° ; pre- nons donc 80° pour l’inclinaifon la plus ordinaire de l'axe de Vénus , en forte que fon complément étant de 10 degrés, &le complément de l’inclinaifon de l’axe dela Terre de 66 + degrés, on trouve dans les Tables , que les finus de ces deux complé- ments font à peu près en raïfon de 3 à 16, dont la raifon dou- blée fera de 9 à 256; c’eft pourquoi, felon la regle, il faut mul- tiplier les expofants de nos trois raifons , & nous aurons Z x + x 5555) d'où il fuit que la vitefle de rotation de l’équa- teur de Vénus feroit à celle de l’équateur de la Terre, comme 63 eft à 1280, par conféquent les globes de ces deux Planetes étant pofés égaux , les tems périodiques de leurs révolutions diurnes font réciproquement comme 1 280 à 63 , ou bien prèss comme 20 + à 1 ; on auroit donc 20 jours & 8 heures pour une rotation entiére de Vénus, ce qui eft un peu moins de 23 jours, comme il eft marqué dans la Connoiffance des Tems. Mais en donnant un feul degré de plus à l’inclinaifon médio- cre de l’axe de Vénus, en forte qu’elle foit de 8 1° au lieu de 80°, nous trouverons par notre régle , que la révolution diurne de cette Planete feroit environ de 2$ jours; ce nombre furpañle celui de 23 jours, prefque autant que celui-ci furpañfe les 20 jours 8 heures , que nous avons trouvés par la premiére fuppo- fition. Nous voilà donc réduits à prononcer que la véritable inclinaifon moyenne de l'axe de Vénus entre la plus petite de 75 degrés, & la plus grande de 90 degrés, eft un peu plus grande CELESTE,. Prix de 1734. ;5 que de 80 degrés ; mais un peu moindre que de 81 degrés. C’eft beaucoup que nos principes nous ayent mené à une fi grande précifion , dans un cas où l'inclinaifon de l'axe eft variable dans chaque révolution annuelle , ce qui eftun phénomene étrange, & tout particulier à Vénus; les autres Planeres, she je fçache;, ne changeant point fenfiblement d'inclinaifon de leurs axes, pendant leur cours autour du Soleil ; fi ce n’eft peut-être cette petite nutation ou libration , s’il yen a une, dont parle M. New- ton, mais qui eft fi infenfible, qu'elle ne mérite point d'attention. $. LXIII. Dans cette recherche ; on a fuppofé que la matiére qui com- pofe le globe d’une Planete , eft uniformément denfe par toute fon étenduë , ou que tous les corps particuliers , qui, pris enfem- ble , font le total , font homogenes ; mais comme l'expérience fait voir que le globe terreftre que nous habitons , eft compofé d’une infinité de parties hétérogenes , plus ou moins denfes Îés unes que les autres, felon leur différente nature, il eft bien à pré- fumer qu'il en eft de même dans les autres Planetes, quoiqu'il y en ait peut-être où la diverfité n’eft pas fi confidérable , ou dont les parties hétérogenes font arrangées autour du centre, d’une telle maniére que le total fera le même effet par une eff pece de compenfation du plus & du moins, que s’il étoit unifot- mément denfe : dans un tel cas , notre regle ne s’écarteroit pas beaucoup de la vérité du fait. Quant au refte, fi les parties hétérogenes d’une Planete font trop inégalement diftribuées autour du centre du globe, en forte que le centre de gravité, que je nommerois plutôt le centre d’i- nertie, de toute la mañle, différe beaucoup du centre de figure , je dis que c’eft juftement cette inégale diftribution , qui eft la caufe de l’obliquité de l'axe de rotation , ou qui fait pencher cet axe fur le plan de fon orbite ; voici la maniere dont je conçois la chofe, $. LXIV. J'ai déja démontré que dans ce fyftéme , aufli-bien que dans celui de M. Newton, les orbites des Planetes doivent être des ellipfes quiont leur foyer dans le centre du Soleil , vers lequel tendent direétement les filets du Torrent central; il eft vifible F6 NOUVELLE. PHYSIQUE que la direétion des filets qui donnent furune Planete , ef fituée toujours füur le plan de fon orbite; il fera donc fon eflort pour faire tourner là Planete fur une ligne droite , qui pafle par fon centre perpendiculairement au plan de l'orbite ; c’eft pourquoi fi le globe de la Planete fe trouve dans une entiére indifférence d’obéir au mouvement rotatif en telle ou telle direétion , felon qu'il eft frappé , il faut de néceffité que cette ligne droite devien« ne effectivement l’axe de rotation. Or cette différence fe trouve, lorfque le centre de gravité ou d'inertie eft dans le centre même du globe, ce qui peut arriveren deux maniéres ; fçavoir 1°. quand la matiére du globe eft réelle- ment homogene , ou uniformément denfe ; 2°. quand fes parties, quoique non uniformément denfes, font tellement diftribuées que leur commun centre d’inertie tombe dans le centre du glo- be, comme, par exemple, quand on conçoit le globe compofé de couches , dont chacune foit d’une denfité uniforme, mais de différente denfité entre elles. Mais fi le centre d'inertie eft éloi- gné du centre de figure ou du globe, alors cette indifférence au mouvementwsotatif n’a plus lieu , étant fenfible par les loix de la Méchanique, qu'il y a plus de facilité à tourner un globe, de façon que fon centre d'inertie demeure immobile pendant le tournoyement , qu'il n’y en a lorfqu’on le veut tourner dans un autre fens , qui ne fe peut faire fans mouvoir le centre d'inertie, parce que de cette maniére n’y ayant plus d’équilibre entre les inerties partiales , on eft obligé de vaincre l’inertie totale dela maffe , ce qui demande plus de force à mefüure que le centre d'i- nertie fait plus de chemin par la rotation. $. LX V. Cela bien entendu , confidérons la Planete comme n'ayant point encore de rotation ; mais prête à la fubir par l’impreflion du Torrent:je conçois le diametre tiré par les deux centres, d'inertie & de figure ; fi ce diametre par un coup de hafard fe trouve per- pendiculaire fur le plan de l'orbite, il eft évident que la rotation commencera à fe faire autour de ce diametre, qui enfile les deux centres, qui fera par conféquent l’axe de rotation, parce que de cette maniére le mouvement ne rencontre nulle oppofition de la part du centre d'inertie , qui étant dans l’axe même, demeuré immobile ; mais fi le diametre qui pafle par les deux centres , eft oblique CELEST E. Prix de 1734. s7 oblique au plan de l'orbite , alors l'impreflion du Totrent ne tournera plus le globe autour de la ligne perpendiculaire fur le plan de l'orbite, à caufe de l’obftacie que lui oppofe l'inertie totale de la mañle. Cet obftacle devroit être vaincu , pour met- tre aufli le centre d'inertie en mouvemént de rotation , ce qui ne pouvant pas fe faire aifément, & fans quelque perte de la force du Torrent, la rotation changera plutôt de direction , en évitant, autant qu'il eft poffible, la difficulté de faire tourner le centre d'inertie; je veux dire que le globe fe prêtant à la plus facile détermination , tournera , ou exattement, ou peu s’en faut ; fur le diametre qui pafle par les deux centres, qui fera par cela même l'axe de rotation. La fituation oblique de cet axe, que le hafard lui a une fois donnée , doit enfuite fe conferver toujours , parce que le corps planetaire étant conftamment dans fon équilibre par la force centrifuge contre-balancée par la gravitation caufée par l'im- pulfon du Torrent, l’axe de rotation ne peut que garder fon parallelifme , d’où il ne fortiroit jamais s’il n’en étoit détourné infenfiblement par une caufe étrangére , dont nous parlerons dans la fuite, qui fait qu'après un grand nombre de révolutions autour du Soleil , le changement de fituation devient un peu fenfble , en forte que l’axe prolongé jufqu’aux étoiles fixes , fon extrémité , ou le pole de l’équateur, paroît décrire un petit cer- cle autour du pole de l’écliptique, qui fe fait dans le ciel, en étendant par la penfée Le plan de l'orbite jufqu’au firmament. 6 EXVEL Après cette longue déduétion, on ne peutplus demander dans notre fyftéme , pourquoi le mouvement diurne ou de rotation fe fait, ni pourquoi il fe fait felon la même direétion dans la par- tie fupérieure de la Planete ; felon laquelle fe fait fon mouve- ment périodique autour du Soleil. Les difficultés qui fe préfen- tent à cet égard dans l’hypothéfe des attraétions , font entiére- ment levées par l’a@tion du Torrent, plus forte fur l'hémifphére antérieur qui va au-devant de fon aëtion, que fur le poftérieur ui la fuit. On peut former une autre demande dans le fyftême de M. Newton , pour le moins aufli importante que la premiére , qui Tome IIT, 53 NOUVELLE PHYSIQUE eft que l’hypothéfe des attraétions étant jointe à celle du grand vuide , on eft en droit de demander pourquoi l'orbite de chaque Planete change infenfiblement de place, en tournant d’un mou- vement très-lent & uniforme autour de fon foyer qui eft dans le centre du Soleil, & pourquoi ce mouvementfe fait aufli d'Oc- cident en Orient, ce qui caufe qu'après une longue fuite d’an- nées on remarque que les apfides s’avancent un peu vers l'O- rient. L'exiftence du vuide fuppofée , & les forces centrales en raifon inverfe doublée des diftances, exigent néceffairement ue les orbites foient des courbes rentrantes en elles-mêmes, w’elles foient des ellipfes parfaites , dont l’axe ou la ligne des apfides foit abfolument immobile. Il eft vrai que pour rendre raifon de leur mobilité, M. Newton a recours aux influences que les Planetes ont les unes fur les autres par leurs attrations mutuelles , par lefquelles il croit devoir arriver que la régula- rité de leur mouvement fe trouble, & que par-là les aphélies deviennent mobiles : mais on a démontré ailleurs l’infuffifance & la foibleffe de cette raïifon , puifqu'on a fait voir que , par exemple, Jupiter , qui, par fa groffeur , doit exercer le plus de force d'attraction fur une autre Planete, devroittantôtavancer, tantôt faire reculer l’aphélie de celle-ci , felon que l’un ou l’au- tre précéde , bien loin de produire un mouvement toujours en avant , égal & uniforme. $. LXVII. Notre théorie nous fournit une explication de ce phénome- ne très-fimple & très-naturelle, quoique différente de celle qu'on a donnée dans une autre occafion; voici cette nouvelle explication , tirée des principes établis dans ce difcours. Nous avons vû ci-deflus , que le grand Tourbillon folaire eft d’une nature à ne point faire de réfiftance aux corps céleftes , qui puiffe être tant foit peu fenfible en plufieurs milliers d’années ; que fa circulation d'Occident en Orient doit être tranquille & uifor- me dans chaque couche; & que la vîtefle de cette circulation eft 230 fois moins grande, qu’on ne la doit fuppofer dans le fy- féme de Defcartes, qui veut que la Planete qui y nage n'ait point d'autre mouvement autour du Soleil, que celui qu'elle emprunte de la matiére du Tourbillon qui l'emporte, au lieu CELESTE, Prix de 1724: ss que ; felon M. Newton, & felon mes principes , le mouve- ment annuel de la Planete n’a pas fon origine de celui du Tour: billon, mais qu'il lui aété primitivement imprimé, en forte que l'origine eftintrinfeque, & indépendante de toute autre caufe que de la premiére , tout aufli-bien que les Cartéfiens rigides font obligés de reconnoître que la circulation tant du Soleil, que celle du Tourbillon autour d’un centre commun, tirent immédiatement leur origine de la premiére caufe, je veuxdire, de l’Auteur du premier mouvement. De plus , nous avons vü($. L11. & fuiv.) que, quoique le Tourbillon n’ait pas affez de force pour augmenter ou diminuer fenfiblement les vitefles des Planetes fur leurs orbites , que de- mande la régle de Kepler, il en a pourtant affez pour caufer quelque changement dans leurs direétions, jufques-là même que les orbites ayant eu au commencement leurs pofitions fur différens plans, fans ordre & fans régularité , Les direétions de leurs cours , & par-là les pofitions de leurs orbes fe font rangées peu à peu par le mouvement du grand Tourbillon , dans l’efpace du Zodiaque. Après donc que le plan d’une orbite a été réduit ainf dans fa fituation convenable & permanente , la Planete continueroit éternellement à décrire la même orbite ; & repaf. feroit dans chaque révolution par les mêmes apfides , tout com- me dans le vuide parfait , fcavoir fi le T'ourbillon venoit à cefler de fe mouvoir. Mais comme il circule toujours d'Occident en Orient , &ne ceffe jamais ; fon effet fera non pas de changer la viteffe fenfible de la Planete , mais au moins d’en faire anticiper un peu la di- reCtion en chaque point de l'orbite ; d’où il s'enfuit vifiblement que l'orbite elle-même paroïtra circuler d'un mouvement uni- forme , mais très-lent, autour de fon foyer, & tranfporter par conféquent les apfides avec la même lenteuruniforme , & dans la même direttion d'Occident en Orient. Voilà une explication, ce me femble , bien fimple & pas moins claire, d'un phénomene ; qui , par fon importance , fut trouvé digne par lilluftte Académie d'être propofé pour le fujet du Prix de 1730. Hi 60 NOUVELLE PHYSIQUE OQU,A TR LE ME, PARTIE. $. L'X VIII. Useu’rc1 j'ai traité des principaux phénomenes , que l’Af J tronomie moderne a obfervés avec Le plus d’exaétitude & d'application. Les raifons phyfiques que j'ai tirées de mathéo- rie pour expliquer ces faits, me paroiffent telles, qu’on Les pour- ra envifager pour le moins comme des conjeëtures très-proba- bles , fur-tout à caufe de la fimplicité & de la clarté des princi- pes für lefquels j'ai bâti mon fyftéme. Je foûmets cependant le tout à la décifion de mes Juges fages & éclairés, accoutumés à ne prononcer leur fentence qu’en faveur de la folidité du raifon- nement. | Il eft tems préfentement , que je tâche de fatisfaire auffi à la Queftion quirevient fur le tapis , à caufe que felon ce qu'infi- nue le Programme publié pour l’année 1734, on n’a rien trou- vé dans les pieces qui ont été envoyées la premiére fois, d’affez précis ni d’aflez clair fur le fujet en queftion, & que c’eft pour cela qu’on n’a pas cru devoir adjuger le prix ; mais qu’une ma- tiére aufli importante pour l’Aftronomie phyfique étant très-di- gne d’être approfondie , l’illuftre Académie a jugé qu'il étoit utile de propofer de nouveau le même fujet pour l’année 1734, en y attachant un prix double de l'ordinaire. Cette générofité & louable attention pour le bien public, doit exciter les Sçavans, & particuliérement ceux, qui, portés par eux-mêmes pour l’a- vancement des Sciences, ont toujours tâché d’y contribuer , indépendamment même du profit qui leur en pourroit revenir: Animéde cet efprit, je vais produire mes penfées fur /a caufe thyfique de l'inclinaifon des plans des orbites des Planetes par rap- port au plan de l'équateur & de la révolution du Soleil autour de {on axe ; & indiquer enfuite, d’où vient que les inclinai[ons de ces vrbi- tes font différentes entre elles. Ce font là les propres termes dans lefquels la Queftion eft propofée. Je me flatte que la folution que j'en donnerai, fera d’autant plus goûtée, qu'elle a une liai- fon parfaite avec les principes de ma théorie. 1 CELESTE. Prix de 1734. ét Auffi eft-ce dans cette feule vüe que j'ai communiqué un peu au long cette théorie, afin qu'on ne trouve pas étrange que je m'y fois étendu à expliquer des faits aftronomiques , qui fem- blent avoir peu de connexion avec le fujet dont il s’agit préfen- tement. Sion veut examiner une partie d'un édifice , on fait bien de contempler auparavant tout l'édifice en fon entier, & en- fuite les parties féparément , pour juger fi celle dont il s’agit eft dans l'ordre & dans la fymmetrie avec les autres ; c’eft en quoi confifte la beauté de tout l'édifice : ainfi je crois n'avoir pas mal fait d’avoir expofé à la vûe ur'fyféme avec les principales parti- cularités qui en rehauffent le prix : outre que les œuvres furé- rogatoires, comme je penfe, ne font pas défagréables , lorf- qu'elles donnent un luftre au devoir effentiel. EST Pour en venir donc à la Queftion propofée : elle confifte en deux parties. On demande 1°. la caufe phyfique des inclinaifons des orbites ; 2°. la raifon dela diverfité de ces inclinaifons. Il n'y a qu'à bien fatisfaire à la premiére partie par une réponfe conve- bte > on verra que la réponfe à la feconde s’enfuivra d’elle- même. | A cette fin, je prie mon leéteur de prêter le plus d'attention à mes raifonnements fur le premier de ces deux points, cornme fur le plus effentiel , & de fe fouvenir avant toutes chofes, dela nature du T'ourbillon folaire , auquel j'ai attribué, par de bonnes raifons , une vitefle 230 fois plus petite qu'on ne la fuppofe dans le fyftéme Cartéfien, & avec cela, une forcetrès-infenfible de réfifter , ou de diminuer la vitefle des Planetes, À caufe que la plus grande partie de la matiére du T'ourbillon eft un liquide parfait , divifé aétuellement à l'infini & fans borne , ou plutôt n'ayant point de parties élémentaires fans divifion ( $. x. & fuiv.) par conféquent incapables de faire la moindre réfiffance aux Corps qui S'y meuvent; mais que le refte dela matiére, fcavoir les globules céleftes, qui entrent pour une très-petite partie dans la compofition du T'ourbillon , font d’une rareté extrême, je veux dire, fi difperfés par tout-le vafte océan du T'outbillon , que les corps énormes des Plänetes y paffent librementcomme dans un vuide parfait ; avec les viteffes qu'ils doivent acquérir : H ii ‘ 62 NOUVELLE PHYSIQUE dans Les divers endroits de leurs orbes elliptiques en vertu de la regle de Kepler. Cependant fi la réfiflance de cette matiére doit être comptée pour rien , nous avons démontré qu'il n'en eft pas de même du changement de direction que doiventfubir les Planetes fur leurs routes , felon là diverfité des circonftances, quoique fans rien pefdre de leur viteffe. ( $. Lrr. & Lnr. ) Or c’eft ce changement de direttion , provenant de l’oppofition des globules céleftes, qui peut devenir fenfible , & même confidérable par la longueur du tems , pour faire que les plans des orbites, après avoir été réduits dans une fituation permanente, comme je l'ai expliqué ci-deflus, ne fe trouvent pas précifément dans le plan commun de l’équateur du Tourbillon , mais qu'ils s’en écartent , en forte que les orbites couperont cet équateur fous des angles plus ou moins grands , felon la diverfe conftitution des Planetes, c’eft ce que je me mets en devoir d'expliquer plus amplement & en détail. $. LXX. D'abord je me figure que Le plan de l’équateur du grand Tour: billon n’eft point différent de celui de l’équateur du Soleil mé- me. Je regarde le Soleil & fon Tourbillon comme un tout, dont celui-ci eft, pour ainfi dire, la continuation de celui-là ; de forte que le Soleil ayant reçu une fois fon mouvement de circulation autour d’un axe, ce mouvement a été communiqué peu à peu à la matiére qui l’environne, & forme préfentement fon T'ourbillon , dont la circulation ne fait que fuivre celle du Soleil dans la même direétion d'Occident en Orient, & partant autour dû même axe , mais avec plus de vireffe dans les couches plus voifines que dans les éloignées , jufqu’à ce que ces diffé- rentes vitelles foient enfin parvenues à l'état d’uniformité , fça- voir chacune convenable à la diftance au Soleil , telle que la demandoient les loix de la Méchanique dans la formation d’un T'ourbillon , comme on l’a démontré autrefois. C'eft-là l’idée la plus fimple & la plus naturelle qu'on puiffe avoir au fujet de la formation & du mouvement d’un Tourbil- lon ; car quelle contrainte ne faut-il pas fe donner pour s’imagi- ner avec les Cartéfiensoutrés, que la premiére couchedu T'our- billon folaire faffe fa circulation 230 fois plus rapidement que CELESTE. Prix de 1734. 62 la furface du Soleil, à laquelle la premiére couche eft contiguë ? & quelle peine n’a-t-on pas aufli à concevoir que le Tourbillon particulier terreftre dans fa plus bafle région contiguë à la furfa- ce de la Terre, circule 17 fois plus vite que ne fait la Terre elle- même par fon mouvement diurne ? c’eft pourtant ce qu'il faut dire, fi on veut foûtenir que les Planetes autour du Soleil , & la Lune autour de la Terre empruntent leur mouvement de celui des Tourbillons par lefquels on prétend que ces corps cé- leftes font entraînés. Ne feroit-on pas fondé à demander pourquoi à l’endroit où le Tourbillon folaire touche le Soleil , & où le terreftre touche la Terre, les deux mouvemens ne fe confondent pas enfin , ou ne fe conforment pas l’un à l’autre ? Quelle caufe pourroit-on inventer , qui entretint cette grande inégalité de vitefle de deux matiéres fluides , qui fe frotteroient continuellement, fans qu'il en réfulrât le moindre retardement dans la plus vite , ni d’accé- lération dans la plus lente ? Le bon fens n’en eft-il pas choqué ? Notre hypothéfe remédie à tous ces inconvénients : ainfi con- tinuons à nous en fervir pour Fexplication du fait en queñtion, d'une maniére qui en rende la caufe précife & claire, telle qu’on la demande. $& LXXE On m’accordera donc , puifque j'ai fait voir que cela conve- noit mieux à la fimplicité de la Nature, que le mouvement du T'ourbillon eft la produétion de celui du Soleil ; ou plutôt que celui-là n’eft autre chofe que la continuation de celui-ci; d’où il fuit qu'il ne fe fait point de faut fubit de la vitefle de l’un à la vitefle de l’autre , mais que déja depuis le centre, la diminu- tion de vitefle circulante fe fait graduellement vers la circon- férence , fuivant la loi d’un Fourbillon , au moins jufqu’à une vafte diftance au-deflus de la région des Planetes; que par con- féquent toutes fes parties fans exception, circulent autour d’un même axe , qui eft celui du Soleil ; ce font donc les mêmes po- les & le même plan des équateurs de toutes les couches qui compofent le Tourbillon : car quelle raifon auroit-on de croi- re, comme quelques-uns fe le 4: imaginé , que les couches à différentes diftances changent de direction dans leur circula- ton? il n'ya là aucune caufe phyfque à alléguer, quifoitfolide. 64 NOUVELLE. PHYSIQUE Je me fonde toujours fur la fimplicité , & tiens pour un principe général, qu'il ne faut jamais s’en écarter fans une extrême nécef- lité. - Cela étant, je vois avec une entiére évidence , qu'après que les Planetes ont une fois acquis la direétion permanente, de la maniére que je l'ai expliqué, cette direction devroit être exac- tement conforme à celle du Tourbillon, puifque celle-ci a pro- duit l’autre, cela veut dire que toutes les orbites devroient fe trouver parfaitement fur le plan commun de l'équateur du So- leil & du T'ourbillon : cependant les obfervations font connoi- tre qu’elles s’en écartent un peu , & que leurs plans coupent le plan de l’équateur folaire en différents endroits, & fous diffé- rents angles , dont le plus grand monte à 7° 30’, qui eft celui que fait l'orbite de la Terre. Cette déviation m'a donc fait juger que fa principale caufe ne doitpas être cherchée uniquement dans la matiére du Tour- billon qui environne immédiatement la Planete par un contaét immédiat, & qui devroit plutôt, comme nous l'avons vü , l’en- tretenir dans le mouvement commun fur le plan de l'équa- teur. Mais faut-il peut-être recourir à une autre caufe , qui agile de loin fur la Planete, pour la détourner de la direétion du Toutbillon, felon le fentiment de Kepler, & de quelques autres après lui, qui ont introduit une efpece de magnétifme immatériel émanant du Soleil, & capable de changer la fitua- tion & le cours des Planetes ? mais cette vifion, qui ne vaut pas plus que les attrations , eft aufli obfcure que les qualités occultes. N'allons donc pas fi loin, & cherchons la véritable caufe de notre phénomene dans le corps même de la Planete ; on l'y trouvera fürement , d’autant plus recevable , qu’elle ne déve- loppe pas feulement le fait , mais auffi les circonftances qui l’ac- compagnent indiquées par les obfervations les plus exaétes ; marque indubitable qu’il y a ici quelque chofe de plus qu'une fimple conjeëture plaufible. $. LXXIL Je commence par examiner ce qui atrivetoit au mouvement annuel d’une Planete , en fuppofant que fa figure eft une fphére parfaite. CELESTE. Prix de 1734. $ parfaite. Je vois qu’un tel corps a une entiére indifférence à obéir avec une égale facilité en telle ou telle dire@ion que Je fluide ambiant lui imprime. Or, comme je l'ai déja dit plus d’une fois, le Tourbillon, quoiqu'il n’ait pas de force fufifante pour chan- ger fenfiblement les vitefles des corps céleftes, ne laifle pasd’en difpofer les direétions ( fi elles font d’abord différentes de la fienne ) qu’elles deviennent peu à peu conformes à la direétion commune de toutes les parties du T'ourbillon. I ne faut donc pas douter qu’une Planete parfaitement fphé- rique (s’il y en avoit) ne demeurât continuellement dans le plan de l'équateur folaire ; dont elle ne s’écarteroit jamais , en forte que le plan de cet équateur & celui de l'orbite planetaire ne fe- roient point d'angle , & ne feroient qu'un même plan : cela me paroit clair , fans autre explication plus ample. $. LX XIII. Mais on fçait aujourd’hui que les corps des Planetes n'ont pas la figure d’un globe parfait. Quant à la Terre, il y a des Philo- fophes qui lui attribuent la figure d’un fphéroïde allongé vers les poles ; au contraire, M" Newton, Huguens & d’autres, difent qu'elle eft un fphéroïde applati. On convient généralement par les obfervations, que l’axe de Jupiter eft plus petit que le dia- metre de fon équateur, en raifon environ de 12 à 13. 11 n'ya pas à douter , en réfléchiffant fur les caufes phyfiques qu'on al- legue de part & d’autre , qu'une telle inégalité de diametres plus ou moins grande, ne fe trouve auffi dans la figure des au- tres Planetes. Je fuis donc en droit de demander qu'on m'accorde que les Planetes font des fphéroïdes : & je démontrerai que cette figure fuppofée emporte néceffairement , que 1°. les Planetes ne peu- vent pas fe mouvoir exaétement fur la direétion du T'ourbillon ; je veux dire, que les plans de leurs orbites feront difiérens du plan de l’équateur folaire, qui eft aufli celui du T'ourbillon , & que c’eft dans cette différente polition que confifte l’inclinaifon des orbites par rapport au plan de l'équateur folaire : que 2°. cette inclinaifon fera plus ou moins grande , felon que le fphé- roïde différe plus ou moinsd’une fphére parfaite. Ces deux points démontrés , formeront la réponfe à Ja premiére & à la feconde partie de la Queftion. Tome IIL, : J 66 NOUVELLE PHYSIQUE $. LXXI V. LA Je dis donc que l’une & l’autre efpece de fphéroïde , tant applati qu'allongé, doit caufer que la direétion du mouvement de la Planete fe détourne de la route qu’elle prendroit fur le plan commun de l'équateur folaire, fi la Planete étoir une fphé- re ; avec cette différence, que les nœuds de ces deux fphéroï- des fur l'équateur du Soleil feront de noms contraires , je veux dire, que là où fe fera le nœud afcendant ou Boreal dans le cas du fphéroïde applati , il deviendra nœud defcendant ou Auftral , fi on fuppofe que c’eft un fphéroïde allongé , & ré- ciproquement le nœud defcendant du fphéroïde applati fe change en afcendant pour le fphéroïde allongé : j'en donne l'explication tirée de la navigation. On fçait que les vaiffeaux pouffés obliquement par le vent, au lieu d’aller dans la direëtion de la Ati en font infenfible- ment détournés en prenant une autre route , dont la direëtion fait, avec celle de la quille , un angle que les Marins appellent la dérive du vaiffeau. La nature & la caufe de cet effet eft connuë & traitée ample- ment dans la manœuvre des vaïfleaux : c’eft que fi le corps du vaifleau avoit la figure d’un cercle ou d’une fphére , par confé- quent indifférente à fe mouvoir avec une égale facilité en tout fens, il iroit fans doute , abandonné à lui-même , dans la direc- tion que lui donneroit la ligne moyenne de la force mouvante, & cette direétion pourroit pañler aufli pour celle de la quille, puifque chaque diametre la pourroit être : tout au contraire , un vaifleau fort long, mais infiniment peu large, fuivroit conftam- ment la direétion de fa Jongueur ou de fa quille , quelle que fût l'obliquité de la direétion de la force mouvante. Car un tel vaiffeau ne trouvant point de réfiftance fenfible à la prouë , & toute la force de l’eau donnant fur le côté , il eft vifible qu'il doit fe mouvoir exaétement fur la direétion de la quille fans la moindre dérive. Mais comme il eft impofible dans la ftruéture des vaiffeaux, de faire en forte que la prouë ne fouffre dans le fillage, quelque réfiftance que l’eau luioppofe; cela ef la caufe que le vaifleau eft obligé de prendre une route moyenne entre la direction de la quille & celle de la force mouvante ; c’eft-à- CELESTE,. Prix de 1734. dire, de fubir une dérive plus ou moins grande, felon que Ia réfiftance de l’eau contre la prouë eft plus où moins fenfible. Je dis donc qu'il fe fait la mème chofe dans le mouvement des Planetes, lorfqu'’elles n’ont pas la figure d’une fphére exaéte : ainfi il me fera permis d’y faire l'application, dont le réfultat montrera combien mes raifonnements font conformes aux ob- fervations faites fur cette matiére. 1 XIV: Soit GCune portion de l’équateur du Tourbillon, & fuppo- fons d’abord qu'une Planete BLAE ait fon centre C fer la ligne GC, avec un mouvement de G vers C. Je vois clairement , que fi la Planete étoit une fphére parfaite, elle continueroit fon mouvement fur la même ligne de C vers VW, nonobftant l’op- pofition de la matiére du Tourbillon comprife entre les tangen- tes extrêmes ML , SR paralleles à GC : car cette oppofition qui n'auroit pas de force pour diminuer fenfiblement la viteffe de La Planete , n’en a pas non plus pour changer la direétion du mou- vement ; parce que les deux arcs OBM, OES , étant en ce cas deux quarts-de-cercle d’une fituation femblable au-deflus & au- deffous de CO , ileft évident que pour chaque filet tel que TF, contre lequel donne l'arc fupérieur OBM , & qui feroit impref- fion fuivant Fe perpendiculaire à la courbe, il y a un autre filet femblable , qui donne fur l'arc inférieur, & qui fait une pareille impreflion , mais de bas en haut , au lieu que le pre- mier l’a fait dehauten bas; en forte que toutes ces impreflions fe trouvant en équilibre par rapport à la direétion GC, la Plane- te continuera toujours à fe mouvoir fur cette direction, & n'en fera jamais détournée. XVI. Si le corps planetaire BD/4E eftun fphéroïde , foit applati ou ällongé , mais dont l'axe de rotation ou du mouvement diur- ne BA eft exattement perpendiculaire fur GC, ou fur le plan de l'équateur du Tourbillon, de forte que l'équateur DE dela Pla- nete, & celui du Tourbillon GC ; ne font que fur un même plan; alors le point E tombant fur O , les oppofitions de la part du fluide contre EB & E À font encore femblables & égales, d'où il fuit auffi que la direction du centre Cfuivant GC, ne fera point changée. Donc une Planete fphéroïdique, qui auroit fon axe de Ii s Fig. 2.& 3. Fig. 2. 63 NOUVELLE PHYSIQUE rotation perpendiculairement érigé fur le plan de l'équateur {olaire , ne fortiroit jamais de ce plan, c’eft-à-dire , que le plan de l'orbite planetaire & le plan sh l'équateur du Soleil ne fe- roient point d'angle. Voilà les deux cas uniques où il n’y auroit point d’inclinaifon. SL XX I L Mais confidérons préfentement la Planete comme ayanc la figure d’un fphéroïde applati, dont l'axe de rotation BA foit oblique fur la direction GC, que je regarde toujours comme une partie de l'équateur du Tourbillon ; & voyons fi la Planete pourra fe foûtenir fur la diredion GC, ou fi elle fera obligée de s’en écarter peu à peu pour prendre une autre route ge. Pour cette fin, foit le point 7” le plus avant vers le côté où va la Pla- nete, par lequel fi on conçoit tirée la tangente HYT, cette tangente fera perpendiculaire aux direttions ML, ON, SR, & le point d’attouchement /” fera au-deffous de la direétion GCN ; tellement que l'arc total MOS expofé à l’aétion des filets du fluide compris entre ML & SR, eft partagé en deux parties inégales VOM, V'ES, dont la plus grande Ÿ’O M recoit auf le plus grand nombre de filets, qui confpirent tous à pouffer la planete obliquement de haut en bas, & la moindre partie ES recoit le plus petit nombre de ces filets , qui agiffent conjointe- ment fur la Planete pour la repouffer obliquement de bas en haut. Donc ces deux forces fur /’BM & V’ES étantinégales, la plus petite cedera à la plus grande ; d’où il fuit que le centre C quit- tera la direction GC, & en fuivra une autre g « au-deflous de la premiére. Ce qui arrive déja dès-lors que Fangle BCO com- mence à dévenir aigu : car il faut confidérer que cet angle BCO, que fait l'axe de rotation BC, toujours parallele à lui-même, avec la dire&tion CO , toujours dans une autre pofition, change continuellement de grandeur, comme nous le verrons ci-après plus particuliérement. $ LX XVIII. Si nous fuppofons maintenant le cas où la Planete, après avoir fait le demi-tour depuis un des nœuds jufqu’a l’autre, fe meut dans un fens contraire au premier , fçavoir de C vers G, en forte que l’angle BCG foit obtus, on voit évidemment que la plus forte imprellion du fluide du Tourbillon, qui fe déploie CÉLESTE, Prix de 1734. 69 fur la partie découverte MD AS, vient de bas en haut, & dé- tournera par conféquent le centre C de la direétion CG, pour lui faire prendre la direétion «y au-deflus de CG , ce qui arrive auffi d’abord que l’angle BCG commence à devenir obtus. 11 eft à remarquer que les deux points d’interfe@tion , où les deux lignes cg , 7 c coupent la ligne CG prolongée de part & d'autre , repréfenteront les deux nœuds de la Planete, fcavoir, la premiére interfe&tion donnera le nœud auftral , & la feconde le nœud boreal. Il refte à expliquer l’effet que produira l’oppofition du fluide du Tourbillon contre une Planete qui auroit la figure d’un fphé- roïde allongé , d’où nous verrons que cet eflet fera renverfé par rapport au premier , dans l’ordre du mouvement de la Planete fur fon orbite, je veux dire, que le nœud defcendant ou auftral fe change ici en boreal ; & réciproquement le boreal en aufiral. $. L XXI X. Soit donc une Planete en forme de fphéroïde oblong BD AE; Faxe de rotation BA plus grand que le diametre de fon équa- teur DE ; fon pole boreal B, & auftral 4 ; le centre C. Soient tirées toutes les autres lignes comme dans la figure précédente; nous voyons d’abord que le point d’attouchement #”, qui parta- ge l’arc MIS expofé à la preflion du fluide contenu entre les filets extrêmes LM, RS, eft au-deffus de la direétion de l’équa- teur du Tourbillon : c’eft pour cela que la preflion exercée fur la partie inférieure ES, dont la direétion moyenne va de bas en haut, eft prévalente à celle qui s'exerce fur la fupérieure V’BM , dont la moyenne direétion tend de haut en bas. Ainfi le centre C'ne pouvant pas fe foûtenir fur la direétion GC, en fera dét é vers le fupérieur c , & fuivra la route g c au-deffus de GC. Et comme cette inégale preflion , dont Finférieure eft la plus forte, commence dès que l'angle BCO devient aigu, on voit que CG, cg prolongées, doivent fe couper du côté de G , g, d'où la Planete vient, & que par conféquent le point d'interfeétion fera le nœud boreal, puifque ce fera dans ce point, comme nous le verrons, que l’angle BCO étant droit, va deve- nir aigus Li, Fig. 32 70 NOUVELLE PHYSIQUE $. LXX X. Mais au contraire , fi tout le refte demeurant le même, on fuppofe le cas où la Planete fe meut de C'vers G, & où l'angle BCG eft obtus ; on prouve par un raïifonnement femblable à celui que nous avons fait dans le $. Lxxvi11. que la Planete fera obligée de defcendre vers le pole auftral du T ourbillon, & que fon centre décrira la route 3 , qui étant prolongée du côté d'où elle vient , coupera GC dans un point vers W ; qui fera le nœud Auftral. Car ce fera ici où l'angle BCG , de droit qu'il eft, com- mence à fe changer en angle obtus. Il faut remarquer pour l’une & l’autre efpece de fphéroïdes , que l'axe de rotation étant incliné fur le plan de l'orbite, il ar- rive deux fois dans chaque révolution annuelle, que les angles GCB & BCO deviennent droits, je veux dire , que la direction du centre de la Planete foit perpendiculaire à la pofition de l'axe BA, fçavoir , une fois lorfque la Planete parvient à l’en- droit de fon orbite , où fon axe de rotation prolongé rencontre ou coupe l'axe de l'équateur folaire vers Le pole Boreal , &une fois encore lorfqu’après une demi-révolution ces deux axes pro- longés fe rencontrent vers le pole Auftral. SEX ICI C’eft donc dans ces deux points que les angles BCG, BCO font droits ; ils font par conféquent comme le paffage où la di- retion de l’action du fluide fur la furface du fphéroïde change d’obliquité , & fait que la partie qui donnoit plus de prife à cet- te action, commence à devenir celle qui en donne moins, & réciproquement la partie qui y étoit moins expofée, va l’étre plus que l’autre : cela eft évident , en faifant attention au paral- lelifme que l’axe de rotation conferve pendant fa évolution autour du Soleil. De-là il paroît que les nœuds des Planetes à l'égard de l’é- quateur du Soleil fe trouvent dans les points où les Planetes parviennent à leurs folftices ; puifque c’eft vifiblement dans ces points ; que l’axe du Tourbillon & l'axe de rotation d’une Pla- nete font dans un même plan, & que les angles BCG, ECO de- viennent droits : en confidérant au moins l'orbite de la Planete comme un cercle parfait ; dont le centre feroit dans celui du CELESTE,. Prix de 1734. 71 Tourbillon; mais étant véritablement une Ellipfe, quoique fort approchante du cercle, nous verrons plus bas que cela fera que les nœuds feront un peu éloignés des points folfitiaux. £ EKXXIT Jufqu'’ici nous avons confidéré le mouvement de la Planete comme fe faifant dans un fluide calme & en repos, dont la feule oppofition doit la faire écarter de la direétion qu’elle auroit fi elle étoit parfaitement ronde, ou fi fon mouvement fe faifoit dans le vuide ; de la même maniére que les vaiffeaux foufirent une dérive , lorfque la tendance de leur route n’eft pas directe- ment oppofée à la direétion moyenne de la réfiftance de l’eau: tellement que le lieu d’un vaïffeau s'éloigne de plus en plûs de l'endroit où il fe trouveroïit , fi on pouvoit éviter la caufe de la dérive. Mais puifque le fluide du T'ourbillon a lui-même un mouve- ment, quoique 230 fois plus lent que celui de la Planete, qui fe fait de même côté d'Occident en Orient, & dont j'ai démon- tré que l'effet eft de la diriger infenfiblement à prendre une con- formité de direétion commune dans le plan de l'équateur folai- re , il eft fenfible que plus la Planete s’écarte de cette direction à caufe de l'inégalité de preflion qu’elle rencontre par-devant, lus aufli fera-t-elle obligée par cette autre caufe , de regagner le deflus , & de fe rapprocher de l'équateur du Tourbillon. La premiere de ces deux caufes , qui depend de l’inclinaifon de l’axe BA de la Planete fur la direétion de fa route, va en augmentant depuis le moment que les angles BCG, BCO font devenus droits , jufqu’à ce qu'ils deviennent le plus inégaux qu'ils peuvent , l’un devenant le plus obtus & l’autre le plus ai- gu , autant que l’autre caufe , qui cherche à redrefler la dérive, le leur permet ; c’eft-à-dire , depuis le nœud jufqu’à la limite de la Planete , ou depuis l’interfection de l'équateur & de l’or- bite, jufqu’au point de leur plus grand éloignement. Ce point pafé , le parallelifme de l’axe BA fait que les angles BCG ; ECO fe rapprochent chacun de l'angle droit, par où il arrive que l'inégalité de preflion du fluide contre les deux par- ties 7’BM , ES diminue, pendant que l’autre aétion tend con- tinuellement à remettre la Planete fur la direétion du fluide ; elle fera donc repouffée en chemin faifant vers Le plan de l’équa- 72 NOUVELLE PHYSIQUE teur folaire , qu'elle.traverfera dans le nœud oppofé, où dere- chef l'axe BA eft perpendiculaire à la direétion du mouvement de la Planete fur fon orbite; par conféquent nulle inégalité d'impreffion du fluide contre les deux parties BAM, ES. Après que la Planete a pallé ce nœud oppofé, il eft auf fen- fible qu’elle continuera l’autre moitié de fa route de la même maniére , & fuivant la même loi qu’elle a fait la premiére : en forte que l’une s’écartant ou faifant fa dérive vers le pole auftral, felon l’efpece du fphéroïde , l'autre la fera néceffairement vers le pole boreal ; parce qu'après un demi-tour de révolution, les parties de la furface expofées aux impreffions du fluide changent de fituation ; celle qui en recevoit le plus , ayant été d’un côté par rapport à la direction du fluide , fera celle qui en recevra le moins , & réciproquement. SH EXX XIII. Voilà les deux caufes contraires l’une à l’autre, qui doivent régler la fituation du plan de l'orbite , & lui donnerune certaine inclinaifon par rapport au plan de l’équateur folaire. Et comme la quantité de la dérive (il me fera permis d’appeller ainfi la dé- viation caufée par l’oppofition du fluide , femblable à celle de l’eau contre le vaiffeau) dépend entiérement, en partie de la figure du fphéroïde plus ou moins différente de l’uniformité d’u- ne fphére , & en partie de Îa plus ou moins grande obliquité de l’axe du mouvement diurne fur le plan de l'orbite, puifqu’il ne fe feroit point de dérive , comme nous l’avons déja dit , fi cet axe étoit perpendiculairement érigé fur ce plan , quand même le fphéroïde différeroit beaucoup de la fphéricité parfaite : com- me donc, dis-je , ces deux circonftances , la figure du fphéroï- de & la pofition de l’axe, font fans doute différentes dans les différentes Planetes , il ne faudra plus demander pourquoi Les inclinaifons des orbites font différentes entre elles ; car chacu- ne des Planetes étant dans un état particulier par rapport à ces deux circonftances, il eft évident que l’inclinaifon de fon orbite lui doit être auf paticuliére, je veux dire, différente des autres; il feroit donc inutile d'expliquer plus amplement la caufe de ce phénomene. Cependant, pour dire encore quelque chofe fur la quantité de l'inclinaifon des orbites; nous avons vù que la réfiftance qu'oppofe OPTLES T ET Prx) lr7z4 73 qu'oppofe le fluide du T'ourbillon au mouvement des corps cé- leftes eft fi infenfible, que leur viteffe n’en fouflre aucune dimi- nution perceptible, peut-être pas même pendant toute la durée du monde ; nous avons vù pareillement , que le mouvement circulant du Tourbillon avec une viteffe 230 fois plus petite que celle de la Planete dans la région où elle fe trouve, ne peutnon lus ni accélerer ni retarder la viteffe qu’elle doit acquérir dans Le différens endroits de fon orbite elliptique, en vertu de la regle de Kepler , mais que tout ce que le Tourbillon circulant peut produire, c’eft de diriger peu à peu le mouvement progref- fif des Planetes à prendre fa direction commune d'Occident en - Orient. Ainfi réflechiffant fur la foibleffe des deux caufes que je viens d'expliquer, qui concourent à déterminer les inclinaifons des orbites, & qui influent feulement fur les direétions , & non point fur les vitefles; il eft très-probable que l’inclinaifon de chaque orbite n’a pas été produite dès la premiére révolution ; mais qu'il a fallu un grand nombre de révolutions , avant que l’inclinaifon foit parvenue à fa quantité fixe & permanente, telle qu’on l’ob- ferve aujourd’hui. $. LXX XI V. Une autre circonftance digne d'attention , c’eft que l’orbite étant une ellipfe qui a le Soleil dans un de fes foyers, duquel toutes Les lignes droites tirées aux points de la circonférence, excepté les deux apfides, font des angles obliques avec les tan- gentes, il eft clair que pendant te tems quela Planete eft à mon- ter depuis le périhélie jufqu’à l’aphélie, la direétion du fluide du Tourbiilon contre la furface antérieure de la Planete, fait un angle obtus avec la lignede ladiftanceau Soleil, & que cet an- gle devient aigu dès qu’elle a pañlé l’aphélie jufqu’a fon retour au périhélie. Mais comme les orbes elliptiques approchent beaucoup des cercles véritables, ces angles obtus & aigus ne différent que très-peu des angles droits; d’où on doit conclure que les deux points de l'orbite où fe fait l'équilibre de l’impreflion du fluide fur la Planete , c’eft-à-dire, les deux nœuds, ne fe trouvent pas exactement dans les deux points folftitiaux, mais toujours fort près : en forte que l’on peur être aflüré que les Planetes arrivent Tome III, | K 74 NOUVELLE PHYSIQUE à leurs folftices , ou un peu avant , ou un peu après qu’elles paf- fent par les nœuds. SL XX Vi: Au moins cela fe vérifie très-bien par l’obfervation faite du nœud boreal de l'orbite de la Terre par rapport à l'équateur du Soleil , qui fe trouve , le Soleil étant dans le 8°° degré de H , éloigné du folftice d'été feulement de 22 degrés. I] feroit à fou- haiter que M" les Obfervateurs priflent la peine de déterminer les lieux des folftices des autres Planetes , comme ils ont fait ceux des nœuds fur l'équateur folaire , pour voir fi dans chacune des Planetes les nœuds & les points folftitiaux ne fe fuivent pas de bien près : une telle obfervation donneroit un grand poids à ma conjeéture fur la véritable caufe de l’inclinaifon des orbites planétaires , fuppofé que pour chaque Planete on trouve une proximité conftante entre ces deux points; il faudroit , par exem- Fe ; que Mars paffant par fon nœud, qui eft entre le 14° & e 15% degré de H, ne fût pas bien loin de fon folfice, foit qu'il l'eût déja pañlé , ou qu'il füt près de le pañer. SEX X XVI, A cette occafon je ne dois pas pafer fous filence une des plus importantes utilités qu'on retireroit de mon fyfléme , s’il avoit le bonheur d’être agréé : cette utilité confifteroit en ce qu’on feroit en état de décider la fameufe queftion fur la véritable figu- re de la Terre, fi elle eft un fphéroïde allongé ou applati. Les fentimens des Philofophes de notre tems, touchant cette quef- tion , font partagés depuis 40 ou $o ans. On allegue de part & d’autre des preuves folides : M Huguens, Newton & plufieurs grands Géometres qui les fuivent , prétendent que la diminu- tion de la pefanteur des corps terreftres vers l'équateur de la Terre, caufée par la force centrifuge de ces corps , qui réfulte du mouvement journalier de la Terre, laquelle force eft plus grande dans ces endroits que dans les lieux plus proches des po- les, eft un argument invincible que la Terre eft plus élevée vers l'équateur que vers les poles; à quoiils ajoûtent l’expériencede Faccourciffement des pendules à fecondes, qu'il faut leur don- ner dans les pays voifins de l'équateur, marque évidente , à ce qu'ils penfent , d’une plus grande diminution de pefanteur. CELESTE. Prix de 1734: 7 D'autres grands Hommes foûtiennentle contraire, fe fondant principalement fur la mefure aétuelle de la Terre, faite en diffé. rens endroits & en divers pays, avec toute Éexactitude poffible ; l'expérience ayant conflamment montré que les degrés d’un même méridien avoient plus de longueur dans les lieux de moin- dre latitude que dans les plus feptentrionaux, & que leur lon- gueur diminuoit à mefure qu'on approchoït du pole. Ce qui eft une preuve géométriquement certaine, que le méridien a la forme d’une ellipfe , dont le grand axe pafle par les poles de 1a Terre , & que par conféquent la figure de la Terre eft un fphé- roïde oblong. On ne fçauroit prefque douter de l'exadtitude avec laquelle ces mefures ont été prifes en France, fi on lit les ouvrages qu’on en a publiés , & qu’on réfléchiffe fur les foins & les précautions extraordinaires employées dans ce pénible travail. La piéce que M. Caflini a donnée fur la figure de la Terre dans les Mémoi- res de 1713. pag. 188. mérite une attention particuliére , par la folidité de fes raifonnemens , pour établir le fphéroïde allon- gé ; & il ne femble pas que cet illuftre Auteur ait été ébranlé dans fon fentiment par la feconde édition des Principes Phil. de M. Newton, qui parut la même année 1713. où M. Newton ne perfifte pas feulement dans fon opinion contraire, fondée fur l'inégalité des pendules à fecondes, mais il donne encore, pag. 383. une lifte (qu’on ne trouve point dans la premiére édi- tion, ) de la mefure d’un degré pris confécutivement fur le mé- ridien , par où il prétend faire voir que leurs longueurs vont en augmentant depuis l'équateur jufqu’au pole ; comme fi c’étoit une affaire décidée , que l’accourciffement des pendules fût une marque infaillible que les parties de la Terre font plus élevées den que vers les poles, au lieu qu’on n’en peut con- clure autre chofe tout au plus , finon que la Terre eftun fphé- roïde moins allongé, qu’elle ne le feroit fi elle étoitencore dans fon état primitif, cela veut dire, fans le mouvement diurne , ce que M. de Mairan a très-bien expliqué dans fes excellentes Recherches Géométriques fur la diminution des degrés en al- Jant de l'équateur ref poles. Voyez les Mém. de l Acad. de 1720. pag. 231. K is 76 NOUVELLE PHYSIQUE $ LXXXVII. Enfin , M. Caffini bien loin de changer de fentiment après la feconde édition de l’ouvrage de M. Newton, nous a donné une nouvelle Differtation dans les Mémoires de 1718, p.245 ; où non-feulement il confirme ce qu'il avoit avancétouchant la figu- re oblongue de la Terre , & la précifion extraordinaire avec la- quelle fut prife la mefure des degrés du Méridien , mais il pouffe l'exactitude jufqu’à déterminer en toifes l’axe de la Terre, le diametre de l’Equateur & l’intervalle des deux foyers de l'Ellip- fe génératrice du fphéroïde allongé. 7oyez p. 255$. Or ce grand Afironome, qui lui-même s’étoit employé à ce travail de concert avec M Maraldi & de la Hire, également habiles dans l’art d’obferver, auroit-il bien avancé avec tant d’affürance un fait, s'il n’en avoit pas été convaincu par des opérations réïtérées & vérifiées par un grand nombre d’autres ? Un furcroit de preuves fe tire préfentement de ma Théorie, ui.décide en faveur du Sphéroïde allongé : car de ce que j'ai peine aux $$. LXXIX, LXXX , il fuit néceffairement que quand on obferve qu'une Planete dans le tems de fon folftice d'été eft aux environs de fon nœud afcendant, il faut que cette Planete ait la figure d’un fphéroïde oblong ; mais parmi grand nombre d’obfervations que le même M. Caflini, diligent ob- fervateur tant pour le Ciel que pour la Terre, a faites avec une afliduité infatigable pour déterminer le mouvement des taches. du Soleil, il s’en trouveune dans les Mémoires de 1703,p.109, & les fuites dans les pages fuivantes, où la defcription exaëte de deuxtaches qui parcouroient à peu près le même parallele fur le difque du Soleil, & peu éloigné de fon équateur , eft entiére- ment conforme à ma penfée ; caril n’y a qu'a jetter les yeux fur la Figure que l'Obfervateur a fait graver pour tracer la route qu'ont tenué ces deux taches , depuis le 24 Mai 1703 jufqu'au 3 Juin fuivant. Cette route étant fenfiblementune ligne droite, fi on conçoit une parallele tirée par le centre du difque, cette parallelerepré- fentera l'équateur du Soleil , & il eft vifible que du côté d'Oc- cident , elle ira au-deffous de l’écliptique marquée dans la Fi- gure ; faifant enfemble un angle de 8 degrés , qui eft l’inclinai- CELESTE. Prix de1734. 77 fon du plan de l’écliptique ou de l'orbite de la Terre furle plan de l'équateur folaire ; de forte que l'interfe&tion de ces deux li- gnes fur le difque, c’eft-à-dire, de l’équateur & de l'écliptique, défigne le nœud afcendant de cette derniére par rapport à l’é- quateur folaire. Par ce nœud , fi par la penfée on tire du cen- tre du Soleil une ligne droite jufqu'à l'orbite terreftre , le point où cette droite la rencontre fera le nœud afcendant de la Terre, C’eft donc par le nœud afcendant ou Boréal que la Terre affa le 28 Mai 1703, jour marqué par M. Caflini, P.112,pour É paffage de la tache par le milieu de fon parallele , le Soleil étant alors dans le 87° degré de H , c’eft-à-dire, 22 degrés ou à peu près autant de jours avant le folftice d'été. D'où je dois inférer , fuivant ma théorie, que la figure de la Terre eft à la vérité celle d’un fphéroïde allongé , conformé- ment au réfultat des obfervations faites en France par des me- fures actuelles. Je me flatte que cette conformité ne déplaira pas à M” les Obfervateurs , d'autant qu'elle détruit le foupçon de quelque inexaëtitude gliffée dans leurs opérations , prétexte unique de ceux qui font pour le fphéroïde applati de la Terre, s EXX XVIII. Pour faire comprendre plus difinétement les différens effets que produit l’oppofition du fluide du Tourbillon fur les fphéroi- des des deux différentes efpeces ; je tâcherai de mettre claire- ment devant les yeux tout ce que j aidémontré ci-deflus par les Figures 2 & 3. J'employerai pour cela deux nouvelles Figures, qui repréfenteront pour l’un & l’autre fphéroïde ce qui lui doit arriver dans fon cours pendant une révolution entiére autour du Soleil. Je fuppoferai , pour fubvenir à l'imagination , que l’or- bite eft circulaire, & que le Soleil ef dans le centre ; car ilne s’agit ici que d’expofer à la vüe comment fe fait l’inclinaifon des Plans des Orbites parrapport au Plan de l’Equateur Solaire. $. LXXXIX. Soit le centre du Soleil S, l'équateur du Tourbillon £EFHG concentrique, & dans un même plan avec l'équateur de la ré- volution du Soleil autour de fon axe BSA > qui eft perpendicu- laire au plan de ces deux équateurs ; B le pole boreal ou fupé- il] Fig. 48 5 Fig. 4. 78 NOUVELLE PHYSIQUE rieur du Soleil ; À le pole auftral ou inférieur. Concevant qu'u- ne Planete , par exemple, la Terre , fe trouve d’abord fur l’é- quateur du TourbilHon dans le point du folftice d'été E, & qu'el- le foit déterminée à fe mouvoir autour du Soleil , nous com- rendrons aifément par ce qui a été expliqué ci-deflus, que la Merre décriroit parfaitement l’Equateur du T'ourbillon , je veux dire, que cet équateur & l’orbite de la Terre feroit un même cercle , fi la figure du globe terreftre étoit parfaitement fphéri- que, parce que l’uniformité de cette figure n’admettroit aucung caufe extérieure qui pût détourner la Terre de fa route une fois commencée, de même qu'un vaiffeau fphérique fur mer étant pouffé fuivant une certaine dire@tion , ira toujours dans la même direëtion , fans fouffrir la moindre dérive. Mais la Terre ayant la figure de fphéroïde, il eft fenfible que pendant fa révolution autour du Soleil elle préfente à Foppofi- tion de la matiére du Tourbillon , une moitié de fa furface qui change continuellement de pofition , & partant aufli de figure par rapport à la dire@tion , à caufe que l'axe de rotation de la Terre L a conferve fon parallelifme , pendant que les direétions du fluide oppofé changent à tout moment de fituation , puifque ces directions ne font autre chofe que les tangentes de l'orbite. Ainfi les changemens de direétion caufent l'inégalité de l’aétion du fluide fur la furface antérieure de la Terre. Cette furface eft partagée en deux parties inégales , l’une au- deffus du point le plus avancé 7, ( Voyez Fig. 2 & 2. ) l’autre au-deflous ; ce qui caufe de part & d’autre des impreflions de forces inégales qui font écarter la Ferre, en férme de dérive, de la route qu’elle tiendroit , fi elle étoit parfaitement ronde; c’eft pour cela qu’elle quittera l’équateur du Tourbillon pour décrire un autre cercle , dont voici les conditions. $, X C. Confidérons en premier lieu la Terre comme un fphéroïde Rp > & fuppofons-la placée dans le point £. D'abord il eft clair que dans cette fituation, l’axe de rotation dela Terre ba, & l’axe de révolution du foleil BA étant prolongés, fe rencon- treront dans la partie fupérieure en 6, & formeront le triangle reétangle CSE, dont l'angle SGE eft de 23° 30/,mefure de la plus CELESTE. Prix de 1734. 79 - grande déclinaifon du Soleil. Il eft clair aufli, que le plan du triangle CSE eft perpendiculaire fur le plan de l'équateur du Tourbillon ; d’où il fuit , que s’imaginant tirée £e tangente de l'équateur du Tourbillon en £, cette tangente fera perpendicu- laire à EC, & fera par conféquent avec l’axe de rotation La, deux angles droitseEb, eE a. Ainfi le fluide du Tourbillôn s’oppofant également à la par- tie boreale & auftrale de la furface qui fe préfente à fa direction, l'équilibre du mouvement fur l'équateur fe maintiendroit par- faitement, & la terre n’en fortiroit jamais, fi l'angle-E4 demeu- roit toujours droit. Mais comme l’axe de la Terre 4 conferve fenfiblement fa fituation parallele , on voit que dès qu’elle part du point folftitial d'Eté E , pour aller vers F , cet angle e E b di- minuë de plus en plus , jufqu’à ce qu’elle foit parvenuë dans fon point équinoxial de l’Automne, où l’angle fait par l'axe de la Terre & la ligne de direétion , fera le plus petit ou le plus aigu: d'où, en vertu de ce que nous avons démontré ci - deflus ($.LxxvII. ) pour le eee Ti applati, il faut que l’oppofition du fluide fur la partie boreale de la furface , foit la prévalente, ce qui fera dériver la Terre vers le pole auftral du T'ourbillon ; en forte qu'après le premier quartier de fa révolution , au lieu de fe trouver en F ; elle fe trouvera en L , où l'angle fL b fait par la dire&tion f L & l’axe Lb eft le plus aigu. Mais comme depuis l’endroit L cet angle recommence de croître , en devenant fucceflivement moins aigu jufqu’en H, qui eft Le point du folftice d'Hyver, où l'axe de rotation de la Terre #4 prolongé rencontre l’axe du Tourbillon en 4, & où par conféquent la diretion # H redevient perpendiculaire à l’axe ba : c’eft pourquoi pendant le tems que la Terre eft à parcourir le fecond quartier de fa révolution LH, l'avantage de l’aétion du fluide fur la partie fupérieure de la furface du fphéroïde ap- plati diminué jufqu’à fon entiére extinétion au point A, où l’ac- tion fur la fupérieure & l’inférieure eft dans fon équilibre parfait, arce que le fluide s’oppofe à l’une & à l’autre d’une maniére égale & femblable. Mais puifque l’autre aétion du Tourbillon , en tant qu'il ne celle de circuler continuellement d'Occident en Orient, pour- fuit toujours la Terre , & tend à la remettre dans {à direction 80 NOUVELLE PHYSIQUE commune, comme nous l'avons expliqué ci-deflus tout au long, il eft vifible qu'après qu'elle a pañlé le point L où elle a fouffert fa plus grande dérive, elle doit fe rapprocher enfuite de l’équa- teur du Tourbillon , de la même maniére qu’elle s’en étoit écar- tée en parcourant le premier quartier. $. X CI. Il ne refte donc plus qu’à confidérer la route que doit prendre la Terre , en parcourant les deux autres quartiers de fon orbite. Or, il eft d’abord manifefte que tout fe fait ici à rebouts, c’eft- à-dire , que l'angle HE , de sie qu'il étoit , commence à de- venir obtus , dès que la Terre part du point folftitial d’hyver 4, & que cet angle augmente jufqu’au point M, où l'angle g Mb eft le plus obtus qu'il eft poflible ; depuis A7 cet angle décroît jufqu’en E , où il redevient droit. Ainfi en appliquant notre raifonnement de l’article précédent à la circonftance préfente , on verra parle $. Lxxvirr. que l'op- pofition du fluide ayant ici l'avantage du côté de la furface infé- rieure de la Terre , la dérive fe doit faire vers le pole fupérieur ; donc les deux derniers quartiers HM, ME , fe formeront de la même maniére que les deux premiers EL, LH, par rapport à leur figure , maïs avec différentes pofitions par rapport au plan de l'équateur £FHG , en ce que la premiére moitié de l'orbite ELH s'écarte de ce plan vers Le pole auftral , autant que la fe- conde s’en écarte vers le pole boreal ; fi bien que le plan de l'or- bite doit couper néceflairement le plan de l’équateur , qui eft auili celui du Soleil felon notre théorie, dans la ligne EH, qui pale par le centre de cet aftre S. Tout ce qui pourroit faire quelque peine, ce feroit de fcavoir pourquoi l'orbite entiére ELHM , formée ainfi par les dérives , eft juftement fur un plan, pouvant être, à ce qu'il femble, une courbe à double courbure ; mais on fe levera cette difficulté, fi on fe fouvient de ce que nous avons expliqué ci-deflus touchant la différence qu’il y a entre la force qui produit du mouvement dans un corps, & celle quien change feulement la direétion , où il a été démontré que la moindre oppofition , ou une force in- fenfible eft déja capable de changer peu à peu la direétion d’un Corps mis en mouyement par une force très-grande , fans pour- tant CELESTE. Prix de1734: 81 tant que la courbe que ce corps eft obligé de décrire par l’attion de cette grande force , change de nature. Ici il en eft de même: la figure des orbites eft caufée par la gravitation des Planetes vers le Soleil , contre-balancée par les forces centrifuges ; & cette gravitation a pour caufe la force du Torrent central, qui eft une force très-grande, par rapport à laquelle l'oppofition du fluide contre le mouvement des Planetes , eft une force com- me infiniment petite, qui n'en change que la direction, c’eft- à-dire , qui a caufé infenfiblement leur dérive, laifflant pour le refte aux orbites leur figure , & aux Planetes leur vitefle , telle qu'elles auroient fi elles fe mouvoient dans un grand vuide, comme le fuppofe M. Newton : mais on démontre géométri- quement , que la gravitation dirigée toujours vers le Soleil , fait ue chaque orbite eft fur un plan qui pañle par le centre du So- leil ; elle le fera donc encore après qu'il lui fera furvenu la dé- rive réglée & permanente, par où l'orbite ne ‘perd rien de fa figure , mais change feulement de pofition , paflant du plan de l'équateur du Tourbillon fur un antre plan qui coupe le premier, comme je l’ai dit, dans le centre du Soleil , fous un angle SL ou GSM , mefure de l’inclinaifon plus ou moins grande, felon qu'exige Le fphéroïde plus ou moins applati. $. XCITI. Quelque petit que foit cet angle ; même pour l'orbite de Îa Terre, qui eft celle de toutes les orbites qui a la plus grande inclinaifon, fçavoir de 7 + degrés , il ne faut pourtant pas croire que cette inclinaifon ait été acquife dès la premiére révolution de la Terre autour du Soleil ; car cela marqueroit un effet trop fenfible pour une caufe fi foible , telle que nous avons fuppofé être la force de l’oppofition du fluide , incapable d’altérer ou de retarder la vitefle des Planetes , mais capable feulement d'en changer, par la longueur du tems, les diretions , comme nous lavons infinué plufieurs fois. Rien ne nous empêche donc de concevoir que l'inclinaifon des orbites ait été produite , en naïffant infenfiblement , & en prenant à chaque révolution un nouveau petit degré de dérive, jufqu'à parvenir après un grand nombre de révolutions , à l'in- clinaifon totale que l'on obferve aujourd’hui dans les orbites ; Tome IIL 1 # / S «NODVELDGE PHYSIQUE & qui eft permanente fans pouvoir prendre de nouvelles aug- mentations, étant empêchée par le mouvement du Tourbillon d'Occident en Orient, qui s'efforce fans cefle de rendre aux Planetes la direétion commune dans le plan de fon équateur;, comme nous l'avons expliqué affez amplement. C’eft-là le cours ordinaire des effets de la Nature, qui ne produit rien fubitement , mais par fucceflion de degré en debieé quoique tantôt plus tantôt moins vite, felon l'intenfité de la force qu’elle emploie , & la diverfité des circonfiances. RC LITE Après tout cela, on voit que fi la Terre avoit véritablément la figure de fphéroïde applati, le point E du folftice d'Eté feroit le nœud defcendant, & fon oppofé le nœud afcendant. Mais en donnant à la Terre la figure de fphéroïde allongé, il n’y a qu'à accommoder à cette hypothéfe le raifonnement que nous avons fait jufqu'ici depuis le $. x c. & on trouvera un effet en- tiérement contraire par rapport à la nature des nœuds. Car on s’apperçoit clairement ( $. LXx1x.) que la Terre étant dans fon folftice d'Eté E, ou aux environs, fa furface allongée vers les poles, fera la caufe d’une dérive boréale, qu'elle fubira en parcourant les deux premiers quartiers de fon orbite EL, LH, comme réciproquement la dérive doit être auftrale depuis envi- ron le folitice d'Hyver H en achevant de parcourir Les deux der- niers quartiers HM, ME ; en forte que dans ce cas c’eft le point E qui fera le nœud afcendant, & H le defcendant. Voilà donc déterminés par notre raifonnement , les nœuds pour le fphéroïde allongé ; à peu près comme l'expérience le confirme pour la Terre, fondée fur les Obfervations alleguées de M. Caffini, qui afligne le nœud afcendant vû du Soleil au 8° degré de », & par conféquent le defcendant au 8° dégré de H , aflez près des folftices, qui. feroient peut-être précifé- ment dans les folftices mêmes, fi l’aélion du fluide du T ourbil- lon folaire fur la furface de la Terre n'étoit pas troublée un peu par fon propre Tourbillon , qui intercepte en partie cette ac- tion , & par d’autres caufes accidentelles & particuliéres, dont nous avons fait mention ci-devant. | Après cette heureufe conformité de notre théorie, avec les CELESTE,. Prix de 1734. 8 obfervations céleftes , peut-on plus long-tems refufer à la Terre la figure de fphéroïde oblong , fondée d’ailleurs fur la dimen- fion des degrés de la méridienne , entreprife & exécutée par le même M. Caflini, avec une exa&titude inconcevable ? 5. X CLV. Le parallélifme de l’axe de rotation des Planetes étant fup- ofé être conftant & parfait, il eft vifible que les nœuds de Les orbites ou leurs interfe&tions avec-l’équateur du Tourbil- lon, feroient entiérement immobiles , & répondroient toujours aux mêmes endroits du firmament par rapport au Soleil ; mais le parallélifme eft fujet à une variation , quoique très-petite , qui ne fe fait fentit qu'après un grand nombre de révolutions. Il eft facile d’en rendre raifon par notre théorie : car la Planete, par exemple , notre Terre, circulant autour des poles de l'é- cliptique avec fa propre vitefle , pendant que le fluide du grand Tourbillon circule de même côté , mais autour des poles de l'équateur folaire , & avec une viteffe 230 fois plus petite ; c’eft comme fi un globe flottant dans une eau calme, étoit obligé, par une force extérieure , de fe mouvoir d'Occident en Orient, autour d’un centre pris à quelque diftance hors du globe. Oril eft aifé de concevoir que la réfiftance de l’eau , exercée fur la furface antérieure du globe, fe fera en fens contraire d’O- rient en Occident , & que cette réfiftance agit plus fortement contre l’hémifphére le plus éloigné du centre de circulation , que contre le plus proche , parce que celui-là faïfant un plus grand chemin en circulant que celui-ci, frappe l’eau avec plus de vitefle ; le globe fera donc déterminé à pirouetter fur lui- même à contre-fens de fon mouvement progreffif, c’eft-à-dire, d'Orient en Occident , autour d'un axe perpendiculaire fur le plan de la circulation. On en pourroit faire l'expérience femblable à celle que M. Poleni a faite, mais dans un autre deffein , voulant démontrer que le mouvement diurne des Planetes ne peut pas être caufé par le mouvement du grand T'ourbillon, pris à la façon de Def cartes. Voyez Poleni , de Vorticibus Cæleft. p. 72 & 73. De-l il devient clair , comme quoi la Terre repréfentée par ce globe, pendant qu’elle fait fa révolution annuelle, doit tourner furelle- Li 84 . NOUVELLE PHYSIQUE même contre l’ordre des fignes autour d’un axe perpendiculaire au plan de fon orbite; par conféquent aufli l’axe oblique du mou vement diurne tournera lui-même fur cet axe perpendiculaire , d’où il fuit que les poles de l'équateur terreftre paroîtront dé- crire de petits cercles autour des poles de l’écliptique dans la direttion d'Orient en Occident. $ A GV: C'eft de ce troifiéme mouvement de la Terre que dépend ( comme il eft très-facile de le comprendre ) le reculement des interfechons de l’équateur & de l’écliptique , que l’on nomme dans le Syfiéme de Copernic, Préceffion des équinoxes , parce que ces deux points reculent continuellement fur l’écliptique vers les fignes précédents , ce qui produit dans les étoiles fixes & dans tous les points immobiles du Ciel , un mouvement appa- rent, contraire d'Occident en Orient autour des poles de l’é- cliptique. .C’eft donc ainfi que le parallélifme de l'axe de rotation diur- ne de la Terre & de toutes les Planetes qui ont cet axe oblique fur le plan de leurs orbites , ne fe conferve pas exaétement ; mais puifque la réfiftance du fluide du grand T'ourbillon, felon ce que nous avons démontré, doit être extrêmement foible, il faut que la variation de ce parallélifme foit aufli très-infenfible, & que le mouvement apparent qui en réfulte dans les fixes foit très-lent. Comme en effet les étoiles fixes vûes de la Terre n’avancent dans leur longitude que de 50 fecondes par an, ce qui deman- deroit un tems de 25 920 années pour une révolution entiére du Firmament. Une autre chofe à laquelle on n’a pas encore affez penfé, c’eft peut-être que les poles de ce mouvement fi tardif ne fe trouvent pas précifément dans les poles de l’écliptique, comme on l’a cru jufqu'ici ; en voici ma raifon : il eft vrai que la réfif- tance du fluide eft direétement oppofée à la direétion du mouve- ment annuel qui fe fait fur le plan de l'écliptique, & qu'à cet égard , fi la réfiftance agifloit feule contre le mouvement , ce qui arriveroit fi le fluide du Tourbillon étoit tout-à-fait calme & en repos, il ne faut pas douter que le troifiéme mouvement de la l'erre , dont il eft ici queftion , ne fe feroit exaétement au- PL.du Mer. 3.2 ag #4 ; J'imonnauw Jeulp . Pl du Mzm.3. pag 84 CELESTE. Prix de 1734. 85 tour de l'axe perpendiculaire au plan de l’écliptique ; maisle flui- de du grand T'ourbillon ayant lui-même fon mouvement circu- Jant fuivant la direétion de l'équateur folaire , différente un peu de la direction de la réfiftance, il eft certain que de ces deux ations compliquées , il réfulte une direétion moyenne , quoi- que beaucoup plus approchante de celle de l’écliptique , com- me de la plus forte, que de celle de l'équateur folaire ; d’où on peut raifonnablement conclure , que l’axe du troifiéme mouve- ment ef tant foit peu oblique fur Le plan de lécliptique ; or, cette obliquité doit aufli caufer néceffairement une petite va- riation apparente dans les latitudes des Fixes , mais incompara- blement moins fenfible que celles qu’on remarque dans leurs longitudes. $. XCVI. Cette variation de latitude paroïît paradoxe à la plüpart des Aftronomes, qui ne fe mettent pas toujours en peine des caufes phyfiques, contens de ce qu'ils croyent fçavoir par obfervation. Cependant plufieurs des plus fameux Aftronomes, comme T y- cho-Brahé lui-même & Kepler, qui cite l’autorité du premier, favorifent le changement de latitude des étoiles fixes : Si com- paretur ( dit Kepler, Epit. Aftron. pag. 724.) ecliptica ( id eff orbita Telluris [ub fixis) fecum ipfa, fecundum diver[a [æcula , deprehendit [ane Braheus ex mutatis fixarum latitudinibus echipri- cam hodiernam concef[iffe ad latera eclipricæ prifline. Mais fon mon explication, il falloit dire que le mouvement apparent des fixes d'Occident en Orient fe fait autour des poles , qui ne font as précifément dans les poles de l’écliptique , ( c’eft-à-dire , de ‘orbite de la Terre; ) car de cette maniére on conçoit la petite variation de latitude , fans qu'il foit befoin que le plan de l’or- bite change de place. Le plus fimple , dans l'explication des cau- fes de la Nature, eft toujours préférable à ce qui a moins de fimplicité. MURRNV PE Pour revenir maintenant aux nœuds des orbites avec l’équa- teur du Soleil, il faut dire , felon ma théorie , qu’ils ont aufli un petit mouvement contre l’ordre des fignes , & cela à caufe qu'ils ont une connexion eflentielle, comme je l’ai fait voir , avec les Li 86 NOUVELLE PHYSIQUE points des folftices , par conféquent aufli avec Les équinoxiaux; qui en font éloignés de trois fignes. En eflet, il y a des Aflrono- mes qui donnent 51” par an au mouvement rétrograde des nœuds de l'orbite de la Terre avec l'équateur du Soleil , qui ef à peu près la quantité de la rétrogradation annuelle des équi- noxes , ce qui fert de confirmation de la dépendance efentielle entre ces nœuds & les folftices ; chofe qui mérite d’être vérifiée ultérieurement par des obfervations exactes ; afin de s’aflürer que c’eft un fait général qui regarde toutes les Planetes principales, ce qui rendroit ma conjecture tout-à-fait certaine. SX CGVIII Quoiqu'’au refte la déclinaifon des limites , ou, ce qui revient au même , l'élévation des plans des orbites fur le plan de l’é- quateur du Soleil , doive être conftante & invariable , il pourra néanmoins arriver qu'on y appercevra avec le tems quelque petite variation , mais qui ne fera qu’apparente, dont la caufe doit être attribuée à ce changement infenfible de latitude des étoiles fixes dont nous venons de parler. On rencontre dans l’Af- tronomie pratique une infinité d’autres minuties , qui réfultent des obfervations que l’on prend fouvent pour des réalités , quand ce ne font que de fimples apparences , dont un fyftéme phyfi- que général ( quelque folide qu'il foit) n’eft pas toujours ref ponfable. $. XCIX. Sije ne craignois d’être trop long dans cette 4”° partie de mon Difcours , où je me fuis principalement attaché au fujet de la Queftion, je pourrois m'étendre à d’autres phénomenes , qui ne font pas précifément compris dans la queftion , mais qui y ont beaucoup de rapport ; tel eft, par exemple, le mouvement de la Lune autour de la Terre, où on pourroit demander pa- reillement , d’où vient que ce mouvement ne fe fait pas dans le plan de l'équateur de la Terre ; car ce que les orbites des Pla- netes principales font à l’égard de l’équateur du Soleil, l'orbite de la Lune , & celles des autres Satellites Le font par rapport à l'équateur de leurs Planetes principales ; & comme celles-ci ont le grand T'ourbillon général pour guide de leur mouvement autour du Soleil , ainfi les Satellites font dirigés par les Tour- CEL EST E. Prix de 1734. 87 billons particuliers qui les enveloppent, & qui environnent les Planetes principales dont ils font Satellites. Je dis que les Sarellites font dirigés par les Tourbillons par- ticuliers, & non point entraînés, par la même raïfon que j'ai expofée tout au long pour les Planetes principales ; car les uns & les autres de ces corps ont , felon ma théorie, leur mouve- ment d'une impreffion primitive , en forte que le fluide du Tour- billon n'y contribué toujours que la commune direëtion d'Occi- dent en Orient. $. C. Cependant, s’il m'eft permis de communiquer encore en peu de pages mes penfées , fur ce qui peut être la caufe phyfique de ce que la circulation de la Lune autour de la Terre, ne fe fait pas felon le plan de l'équateur terreftre ; je penfe que cette caufe eft différente de celle qui fait l'inclinaifon des orbites planetai- res principales fur l'équateur du Soleil. La différence confifte dans la diverfe façon du grand Tourbillon, & du Tourbillon particulier de la Terre ; toutes les parties du premier font leurs circulations fur des cercles paralleles au plan de l'équateur fo- laire , parce que, felon ce que j'ai établi, le mouvement du Tourbillon entier & de toutes fes parties , tire fon origine d’une même caufe primitive, qui a commencé de faire tourner le So- leil fur fon axe ; le Soleil & fon Tourbillon font enfemble une malle fluide totale, & n’ont qu'un même plan pour leur équa- teur , que les Planetes principales ne quitteroient jamais fi leur figure étoit parfaitement fphérique , ou que leur axe de rotation füt perpendiculaire fur le plan de l'équateur folaire. Maïs il en eft autrement d’un Tourbillon particulier, par exemple ; de celui de la Terre ; car enclavé comme il eft dans le grand Tourbillon général, il n’a pas la liberté de tourneravec une égale facilité dans toutes les diftances de fes couches autour de l’axe de la Planete qu'il environne , ainfi qu'il le feroit s’il étoit dehors & indépendant du grand T'ourbillon ; mais il n’eft pas mal aïfé de concevoir que les couches proches de Fextré- mité du T'ourbillon terreftre , s accommodent infenfiblement au courant du grand Tourbillon, comme du plus fort , pendant que les couches intérieures & bien proches de la furface de la Terre confervent la direétion autour de {on axe de rotation; 88 NOUVELLE PHYSIQUE c’eft pourquoi les couches d’entre-deux, participant de l’un & de l’autre de ces deux effets, auront chacune leur propredireétion, les plus éloïgnées fe conformant plus à la direction de l’éclipti- que, ou plutôt de l'équateur du Soleil, & les moins éloignées à la direétion de l'équateur de la Terre , felon la différente dif: tance de chacune. $. CI. De-Ià nous voyons la raifon pourquoi la Lune, quand même elle feroit fuppofée parfaitement fphérique , doit fe tenir fi près de l’écliptique , que fon orbe n’incline fur celle-ci que de $ de- grés , au lieu que l’équateur de la Terre fait avec l’écliptiqueun angle de 23 + degrés. C'eft que le courant du fluide du Tour- billon de la Terre prend fans doute dans la région de la Lune, une direétion que la Lune.elle-même eft obligée de prendre fur un plan bien moins élevé fur l’écliptique que fur l'équateur de la Terre, marque certaine que la Lune elle-même ef fort pro- che des confins du T'ourbillon terreftre. Si la région de la Lune étoit beaucoup au-deflous de celle qu'elle occupe préfentement , ou que le T ourbillon de la Terre s’étendit beaucoup au-delà des termes que lui a prefcrits la Na- ture ,nous verrions peut-être que l’orbe de la Lune feroit tout-à- fait fur le plan de l'équateur terreftre , ou en déclineroit fort peu. $: ICIT. Ma conjeëture fe fortifie confidérablement par ce qu’on a ob- fervé fur les $ Satellites de Saturne : c’eft que les orbes ou les cercles des quatre premiers fe trouvent tous fur un même plan, ui eft int plan de fon anneau; cette uniformité ne laifle pas “he un moment, que ce plan ne foit aufli exaétement le plan ded'équateur de Saturne. Orle 5” Satellite ( qui a fa diftanceau centre de Saturne trois fois plus grande que celle du 4° ) circule fur un orbe dont le plan décline beaucoup de celui des 4 pre- miers & de l’anneau, & s'éloigne moins de l'orbite de Saturne, que ne fait le plan commun de ceux-ci , puifque felon la fuppu- tation de M. Caflini, ( ’oyez les Mém. de 1717,p. 153 &'1$5.) Finclinaifon véritable du cercle du $®° Satellite par rapport à l'orbite de Saturne, eft de 13°8/, & l’inclinaifon véritable des cercles des 4 autres Satellites & du plan de l'anneau avec l’orbi- te de Saturne,eft de 3 1°,conformément à ce que donne M. Hu- , guens CELESTE. Prix de 1734. 89 guens pour l’obliquité de l’axe de Saturne ( /”. Cofin. p. 108. ) la différence eft de 17° 52’, dont le cercle du 5" Satellite s’écar- te moins de l’orbite , que les cercles des autres & l'anneau. Que doit-on conclure de tout cela ? finon que le Tourbiilon particulier de Saturne s'étend confidérablement au-delà de fon s”* Satellite , mais non pastant que la direétion du fluide dans la région de ce Satellite ne commence déja à pencher vers la direction de l’orbite même de Saturne , peu différente de la di- reétion du grand T'ourbillon, l'angle de leurs plans n'étant que d’environ 6 degrés. Si, fuivant la conjeéture de M. Huguens, ( Cofinoth. p. 99.) il y avoit encore d’autres Satellites autour de Saturne, que le tems découvrira peut-être, fur-tout entre les deux extrêmes qui laiffent entre eux un intervalle trop grand pour avoir une juite proportion'avec les intervalles des.autres, 1l n’y a pas à douter que le cercle de celui qui feroit entre le 5° & le 4°, n’eût uneinclinaifon avec l'orbite de Saturne moyenne entre 13° 8/ & 31°; comme au contraire un Satellite plus éloigné que le cinquiéme , ne manqueroit pas à coup für, d'avoir fon incli- naifon moindre que 13° 8’. S:nCIPE J'avoué cependant qu'une caufe accidentelle qu’on ne pré- voit pas, pourroit démentir en apparence ma conjecture tou- chant un fixiéme Satellite qui feroit entre les deux extrêmes, pouvant arriver que l'inclinaifon de fon cercle fe trouvat hors des inclinaïfons des deux cercles voifins. Nous en avons un exemple vifible dans le fecond Satellite de Jupiter, dont le cercle décline un peu de ceux destrois autres, chacun defquels circüle autour de Jupiter dans un plan commun & parallele aux bandes de cette Planete, ce que feu M. Cafinia obfervé le premier ( V. les Mém. depuis 1666 jufqu’à 1699. Tome VIII.) quoique fans déterminer alors de combien l’inclinaifon du fe- cond différoit de celle des trois autres Satellites. La vérité de ce Phénomene extraordinaire fut confirmée en- fuite par les obfervations de M. Maraldi , ( V. Mém. de 17293 p- 399. ) en vertu defquelles il donne 4° 3 3’ à l’inclinaifon du cercle du fecond Satellite à l'égard de l'orbite de Jupiter , & la fait d’un degré & demi plussgrande que celle des autres. Tome LIL, M 90 NOUVELLE PHYSIQUE Pour rendre quelque raifon plaufible de la bifarrerie de ce Phénomene , je remarque que Saturne & Jupiter, à caufe de l'énorme groffeur de leur corps par rapport à la Terre , doivent avoir aufli leurs T'ourbillons particuliers d’une étenduë beau- coup plus vafte que celui de la Terre , tellement qu’à une dif- tance aflez grande depuis la furface de ces gros corps, la direc- tion du mouvement de leurs T'ourbillons ne foufre point d’alté- ration fenfible par l'influence du T'ourbillon général, mais qu'ils font obligés de fuivre la direétion commune du mouvement de rotation de ces deux Planetes , comme le Tourbillon général lui-même fuit la direétion de la rotation du Soleil. C'’eft ce qui fait, comme je l’ai déja expliqué, que les quatre premiers Satellites de Saturne & fon anneau, circulent felon le plan de fon équateur , le feul cinquiéme s’en écartant , parce u'il eft à une diftance où le Tourbillon de Saturne*tommence à être déréglé un peu par l’aétion du grand Tourbillon folaire. Le Tourbillon de Jupiter ayant fans doute la plus grande éten- duë entre tous les Tourbillons particuliers , il faut convenir que tous fes quatre Satellites font compris dans un efpace autour de lui, jufqu'où l’action du T'ourbillon folaire ne fçauroit pénétrer, puifque le plus éloigné des Satellites, aufli-bien que le premier & le troifiéme, circule exaétement felon le plan prolongé de l'équateur de Jupiter. Ainfi je penfe que de ce que le fecond Satellite décline feul de l'équateur de Jupiter , on ne peut pas donner pour caufe celle qui fait décliner le cinquiéme Satellite de Saturne de la direétion commune de fes compagnons. $. CI V. C’eft pourquoi il faut recourir à une caufe accidentelle, qui agiffe en particulier fur le fecond Satellite de Jupiter, fans que cette caufe regarde les trois autres : mais je n’en trouve point de plus fimple ni de plus naturelle , que celle-là même qui fait dériver les Planetes principales de la direétion du grand Tour- billon , qu’elles prendroient fi elles étoient parfaitement fphé- riques. Ti n’y a donc qu’à dire que les Satellites de ces deux grandes Planetes font apparemment des Globes parfaits, excepté le fe- cond de Jupiter ; qui peut bien être fphéroïde ou moins globe CELESTE. Prix de 1734. ot que les trois autres ; raifon fufffante pourquoi fon cercle autour de Jupiter décline un peu de l'équateur de cet Aftre, pendant que les trois autres obfervent exactement ( à caufe de leur fphé- ricité ) en circulant , la fituation commune avec le plan de l’é- quateur , fans fouflrir aucune déviation fenfible , qui, par cela même , font vraifemblablement des globes parfaits , à l’imita- tion des quatre premiers Satellites de Saturne. Je ne décide rien fur la figure du cinquiéme, ni fur celle de la Lune, (que M. Newton dansfes Princ.Natur. Part.III -Prop. 38 ; fondé fur l’hypothéfe d’attraétion, prend pour un fphéroïde oblong, dont il veut que l’axe fe dirige toujours vers la Terre, ) ayant déja fait voir que l’inclinaifon de leurs orbes peut avoir lieu , quand même ces deux corps feroient parfaitement fphéri- ques , fcavoir parce qu’ils fe trouvent fi avant vers les extrémi- tés des Tourbillons de Saturne & de la Terre, où la direétion de leurs cours peut être altérée par la violence du grand Tourbillon Solaire , dont la direétion eft différente de Ja leur. FIN. Foutes à corriger. Page 5 2. ligne antepenukr. Compofant, /ifez , Comparant. Page 67. $. LxXY lig. 16. l'a fait , ifez, la fait. | Fi Hart sont: 3 8h Se Hit devl aura. oi a ‘1 de 97 :{ PENCE OS Esmiqut 3 ia 4 e VAUE IN ns 2h it 4 # Ne 49 " (ALT ET oh | | : Se “te ie Us Frs dé SE CPR HSRET OR Fretes vi + 1 £ ATVÉ RECHERCHES PHYSIQUES ET ASTRONOMIQUES, SUR LE PROBLEME PROPOSE POUR LA SECONDE FOIS Par l'Académie Royale des Sciences de Paris. Quelle ef la caufe phyfique de linclinaifen des Plans des Orbites des Planetes par rapport au plan de l'Egamteur de la révolution du Soleil autour de [on axe; Et d'où vient que les inclinaifons de ‘ces Orbites font différentes enrre elles. PIECE DE M. DANIEL BERNOULLI, Des ACADÉMIES DE PETERSBOURG, DE BOLOGNE, &c. & Profefleur d'ANATOMIE & de BOTANIQUE en J'Univerfité de Bâle. Qui a partagé le Prix double de année 1734. Traduire en François par fon Auteur. M iÿ PR EYFACE. A 1 fait cette tradution à la priére de quel- ques-uns de mes amis de Paris, à qui je dois toutes fortes de déférences & de reconnoiffance. Ceux qui voudront fe donner la peine dela con- fronter avec l'original Latin, verront que fi ce n’eft pas une traduction de mot à mot, au moins j'ai gardé le fens de chaque période : mais j'ai fait quelques petites additions ou éclairciffemens , dont j'ai pû me pafler avant que j'aie fçû que je pourrois avoir d’autres lééteurs que Meffieurs les Juges. Ces additions font diftinguées du corps de la piéce par deux parenthefes de cette forme [.…] qui les renferment. Je prieicile lecteur, de ne point trouver mau- vais le ftyle que j'ai affecté en parlant de mon pe- re : je m'en fuis fervi pour me cacher davantage aux Académiciens. NY: Éd ri DR aie de ne S Fe AE £ S LS ke % %Æ FF; BC RO. une Ko SOA OA PÉIAPRIR COUR CDR DE CCD DE CD CRE CE CRC OC ONE RECHERCHES PHYS LOT.ES ET ASTRONOMIQUES, SUR TVEMPER OS BÉLNEOMME NP REO!P OS E" PONT RMELEAINS EE CIO NID EE :0 15 Par l’Académie Royale des Sciences de Paris. Virtutum pretium in ipfis ef? , &° recle faéti merces ef fecifle. $.I. E Problême que l'illuftre Académie propofe , a deux arties; l’une regarde l’inclinaifon, ou la non-coinci- dence des Orbites céleftes avec l’Equateur folaire;l’autre a pour objet la diverfité de ces inclinaifons. Nous confidérerons l’une & l’autre en même tems, notre Syfème ne permettant pas qu'on les fépare. $. IL. On voit par la maniére même en laquelle l’Académie a énoncé fon Problème , qu'elle préfuppofe y avoir une liaifon entre les Orbites des Planetes & l’Equateur du Soleil; qui ten- de à les mettre dans un plan commun , & que fans une raifon particuliére , les Orbites planétaires feroient tout-à-fait dans le même plan avec l’Equateur folaire. Cela m'a de même toujours paru fort vrai-femblable; car pourroit-on , pour ne point alléguer d'autres raifons , attribuer à un pur hafard, le peu d’inclinaifon de toutes ces Orbites au plan de l'Equateur folaire? Ou fi cela pouvoit paroître encore douteux, [ vû le peu de précifion & de certitude dans la polition de l'Equatèur folaire ] du moins ne pourra-t-on pas difconvenir que les Orbites planetaires ne tendent vers un plan commun , 96 RECHERCHES PHYSIQUES puifque fans cela il auroit été moralement impoflible , que Îles Orbites fuffent renfermées dans des limites aulli ferrées qu'elles le font. Ceci étant, il eft fort probable que ce plan de commune tendance eft le même que celui de l’Equateur folaire , celui-ci étant le feul dans lequel on puiffe trouver quelque raifon capa- ble de produire un tel Phénomene. Cela pofé, il s’agit de trouver une raifon phyfique , qui faffe pencher & approcher les Orbites céleftes vers l'Équateur du Soleil, & de déterminer pourquoi ces Orbites ne font point tout- à-fait ni dans le plan dudit Equateur , ni dans un plan commun. $. III. Avant que d'entreprendre ces deux points , il ne fera pas hors de propos d'examiner plus particuliérement ce que nous avons pofé en fait ; fçavoir , gue les Orbires céleltes s'approchent de trop pres pour ne point affecter quelque plan commun fitué au milieu d'elles , & que ce n’efl que parune circonftance particulière ; que les mêmes Orbites ne font pas entiérement unies dans un même plan. Sans cet examen, on pourroit attribuer à un hafard le Phéno- mene qui fait le fujet de notre queftion , & regarder tout notre raifonnement comme fuperflu, ou peut-être même chimérique. Voici comme je m'y prendrai: Je chercherai de toutes les Orbites planetaires les deux qui fe coupent fous le plus grand angle ; après quoi je calculeraï quelle probabilité il y a, quetou- tes les autres Orbites foient renfermées par hafard dans les limi- tes de ces deux Orbites. On verra par-là que cette probabilité ef fi petite, qu’elle doit pafler pour une impoflibilité morale. $. IV. Après avoir comparé chaque Orbite avec chacune, & calculé les angles fous lefquels elles s’entre-coupent, j'aitrouvé fe couper fous le plus grand angle l'Orbite de Mercure, & celle de la Ferre ou l’écliptique : car leurs plans font un angle de 6° s 4” : pendant que l’Orbite de Saturne ne fait, avec celle de Mercure, qu'un angle de 6° 24/; & l’Orbite de Jupiter, encore avec celle de Mercure,un anglede 6° 8’. Toutes les autres Or- bites , de quelque maniére qu’on les combine, fe coupent fous des angles beaucoupplus petits. Je parle ici des Orbites des Planetes principales. [IL ef facile de voir qu’on peut trouver lefdites interfeétions par la fimple Trigonométrie ; car comme on connoïît lesnœuds des Orbites , aufli-bien que leurs inclinaifons avec l'écliptique, on ET ASTRONOMIQUES. Prix de 1734. 97 on aura dans un triangle fphérique pour bafe donnée, la diflan- ce des nœuds ; & les deux angles autour de la bafe feront con- rus par les angles d’inclinaifon des Orbites avec l'écliptique. De-à on trouvera l'angle oppofé à la bafe qui fait l'angle d'in- terfettion des deux Orbites : ainfi , parexemple, on trouve l'an- gle fous lequel les Orbites de Saturne & de Mercure fe cou- poient l’an 1700 , en confidérant que, fuivant Kepler, on avoit alors le nœud afcendant de Saturne dans le 22° 49’ du Cancer, & celui de Mercure dans le 14° 47 du Taureau : la diflance des nœuds eft donc ici de 68° 2’, qui fait la bafe dutriangle. Et, fuivant le même Auteur, lOrbite de Saturne coupe l'éclipti- de fous un angle de 2° 32’, & celle de Mercure fous un angle e 6° 54’. On a donc les angles autour de la bafe de 2° 32° & 173° 6/: & cherchant-de-là l'angle oppofé à la bafe, on le trouve de 6° 24/, comme nous l'avons marqué. Au refle , on voit bien que les nœuds étant différemment mobiles, les an- gles d’interfeétion des Orbites doivent être variables ; mais cela n'eft ici d'aucune importance. ] Je m'imagine donc toute la furface fphérique ceinte d'une zone ;, ou efpece de Zodiaque , de la largeur de 6° 54’. ( Car telle eft la plus grande inclinaifon de l’Orbite de Mercure avec lécliptique. } Cette zone contiendra à peu près la dix-feptiéme partie de la furface fphérique. Si l’on confidere donc les Orbi- tes planetaires comme placées par un pur hafard , il fera quef- tion de déterminer quel degré de probabilité il y a , pour que toutes les Orbites tombent dans une zone donnée de pofition, faifant la dix-feptiéme partie de toute la furface fphérique. Mais Ja pofition elle-même de la zone fe détermine par une des Or- bites , quelle qu’elle foit, puifqu'elles ne différent gueres entre- elles; ce qui fait quil n’y a plus que cinq Oïibites qui entrent en ligne de compte : cela pofé , on trouvera par les régles ordi- naires , le nombre des cas, qui faffent tomber les $ Orbites dans ladite zone , au nombre des cas contraires, comme 1 à 175 —1 ; c'eft-à-dire , comme 1 à 1419856. :[ Je ne donne pas à cette méthode toute la précifion géomé- trique, ce que le Lecteur n’aura pas manqué de remarquer; mais je m'en fuis contenté , parce qu'il ne s’agit ici que d'avoir quelque idée générale de la chofe, Un nombre confidérable- Tome LIL 98 RECHERCHES PHYSIQUES ment plus grand ou plus petit , ne nous feroit pas envifager au- trement le point de la queftion. On voit pourtant aflez que no- tre proportion ne peut être fort éloignée de la véritable. Mais, me demandera-t-on , quelle eft donc la véritable ? Je réponds à cette demande, qu’on ne fcauroit la déterminer, à caufe du mouvement des nœuds qui changent à tout moment les limites des Orbites: j'ai donc fimplement confidéré une zone, hors de laquelle aucun point des Orbites, quoique changeantes de po- fition , ne forte jamais, & j'ai comparé cette zone avec la fur- face de la fphére , dont elle fait à peu près la dix-feptiéme par- tie, tantôt plus, tantôt moins , à caufe de Ja variabilité des li- mites. Dans cette zone, il n’y a aucun point qui ne foit fujet à être touché par une des Orbites; & hors de la même zone , il n’y a aucun point qui puifle jamais l'être ; d’où l’on voit affez le fondement de ma folution. Si tous les nœuds étoient con- ftamment dans un même point commun, il auroit fallu avoir * égard au plus grand angle d’interfeétion de 2 Orbites que nous avons vüû être de 6° 54” : & comme cet angle auroit pù aller juf- u’à 90°, fi le hafard l’avoit formé , il faudroit comparer ces a angles, & dire que le premier fait environ la treiziéme par- tie du fecond ; d’où l’on tireroit Le degré de probabilité, (pour qu'aucune des Orbites ne fit avec une autre Orbite un angle plus grand que de 6° 54’, ) égal à 1:(13‘—1) qui donne une. proportion environ quatre fois plus grande , que dans la premié- re folution; fçavoir, celle de 1 à 371292. Enfin, la meilleure maniére de calculer le degré de probabilité, feroit de confidé- rer le plan au milieu des Orbites , ( qui, felon toutes les appa- rences , eft le plan même de l’Equateur folaire ,) avec lequel chaque Orbite , quoique mobile ; fait fans doute un angle con- flant , ou prefque confiant. Si ce plan étoit donné de polition ;. il faudroit calculer quelle Orbite fait le plus grand angle avec ce plan , & quelle eft la grandeur de cet angle : & comme dans Fhypothéfe des Orbites fortuitement placées , cet angle auroit pû monter jufqu'à 90 degrés, on auroit encore eu à confidérer le rapport dudit angle avec celui de 90°, &, pofé ce rapport être de 1 à », le degré de probabilité cherché, feroit maintenant comme 1 à m—1. Je mets ici l’expofant 6 au lieu de $ , que fai mis dans les deux exemples précédens, parce que Leterme ET ASTRONOMIQUES. Prix de 1734. 99 fixe n’eft pas ici une des Orbites, mais l’Equateur folaire. Cette méthode me paroîtroit {a plus jufte de toutes , fi la détermina- tion de l’Equateur folaire étoit un peu plus certaine ; fuivant ce ue M. Caflini rapporte dans les Mémoires de l’Académie oyale des Sciences de Paris , de l’année 1701 , c’eft l'Orbite de la Ferre qui fait le plus grand angle avec l'équateur folaire, & cetangle doit être de 7° 30’, cela donneroïit = 1 2,8 m°—1 == 29385983. Si donc toutes les Orbites étoient placées fortui- tement par rapport à l'équateur folaïre, il y auroit à parier 2985983 contre 1 , qu’elles n’en feroient pas toutes fi proches. Toutes ces méthodes, quoique fort différentes, ne donnent pas des nombres extrêmement inégaux. Cependant je m'attacherai au nombre donné en premier lieu , & n’ai fait cette addition que dans le deffein de faire voir au Leéteur quel fond on y peut faire.] $. V. Quelques-uns trouveront peut-être à redire à cette mé- thode : je m'en étois moi-même d’abord fait une autre : cepen- dant, tout bien confidéré , je lui ai préféré celle que j'ai expo- fée en premier lieu. Je ne m’arrêterai pourtant pas à l’affermir, pour ne me pas éloigner davantage de notre propos principal. Cependant ;, pour mieux faire fentir le ridicule qu’il y auroit d'attribuer à un pur hafard la pofition ferrée des Orbites, nous comparerons la queftion des fix Orbites avec celle d’une fimple interfection. Je dis donc que cette pofition des Orbites eft moins probable , que ne feroit celle de deux Orbites qui doivent fe couper fous un angle plus petit que d’un quart de feconde : [ car puifque l’angle de 90° eft à l’angle de 1 $///, comme 1296c00à1, il n’y a ici que 1295999 cas contre un, au lieu que là nous avons trouvé y en avoir 1419856 contre 1:] or fi, par exemple, la Nature n’avoit donné à l’Ecliprique qu’un angle de 1 $/” d’in- clinaifon par rapport à l'Equateur de la Terre, fuppofant que l'habileté des hommes eût pû arriver à mefurer de tels angles; quelqu'un auroit-il pü croire que cela fe füt fait par pur hafard, fans qu'il y eût la moindre liaifon entre l'Ecliptique & ledit Equateur ? Mais fi nous faifons encore attention aux Satellites de Jupiter & de Saturne , qui , de même que les Planetes prin- cipales , font leur courfe prefque dans un plan commun, (ex- cepté le dernier Satellite de Saturne , qui, par une raïfon par- ticuliére , que notre théorie même indiquera, n’a pas tout-à-fait Ni 100 LL 'RMORER CHESIPEAMISTQU ES cette loi,) il ne pourra plus refter le moindre fcrupule fur cette matiére ; & qui n’eft pas dans ce fentiment , doit rejetter toutes les vérités que nous connoiflons par induétion. Revenons à no- tre fujet principal. $. VI. Nous avons dit, qu'il y a un plan qui doit avoir quel- que rapport avec les Orbires des Planetes, dans lequel ces Ox- bites tâchent de fe réünir ; que ce plan eft fitué au milieu des Orbites ; & enfin qu'il eft , felon toutes les apparences , le mé- me que celui de l’Équateur folaire, tant parce que le plan de cet Équateur traverfe effettivement le milieu des Orbites, au- tant qu'on en peut juger par les obfervations faites fur les taches du Soleil , que parce que c’eft le feul plan qui puifle fournirune raifon phyfique de ce point. Après quoinous avons ajoûté , qu’il doit y avoir une circonftance particuliére, par rapport à laquelle les Orbites planetaires peuvent n'être pas entiérement unies dans le plan de l’Equateur folaire , ou dans un plan commun. C'eft dans ces deux points que conlifte principalement la queftion propofée. Je fens donc, que pour fatisfaire à la de- mande de l’Académie , je dois premiérement montrer , ce qui peut avoir tiré les Orbites planetaires fi près de l’Equateur folaire; & en fecond lieu , pourquoi ces Orbites ne font pas entiérement unies avec le même Equateur. $. VII. Je fuis perfuadé que tous les corps céleftes ont leur atmofphére; & quoique M. Huguens n’en ait point voulu ac- corder à la Lune par plufieurs raifons qu’il a alléguées, je crois pourtant que cette opinion eft maintenant généralement ban- nie : car plufieurs phénomenes en prouvent abfolument la fauf- feté. 11 eft vrai que la matiére qui fait les différentes atmofphé- res, peut être différente, comme d'être plus denfe , ou plusrare: il eft pourtant à préfumer que toutes les atmofphéres ont des propriétés femblables. Comme je fuis affüré , toutes chofes bien confidérées , que c’eft de l’atmofphére qui environne le Soleil, qu'il faut tirer la folution de notre Problême , il ne fera pas hors de propos d'indiquer ici les propriétés principales de l’atmo- fphére de la Terre , pour les appliquer à celle du Soleil. L'air, qui fait l’atmofphére de la Terre, eft un fluide pefant vers le centre de la Terre, élaftique, &c par conféquent de dif- férentes denfités dans les endroits plus ou moins élevés, ET ASTRONOMIQUES. Prix de 1734: 101 La denfité de l'air diminue fi fortement , qu’il doit être d’une rareté incompréhenfible dans la région de la Lune, s’il eft vrai qu'il y atteigne : car la denfité eft diminuée environ de la moi- tié à chaque lieuë d'Allemagne d’élévation ; de forte que la denfité de l'air près la furface de la Terre étant exprimée par 1, elle fera dans la région de la Lune moindre que 1 ; l’atmo- fphére de la Terre ne peut pourtant que s'étendre à l'infini, à moins qu'elle ne foit environnée & retenue par un autre fluide élaftique ; & elle left, comme je préfume, par latmofphére folaire ; les limites de l’atmofphére de la Terre feront là où fes élaflicités font égales à cellede l’atmofphére du Soleil : onpeut donc douter , fi l'atmofphére de la Terre va jufqu'à la région de la Lune cu non. Je fuis porté à croire qu’elle ne s'étend pas fi loin , à caufe de l’exceflive rareté que l'air y devroit avoir, qui furpaffe toute imagination : il y a deux autres circonftances qui m'en difluadent. C'eft premiérement la trop grande inclinaifon de l’Orbite de la Lune avec l’Equateur de la Terre, qui fans doute feroit beaucoup moindre, fi la Lune étoit environnée de l’atmofphére de la Terre, comme je tâcherai de le faire voir ci- deflous ; la feconde eft, que la Lune nous montre toujours la même face. La denfité de l'air eft encore diminuée par le chaud , & aug- mentée par le froid ; & enfin l'air eft mû autour de l'axe de la Terre avec la même vitefle , ou fenfiblement telle que la fur- face : car fans cela nous ne manquerions pas de fentir un vent continuel d'Orient en Occident , mais un vent incomparable- ment plus fort que dans les plus grandes tempêtes: cela eft clair, puifque chaque point de l’Equateur fait dans une feconde de tems , par la révolution diurne de la Terre, un efpace de plus de mille quatre cens pieds ; & que les vents les plus impétueux font à peine cinquante pieds dans une feconde : & c’eft non- feulement à la furface de la Mer que l'air fe meut enfemble avec la Terre, avec la vîteffle marquée ; mais la même chofe arrive encore fur les pointes des plus hautes montagnes ouver- tes de tous côtés , comme fur celle du Pic dans l'Ile de Téné- rifle. Fe Il eft encore facile de démontrer , que toute l’atmofphére depuis la furface de la Terre jufques dans fes plus hauts endroits, Ni 102 RECHERCHES PHYSIQUES ne mañqueroit pas de faire le tour dans 24 heures detems, fi fon mouvement n’étoit point empêché par le frottement de fa furface contre l’atmofphére folaire. Ce frottement & empêche- ment, qui fe fait vers la furface , influë jufques fur la furface de la Terre dans toute l’atmofphére, & fait que fes différentes couches font leur révolution en différens tems. C’eft M. Jean Bernoulli, qui nous a montré les véritables loix de ce mouve- ment pour toutes les hypothéfes par rapport aux variations des denfités , dans fa belle Difertation , que l’Académie a couron- née du Prix de l’an 1730, digne de cette glorieufe récompenfe. [ Ce que j'ai allégué ci-deflus touchant l'énorme diminution des denfités de l'air, qui s'éloigne davantage de la furface de la Terre, eft prefque généralement recû par les Géometres; & ils fe fondent fur ce que les denfités de l'air font toujours propor- tionnelles aux forces qui les compriment , d'où ils concluent que les diftances depuis la furface de la Terre croiffant arithmé- tiquement, les denfités doivent décroître géométriquement ; c’eft-à-dire , que ( la denfité de l'air à la furface de la mer étant =—1 , la hauteur verticale par-deflus cette furface = x , la den- fité de l'air qui répond à cette hauteur —y,) l'équation en- tre les hauteurs verticales des lieux & les denfités de l'air doit être celle-ci, lg. ==, la valeur de 4, ne » fe y a trouvant parune expérience : ainfi, par exemple, file Barometre eft fuppofé tomber de fa -} partie en l’élevant depuis la furface de la Mer de 63 pieds, on obtiendra à peu près à = 335$ x 63 — 21105. Et fi de-là on veut fçavoir quelle feroit la hauteur verticale où la denfité de l'air feroit — +, on la trouve environ égale à 14600 pieds : au lieu de cette quantité, j'ai mis une lieuëé d'Allemagne, quoique beaucoup plus grande , pour ne point paroître avoir voulu exagérer la chofe. C'eft-là le raifon- nement le plus commun des Géometres, que j'ai voulu füivre, parce qu'il ne s’agit pas ici de trouver des nombres exaëts, & que je n'ai pas eu le tems , lorfque je compofois cette Piéce, d'entrer dans des détaïls, étant près de mon départ de Peter- fbourg ; je ne l’approuve pourtant pas, nine l'approuvois alors, fcachant bien dès-lors , qu'il ne répond pas affez bien aux expé- riences qu’on à faites fur cette matiére, & que l’on y néglige ET ASTRONOMIQUES. Prix de 1734. 103 plufieurs points très-effentiels ; fçavoir, 1°. La diminution de la pefanteur en s'éloignant de la furface de la Terre : c’eft un point que M. Newton n’a pas manqué de confidérer dans le Liv. 2, Prop. 22. des Prince. Math. maïs qui n’eft pas de conféquence pour les petites hauteurs , telles que font celles des montagnes par-deflus la furface de la Mer, de forte que ce n'eft pas à cette raifon, qu'il faut attribuer le trop peu de conformité entre le calcul expofé & les expériences faites par les Phyficiens. 2°. La diverfité des forces centrifuges des parties de l’air con- traires à leur pefanteur. Ce point eft , de même que le premier, fans grande conféquence pour les hauteurs médiocres. 3°. La diverfité de chaleur , tant dans les différentes parties des mêmes couches, que dans les différentes couches ; car l'augmentation de chaleur dilate aufli-bien l'air, que la diminution des forces ui le compriment. Je m'aflüre que c’eft ici la feule raifon qui fait différer fi fenfiblement les expériences d’avec l'hypothéfe communément recüë. On voit par-là combien il eft dificile de donner une méthode exaéte pour calculer la diminution des den- fités de l'air : ce que je dis ci-deflous de l’atmofphere du So- leiïl ($. 1x. ) fervira à éclaircir davantage cette matiére ; mais je la traiterai un peu plus en détail dans un Ouvrage hydrodyna- mique , que je compte de publier au premier jour. ] $. VIII. De ces propriétés que nous connoiffons de l’atmo- fphére de la Terre , nous conclurons que le Soleil eft de même environné d’un fluide pareil à notre air, pefant vers le centre du Soleil, doué d’une force élaftique, qui fans doute fe renforcera, la chaleur du Soleil étant augmentée ; ce fluide aura donc aufli fes différentes denfités dans fes différentes diftances de la furfa- ce du Soleil , tellement que s’il y avoit par-tout un même de- gré de chaleur, & que la pefanteur fût auffi en tous lieux la même, les denfités deviendroient proportionnelles aux appli- quées d’une logarithmique , les diftances depuis la furface du Soleil étant exprimées par les abfciffes : mais comme l’un & l'autre décroiïffent en s’éloignant du Soleil, les variations des denfités fuivront une autre loi, que nous allons examiner ci- deffous. 4 L’atmofphére folaire s’étendra tant que fon élaflicité devien- ne égale à celle d’une autte atmofphére, que nous ne connoif- 104 RECHERCHES PHYSIQUES fons pas , dans laquelle la folaire peut être enveloppée ;, comme Fatmofphére de la Terre l’eft dans celle du Soleil. Enfin, la remarque la plus effentielle pour notre deffein eft, que ce fluide folaire doit néceflairement faire fes révolutions autour de l’axe du Soleil, & même que toutes fes parties ne manqueroient pas de faire le tour enfembleavec le Soleil dans 2$ + jours de tems, fi le mouvement n'étoit pas empêché dans les limites de l’atmofphére : cet empêchement fera que les tems périodiques de la matiére croitront vers les limites. Je préfume pourtant que malgré cette diminution de mouvement, les vi- tefles ( qui fans cela fuivroient la proportion des diftances de l'axe du Soleil ) ne laïfflent pas d’être plus grandes, quand les diftances dudit axe font plus grandes. $. IX. Quant à la méthode de trouver les différentes denfités de l’atmofphére dans diflérens lieux, je ne crois pas qu’on puifle les connoître parfaitèment, les chofes qui déterminent le Pro- blême nous manquant. | Nous nous contenterons d’en avoir quelque legere idée , en choififfant les hypothéfes les plus probables. Pofons que la pe- fanteur vers le centre du Soleil fuive la raifon réciproque des quarrés des diftances du même centre : que les denfités du flui- de foient par-tout en raifon direéte des poids de l’armofphére qu'il foûtient, & en raifon réciproque de fa chaleur : que la chaleuf fuive , de même que la pefanteur, la raifon réciproque des quarrés des diftances du centre du Soleil, & enfin que les mefures des élafticités foient Les poids qu'elles foûtiennent. Après ces hypothéfes , nous nommerons le rayon du Soleilr, la diftance d’un endroit donné au centre du Soleil = x. Nous marquerons la denfité de l'air , fon élafticité & fa chaïeur, tel- les qu’elles font à la furface du Soleil par l'unité : la denfité qui convient à l'endroit propofé — D , & l’élafticité pour le même endroit = £. Nous aurons de cette maniére en vertu des hypo- thefes , que la denfité el} par-tout proportionnelle au poias de l'at- mofphére fupérieure divifé par la chaleur , ou bien à Pétafliciré divi- fee par la chaleur, qui eft —. s Ex sx | Dr; -Concevons l’atmofphére compofée d’une infinité de couches autour 2 ET ASTRONOMIQUES. Prix de 1734. ro autour du centre du Soleil ; il.eft clair que — dE , qui marque 1a diminution infiniment petite de l’élafticité quirépond à dx , ou à la différence de x ; il eft, dis-je , clair que dE fera proportion- nelle au poids de la couche correfpondante, dont la hauteur eft dx : mais ce poids eft proportionnel au produit de la même hau- teur dx , par la denfité D , & par la force de la péfanteur ——; donc prenant # pour un nombre conftant , on aura nrrDdx & mettant dans cette équation pour D , fa valeur trouvée tan- tôt,onobtientdE=— 1 Edx;, dont l'intégrale eft (défignant par c le nombre quia pour logarithme l'unité) nxX(r—x) 1 : On voit par cette équation, que les élaftcités décroiffent dans l’atmofphére folaire, en s’éloignant du Soleil , de la même maniére qu'elles feroient , fi la pefanteur & la chaleur éroient par-tout les mêmes , qui font les deux hypothéfes dont on fe fert pour trouver les variations des denfités de l’atmofphére de la Terre , lefquelles hypothéfes pourtant ne font gueres conve- nables pour cet effet , comme M.-Newton l’a auffi obfervé. Si maintenant on fubftitue dans la premiére pour £ fa valeur trou- vée , on aura cette équation finale DE xx = — 2 - $. X. II fuit de cette équation, que la plus grande denfité de l’atmofphére folaire , n’eft pas à la furface du Soleil, mais dans quelque autre endroit, qui peut étre très-éloigné du So- leil : la raifon phyfique en eft, que l'atmofphére fe raréfie ex- trèmement par l'énorme chaleur qui régne autour du Soleil. L'endroit de la plus grande denfité eft éloigné du centre de la quantité =, & on ne fçauroit déterminer la valeur de » > tant u’on ne peut trouver par une expérience en quelque endroitla denfité réelle de l’atmofphére. $. XI. Mais pofons, par exemple, que la plus grande denfité de l’atmofphére folaire eft près de Vénus, qui eft éloigné du centre du Soleil d'environ cent cinquante rayons du Soleil : on Tome III, O 106 RECHERCHES PHYSIQUES aura = = 1507 ou bien = = : donc l'équation appliquée à ce cas, eft xx GED :G5n d [4 Fr D . > € . : ce qui marque les denfités de l’atmofphére comme il fuit : Sur la furface du Soleïl = 1 Dans la région de Mercure — 2200 Vénus — 3000 La Terre — 2600 Mars — 1200 Jupiter = 0,40 1 Saturne — 0,000006 $. XII. Dans cette hypothéfe les denfités de l’atmofphére folaire deviennent aflez égales dans les régions de Mercure, de Vénus , de la Terre & de Mars : mais autour de Jupiter, & fur-tout autour de Saturne, la matiére deviendroit firare , qu’el- le ne pourroit plus produire aucun effet fenfible.S Il y a donc lieu de croire que l'endroit de la plus grande denfité eft encore au-delà de la région de Vénus. Si on la fuppofe être dans la ré- gion de Mars, alors les denfités feront dans cette proportion: Sur la furface du Soleil ï Dans la région de Mercure — 4170 Vénus = 8910 La Terre — 12300 Mars — 14400 Jupiter = 1310 Saturne == 15 $. XIIL. Si la plus grande denfité eft fuppofée être autour de Jupiter , l'atmofphére folaire en devient encore beaucoup plus uniforme depuis Mercure jufqu'à Saturne ; & cette pofition me paroît la plus probable : car comme un grand nombre de phé- nomenes , communs à toutes les Planetes, me paroiffent pou- voir fe déduire de l’atmofphére folaire, c’eft très-à-propos que les denfités de cette atmofphére peuvent , dans toute Phdhdhe des régions planétaires, n'être pas exceflivement inégales , comme elles le font dans l’atmofphére de la Terre fous de mé- diocres différences de hauteur. Que l’on prenne dans notre at- ET ASTRONOMIQUES. Prix de 1734. 107 mofphére feulement la hauteur d'un demi-diametre de ia Ter- re par-deflus la furface de la Terre que nous habitons, onverra que l'air y doit déja être d'une rareté inconcevable. $. XIV. Après avoit expofé ce qui regarde l’atmofphére fo- laire , je crois devoir dire ici, qu'il ne me paroît pas que cette atmofphére müë autour de l’axe du Soleil, puiffe faire toutes les fonétions que l’on attribue aux T'ourbillons déférants , & que ce n’eft pas elle par conféquent, qui retient les Planetes dans leurs Orbites : car dans un T'ourbillon déférant, la denfité de fa matiére doit être égale à la denfité des corps , qui y nagent, comme M. Newton a fait voir : mais l’atmofphére folaire ef, fans doute , par-tout incomparablement plus rare, que ne font les corps céleftes müs autour du Soleil. Il y a une autre circon- fance , qui me paroït démontrer entiérement , que cette at- mofphére n’a pas l’ufage des T'ourbillons déférants ; c’eft que les vitefles de la matiére, & du corps emporté par le T'ourbil- lon, doivent être égales. Or, par la regle de Kepler, le tems périodique d’une Planete, qui feroit près la furface du Soleil, feroit Le tour environ dans trois heures ; pendant que la matiére de l’atmofphére, qui touche le Soleil ; a befoin de 25 jours & demi pour faire fa révolution , de même que l’atmofphére de la Terre, près fa furface, fait la fienne dans 24 heures detems. Je n’entre pas ici dans l'examen , fi cet argument n’eft pas con- traire au fyflême des Tourbillons en général , que je ne veux pas réfuter. Il y a donc une autre caufe qui retient les planetes dans leurs Orbites, & qui contre-balance leur force centrifuge : certe caufe , quelle qu’elle foit , pouffe les corps vers le centre du Soleil ;, puifque les plans des Orbites paffent par ce centre. Si l'on trouve que les Tourbillons déférants puiflent rendre cet office aux Planetes & à la Terre, je ne m’oppoferai point qu'on établiffe de tels Tourbillons , qui traverfent latmofphére, & cela ne fera pas contraire à ce que j'ai dit, que l’atmofphére elle- même ne peut pas faire cette fonétion : j'avoue pourtant , que même après avoir lü attentivement la Differtation de M. Jean Bernoulli, que j'ai citée ci-deflus ; il me refte encore plufieurs difficultés contre le fyflême des Tourbillons. Mais la grande pénétration de ce célébre Auteur, & fur-rout l’'éminente auto- O0 ï 103 RECHERCHES PHYSIQUES rité de l’Académie, dont il a peut-être emporté les fuffrages jufques dans cette matiére , ne me permettent pas de dire mon fentiment avec confiance. Je fouffrirai encore qu’on dife, que l’atmofphére müûé autour de l’axe du Soleil , eft précifément le Toubillon déférant des Planetes , s’il paroït aux autres que cela puiffe être , quoiqu’à moi cela ne me paroiffe pas. Car l'hy- pothéfe dont j'ai befoin pour mon fyftême , eft une chofe dont nous fçavons par expérience qu'elle exifte , & n’eft plus révo- quée en doute ; fçavoir , gw'il y aune caufe, que j'appellerai pe- fanteur folaire , qui contre-balance la force centrifuge , © qui pouf- fe continuellement les Planetes & la Terre vers le centre du Soleil. $. XV. En cas qu’on voulüt déduire la pefanteur folaire ( com- me quelques-uns l'ont fait par rapport à celle qui fe fait versle centre de la Terre) de la force centrifuge d’une matiére fubtile mûé très-rapidement , & cela d'autant plus que la matiére eft plus fubtile & plus rare ; j'ai cru , aufli-bien que quelques amis à qui javois marqué mon fentiment, qu'on pouvoit faire quelque changement dans les fyftêmes de Defcartes & de Huguens. Mais je n’avois pas encore lû alors avec aflez d'attention, ce que quelques Sçavans ont publié pour accommoder & accor- der la defcente verticale des corps vers le centre de la Terre, avec l’hypothéfe d’un Tourbillon fimple mû autour de l’axe de la Terre, Je ne laifferai pas de dire ici mon fentiment fur cette matiére. J’aidonc penfé ; fi l’on ne pourroit pas admettre plu- fieurs Tourbillons d’une matiére fubtile , & même un nombre prefque infini , mûs autour de differens axes , tous paffans par le centre du Soleil. Car Defcartes a déja conçü dans d’autres oc- cafions,, la matiére fubtile fe traverfer librement, & cela d’un fens contraire : outre cela, j'ai confidéré que tous Les Phyficiens font en ces tems-ci d'accord , que toutes les Planetes ont une pefanteur mutuelle qui poufle l’une vers l’autre : quand même on ne voudroit donc accorder qu’un Tourbillon autour de cha- que Planete pour produire la pefanteur , on ne pourra pourtant nier que tous ces Tourbillons ne fe traverfent librement, & que la même chofe arriveroïit, fi ces corps céleftes étoient mille fois plus nombreux. Mais il y a encore une autreraifon, qui m'in- duifoit à croire, que ce mouvement compofé de plufieurs Tourbillons en tout fens ; n’étoit ni abfurde, ni impoñlible ; ET ASTRONOMIQUES. Prix de 1734. 10ÿ c’eft que les Phyficiens conviennent , que la lumiére n’eft au- tre chofe qu'un mouvement très-rapide de petites fphéres ex- trêmement fubtiles : cependant il eft für par l'image renverfée des objets, qui fe fait dans les chambres obfcures , que tous les rayons de la lumiére, de quelque côté qu'ils viennent , quoi- qu'ils fe coupent en un point, ne laiffent pas de fe traverfer li- brement fans fe confondre; & que chaque rayon fait le même effet que s’il étoit feul. Tout cela me portoit à croire que l'on pouvoit , fans abfüurdité , fuppofer un grand nombre de T'our- billons d’une matiére fubtile gravifique, fe traverfant librement & fur différens axes , qui paflent tous par le centre du Soleil : & de cette maniére il n’y auroit aucune propriété connue de la pe- fanteur , foit de celle qui fe fait vers le centre de la Terre , foit de celle que j'appelle folaire , qui ne coulât très-naturellement de cette hypothéfe. Mais comme cela n’appartient proprement pas à notre propos , je ne m'y arrêterai pas davantage. $. XVI. Je viens à notre propos principal. Le mouvement de l’atmofphére folaire fait d’abord , en ne faifant point d’atten- tion à la pefanteur folaire , que les corps tendent à faire leur courfe , ou dans l’Equateur du Soleil, ou dans un plan paral- lele : & fi ces corps marchent obliquement , il arrivera quepeu à peu ils s'accommoderont à ladite direétion , mais pourtant fans la prendre jamais parfaitement , finon après un tems infini. Les corps s’approcheront d’autant plus vite de leur direétion na- turelle , que la matiére qui les environne ef plus denfe ; que la différence des viteffes des corps & de la matiére eft plus gran- de ; que les corps font d’une matiére plus rare; & enfin, d’au- tant que ces corps font plus petits. La pefanteur [olaire contraire & égale à la force centrifuge des corps céleftes, fait d’ailleurs que ces corps ne peuvent fe mouvoir que dans des plans qui paflent par le centre du Soleil. Il paroït donc, en confidérant l’aétion de l’atmofphére , &la pefanteur folaire enfemble , que la direction naturelle & immua- ble des corps qui fe meuvent autour du Soleil , doit être telle , qu'elle fatisfaffe aux deux points que nous venons d’expofer; ce qui ne peut fe faire fans que les Orbites foient dans l’Equateur folaire. Si elles ne font pas réellement dans cet Equateur, qui eft leur fituation naturelle & immuable, elles s’en approchent, Où 110 RECHERCHES PHYSIQUES & cela fort fenfiblement, lorfqu’elles en font beaucoup éloi- gnées ; mais au contraire avec une extrême lenteur, lorfqueles mêmes Orbites fe confondent prefque avec ledit Equateur; auffi-bien n’y arrivent-elles tout-à-fait qu'après un tems infini. C'eft-là la neture des corps mûs dans des milieux, foit réfiftans, foitdéférants. Ainfi, par exemple, les corps, qui, projettés dans le vuide , décrivent une parabole , font dans les milieux réfiftans une courbe , laquelle approche d’abord fort vite d'une ligne verticale , fans pourtant jamais l’atteindre tout-à-fait. $. XVII. Je me perfuade donc qu'aux tems fort reculés , les corps qui fe meuvent autour du Soleil , ont décrit des Orbites, faifant avec l’Equateur folaire, des angles beaucoup plus grands qu'ils ne font à préfent, & que ces angles ont varié beaucoup plus entre les différentes Orbites , que dans nos tems : mais que ces Orbites ont été réduites peu à peu dans les bornes étroites où elles font à préfent, & qu'après un tems infini, elles fe réü- niront entiérement dans ün même plan, qui fera celui de l'E- quateur folaire. Cela étant, nous avons fatisfait en mêmetems aux deux points expofés £. vi. qui devoient faire le fujet de no- tre Difcours. Voici le précis de mon explication. L’aétion de l'atmofphére folaire, jointe à la pe/anteur folaire, fait que les corps mûs autour du Soleil, tendent à fe mouvoir dans le plan de l’'Equateur folaire , & qu’ils s'en approchentde plus en plus. Ces approchemens étant fort fenfibles, lorfque les Orbites font un grand angle avec l’Equateur folaire, & le Monde ayant été créé depuis très-long-tems , cela fait que les Orbites ne peuvent qu'être prefque dans le plan dudit Equateur, & enfin la raifon pour laquelle ces Orbites ny font pas entiérement, eft que cela ne peut ariver qu'après un tems infini. $. XVIII. On auroit tort d'objecter ici , qu'il paroïît par les plus anciennes obfervations, que les Orbites n’ont point chan- gé de déclinaifon : car il eft à préfumer que la matiére de l’at- mofphére ef fi fubtile, que les Orbites planétaires étant pro- ches de l'Equateur folaire, un tems de plufienrs fiécles ny puiffe produireun changement fenfible. 11 n’eft pas für d'ailleurs, qu'on n’eût obfervé aucun changement, fi l’on avoit été aufli exa€t du tems d’Hipparque à faire les obfervations Aftronomi- ques, qu’on l'eft à préfent. On peut alleguer ici l'exemple de ET ASTRONOMIQUES. Prix de1734 111 lécliptique, dont la déclinaifon a été obfervée il y a deux mille ans par Pythée de 23° 49’ 10/, qui aujourd’hui n’eft que de 23° 29/; fur quoi mérite d’être lû ce qu'il y a dans / Hiffoire de l Académie Royale des Sciences de Paris, pour l'année 1716 ,p. 48. Je ne fçais pas.affez quel fond l’on peut faire fur les obferva- tions des anciens Aftronomes : cependant je ne crois pas qu’il y ait perfonne , qui foûtienne encore les corps céleftes n'être fujets à aucuns changemens : car le monde n’eft pas depuis l’é- ternité, nine durera éternellement, nine demeurera enfin tou- jours dans le même état , tant qu'il dure. On donne un mouve- ment aux nœuds & aux aphélies, ce qu'auffi-bien demande certe même théorie que je viens d’expofer : pourquoi ne voudroit-on pas accorder que les Orbites planétaires puiffent varier aufli en s’ap- prochant infenfiblement de l’Equateur folaire? Je ne crois pour- tant pas que les Orbites prennent jamais des déclinaifons con- traires , après être paflées par le plan dudit Equateur folaire, mais qu’elles refteroient toujours dans cet Equateur, fi elles y étoient une fois , & que c’eft-là leur afliette naturelle & im- muable : peut-être que les aphélies & les nœuds ont de même leurs limites , lefquelles s'ils avoient atteints , ils ne fouffriroient plus aucun changement ; & c’eft fans doute là la raifon pourquoi ils fe meuvent fi lentement : car tout ce qui eft près de fon état, afymptote & invariable, ne peut plus foufrir de changemens fort fenfibles ; & ce quitend depuis fi long-tems vers fon point d’invariabilité , ne peut qu’en être fort près. Les variations des Orbites que la Lune décrit, font d’une autre nature, & doivent fe déduire d’une autre origine : car ces Orbites lunaires ont leurs limites de part & d’autre , qu’elles reprennent toujours. Mais fans doute que les périodes de ces variations &excurfions, ont aufli leurs inégalités moindres à préfent, qu’elles n’ont été au- trefois , & qui enfin s’évanoüiront entiérement , de même que les irrégularités dans les Orbites planetaires. On peut noterici que la Lune, Le même elle eft fuppofée immédiatement environnée de l’atmofphére folaire , n’en eft pas trainée vers PEquareur folaire : car autant qu’elle y eft pouflée depuis un nœud jufqu’à l’autre , autant en eft-elle repouflée dans fon re- tour au premier nœud : mais je ne doute pas, que les Orbites lunaires ne s’approchent plutôt de l'Equateur de la Terre, s'il 112. RECHERCHES PHYSIQUES eft vrai que l’atmofphére de celle-ci aille jufqu’à la Lune, ou fi elle y a encore une denfité fenfible ; ce que j'ai pourtant de la peine à croire , préfumant que l’atmofphére de la Terre finit avant que d'atteindre à la Lune , vü l'extrême rareté qu’elle doit déja avoir dans les hauteurs médiocres, comme J'ai dit $. vi. De-là on peut tirer la raifon pourquoi les Orbites lunai- res ne font fort proches ni de l'Equateur folaire , ni de celui de la Terre. [ Ce que j'ai allégué dans le préfent article fur les variations des nœuds & des aphélies ; comme conformes à notre théorie, mérite bien quelque éclairciffement : le préfent fyflême en fera rendu plus univerfel & plus plaufible. Difons d’abord un mot fur les rœwds folaires ; j'appellerai tels dans la fuite les interfec- tions de l’ Equateur folaire avec les Orbites planetaires. On voit affez , fans autre explication, que l’atmofphére folaire doit né- ceffairement faire avancer ces nœuds folaires : elle fera avancer de même les aphélies , ce qu'on voit plus diflinétement en si- maginant les Orbites être extrêmement excentriques. Les nœuds & les aphélies étant donc mobiles par rapport à l'Equa- teur folaire, ils le feront aufli par rapport a l’écliptique , auquel nous les rapportons. Ainfi toutes les Orbites planetaires doi- vent être regardées comme müës en avant dans l'ordre des fignes céleftes , & tant les nœuds que les aphélies , nous paroï- troient fe mouvoir en cet ordre , fi l’écliptique , ou l'orbite de la Terre ne varioit pas elle-même : mais les variations que l’or- bite de la Terre fubit pareillement , peuvent faire paroître les mouvemens des autres Orbites , tout autres qu'ils ne font, & même quelquefois contraires, felon les circonftances, ce qu'il ne fera pas difficile de comprendre pour ceux qui veulent fe don- ner la peine de confidérer cette affaire avec attention. C'eft auffi fans doute le mouvement de l’Orbite de la Terre, qui fait que l’Equateur coupe continuellement en d'autres points l'é- cliptique ; d’où il faut tirer le mouvement des points équino- étiaux , qu’on croit faire le tour dans 25000 ans, ou environ. ] $. XIX. Il n’en eft pas de même des atmofphéres de Jupiter & de Saturne , dans lefquelles je ne doute pas que les denfités décroiffent moins vite , que dans celle de la Terre : car quoi- que l'on pofe dans les atmofphéres de Saturne & de Jupiter, que ET ASTRONOMIQUES. Prix de 1734 113 que les denfités décroiffent géométriquement, pendant que les diffances vont en progreflion arithmétique, comme cela eft fuppofé ordinairement dans l’atmofphére de la Terre, il fe peut pourtant que pendant qu'il faut une élévation d’une lieuë pour faire diminuer de la moitié la denfité de l'air , il faille une élé.- vation incomparablement plus grande pour obtenir un effet femblable dans les atmofphéres de Saturne & de Jupiter, & que de cette maniére les Satellites de l’une & l’autre Planete foient encore environnées d’une matiére affez denfe ; & cela d’autant plus facilement , que les Satellites ne font pas extré- mement éloignés de leurs Planetes par rapport aux diamétres de celles-ci. On voit par-là , pourquoi tant les Satellites de Jupiter de ceux de Saturne, ( en exceptant feulement de ceux-ci le ernier, ou le plus haut, ) font prefque dans des mêmes plans de part & d’autre , quoique les deux plans foient fort différens en- tre eux , puifqu'ils font un angle d’environ 3 1 degrés : & pour- quoi les plans que les Satellites affeëtent, font précifément ceux des équateurs e leurs Planetes principales. Quant au cinquiéme Satellite de Saturne, il eft très-remar- quable, qu'il s’écarte feul de la regle générale: car pendant que les quatre autres Satellites , de même que l’anneau , font tous leurs revolutions dans le plan de l'équateur de Saturne , ou peu s’en faut, l’Orbite du dernier Satellite fait , avec cet équateur, un angle d'environ 15 ou 16 degrés, comme le célebre M. Caffini l’a démontré dans les Mémoires de l Académie Royale des. Sciences de Paris , de l'année 17143 + 375: Cette exception pa- roîtra peut-être au premier abord contraire à notre théorie : mais après avoir tout bien confidéré , j'en ai été confirmé dans mon opinion. Car j'avois déja commencé à croire , que l’atmofphére de Saturne ne s’étend pas jufqu’à la région du cinquiéme Satel- lite,ou qu’elle n'y eft plus d’aucun poids, à caufe de fa trop gran- de fubtilité.Ce qui m’avoit déja induit auparavant à ce fentiment eft, que le mouvement journalier des corps céleftes, me pa- roiffoit dépendre de l’atmofphére dans laquelle les corps na- gent ; me perfuadant que la Lune ne montre toujours une même face à la 'erre, que parce que l’atmofphére de la Terre ne va pas jufqu’à la Lune : & réfléchiffant enfüuite fur ce que le cin- quiéme Satellite de Saturne montre pareillement à fa Planete Tome IUT. 114 RECHERCHES PHYSIQUES principale la même face, je ne pouvois plus douter que ce Sa- tellite ne foit placé hors de l’atmofphére de Saturne , & que par conféquent il ne fçauroit avoir aucune tendance vers l'équateur de Saturne. Voila fans doute la vraie raifon de fa trop grande dé- clinaifon avec ledit équateur ; cela étant , la conjecture de M° Huguens & Newton, qui croyoient que tous les Satellites tour- noient toujours le même côté à la Planete principale , eft mal fondée , étant perfuadé que tous les autres Satellites ont un mouvement journalier, puifque leur coincidence , ou prefque- coincidence avec l'équateur de leur Planete, montre qu ils na- gent dans l’atmofphére. $. XX. Je n'ai pas voulu omettre ces remarques fur les Satel- lites , parce qu’elles confirment notre fyfiéme général. Je re- viens aux atmofphéres; & comme c’eft d'elles que j'ai tiré la folution de notre Problème, il ne fera pas hors de propos d'ex- pliquer méchaniquement leur aétion. Ce que je dirai de l'at- mofphére du Soleil , pourra de même étre applique aux autres atmofphéres. … Les Orbites des Planetes coupent l'équateur du Soleil en deux points, ou #œuds folaires : confidérons une Planete fe trou- vant dans un de ces nœuds ; en partant de-la elle fe meut fous une direétion oblique à l'équateur du foleil, mais en même tems elle acquiert par l’aétion de l’atmofphére folaire , qui fe meut plus virement que ne fait la Planete, un fort petit mouvement parallele à l'équateur : & comme les deux mouvemens fe font du même côté, dans quelque endroit que la Planete fe trouve, il eft clair qu'il en réfute un mouvement compofé ; qui devient continuellement plus parallele à l'équateur. ( On remarquera ici, que le mouvement de l’atmofphére folaire eft tantôt com- mun avec le cours des Sateilites , & tantôt contraire, ce qui eft la raifon pour laquelle les Satellites ne s’approchent point de l'équateur folaire , mais de-celui de leur Planete.) L'approche- ment des Planetes vers l'équateur Solaire , eñt le plus fenfible dans les nœuds folaires , & dans les points de la plus grande déclinaifon il eft nul, parce que la tangente de FOrbite y de- vient parallele avec l'équateur. Les pofirions de diverfes Pla- netes étant pofées femblables, elles s’approcheront d'autant plus vite de l’équateur folaire, qu’elles en font plus éloignées ; ET ASTRONOMIQUES. Prix de 1734. 115$ qu’elles ont un plus petit diametre, & une moindre denfité ; que la matiére de l’atmofphére qui énvironne les Planetes , eft plus denfe ; & enfin d'autant plus vite que l’excès de la vitefle de la matiére, par-deffus celle des Planetes, eft plus grande. Comme on ne fçauroit définir toutes ces circonftances dans dif- férentes Planetes, il eft impoflible de marquer quelles Planetes s’approchent plus vite de l'équateur folaire. ! $: XXI. Après avoir allegué plufieurs raïfons pour prouver que les Planetes tendent vers l'équateur du Soleil, & qu’elles s'en approchent de plus en plus ; il fera bon d’examinerici, par les obfervations Affronomiques , quelle ef l’inclinaifon des Or- bites par rapport audit équateur : pour là connoître, il faut fca- voir l'endroit des nœuds , ou interfeétions des Orbites planetai- res avec l’écliprique , & enfin la fituation de l'équateur folaire par rapport à l'écliptique. Selon Kepler, le nœud afcendant de Saturne eft maintenant au 22° 49” du Cancer , & l'mclinaifon de” fon orbite avec l'écliptique de 2° 32’: le Q de Jupiter au $* 31° du Cancer , & l’inclinaifon de 1° 20’ : le Q dé Mars au 17° so’ du Taureau , & l’inclinaifon de 1° so’: le Q de Vénus au 14° 47 des Gémeaux; & l’inclinaifon de 3° 22’: le Q' de Mércure au 14° du Taureau , & l’inclinaifon de 6° ÿ 4’. Dans toutes ces dé- terminations , les Aftronomes de notre tems s'accordent à fort peu près : mais ils font fort différens fur la poftion de l'équateur folaire : aufli-bien les obfervations dont on fe fert pour cet effet, ne font pas d’une nature à pouvoir la déterminer au jufte. Dans V'Hifhoire de F Académie Royale des Sciences dé Paris pour Pannée 1701 , l'équateur folaire eft déduit faire un angle avec l’éclipti- que de 7° 30°, & dans les Mémoires de ka même année, il eft dit, que le pole qui regarde le Septentrion répond au huitiéme degré des Poiflons: En fuivant ces hypothéfes:, l'équateur fo- laire eft coupé par l'orbite | de Saturne , fous un angle de . . .. $° 53’ TORRES ne NE sbranôd Si LA Lee des info h30 Mars. se 2 00 be uhasbiare Pr 49 Méaus 0 4. ANR dE PE 4 10 Mercurey. à:21.Jur 4 A Mets te 116 RECHERCHES PHYSIQUES C’eft ici l'orbite de la Terre, qui fait le plus grand angle avec l'équateur folaire ; fçavoir de 7° 30’. [ IL eft facile de voir quelle eft la méthode de trouver les inclinaifons des orbites avec l'équateur folaire ; elle ne diflére pas de celle de rrouver les inclinaifons que les Orbites ont entre elles, expofée ci-deflus à la remarque du $. 1v. Car connoïffant le nœud folaire de l’écliptique, & les nœuds des orbites planetai- res avec l’écliptique, la diftance du nœud folaire aux autres nœuds, donne un côté dans le triangle fphérique à réfoudre : les angles que l'équateur folaire , & les orbites planetaires font avec l’écliptique , font les deux angles connus dans le même triangle ; d'où l'on trouve Le troifiéme angle , qui eft l'angle de - l'inclinaifon des orbites avec l'équateur folaire. 7 $. XXII. Mais comme la polition de l'équateur folaire eft fort incertaine ; de telle maniére que ; felon quelques-uns , fon inclinaifon avec l’écliptique ne furpañle pas deux degrés, on pourroit peut-être fans abfurdité, feindre une telle pofition , que fon inclinaifon moyenne avec toutes les orbites planetaires, fût la moindre , à laquelle condition l’on peut fatisfaire en ef- fayant un grand nombre de pofitions : ainfi , par exemple, dans la précédente hypothéfe, Finclinaifon moyennedes orbites avec lPéquateur folaire , eft de 5° 11” : mais fi l'on fuppofoit que cet équateur fit avec l’écliptique un angle de 3° 22’, & que fon Pole Boreal répondit au 20° des Poiflons, alors l'équateur {o- laire feroit coupé par l'orbite de Saturne fous un angle de . . . . .. NS À à Jupiter .......... CNE: Mars sise nue Me sieurs CE LaTerre sas OR ET Vénus. UPS diehellél ee #0 20 Mercure ce Sale Us Re rs 4 34 & l'inclinaifon moyenne des orbites (qui a été tantôt de 5° 11°) ne feroit plus que de 2° 23’. Je ne fçais fi on ne pourroit pas préférer cette pofirion de léquateur folaire , quoiqu’appuyéé fur une pure conjeëture ; & trouvée 4 pofferiori , aux autres po- fitions , fondées fur les taches du Soleil, en attendant que les Aftronomes nous donnent une méthode Aftronomique plus exacte, ET ASTRONOMIQUES. Prix de 17934 117 $. X XIII. En expliquant ci-deflus méchaniquement l’action de l’atmofphére folaire furia Terre & fur les Planetes, j'ai con- fidéré la matiére de l'atmofphére comme müë avec plus de vi- tefle que les corps qu’elle environne: ce n’eft pas que notre fy- ftême le demande ainfi , mais parce que cela me paroît d’ail- leurs probable. Or foit, fi on le veut, que la matiére ne fe meuve pas plus vite , & même qu’elle fe meuve plus lentement, elle ne laiffera as de faire le même effet fur les orbites , en les approchant de rare folaire. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à réfoudre le mouvement de la matiére en deux ; l’un Aile , & l’autre perpendiculaire à la direétion de la Planete ; & on voit affez que ce dernier agiffant toujours vers l’Equateur , ne fçauroit man- quer de pouffer la Planete vers ce côté. ! $. XXIV. Des Planetes venons aux Cometes : je dis que les plans des Orbites de celles-ci ne changeront jamais fenfible- ment leur inclinaifon avec l’Equateur folaire, quelque grande qu’elle foit, ou parce qu’elles font prefque toujours pofées en- tiérement hors de l’atmofphére folaire , ( comme vraifembla- blement la Lune left hors de celle de la Terre, & le cinquié- me Satellite de Saturne hors de celle de Saturne) ou parce qu'elles ne fe laïffent point détourner de leur route , à caufe de la trop grande fubtilité de la matiére de l’atmofphére, qui les environne pendant leur révolution prefque toute entiére. Il eft vrai que les Cometes étant près de leur périhélie , elles doivent s'approcher un peu de l’'Equateur folaire : mais ce tems eft à peine comparable avec le refte du tems de la révolution, & il paroït par les exemples allégués ci-deffus $6. x1. & x11. fur les _denfités de l’atmofphére folaire , que la denfité commençant une fois à décroître , elle décroïît fi vite qu’elle fe perd d’abord prefque toute entiére; tout cela montre pourquoi les Cometes, dont la diftance au Soleil eft pendant prefque tout le tems de la révolution comme infinie, ne tendent pas fenfiblement vers l’Equateur du Soleil. Je croirois pourtant facilement, que les Orbites des Cometes depuis tout le tems de leur exiftence fe font approchées un peu dudit Equateur: ce qui me fait pancher davantage à cette opinion, eft que dans le grand nombre des Cometes marquées dans les Ephémérides, 1l m’a paru que l'in P ü 118 RECHERCHES PHYSIQUES clinaifon moyenne de leurs Orbites ; par rapport à l’Equateur folaire , ne manqueroit pas d’être à fort peu près de 45°, fielles ne s’en étoient a€tuellement un peu approchées : j'ai donc ramaflé les obfervations de plufieurs Cometes qui ont paru de- puis quelques fiécles; & pour m'épargner la peine du calcul , J ai fuppofé que ladite inclinaifon moyenne par rapport à l’'Equa- teur folaire , eft la même que par rapport à l'écliptique , leurs plans ne différant gueres , & les différences de ces deux efpe- ces d'inclinaifon ne pouvant manquer de fe détruire à peu près de part & d'autre : ce qui fait aufli qu’on n’a pas befoin d’être fort fcrupuleux fur la jufteffe des obfervations , puifque leurs er- teurs fe détruiront de même fort probablement. Voici donc le Catalogue des Cometes. Dela Cometedel’an 1337, l'inclin. àl’éclipt.32° 11 oo” TE MES EE LES 120 80 DSP Nes et + gage »re y AA PE PEN LAS entek rire AE EN ET à Ve Ac TE SE JE EME 32 6 30 SYHRDE-S SbmE Se 74 32 .4$ LHA ES este sers ejaie +. 64 40 o ne rm secoue Or AY LAS TOME PE 4 29 40 40 LPO Oo sens terbropdeere ml AN 1) O TO OA où 9 a Sn tejss orne joue LE) 421 do OMS het eee 37 34 (e] STONE MU TAEUEMES TON 2E O TOME EE Reel cine 2244 334 ODA > eelcie cime ER MM TC, DO C5} nets pleprroiets tin ee Toad À ais DO TP= ntreie e elles cite 85 223 10 MOT else iriler citer be becs 79 341, 15 PCT PSS MAO EE 60,560 16382 SRE RE 17: 1 GHee HORS RE ne dans ycas|s 83. 11 o FOPEAAN EUR ENTER 6$ 43. 40 DOAOTI tsberr Cle = ere sde 2 Ly.140 ET ASTRONOMIQUES. Prix de 1734. 119 L'inclinaifon moyenne eft de 43° 39’. Il eft donc clair que les Cometes n’ont prefque point de liaifon du tout avec l’Equateur folaire, & qu’elles ne s'en approchent qu'infenfiblement , & avec une extrême lenteur. $. X XV. Cette différence entre les Cometes & les Pianetes, connuë par les obfervations , & fi conforme à notre théorie, m'engage à en expliquer une autre , qui femble confirmer en- tiérement notre hypothéfe. Elle confifie dans les excentricités des Cometes & des Planetes. C’eft afflürément une chofe mer- veilleufe , que les Cometes ayent toutes une excentricité pref que infinie, & les Planetes prefque nulle; & je ne vois pas qu'on puifle donner une raifon fuffifante & méchanique de ce fait , en n’employant que I: fimple hypothéfe des gravitations ou attractions mutuelles : mais en joignant à cette hypothéfe celle de l’aétion de l’atmofphére folaire , on peut expliquer fi clairement ce point, qu'il paroit que la chofe n’auroit pas pù être autrement. Faifons abftraétion pour un moment de l’atmofphére folaire, & pofons la pefanteur folaire par-tout réciproquement propor- tionnelle aux quarrés des diftances. Qu'on conçoive un corps devoir être projetté dans une direétion perpendiculaire au rayon tiré du Soleil au corps : fi la projection fe fait avec la vitefle que le corps pourroit acquerir en tombant vers le Soleil d’une fe- conde hauteur égale à la premiére , le corps décrira un cercle; fi la viteffe initiale eft moindre, il décrira une ellipfe, dont l’a- hélie eft à l'endroit de la projeétion; & fi elle eft plus grande , le corps décrira encore une ellipfe, mais dont le périhélie eft à l’endroit de la projeétion : tout cela fe démontre dans la méchanique. Si la projection eft tout-a-fait cafuelle, comme elle l’eft à notre égard , & qu’on fuppofe que tous les degrés de vitefle jufqu’a l’infiniment grande, arrivent avec une facilité égale, il eft probable , & même certain, que l’excentricité de l'ellipfe que le corps projetté décrira autour du Soleil ; doit être infinie. Mais comme il n’y a pas dans la nature des degrés ac- tuellement mfiniment grands, la propofition doit être changée, de maniére qu'on dife que l’excentricité doit être fort probable- ment très-grande , & prefqu'infinie. Et quand le mouvementfe fait dans un vuide ou prefque vuide , les ellipfes décrites une 120 RECHERCHES PHYSIQUES fois, continueront toujours ou fort long-tems. Ceci montre, à mon avis ; fort exactement pourquoi les Cometes décrivent des ellipfes prefque paraboliques , puifqu’elles ont dû vraifembla- blement en décrire dans le tems de leur origine, & qu’elles ne changent pas fenfiblement comme étant prefque entiérement hors de l’atmofphére folaire. Mais fi nous nous fervons du mé- me raifonnement pour les Plahetes qui nagent dans l’atmofphé- re du Soleil ; nous voyons bien qu’à la vérité elles ont pû d’a- bord faire des ellipfes fort excentriques , mais qu’elles ont dû néceffairement s'approcher peu à peu des Orbites circulaires, & qu’elles en décriront un jour de plus exaétes, ce que je démon- tre ainfi. Quoique les tems périodiques de la matiére qui com- pofe l’atmofphére folaire , croiffent à mefure qu’elle s'éloigne de l’axe du Soleil , il eft pourtant à préfumer que les vitefles ne diminuent point , mais qu’elles eroiffent aufli , comme j'ai mar- qué $. vi : car fi le mouvement de chaque couche fe faifoit librement, les vitefles croîtroient exaétement en raifon des dif- tances de l’axe du Soleil : au contraire la viîtefle de la Planete eft d’autant plus grande , qu’elle eft plus proche du Soleil: ( je ferai ici abftraétion du changement de la vitefle moyenne de la Planete, d'autant plus que la Planete tend de plus en plus à prendre une viteffe immuable. ) Donc la Planete doit néceffai- rement être retardée par l’atmofphére , lorfqu’elle eft près de fon périhélie ; & au contraire avancer, lorfqu’elle eft près de fon aphélie. Chacun de ces deux points fait, comme on le dé- montre dans la méchanique , que la Planete décrit une orbite continuellement plus circulaire , & moins excentrique ; de ma- niére qu'il n’eft plus furprenant que les Orbites planétaires foient à préfent prefque circulaires ; il eft à croire qu'avec le tems elles deviendront encore plus circulaires , fans pourtant qu’el- les le foient jamais parfaitement , finon après un tems infini. Comme il y a au refte plufieurs circonftances qu'on ne fçauroit définir dans les Planetes , & qui concourent à rendre les dimi- nutions des excentricités plus fenfibles , on ne fçauroit marquer quelle Orbite planetaire devroïit être en vertu de cette théorie, plus ou moins excentrique : ces diminutions dépendent à peu près des mêmes points qui font diminuer les inclinaifons des Orbites par rapport à l'Equateur folaire,& que j'ai expofés $. . cela ET ASTRONOMIQUES. Prix de 1734. 121 cela me confirme dans ma conjeéture que j'ai alléguée $. xxir. fur la pofition de l’Equateur folaire : car fuivant cette pofition, l'inclinaifon de l’Orbite de Vénus avec l’Equateur folaire eft prefque nulle , de même que fon excentricité eft prefque nulle, & l’inclinaifon de l’Orbite de Mercure avec le même Equa- teur eff la plus grande de toutes , comme aufli fon excentricité eft la plus grande. $. XX VI. Ne vaut-il pas mieux employer cesprincipes , que de recourir à une volonté immédiate du Créateur, comme le font par rapport à plufieurs phénomenes ceux qui veulent tout déduire de la co e gravitation mutuelle des corps müs dans un vuide ; & peut-il fe faire que la volonté de Dieu n'ait pas tout fon effet ? qu'il ait voulu que les orbites planetaires fuflent dans un même plan, fans qu'’ellesle foient parfaitement;qu’elles fuffent circulaires fans qu'elles foient tout-à-fair telles? & ainfi de plufieurs autres points , auxquels il faut rapporter que la Ter- re & routes les Planetes fe meuvent d’un même fens, & nom- mément de celui duquel le Soleil fe tourne autour de fon axe ; qu'il en eft de même dans Les Mondes de Saturne & de Jupiter, lefquelles chofes font telles, ane fi elles étoient encore ca- chées, notre théorie nous les diéteroit, pendant que M. New- ton même, le plus grand Philofophe de notre fiécle , déclare dans fon Oprique , qu’on n’en fçauroit donner aucune raifon méchanique. | L $. XXVII. Difons encore deux mots fur le mouvement diurne des Planetes : je fuis porté à croire que c’eft aufi l’atmo- fphére qui le produit : ce qui m'y engage, eft que la Lune & le cinquiéme Satellite de Saturne, ( dont les plus grandes incli- naifons avec les Equateurs de la Terre & de Saturne me font croire que les atmofphéres de ces deux corps n’agiffent pas fur la Lune & ledit Satellite) n’ont point de mouvement diurne pareil à celui des Planetes , marque que le mouvement diurne, & la prefque-coincidence des Orbites avec leur Equateur cor- refpondant ont une même caufe. Mais je ne vois point d’autre maniére d’expliquer le mouvement des Planetes autour de leur axe par l’action de l’atmofphére folaire ; qu’en difant que la ma- tiére de l’atmofphére ( dont les vitefles augmentent en s’éloi- nant de l’axe du Soleil ;, comme j'ai dit $. virr. ) fait un plus Tome 1IT, 122 RECHERCHES PHYS. ET ASTRON. grand effort fur l'hémifphére de la Planete oppofée au Soleil, ue fur celui qui regarde le Soleil, ce qui peut faire que les Planetes roulent dans le même fens de Le mouvement pro— grefMif. La raifon d'ailleurs, L fait que les axes des Planetes ne font pas tout-à-fait paralleles à l’axe de l’atmofphére folaire, confifte peut-être dans l’hétérogenéité de la matiére qui com- ofe les Planetes ; car le centre de gravité de chaque Planete tâche de s'éloigner du Soleil le plus qu'il peut, & cet effort joint au premier, pourroit produire l'obliquité des axes , & faire, s’il agit feul, que les corps montrent toujours la même face au centre de la révolution ; comme font la Lune & le cinquiéme Satellite de Saturne. $. XXVIIT. Voilà ce que j'avois à dire fur le problême propofé par l’Académie. Il y a long-tems que j'ai fait ces mé- ditations , mais j'ai été obligé de les mettre par écrit fort à la hâte. J’efpere donc, s'il y avoit quelques erreurs de calcul ou de pofñition dans les nombres ; fur lefquels les Aftronomes conviennent , ou qui s’en déduifent facilement , qu’on me les ardonnera ; la hâte na obligé à la briéveté, fans cela j’aurois. pi alléguer plufieurs autres remarques , & étendre davantage celles que j'ai alléguées, & donner de cette maniére un plus grand volume à la préfente Differtation. Je me flatte pourtant : que ce que j'ai dit fuffira pour l'intention que l’Académie a eñë dans fon Problème. | +149 DISQUISITIONES PHYSICO - ASTRONOMICÆ PROD ERNEST A TTS A B INCLYTA SCIENTIARUM ACADEMIA REGIA, QUÆ PARISIIS FLORET, ITERUM PROPOSITI Quelle eft la caufe Phyfique de l'inclinaifon des Plans des Orbites des Planetes par rapport au plan de l’Equateur de la révolution du Soleil autour de fon axe ; Et d’où vient que les inclinaifons de ces Orbites font différentes entre elles. S IV E Quænam eft caufa phyfica inclinationis planorum, in quibus Planetæ Orxbitas fuas perficiunt ad planum Æquatoris , vertigini Solis circa axem fuum refpondentis ; Et qui fit ut inclinationes iffarum Orbitarum fint inter fe diverfe. Authore D'AN. BERNOULLI, Acad. Petrop. € Bonon. Socio: in Acad. Bafilieuf: Anat, & Bot. Proféffore. onu alto 1 sk D M chi li Due LES “ti _… drama a nant ) 10 atta bed et ke Lr gi et & Jexexerxesent, Se Lg SExEXexEAEXQ ONE LACS A AA 2 DISQUISITIONES PHYSICO-ASTRONOMICÆ: PROBLEMATIS A B INCLYTA SCIENTIARUM ACADEMIA REGIA; QUÆ PARISIIS FLORET, ITERUM PROPOSITI. SYMBO LU M. Virtutum pretium in ipfis eff , & reëte faëfi merces eft feciffe. SE. UaBus conffat partibus Problema ab illuftri Acade- D mia propofitum ; altera Orbitarum cœleftium ad Æ: quatorem Solis inclinationem refpicit ; altera inclinationis in fingulis Planetis diverfitatem. Utraque nobis fimul erit pertrac- tanda ; neque enim commodè ab invicem feparantur. $. IT. Patet autem ex ipfis , quæ problema definiunt verbis , id ab Academia in anteceflum poni, effe aliquid, quod Orbitas Planetarum ad Æquatoris folaris planum trahat ; & in hoc quic- quid fit, latere rursüs rationem , ob quam iftæ Orbitæ non per- feétë cum eodem plano coïincidant. Id mihi quoque fuit femper vifum admodüm probabile. Nimis enim , ut ahas non dicam rationes , Planetarum Orbi- tæ ad Æquatotis folaris planum accedunt, quàm ut id fortuito concurfui tribui poffe videatur ; aut fi hoc alicui dubium videri poffir, id faltem omni exceptione majus erit ; Orbitas Planeta- rum commune aliquod affeëtare planum , cm aliàs fieri vix po- tuiflet ; ut omnes intra tam anguftos continerentur limites : veris Qi 126 DISQUISITIONES fimile autem eft, iftud ipfum , quod Planetis omnibus fere eft commune , planum, quodque procul dubio continuè appetunt, effe planum Æquatoris folaris, cùm in hoc folo ratio iftius rei aliqua fufficiens efle poflit. Hoc igiturpofito, indicandum erit, quare Orbitæ Planetarum ad Æquatoris folaris planum accli- nent, & quid porrd caufæ in hac re latere poflit ; quod Orbitæ eædem nec inter fe ; nec cum Æquatoris plano conveniunt per- fectè. | $. III. Priùs vero quam huidliBperam demus uæftioni folven- dæ , è re noftra erit, ne in vacuum differuifle eau >ut id ip- fum , quod modd aflumpfimus de communi Orbitarum plane- tariarum plano , à quo non fine fpeciali caufa aliquantulum re- cedant , nunc difertius oftendamus. Rem ita inftituam , ut in- quiram in duas Orbitas cœleftes ; maximè ad fe inclinatas, feu maximo fe decuffantes angulo; (per inclinationem enim hic in- telligo angulum inclinationis; )pofteaque calculo fubducam , quanta fit probabilitas , ut reliquæ Orbitæ omnes intra terminos duarum dictarum Orbitarum cadant. Ita elucefcet , rantillam effe hanc probabilitatem , ut moraliter impoffibile dicendum fit, id fine efficiente ratione fortuito ita contigiffe. $. IV. Poftquam fingulas Orbitas cum fingulis comparavi , deprehendi maximam inclinationem habere Orbitam Mercurii ad Orbitam T'erræ feu ad eclipticam; angulum eniminclinatio- nis inter fe formant 6° $4/ ; Orbita autem Saturni ad Orbitam Mercurii inclinat 6° 24’, & Orbita Jovis ad Orbitam Mercu- ri 6° 8”, reliquæ omnes multd minüs ad fe invicem inclinant. Loquor hic de Orbitis Planetarum primariorum. Fingo jam fu- perficiem fphæricam zonà quâdam feu zodiaco latitudinis 6° 24” ( quanta nempe eft inclinatio Orbitæ Mercurii ad eclipticam ) cinétam, quæ partem totius fuperficiei fphæricæ continebit, præter propter decimam-feptimam. Supereft igitur, fi Orbitas Planetarum cafu in cœlo locatas putemus, ut definiamus quanta fit probabilitas., quâ.omnes intra zonam datam decimam-fep- timam fuperficiei fphæricæ partem exæquantem , contineantur. Zona ipfa autem pofitione datâ non eft, nifi unam Orbitam jam locatam cenfeamus, adeo ut quinque tantèmplanetariarum Or- bitarum pofitiones cafuales cenfendæ forent, fi cafu res conti- giflet. Ira autem fecundim regulas cognitas invenitur numerus PHYSICO-ASTRONOMICÆ. Prix de1734. 127 cafuum locationis intra definitos terminos obtinendæ , ad nume- rum cafuum contrariorum , ut 1 ad 17°— 1, feu ut 1 ad 1419856. $. V. Videbitur fortaffe aliquibus calculus aliter inftituendus. Mihi quoque cùm hac de re primüm cogitarem , alia fuccurrit methodus ; illam tamen quam modd expofui, maximè puto plaufibilem. Nolo autem in illa fuffulcienda effe prolixior , ne nimis ab inftituto noftro precipuo divertar. Ut vero nunc planè appareat , quam ridiculum foret , propinquas pofitiones Orbita- rum planetariarum cafui tribuere , mutabimus quæftionem pofi- tionum multiplicium in aliam pofitione unicâ circumfcriptam. Dico igitur , faciliès cafu contingere , ut duæ Orbitæ angulo fe interfecent intra quartam minuti fecundi partem : Quis verd , fi v. g. fa@tum à natura fuiffet , ut ecliptica ad Æquatorem Ter- ræ quartà tantüm parte unius minuti fecundi inclinaret : quem angulum , ponam, arte humanâ accuratè potuifle obfervari: quis , inquam , hanc pofitionem puro cafui fuiffet tributurus ? Si verd præterea animum attendamus ad Satellites tam Jovis quam Saturni , quorum pariter Orbitæ ( excepto extremo Saturni Sa- tellite ; qui ab regula generali ob fpecialem , quam ipfa theo- ria noftra indicabit , rationem , recedit } in eodem fere plano utrobique conveniunt, nihil amplits eâ de re nos dubitare finet. Qui fecûs fentit , is omne ratiocinium , quod dicitur 4b induétio+ nerejiciat. Nunc ed , unde difceflimus, revertimur. $. VI. Diximus planum effe, quod Orbitx Planetarum appe- tant , inter ipfas Orbiras medium; & verofimillimum effe , pla- num iftud coincidere cum Æquatore Solis, cm , quia, quan- tum ex obfervationibus à maculis folaribus defumptis judicare licet , parum differt planum Ædquatoris Solis ab Orbitis Plane- tarum , tum quod in Æquatore Solis facillimè ratio iftius rei fuf- ficiens excogitari poflit , & denique effe rationem particularem, uominus Orbitæ Planetarum nec inter fé nec cum Ædquatore Solis perfeétè conveniant. In his confiftit ambobus articulis de- fiderata problematis folutio. Igitur ut votis Academiæ fatisfiat , id mihi incumbere fentio, ut priùs oftendam, quâ ratione Orbi- tæ Planetarum ad Solis Æquatorem tendere pollint , & qui fieri. offit , quominus in eo fint omnes perfeétè pofiti. $. VIT. Nuïlum effe corpus cœlefte, quod non fuam habeat atmofphæram cicumfufam , mihi perfuadeo. Et quamvis Huge- 128 DISQUISITIONES pius exprefsè negaverit Lunam atmofphærä cingi, fuamque fen- tentiam multis rationibus firmare allaboraverit,neminemtamen nunc ampliùs in ea ftare fententia puto : plurima enim phæno- mena contrarium probant. Materia quidem harum atmofphæra- rum in diverfis corporibus diverfa efle poteft , in aliis nempe denfior, in aliis rarior : verofimile tamen eft, in fingulis atmo- fphæris fimiles effe afleétiones. Igitur à re nofira erit , ut hic in- dicemus affeétiones præcipuas atmofphæræ T'erram ambientis , cafdemque applicemus atmofphæræ folari : in hac enim veram problematis Academici folutionem quærendam effe , rebus om- nibus bene ponderatis , planè fum certus. Aër, atmofphæram componens terreftrem , corpus fluidum eft, versùs centrum Terræ gravitans, elafticum , & fic in diver- fis à centro Terræ diftantiis inæqualitet denfum. Denfitas ejus ita celeriter decrefcit, ut in regione Lunæ , fi eo ufque fe expan- dit, incredibilis debeat efle raritatis ; fingulis enim milliaris Getmanici altitudinibus fit circiter altero tanto rarior, fic ut po- fitâ denfitate aëris in fuperficie Terre = 1 , fit ejus denfitas in . . * . . . regione Lunæ minor futura quäm ———© ; attamen in infinitum fe expandat atmofphæra necefle eft, nifi ab alio fluido elaftico coërceatur : coërcebitur autem, ut ego conjicio , alicubi ab atmofphæra folari , & talibus circumfcribetur terminis , in qui- bus utriufque atmofphæræ elafticitas æqualis fit. Igitur dubium eft , an ad regionem Lunæ ufque extendatur, nec-ne. Id ego non crediderim ob flupendam omnique opinione majorem , quam ibi debeat habere aër raritatem : tum etiam ob magnam Orbitæ Lunx ad Ædquatorem terreftrem inclinationem me- diam , non futuram , ut infrà probabile faciam , fi Luna vortici aëris circa axem Terræ moti immerfa effet, & denique ob id , quod Luna fimilem nobis perpetud oftendat faciem. Aëris ter- reftris denfitas porrd diminuitur à calore, augeturque à frigore. Denique aër in fuperficie Terre eadem velocitate vel proximè tali circa ejufdem axem movetur , atque fuperficies ipfa , aliàs enim ventum continuum, eumque vehementifimum, ab Orien- te versüs Occidentem effemus percepturi : id perfpicuum eft, quod punétum in Æquatore à vertigine Terræ intra minutum fecundüm fpatium plus quam mille quadringentorum pedum conficiat, PHYSICO-ASTRONOMICZÆ, Prix de 1734. 129 conficiat, ventus autem impetuofiflimus vix quinquaginta pe- des eodem tempore percurrat: imo non-folùm in fuperficie ma- ris aër, eà quâ dixi velocitate fimul cum Terra movetur, fed” & in locis altifimis , hifque in omnes plagas apertis , veluti in cacumine montis Pici in infula T'enerifla. Facile etiam demon- ftratueft , totum hoc fluidum T'étram ambiens unà cum Terra intra 24 horas circulum fuifle abfoluturum , nifi in extima fui fuperficie motus à fuido folari inhiberetur. Facit autem ifta mo- tüs versùs circumferentiam inhibitio , ut Auidum alià lege cir-" cumagatur , quam quidem pro omnibus denfitatum in fluido di- minutionibus acutiffimè definivit cel. Joh. Bernoullius , in elc- ganti Differtatione , quam Academia præmio anni 1730 affecit, digna profe&to honorificà iftâ remuneratione. $. VIIT. Ex hifce atmofphæræ terreftris affedionibus collige- re licet, Solem pariter fluido cingi aëri noftro analogo ; quod versùs centrum Solis gravitet, elafticitate præditum fit, quæ probabiliter à calore Solis acuto intenditur , à diminuto relaxa- tur : diverfas pariter fluidum habebit denfitates in diverfis à Sole diftantiis : & fi quidem calor uniformis totam animaret atmo- fphæram folarem, fique uniformis quoque effet gravitatio , ref- ponderent utique denfitates applicatis in logarithmica , cüm diftantiæ à Sole exprimuntur per abfciffas : quia vero & calor & gravitatio decrefcunt , dum diftantiæ à Sole augentur , necefle eft aliam legem fequantur denfitatum variationes , quam infrà paucis perpendemus. Fluidum folare etiam expandetur ufque- dum termini ipfius ab alio fluido coërceantur, pariter atque at- mofphæra terreftris ab folari continetur. Denique id præcipuè ad rem noftram pertinet , fieri non poffe , quin fluidum circa axem Solis circumagatur , & quidem fingulas partes unà cum Sole intra 25 + dierum fpatium revolutionem fuam fuiffe abfo- luturas, nifi motus in peripheria inhiberetur ; ob hanc autem in- hibitionem tempora periodica materiæ versùs extrema crefcent : nec tamen ita crefcent ut velocitates diminuantur : quin potiùs velocitates augeri exiflimo. _ $. IX. Venio ad id quod dixi de diverfis fluidi denfitatibus , in diverfis locis cognofcendis : non puto autem , illas reétè co- gnofci pole, fed tantüm aliqualiter , quia hypothefes accuratx problema defnientes non habentur. Ponamus gravitationem Tome ILL 130 DISQUISITIONES corporum versüs centrum Solis rationem fequi reciprocam du- plicatam diflantiarum ab eodem centro : vim autem centrifu- gam fluidi gravitatem .ejus notabiliter non diminuere. Finga- mus porro denfitates fluidi ubique proportionales efle , ponde- ribus atmofphæræ fuperincumbentis divifis per refpondentes caloris menfuras : calorem aufem unà cum gravitatione æquali ratione diminui versùs peripheriam putabimus : ita quoque ela- fticitatum menfuras à ponderibus fuperincumbentibus defomies “mus. His fa@is pofitionibus, defignabimus radium Solis per r, diftantiam dati loci à centro Solis per x : denfitatem ut & ela- ficitatem atque calorem fluidiin fuperficie Solis faciemus=1 : denfitatem ejufdem in affumpto loco — D , elafticiratemque —#. Ita erit per aflumptas hypothefes ( quod denfitas ubique proportionalis fit ponderi atmofphærx fuperjacentis, feu elaftici- E x *r *, Præterea . NE . rr tati , divifo per calorem, id eft per = D— fi atmofphæram cogitatione in frata circa centrum Solis con- centrica dividamus infinita , patet fore decrementum elafticita- tis dE , dum altitudo x quantitate infinitè parvâ d x crefcit, pro- portionale ponderi ftrati, quod habet altitudinem minimam dx ; fed pondus hoc proportionale eft altitudini dx , multiplicatæ . Fr . A per denfitatem D ; atque per gravitatem —. Igitur aflumptä , 1 . Dd Lg» litterà # pro aliqua conftante , erit— dE = — ; fi in ifla æquatione fubfituatur pro D valor antea determinatus, fit dE —œ—1Edx, vel fa@à debit integratione , indicatoque nu-” mero, cujus logarithmus eft unitas per c, E— cr) Ti æquatione confequens eft elafticitates in atmofphæra folari re- cedendo à Sole decrefcere kodem modo, ac fi conftantes ubique forent gravitatis ac caloris gradus. Quä hypothef uti folent ( mins tamen accuratè , obfervante id quoque Newto- no) ad variationes denfitatum in atmofphæra terreftri fub diver- fis altitudinibus calculo fubducendas. Jam fi in prima æquatio- pe fubftituatur valor inventus pro E ; orietur talis æquatio Res xx TT nr) rr C $. X. Sequitur ex ifta æquatione , maximam aëris Soli cir- PHYSICO-ASTRONOMICÆ. Prix de 1734. vyx cumfuf denfitatem non efle in fuperficie Solis, fed in loco älio à Sole fortafle longè diflito, cujus rei ratio phyfica ft, quod ab ingenti calore , qui prope Solem eft, atmofphæra admodüm rarefit. Locus autem quo maxima eft denfitas , diftat à centro Solis quantitate —, nec poteft valor litterx # definiri Quandiu in nullo atmofphæræ loco, realis ejus denfitas experimento ob. fervari poteft. $. XI. Ponamus autem, exempli causä , maximam denfita- tem effe in regione Veneris , quæ centum quinquaginta præter HE TA s . 2 1 propter radüis Solis à Soledifiat , erit = =15$or, feun— FU) . . xx & fic æquatio fpecifica denfitatum hæc foret D— TAG? € FF effentque denfitates ipfæ fere ut fequitur In fuperficie Solis 1 In regione Mercurii — 2200 Veneris — 3000 Terræ — 2600 Martis — 1300 Jovis = 0,40 Saturni — 0, 000006 $. XII. In ifta hypothefi denfitates atmofphæræ folaris in re- ionibus Mercurii, Veneris, Terræ & Martis effent fatis æqua- pa : circa Jovemautem, & præfertim Saturnum , raritas nimia foret , quam ut ullum effe&tum habere poffit : quapropter con- HMS Bio eft , regionem maximæ denfitatis in atmofphæra folari magis diftare à Sole quàm Orbitam Veneris. Sin autem in Orbita Martis maximæ denfitatis locum effe ponamus , habe- bunt denfitates rationem circiter fequentem ; In fuperficie Solis — 1 In regione Mercurii — 4170 Veneris — 8910 Tetrz — 13300 Martis — 14400 Jovis = 1310 s ; Saturni = 15 132 DISQUISITIONES , $. XIII. Atque fi maxima denfitas in regione Jovis conflituta + ponatur, multo uniformior atmofphæra folaris invenietur à Mer- curio ufque ad Saturnum ; hæcque pofitio mihi viderur omnium probabiliffima : quia enim plurima phænomena fyftematis pla- netarii ab atmofphæra folari deduci poffe mihi videntur omnibus Planetis communia, commendabile id admodum eft, qudd at- mofphæræ folaris denfitates per totam fyflematis planetarii ex- tenfionem effe poflint non multim admodüm inæquales, cùm in atmofphæra terreftri fub mediocribus diflantiarum augmentis non poflint non fupra modum effe inæquales ; in noftra atmo- fphæra , fi locum fumas unicà terræ femi-diametro à fuperficie elevatum , ea jam efe debet aëris raritas fecundùm plerorum- que authorum fententias , quam ne cogitatione quidem affequi poflumus. $. XIV. Expofitis his, quæ ad atmofphæram folarem perti- nent, monendum hic effe duco ; non fungi , ut mihi videtur, hanc atmofphæram circa axem Solis motam omnibus offciis, quæ voïticibus tribui folent deferentibus , nec adeoque hanc effe qu T'erramPlanetafque primarios in Orbitis fuis contineat. Nam in vortice deferente materiæ denfitas debet effe æqualis denfitati corporum , quæ illi innatant , ut retè monuit New- tonus : atmofphæram autem folarem incomparabiliter rariorem ubique puto ; quàm funt corpora circa Solemlata. Sed & aliud eft, quod , ut videtur , planè evincit, non effe fhanc atmofphæ- ram idem quod vortices deferentes , nempe qudd velocitates tum corporis tum materiæ vorticofæ debeant effle æquales; fed fecundhm regulam Kepleri Planetæ in fuperficie Solis confti- tuti tempus periodicum debet effe præter propter trium hora- rum , cùm ibidem atmofphæra certe periodum abfolvitintra 2; dies cum dimidio , non fecus ac terreftris atmofphæra intra 24 horas femel revolvitur in vicinia T'erræ : quodtamen argumen- tum an non fimul contra vorticum deferentium , quos nolo hic refutare , hypothefin fit , non fatis perfpicio. Igitur aliam con- jicio effe caufam , quæ corpora circa Solem lata in Orbitis fuis contineat , & ubique eorumdem vim centrifugam coërceat : hæc autem caufa , qualifcumque fit , corpora trudit versüs cen- trum Solis, quia-plana Orbitarum per centrum Solis tranfeunt. Si vortices deferentes id Planetis T erræque officium facere pof- fint,perme licebit hujufmodi vortices præter atfiofphxras finge- - _ PHYSICO-ASTRONOMICÆ. Prix de1734 133 re; neque id pugnabit cum-eo, quodatmofphæra naturam vorti- cum non habeat , quamvis fatear, non potuifle me omnem, quem antea habui, mihi fcrupulum eximere , perle®à etiam at- tentiflimè diflertatione Bernoullianâ , hanc in rem confcriptà , quam fuprà laudavi. Vetat autem tum viri celeberrimi perfpica- cia , tum potifimüm Academiæ, cujus approbationem nefcio annon hac quoque in parte habuerit, fumma auétoritas , ne cum fiducia fententiam dicere audeam. Licebit quoque, (fi id com- mode fieri poffe videatur, mihi autem non videtur, ) atmofphæ- fam circa axem Solis latam cum vorticibus deferentibus con- fundere : hypothefin enim , quà ad fequentia ftabilienda opus habeo , experientia demonftrat , & à nemine in dubium voca- tur , efle nempe aliquid , quod graviratem folarem deinceps di- cam, vi centrifugæ contrarium ; quod Planetas Terramque versùs centrum Solis urget. . $. XV. Sivero gravitas folaris inftar gravitatis terreftris à vi centrifuga materiæ rapidiflimè motæ, & quidem eù rapidiùs , quo rarior eft atque fubtilior materia ; petenda fit, tum mutatis paulo fententiis Cartefii atque Hugeni rem alio modo confi- derari pofle , mihi olim & amicis, quibus fententiam meam sv agi , vifum eft. Nondum autem tunc omni attentio- ne perlegeram, quæ ab auétoribus doëtiffimè tradita funt , ad conciliandum defcenfum corporum gravium versùs centrum Terrx cum vortice fimplici circa axem moto. Cogitavinempe, annon plures materiæ fubtilis vortices , imo qua infinitos circa diverfos axes per centrum Solis tranfeuntes fingere liceret : mo- tus enim contrarios in materia fubtili nequaquam fe impedien- tes in aliis occafionibus jam concepit magnus Cartefius : præ- tereà confideravi, id omnibus nunc in concelflis efle , quod fin- gula corpora cœleftia ad fe invicem gravitant; etiamfi igitur vel fimplex vortex ftatuatur circa quodlibet corpus , negari ta- men non poteft, hos vortices liberrimè fe transfluere , idemque futurum fuifle , fi vel millies hæc corpora cœleftia fuiffent mul- tiplicata. - Sed aliud infuper eft argumentum ; quo inducebar ut crede- em , hujufmodi multiplicem vorticum motum non effe in fe abfurdum aut impoflibilem. Scilicet demonfiratum eft apud philofophos , lumen aliud non effe nifi motum longè rapidiffi- , ki 134 DISQUISITIONES mum globulorum admodüm fubtilium : interim certum eft ex contrario, qui in cameris obfcuris fit, imaginum fitu ratione objeétorum depi&torum, radios luminis ex omni plaga in punéto fe decuffantes , minimè confundi , & quemlibet eundem edere affletum, ac fi folus fuiflet : putabam igitur non abfurdum futu- rum , fi plures ponerentur vortices , fuper diverfis axibus pet centrum Solis tranfeuntibus liberrimè fe transfluentes. Et ita eertè nulla foret gravitatis , five folaris, five terreftris ,affeétio, quæ non commodiffimè indè deduci poffet : quia vero hæc pro- priè non pertinent ad inflitutum nofirum, eorum expofitioni diutiüs non immorabor. $. XVI. Venio ad rem. Facit primd motus atmofphæræ fo- laris, fi ab gravitate versùs centrum Solis animum abftrahamus, ut corpora five in plano Æquatoris, five in plano parallelo pro- gredi tentent, atque fi obliquè incedant, fit, ut fenfim ad dic- tam vergant direétionem, nec tamen nifi poft tempus infinitum eam perfetté affequantur : vergent autem ed citiüs , qud den fior eft materia , quâ corpus circumdatur , quo major eft cele= ritatum corporis & materiæ diflerentia , quo rarius eft corpus , & quo minoris voluminis. Gravitas autem /o/aris vi centrifugæ Planetarum Terreque contraria & æqualis, facit, ut hæc cor- pora aliter moveri non poflint , quäm in plano per centrum So- lis tranfeunte. Apparet igitur ex utraque aétione tum atmofphæ- æ , tum gravitatis folaris conjunéta corpora ita motum ii, ut utrique fatisfiat , quod aliter effe nequit ; quam cûm in Æqua- tore Solis moventur , fi modo ad ftatum durationis , feu , ut dicitur , permanentiæ jam reduéta ponantur, Ad khunc quidem ftatum corpora citè-vergunt ,; cüm ab eo funt remotiora ; at chim eum tantüm non attigerunt , poffunt diutiffimè in eadem femper ad fenfus permanere motüs direc- tione, nec enim verum &t ultimum permanenriæ ftatum nifi poft tempus infinitum affumunt. Hæc eft notiflima corporum quæ in mediis refiftentibus aut deferentibus feruntur , afle&tio. Ita corpora , quæ in vacuo projeéta ab gravitatis actione parabolam defcribunt , in fuido curvam faciunt, quæ citiflimè à motüsani- tio ad lineam verticalem-convergit ; eamque numquam planè: attingit. $. XVII. Puto itaque à remotiflimis temporibus corporas, PHYSICO-ASTRONOMICZÆ. Prix de 1734: 135 quæ circa Solem feruntur ; longè majori angulo inclinata fuiffe ad Æquatorem Solis ; in diverfifque Planetis admodüm magis diverfam habuifle , quàm nunc habent inclinationem. Ea verd ab atmofphæra folari fenfim in arétos, qui nunc funt, limites fuifle coaëta, & poft tempus infinitum, manentibus reliquis effe in eodem Æquatore coïtura. Quæ fi ita fint ; apparet , utrique defiderato$. vr. indicato fimul nunc efle fatisfatum. Facit nem- -pe atio atmofphæræ cum gravitate folari conjunéta, ut corpora circa Solem mota planum Æquatoris folaris appetant : faciunt cita corporum convergentia ; cùm obliquitates magnæ funt , & longæva mundi creatio , ut eadem corpora nunc fere fint in Ædquatoris iftius plano : denique, quod in eo non perfeëtè po- fita fint plano, in caufa eft tempus infinitum , poft quod demum talis communis pofitio oriri poffit. $. XVIII. Huic noftrx fententiæ non repugnat;qudd ex anti- uiffimis obfervationibus loca Planetarum non fuifle mutata vi- [ais Probabile enim eft , materiam ufque adedeffe fubtilem, ut cùm Æquatori folari vicina funt corpora cœleftia, nullam in illis mutationem notabilem facere pollint tempora plurimorum feculorum ; neque prætereà certum eft, fi Hipparchi tempori- bus obfervationes aftronomicæ eà accuratione , quâ nunc folent, fuiflent inftitutæ,nullam differentiam fefe fuifle manifeftaturam. Huc pertinet exemplum eclipticæ, cujus obliquitas ad Æqua- torem ante bis mille circiter annos à Pythea obfervata fuit 23° 49” 10”, que hodie 23° 29’ ftatuitur , quâ de re legi merentur , quæ exflant in Hift. A cad. Reg. Sc. Parif. ad an. 1716, pag. 48. & feqq. Equidem non fatis perfpe&tum habeo, quantüm obfer- vationibus veterum Aflronomorum fidi poffit ; neminem autem effe puto, qui fidera cœleftia nullis mutationibus obnoxia fta- tuat. Nec gnim mundus eft ab æterno, nec in æternum durabit, nec utique donec durabit, in eodem conftantiffimè ftatu perfe- verabit. Moveri cenfentur Nodi Apheliaque, idque certè pof- tulat eadem noftra , quam huc ufque tradidimus theoria. Quid- niergo etiam inclinationes Orbitarum ad planum Ædquatoris folaris mutari poterunt ? non puto tamen Orbitas , quæ femel ad unam partem inclinatæ fuerunt , tranfire pofle ad inclinationes gontrarias ; fed effe in his ftatum aliquem durationis , ad quem sendunt , qui aderit fimul ac ad Æquatorem pervenerint. 136 4 DISQUISITIONES Fortaffe etiam Aphelia & Nodi fuos habent limites, quos fi attigerint , nullas ampliùs variationes habitura fint : hecqueve- rofimiliter ratio eft, quod tam lentè moveantur: quicquid enim ftatui durationis proximum ef, lentiffimas fubit mutationes : non poteft dutem non ei effe proximum , quod à tam longo tempore ad eundem vergit. Variationes Lunæ aliës funt indolis, & ex alio etiam derivandæ funt fonte : habent enim hæ fuos ultra ci- traque terminos ad quos ufque recurrunt. Puto tamen periodos, quas variationes Lunæ habent, fuas quoque pati inequalitates, nunc minores , quam olim fuerunt , & tandem prorfus abitu- ras , hacque in re cum Planetis primariis convenire. Interim notari meretur, Lunam parum aut nihil ad Æquato- rem Solis ab atmofphæra folari appelli : quantum enim appel- litur , dum ab uno Nodo ad alterum movetur , tantum repelli- tur dum ab hoc ad primum regreditur. Nullum autem dubium eft, quin potiùs fenfim ad Æquatorem terreftrem Orbitæ ejus fint accefluræ , fi modo atmofphæra T'erræ in regione Lunæ ali- quam refiduam habeat denfitatem perceptibilem ; quod tamen vix credo , quin potiùs totam atmofphæram terreftrem priùs ter- minari puto, quàm ad regionem lunarem afcenderit. Suprà enim $. VII. jam monuimus , atmofphæram Terræ nimis rarefcere, quàm ut in mediocribus elevationibus ampliùs efle poflit per- ceptibilis. Inde intelligitur ; cur Orbitæ lunares nec Æquatori Solis , nec Æquatori Terræ fint admodüm vicinæ. $. XIX. Alia res eft in atmofphæris Jovis & Saturni, in qui- bus, ut non dubito, denfitates lentiùs decrefcunt. Etiamfi enim in illis , ut in atmofphæra terreftri proxime fit , denfitates in ra- tione geometrica decrefcere ponantur , dum altitudines arith- meticè progrediuntur ; fieri tamen poteft , ut cum fingulis mil- liaribus in terreftri atmofphæra denfitates dimidiantyr , in atmo- fphæris Joviali & Saturnia incomparabilitermajor ad id requira- tur elevatio, & fic utrobique in Satellitum regione atmofphæra notabilem fuperftitem habeat denfitatem , idque e faciliùs, quod hi Satellites à Planetis fuis ratione habità ad diametros horum Planetarum , non fint admodùm remoti. His præmonitis , quivis jam rationem percipit, quod Satelli- tes Jovis æque ac Saturni (fi modo in hoc extremum Satellitem excipias ) fint proximè in communibus planis , quamvis cs anbo PHYSICO-ASTRONOMICZÆ. Prix de1734 1 27 ambo fint inter fe valde diverfà : angulum enim faciunt circiter 31 graduum , planum autem ab utraque parte affeétant Æqua- toris Planetæ primarii. Quod verd ad quintum Satellitem Satur- niattinet, res mira eft , quod à regula generali recedat. Dum enim reliqui quatuor Satellites æquè ac annulus in plano Æqua- toris Saturnii proximè fiti funt, folus extremus ab hoc plano 1$ aut 16 gradibus declinat , uti id demonftravit Cel. Caflini in comment. Acad. Reg. Sc. Parif. an. 1714, pag. 375. Videbitur id fortafle primo intuitu theoriæ noftræe contrarium; mihi vero pofiquam omnia attentè confideraflem , admodüm placuit iftud phænomenon , cùm de illo cogitare inciperem. Jam enim mihi perfuaferam , atmofphæram faturniam non fe extendere ad regionem quinti Satellitis , aut faltem notabilem ibi denfitatem non habere amplius ; idque ided menti infixum tenebam , quod ab atmofphæris corporum motum horum circa axem proprium pendere crederem ; & cm Luna faciem ean- dem fémper Terrx obvertat, confirmatus füi in fententia ; at- mofphæram Terræ ad Lunam non pertingere. Tum protinüs in mentem venit, quod quintus quoque Satelles Saturnius ean- dem femper Saturno faciem oftendat > indicio efle , eum pariter ab atione atmofphæræ faturnix liberum, nec proinde ad Æqua- torem Saturni appelli. Quibus ita penfitatis ; magnâ animi vo- luptate intellexi, me jamjam veram penetrafle rationem , quâ extremus Saturni Satelles , ifque folus , tum in fyftemate fatur- nio , tumm in joviali atque folari à plane corporis , circa quod volvitur, tantûm declinat. Tum quoque intellexi, omni jam fundamento deftitui conje@turam Hugeniïi atque Newtoni, Sa- tellites fingulos , Lunæ inftar, Planetis fuis primariis invariatam manifeftare faciem , remque aliter effe jam pro demontftrato ha- beo, reliqui enim Satellites omnes fuis involuti funt atmo- fphæris, quia minimo angulo Æquatorem Planetæ primarii fecant. $. XX. Hæc de Planetis fecundaris. Videntur autem fen- tentiæ noftrz admodüm fvere atque aded opportunè monita. Revertor ad atmofphæras corporum cœleftium , & quoniam ab his petii folutionem Problematis | earum aétionem breviter ad regulas revocabo mechanicas. Quod autem de atmofphæra fo- lari dicam , ad reliquas pertinebit omnes. Orbitæ Planetarum Tome IIL, S 138 DISQUISITIONES in duobus interfecant locis Æquatorem Solis, quos vocabo Nodos folares. Putemus aliquem Planetam in alterutro nodo po- fitum , & inde curfum fuum pergere ; dum vero fic in direétio- ne ad Æquatorem folarem obliquè movetur , fimul ab atmo- fphæra celeriter circumaëta, motum acquirit eidem Æquatori parallelum , fed incomparabiliter priori minorem ; & quia di- reétiones in utroque motu confpirant , ubicunque Planeta po- itus fit, apparet motum compofitum inde continuè fieri magis Ædquatori parallelum. ( Notetur in Planetis fecundariis aétionem atmofphæræ Sola- ris curfui Satellitum modd fecundum ,; modd contrarium efle, quæ ratio eft, quod Satellites non vergunt ad Æquatorem So- larem , fed ad Æquatorem Planetæ fui primarii. ) Hicque Pla- netarum ad Æquatorem acceflus maximé fenfibilis eft in Nodis, in locis maximi ab Æquatore receflüs nullus eft , quia ibi tan- gentes funt Æquatori parallelæ. In fimilibus autem rationedi- verforum Planetarum locis acceflus ad Æquatorem ed fenfi- biliores erunt , qud magis Orbitæ tangentes ab Ædquatore re- clinant;,quo minores habent diametrum & denfitatem Planetæ, ud majoris eft denfitatis materia atmofphæræ circumfufæ , & qud major eff differentia inter celeritatem præfatæ materiæ ac Planetæ ; quæ omnia , quia ratione diverforum Planetarum de- finiri nequeunt, conjicere non poflumus , quinam Planetæ ci- tiùs convergant ad Solis Æquatorem. $. XXI. Poftquam multis rationibus probabile fecimus , qudd Planetæ ad Æquatorem Solis tendant, & poft longa tem- pora viciniùs ad eandem fint appropinquaturi , erit è re noftra, ut videamus ex obfervationibus aftronomicis ; quamnam aëtu habeant Orbitæ ad eundem Æquatorem inclinationem. Id verd cognofcitur ex fitu Nodorum , ex inclinationibus Planetarum ad eclipticam , & ex fitu Æquatoris folarisratione eclipticæ. Se- cundüm Keplerum , eft nunc Nodus afcendens Saturni in 22° 49’ Cancri, ejufque inclinatio maxima ad eclipticam 2° 32’: Jovis Gin s° 31’ Cancri, ejufque inclinatio 1° 20/: Martis Q, in 17° $0’T'auri, atque ejus inclinatio 1° so’: Veneris Qin 14° 49’ Geminorurh ;inclinatio 3° 22/: Mercurü OL in 14° 47’ Tau- ri, inclinatio 6° $4/; atque in his determinationibus recentiores etiam Aftronomi proximè conyeniunt : fed major inter illos duf- PHYSICO-ASTRONOMICZÆ. Prix de 1734 129 fenfus eft, in definiendo Æquatoris folaris fitu ; nec certè ob- fervationes hanc in rem inftitutæ ejus funt indolis , ut accurar& definiri queat. In Hift. Acäd. Reg. Sc. Parif. ad annum 1701, flabilitur inclinatio ejus ad eclipticam 7° 30’, & in commenta- riis ejufdem anni polus Æquatotis folaris versùs Boream ref- pondere dicitur 8° Pifcium. Secundüm has hypothefes interfe- catur Æquator folaris ab Orbita Saturni, fub angulo. ....,.. ç° sg’ TONI Re M mes dia sis à G DT MER RE À © se diai0- 5 4 40 RS de dal GET Nan LL 120 DÉPERSAAEe nt des 1 MELCHEE REn u d e a ee 2 CO Inclinatio maxima pertinet ad Orbitam Terrx, que cum Æqua- tore Solis angulum facit 7° 30/. $. XXII. Quia vero incerta admodèm eft pofitio Æquato- ris folaris ; ita ut non defuerint qui illum cum ecliptica angulum facere affirmarent duobus gradibus vix majorem ; non abfurdum erit, ejus axi talem affingere pofitionem , ut inclinatio Æqua- toris media ad Orbitas Planetarum minima fit, cui conditioni tentando fatisfieri poteft. Ita in precedente hypothefi inclinatio media Orbitarum ef $° 11”. At fi Æquatorem Solis eclipticam fecare ponamus fub angulo 3° 22’, & polus Æquatoris Boream refpiciens ftatuatur in 20° Pifcium, tunc interfecabitur Æqua- tor folaris ab Orbita Saturni , fub angulo . . . ..... 1° s1” SOS 2 ere Eee he mines à OUEN 2" 07 DRE LE Ne Dans ein AU DT D à OA LE RP ADR CL MERE ET MEME 0e, 2 bhule lee OS LOU ons RU Pren ss AP 24 Et fic fit inclinatio Orbitarum media, quæ anteà fuit $* 11’, tantüm 2° 23’. Hanc igitur axis pofitionem , etfi tantüm argu- mento quod dicunt à pofteriori indicatam , fere prætulerim alis, quæ obfervationibus macularum innituntur, donec certior me- thodus aliquando ab Afironomis pro illius pofitione determi- nanda excogitetur, Si 140 DISQUISITIONES $. XXIII. Cùm fuprà a@tionem atmofphæræ folaris, quà Terra & Planetæz ad Æquatorem Solis follicitantur, mechanicè explicarem , materiam atmofphæræ celeriùs circumagi confide- ravi, quàm corpora eidem immerfa , neque vero id pofui ceu liquid ; quod in theoria noftra aliter effe nequeat : vifum mihi otius eft aliundé probabile. Sit vero , fi ita videbitur , nec ma- jori velocitate moveatur atmofphæra , imd feratur minori quam Planeta ; nihilominüs hunc fenfim ad Æquatorem folarem re- ducet. Quod ut appareat , motus atmofphæræ refolvi poteft in duos alios , quorum unus fit motui Planetæ parallelus ; alter ad priorem perpendicularis : hic vero , quia femper versùs Æqua- torem agit, non poteft non Planetam ad eundem follicitare. $. X XIV. À Planetis veniamus ad Cometas. Dico autem, hos inclinationem fuam ad Solis Æquatorem, quantacumque fit, non poffe fenfbiliter mutare , quia fere femper funt aut pla- nè pofiti extra atmofphæram Solis ( prouti verifimiliter Luna eft refpeëtu atmofphæræ terreftris,& quintus Satelles Saturniratio- ne atmofphæræ faturniæe ) aut ob nimiam atmofphæræ raritatem ab illa parùm in motu fuo perturbari poffunt. Equidem cùm Co- metæ funt circa perihelium,aliquantulum ad Æquatorem Solis accedent : fed tempus id vix eft comparabile cum reliquo revo- lutionis tempore. Apparet autem ex exemplis fuprà $$.x1. &x11. allais, pro denfitatibus atmofphæræ folaris , quod cùm denfi- tas ifta crefcere defiit, deinde tam cito decrefcat , ut fere mox omnis evanefcat; quod confirmat, Cometas, quorum diftan- tia à Sole per totum fere revolutionis tempus quafi infinita ef, parüm ad Æquatorem Solis appelli. Interim tamen facilè mihi erfuaderi patiar , Orbitas Cometarum ad Æquatoremaliquan- tulùm accefliffle. Quod ad hanc me procliviorem facit opinio- nem , hoc eft : in magno quorum Ephemerides habentur, Co- metarum numero, vifum fuit, inclinationem rmediam ad Æqua- torem Solis probabiliter futuram füifle’45 ° proxime nifi ad eun- dem aliquantulùm accefüffent. Igitur catalogum adhibui Co- metarum , ut eorundem inclinationem mediam cognofcerem. Hzæc autem non poteft non eadem efle ad fenfum , five planum Æquatoris folaris, five eclipticæ confideretur, quia parum di£- ferunt hæc ambo plana , & cùm aliqui Cometæ majorem ha- bent inclinationem ad Ædquatorem Solis, quam ad eclipti- PHYSICO-ASTRONOMICÆ. Prix de 1734, I4T cam , alii habent minorem, eritque inclinatio media proximè eadem. Idem quoque valet ratione ejus, qudd inclinationes in fingulis Cometis non accuratè habeantur ; errores enim ab utra- que parte fe probabiliter deftruent. Catalogus Cometarum hic eft : (4 Cometæanni1337,inclin. adeclipt.. 32° 11/ oo rene as teste ei SOR207 000 LA DE ae CAPE s.. 17 56 "10 S 152 01e aicielel els eee 32 LRO CAO SO sols ete se éleie 328 402 130 ES 77 ete? Shaft 74 32 45 1580. pi =slelele réels 64 40 oO 1585... . ONE ALTO 1590... . s. 29 40 40 ES 96 cu o = e 2 0e ane ee SSL Z o Te) AE SPL V4 2 o TOTB se à lose eo eo.e 0. SRI TL PO 1052... vs. 79 28 o 1001... dmeie DA DS, SO 1664... schass 21. 19: 20 FO Nas lei aaisietaishele oise 47 07 119 0 Ne reste or DH 2APTO NOT san ae nee mie 01 70 +ULS HE POSE so. 83 II o 1684 cc... 065$ 43 40 LO80 6 sue se vos nes 31 21 46 Dre Sa ren nd ler dupe hu ME Inclinatio media eft 43° 39’. Ex qua apparet, Orbitas Cometa- rum à Plano Æquatoris Solis aut nihilafñci, aut fi aficiantur, accedere potiùs ad iftud planum ; quäm recedere. | $. X XV. Quoniam in eo nunc fumus occupati , ut oftenda- mus differentiam Cometas inter & Planetas , experientià con- firmatam , ac theoriæ noftræ omnind conformem , lubet hicad- . jicere aliam , quæ pariter cum theoria egregiè confentit. Ver- fatur autem in excentricitatibus tum Cometarum tum Planeta- S üg 4 . à DISQUISITIONES rum. Res profe&tù mirabilis eft, Cometarum omnium excen« tricitates efle quafi infinitas. Planetarum autem pene nullas. Cujus rei videant , an rationem mechanicam reddere poflint , ui phænomena coœleftia fimplici gravitationum attraétionum- ve hypothef explicare cupiunt. Nos verd cùm gravitationi ad- jungimus attionem atmofphæræ folaris circa axem Solis motam, rem ita explicabimus , ut videatur , aliter effe non potuiffe. Se- ponamus 1taque rationem atmofphæræ, gravitationem autem diftantiarum à Sole quadratis reciprocè proportionalemubique ftatuamus : fitque nunc corpus in diretione ad radium è Sole ad corpus duétum perpendiculari projiciendum. Si projeétio eà fiat celeritate , quam corpus altero tanto à Sole elevatum cafu fuo versùs Solem ad priflinam ufque altitudinem acquirit , mo- vebitur in circulo circa Solem : fi minori projiciatur velocitate, movebitur in ellipf, eritque locus projeétionis aphelium ; fi majori, rurfus in ellipfi feretur , fed in qu#locus projeétionis fit perihelium. Hæc ex cognitis principiis mechanicis derivantur. Si omnind cafualis fit proeétionis velocitas , utiratione noftrum eft, & omnes poflibiles velocitatis gradus ad infinitefimum uf- que æquè facil contingere ponantur , probabile imd certum erit, excentricitatem ellipfis, quam corpus projeétum defcri- bet , fore infinitam. Quia verd in natura non dantur reapfe ve- locitates infinitæ, res ita immutanda erit , ut dicatur admodum probabile effe,ingentem & tantüm noninfinitam fore excentri- citatem. Et cm in vacuo fit motus aut quafi vacuo, ellipfes femel defcriptæaut fine fine continuabuntur, aut diutiffimè du- rabunt. Hæc , ni fallor, accuratè oftendunt, quare Cometæ el- lipfes fere parabolicas defcribant , quia & probabiliter in origi- ne fua tales defcribere debuerunt, & eafdem ceu ab aétioneat- mofphæræ folaris fere planè liberi , non poflunt non diutiflimè continuare. Sed cùm idem ratiocinium ad Planetas atmofphæ- tæ aétioni involutos applicamus , intelligimus quidem potuifle eos ellipfes in ortu fuo defcribere valdè excentricas , fed fenfim ad Orbitas circulares vergere debuiffe, & aliquando tales pro- piès efle -defcripturos ; quod fic demonftro: Materiæ atmofphæ- ricæ velocitas à Sole versüs peripheriam verofimiliter crefcit ( quamvis etiam tempus periodicum crefcat , uti monui $. VII.) quia in hypothef , quod motus cujufvis cruftæ liberè fiat , velo- PHYSICO-ASTRONOMICÆ. Prix de 1734. 143 citates in eâdem ratione cum diftantiis ab axe Solis crefcere de- bent. Planetæ autem velocitas ed major eft, quo Soli fit pro- pior ; igitur fi Planera velocitatem mediam ( ad mediam au- temaliquam velocitatem conftantem neceflario vergere debet} jam confervare ponatur, fieri non poteft, quin in perihelio ab atmofphæra retardetur , in aphelio acceleretur ; utrumque au- tem, quod ex mechanicis demonftratur , facit, ut corpus Orbi- tam magis circularem , minufque excentricam defcribat, ita ut mirum non fit , Planetas, Orbitas circa centrum Solis nunc fere circulares defcribere ; perfettè autem circulares non nifi poft tempus defcribent infinitum. Quia porrd multa concurrunt, quæ in Planetarum corporibus definiri cn ere ; ad diminu- tionem excentricitatis fenfibiliorem faciendam, dici non poteft, quifnam Planeta vi ifius theoriæ probabiliter magis minus-ve excentricus effe debeat. Concurrunt autem eadem fere, quæ in inclinatione Orbitarum ad Æquatorem Solis , quæ $. xx. re- cenfui ; ita ut confirmer in pofitione, quam $. XxX1I. à pofteriori dedi Æquatori folari. Quia pro ifta pofitione inclinatio Orbitæ Venerisad Æquatorem Solis fere nulla eft, prouti quoque ex- centricitatem ejus fere nullam effe , nôrunt Aftronomi: in Mer- curio vero & inclinatio ad Ædquatorem Solis , & excentricitas maxima eft. $. XXVI. An-non meliüs nos huic philofophandi methodo, quæ ubique nature phænomenis convenit, committemus, quäm ut protinus Deum ; ut dicunt , ex machina accerfamus , & ejus te immediatè tribuamus , quod ex legibus à fummo re- rum Creatore omnibus corporibus præfcriptis confequitur : an- ue fieri poteft , ut voluntas Dei mon plenum fuum habeat ef- um? ut Orbitas coincidere voluerit, nec perfeétè coinci- dant ; ut circulares circa Solem voluerit , nec perfeétè tales fint, € que funt hujufmodi alia. Ad ea quoque pertinet , quod mo- tus T'erræ omniumque Planetarum ad communem tendant pla- gam , & quidem quod ad eandem versüs quam Sol motu fuo circa axem movetur ; quod eadem motuum affe@io etiam im fyftemate joviali faturnioque fit : quæ omnia talia funt , ut fi ad- huc lateant , ex theoria noftra prævideri poffint ; & quorum ta- men vel ipfe Newtonus philofophator acutiflimus , rationem “mechanicam excogitari poffe nullam affirmat , in traétatu fuo “wptico, 144 DISQUISITIONES $. XX VII. Denique nec id omittere debeo, quod ad mo- tum Planetarum circa axem fuum pertinet. Vifum enim fuit hunc quoque à motu atmofphæræ folaris , qualem haétenus ad- hibuimus , illuftrari. Fingamus vorticem , cujus partes fingulæ eodem tempore revolvantur, eique corpus immerfm homo- geneum , quod fimul motu cum fluido communi feratur ; cor- pus id eandem perpetuo vorticis axi faciem obvertet ; ita enim apparet contingere , cm quælibet corporis particula ad fluidum pertinere putatur. Sed fi tempus periodicum à centro versùs pe- ripheriam crefcit in vortice , tum corpus circa axem feretur, motu vortici contrario , quod percipimus cùm corpus alternatim liquefcere in fuamque fe figuram reftituere confideramus. Atta- men axis Corporis axi vorticis parallelus manebit : fed fi corpus heterogeneum fit , fique corpus in plano ad axem vorticis non perpendiculari incedat, variis modis fieri poteft, ut axis corpo- ris axi vorticis non fit parallelus. Hæc fi ita fint , ratio non diffi- culter percipitur motuum , quos Planetæ, ipfaque Terra circa axem habent. Contrarii erunt vertigines motibus circa Solem, quia tempora periodica in atmofphæra folari , crefcentibus dif- # Auhor _tantiis à Sole, fimul crefcunt. [ * At fi ponamus infuper cen- oc gr trum corporis , quod anteà communi velocitate cum materia qum faifée ac ferri finximus , tardiùs procedere fimulque velocitates materiæ MA Éd crefcere versbs extrema , in qua nos ftare utraque fententia tef- parenhefin tantur $$. vais. & xx. videmus fieri fic pofle ; ut vertigines Pla- Éae £ Fe netarum cum motu fuo revolutionis confpirent , quia hemifphæ- menda mir, rium Planetæ à Sole averfum majorem impetum recipit à ma- teria atmofphæræ quam hemifphærium Solem fpeétans. ] Axis quoque corporum ; quomod® pollit effe obliquus ad axem Solis intelligitur , nec difficile eft videre tempora vertiginum augeri maximam partem ab auéta differentia temporum periodicorum materiæ , ubi hæc extremitates Planetarum radit. Hæc differen- tia ed major erit , quo major eft diameter Planetæ , & qud mi- nus à Sole diftat ; cui proprietati non malè refpondent tempora vertiginum in Venere , Terra , Marte & Jove ( in Mercurio & Saturno adhuc latent ) ; attamen non à Solis Planetarum dia- metris eorundem definiri vertiginum tempora , nec theoria pof- tulat , nec obfervatis aftronomicis probabile fit. Hæc ita in cor- poribus vortici immerfis : ea verd quæ à vortice non ES 1460 PHYSICO-ASTRONOMICÆ. Prix de 1734. 145 ideo faciem immutatam centro, circa quod feruntur , obver- tunt, quia centrum gravitatis locum à centro revolutionis re- motiflimum appetit , quæ ratio eft , quod Luna Terræ & extre- mus faturnius Satelles Saturno invariatam faciem oftendat. At- mofphæra autem folaris in Satellitibus non poteft revolutionem, fed tantüm levem aliquam titubationem producere. $. XXVIIT. Hæc funt quæ à longo quidem tempore in ar- gumentum ab Academia propofitum meditatus fum , fed quæ non-nifi feftinanter in chartam conjicere licuit. Spero adeoque, fi qui errores fortafle in numeros , de quibus Aftronomi inter fe conveniunt;aut qui facillimo calculo inde deduci poflunt, irrep- ferint, hos mihi facilè condonatum iri. Brevis ubique fui, quia feftinare debui : alia multa nova potuiffem fuperaddere , tum- que etiam allata magis extendere, & fic majus volumen hifce nofris difquifitionibus conciliare, Puto tamen hæc pro defide- ratis Academiz fufficere. FINIS. Tome III, Si + HAE MIO A gris Muni Mine sé > LD 154 : buleiss Las. Pos HÉS® ri Lalok nous 3 M yecchoi x SAS css pis diayel AU a" LE BR WEP tué que AVR, Les ne bah. mt ei Yraoi QD ASE E Thot alias Moore sel not 271019 MD AS io osnillis à ip pus druins tobnos dla: idio ao e et our dé 15b! a7on saluer sil id ob sat 47 ASE pre 4e ? 3bnégts sine ml lé pin AL « ne re ES >11 DEGEDMS 0 Lseyiliars. douar "1: FI NS ETES LA ua V8. Er srtouiBul GiépE # prsps, Li ONE VE og RSR SUEDR IE Rx soie ; HER re #* A CRE pe toc vers St ra LT 2 HE à | n Aire ' fat + Mit CA EVA: ne the Le ET HR ai are Tr ve: "ab" no Da : 4 hrs ch Me a bee: à M Me Pa sm « Pohols CE QUI A REMPORTE’ LE PREMIER DES PRIX PR OP OS ESS PAR L'ACADEMIE ROYALE : DES SCIENCES, POUR L'ANNEE M. DCCXXXVII. Par M. JEAN BERNOULLI, Doëfeur en Droit. Tome III. di te: HA ARE hs ra PS RS “sains Re is | £ Ke eu + CE AL Avertiffement de l Académie. LusreursexcellentesPiéces que l’Académie a reçüûes cette année fur le fujet des Ancres, font le fruit du delai auquel elle fe détermina en 173$. Cependant ayant divifé ce Sujet en trois parties dif- férentes, qui devoient faire l’objet d'autant de Prix, elle n’a pas trouvé des Piéces d’un égal mérite pour tous les trois. La figure des Ancres , comme plus fufceptible de l'application de la Géométrie, eft la partie qui en a fourni davantage , & les meilleures. Celle de la Forge & de la fabrique des Ancres, n’en a donné qu'un petit nombre ; & l'épreuve des Ancres n’en a point procuré que l’Académie ait pà couronner fous ce titre. La Compagnie a donc adju- gé le Prix du Sujet , Quelle ef! la figure la plus avanta- geufe qu'on puilfe donner aux Ancres ? à la Piéce N° $ ( de 1737 ) qui a pour Devife , Hic teneat noftras Anchora jaëla rates, & qui eft de M. Jean Bernoulli , Docteur en Droit. Elle a donné le Prix de la fabrique, Quelle eff la meilleure maniére de forger les Ancres ? au N°7, dont la Devile eft Vis umita fortior , & qui eft de M. Trefaguet, ancien Ingénieur des Ponts & Chauflées. A l'égard du troifiéme Sujet, Quelle eff la meilleure maniére d'éprouver les Ancres ? & qui ne lui a pas paru fufifamment rempli, Elle a jugé à propos de diftri- buerle Prix qu'elle y avoit deftiné , en égale part à deux Piéces, où elle a trouvé d’ailleurs des Recher- Ti ches curieufes & utiles, tant fur lafigure des Ancres, que fur les autres Sujets, & fur plufieurs pratiques qu’elle n’a pas voulu qui fuflent perdues pour le Public. | L'une, qui eftle N°0, & qui a pour Devife, Om- nia conando docilis [olertia vincit, eft de M. Darmiel Ber- noulli , Profefleur en Anatomie. L'autre ; N°11, qui contient trois parties, & qui a trois Devifes , par ce vers ainfi varié, . Firma Hic teneat noftras Anchora { Du } rates ; erta eft de M. le Marquis Poleni , Profefleur de Mathéma- tique à Padoue. Les deux Piéces qui ontle plus approché du Prix, & c’eft par rapport à la fabrique ou à l'épreuve des : Ancres , fontle N°. ÿ (de 1735 ) qui a pour Devife, N°15ÿ4. Et le N° 13 (de r737) qui a pour Devife, Si non bene [altem voluiffe decorum ef! , eft de M. le Comte de Crequi. 4 UN * DE SaC'OrUR:S SUR LS ANNEES. BAIN RO GEAR) MIE NHEN AN AE CE NIET CR EIGEIOM QUELLE EST LA FIGURE LA PLUS AVANTAGEUSE QU'ON PUISSE DONNER AUX ANCRES ? Sujet propofe par l'Académie Royale des Sciences ; pour le premier Prix de l'année 1737. Hic teneat noftras Anchora ja@ta rates. Ovid. lib. x. de Art, am. $. I. ÿ} ILLUSTRE Académie Royale des Sciences ayant jugé à propos de propofer une feconde fois le fujet qu'elle avoit déja propofé pour le Prix de l’année 1735 ; elle en a fait trois fujets diffé- rens ; énoncés en ces termes : 1°. Quelle ef} la figure la plus avantageufe qu'on puil]e don- ner aux Ancres ? ii Fig. 1. 150 DISCOURS 2°. Quelle ef? la meilleure maniére de forger les Ancres ? 3°. Quelle eff la meilleure mamére d'éprouver les Ancres ? C’eft principalement fur le premier de ces trois fujets que j'ai l'honneur de lui propofer mes réflexions dans ce petit Difcours , que j'ofe foumettre au jugement éclairé de mes Juges. Je m'attacherai cependant aufli à expliquer mes pen- fées fur le troifiéme fujet , en faifant voir de quelle mamiére on pourra faire les épreuves convenables fur des modeles de petites Ancres, pour en tirer des conféquences applicables aux grandes. Ci À Il y a lieu de croire, que l’Académie en demandant quelle ef} la figure la plus avantageufe qu'on puif]é donner aux Ancres , veut fçavoir proprement quelle ef} la meilleure manière de fe fervir des Ancres , non-feulement par rapport à la figure quil convient de leur donner , mais auffi par ranport à d’autres circon- lances auxquelles il eff bon d’avoir égard ? Pour me conformer donc le plus qu’il eft poffible à fon intention, je crois devoir confidérer l’Ancre dans trois tems différens , fçavoir , lorf- qu’elle tombe au fond de la mer, lorfqu’elle y entre, lorf. qu'elle y eft fixée. C’eft-là l’ordre que je fuivrai dans cette Differtation; j'appuyerai aufli mes raifonnemens fur quel- ques expériences qui leur ajoûteront beaucoup de poids. $. III. Avant que d’entrer en matiére, il faut que j'explique les parties dont eft compofée l’Ancrerepréfentée dans la Fig.r. DH eft une piéce de fer, qu'on nomme la verge ; la partie ED E foudée au bout de 1 verge, qui fait la croix de V'Ancre, s'appelle la croifte; DE , la moitié de la croifée, eft appellée le #ras ou la #ranche ; au bout de la branche eft foudée la patte F; je ne çonfidérerai au commencement le bras de la croifée avec fa patte, que comme une feule ligne droite. A l’autre bout Hde la verge, eft attachée une piéce de bois perpendiculairement au plan de la croifée, c’eft le jas ou jouer de FAncre ; C repréfente un gros anneau de fer SUR LES ANCRES. Prix de 1737. sf I nommé l’arganneau , auquel eft attaché le cable , qui eft une groffe corde, par le moyen de laquelle le Vaiffeau ef arrêté après que l’Ancre eft jettée. Je ne parle pas des Grapins d’abordage , autre efpece d’An- cre que celle que nous avons repréfentée, ayant ordinaire- ment quatre branches, & des crochets en place de pattes ; on ne fe fert de ces Grapins que fur les Galéres, ou bien pour accrocherun Vaifleau ennemi, & je ne crois pas qu’ils faffent partie du fujet propofé ; d’ailleurs le plus effentiel de ce que je dirai fur les Ancres , pourra s’entendre aufli des Grapins. $. IV. - Quand l’Ancre tombe au fond , elle n’y mord pas auffi- tôt , ou du moins pas toujours ; cela dépend de la fituation où elle fe trouve alors, & qui n’eft pas toujours la même ; uelquefois le plan de la croifée eft perpendiculaire fur le Pond e la mer, quelquefois il lui eft parallele ou prefque parallele , & le “re fouvent il eft oblique. Toutes ces fitua- tions ne font pas indifiérentes fans doute , & chacun voit que la premiére eff la plus propre pour faire mordre & en- foncer l’Ancre dans le fond. si" Il feroit donc à fouhaiter qu’on trouvât un moyen pour faire prendre à l'Ancre, en tombant au fond, telle fituation v’on voudroit lui donner ; outre qu'on pourroit fe pañfet es du jas , qui eft fort embarraffant , & qui ne fert tout au plus qu'a empêcher que l’arc de l’Ancre ou la croifée ne prenne la fituation parallele au fond. $. VI. L’Ancre ayant une fois mordu , il s’agit de la faire entrer auffi avant & avec autant de force qu'il eft poflible, dans Le fond ; & il eft à remarquer ici, qu’à mefure qu’elle avance, on conçoit se fa verge change de direëtion , & qu'ordi- nairement elle fait a commencement un angle avec le ca- ble, comme dans la Fig. 2. que cet angle devient de plus en . plus obtus , à mefure que le cable eft tendu plus fort par Pef- ® {ot que le Vaïffeau fait pours’éloigner de l'endroit de l’Ancre Fig. 2. Fig. 3. 152 DISCOURS qui l’arrète , & qu'à la fin le cable étant fortement tendu ; il eft prefque en droite ligne avec la verge comme dans la Fig. 3. & l’un & l’autre peuvent alors pafler pour une feule ligne droite, qui fera comme horifontale, fi la longueur du cable furpaffe confidérablement la profondeur de la mer, d'autant que le plus fouvent on n’eft pas en état de jetter l'Ancre en des endroits fort profonds. Cependant fi on avoit l'invention de mettre l’Ancre dans telle fituation que l’on voudroit, lorfqu’elle eft au fond , on pourroit, par ce moyen, faire en forte que la verge fût dès le commencement en ligne droite avec le cable , ce qui feroit encore un avantage confidérable. f. VEE L'invention dont je viens d'infinuer l'utilité , ne me paroït ni impofible ; ni même difficile ; je vois à vüe de pays plu- fieurs moyens pour en venir à bout; mais cette matiére n’é- tant pas de mon reflort, je n’oferois me hafarder à en pro- pofer un ici, craignant qu'il ne fe trouvât dans fon exécution des difficultés auxquelles je n’eufle pas penfé. F NTEL. Voyons maintenant ce qui fait pénétrer l’Ancre plusavant dans le fond , lorfque le Vaiffeau vient à être entrainé par les vagues, & aufli par le vent qui donne toujours contre le Vaiffeau, quand même les voiles font carguées. C’eft d’un côté la réfiftance que le poids de l’Ancre oppofe à ce que le Vaiffeau ne foit emporté avec trop de facilité, & de l’au- tre l’obliquité de l’angle fous lequel l'Ancre a mordu dans la terre. : Il faut fans doute que l’Ancre ait un certain poids ; car il eft clair , que fi elle étoit trop legere, outre qu’elle feroit fujette à la rupture , fon peu de réfiftance feroit aifément furmonté par la force avec laquelle les vents & les vagues pouffent le corps du Vaïfleau ; cependant elle ne doit pas être trop lourde ou trop pefante non plus, parce qu’on auroit trop de peine à la retirer. Il faut donc un certain milieu, qu'il feroit impoflible de déterminer par le calcul ; cela _æ dépend SUR LES ANCRES. Prix de 1737. 1$3 dépend d’une infinité de circonftances ; qui ne font pas dé- terminées elles-mêmes : il a fallu confulter pour cela l’ex- périence ; de même que pour la longueur & l’épaiffeur de Ancre. On fait l’épaiffeur de la plus grande , nommée la maftrefle Ancre , d'autant de pouces qu'il y a de pieds dans la moitié de la largeur du Vaïffeau ; pour ce qui eft de la longueur & du poids de la maîtreffe Ancre ; leur proportion eft marquée dans la T'able qui fuit, par laquelle il paroït que la longueur de l’Ancre doit être comme la largeur du Vaif- feau , mais le poids de l’Ancre en raifon cubique de la même largeur du Vaiffeau. TABLE contenant la longueur &* le poids que doit avoir la grande Ancre d'un Vaiffeau, à proportion de la largeur de ce l’aiffeau. Largeur du Vaïfleau. | Longueur de l’Ancre. Poids de l’Ancre, Pieds, Pieds, Livres. CPPEEPEEEEEN EFETETEEE ZSeronsosoloosossese 33 Drerserecsesclprescenee EE PPLER OO DOECTEEEE 47 TOessssenseslepoossese PIECE LEE CCE EELE 64 ILosscospepenplsesnsopee 4Fepessssnlsnssesese 84 IZesssosessoselsssssssse PRPREPEEEES CEE EEE 110 2O.erossoonepeleseesouse EPP DCCOE LE CE s12 ZOvoneensese ÉROReE Tlossssssenersessses 17:8 AO Suee ee | de eme dons T6 Ecards lrcunenese 4996 SOsscs eos ones ls poser 2Ocsssssocsfesesssee 8000 $. IX. J'ai dit qu'outre le poids de l’Ancre c’étoit auffi l’obli- quité de l'angle fous lequel la patte fe préfente au fond, qui la faifoit entrer de plus en plus, à mefure que le Vaifleau eft pouffé. En effet, tout angle n’eft pas également propre pour cela , & l’on voit d’abord qu'on n’obtiendroit pas cet effet de l’Ancre , fi on la faifoit comme elle eft repréfentée Tome III, Fig. 4. Fig. 5. Fig. 6. 154 DISCOURS dans la Fig. 4. en forte que la croifée avec fa patte fût em ligne droite perpendiculaire à la verge, parce que la dire&tion de la force avec laquelle la verge eft tirée , feroit perpendi- culaire à la direétion de la croifée, & qu'’ainfi cette force ne contribueroit en rien pour faire ue des pattes dans le fond. D'un autre côté l’on voit auffi que fi la croifée étoit trop oblique, c’eft-à-dire, fi elle faifoit un angle trop aigu avec la verge , comme dans la Fig. $. il arriveroit que la atte ne mordroit pas aflez dans le fond , & qu’en avançant elle friferoit feulement la furface de Ia terre, ou tout au plus elle ne feroit que des fillons ou des rayons pareils à ceux que fait le foc d’une charrue en remuant la terre; le l’aiffeau chaferoit fur fon Ancre, comme les Marins s'expriment , parce que la réfiftance de l’Ancre ne feroit pas fufifante pour l’arrèter. FX. Cherchons donc l’Angle le plus favorable , c’eft-à-dire , celui fous lequel la patte entre le plus profondément, & avec le plus e facilité & de force. Pour cet eflet ; nous n'avons qu'à déterminer générale- ment la force avec laquelle la patte entre dans le fond fous un angle variable , & égaler enfuite cette force à un maxi- mum ; Ce qui nous donnera le finus de l’angle le plus avan- tageux. Soit pour cette fin dans la Fig. 6. C4 le cable, FG le fond de la mer confidéré comme prefque parallele à la di- reétion de la verge & du cableCB ; ABla verge, /VBE la croifée. Ayant tiré HI perpendiculaire fur BW , foit nom- mée cette HI ( finus de l’angle cherché HB1)=m; (co-finus du même angle) =n—v (1—mm); HB { finus total )— 1 ; enfin, la force avec laquelle le cable eft tiré = f. Cette force f étant appliquée obliquement à la branche BN , ne fera pas toute employée fuivant la direc- tion B N ; je la décompofe donc fuivant BI & HI, dont la premiére eft dans la direétion de BW , & la feconde per- SUR LES ANCRES. Prix de 1737. FF pendiculaire à cetre même direétion ; maintenant je dis, HB(1). BI(m)::f( toute la force avec laquelle le cable efttendu, ). mf, qui fera la partie de cette force employée fuivant la direétion BN ; mais cette force " f n’eft pas toute employée non plus à faire entrer l’Ancre dans le fond , & nous avons déja dit, que fi la direétion B NW étoit fort obli- que , l'ancre ne mordroit point. Il faudra donc derechef dé- compofer cette derniére force fuivant VL parallele, & ML perpendiculaire au fond de la mer ; de ces deux forces, ce n’eft que la derniére qui fait entrer l'Ancre dans le fond : or, cette force eft—mnf; car prenant MN—HB—1,; ML fera HIl=n& NL—BIl—=m;, & j'aurai cette analogie , MN (1). ML(n)::mf( toute la force fuivant BN) à la force réfultante fuivant ML = mnf. Ainfi cette force mnf, ou ( divifant par la conftante f) mn doit être un maximum , ce qui nous donne [ en mettant pour » fa valeur V(1—mm) & puis en différenciant mV(1—mm ) 1 cette équation, dmV(1—mm) mm dm TT VG—mm) m=V+, comme auflin—v(1—mm)—=v£}: le trian- gle reétangle HI B fera donc ifofcéle, & par conféquent l'angle cherché H BI égal à un demi-droit. $. XI. Le calcul que nous venons de faire fuppofe , 1°. Que le fond de la mer eft horifontal ; ce n’eft pas que nous le croyons tel par-tout , ce qui feroit abfurde , mais au moins il fera tel le plus fouvent, & nous n'avons pas plus de raifon de lui donner une autre fituation , n’y ayant aucune certitude. 2°. Que le cable eft horifontal auffi , ce qui n’eft pas vrai à la rigueur; mais j'ai déja infinué ci-deflus , qu’il peut pañfer pour tel lorfqu’il eft bien tendu & aflez long , par rapport à la profondeur de la mer. On voit donc qu'il eft bon de faire les cables aufli longs qu'il eft poffible , felon que es Vi — 0, ou bien mm—1—mm, & partant Fig. 7: 156 DTS'COURS autres circonflances le permettent , afin qu’ils approchent d’au- tant plus d’être horifontaux. Il y a encore une autre raifon pour laquelle on doit faire les cables auffi longs que l’on peut ; c’eft afin qu'ils prêtent mieux aux bouffées des vents , de même qu'aux fecoufles des vagues , & qu'ils foient moins fujets à fe rompre ; parce que les extenfons étant moins brufques dans une longue corde que dans une courte , elles prêtent plus aifément à la violence fubite des bouffées & des fecouffes. Quand je parle d’extenfion, ce n’eft pas que je veuille dire par-là que les cables s'étendent réellement en longueur , mais c’eft qu’un cable bien long , qui, comme l’on fçait, eft fort pefant, ne fçauroit jamais être fi bien tendu , qu'il ne lui refte encore quelque courbure , & que par conféquent les bouffées & les fecouffes ne le puiffent tendre encore davantage; c’eft cette tenfion que J'ai appellée exrenfion , & c’eft dans ce fens qu’on pourroit dire d’une chaîne de fer fuf- pendue horifontalement par les deux bouts , qu’elle s'étend, quoique le fer ne foit pas extenfible ; parce que les deux points de fufpenfion s’éloignant l’un de l’autre, la chaîne paroït s’allonger. s. XII. Je dis qu'il eft bon de faire les cables auffi longs qu'il eft poffible , felon que les autres circonffances le permertent ; caron enfe bien qu'on ne peut pas les faire auffi longs que l’on veut à l'indéfini. On a fur un Vaiffeau grand nombre de cables, & ces cables, fi on les faifoit trop longs, ne laifferoient pas que d’embarraffer, tant par rapport au volume qu’au poids. Mais il me vient une idée, qui peut-être n’eft pas à rejetter, pour faire prêter un cable d’une longueur donnée autant que préteroit un autre bien plus long, voici donc à quoi je penfe : c'eft de partager le cable en plufeurs parties , longues cha- cune de 20, 30 ou 40 pieds, & de joindre ces parties, par des reflorts de fer affez forts, comme feroit , par exemple, le reflort BC (Fig. 7. ) entre les deux cordes BA & CD, lequel fe dilateroit lorfqu’une grande force viendroit fubitement à SUR LES ANCRES. Prix de 1737. 157 tendre la corde totale 4D , par-deflus la tenfion qu’elle fouf- froit déja auparavant. On voit donc que par la dilatation de plufieurs reflorts mis entre deux , de diftance en diftance par toute la longueur du cable, cette longueur pourroit, en s’al- longeant confidérablement , donner au cable la qualité de parer les plus violentes extenfions , & de réfifter ainfi à la rupture par les dilatations & refferremens alternatifs des ref forts, felon la violence plus ou moins grande des bouffées & des fecouffes. , Je fuis perfuadé que fi on exécutoit cette idée, on s’en trouveroit fort bien ; car je ne crois pas que de cette ma- niére on courût aucun rifque de perdre jamais d’Ancre, ce qui feroit un avantage très-efflentiel , vü que l'expérience ne nous montre que trop, combien il arrive fouvent à un Vaiffeau de perdre fa maitrefle Ancre ; or cette Ancre une fois perdue, le Vaiffeau eft fort mal, parce qu’un pareil acci- dent n'arrive que dans le tems de groffes tempêtes. $. XIII. Nous avons fuppofé encore jufqu'ici , que la patte étoic en ligne continuée avec la croifée , ce qui pourtant n’eft pas néceffaire ; car il fuffit que la ligne de direétion du plan de la patte fafle avec le fond l'angle trouvé de 45 degrés , &le bras de la croifée pourra avoir telle figure , & faire tel angle avec la patte que l'on voudra. Il ne convient pas même que Îe bras confidéré comme une ligne droite, foit dans la même direëtion avec la patte ; en voici la raïfon : il faut , comme nous avons dit ci-deflus, que l’épaiffeur, la longueur & le poids de PAncre gardent une certaine proportion avec la largeur du Vaïffeau. Orcet- te proportion ne pourroit pas fubfifter , fi chaque bras de la croifée étoit dans la même dire@ion que fa patte ; Je veux dire , que fi on donnoit à l’Ancre l’épaifleur & le poids qui font requis, fa longueur deviendroit trop petite, ou bien fi on donnoit à l’Ancre l’épaiffeur & la longueur requifes, elle deviendroit trop pefante , ce qu'il faut éviter avec foin, parce que la maïtrefle Ancre eft déja fi lourde d'elle-même, Vi Fig. 8e Fig. 9. & 10, 158 DISCOURS qu'on ne peut la retirer qu'avec beaucoup de peine, & que pour cette raïfon on ne fe réfoud à la jetter que dans la der- niére néceflité , comme dans un tems d'orage ; ajoûtez à cela , qu'il ne convient pas de charger le Vaiffeau au-delà du néceffaire. Il faut donc, pour garder la jufte proportion marquée dans la Table , que chaque bras de la croifée ( confidéré toujours comme rectiligne ) faffe un angle avec la direétion de fa patte, comme dans la Fig. 8, où l’on voit que les lignes DC, EC, qui marquent les direétions ou les prolongations des pattes DE , ne concourent qu’au point C, qui eft au-def- fus du fommet B de la verge 4 B. $. XIV. L’angle de 45 degrés que nous avons trouvé ci-deflus, eft à la vérité le plus avantageux pour faire entrer la patte dans le fond ; mais il ne le fera pas pour l'y faire demeurer quand elle y ef fixée une fois, & pour empêcher que le Vaiffeau ne chaffe fur fon Ancre : car alors plus le plan de la patte approchera d’être perpendiculaire fur la furface du fond de la mer, plus aufli y tiendra-t-elle ferme , parce qu’elle trouve plus de réfiftance, & ces réfiftances font comme les quarrés des finus de l’angle que fait la patte avec le fond. Car d’abord la patte rencontre plus de matiére qui réfifte fous un angle plus approchant d’un droit que fous un plus petit en raifon des finus de ces angles , & puis chaque particule de cette matiére réfifte davantage fous le premier de ces angles, que fous l’autre encore en raifon de ces mê- mes finus ; d’où il réfulte , comme j'ai dit , que les réfiftan- ces totales font en raifon doublée des finus de l'angle de la patte avec le fond. $. XV. Ce que je viens de dire eftaifé à vérifier par une expé- rience, il n’y a qu'à faire deux couliffes d’inégale largeur ABCD,abcd (Hg. 9 & 10;) rempliflez l’une & l’au- tre de terre graffe d’égale confiftance ; plantez-y les petites planchettes EF, ef, parfaitement égales entre elles , mais SUR LES ANCRES. Prix de 1737. 159 inégalement inclinées fur la direétion de leur couliffe ; aux centres G, g, de ces planchettes, atrachez des ficelles GHP, ghp, que vous ferez paler par-deflus les poulies H, #2; & au bout de ces ficelles fufpendez des poids P , p, que vous augmenterez fucceflivement, jufqu’a ce qu'ils commencent à vaincre la réfiftance de la terre grafle, en faifant avancer les planchettes ; vous trouverez alors que le poids P fera au poids p , comme le quarré du finus de l'angle £FC, au quar- ré du finus de l'angle efe Ayant donc égard à cdla > il fera bon de faire l’angle en queftion un peu plus grand que de 45 degrés. Sr: X VE Je ne me fuis pas fort étendu dans les réflexions que j'ai faites jufqu'’ici , en confidérant l’Ancre dans le tems où elle tombe au fond de la mer, & dans celui où elle y mord, parce que ce n’eft pas là le principal de la queftion ; il eft bien plus effentiel d'examiner quelle figure il convient de donner à la branche de l’A ncre, pour en avoir Le plus d’avan- tage qu'il eft poflible , lorfqu'elle eftune fois fixée ; & c’eft à quoi je vais m’appliquer avec plus de foin dans la fuite de ce Difcours. $. XVII. Mais avant que de continuer , il faut que je m'explique fur quelques termes dont je me fervirai, & qui fans cela pourroient caufer de l'équivoque. Que l’on conçoive donc ( Hg. 11.) l’Ancre dans une fituation horifontale , dont la projeëtion de la croifée foit ACBD A, & celle de la verge foit DE ; que l’on conçoive aufli un plan vertical & parallele à la verge, lequel coupe la croifée , & que la fe&tion faffe un parallélogramme rec- tangle 4 FG1; car c’eft fous cette forme que je veux que le contour de la croifée foit conftruit , comme la plus commo- de pour en faire le calcul; cela bien entendu, j'appellerai Je côté horifontal GF ou TH l'epaifleur de la croifée ; le côté vertical GIou FH fa lergeur ; Varc 4 D B fa longueur , & l'aire de la fe@tion HFGI fa groffewr ; enfin, jentendrai Fig. 11e Fig. 12. 160 DISCOURS par laÿürface intérieure de la croifée , la furface dans laquelle ef fitué le côté G 1 du reétangle vertical HG, laquelle fur- face je nommerai dans la fuite aufli, furface concaue de l An- cre ; mais pour le préfent je fais abftraétion de fa concavité. Après cette explication, je retourne à mon fujet. SXN III. Pour que la figure de l’Ancre foit la plus avantageufe , il faut qu’elle lui donne deux avantages ou deux qualités les lus favorables , l’une pour réfifter le plus qu'il eft poffible à être caflée, & l’autre pour À moins fujette à fe plier ou à changer de figure ; la figure par le moyen de laquelle on obtient le premier avantage, regarde la groffeur de l'An- cre , & celle qui doit procurer le fecond avantage , regarde la furface intérieure de l’Ancre. Nous chercherons premié- rement la premiére de ces deux figures, puis l’autre , & en- fin nous verrons comment il faut les combiner enfemble our en avoir les deux avantages à la fois. Je dis d’abord qu'il ne faut pas que la branche de la croi- fée ait par-tout une égale groffeur , parce qu’elle ne réfifte- . roit pas également par toute fa longueur à être caflée; elle fe cafferoit plus aifément , par la nature du levier, vers le fommet de la croifée, que vers fes extrémités ; par confé- quent elle ne feroit pas forte à proportion de la matiére qui la compofe ; il y auroit donc de la matiére employée inuti- lement vers les extrémités , ou trop peu de matiére vers le fommet. Il faut donc diftribuer la matiére en telle façon, que la branche foit par-tout également forte : c’eft par cette raifon que l’on fait les arcs des arbalêtes plus minces vers leurs extrémités , que vers le milieu. Or, Galilée a déja démontré que , dans une poutre hori- fontale, inférée par un des deux bouts dans un mur, & portant un gros poids attaché à l’autre, la force pour réfifter eft uniforme dans toute la longueur de cette poutre, lorfque les EF, EF( Fig. 12.) qui repréfentent les grofleurs de la poutre, font par-tout proportionnelles aux appliquées cor- refpondantes DB, DB de la parabole Apollonienne 4 BC, c’eft-à-dire, /l1. du Mem.4.pag.158. S s ? m > M TPÈNN: 3 du Hem. 4. pag.158. € A Pl.2. du Mem:z pag158. 2 n Jmonneaë he omsarnn qler Pl3. du Mem. 4 .pag 158. Fly. du Memig Pag:158. Piue Joorairaau Jen. F3 dullems pag 188 F7 10 SE. du Mem.Z :P4g- 168 . || P.6. du. Men. .pag.158. Orne J'éagr de F Ply. dei Mem.4.pa9:158. Fig 20 PEN + y du Mem.s.pag 18 Fig 23 | DA / / eF —_ = _— 71.6. du Merc.4 Pag.168 Pr. O7. 17 .188 . 7.9 du Mem .7 PI F 79. du Mem.g.pag.188 F * D Vimonneau ei: SUR LES ANCRES. Prix de 1737. 161 c'eft-à-dire, lorfque {EH eft elle-même une parabole : fup- ofé que la largeur, qui , dans la pofition que donne Galilée à la poutre, efthorifontale, foitégale dans tous les points F,F. $. XI X. Ainf il eft à remarquer que cette derniére propofition n’eft vraye , que pour le cas où l’Ancre ; ou la poutre ( pour me fervir du même terme dont fe fert Galilée) chargée à l'extrémité d’un poids attaché , faifant abftra£tion de fa pro- pre pefanteur , eft également large par toute fa longueur, c'eft-à-dire, lorfque la furface intérieure de la croifée, confi- dérée comme plane, eft un parallélogramme reétangle ; car fi fa largeur eft variable , la courbe ( dont les appliquées repréfentent les épaiffeurs de la poutre ) changera de nature füivant la loi des largeurs , de forte que l'équation générale de cette courbe pour des largeurs quelconques, contiendra trois indéterminées, dont l’une, par exemple, celle qui dé- note la largeur variable de la poutre, fera arbitraire, pourvû que les aires des feétions tranfverfales , c’eft-à-dire , les rec- tangles G H ( Hg. 11.) foient proportionnelles aux appli- quées de la parabole. … * Pour trouver cette équation générale, foit DFAMN ( Fig. 13. } la poutre qui réfifteroit par-tout également à une puiffance qu'on appliqueroit en D , fuivant la direétion DC, & foit DeF la courbe des épaifleurs, dont nous cherchons l'équation , ou la courbe, dont les appliquées 4 e marquent les épaifleurs de la poutre ou du bras de la croifée ; foit l'aire du reétangle e c la feétion tranfverfalede la poutre, enforte que 2 e étant fon épaifleur , #c ou ed foit fa Cu aux points 2 ou e ; cette droite 4 c étant préfentement varia- ble , fera l’appliquée d’une courbe D c M, qui terminera la furface intérieure de la croifée, & qu’on pourra appeller cour- be des largeurs ; laquelke, de même que la courbe des épaif * Pour éviter laconfufon ,ileftbon || plan vertical, parallele à la longueur de faire remarquer que , fuivant l’idée || dela poutre DA, enforte que l'épaif- de Galilée, il faut confidérerla projec- | | feur fe change ici en largeur, & réci- tion de la poutre comme faite fur un | | proguement la largeur en épaiffeur, Tome IIL Fig. 144 162 DISCOURS feurs De F , aura pour axe la droite D 4. Nommons toute fa longueur D'A=a, Ab=y , l'épaifleur be— +, la largeur bc == 2, & la puiflance qu’on fuppofe être appliquée en D—p. La nature de la courbe Def fera telle , que pour chaque point. # le moment de la puiffance en D; c’eft-à-dire , p mul- tiplié par la diftance a—y, fera égal au moment de la force avec Pets la poutre réfifte à la rupture dans l’endroit du rectangle ec; or cette réfiftance abfoluë étant proportionnel- le à la multitude des fibres qui devroient être rompues à la fois , & par conféquent proportionnelle à l'aire du reétangle ec quiet = 25, ileft vifible, par la nature du levier, que la réfiftance abfolue z7 multipliée par la diftance du centre de gravité à la bafe 2c, qui eft comme l'appui de ce levier, exprime par-tout le moment de la réfifance ; mais la dif- tance du centre de gravité à la bafe d’un reétangle étant au milieu, on voit bien qu’elle fera toujours proportionnelle àr, donc le moment de la réfiftance fera exprimé par 2: x1==211; il me vient donc cette équation pour la courbe DeF,z+t =p(4a—7y) contenant trois indérerminées y, r,2, def- quelles par Les il y en aura une d’arbitraire , pat exemple z, laquelle étant enfuite déterminée par une autre circonftance que nous n’avons pas encore tirée en confidé- ration pour ce fujet, il n’y aura qu’à fubftituer la valeur de + en y ou ent, pour avoir l'équation à la courbe De F dans chaque cas particulier. $. X X. Pour la fimplicité , nous avons confidéré jufqu'ici la fur- face intérieure de l’Ancre comme plane, & nous le pouvions fans que cette fuppofition entrât pour rien dans le caicui par rapport au fujet dont il s’agifloit ; car lon fçait que le moment d’une puiffance eft le même dans un levier droit & dans un levier courbe ; fi fa diftance à l'appui eft la même dans l’un & l’autre levier. Cependant il y a une autre cir- conftance à laquelle nous n’avons pas encore fait attention, & quine permet pas que la furface intérieure de l'Ancre {oit plane ; c'eft que de cette maniére on n’obtiendroit pas le SUR LES ANCRES. Prix de 1737. 162 fecond avantage requis dans l’Ancre, dont nous avons parlé ci-deflus ( Arr. XVIII.) car dans ce cas la branche ne ve pas dans une difpofition convenable pour conferver fa figure, uand le cable commence à fe bander fortement , quoique d’ailleurs FAncre foit affez forte pour réfifter à la rupture; . c’eft ce qui nous conduit à la confidération de cette autre qualité que doit avoir l’Ancre, & qui eft bien la principale : car il ne fuffit pas que fes dimenfions foient dans la jufte pro- portion , pour qu'elle réfifte uniformément à la rupture par toute la longueur de fa croifée , mais il faut de plus lui don- ner une certaine courbure , qui fafle que la croifée ne foit pas pliable ou fujette, je ne dis pas à la rupture, mais à changer de figure, par la forte preflion exercée contre la furface intérieure de la branche enfoncée dans la terre, laquelle preffion lui arrive par l’oppofition de la terre , qui doit arrêter l’Ancre)ou la tenir immobile , lorfque le cable bandé fait tout fon effort pour l’entrainer. $s. XXI. Après d’affez longues méditations, & plufeurs tentatives que j'ai faites , pour découvrir en quoi pourroit confifter le principe de la recherche de la plus avantageufe courbure qu'il faut donner à la croifée , pour que fa branche enfoncée ne fe plie en aucun endroit, quelquesgrand que foit l'effort du cable bandé , pourvû que d’ailleurs l’Ancre foit affez robufte , pour n'être point rompuëé entiérement ; j'ai enfin réuffi dans mon entreprife , ayant trouvé le véritable &c uni- que fondement de cette recherche, puifqu’il me paroît au- deflus de toute exception, tellement qu'après avoir com- muniqué mon idée à un de mes amis, bon connoïfleur en fait de méchanique , il approuva fort ma théorie, dont il fe fervira peut-être lui-même, fuppofé que l'envie lui pren- ne de travailler aufli fur le fujet en queftion. Voici donc ma théorie : d’abord je me figure la branche enfoncée de la croïfée ;, comme étant faite de matiére parfaitement flexible, excepté ces deux extrémités, fçavoir, 3 patte & le fommet de la croifée, que je confidére comme deux points fixes, X ï 164 DISCOURS auxquels feroit attachée la branche flexible en forme de linge ou de voile , quife courbe, comme on fçait , d’une certaine façon que la nature elle-même prefcrit par la loi des pref- fions exercées fur la furface du linge ou de la voile , par le oids d’une liqueur ou par la force du vent. Ainfi quand É branche flexible eft tirée fortement par le cable attaché à la verge de l’Ancre, on voit bien que la réfiftance de la terre, contre laquelle la furface intérieure de la branche fléxible ef preffée , doit faire le même effet que fait le poids d’une liqueur , ou l'impétuofité du vent, c’eft-à-dire , que la branche fléxible prendra d'elle-même une certaine cour- bure felon l'exigence de la loi des preffions. Or, il eft vifible que cette courbure une fois prife fera permanente, quoique la branche foit encorefléxible; donc à plus forte raïfon , fi nous fuppofons que dans cet état l’Ancre reprenne fa roideur ou fa dureté, on ne pourra nier que la courbure des branches de la croifée ne foit précifément celle que nous cherchons, pour que les branches ne foient point pliables, puifqu’elle auroit été engendrée par les preflions mêmes qui donnent l’équilibre à toutes les parties de la branche fixée en terre, de forte que fi une feule partie venoit à être déplacée de fa fituation , tout cet équilibre feroit troublé dans le moment, ce qui feroit contre laloi des preflions, qui ont produit la courbure dans la furface concave de la branche, pendant u'elle étoit encore, comme nous l'avons fuppofé , dans l’état de fléxibilité, SERÈT I - De tout ceci, nous voyons que la courbure que l’on doit donner à chaque demi-croifée, ou plutôt à fa furface conca- ve, eft du genre des lingiéres ou des voiliéres ; or cette cour- be deviendra de difiérente nature , felon que la furface con- cave fera uniformément ou non-uniformément large. Pour la déterminer généralement , jemployerai le principe ordi- naire pour la recherche des courbes fléxibles par la preffion des fluides, lequel confifte en ce que la force d’un fluide qui keurte obliquement contre les élémens d’une courbe, eft SUR LES ANCRES. Prix de 1737. 16$ conftamment en raifon doublée du finus de l'angle , que fait la courbe avec les paralleles à l’axe ; d’autant que nous avons dit ci-deffus ( Arr. XIV.) que les réfiftances que fouffre la branche de l’Ancre pat loppofition de la terre où elle eft enfoncée, font en cette raifon-là. Cherchons donc mainte- nant cette courbe. $. X XIII. L'on fçait qu'un fil tiré ou pouflé par une infinité de for- ces , fuivant les direétions perpendiculaires à la figure cour- be qu’il prend, demeurant en équilibre , il faut que la cour- bure de ce fil [ c’eft-à-dire , l'angle de contaét ] foit par-tout proportionnelle à la force qui la caufe; car ( Fig. 14.) en concevant la courbe comme un polygone infinilatéral abcdef, où les forces font appliquées aux angles 4,r,d, &c. fuivant les direétions normales à la courbe , on voit parle principe de Statique, que la force en eft à la forceenc, en raifon compofée de la force en 2 à la tenfion fuivant bc, & de la tenfion fuivant c 2 ( égale à la premiére ) à la force enc ; la premiére raifon du finus de l’angle 4bc, ou de l’an- gle du contaët abr , quieft fon complément à deux droits au finus total, & la feconde du finus total au finus de l’angle bcd ou bcs, donne ex æquo direëlo, que la force en b eft à la force enc , comme le finus de l'angle 4 br eft au finus de Fangle cs , ou( à caufe de l’infinie petitefle de ces angles ) comme l'angle a br à l'angle cs ; donc les courbures en # & en c font refpeëtivement comme les forces; & ainfi de toutes les autres d,e, &c.C.Q.F. D. . C’eft par ce principe que l’on a déterminé les courbes des voiles, celles des linges & toutes celles qui font faites parles preffions des fluides fur des matiéres parfaitement fléxibles , lefquelles preffions, comme on fçait par lanature des fluides, s’exercent toujours en direétions normales à lascourbe ; ainfi la chofe eft trop connuë pour m'y arrêter plus long-tems. $: XXI V. - Il faut donc voir quelle courbe en réfultera , lorfque les preflions ( en donnant d’abord à la furface concave de la X ii] Fig 15. 166 DISCOURS croifée une largeur uniforme par toute fa longueur ) feront oportionnelles aux quarrés des finus de l'angle que fait la courbe ABC ( Hg. 15.) avec les paralleles à l'axe, c’eft-à- dire , à £L, en nommant 2D, x; DB, y, & l'arc 4B, 5. En général dans toutes les courbes l'angle de contaët ( en faifant ds conftante) eft RES ; cet angle de contaët eft donc , ( fuivant la théorie expofée dans l’article précédent) proportionnel à la force qui prefle ; & qui elle - même ef . 4 dy dy? 4» proportionnelle à ==. Nous aurons donc 2 multiplié encore par la longueur de l'élément ds, c’eft-à-dire, dut) à — dd s, #à k — add = + , ou (pour obtenir l’homogénéité) — Le 2; : dx —addy : ; : ce qui donne — = JF > en intégrant , il provient a . . . i = FE ——, ou bien (en réduifant les fraétions en entiers, & mettant pour d 5° fa valeur dx? + dy°), on aura (x—c)} xdy —aadx"+aady, & par confé- quent[(x—c)}—aa]dy = aadx* : d'où enfin nous tirerons d y = EE — , qui eft l'équation pour les chainettes. Que fi on fait l'arbitraire ce — 0, on obtient l'équation ordinaire pour la chainette, dy — ET COR Corollaire, Donc la croifée , qui a fa furface concave par« tout également large, étant courbée fuivant la courbure d'une chaînette ordinaire , ne pourra pas être pliée , ni chan- get de figure par les preffions oppofées de la terre où elleeft enfoncée, quelque grand que foit leur reflort ; c’eft-à-dire, que l’Ancre , fi elle n’eft pas aflez forte, fe rompra plutôt en piéces que’de plier la moindre chofe en aucun endroit. $s. X X V. J'ai vérifié Le calcul que nous venons de faire par l’expé« rience qui fuit. SUR LES ANCRES. Prix de 1737. 167 “J'ai pris une mafñle de terre grafle , à faquelle j'ai donné la forme d’un parallelépipede reétangle CD ( Fig. 16.) aux côtés duquel j'ai appliqué une ficelle dont la longueur égaloit environ la moitié du contour du parallelépipede , en forte qu'en appliquant un bout au point B au milieu de la furface 2 BC', & faifant pafñler la ficelle par C & D , l’autre bout vint atteindre au milieu de la furface oppofée , fçavoir vis-à-vis de B; cela étant fait, j'ai pris les deux bouts de la ficelle avec les deux mains, & j'ai tiré ainfi la ficelle à tra- vers la terre grafle, fuivant la direëtion horifontale BA, en forte que le mouvement égal des deux extrémités füt tou- jours parallele aux côtés du parallelépipede ; & que la fec- tion fe fit dans un plan horifontal : à peu près comme on fait lorfqu'on veut couper en deux une piece de favon par le moyen d’un fil d'archal ; j'ai continué ce mouvement jufqu’à ce que toute la ficelle , excepté les.deux bouts que je tenois avec les mains, ait été cachée dans la terre grafle; enfuite de quoi , ayant féparé la partie fupérieure du parallelépipede, j'ai examiné quelle éroit la figure que la ficelle avoit prife, & je l'ai trouvée affez bien la même que celle d’une chai- nette d'égale longueur. $. XX VI. Cette expérience demande beaucoup de précaution & beaucoup de délicateffe dans fon exécution , par rapport à toutes fes circonftances. Il faut d’abord que la terre ne foir pas trop féche ni trop épaifle , mais elle jm étre aifée à ma- nier. Il faut de plus qu'elle foit bien épurée, & qu’elle ne contienne point de grains de fable qui pourroient altérer le figure de Îa ficelle : il convient aufli de prendre une affez grande quantité de terre, pour que toute la maffe ne foit pas entraînée par l'effort avec lequelon tire la ficelle. Aurefte, il faut fe fervir pour cette expérience, de terre grafle, ou de quelqu’autre matiére femblable , & non point de quelque liqueur , telle, par exemple , que l’eau; car fi on faifoit l'expérience dans l'eau , la ficelle étant tirée, ne feroit pas, en pouffant ; reculer les particules de l’eau, elle ne feroit Fig. 16e 168 , DISCOURS que fendre l’eau , en féparant fes particules qui s’échappe- roient de côté & d'autre , & les direétions de leurs réfiftan- ces ne feroient pas normales aux élémens de la ficelle ; par conféquent ce ne feroit pas notre cas. Pour ce qui eft de la ficelle , il faut qu’elle foit fans au- cune roideur , & par-tout également facile à être pliée, elle doit aufli avoir quelque largeur en forme de ruban; car fi on ne fe fervoit que d’un fil délié , il ne feroit encore que fendre ou féparer les particules de la terre grafle , fans les pouffer devant foi. Il faut avoir bien foin encore que le mou- vement de ce ruban foit horifontal & uniforme. Enfin, il faut prendre bien garde qu’en féparant la partie fupérieure de la terre grafle, cela fe faffe avec beaucoup de délicatefle, pour ne rien changer à la figure que le ruban aura prife. Sans routes ces précautions , l'expérience pourroit, en apparence, démentir mon raifonnement. $ XX VII. Il eft vrai que la folution donnée dans Particle X XIV. Aa lieu que lorfque la figure courbe/ñ’eft qu'une ligne : ou plutôt lorfque la furface concave de la croifée eft par-tout de la même largeur. Cependant les épaiffeurs pourront être inégales, & telles qu’on les jugera convenables ; car l'épaif- feur n’entre pour rien dans la réfiftance , d'autant qu'il ef vifble que de tout le parallélogramme ec ( Hig. 13.) cen’eft que le côté # c qui eft expofé à la réfiflance. Que fi pourtant onstrouvoit à propos de faire la furface concave inégalement large, en donnant, par exemple , à chaque branche la figure d’un conoïde parabolique courbé en trompe , alors le calcul deviendroit beaucoup plus em- barraffant ; car la largeur de la feétion n’étant plus confiante, comme elle l’étoit auparavant, il faudra encore multiplier dy : we) par elle le en pour avoir la force qui s'exerce fur un élément -de la courbe confidérée comme ayant une largeur variable ; er cette largeur de la fettion tianfverfale du conoïde para- \ bolique , eft proportionnelle à V(a— 7). Nous aurons donc SUR LES ANCRES. Prix de 1737. 14 donc = , ou ( à caufe de ds conftante ) .. — dy*V(a—y) 2 - ddx Lee qe, - OU(en divifant par dy) et Mere rc dyV(a—3) ddx à ( “D para =» Par conféquent fr ou (SE ddx \:__ ffdyv(a—y) Ë +) = ris, 5 où négligeant de part & d’autre les ds conftans, ( + das ) = ds—dx ds+dx __ ffdyvV(a—y), : : ds+dx fe Poe le premier membre eft = : L der R LE & l'autre eft — Een) à 4. bva b Je n’acheve pas le calcul , parce qu’il n’aboutit pas à gran- de chofe ; cependant j'ai été bien-aife de montrer la manié- re dont je m'y fuis pris pour ce cas, où l’équation differentio- différentielle fe réduit aux fimples différentielles du premier degré , parce que certe méthode m'a fait fonger à un moyen de faire en forte que la courbe cherchée devienne algébri- que , & même d’une infinité de maniéres. Je vais l'indiquer en peu de mots. $. XXVIII. Ce qui eft caufe, dans notre dernier cas, que la courbe n’eft pas algébrique, c’eft que le premier membre de l’équa- tion n’eft intégrable que parles logarithmes , & que lefecond membre l'eft abfolument. Si donc je puis faire en forte que ce fecond membre foit aufli une difiérentielle logarithmi- que, j'obtiendrai ce que je fouhaite , fcavoir une équation algébrique: or, je puis fubfituer à (4—y) une quantité qui en fafle une différentielle logarithmique , & il m’eft permis de le faire, pourvû que je faffle variable la largeur de la _furface concave proportionnellement à cette quantité; au lieu que dans notre dernier cas , elle étoit proportionnelle à V(4— y). En effet, nous avons déja dit qu'il n'importoit quelle que fût cette largeur , pourvû qu'on réglât là-deflus l'épaiffeur de l’Ancre ; afin de fatisfaire à la premiére qualité Tome III, + . \ 170 DISCOURS welle doit avoir pour réfifter uniformément à la rupture , van la théorie de Galilée. Or nous avons donné dans V'article XIX , une équation générale pour la courbe des épaiffeurs de l'Ancre, quelle que foit fa largeur , variable ou invariable de fa furface concave. Un exemple fuffira pour expliquer ma penfée. Frs à FT XXIX Pofons que la furface concave de l’Ancre, contre laquel- le la preffion s'exerce , foit inégalement large ; qu’elle foit terminée de part & d’autre par une courbe, dont les appli- quées à l’axe foient proportionnelles à — > l'équation . . ddx ady? pour la courbe cherchée deviendra celle-ci Pme ls . dy\ dsddx dsddx ady : & (en divifant par? ) De OÙ og deg Ici ON voit que le fecond membre eft auffi une différentielle loga- tithmique ; & qu'il eft parfaitement femblable au premier. En décompofant donc ces deux membres , on aura x ds—dx ds+ dx ds— dx ddx> dy dy : RE PP & , en intégrant, L- == pee + ET je prends à pour arbitraire ). Donc ds + dx ne gi b+ by ds — dx aa — ay les ds d’un côté & les dx de l’autre , (4a— ab — ay —by } ds=(ay—by— aa— ab) dx. Enfin, après avoir pris les quarrés , & fubftitué pour ds fa valeur dx? + 4dy*, on s \ , ÿ ets aa—ab—ay—by 4 à parvient à cette équation finale dx = No) dy; quis , &, en multipliant en croix, & rangeant 4 \sT” d dans le cas où 4—4x, donne dx =" & x V(aa—3y) = V(aa—yy)+ c. D'où l'on voit qu'il y a un cas où la courbe cherchée eft un cercle. Il faut noter ici, en paffant, que fi l'arbitraire à eff prife ==— 4 , l'équation qui en viendra, dx — + eff V(yy—aa) ? encore pour la chainette, fi bien que cette fameufe courbe SUR LES ANCRES. Prix de 1737. 171 peut fatisfaire non-feulement dans le cas de l’invariabilité des largeurs, comme nous avons trouvé dans l’article XXIV , mais auffi lorfque l’on fait les largeurs variables en raifon de 73=55: Chofe digne d’attention pour la pratique, à caufe de la facilité avec laquelle cette courbe fe forme d'elle-même par une chaîne fufpendue par les deux bouts. $. X X X. Nommons maintenant généralement la largeur indéter- minée de la furface concave de Ia croifée = z, & nous d x 7” aurons <4* ( à caufe de ds conftante ) — LE ER ot à = dy dx ds ET < es sl multipliant par ds dx, & divifant par dy*, il vient dF FR ds —24dx; en intégrant, on a D=—/zdx : en prenant les quarrés, & multipliant par dy*, l’on trouve dx + dy —dy (fzdx} , ou bien dax ={(/fzdx)— 1 dy, & n — e VECSzdx)—13 ?: + Voilà l'équation générale de la courbe ; en donnant à la furface concave de l’Ancre une largeur quelconque, con- ftante ou variable , fuivant telle loi qu'on voudra , puifque cette loi eft arbitraire. Donc fi l’on fait z conftante, l’équa- tion fera pour la chaînette , ce qui eft le cas que nous avons déja eu ci-deflus, (arr. XXIV.) comme je viens de l'infi- nuer dans l’article précédent. Si l’on fait z — = ; la courbe devient un cercle; car on xdx aura dy —= tee, &y=—vV(i—xx). Pour avoir généralement telle équation qu'on voudra, il n’y a qu'à chercher dans cette équation la valeur de dy, la : x d à L faire égale à Tri > On en tirera aifément la valeur de z. Par exemple, fi on fouhaite que la courbe pour la croi- fée foit une parabole qui ait pour équation yy = 2cx , on aura dx cdx Là c d9= 755 = Han » Par Conféquent TGS I I ; : 1 = Tri? & l’on obtiendraz = D "IAE? Ci Fig. 17. 172 DISCOURS $ XXXI. | La théorie des Voiliéres fournit aufli, comme elle le doit, la même folution de notre Problème: nous allons la donner en peu de mots , elle fervira de petite récapitulation de ce que nous venons de dire. Soit HBC( Fig. 17.) la courbure de Ia furface concave de la demi-croifée , Fe D Ja courbe d’égale réfiftance, c’eft- à-dire, la courbe dont les épaiffeurs repréfentent les épaiffeurs de la poutre qui réfifteroit par-tout également à une puiffance qu'on appliqueroit en D, fuivanit la direétion DC; foit le rectangle e c la fe&tion transverfale de la poutre, dont e# eft l'épaiffeur, & bc ou ed la largeur au point ? ou e ; foient de plus dans tous les points B qui répondent aux points b oue, les épaïfleurs Bf de la croifée proportionnelles aux épaiffeurs correfpondantes e de la poutre , de même auffi les largeurs de la furface concave proportionnelles aux lar- geurs ed ou bc de la poutre, en forte que les groffeurs ou les aires des fe&tions tranfverfales deviennent proportion- nelles aux groffeurs ou aux aires correfpondantes e c des fec- tions de la poutre. Soient nommées , toute la longueur 4D—4a,HE—x, EB=-y= Ab, eb=t, bc=2, la puiffance qu'on fuppofe ce appliquée en D, fuivant DC parallele aux épaifleurs €b —=p?. Nous avons trouvé ci-deflus ( art. XIX. } pour la nature de la courbe Fe D cette équationztr—p(a—y) conte- nant trois indéterminées , defquelles il yen aune d’arbitraire, par exemple z. Maïs comme la courbure H BC de l’Ancre doit être celle que l’Ancre prendroit de foi-même, fi elle étoit parfaitement flexible , & qu’elle füt preflée contre la matiére du fond plus ou moins dure, dont la réfiftance s’exerçât principalement fur l’extrémité C, c’eft-à-dire , fur fa patte dont l’étendue étant confidérablement plus grande que celle de la furface concave du bras enfoncé de la croi- fée , il faudra confidérer cette réfiflance exercée fur la patte, comme la puiffance p qui doit foûtenir Les efforts qui fe fon: SUR LES ANCRES. Prix de 1737. 173 également pour plier le bras dans tous les points B, à peu près femblable à la réfiffance des vergues qui foûtiennent les voiles pendant que le vent les enfle, & leur donne la jufte courbure : or pour trouver cette courbure dansl’Ancre (confidérée comme flexible ), fcavoir celle que l’Ancre enfoncée prendroit en appliquant fa furface concave HBC contre la terre intérieure du fond de la mer, il faut former cette équation en conféquence de la théorie des Voiliéres, —ddy La dy zds ins zdy* — dd zdx NE a a a DOG , , I I & leurs intégrales = = fzdx,ouabds—dyfzdx. $ XX XII. Cette équation renferme encore trois indéterminées y, 2 & x , defquelles les deux premiéres font contenues déja dans l'équation à la courbe des épaiffeurs 27 =p (a — y )3 d’où il paroït que les trois courbes, celle des épaiffeurs de l’Ancre, celle des /argeurs de la furface concave, & celle de la cour- bure de la furface concave elle-même, font tellement liées enfemble , que lune étant prife à volonté, la nature des deux autres en découle néceffairement. Donc, puifque nous avons pris pour arbitraire , nous pourrons prendre pour elle une telle fonétion de x , qui rende la quantité différentielle dx intégrale. Je nommerai donc fon intégrale X, quel- que fonétion de x, & J'aurai abds — X dy & leurs quarrés aabb(dx*+ dy )= X Xdy ; d'où je tire aabb DEA X, abdx —aabb) dy° & dy = V(AXX—aabb) , Pour que cette équation devienne algébrique, on pourra choifir de toutes les X une telle qui rende fon dernier membre intégrable. s.XX XIII. Mais il eft plus commode de prendre pour HBC telle courbe que l’on veut, c’eft-à-dire, de regarder les y comme arbitraires , & d'en déterminer enfuite les 2. Je veux, par exemple, que HBC foit une parabole , qui | Y ii 174 DISCOURS à ; d ait pour équation 22 = %* ou un — d x : on aura dst 33 dy° pee ou dx + d'y — ; dont la différentielle ( à caufe de ds” confiant \ ‘doit être égale à zero, d’où on —J TL trouvera d dy = ESP Di Donc fi dans l'équation géné- —ddy" zdx rale ee PTT Eau fur la fin de l’article xxxr. on fubftitue les valeurs de ddy, dx & ds, qui font —dy" pd 9, dYV(c cc : \ Fe OUT & -——-——, cette équation-là fe change Z DNS ME TE ae ; . en it ne d'où je tire z ou bc & l'équation à la courbe des épailleurs de a VE F cc+33) la poutre Fe D , que nous avons trouvée être 21=p (4—)s abrt (Art XIX.) dégénérera en celle-ci Ten =? (a— y )5 ou abrt —(pa—py) x V(cc+yy),8& roueb, ou fa pro- portionnelle Bf=V[ se (ce tm), Si l’on veut que HBC FA un cercle dans lequel xdx EX ont À 1— xx), on aura dy— Vi xx Vi x) ? ddy= LES : ; dés — sk +4 __(} caufe de ds conftante ) =2*4#* race + ES AU RUN (en fubftituant pour Zdx fa valeur —+dx 2 Li 7 ve 1—Xx ) CET =» &dsT=— v(dx + dy = es ar conféauent l'équation = 44— -=%% fera transformée P q q dx abds 11 —dx __ zxxdxt , abdx ue zxxdx en celle-ci VCI—xx) 1—xx * V(Ixx) abv(1—xx) > d’où lon obtientz= —— Tout cela eft conforme à ce que nous avons trouvé dans l'article xxx. $. X XXI V. Je crois que les réflexions que nous venons de propofer , fatisfont abondamment à notre queftion, puifqu'elles enfei- SUR LES ANCRES. Prix de 1737. 17$ gnent à conftruire en plufeurs maniéres l’Ancre de telle façon qu’elle ait les quatre qualités effentielles, fcavoir, 1°. d'entrer ou de mordre le plus facilement dans le fond ; 2°. d'y demeurer le plus ferme ; 3°. de réfifter le plus à la rupture ; & enfin, 4°: d’être le moins fujette à fe plier ou à changer de figure. Elle aura les deux premiéres qualités , comme nousavons montré dans les articles x & xv. fi le plan de la patte fait avec la verge un angle d’un peu plus de 45 degrés. Pour ce qui eft des deux autres qualités , elles dépendent de la figure de FAncre, & on peut les lui procurer d’une infinité de maniéres; elle les aura, par exemple, fuivant ce que nous avons trouvé dans l’article précédent, fi on donne à fa furface concave une figure parabolique exprimée par cette équation yy= 2 cx ( en confidérant la verge comme Faxe de la parabole , & nommant les abfcifles depuis le fom- met x , & les appliquées y ; pour c elle eft arbitraire), & fi de plus on fait les largeurs z de la même furface concave proportionnelles à rs (a eft égal à la longueur de la branche, & 2 eft arbitraire), & enfin les épaifleurs # de la bran- che, proportionnelles à VER Er 7 » ( p défi- gne Îa force qui s'exerce fur la patte). Car puifque z _ ab na (pa—py)V(cc+yy) 4 7e es ae ouhé lemme ra #2] > ON aura z2?r ab (papy) V(cc+3y) a — V(cc+59) ab —pa—py; par confé- quent ( fuivant l’article x1x. ) la branche réfiftera le plus qu'il eft poffible à la rupture. dy NE REA er à dd -d CALE :: (cp)? onç ab ; bd fdx= V(cc+yy) &dyfrdx= = < V(cc+yy); mais ds étant — LME , on aura aufli abds— At $ ainfi abd:=—dyf;dx , pat conféquent (fuivant l’article xxx1.) Ja branche fera le moins fujette à fe plier, ou à changer de figure. De plus, on aura dx — 176 DISCOURS d $. X X X V. Il ne me refte plus qu’à dire quelques mots fur le troifié- me Sujet propofé par l'Académie , er ce que J'ai pro- mis dès le commencement de mon Difcours : car pour ce qui eft du fecond Sujet, comme il eft hors de ma fphére, je n’entreprendrai point d’en parler ; il faudroit avoir la péné- tration & l'expérience de M. de Reaumur , pour connoître à fond la nature intime & les propriétés du fer, la maniére de le manier & de le forger , felon qu'exigent les circon- flances, fans quoi il feroit difficile de travailler avec fuccès fur cette matiére. $. XX X VI. Je ne fçais fi j'entre bien dans la penfée de l'Académie, ou fi en demandant guelle ef} la meilleure maniére d'éprouver Les Ancres ? dle demande autre chofe que de fçavoir la meil- leure maniére de connoître la force de l Ancre , c'eft-à-dire , de connoître à quelle force l’Ancre peut réfifter fans fe rompre. Si c’eft-là ce que l’Académie veut fçavoir , il me femble qu'il n’y a pas de maniére plus facile & plus füre , que de faire cette épreuve furune Ancre fabriquée en petit; je veux dire, de conftruire une petite Ancre à laquelle on donnera la figure & les dimenfions indiquées ci-deflus, de fufpendre un poids à une de fes extrémités, & de voir jufqu'a quel pointil faudra augmenter cepoids avant que l'Ancre fe caffe; d’où l’on pourra conclure quelle fera la force d’une grande Ancre femblable à la petite, & qui aura par conféquent toutes fes dimenfions en raifon donnée avec celles qui font homologues dans la petite. FX X NT Je dis qu'on pourra connoître de cette maniére quelle fera la force de la grande Ancre, parce qu'il eft aifé & dé- montrer que les puiflances que deux Ancres femblables, mais de diflérens poids, peuvent foûtenir , feront entre elles comme les quarrés des dimenfions homologues ; car nous avons vü dans l’article x1x, que dans toute Ancre le mo- ment de la force avec laquelle elle réfifte à la rupture dans un SUR LES ANCRES. Prix de 1737. 177 un endroit quelconque, c’eft-à-dire, z## doit être égal au moment du poids que l’Ancre peut fupporter, c’eft-à-dire , àpx(a—y); donc p=—. Mais dans les Ancres fem- blables, les z , les r & les 4—y qui fe répondent , font tous en même raifon , fçavoir,; comme les dimenfions homolo- gues, par exemple , comme les longueurs 4 des demi-croi- fées; ainfi les p ou les poids que deux Ancres femblables 3 peuvent fupporter , feront entre eux comme les — , ou comme les 4 a ; d’où il fuit , comme j'ai dit, que les puif- fances p auxquelles deux Ancres femblables peuvent réfifter, font entre elles comme les quarrés des dimenfions homolo- ues de ces Ancres. De forte que fi je trouve qu’une petite Ancre pefant , par exemple ; une livre , puifle foûtenir un poids de 400 livres attaché à une de fes extrémités, je con- clurai de-là qu'une Ancre femblable pefant 8000 liv. pourra foûtenir un poids de 160000 livres. Il s’agit après cela de fçavoir fi la force avec laquelle l’An- cre efttirée par le Vaifleau tourmenté par les vents & les vagues dans les plus groffes tempêtes , furpafle celle d’un poids de 160000 liv. & fi elle ne la furpafñle pas, on pourra dire qu'une Ancre de 8000 liv. eft capable de réfifter aux lus groffes tempêtes. Pour moi, j’avoué que je ne fçais pas jufqu'où va la force des vents & des vagues , lorfque la mer eft la plus orageufe ; mais je ne doute pas qu’on n'ait des ex- périences la-deflus. On voit bien que c’eft une affaire de pure expérience ; il fuffit que j'aye fait voir, qu’en conftrui- fant en petit un modele d’Ancre, dont on peut aifément éprouver jufqu'où va la plus grande force à foûtenir , on eft en état de calculer par ma régle , à combien de force telle grande Ancre que l’on voudra , pourra réfifter , pourvû qu'on en connoifle les dimenfions. (1.00 LAURENT Ce que j'ai dit dans l’article précédent, que les p, ou les puiffances auxquelles les Ancres peuvent réfifter, étoient . Zt} : . proportionnelles aux > ME donne accafion de faire une Tome IIT, 7, 178 DISCOURS SUR LES ANCRES. remarque que j'aurois pà faire plutôt, mais qui me paroît trouver ici plus commodément fa place. C’eft que fans em- ployer plus de matiére, on peut faire en forte que les Ancres réfiftent à une plus grande puiffance , en faifant les épaiffeurs 1 plus grandes que les largeursz , fans pourtant changer les groffeurs z 7 , ce qui fe fera en diminuant les z en même rai- fon que l’on augmente les 7 ; car fi je prends : un nombre » fois plus grand pour avoir nr, & z autant de fois plus petit our avoir — 2, il eft vifible que j'aurai 2 xnt—215 ; par P A2 q J ñn ? P conféquent l’Ancre dans toute fa longueur confervera fes premiéres groffeurs ; donc aufli fon poids ou fa maffe totale ne changera pas non plus. Cependant la force d'une Ancre dont les largeurs font _ 3, & les épaifleurs »1, fera n fois plus grande que celle d’une autre Ancre de poids égal, mais dont les largeurs feroientz, & les épaifleurs r : ce qui eftfacile à prouver. Car la force de celle-ci étant fimplement ex- 2zxnntt nztt, FRE 2 . Zztt » primée par —— , la force de l’autre fera” z a— 7 a—7y a—7 or on voit que _—. eft à ns comme 1 à ”. De cette maniére on pourroit augmenter à l'infini la force de réfifter dans les Ancres fans rien changer à leur poids ni à leur courbure. Mais il y a deux chofes à obferver, qui em- pêchent de diminuer trop leurs largeurs : car 1°. la furface concave n'ayant pas une largeur raifonnable, il pourroit arriver facilement, que le Vaïffeau vint à chaffer fur l’Ancre qui fendroit la terre comme par un tranchant , à moins que la patte feule ne füt capable de l'arrêter; 2°. l’Ancre étane trop mince felon le plan de la croifée, l’oppofition de la terre pourroit la faire plier de côté ou d'autre , comme une lame fe plie lorfque de fon tranchant elle donne tant foit peu obli- quement contre un obftacle. Ainfi il faudra toujours obfer- ver un jufte milieu pour éviter Le trop ou le trop peu : c’eft le plus fouvent l’expérience qu'il faut confüulter fur les circon- flances qui ne font pas effentielles à la queftion dont il s'agit. FLN de la Piéce qui a remporté le premier Prix. MEMOIRE SUR. LA’"FABRIQUE DES ANCRES. Piéce qui a remporté le fecond des Prix propofés par l'Académie Royale des Sciences, pour l'année 1737. Par M TRESAGUET, ancien Ingémeur des Ponts & Chauflées. 2 krvep dau Hp En Mist HR é ob pre sn ce #g ste } LT pr ere REA UE SAR m8! 20 ( RIRE f ri PTE ATEN INR 4 À Pa dr HR bise | + ae FEhan PAR Valise: x = à peer Ar reg NE es E 4 ai 4 (ht UE! nel it. 3 brest th ela pe rt rade OC MANIA audit, Ainetiieeinu #. à ir kr ke riCU) ie nu MNT RCE ÉiR dr LE DORE MO DR DÉ NE EE DE SE CE RE EXE RREAREROCE MEMOIRE SUR LA FABRIQUE DES ANCRKES. MACON A NCAA ENONCE AIG HEC RCE NN ROC QUELLE EST LA MEILLEURE MANIERE DE FORGER LES ANCRES? Sujet propofé par P Académie Royale des Sciences ; pour le fecond Prix de l'année 1737. Vis unita fortior. L faut néceffairement connoître la nature du Fer , pour (| juger fûrement de la maniére dont il doit être mis en œuvre. Il fe tire des Mines en grains de différentes groffeurs & Planchell, de différentes figures , depuis une ligne de diametre jufqu’à 12 lignes , & plus. On jette ces grains dans un grand vaiffeau ou fourneau de maçonnerie rempli de charbon de bois , que deux gros foufflets qui agiflent alternativement par Le moyen de l’eau, Planche 111 entretiennent toujours allumé. On y mêle une pierre blan- IV, V & VI. * ché appellée cafhne ; partagée en petits morceaux d’un ou deux pouces cubes , pour lui fervir de diffolvant. La mine fe fo 1d en liqueur qui tombe au fond du fourneau, comme ce qu'il y a de plus pefant ; la terre & ARS) parties hété- ii] Planche IV. Planche III, Planche VII, 182 MEMOIRE SUR LA FABRIQUE rogénes mêlées avec les parties du Fer, la caftine fondue ; la cendre des charbons, tout cela furnage , & c’eft ce que l'on appelle le /rier. On fait couler féparément le Fer dans un moule, par une ouverture qui fe fait au bas du fourneau , après avoir fait fortir Le litier par une autre au-deflus ; il s’y congele en fe refroidiflant, de forte que toutes les petites parties inté- rieures du Fer fe rapprochent les unes des autres , à peu près de la même maniére qu’elles l’étoient dans un feul grain, mais dans une bien,plus grande quantité , fuivant que l’on en a mis plus ou moins en füfion, & ordinairement on en raflemble affez pour former un prime triangulaire de 15 pieds de long, fur 8 à 10 pouces de côté , ce qui pefe envi- ron 2000 livres , & ceque l’on appelle en Berry une Gueufe. Cette fonte compofée de petites parties irréguliéres de métal , qui fe touchent les unes les autres, laiflent entre elles de petits efpaces remplis du refte de cette matiére hétérogé- ne, quine s'en eft pü entiérement féparer par cette pre- miére opération. On difpofe un bout de la gueufe fur une efpéce de caifle de Fer d'environ 3 pieds de long fur deux de large, & un de profondeur; on la couvre de charbon de bois que l’on entretient toujours bien allumé , par le moyen de foufflets pareils à ceux du fourneau : le feu amollit cette fonte au point de la faire tomber dans cette caifle en petites mafles, parties par parties, à peu près comme la cire d’Efpagne fur du papier. Cette opération différe de la premiére ;, en ce que les parties hétérogénes mêlées avec le métal, ne font pas mifés en affez grand mouvement , pour écarter beaucoup les premiéres les unes des autres , mais feulement les faire, pour ainfi dire , treffaillir. On raflémble avec un ringard, qui eft une longue barre de Fer quarrée , tout ce qui eft tombé dans la caille ; il s’en forme une mafle que l’on appelle une Loupe , laquelle on prend avec de groffes tenailles pour la porter fous un gros. marteau que l’eau fait aufli mouvoir. Ce marteau en frappant DES ANCRES. Prix de 1727. 183 deffus , rapproche toutes les parties du métal , & en exprime quelques-unes des hétérogénes qui les tenoient trop éloi- gnées. On forme un parallélepipede , on le reporte au feu, & enfuite fous le gros marteau pour l’allonger , & cela autant de fois qu'il eft néceflaire pour le réduire en barre de la lon- gueur & de la forme que l’on veut, platte ou quarrée. Dans ces derniéres opérations ; non-feulement les parties du métal fe preffent encore les ‘unes contre les autres, par la force des coups de marteau qui les comprime, mais étant amollies Par le feu, elles changent de figure, & s’allongent à peu près dans la même proportion que toute la barre ; les parties hétérogénes & liquides qui font reftées entre elles , quoiqu'en petite quantité , leur donnent la facilité de fe placer en forte qu'elles s’engagenttellemententre elles, que leur tiflure , dificile à déranger entiérement , les rend feu- lement pliables, en gliffant un peu les unes contre lesautres, & c’eft en quoi confifte la qualité des Fers doux. Tout ce qui précéde s’eft dit des Fers en général, & ne regarde cependant que ceux provenant de certaines Mines. Il y en a de fi chargées de matiéres étrangéres , que l’on ne peut, fans beaucoup de travail & de dépenfe, les en déga- ger , ce qui fait que les parties de métal nageant, pour ainfi dire ; au milieu des premiéres ,ne peuvent, avec les opéra- tions ordinaires , y a fe rapprocher les unes des autres, fans changer que peu leur figure , ni s'entrelacer comme celles dont on a parlé , de forte que la moindre force fuffit pourles dégager; & c’eft de cette forte qu’eft compoféle Fer caffants d’autant plus que les matiéres étrangeres qui s’expriment de tous les Fers, tiennent de la nature du Verre, comme l’ex- périence nous l’apprend. On a vû qu’en forgeant une loupe fous le gros marteau; les petites parties de métal prenoient à peu près chacune en particulier , la forme du tout enfemble , ainfi celles d’une barre platte, font autant de petites lames qui s’arrangenties unesentre les autres, ce que l’on apperçoit même à la fimple vèe ; de forte que pour partager ces fortes de barres en deux, 184 MEMOIRE SUR LA FABRIQUE on eft obligé de les plier plufieurs fois d’un côté & d’autres ce qui eft , pour ainfi dire, les déchirer , plutôt que de les cafler , par la difficulté d’en dégager les petites lames les unes des autres , & de vaincre pour cela leur frottement. Il eft encore à obferver qu'il faut une force des plus con- fidérables pour faire cafler, & même courber une barre platte fur le côté , & cela parce qu'il y a beaucoup plus de parties qui réfiftent à leur féparation que de l’autre fens , & beaucoup plus de frottement. Ces principes bien entendus, il eft aifé d’en conclure quelle doit être la véritable maniére de forger les Ancres. Il faut prendre pour exemple les plus grofles qui fe font faites. La longueur d’une Ancre de 6000 livres doit être à peu près de 15 pieds , & fa groffeur de 10 pouces. Pour compofer une aufli groffe mafle de Fer, on n’a que des loupes de so livres pefant ou environ, telles qu’elles fe tirent d’une gueufe l’une après l’autre , comme on l'a dit ci- devant. | On fçait qu’en faifant chauffer deux morceaux de Fer juf- qu’à un certain degré, les appliquant l’un fur l’autre, & frap- pant deflus , ils s’uniflent de forte qu'ils ne forment plus qu'un même corps , c’eft ce qu’on appelle /owder ces Fers lun à l’autre. Alors les partiés métalliques s’infinuent les unes entre les autres , facilitées par ce qu'il y a de parties étran- geres prefque liquifiées, & cela d’autant mieux que les par- tes de Fer de l’une & de l’autre font difpofées de même fens & pareillement figurées. Si l’on faifoit chauffer deux de ces loupes pour les joindre enfemble, & ainfi confécutivement jufqu'a ce que cette piéce füt formée des proportions qu’elle doit avoir , on voit que les parties du Fer n’auroient pû acquérir ni la figure, ni la liaifon qu'ont celles d’une barre platte formée d'une pa- teille loupe, parce que chacune de ces loupes ne fera point allongée à beaucoup près ; la piéce d’Ancre ne fe pouvant former de cette forte ; pour ainfi dire ; que par tronçons, ni s’'épure DES ANCRES. Prix de 1737. 185 s’épurer autant qu'il eft néceffaire ; de fes parties étrangéres & caffantes qui reftent dans les loupes, ne pourroit avoir toute bonne qualité des Fers doux. Il en feroit de même fi on la formoit de plufieurs piéces de Fer courtes , quoique plus épurées, mais qui ne peuvent jamais avoir l’avantage de la tiffure des parties intérieures, outre bien d’autres inconvéniens auxquels ces fortes de fa- briques feroient fujettes , dont le détail ef inutile à préfent. Il ne refte donc plus que de la compofer de barres ; mais il y a plufieurs façons de s’y prendre. On avoit imaginé de faire un paquet de plufieurs barres de Fer quarrées, de la longueur que l’on vouloit donner à l’An- cre , entretenues enfemble par des liens de Fer. Ce paquet étoit porté au feu , ou par le milieu, ou par un bout, & chauflé au point néceflaire ; plufieurs forgerons frappoient deflus à grands coups, de forts marteaux élevés à tours de bras foudoient la fuperficie de la partie qui avoit été chauf- fée ; mais quelque forte que füt l’impreflion de tous ces marteaux , elle n’a jamais pü être affez grande pour pénétrer jufqu’au centre de la piéce, de forte que ce qui étoit foudé formoit une efpéce de croute ou de fourreau dans lequel les barres du milieu étoient renfermées, ainfi que des plumes dans une caffe d’écritoire ; au moyen de quoi, lorfque dans les grands mouvemens d’une Mer agitée, cette croute fe cafloit, les barres du milieu n'étant point entretenues en- femble , ne réfiftoient pas long-tems, tout fe difloquoit , s’il eft permis de le dire ainfi. D'ailleurs, l'ufäge eft de donner aux Ancres une figure pyramidale, en les groffiffant depuisle uarré jufqu’à la croifée , tant les verges que les bras, de (bte que les barres qui compofent le paquet étant également groffes d’un bout à l’autre , pour groflir la piéce vers la croi- fée, on inféroit de petits bouts de barres entre les grandes, ce que l’onappelloitdes fourrures , lefquelles non-feulement ne tenoient que par un bout, & ne donnoient aucune nou- velle force à l’Ancre, mais encore laifloient néceffairement des vuides préjudiciables entre les grandes barres , parce que Tome IIL, Aa PlancheVIIL. Fig. 1. Fig. 2: Fig. 4 Planche X. Fig. 1. PlancheVIII. Fig. 3. Planche IX. 186 MEMOIRE SUR LA FABRIQUE dans le mouvement , elles fervoient de point d’appui pour les caffer. La maniére fuivante de forger , de difpofer les barres , & de les fouder , remédie à tous ces défauts ; c’eft ce que l’on croit démontré , tout ce qui précéde étant bien entendu. On fuppofera qu'elles doivent avoir la figure que l’ufage leur donne. On forge des barres plattes & pyramidales , en forte que l'un des bouts eft plus large & plus épais que l’autre , & que la même proportion fuive dans toute la longueur ; on leur donne moins de longueur que n’en doit avoir la piéce , foit que ce foit une verge ou un bras que l’on veuille forger ; on en fait de deux largeurs différentes feulement , mais plu- fieurs de différentes épaiffeurs. On en arrange d’une même efpéce les unes à côté des autres fur le même plan, en forte qu’elles ayent enfemble plus que le diametre de la piéce, obfervant de commencer par celles qui ont le plus d'épaifleur ; fur celles-là , on en pofe d’autres plus larges & moins épaiffes , afin qu’elles re- couvrent les joints des premiéres , & l'on continue de fuite jufqu’au centre du paquet que l’on veut former; ps quoi on pofe de femblables lits de barres, dont les épaiffeurs aug- mentent dans la même proportion à mefure qu'elles s’éloi- gnent du centre. On connoît par le calcul , le plus de groffeur &t le moins de longueur que doït avoir le paquet, pour que la piéce fe trouve avoir les proportions que l’on veut lui donner, & qu'elle foit du poids demandé. On fait le paquet plus court & plus gros que ne doit être la piéce, parce qu'en le forgeant il s'allonge, & diminue de groffeur; & l’on connoît que toutes les baïres font également chauffées, & par conféquent foudées, parce qu’elles s’allongent également, ce qui fe voit aifément par le bout du paquet. On donne plus d’épaif- eur aux barres les plus éloignées du centre, parce que le feu agit davantage fur elles , & en enleve plus de parties, & celles du centre font plus minces , parce que le feu y DES ANCRES. Prix de 1727. 187 pénétre moins ; & qu’elles font ainfi plus aifées à chauffer. On lie toutes ces barres enfemble avec des liens foudés , de différens diametres , que l’on fait entrer par le petit bout du paquet , & que l’on chaffe enfüuite à grands coups de mar- teau , jufqu'à ce qu'ils foient parvenus à un endroit oùtoutes les barres foient extrêmement en ferre. Ce paquet étant fait & bien affermi , on le porte à la for- ge; on pofe l'endroit que l’on veut chauffer au-deflus de ce que l’on appelle la z#yere, qui eft l'ouverture par laquellele vent des foufflets fe communique au foyer , & on le difpofe de forte que les différens lits des barres foient fitués verti- calement. On couvre le tout d’une quantité de charbon de pierre proportionnée à la groffeur de la piéce , après y en avoir jetté une pellerée d’allumé. Ce charbon, qui doit être d’une pierre afiez menue , ondtueufe, & non de celles, qui, remplies de fouffre , s’enflamment d’abord, s’unit le plus que l’on peut, & s’applatit par le deffus ; afin qu’il n’y ait point d'ouvertures qui communiquent du dedans au dehors ; on le mouille pour faciliter cette opération , & empêcher que la fuperficie extérieure ne reçoive l’impreflion du feu ; on eft attentif, pendanttoute la chaude, à ce qu’elle fe conferve en cet état & fans fraétures. Le rout refte ainfi un petit efpace de tems, fans faire agir les foufflets, pendant quoi le feu s’al- lume peu à peu , enfuite on donne un vent médiocre, &en- fin tout celui des deux foufflets qui agiffent alternativement, comme à toutes les autres forges , & donnent un vent con- tinuel. Par cette gradation de vent, les petites parties de Fer s’ébranlent peu à peu, & celles de la fuperficie communi- quent leur mouvement aux autres , au lieu qu’un vent con- tinu & violent, détacheroit ces premiéres, avant que les plus près du centre fuffent fuffifamment agitées. Les charbons les plus proches de la piéce fe confument; elle fe trouve ifolée au milieu d’une voûte embrafée , dans laquelle le vent cir- cule continuellement, & porte de toutes parts les parties imperceptibles du charbon qu’il détache, lefquelles mettent en mouvement toutes celles du paquet comprifes dans la voûte. Aa ij 188 MEMOIRE SUR LA FABRIQUE Elles s'infinuent premiérement entre Les couches verti- cales des barres , vis-à-vis defquelles Le vent a plus de force à la fortie des fouflets , & pénétrent enfuite dans les joints horifontaux des épaifleurs des barres ; fi le vent a plus de force dans cet endroit, il trouve aufi plus de réfiftance dans ces petits paflages étroits & détournés , & c’eft ainfi que le tout fe chaufle également, Pour connoitre s’il l’eft au degré néceffaire , on perce la voûte joignant le paquet ; on le tourne & retourne, fi on le juge néceflaire , ce qui eft facile, étant ifolé , comme on l’a dit, fans rompre la voûte , le charbon n'étant plus adhérant; enfin, lorfque l’on s’apperçoit qu'il eft blanc, & au degré néceffaire pour bien fouder , on le tire du feu. On le porte fous un gros marteau de 7 à 800 pefant, qui, tombant d’environ 3 pieds de hauteur , d’où il eft encore pouflé par un reflort ; foude en quatre coups toutes ces bar- res les unes avec les autres , celles du centre comme celles de la fuperficie , en forte. qu'elles ne forment plus qu’un feul corps ; de maniére que fi on le coupoit dans quelque endroit que ce fût, on n’y reconnoîtroit aucunes jointures : on con- tinue de cette forte partie par partie fucceflivement dans tou- te la longueur du paquet, jufqu'à ce qu'il foit entiérement foudé. Une pareille piéce de Fer a certainement toutes les qua- lités du meilleur Fer, & le plus doux & le moins caffant ; fes parties métalliques n’ont pû changer de figure , elles ont été frappées du même fens que lorfque les barres ont été for- mées , rien n’en a interrompu la tiflure , elles fe font même encore allongées, & par conféquent plus engagées les unes dans les autres , le paquet ayant été fait moins long & plus gros que la piéce ne devoit être ; elle eft plus épurée de cette matiére caflante dont fes parties étoient trop environnées. : Le poids d’une Ancre eft déterminé par la force de l'équi- page ri Vaiffeau pour lequel elle eft deftinée , c’eft-à-dire , par le nombre d'hommes qui peuvent fervir au Cabefan étant d’ailleurs d’un Fer de la meilleure qualité qu’elle puifle : DES :ANCRES. Prix de 1737: 189 être ; il s’agit de tirer encore tout l'avantage poffible de a quantité. De la maniére dont une Ancre eft mouillée, Le plus grand effort qu’elle fait eft dans le plan qui paffe par la verge & les deux bras. De ce que l’on a dit d’une barre platte, qu’elle étoit in- finiment plus difficile à caffer fur le côté que fur le plat, on en doit conclure infailliblement que l'Ancre , pour avoir aufli toute la force poflible, doit être platte en ce fens , & non pas ronde ni quarrée ; mais un parallélepipede pro- longé , dont les angles cependant doivent être abbattus en rond, tant pour empêcher qu’elle ne coupe les cables , que parce que par Le frottement contre les rochers ouautrement, elle pourroit fouffrir de l’altération dans fes parties.les plus foibles , enfin pour la facilité de la manœuvre. + Elle auroit plus de force , moins elle auroit de longueur, parce que fes parties grofiroient à proportion. ; Enfin ; quoique l’ufage foit établi de les faire pyramida- les , peut-être parce qu'elles ont plus de grace, c’eft-à-dire, lus foibles vers l’organneauainfi queles bras vers les pattes, il femble qu’elles devroient être par-tout également groffes, d’autant que forfque l’on jette ncre , il eft très-incer- tain quel fera le point d’appui ; e qu'elle pénétre très- inégalement dans tous les différens fonds qu’elle rencontre. Les pattes méritent autant d'attention que les autres par- ties de l’Ancre, & ne fe font cependant que de loupes ap- platies, dont les parties intérieures n’ont aucuné liaifon , quoiqu'il foit néceffaire qu’elles réfiftent à toutes les violen- tes fecoufles de la Mer: il feroit donc d’une extrême confé- quence de les forger comme le refte , en foudant plufeurs barres enfemble, pour les applatir enfüuite dans les propor- tions qu'elles doivent avoir ; elles fe fouderont même plus exattement aux bras , leurs petites parties étant difpofées du même fens, de forte qu’en s’y appliquant, elles fe placeront plus facilement entre celles-là , fans les croifer ni les trop féparer ; conune feroient des grains irréguliers de la fonte. A a üi 190 - MEMOIRE SUR LA FABRIQUE Ceux qui conduifent cette fabrique ; doivent , par un caf- cul exatt , régler toutes les dimenfions des Ancres , par rap- port au poids de chacune pour le leur donner jufte, & en même-tems les proportions conformes à celles qui leur fe- ront prefcrites. Ils doivent en tracer Le deffein fur un plan ; pour les faire exécuter avec jufteffe. Les inconvéniens de cette fabrique proviennent de l’inat- tention des chauffeurs , qui laiffent brüler le Fer, les barres fe trouvent coupées ; ils y appliquent des piéces du premier Fer qu'ils trouvent, & cette partie devient, fans comparai- fon éaéous plus foible que les autres. C’eft à ce que cela n'arrive jamais , qu'il eft néceflaire de veiller avec grand foin , parce que l’on doit regarder une piéce manquée lorf: que cela arrive. EXPLICATION DES PLANCHES du Mémoire [ur la fabrique des Ancres. PLANCHE I. Ourdon, ou M éd de Charbonniers. Figure 1. Cordes de bOÿ dreflées. 2. Fourneau commencé. 3. Fourneau dreffé. 4. Fourneau bougé, ou incrufté de terre, auquel dE met le feu pour convertir le bois en char- on. PLAN cH E II. Mincray. . Mineurs ou Tireurs de Mine. 2. Laveurs pour nettoyer la Mine. 3. Grapeur qui lave une feconde fois la Mine dans un chaudron percé comme une pañloire, ni Figure DES ANCRES. Prix de 1737. 191 PLANCHE lIIl. Mafe de Fourneau. Figure 1. Ouverture par laquelle on fait fortir le litier ou l’écume du Fer, que des manœuvres caffent lorfqu'’il eft congelé , pour l'enlever en mor- ceaux. 2. Ouverture par où le Fondeur fait couler la fonte dans le moule, qu'il a creufé pour former la gueufe. 3. Gueufe. P.54. mem LV. Coupe du Fourneau perpendiculaire à la face de l'autre part. Figure 1. Litier. 2. Mine fondue. 3. Intérieur, ou cuve du fourneau. PL A NYCUH EE, M: Coupe du Fourneau parallele à la premiére face , tel qw'il eft chargé © en feu. Figure 1. Soufflets de boïs quiagiffent alternativement par le moyen de l’eau. 2. Tuyere dans laquelle s’infinuent les deux bouts des foufflets. P: LA Ne Ame VIT. Derriére du Fourneau par où on le charges PLANCHE VIl. Affinerie. Figure 1. Gueufe. 2. Bout de la gueufe en fufion. 3. Affineur quiraflemble les parties tombées dans Pafinerie. 4. Loupe que le valet d’affineur raffemble davan- tage , & raffermit, 192 MEMOIRE SUR LA FABR. DES ANCRES. Fig. 4, 4. Loupe que le Marteleur commence à forger fous Figure 1. 2. 3° 4 $ 6 Figure 1 2 3 4 Figure 1. 2 Figure 1. 2. le gros marteau , de laquelle il s'exprime encore du litier. PLANCHE VIITL Forge aux Ancres. Ancre de mifes ou de différentes piéces les unes au bout des autres. Verge en paquets de barres de Fer quarré, affem- blées indiftinétement. Coupe de cette verge où les fourrures s’apper- çoivent. Cette verge forgée à bras, telles qu’elles fe for- gent dans les Ports. . Verge de barres plates au feu. . Verge de barres plattes fous le gros marteau. PLANCHE IX. . Barres du fecond lit de la verge. . Barres du premier lit. . Profil du petit bout. . Profil du gros bout. Pin ain © @t-LX à Forgerons qui portent un bras d’Ancre pour être foudé à la verge parle gros marteau, cequine peut fe faire que dans les groffes Forges , & eft infiniment plus für que de les fouder à bras, comme il fe pratiquoit. . Maître Ancrier qui rogne l’Ancre , par où l’on connoiït en même-tems que toutes les barres font unies, & ne forment plus qu'un même corps. PhEPeNEc ne SCT, Ancre de barres non foudées intérieurement. Forgerons qui donnent la courbure au bras. FIN de la Pièce qui a remporté le fecond Prix. RÉFLEXIONS RÉFLEXIONS SUR LA MEILLEURE FIGURE A DONNER AUX ANCRES»; ET LA MEILLEURE MANIERE D E LES ESSAYER. Piéce qui a partagé le troifiéme des Prix propolés par l’Académie Royale des Sciences, pour l'année 1737. Par M. DANIEL BERNOULLI, Profefleur en Anatomie. Tome IIL, Bb | 4 r “he oŸ ME are QUE | CN 2 à PRRPRRPRPFPRRRR + REFLEXIONS SUR LA MEILLEURE FIGURE A DONNER AUX OANERES, ET LA MEILLEURE MANIERE DE LES ESSAYER. PHARES enr 2e De ne de ne de de ee 6 ve dE Ve 36 46 1e HE ve 36 DE ve 3e re pete ve 4 QUELLE EST LA MEILLEURE MANIÉRE D'ÉPROUVER LES ANCRES? Sujet propofé par l'Académie Royale des Sciences; pour le troifiéme Prix de l'année 1737. Omnia conando docilis folertia vincit. EL Uo1iqueE l’hifoiredes Ancres nous manque prefque entiérement ; äl ne faut pourtant pas douter que l'in- veñtion n’en foit très-ancienne , tant à caufe de l’ancienneté du nom ; que de leur nécelflité indifpenfable dans les grandes Navigations, telles qu'on a faites depuis des tems immémo- rials. Il y a donc apparence que les Ancres n'auront gue- res manqué d'atteindre à la plus grande-perfeétion dont elles font capables : toute correétion pollible & importante aura difficilement échappé à. tant de Nations j à tant de Bbiÿ 196 REFLEXIONS SUR LA FIGURE : recherches & à tant de fiécles , mais fur-tout à nos derniers tems ; dans lefquels on a pouflé les Sciences & les Arts en général , & la Navigation en particulier, à un degré de per- fection que nos Ancêtres auroient à peine ofé efpérer. Je fens donc bien la difficulté de mon entreprife; mais auflime femble-t-il que dans les chofes auffi importantesêt aufli per- fettionnées, la moindre addition doit être reçûe avec autant de fatisfaétion qu'on reçoit des inventions toutes nouvelles. C'étoit-là fans doute le motif de l'illuftre Académie, de donner pour fujet de fes Prix la perfe@tion des Ancres & de l’ancrage , & de le donner pour la feconde fois. Il en eft comme des Horloges ; application des pendules par M. Huguens n’en eft qu'une légere addition, mais qui mérite autant d’éloges que tout ce qu’on avoit inventé auparavant fur la Mefure du Tems. Il eft vrai qu’on pourroit facilement imaginer des efpéces d’Ancres toutes nouvelles, ou faire de grands changemens à leur ftruéture reçie : ces nouveautés ou changemens pourroient avoir de bonnes apparences: mais lorfqu’on en feroit l’effai , on trouveroit peut-être ces nouvelles Ancres bien inférieures aux ordinaires. On verra dans la fuite que j'ai examiné avec beaucoup de foin la ftruc- ture des Ancres , tâchant d’approfondir leur méchanifme avec les fonétions de chaque partie, & il m'a paru d'y voir beaucoup d'invention ; j'ai donc crû n’y devoir changer que- dans les circonftances qui dépendent abfolument de la Géo- métrie : l’expérience a fait voir l’effentiel , & leraifonnement u’un homme de Lettres peut faire dans fon Cabinet, ne doit plus y avoir de prife que dans les chofes d’une mécha- nique bien menagée ; & cela non tant pour décider que pour donner à penfer aux perfonnes intelligentes-qui font à portée de faire de nouvelles expériences. Voici l’ordre que je me propofe dans ce Difcours : jecom-. mencerai par expofer la fruêture ordinaire des Ancres;, après quoi je décrirai la maniére méchanique dont elles agiffent ; je chercherai enfuite ce qu'il faut faire pour rendre leur ufa- ge le plus für.& le plus parfait , & pour diminuer quelques ET L'ESSAI DES ANCRES. Prix de1737. 197 inconvéniens qui leur reftent , en parcourant toutes les par- ties des Ancres : je donnerai la defcription d’une nouvelle forte d'Ancres , & enfin j'ajoûterai quelques réfléxions fur la meilleure maniére d’effayer les Ancres; mais je ne tou- cherai que légerement ces deux derniers points. LL. Les Vaiffeaux portent ordinairement quatre Ancres de différente grandeur ; la plus grande eft la mañtrefle Ancre, * qu’on réferve pour les cas extraordinaires & Les plus périlleux entems d'orage : la feconde eft celle dont on fe fert ordinai: rement : la troifiéme , nommée l’Ancre d'affourche, un peu plus petite que la précédente, eft celle que l’on mouille op- pofée à l’Ancre déja jettée, c'eft-à-dire, de forte que leurs cables forment un angle tantôt plus tantôt moins grand ; la quatriéme eft appellée l'Ancre a rouer ; elle eft beaucoup plus petite que les précédentes , aufli ne s’en fert-on pas pour arrêter les Vaiffeaux, fnais pour les rover. Toutes ces Ancres, quoique de différente grandeur , ne laïffent pas d’avoir les mêmes proportions dans leurs parties , de forte qu'il feroit fuperflu d’en traiter féparément. -_ Les Ancres font compofées des parties fuivantes.. Il y a la vergue : c’eft une barre de Fer d’une épaiffeur égale, c’eft- à-dire , cylindrique : fa longueur eft proportionnée à la lar- geur du Vaifleau , & cette proportion eft dans la maîtreffe Ancre comme 2 à $. Le diametre de la vergue fait environ la vingt-fixiéme partie de fa longueur : le bout de la vergue , qui joint le 7as, eft quarré, ou plutôt prifmatique fur une feétion quarrée : il eft troué à l'extrémité pour donner paffa- ge à l'arganeau , qui eft un anneau de fer , auquel le cable eft attaché ; & afin que celui-ci ne fe pourriffe pas par l’enrouil- lure de l’arganeau , on enveloppe l’arganean avec de vieux cordages. Le bout prifmatique de la vergue eft plus épais de le refte, pour y mieux faire tenir le jas par lequel il affe. É Ce 7as eft un affemblage de deux piéces de bois d’une figure égale, empattées fort étroitement ETS il faicun. ii] 198 REFLEXIONS SUR LA FIGURE angle droit avec la vergue , & va en diminuant vers les ex- trémités : fa longueur ne diflére pas beaucoup de celle de la vergue ; maisil a environ quatre fois plus d’épaiffeur dansfon milieu que la vergue n’en a. A l’autre bout de la vergue eft foudée la croifée fous un angle droit & perpendiculairement au plan qui pañle par le jas & la vergue. La croifée eft recourbée vers le as, & fa courbure forme environ un arc-de-cercle de foixante degrés, plus ou moins ;, dont le centre viendroit à peu près au milieu de la vergue”: fes épaifleurs vont en diminuant vers Les deux bouts : elle a enfin deux branches , dont chacune peut être cenfée former un arc-de-cercle d'environ trente degrés. Les partes font deux piéces de fer triangulaires , foudées fur le dedans de chaque bout de la croifée ; leur longueur eft un peu plus grande que la bafe , qu’on appelle les oreilles : elles font recourbées en dedans autant que la croifée , pour pouvoir mordre plus facilement dans le fable du fond de la Mer. Enfin le cable peut encore être cenfé appartenir à l’Ancre: il eft attaché, comme j'ai déja dit, par l’arganean : fa lons gueur eft ordinairement de 120 brafles : il paffe par les dc biers du Vaiffeau , qui font des trous faits aux côtés de l'avant du Vaiffeau ; les quarrés de leurs épaiffeurs, qui en marquent le nombre des fils, ne fuivent pas la proportion des poids des Ancres, & on a des Tables là-deflus, qui ne font fondées ab- folument que fur l'expérience. Voici cependantun exemple, Une Ancre de $oo livres a un cable d'environ 3 pouces de diametre; il fera compofé de 375 fils, dont chacun eft eftimé de 4 livres de poids , de forte que tout le cable pefera 1500 livres, & par conféquent trois fois plus quetoutel’Ancre.Les cordages font tantôt plus tantôt moins pefans, fuivant qu'ils font plus ou moins roides ; cependant dans l’eau ils fonttous d’unemême pefanteur fpécifique, &lorfqu’ils fontbienmouile lés & imbibés, ils defcendent fous l’eau par leur propre poids; étant alors d’une pefanteur fpécifique plus grande que l’eau. J'ai pris ces defcriptions & proportions d’un Livre de ET L'ESSAI DES ANCRES. Prix de 1737. 199 Navigation, & même quelques-unes des fimples figuresfans defcription , fur-tout lorfqu'elles me paroifloient conformes aux obfervations que j'avois faites autrefois moi-même furles Ancres ; j'établirai ma théorie fur ces proportions , & fi on ne leur trouvoit pas affez de précifion , il fera facile d’accom- moder mon raifonnement aux véritables proportions. ‘ TL: Examinons maintenant de quelle maniére les Ancresétant jettées dans la Mer, mordent dans le fable : c’eft certaine- ment ici le point principal , & qui demande le plus d’atten- tion : aufli nous faudra-t-il, pour connoitre à fond toute la mé- chanique des Ancres, commencer ces recherches d’un peu loin. Il eft clair que FAncre ne fçauroit mordre dans le fond à moins de lui préfenter fa pointe, c’eft-à-dire, d’avoir la croi- fée dans un plan vertical : mais les Ancres peuvent fe coucher fur un fond horifontal de deux maniéres différentes : l’une tient la croifée couchée fur le fond pendant que le jas y eft appuyé par un de fes bouts ; dans l’autre c’eft au contraire le as qui eft couché horifontalement , & la croifée eft foûtenue par la pointe de l’une de fes parres : ce n’eft que dans celle-ci ue l’ancrage peut fe faire : voyons cependant laquelle de ces du fituations eft la plus naturelle aux Ancres : nous exami- nerons ce point d’abord hors de l’eau , & enfuite dans l’eau. I V. Soit dans la premiére Figure DE la ligne droite qui joint ie. :: Les extrémités des deux pattes : on peut la confidérer ici à la place de la crorfte , comme fi celle-ci n’avoit point de courbure : foit 75 la vergue, & FG le jas : concévons pour fa premiére fituation la ligne DE couchée horifontalement, de forte que les points D, 4, E & G foient dans un plan horifontal , & les points G, B, 1 & 4 , dans un plan vertical. Examinons à préfent ce qu'il faut pour changer cette fitua- tion de l’Ancre , & lui faire prendre l’autre fituation : il faut, pour cet effet que l'ancre tourne autour de la ligne EG, qui joint l’une des pointes de la crcif£e avec le point d’appui du as. De cette maniére Le centre de gravité de l’Ancre ( que 300 REFLEXIONS SUR LA FIGURE je fuppoferai en H) s'éleve d’abord jufqu’à ce qu'il foit arrivé au point le plus haut , après quoi l’Ancre acheve de fe ren- verfer par fon propre poids, & prend ainfi la feconde fitua- tion qui eft requife pour les ancrages. II s’agit ici de fçavoir combien le centre de gravité Heft élevé pendant ce renver- fement, puifque la force requife pour faire prendre à l’Ancre la fituation qu'elle doit avoir, lorfqu’elle ne l’a pas, eft pro+ portionnelle à cette même élévation du centre de gravité. Pour cet effet, qu'on tire les droites HE & HG , comme auffi la ligne 4G , puis HL perpendiculaire à 4G & HI perpendiculaire à £G : on voit que la hauteur initiale du centre de gravité par-deflus l'horifon eft égale à HL, & que fa plus grande hauteur , pendant le renverfement de l’An- cre , eft égale à HI, de forte que pour renverfer l’Ancre, if faut auparavant donner à fon centre de gravité une éléva- tion égale à HI—HL :il nerefte donc plus qu’à exprimer analytiquement ces lignes. Soit AE a, BG—a, AH—b, BH—C, onaura AG—=V( AB4+BG)=vV(au+bhh+2b€+6CC):de Bon tire EG—V(AE+AG)—=vV(aatau+bb +2bG4-6C) ; pour abréger, je fuppoferai EG=—c : on trouvera HL, en prenant la quatriéme proportionnelle à AG , GB& AH, ce qui donne b AL Este) Pour trouver la ligne HT, je confidére le triangle EHG,; dont la bafe EG eft — rc; le côté EH=V(EA + A H —vV(aaæH+ bb), & le côté HG—V(GB + BH) —V(aaæ + 66) : des trois côtés donnés , on trouve la per- pendiculaire à la bafe , fcavoir : H ja (zaa+-2bb x mu+6o+2cex aa h6-aut 25aa + bb—au EE ct), ER ————— 2C Connoïffant donc Îles droites HI & HL , leur différence donnera l'élévation cherchée du centre de gravité, pendant qu'on fait prendre à l’Ancre fa jufte pofition , laquelle élé- vation doit être eflimée proportionnelle à la force requife pour cet effet, ET L'ESSAI DES ANCRES. Prix dei73% oi V. Changeons maintenant la propoñition ; en fuppofant au contraire que l’Ancre foit dans fa jufte pofition , c’eft-à- dire, que la croïfée foit dans le plan vertical , le jas étant couché horifontalement ; & voyons quelle eft la force qui pourroit faire quitter à l’Ancre cette pofition néceffaire pour l’an- crage , & la remettre dans l'état qu’elle a été fuppofée au commencement de l’article précédent. Il eft facile de voir qu'on n’a qu'à convertir pour cet effet les lettres à & 4, comme aufli à & GC ; ce que faifant , la valeur de «, qui eft =V(aa+autbhb+2b6C+4+6GS), demeure dans les deux cas la même. Si l’on tire donc H à perpendiculaire à EB , ce fera HI— HA qui exprimera la force requife à ce fecond renverfement. La premiére ligne HI eft la même que dans le premier cas , & on a : HA poses ie Éa Vas+tbpiberec) VI. Les deux forces refpeétives étant en vertu des deux arti- _ cles précédens , comme HI — HL à HI— Ha, on remar- quera ici, qu'il convient que la premiére force marquée par HI— HL foit aufli petite, & l’autre marquée par HI—Hn foit aufli grande que les autres circonftances le permettent ; par où l’on obtiendra cet avantage , que l’Ancre n'étant pas dans fa jufte pofition , elle s'y mette avec facilité , & qu’ . étant , elle ne la quitte que difficilement : il fuit de-là que plus HL eft grande , & H à petite, plus les Ancres prendront facilement leur pofition requife pour le fuccès de l’ancrage. Ce que je viens de dire fert également pour les Ancres fubmergées, & pour celles qui feroient jettées fur un fond hors de l’eau , & toute la différence qu'il ya, eft que le centre de gravité eft placé différemment dans ces deux cas, à caufe du as; j'appliquerai cependant ces régles à l’un & l'autre cas , tant pour en voir la grande différence dans leur réfultat , que pour nous fervir de cette application dans la fuite. Tome III, Cc 202 REFLEXIONS SUR LA FIGURE V'ET: La vergue eft d’une épaiffeur égale , & il me femble que la croifée aura à peu près le même poids que le jas chargé du, bout quarré de la vergue & de larganeau. Cela étant, on peut placer le centre de gravité dans les Ancres non- fubmergées , au milieu de la vergue. Suppofons encore la vergue & le jas d'une longueur égale, & que la diftance des extrémités des pattes ou DE foit égale à la moitié du jas. Toutes ces pofitions font a—6=0=—24a, &c—avV21, ce qui donne HI— HL=vS—vi=\( en fraétion déci-, male) o, 174, & HI—Ha=vVi=vV#—o;,5S84. Les deux forces dont j'ai parlé aux articles IV & V , font donc, comme 174 à 584, ou à peu près comme 2 à 7. VAE On comprend aifément par-là , qu'une Ancre étant jettée: au hafard fur un fond , donnera probablement à fa croifée la pofition verticale & non Fhorifontale, fi ce fond eft hori- fontal & hors de l’eau : mais on fe tromperoit , fi on ne fai- foit cette probabilité que comme 7 à 2. Il eft plutôt vrai ue l’Ancre étant jettée avec force , & que le fond foit bien die > il eft moralement impoflible que la croifée refte cou- chée fur le fond , & voici la raifon de cette propofition affez paradoxe ; c’eft que lAncre jettée avec une force , que je: fuppoferai plus grande que 7, fe roulera d’abord, & qu'à mefure qu'elle fe roule, elle perdra de fa force jufqu’à ce que cette force étant moindre que 7, & plus grande que 2, la croifée de l'Ancre doit enfin garder néceffairement fa fitua- : tion verticale : fans cela il faudroit que dans un feul renver- fement de l’Ancre , elle perdit plus que £ de fa force, ce qui ne fçauroit arriver fur un fond bien dur. Pour déterminer les mêmes chofes dans les Ancres fub- mergées , il faut principalement faire attention que le jas eft de bois , mais d’un bois fort & pefant, de forte que pris avec 2 ; que P le bout quarré de la vergue & avec l’arganean , il ne man- q » , 4 &: \ & 4 e quera pas d’avoir à peu près la même pefanteur fpécifique que l’eau, & que par conféquent fon poids peut être négligé: ET L'ESSAI DES ANCRES. Prix de1737. 203 ous l’eau ; & comme tout le refte de l’Ancre ef de fer & homogéne, on n’a plus qu'à examiner queile feroit la place du centre de gravité H dans une Ancre dégarnie de fon jas. Or, toutes chofes bien confidérées, j'eflime que dans ce cas HB fera à peu près double de HA. Mettant donc # —<+#a, &C—{a, en retenañt les autres hypothéfes & dé- nominations de ci-deflus, on n’a qu’à fuivre les mêmes rai- fonnemens & calculs. De cette maniére, on trouvera HI —HL= 0,337, & HI—HA1=o,287, ce qui fait voir que les deux forces font affez égales , & que même la premiére eft plus grande que lafeconde,;marque qu'il eft plus #acile-& plus naturel aux Ancres fous l’eau, d’avoir la croifée couchée que dreflée ; cela doit néceffairement rendre l'an- crage mal für. On auroit eu de la peine à croire la chofe fi diflérente pour les deux cas , fans les calculs que nous ve- nons de faire. X. L'ordre demande que nousexaminions maintenant ce qui arrive aux Ancres jettées au fond de la Mer, lorfqu'’elles ” font tirées par le cable : nous le ferons ; après avoir ke deux mots fur la nature du fond propre au mouillage. Il ne doit pas avoir au-delà de so brafles de profondeur, puifque la longueur du cable ne furpafle pas 120 brañles , & qu'il doit toujours faire un angle fort oblique avec l'horifon, comme je le démontrerai ci-deffous. D'ailleurs le fond ne doit pas être trop dur , car l’Anore ne fçauroit y mordre, - niaffez enfoncer : file fond eft fimplement-fablonneux, l’Ancre enfonce facilement , mais elle n’y tient pas aflez ferme, & le Vaifleau eft fujet à chaffer [ur fon Ancre. Sui- vant les obfervations de M. le Comte Marligli , le fond de la Mer eft Le plus fouvent d’une conglutination fablonneufe d'argile, de coquillages , & d’attres corps : cette congluti- nation eft formée par la matiére glutineufe qui réfide dans les eaux de Mer, & le tout forme une croute qui n’eft pas. fort épaifle , mais qui eft d’ailleurs d’une confiftance fort propre pour le mouillage, fçavoir, ni trop _. > ni qui fe ci 204 REFLEXIONS SUR LA FIGURE laiffe trop facilement labourer par l'Ancre : au-deffous de cette incruftation , le fond eft d’une confitution pierreufe ; dans lequel la patte ne fçauroit plus mordre. Les corps mêlés avec le fable durci, doivent rendre la furface du fond aflez inégale & raboteufe. L XI. On jette l’Ancre ordinairement pendant que Îe Vaiffeau avance fur fa route , en prenant garde que le cable ne fe roi- diffe pas d’abord , & en filant pour cet effet le cable autant que la viteffe du vaiffeau le demande, jufqu’à ce qu'on le voie faire avec la furface de la Mer un angle d’environ 30 degrés ; alors l’Ancre étant traïné plus ou moins vite, il ar- rivera d’abord qu’elle roule de côté & d'autre , fe couchant tantôt fur Le jas , tantôt fur la croifée , ayant pour Pun & pour Pautre une facilité à peu près égale, envertu du VIII" arti- cle. Mais voici la raifon de ce roulement, c’eft que la croifée fe couchant horifontalement ; le jas fera appuyé fur le fond par un de fes bouts , faifant avec le fond un angle d'environ 63 degrés, fi les parties des Ancres fuivent les proportions que nous avons fuppofées dans le fecond article : or, fi le fond de la Mer étoit parfaitement uni & poji comme une glace, il eft très-certain que l’Ancre demeureroit conftam- ment dans cette fituation ; mais comme ce fond eft raboteux, & que le 7as préfente fa pointe appuyée en avant, à caufe de {on inclinaifon en arriére , on voit qu’il heurtera continuel- lement contre les obftacles qu'il trouvera en fon chemin , qu'il s’en ébranlera , & que très-aifément il fe renverfera & fe couchera fur le fond ; alors c’eft la croifée qui eft dans le plan vertical, & l’une de fes patres préfentera au fond fa pointe, quoique fous un angle prefque droit, c’eft-à-dire ;, que la tangente de l'extrémité de la patte fait un angle pref. que droit avec le fond ; cette tangente eft pourtant un peu inclinée en arriére, mais pas tant que le jas Fétoit dans l’au- -tre fituation de l’Ancre; ainfi donc la croifée heurtera auffi contre les inégalités du fond , de même que le jas le faifoit auparavant : mais ces impulfions qui fe font contre le bout ET L'ESSAI DES ANCRES. Prix de 1937. 20$ de la croifte , ne feront peut-être pas fi fenfibles comme cel- les du jas, à caufe que la croi/ée n’eft pas fi longue que le jas, ni fi obliquement appuyée fur Le fond : car on démontre ai- fément dans la Méchanique, que la longueur & l'obliquité du levier heurtant, tel qu’eft ici la branche inférieure de la croifee ; rendent les impulfons plus fenfibles & plusefficaces dans notre cas pour renverfer l’Ancre ; & quant à l'obliquité en particulier, l'expérience le confirmera ; fi en s'appuyant fur une canne , on la gliffe fur le plancher : car on verra que la canne étant perpendiculaire au plancher, ne s’en trémouf fera pas tant, que fi elle eft inclinée en arriére. Il femble donc, pour les deux raifons apportées , que les impulfions données contre la croifée ne la renverfËtont pas fi facilement qu’elles renverfent le 745 , & qu’elles ferviront plutôt à faire mordre la parre dans le fond ; car après que la croifée , par un coup reçû , a été pouflée en haut , & qu’elle retombe la pointe contre le fond, cette pue y entrera par la chûte d'un fi grand poids , quelque légére que foit la chûte, & dès-lors l’Ancre n’eft plus fi fujette à ferenverfer, & l’action du cable Yenfoncera de plus en plus, comme nous ferons voir ci-deflous. DT Ce que nous venons de dire fur la méchanique des An- cres jettées & trainées au fond de la Mer, fe confirmera par expérience, à ceux qui la voudront prendre comme je l’ai fait : Qu'on fafle un petit modele d’Ancre , mais dont le as ait toute la légereté poflible, pour imiter parfaitement la nature des Ancres jettées au fond de la Mer, où le jas n'a plus de poids ; fi on traîne cette petite Ancre fur une table bien polie ; on verra qu'elle ne fe renverfera jamais , que ce foit le 7as ou la croifée qui eft couchée : Qu'on traîne enfuite cette Ancre fur un plancher moins uni, & on la verra fe renverfer très-fouvent & très-facilement , & cela avec une facilité égale pour l’une & pour l’autre fituation : car fi d’un côté, en vertu du IX"® article, la croifée fe couche plus facilement que le 7as, nous avons fait voir au contraire dans Ceci L À 206 REFLEXIONS SUR LA FIGURE le précédent article , que les petits chocs donnés contrela croifée me font pas fi fenfibles que ceux du 7as. Enfin, fi on traîne la petite Ancre fur un fond fablonneux , dont les iné- galités & la dureté foient proportionnées à la grandeur & au poids de l’Ancre, on trouvera qu'après plulieurs roulemens de côté & d'autre , la parte commencera à s’enfoncer, & qu'elle y entrera après cela fi avant , qu'on ne fçauroit plus d'entraîner, fans employer confidérablement plus de force, qu'on n’avoit fait au commencement de l'expérience. Tout ceci me paroît prouver exactement la vérité de ce que je viens d'avancer fur la méchanique des Ancres, & nous fait voir en même-tems, quelle feroit la meilleure maniére d'effayer les Ancres: c’eft fur quoi je m'expliquerai plus clairement à la fin de ce Difcours. Il nous refte à examiner ce qui arrive aux Ancres , après qu'elles ont déja commen- çé à mordre dans Le fond. XIII. Dès que l’Ancre a mordu dans le fond , elle laboure d'a bord le fable, & par-là même elle réfife avec une plus grande force au cable, ou plutôt au Vaifleau; quieeft la force mouvante ; fi on faifoit d’abord trop roidir le cable , fa force ourra facilement élever l’arganeau , ce qui fera néceffaire- ment renverfer la croifée , fi elle ne tient déja bien ferme dans de fond , &en ce cas c’eft à recommencer. On voit par-là que la flottaifon du 7as entre deux eaux ne fçauroit qu'être extrèmement préjudiciable au mouillage. Il y en a cependant qui ont cru cette flottaifoneffentielle à l’ancrage , pentfant que c'eft pour’ cette raifon , qu’on fait le 7as de bois. 41 eft certain que file as flottoit naturellement ‘entre deux eauxg da croifte fe icoucheroït toujours fur le fond , auquel casd’an- crage ne fcauroit fe faire : on s’en convainora, fi dans les ‘expériences expofées dans le précédent article , on tiroit l'Ancre affez verticalement pour élever le jas, car-on verra la croiféetomber aufhi-tôt. Et fi le as étoit élevé après que la patte eft déja entrée dans le fond , il arrivera, ou que la parre tienne déja affez ferme pourempêcher lerenverfementt ET L'ESSAI DES ANCRES. Prix de1737. 207 de l’Ancre, & en ce cas elle tiendra aufli affez ferme pour empêcher que le Vaïffeau ne cafe fur fon Ancre , ouqu'elle ne tienne pas affez ferme pour foûtenir l'effort de la croifée de fe coucher , & en ce cas toute la manœuvre de l’ancrage eft rendue inutile. Aiïnfi donc l'élévation du 7as ;' ou bien celle de l’arganeau , ne peut jamais avancer le mouillage , mais bisn le retarder. Il faut donc léviter, en tirant le cable le plus horifontalement qu’on peut , & en filant le cable [ur les bittes affez vite pour qu’il ne foit pas trop roïde , ni par con-. féquent fes eflorts trop grands. Nous allons examiner cele : de plus près, sr XIV. Soit dans fa feconde Figure, MN 1e chemin que l’Ancre fait fur le fond de la Mer, PC la ligne tirée perpendiculai- rement à l'extrémité de la patte ; elle coupe , comme j'ai dit au fecond article, la vergue 4B au milieu C, & par les proportions fuppofées dans le même article , Fangle 4CP fera d'environ 30 degrés, & par conféquent l’angle CPB , qui en eft la moitié, de 15 degrés ; c’eft cet angle qui fair l'obliquité de la parte contre le fond , & fans cette obliquité, elle n'y pourroit mordre qu’autant qu’elle y feroit forcée par fon propre poids , qui feul ne fufhroit pas; car outre ledit poids , c’eft aufli la force du cable qui fait entrer la parte plus avant dans le fond , après qu'elle a commencé à y mordre; Ta direttion de cette feconde force eft la tangente du cable én B, celui-ci prenant la figure de Îa chaïnette , qui appro- che plus ou moins de la ligne droite felon fa longueur & la force avec laquelle il eft tiré par le Vaiffleau. Soit donc BE la direction du cable en B, & que BE exprime en même-tems la force quitire l’Angle BDP :il faut réfoudre d’abord cette force en fa verticale OB, & horifontale FB, en faifant le rettangle B O E F. Quant à la force verticale BO, elle fait effort pour lever l'arganeau ; mais de fcavoir fi elle l’élevera a@tuellement ou non, cela dépend de la force abfolue BE & de l'angle E BF, comparés avec la force que l’Ancre exerce par fon poids fur le point B, & la réfiftance que Fig. 2 208 REFLEXIONS SUR LA FIGURE l'enfoncement de la parte peut apporter contre cette éléva- tion. Ce qu'il y a de für, eft que l'élévation de l’arganeaw & du jas peut très-facilement faire renverfer l’Ancre fur fa croifee , & retarder par-là le fuccès de l’ancrage , pendant qu'elle ne fçauroit être d'aucune utilité, & qu'il faut par conféquent diriger la manœuvre de maniére que le 7as refte couché fur le fond ; cela étant, ladite force verticale O0 B refte fans effet. Quant à la force horifontale FB, comme fa direétion pañle par P, & que c’eft la réfiftance de la parte qui eft oppofée à cette force , on voit qu’il faut la confidé- rer comme appliquée en P , & enfuite la réfoudre en deux, lune parallele à la direétion de l’extrémité de la patte en P, & l’autre perpendiculaire à cette direction : ces direétions font repréfentées par les lignes BG & G F, la premiére fert direétement à enfoncer la patte, l’autre force appliquée en P, & parallele à G F, ne fera que preffer fortement la furface de la parte contre le fable , qu'elle renverfera en labourant Le fond, fi la force eft aflez grande ; & cela continuera ainfi jufqu’à ce que la parte foit aflez enfoncée pour ne plus fe laiffer entrainer par cette force. Voilà de quelle maniére les Ancres agiffent, en arrêtant ainfi peu à peu les Vaiffeaux, & les affermriflant enfuite contre le vent, contre les cou- rants , & fur-tout contre les coups de Mer : ce font ceux-ci qui font le plus d'effet, mais ils ne font ordinairement qu’en- foncer de plus en plus les Ancres , quile font déja trop pour Habourer encore le fond, pendant qu’elles peuvent toujours y entrer davantage , d'autant que les lames tirent le cable brufquement, de forte que la force réfultante approche plu- tôt de la nature des chocs , que des fimples forces qu’on appelle mortes : aufli voit-on que dans les grandes tempêtes, les coups de Mer font plus fouvent rompre le cable que déraper V'Ancre. Tâchons ici d’avoir quelque idée fur le rapport des forces dont nous venons de parler, pour pouvoir les comparer enfemble, ce qui nous fera d’une grandeutilité dans la fuite. Soit ET L'ESSAI DES ANCRES. Prix de1737%: 20ÿ Soit donc dans la troifiéme Figure , 4 B le cable, le point Arepréfentant l’endroit de l'arganeau, & B celui de l'écubier, en népgligeant la longueur du cable depuis la furface de l’eau jufqu'à l’écubier, J'ai déja dit qu’à caufe du poids que le cable a fous l’eau , il prendra la figure connue fous le nom de la chaînette. Qu'on concoive cette courbe B4 continuée juf- qu'en G , qui eff fon point le plus bas , & où la tangente eft horifontale : qu’on s’imagine enfuite à chacune des extré- mités 4'& B , être appliquées deux forces , une horifontale & une verticale, qui toutes quatre foient en équilibre, & tiennent le cable fufpendu; les grandeurs &iss direétions de ces forces font repréfentées par 4E, 4F, B D & BC. Ceci se on fçait qu’en faifant les rettangles AE HF & BDLC, es diagonales 4H & BL , repréfentant les deux forces réful- tantes des quatre forces expofées, feront des tangentes aux points 4 & B ; outre cette propriété connwe , en voici deux autres. 1°. Je dis que les deux forces horifontales ZE & BD font toujours égales entre elles. J'ai une démonftration analyti- que de cela, tirée de la nature de la chaînette , que j’obmets, pe qu’il me femble qu’il fuffit de remarquer , que toutes es autres forces , tant celles qui font repréfentées par 4 F & BC, que les forces infiniment petites qui tirent Se point du cable, font verticales, & que par conféquent les deux dites forces horifontales ZE & BD doivent fe détruire & être égales fous des direétions oppofées. 2°. Que la force B Ceft à la force 4 F, comme la lon- gueur B G eft à la longueur G ; car la force BC'eft préci- fément égale au poids du cable fous l’eau , de la longueur BG , & la force 4 F égale au poids que Le cable de la lon- eur À G auroïit fous l’eau. De ces deux Théorêmes, on peut trouver les forces 4 E & AT, en connoiffant les deux forces B D & BC avec le poids du cable fubmergé BA ; il fuffit même de connoître la force horifontale BD , & l'angle L BD que le cable faitavec la furface de la Mer. Tome LIL, Dd Fig. g- 2 219 REFLEXIONS SUR LA FIGURE En conféquence de ce que je viens de dire, pofons Ia longueur du cable B4=—/, fon poids fous l’eau =p : la force BD — P, le finus total =: ; le finus de l’angle LBD 5, fon co-finus = c; cela pofé, on aura BC: BD ::5:6, ou BC= + P : or la force BC eft égale au poids du cable de la longueur B4G , on trouve par conféquent cette 1on- gueur BAG par une telle analogie, p:1::2 P /, qui eft la longueur BAG, & de-là on tire la longueur 4 G = F5: —1. De cêci, on trouve la force 4 F par une telle analogie, BAG:/AG::BC:AF,ce qui donne la force 4 F — — P — p. Enfin la force Z E eft, comme nous avons déja dit, égäle à la force BD , ou égale à P. Nous tirerons quelques Corollaires de ces valeurs trouvées, après avoir fait remarquer au leëteur , que la force BD ef ici celle que le Vaïffeau exerce horifontalement : que la force BC marque l’effort que le Vaïffeau fait pour s'élever davantage hors de l’eau, car l’action du cable fait un peu enfoncer le Vaifleau : que la force 4 E marque l'effort horifontal foû- tenu par lAncre ( lequel nous avons exprimé par BF dans la feconde Figure : ) & enfin, que la force 4 F'eft produite ar une partie du poids de l’Ancre ; elle eft égale & oppofée à BO dans la feconde Figure. Voici maintenant quelques Corollaires qu'on peut remarquer pour notre fujet , préfé- rablement à d’autres. 1°. Sile poids du cable fubmergé étoit comme nul par rapport à la force qu’exerce le Vaïfleau , on auroitp— 0; BAG=— 00, & la force 4 F égale à la force BC. 2°. Si le poids du cable fubmergé étoit à la force du Vaiïffeau , comme le finus de l'angle que le cable fait avecla furface de la Mer à fon co-finus , la partie 4G deviendroit nulle , de même que la force 4F, c’eft-à-dire, que la di- rettion du cable près l’arganeau {eroit alors horifontale , &c fi Îedit poids du cable fubmergé avoit une plus grande raifon ET L'ESSAI DES ANCRES. Prix de 1737. o1x à la force du Vaiffeau , une partie du cable depuis l’arran-aw fe couchera fur le fond de la Mer; & fi enfin cette raifon eft plus petite que celle de : à «, la force 4 F fera toujours po- fitive vers Le bas : d’où l’on voit que plus l'angle du cable & de la furface de la Mer eft petit, & plus la longueur du cable fubmergé eft grande, plus la force cherchée 4 F fera etite. É 3°. Notre remarque la plus effentielle regarde ce que j'ai dit dans le XIV”® article, qu’/ faut diriger la manœuvre de maniére que le jas refle couché [ur le fond. Or j'eftime , après avoir bien confidéré toutes les proportions des Ancres & de leur poids fous l’eau , qu’une force verticale tirant l’arganeau en haut l’élevera, fi elle furpaife deux neuviémes, ou la cin- quiéme partie du poids abfolu de l'ancre. Il faut donc, pour faire que le as refte couché für le fond , que cette force foit moindre que ladite cinquiéme partie du poids abfolu de l’An- cre , fans quoi l’aëtion du cabie élevera le as. Pofant donc le poids de l’Ancre hors de l'eau= 7, il faut faire que sP . , . ; — — p foit toujours moindre que =. Ce que:nous venons d'exprimer par des formules générales , nous l’expliquerons dans la fuite par des exemples particuliers tirés des régles de la Navigation , pour en faire voir l'utilité. Cependant il fau- dra tâcher d’avoir quelque connoiffance , quand même elle feroit fort imparfaite , de la force horifontale quele Vaiffeau exerce , défignée par P. Il n’y a que cette force dont la dé- termination foit difficile & vague ; voici cependant quelques réflexions qui pourront nous donner quelques éclaircifle- mens là-deflus. S XVI. Tant que le Vaiffeau n’eft pas encore arrêté ni le cable amarré , on peut modérer la force P, comme on le trouve à propos , en /i/ant le cable plus ou moins : il eft oué pour cet effet, c’eft-à-dire , difpofé en rond pour pouvoir en laifler paffer par l’écubier autant qu’on veut, fans que. le Vaiffeau foit retardé beaucoup par l’Ancre ; fi la chofe le demande a, Dd ji s12 . RÉFLEXIONS SUR LA FIGURE ainfi. Nous ne dirons donc rien pour ce cas fur ladite force P, puifqu’elle dépend abfolument de la difcrétion de ceux qui filent le cable : il ne tiendra qu’à eux de faire qu’elle ne fut- pafle jamais un certain degré , & tant qu’elle n’eft pas plus grande que : x (p+ 5 ), elle n’élevera point l’arganeau ; en vertu du troifiéme Corollaire du précédent article. Mais le Vaiffeau étant arrêté , il foûtient encore l'effort des vents, celui des courants & les coups de Mer. L’effort des vents contre un Vaiffeau n’eft pas bien grand, quandles voiles font baiflées : celui des courants left beaucoup da- vantage. Voici comment je l'ai déterminé pourune Frégate, fur laquelle j'ai fait autrefois un trajet fur Mer. Je remarquois un jour qu'avéc un vent en poupe d’envi- ron 20 ou 22 pieds par feconde ( c’eft-à-dire, qui faifoit par- courir à l'air l'efpace de quelques 20 pieds par feconde, ce que je connoiffois par le moyen d’un certain Inftrument que j'avois inventé & préparé à ce deffein ) nous faifions 6 pieds par feconde , ce que je connoiflois encore par le moyen d’une Boule d’yvoire attachée par un fil, laquelle je plon- geois dans l’eau, en remarquant l’inclinaïfon du fil qui en provenoit. [ M. Poleni s’eft fervi enfuite de la même mé- thode, dans fa Piéce qui a remporté le Prix de 1733 , digne de cette glorieufe récompenfe, & je l'ai trouvée fort bonne, moyennant quelques regles que l'expérience m'a fait remar- quer.] Les voiles, qui étoient perpendiculaires à la direétion du vent , pouvoient avoir toutes enfemble une furface à peu près égale à 2000 pieds quarrés. La viteffe relative du vent contre les voiles étoit donc 14 ou 16 pieds par feconde, qui eft telle quela pefanteur naturelle produit dans un corps qui tombe dé la hauteur d’environ 4 pieds : d’où il fuit, en fe fervant de la regle de M. Mariotte fur la force des Fluides , ( que je cite ici, quoiqu'il y ait quelque correétion à faire, me réfervant de publier un jour ma nouvelle Théorie fur cette matiére , que j'ai confirmée par un grand nombre d’ex- périences très-exates,) quela force du vent contre les voiles ET L'ESSAI DES ANCRES. Prix de 1737. 213 étoit égale au poids d’un prifme d’air haut de 4 pieds fait fur une bafe de 2000 pieds quarrés, c’eft-à-dire , au poids de 8000 pieds cubiques d’air; & comme du temps de cette obfervation l’air étoit affez chaud , je crois ne devoir donner à un pied cubique d’air que le poids d’une once, de forte que toute la force du vent devient égale à 8000 onces ou $00 livres. Or dans un Vaïffeau , dont la viteffe eft uniforme, la réfifance de l’eau eft égale à la force qui le pouffe ; notre Frégate fouffroit donc alors une réfiftance de 500 livres , & fi on l’avoit affermie à l’Ancre contre un courant de 6 pieds ar feconde , ce courant auroit fait contre la Frégate un effort horizontal encorede ; oo livres; ( je dirai ici en paffant, que le poids de notre maïtreffe Ancre étoit aufli d'environ $oolivres ; ) c'eft cette force que nous avons appellée P ci- deflus. Si la viteffé des courants eft moins grande, leur force contre le Vaiffeau en devient aufi moins grande : mais cela ne va pas tout-à-fait , comme on croit communément , en raifon quarrée des viteffes ; car un nombre infini d’expé- riences a fait voir que cette regle, quoique fort exaëte dans es mouvements violents, s’écarte beaucoup de la vérité dans ceux qui fe font lentement, comme M. Newton a fait voir dans fes Princ. Mathem. Philof. nat. edit. 37°, Ce que nous venons de dire fufft pour nous donner une idée de la gran- deur de la forceabfolué horifontale d’un Vaifleau déja arrêté, puifque cette force provient la plüpart des courants de la Mer contre le Vaiffeau , quoique la caufe de ces courants uifle varier, Difons encore deux mots fur l'effort des lames contre les Vaiffeaux. On fçait que les lames ne font qu'un mouvement réci- proque des eaux qui montent & defcendent alternativement fans changer de place, qu’autant qu’elles font emportées par les courants: elles n’agiffent donc qu'en élevant avec précipi- tation le Vaïfleau , qui eft obligé par-là de*s’approcher très- vitement de l’endroit qui répond verticalement à l’Ancre ; &t comme le Vaiffeau ne fçauroit obéir affés promptement, le cable en reçoitune forte impreflion , qui fait quelquefois di 214 REFLEXIONS SUR LA FIGURE déraper Y'Ancre , & quelquefois rompre le cable : cette im: preflion eft d'autant plus grande Es le mouvement des la- mes eft prompt & grand , & que le cable approche plus de la poñition verticale. La maniére de connoître en gros cette force , feroit de fçavoir Le temps d’une ondulation , la hau- teur de laquelle le Vaifleau eft élevé, & combien le Vaif- eau eft obligé par cette élévation de s’approcher de l'en- droit qui eft dprc avec l’Ancre: car fi, par exemple, le Vaif. feau étoit élevé de 1 2 pieds en 3 fecondes, & qu’il füt obligé par-là de faire un efpace de 6 pieds fur la furface de la Mer vers l’Ancre, on pourroir chercher quelle feroit la force qui dans le temps de > fecondes püt faire parcourir au Vaiffeau 6 pieds depuis le repos. Mais ces recherches feroient trop en- nuyeufes, & n’appartiennent pas affés à notre fujer principal. Enfinil arrive aufli que les eaux des lames fe roulent près leur furface, & viennent à fe brifer contre lesVaiffeaux: mais cet effort n’eft pas fort confidérable , parce que ces eaux ne font pas en grande quantité, & qu’elles ne caufent par leur choc qu’un léger trémouffement aux parties du Vailfeau. Quand on a jetté deux Ancres ou trois, on connoîtra par les regles de la décompofition des forces,quel effort chaque cable & chaque Ancre foûtiennent. XVII. Nous avons examiné jufqu’ici route la théorie des Ancres, depuis le moment qu’elles ont touché le fond dela Mer juf- qu'à celui qu'on veut defancrer. Ce defancrage fe fait en ti- rant le cable par le moyen du cabeffan jufqu'à faire venir YAncre à pic ; quelquefois pour faire plus vitement, on gou- verne le Vaïffeau jufqu’au même endroit en le virant de bord. Lorfguil y a plufieurs Ancres ;, on defancre par le moyen d’une Chaloupe en oflant l'Ancre, c’eft-à-dire , en amarrant la boffé qui faïfit le cable, & qui eft un bout de corde garni d’un cul de porc double à chaque bout. Je viens maintenant au point principal ; c’eft de parcourir toutes les parties des Ancres à part, d'examiner leur fonction, & de voir de quels changemens & corrections elles font fufceptibles. ET L'ESSAI DES ANCRES. Prix de1737. 215 | XVIII. Commencons par le Jas. Nous avons déja vû qu'il fert à mettre la croifée dans un plan vertical, ce qui eft abfolu- ment néceffaire pour le mouillage. Nous avons démontré encore dans les articles IV, V, VI, VII, VIII, & IX , qu'il eft beaucoup plus naturel aux Ancres ( en donnant à leurs parties les proportions ordinaires ) d’avoir hors de l’eau la croifce dreflée que couchée fur le fond , & même que cette derniére fituation ne fçauroit qu'être extrêmement rare à certains égards , mais qu'à caufe de la légereté du Jas dans les Ancres fubmergées , les deux pofitions leur font à peu- près également naturelles, & même que la croifée fe couche plus facilement qu'elle ne fe dreffe , fur-tout lorfque le cable commence à fe roidir, & que la parre n’eft pas encore entrée bien avant dans le fable, laquelle derniére circonftance nous avons démontrée dans les articles XIV & XV.Or comme [a füreté du mouillage demande abfolument que Ia croifëe pré- fente toûjours au fond l’une.de fes pattes , il faut fans doute fixer là toute l’attention : maisil fuit des articles IV & V, que plusle centre de gravité d’une Ancre fubmergée eft près de l'arganean , & plus le as eft long , plus la jufte poñition des Ancres fera füre. Ne vaudroit-il donc pas mieux de faire Le jas de fer que de bois, ou du moins de le garnir tout autour d'une groffe plaque de fer? Le fuccès de cette cor- reétion eft für & infaillible pour donner la pofition requife aux Ancres. ‘Il femble que ceux qui fe font avifés les pre- miers de mettre des jas aux Ancres , n’ont fait confifter leur aétion que dans la longueur, fans faire attention que leur oïds en augmente le plus confidérablement l'effet: fans cela je fuis für qu'ils n’auroient pas manqué de le faire d’abord de fer. Voyons cependant quelle influence ce changement aura fur les autres circonftances, puifqu’une chofeeft fouvent bonne à un certain égard, & mauvaife à un autre. Il ne fera donc pas hors de propos de faire attention ici à ce que j'ai marqué dans le XIV."* article, fçavoir que fi l’Ancre eft dans fa jufte pofition, l’aétion du cab/e peut facilement élever °16 REFLEXIONS SUR LA FIGURE l'arganeau , & par-là renverfer l’Ancre : il ne faut pour cela dans les Ancres ordinaires qu'une force verticale qui foit égale à la cinquiéme partie du poids de l’Ancre, comme j'ai dit à la fin du XV article : mais fi on faifoit le jas de fer, quoique du même poids qu'on le fait de bois , il faudra une : force verticale qui foit environ égale à la moitié du poids de l’Ancre pour élever l’arganeau , & l'aétion du cable ne peut guére produire une fi grande force verticale , à moins que la patre ne foit déja entrée bien avant dans le fond , au- quel cas l’Ancre ne fçauroit plus fe renverfer , ni peut-être fa versue être élevée par cette force, quoiqu'’affez grande pour l’élever dans une Ancre libre. On me dira peut-être que l’Ancre devient trop lourde ou trop pefante en faifant le jas de fer ; mais j'ai déja répondu à cela, SR Eee le faire du même poids qu’on a coûtume de faire les jas de bois, ne prétendant pas qu'on lui donne l’épaiffeur ordinaire ; il fuftra de lui donner la moitié de l’épaiffeur qu’on donne à la vergue , & de cette maniéreil ne deviendra pas plus pefant que s’il étoit de bois , & ne laiffera pas d’avoir encore au- tant de force. On pourra diminuer l’épaiffeur du 7as vers les deux bouts , comme on fait aux as de bois , parce que c’eft au milieu que le as fouffre le plus, & qu'il doit par confé- quent être le plus épais. Quant à la longueur du 7as, il eft vrai que plus il eft long , mieux il fervira pour mettre l’An- cre dans fa jufte pofition ; cependant il ne faut pas augmen- ter fon poids fans néceflité , car fa groffeur devant être pro- portionnée à fa longueur il deviendroit trop pefant , fion vouloitle faire plus long que de coûtume : fa longueur ordi- naire fufhra , comme on voit affés par le VII" article, qui ne doit point être changé pour être appliqué à l’état de fubmerfion , lorfque les as des Ancres font faits de fer &c femblables aux as de bois par rapport à ieur poids &t à leur longueur. XIX. Après le jas, nous confidérerons la V’ergwe, Chacun voit un grand nombre d’inconvenients qui proviendroient, fi on ET L'ESSAI DES ANCRES. Prix det73: 17 on vouloit faire la vergue tout-à-fait courte. Je ne ferai iti attention qu'à trois points, qui fans doute font les principaux. Le premier regarde l'angle PB dans la feconde Figure, qui en vertu du XIV article doit néceffairement être obus : . or fi on faifoit la vergue aflez courte pour que le point B tombât entre les points 4 & C, on voit que cer angle de- viendroitaigu, & l’Ancre tout-à-faitimproprepour l’ancrage. II faut donc que la vergue 4 B foit plus longue que AC, + marque , pour ainfi dire , la longueur du rayon ofculateur € la courbûre ÆP que je fuppofe déterminée. Si on faifoit AB d'une longueur infinie , l'angle CP B deviendroit égal à l'angle ZCP qui eft d'environ 30 degrés ; mais je dé- montrerai ci-deffous que cet angle CPB doit être d’environ 27 degrés, & il obtient ladite grandeur, en faifant 4B neuf au dix fois plus longue que AC: mais une telle longueur , quoique la plus avantageufe à cet égard, feroit énorme, étant cinq fois plus grande que la longueur qu’on donne ordinai- rement à la vergue : il vaut donc mieux aggrandir l’angle CPB (qui n'eft que d'environ 15 degrés ) par un autre changement dans la ftruéture des Ancres , que par celuide la longueur de la vergue : mon intention n’a été jufqu'ici que de démontrer qu’on ne fçauroit faire la vergue trop longue à l'égard du premier point dont nous venons de parier. Le fecond point , fur lequel la longueur de la vergre a ue influence, regarde la facilité avec laquelle l’Ancre prend l’une des deux pofitions qui lui font naturelles, & dont j'ai parlé dans le III" article & les fuivants. Or les formules des articles IV & V , m'ont fait connoître à cet égard que plus on allonge la vergue , plus l’'Ancre prendra facilement fa pofition requife pour l’ancrage, car la raifon de HI—H\ à HI-HL dans la premiére Figure ( dont j'ai parlé au VI" article) en devient toûjours plus grande. Nous avons trouvé dans le VII" article cette raifon comme 7 à 2 pour les Ancres non fubmergées, & cette même raifon convient aufli aux Ancres fubmergées ; dont le jas eft defer, & du même poids qu'on donne aux jas de bois, tels que Tome III, Ee 218 REFLEXIONS SUR LA FIGURE 1 j'ai confeillé de faire dans le précédent article ; mais fi on faifoit la vergue d’une longueur infinie , cette raifon feroit environ comme 11 à 2, & par conféquent plus grande : cela fait voir qu'on ne fçauroit faire la vergue trop longue à l'égard de ce point, non plus qu’à l'égard du premier. En troifiéme lieu la longueur de la vergue peut faciliter Le defancrage : car lorfque la parte s’eft trop enfoncée dans le fond , le defancrage fe fait avec affez de peine , fur-tout après les tempêtes , par la raifon expofée à la fin du XIV” article ;en ce cas l’Ancre étant 4 pic, la vergue fert d’unlong levier , moyennant lequel on fait renverfer à la parte Le fable endurci qui la retient. Il eft donc enfin de la vergue comme du as: on ne fçauroit dans la théorie les faire trop longs ni l’un ni l’autre : ce qui doit les borner , confifte fimplement en ce qu’il ne faut pas augmenter le poids des Ancres fans en tirer une utilité fufï- fante, d'autant qu'en faifant leurs parties plus longues, il faut auffi les faire à proportion plus épaiffes & plus fortes , étant alors plus fujettes à fe rompre ou à fe plier. On fait au refte Les vergues cylindriques, c’eft-à-dire, d’une épaifleur égale dans toute leur longueur. Si on n’avoit égard en cela qu'aux rifques que la vergue court de fe courber ou de fe rompre par les difiérents efforts qu’elle fouffre , il eft certain qu'il faudroit donner une toute autre proportion à fes différentes épaifleurs , & nommémentles augmenter vers la croifee , & les diminuer vers le jas ; mais ces changements entraineroient d’autres inconvénients : car toute Ancre doit avoir un certain poids, & il eft indifférent pour le fuccès de l’ancrage de quelle maniére ce poids foit diftribué , pourvû que le centre de gravité ne foit ni trop près de la croifée , ni trop près du 7as : s'il eft trop près de la croifée , l’'Ancre en prend plus difficilement fa jufte pofition, & c’eft-là l’in- convénient d'augmenter les épaifleurs de la vergue vers la croifée ; & fi au contraire le centre de gravité étoit trop près du jas , la force qui fait entrer la patte dans le fond devien- droit trop petite. Je crois donc qu’on peut laïffer les vergues ET L'ESSAI DES ANCRES. Prix de17:7. 219 cylindriques telles qu'on les fait ; mais au refte il faut abfo- lument les faire auffi longues qu'il eft poflible, en confervant la même maffe ou le même poids, fans les rendre trop foibles ou trop fujettes à fe courber ; cette regle eft certaine , mais fon réfultat ne fçauroit être déterminé que par un grand nombre d’expériences. Quant enfin au bout quarré de la vergue ; on voit bien qu’on le fait quarré , & RE gros que le refte , pour empêcher davantage le jas de tourner autour du bout : maïs fi on fait le 7as de fer , comme j'ai confeillé de faire par de fortes raïfons , on foudera la vergue au jas, comme on la foude à la croifée. X X. Examinons maintenant la Croifée. Sa courbure eft ce qui fe préfente d’abord à l’efprit, & qui paroît le plus de confé- quence. Il eftvraique c’eftuneaffez petite portion de courbe, qui pourra toûjours pafler fans grande erreur pour une por- tion du cercle ofculateur , c’eft-à-dire , d’un cercle décrit du rayon P C( Hg. 2.) qui eft perpendiculaire à l'extrémité de la croifee , puifque l'angle 4 CP , qui eft la mefure de toute la courbure dé demi-croifée, n’eft que de 20 degrés. Mais - comme on doit employer une exaétitude géométrique dans toutes fes recherches , celle-ci ne fera pas hors de fa place, La principale queftion fera de fçavoir les conditions aux- quelles il faudra fatisfaire , c’eft fur quoi je fuis bien perfuadé que chacun aura une idée particuliére , & ce fera à examiner laquelle aura le plus de poids & de vraifemblance. Pour moi je me füis enfin fixé à un fimple arc de cercle; car il n'ya que cette courbe dont les parties congruent parfaitement en les appliquant l’une fur l’autre. Cette courbe donne par-là un grand avantage à la croif£e ; car en l’enfonçant davafitage, chaque partie poftérieure prend la place d’une antérieure, & ainfi le fable du fond n’eft déplacé qu’autour du bord de Ia patte. Si l'on prend toute autre courbe, il faudra qu’au moindre enfoncement chaque partie de la croifeefe fafle jour, & furmonte un nouvel obftacle , ce qui rend les enfonce- ments plus difficiles , & fait en même temps que l’Ancre fe Eeÿ 220 REFLEXIONS SUR LA FIGURE tient moins ferme dans le fable qu'elle aura élargi de tout côté. On pourra faire l’expérience de ce que je viens de dire fort facilement avecun clou courbé de maniére que les deux tangentes tirées aux extrémités faffent un angle donné : car on trouvera que fi on donne au clou une courbûre circulaires il entrera plus facilement , & tiendra enfüuite plus ferme que fi on lui avoit donné toute autre courbüre, outre que fes parties en foufiriront moins. On m'objeétera peut-être ici , &une perfonne d'autorité à qui J'ai communiqué mes penfées fur cette matiére , l’a fait, que ce raifonnement fuppofe le centre C'en repos, & que l’Ancre n’eft plus entraînée par le Vaiffeau:je réponds à cela, 1°. Que fi on vouloit confidérer le mouvement progreflif de l’Ancre,chaque degré de viteffe demanderoit une autre courbe, quoique d’une même claffe. 2°. Que la courbûre de la croifée eft indifférente jufqu'à ce ue la parte foit déja entrée dans le fond, & que dés-lors l’Ancre eft ordinairement déja afflermie, & qu'il ne s’agit plus que de l’affermir davantage. Voilà la raifon qui m'a fait choifir la courbure circulaire préférablement à une autre , & cela d'autant plus qu’elle eft fans doute la plus facile à forger. La longueur de la croifée eft relative avec celle du 7as ; plus la croifte eft courte par rapport à celle du jas, plus l'An- cre fe couchera facilement fur le 7as : il ne faut donc pas la faire longue fans néceflité, & cela d'autant moins que la croute fablonneufe & pénétrable n’eft pas fort épaiffe ;, com- me J'airapporté au X°° article ; mais aufi doit-on faire la croifee aflez longue pour que la vergue ne l'empêche pas d’enfoncer davantage, fur-tout lorfque le fond eft tel que la patte y entre avec beaucoup de facilité ; car en ce cas , elle doit entrer bien avant pour s’y tenir ferme fans labourer le fond."On peut remarquer encore , qu'en choififfant pour la croifte la courbure circulaire d’un même rayon, l’angle CPB eft proportionnel à la longueur de la croifée ; on auroit donc à cet égard un avantage en la rendant plus longue, puifque les proportions indiquées au fecond article, ne donnent à cet angle que 15 degrés, & qu'il deyroit être, comme j'ai ET L'ESSAI DES ANCRES. Prix de 1737. 21 déja marqué, de 27 degrés. Mais comme cet angle peut être augmenté d’une autre maniére , qui ne préjudicie pas aux autres points ; cette raifon ne doit pas nous engager à faire la croifte plus longue que de coutume. A mon avis, il fufira de donner à la croifte la longueur d’un arc circulaire de 60 degrés , quoïiqu’ordinairement on la fafle un peu plus longue , autant que J'ai pû juger par les Figures. Les épaiffeurs de la croif£e font diminuées vers les extré mités pour deux raifons : l'une eft que les différentes forces qui agiflent fur la ervifée , & qui pourroient Ia courber ow la rompre , font plus fenfibles fur Le milieu que fur les extré- mités : la feconde raifon eft, que l’on donne par-là aux deux branches la nature du coin, qui les fait entrer plus facile- ment dans le fond. L’angle que l'extrémité de la croifée , ou bien dela patte; doit faire avec te fond, le as y étant couché horifontalement, eft un des points effentiels : fi on donne à la croifee la figure d’un arc-de-cercle , fi on lui donne 60 degrés d'ouverture, & fi on fait Le rayon égal à la moitié de la vergue , l'angle APB devient égal à 105 degrés, & l'angle CPB à 15 degrés. Mais ils me paroiffent trop pee : leur plus avantageufe grandeur dépend du rapport des forces qui font mordre la atte dans le fond ; dont l’une provient du poids de l’Ancre, & l’autre eft la force B F qui tire l’Ancre horifontalement , & dont j'ai expliqué l’aétion dans le XIV”* article. Soit donc encore, comme dans le XV”® article, le poids abfolu de l'Ancre— 7, fon as étant de bois, j'eftime le ids de l’Ancre fous l’eau = +7. Pofons d’ailleurs, comme dans le IX. article, le centre de gravité d’une telle Ancre être à la diftance d’un tiers de la vergue depuisla croifte, & on aura la preflion que la parte exerce fur le fond de la Mer r le poids de l’Ancre , égale 22x27, ou#7. Ontrouve à peu près la même valeur de # + pour les Ancres garnies d'un jas de fer , tel que j'ai confeillé de faire dans le X VIII erticle ; parce que fi d’un cotéle as eft plus pefant fous l'eau, . E ci 22% REFLEXIONS SUR LA FIGURE le centre de gravité eft au contraire plus loin de la croifée. Voilà ce qui regarde la premiére force. Quant à la force horifontale B F ( que nous avons appel: lée P dans le XV" article) nous en avons donné un exem- ple au XVI" article ; en faifant voir qu’elle étoit égale au poids de soo livres, au cas qu'elle fût produite par un cou- tant de 6 pieds par feconde : cette force de $ 00 livres étoit à peu près égale au poids de la maïtrefle Ancre que le Vaif feau en queftion portoit : maïs il s’en faut beaucoup que la force horifontale, dont il s’agit ici, doive être eftimée fi grande : car outre que les courants font ordinairement beau- coup moins forts , ne faifant guéres au-delà de 2 ou 3 pieds par feconde , il ne faut pas confidérer ici les forces que le Vaiffeau foûtient étant déja affermi à l’Ancre , mais celles qui retardent le Vaïffeau par la manœuvre de l’ancrage, l’An- cre n'étant pas encore entrée dans le fond. On peut alors _confidérer la réfiftance de l’Ancre, qui eft égale à la force P, comme produite par le fimple frottement que l'Ancre fouf- fre , étant trainée par fa patre & fur une furface fablonneufe femblable à celle du fond de la Mer. Les expériences qu’on a faites à cet égard fur différens corps & différentes furfaces, me font eflimer ladite réfiftance égale à un tiers du poids que VAncre a fous l’eau ; ou égale à deux neuviémes du poids abfolu de l’Ancre. Sije me trompe dans cette eftime, du moins eft-il évident que je n’ai pas manqué dans l'excès : La force horifontale, égale à la même réfiftance, doit donc être pour le moins pofée égale à 7, & ainfi les deux forces en queftion , dont il s’agit d’eflimer lerapport en gros, font donc comme#7à27, c’eft-à-dire, comme 2 à 1. Cela fignifie que la patte P eft preflée par deux forces, lune exprimée par PH qui ef verticale , produite par le poids de l’Ancre, & l’autre repréfentée par P L qui eft horifontale, produite par l'action du cable , & que la premiére eft tout au plus double de la feconde. Si l’on acheve le reétangle ; la diagonale PI exprimera la forceréfultante des deux dites forces, & l'on voit ET L'ESSAI DES ANCRES. Prix de 1737. 223 que c’eft la direétion de cette diagonale que l'extrémité de la patte doit avoir , parce que de cette maniére les deux for- ces combinées enfoncent direétement la parte dans le fond. On trouve la même chofe par la méthode des plus grands & des moindres. Puifque donc PH eft double de PL , & que PI doit être une tangenteen P, il fuit que l'angle L P I eft de 63 degrés , & fon complément CP B ( car l'angle CPI eft droit ) de 27 degrés. [ Ce calcul doit être un peu changé pour les Ancres qui auroient le jas de fer , en ce qu’ellesne perdent pas tant de leur poids par la fubmerfon , de forte que la force PL en devient un peu plus grande ; on pourra donc bien faire dans ces Ancres l'angle CP B de 30 degrés. La même méthode fert aufli à déterminer l’angle que le coutre d’une charrue doit faire avec la furface des champs qu'on laboure. ] Si la force horifontale exprimée par PL, eft fuppofée plus grande par rapport à fa compagne PH, ledit angle C PB devroit être encore plus grand; cependant dela maniére qu'on fait les Ancres, il ne va guéres au-delà de 15 degrés. Il y a plufieurs maniéres de remédier à ce défaut ; mais la meilleure , à mon avis, fera de courber davantage la croifée , ou , fi l’on veut , de garnir le as dans fes extré- mités de deux piéces de bois d’une figure fphéroïdique fort applatie, en faifant pañler le jas par leurs centres. Par-là l'extrémité de la vergue B fe haufferoit, & l'angle CPB en deviendroit plus grand. Ces changemens peuvent fe faire fans le moindre préjudice pour aucune fonction des parties qui compofent l’Ancre. XXI. Je finirai cet éxamen par quelques réflexions fur le cable. Il importe beaucoup que le cable tire l’Ancre le plus horifon- talement qu’il eft poflible ; la force horifontale BF ( c’eft toujours la feconde Figure ) en devient plus grande, & la verticale B O plus petite ; l’un & l’autre point eft avantageux pour l’ancrage en vertu du XIV” article. Il faut donc, après avoir jetté l'Ancre ; filer le cable affez vitement pour empé- cher qu'il ne fe roidiffe avant que le Vaifleau foit à une 324 REFLEXIONS SUR LA FIGURE grande diffance, comme, par exemple, double de la profon- deur de la Mer qui répond à l’Ancre. Si après cela on roidit Îe cable avec une certaine force , il eft à remarquer que l’an- gle EBN ( qui eft celui que le cable fait avec le fond de la Mer ) dépend encore de cette même force à caufe du poids quele cable a fous l’eau , & qui luifait prendre {a figure d’une chaïnette convexe vers le fond , & concave vers la furface de la Mer. On pourroit croire d’abord que la courbure du cable approche fi fort de la ligne droite, & par conféquent l'angle ÉBN fi fort de celui que le cable fait avec la furface de la Mer , que les différences peuvent être négligées ; mais nous verrons le contraire , fi nous appliquons les Théore- mes du XV article à la préfente queftion, & enfuite à quelque exemple fondé fur les principes de la Navigation. Car en retenant les dénominations que nous avons faites dans ledit XV” article , nous trouverons le finus de l'angle EAH( Fig. 3.) qui eftégal à l'angle que le cable fait avec le fond horifontal de la Mer; de la maniére fuivante. Achevez le reétangle EAFH, & la diagonale 4 H marquera la force équivalente aux deux forces 4E & AF, & ainfi 2 H fera une tangente en 4 & égaleà V(4E44F), c'eft-à-dires =V(PP+ + P—p)—=Vv(PP+ —— PP— = Pp pp) —(à caufe QUE ces — 1 ) 4 — — 2 + pp}. Or AH eft à 4 F comme le finus total au finus de l'angle E AH ou E AG ; on a donc le finus de l’angle cherché sP—c EH ee pet Cet angle eft donc nul , lorfque sP—cp, & fi sP étoit plus petit que cp, j'ai déja marqué ci-deflus qu'une partie du cable fe couchera fur le fond , & l’arganeau ne laiffera pas d’être tiré horifontale- ment. Appliquons maintenant ladite formule à quelques exemples , tels qu'ils font ordinaires dans la Navigation. Soitc—2s,ceft-à-dire, que le cable fafle avec la furface de la Mer un angle de 27 degrés. Suppofons P égale à 125, livres, ET L'ESSAI DES ANCRES. Prix de1737. 925 livres, qui font le quart du poids de l’Ancre dont j'ai fait - mention dans le précédent article, & par conféquent un peu plus que 4 7. Si dans ces hypothéfes il refte au cab/e fub- mergé feulementun poids de 62 +livres, ce poids fuffira pour faire évanouir l’angle en queftion, & le cable aura une di- rection horifontale près l’arganeau. Si ledit poids étoit plus grand , une partie du cable fera traînée fur le fond de la Mer ; mais s’il n’étoit, par exemple, que de 2$ livres, il faut, pour trouver l’angle du cable avec le fond de la Mer, pofer P, = 12$5p—2$) =) & = après quoi on trou- ve le finus de l'angle EAG=0, 22825 , & par conféquent l'angle même de 13° 12”, ce qui fait connoitre que s'il ne refte au cable baigné que le poids de 25 livres, il ne fera plus avec le fond de la Mer , qu'un angle de 13° 12’, pen- dant qu'il forme avec la furface de la Mer un angle de près de 27 degrés; marque que ces deux angles font toujours bien différents ; & cela eft très-avantageux au fuccès du mowil- lare , que j'avois peine à comprendre avant ces Théoremes ; var fi le premier angle étoit aufli grand que le fecond , le cable ne manqueroit guéres , pour peu qu'il fe roidit , d’éle- ver l’arganeau & de renverfer l’Ancre. Au refte il arrivera facilement que le cable , qui porte un Ancre de $oo livres, ( tel eft celui dont nous parlons ) aït fous l’eau un poids de 20, 30, jufqu'à 100 livres ou plus , felon qu'il a beaucoup de braffes de baignées : car chaque braffe d’un tel cab/e pefe ordinairement hors de l’eau depuis 12 jufqu’a 15 livres, & je crois ge fous l’eau il pefera pour le moins une livre & demie , de forte que 42 brafles peferont déja les 62 + livres dont j'ai fait mention dans cet article. ; Après ce que nous venons de dire, nous entenidrons plus diftinétement ce qui a été dit dans le troifiéme corol!aire du XV” article, fçavoir que pour prévenir 1 élévation de V’arganeau par l’aêtion du cable , il faut que — P— p foit moindre que +7, ou bien que p foit plus grand que 7 P Tome III. Ff 226 REFLEXIONS SUR LA FIGURE — +7. Ainfi dans Pexemple que nous venons d’alléguer, il faut mettre =, P= 125, &r—500; d'oùil fuit, felon la régle, que p doit être plus grand que 62£— 100; par conféquent la valeur de p eft en ce cas toujours affez grande , puifque 62: — 100 eftunnombre négatif. Mais fi {a force P devenoit plus grande, ou fi le cable faïfoit un plus grand angle avec la furface de la Mer, il pourroit arriver que fans le poids du cable, l'arganeau ne manquât pas d’être élevé , & l’Ancre d’être renverfée fur fa croifee : car fi, par exemple, le cable coupoit la furface de la Mer fous un angle de 45 degrés, la force P demeurant la même, ontrouveroit — P—Em— 725 ; d'où nous pouvons conclure quel’Ancre fe renverfera fürement en ce cas, à moins que le poids du cable fabmergé ne foit plus grand que de 2; livres. Puifque donc le poids du cable fous l’eau eft une chofe fi utile , & quelquefois fi néceffaire au mouillage, on tâchera de rendre les cables d’une pefanteur fpécifique plus grande qu'ils ne font ordinairement, fans pourtant augmenter leur poids abfolu. Je m'imagine que cela eft facile à faire, & fans déroger à leurs autres qualités. On pourroit aufi charger le cable d’un poids de quelques quintaux, plus ou moins , fuivant la grandeur de lAncre , à la diftance de quelques braffes depuis l’'arganeau.. Il naïîtra de ceci, outre les avanta- ges déja expliqués , un autre, dont je n'ai pas encore fait mention : qui eft que le cable s’écartera par-là davantage de la ligne droite, ce que je préfume pouvoir être d'une très- grande utilité contre les coups de Mer, lefquels, par une attion trop précipitée , font quelquefois déraper l'Ancre, & quelquefois rompre le cable, comme j'ai dit à la fin du XIV article : car le cable pouvant ainfi prêter en longueur, amor- tira peu à peu, par un méchanifme fort fimple , l'effet de ces coups de Mer. Il me femble d’avoir lü quelque part une in- vention de M. Perrault, fondée fur un pareil principe , mais beaucoup plus embarraffée , & je n'ai pas entendu qu'on ait mis en exécution fes confeils, ET L'ESSAI DES ANCRES. Prix de1737. 227 On me dira peut-être FE lorfque la Mer n’eft pas bien profonde dans une rade , le cable ne fçauroit s’écarter beau- coup de la ligne droite ; maïs aufli alors Les lames ne font pas a craindre , n'étant pas fort hautes. XII. Voilà mes réfléxions fur la meilleure conftruétion des An- cres ; je n'ai pas oublié en les faifant, combien il eft facile de changer en pis dans des chofes qu’un long examen & une infinité d'expériences ont produites ; c’eft pourquoi Je n'ai rien voulu changer dans la ftruêture ordinaire des Ancres, qui ne fût fondé fur des principes fürs , tirés de la Mécha- nique & de la Navigation : j'efpere qu'on trouvera ces prin- cipes bien établis, & qu'ils ferviront aux gens de Mer, in- telligens en ces matiéres , à fuppléer ce qui pourroit man- quer dans cette Differtation, & à donner la derniére perfec- tion aux Ancres. : S'il y avoit quelque chofe qui püt me faire pancher pour une nouvelle forte d’Ancre, ou pour plus de correëtions à faire aux Ancres, ce feroit le défaut de füreté dans le fuccès du jas, deftiné à dreffer la croifée , & l’inaétion de celle des branches quiregarde en haut. IL eft‘facile d'inventer des An- cres qui n’ayent qu'une feule fituation naturelle, & pour peu qu'on y veuille penfer, on s’en imaginera plufieurs forreg plus ou moins compofées : j'en propoferai une pour exemple dans l’article fuivant. XXIIT. On pourroit faire la vergue A C\( Fig.4.) avec fon arga- neau L , comme dans les Ancres ordinaires , mais au lieu des déux branches qui compofent la croifée , il fuffira ici d'en faire une repréfentée par 4F, & en place duyas, on pour- roit mettre une fphére FBHG , dont la partie fupérieure BFG foit de bois , & l’inférieure BHG de fer. Il eft clair qu'on peut donner une telle proportion à ces parties’, que ZE fe mette toujours dans un plan vertical, & préfente fa pointe au fond , de quelque maniére que cette efpece d’Ancre foit d’abord fituée , & elle prendra ladite fituation , qui feule lui F£ Fig. 4e 228 REFLEXIONS SUR LA FIGURE eft naturelle , d’autant plus facilement que l’action du cable la remue continuellement ; & que le fond de la Meref, fuivant les obfervations de M. Marfgli , affez dur pour ne pas permettre à la fphére de s’y embourber par fon propre poids , lequel enfoncement pourroit peut-être empêcher ou retarder l’Ancre de fe mettre dans fon état d'équilibre. Il y auroit beaucoup à dire fur la nature d’une telle Ancre, & fur les poportions qu’il faudroit donner à fes parties : mais comme Îes chofes trop nouvelles font rarement écoutées pour l'exécution, à laquelle les Sçavans ont la moindre part , ce feroit un commentaire perdu. Je finirai donc ici mon Difcours, après avoir dit encore quelques mots fur la meilleure maniére d’effayer les Ancres. X XIV. J'entends par la maniére d’effayer les Ancres , celle de fca- voir tout ce qui leur arrive pendant le mouillage ;. depuis le moment qu’elles ont été jettées dans la Mer jufqu’après le défancrage. L'eau &la profondeur de la Mer empêchant de voir ce qui fe pafle au fond ; même dans les rades les moins rofondes , je crois que le meilleur expedient feroit de faire Fi des Ancres fur terre, & d’imiter parfaitement toutes les circonftances qui ont du rapport à l’ancrage : il me fem- Le , après l'examen que nous avons fait du méchanifme des Ancres , que l'exécution de cette idée ne feroit pas tout-à- fait impofhble ; & je fuis confirmé dans ce fentiment parles expériences que j'ai faites, quoique grofliérement, & que j'aicitées dans le XII”* article : voici ce qu'il faudroit obfer- ver en fuivant ce deflein. On choifira un terrein propre pour cet effet, fcavoir ho- rifontal, dont la confiftance foit d’un fable durci & conglu- tiné, ayant la furface un peu raboteufe : en un mot, on tâ- chera d’imiter le fond de la Mer, tel qu’il eft ordinairement dans les lieuxpropres au mouillage , le mieux qu’il eft poffible, en fuppléant par l’Art ce qui manquera à cet égard au ter- rein qu'on aura choifi. On examinera à part la pefanteur fpécifique du jas ; pour ET L'ESSAI DES ANCRES. Prix de 1737. 229 moi je crois qu'elle eft à peu près égale à celle de l’eau : on apprendra par-là combien le 7as eft foûtenu par l’eau de fa Mer, & on appliquera au milieu du jas , en faifant l’effai des Ancres, une force verticale qui tire le 7as en haut, & qui foit égale à + parties de la force avec laquelle le 7as eft foû- tenu par l’eau de la Mer; j'en rabats une huitiéme, à caufe que le refte de l’Ancre , qui eft de fer, perd pareillement une huitiéme de fon poids par fa fubmerfion. On pourroit , d’une maniére plus fimple, alléger le jas , & pus par-là fon effet pareil à celui qu'il a au fond de la Mer, en tirant lAncre fous un plus grand angle qu’elle ne l’eft ordinaire- ment au fond de la Mer , ce qui feroit prefque le même effet. Ces précautions feroient PE pour les Ancres qui auroient le jas de fer, mais elles font très-effentielles pour les as de bois: on n’a qu'à confronter enfemble le VII & le IX article'pour s’en convaincre, fans parler du refte. On fera d’abord coucher ancre far fa croifée, & on Ia tirera enfuite par le moyen d’un cabeftan planté à une cer- taine diftance , & fur quelque hauteur. On verra qu’étant tirée avec une certaine vitefle, elle fe dreffera d'elle-même, & on examinera avec quelle vitefle elle doit être enfuite traînée pour la faire mordre plus vitement dans le fable. On fera l'angle que la direétion du cable forme avec le fond près larganeau , depuis o jufqu’à 20 ou 2$ degrés, & on remarquera que plus cet angle eft petit, plus la patte s’en- foncera vitement. Onexaminera quelle force il faudra d’a- bord appliquer, & comment ces forces doivent enfuite être variées pour avancer la manœuvre ; mais il fufira de laug- menter jufqu’à ce que la force immédiate qui tire horifonta- lement l’Ancre foit égale à fon poids : car une Ancre quieft affez enfoncée pour pouvoir réfifter à une force direéte égale à fon poids , peut être regardée comme tenant affez ferme au fond , puifqu’elle eft capable de retenir un Vaiffeau con- tre un courant de 6 pieds par feconde , comme nous avons vüau XVI article. On remarquera en même-tems , par F£ i 230 REFL. SUR LA FIG. ET L’ESS. DES ANCR. quels degrés les vitefles de l’Ancre diminueront, après qu'elle a commencé à mordre dans lesfond, & qu’elle eft tirée avec une vîtefle uniforme. Quand l’Ancre tiendra affez ferme pour foûtenir la force tantôt nommée, on pourra imiter les coups de Mer, dont j'ai traité à la fin du XIV article. Cela fe fera, en tirant le cable brufquement & par intervalle avec beaucoup de force. Enfin , pour connoître comment fe fait le défancrage ;, on n'a qu'à tirer le cable fous une direétion fucceflivement plus verticale. J'obmets une infinité d’autres expériences & obfervations u’on pourra faire en même-tems, fi l’on effaye les Ancres + la maniére que je viens d’expofer , Re pue expériences feront également utiles pour découvrir la meilleure figure qu'il faut donner aux Ancres, & pour connoître la meilleure manœuvre qu'on doit obferver pour l’ancrage. Pour faire ces expériences & ces eflais avec plus d'utilité, on pourra con- fakrer les raifonnemens & les calculs que j'ai faits dans le corps de ce Difcours, & qui en feront, comme j'efpere, confirmés. d FIN de la Pièce quia partagé le troifiéme Prix. DISSERTATIONS LATILNES LES ANCRES; QUI REPONDENT AUX TROIS QUESTIONS propofées à ce fujet par L Académie Royale des Sciences. Piéces qui ont partagé le troifiéme des Prix de l’année 1737. Par M. le Marquis PO LE NI. — M'ONT TU M N Différtationes non inferendum ; quod [olim præftan- tiffimis fapientiffimifque Judicibus exhibeo , ut ü[dem meam fententiam aperiam. Alam itaque Differtationem emife pro Programmate pertinente ad annum 1735 » &f* tinlam verfu hoc : Hic teneat noftras anchora jacta rates. Ovidinss que ifhc fignata fuit N°. 3. Sed nunc partes ejus nonnullas mutaui ; plures adjeci : itaque vellem ilhus nullam haberi rationem , fed harum , quas nunc müto, Differtationum diflintlarum verfibus hifce : Hic teneat noftras anchora FIRMA rates. Hic teneat noftras anchora DUCTA rates. Hic teneat noftras anchora CERTA rates. Pratérea Differtatio quidem una tota pertinet ad An: chorarum Figuram : at in alterius Differtationis , de arti- ficio præftantiore anchoras ad uftrinam fabrefa- ciendi , fecunda Setlione, alia quedam ( re ita exigente) ad anchorarum Figuram pertinentia propofita funs. INihil autem per me impedit , quin ex Differtarione illa prima ; €7 Seétione hac una computetur Differtatio j f ta revcra faciundum elle videretur Judicibus [apientiffimis quorum arbirio lucubrationces meas [ubjeéas prorfus effe prudens lubenfque imtelligo. DE re sw SE SEUNE 3 d FAR TE TEE QE SE RE QE SE AKANA KA NA NL KI NKANAXANANXAKXLIX D E PRÆSTABILIORI FIGURA QU A ANCHORÆ FORMARI QUEANT, DISSERTATIO. Hic teneat noftras Anchora F IR M A rates. I NiTio Opufculi hujus licet mihi præfari, planè credere me ad doétrinam Rei Navalis perficiendam nihil aptius excogitari potuifle , quam ut ejus ftudiofi irent ordine per par- tes fingulas , unde tota conftat Nautica eadem Res. Quem- admodum enim ( utor exemplo pervulgato , fed quod facit magnoperèad propofitum illuftrandum ) perfeëta efficiuntur horologia, cm rotularum, tympanorum , cæterarumque machinularum fingula genera fabricantur artifices finguli , omnem induftriam in fuo quiqué genere ponentes ; ita dixe- rimus , Nauticam doëtrinam tum denique abfolutam numeris omnibus fore , cùm figillatim formata & perpolita membra ad unum veluti componendum corpus erunt comparata. At- que hæc quidem cogitatio & cura digniflima fuit folertià fa- pientiaâque Illuftris Academiæ Regiæ Scientiarum ; quæ non per fe modo fcientias vitæ humanæ cumprimis utiles auget , perficitque ; verùm etiam aliis tum optimam fuppeditat ra- tionem , quà illæ exornentur ; tum ad hoc idem honeftiflima Tome IL, Gg 234 DE PRÆSTABILIORI FIGURA addit incitamenta. Si qua autem funt nautica inftrumenta quorum accurata poftuletur confideratio, hæc certè Anchorx funt , ex quibus navium eft tuta atque firma ffatio tranquillo mari ; & fubfidium maximum inter fævientes tempeñtates ac procellas. Periclitari igitur juvat, fi fortè poflim operà mea qualicumque conferre quidpiam in utilitatem communem : utcumque enim cafura fit res, preclarum haud dubiè fuerit , pro parte virili elaborare in eo, quod valde commodum publicè eft , & vel ex auétoritate unà proponentium fapien- tum virorum eximium habet momentum. Differtationém autem hanc dividam in partes omnind quatuor : ac primüm experientià comite , rationeque duce evincam, bicipitem anchorarum figuram eximiam efle : agam poftea de anchorarum figurà relatà ad earumdem pondera atque ad partium earumdem proportionem : tum , expenfis anchorarum partibus aliis, principis partis , hoc eft, brachii earumdem figuram determinabo : & demum exponam, quo additamento figuram anchoræ juvari, & ut rem totam per- fici pole, exiflimem. Ante omnia vero, perfpicuitatis majo- ris gratià , Definitiones nonnullas præponam. DEFINITIONES. I. Anchora ( Ancre ) eft inftrumentum ferreum 4 BCD ( Fig. 1.) quo , partim propter pondus, partim propter acu- mina fua fixa in aliquo fundo , fiftuntur naves & retinentur. . Anchoræ autem plures funt partes : & primüm , | "II. © Virga Anchoræ ( /a V’erge ) eft ferrum Pe, in minoribus anchoris ( exceptà fuperiori patte ) teres ; at in majoribus ter- minatum faciebus quatuor , fermè planis. Cum virgâ autem (quæ ceu anchoræ princeps pars reputari debet ) anchorz partes reliquæ conjunguntur. III. Si per centra bafis & fummitatis virgæ intelligatur du&ta recta linea e P ( quemadmodum in cylindro à centro cireuli ANCHORARUM. Prix de 1737. 235 bafs ad centrum circuli fammitatis ducitur axis ) linea hxc appelletur Virgæ Axis. I V. Caput autem Virgæ ( Bout de la V’erge de PAncre ) eft fu- perior Virgæ extremitas Pu , paulo latior ad latera a X, EF, referens figuram parallelepipedi ex bafi re&tangulà. Huic ca- piti committitur Axis He de quo infra. V. Anfulæ Capitis Virgæ ( Tenons del Ancre) fant dux exiguæ veluti prominentiæ ; altera #" , altera in oppoñita facie ref pondens ipfi 7 ; Le arctè comprehenduntur intra internas partes axis lignei (de quo infrà ) impediuntque, ne idem axis fecundüm virgæ longitudinem afcendere aut defcendere queat. | VI. Anchorale ( /e Cable ) eft funis, cui anchora alligatur. VII. Foramen Anchoræ ( Trou de l Ancre ) eft ( Fig. 1.) g in virgæ capite excipiens annulum. VIII. Annulus Anchoræ ( Ÿ Arganeau, ou Organeau ) eft annu- lus E À , ex ferro craflo formatus , tranfiens per Anchoræ foramen g. Huic annulo anchorale religatur. Obtegitur au- tem annulus funiculis circumligatis, ut in annulo, L M (Fig. 2. ) ne anchorale annulo religatum , ufu affiduo trac- tioneque teratur , atque Ré I X. Brachium Anchoræ( Bras) eft ramus veluti quidam fer- reus CB, vel CD confertus & ferruminatus cum virgæ infi- mâ parte eC. ne £ ParseC, quâ cum Brachiis virga cohæret, dicatur An- chorz Nodus. : 5 X I. Pedes Anchoræ ( /es Pattes) funt craffx ferreælaminæ PIK, & DGH triangularis formæ, cum brachiorum extremitatibus Ggi 236 DE PRÆSTABILIORI FIGURA folidiffimè conjun£tæ & ferruminatæ ; aptæ ut mucronibus fuis in fundo maris figantur , eumque mordeant : atque ita in fundo fixe anchoræ hærentes fidere ab antiquis dicebantur. XII. Brachiorum extremitates B & D Mucrones Brachiorum appellentur. Fe XIII. Si concipiatur planum aliquod tranfire per virgæ axem e P ac per mucrones B & D, id planum nuncupabitur Anchoræ Planum. XIV. Sedio plani anchoræ & fuperficiei internæ brachü De fit linçea DS se : hæc nimirum ea erit , fecundèm cujus duétum formata effe anchoræ brachia CD & CB, intelligetur. Linea autem hæc dicetur Linea Brachii. S:C, HO L)1 U' M. Quoniam anchoræ brachium, dum anchora trahitut , vim tantüm efhcit parte fuà internâ e D, nullam autem vim exer- cet externà parte G 4 ; idcirco fatis erit figuræ partis internæ illius , five lineæ brachii , rationem habere. X V. Si ex mucrone D ducatur re&a DR perpendicularis ad virgæ axem e P : linea D R dicetur Sagitta Brachiü , & linea eR nuncupabitur Brachü Sagitta Verfa. ) XVI. Aures anchoræ (/es Oreilles ) dicuntur pedum anguli Z,K , &G,H. XVII. . Dentes Anchoræ dicebantur ab Antiquis Anchorx Bra- chia ; five hæc pedibus munita effent, five non : unde illud , dente renaci Anchora fandabat naves : cùm enim dicitur an- chora dente fundare navem, idem eft ac fi diceretur navem anchorà retineri. XVIII. Recurva Anchoræ pars (/a Croffe) eft pars BCD ex bra- chio utroque conftans ; quæ pars cum virgæ extremitate com- polita ; crucis figuram yeluti quandam refert. ANCHORARUM. Prix de 1734. 237 Xe Axis ligneus Anchoræ ( Effieu , ou Jouer de P'Ancre ) com- onitur ex duobus craflis afferibus ligneis , quorum alter eft (Fig. 3.) ABEF ; in quo notare oportet crenam CD , quæ capiti À F( Fig. 1.) virgæ fecundüm longitudinem pro dimi- diâ parte quadrare perfeétè debet. In eofdem præterea infe- runtur capitis virgæ Anfulæ ille duæ, quarum una eft »m. Duo hiafferes virgæ caput crenis fuis comprehendentes ita, ut plano per virgam & mucrones pedum anchoræ duéto per- pendiculares exiftant ; clavis compai, arétèque inter fe connexi , ligneum anchoræ Axem (Hg. 2.) GHIK formant. Hoc ligneo Axe fit ; ut, uno anchoræ pede direéto furfum, pes alter tendens deorfum fundo infigatur. X X. Anchora magna (Mañtrefle Ancre) ea in qualibet nave di- citur , quæ cæteras navis ejufdem anchoras pondere ac ma- gnitudine fuperat ; adhibeturque dumtaxat, ut periculum aliquod evitetur. Ab Antiquis Sacra Anchora appellabatur. XXI. Anchora fecunda, quæ aliquanto minor eft facrä anchorâ, infervit navi in ftatione retinendæ. XXII. Anchoratertia ( Ancre d'Affourche ) magnitudinis minoris quam fecunda , poftquam alia jaéta fuit, ita jacitur; ut fi prior fit ad dexteram, hæc ad finiftram fit ; atqueututriufque anchoralia , ubi navem intrant , anguium forment. XXIII. Anchora quarta, five lutuofa ( Ancre de Toue ; ou Boueufe) prioribus minor, in aliquâ à navi diftantià jacitur ; & ancho- ralis extremitate alterâ ad annulum anchorx religatä , alterâ ad ergatam , refertur, ut hujus verfatione navis trahatur ver- sùs eam partem, quà Anchorâ tenetur, X X]1 V. Funis index ( Lorin ) is eft cujus extremumunumalligatur anchoræ brachiis ( aliquando annulo) extremum verd alte- sum tenetur fuberis frufto aut levialio innatante corpore ; ut, Gil 238 DE PRÆSTABILIORI FIGURA fi anchorale ab anchorâ disjungatur , innatantis illius figni indicio anchora pollit reperiri. SCHOLIMM, Qui attributi funt quatuor illis generibus anchorarum ufus etfi plerumque ejufmodi fint ; aliquando tamen pro re nat) fit, ut ad eosufus aliud pro alio anchorarum genus adhibeatur. GREC FO "PT RTM À De variis Anchorarum , præfertim veterum , figuris difleritur : concluditurque, ratione & experien- tià oftendi, Bicipites Anchoras cæteris figurâ præftare. $. Le De Anchorarum inventione prima , & de ufüs earumdem antiquitate. ON ut Auétorum Veterum loca congererem ; fed ut N quidpiam pertinens ad judicium ferendurii de Anchoris, quibus nuncutimur, hæc fubjeci. Antiquiffimi inter profanos Auëtores, Homeri Poemata qui de Græco in Latinum verte- tunt , anchoræ verbum pluries adhibuere : ita lepimus (utar dE verfione adhibitä ab Jofua Barnes ) * Ænchorafque ejecerunt > 1as À. \ ñ , HAE & , P In alto verd in anchoris flabihamus ; &,° Neque anchoras bIlias & ejicere ; &, À Extrà verd anchoras jecerunr, Grxcum autem ME Ca. , verbum, ab Homero ad anchoram indicandam ufurpatum ve Dr eft cvs quod propriè cubile fignificaret : & tranflatè anchora D: diéta fuit cubile, quoniam inflrumentum eft , quo requiefcit navis : utcumque vero de ea voce fit, certum eff, antiquif- «4 DeNpuHa fimis illis temporibus inftrumenta aliqua , quæ jacerentur ad HE =. 147, naves ftabiliendas , fuifle in ufu. fLib.7. cap. De primo tamen ejufmodi inftrumentorum , five ancho= Di us Schfé- rarum , Inventore non cie ;ut * Jo. Schefferus , & non- rus baber, nulli alii animadyertere, f Plinius Tyrrhenis inventionem ANCHORARU M. Prix de 1727. 239 tribuit , fi veteribus editionibus ftemus ; legimus enim : ? 4 4dinacdr. Roffra adaidit Pifæus : Tyrrheni anchoram : Eupalamus eamdem Tom. Lperri. bidentem : Anacharfis harpagonas : à manus Pericles. Sed Harduinum fi fequamur , inventionem Eupalamo adtributam dicemus, cùm ille P Locum vitiofà interpunétione laborantem v plinii par:f. fe fanavifle , fcribat , modo hoc : © Roffra addidir Pifæus Tyr- Féitio ani rhenus : anchoram Eupalamus : eamdem bidentem Anacharfis : }. EE M ds harpagenas & manus Pericles. Huic autem interpunétioni fa- ° 1" + tomo cilè adfentior ; Harpagonas enim & manus uniûs generis in- ? *" frumenta efle, mihi perfuadetur , præfertim à Curtio. d Fer- 41, 4, 9: reæ ( hic fcribit ) quoque manus ( harpagonas vocant) quas ope- ribus hoflium injicerent. Ita conciliatur Plinii narratio cum © °L, 7. Edir Strabonis narratione , qui Ephorum fcripfifle narrat , Ana- 77" charfidis (ut Xylander vertit ) effe inventa fomites , ancipitem anchoram , ac rotam figuli. At Midæ inventionem anchoræ tribuifle Paufanias vide- tur ; Cujus locus ( ex Amafæi interpretatione ) eft hic: f Eam ! 1n Anicis; urbem( Ancyram) Midas Gordi filius condiderat : > ad meam RARE Jane ufque æ&tatem permanfit anchora ab eo inventa , in Jovis æde. Nolo quærere num verbumillud &59e à Paufania adhi- bitum ; quod redditur adinvenit , ambiguum fit : tamque fignificet novum rei modum excogitare , quam aliquid , puta abfconditum , reperire. Non tamen præteribo ; ita anchora- tum inventionem ad fabulofa tempora referri , cm à Mida Bacchus hofpitio fufceptus perhibeatur. Itaque haud mirum , fi Auétores diffenferint in re nimiæ antiquitatis tenebris involutâ. Ac ipfe quidem inter varios Auétores diffenfus certum eft vetuftatis inventionis indicium. Concludemus igitur , ufum anchorarum ( fortaffe ipfi Navi- gationi coæyum ) certè efle longè antiquiflimum, $. IT. De l’eterum Anchorarum marerid, Nonnulti credidere ; ex eo Homeri verfu, quiita vertitur, , OI. N 8 fi / ) lapide , d i pof da s.., ® funemque folverunt à pertufo lapide ; demonfirari pole », 77. 240 DE PRÆSTABILIORI FIGURA perantiquum anchorarum lapidearum ufum. At verfu illotes fignificatur longè diverfa : quandoquidem lapides pertufi in portubus pra palis five annuis ferreis fuere : quemadmodum an Annotatio. do€tè animadvertit * Berkelius, qui Hefychii ad citatum FU me Homeri locum verba ( rem totam conficientia ) adjicit in zantinumEdi- Latinum converfa : confueverunt in portubus perforare lapides, er cufiem ee üi[dem naute retinacula adjunganr. Steph. anno : À : . 1. LÉ94 pr 24. Sed anchoras lapideas à Veteribus fuiffe adhibitas, ex Apollonii Rhodii Argonauticis certè difcimus. Ab eo enim ( de Græco in Latinum Hoelzlino vertente ) hæc funt: vu D Hic etiam minufculum lapidem , qui pro anchora fuerat , Pr 9554 Extraëlum de confilio Typhi expofuerunt ad fontem , à Ad fontem Artacium , aliumque legerunt ; qui jujlioris effer Momenri. Et ex Stephani Byzantini opere de Urbibus infcripto , ad vo= cem Æncyron (ex laudati Berkelii interpretatione ) habemus hæc: Ancyron, Urbs Ægypti, cujus meminit Alexander Rerum Ægyptiacarum lib. x111. fra autem vocata ef}, quia ibi ex adja- cente lapidicina , anchoras lapideas , quibus utebantur , ftinde- bant. Ex Arriani autem Periplo Ponti Euxini (ut fert Stucxii © Arriani Ars interpretatio ) habentur hæc : © Ænchora quoque navis Argûs Taies as ibidem ( verba fiunt de Urbe Phafñi ) offenditur , quæ cum fit pagssso, Jerrea non mihi vi[a ef} antiqua; licet magnitudine pariter atque formé nonnihil ab anchoris noffrorum temporum differat ; tamen videtur ele recentior. Ac ulterius cujufdam lapideæ anchoræ fragmenta perverufla ibidem vifuntur , que quidem verifimilius ef? antiquifime illius anchoræ argonauticæ reliquias effe. Etex ä Deipnofoph. À Athenæo (non ° in nave Philopatoris ,ut tradidit Schefferus, ae 657, din defcriptione ejus navis Hieronis, quam Archimedes pzo8. in mare pertraxit ) difcimus ; quatuor navem Hieronis ancho- Fr il Ge yas habuiffe ligneas , ferreas oëlo. Addere autem hic poflem, ligneis anchoris inditum ad- nexumque fuifle plumbum , aut quodpiam metallum aliud : poffem, ex peregrinantium relationibus oftendere, nonnullos etiamnum populos anchoris marmoreis uti : narrare poflem, ab aliquibus corbes faxis oneratas , faccos arenâ repletos, aliaque ANCHORARUM. Prix de17;7. 11 afiaque hujufmodi gravia pro anchoris five adhibita, five adhibenda proponi. Sed non vacat perfequi hæc; quæ aut meliorum artium defeëtui, aut alicui profe&td neceflitati tri- buenda effe videntur. Satis eritcommonftravifle, temporibus quidem vetufiffimis in ufu extitifle lapideas anchoras : ve- tuftis tamen etiam temporibus ( ut vel ex uno Athenxo, & 8 E 8 2 + 400 400 7 8 + 2 + 9 | 2 À $00 500 AE 9 2 & s 3 600 600 8 10 3 TL 8 = ï 10 3 % 700 700 7 11 LE 10 3 + 800 800 9 12 325 10 +! 3 200 900 2 13 3 + = — EE 10 + 3 + 1000 1900 10 14 4 11 4 1100 À zro0 10 + 1$ 4 > 7 11 £ 4% 1200 1:00 11 15 + 4 + rave 4 + 1300 1300 IL + VER p 5 ; 1400 140 5 : ne 4 à 4 400 IL > 17 = HÉSEI à +. 3 1 1 12 s 1500 1500 11 + 17 & s 22 TE 1600 1600 12 17 à s + 12 s + 1700 1700 12 7 18 5 À 13 6 1800 1800 13 18 + 6 Ga 6 = 1900 1900 131% 19 6 + 13 à (ne 2000 2009 13 + j 20 6 + Aliam , quam duo eruditi Auétores ex Scriptoris Belgæ opere defumferunt * Tabellam C , huc quoque ex €OrUM= à pide Ta- dem ? Libris transferre non inutile duxi : cujus Tabellæ nu- #ellam C ad merorum compolitio quamvis explicata non fit, inventu er tamen facillima eft. Perfpicuum enim fit, eâ in T'abellâ, ex re de Marine. cujufcumque latitudinis navis duabus partibus quintis effci LEA sir es anchorarum longitudines ; hifce autem adhibitis tamquam Viilfeaux. sadicibus , cubos formari exhibentes anchorarum pondera. “pie 2$2 DE PRÆSTABILIORI FIGURA € : Ancho- ! : : Ancho- LE lp Lun |A || ns | tete | pe | Ps | ae .« | Anchorz. RE pondéra. | |Navis. Es at PTE porrdera. Cl Petes. | Libre. | Pollices. | Libre. || Pedes.| Pedes. | Litre. | Polices. | Libre. MU CAauEr 3 308 || 27 | 10 + |'50 rate 47 728 | m5 1405 | 14 33c8 n 64 | 5 | 482 29 TN TS 4 + 84 3a 12 1728 15 4372 712 | 44 110 6 | 696 ||73r | 12 + | 1906 “13 | SE) 140 _32 | 12 # | 2097 16 | 4976 SEA luxs ea aa] 13-5230. LT 6 216 T3 | 13 Elasrs | y | séié EM RE 262 £& 1244 || 35 | 14 27422 SNS _6$ |_314 736 | 143 | 2086 | 18 | éz6 | LUN CAN » |us72 || 37 | 14% | 3242 ns re ee 38 | 152 | 3512 | 19 | porc os sr2 10 1940. T9 5 + | 3796. ar | 845 | so: Tao | 16 |4096 | 20 | 7772 8 + 681 T1 2392 Tax | 16 3 | 4426 RFA TON ET EN 42 | 16 # | 4742 | 2x | 8576. [24 | + 1834 | 2796 DT A CSC M PAR NE TT 25 |10 1000 _44 | a7 à | sasr 22 | 9408 10 + | 1124 13 3284 45 18 5832 MTS Si navis latitudo dicatur ,erit huic refpondens anchoræ lons- gitudo Er & numerus librarum ponderis anchoræ erit u L Itaqueanchorarum pondera erunt in triplicata longitudinunr earumdem ratione : & , cùm etiam fimiles folidæ figuræ ir triplicatâ laterum homologorum ratione fint , proclive eft intelligere ; eà T'abellæ regulà adhibità, anchoras tamquanx fimiles figuras poffe confiderari. Hinc verd num præftans. enafcatur anchorarum conflitutio , proximè fequente articulo: expendemus.. n 4 Dont di ANCHORARUM. Prix de 1737. 253 IL. Quid defideretur in Regulé enaftente ex fuperivris. Articuli (1.) Tabellé € , pro Anchoris figura fimilibus, magnitudine inæqualibus , explicatur. S Int duæ , ex congeneri ferro fabrefa@æ Anchoræ( Fig. r7.) IVBCD major, & nbcd minor, figurà fimiles ; quamobrem: etiam fiet, ut earumdem pondera fint in triplicatà ratione: laterum ( puta EN, en )homologorum:., hoc eff , in eâdenx ill ratione ,quæin ipsä Tabellà C conflituitur : quamobrens anchorarum V BC D ,nb cd erunt proportiones fecundüm Tabellæ precepta;atque poterunt,.ut adeamdem fpeétantes,, confiderari. Anchorarum autem earumdem brachiorum par- tes Z SD ,z5d prorfus fimiles , ita fint foraminibus , aut cavernulis faxei. fundi maris infixæ atque inhærentes , ut à loco diverti non poflint. Nunc quærere oportet anchorarumillarum refiftentias in: fimilibus partibus ; puta in bafibus 1ET, &ier ; quibus in. partibus virgæ anchorarum. ex fuis crucibus prodeunt. Cüm. auterm nuperis temporibus in Refiffentiarum Solidorum doëri- nà , magnà cum laude , verfati fint * Mariotus, ? Varigno- * Traité du: nius , Muffchenbroexius , profecto juvabit , jam recepta de TR Solidorum Refiftentià adhibere Theoremata. Præterea verd.Parie.Ir. Dif- nonnullis utar hypothefbus, five poftulatis ;,quæfubjeci.. ‘x I. Varii effe poflunt anguli ENF',e nu dire&tionum virium : 4: Fa exempli gratià, vires /” & # ita applicatæ efle poflent., ut Sc TRUE furfum traherent ; quare fieret , ut virgarum.pondera oppo- c ins à nerentur viribus illis. Præftat tamen obfervare ,. à nobis ex-.nes Phyfcæ z 244 AE : xperimentaæ pendendas tanthm efle eas virium, trahentium pofitiones ; je. pue. s52. quibus vires trahentes confpirant cum ponderum viribus : $. Valet hxc, fi enim anchorarum refiftentias æflimare debemus ,. quid D'epage 528. gontingat cm adversùs ipfas agunt.vires utreque, eft quæ-- rendum. IL. Quamvis autem parallelepipeda E N ,e n horizontalia. on fint , neque vires /” & # ad. Des: applicatæ ;; ii, 254 DE PRÆSTABILIORI FIGURA quoniam tamen anguli V EH, neh inclinationum axium parallelepipedorum ad planum horizontale H 4, & anguli ENV, enu applicationum virium, ponuntur æquales ; idcirco etiam pono, eafdem refiftentiæ folidorum regulas poffe adhiberi , quæ adhiberentur , fi-horizontalia parallelepipeda effent, virefque trahentes ad perpendiculum applicatæ.Quod facile poffet quoque demonftrari. III. Tum vero, ut liceat confiderare folidum VIET, velniet,tamquam bafis quadratæ parallelepipedum,poftulo: hujufmodi enim figuræ proprietates collatæ cum proprieta- tibus figuræ virgæ anchoræ , in re propofità perfacile quidem reddunt ipfum poftulatum. IV. Peto etiam , ut concedatur, vires /” & #, quibus cùm naves agitantur , trahuntur virgarum extremitates !V &n, poffe reputari efle inter fe ut quadrata axium EN, en: five ut quadrata latitudinum navium ( quandoquidem, ut in pro- pofità Tabellâ videre eft, Longitudines anchorarum confi- tuuntur Latitudinibus navium proportionales. ) Porrd , fi navium motarum vires, feu quæ ex hifce fepè proficifcuntur propofitæ trahentes vires , reputentur effe proportionales ponderibus , quæ ferre queunt naves ipfx , perfpicuè inde ratio propofitarum virium agentium comperietur non folüm æquare , fed etiam excedere rationem quadratorum axium anchorarum. Causâ exempli; navis cujus carinæ longitudo pedum 110; latitudo pedum 40 , æftimatur ferre dolia 1100; navis , cujus carinæ longitudo pedum 120 ; latitudo pedum 44, æftimatur ferre dolia 1400 ( navium ipfarum pondera latis ponderibus proportionalia ferè funt ) latitudinum illa- tum quadrata exhibentur numeris 1600 & 1936 ; horum autem numerorum ratio eft minor ratione inter numeros 1100, & 1400 intercedente: atque hoc idem plurimis aliis exemplis poffet oftendi. Tuto igitur, dum propofitæ Tabellæ conftitutionem expendimus, liceat ponere;rationem virium trahentium extremitates virgarum £W, en , eamdem effe , ac eft ratio quadratorum axium ipfarum E N , er; five ratio quadratorum linearum 1T; ir, axibus ipfis proportio- ANCHORARUM. Prix de 1737. 25$ naliunm ; five ratio bafium virgarum earumdem. Propter hæc itaque jam licet ponere rationem virium Z7 »# trahentium extremitates E NV, en, eamdem efle, ac eft ratio bafium virgarum ; & licet etiam pro viribus illis bafes ipfas in con- ftantem quantitatem aliquam duétas aflumere. Ponendo hæc, ponendo inæqualium Anchorarum partes fimiles inter fe efle, & prætermittendo gravitatis confide- rationem ; erunt , causà exempli, bafium JET ,ierref- ftentiæ in eadem ratione , in quà ipfæ bafes : fed in eâdem ratione pofuimus potentias Z” & # applicatas ad NV & »: igitur refiftentiæ in eâdem ac trahentes potentiæ ratione erunt; & quod confequetur bafis ZE T refiftet nrodo eodem ac bafis ser. Quamobrem anchorarum fimilium proportio (quæ proportio in Tabellâ C fervatur ) ubi gravitas non confideretur , reétè erit inftituta : quandoquidem unius ejuf- demque refiftentiz anchoras nobis fuppeditabit. Ât gravitatis confideratio cùm prætermitti non pofit, facilè fequitur , ut, gravitatis confideratione non prætermifTà proportio illa haud reétè inftituta comperiatur. Porrd fi ponamus , virgæ £ NV pondus efle P , & ex ejus virgæ gra- vitatis centro X a: cu virgæ autemen pondus efle ? itidem pendens ex ejus gravitatis centro x ; erit momentum gravitatis trahentis virgam £ JV ad momentum gravitatis trahentis virgam e# , ut fa@tum ab E X in P ad factum ab ex in p: fed fa@tum illud multo majus eft hoc ( nam & E X major quàm e x ; & P major quam p )igitur ab vi gravitatis virga E N majoris anchoræ trahetur multo magis , quàm anchoræ minoris virga 6 n. Quapropter , gravitatis habit ratione, refiftentia illius minor refiftentià hujus planè debet réputari. Ergo , fi anchoræ , magnitudine diverfæ figurâ fimiles effent; hoc eft , anchorarum tum pondera , tum cubi longitudinum virgarum , obtinerent rationem camdem . ( quemadmodum Tabellz C numeri ferunt ) anchorx ma- jores præditæ eflent +efiflenti4 infirmiore , quam anchoræ minores : quod minimè probandum efle videtur. 256 DE PRÆSTABILIORI FIGURA $. III. Figure Anchorarum, dr vis gravitatis , habité ratione, conflituuntur recule ponderum Anchorarum. H Aud levis momenti eft ad utilem anchorarum conftitu- tionem , rationis ponderum earumdem inveftigatio. Hypo- thefes autem five poftulata , I, 11, IT, IV , quæ fuperiore in articulo regefi , hoc quoque in articulo ufui efle intelli- antur. Præterea verd animadvertere præftabit , ex poftremä Articuli ejufdem parte duo liquere fatis poffe ; quorum pri- mum ef, in ponderibus anchorarum determinandis , id fe- dulo effe curandum ,utanchoras magnitudinis cujufcumque præditas refiftentiis iifdem , aut faltem non admodum diver- fis ; habere poflimus : alterum verd eft, habendam effe ra- tionem non modà virium applicatarum , fed etiam virium gravitatis in refiftentiis iifdem æflimandis. Ut rem clariùs explicemus , fingamus ex virgæ ( Hg. 17.) ietn centro gravitatis x pendere pondus P æquale gravitati virgæ ipfus , quod pondus poni poterit = it x en, eritque gravitatis momentum =—itxenx Len ;itidemque ex cen- tro gravitatis À pendere pondus P æquans gravitatem virgæ IETN,& id pondus poterit confiitui — 1 TxEN sac erit gravitatis momentum — 1 7x EN x+EN. Oporteat autem ex datis longitudinibus en, E N,& bafis diametrois invenire majoris bafis diametrum IT. Sinten— c, EN—b, ie, [= y. Erit ergo virgæ ietn gravitatis habentis mo- mentum=—+ccee. Et (ut fert poftulatum IV fuperioris Ar- _ticuhi) pofità z pro conftanti quantitate bafes multiplicante, grit potentiæ 4 momentum = czee : ac virgæ 1 E TN mo- mentum trahentis gravitatis =+#6yy, & vis /”momen- tum = dx yy. Quoniam verd parallelepipedorum quadratæ balis funt cohærentiæ proportionales cubis diametrorum ba- fium ; erit virgæ minoris cohærentia «7, virgæ majoris erit y”, Sed ut refiftentiæ virgæ utriufque reputari point æquales, necefle ANCHORARUM. Prix de 1737. 257 recefle eft cohærentiam bafis minoris ad vires eam trahentes habere rationem eamdem ac cohærentia bafis majoris ad vi- res hanc trahentes : igitur hujufmodi conftituenda eft analo- gia:e:y::=cceeczee:+bbyy+bzy}y :unde pro- +; 328t, aa: Fig ILE De vY AE Re mo nv ea er: GMAO LS LS ro à nat LL à TTL La sagas ch ; RTL à {a Ê Se SR mLE } { 4 Fs4e A: As mn 4h tu? S Ha ! EU = < : PHECE QUI A REMPORTÉ LE PRIX DE L'A CADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, en l'Année 1736. Par M. JEAN BERNOULLI, Doiteur en Droit. Tome III. A A) nil per “ £ RECHERCHES PATYSTQU'E'S ET GEOMETRIQUES Sur La Queftion : COMMENT SE FAIT LA PROPAGATION DE LA LUMIERE, Propofée par l'Académie Royale des Sciences pour le Sujet du Prix de l'Année 1736. ta code .. Hunc labor æquus Provehit , & pulchro reddit fua dona labori. Juvenal. Sat. XVI. uv. $6. I. 4 E ne trouve pas qu’il foit néceffaire de faire un A 5 A long préambule fur ce qu’on doit entendre ici par MES Propagation, on le verra affez dans la fuite de ce petit tee. Je me contente d’attacher une idée Fe ÿ 4 RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES au terme de Lumiére , puifque ce terme eft équivoque , & que fouvent, même parmi les Philofophes, on entend, en par- lant de la Lumiére , tantôtune chofe , tantôt une autre. EX | Le mot de Lumiére fe prend donc en différentes fignifi- cations; quelquefois on entend par ce terme, la fenfation ou la perception qui s’excite en nous, lorfque les corps ou les objets que l’on nomme vifibles , par les rayons qui paroiffent en émaner , frappent les organes de la vûe , & que de-là il réfulte dans notre ame ce qu'on appelle voir ou fentir la lumiére. En d’autres occafons on prend la lumiére pour ce qui eft dans les corps lumineux eux-mêmes qui les rend vifibles. Quel- quefois aufli on veut que la lumiére foit une je ne fçais quelle vertu émanante qui fort du corps lumineux, quife répand fur les corps opaques , & qui les éclaire. Certains Philofophes anciens ont donné à cette prétendue vertu le nom d’E/péces in- corporelles, (SPECIESVEL IMAGINES RERUMVISIBILIUM) Les Phyficiens d'aujourd'hui nomment fouvent ce qui pa- roît émaner du corps lumineux le véhicule de la lumiére , (7EHICULUM LUMINIS,) par lequel ils n’entendent autre chofe que les rayons qui tranfportent la lumiére fur les ob- jets éloignés. : III. C’eft en particulier dans cette fignification que le fujet en queftion doit être traité : car on veut fçavoir comment fe fait la propagation de la lumiére , c’eft-à-dire, de quelle maniére les rayons, ce véhicule de la lumiére, fe portent au loin, & font appercevoir le corps lumineux dont les rayons partant fe tranfportent à des diftances immenfes, telles que font celles qui font entre la Terre & le Soleil , ou les autres Aftres. IV. Entre les corps diftans ou éloignés les uns des autres, il n’y a point d'autre communication que celle qui fe fait Y ar le mouvement de quelque matiére qui va de lun à l'autre. C’eft là la feule idée claire qu’on peut avoir d'une telle SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE. $ communication. Auf les Philofophes de bon goût , dès qu'ils ont remarqué que lAimant , par exemple, agit fur le Fer éloigné, ont-ils conclu qu'il y avoit des effluves qui fortoient de l’Aimant , & qui faifoient cet effet. Mais tout mouvement & toute matiére ne font pas capables de produire toutes fortes d'effets. Ceux qui font prompts, qui font violens , qui font fubits, demandent fans doute une ma- tiére extrêmement fubtile , & un mouvement tout-à-fait ex- traordinaire qui les puiflent produire ; comme font, par exemple, les explofions & les effervefcences de certaines li- queurs chymiques , l’inflammation de la Poudre à canon, l'éclat & la force pénétrante de la Foudre. VI. Tous ces mouvemens cependant ne font rien en compa- raifon de l’étonnante rapidité avec laquelle la lumiére fe tranfporte , puifque , fuivant le calcul de M. Huygens fondé fur l’obfervation de M. Romer , elle n’emploie que 11 mi- nutes de tems pour faire le chemin depuis le Soleil jufqu’à nous. M. Newton ne lui donne même que 7 à 8 minutes pour parcourir cette vafte étendue qui contient plus d’onze mille diametres de la Terre. VII. Il faudra donc trouver une force mouvante convenable à effeêtuer cette prodigieufe viteffe , qui puifle tranfmettre dans une feule minute plus de mille diametres de la Terre, dont la rapidité par conféquent foit 6 à 700000 fois plus grande que celle du fon ; qui, quoique bien prompte par rapport à nos fens, ne parcourt que 180 toifes dans une feconde , ou près de 1 1000 toifes dans une minute horaire. VIII. | Cependant il ne faut pas trouver étrange que dans la Nature il y ait réellement de la matiére agitée ou douée d’une fi énorme vitefle; car ceux qui connoiffent familié- rement les propriétés de la force mouvante , qui n’eft autre chofe qu’une preflion appliquée continuellement pendant un À i 6 RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES tems, grand ou petit, à mouvoir quelque corps, compren- nent fort bien que la force mouvante d’une mefure déter- minée , quelque médiocre qu’elle foit , eft capable d'imprimer tel degré de force accélératrice que l'on voudra à un corps fur lequel feul elle agit, pourvû que ce corps , qui doitre- cevoir toute l'impreflion de la force mouvante , foit d'une maffe aflez petite. , IX. 4 Pour en être mieux inftruit, il n'y a qu'à confidérer que la force mouvante abfolue eft en raifon compofée de la maffe du corps, & de la force accélératrice qu’elle lui imprimera ; cela veut dire, qu'en nommant f la force mouvante, » la male , & 4 la force accélératrice , on aura fm 4. D'où il fuit qu’en diminuant », on augmentera 4 en mê- me raifon , ou bien qu’on peut faire f—ma—" mxna; n ainfi la force accélératrice 4, que la force mouvante f im- prime à la maffe "”, fera multipliée »# fois , fi elle n'agit que fur la mañle diminuée :2 m. ñn | XI. Suppofons , par exemple , un reffort bandé, appuyé d'un côté contre un obftacle fixe, & de l’autre contre un corps mobile m ; foit la force mouvante de ce reflort, quand il fe débande variable ou invariable —p, la viteffle qu'il aura communiquée au corps m— v, après s'être dilaté par un efpace=— x ; on fçait, par le principe général de la Dyna- mique, que lon aura?%*—vdu, & partant © /p dx m =—=v%v. Donc un autre reflort femblable & égal au pre: mier, & bandé également, mais qui déploie fa force p fur un autre corps A7 différent du premier m, quand il fe fera débandé pat la même étendue x, on aura pour la détermi- nation de la viteffe , que je nomme », cette autre équation z ù C ‘ . . ARE | 2 —SpAr = 09 ; ce qui fait voir quevv.Huii SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE # :: M.m, d'où on infere que les quarrés des vitefles font en raifon réciproque des mafles ; on peut aufli tirer cette vérité de la démonftration que donne M. Newton dans fes Principes de la Philofophie naturelle, Propof: 39. Liv. 1. Cela étant, il eft clair que la moindre force mouvante p peur exciter dans un corps + une aufli grande vitefle que l’on voudra, pourvû que l’on donne à ce corps une mafle m affez petite : car en le prenant infiniment petit, il acquerra une viteffe infiniment grande. ï XII. On voit bien à quoi cela aboutit, pour démontrer que quelque exceflive que foit la rapidité de la lumiére , qu’on cft obligé de fuppofer en admettant lobfervation de M. Romer; il n’y a rien là qui paroiffe impoffible ou incroyable. Il faudra examiner feulement s’il n’y a pas, ou s'il ne peut pas yavoir une force univerfelle répandue par tout FUni- vers ; qui fafle un effort continuel de fe dilater en tout fens, & qui fe dilate effe@ivement dès qu’en quelque endroit la réfiftance qui la retient en équilibre vient à être ôtée ou diminuée. . XHIIE Nous en voyons au moins un exemple dans l'air de notre Atmofphere , dont les parties font comprimées les unes par les autres , & s'empêchent mutuellement de fe dilater, comme elles le feroient en vertu de leur élaflicité, fi par quelque ac- cident il arrivoit que la preflion d'un côté devint plus ou moins forte que la contrepreflion oppofée. - S'ileft permis à Mr: les Newtoniens de fuppofer une âttra@tion univerfelle-des corps les uns vers les autres , quoi- qu'ils n'en puiffent alléguer aucune caufe phyfique compré- henfible; à plus forte raifon nous fera-t-il permis de fuppofer une force dilatatrice qui fe trouve dans une matiére très- fabtile , qui remplit les vaftes efpaces du Monde, & dans laquelle les autres corps font ifolés comme des iflots flottans dans FOcéan. g RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES X V. Ce principe de dilatation fera d’autant plus admiffible que lon peut au moins en avoir une idée claire, & rendre quel- que raifon phyfique d'une telle force qui tend à écarter les corps qui l'environnent. Pour qu’une matiére fe dilate , il faut qu’elle faffe impulfon fur les corps contigus qui lenviron- nent immédiatement; y a-t-il rien de plus intelligible que la produétion du mouvement par impulfion ? XVI. Ileft vrai que le principe de dilatation peut faire de la pei- ne : car eft-il naturel ou effentiel à la matiére ? Point du tout, on conçoit la matiére fans y comprendre la vertu de fe dila- ter néceffairement. Il faut donc une matiére univerfelle qui foit élaftique ; mais ce reflort, cette force élaftique d’où lui vient -elle, puifque la matiére en tant que telle ne deman- de point cette vertu, pouvant exifter fans être élaftique ?- XVII. Mrs. Huygens & Newton, en traitant de la propagation de la lumiére, ont fuppofé que lécher, comme le véhicule de la lumiére, eft aétuellement élaftique par lui-même; ils l'ont fuppofé fimplement , fans en indiquer aucune raifon phy- fique, le premier ayant attribuéun reflort parfait à chacun des petits globules qui, felon lui, compofent l’éther; & l’autre voulant que l’éther foit un milieu très-uniforme , très-fubtil , & également dilatatif dans toutes fes parties, & même dans tous fes points, XVIII. Quant à nous, nous admettons/l’élafticité de l’éther, mais nous l’expliquerons phyfiquement; fans cela, nous tombe- rions avec ces deux grands hommes dans le défaut de vouloir expliquer une chofe obfcure , par la fuppofition d’une autre également, ou encore plus obfcure. XIX. Pour éviter ce reproche, j'ai recours à la propriété connue & fort intelligible de la force centrifuge qu'ont naturellement les corps qui circulent autour d’un point, c’eft la M ou effort SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE. 9 l'effort qu'ils acquiérent de s'éloigner du centre de ce mou- vement provenant de la loi générale, que tout corps en mouvement tend conftamment à fuivre en droite ligne la direétion où il fe trouve à chaque moment. X X. Or je ne trouve rien de plus propre pour mon deffeinque les petits tourbillons du P. Malebranche ; je conçois donc avec évidence, qu'il eft poffible, & même probable , que la matiére de l’éther eft un fluide compofé originairement d'une infinité de petits tourbillons, mais fi petits qu'ils peuvent pañfer très-librement par les pores les plus étroits des autres corps fluides ou folides. XXI. : 1" à Aïnfi chacun de ces petits tourbillons fait un effort conti- nuel de fe dilater par la force centrifuge de fes parties circu- lantes autour de fon centre, & fe dilate aétuellement dès qu'il arrive que par quelque accident, les autres tourbillons dont il eft environné, foient chaflés ou pouffés ailleurs. Ce que je dis d’un feul petit tourbillon doit être entendu d’un volume ou d’un amas qui contient une infinité de ces tourbillons qui fe contiennent dans leurs bornes , par cela feul qu'ils font réprimés , & tenus en équilibre par tous ceux qui touchent tout à l’entour ce volume, fans quoïiil s’étendroit dans le moment du côté où il t'ouveroit une moindre force pour réfifter que pour s'étendre, de même que nous voyons que l’air renfermé dans un récipient , & plus condenfé que l'extérieur, s’en échappe avec impétuofité dès qu’on lui fait quelque ouverture. XXII. Ce n'eft pas que je prétende que l'air ; non plus que d’autres corps terreftres élaftiques tirent l’origine de leur reffort de l’aétion de ces petits tourbillons, puifque ceux-ci à caufe de leur infinie petiteffe , trouveroient les pores, dans les corps grofliers, trop ouverts pour fe laiffer comprimer. C'eft peut-être la raifon qui a déterminé M. Bernoulli à donner dans fon Difcours du Mouvement , une autre caufe Tome III. B 10 RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES phyfique , par laquelle il explique le reflort des corps terref- tres , prife aufli de la force centrifuge de certaines particules qui voltigent autour d’un centre , mais qui pour être trop grofs fes ne peuvent pas s'échapper par les pores. Revenons à nos petits tourbillons : on doit les fuppofer d’une petitefle au de-là de tout ce qu'on peut imaginer de plus fubuil : car par-là on augmente leur force de fe dilater autant que l’on veut jufqu’à l'infini ; fuppofé même que la vitefle atuelle de leur circulation ne für que très-médiocre; étant conftant que la force centrifuge des corps qui tournent en rond avec une viteffe donnée , eft en raifon inverfe du dia- metre, ou de la circonférence qu’ils décrivent, enforte que diminuant à l'infini cette circonférence, on augmentera autant la force centrifuge. XXI V. Je me figure préfentement, que tout cet amas de petits tourbillons. qui remplit les vaftes efpaces du Monde, eft parfemé de corpufcules très-fubtils , durs ou folides, laiffant entre eux des intervalles , fi vous voulez , mille fois plus longs que le diametre d’un de ces corpufcules , je n’en dé- termine pas la longueur , il fuffit que je conçoive très-clai rement que chaque ligne droite tirée d’un point à lautre, enfilera une infinité de ces petits corpufcules, dont je puis fuppofer les intervalles à peu près égaux , puifque les cor pufcules font uniformément difperfés parmi les petits tour: billons , quoique les corpufcules eux-mêmes puifent être de différente grandeur. XX V. Ces corpufcules demeureront tous en repos, les plus & les moins grands, comme le hazard les a placés , étant égale- ment preflés de tout côté par les tourbillons qui les envi- ronnent ; mais dès qu’uné force nouvelle furvient d’un côté, qui pouffe ou chafle un de ces corpufcules de fa place fuivant une certaine direétion, l'équilibre ne pourra plus fe foûtenir , puifqu'il eft clair que les petits tourbillons fitués entre le SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE. 11 corpufcule pouflé & le plus voifin fur la même ligne de dire&tion, feront comprimés en forme de reflort , & pouffe- ront par conféquent aufli ce fecond corpufcule, enfuite le troifiéme , le quatriéme , &c. jufqu’à un grand nombre, avant que la compreflion foit entiérement achevée, ce qui étant fait , les tourbillons en fe reftituant fur le champ, re- poufferont lesicorpufcules, & même au de-là de leur centre de repos , prefque autant qu'ils s'en étoient écartés de l’autre côté, d’où ils feront chaflés & rechaflés une feconde fois, & ainfi de fuite , faifant un grand nombre de réciprocations en forme d’ofcillations ou de vibrations ; mais très-petites & très-promptes. XX VI. Si je conçois maintenant que les corps qui font originai= rement lumineux, tels que le Soleil, les étoiles , la flamme , les charbons ardens , &c. ne font , ou ne contiennent autre chofe qu’une infinité de particules folides , agitées en tous fens avec beaucoup de violence , qui frappent fans ceffe con- tre lécher élaftique , fous lequel le corps qu’on nomme 4mi- neux ; eft enveloppé, je veux dire contre cette matiére com- pofée de petits tourbillons, avec de petits corpufcules entre- mêlés , quienvironne immédiatement les corps lumineux; je vois clairement que chaque point phyfique de la furface de ce corps doit être capable d'exciter une infinité de rayons; fçavoir, autant qu'il y a de lignes droites tirées de ce point * comme d’un centre vers la furface d’une fphere. XX VII. Car chacune de ces lignes droites remplie de petits tour- billons , & chargée de petits corpufcules de diflance en di- fance , doit recevoir par le point lumineux un ébranlement violent qui condenfe les premiers tourbillons voifins ; & ceux-ci condenfés , chaffent les corpufcules de leur centre d'équilibre , ce qui produit , ainfi que nous l'avons expliqué, des vibrations tout le long de chaque ligne droite qui part du point lumineux. RE | Bi 12 RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMFTRIQUES ésfih XXVIII Il n’eft pas néceffaire de déterminer la longueur de ces lignes droites depuis l’origine jufqu’à la fin de la premiére compreflion : cela dépend de la groffeur des corpufcules de l'intervalle, ou de la file des petits tourbillons entre les cor- pufcules, & de plufeurs autres circonftances qu'il feroit difficile de connoître. Il fuffit que je fafle voir qu'il fau- dra toûjours un même tems à la lumiére pour parcourir une grande diftance donnée , quelque longueur qu'on veuille attribuer à chacune de ces lignes droites, que je nommerai deformais fibres lumineufes , enforte qu'un rayon de lumiére eft une fuite ou une chaîne compofée d’un grand nombre de fibres lumineufes mifes bout à bout fur une longueligne droi- te , au moins pendant que la lumiére s'étend dans un milieu uniforme. XXIX. C'eft déja un grand avantage que cette méthode d’expli- quer la propagation de la lumiére, montre d'abord la raifon phyfique pourquoi elle fe fait en ligne droite dans un milieu de confiftance uniforme. M. Huygens ne pouvant démontrer cette propriété par fa Méthode des Ondes ; quoique d’ailleurs très-ingénieufe, fe contente de faire remarquer que la lumiére doit fe faire fentir le plus fenfiblement füuivant la direétion de la ligne qui coupe perpendiculairement toutes fes ondes; mais s'enfuit -1l pour cela qu'on n’en fentira pas le moindre effet , dès que la direétion devient tant foit peu oblique ? Pourquoi, par exemple , les rayons du Soleil en- trant par un petit trou dans une chambre obfcure, font-ils voir fon image fi bien terminée & fi direétement oppofée, fans qu'aucune trace de quelque foible lueur paroiffe autoux de l’image qui eft précifément la bafe d’un cone, dont le fommet eft dans le centre du trou, & oppofé en même tems à l’autre cone, qui a pour bafe le difque du Soleil lui-même , felon les régles de l’Optique ordinaire ? On ne doit pas m'objeéter la petite penombre qu’on obferve à la circonférence de l'image : car cette penombre eft en dedans SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE. 13 de la circonférence , & n’exifteroit nullement, fi le Soleil n’é- toit qu’un feul point lumineux. XX X. 11 femble du moins que la nature de la lumiére devroit imi- ter en quelque façon celle du fon qui, comme nous verrons bien-tôt, a beaucoup d'affinité ou d’analogie avec la lumiére par rapport à leur produétion & leur progrès. Or l’expérience montre affez que le fon fe fait entendre non-feulementen ligne droite depuis fon origine; mais aufli quoique plus foi- blement , en procédant par des obliquités & des détours , ce que les rayons de lumiére ne font nullement , à moins qu’ils ne foient réfléchis à la rencontre d'un corps opaque , ou rom- pus, en paffant par une matiére tranfparente de différente den- fité , continuant d’ailleurs toûjours leur cours en ligne droite auffi long-tems qu’ils font dans un milieu uniforme. e XXXI. En faifant attention à la conftitution des corpufcules foli- des entremêlés dans tout l’amas des petits tourbillons, qui nous viendra dans la fuite fous le nom d’Ether élaflique ; nous trou- verons très;probable que ces corpufcules font de différente groffeur , (és entr’eux confufément & fans ordre ;: pendant qu'ils font encore en repos: nous ferons même obligés de fuppofer les plus gros corpufcules d’une petitefle extraordi- naire ; pour les concevoir capables de recevoir par la force agitative de l’éther élaftique une accélération fufhifante pour produire cette prodigieufe rapidité avec laquelle la lumiére “parcourt des diftances immenfes. Il n’y a rien là qui choque la raïfon; la divifibilité à l’in- fini dela matiére permet de donner à nos corpufcules telle fubtilité que nous jugerons convenable à notre deffein, Mrs. Huygens & Newton ayant fait la même fuppolition dans leurs fyftêmes. XXXII. Confidérons préfentement ce qui fe fera, lorfque la ma- tiére, dont l'agitation violente eft la fource de la lumiére , ou lorfqu'un point feulement de l'objet lumineux vient à B ii 14 RECHERCHES PHyYsiQUES ET GEOMETRIQUES frapperfubitement l’étherélaftique , & à le repouffer tout à la ronde comme du centre vers la circonférence ; nous voyons que du premier coup l’éther repouflé fe condenfera à la ren- contre & par l'oppolition des corpufcules les plus proches lefquels par conféquent feront chaflés dans le moment de leurs places, ce qui ne fe peut faire fans qu'ils condenfent l'éther contenu dansles fecondsintervalles , & que par-làfoient mis en mouvement les feconds corpufcules ;, enfuite les troifiémes, les quatriémes , &c. jufqu’aux derniers, quine cederont plus fenfi- blement de leur place, parce que l’impétuofité du choc s’ab- forbe enfin après la compreflion parvenue à un-certain dégré, XXXIIL : | Aïnfivoilà une infinité de fibres lumineufes reêtilignes , “lefquelles excitées par l'ébranlement d'un point phyfique fur la furface du corps Emile partent de ce point, & tendent comme du centre vers la circonférence. Cependant quoique les corpufcules nagent dans l’éther pêle-mêle , les plus gros avec ceux qui le font moins, avant qu'ils foient agités par la matiére, de la lumiëre ; il: faut pourtant être perfuadé que quand l'agitation farvient, les corpufcules fe fépareront & fe rangeront de telle’maniére , que toutes les fibres foient _compofées de corpufcules égaux; les unes, de ceux quifont d’une telle ou telle groffeur ; d’autres fibres qui font com- pofées d’autres corpufcules égaux, d’autresencore compofées de corpufcules égaux d'un autre genre de groffeur, & ainf pour toutes les efpéces de fibres. Enfin cela dépend du‘ha- zard : felon qu’une certaine fibre qui fe produit a fon premier corpufcule , qui ef le plus proche du point lumineux , d’une certaine groffeur, cela futhit pour faire que tous les corpuf- -cules de la même groffeur , qui fe trouvent entre les deux extrémités de la fibre ; y. demeurent & commencent à ‘par- ticiper à l'agitation du premier corpufcule; les autres ; plus ou moins gros , n'ayant pas la difpofition de fuivre avec la -même facilité l’ébranlementprimitif, feront expulfés de côté & d’autre de la fibre, pour aller fe ranger parmi leurs fembla- bles en d’autres fibres quileur conviennent. SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE. 15! Ces fortes de mouvemens communicatifs dans les corps d’une même difpofition au mouvement , font quelque chofe de fort ordinaire à la Nature; nous voyons ; par exemple, que plufeurs cordes de Mufique ;, tendues tout près les unes des autres, dont quelques-unes font mifes à l’uniffon ; nous voyons , dis-je, qu'une de ces derniéres étant pincée , fera trémouffer fenfiblement toutes cellés qui font tendues fur le même ton, & laiflera en repos toutes les autres, quoique les plus proches , qui font tendues fur des tons différents ;; fi ce n’eft l’oftave & la quinte, qui recevront aufli quelque petite impreflion fenfible ; mais en général les cordes qui donnent des tons fort-diffonants ne font aucune: impreffion! les mi. les autres, lorfqu’elles font touchées ou pincées fucceflivement. La raifon de tout cela eft fans doute la con- formité ou la difformité de difpofition au mouvement’, la- quelle fait que l'air ébranlé par la corde pincée communique aifément le même trémouflement aux unes qui font difpofées à le recevoir, & n’en communique rien à celles quin'y font pas difpofées. XX XI V. La réflexion que je viens de faire fur la diverfité des fibres lumineufes, me donnera occafon de parler des différentes couleurs des rayons que l'on y remarque, lorfqu'ils fe féparent par la réfraétion ou pafla réflexion , & d'entrer par-la dans la difcuffion de l'ingénieux fyftême fur l’origine des couleurs, donné par M. Newton dans fon Optique. Ce célebre Auteur attribue auffi la diverfité des couleurs à la différente groffeur des petits corpufcules folides ; mais il prétend que ces cor- pufcules viennent du corps lumineux lui-même, & en par- tent par un mouvement de tranfport très-rapide depuis la fource de la lumiére jufqu’aux objets qui la reçoivent : au lieu que , felon ma Théorie , ces corpufcules capables de faire fentir la lumiére , fe trouvent par-tout difperfés dans léther élaftique , & que fans fortir loin de leur centre de repos, ils forment une infinité de fibres lumineufes autour de chaque point fur la furface du corps lumineux. Je ferai voit comment 16 RECHERCHES PHYSIQUES ET G£EOMETRIQUES chacune de ces fibres une fois formée fe multiplie & s'étend toûjours en ligne droite à des diftances énormes avec une ex- ceflive rapidité. Ces fibres ainfi répétées & multipliées, chacu- ne fuivant fa premiére direétion , feront ce qu'on nomme les rayons de la lumiére , dans l’extenfion defquels confifte fa propagation. XXX V. IL faut donc confidérer de plus près la génération ; la nature, l'aétion & d'autres fymptomes de nos fibres lumi- neufes. Nous avons déja; vä de quelle maniére l’étherélaftique ou les petits tourbillons comprimés ou condenfés par l'im- pulfion d'un point -du corps lumineux, chafle de fa place le premier corpufcule d’une fibre, celui-ci chafle le fecond par la compreflion de l’éther interjetté , le fecond chafle le troi- fiéme , & ainfi de fuite jufqu’à l'extrémité de la fibre , où la condenfation de la matiére éthérée étant parvenue à fon plus haut degré, ne prend plus d'augmentation fenfible, & commence par conféquent à fe reftituer, en repouffant les corpufcules en fens contraire jufques par de-là leur centre de repos, d'où ils rebroufferont , & feront ainfi des allées & des revenues en forme d'ofcillations très-promptes, que j'appellerai vibrations longitudinales ; parce qu'elles fe font fui- vant la longueur & dans la direétion même de la fibre, au lieu qu’une corde tendue, lorfqu'élle eft tirée un peu hors de fa fituation reëtiligne, & puis lâchée fubitement ; fait des vibrations /atitudinales en direétion perpendiculaire à la fitua- tion naturelle de la corde. XXXVI. rl Je prouverai deux chofes ; 1°, Que chaque fibre lumi- neufe étant en agitation forte ou foible, fait fes vibrations longitudinales en tems égaux, c'eft-à-dire , qu’elles feront Taurochrones ; tout comme on a prouvé ce tautochronifme dans les vibrations latitudinales des cordes de mufique ten- dues. 2°. Que les fibres lumineufes multipliées &: mifes bout à bout fur une ligne droite depuis l'origine de la lumiére jufqu'à une telle diftançe que l'on voudra ; où la lumiére puifle SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE. 17 puife être portée, fe communiqueront leurs vibrations en tems égaux par égales diftances ; je veux dire que la lumiére parcourt des efpaces proportionnels aux tem » fuppofé que la propagation fe fafle toûjours dans un milieu uniforme. Pour cette fin , je démontre une propofition générale après ces deux définitions. XXXVII. DÉFINITION I. J’appelle centre d'équilibre forcé, le point où un corps placé entre deux refforts bandés, lefquels font un effort égal pour fe dilater en direétions oppolées , eft par cela même retenu en équilibre, étant follicité ou preflé de part & d’autre par deux forces égales & oppofées. Dérinirion Il. Le centre d'équilibre oifif eft le point où un corps fe trouve entre deux refforts lâches ou débandés , en forte qu’il demeure en équilibre ou plûtôt en repos , par cela feul qu’il n'eft point preflé ni d'un côté ni de l’autre, XX XVIII. PROPOSITION GÉNÉRALE. Un corps mis danseun centre d'équilibre forcé, s’il en ef} dé- placé par quelque caufe que ce [oit, jufqu'a un petit intervalle dans la direction des deux refforts ou forces motrices oppofées , il retournera [ur [es pas, © fera des vibrations en tems égaux en forme d’ofcillations tautochrones. DÉMONSTRATION. Soit le corps mobile P fur la droite MAN entre deux reflorts ou deux forces .motrices contraires quelconques, mais égales, repréfentées par P M & BEN, comme fi c'étoit, par exemple, deux reflorts bandés égale- ment ; l'un appuyé contre le point fixe M, & l’autre contre le point fixe ÆV, le premier faifant effort pour pouffer le corps P vers V, & l’autre pour le poufler vers M. Soit exprimée chacune de ces deux forces par la perpendiculaire PB; voilà donc le corps P dans fon centre d'équilibre forcé, Soit maintenant la courbe D B F, dont les ordonnées GL, gl, marquent les forces motrices du reflort P NV, lorfqu'il Tome III. SIT Fig. rt. 13 RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES s’eft dilaté jufqu'en G , ou refferré eng ; foir aufli la courbe ABC, dont les ordonnées G E , ge, expriment les forces motrices de l’autre reflort oppofé P M, lorfqu'il fe refferre en G, ou fe dilate eng. D'abord il eft clair qu’au centre d'équilibre forcé P Pappli- quée PB fera commune aux deux courbes DBF, ABC, & paffera par leur interfeétion B, parce que le corps P y eft également preflé, mais en fens contraires PN& P M. Mais le corps P venant à être délogé de P pour fe tranfporter ; par exemple, en G, le reffort P NV fe dilatera en NG, & ne gardera que la force G L , avec laquelle il tâche de le pouffer plus loin vers A, pendant que l’autre reflort P M, refferré en G M, acquiert une plus grande force G E , avec laquelle il repoufle le corps vers W; c’eft donc avec l'excès EL, dont la force G E furpafñle la force G L , que le corps en G eft pouffé ou follicité vers le centre P. Or, pendant que l'éloignement P G ef affez petit, le triangle mixte E BL peut pañler pour un triangle reétiligne; donc E L eft à PG pour tous les autres éloignemens en raifon conftante, c'eft- a-dire, les forces motrices ou accélératrices, ( car c’eft la même chofe où il n’y a qu'un corps à confidérer, ) font proportionnelles aux diftances du centre. Il en eft de même; lorfque le corps P eft tranfporté de l’autre côté en g : donc felon la propriété connue de ces forces, le corps P fera des vibrations tautochrones pour des excurfions égales ou iné- ales. C. 0.F. D. . £ XXXIX. CoroLLalRE. De-là il paroît que les trémouffemens d’un corps élaftique , quand il eft dans un état de eompreflion, & par conféquent chacune de fes petites particules dans fon centre d'équilibre forcé , pendant que le corps & toutes fes parties font en repos, les trémouflemens, dis-je, feront tau- tochrones, lorfque ce corps vient à être frappé ,ou violem- ment ébranlé. X EL. ScHoLie. Il faut remarquer que l'équilibre forcé eft SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE, 19 abfolument nécefaire, pour que les trémouflemens , grands ou petits, foient tautochrones. Car quand les petites parties , étant en repos, ne font pas preflées par les deux côtés op- pofés, ou, ce qui revient au même , quand elles font fim- plement dans un équilibre oifif, alors le tautochronifme du trémouflement ou des petites vibrations n’aura plus lieu. X LT Pour m'expliquer plus clairement : foit A P un reflort unique fixé en M & libre en P, en forte qu'il foit entiére- ment débandé, lorfqu'il eft dans fon état naturel. Soit 4 E P la courbe des forces motrices de ce reflort, dont les appli- quées G E marquent fa force dilatative , lorfque de l’efpace M P il eft reflerré dans un moindre MG. Soit aufli P EC la courbe des forces contraëtives , dont les appliquées ge expriment les forces avec lefquelles le reffort cherche à fe raccourcir, lorfque de fon état naturel M P , il vient à être étendu par un efpace plus long Ag. Nous fçavons que la Nature n’opere jamais fes changemens que par degrés infi- niment petits; donc le reflort 41 P réduit en MG, où il ala force GE , ne perdra pas brufquement toute fa force, lorf- qu'il fe fera dilaté jufqu'à fon centre de repos naturel P ; mais cette force périra infenfiblement comme en s’évanouiflant, tellement que l'angle E P G fera infiniment petit, ou un angle de conta@ ; ilen eft de même des forces contraétives ge qui naiffent aufli graduellement pour faire un angle de contaét ePg, en forte que la droite M P N fera la commune tan: gente des deux courbes Z E P & P eC. Cela étant ainfi, on fçait que les arcs PE, pris fur la courbe P E À, aufli-bien que les Pe, pris fur la courbe PeC, quelque petits qu’ils foient , ne peuvent plus pañfer pour de petites lignes droîtes , comme dans le cas de deux refforts antagoniftes , bandés , où lesangles E B L,eB1( Fig. 1.) font des angles finis. Car ici les petits arcs PE, Pe ayant toûjours la nature des paraboles ordinaires, pourvû que la convexité des deux courbes P E À, PeC, foit finie en P, les appliquées GE ,ge, ne feront pas proportionnelles aux fimples abfciffes P G, P Lo mais elles Ci Fig. 1. Fig. 2, 20 RECHERCHES PHYSIQUES ET GÉOMETRIQUES feront en raifon des quarrés de ces abfciffes , conformément à ce qu’a déja démontré M. Newton dans fes Princ. Philof. Var, lem, 11. coroll, x. iv. 1. XLII. Après cette démonfiration, on voit qu’un corps P ; placé à l’extrémité d’un reflort MP , tout-à-fait lâche & débandé, ne fçauroit faire des vibrations tautochrones par la contrac- tion & dilatation alternante de ce reflort , vü que fes forces motrices, dans l’un & l’autre état, ne feroient pas propor- tionnelles aux éloignemens du centre d'équilibre oifif P. Ce feroit la même chofe, fi le corps P étoit mis entre deux ref forts direétement oppofés, mais débandés & fans force : car , en vertu de notre démonftration, le point P , où le corps fe trouve fans être preflé ni tiré par les reflorts, n'étant toüjours qu’un centre d'équilibre oifif, les vibrations , que le corps feroit par l’ébranlement des reflorts, ne feroient ja- mais tautochrones dans les excurfions inégales, parce que les forces motrices ne fe trouveroient ici, non plus que dans le cas d’un feul reflort, proportionnelles aux diftances du centre d'équilibre oifif. XLIII. A l'occafon de cette remarque, je ne ferai pas une chofe defagréable ni inutile , en faifant une petite digreflion, pour montrer la faufle pratique qu’on obferve dans l'Horlogerie ; & le reméde qu’on pourroit y apporter. M. Huygens, entre autres belles inventions ; imagina le premier le moyen d’ajufter au Balancier d’une Montre de poche un petit reffort fpiral pôur en rendre les balancemens tautochrones, à l’imi- tation des grandes Horloges à pendule, dont le même Au- teur eft aufli le premier inventeur; il eft pourtant vrai que, quoique ce fpiral fervebeaucoup à rectifier le mouvement du balancier , il s’en faut pourtant bien que de la maniére qu'on lapplique, il faffe tout l'effet qu'on en fouhaite : la raifon en eft manifefte par ce que nous venons d'expliquer : car ce reflort fpiral étant unique, il eft vifible que quand le balancier eft dans l'inaétion ou en repos, le point où eft SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE. 21 attaché le fpiral eft le centre d'équilibre; mais c’eft un équi- libre osfif, puifque le reffort n'étant ni comprimé , ni dilaté, n'exerce point de force fur le balancier , fans cela il ne pour- roit pas fe maintenir dans l’équilibre. Quand donc le balancier fe met en mouvement par la force des roues, & quele petit reflort fpiral commence à jouer & à fubir alternativement fes compreflions & fes dilatations , on voit bien, par notre rai- fonnement , que les excurfions ne feront pas proportionnel: les aux forces motrices du fpiral pour pouffer le balancier, & pour le ramener enfuite, comme elles devroient l'être , pour rendre ces réciprocations tautochrones. XLI V. Il femble qu'on s’eft apperçu de cet inconvénient ; quoi- que fans en pénétrer la véritable raifon : c’eft pourquoi quel- ques-uns fe font avifés d’ajufler au balancier deux refforts fpiraux dont les fpires alloient à contre - fens; M. du Fay, qui lui- même a imité cette pratique , mais pour un autre ufage, fait mention d’un M. du Tertre , fans doute Horlo- -geur , qui fit voir à l’Académie une Montre ;, au balancier de laquelle il avoit ajufté deux refforts dans la même vüe , & l’on Jugea que cette invention avoit fon utilité. Mais cette vûe, dans laquelle le Sr. du Tertre s’eft fervi d’un double reffort fpiral , étoit ; felon le rapport de M. du Fay, pour remédier au changement de l’élafticité du reflort , provenant , à ce qu'ils croyoient ; du changement de la température de l'air , au lieu qu'il falloit plütôt fonger à un moyen de faire avoiraux reflorts fpiraux des forces motrices proportionnelles aux excurfions du centre d'équilibre. X LV. Quoi qu'il en foit de l'invention du double reffort fpiral, fi ce n'étoit qu’en cela que confiftât la derniére perfe&tion des Montres à reflort en fpirale , la gloire de la premiére invention en feroir dûe à l'illuftre M. Leibnitz , puifque, felon ce que dit M. de Neufville dans la Vie de M. Leïbnitz, imprimée à Amflerdam en 1734. « Ce fçavant homme Voy. Les Mem. de 1731: p432e Tome 1. “ayant entendu parler avec éloge de la nouvelle invention RE Ci 22 RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES » de M. Huygens, propofa lui-même , à peu-près vers le même “tems , dans les Tranfaét. Philof. ( 2e. 113. p. 285. menfe » April. an. 1675.) une autre idée pour perfetionner la con- » ftruction des Montres; que c’étoitd’employer dans le mou- » vement deux balanciers & deux refforts qui fe banderoient » & fe débanderoient alternativement fans interruption. » XL VI. , Cependant on a beau ajufter au balancier deux teflorts en fpirale , ou tant d’autres que l’on voudra, on n’avancera jamais à rendre le tautochronifme au mouvement du balan- cier , à moins qu’on ne mette les deux fpirales dans un centre d'équilibre forcé. M. de Neufville fe trompe , quand il penfe » que la théorie n’a plus rien à y ajoûter, & que tout ne dé- » pend que du travail ; que du moins ce feroit à des perfonnes » du génie & de l’adrefle d’un Sully, d’un Graham , d’un le » Roy, à inventer quelque chofe de neuf & à l'exécuter. « Les plus habiles maîtres , en fait de pratique, ne font pas toüjours ceux qui entendent le mieux la Méchanique , & moins encore les loix de la plus fublime partie de cette fcien- ce, qu'on appelle la Dynamique. Ce n’eft donc pas d'eux qu'il faut attendre ce qu'il faut faire pour obtenir la derniére perfec- tion des Montres : on peut être adroit à exécuter , mais moins heureux à inventer ; fouvent leurs inventions ont l’apparence de réuflir , mais fi l’on en vient à l'épreuve , le fuccès ne ré- pond pas toûüjours à l’imagination. 11 ne s’agit pas ici de fa- briquer des reflorts fpiraux qui preffent le balancier avec des forces felon une loi donnée pour toutes leurs dilatations, on n’en viendroit peut-être jamais à bout ; mais c’eft à fcavoir feulement de quelle maniére il faut appliquer au balancier deux reflorts ordinaires, mais dont les fpires foient à contre- fens , pour qu'ils produifent le tautochronifme dans l'agitation du balancier. XLVIL Pour cette fin, il ny a qu’à lés appliquer enforte que le point où ils font attachés à l'arbre du balancier foit dans un équilibre forcé, lorfqu'il n’eft pas en mouvement ; il faut SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE. 23 donc que dans cet état de repos chaque reffort foit comprimé ou refferré, & point débandé entiérement ; comme on le fait dans la pratique ordinaire ; il faut même obferver que quand le balancier fait fes vibrations, les plus grands allongemens alternatifs de chaque reflort n’aillent jamais jufqu’à l’entiére extinétion de la force qu’il auroit de s’allonger ou de s’éten- dre encore davantage, s’il n’en étoit empêché & retiré par fon antagonifte. XLVIII. Quant à la figure de ces petites lames élaftiques, je pré- férerois à la fpirale , tant pour la commodité que pour l’exaëti- tude , la figure ondoyante, telle que feu M. de la Hire a ingénieufement inventée & communiquée dans les Mémoi- res de 1700. p. 166. Selon la defcriptidf qu'il en fait, ce reflort auroit un grand avantage fur le fpiral, s’il mavoit pas le défaut com- mun avec celui-ci, qui eft, qu’en n’employant qu’un feul reflort ondoyant , comme l’Auteur le prefcrit, on voit bien que dans l'état de repos du balancier, le point de la four- chette, par où l'extrémité du reflort tient au balancier, fe- roit un centre d'équilibre oifif, par conféquent incapable de rendre les vibrations tautochrones, par les raifons fufdites. ($. XLIIT.) C'eft pourquoi, pour perfeétionner cette belle invention , je confeillerois d'appliquer au côté oppofé un autre reflort ondoyant , antagonifte, & femblable au pre- mier, obfervant au refte les mêmes conditions & les mêmes précautions que J'ai recommandées pour les reflorts à fpi- rale, afin d'obtenir un centre d’équilibre forcé. Tout ce qu'il y auroit encore à infinuer là-deflus, c’eft de faire enforte que les excurfions de ce centre ne foient pas trop longues , auquel cas les forces motrices des reflorts cefferoient d’être proportionnelles aux éloignemens du cen- tre de repos ; ni trop courtes, parce que le balancier feroit trop fujet à s'arrêter. 24 RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES XLIX. Explication analytique de la nature © du mouvement des Fibres lumineufes © des Fibres fonores. Après la digreflion que je viens de faire fur la maniére de difpofer les refforts, pour qu'ils faffent leurs vibrations plus ou moins étendues , toûjours en tems égaux , je retourne à mon fujet. La propagation de la Lumiére & celle du Son ont une fi grande affinité entr’elles, comme je l'ai déja dit , que l’on peut fort commodément & avec utilité traiter les deux ma- tiéres en même tems. Le fon, aufli-bien que la lumiére, prend fon origine par la produ&tion des fibres qui s’excitent immédiatement à l'endroit où le corps, qu'onappelle /onvre, ébranle l’air circonvoifin , lefquelles fibres enfuite s'étendent, en fe multipliant, comme je l’explid@erai, à des diftances plus ou moins grandes , felon la grandeur de la force avec «laquelle le corps fonore frappe l'air qui le touche ; je les appellerai Fibres Jonores, comme j'ai appellé celles de la lu- miére Fibres lumineufes. Dans l’effentiel, ces deux fortes de f- bres ont la même nature : car les unes & les autres deman- dent un milieu élaftique , toûjours dans un état de compref- fion, dont les parties s’efforcent fans ceffe de s'étendre , mais qui font toüjours contrebalancées par les forces égales des parties voifines. C’eft en de tels milieux élaftiques que les fi- bres des deux efpéces s’engendrent; les fibres lumineufes fe forment dans l’éther infiniment fubrtil & compofé de tourbil- lons d’une petiteffe inconcevable, dont les parties continuel- lement circulantes fur de fi petites circonférences , acquiérent par cela feul des forces centrifuges quaf infinies; c’eft en quoi confifte l'énorme élafticité de l’éther , qui caufe , comme nous verrons , l’exceflive rapidité de la lumiére. Mais c’eft l’air groffier de notre atmofphere que nous ref- pirons , qui tranfporte le fon, l'expérience le prouve; il a fon élafticité, mais d'un dégré incomparablement moindre que . SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE. 2$ que celle de l’éther, & au lieu que celui-ci doit mettre en agitation des corpufcules folides aufli extrémement petits, ce qui aide à augmenter la vitefle des fibres lumineufes trémouf- fantes , l'air groflier n’a point d’autres corpufcules à agiter par fes condenfations & raréfaétions réciproques , que fes propres parties, lefquelles étant de mafñle fans comparaïfon plus grande que les corpufcules qui font mêlés dans l’éther, joint à la foible élafticité de l’air par rapport à celle de l'éther, font quË les vibrations des fibres fonores , quelque rapide que paroifle la propagation du fon, prife en elle-même, font pourtant fept cens mille fois plus lentes que celle des fibres lumineufes. On voit encore de-là pourquoi les rayons de lumiére vont toûjours en ligne droite , parce que les corpuf- cules folides fontincomprimibles, & ne peuvent ainfi s’éten- dre fur les deux côtésde leur direétion; mais les petites parties de l'air qui dans les fibres fonores tiennent lieu de corpuf- cules, étant elles-mêmes condenfables, on conçoit bien que quand elles viennent à être prefées pardevant par l'agitation longitudinale de la fibre , & qu’elles fouffrent en même tems de l’oppoñition de la matiére poftérieure, ces parties fe com- primeront fur la direétion de la fibre, & s’étendront par-là en largeur fur les deux côtés , ce qui fera naître de nouvelles fibres accefloires qui fortent de la principale comme des branches, & qui peuvent porter auffi le fon, quoique plus foiblement, par des voyes obliques, & non direétement oppofées à fon origine. LI. Mais il ne s’agit ici que de l’impreffion longitudinale qui fe fait felon la longueur de la fibre, pour en déterminer la loi des vibrations , & tout ce qui en réfulte ; & comme la nature de cette aétion eft commune à la fibre lumineufe & à la fono- re ; la démonftration analytique que je vais faire, fervira pour l’une & pour l’autre, Soit donc un efpace re&iligne AG , contenant des cor- pufcules ou des particules égales en mafle, B,C, D,E, &c. & diftantes par des interftices égaux , remplis d’un fluide Tome III. Fig. 3e 26 RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES élaftique comprimé très-fubtil, que je confidere comme un reflort fans matiére, Ainfi avant l'agitation , chaque particule étant preffée également par les deux côtés oppolés , fera dans fon centre d'équilibre forcé. Concevons qu'une de ces par- ticules, par exemple, D ;, reçoive une violente percuflion , qui la faifant fortir de fon centre d'équilibre, la pouffe juf- qu’en d, il eft clair que le fluide élaftique DC, comprimé par-là , chaffera incontinent la particule Cen c, enforte que le fluide D C occupera préfentement une moindre éteffdue de. Mais cela ne fe peut faire fans que le filament C B fe con- denfe & fe tranfporte en même temsenc#,en pouffant la particule B enb, de maniére que B 4 fera plus petite que Cc, comme Cc eft plus petite que D d, & ainfi de fuite par un grand nombre de filamens élafiques , jufqu'à ce que la den- fité devienne fi grande vers l'extrémité , que l’accroiffement de leurs compreflions ne foit plus fenfible ; ce fera donc à, par exemple en 4, que fera le terme d’un côté de la demi- fibre D À. LIL. Confidérons maintenant ce qui fe fera de l’autre côté, dans le moment que la particule D va en d; il eft aifé de comprendre que le filament ou le fluide E D ne trouvant plus tant de réfiftance du côté de D , fe raréfiera en s’éten- dant vers ce côté, & que par conféquent la particule E per- dant fon équilibre, fera pouflée en e par le filament plus denfe E F. Par la même raifon la particule F fe jetrera en f, & ainfi de fuite, jufqu'àa ce qu'à la fin la propulfion , allant toûjours en diminuant de diftance en diftance, s’évanouiffe entiérement ; pofons que le terme des diminutions foit en G, jufqu’où aillent les propullions décroiflantes £e, Ff, &c. dans le même ordre & de la même quantité que les antécé- dentres font leurs excurfions par D d, Ce, &c. jufqu’à l’autre terme À, enforte qu'après un nombre innombrable de pro- pulfons faites de part & d'autre, la longueur D 4 devienne fenfiblement égale à la longueur Z G C'eft donc la ligne entiére 4G que j'appelle une fibre, foit lumineufe, foit onore. SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE. 27 LIJI. Les particules B,C, D,E,F, &c. étant ainfi refferrées vers 2 par leurs tranfportsen,c,d,e,f, &c. & dilatées vers G, il eft vifible que la matiére élaftique, condenfée du côté de À, & raréfiée du côté de B, repouffera incontinent les mêmes particules, & les fera aller au delà de leurs centres de repos. B, C, D, E, F, &c. qui font autant de centres d'équilibre forcé jufqu'en (4), (c) ; (d) , (e) , (f), &c. tellement que les intervalles B (2), C{c), D (d), &c. feront refpe@i- vement égaux aux précédentes excurfions Bb,Cc, D d, &c. comme dans toutes les réciprocations ofcillantes , excepté qu'après plufieurs vibrations ce mouvement languit jufqu'à fon entiére extinétion. On voit donc que toutes les vibra- tions de la fibre , fortes ou foibles, doivent être d'égale du- rée , ou qu’elles font tautochrones, parce que chacune de ces particules ; dans fon état naturel, eft dans fon centre d’é- quilibre forcé , étant preflé également de côté & d'autre par la matiére élaftique. LI V. La premiére & principale fibre étant formée de la maniére que nous l'avons expliqué, nous ferons voir comment une infinité d’autres fibres fecondaires s’en formeront, qui feront toutes mifes bout-à-bout furtune même ligne droite, & com- pofées chacune de corpufcules ou de particules de groffeur égale à celles dont eft compofée la fibre principale. Pour en être au fait, il n’y a qu'à faire attention à ce qui doit arriver au moment que les particules B, C, D, &c. font parvenues aux limites de leurs excurfions en ,c,d, &c.on verra clai- rement que l’éther ou la matiére élaftique aux environs de 4 fera accumulée & condenfée le plus fortement , laquelle par conféquent reprenant d'abord le deflus , & faifant effort pour fe reftituer en avant & en arriére, comme font tous les refforts, non-feulement elle repouffera les particules de la premiére fibre ; mais fe répandant auffi du côté oppofé , elle mettra en agitation les particules qu’elle trouve dans la ré- gion L , & y produiraune nouvelle fibre qui fera fecondaire, Di 28 RECHERCHES PHysiQUES ET GEOMETRIQUES mais femblable & égale à la premiére, compofée de parti- cules ou de corpufcules de même grofleur que ceux de la premiére. ($. XXXIII.) On voit que quand la fibre prinei- pale ou la premiére finit fa premiére vibration, & va com- mencer la feconde, la nouvelle fibre commence fa premiére vibration. LV. Par la même raifon & de la même maniére , la feconde fibre en engendre une troifiéme, la troifiéme une quatriéme , & ainli confécutivement, felon que la violence de la pre- miére peut étendre la force plus ou moins au loin, & cha- cune de ces fibres fecondaires commence fa premiére vibra- tion dans le moment que la précédente acheve la fienne pour commencer la feconde. D'où il fuit qu'à chaque retour de la fibre principale, il s'en forme une nouvelle, qui fait fa premiére vibration. Ainfi, par exemple, la centiéme fibre fe forme & commence fa premiére vibration , lorfque la principale vient d’achever fa centiéme vibration. Il y aura donc à chaque moment autant de fibres nouvellement pro- duires, que la principale a déja fait de vibrations, dont par conféquent la multitude indiquera le nombre des fibres. Cette confidération nous fervira très-utilement à déterminer la viteffe du fon & celle de la lumiére , puifqu’il ne fautque bien déterminer le petit tems que chaque vibration demande , ce que je ferai d’une maniére aflez femblable à celle dont on s’eft fervi pour déterminer les petites durées des vibra- tions d’une corde de mufique tendue : car dans les unes & les autres les vibrations , grandes ou petites , fortes ou foibles, font toûjours tautochrones. LVTI. Ce que l’on a dit fur la formation des fibres fecondaires qui s'étendent depuis l’extrémité 4 de la principale fuivant la dire&tion Z L, doit être entendu aufli de celles qui fe forment de lautre côté G dans la dire&ion oppofée GM, puifqu'il s'en fait autant d'un côté que de lautre , fuppofé qu'il n'y ait point d’empêchement qui en interrompe la SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE. 29 continuation. Prenant donc le point D pour l’origine de la lumiére ou du fon; & confidérant ce point comme le centre d’une grande Sphere , nous comprendrons que tous fes diametres feront autant de fibres compofées chacune d'une principale & de fecondaires mifes bout-à-bout jufqu'à la furface de la fphere d’aétivité, & ces chaînes de fibres qui partent du centre D, font ce qui nous vient fous l’idée de Rayons de lumiére, fi c’eft la lumiére originale qui les ex- cite en frappant contre l'éther élaftique , & qui peuvent fort bien être appellés Rayons fonores , lorfque ce n'eft que Pair groffier & élaftique qui reçoit la premiére agitation par quel- que corps frémiffant. LVIL. Il faut fe fouvenir, quant aux fibres lumineufes, de ce que j'ai montré ci-deflus, qu’elles font de différens ordres, les unes étant remplies de corpufcules d’une certaine groffeur , d'autres d’une: autre groffeur , d’autres encore de groffeur différente , & ainfi de plufieurs autres; mais toûjours que les corpufcules appartenans à une même chaine de fibres ou à un même rayon, foient tous d’une égale groffeur. Aiïnfi à caufe de l'extrême fubtilité des rayons folitaires , un nombre prodigieux de tous ordres pourra être contenu fous un vo- lume infenfible, comme des poils très-fins dans un même pinceau, qui ne fe diftinguent les uns des autres qu’en fe dif- perfant par la différente refrangibilité , & en repréfentant dif- férentes couleurs , comme nous l’expliquerons en fon lieu. LVIII. Pour expofer plus précifément la propagation de la lu- miére, je m’attacherai à celle du fon, parce que nous con- -noiffons mieux la propriété & la force de l’élafticité de l’air que celle de l’éther, qu'on ne pourra déterminer que par l'effet, qui eft l’exceflive rapidité avec laquelle la lumiére fe tranfporte. Quand donc la particule D , dans le milieu d’une fibre principale , commence à être agitée ou ébranlée, il ne faut pas penfer que dans le même moment toutes les autres particules qui doivent former la fibre , acquiérent ce Di Fig. 3: # 30 .RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES mouvement confpirant néceflaire, pour que chacune faffe fes réciprocations conjointement avec chaque autre; mais néanmoins cette premiére irrégulariré qui leur ôteroit à - Chacune la liberté de faire des vibrations ifochrones, eft ter- minée bien vite, en s'accommodant les unes aux autres, à peu-près de la même maniére qu'une corde de mufique bien tendue, lorfqu’on la retire de fa fituation re@iligne , prend une telle figure qu'on veut lui donner, par exemple ; celle d'un triangle ifofcele; mais dès qu’on l’abandonne, elle quitte cette figure après un petit nombre de vibrations, & converge très-promptement à la courbure d’une ligne qu’on nomme la compagne de la roulette allongée ; que l'on a dé- montrée être celle que la corde tendue doit avoir, afin que toutes fes petites parties fafflent conjointement leurs vibra- tions en tems égaux, & que de cette maniére elles ne s’em- barraffent pas les unes les autres dans leur mouvement. Il en eft donc de même des vibrations d’une fibre : car celle-ci eft élaftique par compreflion , comme la corde eft élaftique par extenfion ; toute la différence eft que les vibrations de la fibre font longitudinales ; au lieu que celles de la corde font latitudinales ; mais pour le refte les unes & les autres font fujettes à une même loi, par rapport aux forces accéléra- trices qui en agitent les petites parties , ce que le calcul füui- -vant prouvera pour la fibre fonore , applicable aufi à la fibre lumineufe, moyennant une hypothefe fondée fur l’ob- fervation de M. Romer. LIX. A RAALTA Pour fupputer exa@ement la petite durée d'une feulg “vibration d'une particule quelconque de la fibre car j'ai déja prouvé que toutes les particules font tautochrones & ifo- chrones avec la fibre entiére , j'avance d’abord que, re. les forces élafiques de air, ou dé ce milieu élaftique, qui remplit les intéerflices des particules à agiter, font propot- -tionnelles à fes denfités ; ce qui eft vérifié par l'expérience; SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRf. 3Ÿ que 2°. les excurfions Bb, Cc, Dd font cenfées être infini- ment petites par rapport aux intervalles 4 B, BC,CD, &c. entre les particules; que 3°. en vertu de la premiére pofition, les forces motrices qui follicitent ou preflent les particules par les deux côtés oppofés en fens contraire l’un à l’autre, font en raifon inverfe des efpaces 46, be, cd, &c. dans lefquels font réduits ou reflerrés les intervalles 4B, BC, CD, &c. par la compreflion qui fe fait, quand la demi- vibration va vers À. : LX. Confidérons préfentement une des particules intermé- diaires par exemple C, laquelle pendant qu’elle eft encore en rep6$ , eft fans doute preflée également par les deux côtés oppofés , étant dans le centre d'équilibre forcé; & il eft vifi- ble que cette preflion doit être égale au poids d’une colomne fort déliée, ou plûtôt d'un filament d'air uniforme d'égale groffeur & d’égale denfité avec la fibre, & dont la hauteur {urpaffe autant de fois la hauteur du Mercure dans le Baro: metre , que le Mercure eft plus pefant que l'air, c’eft-à-dire, que la hauteur de ce filament aérien contienne ( fuivant la pofition de M. Newton ) la hauteur du Barometre 11890 fois ; car alors le poids du filament verticalement érigé fera égal à la compreflion de la fibre, puifque le poids du premier entretient la fibre dans fa compreffion par le principe d'Hy- droftatique. Nommons donc, avec M. Newton, cette hau- teur connue du filament — 4; & foit la gravité naturelle qui anime les corps terreftres — g : on aura le poids du filament aérien quieft en équilibre avec la fibre comprimée —9 4, & qui fera par conféquent égal à la force élaftique, avec la- quelle chaque particule Ceft preflée par les deux côtés oppo- 4és, pendant qu'il refte dans RE centre d'équilibre forcé, LXI. Il s’agit maintenant de trouver avec combien plus de force fera preflée la particule C d’un côté que de l'autre, après qu'elle fera déplacée de fon centre d'équilibre & tranfportée nc, lorfqu'en même tems les deux particules voifines B 32 RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES & D font tranfportées en 4 & d. Pour cela il n’y a qu'à déterminer l’excès , dont la force du fluide élaftique contenu dans lefpace BC, mais reflerré maintenant dans un plus petit efpace 2 c, furpafle la force élaftique de fon antagonifte qui étoit contenu en € D, mais réduit aufli dans un plus petit cd, quoique pas tant plus petit que le précédent bc. Cet excès de force fera connoître la force mottice & la loi de l'accélération avec laquelle la particule C fera rechañlée de « pour faire le retour de la vibration. LXIT. À cette fin, foit 4 B ou BCouCD ,&c.—4a,Bb=r, Ces, Dd==1;ce qui donne bc — ar —s &gd——a + s—t. Or puifque bc eft à BC comme la force éfañtique naturelle du fluide contenu en BCeft à la force du même, mais condenfé en bc, nous aurons a + r —5.4::g À g4Aa \ d : —= à la force élaftique du fluide condenfé en bc; atr—Ss Ê] A . £g Aa à par lajmême raifon nous aurons — à la force a+ 5 —1t élaftique du fluide condenfé en cd; donc l'excès de ia pre- g Aa Mes eh g—+r —5 as —+ CCD ou (à caufe der,s,t, infiniment petites auprès de 4, quoique 4 lui-même foit infiniment petit par miére par deflus celle-ci, fçavoir LAR(2s—t—r rapport à la longueur de la fibre ZG) — ) don: nera la force motrice, qui repoufle la particule C parvenue enc; mais comme il y a autant de particules qu'il y a d'in- tervalles 4, on doit exprimer la mafle de chacune par 4, . . A —t—+r donc divifant la force motrice AIG: par la mañfe 4, gA(Es—r—=r), ga z nous aurons la force accélératrice = LXIII. Puis donc que les particules de la fibre dans leur état de repos LL Tr du Mem. Z.Pag . 32 . F7 « Plr du Mem 1 pag 32. Lg à 2.2 2 du Mers. ag 32 , lnonneu up : 4 Lg 19 vd La F3. duMem. pag. 32. F3 duMem.: pag. 32 Lg 18 SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE. 33 repos , font chacune dans un équilibre forcé, il faut (par le Lemme général) que toutes leurs petites vibrations foient tautochrones & ifochrones, ou fynchrones entr'elles; donc auffi les intenfités des forces accélératrices feront par - tout égales ; or l’intenfité d'une force accélératrice s'exprime en la divifant par le chemin à faire jufqu’au point de repos,, c'eft-à-dire, par s pour la particule C. Ainfi on aura l'inten- fité de la force accélératrice EAP) qui doit être égale à une conftante pour toutes les autres. LXI V. Pour faire naître une idée nette de. la relation entre toutes les excurfions différentes des particules d’une fibre, & pour déterminer enfuite le petit téms de chaque vibration; con- cevons aux points B, C, D, &c. appliquées perpendiculai- rement , les petites lignes BG , Cx, D d', &c. égales à leurs refpeétives Bb, Ce, Dd, &c. Les points6,x,9,e, &c. feront à une courbe AGxS 9G , que je démontrerai être aufli la compagne dé la Cycloïde fort allongée’ tout comme Peft la courbe que forme la corde de mufique tendue; loff: qu’elle eft en vibration. * LX V. Car d'autant que l'intenfité EE: ir) doit, être conf- tante pour toutes les particules ($. LXIIL.), divifant parle Li —t— y A = à une conftan- £g À conftant *—» ON aura encore te; or il eft vifible que le numérateur de cette fra@ion n'eft autre chofe que la différence des difiérences des trois appliquées confécutives,r,s, #3; car 25—1—r—(5—7 ) (ts) - Nommant. donc. à la maniére ordinaire cha- cune des trois appliquées +, l’abfcifle depuis le centre D de la fibre — y; fon élément conftant d'y ; qui repréfentera a ou l'intervalle entre deux particules , de même que r — s ou s——r repréfente d? ou la premiére différence de l'appli- quée ?; & partant (sr) —(:— 5) donne — ddr, oula Tome III. RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES feconde différence prife négativement ; parce que les abf: cifles y croiffants , les appliquées décroiffent; on obtiendrà donc ( pour la nature de la courbe 4 4 G) en place de no Ai == à une conflante , cette équation ( en forme ordinaire des équations différentio - différentielles } -— Cri LA dy = \ | ; — 7 où dy eft conftante, &c une autre conftante prife 1CC arbitrairement , afin que 4° devienne homogene à — te, cc La LX VI. | Il faut donc intégrer cette équation — 27 —%, fans cc cela on n’y connoitroit encore rien ; mais dans l’état où elle eft, elle n’eft pas intégrable : c’eft pourquoi on l'y doit pré- parer, en la multipliant par + dt; de cette maniére j'aurai tdrdy? — did dr 7 car, felon la régle ordinaire , je réduis cette équation à cette autre , qui ne contient que des différences du premier degré, fçavoir 1 dy? drt——"!149?, où j'ai ajoûté, fuivant nn cc Ce qui eft manifeftement intégrable ; x la pratique, une conftante dy* pour redifier l'équation, LL qui fans cela auroit été incomplette , vû que le quarré né- gatif — dr? , ne pourroit être égal au quarré affirmarif !"42° 3 cc outre cela, j'entends par » un nombre conffant, mais très- grand ; afin que __2_dy: devienne comparable avee dt°, L 2 ñ puifque dy feul doit être confidéré comme incomparable- ment plus grand que dr. Cette réduétion étant @ite , on doit féparer les indéterminées , & enfuite intégrer, foit par quadrature, foit par reétification d’une courbe connue , fi la chofe eft faifable , comme en effet j'aurai ici . . .. = nf— dr : V’ = — 11, où le fecond terme eff nn vifiblement égalà unarc de cercle ,dontierayon=— =, & SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE! 3e le co-finus 7, prenant cet arc au nombre de fois exprimé par ». C'eft en quoi confifte précifément la nature qui con- vient à la compagne de la Roulette ou de la Cycloïde ex- trémement allongée. ve LX VIT. Or on a démontré dans les Commentaires de l'Académie Tome ;. de Peterfbourg, que la même ligne convient aufli à la cour- Dre bure que prend une corde de mufique tendue par un poids , lorfqu'elle fait fes vibrations , qui font aufli tautochrones : d'où l’on doit inférer que la fibre comprimée & la corde tendue fuivent une même loi en faifant leurs vibrations. Si on conçoit, par exemple, une fibre aérienne, de la lon- gueur d’une aune, comprimée par le poids d’un filament de même air de la hauteur 4, & puis une corde fort fubtile de la même longueur d’une aune, dont la quantité de ma- tiére foit précifément égale à la quantité d’air contenue dans la fibre d'une aune, & que cette corde foit téndue par un poids égal au poids du filsment aërien 4; il eft clair, par tout ce que nous venons de dire, que les vibrations de la fibre & celles de la corde fe feront également vite, & fe- ront par conféquent d’égale durée. Car comme les circon- fances font tout-à-fait femblables dans l’une & l'autre, fça- voir, égales longueurs, égates quantités de matiére à agiter, répandues uniformément , &. enfin égales forces, compref- five dans l'une & extenfive dans l’autre; il en réfulte nécef- fairement que les intenfités, des forces accélératrices foient auffi égales de part & d’autre ,, ce qui rend les vibrationslon- gitudinales de la fibre fynchrones avec les vibrations latitu- dinales de la corde, ou, ce qui revient au même, il y aun même nombre de vibrations ; dans un tems donné, pour la fibre & pour la corde. LX VIII. Ainfi fi nous voulons déterminer. ce nombre, & déduire enfuite la vitefle de la propagation: du fon, nous n'avons qu'à confulter la formule donnée & démontrée par une double méthode, à l'endroit cité des Comment. 4 Péterdb, P.:5.& 27. y 36 RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES Cette formule eft exprimée par 2" (2%?) , Jaquelle donne V(ABXL) À exaétement le nombre des vibrations qui fe font par une corde tendue par un poids donné pendant une feule ofcil- lation d'un Pendule de la longueur donnée ; où il faut noter que 4 B fignifie la longueur de la corde tendue, L la quan- tité de fa matiére, P le poids ou la force avec laquelle eft tendue la corde, D la longueur du Pendule donné, & enfin le petit p fignifie la circonférence du cercle dont le diametre eft — 1. Il eft à remarquer, pour plus de confirmation , que M. Taylor a trouvé aufli en d’autres Lettres, quoique d’une maniére un peu embarraffante & obfcure , la même formule. (7. Meth. Increm. p.98.) LXIX. Nous en ferons donc ufage pour le cas préfent de la fibre fonore repréfentée dans notre figure par 2G , en fub- flituant dans la formule générale, 4 G pour 4B, & __ pV(DxA) V(AGXxAG) PY(DxA | RME An x ) = au nombre de vibrations longitudinales de la fibre fonore faites à chaque fois que le Pendule donné D acheve une de fes ofcillations. Ceci fournit maintenant une maniére très aifée de détérminer la viteffe du fon, en fe rappellant ce qui a été montré ci-deffus ( $. L I V.) touchant la produétion fucceflive des fibres fecondaires ; dont le nombre (‘qui fait le progrès-du fon ou fa propagation ) eft précifément égal au nombre de vibrations qui fe font faites par la fibre principale péñdant la produétion des fecondai- res; puifqu'à chaque vibration de la principale il fe forme pY(DxA) AG pour 3 ainfi il en viendra »ceft-à-dire, une nouvelle fecondaire. Donc la même formule fertauffi à dérerminer le nombre de toutes les fibres , depuis le centre de la principale ; ou depuis l’origine du fon jufqu’au point où le fon eft parvenu, & où il fe fait entendre pen- dant la durée d’une ofcillation du Pendule donné D. SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE. C'eft pourquoi Je n'ai qu'à multiplier la longueur d’une fibre 4 G ( quelle que foit cette longueur ) par le nombre des fibres PCA , il me vient conftamment en termes très- fimples cette quantité donnée pV (D x 4) pour la diftance parcourue par le fon dans le tems d’une ofcillation du Pen- dule D. Il paroït d'abord étrange que fans connoître la longueur des fibres obfervée par la nature , on puiffe connoître le total de la diftance de toutes les fibres, prifes enfemble , parcourues dans un tems donné; mais on ne s’en étonnera pas, fi on réfléchit un peu fur ce que deux différentes fibres de même matiére, d'égale groffeur , & comprimées par des forces égales , mais qui font d’inégales longueurs, font dans un tems donné le nombre de leurs vibrations en raifon téci- proque de leurs longueurs , & que le nombre des vibrations eft aufli celui des fibres fecondaires produites fucceflivement ; d’où il eft évident que ; par exemple, cent fibres d’une lon- gueur double ne demandent ni plus ni moins de tems pour être engendrées & mifes en agitation , que deux cens fibres pareilles ; mais d’une longueur fimple. . Pour les cordes de mufique d’'égale groffeur & également tendues , c'eft une vérité connue depuis long-tems; fçavoir, que la promptitude de leurs vibrations augmente à propor- tion qu'on en diminue la longueur; c’eft fur quoi on fonde l'explication de leur confonance ou diffonance. LX X. Nousallons faire voir avec quelle précifion notre expref fion fi courte & fi aifée p V (D x À) s'accorde avec l’expé- rience que l’on à faite fur la vitefle du fon; je me fervirai des mêmes fuppolitions de M. Newton, où il donne en mefure d'Angleterre, au Pendule D à feconde, la longueur de 39 : pouces, & fait la hauteur 4 d’une colomne d'air uniforme ( qui tient en équilibre le Mercure dans le Ba- rometre) — 356700 pouees; item, Ja raifon de p à 1 comme 93384 à 29725 :.ce qu'ayant fubftitué, on aura E ii V, Schol, ad prop. 50. Lez. Prince, Philof. 38 RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES us LY(DxA)— ie te pouces , pour la Îon- gueur du chemin que le fon parcourt dans une feconde de tems ; le calcul étant fait aétuellement , on trouve, à fort peu près, 11747: pouces =— 979 pieds d'Angleterre , moins un demi-pouce, ce qui eft conforme à ce qu'a trouvé M. Newton dans l'endroit cité, quoique je ne fçache pas fi ce n’eft pas peut-être une voie fort indireéte qui l'y a conduit : car, pour avouer la vérité, fon long raifonnement dans les propof. 47, 48, 49, qui précédent ce Scholie, & dans le Scholie même, me paroit fi obfcur & fi perplex, que je ne puis pas me vanter de le bien entendre, fur-tout comme il raifonne dans la propof. 47. où il paroït difficile de démêler ce qu’il fuppofe d'avec ce qu'il veut prouver. ; LXXI. D'ailleurs le nombre de 979 pieds, que j'ai trouvé avec M. Newton par ma théorie, étant environ d’une centaine ou davantage plus petit que le véritable nombre de 1080 pieds d'Angleterre obfervé par l'expérience ; M. Newton en rejette la caufe fur ce.que les particules folides entremélées dans l'air, tranfmettent chacune dans un inftant d’un bout à l'autre de fon diametre la propagation du fon; ce qui fait, felon lui, que la fomme des diametres de toutes les particules folides doit être ajoûtée à la longueur de 979 pieds; & pour trouver fon compte, il donne à chaque diametre environ la ge ou 1o° partie de l'intervalle qui eft entre les centres de deux particules les plus proches ; il leur en auroit donné davantage à proportion que le véritable nombre de l'efpace du fon avroit plus furpaflé le nombre trouvé de 979 pieds, Mais on voit bien par notre théorie, que les diametres de ces particules folides ne peuvent être cenfées qu'incompa- rablement petites à l'égard de leurs interflices, vû que s'ils occupoient toute l'étendue d’une vibration , ils wentreroient pointencore en comparaifon avec leurs difances, L'or, par exemple, qui a plus de 15000 fois plus de matiére que l'air dans ün même volume, ne laifle pas d’avoir fes pores affez k SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE. 39 larges pour laiffer paffer très-librement la matiére fubtile ou l’é- ther ; que ne doit-on pas penfer de la largeur des pores de l'air, qui ne font autre chofe que ces mêmes interftices entre les par- ticules folides de Pair dont il s’agit ici ? C’eft donc une autre rai- fon pluseffentielle qui fait trouver la propagation du fon un peu moins vite qu'elle n’eft en effet: c'eft que l’on fuppofe dans la théorie , que la fibre, tant la fonore que la lumineufe , & toute la fuite des fecondaires , qui font le rayon , ne font qu’une fim- ple ligne droite partant du centre à la circonférence de la fphe- re d’aétivité , au lieu que véritablement ces fibres ou ces rayons font de petits cones infiniment aigus ; qui ont leurs pointes ou leurs fommets dans leur milieu , tout comme la fibre principa- le doit être formée ; ayant vifiblement la pointe dans fon mi- lieu , où eft la fource du fon ou de la lumiére. En effet , une corde de mufique tendue , ( dont nousavons démontré que les vibrations font fujettes à la même loi que celles d’une fibre , } une corde , dis-je , qui auroit une figure de double cone fort pointu, & dont le fommet commun fût au milieu, fera trouvée par approximation faire fes vibra- tions plus promptement qu’une corde uniforme par toute la longueur , toutes chofes étant d’ailleurs égales : je dis par approximation ; car pour connoître la courbure de la corde vibrante , il faudroit fçavoir réduire à une équation différen- tielle du premier degré cette autre du fecond degré — = dy? - 114 : TE »; comme je l'ai fait de celle-ci ($. LXVI.) _— "+ : mais j'avoue que la réduétion exate me manque encore ; cependant les méthodes desapproximations montrent très-certainement que les cordes & les fibres co«< niques ont leurs vibrations plus rapideg que celles qui font uniformément épaifles , toutes les autres circonflances-érant d’ailleurs égales. iQ LXXII. Puis donc que la d'fférence du réfultat n’eft pasbien grande 40 RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES entre ces deux fortes de fibres ;, je continuerai à les regarder comme des lignes droites phyfiques en forme de filaments , qui font d'une petite grofleur par - tout égale. Or comme nous avons fufhfamment démontré que l’aétion & les vibra- tions des fibres lumineufes & des fibres fonores font d’une même nature , en ce que les unes & les autres fe produifent fucceflivement par leurs principales , & cela en telle maniére que le nombre des fibres fecondaires nouvellement formées répond toûjours au nombre de vibrations de leurs principales , & que les vibrations font tautochrones dans la lumineufe aufli-bien que dans la fonore ; çe fera donc aufli dans cette fucceflion & progrès de fibre en fibre que confifte l'extenfion ou la propagation de la lumiére. Ainfi notre formule géné- rale pv (Dx A) trouvée ci-deflus ($. LXIX.) nous fervi- roit ici également pour déterminer la viteffe de la lumiére, ou Ja longueur qu’elle parcourt dans un tems donné, fi l’é- lafticité de la matiére éthérée étoit connue. | LXXIII. Mais 4 qui fignifie une force conftante avec laquelle Pair naturel eft comprimé, & acquiert par-là une élafticiré égale à la force 4, connue en tout tems par le poids du Vif argent dans le Barometre; mais cette À, dis-je , requife pour la compreflion de la matiére dans la fibre lumineufe , ne fçauroit être connue 4 priori par aucune expérience : car l’'éther , qui eft imperceptible en toute maniére, ne fe laifle pas manier immédiatement comme l'air, dont on peut me- furer le reffort par différentes expériences. Selon notre théorie , l'élafticité de l’éther confifte dans la force centrifuge perpétuelle de la matiére des petits tourbillons refferrés dans des circonférences extrêmement étroites, & circulants avec une rapidité néceffaire pour caufer une force centrifuge aufli grande que l’on juggre convenable ; par-là ces tourbillons s'appuyant les uns Contre les autres , & fe renant ainfi en équilibre , produifent dans la maffe de tout l’éther , & dans chacune de fes parties, ce reflort général ou cet effort avec lequel l'éther cherche continuellementeà fe dilater. LXXIV. SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE. 4 LXXIV.. Je ferai donc ici le contraire par la voie indireéte, en allant de la virefle de la lumiére pour en tirer la force du reflort de l’éther, ce qui me fera facile à exécuter par lappli- carion de la formule pv (D x 4) qui donne la vitefle du fon ou la diftance qu'il parcourt pendant la durée d’une ofcillation d’un Pendule donné D : car la lumiére étant, fuivant l’obfervation de M. Romer, 700000 fois plus ra- pide que le fon, il faut que 700000 pv (D x A) exprime la longueur du chemin de la lumiére qu'elle fait pendant une feule ofcillation du pendule D. Or 700000pV(Dx 4} eft — pv (Dx 490000000000 4); donc le poids du filament d'air uniforme & de la denfité comme il eft à lafurface de la Terre, ce poids, dis-je , pris 490000000000 fois, montre la compreflion de la fibre lumineufe ; d’où il fuit que l’élafticité de l’éther lui-même a le même nombre de fois plus de force pour fe dilater que n’a le reflort de notre air groflier. Ainfi lorfque ce reflort eft capable de foûtenir le Mercure dans le Barometre à la hauteur de 30 pouces, comme le fuppofe M. Newton, la force élaftique de lécher, s'il ne pouvoit pas pénétrer par les pores du tuyau, foûtiendroit le Mercure dans le Barometre à la hauteur de 30 X 490000000000 pouces ; OÙ 1225000000000 pieds ; ce qui feroit plus de 61200000 lieues de France, en comp- tant 20000 pieds fur une lieue. On laïffe à juger fi on n’eft pasen droit d’attribuer la caufe de la plus parfaite dureté à une fi prodigieufe force avec laquelle les parties d’un corps folide font comprimées par l'éther les unes contre les au- tres , ainfi que déja le P. Malebranche l'a heureufement conjeéturé, & après lui feu M. Jacques Bernoulli dans fon Traité de Gravitate Ætheris. LXXV. Dans le Traité d'Optique de M. Newton, on voit bien que cet Auteur reconnoit aufli que la force élaftique de lécher eft exceflivement grande ; il la fait même , eomme moi; 490000000000 fois plus grande que nef la force élaftique Tome III, Pag. $ÿ20. € s21. édir, de Paris 1722. Liv, 2. prop. 47e © Juiv. V. Traité d'Oprique, ?- 520. 42 RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES de l'air proche de la Terre, Mais il fe contente de l’avancer fans démoñftration, fondé apparemment fur fon raifonne- ment obfcur fait dans les Princ. Philof. De plus , l’élaficité de l’éther eft chez lui une pure fuppoñition , fans en alléguer aucune caufe phyfique. Notre théorie fatisfait à lun & à l’autre , montrant clairement , 1°. Quelle peut être la caufe immédiate de l’exceflive élafticité de léther ; fçavoir, que cette élafticité peut provenir de la force centrifuge dans la matiére des petits tourbillons. 2°. Quelle eft la proportion qui regne entre l’élafticité de l'air & celle de l'éther , où nous avons démontré par notre formule très-fimple pv (D x), que la premiére force eft à la feconde , comme le quarré de la virefle du fon eft au quarré de la vitefle de la lumiére. On peut remarquer ici en paflant , que quand M. Newton confidere la gravité comme une force attraétive , il le fait dans fes Princ. Phil. en qualité de Géometre , fans fe mettre en peine de la véritable caufe phyfique de la pefanteur , com- me il l'avoue lui-même en plufieurs endroits : ainfi fes parti- fans lui font tort, de lui prêter des fentimens fur la nature de la pefanteur ; comme fi c'étoit une qualité des corps effentielle & inhérante , contre fa propre déclaration ; d'autant plus qu'il dit pofitivéement , que les corps pefent vers la Terre, à caufe qu'ils y font pouffés par la force élaftique de l'éther. Voici comme il parle. » La force élaftique de l’éther, dit-il, ef » exceflivement grande , elle peut fufäre à pouffer les corps » des parties les plus denfés de ce milieu vers les plus rares » avec toute cette puiflance que nousappellons gravité, « LXXVI De la Réflexion ©* de la Réfraltion des Rayons de la Lumiére. Jufqu'ici nous avons expliqué en général la propagation de la lumiére , en montrant l'origine & la formation fuc- ceflive des fibres lumineufes, qui la portent de fibre en fibre par lesmoyen de leurs trémouflemens ou vibrations longitudinales. Nous en pourrions demeurer là, puifque la \ SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE. 43 queftion ne demande ‘autre chofe qu'une explication natu- relle & intelligible de la maniére dont fe fait le progrès où tranfport de la lumiére depuis fon origine jufqu'à de très- grandes diftances , & cela, avec une rapidité inconcevable : cependant pour plus grande confirmation de la validité de mon fyftême , je veux bien faire voir encore avec combien de facilité on en déduit les principales propriétés de la lu- miére, & les fymptomes qui lui arrivent en certains cas : Tels font l'égalité des angles d'incidence & de réflexion qui s’obferve lorfque les rayons donnant obliquement contre une furface polie , font obligés de fe réfléchir vers le côté oppofé à celui d’où ils viennent, enforte ‘que non-feulement les deux angles obliques deviennent égaux; mais auffi que le rayon incident & fon réfléchi fe trouvent toûjours dans le plan qui pale par le point d'incidence perpendiculaire- ment à la fütlace , qui, par fa rencontre, caufe la réflexion: Une autre propriété. plus remarquable que la premiére } eft que le rayon de la lumiére qui rencontre obliquement la furface polie d’une matiére tranfparente de différente con- fifence, dans laquelle il va s'immerger , au lieu de continuer fa route en droite ligne avec le rayon incident, il s’en dé- tougne en telle façon , que s’imaginant une perpendiculaire à dre furface tirée par le point d'incidence , & prolongée , le finus de l’angle d'incidence fait par le rayon incident avec la perpendiculaire , eft au finus de l'angle de réfraëtion fait par le rayon rompu avec la même perpendiculaire, toûjours en raifon conftante ; quelle que foit Pobliquité des rayons. ‘ 7 EXXVII uant à la premiére de ces deux propriétés de‘la lumiére , fçavoir l'égalité des angles d'incidence’ & de réflexion, l’ex- plication en eft fort facile & trop claire pour m'y arrêter long-tems , d'autant plus que les corps à reffort parfait, qui heurtent obliquement contre d’autres corps durs &° immd- biles ,obfervent déesens cetteloi d'égalité entre les deux angles d'incidence & de réflexion , comiñe par exemple , une bille pouffée contre le bourlet du billard ; ‘dont la raïfon fe Fi 44 RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES manifefte d'elle-même par la décompofition du mouvement. Or, chaque fibre lumineufe n'étant qu'une fuite de corpufcu- les folides , qui, quoiqu'ils ne foient point élaftiques par eux- mêmes, le font pourtant par l’élafticité de l’éther, qui les tient toûjours dans leur centre d'équilibre forcé, avant que de recevoir leurs vibrations , par conféquent dans un état, comme fieux-mêmes avoient un reffort parfait : il eft vifible que quand la fibre près de la furface polie commence à faire fes vibrations , celui des corpufcules trémouffans, qui don- ne obliquement contre la furface, fera obligé de réfléchir par un angle égal à l’angle d'incidence , ce qui détermine déja , après la réflexion, la direétion de la partie de la fibre qui doit engendrer d’autres fibres nouvelles, laiffant l’autre partie d’en-decçà du point d'incidence dans la direétion qu’elle avoir. On voit donc la raifon de l'égalité qui s’obferve entre les deux angles d'incidence & de réflexion, fans qu’il foit be- foin d’en parler plus amplement. LXXVIIT. Je pafle maintenant àconfidérer la réfra@tion de la lumiére oula propriété des rayons rompus, qu'on remarque lorfqu'ils paflent d’un milieu dans un autre de différente nature; qui . eft que les finus des angles d'incidence & de réfraction ont ”_ pour toutes les obliquités une raifon conftante. On trdhve fur cette mariére dans les Aëtes de Leipfic 1701,au mois de Janvier, un Mémoire de M. ( Jean) Bernoulli, où l'Au- teur explique la loi de la réfration, en la réduifant au prin- cipe connu de Statique , en vertu duquel trois puiffances quoiqu'inégales , qui agiflent fur un point mobile en diver- fes direétions , obferveront un équilibre parfait entr'elles , lorfque deux quelconques de ces puiffances font réciproque- ment proportionnelles aux finus des angles que font leurs direétions avec la direétion de la troifiéme puiflance ; cette vérité a lieu généralement , foit que les puiffances agiffent en tirant le point mobile, foit en le pouffant. Mais comme lAuteur, traitant fon fujet plus en Géometre qu’en Phyficien, & fans approfondir la maniére dont fe fait la propagation SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE. 4$ . de la lumiére, fe contente de confidérer le point d’inciden- ce comme un point mobile fur la furface qui fépare les deux milieux , lequel point doit être foûtenu en équilibre par trois forces, dont l'une confifte dans l'effort avec lequel le rayon incident doit entrer obliquement dans un autre mi- lieu ; la feconde force différente de la premiére , à caufe de la diverfité des milieux; c’eft l’oppofition ou la réfiftance plus ou moins grande, felon la nature du fecond milieu , que doit faire le rayon rompu; & enfin la troifiéme force eft fimplement paflive, confiftant en ce que le point d’inciden- ce follicité par les deux autres forces, eft empêché de quitter la furface fur laquelle il peut couler librement en tout fens. D'où l’on voit que la diredion de cette troifiéme force eft toùû- jours la ligne droite perpendiculaire à la furface , & qui pafle par le point d'incidence. LXXIX. , I1 femble qu'il ne manque rien à cette cxpheaion > que la maniére de montrer d’où procédent les deux premiéres forces, & où c’eft qu’elles peuvent avoir leurs points d’appui pour conferver entrelles & avec la troifiéme un parfait équi- libre, & tel qu'il eft requis pour faire perfévérer dans fon exifence chaque fibre lumineufe pendant qu'elle fait fes vibrations. Je crois que mon fyftême y peut fuppléer affez naturellement , voici comment : Nous avons vû ($. LIII, & fuiv.) que toutes les fibres fecondaires produites par une principale , doivent être fituées bout à bout fur une ligne exattement droite, parce que l’éther également élaftique par toute l'étendue des fibres, doit pouffer avec forces égales chaque corpufcule par les deux côtés diamétralement oppofés, pour le foûrenir dans le centre d'équilibre forcé, ce qui fait que tous les centres font.enfilés par une même ligne droite qui repréfente la fuite des fibres formées par une principale : car fi un feul ou plufieurss corpufcules ne fe trouvoient pas très-exattement fitués aveces autres fur une même ligne droite , on voit bien que les \preflions ne feroient plus op- poiées diamétralement , par conféquent ces corpufcules vien- L* Fi % Ed 46 RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES droient à-être chaflés hors de lafibre, & n'y appartiendroient plus. Or chaque fibre afes deux extrémités qui lui tiennent lieu d'appuis immobiles pendant qu'elle fait fes vibrations longit tudinales. LXXX. Ainfi le rayon de lumiére, qui n'eft autre chofe, comme nous l'avons déja dit , qu’une fuite ou une chaîne de fibres continuée , procédera toûjours en droite ligne tant qu'il fe trouve dans un milieu uniforme , & contenant de l’éther également élaftique par toute fon étendue. Mais comme il y a des milieux ou des matiéres tranfparentes de différente conftitution par rapport à leur ftruëture intérieure & à leurs pores, par où les rayons doivent pañler, ne peut-on pas préfumer naturellement que les conduits ou les pores dans les corps diaphanes font plus ou moins étroits dans les uns que dans les autres, felon qu'ils font d'une confiftence plus ou moins denfe, plus ou moins compaête ? Si cela eft ainfi, il faut dire que les petits tourbillons qui logent dans ces pores, font plus ou moins au large felon la largeur des pores : ils fe trouvent donc réduits ou reflerrés à un moindre vo- lume ; par exemple, dans le verre que dans l'eau , à un moin- dre aufli dans l’eau que dans l'air, & à un moindre encore dans celui-ci que dans le milieu de la matiére éthérée , où on peut les confidérer comme étant dans leur état naturel , & comme ayant leur plus grand volume , quoique toûjours d’une extrême petitefle, LXXXI. Faifons préfentement attention à la nature de la force centrifuge d’un corps qui tourne fur la circonférence ‘d’un cercle avec une vitéffe donnée : nous fçavons que cette force doit augmenter en même raifon que cette circonférence où fon diametre vient à être diminué , tellement qu'un mêmé degré de vitefle peut procurer àfee corps une force centri- fuge infinie, pourvä que l’on æonçoive que le diametre de fa circulation devietine infiniment petit. D'où il eft clair que la matiére éthérée qui volrige dans chaque petit tourbillon ë Li Men. 2 Pag: 46 APAJEOTET LOL JA Pl. dé Men. Pag#6. AS. du Mem.2.pag.46.. 1 li L | | | j k l ii il ve Qu dJ'umonrmentt Seul 3. di Mem.2 P4g. 7e Fmonnass del & x Ÿ ÿ À Ÿ Ÿ à À Lg. du Mem. 2 Pay FAST] Mem.2.pag.46. CR À. Junmonneatc Jet GE. du Mer. 2 -Pag: 26. —— TE ri ns js | | | il) | A a à NL 5 nes = ——_—_— —_— TNT QT [THE CLEA Li j No Jimonneat Sep: FORTE Li “ A [HLUTTELNNL RES [IUT Î 4 11 7 à LAIT x l pa If pan US o l' rar qu mr DIN a x il tr PR RE = - =" _ Je E —- + Hi {V10 die Men L pag. 46. | Li all (ll M uit 27.4 6. He. 2 P deb 2 2772 AA dif nm Dal Sms SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE. 47 autour de fon centre avec la vitefle une fois acquife , ac- querra une force centrifuge en même raifon plus grande que le diametre du tourbillon eft devenu plus petit. Or c’eft dans la force centrifuge de la matiére comprife dans la mafle des tourbillons , que j'ai démontré ($. XXI. ) que confifte la force élafique de l’éther : cette force fera donc plus grande là où les petits tourbillons font reflerrés plus étroitement , comme ils le font dans les pores des corps tranfparens de dif férentes fortes. LXXXII. La confidération de ce que je viens d'expliquer nous con- duit tout droit à entendre la raifon pourquoi un rayon de sumiére entrant dans un milieu de conititution différente de celle du milieu dont il fort, ne peut pas s’étendre fui- vant la même direétion qu'il a avant que d’entrer , mais qu'il doit fe plier, foit pour fe rapprocher de la perpendiculaire tirée par le point d'incidence, foit pour s’en éloigner , felon que le milieu dans lequel il pénétre, contient de l’éther plus ou moins élaftique, que n'eft celui qui réfide dans le premier milieu, d’où fort le rayon : car foient les deux milieux diffé- rens RCD, SCD féparés par la furface CD, le premier RCD foit par exemple de l'air, & l'autre SCD foit du verre. Concevons une des fibres lumineufes 4 E B obliqueàCD, dontles deux extrêémités À & B tiennent lieu d'appuis im- mobiles, & dont une partie ÆE eft dans l'air, & l’autre partie E B dans le verre. D'abord il eft évident par lui-même , que la continuation de la partie ZE, ne fçauroit aller tout droit vers F pour faire enfemble la ligne droite 4 E F, parce que l’éther contenu entre les corpufcules » ,»,n, &c.ayant üne plus grande force élaftique ; que celui qui remplit les in- tervalles des corpufcules m, m,m, &c. & ces deux forces érant direétement oppofées l’une à l’autre, il eft vifible que dans cet état la fibre 4 E F ne pourroit pas fe foûtenir en faifant fes vibrations , puifque le corpufcule E .conçû fur la furface CD ( où fe fair le confliét de ces deux forces inégales) feroit continuellement follicité plus fortement par la force de la Fig. 4. 48 RECHERCHES PHYSIQUES ET GÉOMETRIQUES partie E F pour fe glifler vers C, qu’elle ne le feroit pour aller vers D par une moindre force de la partie 4 E. Ainfi le corpufcule E s’échapperoit, de même que tout autre qui fe mettroit à fa place; donc toute la fibre ZE F feroit dé- truite dans le moment. LXXXIIL. Mais pour conferver en fon entier la fibre 4 E B, la nature y a pourvû en faifant prendre à la partie E F une fituation convenable pour établir l'équilibre entre deux forces inéga- les , en vertu duquel le corpufcule E ne fera ni plus ni moins poufté vers C que vers D. Cette fituation convenable fe fait , lorfque conformément au principe de Statique employé par M. ( Jean ) Bernoulli dans les Aëtes de Leipfic de 1701, lé finus de l'angle Z E R eft au finus de l’angle BES, comme la force élaftique de l'éther du milieu SC D qui comprime ou anime la partie de la fibre E B, eft à la force élaftique de Péther du milieu 4 CD, qui anime la partie ÂE, & par- tant en raifon conftante; c’eft en quoi précifément que con- fifte la loi de la réfraétion , dont je voulois expliquer la caufe phyfique. LXXXIV. On peut regarder, fi on veut, fans faire tort à notre ex- plication , le point £ comme l'appui commun des deux fibres entiéres ZE & EB, lequel foûtient en équilibre les forces inégales avec lefquelles elles font preffées ou appuyées lune contre l’autre ; mais fans que l’une céde à l’autre, par ladite raifon des finus des angles d'incidence & de réfraction réci- proquement proportionels à ces forces: Mais comme il eft fort probable que toutes les fibres d’une même fuite, quoi- qu’en différens milieux, font fynchrones entr'elles , je veux dire, que leurs vibrations fe font toutes en tems égaux , pour obferver une parfaite harmonie ; cependant comme on fçait auffi, qu'un reffort plus vif fait fes vibrations plus vite, qu'un autre en tout égal, mais moins vif; donc pour mettre au fynchronifme toutes les fibres de différens milieux, iln'ya qu'à aligner à chaçune fa jufte longueur pour qu’elles faffent toutes SUR: LA PROPAGATION DA LA: LUMIÉRE: | 49 toutes enfemble des vibrations contemporaines. Pour.déter- miner la longueur dûe’à chäcune, nous allons confulter V(Dx A), … Part. LXIX, où nous avons trouvé OX qui exprime le nombre, de vibrations qui fe font pendant une, ofcillation du Pendule donné D , par une fibre de la longueur 4G, & comprimée par une force proportionnelle à 4, à.laquelle eft égale la force éiaftique de léther’ qui anime la fibre. Donc afin que deux fibres de différente élafticité foient fynchrones , ou qu’elles faffent leurs vibrations en tems égaux , il faut que leurs longueurs foient.en raïifon foudoublée de leurs élafti- Les ds RT A ; cités : car alors la quantité PC? #4) eft de même valeur pour l’une & l’autre fibre. C’eft ce qu’on trouve aufli dans les cor- des de mufique d'égale groffeur & de même matiére, mais d’inégales longueurs , puifque fi on les tend par des poids qui foient proportionnels aux quarrés de leurs longueurs, où , ce qui eftila même chofe, que les longueurs foient en ;raifon foudoublée des tenfions ou.des. poids, on oblervera que ces cordes feront parfaitement à funiflon , marque indubitable que leurs vibrations font fynchrones. . et ) aa la MA vb do: séisht <Ée Ainfi iln’y a qu’à dire ,sque les fibres lumineufes: qui fe forment , par exemple, dans‘ le verre: quand le rayon s’y plonge, venant de l'air, s’allongent dans ladite proportion, afin que les vibrations des.fibres , tant dans l'air que dans le verre, fe faflent conjointement & en égal nombre en tems égaux. À cette occalion, on peut faire une, remarque fort curieufe & paradoxe ; c’eft que la vireffe réelle de la propaga- tion de la lumiére , qui eft différente en paffant par diflérens milieux, doit être plus grande quand, le rayon rompu s'ap- proche de la perpendiculaire, &, plus petite quand il s’en éloigne ; d’où il fuit, que la lumiére paffe plus vite parle verre que par l’eau, & plus vite par l’eau que par l'air , mais qu'elle court le moins vite par l'éther pur; au lieu que l'opinion générale étoit de croire , que les corps les plus denfes étoient ‘Tome III, G [so RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES Princ.Philof. propof. 95. Lib. 1e ceux qui devoient le plus retarder le paffage de la lumiére. Il eft vrar que le fentiment de M. NeWton paroît contraire à ce préjugé général : car la démonfiration qu’il donne à fa maniére , fait voir évidemment que la viteffe du rayon qui pénétre dans un milieu en s'éloignant de la perpendiculaire tirée par le point d'incidence , doit être retardée conformé- ment à ma théorie. ROSE LXXXVI. Cette théorie a de plus cet avantage, qu’elle me met en état de déterminer la véritable proportion des différentes vi- tefles de la lumiére paffant par différens milieux , dont on -connoit les réfrangibilités : voici comme je me prends dans cette recherche. On a vü ($. L X X XIV. ) que les lon- ueurs des fibres fynchrones doivent être en raifon foudou- blée de leurs élafticités , ou de la force du reffort de l’éther renfermé däns les milieux par lefquels paffe fucceffivement ‘un rayon de lumiére : on a vû aufi ($ LX X XIII. }que Télafticité eft en raïfon réciproque du finus de l'angle de ré- fra@ion ; il faut donc que les longueurs des fibres fynchro- nes foient en raifon foudoublée réciproque du finus de l’an- gle de réfraétion. Or , comme à chaque vibration des fibres , il fe forme fucceflivement-une nouvelle fibre ,( $. LV.) & ë dans cette fucceflion confifte le progrès de la lumiére, (SL XXIL.)ileft vifible qu’à caufe du fynchronifme de toutes les fibres, en quelque milieu qu’elles fe trouvent, il fe formera toûjours dans un-tems donné un égal nombre de fibres nouvelles, foit longues, foit pétites ; ainfi la viteffe du progrès ou de la ‘propagation de la lumiéré par deux différens milieux, fera abfolument proportionnelle à la lon- gueur refpeétive de chaque fibre formée dans ces deux mi- lieux, par conféquent aufli réciproquement proportionnelle à la racine Quarrée du finus de Pangle de réfrattion qui fe ‘fait lorfqu'un rayon pañfe obliquement: d'un de ces milieux ‘dans l'autre. Maïs on connoïît par l’expérience la réfrangibi- lité des milieux , on connoitra donc auf le véritable rapport "des vireffes refpeétives avec lefquelles la lumiére fe propage SUR LA PROPAGATION DE £A. LUMIÉRE. si ou s'étend par différens milieux. Ce qu'il falloit rrowuer. On fuppofe dans cette démonftration une parfaite égalité entre les corpufcules qui appartiennent, aux deux parties d’une même fibre, qui fe forment immédiatement avant, & après la réfraétion ; cependant , à prendre les chofes à la ri: gueur, nous verrons que pour expliquer les couleurs, il faut qu'il y ait quelque petite inégalité entre ces corpufcules , ceux de l’éther plus élaftique dans les corps tranfparens ayant rois jours un peu plus de mafle que ceux qui font dans l’érher libre & hors de ces corps. LXXXVII. Pour appliquer notre fpécularion à un exemple, l'expé- .ience enfeigne que le finus de l’angle d'incidence d’un rayon, qui fortant de l'ait, pénétre dans le verre commun, eft au finus de Pangle de réfraétion , à peu-près comme 3 2:2,.ou plus précifément , felon M.Newton, comme 31 à 20 : je dis que la viteffe de la lumiére par l'air , eft à fa vitefle par le verre, come V20 à V31, ou environ comme 4 à 5. Ce rapport pourroit avoir lieu, fi le rayon. de: lumiére paffoit immédiatement de l’éther pur dans le verre, puifque la ré- frangibilité de l'air eft fi petite, felon le même M. Newton, que la différence de réfraétion du rayon fortant de fair ou immédiatement de l’éther pour entrer dans le verre ; doit être infenfible. je LS On voit de-là que la lumiére auroit befoin feulement de 12 minutes ou de la cinquiéme partie d’une heure , pour traverfer diamétralement tout le gros globe de verre qui auroit l'orbite de la Terre pour circonférence : car 4. $ :: 12.15; fuppofé, fuivant M. Newton, que la lumiére parcourre cette vafte étendue dans J’éther en 1 $ minutes de tems. Que fi un tel globe étoit d’eau , où les finus de réfrattion & d'incidence font comme 3 à 4, & partant la vitefle de la lumiére dans l’eau , à celle qu’elle a dans l’éther,, ccemmev4àv3,ou à peu de chofe près comme 15 à 13, le diametre dece globe aqueux feroit parcouru par la lumiére dans le tems de 13 minutes horaires, par conféquent d’une PAS G G} Opt. p. 320. s2 RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES feule minute plus grand que le tems qu'il lui faudroit pour parcourir le diametre de cé même globe, sil étoir fait de verre commun. On appliquéra ce calcul à telle autre matiére ptllucide que l'on voudra, pourvû qu’on en connoiffe par expérience la réfrangibilité. LXXXVIII. ‘Je pourrois finir ici mon difcours, aptès avoir répondu foifamnient à la queftion de l'illuftrét Académie ; qui ne demandoïr qu'une explication générale de la propagation de la Lumiére. Celle que j'ai l'honneur de lui préfenter , eft tirée, comme on voit , des principes les plus clairs & les plus reconnus dans la fublime Méchanique. Ce qui m'a donné occafñon d’expliquér non:feulement en général Porigine & la maniére dont fe fait le progrès & l’extenfion de la lumiére; mais d'entrer aufli en difcuilion des principales propriétés &c d’autres fymptomes curieux qui l'accompagnent, & que je crois avoir éclaircis à la fatisfaétion du Leëteur équitable. Cependant la produdtion des couleurs, dont la fource fe trouve dans là lumiére même, éft une matiére trop curieufe & trop utile pout n’en point parler. Aïnfi je me flatte qu'on aura la patience d'entendre mes penféés là-deflus , que j’expo- ferai avec toute la briéveté poflible, pour ne pas fortir des bornes d’une jufte Differtation. mm MERE | s LXXXIX: .. : 0, ! Des Couleurs de la: Lumiére. M. Newton dans fon admirablé' Traité d'Optique ; ‘qui eft un de fes ouvrages dont je fais le plus de cas; a très‘bien mofitré par un: grand nombre d’obfervations & de belles “expériences ; que les couleurs fe’ trouvent déja originairez ‘meñt dans la lumiére, & que ‘pour les manifefter, il: n'y a qu’à les démêler ou féparér les unes des'autres , lefquelles étant encore mêlées enfemble préféntentune couleur mixte ; mais qui par cela même paroïît uniforme, d’autant que la vüe ne fçauroit difcerner les couleurs’ primitives qui compofent la mixte, Ainfi on a été long:tems dans l’erreurde croire , que , SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE. 53 par exemple, la couleur de la luimiére du Soleil étoit une couleur pure ou fimple ; c’eft ce qui a induit M. Defcartes à prendre le change & à penfer fauflement , que les couleurs qu'on nomme emphartiques, telles que font celles qu’on voit dans Iris ; ou qui fe répandent fur les objets regardés à travers un prifme de verretriangulaire, que ces couleurs, dis-je , étoient nouvellement produites par une certaine modification fur- venue aux mouvemens des globules céleftes, qui, felonlui, forment les rayons, lorfqu'ils entrent dans l’eau ou dans le verre ; & que de la diverfité de cette prétendue modification provenoit la diverfiré des couleurs. Mais je crois qu’on eft généralement défabufé de cette erreur depuis la découverte de M. Newton. Ce n’eft pas que je veuille embrafler en tout le fyftême qu'il a donné ; pour expliquer l’origine &. la caufe des couleurs : car comme fon fyftême differe beaucoup de ma théorie , il me feroit impoñlible de lui accéder dans tou- tes Les circonftances, & particuliérement dans la maniére d’ex- pliquer la propagation de la lumiére. 11 fuffit de dire , que je fuis perfuadé comme lui, mais par mes propres raifons , que les couleurs font primirives & exiftantes dans la .lumiére , dès que celle-ci exifte elle-même. X-C: En lifant l'ouvrage de M. Newton, on verra 1°. qu'il fait confifter la propagation de la lumiére dans une effufion continuelle de petites particules dures, qui font lancées avec une force & une viteffe prodigieufe du corps lumineux lui- même ; par exemple , du Soleil. Il croit 2°, que ces parti- cules en partent & s'en viennent à nous par un mouvement de tranfport effetif, enforre que celles qui frappent nos yeux dans ce moment, étoientencore dans le Soleil 7 ou 8 minutes auparavant. 3° Une infinité de ces particules foli- des qui fe fuivent à la file & en ligne droite, fait ce qu'il nomme un rayon folaire. 4°. Il fuppofe qu'en général les particules font de différente groffeur & lancées avec diffé- rente force , que les plus groffes acquiérent plus de rapidité que les plus fubriles. Il veur 5°. que chaque bu: conlidéré ii] 54 RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES féparément , foir compolé de particules d'égale groffeur & d'é- gale viteffe, quoique fans en dire laraifon. 6°. Chacun de ces rayons fimples , s'il venoit féparément des autres à frap- per nos yeux, exciteroit en nous la fenfation d'une cer- taine couleur , felon la groffleur &: la force des particules dures qui le compofent ; ainfi celles qui font les plus groffes & les plus rapides , font le rayon fimple du premier ordre, qui eft d’une nature à produire la plus vive couleur , fçavoirle rouge foncé & éclatant ; après ce rayon il confidére les autres fimples qui defcendent par degré de force & de vitefle, dont chacun a fa propre couleur , qui convient à fon degré deforce & de viteffe. Il diftribue ces rayons colorés en cinq claffes principales ; fuivant l’ordre qu'obferve la nature dans l’arc-en: ciel & dans la lumiére projettée par un prifme de verre fur une parois oppofée au Soleil, qui font le rouge , le jaune ; le verd, le bleu & le violet. Ceux des rayons qui font d’une conftitution moyenne entre deux Voifins principaux, différe- ront de chacun en couleur, & participeront pourtant de leur nature plus de l’un que de l’autre , felon qu’ilen approche plus ou moins. De-là vient, que les cinq fortes de couleurs ne fe terminent pas brufquement, mais qu’elles fe perdent infenfi: blement & par nuances les unes dans les autres. Mais 7°. les rayons fimples de tout ordre fortant du corps lumineux êle-mêle, chaque filament de ces rayons, quelque fubtil ou délié qu'il foit, doit être confidéré comme un rayon compo- fé d'une infinité de rayons fimples & indivifibles en forme de pinceau contenant grand nombre debrins ou de poils très-fins, C’eft là la raifon 8°. pourquoi la lumiére qui part immédia- tement du Soleil, paroït avoirune couleur uniforme, quoi- qu'elle foit mixte & compofée d’une infinité d'autres diffé- rentes. Enfin 9°. M. Newton, fondé fur ces raifons, con- clud qu'un rayon compofé , lorfqu’il tombe obliquement fur une furface réfringeante, doit fe féparer en fes rayons purs & fimples, parce que ceux de ces rayons , qui ont le plus de force à pañler, fouffriront une moindre réfrac- tion , en s’écartant moins de leur dire&tion commune, que SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE. s$ ne font ceux qui font plus foibles , & qui par conféquent en fe détournant davantage fubiffent une plus grande réfra@ion. D'où il fuit néceffairement, que par une telle difperfion des rayons fimples, la couleur primitive de chacun paroîtra di- finement à l'endroit où elle tombe féparée des autres. X CI. Voilà le précis de ce qui fait le fyftême de M. Newton fur la nature des couleurs ; quoique ma théorie s'accorde avec le réfultat de fon fentiment, elle en difiére pourtant dans les circonftances & dans les principaux points que je viens de rapporter. Car au lieu que chez lui les particules dures, qui font la matiére, des rayons folaires , fortent du Soleil lui- même , & fe lancent avec une rapidité énorme fur les objets les plus éloignés par un mouvement de tranfport; chez moi, ce ne font que les corpufcules folides dans l'éther & hors du corps lumineux , qui fe trouvent fur la direétion des fibres lumineufes , excitées d’abord par les violentes fecoufles du Soleil que reçoit l’éther d’alentour, & multipliées enfuite chacune en fa direftion commencée jufqu’à de très-grandes diftances , fans que les corpufcules fortent de leurs fibres, & faflent autre chofe que trémouffer avec les vibrations des fibres. Pour expliquer les différentes fortes de rayons fimples , qui portent avec eux les couleurs de différents ordres , M. Newton eft obligé, comme moi , de fuppofer les particules dures de grandeur & de force différente ; mais il ne démon- tre pas, d'où vient qu’un rayon fimple eft compofé d’une grande file de particules parfaitement égales en grandeur & en virefle ; & qu'un autre rayon eft pareillement compofé de particules égales , mais d’un autre genre de grandeur & de ‘ force, & ainfi de tous les autres. Mais qu’eft-ce qui peut faire ce choix, ou qu’eft-ce qui fournit à chaque rayon des parti- cules uniformes, qui lui conviennent pour telle ou telle cou- leur ? ne femble-t-il pas , que toutes ces particules fe trouvant dans le vafte Océan de la matiére folaire , mêlées confufé- ment & au hazard , devroient fortir fans diftinétion de grof- feur & de force par tous les points de la furface du Soleil, 56 RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES & qu’ainfi chacun des rayons feroit compofé de particules de toute forte de grandeur ; quelle des couleurs porteroit-il donc avec lui ? voudroit-on peut-être confidérer la furface du Soleil, comme une lame percée à jour d'une infinité de petits trous de différens diamétres en forme de tamis ou de crible ? cela ne fatisferoit pas mieux, puifqu’on verroit bien pour- quoiles plus petits trous ne laifferoient paffer que les plus peti- tes molécules ; mais il n’y auroit aucune raifon paurquoi ceux des trous qui font les plus larges, ne laifferoient pas échapper les moindres molécules pêle-mêle avec les plus groffes. Ce qui interromproit déja l’uniformité d'un rayon fimple, requife pour produire une certaine couleur primitive, excepté peut- être le feul rayon formé par les plus petites particules , lequel , fuivant le fentiment de M, Newton, doit porter le violet. XCIT. Cette difficulté ne fe rencontre pas dans mon fyftème des fibres lumineufes ; j'ai montré ci-deflus ($. XX XIII. ‘& XX XIV.) la raifon pourquoi dans la formation de ces fibres les corpufcules , qui font difperfés confufément dans léther, doivent fe ranger enforte que toute une fuite de fi- bres fecondaires , ( de’celles au moins qui fe font dans un milieu uniforme & homogéne,) n’enfile que des corpufcules d’une même groffeur avec ceux de leur fibre principale ; la loi du mouvement confpirant des vibrations fynchrones par toute la longueur de la fuite , demande cette parfaite égalité des corpufcules dont elle eft chargée; parce que tout autre de différente grandeur qui pourroit troubler le fynchronifme commun en feroit bientôt fequeñiré, par cela même qu'il ne pourroit pas s’accommoder à leurs vibrations, comme je l'ai expliqué plus au long à l'endroit cité. XCIII. | Etl’éther.pur étant fans doute le milieu le plus parfaite: ment homogéne, ileft dans une entiére indifférence à être impregné de corpufcules de toutes fortes de grandeur , dont il fe formera des fibres , & par conféquent des rayons de tout ordre poflible ; mais il ne paroït pas en être de même des autres | SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE. 57 autres milieux particuliers & fenfibles , dont chacun , felon fa propre conftitution , doit avoir non-feulement {on éther qu’il renferme plus condenfé à un certain degré qu'il n'eft , quand ileft libre & en mafle , comme nous l’avons prouvé ci-deffus ; mais aufli les corpufcules qui y nagent & qui doivent former les fibres, feront plus d'une grandeur égale & dérerminée , felon que le demande la nature du milieu. Il eft donc vifi- ble , que quand un rayon compofé , ou un pinceau de rayons fimples , tombe obliquement fur la furface réfringeante CD, celles des fibres Z E , dontles corpufcules m,m ,m , &c.ani- més de l’élafticité de leur éther font d’une grandeur à rece- voir des forces accélératrices, qui approchent le plus des Torces accélératrices des corpufcules » ,» ,n, &c. de la fibre EB, qui doit la contrebalancer; cette fibre ZE, dis-je, étant prolongée en E F, aura une fituation, dont s’écartera le moins qu'il eft poflible la fituation de la fibre E B; c’eft- a-dire , que l'angle de réfraétion B ES pour ce rayon fimple repréfenté par À E , fera le plus grand qu'il peut être , & que tous les autres fimples contenus dans le même pinceau fouffri- ront de plus grandes réfraétions , ou feront de plus petits an- gles BES, à mefure que les forces accélératrices de leurs corpufcules font plus inégales à celles des corpufcules du milieu , par lequel doit paffer la lumiére. Donc le rayon com- pofé en y entrant doit fe difperfer en fimples, & fe faire voir chacun fous la couleur qui lui convient. X CIV. Les milieux terrefires & denfes, tels que le diamant, le verre, l’eau , &c. ont tout leur éther renfermé plus élaftique , comme nous l'avons dit, qu'il n°’eft dans fon état naturel , & les uns plus que les autres: mais confidérons maintenant lef- quels des corpufcules, dont eft chargé l’éther libre, peuvent acquérir le plus de force accélératrice, lorfque leurs fibres font en vibration, pour que les rayons fimples fouffrent la moindre réfra@ion poflible. M. Newton croit que ce font celles des particules qui ont le plus de mafle , & en même tems le plus de vitefle ; ce qui feroit vrai, s’il avoit H Tome III. Fig. 4. P.25. © 27. Fig. 4, 53 RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES démontré de quelle maniére.ces deux qualités peuvent fub- fifter enfemble ; mais comme ce n'eft qu'une fimple fuppo- fition, qui n’eft pas démontrable par fon fyflême, je me trouve obligé de m’écarter ici de fon fentiment & dedire, qu'en vertu de ma théorie il faut que les plus petits corpuf cules foient les plus propres à faire que les fibres ; d’ailleurs en tout égales , acquiérent de très-promptes vibrations. Témoin auili les cordes de mufique d’égale longueur & tendues par égales forces, mais d’épaiffeur inégale, dont il eft démontré dans le Tome III. des Comment. de Peters- bourg , que le nombre de vibrations latitudinales de chacune eft exprimé par DE, pendant la durée d’une ofcil- lation du Pendule D, où p fignifie toûjours l'expofant de la raifon entre la circonférence & le diametre; P la force ou le poids qui tend la corde, dont 4B eft la longueur, & L la quantité de matiére ; enforte que deux cordes où P & AB fe trouvent de part & d'autre être de mefure égale, mais différentes en groffeur ou en quantité de matiére L, feront dans un tems donné des vibrations, dont les nombres fe- ront réciproquement en raifon foudoublée de leur groffeur, ou, ce qui revient au même, en fimple raifon inverfe des diametres des cordes. Or, nous avons déja vû , que les fibres élaftiques par compreflion obfervent la même loi, en faifant leurs vibrations longitudinales , qu’obfervent les cordes élafti- ques partenfion , quand elles trémouffent en fens latitudinal. X C:V. Ayant donc prouvé (5. LXXXIIL.) que les deux fibres AE, EB diverfement élaftiques entretiendront le point £ ( mobile fur C D ) en équilibre , lorfque les finus des angles AËR, BES, fonten raifoninverfe desélafticités des fibres par le principe de Statique; ce qui a lieu, quand même les fibres cefleroient de trémoufler , vû que c’eft en vertu des preflions feules de leur éther oppofées l’uneà l’autre fous ces angles que doit fe faire l'équilibre ; il eft manifefte , que les corpufcules #1, m3 m, &c. de la fibre 4 E, que je fuppofe SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE. s9 maintenant un peu plus petits queles corpufculesr ,n,n, &c. de la fibre E B , recevant par leurs vibrations plus de viteffe aétuelle , que ceux de fon antagonifte , ileft, dis-je , mani- fefte , que par ce nouvel accroiflement de force , quelque petit qu’il foit, la force de la fibre ZE l’emporteroit fur celle de la fibre £ B ; afin donc que l'équilibre foit confervé, il faut, en conféquence du même principe de Statique , que la fitua- tion de la fibre E B fe rapproche tant foit peu de E F pour rendre fa force plus direétement oppofée à celle de ZE:I1 en eft à peu près ici comme d'un lévier à bras inégaux ; qui étant chargé de deux poids en raifon réciproque de la lon- gueur des bras, refteroit en équilibre , tant qu'il ne furvien- lroit point de mouvement aux poids ; mais dès qu’on impri- meroit à chacun des forces accélératrices, & en même fens une plus grande au petit qu’à l’autre, on conçoit bien que celui-là ; nonobftant qu’il für le plus petit, l'emporteroit fur celui-ci, & que l'équilibre fe détruiroir. XCVI. La conclufon que je tire de ce raifonnement, tend à prononcer, que celui des rayons fimples (contenus dans un rayon compofé ) qui fouffre le moins de réfraétion , & qui donne la couleur rouge, doit être ‘chargé de corpufcules qui font les plus petits ou les plus fubtils de tous ceux qui font mêlés dans l’éther , & que par conféquent les plus gros font ceux qui entrent dans le rayon violet, lequel s’écartant le plus de la direétion du rayon incident , doit fubir la plus grande réfraétion en paffant d’un milieu dans- un autre de différente nature ; & enfin que les rayons fimples de couleur intermédiaires fe rangeront par la réfraétion entre les deux extrêmes fuivant l'ordre de petitefle des corpufcules, depuis lé rouge comme le plus fort & le plus vif, jufqu’au violet comme le plus foible & le plus fombre, le tout conformé- ment à l'expérience. XCVII. Il eft vrai que la différence entre la plus grande & la plus petite réfraétion des deux rayons extrêmes eft bien petite ; Hi; Opt. edir. Frans. p.93 Diopt. Latine imprimée a Leyde 1703. Pe 203+ 60 RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES car le rayon incident & le rompu étant pris affez près de la perpendiculaire , afin que les angles foient fenfiblement comme leurs finus, M. Newton trouve par fes expériences ; que l'angle compris entre les deux rayons extrêmes qui ter- minent le rouge & le violet, eft la vingt-feptiéme & demie partie de l'angle de moyenne réfraétion. D'où il conclud (p- 94.) que les verres objeétifs des Télefcopes raffemblent toutes fortes de rayons paralleles à l'axe, en telle maniére, que le foyer des rayons les plus réfrangibles eft plus près du verre objeëtif que le foyer des rayons les moins réfrangibles, d'environ la 27 < & demie partie de la diftance qu'il y a entre l’objeëtif & le véritable foyer où les rayons de moyen- ne réfrangibilité fe raffemblent. Je ne fçais fi M. Huguens qui cite l'expérience de M. Newton faite avec le prifme de verre ; a mal compris le réfultat de cette expérience, ou fi M. Newton lui-même l’ayant peut-être refaite depuis ce tems-làavec plus d’exa@itude, la corrigée : car M. Huguens fait la différence de la plus grande réfrangibilité à la plus pe- tite, beaucoup moins fenfible que ne l’a fait M. Newton, puifqu'il dit pofitivement, que l'intervalle des deux foyers n’eft que la cinquantiéme partie de la diftance totale entre le verre & le foyer des rayons rouges. XCVIII. Quoi qu'il en foit, la derniére expérience de M. Newton, comme elle fe trouve dans fon optique ; étant fuppofée exaéte, on pourroit déterminer par la méthode que j’ai employée ci- devant ($. LXXX VI.) la raifon des viteffes avec lefquellesle rayon rouge & le violet marchent dans un même milieu : car en prenant d’abord la nature de la réfraction à l'ordinaire, on confidéreroit le rayon rouge comme un rayon incident fur une füurface réfringeante en raïfon de 27 à 28, & le violet comme le rayon rompu par la force réfraétive d’un milieu, dans lequel le rayon rouge doit entrer ; ou réciproquement le violet pourroit être confidéré comme un rayon incident, & le rouge comme fon rompu , enforte que le finus de l'angle d'incidence feroit au finus de l’angle de réfraétion SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE. 6r comme-28 à 27. Sur ce pied-là on trouveroit par ladite mé- thode , avec combien de rapidité chacun de ces deux rayons extrêmes devroient fe mouvoir dans un même lieu : car la viteffe du rouge feroit à celle du violet comme V28 à V2, ou à peu près:: $$ , 54; fuppofé donc avec M. Newton que la lumiére emploie 7! minutes, ce qui fait 450 fecon- des , à parcourir la diftance entre le Soleil & la Terre ; il faut inftituer cette analogie, comme $5$ eft à $s-s4æouàr:, ainfi 450 eft à 8 2, qui marque le nombre de fecondes que le rayon rouge emploie à parcourir le demi-diamétre du grand orbe plus vite que le violet; cela veut dire, qu’un trait de lumiére qui part dans cet inftant du Soleil, commen- “era dans le premier moment de fon arrivée fur la terre à fe faire fentir rouge 8 fecondes avant qu'il paroifle fous fa clarté naturelle & totale. XCIX. Pour le vérifier, il me vient fur cela une penfée affez cu- rieufe pour M * les Obfervateurs ; fi, comme il arrive quel- quefois , une grande tache fur le difque du Soleil venoit à dif. paroître fubitement , & qu’une lumiére éclatante (que Def. cartes nomme facule) prit fa place, je penfe pour für, que dans le premier commencement de cette apparition, la facule paroîtroit fous une couleur plus rouge que le refte du difque, & qu’au contraire fi une grande tache venoit fubitement du fond du Soleil, laquelle couvriroit une partie de fa lumiére ; cette partie avant que d’être abolie entiérement, paroïtroit fous la couleur du violet, ou pour un moment, d'un bleu fom- bre , parce que le violet feroit peut-être trop foible pour être fenfibie. Par lamême raifon, les Satellites de Jupiter, toutes les fois qu'ils iroient fe cacher dans fon ombre , avant que de difparoître totalement , devroient changer leur lumiére éva- nouiffante en bleu obfcur , & toutes les fois aufli qu’ils forti= roient de l'ombre , leur lumiére commenceroit par paroître: rouge; mais je crains beaucoup que le peu de vivacité d’une Jumiére empruntée qui vient de fi loin, réfléchie par ces petits corps, qui paroiffent quafi comme des points, ne Hi 62 RECHERCHES. PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES permette: pas d’appercevoir affez fenfiblement ces change- mens de. couleur; quoique fans cela l'obfervation auroit cet avantage fur celle qu'on feroit des taches folaires, que la Terre pouvant s'éloigner de. Jupiter prefque fix fois plus qu’elle n’eft du Soleil, fçavoir, quand elle eft un peu’ avant ou. après l’oppofition avec Jupiter , la différence des tems que le rayonrouge & le violet employent à parcourir cette difance , feroit-aufli fix fois plus grande, que quand ils ne viennent que du Soleil; cette: différence destems feroit donc ici de 6x 8 = ou environ de: 49 fecondes, ce qui ne‘feroit pas tout-à-fait.£ d’une, minute. Je ne-dis rien des Satellites: de Saturne; la lumiére qui s’en réfléchit jufqu'à nous étant beaucoup: trop foible pour € efpérer quelque changement dé couleur qui: füt fenfible’; Ta fuffit de faire remarquer, que vû la. longueur du trajet entre’ Saturne & la Terre, lorfque cés deux Planetes ne font pas loin de leur. oppofition par:fapport au, Soleil. la. lumiére rouge qui viendroit de l’une à l’autre anticiperoit le violet environ du double de. ce que nous avons trouvé pour les Satellites de Jupiter , fçavoir de:100 cor de 1 2 minutes. Si ces fpéculations n'ont pas grande-utilité pour l'Aftro- nomie, elles ne laïffent pas de mériter l’attention d’un Phy- ficien; d'autant plus, qu'elles me paroiffent appartenir direc- tement au.fujet en queftion, qui veut fans doute, qu'on: explique pas feulement-la propagation de la lumiére & la: proportion des différentes vitefles: qu’elle doit avoir en diffé- rens. milieux, mais aufli la proportion des différentes vi-: tefles que: doivent avoir les rayons primitifs de différentes : couleurs, pendant.qu'ils fe: trouvent dans un même milieu ; matiére: que. perfonne, que: Je fçache., n'a traitée encore, mais dont l’explication, comme je me flatte , a été tirée aflez naturellement des prinaipes de ma théorie. Ilime faudroit compofer un ouvrage aufligros.que celui de M. Newton, fi je: voulois-fortir du. fujet propofé, & entrer avec lui dans: un détail des particularités très - curieufes fur la produétion SUR LA PROPAGATION :DE LA LUMIÉRF. 63 des couleurs ; fur-tout de celles qui s'obfervént fur des lames très-minces de verre , d’eau, d'air, &c. lorfqu'’ellés font entre deux corps tranfparens dont la denfité différe de la leur ; comme ; par exemple ; la pellicule d’une grande bulle d’eau favonneule , étant , comme elle eft, terminée par l'air exté- rieur & intérieur, montre les plus belles couleurs de toute efpéce; c'eft fur quoi M. Newton fait fesraifonnemens fon- dés fur des expériences très-délicates , dontil remplit prefque tour le fecond Livre de fon Optique. Ce qu'il dit entr'auttes (p.223. € fuiv.) de l'apparition des couleurs fur les verres objeétifs de grands Télefcopes qui fe touchent ,éft très-digne de l'attention & de l'examen du Leëteur : il ptit donc deux << ces verres ; Fun plan convexe propre à un Télefcope de 14 pieds, & l’autre convexe des deux côtés ; deftiné à un Télefcope d'environ so pieds; & appliquant le côté plan du premier fur une des convexités de l'autre, il lés preffa dou- cement l’un contre l’autre , ce qui produifit d’abord un grand nombre d’anneaux diverfement colorés , qui paroifloient avoit exaétement pour centre le point de contaét , lorfqu'il avoit l'œil placé dans l’axe desverres ; & dans le conra& il fe trouva une tache noire ou blanche, felon que l'œil étoitentre le jour & le verre ; ou le verre entre l'œil & le jour, CI | La caufe inmédiate de ce phénomene extraordinaire eft fans doute la féparation ou la décompuñition de: la Jamiére mixte en fes rayons fimples & primitifs, dont chacun occu- pant fa place particuliére , fe manifefte fous la couleur qui lui eft naturelle ; cette caufe eft générale par - tout où l’on voit la lumiére changée en diverfés couleurs. Mais il eft difficile d'expliquer de quelle maniére fe fait ici là décom- pofition de la lumiére, puifqu'il eft claie qu’il n'en eft pas des deux verres objeëtifs, qui montrent ces couleurs far leurs furfaces ;, comme du prifme triangulaire, léquel , à caufe de la différente réfrangibilité des rayons primitif ; les difperfe êv les jette au loin fur une étendue aflez confidérable pour 64 RECHERCHES PHYSIQUES ET GEOMETRIQUES en appercevoir les couleurs très-diftinétement. M. Newton donne de ce merveilleux phénomene une explication qui eft, à la vérité, au-deflus de tout ce qu'on peut imaginer de plus ingénieux, & qui feroit même (fans une fuppofition quin’eft pas bien démontrée) parfaite en fon genre, parce qu'il en déduit heureufement grand nombre de circonftances , qui toutes fe vérifient par l'expérience. CII. Il avance donc ( p.327) une propofition qu'il fonde fur fes -obfervations, fçavoir « Que toùt rayon de lumiére, » acquiert en paflant à travers une furface réfringeante quel- » conque ; une certaine conftitution ou difpofition tranfitoire + qui dans le progrès du rayon revient à intervalles égaux, , » fait que le rayon, à chaque retour de cette difpofition , eft » tranfimis aifément à travers la furface réfringeante qui ‘vient » immédiatement après, & qu’à chaque intermiflion de cet » étatileftaifément réfléchi par cette même furface. « Enfuite il veut que cet intervalle entre le retour & l'intermiflion fuivante eft différent dans les rayons fimples de différentes couleurs; d’où il conclud que quand un trait de lumiére mixte pafle par une lame très-mince , comme eft celle d’air contenu entre les furfaces des deux verres obje&tifs qui fe touchent avec un peu de compreflion, il arrive que ceux des rayons fimples , qui ont les intervalles de retour & d'in- termiflion! plus. longs , quand ils feront parvenus depuis la furface antérieure jufqu'a la poftérieure pendant qu’ils font encore progreflifs; ces rayons, dis-je, feront tranfmis, &c pañleront plus outre; d’autres au contraire ; qui à leur arrivée à la furface poftérieure ayant déja fini leur allée , fe trouvent dans l’intermiflion, ceux-ci feront, réfléchis vers la furface antérieure , &: en feront derechef réfléchis ou tranfmis felon qu'ils fe trouvent dans l’un ou l’autre état à l’inftant de leur incidence , & ainfi confécutivement ; & comme chaque rayon fimple de fon efpéce a. fes, propres intervalles différents de ceux des autres, ,on voit bien que tous ces rayons de même ” ‘ efpéce SUR LA PROPAGATION DE LA LUMIÉRE: 6; efpéce doivent fe féparer des autres d'efpéce différente : c’eft ce qui fait la repréfentation des anneaux colorés, comme M. Newton l'explique très-bien & tout au long. CIII. Quoique ces raifonnemens faffent un effet admirable ; . fi on né regarde que le réfuirat qui s'accorde prefqu’en tout avec l'expérience & les obfervations faites là-deffus; il \ auroit néanmoins à y redire chofe & d’autres par rapport aux hypothefes qu’il avance fans les prouver fuffifâmment : car fans parler du vuide qu’il fappofe, & de l'attraction qu'il attribue aux füurfaces réfringeantes , il paroîtra très - dur de soncevoir d’où peut venir au rayon de lumiére cette certaine cünftitution ou difpofition tranfitoire , qui, dans le progrès du rayon; revienne à intervalles égaux , d’où il déduit enfuite (p: 331.) ce qu'il appelle /es accès de facile réflexion , les accès de facile tranfiniffion, & l'intervalle entre deux accès de même nom; ceci, dis-je, paroît d'autant plus incompréhenfible, qu’il ne balance pas de dire à la page füivante 332, queces deux fortes d'accès viennent déja à la lumiére , dès qu'elle com- mence à émaner du corps lamineux , c les retient durant tout fon progrès : or fi felon fon fentiment expofé ‘en plufieurs en- droits ; fur-tout à la page 546, queftion 29, les rayons de lumiére font de fort petits corpufcules élancés ou poullés hors des corps lumineux qui pafent à travers des milieux aniformes en ligne droite ; comment les corps une fois müs en ligne droite, & puis abandonnés à eux-mêmes, peuvent-ils acquérir dans un milieu uniforme des viciflitudes de retardation, d'intermif fion & d'accélération , & encore des viciflitudes fi-bien mea furées , que lesintervalles entre les accès de même nom fe faflent précifément en tems égaux ? Je ne vois ici aucune caufe extérieure qui puifle changer la nature du mouvement toûjours progreffifen droite ligne , & toûjours dans un même milieu où tout eft uniforme, lequel ou réfifte, ou ne réfifte point ; s'il réfifte , le mouvement doit être retardé conti- nuellement ; fans jamais reprendre d’accélération en avant ; fi le milieu ne réfifte pas , le mouvement progreflif demeurera Tome III, 66 RECHERCHES sUR LA PROPAG. DE LA LUMIÉRE. uniforme, & gardera la vitefle primitivement impriméé, pendant tout le rems qu'il n’eft pas troublé par quelque nou- velle caufe qui lui furvient extérieurement; c’eft la loi que tous les Philofophes reconnoiffent. CIV. Mon fyftême eft exempt de cette difficulté ; en faifant at- tention à la nature des fibres lumineufes , on conçoitavecune parfaite évidence, qu'il y a effeétivement une telle récipro- cation des petits corpufcules, mais de ceux qui compofent les fibres , qui n’en fortent jamais, & qui tendent toüjours à fe remettre dans leur centre d’équilibre forcé , bien loin d’être élancés du Soleil pour faire ce vafte trajet jufqu’à la Terre ” infiniment plus outre. Ce font donc les réciprocations très- promptes des petits corpufcules , ou leurs excurfions rapides en decà & en delà de leur centre d'équilibre , dans lefquelles confiftent les vibrations longitudinales des fibres lumineufes; ce font , dis-je, ces réciprocations , que l’on pourroit fubfti- tuer à ces viciffitudes d'accès progreflifs & regreffifs fort difficiles à concevoir felon l’idée de M. Newton. On verra que de la maniére que je les ai décrites, elles feront le même effet pour l’explication du phénomene des anneaux colorés, & de tous les autres phénomenes que ce grand homme a entrepris d'expliquer. Mais de peur de fatiguer la patience du Leéteur en n'étendant trop fur des matiéres qui ne regardent pas direétement la Propagation de la Lumiére , je finis ici mon Difcours, que je foûmets à l'examen & à la fage décifion de l’illuftre Académie , & de ceux de fes membres qu’elle a choifis, pour examiner plus rigoureufement les piéces qu’on lui aura envoyées fur le fujet propofé à tous les Philofophes de l'Europe. : Annee 1736. — J'imonneau Je fat