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L"' ^.^ ;i à

6

RÉFLEXIONS

SUR

3L.ES NOIRS ET LES BLANCS,

RÉFLEXIONS

Sua une Lettre de M AZÈR ES,

ex - Colon français, adressée à

M, J.C. r. SISMONDE DE SISMONDI,

Sur les Noîrs et les Blancs , la Civilisation de l'Afrique , le Royaume d'Hayti ^ etc.

L'Orgueil est la cause des Erreurs de rHcmiiAe çt de sa Misère.

Pote , Essai sur THomme,

S.

Far le Baron de Vastey.

AU C AP-HE3Sr PlY, Chez P. Pi. o u X , imprimeur du B^Qu

4

Mars i8i6, l'An i3'

4^^^-

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REFLEXIONS

8 u R une Lettre de M A Z È R E S> ex-Colon français, adressée à J. C* L,^

SISMONDE DE SISMONDI^

Sur les iSToirs et les Blancs, la Civilisation de l'Afrique, le Royaume d'Hayti, etCe

j

E ne connaissais da nom de Mazères qu^uné" habitaûon sucrerie , située dans la riche et floris- sante piaine du Qaartier-Morin ; les crimes et les cruautés de tous genres qu'il avait commis < ou ses parens , sur les infortuivés noii's dans l'affreux régime colonial , le don de la vie que rinfortuas Ogé lui avait fait , lorsqu'il était à son pouvoir de rimmolec à la vengeance de nos frères qu'il avaiÊ fait périr dans Içs l^irtuiss j c'était sous ces diffé^

A

i 2 )

rens rspporfs que ce nom abhorré était connu â Jlayù: j'avais tout lieu de penser que semblable à la majeure partie de sî\ caste avilie, il traînai* dans Férfi sui' une len^e-Hélrangère V sa misérable existence ; mais sa lettre adressée à M. Sismonde de Sismondi vient de me désabuser ei m'apprendre que ce Mazères qui a désho!ioré l'humanisé par ses ciimes , vit encore , que Texcès des maux que les px-colons ont épi^ouvé, loin de lés corriger et de Iss ramener à des senîimens plus justes et plus humains, n'avait Hiit qu'augmenter leur rage; et qu'ils brûlent encore plus ([ue jamais du désic ije pouvoir torturer à leur gré une grande parti® du genre humain I

. Tourmentés parla so]Tiîi(arrîssable des richesses,

suscités par un esprit de malédiction, que d'absur-

di'és , de divagations , de calomnies ei d'assertions

•nieiisongères , ces apô'res de satan n'ont pas

-inventées pour légitimer la traite et les horreurs de

^'esclavage î Que de blasphèmes! que d'infamies

n'ont- ils pas osé imprimer pour ravaler et dégrader

l'espèce humaine î les uns nous refusent le nom

cl homme, nous as&imiîeiit et nous rangent dans

la meuie espèce que les orang-outangs i d'auires

poitsst ïit la démoralisation jusqu'au dernier degré,

dist*»^( qu'il faut nous exterminer jusqu'aux enfans

ds fâge-de six ans , peur reniplacer notre popu**

/ s )

lalîon par d'anlres Infortunes arraches du sein de leur terre natale l Exterminer tout un peuple » grand Dieu ! parce qu'il ne veut pas reprendre les chaînes de l'esclavage ! Parce qu'il veut jouir des droits qu'il lient de Dieu , de la nature et de la Justice I Ces hommes abominables n'ont pas craint de fouler ainsi à leurs pieds les lois divines et huraaiî^.es , de braver l'opinion générale de leurs couH^nporains » le jugement de la postéiiîé (}ut les cojidamnent à l'exécration et à un opprobre éternel : c'est dar.s le 19^ siècle que des hommes éclairés des lumières du chri^tianislï»^ ont osé poser en principe rexiermicaîion tolale d'une nation ! Eh ! la voix universelle de leurs compa- triotes ne s'est point élevée pour imposer siîenca à ces impies î Que la France civilisée se vapits donc maintenanl de ses lu luières ; ei lorsque la voix d'un houHïie de bien se fait entendre pour pjdi'c.'iir un grand niallieur et, lûccomp tisse* ment d'un grand crime , un Mazères , un ex- colon , encore tout souillé de notre sar.g , ose insulter au vertueux et généreux Sismonrie l'e

Sismondi î Parce qu'il a une certaine f?i<'ii é de coucher sur le papier ses idées t-x«rava- ganîes et" superficielles , ce pédant de Mazères s'est permis de vociférer des injures et d( s calr^m» >iies les plus atroces contre les africains el ie3 feaviiens ieïsrs desceudans,.

( 4 )

La plume savante de M. Sismonde de Sîsmondï n'a ccrtaiîiement pas besoin du secours de la Siiienne pour réralei* les fibsurdifes de Mazères, Tcais elant partie intéressée , je ne dois pas rester spectateur tianquiile de la discussion ; je dois^ faire tous mes efforts [.our aider nos défenseurs dans la grande cause ([u'iîs ont embrassée; je me dois tout entier à la défense de mes semblables, et si comme le dit Mazères , Arcbimède ne deman- dait qu'un point d'appui pour soulever le monde physic[ue , j'espère qu'IIavii sera le point d'appui oix les philantropes pourront poser le levier puîs- sarat qui doit soulever le monde moral , contre les ennemis du genre humain ; j'espère, dis je , que ces mortels vertueux , pour prix de leurs veilles et de leurs fravaux;,{rouvcronl dans la gratitude et la reconnaissance des haylîens un rlédommagemenù assuré contre V injustice des hommes. Ah ! si ces hommes généreux et bienfaisans , persécutes parmi leurs semblables, venaient à manquer <rasile, qu'iis viennent donc au milieu de nous, ils trouveroni auprès d'un souverain libéral , grand et magnanime, chez un peuple bon et reconnais^ sant , la récompense due à la vertu malheureuse ! Il n'est point inutile que je prévienne rnes lecteurs, que je n'ai lamais fait une étude particulière de la langue française, ils excuseront les fautes cl elgcu*

( s )

tîon et. de lilleVature qui doivent nëcessairernent foLirniil 1er dans les ouvrages iVvin insulaire, qni n'a jamais eu d'autres maîtres c|ue ses livres , d'aufres stimulans que la haiue des fyrans ; Mazères pourra donc se re'Jouir de trouver dans mes écrils quelques preuves d'infe'riorité morale dans des expressions impropres _, dures , bizarres , prétentieuses , eèc, que m'importe pourvu qu'il m'entende , pourvu que par les simples donnés du bon seiis , je lui prouve qu'il n'est qu'un extravagant , qu'un fat qui , ajant toutes les prétenlions au bel esprit , n'a cependant pas même le sens commun.

Je vais relever, je ne dirai pas ses erreurs, car il est trop méchant pour en avoir , mais sa turpi- tude et son insigne mauvaise foi ; je vais user da juste droit de représailles pour terrasser cet ennemi odieux ; et si j'éprouve dans ce moment un vif regret , c'est d'ctre réduit à me servir de la plume pour redresser ses outrages sanglans , et de ne pouvoir ps5 me servir d'autres argumejis qui le con- vaincraient encore mieux que des paroles , que notre espèce n'est pas inférieure à la sienne.

Le système de nos détracteurs, étant de vouloir matérialiser Thomme noir , par la diversité primi- tive des races humaines , démentir Je récit de la

cr'i^'ation » et daus rinfërioi'ii.ë supposée de notre

( 6 )

espèce « se faire un ti^ro pour hoiis traiter comrnf* les plus vils aniniiiix ; je ne rëponJi'ai dorio pas seulement à Mazères , mais à toute la ca -fe des ex-colons frança's ; je vais commencer par débarrasser mon ch^mp , des orcîures qne nos ennemis y jettent pour obscurcir la vériîé ; je vais remonter à la source des choses, réîab ir les faits, les appuyer parles autorises 1".; plus respec- tables ; je vais combattre toutes leurs objections ; l'espère que je ne manquerai pas de preuves et d'argumens victorieux pour renveiseï- leurs sophismes et leurs ab urdités. Mais avant d'entrer en matière, je vais transcrire l'espèce de profes- sion de foi de Mazères.

« Gonside'rez sous le rapport matériel [dit-il J 5> le nè^^e diffère bien évidemmeiit du blafic. » N'en différa t-il que par les cheveux et par la » peau , la différence serait déjà tiès-grande -: » il ne faut que des jeux pour s'en copivaincre. >> Avec les mêmes sens , avec les mcmes or- » ganes , et une configuration à peu près sem- j> blable , ses traits, examinés en délai! , offrent » pourtant des différences essentielles. Une. figure sans expression , des formes sans grâces et sans H^ harmonie, des mains décharnées et calleuses, è> un œil parsemé de filamens sanguias qui lui

_ ( 7 ) _

0 donnent une teinte rosëe ; voilà , ce me sfmble,

»> dans le nègre , des traits évidemment distincis » et qui semblent caractéiiser en lui , une espèce » pariiculièi'e ; il y a » si on le veut , entre les » deux espèces une grande affinitë ; mais il îi'y >> a bien certainement pas d'identité , je vous » dëfie le nieu ff.

Je le nie affirmativement , et Je vais prouver par des autoiitës irrécusables, Tunité du type pii* niilif de la race bu m aine.

Pour démontrer son assertion impie , Mazères tombe de suite dans des divagations qui lui sont suggérées par ses passions et par le mépris qu'il a pour fespèce bumaine; il commence suivant son système absurde par faire de Tborame noir une espèce distincte de Thomme blanc ; pour asseoie son opinion , i! ose comparer Thomme eux ânes et aux chevaux et veut le jnger par analogi- avec les bêt^s ; et tout cala pour prouver que les noirs sont inférieurs aux blancs î Qae Mazères et les ex- colons se dénigrent s'i's le veulent ; qu'ils se com- parent et§e jugent par analogie avec les ânes et les chevaux, je ne les en empêche pas! Je soutiens, pour moi et mes semblables , que l'homme la plus belle œuvre du créateur , doué de Tintelii- gence éternelle , formé à son image et ressem- hlaace , Thomms créé pour régner sur toute la

t 8 )

terre et sur tous les animaux , forme une espèce particulière, distincte, unique, et qu'il ne peut être comparé , ni jugé par analogie avec les ânes et les chevaux.

Mazères ei les ex-colons ne peuvent apporter âTappuide leui' opinion aucune version, auto- rité , ni témoignage quelconques ; voici meS preuves , qu'iis les récusent s'ils osent :

« Dieu du faisons l homme à notre image j telon notre ressemblance , et qu il domine sut les poiSsons de la mer , sur les oiseaux des cif'ux , sur les animaux domestiques et sut touce la terre , et sur i^ut reptile qui rampé iSur la terre (i ) ».

MaÎ3 comme ce qui est autorité pour la géné- ralité d'^s humains , ne Test sans doute pas pour les ex-colons , il leur faut donc d'autres preuves puisées dans d'aiïiies sources que dans les livres sacrés.

Écoutez un auteur célèbre :

« I^ Y ^ dans la nature , dit M. de Buffon ]

un prototype général dans chaque espèce , sur

lequel chaque individu est modelé , mais qui

semble en se réalisant s'altérer ou se perfectionner

.par les circonstances ; en sorte que relativement à

(i) La Genèse.

de

, ( 9 )

^e certaines qualités , il y a une variation bizavvê

en apparence dans la succession des individus, en même temps une constance admirable dans toute l'espèct^; le premier animal, le premier cheval » par exemple, a été le modèle extérieur ou le moule intérieur sur lequel tous les chevaux qui sont nés, tous ceux qui existent et tous ceux qui naîtront , ont été formés ; mais ce modèle a pu s'altérer et se perfectionner en communiquant sa forme et se

niultij^iiant L'empreinte originaire subsiste

en son entier dans chaque individu ; mais que de nuances différentes dans les divers individus , tant dans l'espèce humaine que dans celle tous les végétaux , de tous les êtres en un mot qui se reproduisent !

Or, si M. de Buffon reconnaît à chaque îndt vîdu un prototype , à qui il appartient originaire-- ment, comment peut^il exister des espèces diffé- rentes d'hommes , d'ânes et de chevaux ? Ce fait posé, tout l'échafaudage de Mazères , ses so« phisinf's , ses ab:>urdités tombent d'eux-mêmes ; qu'il compare au physique et au moral rafiicaîn à l'européen , à l'asiatique , à l'américain , ses frères; le hollentot au Japonais, le calmouk à l'ebkimaux, rien de mieux ; qu'il compare les animaux , les végétaux , les minéraux de l'A-

2

( ro )

filque aas autres productions du globe , à la bonne heure; mais iorsqu'iî voudra jugei* rhomuie intelligent par analogie avec la brute , il se cou- vrira du dernier ridicule, eî. il ne devrait pas rougir , mais mourir de hon'e , si ion âme gaii* grenée en eiait sasceplible*

Je vais donner à mes iecîer.rs une juste idée de la bonne foi de MazèiTs et des ex-colons ; ils pourront juger quels fondenu^ns Toi] doit faiue $ui' les assertions ds ces nommes pervers.

« Plus on considère ]a r.atiire dans ses pi oc^édes, ^^ ( dit Mazères ) pluson retiouve dans ses œuvres » ces harmonies et ces coii.sonnanees , sur les- >> quelles Bernardin de Saint^Flerre a fait un livre p charmant ; ainsi quand les faits ne prouve- » raîént pas que les formes extërienres des nègres » correspondent avec leur intelligence on pourrait >> peutêtre l'affirmer par analogie ».

Lorsque Ton entend citer ainsi M, Bernardin de Saint-Pierre , tout le monde ne cioirait-il pas que cet homme vertueux , daiis son livre charinunt^ .a confirmé ropiniou sUipide et mcciianle ds Mazères ?

Ecoute^ iBaîatenant le savant et géne'i'eux

t ir )

Bernardin de Saint- Pierre , et von^j allez juget? comme IMazères sait citer juste et à propos:

« Tandis que des philosophes donnent à toutes » les espèces de chiens une origine commune , » d'auires en attribuent de différentes aux » hommes. Ils fondent leur système sur la varie! é » des tailles et des couleurs dans Tespèce hu^ » maine ; mais ni la couleur, ni la grandeur » sont des ('aractèies au jugemetiî de tous les nalu* » ralisles. Selon eux , la première n'est qu'un acci* » dent ; la seconde n'est qu'un grand dëveloppe- » ment de formes. La différence des espèces » vient de la différence des proportions : or, elle » caractérise celles des chiens. Les proportions de » l'homme ne varient nuiie part; sa coufeur noire » enire les tropiques, est un simple effet de la » chaleur du soleil, qui le rembiunit à mesure » qu'il s'approche de la ligne. Elle est comme 5> nous le verrons un bienfait de la nature [i] ».

Mazères aura beau se creuser la tê^e potn? r'approcher l'homme de la bete, pour prouvtr que les noirs n'ont pas été traités par la nature aussi favorablement que les blancs , il ne persuadera que les ex-colons comme 4ui , cjui sont intéresses

' i '■ " Xf^ ■■

[î] Etude de la Nature, tome i , page SX

(12 )

à crder des préjugés absurdes , pour soulerjît lev^c affreux sjsième» la traite etTescIavage !

Certes, la nature n'a pas fait pour ies noirs une exception à ses lois éternelles; toujours coubîante dans ses bienfaiïs-ï'elle ne les a pr43 violées à notre égard, elle nous a traités avec la mcaie faveur que les blancs !

« L'iiomme ( dit M. Bernardin de Saint-Pierre ) par toute la terre est au centre de toutes les gran- deurs , de tous les raouvemens et de toutes les harmonies; sa taille , ses n\2aibrss et ses organes ont des proportions si jusîes avec tous les ouvrages de la nature , qu'elle ies a rendus invariables conr.ms leur ensemble ; il fait , à lui seul , un genre qui n a ni classe, ni espèce, et qui a mérité par excellence le nom de genre humain ».

WrÂs pourquoi chercliarai-je à accumuler des faits sur ur.e question déjà décidée depuis îong-r temps ; s'il fallait citer et rapporter ici le témoi- gnage de tous les européens vertueux qui ont résisté et bravé toutes les injures des ex-colons , des marchands et trafiqaans de chair humaine , pour prouver roîre identlié avec les blancs , je deviendrais prolixe. Qui doute aujourd'hui , excepté les ex-colons , que les hommes sont fous frères et qu'ils se r'attachent par leur origine à la même famille ? Toutes les absurdités que Mazères

el les ex-coiOîis ont imiJi-imées contre le ^^enre humain , oni élé déjà refu'év-'S par 'es hommes U'S plus célèbres. Des souverains œagnanirnes , des nations eniièi-es'de rEurope ont rendu homimge s Dit'U et au genre humain , en brisant les fers des africains î La cause de l'homme a été déttfiidue par les iumiortels phildiitropes européens avec autant de zèle, de consLance , d'ardeur et da telens , que les noii's auraient [)u le iaire eux- mêmes s'ils avaient eu les uiêmeti avantages ! Si je me suis déterminé à écrire , ce n'est pas precisé- mer.t pour réfuter les souhismes des ennemi:, de riiumanilé , qui ont éié combattus déjà victorieuse- ment par nos illustres protecteurs; mais par ufi sentiment de reconnaissance et de grafimde , )'ai voulu , par œes faibles travaux, appuyer les asser- tions de nos amis , excité en outre , par une juste indignation. Défenseur de ma propre cause et de celle de mes semblables , je n'ai pu résister au désir de trancher le nœiid Gordien , en prouvant aux ex-colons, moraleenent et physiquement , pac la plume et par l'épée, , que nous ne sommes pas inférieurs à leur espèce.

Je reviens à Mazères.

<c Les coîons [dit -il ] en réclamant pour les européens l'évidente préférence que leur accorde la nalure sur les nègres , ne l'efusent pas à ceux<^

( r4 )

le vom cVhomms , e.U: «. Onelie impudence de îa

pdn dts ex-co!oMs, de lëL-îcniei- jOur les europét ns

une prëFërence. qu'ils ne léolanïeni que |;oi}r eux-

niêmes î D- qui donc Mdzèiesa f-il ipcu l'apos-

toîat, pour se rendre rorgane de 270 nnii'ons

d'européens , d'une poignée d'ex colons fleuis

dans l'opinion, par les crimes doni iîs se sont

couverrs ? Quelle exu ave <rance d'oser lëciameu

\ ...

une préférence absurde , une impie é! et iLs diseiit

encore qu'ils sont malhiurcux , mais qu'ils ne

sont pas en démei^ce î A-t-on jamais vu , je le

demande , des preuves de folie et de dcmeiica

plus caractëfisliqiîes que leurs prëteniions ridicules?

Comment peuvent-ils soutenir ui:e thèse aussi

extravagante, q^relle est absuide? J. J.Eousseau

avait raiaon de diie, quand rhomrae commence

à raisoriner, il cesse de sentir : Mazères nous

démontre la vëiiîë de cet axiome par tout sou

verbiage î

Ex -colons, êtres orgueilleux et dénaturés , l'Europe entière^ vous désavoue, et cinq ceiit millions d'hommes noirs, jaunes et basanés, répandus sur la suiface du globe , revendiquent les droits et les piiviléges qu'ils ont reçus de l'auteur de la nature l

Je découvre tant d'absurdités, de méchaii- eetés et d'abjections dans l'écrit de Mazèrea ^^

( i5 )

que Je suis vingt fois lente de jofer la plume et^ d'abandonner son uatras au profond mëpris qu'il m'inspire. Je me sens humilie, je suis homme, je le sens dans loul mojî ê're , je possède des facultés, j'ai la pensée, la raison, la force , j'àî lout le s*?ntiînent de ma sublime existence , et je ïiie vois obligé de réfuter des puérilités , d'ab- surdes sophisraes , pour prouver à des hommes comme moi , que je suis leur semblable! Mon âme indigfîée de cet excès de déraison et de méchanceté, me force de douter à mon tour, s'ils sont hommes , ceux qui ont osé mettre en discussion une question aussi impie , aussi im- morale , qu'elle est absurde î c. Mdis , dit » Mazères, si les castors sont plus intelligens que 35 les ânes , s'il y a des races de chiens différentes to en intellii^ences , il doit nécessairement y avoic » des espèces d'hommes inférieurs aux autres ». Eh non imbécile î répond J. J. Rousseau , cet argument tiré de l'exemple des bAtes ne conciut point et n'est pas vrai. L'homme n'est point ua chien ni un âne. ii ne faut qu'établir dans son esprit les premiers rapports de la soci:;lé pour donnera Sessentimens une moralité foujours inconnue aux bêtes. Les atilmaux ont un cœur et des passions ; mais la sainte image de Thonnêle et du beau ii'entra jamais que dans ie cœur de l'homme ;

r i6 3

Xi'esl donc une grande absurdité que de vouToîr foger riiomme pau analogie avec les bêtes.

Certainement / il peut y avoir des castors qui ont un peu plus d'instinct que d'autres castors ; des ânes et des chiens qui soient un peu meilleurs les uns que les autres ; ii y a e'galement de beaux hommes , il y en a aussi de contrefaits ; il y a des hommes d'un génie supérieur , ii y en a aussi de sols et médians ; par exemple, Mazères se croit-il régal de M. de Bu (Ton en îalens et en lumières ? Se croit-iî un Achille ? tandis qu'il n'est qu'un Fat rempli d'orgueil et de vanité, lâche comme Thersite ! Je le répèle , que Mazères se compare et se juge s'il veut , par analogie, avec les ânes et les chiens , ie ne l'en empêche pas ; il peut exister entre lui et ces quadrupèdes quelques analogies ; les chiens, par exemple, ont été les auxiliaires des ex -colons, qui les ont aidé à détruire et à dévorer les noirs ; ils peuvent donc très - bien sympaihiser ensemble ; mais je soutiens que l'homme intelligent , espèce unique, ne peut être comparée et jugée qu'avec Thorame son sem- blable, et les animaux avec î'^s individus de leuc fispèc^.

P'après

/ »7 t ce D'après le syslème absurde de Mazèresel àeê

ex-co!ons , les parisiens [comme le dii fort bien M. Sismonde de Sismondi ] parce qu'ils seraient plu» éclaires que les pajsans de la Vendre , se croi- raient d'une espèce particulière et supérieure k celle de ces malheureux » ; mais ce que Mazères et les ex-colons ne pourront jamais comprendre , c'est que le plus brut des hottentots est l'égal de M. de Baffon aux yeux de la suprême et éter- nelle intelligence î

Mazères dit , ï animal qui a de h elle forme] dont la tète s élève vers le ciel , a ordinaire^ ment des inclinations plus généreuses , plus de force et plus â intelligence ; eh 1 bien , qu'est-ce que cela prouve ? qu'un cheval d'une belle taiiie, bien proporlionné , devrait êire sup- posé meilleur qu'un autre qui aurait de moins belle forme ; c'est une règle générale , mais l'ex- péi'ience démontre qu'elle n'est pas toujours exacte, car il y a ée% chevaux petits, et d'autres qui sans être beaux, sont cependant excelîenSo Adaptez encore, si vous le voulez, cette loi à^^ harmonies et des consonnances à l'homme , il s'ensuivrait aussi que le génie devrait être essen- tiellement l'apanage des beaux hommes ; l'expé- rience vient ^ncorf détruira celte règle des haçn

G

( î8 )

monîes et (îesccnsonnances, eau les hommes lei pîns laids . ont toujours été les plus spîiituels* Esope le phrygien, avec ses di f for mîtes , avait une belle âme î Je veux bien que cette loi lègnd dans poésie comme dans la peinture ; il faut aux arts de beaux modèles ; cela ne prouve rien contre les noirs , ni contre les blancs , ni contre les chevaux , qui ont également des formes et des proportions plus ou moins belles. Que Virgils ait dit admiiablemenc pour caractériser une divi- nité « vera iiicessa patulc dea » à son marché 9 elle parut une vraie déesse. D'accord, cela ne prouve rien encore contre les noirs. Que le peuple dit , pour caractériser un fripon , il a une mine ■patibulaire» Je suis assez de cet avis , et s'il est vrai qu'il y a tctijoors dans notre extérieur quel- que chose d'Iiarmonique avec nos facultés intel- lectuelles , nvec nos inclinations et nos p' nchans, avec nos vices et nos vertus; quel homme doit avoir un physique plus hideux que ce Mazèreh ? Mais ce n'est pas, ce me semble, ce qu'il a voulu prouver par ses sophismes abburdes, c'est la supé- viorité de la couleur blanche sur la noire qu'il a voulu demonlier; il aurait du donc commencer parétabhr lasupériorité îles chevaux blancs sur les chevaux noirs , des chieriS blancs sur le chiens noirs » el ensuite de riiuiiiiiie blanc suc Thomme

( î9 )

noîr ; celte marche aurait ëtë plus naîiirclle, et

aurait montré un peu plus de bonne fui; mais en revanche, que d'embarras , que d'obstacles n'au- laii-il pas rencontiëi? Par exemple, le savant professeur de Gottingue remarque qu'en Guinée » non-seulement les hommes , mais les chiens , les oiseaux , et surtout les gallinacées , sont noirs , tandis que Tours et d'autres animaux sont blancs vers les mers Glaciales. La couleur noire étant , selon Knight, l'allribut de la race primitive dai s tous les animaux , il penche à croire que le nègre est le type original de l'espèce humaine [ i ]. Hùnter soutient que quand la race d'un animal blanchit c'est une preuve de dégénëration. Buffoti veut que les chevaux aux exîiëmilës blanches soient bannis des haras ; mais ceriainement tout cela ne prouve pas que dans Tespèce humdine la variété blanche soil dégënërëe.

L'Afti(|ue produit aussi des animaux bien plus foimidables ([ue l'Europe ; Ton ne pourrait (.as même trouver aucun degië de comparaison. Quel animal pourrait eue com^jare au lion et au ligre roj^al de la zunetorride ? seraient- ce l'ours b'dnc el le loup de la zone glaciale ? Mazèresqui aime à juger les hommes par analogie avec les chevaux, ceux de l'Europe peuvent-ils soutenir le parallèle *iiii ,11. I I .— ^.i-— "=>>•

[ij Littérature des X^Tègres, T-^g'^ i6.

t )

avec ceux de l' Afrique ? Ecoutez M. Bruce dans- son voyage de la NuÎDÎe.

«c Cest à Haifaïci et à Agerri, dit-il , qu'or* commence à trouver cette noble race de chevaux, si justement célèbre par toute la terre. Ils semblent être d'une espèce lont-à- f«iit différente des chevaux arabes qu'on voit dans les plaines de FArabi© Déserte. Si ia beauté , la régularité parfaite des formes , la grandeur , la force, Tagiliré , la sou- plesse des mouvemens , la facilité à supporter la fatigue , la doeilite et rattachement à son maître doivent constitués le mérite d'un cheval, le nubien est sans comparaison celui qui l'emporte sur tous les autres. Le plus beau que j'ai vu , dit-il , était ceiui que montait le Sheik Adelan ; le cheval n'avait pas lout-à-fait quatre ans , et il avait seize paumes de haut : ce cheval était accoutumé à s'agenouiller pour laisser monter son maître , comme pour le laisser descendre tout armé »^

Les ex-colons disent que nous sommes infé- rieurs aux blancs , parce que nous avons, suivant eux, des traits moins purs la peau noire et les cheveux crépus. Je répondrais à nos détracteurs que le même préjugé règne parmi les noirs à l'égard des blancs , ils se croyenl plus beau , et favorisés plus pariiculièrement par la nature . ^fîtte crojauce se fortilie par les exemples fié*

( 2t )

quens qu'ils ont sous les yetux. Des européens ariivans sous les tropi(|ues , biillans de force et de santé avec le teiiU verriieil , au bout de deux ou trois mois de résidence , tombent dans un ëlat affieux; cette peau blanche qui fesait leur orgueil devient blême, sale, bariolée, leurs yeux blanchâ- tres et coîisterne's ne peuvent soutenir les rayons du soleil ; le corps décharné , est sans vigueur, ses facultés physiques et morales anéanties ; Thomme blanc n'est plus à leurs yeux qu*un spectre ambu- lant, disgracié par la nature, qui ne peut mêms supporter rinfluetice de leur ciiaaat,ai habiter leuc heureuse contrée.

ce Tout ceux qui ont voulu déshériter les nègres» dit le vertueux Grégoire, ont appelle l'anatomie à leurs secours , et sur la disparité des couleurs se sont portées leurs premières observations "; mais s'il est prouvé que la couleur noire se trouve entre les tropiques , et que ses nuances s'étendent progressivement suivant les différens degrés de température , s'il est prouvé que le blanc ne peut pas supporter la chaleur de la zone lorride , que le noir ne peut supporter le froid de la zone glaciale ; quel avantage donc il y auiait-îl d'être noir, jaune ou blanc?

« Les femmes de la Nubie, dit Bruce, en voyant

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la blancheur âe ma peau , firent un cri d'hor- reur , et semblèrent la considérer pluloi comme l'effet d'une maladie , que comme une couleur naturelle », D autres femmes se moq» èient de Bruce , sur son nez long et pointu. Chaque peuple a ses prëjuge's ; nous trouvons la couleur noire plus belle que la blanche; nos peintres hay i( ns peignent la divinité, les anges en noirs, les mau- vais génies et les diables en blanc. Quant à la beauté, elle consiste dans de belles formes et dans la régularité des traits ; et sous ce rapport , nous nous crojons aussi éminemment favorisés que les blancs , leurs propres témoignages étant ici de quelques poids , je vais en rapporter plusieurs, Bosman vante la beauté des négresses de Jùïda ; Ledyard et Lucas celle des nègres Jaîofes; iobo celle des abyssins ; i< ceux du Sénégal , dit Andansson , sont les plus beaux hommes de la Nigriîie ; leur taille est sans dei^aut , et parmi eux , on ne trouve point d'estropiés >5, Cossignj vit à la Gorée des négresses d'une grande beauté , d'une taille imposarUe , avec des traits à la lî^muir.e. Ligou parle d'une négtesse de l'île St- Yago , qui réunissait la beauté et la majesté à tel point , que jamais il n'avait lien vu de comparable. Ptobeit Ghasie , auteur du journal du voyage de l'amiral Duquesae , étend cet éloge aux jiégresses

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et mulâtresses de toutes les îles du Cap- Vert g Léguât , Uiloa et Isert rendent le même lëmoî- gnage à l'égard des négresses qu'ils ont vues ; le premier à Batavia , le second en Amëiique, et le troisième en Guinée [i].

Bruce , en voyant une Jeune personne de la Nubie , s'exprime ainsi : « je fus frappé de son extrême beauté. Tous ses vêtemens consistaieni à une chemise bleue qui lui tombait Jusqu'aux pieds. Quoique celte jeune personne n'eût pas quinze ans , sa taille était au - dessus d'une taille ordinaire ; tous ses trai's charmans auraient pu ser- vir de modèle à un peintre. Les dames , continue Bruce « s'aperçurent à quel point j'étais ému de ce que je venais de voir. La filie d'Adelan, me dit alors : vous avez resté si long-temps en Abjs- sinie, que vous devez faire bien peu de cas des femmes de XAihara; mais on dit que les femmes de rEurope sont si blanches , que leur beauté l'emporte, sur celle de toutes les autres. Je n'ai jamais été moins persuadé de cette vérité qu'à preV sent, lui répondit Bruce ». Il vante aussi la beauté des princes africains ; « Amba-Yasous, dit-il , paraissait avoir vingt - six à vîngl-huit ans « il

était grand et parfaitement bienfait, il avait uns

■' ' " ^

[i] I,Ittératux6 4e8 Nègres, page 2g„

i H \ frès-belle figure, quoîqu'avec de petîfs traî(s, et ses înanières étaient exlrômement prévenantes ; en voyant ce prince avec le Roi et Engedan, je cro- yais voir, dit Bruce, les trois plus beaux hommes, qui eussent jamais frappé mes regards »,

« Les yoiots , dit Mungo Parck , sont actifs » puissans et belliqueux ; leur nez est moins épaté , J<^urs ièvres moins épaisses , leur peau est tiès- lîoire ; et les blancs qui font le commerce d'es- claves, les regardent comme les plus beaux nègres de cette partie du continent.

Les fouiahs ont la peau d'un noir peu foncé, les cheveux soyeux et les traits agréables; ils aiment la vie pasiorale et agricole , et se répan- dent dans les royaumc-s voisins , pour y êire ber-* gers et laboureurs ». En cela , il font beaucoup mieux que les savoyards qui se jettent en France, pour exercer les professions méprisées de ramo^ neur et de décroteur.

Paterson et le Vaillant découvrent dans le sauvage hottentot , des vertus que Ton cherche- rait envain chez des peuples civilisés,

« Dans la soirée du 7 Février, dit Paterson , rtous apperçûmes un feu sur le penchant d'une montagne ; vers les huit heures , nous rencon- Uâïues trois caffres qui parurent singulièrement

étonnés

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ëtonne's à noire aspect , car r.ons étions certaine-* ment les premiers hommes blancs qu'ils eussenS vu , ils s'en fuirent aussiiôt, et donnèreni Talarme au village. Cependant, quand nous j arrivâmes, les habitans , fidèles à l'usage ils sont d'exercer Thospitaliié , vinrent nous offrir du lail et un tau- reau gras. Les cafres , dit ce même voyageur , ont en ge'neral cinq pieds dix pouces , à six pieds anglais de hauteur ; ils sont bien proportioni'.ës , et la manière dont ils combattent les lions et les autres bêtes féroces , prouve leur courage : ils ont le teint aussi noir qu'un jay, et les dents blanches comme l'ivoire , leurs yeux sont liès-grands.

« Voulez-vous des autorités à l'appui de mon >> opinion sur Tinfëriorité dps nègres ? dit l'ex- » colon Mazères, en ihèse générale, Fontenelîe » vous dira : que les habitanf^ des pays très- » chauds et très-froids , sont incapables des opéra- » tîons un peu relevées de l'espri?. L'abbé Dubos, » [ dit -il ] dans ses réflexions sur la peinture » et la poésie , vous expliquera et vous prouvera » la vérité de cette assertion ».

Que Mazères explique lui-m-me comment se fait - il que les norwégiens , les suédois , les russes, qui sont dans les peys très froids , et que les

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haWans du Sénégal , qui sont dans les pays très- chauds , sont de uès beaux liomrnes et tiès-capa- i>Ies des opérations de Fesprit le plus sublinae, li abbé Dubos ne prouve rien , il a puisé ses preuves dans de mauvaises sources , pour un his- lorîen , les poètes et les oraîeurs : ce n'est point, di' Montesquieu , sur des ouvrages dVstenlatioa qu'il faut fonder des syslèmes ; et j'oserai me per» mettre d'ajouter, après ce grand homme, ce n'est point par des subîiiites d'esprit et par des jeux de mots que l'on doit juger le genre humain.

Pour jusiifîer sa théorie de l'esclavage , Mazères a|)pel!e le tëmoigt.age de Montesquieu à son secours , et en même temps il calomnia l'auteur de l'Esprit des Lois.

Montesquieu , pour avoir dit que la chaleur ënervait le courage , n'a pas imprimé que les règres étaient une espèce particulière et infé- rieure aux b!ancs ; l'expérience démontre au con- traire qne les effets des clima Ischauds influent particu!lèiTme?^t sur les blancs, qui éprouvent cet abaUem^^rit de force et d'esprit , dont parle 'Montesquieu , landis qne les noiis sous la zone ^orrjde , dais leur climat natal , sont fiers et rem- plis de courage , ce qui est contraire au jugement de Montesquieu j mais nous respectons les écaits

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de ce grand liomme : voici comm? Monfe^quîeu s'exprime sar ie droit affreux (ie Tebclavage.

« L'esclavage jDi'opremenl dit , est l 'éiàblisse- » ment d'un droit, qui rend un homme tellement » propre à un au:re homme, qu'il est le maître » absolu de sa vie et de ses biens; il n'est pas » bon par sa nature ; il n'est utile ni au maître » ni à l'ei-clave : à celui-ci , parce qu'il ne peut rien faire par vertu : à celui-là , parce qu'il » contracte avec ses esclaves toutes sortes de » mauvaises habitudes , qu'il s'accoutume insen* » siblt-nient à manquer à toutes les verius mo- » raies , cju'il devient fier , prompt , dur , colère , » voluptueux , cruel ».

L'immortel Monies'quieu, en écrivant ces der- nières paroles , songeait aux ex colons ; il a voulu l'es peindre d'un seul trait.

Il continue : « Il n'est pas vrai qu'un homme ^y libre pui.ise se vendre , la vente suppose un » prix , l'rsciave se vendant , tous ses bieiis entre- » rai lu (idns la propriété du niâîire ; le maître » ne dofuierait donc rien , et l'esclave ne rece- » vrait rien , il aurait un pécule, dira-t-on , maïs » le pécule est accessoii'e à la perso.'ine , s'il n'est » pas permis de se tuer, parce qu'on se dér^b à » sa pdUie , ii n'est pas plus permis ù^ %% >sr vendie ».

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Sur l'esclavage des nègres , Montesquieu s'ex* prime ainsi : « Si j'avais à soutenir le droit que W nous avons eu de rendre les nègres esclaves y » voici ce que je dirai.

» Les peuples de l'Europe ayant exterminé y ceux de rAinërique , ils ont mettre en » esclavage ceux de TAfriciue , pour s'en servit » à défricher tant de terres ».

Si les ex coions n'étaient pas aveuglés pac leurs passions , ils auraient senti tout lamertume qu'il y a dans cette ironie.

Gomment peuvent-i!s avoir l'impudence de citer Montesquieu pour justifier leur «rfreuse ihéoiie ? Quoi ! parce qu'il aurait écrit que la chaleur énervait le courage , s'en suivrait - il que tous les peuples qui habitent les climats chauds , seraient inférieurs aux peuples des cli- mats froids et devraient être leurs esclaves ? Je soutiens que c'est une théorie Irès-fausse , cju'elle est absurde , chaque homme ayant reçu de la nature une complexion relative au pays et au climat qui l'ont vu naître ; pour me cotwaîncre que les blancs seraient d'une nature supérieure aux noirs , il faudrait pouvoir me prouver que les blancs pourraient résistera l'inilaence des climats, qu'ils pourraient habiter sous le soleil brûlant de t equateur , comme sur les glaces des pôles , sans

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éprouver aucune altrrat n ni changement dans kur complél^on ihy^i |-' ; mais il est prouvé par des faits des auonlés iréctsabies , cju^iis ne peuvent résister à peine trois mois dansies climats chauds sans dégénérer.

Demanet et Imlaj remarquant que les des- cendans des portugais établis au Corigo , sur la côte de Sierra Leone et sur d*autres point de l'A- frique , sont devenus nègres ; ce qui prouve dit M. G^ égoire , l'ascendant du climat sur la corn- piexion et la figure.

Les français ont-ils donc déjà oublié les fu- nestes effets de la chaleur brûlante du royaume d'Hayti, et du froid giacial de l'empire Russe, pouc discourir aussi légèrement ? J'ai vu des milliers de français qui pouvaient être de très-vigoureux et de très-braves soldats dans leur contrée ; je les ai vu , dis-je , et je m'en rappelle encore , étendus sur la poussière , présenter le comble de la misèiC et de la faiblesse humaine î est- donc cette pré- tendue supériorité des. blancs sur les noirs ? est donc ceUe prétendue théorie de Montesquieu qui nous condamne inévitablement à l'esclaVage ?

Les ex colons se cf.)ntredisent sans cesse , quand il s'agit de leurs ij^rérêts , ils sont sans scru- pule ; s'agit-il de prouver la supériorité des blancs 6ur les noirs , ils vous diseiît que les peuples de

( So )

!a zonefonîde, en ardeur ef en pn's^ance , !# cèdent tous aux peuples des z ones^tinperées ; ÎIs vous disent elTi<^ntement cjucî les noirs sont mous, efféminés, atriis du repos ; voyez les nègres dit cet impudenl de Mazères , tout leur inouve- rnent soni des efforts, un porie-faix d'Europe soulève des fardeaux que deux nui* s soulève- raient à peine ; mais s'agit il de raboiiiion de la traite et de l'esclavage des noirs dans les colonies, vous les voyez lout-à-coup changer de langage î Ecoutez ces chenapans, /;o//?^ d esclavage point de colonit ! la terre des Antilles ne peut-cire cul- tîv^ëe que par des nègres ; ils sont déjà habitués eïj Afrique dans Tardeur du soleil ; eux seuls peuvent résister aux iravaux de la culture, Teu- ropéen ne pourrait y tenir , il succoaibcrait bienîiLÎt sous i'ir^iiuence du climat et du travail ! C'est alors qu'ils se souviennent de nos pénibles labeurs ; qu'ils récaj-itulenl la niasse d'or qu'ils pouvaient extraire de notre sang, p^rTul^nt les dix années de vie ei do (orivurs, qni éiaient le terme supposé de noire exi.v..-?>re ; noire genre de vie ^ Iroîs heures de j-on^nrii dans les vingt-quatre heures, pour liabilieuient quelques liaillons » pour nomriuire rjueljues ?\Teines cultivées sur le terrein le plus ingicr. (ie riiabilaiion , dans »ios fceutet) ae lepus ; tout Lieu iecapilulé , les colons

supputent ensuite ce que le travail d'un bîant? pourrait leur rendre , le pécule qu'il faudrait lui donner, les heures du repos, les vêtemens, une nourriture p!ns saine et plus abondante; et c(^ qui est bien plus cruel pour un colon, c'est d'être nbl igé de traiter le blanc avec un peu plus d'humanité que le nègre, de ne pouvoir le torturer suivant ses caprices ; tout bien compté et mûrement léûé? chi , il leur faut des nègres , des esclaves; pour en avoir, il n'est point de ca'omnies, de subter- fuges et de mensonges que ces odieux brigands n'inventent pour obscurcir la vérité , afin de per* péluer leur abominable s^^sième colonial î

C'est ai isi que Mazè'*es , api es avoir fait tons ses efforts, en employant le raisonnement le plus sbsurde pour luer l'identité de Tes^ièce humaine, veut encore que les africains de la parue septen-» tiionale de rAfri{|ue soient d'une au're esj èc« que les africains de la partie méridionale.

Ainsi flpîès avoir prouvé l'identité des r èi.';res avec les blancs, il me faudrait encoie prouver rid-Mvifé des africains avec les nègrf:'s, et proba* biemcnt aussi l'iilenii é des hav'iens avec ces der-» niers ; quant à moi , ayant reçu le jour d'une afri* caine, je me crois très-iJeniifië avec les africains ; j'aurai désiré que Mazères nous tût démontré si les peuples du midi de rfiurope fprmenl une espècci;

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particulière d'avec les peuples du Nord , sll ^ a identiié entre les français et les laponais, et les espagnols avec les russes ; cjuels misérables sophismes ! quelles puérilités 1 Mazères a cru ^ sans doute, par ses subterfuges, éviter les objections que l'on pourrait lui faire sur l'ancienne civilisa- lion des peuples de la partie septentrionale de l'Afrique, ou bien comme il y a encore des nations de l'Europe qui font l'odieux trafic des hommes; et comme elles ne peuvent pas faire la traite des égyptiens, ni des marocains, il importe peu aux ex- colons de leur atlribuer quelques facultés et d'en faire une espèce séparée des habitans du Sénégal, du Monomolapa et du Zanguebar, qui sorit selon eux des brutes propres à faire des esclaves !

Les ennemis des africains veulent persuader que depuis cinq à six mille ans que le monde existe rAfricpie a toujours été plongée dans la barbarie, et que l'état d'ignorance est inhérent à la nature de ces habllans. Ont-ils donc oublié que l'Afrique a été le berceau des sciences et des arts? s'ils feignent de l'oublier , c'est à nous de le^ eu faire ressouvenir !

Je ne ferai qu'une esquisse rapide de l'histoire y pour y puiser les argumens et les rapprochemens

qui

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^ui me sont nécessaires pour réfuter les calom<* nies des ex- colons ; malgré que je n'aie pas eu bonheur de faire mes études , comme ce fat Mazères ; sans avoir été en sixième , je crois qua riiistoire de l'homme , aux yeux du philosophe ^ à quelques exceptions près , est pour ainsi dire Id même ^ dans tous les temps , tous les ilges , et dans les diverses régions du monde.

D'abord l'on voit que les pajs les plus voisins du berceau du genre humain furent les premiers peuplés et les premiers civilisés ; les peuples se communiquèrent ensuite de proche en proche \eû p'emiers rayons des lumières : chez les premiers l'on voit briller déjà les sciences et les arîs, et che^ les autres quelques étincelles , tandis que toute la terre était couverte d'épaisses ténèbres, et même encore ignorée des hommes. L'on voit le flam- beau des lumières parcourant le gloire , s'allume^ pour des peuples et s'éteindre pour d'autres | des empires puissans s'élever et disparaître ; les peuples succombant les uns les autres , montrée ainsi à nos yeux des exemples frappans sur l'insla* bilité des choses h ulM in es ! D'après la version des Septante, il y avait déjà iG56 années qu'une par- tie de l'Asie et de l'Afrique était peuplée , que l'Europe était encore inconnue aux homnaes j

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jiVst qi)*aprèâ le déftigf , que des trois enFans d@ Noë sont soriies toutei. les nations qni peuplèrent la (ene, Sem TAsie, 6V//777zrAriiqiie, ei Japheè l'Europe ; suivant les annales et les iradllions de tous les peuples l'Egypte fut le premier pajâ civilisé du monde , et le berceau d -s sciences et des arts , «< Cesù de ce foyer primitif, dit M. Lesage , d'où bien certainement est parti rëiincelle antique , qui par la suite des siècles a engendré toute la masse de lumière qui éclaire aujourd'hui T Europe ».

Tout le mof^de sait que les grecs si polis , ces modèles du goût étaient dans la plus grossière ignorance , qu'ils se nourrissaient d'hei bes et de glands à l'imitation des bêles , lorsqu'ils furent civilisés par des colonies égyptiennes ; alors tout le reste de l'Europe était encore inconnu et les peu[)îesqui l'habiiaient étaient certainement aussi baibarc s , aussi ignorans , aussi abrutis que le Bovit peut-êti'e aujourd'hui les peuples du Bénin, du Z mgnebar et du Monomotapa,

Mais l'iadius , Gécrops et Lclex , au lieu de faire la traite d *s b'ancs, en enseignant aux grecs le voî , le pillage et l'iîicendie » au lieu de leur fournir des armes, des munilions de guerre , des liqueurs fortes pour égarer leurs raisons et les por- ter à se veiidte les uns les autres; au lieu, dis-j©^

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de les exciter à ce trafic inhumain , leur appor- tèrent le blé , leur enseignèrent l'agi icullure » les sciences et les arts des egjpiiens ; au lieu de disculei' avec ces. grecs ignoians pour leur démon- trer leurs infériorités physiques et morales, ils leur enseignèrent à les imiter dans Fart de la société, et bienfôi même à les surpasser î Athènes, Sparte» Gorinthe fîorissaient que le reste de TEuiope étak encore barbare.

Vers la lin du 9^"'* siècle, avant Jésus-Chrîst , une colonie Tyrienne , fondée par Didon , bâtit Cardi'3ge; et i38 ansaprè>, Rome, ceite maî- tresse da monde , fut foiidée par -une poignée de brigands ; les romains se modelèrent sur les grecs ; les décemvirs rédigèrent , les lois des XII tables sur celles des athéniens, f[ui sorU le fonder ment du droit romain ; de Tlialie les lumières passèrent lente!r:enl dans les Gaules, qui furent domptées par Jules César, l'an C96 de Pvome, et 58 ans avant Jésus-Christ.

Alors les gaulois, comme la plupart des euro- péens, étaient encore idolâtres, plongés dans la plu$ crasse ignorance, pratiquant des coutumes supers- titieuses et barbares ; le monde , cependant , avait déjà près de 4oooans d'existence, et ces peuples de rEprope n'avaient pu recueillir une seule éûncellô â@ luînlèie j s'alnemenù une ceinture de civili*-

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^êatîon la bordait dans sa partie mêrlâlonalei îa lumière ne pouvait pëiiélrer dans les sombres forêts des Gaules et dans Tespiit de ses gcossiers liabitans. Les éthiopiens , les égyptiens, les phé- niciens, les catthaginois , les grecs, les romains avaient fait reienlir le monde du bruit de leuu sagesse , de leurs lois et de leur gouvernement , que les gaulois étaient encore demeurés dans leur Ignorance primitive. D'immenses forêts, des hau- tes montagnes , le> passage des lacs, des fleuves , îa rigueur des climats froids , la bai baiie des peuples arrêtaient Tintroduction des lumières dans le nord de l'Europe ; tandis que des causes diffé- rentes , mais d'une même nature , empêchaient la civilisation des peuples du midi de TAFrique. Il était très-difficile aux égyptiens et aux car- thaginois de communiquer avec les nations afri-" caines du midi , qui sont séparées d'eux pac Fimitiense désert du Sahara ; la difficulté de traverser ces sables mouvans qui engloulissent quelquefois des caravanes entières , le défaut d'eau et de subsistance , sous un soleil brûlant ^ étaient autant d'obstacles qu'il fallait franchir j c'est ce (jui engagea sans doute les carthaginois d'envoyer des colonies par mer sur les côtes de rOcéan. Hauoii par ordre du sénat de GarlhagQ répandit oqjQqq caribagitiois depuis les coÎQiinea

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d'Hercuîe Jusqu'à Geiné , aa 2^" degré 3e latitude Nord, c'est-à-dire jusqu'au Cap de Eada- jor , limite de la navigation des anciens dans cette partie de l'Afrique.

« C'est un beau morceau de l'antiquîré que la relation d'Hanon , dit Montesquieu , les choses sont comme le sîvîe , il ne donne point dans le merveilleux : tout ce qu'il dit du climat ^ du terrein » des mœurs , des manières des habitans se rap- porte à ce qu'on voit aujourd'hui dans cette côte d'x\f(ique ; il semble [ dit-il ] que c'est le journal d'un de nos navigateurs.

» Les cardia ginois , continue Montesquieu * étaient sur le chemin des richesses , et s'ils avaient été jusqu'au 4^ degré de latitude Nord et au i5* de longitude , ils auraient découvert la Gôte-d'Or et les côtes voisines. Ils y auraient fait un com- merce de toute autre importance que celui qu'on y fait aujourd'hui; que TAraérique semble avoic avili les richesses de tous les autres pavs ; ils y auraient trouvé des trésors qui ne pouvaient être enlevés par les romains ».

Les ex-colons voient le mépris que Montes- quieu avait pour la traite des nègres , qui a avili |] dit-il ] les richesses de tous les autres pajs ; JMazères , qui s'appuie souvent sur le témoignage de Montesquieu, ne i-ecusera pascelui-ci sans doute.

( S5 1

Je croîs q\ré destruction de Cartîiage , pai* les ro nains, est unc^ des principale!; causas cpii ak empc^chë que l'Afrique ne fiV en!*ièî-*^me!U civi- lisée, joint à l'invasion des barbares du Nord.

« .C'est au commencement du cinqu'èiue siècle, dit M. Lesage , dans sOfi savan? o ivragR, que le pied bai bare foula pour la première fois cette terre embellie par plusieurs siècles de civi- lisation. Genséric avec les vandales , en chassa les romains et bâiit son trône sur les ruines mêmes de Tancienne Carihage. Mais si les van- dales arrachèrent l'Afrique à l'empire d'Oc- cident , ils s'en virent dépouiller à leur toiu* par l'empire d'Otient , qui jetta un lusU'e éphé^mère sous le génie du célèbre et malheureux Bélisaire. Ce dernier triomphe ne fut pas long, et l'Afrique ëchappa de nouveau à la civilisation , pour ren- trer encore dans la possession des barbares. Elle avait succombé d'abord sous une invasion du Nord; cette fois ce fut sous une invasion du Midi , sous les terribles Sarrasins qui faisaient tout plier , sous leur fanatisme et leur courage >>.

L'établissement du mahomérisme , l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie, b, ûée par Omar , achevèrent de dciruire les restes de l'an- cienne civilisation africaine; les muses effi a jées prirent la fuite ; les lettres disparurent , les

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tnormmens furent dëfruits et mutilas ; îa lumière tnorale s'ëleignit ; et Tinveniion de la traite , cet odieux trafip, de crimes et de sarg vint mettre le comble aux grandes calamités qu'avait déjà éprouvé celie malheuieuse contrée.

Tandis que l'ignorance conviait de son voile lugubre cette an'i {ue patrie des sciences et des arts, TEurope plus heureuse soulevait son ban- deau : aidés par les lumières du cliris ianisme , le grand Alfied et Ghg; lemagî^e coramencèient à policer leur peuple ; parlerai je des époques célè* bresde Léon le Grand , dei Médicis , ces immor- tels protecteurs des sciences et des arts ? Pierre le GiaFid, au 17* siècle, vint encore ajouter la Russie à !a civilisation européenne.

Malgré le témoignage de Thistoire , tous les cale mtiîa'eurs des noirs indistinctement affir- ment que rignorance et la barbarie sont des vices iiihérens à la nature des africains ; ils disent que de tout temps , celte partie du giobe eut des esclaves ; que ce flénu est indigène à cette leriô de malédiction. Ces indigties enfansde Tapheù ^ oubliant ainsi leur propre histoire , calomnienS leuis frères , et leur reprocrie cet ë(at d'igi\orance et de barbarie dans hqnel ils ont été plongés eux mêmes pendant plus de cinq mille ans.

De fout temps, disent -ils , il j eut des esclaves en Afrique ; mais il y eu eut aussi dt^ tout tem^is

( 40 ) €i> Europe , el îl en existent encore ; les grecs , le§ roraains, les gaulois^ les germains, tous les peuples eurent des esclaves ; le sort affreux des illotes dans Tancienne Grèce nous représente assez queli© était notre siîuafion dans ce pays, sous l'abomi- hable régime colonial. Pourquoi reprochent - ils aux africains leur barbarie et leur ignorance 1 Les européens n'ont-ils pas été également igno- rans et barbares avant d'être civilisés ? Malgré que les assertions des ex*coIons doivent nous être bien suspectes, surtout celles d*un Palissol de Beauvois qui a eu Tinfamie de nous ranger dans la classe des orang-ouîangs , et cpii n'a jamais cessé de nous calomnier ; il est possible qu'il existe encore chez plusieurs peuples de l'Afrique des coutumes superstitieuses et barbares ; il est possible que les béniniens sacrifient des victimes humaines , et que d'autres nations massacrent leurs prisonniers ; je suis loin de vouloir diminuer Thorreur qu'inspirent ces mons- trueuses pratiques , et mon cœur en gémit ; mais c'est le résultat de la profonde ignorance de ces peuples, et ce n'est que par le secours de la civilisation que l'on puuria les faire disparaîtra successivement.

Il est bien étonnant que les ex- colons veulent juger les africains sur quelques traits de supersii-

lion

.( 4t )

lîotî et de barbaiîe , s'ils avaient jefe un côupie d'œil sur rhistoire et sur eux-mêmes , ils auraient eu la conviction que ce n'est pas seuiemeni les nègres qui ont été ignorans , superstitieux ^ cruels et barbares , mais que les blancs l'ont éiê également ; je retrouve chez les europe'ens leà mêmes pratiques superstitieuses et barbares que les ex-colons reprochent aux africains ; il n'est pasf même jusqu'à l'épreuve à l'eau rouge du roi de Sherbro qui se trouve dans la loi Salique , quï admettait l'usage de la preuve par l'eau bouil- lante , ensuite vint la preuve par le combal judiciaire*

Faut-il que ce soir un insulaire \\\e\vé qui leuc rappelle sans cesse l'histoire du genre humain ?

Dans les premiers âges du monde les of-» frandes étaient simples ; les premiers hommes 9 dit Porphire, ne sacrifiaient que de Theibs % lorsqu'ils furent liviës à l'agiiculture , les pré- mices des récoltes et les plus beaux fruits de terre étaient ofïerls à la diviniié ; par la suite , on immola des animaux 5 ces sacrifices se muiti- plièi'ent; et dans les calamités publiques , ce sang paraissant trop vil , on fit couler celui de& hommes; cet usage barbare et presque univert^i remonte à la plus haute anîiquiié.

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f 42 )

tes gaulois aussi bien que les autres peuplet âe l'Europe ëtaienî livres à ces pratiques supers* litîeuses et barbares ; les plus solennelles de lput€s les cerëmonies des druides étaient celles cueillir le gui de chêne. Je vais rapporter quel- ques unes des principales maximes des druides « qui ont ëté conservées par la tradition, parc^ qu'ils ne les écrivaient jamais*

« Le gui doit être cueilli avec un ^rand res- pect , toujours s'il est possible , le dixième jour de la lune, et il faut se servir d'une faucille d'ot pour le couper,

» Dans les occasions extraordinaires , il faut immoler un homme. On pourra prédire l'avenir selon que le corps tombera , selon que son sang coulera , ou selon que la plaie s'ouvrira.

» Les prisonniers de guerre doivent être îm* ïTiOlés sur des autels , ou être renfermés dans deg paniers d'osier, pour êire biûlés vifs en riionneuc des dieux.

» Tous les pères de famille son rois dans leuî'S maisons ; ils ont puissance de vie et de mort sur leurs femmes, îeuis enfans et leurs esclaves ».

Telles étaient les horribles maximes des prêtres gaulois; ils sacrifiaient des victimes humaines à £suse{ à Tcutat,è$; ils massacraient et brillaient leurs prisoiuîiexs de guerr© dans des paniew

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d osier ; les pères de famille exerçaient l'horrible pouvoir de vie el de mort sur leurs femmes , leurs enfans et leurs esclaves. Getie de'giadalion , dans laquelle les gaulois étaient plongés , est attestée par César, Taciie, Lactance el Lucain, Ce fut sous fempire de Claude , l'an 5o de Jésus-Cbiist , que ces abominables coutumes furent abolies; et l'ordre des druides ne cessa d'exister qu'au tempt le christianisme triompha entièrement des superstitions des gaulois.

Les peuples du Nord qui reçurent plus tard les lumières conservèrent ces monstrueuses pratiques jusqu'au neuvième siècle ; ils ignoraient encore les arts qui avaient adouci les mœurs des grecs et d-s romains. Les peuples du Nord croyaient que le nombre trois était chéri des dieux ; chaque neuvième mois , ou trois fois trois , on renouvelait les graPids sacrifices ; ils duraient neuf jours » et l'on immolait neuf victimes , soit hommes , soit animaux.

Dans les temps de guerre , on choisissait le& victimes parmi les captifs; et pendant la paix , parmi les criminels. Neuf personnes étaient im- molées; la volonté des assistanset le sort combinés ensemble réglaient le choix ; les malheureux qud désignait le sort étaient traités avec tant d'honneus? pas: rassemblée , en. leur prodiguait tellement âé

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CîBr^sses et de proiiiesses ponr la vie à ▼eiiîi' ^ Cjn'ils se félicitaient quelquefois eux mêmes de îeur destinée. Le choix ne (ombait pas toujours sur un sang vil ; plus les victimes étaient chères, plus on croyait rachfter ]a bîern'^einance divine. X'histoire du Nord est féconde en exemples de rois et de pères qui ont fait taire la nature pouc obéir à cette coutume barbare.

Lorsque Ton immolait des hommes, ceux que l'on choisissait étaient couchés sur une grande pierre , ils étaient étouffés ou écrasés : quel- quefois on fdivSait couler leur sang , et Timpétuo- silé avec laquelle il jailiissait était fun des présage ïes piis respectés ; on ouvrait aussi le corps de ces victimes pour consulter leurs entrailles , et démêler dans leurs cœurs la volonté des dieux , les biens et les maux à venir. Les tristes restes des objets sacrifiés étaient ensuite brûlés ou suspendus <3ans un bois sacré , voisin du temple ; on répan- dait le sang en partie sur le peuple , en partie sur le bois sacré ; on en arrosait les images des dieux , les auîels , les baîics et les murs du temple au dedans ei au dehors.

Près du lem[)le était un puits ou une source profonde , on y précipitait quelquefois une vic- time dévouée à Fdgga^ déesse de la (erre ; elle éiâit agréable à la dée^sa , si eUe allait proi^pte.-

< 4S ) lïient au fond , la dëes-^e alors l'avait reçae.Dans

le cas conti-aiie , la déesse ;a refusait, et on la sus- pendait dansîa forêt sacre'e. Près du temple d'Up- sal , on voyait un bois de cette espèce , dont chaque arbre et chaque fruit étaient regardes comme la chose la pUis sainte ; ce bois, nommé le bois éiOdifi , était rempli des corps des hommes et df3S animaux que Ton avait <?acii[lë ; on les enlevait quelquefois pour les biûler en riionneup de Thor ou la soleil, et Ion ne doutait pas que l'holocauste ne lui eut été agréable , lors- cjue la fumée s'élevait directement ; lorscjue Ton immolait une victime , le prêtre disait : Je te dévoue à Odin^ je t'envoie à Odin, ou je Le dévoue pour la honne récolte y pour le retour de la honne saison ; la cérémonie se terminait par des festins oii Ton déployait toute la magni- ficence connue dans ces temps-là. Les rois et les principaux seigneurs portaient les premi'^rs des santés ou saints en l'honneur des dieux ; chacun buvait ensuite en faisant sa prière et son vœu.

C'en est assez pour les ex-colons , que Mazères et Paliissot de Eeauvois étudient Thisroire de leurs ancêtres , dans laquelle nous avons puisé ces faits, et ils cesseront de s'étonner de Tigno- rance superstitieuse et barbare des afiîcains ; ils ces^eiont, dis-je, de s'étonner, que Jahou cafii-

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faîne des {gardes du Ptoide Benln , ait sacrifia trois hommes dans une fêle , Pdlii.sot d^ Beaiwois a assisté ; n'est-iî pas même très - pro- bable que Pailissot de Beauvois ait coiiiiibué pour quelque ( hose dans cet honible sacrifice , en fournissant à Jahou des liqueurs fortes pouc Tennivrer, et en égarant sa raison, le porter à lui procurer quelques esclaves ? Je suis d'aufant plus fondé dans cette assertion , que Pallissol de Beau- vois dît que Jahou avait un grand nombre d'esclaves , et ce ne pouvait être ({ue dans Tinien- tion d'en obtenir , qu3 Palissot se. trouvait chez îe capitaine des gardes du Roi de Bénin ; il aurait au moins par humanité acheter ces trois viciimes, et empêcher son hôte de com- mettre ce crime honible !

Il appartient bien aux ex-coîons et aux mar- chands et trafiquans dechaîr humaine, de vouloir décrire les mauvais tralem^rs que les afiicains îgnorans font éprouver à leurs inior. unes esclaves; quand eux»memes qui sont civilisés, et qui ont reçu des lumières , ont exercé les cruautés les plus inouïes sur les malheureux esclaves; qu'ils jettent xm regard sur les horreurs de !a traite et sur les crimes dont ils se sont rendus coupables dans les colonies , et ils verront comme ils sont double- ment odieux de caion^jiier ces iafor tunes afi-i-

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^îtîj ! ce sont ces hommes de sang « ces er« colons, couverts de crimes, qui osent encore nous calomnier; c'est eux , comme le dit M. Sismond^ de Sismondi , qui reprochent aujourd'hui aux africains la barbarie qu'il;» ont créée ; ils veulent qu'on juge ces peuples sur les crimes qu'ils onS excités et qu'ils ont payes î

Ecoutez le langage de ce fourbe de Mazères ^ considérez l'Afrique, dit-il, considérez son inal* térable, Ja dirai presque son ineffaçable barbaries qu'a-t-elie fait ? Qu'a-l-elle imaginé ? Qu'a-t-ella peifectionné ? lorsque la lumière européenne brillait par to: rens sur ses bords méditerranéens , «t depuis qu'elle en reçoit les rayons affaiblis par des voies si nombreuses !

Qa'a t-elle fait , ose demander cet impudent » lorsque les lumières brillaient par torrens sur ses bords africains ? Ce qu'elle a fait î eîls a civilisé l'Europe , et c'est à la race nègre , aujourd'hui esclave , diî Volney , que les européens doivent les arts et les sciences, et jusqu'à l'art de la parole !

Je demande à mon tour , depuis que l'Europs civilisée est devenue la patiie des sciences et de3 arls, depuis qu'elle a été éclairée des lumières du christianisme , qui enseignent aux hommes \c^ charité , l'humanité envers leurs prochains, qu'a* t*ftJl« fait pour civiliser l' Afrique , ^tte contCQ»

t 48 )

fofoHunée que ce monstre de Mazères à riiîiptf-^ deur d'appelkr une terre de malëdiction ? Ce que TEurope a fait ! elle a établi cet effroyable commerce d'hommes qui a corrompu la popula- liou africaine ; les progrès de la vie sociale , l'agriculture , la morale , les lumières ont élé étouffés par les effets de cet odieux trafic ; elle a fait naître la désolalion , îa barbarie et tous les genres de crimes et de brigandages auxquels la société humaine puisse êire réduite ^ les larmes ^ la misère , le sang des africains crient vengeance et demandent justice à la nature entière î et les auteurs de leurs maux osent dire çue l ylfrujuc a résisté aux enselgnemens de la nature, comme à ceux des hommes, lorsque la lumière eiirO" péenne brillait par torrens sur ses bords mê^ diterranéens y et depuis quelle en reçoit les rayons affaiblis par des {'oies si nombreuses*

Grand Dieu î quelle lumière î quelles voies pour civiliser et éclairer des hommes que celles de la traite !

Ce comble d'audace et de méchanceté soulevée mon âme d'indignation !... Je m'arrête, j'allais mau- dire l'Europe et les auteurs de celte horrible inven- tion : généreux Sismonde deSismondi, Wilber- force, Clarksoft, et vous tous européens sensibles

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:«( vertueux ; rassurez- vous , l'excès des maux quô nous avons éprouvés ne peuvent nous rendre injustes ni ingrats ; ce nV>t qu'à cette classe d'hommes féroces et barbares, ennemis du genre humain , que je puis imputer toutes nos infor- tunes ; c'est contr'eux seuls que je dirige mes écrits; ils ont pendant assez long - temps dénigré , calomnié et torturé mes semblables ; qu'il me soit donc permis d'user envers eux du juste droifi de représailles , en repoussant leurs odieuses ca- lomnies; jamais , non jamais , nous ne leur dirons autant d'injures , ni nous leur ferons la miltièm© partie des maux dont ils nous ont accablé pendant des siècles.

Vils calomniateurs des africains , dites - noua qui a pu donc les empêcher de se livrer aux ensei- gnemens de la nature et des hommes , si ce n'est votre infâme avarice et votre cupidité ? N'esf-c© pas vous qui les avez détourné des douceurs de la vie pastorale et agricole , pour les livrer à la plus horrible de toutes les corruptions ? La nature a-t-elle pu jamais enseigner à un père de vendre ses en fans , et à ceux ci les auteurs de leurs jours? Prétende z-vous aus:^i que les hommes puissent se civiliser et s'éclairer avec de pareils instituteurs , tels que ces barbares ^

G

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marchands et trafujuans de chaîr bntnaîne qtil enseignent, pour préceptes de morale, aux afrU cains le vol , le pillage et l'incendie , qui leur fournissent au lieu de livres d*éducaûon , des li- queurs fortes , des verroteries , des armes et des munitions de guerre pour s'entre détruire ? et vous avez encore l'impudeur de parler des lumières européennes qui brillaient par torrens, dites-vous, 6ur ces bords africains? ah î ce n'est pas aiiîsî que vos barbares ancêtres ont été civilisés ! au Jieu de ces indignes moyens, lorsque les euro- péens auront introduit les lumières dans l'A- frique , en y envoyant de savans professeurs et d'habiles artistes , lorsqu'ils y auront fait naître l'agriculture, l'industrie, les scieac^es et les arts, si les africains ne profitent pas de leurs leçons , en s'ëîancant dans la carrière de la civilisation , alors vous pourriez avoir raison de dire que nous sommes d'une es[ èce iîjférieure à la vôrre , et îiour, Vf coi.nciî uions sans murmurer Tin justice du son. Mais non , que dis-je r la gloire immortelle de civiliser une des qviafre parties du monde, rendre cent m>i!îions d'africains à la soeiété euro- péenne , ce grand œuvre qui doit surpasser tout ce que les peuples des iem))S antiques et modernes ont fai( de grands ei (ie glorieux , qui doit obs- curcir tous les genres de gloire , appartient ^ la

(Si )

ïïiagnar.ime et généreuse Angleterre î cet œuvre grand et vraiment sublime est déjà commencé î... Vaine gloire des concjuérans dis|jaraissez ! Des* Iructeurs des humains humiliez vous î vos triom- phes oni éie fléuis,ils sont souillés de larmes, de crimes et de sang , la posiériié les condamne ; mais la vraie gloire , la gloire de l'Angleterre est éternelle , et ses bienfaits survivront encore au bout des siècles dans la mémoire des hommes î

« Les portugais , dit Mazères, ont essayé de policer le congo au mojen du christianisme ; le con!.-i^ est resté aussi barbare qu'il l'était lorvqu'oH y fit cet es^ai , TAbyssinie a reçu le chistianisme, il est dégénéré au point d'être méconnaissable ».

De toutes les calomnies des ex-colons , riea n'égale l'impudeiK^e de celie-ci. Parce que le christianisme a civilisé l'Europe , il aurait flâ aussi civiliser rAfricine et l'Amérique : mais les blancs, ont-ils suivi l'esprit de l'évangile envers, les infortunés afiicains et américains ? Les blancs r'ont suivi i'espril de l'évangile qu'envers les blancs» et le chrisriajiisme a civilisé l'Europe; sa douceur» son humanité , sa charité ont adouci les n.œujs de ses barbares habitar.s; mais l'avarice , la cupi- dité , et surtout le fanatisme des européens , nous ont fait considérer comms des betes de somme ; «t ie cWisûanisaie , la religion d'un Dieu de paii;

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ei ûz chanté , a été le pi orexle que les homrnsj 66 sont servi pour exterminer les infortunés amërî» caîns , et pour en faire des chrétiens , les malheu- reux africains ont été plon^^és dans le plus cruel esclavage. C'est ainsi qu'i's ont déshonore le chris- tianisme au lieu d'avoir travaillé à sa propagation.

I/autorite de Montesquieu étant d'un grand poids pour les ex-colons , je vais rapporter son Opinion à cet égard , la voici :

i< J'aimerais autant dire que la religion donne à-ceuxqui la professent un droit de réduire en servi; ude ceux qui ne la professent pas, i^nir travailler plus aibément à la propagation. Ce fut celle manière de penser qui encouragea les destructeurs de l'Amérique dans leurs crimes. C'est sur cette idée qu'ils fondèrent le droit de rendre tant de peuples esclaves ; car ces brigands cjuî voulaient absolument êire chritiens étaient liès-dévots.

^^ Louis XIII se fît une peine extrême de la loi qui rendait esclaves les nègres de ses colonies : mais quand on lui eut bien mis dans l'esprit que c'était la voie la plus sure pour les convertir , il y conseniit ». On peut très -bien présumer que ce fut la même cause qui emj)êcha d'abord Louis XVïlI, de nos jours , d'abolir la traite des noirs. - Je vais melttc sous, {es yaax des ex-cclons des

( m )

faits qu'ils ne pourront récuser; je leur ferai voie comme des hommes impies et pervers se sont servi de la, religion pour assouvir leurs passions •ffrénées et persécuter les humains !

A Hayti, par exemple , sous Taffreux re'gîme colonial , n'avions-nous pas des prêires caiholî* ques » apos(oîi({ues et romains dans toutes les paroisses de la colonie ? N*dtions-nous pas aussi îgnorans que les congos et les- abyssins peuvent l'être f Pourquoi n'ë(ions-nous pas polices , nous professions cependant le christianisme ? G'esfe parce que les prêlres étaient autant d'instrumens payés et employés par les ex-colons pour nous tenir dans un état d'abjection , pour nous empêcher de secouer le joug de l'esclavage ; ces piêires nous représentaient sans cesse dans leurs sermons que les blancs étaient des êtres d'une nature supérieure a la nôtre ; ils nous prêchaient le respect, la soU"- rnission , l'humaniié envers les blancs ; ils nous consolaient des tortures et des châ^imens que nous éprouvions, en nous disant qu'il fallait souffrir et endurer des peines dans ce monde, pour être plus heureux dans faulre ; ils nous façonnaient ainsi dans l'esclavage, et nous accoutumaient à en sup- porter le joug. Les ex-colons ne démentiront pas la vérité de ces assertions; ils saveni très-bien l'en^- "pîre qu'avaient alors les piètres, et quelle était leur

( Bs )

ïiJÎIîf^ pour les ex-colo^^ ; car i's proposant enrôr»^ dans tous ienrs ëciils, (omineun sûr irif^yp'n de roiis ramener dans l'esclavage , de nous envoyer des pi cil es ponr nous eniraîner dans Tabîme, sons- le manteau resuec'abîe de la religion; mais qu'ils sachent (jue nous avons biisé ie.s hocheis de ia supeisiidon avec les chaînes de IVsc lavage.

Dans les pays les prêiies irouvèi enj des pbs-^ faciès pour asseoir leur pni«san(;e , ils devinrent înîolërans;ces fanaîicjues, s'éiî>ignant de la morale^ evangëlique de noire divin sauveur , jeîèieijt le trouble dans les familles , excitèrent les guerres civiles dans les royaumes; pour parvenir à se saisir de l'autorité , des peuples furent ex'erminës; d'autres plus heureux, fatigues d'êîre er. butte à la pei-îséculîon et à la tjTar.nii^ de ces faiiatiques, les chassèrent de leurs contrées. Ex-cv>lons, c'est de cette manière que TA mërique, le(]oi^.go, l'Abys- sinie, la Chine, le Japon, reçurent les lumières du christianisme ! l'ous les maux cpii désolent le genre humain sont Touvragv^ des hom.nes ; non contens de les avoir crëës , ils calomnient encore^ l'auteur de la nature.

Il fallait donc introduire en Asie , en Afrique et en Amérique le chrisûanisme , comme il s'est introduit en Europe , avec cet esprit de paix , d'h'jmaaité et de thantë , que révangile presciit

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Bt»x hommes 9 îl fallait nous ron«?îd(^rer coram^ vos frères, et non pas ccmme des bêtes de somme condamnes à une servitude plus cruelle que h, mort même ; alors le christianisme , au lieu dd disparaître dans les pays il avait déjà jeté de profondes racines, au lieu de dégénérer dans d'au- tres au point d'être méconnaissable , se serais répanda sur toute la terre , et aurait fait le bon- heur du genre humain.

« On ne croira jamais , di( Moutesqnîeu , qu9 c'eut é?é la pitié qtii eu. établi l'esclavage dans le pagaTu'sme, et pourra-l-on jamais croire que ce fuC pour rendre chrétiens les peuples de l'Afrique et de rAmériqiie,que les européens les massacrèrent et les plor^gèrent dans le plus dur esclavage « ?

Ce n'est plus aujourd'hui la pitié des payens, le fanaiisme des chrétiens, qui autorisent le droî6 affreux de l'esclavage ; mais suivant les ex-colons» cesù la prudence y V équité et Thumanité ; ra-» toîition subite de la traite , dit Palissot de Beau- vois , sans aucune modification , ni aucun tem- péra m ment est contraire aux. lois sociales ; telles; soi'.t les horribles maximes que cet homme de mauvaise foi n'a pas eu honte d'imprimer , et que Mazères son vil flatteur n'a pas rougi de citée comme un témoignage le^pectable. C'est ainsi .qu3 la pitié , la religion , l'humaaitt , les ssntt

{ "56 )

Wens les plasdoux ont servi de prétextes pot© -assouvir les passions , l'orgueil , la rapacité et la 'Uiëchanceté des hommes.

Pour achever de re'fufer les calomnies da Mazères, je vais jeter un coup-d'œîl sur la situa- lion de l'Afrique , et c'est par le témoignage 'tnême des voyageurs qu'il a ciiës , que je vais le convaincre d'imposture et de calomnies envers les afri(;ains.

J'éprouve ici le plus grand regret de ne pas avoir étudié la langue anglaise , et je suis bien privé de ne pouvoir renforcer mes assertions 9 par rauioriié respectable des hommes célèbres» tels que MM. Glarkson , Wiiberforce , Srephen, et en général tous les vertueux philantropes de la grande er magnanime nation britannique , qui ont employé leuis falens, leurs veilles et leurs travaux , pour le bonheur et la perfecrion l'espèce humaine.

Les assertions de M. Sismonde de Sismondî sont fondées, non seulement sur le témoignage universel des voyageurs» mais sur la connais- sance profonde qu'il a des hommes et des choses; je suis plus à même d'apprécier ia justesse de ses ^rgamens , que la plupart des européens qui ne Conuaissenl que liès-imparfailemeut le caractère

. et

( 57 ^ ^

^l les mœurs des africains et des haytîens leUPJ descendans.

Ouï, ce Je soutiens avec M. Sismônde de Sis- eiondi que l'Afrique est habiiëe par une race d'hommes nombreuse , active , industrieuse et accoutumée au commerce ».

Mazères s'étonne et ne peut comprendre pour- quoi il n'existe pas de viîles florissantes sur la côte du Sénégal et de la Guinée ; il feint aussi d'ignorer quel est ce mur d'airain qui écarte les savans et les commerça ns de ce pa;ys mystérieux ; il demeure confondu de surprise ; il croit rêver : Mais quest - ce que ce mur cl airain, dit-il , donb vous nous parlez , si ce nesC une barba- rie qui rés/sùe à tous les exemples , à tous les enseignemens et qui repousse la lumière par toutes les voies oîi elle pourrait pénétrer.

Si Mazères avait lu les voyageurs dont il a cité les noms , ou du moins si son âme gangre- née par ses passions lui avait laissé l'usage de fa réflexion et de la raison , il aurait pu discerner les causes qui empêchent qu'il existe des villes florissantes sur les côtes du Sénégal et de la Guinée ; il aurait aussi découvert qu'est-ce qae CQ mur d'airain qui écarte les savans de ce paya

H

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feyst^i'îeux ipï promet aux uns sa poudre (Tût et son ivoire, aux autres ses antiques secrets.

II n'existe pas de ville sur la côte du Sënëgal çt de la Guinée , parce que cet esprit d'avarice et de cupidité qui excite les européens à par- courir la vaste étendue des mers pour cherchée des contrées nouvelles ou imaginaires , les a fixé en Afrique sur les côtes ; , ils attendent la poudre d'or , Ti voire , et surtout les usalheureux esclaves; là, ils n'inventent que les moyens de pou* Voïrs*en procurer n'importe à quelque prix que ce soit ; ils ne comptent pas les crimes » mais leuu profit i peu leur importe ce qui se passe dans Tin- léneur du pays, qui ne leur offre que des profits trop incertains, des fatigues et des dangers ; s'il fallait aller chercher eux titêmes les malheureuses vic- times de leur cupidité: les crimes de la traite , les usurpations et les brigandages des européens » ont contraint les natifs de s'enfoncer dans l'inté- rieur des terres ; ces côtes jadis si populeuses, sont devenues désertes et retournent dans la barbarie, tandis que le centre fait des progrès dans la civi- lisation ; la crainte sont les africains, que les européens pénètrent dans l'intérieur oij ils pour- vaieni c/m^netire les mêmes brigandages que sur ^îes côtes , îe^ rendent extrôiTiemenl méfians , ce qui les empêchent de permettre l'entrée aux voya-

( 59 J gsurs dans leur pays ; ajoutez encore à ces causes Que la plupart de ces peuples professent le raaho^ inëtisme , et ont en horreur k nom chrëtien ^ alors vous verrez quel est ce mur d'airain qui empêche de pénétrer dans ce pays mystérieux. Des européens animés par la curiosité et la gloire de faire de nouvelles découvertes , ont parcouru une partie de cette grande région , Brown pé- nétra dans le Darfour ; Bruce dans TAbyssinie jusqu'au source du Nil ; Mungo Park fît trois cents lieues dans l'intérieur des bords de la Gambie aux bords du Niger; Palterson et le Vaillant ont visité le pays des hottentots et des cafres ; une infiniié d'autres voyageurs ont parcouru l'A- frique ; voudrait-on en conclure que ces voya- geurs qui n'ont fait que passer, et qui ignoraiecit jusqu'à la langue des natifs , auraient pu y in« troduire les lumières et la civilisaîion ?

Parce que les infortunés major Hougihon çt Mungo Park ont péri victimes de leur curiosité, serait il juste de juger tous les peuples de l'A- fric[ue sur ce trait de barbarie ? Dans les pays policés de l'Europe, n'est-il jamais ai rivé que des voyageurs furent assassinés par quelques hordçs de brigands ? En France n'a-(~ii pas existé des Gartourhes et des Mandrins? Les hordes ks plusfërcces sesont^elles jamais souillées dea mairies

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crimes dont les français de nos jours se sont vendus coupables ? Doit - on en conclure j.our cela que la Fiance n'est pas civiiisëe, et que la baibarie soit inhérente à son sol et à la naïuie de ses habilans ?

Ne devrait-on pas s'ëtonner au contraire , que chez des peuples , tels que les africains , qui ont tant de sujets de haine el de méfiance contre les blancs , que parmi ces nombreux voyageurs , il n'ait pei i que ces deus hommes ? Ne devrait - on pas sVtonner, dis-je , que ces peuples aient pu laisse visiter leur pajs par des européens , qui devaient leur être suspects à tant de titres , mais qui, au contraire, en de'pit des calomnies des ex-colons , ont exercé à l'ëgard de ces voyageurs les lois de l'hospilalitë ?

Si j'étais chef de quelqu'un des peuples de la Nîgri.ie , dit J. J. Rousseau , je déclare que je ferais élever , sur la fi ornière du pays , une potence, je ferais pendre sans réaiission le premier européen qui oserait y pénétrer, et le premier citoyen qui tenterait (Ven sortir.

Mazères croit-il pouvoir s'introduire à Haytî pour prendre des renseignemens sur notre situation intérieure comme Dauxion Lavaysse et Médina? S'il est dans cette croyance, je me donnerai biea de garde de l'en désabuser i qu'il vienne donc I ,

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S' les africains éiaiejit aussi barbares que c^ vî! caîomniaieur veut bien les reprc^serUer , ces voyageurs auraient-ils pu pénétrer dans l'intérieur de l'APricjue ? Un seul homme sans défense surait-il f>u voyager avec d(*s marchandises» considérées dans le pays par leur raielé , comms des richesses immenses, sans avoir été dépouillé par des voleurs ? Lorsque nous voyons dans les piys les plus policés de l'Europe , dans Paris mcm^ , des voleurs détrousser les voyageurs pour s'emparer de leurs butins.

Mais il est temps d'appuyer mes assertions par l'autorité raome des voyageurs ; oui , je sou- tiens avec M. Sismonde de Sismondi , « que la civilisation a fait des prog'ès remarquables dans le centre de l'Afrifjue , tandis que les côtes retour- nent à une absolue barbarie; deliès-grandes villes commerçantes et manufacturières ont été bâties au milieu du continent africain ; elles sont les capitales des puissans royaumes les arts, les manufactures et l'agriculture attestent les progrès de la vie sociale. La propriété y est assurée , la vie civile y est garantie , la justice y est administrée avec sagesse, et le gouvernement y ebt respecté >».

« Je le demande , s'écrie Mazères , à tous les hommes sans préventions : ne faut-il pas vculoic loLit dénaturer et tout peindre sous des couleurs

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fausses pour faire un paieil tableau de l'Africpie ; tt si vous aviez à parler de Paris, de Londres » de JLjon y ou de Manchester, si vous aviez à caractëf viser les résultats de la constîtufion anglaise, ou de la charte française , que pourriez - vous dire de plus f puisque vous citez Mungo Park^ j'adjure ici ses nombreux lecteurs de me dire si ce n'est pas pousser la prévention jusqu'à la folie , que de nous peindre l'Afrique des mêmes traits , dont un français ou un anglais pourrait tout au plus peindre leur heureuse et brillante patrie >s

Eh bien î c'est par Mungo Paik même que je vais répondre à Mazères; c'est par ce voyageur que je vais le convaincre d'imposture et de ca- lomnie ; j'adjure aussi les nombreux lecteurs de Mungo Park , de juger de la bonne foi de ce Mazères.

Arrivé sur les bords du majestueux Niger , large comme la Tamise à Westminster, Mungo Paik s'exprime ainsi « : Sègo capitale du Bom- hara , se compose de quatre villes , deux sur la rive septentrionale , s'appellent Ségo-Koro , et SégO'Boit ; les deux sur la rive méridionale , s'appellent Sègo-soukorro , et Srgo-see-kono^ Toutes sont entourées de grands murs de tei re ; îes maisons sont construites en argile; elles sont carrées et leurs toits sont plat§ ; quelques - unes

f 85 :r

ont deux Aages ; plusieurs sont blanchies. Outre ces bâtimens, on trouve dans tous les quartiers des mosquées bâties par les Maures. Les rues sont ëtroites , les voitures à roues inconnues. Sa population s'élève environ à trente mille habitans; le roi de Bambara réside constamment à Ségo-» see-korro , et il emploie un grand nombre d'es- claves à transporter les habitans d'un côté à l'autre de la rivière. Le salaire qu'ils reçoivent fournit un revenu considérable; les canots dont on fait usage pour ces passages , sont d'une formç singulière ; ils sont faits avec les troncs de deu.t arbres joints bout à bou* : de sorte que la jointure est précisément au milieu ; ils n'ont ni pont , ni mâts; mais beaucoup de capacité. J'en ai vu qui traversaient la rivière chargés de quatre chevaux ,eî de plusieurs personnes.

« En arrivant au passage, la foule me regardai! eri silence ; j'y vis avec inquiétude plusieurs Maures ; je m'assis sur le rivage pour attendre mon tour et je contemplai cette grande ville p ces nombreux canots , cette population active « les terres bien cuhivées (|ui s'étendaient au loin et annonçaient lopuience et la civilisation.

» J'atiendis plus de deux heures. Le roi M an* ' song fut averti que je venais pour le voir, il m^ Çt dire aussitôt que je ne «erais pas admis en sa

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présence « sans qu'il sut ce qui m'araeriâït ert so* pays , qu'il me défendait de passer la rivière. Lo messager qui m'apporta cet ordre , me conseilla d'aller chercher dans un village qu'il me montra, un logemeni pour la nuit , en me disant que le lendemain , il m'apporterait de nouvelles însliùctions ».

N*esl - il pas prouvé par Mungo Park même , que M. Sismonde de Sismondi n'a fait que répé- ter les mêmes choses que ce voyageur a vues et rapportées : Je contemplai , dit il , cette grande Ville y ces nombreux canots, cette population active^ les terres bien cultivées qui s éten- daient au loin et annonçaientl opulence et la civilisatioîi

Cette défense du roi Mansong à Mungo Park de passer la rivière sans qu'il sut les motifs qui l'amenaient en son pays, ne prou ve-t elle pas celle juste défiance que les africains ont des européens^ défiance qui ne cpss^r'ra que lorsqu'ils n'auront plus rien à craindre des injustices, des brigandages etusurpations detou^gt-nres de leur part \ et cela est si vrai , que le lendemain un messager apporta à Mungo Park un sac contenant 5ooa kauris, don de la générosité du roi , qui l'invilait en même remps de s'éloigner de Ségo ; le messager avait ordre de le conduire jusqu'à Sansandîng, son intention élait d'aller à Jenné. Je ne pus, dit Mungo Park , deviner les motifs de cette conduite \ elle était bien facile cependant à devi- ner;

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C8r ; que vient il donc chercher clans le Bamham cet étranger, a dire Mansong ? Quels projets ! Quelles intentions peuvent avoir amener l'homme blanc de si loin au travers de tant de dangers î Je ne puis recevoir ce chrëtien , ni je ne puis violée les lois de Thospitaliré envers lui ; je le renverrai donc , et en lui faisant un présent et en lui don* nant un guide pour le conduire , je satisferais â la fois à la sûreté de mes peuples et aux lois de riiospitalitë. Tels sont les motifs qui ont dil diriger Mansong dans sa conduite; mais comme la plupart des blancs ne nous jugent qu'avec des préventions toujoiu's injustes , ils ne peuvent se figurer que nous sommes susceptibles de sentî- mens généreux; car enfin si sa majesté le roî Mansong avait en l'intention de faire du mal à Mungo Park, qui Ten aurait empêché ?. ...

UC'est avec ces mêmes semimens de prévention et de haine que ce monstre de Mazères traite de vieilles négresses les femmes humaines et chari- tables qui accueillirent Mungo Park , lorsqu'il était mourant de faim et pi et à être dévoré parles bôies féroces. Ecoutez le propre récit de Mungo Paik et vous allez juger jusqu'où peut alle^ l'atrocité de l'âme d'un ex-colon.

#$ Vers le soie , dît ce yojageur , j'éîaîs décida

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â grimper sur Taibre pour y passer la nuit à Tabrî des bêtes féroces; déjà j'avais lâché mon cheval, afin qu'il pu! paître en liberté , quand une femme 9 qui revenait des champs, s'arrêca pour me regar- der. Elle s'informe de ma position , je la lui expose en peu de mois : alors avec un air de .grande compassion elle prend ma selle et ma ÎDride , et me fait signe de la suivre ; elle me con- duit dans sa huîte , ailume une lampe étend une natte sur le sol et me dit que j'y pouvais passer la îiuil ; mais elle s'aperçoit que j'ai faim et sor^ eussiiôt pour me procurer à manger. Bientôt elle revieîît avec un fort beau poisson qu'elle fait griller à moitié sur quelques charbons et qu'elle me donne ensuite pour soupet : puis me montrant ma natte , ma digne bi«*nfaitrice m'invite à m'y repo- ser sans crainte. Les femmes de sa maison n'a- vaient cessé de me contempler ; elle les rappelîa alors au travail , qui consistait à fiier du coton. Pour charmer l'ennui de ce travail , elles eurent recours à des chansons et en improvisèrent même une sur moi. Une ft^mme seule chantait d'abord^ les autres reprenaient en chœur. L'air en était doux et plaintif, les paroles répondaient à celles- ci « Les vents rugissaient et la pluie tombait Le |,ai!vre honim. hliTu-, faible et fatigué, vint 4t s'assit sous noire arbie. Il n'a point de mère

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pour luî apporter du lait , point de femme pour moudre son grain. Chœur Ayons pitié de rhomnie blanc , il n'a point de mère. etc. etc. » Ces détails minutieux pour le lecteur , donneront peut-être une idée de la position cruelle oia je me trouvais. Êmu d'une bonté si touchante , si ines>- pérée, Je ne pus fermer les yeux. Le matin je donnai à ma généreuse hôtesse deux des quatre boutons de cuivre qui restaient à ma veste, c'était Je seul don que j'eusse à lui offrir ».

Ames sensibles, vous qui n'êtes point dominées par d'injustes préjugés, n'abhorrez vous pas le yil calomniateur de ces femmes bienfaisantes 1

Poursuivons, c'est par M u n go Pat k même que je vais confondre Mazères.

« Je partis , dit ce voyageur, du village le 24,. et , accompagné de mon guide , je passai vers huit heures par une grande ville appel lëe Kahba, située au milieu d'un beau pays, trè'i bien culiivé^ et ressv^mblani plu.ôt à Tinlérieur de rAno;îcterre^ qu'à celui de l'Afrique, j? Je le demande à (ousles hommes sans piéventions , si Mungo Paik avait eu à décrire l'Angleterre ou tout autre paya civilisé de l'Europe , se serait-il exprimé diffé- remment ?

Mungo Paik dirigeant sa route vers Tom^, tuclou , qu'il devait atteindre pouc couronnât: la

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Snccès de son voyage , passa par Sansanàlng^^ Sibill y Nyara , Nyamée , Mouzzan et Slïlay, toutes ces villes plus ou moins grandes sont Irès- peupl^es et iiè-i fiëquentées par les Maures, qui y apportent du sel , de la verrolei ie et du corail « qu'ils échangent contre de la poudre d*or et de la toile de coton , qu'ils revendent à un très-grand bénéfice à Burou et dans le pays des Maures. SU la fut le dernier terme s'arrêta Mungo Pai k ; la maladie , la fatigue , la saison des pluies, les marais inondes , et la crainte de voyager dans un pays influence par les Maures , qui ne veu- lent pas voir les chrétiens ; tous ces obstacles le contraignirent de retourner sur ses pas , vers la Gambie , par la même route qu'il était venu.

Avant de quitter Silla , il prit des renseigne- mens sur le cours ultérieur du ^iger , sur la situa- tion et rétendue des royaumes qui l'avoisinent ; sur les villes de Jenné, Tojnhuctou , Haussa, qui sont les plus considérables de l'Afrique , et encoie inconnues aux européens.

Eiant ariiv-^ aux environs de Ségo, il se déler» mina à remonter le N«ger, afin de savoir jusqu'où il était navigable dans cette direction.

Il continua à remonter le Niger, dans un pays populeux et bien cultivé ; il passa à Ka- tnallaj, viile murée s sans s'y aaêier ^ il iraversai

( Sg )

encore Samce , se tient un orrand tnarclië de bëtail , de toile et de gtaifi ; il traversa une grande ville appellëe Sal ^ qui excita sa curio site ; eîle est oeir^te de deux fossëîi très-profonds, ëloicrnés d'environ cent toises de ses murs ; sur le haut des tranchées sont plusieurs tours cari ëes ; le tout offre l'aspect d'une fortification

régulière,

Le 20, il entra au coucher du soleil dans KoulU korro, ville considérable et grand maahé de sei» Le 21 Aoûf, après avoir traversé les villâg.^s de Kayou et Touhinibou, ii ariiva à Marrahoit , ville célèbre par son commerce de sel. Le 28 , ii était à Bammakoii , ville du moj^en ordre , dont, les habi(ans sont très-riches.

Dans les environs de Slbicîoulou , il fut dé- pouillé par des voleurs ; arrivé dans cette ville,. Mungo Paik porta ses plaintes au Mansa ou gouverneur , ([u'il avait été volé. Voici les propres, expressions de Mungo Park : « A peine j eus fitii, cju'ôant sa pipe de sa bouche , il agiia avec indignation la manche de son vêtement. Asseyez- vous, me dît il , tout vous sera rendu , je l'ai juré: puis s'adressant à un serviteur, domiez, dit il , à l'homme blanc , de l'eau à boire. Au point du jour vous irez sur les montagnes et vous infor- U^îL-ez le doutj [ le juge J de Bammahou^ qu'un

C "5 , pauvre bîauc , ^ëtrang^T du roi de Banibara , a.

été vole par les gens du loi de Fonladoci ».

Le Marisa invita ensuite Mungo Park à rester avec lui jusqu'au retour du messager. Il lei fiî conduire dans son logement et lui envu^^a des alimensiniais la foule qui s'assemblait pour le voir» qui prenait piiié de Mungo Paik et mau- dissait les FoulaJis de l'avoir volé , l'empêcha de dormir ava»îî minuit. Mungo Paik ne voulant point abuser de la générosité ûa Mani,a y lui de- maïîda la permission de partir. Le Mansa l'en- gagea d'aller jusqu'à PVorida , ii lui promit qu'il aurait des nouvelles de ses effets qui avaient été volé,

« IVonda^ j'arrivai le 3o , dit Mungo Paik, est une peîite ville près d'une haute mon- tagne 9 l'on trouve une itîos<jjuée. Le Mansa qui était mahoméîan , remplissait les deux fonc- tions de premier magistrat et de muitre dVcoIe pour les enfans. Il tenait son école dans un han- gar ouvert » je pris *^a demeu*e. Dc'puis long- temps je ressentais des accès tie fièvre, qui redou- blèrent pendant mon séjour « JVonâa. Mon hôte s'en aperçut et s'en in([uiéîa , car il eut été obh'gé, dans l'état de maladie j'étais , de me garder jusqu'à ce que y me guérisse ou mourusse ».

6 Septembre, deux personnes datS/Z^i^WoiY-

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'îou rameuèrent à Mungo Park son cheval, ses

habits et sa boussole , qui avaieni été voie's par les gens du Fouîadou, Le 8 de Septembre , au mo- me\\\ de son départ , le Mansa donna à Mungo Park en témoignage de souvenir , sa lance et un sac de cuir pour contenir ses habits. Je convertis , dit-îl , mes bottes en sandales et je marchai facilement.

Je le demande aux nombreux lecteurs de Mungo Park , reconnaît-on à ce récit , ces afri- cains slupides , ("éroces et barbares, tels qu'ils sont dépeints par Mazèies. Dans quel pays de l'Eu- rope où la police y est la mieux exercée , l'on aurait pu contraindre à des voleurs de remettre des effets volés , et Ton aurait accueilli avec plus d'humanité et d'hospitalité un malheureux voyageur ?

Mazères n'est-îl pas convaincu d'imposture eS de calomnie, et M. Sismonde de Sismondi n'est-îl pas pleinement Jnslifîé d'avoir écrit que l'Afrique est habitée par une race d'hommes , nombreuse, active , industrieuse et accoutnnné au comm rce ? N'est-il pas prouvé que dans un pays il y a d'aussi grandes villeé, aussi proche Tune deTaufre et de nombreux villages , que ce pays doit avoir une population considérable ? Nest-ilpas prouvé que dans tous les pays les campagnes sont biea

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cultîv&s , qne nécessaiiement il doit y exister de î industrie , de I ac ivitë et du commerce ?

Il ma su [fit de citer encore quelques passages de MuDgo Fark , et j auiai achevé de confondre les impostures de M^zères,

et Les mandiiigues sont les plus nombreux habitans des cantons qu'a parcourus M. Park % leur langue est parlée , ou du moins entendue dans toute celte partie du continent.

» On croit que ces peuples portent le nom de Mandingues , parce que leurs pères sont soi lis du Manding, qui est au cenire de l'Afrique. Mais, loin d'imiter ie gouvernement républicain de leuf ancienne patrie , ils n'ont formé dans le voisinage de la Gambie que des états monarchiques Cepen- dant le pouvoir de leurs rois n est pas illimité : dans les affaires importantes, ils sont obligés de convo- quer une assemblée des plus sages vieillards se diriger par leurs conseils : ils ne peuvent , sans leur assentiment , déclarer la guerre ou conclur» la paix.

» 11 y a dans toutes les grandes villes un Alkaîâ dont la place est héréditaire. Il maintient 1 ordre , perçoit les droits imposés aux voyageurs et présido é l'administration de la justice.

» La juridiction est composée de vieillards de

conditiogi

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tîOnditîon libre : leur assemblée s'appelle xxnpala^ per. Ses séances se tiennent en plein air, avec U plus grande solennité. Là^ les affaires sont eTiariiî- nées avec franchise , les témoins publiquement entendus , et les décisions des inges presque tou- jours reçues avec l'approbation générale. Les nègres, n'ayant point de langue écrite, jugent les affaires d'après leurs anciennes coutumes ; mais depuis que riJamisme a fait des progrès paimî eux , plusieurs institutions civiles du prophète se sont introduiies avec les préceptes religieux , et , lorsque le koran n'est pas assez clair , ils ont recours à un comnit-i^taire intifulë al schana qui contient une exposition complète et méthodique des lois civiles et criminelles de l'Islamisme,

M. Si monde de Sismondi a donc eu encore raî*» son de dire que la propriété j était assurée , la vie civile y est garantie, la justice j est administrée avec sagesse, et le gouvernement y est respecté. Et Mazères est donc un infâme calomniateur pouc avoir affirmé que ces peuples éîaient stupides et féroces , et que la baibarie éiait inhérente à l'Afrique ?

Il n'y a pas de doute que les peuples derAfa- que sont infiniment plus avancés que les naiure's de l'Amérique, et que ceux situés au nord et aa kvant de l'Europe. JK.

f 74 } X®s mesîcaîns faisaient , il est vrai , des calcati

"tivec des çûipos , espèces de nœuds ou ùliiéro glyphes , qui leur sei vaîeni à mesurer le (emps, <:omme lesTomams s'etaîentservis pendant long- temps de clous pour marquer leur lustre ; maïs les mexicains ne savaient pas écrire ni ( hiffrer, et ils ne connaissaient même pas l'usage du fer; au lieu que les africains possèdent Tëcrituie et le calcul , manufacturent le fer, les toiles , tannent les cuirs, et enfin, sont bien plus civilisés qu'e'taient les na- turels de r Amérique (i).

// 71 existe, di^ Mazjsres , rien de comparable '^dans toute V Afrique , à la chaussée construite sur le lac Mexico : oui , mais il n'existe non plus rien chez les iroquoîs et les esquimaux qui soit comparable aux grandes villes , à la police et à la culture de l'Afrique , et quand aux ruines du Mexique , je ne crois pas qu'elles puissent être comparées aux fameuses ruines de l'Egypte et de Garthage.

Pourquoi vouloir e'tablîr le parallèle entre les peuples les plus éclairés de l'Amérique avec les peuples les plus igiurans de l'Afrique ? Puiiiquoi ne pas comj^arer Ifs mexicains aux égyptiens , les iioqu(;is e; les es p.Iruaux aux peuples du Zan-

(i) Les afrirains se servent de récriture et des clàrfr^s «urabes j ces diiffrea sonL en usage dans toute TEurope,

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gûebar et du Monomotapa , quî sont à pen près aus^î sauvages les uns que les aulces ? Pourquoi vouloir toujours prendre des degrës de comparai- son dans des objets qui n'ont aucune ressem* blance » ni aucuns rapports entr'eux , pour ap- puyer ses arguraens sophistiques? n'esî-ce point les preuves les plus manifestes de rinsigne mauvaise foi des ex-colons '.

Je ne parlerai pas de ces peuples du Nord /tels queleslaponoisç les samoyedes; ceux du levant, tels que les mingreliens , les mongals, les tartares d& la Bessarabie. Tout le monde sait qu'ils ne sont pas plus avancés dans la civilisation que les pea- pies du Zanguebar , du Congo , de la Nigritie»^ etc. ces peuples du nord et du levant sont blanc% cependant , et Mazères n'en parle pas. Il y a près de six mille ans que le monde existe» et ils son| demeurés stationnaires dans leur ignorance pri-* mitive; sonî-iîs aussi d'une espèce inférieure à la sienne , ou la barbarie est elle aussi inhérente à leur sol ? ... .

Non -seulement les africains soiit plus avancer actuellement dans la civilisation que les mexicains lors de la découverte de rAmën(|ue , mais ils sont encore beaucoup plus civilisés que ne l'étaient les français au sixième siècle. Nous jnéme enfin ^ dit M. de Ghaleaubiiautjdans le Génie du Cl.ina-

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ffànhm^ , ne s'ominec-tious pas im exemple frapjtanl: de la rapidité avec la quelle les peu-- pies se civiliser en ù ? il n'y a guère plus de douze siècles que nos ancêtres étaient aussi barbares que les hottentots , et nous surpas» sons aujourdhui la Grèce dans tous les rafJU nemeus du goût , du luxe et des arts ( \

N'es '•il pas bien éronnant que c'est à peine gorfi du gouffre d'une révolution terrible qui a ëbi anié le monde par ses secousses et failli entraî- ner la France à deux doigts de sa perte ? N*esî-il pas bien ëtormant, dis-je , que les fiançais raison- nent toujours avec autant de facilité et de légè- reté sur les grands désastres qui ont de tout temps afflige l'univers ?

Si ^es puissances alliées de TEnrope avaient détruit Paris , comme les romains ont détruit Car-» thage, si leur invasion avait été semblable à celle de cette nuée de vaiîdales, de goîhs, d'alains et de huns ; si an ji^ni de Souverains magna- nimes , ils n'avaient trouvé que des farouches conquérans, tels que les A'aric , les Genséric et les Attila , les français seraient aujourd'hui beau-

(i)Lesex-Coîor.snereryseror!tpas sans doute Taiitorité de M. de ( liateaubriaxit , ministre de la Mi^ison du Hoi Jp'rance , etc.

C 77 ) _ .

#oup plus circonspects , et ils ne dîsconreraîent pas si à leur aise ei avec autant de fiivolitë sut Thisloire du genre humain.

Thèbes, Memjjhis, Bdbj^lone, A hènes, ces villes cé'èbres ne sont piui' ! A [jeine irouv^-t on les traces qui aUeslent }pur existence , et ies <it b- is des monurnens qui faisaient leur orgueil ; f lies sont tonibcvs , ces villes supeibes er cpuleive.s , sous les coups des barba- es , des révolutions t-t da temps! Paris, ville présomptueuse îsecn i p!!f spule exempte de cette loi du sort r un jour } eu. -eue , le voyageur cherchera en vain sur les riv^s de la Seine , la place elle aura existëe ; au iicu de ses monurnens, il ne trouvera parmi des ronces et des épines que de faibles restes de son atchiieciure» Q.ie ces débris seront loin d'égiler ies fameuses ruines des égyptiens î Qielle faible idée se for- mera ce voyageur de la puissance , des sciences et des arts des franchis î

Alors la vieille Europe bla^^e'e par des siècles de lumière et de civilisation retournera dans la bar- barie , dans letat de nature et d'ignorance , jus- qu'à ce que le temps et le concours des circons- tances aient réunis et formés de nouveaux élé- mens pour la rappeller encore â la civilisation» Alors peut-être, après un long repos, l'Afrique iréchauffée et rajeunie aura lecueilli assez da

forces et de facnhës pour occuper la scène âii lïîonde , en s'élança lit de nouveau, et peut-être encore avec plus de vigueur, dans la carrière de la civilisation et des lumières.

La durëe des empires comme l'existence des bommes soiU mesurées par Tarbiîre suprême de l'univers ; au bout du terme , lorsqu'ils ont at- teint l'état de vieillesse ei de véiustë , ils meurent et renaissent ensuite comme les autres produc- tions de la nature.

Ce ne sont pas les mêmes empires ni les mêmes hommes qui renaissent , mais c'est toujours la même répéiition, des empires et des hommes; celte vériîé devient encore plus frappante , lors- qu'on considèie l'existence , la durée , et la suc- cession des peuples qui se sont légués tour à tour la puissance et les lumières comme un héritage, dont la possession devait être Iransmissible à d'autres peupUs. L/Empire Grec a duié [lès de onze siècles i l'Empire Romain , le plus puissant qui ait jamais existé, près de cinq siècles; celui d' A- lexandre n'a duré que pendant sa vie seulement : voilà près de 1400 ans que la monarchie fi ançaisa subsiste ; la Fiance a dépassé son zénith , elle se précipite à grands pas dans la nuit de l'igfiorance; n'est-il pas temps qu'elle transmette a d'uu-ras peuples rhéiilage qu'elle a reçu des lomains 7

i 79 1

Je croîs avoir suffisamment rêFuré les Sô<* pliismes , les absurdités et les calomnies de Tes- colon Mazères s<ir les noirs et les blancs , et la civilisation de l'Afiique,

Je demande aux hommes impartiaux, que lui resîe-t-il de son raisonnement ignoble , de foutes ses calomnies , de toutes ses impostures , pour ravaler et dénigrer l'espèce humaine ? un opprobre éternel ! Mais que fait la honte et Tin'- farnîa pour un ex-colon ? Que fait Texécrationi contemporaine et future pour des monstres qui disent ouvertement qu'ils ne sont pas phiîantropeg, et qu'ils ne se donnent pas si facilement à cetta bienveillance pour le genre humain ? Qu'importe à ces flv^'aux de la société de corrompre toutes les sources de la morale par des calomnies et des im- postures les plus atroces, pourvu qu'ils aient des hommes rour esclaves , pourvu qu'ils aieiat des noiis pour extraire de Tor de leur sang , afin de satisfaire leur avarice et leur cupidité insatiable I

L'on s'indigne de voir un ex colon, un fat, un présomptueux , tel que Mazères , prendre \o ton de l'ironie pour faire des menaces et des insultes aux philantropes ; mais que peuvent faire Siir ces hommes verîueux , ies sarcasmes et les injures, de ce vil suppôt du crime et de i'escia- vage ? tous les temps , la philosophie coin-

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pagne fidèle de la philantropîe , et ceîîe-cî de la Jîb^rîë et du bonheur des homirips , ont été les objers de la haine et de la perse'culion des tyrans; je vois Socrate buvant la ciguë pour avoir prêché la morale aux athéniens ; je vois ouvrir lej> veines et couler le sang de Sénèque et de Thraséas, pour avoir résiste à la corruption; malg«é cous les efforts des tyrans, je vois que la sainte philo- sophie est éternelle ; le désir d'étudier ce qui est bon et Utile à ses semblables est inné dans le cœur de l'homme !

Généreux Sibmonde de Sismondi ! [ hilan?rope vertueux î consolez-vous î vous |Ouvtz braver, coirme ces martyrs de la philosophie , les me- naces et les injures des ex-co'ons î Oui » sans doute, c'est un beau rôle , bien noble et bien digne de vous que de plaider pour le genre humain touf entier î avec des talens supérieurs et la bonté de votre coeir , vous pouvez confrihuer puissam- ment atix succès de la grande cause de Thu- manité !

Q i'irnporte le pays que vous habitez ; qu'importe la naion à qui vous appartenez , avant (oui , vous êtes hommes , vous vous devez au génie humain et à Dieu ! Qui ne s'ordonne pas, dit IVL Bernardin de St-Pierre, à sa patrie ; sa patrie au genre hîdmain,

fit

el genre humain à Dieu , n'a pas plus conna îgô lois de la politique que celui qui , se faisant un© physique pour lui seul , et séparant ses relations personnelles d'avec les élëmens , la terre et lo soleil , n'aurait pas connu les lois de la nature. »

C'est avec les mêmes sentimens , mais avec do plus faible moyens, que j'ai commencé d'abord par défendre la cause des africains mes ancêtres ; avant que de discuter les droits des hay tiens mes compatriotes ; j'ai osé nie traîner sur les traces d& ces hommes célèbres et bienfaisans pour plaidei* la grande cause de l'humanité , celle de mes semblables, tant de fois dégradée et avilie. Ah! si le cœur des hommes n'est pas totalement ferme à tout senûment d'humanité et de justice, ma faible voix sera écoulée sans doute , je n'aurai pas en vain imploré l'humanité, l'équité et la bienveillance des européens !

C'est de mon pays maintenant dont je vais parler ; c'est d'un peuple infortuné qui a gemî pendant plus de i5o ans dans le plus barbare esclavage , qui est parvenu par sa constance , sa valeur et son coui'age » à conquérir sa liberté eJ son indépendance. Quel sujet plus sublime , plus vaste , plus fécond , plus digne , d'occuper M pkma d'un patriote t

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Saîut terre heureuse^! (erré de pre^dilee- tion î O Hayti ! O ma patrie ! seul asile de liberté , rhouime noir puisse lever la tête ^ jouir et coniempler les bienfaits du père universel^ lies hommes, salut î

Tëraoîn des faits que je vais rapporter, k l'appui de mes assertions , je n'aurai plus besoin d'emprunter le témoignage d'autrui , de fouillée dans les relaîions des voyageurs , pour garantie leur authenticité. C est comme hayfien , et des- cendant d*af{icain , que je vais répondre aux infâmes calomnies de Mazères , sur mon august» Soqverain , mes compati ioles et mon pays.

« Après avoir parlé de T Afrique [dit M^zèresJ â M. Siuiionde de Sifmondi , comme on parlerait à peine des {.ariii s les plus civilisées et les plus biiliantes de 1 Europe , vous dissertez sur Saint- Domingue, d'un ton plus admiratif encore; jouet ainsi d'une crédulité , qui serait inexplicable dans BU homme cotnms vous , sans les préventions qni vous subjuguent , c'est dans les gazettes fa^ briquées à Londres , par les agens de Christophe £ le Roi ] que vous prenez et que vous adoptez, les élémens d'une opinion , dont les bases sonfc toutes hypothétiques ou supposées. »

Ne voit on pas dans ce passage^ le «néme esprit de haine et de pL^v^uiion qui a diiig(â

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la plume de Mazères contre les arrîoaîns » et qwî l'anime encore avec plus de violence contre les bajtiens ? N y dëcouvre-l-on pas la mauvaise for la ulus insigne , toute la méchanceté et Tatrocita de l'âme d un ex-colon.

L'opinion de M. Sismonde de Sismondi , sut» Hayii , bien loin d'être fondée sur des bases hy- pothëîiques ou supposées , comme le prétend cet imposteur, repose sur la plus exacte vérité, suîT' des faits et des exemples vivans. Nous en appelons aux témoignages des éi rangers qui fréquentent ' nos ports , et qui ont visité Tintérieur du royaume ; ne sommes-nous pas constitués et org i s comme les naiiotis civilisées de l'Europe? N'a- vons nous pas un gouvernement stable et monar- chique, une charte constitutionnelle , des institu- tions et des lois? La justice n'est-elle pas adaaî- nistrée avec iniégriîé? Nos armées nombreuses et aguerries, ne soîU-elles pas aussi bien disci- plinées que les premières troupes du monde? N'avons-nous pas éievé des citadelles impré- Dables, construiîes dans toutes les lègles de l'art, cans des lieux inaccessibles, oii il a fallu surmon* ter tous les obstacles , en faisant des '.ravaux de romains? N'av -ns^nous pas bâti des palais ,^ des ëdiSces publics, qui font la gloire denoîie pa js et radmiiallon^dei étrangers ?N'avoni nous pas des

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«nanufactures de poudre e^ de salpêtre ? La tnasse de notre population n'est-elle pas entière- ment litrrëe à Tagnoulture et au commerce ? Nos mar ins ne peuvent « i!s pas traverser la vaste étendue des mers , et ne n'aviguenuils pas avec habilerë sur nos côtes , sur les plus grands bâti- mens'r Nous écrivons et nous imprimons. Encore dans son enfance , notre nation a eu déjà des ëcrivains et des poètes , qui ont défendu sa cause et célébré sa gloire. A la vérité Ton n'a point trouvé dans eux la plume des Voltaire , des Housseau et des De Lille , mais nous n'avoim pas içncore vécus comme leur fîaion , mille ans eu CÎvilisdiion; nous avons donc tout lieu de ne pas

lîou désespérer nous avons également

fait des essais dans les beaux arts , et nous nous hommes convaincus , qu'il ne nous man- quait que des maîu'es habiles , pour avoir bien- tôt nos Lepoussin , nos Mîgnard , nos Rameaux et nos Go^lry , etc. Enfin IVxpérience a prouva su monde que les noirs comme les blancs avai«sut la même apîiiude aux sciences et aux arts par les progrès immenses que nous avons faiîs dans les lumières et la civilisation. Parcourez Thisloire du genre humain , Jamais vit-on un pareil prodige dans le monde > que les ennemis dos noirs citenj iiii seu! exemple daacun ptuple qaise soit iroavé

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dans une situation semblable à la nfl(re , et qui aîl, fait de p!us grandes choses que nous dans moins d'un quart de siècle; non-seulement le peuple haytien s'est acquis des droîs immortels à Tadmi- latjon d- Tunivers et de la postérité , mais encore il a acquis d'autres titres à la gloire qui milite en sa fuveur , pour s'être élevé de lui-même , du seia de rîgnorance et de l'esclavage , au faîte de la gloire et de la prospérité, il est maintenant parvenu î Ce n'est donc point par esprit de pré- vention , ni sur les gazeties fabriquées à Londres^ comme le prétend ce fourbe de Mazères , que M Si«îmonde de Sismondi » a puisé les élémens qui fondent son opinion sur les haytiens , mais bien sur des faits notoires , sur des pièces rédigée^ et imprimées à Hayti , par des ha jtiens ; tout le monde civilisé en est instruit, il n'y a que les ex -colons seuls qui ont la scélératesse d'en douter, tant ils sont dominés par les passions effrénées qui les subiuguent !

Je ne m'appesantirai pas sur les outrages qu© Mazères vomît dans sa rage , contre mon au- guste Souverain , mes compatriotes et mon pays; je pourrai fsciieraent lui rendre outrage poac outrage; le champ en est vaste et fertile; son souverûiît et sa Fiation donnent tant au ridicule ; ^e& fursurs barlesr^ues » ses expressions ignobles ji

l se î

àécoontrent la bassesse de son âme , et merîJenI le plus profond mépris de ma paît. Saivi l'impé- rieuse nëcessilë , je le lej è'e # je suis de défendre la cause de mes semblables , tant de foîs humiliés et dégradés par ces élerneis ennemis du genre humain , j'aurai cru m'avilir , si Je n'écrivais que pour répondre à un ex-colon tel que ce M^zères couvert de crimes et d'ignominie.

Sans m'arrêter donc sur ses invectives, je pour^ suis la tâche que j'ai entreprise.

« Après vingt ans, d'erreurs et de leçons » dit-il, vous ne voyez qu'un beau spectacle dans ce qui se passe à Hajti. »

Oui , Mazères ; le plus beau et le plus digne d'attirer les regards et les méditations du phi- losophe.

L'orgueil , les préjugés , l'avarice des plan- teurs, avaient fait de rboaime noir , une ej^pèce particulière et distincte de l'homme hhnc ; notre race avilie et dégradée par eux, fm assimilée au rang de Torang outang : tout en faisant Té- preuve de nos forces, en nous écrasant de tra- vaux forcés, ils soutenaient , par un raiionn^-* ment sophistique et absurde, que nous leurs élions inférieurs en facultés physiques et morales, et suc cette prétendue infériorité , ils s'arrogèr|nt 1^ 4Îioit barbare de nous réduire dans un perpé-

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ftiel esclavage , e.1 de nous iraîter comme îes plui vils animaux. Quel événement plus glorieux » plus digne de fixer l'attention du monde , que celui qui a renverse par des faits et des exemples vivans, tout Tëchafaudage du crime et du men- songe «lève par eux depuis des siècles contre l'es- pèce humaine î Grand Dieu î que tes œuvres soni grands! C'est du sein d'un troupeau d'esclaves ^ qne ta toute puissance forma les ëlëmens nëces-* saîres pour venger tes divines lois ! lu soufflas dans nos cœurs le feu divin de la liberté; soudaîa nos chaînes furent brisées , nos oppresseurs dis- parurent de notre sol , et leurs préjugés et leuc orgueil furent confondus pour jamais ! Ex-colons, êtres superbes et orgueilleux , reconnaissez don© dans ce qui se passe à H^yii , la main divine et toute puissaiîte qui vous châtie ! Humiliez- vous donc, fléchissez vos genoux , au devant des dé- crets du père universel des hommes , que vous avez trop long-^erops méconnus et outragés! Mais non , leur orgueil est indomptable ! sem- blables à ces esprîis infernaux dans leurs affreux eonciliabules , tels qu'ils nous sont dépeints pac l'immortel Mihon ; api es leur chute, les ex colons^ quoique vaincus , foudroyés et précipités dans l'abîme , cherchent encore partout l.^s moj'ens gui isur 50m suggérés paç lewis méchanteiés 4

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'€e ressaisir de Tempire ^ quïm Dîea îuste tl rënumérateur leur a faii perdre pour jamais.

» Vous vous empressez de reconnaître ( dît Mazères JeBelzebuîh colon ) commel(^girimecerî- diculesouverain, qu'aucune puissance europëenn© ii'a encore reconnu. Vous déclarez assez formelle* "inenl ïa Colonie de Saînt-Domîngue indépendante ^par le droit , comme par le fait et consacrez à la fois en faveur d'un bngand heureux , la déchéance de la Fiance , souveraine légitime de la colonie , et celle maxime subversive du repc^ des peuples ;

Le premier qui fut R.oi fut un soldat heureux ».

Et moi j'ajoute le complément de la phrase que 'Mazères évite.

Qui sert bien sont pays n'a pas besoin d'ayeux.

Je réponds d'abord à Mazères > que celte ni a xi me subversive du repos des peuples, n'est pas de M. SiMnonde de Sismondi, ni de Monsieur le "eomle de î , unonade , mais elle est bien du grand . homme , (ioni Mazères s'est servi de rauiorité pour prouver que les blancs , les nègres , les albinos, les hottentois, les chinois, les américains étaient de races différentes. Par respect pour ÛI, ie Voltaire , je n'ai pas essajé de relever cette

4giTeup 9 maïs îl me semble cjue Mazères qui s'esÇ 3ervi de son auîorîtë pour nous combattre , aurait du au tnoiiis respecter ies maximes politiques de ce grand homme ; car s'il le récuse lorsqu'il iious est favorable , j aurai aussi le droit de le récuser lorsqu'il est en noU'e défaveur ; maïs sont de ces i»iconséquences que Je passe volon- tiers à cet ex-colon 5 il aurait songer que M. de Voltaire avait exprimé ailleurs et avec noblesse les mêmes sentimens de philosophie , et qu'il n'était pas toujours en faveur des orgueilleux.

Cet insecte insensible enseveli sous riierbe ;

Cet aigle audacieux qui plane au haut du ciel,

Rentrent dans le néant aux yeux de l'éternel ;

Les mortels sont égaux ; ce n'est point la naissance ,

C'est la seule vertu qui fait leur différence 5,

îl est de ces mortels favorisés des c:eux ,

Qui sont tout par eux-mêmes, et rien par leurs cjeux:.

Sans adopter ni rejetter ces sentimens , je pense qu'un souverain , tel que Sa Majesté Henry r^ rci d'Haj'i, c[uî a été placé sur :on trône par ie choix unanime et par Tamour de son ppupîe, qui a consiamment combattu pour sa libellé et son indépendance , qui a su vaincre ses ennemis ,qui tègiie avec sagesse et gloire j je crois, dis je, qu'un tel souverain n'est point dutout ridi-

M

î go 1 ^

Êule, comme le pL*étend Mazères, et qinl es! pour le moins aussi légitime et aussî grand qu^un souverain qui ne serait rien par lui-même , mais tout par ses a jeux ; si Mazères a voulu nous mys- tifier en insultant noire auguste Souverain , il me serait facile de le mystifier lui-même par de cer- taines allusions qui ne mettraient pas les rieurs de son côte' ; je pourrai lui dire que le roi Henry est un des plus beaux hommes du Nouveau Munde, qu'il est le modèle des guerriers , franc , gëne'reux et intrépide, sobre, actif et infatigable , qu'à ses qualités guerrières il joint la sagesse d'un législa- teur et toutes les vertus d'un bon et grand Roi ; qu'il est religieux sans être bigot , qu'il sait parfai- tement que tous les hommes peuvent adorer Dieu p chacun en leur manière , sans cesser pour cela d'être de bons et de fidèles citoyens ; que son amourpoursonpaysetson patriotisme est si grand qu'il s'oublie toujours pour ne penser qu'aux vrais intérêts de son peuple , et que le roi Henry F'

Lien loin de ressembler à ;mais je m'arrête ;

la circonspection et le respect que je porte aux têtes couronnées , m'empêchent de poursuivre. , » Ce serait vouloir encore mystifier Mazères , ]e voulais argumenter avec lui , pour prouvée notre indépendance de fait , malgré toute son încrédulilé , il ne peut douter de cette fatals

C 91 3

vérité ; la question de fait étant donc reconnue ^ bon gré ou malgré par eux , il ne s'agit plus que de discuter la question de droit , et si la justice et Téquiié doivent la résoudre , elle le sera encore en notre faveur.

Si l'injustice , la mauvaise foi , les crnautés de tous genres , donnent des droits à ceux qui les ont éprouvés , contre ceux qui les on' exercés » quel peupie à jamais eu plus de droit à l'indépen- dance que le peuple hayden ?

Ce serait ici le lieu de faire le tableau de la situaiion déplorable nous étions plongés sous l'affreux régime colonial , en faisant la nomen- clatute des crimes innombrables des ex colons ; ^mais cela m'entraînerait trop loin : je renvois mes lecteurs au Système Colonial Dé^'oité , j'ai déjà traite ce sujet horrible : hélas î avec tout le désir c[ue yà\ d'êlre vrai et d'être utile à la cause de l'humanité ; pourrai je dépeindre aux yeux de mes lecteurs fou'es les horreurs de l'esciavage l Irai je exhumer les cadavres de mes infortunési compatriotes, qu'ils ont fait enterrer vivans, pouc interroger leurs marnes et épouvanter les humains; par !e récit horrible des crimes de ces mo.notres 'i rvlais cju'ai je besoin de tracer ces horreurs 1 Mazères qui est un de ces ex- colons féroces lea îgnore-t-il ? Lui qui les a mis en pratique dèa sca

r 92 3

plus bas âge; luî qui dès son enfance s'exerçaîl: à touiilienter les petits noirs de son habitation , lui qui , avec le lait qui la noiuri , apprit à devenir inîpilojable et à ëtOuffer dans son cœar barbare lout seniiment d'humanité ; a - 1 - il besoin que je îui fasse la description des horriules supplices que lui et ses pareils avaient coutume d'infliger à leurs infortunés esclaves r Certes , il n'en a pas besoin , il les connaît mieux que mol , ey son cœur 00 bronze , bien loin de s'apitojer , s'en jouirais:

encore l

Souvent je me suis fait cette question , quels droits les ex-colons avaient-ils donc de torturer ©insi leurs ififortunës esclaves ? Quoi ? y aurait-il dans ce monde comme dans l'autre une race de bourreaux destinée à tourmeiuer les humains ? les ex - colons sont ils sur la terre , ce que sont les dëmons dans l'en Fer ? ïuclIs il ny a , me disaîs-je, que les criminels qui soient con- damnes aux flammes ëlernelles , et les innocens sont ici bas condarai^.ës , pendant leurs vies entières , aux plus horribles supplicies ; non , me disais~je encore, c'est calomnier un Dieu juste, bon et bienfaisant ; c'est une impiété que d'attribuer à l'auteur universel nos cruels infortunes ; Fesi la- vage est l'ouvrage des hommes corrompus et méchaus i c'est plaie la plus âffieuse qui ait

C 93 3

Jamais désolé Thamaaité ; c'est le droit que s'esè ariogé le plus fori sur le plus faible » du plus rasé sur le plus igviorant ; or , si les hommes se sont arrogé le droit de réduire d'autres hommes dans îe plus barbare esclavage, ceux ci n'auraient ils pas le droit de briser leurs fers ? C^uoi ? vous pour- riez me priver de la libcîrîé , me ravir le plus prccieux de tous les biens ; vous pouri'iez me charger d'indignes fers, et moi, vore fj;è^'e tt votre semblable , je ne pourrai [)as iévendi(|aei: les droits que je liens de Dieu seul , que nul ne peut me ravir ; je ne pouriais pas , dis-je , briseu mas chaînes, et vous accabler de leurs propres poids ; quelle logique aboii^inable î quelle affreuse moralité .' que de vouloir admetue en principe que Is liberté est un mal , et que Tescla- vage est un bien j de vouloir persuader aux hommes que les uns auraient le dioit de réduira les autres dans un perpéîuel esclavage , sans que ceux-ci a'duraient le droit de pouvoir jamais en sortir !

Les ex-colons ne feront jamais des adeptes parmi nous dans la science de l'esclavage î à qui persuaderont -ils que l'esclavage est un bien? Est-ce à nous qui en avons épiouvé toutes les horreurs ? Eh î si leurs asseriions élaient vraies , (jne ne se mettent-ils à liClre place , ils nou^

C 94 1

tonvaîncraieiit bien mieux encore par des

exemples , que par ài^s raisonnemens absurdes» Je metirais de côté si Ton veut le àvok universel que tous les hommes ont à la liberté'.

Le peuple haytîen se trouve place dans une circonstance tout-à fait particulière , qui assure à jamais la bonté et la justice de sa cause.

Le monde entier n'ignore pas que la France républicaine proclama la Uherté dans celte île : eprès avoir joui sous ses lois pendant dix ans de ce bienfait, après avoir combatiu et versé notre sang pour elle , et lui avoir doîiné des preuves de zèle , de fidélité et de reconnais- sance pour les bienfaits que nous en avions reçus > ces vils républicains , sans aucuns motifs quel- conques , voulurent nous ravir la liberté qu'ils nous avaient donnée , comme si l'homme , en batte aux caprices des tyrans , devait quitter ou reprendre les chaînes de l'esclavage, suivant leurs volontés ; ils ne se contentèrent pas d'employer la force pour nous ramener sous ce joug abhorré , ils employèrent encore la ruse et le mensonge ; tout fut m.is en usage pour nous^éduire et nous tromper ; ils nous disaient que nous étions tous frères et tous égaux devant Dieu et devant la Bépuhlique , tandis qu'ils étaieiit venus dans la barbare et criminelle intei.tion de ,u)us extermine* 6U de nous téduke dans l'esclavage.

C 95 5

Pleine de conGance dans leurs belles promesses , la majeure partie de la population , se considérant depuis long-temps comme française , se rendit sans coup férir, sans tirer un seul coup de fusil ; mais bientôt nous fûmes étrangement désabusés ; lors- que les français se crurent les plus forts , ils com- mencèrent à établir leur système de proscription ; ils montrèrent leurs véritables intentions, et ils proclamèrent hautement l'esclavagp !

Mazères qui veut que Ton juge les africains sut les crimes q^Tils ont commis , pourra fixer son jugement sur ses compatt'iotes , par la faible esquisse que je vais faire des crimes et des cruautés de tous ger:res qtie les français ont exercés sut nous. O souvenir horrible ! qui remplit nos cœurs des sentimens d'amertume , de haine et de vengeance !

Nous avons vu nos concitoyens , nos amîs , nos parens , nos frères , hommes , femmes , en Fans , vieillards, sans distinction d'âge ni de spxe, traînés aux derniers supplices par ces monstres : ceux-cî expirait^Jit dans les flimmr^s des bûchers ; ceux-là attachés aux gibets servaiojit de pâture aux oiseaux: de proie ; les uns étaient livrés aux chiens pour être dévorés, les autres plus heureux périssaient sous fes «oups de poignard et d^ bayoï^nette : dans

r 9G 3

les places qne les f; a' cals evaruaient des îDÎ'lîîer» d'Iiayîiens qui avciienl combatm avec eux , dam leurs rangs , avaienr la ciedulité da se confier à leur gënéiosié ; iit* voulant pas ^ibandonnev les français daiîs leur déirebse , ils les saivaient et s'embar(Hi.'jenî à bord de leurs vais.seaux avec leurs ciriîes , leurs enfans el les effets qu'ils avaient pu sauver du pillage ; mais à peine y ë 'iii^nr ils qr»e ces infortunés étaient charges di» ch în<?s , prccif;itës au fond de cale des vais- seaux , pour êtiv livris aux plus affreux supplices, Chaijue soir , ces barbares faisaient monter sur le pont c(uelques centaines de victimes ; , elles étaient liées , ^^arrotiées et renfermées dans de grands sacs , Ton v joignait souvent des enfans , et comme si dans cet état un Dieudevai? venir à leur secours , et les sauver; elles étaient poignardées au travers des sacs avant d êii e jeiées à la mer , pour devenir îa proie des monstres marins. D'autres fois ils faisaient des mariages républicains à l'instar de ceux de la Vendée , un homme et une femme étaient attachés ensemble avec un bouîet-ramé au cou , et ensuite précipités dans les abîmes de la mer, aux acclamations et aux eris de joie de ces monstres î des centaines de victimes enfermées dans le fond de cale des bâiimena , périssaient

asphyxiées

[ 97 3 asphyxiées par les vapeurs da soufra; !e fous

Venait e'claiuer les crimes de la nuit ; nos rivages

•couverts de cadavres de nos infortunés compa*

triotes nous attestaient les forfaits des français , et

étaient pour nous le précurseur du sort funeste

qui nous était réservé!

S'il fallait raconter toutes les injustices et toutes les cruautés que les français ont exercées sur nouSp j'enflerais des volumes ; il me suffit de signaiet .les principaux traits , mes lecteurs jugeront de manière barbare dont nous avons été traités.

Témoin oculaire et auriculaire des fails que rapporte , on ne peut douter de leur véracité.

Trois hommes devaient être brûlés vifs sur la place Royale , du Cap-Henry ( alors Cap-Fran- çais ) Dès le matin ce bruit cii'cule en ville ; uns foule immense se rend sur la place pour voie les appareils de cet horrible auto da-fé , les uns attirés par une cruelle curiosité , les autres pouc se convaincre par leurs propres yeux jusqu'où pouvaient aller la barbarie et la cruauté de nos tyrans. Je suivais ces dernier îe cœur centriste de Faction horrible qui allait se passer. Arrivé sur la place Royale , je vis deux poteaux plantés, un ayant deux anneaux de fer , et l'autre n'ayant: qu'un seul anneau pour recevoir les cous des trois

î f ]

H^jctîmes ; des tas de bois sont artisf ement arram gés autour des poteaux , on y met des copaux , on y jette du goudron pour rendre la matière nlus inflammable , et le feu plus actif et plus violent. Tout le monde se place à l'entouc du bûcher ; les uns ont la (ête basse et n'osent lever les yeux pour fixer ce terrible appareil ; les autres [ les ex-colons et leurs acolytes J font écla- ter leur joie.

A trois heures de l'après-midi, le général fran- çais Glaparède, commani^anr laville du Gap, se rend sur la place Royale accompagné d'un nom- breuxétai major. Le^ trois vie imes étaient placées dafis ie corps-cie garde voisin, en attendant l'heure de ieius sui^pluesi Glapaiède donne l'ordre de les co.iduiie a-, bûcher; ils arrivent aux bruits dtis lambi'Uis Cv^mme dans une marche triom- phale. 1/iuiainci Collet , capitaine de la gen- darmerie les précède , la joie et îa férocité soni peintes su; ion visage ; chacune des victimes a une canne à sucre dans la main ; elles sont placées sur le bûv her et attachées aux poteaux par les anneaux de fers ; tout est prêt , le sacrifice va se coribcmmer ; un morne silence règne parmi îes spectateurs ; Giaparède ordonne de mettre le feu au bû<^her ; à Tinstant la flamme pétille , les pieds des paiieiits commencent à être erobrasés j

C 99 ] ^

on croît déjà entendre leurs crîs ; on croît le* voir se débattre dans ces horribles tourmens 5 mais, ô courage sioïque ! ô intrépidité rare î ils ne remuent pas même les pieds ; ils restent immo- biles , les regards fixes , ils bravent leurs bour- reaux et le feu qui les dévore ; bientôt ils son$ enveloppés par les flammes ; leurs corps se fendent , la graisse coule sur le bûcher ; une fumée épaisse s'élève avec une odeur de chaic grillée ; l'effroi s'empare des spectateurs » leurs cheveux s'hérissent , une sueur fioide coule de leurs corps , chacun fui et se disperse pénétré d'horreur; un sentiment de haine et de vengeance s'élève dans le cœur de Thaytien consterné ; les bourreaux seuls restent sur la place, et ne se retirent que lorsque leurs victimes sont entière* ment réduites en cendres î

Pourrai-je donner à mes lecteurs une description exacte du supplice de mes compatriotet qui ont ëîé dévorés par les chiens; ma plume peu exercée, pourra-t-elle jamais peindre parfaitement un ta-^ bieau aussi hoirible ? L'imagination et l'âme sensible de mes lecteurs suppléront à mon défaut d'éIoc|uence et de moyens.

Les premiers hommes qui furent dévorés pai* les chiens Font été au Gap , au couvent des ïdi»

[ 10© ]

gïeuses , et dans la maison da général français Boyer, chef d'etat-major de Rochambeau !

Depuis, ils transporièrent le ihëâtre de cette scène d'horrenrs au Haut-du-Gap , sur rhabitatioii Charrier ; on y avait conduit les dogues , et pour leur donner du goût à dévorer les hommes , ils 'étaient nourris de temps à autres de chair humaine ; lorsqu'ils avaient quelques victimes à faire dévorer, c'était un jour de fêle pour les bourreaux : Collet , forestier Teissert , Laurent , Darac , commis- saires de police de la ville du Cap ( tous français » tous ex-colons ) s'habillaient* de leurs uniformes ^ et se revêtaient de leurs écharpes municipaux , pour se rendre sur les lieux, accompagnés d'une foule de dogues bipèdes , curieux d'assister à rhorrible curée des dogues quadrupèdes , mille fois moins féroces qu'eux.

Plusieurs jou?s d'avance , ils avaient eu la pré- caution de faire jeûner les chiens , pour stimulée leur faim , de temps en temps on leur présentait une victime , que l'on retirait aussitôt que les chiens voulaient s'élancer dessus pour la dévorer; enHn , le moment fatal arrive quelques hommes ou femmes vont leur être définitivement livrés ; ces infortunés sont attachés à des poteaux , en présence des commissaires , pour les empcchec de pouvoir se sauvée m de se 4éfendie,

r loi ]

tes dogues sont lâchés ; ils se précipitent sur leurs proies ; dans un inst^mt les victimes sont décliii ëes , leur chair palpitante est en lambeaux , leur sang ruisselle de toutes parts ; on n'entend plus que les cris de la douleur et d'une horrible agonie ; les victimes aux abois implorent la pi(ië de ces monstres ; en vain ils demandent la mort comme une dernière faveur , prières superflues ; rien ne peut émouvoir le cœur de ces tigres, ils se sont dé- pouillé de tous sentimens humains : aux accens lamentables de leurs tristes victimes , ils ne répon- dent que par un ris sardonique et ils continuent à exciter les dogues à mieux dévorer leurs proies. Cependant, la voix des victimes s'est éteinte , l'on n'entend presque plus leurs gémissemens , et leurs cadavres décharnés palpitent encore ; les dogues haletans, sont lassés ; ils sont repus de chair et de sang humains : en vain les bourreaux les excitent encore ^ ils refusent de continuer leur horrible curée ; on les relire pour les faire rentrer dans leurs repaires , et les monstres à figures humaines achèvent d'ôter à coup de poignard le reste de vie des infortunées victimes.

D'un bout de i'iie à l'auire les mêmes cruautés se commettaient par les français.

Toussaint Louverture s'était démis volontaire- ment de soa aulGiilé et avait déposé le.s aimes"

feîuT sur son habîiauon , dépouillé de foute sa gran«» deur, tel que ce romain célèbre, il cultivait de ses mains cette même terre qu'il avait défendue [mi: ses armes ; il nous engageait , par ses paroles et SOQ exemple, à l'imiter, à travailler et à vivre {3aisiblement au sein de nos familles. Contre la foi des traités , les français l'attirent dans un piège ; il est arrête, chargé de fers; sa femme, ses enfans» sa famille , ses ofOciers éprouvent son funeste §ort« Jetés à bord des vaisseaux français , ils vont en Europe terminer leur malb^^ureuse carrière,, pat le poison , dans les cacîiots et dans les fers î

Les généraux Jacques Maurepas et Charles Bélair meurent dans les supplices : Maurepas est cloué vivant sur le grand mat du vaisseau l'Annibal , en présence de son épouse et de ses enfans ; son cadavre est jeté à la mer avec toute sa famille : l'infortuné Bélair est fusillé avec son intrépide épouse ; cette héroïne avant de mourir le console , l'exhorte à l'imiter et à mourir en brave : Thomany, Domage, Lamahotière, une foule d'officiers et de citoyens de marques éprou- vent la mort des scélérats, sont pendus ; ceux qui échappent à leurs fers assassins ou aux gibets , meurent par le poison : les généraux Vilalte , Léveilîé et Gaulard éprouvent ce funeste sort ; d'autres sont déporlés pour ê^'e vendus à la Cale-

Ferme ou en France ils ont termina leur car^» tière dans les galères.

Lassés de tanl de crimes et de forfaits , nous courûmes aux armes; nous nous mesurâmes avec nos bourreaux; nous nous battîmes corps à corps, homme pour homme, à coup de pierres et de bâfons ferres, pour conserver notre liberté, notre existence , celles de nos femmes et de nos enfans. Après avoir versé des fijts de notre sang, con- fondu avec celui de nos tyrans , nous restâmes les maîtres du champ de bataille.

Que Mazèrps , ce colon féroce et de mauvaise foî , qui a été le témoin et un des instigateurs des cruautés de tous genres, que ses compatriotes ont exercées sur nous, les repasse dans son imagi- nation ; qu'il se rappelle combien de victimes îl a fait immoler ou qu*il a égorgées de ses propres mains , alors il verra si nous avons ds§ droits à la liberté et à Tindépendance , que nous avons conquises au prix de tant de sang et do sacrifices l

Je suis bien éloigné de vouloir contester îes droits que les autres peuples ont eu pour se rendrs indépendans ; mais j'ose assurer , sans crainte d'avoir le démenîi , qu'aucun peuple n'a eu plus de droit à la liberté et à findëpendance que le peuple hajtien.

C Î04 ^3

Sous quel point de vue cjue Ton voudrait coïî^ sîdërer cette grande et importante question , elle sera toujours résolue en notre faveur; soit que l'on con?iidère la situation déplorable nous étions plongée sous Taffreux légime colonial ; soit que Ton considère les circonstances qui nous ont amenés à la liberté , et de la liberté à l'indépen- dance ; les injustices et les cruautés de tous genres que nous avons éprouvées ; nos souffrances et nos malheurs ; soit que Ton considère la sagesse de noire conduite depuis que nous sommes indépen- dans, de nous être donnés des lois, un gouverne* ïnent stable et monarchique ; d'avoir toujours vé- cus en bons voisins avec les colonies de toutes les puissances ; d'avoir constamment démontré pai? notre conduite et par nos lois fondamentales, que nous étions déterminés de ne jamais nous immis- cer directement ni indirectement dans les affaires hors de notre île ; de garder la plus parfaite neutra- lité; de nous être occupés uniquement que de notre prospérité intérieure , en faisant fleurie mètre agriculture et en protégeant le commerce ; d'avoir fait tous nos elTorls pour nous avancer dans la civilisation , en introduisant parmi nous les lumières , les sciences et les arts; soit que Ton considère la vaste étendus des mers qui nous

sépare

C ro5' 3 sépare de nos oppresseurs ; enfin, nofre sîtuatfoii^ morale, politique et géographique tout nous donne des droits incontestables à l'indépendance, et pouc nous ravir ce bien précieux, sans considérer Tin- justice atroce et l'inhumanité qu'il y aurait dans cette action , il faudrait pouvoir nous exterminée jusqu'au dernier.

C'est sur des hommes qui ont donné tant de preuves de sagesse , de verlu, d énergie et de courage, que Mazères a osé imprimer les plus plaies inepties; c'est lui qui n'a pas eu honte d'affirmer, « que le nègre est un grand enfanù borné ^ léger , mobile . inconsidéré , nesentanS avec force ni le plaisir ni la douleur ; sans prévoyance , sans ressort dans l'esprit ni dans

ïdme, insouciant comme tous les êtres

paresseux; le repos , le chant y les femmes et la parure composent le cercle étroit de ses goûts ^ je ne dis pas de ses affections , car les affec-* Hons proprement dites , sont trop fortes pour une âme aussi molle , aussi peut réactive qu^ la sienne, »

Je dis donc il faut être stupide ou aveuglé pair ses passions pour avoir eu l'impudence d'écrire de telles impostures î Si Mazères avait eu la faculté de pouvoir rë^içhir , il aurait senti qu'il

Q

t «œ 5: 1IÔ, iN^duîsaît lui-même et les ex-colons au demie? ëchellon de la race humaine ; car enfin , ces grands enfans bornés , légers , qui nont à& ressort ni dans T esprit ni dans l'âme , les ont vaincu^ dans les combats, les exècrent et leur vouent une haîne implacable ; et ils ont une âme ©utrement trempée, autrement forte que Vâme de fange et de boue des ex-colons ; ces imposteurs auront beau inventer des calomnies pour atténuée le mérite et la justice de notre cause , ils ne pour* ront jamais détruire ce qui a existé, et ce qui existe maintenant à Haytî ; leurs dénégations ipensongères n'empêcheront pas à la postérité croire qq« nous les avons vaincus dans les com- bats , et que malgré leurs efforts , nous sommes parvenus à nous constituer en peuple civilisé , libre et indépendant.

C'est ainsi qu'il a l'impudence de soutenir qu« ïio\>s ne pourrons jamais introduire l'instructioil publique à Hayti : et cela ( dit - il ) par une i;aîson très-simple , parce qu'il ne se trouve pas dans tout le royaume de Christophe ( d'Henry ) dix hommes en état de .lire courramment ; qa'il ne s'en trouve bien certainement d'assez instruit pour comprendre le sens des mots tactique mili^ taire , géographie ^ mathématique ^ foièML^^^

tiCS grossières împosfuresde Mazêres sonf réPiîJ^ téès par le faif même , par la situation rëelle diï royaume d'Haytî , et par nos propres œuvres ; nos génëranx , nos ingénieurs , nos écrivains t seront toujours prêts à démontrer par des faits positifs la fausseté des assertions de Mazères. Lorsque les français jugeront à propos de venir se mesurer avec nous , nos généraux leur donne-^ ront des preuves s'ils sont bons tactîtiens ; ils trou-» veront ici, des Wellington , des Elucher ettîes Plataw : nos redoutes et nos citadelles formi- dables ♦ les convaincront que l'art de fortifier les places , et les mathématiques ne sont pas étran^ gers aux ingénieurs hajtiens ; nos écrivains p rios poètes , leur prouveront aussi qu'ils savent défendre leurs droits , célébrer* et chanter gloire de la patrie et des grands hommes qui ont su la défendre.

En attendant l'époque fortun& , nos hommes de lettres pouriuni se dire lettrés , car nous n'avot^s certainement pas les mêmes pré- tentions de M zères ; lui qui soutient que nous n avons de ressort: , ni dans l' esprit ni dans Tânie qui affira e que nous ne sav^»ns même pas lire Cl un amment ; il commence» i.eaL moins par entamer u e discussion littéraire avec M. le comte ddô JLiinouacie j il trouve aaiis quatoi^ iigiies

trois lourdes fautes y deux expressions îm" propres , une expression dure , bizarre ^ pré-^ tentleuse et une espèce de pléonasme. Il est dommage que je ne suis pas un puriste comme cet ex -colon , je me serai donné la peine disséqu'er son st^'le , et j'aurai peut-être pu lui dé- montrer combien il a de torts de vouloir poiniillec avec nous sur des mots. Mais , nous sommes irès- lieureUx de voir que les ex-colons sont déjà réduits à cette cruelle extrémité. Ne désespérons de rien, J|)ientôt ils ne rpugirorft pas de honte d'entrer en discussion avec des hommes à qui ils fusaient l'iiK» tellect , sur les questions les plus abstraites. O que l'orgueil et les préjugés , aveuglent les hommes 1 Comment ce sot de Mazères , n'a pu sentir que ses grossières calomnies retournaient contre lui- même , et que s'il est pardonnable de commettre quelques fautes de langue , les fautes de bons sens sont inexcusables»

Emporté par la fougue de ses passions » Ma- îzères tombe dans un affreux délire; il divague , il déraisonne; il fait un reproche très-grave au comte de Limonade , de s'être servi au figuré de l'expression Idole , pour exprimer l'attachement qu'il porte à la famille royale , comme si c'était un crime d idolâtrer ses rois ; certes , nous les idolâtrons ^ sans être pour cela des idoiétre^

î ï^9 1 Je conviens cependant , que Tidëe d'adorer so!l roi , doit-êlre étrange pour un ftançais ; M. le comte de Limonade poirrair répondre à Mazères, comme ce philosophe scythe à cet athénien qui l'avait insulté : Thonore mow pays par mâ& senùmens , et toi ta fais la honte du tien*

A m<^sure que Mazères contemple nos progrès dans la civi-isation , sa rage s'augmente ; dans l'impuissance il est de ne pouvoir se venger ^ se baigner encore dans notre sang , il exhale toutes S'-^ fureurs par des injures les plus ignobles ; les expressions les plus viles, les plus dégoûrante*», échappent de la plume de cet homme qui se dit si poli ; il n'a pas de honte d'employer les épilhètes de Jocrisse et de Paillasse de Henry IV, pour nous insulter , comme cet insolent avait ea iDesoin de chercher de loin , des Jocrisses et des Paillasses de Henry IV, lorsqu'il pouvait les trouver à Paris, dans le sein de la même famille.

Je vais vous dire , lecteurs , la cause des fureurs burlesques et des horribles convulsions de M, Mazères; il avait osé affirmer et imprimer que les noirs étaient incapables des grandes opéra- tions de r esprit f qu'ils étaient inférieurs aux hlancs , que c étaient des grands en/ans , légers , mobiles , inconsldéiés , qui n'aidaient de ressort ni dan^ l'esprit ni dans Tâme.

Ne voilà-t-il pas , que ces grands enfans s'avi- sent da construire dt^s citadelles , d'édifier des palais , de rédiger des almanachs , d'avoir des écrivains , des poëies , des minisires et des hommes d'état noirs , quels malheurs î Quels ^ésappoiutemeiis pour uu ex-colon ! voilà le^

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%è'iilabîes causes des fureurs de cet énergumêne ^ et qui onî valu tant d'injures et de sottises a iVIM» de Sismondi et de Limonade.

Pauertce , M. Mazères , prene^p patience « modérez votre colère, laissez nous le temps d'ëta* i)îir comme il faut nos écoles naiionales, sur le plan et la méthode de Lancasler ; laissezrnous établir nos collèges, donnez-nous le tt^mps de former des hommes instruits dans les principes , la langue fît la littérature des anglais ; car il est bon que je vous informe, que nous voulons i:^noncer jusqu'à l'usage de la langue française ; nous pourrons vous donner à cette époque , qui D'est pas aussi éloignée que vous le pensez , quel- ques productions de la littérature haytienne , qui vous convaincront encore bien mieux que l'aima^ nach rojal, que les noirs ont du ressort dans l'es-' prit et dans l'âme : mais alors que deviendr^^z- vous ? je. crains que ces productions ne fassent suv vous le même effet que la tête de Méduse ^ pnii^que la vue d'un simple aîmanach vous fait trépigner , vous donne des attaques de nerfs , et vous fait tomber dans d'horribles convulsions v; je crains très fort , dis-je , {<è\ qu'un démonia(|uo vous ne tombiez d'aboid dans î'épilepsie , et que TOUS ne terminiez votre carrière ignominieuse par rhydro phobie î

Mazères profite de nos guerres civiles pour calorunier le gouvernement du roi Henij et le peuple haïtien ; pou. démontrer que nous ne pouvons vivre en paix parmi nous mêmes, et que nous nous égorgeons de nos propres mair}s , ie& ^X-coIqps nocfs reptechenl isurs propres j)uvrage&|

tfest eux et leurs complices quî font ées vmulè pour que les hayiiens s'enti'égorgent , et c'est ©ux qui ont l'impudence de nous calomnier ; c'est comme pour la traite , ils reprochent aux afi icains les crimes qu'ils ont excités et qu'ils ont payés ; nos dissensions civiles sont leurs propres ouvrages , et ils s'en prévalent contre nous. ^

Q lel est cependant le langage des ex-co[ons ^ quand ils sou dans leurs entretiens secrets , quand ils reçoivent les nouvelles qu'une sanglante bataille s'est livrée entre les hayiiens ! Laissez* les [aire , disent ils , laissez-les bien se cha'» mailler ensemble ; laissez-les s:' affaiblir d'eucc-4 rnêmes; à la fin nous aurons beau jeu; nous le^ mettrons d accord , en les exterminant leâ uns et les autres,

Ex-oolons l n'est-ce point -là votre langage et votre plan favori ; nous les connaissons; il faudrait que nous fussions aveuglés ou bien 1 -'s plus stupideg des hommes , si jamais nous devenions les ins- U'uiuens de vos projets destructeurs !

Mazères et les ex-co'ojis auront beau inventer des calomnies pour ternir les vertus et les bril- jautes qualités du roi Hamy , ils ne r<fussiront jamais; plus il est l'obie^ de leur haine et de leurs diatribes , plus nous l'aimons, plus il est grand à nos yeux , il esc toujours honoiabie d'ê're calom- nié par des g^'iis tels que les ex colons , qui n'ont ni foi, ni loi, et qui ne se gouvernerït que pae leurs intérêts et les passions qui les subjuguent \ -qu'ils réservent leurs louanges poui' Péuon ; il es£ digne de lui d être encensé par de psreils raonsties îr

Pourquoi coiitiauerai je à réfute;;; les asseiliou*

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mensongères de Mazères , n*aî-îe pas assez dft pour le convaincre de calomnie ? N ai-je pas suf- fisamment prouve que les noirs n'étaient pas in- férieurs aux blancs , que leurs facultés sonl égales , lorsqu'ils ont les mêmes avantages ?

Je vais donc terminer ces reflt^xions que j'aî entreprises avec beaucoup plus de zèle et de bonne volonté , que de lalens et de lumières ; j'ai souvent senti mon iîifériorité [] non point celle que m'attribue Mazères ] pour traiter une cause aussi sublime que la mienne. Heureux si par mes efforts j'ai pu dissiper les préventions qui planent sur nous depuis des siècles et contribuer au bon- heur et à l'avaTicement de mes sembiable^ !

Mazères défend la ca^se.des ex colons, de cette casle d hommes, dont le système affreux et les qrimes inouïs font frémii la nacure; et moi la cause que je défends est celle de 1 h imanite entière- Blancs , jaunes ei noiis , nous sorumt^s tous frères , tous enfans du père éternel , tous intéressés dans cette cause : ô homme ! quelque soit la couleur tonépiderme ! quels que soient la naiion ei la reli- gion que tu professes î lu es intéressé au. triomphe des haïtiens, à moins que tu n'ait étouffé tous les senlimens de justice et dVquité que Dieu a gravés dans tous les cœurs ; tu ne peux mettre dans la balance les intérêts dui.e caste d'hommes flétris par les crimes, avec les intérêts du genre humain i

FIN.

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FEB 11 1915