CETTE PRE RETIRE RÉ e te led LIL ee ne fe Fe æ . É é A É 4 C " ps Le ñ ïa : air s ii CS , &- . - ; . At (PT * ë . b "+ à FA Li L F LEE NA E 2 + 0 À « L $ : . : 3 < : > 4% Li : A ve "s re: : : ; ; P” ve ae « Es ee ’ . 8 « I MPET « Cr 2; | en + L Le vs. A à: & > Là »: des PTT d'A Page A 5 1 1h 108 W.i RELATION AB RE ÉVE D'UN VOYAGE FAIT DANS L'INTÉRIEUR DE L'AMÉRIQUE : MÉRIDIONALE, Depuis la Côte de la Mer du Sud , jufqu'aux Côtes du Bréfil & de la Guyane, 8n decendant LA RIVIERE DES AMAZ ONES, Par M DE LA CONDAMINE, de SR NT l'Acädémie des Sciences, Avec une Carte du M ARAGNON;, ou de la Riviere des ÀAMAZONES, levée parle même. NOUVELLE ÉDITION... Augmentée de la Relation de l'Emeute populaire | de Cuenca au Pérou, En à Et d'une Lerrre de M. Gopin pes Oponais, contenant la Relation du Voyage de Madame, Gopin;/fon Epoufe, ce. | RE RE Ce. Le / MLA MAESTRECHTET IN. Chez Jean-Epme Durour & Puiribre Roux: | Imprimeurs-Libraires, affociés. M DCC LXXPIII D Pie PC © LES RAR LE > JT tt Extrait des Regifires di P Académie Royale des Sciences , du 7 Novembre 1745. pi Rp F\ E certifie que dans le courant de la préfente année, M. de la Condamine. à lu à PAcadèmie, Za Relation abrégée d’un Voyage, dans lintérieur de L Améri- que Méridionale, & que le Comité de lA- cadémie a jugé cet Ouvrage digne de limpreffion, & a confenti que je luien délivrafle le préfent certificat, À Paris, ce 7 Novembre 1745. GRAND -JEAY DE Foucay, Secretaire perpétuel de l Académie Royale des Sciences. Be LS 9 LA den + > ver na 4 d'u 1 es Fa L t , % »,3 PR: + L Pie YA À a * \ k À Sun l 2 An da Ava 4 4 Ÿ À < - ue ; J x ; * he A, ue Sec LA î L L f ! ; # N°? 4 7! l Ÿ 7 LA r 7. \ i L N ‘ ” à + F NT 1 ‘JA Le) Fr À Cd” AO 21 j PNEEACE. D n'ignore que depuis dix ans plufeurs Aftronomes de l’Académie ont éte envoyés per ordre du Roi fous l’Equateur _ &au Cercle Polaire, pour y me- furer les degrés terreftres, tan- dis que d’autres Académiciens 27 faifoient en France les mêmes 7 ii | Sous un autre regne, tous ces voyages avec l'appareil & le nombre dObfervateurs qu'ils exigeoient , nauroient pu étre que le fruit d'une longue paix. Sous celui de Louis XV , ilsont été conçus & heureufement exé- cutés pendant le cours de deux fanglantes guerres; & tandis que a / les armées du Ro: voloient di un bout à l’autre de l'Europe, pour le fecours de fes Alliés, fes Ma- | thématiciens difperfés für. a fur-_ face de la Terre, travailloient {ous les Zones Torride À GE cée , au progrès des Sciences Nc à l'avantage commun des Na tions. | TE Ils ont rapporté , pote! de de leurs travaux, la décifion d'u ne queftion celebre : décifion dont la Géographie, l'Aftrono- mie ; la Phyfique generale & la Navigation partagent l'utilité. Ils ont éclairci un doute où la vie des hommes étoit intéreflée. Ces motifs méritoient qu'on prit tou- tes les peines qu'il en a coûté, pour venir à bout de cette en- trepre : l'Académie ne l'avoit 1} P'R ESF; A, C Es 000 ‘ res 25 2 PYRUÉUF ANCYE: ii} pas perdue de vue depuis fon établiflement , & elle vient dy PA mettre la derniere main. … Sans infifter fur les conféquenr- | ces dire&es & évidentes qu'on peuttirer de la connoïffance exac- te des diametres terreftres, pour perfeétionner la Géographie & l'Aftronomie ; le diametre de l’Equateur reconnu plus long que celui qui traverfe la Terre d’un Pole à l’autre, fournit un nou- vel argument, pour ne pas dire | une démonftration nouvelle de 7 la révolution de la Terre fur fon axe ; révolution qui tient à tout le Syftême célefte. Le travail des Académiciens , tant fur la mefure des degrés, que fur les expérien- ces du Pendule perfettionnées , & faites avec tant de précifion a 1} iv, P:R ÉNF A4 )CHE NS D: à différentes Latitudes ! répand une nouvelle lumiere fur la tt 1€O- 4 rie de la pefanteur , qui de nos _ jours a commencé à fortir desté nebres. [| enrichit la Phyfique ; générale, de nouveaux problé- mes Jufqu'à préfent infolubles fur les quantités & les dire@tions de la gravité dans les différents lieux de la Terre. Enfin , il nous met fur la voie de découvertes encore plus importantes , com- me celle dela nature & des loix. véritables de la pefanteur uni- _. verfelle, cette force qui anime les corps céleftes, & qui régit tout dans l'Univers ? | Les erreurs que la colo | _ce de la figure de la Terre peut faire éviter aux Navigateurs, font- elles moins des erreurs , parce 4 E PORME FT AC'E v qu'il en refte d’autres qui font | jufqu'i ici fans remede ? Non fans doute. Plus l’art de la Naviga- tion fe perfeétionnera, plus on fentira l'utilité de la détermina- tion de la figure de la Terre. Peut-être touchons-nous au mo- ment où cette utilité fera fenfi- blement apperçue des Marins. Mais en eft - elle moins réelle , quand ce moment feroit encore €loigné : ? Il eft du moins certain que plus on a eu de raifons de douter fi la Terre étoit allongée ou applatie, plus 1l étoit impor- tant même pour les conféquen- ces de pratique, de favoir à quoi _s’en tenir par des mefures déci- fives. Le premier projetté, & le dernier t termine des trois voya- a Lu . 5 UN W]: RP REINE ges qui ont eu dans çes derniers | temps la mefure des depréster reftres pour objet, eff celuide lEquateur , entrepris «en. 1735 par M. Godin, M. Bouguer, |. an par moi. Le Poble a été Info mé depuis plufieurs années (a) du fuccès des travaux des Aca- démiciens qui ont opéré fous le Cercle Polaire & dans nos Cli- mats; & M. Boupuer, arrivé : plu- tôt que mot en France , a rendu compte à l’Affemblée ‘publique de l'Académie, du 14 Novem- bre 1744 , du réfultat de nos obfervations fous la Ligne Equr noxiale , & de l'accord qui fe trouve entre ce réfultat, celui du (a), Voyez le Liv. de la fig. de la Terre de M. de Maupertuis, & celui de la Méridienne de M. { Cafini de Thury. | er. Ve ’ 4 "? ou D y ñ : | POPAURNE Fr LANCE. vi Nord & celui de France , dont chacun comparé à l’un des deux autres , prouve l’applatiflement | de à Terre vers les Poles. Un plus grand détail eft re- fervé pour l’hifloire de notre me- füre dela Terre ; c'eft-à-dire , de nos obfervations Aftronomiques & de nos opérations trigonome- triques dans la Province de Qui- to en l'Amérique Méridionale; ouvrage dont nous fommes comp- tables à l'Académie & au Public, puifque c’eft pour ce travail que nous avons été envoyés. La queftion de la figure de ‘4 Terre étant términée, & la curiofité du Public EVE fur ‘et objet, je crus l’intéreffer da- vantage à l'Affemblée publique du 26 Avril dernier , par une a iv vi] "PRE ANSE. Relation abrégée de mon VOYa- ge de la Riviere des Amazones, que J'ai defcendue depuis le leu où elle commence à être navi- gable jufqu'à fon embouchure, “& que j'ai parcourue dans une étendue de plus de mille lieues; mais l'abondance des matieres ne m'ayant pas per mis de me ren- fermer dans les bornes prefcrites à ma leéture, qui fe trouverent encore réflerrées : je fus obligé de faire de’ nouveaux retranche- ments à mefure que je lifois; ce qui interrompit néceflairement l'ordre & la fuite de mon pre-_ mier Extrait. Je le fais paroitre aujourd hui fous la même forme que je lui avois donnée d’abord. Pour ne point tromper l’at- tente de ceux qui ne cherchent VAE « U + # \ WIRE Tr AËCE \ix dans une Relation de voyage que des événements extraordinaires , & des peintures agréables de mœurs étrangeres & de coutumes inconnues , je dois les avertir qu'ils ne trouveront dans celle- ci que peu de quoi fe farisfaire. Je n'y ai paseu la liberté de pro- mener le Leéteur indifféremment fur tous les objets propres à flat- ter fa curiofité, Un journal hif- torique que Jai écrit affiduement pendant dix ans, m'auroit peut- A ñ e Lure / être pu fournir les matériaux né- ceflaires pour cet effet; mais ce nétoit n1 le lieu , ni le moment de les mettre en œuvre. Il étoit queftion de la Carte que j'avois levée du cours d'un fleuve qui traverfe de vaftes pays prefqu'in- connus à nos Géographes. Il s’a- nu” PRÉFACE fie d'en donner une idée dans # un Mémoire deftiné à être lu : à: 24 J Académie des Sciences. Dans | une pareille Relation, où Je de- vois MOINS fonger 2 à amufer qu’ à inftruire, tout ce qui n'eüt pas. appartenu a la Géographie, alAf tronomie ou à la Phyfique , ne pouvoit manquer de paroiître une digreffion qui méloignoit de mon objet; mais aufli 1l n'étoit pas jufte d’abufer de la patience du | | plus grand nombre de ceux qui compofoient l'aflemblée publi que, par une lifte de noms bar- bares de nations & de rivieres, & par un journal de hauteurs du Soleil & d'Etoiles, de Latitudes & de Longitudes , de mefures, de routes, de diftances , de fon- des, de variations de la Bouflo- TR EE ES $ À LE PURE A CE. x} “Je; d'expériences du Barometre, &c. C'étoit-à cependant le Fo le plus riche, & ce qui faifoit le plus grand mérite de ma Re- lation : c'étoit du moins la feule chofe qui püt la diftinguer d'un voyage ordinaire. J'ai tache de prendre un milieu entre ces deux extrèmités. J’ai renvoyé tout le détail de la partie aftronomique & géométrique aux Mémoires de l'Académie, ou au Recueil de nos Obfervations, quien doit être une fuite. Je n’en donne ici que les principaux réfultats , & la pofition des lieux les plus re- marquables , en fuivant l’ordre de la narration. J'ai traité avec quel- que étendue le point des Ama- zones Américaines, parce qu l m a femblé qu'on avoit droit de LE *n PP RÉNACE l'attendre de moi. J'ai mêlé aux remarques de Phyfique & d'Hif toire Naturelle quelques faits hif : toriques quand ils ne m'ont pas 4 trop écarté de mon fujet. Je ne | pouvois, fans l'abandonner en- tiérement , éviter d'entrer dans quelques difcuffions Géographi- ques , qui y étoient intimement liées. Telle eft celle de la com- munication de la Riviere desAma- zones avec l'Orénoque, ancien- nement établie, enfuite mée, &. enfin nouvellement conftatee par des témoignages déciffs. Telles font les recherches de la fitua- tion du Village de l'Or & de la borne plantée par Texeira, celle du Lac Parime, & dela Ville de Manoa , celle de la Riviere de Vincent Pinçon, &c. Chacun de , ts MR AE TRS 1 44 1 'RENENT SE ur ans WX ANT CE ed 4 T4 (EF 1 } 2 DONUPTRE Fr DE Ex ces articles m'eùt pu fournir. le fujet d'une Différtation. Je ne les ai traités qu'en pañlant, (a- chant combien peu de Eeéteurs {ont curieux de ces fortes de de- tails, quoique utiles &t interef- fants pour ceux qui aiment ce | genre d'étude. La précaution que Ja prife de mettre des titres en marge , donnera à chacun Îa fa- cité de choifir les matieres qui eront le plus de fon goût. La petite Carte du cours de l’Amazone qui accompagne cette Relation , fufhra pour fixer l’ima: gination ‘he Le@eur, en atten- dant que j'en puiile ct 1er une plus grande & plus détaullée dans nos Mémoires , où Je rendra compte des moyens que J'ai em- ployés pour la conftruire; mais XIV PRÉFACE. cette derniere ne paroïitra je ve lorfque je lui aurai donné lede: gré de précifion que je puis lu 4 procurer, en réduifant tous. mes 114 calculs de routes & de diftances, a ï ; ; & les corrigeant par mes obfer- sn vations Aftronomiques. C'eft ce à que je ne pourrois faire quim- parfaitement aujourd'hui, man quant encore d'obfervations de Longitude faites fous quelque Méridien connu, pour fuppléer r à celles qui n'ont pu être faites à Paris, en correfpondance des miennes dans divers lieux de ma route. J'ai joint au cours de PAma- 1 zone la Topographie de la Pro vince de Quito, prife dela Carte | des triangles de notre Méridien- 1: ne. J’aitiré la SRE des Cé- . CRE. 7 TS LA C . blé À , : ” à prier # pie 208 "+ g à LATE her z LT TE SE A E erc= “> > Ai ER f | Ne sa 4 PIRE A CE. xv rés de la même Province, la route de Quito : à Lima, & celle "de Quito à Popayan , de mes | voyages particuliers & de ceux de M. Bouguer. Le refte de Ia Carte a étéextrait de divers Mé- “moires, Journaux & notes, qui m'ont été communiqués dans le pays par divers Miffionnaires ou Voyageurs intelligents. M. Dan- ville, Géographe du Roi, dont l M eft connue , m'a été d’un grand fecours, pour rédiger & combiner ces matériaux épars, & en enrichir ma Carte. J'ai fuivi les orthographes Ef- pagnole & Portugaife à l'égard des noms de ces deux Langues, & même des noms Indiens des pays foumis à la domination de ces deux Couronnes. J'ai voulu XU,, PR ERACE par-la éviter l'inconvénient de. les rendre méconnoiflables dans les Auteurs originaux. r 4 ce = E ne TS y % 2 F7 ARR ss ss RELATION. ' y PAT st | CERN VA 4 da Mar EN à RELATION ABRÉGÉE D'UN VOYAGE | FAIT DANS L'INTÉRIEUR DE LAMÉRIQUE MÉRIDIONALE, Dpuis la Côte de la Mer du Sud , jufques aux Côtes du Bréfil & de la Guiane, en defcendant la RIVIERE DES AMAZONES ; lue à le rentrée publique de l 4 cadémié des Sciences, le 28 Avril 174$, par M, _ DÉ LA CONDAMINE, de la même Académie, ù ( avoir be fix mois dans un =] LA fin de Mars 1743 , après. À défert, à à Tarqui près de Cuença. | au Pérou, occupé nuit & jour à lutter: contre un ciel peu. favorable à l’Aftro- nomie, je reçus avis de M, Bouguer, . prove fait auprès de Quito , » alex-; Mefure de 4 Terre, nee PR. DA 1000 re 24 | ttémité é feptentrionale. de Le * dienne , diverfes. obfervations ns .d LA | Ve oyage Ü "Etoile entre nos deux Zéniths , pe fieurs des mêmes nuits que et Ki cbiervée de mon côté à l'extrémité a trale de lamême ligne. Parices obfer- vations fimultanées, fur l'importance. defquelles ÿ avois fortinfifté , nous avions + acquis l'avantage fingulier de pouvoir conclure direétement & fans aucune hypdthele, la vraie amplitude d’un Arè de trois degrés du Méridien , dont la longueur nous étoit connue. géométri- # quement , & de tirer cette conclufon, fans avoir rien à craindre des * varia- 4 tions, foit optiques , foit réelles mé- me inconnues dans les mouvements de: l'Etoile ; puifqu'elle avoit été faifie dans: Fe sis A le même inftant par les deux. obferva- x teurs aux deux extrémités de l'arc. M PBouguer, de retour'en Europe quelques $. mois avant moi, a fait part de notre _réfultat à notre derniere affemblée pue j 0 LE : + aux des Amazones. 3 DAC es _ Bique Ce réfultat s'accorde avec ce- ui des opérations faites fous le Cercle MPobire (a). Il ne s’accorde pas moins avec les dernieres , exécutées en Fran- ce, () & toutes confpirent à faire de la terre un Sphéroide applati vers les . La Ter- re applatie Poles. Partis au mois d'Avril 1735, un vers les Po- ESe an avant les Académiciens savogés VETS le Nord , nous fommes arrivés fept ans | trop tard, pour apprendre à l’Europe quelque chofe de nouveau fur la Figure dela Terre, Depuis ce temps, ce fujet a été remanié par tant d’habiles mains, que j'efpere qu’on me faura gré de ren- Voyer aux Mémoires de l'Académie, le détaik:de mes obfervations particulie- «res fÿf cette matiere, en renonçant au Le et :: Ù +6: … = . u " (c) Par Mrs. de Maupertuis, Clairaut, Camus & Monnier , de cette Académie, par Mr. l'Abbé Ou- thier, Correfpondant de l’Académie, & M, Celfius , Profeffeur d'Aftronomie à Lpfal. (b) Par Mis. Caffini de Mets JE l'Abbé de le % Caïlle. Li Rn es di ù droit trop bien acquis que J’aurois | d'en | entretenir aujourd’hui cette Affemblée; Autres Je ne m’arrêterai pas non plus à faire pr ici la relation des autres travaux aca- ni démiques , indépendants de la mefure de la Terre , auxquels nous nous fommes li- vrés, tant en commun qu’en particu- . lier, foit dans notre route d'Europe en Amérique, dans les endroits où nous avons féjourné , foit après notre arri- vée dans la Province de Quiro, pen- dant les intervalles fréquents, caufés par | des obftacles de toute efpece, qui n’ont | que trop fouvent retardé le progrès de } nos opérations. Il me faudroit pour cela ‘faire un Extrait d’un grand nombre de Mémoires envoyés à l’Académie depuis fept ou huit ans, dont les uns ne font pas même arrivés en France, & dont la plupart des autres n’ont pas encore pa- ru, même par extrait, dans nos Re- cueils. Je ne parlerai done point ici de nos déterminations aftronomiques ou : VU Voyage de da Riviere =. - des Amazones. $ géométriques de la latitude & de la longitude d’un grand nombre de lieux; de l’obfervation des deux Solftices de Décembre 1736, & de Juin 1737, & de l'Obliquité de l'Ecliprique qui en ré- fulte ; de nos expériences fur le Ther- mometre & le Barometre, fur la dé- chinaifon & l’inclinaifon de l’Aiguille aimantée , fur la vitefle du Son, fur l’Attration Newtonienne , fur la lon- gueur du Pendule dans la Province de Quito, à diverfes élevations au- deflus du niveau de la mer, fur la dilatation & la condenfation dé métaux, ni des Voyages deux voyages que j'ai faits, l’un en É 2 à 1736, de la côte de la mer du Sud Terres. à Quito, en remontant la riviere des -Emeraudes ; autre en 1737, de Quito à Lima. | : Enfin, je me difpenferai de faire ici l'hiftoire des deux Pyramides que j'ai raie fait ériger pour fixer à perpétuité les tions. deux termes de la bafe fondamentale À ii L A Voyage de la Pris - de rotites nos rhélach, & prévenir pars ï là les inconvénients qu'on n’a que trop éprouvés en France , faute d’une pa- reille précaution , quand on a voulu vérifier la bafe de M. Picard. L'Inf- | cription projettée avant notre départ à l'Académie des Belles-Leitres , & depuis pojée fur ces Pyramides | avec les chan- gements que les circonftances du temps . & du lieu ont exigées, fur dénoncée par les deux Lieutenants de F. aiffeau du Roc d'Efpagne , nos adjoints, comme inju- rieufe à Ja Majefté Catholique, & à le nation Efpagnole. J'ai foutenx pendant deux ans:le procès intenté à MO perfon- nellement à ce fujer, & je lai enfin ge pné contradiétoirement au Parlement mé me de Quiro. Ce qui s'eft paflé en cette’ rencontre, & divers autres événements er de notre voyage, que la diftance des lieux a fort défigurés dans les récits qui en font parvenus ici , font plutôt la matiere d'une relation hiftori- des Amazones. | que, que d'un Mémoire Académique, Je me bornerai dans celui-ci à ce qui | concerne mon retour en Europe. de | …… Pour multiplier les occafions d’obfer- Projet du ver , nous étions convenus depuis long- 1%" Par temps M. Godin, M. Bouguer & moi, ins” 00 de revenir par des routes différentes. Je me déterminai à en choifir une prefque nuore, &z que j'étois für que perfonne ne. menvieroit ; c'étoit celle de la A:- Viere des Amazones, , Qui traverfe tout le Continent de dau Méridionale , d'Occident en Orient, & qui pañle avec raifon pour la plus grande riviere ; du monde. Je me propofois de rendre “à: OR ce voyage utile, en levant une Carte | de ce fleuve, & en recueillant les ob- _ fervations en tout genre que j’aurois occafñon de faire dans un pays fi peu . connu. Celles qui concernent les mœurs _& les coutumes fingulieres des diver- fes nations qui habitent fes bords, {e- _roient beaucoup plus propres à piquer. À ly 8 RE à sb Riviere | la curiofité du grand nombre de Lec- ‘Voyage d'Orcllars, > teurs; mais j'ai cru qu'en préfence d’un public , à qui le langage des Phyficiens & des Géometres eft familier , il ne m'étoit guere permis de m'étendre fur des matieres étrangeres à l’objet de cette Académie : cependant, pour être mieux entendu, je ne puis me difpen- fer de donner quelques notions préli- minaires au fujet de la Riviere dont il fera ici queition , & de fes premiers navigateurs. On croit communément que le pre- mier Européen qui a reconnu la Riviere des Amazones , fut François d'Orellana. Ïl s'embärqua en 1539, aflez près de Quito , fur la riviere de Coca , qui plus bas prend le nom de Vapo ; de celle- ci il tomba dans une autre plus gran- de, & fe laiffant aller fans autre gui- de que le courant, il arriva au Cap de Nord, fur la côte de la Guiane, > après une navigation de 1800 lieues, . des Amazones. 9 fuivant fon eftime. Le même Orellana périt dix ans après, avec trois vaifleaux qui lui avoient été confiés en Efpagne, fans avoir pu retrouver la vraie embou- . Chure de fa riviere. La rencontre qu’il dit avoir faite en la defcendant, de quel- . ques femmes armées , dont un Cacique Indien lui avoit dit de fe défier, la fit nommer Riviere des Amazones. Quel- Divers _Ques-uns lui ont donné le nom d'Orella- A na ; mais avant Orellana, elles ’appel- Aratoneé loit déja Maragnon , du nom d’un autre Capitaine Efpagnol. Les Géographes, qui ont fait de l’Æmazone & du Mara- gnon deux rivieres différentes , trompés _ comme Laer, par l'autorité de Garci- laflo & d’Herrera , ignoroient fans doute que non-feulement les plus anciens Au- teurs Efpagnols (a) originaux appellent celle dont nous parlons, Maraonon, dès | (a) Voyez Pierre Martyr, Fernand. de Encifo, Fernandez de Oviedo, Pedro Cieça, Auguftin Za- 10 F. oyage de la Riviere l'an : $13: mais qu Orellana’ lui-même | dit dans fa relation , ; qu'il rencontra les Amazones en defcendant le Maragnon, "3 ce qui eft fans replique ; en effet, ce nom lui a toujours été cote és: interruption jufqu’aujourd’hui , depuis | plus de deux fiecles chez les Efpa- gnols, dans tout fon cours , &c des fa fource dans le haut Pérou. Cependant les Portugais établis, depuis 1616 au Para, ville Epifcopäle; fituée vers l’em- bétfétiuts la plus orientale de ce fleu- ve, ne le connoiffent là que fous ext, nom de Riviere des Amazones, & mr à haut fous celui de Solimoës, & ils ont transféré le nom de Maragnon, ou de Maranhaon dans leur idiôme, à une Ville & à une Province entiere , Ou Capitainerte voïfine de celle du Para. J'uferai indifféremment du nom de Ma- ragnon, OU de Riviere des Amazones. Voyage . En 1568, Pedro de Urfoa, envoyé par le Vice-Roi du Pé:ou, pour chercher des Amazones. ut le fameux Lac d’or de Parime, & la ville de! Dorado , qu'on croyoit ins des bords done fe rendit dans ce fleuve par une riviere qui vient du côté du Sud , & dont je, parlerai en fon lieu. La fin d'U/r/0a fut encore plus -tragique que celle d'Orellana fon pré- décefleur. ©/7foa périt par la main d’4- guirre , {oldat rébelle, qui fe fit décla- rer Roi. Celui-ci defcendit enfuite la riviere ; & après une longue route, qui m’eft pas encore bien éclaircie, ayant porté en tous lieux le meurtre & le brigandage , il finit par être écartelé dans l’ifle de la Triniré. : _. De pareils voyages ne donnoient pas Aut res ten- de grandes lumieres fur le cours du ni fleuve ; quelques Gouverneurs particu- _liers Nés depuis , avec aufli peu de fuccés, différentes tentatives. Les Por- tugais furent plus heureux que'les Ef- | nt + En 1638, un fiecle après Orellana voi de Texei- ra, . Voyage | du P, € ugna. d’A- 12 Voyage de la Risière Pedro Texeira, envoyé par le Gouver= neur du Para, à la tête d’un nombreux détachement de Portugais & d’Indiens, remonta l’Amazone juiqu’à l’'embouchu- re du Vapo , & enfuite le VNapo même, qui le conduifit aflez près de Quito, oùil fe rendit par terre avec quelques Portu- gais de fa troupe. Il fut bien reçu des Ef pagnols, les deux nations obéiffant alors au même maitre. Îl retourna un an après au Para par le même chemin , ac- compagné des Peres d’Aczona & d'Ar- tieda, Jéfuites , nommés pour rendre compte à la Cour de Madrid des par- ticularités du voyage. Ils eftimerent le chemin depuis le hameau de MWapo, lieu de leur embarquement, jufqu'au Para, de 1356 lieues Efpagnoles, qui valent plus de 1560 lieues marines , & plus de 1900 de nos lieues communes. La relation de ce voyage fut imprimée à Madrid en 1640. La traduétion Fran- coife, faite en 1682, par M. de Gom- U si à | fe Amagones 13 ie. eft entre les mains de tout le ; monde. La Carte très- défeétueufe du cours Garte dela de ce fleuve par Sanfon, dreflée fur Riviere des Amazones, cette relation purement hiftorique , a parSanfon. depuis été copiée par tous les Géogra- phes , faute de nouveaux mémoires, & nous n’en avons pas eu de Dee jufqu'en 1717. _ Alors parut pour la premiere fois en Carte du France , dans le douzieme tome des Pe'° Fit Letres édifiantes, &c. une: copie de la Carte gravée à Quiro en 1707, & dref- fée dès l'année 1690, par le Pere Sa- muel Fruz , Jéluite Allemand, Miflion- naire fur les bords du Maragnon, qu'il ‘avoit parcouru dans toute fa longueur. Par cette Carte, on apprit que le Va- pe , qui pañloit encore pour la vraie fource de l’Arnazone, du temps du voya- ge du Pere d’Acuona, n'étoit qu'une riviere fabalterne , qui groffifloit de fes Eaux celle des 1 M & que celle- 14 . Voyage de la Riviere ci, fous le nom de Maragnon , fortoit d'un Lac près de barbe: L à trente lieues de Lima: Du reite, le Pere Fritx, | fans Pendule &c fans nier n'a pu. déterminer aucun point en longitude, Il navoit qu'un petit demi- cercle de. bois , de trois pouces de rayon pour les latitudes ; enfin , il étoit malade quand il defcendit le fleuve jufqu’au Para.Il ne faut que lire fon Journal manufcrit, dont j'ai une copie (a), pour voir que plufieurs obftacles, alors & à fon rerour à fa miflion, ne lui permirent pas de faire les obfervations néceflaires pour rendre fa Carte exaéte, für-tout vers.la partie inférieure du fleuve. Cette Carte n’a été accompagnée ique de :quelques notes. fur la même feuille » fans pref- («) Elle a été tirée far l'Original dépofé dans!les Archives du College de Quito , :& m'a été commu- niquée par Dom Jofeph Pardo y Figueroa , Marquis de _Valleumbrofo, aujourd'hui Corregidor de Cufco; bien . connu dans Je République des Lettres." x des Amazones. De 15 que aucun détail hiftorique; en forte qu'on ne fait aujourd'hui en Europe de ce qui concerne les pays traverfés par | l'Amagone , que ce qu'on en avoit ap- pris il y a plus d’un fiecle, par la rela- tion du Pere d’Acugna (a). i Le Maragnon après être forti du Lac où il prend fon origine vers onze degrés de latitude Auftrale » Court au Nord jufqu’à Jaen de, Bracamoros \ dans lé- tendue de fix degrés : de-là il prend fon cours vers l'Eft, prefque paralléle- ment à la ligne RP Te jufqu’au Cap de Nord, où il entre dans lO- céan fous l'Equateur même, après avoir _parcouru,.depuis Jen, où il commence _ à étre navigable, 30 degrés en longitu- de, où 750 lieues communes, évaluées par les détours à 1000 ou 1100 lieues. I A du côté du Nord & du côté « L'Ouvrage intitulé : £/ Maragnon 6 Amazonas, 1004: n'eft qu'une compilation informe, Cours du Maragnon ou de la Ri- viere des Amazones. Chemins de Quito au Maragnon. 16 Voyage de la Riviere du Sud, un nombre prodigieux de re + vieres, dont plufieurs ont cinq ou fix cents lieues de cours, & dont quels ques- unes ne font pas inférieures au Danube & au Nil. Les bords du Ma. ragnon étoient encore peuplés , il ya un fiecle, d’un grand nombre de na tions, qui te font retirées dans l'intétieur des terres, aufli-tôt qu’ils ont vu les Eu- ropéens. On n’y rencontre aujourd'hui qu'un petit nombre de Bourgades de naturels du pays, récemment tirés de leurs bois, eux ou leurs peres, lesuns par les Milioinalies Efpagnols du haut fleuve , les autres par les Miffionnaires Points établis dans la partie infé-. rieure. Il y a trois chaéiis qui copdifens de la Province de Quito à celle de. $ Maynas, qui donne fon nom aux Mif- ve fions Efpagnoles des bords du Mara- gnon. Ces trois chemins traverfent. cetre fameufe chaîne de ontagnes couver- WAR ‘ FRA PE dé 2. tr des Amazones. RE tes de neige, & connues fous le nom de Cordelieres des Andes. Le premier prefque fous la ligne Equinoxiale, l'Orient de Quiro, pañle par D na, & conduit au Napo- Ce fut le che- min que prit Zexeira , à fon retour de Quito, & celui du Hu d'Acugna. Le fecond eft par une gorge au pied du Volcan de 7. ONDUrAgUA | à UN degré & demi de Latitude Auftrale. Par cette route, on parvient à la Province de Canelos | en traverfant plufieurs tor- rents, dont la jonétion fait la Riviere nommée Paflaca , qui entre dans le Maragnon , cent cinquante lieues plus haut que le Vapo. Ces deux chemins Par Ar- à Chidona. Par Ca nelos. * font ceux que prennent ordinairement les Miffionnaires de Quro, les feuls Eu- ropéens qui fréquentent ces contrées , dont la communication avec la Provin- ce voifine de Quito eft prefque totale- ment interrompue par la Cordeliere, qui n 'eft praticable que pendant nn Par Jaen, 18 Voyage de la Riviere mois de l’année. Le troifieme chemit | eft par Jaen de Bracamoros , par cinq” degrés & demi de Latitude Auffrale, où le Marapnon commence à porter bateau. Ce dernier eft le feul des trois où l’on puifle conduire des bêtes de charge & de monture, jufqu’au lieu de l’embarquement. Par les deux au- Mie il y a pluñeurs jours de marche à pied, & il faut tout faire porter fur les épaules des Indiens; cependant ce- lui-ci eft le moins fréquenté des trois, tant à caufe du long détour & des pluies continuelle$ , qui rendent les . Chemins prefque impraticables dans la plus belle faifon de l’année, que par la difficulté & le danger d’un détroit célebre , appellé le Pongo , que l'on trouve en fortant de la Cordeliere. Ce fut principalement pour connoître par moi-même cé paies dont on ne par- loit à Quito qu'avec une admiration nee de Haye & pour comprendre / ma TR toute l’étendue naviga- ble du fleuve , que je choifis cette der- niere route. n .. des Amazones. 1m Je partis de Tarqui, terme auftral de & notre Méridienne, à cinq lieues au Sud de Cuença, le 11 Mai 1743. Dans mon voyage de Zima, en 1737, j'a- vois fuivi le chemin ordinaite de Cuen- ça à Loxa; cette fois j’en pris un dé- tourné, qui pañle par Zaruma, pour placer ce lieu fur ma Carte. Je courus quelque rifque en paflant à gué la gran- de riviere de Zos Jubones, fort crue alors , & toujours très-rapide; mais par ÿ Lys si ty 127% _©@ r ai depuis été informé que des gens apoftés par les auteurs ou complices de l’aflaflinat du feu Sieür Seniergues , notre Chirurgien, m'attendoient fur le gränd chemin de, Cuenca à Loxa. Ils favoient que j'emportois avec moi en Europe une copie authen- tique du procès criminel que j'avois fuivi contre eux en qualité d'exécuteur teftamentaire du défunt, & ds craignoient avec raifon que lArrêt de l'Audience Bi ce danger, j'en évitaiun plus grand(a), Auteur. Zaruma. Mines d’or abandon- nées, 20 Voyage de la Rire | 7 qui m attendoit fur le grand chemin de Loxa. ! D + $ (% . D'une montagne où je paf fur la: | route de Zaruma , on voit Tumbez, port de la mer du Sud, où les Efpa- gnols firent leur premiere defcentes au-delà de la ligne, lors dela conquêre du Pérou. C'eft proprement de ce point que j'ai commencé à m’éloigner de la mer du Sud, Pour traverfer d'Occi- dent en Ote) tout le Continent de l'Amérique Méridionale. SUPTÉLENMONS Z'aruma , fitué par 3 degrés 40 minu tes de Ledindé Auftrale , donne -fon nom à une petite Province à l'Occi- dent de celle de Zoxa. Laet, tout exaét qu’il eft, n’en fait aucune mention dans fa defcription de l'Amérique. Ce lieu a … eu autrefois quelque célébrité par fes mines , aujourd'hui prefque abandon- ne : de Quito, rendu contre toutes les regles, & plein de nullités, ne fût caffé au Confeil d'Efpagne. _ des HMGIMEN, . 2T. mées. L'or en eft de bas aloi, & feule- ment de quatorze carats; il eft mêlé d'argent, & ne laifle pas d'être fort doux fous le marteau. Je trouvai à Zaruma la hauteur du Barometre de 24 pouces 2 lignes; on fait que cette hauteur ne varie pas dans la Zone Torride comme dans nos cli- _mats. Nous avons éprouvé à Quiro pen- dant des années entieres, que fa plus grande différence ne pañle guere une ligne & demie. M. Godin a le pre- mier remarqué que fes variations, qui font à peu près d'une ligne en vingt- quatre heures, ont des alrernatives af. fez régulieres ; ce qui étant une fois connu, donne lieu de juger de la hau- teur moyenne du mercure, par une feu-. le expérience. Toutes celles que nous avions faites fur les côtes de la mer du Sud , & celles que j'avois répétées _ ‘dans mon voyage de Lima, m’avoient aps vs étoit cette haie moyen- B ü] Hauteur du Barometre. 22 Voyage de la Riviere ne au niveau de la mer; ainfi je pus conclure aflez exaétement que le ter- # tein de Zaruma étoit élevé d'environ Elévation 700 toifes ; ce qui n’éft pas la moitié : Res % de l'élévation du fol de Quito. Je me fuis fervi pour ce calcul, de la Table dreflée par M. Bouguer, fur une hy- pothefe qui répond jufqu'ici mieux que toute autre , à nos expériences du Ba- rometre, faites à diverfes hauteurs dé- Remar- terminées géométriquement. Je venoïs “seal “ de arqui, pays aflez froid , &c je ref- Chaud. fentis une grande chaleur à Zaruma, quoique je ne fufle guere moins élevé que fur la POLE Pelée de la Mar- linique , OÙ nous avions éprouvé un froid piquant, en venant d’un pays bas & chaud. Je fuppofe ici que l'on eft déja informé que, pendant notre long féjour dans la Province de Quito , fous la ligne Equinoxiale, nous avons con. tamment reconnu que l'élévation du fol plus ou moias grande, décidéprefque des Amazones, 23 entiérement du degré de chaleur, & qu'il ne faut pas monter 2000 toifes, pour fe tranfporter d’un vallon brûlé _ des ardeurs du foleil, jufques au pied d’un amas de neige aufli ancien que le monde , dont une montagne voifine fera couronnée. | _Je rencontrai fur ma route plufieurs Ponts d’o- fiers ou d’e- rivieres qu’il fallut pafler fur des ponts & erce dar de corde, d’écorce d’arbres, ou de ces Pres. efpeces d’ofiers qu’on appelle Lianes dans nos ifles de l'Amérique. Ces Lia- nes entrelaflées en réfeau, forment d’un bord à l’autre une galerie en l'air, fuf- pendue à deux gros cables de la même matiere, dont les extrémités font atta- chées fur chaque bord à des branches _ d'arbres. Le tout enfemble préfente le _ même afpeét qu’un filet de pêcheur, ou mieux encore, un ÂÆamac Indien, qui feroit tendu d’un côté à l’autre de ‘Ja riviere. Comme les mailles de ce ré- feau font fort larges , & que le pied ke B iv 34 Voyage de la Riviere pourroit pafler au travers, on tend quel ques rofeaux dans le fond de ce ber- ceau renverfé , pour fervir de plan- cher. On voit bien que le poids feul de tout ce tiflu, & plus encore le poids de celui qui y pafle, doit faire prendre une grande courbure à toute la machine ; & fi l’on fait attention que le paflant, quand il eft au milieu de fa carriere , fur-tout lorfqu’il fait du vent, fe trouve expofé à de grands balance- ments, On jugera aifément qu'un pont de cette efpece, quelquefois de plus de trente toifes de long, a quelque chofe d’effrayant au premier coup d'œil : ce- pendant les Indiens, qui ne font rien moins qu'intrépides de leur naturel, y pañlent en courant, chargés de tout le bagage & des bâts des mules qu’on fait traverfer la riviere à la nage, & ils. rient de voir héfiter le voyageur, qui a bientôt honte de montrer moins de réfolution qu'eux. Ce n’eft pas encore dé Aie dt des Amazones. ‘2X à lefpece de pont la plus finguliere ni la plus dangereufe qui foit en ufage dans le pays ; leur defcription m'écar- teroit trop de mon fujet. Je répétai en paflant à Zoxa, les obfervations de Latitade & de la hau- teur du Barometre, que j'y avois déja faites en 1737, dans mon voyage à Lima, & je trouvai les mêmes réful- tats (a). Loxa eft moins élevé que Qui- to, d'environ 350 toifes, & la chaleur - y eft fenfiblement plus grande; les montagnes du voifinage ne font que des collines en comparaifon de celles des environs de Quito. Elles ne laïflent pas de fervir de point de partage aux eaux de la Province ; & le même cô- teau appellé Caxanuma, où croît le meilleur. Quinquina | à deux lieues au Sud de Zoxa, donne naiflance à des “ (a) Voyez Mém. de l’Académie, 1738, p. 226. & 228, fur l'arbre de Quinquina, l Loxa. 36 Voyage de la Riviere. rivieres qui prennent un cours oppo- fé, les unes à l'Occident, qui fe ren- dent dans la mer du Szd, les autres à l'Orient, qui groffiflent le Maraonon. Plant de Le 3 de Juin, je paffai rout le jour Qndre fur une de ces montagnes. Avec l’aide tranfporté, gne ec l'a de deux Indiens des environs , que j'a: vois-pris pour me guider, je n’y pus dans ma journée rafflembler que huit à neuf jeunes plantes de Quinquina , pro- pres à être tranfportées. Je les fis met- tre avec de la terre prife fur le lieu, dans une caifle de grandeur fuffifante. Cette caifle fut portée avec précaution fur les épaules d’un homme qui mar- choit à ma vue, jufqu'au lieu où je me fuis embarqué ; dans lefpérance de conferver au moins quelque pied, que Je PourrOis laïffer en dépôt à Cayenne, s’il n’étoit pas en état d'être tranfporté a@tuellement en France pour le jardins du Roi. Chemin | de Loxa à De Loxa à Jaen, on traverfe les dérs Jaen. } des Amazones. | 27 miers côteaux de la Cordeliere. Dans toute cette route , on marche prefque toujours dans les bois, où il pleut tous les jours, pendant onze & quelquefois verts de peaux de bœufs, qui font les coffres du pays, fe pourriflent & exha- lent une odeur infupportable. Je paffai par deux villes qui n’en ont plus que le nom à Loyola & V.. alladolid , lune & l’autre opulentes & peuplées d'Efpa- gnols il y a moins d’un fiecle, aujour- d'hui réduites à deux petits hameaux d’Indiens ou de Mérs, & transférées de leur premiere fituation. J'aer même, qui a encore le titre de ville, & qui _devroit être le lieu de la LE du : Gouverneur, n’eft plus aujourd’hui qu’un mauvais village. La même chofe eft ar- rivée à la plupart des villes du Pérou éloignées de la mer, & fort détour- nées du grand chemin de Car:hagene . douze mois de l’année ; il n'eft pas pof-= fible d’y rien fécher. Les paniers cou- Loyola à Valladolid. Jaen, 28 Voyage de la hé [ à Lima. Je rencontra 1e toute cette route beaucoup de rivieres , qu'il me fallut pañfer, les unes à gué, Les autres , fur des ponts de l'efpece dont (-Aibipas lé, d’autres fur des trains ou : adea qu'on fait fur le lieu même avec un bois dont la nature a pourvu toutes ces forêts. Ces rivierés réunies, en for- ment une grande & très- Be -ap- pellée Chinchipé, plus large que la Se .* - ne à Paris. Je la defcendis en. radeau pendant cinq lieues, jufqu’à Tomepen- da, village Indien à la vue de Jaer, dans une fituation agréable, à la ren- contre de trois grandes rivieres. Le t Toniob dé Maragnon eft celle du milieu. Il reçoit oser du côté du Sud la riviere. de Chacha- res, poyas, & du côté de. l'Ouett , celle de Chinchipé, par où j'étois. defcendu. Cette jonétion des trois riviere, ft. par cinq degrés trente minutes de lié tude auftrale; & depuis ce point, ! Maragnon , malgré fes Sn va Re | de Amazones. ct 29 jours en fe rapprochant peu-à-peu de la ligne Equinoxiale, jufqu’à fon em- bouchure. Au-deflous du même point, le fleuve fe retrécit, & s'ouvre un paf- fage entre deux montagnes, où la vio- lence de fon courant, les rochers qui le barrent, & plufeurs fauts, le ren- dent impraricable; & ce qu’on appelle le Port de Jaen, le lieü où lon eft obñgé d'aller s'embarquer , eft à qua- tre journées de Jaen, fur la petite ri- viere de Chuchunga , par laquelle on defcend dans le Maragnon , au-deflous des fauts. Cependant un Exprès que j'avois dépêché de Tomépenda, avec des ordres du Gouverneur de Juen, à fon Lieutenant de Sant - lago, pour m'envoyer un canot au port, avoit franchi tous ces obftacles fur un petit radeau fait avec deux ou trois pieces de bois; ce qui fufhit à un Indien nud &c excellent nageur, comme ils le font tous. De Jaez au port, je traverfai le Sauts de Maragnon. Exprès. 30 Voyage de la Pere | Maragnon, & je me retrouvai pluñeurs fois fur fes bords. Dans cet intervalle, ce fleuve reçoit du côté du Nord plu- fieurs torrents, qui, dans le temps des! Sablemé- grandes pluies, charrient un fable mélé 40 de paillettes & de grains d'or. Les In- diens vont en recueillir alors , précifé-. ment la quantité néceflaire pour payer leur tribut on capitation , & feulement lorfqu’ils font fort preflés d'y fatisfais. Le refte du temps, ils fouleroient l'or aux pieds , plutôt que de fe donner la peine qu'il faut prendre pour le ra- ‘ mafler & le trier. Dans tout ce ‘can- ton, les deux côtés du fleuve font cou- Cacao. verts de Cacao fauvage, qui n’eft pas moins bon que le cultivé, & dont les Indiens ne font pas plus de cas que de’ l'or. ; EP | Torrent La quatrieme journée depuis mon ne départ de Jaen, je pañlai vingt & une fois à gué le torrent de Chuchunga, & une derniere fois en bateau; les mules NX dé Amazones,. © 37 en approchant du gite, fe jetterent à la nage toutes chargées ; mes inftru- ments, mes livres, mes papiers, tout fut mouillé. C'étoit le quatrieme acci- dent de cette efpece que j'avois efluyé depuis que je voyageoïis dans les mon- tagnes; mes naufrages n'ont ceflé qu’à mon embarquement. | Je trouvai à Chuchunga un hameau Port de de dix familles Indiennes, gouvernées par leur Cacique, qui entendoit à-peu- près autant de mots Efpagnols que j’en entendois de fa langue. J’avois été obli- gé de me défaire à Jaer de deux valets du pays, qui euflent pu me fervir d’in- terpretes.. La néceflité me fit trouver le moyen de m'en pañler. Les Indiens de Chuchunga n’avoient que de petits ca- nots, propres à leur ufage, & celui que javois envoyé chercher à Sans Tago par un exprès, ne pouvoit arri- ver de quinze jours. J’engageai le Ca- cique à faire faire par fes gens un ra- + … | à 32 F. oyage de la Riviere _deau ou une Bale; c’eft le nom qu'on Sa latitu- de , fahau- teur au-def- fus de mer, la leur donne dans le pays, ainf qu'au bois dont ils font conftruits; & je le demandai aflez grand pour me porter avec mes inftruments & mon bagage. Le temps néceflaire pour préparer la Balle, me donna celui de fécher mes papiers & mes livres feuille à feuille , précaution aufhi néceflaire qu’ ennuyeu- fe. Le foleil ne fe montroit que vers le midi : c'en étoit aflez pour prendre hauteur. Je me trouvai par s degrés 25 : minutes de latitude auftrale, & j'appris par le Barometre, plus bas de 16 Ji- gnes qu’au bord de la mer, que 235 toifes au-deflus de fon niveau, il y a des rivieres navigables fans ‘interrup- | tion. Je n’ai garde d'affirmer qu’elles ne puiflent l'être à une plus grande hauteur; je rapporté fimplement la con-. féquence que j'ai tirée de mon expé- rience. Cependant il y a aflez d’appa- rence que le point où commence à por< , ter ans + ce vod » np 1 L: des Amazones, 51084 ter bateau une riviere, qui, à compter de ce lieu, a plus de mille lieues de cours, doit être plus élevé que celui où les rivieres ordinaires commencent à être navigables. Le 4 Juillet après midi, je m’em- barquai dans un petit canot de deux rameurs , précédé de la Balfe efcortée par tous les Indiens du hameau. Ils étoient dans l’eau jufqu’à la ceinture, pour la conduire à la main dans les pas dangereux , & la retenir entre les rochers & dans les petits fauts, contre la violence du courant. Le lendemain matin, après bien des détours , je dé- bouchai dans le Maragnon , environ à 4 lieues vers le Nord. du lieu où je m'étois embarqué. C'et-l qu'il com- mence à être navigable. Il devenoit néceffaire d'agrandir & de fortifier le radeau, qui avoit été proportiouné au lit de la petite riviere par où j'étois defcendu, La nuit, le fleuve crut de C Embar- quement de l'Auteur. Lieu où Îe Maragnon commence à être navi= gable, f | F PARA _b 4 mor: 44 4 oyage de la Rhiber on 1o pieds, & il fallut “tranfporter à me hâte la feuillée qui me fervoit d’a ni, que les Indiens conftruifent avec une adrefle & une promptitude admirables. Je fus retenu en ce lieu trois jours , par l'avis, ou plutôt par l’ordre dé mes guides , k qui j'étois obligé de m'en rapporter. Ils eurent tout le temps de préparer la Balfe , & moi celui d’ob- ferver. Je mefurai géométriquement la largeur de la riviere : jela trouvai de 135 toifes , quoique déja diminuée de Sa largeur. 15 à 20 rs Plufeurs rivieres qu elle reçoit au-deflus de Juer, font plus lar- ges; ce qui me fit juger qu'elle devoit être d’une grande profondeur‘: en ef- fet , avec un cordeau de 28 brafles , Saprofor- je ne rencontrai le fond qu’au tiers de ane largeur. Je ne pus fond er au milieu Save. du lit, où la viteffe d’un canot aban- _ donné au courant, étoit d’une toife & un quart par feconde. Le Barometre ae haut qu’au port de plus de qua- La ds Amagones. Fi 35 are FF me fit voir que le niveau 4 l'eau avoit baiflé d'environ ÿo toi= Sa pente: ! es, depuis Chuchunga, d’où je n’avois mis que huit heures à defcendre. J'ob- fervai au même lieu la latitude de cinq Latitude: degrés une minute vers le Sud. Le 8, je continuai ma route, & je Détroitde paffäile détroit de Cumbinama, dange. SP reux par les pierres dont il eft .rem- pli. Il n’a guere plus de vingt toifes de large. Le lendemain, ; Je rencontrai Détroitde Efcurrebra- celui d’ Efcurrebragas » Qui eft d’une au- ,4 & tour- tre efpece, Le fleuve arrêté par une "ant “eau. côte de roche fort efcarpée, qu’il heur- te perpendiculairement , eft obligé de fe détourner fubitement, en faifant un angle droit avec fa premiere direétion. Le choc des eaux avec toute la vitefle acquife par le retréciflement du canal, a creufé dans le roc une anfe profon- de, où les eaux du bord du fleuve font retenues , écartées par la rapidité de celles du milieu. Mon radeau, fur le- Ci 36 F oyage de la Rdige Lx, quel j'étois alors, pouffé par le fi au courant dans cet enfoncement , n'y fit que tournoyer pendant une heure & quelques minutes. Les eaux , en circu= lant, me ramenoient vers 1e milieu du lit de la riviere, où la rencontre du grand courant formoit des vagues qui auroient infailliblement fubmergé un canot. La grandeur & la folidité du radeau , le mettoient en fûüreté à cet égard : mais j'étois toujours repouffé par la violence du courant dans le fond de lanfe , d’où je ne fortis que par l'adreffe de quatre Indiens, que j'avois : gardés avec un petit canot , à tout évé- nement. Ceux-ci ayant sivigue le long du bord terre à terre, gravirent fur le rocher, d'où ils me jetterent, non fans peine , des lianes, qui font les cor des du pays ; avec lefquelles ils res) | morquerent la Balfe , jufqu'à ce qu'ils l’euffent remife dans le fil de l’eau.Le même de , je pañai un croifiemte dé- Pr ue à A 5 des Amazones. 37 . #oit, appellé Guaracayo, où le lit de Détroitde la riviere , reflerré entre deux grands a rochers, n’a pas trente toifes de lar- ge; celui-ci n’eft périlleux que dans les grandes crues. Je rencontrai le mê- _me foir le grand canot de Sant-lago, - qui remontoit pour me venir prendre au port; mais il lui falloit encore fix _ jours; pour atteindre feulement le lieu d'où j'étois parti le matin, & d'où j'étois defcendu en dix heures. Jarrivai le 10 à Sant- ago de las Riviere & Montagnas , hameau aujourd’hui fitué de à à l'embouchure de la riviere de mê- 80. me nom, & formé des débris d’une ville qui avoit donné le fien à la ri- viere. Ses bords font habités par une nation Indienne , appellée Âharos, au- Xibaros, trefois Chrétiens, & révoltés depuis un or io fiecle contre les Efpagnols, pour fe fouftraire au travail des mines d’or de leur pays : depuis ce temps, retirés dans des bois inacceflibles, ils s’y main- | C ii “ . deManferi- 2 * L + de é 6 v} 4 FA A 14 ‘ à LA 1 K | Ne. 38 V. oyage de % ie | tiennent dans l’indépendance | &@r em péchenr la navigation de cette riviere, par où lon pourroit defcendre com- modément en moins de ES de environs de Loxa & de Ci uenca , d'où j'étois parti par terre dl deux moi IS La crainte qu'infpirent ces partir _6bligé le refte des habitants de Same Jago , a changer deux fois de demeu- re, & depuis environ 40 ans, à def- dre jufqu’à l'embouchure ” la La viere dans le Maragrion. net Borja, ca ” Au- deffous de Sant-Tago , on trou: un ve Borja , ville à- -peu-prés de l'efpece des précédentes, quoique Capitale dû Gouvernement de Maynas, qui com- prend toutes les mifñions Efpagnoles des bords du Maragnon. Borja n’eft . féparée de Sant-Tago, ‘que par le fa- Le Pongo meux Pongo de Manferiché. Pongo , } ché. 449 anciennement Puncu dans la langue ER: a ne - du Pérou, fignifie Porte. On donn ce nom en cette langue à! tous les des Amazones. |: 39 paflages étroits ; mais celui-ci le porte par excellence, C’eft un chemin que le | Maragnon , tournant à l'Eft, après plus de deux cents lieues de cours au Nord, s'ouvre au milieu des montagnes de la Cordeliere , en fe creufant un lit entre deux -murailles paralleles de rochers, coupés prefque à plomb. Il:y a un peu plus d’un fiecle que des foldats Efpa- gnols de. Sani - -Tago, découvrirent ce pañlage » &.fe hafarderent à le fran- chir. Deux Mifionnaires Jéfuites, de la Province de Quito, les de de près, & fonderent, en 1639, la mif- fon. de Maynas, qui s'étend fort loin en defcendant le fleuve. Arrivé à Sant ago, j'efpérois. pailer à Borja le mé- CURE: jour, 8 il ne me falloit guere qu'une heure. PQUE, m'y rendre ; mais malgré mes exprès réitérés, & les or- sx & recommandations KE nous vons. toujours été bien pourvus, êc done nous avons rarement vu l’exécu- C iv 40. Voyage de la Riviere tion, les bois du grand radeau fur les quel je devois pañler le Pongo’, dés toient pas encore coupés. Je me con tentai de faire fortifier le mien par une nouvelle enceinte, dont je le fis encadrer pour recevoir le premier ef. fort des chocs, prefque inévitables. dans les détours , faute d'un goûver= nail, dont: les Lao ne font point ad pour les radeaux. Quant à à leurs canots, ils font fi légers, qu'ils les ? gouvernent avec la même Pagaye q cn leur fert d’aviron SR Le lendemain de mon arrivée à Strd Jago , ilne me fut pas pofible de vaine cre la réfiftance de mes mariniers, qui ne trouvoient pas encore la riviere af fez baffle, pour rifquer le pañage. Tout ce que je pus obtenir d'eux, fut de : la traverfer, pour aller rieiife le mo ment favorable dans une: “petite anfe : voifine de lentrée du. Pongo, où la violence du ci courant eft telle, que quo - des Amazones, 4 qu'il n'y ait pas de fauts proprement dits , les eaux femblent fe précipiter , & leur choc contre les rochers caufe un bruit effroyable. Les quatre Indiens du port de Jaen, qui m’avoient fuivi jufques-là , moins curieux que moi de voir le Pongo de près, avoient déja pris les devants par terre , par un chemin de pied, ou plu- tôt par ‘un efcalier taillé dans le roc, pour aller m’attendre à Borja. Ils me laiflerent cette nuit comme la précé- Chemin par terre. dente , feul avec un Negre efclave fur mon radeau. Je fus heureux de n'avoir pas voulu labandonner , & il m'y ar- riva une aventure qui n'a peut-être pas _ d'exemple. Le fleuve, dont la hauteur diminua de 25 pieds en 36 heures, continuoit à décroître à vue d'œil. Au milieu de la nuit , l'éclat d'une grofle branche d’un arbre caché fous l’eau , s'étant engagé entre les pieces de bois de mon train, où il pénétroit de plus Accident fingulier. 42 Voyage de la Labe | en plus, à mefure que celui- cibaifloit | : avec le niveau de l’eau, je me vis au moment , fi; je n’eufle pas.été préfent & éveillé, de refter avec le radeau | | accroché & fufpendu en. Fair: à une branche d'arbre, où le moins qui me pouvoit arriver, étoit de perdre mes : Journaux &c_ papiers. d’obfervations, ». fruit de huit ans de travail. Je trou- vai heureufement enfin. moyen de dé- gager le radeau, & de le remettre à flot. | Carte To. Je profitai de mon féjour forcé à ja | RE Sant-Tago, pour mefurer géométrique- | 8 ment la largeur des deux rivieres,J& je pris auf les angles néceflaires pour drefler une Carte. “ORDRE | Pongo. mL Paflage du . Le 12 Juillet N midi, j je: fs détacher Pongo. be radeau & poufler au large ; 5 je fus | bientôt entrainé au courant de l’eau, dans une galerie étroite & profonde, taillée en talus dans le roc, & en quel- ques endroits à plomb; en moins d'une CE ro codes Amazoness * 43 heure, ‘je me trouvai tranfporté à Por- | ja, trois lieues au-deflous de Sant-La- go, fuivant l'eftime ordinaire. Cepen- | dant la Balfe qui ne tiroit pas un de- mi-pied d’eau, & qui par le volume de fa charge, préfentoit à la réfiftance de l'air une furface fept à huit fois plus grande qu’au courant de l’eau, ne pou- voit pas prendre touté la vitefle du courant ; & cette vitefle elle-même di- #inue confidérablement, à mefure que le“hit: de la riviere s’élargit en appro- chant de Bôrjas Dans l'endroit le plus étroit, je jugeai que nous faifions deux toifes par feconde, par comparaifon à d’autres vitefles exaétement mefurées, _ sue canal du Pongo | creufé des mäins de la nature , commence une “petite demi-lieue au-deflous de Saxr- Japo, & va en fe retréciffant de plus en plus; en forte que de 250 toifes au * moins qu'il a au- deflous de la ren- contre des deux rivieres, il parvient Ses di. menfions. ‘ Lai pa MA LATE 10, Tasit AT MAT +. _ & VE Di AT hp : à .œ *# LE + : ' »] Ÿ$ à 4 n M v- 1 " . Asa À Fr 44 V. oÿage de la Riviere à à n’avoir guere que 25 toifes dans (on. plus étroit. Je fais qu'on n’a jufques ici donné de largeur au Pongo que ; 25 vares Efpagnoles , qui ne font guc- re que 10 de nos toiles, & qu'on dit communément qu'on safe de Sant-Ia- go à Borja en un quart d'heure. Pour moi, J'ai remarqué que dans le pas le plus étroit, j'étois au moins à trois longueurs de mon radeau de chaque bord. J'ai compté à ma montre 57 mi-. nutes depuis l’entrée du détroit jufques à Borja; & tout combiné, je trouve les mefures telles que je viens de les énoncer ; & quelque effort que je fafle pour me rapprocher de l'opinion re- que, j'ai peine à trouver deux lieues Choc du tadeau ‘contre les rochers, de vingt au degré de Sanr-Lago à Bor- v N J + Ja, au-lieu de trois a ia cnrs ri ordinairement. Te RU Je heurtai deux ou trois fois. til ment dans les détours contre les ro- ‘ehers; ; il y auroit de quoi s’effrayer, des Amüyones. 4$ on n’étoit pas prévenu. Un canot s’y briferoit mille fois & fans reflource , & on me montra en pañlant le lieu où _périt un Gouverneur de Maynas : mais les pieces d’un radeau n'étant ni clouées ni enchevêtrées, la flexibilité des lia- nes qui les affemblent , fait l'effet d’un reflort qui amortiroit le coup, & on ne prend aucune précaution Contre ces chocs à l'égard des radeaux. Le plus grand danger pour ceux-ci, eft d’être emportés dans un tournant d’eau hors du courant, comme il m’étoit arrivé plus haut. Il n’y avoit pas un an qu'un Miffionnaire, qui y fut entrainé, y refta deux jours fans provifions, & y {eroit mort de faim, fi une crue fu- bite du fleuve ne l’eût enfin remis dans le fil de l’eau. On ne defcend en canot le Pongo , que quand les eaux {ont fuffifamment bafles, & que le ca- not peut gouverner, fans être trop mat- trifé du çourant. Quand elles font au Defcrip= tion de la ‘un nouveau monde | éloigné: de tout de Maynas Province : 46 V oyagé de la Riviere as plus bas, les canots peuvent auffi res monter avec beaucoup de dificulté , mais jamais les Palfes. 2 6 4 Arrivé à Borja , je me erouvailasé commerce humain, fur une. mer d’eau 2e douce, au milieu d’un labyrinthe ‘de pénetrent en tout fens une forêt im- menfe, qu'eux feuls rendent accefi- ble. Je rencontrois de nouvelles plan- tes, de nouveaux animaux, de nou- veaux hommes. Mes yeux accoutumés depuis fept ans à voir des montagnes fe perdre dans les nues , ne pouvoïient fe lafler de faire le tour de l'horifon, {ans autre obftacle que les feules col-. lines du Pongo , qui alloïent bientôt difparoïtre à ma vue. A cette foule d'objets variés , qui diverffient les campagnes cultivées des environs de Quito , fuccédoit l'afpeét le plus-uni- forme 5 de l’eau ; de. ES verdure , & lacs, de rivieres & de canaux, qui REY des Amazones. | 47 | sénlite plus. On foule la terre aux pieds fans la voir : elle eft fi couverte d'herbes touffues , de plantes & de à brouflailles, qu'il faudroit un aflez long travail pour en découvrir l’efpace d'un pied. Au-deflous de Bora, & 4à 5oo lieues au-delà en defcendant le fleuve , une pierre, un fimple caillou, eft œuf. rare que le feroit un diamant. Les Sauvages de ces contrées ne fa- vent ce que c'eft qu'une pierre, n’en ont pas même l'idée. C’eft un fpeéta- cle divertiflant de voir quelques-uns d’entr'eux , quand ils viennent à Bor- ja, & auils en rencontrent pour la premiere fois, témoigner leur admira- tion par leurs fignes , s’emprefler à les ramañler , s’en charger comme d’une _marchandife précieufe , & bientôt après Les méprifer & les jetter, quand ils s'apperçoivent qu’elles font fi commu- nes. ‘ _ Avant que de pañler outre, je crois Rarete des pierres. : Indiens Américains, Leur cou- leur, Différence ” mœurs, ’ 48 V oyage de la Riviere devoir dire un môt du génie & du ca s ractere des originaires de l'Amérique Méridionale , qu'on appelle vulgaire- ment, quoiqu’ improprement , Indiens. Il n’eft pas ici queftion des Créoles Efpagnols ou Portugais, ni des diver- fes efpeces d'hommes produites par le mélange des B/ancs d'Europe, des Noirs d'Afrique & des Rouges d Amérique depuis que les Européens y font entrés, & y ont introduit des Negres de Gui nee. Tous les anciens Naturels du Dave {ont bafanés & de couleur rougeâtre , ü plus ou moins claire; la diverfité de la nuance a vraifemblablement pour caufe principale , la différente tempé- rature de l'air des pays qu'ils habitent, variée depuis la grande chaleur de la Zone Torride , jufqu’au froid caufé par le voifinage de la neige. ES Cette différence de climats, celle des pays de bois, de plaines, de mon- VX tagnes ra en no pl, Cr lave A UE te Pr 7 exam pue Glen sed à 25 CE RATS € De L « des Amaçones. 4 _ 49 tagnes. & de rivieres; la variété des. . aliments , le peu de commerce qu'ont entrelles les nations voifines, & mille | autres caufes doivent néceffairement avoir introduit des différences dans les. occupations &c dans les coutumes de ces peuples. D'ailleurs, on conçoit bien qu'une nation devenue chrétienne & foumife depuis un ou deux fiecles à la domination Efpagnole ou Portugaife , doit infailliblement avoir pris quelque chofe des mœurs de fes conquérants, êt par conféquent qu'un Jadien habi- tant d’une ville ou d’un village du Pé- rou, par exemple, doit fe diftinguer d'un fauvage de l'intérieur du Conti- nent, & même d'un nouvel habitant miflions établies fur les bords du laragnon. 11 faudroit donc, pour don- ner une idée exacte des Américains, prefqu'autant de defcriptions qu'il y a de nations parmi eux; cependant, com- me toutes les nations d'Europe, quoi- D Caraktere des Indiens, 50 Voyage de la Riviere que différentes entre elles en langues, mœurs & coutumes, ne laifferoient pas d’avoir quelque chefs de commun aux yeux d’un Afiatique qui les examine- roit avec attention; aufh , tous les In- diens Américains des différentes con- trées que j'ai eu occafion de voir dans le cours de mon voyage, m'ont paru avoir certains traits de reflemblance les uns avec les autres; & ( à quelques nuances près, qu'il n'eft guere permis de faifir à un voyageur qu ne voit les chofes qu’en paffant , ) jai cru recon- noître dans tous un même fond de caractere. L'infenfibilité en fait la bafe. Je laifre à décider fi on la doit honorer du nom d’apathie, ou l’avilir par celui de ftu- pidité. Elle naît fans doute du petit nombre de leurs idées, qui ne s'étend pas au-delà de leurs befoins. Gloutons jufqu’à la voracité, quand ils ontde quoi fe fatisfaire; fobres, quand la néà FA Amayones. 16 gx | dre les y oblige, jufqu'à fe pañler ë de tout, fans paroitre rieñ defirer; pu- _ fillanimes & poltrons à l'excès, fi Pie vrefle ne les tranfporte pas; ennemis du travail ; indifférents à tout motif de gloire, d'honneur ou de reconnoif- fance ; uniquement occupés de l’objet préfent, & toujours déterminés par lui; fans inquiétude pour lavenir ; incapa- bles de prévoyance & de réflexion; fe livrant, quand rien ne les gêne, à une joie puerile, quils manifeftent par des fauts & des éclats de rire im- modérés, fans objet & fans deffein ; ils pañlent leur vie fans penfer , &ils wieilliflent fans fortir de l'enfance, dont ils confervent tous les défauts. . Si ces reproches ne regardoient que iles Indiens de quelques Provinces du Pérou, auxquels il ne manque que le _ nom d’efclaves, on pourroit croire que cette efpece d’abrutiflement naît de la fervile dépendance où ils vivent, D ÿ | 52 1. ié oyage L B Riviere : l'exemple des Grecs modernes prous : vant aflez combien l’efclavage eftpro- pre à dégrader les hommes. Mais les Indiens des miffions & les Sauvages qui jouiflent de leur liberté, étant pour le moins aufli bornés, pour ne pas dire aufli ftupides que les autres, on ne peut voir fans humiliation combien Sas abandonné à la fimple natu- , privé d'éducation & de fociété ‘à difiere peu de la bête: ::1 (NP Langues Toutes les EEE de l'Amérique d'Ameri- de. ti Méridionale dont j'ai eu quelque no. tes pau- tion, font fort pauvres ; plufeurs font vres, énergiques & fufcepribles d'élégance, & finguliérement l’ancienne langue du Pérou ; mais toutes manquent de ter- mes pour exprimer les idées abftraites \ & univerfelles ; PreeNe évidénte du “s peu de progrès qu'ont fait les efprits _de ces peuples. Temps; durée, epace, étre, Jubflance , matiere, corps FE tous ces mots & beaucoup d’autres mont ‘à f des Amazones. ST point val dans leurs langues : ” | M Gilement les noms des êtres méta- phyfiques, mais ceux des êtres moraux, ne peuvent fe rendre chez eux qu’ ime parfaitement & par de longues péri- phrafes. Il n’y a pas de mot propre qui réponde exaétement à ceux de ver- tu, juflice, liberté, reconnoiffance , in- gratitude ; tout cela paroït fort difficile à concilier avec ce que Garcilaffo rap- porte de la police, de l'induftrie , des arts, du gouvernement & du génie des anciens Péruviens. Si l'amour de la pa- trie ne lui a pas fait illufion , il faut convenir que ces peuples ont bien dé- | généré de leurs ancêtres. Quant aux _ autres nations de l'Amérique Auftrale , on ignore qu’elles foient jamais forties _de la barbarie. _ J'ai dreflé un vocabulaire des mots le LE d'ufage de diverfes langues In- diennes. La comparaifon de ces mots avec ceux qui ont la même fignifica- D 1 6 ‘ Mots Hé- Dreux com- muns à plu- fieurs Lan- . gues d'A- imérique. 54. Vi oyage de la Rivicre ne tion en d’autres langues de rites EE des terres, peut non-feulement fervir _à prouver les diverfes tele à LANTA de ces peuples d’une extrémité à l'au- tre de ce vafte Continent; mais cette même comparaifon, quand elle fe pour- ra faire avec diverfes langues hs que, d'Europe & des Indes Orientales, eft peut-être le feul moyen de dite vrir l'origine des Américains. Une con- formité de langue bien avérée décide- roit fans doute la queftion. Le mot Abba, Paba où Papa, & celui: de. Mama, qui, des anciennes langues d’'O- rient , fabéti avoir pañlé, avec de légers changements, dans la plupart de celles d'Europe, font communs à un grand nombre de nations d’Amé- rique, dont le langage .eft d’ailleurs très-différent. Si l'on regarde ces mots, comme les premiers fons que les en fants peuvent articuler, & par confé- no 1 quent comme ceux qui ont dû par tout € des Amazones. 55 pays être adoptés préférablement par. les parents qui les entendoient pronon- cer, pour les faire fervir de fignes aux idées de pere & de mere, il reftera à favoir pourquoi dans toutes les lan- gues d'Amérique, où ces mots fe ren- contrent, leur fignification s’eft con- fervée fans fe croifer; par quel hafard dans la langue Omagua, par exemple, au centre du Continent ou dans quel- qu'autre pareille, où les mots de Papa &c de Mama font en ufage, il n’eft pas arrivé quelquefois que Papa fignifiât mere, & Mama pere , mais qu'on y ob- ferve conftamment le contraire comme dans les langues d'Orient & d'Europe. Il y a beaucoup de vraifemblance qu'il fe trouveroit parmi les naturels d’Améri- que d’autres termes, dont Le rapport bien conftaté avec ceux d’une autre langue : de l’ancien monde , pourroit répandre quelque jour fur une queftion jufqu'ici abandonnée aux pures conjeétures. D iv eu Voyage da wi Rien J'étois attendu à Borja par le R. B. Magnin, du canton de Fribourg, Mie fionnaire Jéfuite, en qui je trouvai tou- tes les attentions & prévenance que | j'aurois pu de d'un compatriote & d'un ami. Je n’eus pas befoinaup de lui, ni depuis auprès des autres N 1 fionnaires de fon Ordre, des recom= mandations de leurs amis “a Quiro, &. moins encore des pañle-ports & des or- dres de la Cour d'Efpagne dont jétois porteur. Outre plufieurs cüriofités d'hi£ toire naturelle, ce Pere me fit préfent Cartedes d’une Carte qu’il avoit faite des Mif- Mifons Ef pagnoles, fions Efpagnoles de Maynas , & d'une defcription des mœurs & coutumes des nations voifines. Pendant mon féjour à Cayenne, j'ai aidé M. Artur, Mé- decin du Roi, & Confeiller au Con-. feil fupérieur de cette Colonie > atraæ. duire cet Ouvrage d’Efpagnol en Fran çois; il eft digne de la ni 4 public. fe A sp nu ‘; Amazone 67 AEDbEervai à Borja la Latitude de Hs | degrés 28 minutes vers le Sud. J'en partis le 14 Juillet avec le mé- ue Pere qui voulut bien m’accompa- _ gner jufqu'à la Zaguna. Nous laiffä- mes , le 15 , du côté du Nord, l’em- | _ bouchure du Morona , qui defcend du _ Molcan de Sangay , dont les cendres Guayaquil. Plus loin, & du même cô- té, nous D trame les trois bouches de la riviere de Paflaca , dont j'ai par- lé plus haut. Elle étoit alors fi fort dé- ‘bordée, qu’on ne pouvoit mettre pied à terre nulle part ; ce qui m’empêcha de mefurer la largeur de la bouche principale que j'eftimai de 400 toifes, & prefqu'aufi large que le Maragnon. : J'obfervai un peu au-delà le même foir P & le lendemain métin , le Soleil à fon coucher & à fon lever, & je trouvai Latitude e Borja. Bouche du Morona. traverfant les Provinces Macas & de Quito , volent quelquefois au de-là de Du Paftaça. comme à Quuo , 8 degrés & demi de Remarque fur la varia- sion de l'ai- guille ai- mantée, La Laguna principale Miflion Ef- pagnole. 58 4 oyage + la Fr 4 111008 déclinaifon du Nord à l'E. De deux Amplitudes ainfi obfervées confécuti- vement le foir & le matin, on peut conclure la déclinaifon de l’Aiguille aimantée, fans connoître celle du So- leil ; il fuffit d’avoir égard au change- ment du Soleil en déclinaifon dans Vin- ‘i tervalle des deux obfervations, sileft. aflez confidérable pour pouvoir être ap- perçu avec la Bouflole. 74 Le 19, nous arrivämes à la RCA | na , où m’attendoient depuis fix femai- nes. Don Pedro Maldonado , Gouver- ". neur de la Province d’£fmeraldas , à qui je dois le témoignage public qu'il s’eft diftingué , ainfi que fes deux fre- res & tous les fiens, dans toutes les occafions, entre ceux de qui notre dé- tete noi académique a reçu de bons offices , pendant notre long féjour dans | la Province de Quito. Je l'avois trou- vé difpofé à prendre, comme mo, pour pañler en Europe, la route de la \ des Amazones. 59. riviere des Amazones. Il avoit fuivi le fecond des trois chemins dont j'ai par- lé, en defcendant le Paflaca , & il _ étoit arrivé , après bien des fatigues & des dangers, beaucoup plutôt que | moi à notre rendez-vous de la Zapu- na, quoique nous fuffions partis à- -peu- près dans le même temps, l’un de Qui- +0, l’autre de Cuenca ; il avoit fait en route avec la Bouflole & un Gromon portatif , les obfervations néceflaires pour décrire le cours de Paffaca, à quoi je l'avois exhorté, en lui facili- tant les moyens. « La Zaguna eft un gros village de plus de mille Indiens portant armes, & raflemblés de diverfes nations. C’eft la principale miflion de toutes celles de Maynas. Cette Bourgade eft fituée dans un terrein fec &-élevé, ce qui eft difficile à rencontrer dans ces pays, & fur le bord d’un grand lac, à $ lieues au- Pdellus de l'embouchure du \ 60 F oyage. de la Rire Guallaga , qui a fa fource ‘comme le Fe | Maragnon , dans les montagnes à l'Eft : Guallaga, de Lima. C'eft par le Guallaga , qu'é- Hi toit defcendu dans l'Amagone | Pedro de Urfoa dont nous avons parlé. La mémoire de fon expédition & celle des événements qui furent caufe de fa funefte aventure , fe confervent encore parmi les habitants de Zamas , petit bourg voifin du port où il sembar- qua. La largeur du Guallaga à fa ren- contre avec le Maragnon , pouvoit être alors de 250 toifes, ou quatre! fois auffi large que la Sesne au Pont-Royal Ce n'eft qu'une riviere très -médiocre en comparaifon de la plupart de! celles dont je ferai mention dans la fuite. Obferva- Je fis à la Zaguna plufeurs obfer- F9 vyations de latitude par le Soleil & par les Etoiles , & je la déterminai de $ degrés 14 minutes. Jy prolon- geai mon féjour de 24 heures. pour effayer d'y obferver la D ue Î { Los ts can À + Fes des Amazones. ét; je perdis de vue Jupiter dans les va- À peurs de lhorifon , avant que de voir fortir de l'ombre fon premier Satellite. Nous partimes le 23 de là Laguna, M. Maldonado & moi, dans deux ca- tiots de 42 à 44 pieds de long , & feu- lement de trois de large. Ils étoient formés chacun d’un feul tronc d’arbre. Les rameurs y font placés depuis la proue jufques vers le milieu, le voya- CanotsIn- diens, geur & fon équipage font à la poup- pe , & à l'abri de la pluie fous un toit arrondi, fait d’un tiflu de feuilles de palmiers entrelacées, que les In- . diens préparent avec art. Ce berceau eft interrompu & coupé dans fon mi- lieu , pour donner du jour au canot, & pour y entrer commodément; un _ toit volant de même matiere, qui glifle fur le toit fixe, fert à couvrir, quand où veut , cette ouverture, qui fert tout _ à la fois de porte & de fenêtre. Nous réfolûmes de marcher jour & A 6 \ÿ oyage de la Riviere ce & nuit, pour atteindre s’il étoit off ble, les brigantins ou grands canots que les Miflionnaires Portugais dépê- chent tous les ans au Para, pouraller chercher leurs provifions. Nos Indiens ramoient le jour , deux feulement fai- foient fentinelle pendant la nuit, lun à proue, l’autre à pouppe, pour con- Précau- tions pour lever la nouvelle Carte du fleuve. duire le canot dans le fil du courant. En m’engageant à lever la Carte du cours de l’Amazone , je m’étois ména- gé une reflource contre linaétion que m'eüt permife une navigation tranquik le, que le défaut de variété dans des objets, même nouveaux, eûr pu ren- dre ennuyeufe. Il me falloit être dans une attention continuelle pour obfer- ver la Bouflole, & la montre à la main, les changements de direétion du cours du fleuve; & le temps que nous employions d’un détour à l'autre; pour examiner les différentes largeurs de fon lit, & celles des embouchures des Amaïzones. 63 des rivieres qu'il reçoit, l'angle que celles-ci forment en y entrant, la ren- contre des ifles & leur longueur, & fur-tout pour mefurer la vitefle du cou- rant & celle du canot, tantôt à terre, tantôt fur le canot même, par diver- fes pratiques dont l'explication ‘feroit ici de trop. Tous mes moments étoient remplis : fouvent j'ai fondé & mefuré géométriquement la largeur du fleuve & celle des rivieres qui viennent s’y joindre ; j'ai pris la hauteur méridienne du Soleil prefque tous les jours , & j'ai _obfervé fouvent fon amplitude à fon lever & à fon coucher : dans tous les lieux où j'ai féjourné , j'ai monté auff le Barometre. Je ne ferai plus doréna- navant mention de ces obfervations que _ dans les endroits les plus remarquables, réfervant un plus grand détail pOur nos aflemblées particulieres. _ Le 25, nous laiffâmes du côté du Nord, la riviere du Ziore, qui pour- on Juilles 1743. PRET Juillet 1743. Nation des Yameos. Leur lan- gue. 64, Voyage de la Riviere roit bien être plus grande que le fleus ve du même nom en Afie, mais qui moins heureufément placée, fe perd ici dans .une foule de rivieres beaucoup! plus confidérables. Le même jour, nous arrêtèmes d’aflez bonne heure & du même côté à une nouvelle miflion de Sauvages appellés Yameos, récemment tirés des bois. Leur langage eft d’une difficulté inexprimable , & leur manie- re de prononcer eft encore plus extraop dinaire que leur langue. Ils parlent en retirant leur refpiration, & ne font fon- à ‘ner prefque aucune voyelle. Ils ont des mots que nous ne pourrions écrire , même imparfaitement, fans employer moins de neuf ou dix fyllabes ; & ces mots prononcés par eux , femblentn'en avoir que trois ou quatre. Poerrarra- rorincouroac fignifie en leur langue le 4 -nombre srois : heureufement pour ceux qui ont à faire à eux, leur arithméti-. que ne va pas plus Loi Quelque peu croyable . des Amazones. 6$ croyable que cela paroifle, ce n'eft pas la feule nation Indienne qui foit dans ce cas. La langue PBra/ilienne , parlée par des peuples moins grofliers , eft dans la même difette; & pañlé le nombre ærois, ils font obligés , pour compter , d'emprunter le fecours de la langue Portugaife. Les Yameos font fort adroits à faire de longues Sarbacanes , qui font l'arme de chafle la plus ordinaire des Indiens. Ils y ajuftent de petites fleches de bois de palmier qu'ils garniflent , au-lieu de plume , d’un petit boulet de coton, qui remplit exaétement le vuide du tuyau. Îls les lancent, avec le fouflle, à 30 & 40 pas, & ne manquent pref- que jamais leur coup. Un inftrument fi fimple fupplée avantageufement chez toutes ces nations au défaut des armes à feu. Ils trempent la pointe de ces pe- tites fleches, ainfi que de celles de leurs arcs, dans un poifon fi aétif, que quand Co can ne au Juilles 1743. Leurs Sar< bacanes. Leurs Fle- -ches em- poifonnéess . 66 de oyage de la Riviere les il eft récent , il tue en moins d'une mis 2743. nute l'animal à qui la fleche a tiré du __ fang. Quoique nous euffons des fufils, nous n’avons guere mangé, fur la ti- viere, de gibier tué autrement, & fou- . vent nous avons rencontré la pointe du trait fous la dent : il n’y a à cela au- cun danger ; ce venin n’agit que quand il eft mêlé avec le fang ; alors il n’eft pas moins mortel à l’homme qu'aux autres animaux. Le contrepoifon eftle fel, & plus fürement le fucre. Je par- lerai en fon lieu des expériences que jen ai faites à Cayenne & à Leyde. L'Ucayale Le lendemain 26 , nous rencontrà- peut te mes du côté du Sud, l'embouchure de ce du Ma- Ucayale, l'une des plus grandes ri- Tagnon, . . vieres qui grofliflent le Maragnon. Il y a lieu de douter laquelle des deux eft le tronc principal dont l’autre n’eft. qu'un rameau. À leur rencontre mu- tuelle, l'Ucayale eft plus large que le _ fleuve où il perd fon nom. Les four- s des Amagzones. 67 æes de l'Ucayale font aufh les plus — éloignées & les plus abondantes ; il raflemble les eaux de plufeurs Provin- ces du haut Pérou, & il a déja recu l'Apu - rimae qui le rend une riviere confidérable , par la même latitude où le Maragnon n’eft encore qu'un tor- rent; enfin, l'Ü/cayale en rencontrant le Maragnon, le repoufle & lui fait changer de direétion. D'un autre côté, le Marapnon a fait un long circuit, & eft déja grofi des rivieres de $. au de Paflaca, de Guallaga |; &c. lorfqu'it fe: joint à l'Ucayak. De plus, il eft conftant que le Maragnon eft par-tout d'une profondeur extraordinaire. Il eft vrai que l’Ucayale n’a jamais été fon- dé, & qu’on ignore le nombre & la grandeur des rivieres qu'il recoit. Tout cela me perfuade que la queftion ne pourra être décidée fans appel, tant sw l'Ucæyale ne fera pas mieux con- AS — à l'être , lorfque E if Juillet 1743: . 63 Voyage de la Riviere | Guiller = les Miffions récemment établies fur {es 1743. bords furent abandonnées après le fou- leyement des Çunivos & des Piros : qui maflacrerent leur Miflionnnaire en 169$. nn, Au-deflous de l'Ucayale, la largeur du Maragnon croit fenfiblement, & le nombre de fes ifles augmente. Le 27 au matin, nous abordâmes à la Mit Mifionde fion de Saint-Joachin, compofée de Saint Joa- chin, N Plufieurs nations Indiennes , &t fur-tout tion des O- des Omapuas, nation autrefois puif- maguas. mazone, dans la longueur d’environ 200 lieues au-deflous du Vapo. Ilsne fante , & qui peuploit encore il y a à un fiecle les ifles & les bords de l4- pañlent pas cependant pour originai- res du pays : & il y a quelque appa- | rence qu'ils font venus s'établir fur les bords du Maraonon | en defcendant quelqu'une des rivieres qui ont leur fource dans le nouveau Royaume de Grenade , pour fuir la domination des des Amazones. 69 Bionols ;: VE ils en firent la con- Suites quête. | 1743 Une nation qui porte le même nom d'Omagua, & qui habite vers la four- ce d’une de ces rivieres, l’ufage des vêtements qu'on a trouvé établi chez les feuls Omaguas , parmi les nations qui peuplent les bords de l’Amazone, quelques veftiges de la cérémonie du Baptême , & quelques traditions défi- gurées , confirment la conjeéture de leur tranfmigration. Le P. Samuel Fritz les avoit tous convertis à la Religion Chrétienne, à la fin du dernier fiecle, & l’on comptoit alors dans leur pays 30 villages marqués de leurs noms fur la Carte de ce Pere ; nous n’en avons plus vu que les ruines, ou plutôt la pla- ce. Tous leurs habitants, effrayés par les incurfions de quelques brigands du Para, . qui venoient les faire efclaves chez eux, fe font difperfés dans les bois & dans les Miflons Efpagnoles & Portugaifes. E üï] 1 AMENER 70 Voyage de la Riviere = Le nom d'Omaguas dans la langue Juillet RENE à RE ; 1743. du Pérou, ainfñi que celui de Cambevas on des que leur donnent les Portugais du Pa- US ra dans la langue du PBréfil, fignifie tête plate; en effet , ces peuples ont la bizarre coutume de prefler entre deux planches le front des enfants qui vien- étrange figure, & pour les faire mieux reffembler, difent-ils, à la pleine Lune. La langue des Ormaguas eft aufli douce. & auffi aifée à prononcer & même à apprendre, que celle des Yameos eft rude & difficile : elle n'a aucun rap- port à celle du Pérou ni à celle du Bréfil qu'on parle, l’une au-deflus, & l'autre au- deflous du pays des . guas , le long de la riviere des Ama- zones... nent de naître, pour leur procurer cette Floripon-, Les Omapuas font grand ufage Fe dio, Curu- pa plantes, deux fortes de. plantes , l’une que les Efpagnols. nomment Floripondio , dont la fleur a la figure d’une cloche ten- - | dés Amazones. mx verfée , & qui a été décrite par le P, Feuillée ; Vautre qui, dans la langue Omagua, fe nomme Curupa, & dont j'ai rapporté la graine : l'une & l’autre eft purgative. Ces peuples fe procu- rent par leur moyen une ivrefle qui dure 24 heures, pendant laquelle ils ont des vifions fort étranges ; ils pren- nent aufli la Cwrupa réduite en pou- dre, comme nous prenons le tabac; mais avec plus d'appareil. Ils fe fer- vent d’un tuyau de rofeau terminé en fourche , & de la figure d’un Y : ils in- {erent chaque branche dans une nari- ne ; cette opération fuivie d’une afpi- ration violente , leur fait faire une gri- mac@lfort PL aux yeux d’un Eu- ropéen, qui veut tout rapporter à fes ufages. On peut juger quelle doit être l’a- bondance & la variété des plantes dans un pays que l'humidité & la chaleur ‘contribuent également à rendre ferti- E iv Juilles 1743. Fertilité du pays. 72 Voyage de la Riviere ville le. Celles de la Province de Quio 1743. n'auront pas échappé aux recherches de M. Jos. de Juffieu , notre compa- gnon de voyage ; mais j'ofe dire que la multitude & la diverfité des arbres & des plantes qu’on rencontre fur les bords de la Riviere des Amazones dans l'étendue de fon cours depuis la Cordeliere des Andes , jufqu’à la Mer, & fur les bords de diverfes rivieres qui fe perdent dans celle-ci, donne- roient plufeurs années d'exercice au plus laborieux Botanifte , & occupés | roient plus d’un Deffinateur. Je n'en- tends ici parler que du travail qu'exi- geroit la defcription exaéte de ces plan: tes & leur réduétion en clañles, 0 res & en efpeces. Que fera-ce fi y fait entrer l'examen des vertus qui font attribuées à plufieurs d’entr'elles par les naturels du pays? examen qui eft fans doute la partie la plus intéref: fante d’une pareille étude, Il ne faut des Amazones, 73 pas douter que l'ignorance & le pré- jugé n’ayent beaucoup multiplié &r exa- ma cn ai Juilles 1743. géré ces vertus; mais le Quinquina l'Ypecacuana , le Simaruba , la Salfe pareille , le Guayac, le Cacao, la Wa- nille , &c. feroient-elles les feules plan- tes utiles que l’Amérique renfermeroit dans fon fein, & leur grande utilité connue & avérée n'eft-elle pas propre à encourager à de nouvelles recher- ches ? Tout ce que j'ai pu faire a été de recueillir des graines dans les lieux de mon pañlage, toutes les fois que cela m'a été poflible. Le genre de plantes qui m'a paru en général frapper le plus les yeux des nouveaux venus, par fa fingularité , ce font ces lianes ou forte d’ofiers, dont j'ai déja fait mention , qui tiennent lieu de cordes, & qui font fort ordinaires en Amérique dans tous les pays chauds & couverts de bois. Elles ont cela de commun, qu'elles montent en ferpen- Singulari- tés de quel- ques Lia- nes. | 74 Voyage RU Roc Aéscr sm ereuee Guille ant autour des arbres & des arbufes ÿ 1743. qu’elles rencontrent , & qu'après être parvenues jufqu’à leurs branches, & quelquefois à une très-grande hauteur, elles jettent des filets qui retombent | perpendiculairement , s’enfoncent dans la terre, y reprennent racine , & s’éle- vent de nouveau, montant & defcen- dant alternativement. D’autres filaments portés obliquement par le vent ou par quelque hafard , s’attachent fouvent aux arbres voifins, & forment une con- fufion de cordages pendants & tendus en tout fens, qui offre aux yeux le. même afpeét que les manœuvres d’un vaifleau. Il n’y a prefque aucune de ces lianes à laquelle on n’attribue quel- que propriété particuliere , dont quel- ques-unes font bien confirmées ; telle eft l'Ypecacuana. J'en ai vu en plu- fieurs endroits une efpece qui a une odeur d’ail , fi forte & fi marquée , que cela feul la rend reconnoiffable. Il \a ® - : des Amazones. 75 ‘en a d’auffi groffes , & même de plus uillee grofles que le bras; quelques-unes étouf: ‘1743. * fent l'arbre qu’elles embraffent, & le font réellement mourir à force de l'é- treindre; ce qui leur a fait donner par les Efpagnols le nom de Masapalo , ou sue-bois. Il arrive quelquefois que l’ar- bre feche fur pied, fe pourrit & fe con- fume, & qu'il ne refte que les fpires de la liane qui forment une efpece de colonne torfe , ifolée & à jour , que l'art auroit bien de la peine à imiter. Les gommes , les réfines, les bau- Gommes, mes , tous les futs enfin qui découlent D par incifion de diverfes fortes d’arbres, ainfi que les différentes huiles qu’on en tire, font fans nombre. L’huile qu’on extrait du fruit d’un palmier appellé Unguravé, eft, dit-on, aufli douce, & paroit à quelques-uns aufli bonne au goût que l'huile d'olive. Il y en a com- me celle d’'Ardroba, qui donnent une - fort belle lumiere, fans aucune mau- g Eee Juilles 1743: 7 Voyage de la Riviere # A . j S'eCÉNPÉTER 6 : Ar \ Tu: CH +! Ad Ne” Fr vaife odeur. En plufieurs endroits, les Indiens , au-lieu d'huile, s’éclairent avec le Copal entouré de feuilles de Bananier ; en d’autres, avec certaines graines enfilées dans une baguette poin- tue, qui étant enfoncée en terre, leur Cahout. tient lieu de chandelier. La réfine ap- chou. réf. ne élafti- que, pellée Cahuchu (a) dans les pays de la Province de Quito, voifins de la Mer, eft aufli fort commune fur les bords du Maragnon , & fert aux mêmes ufa- ges. Quand elle eft fraîche, on Im donne avec des moules la forme qu’on veut ; elle eft impénétrable à la pluie; mais ce qui la rend plus remarquable, c'eft fa grande élafticité. On en fait des bouteilles qui ne font pas fragiles, des bottes, des boules creufes qui s’ap- platiflent quand on les prefle, & qui dés qu'elles ne font plus gênées , re- prennent leur premiere figure. Les Pors (z) Prononcez Cahout-chou. des Amuzones 77 tugais du Para ont appris des Oma- guas à faire avec la même matiere des pompes ou feringues qui n’ont pas be- foin de pifton : elles ont la forme de poires creufes, percées d'un petit trou à leur extrémité où ils adaptent une canule. On les remplit d’eau, & en les preffant , lorfqu’elles font pleines, elles font l'effet d’une feringue ordi- _ naire. Ce meuble eft fort en ufage chez les Omaguas. Quand ils s’affem- blent entr'eux pour quelque fête, le net Juillet 1743 Cotrtume fingulicre des Oma- maître de la maïfon ne manque pas 8% d'en préfenter une par politefle à cha- cun des conviés, & fon ufage préce- de toujours parmi eux les repas de cé- rémonie. Nous changeâmes de canots & d’e- quipages à Saint Joachin, d'où nous partimes le 29 Juillet, compaflant no- tre marche dans le deflein d'arriver à l'embouchure du Vapo, à temps pour y obferver la nuit du 31 au 1°. Août, 2e PSE ETS Juillet 2743 Obferva- tions de La- titude & de Lonpitude à l’embou- chure du Napo. "8 Voyage de la Riviere une émnerfion du premier Satellite de Jupiter. Ye n’avois depuis mon départ aucun point déterminé en longitude , pour corriger mes diftances eftimées d'Eft à Oueft : d’ailleurs , les voyages d'Orellana , de Texeira & du P. d'4- cugna, qui ont rendu le Napo célebre, & la prétention des Portugais fur le domaine des bords du fleuve des Ama- zones jufqu'au Vapo, rendoit ce point important à fixer. Je fis mon obferva- tion fort heureufement, malgré divers obftacles , & je recueillis par-là letpre- mier fruit de mes peines que m’avoit coûté le tranfport d'une lunette de 18 pieds, dans des bois & des monta- gnes, pendant une route de plus de 150 lieues. Mon Compagnon de voya- ge, rempli du même zele, me fut en cette occafion & dans. plufieurs autres. où il m’aida , d’un grand fecours , par fon intelligence & fon: a@tivité. J'ob- {ervai d’abord la hauteur méridienne des Amazones. 79 du Soleil, dans une ifle vis-à-vis de la grande embouchure du Vapo. Je trou- vai 3 degrés 24 minutes de latitude auftrale. Je jugeai la largeur totale du Maragnon de 900 toifes au-deflous de lifle, n'ayant pu en mefurer qu’un bras géométriquement. Le ÂVapo me parut avoir 600 toifes de large au-deffus des ifles qui PArABpnt fes bouches. Enfin, _ j'obfervai le même foir l'érerfon de premier Satellite, & je pris auffi-tôt après la hauteur de deux Etoiles, pour en conclure l'heure. Les intervalles des _©bfervations furent mefurés avec une bonne montre ; de cette maniere je pus me difpenfer de monter. & de régler une pendule; ce qui n'eût guere été | poflible , & qui eût demandé du tem PS Je trouve par le calcul la différence des Méridiens entre Paris & l’embou- - chure du Vapo, de quatre heures trois quarts. Cette détermination {era plus exacte quand ( on aura l’heure de l’ob- ARE PES SENTE Juillet 1743 80 Voyage de la Riviere fervation aétuelle, en quelque lieu dont la poftion en longitude foit connue, ! & où cette énene on ait été vifble. Aufli-tôt après mon obfervation de longitude, nous nous remimes en che- min : & le lendemain matin, premier Août, nous primes terre, dix à douze lieues au-deffous de l'embouchure du Napo, à Pévas, aujourd’hui la der- niere des Miffions Efpagnoles fur les bords du Maragnon. Le P. Fruz les avoit étendues à plus de. 2co lieues au- delà ; mais les Portugais, en 1710, fe font mis en pofleflion de la plus gran- de partie de ces terres. Les nations Sauvages voifines des bords du Vapo, n'ont jamais été entiérement fubjuguées par les Efpagnols. Quelques-unes d’en- tr'elles ont maflacré en différents temps, les Gouverneurs & les Miffionnaires qui avoient tenté de les réduire. Il y a quin- ze ou vingt ans que les PP. Jéfuires de Quito ont renouvellé d’anciens établif- s fements , 7, ments, & formé fur les bords de cette riviere de nouvelles Miflions aujour-. d'hui trés-floriflantes. … Le nom de Pévas que porte la Bour- gade où nous abordimes, eft celui d’une nation Indienne qui fait partie des Amayones. SL PAATT URSS LR RARE | ot 1743 Pévas, Na- . tion & Vil— Jage. de fes habitants ; mais on y a raflemblé des Indiens de diverfes nations, dont chacune parle une langue différente ; ce qui eft ordinaire par toute l’Amé- rique. Il arrive quelquefois qu’une lan- gue neft entendue que de deux ou trois familles , refte miférable d’un peu- _ ple détruit & dévoré par un autre : car . quoiqu'il n'y ait pas aujourd’hui d’An- tropophages le long des bords du Ma- ragnon, il y a encore dans les terres, particuliérement du côté du Nord, & en remontant l'Ywpura, des nt qui mangent leurs prifonniers. La plupart des nouveaux habitants de Pévas ne font pas encore Chrétiens; ce font des Sauvages nouvellement tirés de leur F Añtropo- phages. \ sd 4 1% ER FES n°7 V0, LOT SUMRIENNNS = # f 17, AAC UE . 4 dr. d , TD ne 2. ee” ù % * E, É : * À Le | We UE S2 V oyage ae la Riviere —_——— Port. Il n’eft jufqu'ici queftion que d'en £ LA faire des hommes ; ce qui: neft Has" petit ouvrage. Je ne dois m’étendre a Foccañion préfente fur les mœurs & fur les Eou- tumes de ces nations & d’un fi grand nombre d’autres que j'ai rencontrées, qu'autant qu'elles peuvent avoir quel- que rapport à la Phyfique ou à l'Hif- toire Naturelle; ainfi je ne ferai point . de defcription de leurs danfes, ‘de leurs inftruments, de leurs feftins, de leurs armes , de leurs uftenfiles de chafle & Ufages de pêche , de leurs ornements bizarres Aa d'os d'animaux & de poiflons paflés dans leurs narines & dans leurs levres, de leurs joues criblées de trous, qui fervent d’étui à des plumes d'oifeaux de toutes couleurs : mais les Anato- miftes trouveront peut-être quelques ré- Oreilles flexions à faire fur l’extenfion monf- fes, ME iueufe du lobe de l'extrémité inférieu- re de l'oreille de quelques-uns de ces g 1 89) ; M ' FAR \ "4 VE des Amazones. 83 \ peuples ; fans que pour cela fon épaif- {eur en foit diminuée fenfiblement. Nous avons été furpris de voir de ces bouts d'oreilles longs de quatre à cinq pou- ces, percés d’un trou de dix-fept à dix- _ huit lignes de diametre, &c on nous a afluré que nous n’avions rien vu de fingulier en ce genre. Ils inferent d’a- bord dans le trou un petit cylindre de bois , auquel ils en fubftituent un plus gros, à mefure que l'ouverture s’ag- grandit, jufqu'à ce que le bout de l’o-. reille leur pende fur les épaules. Leur grande parure eft de remplir ce trou d'un gros bouquet, ou d’une touffe d’her- bes & de fleurs qui leur fert de pendant d'oreille. | On compte fix à fept journées de marche , que nous fimes en trois jours &c trois nuits, de Pévas, derniere -Mifion Efpagnole , à Sr. Paul, la pre- miere des Mifñons Dobauiten def- fervie par des Religieux de l'Ordre du LR Août 1743: Si:Paul ; premiere Miffion des Portug:is. 188 FES 84 | Voyage de la bite) SN ie Mont-Carmel. Dans cet intervalle, Fu 8 ne rencontre aucune habitation fur les bords du fleuve. C’eft-là que commen- cent les grandes ifles anciennement ha- bitées par les Omaguas. Le lit de la riviere s'y élargit fi confidérablement br Largeur QU'UNR feul de fes bras a quelquefois 8 du fleuve. à 900 toifes. Comme cette grande éten- due donne beaucoup de prife au vent, il y excite de vraies tempêtes , qui ont fouvent fubmergé des canots. Nous ef Tempêtes. fuyâmes deux orages dans notre trajet de Pévas à Sr. Paul ; maïs la grande Fr fente des Indiens fait quil eft” rare qu'on fe trouve furpris au milieu du fleuve, & il n’y a de danger pref- fant que lorfqu’on n’a pas le temps de chercher un abri à l'embouchure de quelque petite riviere ou ruifleau qui fe rencontrent fréquemment. Dès que: le vent cefle, le courant du fleuve qui -brife les vagues, lui a bientôt rendu fa premiere tranquillité, F0 des Amazonese 8 : Un des plus grands périls de cette bavigation eft la rencontre de quel- que tronc d'atbre déraciné, engravé dans le fable ou le limon, & caché - fous l’eau, qui mettroit le canot en dan- _ger de tourner ou de s'ouvrir, comme il nous arriva une fois en, approchant de terre pour couper un bois dont on vantoit les vertus pour l’'Hydropifie. Pour éviter cet inconvénient, on s’é- loigne des bords : quant aux arbres entraînés par le courant, comme ils flottent, on les voit de loin, & il eft aifé de s'en garantir. Je ne parle pas d’un autre accident . beaucoup plus rare, mais toujours fu- nefte, dont on court encore le rifque en côtoyant de trop près les bords du fleuve. C’eft la chûte fubite de quel- qu'arbre, ou par caducité, ou parce que le terrein qui le foutenoit, a été infenfiblement miné par les eaux. Plu- fieurs canots en ont été brifés & en- F ii; oût 1743: Danger de cette navi- gation, Indiens guerriers, 86 F7 oyage de de Mificre gloutis avec tous les rameurs. Sans quelque événement de cette efpece “A 1e feroit inoui qu'un Indien fe fût noyé. Il n’y a aujourd’hui aucune nation guerriere ennemie des Européens fur les bords du Maragnon ; toutes {e font foumifes ou retirées au loin. Cependant il y a encore des endroits où 1l feroit dangereux de coucher à terre. Il y a quelques années que le fils d'un Gou- verneur Efpagnol, dont nous avons con. nu le pere à Quito , ayant entrepris de defcendre la riviere, fut furpris dans le bois, & maflacré par des Sauvages du dedans des terres, qu’un malheureux hafard lui fit rencontrer près des bords du fleuve , où ils ne viennent qu'à la dérobée. Le fait nous a été conté par fon camarade de voyage, échappé au même danger, & aujourd’hui établi dans les Miflions Portugaifes. Parallele des Mif- fions Por- tugailes & Efpagnoles. Le Mifionnaire de Sr. Paul, préve- nu de notre arrivée, nous tenir’ La di - des Amazones. 87 un grand canot, pirogue ou brigan- tin équipé de quatorze rameurs avec un Patron. Il nous donna de plus un guide Portugais dans un autre canot, & nous reçûmes de lui & des autres Religieux de fon Ordre chez qui nous avons féjourné, un traitement qui nous fit oublier que nous étions au centre de l'Amérique, éloignés de 500 lieues de terres habitées par des Européens. A Sr. Paul, nous commençâmes à voir au-lieu de maïfons & d'Eglifes, des ra- feaux , des chapelles & des presbyte- res de maçonnerie, de terre & de bri- que, @ des murailles blanchies pro- prement. Nous fümes encore agréable- ment furpris, de voir au milieu de ces déferts , des chemifes de toile de Pre- taone à toutes les femmes Indiennes, des coffres avec des ferrures, & des clefs de fer dans leurs ménages ; & d’y trou- ver des aiguilles , de petits miroirs, des coûteaux , des cifeaux , des peignes, - F iv Canots { 88 r oyage A Rilére & divers autres petits meubles d'Eu= ._ rope, que les Indiens fe procurent tous les ans au Para dans les voyages qu'ils y font pour y porter le Cacao qu'ils re- cueillent fans culture fur les bords du fleuve. Le commerce avec le Para donne à ces Indiens & à leurs Mifion naires, un air d’aifance qui diftingue. au premier coup d'œil les Miffions Por- tugaifes, des Miflions Caftillanes du haut du Maraonon, dans lefquelles tout fe reffent de limpoflibilité où font les Mifionnaires de la Couronne d’Efpa= gne, de fe fournir d'aucune descom- modités de la vie, n’ayant aucun com- merce avec les Portugais leurs voifins, en defcendant le fleuve; & tirant tour de Quito, où à peine envoyent-ilsune fois l’année, & dont ils font plus féparés par la Cordeliere | qu'ils nerle feroient par une mer de mille lieues. Les canots dont fe fervent les Por- Portugais. tugais, & dont nous nous fervimestde- dés À mazones. 89 puis Sant- Paul, font beaucoup plus grands & plus commodes que les ca- nots Indiens avec lefquels nous avions navigué dans les Miffions Efpagnoles. Le tronc d’arbre qui fait tout le corps des canots Indiens, ne fait chez les Portugais que la carene. Ils le fendent premiérement , & l'évuident avec le fer ; ils l’ouvrent enfuite , par le moyen du feu, pour augmenter fa largeur : mais comme le creux diminue d'autant, ils lui donnent plus de hauteur par des bordages qu'ils y ajoutent , & qu'ils lient par des courbes au corps du bâ- timent. Le gouvernail eft placé dans ces canots , de maniere que fon jeu nembarrafle nullement la cabane ou petite chambre qui eft ménagée à la pouppe. Quelques-uns de ces brigan- tins ont foixante pieds de long fur fept de large, & trois & demi de creux; il y en à de plus grands encore & de quarante rameurs. La plupart ont deux x te Août . A743 90 à j' oyage de la Bi mâts , & vont à la voile : ; ce qui 4 d’une grande commodité pour rémon- ter le fleuve à la faveur du vent d'Ef, qui y regne depuis le mois d'Oobre jufques vers le mois de Mai. Ily a quatre ou cinq ans qu'un de ces bri- gantins de médiocre grandeur, ponté & agréé par un Capitaine Marchand François, qui s’y embarqua avec trois Mariniers François , prit le large en haute mer, au grand étonnement des habitants du Para, & fit en fix J08 du Para à st : y un trajet qu'on verra que je n'ai fait € cu en deux mois, dans un bâtiment du même port; obli- gé que j'étois de me laifler conduire Miflions : des Carmes Portugais. terre à terre, à la mode du pays; ce qui d’ailleurs me convenoit mieux pour lever ma Carte. | Nous nous rendimes en driq jours & cinq nuits de navigation de Saint- Paul à Coari, non compris environ deux jours de féjour dans les Miffions des Amazones. sc 91. intermédiaires de Yviratuha, Traqua- tuha, Paraguari & Tefé. Coart eft la derniere des fix peuplades des Miffion- naires Carmes Portugais; les cinq pre- mieres font formées des débris de l’an- cienne Miffion du Pere Samuel Fritz, & compofées d’un grand nombre de di- verfes nations, la plupart tranfplantées. Toutes les fix font fituées fur la rive auftrale du fleuve , où les terres font. \ plus hautes , & à l'abri des inondations. Entre Sr. Paul & Coari, nous rencon- trimes plufeurs grandes & belles ri- vieres, qui viennent fe perdre dans celle des Amazones. Du côté du Sud, les principales font Vuray, plus rank que celle d'Yuruca, qui la fuit, & dont je mefurai l'embouchure de 362 toifes, celle de Zefé que le P. d’Acugna nom- me Zapi, & celle de .Coar, qui ne pañloit , il y a quelques années, que pour un lac; toutes courent du Sud au Nord, & defcendent des monta- Rivieres; Yutay, Vu. - ruca, Tefé, Coari, du côté du Sud, | 02 F oyage de " Puan no. ones à l'ÉR de Lime ï & au Nord d = 1743. Cufco. Toutes font navigables plufieurs | mois en remontant depuis leurs embou- chures ; & divers Indiens ont rapporté : qu'ils avoient vu fur les bords de celle . de Court, dans le haut des terres, un pays découvert, des mouches & quan- tité de bêtes à cornes ( dont ils rap- _ : porterent les dépouilles ; ) objets nou- veaux pour eux, & qui prouvent que les fources de ces rivieres arrofent des pays fort différents du leur, & fans doute voifins des .Colonies Efpagnoles du haut Pérou, où l’on fait que les Putumayo; beftiaux fe font fort multipliés. L’Æ47a- Cha gone reçoit auf du côté du Nord, dans ne du cet intervalle , deux grandes & céle- °.. bresrivieres, la premiere eft celle d’Y- ça, qui defcend comme le Mapo des environs de Pa/flo au Nord de Quuo, dans les Miffions Francifcaines de Su= curñbios, où elle fe nomme Purumayo; la feconde eft l'Yupura, qui a fes four- _ e des Amazones. 03 a ces un peu plus vers le Nord que le Purumayo, & qui, dans fa partie fupé- rieure , fe nomme Caguera, nom totale- e LJ . ment inconnu à fes embouchures dans l'Amazone. Je dis fes embouchures, car il y en a effettivement fept ou huit formées par autant de bras qui fe dé- tachent fucceflivement du canal prin- cipal,-& fi loin les uns des autres, quil y a plus de cent lieues de dif- tance de la premiere bouche à la der- niere. Les Indiens leur donnent divers noms, ce qui les a fait prendre pour différentes rivieres. Ils appellent Fzpu- ra, un des plus confidérables de ces bras; & en me conformant à l’ufage des Portugais qui ont étendu ce nom en remontant , j'appelle Fzpura, non- feulement le bras ainfñ nommé ancien- nement par les Indiens, mais aufli le tronc d’où fe détachent ce bras & les fuivants. Tout le pays qu'ils arrofent eft fi bas , que dans le temps des crues % 94 V oyage FE Riviere eme Août 1743. de ÉAmaqenes il eft totalement inon- dé, & qu’on pafle en canot d’un bras à l’autre, & à des lacs dans l’intérieur dès terres. Les bords de l’Yzpura font habités en quelques. endroits par ces na- Village de l’Or. tions féroces dont J'ai parlé, qui fe dé- truifent mutuellement, & dont plufieurs mangent encore leurs pion Cet- te riviere, non plus que les différents bras qui entrent plus bas dans l4- mazone , ne font guere fréquer:és d’au- tres Européens , que de quelques Por- tugais du Para, qui y vont en frau- de acheter des Efclaves. Nous revien- drons à l'F. upura, en parlant de Kio Negro. C’eft dans ces quartiers qu’étoit fitué un village Indien, où Zexerra en re- montant le fleuve, en 1637, reçut en troc des anciens habitants quelques bi- joux d’un or qui fut eflayé à Quito, & jugé de 23 carats. Il donna à ce lieu le nom de Village de l'Or. À fon _ des Amazone. 4 95 retour > il y planta une borne ; & en prit pofieflion pour la Cable de Portugal, le 126 Août 1639, par un aéte qui fe conferve dans les Archives du Para, où je l'ai vu. Cet aéte figné de tous les Officiers de fon détache- ment, porte que ce fut /ur une terre Août 1743. Borne plantée par Texeira. haute vis-à-vis des Bouches de la Ri- viere d'Or. Le P. d’Acugna aflure que par di- vers chemins qu’il indique , on remon- te de l'Fupura dans l'Fquiary, qu'il nomme la riviere d'Or. Il ajoute que les habitants de l’Yqurary faifoient com- _ merce de ce métal avec les Manaos(a), leurs voifins, & ceux-ci avec les In- diens des bords de l’Amazone , defquels il acheta lui-même une paire de pen- (cz) Le P. Fritz écrit Manaves. La tradu@tion Fran- çoife de la Relation du P. d’Acugna défigure ce mot, ainfi que beaucoup d’autres, en écrivant Mavagus. Les Portugais l’écrivent aujourd'hui Manaos & Ma maus , indifiéremment, & prongncent Manaous, 1 Li fquiari ; Riviere d'Or. 96 Voyage de la Riviere —., , dants doreilles d'or. Le P. Sr : rap ; 1743. POrte dans fon Journal , qu'en 1687, c'eft-à-dire cinquante ans après. le P. d’Acugna , il avoit vu arriver huit à dix canots de Manaos , qui de leurs : habitations fur les rivages de l'Furu- bech , étoient venus à la faveur de linondation , pour commercer chez les Yurimaguas {es Catéchumenes , fur la : rive feptentrionale de l’Amazone. Il dit encore qu'ils avoient coutume d’appor- ter entre autres chofes de petites lames d’or battu, que ces mêmes Manaos re: cevoient en échange des Indiens de lYquar. Tous ces lieux & ces rivie- res font placés fur la Carte de ce Pere. Tant de rémoignages conformes, & chacun d’eux refpeétable, ne permet- .La mé- tent pas de douter de la vérité de ces re faits ; cependant le fleuve, le lac , la les lieux. mine d’or, la borne, 8: même le Vil- lase de POr, attefté” par la dépofition de tant de témoins, tout a difparu ï | comme des Amazones, 07 Comme un palais enchanté, & fur les lieux on en a perdu jufqu'à la mé- moire, | Dès le temps du P. Fr7 , les Portu- Sais oubliant le titre fur lequel ils fon- dent leur prétention, foutenoient déja que la borne plantée par Zexeira étoit fituée plus haut que la Province & O- maguas ; & dans le même temps, le P. Friz, Miffionnaire de la Couronne d'Efpagne, donnant dans une autre ex- trémité , prétendoit qu’elle n'avoit été pofée qu'aux environs de la riviere de Cuchivara, plus de 200 lieues plus bas. Il eft arrivé ici ce qui arrive prefque toujours dans les difputes, chacun a exagéré fes prétentions. Quant à la borne plantée dans le village de l’Or, fi on examine bien le canton où eft fituée la quatrieme Miffion Portugaife, en defcendant , appellée Paraguart, fur le bord itibral de l’Amazone | quel- ques lieues au-deffus de l'embouchure à msi Août 1743- Situation de la borne. 98 Voyage de la Riviere J de Tefë, (où j'ai obfervé 3. degrés 20 | minutes de latitude auftrale) on trou- vera qu'il réunit tous les carateres qui défignent la fituation de ce fameux vil- lage , dans l’aéte de Texeira, daté de Guayaris, & dans la Relation du P. d’'Acugna, L'F. upurà , dont l’'emboùchure ete le eft vis-à-vis de Parapuart, fera par conféquent Rio de Ouro, dont les bouches mentionnées dans le même aéte étoient vis-à-vis du village. IL refte à favoir ce que {ont devenus l'Fa- , rubech & VYquiart, auquel le P. d’4- cugna donne le nom de Riviere d'Or, & où il dit qu'on remonte par l'Fw- pura ; c'eft ce que j'ai eu un peu plus de peine à découvrir : je crois cepen- dant avoir éclairci ce point, & peut- être trouvé le fondement de la fable du Lac Parime & du Dorado ; mais l’ordre & la clarté demandent que cet- te difcuffion foit remife à l’article de la riviere Voire. | ” des Amaïones. | 99 ‘rDans le cours de notre navigation, nous avions queftionné par-tout les In- diens de diverfes nations , & nous nous “érions informé d'eux, avec orand foin, s'ils avoient quelque ERA ER de ces femmes belliqueufes qu *Orellana prétendoit avoir rencontrées & com- battues , & s'il étoit vrai qu’elles vi- voient éloignées du commerce des hommes, ne les recevant parmi elles qu'une fois l’année, comme le rap- porte Le P. d’Acugna dans fa Relation, où cet article mérite d’être lu par fa fingularité. Tous nous dirent qu'ils l’a- voient oui raconter ainfi à leurs peres, ajoutant mille particularités , trop lon- gues à répéter, qui toutes tendent: à confirmer qu'il y a eu dans ce conti- nent une république de femmes qui vivoient feules fans avoir d'hommes parmi elles, & qu’elles fe font retirées du côté du Nord dans l’intérieur des terres , Fe la riviere /Vorre, ou par | G ïj Amazo-. nes d'Arné- rique. Témoi- gnages en faveur de leur réalité. 100 Voyage de la Riviere ‘met celles qui defcendent du mé- : me côté dans le Marapnon. Un Indien de S, Joachin d’ Opus, nous avoit dit que nous trouverions peut-être encore à Coari un vieillard, dont le Pere sxoie vu les Pin Nous apprimes à Coari que l’Indien qui nous avoit été indiqué, étoit mort; mais nous parlàmes à fon fils, qui pa- roifloit âgé de 70 ans, & qui com- mandoit les autres Indiens du même viage. Celui-ci nous aflura Que fon grand-pere avoit, en effet , vu pafler ces femmes à l’entrée de la riviere de Cuchiuara, qu'elles venoient de celle de Cayamé, qui débouche dans l’4- mazone du côté du. Sud entre Zefé & Coari ; qu'il avoit parlé à quatre d’en- tr'elles, dont une avoit un enfant à la mammelle : il nous dit le nom de chacune d'elles ; il ajouta qu'en par- tant de Cuchiuara, elles traverferent le Grand Fleuve, & prirent le chemin ed { des Amazones. 101 de la riviere ÂMoire. J'omets certains détails peu vraifemblables , mais qui ne font rien au fond de la chofe. Plus bas que Coari, les Indiens nous dirent par-tout les mêmes chofes avec quelques variétés dans les circonftan- ces; mais tous furent d'accord fur le point principal. En particulier, ceux de Topayos, dont il fera fait mention en fon lieu plus expreflément , ainfi que de cer- taines pierres vertes connues fous le nom de péerres des Amazones , difent qu'ils en ont hérité de leurs peres, & que ceux-ci les ont eues des Cougnan- sainfecouima , c’eft-à-dire en leur lan- gue, des femmes fans mari, chez lef- quelles, ajoutent-ils, on en trouve une grande quantité. Un Indien , habitant de M Miflion voifine du Para, m’offrit de me faire voir une riviere, par où on pouvoit remonter felon lui jufqu’à peu G ii _® LI | Éoa Voyage de la Riviere de diftance du pays attuellement, di- foit-il, habité par les Amazones. Cette riviere fe nomme /riJ0, & j'ai pañlé depuis à fon embouchure, entre Ma- capa & le cap de Nord. Selon le rap- port du même Indien, à l’endroit où cette riviere cefle d’être navigable à caufe des fauts, il falloit, pour péné- trer dans le pays des Amazones , mar- cher plufieurs jours dans les bois du côté de l’'Oueft, & traverfer un pas de montagnes. Un vieux Soldat de la garnifon de Cayenne | aujourd’hui habitant proche des fauts de la riviere d'Oyapoc, m'a _afluré que dans un détachement dont il étoit , qui fut envoyé dans les terres, pour reconnoïître le pays en 1726, ils avoient pénétré chez les Amicouanes, nation à longues oreilles, qui habite au-delà des fources de l'Oyapoc, & près de celles d’une autre riviere qui fe rend dans l'Amazone, & que là il des Amazones. 103 _ avoit vu au col de leurs femmes & de leurs filles, de ces mêmes pierres vertes dont je viens de parler; & qu'ayant demandé à ces Indiens d’où ils les ti- roient, ceux-ci lui répondirent qu’elles venoient de chez les femmes qui n’a- voient point de mari, dont les terres étoient à fept ou huit journées plus loin du côté de l'Occident. Cette nation des Amicouanes habite loin de la mer dans un pays élevé, où les rivieres ne font pas encore navigables; ainfi, ils mavoient vraifemblablement pas recu cette tradition des Indiens de l’Ama- gone, avec lefquels ils n’avoient pas de commerce : ils ne connoïifloient que les nations contigués à leurs terres, parmi lefquels les François du détache- ment de Cayenne avoient pris des gui- des & des interpretes. Il faut d’abord remarquer que tous. les témoignages que je viens de rap- porter, d’autres que jai allé {ous f- | | Gi iv 104 Voyage de la Riviere , lence , ainfi que ceux dont il eff fait _ mention dans les informations faites en 1726, & depuis par deux Gouverneurs Efpagnols (a) de la Province de Fe- nezuela, s'accordent en gros fur le fait des Amazones ; mais ce qui ne mérite pas moins d’attention , c’eft que tan- dis que ces diverfes relations défignent le lieu de la retraite des Amazones Amé- ricaines, les unes vers l'Orient , les au- res au Nord, & d’autres vers l’'Occi- dent ; toutes ces direétions différentes concourent à placer le centre commun où elles aboutiflent dans les montagnes au centre de la Guiane , & dans un canton où les Portugais du Para, mi les François de Cayenne n’ont pas en- lyapeu core pénétré. Malgré tout cela, j'avoue Le Paelles que j'aurois bien de la peine à croire fubfiftent aujourd’hui, (a) Dom Diego Portales, qu'on fait qui vivoit encore à Madrid il y a quelques années, & Dom Francifco Torralva fon fuccefleur, des Amazones. 10$ que nos Amazones y fuflent aétuelle- ment établies, fans qu’on eût de leurs nouvelles y pofitives, de proche en proche , par les Indiens voifins des _ Colonies Européennes des côtes de la Guiane ; mais cette nation ambulante pourroit bien avoir encore changé de demeure; & ce qui me paroïit plus vraifemblable que tout le refte, c’eft qu’elles ayent perdu avec le temps leurs anciens ufages, foit qu’elles ayent été fubjuguées par une autre nation, foit qu'ennuyées de leur folitude, les filles ayent à la fin oublié l’averfion de leurs meres pour les hommes. Ainf, quand on ne trouveroit plus aujourd’hui de veftiges aétuels de cette République de femmes , ce ne feroit pas encore affez pour pouvoir affirmer qu’elle as jamais exifté. D'ailleurs, il fufñt pour la vérité de fait, qu'il y ait eu en Amérique un peuple de femmes , qui n’euflent pas 106 Voyage de la Riviere d'hommes vivants en fociéré avec el- les. Leurs autres coutumes, & par- LA ticuliérement celle de fe couper une : mammelle, que le Pere d’Acugna leur attribue fur la foi des Indiens, font des circonftances accefloires & indé- pendantes , & ont vraifemblablement été altérées, & peut-être ajoutées par les Européens, préoccupés des ufages qu'on .attribue aux anciennes Amazo- nes d’Afie ; & l'amour du merveilleux les aura fait depuis adopter aux In- diens dans leurs récits. En effet , äl n'eft pas dit que le Cacique qui aver- tit Orellana de fe garder des Amazo- | nes , quil nommoit en fa langue Co- mapuyaras, ait fait mention de la mam- melle coupée; & notre Indien de Coarz dans l’hiftoire de fon ayeul qui vit qua- tre Amazones, dont une allaitoit ac- tuellement un enfant, ne parle point non plus de cette particularité fi pro- pre à fe faire remarquer. des Amazones. 107 Je reviens au fait principal. Si pour le nier on alléguoit le défaut de vrai- femblance , & l’efpece d'impofhbilité morale qu'il y a qu'une pareille répu- blique de femmes pût s'établir & fub- fifter, je n'infifterois pas fur l'exemple des anciennes Amazones Afiatiques , ni des Amazones modernes d’Afrique (a), puifque ce que nous en lifons dans les Hiftoriens anciens & modernes eft au moins mêlé de beaucoup de fables, & fujet à conteftation. Je me contenterois de faire remarquer que fi jamais il y a _ pu avoir des Amazones dans le mon- de, c’eft en Amérique, où la vie er- rante des femmes qui fuivent fouvent leurs maris à la guerre, & qui n’en font pas plus heureufes dans leur do- meftique , a dû leur faire naître l’idée, (a) Voyez la Defcription de l'Ethiopie Orientale, par le P. Juan dos Santos, Dominicain Portugais, & le P. Labar. Malheu- reufe con- dition des Femmes Indiennes. 108 4 oyage de la Riviere &c leur fournir des occafons fréquen- tes de fe dérober au joug de leurs ty- rans, en cherchant à fe faire un éta- bliffement, où elles puflent vivre dans. l'indépendance , & du moins n'être pas réduites à la condition d’efclaves & de bêtes de fomme. Une pareille réfolu- tion prife & exécutée n’auroit rien de plus extraordinaire ni de plus difficile, que ce qui arrive tous les jours dans toutes les Colonies Européennes d’4- mérique | Où il n’eft que trop ordinaire que des efclaves maltraités ou mécon- tents, fuyent par troupes dans les bois, . & quelquefois feuls, quand ils netrou- “vent pas à qui s’aflocier, & quils y {! y a tou- te apparen- ce qu'ilya eu des A- mazones en Amérique, pañlent ainfi plufeurs années, & quel- quefois toute leur vie dans la folitude. Je fais que tous ou la plupart des Indiens de l'Amérique Méridionale font menteurs, crédules, entêtés du mer- veilleux ; mais aucun de ces peuples n'a jamais entendu parler des A#a- L. on à =. ue, €” oi ee et en DE CE, " : , os ll bé dE mt Le te ax be D DEé des Amagzones 109 zones de Diodore de Sicile , & de Juf- ain. Cependant il étoit déja queftion d'Amazones parmi les Indiens du cen- tre de l'Amérique , avant que les Ef- pagnols y euflent pénétré, & il en a été mention depuis chez des Peuples qui n'avoient jamais vu d'Européens. | C'eft ce que prouve l’avis donné par le Cacique à Orellana & à fes gens, ainfi que les traditions rapportées par le P, d’Acugna & par le P. Baraze(a). Croira-t-on que des Sauvages de con- trées éloignées fe foient accordés à ima- giner, fans aucun fondement , le même fait, & que cette prétendue fable ait ‘ été adoptée fi uniformément & fi uni- verfellement à Maynas , au Para, à Cayenne , à Venezuela, parmi tant de nations qui ne s'entendent point, & ‘qui n’ont aucune communication ? Au refte, je n'ai pas fait ici l'énu- (2) Lettres édifiantes & curieufes, Tome A Août 1445. { - 110 Voyage de la Rhière mération (a) de tous les Auteurs & Voyageurs de toutes les nations de l’Europe, qui depuis plus de deux fie- cles ont affirmé l’exiftence des Amazo- nes Américaines , & dont quelques-uns prétendent les avoir vues. Je me fuis contenté de rapporter les nouveaux té- moignages que nous avons eu OCCa- fion , M. Maldonado & moi, de re- cueillir dans notre route. On peut voir cette queftion traitée dans l'apologie du premier tome du Théâtre Critique du célebre P. Feijoo, Bénédiétin E£ pagnol ,-faire par fon favant Difciple le P. Sarmiento , de la même Congré- gation. Le 20 Août , nous partimes de Coart avec un nouveau canot & de nouveaux Indiens. La langue du Pérou, qui étoit @ Anërie Vefpuce , Hulderic Shmidel , Orélle na', Betrio, Walter Raleigh, les PP. Me À d’Artieda, Barazi, &c. | NF: 1 des Amazones. Le: familliere à M. Maldonado & à nos do- meftiques , & dont j’avois aufh quelque teinture, nous avoit fervi à nous en- tendre avec les Naturels du pays, dans toutes les Mifions Efpagnoles, où l’on a tâché. d’en faire une langue générale. À Sr. Paul & à Tefé, nous avions eu des interpretes Portugais qui parloient la langue du Préfil, pareillement intro- duite dans toutes les Miffions Portu- tugaifes ; mais n’en ayant point trouvé à Coari, où nous ne pümes arriver, malgré notre diligence, qu'après le départ du grand canot du Miffionnäire pour le Para, nous nous trouvâmes _ parmi Les Indiens, avec qui nous ne pouvions converfer que par fignes, ou à l’aide d’un court Vocabulaire que j’a- vois fair de queftions écrites dans leur langue, mais qui malheureufement ne contenoit pas les réponfes. Je ne laif- fai pas de tirer d'eux quelques éclair- ciflements, furtout pour les noms de Langues du Pérou & du Bréfil, devenues générales dans les Miflions qui en dé- pendent. ér Août 1743. 112 Voyage de la Riviere Le rivieres. Je remarquai aufli qu'ils con noifloient plufieurs Etoiles fixes , & qu'ils donnoient des noms d’animaux au diverfes Conftellations. Ils appellent les Hyades, ou la tête du Taureau, T. apiera Rayouba, d’un nom qui figni- fie aujourd’hui en leur langue Méchoire de Bœuf.; je dis aujourd’hui , parce que depuis que l’on a tranfporté des bœufs d'Europe en Amérique, les Brafi liens , ainfi que les Naturels du Pérou, ont “ appliqué à ces animaux, le nom qu'ils donnoient , chacun dans leur langue maternelle, à l’Elan, le plus grand des quadrupedes qu'ils con avant la venue des Européens. Le lendemain de notre départ de Coari, continuant à defcendre le fleu- ve, nous laiffämes du côté du Nord une embouchure de l’Yupura , environ à cent lieues de diftance de la pre- miere, & le jour fuivant du côté du Sud , les bouches de la riviere aujour- d’hui des Amazones. ‘ER d'hui, appellée Purus, & autrefois Cu- chivara, du nom d’un village voifin de fon embouchure : c’eft dans ce vil- lage que l’aieul du vieux Indien de _ Coari avoit reçu la vifite des Amazo- nes. Cette riviere n’eft pas inférieure aux plus grandes qui groffiffent le Ma- ragnon de leurs eaux ; & fi l'on en croit les Indiens, elle lui eft égale. Sept à huit lieues au-deflous de cette jonétion, voyant le fleuve fans ifles , & large de 1000 à 1200 toifes, je fis voguer fortement contre le courant, pour fon- der, en maintenant le bateau, autant qu'il étoit pofñble, à la même place, _ & je ne trouvai pas fond à 103 brafles. Le 23, nous entrâmes dans Rio Ne- gro, où la riviere ÂVoire , autre mer d’eau douce, que l’Amazone reçoit du côté du Nord. La Carte du P. Fru7, qui n’eft jamais entré dans Rio Nero, _ & la derniere Carte d'Amérique de * Delifle, d'après celle du P. Frzr7, font a à nn Août 1743 . Riviere de Purus. Li Sondes Riviere Noire. 114 Voyage de la Riviere SE courir cette riviere du Nord au Sud; _1743. tandis qu'il eft certain, par le rapport de tous ceux qui l’ont remontée, qu’elle vient de lOueft, & qu'elle court à VER, en inclinant un peu vers le Sud. Je fuis témoin par mes yeux, que telle eft fa direétion plufieurs lieues au-de£ fus de fon embouchure dans l’Amazo- ne, où Kio Negro entre fi paralléle- ment, que , fans la tranfparence de fes eaux qui l'ont fair nommer Âüviere Noire, on la prendroit pour un bras de l'Amazone, féparé par une ifle. Nous remontâmes Àio Negro deux lieues, Fort Por. juiqu’au Fort que les Portugais y ont tugais bâri fur le bord Septentrional , à l’en- droit le plus étroit, que je mefurai de Sa latitude, 1203 toifes, & où j'obfervai 3 degrés 9 minutes de latitude. C’eft le premier établiflement Portugais qu'on rencon- tre au Nord de la Riviere des Ama- zones , en la defcendant. Æio Negro eft fréquenté par les Portugais depuis (ou dovtides Amazones.!: 115 plus d’un fiecle, & ils y font un grand — — commerce ie Il y a continuel- lement un détachement de la garnifon du Para, campé fur fes bords, pour tenir en refpeét les nations Indiennes qui les habitent, & pour favorifer le commerce des efcilaves , dans les limi- tes prefcrites par les loix de Porrugal ; & tous les ans ce camp volant, à qui on donne le nom de Zroupe de Ra- chat , pénetre plus avant dans les ter- res. Le Capitaine Commandant du Fort de la Riviere Noire étoit abfent lorfque nous y abordèmes ; je ne m'y arrêtai que vingt-quatre heures. Toute la partie découverte des bords de Rio Nepro eft peup lée de Miffons « 03 RICE aa Août 1743" "4 M iflions | es bords e la Rivie- Portugaifes , des mêmes Religieux du "° Neire. Mont Carmel que nous avions rencon- trés en defcendant l'Amazone, depuis * que nous avions laiflé les Miffions Ef pagnoles. En remontant des quinze jours , des trois femaines & plus dans H ïj 116 Voyage de la. Riviere la Riviere Noire, on la trouve encore plus large qu’à fon embouchure, à caufe _ du grand nombre d'ifles & de lacs qu’elle forme. Dans tout cet interval- le , le terrein fur fes bords eft élevé, &c n’eft jamais inondé : le bois y eff moins fourré , & c’eit un pays tout dif- férent des bords de l’Amazone.. Commu- Nous fümes , étant au Fort de la RH riviere Noire, des nouvelles plus par- avec lA- ticulieres de la communication de cette mazone par , . À la Riviere riviere avec l’Orénoque , & par confé- Wii quent de /’Orénoque avec l’Amazone. Je ne ferai point l’énumération des dif- \ férentes preuves de cette communica- tion , que javois foigneufement re- cueillies pendant ma route ; la plus décifive étoit alors le témoignage non fufpeét d’une Indienne des Miffions Ef- _ pagnoles (a) des bords de l’Orénoque, (a) De la nation Cauriacani & du village & Mif- fion de Sainte Marie de Bararuma. des Amazones. Dir: _ à qui j'avois parlé, & qui étoit ve- nue en canot de chez elle au Para. Toutes ces preuves deviennent défor- mais inutiles, & cedent à une dernie- re. Je viens d'apprendre par une lettre écrite du Para, par le R. P. Jean Fer- reyra, Reéteur du College des Jéfuites, que les Portugais du camp volant de à Riviere Noire (l'année derniere 1744) ayant remonté de riviere en riviere, ont rencontré le Supérieur des Jéfuites des Miflions Efpagnoles des bords de l'Orénoque , avec lequel les mêmes Por- tugais font revenus par le même che- min, & fans débarquer , jufqu’à leur camp de la Riviere Noire, qui fait la communication de l'Orénoque avec l’_4- mazone. Ce fait ne peut donc plus au- jourd'hui être révoqué en doute ; c’eft en vain que pour y jetter quelque in- certitude, on réclameroit l'autorité de l’Auteur récent de l’Oréroque illufiré, qui, après avoir été long- temps Miffion- EH ÿ 118 Voyage de la Riviere naire fur les bords de lOréroque, trai- toit encore, en 1741, Cette commu- nication d’impofhble (a). Il ignoroit alors fans doute que fes propres lettres au Commandant Portugais, & à l’Au- mônier de la Troupe de Rachat, étoïent venues de fa miflion de l’Orénoque par cette même route réputée imaginaire, jufqu'au Para, où je les ai vues en original entre les mains du Gouver- neur ; mais cet Auteur eft aujourd'hui 4 : = lui-même pleinement défabufé à cet égard, ainfi que je lai appris de M. Bouguer, qui l’a vu l’année derniere à Carthagene d'Amérique. La communication de /’Orénoque & de l’Amazone , récemment avérée, peut d’autant plus pañler pour une décou- verte en Géographie , que quoique la jonétion de ces deux Fleuves foit mar- quée fans aucune équivoque fur les an- (a) V. El Orinoco illufirado. Madrid, 1741; p. 18, des Amazones. 119 ciennes Cartes, tous les Géographes modernes l’avoient fupprimée dans les nouvelles , comme de concert, & qu’el- le étroit traitée de chimérique par ceux _ qui fembloient devoir être les mieux informés de fa réalité. Ce n’eft proba- blement pas la premiere fois que les vraifemblances & les conjeétures pure- ment plaufbles l’ont emporté fur des faits atteftés par des relations de voya- ges, & que l’efprit de critique, pouflé trop loin, a fait nier décifivement ce dont il étoit feulement encore permis de douter. Mais comment fe fait cette commu- nication de l’'Orénoque avec F'Amazo- ne ? Une Carte détaillée de Ia riviere Noire que nous aurons quand il plaira à la Cour de Portugal, pourroit feule nous en inftruire exaétement. En at- tendant, voici l'idée que je m’en fuis formée , en comparant les diverfes no- tions que j'ai recueillies dans le cours H iv 120 V oyage de la Rivisre de mon voyage à toutes les Relations, Mémoires & Cartes , tant imprimées que manufcrites que j'ai pu découvrir & confulter tant fur les lieux que depuis mon retour, & fur-tout aux ébauches de Cartes que nous avons fouvent tra- | cées nous-mêmes , mon compagnon de voyage & moi ,:fous les yeux & d’a- près le récit des Miffionnaires & des navigateurs les plus inrelligents parmi ceux qui avoient remonté & defcendu l' Amazone & la riviere More. ue De toutes ces notions combinées & tà, fource éclaircies l’une par l’autre, il réfulte commune , . ; : ) de l'Oréno- qu'un petit village Indien , dans la Pro- he vince de Mocoa (à l'Orient de celle ads de Paflo , par un degré de latitude Nord) donne fon nom de Caquera à une riviere fur les bords de laquelle il eft fitué. Plus bas, ce fleuve fe par- tage en trois bras, dont LP Couls au Nord-Eft, & c’eft le fameux Oréno- que, qui a fon embouchure. vis-à-vis pe _ des Amazones. 121 l'ile de /a Trinité ; l’autre prend fon cours à l’Eft déclinant un peu vers le Sud; & c’eft celui qui plus bas a été nommé Àio Negro par les Portugais. Un troifieme bras encore plus incliné vers le Sud eft l’'Ypura dont il a été déja parlé tant de fois : celui-ci, com- me on l’a remarqué en fon lieu, fe fubdivife en plufeurs autres. Il refte à favoir s'il fe détache du tronc plus haut que les deux bras précédents, ou fi lui-même eft un rameau de ce fecond «bras appellé Rio Negro : c’eft fur quoi _je n'ai que des conjeétures ; mais plu- fieurs raifons me portent à croire que le premier fyftême eft le plus vraifem- blable. Quoi quil en foit, il eft du moins certain que l'Yupura, une fois reconnu pour une branche du Caque- za, dont le nom eft ignoré fur les bords de l'Amazone , tout ce que dit le P.d’Acugna du Caquerà & de lYz- _ pura devient facile à entendre & à con- / 22 PF oyage de la Riviere concilier. On fait que la diverfi des noms donnés aux mêmes lieux & particuliérement aux mêmes rivieres , par différents peuples qui habitent leurs bords, a toujours été, l’écueil des Géo- Ébhe | LacdOr C'eft dans cette ifle, la bib grande * AU du monde connu, ou pitiéé dans cette ri HE nouvelle Méfopotamie , formée par l’4- mazone & l’Orinoque , liés entr'eux par la Riviere Noire, qu'on a long-temps cherché le prétendu Lac doré de Pa- rime & la Ville imaginaire de Manoa del Dorado ; recherche qui a coûté la vie à tant d'hommes & entrautres à Walter Raleigh, fameux navigateur , & l'un des plus beaux efprits d’Anpie- terre, dont la tragique hiftoire eft aflez connue. Il eft aifé dé voir par les ex- preffions du P. d’Acugna, que de fon temps on n’étoit rien moins que défa- bufé de cette belle chimere. Je deman- de encore grace pour un petit détail 2 des Amazones. Li 123 Géographique , qui appartient trop au fond de mon fujet, pour l’omettre, &t qui peut fervir à débrouiller l'origine d’un roman, auquel la foif de l'or a feul pu prêter quelque vraifemblance. Une ville dont les toits & les murailles étoient couvertes de lames d’or, un lac dont les fables étoient de même métal. Il faut fe rappeller ici ce qui a été rapporté plus haut au fujet de la riviere d'Or, &e les faits déja cités, tirés des relations des PP. d’Acuona & Fritz. Les Manaos , au rapport de. ce der- mier Auteur, étoient une nation belli- queufe , redoutée de tous fes voifins. Elle a long-temps réfifté aux armes des Portugais, dont à préfent elle eft amie: il y en a plufieurs aujourd’hui fixés dans les peuplades & les Miffions des bords de la riviere More. Quelques-uns font encore des courfes dans les terres chez des nations fauvages , & les Portugais Nation Manaws. 124 Voyage de la Riviere fe fervent d'eux pour leur commerce d’efclaves. C’étoient deux de ces In- diens Manaos qui avoient pénétré juf- qu'à l'Orénoque , & qui avoient enle- _vé & vendu aux Portugais l’'Indienne Chrétienne dont j'ai parlé. Le P. Frz dit expreflément dans fon journal, que ces Manaos qu'il vit venir trafiquer avec les Zndiens des bords de l Amazone, & qui tiroient leur or de l’Yquiari, avoient leurs habitations fur les bords de la ri- viere nommée Yurubech, À force de - perquifition , j'ai appris qu’en remon- tant l'Vupura pendant cinq journées, on rencontroit à main droite un Lac qu'on traverfoit en un jour , appellé Marahi , ou Para-hi, qui, dans la langue du Bréfl, voudroit dire £au de Riviere, & que delà trainant le ca- not, quand le fond manque, en des endroits qui font inondés dans le temps des débordements , on entroit dans une riviere appellée Yurubech , par laquelle des Amazones. 125 on défcendoit en cinq jours dans la ri- viere Noire ; enfin, que celle-ci, quel- _ ques journées plus haut, en recevoit une autre appellée Quiquiari, qui avoit plufieurs fauts, & qui venoit d’un pays de montagnes & de mines. Peut-on douter que ce ne’ foient-là l’Furubech &c l'Yquiari des PP. d’Acugna & Fritz. Celui-ci ; fur le rapport des Indiens, dont il eft difficile de tirer des notions claires & diftinétes, fur-tout quand il faut fe fervir d’interprete, donne à ces deux rivieres un cours différent du vé- ritable ; il fait tomber l’Furubech dans V'Fquiari ; & celui-ci dans un grand lac au milieu des terres; mais leurs noms font à peine altérés. On voit fur la Carte du P. Fritz une grande peu- plade de Manaos dans le même can- ton; il la nomme Fenefi. Je nai pu en favoir de nouvelles pofitives ; ce qui n’a rien d'extraordinaire , la nation Manaos ayant été tranfplantée & dif- L’Yquiaci & l’Yuru- bech re- trouvés. Conjedure fur la fable de Manoa & du lac doré, 126 Voyage de la Riviere perfée ; mais il paroït très-vraifembla- ble que de la capitale des Manaos, on ait forgé la ville Manoa. Je ne m’ar- rête point à chercher dans Mara-i ou Para-hi , l'étymologie de Parime. Je m'en tiens aux faits conftants. Les Ma- naos ont eu dans ce canton une peu- plade confidérable ; les Mariaos étoient voifins d’un grand Zac, & même de _ plufieurs grands Lacs ; car ils font très- fréquents dans un pays bas & fujet aux inondations. Les Manaos tiroient de l'or de l'Yquiari, & en faifoient de pe- tites lames : voilà des faits vrais , qui ont pu à l’aide de l’exagération , don- ner lieu à la fable de la ville de Manoa & du Zac doré. Si l’on trouve qu'il y a encore bien loin des petites lames d’or des Manaos , aux toits d’or de la ville de Manoa , & qu'il ny a pas moins loin des paillettes de ce métal, dérobées des mines par les eaux de l’Yqutart , au fable d’or de Parime ; des Amazones. 127 en ne peut nier que d’une part l’avi- dité & la préoccupation des Européens qui vouloient à toute force trouvér ce qu'ils cherchoient, & de l’autre le gé- nie menteur & exagératif des Indiens intéreflés à écarter des hôres incom- modes , n’ayent pu facilement rappro- cher des objets fi éloignés en apparen- ce, les altérer & les défigurer au point de les rendre méconnoiffzbles. L’hif- toire des découvertes du nouveau mon- de , fournit plus d’un exemple de pa- ill métamorphofes, J'ai entre les mains un extrait de Dnat. & une ébauche de Carte du voyageur (a), vraifemblablement le plus moderne de ceux qui fe font ja- mais entêtés de cette découverte. Il ma été communiqué au Para, par l’Au- teur même qui, en l’année 1740, re- Nouveau voyage pour dé- couvrir le ac de Pa rime, monta la riviere d’£ffequebe , dont l’em- (a) Nicolas Hortfman, natif de Hildesheim. 18, Fe oyage de la Riviere bouchure dans l'Océan eft entre la ri viere de Suririam & l Orénoque. Après avoir traverfé des lacs & de vaftes cam- pagnes , tantôt traînant ; tantôt portant fon canot, avec des peines & des fa- tigues incroyables , & fans avoir rien trouvé de ce qu'il cherchoit, il parvint enfin à une riviere qui coule au Sud, & par laquelle il defcendit dans Rio Negro , où elle entre du côté du Nord. Les Portugais lui ont donné le nom de riviere Blanche, & les Hollandois d'Ef. fequebe celui de Parima ; fans doute, parce qu'ils ont cru qu’elle conduifoit au lac Parime, comme le même nom a été donné à Cayenne à une autre riviere par une raifon femblable. Au refte, on croira fi l’on veut, que le lac Parime eft un de ceux que tra- verfa le voyageur que je viens de ’ci- ter; mais il leur avoit trouvé fi peu de reflemblance au portrait. qu'il s’é- toit fait du Lac doré, qu'il m'a paru | très- des Amazones. 129 très-éloigné d’applaudir à cette con- jeéture. Les eaux claires & énhilioes de la riviere ÂVorre, avoient à peine perdu _ leur tranfparence en fe mêlant avec les «aux blanchâtres &c troubles de l'4ra- gone, lorfque nous renconträmes du côté du Sud, la premiere embouchure d'une autre riviere qui ne cede guere à la précédente, & qui n’eft pas moins fréquentée des Portugais. Ceux-ci l'ont nommée Âio de la Madera, ou riviere du Bois, peut-être à caufe de la quan- tité d'arbres qu'elle charrie dans le temps de fes débordements. C’eft aflez pour donner une idée de l'étendue de fon cours, de dire qu’ils l’ont remon- tée, en 1741, jufqu'aux environs de Santa Cruz de la Sierra, ville Epifco- pale du haut Pérou, fituée par 17 de- grés & demi de latitude auftrale. Cette riviere porte le nom de Mamore, dans fa partie fupérieure, où font les Mif- I ris Rivietede.. la Madera ou du Bois. LE d oyage de | la Riviere po fions des Moxes, dont les Jéfuites de la : ss Province de Zima ont donné une Car- d° | te, en 1713, qui a été inférée dans ED at le T. XII des Lettres édifiantes € cu- A rieufes : mais la fource la plus éloignée de la Madera eit voifine des mines du Potoft, & peu diftante de l'origine du Pilcomayo | qui va fe jetter dans le grand Fleuve de la Para. Largeur L’Amazone au-deflous de la riviere SR T Noire & de la Madera, a communé- ment une lieue de pie ; quand elle forme des ifles , elle en a quelquefois deux & trois, & dans le temps des inondations , elle n’a plus de limites. Lieu où C’eft ici que les Portugais du Para elle com j | d mence à COmMmmencent ui onner le nom de porter: givisre des Amayones , plus haut ils nom, ne la connoiflent que fous celui de Rio de Solimoes , riviere des poifons , nom qui lui a probablement été don- né à caufe des fleches empoifonnécs dont nous avons parlé, qui font l'ar- des Amazones, ET me la plus ordinaire des habitants de Loi fes bords. ee Le 28, nous laifffmes à main gau- Riviere che la riviere de Jamundas , que le P. Sp tas CRrugne nomme Cunuris , &t prétend prementdi être celle où Orellana fut attaqué par ces femmes guerrieres , qu'il appella Amayones. Un peu au-deflous , nous primes terre du même côté au pied du Fort Portugais de Pauxis, où le lit du Détroit de fleuve eft reflerré dans un détroit de Fax 905 toifes de large. Le flux & le re- tugais. flux de la Mer parvient jufqu'à ce dé- troit, du moins il y eft fenfble par le glonflement des eaux du fleuve qui Le: marées Sy fait remarquer de douze en douze pere heures, & qui retarde chaque jour comme fur les côtes. La plus grande hauteur du flux que j'ai mefurée au Para , n'étant guere que de dix pieds & demi dans les grandes marées, il s'enfuit que le fleuve, depuis Pauxis juiqu'à la mer, c’eft-à-dire fur deux Li à 132 Voyage de la Riviere RE il cents & tant de lieues de cours, où 1743. (IOiS cents foixante lieues, felon le P.. d’'Acugna , ne doit avoir guere plus de dix pieds & demi de pente; ce qui s'accorde avec la haureur du Mercure, que je trouvai au Fort de Pauxis, 14 toifes au-deflus du niveau de l'eau, d'environ une ligne un quart moindre qu'au Para, au bord de la Mer. On conçoit bien que le flux qui fe fait fentir au Cap de Nord, à l'em- bouchure de la riviere des Amazones , ne peut parvenir au détroit de Pauxis, A plus de à 200 & tant de lieues de la mer, Su Cas qu’en plufieurs jours, au-lieu de cinq ou fix heures, qui eft le temps ordi- naire que la mer emploie à remonter. _ Progrès Et en effet, depuis la Côte jufqu'à FF des Pauxis, il y a une vingtaine de pa- lations, rages qui défignent , pour ainfi dire, les journées de la marée, en remon- tant le fleuve. Dans tous ces endroits, Veffet de la haute mer fe manifefte à Le des Amayones. 133 1 même heure que fur la Côte; & fuppofant, pour plus de clarté, que ces différents parages font Hiiatres l’un de l’autre d'environ douze lieues, le mé- me effet des marées fe fera remarquer “dans leurs intervalles à toutes les heu- res intermédiaires, à favoir dans la fup- pofition des douze lieues, une heure plus tard de lieue en lieue, en s’éloi- gnant de la mer. Îl en eft de même du reflux aux heures correfpondantes. Au furplus, tous ces mouvements al- ternatifs , chacun en fon lieu, font fu- jets aux retardements journaliers, com- me fur les Côtes. Cette efpece de mar- _che des marées par ondulations a vrai- femblablement lieu en pleine mer, & il paroi qu’elle doit retarder de plus en plus , depuis le point où cômmence le refoulement des eaux jufques fur les Côtes. La proportion dans laquelle dé- croit la vitefle des marées en remon- tant dans le fleuve, deux courants op- L iy Divers ac- cidents des, Marées, 134 Voyage de la Riviere pofés qu'on remarque dans le temps du flux, l’un à la furface de l’eau, l’autre à quelque profondeur ; deux au- tres, dont l’un remonte le long des bords du fleuve & s’accélere ; tandis que l’autre au milieu du lit de la ri- viere , defcend & retarde ; enfin, deux autres courants oppofés qui fe rencon- trent fouvent dans le voifinage de la mer dans des canaux de traverfe na- turels , où le flux entre à Ha fois par deux côtés oppofés : tous ces faits dont j'ignore que plufieurs ayent été obfer- és , leurs différentes combinaifons , di- vers autres accidents des marées , fans doute plus fréquents & plus variés qu'ail- leurs dans un fleuve où elles remontent vraifemblablement à une plus grande diftance' de la mer qu’en aucun autre endroit du monde connu, donneroient lieu fans doute à des remarques curieu- fes & peut-être nouvelles : mais pour donner moins à la conjeëture $ il fau- des Amaïzones. 135 LL: droit une fuite d’ obfervations exaétes ; ce qui demanderoit un long féjour dans chaque lieu, ” un délai qui ne con- venoit guere à la jufte impatience où jétois de revoir la France après une ab- fence qui avoit déja duré près de neuf ans. Je n'ai pas laiflé d'examiner aux environs du Para & dans le voifinage du Cap de Nord, un autre phénomene des grandes marées, plus fingulier que tous les précédents ; j'en parlerai en fon lieu. Nous fümes reçus à Pauxis, com- me nous l’avions été par-tout depuis que nous voyagions fur les terres de Portugal. Le Commandant (a) nous tint au Fort quatre jours, & un jour à fa maifon de campagne ; il nous accom- pagna enfuite jufqu’à la forterefle de Curupa , fix à fept journées au-deflous de Pauxis, & à moitié chemin du f (2) EI Capitam Manuel Maziel Parente, Liv 1743. 136 Voyage de la Riviere y Para. Les ordres les plus précis de fa. 1743. Majefté Portugaife, & les Plus favora- D de bles pour la füreré & la commodité Portugal. de mon pañlage , m’avoient dévancé en tous lieux : ils s’étendoient à tous ceux qui m'accompagnoient , &c j'ai dû les agréments que ces ordres m'ont procuré fur ma route & au Para, à un Miniftre qui aime les Sciences & qui en connoit l'utilité; le même dont la vigilance ne s’étoit point laffée de pourvoir à tous les befoins de notre nombreufe compagnie pendant notre long féjour à Quito. Riviere & En moins de feize heures de mar- on che, nous nous rendimes de Pauxis Topayos. À la forterefle de T! opayos ; à l'entrée de la riviere du même nom ; celle- ci eft encore une des rivieres du pre- mier ordre. Elle defcend des mines du Préfl, en traverfant les pays in- _ connus, habités par des nations fau- vages & guerrieres, que les Mifñon- Lo. des Amazones. 137 - C2 / , . ; LA 1 . AÉPERSPERESEEENE naires Jéfuites travaillent-à apprivoifer. —" D déb ° d b d T: . Septemb. bara , fitué autrefois dans une grande paies à | “ de Tupi- ifle , à l'embouchure de la riviere de sambar. la Madera , s’eft formé celui de To- payos, & fes habitants font prefque tout ce qui refte de la vaillante nation des T'upinambas, dominante il y a deux fiecles dans le Prefl, où ils ont laiflé leur langue. On peut voir leur hiftoi- re & leurs longues pérégrinations dans . la relation du P. d’Acugna. | | C'eft chez les Topayos qu'on trou. Pierres . "RS f! vertes , di- ve aujourd'hui, plus aifément que par- tes Piyres tout ailleurs, de ces pierres vertes, % #"43- connues fous le nom de Pierres des Amazones , dont on ignore l'origine, & qui ont été fort recherchées autre- fois, à caufe des vertus qu’on leur attri- buoit, de guérir de la Pierre, de la Co- lique néphrétique & de l'Epilepfe (a). (a) V.Lett, 25 de Voiture à Mile. Pauler. Differt, Taillées par les In- diens , fans fer niacier, 138 Voyage de la Riviere Il y en a eu un traité imprimé fous le nom de Pierre Divine. La vérité eft qu'elles ne different , ni en couleur , ni en dureté du Jade Oriental : ; elles ré- fiftent à la lime, & on ni par quel artifice les anciens Américains ont pu les tailler & leur donner diver- fes figures d'animaux. C’eft fans doute ce qui a donné lieu à une fable , peu digne d’être réfutée. On a débité fort férieufement que cette pierre n'étoit autre que le limon de la riviere, au- quel on donnoit la forme qu’on defi- roit en le païitriffant quand il étoit ré- cemment tiré , & qui acquéroit enfuite à l'air cette extrême dureté. Quandon accorderoit gratuitement cette merveil- le , dont quelques gens credules ne fe font défabufés qu'après avoir eflayé fur la riviere des Amazones, qui précede la traduc- tion de la Relation du P. d’Acugna. Voyage aux ffles de l’'Amérique-, par le P. Labar. | des Amazones. 139 inutilement un procédé fi fimple, il refteroit un autre problème de même efpece à propofer à nos Lapidaires. Ce font des Emeraudes arrondies, polies & percées de deux trous coniques, diamétralement oppofés far un axe commun, telles qu'on en trouve en- core aujourd'hui au Pérou fur les bords de la riviere de Sr. Zaco , dans la Pro- vince d'Efmeraldas , à quarante lieues Emerau- des taillées. de Quito | avec divers autres monu-. ments de l’induftrie de fes anciens ha- bitants. Quant aux pierres vertes, elles’ deviennent tous les jours plus rares, tant parce que les Indiens, qui en font grand cas, ne s’en défont pas volon- tiers, qu'à caufe du grand nombre dr a pañlé en Europe. _ Le 4, nous commençcâmes à voir diflinétement des montagnes du côté du Nord, à douze ou quinze lieues dans les terres. C’étoit un fpetacle nouveau pour nous, qui depuis le Pon- Sepiernb. 1 7/43 J° Monta- gnes & nai- nes, 140 Voyage de la Riviere L Jin és PRET, : Sepremb. 80 AViONs navigué deux mois fans voir. | 1743. le moindre côteau. Ce que nous ap- percevions étoient les collines antérieu- res d'une longue chaine de monta- gnes, qui s’'érend de l'Oueft à l'E, & dont les fommets font les points de partage des eaux de la Guiane. Celles qui prerinent leur pente du côté du Nord, forment les rivieres de la côte de Cayenne & de Surinam ; & celles qui coulent vers le Sud, après un cours fort peu étendu, viennent fe perdre. “dans l’Amazone. C’eft dans ces mon- tagnes que fe font retirées les Amazo- ses d'Orellana, fuivant la tradition du pays. Une autre tradition qui n'eft pas moins établie, & dont on prétend avoir eu des preuves plus réelles, c’eft: que ces montagnes abondent en mines de divers métaux. Ce dernier point n’eft cependant pas plus éclairci que l’autre, quoique d’une nature à exciter l’atten- tion d’un plus grand nombre de curieux. des Amazones. a41 » Le $ au foir , j'obfervai au Soleil couchant , la variation de la Bouflole, de $ degrés & demi du Nord à l'Eft. N'ayant pas trouvé où mettre pied à terre , je fis mon obfervation fur le . tronc d’un arbre déraciné, que le cou- rant avoit pouflé fur le bord du fleu- vé. Nous eûmes la curiofité de le me- furer , & nous trouvâmes fa longueur entre les racines & les branches de 84 pieds, & fa circonférence de 24 pieds, quoiqu'il fût defléché & dé- pouillé de fon écorce. Par celui-ci que le hafard nous fit rencontrer, par la grandeur des Prrogues dont j'ai parlé , creufées dans un feul tronc d'arbre, & par une table d’une feule piece de huit à neuf pieds de long, fur quatre & demi de large, d’un bois dur & poli, que nous vimes depuis chez le Gouverneur du Para, on peut juger de quelle hauteur &c de quelle beauté font les bois des bords de l’'Arazone LE Te SU Sepiemb. 1743: Variation de l'Aiguil- le Aiman- tée. Arbre d’une gran- deur énor- me. 142 Fr . Voyage de la Riviere Ps & de cufeets rivieres qui tombent 1749. dans celle-ci. Fort Por- Le 6, à l'entrée de la nuit, nous Fe %e Jaiffämes le canal principal de l'Ama- zone, vis-à-vis du Fort de Paru, fitué fur le bord feptentrional & nouvelle- ment rebâti par les Portugais, fur les ruines d’un vieux Fort que les Hollan- dois y ont eu. Là, potr éviter de tra- Riviere verfer la riviere de Xinou à fon em- de King. Louchure , où il s’eft perdu beaucoup de canots, nous entrâmes de l’Awazone _ dans Xingu, par un canal naturel de communication. Les ifles qui divifent la bouche de Xingu en plufeurs ca- naux , m'empêcherent de mefurer fa largeur géométriquement ; mais à la vue elle n’a pas moins d’une lieue. C’eft la même riviere que le P. d’4- cugna nomme Paranaiba (a), & le P, (2) AL rivieres ont divess n noms dans les difé- rentes langues. des Amazones. 143 Fritz dans fa Carte, Aoripana ; Xinou eft le nom /rdien d’un village où il y a une Miflion à quelques lieues en re- montant la riviere. Elle defcend , ainfi que celle de Topayos, des mines du Bréfil; elle a un faut, fept à huit jour- nées au-defflus de fon embouchure ; ce qui ne l'empêche pas d’être navi- gable, en remontant pendant plus de LUS PAR car] Sepiemk. 1743. deux mois. Ses bords abondent en deux Epiceriess fortes d’arbres aromatiques , l’un ap- pellé Cuchiri, & l’autre Puchirz. Leurs fruits {ont à-peu-près de la grofleur d’une olive ; on les rape comme la noix mufcade, & on s’en fert aux mé- mes ufages. L’écorce du premier a la faveur ,& l'odeur du clou de girofle, que les Portugais nomment Cravo ; ce qui a fait appeller par corruption l’ar- bre qui produit cette écorce, bois de Crabe , par les François de Cayenne. Si les épiceries qui nous viennent de l'Orient , laifloient quelque chofe à de- FE UNSS 144 Voyage de la Riviere SD firer en ce genre, celles-ci feroient 1743. plus connues en Europe. Elles entrent = dans la compofition de diverfes liqueurs fortes en Jralie &'en Angleterre. . Largeur Depuis la rencontre de Xingw avec nt his 4 l’'Amazone | la largeur de celle-ci eft Roue de fi confidérable, qu’elle fufhiroit pour faire perdre de vue un bord de l’au- tre, quand les grandes ifles qui fe fuc- cedent les unes aux autres permet: Mouche- troient à la vue de s'étendre. Là, nous rons divers. Commençâmes à être entiérement dé: | livrés des Moufliques | Maringoins & moucherons de toute efpece, la plus: grande incommodité que nous ayons eue dans le cours de notre navigation. Ils font fi infupportables, que les In- diens mêmes ne voyagent point fans un pavillon de toile de coton, pour fe mettre à l'abri pendant la nuit. Il y a des temps & des lieux, & par- ticuliérement dans le pays des Orma- guas ,. où l’on eft continuellement en- | veloppé des Amayones, 145$ veloppé d’un nuage épais de ces infec- =" VAR PE PET | Septemb. . tes volants, dont les piquüres caufent ,,,3. une démangeaifon exceflive. C’eft un Terme fixe fait conftant .& digne de remarque , ii que. depuis l'embouchure de Aingu, il æs mor ne s’en trouve plus, du moins à peine en voit-on fur la rive droite de l’4- mazone , en defcendant, tandis que le bord oppofé en eft continuellement in- _ fefté, Après avoir réfléchi & examiné la fituation des lieux , j'ai jugé que cetre différence étoit produite par le chan- gement de direétion du cours de la i- viere en cet endroit. Elle tourne au Nord , & le vent d'Eft qui y eft pref- que continue], doit porter ces infeétes fur la rive Occidentale. Nous arrivâmes , le 9 au matin, à Curipa, _la Forterefle Portugaife de Curupa : ba- DRE tie par les Hollandois, lorfqu'ils étoient Forterefte. les maîtres du Pré. pe Lieutenant de Roi (a) nous reçut avec des honneurs + (a) El Capitam mor Jofeph de Souza e Menezes. K. 146 Voyage de lav Riviere = extraordinaires. Les trois jours de no- Septémb. RC 9 à À dci 1743. (re féjour furent une fête continuelle , & il nous traita avec une magnificence qui vifoit à la profufon, & que le pays ne fembloit pas promettre. Cwru- pa eft une petite ville Portugaife, où il n’y a d’autres Indiens que les efcla- ves des habitants. Elle eft dans une fi- tuation agréable , dans un terrein éle- vé, fur le bord auftral du fleuve, à huit journées au-deflus du Para. Navigation Depuis Curupa , ou le flux & reflux nur Ma- deviennent très-fenfbles , les bateaux, ne marchent plus qu'à la faveur des marées. Quelques lieues au-deflous de cette place , un petit bras de l’Ama- Tagionra, 407 , appellée Tagipuru, fe détache du bras détour- grand canal qui tourne au Nord; & ne qui con * duit au Pa- prenant une route toute oppofée vers sé le Sud , il embrafle la grande ifle de Joanes où de Marayo, défigurée dans toutes les Cartes; delà il revient au Nord par l'Eft, décrivant un demi- L des Amazones. 147 cercle , & bientôt il fe perd, pour à ainfi dire, dans une mer formée par le concours de plufieurs grandes rivieres, qu'il rencontre fucceffivement. Les plus confidérables font premiérement Æ10 de dos Bocas, ou riviere des deux Bou- êhes, formée de la rencontre des ri- vieres de Guanapu & de Pacajas , lar- ge de plus de deux lieues à fon em- bouchure, & que toutes les anciennes Cartes nomment , ainfi que le Laer, riviere du Para. En fecond lieu, la ri- viere des Tocamins, plus large core que la précédente, & qui fe remonte plufeurs mois, defcendant comme To- payos & Xingu , des mines du Bréfil , dont elle apporte quelques fragments parmi fon fable ; & enfin la riviere de Muju , que j'ai trouvée à deux lieues . au-dedans des terres , large de 749 toi- fes, & fur laquelle nous rencontrâmes une Frégate de Sa Majeflé Portugaife, qui remontoit à voiles déployées, pour K . LEE Septemb. nn ds Riviere de des Bocas. Des Tos cantins De Mrju: 148 Voyage de la Riviere Sos. aller chercher , plufieurs lieues plus 1743. haut, des bois de menuïiferie , rares & Situation PréCieux par-tout ailleurs. C’eft fur le 2 sr bord Oriental de Muju qu’eft fituée la ville du Para, immédiatement au-def fous de l'embouchure de la riviere de Capim, qui vient d’en recevoir une: autre appellée Guama. Il n’y a que la vue d’une Carte qui puifle donner une idée diftinéte de la poftion de cette ville, fur le concours de tant de ri- vieres , & faire connoître que ce n’eft pas fans fondement que fes habitants font fort éloignés de fe croire fur le bord de l’Amazone , dont il eft vrai- femblable qu’une feule goutte ne bai- gne pas le pied des murailles de leur ville ; à-peu-près comme on peut dire que les eaux de la Loire n'arrivent pas à Paris, quoique la Zoire communi- que avec la Seine par le canal de Briare. En effet, il y a lieu de croire que la grande quantité d’eaux couran- des Amazones. 149 tes, qui féparent la terre ferme du Pa- ra d'avec l'ifle de Joanes, ne feroit pas diminuée fenfiblement, quand la com- munication de ces eaux avec l’4ma- one {eroit interceptée par l’obftruétion ou la déviation du petit bras de ce fleuve | qui vient , pour ainñ dire, prendre pofleflion de toutes ces rivie- res , en leur faifant perdre leur nom. Tout ceci ne fera, fi l’on veut, qu'une queftion de ce nom; & je ne laïfferai pas de dire, pour m'accommoder au langage reçu, que le Para eft fur l’em- bouchure Orientale de la rivière des Amazones : il fufit d’avoir expliqué comment cela fe doit entendre. Je fus conduit de Curupa au Para, fans être confulté fur le choix de ma route, entre des ifles, par des canaux étroits & remplis de détours qui tra- verfent d’une riviere à l’autre, & par le moyen defquels on évite le danger derles traverfer à leur embouchure. Ce K iÿ RECSSTIRIMENTES Septemb. 1743- ‘Route de Curupa au re. 150 Voyage de la Riviere Fra qui faifoit ma füreté, & ce qui eût fait 2743. de plus la commodité d’un autre voya- geur , devenoit extrèmement incom- mode pour moi, dont le but principal étoit la conftruftion de ma Carte. Il me fallut redoubler d'attention, pour ne pas perdre le fil de mes routes dans ce Dédale tortueux d’ifles & de canaux fans nombre. Animaux Je n’ai point encore parlé des poif- PS fons finguliers qui fe rencontrent dans PAmazone, ni des différentes efpeces d'animaux rares qu’on voit fur fes bords. Cet article feul fourniroit la matiere d'un ouvrage, & cette feule étude .de- manderoit un voyage exprès, Gtun voyageur qui neût d'autre oCCupation. Je ne ferai mention que de ie LE uns des plus finguliers. Porssoxs Je deffinai à Sz Paul d'Omaguas, Lamemin d'après nature, le plus grand des poif- SE fons connus d’eau douce, à qui les Ef- pagnois & les Portugais ont donné le des Hribcèies | 151 nom de Vache marine, ou de Poiflon Baœuf , qu'il ne faut pas confondre avec le Phoca ou Veau marin. Celui dont il eft queftion, paît l’heïbe des bords de la riviere : fa chair & fa graifle ont aflez de rapport à celles du veau. La femelle a des mammelles qui _ lui fervent à allaiter fes petits. Quel- | ques - uns ont rendu la refflemblance avec le Bœuf encore plus complete, en attribuant à ce poiflon des cornes dont la nature ne la pas pourvu. IL n’eft pas amphibie, à proprement par- ler, puifqu'il ne fort jamais de l’eau en- tiérement, & n’en peut fortir, n'ayant que deux nâgeoires aflez près de la té- te, en forme d'ailerons de 16 pouces de long , qui lui tiennent lieu de bras & de pieds; il ne fait qu'avancer fa tête hors de l’eau , pour atteindre l’her- be fur le rivage. Celui que je defï- nai éroit femelle ; fa longueur étoit de fept pieds & demi de Roi, & fa plus K iv o } ! QE: LP 152 Voyage de la Riviere grande largeur de deux pieds : j'en ai vu depuis de plus grands. Les yeux de cet animal n’ont aucune proportion à la Srandeur de fon corps ; ils font ronds , & n’ont que trois lignes de dia- metre ; l'ouverture de fes oreilles eft encore plus petite, & ne paroît qu’un trou d'épingle. Quelques-uns ont cru _ ce poiflon particulier à la riviere des Amazones ; mais il n'eft pas moins commun dans lOrénoque. Il fe trouve aufh , quoique moins fréquemment , dans l'Oyapoc , & dans plufeurs autres tivieres des environs de Cayenne & de Ja côte de la Guiane, & vraifembla- blement ailleurs. C’eft le même qu'on nomme Lamentin à Cayenne & dans les 7 fles Françoifes d'Amérique j mais je crois l’efpece un peu différente. Il ne fe rencontre pas en haute Mer, il: eft même rare près des embouchures des rivieres , mais on le trouve à plus de mille lieues de la Mer, dans la des Amazones. 153 plupart des grandes rivieres qui def- cendent dans celle des Amazones, com- me dans le Guallaga , le Paftaca, &c. Il n’eft arrêté dans l’Arzazone , que par le Pongo de Borja dont nous avons parlé; mais cette barriere n'eft pas un obftacle pour un autre poiffon appellé Mixano , aufh petit que l’autre eft grand , & dont plufeurs ne font pas fi longs que le doigt. Ils arrivent tous les ans à Borja en foule quand Les eaux commencent à baifler vers la fin de Juin. [ls n'ont rien de fingulier que la force avec laquelle ils remontent con- tre le courant. Comme le lit étroit de ‘la riviere les raffemble néceflairement près du détroit, on les voit traverfer en troupes d’un bord à l’autre, & vain- cre alternativement fur l’un ou fur l’au- tre rivage la violence avec laquelle les eaux fe précipitent dans ce canal étroit. On les prend à la main, quand les eaux font bafles, dans les creux des Le Mixa- no. 154 Voyage 1 la Riviere rochers du Pongo , où ils fe po " pour reprendre des forces, & dont ils fe fervent comme d'échelions pour re- monter. | eee J'ai vu aux environs du Para, une efpece de ZLamproie , dont le corps comme celui de la Zamproie ordinai-- re, eft percé d’un grand nombre d’ou- vertures, mais qui a de plus la même propriete que la Z'orpille ; celui qui la touche avec la main, ou même avec .. un bâton, reflent un engourdiflement douloureux dans le bras, & quelque- fois en eft, dit-on , renverfé. Je n'ai pas été témoin de ce dernier fait. M. de Réaumur a développé le myftere du refflort caché qui produit cer effet furprenant dans la Zorpille (a). Tortues. Les Tortues de l' Amazone {ont fort recherchées à Cayenne |, comme plus délicates que toutes les autres. Il y en mg me Se a qe am (a) Voyez. Mémoires de l'Acad. de l'Année 1714- des Amazones. 155 a fur ce fleuve de diverfes grandeurs & de diverfes efpeces, & en fi gran- de abondance, qu’elles feules & leurs œufs pourroient fuflire à la nourriture des habitants de fes bords. Il y en a aufli de rerre qui fe nomment Jaburis dans la langue du Préfil, !, & qu’on pré- fere au Para aux autres efpeces. Tou- tes fe confervent, & fur-tout ces der- nieres , plufieurs mois hors de l'eau {ans aliments fenfibles. La Nature femble avoir favorifé la parefle des Indiens , & avoir été au- devant de leurs befoins : les Lacs & Pêche à difcrétion. . les Marais qui fe rencontrent à cha- que pas fur les bords de l'Amazone & quelquefois bien avant dans les terres, fe rempliffent de poiflons de toutes fortes , dans le temps des crues de la riviere ; & lorfque les eaux baiflenr, ils y demeurent renfermés comme dans des étangs ou réfervoirs naturels, où on les pêche avec la plus grande facilité. ? (y à LÉ TRI Herbes qui enivrent le poilon. 156 Voyage de la Riviere _ Dans la Province de Quiro, dans les divers pays traverfés par l’Amazo- ne, au Para & à Cayenne, on trouve plufieurs efpeces de plantes, différen- tes de celles qui font connues en Eu- rope , & dont les feuilles ou les ra- cines jettées dans l’eau, ont la pro- Crocodiles. priété d’enivrer le poiflon. En cet état il flotte fur l’eau , & on le peut prendre à la main. Les Indiens, par le moyen de ces plantes & des paliflades avec lefquelles ils barrent l'entrée des peti- tes rivieres, pêchent autant de poiflon qu'ils en veulent : ils le font fumer fur des claies pour le conferver : ils em- ployent rarement le fel à cet ufage; ce- pendant ceux de Maynas tirent du fel foflile d’une montagne voifine des bords du Guallaga ; les Indiens fujets des Portugais le ‘tirent du Para, où l'on en apporte d'Europe. Les Crocodiles font fort communs dans tout le cours de l’Æmazone, &cmê- des. Amayzones. 157 me dans la plupart des rivieres que l'Amazone reçoit. Il s’en trouve quel- quefois de 20 pieds de long; peut-être y en a-t-il de plus grands. J'en avois déja vu un grand nombre fur la riviere de Guayaquil. Ils reftent des heures & des journées entieres {ur la vafe, éten- dus au Soleil & immobiles ; on les pren- droit pour des troncs d'arbre ou de lon- gues pieces de bois, couvertes d’une écorce raboteufe & defléchée. Comme ceux des bords de lArazone font moins chaflés & moins pourfuivis , ils crai- gnent peu les hommes. Dans le temps des inondations, ils entrent quelquefois dans les cabanes d’Indiens ; & il y a plus d’un exemple que cet animal fé- roce a enleyé un homme d’un canot, à la vue de fes camarades, & l’a dé- voré, fans qu'il pût être fecouru. Le plus dangereux ennemi du Cro- eodile, & peut-être l’unique qui ofe entrer .en lice avec lui, c'eft le Tigre. Quanru- PEDES. Tigres, 153 Voyage de la Riviere Ce doit être un fpettacle rare que leur combat , dont la vue ne peut guere être que l'effet d’un heureux hafard. Voici ce que les Indiens en racontent, Le Crocodile met la tête hors de l’eau, pour faifir le Zïore quand il vient boïre au bord de la riviere, comme le Cro= codile attaque en pareille occañon les bœufs , les chevaux, les mulets , & tout ce qui fe préfente. Le Ziore en- fonce fes griffes dans les yeux du Cro-. codile | l'unique endroit où il trouve à l'offenfer , à caufe de la dureté de fon écaille; mais celui-ci en fe plongeant dans l’eausy entraine le Tigre , quife noie plutôt que de lâcher prife. Les Tigres que j'ai vu en Amérique | & qui y font communs dans tous les pays chauds & couverts de bois, ne mont pa: ru différer ni en beauté n1 en grandeur de ceux d'Afrique. Il y en a une efpece dont la peau eft brune fans être mou chetée. Les Indiens font fort adroits à des Amazones. 1 9 combattre les Tigres avec le fponton, où la demi- pique , qui eft leur. arme ordinaire de voyage. ë Je n'ai rencontré que dans la Pro- vince de Quito, & non fur les bords de l’Amazone , l'animal que les Indiens du Pérou nomment en leur langue Pu- ma, & les Efpagnols d'Amérique, Lion. Je ne fais sil mérite ce nom; le mâle n'a point de criniere, & il eft beau- coup plus petit que les Lions Africains. Je ne l’ai pas vu vivant , mais empaillé. Il ne feroit pas étonnant que les Ours , qui n’habitent guere que les pays froids, & qu’on trouve dans plu- fieurs montagnes du Pérou , ne fe ren- contraflent point dans les bois du Ma- ragnon , dont le climat eft fi différent ; Cependant jy ai entendu faire mention d’un animal appellé U/cumari , & c’eft précifément le nom Indien de l'Ours dans la langue du Pérou ; je n'ai pu m'aflurer fi l'animal eft le même. Lions. Ours. Elan, Coati. 160 Voyage de la Riviere | | L’Ælan qui fe rencontre dans quel- ques cantons boifés de la Cordeliere de Quiro , n’eft pas rare dans les bois de l'Amazone , ni dans ceux de la Guia- ne, Je donne ici le nom d’Elan à l'ani- mal que les Æ/pagnols & les Portugais connoiflent fous le nom de Âanta ; on le nomme lagra dans la langue du Pérou; Tapiira dans celle du Préfil, Maypour: dans la langue Gakb: fur les côtes de la Guiane. Comme la terre ferme voifine de l’ifle de Cayenne fait partie du Continent que traverie l’4- mazone , &'eft contiguë aux terres ar- rofées par ce fleuve, on trouve dans l'un & dans l’autre pays la plupart des mêmes animaux. J'ai deffiné en paffant chez les Fa- meos , une efpece de Bellee qui fe familiarife aifément : je ne pus ni pro- qu'elle portoit; je l'ai retrouvée de- puis aux environs du Para où, on la nomme -noncer ni écrire le nom qu'on me dit Vi UN _ des Amazones. 161: nomme Coar:, dans la langue du 8 we 1 Laet en fait mention. . Les Singes font le gibier le plus or- dinaire , & le plus du goût des Indiens de l’Amazone. Dans tout le cours de ma navigation fur ce fleuve, j'en ai tant vu, & j'ai oui parler de tant d’ef. peces différentes, que la feule énu- mération en feroit longue. Il y en a d’aufii grands qu'un lévrier, & d’au- tres aufh petits qu'un rat; je ne parle pas de la petite efpece connue fous le nom de Sapajoux , mais d’autres plus petits encore , difhiciles à appri- voifer, dont le poil eft long , luftré, ordinairement couleur de marron, & Singes our. 3 Sahuins. quelquefois moucheté de fauve. Ils ont la quéue deux fois aufi longue que le corps, la tête petite & quarrée, les oreilles pointues & faillantes comme les chiens & les chats, & non com- me les autres Singes, avec lefquels ils ont peu de reffemblance , ayant plutôt 16 : à V oyage de la Riviere l'air & le port d’un petit lion. On les nomme Pinchés à Maynas, & à Cayen- ne, Tamarins. J'en ai eu plufeurs que je n’ai pu conferver ; ils font de l’ef- pece appellée Sahuins dans la langue du Bréfil, & par corruption en Fran- çois , Sagoins ; Laet en parle & cite ’Eclufe & Lery. Celui dont le Gou- verneur du Para m'avoit fait préfent, _ étoit l’unique de fon efpece qu'on eût vu dans le pays ; le poil de fon corps étoit argenté, & de la couleur des plus beaux cheveux blonds ; celui de fa queue étoit d’un marron. luftré, appro- chant du noir. Îl avoit une autre fin- gularité plus remarquable; fes oreilles, fes joues & fon mufeau étoient teints d'un vermillon fi vif, qu'on avoit pei- ne à fe perfuader que cette! couleur fût naturelle. Je l'ai gardé: pendant un an , & il étoit encore én vie, lorfque j'écrivois ceci prefque à la vue des côtes de France, où je me faifois un des Amazones. 16 3 pla de l’apporter vivant. Malgré les précautions continuelles que Je prenais _ pour le préferver du froid, la rigueur de la faifon l’a RE er fait mourir. Comme je n’ai eu aucune com- modité fur le vaifleau pour le mettre fécher au four, de la maniere que M. de Rézumur a imaginée pour conferver les oifeaux, tout ce que j'ai pu faire a été de le conferver dans l’eau-de- vie; ce qui fuffra peut-être pour faire voir que je n’ai rien exagéré dans cette defcription. Il y a encore plufeurs autres ani- ‘maux rares ; mais dont la plupart ont été décrits, & fe rencontrent en di- verfes parties de l'Amérique, tels que diverfes efpeces de fangliers & de la- pins, le Pac, le Fourmilier, le Porc- Epic, le Puarefleux, le Tatou, ou Ar- madille, & beaucoup d’autres dont j'ai deffiné quelques-uns , ou dont les def- fins, exécutés par M. de Morainville, L à REPTILES, Serpents, 164 4 oyage de " Riviere font reftés entre les mains de Me Godin. Il n'eft pas étonnant que dans des pays aufli chauds & auffi humides que ceux dont nous parlons, les Serpents & les Couleuvres de tout genre foient communs. Jai lu , dans je ne fais quelle relation, que tous ceux de lA- mazone font fans venin : il eft certain que quelques-uns ne font nullement malfaifants ; mais les morfures de plu- fieurs font prefque toujours mortelles. Un des plus dangereux , eft le Serpent à Sonnerte, ou à Grelor | qui eft aflez connu. Telle eft encore la couleuvre appellée Coral, remarquable par la va- riété & la vivacité de fes couleurs; mais le plus rare & le plus fingulier de tous, eft un grand Serpent amphibie , de vingt-cinq à trente pieds de long, & de plus d’un pied de groffeur , à ce qu'on aflure , que les Indiens Maynas appellent Facu Mama, ou Mere de des Aniäzônes) Nr Es De eau, & qui , dit-on, habite ordinaire- ment ces grands jice , formés par l’é- panchement des eaux du fleuve au-de- dans des terres. On en raconte des faits dont je douterois encore , fi je croyois les avoir vus, & que je ne me hafar- de à répéter ici que d'après l’Auteur récent déja cité de l’Orénoque illufiré, qui les rapporte fort férieufement. Non- feulement , felon les Indiens , cette monftrueufe Couleuvre engloutit ‘un chevreuil tout entier ; mais ils aflr- ment qu'elle attire invinciblement par fa refpiration les animaux qui l’appro: chent, & qu’elle les dévore, Divers Portugais du Para entreprirent de me perfuader des chofes prefque auff, peu vraifemblables, de la maniere dont une autre grofle Couleuvre tue les hommes. avec fa queue. Je foupçonne que c’eft la même efpece qui fe trouve dans les bois de Cayenne. Là, tout fon merveil- _leux fe réduit à un fait confirmé par L ü Ver qui croit dans da chair, 166 Voyage de la Riviere expérience ; c’eft qu'on peut en être mordu & en porter les marques fans danger ; quoique fes dents foient bien propres à infpirer la terreur : j'en ai apporté deux peaux , dont uné n’a guere moins de quinze pieds de lon= oueur , toute defléchée qu’elle eft , & a plus d’un pied de large. Sans doute, il y en a de plus grandes. Je fuis re- devable de ces peaux & de diverfes autrés curiofités d'Hiftoire naturelle aux PP. Jéfuites de Cayenne, à M. de Lille, Adam , Commiffaire de la Marine, à M. Ws Médecin du Roi, & à plis fieurs Officiers de la garnifon. 2 Le ver appellé chez les Maynas, Suglacuru | & à Cayenne, ver Maca- que, prend fon accroifement dans la chair des animaux & des hommes ; il y croît jufqu'à la groffeur d’une feve, & caufe une douleur infupportable ; il! eft aflez rare. J'ai defliné à Cayenne l'unique que j'ai vu , & j'ai confervé des Amazones.. 167 | le ver même dans l’efprit de vin; on dit qu'il naît dans la plaie faite par R piquûre d’une forte de Mouftique ou de Maringoin ; mais jufqu’ici l’ani- mal qui dépofe l'œuf n'eft pas encore connu. Les Chauve- Souris, qui fucent le fang des chevaux, des mulets & mé- Chauve- Souris, me des hommes , quand ils ne s’en garantiflent pas en dormant à l’abri d'un pavillon, font un fléau commun à la plupart des pays chauds de l’4- mérique. Il y en a de monftrueufes pour la groffeur ; elles ont entiérement détruit à Porja & en divers autres endroits le gros bétail que les Miffionnaires y avoient introduit , & qui commençoit à sy multiplier. . La quantité des différentes efpeces d'Oifeaux dans les forêts du Maragnon, paroît plus grande encore que celle des Quadrupedes. On remarque qu'il n’y OrsEaux. en a prefque aucun qui ait le chant. Liv 168 Voyage de la Riviere agréable : c’eft principalement par l'é- clat & par la diverfité des couleurs de leurs plumages qu'ils fe font remarquer. Rien n'égale la beauté des plumes du Colibri. Colibri , dont plufieurs Auteurs vont parlé, & qui fe trouve en Amérique dans toute la Zone Torride. Je remar- querai feulement que quoiqu'il pañle communément pour n'habiter que les pays chauds, je n’en ai vu nulle part en plus grande quantité, que dans les jardins de Quito , dont le climat tem- péré approche plus du froid que de la Toucan. grande chaleur. Le 7oucan, dont le bec rouge & jaune eft monftrueux à proportion de fon corps, & dont la langue qui reffemble à une plume dé- liée , pañlé pour avoir de grandes ver- tus, n’eft pas non-plus particulier au Perroquets pays dont je parle. Les efpeces de Per-. D 2 roquets & d'Aras différents en gran- deur, en couleur & en figure, font fans nombre ; les plus rares parmi les : des Amazones. 169 Perroquers font ceux qui font entié- ment jaunes, avec un peu de vert à l'extrémité des ailes. Je n’en ai vu qu'au Para deux de cette forte. On ny con- noît point l’efpece grife qui a le bout des aîles couleur de feu, & qui eft fi _ commune en Guinée. Les Maynas , les Omaguas Rd de vers autres Indiens font quelques ou- vrages de plumes , mais qui n'appro- _chent pas de l'art, ni de la propreté de ceux des Mexicains. Les Indiens des bords de l’Oyapoc ont l’adrefle de procurer artificielle- ment aux Perroquets des couleurs. na- turelles, différentes de celles qu'ils ont reçues de la nature, en leur tirant les plumes, & en les frottant avec du fang de certaines Grenouilles ; c’eft-là ce qu'on appelle à Cayenne, rapirer un _ Perroquer : peut-être le fecret ne con- fifte-t-il qu'à mouiller de quelque li- queur âcre l’endroit qui a été plumé ; Ouvrages de plûmes. Oifeaux peints artifi- ciellement, x70 Voyage de la Riviere PAF RTE même n'eft-il befoin d'aucun ù apprêt, & c’eft une expérience à faire. En effet , il ne paroît pas plus extra- ordinaire de voir dans un oifeau re- naître des plumes rouges ou jaunes, au-lieu des vertes qui lui ont été ar- rachées , que de voir repoufler du poil blanc en la place du noir fur le dos d’un cheval qui a été bleffé. Cahuïtahu, Entre plufieurs oifeaux finguliers , _ j'en ai vu un au Para de la B'ANRNE | d'une Oie, dont le plumage n’a rien de remarquable ; mais dont le haut des ailes eft armé d’un ergot ou corne très - aiguë , femblable à une grofle épine d’un demi-pouce de long. Îl a de plus au-deflus du bec une autre petite corne déliée & flexible, de la longueur du doigt; il fe nomme Ca- huitahu dans la langue Brafilienne, d'un: nom qui imite fon cri. | Oïfeau L’oifeau appellé Tromperero par les D Efpagnols dans la Province de __ des Amazones. 171 : nas, eft le même qu’on nomme Æ4pu- mi au Para & à Cayenne. Il eft fort familier, & n’a rien de particulier que le bruit qu'il fait quelquefois, qui lui a fait donner le nom d’oifeau 7rom- pette. C’eft mal-à-propos que quelques- uns ont pris ce fon pour un chant, ou pour un ramage. Îl paroît qu'il fe forme dans un organe tout différent, & précifément oppofé à celui de la gorge. | Le fameux oifeau appellé au Pérou, Contur, & par corruption, Condor, que j'ai vu en plufieurs endroits des mon- tagnes de la Province de Quito , fe trouve aufh, fi ce qu'on m'a aflu- ré eft vrai, dans les pays bas des bords du Maragnon. Jen ai vu planer au- deflus d’un troupeau de moutons, Il y . a apparence que la vue du Berger les empêchoit de rien entreprendre. C’eft une opinion univerfellement répandue que cet oifeau enleve un Chevreuil, Condor. — 172 Voyage de la Riviere & qu'il a quelquefois fait fa proie d'un enfant. On prétend que les Indiens lui préfentent pour appât une figure d’en- fant d’une argille très-vifqueufe, fur la- quelle il fond d’un vol rapide , & qu'il y engage fes ferres de maniere qu'il ne Septemb. 1743: Arrivée au Para ne Jui eft plus’ poflble de s’en dépé- trer, Le 19 de Septembre, près de qua- tre mois après mon départ de Cuença, j'arrivai à la vue du Para, que les Por- tugais nomment le ani Para, ceft- à-dire, la grande riviere dans la lan- gue du Préfl; nous primes terre à une habitation dépendante du Colle- ge des PP. Jéfuites. Le Provincial (a) nous y reçut, & le Reéteur (2) nous y tetint huit jours, & nous y procura tous les amufements de la campagne, tandis qu'on nous préparoit un loge- (a) Le R. P. Jofeph de Souza. (b) Le R. P. Jean Ferreyra, _ © des À maqones. 173 ment dans la ville. Nous trouvâmes le 27 en arrivant au Para une maiïfon commode & richement meublée, avec un jardin d’où l'on découvroit l’hori- fon de la mer, & dans une fituation telle que je l’avois defirée, pour la com- modité de mes obfervations. Le Gou- verneur (a) & Capitaine général de la Province nous fit un accueil auquel avoient dù nous préparer les ordres. qu'il avoit donnés fur notre pañlage, aux Commandants des Forterefles, & fes recommandations aux Provinciaux des différents Miffionnaires que nous avions rencontrés. | . Nous crûmes en arrivant au Para, à la fortie des bois de l’ Amazone , nous voir tranfportés en Europe. Nous trou- vâmes une grande ville , des rues bien \ (a) Ses titres font : Excellentiffimo Senhor Joan de Abreu e Caftelbranco, Governador e Capitam general do Eftado do Maranham.. | PR Septemb. 1743 Ville du Para, 174 Voyage de la Riviere ; alignées , des maifons riantes, la plu- Same. art rébâties depuis trente ar jet 45. :P P ns en pier- re & en moilon, des Eglifes magni- D en ) Son Com. Le commerce dire&t du Pa avec pt Lisbonne , d’où il vient tous les ans une flotte orbite: donne aux gens ai- fés la facilité de fe pourvoir de toutes leurs commodités. Ils reçoivent les marchandifes d'Europe en échange des denrées du pays, qui font, outre quel- que or en poudre qu’on apporte de lin- térieur des terres du côté du Bréfil , | toutes les diverfes produétions utiles, tant des riviéres qui viennent fe per- dre dans l'Amagone ; que des bords même de ce Fleuve, telles que l'écor- ce du bois de Clou , la Salfepareille’, la Vanille, le Sucre, Me Café, & fur-tout le Cacao, qui eft la monnoie courante du pays, & qui fait la richefle sn habitants. à SaLatitude, La Latitude du Pis n'avoit is. des Amazones. 117$ blement jamais été’ obfervée à terre, & on m'aflura en y arrivant que Jé- tois précifément fous la Ligne Equino- xiale. La Carte du P. Fre7 place cette ville par un degré de Latitude Auftra- le. J'ai trouvé par plufeurs obferva- tions qui s'accordent, 1 degré 28 mi- nutes; ce qui ne differe pas fenfible- ment de la Latitude de la Carte de Laer, qui n’a. été fuivie, que je fache, par aucun des Géographes poftérieurs. On trouve dans le nouveau Routier Portu- gais le Para par 1 deg. 40 m. Quant à fa Longitude , j'ai de quoi létablir exaétement par l'Eclipfe de Lune que _ÿy obfervai le premier Nov. 1743, & par deux immerfons du premier Sa- tellite de Jupiter, des 6 & 29 Déc. de la même année. En attendant les obfervations correfpondantes en quel- que lieu dont la Longitude foit con- nue, ny en aÿant point eu à Paris, . j'ai jugé par le calcul la différence du Septemb. 1743 Sa Lon- gitude, Novemb. Décemb.. 1743. Décemb. 1743: Expérien- ces fur la pefanteur. ï \ ; ne #4 rer] 176 -" oyage de la Riviere Méridien du Para à celui de Paris d'environ 3 heures 24 minutes à l'Oc- cident. Je pañle fous filence mes ob- fervations fur la Déclinaifon & l’In- clinaifon de l’Aiguille aimantée, & fur les marées qui font aflez irrégulieres au Para. Une obfervation plus importante!,. & qui avoit un rapport immédiat à la figure de la Terre, objet principal de notre voyage, étoit celle de la lon- gueur du Pendule de temps moyen, ou plutôt la différence de longueur de ce Pendule à Quito & au Para : lune de ces deux villes étant au bord de la mer ; l’autre 14 à 1500 toifes au-deflus de fon niveau; & toutes deux fous la Ligne Equinoxiale : car un degré & demi n’eft ici d'aucune conféquence. J'étois en état de déterminer cette dif- férence par le moyen d’un Pendulein= variable de 28 pouces de long, que je décrirai ailleurs , qui conferve fes \ ofcillations dés Amazones. 177 ofcillations fenfiblement pendant plus Ft de 24 heures, & avec lequel j'avois De. fait un grand nombre d’expériences à Qurto 8 fur la montagne de Pichin- cha, 750 toifes au - defflus du fol de Quito. Par le moyen réfultat de neuf expériences faites au Para, dont les deux plus éloignées ne donnent que trois ofcillations de différence , fur 08740 , j'ai trouvé que mon Pendule faifoit au Para en 24 heures de temps moyen 31 ou 32 vibrations plus qu’à Change- gi ;. & so ou 51 vibrations plus Sa ca qu'à Pichincha. Je conclus de ces ex- teur. riences que fous l'Equateur , deux corps, dont l’un peferoit 1600 livres, & l’au- tre 1000 livres au niveau de la mer, étant tranfportés, le premier à 1450, le fecond à 2200 toifes de hauteur, perdroient chacun plus d’une livre de leur poids ; à peu près comme il de- vroit arriver , fi on faifoit les mêmes expériences fous le 22 & le 28e. Pa- M 178 . oyage de la Riviere | Es rallele , fuivant la Table de M. News s 1743. (OR; OU Vrs le 20: ST 245% , à en juger 5 par la comparaifon des expériences im- médiates faites fous l’Equateur & en di- vers endroits d'Europe. Les nombres précédents ne font qu’approchés , &je me réferve le droit d’y faire de légers changements, en y appliquant les équa- tions convenables , lorfque je donnerai le détail de mes expériences du Pendule. Obflaces Pendant mon féiour au Pera, je au DPart fis aux environs quelques petits vOya- ges en canot, & j'en proftai pour le détail de ma Carte. Je ne pouvois la terminer fans voir la vraie embouchur- re de l’Amazone , & fans fuivre fon bord Septentrional jufqu'au Cap de Nord , où finit fon cours. Cette raifon & phifibiré autres m’ayant déterminé à me rendre du Para à Cayenne, d'où je pouvois repafler droit en Ærance fur le vaiffeau du Roi qu’on y attendoit, je ne profitai pas comme M. Maldona- des Amazones. 179 do, de l’occafion de la flotte Portu- gaife qui partit pour Lisbonne le 3 Dé- cembre 1743 , &c je me vis rerenu juf- qu'à la fin du même mois au Para, moins par la menace qu’on me faifoit des vents contraires qui regnent en cette faifon, que par la difculté de former un équipage de Rameurs ; la petite-vérole qui faifoit alors un grand ravage, ayant mis en fuite la plupart des Indiens des villages circonvoifins. On remarque au Para que cette ma- ladie eft encore plus funefte aux In- diens des Miffions nouvellement tirées des bois, & qui vont nuds, qu’aux In- diens vêtus , qui font nés ou qui ha- bitent depuis long-temps parmi les Por- tugais. Les premiers, efpece d'animaux amphibies, aufhi fouvent dans l’eau que Décemb. 1743 Petite-V&- role mor- telle aux Indiens. fur terre, endurcis depuis leur enfance aux injures de l'air, ont peut-être la eau plus compaéte que celle des au-- tres hommes; & on feroit porté à croire M ÿ BEEN Se REC EEE Décemb. 1743. 180 Voyage de la Riviere que cela feul peut rendre en eux l’é< ruption de la petite-vérole pas diffi= cile. L’habitude où font ces mêmes In- diens de fe frotter le corps de Roucou, de Genipa, & de diverfes huiles graf- fes & épaifles, qui doivent à la lon- gue obftruer les pores, contribue peut, être aufli à augmenter la dificulté; cette conjeéture eft confirmée par une autre remarque. Les efclaves Negres tranfportés d’Afrique, & qui ne font pas dans le même ufage, réfiftent mieux à ce mal que les naturels du pays. Quoi qu'il en foit, un Indien Sauvage, nou- vellement tiré des bois , attaqué natu- rellement de cette maladie, eft pour l'ordinaire, un homme mort ; mais pourquoi n'en eft- il pas de même de la petite-vérole artificielle ? Il y a quinze ou feize ans qu'un Miflionnaire Carme “des environs du Para, voyant tous fes Indiens mourir lun après l’autre, & ayant appris par la leéture d’une Ga- des Amazones: 18r zette le fecret de P/noculation | qui fai- foit alors beaucoup de Let en Eu- rope, jugea prudemment qu’en ufant de ce remede, il rendroit'au moins doüteufe une mort qui n’étoit que trop certaine , en n'employant que les remedes ordinaires. Un raifonnement auffi fimple n’avoit pu manquer de fe préfenter à tous ceux qui étoient ca- pables de réflexions, & qui voyant le ravage de la maladie, entendoient par- ler des fuccès de la nouvelle opéra- tion; mais ce Religieux fut le premier en Amérique qui eut le courage d’en venir à l’exécution. Il avoit déja per- du la moitié de fes Indiens ; beaucoup d’autres tomboient malades journelle- ment : il ofa faire inférer la petite-vé- role à tous ceux qui n’en avoient pas encore été attaqués, & il n’en perdit plus un feul. Un autre Miflionnaire de la riviere Noire fuivit fon exemple avec le même fuccès. M ii es Décemb., 1743. L’'Inocula- tion les fau- ve tous. CT TCSERTEETENS « Décemb. 1743+ 182 Voyage de la Riviere Après des expériences fi authenti- ques, on jugera fans doute, que dans la contagion de 1743, qui caufoit ma détention au Para, tous ceux qui | avoient des efclaves Indiens , uferent d’une recette fi falutaire pour fe les conferver. Je le croirois moi-même, fi je n’avois été témoin du contraire : Pépart du Para, du moins on n’y penfoit pas encore lorfque je partis du Para. IL eft vrai que la moitié des Indiens n’étoient pas encore morts, | Je m'embarquai, le 29 Décebliet au Para pour Cayenne, dans un canot du Général, avec un équipage de vingt-deux rameurs, & toutes les com- modités que je pouvois. defirer, pour- vu de rafraichiflements, & muni de recommandations pour les RR. PP. Francifcains de la réforme de S, Æ4x- sine , qui ont leurs Miffions dans l'ifle de Marajo ou de Joanes, & qui de- voient me fournir en paflant chez eux \ des Amazones. 133 un. Le équipage d’Indiens, pour continuer ma route; cependant le dé- faut de communication entre le Pa- ra & Cayenne, & divers contre-temps _m’empêcherent de trouver un bon Pi- lote-prarique , dans quatre villages de ces Peres où j'abordai les premiers jours de Janvier 1744. Privé de ce fecours, & livré au peu d'expérience & à la timidité de mes rameurs În- diens, & fur-tout à celle du Mame- lus (a) ou Méus Portugais qu'on m'a- voit donné pour les commander en leur langue , & qui fe perfuada que jétois aufñi à fes ordres, je fus rete- nu deux mois dans une route que je pouvois faire en moins de quinze jours; & ce retardement m'empêcha de pou- voir obferver à terre la Comete qui parut en ce temps-là. Elle fe perdit (a) Mamelus eft le nom qu'on donne au Bréfil aux enfants des Portugais & des femmes Indiennes, M iv Re, Janvier 1744. { L'_2 2 mm. - Fanvier 1744. Ifle de : Joanes ou de Marayo, 184 Voyage de la Riviere dans les rayons du Soleil, avant qué je pufle être rendu à Cayenne. Quelques lieues au-deffous du Pa- ra, je traverfai la bouche Orientale e l'Amazone ou le bras du Para , fé- paré de la vraie embouchure ou de la bouche Occidentale, par la grande ifle connue fous le nom de Joanes, & plus ordinairement au Para, fous le nom de Marajo. (a) Cette ifle occupe feule prefque tout l’efpace qui fépare les deux embouchures du Fleuve. Elle eft d’une figure irréguliere & a plus de 150 lieues de tour. Dans toutes les Cartes , on lui a fubftitué une multi- tude de petites ifles qui fembleroient placées au hafard fi elles ne paroifloient copiées fur la Carte du F/ambeau de la Mer, remplie en cette partie de dé- (a) Les Indiens prononcent Marayo, & les Por- œugais Marajo, Il en eft de même de plufieurs au- tres noms Indiens, | des Amazones. è 185$ tails auffi faux que circonftanciés. Le bras du Para, à l'endroit où je le tra- verfai, cinq ou fix lieues au-deflous de cette ville, a déja plus de trois lieues de large, & va en s'élargiflant de plus en plus. Je côtoyai lifle en marchant au Nord, pendant trente lieues, juf- qu'à fa derniere pointe appellée Ma- _ guari , au-delà de laquelle je tournai à _ l'Oueft, en fuivant toujours la côte de lifle qui court plus de quarante lieues fans prefque s’écarter de la Ligne Equi- noxiale. Je paflai à la vue de deux grandes ifles , que jelaïffai vers le Notd, June appellée Machiana , l'autre Ca- viana , aujourd’hui défertes, ancienne- ment habitées par la nation des Arouas, qui, quoique difperfée, a confervé fa Jangue particuliere. Le terrein de ces ifles , ainfi que celui d’une grande par- tie de celle de Marajo, eft entiérement noyé & prefque inhabitable. Je quittai Ce 5 (DR es SA Le RE SR Janvier. 1744 Ja côte de Marajo , à l'endroit où elle Fanvier 1744. Macapa, Fort Por- upaIs. 186 Voyage de la Le fe replie vers le Sud, & je retombai dans le vrai lit ou le canal principal de l’'Amazone , vis- à- vis du nouveau Fort de Macapa, fitué fur le bord Oc- cidental du Fleuve, & tranfporté par les Portugais deux lieues au Nord de l’ancien. Il ne feroit pas poflible de tra- verfer en cet endroit le Fleuve dans des canots ordinaires, fi le. canal n’étoit retréci par de petites ifles, à l’abri def- quelles on navigue avec plus de fü- reté, en prenant fon temps pour paf- fer de l’une à l’autre. De la derniere ifle à Macapa , il ne laifle pas d’y avoir encore plus de deux lieues. Dans ce dernier trajet, je repañlai enfin & pour la derniere fois du Sud au Nord la Ligne Equinoxiale , dont je m’étois rapproché infenfiblement depuis le lieu de mon embarquement. J’obfervai au nouveau Fort de Macapa, ou plutôt fur le ter- rein deftiné à bâtir le nouveau Fort, les 18 & 19 Janv., trois minutes de La- . tit. Septent. des Amazones. 187 _ Le {ol de Macapa , eft élevé de deux + RUE be Fanvier à trois toifes au - deflus du niveau de ‘;,,4. l'eau. Il n’y a que le bord du Fleuve Terrein qui foit couvert d’arbres, le dedans Per des terres eft un pays uni, le premier ne Hé que j'eufle rencontré de cette nature, _ depuis la Cordeliere de Quito. Les In- diens affurent qu'il continue ainfi en avançant du côté du Nord, & qu’on peut aller à cheval de-là jufqu’aux four- ces de l’'Oyapoc, par de grandes plai- nes découvertes, qui ne font interrom- pues. que par de petits bouquets de bois clair. Des environs des fources de l'Oyapoc, on voit du côté du Nord, les montagnes de l'Aprouague , qu’on apperçoitauff très-diftinétement en Mer, à plufieurs lieues de diftance de la C6- te ; & à plus forte raïfon les voit-on des hauteurs voifines de Cayenne. Tout ceci fuppofé , il eft clair qu’en partant de Cayenne , par $ degrés de Latitude * Nord, & marchant vers le Sud, on — ve 188 Foyage Œ .: l'en Janvier 1744. auroit pu mefurer commodément Hurs al trois & peut-être quatre degrés du Mé- ridien, fans fortir des terres de France, & reconnoître , chemin faifant, cet intérieur des terres, qui ne l’a pas été juqu' ici. Enfin, fi l’on eût voulu, on eût pu, avec des pafle-ports de Porte gal, poufler la mefure jufqu'au paral- lele de Macapa ; c’eft-à-dire , jufqu'à l'Equateur même. L’exécution de ce projet eût été plus facile que je ne le croyois moi-même, lorfque je le pro- pofai à l’Académie un an avant qu'il fût queftion du voyage de Quiro, où lon a cru trouver plus de facilité. Si mon idée eût été goûtée , il y a toute ap- parence que nous ferions de retour de- puis bien des années ; mais ce n’étoit que par l'infpeétion des lieux, qu'on pouvoit s’aflurer que ce que je propo- fois , étoit praticable. Pororoca , Entre Macapa & le Cap de Nord, hé Le > ne fingulier dans l'endroit où le grand canal 24 des marées, des Amayones. 189 Fleuve fe trouve le plus refferré par les ns iles, & fur-tout vis-à-vis de la gran- de bouche de l'Arawary , qui entre dans l'Amazone du côté du Nord, le flux de la Mer offre un phénomene fin- oulier. Pendant les trois jours les plus voifins des pleines & des nouvelles Lunes , temps des plus hautes marées, la Mer, au-lieu d'employer près de fix heures à monter, parvient en une ou deux minutes à fa plus grande hauteur : on juge bien que cela ne peut fe paf- {er tranquillement. On entend d’une ou de deux lieues de diftance, un bruit effrayant qui annonce la Poro- roca. C'eft le nom que les Indiens de ces cantons donnent à ce terrible For. À mefure qu'il approche, le bruit au- gmente , & bientôt l’on voit un pro- montoire d’eau de 12 à 15 pieds de haut, puis un autre, puis un troifieme, & quelquefois un quatrieme, qui fe fuivent de près, & qui occupent toute gier 1744. 1 ROUTE à € AAA _190 Voyage de la Riviere :: 14 | : Janvier la largeur du canal; cette lame avance 1744. avec une rapidité prodigieufe, brife & rafe en courant tout ce qui lui ré-' fifte. J'ai vu en quelques endroits, un grand terrein emporté par la Pororaco, de très-gros arbres déracinés, des ra- vages de toutes fortes. Par-tout où elle pañle , le rivage eft ner, comme sil eùt été balayé avec foin. Les canots, les pirogues , les barques même n’ont d'autre moyen de fe garantir de lafu- reur de cette Parre, (ceft le nom François qu’on lui donne à Cayenne ,) qu’en mouillant dans un endroit où il y ait beaucoup de fond. Je n’entrerai pas ici dans un plus grand détail du fait, ni de fon explication. Je ne ferai qu'en indiquer les caufes, en difant qu'après l'avoir examiné avec attention en di- vers endroits, j'ai toujours remarqué que cela n’arrivoit que lorfque le Æor montant & engagé dans un canal étroit, rencontroit en fon chemin un banc de des Amazones. 191 fable, ou un haut-fond qui lui faifoit obitacle ; que c’étoir-là & non ailleurs que commençoit ce mouvement impé- tueux & irrégulier des eaux, & qu'il ceffoit un peu au-delà du banc , quand le canal redevenoit profond, ou s'élar- gifloit confidérablement. On dit qu'il arrive quelque chofe d’affez femblable aux ifles Orcades , au Nord de lEcoffe & à l'entrée de la Garonne aux envi- _rons de Pordeaux , où l’on appelle cet effet des marées , le Ma/carer. La crainte du Chef de mes Indiens de ne pouvoir en cinq jours qui nous reftoient , jufqu'aux grandes marées de la pleine Lune, gagner le cap de Nord , dont nous n’étions plus qu'à quinze lieues , & au - delà duquel nous pou- vions trouver un abri, les fit réfoudre, malgré mes repréfentations , à atten- dre neuf jours entiers, dans une ifle déferte, que la pleine Lune füt bien pañlée. Nous nous rendimes de-là au tnt 1744 Or ES es 2 192 Vo yage de La TOR eee ù ot cap de Nord ; ; €9 moins de deux ; jours ; ; Février 1744. le lendemain , jour du dernier quartier : Le canot &c des plus petites marées, nous échoui- Pur Re mes fur un banc de oi & la Mer fpt jours. en baiflant fe retira fort LA de nous. | Le jour fuivant, le flux ne parvint pas juiqu’ au canot : Fa mt je reftai là à fec près de fept jours, pendant lefquels mes rameurs, dont la fonétion avoit ceflé , n’avoient d’autre occupation "que d’aller chercher fort loin de l’eau faumâtre , en s’enfonçant dans la vafe juiqu'à la ceinture. Pour moi, j'eus | tout le temps de répéter mes obferva- Cap &e tions à la vue du cap de Nord, & de La 3 ve m'ennuyer dè,me trouver toujours par 1 degré 51 minutes de Latitude Sep- tentrionale. Mon canot enchâflé dans un limon durci, étoit devenu un obfer- vatoire folide. Je trouvai la variation Variation de la Bouflole de 4 degrés Nord -Efr, dersigule deux, degrés & demi moindre qu'à | Pauxis ; enfin, j'eus auf le loifir, pen- dant des Amazones. 193 dant une femaine entiere, de prome- ner ma vue de toutes parts , fans ap- pércevoir autre chofe que des Man- gliers, au-lieu de ces hautes monta- gnes dont les pointes font repréfentées avec un grand détail, dans les def- criptions des côtes, jointes aux cartes du Flambeau de la Mer, livre traduit en toutes les langues , & qui en cette pattie femble plutôt fait pour égarer, quepour guider les navigateurs. Enfin, aux grandes marées de la nouvelle Lu- Février 1744 Erreur dans gereufe des Cartes, ne fuivante , le commencement de cet- te même Parre fi redoutée nous remit à flot, non fans danger , ayant enlevé le canot & l'ayant fait labourer dans la vafe, avec plus de rapidité que je n'en avois éprouvé dans les courants du Pongo, au haut du fleuve que je _ venois de parcourir, & dont je voyois enfin l'embouchure. Ma Carte du cours de l’Amazone finifloit là ; cependant je continuai de lever la côte, & d’obfer- N . 194 W oyage # la Riviere meme Forier ferver les Latitudes juiqu'à Cayenne. 1744. Quelques lieues à lOueft du Banc pere dé des Jept jours , & par la même hau-. Vincent teur, je rencontrai une autre bouche nt l'Arawari, aujourd’hui fermée par les fables. Cette bouche & le profond: & large canal qui y conduit en ve- nant du côté Nord, entre le continent du cap de Nord, & les ifles qui cou- vrent ce Cap, font la riviere & la Baye de Vincent Pincon. Les Portugais du Para ont eu leurs raifons pour les confondre avec la riviere d'Oyapoc, dont l'embouchure fous le Cap d’O- ‘range, eft par 4 degrés 15 minutes de Latitude Nord. L'article du traité d’'U- trecht qui paroït ne faire de l’'Oyapoc, & de la riviere de Pinçon , qu'une feule & même riviere, n'empêche pas qu’elles ne foient en ft à plus de 59 lieues l’une de l’autre, Ce fait ne fera contefté par aucun de ceux qui auront confulté les anciennes Cartes & lu les des Amazones. 195 Auteurs originaux, qui ont écrit de l'Amérique avant létablifflement des Portugais au Préfil. Jobfervai au fort François d’Oyapoc, le 23 & 24 Fé- vrier, 3 degrés 5 minutes de Latitude évrier 1744 Nord; ce fort eft fitué à fix lieues en , me A remontant la riviere de même nom, {ur le bord Septentrional. _ Enfin, après deux mois de naviga- tion par mer, & même par terre, je parle fans exagération , puifque la Côte eft fi plate entre le Cap de Nord & l'ile de Cayenne, que le gouvernail touchoit continuellement | ou plutôt ne cefloit pas de fillonner dans la va- fe, n’y ayant quelquefois pas un pied d'eau à demi-lieue au large; j'arrivai du Para à Cayenne , le 26 Fév. 1744. Perfonne n’ignore que ce fut en cette le > que M. Kicher , de cette Acadé. © mie fit en 1672 la disent de l'i- négalité de la pefanteur , fous les dif- férents paralleles , &r que fes expérien- N 5j Ârrivée à Cayenne. Expérien- cefurlapes, fanteur. Février 1744. 196 Voyage de la Riviere ces ont été les” premiers fondements des Théories de M. Huygens & de M. Newton , fur la figure de la Terre. Une des raifons qui m’avoit déterminé à ve- nir à Cayenne, étoit l'utilité qu'il y _auroit d'y répéter les mêmes expérien- ces , auxquelles nous étions fort exer- cés, & qui fe font aujourd'hui avec _ bien plus d’exaétitude qu’autrefois. F’ap- | porte une regle d'acier, qui eft, fui- vant mes obfervations , la mefure exac- te de la longueur abfolue du Pendule fimple à Cayenne ; mais j'attends une beaucoup plus grande précifion de la comparaifon du nombre d’ofcillations que faifoit mon Pendule fixe à Cayenne en 24 heures, au nombre defes vibra- tions en temps égal à Paris, aufli-tôr que je pourrai l’éprouver. Cette com- paraifon donnera fort exaétement l'ex- cès du Pendule à fecondes de Cayenne, {ur le Pendule à fecondes de Pas, dont la longueur abfolue déterminée des Amazones, 197 par M. de Mairan, qui a renchéri fur tous ceux qui l'ont précédé dans cette recherche, peut à jufte titre être ré- Co ts, N Février 17 44° putée la véritable. On pourroit aufli . prendre pour terme fixe la longueur du Pendule obfervée à Quito , par diffé- rentes méthodes, & avec différents inf- truments fur laquelle MM. Godin , Bou- guer. & moi fommes d'accord, prefque dans le centieme de ligne. De quel- que point que l'on parte, la différen- ce du nombre d’ofcillations en 24 heu- res du même Pendule, à Quiro, au Para & à Paris , tirée d’une longue fuite d'expériences en chaque lieu , don- nera la mefure abfolue du Pendule Equi- noxial au bord de la Mer, la plus pro- pre de toutes à devenir d’un commun accord une ÂMefure univerfelle. Eh ! combien ne feroit-1il pas à fouhaiter qu'il y en eût une telle du moins en- tre les Mathématiciens ! La diverfité des langues , inconvénient qui durera N ü Modele d’une me- fure uni- verfelle, Février £ 744 198 Voyage de la Riviere encore bien des fiecles, n’apporte-t-elle pas déja affez d'obftacles au progrès des fciences & des arts, par le dé- . faut d’une fuffifante communication en- tre les divers peuples, fans l’augmenter Graines de Quin- _ quina. encore, pour ainf dire, de propos dé- libéré , en afféétant de fe fervir de dif- férentes mefures & de différents poids, en chaque pays & en chaque lieu ; tandis que la nature nous préfente, dans la longueur du Pendule à fecon- - des, fous l’Equateur , un modele‘inva- riable , propre à fixer en tous lieux les poids & les mefures, & qui invire tous les Philofophes à l’adopter. ; Mon premier foin en arrivant à Cayen- ne, fut de diftribuer à diverfes perfon- nes des graines de Quinquina , qui n’a- voient alors que huit mois ; j’efpérois pat-là réparer la perte des jeunes plan- tes du même arbre, dont les dernie- res, que mes précautions avoient juf- ques - à garanties des chaleurs & des \ des Amazones. 109 accidents du voyage , venoïent d’être enlevées par un coup de Mer , qui fail- lit à fubmerger mon canot fur le Cap d'Orange. Les femences n'ont point le- vé à Cayenne, & je n’ofois guere m'en flatter, vu la délicatefle des graines _ qui avoient été expolées à de grandes chaleurs. Je n’ai pas encore eu de nou. velles de celles que j'ai fait remettre aux PP. Miflionnaires Jéfuites du haut de POyapoc, dont le terrein de mon- tagnes & le climat moins ardent eft beaucoup plus reflemblant à celui de Loxa, où j'avois recueilli les graines. Jai SE à la ville de Cayenne la même Latitude que M. Richer , d’en- viron $ deg. 56 min. vers le Pons J'ai d’abord été furpris de trouver par quatre obfervations du premier Satel- lite de Jupiter, qui s'accordent en- trelles, la différence des Méridiens en- tre Cayenne & Paris, d'environ un degré moindre qu'elle n’eft marquée Nav ns. 2 l'évrier 744 4. Obferva- tions de D titude &C de Longitude, onanmsenneanennes l'évrier 1744. 200 . Voyage de la Riviere dans le Livre de /a Connoiffance des Temps. Mais j'ai fu depuis que M. R:- cher n’avoit fait aucune obfervation des Satellites de Jupiter à Cayenne , & que la Longitude de cette place n’avoitété déduite de fes autres obfervations que d’une maniere très - indirecte, & fort. _fujette à erreur. Un plus grand détail Expérien- ces fur. la vitefle du Son. neft propre que pour nos Affemblées particulieres, non plus que celui de mes Obfervations des marées , & de la Décli- naifon & de lInclinaifon de lAiguille aimantée , faites dans le même lieu. - Ayant remarqué que de Cayenne on voyoit fort diftinétement les montagnes de Courou , dont on eftimoit la diftan- ce de dix lieues , je jugeai que ce lieu d’où l’on pourroit appercevoir le feu. & entendre le bruit du canon du Fort de Cayenne , feroit propre à mefurer. la vîtefle du fon dans un climat fi dif- férent de celui de Quito, où nous en avions fait plufeurs expériences... M. des Amazones. 101 d'Orvilliers , Commandant de la Pla- ce, voulut bien, non-feulement don- ner les ordres néceffaires , mais fe fit un plafir de partager avec moi le tra- vail; M. Frefneau, Ingénieur du Roi, fe FE évrier 1744 chargea des fignaux d'avis, de mefu- rer de fon côté la vitéfle du vent, & de plufeurs autres détails. De cinq ex- périences faites en deux jours différents, & dont quatre s’accordent dans la de- mi-feconde, fur un intervalle de 110 fecondes de temps , la diftance fut géo- métriquement conclue de 20230 toi- fes, par une fuite de triangles liés à une bafe de 1900 toifes , aétuellement mefurée deux fois fur une plage unie: & le moyen réfultat me donna pour la vitefle du fon , déduction faite de la vitefle du vent, 183 toifes & demie par feconde , au-lieu de 17$ que nous avions trouvé à Quico. La piece de ca- non qui fervit à ces expériences , étoir de douze livres de balle. | 202 Voyage de la Riviere FRS Je tirai parti des angles que j'avois 1744. déja mefurés , & des diftances connues, : ad pour déterminer péométriquement la phiques. pofition de trente ou quarante points, tant dans l’ifle de Cayenne , que dans le Continent & fur la Côte ; entr'autres celle de quelques rochers, & particu- liérement de celui qu’on nomme le Connétable | qui fert de point de re- connoiffance aux vaifleaux. Je pris auff les angles d’élévation des Caps & des Hauteur Montagnes les plus apparentes. Leur en hauteur bien connue fourniroit aux Pi- gnes & des Caps utile [otes un moyen beaucoup plus für que à connoître aux Marins, Celui de l’eftime , pour connoitre à la vue des terres , fans calcul , & à laide d’une fimple Table, la diftance où ils font d’une Côte. On ne fait que trop combien il importe de le favoir exac- tement dans les aterrages. Ce n’eft pas le feul fecours que la Géométrie offre aux Marins, & dont ils ont négligé jufqu'ici de faire ufage. | des Amazones. 203 e pd." _ Dans une autre tournée que je fS Fier * encore avec M. d'Orvilliers hors de 1744. l'ile, en remontant quelques rivieres Projet de L | A Carte des du Continent , nous mefurâmes leurs ins de détours par routes & diftances, &c Cayenne. j'obfervai quelques Latitudes ; ce font autant de matériaux , qui , avec les prin- cipaux points que j'avois déja détermi- nés, pourront fervir à faire une Carte. exaéte de cette Colonie, dont nous n'avons jufqu'ici aucune Fi mérite ce nom. Pendant mon féjourà Cayenne , j'eus Expérien- la curiofité d’eflayer fi le venin des DA D flêches empoifonnées , que je gardois Poilonnées. depuis plus d’un an, conferveroit en- -core fon aétivité , & en même-temps _ fi Le fucre étoit efleétivement un con- tre-poifon aufli efficace qu'on me la- voit afluré. L'une & l’autre expérien- ce furent faites en préfence du Com- = mandant de la Colonie, de plufieurs Oficiers de la garnifon, & du Méde- 1 Suilles 17444 204 Voyage. de la Riviere cin du Roi. Une poule légérement blef- fée, en lui foufflant avec une farbaca- : ne une petite fleche dont. la. pointe étoit enduite du venin il y avoit.au moins treize mois, a vécu un demi quart-d'heure; une autre piquée dans l'aile avec une de ces mêmes flêches, nouvellement trempée dans le venin délayé avec de l’eau, & fur le champ retirée de la plaie , parut s’afloupir une minute après ; bientôt les convulfions fuivirent ; & quoiqu'on lui fit alors avaler du fucre, elle expira. Unetroi- fieme piquée avec la même fleche re- trempée dans le poifon, ayant étéfe: courue à l'inftant avec le même reme- de , ne donna aucun figne d'incommo: dité. Jai refait les mêmes expériences à Leyden , en préfence de plufieurs (a) celébres Profefleurs de la même Uni- verfité, le 23 Janvier de cette année. a ae EMRPRERMEES UN" °° 2 ” 3 (2) MM. Muffenbroek, Vanfwieten, Albinus des Amazones, 20$ Le poifon, dont la violence a dù être - rallentie par le long temps & par le froid ; n’a fait fon effet qu'après cinq ou fix minutes ; mais le fucre a été don- néfans fuccès. La poule qui avoit ava- lé , a feulement paru vivre un peu plus long-temps que l’autre. L'expérience ne fut pas répérée. Ce poifon eft un ex- trait fait par le moyen du feu , des fucs de diverfes plantes , & particuliérement de certaines Lianes. On aflure qu'il en- tre plus de trente fortes d'herbes ou de racines dans le venin fait chez les Ticunas, qui eft celui dont j'ai fait l’é- preuve , & qui eft le plus eftimé entre les divérfes efpeces connues le long de la riviere des Amazones. Les Indiens le compofent toujours de la même manie re, & fuivent à la lettre le procédé qu ils ont reçu de leurs ancêtres, auffi fcrüpuleufement que les bi äbiäiee ee 4 Juiller. 1744: parmi nous procedent dans la compofi- | tion de la Thériaque d’Andromachus “ 206 Voyage de la Riviere Suille fans omettre le moindre ingrédient 1744. prefcrit; quoique probablement cette orande multiplicité ne foit pas plus néceflaire dans le poifon Indien ,-que | dans l’antidote d'Europe. … | | Remarque. VNOHMErà fans doute furpris que dd | des gens qui ont à leur difpoñition un inftrument fi für & fi prompt, pour fatisfaire leurs haines, leurs jaloufes & leurs vengeances ,; un poifon aufh fub- til ne foit funefte qu'aux finges Sraux. joifeaux des bois. Il eft encore plus étonnant qu'un Miffionnaire , toujours craint & quelquefois hai de fes Méo+ phytes , envers lefquels fon miniftere: ne lui permet pas d’avoir toutes les com- plaifances qu’ils voudroient exiger de lui, vive parmi eux fans crainte & fans défiance. Ce n’eft pas tout: ces gens fi. peu dangereux , font des hommes fau- vages, & le plus fouvent fans aucune. ide de Religion. Polypes Ayant appris à Cayenne le Sie mer- de Mer, © des Amazones 207 _ veilleux & toujours nouveau de la mul- tiplication des Polypes, découvert par M. Trembley | & ‘depuis confirmé par les expériences de MM. de Réaumur , de Juffieu , & d'un grand nombre de Phyfciens, je fis quelques épreuves fur de grands Polypes de Mer fort com- muns fur cette côte. Mes premieres ten- tatives ne me réuflirent pas, &c ma ma- Es , -. D Août 1744 laädie m'empêcha de les répéter, com- me je me le propofois. Près de cinq mois d'attente à Cayen- ne, fans voir arriver le vaifleau du Roi qu'on attendoit , & fans y recevoir de nouvelles de France, dont J'étois pri- vé depuis cinq ans, avoient fait fur moi plus d’impreflion , que neuf années de voyage & de fatigues. Je fus atta- qué d’une maladie de langueur, & d'une jaunifle dont le remede le plus ef- ficace pour moi, fut la réponfe extré- mement polie que je reçus de M. Mau- ricius , Gouverneur de la Colonie Hol- Retarde- ment à Cayenne, Départ de Cayenne pour Suri- nam,- | Août 1744. 16 7. oyage de la Riviere landoife de Surinam ; il m’offroit {a mai- fon à Surinam , le: choix d’un embar- quement pour la Æô//ande , & un pañe- port même en cas de’ rupture entre la France & les Etats - Généraux. Je ne perdis pas un moment; & après un fé- jour de fix mois à Cayenne , j'en par- tis convalefcent le 22 Août 1744 furle canot du Roi, que M. d'Orvilliers vou- lut bien me donner pour me conduire à Surinam , avec un Sergent.de la gar- nifon pour guide, qui ne commandoit qu'aux rameurs. Aufll ce voyage fut- il plus court que celui du Para à Cayenne : je n’arrêtai en chemin que le temps néceflaire pour rendre complet l'équipage d’Indiens. Le P. Miflionnaire de Seramary, m'en procura le plus grand nombre , malgré la terreur pa- nique d’une contagion imaginaire à Sa rinam , dont le faux bruit s’étoit ré- pandu parmi eux. En déduifant le temps des féjours volontaires & forcés , je fis en PRET des Amazones. 209 ; en foixante & quelques heures le eo jet de Cayenne à la riviere de Surinam, 1744. où j'entrai le 27. 5 Le 28, je remontai la riviere pen- 4,4 à dant cinq \iBties ; & je me rendis à Pa- Paramari= bo. ramaribo , capitale de la Colonie Hol- landoife de Surinam , dont le Gouver- neur enchérit par les effets, fur fes of- fres obligeantes. J’y obfervai la Lati- tude de ÿ; degrés 49 minutes Septen- Latitude. trionale, & j'y fis quelques autres ob- meme fervations pendant les cinq jours que Sepremb. jy féjournai ; je m'embarquai le 3 de . nd mDpar- Septembre, fur un vaifleau marchand, quement qui partoit pour Am/fferdam. se _Amf- Le 29 le mauvais temps me difpenfa Rencontre ’un Cor- de manifefter mon paffe-port à un Cor- fire An. faire Anglois , qui l’auroit apparemment glois. peu refpeété, puifque fous pavillon Hol- landois , il nous lâcha de prime abord toute fa bordée à boulet, pour nous faire mettre notre chaloupe à la mer. Le 6 Novembre à l'entrée de la | 0. Mio. 74 oyage re la Riviere Lama ra + Novemb, Manche, & par un aufñ gros temps ; 1744. un Corfaire de S. Malo nous fit la mê- Renconfre . : 1: F4 ne Co ne PrypAAIenS mais plus poliment ;' : faire Fran- & s'étant approché à portée de la voix y . il fe contenta enfin de l’affurance que je lui donnai , en me faifant connoître, qu'il perdoit fon temps avec nous. Nous. embarquâmes le 16 à l'entrée du Texe/,. un Pilote côtier pour nous conduire Danger. dans le Port ; mais obligés de fuir la terre que nous cherchions , nous errä- mes pendant les quinze jours les plus courts de l’année & par des brouillards: _continuels, toujours la fonde à la main , dans une mer remplie de bas-fonds &. d'écueils. Nous vimes une nuit les feux de Scheveling , qui ne s’apperçoivent guere impunément ; nous reconnûimes enfin la Terre de Flie-land , tandis que nos Pilotes fe jugeoient par leur eftime à la vue du Texel. Le 30 Novembre Débarque- AU foir , je débarquai à Am/lerdam où ment, j'ai féjourné & à la Æaye plus de deux \ des Amazones. 211 MES EAU mois, en attendant les pañe-ports qui n,,,5 m'étoient néceflaires pour traverfer avec 1744. füreté les Pays-Bas. Je fuis redevable Janvier de ceux d'Angleterre , à la politeffe de ‘745 M. Zrevor, Miniftre de cette Couron- ne, qui les accorda fans difficulté à M. l'Abbé de la Ville, Miniftre de Fran- ce ; & j'ai dû ceux du Miniftre de la Reine de Aonprie | aux foins officieux de M. le Comte de Bentink. Enfin, le 23 Février de cette année 1745 , je fuis Fhsier arrivé à Paris, près de dix ans après 1745- k à Arrivée à en etre parti. Paris, LL Ed En È { A PAS J F4 À à | | MADAME ** Sur l'Emeute populaire excitée en la Ville de Cuença au Pérou, le 29 d’Août 1739, contre les Académiciens des Sciences, en- voyés pour la mefure de la Terre. Audeat ille (ptem) qui vidit, dicere vidi. Juv. Sat. XVL EReReps) oi PAL Lo si LUE | A Ê a ce 1 n “ PAL | - Re ES k œ \ ÿ - LÀ £ TR Per AU : \ à Le 63 + ne è ; « L fe $ 6 F4 à : ah "4 eV s k de wa AR TEA 6 2 il fé 11e Er: 4 è Re en \ ' Ÿ 4 , US APE l, mA ù 4 LA \ à pa | | AE t l'A * \ j TU) ; è D 7 ? k FA » L1 ÿ } _ / e LA 1 L 44 LETTRE A MADAME'* Sur l’'Emeute populaire excitée à Cuen- ça au Pérou, le 29 d’Aoët 1739, dans laquelle fut affaffiné le Sieur Se- niergues, Chirurgien du Roi, nommé pour accompagner MM. de l’Acadé- mie des Sciences , envoyés par le Roi en 1735, pour aller mefurer les de- grés terreftres fous l'Equateur. Es queftions que vous m'avez ll faites, Madame , au fujet de “} Ja mort tragique de notre Chi- rurgien , & de l’émeute populaire où Q iv 216 Lettre à Midime PE do à | | nous penfimes tous périr, m'ont &é 4 _renouvellées par prefque toutes les per- fonnes que j'ai rencontrées depuis mon retour à Paris. Je vous ai promis de vous y répondre par écrit, pour fatif- faire plus entiérement votre curiofité , & je m'en acquitte d'autant plus vo- lontiers , que le plaifir que j'ai à vous obéir, mépargnera l’ennui de répéter la même hiftoire à tous ceux qui me feront les mêmes queftions. Par la mê- me raifon , je Confens volontiers à ren- dre ma Lettre publique. C’eft un eflai que je préfenterai au Leéteur : c’eft pour ainfi dire un Chapitre détaché d’une Relation hiflorique de notre voya- ge, pour laquelle un Journal écrit affi- duement pendant dix ans, me fourni- roit un aflez bon nombre de matériaux, fi j'avois jamais le courage &k le loifir de les mettre en œuvre. Les bruits qui fe font répandus al Paris au fujet de l'événement dont j’en- Lettre à Madame***. 217 treprends, Madame , de vous faire le récit, ne font ni plus étranges, ni plus Dicoles que ceux qui ont couru fur les caufes de la longueur de notre féjour en Amérique. Nous avons été accou- tumés depuis dix ans à entendre débi- ter dans tous les lieux de notre pafla- ge tant d'extravagances, de puérilités, d’abfurdités même, fur l’objet de no- tre voyage, & fur-tout ce qui y avoit rapport, que ce qu'on a dit à deux mille lieues de nous, ne doit pas nous caufer le moindre étonnement. Je n’avancerai rien ici qui ne foit conforme aux pieces du procès cri- minel que j'ai fuivi en qualité d'Exé- cuteur teftamentaire , contre les meut- triers du défunt. On fera , fans doute, furpris de voir le droit des gens violé, tanten fa perfonne , qu'en celles des (a) (2) MM. Godin, Bouguer & de la Condamine, de l'Académie des Sciences, envoyés en 1735 fous la ligne Equinoxiale, pour la mefure de la Terre. : 218 Lettre à Madame*** | Académiciens envoyés par le Roi, & munis des paffe-ports les plus folemnels, & des ordres les plus précis & les plus favorables de Sa Majefté Catholique. Mr. Pouguer & mot, avons été lun &c l’autre expofés de plus près à un danger, dont aucun de nous n'a été exempt , pas même les deux Lieute- nants de Vaiffeaux ,nommés parla Cour d’E/pagne pour aflifter à nos obferva-. tions. On ne peut cependant nous re- -procher d’avoir donné , par notre con- duite , le moindre prétexte à ces vio- ces puifque , le défunt excepté, il n’y a pas au procès la plainte la plus légere contre aucun des François de notre Compagnie. À la fin d'Aoûr 1739, nous étions tous raflemblés à Cuenca , Ville de la Province de Quiro au Pérou , fousla domination du Roi d’Efpagne , & nous venions de terminer aux environs, par la mefure aétuelle d’un terrein de deux Lettre à Madame **, 219 lieues , celle de quatre-vingts lieues de pays traverfées par notre Méridienne. Tandis que nous nous préparions à l'obfervation Aftronomique, qui nous _reftoit à faire , pour terminer notre ou- vrage, nous fümes invités à une courfe de taureaux ; forte de fête, autrefois fort à la mode en Æ/fpagne, & dont le goût s’eft confervé très - vif dans les Colonies Efpagnoles d'Amérique. Ce Speétacle devoit durer cinq jours con- {écutifs ; une des places de la Ville deftinée à lui fervir de théâtre, le de- vint de la trifte aventure du malheu- reux Sentergues. Mais il en faut pren- dre le récit d’un peu plus haut. M. Sentergues avoit précédé de quelques jours l’arrivée du refte de notre Compagnie à Cuenca, & il s’y étoit déja fait une réputation par fon habileté & fon défintéreflement. La voix publique yretentit encore du bruit des charités qu'il y diftribuoit aux pau- | / 220 Œape a Madame CA vres malades , qui avoient recours à lui, & fa mémoire a été refpeëtée , fur cet article, même par fes calomnia- teurs. Îl y avoit douze ou quinze jours qu'il avoit été appellé chez un particu- _ lier, attaqué d’une fievre maligne , & {on ae commençoit à être hors de danger. Manuela Quefada , fille de ce Bourgeois, avoit reçu une promefle de mariage du nommé Diepo de Leon, qui depuis l’avoit abandonnée , pour époufer la fille d’un Æ/calde (Magiftrat annuel de Police de la Ville.) Leon B: pour faire lever l’oppofition à fon ma- riage , faite par Manuela, étoit con- venu de lui payer une certaine fom- me ; mais l’oppofition levée, & le ma- riage célébré , il ne fongeoit plus à s'acquitter. Senieroues | à la follicita- tion du pere & de la fille qui étoient pauvres , & peu en état de payer fes peines & fes remedes , fit quelques dé- marches pour leur procurer la fomme * Lettre à Madame ***, 221 _promife par Leon. Comme la fille étoit jeune & jolie , on ne manqua pas de foupçonner quil y prenoit un intérêt plus preffant que celui de la compañfion. _ Dans ce même temps, une Négrefle, efclave de Leon, étant venu reprendre quelques nippes que fon maître avoit données à cette fille dans le temps qu'il la voyoit, la maltraita en fa perfonne, & vomit beaucoup d’injures contre Seniergues. Cette fcene étant devenue publique, il demanda raifon de ce pro- cédé à Leon, qui, en défavouant fon efclave, refufa avec hauteur de la faire châtier. Deux jours après, Seniergues arrêta Leon au coin d’une rue, & vou- lut lui faire mettre l'épée à la main. Leon, pour toute réponfe, lui préfenta. un piftolet prêt à faire feu; ce quin'em- pêcha pas Sencergues d'avancer fur lui le fabre levé, avec tant de précipita- tion, qu'il fit un faux pas & tomba ; Ceux qui accompagnoient Leon fe jet- 22% Lerre à Madame **, terent entre deux, & les féparerent. Cette démarche violente de Seniercues eft le plus grand de tous fes torts, & a été l’origine de fa difgrace ; les au- . tres faits auxquels on l’a imputée, font: ou faux , ou déguifés , ou entiérement étrangers à fon maïheur ; il falloit bien que fes meurtriers alléguaflent quelque chofe , vrai ou faux , pour donner une couleur à leur affaflinat. Si quelqu'un doutoit d’aucun des faits que j’avance,, vous pouvez l'aflurer , Madame , que je fuis prêt à lui en fournir comme à vous, la preuve littérale , par la com- | munication de la copie authentique de toutes les pieces du ar vu je ai en- tre les mains. Les chofes éroient ddl cet al lorfqu un Pere Jéfuite (a) entreprit de réconcilier Seniergues avec Leon. Ce Pere ; qui étoit de la même Province - (a) Le R, P. Antoine de Salass 0 "0 Lettre a Madame ***. 223 0 que Dom Georges Juan, l’ancien des deux Lieutenants de Vaif- feaux , nos adjoints, l’engagea à ame- ner Sereroues chez lui à une certaine heure ; Seniergues ne put refufer à Dom Georges cette marque de complaifan- ce , il fe rendit à l'heure marquée. Un Gentilhomme de la Ville, appellé Mey- ra , ami de Senieroues , & allié de Leon, s’'étoit aufli chargé d’y amener celui- ci; mais /Veyra manqua de parole , & n’envoya pas même s’excufer : ce qu'il n’eût pu faire fans prendre un nouveau rendez-vous. Cette omiflion affeétée, & le concours de diverfes autres circonf- tances , ont depuis donné lieu de croire que dés-lors la perte de Seniergues étoit tramée. Il ne marcha Re que bien armé. _ (a) Le Grand - Vicaire de l'Evêque es. Quito, Réfident à Cuenca, ayant ,(<) Don Juan Ximenès Crefpo. F | | 224 Lettre à Madame***, été le premier mobile de l’affaflinat de Seniergues | & du tumulte excité con: tre la Compagnie des Académiciens , il eft néceflaire de vous faire connoi- tre le perfonnage. Cet Eccléfiaftique brouillon , fans cefle aux prifes avec fon Clergé & avec les Juges Laïques , étoit univerfellement haï. N'ayant d’au- tre vertu que beaucoup d’indifférence pour le Sexe, fon fanatifme lui per- fuadoit qu'il pouvoit impunément fe livrer aux autres paffions. En mariant la fille de l’A/calde Dom S'ébaflien S'er- rano , fon ami & fon parent, à Leon, il avoit époufé les intérêts de celui-ci, & s’étoit déclaré hautement l’ennemi de Senieroues , jufques- là qu il avoit fommé juridiquement le Juge ordinaire de le faire arrêter; & n'ayaue pu lob- tenir , il avoit commencé à informer criminellement contre Sentervues, com: me Concubinaire public de Manuela. Peut-être que, fur le portrait que je viens ‘Tertre à Madame**, x 225 viens de faire du Grand-Vicaire , feriez- vous tentée de croire qu'il n’étoit por- té à cette étrange démarche ; que par un zele aveugle & mal entendu ; mais. apprenez que cet homme fi zélé , en. apparence , avoit été plus d’un an té- moin tranquille , avec le refte de la Vil- le, du commerce fcandaleux de Leon, avec la fille en queftion , cette même Manuela que Leon avoit abufée fous promefle de mariage , en lui donnant pour gages de fa parole divers joyaux du tréfor d’une Eglife; dont il étoit Marguillier ; & pour achever de vous _ convaincre que le Grand-Vicaire avoit deux poids & deux mefures , faites at- tention que c'eft le même homme, qui d'une part vient de fe dépouiller vo- lontairement de fa jurifdiétion, pour fe rendre médiateur entre Leon & Manue- la , légitimement oppofante pardevant lui, au mariage de Leon, & qui de l'autre viole toutes les regles en pro-. P . “+ AT A L ir AA rie à ' ' 0 , d de du St # - ÿ = ‘lg L 1 Ni % ÿs 2 ES . 1 # ‘ CR 4 - * "+. Les Ts " t \ . 226 SH, &. Madame ***, A cédant criminellement & d'office, us ri Juge Eccléfiaftique , contre un Laïque, contre un étranger privilégié, membre d’une Compagnie, qui jouifloit d’une proteétion & d’une recommandation particuliere & fpéciale du Souverain, contre un nouveau venu, qui n'avoit eu entrée que depuis peu de jours dans une maifon , d'où on ne lui avoit pas même infinné de fe retirer , & qui par. conféquent n’avoit pu caufer de fcan- dale ; enfin, contre un homme notoire- ment à la veille de fon départ, puif- qu'il avoit folemnellement refufé d’en- treprendre de nouvelles cures, quise- toient -oflertes à lui ; faits qui étoient. publics dans un auf Re lieu os Cuenca. Le cinquieme & dernier:j jour + la _ courfe de Taureaux, Senieroues, juf- tement piqué des procédés du Grand- Vicaire, dont il méprifoit les fureurs & les menaces , après s’être long - temps Lettre à Madame***. + 2217 promené fur la place, & avoir paru dans diverfes loges , qui étoient conf- . truites pour la commodité des fpeéta- teurs, pafla dans celle où étoit Manuela avec toute fa fämille : c’étoit la pre- miere fois qu'il avoit paru avec elle en public; imprudence fi l’on veut; “mais qui n’étoit pas de nature à devoir lui coûter la vie. Pendant ce temps, le pere de Minas: la , nouvellement convalefcent , fe pro- menoîit dans la place, tenant une longue épée nue & en habit de mafque ridi- cule, ainfi que beaucoup d'autres gens de fon efpece. Il rencontra un de fes parents à peu près dans le même équi- page , & ils eurent enfemble une fcene bouffonne en croifant leurs épées , & feignant d’en venir aux mains. Manue- la, qui reconnut de loin fon pere, à un manteau d’écarlate que Seniergues lui avoit prêté, le voyant aux prifes avec l’autre mafque, cria qu on tuoit PH 228 Lettre à Madame *** fon pere ; S'enierpues crut que Leon fai- foir infulter Quefada, qu'il prenoit pour lui, à caufe de fon manteau; il cou- rut aufli-tôt fur le champ de baraïlle, l'épée à la main ; mais inftruit par Quefada même, que ce n'étoit qu'un badinage avec un de fes coufins, il revint tranquillement reprendre fa pla- ce de fpeétateur. Tous ces faits font prouvés au procès, par la dépofñrion des A€teurs même , & de tous les témoins, . fans aucune contradiétion; &z je ne fuis entré dans ce détail, que parce qu'on avoit publié que Senieroues s'étoir fair tuer , en voulant retirer à main armée un prifonnier des mains de la Juftice , 6 que ce far, tout faux qu'il ef , 6 formelle- ment démenti par tous les témoins, n’a pas laiffé d’être rapporté, comme vrai , dans une relation jetée à la hâte, qui pé fut envoyée auffi-16t en Efpagne & en France. Les auteurs mal informés en ont eux-mêmes reconnu depuis la fauffeté. Motiaerre à Madamet**t; |. 22e Mais le coup étoit porté , & la plupart de ceux qui ont entendu parler de Paf- _ faire ne font pas revenus de cette fauffe prévention. | Il eft certain qu'à ne confulter que la vraifemblance , il eft plus aifé d’i- maginer qu'un jeune homme impé. tueux fe foit fait tuer par des Archers, en voulant leur enlever leur proie, que de fe perfuader qu'un Juge, un Magiftrat chargé de veiller à [a fü- reté publique , foit venu .de fang froid, à la tête d’une populace armée , atta- quer un étranger protégé, tranquil- lement aflis & fans défiance , & que violant à fon égard le droit des gens & tout principe d'humanité , il l'ait li- vré à La fureur du peuple ; mais il n’eft pas ici queftion d’un Roman , où l’Au- teur ne doit pas s'écarter de la vrai- femblance , c’eft un fait.que je vous raconte, & un fait qui s'eft pañlé aux yeux de quatre mille témoins. P ü 230 Leitre à Madame *#*) Seniergues avoit à peine repris #. place, que Veyra, celui qui en man- quant la veille au rendez-vous’, avoit fait échouer la réconciliation propofée , traverfa la place fur un cheval riche- ment enharnaché , & deftiné à faire un perfonnage dans un Ballet de che- vaux à la Morifque , dont le même Neyra étoit l'ordonnateur. Il alla droit au balcon du coin de la place , où étoit une grande partie de notre compa: gnie , & là ,-adreffant la parole aux deux Lee de Vaiffeau Efpagnol, il leur fit à haute voix, & fans mettre pied à terre, de Jrandes plaintes con+ | tre S enlergues , Î ’accufant de troubler la fêre , & les priant d'y mettre ordres enfuite il repañla fous la Loge de Se- niergues , & paroïflant n'avoir d'autre but que de l'irriter, il lui cria de n’a: voir pas peur, & que Leon ne {om geoit pas à lui. Cet avis déplacé ne - fit qu'échauffer la bile de Serniergues,, NE, | doi A, Lettre à Madame **, 331 ' déja ‘juftement indigné contre Neyra, qui , faifant profeflion d’être fon ami; l'avoit joué la veille lui &z les média- teurs, & venoit encore actuellement de porter des plaintes contre lui fans lavoir prévenu. Senrergues ne put fe contenir ; il maltraita Veya de paro- les ; le menaça même. Celui-ci, faifi de : frayeur , quoique monté à l'avantage, & hors d’infulte de la part d’un hom- me engagé entre les bancs d’un écha- faud de fept à huit pieds de haut, tour- na bride & s'enfuit au grand galop ; ce qui fit éclater de rire tous les fpeéta- teurs. Les conduéteurs des Taureaux, ceux qui fe préparoient à les combattre, les gens de la cavalcade , tous atten- doient leur chef hors de la place; Wey- ra met pied à terre , & leur annonce que Senierpues le veut tuer , lui & tous tant qu'ils font , qu'il va fe retirer chez lui ; enfin, qu'il n’y a plus de fête ni de courfe de Taureaux. | P iv ‘232 Lertre à Madame ***, Il n'en fallut pas dayantage pour | mettre tout ce peuple en fureur; ils entourent leur Capitaine ,, en criant : Vive le Roi, meure le mauvais £ou= vernement ; meurent les François > &cc. & jettant mille autres cris féditieux. IL fe rafflemble autour de Neyra deux ou trois cents hommes, quelques-uns: ont dit plus de cinq cents ; & ce qui eit digne de remarque , toute cetté troupe fe trouve arrnée en un moment de lances , d'épées & de frondes, dhel ques-uns même d'armes à feu, qui n’é- toient certainement pas deftinées à at- traquer les Taureaux. Veyra fe metà leur tête , tenant un piftoles d’une main, & de Paie une épée , appellée Fer- duguillo , arme prohibée par les loix, & dont les blefures font prefque tou- jours incurables. Ce bataillon marche droit à la Loge de Seniergues. Tandis que l’'attroupement fe for moit & que Veyra harangroit la po: LA Lettre à Madame***, 233 pulace, Dom Georges Juan, l'ancien des deux Lieutenants de Vaifleau, & Mr. Godin, étoient defcendus de leur balcon, & avoient demandé à Senier- gues quelle raïfon ÂVeyra avoit eue de fe venir plaindre qu'il troubloit la fête : Senzergues , qu'ils trouverént affis dans fa Loge, leur rendit compte de Ja mafcarade de Que/ada, & du com- bat burlefque où il étoit intervenu, pour féparer les combattants. Ne voyant rien à tout cela qui püt les allarmer, au-lieu de prefler Seniergues de venir les joindre, ils le laifferent avec fa com- pagnie; & jugeant au bruit qu’ils en- tendoient au coin de la place, que c’é- toit un Taureau qui alloit entrer , ils fe retirerent à l’extrêmité oppofée. C'é- toit ÂVeyra avec fa cohorte, c’étoit l'Alcalde Serrano , qui fortant de la. loge du Grand-Vicaire fous prétexte d’appaifer le tumulte, s’étoit joint à ÎNeyra , & comme lui l'épée & le pif- 234 Lettre à Madame***, tolet à la main , marchoït à la tête de la populace mutinée, criant faveur à la Juflice. Aucun des gens de marque, dont plufeurs étoient de la cavalcade de Neyra , ne groflit fa troupe ; au con traire, Le (a) Major de la Ville , allié de Neyra & de Leon, accourut au-devant des féditieux , & les chargea à coups de plat d'épée; il les contint lui feul pen- dant quelques moments , & les eüt em- pêché de pafler outre, pour peu qu'il eût été fecondé. Veyra ne fut fuivi que dela canaille, & ne fut approuvé que par le feul Grand-Vicaire, qui lui avoit envoyé l’Alcalde pour renfort, tandis que lui & Leon étoient de loin témoins muets de la fanglante fcene, dont ils étoient les premiers moteurs. Au milieu des blafphèmes contre la Majefté Royale, 8 de cris tumul- tueux de mort & d’anathême contre 18 / À : (2) Dom Mathias de la Calle, AA Do vitre: Meta Le les François, la foule du peuple , con- duite par l’Alcalde , arrive au bas de la Loge de Seniergues , & l'Alcalde lui ordonne de fe rendre prifonnier.. La fuite fera voir fi ce parti humiliant eût été plus für pour lui. Senieroues de- mande à l’Alcalde qui il eft pour lui donner cet ordre, & quelle autorité il a fur lui; mais voyant qu’on fe mettoit en devoir de renverfer fon échafaud, il met pied à terre, & donne un fpec- tacle plus fingulier que celui des Tau- reaux. Adoffé contre un pilier, un fa: bre dans la main droite, un piftolet ‘de poche dans la gauche, il fait tête à cette multitude; aucun n’ofe l’appro- cher : mais la foule des furvenants fai- fant avancer plus qu'ils ne vouloient ceux qui étoient les plus près de lui, _ prêt de fe voir entouré , il rompt la me- fure, fe retire, faifant toujours face aux affaillants , jouant de l’efpadon avec fon fabre, & parant les coups, fans tenter * " 4.3 236 Lettre à Madame ***, de faire, & fans recevoir aucune bleflu- re. Il étoit parvenu à l'angle de la place & tout prêt de l'enceinte faite pour fervir de barriere aux Taureaux , toujours aflailli d’une grêle de pierres ; dont il ne garantifloit fa tête qu'aux dé- pens de fes bras, lorfque les coups de pierres redoublés lui firent tomber les armes des mains. Se voyant défar- mé , il ne fongea plus qu'à la retraite. Il entrouvroit la porte qui fermoit la barriere, & il avoit déja la rête & la moitié du corps en-dehors ; en cet état l’Alcalde pouvoit le faire faifir fans ré fiftance , s’il n’eût voulu que larrêter, mais il jugea plus à propos de faire faire main - bafle {ur lui, en criant à fes Satellites : qu'on le tue. Il ne fut que trop bien obéi ; Seniergues fut à l'inf tant percé de plufieurs bleflures | & le coup mortel luifut porté, fi l'on en croit la voix publique, par ce même Veyra,, qui ne l’appelloit que /on cher ami. Sie Er TA rt ENT SORT Lettre à Madame **. 337 Lorfque le tumulte commença , nous étions , MM. Bouguer, de Morainville & moi, en face de la loge de Senier- gues & du côté oppofé, dans la loge du Curé de l’'Eglife de Saint-Sébaftien , dont la place fervoit de théâtre à cette tragédie. Le Doéteur Dom Grégoire rÉ Vicugna , Curé de la grande Eglife de Cuenca, quelques autres Eccléfiaftiques, & Dom Vincent de Luna & Viäoria, ancien Corrégidor de la Ville, qui ve- noit d'achever le temps de fa fonétion, étoient avec nous dans la même loge. Nous ne nous doutâmes de rien, juf- qu’au moment où nous vimes Senieroues defcendre de fa loge fur la place, & que nous le perdimes de vue dans la fou- le. Nous defcendimes alors ces Mef- _fieurs & moi. Dom Vincent, que rien : n’arrétoit, prit les devants, tandis que nous nous débattions avec les Ecclé- faîtiques de notre compagnie, qui vou- loient nous empêcher de le fuivre, « 238 Lertre à Madame ***, mais que j'entrainois avec moi, per-. ? L PL (à Ve PACA s "dE ; . s LÀ Tag . % s . - : fuadé que leur préfence calmeroit un peuple accoutumé à refpeéter leur ha- bit. À peine avions-nous fait quelques pas, que nous vimes revenir Dom Win- cent , Qui nous Cri, c'en efl fait , il eft _ mort; & en effet Seriervues étroit déja bleflé mortellement. Il ne tint pas à : Dom Georves de lui fauver la vie. Dom _ Georges étoit defcendu dans la place avec M. Godin, avant l’aétion, com- me je l’ai dit; il put voir plutôt que nous & de plus près de quoi il étoit queftion : il reconnut l'ÆAlcalde & Ney- ra qui marchoient à la tête des faétieux, & les vit d’aflez prèsavant qu'ils euffent invefti Semzergues. Il étoit temps énco- re ; & il eft certain que fi Dom Geor- ges alors eût. avancé , il eûr été refpec- té des deux chefs du tumulte, qui le connoifloient particuliérement, & qui même s’imaginoient que nous le recon- noiflions pour notre Supérieur & pour re à Madame ***, 2 39 notre J uge. Le peuple d’ailleurs, toujours. efclave de la crainte , avoit un grand refpe&t pour lui, & n’avoit pas oublié que Dom Georges, deux ans aupara- vant, s'étoit tiré vigoureufement, & avoit dégagé fon camarade d'un pas” prefque aufli dangereux ; mais pour le malheur de Seniergues, Dom Georges qui voloit à fon.fecours , fut arrêté par quelqu'un ; qui crut qu'il s ‘expofoit té- mérairement : cependant Semergues , malgré fes bleffures , avoit gagné cette maifon du coin de la place où étoit une partie de nos François; mais en entrant dans la cour, toujours pourfui- vi par fesaneurtriers , il fut renverfé & foulé aux pieds; & le généreux A/calde lui alloit lâcher fon piftolet dans la té- te, fi un Prêtre, (a) qui fe trouva là She, ne J'en eût empêché. On ne peut imputer une aétion fi lâche & f (a) Dom Melchior Cotes, À. ÿ LS 240 Lettre à Madame ***. noire à un premier mouvement de veñs geance & de colere ; puifque le mé- me A/calde dit hautement trois jours après, & de fang froid, (le fait eft prouvé au procès) que tout fon reprer étoit de n’avoir pas fait enlever le blef- JE, lorfqw'on le tran/portoit au milieu. de fes camarades , & de ne l'avoir pas fait étrangler dans la prifon , fans au- tre forme de procès. N’allez pas pour cela , Madame, vous imaginer que lin-. humanité {oit un appanage du titre d'Al calde, Un autre particulier, (a) ci-de-. vant revêtu de la même charge , prit le bleffé entre fes bras, empêcha le peuple de lachever, & aida à le por- ter fur un lit. Pendant ce remps, la populace irriiée efcaladoit, fousles yeux de Serrano , le balcon où étoit le refte de notre compagnie , & le fecond Lieu-, tenant de Vaifleau EP Dom An- Li otre F (a) Dom Sébaftien de la Madriz, Lettre à Madame ***. 241 roine de Ulloa ; & ils furent obligés de retirer l'échelle pour fe garantir. D'un autre côté , le Grand - Vicaire , dont la fureur contre Sentergues avoit _ dégénéré en horreur de la Nation Fran- coife |, ayant vu fortir de l'Eglife le S. Sacrement qu'on portoit au bleflé , crioit à haute voix : De quoi fervent les Sacrements à des hérériques ? nom que le vulgaire , chez les Æ/papnols , pro- digue à tous ceux qui ne portent pas: un Rofaire pendu au col. On peut ju- ger quel effet faifoient ces difcours fur un peuple irrité , & qui fe voyoit aétuellement autorifé par le Magiftrat fait pour le réprimer. Cependant le grand Prévôt (a) ou Alcalde Provin- cs £ - LE + TESsTIGO OCTAVO. El mifmo dia 15 de Setiembre de 1739. Comparecid , ante el mifmo, Corregidor de Cuença Don Miguel, Coronel de ÜMora , V’ezino de dicha Ciu- dad , y declard , Que fe halld en la Pla- zeta de San Sebaftian. .. el dia citado con el mo- tibo de ver los Toros.. y haviendo fubido en un tablado onde tambien con- currieron D. Carlos de la Condamine , y D. Pedro Buguer.... vid & decla- rante que por una de las puertas de dicha plazeta entrava un tumulto de gente al que el Sargento Mayor D. Mathias de la Calle , al parecer le em- barafava el que enträra, hafti que con efe&o le entr0 dicho tumulto, y haviendo tirado para hä- zia la efquina de Thomas Melgar oyù luego unas vozes que redezian , ya mataron al Frances , con Jo qual {e aped de dicho tablado. . .. cogiù la calle ! abdjo en compagnia de los Pieces juflifcatives. 277 HuiriemE Témoin. ï | Le même jour 15 Septembre de 1739, comparut devant le Corregidor de Cuen- ça, D. Michel Co- ronel de Mora, Bour- seois de ladite Vil- le, qui dépofa, Qu'il s’efl trouvé dans la place de Saint Sébaf- tien . ...( Le jour marqué} pour y voir la courfe de Taureaux , 6 qu'étant mon- té à une loge où étoient les Sieurs de la Condamine & Bouguer ,... il vit que par une porte d'un coin de la place, il entroit une foule de peuple en tumulte, € que le Major de la Ville D. Ma- thias, paroiffoit s'oppofer & leur entrée, jufqu’a ce qu'en effet, cette troupe de mu uns entra, & prit le che- min du com de Thomas Melgar ; il entendit peu après plufieurs voix qui di- foient : C'eft fait, ils ont tué le François , fur quoi il defcendit de la loge où il étoir. ., qu'il prit le che- min de la rue qui defcend & la place avec lefdits Sieurs de la Condamine & Bou S ii 278 Pieces juflificatives. dichos D. Carlos, y D. Pedro, haftà que dieron en la Efquina de... onde commençaron Jos de di- cho tumulto a tirar pie- dras contra ellos, haftù que el declarante les dixo: corran V. mds. y con ef- fetto corrieron, y los del tumulto fiempre tras ellos tirando les piedras haftà que entraron por la ef- quina a otra calle, y a cafa de.... (la cafa del cura) y dicho tumulto tras ellos, &c. Dixo effe tefiigo al Fri ; Que no fe havia atre- vido a dezir todo lo que vid y fupo, que el era un pobre que tenia mie- do , y temia todo de los agrefores. | PRIMERA RESPUESTA Del Fifcal de la Real Audiencia de Quito en vifia de la Sumaria del Corregi- dor de Cuença F. de 107 BR El Fifcal de Su Ma- n" guer, jufqu’au coin de... ; | ou ceux de la troupe des féditieux commencerent à leur jetter des pierres, & : de lui dépofant leur dit : Meïlieurs, fauvez-vous, € qu'en effet ils fe mirent à courir , € la populace à les pourfuivre a coxps de pierre , jufqu'ace qu'ulsen- trerent au détour de larue dans la maifon . . . (du Cu- ré) ayant toujours la popu- lace fur leurs pas, 6c. Ce témoin a dit à l'Exécut.Teftament. Qu'il n'avoir ofé dire tout ce qu’il avoit vu & fu, qu'il étoit un pauvre hom- me, & qu'il craignoit tout de la part des meurtriers de Seniergues. - PREMIERE RÉPONSE, OU ConcLUsIONs Du Procureur Gé- A à néral du Parlement de Quito , fur le foit communiqué de lin- formation du Corré- Le Fifcal de Sa Majeflé | \ + <<. Pieces jufhificatives. geftad ‘dize, que ha re- conocido la Sumaria que de oficio de la Real Juf- ticia fulmind el Corregi- dor de Cuença, y las que- rellas que en fu jufgado ordinario prefentaron D. - Carlos de la Condamine, y D. Pedro Buguer dipu- tados de Ja Real Acade- min de las Ciencias, yel Doétor D, Jofeph de Juf- fieu , y las que repiten ante Vueñtra Alteza para que inftruido fu animo del fuceflo acaecido en di- cha Ciudad de Cuenca el dia 29 de Agofto de efte anno , mande executar las diligencias que parefcan convenientes para confe- _ guir la publica fatisfaccion de unos dolitos qui han caufado, y caufan tanto horror , fiendo el prunero que viene a los ojos, de todo el contexto en los Autos, la confpiracion del pueblo que concita- ron D. Sebaftian Serrano Alcalde ordinario , D. Diego de Leon, y D. Ni- colas de Neyra, contra JaCompagnia Francefa tan recommendada por $. M. a todas las Jufticias de ef- tos Reynos para que dief- fen todo el favor, y au- xilio que necefltaren, 279 dit, qu’il a examiné l'in- formation fommaire , faite d'office, par le Corrégidor de Cuença , & les plaintes préfentées devant lui, par le Sieur de La Condamine , & le Sieur-Bouguer, dépu- tés de l’Académie Royale des Sciences , & par le Doc- teur D. Jofeph de Juffieu , ainfi que celles qu’ils ont re- nouvellées devant Votre Al- teffe , afin qu’étant informée de ce qui s'efl paffé dans la- dite Ville de Cuenca, le 29 d’ Août de cette année, Elle donne les ordres qui feront jugés les plus convenables , pour obtenir la fatisfaéion publique de délits qui ont Caufe & caufent tan: d’hor- reur ; le premier & le plus frappant dont la fuite des procédures fournit la preu- ve, eft la confpiration du peuple foulevé par D. Sé- baftien Serrano , Alcalde ordinaire , Dom Diego de Leon, & Dom Nicolas de Neyra, contre la Compa- gnie Françoife, fi recom- mandée par S. M. a tous les Tribunaux de ces Royau- mes, pour qu'elle jouit de toute la faveur & le fecours dont elle pourroit avoir be- foin... C’eff à un ordre fr f£ précis qu’a formellement contrevenu , l’ Alcalde or- S 1v 280 contraviniendo a efta ef- pecifica orden el Alcalde ordinario que por razon de fu oficio debia fer el mas exacto en fu cumpli- miento ; fiendo fu inebe- di encia a los venerables preceptos del Rey, y la de los citados D. Diego de Leon, y D. Nicolas de Neyra el mas defme- dido atrevimiento, que como crimen de lefa Ma- geftad le caftigan las leyes divinas , naturales, cano- nicas y civiles... (cire authores.) | Defcubrefe bien la gra- vedad del delito por la pena que le efta impueñta pues aun en la equidad del derecho canonico es de muerte. ... no pard en inobediencia efte atrevi- miento. Tumuituaronfe fe- diciofamente con armas ae infultar la Compania rancefa que devia eftar muy fegura debajo de la Real proteccion, y tur- baron la paz publica. .…. El Alcalde D, Sebaftian. Serrano fe defcubre fer el principal author de la fedicion , porque deponen los mas teftigos que ef- tando D. Juan Seniergues quieto , y paciñico en el #ablado , viendo Toros .+, F ‘ ; # Pieces jufüficarives, dinaire , qui par la placë qu’il occupoit, devoit étre - le plus exaët à s’y confor- mer. Sa défobéiffance , ainf£ que celles des fufdits Leon & Neyra aux ordres ref- peétables du Roï; eff d'une audace dérmnéfurée , 6 punif- fable par les Loix Divines, Naturelles, Canoniques & Civiles: . (iciilya tions }, +. © + + « plufieurs cita= On peut juger de Ps gran- deur de ce crime par la pei= ne qui lui eft impofce , puif- que malgré la douceur dm droit Canonique, elle ef? de mort... (Cette andace n'en demeura pas à la feule défobéiffance ; ils s’affem- blerent féditieufement avee port d'armes, pour infulter la Compagnie des Académi- ciens François ; qui devoir être dans le plus grande [e- curité , à l'abri de la pro- teftion Royale, & ilstrou- blerent le tranquillité pue blique. ss. - sl sr si. L'Alcalde, Dom Sébaftien Serrano, eft évidemment le principal auteur de la fédi- tion , puifqu’il réfute dé La Ÿ Pieces Jufaficatives. e fe lidiaban en la pla- .zuela de San Sebaftian , fe introduxÔ en ella a la tefta de muchedumbre de la gente de la plebe con ef- pada , y trabuco en las manos profiriendo vozes las mas defufadas, y de ve en femejantes occa- iones fe valen los tumul- tuantes , y fe encaminO al parage en que eftaba el mencionado D. Juan con el depravado intento de privarle de la vida como lo califican las circunftan- cias , y heridas que le dieron , de que fe figuid fu defgraciada muerte. De cuyo homicidio fue caufa el mencionado Alcalde, por el quefe le deve im- poner le pena capital de aleve , por haver convo- _ cado gente armada contra el Cirujano en defagravio de fu fobrino D. Diego de Leon..... no fatisfe- cho con dejar herido de muerte al citado D. Juan, continud la confpiracion con pertinaz empegno con- tra toda » la Compagnia n Cuyos individuos han » procedido atentos a fu » obligacion , y fin dar la » menor nota de fus per- » fonas defenpesnando la » Real confianza de Su 287 dépofition du plus grand nombre des témoins , que Seniergues étant tranquille € pacifique dans [a loge, 6 attentif au Speétacle des Taureaux qu'on couroïit dans la place de St. Sébaflien ; l’Alcalde y entra a la tête d'une multitude de gens du peuple, l'épée & Le pifloler à la main, en proférant des paroles tout-a-fait extraor- dinaires 6 familieres en pareille occafion aux fédi- tieux ; qu'enfuite il prit le chemin du lieu où étoit Le- dit Seniergues , avec l’in- tention perverfe de lui ôter la vie , comme le prouvent diverfes circonftances du fait, ainfi que les bleffures qu'il a reçues , & dont il eff malheureufement mort. Le Jufdit Alcalde, ayant été caufe de ce meurtre, il a encouru La peine capitale de Félonie, pour avoir ameuté contre le Chirurgien, une troupe de gens armés pour fervir le reffentiment de D. Diego de Leon [on neveu... qui, non content de laifer Seniergues bleffé mortelle- ment, a continué de fo- menter le foulevement contre » toute la Compagnie des » François, dont tous les » particuliers, occupés de n leurs deveirs, & fans } 282 » Majeflad Chriflianiffima, y para confeouir {u ruina mandà juntar la gente para formar Compagnias calif- cando efte exceflo como crimen de Lefa Mageftad por fer de la fuprema Re- galia mover las armas, y formar compagnias no pu- ‘diendo formar fe fin vo- Jundad del Principe, y afi fe caftiga como delito de Lefa Mageflad » y folo » por el hecho de tocar las » caxas, y aquartelar ban- » deras como hizo para » convocer el pueblo , y per- » feguir con armas a la » Compagnia Francefà, con » el fin de confeguir [u ex- D ferminlo , tiene pena de » mucrte y perdimiento , » de bienes par ley Reco- » pilada de Caflilla.” D. - Diego de Leon no tiene menos parte en la fedi- tion, y heridas del difun- 10..... por haver provo- cado el lanze, y ocafo- nado el efcandalofo tu- multo , lo qual fe verifica de haver dado en publico Jas gracias a la plebe por haver le vengado de D. Juan Seniergues con la muerte de + D. Nico- las de Neyra efta baftante indiciado en el tumulto heridas y muerte, pues Pieces juflificatives. » donner lieu au moindre » réproche, ont parfaite= » ment répondu a la con- » fance que S. M. T.C. » a eue en eux ”. C’eff pour faire main-bafle fur cette Compagnie, que ledit Al- calde a fait une levée de troupes | excès qui devient crime de Leye- Majefk, puilque le droit de lever des milices , 6 de leur faire prendre les armes, eff réfer- vé au Souverain, la feule volonté du Prince , pouvant communiquer ce Pouvoir; d'ou il fuit que cette contra- veation doit être punie com- me crime de Leze-Majefté, » & le feul fait de battre » le tambour , & d’arborer » l’enfeione d’enrôlement » comme a fait l’Alcal- » de , pour convoquer » le peuple, & pourfui- » vre à main armée la » Compagnie Françoife, » & l’exterminer, mérite » la peine de mort, & la » corffcation de biens aux termes du Recueil » des Loix de Cañtille. ” D. Diego de Leon n'apas moins de part à la [édition 2 € aux bleffures du défunt, pour avoir été la premiere caufe de toute l'aventure, & particuliérement du fou- lévement -fcandaleux du dt, CA Q Pieces juflificatives. fe afmd que la herida que le did fue la mortal, . tambien fe halla compro- bado qne un moco de Ja lebe Ilamado Nauifapa e did un rejonazo al di- funto. … Se haze indifpenfable y neceflario que fe nom- bre. por Vueftra Alteza perfona de la authoridad , entereza, y juftificacion que pide materia tan grave y de tan immediato fer- vicio de Su Mageftad ; para que proceda a la for- mal fubitanciacion defta caufa , remittiendo a eftos reos con la mayor cufto- dia-prefos a efta carcel Real de Corte, y a todos ue refultaren culpados fequeftrandoles fus bienes Para que con digno cafligo los dexe efcarmentados, y Jirva de exemplo a las de- mas Ciudades de eflos vaf- 105 dominios | y de fatis- J: acion a las Maseflades Ca- tholica y Chriflianiffima , | porque de quedar impu- 183 peuple ; la preuve s'en tire des remerciements publics qu'il fit a la populace , de l'avoir vengé de Seniergues. Îl y a des indices [ufffants : contre D). Nicolas de Ney— ra dans le. tumulte , les bleffures & la mort de Se- niergues y puifquon arti- cule que la bleffure qu'il a faite au défunt, a été læ mortelle, Il efl auffi prou- vé qu'un homme du peuple appellé Nauilapa, lui a porté un coup de pique. .… Il eft donc néceffaire & indijpenfable, que Votre Alteffe nomme une perfonne d'autorité, dont la droiture € l'intégrité foient telles que Pexige une affaire auffi gra- ve, & qui tient ft immédiae tement au fervice de Sa Ma- jeflé, afin qu'il [oir procédé dans toute la forme à met- tre le procès en état d’être jugé, faifant préalablement conduire fous bonne efcorte lefdits accufés | à la prifon Royale de cette Cour, & mettant en féqueftre les biens de tous ceux qui fe trouve- _ront coupables , afin qu'un quite châtiment, réparant le mal, ferve d'exemple aux autres Villes de ces vaftes domaines, & donne aux Majeftés C. & T. C. pleine fatisfaëlion de crimes 284 nes eftos graves e inef- cufables delitos fe pudie- Pieces Jufhficatives, énormes , dont l'impunité. pourroit entrainer les plus ran otiginar las mas fata. fatales corféquences contre | les confequencias contra el fervicio de Su Mageftad. Quito y O&tubre 22 de 17394 Firmado ; BALPARDA. EXTRACTO DE AUTO. Defpues de haver- Je remitido dos vezes en difcordia de votos a mas numero de e7uezes , Diofe man- damiento de prifion contra Leon, Serra- no, Neyra y un mo- go de la plèbe ; y nom- brofe a D. Marcos Gomez verino de Cu- ença para que hiziera nueva Sumaria jun- tamente , con el Cor- regidor el que fe ef- cusd , y los Acade- micos y Albaceas del difunto recufaron le- . galmente a dicho Go- mez el qual, fin em- bargo profiguioinfor- mando contra Senter- gues folo ; de donde le fervice de Sa Majellé. À Quito , le 22 Oklobre 1739. Signé , BALPARDA. _ à EXTRAIT D'ARRÊT. Après y avoir eu partage de voix deux. fois , & après avoir remis à faire Arrêt, lorfqu’il y auroit un plus grand nombre de Juges. Il y eut dé- cret de prife de corps contre Leon ; Serra- no , Neyra & un homme du peuple ; & D. Marc. Gomez, habitant de Cuença, fut nommé pour fai- re une nouvelle in- formation , conjoin- tement avec le Cor- régidor qui s’en ex- cufa, & les Acadé- miciens & Exécu- teurs Teftamentaires du défunt , récufe- rent juridiquement 1e 108 Le | Pieces juflficatives. refulio el Decreto fi- “guiente digno do leer- fe. MANDAMIENTO. De prifion dado por el Juez recufado contra D. $uan Se- miergues a los tres meles de muerto. Alguañl Mayor de ef- ta Cnidad hazed las di- ligencias competentes en. razon de la prifion de Don Juan Seniergues ya difuen- 10, Siranjano de la Com- pagnia Francefa , y le fe- ueftrad y embargad to- dos fus bienes y los depo- _ fitad en el depofitario general defta Éiudad # porque af conviene pa- ra la buena adminiftracion 28$ ledit Gomez , qui n’en tint compte & continua d'informer contre Seniergues feulément, d’où ré- fulta le Décret fui- vant digne d’être lu. DÉCRET. De prife de corps rendu par le Juge re-- cufé, contre le dé- funt Seniergues , : trois mois après fa mort. Alguafil , Major (*) de cette Ville, faites les dili- gences convenables pour arrêter le défunt Dom Jean Seniergues,. Chirurgien de la Compagnie Françoife, féqueftrez & faififlex tous fes biens , & les dépofez en- tre les mains du Dépofitaire général de cette Ville, par- ce qu’ainft il convient pour la bonne adminiftration de la Juflice, Fait dans ladite EE (*) Ce mot traduit à la lettre veut dire Chef des Huif- fiers, Huiffier mage c’eft ce que les Turcs appellent Chaoux Bachà Ç' Prévor une efpecs de Prévès qu de Grand _286 Pieces juflificatives. de la Jufticia. Fecho en ef- ta dicha Ciudad de Cuença _ éndiez y feis dias del mez de Diziembre de 1739 annos. Firmado , Marcos Go- mes de Caftilla, Don Louis- Xavier Yfquierdo. DiILIGENCIA Del Alguafil Ma- .yore En la Ciudad de Cuen- ça en dies y fiéte dias del mez de Diziembre de 1739 en cumplimiento del Au- to ante efcrito, paffè a las cafus de la morada de Don Juan Seniergues Sirujano de la Compagnia Francefa a quien no hallè por ha- ver muerto y eflar enterrado en la Yglefia de la Com- pagnia de Jefus del'Colle- gio deefta Ciudad, y en profecution de mi oficio , paflè a bufcar fus bienes que tampaco los halle... y para que confte lo pon- o por diligencia y lo us. D. Thomas de Ney- . ra y Villamar. RESPUESTA © Del Fifeal alavil= je Ville de. Cuença » le 16 Décembre 1739 Signé, Marc Gomez de Caflilla | Dom Louis-Xa- vier Ffquierde. ExÉCUTION | Par le Prévôt. En la Ville de Cuença ; le 17 du mois de Décembre 1739, en exécution du Dé- crer ci-deflus. J'ai pallé au logis de Dom Jean Senier- gues que Je n'ai pas trouvé chez lui ; parce qu’il étoit mort & enterré, en l’E- glife du College de la Com- pagnie de Jefus de” cette Ville; & pour remplir Le devoir de ma charge, j'ai de-là paflé à chercher fes biens & effets que je n'ai pas trouvé non plus... € afin que le fait foir conf- tant, J'ai fait le préfent procès - verbal & l'ai figné Dom Thomas de Nevra y Villamar. TL CONCLUSIONS -Du Procureur Gé- es Pieces juflificatives. 287 fa que fe le did por néralfur le foitcom- decreto de 15 de E- muniqué du 15 Jan- nero de 1740 , P. 139. EI Fifcal dize que por Refpuefta de dies y fiete de Noviembre del anno proximè pafado, repre- fentd eftar propuefta re- cufacion por las partes contra Don Marcos Go- mez de Caftilla, repro- duciendo fu antecedente Refpuefta de veiñte y dos de Oftobre , infiftiendo ron que fe nombrafle per- fona de la authoridad en- tereza y juftificacion, qual conviene para una caufa de tahta gravedad, y por los efeftos que defpues fe experimentan reconoce el Fifcal quanto inconve- nient® a traydo la conti- nuacion de efle Juez, y quanta fue la juftificacion . con que fe le recufd , por- que dexando el principal afumpto de la caufa que es el tumulto y homici- dio de D. Juan Senier- ues , folo ha tratado efte uez de proceder fobre la refftencia que fe dize hizd . a la Real Jufticia, deter- minando un defpropofitio tan defmedido como es def- pachar mandamsente de pri- TE à VI£T 1740, D: 1304 Le Fiftal dit que par {z Réponfe du 17 Novembre dernier , il avoit repréfenté que Les parties avoient recu- fe D. Marc Gomez de Caf- tille , 6 qu’en reproduifanr fa réponfe précédente du 2e @ O&obre, il avoit infefte pour qu'il fit nommé une perfon- ne d'autorité , d'une pro- bité € d'une intégrirecon- nue, telle qu'il convenoit b] pour une caufe d'une auffe grande importance. Le Fif- cal reconnoit par Les effers, combien il y a eu d'incon- Î FES . vénient à continuer ce mé me Juge, & combien il 4 été juflement recufé, puifque laiffant le fujer principal de la caufe qui eft le tumulie populaire, © le meurtre de D. Jean Seniergues, toutes les procédures de ce Juge ne roulent que fur la prétendue réfiftance que le défunt a fai- te a la Juflice Royale, & que ce même Juge conclut paruneentreprife aufh éx- travagante, & hors de tou- te regle , que l’eft celle de décerner un décret de pri- fe de corps contre un mort: S'ailleurs, quand le délit [e- 288 fion contra un difunto, quando aunque fea cierta la refiftencia prefcrivid efte delito con la muer- te, omitiendo el Juez pro- ceder en aquella caufa principal del homicidio y tumulto , que ernpezd a hazer el Cuença miniftro de Su Dapeñad , Y que tiene fu eal aprobacion , l'a qual did motibo a Vueñtra Al- teza para el mandamiento de prifion y embargo de bienes que fe mandd def- pachar contra los reos, cometido folo al Corre- gidor , de que fe fiente agraviado el Juez nom- brado , porque fin fu con- _curfo lo empefafle a exe- cutar ; fin duda por que fiente eftar privado, en efte aéto de las prifiones, de todo aquello\que pu- diera executar en favor de los reos, que es lo que ha feguido en toda la caufa que Aa echo con nulidad notoria , por eflar recufado : pues aunque Vueftra Alteza mand0 que fe acompagnafle con el Corregidor, fin embargo de recufacion , no pudo efto fubfanar aquellas nu- Jidades que ya por fi folo havia hecho , ny las que Pieces juflificatives. orregidor de + roit prouvé, il feroit prefè crit par la mort du coupaw ble. Ledit Juge a donc ob« mis ce qu'il y avoit de plus effentiel dans la caufe, qui étoit d'informer de l’homi- cide € du tumulte , comme a fait le Corrégidor de Cuen- ça, Minifire de Sa Majefié, & revêtu de fon approbation Royale , en confequence de laquelle, Votre Altefle le chargé d'exécuter le décret de prife de corps , prononcé contre les coupables, 6 læ faifie de leurs biens; cet or- dre lui ayant été adreffé a lui feul. C’eft de quoi Le Juge nommé Je fent offenfé , & de ce que Le Corrégidor a com- mencé à l’exécuter fans l'ap= peller, € [ans doute fonref= fentiment a pour cauje de fe trouver par -la dans: l'im- puiffance de favorifer Les coupables ; comme il a fait dans tout le cours du procès qui eft notoirement nul , ayant été recufé en bonne forme, & ce que Votre Al- teffe a ordonné qu'il s’affo- ciêt au Corrégidor, nonob[= tant la récufation, ne ré= méaie pas aux nullités an cérieures qu'il avoit déjæ commifes ful , ni a celles qu'il a caufées depuis, er demandant au corps de Wil- Le de Cuença , qu'il luinom= mag 7. di de à D Te « ! Re UUr ce E - Pieces jufhficatives. delpues hizo , pidiendo al Cavildo Juez por la ef- cufa del Corregidor. Por todo lo qual le parece al Fifcal neceflario que fe determine el articulo de la recufacion, y que fe declare por nulo el pro- cefo que formd el Juez nombrado, y que fe con- tinte la fubftanciacion de la caufa hecha por el Cor- regidor, y que efte exe- cute fin efcufa alguna, Y _ pena de privacion de fu - oficio todc lo prevenido en carta de vueltro Oy- dor; D. Manuel Rubio, de Orden de Vueftra Al- teza para que fe confoa dar fatisfacion a la vin- diéta publica de un de- lito tan efcandalozo, y cuenta.a Su Mageftad, con los autos de la ma- ‘teria, Quito Enero 21 de 1740. _ Firmado, LiCENCIADO BaLPARDA. _ ExTRACTO DEL AUTO. Elauto manda que vint fur ces conclu- fe libre el defpacho | fparaque af el Cor- régidor de Cuença co- #0 D. Marcos Gomez ‘ = 289 mät un fecond en la place du Corrégidor qui s’étoit ex= cufé de s'affocter à lui. Par toutes ces raifons, il paroït néceffaire au Fifcal de faire droit fur l'article de la ré- cu fation , en déclarant nu!- lé l'information faire par Le Juge nommé, & crdonnant. que l'infruétion du procès commencé par le Corrégidor, feit continué par lui fans admettre de [a part aucuré excufe, lui enjorgnant, fous peine de privation de fon office ,d'exécuter tout ce quë lui eft prefcrit par la lettre de Votre Oydor D. Manuel Rubio , écrite par ordre de Votre Alteffe, afin que de cet te maniere il fois donné [a- tisfation à la vengeance pue: blique d'un délit auffi fcan- daleux | & qu'il foit rendu. compte & Sa Majefié en lui envoyant copie du Procès. Quito, 51 Janvier 1740. Signé Le Licencié Bat- PARDA. EXTRAIT DE L'ARREST: L’Arrêt qui inter fions le 22 Janvier, ordonne que le Cor- régidor de Cuença T e 200 Pieces } uflificarives. de Caftilla , dentro del termino de la Or- denanza fin efcufa al- gun remmian todos los autos que juntos d feparadamente hu- vieren formado en ef- ta caufa, y los que de efta Ciudad fe les han remitido , EŸc. CERTIFICACION Dada con licencia del Juez.ordinario , por el Efcribano pu- blico de Cuença à uno de los Aibaceas del difunto D. 7. Se- miergues. Set. 18 de 1739 > ]: 330 Y 337: Yo D. Vicente de Ar- rifaga, Efcribano publi- co, &cc, certifico...; a que ‘le refpondio dicho Capi- tan D. Juan Juliän Nieto al dicho Don Carlos que era verdad que hayia con- _currido a dicho officio, (en tiempo que no fe de- fefperaba de la vida de Seniergues) y que ha- d’une part, & ledit. Juge nommé de Pau- tre , envoyent incef- famment à la Cour toutes les procédu- res qu’ils auront fai- tes dans cette affai- re , ou conjointe- ment ,; ou féparé-. ent, éme CERTIFICAT Donné avec per- miffion du Juge or- dinaire, par le No- taire public de Cuen- ça , à un des Exécu- teurs Teftamentai- res , le 18 Septém- bre x 790.7 27a Je, D. Vincent de Ar- rifaga, Notaire public, 6. certifie ...... & quoi ledit Capitaine | D. Jean Julien INieto , répondit audit N... qu'il étoir vrai que lui Dépofent s’étoit rencontré (avant qu'on eut défefperé de la vie de Seniergues } dans l'Etude dudit Notai- ” re, & que le Capitaine D, ee TS TS er TS M: Pieces Jufhfcatives. viendo concurrido tam- bien allà dicho Capitan D. Sebañtian Serrano, y eftando hablando fobre lo _ fuccedido con dicho D. Juan Seniergues , lé oyd dezir que » fentia el no » haverle hecho traer à lz » carcel en el colchon 6 » frefada al mefmo tiempo _ » que lo trahian hecho el _» mortefino , para haver le » metido en dicha carcel y » haver le dado garrote. » en elle T'cita el declarante por tefligos que oye- on lo mefino , a qua- TO VERS principa- les de la Ciudad , los que nombra. PARA LA PRUEBA De que fal[amente Jue findicado, Don Juan Seniergues de haver facado un pre- fo de manos de la ju[- ticia. p. 788. MOUPETICI0N. D. Louis Godin de 298 Sébañlien Serrano y étant furvenu , & parlant de ce qui s’étoit pal]é au fujet du- dit Sieur Seniergues , le dé= pofant lui entendit dire, » qu'il étoit bien fâché de » ne l'avoir pas fait con- » duire dans la prifon fur » le même matelas ou » couverture fur lequel » on le portoit faifant le » mourant, & de ne l’y » avoir pas fait étrangler, Le même dépofant cite pour témoins, quatre des princi- paux habitants de Cuença qu'il nom- me. POUR LA PREUVE Que le feu Sieur Senierguesaété fauf- fement accufé d’a- voir enlevé un pri- fonnier des mains de la juftice, pag, 788. REQUÈTE, Dom Louis Godin, des | Ti 192 las Reales Academias de Francia e Inglaterra, di- ze, que, al traflado que fe le ha dado por man- dado de V. A. fobre el ae que PRESSE fe ha o a D. Juan Senier- gues , de haver intentado .facar a un reo del poder de la Jufticia ord'naria , deve refponder, que, aun- que afh lo ha dado a en- tender, por haverlo oy- do dezir , no por eflo ja- mas ha pratendido quefea verdad; y fi aun los tef- tigos que fe han moftrado mas opueftos a la memo- ria de dicho D. Juan Se- niergues, y a la juficia de-fu caufa, y mas pro- peufos a hazer le cargos odiofos, y contrarios a la verdad , todos a una, han declarado que no hu- vo tal determinacion 6 orden de prender al fu- geto, en cuya defenfa di- xeron occurrid D. Juan; folofi, un lance particu= lar , que mejor y mas po- derofo teflimonio para la memoria de dicho D. Juan, y la ventilacion de lo que fe le imputa en orden à efto ? ‘en cuyaatencion a V. A. pido y fuplico fe firva proveer en jufticia, &t. Pietes Juflficanives, “ Académies Royales des Sciences de. Fr. 6 d’'Angl. : fur la notification | qui lui a été faite de la part de V. A. au fujet de l'impu- tation faite au feu Sieur Seniergues ; d’avoir tenté d'enlever un prifonnier des mains de la Juflice ordinai- re, dit qu "il doit. répondre A que quoiqu "il l'eut ainfi fair entendre , parce qu’ ‘la oui dire, iln°a jamais pré- tendu pour cela, que cela fit vrai; & puifque 1 les té moins les moins favorables a la mémioire dudit Senier- gues & à la juflice de fa caufe, & les plus portés à lui imputer des faits odieux. 6 contraires à la vérités ont. déclaré unanimement qu'il n'y a pas eu de décret de prife de corps contre ce- lui au fecours duquel 0 on & dit que Seniergues avoir ac= couru, mais feulement une querelle particuliere (é non Jérienfe.) Quel autre rémoi- grage plus décif: if. pour l'honneur de [a mémoire, 6 pour le puftifier de cette. ac- cufationt ? c’efl pourquoi je demande & fuxplie que Po- tre Alteffe fa aÿfe sp em Juflice , ce Le TT T0. - Remite fe a los Juezes nombrados paraque es la informacion que eftan ha- ziendo averiguen lo pedi- do por efta parte , en 1 de Marzo de 1741. Los Juezes nom- brados no averigua- son nada, folo el Cor- recidor en las ulti- mas aËuaciones oyd al figuiente tejligo. 1825. | D. Antonio Jor- dan teftigo llamado por el Corregidor de Cuença ; y pregunia- 0, Si D. Juan Seniergues havia intentado facar un reo de man0 de la Jufi- * cia ordinaria de eftaCiu- dad ? Dixd que no ha llega- do a fu noticia que el dicho D. Juan Senier- gues huviefle intentado ad ningun reo; y afii lo declara debajo del ju- ramento , &c. y firm en 28 de Mayo de 1741. P Leces jujüficatives. 293 ARR Ê T. | Renvoye aux Juges nom- més, pour que dans l'infor- mation qu'ils font , ils véri- fcent Le fait ainfi qu’il eff re- quis par cette partie, le pre- mier Mars 1741. Les fuges noin- més ne firent aucu- nes perquifitions ; le Corrégidor feule- ment dans Îles der- nieres procédures , entendit le témoin fuivants p. 825. D. Antoine Jor- dan, témoin, appel- lé par le Corrégidor de Cuença, interro- -gé. | Si le Sieur Seniergues avoit tenté d'enlever un pri- fonnier des mains de la Juf- tice ordinaire de la Ville de Cuenca ? _ À répondu qu'il n’a jæ- mais eu connoïffance que le- dit Seniergues eût eflayé de délivrer aucun prifonnier, ce qu'il déclare fous fermeñi, Éc. ... i sa Refpondiendo ante- cedentemente en la Su- maria del fuez recu- fado; D. Nicolas Mo- lina Tefligo lamado , à la Jexta pregunta delinterrogatorio pre- fentado por Leon , f. 693. Dixd que.... à cuyo tiempo fe llego un Ma- tachin y efte.... le hizd fegna que le havia de dar, y que le figuieffle y con efeéto lo figuid, .....re- pard que à todo andar fe Ileed cerca defte teftigo el dicho Seniergues, quien le à acometid à querer le dar con un chafalote . .… à que dicho Matachin fe decubrid la cara , y le conocid era Francifco , Quefada, quien le dixd à dicho Seniergues, no le agraviafle , que era fu primo , con lo qual effe teftigo tir0 para fu cafa, Ratifico en [u decla- racion en 22 de fu- 730 de 1747 ; #. 834. Confia de las depo- iciones de los demas tefligos como de efia Pieces jufhifcarives. Re 4 Antérieurement& dans linformation du Juge recufé; D. Nicolas Molina, té- moin appellé, répon- dant à la fixieme queftion de l’interro- gatoire préfenté par Leon, p.693. . A dit que... alors un Mataffin s'approcha &...…. lui fit un figne de menace, 6 qu'il eut à lefuivre, & en effet lui dépofant le fui- vit... il'remarqua que le- dit Seniergues accourut à’ routes jambes auprès du, dé : pofant, 6 fit mine de vou- loir lui donner un coup de _ fabre.…. lorfque ledit Ma- taffin fe découvrit le vifage & fe faifant connoître pour François , Quefada dit à Seniergues qu'il ne lui fie point de mal, quec'étoir . Jon coufin , fur quoi le dé- pofant prit le chemin de [a maifon. Recollé le 22 Juin 1741; P. 834. Il eftconftant, par | les dépofitions de tous les autres te- À Pieces jufuficatives, del dicho Molina cl uno de los dos mogos de la pendencia , que dicha rigna fue fin- _gida por chanza, 4 queno huvo ni prefo ni mandamiento de prifion ; elmifmo l3- cario en Ju certifica- ‘cion, dige (f. 760. LR Que Seniergues fabien- do quel el dicho difguf- _ toiïmaginadofe havia con- . vertido en chança fe apla- cd, y dexd de perfeguir al fingido enemigo. .. T no fe trata de -priloniero. Vean fe lus decla- raciones de fufo de la _ primera Sumaria del Corregidor de Cuen- £a. Para la falfifica- cion de otra calummia 295$ moins , comme par la préfente dudit Mo- lina, qui avoit été un des deux atteurs de la querelle ; que cette querelle étoit feinte , & un pur ba- dinage , & qu’il n’y a eu ni prifonnier ni décret de prife de corps : le Grand Vi- caire même dit dans fon Cerdfeat. 15, Que ladite querelle ima- ginaire s’étoit convertie en. plaifanterie, Seriergues s'é- toit appaifé, 6 avoit ceflé de pourfuivre fon prétendu chnenid-istet"e Et il n’eft pas quef- tion de prifonnier. Voyez les dépo- fitions ci-deflus de la premiere informa- tion du Corrégidor de Cuença. Pour convaincre de faux une autre T iv 196 -que acumularon al di- Junto , y a la Compa- gnia Francela en la Sumaria del referido eJuez recufado. Pregunta 16 del Anterrogatorio & cuyo tenor fe examinaron los tefligos Uamados gor dicho Juez recu- fado. p. 192. Si faben que el dicho D. Juan Semergues aco= metid en el Valle de Bag- ros con fu chafalote con- tra D. Juan Torres vefi- ño de efta Ciudad, &c. La mayor parte de los teftigos Em: de oyda ,y dizen que © dicho Seniergues en dicho Valle dio con un palo à dicho Tor- res. id D 3 El mifmo D. Juan Torres {lamado, y ref- gondiendo , y. 305 a dicha pregunta dixe : Que uno de la Com- Pieces juflifcatives. —_ 7 t calomnie imputée au défunt & à la Com- pagnie Francçoife , dans linformation dudit Juge recufé. Queftion feizieme de l’interrogatoire , fur lequel ont été interrogés les té- moins appellés par ledit Juge recufe. Si ils favent que ledir Sieur Seniergues dans la Vallée des Bains, à frappé avec fon fabre Dom Juan Torres , habitant de cette Ville ( de Cuenca). La plupart des té. moins répondent par oui dire, & difent que ledit Seniergues dans ladite Vallée, donna des coups de bâton audit Torres. Le même D.fuan Torres , appelle & répondant, p. 305. à ladite queftion, dit : Que un de la Compagnie : PTS OS EPST im \ Pieces quflificatives. -pagnia Francefa , levan- t0 un’ palo quadrado de mas de cinco varas de lar- go, y fe lo defcargo a dos manos, &c. N...... Albacea del difunto Senier- gues, defpues de dos cartas efcritas a di- cho D. Juan Torres, Jobre el afumpto fin éener repuefia dejie, pidio en juflicin que fuefle llamado dicho Torres a juramento , para declarar fine e- guivoco fi fue Senier- ques Ô alguno de los Francefes. el que le infulio 3 Compelido Torres re/pondo lo que Je figue , ante el Cor- regidor de Cuença f. 794. En la dicha Ciudad de Cuenca, en 5 dias de Enero: de 1741 annos... compareci0 el Capitan D. Juan de Torres, y Arre- dondo veziro de dicha Ciudad de quien fe le re- . 297 Françoife leva une tringle de bois quarrée de plus de trois braffes de long, & læ déchargea fur lui à deux mains ; GC. Ms UE X ECU teur Teftamentaire du feu Sieur Senier- gues , après avoir écrit deux fois au- dit D. Juan Torres fans en recevoir de réponfe , demanda en Juitice que ledit Torres fût obligé de déclarer nettement fi celui qui Pavoit in- fulté étoit Senier- gues , ou quelqu'un des François : Tor- res juridiquement contraint, répond ce qui fuit devant le Corrégidor de Cuen- ça, p.794. Dans ladite Ville de Cuença , les de Janvier de 1741... a coimparu le Ca- pitaine D. Juan de Torres, 6 Arredondo , habitant de ladite Ville, lequel ayant prêté ferment... de dire 198 cibid juramento....,. de dezir verdad, y fiendo preguntado al tunor de la peucion prefentada por D. Carlos de la Conda- mine, (Albacea del di- funto Senierpues ) dixd que conociÔ de vifta tra- to y comunicacion a D. Juan Seniergues. .... y que el dia que fucedid el cafo en el potrero del de- clarente no fe halld el di- cho Don Juan Seniergues, ÿ que tampoco conociù a ninguno de los que fe hal- Jaban, &c. Ratificofe en el dia 3 de Junio del mefmo ano en f. 816 y ag- 2e Fe VAR PA AE EP Que en la pregunta 16 en que dize no qued fa- tisfecho del agravio que recibid , que havia fido HA 2 0 que defpues lo Ilegd a faber, y que di- cho agravio quedo fatif- fecho por fu marced di- cho fegnor Corregidor. Con la qual decla- vacion acabo de acla- rarfe que el dicho Tor- res no fue infuriado Pieces juflificatives. ‘+ vérité, & étant interrogé fuivant la teneur de ls Re quête préfentée par le Sieur de la Condamine, ( Exécu- teur Teftamentaire du fèu Sieur Seniergues)a dis qu'il connoiffoit de vue, & qu'il avoit eu habitude 6 com- rnunication avec le Sieur Seniergues .. . & que le Jour qu'arriva Le fait men tionné dans un pâturage du- dit dépofant , ledit Sieur Se- niergues n'étoit pas préfent, & que lui dépofant ne con- nut aucun de ceux qui S'Y trouverent ; Ge Le même fut ré- collé le 3 de Juin de la même année, p.816, & il ajoute. 1 7s7 fi er _ Que égard de la quef- tion 16, € quant a ce qu'il a dit qu'il n'avoit pas recu de fatisfa@ion de l’outrage qu'il avoit reçu , que C'é= toit N...., qu'il na fu que depuis qui C'étoit, !6 que depuis il avoit obtenu fa- tisfaétion du Corégidor.……. Cette déclaration acheve d’éclaircir le fait que ledit Torres n’a été injurié ni par Po Pieces juflificatives. | nt por el difunto, ni gor ningun Frances como maliciofamento lo havia dicho en fu primer interrogatorio. Para deshazer de una tercera calumnia imputada al difunto. .} Pregunta 1% del inter- rogatorio [utodicho. _ Si faben que el dicho D. Juan Seniergues fe en- trÔ una noche tras de una muger publica a la cafa' dei Capitan Marcos Be- _negas de Guevara, y lo 2,0, y a fu madre per diendoles el refpeto fien- _ do perfonas de obliga- cion , &c. Los mas tefligos de la Sumaria del Juez recufado re/ponden : Que oyeron dezir que el fugeto mencionado en 399 feu Seniergues , ni par aucun François , comme le dépofant Pavoit malignement dit dans fon premier interrogatoire. Pour détruire une : troifieme calomnie imputée au défunt, Queftion 17 dudit interrogatoire. Si ils favent que ledir Sieur Seniergues entra un foir en fuivant une femme publique , dans la maifon du Capitaine D. Marc Be- negas de Guevara, & le maltraita de paroles lui & fa mere, en perdant le ref- peët a des perfonnes a qui il devoit des égards, &c. - La plupart des té- moins de lPinforma- tion du Juge recufé, répondent qu’ils ont LUI UN à à de ATP nt ANA Que celui qui eft defigné dans la quefhion précédente, \ 300 dicha pregunta fue Se- NIGrpUues. :, « des se ee « Llamado el mi fino D. Marcos Guevara , ÿ: 200, dixe : Que no era el dicho D. © Juan Seniergues, de los tres (hombres ebrios) que havian entrado (dicha no- che a fu cafa) por que al fuio -dicho lo conocia y commumicaba con el. ET mifmo Guevara llamado ante el Cor- regidor de Cuenca , a gedimento del dicho Albacea, hizd la de- claracion que [e figue. En dicha Ciudad de Cuença, en 3 dias del . 'mez de Enero de 1741. annos.... al Capitan D. Marcos Benegas de Gue- vara.… fele recibid jura- mento, de dezir verdad, ÿ fiendo preguntado fo- re que fi fue cierto el que D. Juan Seniergues, fue de noche ebrio a çafa del del declarante, ec... Pieces juflificatives. étoit: Seniergues. PE ONE Mais Dom Marc Guevara ayant lui- même été cité, pag. 200 ; dit 2 0 Que ledit Sieur Senier- gues n'étoit aucun des trois, ( Yvrognes ) qui étoient en- très chez lui ( le foir men- tionné ) d'autant que lui dé- pofant le co , Gle fréquentoit. Le même Gueva- ra cité devant le Cor- régidor dé Cuença , à la Requête dudit ‘Exécuteur Tefta- mentaire , fit la dé- claration fuivante. Dans ladite Ville de Cuenca, le 3 de Juin 1741... Le Capitaine D. Marc Be- negas de Guevara...... & prêté ferment de dire vérité, € interrogé s’il étoit vrai que le Sieur Seniergues avoit ére une nuit chez lui dépo- fant, 6c.…. Il a dit qu'il avoit cornu € fréquenté le- dit Sieur. Senergues | qui avoit même guéri d'une ma» 2 y * Dixo que conocid y que les chefs de ce tumulte étoient D. Diegue de Leon; D. Sébaflien Serrano, & D. Nicolas de Neyra, avec plufieurs autres de leurs pa- rents 6 amis, lefquels ont bleffé ledit Seniergues de telle maniere, qu Ù en ef mort en trois Jours. Î/s m'ont de plus repréfenté que pour reconnoître € pu- ir les auteurs de ce délit, M. le Vice-roi de Lima a= voit délivré des ordres pref- fants à l’ Audience de Qui- - 0 , & au Corrégidor de Cuenca, x . Pieces juflificatives. . cuyo cumplimiento no fe _ ha verificado, por no ha- verfedado fatisfaccion a la’ vindi@a publica ni a los agraviados y querellantes, Y caufando me extragna :7 393 Cuenca, lefquels étoient de- meurés fans exécution , fans que La vindiéle publique ait été fatisfaite , non, plus que les parties offenfées € plai- gnantes. Je fuis dans le admiracion el poco def- furprife La plus étrange, di velo con que fubftancian y determinan las caufas de eftas circunftancias qüando frequieren una promta refolucion , y mas eftando de por medio el venerado refpeto de las leyes y el de los manda- tos fuperiores, de mas de la efpecialifima Real re- comendacion con qué Su Mageftad encarga la dif- tinguida atencion que fe - Mdeve tener a las perfonas de los Academicos, y al conocimiento de fus cau- fas, devo en confideracion de todo prevenir a Vue- peu de vigilance avec la quelle on procede a l'inftruc= tion 6 au jugement de pro- cès de cette nature, qui de mandent une décifion d'au- tant plus prompte , que le refpeét des Loix y efl in- téreffé , ainft que la véné- ration due aux erdres Sou- verains, & de plus, l@ très — fpeciale recommanda= tion Royale, par laquelle Sa Migeflé prefcrit une at- tention difüinguée pour Les, perfonnes defdits Académi= ciens, @ pour connoître de- ce qui les regarde. Par tou- tes ces confidérations , ‘je for que fin la menar fuis obligé de donner avis & dilacion veaen jufticia los dre formados ae cu afumpto, y que fi el ef- pif de fa pidiere al- guna mas juftificacion pa- ma proceder contra los principales reos y cam- plices, falga incontinenti uno de fus Miniftros , que deftinère el Prefidente de _effa Real Audiencia a raticar con la mayor _éeleridad las diligencias votre Seigneurie, que , fans Le moindre délai, elle ait à examiner .en Juflice l’étac. des procédures faites juf- qu'a préfent ; & que s'il ef Pécefre de quelque preuve de plus , pour procéder con tre les principaux coupa- bles & complices, un des Miniftres de l' Audience de Quito ; celui qui fera nom- mépar le Préfident, fe tranf- porte fur le champ à Cuen Y x 306 que cree hazerfe en Cuença, affi para pren- der y traer a los reos a la Earcel de Quito, como para el embargo de fus bienes a cuya cofta fe cargaràn los gaftos que expidiere el minifterio , y al que afh fuere nom- brado, no fele admitira la menor efcufa, y en cafo de proponerla con debiles. fundamentos , fe le concede facultad ai ex- preffado Prefidente para- que efeétivamente le fa- que. dos mil pefos de mulc- ta, de fu falario y bie- nes, y fucefivamente fe nombrarà otro Miniftro ; y el que pafäire a execu- tar la comiflion procefla- rà al Correpidor , y Juf- ticias que huvieren pro- cedido con fimulacion , empegno y falta de ad- miniftracion de jufticia ; refultando culpados , Le fufpenderà de fus em- pleos ,.y les impondrän ja demas penas que fue- ron conformes a derecho, y para que me confte lo que fe executa en virtud de lo que va provenido, me dara Vuefegnoria no- ticia en las primeras oca- fiones que feofrefcan. Dios garde a V. 5. machos an- » P ieces juflificatives. ça, pour y faire fans délai toutes les diligences requi= ‘fes, tant pour prendre & conduire prifonniers à Qui- to les coupables, que pour faifir leurs biens , 6 pren- dre fur iceux de quoi payer les fraix des procédures , & qu'aucune excufe ne foit admife de la part de celui qui fera nommé; 6 en cas que celle qu'il propofe foit frivole, le Préfident aura la faculté de lui impofer, 6 de percevoir réellement une amende de dix mille livres fur fes appointements 6 fes autres biens , € nom- mera un autre Juge ; & ce- lui qui fera chargé de cette commiffion | fera le procès au Corrégidor & aux au- tres Juges qui auront pro- cédé avec connivence , cédé aux follicitations ou man: qué à l’adminiftration de la Juflice ; 6 au cas qu'ils fe trouvent coupables , les [uf pendra de leurs emplois, 6 leur impofera les autres pei- nes qu'il appartiendra ; 6 pour que je fois informé de ce qui s'exécutera en CONS féquence de la préfente, Vo- tre Seigneurie m'en donnera avis par la premiere occa- Jfion. Dieu garde à Votre Seigneurie un grand nom- bre d'années, À Cartagenes Pieces } uflficatives. mos, Cartagena y Enero 26 de 1741. Firmado , D. Sebañtian de Eflaba. :. Segnores Prefidente, y Oydores de le Real Au- diencia de Quito. Recibida en 19 de Jx- n10 de 1741. DEcrE£sTo. Junte fe con los Au- tos que hay fobre efta materia y vifta al Segnor Fifcal. RESPUESTA DEL PISCAL ” El Fifcal reproducien- do como reproduce las refpueñas que tiene dadas enefta caufa, y princi- palmente la de tres de Marzo de efte anno dize, pe el haverfe omitido eclarar la nulidad de los dos procefos hechos por D. Sebañtian Serrano, y D. Marcos Gomez de Caf- tilla , a traido las dilacio- nes que en ella fe experi- mentan , y han dado la- gar a las ferias exprefo- nes de vueftro Virrey en. ” fu carta; y aflies necef- -fario que oy fe manden 597 le 26 Janvier 1741. _ Signé, D. Sébaflien de ÆEflaba. - Aux Sieurs Préfident , € Oydors de la Royale Audience de Quito. Reçue le 19 de Juin 1741. DÉCRET. Que cette Lettre fort jointe aux pieces du pro- cès, 6 foit communiquée # M. le Procureur- Général. ConNcLusIONSs pu PROCUREUR GÉ- NÉRAL, Le Procureur - Général reproduifant comme il re- produit les conclufions qu'il a dèjæ données dans ceite affaire, & fur-tout celles du trois de Mars de cette an- née, dit que tous les délais furvenus dans le cours de cette affaire, procedent d’a- voir omis de déclarer nulles les deux informations fai- tes par D, Sébaflien Serra- no , 6 D. Marc Gomez de Caffilla ; & que cette omif- fion a donné lieu aux ex- preffions férieufes de la Ler- tre de votre Wice-Roi ; c’eft pourquoi il efl néceffaire V ï 308 traereftos Autos de Cuen- ça, con la mayor breve- dad , afli pata que con fu vifta fe determine la nu-- lidad que el Fifcal propu- {d, como para que fe re- conofca fi es necefario que uno de vueftros Miniftros pafe a dicha Ciudad, co- mo vueftro Virrey orde- na, para la intecra fcb{- tanciacion de la caufa. Quito y Junio 27 de 1741. LicENCIADO BaAL- PARD A. ExXTRACTO DE AUTO. Se mandaron traer los Autos de Cuença. ULTIMA RESPUESTA “Fifcal en vifia de los Autos, j. Us El Fifcal dize que el komicidio cometido en . D. Juan Seniergues, efta teveftido de muy agra- vantes circunfancias, por- Pieces Juflificatives. d’erdonner dès aujourd” huis que le precès foir apporté de Cuença fans délai, tant afin que [ur la vue des pie- ces , La nullité propofée par le Fifcal foit prononcée, que pour qu’on puiffe recennoï= tre, S'il eft néceffaire q'un des Miniftres de cette Au- dience fe tranfporte à Cuen- ça, conformement aux 01-= dres de votre Wice-Roi ,pour achever de mettre le procès en état, À Quito, ce 27 Juin 1741. LE LICEN- C1É BALPARDA. EXTRAIT D’ARREST. Il fut délibéré qu’on feroit venir de Cuen- ça les pieces du pro- cès. TRE DERNIERES Con- CLUSIONS Du Procureur-Gé- néral , fur le foit communiqué de tout le procès , p.940. Le Fifcal dit, que le meurtre commis en la per- Jonne du Sieur Seniergues, eft revêtu de circonflance très aggravantes ; d que fe concitù a mucha parte de la plebe para la execucion de el, dando con efto ocafion.... a un publico tumulto , de que pudo refultar multiplici- dad de homicidios | y defgracias que reduxeflen a la mayor ruina la vefin- dad de Cuença. . . . .. dos los que lo promueven auxilian y cooperan. Efta popular commdcion, y congregacion de gente per- dida para invadir a di- cho D. Juan Seniergues trae todasla circunftancias de una muerte feoura. .… huvo perpetracion , y a- plicacion de diligencias….. gquedanda de el todo in defenfo, y defte modo la eftocada que fe le did y le caufd muerte fue ale- ve. Otra circunftancia hay en la caufa que agrava efte delito ; pues aunque en el proceflo no fe halla la mas plena juftificacion de el pero fus indicios fon de tanta urgencia que pafan a fer M birads 3 porque quienes conduxe- ron a toda efta gente po- pular para la perpetracion de efte homicidio fueron D. Sebaftign Serrano , RE EEE VER ET Pieces Jufficatives. Por cuya razon fe huze. necef]zrio el cafligo de to- 3a9 qu'on «a ameuté une grande partie du peuple, pour mettre ce meurtre à exécution, et donnant par-la occafion à un foulevement général , d'où pouvoit réfulter une grande quantité de meurtres 6 de difgraces , qui pou- voient entraîner La ruine des] habitants de Cuenca... .... C’eff pourquei le châti- ment de tous ceux qui ont promu & favorifé ce tu- multe, & qui y ont coopé- ré, eft d’une néceflité in- difpenfable, Cette émeute: populaire , € cet affembla- ge de gens fans aveu pour attaquer ledit Sieur Senier- gues, porte toutes les appa- rences d’un affaffinat préme- dité....0n y voit une ma- chination, & une fuite de moyens mis er ŒUVTEe pour parvenir & ce but. La vio- lence de ce coup lui ayant fait tomber les armes des mains , il refla abfolument fans défenfe; d'où il fuir que le coup d'épée qui lui fut alors porté , & qui lui a caufe la mort, & été donné en trahifon. Une autre cir- conffance aggrave le crime ; @ quoique la preuve a l'é- gard du meurtrier ne [ot pas - entiérement complete , lesin- dices font fipuiffants , qu'ils acquierent le caradere de cer- V iÿ 310 Alcalde ordinario , que poftpufo toda la oblga- cion de Juez en toda efta maquinacion , y D. Ni- colas de Neyra....., Con quien fe ofrecieflen ante cedentes lances que oca- fionaron continuadas dif- cordias fue con D. Die- go de Leon, con quien tienen imediatas relacio- nes y parentefcos los di- chos D. Sebaftian Serra- no, y D, Nicolasde Ney- ta; y haviendo fe eftos movido a la perpetracion de efte homicidio para vengar aquella difcordia que fu pariente tenia con el difuntas rain. à D. Diego de Leon... fe confervo.....con apa- rente ferenidad en el ta- blado ; dexando que por fi corrieflen otros el lan- Ze; pero no tan cäntelo- famente , que nole cobraf- fen los aplaufos al dicho D. Diego, algunos de los agreflores a quienes did las gracias por el homici- dio cometido... cuya exo- neracion , y la prueba de ella no concuerda con el lugar y tiempo..... co que por eflo fe annade al homicidio la circunftancia de un formal affefinato , que fon calidades que por Pieces juflficarives. titude, puifqu'il ef! évideng que toute cette populace a= meutée pour commettre ce meurtre, avoit pour chefs D. Sébaflien Serrano, Al- calde ordinaire , qui, dans. tout ce complot, a entiére- ment oublié les devoirs de Juge, @& D. Nicolas de Neyra..… C’étoit avec D. Diegue de Leon que le de- funt avoit eu des querelles antérieures, quiontoccafion né une centinuation d'Inimi- tié ; mais l'alliance € la parenté de D. Sébajlien Ser- rano , & de D. Nicolas de Neyra avec Leon, lesapor- tés à venger leur parent par , la mort de [on ennemi. . . : D. Diegue de Leon s’eft confervé avec une tranquil- lité apparente dans fa b (2 laiffant aux autres le fie de fa vengeance ; avec fi peu de précaution cependant, qu'il ne laiffa pas de rece- voir Les compliments des meurtriers, & qui il rendit graces de l'avoir défait de Jon ennemi .….... les pr'eu- ves qu'il donne pour fe juf- tifier de ce fait, ne s'accor- dent ni avec le lieu, ni avec le temps .... ce qui ajoute au meurtre les caratteres d'unaffaffinat formel, ga- lités qui privent le coupable de tour privilege, & le rent= Pieces juflificatives derecho privan a los reos de todo pfivilegio , y le fugetan a las communes penas ; las que en efta caufa correfponden a ef- tos delinquentes , for La ordinarria de muerte y la -confifcacion de la mitad de Jus bienes ; que indiftinc- tamente comprehenden a todos los reos, porque auxiliando fe unos a otros todos, fe hizieron autho- res del homicidio ; por la ygual union , y pre- paracion con que fe pro- A cedid a CA . Es mas uf- peu el motibo por la ealrecommendacion que el dicho, D. Juan Senier- gués, como uno de la Compagnia Francefa , tu- bo, para fer atendido ; _ por la fatisfacion que fe deve dara las dos Magef- tades Catholica y Chrif- tianifima, y por fel el principal author de efta rebellion un Alcalde or- dinario , cuya obligacion fue evitarlo; contra elle, contra D. Nicolas de Ney- ra, y Manuel de Mota, efla la caufa fubflanciada en rebeldia, y plenamente pre el delito , fon tam- bien reos del , Manuel de “Velafco como quen le ar- rojù al difunto una pie- * 311 dent fujet aux peines por- tées par la loi, les peines encourues dans le cas pré- fent font celle de mort, & Ja confifcation de la moi- tié des biens; ce qui s’é- tend indiflinéement à tous les coupables, qui s'étant aidés mutuellement , font également auteurs du meur- trepar l'union 6 les apprêts communs avec lefquels ils ent procédé... Ce qui rend le casencoreplus grave, c’eff La recommandation Royale dont jouiffoit ledit Sieur Seniergues , comme un de ceux qui compofoient laCom- pagnie Françoife , puifqu’en cette qualité, il devoir étre traité avec l'attention due au refpeéf pour les ordres de leurs Majeftés Catholiques & Très-Chrérienne, 6 [ur- tout par un Alcalde ordi- naire, qui étant plus par- ticuliérement obligé par fon devoir à prévenir une [édi- tion , en eft devenu le prin- cipal auteur. Le procès eft inftruit entiérement con- tre celui-ci, contre D. Ni- colas de Neyra, & Ma- nuel de Mora par contu- mace , &c le délit eft plei- nement prouvé. Manuel Velafco, celui qui à lancé a feu Seniergues la pierre qui lui fit tomber les armes V iv ‘312 dra que Le derribd al fue- ,lo; y Francifco Inigues, " ce 52 De'Diepo de Leon, indiciado de el de- lito de mandante, y ori- gen del affefinato y tu- inulto, no efta perfeta- imente convencide ; pero fiendo tan urgentes los indicios que contra el fe dan en el proceflo, pa- rece necefflario que fea re- ducido a efla Real Car- cel de Corte, como efta mandado antes, y nofe ka cumplido hafta ahora; araque ea pueflo a la tor- pr ae confiefle fu delito de manpante y concitador de la plebe, para la execucion del ho- micidio ; fobre todo lo qual efpera e Fifcal el amejor cumplimiento de quiticia, y fatisfaccion de Ja vindiéta publica. Quito y Enero 28 de 1742. Firmado, LiCENCIADO BALPARDA. SENTENCIA DEFINITIVA, P- 945$: En efte pleyto y caufa eriminal, que afli de ofi- cio de la Real Juflicia Pieces Jufüficatives. des mains, € François PF. niguez, [ont auffi coupables: l'un 6 l'autre... & quant a D. Diegue de Leon , pré- fumé être Le premier mobile de l'affaffinat , & celui par ordre de qui il a été exécu- té, il n’eft pas entiérement convaincu ; mais les indices qui réfultent du procès étant JE violents centre lui , "1E paroit néceflaire qu'il foit tranfporté aux prifons de ia Cour, ainfi qu'il a dèja été ordonné par Arrêt, refté jufqua préfent fans exécu- tion , pour être appliqué à Ja queftion , jufqu’a ce qu'il. confeffe fon crime , de chef & auteur du tumulte excité. par lui, pour faciliter l'exé- cution du meurtre en quef- tion ; e*eft fur quoi le Fifcal efpere que Meffiéurs rendront le plus exaële juflice en fa- tisfaifant à la vindi&e pu= blique. A Quito, ce 2 Janvier ‘174 NE à Signé, LE LICENCIÉ BALPARDA. s, ARRÊT DÉFINITIF. . … Wü leprocès criminel inf truit tant d'office par les Ju ges Royaux, que fur lare= 5 bin a ri DT A ” v ne é à como por querella de los Albazeas de D. Juan Se- niergues Botanico y Ciru- jee de la Compagnia de os Reales Academicos de Jas Ciencias de Paris, los que refiden en efta Ciu- dad-y fu Provincia , fe ha feguido contra los agref- fores de la muerte vio- lenta que en tumulto fe- diciofo le dieron , el dia veinte ynueve de Agofto, del anno pafado de 1739, en la plazuela de San Se- baftian de la Ciudad de Cuença, al dicho Ciru- jano , que haviendofe fubf- tanciado porlos terminos del derecho, los que re- fultan reos no han com- parecido ni fe han podi- do haver, fino folos D. Diego de Leon, y Ro- man, que defpues Aa he- cho fuga de la prifion , y Manuel de Velaico que fe halla prefo. Viftos los Autos, y lo demas que verfe convind , Fallamos, que por la culpa que re- {ulta de todo efte proce- fo , afi contra los reos aufentes, como prefentes, devemos de condenar y condenamos a D. Sebaf- P ls Jufüficatives. 313 quête des Exécuteurs Tefla- mentaires de D. Juan Se- niergues, Botanifte (*), & Chirurgien de la Compagnie des Académiciens de l’A- cddémie Royale des Scien- ces de Paris, réfidents en cette Ville & en cette Pro- vince , contre les agreffeurs auteurs de la mort violente dudit Chirurgien, arrivée dans un tumulte feditieux , le 29 dumois d Août 17395 dans la place de S. Sébaf- tien de Cuenca ; lequel pro- cès ayant été infiruit avec les délais de l'ordonnance, les coupables n'ont pascom- paru , 6 n'ont pu être trou- vés, à l'exception des feuls D. Diegue de Leon & Ro- man, qui depuis s’eft enfui de la prifon; & Manuelde . Velafco, aéluellement pri- fonnier. Vu les charges 6 informations , & tout ce qui étolt à Voir , NOUS t'OUVOnS que pour le délit réfultant de tout ce procès , tant con- tre les abfents, que préfents, nous devons condamner , nous condamnons , favoir , D. Sébaftien Serrano , At calde ordinaire de ladite Viile, & D. Nicolas de Neyra, à huit ans de ban- (*) On a voulu dire Anatomifte. } nt À ivbes Juflficatives.. tian Serrano, Alcalde or- dinario , que en la occa- fion fue de dicha Ciudad, y aD. Nicolas de Ney- ra , en ocho annos de det- tierro precifos, al prefi- dio de Baldivia , y en dos mil pefos de multa, a cada uno, la mitad para la camara de Su Magef- tad , y la otra mitad para los gaftos de efta caufa ; al dicho Don Diego de Leon , y Roman en feis annos de deftierro, a di- cho prefidio y un mil pe- fos de multa aplicados en la mifma forma, a Fran- cifco Yniguez alias Nawi- fapa (*), fele condena en feis annos de deftierro à la ifla de la Piedra, a racion " fueldo ; a Manuel de Velafco ; alias A/currucu , fele condena en dos annos de deftierro al Caftillo de Chagre precifos , y por ef- ta nueftra fentencia defini- + niffement non rachetable ax Château de Baldivia, & chacun à deux mille piaf- tres d'amende , La moitie pour la Chambre des Ccn- fifcations, € l'autre moitié pour les dépens du proces. . Plus , nous condamnons le- dit D. Diegue de Leon, & Roman, à fix ans de ban- niffement audit Château & à mille piaftres d'amende, appliquées comme les précé- dentes ; François Iniguez, autrement Nauifapa É) 4 fix ans de banniffement à l'ifle des Pierres , à la ra- tion ordinaire & fans falai : re; Manuel de Velafco, autrement Alcurrucu , 4 deux ans de banniffement , non rachetable, au Château de Chagre , € par le préfens Arrêt & Jugement définitif, Nous prononçons & ordon- nons ainfi qu'il ef? dit ,con- damnant lefdits coupables aux dépens folidairement (*) Francifco Fniguey, & Manuel de Mora , alias Naui- Jfapa, fou dos reos diftinétos como conffa del proceffo. El . primero fue llamado à ediétas y pregones el otro no. De los dos haze uno efta fententia, #) François Yniguez, & MO de Mora, EUR Naui- fapa , font deux accufés dif- férents, ainfi que eft prou- vé au procès. Le premier a été ajourné perfonnellement avec toutes les formalités ; le fecond n'a pas été afligné. Cet Arrér les confond tous deux, & n’en fait qu'un [eul coupable, +" 4 i Pieces juflificatives. va mente juzgando af lo pronunciamos y manda- mos, con coftas, en que de mancommun e infoli- dum condenamos a dichos reos, y de fe a las partes el teftimonio que pidief- fen, y faque fe otro para dar cuenta al Gobierno Su- perior. Quito, en 22 dios de Abril de 1742 315 6 mandons que la copie du procès foit délivrée aux par- ties, & qu'une autre foit faite pour rendre compte au Gouvernement Supérieur. À Quito , le 21 Avril 1742. AE te CERTIFICACION De un Curandero tenido por Medico en la Ciudad de Cuença en el Peru , en f. 375. Don Juan de Ydrobo “ Cabeça de Vaca, Medico de effa Ciudad de Cuença y de fu Hofpital Real, a pedimento verbal del Capitan Don Diego de « Leon y Roman, Repido- res perpetuos en ella ; fo- bre que fe declare el jui- zio que debe formarfe del habitual accidente que pa- dece, fegun el informe que me ha hecho dicho fe- gnor paciente, y los{ ymp- tomas que he obfervado , CERTIFICAT Donné par un Pra- ticien exerçant la Médecine dans la Ville de Cuença au PAUU: Da76. Dom Jean de Ydrobo, Tête de Vache, Médecin de cette Ville de Cuenca 6 de fon HGpital Royal, fur la demande verbale du Capi- tatne D. Diegue de Leon & Roman, Echevin perpé- tuel de ladite Ville, pour que Je donne mon avis fur l'ac- cident habituel auquel il eff fujet, felon qu’il m'en a in- formé , & fuivant les [ymp- tômes que j'aiobfervé depuis environ deux ans , lors de es attaques, Je tire l’'indi= a 316 ahora tiempo de dos an- nos, en las ocaque le ha infulrado el mal : faco la indicacion de eftar viciada la melancholia en quanti- dad y qualidad ffmul : cu- yos flatos fe elevan par la repion del coracon a el celebro : y de aqui nace elquedarenagenado à fue- ra de fi con el pulfo albo- totado fuera de fu orden natural, y por el movi- miento local del coraçon, fe accelera el curfo arte- rial de la fangre , y de efta pugna, fe origina el fudor ardiente y melofo, de que empieça el fyocope, de Ccuya fuerza, por la deter- minacion del movimiento local, fe muda el temple del fudor , de caliente en _frio ; y hiriendo à apode- rando fe el vapor à flatos de los organos del cele- bro, fe le extingue la vir- tud fenfitiva y motiva, dexando al paciente efta ‘opreflion con femejanza de aletargardo ; y a vezes quando trahe mayor auge la caufa, con indicios de un grave paraffmo , como he viflo à dicho fegnor dos vezes que fui !lamado por Febrero y Mayo del anno pafado en focorro de efte mal, el qual lo he fo- Pieces juflificatives. | : cation que l'humeur mélan« cholique eft viciée en quan- tité & en qualité fimul, 6 - que les vents de ladite hu meur montent par la région du cœur au cerveau, d’où procede que le malade perd connoiffance 6 eft hors de lui avec le poulx troublé, 6 hors de fon état naturel , & que par le mouvement du cœur , Le cours artériel du fang s’accélere; € ce com- bat eft l’origine de la fueur ardente & mielleufe par la- quelle commence la fynco- pe, dont la force, par la détermination du mouve- ment local , change la tem- pérature de la fueur d'ar- dente en froide ; 6 cette va- peur où les vents heurtant : 6 s'emparant des organes du cerveau , La vertu fenfitive é motive s'éteint prefque totalement en lui. Cette op- preffion laiffant le patient dans un état apparent de létargie & quelquefois quand la caufe eft plus forte avec des indices d’un grave pro @ xifme , comme je l'ai vu deux fois en Février & Mai de l'année palfée , ayant été appellé à fon fecours , & l'æyant fecouru avec des fomentations cordiales & céphaliques ; € pour faire . foi, je déclare que tel eft Pieces juflificarives. corrido con fomentos cor- _ diales y del celebro; y para que confte, afi lo fiento falvo meliori y lo firmo. En Cuença, en 17 de Febrero de 1740. = Firmado, JUAN DE YDproBoO. OTRA DECLARACION Del dicho Medio recibinda por el Cor- regidor de Cuenga, J° 376. » Dixd : que halla el de- clarante exceder la melan- cholia en la perfona del dicho Capitan Don Diego viciada, en cantidad y qualidad fmul, y por fer humor tan crafo levanta vapores denfos, los qua- les fe elevan à la region del Coraçon, y por io qual fe le aprefura la fa- cultadpulfifica, y por cir- cular localmente la fangre efpirituofa, fiente al tiem- po de darle eflos fudores, y profiguiendo el flato à dar y elevarfe en el cele- bro queda fin la faculdad motiva y fenfitiva inhabil, fin poder ufar de fus po- 317 mon avis. Salvo meliori, 6 j'ai figné à Cuença le 7 Février mil fept cent qua- rañte. Signé , JEAN DE YDROBÔ, AUTRE DÉCLARATION Du même Méde- cin, reçue par le Cor- régidor de Cuença, 1.270. Il & dit : que lui déclas rant, trouvoit que la mélan- cholie excédoit dans la per- fonne dudit Capitaine Don Diegue, & qu'elle ef vi- ciée, en quantité 6 en qua- lité fimul; 6 comme c'efi une humeur fi épaiffe , elle éleve des vapeurs denfes qui montent & la région du cœur ; ce qui fait que la faculté pulfifique s’accelere chez lui, 6 que l'effort que fait le fang fpiritueux pour circuler localement lui cau fe de la douleur, lorfque ces fueurs lui prennent, & le méme vent continuant à $’é- lever au cerveau, il refie privé de la faculié motive € 318 Pieces juflificatives. tencias y fentidos, hafta ue la virtud fenfitiva las diffuéhie y entonces vuel- ve en fi. Efte es el fentir del Declarante , fegun a leido en algunos Autho- res; al qual accidente Ila- man Epilepfa y fe juzga por mortal, no tan fola- mente por fu eflencia y padecer dos miembros principales como es el co- raçon y el celebro , fino es tambien por que andan- do à mula 6 à pie, caen fin fentido , de cuya caida puede refultar muerte, como fe ha vifto en va- rios , que cayendo con las fienes, o con otra parte delicada fe quedan muer- tos.... y efto es lo que fiente, fegun el ofhicio que exerce , el que havra onze annos poco mas Ô menos , loufa. Y dixd fer la ver- dad, fo cargo del jura- mento que Ilevafecho, en que fe Fret y ratificd ha- viendofele' leido efta fa declaracion y la firm. Firmado JUAN DE YDROBO. fenfitive , [ans pouvoir ufer de fes puiffances € de [es Jens ,jufqu'a ce que la vertu fenfitive les diffolve, 6 alors il revient à lui. Tel ef? le fentiment du décla- rants fuivant ce qu'il 4 lu dans quelques Auteurs , qui nomment cet accident Epilepfie ; € il eff réputé mortel , non-feulement par Jon effence & parce que deux membres principaux fouffrent alors | favoir Le cœur 6 le cerveau ; mais parce que, en allant à cheval ou a pied, le malade tombe Jans fentiments , & que de cette chite La mort peut ré= Julter, comme on en a vu en plufieurs qui tombant fur les fourcils ou fur une au- tre partie délicate , reftent morts. enfin, que c'ef-la fon avis, fuivant la pro- fefion qu’il exerce & qu'il pratique depuis environ onze ans, @& ila dit que c'eft la vérité fous le ferment qu'il a faits ce qu’il a confirmé 6 ratifié après leflure qui lui a été fie de cette dé- claration qu’il a fignée. Si= gné JEAN DE YDROBO. HE ss de ha Et Et, D nn UT ES dE * ë . S \ C Le LETTRE DE M.D. LC. RAR MRTE SUR le fort des Aftronomes qui ont eu part aux dernieres me- Jures de la terre, depuis 1735. Lzrrre pe M. GobpiINDezs ODponNA1S, 6 l'aventure tragi- que de Madame Godin dans fon voya- ge de la Province de Quito à Cayen- ne, par le fleuve des Amazones. ‘4 . \ MURS. «lg “a A2 LETTRE DE M.D.L.C. A M. SUR le Jort.des Affronomes qui ont eu part aux dernieres mefures de la terre, depuis 1735. Vs. vous êtes intéreflé , Mon- fieur , aux travaux de l’Académie des Sciences pour la mefure de la terre, &t vous êres curieux de favoir le fort de tous ceux qui ont eu part à cet ou- vrage dans des voyages au - delà des mers, depuis 1735. Je pourrois vous. répondre par ce vers de Virgile: Apparent rari nantes in gurgite vaflo. Dans cétre vafte mer , échappés au naufrage; On voit quelques nochers fe fauver à la nage. Nous partimes de la Rochelle au -mois de Mai 1735 , munis des pañle- ports de Sa Majefté Catholique le Roi X Ï 32% Lerre de M. D. Le CN À N "1 Philippe V, pour aller mefurer les de grés voifins de l’équateur dans fes Etats ! de l'Amérique méridionale. Nous étions trois Académiciens , M. Godin , M. Bouguer & moi. Nous avions pour ad- goints M. Jofeph de Juffieu, Doéteur- Régent de la Faculté de Paris , frere des deux Académiciens , & qui fut f reçu à l’Académie pendant fon abfen- ce ; M. Seniergues, Chirurgien ; & pour nous aider dans nos opérations ÿ M. Verguin, Ingénieur de la Marine ; M. de Morainville, Deffinateur pour | l'Hiftoire naturelle ; M. Coupler, neveu de l’Académicien ; M. Godin des Odo- _ naïs, qui fera le principal fujet de cette lettre, & le fieur Hugo, Horloger, Ingénieur en inftruments de mathéma- tique ; nous nous joignimes , à Cartha- | gene d'Amérique , à deux Lieutenants de vaifleaux Efpagnols , nommésparla Cour de Madrid, pour aflifter à nos obfervations. | M. L: SU MANE GR 823 ) : L'année fuivante, M. de Maupértuis , chargé d’ailer mefurer les degrés du méridien fous le cercle polaire aréti- que , s’embarqua à Rouen avec MM. Clairaut , Camus & le Monnier le ca- _ … det, Académiciens, M. l'Abbé Oz- | thier, M. Celfius, Aftronome Suédois, . & quelques autres aides. En 1751, M, l'Abbé de la Calle, Académicien , partit pour le Cap de Bonne : Efpérance , où le moindre de {es travaux fut la mefure de deux des grés du méridien. | Des cinq voyageuts qui ont vu le cercle polaire , il ne refte que M. le Monnier. L'Abbé de la Caille qui fit feul le voyage du Cap, & dont la fanté pa- roifloit à toute épreuve , de retour à Paris, a été la viétime de fon zele af- tronomique, en 1762 ; & un Acadé- micien (a) plus jeune que'lui, qui l’a- («) M. l'Abbé Chappe d'Auteroche , mort en Cas Xi EN D OR ET, - 324 Lettre de M. D. L. Ci même fort en Californie en 1769. Parmi mes compagnons de voyage à l'équateur, M. Coupler, le plus ro- bufte , & l’un des plus jeunes , à peine arrivé à Quito , futemportéen trois Jours Ê Dép £° f voit pris pour modele, a eu depuis le . Au par une fievre maligne. J’airendu comp- te ailleurs de la fin tragique de notre Chirurgien (a). M. Bouguer eft mort d’un abcès au foie en 1758 ; M: Go- din , qui avoit paflé au fervice d'Efpa- gne, où il étoit Direéteur de l'Acadé- mie des Gardes de la Marine à Cadix, plus jeune que M. Souguer, ne lui a furvécu que deux ans ; M. de Morain- ville , refté dans la Province de Quito, s'eft tué en tombant d’un échafaud d’une Eglife qu'il bâtifloir à Cicalpa, près la ville de Riobamba. Il y a plusde quinze lifornie quelques jours après fon obfervation du paf fage de Vénus fur le foleil en 1769. | (a) Lettre fur l’émeute populaire de Cuença , Pa- ris, 17454 ; Hd PAPA 325 ans que je n’ai de nouvelles direétes du _ fièeur Augo qui s’eft marié à Quito. Je ne parle point ici de plufieurs de nos gens, tant blancs que noirs , péris dans le cours du voyage, deux defquels de mort violente. Le Commandeur Don George Juan, l’ancien des deux Officiers Efpagnols nos adjoints , Capitaine de vaifleaux du Roi à fon retour, puis Commandant des Gardes de la Marine d'Efpagne, Chef d’efcadre & Ambafladeur à Ma- roc , plus jeune que la plupart de nous | tous, vient de mourir à Madrid d’une “TS Le Dr. Jofeph de Juffieu , long-temps retenu par l’Audience roya- le de Quito à caufe de fa profeflions & depuis par le Vice-Roi de Lima, eft de retour à Paris depuis deux ans; il a pérdu la mémoire comme autre- fois le celebre Dom Mabillon, qui la _ recouvra depuis. M. de Jufieu n’a pas eu le même bonheur ; & jene fais fi | X ii 326 Lettre dé M. DL, C. NS lui & moi pouvons à nous deux * étre comptés pour un individu vivant. Une furdité qui a commencé en Amérique eft devenue exceflive , & depuis cinq . ans j'ai perdu la fenfbilité externe dans toutes les parties. inférieures, dont je . ne fens l’exiftence que par des douleurs internes dans les changements de temps. Ainfi, des onze voyageurs de la Zone torride , fans parler des domeftiques , on nè doit compter pour exiftants au- jourd’hui que M. Verouin, Ingénieur de Marine à Toulon, Don Antonio de Ulloa , Chef d’efcadre dans la Marine d'Efpagne, ancien Gouverneur de la Louifiané, (encore ne font-ils ni l'un ni l’autre exempts d’infirmités) & M. Godin des Odonais qui vient d'arriver à Paris après trente-huit ans d'abfence , & qui va me donner matiere à vous entretenir. J'ai reçu de lui, au mois d'Août dernier, la lettre fuivante , fur les inftances que je lui avois faites, à MERE, 327 de me donner une relation du voyage de fon époufe que j'ai connue dès fon . enfance, & des aventures de laquelle il ne m'étoit parvenu que des bruits vagues. Je crois ne pouvoir mieux faire | que de vous envoyer une copie de la lettre de M. des. Odonais. Vous verrez ce que peut le courage & la conftan- ce. Il n’y a point d’ame qui ne fe fente attendrie au récit de l’horrible aven- ture d'une femme aimable, élevée dans l’aifance , qui, par une fuite d’événe- _ ments au-deflus de la prudence humai- ne, fe trouve tranfportée dans des bois impénétrables , habités par des bêtes fé- roces & des reptiles dangereux, ex- pofée à toutes les horreurs de [a faim, de la foif & de la fatigue, qui erre dans ce défert pendant plufieurs jours , après avoir vu périr fept perfonnes , & qui échappe feule à tous ces dangers, d'une maniere qui tient du prodige. _ Vous verrez enfin tout ce que doit : 0 j X iv és L Le Te = ” d L æ dE? she et UE “ PP - “2 Fa Léstre de M, D. Lg “NS M. Godin la munifoenetdeSà ARR jefté Portugaife | & aux Officiers char- nt gés de fes ordres. al Sur les repréfentations de M. Godin, le Miniftre bienfaifant (a) , qui a dans {on département les Académies, vient de lui obtenir de Sa Majefté une pen- fion , qu'il a bien méritée par fon zele, & fes travaux pendant nos opérations, & par un fi long exil de fa patrie vers laquelle il n’a ceflé de tourner fes regards. (+) M. le Duc de la Vrilliere. © M. GODIN DES ODONAIS, À. M. De VS à CONDAMINE. Saint- Amand, Berry, 28 Juiller 1773 Monsieur, Vous me demandez une relation du voyage de mon époufe par le fleuve des Amäzones , la même route que j'ai fuivie après vous. Les bruits confus qui vous font parvenus des dangers aux- 330 1 de M. Godin LE Odonaïs à Fi 7e 1 quels elle s'eft vue expofée , & dont. elle feule de huit perfonnes eft échap- |_pée, augmentent votre curiofité. Ja * vois réfolu de n'en parler jamais, tant le fouvenir m’en eft douloureux; mais le titre de votre ancien compagnon _de voyage, titre dont je me fais hon- neur , la part que vous prenez à ce qui nous regarde , & les marques d'amitié que vous me donnez, ne me permet- tent pas de refufer de vous fatisfaire. Nous débarquâmes à la Rochelle le 26 Juin dernier (1773), après foixan- te-cinq jours de traverfée, ayant ap- pareillé de Cayenne le 21 Avril A notre arrivée, je m'informai de vous; &c appris avec déplaifir que vousn’y étiez plus depuis quatre à cinq mois. Ma femme & moi vous donnâmes des lar- mes, que nous avons efluyées avec toute la joie poflible , en reconnoiffant qu'à la Rochelle, on lit moins les jour- naux littéraires & les nouvelles des Aca- à M. de la Condamine. AR SL pu que les gazettes de commer- ver, Monfieur , notre félici- tation , airifi que Madame de la Con- damine, à qui nous vous prions de faire agréer nos refpects. Vous vous fouviendrez que la der- niere fois que j'eus l'honneur de vous voir, en 1742, lorfque vous partites de Quito, je vous dis que je comptois prendre la même route que vous alliez fuivre, celle du fleuve des Amazones, foit par le defir que j'avois de conncitre | cette route , que pour procurer à mon époufe la voie la plus commode pour une femme , en lui épargnant un long voyage par terre dans un pays demon- tagnes , où les mules font l'unique voi- ture. Vous eûtes l’attention, dans le cours de votre navigation , de donner avis dans les miflions Efpagnoles & Portugaifes établies fur fes bords, qu'un de vos camarades devoit vous fuivre ; & ils n’en avoient pas perdu le fouve. ! 332 Lertre de M. Godin des Odonais é, * nir plufieurs années après votre a part. Mon époufe defroit beaucoup de venir en France ; mais fés groflefles fréquentes ne me permettoient pas de Fexpofer , pendant les premieres an- nées, aux fatigues d’un fi long vOya- ge. Sur la fin de 1748, je reçus la nouvelle de la mort de mon pere ; & voyant quil m'éroit indifpenfable de mettre ordre à des affaires de famille, je réfolus de me rendre à Cayenne feul en defcendant le fleuve, & de tout difpofer pour faire prendre com- modément la même route à ma fem- me. Je partis en Mars 1749 de la Pro- vince de Quito, laiflant mon époufe grofle. J'arrivaien Avril 1750 à Cayen- ne. J'écrivis aufh - tôt à M. Rouillé , alors Miniftre de la Marine , & le priai de m’obtenir des pañle-ports & des re- commandations de la Cour de Portu- gal, pour remonter l'Amazone, aller chercher ma famille , & Var amener par a M. de la Condamine. 333 Ja même route, Un autre qe Vo MonstuRr, feroit furpris que j'aye en- trepris fi crane un voyage de quinze _ cents lieues, uniquement pour en pré- parer un autre; mais vous favez que dans ce pays-là les voyages exigent moins d'appareil qu'en Europe. Ceux que j'avois faits depuis douze ans, en reconnoiflant le terrein de la méridien- ne de Quito, en pofant des fignaux fur les plus hautes montagnes, en al- _ lant & revenant de Carthagene , m’a- voient aguerri. Je profitai de cette oc- qu'en defcendant P'Amazone , l’année 17493 Aa ii] Li | que vous aviez répandue à votre pafla- ge en 1743 , qu'un de vos Compagnons de voyage prendroit la même route que vous, je fus reçu dans tous les établiffements du Portugal, par les Mif- 4 fionnaires & tous les Cômmandantsties Forts, avec toute l’affabiliré poffible. © Favois fait en paflant à San-Pablo lac quifition d’un canot, fur lequel j'avois defcendu le fleuve F6 au Fort de Cu- rupa, d’où j'écrivis au Gouverneur du Grand Para, M. François Mendoza Gorjaë , pour lui faire part de mon ar- tivée, & lui demander la permiffion de pallél de Curupa à Cayenne, où je comptois me rendre en droiture. Il m'honora d’une réponfe fi polie, que je n'héfitai pas à quitter ma route, & 374 Letrre de M. Godin des RE . ce à ÿ fans autre recommandation pourles Por: | tugais , que le fouvenir de la nouvelle à prendre un très-long détour pour l'al- ler remercier , & lui rendre mes de- voirs. Îl me reçut à bras ouverts ,me€ à M. de la Condamine. | 375 _ logea, ne permit pas que j'eufle d’au- tre table que la fienne , me retint huit jours, & ne voulur pas me laïfler par- tir avant qu'il ne partit lui-même pour Saint-Louis de Maranaé, où il alloit faire fa tournée. Après fon départ, je remontai à Curupa avec mon canot _ efcorté d’un autre plus grand que m’a- voit donné le Commandant de ce Fort ; pour defcendre au Para, qui, comme vouslavez remarqué , eft fr une gran- de riviere qu’on a pris mal - à - propos pour le bras droit de l’Amazone , avec Jaquelle la riviere de Para communi- que par un canal naturel creufé par les marées, qu'on nomme Tagipuru. Je trouvai à Curupa une grande piro- gue qui m’attendoit, armée par ordre du Gouverneur de Para, commandée par un Sergent de la Garnifon , & ar- mée de quatorze rames, pour me con- duire à Cayennè, où je me rendis par Macapa, en côtoyant la rive gauche | la sn Ifle de Joanes ou FE Ma “sd à Après un pareil traitement reçu: fans re- commandation exprefle, à quoi ne de- vois-je pas m'attendre depuis que S. M. T. F. avoit daigné donner des or- dres précis pour expédier un’ bâtiment jufqu'à la frontiere de fes Etats, & deftiné à recevoir ma famille pour la tranfporter à Cayenne ? ; © Je reviens à mon récit. Après avoir pris congé de M. de Martel fur le cap d'Orange, avec toutes les démonftra- (tions d’ufage en pareil cas’ entre les marins , je revins à Oyapok, rt, je me rendis à Cayenne. BR, Il ne me manquoit plus que HAVE | un procès que j'ai gagné bieninutile- ment. 771flan me demandoit le falaire que je lui avois promis de 60 livres … par mois. J'offris de lüi payer dix-huit mois, qui étoient le temps au plus qu'au- # "A We L h a” M. . la 70e 0 377 roit duré fon voyage s'il eût exécuté fa _commiflon. Un Arrêt du Confeil Su- — périeur de Cayenne , du 7 Janvier der- nier , l'a condamné à me rendre comp- te À fept à huit mille francs d’effers que je lui avois remis, déduétion faite de 1080 livres que je lui offrois pour dix-huit mois de falaire entre nous con- venu. Mais ce malheureux , après avoir abufé de ma confiance , après avoir “éaufé la mort de huit perfonnes , en comptant l’Indien noyé & tous les mal- heurs de mon époufe , après avoir dif- fipé tout le produit des effets que je lui avois confiés, reftoit infolvable ; & je n'ai pas cru devoir augmenter mes pertes en le nourrifflant en prifon. Je crois, MONSIEUR , avoir fatisfait à ce que vous defriez. Les détails où fer viens d'entrer m'ont beaucoup coù- té, en me rappellant de douloureux fouvenirs. Le proces contre Z'riffan & les maladies de ma femme depuis fon K” 1 ! | k LL 4 la fie de ce qu’elle avoit fouffert ne A0 m'ont pas permis de Main “plutôt que cette année à un voyage de long cours par mer. Elle eft aétuellement avec fon pere dans le fein de ma fa. mille, où ils ont été reçus avec ten- dreffe. M. de Grandmaifon ne fongeoit pas à venir en France; ilne vouloit que remettre fa fille à bord du bâtimer Portugais; mais fe voyant dans un âge. avancé , fes enfants péris, pénétré dela plus vive douleur , il abandonna tout, & s’embarqua avec elle, » charge ant fon autre gendre , le Sr. Savala, aufll à Riobamba , des ect qu'il y. avoit laiflé. Quelques foins que | l'on fe | donne pour égayer mon é joue , elle eft toujours trifte : fes malheurs lui font toujours préfents. Que ne m'a-t-il pas coûté pour tirer d'elle les éclairciffe- ments dont j'avois befoin, pour les ex gi pofer à mes Juges dans le cours Fe . réfident $. à CT ED ,L, ER at M. hd à à M. de La Cons 379 k procès ! Je conçois même qu’elle m'æ tû par délicatefle, des détails dont » *X elle voudroit perdre le fouvenir, & qui ne pouvoient que m'afiliger. Elle ne vouloit pas même que je pourfuivifle Triflan, laiflant encore agir fa compaf- fion, & fuivant les mouvements de fa piété envers un homme fi malhonnète & fi | ei ‘dg FIN. » Û aa LE UD UN FL Lars < WA WE y 401 À 2 F@ ? à A ER F M RE 4 DE AORN . do TT: « à LEA ù R # J Eu l P % Pr : { sé - * ! J - À pe " , L : < » Ù Ÿ RE à La "4 fa 4 : ai d L 4 DE N 7) sue asues Lis DT NE 99 105 ss Cas SRE UE Mad dues À a; UEL 4 a) 059 University of Toronto * Library DO NOT REMOVE THE CARD FROM THIS POCKET Acme Library Card Pocket LOWE-MARTIN CO. LIMITED * Selle es ER p. “y, Lee