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thRouqh the geneposity

Stephen B. Roman

From the Library of Daniel Binchy

REVUE CELTIQUE

ReVUK CFI.TKIUK (19O7)

PL. I

FRAGMENT D'UNE MOSAÏQUE DE ZEUGMA SUR L'EUPHRATE (Musée de Berlin).

^^<^\ FONDÉE ^ J

^*^ PAR V-^

/^y H. GAIDOZ >^

T^ 1870-188S v-x^

^^^ PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE V*0

H. D'ARBOIS DE JUBAINVILLE

Membre de l'Institut, Professeur au Collège de France AVEC LE CONCOURS DE

E. ERNAULT J. LOTH G. DOTTIN

Professeur à l'Université Doyen de la Faculté des Professeur à l'Université

de Poitiers Lettres de Rennes de Rennes

ET DE PLUSIEURS SAVANTS DES ILES BRITANNiaUES ET DU CONTINENT Alexandre Smiunoi', secrétaire de la rédaction.

Année 1907. XXVIII

PARIS

LIBRAIRIE Honoré CHAMPION, ÉDITEUR

5 , QUAI M A L A Q.U A I S ( 6 ^ ) 1907

louie demande d'abonnement doit être accompagnée de son montant en un chèque mandat de poste au nom de M. Honoré Champion.

Tous droits réservés.

LA GAULE PERSONNIFIÉE

Nos Musées possèdent plusieurs figures féminines, sculptées en ronde bosse ou en relief, les archéologues ont reconnu soit des captives gauloises, soit des personnifications de la Gaule vaincue'. Parmi ces dernières, aucune n'est encore certifiée par une inscription, alors qu'un bas-relief de Koula en Asie Mineure, publié en 1888 par Mommsen, a fourni une petite iuKi^e de la Germanie avec l'inscription TERMÀNIA '. La figure qualifiée par Pillon de « Gaule personnifiée », sur une anse de vase en bronze de l'ancienne collection Rattier, aujourd'hui au Louvre 5, représente aussi bien la Dacie ou toute autre provmce ; on peut en dire autant de la statue colossale de la LogiTia dei Lan~i à Florence, tour à tour appelée prclresse dv Romulns, Thusnelda et Mcdée, ainsi que de quelques autres images de femmes barbares dont la désignation est purement hypothétique.

^ Il n'en est pas de même du buste tourelé en mosaïque que ) ai honneur de présenter à l'Académie ; l'inscription fAAAIA qui l entoure permet d'y saluer la première image certaine de la Gaule que nous ait léguée l'art gréco-romain.

Le médaillon qui décore ce buste fait partie d'une mosaïque considérable, datant de l'époque des Sévères, qui a été décou- verte vers 1875 à Zeugma sur l'Euphrate et acquise partielle- ment, en 1887 et en 1892, par le musée de Berlin ; quelques

de M ^iïXt T"^ ^'- f"^t ''r ''"'■' ""''^'"' P^'-'^' ^889, et un article 1893; pi 3) ' '^''' L p. 341, pi. 6 (= Mélanges d\vchéoh.ie.

est'tr^f.?£f ??■' '■ ^^^^ ^'^^^^' ^'- '^- L^ fi"--^ ^- fe'"n- (-^ ^-elief) est très abimec; le visage manque. ^

3. Rev. arclicoL, 1890, I, pi. 6. Rfviie Ccltiijiic, XX r III.

2 Su loin OU Rciiiach.

fragments sont entrés au musée des Thermes de Rome ; un petit morceau est au Louvre ; d'autres ont été, dit-on, trans- férés à Saint-Pétersbourg ' . Dans son intégrité, elle représentait, suivant le témoignage des indigènes, un empereur romain entouré des bustes de douze provinces de l'empire. Tout récemment, dans un mémoire sur le nimbe dans l'art chré- tien, M. Krûcke a publié une gravure à petite échelle du médail- lon représentant la Gaule - ; je dois à l'amabilité de l'auteur une photographie de ce précieux fragment, qui a été agrandie au musée de Saint Germain et dont la direction des Musées Royaux de Berlin veut bien autoriser la reproducti'jn.

L'art romain du r' siècle, à l'imitation de l'art alexandrin, a souvent représenté les Provinces vaincues. A l'époque des Sévères, les souvenirs de la conquête de la Gaule sont déjà loin. La Gaule d'alors appartient A l'Empire non seulement par le droit du glaive, mais surtout par la fidélité de ses habitants. C'est, de toutes les provinces, la plus riche, ct lie l'on tra- vaille le mieux. Aussi n'est-elle pas Figurée comme une captive attristée; c'est une forte femme, à l'attitude assurée, au regard hardi, couronnée de tours comme Cybèle, ou comme cette belle tète de bronze, personnification probable de Lutèce, qui a été découverte au wii'' siècle à Paris \

Il est intéressant de rappeler à ce propos la description de la même province par Claudien ^ :

Tu 1)1 flava repexo Gain a iriiic fcrox eviiiclaqiie torque deiora Biiuujnc o-acsd teueiis...

On connaissait déjà quelques exen":pks de provinces ou de villes représentées sur des mosaïques du second siècle K La tradition de ces personnifications topiques ne s'est pas perdue pendant le haut moyen âge, témoin la belle miniature d'un Évangéliaire othonien de Munich, l'on voïtRoiua, suivie de

1. Archxol. Aiiiei^j^cr, 1894, p. loi ; 1900, p. 109.

2. .\. Krûcke, Dcr Nimbus, Strasbourg, 1905J pi. I, 2.

3. S. l^einach, Recueil de Télés antiques, pi. iio, 11 1.

4. Claudien, XXII, n, 240.

5. Gauckler, art. Musivuiu opus, p. 2120.

La Gaule personnifiée. 2

Galha, Gcnnauia et Sclav'mia veniint rendre hommage à l'em- pereur '.

J'ajoute qu'il existe trois images de la Gaule personnifiée sur des monnaies de l'empire romain. D'abord, une pièce d'argent à l'eflîgie de Galba, dont le revers porte une tête de femme entourée d'épis, avec un petit bouclier dans le champ et la légende GaUia. Puis un autre denier du même empereur qui montre au revers trois tètes féminines entourées d'épis, avecla légende Tris Gal/uw'. Enfin, un médaillon de Postume avec la légende Restiltitori Galliar/iui, l'em.pereur relève une tcrmme agenouillée devant lui, qui porte, comme la Gal/ia de la mosaïque mésopotamienne, une couronne de tours K La peti- tesse et la médiocrité des coins monétaires ne permettent pas d'attribuer à ces images d'autre valeur qu'un intérêt histo- rique ; en revanche, celle que nous a rendue la mosaïque de Zeugma a presque 'le droit d'être qualifiée d'œuvre d'art et mérite de devenir populaire ailleurs encore que dans notre pays.

Salomon Reinach.

1. Wœrmaiin et Woltmann, Gesch. dcr Malerei, t. I, p ^48 fia 67

2. Eckhel, Doctr. Nun/., t. VI, p. 293. t ^ ' &• /•

3. Froehner, McdaiUous, p. 229.

LE VERS

DU

LIVRE NOIR DE CARMARTHEK : RAC DEVUR.

Dans le dernier fascicule de la Revue Celliqiie, p. i8), M. d'Arbois de Juhainville cite la lecture et la traduction de M. Eilian Owen du vers du Livre roir :

Rac (h'iiiir iii eu tiir v lirraii

(C. Z. V. 3»; livraison).

C'est exactement la lecture que j'ai propo:iée (^Revitc Celtique, 1901, p. 439 : Corrections au poiul de l'ue uiétiique au Livre noir de Carniarthen^ :

j'ai même ajouté la transcription en gallois moderne :

Kac dau ivr vu eu tiur y hrraii.

J'ai montré qu'il n'y avait pas du tout de Neulur ou Neui- thur là-dedans. Ma traduction est la même ; par inadvertance, ]'ai donné à tirran la valeur d'un impariait : c'est sûrement un futur. Je ne prétends pas accuser Eilian Owen de plagiat. mais simplement lui prou\er par cet exemple (a lui et d'autres) qu'il n'est pas inutile de lire la Revue Celtique : cela lui épargnera la peine de redécouvrir l'Amérique.

I. LOTH.

HIBERNICA

BfDCIM, DOBIDCIM

Le moyen-irlandais possède un verbe bidciiii, « je tremble, je tressaille, je saute », attesté par plusieurs exemples (cf. Atkinson, Passions ami Hoiiiilies, p. 561, et surtout K. Meyer. Contributions, p. 215), et dont le sens propre apparaît très clairement dans des passages comme : a mal robidg 7 iinnieclaig neaiii hi ccsad crist, « de même que le ciel trembla et tressaillit lors de la passion du Christ », P. H., 1. 33 (cf. 1. 148); is aire tra roartraig int-aingel hi ngnc solais âilgen int-shnechta co niad higaiti nobidgtis na banscâla ria n-a fhacsin, « l'ange .ipparut sous la forme de l'éclat agréable de la neige, p(Hir que les temnies tremblassent moins devant sa vue », P. H., 1. 3385; robidg ro iiiôr asa chotlnd, « il se réveilla en sursaut », Silva Gadelica, 407, 22; etc. L'infinitif /'/Wffl'rf glose le latin « pauementum » dans les Irish Glosses, 7*^9, et on le rencontre dans VOidcd mac nUisnig, Irischc Texte, II, 2, p. 133 : romgab bidgad, « l'effroi me saisit ».

Combiné avec le préverbe di, le verbe bidcini a donné un composé dobidcim, déjà plusieurs tois attesté en vieil-irlandais. Tandis que bidciin est intransitif, dobidcim est transitif et signifie à la tois « je lance » ou « je frappe » suivant que le régime à l'accusatif est un nom de chose ou de personne (cf. en grec : yy.Av.-.v bA aTr^^izaai [SaXcôv, Homère E 346, et tov \ib/ àyô) •^rpoTiivia f'âXov yy'hy.Tipz'. ozupi \ 742, iWtov à-i yzjp-qoiy laAAsv (-) 300 et yjxk-.TZzv li -/.îv zl-fi Tzpfj^ùzxioy v.xi oipia-ov àTi\jJ:r,aiy '.y'iXiiv v 141, la-Tfov \j.T,vA-Wz f/y.aç \A\r^, Esch. ^o-^w., 5 10, et zz [j.i XA-xiiJ.ùyMV y.y.\ iç; io'izv y.ypiq\y.--\i, Théocrite, III, 17; etc.). Il faut avouer que le lien sémantique qui unit le simple au composé est malaisé ci établir, mais, étant donnée la forme

6 J . FeiiiJryes .

un peu étrange du verbe bidcim, on ne peut guère songer à deux homonymes d'origine différente ni mettre en doute l'identité radicale des deux verbes.

Le prétérit du verbe dobidciiii est attesté dans le manuscrit de Milan : dorruhidc gl. iaculatum esse, 40 d 9; darobidc g\. iaculatus est in eum, 5 8 c 3 ; danihidc dichlochaib, « il le frappa à coup de pierres », 58 c 4 ; et l'imparfait du subjonctif égale ment : doiiibidctis gl. quod iaculari possent, 26 d 7 ; co ditbidctis gl. ut sagittent, 30 b i.

Mais l'infinitif de ce verbe présente une forme inattendue : dihirciiid. Ainsi : oc du dibirciiidsu, « à te frapper » Ml. 58 c 6; a))ml dtiiierbarar fidboc hicaimuii fridibirciud 11 as, « comme un arc est ramené à la courbure pour lancer loin de lui (la flèche) » Ml. 99 d I.

C'est par une dissimilation provenant du d initial que le ; intérieur de dibiiciiid doit être expliqué. Dans le verbe dobidcim, l'accent frappant la seconde syllabe (comme l'indique du reste la forme du préverbe), le d intérieur était préservé par l'accent de toute action du d initial, lequel de son côté devait se maintenir intact comme élément significatif (préverbe dî-) ; mais à l'infinitif, l'accent frappe la première syllabe, le d intérieur devenait par rapport au précédent dans un état d'in- fériorité notable, ce qui explique à la fois la dissimilation et le sens dans lequel elle .s'e.st produite (et. Grammont, Dissi- iiiilation, pp. 88 et 120). On ne peut songer à une action du d final, qui de bonne heure était devenu spirant en irlandais. Une dissimilation analogue de (/ en r se présente en latin dans iiiarediis de madidus (O. Keller, Zur lût. Sprachgesch., 1, 72) et dans mendiés de *iiiedldic (Walde. Lat. Elyiii. Wlb., p. 381).

Une nouvelle transiormation était réservée en moyen- irlandais au xtrhe dobidcim. L'irfluence analogique de l'infini- tif dibirciiid devait tendre à introduire la liquide ;• dans la flexion verbale. C'est ce qui est arrivé en effet; mais cette influence s'est alors rencontrée avec une autre, qui l'a aggravée.

En irlandais, comme en latin, lorsqu'un groupe liquide (ou nasale) + voyelle se trouve placé en position non-intense.

Hihernica. 7

il se produit une absorption dont le résultat est une sotiaiilc qui se résout en voyelle + liquide (ou nasale).

Ainsi, du verbe ad-f^Jâdiir « je parle », le participe passé est accalse (n. pi. acailsi gl. interpellati Ml. 48 a 10) et on a la 3'-' pers. pi. iiiiniitsacaldûl[ar] gl. motuo se adlocuntur Ml. 131 c 19 ; à côté de ni eclastai gl. non excutienda Sg. 27 a 15, refait par analogie, on lit ecaihi gl. discutiendi Ml. 15 d 7. Le pluriel du mot octracb, « fumier, lie ))^ Ml. 129 c 2, estoctarche, Wb. 9 a 7. En face de brifhe Wb. 25 d 3 et de dibrithi gl. importabilia Ml. 58 a iG refait par analogie, on a -eperthae « dictus » Sg. 4 a 7, eperthi « dicendus » Sg. 25 b 9, tedbarthe « adhibitus » Ml. 47 a 5, tedharthi « adhibendus » Ml. 126 d 3, Sg. 6 b 23 (jedparthî); etc. Du verbe ini-nascim, « j'attache ensemble «, le participe passé est im-anse (n. pi. iiiiniainsi M\. 36 d i r).

La différence d'accentuation entre la flexion verbale et l'infinitif, lorsque le thème comporte un préverbe, devait amener notamment, dans les radicaux qui contenaient une liquide, des alternances régulières; et en elfet l'infinitif de

ddglâdiir « je parle » est accaldaiii « discours »

aith-rigiiii « je me repens » aithirge « repentir >;

iinm-ro-midittr « je pèche » inifnariiiiis v péché «etc.

Sur ce modèle, la langue créa, d'après l'infinitif dihirciitd, un yerhe dihraciiii, conservé en irlandais moderne Çdiuhhraiciiii Three Shafts, p. 353; dinhhracaiin O'Reilly), et attesté dès le moyen-irlandais : ro dinhraic Coiiaii a t'sleg 7 ro diuhraige- dar da mac rig Chineil Chonaill a slcig dô, « Conan lui lança son épieu et les deux fils du roi de Tyrconnel lui lancèrent leurs deux épieux » Acall. na Seiiôr., 1. 6713 (cf. 1. i-)58 on lit ro dinhraic dans le Stowe ms., tandis que L.L. porte focheird et L. U. dolcci).

Il est juste d'ajouter que le verbe a parfois la forme dibarcini (cf. rodîbairg iinigai « il lui lança le javelot, Rei'. Celt., III, 178; nosdihairg câch indiaid araili dib « il les frappa l'une après l'autre » Fled Bricrend, § 65 ; dibairgini, Acall. na Senôr., 1. 1186; etc.) et qu'inversement on rencontre à l'infinitif la forme dibracad (dinbragad, Acall. na Senôr., p. 661 ; diubruciid, ib., p. 397; diabhragadh, Three Shafts, p. 352; etc.). Mais ce

8 /. Fcudryes.

sont des phénomènes de métathcse, qui n'ont rien de sur- prenant, après les transformations si variées qui viennent d'être exposées. On en trouverait du reste l'équivalent dans quelques autres mots du moyen-irlandais : fiitairli, AcaJl. lui Senôr. 1. 5028 est écrit pndrail II, Lisiiiore 188 a 2; et macraille « testicules » Scél mucci Mie Dàtho, § 13 est écrit tnogairle chez O'Reilly/

Le d du verbe hidciin, dont on vient d'esquisser la curieuse histoire, pourrait bien être lui-même le résultat d'une dissi- mihuion. Il est difficile en eftet de ne pas songer à rapprocher l'irlandais bidcirn de l'allemand bidiiieu qui a exactement le même sens. Or l'allemand bidnieii n'est qu'un doublet de beben et doit son d à une dissiniilation (cf. Kluge, Elxiii. Wlb., s, v.). Dans cette hvpothèse, l'irlandais bidciiii contiendrait le même thème que v. nor. bifa, v.-h.-a. bibéii et skr. bibheti, c'est-à-dire qu'il appartiendrait originellement au tvpe des pré- sents redoublés dont il présenterait en irlandais un exem- plaire presque isolé (on en a un second dans ibim « je bois » et un troisième peut-être dans adfct « il raconte », Ml. 31b 19, etc., Strachan, Ériit, I, 10 n.). Mais le c fait difficulté. On pourrait toutefois y voir le reste d'un suffixe *'-skô ajouté à un radical redoublé(cf. la série des verbes en *-skô à redoublement en grec et en latin); soit * bi-bhi-skô devenu* bi-bs-kd et dont la sifflante serait tombée entre le /' et le k; d'où finalement *bibkô, *bidkô.

2-' ADCfU, -ACCASTAR

A côté du subjonctit actif ( à torme déponente) -accar, -arcaither, -nccadar, -nccaiminir, -acccid, -accatar du verbe adchi « je vois », le vieil-irlandais possède un subjonctif passif à sifflante -accastar dûment attesté par exemple Ml. 50 a ) : inaiii accastar issamJid i^aibid ni (c quand il n'est pas vu (subjonctif de généralité et de répétition), c'est alors amsi qu'il prend quelque chose ». De même, à côté du futur actif

I. Une analogie du même 2;e;ire a transformé le nom propre Su tu ni mus en i^aTGov^Xo; (^Brugmann, Grdr., I, 2e éd., p. 852, n. 2).

Hihernica. 9

redoublé non-sigmatique, attesté par exemple au présent Ml. III c ij : inti duécigi « celui qui verra » et à Timparfait Wb. 7 a 2 : adcichitis gcnti « les Gentils verraient », existe en vieil- irlandais un futur passif à sifflante, attesté dans atatchigestar « tu seras vu » Ml. 59-0 12.

Mais la sifflante de ces formes passives soulève une grave difficulté. Les deux formations sigmatique et non-sigmatique au subjonctif du vieil-irlandais (dont le futur est solidaire) sont strictement réparties entre les différents verbes sans jamais se mêler l'une à l'autre (cf. J. Strachan, The suhjiinc- tive mood in Irisb, p. 10; The siginatic fulure and snbjnnctive, p. 12); à tel point que le verbe adciii .serait le seul Ton aurait à la fois un subjonctif sigmatique et un subjonctil non- sigmatique. Il est vrai que M. Strachan explique cette ano- malie par le souci d'établir une distinction entre l'actif et le passif; mais la difficulté initiale est la môme, et il n'en reste pas moins ce fait étrange qu'un seul verbe du vieil-irlandais posséderait pour le même temps Jeux formations différentes.

La difficulté s'aggrave lorsqu'on examine de p; es les exemples du subjonctif -flfrf^/i/^/r. S'il est juste de considérer comme un subjonctif la forme doécasiar Sg. 188 a 6 et par suite de la joindre à la forme -accastar Ml 50 a 5 citée plws haut ; s'il est vraisemblable même qu'on ait affaire à un subjonctif dans l'exemple Ml 25 b 28 : anial doleilside dogabail bàigiiil 'uilan nàdnacastar 7 nàdforchluinler isainlid dorriga dia dobrâth « de même qu'il (le voleur) vient pour saisir l'occasion quand il n'est pas vu ni entendu, c'est ainsi que Dieu viendra au juge- ment » ; en revanche, il est nécessaire de voir un indicatif dans l'exemple Wb. 26 a 12 : cinid accasiar « bien qu'il ne ne soit pas vu », la possibilité d'un subjonctif étant résolu- ment exclue d'abord par le tait que la conjonction cia « bien que » se construit avec l'indicatif et surtout par la présence de l'intixe d (cf. Strachan, Rev. Celt., XXI, 412).

A s'en tenir à ces faits, on obtiendrait donc un passif (indi- catif-rtcr^j/rtr, subjonctif -rzrfrtj/rt/', futur -arcigeslar), jumeau de l'actif (indicatif adciu, subjonctif -accndar, futur -écigi), dont il ne différerait que par la présence de la sifflante s.

Cette conclusion peut se défendre.

lo /. Vendryes.

Le verbe -cin a été depuis longtemps rattaché à une racine *hs- « voir » (cf. Wh. Stokes, Urkellischer Sprachschat^, p. 85), soit * kes-iô « je vois ». Mais cette racine apparaît en indo-iranien sous la forme redoublée *ke-ks- dans le sanskrit caste « il voit », et la forme redoublée a donné hors de la flexion verbale le nom sanskrit de Tceil câksiih. Or, il arrive parfois qu'une même langue indo-européenne conserve simul- tanément un thème simple et un thème redoublé tirés d'une même racine ; par exemple, le sanskrit a târati et titarti, bhà- rati et bibhrali, hànli et jîghnate, etc., le grec r/o) et It/m, ;xÉv(o et \)J.\}.vM, le latin oend .tigignô, etc. Il est donc permis de supposer que l'irlandais a conservé de la racine *ki's- deux thèmes verbaux *kcs-iô et *keks-ô, dont le dernier a été ulté- rieurement réservé à la flexion passive. Le fait que le verbe adiiii possède un indicatif Tp^sûi aâcither " il est vu »(Wb. 12 c 12) ne contredit pas cette hypothèse et prouve simplement que la répartition entre les deux thèmes s'est opérée imparfai- tement".

La coexistence des deux thèmes * kes- et *keks- se ramène ainsi à un fait de supplétisme, comme toutes les langues en présentent; on peut rappeler en irlandais même le cas compa- rable de rofelar, rqfinnatar, sur lequel l'essentiel a été dit par M. Strachan, The déponent verb in Irish, p. 10, n. 4, et par M. Thurneysen, Zeitschrijt fiir celtische Philologie, V, 19 et s.

SUR L'ABSENCE D'ADVERBE TEMPOREL AVEC LA NÉGATION

A la fin du curieux récit intitulé Echtra Condla Chaim, que M, Windisch a reproduit parmi le choix de textes de sa Knr^- gefasste Irische Grammatik, p. 118 et ss., après la disparition

I. Il est malaisé de déterminer à quelle forme de la racine remontent le mot cais «œil » mentionné parM.Wh. Stokes, t. cit., mais sans référence, et la série des infinitifs caisiu ACr 28 ai, hiimcaisiti Sg. 54 a 6, reincaisiu Ml. 20 c 3, 27 d 10, 50 c 22 etc., à côté deciicnii, Windisch, IVth., p. 346. aircsiu Laws 1\\ 146, 17, déicsiit Wb. 25 a 29, n'iiidcicsiii Ml. 19 d i, 20 b 2, 50 d I, 59 a 18, etc., frescsiu Wb. 4 a 25, 10 c 21 ; etc. Toutefois, ces mots s'accommodent sans peine de l'hypothèse d'un thème redoublé..

Hiberiiica. ii

mystérieuse de Condla, le roi Cond s'écrie : is a ociiiir d'arl indiu, dôig ni fil hràthair (L. U. 120 b 24) « Art est unique aujourd'hui puisqu'il n'a pas de frère ».On attendrait : « puis qu"iln"a plus de frère ». Mais l'absence de tout adverbe tem- porel en pareil cas est usuelle en irlandais. En voici quelques autres exemples empruntés à la langue des gloses :

Wb. 3 b 19, atluchnr dodia cendmid fopheccad nacbihjcl « je remercie Dieu de ce que, bien que vous ayez été sous le péché, vous n'y êtes pas » (c'est-à-dire « vous n'y êtes plus »).

Wb. 24 d 1 1 (arisbésad iiammuii)ime doc^nideidhleàn di ociiiit- iiud âdalti) horhi accobur nehiid do innoidenacht nachgeUi « une fois qu'elle (la nourrice) a le désir qu'il (son nourrisson) ne soit pas en enfance pour longtemps » (= ne soit plus).

Wb. 31 c '] , arnaérharihar 0 chrcisit niiifâ airli àriiibaii « ahn qu'il ne soit pas dit que depuis qu'elles ont cru nous n'avons pas nos femmes à notre disposition » (= nous n'avons plus).

Ml. 53 d 9, is dia doiirôidiii ol rahsacis iiitaii iiandaijat din. aircein nant rochomairleic soin dunni ni coinuiacinarni tuidechi forndochiiinsi « c'est Dieu qui nous a envoyés, dit Rabsacis, quand il ne nous le détendit pas (= quand il ne nous le défendit plus) ; car tant qu'il ne nous le permit pas, nous ne pûmes venir vers vous ».

Si l'on voulait chercher une explication à cet usage, on la trouverait sans doute dans le fait que la langue irlandaise est des plus pauvres pour exprimer les rapports temporels et qu'elle n'a notamment aucun moyen d'indiquer dans le passé ou dans le futur la différence relative des temps.

J. Vendryes.

AIOR Y WERYDD. MHRWHRYDl). MOR-FAIRGE

Dans un intéressant opuscule, se déploie une érudition étendue et ingénieuse, mais singulièrement complaisante aux envolées d'une imagination peut-être un peu trop celtique', M. John Rhys avance que le gallois iiienvciycici ou Diynverydd remonte à luori-huerlio-n, mer d'Irlande.

Il paraît certain (je l'ai soutenu avec d'autres) que iiior V lucrydd pour yu'eiydd désigne la mer d'Irlande : yiuerydd = Iiccriio- ou Everii - (Ywerddon = lu'erjôn-^; mais merzuerydd a une tout autre origine. Il signifie proprement agitation, le plus souvent agitation de la mer, la mer elle-même, mais aussi agitation de l'esprit^ légèreté, futilité d'esprit.

L. noir, 6, 2 :

a thr\'dit ryvet vv iiicrucrit mor : cv threia cvd echwit

" Ht la troisième merveille, c'est l'agitation de la mer : ou elle baisse elle s'enfle. ■■

Dafvdd Benfras, Myv. Arch. 218, 2 (s'adressant à Dieu) :

nior deg \' gellv dv arw\'dda\v tiieiivcrydil ech\v\'dd ' ac ucherddaw

(' si bien tu peux toi indiquer (par des signes) l'agitation des flots et la période (tranquille?) du soir. »

1. Studies in earlv Irish history (Proceediin^s of Ihi' Brifisb Acadciii\ Vol. II).

2. echivydd plusieurs sens; il est identique au breton ce' boa-, repos du bétail, de raprés-midi, mais aussi il a celui de fols.

Mor V îL'erydd, merwcrydd, inor-fairge. 1 3

Myv.arch. 144, i :

ton, nior iiierii'crxd (c le flot, grande son agitation (ou agitation de la nier). »

Myv. iirch. 279, 2 :

iiienuervd g\'fli\v

« de la couleur des flots (en parlant d'une femme).

i M3V. arch. 329, 2 :

beunwid \- dvrv aur ir gler ger nierwervdd

(( tous les joLirs, il donne de For aux ménestrels en face de la mer. » Myv. arcli. 332, 2 : (en parlant de Dieu).

rh\\'\f iiicriucrvdil i< le directeur des flots. »

Le .sens d';igitation, d'agitation d'esprit, futilité, est aussi bien établi. L. Noir 8, V . i-|

nioe V dinwassute ' iiifrivcrit no phregeth evegil

(f tu as été plus habitué aux agitations futiles (plaisirs futiles) qu'à la prédication de l'ÉN'angile. »

L. Rouge 293, 26 :

gwvr nicru'crxdd ani drevyd yn viudravot « l'agitation, le tumulte des guerriers luttant au sujet des villes. »

L. Tal. 136. 34 :

Rieu mcru'crxd

I.e sens est probablement agitation des rois (ou d'un roi). Myv. Arch., 193. i :

mawretus eu iiieiuvryl D'après le contexte, le sens ici est analogue au précédent.

I. Je lis ici dii'iuiss/ile ( = dv/inissully

14 /. Lolb.

Dans un passage de Taliesin (151, 22), le poète, en par- lant de lui-même, dit :

nu'dwyf iiit'ixveryil « je suis Fngité, l'inspiré. »

Pour ce sens, cf. awenydd , inspiré, prophète.

Davies donne à inenueryâdlc sens de distraction, égarement; Silvan Evans ÇEi/oL-welsh Dict.) traduit disiracliou par nie) - ■wcrydd .

En résumé, nierwerydil a bien le sens propre d'a^^itatioii, tiinuiUc, et s'applique plus spécialement aux flots. Il me paraît certain que le second terme remonte à * vergiio- et est identique à l'irlandais fciir^c, foirge, la mer (= * vorgiâ), proprement la mer agitée; ci. vergivios Oceanos chez Ptolémée (Stokes, Urk. Spr. 273) : d.*veigd, colère. Quant au premier terme, il peut remonter à inori- : inenuerydd = * inori-ivorgtio- ou à ///('/■-, fou.

Il a V avoir une confusion en gallois entre ywerydd, irlandais, et werydd , la mer (l'agitée), de là, des qualificatifs comme Bran mab y zuerit. Bran fils de Llyr (la mer); y werydd est traité comme si le mot était féminin, ce qui n'est pas impos- sible malgré sa terminaison ; d'ailleurs le mot irlandais fairge e^t féminin. De plus, il y a des subs. en gallois à termi- naison en -ydd qui sont féminins : y cerennyd honno, d'après Silvan Evans qui donne le mot cependant comme mascu- lin. Le genre est assuré par le comique cerense =gall. cerennyd; or cerense est féminin. L'expression rappelle d'ailleurs exacte- ment la formule employée dans l'île de Man : Manannan mac y Lear, Manannan fils de la mer (avec l'article défini, comme le fiiit remarquer justement M. Rhys, p. 42).

M. Rhys cite, à l'appui de sa thèse, un passage du Livre noir de Carniartben (p. 41). D'après lui, dans ce passage Çibid., Four ancien! books, II, p. 49-50). on retrouverait l'épi- sode du iiiabinogi de Bran fils de Llyr : arrêté avec son armée, en Irlande, devant une rivière, il fait de son corps un pont pour ses guerriers. Voici les vers du Livre noir :

Can etliiv ruiw in rndwit Iwerit a teulu 11a fouch Gwydi met mevil na vynucn.

Mor y luerydd, Dienvcrydd^ ivor-fairgc. 15

M. Rhys nous dit qu'on pourrait traduire :

Since a king became the tord of Iweryd, you host flte not : aftcr mead, seek not shame

Je préférerais cependant, dit-il, traduire simplement :

Since a king went into the (ord of I\vcr\ d

Le poème oià se trouve ce passage se compose de deux ou trois parties rajustées tant bien que mal, plutôt mal. Celle qui nous intéresse est un dialogue entre un personnage dont nous n'avon-. pas le nom et un autre qui est un guerrier de la clien- tèle d'Owein lleged. Le vassal d'Owein nomme son cheval ariuitl nielin ; or c'est justement le nom du cheval de Pascen ab Urien (L. noir, ro, 6). Pressé de dire dans quelle cour, quelle terre il a été nourri \ il répond que c'est Oiuein Reged qui l'a nourri^. Il fait en même temps le souhait que Dieu le délivre de sa trop dure captivité.

Pour rodiuit, si VI. Rhvs s'était donné la peine de remonter 12 vers plus haut, il eût été fixé sur son sens.

L'interlocuteur du héros lui dit :

Cau nii'drit iiior raid y rodwita rid... « Puisque tu sais si bien atteindre le gitc et le passage. »

Ce gué plus loin porte le nom de iwerit {ywerydd). Je ne serais pas éloigné de croire que le nom d'Owein Reged, joint à la mention de Rodwydd, ne soit une allusion à quelque épisode critique de la vie du roi de Nord-Galles, Owein Gwy- nedd. Ce sont des artifices fréquents chez les poètes du xii^ siècle. En effet, Owein Gwynedd fit bâtir en 1148 un château fort en Ld (Brut y Saeson, Myv. Arch. 677. 2). Or ce château était connu sous le nom de Tomen y Rodwydd (Pennant, Tour in Wales, p. 104). Il fut détruit en 1148. Can ethiv ruiiu, doit se traduire simplement : « Puisque notre chef s'en est allé' » à Rhodiuydd Iwerydd (ou au gué d'Yzuerydd), ô

1 . Je lis : pa tir yth uaguii.

2. Oiuein Reged atn ryvaeth.

3. EtJjiv a le sens d'aller, s'en aller et mourir.

i6 /. Loi h.

famille (clan), ne fuyez pas; après riiydromel (qu'il vous a fait boire), ne cherchez pas la honte. »

Malgré les obscurités de détail du texte, il est sûr qu'il n'est nullement question ici de Bran, ni de l'Irlande.

Enfin, ce qui tranclie la question d'une foçon indiscutable, c'est le composé équivalent en irlandais nior-fnirri^e. Il se trouve dans le texte irlandais Echtra clerech Choluim cille (Revue Celtique 1903, p. léo, 47) : ro indseadar conad a hErind tangad.ir 7 co robadar re ciana ar muir 7 ar viorfairr^i for iiienigitd... « ils dirent qu'ils étaient venus d'Irlande et qu'ils avaient été très longtemps errants sur la mer et l'océan agité. » M. 'Whitley Stokes, dans son Index a le signe delà longueur sur mor : la comparaison avec menucrydd montre que c'est à tort.

I. Lot H.

ÉTUDE SUR LE TAiN CÙALNGE

AUTREMENT DIT

<( ENLÈVEMENT DES VACHES DE COOLEY »

I

Tàin Cûalnge, tel est le titre de la grande épopée irlan- daise que M. Windisch a publiée en 1905. Ce titre peut paraître étrange. En effet, l'expédition entreprise en Ulsterpar la reine Medb a pour but la conquête, non d'une vache, mais d'un taureati, un taureau d'une nature supérieure et qu'on pourrait appeler surnaturelle. Ce taureau était la septième forme d'un porcher des dieux ou_, si l'on veut, des génies de Munster. Ce porcher avait eu d'abord une forme humaine, puis était devenu successivement corbeau, cétacé (c'est-à-dire phoque ou baleine), guerrier éminent, fantôme, ver, en der- nier lieu taureau. Comment se fait-il donc que le titre de la pièce parle de vaches ? Pour le comprendre, il faut se rendre compte de la façon dont a été composée la pièce dont il s'agit .

Ce qui reste de la littérature épique irlandaise dans les sou- venirs des paysans irlandais peut avec raison être traité de folk-lore. Mais les vieilles compositions épiques que quelques manuscrits nous ont conservées sont l'œuvre d'une corporation savante, \esjilid\ c'est-à-dire voyants, dits a.ussïfâithi -, c'est-

1. Filid est le nominatif pluriel àt fili, en irlandais moderne file, fileadh. Sur l'étymologie de ce mot, voyez Whitley Stokes, Ukeltischer Sprachschati, p. 276, 277.

2. Les oùocTa? de Strabon, 1. IV, c. xiv, § 4; les ;j.3cvt:£i; de Diodore de Sicile, 1. V. c. xxxi, § 3.

Revue Celtique, XXFIIl 2

i8 H. d'Arbois de Jubainville.

à-dire prophètes. La principale fonction des Jilid dans la société irlandaise consistait à réciter le soir après dîner un court morceau épique en prose entremêlé de vers qui étaient chantés avec accompagnement de la harpe. Une notable partie de ces morceaux racontait les détails de l'expédition entreprise contre l'Ulster par Medb, reine de Connaught. Au vu'-' siècle de notre ère, Senchân Torpeist, chef des JiIid d'Irlande, ima- gina de réunir un certain nombre de ces petits morceaux en une grande compilation qui fut écrite.

L'usage ancien était de ne pas employer l'écriture et de tout confier à la mémoire. Nous savons par Jules César que telle était de son temps la coutume des druides en ce qui concernait leur enseignement '.

Cet enseignement pouvait durer vingt ans, et consistait prin- cipalement pour le maître à fliire apprendre à l'élève un grand nombre de vers. Le traité irlandais intitulé Livre de l'Ollam, Lebar Ollainan, nous apprend que pour les filid les études étaient moins longues, et que cependant leur durée régulière était de douze ans. Les règles de la versification, l'écriture oga- mique, d'autres choses encore étaient enseignées aux élèves, mais ils devaient notamment apprendre chaque année par cœur un certain nombre de récits épiques qu'on appelait en irlandais drecht ou scél. On en apprenait vingt la première année, trente la seconde, quarante la troisième, cinquante la quatrième, soixante la cinquième, soixante-dix la sixième, en tout deux cent soixante-dix en six ans ^

Pendant la huitième année le professeur s'assurait que les élèves connaissaient bien les deux cent cinquante histoires principales, /)r/V«-.ycé7a, et leur enseignait en outre d'abord trois procédés de divination, point sur lequel nous reviendrons plus loin, ensuite la géographie; mais la chose importante c'étaient les histoires, c'est-à-dire les compositions épiques. « Comme l'a dit un poète », continue le Livre de l'Ollam, «il n'y a pas eu camp sans rois, il n'y a pas eu fili sans histoires : Niba di'iuad gan rî^ii, ni bajilicen scc'laK »

1. De heUo galUco, 1. VI, c. xiv, § 5.

2. Book of Ballymote, p. 302, col. i,l. 14, 15, 28, 35, 44; col. 2,1. 4; cf. O'Curry, Manners and Ciisioms, t. II, p. 172.

5. Livre" de Ballymote, p. 305, col. 2, 1. 33, 34,

Étude sur le Tarn Cùalnge. 19

Les filid se partageaient en dix classes selon le nombre d'histoires qu'ils savaient. Le nombre de ces histoires était : trois cent cinquante pour Vollani, première classe ' ; cent soixante-quinze pour Vaurath, deuxième classe ; quatre-vingts pour le cli, troisième classe ; soixante pour le cana, quatrième classe; cinquante pour le dos, cinquième classe; quarante pour le mac fuirmid, sixième classe; trente pour lefochloc, septième classe; vingt pour le drisac, huitième classe; dix pour le 'taman, neuvième classe ; et sept pour Yoblaire, dixième classe^. Trois cent cinquante, le nombre d'histoires, que l'ol- lam savait, c'était la totalité de ce qui en existait. Pour se reconnaître dans ce nombre énorme d'histoires, on les avait divisées en un certain nombre de séries. La liste la plus com- plète que nous aient conservée les manuscrits irlandais ne comprend que cent quatre-vingt-sept histoires. Il en manque par conséquent près de moitié. Cette liste est divisée en dix- sept séries : les douze premières comprenant les histoires principales, prim-scéla ; les cinq dernières étant les histoires secondaires, fo-scéla.

massacres, togla,

enlèvements de vaches, tâna \bd],

cours faites aux femmes, tochmarca,

batailles, catha,

cavernes, lïatha, Histoires / navigations, iiuranm^ principales \ meurtres, oit te,

ièlits, fessa,

sièges, forhossa, 10° aventures, ecbtrai, 11° enlèvements de femmes, ailhid, 12° meurtres, o/V'^Wé'.

1. Sur les 350, il y avait 250 histoires principales et 200 histoires secondaires : coic côicut de primscélaib, ocus da côicat do foscélaib, Livre de Leinster, p. 189, col. 2, 1. 47-49. Cf. E. O'Currv, Lectures ou the manuscript Materials of ancient irisJi History, p. 249-295.

2. Ancient Lwivs of Irelaiid, t. I, p. 44-47; cf. t. V, p. 58-75.

20 H. d'/lrbois de Jnhauivillc.

I 13° inondations, loimidnia. Histoires '^" visions,.//./,

secondaires ^f ^^^^^^î"^.' '"'''*\, . , . .,

/ 16° expéditions militaires, sluaigida,

\ 17" émigrations, lochonilada '.

Quand on a voulu ranger dans une de ces séries l'expédition entreprise pour faire la conquête du taureau d'Ulster, on n'a pu la placer parmi les enlèvements de femmes, il a fallu la mettre dans la catégorie des enlèvements de vaches. Et, en effet, un taureau suppose des vaches, comme des vaches un taureau. En enlevant un taureau on enlevait par conséquent le troupeau de vaches dont il était le chef ^.

On peut se demander pourquoi les Irlandais ont dressé d'après le premier mot du titre la liste de leurs compositions épiques ? C'est qu'à l'époque, pour la première fois cette liste a été dressée, les Irlandais qui gravaient sur pierre des inscriptions ogamiques, ignoraient l'usage d'écrire avec un roseau ou une plume et de l'encre sur papyrus ou sur parche- min. C'était donc à la mémoire exclusivement que devaient se fier les Jilid, soit qu'ils se bornassent à réciter les composi- tions des autres, soit qu'ils fussent eux-mêmes auteurs de quelques morceaux épiques. C'est donc un procédé mnémo- nique qui a fait inventer la liste dont nous venons de parler. Aucune liste pareille n'a été imaginée par les trouvères qui, dans la France du moyen âge, ont pris la place occupée plus anciennement en Irlande par les fîlid. Les trouvères avaient à leur disposition du parchemin, du papier, des plumes et de l'encre. Ils écrivaient et lisaient leurs compositions, ils lisaient les compositions des autres : ils n'avaient pas besoin de charger leur mémoire de textes appris par cœur comme le faisaient les druides en Gaule au temps de César, comme l'ont fliire en Irlande lesyF//r/ jusqu'au moment les missionnaires chrétiens ont foit connaître en Irlande le parchemin, l'encre et le roseau à écrire.

1, Book of Leinster, p. 189, 190; cf. O'Curry, MiWuscript Materials,

,p. 584-59?-

2. Tdiu /'o (JHrt/«_4'r, édition Windisch, 1. 15 28- 15 32, p. 188-191 ; 1. 2029,

p. 268, 269.

Élude sur le Tâiu C/iahige. 2i

Mais revenons au Livre de l'Ollam, Lehar OJIaman.

Nous y avons déjà signalé un passage important : c'est celui nous apprenons que les élèves qui se préparaient à l'honorable professsion àejîli, apprenaient les trois procédés de divination : le premier, « flamme du poème », teiniii lâida ; le second, « enveloppement des mains qui éclairent », imbas foros- nai; le troisième, « incantation des bouts de doigts », diceadal di rendait ou mieux dichélal do chennaih cnàme ' . Sur ces procé- dés de divination on trouve des détails intéressants dans le Glossaire de Cormac et dans le grand traité du droit intitulé Senchus Mor. Voici comment paraît s'être pratiquée Vimbas forosnai. Le JjJi commençait par donner quelques coups de dent à un morceau de chair de porc, de chien ou de chat. Puis il le posait à terre, prononçait sur lui une incantation, et l'offrait aux dieux. Après avoir adressé à deux reprises un appel au con- cours des dieux, il s'endormait, la tête entre ses deux mains, placées chacune sur une de ses deux joues. C'est alors que pen- dant son sommeil une révélation lui apprenait ce qu'il voulait savoir. Saint Patrice, dit le Glossaire de Cormac, condamna ce procédé qui, à cause de roff"rande et de l'appel aux dieux était incompatible avec la profession du christianisme ^.

Le Livre de l'Ollam mentionne, outre ce procédé, le teinm lâida 5 « flamme ou éclat du poème » ; ce procédé exigeait, comme le précédent, acte d'idolâtrie; saint Patrice le prohiba également, mais il autorisa un troisième procédé de divination, « poème chanté sur les bouts des doigts », littéralement sur les

1. Book of Ballymote, p. 50^, col. 2, 1. 29-50. Cf. ^^'hitIey Stokes Three irish Glossaries, p. 25 ; Cormac' s Glossarv, p. 95.

2. Ce procédé s'appelle hhiihas forostuii, à la page 25 de l'édition donnée par Wh. Stokes « Three irish Glossaries ». On lit iifihas forosfia dans un passage du Snichiis Mor, Aficieiit La-ivs of Irelaïui, t. I, p. 24, 1. 32. Il y a pour ce mot une autre orthographe : imas, Book of Ballvmote, p. 303, col. 2, i. 30, et imns, Aiicient Laivs of [relatai, t.I.p. 44,1. 15, et t. V,p. 56,1.28. Dans cette orthographe h est tombé par assimilation à Vin antécédent.

3. Il y a pour làida plusieurs orthographes : laeda {Three Irish Glossaries, p. 50); laegda (Three irish Glossaries, p. 25, 30, 34, Aucient Laivsof Ireland, t. V, p. 56, 1. 24); laodhii (ihid., t. I, p. 24, 1. 53); laega (ihid., t. I, p. 44, 1. 9). Ces orthographes différentes datent de l'époque le g et le d médials étaient réduits à un simple / consonne dans la prononciation irlandaise. Lâida est le génitif singulier de iôid, laid, en allemand lied « chant « ; cf. Wh. Stokes, Urkeltischer Sprachschat:^, p. 237.

22 H. (VArbois de Jubaniville.

bouts des os du poète '. Ce moyen merveilleux de deviner les secrets et l'avenir était peut-être connu des Gaulois comme des Irlandais, il aura été toléré par le clergé chrétien en Gaule comme en Irlande et de viendrait qu'en France on peut « savoir sa leçon sur le bout du doigt » ^.

Ces principes posés, il y a intérêt à foire une observation. Dans le Lebor na-hUidre qui contient le plus ancien texte de l'Enlèvement des vaches de Cooley, la reine Medb, partant pour sa grande expédition, désirant savoir si elle marche vers un succès ou un désastre, demande à une prophétesse, han-fili, qu'elle rencontre : « D'où viens tu ? » ~ « De Grande-Bre- tagne^ où j'ai appris l'art des Jilid », répond celle-ci. Mais alors Medb lui adresse une seconde question : a As-tu Vimbas forosriai } » « Nécessairement je l'ai », répond la prophé- tesse '.

C'est évidemment le texte primitif, qui dans la rédaction conservée par le Livre de J.einster et publiée par M. Windisch, a été profondément modifié. La prophétesse n'y parle ni de ses études en Grande-Bretagne, ni de Viuibas forosnai. L'auteur de cette rédaction a craint que la prophétesse, et avec elle le texte épique, ne tombât sous le coup de l'excommunication prononcée par saint Patrice.

En dépit des mauvaises relations qui ont toujours existé entre les druides et le clergé chrétien, la leçon du Livre de Leinster conserve aux druides une position considérable. C'est dans ce texte que nous trouvons posé ce principe : défense aux habitants d'Ulster de prendre la parole avant leur roi et au roi

1. Docendaib a cnàma, Aucient. Laivs of Ireland, t. I, p. 44, I. 4. Voir aussi /7'/rf.,plus bas, l. 17, et Wh. Stokes, Three irish Glossaries, p. 2^; cf. Wh. Stokes, Cormac's Glossary, p. 95. La traduction de cnduui pzr jiti^ers (' doigts » et non ho)U's « os » peut sembler hardie. Cependant elle paraît justifiée par le passage du glossaire de Cormac l'on voit Find Mac Cumail mettre son pouce dans sa bouche quand il veut faire acte de divination. Wh. Stokes, Three irish Glossaries, p. 34; Cormac's Glossary, p. 130.

2. Hatzfeld, Darniesteter et Antoine Thomas, Dictionnaire général delà langue française, t. I, p. 279, col. i au mot Bout. M. Alexandre Smirnof me fait observer que des locutions analogues existent en allemand et en russe.

3. Lebor na h-L"idre, p. 55, col. 2, 1. 12-14; ^'J- d'O'Keetîe, p. 4, 1. 38-41.

Étude sur le Tàin Cùalnge. 23

de prendre la parole avant ses druides \ Une mort soudaine et merveilleuse punit celui qui a violé cette règle : son bouclier lui tranche la tête ^.

Il y a cependant un point sur lequel l'auteur du texte con- servé par le Livre de Leinster a pris parti contre les druides. La leçon la plus ancienne nous montrait le druide Cathba auprès du roi Conchobar, son fils, et accompagné de cent disciples qui apprenaient de lui le druidisme. Un d'entre eux lui demanda quel événement heureux se produirait ce jour-là. Cathba annonça qu'un jeune homme prendrait les armes ce jour-même, et qu'en Irlande le nom de ce jeune homme serait toujours célèbre'. Il s'agissait de Cûchulainn qui était alors âgé de sept ans. Cathba avait donc prophétisé. Dans le Livre de iLeinster ce récit est reproduit, mais le nombre des élèves de Cathba est réduit àhuif. Du reste, pas de différence sérieuse entre les deux textes quand il s'agit des druides.

Voici toutefois encore un point les Druides sont sacrifiés par le Livre de Leinster. Les deux textes s'accordent pour nous dire que les guerriers réunis à l'appel de Medb pour envahir l'Ulster passèrent quinze jours à s'amuser dans la for- teresse de Cruachan, capitale du Connaught, avant de se mettre en route. Pourquoi ce retard? Afin de rendre la marche plus facile, dit le livre de Leinster >. Une raison plus sérieuse est donnée par la version conservée dans le Lebor na-hUidre. C'est que leurs prophètes, c'est-à-dire leurs filid, et leurs druides leur avaient défendu de partir plus tôt ^. Mais, si cet important détail fait défaut dans le Livre de Leinster, il y a immédiatement une compensation. Au moment de se mettre en route, la reine Medb, voulant savoir quel sera le résultat de son entreprise, ne consulte pas seulement une femme y?//, comme nous avons dit plus haut : elle s'adresse d'abord à son druide. Elle prévoit qu'un certain nombre des guerriers qu'elle

1. Ed. Windisch, p 673, 1. 4724-4725.

2. Ihid., 1. 4747.

3. Lebor na h-Uidre, p. 61, col. i,]. 18-27 ; O'Keeffe, p. 22. 1. 546-55:

4. Ed. Windisch, p. 131,!. T071.

5. Ed. Windisch, p. 27, 1. 189.

6. Lebor na h-Uidre, p. 55, coL i, L 27-29; O'Keefte, p. 3, L 20.

24 H. iVArhoh de JiihninviUe.

emmène perdront hi vie dans cette expédition, et qu'elle, reine Medb, sera maudite par les parents et les amis des morts. Mais quant à elle une seule chose la préoccupe, c'est de savoir si elle reviendra. « Peu importe le sort de tel ou tel autre », répond le druide, « toi, tu reviendras'. » Eh bien, ce passage fait défaut dans le Lebor na-hUidre.

Les deux textes sont d'accord pour nous présenter le grand héros Cûchulainn comme un élève de druide Cathba ^ .

Les druides sont une institution spéciale aux Celtes des Iles Britanniques et de la région située sur le continent à l'ouest du Rhin. Mais quant au reste des idées religieuses, les doctrines des L'iandais épiques sont en général semblables à celles des Grecs de la période homérique. Leur religion n'était pas une copie de la religion grecque, mais suppose à sa base des conceptions identiques.

Dans Vlliade la déesse Thétis est l'épouse de Pelée, roi des Myrmidons en Thessalie; c'est ainsi qu'Achille, fils de Pelée, a pour mère une déesse '. De même, dans une des préfaces du Tàin, la déesse Mâcha s'unit à Crunniuc, riche cultivateur d'Ulster, et donne le jour à deux enfants 4. Réciproquement chez les Grecs et les Irlandais, les dieux s'unissent aux femmes mortelles. Ainsi, Héraclès est le fils de Zeus dieu suprême ec d'Alcmène femme d'Amphitryon >. Les Irlandais peuvent mettre en regard d'Héraclès Cûchulainn, fils du grand dieu Lug et de Dechtire, sœur du roi Conchobar. Par ses merveilleux exploits comparables à ceux d'Héraclès, il justifie, comme le demi-dieu grec, son origine divine. Mais à son sujet il y a une observation à faire. L'auteur du texte conservé par le Livre de Leinster n'a pu admettre que le plus grand héros dont l'Irlande puisse se glorifier, fût fils d'un

1. Ed. \\'indisch, p. 27, 1 194-200.

2. Lebor iia h-Uidre, p. 6:, col. i, 1. 29-30. O'Keeffc, p. 22, 1. 55.3-554. E. Windisch, p. 133, 1. 1080-1081.

3. Iliade, XXIV, 59-61.

4. Livre de Leinster, p. 125, col. 2. Windisch, dans Berichte der K. Sachs. Gesellchajt der Wissenschaften, séance du 12 décembre 1884. Cours de litté- rature celtique, t. V, p. 320-325. Thurneysen, Sagen ans deui alten Irland, p. 22-24.

5. Odyssée, XI, 267-268.

Ëtude sur le Tâin Cùahige. 25

dieu païen, et par conséquent un démon comme ces faux dieux. Dans le Lebor na-hUidre, le héros Cûchulainn, après une suite de combats il a toujours été vainqueur, est couvert de blessures et accablé de fatigue. Alors, le dieu Lug, son père, vient à son secours, panse ses blessures et le guérit ' . Le Livre de Leinster ne parle pas de Lug dans le récit de cet épisode. Il remplace Lug par un dieu innomé, ami du héros ^.

Ayant recouvré ses forces, Cûchulainn fait de nouveaux, exploits, plus merveilleux que les premiers. Il monte sur son char armé de faux et sur ce ciiar il tait trois fois le tour de l'armée ennemie, abattant chaque fois un nombre énorme d'hommes '. On a dit que parmi les morts on comptait cent cinquante rois et que des guerriers qui accompagnaient les rois trois seulement rentrèrent au camp sans blessures, tandis que ni Cûchulainn, ni son cocher ni ses deux chevaux n'éprou- vèrent le moindre mal ■^. La plus ancienne rédaction expli- quait ce merveilleux résultat par le concours du grand dieu Lug qui aurait accompagné Cûchulainn dans sa marche triomphante autour de l'armée de la reine Medb. Le Lebor na-hUidre et le Livre de Leinster mentionnent sans l'admettre cette intervention du dieu Lug K Elle révoltait les chrétiens qui ont écrit ces deux manuscrits. Au point de vue païen elle donnait à Lug une énorme supériorité sur Ares blessé et réduit à la fuite par un simple mortel, le grec Diomède ''.

Cette suppression du père divin de Cûchulainn eut un résultat bizarre. Il a été de faire mutiler et déformer le récit légendaire qui racontait comment était le célèbre héros. Suivant ce récit le dieu Lug avait un jour enlevé Dechtire, sœur du roi Conchobar, et avec elle cinquante jeunes filles

1. Lebor na h-Uidre, p. 78, col. 1, 1. 15-20. La médecine était un des nombreux arts que Lug pratiquait. Voyez The second haltle of Moytiira, édition Whitley Stokes, § 64, Revue Celtique, t. XII, p. 76-79.

2. Tdin Cûahige, suivant le Livre de Leinster, éd. Windisch, p. 340-

343-

3 . Tdm Cûalnge, édition Windisch, p. 380-383 .

4. Lebor na h-Ûidre, p. 80, col. 2, 1. 39-45. Winifred Faraday, p. 93.

5. Lebor na h-Uidre, p. 80, col. 2. 1. 23, 24; Livre de Leinster, édition Windisch, p. 383, 1. 2659, 2660. Winifred Faraday, p. 93.

6. Iliade, V, 855-906.

26 H. d'Arbois de JnhauivUh.

d'Ulster. Pendant trois années complètes elles furent absentes, puis elles revinrent sous forme d'oiseaux, qui dévoraient tout, ne laissant pas un brin d'herbe sur terre. Conchobar fit atteler neuf chars. Il monta sur un de ces chars, ses prin- cipaux guerriers montèrent sur les huit autres et avec eux il alla combattre ces terribles oiseaux. Il ne put les atteindre. Enfin, au lieu d'oiseaux, Conchobar et ses compagnons trou- vèrent une belle maison, et dans cette maison Dechtire avec les cinquante jeunes filles. Dechtire était enceinte et accoucha d'un fils dont Lug était le père et qui s'appela Setanta. Ce récit ne nous a été conservé que dans des rédactions il a été déformé. Il y a telle rédaction le nom de Lug n'apparaît point; telle autre où, rendue grosse par Lug, Dechtire se fait avorter, puis épouse Sualtam, dont Setanta, plus tard appelé Cûchulainn, est le fils '. Mais telle n'est pas la donnée primitive.

Cûchulainn, le grand héros irlandais, est fils du dieu suprême et d'une femme, comme le grand héros grec Héraclès, et c'est l'explication des prodigieux exploits que les deux personnages mythiques accomplissent, d'abord tout enfants, ensuite à l'âge d'homme.

Un des principaux exploits d'Héraclès fut sa descente aux enfers. II eut avec Haïdès, le roi des morts, un combat sin- gulier dont il sortit vainqueur, et il revint emmenant avec lui le fameux chien Cerbère gardien de la porte d'Haïdès^. Cûchulainn a feit le même voyage. Il a été dans le pays des morts qui pour les Celtes est aussi celui des dieux. Comme Héraclès il a livré bataille, comme lui il a triomphé'. Mais son voyage a été beaucoup plus gai que celui du héros grec. En effet, la doctrine celtique ne met pas la seconde vie des morts dans un obscur souterrain. Elle la place sur la terre éclairée par le soleil au delà de l'Océan, à l'Occident

1. Windisch, Irische Texte, t. I, p. 154, 145, 324, 325. H. Zimmer dans ]a Zeitschrift de Kuhn, t. XXVIII, p. 500-504. Louis Duvau dans la Rei'. Celt., t. IX, p. 1-13. Thurneysen, Sa^en ans dem alten Irland, p. 58-62.

2. Serglige Conculaind, § 36, chez Windisch, Irische Texte, t. I, p. 220. Cf. Cours de litttérature celtique, t. V, p. 204.

3. Iliade, Ylll, 367-369. Cf. V, 392-397, ei ApoUodori Bihliotheca,\. II, c. 5, § 12; Fragmenta Historicoriim Graecoriim, t. I, p. 142-143.

Élude sur le Tàin Cùalnge. 27

extrême. Ce que le héros Cûchulainn ramena de ce pays mystérieux, ce ne fut pas l'affreux chien Cerbère. Ce fut une jolie déesse amoureuse de lui et qui abandonna le dieu son mari pour se faire épouser par le célèbre guerrier irlandais. Mais elle ne resta pas longtemps avec lui. Cûchu- lainn avait laissé une femme en Irlande. Celle-ci ne pouvant supporter une rivale, voulut la tuer. Arrêtée par Cûchulainn, elle montra un tel chagrin que le héros en fut ému : « Je t'aime toujours », lui dit-il. A ces mots la déesse irritée retourna près du dieu son mari '.

On peut donc signaler entre Héraclès et Cûchulainn des différences importantes, mais ces deux personnages mytholo- giques ont un certain nombre de traits communs.

Il y a entre l'épopée irlandaise et l'épopée grecque d'autres points de ressemblance. Au début de V Iliade on voit apparaître une maladie causée par la colère d'un dieu dont le prêtre avait adressé aux Grecs d'inutiles supplications. Cette maladie est le point de départ nécessaire pour expliquer une grande partie de ïlliade. De même dans l'Enlèvement des vaches de Cooley, une maladie provoquée par une vengeance divine est un trait préliminaire indispensable et sans lequel les événe- ments qui suivent ne se seraient point produits. Pour sauver la vie de l'homme qu'elle avait épousée, la déesse Mâcha a été obligée par le roi Conchobar, de lutter à la course avec les chevaux de ce prince inhumain. Elle était enceinte. Arrivée au but avant les chevaux, victorieuse par conséquent, elle accoucha immédiatement et lança une malédiction contre les hommes qui, présents à son supplice, n'avaient pas eu piiié d'elle et n'avaient pas pris son parti contre le roi. Tous ces hommes furent condamnés à subir une fois dans leur vie les douleurs de l'accouchement pendant cinq jours et quatre nuits ou quatre jours et cinq nuits soit neuf périodes de douze heures chacune formant la neuvaine des Ulates, noinden Ulad^.

X. Sergh'ire Conciilaind, § 39-46. Windisch, Irische Texte, t. I, p. 222-226. Cours de litt. celt., t. V, p. 208-215.

2. Windisch, dans Berichte der K. Sachs. Gesellschaft der Wisseiisclkifleu, séance du 12 décembre 1884. Cours de litt. celt.,i.Y, p. 320-325. Tliurney- sen, Sagen ans deni altcii Irland, p. 22-24.

28 H. d'Arbois de JiihainvUlc.

Au moment l'armée de Medb envahit l'Ulster, tous les guerriers de cette province, sauf Cùchulainn et les exilés, étaient atteints de cette maladie terrible ' . Telle est la cause pour laquelle le héros dut seul tenir tète aux troupes si nombreuses que la reine de Connaught avait mises en mouvement. Les nombreux combats qu'il livra remplissent la plus grande partie de l'épopée dite Enlèvement des vaches de Cooley.

Ainsi, la maladie étrange causée par la vengeance de la déesse Mâcha est un élément essentiel de l'épopée irlandaise.

De même au début de Ylliade apparaît, comme nous l'avons dit, une épidémie envoyée par Apollon sur la demande de Chry- sès, son prêtre, auquel une fille avait été enlevée et dont Chrv- sès n'avait pu obtenir la restitution. Cette maladie dure non pas cinq jours et quatre nuits, ni quatre jours et cinq nuits, mais neuf jours. C'est la neuvaine des Grecs comparable à celle des Ulates sans lui être absolument identique. Elle cesse quand Chryséis est restituée à son père. Mais de une série d'incidents dont résulte la querelle entre Agamemnon et Achille et la résolution que prend Achille de ne plus paraître dans les combats contre les Troyens.

Voici encore un point sur lequel VIliade s'accorde avec la grande épopée irlandaise. Les Grecs ont une déesse de la guerre, Pallas Athêna. Les Irlandais en ont une qui porte ordinairement aussi deux noms : Morrigan et Bodb ^. Chose curieuse, la déesse grecque et la déesse irlandaise apparaissent toutes deux sous forme d'oiseaux. Athèna, voulant assister au défi qu'Hector adresse aux chefs des Grecs, vient se poser sur un arbre sous forme d'un vautour '. Plus tard, elle prend la forme d'une hirondelle pour assister du haut d'une des solives du plafond au massacre des prétendants '^. Or, dans une des

1. Tdin Cùalncre , édition Windisch, 1. 224, 231, 234, 240, p. 30-35; 1. 769, p. 92, 93 ; 790, p. 96, 97 ; 1. 3226, V. 468, 469 ; 1. 4544, p. 646, 647 ; 1. -4938-4940, p. 698-701.

2. Son troisième nom Nemain est moins fréquent. Livrede Leinster, édi- tion Windisch, p. 339, 1. 2444; p. 709, 1. 5004. Sur .Vlacha, quatrième nom de la déesse, voir Revue Celtique, t. I, p. 34-37.

3. Iliade, VII, 57-60

4. Odyssée, XXII, 241.

Ëtiide sur le Tàiii Cùalnge. 29

préfaces de l'Enlèvement des vaches de Cooley, la déesse de la guerre, désignée par le nom de Badb, ou Bodb, se montre à Cùchulainn sous forme d'un oiseau noir perché sur une branche d'arbre'. On la retrouve sous forme d'oiseau avec son autre nom, Morrigan, dans la plus ancienne rédaction de l'enlèvement des vaches de Cooley^.

Ce dernier texte nous la montre perchée sur une pierre levée du haut de laquelle elle adresse la parole au taureau de Cooley 5 .

Nos comparaisons avec l'Iliade sont terminées. Nous passons à VOiiyssée. Au livre XI nous y voyons Ulysse arrivé au pays des Cymmériens, sur les bords de l'Océan. Avec son épée il creuse une fosse il fait couler le sang des victimes qu'il immole. Aussitôt apparaissent les morts, et parmi eux le devin Tirésias de Thèbes : celui-ci prédit la continuation des voyages d'Ulysse et son retour à Itaque •*. De la littérature épique des Grecs revenons à celle de l'Irlande. Sous le règne de Guaire Aidne qui apparaît dans les Annales des Quatre Maîtres dès 622 et qui mourut roi de Connaught en 662 ^, Senchân Torpeist devint le chef des filid d'Irlande, et pour fêter sa bienvenue, alla, accompagné d'un nombreux cortège, demander l'hospitalité au roi de Connaught. Senchan ne vou- lant pas abuser n'avait amené avec lui que trois cents Jîlid, dont cent cinquante maîtres et cent cinquante élèves ; ces filid étaient accompagnés de cent cinquante chiens, de cent cinquante domestiques mâles, de cent cinquante femmes et de vingt-sept ouvriers de chaque profession ^. Leurs exigences et

1. Tain Regamna, dans le Livre jaune de Lecan, p. 55, col. 2, 1. 12 ; Windisch, Iriscbc Texte, seconde série, 2<^ cahier, p. 345, 1. 46.

2. Lebor na h-Uidre, p. 64, col. 2, 1. 30-31. Livre Jaune de Lecan, p. 24, ■col. I, 1. 2S-29 ; édition O'Keeiïe, p. 32, 1. 843-844.

5. A comparer Windisch, Tdiii Cùalnge, p. 184, note 4.

4 . Odyssée , XI, 13-149.

5. Ed. d'O'Donovan, p. 244, 245, 272, 273.

6. Iinthcacht ua tromdhainihe à^ns Transactions of theOssianic Society , r.. V, p. 38, 39. Les événements dont il s'agit dateraient de la première moitié du septième siècle, suivant O' Curry, Mainiers and Ciistonis, t. III, p. 376, de la fin du même siècle d'après Hleanor HuU, A text Book of Irish Lite- '■afure, p. 43.

30 H. d'Arbois de J iihainville .

leur séjour prolongé finirent par flitigucr Guaire. Marban, son porcher, d'autres disent son frère, un saint ermite, vint à son aide ; il adressa aux hôtes de Guaire l'injonction magique, ^m, de ne jamais rester plus de deux nuits de suite au même logis tant que l'un d'eux n'aurait pas récité d'un bout «à l'autre le Tàin ho Ci'ialnge. Ils partirent, mais aucun d'eux ne connais- sait autre chose que des h'agments de cette vaste composi- tion '. Après de longs voyages employés à des recherches infructueuses, Senchân Torpeist, pour avoir le texte complet envoya, dit-on, deux de ses disciples, Murgen, son fils, et Emine hua Ninene au tombeau de Fergus mac Rôig, un des principaux chefs de l'armée de la reine Medb. Murgen s'assit près du tombeau. Emine et les gens de la suite allèrent à la recherche d'une maison ils pourraient trouver hospitalité. Pendant ce temps Murgen chanta un poème il faisait appel à Fergus. Immédiatement apparut un nuage qui pendant trois jours et trois nuits rendit Murgen invisible à ses compagnons; aussitôt que le nuage se fût produit Fergus sortit du tom- beau. Son manteau était vert, conmie il convient à un héros irlandais, il avait une chemise avec capuchon, sur elle une tunique rouge ; il portait une épée avec poignée d'or. Ses sandales étaient de bronze, et sa chevelure noire. Il récita à Murgen le Tâin d'un bout à l'autre. Naturellement les chrétiens irlandais ne purent admettre qu'un Jili ait eu la puissance d'évoquer les morts. Ils dirent que c'étaient des saints qui, par un jeûne pieux, avaient fait sortir Fergus de son tombeau et obtenu de lui le récit complet du Tàin. Ces saints, dirent-ils, étaient ensuite allés répéter à Senchân le récit de Fergus. Mais suivant la légende primitive, ce serait Murgen qui, instruit par Fergus sorti du tombeau, aurait appris à Senchân le texte complet du Tàin^.

Si Senchân attribua cette origine merveilleuse à la compi- lation qu'on lui doit, son but était d'assurer le succès de son œuvre. Et nous sommes en droit d'en conclure que les Irlan-

1 . Concomgarthà trd filid EreiiJ do Shenchdn Torpeist dûs in ba mebor leo Tàin bôCualngi in a ôgi. Ocus asbertatar nad fetar di acht bloga nammâ. Livre de Leinsier, p. 245, col. 2, 1. 2-), cf. O' Curry, Ms.Materiah, p. 494.

2. Livre de Leinster, p. 245, col. 2, 1. 11-29.

Étude sur le Tàiii Ciialnge. 31

dais du vii^ siècle de notre ère, comme les contemporains d'Homère, quatorze cents ans plus tôt croyaient possible l'évo- cation des morts.

Cette croyance avait existé chez les Celtes à une date beau- coup plus ancienne. En effet, Tertullien nous apprend que, suivant Nicander, les Celtes allaient passer la nuit près des tombeaux avaient été déposés après incinération les restes des hommes braves, et qu'ils leur demandaient des oracles '. Le Nicander cité par Tertullien au iii^ siècle de notre ère est vraisemblablement Nikandros de Kolophon, contemporain d'Attale III, roi de Pergame, qui régna de 137 à 131 avant J.-C. ^. Les Celtes dont il s'agit dans ce passage de Tertullien sont évidemment les Gaulois, soit d'Italie soit des bords du Danube, soit de la région située à l'ouest des Alpes et du Rhin, à moins cependant que Nicandros n'ait voulu parler de la colonie des Celtes en Asie Mineure ils ont porté les noms de Calâtes et de Galatie.

La littérature homérique ne nous offre rien d'analogue au taureau de Cooley. Le pendant de ce taureau dans les textes grecs c'est le Minotaure qui a comme le taureau de Cooley une origine divine. Le taureau de Cooley est la septième forme d'un porcher des dieux ou des génies de Munster. Sous sa sixième forme il avait été ver et vivait dans une source. Une vache, étant allée boire à cette source, avala le ver, et en conséquence donna le jour au célèbre taureau de Cooley. Le Minotaure avait eu pour père un taureau donné par Poséidon à Minos et sa mère était Pasiphaé, fille du soleil '.

1. Et de nocturnis imaginibus opponitur saepe non frustra mortuos uisos, nam et Nasamonas propria oracula apud parentum sepulcra mansi- tando captare, ut HeracUdes scribit, vel Nymphodorus, vel Herodotus ; et Celtas apud uirorum fortium busta eadem de causa abnoctare, ut Nicander affirmât. Tertullien, De anima, 57, édition de Tertullien donnée pour l'Académie de Vienne ; Corpus Scriptorum ccclesiasticormnlatinormn^ t. XX, p. Î93, par Auguste Reifferscheid et Georges Wissowa; cf. Migne, Pativlo- gia latina, t. II, col. 749 B ; et Fustel de Coulanges dans la Revue Celtique, t. IV, p. 52, note 7.

2. Christ, Geschichte der Griechischen Litleratur, 3e éd., p. 536-537.

5. ApoUodori Bihliotheca, livre III, c. i, § 2-3. Charles et TheodorMûller, Fragmenta Historicoruiii Graecoruiu, t. I, p. 151.

32 H. (V Artois de Jubainville.

Plus tard Minos, en guerre avec les Athéniens, exigea comme condition de paix qu'ils envoyassent en Crète tous les ans, sept garçons et sept jeunes filles qui devaient être dévorés par le Minotaure \ On sait que le Minotaure fut tué par Thésée ^ Le taureau brun, Donn, de Cooley après avoir triom- phé de son rival le Find Bennach ou Blanc Cornu, mourut presque immédiatement par le fait des blessures qu'il avait reçues pendant le combat K Mais^auparavnnt imitant la cruauté du Minotaure il avait tué aux Irlandais cent enfants ■*, c'est- à-dire les deux tiers des cent cinquante enfants qui alternati- vement, par groupes de cinquante, jouaient ensemble toutes les après-midi sur son beau et vaste dos, tandis que cent guer- riers rangés auprès de son corps immense y trouvaient, sui- cvant la saison, abri contre la chaleur, abri contre le froid >.

II

Il y a dans le Tâiii un passage qui paraît se rattacher un ■des événements les plus importants de l'histoire des Iles Bri- tanniques. Nous voulons parler de la conquête de la Grande- Bretagne et d'une partie de l'Irlande sur les Gôïdels par les Gaulois à une date qu'on ne peut déterminer rigoureusement. Nous avons parlé du ii""' siècle avant notre ère. M. Romilly Allen dit qu'il n'y a pas de raison pour croire que ce grand événement ait eu lieu beaucoup antérieurement à l'an 300 avant J.-C. ^

Le nom que ces Gaulois conquérants portent dans le Tâiii est au nominatif pluriel GaJiôtn. Mais cette orthcgraphe est relativement moderne : Yo long placé entre les deux /' tient lieu d'un a long plus ancien, comme l'a établi M. Windisch. En effet, le génitif pluriel de ce nom assonne avec giaJl et avec s;riau, ce qui exige une forme GaJiàu au génitif pluriel, par

1. ApùUodori Bibliolbeca, livre III, c. i), ^ 8. Fnioiiieiila Historiconiin Graecoi mil, t. I, p. 78.

2. Phérécydes, fragm. 106. Ibidem, p. 97.

5. Tdiii Ci'ialiige, éd. Windisch, 1. 6192-6205, p. 906-909.

4. Lebor na h-Uidre, p. 64, col. 2, 1. 43-44- Livre faune de Lecan, p. 24, ^ol. I, 1. 42-44. Ed. O' Keeffe, p. 33, 1. 855-856.

5. Tdiii bo Cùahioe, éd. Windiscli, 1. 15 32-1 5 36, p. 190, 191.

6. Celtic Art in Pagan and Christian Times, p. 21.

Étude sur le Tâin Cùahige. 33

conséquent aussi au nominatif singulier Galiàn et au nomina- tif pluriel Galiâin\ Les Galiâin s'étaient établis dans la région sud-est de l'Irlande,' c'est-à-dire en Leinster% dans la partie méridionale de cette province, au comté de Wexford, là. Ptolémée au 11^ siècle de notre ère montre la ville de Manapia et les Mc'napi{\ nom vraisemblablement identique à celui des Menapii établis sur le continent et en France, est situé aujourd'hui Cassel département du Nord-*. En Irlande on trouvait près des Menapii, au temps de Ptolémée, les Bri- S^ûfitesK Ceux-ci portaient le même nom que les Brigantes de Grande-Bretagne, chez lesquels était York, Eburacon^. Les Brigantes de Grande-Bretagne et ceux d'Irlande étaient pro- bablement une colonie des Brigantii ' , chez lesquels se trou- vait Brigantiuni, aujourd'hui Bregenz, dans le Vorarlberg, empire d'Autriche, et Cauibodnnon, aujourd'hui Kempten en Bavière.

La question se pose de savoir à quelle époque ces peuples gaulois Manapii et Brigantes sont venus s'établir en Irlande. Suivant le traité irlandais intitulé Do flathinsaih Erend, un roi nommé Ugaine le Grand aurait régné sur l'Irlande et la Grande-Bretagne jusqu'à la mer Manche ^. Par conséquent au temps d'Ugaine, les Gaulois n'avaient pas encore fait la con- quête de la Grande-Bretagne. A quelle époque devons-nous placer Ugaine ? Suivant les Annales de Tigernach, Echu Buadach, père d'Ugaine le Grand était roi suprême d'Irlande quand arriva la dix-huitième année du règne de Ptolémée, fils de Lagos, c'est-à-dire vers l'an 306 avant notre ère 9. Par consé-

1. Tdiii Cûaliige, éd. Windisch, p. 63, 1. 519-527. Cf. p. 1075,00!. 2.

2. Laigin... tri anmann doib. i. Fir Domnann, Gaileoin, Laigin. Dinnse- chtis, édité par Wh. Stokes, Rcv. Celt., t. XV, p. 299. Gaileoin i cuigiud Lagen. Booi< of Ballymote, p. 255, col. 2,1. 37.

5. Edition de Ch. Mûller, p. 79, 1. i et 12.

4. Ihiil., p. 223, 1. 9-10. Cf. Holder, AltccltiscJier Sprachschali, t. II, col. 543-S47-

). Ptolémée, èàmon de Ch. Mùller, p. 79, 1. 13.

6. Ihjd., p. 96-98. Cf. Eoldev. Altceltischer Sprachschati,t. l,col. 534-535.

7. Holder, Altccltischer Sprachschati, t. I, col. 5^6-537.

8. Gabais Ugaine niôr mac Echdach Buadaig rîge Erend ocus Alban ko muir n-Icht. Livre de Leinster, p. 21, col. 2, 1. 58-39.

9. Edition Wh. Stokes, Rev. Celt., t. XVI, p. 394.

Revue Celtique, XXFIII. y

34 H. d'Arbois de Jiibaiin'ille.

quent le règne d'Ugaine le Grand doit probablement être mis dans la première moitié du ui" siècle. A cette date les Gôïdels étaient maîtres de la Grande-Bretagne comme de l'Ir- lande. L'invasion gauloise dans les Iles Britanniques n'avait pas commencé.

A Ugaine le Grand succéda un de ses rtls, Lôegaire Lorc, qui avait un frère, Cobthach Côel Breg par lequel il fut assas- siné et qu'il eut pour successeur.

Cobthach Côel Breg régna cinquante ans, fit périr Ailill Ane, fils de son frère, chassa d'Irlande Labraid surnommé l'Exilé, Loiiysech, fils d'Ailill Ane et par conséquent petit- neveu de ce cruel Cobthach Côel Breg'.

Les deux meurtres commis par Cobthach Côel Breg ont été racontés avec détails par \ts Jilid irlandais. La royauté suprême obtenue par Lôegaire Lorc, son frère, rendit Cobthach telle- ment jaloux qu'il tomba malade. On parlait de sa mort pro- chaine. Il fit prier son frère de venir lui dire un dernier adieu. Lôegaire se rendit à cet appel. « Reviens demain », dit Cobthach, « tu organiseras mes funérailles ». Lôegaire revint en eft'et. « Dites-lui que je suis mort », dit Cobthach à ses femmes et au chef de ses domestiques. « Placez-moi sur mon char et mettez-moi en main un poignard bien tranchant. » Cet ordre fut exécuté. Lôegaire tout en larmes se précipita sur le corps de son frère qui lui enfonça le poignard dans le cœur. A la suite de ce meurtre Cobthach Côel Breg devint roi suprême d'Irlande. Le fils de Lôegaire Lorc, Ailill Ane, dut se contenter du royaume de Leinster. Mais c'était trop pour l'ambition de Cobthach Côel Breg et quelqu'un tut payé par lui pour faire prendre au roi de Leinster un breuvage empoi- sonné qui lui ôta la vie'. Le fils d'Ailill Ane dut abandonner le trône de son père à son grand-oncle, et pour se conserver la vie quitter l'Irlande, en conséquence de quoi il reçut le sur- nom de Loiigsccb, « Exilé ». Ce fut en Grande-Bretagne qu'il se réfugia. Il avait avec lui neuf compagnons. Un texte irlan-

1. Do flathiiisdih Erciid, dans le Livre de Leinster, p. 22, coL i, \. 39-46.

2. Orc;ain Diiul-rio-, édition de Wh. Stokes dans Zeilscbrift fiïr Ccltische Philologie, t. III, p. 2-3, 9-10.

Étude sur le Tàiii ho Cùaluge. 35

dais prétend qu'il se créa en Grande-Bretagne un royaume '. Suivant un autre texte irlandais, « se dirigeant vers l'est, il atteignit l'île des Bretons et les jeunes gens tachetés de la terre des hommes de Ménia et se mit au service de leur roi » ^. Ménia n'est pas autre chose que Menapia prononcée à l'irlan- daise avec chute du p et de Va qui le précède. Les Irlandais ne pouvaient prononcer la lettre p, et Va précédent était postto- nique puisque c'était en irlandais la syllabe initiale qui était accentuée. Le roi de Ménia, c'est-à-dire de la Menapia située sur le continent dans la Gaule Belgique, prit en amitié l'exilé et l'envoya en Irlande avec une flotte de trois cents vais- seaux K

L'expression tir fer Menia « terre des hommes de Ménia » embarrassa beaucoup les Irlandais pendant la seconde partie du moyen âge. Certains avaient lu la Bible ; ils connaissaient le passage de la Genèse, ch. 8, verset 4, il est dit que l'arche s'arrêta sur les monts d'Arménie et le livre IV des Rois, ch. 19, verset 57, on lit que deux fils de Sennachérib, ayant tué leur père, se réfugièrent dans la terre d'Arménie. En consé- quence ces Irlandais remplacèrent /t'r luenia par Armenia. C'est la leçon du Livre Jaune de Lecan^. En effet fer, aujourd'hui fear se prononçait far, et ce mot, étant complément détermi- natif du substantif précédent, perdait son /5. Ainsi tir fer Ménia se prononçait tir ar menia. La prononciation pénétra dans l'écriture tir ar menia devint facilement tir Arnienia. Mais cette notation nouvelle ne fut pas universellement adoptée. On proposa de corriger Menia en M.orca. Labraid

1. Riigaib rige co Muir n-lcht. Oijaiii Diud-rig, édition de Whitley Stokes, Zeitsclirift fur Cettisctoe PJiilotogie, t. III, p. 8.

2. Fri ri fer Menia. Ms. Egerton, 1782 du Musée Britannique, cité par Whitley Stokes, Kevue Celtique, t. XX, p. 430, note 2.

5. Re^ue Celtique, t. XX, p. 430, t. 23. 24.

4. Whitlev Stokes, Revue Celtique, t. XX, p. 430, 1. 3.

5. Zeuss, Grammatica Ccltica, 2'^ édition, p. 181. Comparez le nom de lieu irlandais moderne Tireragh pour Tir Fiachrach, O'Donovan, Anuah of the Four Masters, t. VI, p. 1 1 1 , et tir snihach « terre fertile », prononcé tirhutacli, Windisch, Irisctje Texte, t. I, p. 172, 1. 23.

H. iVArlnns de Juluiiiiville.

Longsech serait allé chtrchcr asile chez le roi des hommes de Morca '.

Les Jir Morca habitaient dans l'Irlande méridionale, en Munster - ; pour Labraid, le surnom d'Exilé ne se comprend plus si l'on adopte cette leçon, et on ne conçoit pas comment pour aller de Leinster en Munster il serait passé par l'île des Bretons. Il y a un texte qui, sur l'exil de Labraid, jette beau- coup plus de clarté. Les GaJiàiu nourrirent Labraid pendant son exil dans les terres des Gaulois '. D'accord avec M. Whitley Stokes, nous traduisons par Gaulois l'irlandais Gall \ Le mot irlandais Gall a eu d'abord ce sens. M. Kuno Meyer a fait observer que, dans un passage d'un récit de l'émigration des Dessi au iiV siècle de notre ère, il est parlé du vin venant a tîrib Gall, c'est-à-dire des terres des Gaulois >. Ni la Norvège ni le Danemark ne produisaient de vin à cette époque pas plus qu'aujourd'hui.

Plus tard, Gall a pris un sens différent : il a désigné les pirates venus de Scandinavie et de Danemark, qui apparurent sur les côtes d'Irlande à partir de 795 et dévastèrent cette pauvre île pendant le ix^' et le x^ siècle. Les Romains avaient cru que les Cimbres, tribu germanique, étaient Gaulois. Cicéron, écrivant en l'an 5) avant J. -G. le livre II de son traité De oratore, commettait encore cette erreur. Les Irlandais du ix^ siècle après J.-C., comme les Romains de la première partie du premier siècle avant notre ère, ne sai- sirent pas la différence qui existait entre les Germams et les Gaulois. De cette conséquence que, dans un texte irlandais, le fils du roi de Danemark est donné comme un des auxiliaires de Labraid Longsech dans le terrible acte de vengeance qu'il exerça contre son grand-oncle à Dindrîg ^ .

1. Tiagait iarum cor-rig Fer Morca. Whitley Stokes. Zeitschrift ft'ir Ccl- lische Philolocrie, t. III, p. 4. Cf Revue Celtique, t. XX, p. 166, 429, 431.

2. Whitley Stokes dans la Revue Celtique, t. XX, p. 429.

3. Gailiain roalsat Labraid for a loinges hi tiribGall. The Rennes Dind- senchas publié par Whitley Stokes dans la Revue Celtique, t. XV, p, 299.

4. Whitlev Stokes, //'/(/., p. 500.

5. Kuno Meyer dans le t. XIV du Cvi'iuiroJor, p. 1 18. Cf. Revue Celtique, t. XXII, p. 351.

6. Dindsenchas dans la Revue Celtique, t. XV, p. 29.). Livre de Leinster, p. 159, col. 1, 1. 16.

Ëtiide sur le Tàiu ho Cùalnge. 37

Pour l'histoire littéraire d'Irlande, ce texte est intéressant, mais pour l'histoire des faits il est sans valeur. Labraid a amené avec lui 2200 Gaulois armés de lances au large fer, disent trois textes irlandais \ Mais pour désigner les compa- gnons de Labraid à son retour de Gaule, l'expression courante en Irlande est Galiâiii, c'est-à-dire GaUiani, dérivé de Gallia de la même façon que de Roma on a fait Romani et de Tolosa,

Tolosâni.

C'est avec le concours de ces Galiâin que Labraid fit périr son

grand-oncle à Dindrîg.

A quelle date placerons-nous le massacre de Dindrîg mou- rurent Cobthach Côel Breg et grand nombre de ses guerriers ? Nous avons vu que, suivant Tigernach, Echu Buadach régnait en 30e. Entre lui et Labraid Longsech se placent trois géné- rations : Ugaine le Grand ; fils d'Echu Buadach ; Lôegaire Lorc, fils d'Ugaine le Grand ; Ailill Ane fils de Lôegaire Lorc.

I. Da cet ar fichit chét n-Gall co laignib Icthna. Livre deLeinster, p. 1 59, col. I, 1. 24-25, elOijain Diini Rio, publié par Wh. Stokes, Zeitschrijt fiïr Celtischc Philoloijic, t.' III, p. 8. 14.

Sont à comparer les deux quatrains suivants :

Labraid Longsech, leôr a lin, la-s-rort Cobthach in Dinnrig co slûag laignech dar linn lir ; dib ro aimnigthe Lagin.

chét ar fichit chét Gall co laignib lethan leo anall ; de na laignib tuctha and-sein de atat Lagin for Laignib.

Labraid Longsech amenait un nombre suffisant. Par lui fut tué Cobthach à Dindrig.

Avec lui une troupe armée de lances avait traversé l'eau de l'Océan De leus lances, en irlandais lageu est venu Lagin nom des habitants de Leinster.

Deux mille deux cents Gaulois

avaient des lances au large fer.

Des lances, lage?!, qu'ils portaient

provient Lagin, nom des habitants de Leinster.

Arura choluim Chille , Wh. Stokes, Goidelica, 2^ édition, p. 161 ; J. H. Bernard R. Atkinson, Theirisb Lihcr hyiiiiionnii, t. I, p. 106 ; t. II, p. 58.

38 H. d' Artois de Jiibahiville.

En comptant trente ans par génération on trouve, de 306 au massacre de Dindrîg, quatre-vingt-dix ans, ce qui nous mène à l'année 216 pour la date de cet événement. Après avoir fait du massacre de Dindrîg un événement contemporain de Romu- lus (viir siècle avant notre ère) ', Tigernachse rectifie en mettant en 306 avant notre ère l'avènement d'Echu BûaJacii père d'Ugaine le Grand -. Il n'y a donc à tenir compte ni du passage des FJathiusa Erciid le massacre de Dindrîg est daté de l'an 307 avant j.-C. \ ni à plus forte raison de la doctrine des quatre maîtres qui mettent cet événement en l'an du monde 4658, c'est-à-dire 542 ans avant J.-C •*.

Vers l'an 216 avant notre ère, l'invasion gauloise en Grande- Bretagne était un fait accompli. Labraid l'exilé revenu en Irlande, avec 2200 Gaulois avait tué à Dindrîg avec leur con- cours Cobthach Côel Breg, trente rois et sept cents autres guerriers > ; de Là, haine mortelle entre l'Irlande orientale, Leinster, régnait Labraid, et l'Irlande occidentale c'est-à-dire Connaught.

Les GaJiâin amenés par Labraid l'exilé passaient pour les meilleurs guerriers de l'Irlande. Au début de l'expédition entreprise pour s'emparer du taureau de Cooley, à la fin de la première journée, la reine Medb fit l'inspection de son armée, et une fois cette opération terminée, elle dit que si les trois mille Galiàin prenaient part à l'expédition, c'était une folie d'y mener le reste de l'armée. « Entends-tu déprécier les Galiàin ? » demanda Ailill. «■ Non », répliqua Medb, « ce sont de brillants guerriers. Tandis que les autres étaient encore à faire leur installation, les Galiàin avaient arrangé déjà la paille sur laquelle ils devaient s'asseoir et se coucher, et leur repas cui- sait. Quand les autres commençaient à manger, les GaJiâin

1. Annales de Tigernach, éditées par Wh Stokes, Revue Celtique, t. XVI p. 378.

2. Annales de Tigernach, édition Wh. Stokes, Revue Celtique, t XVI,

P- 394-

3. Livre de Leinster, p. 22, col. i, 1. 49-50, col. 2, 1. i, 2.

4. Anmils ofthe Kingdoiu of Irelaud hy the four iV/(75/c;-5, édition d' O. Dono- van, t. I, p. 76-77.

5. Orgciin Dind Rig, p. 28, de l'édition Wh. Stokes, Zeitscbrifl fiir Celliscbe Philologie, t. III, p. 8, 13.

Étude sur le Tâiii Cùahige. 39

avaient déjà terminé leur repas et leurs artistes jouaient pour eux un morceau de musique. Les avoir fliit venir était une sottise. Ce sont eux qui auront l'honneur de la victoire. » « Mais », répondit Ailill, « c'est pour nous qu'ils combattent. » « Non », répliqua Medb, « ils n'iront pas avec nous. » « Qu'ils restent donc ici », reprit Ailill. « Non », s'écria Medb, « ils ne resteront pas ici ; car, s'ils restent, ils prendront les armes contre nous et s'empareront de notre terre. » « Que fera-t-on d'eux ? », demanda Ailill. « Que fera-t-on d'eux, s'il ne doivent ni rester ici, ni nous accompagner dans notre expédition « On les tuera », dit Medb; « Fran- chement », répondit Ailill, « tu nous donnes un conseil de femme. Il n'est pas bon. » « L'idée de la reine ne se réali- sera pas », dit Fergus. « Les Galiâin sont nos alliés. Si on les tue, on nous tuera aussi. » « Nous vous tuerions s'il était nécessaire, » répondit Medb. « J'ai ici mes gens au nombre de six mille, et les sept Mane, mes fils, avec sept fois trois mille hommes. Leur bonne chance les garantit de tout dan- ger », ajouta-t-elle. « Ce sont : Mane semblable à père, Mane semblable à mère, Mane à la grande piété filiale, Mane à la douce piété filiale, Mane à la très grande parole, dit aussi Mane à la pari 'le de miel, Mane qui n'est pas lent, Mane qui réunit en lui les qualités de tous ses frères : c'est lui qui a les traits de son père et de sa mère et qui, à la fois, a la dignité des deux. » « Tu prétends que tu nous tueras », dit Fergus. « Ce n'est pas vrai. Il y a ici sept rois de Munster, et trois mille guerriers avec chacun d'eux, ce sont nos alliés à nous Ulates. Je te livrerai bataille », ajouta Fergus, « sur le sol du camp nous sommes. Je le ferai avec les vingt et un mille guerriers de Munster et avec les trois mille Galiâin. Mais non, il n'y aura pas de querelle entre toi et nous. Nous te conseille- rons d'employer un moyen qui empêchera les Galiâin de prendre le pas sur le reste de l'armée. Il y a ici dix-sept corps de trois mille hommes chacun, c'est-à-dire cinquante et un mille guerriers sans compter le menu peuple ni les femmes (car chaque roi a près de lui sa reine venue pour tenir com- pagnie à Medb), sans compter aussi nos gentils fils. En sus il y a ici trois mille hommes, les trois mille Galiâin. Que ceux-

40 //. (F Artois de JubaliivUle.

ci soient partages entre les dix-sept corps dont se compose le reste de l'armée. » « Cela m'est égal », répondit Medb, « pourvu que disparaisse l'élégante troupe qu'ils nous metteut sous les yeux. » x\insi fut fait. Les Galiàiii furent répartis entre les dix-sept corps qui, eux déduits, formaient l'ensemble de l'armée.

Le matin suivant cette armée arriva au marais de Coiltre et y rencontra une troupe de cent-soixante cerfs. Les guerriers les enveloppèrent et les tuèrent. Tous les groupes il y avait un Galiàn s'emparèrent d'un cerf. Il ne resta que cinq cerfs pour le reste de l'armée '.

La supériorité des guerriers gaulois sur leurs contemporains d'Irlande s'explique facilement. Ils appartenaient au ramean belge, primitivement établi à l'est du Rhin, puis chassé de cette région après une longue guerre, par les Germains, d'abord leurs sujets. Quoique vaincus, ces Gaulois avaient appris le métier des armes en luttant contre les Germains. Ils avaient de la guerre une expérience dont étaient dépourvus les Gôïdels des Iles Britanniques que la mer avait ]usque-là protégés contre tuote invasion étrangère.

H. d'ArBOIS de JUBAINVILLE.

I. Lebor na-hUidre, p 56, col. 2, p. 57, col. i. Cf. Livre de Leinster, édition Windisch, p. 50-53, p. 65, 1. 549-546.

KI'VUI'. C.HI.TIQUK ( 1907)

l'L. Il

LE MONUMENT GALLO-ROMAIN DE TREVES

LE MONUMENT GALLO-ROMAIN

DE TRÊVES

Les faces BC de l'autel gallo-romain de Notre-Dame de Paris, aujourd'hui au musée de Cluny, ont été savamment étudiées par M. Salomon Reinach dans la Revue celtique, t. XVIII, p. 253-256. On les voit reproduites par la photogra- vure à la page 254 de son article. La face B, au-dessus de laquelle est inscrit le mot Esus, représente un homme qui coupe un arbre. Sur la face C on voit un taureau et sur ce taureau trois oiseaux, des grues ; au-dessus est écrit Tarvos trigaranus. Ces deux bas-reliefs ont été déjà bien des fois reproduits par la gravure'. Chose nouvelle, M. Reinach en rapproche un monument de Trêves dans un seul bas-relief les deux sujets sont réunis : l'homme qui coupe un arbre est placé sous une tête de taureau surmontée de deux grues.

Nous avons déjà dit que, suivant nous, il s'agit^ à Trêves comme à Paris, du mythe localisé en Irlande par Tépopée qui raconte l'enlèvement des vaches, c'est-à-dire du taureau de Cooley. L'homme qui coupe un arbre c'est Cûchulainn qui, en effet, coupe un arbre dans l'épopée irlandaise^. Le taureau est l'animal divin appelé Donn en irlandais. Donnas en gaulois et les trois grues dont seulement deux à Trêves sont trois formes de la triple déesse appelée en Irlande Bodb, Morrigan et Nemain, et qui sous forme d'oiseau, in deilh eàin^, vin prévenir le taureau du danger qu'il courait d'être pris 4.

1. Voir par exemple Ernest Desjardins, Géographie historique et adminis- trative de Gaule romaine, t. III, planche en face de la p. 208.

2. Édition Windisch, p. 68, 69.

3. Lebor na hUidre, p. 64, col. 2, 1. 30, 31.

4. Tdin Cûalncre, édition Windisch, p. 184, 185.

42 H. d'Arbois de Jubainville.

La concordance entre le monument de Paris et celui de Trêves est fort importante. Elle est un des faits qui établissent que le mythe de Cûchulainn était connu des Gallo-romains comme des Irlandais qui l'ont reçu des Gaulois et localisé dans leur île. La photogravure qui représente le monument de Trêves, p. 256 de l'article de M. Reinach, a une trop petite dimension pour être claire. Nous pensons être agréable aux lecteurs de la Revue celtique en le reproduisant ici sous un plus grand format, grâce à l'obligeance de M. Salomon Reinach qui a fait faire pour la Rei'ue celtique une photographie d'un moulage en plâtre du monument de Trêves. Ce moulage est compris parmi les collections du musée de Saint-Germain administré avec tant de compétence et de zèle par notre savant confrère.

H. D'A. DE J.

LES

GLOSES BRETONNES A SMARAGDE

Voici quelques remarques sur les gloses en vieux breton signalées et partiellement étudiées par M. d'Arbois de Jubain- ville, Revue Celtique, XXVII, 151- 15 4,

I . Marchoc, aequester, « cavalier ». Cf. mon Glossaire moyen- breton, 2= éd. 393 ; Loth, Chrestomathie Bret., 150, 197, 219; le Cartulaire de Landévennec, 14, 25 ; Rcv. Celî., vu, 57, 58, 63, 157. La réduction ancienne de marchoc, -inarhoc, -niarroc à -maroc, tiiarec, étudiée à ce dernier endroit, n'empêche pas qu'aujourd'hui encore viarcheh subsiste à côté de mnrek. Cette persistance est attribuable à l'influence du radical marc h cheval. Car il n'}' a plus trace d'un c'h tout semblable dans la fomille actuelle du comique lesserchoc « lappa », que la Grnmmatica Celtica, 2^ éd. 1076, explique ainsi : « herba amorosa ? adi. cambr. scrchog; sed cf. arem. saeregiienn Cath., hod. seregenn, saragere-. » Tous ces rapprochements sont exacts \ et ils n'ont rien de contradictoire ; seulement ils ont besoin d'une confir- mation en trois points.

La comparaison du gall. serchog amoureux se justifie par le fait que les capitules de la bardane s'accrochent facilement

I. M. Henry les remplace à tort. Lexique étymologique des termes les plus usités du breton r)wderue, 239, 245, 251, par la comparaison du radical de slaga attacher, avec contamination du franc, grateron, ou mieux du bret. skraha gratter, skrapii agripper, escroquer, etc. ; cf Revue Critique, 17 sept. 1900, p. 220. D. Le Pelletier avait la comparaison plus plausible du gallois 5?;'oo- étoile. M. du Rusquec, Nouveau dictiouuaire pratique et étymo- logique du dialecte de Léon avec les variantes diverses dans les dialectes... Paris, 1895, traduit seregeu <> Bardane, seringat » en ajoutant « latin syrinx » ; ce qui n'est juste ni pratiquement ni étymologiquement. Dans son dict. fran- çais-breton, Morlaix, 1886, il n'avait rendu « seringat » que par l{or:^en gleu^, qui veut dire « roseau creux ».

44 ^- Eriiaull .

aux habits des passants ; de un de leurs noms bretons, qui signifie « amour » : camiile^ « Fruit de Bardane » ; « le fruit du grateron », P. Grégoire de llostrenen ; karai'ile^ f. id. Le Gonidec, Troude, karante:^ f. du Rusquec ; « Carente:^ est le nom qu'on donne au grateron, apparemment à cause que ses boutons s'attachent aux habits», D. Le Pelletier; vannetais caranlé f. « Grateron, Bardane, Parelle », Dict. de Monsieur l'A***, 1744; se dit, entre autres, à Stival'. La même idée a donné lieu au grec ^ùâvOpojTîsç, littéralement « l'amie de l'homme », d'où le lat. philanthropos petite bardane.

*Se)xhec^ tst devenu régulièrement i-^rt'c ou sereh^ d'après « un Chirurgien Breton, habile... dans la Botanique... Grate- ron, autrement Philanthropos. D'autres donnent ce nom à la Jusquiame... iMais je croi le Chirurgien, qui est d'accord avec les paysans » Pel. ; « serec grateron, philanthropos... et selon dautres jusquiame » Roussel ms. Le rapport de ce mot au moy. bret. scrch concubinaire, tréc. serch id. et concubine Gloss.^dlT,, cf. Revue G'//., XXV, 414, n'a plus été sei'\û,serc''h est d'ailleurs bien moins connu et d'emploi bien plus restreint que karan- te(^)- Il y a pourtant une trace de l'ancienne aspiration, dans le dérivé moy. breton saerheguenn, variante de saereguenn « gli- ceron, 1. lapa "; voir mon Dict. étym. du breton moyen, 374. Sur la notation ae, pour g, voir Rev. Celt., XXVll, 149; cf. segal et saegal seigle.

Plus étonnant est le vocalisme de saragereT^, ainsi que sa dérivation. Les deux sont expliqués à la fois par l'influence du synonyme staguerès (-vihan gmtar on ^,~vr as bardane, glouteron Gr.), Gloss., 592, littéralement « celle qui s'attache », à Pleu- bihan stageureiis, à Cléden-Cap-Sizun glei stag « mouron qui s'attache», Faune popnJ., VI, 246 (dans le Luxembourg pJaqn ant-

1. Le haut trécorois paourafite (pauvreté) semble une déformation de karantc, par allusion à la misère qui s'attache si bien aux pauvres gens. Cf. sergeantext fruit de bardane, serjanted le fruit du grateron Grég., « en français sergents, dans le style familier », Le Gon.

2. On lit serc^lieg « l'amoureux » Bardai Brei:;^ 40, dans une pièce cor- noiiaillaise {Llvaden Geris) il y a bien d'autres mots suggérés par le gallois. Cf. mes Etudes vannetaises, 25, 26 (m, § 4).

3. Mal imprimé straguerès bilian dans la Flore populaire de M.E. Rolland, VI, 247. Lire aussi krâgérei, et à la page précédente spegere:^, au lieu de -r/.

Les gloses brelomies à Sniaragde. 45

tnoron, 244); cf. krôgére^ grateron Liégard, en français « gaillet accrochant »; spegere^ grateron en H. Léon, Milin (note sur R'^' ms); spégére:( f. bardane, de spéga attacher, speg son fruit, Du R. dict. fr.-bret. ; specq fruit de bardane, le fruit du grateron, Gr., « spec, grateron, plante simple » R^' ms (suivi de spega, sans traduction ; les deux manquent à Pel.). M. Henry assimile spék « fruit de la bardane, pistil » à spék javelot, levier, dorade, qu'il tire du lat. spica épi, avec influence de bék pointe. Je crois que le premier de ces spék se rattache à « spega le même que pega « Mil. ins, pega mordre, s'attacher Maun., moy. br. pegas... en il prit dans, de pcc poix, cf. Gloss., 469. M. Vallée m'apprend qu'on dit en certains endroits paka spck au sens du trécorois iapoul krog saisir; d. l'expression i'f^^oiit pcg enii eitnn cira, que Troude traduit « attraper un objet au-dessus de sa tête ». Le grateron s'appelle de même pëssars (pi-), pcss'ron, pityssrotte, pêssô, etc., en haute Bretagne; dans l'Hérault érbo pégàiito, dans l'Orne poisse-anx-iiiains, Faune pop., VI, 2-14.

Le moy. br. lappadenn « 1. lappa » a aussi un suffixe inat- tendu. J'ai dit, Zeiischrifi fiir celtische Philologie, I, 495, qu'il paraît à une confusion du franc, lappa avec le breton lappa- denn « ce qui se lape à chaque gueulée » Gr. Au lieu de « franc. » il faut lire « latin ». Je crois maintenant que le mot ne vient pas de lappa, mais de lapât hum, nom d'une plante voisine, la patience, d'où l'espagnol lamparo, sicilien lapa:;j;ji, etc., Kœrting^ 5431 (du grec XaTraÔov patience, qu'on rap- porte à la même origine que le russe lapiisnik bardane, glou- teron, cf. Schrader, ReaUexikon, ^i,^^. Lappadenn dérive d'un * l appât (de sens pluriel ou général) comme saereguenn, seregenn de serec; cf. moy. br. spe^adenn groseille du plur. spezat; linha- denn ortie, Gloss., 368.

2. Fron, nas. Ce dernier mot n'est pas abrégé de nasus nez, mais tiré du génitif naris ou du pluriel nares narines, d'après le rapport de nias mâle à maris, mares. Le grammairien Virgile connaissait cette forme ^ La glose a bien le sens de

&^

I . Il donne au même monosyllabe un autre sens, suggéré par l'analogie de mots comme aiias, aiuitis, anates, et cite à ce propos certain rapproche- ment .. heureusement qu'il est en latin, ou à peu près : « Est aliut nomen, quod duplicem declinationem duplicemque qualitatem habet ut nas naris

46 H. Eniaull.

« narine », en moy. bret. froaii tx froii. I.e Nomenclator porte ditifron les narines, p. 19 (et non 29, Gloss., 246) ; le P. Mau- noir lro7i pi. diou fron ; Lhuyd, Archœo/ogia Britannica, 1707, p. 97, a par méprise tron « naris » et diou Jroii comme plur. de //■/ nasus. Grég. donne jrounii, fienn, vannetais/;t';/w f. ; froiinell pi. on ; Pel. fron, van. //t'w; R'^' ;«j : «fron, narine... an dion fron, les deux narines, an difron les narines... froni renifler, naribus efflare » ; « fronel proneuse » ; " fronsa/.Jro- nal renifler attirer en dedans et en respirant la pituite qui devroit sortir par le nez » ; Le Gon. fron f. narine, « quelques- uns prononcent froen. On dit âuss'i fronel. En Vannes, /r^w » ; froun, voyez fron ; Tvoude fron, ti froen, fronn, fronell {. narine, « pi. fronel Ion. fronel Ion podes grandes narines '> Milin ms, fronelleh adj. qui a de larges narines, « curieux qui a tou- jours le nez au vent comme un chien de chasse » Mil. w.f; fronal parc. fro)iet remuer ; fronsai enfler les narines, renifler; M. du Rusquec//'0« L, fronel f., pi. on; puis fron pi. iou, fronel pi. Iou et difronel ; fronal renifler, fronsal id.; en van. Châlons fren pi. diffren, l'A. frênni. pi. diffrénn, aujourd'hui en van. fren pi. difren, cf. Rev. Celt., I, 21 5 . La forme la plus ancienne- ment attestée n'est pas la mieux conservée : fron vient de . * froen, que Le Gonidec a encore entendu ou cru entendre; le moy. hret. froan en est une variante, et le van. fren une autre réduction, cf. léon. kompoz^ et konipe:^ plain, uni, du moy. bret. compoes, etc., Rev. Celt., Vil, 315; XIX, 209, note (où il faut Wxe goe-, goue-, 1. 9), 210.

Dans R'^' nis, froni peut être une erreur suggérée par Pel., qui cite en gall. « Froeni, et Ffroenio, naribus efflare ». « Pro- neuse )' qui traduit /ro«^/ doit être « proneuse », au sens de « curieuse, bavarde », cf. l'explication de fronelleh par Milin. Pel. n'a pas fronal, mais seulement fronsal, qu'il interprète comme R'^' nis, en ajoutant qu'il est de l'usage de Cornouaille. Il hésite, non sans raison, à le rapporter à fron ; mais au lieu du franc, froncer, je comparerais le vieux mot fronchier renifler,

iiari iiairiii et reliqua. est et itas iialis nati natem... ueteres dicebant, quod omnia foramina corporis //iif5 dicebatur » {sic). Virgilii Maroiiis ifiaiiiiiiatici opéra éd. I. Huemer (Leipzig, 1886), p. 58.

Les gloses hretouues à Sinaragde. 47

ronfler, dont la vânzme froncqiiier a donné au bret. difroncqa souffler du nez Gr., etc., Gloss., 166, 167.

Sur sajfron sing. sa ffroiicn, grosse mouche, qui bourdonne sans cesse en volant undé nomen Bourdon et le verbe Bourdon- ner » R^' nis, safroiineji f. pi. nou bourdon, puis safronen f. pi. safron bourdon, frelon; safroiini bourdonner, safroni bour- donner, nasiller, safroiinêrez^ m. bourdonnement du R., etc., voix Gloss., 598. Peut-être s'est-il fait un croisement entre la famille de fron, froneJI et celle du v. bret. satron bourdons. Il faut citer aussi le limousin sajrouna, sofrouna avoir le hoquet, sangloter, qui rappelle d'ailleurs le v. franc. ic/z/rm^T gémir, etc.

M. du Rusquec tire safroimcn d'un bret. froiinval bourdon- ner qui viendrait lui-même de froiui narine; mais son dict. breton-trançais n'a que franva bourdonner, frouiiial siffler, bourdonner, /fo/^w m. pi. iou sifflement, /roM/z/gr pi. ien, bour- donne(u)r, f. froiiiiierey pi. ed ; froiiinérei f. bourdonnement, sifflement. Cette famille de mots imitatifs est étudiée dans mes Notes d'étym. bretonne, 86 (n'' 57, § 4); il faut ajouter encore : <•<■ froum-difroiiin. ai cheillen a ^0 frouiii difroum, les mouches fatiguent par le bruit de leur vol incessant » ; « franoiieller, f. ere:(, radoteur, radoteuse, qui nazille et bourdonne » Mil. ms. ; eur luialennih hoant. . . hng a froume dre ma skoe gant-hi tro- war-dro, traduit « une jolie canne qu'il faisait vibrer dans l'air, tout autour de sa tète », Milin, Annarvailler brexonnek, Brest 1870, p. 341-343; trécorois fraonwal bourdonner (Vallée).

Pel. rapproche le léonais fromm « bruit que fait une pierre jettée avec une fronde, ou par un bon bras » du gall. ffroniin frémissant, hnté , ffroinnii frémir, se fâcher; M. Vallée me signale le tréc. foiirnia éprouver ou causer une émotion vive; cï. froinet vivement ému, effrayé d'une apparition subite Rev. Celt., I, 126; l'idée intermédiaire est « tressaillir».

Au V. 1840 de S"-' Nonne, /rowé"^ doit signifier « frappé de terreur, ou de confusion » (par une attaque de lèpre). Peut- être en était-il de même dans la Destruction de Jérusalem Pel. dit avoir trouvé souvent « Promet pour rempli ou enflé de maladie » ; il était influencé par les mots modernes qu'il traduit : from « plénitude, réplétion »; fronwt « rempli, replet.

48 E. ErnaiiU.

trop gras, enflé », en parlant « du pis d'une vache et autres bêtes », et qu'il regarde comme des variantes dialectales de frai)i^ fraviel Ce frain « plénitude, perfection, accomplisse- ment » n'est de sa part qu'une conjecture étymologique d'après fram pièce de charpente, etc. ; il en est autrement de fraina : ce verbe « en Léon et en Cornwaille, se dit... du pis d'une vache, d'une chèvre, d'une brebis, qui ont ce vaisseau bien plein de lait. Framet ew an-dêzve^, le pis est fort rempli de lait. » R""^ iiis porte : « from plénitude fromei se dit du pis dune v^iche fromei ew il est rempli. Idem, fram, framet ». Le Gonidec ne connaissait ceci que par Pel. ; Troude donne comme suranné ce fromet, M. du Rusquec ne le donne pas du tout. Mais M. Vallée m'apprend qu'en basse Cornouaille frouiet s'emploie pour « enflé » -.fromet eo e vi:{ach il a le visage enflé. M. Henry joint ce fromet au gall. ffrom colère, qu'il tire d'un celtique *srei-si}ieri- pour *sprci-.^men « extension », avec des rapprochements qu'il déclare lui-même « hasardés ». Pho- néiiquement, ceci donnerait en gall. * ffnuyui.

3. Mesin, glans, « gland ». Cf. GJoss. 410; Rev. Celt., X, 147. Le singulatif en in se retrouve aussi d^ns ckhurin frelon, taon, gall. clyryii ; limncolJin ùlleul, pi. limiicollou (et peut-être insoblii! le chaume? Rev. Celt., XIX, 210).

LimncolUn est proprement « coudrier lisse », cf. lilicC lécves au vers de Virgile (Géorg.,l\, 449) qui est glosé par liinncollou'. Le moy. bret. queknn houx auquel M. Loth avait pensé, Foca- hiilaire vieux-breton 175, comme je l'ai fait aussi dans la Flore populaire de M. Rolland, III, 126, est différent. Sa forme en V. bret. était colœnn, c'est-à-dire coknn; c'est une particularité du document qui nous l'a transmise, d'abuser des iv. M. Stokes, à qui nous en devons la connaissance {Ztschr.f. celt. PhiloL, I, 19, 22), regarde Vo commeune erreur pour e; c'est peu vrai- semblable : le mot se présente deux fois ainsi ; la seule méprise de ce genre qu'on puisse admettre dans le texte, boror cresson, pour beror, gall. beriur, s'explique par Vo suivant ;peut-être était- ce une assimilation réelle; enfin l'étymologie s'accommode fort

I. Les fruits du tilleul sont, par assimilation à des noix, appelés dans le Luxembourg /errtcfo/;/05^, et aux États-Unis daddy nuis {Flore popiil., IH, 128).

Les gloses breton jies à Sniaragde 49

bien de cette voyelle (irl. cnilenn, =^ * kolejuw-, anglo-saxon holegn, anglais hoUy, allem. Hulst, d'où le franc, houx, etc.).

CoU coudrier, donné comme vieux breton par M. Henry, p. 60, 326, est vieux gallois. On lit en cornouaillais prenn- kolve:^ du bois de coudrier, Barya~ Brci:;;^ 8, mais le mot a été écrit sous l'influence du gallois colJu'ydd et d'une étymologie par hl perte (donnée expressément p. 422, bien qu'ici le texte porte hlve^; un jeu de mots sur ces deux sens du gall. col! est rapporté par Pel., v. kclwe:{cri); sur ce « symbole celtique de la défaite », voir ibid. 14; MéUisine, X, 268; cf. Sébillot, Tradi- tions. .. de la Haute-Bretagne, II, 3 1 3 : « Quand on brise avec le petit doigt de la main gauche une baguette de coudrier, on se marie dans l'année. » Cf. Gloss., 533 (où il faut lire qilvid coudraie Grég.).

Ua qui paraît dans Galve:^it Rev. Celt., XXI, 148, van. calvééc l'A. id. ; keneneii-kalvé noisette, Guillevic et Le Golf, Vocabul, 1904, doit venir d'un c, peut-être avec influence de calveÇ^ charpentier '.

4. Toroc, gurgulio, « charançon ». R*"' nis porte : « ieiirec, teurc, tarac teuroc insecte qui s'insinue dans la peau des bêtes, ver qui sengendre entre cuir et chair aux bœufs, vaches etc., principalement sur le dos, lequel fait enfler la peau, comme de petites butes, ou tumeurs ce qui le fait aussi nommer torossen » (cf. Pel.) ; « tôr selon le p. gregoire est un gros ventre et son possessif Torrec est Celui qui a un gros ventre ». Cf. Pel. : « Tôr, selon que je l'ai appris du P. Grégoire, en son pays de Rostreiien, et en Celui de Vannes, est un gros Ventre ; et son possessif Torrec, ou Tôrcc, est celui qui a un gros ventre. Il se dit de tous les animaux. Pluriel Toraôii ». Le Gon. a teûr m. pi. on, ion, bedaine, tenreii f. pi. teûrennou id. ; Troude teureugenn t. pi. tenreuk tique; teiirk m. maladie de peau des brebis ; insecte qui produit ce mal en s'introduisant sous la peau de ces animaux (sur cette association d'idées, cf. Rev. Celt., XXV, 282); tenrJm,teurki frapper quelqu'un, lui donner

I. Ce dernier semble avoir été traité de même, plus anciennement. M. Henry l'explique par */.'a/-t'-q, cf. irl. cairbre; je crois qu'il vient de -calmei = v. bret. celrued efficace, gall. celjydd habile. Il est vrai que l'irl. a calma brave. Voir Gloss., 556.

Reinie Celtique, XXJ^III. 4

30 E. Eruaull.

une raclée ; teurht adj. et part, qui a été battu dans une lutte, vaincu, qui a échoué dans ses projets. Mil. ins ajoute à teureugenn : « appelé aussi //// pi. tillet. Cet insecte pénètre sous la peau des vaches des chevaux et des moutons et prin- cipalement dani' leurs entrejambes de derrière. Il ne faut pas les confondre avec les larves de la peau des bœufs »; à îeurk : « contraction de teiirek, ver provenant de mouche qui s'en- gendre entre peau et chair ; il fait venir des pustules qui suppurent et font sur les moutons et autres animaux l'efFec de cautères plus utiles que nuisibles en faisant couler les humeurs extérieurement. D'autres animaux que les brebis sont sujets à engendrer ces vers. Comme on le voit ce /(7//-/' diffère essen- tiellement de teurcitffcji et de iilh'n de Le Gonidec (voir ////... » ; à fill : « Syn. paraill, parai II, teurk »; à nieoeJl : (Voy. teurk) a et ce qui est dit de cet insecte qui n'est autre qu'un ver provenant d'une mouche particulière différente du Taon : d'après ce qu'on a observé ce ver ne nuit nullement aux ani- maux. Ne pas confondre ces pustules avec ceux de la clave- lée... » ; à tenrka, teiirki : c( le sens ci-dessus est pris au figuré, ex, Teurh't eo da vaoïit cfid, tu as été frotté d'importance, ton mouton a été vaincu. Tcitrka, v. a. et n.,se couvrir de pus- tules, au fig. battre quelqu'un, lui doiiner une raclée, vaincre, lasser, quelquefois tuer. »

On emploie en haut Tréguier /or gros ventre (assez souvent on joue sur le mot, en disant à un gros honune : Tor 'peus vous avez tort, cf. « tor, tort, v : fiaoïi » R"' ms ; torek ventru ; teurk tique et aussi des poux, Rev. Celt., IV, i68; teurge- neign et teukan signifient travailler lentement, traînasser, voir L'Epenthèse des liquides, 30 35); à Lanrodec, feurgen{n)ci maladroit! Rev. Celt., IV, 168 ; à Stival tarag m. tique est aussi un terme d'injure entre enfants. Ce mot existe en haut breton sous les formes tarague et taraque, moy. br. tara- guciui, Rev. Celt., V, 224. Le second a vient sans doute d'une assimilation : le v. bret. toroc devait avoir un doublet * taroc, et peut-être * tarac (cf. camadixs, convenable, de *com-adas, V. irl. avnadas, v. gall. cimadas, auj. cyfaddas, Gloss., 124, 309, 310,562,563).

M. Macbain, EiyuioIogicaJ dictionary of the gaelic language

Les gloses bretonnes à Smaragde 51

325, tire le v. br. tar (et for), irl. tàrr, gaélique d'Ecosse /àrr, de *tarsâ, * tariiisd, cf. grec Tpdc[i'.: périnée, allemand darm boyau; ce que M. Henry regarde comme très plausible, Lexique, 263.

M. Henry explique, avec doute, torlosken punaise comme un composé = « brûlure au ventre » ; car, dit-il, « c'est de préférence aux parties molles que s'attaque cet insecte presque inerme » ; et il ajoute : cf. teûreûgen ; il regarde teiîreûgen tique, oursin, comme un dérivé probable de teiîrek ventru, avec cette restriction : « cf. toutefois torlosken pour le premier sens ». J'ai contesté cette décomposition de torlosken f. pi. -nned punaise Gon. {Rev. Critique citée, p. 222), en ^rappelant cette obser- vation de Pel. (v. loûesâe~) Nos Bas-Bretons... ne connoissent point la punaise domestique, mais seulement la champêtre ». Le Gonidec reproduit cette remarque, sous loue^ae ; son second dictionnaire traduit « punaise » loiu'^aé et torlosken, dans la phrase : « J'ai trouvé une punaise dans mon lit».Troude donne torhskenn f. pi. ed punaise de bois; Mil. nis ajoute : « gorloskeii , garlosten, artous teigne ». A garlosteiui perce- oreille, Milin remarque : « plus, disent gorlosken ». Cf. gall. gorlosten id., Gloss., 233. R*^' ms porte : « garlost sing. gar- losten perce-oreille... » ; Pel, a garlosten id. pi. garlostet « ce qui prouve que le primitif est Garlost » ; « Le nouv. Diction, porte Garlosleii, sauterelle ». Il y a eu mélange des mots garlosten perce-oreille et tarlasken, tallasken tique, etc., cf. Rev. Celt., III, 236 ; ce dernier paraît devoir son t au synonyme tarac, teurec tique, et l'avoir passé, de même que 1'/', au verbe d'où il vient, tallasqna, talasqa, tarlaska se trotter comme les gueux, de taskalat, kaskaiat, kaskarat id., cf. rouergat cascarro, cascarrou grelot; tique, cnscaJa vaciller, trembler, etc., voir Epenthèse 20-22 ( § 33).

R^' ms a cet article : « Tor selon Roussel est la terre et toclnuenia Est se Rouler sur la terre, comme font Les chevaux etc. Les vennetais disent torea. » Cf. Pel. : « Tôr, selon M. Roussel, est la Terre ; et Tochuenia est se rouler sur la terre comme font les chevaux, les chiens, etc. [Les Vennetois disent Torea et Toreein, se veautrer, se rouler à terre... J ».Pel. a un autre article « Torchiuenia, et par abus, Torchiuenial »,

52 E. Eniaull.

qui manque au iits. Cette fliçou de citer « Roussel » dans ce His indique qu'il n'a pas été écrit directement par « M. Rous- sel » dont Pel. parle souvent et dont le nom se trouve en marge de l'article nadoi{cî.Rev.CeU., IV, 104). Torchwenial, van. torhiiinial est composé en réalité de tor ventre, cf. Gloss., 701. La forme torea n'est pas vannetaise, il faudrait toreal.

R"'' uis a « lorrat, v. taarat, ventrée ou portée de truie, de chienne.... » {sic) ; Milin a ajouté au crayon : « (de poule et même de femme en parlant de ses nombreux enfants en torrad bubale e deu^) » (elle a une nichée d'enfants). Cet article manque à Pel. Au mot il renvoie, on lit : « taiiraf, sing. taiiraden, ventrée, ou portée, dune bête. » Au lieu de cette fin, Pel. a « de vache, lorsqu'elle a été au taureau... Ce mot vient probablement du Latin Taurus... » Ceci est un exemple de l'influence mauvaise que peut causer la préoccupation éty- mologique. Cf. Gloss., 701.

5. Cintil, gentilis. Je doute que ce mot signifie « race, famille », et qu'il réponde au comique kinethel, cf. Rev. Celt., XXV. 293-295 ; on attendrait quelque chose comme le v.gali. cenetl, cf. v. bret. Cenetlor, Ceneihir. Il semble plutôt que ce soit l'adjectif latin accommodé à la racine celtique de kinethel, et qui a fait place au français gentil : moy. bret. fienlil noble ; bon, écrit auj. jenHl.

6. Anam, stilio. Ce mot latin est pour slellio « sorte de lézard », cf. comique anaf « stellio », Qram. Cell.- 1075. C'est le moy. br. anaf orvet, tréc. ahnaf, van. ënan, etc., etc., voir Noies d'élym. 108-122 (n° 70). Le gall. anaf coquin, scé- lérat peut être le même mot, cf. lat. stellio fourbe.

(6 bis'). Tinc, ligo. Ceci ne doit pas être une glose bretonne, mais le commencement du mot tinctura : cf. le Corpus Glossa- riorum latinorum de Gœt:^, v, 572 : « Ligo tinctura uel foso- rium. » L'éditeur se demande (vi, 645) si dans le premier sens de tinctura (teinture), le mot li^o ne se rattacherait pas à lix (lessive).

7. Mistiriol, caupo. Le sens d' « aubergiste » doit venir ici de « celui qui sert », cf. lat. ministrare pocula donner à boire, )ninistrator échanson, comique nienistror « pincerna », gall. menestyr, menestr, id., v. franc, menestre, voir Loth, Les mots

Les gloses bretonnes à Stnaragde. 53

latins dans les langues hrittoniques 186, van. nwlestionr adminis- trateur, Gloss., 453. Pour la forme, niistirioJ répond au lat. ininisteriaks fonctionnaires impériaux, cf. bas lat. misterialiter « ministerii seu officii virtute » (statuts synodaux de l'église de Quimper), luisteriiiin pour ministerimn métier, mistera f. id., Du Cange éd. Favre, mesteirau, mestierait (Rhône), inestieirau, meneslairal (languedocien), menesteirau (Marseille), menestrau (Béarn) , inenestral (Toulouse) artisan, ouvrier, Mistr., pro- vençal iiienestrah, v. franc, niencstrel ; espagnol menestral méné- trier; ouvrier; moy. hret. mecherï. métier, besogne; besoin; au commencement du xvii'^ siècle inecher, micher, nieger, niiger, mescher, Gloss., ^98, 399.

8. Glethis, mantile. Le sens ordinaire de ce mot latin est « serviette w, « nappe», i< essuie-main » ; Du Cange, éd. Favre, en cite un autre, « vas escarium ». Gle-tl-us pourrait être pro- prement « (ce) qui nettoie », adjectif dérivé de gletl- <( instru- ment pour rendre brillant », même racine que le v. bret. gloiatou « brillants », le van. gloèau rare, etc., Gloss., 261 ; Mélanges H. if Ai bois de Jnhainville, 59.

9. Giitdot, felix. « Fertile », de *gii(oy dot, cf. ga.\\. giuaddcdi déposer, gwaddod dépôt, sédiment, comique guthot ? Ce serait un composé de dodi poser, cf. dodiui pondre, bret. moy. de^uyjj, mod. deivi,doï, etc., Gloss., 155 ; Ztschr. f.celt. Philol., I, 391.

10. Talar, ans. Ce mot latin, que Smaragde £iit féminin, est le singulier inusité du plur. anles (masc.) employé par Virgile, Géorgiques, II, 417, sur quoi Servius dit : « Alii extremos vinearum ordines accipiunt. » Ce sens, « dernières rangées des pieds de vigne », convient à talar, dont on con- naissait l'existence en v. bret. il semble avoir fait au plur. teleri (Loth, Chrestom., 166, 167). Pel. traduit talar (et tal- -erw « premier sillon d'un champ labouré, mot pour mot, front de champ, front de sillon, ou sillon de front », et cite en gall. talar « arvum frontale, quod in fronte agri est ». K^^ ms porte : « talar, tal enu, pi. talarou, court sillon, premier sillon dun champ labouré, mot pour mot front de champ, front de sillon, ou sillon de front, sillon fait dans la largeur dun champ ou dune pièce de terre auquel tous les autres aboutissent, arvum frontale, quod in fronte agri est. il y a devant lentrée de S^

54 F-- Ernaiill.

malo en terre ferme un lieu dit le talar qui a assez la figure dun grand sillon et qui est comme le front ou la tête des terres Labourables, qui est pourtant ruiné peu a peu par le flux de la mer ». Mil. )ns a ajouté à l'art, talar de Troude : « Ema luar he dalarou, o chober he dalarou il est à ses derniers sillons, c. à d. il va mourir ». Il suppose aussi que le mot lalarek lançon vient « des sillons qu'il trace dans le sable en travers les uns des autres, car talar (front de labour de char- rue) exprime aussi sillon en travers au bout d'un champ ». Troude avait tiré avec raison laJareh de talar, tarière, cf. Gloss., 673. Au contraire, Grég. écrit tara^r pi. 0// sillon de tra- vers, aux deux bouts d'un champ, cf. Gloss., 672. C'est une confusion produi'e par l'équivalence des deux formes, au sens de tarière. Cf. R^' ms : « talar v : lara:j » ; « tara^^r, tarar, talar, tala~r, une tarière, outil de charpentier terebrum ».

1 1. Golent, prex. C'est le nominatif singulier, non classique, de preces prières; le grammairien Virgile le connaît \ Cela suggère pour goletil le sen:, de « demande ». Cf. moy. bret. goleiuiet demandé (plus souvent goulciiiicty, goleiihet, goulenhet vous demanderez igoiileini une demande, comique gulen deman- der, Lhuyd 124. J'ai supposé, Gloss., 282, que ce mot est une combinaison de *gO!iven = gall. gofyn demande, demander, comique _^tw)7/ demander, avec ioul volonté, v.br. /'///; ce qui expliquerait la double forme et le double sens de gonlennaû et goulan, « je demande », et « je veux ». Pel. dit avoir lu goullet « demandé » et même « demande ! » lat. pete, dans l'ancienne vie du S. Gwenolé; mais cette seconde assertion n'est pas croyable, ce qui permet d'hésiter aussi sur l'autre, en l'absence du texte. Le v. br. iolent gl. precentur, est comparé par M. Loth, Vocah. 164 au gall. ioli « prier, adorer » deSpurrell; mais celui-ci), 3 = éd., 1 866) traduit to praise (louer) et non to pray. L'autre comparaison, avec iul volonté, cadre- rait assez avec notre hypothèse. Il est probable que la finale

I . Il donne aussi un autre nominatif singulier preces, et indique entre eux une différence d'emploi : « Cum dicis preces, impudica et procax erit et malae rei maxime postulatio : et prex ad bonam semper partem dirigetur». Cf. ma thèse De Firgiiio Marone granimatico, p. 34, 35 ; et l'édition Huemer, p. III.

Les gloses bretonnes à Smaragde. 55

de iolent est une désinence personnelle; quant à celle de golent, on attendrait *goknii; mais cf. la glose du commence- ment du xiv^ siècle augrosent « bodegares » = agroasenn églantier au xv^ {Rev. CeJt., X, 147, i/\S>; Ghss , 20). M. Henry, Lexique, 138, explique goiilenn par *zuo-Ii-n-, cf. gall. canlyn suivre, etc. ; ce qui n'est pas appuyé par golent. 12. Grillian, glis. Le sens n'est pas douteux : il s'agit de glis, gén. gliris, « loir ». Grillian en dérive : il vient de * glirian par une dissimilation qui rappelle le moy. bret. Glaz/on de * Graxlon d'où Graslon, Grallon, Gloss., 259, mais qui n'est pas nécessairement le fait du breton, car on trouve dans le catalan des Pyrénées-Orientales m^o-;///, etc. Rolland, Faune populaire, I, 36, pour cr//>^ (^provençal), ancien franc. gliron, gleron ; provenç. gréoulé, garri- gréoiilé,hngued . ra-griaulé, VII, 90, 92, de * gliruhis (A. l'homas, Ronuinia, XXVIII, 191), etc. M. Rolland cite, de Taslé, 1, 35, un breton armoricain lyr qui vient de la forme réduite lire (Berry),cf. franc, loir, liron. Peut-être Taslé a-t-il pris cela au P. Grégoire, qui donne lyr pi. lyreii, « liron ou loir, ou lerot, ou rat-liron ». Il est possible que le second / de * glirian soit de dérivation latine, cf. les gloses glirius somnolentus, gliriiiui torpentem, stupi- dum, Gœtz, vi, 495. La terminaison -an paraît le diminutif celtique, cf. celle du fr. lerot.

(12 bis). Mil, git (et est genus herbae). Le lat. git « nigelle », est glosé souvent, dans le recueil de Gœtz, par ;v,ôXàvOr,cv (fleur noire) et par sa transcription latine melantiuin, etc. Mais on trouve aussi (m, 569) uiilis peruwn, altération du uielas- permon, [xtkx(j'Ktpixoy (^mleux ?7telanspernion, [xt'koiviyTzzpiJ.ov, plante aux graines noires) de Pline. Il semble que /;/// soit un nomi- natif forgé d'après la première partie de milis pennou, regardée comme un gémûi (ci. animal, aniiiialis). Le mot inella, donné comme synonyme de sinonus (Gœtz, III, 629) et de siriacus (628), est, je crois, à corriger en niella, de nigella.

Quelques noms de la nielle rose des blés, comme miel (environs de Redon), mièV (Guernesey), niiéyo (Coxrbzo) , miy (Cher), Flore pop., II, 224 peuvent être cités ici pour mémoire; ils paraissent dus à des mélanges de nielle avec miel, mil, etc. ; cf. p. 228 les métamorphoses de l'ancien flamand neghelhloem en michel, muggebloem, iegelbloem, e~elsbloem (sans doute d'après

56 E Eniatilt.

Michel Michel; iitinr cousin, mouclieron; i\^el hérisson; e;el âne), etc.

13. ladtnvi, lacunar. A côté du sens classique << plafond lambrissé, lambris », ce mot latin en avait un autre : il est glosé ,3i0c:r, laciis aqiiaruin, lociis agiiarmii (Gœtz, vi, 619); c'était donc, comme lacuua, « une tosse, un fossé l'eau s'amasse ■». Ladtron peut être, en conséquence, le plu- riel en on d'un mot voisin du v. gall. hilharauc fangeux, du bret, « Latar humidité, brume. Brouillard » R'^' ms. etc. Gloss., 354. Troude donne latar m. brouillard, humidité du temps; Mil. iiis ajoute « et par extension saleté. Lalaren s. f. brume même signification que latar » A. latari v. n. peu usité, devenir humide, parlant du temps, Milin a barré « Peu usité », écrit au-dessus : « fréq'. au contraire », et ajouté : « et par extension salir » ; il a aussi « latarenna, v. n. deve- nir humide, brumeux, pluie fine qui tombe, mouille et salit » ; ces derniers mots devraient se trouver à lataren.

14. Sol, bas. Je crois que ce bas est extrait du génitif /^aj/^ (ou du plur. bases') de basis « base », d'après le rapport de vas, gén. vasis vase; cf. nas, ans, etc. Sol est le bret. mod. 50/, van. id. le fond, le bas Gr., du lat. solnui, cf. bret. moy. et mod. sol semelle, Gloss. 632, 633. il''' ins porte : ■■ Sol, semelle, sol botes, semelle de soulier pi. solioii », puis « Doubsolia, droucsolia, resemeler » (et à son ordre alphabétique « Doiiso- lia, doucsolia, Droucsolia, Resemeler, Raccommoder, refaire, Relever des Souliers, y mettre des Semelles neuves >i, cf. Epcn- thèse 31, § 36) ; puis « Soi, Soûl, plancher dune maison Sol-li, premier étage de maison » ; puis « Soi, bas, à terre, moni dar Sol, aller ou couler a bas, caçç a Lestr dar Sol, couler un navire à fond ». Mil. iiis porte « al lestr ;^c? goeledet beieg ar :(ol, le navire est coulé jusqu'au fond, c'est à dire jusqu'au sol, solide » ; au van. sol enn troet la plante des pieds, sol boteu des semelles de souliers que donne Trd, il ajoute « seul botes (U. h) seul an troad, plante des pieds (H. L.) ». Il y a mélange de deux mots : moy. bret. sol botes semelle de soulier (^ solnin pris au sens de solea, cf. M. Lat., 204), et sen:;} pi. seulyou talon, léon. seul, van. sél, = celt. * s{t)à-ll-, cf. lat. ob-stàchwi . R'=' nis a " Seu^l, Seul, talon, le derrière du pied. » Pryce cite un comique sol fondement. E. Ernault.

REMARQUES SUR LA METATHESE DE AE

EN BRETON-ARMORICAIN

M. Grammont a publié sur ce sujet, dans le 2' fascicule des Mémoires de la Société de liiigiiistique de Paris, 1906, p. 180 et suiv., un article copieux la question est exposée avec clarté et méthode mais qui présente cependant des lacunes et aussi des erreurs graves de faits et de principes.

II n'est pas douteux que M. Grammont n'ait raison de conclure qu'il n'y a pas de métathèse; il s'agit d'une évolution. C'est l'opinion que j'ai soutenue comme il résulte de la cri- tique même que fait M. Grammont de l'explication que j'ai donnée incidemment de kear et ker.

On ne peut également qu'approuver la répartition qu'il propose des faits concernant le changement de ae en ea en léonard moderne, en quatre catégories.

Pour le premier groupement, il y a deux lacunes à signaler : dans les monosyllabes on ae est suivi d'une consonne, une forme avec ea est attestée en léonard, nous dit M. Grammont. C'est exact, . mais il y a un cas ae, avant l'époque des textes, devient monophtongue. Pas plus en léonard qu'ailleurs, ae ne reste quand o-^y- ou û'hiv- précède : gall. giuaed, sang, léon.-trég.- corn. gu'àd. vannet. giuêd;gâ\\. givaeth, pire, léon.-trég.-corn. gwas, vannet. g-wech\ gall. chiuaer, léon.-trég.-corn. choar, vannet. hoer. En monosyllabe, en dehors du vannetais, la con- traction se fait donc en a. En monosyllabe, ae final dans la même situation, a le même sort : goa, malheur, gall. giuae.

I . Le comique qui réduit toutes les diphtongues à des voyelles simples a gos, goys (prononcez o-o/J, godi), sang, en face de ^^veth, pire.

58 /. Lotb.

Le phénomène d'absorption de la diphtongue est à la pré- sence degiv-, chw, qui soutient a. La différence d'évolution en vannetais est due à ce que, dans ce dialecte, le ton dans les diphtongues s'est porté de bonne heure sur le second élément : difren, narines ÇgaW. ffroen, moy.-bret. fromï); cwél, bois, gall. coét, léon. côat =*caiti-. Pour af précédé -de ,^îf-dans un poly- syllabe, ae se contracterait en e d'après : gall. gzuaelod, fonds bret. goelet ou goueht. mais l'étymologie est douteuse : cor- nique goles. Dans les monosyllabes cités, l'évolution ne saurait être attribuée à la consonne finale, car l'une est une explosive, l'autre une spirante.

Il y a une autre lacune qui ne porte que sur quelques mots mais qui ne manque pas d'importance en raison du jour que le traitement à'ai(ae) dans ces formes jette sur l'évolution de la diphtongue qui fait l'objet de ces recherches. Comment expliquer le breton moyen et moderne bre'ui, pourri, blein, sommet = gall. braen, blaen, en face de drean, épine, fiuan, gall. draen, maen, bret.-moy. draen, maen ? Cette question en soulève deux autres qui dominent tout le débat; l'une n'a guère été touchée par M. Grammont, l'autre est plus complexe qu'il ne paraît le croire : il s'agit d'abord de l'influence que l'origine même des diphtongues et la place de l'accent ont pu exercer sur leur évolution; ensuite de la différente évolution à'ae dans les dérivés ou composés suivant, en partie, les époques on les saisit.

Les diphtongues brittoniques ont des origines très diverses :

oe (léon. oa) = * ai vieux-celtique en passant paré et oe; oiie = ei vieux- celtique en passant par ê ' ;

voyelle -\- spirante -\- consonne (provenant de c ou^) : gall. Uaeth, lait, comique leth, moyen-bret. laei;^, léon. ka^, corn. /?X, vannet. Içch; gall. croes, croix, comique, crous, léon.- trég.-corn. croas, vannet. croes =^ criics\ v.-bret. ail, ange, comique^/, moy.-bret. ael, léon. eal, ailleurs, el;

I. Il ne faut pas oublier que l'Infection peut contrarier cette évolution. Le passasse de -os en -oa en léon. -corn. -trég. est relativement moderne. Pour? sortant de ei vieux-celt. il y a à remarquer que é latin évolue de même. En breton cet ê évolue en-oa, en dehors du vannetais, dans des cas déterminés , gall. -cwyr, cire, léon. coar, vannet. coer = cira, gall. hhuydd, léon. hloa^. Ces diphtongues peuvent aussi provenir de voyelle + ,^ spirante -p w, n.

Remarques sur la métathèse de ae eu breton arnioricain. 59

voyelle + 3- ou ^ -|- voyelle : gall. niaes; comique mes, moy.-bret. macs, léon. meas, ailleurs, mes = magestu-;

voyelle -\- ù devenant semi-voyelle : plur. des thèmes en -ti, -oti : v.-gall. -ou, moy-gall. -eu, comique -ou>, moy-bret. ou = aou et -û, léon. -ou, trég. -0, bas-vannet. et haut-corn. -aoii, haut-vannet. -nu (île de Groix -fo) = -oii-es ; v.-gall. anu, moy-gall. einu (une syllabe), comique hano, bret. hano, vannet. hàûi = *an9-men; gall. uianv (une syllabe), corn. marno, bret. tnaro, vannet. uiarû (une syllabe) = mar-uo-s;

diphtongaison sporadique en gallois et en breton de certaines voyelles longues devant la spirante gutturale sourde : gall, buiuch, bret. hioc'h et hiôch = buch.

En gallois on peut signaler en outre :

la diphtongaison de â long vieux-celtique accentué en -aiu ;

l'éclosion de toute une série de diphtongues par suite de la fixation de la résonnance palatale de la consonne mouillée à côté de la voyelle précédente : seint saints = *sanîi = san[c]ti; Prydain = *Prîten = *Pretania.

En breton on a encore :

diphtongaison par suite de la vocalisation de / devant ^ ou ^ (il y a des exceptions); léon. aod, rivage = ait;

diphtongaison par la vocalisation de v sortant de b ou m : partout dans le groupe -hn, mn, -ms : aoiin = *obno-; kein ^=^ kehno- ; dans un grand nombre de cas, lorsque la voyelle pré- cédant V est nasalisée : neô, ciel;

voyelles -j- dr = tr ou dr.

De plus, il y a notamment en haut-vannetais et à l'île de Sein, tm grand nombre de diphtongaisons modernes.

Ce sont les groupes et que nous avons ici à considérer. Danslecas2°, c'est-à-dire dansle groupe voyelle-{- spirante ,-\- coii- sonne la diphtongue est immédiate : elle existe du moment la consonne devient spirante. Dans le cas 3°, voyelle -|- spi- rante -)- voyelle, la nature des deux voyelles flanquantes et la place de l'accent ont leur importance. J'ai proposé pour le gallois la loi suivante ' : « Si la voyelle qui suit la consonne

I. J'ai traité de cette question : Métrique galloise, II, 2^ partie, p. 106 et suiv.

6o /. Lolb.

n'est pas en syllabe finale en vieux brittonique et qu'elle soit tonique, la diérèse subsiste. Il y a parfois flottement. Par exemple, lorsque la gutturale ^ devenue spirante est suivie de /, la spirante attire i dans la syllabe précédente; l'accent quitte plus tôt l'ancienne pénultième : giuein, gaine -- vâgina\ » Si les voyelles qui flanquent la spirante sont identiques, il y a tôt ou tard monophtongaison : rheen, rhen, chef = * rege-no, compte encore au xii^ siècle pour deux, mais aussi pour une syllabe; lleen, plus tard llcii = *legenda, le plus souvent n'en a qu'une, mais cependant dans un vers du xu^ siècle de la Myv. arch., 244, col. 2, Ihen est à rétablir au lieu de lien. Dans Taliesin (Four A.B. II, p. 144, v. 13) Lleenaivr a trois syllabes : Lleyn, péninsule du Nord-Galles, qui se prononce aujourd'hui Llyn {y entre il et /) a deux syllabes; breenbin, aujourdh'ui brenin, en a trois. Au contraire, aujourd'hui même, cyinraec, la langue galloise * coinbro- gîcâ, Cymraes, Galloise, ont trois syllabes.

En breton il en est de même : au gallois givain (précédé par giuoin) répond gonhiii ; l'accent est resté très longtemps fut l'ancienne pénultième devenue syllabe finale et y est encore spo- radiquement aujourd'hui. C'est aussi la raison de la diff'érence de traitement de ml, ange, et de kaçl, balustrade, grille; eal, moy.-bret. ael, v.-bret. ail, = * agelus, "àgslns (angélus); kael = *cagélla pour cancélla (Kôrting, Lat.-rom. Wôrt) : cf. gall. angel et canghell.

Lorsqu'en breton moderne, ac en monosyllabe suivi d'une consonne compte pour deux syllabes ou subsiste (en dehors de l'analogie) et que la chute de la consonne remonte au vieux- brittonique, on peut conclure que l'accent a été longtemps sur le second élément vocalique. C'est ainsi que ae::^, repos du bétail, mot léonard, a deux syllabes et non une, comme le croit M. Grammont. L'exemple qu'il cite d'après Le Gonidec, aé-a ne prouve rien. Laq, haut, a également deux syllabes'.

1. Métrique galloise, II, 2^ partie, p. 108-109.

2. La forme ahrelJahei, du moyen-breton, me paraît à peu près exacte ; le mot se décompose en : a hred ahe~, depuis le moment du repos du bétail (la partie du jour). Ae^ est à séparer de echoa^, bas-vannet. àhoe =^ gali. ecbwydd. La forme vannetaise citée lechué est fausse ; il n'y a que hié ou leûjé, avec un premier e très bref.

Remarques sur la niélathèsc de ne eu brctou anuoricain. 6i

Il va sans dire que ael, vent, forme de la Haute-Cornouaille, pour avel, awel, est disyllabique; de même meol, serviteur, pour meiuel; de même aen = aven, avon dans Pond-aen, Pontaven. Rien ne dit que ael et aen ne deviendront pas plus tard diphtongues; ils le sont peut-être dans quelque endroit déjà.

L'influence de l'accent est si marquée qu'une diphtongue ea venant de ae peut se scinder en deux syllabes, si le ton porte sur le second élément; à Ouessant on dit nieànad, jet de pierre, et ineinâta, lancer des pierres : iiiéan n'y a qu'une syllabe ' .

L'exception brein s'expliquerait très facilement par une forme * bragnio- mais cette forme est invraisemblable en présence des formes galloises et irlandaises. On serait encore tenté de le chercher dans le fait que brein appartient à la catégorie voyelle -{- spirante -j- consonne ( * brag-no-) tandis que drean appartient à notre groupe {voyelle -f- spirante -\- voyelle), mais l'analogie s'y oppose.

La véritable raison, abstraction faite d'influences analo- giques possibles dans le cas présent {breinadur\ c'est que brein se compose syntactiquenient avec le substantif et forme même de vrais composés {brein-krign): quant à blein il ne s'emploie g;ière qu'en liaison avec un substantif, dans des expressions unies par la prononciation : blein an ti, le sommet de la maison.

La 2'^ catégorie de M. Grammont {dans des disyllabes ou poly- syllabes où ae n'est pas en syllabe finale, une forme avec ea n'est pas attestée en léonard) demande, en eflet^ à être scindée en deux groupes au moins : le groupe la diphtongue ae, ea passe d'un monosyllabe par la dérivation ou la composition à un polysyllabe; le groupe ancien la diphtongue en polysyllabe n'était pas soutenue ou contrariée dans son évolu- tion par une forme monosyllabique parallèle, et l'évo- lution est vraisemblablement partie de ai.

I. Je relève ce fait dans la transcription phonétique très scrupuleuse des formes d'Ouessant que m'a adressée Dom Malgorn pour les Annales de Bre- tagne.

62 /. Loth.

Pour le premier groupe il n'y a pas d'exception; on a affaire parfois à des graphies en ae attardées ou encore ae exprime un son simple. M. Grammont a été induit en erreur par les dictionnaires bretons. C'est ainsi que p. 185-186, d'après des formes prises chez Grégoire de Rostrenen (dont une partie pouvait d'ailleurs être exacte à l'époque du brave capucin), M. Grammont déclare que le bas-léonard conserve Vétai ancien ae. J'ai sous les yeux toute la série des formes correspondantes à ae en moyen-breton, pour tout ce qu'il y a de plus bas-léo- nard; celles d'Ouessant fournies par dom Malgorn, originaire d'Ouessant, celles de Molènes (Mo/-^??«) fournies par M. Cuil- landre étudiant à la Faculté des lettres, originaire de cette île et prises par lui sur place en août dernier : partout ae devant e : eled, ele^; me:{ou, helek, erwant {aerouant) ; dere\ (eal, kear, drean, fea^^, niean, mear, etc.).

M. Grammont prend au sérieux ae:(en, vapeur chaude, vent d'ouest, vent doux, et explique le fait par une coupe de syllabe^ d'ailleurs contestable : ae-~en : ae se trouverait ainsi à la fin de la syllabe et dans le même cas que dans kaé, haie. Or, à -Molènes et Ouessant on a e~enn, singulatif non pas à'ae\ mais de ea:^ : ae:{en, comme as'^^ est une graphie attardée. Pour ae:[en la coupe de la syllabe ne pouvait pas produire plus d'eftet que dans d'autres mots comme se^en, rayon, tre^ery entonnoir. ^Ae':y, ea:^ est identique au comique é"//? =^*aeth, qiii a le même sens '.

Pour le second groupe, le résultat de la contraction n'est pas le même. La différence est due à une différence de quan- tité dans la diphtongue en relation avec la forme et même jusqu'à un certain point la place de l'accent. M. Rh^-s, dans ses Lectures o)i Wehh phonology, 2, 129 et suiv., il y a tant d'excellentes choses, dit que les diphtongues, en gallois, obéissent aux mêmes lois que les voyelles simples au point de vue de la quantité. Lorsqu'un monosyllabe devient polysyl-

1. Indique à Molènes la pèche à marée basse.

2. Pour la coupe de syllabes, v. J. Loth, Métrique oalL, II, 2^ part., p. 19 et suiv. ; p. 147-150.

3. M. Ernault (^GtoiS. -iiioy,-brct .) ix xort de rapprocher <7i'^ du basque «/:{«, ce qu'il n'eût pas fait s'il avait connu cth: le rapprochement avec le gaélique iiiteal est également impossible.

Remarques sur la méfaihèse de ae en hretou armoricain. 63

labe, sa voyelle perd de sa quantité : de longue elle devient brève : tâd, père, plur. tàdeii. Pour les diphtongues, l'écriture dissimule très souvent l'évolution. Elle est trahie cependant par certaines graphies : aeth, il alla, eiithum, j'allai (eu : il = i ou û semi-consonne); maes, nieusydd. On conçoit très bien que dans une diphtongue comme ai, ae, les deux éléments vocaliques sont à une si grande distance l'un de l'autre au point de vue de l'articulation, le premier élément ne puisse se maintenir que par un effort considérable. Cet effort, dans le cas dont nous parlons, est forcément contrarié et diminue d'intensité sur a ; les deux éléments se rapprochent et la diph- tongue est abrégée. De plus, le ton a une tendance manifeste à se porter sur le second élément vocalique. M. Rhys le constate nettement pour la diphtongue luy : giûydd, oie, mais plur. gwyddaii. Il en est de même en breton : ae ou peut-être plus exactement ai ' ne devient pas dans ce cas ae mais ei ; il y a rapprochement du premier élément au second par suite de la diminution de l'intensité sur a et d'une façon générale sur la diphtongue : ex. dreinek, bar, de draeii, drain =^ * dra~ gino-; meinek, pierreux ; breinar est identique au gallois braenar, fallow field, mais braciiar a été refait sur braen. En effet, la forme des lois donnée par Silvain Evans dans son Welsh- Engl. Dict., est brynar (y = û\ qui a été précédé par breinar (i •= / ou il semi-consonne). C'est la prononciation actuelle pour ei réduit dans bon nombre d'endroits du pays de Galles : torfydd = lorfeydd (cf. dans le Carnarvonshire Mynol, y Fynoï) écrit dans les dict. inaenol et ayant passé par meinol. En bre- ton, les formes refaites d'après le monosyllabe correspondant sont fréquentes : daeloii, pleurs, a été fait sur dael comme le montre la forme de Molènes deilou. Meanad est fait sur mean tandis que nieinata esc ancien. C'est ainsi que s'expliquent par la composition, par une diminution de quantité, Z'rgfw et blein. Dans des formes comme le gallois *brynar, breinar, il paraît

I. Il semble bien que ae, même lorsque la diphtongue perd en quantité et que les deux éléments vocaliques sont prononcés rapidement, arrive à ei. C'est ainsi qu'en bas-vannetais inaen n'est pas arrivé à aiâi mais à niein ou plutôt mën : or viain, une pierre, er vein, les pierres. En Haute-Cornouaille, on est arrivé à 7 ; à Faouët : or min. En comique, on a de même hJyn = bleui.

64 /■ Loth.

certain que le ton s'est porté dans ei de e sur i, comme il s'est porté de lu sur y dans gzuyddaïf en face de givydd. En breton, le fait est général dans les diphtongues ; quand un monosyllabe à diphtongue devient composé, le sommet de la diphtongue n'est plus sur le premier élément vocalique mais sur le second : cent, en léonard devient comme ailleurs en composition coât, 0 jouant le rôle de w consonne : coat-ûhel, coat-lôsket. Il ne faut pas non plus perdre de vue que dans ces composés l'accent principal est sur le second terme. Il en a été de même pour ae. Ajoutons que e dans ae -\- consonne, en composition, devenait ouvert : toute voyelle suivie de liquide -|- consonne, en breton, est ouverte : bèd, « tombe », mais «fr:(. Aussi tandis que caer, seul, reste longtemps intact, on a de bonne heure en composition ker- : il y a affaiblissement du premier élé- ment vocalique, ouverture de e, glissement de l'intonation du premier élément sur le second et réduction finale à une voyelle f qui devient brève, parce que l'accent du composé est sur le second terme. C'est un fait des plus connus que les diphtongues atones accomplissent plus rapidement leur évolu- tion. Il n'est pasimpossiblequedes formes counwe dreinek ont eu anciennement l'accent sur la dernière syllabe et non sur la diph- tongue. Dès le xi^ siècle, dans des chartes originales, on trouve Cher-mar, Cher-cavalloc, Cher-loscheit, Cher-cheresuc Q. Loth, Chrest., p. 113); cf. Mael, et Mcl-chi (ix^ siècle); Hael et Hcl-govarch, x.n^ siècle. Dans ces composés ae a passé par ff, ë. L'évolution dans les dérivés, en léonard, de monosyl- labes en ne, ea, a été analogue : m;( et e:ienn.

Reste la question du processus de l'évolution de ae en ea et ailleurs qu'en Léon, en e, dans les monosyllabes terminés par une consonne.

D'après M. Grammont, p. 185, il faut partir dans ce cas de ae avec e ouvert : « dans acT^ et kaer, la diphtongue est suivie d'une consonne qui appartient à la même syllabe et force fe a s'ouvrir. » Il serait cruel d'insister. M. Grammont a été évidemment obsédé par l'explication qui suit et la thèse qu'il avait dans l'esprit. Il sait aussi bien que personne par exemple que les r sont très variés : r dans l'irlandais fir = viri, viroi, est palatal et n'ouvre pas /, tandis que r vélaire de viros amène /(?r. Ce que M. Grammont pouvait, en revanche,

Remarques sur la iiiétathèse de ae en breton armoricain. 65

ignorer, c'est qu'en breton e suivi de r ou :( en monosyllabe accentué, est long et fermé : kèr, cher; bê^, tombe. La pro- nonciation française en a été influencée en Basse- Bretagne ; à Brest, le peuple prononce pèr, mer, au lieu de père, mère. Il faut reconnaître que dans certains monosyllabes à diphtongues, la seconde voyelle s'ouvre (coar, bloai) mais outre que le fait n'est pas bien ancien, il est inconnu en vannetais Ve est fermé. La raison doit en être cherchée plutôt dans l'action de la première voyelle et aussi de la seconde devenue plus ouverte sur la spirante, liquide ou nasale finale. Si ai est devenu ae dans caer, plus anciennement cair, c'est sous l'in- fluence de a. L'évolution de ae enèè n'existe, en réalité, avec certitude que dans les cas de composition. Partout ailleurs qu'en léonard, m'dans les monosyllabes est arrivé en général, à è long et fermé : kèr, èl, drên, fê:^, fier, mèn, lè^, mer, stèn, kè:{. La contraction de ae dans le groupe provenant de -aâr donne toujours è. \c\, on part de -aer. En effet, dans des formes comme laeron, ce n'est pas de lacfroii qu'il faut partir, c'est de Inêâron (^layâron) comme le montrent nombre de graphies et l'évolution à Ouessant la forme est laedron (cï. ialaedrec, lançon; ); paedroun, parrains, *paydron. Dans ces formes, e était suivi de deux consonnes dont une spirante et l'autre liquide.

L'argument est loin d'être décisit, il est vrai, parce que la contraction n"est pas bien ancienne.

Il est possible qu'il faille partir de caer (cair = cayr), mais on peut soutenir avec M. Grammont qu'il faille partir de caer, lequel serait devenu en passant par kèèr, kèr et kêr, mais en léonard kear, kénr % par une série de différenciations amenées suivant une métaphore inattendue de l'auteur de l'article, par la peur inconsciente de V assimilation complète et de la monophtongaison. La diphtongue actuelle, je crois, comporte

1. Dans bel, fourche de charrue, il est, je crois, ouvert; mais bel est ici précédé par haedl, gall. haeddct. Dans bel généreux, de même; mais bel ne sert que dans des idiotismes syntactiques. Sporadiquement il y a quelques exceptions facilement explicables.

2. M. Vâhhc RoussQlot (Les iiiotlifications pbonc'iiques du tangage, ^^. 261) nous montre è sortant de ai, ae, ei par aboutissant (", àè, ce, c.

Revue Celtique, XXVIII. 5

66 J. Lolh.

une autre explication : lesecond élément actuel en léonard peut n'être que la résonnance reii forcée parc très réduit de m', de /final ou delà spirante finale: s'il n'y pas de diphtongue, la résonnance de m'est pas suffisante pour constituer un élément vocalique ap- préciable. Si en léonard, nous trouvons pour rtp une diphtongue et ailleurs une monophtongue, cette différence n'est pas due, en léonard, à la phohie de la inonophtongaison, mais à une diff'érence dans la forme de l'intonation sur la longue résultant de la contraction et aussi à une articulation particulière de r en présence de e allongé. Le dialecte de l'ile de Sein nous éclaire sur les conditions de l'évolution. Dans ce dialecte, en dehors des monosyllabes, e ouvert devant liquides ou spirantes se scinde en eiî : ex. feâro, amer (/ à Sein remplace ç'hîu- devant ë et /). Fearo sort de ferw, en une syllabe : partout le mot est monosyllabe, on a e ouvert : vannet. hiierïu ^=-- sijenjos. Le mol Iç'ru' est passé à /tT(';on a eu sous l'accent fe^ro: e s'est allongé et -r ayant ici une résonnance vélaire, il s'est développé un ^^leiflaiit que j'ai marqué par petit a; puis l'accent s'est porté sur le second élément qu'il a allongé. Cet avancement de l'accent sur la vovelle de résonnance est bien connu en irlandais moderne : vieil-irl. Jîiin, blanc, irl. nioy.Jîouii; irl.-mod. jyoïni. On peut objecter qu'il y a des exemples de en venant de ae suivi d'une explosive : eat, great ; mais ce sont probablement des créations analogiques : cf. van netais grenn,']e faisais = léon. greanii, moy.-bret. graeii ; mais participe greit {giçyt) Ce qui tend à confirmer encore l'influence prépondérante de la spirante hnale, c'est que, en haut-vanne- tais, si on prend l'ensemble de ce dialecte, on n'a ea pour ae que lorsque ae est suivi (/'//;/(' spiianie gitlîiirale : = hcac h cae:{ =:gall. eaetJ}.

J. LOTH.

UN TRAIT DE L'ARMEMENT DES CELTES : LES DUO GAESA

M. Windisch (Tàiii Ci'ialge, p. xvii, p. 392 rem. 3) fait la remarque que les duo gaesa des Gaulois de Virgile {Enéide, VIII, 862; cf. Diefenbach Or Eiir. 350) se retrouvent aussi chez les Gaëls. Dans le Tain, 1. 4604, Iliach, lui, outre son épée, prend deux lances (da sieig : sleg paraît aussi avoir le sens de javelot). Ces duo gaesa étaient sûrement d'un usage courant chez leslrlandais. Cormac, The Ordeals, Ir. Texte, y série, i heic, p. 204) est armé de deux lances. Dans Tochiiiarc Ferhe (Jr. Texte, scr. 3, 2 h., p. 463), chacun des guerriers porte deux lances; ce sont des javelots, car, p. 480, Brod lance une de ses deux sleg. Dans le même morceau, p. 486, Mane prend ses deux grands sIeig. Dans les Lives of saints of Lisinore, p. xvi, M. Whitley Stokes signale également l'emploi des deux lances (ou javelots).

Les duo gaesa ont certainement été anciennement en usage aussi chez les Gallois : quand Kulhwch part pour son expédi- tion, outre le glaive, il porte à la main deux javelots d'argent bien aiguisés (J. Loth, Mahin., I, p. 191).

Enfin, le même armement se retrouve chez les guerriers ensevelis à Hallstalt. Von. Sacken, Das Grabfeldvon Hallstall, p. 36-37), signale deux lances de jet dans le tombeau 783, deux des deux côtés de la main gauche du squelette dans le tombeau 799, ^^wx autres dans le tombeau 791. Dans certains tombeaux, elles se trouvent en plus grand nombre. Dans le tombeau 259, avec une grande lance, se trouvait une javeline et une pointe de lance servant évidemment de javelot.

J. LoTH.

NOTE CRITIQUE

Par m. WALTER J. PURTON

In the passage R.C, XXVI, p. 136, § lo; 7 adnaidead œ icanu tri la &c. D"" Whitley Stokes translates "the}' wait" and suggests in his index, " perhaps for adnethat thev expect, they wait ".

I venture to suggest another translation, which seems to me more probable. I think the word means " they go " and should properly be adnaigit.

It is évident, that in this text the confusion of aspiratcd dh and ^b is in fuU swing; cp. adnadhad for adnaghad (the verv word with which we are dealing) fl'/V/),'7.'(r/;/ ïov ai^idhcchl, &c."

It is certain that in Middle Irish the verb aduaisyiiii amon^; varions other meanings sometimes meant " I go ". I cite the following instances : aliiaigini isin cuchtair Aisl. M.C, 91, ij ; ûtnaidifii i cumusc triu BB 455 a 3; alr.ûi'g Brian do thiprait LL 34 a 45 ; afnaig Ethne fades cosin dKii coi'dnic na Desse LU 54 34.

The word also appears in an intransitive sensé in adnaigit (adnaidit BB)codeaith i^.C.,XXIV, p. 174, whereD'W. Stokes renders " they surrender". Another common usage is with the p''eposition oc e.g. atnaig oc blassachtaig(he hegan smacking his lips) LB 216 a 12.

The word seems sometimes to hâve been confused with adaigim; at least there is verv little différence of sensé in ataig in poic di ardig LL 34a 45; and alnaig Tadg bulli do LL 329 y. 7. Cf. also ataig a dichelta ass LU 54 324; altaig Isac

Note critique. 69

ac lamachtad a laimi BB 236 ,'i 18; ataidh L. oc a taithmech co n-a glacaib BB 454 x 36, 37.

REPONSE DE M. WHITLEY STOKES

19. 12. 1906.

There is no doubt i\ràt adnaidead , Rc. 26, 146, § 10, stands for adnaigit or atnaigei and I would now translate it by ' iliey go on'. Tbe confusion of dh And gh \s one of the chief sources of difRculty in dealing with Middle Irish texts. As to ûtnaigiin see Windisch Wtb. 380.

The translation of adiiaigid Rc. XXIV, 174 is right.

I suspect that atnaigim is = ad-dn-aigim, where du is a petrified infixed pronoun. Hence the supposed confusion witli adaigim.

NOTES

OX THE BIRTH AND LII-K OF ST. MOLIKG

(Keî'iw ceUiqiii-, t. XXVH, pp. 257-312).

P. 257. D"' K. Meyer informs me that a third copy of this legend is contained in the Brussels ms. 5301, p. 58. The text, he says, ' is soniewhat différent' from that in Brussels ms. 4190 '-4200, e.g. the last two Unes of the quatrain corresponding with that in Revue celtique, XXVH, 274, are

ro diiga Dia don fraicc ina nderna do dichmairc. ^may *God forgive the woiiiuti ail the thefl she bas cominitted!

P. 25S, 1. 17, for M'antonness read wanton insolence.

1. 27. This taie, according to Mr E. Gwyiin (Proceedings 0/ the Royal Irish Academy, March 1906, p. 22) " is told also in the Life in Codex Kilkennensis. See « Ancient Life of St. Molvng ». bv P. 0'L[earyJ, Dublin : 1887, p. 22 ".

P. 261, 1. 6, /or mantles read spoils (bral. gen. biaile, ^" 4, note 3). P. 263, 1. 6, for mantles read spoil. 1. 9, for land read countrv. P. 265, 1. <), Jor meditating read contemplating. P. 269, 1. 12, for osterer aiid s,h read fosterer and his.

1. 2). for rébellion read marauding.

P. 272, §25,1. 9, dele très, which in the ms. is inserted iiiaii. rec.

P. 274, 1. 8, for Taircell read Tairchell.

P. 274 § 26, 1. 2, The inuinler oi the ms. should be corrected xovu'iinler, 3d sg. imperat, pass. oîmùiiiini' I te.ich ', and coniciits should be corrected to' co ndichius' ' that I may go '. Translate accordingly (p. 275, 1. 17) " And if I hâve, let it be told (lit. taught) tome so that I may go and dwell therein '

P. 276, § 29, 1. 5, lossicorcra is probably ace. pi. lus corcra, some purple or crimson plant. Translate accordingly

1. Misprinted 1490 in Rev. Celt., XXVH, 257, 1. 6.

2. Cf. dc-chos LU. 129a 10, -deochus 70» 19, -dechas-sa VBL. 52» 13, -c'citisLU. 70-» 13, 19 (Strachan, Sigmatic future, p. 11), coudigitis[s]a, Passions and Homilies 1570.

Birth il m! life of Si. Moliiio. 71

P. lyiS, '] 55, 1. 5. The dcchais of thc ms. should be corrected to ik'cbais. 'l'iien in thc translation, /c/- thcncc went, n'cul he lookcd.

P. 282, 1. 3. The coiTupt Tascii should probably be corrected to Tiisciia 2 sg. of a subj. used as imperat. ol lasciiaiiii.

P. 283, 1. ~\,for Draw. . . rcad. Corne hither (///cj.

1- 13, for God rend mv Lord.

P. 287, 1. 2, for rebeiling rend marauding.

P. 288, § 48, 1. 8, omit [somh], which makes the line hypermetrical.

P. 289, § 48, 1. 8, for he would read may he. And in 1. 9 for it would rend (bis) ma\' it. In line 10, for knowledge vve should perhaps rcad home, eol, as to which see Revue celtique, XIII, p. 2, 1. 28, where rauu : co eol fein should be rctiiic co a col fèin, as in Harl. 5280, f" 109, I. 2, and cf, B. Bail., p. 402, 1 4s, dia ecbtra coa eol. The last line should, I now think be rendered thus : because this is \\hat is désirable; hcre I am in grief, eo grief, whence colclhtirf .1. doilgheasno dobron, O'Cl., rhymes with eol home or knowledge. Homonvms mav rhvnie when their meaningsdifFer. Gwynn, Todd Lectures, IX, 95.

P. 290, ^'. 51, last Une, yi'/- dèn[aid| rciid den[tar] and in the preceding line omit thc colon.

P. 291, 1 51, 11. n, 13, for to ihe place cXcrcad, and let the boun- dary be fixed (lit. made] at the place in which we shallforgather.

1'. 292, 1. 3, for Cendslêbhe read Cind Slêbhe, and in the translation rcud Gonlon Cinn of Sliab Bladma.

P. 293, 1. 6, for reached him lead he should reach.

[^, 53. In the text grés, nov,' gréas, gen. oréis, means needlework or embroiderv In the translation, therefore, read (cf. 293, § 53) the woman brought him a cow's milking, which she had earned by needlework, for there was no other food in the house save what she was gaining by her needlework.

P. 294, § 58, I. I, bdghacJj may be a scribal error for bcidhach 'tond', cognate with hdide 'fondntss', § 39, 8, 10, with which the Hesychian ^fô-iov -poscp'.li:, rfi'j has been compared. If so, translate (p. 295) and he was fond of the Leinstermen'.

P. 295, 1. 10, for ' Tis long. . . /•('((</' Tis far hither (in this direction).

^ 56, 1. i,for left /•('(/(/ got. P. 296, 1. 3 , /ti/- corTiî read corb'i

P. 297, S 61, 1. 4, for anon départs read he recovers at once.

î^ 64, 1. 3 , /o?' escaped froni death iwui recovered. P. 299, ."^ 66, 1. 6, for o read to.

P. 302, 1. 2, oidiiiait, an leg. gid iiiaitli ?

P. 303, 1. 3, /or and read it, and to. For Tocdiu read leat (watercourse made bv S. Moling for his monaster\-). L. 3, for and go from it read and perambulate it. Note i for rivt'r (?) read watercourse.

P. 307, 1. 7, /('/• g read of.

P. 308, 1. 2, dele dechais 33, and for niisformations rcad a misformation.

P. 510, (Wc the article grés.

1. 10, ille 37, 55, /;///;«■ (il-leth) is certainlv the meaning.

72 IVhUley Siokes.

P. 310, i. 25, as to /()'.?/, V. supra, p.

P. 311, midhcmain, ivid. .1. l'cchain, Lee. Gloss. 385.

P. 312, tasca, V. supra, p.

s. V. tucsat, /('/• orthotonic read prototonic.

For many, perhaps most, of the above corrections I ani indebted to the kindness and of MrO. J Bergin, prof K. Mever and the Rev. Charles Plumnicr. Loiidon, 10 December, 1906.

Whitlev Stokks.

PosT-scRiPTUM. As regards iocdiii, Mr Plummer has iound in tiie Latin Life of S. MoHng in the Codex Kilenniensis » rivuluni aque de quodam ampne separavit ipse et duxit iHum... ad monasterium per unum miliarium. »

« Promisit S. Molyng semper orare... pro peccatis eorum cui ambulaturi sunt illam aquam... more peregrinandi. »

Thèse extracts explain tôcdaii and non-imtii^fc in '^71.

Whitlev Stokes.

CHRONIQUE

DE NUMISMATIQUE CELTIQUE

Dans une localité indéterminée du département de la Marne entre Reims et Chàlons-sur-Marne, en novembre 1905, on a dé- couvert un grand trésor de monnaies d'or gauloises dont j'a' examiné environ 400 exemplaires chez divers changeurs de Paris '. La trouvaille ne comprenait probablement que les deux sortes que j'ai vues : i*^ Statères attribués aux Morini (poids moyen, 6 gr. 50; titre, 700, 1000); Statères globuleux, marqués d'une croix, semblables à ceux qu'on a déjà recueillis non loin de Reims ' (poids moyen, 7 gr. 30; titre, 685/1000).

Un autre lot de 14e pièces, provenant du même trésor, a été étudié par M. Victor Tourneur, conservateur-adjoint au Cabinet des médailles de Bruxelles, qui a exposé une hypothèse intéressante au sujet des pièces globuleuses 5. Ces monnaies coulées négligem- ment sont d'or allié d'argent si inégalement que des analyses répétées ont donné 650, 675, 700 et même 800 millièmes d'or. M. Tourneur a rappelé les provenances de pièces globuleuses que j'avais indiquées et il a assimilé les statères du trésor recueilli récemment à ceux qu'on a trouvés à Moinville, prés de Melun-t. Mais il faut faire une distinction très importante pour la question : les statères recueillis près de Melun portent, à côté de la croisette, un petit torques, très nettement dessiné 5. Ces pièces ne peuvent donc être considérées comme appartenant à la même émission

1. J'ai signalé cette trouvaille dans la Kcvin' numismatique, 1906, p. 76. Malgré mes efforts je n'ai pu connaître exactement le lieu de la découverte.

2. Voy. mon Traité des monnaies gauloises, 1905, p. 476, 522 et 540; trésor de Sainte-Preuve (Aisne).

3. U)U' monnaie de nécessité des Bellovaques, dans la Galette numisnmtique de Bruxelles, t. X, 1906, p. 83-93, i fig.

4. Voy. mon Traité des m. gaut., p. 591, n" 220.

5. M. Tourneur raisonne comme si une seule pièce de ce genre avait été recueillie et émet un doute sur l'existence du symbole signalé. Mais plu- sieurs exemplaires ont été sûrement recueillis et je peux en signaler un avec_ le torques très distinct (collection du D"" L. Capitan).

74 A. Hhuchcl.

M. Tourneur pense que le poids des statures globuleux (7 gr. à 7 gr. 50) autorise à les rapprocher du poids des statures bello- vaques ordinaires (7 gr. 20 à 7 gr. 80). Il rappelle que j'ai consi- déré comme contemporaines des campagnes de César les cachctf s de statères des Morini. Or on a vu que des pièces de ce peuple étaient associées aux statères globuleux dans le trésor de Reims- Chàlons. M. Tourneur cite ensuite les passages de César l'inimitié des Bellovaci contre les Rémi est mise en évidence. On sait, enfin, que les Bellovaci se décidèrent à envoyer avec les Morini et les autres peuples du Nord un contingent de 2000 hommes, au secours d'Alesia

M. Tourneur suppose donc que les statères globuleux, produits d'une fabrication hâtive, trouvés en 1905, avec des statères des Morini, sont des « monnaies de nécessité, coulées par les Bellovaci « à l'occasion de l'expédition de secours vers Alesia et pour la « guerre contre les Rémi ». Les Bellovaci les auraient semées depuis Orléans jusqu'à Melun', en fuyant vers leur pays après la chute d'Alesia. Enfin les dépôts, découverts dans le pays des Rémi, y auraient été enfouis par les Bellovaci et les Morini, qui le dévastaient lorsque les lésions de C. Fabius et de L. Minucius Basilus y arrivèrent au secours des Rémi. On voit que l'hypothèse est ingénieuse. Mais elle soulève des objections sérieuses.

D'abord les pièces recueillies près de Melun sont siàrement d'une émission différente et d'une fabrication plus soignée. Ensuite, il n'est pas admissible que les Bellovaci, revenant d'Alise, aient passé par Orléans; leur route, naturelle et nécessaire, était la vallée de la Seine jusqu'au pays des Tricasses ; de ils pouvaient repasser sur le territoire des Rémi, leurs ennemis.

Enfin, l'objection principale est celle-ci : Dans quel but les Bellovaci auraient-ils fait une émission monétaire au moment de partir vers Alise ou chez les Rémi ? Les Gaulois ne payaient pas pour lever les troupes et les équiper; chaque peuple avait ses guerriers et la nation bellovaque était éminemment militaire. Les Bellovaci ne pouvaient emporter dans leur expédition un numéraire qu'aucun autre peuple n'eût accepté, car il était informe et plus imparfait que ceux des peuples voisins. D'abord à cette époque, les lois de la guerre étaient encore plus dures qu'aujourd'hui : on ne payait pas, on prenait. Il est donc peu vraisemblable que les Bellovaci aient promené leur trésor devant Alise- ou chez les Rémi. Si Ton admettait que les monnaies globuleuses ont été

1. La phrase de M. Tourneur les pièces semées -de Cenabum à Melodunum » ) fait allusion aux statères globuleux dont j'ai signalé la dé-:ouverte à Orléans. Mais on en a trouvé aussi ailleurs.

2. On n'a pas trouvé de statères globuleux dans les fouilles des retran- chements d'Alise plus d'un Bellovaque a succomber.

Chronique de iiuiiihinatiqiic ceJlique. 75

enlises par les Bellovacr, il serait préférable de supposer qu'elles ont été coulées sur le territoire des Renii avec le produit du pillages Enfin, remarquons que les statéres des Morini, recueillis entre Reims et Chàlons-sur-Marne, présentent des différences assez sensibles, qui indiquent des émissions successives. Et, parmi les pièces globuleuses que j'ai pu examiner, un certain nombre paraissaient avoir circulé. Il est donc peu probable que le trésor de Reims-Châlons ait été enfoui très peu de temps après la fabrica- tion des pièces.

II. M. O. Vauvillé a réuni toutes les variétés de monnaies portant le nom de Criciru *, qui, comme on le sait, ont été recueillies en grand nombre, dans Toppidum de Pommiers, qui est peut-être le Noviodunum Suessionum +. L'auteur a indiqué un certain nombre d'autres provenances; mais son relevé eût pu être plus complet, s'il eût consulté simplement mon Traité. Pour les pièces de bronze, les variétés sont nombreuses et les déformations de types et de légende indiquent un monnayage assez prolongé. La tête, coiffée d'un casque hémisphérique, est généralement imberbe ; on connaît cependant des exemplaires, beaucoup plus rares, la tête porte une barbe en pointe. Le cheval ailé du revers, avec l'aile, soit arrondie soit triangulaire, est toujours à gauche. La légende est généralement CRICIRV; mais on a un bon nombre de variétés donnant la forme CRICIRONIS ^• M. Vauvillé dit que le revers de cette monnaie présente des variétés plus nombreuses que le droit (ce qui ne me paraît nullement prouvé) et donne de ce fait l'explication suivante : le coin fixe de la tête aurait été concave, car le droit des pièces est toujours convexe. Il eût par suite été plus solide que le coin mobile et convexe du revers ; le résultat nécessaire aurait été un changement plus fréquent du coin du revers. Je crois que la forme hypothétique des coins de Criciru eût été peu pratique et qu'elle eût donné des résultats contraires ceux que suppose M. Vauvillé. En eftet, la

1. Ce qui me paraît difficile, puisque les produits d'une autre émission sont localisés près de Melun.

2. On serait d'ailleurs autorisé tout autant à dire que ce numéraire fut fabriqué par les Rémi, dans cette période critique.

3. Rev. uumisuiatique, 1906, p. 117-131, 31 fig.

4. M Vauvillé a publié un nouvel inventaire de monnaies gauloises et romaines, recueillies à Pommiers, dans un mémoire récent (Ueuceiutc de Pommiers, Noviodunuiii des Siiessioiies, 1906, p. 35 a 43; extr. des Méiii. de Iti Soc. des Antiq. de France).

5. M. Vauvillé a donné des transcriptions de légendes, qui, à première vue, paraissent très différentes (no^ 11, 12 et 15). En réalité il s'agit sim- plement de légendes dont les lettres sont déformées. Le no 9 doit être mal lu pour la 7e lettre, qui est probablement un O et non un D. On sait que Charles Robert faisait de Criciroiiis le génitif de Criciru.

76 J. BlcDichct.

bordure circulaire du coin concave n'aurait pas tardé à s'écraser, car la pression eût été plus forte sur les bords qu'au centre le métal du flan avait plus de place pour s'étaler.

Les monnaies d'argent de Cricini portent un buste jeune ', avec le cou paré d'un torques. Au revers, un cheval, non ailé, est accom- pagné d'un dauphin. La légende est CRICIRV et l'on rencontre quelques déformations qui n'ont pas de valeur scientifique.

Enfin, la monnaie d'or porte une dégénérescence de la tête laurée, à rapprocher de celle qui est empreinte sur les statères des Rémi et des Nervii. Au revers, on voit un clieval accompagné d'une fibule et de divers emblèmes (étoile, S couché, rouelle ou annelets). La légende est CRICI a^^ droit ou CRICIRV au revers.

Des conclusions de M. Vauvillé, nous accepterons celle qui fait de Criciru un personnage - suession. Le monnayage a probablement duré pendant un temps assez prolongé; mais je ne saurais admettre, avec -M. Vauvillé, que la preuve de ce fait soit tirée des effigies des monnaies. Nous ne sommes pas autorisés à dire que ces monnaies portent le portrait du chef Criciru. La question des portraits véri- tables sur les monnaies gauloises est loin d'être tranchée s. Il n'v a d'ailleurs aucun rapport entre la tête casquée des monnaies de bronze et la tête nue, parée du torques, que portent les monnaies d'argent. Je verrai volontiers sur les monnaies de Criciru des types imités de types romains : le Pégase est pour nous faire penser à d'autres emprunts du même genre +.

III. A propos d'un petit bronze d'Auguste au revers de l'aigle éployé, dont les exemplaires seraient très communs à Alise, on a dit récemment : que cette monnaie a certainement été frappée en Gaule, parce qu'elle a été plusieurs fois imitée << par les monnaveurs barbares » ; que la frappe pourrait en être attribuée « à l'atelier « inconnu (peut-être Eduen) duquel sont sortis, non seulement « les pièces au revers GER!VIAN»/S INDVTILLIL, mais aussi, sans « doute, les petits bronzes d'Auguste au revers du taureau cornu- " pète » 5. Je crois bien que la solution de ces problèmes n'est pas aussi facile que le ferait croire l'exposé rapide qu'on vient de lire.

J'ai déjà dit ailleurs quelques mots du bronze à l'aigle éplové, dont on a trouvé six exemplaires à Sens, en 1897 '', et d'autres sur

1. M. Vauvillé signale une variété avec une tête barbue, sans torques (no 28).

2. Je ne dis pas un « chef», comme le fait M. Vauvillé.

3. Voy. ce que j'en ai dit dansmon Traité des m. i^aul., p. 153-157.

4. Il est bien regrettable que M. Vauvillé ait omis de comparer le mon- nayage de Cricini avec celui de Roveca, localisé chez les Meldi. J'avais déjà indiqué Futilité de cette comparaison (Traite, p. 364).

5. Seymour de Ricci, Bulletin des fouilles d'Alise, publié dans Pro Alesia, 1906, no I, p. 7.

6. Examen des monnaies i^auloi^es cl romaines recueillies à Sens, en i8^j, dans Butl. So'-. archcol. de Sens. t. XXI, 1905, p. 247.

Chronique de nuinismatique celtique. 77

divers points de la Gaule. Cette monnaie à l'aigle a été copiée comme ornement sur un vase d'Arezzo ' et d'autre part, la frappe et le style en sont meilleurs que ceux des bronzes de Lugduinim, puisque les deux côtés de la monnaie sont de bon travail. Il y a donc des présomptions en faveur de la frappe de cette monnaie dans l'atelier de Rome.

Quant au bronze d'Auguste avec le revers du taureau cornupéte, je crois aujourd'hui qu'il est sorti de l'atelier de Lugduvum ^, qui fut sûrement le grand atelier officiel, organisé en Gaule, sous le régne d'Auguste. Il y a une différence notable entre les bronzes d'Auguste au taureau, dont le style reste sensiblement égal, et les bronzes de Germauus. dont je connais de nombreuses variétés. Dans l'état actuel de la question, on ne saurait admettre que les deux monnaies, d'aspect très différent, sont sorties du même atelier.

IV. Il V a quelques mois, M. Friedrich Kenner publiait une monnaie celtique qui présente un grand intérêt '. En voici la des- cription :

GESATORIX-RE-- Buste imberbe à droite, avec une couronne de laurier (?) ou une coiffure ornée d'un diadème.

Revers. ECRITVSIRIRECM- Buste analogue d'un dessin diffé- rent. Diamètre, 26 mili. ; poids, 11 gr. 96. Muséum Carolino- Augusteum de Salzbourg.

Cette pièce a été trouvée, en juin 1904, sous une pierre, dans le massif montagneux de la Tauern de Mallnitz ou Basse Tauern, à environ 2400 mètres d'altitude, entre la région de Salzbourg et la Carinthie. La monnaie appartient à cette série, localisée au sud des Alpes entre Cilli et Udine, et qui comprend les pièces avec les légendes Adnania, Neiuel et Atta. Les deux noms Gesaiorix et Ecri- lusirus sont nouveaux dans cette série, et M. Wilhelm Kubitschek vient de les étudier récemment ■*. Il pense que les deux légendes doivent être réunies et lues ainsi : G{a^esalorix re\x\ Ecritusiri regÇis) JîlÇius), et rapproche cette lecture des inscriptions de diverses monnaies gauloises, bretonnes et romaines, dont les légendes du droit et du revers doivent être réunies.

1. Ce vase a s< rvi de modèle aux potiers de Lezoux. Du fait que des vases gallo-romains portent aussi la reproduction de la monnaie à l'aigle, on ne saurait donc conclure que cette pièce a été frappée en Gaule.

2. Les raisons de cette opinion sont celles que j'ai données à propos de la première mornaie de Liiodunuiii (Traité des m. Gauh, p. 429).

3. Fr. Kenner, KeJtische Miii!~e voiii Malhut:ier Tauern an der Gren:^e liulschen Sal:ihurcr und Kârnthcn, dans les MittheiJungen â. k. k. Zenlral koinuiission, 3^ s'^, t. IV, Vienne, 1905, co!. 159-161, fig. 41.

4. W. Kubitschek, Kôiiij^ Ecritusirus dans Jahresheften des osierreichischeii anhïoloo-iscben Iiisfitiilcs. t. IX, 1906, p. 70-74, fig. 21.

78 A. Blanche l.

Le nom Gaesatorix est connu par des textes de Strabon et de Polybe. Q.uant à Ecriltisims, c'est peut-être le même nom que celui de Kritasiro'^, roi des Taurisci, qui avait été mis en déroute, avec les Boïens, par Burebista, roi des Daces, à l'époque de César '. Les noms celtiques dont la iinale est -sirus sont rares ; d'autre part le E prosthétique est possible, de même que la chute de la même lettre dans le texte grec. Hn tout cas, Crilo et Hcrito sont connus par une marque de potier, des inscriptions de Narbonne et une monnaie gauloise ÇEkrifo) '. Remarquons encore qu'on a les formes Critognatus, Ecritogtialiis, pour le nom d'un Arverne cité par César. Les monnaies du groupe auquel appartient la pièce décrite plus haut sont contemporaines î du fait histcMique rapporté par Strabon. L'hypothèse de AL Kubitschck, que Gaesatorix serait le fils d'Ecri- tasiros, vaincu par Burebista, offre donc une part suffisante de

probabilité.

Adrien Blanchkt

1. Strabon, VIII, 3, 11, et 5, 2.

2. Vov. mon Traite, p. 119 et 389. On connaît aussi Inccrilnrix {Ibid., p. 383).'

3. On en a trouvé avec une monnaie romaine datée de 43. av J.-C.

NÉCROLOGIE

G. ASCOLI

Nolicc lu'crolooique lue à V Acadcniie des inscriptions et helles-Ieltres.

Un des plus anciens et des plus illustres parmi vos associés étrangers, M. le professeur Graziadio Ascoli, sénateur du royaume d'Italie, est mort à Milan, le 20 janvier, à l'âge de soixante-dix- huit ans.

Ascoli occupe un rang très élevé dans le groupe des savants du xix^ siècle qui ont constitué la linguistique moderne. Hébraïsant dès l'enfance il était de naissance Israélite un goût tout spontané le porta de bonne heure vers Tétude des langues romanes; âgé de seize ans à peine, il étonna les philologues par un travail comparatif sur les parlers de la Valachie et du Frioul. Bientôt, outre le grec et le latin, il apprit le sanscrit, le zend, le gothique, le lithuanien, les langues slaves, presque toutes celles de l'Eu- rope moderne, v compris le tsigane et les dialectes néo-grecs comme le tsaconien. Mieux armé qu'aucun de ses contemporains pour la recherche des lois du langage dans le vaste domaine conquis par son zèle de poly- glotte, il fonda, à vingt-cinq ans, la première Revue de linguistique qu'ait possédée l'Italie, Stiulii orientali e liiiguistici. En 1860, il eut l'honneur d'inaugurer à Milan, il le continua jusqu'en 1902, l'enseignement d'une science depuis longtemps négligée dans la Péninsule ; la plupart des ouvrages qu'il publia dès lors furent le fruit de ses leçons, se sont formées des générations de linguistes. Ses principaux livres ont été traduits en allemand et ont exercé une influence durable au delà des monts. Non moins utile fut l'excellent périodique qu'il créa en 1875, sous le titre d'Archri'io o-lottologico italiano, il a publié une foule de mémoires sur les langues de l'Inde et de l'Italie, objets favoris de son étonnante activité.

Convaincu de la parenté originaire des familles de langues aryennes et sémitiques, Ascoli n'a pas trouvé beaucoup d'adhérents sur ce terrain de comparaison, peu desavants, d'aillleurs, étaient capables de se mesurer avec lui. Mais il se révéla maître incontesté dans la phoriétique des langues indo-européennes et des langues romanes. Un des premiers, il introduisit dans ces recherches la phonétique physiologique, la connaissance minu- tieuse des notations des sons par l'épigraphie, l'idée féconde que les diffé- rences phonétiques des langues de même souche sont dues soit au contact

8o Nécrologie.

de langues d'autres familles, soit à l'habitude bien des fois séculaire d'une langue indigène chez les peuples qui adoptèrent une langue importée. C'est ainsi qu'il mit en lumière, dans le sanscrit védique, l'influence des langues dravidiennes de l'Inde, comme celle des langues celtiques dans certains par- 1ers de l'Italie. L'étude des dialectes italiens modernes reçut de lui une énergique impulsion Sur les confins du domaine italien, il fut le premier à analyser scientifiquement, dans sa complexité et sa corruption, la pho- nétique du groupe rhéto-roman ou ladin, auquel il consacra un mémoire célèbre en 1872. La recherche des influences celtiques ou germaniques le conduisit, d'une part, à l'étude des dialectes du sud-est de la France et de la Suisse, intermédiaires entre le français et le provençal, et de l'autre à celle des langues celtiques du moven âge, en particulier de l'irlandais. Il publia, depuis 1878, un commentaire philologique approfondi sur le vieux manuscrit irlandais de la bibliothèque ambroisiennede Milan. Vers la même époque, avec cette puissance d'enc\-clopédiste qui lui permettait de passer sans eftort d'un sujet à l'autre, il enrichissait l'épigraphie hébraïque d'un travail de premier ordre sur les inscriptions juives du ro\-aume de Naples et de la catacombe de Venosa.

Je ne saurais exposer ici, même en substance, les mémorables conquêtes d'Ascoli dans le domaine spécial delà philologie ar\-enne. Ses découvertes, qui concernent particulièrement les gutturales et les palatales de la langue mère, dont elles aftectent également le vocalisme, sont d'une telle portée et d'une telle richesse que Fritz Bechtel, dans son Histoire de la plmnctique depuis Schleichcr, publiée en 1892, eut besoin de près de vingt-cinq pages pour les résumer. Le développement ultérieur des études de phonétique indo-européenne par MM. de Saussure, Brugiiiann et d'autres, a été pré- paré et prévu, dans une large mesure, par le génie du grand linguiste ita- lien. C'est un h()mmage que les maîtres plus jeunes lui rendent à l'envi depuis trente ans.

Ascoli ne rechercha pas les honneurs, mais il en reçut beaucoup. Membre de la plupart des sociétés savantes de l'Europe, il fut élu associé de votre Académie en 1891, à la place de l'indianiste Gorresio ; il était votre corres- pondant depuis 1877 et avait reçu de l'Institut de France, en 1885, pour ses Leltere glottolo^iche, le prix Volney. Hn 1889, le roi d'Italie l'avait nommé sénateur. Milan lui a fiiit des funérailles solennelles. .'\ux voix élo- quentes qui se sont élevées sur sa tombe pour rappeler une existence si bien remplie, la respectueuse sympathie de ses confrères de France ne pou- vait manquer ici de faire écho.

Salomon Rein.^ch.

CHRONiaUE

Sommaire. I. Travers, De la persistance de la langue celtique en Basse-Bretagne depuis l'établissement des Celtes dans la péninsule armoricaine jusqu'à nos jours.

II. Ele.\nor Hull, a Tcxt-book of Irish Literature. III. Philippe de Félice, L'autre monde, mythes et légendes, le purgatoire de saint Patrice. IV. M. Sheean, Sean-caint na n-Deise. V. Alfred Holder, Die Reiche- nauer Handschritten. VI. V"= Hervé du Halgouet, Essai sur le Porhoet, le comté, sa capitale, ses seigneurs. VII. Jessie L. Weston, The Legend of sir Perceval, vol. I. Chrétien de Troyes and Vauchier de Denain. VIII. J. Vessereau, Rutilius Namatianus, édition critique. IX. René Pichon, Les derniers écrivains profanes, les panégyristes. X. Adrien Blanchct, Les enceintes romaines de la Gaule. XL Edouard Mariette, The roman Walls. XII. DucHESNE, Autonomies ecclésiastiques. XIII. Hermann Hirt, Die Indogernianen. tome IL XIV. Thésaurus linguae latinae, editus auctoritate et consilio academiarium quinque Germanicarum, vol. IL XV. Ludwig Traube, Quellen und Untersuchungen zur latcinischen Philologie des Mittelalters.

XVI. Victor Lederer, Ueber Hcimat und Ursprung der mehrstimmigen Tonkunst XVII. E. C. CIuiggin. A Dialect of Donegal. XVIII. Robert HuNTiNcrON Fletcher, Studies and Notes in Philology and Literature. XIX. Anatole Le Braz, Le théâtre celtique. XX. Roger, L'enseignement des lettres classiques d'Ausone à Alcuin. XXI. J. Nanglard, Le livre des fiefs de Guillaume de Blaye, évêque d'AngouIême. XXII. Louis Halphen, Le comté d'Anjou au xi" siècle. XXIII. A. Carnoy, Le latin d'Espagne d'après les inscriptions. XXIV. Kuno Meyer, Ancient Gaelic Poetry.

XXV. ¥,. W. R. Nicholson, A. W. Wade Evans dans Y Cymmrodor, t. XIX.

XXVI, Kuno Meyer dans Todd Lectures séries, t. XIV. XXVIl. AlbertCuny, Le nombre duel en grec, Les préverbes dans le Çatapathahrâhinaiia . XXVIII. Ch. Brusson, Les colonies grecques d'après l'Ancien Testament. XXIX. H. Kern, Vaitulya, Vctidla, Vctulyaka. XXX. Louis Gougaud, Un point obscur de l'itinéraire de saint Columban venant en Gaule.

I

Notre savant confrère M. J. Loth a écrit : qu'au ye siècle la péninsule armoricaine était complètement romaine de langue et de culture '. Pour réfuter cette thèse, M. Albert Travers, directeur des postes et télégraphes en retraite, inspecteur général honoraire, a écrit une brochure de io6 pages dont le titre est : De la persistance de la langue celtique en Basse-Bretagne depuis TétahUsse)iient des Celtes dans la Péninsule armoricaine jusqu à nos jours.

I. Ucniigration bretonne en Annorique du F* an J^II^ siècle de notre ère, p. 235.

Revue Celtique, XXVIII. 6

82 Chronique.

Il ne donne pas ce nous semble une seule preuve valable à l'appui de sa doctrine. Toutefois, il est intéressant de voir comment peut encore être défendue aujourd'hui une thèse généralement abandonnée, mais qui a eu jadis de nombreux partisans.

Une œuvre d'une toute autre valeur est le volume que Miss Eleani^.r Hull a intitulé : A Text Book of Irish Literahiie '. C'est un résumé de la littérature la plus ancienne de l'Irlande, tant païenne que chrétienne. Un second volume parlera des annales et de la littérature ossianique. II. est à regretter que l'analyse de chaque morceau ne soit pas accompagnée de l'in- dication de l'édition ou des éditions l'on peut trouver le texte irlandais. Miss Eleanor Hull nous promet une bibliographie dans le second volume à venir. Ce sera moins commode que ne le seraient des notes nu bas des pages dans ce volume-ci. Autre critique : le même volume débute par une table des chapitres ; il n'y a pas de renvois aux pages. Enfin on peut être étonné de trouver dans ce volume, p. 85-87, l'analyse des deux morceaux intitulés Aidai chloiiiuc Lir « Mort tragique des enfants de Ler », Aided chhiune Tuireiin « Mort tragique des enfants de Tuireann », qui ne peuvent guère remonter au delà du xviiie siècle. Miss Elanor Hull dit, p. 87, que dans le glossaire de Cormac écrit vers l'an 900, les fils de Tuireann sont mentionnés. Je ne les trouve pas dsinsV Index of Persans mis par M. Whitlev Stokes à la fin du Connac's Glossary. E. O'Currv, AUantis, t. III, p. 597, a écrit que la plus ancienne mention des fils de Tuireann se trouve dans le Book of Lecan qui date de 1416.

Ce sont de légères critiques au sujet d'un bon livre.

III

M. Philippe de Felice, hanté par le désir d'étudier le Folk-lore chrétien, est allé en Irlande visiter le Purgatoire de saint Patrice qui apparaît dans la littérature latine vers la fin du xiie siècle, chez Jocelin, Vie de saint Patrice, chez Giraud de Barri, Topo^^raphia ////ww/Vj, et dans l'ouvrage spé- cialement consacré au purgatoire de saint Patrice par Henri de Saltrey. Ce lieu merveilleux dut ensuite une grande célébrité à ÏEspiir<^iitoire Sciiit Patrii de Marie de France. Il était situé dans une ile d'un lac appelé Lough Derg, lequel se trouve dans la partie méridionale du comté de Donegal en Ulster. Il ne faut pas confondre ce Lough Derg avec un autre lac qui porte le même nom et qui est traversé parle Shannon comme le lac de Constance par le Rhin, comme le lac de Genève par le Rhône ; ce second Lough Derg est situé entre le Connaught et le Munster, beaucoup plus au sud que le premier ; c'est de lui qu'il est question dans la Vie tripartite de saint Patrice -, il ne se trouve pas la moindre allusion au fameux purga-

1. Dublin, M. H. Gill and son, Londres, David Nutt, petit in-S" de 292 pages dont 22 non numérotées et dix paginées en chiffres romains.

2. Whitley Stokes, The tripartile Life of Patrick, p. 88.

Chronique. 83

toire. La Vie tripartite date probablement du XF siècle ', elle est par consé- quent antérieure à la création de la légende dont nous parlons. Le célèbre purgatoire était probablement une allée couverte terminée par une salle ronde voûtée en encorbellement comme le célèbre monument de New- Grange, situé sur la rive gauche de la Boyne, et qui est un' tombeau préhis- torique, modeste équivalent irlandais des pyramides d'Egypte. Le monu- ment deNew-Grange existe encore. Malheureusement celui de LoughDerg en Donegal a été détruit : on a depuis prétendu le rebâtir, mais ce monu- ment nouveau n'a aucune valeur archéologique. On lira cependant avtc intérêt l'ouvrage de M. de Felice-. Je dirai toutefois que je ne partage pas ses doutes sur l'existence même de saint Patrice. On a attribué à ce célèbre apôtre de l'Irlande des miracles inadmissibles. Soit. Mais, on pourrait écrire une vie fabuleuse de M. de Felice, il ne serait pas légitime d'en conclure que M. Philippe de Felice, pasteur adjoint au temple de Panthemont à Paris et auteur du volume dont nous parlons, n"a jamais existé.

IV

L'établissement des Deisi en Munster est un des faits les plus connus de l'histoire d'Irlande.

Le Rév. M. Scheean, Michedl O'Siothchàin, professeur au collège de Ma\- nooth, a intitulé Sean-caint iia ii-Deise, Vieille langue Jes Deisi ^, une étude sur la langue actuelle du Munster oriental,- principalement dans la paroisse de Ring, comté de Waterford. Il a fait œuvre méritoire, mais n'échappera pas à quelques critiques. D'abord pourquoi dans son titre quali- fier de vieille une kmgue i-noderne ? C'est au me siècle de notre ère que les Deisi sont venus s'établir en Munster t. La langue que parlent leurs descendants au xx'' siècle n'est pas celle du me. L'auteur commence par une grammaire qui traite de la prononciation, des prépositions. 30 des noms, 4'^' des noms de degré et des expressions de parenté, 50 des expres- sions employées pour temps et compte, 6" des pronoms, des propositions conditionnelles, des verbes, des adjectifs, 10° des adverbes. Pourquoi n'avoir pas suivi l'ordre habituel des grammaires? Vient après cela une seconde partie qui commence par une nomenclature de noms de plantes. Suivent dix petits morceaux de prose en dialecte de Ring. Le premier débute pour nous apprendre que la paroisse de Ring, pitroiste ini Ri/me est l'endroit le plus salubre de 1 Irlande.

1. Whitley Stokes, The tripartite Life of Patrick, p. lxxiii.

2. L'antre monde. Mythes et légendes. Le purgatoire de saint Patrice. Paris, Champion, 1906, in-8", 195 pages.

5. Dublin, Gill and Son, 1906.

4. Annales de Tigernach, publiées par Whitley Stokes, Revue Celtique. t. XVII, p. 19-20 Annales des quatre maîtres, édition d'O'Donovan, t. I, p. 1 14 et 115, note n.

84 Chroni(jiie.

L'infatigable Dr. Alfred Holder vient de faire paraître 11 premier volume du catalogue des mss. de Reichenau conservés dans la biblio- thèque dont il a la garde à Karlsruhe '. Plusieurs de ces mss. sont importants au point de vue des études celtiques. Q.uoique les textes contenus dans ces mss. aient en général été publiés, il est intéressant de les retrouver dans le catalogue de la bibliothèque de Carisruhe, les éditeurs des siècles à venir devront les consulter, telles sont : i" p. 327, 396, 397, 439, les gloses irlandaises du ix"^ siècle, dont la der- nière édition a été donnée, par MM. Whitley Stokes et Strachan, au Lome II, p. 1-30, 225-230 du Thésaurus paheohihernicus ; 2'^ p. 229, les quelques mots irlandais intercalés au xie siècle dans une vie latine de saint Findan (t. II, p. 248, 422 du Thésaurus palaeohibernicus) ; 30 p. 68, la col- lection des canons irlandais, commencement du ix^ siècle, voir les y. 55- 16) de Wasserschleben,Z)?> irische Kanouensannulung, 2^ édition ; p. 256, L- Poeuitcutiale Cunnueaui, viii^-ixe siècle, édité par Schmit, aux pages 611- 645 de Die Bu^shùcher und die Bussdiscipliii iler Kircije; p. 50, l'hymne de Cuchuimne à la louange de la vierge Marie, viiie-ixe siècles, publié par J.-H. Bernard et R. Atkinson, p. 33, 34 de l'ouvrage intitulé Tlie irish liber hvmuoruui; 60 p. 525, un fragment de Nennius, Historia Britonuui. Est inédit, y 328, ix^ siècle, le traité de Lathcen,D? moralibus Job qiuis Grcg^o- riu^ papa fccit; M. Holder compte le publier prochainement.

VI

En 1896, au tome XVII, p. 426-427 de la Remie Celtique, M. J. Loth étudiait l'étymologie du nom de la région centrale de la Bretagne conti- nentale le Porhoet, dans les textes les plus anciens Pou-tro-coet -, par exception, Pou-lre-cojt % en latin pagus traiis silvaui +. Dans la géographie ecclésiastique ce pagus formait deux archidiaconés, l'un compris dans le diocèse de Vannes, l'autre dans celui de Saint-Malô il était subdivisé en quatre dovennés, Montfort-sur-Meu, Lanouée, Bignon, Lobréac 5. H est aujourd'hui réparti dans trois départements, l'Ile-et-Vilaine, le Morbihan, les Côtes-du-Nord. Le comté de Porhoet eut une circonscription qui varia suivant les temps et qui ne paraît pas avoir jamais correspondu exactement

1 . Die Keichcuauer Handschrijten beschriiben und erlautert vou Aljred Hol- der, erster Band. die Pergamen Handschriften. Leipzig, Teubner, îqo6, in-40, ix-642 pages.

2. Cartiihiire de Redou, p. 20, 31, 61, 72, 218. Variante pat^us tro-coel, p. 89.

3. Ibidem, p. 6: Ire est probablement une faute de copie dans le cartu- laire manuscrit ou une faute d'impression dans l'édition.

4. Ibidem, p. 83, 189, 192.

5. La Borderie, Histoire de Bretuijue. t. I, p. 588 et carte.

Chronique. 85

a Celle du Porhoct ecclésiastique. M. le Vte Hervé du Halgouet a entrepris d'écrire l'histoire de ce comté' . Il la commence au ix^ siècle et ne la ter- mine qu'en 1819.

Son livre, d'une lecture lacile et agréable, est l'œuvre d'un homme qui n'a pas l'habitude des travaux d'érudition. P. 13, il cite la Reime Cellique, t. XVII, 1896, sans renvoyer à la page; à la page 21 de son ouvrage, il fait de même pour le cartukiire de Redon, etc. Q.uand il donne des pièces justi- ficatives latines, c'est sous forme de traduction française, même quand il ne paraît pas connaître une édition du texte original, voir p. 236, 237. Ce livre intéressant, mais écrit pour les gens qui ne savent par le latin, échappe à la critique des érudits auxquels il ne s'adresse peint.

VIT

Miss Jessie L. Wcsion cons;icre ses loisirs à l'étude des romans de la Tablt Ronde. La Revue Celtique a dija annoncé quatre ouvrages d'elle dont le premier a paru en 1897, Tlje Lcgciid of sir Ginvain, Studies iipon its origi- nal Scope aiid S/i^''!iificancc '. Ensuite sont venus : Kiiig Arthur and hii Kiiiots, a Surivey oj artlnirian Koiinnne ' ; l'Ije Legciid of sir Lanceiot du Lac-f ; une traduction anglaise de Morien 5. Elle vient de donner au monde savant un cinquième volume, TJ}e Legeiui of sir Percerai, vol. I, Cl.'ietieii de Troves and Vauciner de Deuain ^.

Elle a dit en 1901 que Lanceiot est inconnu des auteurs gallois et paraît dater de Chrétien de Troyes7. Au contraire, elle croit que la légende de sir Percival est d'origine galloise, elle reprend ainsi sur ce point la thèse de Gaston Paris ^, a la mémoire duquel .«^on livre est dédié et qu'elle appelle le grand savant français : the great french scholar. Elle a fait une étude détaillée des versions diverses déjà publiées et même des manuscrits ; son livre prendra place parmi les bons volumes de la Grinuii Lihrary que publie la maison David Nutt.

VIII

Claudius Rutilius Namatianus, originaire de Toulouse, paraît avoir été magister of/icioruni en 412; en effet, il semble identique au Kainatins mai^ister officiorum, auquel est adressé un rescrit des empereurs Honorius et Théodose II, daté du 7 des ides, ou 7, de décembre 4129 ; il fut préfet de

1. Essai sur le Porijoet, le comte, sa capitale, <;es seionenrs. Paris, Cham- pion, 1906, in-80, 2 S) pages, une carte, quatre tableaux généalogiques, plusieurs planches hors texte.

2. Revue celtique, t. XIX, p. 84.

3. Ibidem, t. XXI, p. 117.

4. Ibidem, t. XXII. p. 349.

5. Ibidem, i. XXIII, p. ici.

6. Londres, David Nutt, 1906, xxvi-544 pages.

7. The Lcgend of Sir Lanceiot du Lac, p. 4, 5.

8. The Legend of Sir Perceval, p. xvii, 326.

9. Corpus luris Theodosiani, 1. vu, titre 27, c. 13

s 6 Chronique.

Rome en 414; Lachanius son père avait été coiistthtris Tusciui', préfet de Rome et coûtes sacrariiiii largitioniim. Tous deux nous offrent l'exemple des procédés habiles par le moyen desquels les empereurs romains ont romanisé la Gaule, attirant à Rome les grands seigneurs gaulois, les com- blant d'honneur. Les souverains romains du commencement du v^ siècle ne faisaient autre chose à ce point de vuj qiw d'imiter l'exemple de leurs prédécesseurs.

Le nom tje Niinialiaints peut être considéré comme a\-ant à sa base un nom gaulois développé à l'aide d'un suffixe latin. Mais Lachanius est un dérivé du grec Xâyavov, c légume ». Palladius, nom d'un autre parent de Rutilius Namatianus est également dérivé du grec, comme celui d'un ami du même Rutilius, Protadius de Trêves. Un autre ami de Rutilius est Vic- torinus de Toulouse qui porte un surnom latin comme Exuperaniius parent di; même Rutilius. Au commencement du v^ siècle la Gaule avait été transformée par l'enseignement du. grec et du latin, dans les écoles.

Rutilius Namatianus est l'auteur -.'un poème latin ou en 416 il racontait son retour de Rome en Gaule. Ce poème est divisé en deux livres, le pre- mier contient 644 vers, du second livre les 66 premiers vers nous ont été seuls conservés. Une édition de ce poème a été faite par M.J. Vessereau, pro- fesseur au lycée de Poitiers. Le texte est suivi d'un index de tous les mots, d'une traduction française, puis d'une étude détaillée des mss., des édi- tions, des travaux divers dont ce poème a été l'objet, et des faits historiques qu'il nous fait connaître. C'est un ouvrage à consulter par ceux qui désirent savoir ce qu'était devenue, au commencement du v^ siècle après J.-C, la Gaule au point de vue non pas architectural, mais à celui des études profanes et des croyances religieuses.

IX

A côté du livre de M. Vessereau on peut placer celui de M. René Pichon : Les dernien l'crivains profanes, les panégyristes, Ausoiie, le Ouerciiis, Rutilius Natuatiamis '. L'introduction traite de la littérature gallo-romaine caracté- risée par ces mots de saint Jérôme, ut uhertateui gallici niloremque sermonis grauifas rouiana condiret. Avec le chapitre premier nous arrivons au monde des écoles dans la Gaule romaine d'après le recueil des panégyriques. Au chapitre 11 l'auteur recherche ce que les panégyristes nous apprennent de la politique impériale. Au chapitre m, il nous montre d'après les poésies d'Ausone ce qu'était en Gaule au lye siècle la société mondaine. Le cha- pitre IV est consacré au Querolus qui serait une comédie de société gallo- romaine. Le chapitre 'V nous ramène au poète Rutilius Namatianus dont le poème est une des sources à consulter pour l'histoire intellectuelle de la Gaule à la fin du lye siècle et au commencement ciu v^. Une autre source, c'est le recueil des panégyriques : une étude sur son origine forme l'appen- dice L L'appendice II est intitulé : Le texte des panégyriques et la prose

I. Paris, Ernest Leroux, 1906, in-80, ix, 321 pages.

Chronique. 87

métrique. Dans l'appendice III, rautcur étudie quelques points douteux de l'histoire d'Ausone.

X

Avec MM. Vessereau et Pichon nous nous' occupons de l'état intellectuel de la Gaule au iv^ et au v^ siècle. Avec M. Adrien Blanchet nous passons à l'état matériel qui ne doit pas être méprisé, car oportet vivere cl iJciiide phi- losophai i. Ainsi un ouvrage aussi important que les deux précédents pour l'histoire de la Gaule sous l'empire romain est celui que M. Adrien Blan- chet vient de publier : Les enceintes romaines de la Gaule, étude sur Vorigine d'un grand nombre de villes françaises '. Cet ouvrage est divisé en trois livres. Le premier donne la description des enceintes, le second traite du système de construction, le troisième des dates auxquelles ces remparts ont été bâtis; Autun, Nimes et probablement Vienne furent fortifiées sous Auguste, mais les fortifications de la plupart des cités sont postérieures à cette date. Toutefois aucune inscription postérieure à l'année 276 n'a été recueillie dans les soubassements des remparts qui entouraient les cités et castra de la Gaule; 276 est la date de l'avènement de l'empereur Probus, M. Blanchet en conclut que ces soubassements datent en général du III'-" siècle et que les murailles ont été surélevées postérieurement.

XI

M. Edouard Mariette a traité un sujet analogue dans sa brochure intitulée : The roman IValls. Les murs romains oit re F Ecosse et r Angleterre -. Mais c'est un simple résumé des travaux faits jusqu'ici sur le mur d'Hadrien, sur le mur d'Amonin qu'on peut tous deux encore dessiner sur les cartes et sur celui de Septime Sévère dont il ne subsiste aucuije trace Le mur d'Hadrien part à l'ouest du Solway Firth qui sépare l'Angleterre de l'Ecosse, mais celui d'Amonin est beaucoup plus au nord, il est situé en Ecosse il va du Firth of Clyde au Firth of Forth, en sorte que le titre de la brochure n'est pas exact.

XII

Dans un savant volume intitulé Autonomies ecclésiastiques, Les églises sépa- rées 3, Mgr Duchesne a consacré un chapitre, le premier, aux origines de l'église anglicane. Les pages 7-15 concernent les 5r/7/o»w5 chrétiens de Grande-Bretagne.

1. Paris, Ernest Leroux, 1907, in-S^, 111-356 pages et XXI planches. La préface est datée du 2 novembre 1906.

2. Paris, Bonvalet Jouve, 1906, in-8", 39 pages, une figure dans le texte, une planche hors texte

3. Paris, Fontemoing, 1905, in-i2, viii-3)6 pages C'est la deuxième édition.

88 Chronique.

XIII

Dans le volume XXVII, p. 175, de la Revue Celtique, il a été parlé du tome l'^r du savant ouvrage que M. le Dr. Hermann Hirt a publie sous le ùtrt de Die In(Jo!^en)iaueii, ilir'e l'erbreitunir, iiire UrlieiDuU unci iljie Kultur. Le tome II vient Je paraître '. Il est question des Celtes aux pages 613, 614, 615, 635. A la page 614, M. Hirt considère comme très probable la doctrine suivant laquelle une grande partie des Germains ont dû, à une époque reculée, se trouver sous la domination des Celtes ^ ; il croit que chez les Germains les noms d'homme dont rich est le second terme sont d'ori- gine celtique ', quoique ait dit du gothique i-eiks, en 1897, M. Brugman au tome Jer, p. 504, note i de la seconde édition de son excellent Gruiniiiss lies vfrgletcheniien GranuiiaHlr.

XIV

Dans l'édition de Forcellini, Totlus Jaliiiitatis Lcxicou, publiée à Leipzig, en 1839, on lit p. 317 : Bebrus, i, m. idem qui fiber. Haec vox nullum habet alium auctorem latinum praeter Vet. ScIjoI. Juven. ad 12, 34.. Un article un peu plus développé a été consacré à ce mot dans le tome le"" de l'édition du même lexique donnée par feu De Vit. Ce tome 1er a été imprimé de 1858 à 1860, on y trouve, p. 540, col. 2, un article Beber, bri. II serait possible d'y faire aujourd'hui quelques additions. Ce mot, qui est d'origine celtique, et qui veut dire « castor », fait défaut au tome II, col. 1797, du Tljesaurus linouae latinae editus auctoritate et consilio Academiarunt quinque Germanicarum Beroliiiensis, Gottiiigeusis, Lipsiensis, Monaceiisis, Viudohonen- sis. On compte probablement en parler sous le mot fiher comme on parlera de hebn')!us sous le mot fihriiius.

XV

M. Ludwig Traube, dont la science est bien connue des médiévistes, a fait paraître, sous le titre de Queilen und Uutcrsuchungen :{ur lateinischen Philologie des Mittelalters, les trois premières livraisons d'un recueil qui paraît devoir être fort important ^. Il a eu trois collaborateurs : M. M. S. Hellmann, Privat-docent à l'LTniversité de Munich, Edward Kennard Rand. assistant professor of latin at Harvard L'niversitv aux

1. Strassburg, Karl J. Trùbner, 1907, in-80, p. 409-772 et 4 cartes.

2. An einer Henschaft der Kelten ûber grosse Theil der Germanen kann ich kaum zweifeln.

3. Man kann nicht leu^nen dass die Namen auf rich keltisch sein mûssen. Cf. Kluge, Etyniologisches Voerterhuch, édition, p. 314.

4. Muide, C.-H. Beck, 1906. \n-?>^, xv-205, 2"xiv-io6, 3"xi-ioo pages en deux planches.

Chronique. 89

États-Unis d'Amérique, et M. Heribert Plenkers docteur en philcsophie. Le premier s'est occupé du svcond Sedulius Scottus ; nous l'avons déjà dit Revue Celtique, t. XXVII, p. 1 12- 11 3. Depuis a paru le travail deM. Edward Kennard Rand, intitulé Joannes Scottus. Il est divisé en deux parties consa- crées la première à Joannes Scottus, l'Irlandais dit Scot Erigène établi en Gaule aii ix^ siècle, et sur les ouvrages duquel on peut consulter Migne, Piitroioc;ia iatina, t. CXXII. M. Edward Rand publie de ki des gloses aux Opuscida sacra de Boethius et sur Martianus Capella, enfin il établit que Jean Scot Erigène connaissait l'histoire naturelle de Pline. Scot Erigène a été le savant et le penseur le plus éminent de la France septentrionale au ixe siècle". Si. par une exception qui paraît unique, il savait le grec, il le devait aux maîtres inconnus qui en Irlande avaient fait son éducation litté- raire. Quant à M. Heribert Plenkers, la troisième livraison qui est son œuvre est consacré à la règle de saint Benoît, à celle de Cassien et a un calendrier qui n'ont rien de celtique.

XVI

Nous sommes ramenés dans le monde celtique par une brochure de M. Vic- tor Lederer sur la patrie et l'origine de l'harmonie en musique. C'est la pré- face d'un grand ouvrage annoncé par l'auteur et après un livre 1er traitant de la réforme de la musique au xv^ siècle, il exposera dans un livre II, comme quoi c'est dans un berceau celtique que la polyphonie a pris nais- sance = . M. V. Lederer dit que s'il publie sa préface avant le volume, c'est qu'entre autres raisons, il a eu l'intention par de célébrer le centenaire de Zeuss, 22 juillet 1906. Quoiqu'il en soit le chant harmonique en parties semble avoir été désigné en Irlande par le mot aidhse, nom donné à l'espèce de chant par lequel les Fiiid remercièrent saint Columba de son intervention en leur faveur à l'assemblée de Druim-Céatt en 574 3.

XVII

Sous le titre de A Dialect oj Douegal -i, M. E. C. Quiggin, fellow oi Gonville and Caius Collège, Cambridge, Angleterre, vient de publier avec

1. Voir sur lui Hauréau, Histoire de la piiilosophie scolastique, 2^ édition, t. I, ire partie, p. 148-175.

2. Ueber Heimat and Urspruiig der nielirstimmigen Toiilciinst; Vorredc. l;eltische Renaissance, Leipzig, Siegel, 1906, in-80, 56 pages.

3. Whitley Stokes, Goidelka, 2^ édition, p. 156-157 ; J. H. Bernard et R. Atkinson, The irish Liber Hymnorum, t. I, p. 161, 1. 99, 102, 106; d. E. O'Curry, On the Manners and Customs oJ tJie ancient Irislj, t. III, p. 245,. 246. Sur l'assemblée de Druim-Céatt voir Keating, Foras fcasaar Eirin, tra- duction d'O'Mahony, 1866, p. 446 et suivantes. Sur sa date, Annais of Ulster, p. 64, 65; et Todd, Tlie Life of st. Coiuwba, p. 36, 37, note h.' M. Kuno-Meyer, Contributions to irish Lexicography, t. I, p. 35, n'ose pas^ traduire le mot aidbsc.

4. Cambridge, University Press Warehouse, igcé, in-S", x-247 pages.

90 Chronique.

le concours pécuniaire de l'Université de Cambridge une étude phonétique sur le dialecte irlandais parlé dans la région nord-ouest de la province d'Ulster.

« La présente esquisse, dit-il au début de son livre, est la première tenta- tive sérieuse d'exposer scientifiquement en quoi consiste un dialecte de l'Irlande septentrionale. Une décadence phonétique s'est produite dans tout le territoire le ga^'^lique est parlé. En conséquence il est indispen- sable que pendant les dix ou quinze années prochaines il soit fait tous les efforts possibles pour obtenir un relevé du langage des personnes nées avant la famine dont la douloureuse étreinte se fait encore aujourd'hui sentir sur l'indigène. En règle générale le langage des jeunes gens est sans valeur pour ceux qui cherchent à débrouiller les mystères de l'or- thographe du vifux et moyen irlandais, et malheureusement quelques résultats que puisse obtenir la Gctelic League, elle ne peut conserver des sons qui s'évanouissent, les ombres de sons qui subsistaient chez la géné- ration précédente. Vraiment j'ai été fortement impressionné parles grandes différences qu'on peut remarquer entre les façons de parler employées par les personnes d'âge différent ».

Les § 1-172 sont consacrés aux voyelles, les 'l 173-436 aux consonnes: un résumé remplit les \ 437-494. Suivent quatre index, i" vieil et moyen irlandais, irlandais moderne, gaélique d'Ecosse, dialecte de l'île de Mau. Le volume est terminé par neuf petits textes irlandais donnés en notation phonétique avec l'orthographe traditionnelle en regard.

Au travail contenu dans ce volume on peut comparer l'étude de MM. Dottin et O'Growney sur un dialecte un peu plus méridional, celui de Galway en Connaught, Revue Celtique, t. XIV (1893), p. 97-131; t. XVI (1895), p. 421-449-

XVIII

La Direction of the modem Language Departimiils oj Harvard University publie des Studies and notes in Philology and Literature dont le tome X, écrit par M. Robert Huntington Fletcher, traite de la légende d'Arthur dans les chroniques, spécialement dans celles de Grande-Bretagne et de France '.

Les premiers rudiments de cette légende apparaissent chez Gildas, De excidio et conquestii Britanniae. Gildas est mort en 569, nous disent les Annales d'Ulster -. En son chapitre 26, GilJas parle du siège de Mont- Badoii î. Mais le nom d'Arthur est pour la première fois associé à la bataille de Mont-Badon, au chapitre ^6 de Nennius, Historia Brittonuni,

1. Qinn and Company, 29, Beacon Street, Boston, 1906, in-80, ix- 3 1 3 pages.

2. Edition Hennessy, t. I, p. 62-63.

3. Usque ad annum obsidionis Badonici montis. Momnsen, Chronica minora, t. IIL p. 40, 1. 18.

Chronique. 91

ix^; siècle ' : Bellinn luoiitis BaJoiiis in qiio corruennit in tiiio die iioiigniti sexaginta viri de luio impetu Arthur ^ (Quelques lignes plus haut le même auteur avait affirmé la présence d'Arthur à une bataille précédente, cal coil Celidon K II s'est écoulé environ trois siècles entre l'époque vivait Arthur, si jamais il a existé, et celle pour la première fois on trouve son nom dans ce récit qui je prétend historique

Après nous avoir parlé de Nennius, M. Fletcher suit pas à pas la légjndc d'Arthur dans les auteurs postérieurs elle continue à se développer, sur- tout chez GeofFrey de Monmouth au xii^ siècle. Procédant ainsi par ordre chronologique, il a un plan tout différent de celui qu'avait adopté M. J, Rhvs, quand, dans ses Stiidies on tJ}e Artburian Legend +, il a traité le même sujet Les deux auteurs seront également utiles à consulter par ceux qu'intéresse l'histoire de la littérature galloise et de ses ramifications en d'autres langues.

XIX

Dans la i^t'i'/;t' Celtique, t. XXV, p. 357-35H, t. XXVI, p. 287, nous avons parlé beaucoup trop brièvement des ouvrages de MM. Anatole Le Braz et Roger que l'Académie française a couronnés dans sa séance du 29 novembre dernier. Le premier en date est de M. Anatole Le Braz; il a été classé le premier dans la catégorie des ouvrages les plus utiles aux mœurs et a reçu un prix de deux mille francs sur la fondation Montyon. Voici en quels termes M. Boissier, secrétaire perpétuel de l'Académie, apprécie ce livre, p. 24-26 du compte rendu de la séance.

« Pour le moven âge, nous n'avons que deux thèses fort savantes : « Le troubadour Guiraut Riquier « de M. Joseph Anglade, et « L'originalité de Gottfried de Strasbourg dans son poème de Tristan et Isolde », par M. Piquet. Le Théâtre celte 5 de M. Anatole Le Braz discute et résout tout

1. Mommsen, Chronica minora, t. III, p. 117; cf Potthast, Bibliotheca historica niedii aevi, 2^ édition, p. 842. Le texte publié par M. Mommsen est une compilation se trouvent quelques éléments plus anciens. Mgr Duchesne a publié un de ces fragments, Revue Celtique, t. XII, p. 174- 197, t. XVII, p. 1-5.

2. Chronica minora, t. III, p. 200, 1. 11-13.

3. Ibidem, p. 199, 1. 15-17, p. 200, I. 1-6.

4. Oxford at the Clarendon Press, 1891, in-S», viii-411 pag^s. Voir Revue Celtique, t.. XII, p. 289.

5 L'ouvrage de M. Le Braz a paru sous deux titres et deux formats : Essai sur Phistoire du théâtre celtique, thèse présentée à la Faculté des Lettres de r Université de Paris, par A. Le Braz, maître de conférences à la Faculté des Lettres de l'Université de Rennes, Paris, Calmann-Lévv, 1904, in-80, vni-544 pages; Anatole Le Braz, Le théâtre celtique, Paris, Calmann-Lévv, in- 12, même pagination, même nombre de pages que l'in-So, mais sans date. C'est un exemplaire de ce deuxième tirage que l'Académie française a cou- ronné.

92 Chronique.

d'abord une question délicate. Renan dans le beau portrail qu'il a tracé de l'âme celte, ne voulait pas qu'elle fût propre au drame, même le plus sérieux ; quant au génie comique, il le croyait tellement étranger à cette race plaintive, résignée, féminine, que trouvant e)i lui un fond d'ironie et des élans de gaieté, il les attribuait, comme on sait, à l'intervention de quelque gascon nomade qui se serait glissé parmi ses aïeux. Au contraire, M. Le Braz n'hé-.ite pas à reconnaître aux Celtes des aptitudes dramatiques ; il en trouve des traces dans les vieilles épopées de l'Irlande; il rappelle qu'il a existé un théâtre véritable chez les Gallois et en Cornouailles jus- qu'au moment lai les prédicateurs méthodistes l'ont détruit pour le remp'a- cer. Mais c'est chez nous, dans notre Bretagne, que le théâtre celte a surtout fleuri, et il y a duré presque jusqu'à nos jours. C'est donc que M. Le Braz l'a étudié. Il a passé des années à courir le pavs pour retrouver ce qui pouvait rester des pièces qu'on y jouait, il a recueilli dans les campagnes a''moricaines les souvenirs que la mémoire du peuple a pu garder de ces représentations d'autrefois, il a vécu dans la familiarité des derniers acteurs qui les avaient jouées. De tout ce long travail, le premier résultat a été une déception cruelle. Il y a chez M. Le Braz à la fois un poète et un savant. Le poète en abordant l'étude d'un théâtre populaire et national comptait bien y faire d'heureuses rencontres; il se réjouissait d'avance d'y trouver des types inconnus, des créations nouvelles « un art qui ne fût pas un artifice ■> ; or, il s'aperçut bien vite que ces pièces qu'il déchiffrait péniblement sur des manuscrits peu lisibles, n'étaient que des traductions de nos mystères, tels qu'on les jouait en France, dans les grandes villes, à l'issue des vêpres. Ce n'était donc pas véritablement, comme il l'espérait, un théâtre celte qu'il avait découvert. A la vérité, il lui restait la ressource de ne pas montrer tout à fait les choses comme elles étaient. Avec quelques détails bien choi- sis, habilement groupés, quelques interprétations adroites, il pouvait essayer de donner à ces emprunts un air d'originalité. D'autres l'ont fait sans scru- pule et ne s'e i sont pas trop mal trouvés. Mais, comme je viens de le dire, M. Le Braz est un savant en même temps qu'un poète : il a dit la vérité tout entière ; il a franchement reconnu que, parti à la recherch<" d'un théâtre national, •< il n'avait embrassé qu'une ombre ». Il faut lui savoir gré de sa sincérité et nous applaudir que la déception qu'il a éprouvée et qui a être amère à un « Celte impénitent » comme il s'appelle lui-même, ne l'ait pas détourné d'achever les études qu'il avait entreprises. Il en est résulté, un livre d'une érudition solide, d'une bonne foi touchante, qu'anime un soufîle de poésie et l'intérêt est soutenu à toutes les pages par l'amour passionné du pays natal. »

XX

Voici dans le discours de M. Boissier, p. 23, 24, le passage qui concerne le livre de M. Roger.

'< Il ne me reste plus qu'à parler des ouvrages qui concernent l'histoire de notre littérature. Ils ne sont pas nombreux cette année, mais quelques-uns

Chronique. 93

présentent beaucoup d'intérêt ou d'agrément. La série s'ouvre par un tra- vail sérieux, sévère. Ueiiscignement des lettres classiques iFAusone à Alcuin, par M. Roger'. C'est d'abord l'iiistoire fort triste d'une décaden:e Dans ce chemin par lequel nous conduit M. Roger, à mesure qu'on avance l'ombre s'épaissit, il arrive même un moment dans la Gaule, que la culture romaine avait si profondément pénétrée, l'obscurité paraît complète. Heureusement les lettres avaient trouvé asile dans des pays qui furent les dernières conquêtes de Rome; elles se cachaient chez les Anglo-Saxons, en Irlande, dans quelques monastères lointains. De là, des moines qu'il nous faut bénir les ont ramenés chez nous. M. Roger nous montre que ce retour n'eut rien d'un triomphe. Elles nous reviennent humbles, le front bas, n servantes de la théologie ». Mais qu'importe? Au fond de ces études arides elles s'emprisonnent, l'esprit antique est vivant, il poursuit lente- ment son œuvre, et, le temps venu, il reparaîtra au jour. Avec Alcuin et Charlemagne la Renaissance a commencé et le livre de M. Roger, il n'est question que du latin, se trouve être une introduction naturelle à l'histoire des lettres françaises. «

Au nom anglo-saxon d'Alcuin, l'éloquent secrétaire perpétuel de l'Aca- démie aurait pu ajouter les noms de deux irlandais qui lui succédèrent et dont parle aussi M. Roger : Clément le Scot, qui en France, en 79Ô, remplaça Alcuin directeur de l'école du Palais depuis 782 ; Scot Erigène, mort en 875 après avoir sous Charles le Chauve professé à l'école du Palais.

XXI

Le Livre des fiefs de Giiilhimiie de Slave, évêque d'Angoulême, publié par M. l'abbé J. Nanglard -, ouvrage honoré d'une souscription par le Ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, contient un certain nombre de noms de lieu intéressants au point de vue des études celtiques : nous en citerons quelques-uns.

Plusieurs ont été connus de M. Holder, pour les mêmes localités, et apparaissent dans V Altceltischer Sprachschati, par exemple : Birac (Cha- rente), Biraais (Holder, I, 423); Blanzac (Charente), Blauiiacns ^= * Blau- diacus (Holder, I, 444-448). D'autres noms de lieu qui se trouvent dans la Charente sont mentionnés par M. Holder pour d'autres localités, synonymes de noms de lieux voisins d'Angoulême, tels sont : Aussac, Aiiciacus (cf. Holder, I, 282); Bassac, Bassiacm (ci. Holder, I, 358); Bessac, Becciaciis (cf. Holder, l, 363); Bernac, Breimcus (cf. Holder, I, 517); L'Isle- d'Espagnac, Espaniacus pour Hispaniacus (cf. Holder, I, 2055).

Il y a dans la publication de M. Nanglard des noms de lieu qui chez M. Holder sont noms de personnes; nous citerons : Bors, autrefois Bornas,

1. Paris. Alphonse Picard et fils, in-80, 1905, xvin-45q pages.

2. Angoulême, Imprimerie charentaise, Chasseignac et Bodin, 1906, in-80, 410 pages.

94 Chronique.

comparez Biiniu-i (Holdtr, I, 642 j ; Brocca (■villa), compare/. Bioccus (Hol- der, I, 617); Broccia (l'illa), comparez Broccius (Holder, /7'/(/<'/;/^ : Chanaus, comparez Canavos, Canaiis (Holder, I, 751).

D'autres noms de lieu en -acits manquent dans Holder qui nous donne les noms d'homme dont ces noms de lieu sont dérivés, exemples : Baccia- cus, Bassac, de Baccins (Holder, I, 323), Cbahracus, Chebrac, de Cabras (Holder, I, 666). Bocciaais suppose un nom d'homme Boccius dérivé du nom divin Bocciis dont plusieurs exemples sont donnés par M. Holder, I, 45 ;. Avalhac, aujourd'hui Vaillac, suppose un nom d'homme Avallim dérivé d'Avallus = * Auallos, nécessaire pour expliquer le cognoiiieii Anallaus =. Anallaiios (\\o\AQr, I, 305). Balzac, autrefois Balaiaciis ^= * Balatiacus dérive d'un nom d'homme, * Balatius dérivé de ficr/a/os premier terme de Balato-JoruDi (Holder, I, 335). D/n7c;/5, aujourd'hui Dirac, dérive d'un nom d'homme gaulois *Dlros, en irlandais dir « convenable ' » dont M. Hol- der, I, 1286, signale un autre dérivé, Diratus, celui-ci nom d'homme, tandis que Diracus est un nom de lieu. Garacus, Garât, peut tenir lieu de Garraciis et dériver de Garnis, nom dhomme chez Holder, I, 1985.

XXII

Dans le volume intitulé : Le comté d'Anjou au XI^ siiric -, récemment publié par M. Louis Halphen on peut relever quelques noms de lieu caractéri- sés par le suffixe -aco-5 et datant probablement de l'époque gallo-romaine. En voici des exemples : Danaiiacus, p. 345, aujourd'hui Denezé, canton de Doué- la-Fontaine, ilrrondissemeni de Saumur ; Dislriacus, /i/i/., aujourd'hui Distré, canton et arrondissement de Saumur, Maine-et-Loire ; Paulin iacits, p, 353, aujourd'hui Poligné, commune de Thorigné, canton de Châteauneuf, arr. de Segré ; Fruliacus, p. 176, aujourd'hui Preuilly, arr. de Loches, Indre-et- Loire. On peut mettre à part le composé gaulois Lausduuuni, p. 546, aujourd'hui Loudun, Vienne, homonyme de Loudon, Sarthe, cité par M.- Holder, Altccltischer Sprachschati, t. II, col. 163.

XXIII

Le latin d'Espat^ne d'après les inscriptions, étude linguistique, tel est le titre d'un mémoire qu'a publié M. A. Carnoy, professeur à l'université de Lou- vain i. Il est à lire par les savants qu'intéresse l'histoire de la langue latine. Les celtistes pourront v glaner quelques renseignements. C'est ainsi qu'aux pages 118 et 107 il a réuni des exemples de l'eaiploi du c pour le g dans des noms d'origine celtique. Voir ce qui a été dit sur le même sujet dans la Revue Celtique, t. XXVII, p. 195. Il établit, p. 113, i 19, 159 que le mot

1. Whitley Stokes, Altccltischer Sprachschati, p. 148.

2. Paris, Picard, 1906, in-80, xxiv-428 pages.

3. Bruxelles, Misch et Thron, 1906, in-8", 293 pages.

Chronique. 95

dmhadiis, aiiibatits dans les inscriptions d'Espagne est une variante du cel- tique aiiibacfos; sur la chute du c suivi de /, cf. le français auteur, autorité. M. A. Carnoy connaît la GrainiinitiM celHca de Zeuss, et VAltceltischer Sprachschati de M. Holder; la compétence de M. Whitley Stokes ne lui est pas inconnue, il cite ce savant plusieurs fois; c'est à V Urcelttscher Spriicb- chati de M. Whitley Stokes, p. 71, 81, 100, que sans le citer il emprunte, p. 106, le celtique kerso- « gauche », crovo- « corbeau », et, p. 168, le cel- tique karbitch. Nous regrettons que son index des mots ne soit pas autre- ment ordonné; une section de cet index, p. 282, 283, est consacrée au celtique, plusieurs mots celtiques y font défaut ; il faut aller les chercher dans la section suivante intitulée : Noms propres d'origine barbare, ethnique, etc., p. 283-285.

XXIV

Nous sommes bien en retard pour annoncer le mémoire de M. Kuno Meyer qui est intitulé : Aucicnt Gaelic Poetry, et que Fauteur a lu devant r0.ssianic Society de Glasgow le 5 mars de l'année 1906. Le savant auteur fait observer que la poésie irlandaise est exclusivement lyrique, la poésie épique n'existe pas en Irlande, c'est la prose qui est la langue de l'épo- pée. Il réunit sous forme de traduction anglaise un grand nombre de jolis exemples de la poésie lyrique irlandaise sur les sujets des plus variés.

XXV

Le tome XIX du recueil intitulé, Y|Cymmrodor, The M.\gazine of the Society of Cymmrodorion, débute par un article de M. E. Williams R. Nicholson qui croit que des Wandales se sont trouvés en Wessex à la bataille de Deorham, en 577.

Suit un mémoire de M. A. W. W^ade Evans : The Brychan Docuinents. Brychan est un personnage qui paraît avoir donné son nom au Brecknock- shire, comté compris dans la partie méridionale du pays de Galles. Breck- nock est la forme anglaise moderne d'un nom de lieu appelé dans le Libe?- Landavensis, édition de M.VI. Gwenogvrvn Evans et John Rhys, Brecbein- niauc, p. 246, Brechcniauc, p. 237, 254, 270, et Brecheiniaun, p. 154 '. Bre- cheinnianc et Brecheiiiauc = * Bricbaniâcus, Brecheiniaun z= * Brichanidniis ; ce sont deux dérivés de *Bricaiius : Bricbaniâcus a été formé avec le suffixe gallo-romain de basse époque -iacus, cf. Cbildriciacae, nom de lieu dérivé de Childericus dans un diplôme de l'année 709, émané du roi franc Chil- deric III ^; Teoiieberciacus, Thiverzay, nom de lieu du département de la Vendée', dérivé de Tbeodebercthiis. Le suffixe -ianus est bas-latin et a la

1. Cf. John Rhys, Lectures on weLb Philolo^^v, 2'= édition, p. 118; Earlv Britain, 3e édition, p. 159, 256.

2. Monunii'nta Germaniae historica, Diploiiiatnni iinperii, tomusl, p. 67-68.

3. Longnon, Atlm historique de la France, p. 204.

96 Chronique.

même valeur que -iacus. Ces deux suffixes développant des noms barbares sont empruntés aux noms de lieu tirés de gentilices romains en -ius à. ui>e époque plus haute.

M. Wade Evans nous donne deux textes inédits relatifs à Brychan, l'un intitulé De situ Brecheniauc est tiré du manuscrit Vespasian A. xiv ; l'autre, intitulé Cognacio Brychan, est extrait du manuscrit Domitian I, tous deux faisant partie du fonds Cottonien au Musée Britannique. Le premier paraît être la copie faite au xiv^ siècle d'un manuscrit du xi^. Le second ne date que du xviie siècle et semble être la reproduction d'un manuscrit du xiii«. Les mémoires suivants, par MM. Alfred Neobard Palmer, Edward Owen, Francis Green concernent l'histoire moderne.

XXVI

La liste des récits sont racontées les morts violentes, oiltc, des héros irlandais, Livre de Leinster, p. 189, col. 5, 1. 54-39! comprend treize titres de pièces concernant les personnages dont voici les noms : Cùroi, 2" Cùchulainn, 3" Ferdead, Conall Cernach, 5" Celtchar mac Uitlie- chair, 6" Bla briugad, Lôegaire bùadach, Fergus mac Rôig, Con- chobar mac Nessa, 10° Fiaman, 1 Maelfathartach mac Ronain, 12° Tadg mac Céin, 13° Mac Samain. Q_uatre de ces pièces étaient déjà publiées, la première par M. Best dans Eriii, t. II, p. 18-35 ; la 3e par E. O'Curry, On tlie Maniiers, t. III, p. 414-463, et par M. E. Windisch, Tdin ho Cùalgne, p. 434-599; la 4= par M. Kuno Meyer, Zeitschrift fïir Celtische PIn'Iologie, t. I, p. 102-111; la ce par E. O'Curry, Lectures on the niaiiuscript Materials, p. 637-642, mais d'après un seul manuscrit sur les cinq qui existent. Enrin de la deuxième il y a une analyse et de nombreux extraits par M. Whitley Stokes, Revue Celtique, t. III, p. 175-195.

Dans le volume XIV der Todd Lectures Séries, publiées par la Royal Irish Academv ', M. Kuno Meyer a donné le texte irlandais et la traduction anglaise de quatre de ces pièces, qui, sauf une, étaient restées inédites jus- qu'ici : savoir : le n»' 5, -licled Cljeltcbair viaic Uitliechair; le n"7, Aided Lôe- gairi Bûadaich ; le n" S, Aided Fergusa niaic Rôig; le no 9, Aided Chonchohair Diaic Kessa. A ces quatre morceaux M. Kuno Meyer en a ajouté un cin- quième, la mort de Cet, fils de Mâga, Aided Cl:èit maie Mdgaclo qui ne figure pas dans la liste du Livre de Leinster. Suivent un index et un glossaire. Le titre sous lequel il a réuni ces cinq morceaux est : The Dealh-lales of tlje Ulster Heroes. Dans l'intérêt des études celtiques cette publication est une œuvre excellente. M. Kuno Meyer a droit à des remerciements de tous les Celtistes.

XXVII

M. Albert Cuny vient de présenter à la Faculté des lettres de l'Université de Paris deux thèses de doctorat qui, sans concerner directement les études

Dublin, Hodge, Figgis and Co, in-8", 1906, vri, 52 pages.

Chronique. 97

celtiques, peuvent contribuer à jeter de la lumière sur les origines de certains phénomènes grammaticaux que la langue irlandaise offre à notre observa- tion.

La principale est intitulée : Le nombre duel en grec '. Dans son intro- duction, M. Cuny affirme à la suite de MM. Meillet et Hermann Hirt que « le duel a tendu partout à disparaître lors du développement de la civilisation ». Or comme le fait observer M. Brugmann, dans les langues arménienne, italiotes et germaniques, telles que les plus anciens monuments nous les font connaître, le duel a complètement disparu ou il n'en subsiste que de maigres débris ^. Il se suivrait de que les Arméniens, les Ita- liotes, Latins, Osques, Ombriens, les Germains auraient possédé une civilisa- tion supérieure à celle de la Grèce classique et qu'il faudrait reléguer dans les plus bas rangs de l'échelle sociale les Irlandais qui, comme Démusthène et Platon, ont encore le duel aujourd'hui.

Singulier, aon chos « un pied» =^ *co.\a. Duel, dd chois « deux pieds « =rz *^o.v/. Pluriel, tri cosa « trois pieds » = *roxâs^.

Singulier, aon ôgdiiach « un jeune homme » = * imamûos. Duel, dd ôgdnacb « deux jeunes gens » = *iuuana]m. Pluriel, tri*égdnaich « trois jeunes gens « .-=: * iuijanaki "*.

Telle est la seule critique que nous adressons à cette savante thèse, qui contient une étude approfondie sur le duel en grec avec de nombreux exemples pris dans les autres langues indo-européennes.

La seconde thèse de M. Cuny, Les préverbes dans le Çatapathabrâh- MANA5, traite des préfixes mobiles juxtaposés aux verbes, phénomène indo-européen qui explique les pronoms infixes du vieil irlandais.

XXVIIl

Dans un mémoire intitulé : Les colonies GRECauES d'après l'ancien Testament^, M. Ch. Brusson, doyen de la Faculté de Théologie protes- tante de Montauban, commente un passage de la Genèse, chapitre X, ver- set 4, il est dit « que les enfants de Javan étaient Elîshâ et Tarshîsh, « Kittîm et Dôdânîm ». Il ajoute : « Cela signifie en langage moderne que

1. Paris, Klincksieck, 1906, in-80, 516 pages.

2. Grundriss der vergleichenden Grainmatik der indoo-ernianiscben Sprachen, t. II, p. 640; Kiir^e vercrleichende Grannnatik, p. 388; traduction française par MM. Meillet et Gauthiot, p. 409.

3. O'Donovan, A Grain nutr of the irisb Language, p. 123 ; cf. Brug- mann, Grundriss, t. Il, p. 642, 662.

4. Ulick J. Bourke, The CoUege irish Grammar, p. 89 ; d. Brugmann, Grundriss, t. II, p. 643, 662, 663.

5. Paris, 1907, in-80, 4^ pages.

6. Paris, Fischbacher, 1906, in-80, 22 pages.

Revue Celtique, XXVIIL 7

98 Chronique.

« les Ioniens (Javan) ou Grecs avaient fondé quatre colonies divisées en « deux groupes. Les deux premières formaient le premier groupe et les « deux autres le second. »

Suivant l'auteur, Elîsbd est la o-(';;.s- Elcsyciiiii d'Avienus dontNarbonne était la capitale. La difficulté qui se présente est que, suivant Hécatée de Milet, les EXt'^Lixot sont un peuple ligure et non grec '.

2" Quant à Tarsiiîsh ce mot désignerait non pas la Tartessis phénicienne, c'est-à-dire le pays arrosé par le Tartessos et dont Gadeira, depuis Cadix, était la capitale, ce serait l'Espagne entière et spécialement dans ce texte la partie de l'Espagne se trouvaient les colonies grecques.

30 Kittîm est l'ile de Chypre.

40 Dôdànîm devrait être corrigé en Rodanini ce serait l'île de Rhodes. Nous nous bornons à exposer ces doctrines qui nous semblent bien hardies, surtout lorsqu'il s'agit des articles que nous avons numérotés 1°, 2", 4"^.

XXIX

A la p. 6, n. i, d'un tirage à part des mémoires de l'Académie des sciences des Pays-Bas, auquel il a donné comme titre les mots sanscrits Vaitulya, Vctulla, Vetulyaka-. M. H. Kern rapproche du sanscrit /ï//ajyrt/(''« il remplit », i°le moyen-irlandais //;//t' « inondation «qui se trouve plusieurs fois, Livre de Leinster, p. 168, col. 2, 1. 12-14; P- 206, col. i, 1. 32, 33, et qui existait déjà en vieil irlandaises. le moyen-irlandais tôîa, lula «excès, multitude »+, dont on peut signaler deux exemples dans un composé vieil-irlandais 5.

Il semble qu'à côté du moyen tiilyate •: il remplit «, M. Kern aurait pu citer l'actif /ô/i/// « il élève »''.

XXX

Au dernier moment nous recevons du R. P. Louis Gougaud un mémoire fort savant qui est intitulé. Un point obscur de l'itinéraire de saint

1. Charles et Théodore MûUer, Fragiiieiita historiconttu graecoru»} , t. I, p. 2.

2. Amsterdam, Johannes Millier, 1907, in-8", 6 pages.

3. Accusatif singulier neutre n-luile, « aestum maris », ms. de Bède de Carlsruhe, f" 25 l\ Whitley Stokes et Strachan, Thésaurus paJaeohibcrnicm, t. II, p. 14, 1. 35 ; datif singulier hi-tniliu, glosant < mare...affluit » ; ibid., ï° 34 f, p. 24, 1. 34; cf. Gramuiatica cellica, 2^ édition, p. 229, 864, note.

4. Saillir ua raiin, édition 'Whitley Stokes, p. 153; cf. Windisch, Irischc Texte, t. I, p. 836.

5. Génitif singulier iii-lnli, glosant « eruptionis », dans le ms. de Milan, fo i2Ç) d 10, Thésaurus paliieohiberuicns, t. I, p. 442, 1. 28; datif singulier ond in-tâlu, glosant l'ablatif « exundantia » dans le Bède de Carlsruhe, f" 39(7, 2, Thésaurus palaeohibernicus, t. II, p. 27, 1. 33.

6. Otto Boehtlingk et Rudolph Roth, Sanskrit Woerterbuch, 3>^ partie, p. 366.

Chronique. 99

CoLUMBAN VENANT EN Gaule". On \' troLive poséc In question de savoir quelle région est désignée par le passage de la Vie de saint Columban il est dit que Columban et ses douze compagnons, quittant l'Irlande, traversent la mer et ad Brittannicos pervoiiuut s'niiis ; dans ce passage s'agit-il de la Grande- Bretagne, de la Bretagne insulaire? ou de la petite Bretagne, de la Bretagne continentale? La seconde réponse a été donnée par M. B. Krush, Monunienta Geniianiae historica, Scriptoriini reruiii merovi)igicaruvi tomus IV, p. 71, note I \Scriptores renuii Geniiatiicanim in iisuni scholanimex moimmentis Ger- maniae historicis separatim editi, Joime vitae sanctorum Coliinibani, Vedastis, Johannis, p. 160, note 2. Le P. Gougaud préfère la réponse que nous avons placée la première. Elle paraît en eftet plus vraisemblable, étant donné la suite du texte que nous venons de citer : Columban et ses douze compagnons vont d'abord d'Irlande ad Biittannicos sinus, ^^uïs : A Brittanicis ergo sinihus progressi, ad Gallias tendunt. L'opposition entre les Brittaïuiici sinus et les Galliae paraît exiger pour Brittannici sinus la traduction Grande-Bretagne, puisque la Petite Bretagne était comprise dans les Galliae.

Ce mémoire paraîtra dans le prochain no des Annales de Bretagne.

H. d'Arbois de Jubain ville. I. Rennes, imprimerie Oberthur, 1907, in-80, 19 pages.

PERIODiaUES

Sommaire. I. The Celtique Review. II. Archiv fur celtische Lexicographie.

III. The Journal of the Royal Society of Antiquaries of Irelaud. IV. Annales de Bretagne. V. Mémoires de la Société de linguistique de Paris.

VI. Revue des études anciennes. VII. Boletin de la Real Acadcmia de la His- toria. VIII. Indogermanische Forschungen. IX. Zeitschriftfûr vergleichende Sprachforschung. X. Beitraege'zur Kunde der indogermanischen Sprachen. XI. Revue archéologique. XII. Pro Alesia. XIII. Folklore. XIV. Analecta Bollandiana. XV. Revue épigraphique. XVI. Revue des tradi- tions populaires. XVII. L'anthropologie. XVIII. La Revue des idées. XIX. Compte rendu des séances de L'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.

XX. Annales du Midi. XXI. Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France.

I

The Celtic Review, livraisons d'avril, juillet, octobre 1906. contient la suite du Gleniiiasan inaniiscript \ colonnes 47-67, publiée par le professeur Mackinnon et dont le commencement a paru dans les livraisons précé- dentes. L'enlèvement des vaches de Cooley, Tain Ciiahige, nous apprend qu'à la date aurait commencé l'expédition entreprise par la reine Medb, pour s'emparer du taureau divin de Cooley, Fergus mac Rôig, ancien roi d'Ulster, était depuis dix-sept ans en exil dans le Connaught^ : il y avait été fort bien traité 5. Pendant ces dix-sept ans, qu'avait-il fait ? C'est la ques- tion à laquelle répond la seconde partie du Glenmasan Manuscript. La pre- mière partie de ce ms. consiste e 1 un te.xte incomplet du meurtre des fils d'Usnech. Le commencement fait défaut; malheureusement aussi les dernières parties de ce récit manquent ; ce sont précisément celles qui racontent la mort des trois frères, celle de Derdriu, femme de l'un d'eux, et les premiers actes de vengeance immédiatement accomplis par Fergus

1. Ce ms. appartient à la bibliothèque des avocats d'Edimbourg il porte la cote LIIl. Il a été écrit vers la fin du xve siècle, mais il est la copie d'un ms. plus ancien. Il consiste en 25 feuillets de parchemin ; chaque page contient deux colonnes, ainsi le nombre des colonnes est de cent.

2. Atà secht m-bliadna déc fri Ultu ammuig ar longais ociis bidbanas. Tainbô Cûalnge, édition Windisch, p. 57,1. 465, 466.

3. Môr de maith fuarais i fus Ar do longais, a Fhergus !

Tdin Cùalngc, édition Windisch, p. 59, 1. 492, 493.

Périodiques. loi

qui avait donné aux trois frères sa parole qu'aucun mauvais traitement ne leur serait infligés Ce texte incomplet occupe dans le ms. les douze colonnes, i-8 et 13-16. Déjà publié avec traduction en 1887 par M. Whitley Stokes, Irische Texte, t. II, p. 122-183, puis sans traduction, en 1894, par MM. Macbain et Kennedy dans Cameron, Reliquix celticx, t. II, p. 464- 474, il a paru avec traduction dans les deux premiers n°s de la Celtic Revieiv, 15 juillet, 13 octobre 1904, p. 12-17, 104-131 du tome Je^. Ensuite une lacune se produit. Puis avec la livraison de janvier 1905 commence la seconde partie. Nous vovons Fergus faire la guerre à Conchobar, roi d'Ulster, demander ensuite et obtenir l'hospitalité du roi et de la reine de Connaught et se mettre à leur service (col. 17-20, 9-12, 21). Ce qu'il fait alors est raconté dans les colonnes suivantes du ms. ; le commence- ment de cette partie a paru dans les livraisons de la Ceïtic Revieiu, d'avril 1905 à octobre 1906, celle d'octobre 1906 atteint la colonne 67 du ms. Dans ces livraisons se trouve un arrangement développé de- la pièce intitulée Enlèvement des vaches de Flidas, Tdiii FUdai^, publiée en triple édition et avec traduction par M. Windisch, Irische Texte, II, 2, p. 206-223, ^^ 4'^i '^^'^ '^^^^^ '^ss histoires servant de préface, reiiiscêl, à l'En- lèvement des vaches de Cooley. Un exemple amusant de la façon dont s'y est pris l'auteur pour développer le texte primitif est le récit l'on voit l'épée de l'amoureux Fergus enlevée et remplacée dans le fourreau par un bâton. On trouve cette anecdote dans l'Enlèvement des vaches de Cooley : Lebor na h-Uidre, p. 65, col. 2, 1. 31-43; p. 66, col. i, 1. 1-9; édition O'Keeffe, 1. 925-941; cf. Zinimer dans la Zeitschrîft de Kuhn, t. XXVIII, p. 451; traduction de Winifred Faraday, p. 44-45; avec une légère variante, Livre de Leinster, p. 80, col. i, 1. 2-6; édition Windisch. p. 415, 1. 2867-2872; traduction de Standish Hâves O'Grady, chez Eleanor Hull, The CuchuUiu Saga, p. ibi. Cette anecdote reparaît dans le Glenriiasaii manuscript, col. 21, The Celtic Revieiu, janvier 1905, p. 229.

Dans le n^ de juillet 1906 du même périodique, nous signalerons un article du professeur E. Anwyl sur les déesses celtiques : le groupe des tiiatres en gallois jy uianiau, dites aussi Mairac, Matronae, Proximae, Nymphae, Jiinones, Dervonnae; les déesses individuelles : Daniona, Rosnierta, Sirona, Mo^ontia, Epoiia, Cliitoissa, SoUmara, Brigindu, Abnoba, Naria i\ousaniia, Teniusio, Naiitosiielta, Adonna, Stanna, Divona, Diinitia, Belisama, Brigan- tia, Noreia.

On lira avec intérêt, dans les nos de juillet et d'octobre 1906, le mémoire Miss Eleanor Hull compare les mœurs gauloises, telles que les écrivains

I. Les plus récentes éditions de VAided uiac n-U?nig sont celles : de M. Windisch, Irische Texte, I (1880), p. 59-92 ; de M. Whitley Stokes, ibidem, II, 2 (1884), p. 109-182 ; 3" de MM. Dottin et O'Growney. Revue Celtique, t. XVI (1895), p. 425-449 ; celle qui a été donnée en un volume en 1898 par la Society for the Préservation of the Irish Langiiage ; 50 celle de M. Douglas Hyde, Zeitschriftfi'ir celtische Philoiogie, t. 11(1898), p. 138-155. Citons encore M. Thurneysen, Sagen ans den alten Irland p 11-20.

1 02 Périodiques

de l'antiquité les décrivent, avec les mœurs que nous dépeint la vieille litté- rature épique de l'Irlande.

M. George Henderson continue dans les nos d'avril et de juillet son étude sur la légende de Finn.

Le no d'octobre débute par une étude du Rév. Charles M. Robertson sur les dialectes gaéliques d'Ecosse.

Plusieurs textes gaéliques modernes apparaissent pour la première fois dans ces trois livraisons.

Enfin nous signalerons la réponse par M. E. W. Nicholson à un article de M. Wade Evans sur le De excidio Britanniœ, article inséré dans la Cel- tic Revieiv de juillet et octobre 1905 et dont nous avons dit un mot, Revue CcUique, t. XXVI, p. 120, 121.

II

L'Archiv fur celtische Lexicographie que dirigent MM. Whitley Stokes et Kuno Meyer contient dans la troisième livraison du tome III, trois articles, deux de M. Whitley Stokes, un de M. Kuno Meyer.

Les articles du premier sont d'abord l'édition d'un glossaire gaélique d'Ecosse et d'un recueil des mots difficiles de la bible irlandaise, le tout con- servé par un ms. du xviiie siècle, Egerton 158 du Musée Britannique ; M. Whitley Stokes y a ajouté un index alphabétique qui rendra les recherches très faciles. Le second article du même auteur est destiné à donner le vrai sens des expressions hcarJa feibidhe et béarla u-eadangartha, signifiant la première « langage choisi », la seconde « langage séparé ».

L'article de M. Kuno Meyer est un recueil de courts morceaux irlandais tirés de divers manuscrits et qui appartiennent à la littérature chrétienne.

Comme supplément à cette livraison, M. Kuno Meyer a donné les pages 575-638 de ses Cotitribtitions to irish Lexicography, excellent dictionnaire irlandais dont le tome I, A-C, a déjà paru. Les pages 575-638 forment le commencement du tome second et contiennent la première partie des mots commençant par la lettre D.

III

Depuis le mois d'avril dernier deux livraisons du Journal of the Royal Society of Antiouaries of Ireland sont arrivées entre les mains de la rédac- tion de la Revue Celtique, ceux de juin et septembre 1906. Nous ysignalerons d'abord, p. 166 etss., l'article de M. R. A. S. Macalister sur des inscriptions ogamiques du comté de Cork, aujourd'hui dans des musées ; nous cite- rons : maqui Bril... [i\ngene Sada'ides, [Colah]ot inaqui iiiaqui Rite nnicoi Corih'iri, Auavlmiiatïas niucoi Geuri avi Akcras, utaqui Ercias uuiqui Valamni, Vedacu Tobira mucoi Sogini. Comme appendice M. Macalister donne une lecture nouvelle de l'inscription de Donard : Cagianade maqui Vobaraci.

P. 259 et ss., l'article du même sur neuf inscriptions ogamiques du comté

Périodiques 103

Je Cork; la plupart ne sont que des débris, en voici une à peu prés com- plète anm Casoni m(aqui) Rati.

Dans le no de mars 1906, M. Patrick Westou Joyce avait disserté sur l'inscription de l'île d'Inchagoill dans le lac appelé Long Corrib au comté de Galway ; nous en avons parlé dans la Revue Celtique, t. XXVII, p. 189, 190. M. Macalister lui répond dans le n" de septembre, p. 297 et suivantes. 11 maintient la lecture Lie Luguedon macci Menueh. A la suite de cet article, p. 303-510, il donne un recueil d'inscriptions funéraires en minuscules latines recueillies par lui à Iniscaltra, autre île du même lac : Coscrach Laignech est la première, suivent une série d'épitaphes commençant par Or [oit], « priez ».

Signalons aussi, p. 239-258, une étude de M. Thomas Johnson Westropp sur des forts antiques qui ont été construits en Irlande sur des promontoires dans les comtés de Waterford et de Wexford; p. 276-284, celle de M. P. J. Lvnch sur les antiquités du comté de Kerry.

IV

Dans les Annales de Bretagne, t. XXI, nos 5 et 4 ; t. XXII, no i ; livraisons d'avril, juillet et novembre 1906, nous mentionnerons : un mémoire de M. l'abbé Campion sur saint Servatius, patron de Saint-Servan (Ille-et-Vilaine) ; quatre textes bretons inédits du xviiie siècle, publiés par M. J. Loth (ce sont les professions de quatre religieuses du Carmel ; outre les textes originaux fidèlement transcrits, M. J. Loth donne une copie cor- rigée et une traduction française) ; continuation du mémoire de M. Henri Sée sur les classes rurales en Bretagne, du xvie siècle à la Révolution ; Mélanges d'histoire bretonne, les Gesta sanctoruni Rotonensiuiii , Festien « archevêque » de Dol, par M. Ferdinand Lot (suivant lui les Gesta ont été rédigés entre 868 et 875 ; l'auteur est Ratvili qui fut évêque d'Aleth de 866 à 872; quant à Festien son avènement doit être daté de 859); trois chansons bre- tonnes de la collection Penguern, publiées et traduites par M. Pierre le Roux.

La publication de M. Le Braz, Coguoiiienis et sainte Tréfine, se termine dans le no de juillet. A la fin de chacune des trois livraisons se trouvent quelques pages de la dernière édition du Cartulaire de l'abbave de Sainte- Croix de Quimperlé par Léon Maître et Paul de Berthou.

Les MÉMOIRES DE LA SOCIÉTE DE LINGUISTICIUE DE PaRIS, tOme XIV,

2'= fascicule, nous offrent un mémoire de M. Grammont, La niéthalljcse de ae en breton armoricain. L'auteur examine en quels cas le groupe ae s'est changé en ea, en quel cas il s'est maintenu. Cette mutation se'produit, dit-il, en léonard quand, dans un monos\'llabe, ae est suivi d'une consonne, à moins que ae ne représente un groupe a^ du breton moyen, exemple kaer « beau » en moyen breton ca^r =: cadro-s. Cf. ci-dessus, p. 59-66.

I04 Périodiques

VI

La Revue des études anciennes, no* 2, 3, 4, avril-décembre 1906, contient d'intéressants articles de M. Jullian. Il traite, p. 111-115, la ques- tion de savoir si le Hradischt, ou ville forte, de Stratonitz, doit être attribuée soit aux Boii soit aux Marcomans qui leur ont succédé un peu avant le début de l'ère chrétienne. Suivant M. Jullian, p. 1 19-120, la civilisation de Hallstadt est sigvnne et non celtique. A la page 125, M. G. Doltin signale, dans un traité anonvme intitulé r-jvaïy.c; iv -oÀc;j.!zo:: Tuve-ai /ai àvoo£lat (Wester- mann, Scriptores reniiii viirahilimn graeci, p. 218, 1. 4-1 1), un passage il est dit que lorsque les Galates passèrent le Danube, ce fut sous la conduite d'une femme appelée Onomaris, qui, après la conquête du pays situé au sud du fleuve, en serait devenue la reine et dont aucun écrivain moderne n'avait parlé jusqu'ici. Aux p. 128-154, M. de la Ville de Mirmont traite de l'astro- logie chez les Gallo-Romains à la fin du iv^ siècle et au commencement du ye. Aux p. 250-252, M. Jullian parle des termes géographiques qui rap- pellent l'antique domination des Ligures en Espagne et en Gaule. P. 259, M. Jullian, citant un passage de Strabon, VII, 3, 8, d'après Ptolémée fils de Lagos, il est dit que les Gaulois ne craignaient que la chute du ciel, en rapproche un passage de Tite Live, XL, 58, § 6 il est rapporté que les Gaulois en fuite croyaient que le ciel tombait sur eux : caelimi in se ruere iiielhvit. P. 339, M. Gassien publie une gravure représentant le Dispater gaulois de la collection Dassy à Meaux. P. 340, note de M. Audollcnt sur les fouilles du Puv-de-Dôme l'on vient de découvrir un petit monument, c'est-à-dire, comme l'auteur « s'exprime, un temple à cella quadrangulaire tandis que l'édifice grandiose qui le domine a la forme carrée si fréquente en Gaule ».

Chaque livraison contient une chronique gallo-romaine écrite par M. Jullian et d'un grand intérêt.

VII

Ce que le Boletin de la Real Academia de la HistorL'\, année 1906, nous offre de plus curieux au point de vue de l'histoire ancienne, c'est, t. XLVIII, p. 374-381, et t. XLIX, p. 133-137, la découverte en Andalou- sie d'une caverne artificielle en forme de coupole ovoïde, occupant en plan 3 mètres 95 sur 4 mètres 45, et accompagnée de trois petites annexes; on parvient à cette coupole par une galerie souterraine ; le tout est creusé dans le roc; sur les parois on voit des restes de peinture. Dans le sol on a distin- gué plusieurs couches ; la supérieure est du moven âge jusqu'au xiv^ siècle représenté par cent monnaies datant du règne de Pierre I^'", roi de Castille ; au-dessous une couche romaine, plus bas divers débris notamment de nom- breux os d'animaux. Comparer, le monument irlandais de Newgrange.

Le P. Fidel Fita continue la publication des inscriptions romaines d'Es- pagne ; mais une grande partie de celles qu'il donne a déjà paru dans le tome II du Corpus iiiscriptionuniJatinaruin; il le dit lui-même. Parmi elles se

Périodiques 105

trouve un surnom celtique, il s'agit de l'épitaphe de L. Caec(ilius] Agidil- lus, no 4456 du Corpus, p. 246 du tome XLVIII du Boletin, cf. Alfred Hol- der, Allceltiscber Sprachschati, t. I, col. 55, 56.

VIII

Les Indogermanische Forschungen, t. XIX, ne contiennent aucun article traitant spécialement des langues celtiques, mais, grâce à l'excellent index de M. Hermann Hirt(54 pages, de 582 à 635) quatre colonnes, p. 613, 614, sont occupées par les langues celtiques, les recherches y sont possibles.

Parmi les nombreuses comparaisons de l'irlandais avec d'autres langues, nous en glanerons quelques-unes : gaoisid « poils d'animal », « crins » dans l'Avesta gaesa « chevelure crépue » (p. 318); Wor autrefois Inr =^- * hem, « bâton pointu >-., dans l'Avesta grava- a bâton » (p. 325); guaire, « chevelure rude », en lituanien gaitras, « cheveux courts et rudes » (p. ^42); fioiuiadh, « cheveu », comparez le premier terme du vieux haut allemand ivint-braïua « sourcil » aujourd'hui wimper « cil » ; feasog « barbe » dérivé du vieil-irlandais fi's v cheveu » = ijendhso-, en vieux slave vasïi, « barbe » = uoiidhso- (p. 347-348), rapprochements proposés par M. Li- den ; taos plus anciennement tais, pâte, en vieux slave téslo, forme pri- mitive dans les deux langues tdisto- ; tara, « actif, vif », en sanscrit tardnish « prompt, vif, énergique », en grec -p-^pov, xpapov, xapo'v, rap- prochements proposés par M. Brugmann qui traite, p. 384, des étymo- logies données pour ara « cocher», et qui se trompe, p. 385, quand il traduit ccle par serviis. Le vrai sens de ce mot est « compagnon », « cama- rade » 5. La formule Ccle Dé, employée pour désigner les moines irlandais, veut dire non servtis Dei, mais sociiis Dei, conformément à la première épître aux Corinthiens, chapitre i, verset 9 : « Dieu est fidèle, il vous a appelé dans la société, s'; /.otvovt'av, de son fils Jésus-Christ. » Eî; -/.oivojvîav est traduit dans la Vulgate par in societatem, dans la traduction anglaise la plus récente par infelloiuship. Or felloiv est une des traductions proposées pour cèle, cèile par MM. R. Atkinson et Kuno Meyer' ; et le sens de felloiu, est « compagnon » « camarade » nullement esclave.

IX

Dans la Zeitschrift fur vergleichende Sprachforschung, t. XL, p. 290, 291, M. Richard Loewe traitant de la chute de la réduplication au parfait dans les langues germaniques compare le vieil irlandais ar-oh- rôinasc ^ « je vous ai fiancés », le redoublement n'est représenté que par

1. Atkinson, Gloasaryto Breton Laws, p. 126; Kuno Meyer, Contributions ta irish Lexicography, t. I, p. 383.

2. Windisch, Irische Texte, t. I, p. 374, col. 2.

I o6 Périodiques

la lettre /, tandis que dans ro-nenasc ' « je me suis engagé à payer, » le redoublement persiste intégralement. A la page 400, M. Vilhelm Schultze, traitant des noms germaniques du beau-père, en latin socer, et de la belle- mère, en latin socrtis, cite le gallois chiuegrwn, « beau-père » cinuegr, « belle- mère ». A la page 473, M. Paul Charpentier cite le mot irlandais gaoitid, « crins « et comme M. Macbain, Etywological Dictionary of the Gaelic Lan- guage, p. 169, le rapproche du grec yx'.-i^ v crinière » « longue chevelure w.

X

Un article de M. Magnus Olsen, inséré dans les Beitraege zur Kunde DER iNDO-GERMANiscHEN Sprachek, t. XXX, p. 325-327, est consacré à l'étude de la question de savoir si le basque andre « femme » « dame » est d'origine basque ou a été emprunté par le basque au celtique * andera dont l'existence doit être conclue du vieil irlandais ainder « jeune femme », du mot gallois et breton aimer w génisse ». = M. Olsen croit que le mot basque est d'origine celtique. Le sens primitif a être « génisse ». Le basque andre fait défaut dans l'ordre alphabétique du Diccionario trilingue castt'Uaiio, bascuense y latin de Larramendi. On ne l'y trouve qu'à l'article Maria il apparaît, comme premier terme du composé andre-dena. M. Olsen cite andre d'après Eys, Dictionnaire basque-français, et d'après Luchaire, Les origines linguistiques de V Aquitaine, 1877 ; il reproduit neuf lignes prises par lui dans l'ouvrage de M. Luchaire, /;/ seincr gruudlegenden Schrift. André, comme premier élément du composé andre-dena, se ren- contre dans le titre des litanies de la Vierge en dialecte de Labourd publiées par Phillips, comptes rendus de l'Académie impériale de Vienne, t. LXVI (1870), p. 746, cf. p. 751.

Le vieux français am/Zc/- aujourd'hui landier «chenet )•> viendrait d* anderos, masculin d'*«w(7^;ii et signifiant primitivement « veau ». Les chenets étaient originairement en forme de petits chiens, chenet est un diminutif de chien. Les andiers auraient été en forme de veau.

XI

La Revue ARCHÉOLOGIQUE, no de juillet-août 1906, contient, p. 120-123, un article de M. Chanel sur une sépulture du premier âge du fer, découverte à Belignat, * Beliniacus, Ain. On n'y a pas trouvé d'armes, on y a recueilli les fragments d'un collier en bronze, sept bracelets de même métal, une plaque de ceinture également en bronze, longue de 0,468, épaisse de 0,001, large de 0,157.

La Revue des publications épigraphiques, mars-juin, placée par MM. Cagnat et Besnier à la fin de cette livraison, contient, no 33, l'épitaphe de Sego-

1. Windisch, Irische Texte, t. I, p. 703, col. i.

2. Cf. V\[\\iÛeyS\oVe'3,UrhllischerSprachschat:^,-ç. 15.

Périodiques 107

iiiiinna par Teiiiiis Tiiico-rigis f\ilius]; et 11° 54, le nom d'homme écrit au génitif Veni-cari.

XII

Il a paru trois numéros, juillet, août, septembre-octobre, d'une revue nouvelle Pro Alesia, destinée à faire connaître le résultat des fouilles entreprises sur l'emplacement à' Alesia, ville gauloise que Jules César a rendue célèbre par le livre VII de son De hellogaliicoei dont le nom est conservé par un village voisin, Alise-Sainte-Reine, canton de Flavigny, arrondissement de Semur, Côte-d'Or. Alesia était située sur le plateau du Mont Auxois, Mons Alisensis, qui domine Alise-sainte-Reine; et la première '.ivraison de Pro Alesia s'ouvre par un plan de ce plateau, c'est un extrait du plan cadastral ; le nombre des parcelles est énorme, nombreux sont aussi par conséquent les propriétaires avec lesquels il faut s'entendre quand on veut pratiquer des fouilles. Les fouilles sont commencées; elles établissent que la ville gau- loise du Mont Auxois a continué à être habitée sous la domination romaine jusqu'au ve siècle de notre ère. On y a trouvé des monnaies romaines, des inscriptions romaines, un théâtre romain demi-circulaire, à 40 mètres 30 de rayon, des statues de divinités romaines, enfin trois fragments d'une inscrip- tion gauloise dont on peut restituer quelques mots i]a[u.o]TaXo[:] % Fapaa- [vo]; ^ BipoL/.o >, TWJX[[o;]4, [aXia]avv[oç]. Il y s'agirait en dernier lieu d'un certain Biracos, magistrat ? d'Alise ? Les collaborateurs auxquel son doit Pro Alesia, MM. Espérandieu, Seymour de Ricci, Pernet, Héron de Villefosse font preuve d'un zèle et d'une science qui méritent les plus chauds encou- ragements.

XIII

M. Arthur Bernard Cook a commencé, en 1904, dans le tome XV du Folklore , une étude sur le dieu européen du ciel , The etiropeaii Sky- god. D'abord dans ce volume il s'est occupé de la mythologie grecque. En 1904, dans le tome XVI il est passé à la mythologie des Italiotes; dans le tome XVII, en 1906, il est arrivé aux Celtes. En trois articles il s'occupe des dieux adorés par les Celtes insulaires : i" p. 28-71, il est question de Nodons, en irlandais Niiadu, en gallois Ludd 5 et des arbres sacrés dits hile ; 2°, p. 141-173, il s'agit de Manannan mac Lir, de Bran, de Connla, de Cûchulainn, de Cormac, de Tadg, d'Oisin, c'est-à-dire d'une grande partie de la mythologie irlandaise ; p. 308-348, M. Cook traite de la mytho-

1. Holder, Altceltischer Sprachschat:^, t. II, col. 1347.

2. Ibidem, t. I, col. 1983.

3. Biracos, ibidem, t. I, col. 423.

4. Ibidem, t. II, col. 1898.

5. Loth nom d'un de nos principaux collaborateurs ne serait qu'une déformation du nom divin gallois Ludd (p. 48-56), variante de l'irlandais Nuadu ; primitivement Nodons.

io8 Périodiques

logie galloise. M. Cook, étant monothéiste, transforme en un dieu unique, le dieu européen du ciel, les nombreux personnages mythologiques dont il nous entretient. Tous les lecteurs auront-ils une imagination si puissante?

XIV

Le Biilleliti des Inihlicatioiis hagiographiques contenu dans les troisième et quatrième livraisons du tome XXV des Analecta Bollandiana nous ofiVe p. 544, 345, 360, 509, sous la signature A[lbert P[oncelet), d'aimables et intéressants comptes rendus de la seconde édition du Felire Oetigusso de M. Whitlev Stokes, de deux ouvrages de l'abbé Duine concernant la Bre- tagne, de la récente publication de M. Le Braz, Coguoiiierus et sainte Trcfiiie.

XV

Dans le tome V de la Revue épigraphique fondée par A. Allmer et continuée par le capitaine Espérandieu, la suite de l'étude d'Allmer sur les dieux de la Gaule par ordre alphabétique, de Riuliobits à Uniia, occupe les pages 43-47, 62-64, 90-94, 103-111, 122-127, '54"iS9> I73"i75- 19I" 192. Nous signalerons en outre, p. 132, dans deux épitaphes trouvées à Entrains, Nièvre, trois noms d'homme au génitif : Daiiiii, Roxtano-rigis Taiio-rigis, plus un au nominatif Dago-toutus ; p. 164, dans une épitaphe découverte à Aigaliers, Gard, le génitif Dunniiae d'un nom d'homme ; p. 185, dans une dédicace découverte il Serviers, Gard, la divinité 5t'0'o»/aHW(7, le dédicant Tertius Tiiico-rigis /[ilius]; nous venons d'en parler, p. 107.

XVI

Le tome XXI de la Revue des Traditions populaires nous offre, p. 167 et suivantes, un article intitulé Légendes et superstitions préhistoriques ; on y voit, p. 310 et suivantes, ce qu'en Bretagne on pense des haches. Enfin p. 392 et suivantes se trouve un recueil d'articles sur les traditions et superstitions de la Basse-Bretagne. Exemple : Aux environs de Morlaix : après la mort on est changé en animaux, « c'est pourquoi on ne doit pas faire souffrir les bêtes ».

XVII

L'Anthropologie, tome XVII, renferme, p. 1-25, le commencement d'un mémoire le docteur Hamy cherche à fixer, d'après les débris trouvés dans les tombeaux, les caractères physiques qui distinguaient les premiers Gaulois ; ce sont les crânes que le savant auteur étudie dans cette première section dont nous attendons la suite. Aux p. 321-342, M. Déche- lette étudie les sépultures de l'âge du bronze en France. Sous le titre de : L'epée de Brennns, M. Salomon Reinach examine s'il est exact, que, comme le dit Polybe, II, 33, les épées gauloises étaient de si mauvaise qualité

Périodiques 109

qu'après avoir frappé un premier coup, elles se repliaient'^ sur elles-mêmes. Sa conclusion est négative.

XVIII

La REVLiE DES IDÉES, n" du is mai 1906, p. 372, 381, nous offre sous le titre de Uart en Gaule d î'époque préhistorique, un mémoire de M. Raymond de Passillé avec 14 figures représentant des équidés, des bovidés, un mam- mouth, un renne, les uns gravés, les autres peints dans des cavernes.

Un souvenir de cette population préhistorique des cavernes se trouve en Irlande ; il v est mélangé à la mythologie dans les récits légendaires l'on parle des demeures souterraines des dieux; comparez la légende homé- rique de Polyphème.

XIX

Les COMPTES RENDUS DES SÉANCES DE l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres pour l'année 1906 contiennent, p. 79-83, un rapport du capi- taine Epérandieu sur les sondages pratiqués au Mont Auxois en 1905. Nous en extrayons les passages suivants :

« Quatre tranchées orientées Nord-Sud, et que l'on a remblayées depuis, furent ouvertes, le 16 octobre, vers le milieu du plateau, aux lieux dits Saint-Pierre, Le champ de la Cave, En Surelot et La Combe. Chacune d'elles avait une largeur de o m. 70 et une profondeur variable, mais qui ne dépassait pas en général, 0 m. 50. La première de 127 m. 30 de long, permit de couper dix-neuf murs et fit reconnaître une cave en petit appareil, que l'on déblaya partiellement et dans laquelle on put accéder par un esca- lier de sept marches retrouvées en bon état.

« La seconde, de 129 m. 75, comportait une lacune de 7 mètres sur l'emplacement du chemin actuel de Mont Auxois. Elle coupa dix-huit murs, parmi lesquels ceux d'une autre cave, aussi en petit appareil, et dont le sol, à 3 mètres de profondeur, était formé par une couche de béton.

« La troisième de 93 m. 50, fit découvrir onze murs et les traces d'un foyer rempli de cendres.

« La dernière enfin, de 103 m. 30, ne donna que peu de résultats. Sur une'longueur de 40 mètres, on n'a trouvé que le rocher ; la majeure partie des 63 mètres restants était constituée par du macadam recouvert, à trois reprises différentes, par des pièces équarries d'un dallage moins ancien. Deux murs seulement, l'un de o m. 75, l'autre de o m. 40, ont été coupés par la tranchée.

« Les deux premières tranchées furent tracées dans le prolongement et à 12 m. 50 l'une de l'autre ; entre elles se trouvait un puits, lui-même situé au Nord-Est, et à 25 mètres d'un second puits dont on déblaya les abords. On reconnut ainsi les maçonneries d'une construction, dont le plan d'en- semble a pu être levé par M. Testart, vice-président de la Société de Semur, mais sur la nature de laquelle je ne saurais me prononcer. Le peu d'épais- seur des murs, qui ne dépassent pas o m. 30, et leur mauvaise facture me paraissent exclure la possibilité d'un monument public.

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Périodiques

logie galloise. M. Cook, étant monothéiste, transforme en un dieu unique, le dieu européen du ciel, les nombreux personnages mythologiques dont il nous entretient. Tous les lecteurs auront-ils une imagination si puissante?

XIV

Le Bulletin des Imblications hagiographiques contenu dans les troisième et quatrième livraisons du tome XXV des Analecta Bollandiana nous offre p. 344, 345, 360, 509, sous la signature A[lbert P[oncelet), d'aimables et intéressants comptes rendus de la seconde édition du Felire Oeiigusso de M. Whitlev Stokes, de deux ouvrages de l'abbé Duine concernant la Bre- tagne, de la récente publication de M. Le Braz, Cognonierus et sainte Trcfine.

XV

Dans le tome V de la Revue épigraphique fondée par A. A limer et continuée par le capitaine Espérandieu, la suite de l'étude d'Allmer sur les dieux de la Gaule par ordre alphabétique, de Rudiobus à Urnia, occupe les pages 43-47, 62-64, 90-94, 103-111, 122-127, '54-i59> I73"i75» 191- 192. Nous signalerons en outre, p. 132, dans deux épitaphes trouvées à Entrains, Nièvre, trois noms d'homme au génitif : Dan ni, Roxtano-rigis Tano-rigis, plus un au nominatif Dago-ioutus ; p. 164, dans une épitaphe découverte à Aigaliers, Gard, le génitif Dunniiae d'un nom d'homme : p. 185, dans une dédicace découverte ;i Serviers, Gard, la divinité 5»'tro;//a////(;, le dédicant Tertius Tinco-rigis /[ilius]; nous venons d'en parler, p. 107.

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Le tome XXI de la Revue des Traditions populaires nous offre, p. 167 et suivantes, un article intitulé Lcgendes et superstitions préhistoriques ; on y voit, p. 310 et suivantes, ce qu'en Bretagne on pense des haches. Enfin p. 392 et suivantes se trouve un recueil d'articles sur les traditions et superstitions de la Basse-Bretagne. Exemple : Aux environs de Morlaix : après la mort on est changé en animaux, « c'est pourquoi on ne doit pas faire souffrir les bêtes ».

XVII

L'Anthropologie, tome XVII, renferme, p. 1-25, le commencement d'un mémoire le docteur Hamy cherche à fixer, d'après les débris trouvés dans les tombeaux, les caractères physiques qui distinguaient les premiers Gaulois ; ce sont les crânes que le savant auteur étudie dans cette première section dont nous attendons la suite. Aux p. 321-342, M. Déche- lette étudie les sépultures de l'âge du bronze en France. Sous le titre de : Lèpèe de Brcnnus, M. Salomon Reinach examine s'il est exact, que, comme le dit Polybe, II, 35, les épées gauloises étaient de si mauvaise qualité

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qu'après avoir frappé un premier coup, elles se repliaient'sur elles-mêmes. Sa conclusion est négative.

XVIII

La REVLŒ DES IDÉES, n" du is mai 1906, p. 372, 381, nous offre sous le titre de L'art en Gaule d Vépoquc prcJiistoriqiie, un mémoire de M. Raymond de Passillé avec 14 figures représentant des équidés, des bovidés, un mam- mouth, un renne, les uns gravés, les autres peints dans des cavernes.

Un souvenir de cette population préhistorique des cavernes se trouve en Irlande ; il y est mélangé à la mythologie dans les récits légendaires l'on parle des demeures souterraines des dieux; comparez la légende homé- rique de Polyphème.

XIX

Les COMPTES RENDUS DES SÉANCES DE l' Académie des Inscriptions et Belles-Lettres pour l'année 1906 contiennent, p. 79-85, un rapport du capi- taine Epérandieu sur les sondages pratiqués au Mont Auxois en 1905. Nous en extrayons les passages suivants :

« Quatre tranchées orientées Nord-Sud, et que Ton a remblayées depuis, furent ouvertes, le 16 octobre, vers le milieu du plateau, aux lieux dits Saint-Pierre, Le champ de la Cave, En Surelot et La Combe. Chacune d'elles avait une largeur de o m. 70 et une profondeur variable, mais qui ne dépassait pas en général, o m. 50. La première de 127 m. 30 de long, permit de couper dix-neuf murs et fit reconnaître une cave en petit appareil, que l'on déblaya partiellement et dans laquelle on put accéder par un esca- lier de sept marches retrouvées en bon état.

« La seconde, de 129 m. 75, comportait une lacune de 7 mètres sur l'emplacement du chemin actuel de Mont Auxois. Elle coupa dix-huit murs, parmi lesquels ceux d'une autre cave, aussi en petit appareil, et dont le sol, à 3 mètres de profondeur, était formé par une couche de béton.

« La troisième de 93 m. 50, fit découvrir onze murs et les traces d'un foyer rempli de cendres.

« La dernière enfin, de 103 m. 30, ne donna que peu de résultats. Sur une'Iongueur de 40 mètres, on n'a trouvé que le rocher ; la majeure partie des 63 mètres restants était constituée par du macadam recouvert, à trois reprises différentes, par des pièces équarries d'un dallage moins ancien. Deux murs seulement, l'un de o m. 75, l'autre de o m. 40, ont été coupés par la tranchée.

« Les deux premières tranchées furent tracées dans le prolongement et à 12 m. 50 l'une de l'autre; entre elles se trouvait un puits, lui-même situé au Nord-Est, et à 25 mètres d'un second puits dont on déblaya les abords. On reconnut ainsi les maçonneries d'une construction, dont le plan d'en- semble a pu être levé par M. Testart, vice-président de la Société de Semur, mais sur la nature de laquelle je ne saurais me prononcer. Le peu d'épais- seur des murs, qui ne dépassent pas o m. 30, et leur mauvaise facture me paraissent exclure la possibilité d'un monument public.

no Périodiques

« D'une manière générale, les différents murs que rencontrèrent les tran- chées avaient une épaisseur de o m. ^o à i mètre. Ils étaient construits en petits cailloux assemblés avec du mortier; des pavages ou du macadam qui correspondaient, suivant leur largeur, soit à des rues, soit à des places publiques, les séparaient parfois. Un certain nombre de ces murs, étaient recouverts d'un enduit gris, rouge ou blanc que décoraient des filets d'autres couleurs.

« Les terres des excavations et celles retirées des puits n'ont pas été pas- sées au crible ; la saison du reste s'y opposait. On a recueilli toutefois une foule de menus objets, de nature à faire augurer favorablement des fouilles plus méthodiques que l'on se propose d'exécuter. C'est d'abord une quan- tité innombrable de clous de toutes dimensions, paraissant fournir la preuve que le bois entrait pour une bonne part dans la construction des demeures. Ce sont ensuite des fragments de marbre, la base d'une statuette de marbre à laquelle sont adhérents deux pieds de chèvre, ceux peut-être d'un dieu Pan, des débris de poteries rouges ou noires, quelques-unes peintes, dont la fabrication s'échelonne depuis l'époque de la Tène jusqu'au Bas-Empire et dont certaines sont estampillées aux noms .des céramistes g^Uo-romains Chresius, Bassus et Scoppus, des gonds de porte, des morceaux de verre, un style et des boutons de bronze, un curieux petit polissoir en pierre dure, de la grosseur et de la forme d'une châtaigne, une pointe de javeline en fer, une épingle en os et des monnaies.

Parmi celles-ci, dix ou douze sont gauloises. J'ai noté, principale- ment deux pièces des ManJubii, des deux £dui, une des Seiiones, une des Linc;ones et une des Leuci} avec la légende Germanvs IndvtilU. Des autres monnaies aucune n'est consulaire ; la plus ancienne est de Néron, la plus récente de Valentinien II. La plupart sont de Gallien et de Tétricus, de Constantin I et de Constance II. Leur nombre est encore insuffisant pour nous fixer d'une manière certaine sur l'époque cessa d'exister la ville gallo-romaine, continuatrice de la cité gauloise que les soldats de César durent piller sans la détruire. Il est toutefois probable qu"il faut reporter cette époque au début du v^ siècle et aux grandes invasions qui désolèrent alors nos pays. Alise fut incendiée ; M. Pernet a découvert, au cours de ses sondages, assez de charbon de bois pour en remplir plusieurs corbeilles. C'est d'ailleurs au moins pour une bonne part, grâce à la protection de la couche de cendre qui se forma, que la masse des clous dont je parlais tout à l'heure nous est parvenue. La ville fut rebâtie plus tard non point peut- être sur le même emplacement. Elle semble avoir été reportée vers la crête occidentale du plateau, au lieu dit le cimetière Saint-Pierre, et avoir com- mencé dès cette époque, vers la plaine, la descente qui se poursuit de nos jours, quoique lentement. »

Des pages 193, 194 nous extrayons un tableau dressé par M. Adrien Blan- chet qui nous donne le périmètre des enceintes des villes de Gaule à partir de l'époque d'Auguste pour aller jusqu'au iir' siècle de notre ère :

Autun, Auf^iistodiuniiu . Enceinte de l'époque d'Auguste, )922 mètres

Enceinte réduite, fin du iii'^ siècle, 1 300 m. environ

Périodiques 1 1 1

Nîmes, Neiiuiusiis. Enceinte de l'époque d'Auguste, 6200 m. environ

Enceinte réduite, tin du iiF siècle, 2300 m. environ

TrèvQS, Auoiisla Treveroruin. Enceinte du i'^'" siècle. 6418 m.

Augst, Aiigiiita Rauracoruni. Idem, 4767 m.?

Fré'ps, Forum Juin. Idem, 400034100 ni.

Avenches, Aventlcimi. Idem, 4000 m. environ

Cologne, Colonia Agrippitia. Idem, 5911m. Heddernheim, Civitas Tauiieiisiurn. Enceinte du ii^ siècle, 2700 m? Poitiers, L/w/oh;//;/. Enceinte du me siècle, 2600 m.

Sens, Agcdiiicuiii. Idem, 2500 m.

Bordeaux, Burdigala. Idem, 2350 m.

Bourges, Avaricum. Idem, 2100 m.

Chartres, Autriciim. Idem, 2100 m.?

Sxr3i^hourg, Argentoratum. Idem, 1800m.

Nantes, Condiviciium. Idem, 1665 m.

Paris, Lulecia. Idem, 1620 m. environ

Rouen, Rotoiiiag us. Idem, 1600 m. environ

Dijon, Divio. Idem , 1 500 m. environ

Chalon-sur-Saône, CabiUoiium. Idem, 1 500 m. environ

Dax, Aqux Tarbellica'. Idem, 1465 m.

BouIogne-sur-Mer, Gesoriacus, Bouoiiia. Idem, 1400 m. environ

Ltt Mans, Suindinuiii. Idem, 1440 m.

Soissons, Augusta Suessiouum. Idem, 1400 m. environ

Hevars, Nevirnum. Idem, 1 375 m. environ

Beauvais, Caesaromaous. Idem, 1270 m.

Angers. Julioiuagus. Idem, 1200 ou 1600 m?

Rennes, Condate. " Idem, 1200 m. environ

Grenoble, Cî//aro. Idem, 1 160m. environ

Tours, Caesaroduuu ni. Idem, 1155 m. environ

Evreux, Mediokuiuin. Idem, 1145 m.

Orléans, Cetmhuni. Idem, iioom.

Rayonne, Lapurduni. Idem, iioo à 1125 m.

Auxerre, Autissioduruiii. Idem, 1080 m.

Melun, Melioseduui. Idem, 1000 m. environ

Meaux, Fi-xtuinuiii. Idem, 1000 m. environ

Périgueux, Vcsuuua. Idem, 955 m.

Saintes, Mediolanum. Idem, 935 m. environ

Cohlem, Confluenles. Idem, 920 m. environ

Andernach, Antuunacum. Idem, 910 m.

Senlis, Augustoiuagus. Idem, 840 m.

Saint-Lizier, Civitas, Cousorauorutu. ' Idem, 740 m.

Noyon, Novioinagus. Idem, 599 m. environ

Antibes, Autipolis. Idem, 590 m.

I. Aussi appelée Austria, Hadrien de Valois, Notifia Galliaruiu, p. 155 ; cf. Blanchet, Les enceintes romaines de la Gaule, p. 196.

1 1 2 Périodiques

P. 361, une note de l'abbé Arnaud d'Agnel nous apporte le texte d'une inscription récemment découverte à Marseille :

RUSTICA VEBRUi /[î'/àr], Vehrui est le génitif du nom d'iiomme Vehruos. Est à rapprocher le premier terme du nom d'homme gaulois Vebni-maros, en caractères grecs ()uri6po'j-rj.apo;, Corpus inscriptioniim latinanivi, t. XII, p. 820. La leçon (JurjSpo-[j.apoç, Revue Celtique, t. XVIII, p. 320, 324, 432, est à rectifier.

XX

Un travail de MM. Antoine Thomas et René Poupardin inséré dans les Annales du Midi, XVIIP année, 1906, p. 1-39, nous fait connaître plu- sieurs fragments du cartulaire de Pannas, Dordogne. Dans ce cartulaire apparaissent plusieurs noms de lieu en -acus : Atchiacus, aujourd'hui Archiac, Charente-Inférieure ; les suivantes sont situées dans la Dordogne : Braga i rac, Bergersic; Causiaais ; Lmtitiiaais, LenùgnsLc; Miliaciis, Millac d'Auberoche ; Tegacus, Tejac.

XXI

Le Bulletin de la Société nationale des AxTiauAiRES de France, 3e trimestre de 1906, nous offre, p. 251, le dessin, par M. de la Tour, de quatre intailles provenant de bagues gauloises recueillies dans Voppiduw de Pom- miers et présentées à la Compagnie par M. Vau ville, associé correspondant national, qui en avait reçu trois de M. Brunehaut : ne pas confondre avec la reine mérovingienne. La quatrième intaille fait partie de la collection de M. Vau ville.

MM. de la Tour et Blanchet sont d'accord pour considérer ces intailles comme l'œuvre d'artistes gaulois. Sur une d'elles on lit le mot Vehigni.

P. 255 et suivantes on trouve une note de M. Héron de Villefosse sur l'épitaphe trouvée à Frolois (Côte-d'Or), d'un Gaulois nommé Ripcicnus DuNAUS. Est à comparer le nom d'homme au génitif Ripci (Corpus Inscrip- lioHum latuhiruui,Xlll, 2753).

P. 267. M. Bordeaux signale l'existence d'une pierre levée en grès, prés de Survilliers (Seine-et-Oise).

P. 309-310. Dédicace à la dea seûuana trouvée à Salmaise (Côte-d'Or) et signalée par M. P. de Truchis.

H. d'Arbois de Jubainville.

Le Propriétaire-Gérant, H. CHAMPION.

MAÇON, PROTAT FRÈRES, IMPRIMEURS

LES

INSTITUTIONS ET LE DROIT SPÉCIAUX

AUX ITALO-CELTES

Nous avons dernièrement fait observer ' l'étroite analogie qui existe entre la corporation celtique des Druides et le collège des Pontifes romains, entre la corporation des Jdthi ou filid irlandais et le collège des Augures. Un hasard inattendu vient de nous faire tomber entre les mains un mémoire inédit, daté du 8 août 1874, et Julien Havet, le 4 avril 1853, alors par conséquent âgé de vingt et un ans, a traité un sujet qui s'en rapproche : la puissance paternelle à Rome persiste jusqu'à la mort du père, à moins d'émancipation ; dans le monde celtique, la puissance paternelle a la même durée ^. Ces faits se juxtaposent aux phénomènes linguistiques qui ont fait admettre l'existence d'un groupe italo-celtique distinct du reste des Indo- européens ; ils la confirment. M. Julien Havet a eu le premier l'idée de compa- rer la découverte des linguistes avec des faits étrangers à la linguistique qui confirment cette découverte. C'était en quelque sorte un éclair de génie.

Julien Havet, auteur du mémoire qui suit, est mort âgé de quarante ans, le 19 août 1893, après avoir fait plusieurs publications qui lui donnent un rang éminent parmi les érudits français. Il a laissé un frère, M. LouisHavet, savant linguiste, qui se rappelle encore les conversations fraternelles vieilles de plus de trente ans d'où est sorti l'article que nous publions.

H. d'A. DE J.

NOTE A PROPOS D'UN POINT DE DROIT GALATE

Gaius dans son- i*"" commentaire examine les diverses sortes d'autorité légale que le droit romain reconnaissait à un homme sur un autre homme, puissance dominicale ou puis-

1. Les Druides, p. 8-10.

2. Sauf en Galles. Voir sur ce sujet, Cours de littérature celtique, t. VII, p. 244-249.

Revue Cellique,XXVlIL 8

114 Julien Ilavet.

sance du maître sur l'esclave, puissance paternelle, etc. ; il a soin de distinguer ceux de ces droits qui sont propres à Rome et qui, par conséquent, ne peuvent appartenir qu'à des citoyens romains, et ceux qui existent également chez tous les peuples, et auxquels ont part même les sujets étrangers de l'empire. A cet égard, la puissance dominicale et la puissance paternelle diffèrent. La première est universelle : « les esclaves sont sous la puissance de leur maître, et cette puissance est du droit commun à tous les peuples : car chez tous les peuples égale- ment, nous pouvons remarquer que les maîtres ont sur leurs esclaves le droit de vie et de mort, et tout ce qui est acquis par l'esclave est acquis au maître. » Il en est tout autre- ment de la puissance paternelle. Chez les Romains, on sait quelle en était l'étendue extraordinaire : le fils y restait soumis ioiite sa vie, et son père pouvait le vendre, le tuer', etc. Or c'était une singularité du droit romain ; les autres peuples, nous dit Gains, ignoraient une pareille extension de l'autorité paternelle. Toutefois il y avait une curieuse exception à cette règle, et le peuple chez qui Gaius la signale était un peuple celtique.

Voici le passage de Gaius : « Nous avons aussi en notre puissance nos enfants, que nous avons procréés en légitime mariage. C'est un droit qui n'appartient qu'aux citoyens romains : en effet il n'y a presque pas d'autres hommes qui aient sur leurs enfants un pouvoir pareil à celui que nous avons sur les nôtres ; et ainsi l'a déclaré l'empereur Hadrien dans i'édit qu'il a publié au sujet de ceux qui lui demandaient, pour eux et pour leurs enfants, le droit de cité romaine. Je n ignore pas toutefois que la nation des Galates admet la puissance du père sur ses enfants^.

1 . Ce droit a été réellement exercé ; en voir un exemple dans Salluste, Catilina, 59.

2. « Ac prius dispiciamus de iis, qui in aliéna potestate sunt. In potes- tate itaque sunt serui dominorum, quae quidem potestas iuris gentium est : nam apud omnes peraeque gentes animaduertere possumus, dominis in seruos uitae necisque potestatem esse, et quodcumque per seruum adqui- ritur, id domino adquiritur... Item in potestate nostra sunt liberi nostri, quos iustis nuptiis procreauimus, quod lus proprium ciuium Romanorum est : fere enim nulli alii sunt homines, qui talem in filios sucs habent potestatem, qualem nos habemus. Idque diuus Hadrianus edicto, quod pro-

Les institulions et le droit spéciaux aux Italo-Celles. 1 1 5

Ainsi, à la différence de tous les autres peuples que Gains avait en vue, les Galates reconnaissaient au père sur ses enfants un droit analogue à celui que lui attribuaient les Romains. De ce témoignage relatif aux Celtes d'Orient, on a déjà rap- proché un témoignage analogue de César sur les Gaulois, chez qui « les hommes ont sur leurs femmes, ainsi que sur leurs enfants, le droit de vie et de mort » '. Il semble résulter de ces deux passages que la puissance paternelle telle que l'entendaient les Romains était un trait commun du droit des peuples celtiques.

Ce trait rapprochait les Celtes des Romains et les sépa- rait de tous les autres peuples de l'antiquité ^ : résultat qui prend de l'intérêt si on le rapproche de la doctrine ethnogra- phique qu'a soutenue un des linguistes les plus éminents.

Suivant Schleicher ', chacune des deux familles italique

posuit de his, qui sibi liberisque suis ab eo ciuitatem Romanam petebant, signifîcauit, nec me praeterit, Galatarum gentem credere, in potestate paren- tum liberos esse. » Gaii iiistitiitioiiuiii coiiniient. i, §§ 51, 52, 55, p. 13, 14 et 15 du ms. : éd. de M. Huschke dans ses Jiirispnuieiitiae aiileiiistiiiiaiiae qiiae supersunt, éd. altéra, Lipsiae, Teubner, 1867. Au lieu de ici domino adquiritnr, M. Huschke pense qu'il faut lire id domino adquiri.

1. « Viri in u.xores sicuti in liberos uitae necisque habent potestatem. » De bello crallico. VI, 19. Si Gaius ne mentionne pas les Gaulois, c'est sans doute que de son temps ils avaient pour la plupart reçu le droit romain avec la cité romaine : v. Beckeret Marquardt, HandhiicI) der rdmiscljoi Alter- thiimer, 3. Theil, i. Abth., p. 93 ss. Leipzig, i 851. Tacite, Hist., i, 8 : Galliae... obligatae recenti dono romanae ciuitatis.

2. Il pouvait et devait y avoir chez les autres peuples une tutelle du père sur ses enfants en bas âge, organisée pour protéger les enfants eux-mêmes, mais ce n'est pas la puissance paternelle romaine, constituée dans l'inté- rêt du père. Je ne puis examiner ici en détail les renseignements que fournirait, pour contrôler l'assertion de Gaius, l'étude du droit des divers peuples. Je ferai remarquer seulement que les textes cités par J. Grimm, Deittsclie Rechtsatterthûmer, p. 455 ss., ne prouvent pas comme on l'a dit (Waitz, Deutsche Verfassungsgeschichte, I, p. 45) que les Germains, à la manière romaine, aient admis la toute-puissance paternelle. Les traditions que rapporte Grimm montrent Viisage de ne pas élever ou d'exposer l'enfant noHveaii-nè , non le droit pour le père de tuer son fils à tout âge, même adulte. L'histoire des Frisons qui, ne pouvant s'acquitter envers les Romains du tribut qu'ils leur devaient, livrent en guise de paiement leurs femmes et leurs enfants (Tac, ^-/;;».,IV, 72), nousmontre en exercice la puissance publique du peuple entier, non la puissance privée des pères de famille.

3. Compeudium der vergleiclieiideii Grammatil; dcr iudogcniiaiiisclicn Spra- chen, 3^ éd., Weimar, 1871, p. 7 et 9, txBeitràge^ur vergleiclkiidcii Sprachfor. schung, I, p. 437-448 (Berlin, 1858).

1 16 Julien Havet.

et celtique est unie avec l'autre par un lien de parenté plus étroit qu'avec aucune autre famille de la race dite indo-euro- péenne ou ario-européenne ; les langues italiques et celtiques sortent immédiatement d'une même langue, la langue italo- celtiqne, qui a eu quelque temps une existence propre après s'être séparée des autres langues congénères (grecque, germa nique, etc.) ; et il y a eu de même un peuple italocelte, qui, ne faisant qu'un d'abord avec les autres peuples de l'Europe, s'en est ensuite séparé et a vécu quelque temps d'une vie indé- pendante, puis s'est divisé à son tour en peuple italien et peuple celte \ La comparaison faite entre le droit romain et le droit celte, à propos d'un des rares points que les textes éclairent de quelque lumière, semble révéler entre les insti- tutions des deux peuples une analogie étroite, et fournit une vraisemblance à l'appui de la théorie établie par Schleicher sur des considérations linguistiques.

Ce n'est pas tout : de même que les linguistes, une fois cette théorie admise, peuvent reconstituer au moven des langues italiques et celtiques la langue que parlaient les Italo- celtes après s'être séparés des autres Ario-européens et avant de se diviser eux-mêmes en Italiens et Celtes, on peut ici faire pour le droit un semblable essai de restitution antéhisto- rique. Il est permis de supposer qu'un trait de droit singuliè- rement remarquable, qui est commun aux peuples italiques et celtiques, doit remonter à l'époque qui a précédé leur sépa- ration, d'y voir un trait du ihoit ilalo-celte. Tel est le cas de la puissance paternelle : on peut donc dire, non avec certitude, mais avec apparence de vérité : Le père avait sur ses enfants, chez les Italoceltes, une puissance qui ne lui était pas recon- nue chez les peuples congénères, et c'est l'origine de la puissance paternelle, telle qu'on la trouve constituée plus tard, chez les Romains d'une part, chez les Gaulois et chez les Galates de l'autre.

Julien Havet.

I. Schleicher, Beitrâge, I, p. 440: « Fur die Urgeschichte wurde sich also ergeben, dass Griechen, Italer und Cehen einem und demselben Urvolke entstammen... Aus diesem Urvolkeschied zuerst das Griechische aus und das Italoceltische lebte eine Zeit lang noch als cin Volkfort, bis sich auch diess iheilte in Italer und Celten ». On pourrait aujourd'hui citer des auteurs plus récents, par exemple, Kretschmer, Einleitnug in die Ges- chichte der griechischen Sprache, p. 103 ; Brugmann, Gniiidriss der verglei- chenden Gramniatik der indo-germanischen Sprachen, t. I, 2^ édition, p. 25, 514; t. II, p. 585, 1590-1394; Hirt, Die Indogennanen, I, 94,96, 158, 163.

NOTES

POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE LA PRONONCIATION DE L'IRLANDAIS

Tout le monde connaît l'histoire du génitif singulier écrit maqiii dans les inscriptions ogamiques, devenu successivement maicc au ix^ siècle', puis meicc, meic au xi^^, enfin viic dès le xv^oule xvi^ siècle 5. Voici d'autres faits :

Le mot écrit fâebor dans le Lebor na hUidre, p. 8i, col. i, 1. 35 "^5 et qui signifie « tranchant d'une arme », s'écrit au- jourd'hui faohbarK On peut voir chez O'Donovan, A Gram- mar of the irish Language, p. lo, qu'en Connaught ao se pro- nonce comme ea en anglais, dans steal « vol » = stîle, ou comme née en anglais dans queen « reine » = couine. Il semble que cette prononciation était déjà au xii^ siècle celle de la diphtongue ae, aujourd'hui écrite ao. En effet, on trouve dans le livre de Leinster, p. 57, col. 2, 1. 39, gér-ibrach^ = ê^f- faebrach, qui s'écrirait aujourd'hui géar-fhaohhrach. Dans gér- ibrach Vf est tombé suivant une règle bien connue et le son représenté au xii^ siècle par ae, aujourd'hui par ao est noté i qui est la pronononciation actuelle.

Le mot vieil irlandais fer'^ « homme » = * taras, s'écrit aujourd'hui fear, et se prononce far comme nous l'apprend

1. Whitley Stokes et Strachan, Thésaurus paJaeohihernicus, 1. 1, p. 585, I, 24, d'après le ms. de Wûrzburg, fo 13 b, note 30 ; cf. Gramniatica celtica, 2e édition p. 223.

2. Hymne de Fiacc, vers 66, 68, Whitley Stokes, Goidelica, 2^ édition, p. 128 ; Windisch, Irische Texte, t. I, p. 16. Hymne de Colman, vers 5 ; Goidelica, p. 12 ; Irische Texte, t. I, p. 6.

3. Ms. Egerton 1782 du Musée Britannique; Irische Texte, t. I, p. 117, début du Tochiiiarc Etaine.

4. Cf. Windisch, Irische Texte, t. I, p. 535, coL 2, 1. i.

5. Din een. An irish-englisch Dictionary, p. 297, col. 2.

6. Windisch, Tdin Cûalnge, p. 61, 1. 498.

7. Zeuss, Gramniatica celtica, 2^ éd., p 222.

Ii8 Proiioiicialioii irlainlnisc.

O'Donovan dans sa grammaire, p. i8, il dit qu'en irlan- dais ea se prononce comme le môme groupe de lettres dans l'anglais heart. Cette prononciation, comme on l'a dit page 35 existait déjà en Irlande au xW siècle, quand fut écrit le Livre jaune de Lecan, dans la colonne cotée 689, p. 75^ col. 2, 1. 46 et 47 de la photogravure, on lit : in breac-macraid thiri Aniicuin; fri rig Armenia pour in breac-macraid thiri fbear Menia, fri righ fhear Menia. Nous savons, par M. Whitley Stokes, que pour fri rig Armeniah ms. Egerton 1782 du Musée Britannique nous a conservé une leçon plus ancienne et meilleure : fri ri fer Menia \

Aujourd'hui les Irlandais ont autant de difficulté que les Français à prononcer le //;. Ils l'avaient évidemment supprimé dès le ix"^^ siècle. Telle est la conclusion qu'on doit tirer de làe « jour », dans le ms. de Milan 26 a 5, à côté de laithe dans le même ms. 21 c 2 ^, et de laa ou làa pour làthe dans le ms de Wùrzburgî.

Mais au xii'^' siècle ils prononçaient comme le th anglais le d intervocalique qu'ils ne prononcent plus aujourd'hui dans Mide dont la notation anglaise est Meath.

Dans le ms. de Carabray, copie faite vers la fin du viii^ siècle d'un ms. de la fin du vii'^ ou du commencement du viii% Ye long accentué celtique devenu ia au ix^ siècle, est conservé comme Vo atone devenu au ix'= siècle a : fèdot plus tard fiadat « du seigneur » =* iteidonlos génitif singulier du participe pré- sent de la racine ueid « savoir » ; lêgot, plus tard îiagat « ils vont » 5 =* steighont troisième personne du pluriel du présent de l'indicatif conjoint de la racine steigh ; est à comparer le grec e-ffTsr/ov[-:] le préfixe z a exigé la forme conjointe comme le préfixe /// dans l'irlandais tn-thêgot -^.

{A suivre.^

1. Revue celtique , t. XX, p. 430, note 2.

2. Thésaurus palaeo-hihernicus, t. I, p. 32, 50.

3. Zeuss Gra)u»iatica celtica, 2^ édition, p. 17.

4. Whitley Stokès et John Strachan, Thésaurus paleo-hihernicus, t. II, p. XXVI, 244' 1. 32, 247 1. 17.

GUTUATER

Je reviens, pour la confirmer, sur une hypothèse que j'ai déjà éiriise, à propos de ce terme, dans un compte rendu des Annales de Bretagne, tome XX, p. 5;)0.

Il a été depuis longtemps reconnu, sauf toutefois par les éditeurs français de César, que Hirtius ÇDe helJo gall., VIII, 38), en donnant Gulnalrus (les variantes sont nombreuses ; la plus connue est Giitntatns) comme un nom d'homme, s'était trompé, et qu'il s'agissait d'un titre sacerdotal ' . Il est fort pos- sible qu'au livre VII, ch. 3, du De bell. gall., le terme Gutitatro ait été accolé au nom du premier des deux chefs qui furent les auteurs du massacre des Romains à Cenabum (Gutiiatro et Conconnetodunno ducibus) et aussi que ce chef s'appelât en réalité Cotuato, variante connue.

En tout cas les inscriptions établissent de la façon la plus indiscutable qu'il y avait bien chez les Gaulois un sacerdoce dont le titulaire était désigné par le terme de gutuafer. L'article le plus complet sur ce terme et ce sacerdoce se trouve dans la Revue épigraphiqtie, 1900, p. 132-133.

Le titre de Gutuater se trouve chez les Eduens accolé au nom de Mars dans une inscription du musée de Mâcon (Corp. Inscr. ht., XIII, 2583).

Sur un bloc de marbre trouvé à Autun, on lit : Aug(usto) sacr(um) deo Anvallo C(aius) Secund(ius) Vitalis Appa, uluater d(e) s(uo) p(osuit) ex voto.

A Autun, également, sur un autel avec base et couronne-

I. Cf. d'Arhois de Jubainville Les Celtes depuis les temps les plus anciens, p. 35. Sur cette question, cf. Holder, Sprachschat:^, 8me livrais., p. 2045- 2046; Desjardins, Géograph., I, p. 41s, note 2.

120 /. Lot h.

ment : Aug(usto) s(acruni), deo Anvallo, Norbaneius Thallus, gulualer, v(otum) s(olvit) l(ibens) m(erito).

Chez les Vellavi, le titre de gulualer est porté, au i*"" siècle, par un fonctionnaire, ancien préfet de sa colonie, dirigeant, à ce qu'il semble, l'exploitation de mines de fer {Corpus Inscr. lût., XIII, 1577; cf. Revue épigr., 2, p. 456).

Comme le dit judicieusement l'auteur de l'article de la Revue épigrapbigue, ce terme de gutualer désignait une prê- trise qui fut peut-être, à l'origine, la plus élevée de la cité. Le gulualer témoigne aussi de la persistance, au temps romain, des institutions de la Gaule indépendante. Il est possible, suivant l'opinion exprimée dans cet article, que ce sacerdoce n'ait été permis que dans les cités libres ou fédérées. En tout cas la dédicace à l'empereur-dieu, avant celle du dieu gaulois, sur les deux autels d'Autun, montre bien que les dieux natio- naux, d'abord tolérés, commencèrent de bonne heure à s'effacer.

Parmi les interprétations données à ce terme, je ne men- tionne qu'à titre de curiosité celle de Allmer : c'est tout sim- plement l'allemand gui valer, saint père oubou père {Revue épigr., t. I, p. 457 ; ibid., III, p. 231 ; cf. Revue celt., XIV, p. 156).

L'autre donnée par Zeuss, identifie le premier terme avec l'irlandais gulh, voix =^ * gu-tu- : cf. .SoF-/;, yôo;, sanscrit gàvate. Holdei qui la reproduit rapproche gutu-atros, pour la terminaison, du gallois o-^wZ-^/r, et traduit le tout par sprecher, redner.

Pour moi, ce terme comporte une tout autre explication et nous reporte aux plus lointains rapports des Germains et des Celtes et probablement témoigne d'une conception extrême- ment ancienne de la divinité chez ces peuples. Gutualer remon- terait à une forme qui serait, antérieurement à la chute du p, mdo-cur. gutu-palèr gaul. gulu-palir, o\x gulo-palir qui peut-être serait devenu g ulo-atir gutu-atir puis gutualer pour des Romains.

Gulu- ou guto- me paraît identique à gott, Dieu, gotique gulh. Chez les Gots et les Scandinaves, le prêtre s'appela giidja et godi, termes dérivés de gulh, Dieu. L'étymologie adoptée aujourd'hui est due, je crois, à Osthoff (B. B., XXIV, 177). Comme la forme gotique et la forme du

Gutiuiter. I2i

vieux norrois est neutre, il fait remonter guth à un indo-euro- péen * ghii-tô-iii (sicr. hàvate, il appelle, hu-lâ, appelé) et lui donne le sens de : dnrch Zaïihcnuort henifeues lueseii; Kluge, Etym. Wôrt, traduit également par : das angentfene Weseii, et cite le skr. /;//, Gôtter anrufen, ainsi que l'èpithète d'Indra : puni-huta, le souvent appelé.

Schrader {Lexicon) rappelle très heureusement à ce sujet la phrase de Tacite, Gerjnania, cap. 9 : secretiiiii illiid qitod sola reverenlia videfit. C'est l'être mystérieux qu'on invoque et qu'on appelle et qui est d'autant plus respecté et redoutable qu'il s'entoure d'une obscurité plus profonde. Gutu-patir me paraît signifier le père de l'invocation, l'interprète de la divinité redoutable et mystérieuse Çsecretuni illud^. Si on adopte pour forme primitive giito-patir le sens sera père de l'appel, de l'incantation, sens qu'admettent indifféremment, avec l'autre indiqué plus haut, Osthoff et Schrader {Zauberwort). C'est une conception antérieure, semble-t-il, à l'établissement du druidisme. Plus tard, chaque dieu eut son interprète, son gutu-patir. Gutuatir ne pouvait devenir dans des bouches romaines que gutualer. Il est remarquable qu'au nominatif on ne trouve jamais que gutnater.

On peut encore supposer que le sens primitif se sera obli- téré, et qu'on soit arrivé, par la multiplication de ces sacer- doces, à une forme gutu-atroi et à même un singulier o'/z/w^^ro-j. Il est également possible que le terme n'ait été créé chez les Celtes qu'à l'époque un sacerdoce véritable a commencé chez eux.

J. LOTH.

NOTE COMPLÉMENTAIRE

A L'ARTICLE SUR PEREDUR ET LEZ-BREIZ

{Revue celtique, 1906, p. 343).

M. Alfred Nutt a relevé des traits de ressemblance entre VAmadan vior et Lez-Breiz. D'où viennent-ils ? La réponse est faite par M. de la Villemarqué lui-même dans Les romans de la Table ronde et les contes des anciens bretons, 1861, p. 206-306. M. de la Villemarqué, après avoir rapproché Lez-Breiz du héros d'un conte de Souvestre, Péronik Tinnocent, remarque que l'esprit des deux légendes niel en relief tin des penchants les plus remarquables du génie celtique : la glorification d'une certaine simplesse. Ce caractère singulier na pas échappé à Walter Scott. Plus loin, il nous dit : « Guillaume Le Clerc, trouvère normand du xiii^ siècle, dans un roman appartenant au cycle d'Arthur, et certainement d'origine celtique, a aussi pris un innocent du nom breton de Fregus ', un petit pâtre des bords de la Clyde, pour en faire un modèle de toutes les vertus chevaleresques, un second Peredur, moins le bassin et la lance magique comme M. Heinrich l'a remarqué le premier. » Les relations entre Y Amadan et Lez-Breiz me paraissent dues à ce brave Guillaume Le Clerc. N'ayant ni son Fergus ni VAmadan, je ne puis aller plus loin.

J. LOTH.

I. Du nom gaélique de Fergus ; la forme galloise est Gtvrust.

SUR UN PASSAGE DU COMIQUE PHILÉMON LE TARVOS TRIGARANOS EN GRÈCE.

Au cours du Banquet des Sophistes, raconté par Athénée, Ulpien, l'un des interlocuteurs, présente une remarque sur le genre du mot T'>;p'.ç « tigre » et cite à ce propos quatre vers de Philémon, empruntés à une comédie aujourd'hui perdue, intitulée Nesi^pa :

waTTEp IlIïXe'jxo; os-jo' £7r£[j.'J;£ Tr,v xt'yp'.v,

TjV ÏOO[JL£V Yj[/.£tÇ, TW i]£>,£ÛXtO TTxXtV £0£'.

Tjixa? Ti Tiap' r|ao)v avT'.7:£a']/at 6y|PioV TOuyÉov.vov O'j yàp yiyvETat tout «'jtÔO'..

{Athéncc, XIII, 57, p. 590 A)

« de même que Séleucus nous a envoyé ici ce tigre que nous avons vu, nous devrions renvoyer à Séleucus quelque animal en échange. Un Tp'jvépavoç ; ils n'en ont par, là-bas. »

Tel est le sens de ce fragment, qui figure dans le recueil de Kock, 'Comicoruni Atticorum Fragmenta, au tome II, p. 490. Mais nul philologue n'a pu donner un sens à l'énigmatique TpuvÉpavov, qui dans l'antiquité même devait embarrasser les commentateurs.

La compilation d'Hésychius contient la glose : -puy^pavoç' çâffiJ-xTi scixwç (édit. Moritz Schmidt, lena, 1862, tome IV, p. 181, 40), qui semble se rapporter au passage de Philémon et prouve qu'on ne le comprenait pas '. Plusieurs philologues

I. Étant donné l'état de corruption dans lequel se présente le glossaire dit d'Hésychius, plusieurs fois remanié et abrégé, il se pourrait que la glose çâ'jaaTi lo'.wo; soit une simple bévue pour une glose plus développée con- tenant la mention du «^i^aa, autre pièce de Philémon (Athénée, XI, 481 D) et modèle de la MosieUaria de Plante (cf. Léo, Hennés, XVIII, 560), qui fut représentée après 289 et sans doute en 288 ou en 280 (F. Hùflfner, De Plauti cowoediarum exempUs Atticis, dissert, de Gôttingen, 1894, p. 68).

1 24 /. Vcndryes.

modernes se sont ingéniés à tirer un sens de la glose d'Hésy- chius au moyen de corrections variées (sad/.aot ou çpâaaY;), qui ne donnent en fin de compte rien de satisfaisant. Ce Tp'JYÉpavoç, que plusieurs manuscrits d'Athénée écrivent d'ail- leurs TpiYî'pavoç, doit être tout simplement le gaulois Trigara- niis « à trois grues » épithète bien connue du dieu Tarvos, tel qu'il figure sur l'autel de Notre-Dame de Paris et sur le bas-relief de Trêves (cf. S. Reinach, Rev. Celt., XVIII, p. 253, Guide illustré du musée de Saint-Geniiain, fig. 45-48 ; d'Arbois de Jubainville, Rev. Celt., XIX, 247). Le premier a du mot gaulois s'est changé en s sous l'influence toute naturelle du mot yipx'Kq.

Si paradoxale que puisse paraître au premier abord cette explication, voici quelques arguments qui permettent de l'appuyer.

Le passage de Philémon réunirait à la fois, si l'hypothèse présentée ici est exacte, le nom du roi Séleucus, la mention d'un cadeau fait par lui aux Athéniens et une allusion fort nette au Tarvos Trigaranos gaulois. Il est poss'ble de concilier tous ces fliits.

Le poète Philémon, dont le nom, avec celui de Ménandre (344-292), domine toute l'histoire de la comédie nouvelle, mourut en 262, âgé de quatre-vingt-dix-neuf ans (Diodore, XXIII, 6) et eut une carrière dramatique des plus brillantes, puisque sa première victoire date de 327 et qu'il poursuivit ses succès jusqu'aux dernières années de sa vie ; de ses 97 pièces, la plupart furent représentées à Athènes, il avait acquis droit de cité et il mourut (cf. Dietze, De Phi- Jemone Comico, dissertation de Gôttingen, 1901). Ce fut donc tout à fait un contemporain du roi Séleucus, dont il dut par- fois faire mention dans ses comédies, puiqu'on trouve le nom de Séleucus dans des comédies de Plante, imitées de Philémon (notamment dans le Miles Gloriosns, v. 75, 948, 951, imité en partie de T'AXa^wv).

Le roi Séleucus Nicator fut l'un des successeurs d'Alexandre qui essayèrent de reconstituer pour leur compte l'empire de ce dernier, et, comme on sait, il faillit y réussir. Après avoir conquis différentes parties de l'Asie, il poussa jusqu'aux bords

Le Tarvos Trigaranos en Grèce. 125

de rindus, il rencontra le fameux prince Chandragupta (^avopxy.oTToç) ; c'est delà qu'il rapporta sans doute, avec cinq cents éléphants de combat que lui offrit le monarque hindou, d'autres animaux exotiques tels que des tigres. Il fit cadeau d'un de ces animaux à la ville d'Athènes, ce fut la première fois qu'on en vit un (cf. Schrader, Realkxilwn, p. 867) et l'événement fut assez sensationnel pour que Philémon le rappelât dans une de ses comédies.

Mais il est un autre événement beaucoup plus sensationnel qui dut émouvoir fortement le monde grec dans le premier quart du iii^ siècle, à savoir l'invasion de tribus gauloises, qui, après avoir ravagé la Macédoine et une partie de la Thrace, se répandirent sous la conduite de Brennus dans le nord de la Grèce, ne les arrêta d'une façon imprévue et quasi miracu- leuse que leur échec devant Delphes (279). Si nous possé- dions autrement que par de rares fragments les monuments littéraires de cette période, nul doute que nous n'y trouvions des allusions nombreuses à cette invasion redoutable ^ Du moins, les historiens des siècles suivants, Polybe, Diodore (XXII, 4 et ss.), Strabon (V, i et ss.), Pausanias (X, 19 et ss.), nous donnent quelque idée de ce que dut être en Grèce à cette époque l'eftroi des Gaulois (0 à-b FaAaTwv çiiSoç, Polybe, II, 35, 9). Les Athéniens envoyèrent une armée sous la conduite d'un nommé Callippos pour détendre le passage des Thermopyles (Pausanias I, 3, 5) et le même Pausanias nous a conservé le nom de l'Athénien Kûoiîç qui mourut en combattant contre les Gaulois (X, 21, 5). Un décret de l'année 278, relevé récemment par M. Herzog, sur une stèle prove- nant des ruines de l'Asklepieion de Cos, exprime la joie que causa dans l'île la nouvelle de la défaite des Gaulois et ins- titue une fête en l'honneur d'Apollon, de Zeus Soter et de la déesse Nikê pour célébrer cet heureux événement (cf. Comptes rendus de F Académie des inscriplioiis et belles-lettres, 1904, p. 158-173).

Quelques années même avant d'envahir la Grèce, les Bar-

I . Sur cette invasion, qui comprend en réalité trois expéditions succes- sives, V. F. P. Garofalo, Observations sur les Galates ou Celtes d'Orient dans la Rev. des Etudes Grecques, tome XIII (1900), p. 450 et suiv.

126 J. Veiidryes.

bares durent faire parler d'eux à Athènes. Dès l'époque d'Alexandre en effet, ils se trouvèrent en contact avec la civi- lisation grecque, puisqu'ils envoyèrent une ambassade auprès de ce dernier quand il se trouvait sur les bords du Danube (Strabon, VII, 301 ; Arrien, Anah., I, 4, 6). Or, leur expédi- tion ne répondait pas seulement à une envie de razzia et de pillage; ce qu'ils recherchaient, c'était un établissement défi- nitif. Ils avaient amené avec eux leurs femmes et leurs enfants, et sans doute, ayant quitté leur pa3^s sans espoir de retour, avaient ils emporté tout ce qui constituait leur bien. Quand les habitants de Patras rentrèrent chez eux après avoir passé le détroit pour défendre les Etoliens contre l'invasion gauloise, ils élevèrent dans leur Odéon une belle statue Apollon avec le butin fait sur l'ennemi (Pausanias, VII, 20, 6). Parmi les objets précieux qu'emportaient ainsi les Gaulois avec eux, il y avait peut-être quelque représentation figurée du Tarvos Triga- ranos ' et Ton comprend sans peine qu'un animal aussi bizarre ait excité la curiosité du public et la verve des gens d'esprit. Chacun s'intéressait aux coutumes des envahisseurs ; Pausanias décrit avec précision le rôle sur le champ de bataille de la Tp'.;;.ap/.icT{a, groupe de trois cavaliers qui combattaient toujours ensemble ; et il ajoute qu'en gaulois le cheval porte le nom de marca ('.'--ov xo h)z\j.y. l'axw -iq p.apy.av ivTa ÛTcb twv Ksatwv, X, 19, II).

Le péril gaulois ne prit fin que lorsqu'Attale en 278 laissa les Trocmi, Tolistoboii et Tectosages s'établir dans la région d'Asie Mineure qui prit le nom de Galatie. A cette époque, Séleucus était mort ; toutefois pendant un moment, dans les derniers mois de sa vie, il dut se trouver en face des Gaulois. Jusqu'en 281, ceux-ci avaient été contenus par les armées de Lysimaque ; mais lorsque dans l'été de cette année, Lysimaque eût été battu et tué dans les plaines de Kuropedion au nord de Magnésie, par les troupes de Séleucus, les Gaulois, plus audacieux que jauiais, tentèrent un nouvel eftbrt vers le sud : une partie d'entre eux, sous la conduite de Belgios, envahirent

I. Noter que le Taurc:iiu figure dans le nom des deux princes gnlates Deiotaros et Brogitaros (= * Dênio-laruos, * Brogi-taïuos, d'Arboisde Jubain- ville, Rcv. celt., XX, 575).

Le Tarvos Trigaranos en Grèce. 127

la Macédoine, qu'occupait Ptolémée Céraunos ; d'autres firent irruption en Th race- (cf. Pausanias, X, 19, 4; Justin, XXIV, 5 et 6). A ce moment, Séleucus, fortifié par la mort de Lysi- magne dans ses espérances impérialistes, se tournait vers le nord ; il traversa l'Hellespont et entra en Macédoine (Memnon, XII, i). Peu après, au début de 280, il était assassiné par Ptolémée, qui eut ensuite à soutenir, à son grand dam, le choc des Gaulois. Ceux-ci ne furent sans doute jamais com- battus directement par Séleucus; mais au moins pendant les six derniers mois de 281 ils durent tenir une certaine place dans les préoccupations de ce prince.

Ainsi il y eut un moment il put paraître spirituel aux Athéniens d'oftVir à Séleucus un Tarvos Trigaranos en échange du tigre qu'il leur avait jadis envoyé. Et la plaisan- terie de Philémon, expliquée par tout ce qui précède, ne manque pas de saveur piquante. On peut la rendre plus exacte en lisant, sans ponctuation à la fin de l'avant-dernier vers :

« nous devrions renvoyer à Séleucus en échange un animal à trois grues... »

Cette explication fournirait aux historiens de la Comédie nouvelle une date sûre pour la comédie de Nsat'pa (derniers mois de 281) en même temps qu'aux celtisants un curieux rapprochement historique.

J. Vendryes.

LES PIERRES BAPTISEES

Un article inséré dans la Revue celtique, t. XXVII, p. 313- 319, traite du culte des menhir en Gaule, en Grande-Bretagne et en Irlande. Un savant qui veut rester anonyme m'envoie sous le titre de Pierres baptisées un recueil de notes sur ce qui, dans la Bretagne continentale, persiste encore des usages anciens concernant les pierres levées aujourd'hui christianisées. On a vu, t. XXVn, p. 314, qu'en Grande-Bretagne des danses étaient une forme du culte païen rendu aux menhir. Encore aujourd'hui, comme on lira plus bas, les jeunes Bigoudennes dansent des rondes autour d'un menhir. On prétend que c'est pour trouver un mari. A Saint-Nicolas-du-Port, Meurthe- et-Moselle, il y a une grande église, lieu célèbre de pèlerinage. On raconte que, parmi les dalles qui forment le pavé, il y en a une qui est merveilleuse : une jeune fille qui met un pied sur cette dalle est sûre de se marier dans l'année. Personne ne sait quelle est cette dalle. Il y a eu, dit-on, des jeunes filles qui, étant en quête d'un introuvable mari, ont eu la patience de mettre successivement le pied sur toutes les dalles de l'im- mense pavé : quoi qu'il en soit, voici l'article que j'ai reçu :

Des « pierres baptisées » que j'ai vues et qui n'ont pas été défigurées, la plus remarquable est « la pierre du Champ- Dolent », à une demi-lieue au sud de Dol (lUe-et-Vilaine), à côté de Féglise de Carfantain. C'est un menhir intact, d'une dizaine de mètres de haut surmonté d'une croix.

Une pierre semblable, mais que je n'ai pas vue, doit se trouver dans les environs de Dinan (Côtes-du-Nord).

Un menhir également intact et d'au moins cinq mètres de haut a été respectueusement conservé et accolé à l'une des façades de la cathédrale du Mans.

A Plonéour, sept kilomètres de Pont-l'Abbé, sur la route de Pont-l'Abbé à Pont-Croix (Finistère), un menhir qui se dresse encore sur la place, prés de F église, était autrefois, au

Les pierres baptisées. 129

dire des gens, surmonté d'une croix. Ce menhir, de quatre à cinq mètres de haut, tout semblable à celui du château de Kernuz, a été, comme ce dernier, retaillé au ciseau. Il est maintenant cannelé régulièrement et coiffé d'un renflement en guise de chapiteau. Il se pourrait bien que ce ravalement ait eu pour objet d'effacer un premier travail d'adaptation, quelque représentation de divinités gallo-romaines, comme celles de la pierre de Kernuz. Encore aujourd'hui^ à la fête du pardon, les jeunes bigoudennes dansent des rondes autour de ce menhir. La coutume, sans doute ancienne, n'a pourtant plus rien de superstitieux, et ce n'est que par plaisanterie qu'on dit des danseuses, qu'elles y vont pour se marier dans l'année.

Il semble même qu'il y ait eu à cet égard un usage tradi- tionnel presque général : à noter la fréquence, dans le voisi- nage immédiat des lieux de culte, d'une pierre levée, d'un lec'h^ comme on dit là-bas. Dans le Finistère, du moins dans la partie extrême, que je connais le mieux, il est peu de vieilles églises, quand le terrain environnant n'a pas été trop remanié, pour l'établissement du cimetière par exemple, peu de cha- pelles isolées surtout ces remaniements ont été plus rares, qui n'aient ainsi leur lech. Ces pierres sont parfois de vrais menhirs, comme celui qui est maintenant maçonné dans le mur d'appui du cimetière de Cléden (c" de Pont-Croix, au-dessus de la baie des Trépassés') ; mais la plupart, qu'elles soient tail- lées ou brutes, paraissent bien avoir été dressées au moment même s'édifiait le sanctuaire, en vertu d'un adage encore vivant dans le pays : pas d'autel sans lech. Quelques-unes seulement de ces pierres, qui ont rarement plus d'un mètre ou deux de haut, présentent des mortaises, traces d'une ancienne croix.

Pour copie conforme, H. d'Arbois de Jubainville.

I. Le nom de Baie des Trépassés peut être rapproché d'un passage de Procope, Dehello gothico, livre IV, chap. 20; il y est rapporté que, suivant la croyance gauloise, il y avait sur la côte de la Gaule, en face de la Briltia, un endroit les morts s'embarquaient pour aller gagner leur patrie nou- velle ; l'auteur grec confond cette patrie mystérieuse avec la Grande-Bre- tagne et l'appelle Brittia.

Revue Celtique, XXFIII. 9

ORIGINE DE L'ALLEMAND BEUTE « BUTIN ».

Le 4 février j'expliquais à mon cours la partie du Tâin Ci'ial lige, édition de M. Windisch, p. 83, 85, il est raconté comment le héros Cûchulainn tua les quatre éclaireurs qui précédaient l'armée ennemie, enleva leurs tètes et laissa les cadavres sur les deux chars sans leur ôter les vêtements ni les armes, sans prendre les chevaux; s'emparer de ces vêtements, de ces armes, de ces chevaux n'aurait pas été beau, lui sem- blait-il. Un de mes auditeurs, M. Huber, élève de l'Université d'Insbruck, me parla d'un texte grec présent à sa mémoire et que moi j'avais oublié après l'avoir lu bien des fois, trop rapi- dement peut-être. Dans ce texte une façon de penser toute semblable à celle du héros irlandais était attribuée aux Gaulois. De la bibliothèque de la Sorbonne M. Huber m'envoya copie de ce texte (Diodore de Sicile, livre V, chapitre xxix, § 4). Diodore y parle des Gaulois qu'il appelle tantôt KtK-oi, tantôt FaXaTai, il dit ceci : « Prenant les têtes des ennemis tués, ils les attachent au cou de leurs chevaux, ils abandonnent à leurs serviteurs les dépouilles sanglantes de ces morts et emportent comme butin les têtes en chantant leur triomphe et l'hymne de la victoire '. »

Parmi les serviteurs auxquels les Gaulois vainqueurs aban- donnaient les dépouilles des morts, il devait se trouver beau- coup de Germains, leurs sujets jusque vers la fin du iii^ siècle avant notre ère, date où, révoltés, ces Germains chassèrent les Gaulois de la partie de l'Allemagne septentrionale qui est située entre le bassin de l'Elbe et le Rhin. Malgré le légitime orgueil

I. Twv Ô£ -coo'vtojv 7toÀ£(jLio)V "à; XcÇaXà; àçaipouvtsç -cot-ônz-ojni Tof? cfjyéoi Twv ?-nwv axuXa toï; Oepârouci -apaSovie;, rjj^Layaéva Xaç'jpaycijYOjaiv, â-i~aiav;^ov-£; y.al à'ûovTs; ûavov èzivîz'.ov.

Origine de rallei)taiid beute « butin ». 131

que leur inspira ce triomphe, les Germains conservèrent dans leur langue quelques mots qui gardent la trace de leur antique subordination aux Gaulois depuis vaincus par eux'. Un de ces mots est l'allemand beiite plus anciennement biute = *hheudî « butin », forme féminine du neutre celtique *bheiidi, * bhoudi, hôdi, en vieil irlandais bnaid, victoire - ; butin, c'est le profit matériel de la victoire, ce profit déduit il ne reste que la gloire, de la fumée. De ces deux résultats de la victoire les Gaulois prenaient le second, la gloire, la fumée; ils donnaient aux Germains le profit matériel et réel, le butin. Quand les naïfs Gaulois furent chassés à l'ouest du Rhin, sur la rive gauche de ce fleuve, par les Germains révoltés, leurs libéralités les avaient préalablement ruinés ; les Germains enrichis par les victoires des Celtes ont sans doute leur triomphe ultérieur à leur richesse supérieure autant qu'à leur bravoure. Les Francs, poursuivant les conquêtes germaniques à l'ouest, ont trans- porté au delà du Rhin le mot germanique d'origine celtique dont nous parlons : ce mot, développé chez eux au moyen d'un n final, avait conservé 1'^' primitif de la première syllabe, il était devenu beiitî au nominatif singulier, heiitîn > à l'accusatif du même nombre, c'est le français butin.

H. d'Arbois de Jubainville.

1. Voyez par exemple Kluge, Etymologisches Woerterhuch der dciilschen Sprache, 6^ édition, p. 14, 514, aux mots Amt, Reich; Kluge et Lutz, Eiiglisb Elynwhgy, p. 132, au mot mare.

2. Whitley Stokes, Urkeltischer Spracshchali, p. 175; Alfred Holder, ^■i//- ccltischer Sprachschaii, t. I, col. 497, 498.

3. Comparez la déclinaison en -eiii =: în du gothique, nominatif singulier -ei r= (Brugmann, Grundriss, t. II, p. 240) dont un exemple francique est conservé par le nom de femme écrit à l'ablatif Suiinine dans un diplôme de l'an 700 (Pardessus, Diplomala, t. II, p. 257); le nominatif devait être Siinni.

UN CYCLOPE EN IRLANDE

Une des plus anciennes mentions de cyclope se trouve dans la Théogonie d'Hésiode, le cyclope d'abord unique est triplé; pour Hésiode, Brontès, Stéropès, Argès, c'est-à-dire tonnerre, éclair et foudre sont trois cyclopes". Mais primiti- vement il n'y a qu'un cyclope, Ktikl-ôps, qui est fils d'Oùpaviç c'est-à-dire du ciel ^ ; son œil, de forme ronde, Vw'jxXoç, est identique au cercle, -/.jxXo?, du soleil, "HXic;, qui voit tout, suivant ïlliade et V Odyssée, et aussi suivant Eschyle ', C'est au ciel que Kuklôps, synonyme d'Hêlios, fabrique pour Zeus le tonnerre, l'éclair et la foudre, ses doublets chez Hésiode, et qui, tous trois, comme le vrai KiikJôps leur auteur, n'avaient, dit-on, qu'un œil au milieu du front •*. Le Kuklôps primitif est un géant dont l'œil seul, le soleil, est visible pour les humains. C'est un coureur merveilleux qui, ayant pendant le jour parcouru le ciel entier de l'est à l'ouest, revient la nuit sous terre à son point de départ K Le nom de ce personnage divin est Varunas, Mitras dans la mythologie védique, Ahura- mazda chez les Iraniens, Wuodan chez les Germains ''.

Homère, conservant aux doublets du Kuklôps primitif leur

1. Théogonie, vers 1 59-141.

2. 'EXÀav;/.o; Ô£ xoj; KJxÀwTïa; àvO[JL0tî^£a0at ànô K'j;:)>w-o:, uioCi Oùpavoy. Scholie sur le vers 139 de la Thi'ogo)iie ; fragment 176 d'Hellanicos, chez Charles et Théodore MùUer, Fragmenta historicorum graecorum, t. I, p. 69; cf. Roscher, AusfnhrUches Lexicon der griechischen iind rômischen Mythologie, t. II, col. 1676.

3. 'HiÀio; 0? Tîâvx' icpopaç, Iliade, III, 277; cf. XIV, 344, 345 ; Odyssée, VIII, 271 ; XI, 109 ; XII, 323 ; Tov T.cnwr.x-qy xjxXov 'HXt'ou /.a/M, vers 91 du Prométhéc enchaîné dans l'édition d'Eschyle donnée chez Didot par Ahrens, p. 3 ; cf. Roscher, AusfnhrUches Lexicon, t. I, col. 1997.

4. Mo'jivoç 5'oiiOaX[jLo; [xitsm ÈvIxeixo [i£xtij-w (Théogonie, vers 143).

5. Odyssée, X, 191, 192.

6. Roscher, Ausjuhrliches Lexicon, t. I, col. 1997.

Un cyclope m Irlande. 135

œil rond et unique, augmente leur nombre, les fait descendre du ciel sur la terre, et mêlant la tradition mythologique avec le souvenir de la population qui a précédé les Indo-européens dans une grande partie de l'Europe, il nous raconte qu'ils habitent des cavernes, ne cultivent pas la terre ' et n'adorent pas Zeus, dieu suprême des Indo-européens ^.

Au milieu d'eux, Polyphème est le Cyclope par excellence. Vingt fois dans VOdyssée, il est désigné par le seul mot Kukiàps \ Il nous ramène à la mythologie.

C'était, suivant le poète, un monstre horrible ; il ressem- blait, non à un homme qui mange du pain, mais au sommet boisé des hautes montagnes ■^. Il était d'une force inouïe; il ferma l'entrée de sa caverne avec une pierre si grosse et si lourde que vingt-deux chariots à quatre roues n'auraient pu l'emporter ^ ; il remuait cette énorme pierre aussi facilement que si c'eût été le couvercle d'un carquois ^. Pour se venger d'Ulysse qui s'échappait par mer, il lança au navire du guer- rier fugitif le sommet d'une montagne 7. Son œil unique apparaît plusieurs fois dans YOdyssée. Ulysse le creva " et Polyphème devint aveugle ^.

Le savant Dictionnaire des antiquités grecques et romaines de MM. Daremberg et Saglio, reproduit, tome P^ seconde par- tie, p. 1695, une peinture étrusque on voit la perche pointue d'Ulysse entrer dans l'œil rond qu'a Polyphème au milieu du front.

Cette planche a été reproduite d'après l'ouvrage français dans une importante publication allemande, V Ausfilhrliches Lexicon der griechischen und rômischen Mythologie publié par M. W. H. Roscher, t. II, col 1685, i(

1. Odyssée, IX, 106-114, 122-124, 399-400 ; suivant le poète, vers 109- III, 357, 358, la terre sans culture leur donne froment, orge et raisin; c'est de l'imagination.

2. Odyssée, IX, 275.

3. Odyssée, I, 69; II, 19; IX, 296, 316, 319, 345, 347, 362, 364, 415, 428, 474, 475, 492, 502, 548; X, 200 ; XII, 209; XX, 19 ; XXIII, 212.

4. Odyssée, IX, 190-192.

5. Odyssée, IX, 340-344.

6. Odyssée, IX, 313, 314.

7. Odyssée, IX, 481, 482.

8. Odyssée, I, 69 ; IX, 332, 333, 387, 388, 453, 503.

9. Odyssée, IX, 416.

134 H. d'Arbois de Juluiinvillc.

r.e cyclope Je l'épopée homérique reparaît dans la plus vieille littérature de l'Irlande, à cette différence près que chez lui l'œil unique n'est pas au milieu du front, et que personne ne vient crever cet œil du cyclope irlandais.

Ce cyclope est le héros Cûchulainn, fils du dieu suprême Lug et de la sœur de Conchobar, roi d'Ulster. Quand il ren- contrait un obstacle par trop supérieur aux forces humaines, chez lui nécessairement surélevées, puisque dans ses veines coulait le sang d'un dieu, la colère lui faisait faire des contor- sions terribles qui le grandissaient, le transformant en un géant énorme ; son corps s'allongeait tellement qu'entre chacune de ses côtes et la côte voisine un guerrier eût pu mettre le pied ' . Ce développement de son être physique était accompagné d'autres déformations que produisait un ensemble de contor- sions, en irlandais riastar, il était contorsionné, si l'on me permet ce néologisme, par lequel on pourrait traduire l'irlan- dais r/rtj-/rtr^fl!. D'abord ses jambes tremblaient, tous ses membres tremblaient, tout tremblait chez lui depuis les pieds jusqu'au sommet de la tête ; puis ses pieds et ses genoux passaient derrière lui, ses talons, ses mollets et ses jarrets venaient devant % etc., etc.

Nous abrégeons, cependant il y a encore trois phénomènes qui méritent d'être signalés : Ses cheveux étaient avalés par sa tête, si l'on peut ainsi s'exprimer, en sorte que seulement quelques extrémités de poils noirs restaient apparentes ' ; il faisait rentrer un de ses yeux dans sa tête si profondément qu'une grue n'aurait pu atteindre cet œil, il faisait sortir l'autre qui devenait aussi grand qu'un chaudron cuirait une génisse ^. Il aurait donc été bien grand, mais on comparait

1 . Rôsini iar sudi, co taillfed fertraig feroclaig eter cach asna do. FIcd Bricrend, c. 27 ; Lebor na hUidre, p. 103, col. 2, 1. 6, 7 ; Windisch, Irische Texte, t. I, p. 266, 1. 2, 3 ; Thurneysen, Sas^eii ans deiii aitcn Irland, p. 38.

2. Tdin Ci'iahige, XVII, 3, édition Windisch, p. 368-369, lignes 2589- 2596; cf. Lebor na hUidre, p. 79, col. 2, 1. 22-30; traduction de Winifred Faraday, p. 89, 90.

3. Fled Bricrend, § 27, dans Lebor na hUidre, p. 103, col. 2, 1. 1-5 ; Windisch, Irische Texte, t. I, p. 265, 1. 21-23 ; p. 266, 1. i ; cf. Zimmer, dans Zeitschrift fur celtische Philologie, t. I, p. 76 ; Thurneysen, Sagen ans deni aîten Irland, p. 58.

4. Serglige Coiiculaind,^ 5, dans Lebor na hUidre, p. 43, col. 2, 1. 17-19 ; Windiscii, Irische Texte, t. I, p. 207, 1. 1-3. Aided Giiill niaic Carhada,

Un cyclope eu Irlande. 135

aussi la circonférence de cet œil aux bords d'une coupe d'h)^dromel \ Il résulte de que cet œil était rond comme celui des cyclopes grecs, notamment celui de Polyphème.

Un point sur lequel s'accordent les vieux récits épiques de l'Irlande relatifs à Cûchulainn, c'est que lorsqu'arrivaient pour le héros mythique irlandais les moments se développait sa force surhumaine, il devenait borgne ; ces moments étaient fréquents et de cette conséquence que ses admirateurs le con- sidéraient comme le guerrier borgne. Tandis que les femmes amoureuses de Conall Cernach imitaient Conall Cernach en se courbant comme lui ; tandis que les femmes amoureuses de Cuscraid le Bègue bégayaient comme Cuscraid, les femmes qui aimaient Cûchulainn devenaient borgnes à force d'amour et pour ressembler à ce merveilleux personnage ^. On ignore si, avant d'avoir été aveuglé par Ulysse^ Polyphème aurait eu près des femmes le même succès.

Une fois transformé et rendu borgne par ses contorsions, Cûchulainn avait une force au moins égale à celle de Poly- phème. Bricriu avait fait construire en bois une salle à man- ger qui pouvait contenir trois cents invités et qu'un étage surmontait. Cûchulainn, voulant donner à sa femme l'honneur d'y entrer la première avait soulevé une paroi de cette vaste salle, et en retombant, cette paroi, sans se séparer du reste de l'édifice, était entrée en terre à une profondeur de sept coudées, plus de trois mètres. Bricriu, du premier étage était tombé sur le fumier. Mis en demeure de redresser cette grande salle, Cûchulainn fit d'abord d'inutiles efforts, puis, recourant aux contorsions, et ayant acquis par elles une merveilleuse force, il réussit '. Quand sur son char de guerre armé de faux et sur lequel Lug son père l'accompagnait, Cûchulainn fit trois fois le tour de l'armée de la reine Medb, tua cent cinquante

§ 10; Livre de Leinster, p. 108, col. i, 1. 41, 42; Whitley Stokes, dans Revue celtique, t. XIV, p. 404.

i. Tdiii Cûalii^e, Lebor na hUidre, p. 59, col. i, 1. 39, édition d'O 'Keeffe, p. 16, 1. 594, 395; traduction de Winifred Faraday, p. 18, 19.

2. Serglige Conculaind, § 5, Lebor na hUidre, p. 43, col. 2, 1. 12-10; Windiscli, Irische Texte, t. I, p. 206, 1. 27-31.

3. Fled Bricrend, § 28 ; Lebor na liUidre, p. 103, col. 2, 1. 9, 10 ; Win- disch, Irische Texte, t. I, p. 266, 1. 5,6; Thurneysen, Sagen ans dem alten Iriaiid, p. 38.

136 H. iV Arhois de JnhahivUlc.

rois et un nombre énorme de guerriers inférieurs, il avait commencé par faire d'horribles contorsions et l'œil qu'il n'avait pas rentré dans sa tète était tombé sur sa joue '. Cet œil n'était donc pas au milieu du front comme celui de Poly- phème; mais quoi qu'il en soit, Cûchulainn au moment de sa merveilleuse victoire était borgne comme l'adversaire malheureux d'Ulysse, et accomplissait des exploits qui peuvent sans contradiction possible supporter la comparaison avec les hauts iaits du cyclope homérique.

H. d'Arbois de Jubain ville.

I. Tdin hfl Cùalnge, Lebor na hUidre, p. 79, col. 2, p. 80, col. 1,2; traduction de Winifred Faraday, p. 89-93 ; Livre de Leinster, p. 77, col. 2, p. 78, col. 2 ; édition Windisch, p. 368-587.

HIBERNICA

(suite) '

CRIM, CREM, CREAMH, CNEAMH « AIL »

Dans son Urkeliischer Sprachschai:{, p. 98, M. Wh. Stokes pose comme forme originelle des mots irl. cran, gall. craj « ail » un préceltique *hremo-, *kraiiio-. De quelque façon qu'on explique d'ailleurs le mot brittonique (déjà crain en vieux-breton, cf. ZCP, I, 22), cette restitution est certaine- ment inexacte puisque le génitif du mot irlandais est creîua (Jr. Text., III, 82; cf. K. Meyer, Contributions, I, 511) et qu'on a le nominatif sous la forme critn (Jr. Text., II, 2, p. 128, V. 163 ; cf. K. Meyer, ibid.).

La comparaison des autres langues indo-européennes montre qu'il s'agit en réalité d'un primitif * kremiis-, c'est-à-dire d'un thème en -us-, espèce fort rare, dont ce serait en préceltique le seul exemple. Le mot grec correspondant est en effet y.p£lj.ucv, conservé par Hesychius, qui est devenu y.pi[j.uov dans la plupart des dialectes (v. J. Schmidt, K. Z., XXXII, 346); y,pc>.aov remonte à un ancien *hremiis-o-n, dont on retrouve la sifflante en letto-slave dans les dérivés en *-yé- et en -à- lit. hrmns:;ù, russe ceremsa. Un passage analogue : *-iiso-, -nsâ- s'est produit pour quelques autres thèmes en * -us- : cf. skr. nâhus- et nahiisà- « voisin y^, parus- et parusâ- « nœud » ; gr. âsXçûç f. (zd gdr^bus-) et oeXçpûa (v. h. a. kilbur m.); lat. tietus et lit. vetusias, v. si. velûxû (cf. Meillet, Innov. de la déclin, lat., 19). Presque partout, on a tendu à éliminer les thèmes

I, Voir ci-dessus, p. 5 et suiv. Aux exemples de dobidcim cités p. 6, joindre an-dnvûndced «quand il lançait « Ml. 53 d 7.

138 /. J'en dry es.

en -us-, parfois en les confondant avec les thèmes en -is-, -es-, le plus souvent en les confondant avec les thèmes en-y- (cf. Brugmann, Grdr., II, a'^ éd., i, p. 522 et 534). L'irlandais présente un procédé spécial d'élimination, qu'explique le jeu naturel des lois phonétiques. Le thème en -us- * Jcremus- est devenu simple thème en -n-, d'où crim, gén. creiua avec une alternance métaphonique.

En moyen-irlandais, 1'^ du génitif a passé au nominatif; d'où crem, auj. creamh; le même fait s'est produit dans les mots (^rilh, « cri » gén. gritha, lind « masse liquide » gén. knda et rind « pointe » gén. renda, devenus respectivement au cours de Tirlandais-moyen grelh, le)id et rend, auj. grcath, leann, reonn.

Outre creamh, gén. creauiha, l'irlandais moderne dit aussi cneamh, gén. cneamha pour désigner l'ail.

Ce changement singulier est exactement l'inverse de celui qui se produit d'ordinaire. Les groupes hi, in ont abouti en effet à kr, tr sur une grande partie du domaine celtique ; c'est le cas en brittonique (v. Annales de Bretagne, XVI, p. 307, n. 3 et ajout, bret. kreon « toison », m. bret. kneaii, corn. cnéii, gall. cnaif, irl. cnae) et sporadiquement en gaélique {d. irl. mod. cnoc a colline » prononcé croc en Connaught et en Ulster, d'après le dictionnaire du Rev. P. S. Dinneen). Mais le changement de kr en kn dans creamh : cneamh n'est pas isolé. Le mot cruim f. « ver » (Corm., p. 9; n. pi. cruniai. Ml. 44 c [)est cnnm dans certains textes modernes (Windisch, Wtb., s. v.). Comme les groupes initiaux en- et cr- sont éga- lement répandus en irlandais moderne, il faut attribuer ces confusions à des différences dialectales (cf. Pedersen, Aspira- tionen i Irsk, p. 65, qui explique d'ailleurs le passage de r à n par l'intermédiaire d'un r nasalisé).

aUELQUES DÉRIVÉS DE LA RACINE * GER- « CRIER »

Parmi les formations onomatopoétiques de l'indo-européen destinées à exprimer le « cri », l'une des mieux caractérisées est celle qui comprend une occlusive gutturale et une Hquide dans des combinaisons très variées que résume le tableau suivant ;

h \ e

l/r

e

ei en. â

Hibi'iiiica. 159

subsidiairement une consonne quelconque comme élargisse- ment.

Pour le cas la consonne initiale est g et la liquide r, les combinaisons suivantes sont attestées (cf. P. Persson, Studieii :^. Lehre von der Witr-elerweiterung iind Wur:{elvariation, p. 194 et suiv. ; Zupitza, Gennaii. Giitiiir., 78, 123 et suiv., 149 et suiv. ; Hirt, BB., XXIV, 257 et Ahlaut, 78 et suiv. ; Gram- mont, Onomatopées et mots expressifs, dans Rev. des Langues romanes, 1901, p. 117 et suiv.) :

*gerJ-: gr. Yépavc;.

* ger- : v. h. a. kerran « crier » ; lit. gnrti (de "^ gl'-)- Avec redoublement et dissimilation de r en n : lat. gingrire, gingrlna (Solmsen, K. Z., XXXIV, 20), gr. Y^T(9^^-^ Ï^TTP^' T^TTP^Ç-

*gàr- : gr. ySpuç (ion.-att. -[f,puç).

* gàr-s- : gr. yxpp'Mi).zf)<x' Aot5opo'j[j.£9a, lat. garrire, norv, harra (Bugge, B. 5., III, 104).

* grei-d- : m. h. a. kri:(en, et avec un suffixe -sk-, krîschen, ail. mod. kreischen.

* greu- : lat. o^/77j, gruere, gr. vpj.

* greii-d- : gr. ^(p-j'Çu); avec nasalisation, lat. grundïre.

* gre, * gre-v- : v. h. a. krâen, ags. crâwan, ail. mod. kràhen.

* grô- : vsl. grajati « crier », lit. o-rô// « id. » (qui attestent d'ailleurs une gutturale vélaire ancienne).

* grâ-k- : à l'état réduit dans lat. grâc-ulus, v. h. a. chragil, etc.

Les langues celtiques ont conservé un certain nombre de mots issus de formations semblables. A yspavi; se rattachent le gaulois -garantis, le breton-gallois garan « grue » ; de la racine *gàr- sort l'irlandais gàir, gall. gaïur « cri », et de la racine * gar-s- l'irlandais ^a/r/y/, gall. garm « id. » (de *gars- iiien-, Wh. Stokes, U. S., 106). M. Wh. Stokes a de même

140 /. Vendryes.

reconnu dans l'irlandais grau-berJa À. berla fiachda « langue de corbeau » un élément (^raii- (soit i^rav-) analogue à la racine de l'ags. crnivan (ci-dessus).

A ces mots, signalés depuis longtemps déjà, il faut joindre :

d'une racine * grei-, le substantif irlandais grith « cri » gén. gretha, qui remonte à * gri-iu-. On lit grith à l'ace, sg. dans ro lâsat grith « ils lancèrent un cri » Togail Brnidne Derga,^ 55, fochartatar greth « même sens » ibid., §§ 109 et iio, corralsat grith môr « de sorte qu'ils poussèrent un grand cri )) /;■. Text., I, p. 105, 1. 14. Le FéJire Oenguso fournit le gén. sg. gretha (29 juin), le nom. pi. grethae (25 janv.) et le gén. pi. gretha (Prol., 154); et le Saltair no Rann le dat. pi. greihaih (v. 7620); l'ace, pi. est gretha {cnirit gretha « ils font des bruits », Tâi?i Cuaiinge, 1. 55 n). En composition, on a : armgrith « bruit d'armes » L.U. 77 b 37, Tâin Cuaiinge, 1. 692, 2445, -^004 {arnichrith danslcs Latin Lives, éd. Hogan); nnallgrith « bruit criard », Tàin, 1. 331 1 et 5076; glor-grith « bruit éclatant », ibid., 1. 3906. En irlandais moderne, le mot grith est devenu greth écrit greath (i. gâir O'Cler}', Rev. ceJt.,V, 6; d. Four Masters, II, 596), comme on l'a dit ci- dessus, p. 138. Le dérivé grithugitd est attesté dans VAcal- lainh lia Scnôrach, 1. 6734.

Le correspondant gallois de l'irlandais^;///; est régulièrement gryd.

2" D'une racine * grei-d avec infixation d'une nasale, l'infi- nitif grinnigud dans grinniguth 11a saiget « le grincement des flèches » Tog. Trôi 869 (Ir. Text., II, i, 29).

3'' D'une racine *gre-k- ou * grei-k- (*gri-k-), le substantif grech « cri » (de *greko- ou * griho-), auj. greach O'R., dont on lit le }p\\\nQ\ gn'cha L. Br. 140 b 5 1 (écmgrécha) ; de ce substan- tif a été tiré un verbe grechaim « je crie », Windisch, IVtb., p. 602, attesté par exempledans nosgrechatL. U. 109 a 15 ou dans le prétérit grechais (écrit gréchais), Tàin Cuaiinge, 1. 3893, 3900, 3918.

D'une racine * greu- le substantif redoublé *ge-gru-na d'où giugran gl. anser Sg. 64 b i, plus tard gigrand « anser bernicula » Corm. tr., p. 88, et O'Mulconry's Gloss. 655

Hibernica. 141

(A. CL. I, 265) gén. pi. gigraiid Lib. Hymn. Amra, 63 (cf. latrand du latin lalivii-); le glossaire d'O'Clery contient ^ioghrann .i. cadhan « oie sauvage » Rev. celt., V, 3. M. Wh. Stokes {Urk. Spr., p. 109) pose à tort le primitif sous la forme * gegnrannâ. De toute façon, la syllabe finale du corres- pondant gallois gwyrain fait difficulté.

« ESPACE DE TEMPS >..

On a rattaché depuis longtemps le mot irlandais ive rôt (dissyll.) « espace découvert, étendue de terrain » au latin rûs, zend ravah-, en supposant un thème * reiios- ou * rouos- conservé en latin dans n'is (cï. Solmsen, Studien, p. éo; Walde, Lat. Etyin. IVtb., p. 535) et auquel l'irlandais aurait simple- ment ajouté un suffixe -3'^-, soit * reves-yà- ou * roves-yà- d'où rôe (cf. J. Strachan, Trans. of the Philol. Soc, 1 891- 1894, p. 290; Wh. Stokes, Urkeh. Sprachsch., 235).

La racine de ce mot, avec d'autres suffixes, a fourni au slave le mot v. si. lavmn « uni » et au germanique la série des mots got. rûius, v. isl. rÏDii, v. h. a. rûm qui désignent l'espace. Elle existe encore en irlandais dans le mot (mono- syll.) « espace (notamment de temps) », que V. Henry, Lex. Etyiii. du bret. mod., p. 232, a tort de regarder comme un simple doublet de rôe.

Le mot est assez bien attesté en vieil-irlandais (Ascoli, cxciij) : nom. sg. ind Ml. 133 b 7; gén. sg. ree Tur. 71 ; dat. sg. rté Wb. 23 d 30 ; nom. pi. na rree B. Cr. 18 c 3, iniia réi A. Cr. 2 d i ; dat. pi. réib Wb. 22 a 8; ace. pi. rei Ml. 90 d 14 ; et il figure dans plusieurs textes de l'irlandais- moyen : Tàin Cnaihige, éd. Windisch, p. 213 (gén. sg. ua ree); Passions and Hoinilies, p. 846; Acallaiiih na Senôrach, 1. 13 14, toutefois M. Wh. Stokes, p. 371, propose de corriger en rôe; glossaires d'O'Clery {lé .i. aiiiisior, Rev. celt., V, 37) et d'O'Mulconry, 619 et 835 {A. C. L., I, 263 et 273). L'adjectif dérivé r^dit/7 « spatiosus » se lit Ml. 50 a 15.

Le mot est féminin (malgré Windisch), comme le prouve la forme de l'article dans les exemples précités. Il remonte donc à * revyâ- et semble attester l'existence d'une racine * rev-

142 /. Vcndryes.

dont l'irlandais aurait tiré à la fois un thème en -es- (plus tard allongé en -yà-^ et un thème en -yà-. La forme * revyà est devenue ree {cî. cime « toison » de *knavyâ, Urk. Spr., 95), qui s'est contracté en ré; mais au gén. sg., écrit rehe Wb. 4 c II, il y a deux syllabes.

Cette racine * rev- n'est peut-être qu'une simple déforma- - tion de la racine * z;r- : *ver- (cf. Meillet, M. S. L., XII, 223 et suiv.); mais on pourrait aussi l'identifier à la racine * rev- « courir » (P. Persson, Studien ':;^. Lehre von der Ww\ekriveite- rung iind lVtir~elvûriatioii, p. 122), en comparant les nom- breuses métaphores tirées de la course et appliquées au temps qui s'écoule ou à l'espace qui s'étend : français cours, allem, ZeitJauf (m. h. a. Ioiift\ gr. homérique T.tp\-zKKz[j.vniyj ou r.tpi~'Ko[j.vn,v/ àv'.a'jTwv de la même racine que le sanskrit carati « il se meut » ; etc.

BLESC « FEMME DE MAUVAISE VIE ».

Le glossaire de Lecan publié par M. Whitley Stokes. Arch. f. CeJt. Lexic, I, 50 et ss., contient un mot blesc. À. merdrech « courtisane » dont M. Kuno Meyer {Contribulions, I, 228) fournit le génitif blesce. Il n'y a pas lieu de s'arrêter à l'hypo- thèse première de M. Wh. Stokes qui rattachait à ce mot le nom propre d'homme Blésc, puisqu'elle n'a pas été reprise par son auteur dans la nouvelle édition du Félire Oengtiso, 1905, p. 403.

Le mot féminin blesc doit être apparenté au thème * bledo- * bledi- qui a fourni au briitonique le nom du « loup » (gall. blaidd, bret. bleiy, v. gall. bled, cf. Wh. Stokes, Urk. Spr., 188), d'où semble dérivé le nom propre gaulois Bledinus (Holder, Altcelt. Sprachsch., l, col. 451) et qui apparaît en irlandais même sous la forme bled pour désigner une bête sauvage (Sg. 15 b 10, n. pi. bleda .i. aige alta, gloss. ad. Fél. Oeng., 7 avril). Il y a ainsi dans le mot blesc un souvenir ou une analogie du latin lupa « femme de mauvaise vie ». D'autres langues présentent la même dérivation de sens ; par exemple le V. islandais grey-baha signifie à la fois « Hûndin » et « Dirne », et surtout le breton, gast a les deux mêmes significations.

Hihernica. 143

Au point de vue de la formation, blesc doit remonter à * bled-skâ {d.* trudsko- devenu >> *trusco-, Urk. Spr., p. 139). Le suffixe -sko- (^-skâ-) est des plus répandus en celtique. Il a fourni à l'irlandais un bon nombre de substantifs dérivés : base « collier », blosc « tumulte », flesc « baguette », iasc « poisson », fiasc « anneau », rose « œil », ri'isc « écorce », seise « jonc », tàse « bruit », toise « désir », trese « déjection », etc. et avec l'aide d'autres suffixes : desead « levain », ^esca « rameau », liiascad « mouvement », iiiiscais « haine », usée « eau » etc. (cf. Z. E., 812 et s.). Parfois, ce suffixe a nette- ment le sens péjoratif: riasc « marécage » (Corm. Tr., p. 147) à côté de rian « mer » (de * rêno-), et cela explique qu'il serve à former une série d'adjectifs désignant des défauts : brise « fragile », Jase « lent, mou », Use « paresseux », lose « infirme », mesc « ivre », sese « stc, stérile », tere (de * ierse^ « rare », trose « lépreux » (cf. gall. bloesg a bègue » etc. et pour l'emploi du suffixe en germanique Brugmann, Grdr., II, 2^ éd., i,p. 479).

Le breton gast (gall. gast, pi. geist) pourrait sortir d'une façon analogue du thème *kan- « chien » (cf. lat. cànis, irl. eana, gall. eanaw, auj. ceyiaiu, etc., Urk. Spr., p. 92); soit * kan-skâ a chienne » devenu *kûst par une dissimilation due à la gutturale initiale et gast sous l'influence du genre féminin du mot.

J. Vendryes.

LE SUFFIXE GALLOIS -EDIC

Dans la Gramiiiatica celtica, 2^ édition, p. 532, les participes passés passifs gallois terminés en -etic comme tinetic « tincta » dans les textes les plus anciens, plus tard en -edic, comme briwedic, « vulneratus », sont rapprochés des adjectifs latins en -tici'us, dérivés de participes passés passifs comme dediticius, de deditus, siirrepticius de surreptus. On peut à ce sujet faire trois observations :

La langue latine a eu comme le gallois des adjectifs déri- vés des participes passés au moyen du suffixe -ico-, tels sont doiiaticiis de doiiatiis, einpliciis <Xempticiis, miiltaticus de niuUatus, volaticus de volatus, venaticus de venatus '.

La langue grecque connaît cette formation : 3.^;y.-r-.v/.iz « affectueux » à' 7.';y.r.r-.bz « aimable », È-aivsT'.y.i; « qui loue volontiers », d'iza'.v^ti; « louable », \r,T.-v/.'zç « qui prend volontiers » de 'kr-.ibz « qu'on peut saisir », t:£-ti7.6ç « apte à se digérer » deTrs-Toç « cuit », ày.iuTT'.y.d; « qui écoute volon- tiers » d'iy.oujTÔç « qu'on peut entendre », -Asy-r/.ic « propre à s'entrelacer » de zAsy-iôç « tressé » « entrelacé », àYavay- xr^-ixiç « irritable » d'av^cvaxT-^TÔ; « irritant » -.

On trouve aussi cette formation en breton : hividik « vivace », dérivé de bevet, participe passé de beva vivre; ghiidik « natif » dérivé de ganet, participe passé de geiiel, « naître, engendrer ».

H. d'Arbois de Jubainville.

1. Otto Gradenvvitz, Latcrculi vociim latiiiaruin, p. 476-478.

2. Cf. Adolphe Rcgnier, Traité de la formation des )iiots ditiis la langue grecque, p. 218. Suivant Bopp, Graiiniiaire comparée, traduction de M. Bréal, t. IV, p. 117, note 3, le suffixe t'./.d: s'explique par des noms abstraits en Ti. Mais les substantifs abstraits h;ir.f]-:'.:, e-kivcTi;, etc. n'existent pas ; on a ETuaivsai;, ttâéÇi;, àyavâ/.Tr]a'.ç etc. ; c{. Brugmann, GniiiJriss, t. I, 2^ édition, p. 662 ; t, II, p. 24s, 246. #

ENLEVEMENT DU TAUREAU DIVIN

ET

DES VACHES DE COOLEY

CHAPITRE I^--

DIALOGUE DE l'oREILLER

Une fois il arriva qu'Ailill et Medb ' [roi et reine de Con- naught], après s'être couchés dans leur lit royal au château de Cruachan en Connaught eurent un entretien sur l'oreiller.

« Vraiment, ô femme » dit Ailill, « la femme a du mérite quand son mari en a. »

« Oui^ ta femme a du mérite », répondit Medb ; « pour- quoi penses-tu cela ? »

« La raison pour laquelle je le pense », répondit Ailill, « c'est qu'aujourd'hui tu vaux mieux que lorsque je t'ai épousée. »

« J'avais de la valeur avant toi », répartit Medb.

« De cette valeur », répondit Ailill, « nous n'avons pas entendu parler. Femme tu vivais sur bien de femme, et, venant de la province la plus voisine, les ennemis prati- quaient sans cesse chez toi vol, pillage, brigandage. »

« Rien de pareil ne s'est produit », répliqua Medb. « Mon père était le roi suprême d'Irlande Eochaid Feidlech -, fils de Find, petit-fils de Findoman, arrière-petit-fils de Findên,

1. On prononce Mève.

2. Suivant les Annales des quatre Maîtres, t. I, p. 86, 88, Eochaid Feid- leach aurait régné de l'an 142 à Tan 131 avant J.-C. Cf. Livre de Leinster, p. 23, col. I, 1. 36.

Rrviir Celtique, XXVIII. 10

146 H. iV Al bois de JiibainviUe.

descendant au quatrième degré de Findguin, au cinquième de Rogen le Rouge, au sixième de Rigên, au septième de Blath- acht, au huitième de Beothacht, au neuvième d'Enna Agnech ', au dixième d'OengusTurbech^ Eochaid Feidlech eut six filles: Derhriu, Ethne, Ele, Clothru, Mugain, Medb. Je fus la plus noble, la plus distinguée, je fus supérieure aux autres en bienfaisance et en libéralité. Je l'emportai dans les batailles, dans les combats et à la lutte. J'avais quinze cents guerriers de race royale venus des autres provinces d'Irlande, autant de guerriers nés dans ma province et ces derniers étaient accom- pagnés d'un nombre de soldats qui pour chacun allait ainsi décroissant, dix, huit, sept, six, cinq, trois, deux, un. Ils for- maient » ajouta Medb, « ma garde habituelle. Voilà pour- quoi mon père me donna une des cinq grandes provinces d'Irlande 5, la province de Cruachan, en sorte qu'on m'appelle Medb de Cruachan. On vint me demander en mariage de la part du roi de Leinster Find fils de Ross le Rouge, et de celle du roi de Tara '^ Cairpre le Grand-Guerrier, fils de Ross le Rouge; on vint de la part du roi d'Ulster Conchobar, fils de Fachtna Fathach >, on vint de la part d'Eochaid le Petit. Et moi, je ne me rendis pas à ces invitations, car c'est moi qui demandai un prix d'achat^ qu'avant moi aucune femme

1. Enna Aighncach suivant les Annales des quatre Maîtres, t. I, p. (Sa, aurait été roi suprême d'Irlande de l'an 312 à l'an 293 avant J.-C. ; cf. Livre de Leinster, p. 22, col. 2, 1. 43.

2. Les Annales des quatre Maîtres, t. I, p. 84, le font régner, comme roi suprême d'Irlande, de 384 à 326 pendant cinquante-huit ans; cf. Livre de Leinster, p. 22, col. 2, 1. 39. De l'avènement de Oengus Turbech aussi appelé Tuirmheach à l'avènement d'Eochaid Feidlech on compterait 242 ans soit 24 ans environ pour chaque génération.

3. Ces provinces étaient i" Ulster, Connaught, Munster méridio- nal ou Desmond, dit aussi Munster occidental, Munster septentrional ou Tomond, Leinster. Voir Sé^ro-Z/i^rt- Coiiaihnnn, § 22, chez Windisch, Irische Texte, t. I, p. 212 ; cf. Cours de littérature celtique, t. V, p. 187, est reproduite la doctrine d'O'Curry, On the Manners, t. II, p. 199 ; cf. p. 97 ; t. m, p. 75, 79.

4. C'est-à-dire roi suprême d'Irlande.

5. En réalité mari de Ness, femme qui avait eu Conchobar d'une union passagère avec le druide Cathba.

6. Le prix d'achat, coibcbe, était ordinairement donné par le futur gendre au père de la fiancée ; ici c'est la femme qui le reçoit. Medb, devenue reine, était émancipée.

EnUvenieni du taureau divin. 147

ne demanda à un homme d'Irlande ; je demandai un homme sans avarice, sans jalousie, sans peur'. S'il y avait de Tavarice chez l'homme à qui j'appartiendrais, il ne serait pas à propos que nous vivions ensemble. Ma bonté, ma généro- sité, ma libéralité ^ y feraient obstacle. On se moquerait de mon mari, si je lui étais supérieure en libéralité ; on ne se moquerait pas si nous avions égale bonté, la même bonté tous deux. Si mon mari était peureux, il ne serait pas à propos que nous vivions ensemble, car je livrerais combats et batailles, je ferais des exploits 3, et cela moi seule ; on se moquerait de mon mari, on dirait : il y a chez sa femme plus de vie que chez lui ; on ne se moquerait pas si nous avions égale vivacité, si nous étions aussi vifs l'un que l'autre. Si l'homme à qui j'appartiendrais était jaloux, ce serait inconvenant aussi, car avant de me marier je ne fus jamais sans un amant caché dans l'ombre d'un amant en titre '♦. Alors je trouvai l'homme que je désirais, c'était toi, Ailill, iils de Ross le Rouge de Leinster : tu n'étais point avare, tu n'étais point jaloux, tu n'étais point paresseux. Je fis avec toi contrat de mariage et je te donnai le plus beau prix d'achat qu'une femme puisse rece- voir 5, c'est-à-dire des vêtements de quoi habiller douze hommes, un char qui valait sept femmes esclaves, une feuille d'or rouge aassi large que ton visage, un morceau d'ekctruni ^ aussi lourd que ton avant-bras gauche. Qu'un individu quel- conque te fasse un affront qui te décourage ou même te rende fou, tu n'obtiendras pas dommages intérêts et prix de ton honneur sans que je reçoive autant que toi, car tu es homme sur bien de femme 7. »

« Je ne le suis pas », répondit Ailill, j'ai deux frères, l'un

1. C'est une triade, comme plus liaut vol, pillage, brigandage.

2. Triade.

3. Sur le service de guerre par les femmes en Irlande voir les textes réunis dans le volume intitulé La famille celtique, p. 81-83.

4. Sur les moeurs des Irlandais payens, voir La faiiiiUe celtique, p. 50, 51 ; comparez ce que Dion Cassius, 1. LXXVI, c. 26, dit de la femme du Calédonien Argentocoxos.

5. Coihche c'est le nom du prix d'acliat payé ordinairement par le mari. Medb prétend que c'est elle qui, dans le ménage, a la puissance maritale.

6. Peut-être de laiton.

7. Tiiicur iniui, han-tincur, cf. La faruillc celtique, p. 163-166.

148 H. iVArhûis de Jubainville.

règne à Tara, l'autre règne en Leinster, c'est-cà-dire que Find est roi de Leinster et Carpré roi de Tara '. Je leur abandon- nai ces royaumes à cause de leur droit d'aînesse. Ils ne m'étaient pas supérieurs en bienfaisance ni en libéralité. Je n'avais pas entendu dire qu'aucune des cinq grandes provinces d'Irlande pût être propriété de femme. Pour la première fois je l'entends dire de cette province ci et d'elle seule. Je vins donc ici et je saisis la royauté, cela du droit que je tenais de ma mère. En effet Mata de Muiresc, ma mère, était fille de Maga [roi de Connaught]. Et pouvais-je trouver reine meil- leure que toi ? puisque tu es fille du roi suprême d'Irlande. »

« Par conséquent », répliqua Medb, « ma fortune est plus importante que la tienne. »

« Etrange prétention » répondit Ailill. « Il n'est personne qui ait plus de choses précieuses, de trésors et de richesses ^ que moi. Je le sais bien. »

CHAPITRE II

CAUSE DE l'eXLÈVEMEXT.

[Ailill et Medh font chacun faire Finvcntaire de leur fortune. Conséquence de ce double inventaire].

I. On leur présenta d'abord les articles dont la valeur était la moindre. Ce fut ainsi que l'on commença la comparaison des deux fortunes : on leur apporta leurs petits seaux, leurs grands seaux et leurs pots de fer; leurs cruches, leurs cuves et leurs pots à anses '.

Les deux lots étaient égaux +.

On leur apporta ensuite leurs bagues pour petits doigts, leurs bracelets, leurs bagues pour pouces, leurs bijoux d'or, leurs vêtements tant pourpres que bleus, noirs et verts, tant

1. C'est-à-dire roi suprêmed' Irlande. Sur ce Cairpre, surnommé Nia Fer, voir O'Curry, Maiiiiscripi Materials, p. 485, note 35 ; p. 507, note 81.

2. Triade.

5. Deux Triades.

4. Cf. O'Currv, Lectures on the wamtscript niaterials, p. 34.

EiiJcvemeiit du taureau divin. 149

jaunes que multicolores et gris, tant bruns que tachetés et mouchetés.

Le roi et la reine en avaient chacun autant '.

On amena des champs, des pâturages et des plaines - leurs nombreux troupeaux de moutons, on compta et recompta ces bêtes et on constata dans les deux lots égalité de poids, de taille et de nombre ^ Il y avait cependant parmi les têtes de bétail appartenant à Medb un bélier remarquable qui valait une femme esclave, mais dans le troupeau d'Ailill il se trou- vait un bélier équivalent.

On amena des pâturages et des parcs leurs chevaux de tra- vail, leurs attelages, leurs troupeaux d'étalons, de juments et de poulins ^ Dans un troupeau de chevaux appartenant à Medb on trouva un animal remarquable qu'on estima une femme esclave, or Ailill avait une bête équivalente.

On amena, des bois, des vallées et de leurs pentes_, des endroits cachés, leurs nombreux troupeaux de cochons; on les compta un à un ; Medb avait un porc mâle remarquable, Ailill un aussi.

Alors on fit venir des bois et des déserts de la province leurs troupeaux de vaches de toute espèce, de toute catégorie. On compta et recompta ces bêtes ; elles étaient de même poids, de même grandeur, de même nombre dans les deux lots, sauf une exception : parmi les vaches d'Ailill on trouva un tau- reau remarquable ; c'était un veau d'une vache de Medb ; il s'appelait le Blanc Cornu, Firidbennach ; ne considérant pas qu'il fût honorable pour lui d'appartenir à une femme, il était allé dans le troupeau des vaches du roi.

2. Il sembla à Medb que ses propriétés seraient sans valeur aucune tant qu'elle n'aurait pas un taureau équivalent. Elle fit venir le courrier Mac Roth, et lui demanda si à sa connais- sance il y avait dans une localité quelconque des cinq grandes provinces d'Irlande un taureau semblable à celui d'Ailill.

1. Cf. O'Curry, ibid.

2. Triade.

3. Triade.

4. Deux triades. Nous avons assez souvent signalé ce procédé de rédac- tion pour ne pas insister davantage.

150 H. d'Arhois de Jubaiirvith'.

« Je sais », dit Mac Roth, « un endroit se trouve le meilleur taureau possible, un taureau meilleur que celui du roi. C'est dans la province d'Ulster au canton de Cooley, chez Daré ', fils de Fiachna. Son nom est le Brun de Cooley, Donn Ci'talnge ^ »

« Va le chercher, Mac Roth », dit Medb, « et demande à Daré de me le prêter pour un an. A la fin de l'année je lui donnerai en retour cinquante génisses et je lui rendrai le Brun de Cooley. Puis fais-lui une autre proposition, Mac Roth. Si ses voisins, les habitants du même pays, prennent mal la cession par lui d'un animal de si grande valeur que le Brun de Cooley, qu'il vienne lui-même avec son taureau ; je lui donnerai en bonnes terres de Mag autant de terrain qu'il en possède à Cooley ; j'y joindrai un char, valant vingt et une femmes esclaves, et je le ferai coucher avec moi 5. »

3. Ensuite les courriers allèrent chez Daré fils de Fiachna. Les courriers, disons-nous, car Mac Roth et ses compagnons formaient une troupe de neuf hommes. Dans la maison de Daré on souhaita la bienvenue à Mac Roth. On ne pouvait faire autrement, car Daré était chef de la mission. Daré deman- da à Mac Roth quelle était la cause de son voyage, quel but il avait. Mac Roth dit pourquoi il venait ; il raconta la que- relle d'Ailill et de Medb. « Je suis arrivé », ajouta-t-il, « pour demander le prêt du Brun de Cooley afin de le mettre en face du Blanc Cornu ; tu recevras en retour cinquante génisses et le Brun de Cooley te sera restitué. Voici une autre proposi- tion : tu viendras toi-même avec ton taureau et tu auras en bonnes terres de la plaine d'Aï l'équivalent de ta propriété, plus un char valant vingt et une femmes esclaves, et en outre Medb te recevra dans son lit. »

Cette proposition fut agréable à Daré ; il s'agita tellement que les coutures de son lit de plumes se rompirent sous lui : « J'en donne ma parole », dit-il ; « peu importe la façon

1. Daré plus anciennement Darios est un nom gaulois qui forme le pre- mier terme du nom de Dan'o-ritKni aujourd'hui probablement Vannes. A. Holder, AUcellischer Spracbschati, t. I, col. 1241.

2. Mieux Cùahi^i.

3. Ailill n'était pas jaloux.

Eiilèveinoit du taureau divin. 151

dont les habitants d'Ulster prendront mon acceptation : le précieux animal sera mené chez Ailill et Medb, le Brun de Cooley ira en Connaught. » Mac Roth fut content de la réponse du fils de Fiachna.

4. Puis les gens de Daré prirent soin de Mac Roth et de ses compagnons. Ils mirent sous eux de la paille et des joncs frais. Ils leur apportèrent de la bonne nourriture et leur don- nèrent un festin qui les enivra complètement. Il arriva que deux courriers se mirent à causer. « Vraiment », dit l'un d'eux, « il est bon Thomme dans la maison de qui nous sommes. »

« C'est vrai », répondit l'autre. « Y a-t-il », reprit le premier, « y a-t-il en Ulster homme meilleur que lui ? « Oui », dit le second courrier, « c'est Conchobar auquel Daré appartient, et, quand même tous les hommes d'Ulster se réuni- raient autour de Conchobar, aucun d'eux n'aurait à rougir de son roi. Daré est bien bon. Prendre de force le Brun de Cooley et le mener hors de la province d'Ulster serait une œuvre qui exigerait le concours de quatre des cinq grandes provinces d'Irlande, et Daré donne cet animal à nous qui ne sommes que neuf courriers, »

Alors le troisième courrier se mêla à la conversation. « Que dites-vous? » demanda-t-il. Le premier courrier répéta : « Il est bon l'homme dans la maison de qui nous sommes. »

« Oui, il est bon », reprit le second courrier. « Y a-t-il même parmi les habitants d'Ulster », dit le premier courrier, « quelqu'un de meilleur que lui « Oui certes, » répondit le second courrier, « c'est Conchobar auquel Daré appartient, et quand même tous les hommes d'Ulster se réuniraient autour de Conchobar, aucun d'eux n'aurait à rougir de son roi. Mais Daré a une grande bonté. Prendre de force le Brun de Cooley serait une œuvre qui exigerait le concours de quatre des cinq grandes provinces d'Irlande. »

Le troisième courrier s'écria : « La bouche d'où ces paroles sont sorties mériterait de vomir du sang et d'en vomir encore. Si Daré n'avait pas donné son taureau de bon gré, on le lui aurait pris de force. »

5. En ce moment arriva dans la maison occupée par les courriers le maître d'hôtel de Daré, fils de Fiachna ; avec lui

1)2 H. d\4rbois de JubainvUlc.

entrèrent l'échanson et le domestique qui apportait à manger. Le maître d'hôtel entendit ce qu'on disait, la colère s'empara de lui ; il donna aux courriers la nourriture et la bière^, mais il n'ouvrit pas la bouche ; il ne leur dit pas : Mangez et buvez : il ne leur dit pas : Ne mangez ni ne buvez. Il alla dans la maison était Daré, fils de Fiachna et il lui demanda : « Est ce toi qui as donné aux courriers le célèbre trésor qu'est le Brun de Cooley « Oui, c'est moi », répondit Daré. « Eh bien », répliqua le maître d'hôtel, « si ce que disent les courriers est vrai, tu n'es pas roi du canton ce don a été fait. Suivant eux, si tu ne donnes pas ce taureau de bon gré, tu le donneras de force, tu y seras contraint par l'armée d'Ailill et de Medb et par la grande science guerrière de Fergus, fils de Roech. » « Je le jure », répliqua Daré, « je le jure par les dieux que j'adore, ils ne l'emmèneront pas de force, ils ne l'emmèneront pas de bon gré. »

6. Chacun jusqu'au matin resta dans sa maison. Les cour- riers se levèrent le matin de bonne heure, et allèrent à la maison était Daré. « Dis-nous », demandèrent-ils à Daré, « dis nous, ô noble seigneur, se trouve le Brun de Cooley; nous irons le chercher. » « Non certes », répon- dit Daré, « s'il était dans mes habitudes de trahir les cour- riers, les voyageurs, les gens qui suivent les routes, aucun de vous ne s'en irait en vie. » « Pourquoi ? » demanda Mac Roth. « J'ai grande raison », répondit Daré ; « vous avez dit que si je ne donnais pas le taureau de bon gré, je le céderais de force grâce à l'armée d'Ailill et de Medb et à la grande science guerrière de Fergus. » Mais », répliqua Mac Roth, « peu importe ce que ta bière et ton repas ont fiiit dire aux courriers. Ces paroles ne méritent aucune attention, et tu ne peux à ce suiet adresser des reproches ni au roi Ailill ni à la reine Medb. » « En dépit de nos conventions, ô Mac Roth », répartit Daré, « je ne donnerai pas mon taureau; non je ne le donnerai pas du tout. »

7. Les courriers s'en retournèrent et ils arrivèrent au château de Cruachan en Connaught. Medb leur demanda quelles nouvelles ils apportaient. Mac Roth répondit qu'en fait de nou-

Hnlcvenieiil du laurcau divin. 153

velles il n'amenait pas le taureau de Daré. « Pourquoi ? » demanda Medb. Mac Roth raconta comment les choses s'étaient passées. « Il sera », dit Medb, « plus flicile d'arran- ger cela que de polir les nœuds d'une corde. On sait que le taureau ne sera pas donné de bon gré ; on l'emmènera de force, il faudra bien que Daré l'abandonne. »

CHAPITRE III

APPEL DES GUERRIERS DE CONNAUGHT À CRUACHAN AÏ.

1. Les envoyés de Medb allèrent inviter à venir à Cruachan les sept Mané avec leurs sept fois trois mille guerriers, savoir : Mané surnommé Pareil à mère, Mané surnommé Pareil à père, Mané surnommé Qu'il les prenne tous, Mané dit Petite Piété filiale, Mané dit Grande Piété filiale, Mané dit Le plus grand parleur. D'autres envoyés allèrent trouver les fils de Maga, c'est-à-dire : Cet ou Premier, fils de Maga ; Anluan ou Brillante lumière, fils de Maga; Maccorb ou Enfant de chariot, fils de Maga ; Bascell ou Maison de mort, fils de Maga ; En ou Oiseau, fils de Maga ; Dôche ou Rapide activité, fils de Maga ; Scandai ou Insulte, fils de Maga. Ces guerriers vinrent et avec chacun d'eux trois mille hommes armés. D'autres envoyés d'Ailill et de Medb allèrent trouver Cormac à l'intelli- gent exil, fils de Conchobar, et Fergus fils de Roech \ Leur troupe fut de trois mille hommes.

2. La première troupe qui arriva portait les cheveux courts, des manteaux verts aux broches d'argent ; chaque homme avait sur la peau une chemise à fils d'or avec entrelacs d'or rouge. Les poignées de leurs épées étaient blanches aux gardes

I. Avec Dubthach ils avaient été caution de la promesse faite par le roi Conchobar que les fils d'Usnech auraient la vie sauve (Longes mac n-Usnig, 13; Windisch, Irischc Texte, t. I, p. 75, 1. 10-12). Après le meurtre des fils d'Usnech ils entreprirent une guerre contre le roi Concho- bar {ihid., c. 16, p. 76), puis ils allèrent en Connaught chez Ailill et Medb (ibîd., c. 16, p. 77). Voyez R. Thurnevsen, Soi^eii ans deni alteu Irland, p. 16, 17. Leahy, Heroic Roiiiauces, t. I, p. 97, 98.

154 ^- (-^'Arbois de JuhainviUe.

d'argent. « Cormac est-il ? -> demandèrent les assistants. « Non certes », répondit Medb.

La deuxième troupe avait les cheveux fraîchement coupés. Chaque guerrier était enveloppé dans un manteau bleu foncé et portait sur la peau une chemise très blanche. Les poignées de leurs épées étaient d'or et rondes avec gardes d'argent. « Cormac est-il ? » demandèrent les assistants. « Non certes », répondit Medb.

La troisième et dernière troupe avait la chevelure courte d'un joli blond, couleur d'or et largement étalée sur la tète, de beaux manteaux pourpre avec de jolies broches sur la poi- trine. Ces guerriers portaient de belles et longues chemises de soie qui descendaient jusqu'au milieu des pieds. Ensemble ils levaient les pieds, ensemble ils les baissaient. « Est-ce Cor- mac ? » demandèrent les assistants. « Oui certainement », répondit Medb.

3. Ils campèrent et s'installèrent cette nuit-là, en sorte qu'il y eut beaucoup de fumée et de feu entre quatre gués d'Aï, les gués dits Ath Moga, Ath Bercna, Ath Slissen, Ath Coltna. Ils restèrent quinze jours dans la forteresse de Cruachan à boire et à jouir de plaisirs de toute sorte pour rendre leur marche en avant plus facile.

4. Leurs prophètes et leurs druides les avaient du reste empêchés de partir avant la fin de la quinzaine pour leur faire attendre un présage favorable \

5. Puis Medb dit à son cocher d'atteler ses chevaux; elle voulait aller demander un entretien à son druide et obtenir de lui par une prophétie la science de l'avenir.

CHAPITRE IV

PROPHÉTIE

I. Quand Medb fut arrivée se trouvait son druide elle le pria de lui donner par une prophétie la science de

I, Le paragraphe 4 manque dans le Livre de Leinster ; il se trouve dans le Lebor na hUidre,p. 55, col. i, lignes 27-29 ; édition d'O'Keeffe, I.20, 21. Traduction de Winifred Faraday, p. 2.

Enlèvement du taureau divin. 155

l'avenir. « Beaucoup d'hommes », dit-elle, « se sont séparés aujourd'hui de ceux et de celles dont ils sont aimés et qu'ils aiment eux-mêmes, de leur patrie, de leurs champs, de leurs pères, de leurs mères. S'ils ne reviennent en bonne santé, les soupirs et les malédictions que provoquera leur malheur seront autant de coups qui me frapperont. Mais ni à la mai- son, ni dehors il n'y a personne qui nous soit plus cher que nous-mêmes. Apprends-moi si je reviendrai ou si je ne revien- drai pas. » (c Peu importe que tel ou tel ne revienne pas », répondit le druide, « tu reviendras ».

2. « Il n'est pas difficile », dit le cocher, « que je fasse tour- ner le char à droite, cela nous donnera bon augure et assu- rera notre retour » '.

3. Le cocher fit tourner le char et conduisit Medb en arrière. Alors Medb vit une chose qui lui parut étrange : près d'elle une femme se trouvait sur le brancard d'un char qui s'approchait ; elle tissait du galon ; elle tenait dans sa main droite un fuseau de laiton orné de sept filets d'or rouge ; un manteau vert moucheté l'enveloppait ; une grosse broche à forte tète était fixée sur sa poitrine ; elle avait le visage rouge et beau, l'œil bleu et gai, les lèvres rouges et minces ; ses dents brillantes pouvaient être comparées à une pluie de perles, ses lèvres ressemblaient à de rouges alises. Autant est mélo- dieux le son des cordes d'une crotta ^ entre les mains d'un artiste savant et depuis longtemps exercé, autant était agréable le son de la voix et des aimables paroles qui sortaient de sa bouche. Sa peau, ses vêtements ne la cachaient pas, était aussi blanche que la neige pendant la nuit. Elle avait les pieds longs et très blancs, les ongles pourpre, égaux, ronds, aigus; les cheveux longs, d'un blond beau comme l'or; trois nattes de cheveux lui entouraient la tête, une quatrième descendait si bas que l'ombre de cette natte lui frappait les mollets.

1. Le paragraphe est tiré du Lebor na hUidre, p. 55, col. i, I. 34-56 ; édition d'O'Keeffe, 1. 24, 25. Winifred Faraday, p. 2.

2. La harpe des Iles Britanniques, civlta hiitauna, que Fortunat, VII, 8- 63, 64, oppose à la lyre des Romains, à la harpe des barbares.

ijé H. iF ArhoJs de Jiihaiiiville.

4. Medb la vit : « Que fois-tu ici en ce moment, ô fille ? » lui dit-elle. « Je travaille » répondit-elle, « dans tes inté- rêts et pour ton bonheur en réunissant les guerriers de quatre grandes provinces d'Irlande pour aller avec toi dans la province des Ulates ' enlever les vaches de Cooley. » « Pourquoi me rends-tu ce service ? » répliqua Medb. « J'ai de bonnes raisons pour cela », reprit la fille, « je suis du nombre des femmes esclaves qui appartiennent à ta maison. » « Qui donc de mes gens es-tu ? » demanda Medb. « Je suis », répondit la fille, « Fédelm la prophétesse du palais des dieux de Cruachan. »

5. « D'où viens-tu ? » demanda Medb. « De Grande- Bretagne après y avoir appris l'art des filid », répartit la fille. « As-tu », dit Medb, « l'illumination autour des mains, inihas jorosna ? » « Je l'ai nécessairement », répliqua la fille ^

MEDB

, 6. « Eh bien, Fédelm, prophétesse, comment vois-tu notre armée ? »

FÉDELM

« Je vois sur tes guerriers teinte écarlate, je vois rouge. »

MEDB

« Mais Conchobar est àEmain Mâcha en proie à la maladie qui doit durer neuf fois douze heures \ Mes éclaireurs sont allés à Emain. Nous n'avons rien à craindre des habitants d'Ulster. Dis la vérité Fédelm.

Fédelm, prophétesse, comment vois-tu notre armée ? »

FÉDELM

« Je vois sur tes guerriers teinte écarlate, je vois rouge. »

1. L'Ulster.

2. Ce para<j;raphe est emprunté au Lebor na hUidre, p. 55, col. 2, 1. 10- 14; édition d'O'Keeffe, 1. 38-41. L'emploi de ce mode de divination avait été prohibé par saint Patrice.

3. On a compris plus tard neuf fois dix jours.

Enlèveinent du taureau divin. 157

MEDB

« Mais Cuscraid le Bègue de Macha^ fils de Conchobar, est malade en son île. Mes éclaireurs y sont allés : nous n'avons rien craindre des habitants d'Ulster. Dis la vérité, Fédelm.

Fédelm, prophétesse, comment vois-tu notre armée ? »

I-ÉDELM

« Je vois sur tes guerriers teinte écarlate, je vois rouge. »

MEDB

« Mais Eogan est malade au fort d'Airther. Mes éclaireurs sont allés jusque là. Nous n'avons rien à craindre des habi- tants d'Ulster. Dis-nous la vérité, Fédelm.

Fédelm, prophétesse, comment vois-tu notre armée ? »

FÉDELM

« Je vois sur tes guerriers teinte écarlare, je vois rouge. »

MEDB

« Mais Celtchair, fils d'Uthecar, est malade dans son fort. J'ai envoyé mes éclaireurs jusque là. Nous n'avons rien à craindre des habitants d'Ulster. Dis la vérité, Fédelm.

Fédelm, prophétesse, comment vois- tu notre armée ? »

FÉDELM

« Je vois sur tes guerriers teinte écarlate, je vois rouge- »

MEDB

« Tu crois que ce rouge annonce un désastre, moi non. Dès que les Irlandais se réunissent, il se produit entre eux que- relles et batailles ; l'un insulte un autre, tumulte s'en suit ; tous veulent aller à l'avant-garde, tous à l'arrière-garde, tous au gué, tous à la rivière, tous tuer le premier cochon, le pre- mier cerf, le premier gibier. Mais dis-nous la vérité, Fédelm.

Fédelm, prophétesse, comment vois-tu notre armée ? »

FÉDELM

« Je vois sur tes guerriers teinte écarlate, je vois rouge. »

1)8 II. iVArbois de Julnnnvillc.

7. Et elle se remit à prophétiser. Elle prédit comment Cûchulainn traiterait les hommes d'Irlande. Elle le fit en chan- tant un poème :

Je vois un homme beau qui fera des tours d'adresse.* Sur sa belle peau sont de nombreuses cicatrices, leur présence sur le devant de sa tète l'enorgueillit , elles fixent sur son front le souvenir de ses victoires.

Les sept pierres précieuses qui distinguent les braves héros brillent dans ses deux yeux. Les pointes de ses armes sont nues. Un manteau rouge à crochets l'enveloppe.

Il a le visage très noble. Il sait rendre honneur aux femmes. Ce garçon jeune et de belle couleur est un dragon dans les combats.

Je ne sais pas de quoi Cûchulainn a tiré sa plus grande gloire ; mais ce que je sais pourtant c'est qu'il rendra cette armée toute rouge.

Quatre petites épées dont il joue brillamment sont dans chacune de ses deux mains. Il en jouera sur l'armée. Chacun en recevra les coups.

Voyez comme il frappe et du javelot qu'il porte dans sa poche, et de sa grande épée, et de sa lance. Cet homme au manteau rouge met le pied sur toutes les traces de notre armée.

Il a deux javelots sur son char brillant ; il les lance de tous côtés, le guerrier aux contorsions. Il s'est montré à moi sous une forme, certainement il la changera pour une autre.

Il est parti pour le combat. Si l'on n'y prend garde, il y aura trahison. Pour combattre, quelqu'un vous cherche, c'est Cûchulainn, fils de Sualtam.

Il massacrera vos armées jusqu'ici saines et sauves et terminera par votre finale laite. Vous lui livrerez toutes vos têtes. La prophétesse Fédelm ne le cache pas.

i

Enlèvement du taureau divm. 159

Le sang coulera de la peau des héros. La mémoire en sera longtemps conservée.

Les corps des guerriers seront mis en pièces. Les femmes pleureront à cause de Cùchulainn, chien du forgeron ; je le vois.

Avec la prophétie, la prédiction, se termine le morceau de tête du récit, morceau qui comprend en outre la cause de l'enlèvement, et le dialogue de l'oreiller entre Ailill et Medb à Cruachan Aï.

CHAPITRE V

ROUTE SUIVIE POUR l'eNLÈVEMENT

Ce chapitre très intéressant pour ceux qui veulent étudier la géographie ancienne de l'Irlande nous a semblé inutile à mettre en français. La géographie historique de l'Irlande est un sujet spécial qui, hors de l'Irlande, n'attirera pas beaucoup de lecteurs.

CHAPITRE \T

MARCHE DE l'aRMÉE

I. Après leur premier déplacement les troupes prirent à Cuil Silinne le repos de la nuit. Là, cette nuit, fut dressée la tente d' Ailill, fils de Ross, qui eut à sa droite la tente de Fer- gus, fils de Roech. A la suite se placèrent Cormac à l'intelli- gent exil, fils de Conchohar ; puis Ith, fils d'Etgaeth ; ensuite Fiachu, fils de Firaba, enfin Goibniu, fils de Lurgnech. Ainsi à la droite de la tente d' Ailill on avait mis Fergus, fils de Roech, chef de trois mille guerriers d'Ulster, qui l'accompa- gnaient; par on avait rendu plus faciles les relations, les entretiens entre Ailill et eux, comme la fourniture de nourri- ture et de boisson à ces guerriers.

Medb de Cruachan se mit à la gauche d'Ailill, fils de Ross. A la suite se placèrent Findabair, leur fille, puis Flidais à la belle chevelure, femme d'abord d'Ailill Find, ensuite de Fer- gus, fils de Roech ; Fergus emmenait sa femme à l'expédi- tion. Toutes les septièmes nuits elle apportait à l'armée ce qu'il fallait de lait pour les rois, les reines, les héritiers pré- somptifs de rois, ÏQsfilid, les étudiants.

léo H. d'Arbois de Jubainville.

2. En ce jour MeJb ne demanda point que par une prophétie on lui tît savoir qui dans l'armée aurait eu marche lente ou marche rapide ; elle ne laissa ni dételer ses chevaux, ni abaisser le timon de son char avant d'avoir fait dans le camp une tournée d'inspection.

Cette tournée faite, ses chevaux furent dételés et le timon de son char abattu ; elle s'assit près d'Ailill, fils de Ross et de Mata Muiresc '. Ailill lui demanda des nouvelles, il vou- lait savoir qui dans l'armée se distinguait par son activité ou par sa paresse. « Il est », répondit Medb, « il est inutile de parler de personne sauf d'un seul corps de troupes, [sauf des Galidin] ». « Que font-ils ? » demanda Ailill, « pour méri- ter cet éloge qui les met au-dessus de tous les autres « J'ai bon motif pour les louer », répondit Medb, « quand les autres eurent délimité leur installation et leur campement, eux avaient achevé déjà la construction de leurs cabanes et autres abris. Quand les autres eurent terminé la construction de leurs cabanes et divers abris, eux avaient déjà fini de prépa- rer leur repas. Quand les autres eurent préparé leur repas, chez eux déjà le repas était achevé. Quand les autres eurent cessé de manger, eux étaient déjà endormis. Leurs serfs et leurs esclaves ont sur les serfs et les esclaves d'Irlande la supériorité que leurs bons guerriers et leurs bons jeunes gens ont aujourd'hui sur les bons guerriers et les bons jeunes gens d'Irlande réunis dans notre armée. » « Tant mieux pour nous ! » dit Ailill ; « ils viennent avec nous, c'est pour nous qu'ils combattent. » « Qu'ils ne viennent pas avec nous ! » s'écria Medb, « qu'ils ne combattent pas pour nous « Ils resteront donc ici », répondit Ailill. « Non, ils ne resteront pas », répliqua Medb, car s'ils restent ils prendront les armes contre nous et s'empareront de no.^ terres »)-. « Que feront-ils donc », demanda Findabair'', « s'ils ne partent ni ne restent ? » « Mort, meurtre et massacre », répartit Medb, voilà ce que je veux pour eux. » « C'est un malheur

1. C'est-à-dire près de son mari.

2. Les mots entre parenthèses sont tirés du Lebor na hUidre, p. 56, col. 2, 1. 23-27; éd. O'Keeffe, p. 8, 1. 169-172. Winifred Faraday, p. 7.

:;. Fille d'Ailill et de Medb.

Enlèvement du taureau divin. léi

que tu dises cela », répondit Ailill, « que tu le dises parce que leur installation dans le camp ne les a pas fatigués. »

3. Fergus prit la parole : « Vraiment et en conscience on ne les tuera pas sans m'avoir tué moi-même. » « Tu n'as pas le droit de me parler ainsi », répliqua Medb, « j'ai assez d'hommes pour tuer, massacrer et toi et tes trois mille Galiâin. J'ai avec moi les sept Mané avec sept fois trois mille guerriers, les fils de Maga avec leurs trois mille hommes, Ailill avec autant, enfin moi avec mes gens '. » « Tu as tort de me parler ainsi », répondit Fergus. « J'ai avec moi les sept rois de Munster avec leurs sept fois trois mille guerriers. J'ai avec moi trois mille des meilleurs guerriers d'Ulster et les trois mille Galinin qui sont les meilleurs guerriers d'Irlande ^ Depuis que de leur pays ils sont venus ici, je garantis leur sécurité ; au jour de la bataille ils combattront pour moi. Je proposerai un moyen d'éviter toute discussion au sujet des Galiâin; je l'ai bien compris; je disperserai les Galiâin parmi les hommes d'Irlande en sorte qu'il n'y ait nulle part cinq Galiâin ensemble. » «Très bien », dit Medb; v peu m'im- porte quelle disposition on prenne, pourvu que ces gens ne soient pas comme ici un brandon de discorde. »

Alors Fergus dispersa les Galiâin parmi les hommes d'Irlande, de telle façon qu'ils ne fussent nulle part cinq ensemble.

4. Ensuite les troupes commencèrent leur mouvement en avant. La conduite de l'armée donna de la peine aux princi- paux chefs ; il fallait diriger la marche de beaucoup de petits peuples, de beaucoup de races, de bien des milliers d'hommes; il falllait faire en sorte que chacun fût avec ses amis, que chaque chef eût autour de lui ses subordonnés. Les principaux chefs constatèrent que ce résultat était obtenu, que par consé- quent l'expédition commençait régulièrement. Après avoir dit comment l'expédition devait se faire, ils déclarèrent que tout était comme il convenait : chaque corps d'armée était autour

1. En tout trente mille hommes.

2. Au total vingt-sept mille hommes.

Revue Celtique, XX VIII. ii

102 H. d' Arhois de Jnhainvillc.

de son roi, chaque section de corps d'armée autour de son chef, chaque subdivision de section autour de celui qui en avait le commandement ; chaque roi, chaque héritier pré- somptif de roi avait pris place sur la colline qui lui était affectée.

5. Puis les principaux chefs dirent qu'il fallait faire des reconnaissances de chaque côté de la ligne qui séparait l'Ulster de la province voisine; ils ajoutèrent que Fergus en serait chargé, que son devoir serait d'accepter cette mission. Il avait été sept ans roi d'Ulster. Après le meurtre des fils d'Usnech, après cet assassinat commis malgré sa protection et sa garantie, il avait quitté l'Ulster et passé en exil dix-sept ans pendant les- quels il avait été l'ennemi des Ulates'.

Telle était la raison pour laquelle il convenait qu'il fût envoyé en reconnaissance.

Puis Fergus alla en avant de l'armée comme éclaireur. Mais il fut dominé par son affection pour les Ulates. Il donna à l'armée une fausse direction tant au nord qu'au midi, par des messagers il fit prévenir les Ulates et il se mit à retenir l'armée, à retarder sa marche. Medb remarqua ce procédé et lui en fit un reproche. Elle chanta un poème :

O Fergus ! que dirons-nous de ceci ? Quelle espèce de chemin suivons-nous? Tantôt au nord, tantôt au sud, nous allons chez tous les peuples, les Ulates excepté.

Fergus répondit :

O Medb pourquoi t'irrites-tu ? Rien ici ne ressemble à une trahison. C'est chez les Ulates que se trouve la terre que je traverse.

Ton courage te fait craindre par l'illustre Ailill aux nombreuses troupes. Mais elle ne fait pas honneur à ton intelligence, la direction que tu donnes à l'armée.

I. Les habitants d'Ulster.

Enlèvemenl du taureau divin. 163

FERGUS

Ce n'est pas pour nuire à l'armée que je me détourne en ce moment du chemin ordinaire. Je le fais au moment propice pour éviter, quand il est temps, Cûchulainn, fils de Sualtam '.

Injuste à toi de nuire à notre armée, Fergus, fils de Ross le Rouge. Tu as été fort bien traité chez nous dans ton exil, ô Fergus!

« Je ne resterai pas plus longtemps devant les troupes », dit Fergus, « cherche-moi un remplaçant. » Puis, devant l'armée, Fergus s'assit.

6. Quatre des cinq grandes provinces d'Irlande passèrent à Cuil Silinne cette nuit-là. Alors vinrent a la pensée de Fergus les exploits sanguinaires de Cûchulainn. Il dit aux hommes d'Irlande de prendre leurs précautions : ils allaient voir venir le lion déchirant, le juge de ses ennemis, l'ennemi des foules, le chef de la résistance, le destructeur de grande armée, la main dispensatrice, le flambeau allumé, Cûchulainn, fils de Sualtam. Voici comment il prophétisa. Il chanta un poème et Medb lui répondit :

FERGUS

Je vous recommande prévoyance et attention avec multitude d'armes et de guerriers. Il viendra celui que nous craignons, l'homme aux grands exploits, le grand homme de Murthemne.

Mon amour, mon conseil de bataille, c'est toi, très brave fils de Roech. J'ai en quantité guerriers et armes pour attendre Cûchulainn.

I. Sualtam, père nourricier de Cûchulainn, dont le vrai père était le dieu Lug. Sualtam parait signifier « très bon éleveur ». Sualtam est l'oithographe du Lebor na hUidre ; elle est préférable à celle du Livre de Leinster on lit Sualtach avec substitution du suffixe tach au suffixe tam qui donne le sens de superlatif.

164 H. d'Arbois de Juhainville.

FERGUS

Ils seront employés, o Medb de la plaine d'Aï ' ! les guerriers et les armes pour combattre le héros au char duquel est attelé le Gris de Mâcha *. Ils seront employés chaque nuit et chaque jour.

J'ai ici près de moi en réserve des héros également aptes à combattre et à piller, trois mille guerriers qui prennent au plus vite des otages, les trois mille braves Galidin.

Les guerriers de Cruachan, la belle forteresse, les guerriers aux beaux manteaux qui viennent de Luachair, les Gôidels blancs de quatre provinces d'Irlande éloigneront de moi l'homme qui vient seul.

Bairche î et Banna + riches en troupes feront couler le sang au bout de leurs lances. On verra tomber sur terre et sur sable les trois mille Galidin.

Avec la rapidité de l'hirondelle,

avec la vitesse d'un vent piquant,

mon cher et beau Cûchulaiun

tue les êtres qui respirent.

O Fergus ! Viens avec nous, va au-devant de Cùchulainn Que son adresse soit arrêtée par toi. De Cruachan lui viendra rude leçon.

Vraiment avec viril courage les butins seront enlevés. Et pour réjouir la fille de Bodb s, le chien du forgeron ^, par des gouttes de sang coulant comme pluie, arrosera les troupes des guerriers.

1. Nom du territoire était situé Cruachan, château royal de Medb.

2. Nom d'un des deux chevaux qui menaient le char de Cùchulainn.

3. Montagne d'Ulster.

4. Cours d'eau d'Ulster.

5. Déesse de la guerre et du meurtre.

6. Cùchulainn.

Enlèvement du taureau divin. 165

7. Le poème une fois chanté, les guerriers de quatre des cinq grandes provinces d'Irlande traversèrent ce jour-là Môin Coltna, et, rencontrant un troupeau de cent soixante cerfs, ils s'étendirent autour d'eux, les enveloppèrent complètement, puis les tuèrent; aucun n'échappa. Or, chose imprévue, ce furent les Galiâin qui, bien que dispersés, les prirent presque tous ; ils n'en laissèrent que cinq pour la part des hommes d'Irlande ; les trois mille Galiâin eurent ainsi la presque tota- lité des cent soixante cerfs.

9. Ce jour fut le premier vint Cûchulainn fils de Sual- tam. Sualtam son père ' l'accompagnait. Leurs chevaux brou- tèrent l'herbe autour de la pierre levée d'Ard Chuillend. Les chevaux de Sualtam au nord de la pierre levée dévorèrent l'herbe jusqu'au sol. Les chevaux de Cûchulainn au midi dévo- rèrent l'herbe d'abord jusqu'au sol, puis en terre jusqu'à la pierre nue : « Eh bien, maître Sualtam », dit Cûchulainn, « je pense fort à l'armée, lève-toi, va prévenir les Ulates, qu'ils ne se tiennent pas en plaine, qu'ils aillent dans les bois, les déserts et les rochers de la province pour éviter les hommes d'Irlande, » « Et toi », demanda Sualtam, « toi, mon jeune élève ^, que feras-tu « Il est nécessaire », répon- dit Cûchulainn, « que j'aille à un rendez-vous avec Fédelm Nôichride î et que j'y reste jusqu'au matin, c'est un engage- ment que j'ai pris. » « Malheur ! » s'écria Sualtam, malheur à qui part ainsi en laissant les guerriers d'Ulster sous les pieds de leurs ennemis et des étrangers pour aller trouver une femme ! ;; « Pourtant », reprit Cûchulainn », il faut que j'y aille. Si je n'y vais, on traitera de mensongers les enga-

1. Père nourricier. Le Livre de Leinster ajoute ici, que Sualtach était fils d'une fée, prétendant expliquer ainsi la supériorité de Cûchulainn dont il supprime le père divin Lug.

2. A dallai II.

3. Fille de Conchobar, roi d'Ulster, et cousine germaine de Cûchulainn. Nous reproduisons ici la leçon du Lebor na hUidre. L'auteur de la leçon conservée par le Livre de Leinster, trouvant inconvenant ce rendez-vous de Cûchulainn, a remplacé Fédelm par une servante de cette princesse. C'est la servante que le héros aurait eu pour maîtresse. Le Livre de Leinster appelle la princesse Fédelm NoichrulJiach « aux neuf formes » et non Kôichride « aux neuf cœurs. »

léé H. (TArhois de Jubiiinville.

gements des hommes, on dira que ce sont les femmes qui tiennent leur parole. »

Sualtam alla prévenir les Ulates. Cûchulainn entra dans le bois et d'un coup d'épée trancha la plus belle tige de chêne, tronc et tête branchuc ; puis, se servant avec vigueur d'un pied, d'une main et d'un œil, il en fit un cercle, traça une inscription ogamique à la jointure des deux extrémités, mit le cercle autour de la partie supérieure et mince de la pierre levée d'Ard Chuillend, enfin poussa le cercle en bas de manière à lui faire atteindre la partie grosse de la pierre'. Après cela Cûchulainn alla à son rendez-vous.

10. Voici ce qui arriva ensuite aux hommes d'Irlande. Ils allèrent jusqu'à la pierre levée d'Ard Chuillend et se mirent à regarder une province qu'ils ne connaissaient pas, l'Ulster.

Deux des gens de Medb étaient toujours en avant du camp et de l'armée, arrivant les premiers à tous les gués, à toutes les rivières, à tous les goufi"res, pour empêcher que, dans la presse, les vêtements des fils de rois ne fussent dégradés. Ces gens de Medb étaient les fils de Néra, fils lui-même de Nuatar dont le père était Tacân. Néra était gouverneur de Cruachan. Les deux jeunes guerriers s'appelaient l'un Err et l'autre Innell ; Fraech et Fochnam étaient les noms de leurs cochers.

Les nobles d'Irlande allèrent jusqu'à la pierre levée et regar- dèrent le pâturage brouté par les chevaux autour de cette pierre ; ils remarquèrent le cercle rustique mis par le royal héros autour de la même pierre. Ailill prit le cercle dans sa main et le mit dans la main de Fergus. Fergus lut l'inscrip- tion ogamique tracée à l'endroit où, pour former le cercle, les deux extrémités de l'arbre avaient été attachées l'une à l'autre. Puis il expliqua aux hommes d'Irlande ce que l'inscription vou- lait dire et pour le leur faire comprendre il chanta le poème suivant :

FERGUS

Que signifie pour vous ce cercle ? De ce cercle en quoi consiste le secret ? Combien d'hommes l'ont-ils placé ici ? Est-ce un seul homme ? est-ce plusieurs ?

I. Cf. p. 135. Voir p. 170, une seconde édition de ce récit, et, p. 173, comment Fergus arracha d'une main la seconde fourche.

Enlèvement du taureau divin. 167

Si vous dépassiez ce cercle cette nuit sans rester la nuit au camp, le chien qui déchire toute chair vous atteindrait. De l'insulte à ce cercle résulterait pour vous la honte.

Il causera grand dommage à l'armée si vous allez plus loin que lui. Trouvez, O Druides, ici, pourquoi a été fait le cercle.

Que signifie pour nous ce cercle ? De ce cercle en quoi consiste le secret ? Combien d'hommes l'ont ils placé ici ? Est-ce un seul homme? est-ce plusieurs?

Le druide répondit ' :

Un héros l'a coupé, un héros l'a jeté. Ce cercle est pour les ennemis menace de catastrophe. Cet obstacle, qui arrête des rois et une armée, a été posé d'une seule main par un seul homme.

C'est ainsi vraiment qu'a travaillé dans une colère sauvage le chien du forgeron du Rameau Rouge '.

De une obligation qu'impose un héros dont la fureur vous lie. Tel est le sens de l'inscription gravée sur le cercle.

Que signifie pour nous ce cercle ? De ce cercle en quoi consiste le secret ? Combien d'hommes l'ont-ils placé ici? Est-ce un seul homme ? est-ce plusieurs?

LE DRUIDE

Il est pour mettre entrave par des centaines de combats à la marche des guerriers de quatre grandes provinces. Ou je ne sais rien, ou c'est comme je dis. Voilà pourquoi a été fait ce cercle.

Que signifie pour nous ce cercle ? De ce cercle en quoi consiste le secret? Combien d'hommes l'ont-ils placé ici? Est-ce un seul homme? est-ce plusieurs ?

1. In Drui dixit. Ces mots, écrits en marge dans le Lebor na hUidre, manquent dans le Livre de Leinster.

2. Nom de la salle des fêtes des rois d'Ulster.

r68 H. d'Arbois de Jiibaijiville.

Après avoir ainsi chanté, il continua en prose :

« Je donne ma parole que si vous insultez ce cercle et le royal héros qui l'a tait, c'est-à-dire si cette nuit vous ne res- tez pas campés i:i, ou si quelqu'un ne fait pas d'un pied, d'un œil et d'une main un cercle semblable à celui-ci, peu importe que le héros soit en ce moment sous terre ou dans une maison fortifiée, il est certain qu'avant demain matin il vous aura infligé une mort sanglante pour venger cette insulte. »

« Il ne nous serait pas agréable », dit Medb, « de perdre notre sang et d'en rougir notre peau à notre entrée dans cette province inconnue qu'est l'Ulster. Nous aimerions mieux ver- ser le sang des autres et faire rougir leur peau. »

« Nous ne méprisons pas ce cercle », reprit Ailill, « et nous n'insultons pas le royal héros qui l'a fait. Nous nous met- trons jusque demain matin à l'abri dans la grande forêt qui est au sud. C'est que nous camperons. »

Les armées allèrent dans cette forêt. De leurs épées les guerriers coupèrent les arbres devant leurs chars en sorte que cet endroit fut depuis surnommé Slechta, c'est-à-dire « les coupes », sont les petits Partraig au sud-ouest de Kells des Rois, au-dessus de Cuil Sibrille.

Il tomba quantité de neige cette nuit. Il y en eut assez pour atteindre les épaules des hommes, ler cuisses des chevaux, les essieux des chars ; la neige rendit plates et unies toutes les provinces d'Irlande. Les hommes ne se disposèrent aucun abri, ne dressèrent aucune tente, ne se préparèrent ni à man- ger, ni à boire, ne firent aucun repas. Jusqu'au lever du soleil le lendemain matin aucun homme ne put distinguer l'approche d'ami ni d'ennemi. Certainement les hommes d'Irlande ne trouvèrent nulle part un campement la nuit fût plus déplaisante et plus pénible que cette nuit à Cuil Sibrille. Le matin de bonne heure, quand le soleil se leva, les guerriers de quatre des cinq grandes provinces d'Irlande par- tirent à travers la neige brillante et allèrent camper ailleurs.

II. Voici pendant ce temps ce qui arriva à Cûchulainn. Il ne se leva pas de bonne heure, il voulut manger un morceau, fiire un repas, se laver et se baigner. Il dit à son cocher

Enlèvement du taureau divin. 169

d'amener les chevaux et de les atteler au char. Le cocher amena les chevaux et les attela. Cûchulainn monta dans le char. Avec son cocher il alla chercher les traces de l'armée.

Ils trouvèrent ces traces près de la pierre levée el plus loin encore : « Hélas, maître Lôeg », dit Cûchulainn, « il est malheureux que j'aie été hier à ce rendez-vous. Nous serions moins embarrassés, si d'un pays voisin quelqu'un nous fai- sait entendre un appel, un cri, un avertissement, une parole ; mais nous n'avons non plus rien dit. Les hommes d'Irlande sont allés plus loin que nous en Ulster. » « Je te l'ai pré- dit », répondit Lôeg, « puisque tu allais à ton rendez-vous, il devait t'arriver un chagrin tel que celui que tu éprouves. » « Bien, Lôeg », répartit Cûchulainn, « conduis-nous sur les traces de l'armée. Fais-en une évaluation, dis-nous le nombre des hommes d'Irlande qui sont venus nous atta- quer. »

Lôeg alla sur les traces de l'armée, il en fit le tour^ il en vit le devant, le côté, le derrière. « Tu fais confusion dans ton calcul, maître Lôeg », dit Cûchulainn. « La confusion est inévitable », répondit Lôeg. « Monte dans le char », reprit Cûchulainn, « et je ferai l'évaluation ». Cûchulainn par- courut les traces de l'armée, fit l'évaluation. Il alla sur le côté, il alla par derrière. « Tu fois confusion dans ton calcul, mon petit Cûchulainn », dit Lôeg. « Non, je ne me trompe pas », répondit Cûchulainn. « Je sais le nombre de l'armée qui est passée à côté et au delà de nous : dix-huit corps de trois mille hommes chacun ' et le dix-huitième corps a été réparti entre les dix-sept autres composés d'Irlandais. »

Cûchulainn avait la supériorité en beaucoup de genres :

Supériorité des formes du corps, supériorité de figure, supé- riorité dans l'action, supériorité dans la natation, supériorité dans l'équitation, supériorité au jeu d'échecs et au trictrac, supériorité dans les grandes batailles, supériorité dans les petites batailles, supériorité dans les duels, supériorité dans les évaluations, supériorité en éloquence, supériorité en con- seil, supériorité à la chasse, supériorité au pillage, supériorité de son pays sur le pays voisin.

I. En tout 54000.

170 H. cCArboh de Jiihniiwille.

a Eh bien ! maître Lôeg », dit Cûchulainn, « attelle les che- vaux au char, aiguillonne-les, fais partir le char, prends la droite de l'armée, et fais en sorte d'atteindre soit l'avant-garde, soit le centre, soit l'arrière-garde ; car je serai mort demain, si je n'ai avant la nuit fait tomber sous mes coups un des hommes d'Irlande, soit ami, soit ennemi. » Alors Lôeg aiguil- lonna les chevaux, et, laissant l'armée à sa gauche, il arriva à Taurloch du grand bois, au nord de Cnogba des Rois, dans l'endroit qu'on appelle aujourd'hui Atb GabJa, « gué de la fourche ».

Cûchulainn entra dans le bois^ sauta en bas de son char et d'un coup d'épée coupa, tige et tête branchue, une fourche à quatre pointes. Il l'appointa en la brûlant, grava sur un côté une inscription ogamique, et, se servant d'une seule main ', il la lança de l'arrière de son char. Le jet fut si puissant que les deux tiers de la fourche pénétrèrent dans le sol, un tiers seulement resta au-dessus de terre. Ce fut alors que, près de cette fourche, arrivèrent accompagnés de leurs cochers les deux jeunes gens dont il a déjà été parlé, nous voulons dire les fils de Néra, petit-fils de Nuatar, arrière petit-fils de Tacân. Ils se demandèrent lequel des deux donnerait le coup de la mort à Cûchulainn et lui trancherait la tête. Cûchulainn se tourna vers eux, trancha les quatre têtes [deux têtes des guerriers, deux têtes des cochers] et les mit chacune sur une des quatre pointes de la fourche. Il laissa leurs chevaux devant l'armée irlandaise qu'ils précédaient sur la route ; les rênes étaient flottantes sur les cous rouges de sang, des corps des hommes décapités le sang coulait sur les bois des chars; il semblait à Cûchulainn que prendre les chevaux, les vêtements et les armes des hommes qu'il avait tués n'aurait pas été beau pour lui.

12. L'armée vit donc arriver devant elle les chevaux des guerriers qui la précédaient, elle vit les corps sans têtes de ces guerriers et le sang qui coulait sur le bois des chars. L'avant- garde s'arrêta derrière eux, il y eut comme un grand coup avec bruit d'armes. Medb, Fergus, les Mané et les fils de Maga s'approchèrent.

I. Cf. plus haut, p. 166, et plus bas, p. 173.

EilUvcmeiit du taureau diviu. 171

Medb voyageait avec neuf chars, deux devant elle, deux derrière elle, deux à droite, deux à gauche, le sien au milieu. L'objet des huit chars qui l'entouraient était d'empêcher que les mottes de terre soulevées par les sabots des chevaux, que l'écume venue sur les mors des brides, que la malpropreté d'une si grande armée et d'une si nombreuse foule ne vînt souiller l'or du diadème de la reine.

« Qu'y a-t-il ? » demanda Medb. « Il est facile de vous le dire », répondit-on. « Nous avons vu arriver les chevaux des deux fils de Néra, et derrière, dans les chars, les corps sans têtes. »

Là-dessus on tint conseil. On conclut que ce désastre attes- tait la venue d'une troupe nombreuse, qu'une grande armée avait attaqué ces guerriers, que c'était l'armée d'Ulster On résolut d'envoyer Cormac à l'intellligent exil, fils de Concho- bar, vérifier qui était dans le gué. On pensait que, si des guerriers d'Ulster se trouvaient là, ils ne tueraient pas le fils de leur roi. Puis Cormac à l'intelligent exil, accompagné de trois mille hommes en armes, alla voir qui était dans le gué. Une fois arrivé, il n'aperçut d'abord que la fourche plan- tée dans le gué et sur elle les quatre têtes desquelles le sang coulait jusqu'en bas de la fourche dans le cours d'eau. Puis il vit les traces des pas de deux chevaux, celles des roues d'un char qui avait mener un seul guerrier hors du gué à l'est.

Les nobles d'Irlande allèrent au gué et se mirent à regarder la fourche. La manière dont avait été posé ce trophée leur parut merveilleuse : « Quel a été, Fergus », dit Ailill, « quel a été le nom de ce gué chez vous jusqu'à ce jour « Ath Grena », répondit Fergus, mais désormais on l'appellera tou- jours Ath Gabla « gué de la fourche ». Et il chanta un poème :

Ath Grena changera de nom par le fait d'un chien fort et violent. Il y a ici une fourche à quatre pointes ; elle a rendu perplexes les hommes d'Irlande.

Sur deux pointes en signe de bataille sont la tête de Fraech et la tête de Fochnam '.

I. Les cochers.

172 H. d'Arhois de JubainviUe.

Sur deux autres pointes

la tête d'Err et la tête d'Innell '.

Que signifie l'inscription ogamique au côté de la fourche? Trouvez, ô Druides, élégamment qui fît cette fourche, qui la planta en terre.

[Un druide répondit] :

Cette fourche avec la terreur que la force te cause, tu la vois ici, ô Fergus ! Pour sa bienvenue un seul homme l'a coupée d'un excellent coup d'épée.

Il l'a rendue pointue, l'a portée sur son dos. Ce n'était pas petite habileté. Il a jeté en bas ici cette fourche Pour qu'un de vous la tire de terre.

[Puis Fergus reprit] :

Ce gué s'est appelé Ath Grena jusqu'ici. Son souvenir ne s'efTacera pas. Ce gué s'appellera désormais Ath Gahla à cause de la fourche que tu y vois. »

13. Une fois ce poème chanté, Ailill dit : « J'admire et je m'étonne, ô Fergus. Qui donc a pu si vite devant nous cou- per la fourche et les quatre têtes « Ce qui est encore plus admirable et plus étonnant », répondit Fergus, « c'est l'adresse avec laquelle d'un seul coup on a coupé cette fourche tige et tête branchue et après l'avoir appointée et brûlée on l'a, du bout d'une seule main, lancée de l'arrière du char en sorte que deux tiers ont pénétré en terre, un tiers seulement est resté au-dessus du sol. Celui qui a ainsi enfoncé la fourche n'avait pas d'abord creusé la terre avec son épée. C'est à travers de vertes pierres qu'elle est enfonce e. Il y a défense aux hommes d'Irlande de traverser ce gué avant qu'un d'eux n'ait d'une main arraché cette fourche qu'on a enfoncée en la jetant d'une main. » « Parmi nos guerriers », dit Medb, « c'est à toi que cette tcâche revient, arrache la fourche du fond de ce gué. » « Qu'on m'amène un char », répondit Fergus. On lui

I . Les maîtres.

Enlèvement du taureau divin. 173

amena un char, au moyen du char il essaya d'ébranler la fourche, et le char fut réduit en minces débris. « Qu'on m'amène un char », dit Fergus. On lui amena un autre char, puis il tira si violemment la fourche qu'il mit ce char en pièces. « Qu'on m'amène un char », répéta Fergus. Avec ce troi- sième char il fit un effort pour tirer la fourche et le char se brisa en petits morceaux. Tel fut le sort de dix-sept chars de Connaught ' et Fergus n'avait pu arracher la fourche du fond du gué.

« Finis cet exercice, Fergus «^ lui dit Medb, « ne brise pas ainsi tous nos chars. Cette opération a été bien longue. Si lu n'étais pas dans notre armée et si tu ne nous avais pas ainsi fait perdre notre temps, nous aurions déjà atteint les Ulates, nous aurions fait beaucoup de butin et enlevé bien des vaches. Nous savons pourquoi tu agis ainsi. C'est pour arrê- ter l'armée, la retarder, c'est pour nous faire attendre que les Ulates, guéris de leur maladie, se lèvent et nous offrent bataille. Ce sera la bataille de l'enlèvement. »

« Qu'on m'amène mon char de bataille » s'écria Fergus. On lui amena son char, et Fergus tira la fourche sans faire fendre, sans faire craquer ni une roue, ni l'assemblage du char, ni un seul des essieux. Autant avait montré de vigueur le héros qui avait enfoncé la fourche, autant en avait déployé celui qui l'avait tirée ^. A lui seul ce guerrier batailleur aurait triomphé de cent adversaires, tel un marteau qui anéantit ce qu'il frappe, telle la pierre qui brise la tête de celui qui résiste. 11 peut à lui seul lutter contre une foule, hacher une grande armée ; il est le flambeau allumé qui éclaire, il est chef dans un grand combat. Du bout d'une seule main Fergus arracha la fourche, il la fit arriver sur son épaule et il la mit dans la main d'Ailill. Ailill la vit, la regarda : « Je trouve cette fourche parfaite », dit-il, « c'est d'un seul coup que tout entière, tige et tête branchue, elle a été cou- pée. » « Oui certes elle est parfaite », dit Fergus, et pour la vanter il chanta un poème :

1. Quatorze seulement suivant le Lebor na hUidre, p. 58, col. 2, 1. 7.

2. Un récit analogue dans le chapitre consacre aux exploits de Cûchu- lainn enfant.

174 H. d' Al bois de JubaiiiuUlc.

Voici la fourche célèbre près de laquelle fut le cruel Cùchulainn et à laquelle il a donné, présent funeste, quatre tètes de nos compatriotes.

Certes on ne fuirait pas devant elle, comme devant un homme très brave et très hardi. Cependant, laissée par un chien qui n'est pas malade ', elle a tout autour sa rude peau couverte de sang.

Il est malheureux que l'armée aille a l'orient à cause du terrible taureau brun de Cooley. Des héros, après s'être séparés de l'armée, seront frappés par le glaive empoisonné de Cùchulainn '.

Le fort taureau ne fut pas donné [par DaréJ. Autour de lui avec armes aiguës on combattra ; les crânes de beaucoup de têtes seront écrasés. En Irlande toutes les familles gémiront.

Ce n'est pas à moi de raconter les combats que livrera le fils de Dechtire 5 à propos desquels les hommes et les femmes entendront dire comment est faite la fourche qui est ici.

14. Quand Fergus eut fini de chanter, Ailill dit qu'il fallait s'arrêter, dresser les tentes, préparer à mnnger et à boire, faire de la musique et des jeux, puis commencer le repas. Certai- nement les hommes d'Irlande n'avaient jamais trouvé quartier ni campement plus désagréable et plus incommode que celui de la nuit précédente. Ils s'installèrent, dressèrent leurs tentes, préparèrent de quoi manger et boire, chantèrent des morceaux de musique, firent des jeux, puis vint le festin.

Ailill adressa la parole à Fergus : « C'est )>, dit-il, « une merveille, une chose étrange à mes yeux qu'un guerrier soit venu jusqu'à nous à cette Hmite de province et si rapidement ait tué les quatre hommes qui nous précédaient. Il est pro- bable que ce guerrier est le roi suprême d'Ulster Conchobar,

1. Allusion à la maladie dont étaient atteints tous les guerriers d'Ulster par l'effet de la malédiction lancée contre eux par la déesse Mâcha. Cùchu- lainn n'avait pas été présent, quand cette malédiction fut proférée.

2. Allusion aux combats singuliers livrés plus tard à Cùchulainn par les meilleurs guerriers de Medb en présence de son armée.

3. Sœur du roi Conchobar et mère de Cùchulainn.

Enlèvement du taureau divin. 175

fils de Fachtna Fathach '. » « C'est invraisemblable », répondit Fergus, « il serait honteux d'insulter Conchobar en son absence, il n'est pas de prix qu'il ne s'engagerait à don- ner pour conserver son honneur. S'il était venu ici lui-même, des armées, une foule de guerriers d'élite inséparables de lui l'aurait accompagné. Supposez que les hommes d'Irlande et d'Ecosse, les Bretons et les Saxons, entreprenant une expédi- tion contre lui, se soient réunis au même campement, sur la même colline, il leur aurait livré bataille et ce serait eux qui auraient été vaincus, ce ne serait pas lui ^. »

« Qui donc serait venu ? » demanda Ailill. « Serait-ce Cus- craid le Bègue, fils de Conchobar ; il serait arrivé d'Inis Cus- craid « C'est invraisemblable », répondit Fergus ; « Cus- craid le Bègue est fils d'un grand roi. Il n'y a pas de prix qu'il ne s'engagerait à donner pour conserver son honneur. Si c'était lui qui était venu ici, il aurait été accompagné par les fils de rois et les chefs royaux qui ne font qu'un avec lui et qui moyennant salaire lui donnent service de guerre. En vain les hommes d'Irlande et d'Ecosse, les Bretons et les Saxons, entreprenant une expédition contre lui, se seraient réunis au même campement, sur la même colline, il leur aurait livré bataille, et les aurait exterminés. Ce ne serait pas lui qui aurait été vaincu '. »

« Qui donc serait venu ? » demanda Ailill, « serait-ce le roi de Farney, Eogan fils de Durthacht ? » « C'est invrai- semblable », répondit Fergus. « Si c'était lui qui était venu ici, les forces de Farney l'auraient accompagné, il aurait livré bataille à nos quatre guerriers, il les aurait mis en pièces, ce ne serait pas lui qui aurait été défait. »

1. Conchobar était fils de Cathba le druide. Ness sa mère, avait succes- sivement épousé, postérieurement à son union avec Cathba, d'abord Fachtna Fathach qui avait été père nourricier de Conchobar, puis Fergus, fils de Roech, prédécesseur de Conchobar sur le trône d'Ulster : Voyez le Compert Choncohalr 'ç>uh\\é par Kuno Meyer, Revue celtique, t. VI, p. 174-182.

2. Cette phrase la mention des Saxons indique une date postérieure à l'invasion germanique en Grande-Bretagne fait défaut dans le Lebor na hUidre, p. 58, col. 2, 1. 13-15 ; cf. O'Keeffe, p. 14, lignes 332-333. Winifred Faraday, p. 16.

3. Même observation que dans la note précédente. Dans le Lebor na hUidre Fergus ne parle même pas de Cuscraid.

lyé H. cCArhois de Juhainvillc.

« Qui donc est venu à notre rencontre ? » demanda Ailill. « Probablement c'est Celtchair fils d'Uthechar. a « C'est invraisemblable », répondit Fergus. « Honte à qu'il insulterait quand il est absent ! Il est la pierre qui écrase les ennemis de la province, il est le chef de l'assemblée des guerriers, c'est lui qui ouvre la bataille à la tête des Ulates. En vain contre lui, dans un endroit quelconque, en une réunion guerrière, une expédition, un camp, sur une colline les hommes de toute l'Irlande, de l'est à l'ouest, du sud au nord, seraient assemblés contre lui, il leur aurait livré bataille, il les aurait mis en pièces, ce ne serait pas lui qu'on aurait massacré, »

15. « De qui donc », demanda Ailill, « la venue est-elle pro- bable ? » « Ce ne peut être », répliqua Fergus, « ce ne peut être que mon élève, aussi l'élève de Conchobar, ce petit gar- çon qu'on appelle Cûchulainn, c'est-à-dire chien de Culann le forgeron. » « Mais oui », répondit Ailill. « Je vous ai entendu parler de ce petit jeune homme autrefois à Crua- chan. Quel âge ce petit garçon a-t-il à peu près maintenant ? »

« Ce n'est pas son âge qui est le plus dangereux » répli- qua Fergus, « car au temps il était plus jeune, ses actes furent encore plus virils qu'aujourd'hui. » « Comment cela ? » demanda Medb. « Y a-t-il maintenant parmi les Ula- tes quelqu'un de son âge qui soit plus dangereux que lui ? »

« Non », répliqua Fergus, « il n'y a pas de loup plus san- guinaire, de guerrier plus audacieux. Il n'y a pas de guerrier du même âge qui vaudrait le tiers ou même le quart de Cûchulainn. Tu ne peux concevoir son pareil comme guerrier, comme massue meurtrière, comme vainqueur des troupes assez orgueilleuses pour l'attaquer. Personne ne lutte plus bravement avec le plus digne. Personne à son âge ne réunit à un si haut degré la taille, la beauté, les attraits, l'éloquence, la cruauté, l'adresse, l'aptitude guerrière, l'habileté à la chasse, la hardiesse de l'attaque, les succès meurtriers, le talent de harceler l'ennemi. Personne n'est autant que lui ardent, furieux, impétueux ; personne ne gagne aussi vite que lui la partie au jeu des neuf hommes sur chacun de ses cheveux(?). »

« Nous ne ferons pas grand cas de lui », répliqua Medb, « il n'a qu'un corps, il évite les blessures, il ne peut éviter de

Enlèvement du taureau divin. 177

se laisser faire prisonnier'. Il a l'âge de fille à marier; ce jeune gamin sans barbe ne l'emportera pas sur nos braves guerriers. » « C'est ce que nous ne disons pas » répondit Fergus, « car les actes de ce garçon furent virils en un temps il était plus jeune qu'aujourd'hui. »

H. d'Arbois de Jubainville.

I. Dans le Lebor na hUidre, p. 59, col. i, 1. i : il supporte blessure, il n'est pas plus grand que prise ; FodaiDiginn ni mou gahail. Ct. O'Keeffe, p. 15, 1. 362; Winifred Faraday, p. 17, ligne 14.

Revue Celtique, XXFIU

MÉLANGES BRETONS DE GRAMMAIRE ET D'ÉTYMOLOGIE

LE NOM DES GRECS

Grec I, 2), igreker (3), greëz; eschedou; neet (4), Grèce, Grésia; Cina (5), Grecyan; Hebreanet; aparchent, apparchant (6), Grésied (7), gregach, langach, luc'hach, cranouage, latinaich, goasqonnaich, criste- nyaich ; cristenez ; hebraich, flamancqaich, islantraich,basqaich,basnecq, sausnec, sauzmegaich, zôznach (8), gregaichi, gregagein, grecima, latinat, paterat, gallegat (9), gregaich, gregage, grigage, gregachi, saos- mega, zauzan ; goast-langach (10), gragachat, gragaillat, graguellatt, grakal, krakal, rakal, raclât; ragach, ragachat, ragachi ; ragaich, racaich ; ragaicha, ragata, regatein ; ragacher ; racqaich, rogaich, reugaich, ragach, ragachi, racquat, roga, roëga, rakal, grakal (11), grecim, catechim, catecis, katékîz ; cataplam (12, 13), grizyas, grizvez, gryez, grisias, grifias, griués ; grisieza; groesus; grisia; gref, grefus, grevus (14).

I. Les Grecs ne sont nommés dans aucun des documents qui nous restent du vieux breton.

On peut supposer à cette époque une désignation directe- ment tirée du latin grœciis, comme en vieil irlandais grélc (langue grecque), génitif singulier inna grece (Vendryes, De hïbcrnis vocabiilis qux a lalina liii^ua originem duxerunt, Paris, 1902, p. 146).

Selon M. Loth, Les mois latins dans les langues brittoniques , Paris, 1892, p. 174, le gallois fro^^ la Grèce, le grec, ne pou- vant venir de Gnecus, suppose grâîca (regio, lingua) ; et Gryw Grec et Grèce « suppose gréiis pour Greiiis, Grains » ; l'auteur compare le traitement de Efryiv Hébreu = ÇH)ébreus ; efroeg l'hébreu = (h^èbrâica. Msl\s groeg ne serait-il pas plutôt une formation analogique, d'après les autres noms de langues en -eg ? Et Gryiu n'aurait-il pas, dans le v. français ^nVw, une

Mélanges bretons de 'grammaire et d'élymologie. 179

source moins antique, mais plus populaire que le poétique Graius ?

2. En moyen breton, le Catholicon du xv^ siècle donne grec, (g)allice idem, l(atine) grecus ; grecc, g. grece, 1. grecia ; gre- chn, cest ung libure, 1. grecismus.

Grec est un emprunt, sans doute savant, au français. Dans la période moderne, le Dictionnaire françois-breton... du dialecte de Vannes de 1744, que Cillart de Kerampoul a signé « Mon- sieur L'A*** », traduit « Grec » Grec; parler grec, Comss Grec; la langue grecque, el Langage Grec. On trouve dans ce dialecte / grecq en grec, Histoer a vuhc Jesus-Chrouist, Lorient, 1818, p. 358; é grec, Officen, Vannes, 1870, p. 302.

On lit dans le Testaniant neve en dialecte de Tréguier, Guingamp 1813 : ar Grecq le Grec, Épître aux Romains 11, 9 (ar Grecq, 10, faute d'impression); ar Grecqued les Grecs, Actes IX, 29, ar Grequet, XI, 20 ; XVIII, 4 ; ar Gregued Rom. I, 14 (forme qui serait la plus bretonisée). Le même mot comme adjectif : « ar Jtidevieii greq » les Juifs grecs, Act. VI, I ; comme nom de la langue : en grecq en grec saint Luc XXIII, 38, en greq saint Jean XIX, 20; Apocalypse IX, Il ; ar grecq le grec Act. XXI, 37 ; et comme nom de pays : e teuas en Grecq il vint en Grèce XX, 2 (ceci pourrait bien être une inadvertance).

Le Testamant nevez^ (protestant) en dialecte de Léon, Brest 185 1, n'a que Grek Grec, ar Greked les Grecs, sauf saint Jean XIX, 20, en grek en grec ; ce qui a été corrigé, dans l'édition de 1870, en en gregach.

Le Testamant «a't':( protestant de M. Le Coat, Trémel 1883, porte ar Grek le Grec, Rom. I, lé; II, 9, 10; X, 12 ; Grek, Ep. aux Galates III, 28, pluriel Greked Rom. III, 9; ar Greked Act. VI, I, etc. La langue est appelée ar Grek le grec Act. XXI, 37; en grek en grec saint Luc, saint Jean, etc. Le mot est pris comme adjectif au titre de Ar Bibl santel (sans date), le même auteur mentionne « ar mammou-skrid hebre ha grek «, les textes hébreux et grecs.

3. Dans l'argot trécorois de La Roche-Derrien, eur choz^ igreker kcr^ un vieillard décrépit, impuissant {Revue Celtique XIV, 273) paraît provenir du français / grtc. On peut

i8o E. Ernault.

entendre,, avec le suffixe d'agent -er : « qui fait 1'/ grec, qui est contourné comme un Y (et non droit comme un I) » ; comparez l'expression familière « fait comme un Z «, tout con- tredit; ou « qui fait Y », cf. franc. « faire des S », marcher de travers comme les ivrognes qui ne sont pas solides sur leurs jambes (en russe pisaf myslete écrire M). Ou bien la finale est- elle le nom d'une autre lettre, également contournée, R ?

4. Le Dictionnaire français-breton du P. Grégoire de Ros- trenen donne comme adjectif ^;Yé'';( : on Ilis greëx^, an Ilis Grec^ l'Eglise grecque; e i]i~ grcé\ à la (mode) grecque; langaich greéX langue grecque, ul levr greè\ un livre grec. Ceci vient du vieux français gree:(, dont Godefroy donne un exemple de 1492 : vins gree:( vins grecs. Molière met encore à la bouche de Martine, dans les Femmes savantes (V, 3), une prononcia- tion voisine :

Et ne voulant savoir le grais ni le latin, Elle n'a pas besoin de Monsieur Trissotin.

Dans son Lexique de la langue de Molière, Paris 1896, M. Livet dit à ce propos : « La prononciation de grec comme gré ou grais est attestée par le nom de la rue des Grès, autre- fois rue Sainte-Etienne des Grecs. » Il cite trois exemples du jeu de mots commun sur grais, gre^^ et grès :

Du latin, j'en sais peu ; mais pour du grès, j'en casse.

On peut ajouter ce passage de La Comédie de proverbes (éd. Fournier, Le théâtre français au XV I^ et au XVIP siècle, 2^ édition 199) : « Pour du latin, je n'y entends rien ; mais pour dugrets, j'en casse. » Cela n'empêche pas la même pièce de contenir (p. 200) cette remontrance à un avare : « On ne sçait ce que vous estes : les uns disent que vous estes Grec, les autres Latin ; pour moy, je dis que vous n'estes ny Grec ny Latin, mais vous estes un peu Arabe. » C'est que la chute du c est amenée par l'addition d'5 final ; cf. Thurot, De la prononciation française depuis le commencement du XVI" siècle, Paris 1883, II, €6, 67.

Le cas est le même que dans échec, pluriel ancien esches. L'Académie dit, en 1762, que dans échecs « le dernier c ne se prononce point ». La prononciation cchè est regardée comme

Mélanges hreloiis de grammaire et d'étymologie. i8i

vieillie dans le Vrccis de Prononciation Française de l'abbé Rous- selot et F. Laclotte, Paris 1903, p. 172; M. Dutens, Étude sur la simplification de l'orthographe, Paris 1906, p. 272, remarque avec raison qu'elle n'existe que « quand il s'agit du jeu de ce nom ». Marot a fait rimer Grecs à regrets (voir la note au pas- sage de Molière, dans l'édition des Grands Ecrivains) ; nous venons de voir une variante graphique grets'.Le moy. bret. avait échec au figuré : gra ila échec fais ton coup (avec rimes en ec), Le Grand Mystère de Jésus, éd. H. de la Villemarqué, 1866, p. 19 ; au commencement de la période moderne on trouve comme nom du jeu eschet, plur. eschedou ; puis le P. Grégoire n'a plus que echedou (voir mon Glossaire moyen- breton, 2^ éd. Paris 1895, 189e, p. 202 ; et pour le traitement du t, mes Notes d\'tymologie bretonne, Saint-Brieuc 1 901- 1905, p. 220 et suiv,, 106, etc.). Le Dict. de L'A. dit que ce jeu est inconnu des Bretons, et qu'il faut bretoniser le mot en echég m. pi. echegueu.

GreéX devait ne faire qu'une syllabe. La diphtongue pour- rait provenir de * gre:{ par e ouvert : cf. bret. moyen et moderne neat à côté de moy. br. 7iet, mod. nœt, van. neet Grég., néœtt net, nextein, néœtatt nettoyer, neœtadurr m. netteté, action de nettoyer TA., nettein, neettat nettoyer, approprier Châlons, Dict. breton-françois du dialecte de Vannes, 1723 (réédité par M. Loth, Rennes 1895) ; bret. moy. vaen, vcan et ven vain, mod. veau, vaen, vxn Grég., vain Chàl., vxnn l'A. {Gloss. moy. bret. 444, 359).

5. Le moy. bret. grecc Grèce vient de ce mot français. Son orthographe indique un son ç distinct de l'^, qui devait être voisin de ts et qui s'est fait souvent précéder d'un n ou d'une nasalisation de la voyelle, cf. Rev. Celt. XI, 353-356; Gloss. 15 ; Notes d'étym. bret. 247 et suiv., 124, etc.

Il est probable que le mot a été emprunté de nouveau par Le Gonidec, qui dans son Testamant neve^ traduit é teiia^ é Grés,

I. Hugues Salel, dans sa traduction des premiers chants de l'Iliade (1545), fait rimer Grecs k degre^, p. 10; regret?, 100 ; Grec^ à regret:^, 154. J. Peletier (1547), a de même Greci^ rimant à regret:^, haltecret^, segret^ (cf. Œuvres poétiques de Jacques Peletier... par L. Séché et P. Laumonier, Paris 1904, p. 20, 22, 35, 181).

i82 H. Hniaiill .

Act. XX, 2, de même dans sa Bihl sauiel (posthume), Saint- Brieuc 1866. Aux autres passages, il a : ô Grésia ô Grèce, Zacharie IX, 13 ; rtr Grésia h Grèce Ezéchiel XXVII, 13, 19; ar Grésia Isaïe LXVI, 19 ; ar Chrésia, i" livre des Machabées I, i;er Chrésia dans la Grèce, VI, 2. Son dictionnaire français- breton posthume, Saint-Brieuc 1847, ne traduit « Grèce » que par Grésia f., comme l'avait fait Troude dans le premier de ses trois recueils {Dictionnaire français et celto-breton, Brest 1842).

La première traduction protestante a, Act. XX, 2, e Grès, celle de M. Le Coat er Grès; dans l'Ancien Testament, celui- ci ne se sert que de l'hébraïque Javan.

Grésia est un latinisme savant, comme er Bersia dans la Perse, Daniel XI, 2 Le Gon. (er Pers, Le Coat). Cela ne produit pas pourtant le même effet que dans le français de Leconte de Lisle (Œuvres de Horace, chez Lemerre 1873, II, 237) : « La Grœcia, soumise, soumit son vainqueur farouche... Le vainqueur fixa tardivement les yeux sur les œuvres Graecques», cf. 233 et I, 168. C'est qu'un a final breton vient quelquefois d'un e français, même dans des noms masculins (Gloss. 560); cf. Ciiia la Chine Gr., etc.; quant à 1'/, on le retrouve dans les deux ethniques qui nous restent à étudier.

6. Le P. Grég. donne Grecyan pi. ed, van. id. un Grec, grecyanès pi. grecyanesed une Grecque, rtr chrecyaned les Grecs; an tadou grecyaned les Pères Grecs l'article latin) ; Châlons : Grecian pi. et; l'A.: Grécian pi. -nétt, fém. Gréciaunéss pi. -né:^étt ; er Gréciamiétt les Grecs. Troude, en 1842, avait ^;t'- sian adj. et s. m. pi. ^^ ; ar grésianed les Grecs ; fém. Grésiane:^^ pi. ed ; son Nouveau dictionnaire pratique français et breton, Brest 1869, n'a gresian que comme substantif, fém. gresianei pi. ed ; ar Grésianed les Grecs; de même son Nouveau diction- naire pratique breton-français de 1876 : Gresian pi. ed, f. -e:{ pi. ed. Le Dict. français-breton de Le Gonidec donne gresian adj. et s. pi. ed ; H. de la Villemarqué a inséré un article sem- blable à la seconde édition du dict. bret. -français, en ajou- tant : « Le grec, langue grecque. »

Ce dernier emploi se trouve dans Bue^ Hor Zalver... gant... lann-Willou Herry, Quimperlé 1858, p. 368 : ar scritel à oa great... e grecian Técriteau était rédigé en grec.

Mélanges breton^ de grammaire et (Tclymologie. 185

L'autre est bien plus commun. Ainsi Le Gonidec écrit ar Grésianed Act. VI, i ; ar Chrésiamd IX, 29 ; XI, 20 ; Rom. I, 14; ar Chresianed Act. XVIII, 4, etc.

Le correspondant de ce mot existait en vieux français : Grecient vendrunt les Grecs viendront ; « en langue greciienne » God. (d'où l'adjectif anglais grecian, employé autrefois aussi comme ethnique). Leconte de Lisle l'a repris en l'agrémentant d'une savante diphtongue graphique ; ainsi dans son Horace, I, 25 : « Par malheur, tu conduis dans la demeure de tes aïeux cette femme que réclameront les innombrables soldats Gneciens, » Est-ce la préoccupation de cette exactitude d'ailleurs fausse, car le latin ne disait point * Grœciani qui a fait tomber le traducteur dans un quiproquo fâcheux sur avi, qualifié pourtant par le féminin nmlâ ? Il met ailleurs Grxcs pour Grœci ou Graii, et francise celui-ci en Graiens (I, 64, 172, etc.).

Ce suffixe ethnique -an se montre en breton, au commen- cement de la période moderne, dans Hehreanet Hébreux, voir Gloss. 315.11 provient du français, qui a souvent hésité entre les prononciations -en et -an, cf. Thurot II, 462 et suiv. ; Voltaire tenait encore pour Européan.

Des formes comme // appartiant sont attestées par Palsgrave et Tabourot ; ce dernier la donne comme une variante popu- laire à Paris de appartient (cf. Thurot II, 436). Le moy. bre- ton reflète cette double prononciation : aparchent il appartient, il convient rime en ent, Sainte Barbe 205, mais apparchant id. rime en and, Grand Myst. de J. 51; cf. le Dictionnaire étymologique du breton moyen qui suit mon édition du Mystère de Sainte Barbe, 1887 ; Rev. Celt., III, 228. De aparchent il appartient, il convient on a tiré apparchentaff convenir, comme en vannetais fautout falloir de faut il faut, etc., Rev. Celt., XI, 468, 469 ; de apparchant vient le mod. aparchanla, aparchan- toiit appartenir Gr., van. apparchantein l'A., cf. Gloss. 479, 480; Notes d'étym. 53 (n° 35).

7. Un autre nom des Grecs employé par Le Gonidec (Daniel VIII, 21 ; XI, 2 ; i'^'' livre des Machab. I, ir) est ar C'hrésied. Il Ta sans doute modolé sur ar Bersied les Perses, ar Vêdied les Mèdes (I Mac. I, i); ar Vedied, ar Bersied Dan.

184 ^- Ernault.

VIII, 19, etc. M. Le Coat écrit ûr Meded, ar Persed, ce qui est plus conforme aux habitudes bretonnes ; cf. nr ChaJdced les Chaldécns Le Gon., Dan. IX, i ; GalileedG-àWlétn?,, Act. II, 7 (trad. de 185 1), etc. Ce dernier texte porte, II, 9: ar Mediaiied les Mèdes ; Le Gon. ar Meded, M. Le Coat Meded; le Test, tieve, Medef.

8. Le P. Grég. donne g recini et gregaich, van. gregach le grec, ar grecim le grec, la langue grecque, ê grecirn, ê gregaich en grec, gregaich eo c'est du grec, parlant grecim ou gregaich par- ler grec, grecima, gregaichi, van. gregageih id. Le premier dictionnaire de Troude n'a que grékim m. le grec, la langue grecque (le k est une faute, non relevée aux errata). Son second dictionnaire porte : ar gresim, ar gregach m. ; le troi- sième gregach m., a on dit aussi gregaich, gregech » ; gresim m. ; gregach i, gregaichi, gregechi, van. gregajein parler grec. Le Gonidec a, dans son dict. franc. -bret., ar grésiiii, ar gregach; H. de la Villemarqué a ajouté dans la seconde édition de l'autre dict. gregach (faute d'impression), grésiin et gregach. M. du Rusquec, dans son dict. franc. -breton (1884) donne gregach; dans la contre-partie (1895) gregach, gresim, et le verbe gregachi.

Le Gon. emploie li::;érenmvt Gregach des lettres grecques, saint Luc XXIII, 38 ; c' Gregach en grec, saint Jean XIX, 20 ; Apoc. IX, II ; a r gregach le grec Act. XXI, 37.

Ce suffixe vient du (ranç.-age (cf. Notes d'élym. bret. 7-14, 5). Je n'en trouve d'emploi analogue, en bret. moyen, que dans le terme général langaig, langag, langaige langage, paroles, mod. langaich pi. on, van. langach pi. laiigagëii langue, langage particulier d'un pays, al langaich le français Gr., à Saint-Clet al lafigach id. Gloss. 351.

On peut ajouter plusieurs noms modernes désignant un jargon ou un argot : luhaich, Inchach, proprement « vernis, faux brillant » (et non « langage absurde, de /V~ et ///, comme Troude l'expliquait en 1842), voir Rev. Celt. XV, 363 ; XVI, 225 ; XXVI, 327, d'où liihaichi jargonner, luhai- cha baragouiner; van. cranouage, de craori truand (^Rev. Celt. XIV, 284; XVI, 234); et gregaich, gregach lui-même, comme on le verra plus loin 10).

Mélanges bretons de grammaire et d'étyinologie. 185

Le P. Grégoire a le même suffixe dans latinaich latinisme, expression latine; goasqonnaich gasconisme, fliçon de parler gasconne ; il donne aussi al latinaich la latinité (de même latinage, m. pi. en l'A.); latinaich, al latin le latin ; « il parle gascon, ou le gasconisme, à charmer. Un ebad-Doiie eo e glévet 0 parlant goasqoi'inaich^-). Cf. cristenyaich christianisme, paganaich, payanaich, payjfaich (voir Gloss. 455), paganisme ; hugunodaich pi. on hérésie, huguenotisme, parpailhodaich \à.., etc. Grég. donne aussi cristenye:;^, van. cricbeneh chrétienté; c'était en moy. hret. cristene^. Sur l'échange du celtique -ae::;^ et du fran- çais -âge, voir Gloss. 520, 521. Evans traduit « hellenism » en gallois grocgiaeth, gryiciaelh.

Comme noms de langues, le P. Grégoire a : al langaich hebre, an ebre, an Hebraich, an hebraich l'hébreu {hébrach Le Gon., Dict. franc. -bret. ; saint Luc, XXIII, 38, etc.); caldeaich la langue chaldaïque; tndaich, tentaich et langaich teut l'alle- mand, le tudesque, le teuton ; flarnancqaich le flamand ; le hollandais ; l'allemand, le teuton (du v. franc. Flanienc, cf. Rev. Celt., XIX, 328); spaignolaich V espagnol, italyanaich, ita- lyahnaich l'italien, arabaich l'arabe, turcqaich le turc, islantraich l'irlandais (voir Gloss. 340, 341 ; L'épenthése des liquides en breton 43, § 55) ; basqaich, ar onasqaich et ar Basnecg, ar Bas- necq le basque (pour * basq-necg, cf. Mémoires de la Société de de linguistique, XI, 116, avec la finale de sausnecg') ; langaich sauT^ (mal imprimé longaiclj), sausnecg, sausniecg, sau^nec, sau^r niec et sau::jnegaich l'anglais.

La plus ancienne forme attestée de ce dernier est sausnec (P. Maunoir). D. Le Pelletier donne : « Saôsnec, Langue Angloise : on prononce Saônec, ou Saiinec de deux syll. et c'est pour Saôsonnec ». Le manuscrit dit de Roussel porte : « saosniec, chaosniec. Langue anglaise^ Langlais » ; Le Gonidec en 1821 : sao~nek m., « quelques-uns prononcent sao^oneh ». Cette mention pourrait bien avoir été suggérée par l'explication théorique de Le Pel., bien que Troude déclare, dans son troi- sième dictionnaire, qu' « on dit parfois sao:^onek )K Milin a ajouté cette note manuscrite : « et au H(aut) Léon toujours saoxjnek. » M. du Rusquec Nouveau dict. (bret.-tr.), Paris, 1895, donne sao':^ mek, sûo:^ nek et sao:^onek ; son Dict. franc.-

i8é R. Eniaiilt.

hirt., Morlaix 1883, ne donnait que safl:{nit'k, sno~-iiiek. En haut Tréguier, le cumul des suffixes -ek et -arb n'a pas lieu : on dit ::^ô:^nûch, cf. Gloss. 599.

9. En dehors de gregaichi, gre^ageih, grecima, le P. Grégoire a les dérivés suivants de noms de langues : latinat, participe latinet parler latin ; latiniser, faire parade de son latin ; inter- préter, avec la remarque : « ce mot est ancien » (Jatinait part, -uétt latiniser l'A.) ; latiner (celui qui sait le latin, qui parle latin, sens employés dans des exemples); pi. -néryen lati- neur, espèce de pédant qui ne parle presque que latin ; pi. -nèryen interpète, trucheman (Jatinérr, pi. -nerion latineur l'A.); gaUegat part, -guet parler français. On peut ajouter paierai, van. patereih, part, et, dire des patenôtres.

Le Gonidec donne galléga « et par abus » gallégat parler français, gaJléger pi. ien celui qui parle .le français. H. de la Villemarqué ajoute gaUègach m. pi, ou gallicisme, façons de parler de la langue française indûment transportées dans une autre langue; gallégachat v. a. franciser, donner une terminai- son, une tournure française ; o^flf//('/^/~ f. pi. -/5/0M gallicisme, construction propre à la langue française, contraire aux lois ordinaires de la grammaire, mais autorisée par l'usage. H. de la Villemarqué a introduit aussi ces trois mots dans le dict. franc. -breton avec la même distinction entre gaUegach (écrit ainsi) et gaUégi:{. Ce dernier est une imitation savante de o^^///- cisme, d'après le rapport de catéchisme à katéhi:{ ; mais celui-ci est masculin.

Le Gon. a ç.ncore saoïnéga parler anglais ; M. de Rusquec sao:{inekat, puis saoz^ méga, sao:^ nega.

Cf. gallegit pe T^aosmegit parler français ou anglais, Lescour, Teleun Giueugam, 1869, p. 337, etc.

10. Le P. Grégoire a aussi gregaich, van. gregach « Jargon, langage factice, ou langage particulier, comme l'Argot, etc. » ; van. gregach baragouin, langage qu'on n'entend pas bien ; gregaichi jargonner, van. gregageih jargonner, baragouiner ; Châl. ^régage jargon, baragouin, grégagein jargonner, bara- gouiner ; Châl. ms gregag' baragouin ; grégagein baragouiner ; jargonner; l'A. grigage, gregage m. jargon; argot des men- diants; havagouin ; grigage crouaiiouélt narquois, argot, jargon

Mélanges hreions de granininirc et d'élymologie. 187

des gueux; gregageiii jargon ner, grigageiu baragouiner ; Troude gregach, gregaich, gregech m. jargon, baragouin, argot ; grega- chi, gregaichi parler le jargon, baragouiner (et gregecbi, van, gregajein).

Faut-il identifier ces mots à ceux qui signifient grec, parler grec? C'était l'opinion de Troude, adoptée Rev. Celf. IV, 170, etc. Schwob a voulu séparer le fi'ançais grec aigrefin, qui serait d'origine argotique, du nom de peuple, cf. Rev. Celt. XV, 363, 364; c'est une question sensiblement distincte, le mot ne désignant point une langue de convention'. Pour l'identifica- tion des deux gregach, on peut faire valoir les passages suivants du P. Grégoire :

« Passez, c'est du grec ; et en latin : transeat, grscum est ; ou bien grascum est, non legitur. Ijt é-hyou, gregaich eo. treme- nit dreist ar grecim-ie, pehiriy na cntcntiî qet... » (passez ce grec, que vous ne comprenez pas).

« C'est de l'hébreu pour moi, je n'y entend rien... gregaich eo evidonn-nie. hebraich pur eo. »

A l'article de Troude « gregachi, gregaichi... parler le jargon, baragouiner », Milin a noté : « dans ce dernier sens, on dit aussi saosniega ». L'anglais sert donc aussi, en Léon, de type d'un langage inintelligible ; cf. le trécrois zau:^an, cornouaillais ':^au:^eiu bégayer, tréc. :{aii:^er et simplement :^au::^ (Anglais), bègue, Rev. Celt. IV, 170; Gloss. 599.

Cf. cet article de Slang. A dictionary of the turf, the ring, the chase, the pit, of bon-ton... By Jon Bee, Esq. Londres 1823, p. 91 : « Greek Irishmen call themselves Greeks none else follow the same track to the east ; throughout this land, many unruly districts are termed Grecian. 'It's ail greek to me', says one who cannot well comprehend what is said. » Le dictionnaire de Murray dit aussi que dans le slang, Grecian désigne un Irlandais.

Une autre expression anglaise de ce genre est « le grec de Saint-Gilles » (paroisse de Londres), pour signifier l'argot.

I. Un sens voisin de « aigrefin », mais sans nuance de mépris, est signalé par Leroux, Dictionnaire comique (nouv. éd. 1786) : être grec, être habile, rusé, entendu, expérimenté; n être pas grand grec, être ignorant, ou peu industrieux. Selon M. Sainéan, Ztsclir. f. roni. Phitot., XXX, 311, 312, le sens primitif est « crochet <> ; de " avare » (en normand et en wallon, déjà dans Cotgrave), puis (en argot, au xviii<= siècle) » filou, tricheur ».

i88 E. Rniaidl.

Cela rappelle le passnge de Ver-Vert Grcsset nous montre le perroquet au couvent de Nantes

Jurant, sacrant d'une voix dissolue... Les B., les F. voltigeaient sur son bec. Les jeunes sœurs crurent qu'il parlait grec.

Le poème breton de Le Bail en l'honneur d'un geai, Meuli- digiie:^ qegnin -caé'r aire Saiit-Yan-ar-Bis... E Montroule^, E ty A. Léd an, dit (p. 8) que cet oiseau savait cinq langues', lefrançais, le breton, le latin, l'anglais {ar xpsnec^, pour lesquels il avait eu différents maîtres, et le grec : Ar gregach voa, me gred, he langach naturel (le grec était, je crois, sa langue natu- relle). Cf. gregache ar biked les pies caquetaient, Bar^^a^ Brei\ 237 (en cornouaillais).

II. Il y a eu association de gregach avec un autre mot : gragachat dégoiser, parler plus qu'il ne faut et avec volubilité H. de la Villemarqué (Dict. bret.-fr. de Le Gon., 2" éd.); gragachat crier comme font les pies Troude, 2*-' dict. (le 3*^ a, sans doute par erreur, gragachat, part, gragachet, p. 250, 696) ; gragachat piailler, parlant de femiues assemblées, J. Moal, Supplément.., au Dictionnaire... français-breton du Colonel A. Troude, Landerneau 1890; gragachat crier, dégoiser du Rusq. (qui rapproche à tort g rac h vieille femme).

Gragachat tient à un radical imitatif qui a donné par ail- leurs : moy. bret. gragaillat « gargarir, 1. garrire » (et gru- guillat,k un renvoi, ce qui doitêtreune inadvertance); mod. gragailhat crier comme une pie ; piailler comme font ordinai- rement les femmes, gragailhére:^ piaillerie, crierie importune, gragailherès pi. -eresed piailleuse Grég., gragala (/ mouillé) crier comme une pie, comme un geai Le Gon., piailler Trd (i^' dict.), gragaillat crier comme font les pies (2^ dict.), caqueter comme les oiseaux, piailler (3^ dict.); « coqueter >>, lisez « caqueter » du R. (2"^ dict.) ; graguellatt caqueter

I. Bien supérieur à Ver-Vert (p. 12), il ne savait pas jurer (p. 9), mais il avait entendu dès son enfance le jargon (jargon) des hommes et des femmes qui s'injurient, et l'imitait parfaitement, de même que les diffé- rents cris des animaux. Une des injures féminines rapportées à cette occa- sion est goast-Iangaclj celle qui perd, qui prodigue en vain ses paroles ; cf. p. 10, I}ep goasta qeii taugacti (sans perdre temps en discours superflus).

Mélanges bretons de grammaire et d'étymologie. 189

comme les poules l'A. ; graka, et « par abus » grakal « faire du bruit, comme les poules, après avoir fait leurs œufs ;.., caqueter, babiller.... Plusieurs prononcent raka et rakal » ; grakcre:^, rakérei m. bruit que font les poules après avoir pondu; caquet, babil Gon., grakcrei m. caquet, graka babiller, caqueter; crier comme la poule Trd, i'"' dict. ; gra- ka] id. 2^ dict., crier comme font les poules qui pondent, bavarder, caqueter, babiller, y dict. ; Milin ms ajoute : « et krakal » et a un autre article « kraka faire du bruit comme les poules avant et après avoir pondu » ; raclai caqueter comme les poules dès qu'il fait jour Gr., raklat caqueter, crier comme font les poules Trd, 2"-' et 3" dict.

On peut comparer le lat. gracillare caqueter comme la poule, graciihis, geai, etc. ; gragaillat a la terminaison française de piailler, comme l'a remarqué V. Henry.

Le suffixe de gragachat paraît à ragach m. babil de femmes rassemblées, ragachat babiller comme font les femmes assemblées Trd, y dict. ; ragachi injurier en Cornou- aille, 2^ dict. (sans indication de dialecte au 3'' dict.); ragach babil de femmes réunies en troupe ; s'applique aux geais et aux pies ; impudence, effronterie, sottise, injure, dévergon- dage, babillage, caquetage, ragachi dire des injures, des sottises, des balourdises Mil. ms ; ragach piaillerie, ragachat piailler, parlant des femmes assemblées J. Moal ; dans Meulidigue:( qeguin, p. 9, ragacherei terme d'injure à une femme.

Grég. naragaich pi. qu'au sens de regrat, marchandise de peu de valeur, racaich pi. ou id., ragaicha, ragata, van. ragatcin, regateih « regrater, vendre de petites denrées..., pour y gagner sa petite vie », ragachére:{p\. -ere^ou, ragatére:(p\. ou, van. regatereah, ragatereh regraterie, ragachèr pi. -éryen, ragatêrpl. yen, van. raga- tour, regatér pluriels -teryon regratier, fém. ragacherès pi. -eresed, ragaterès pi. ed, van. ragatourès pi. ed -, chez Maun. ragachèr revendeur, etc. J'ai regardé ces mots, Gloss. '^66, comme ayant perdu un r par dissimilation ; mais ce second r a été, au con- traire, ajouté en français par une étymologie populaire d'après l'idée de re-gratter (cf. « tondre sur un œuf »). Le provençal a rigatié,Vitz[ïeïï rigattiere, Ves\>a.gno\ regatero regrattier, frippier, revendeur, etc., ce que M. Sainéan (^La créât iivi métaphorique

190 E. Ernault.

en fronçais et en roman, Halle a. d. S. 1905, p. 39, cf. 37) explique par un composé du mot chat. Je ne crois pas qu'on soit passé en breton de l'idée de regrat à celle de babillage : les deux ragach sont à. séparer. Celui qui tient à regrat est le seul qui ait des variantes avec /; ragacher vient de *regatier, ci. aparchent, § 6 '.

On peut comparer à l'autre ragach le mot racqaich, rogaich, reugaich coassement, cri des grenouilles, de rocqat, roga, roëga coasser Gr., cf. graka, grakal, et raka, rakal coasser, graké- re:{, rakére^ m. coassement Gon., raka, graka, roga coasser, graké- re^m. coassement Trd, i^"" dict. ; grakal, rakat « anciens infini- tifs, graka, raka » coasser, grakere^ coassement 2^ dict.. grakal, rakal, rakat coasser, 3^^ dict., ragach m. coassement de gre- nouilles, ragachi coasser comme des grenouilles Mil. ms.

12. L'indication du Catholicon : « grecini grecisme, cest ung libure, 1. grecismus « s'applique à un ouvrage d'Ebrard de Béthune, auteur qu'on place au xii^-xiii'' siècle, et à qui la Grande Encyclopédie consacre deux articles divergents Ebrard et Everard). L'un dit que cet ouvrage, qui « fut d'un usage constant dans les écoles du moyen âge jusqu'au début du xvr' siècle », a être imprimé d'abord à Paris en 1487 ; l'autre, qu'il le fut à Lyon en 1483. Ce second article l'appelle une « sorte de grammaire grecque versifiée » ; c'est une erreur dans laquelle n'est pas tombé Larousse. Cf. aussi la Nouvelle biographie générale... sous la direction de M. le D' Hoefer, Didot 1858, qui cite cette observation de Daunou (^Histoire littéraire de la France, t. XVII) : « Le titre de Grœcisnius, le surnom de Gréciste... donné à Evrard... pourraient faire croire qu'il s'agit ici d'une grammaire grecque : ce n'est réellement qu'un traité de la langue latine, mais de cette langue considérée quel- quefois dans ses rapports avec celle dont elle a emprunté plu- sieurs éléments et plusieurs formes. » La Nouvelle biographie de 1858 dit que « toutes les éditions donnent avec l'ouvrage

I . On ne voit pas de semblable raison phonétique à l'alternance de tie- lalel et Irelaclk't frénétique, etc., Notes d\'lyiii. 10, 11, 13 (n» 5, §9, 16). Quant à l'analogie, on peut pe' ser au franc, de sens voisin rahdclhr à côté du haut breton rabater (d'où l'expression de Siint-Brieuc rahciter sa pw tel'), mais ce second mot seul paraît représenté en bas-breton, dans rabadyei babiole Gr., aralmdiei Pel., etc., Closs. 35.

Mélanges bretons de grammaire et d'étymologie. 191

d'Eberhard un commentaire fort obscur de maître Jean- Vin- cent Métulin, grammairien du quinzième siècle et professeur en l'université de Poitiers. »

Le Bulletin de la Société des Antiquaires de F Ouest, 2^ trimestre de 1847, P- 4i"465 contient une « Notice sur les Ajinotalions de Jean- Vincent de Melle, professeur de l'Université de Poi- tiers, à un ouvrage de grammaire intitulé Grecismus », par M. Lecointre-Dupont. C'est la description de l'exemplaire qui est actuellement à la Bibliothèque municipale de Poitiers. Il commence ainsi : « Johannis vincencij metulini aquitanici additionibus ad grecismi postillam prefacio féliciter incipit » ; voici la fin : « Uiri literaram doctissimi magistri Ebrardi bitu- niensis grecismi liber féliciter explicit, Una cum glosa magis- tri Johannis vincentij metulini in florente ac fructifera pic- tauensi vniuersitate regentis. »

L'auteur et son commentateur sont parfois de singuliers guides. Témoin ce « vers » du 1" chapitre :

Prothesis apponit caput : auferesis^»? rescidit

dont la glose ne manque pas d'enseigner que le nom de cette figure (l'aphérèse) est tiré ab auferendo !

Cela n'a pas empêché l'ouvrage d'avoir un long succès.

Dans son Lexique roman ou dictionnaire de la langue des trou- badours, Paris 1844, Raynouard explique gressime « grécisme, figure de rhétorique » ; mais le seul exemple qu'il en donne (tiré des Leys d'amors'), Gressiiiies pau^a aquesta figura en tra- duisant « Le grécisme pose cette figure » ne peut être qu'une citation du Grecismus d'Ebrard. Honnorat, Dictionnaire proven- çal-français, Digne 1846, traduit aussi gressime « grécisme, figure de rhétorique », sans justifier ce sens. M. Mistral n'a pas le mot.

Littré donne grécisme comme un synonyme très peu usité d'hellénisme ; en anglais grxcism est défini par Murray « an idiom, or a grammatical or orthographical feature belonging to the Greek language; esp. asused by a speaker or writer in another language » ; et encore « the spirit or style characte- ristic of the Greeks... ; adoption or imitation of thèse... », Ceci ne tient pas nécessairement au livre d'Ebrard.

Il en est autrement du breton moderne gresim le grec.

192 E. Eriiaull.

d'où gresiina parler grec : c'est une conséquence de l'usage scolaire de l'ancien grccim, livre enseignant en latin quelques bribes de grec.

13. Au point de vue de la forme, k^rccim, grcsim, et le prov. gressimes s'accordent dans la suppression de l'-s- devant w. D'après Diez, Grammaire des langues romanes, t. II, p. 359 de la trad., « le français conserve sni intact, comme àzns fana- tisme, germanisme, solécisme et non pas fanatîme, etc. » Mais ce sont des mots savants dont le peuple a rarement l'occa- sion de se servir.

Didot, Observations snr l'orthographe, 2^ éd. Paris, i8é8, p. 228, regarde les mots entonsiame, catéchîme écrits par les Précieuses en 1661, comme constatant « une prononciation exceptionnelle alors, et restreinte peut-être au cercle des Pré- tienses » ; ce qui est contestable. Le premier mot est imprimé dans leur liste entonsiasme, réformé en entousiâme ; l'autre catéchisme, réformé en catéchîme, p. 229. La réimpression du Dictionnaire des Précieuses de Somaize par Ch.-L. Livet, Paris 1856, I, 182 porte entousiâme, catéchisme ti catéchîme. Le Com- plément de Godefroy donne une ancienne forme catheiime ; Littré cite catéchîme à Genève, M. Mistral catéchîme (Rhône), catacime (Rouergue). Le breton vannerais dit catechim, voir Gloss. ICI ; l'A. donne catechimein catéchiser, catechimour caté- chiste, é Galechime son catéchisme. La forme des autres dia- lectes, catecis Gr., katéhî:^ Gon., cornouaillais kateM^, Bar^. Br. 331, présente une réduction inverse de sm à s, qui a lieu aussi dans le haut breton catéjîsse, peut-être sous l'influence de catéchiser ? Une variante française sophime pour sophisme est attestée en 1531 (Thurot, II, 326); on trouve soffime et sofisme au xiii^ siècle (Littré), soffime au xii*-' {Dict. général), etc.

Quant à entousiâme, on peut comparer spame pour spasme, et surtout cataplâme, Thurot ilnd. Littré dit qu'on entend cette dernière prononciation, qu'il signale aussi comme genevoise. M. Mistral donne cataplâme (Narbonne), cataplàuius, etc. cataplasme et soufflet bien appliqué. L'A. n'a en français que cataplâme, qu'il traduit en van. cat aplani. Cf. kataflam bouillie dans l'argot trécorois de La Roche-Derrien, Rev. Cclt. XV,

359-

Mélanges bretons de grain maire et d'étymologie. 193

14. Le Nomciiclator de 1633 donne, p. 64 : « vin rude, degouteux : guin griT^yas, ha degoutet » ; Le P. Grég. : gri^ye^, gryei (péché) énorme, grief, gryeider, gryeided énormité, gran- deur, excès; gri~ya:(, gri:(ye~ « grieche, ou griche, qui est rude, piquant, importun », liiiad gri:^yai ortie grièche, picq griiyai pie-grièche ; gri^yei, gryc^ grief, douloureux, dange- reux ; (maladie) griève, (les peines) grièves (de l'enfer), gri- lye^ded grièveté, énormité, grandeur ; D. Le Pell. : « Grisias, Fervent, ardent, bouillant. M. Roussel m'a donné ce mot et sa signification » ; Roussel ms : « grisias, grifias, bouillant, ardent » ; Le Gon. : grisia^, grisie:{ (en 2 syllabes) ardent, brûlant, fervent ; grave, important, énorme, excessif, atroce, violent, véhément, grief; (fièvre) ardente ; (faute) énorme; (ortie) grièche, (pie) grièche ; gri:(_iai id.; grisiaided, grisie:^ded m. gravité, grièveté, énormité; H. de la Villemarqué au dict. bret.-fr. de Le Gon. : (Grisia:^ ou grisie:(), « hors de Léon, gria:^ ou grie:{ » ; Troude : grisia^, grisie:{, ardent, violent, ter- sien chrisiai fièvre ardente {V' dict.) ; grisia::^, grisic:^, gri^ia- id., tersienn grisia^ (avec citation du P. Grég., ce qui est ine- xact : c'est Le Gonidec qui avait eunn dcrsien chrisiai), 2" dict. ; grisiai, grisie^, gri^ia- brûlant, grave, important, excessif, 3^ dict. ; Mil. iiis : « grisie:^a v. n. devenir, rendre ardent, brûlant, vif, emporté; violent véhément »; M. du Rusquec : grièche, rude, gri^ieh (lisez gri:{ie^) ; grief, fâcheux, o^nV/V;(; violent, grisie:^; puis gri::^ia^, gri~ie:; violent, excessif, grisie::^ id. On trouve par ailleurs gri^yas, griç:{ias, griç^ie~; griches (rime as), et en van. /// hun griiiés é c'est un animal indécrottable, Châl. iiis ; voir Gloss. 704, 705.

Pel. dit que grisias peut être pour giurisias ou giuresias, qui serait composé des mots gallois givrés chaleur, jâs ébullition. M. d'Arbois de Ju bain ville. Études grammaticales sur les langues celtiques, I, 98 *, voyait aussi dans la première syllabe de o-;-/- ;(m(~) le breton _^^;w;i'- chaleur. J'ai objecté, Gloss. 705, qu'on devrait avoir des variantes commençant par groui-, et que la terminaison resterait inexpliquée. L'adjectif tiré de grouei est régulièrement o'm'^//^ chaud, qui a de la chaleur Pel. (manque dans R^' ms, qui n'a que « groe:^ chaleur ardente Corn. »), grouéiu:^, groé^u- ardent, extrêmement chaud, enflammé, inflammatoire, fervent Gon., etc., cf. Gloss. 295.

Revue Celtique, XXVIII. ij

194 ^- l^niaiiH.

H. de la Villemarqué (dict. br.-fr. de Le Gon.) a comparé l'irlandais i;'r/rt;/ soleil, qui, tenant à la racine de grone^, donne lieu aux mêmes objections.

M. du Rusquec a pensé au v. bret. crit tremblement, qui me semble tout différent, bien que le breton fournisse un curieux intermédiaire, peut-être par suite d'une association populaire semblable de kridien frisson et grisia:^ (fièvre) ardente. Mil. iiis donne, en effet : « Grisia v. n. être transi, pénétré par le froid ; il ne se dit que des personnes. Petra beunag a reaii, atao e ve:(cn grisiet gant ar rion, quelque chose que je fisse, j'étais toujours transi de froid. Le froid marqué par grisia est un de ces froids qui donne des frissons intérieurs et présage de fièvre. »

Enfin j'ai tiré grye^ du v. franc, griefs, ce qui en ferait une variante du moy. bret. gref grief (^Rev. Celt. XIV, 309), puis griiye^ de * gri{y)ei^, comme ^;^}'o/ filleul de *fiyol, etc., Gloss. 704, 705. Cette explication a été admise par V. Henry. Elle part d'un fait exact : le v. franc, a eu la forme grie~ pour griefs, cf. Thurot II, 71. Mais cette origine possible de grie^ est loin d'entraîner celle des autres formes citées, en particulier de la plus ancienne, gri^yas.

N'y aurait-il pas l'ancien nom français des Grecs ? Pour le sens, remarquons que c'est égalelement l'origine de grièche, qui est rendu en breton par gri^ya:(. Quant à la forme on peut comparer les anciennes prononciations françaises : /// griais, feu greseis (feu grégeois) ; // Gre:(eis, greçois, gre^^ois les Grecs ; a la greseche à la (mode) grecque ; la griece, griache, gryache (la grecque), sorte de jeu. Grifias et gritiés ont ainsi chance de reproduire un type voisin des anciens Grifons et des modernes grivois, et d'être dérivés de grieu plutôt que de gref, qui a donné régulièrement en bret. moyen grefus, greuus grief, moderne grevas Gr., etc. Le ch de griches (ou grichas, d'après la rime) ne répond pas à celui du franc, grièche, gricheÇGvég.) ; il vient de -sy-, comme dans Landivicho, Landivisiau, etc. La répartition dialectale admise par H. de la Villemarqué entre gri:(ie^ et grie:(^ indiquerait que le premier ;^ a été th doux, mais elle n'est point établie ; et la forme gria:;;^ peut bien avoir été suggérée par cette explication arbitraire.

(A suivre.) E. Ernault.

I

MISCELLANEA CELTICA

I. IR. BRONNAID, -BRIA

If the instances bronnaim « injure, damage » in the Glossary totheBrehon Laws, p. iio, be compared witii thosc bri al ha r, ib., p. 107, it will beseen that the latter is manifestly the sub- junctive of the former. Cf. also cia robria « though he break », O'Davoren, no. 300, robrialhar, ib., nos. 287, 314. And the two forms may without difficulty be brought into connexion with one another. As to the indicative bronnaim, it would deve- lope regularly from a nasal présent brûs-nâ-nii. Now in the case of such nasal présents, the root often appears in astron- ger form in the subjunctive, cf. Thurneysen, KZ., XXXI, 18 sq. If the normal grade of the root were *bhreus-. The subjunctive stem would then be *bhreusâ-, but that would not lead as to Ir. -bria. If, however, we postulate as the root not *brcus- but *bhrêus- then the difficulties disappear, for *bhrc'usâ- would in Irish become regularly * brhisâ- >■ * brrijâ- ^ -bria. Cf. /() « silent », W. taw^ <; *tanos ■< *tansos.

The root bhrlns- appears in Celtic in the foUowing forms :

(fl) bhrêus- : Ir- bria, W. briwaiu « to break ».

(h) bhrils-: Ir. brâW « bruises, crushes «.This grade is pro- bably to be found also in W. cyniniri in the follow ing passages :

I. As to final Welsh -flu'ami -au (earlier -eu, -oiQ, after which a syllable has been lost, I do not recollect having seen a definite statement of the conditions under which the two forms respectively develope. The rule appears to be that (a) -an- gives -azu- (b), -on- (which ma\' conie from an ear- lier -en-) gives -au. Further examples of (a) are Lh'daiu ■< * Litavi- or the like, gognaiu < * ijognanos (Loth, Contrib. a la Lexicographie, etc., p. 13), of (/') nom. pi. -an <C *oijes, tau " ihv " < * tono, ciglen « he heard » < *kukloije, etc. etc. The reason for the différence of treatmtnt is that 0 is nearer in Sound to u than i( is. In the same way we find ludeiv, hriu, heddyiv, lliw.

196 /. Slrachan.

a rcwinathrin a ihranc cyinri, Myv. Arch -. 145^ 10, agwlad cymru mor gymri 146" î6,a chymri a chymriuyn 148" 2. In the last instance cymri is clearly a noun with the approximate meaning of tt grief» or « affliction ».

(c) bhrûs- : Ir. bronnaiiii.

For cognâtes outside Celtic, cf. Stokes, Urkelt. Spr., 187, Persson, KZ., XXXIII, 292. No instances arecited of a form with long è in the other European languages, but that is intel- ligible enough, for -eus- would be regularly shortened to -eus-. For Celtic Ir. ))il, W. uiis, from * i)iens- proves that the change of ^ to l was prior to such shortening.

2. IR. TLENAID, - TUA, -TLETHAR

The simple verb appears in -iJethar, O' Davoren no. 1529, and the verbal noun llcuanmin no. 1553. In the Laws it is found in a number of compounds e. g. do-tleii, Laws Gloss. p. 278, verbal noun dithle p. 2^-], fo-tlen, p. 413, fo-da-ro- thla, p. 626, verbal noun fotbla, p. 413, tolbla, p. 131.

Atkinson rightly equates Lat. tollo, but he does not fully explain the genesis of the forms. From a base * telâ- would come regularly a présent indicative * tl-n-â-mi. This would give in Irish tlenaim (through an intermédiare stage *tlinàini ThurneyseniiTZ., XXXI, 87), in Latin tollo, with transition to the thematic inflexion as in sisto = Gr. 'i^-y.\jx. In Irish telà- would hâve been the normal subjunctive stem ; but a subjunc- tive * telâ- to an indicative tlenaid would hâve been isolated in Irish; * telâ- has given place to ^tlià- under the influence of *biâ- : benaid *crià- : crenaid, *gliû- : glenaid, *liâ- : lenaid. This explanation has already been applied by Atkinson to the verbal noun of the simple verb : tlenainon like glenauion and lenauion.

3. IR. LAIGID, DELLIG

Ir. dellig « haslaindown» has been noted, with the corres- ponding subjunctive -iellset, O'Dav. no. 694. But it does not

M'hcellauea Celtica. 197

seem to hâve been observed that thèse are really the perfect forms to lalgid « lies down ». The formation is the same as in -dessid to suidid « sits », when the perfect is expressed by prefixing di-ess-. As to // it represents the regular Irish deve- lopmentofrj/, cf. Bezz. Beitr. XX, 9 '. In dellig it happens that only the prototonic form occurs, cf. ho desid already in Wb. 3-' 7, while Cormac s. v. Jethech has dofessid.

4. W. CYTHRYMHET

An adjective cythrym « instantaneous, instant » has been pos- tulated by the late Dr Silvan Evans for two passages of the Red Book : i" Medyr vab Methredyd a uetrei y dryiu yn Esgeir Oernel yn Iwerdon tnuy y dwy goes yn gythrynihet 0 Gelli Wic. RB., I, 112, a g-wan Yspadaden pennkawr trivy anal y garr yn gythrymet RB., I, 118.

But the sensé is not particularly appropriate, and the forma- tion of the Word is not clear. The word should be brought into connection with cilhreiiimetgl. balance libra, Capella glosses 64, which, as Stokes saw, is a derivative from triom « heavy ». The meaning yn gythrymet wnll then be, « proportionately », « equally ». As is well known, ;//;■ gave in Welsh thr ; hence yn gythrymhed is a formation (rom cyn-\-tnuni like the instances cited by Zimmer, KZ., XXXIV, 179.

5. O. w. DILIU

In the Juvencus glosses, KSB., IV, 325, there is a gloss dilin on livor daenwnis. This has been explained as = di-Jku «colourless », but that is hardly an appropriate explanation of livor. A better sensé may be got if we take dilki -= dyliiu and

I. Waseem in the same way to hâve the regular development csr in errcnaid Ml. 20'^ 2, -eirren Eriu I, 214; crrellicha Sg. 273, 2, 30», 16 would be an admixture of the earlier err- and the later ër-. Similarly 5/ became regularlv //, and so we hâve foniitleclila Wb. i <^ 4, and the participle /»//- Iccljtae Ml. 127», 17 etc. But e. g. in selaio^ from i7/V/rf « hews « si was res- tored after the reduplication from the other forms of the verb, and this *seslaig became * seslaig, selaig.

19^ /. Slrticluiii.

cxplain </)'- as thc équivalent of Ir. do-. Gr. g'jct-. This prefix lias been seen by Loth, ACL., I, 443 in dyhedcL There is a very clear instance of it in âybryd « ugly » = Ir. dochriith.

6. O. W. INITOID

In the same glosses, p. 410, in tlie passage sed contra illo- riini iam meus iiiaciilala cruore progeiiie extincta doinini both inacuJaîa and extincta are glossed by initoid. On p. 410 the same gloss is found on pressas. Leaving aside the question of the particular verb that an Irishman would hâve used, the form of an Irish gloss on maculata would hâve been ainha n- éilnithe « when it was polluted », and siinilarly in the other cases.

This suggests that initoid means <' when it wms ». Similar forms of expression are found in later Welsh, e. g. eny bei orchyfedic angeu « when death had been conquered », Hengwrt Mss. II, ']o,ynymcdylyho « when he considers », ib. 3 ; yn i ho ' cannioledig « when (or since) he has been praised », Myv. Arch. ^, 723 ^ ; yn i bei terfynedic « when it was ended » 723 "^ ; yn y bei tuneuthuredic y pethaii hynny « when those things had been done » 724'' ; yn i cadarnhaei ddwyaiul lunyaeth « confirming the divine ordinance » 732"^. Further in the sensé of « where », e. g. inytoet aradur in eredic tir « where a ploughman was ploughing the land » BB., 22 '\ 5 ; ynyd oed RC, VII, 41 1 ^= hyt lie yd oed RB, I, 276; dyaot a lunaethyn yd oed y haïur RB., I, 58, yn y mae(y. 1. 7nan y niae^. Myv. Arch. % 79''; and fre- quently in the White Book Mabinogion.

7. A FORM OF THE W. SUBJONCTIVE

The third person of the passive of the Welsh subjunctive regularly ends in -id. By the side of that, howcver., I hâve

I. In this and the following passages the subjunctive is odd. The Welsh of the Hanes GruflFudd shews the characteristics of Welsh translated from Latin, and there are other indications which seem to point to a Latin ori- ginah If that be so, then I would sug^i^est that the above passages are over- literal translations of Lat. cinii with the subjunctive.

Mise c II an c a Celtica. 199

met with some instances of an ending -éd. One instance is from the Black Book of Carmarthen : bei Uafassed « if it were dared » fo. 27^ 2. Two further instances are from prose. ¥ or pei cledit « if he were buried » RB., I, 112, the White Book ot Rhydderch has pei cJadhet \ for mal y goiiynnil RB., I, 286, another version RC, VIII 15 has mal y gofynnel. The variation between -cd and -id reminds one of the variation between -es and -is in the indicative preterite, that is, we seem to hâve traces of two originally différent verbal conjugations, cf. Nettlau, Cymmorodor IX 69 sq. Unfortunately the formation of the Welsh subjunciive is still very obscure.

8. THE TENSES OF THE WELSH SUBJONCTIVE

It is well known that the subjunctive of the Irisii verb has formally only two tenses,apresent andapast. Récent researches hâve more and more broughtout the similarity between the verbal System in Irishandin British, and for the subjunctive I hâve discovered what seem to me clear indications that in British, as in Irish,there were at one time only twotenses. In seeking to détermine the British System one naturally has recourse to Welsh, the language with the earliest literary record. For Welsh the idea was first suggested to me by the fact that sometimes, in the same passage, an earlier text shews the past subjunctive when a later text exhibits the pluperfect. Thus for yr nas giuelsei RB., I, 102.5 ^^^ White Book lias kynnys ryiuelhei, ior pei as-^ gorchymmynnassitt RB., I, 280.7 the text in RC, VIII, 5 has pei asgorchymynnut ; on the other hand at I 290.27 the Red Book has the older pei giuneliit ii where the text in RC, VIII, 23 has pei ryiunelsiit.

I. The fl-hereis the a- (of uncertain origin) wliichserved in earlv Welsh to infix a pronoun, where yd would hâve been syntactically out of place. In early Welsh poetry itis exceedinglv common; an instance in prose is as rediun (leg. rodiuii) « we will give it » White Book col. 47 5 , ^= rodivn RB.. I, 117, 16. In earlv Welsh W is used to a much less extent than iater. An investigation into the uses of a and yd and of the extension of yd at the expense of a would probably yield interesting results.

20Ô /. Sirachan.

Exccpt that I hâve run through the Black Book of Carinar- then and the index verborum to the Gododin poems. I hâve made no systematic collections. During the past winter, how- ever, it has been necessary for me to read a good deal of early Welsh, and I hâve noted any instances in point which turned up. By way of illustration the following instances may be quoted : bei naspr'mhei « if he had not bought him » BB., 21 -^ i,hci gwelnd « if thou hadstscen » BB., 29'', 2, Diahia ryiiei " as if he had not been " Myv. Arch.% léo'', 8, giur ar rywne- ley « a man who had done » 476'', 20, pey rydelhey « if it had corne » 499 '',-11, k\t ry kyvarffei « though it had encountered » 500 % 6, pei asryaîtei « if he had permitted it » Arch. Cambr., i8é6, p. 120, hyt rydiodcjynt « though they had suffered « RB., II, 8j. 10, pei rydiagei " if he had escaped ", Hengwrt Mss. II, 90.26 (but pei ynteii lyodiiuedassei II, 90.25).

As has been shewn in my paper on the subjonctive mood in Irish, p. 106, ro- is found with the past only in exceptional circumstances. In Welsh ry- is absent in the instances quoted from the Black Book and in a couple of the others, but more generally it is présent. Hère obviously \ve are cont'ronted with a Welsh innovation to get a more distinct form to express the pluperfect sensé; a similar use of ry- is found with the présent subjunctive when it has the force of a perfect, cf. Eriu, II, 218, kanp rygaffo White Book col. 453 (= yr nas haffo RB., I, 101.23), /?;;•; na ry gerdo Hengwrt Mss. II, 1.31.

The later pluperfect subjunctive forms are idcntical with the forms of the pluperfect indicative ', and hâve come from them ; note in particular forms like pei caïussedei '■ « if she had got » Hengwrt Mss. II, 170.10. The spread of the forms of the pluperfect indicative to the subjunctive goes along with the disappearance of the h forms in the subjunctive, whereby the past subjunctive came to coïncide in form with the imperfect indicative, except in a few verbs, and even in thèse there was a tendency to substitute e. g. bydiun for heivii.

As Thurneysen has pointed out, A'Z., XXXI, 10, the plu-

1. ryu'uelsiit, above p. 199, is an exceptional analogical formation from f;wnehit.

2. Cf. Nettlau, Cvmmrodor IX, 76.

MisceUiiiica CeJtlca. 201

perfect indicative is itself a British innovation, modelled on the imperfect. In early Welsh the imperfect is still found in a pluperfect sensé in the apodosis of conditional sentences, e., g. din collei bel nasprinhei « man would hâve been lost, if He had not redeemedhim » BB., 21% i, hei yscuypun.... nys- giinaitn « if I had known.,.. I would not hâve done it », BB, 41% 12.

9. W. DENG.

In Welsh there is a peculiar form deng of the numéral for « ten », which, according to the dictionary of Silvan Evans, is mostly used before words beginning radically with b, d, g, m, n, or a vowel, and which produces the nasal mutation of a following consonant. There is nothing correspondingeven in the closely related Breton and Cornish, so that the origin of the form is to be sought within Welsh itself. I would suggest the following explanation.

In Welsh in certain phrases the original final nasal of numerals is preserved ', mutating a following consonant. For instances see Gram. Celt. % 206, and (or dec, which is not there illustrated, cf. e. g. deciihuarnawt RB., ll,22,2<),dec iiilyned 39, deg mlyned 258, 259 and.passim,^^f mlinet BB., 25 '', 18, dcg mlinet 26 % 1 1 , So for as I can discover, there is no trace of this in Breton or Cornish, and that is not without importance for understanding the isolation of the Welsh form. My suggestion is that we hâve hère a case of partial assimilation ; before a following n or m the guttural became the guttural nasal n expressed graphically by 71g or g. There is something of a paral- lel in Mabon am {= nb) Mydron BB., 41 "" 6, though ab would always be unaccented. To trace the history of the form deng in Welsh I hâve no collections of material. According to Silvan Evans deng appears before vowels, where phonetically deng n- might hâve been expected. How far this dates back and how widely it spread I hâve no évidence to shew.

I. The 11 also extends analogically to other numerals which did notori- ginally end in a nasal.

202 /. Stracbau.

10. IR. SllI, W. HYWYDD

Ir. siïi, g. siiad conies froni * sii-iiil-s, g. *siiiiidos, the second part of which is cognate with Gr. poioa etc. The Welsh équiva- lent, with the form of the oblique cases, is hyivydd which Pughe gives with the sensé of « intelligent ». Other instances of the Word with be found in Myv. Arch. - 145^ 10, 147'' 29.

11. m. GÉC, w. CAINC

Apart from the variation of the initial consonant which is also found in Ir. goll, W. coll, « oneeyed », the Irish and the Welsh words seem at first sight to ditfer also in declénsion. In Stokes' Urkelt. Spr. p. 69, géc is referred to * kankd, cainc to *kanlfi. Both, however, might be united in a fem. *kanhù, just as Ir. dér, W. deigr, « tears » go back to*daknl, Idg. Forsch. X, 76. Skr. sûûkii- is a masc. //- stem ; of the -// in Celtic I can offer no certain explanation, but the explanation of the of the other Ir. -n stems like deoch a.nd mucc is equally obscure.

12. IR. ÉC, w. ANGEU

Ir. ce cornes from *^k'ti-, W. aiigeu has been referred to * nVeno-. But it may be questioned whether the British stem is not really identical with the Irish. In Ir. the plural is com- mon in the phrase do écaih " to death ", and similar plurals are found in other languages, e. g. Gr. 6âva-:oi of a single death. Hence it seems very probable that W. angan is in origin a plural = *nFcites.

13. IR. MARB. w. MARW

Brugmann, Grundriss I- 468, mentions some conditions under which Idg. r appears in Celtic as ar. Ir. viarb, W. tftarw " dead " from a Celtic * iiianjos indicate that there was the same development before //. Another instance in Welsh is

MhccUauea Celtica. 205

canu, with a diticrent tirade of vocalism troni Lat. ccnios, for chenu, denv etc. in Welsh shew that eru remained unchanged.

14. O. IR. TECHT MUDU

In Wb. 16 '' 4 is found the phrase itecht iiiudii, for which in the Thésaurus Palaeohibernicus I, 609 / î'echt immiidu was doubtfully conjectured. Since then, however, I hâve corne across another passage which goes to support the reading of the Ms., in the fragment of an O. Ir. commentary on the Psal- ter pubhshed inMeyer'sHibernica Minora. On p. 26, the text rcstored by the editor reads : Cindas rotnhàiar int saiJm ht iosiig ? Ni anse. 1 iii-blogaih ociis esreiid cosiii dôiri baibiloindi, con- dcochûtar niogaid i tciiipnl Jasin canôin oJchena. Zimmer, Gôit. Gel. Anz. 1896, pp. z).o6 sq. talces reasonable offence at the form iiiogaid in an O. Ir. text. He himself reads iiiogai = Jilii captiuilaiis or fiUi traiisniigrationisÇEzra. 4. i . etc.) and trans- lates : « Vereinzelt und zerstreut waren sie (die Psahnen) bis zum babylonischen Gefangenschaft, sodass (die unter Jesua und Serubabel aus dem Exil heimgekehrten) filii captiuitatis mit dem ùbrigen Kanon in den neu (neu aufgebauten) Tem- pel einzogen >k But, apart from the gênerai obscurity of expres- sion, itisapooranswerto a question as tothefateof the Psalms to say that certain niogai went into the Temple îuith the rest of the Canon. Let us nowturn to the Mss. One has condeocha- tar nindaigh, but instead of niiighaidh the other has mugha. Thèse readings do not point at a'I to niogai or mogaid, so that for the troublesome « slaves » there is really no Ms. authority. But the readings of the Mss. might very well be corruptions of mudu and I would read condechittar mudu hi tenipid lasin canôin okhenae, « and they were lost in the Temple with the rest of the Canon ». In other w^ords, before the Baby- lonian captivity the Psalms did not form a united collection ; at the destruction of the Temple they were lost with the rest of the Canon ; after the captivity Ezra was inspired to restore them along with the other lost texts. That there was a patristic tradition that the books of the Canon were lost at the time of the Captivity and weie restored by Ezra, may be

204 /• s hacha H.

scen fi'om the quotations in excursus Aof Ryle's Canon of thc Old Testament (Macmillan & C". 1892).

I). IR. BKTHU, W. BYWYD.

Brugmann, Grundriss P 327, following the traditional explanation, identifies Ir. biàd (g. hiïd) " tood " with an alle- ged W. hyiuyd " victus ". But the fact seems to hâve been overlooked that in Welsh from early times down to the pré- sent daythere are two distinct worà.'^bywyd « hfe « and biuyd « food ». As an early instance of biuyd may be quoted ro vyd (leg. vuyd) y newynaiic a dillad y uoeîh, « give food to the hun- gry and clothing to the naked », Black Book fo. 42'' 8, cf. O. Bret. boiiolion, gl. esciferis. That being so, it is more natu- ral to equate W. byiuyd with Ir. belhii « life ». Ir. belbn is referred to a prehistoric *biuotftts. In W. that would probably give *biuofi, byzvyd. Unfortunately, I hâve no other instance to shew the effect of / from /"/ on a preceding 0, but it is pro- bable that it would be the same as that of ï from oi, cf. Zupitza, KZ., XXXV, 255. There is an instance of î <C ?"' <C ô in ivyth « eight ». With regard to final syllables, the British rule seems to hâve been that, apart from the cases in which an originally final consonant, or group of consonants, was preserved (cf. Thurneysen KZ, XXXVII, 115), ail final syllables were lost, cf. e. g. W. car : Ir. carae, W, hyn : Ir. siniii, W. Nudd : Ir. Nnada. That, by the way, may help to explain the decay in the inflexion of the British noun. There remains Ir. biàd : W. bzuyd « food », which can hardly be separated from one another. But of their phonetic relation I can ofter no satis- factory explanation.

16. IR. FINDBUTH, W. GWYXFYD '

In the three British dialects there is a phrase for « happy is he », W, guyn y fyd, Corn.guyn y vys, Mid. Bret. gnenn e bet. In O. Ir. there is a similar phrase is find a nibcthu Wb. 2^ 2, where, however, bilh « world » has been replaced by

I. i. e.dens^;cr is verv comiuonlv written for n^.

Mkcellanca Celiica. 205

bdIjH « life ».The original word, however, appears in thecom- \)ound Jiiidbiith Ml. 128 "^ 18 = W. gwynfyd < *nindo-bitus'. In Mid. Bret. the word appears in the derivative gitennuidic, on which see Henri, Lexique Etymologique, p. 151. In Irish a nom. fiiidhiiith appears in Eriu II, 14^, a dat. findfuîh in Trip. L. 180. So the nom. and the dat. shew the regular forms of an -H- stem. But the genitive iniia fiiidbiiide Ml. 14° 4 is remarkable both for its gender and for its declension. I can only suggest the influence of the féminine noun biiith (earlier both = W. bod) g. biiithc « to be ».

17. IR. GUIRID, W. GORI

Ir. giiirid « warms » has long ago been compared with W. gori « to brood », deori « to hatch ». There is a passage is Eriu II, 120, which illustrâtes well the development of meaning : slcbe gainnc ocus grian il é guirte in ogh. Hère one would be inclined to translate simply " hatch ".

18. IR. ATBATH

On thisformsee ThurneysenA'Z., XXXVII, 112, 120, where he rejects with reason Zimmer's explanation. At first sight, it might seem as if Zimmer's theory found support in forms like atbathaMl. 98^, 8, conidaptha Rev. Celt. XI, 430, conaptha YBL, 58 ^, 4, coiididaptha Ann. Ul. 830. Thèse forms, however, admit of another explanation; -apad would appear externally like rocarad, romarbad, so that it is not surprizing that -aptha should hâve been formed to -apad like rocarllm to rocarad. As to atbatha, it is the only form of the kind which I hâve noted, and, as the Milan glosses are notoriously full of scribal errors, it may be a corruption of albathatar. If it be a genuine form it will hâve to be put down to the influence of the prototonic -aptha.

19. IR. MLIGID, DOOMMALGG

Sarauw, Irske Studier p. 47, refers with doubt to dooiii- iiialgg Sg. 23'' 2 as the perfect of iiiJigid. Pedersen, KZ.,

I. The comparison itself is not new, see Ascoli, Gloss., CCCXXVII.

2oé /. Slrachiiii.

XXXVII 225, suggests tlnu dooiiwialiy^^ may be a scribal error for docoinnialf^. But dooininalg is supported by a passage in the Annals of Ulster 732 : dooiiilachi jo tri, ol n-ais caich nibleg- uin, « it was milked thrice, every milking produced a vat of milk ». The form stands both in the Dublin and in the Oxford copies of the Annals, so that there can be no doubt that it belonged to the original text.

20. IR. DOCÔISED

This form occurs twice in the Tain Cuailnge : LU., 72'' 22, docoiscd fcrchend fora beolii " a man's head could hâve passed over his iips ", and LU. 65'', 42, dococstis cter a topor ociis sliab, « they could hâve gone between its source and the moLintain ». This is the form of the secondary future in this verb which expresses possibility, d. ni dichet « he cannot go ». As the analysis of this perfective verb is di-avu-feîh-, docôi- sed must be an an.ilogical formation to the subjunctive docôi, docôised, after such cases as the fut. and sec. fut. dotôith, dotôi- thsad, to the subjunctive doiolh etc. In CZ. III, 453, 21 it is pro- bable that we hâve a corresponding perfective future, for docôi i flaiih \n\ seems to mean « he will be able to go into the Kingdom of God », but the surrounding text is not very clear '.

21. W. AR Y GANFED

According to the dictionary of Silvan Evans ar ci ganjed means " having a hundred (men) with one ". In the Red Book I, éo M. Loth rightly translates mi a afar vyn dendecuct by « j'irai mon douzième », for from what foUows ef a acth a gihiaethivy a degiuyr gyt ac wynt it appears that the total of the Company was twelve. So at RB. II, 67, ar y dryded^= se terliuui of the Latin original. So in Hengwrt Mss. II, 120, ar y pctwy-

I . This text contains some othcr interesting perfective forms : 0 choiiah- baiug (<< con- ad- hoiii^, perfective près.) « when he has broken » 453 !. 27, co iluidchet (from. -htidchcl, perf. près.) « till it has corne « 448 1. i^, rohi toviielha « there is wont to be (somethiiig) which decavfs » ^jo 1. 5, 0 chohiasca (witli perfective ad) « wiien he lias correctcJ iiimseli » 451 1. 26, odûdigthet « when they hâve corne » 454 1. 26.

Miscellaiica Ccllica. 207

ryd marchawc means " with three other horsemen ", as appears fromthe sequel : ac ar hynnyy kyuodes petiuar canl iiiarchaïuc y vynyd, ne gyrchii, ae vrathu degmrath, a Uad y dri chedynideith . On the other hand in RB. II, 58, ar y vgeinuetor keiuriereill isa rendering oîilleciim tiginti gigantibus ; in the Brut Tysilio the expression is ar y daydegvet gaïur, Myv. Arch. ^, 439"". In RB. II, 68, yn dyuot ar y deiigeinuet 0 varchogyon must from the context mean « coming with forty other horsemen ». Hère the Brut Gruffudd ab Arthur, which had previously mentioned sixty horsemen has, Myv. Arch. ^, 487^ anvon a orne Llyr kennat y brenyn acat y verch ynteu a dywcdnyt y vot yn dyuod ar y try itgeynt iiiarchaïuc, but on p. 562 there is a variant anvon aoriic Lyr genat at ebrenin ac at iverch ynten art drigeinvet. There is an instructive passage in Hengwrt Mss. II, 28. It begins : ac ar y drugeinvet y kerdius Charleiiiaen hyt ar beiin mynyd a oed ger y llaïu. There he left his company and in disguise ary eil inarchawc (i.e. with one horseman) went to Aigoland and said that Charlemagne had sent them and that he was on yonder mountain ar\ drugeinvet marchaïuc, and he concluded by saying to Aigoland : ac aiii hynny dyret dit heu attaw ef ar dy drugeinvet. Finally Charlemagne y doeth ar ' y drugein marchawc a adcnvssei ar y mynyd. Hère it is clear that ar y drugeinvet means '< accompanied by sixty men ».

We hâve then, it appears, two methods of reckoning. In speaking of a number of individuals, there is an inclusive rec- koning e. g. ar y drydydd = ipiTcç ajtsç, " himself with two others ". But in speaking as it were in military language of round numbers in tens or hundreds the leader, to judge from the instances quoted where the matter can be put to an actual text, was not included. Hence, until évidence is adduced to the contrary expressions like ar y ganfed must be trans- lated « with a hundred men », not with M. Loth, Les Mabi- nogion I, 44 (cf. the note on p. 317) « lui centième ».

J. Strachan.

I. i.e. « to ». In earlier texts ar is often used of « to » a person where kter texts liave ait e. g. v doelh ar Ereiut RC, Vil, 433 ^z. atl Ereiiit RB, I, 476.

CHRONIQUE

Sommaire. I. Nouvelles des Iles BritAiiniques. II. John Rhys, The celtic Inscriplioiis of traitée and Italy. III. V. H. Friedel et Kuno-MEVER, La vision de Tondale (Tniids^al), textes français, anglo-normands, irlandais. IV. A. Fick, Vorgriechischc Ortsnainen als Quelle fur die Vorgeschichie Griechcnlands. V. Mort de Victor Henr\', auteur du Lexique étymologique des termes les plus usuels du breton moderne. VI. Mort d'Alexandre Macbain, auteur de V Etymologieal Dictionary of the gaelic Language. VII. Otto Hirschfeld, Die roemischen Meilensteine. \'lll. Ch. Renel, Les reli- gions delà Gaule mant le Christianisme. IX. Albert GiiumEK, Habitations gauloises et villas latines de la cité des Médiomatrices. X. Nomination de M. J. Vehdryes à la Faculté des Lettres de l'Université de Paris.

I

Le directeur de !a Revue Celtique a reçu d'un correspondant qui désire n'être pas nommé les notes suivantes qui sont de nature à intéresser les celtistes.

The Marquis of Bute bas offered to deiray tlie cost of printing a Cata- logue of the Gaelic Mss. in the possession of the Advocates' Library, Edinburgh. Professor J. Maclvinnon lias undertaken the work of compiling this catalogue.

Dr. Osborn J. Bergin bas been appointed Professor of Iri^h at the School of Irish Learning in Dublin '. The Briti.sh Government bas increased its grant to the Scliool to ^ 200 for the year 1907/8.

The Government bas also given a grant of % 400 per annum to the Roval Irish Academv for publisbing a Catalogue of the Irish Mss. in their possession.

L'nder the title ' Anecdota froiii Irish Mainiscripls ' Professor KunoMever will, with the coopération of Professor O. J. Bergin, Mr. R. I. Best and Mr. J. G. O'Keeffe, begin a new séries of Irish texts without translations, which will appear in separate issues of about 80 pages each. The first part, whichwill be published next summer, wil! contain the Sceln Cano from the Yellow Book of Lecan, the Tiicait indarha iia iiDcssi from H. 2. 15, the poems from the Inirain Mdilcdûin, ^c.

I. Voir plus bas, p. 218, 219, la cause de cette nomination.

Chronique. 209

II

M. John Rhys, si connu des lecteurs delà Revue Celtique, vient de mettre au jour un mémoire intitulé : The celtic Inscriptions of France and Italy '. C'est un recueil aussi complet que possible des inscriptions celtiques décou- vertes jusqu'ici en France et en Italie. Le savant auteur avait déjà publié dans ses Lectures on luelsb Philology et ailleurs un grand nombre d'inscriptions celtiques en caractères ogamiques trouvées en Grande-Bretagne et en Irlande. Non content, il a mis au jour le mémoire dont nous parlons et qui contient quarante-trois numéros. Un travail analogue avait été publié il y a vingt ans par M. Whitley Stokes aux p. 42-69 de sa Celtic Declension '. M. Rhys ajoute onze inscriptions à celles que M. Whitley Stokes avait connues. La plupart de ces onze inscriptions avaient paru postérieurement à la date du recueil de M. Whitley Stokes dans diverses publications, notam- ment dans le tome XII du C. /. L. dont l'auteur est M. Hirschfeld. M. Rhys ne se contentant pas de reproduire les lectures de ses prédécesseurs a été sur place les vérifier. Il propose un certain nombre de lectures et d'interprétations nouvelles. Quelques-unes de ces lectures nouvelles peuvent sembler contestables. Nous signalerons par exemple, p. 56, ce que M. J. Rhys dit du Mercure de Lezoux, Puy-de-Dôme, aujourd'hui au musée de Saint- Germain qui s'est tant enrichi sous l'administration de M. Salomon Reinach. Serait-ce bien l'Esus des Gaulois ? Tentâtes, horrensque feris altarihus Esus, a dit Lucain, I, 446. Ce Mercure porte deux inscriptions : l'une, Mercurîo angnsto sacru))i, a été publiée au tome XIII, 15 14 du C. /. L., l'autre inscription passée sous silence dans ce savant recueil serait une dédicace gauloise à Esus. Mais de ce nom propre les deux premières lettres es sont seules certaines. Ce qui reste de la troisième semble être le début d'un o plutôt que d'un v, forme antique de la lettre aujourd'hui notée u. C'est à vérifier.

Suivent : 1°, p. 75, des notes sur la déclinaison celtique ; 2°, p. 77, une critique courtoise des doctrines exposées dans la Revue Celtique, t. XVIII, p. 318-324, par le directeur de ce périodique ; 3°, p. 82, une étude sur le calendrier de Coligny, cf. Revue Celtique, t. XIX, p. 213 ; t. XX, p. 100 ; t. XXI, p. 10-25 ; 40 quelques notes sur l'inscription de Rom, cf. Revue Celtique, t. XIX, p. 168-176; un post-scriptum sur la question de savoir quelle était la limite du territoire des Ligures, sujet récemment traité par M. JuUian, Revue des études anciennes, cf. Revue Celtique, t. XXVIII, p. 104.

III

Tout le monde connaît le chant VI de VEneide l'on voit Enée par- courir les enfers et les Champs-Elysées, assister au supplice d'une partie des

1. Londres, Henry Frowde, Amen Corner, in-80, ici pages, prix : 6 shillings 6 pence ; extrait du tome II des Proceedings of the British Aca- deniy.

2. Cf. Revue Celtique , t. VII, p. 100-102.

Revue C'Itliitie, XXVIII. . 14

2IO Chr unique.

morts et à la douce existence que mènent les autres, éclairés par un soleil et par des astres à eux, faisant des repas sur l'herbe et chantant en chœur des hymnes joyeuses :

solemque suuni, sua sidéra norunt.

dextra laevaque per herbam

vescentes, laetumque choro paeana canentes.

Cette partie de VEncide a eu des imitateurs chrétiens, le plus connu est Dante Alighieri, 1265-1321, auteur de la Divina comeâia, l'enfer, le pur- gatoire et le paradis. Dante Alighieri avait eu des prédécesseurs. Le plus ancien parait être l'auteur de la Visio sancti Pauli, composition qui existait déjà au ive siècle'. Deux écrivains irlandais ont aussi, avant Dante, cultivé ce genre littéraire.

Le premier en date est l'auteur anonyme du morceau irlandais intitulé Fis Adaiiindin, « Vision d'Adamnân » qui est, au plus tard, du xi^ siècle, et qui, publié à cinquante exemplaires par M. Whitley Stokes en 1870, a été de nouveau édité par M. Windisch en 1880^. Le jour de la fête de saint Jean-Baptiste, l'âme d'Adamnân aurait quitté son corps et, guidée par son ange gardien, elle serait allée visiter le paradis et l'enfer. Le second des auteurs irlandais dont nous voulons parler est Marcus qui, vers 1149, écrivit en latin la Visio Toiidali^, mieux Tiiwgali ou Tnuthgali^.

Nous ne savons si nous pouvons mentionner ici l'auteur anonyme connu de Bède, suivant lequel l'irlandais saint Furie, mort en France abbé de Lagny en 650, étant encore en Irlande sortit de son corps et vit les anges et les démons. On peut consulter là-dessus les Acta saiictontiii Hiheniix ex codice sahihinticensi, co\. 78-97, et VHistoira ecclesiastica de Bède, III, 19, ouvrage terminé en 731. L'auteur qui a le premier parlé de ce mystérieux voyage de saint Fursé était-il irlandais ?

Nous ne dirons rien du Purgatoriuin sancti Patricii écnx, probablement dans la seconde partie du xiK siècle, par Henri de Saltrev, moine cistercien d'origine anglaise?, et qui dut une grande célébrité à l'arrangement français que Marie de France en fit au xiii«= siècle. Ce morceau n'appartient pas à la littérature irlandaise comme la Fis Adaimiain et la Visio Toiidali.

1. H. L. D. Ward, Catalogue of Rodudiccs in tlic Department of Manu- scripts in the British Muséum, t. II, p. 397-515 a un chapitre intitulé Visions of Heaven and Hell, intéressant à consulter sur le sujet qui nous occupe ici. Voir aussi Potthast, Bihliotheca historien niedii aevi ; 2^ édition, p. 1098-1099.

2. Irisclie Texte, X.l, p. 169-196.

î. La vision de Tondale (Tnudgal), textes français, anglo-normand, irlan- dais, publiés par MM. V.-H. Friedel et Kuno Meyer. Paris, Champion, 1907, in-80, XX-157 pages.

4. Sur le nom réel de Tondal voyez une note de M. Kuno-Meyer, Zeit- schsrijt Ji'ir c?ltische Philologie, t. IV, p. 346.

5. Voyez Todd, St. Patrick, apostle of Ireland, p. vu. Une édition du Purgatorium sancti Patricii a été donnée en 1855 dans la Patrologia latina de Migne, t. 180, col. 975-1004. Il avait été précédemment publié- par Messingham, Florilegiuni insulae sanctoruni, p. 86-109, et par Colgan, Trias tliauniaturga, p. 273-289.

Chronique. 211

Marcus, auteur de ce dernier ouvrage, était un moine en Irlande, mais établi dans l'Allemagne méridionale et qui écrivait à Ratisbonne. Il raconte comment Tondale aurait vu l'enfer, le purgatoire et le paradis et les a pu décrire ; son récit eut un grand succès. Giraud de Barri et Jocelin, qui écrivaient tous deux dans les dernières années du xii^ siècle, ont connu son œuvre dont on possède grand nombre de manuscrits, et au xiii^ siècle, Vincent de Beauvais l'a inséré dans sou Spéculum historiak, 1. VII, c. 88- 104, qui au xve siècle a eu huit éditions'. Au xixe siècle il a paru deux éditions de la Visio Tomiali ; 1869 est la date de la première dont l'auteur a été le savant maître Oskar Schade, récemment enlevé à l'admiration de ses élèves et à l'affection de ses amis. En 1882, Albrecht Wagner a fait paraître la Visio Tnugdali laleinisch und alldeulsche ^, un volume l'on trouve le texte primitif en prose latine, un poème latin en 160 vers sur le même sujet, des fragments iiiederrheiiiische et le poème allemand d'Alber, 21192 vers écrits aux environs de l'année 1200.

Albrecht Wagner constatait que la vision de Tondale avait été traduite en dix langues : hollandais, anglais, suédois, islandais, espagnol, provençal, français, italien, portugais, catalan. En outre MM. V. H. Friedel et Kuno Meyer viennent de publier cinq textes inédits de cette composition . Deux de ces textes sent en prose française et tirés de manuscrits du xiv^ siècle, conservés l'un à Londres, British Muséum, additional 9771, l'autre à Paris, Bibliothèque Nationale, ms. français 763. Vient ensuite un fragment de poème anglo-normand, 364 vers et demi, tirés d'un ms. du xiv^ siècle qui se trouve au Trinity Collège de Dublin et y porte le n" 332. Cette partie du volume est l'œuvre de M. Friedel.

Le quatrième texte est en prose irlandaise, c'est un des nombreux mor- ceaux réunis dans le ms. H. 3.18 du collège de la Trinité de Dublin ; il se trouve aux pages 771-809 et c'est la copie, faite au xviic siècle, d'une traduc- tion rédigée au xvje. Le cinquième texte également en prose irlandaise est extrait du ms. Stowe C. II, 2, xvi^ siècle, qui appartient à la Royal Irish Academy. Ces deux derniers documents ont été publiés par M. Kuno Meyer qui y a joint un index.

IV

Nous sommes bien en retard pour parler du mémoire de M. August Fick, Vorgriechische Ortsnainen aïs Quelle fi'ir die Vorgeschichte Griecheiihinds : « Noms de lieu qui, étant antérieurs à la langue grecque, peuvent être uti- lisés comme source de l'histoire de la Grèce avant l'arrivée des Grecs. » Ce mémoire a paru en 1905 =. Il ne concerne pas l'histoire de la Gaule, mais il peut donner aux celtistes un modèle à imiter. La présence en territoire grec d'un grand nombre de noms de lieu, étrangers à la langue grecque et apportés par les populations qui ont précédé les Grecs, est un fait historique d'une

1. Potthast, Bihliotbecii bisloriùi iih'dii aevi, 2'' édition, p. 109 S, 1098.

2. Goettingen, Vandenhoeck und Ruprecht, in-8", viii-175 pag^-s.

212 Chronique.

haute importance et peut donner lieu à penser qu'un certain nombre de noms de lieu en Gaule et dans les Iles Britanniques peuvent remonter à la population qui dans cette partie de l'Europe a précédé les Celtes. Si la plupart des villes antérieures à l'empire romain ont pu être fondées par les Celtes, les cours d'eau, les montagnes remontent à une date plus ancienne que la conquête celtique et avaient antérieurement à cette conquête des noms qui peuvent avoir subsisté.

De ce que nous disons, il ne se suit pas que nous considérions comme établies toutes les doctrines exposées par M. A. Fick dans ce savant travail. Il ne nous semble point par exemple avoir prouvé, p. loo et suivantes, qu'il faille rejeter la doctrine d'Hellanique de Lesbos suivant laquelle les Étrusques sont des Pélasges qui de Grèce vinrent en Italie'. La doctrine d'Hellanique s'accorde avec celle d'Hérodote, 1. I, c. 94, qui fait de la Lydie le point de départ de cette émigration dont la Grèce a été une étape. M. Auguste Fick est un linguiste éminent, mais, quand il se lance dans l'ethnographie, sa supé- riorité l'abandonne. Etrusciis, dit-il, n'est pas le même mot que Tjp7r,vo:, un surnom des Pélasges, donc la population désignée par le premier de ces mots n'est pas la même que la population désignée par le second. Appli- quons à l'ethnographie de l'Europe moderne le même procédé : nous dirons, il y a en Europe, au xx»^ siècle, trois puissants états : l'Empire allemand, The German Empire, Das Deutsche Reich ; on aurait tort de les confondre.

V

Le troisième fascicule de la Bihliotbcqiif hretoune armoricaine publiée par la Faculté des lettres de Rennes contient un Lexique étymologique des termes les plus usuels du breton moderne ' par Victor Henry, professeur de sanscrit et de grammaire comparée des langues indo-européennes à l'Université de Paris. Enlevé subitement par une angine de poitrine, en un moment il semblait plein de santé, M. Victor Henry €st mort le 9 février dernier à l'âge de cinquante-six ans. La veille M. Barth, comme lui sanscritiste, avait reçu sa visite et rien ne faisait prévoir pour le lendemain la catas- trophe que l'excès de travail, le surmenage, comme on dit, a probable- ment amené.

Le Lexique étymologique de M. Victor Henry est fondé en grande partie sur VU rkelttscîjer SprachschatidtM. Whitley Stokes; il contient cependant beaucoup de parties originales et il est fort apprécié tant en France qu'à l'étranger. Hier, 29 mars, est arrivé à Paris le prospectus de la nouvelle édition que M. Normati Macleod, libraire d'Edimbourg, annonce àtVEtymo- logical Dictionaiy of the gaelic iMnguage, publié en 1896 par M. Alexandre Machain. Dans ce prospectus on lit, que : In the New Edition, récent

1. Hellanique, Phoronis, fragment i ; Charles et Théodore Mùller, Frag- menta historicorum graecoruni, t. I, p. 45.

2. Rennes, Plihon et Hervé, 1900, in-80, xxix-550 pages. Sur les livrai- sons de cet ouvrage, voir Revue Celtique, t. XXI, p. 236; t. XXII, p. 357 ; t. XXIII, p. II 3, "364; t. XXIV, p. 224.

Chronique. 215

Works on Celtic Etymology such as Henry's " Dictionary of Breton Etymology " hâve been carefuUy compared and examined.

Nous ne disons rien ici des nombreux ouvrages écrits par M. Victor Henry sur d'autres sujets que les langues celtiques, sur les langues et la littérature de l'Inde, sur certaines langues de l'Europe. Il y a eu peu de savants plus féconds. Il sera vivement regretté de ses élèves et aussi de ses amis parmi lesquels le directeur de la Revue Celtique prenait plaisir à se compter.

VI

Il y avait peu do jours que ces lignes étaient écrites quand à Paris on a appris par VAthenaeuiu du 13 avril, la mort subite d'Alexandre Macbain, auteur de VEtyi)ioIogical Dictionary ci-dessus mentionné. A. Macbain était dans sa cinquante-deuxième année. Un article nécrologique sur cet érudit écrivain a été publié dans la Celtic Revieiv, vol. III, no 12, p. 381-386. Sa mort arrivée le 4 avril est une grande perte pour nos études. Voir les comptes rendus qu'a donnés de ses publications la Revue Celtique, t. VII, p. 279; t. XVI, p. 117, 118, 348; t. XVII, p. 98, 398; t. XVIII, p. 360; t. XIX, p. 85.

VII

Le mémoire que M. Otto Hirschfeld a intitulé Die rômîschen Meilensteine, « les bornes milliaires romaines » ', est consacré surtout à la géographie romaine de la Gaule. L'auteur, d'accord avec de Caumont et K. L. Roth, constate que la substitution de la leuga au mille romain dans une grande partie de la Gaule date en général du me siècle de notre ère, du règne de Septime Sévère, 193-21 1, probablement de l'année 202. 11 n'y a que peu d'exemples de l'emploi de la leuga avant cette date. Le mot leuga, en français « lieue », ne se retrouve en aucun dialecte celtique, a foit observer M. Zimmer. On peut émettre une hypothèse, c'est que ce mot dérive de la racine qui, en sanscrit, a la forme réduite ruj d'où nijciti « il brise ». Un substantif sanscrit qui en vient, râga-s, « brisure », « maladie », serait la forme masculine du gaulois leuga. Leuga voudrait dire « fraction » et proviendrait de la même racine que le nom du dieu Lugus en irlandais Lug qui signifiait « celui qui brise » parce que dans la bataille contre les Fomoré, les Titans de la mythologie irlandaise, Lug, dit-on, tua d'un coup de fronde à la tête Balor, leur principal guerrier'. L'adjectif vieil

1. Extrait des Stt:(ungherichtc der Kôniglich-priïssischen Académie dar Wissenschajten, IX, 1907, in-80, 37 pages.

2. The second Bat lie of Moytura, publiée par Whitley Stokes, §135, Revue Celtique, t. XII, p. 100, loi. Ceux qui ont fait commencer les Z.et/o'at? à Lugu-duuum comme nous l'apprennent la Table de Peutinger et Ammien Marcellin, XV, 11, 17, semblent avoir eu le sentiment de l'étymologie que nous proposons.

214 (Jjrfl)iiqiic.

et moyen irlandais liio' « petit », littéralement « fragmentaire », pourrait avoir la même origine. M. Hirschfield termine par une étude approfondie sur la substitution du nom d'un certain nombre de peuples gaulois au nom primitif de leur capitale, Parisii au lieu de Lîitecia, etc.

VIII

M. Ch. Renel, professeur adjoint à la Faculté des lettres de Lj-on, a écrit un volume dont le titre est : Les religiois de la Gaule ai'ant le chris- tianisme^. C'est en général une compilation faite soigneusement de seconde main avec les ouvrages de G. de Mortillet, d'Alexandre Bertrand, d'Allmer, de MM. Salomon Reinach, Jullian, Alfred Holder, Dottin, Cartailhac, etc.

L'auteur n'a aucune notion de linguistique. Par exemple il ignore, p. 171, que la diphtongue indo-européenne ei est devenue en latin /long, en celtique e long, que par conséquent dcua est gaulois, d'iua latin et que Dïvona résulte de la déformation latine du gaulois DcuonaK II donne, p. 182, 206, Litgo-dumim, avec 0 final du premier terme, comme la leçon la plus ancienne du nom de L\on, au lieu de Lugu-diuium avec u final du premier terme comme l'a établi notamment M. Hirschfeld, Corpus inscrip- tionum latinariim, t. XIII, p. 246 et suivantes. En conséquence il ne comprend pas la relation établie entre le premier terme de ce nom et le nom du dieu irlandais Lug = *Liigii-s, génitif Logo? = *LugôS'* tenant lieu probablement d'un pr\m\ti( * Lug ouos "i. Autre hérésie linguistique, Taruos, et non tauros, étant le nom gaulois du taureau, comme il le dit, p. 298, il en conclut que Taiirini, Taurisci, Tanriacus, termes géogra- phiques, sont dérivés du nom gaulois du taureau. Il est un peu arriéré sur quelques autres points, ainsi quand il a écrit, p. 335-347, son étude sur le sacerdoce gaulois, il n'avait pas connaissance des gutuatri.

Constatons cependant qu'il signale dans divers musées de province un certain nombre de monuments figurés dont nous n'avions, ce nous semble, pas encore entendu parler.

IX

Il a existé une racine bhedh, bhodh, « creuser », d'où le latin fodio, fossa, le français fosse, fossé, le breton be^, le gallois hedd, fosse l'on enterre les morts, le gothique hadi ^= * bhodio-, l'anglais hed, l'allemand hett.

1. Paris, Ernest Leroux, 1906, in-12, 419 pages.

2. Cf. Brugmann, Griindriss, t. 1, 2^ édition, p. 184, 187.

3. The Battle of Moxtura publiée par Whitley Stokes, Revue Celtique, t. XII, p. 78, 127; cf. Whitley Stokes, Urkeltischer Sprachschat:^, p. 257.

4. Brugmann, Gruudriss, t. II, p. 578.

5 . Sont à cora^^r^r Lug oue s et Lugouibus, Holder, Altceliischer Sprachschat:^, t. II, col. 345.

i

Chronique. 215

« lit ». Dans la sixième édition, du savant EyiiioJogisches IVoerterhttch de M. Friedrich Kluge qui a paru en 1905, on lit, p. 41, que le mot germanique a primitivement désigner la tannière, Tierlager, d'animaux sauvages, Tiere, qui avaient creusé ces tannières dans le sol. Mais comme l'ont dit avec raison plusieurs savants parmi lesquels nous citerons Karl Mùllenhoflf, Deutsche AUertiimshnuie, t. IV, p. 289-291, et M. O. Schrader, ReallexicoH der imlogennaiiischen Alterthiinier, t. II, p. 876-878 (1901), ces animaux sauvages étaient des hommes parmi lesquels un certain nombre de Germains et de Gaulois. Un grand nombre de ces trous, autrefois couverts de bâtiments en bois et terre avec toiture de paille, se rencontrent encore en Allemagne, en France, en Suisse, en Angleterre. Aujourd'hui que les bâtiments n'existent plus ces trous sont souvent des mares pleines d'eau et on les appelle mardelles dans les pavs de langi'.e romane. Mon grand-père, qui en 1800 faisait partie de l'armée française commandée par Moreau et victorieuse à Hohenlinden, m'a plusieurs fois raconté comment s'étant un soir couché dans un fossé, il se réveilla le matin dans un ruisseau.

M. Albert Grenier, dans son volurfe intitulé. Habitations gauloishs ET villas latines DE LA CITÉ DES MÉDioMATRicES ', consacre aux mar- delles du pays des Médiomatrices les pages 31-36. Le nombre de celles dont on a constaté l'existence dans ce petit territoire s'élève à environ cinq mille. Une partie a continué a être habitée sous la domination romaine.

X

Au dernier moment nous apprêtions que notre savant collaborateur M. J. Vendryes vient d'être transféré de l'Université de Caen à celle de Paris. Il va occuper à la Faculté de lettres de Paris la chaire de grammaire comparée précédemment confiée à Victor Henrv qui aura ainsi un succes- seur digne de lui.

H. d'Arbois de Jubainville.

I. Paris, Champion, 1906, in-80, 199 pages, 157'' fascicule de la Bibliothèque de l'École des Hautes Études.

PÉRIODiaUES

Sommai If. I. Zeitschrift fur celtisclie PliiU)logie. II. Eriu. III. The celtic Revicw. IV. Ihe Journal of tlie Society of Antiquaries of Ireland. V. Annales de Bretagne. VI. Indogermanische Forscliungen. VII. Revue des Études anciennes. VIII. L'Anthropologie. IX. Revue des questions scientifiques. X, Revue archéologique.

I

La première livraison du tome VI de la Zeitschrift fur celtische PHILOLOGIE vient de voir le jour. La dernière livraison du tome V date de 1905. Les admirateurs de ce savant recueil se demandaient avec inquiétude s'il n'avait pas définitivement cessé de paraître. Non, il n'est pas mort, le voilà plein de vie.

M. Thurneysen y étudie d'abord la question de savoir à quelle date remonte la collection canonique irlandaise. Suivant lui le ms. de Paris, Bibliothèque nationale, manuscrit latin 12.021, a été copié sur un manu- scrit écrit dans l'abbaye d'Iova, vulgairement lona, en Ecosse, par Cu-Cuimne mort en 747, et qui transcrivait un manuscrit, oeuvre de Ruben ou Rubin mac Connaid ; celui-ci était un scribe de Munster, mort en 725.

Dans l'article suivant, M. Thurneysen s'occupe de la date à laquelle il faudrait placer le Martyrologe d'Oeugm, dont M. Whitlev Stokes a donné la seconde édition en 1905 '. M. Thurnevsen met la rédaction de ce document entre les années 797 et 808.

Et ensuite est placé le morceau le plus long de la livraison, c'est la vie irlandaise de Guy de Warwick, inédite jusqu'ici en cette langue et publiée d'après le ms. H. 2. 7, p. 300 et suivantes, du collège de la Trinité de Dublin, xve siècle-. L'auteur de cette édition, M. F. N. Rohinson, professeur à Harvard University, Cambridge, Massachusetts, États-Unis d'Amérique, donne le texte irlandais en le faisant suivre d'une traduction- Il nous promet la publication prochaine de la vie de Bevis de Hampton,

1. Sur cette édition, voyez Revue Celtique, t. XXVII, p. 104, 105.

2. Des extraits de ce texte ont été insérés d'après le même manuscrit en 1889, par M. Max Nettlau, dans !a Revue Celtique, t. X, p. 187-190.

Périodiques. 217

p. 348 et suivantes du même manuscrit'. Ces deux ouvrages irlandais paraissent être des arrangements de rédactions anglaises de deux romans du moyen âge dont on a aussi des rédactions françaises.

Les quatrième et cinquième articles, l'un de M. H. Gaidoz, l'autre de M. L. Ch. Stern ont pour objet l'usage du supplice appelé en français crapaudine. M. Gaidoz a trouvé ce supplice dans la littérature galloise et dans le folklore irlandais. M. Stern en signale un exemple dans V Odyssée et d'autres dans le folklore des Highlands d'Ecosse. Son usage dans les armées anglaise et française est chose bien connue.

Le sixième article, comme le quatrième à M. Gaidoz, traite du cuir d'Irlande dans les Mahi)iogwn.

Le septième article, précédé du portrait de Jean Gaspard Zeuss, contient le compte rendu détaillé de la cérémonie faite le 22 juillet dernier pour célébrer le centenaire de l'éminent savant bavarois. L'auteur, M. Maximi- lien Pfeiffer, bibliothécaire à Bamberg, reproduit les discours prononcés à Bamberg par MM. Anton Dùrrwàchter, professeur au lycée de Bamberg, qui parla de Zeuss historien; Kuno Meyer, professeur à l'Université de Liverpool, qui exposa les découvertes linguistiques de Zeuss. Viennent ensuite les quelques paroles prononcées au cimetière par douze orateurs, Dr. Hartung, recteur du lycée de Bamberg, Geheimrat Heigel, président de l'Académie des sciences de Bavière, les professeurs Roethe de Berlin, Schrôder de Gôttingen, Delbrûck de Jena, Kuno Meyer de Liverpool, M. Joseph O'Neill de Dublin, le Bûrgermeister Kempf, le D^ Bayer, recteur à Bamberg, le D-" Haas représentant le Wilhelmsgymnasium de Munich, le D"" Chroust, professeur à Wùrzburg, enfin le D"" Pfeiffer, bibliothécaire à Bamberg.

Le huitième article, à M. L. Chr. Stern, contient le texte et la traduction d'une pièce de vers galloise dont l'auteur est le poète célèbre Dafvdd ab Gwilym qui vivait au xive siècle.

Avant les comptes rendus de livres, on trouve groupés sous le titre de Mélanges, Miscelleii, la traduction par M. R. Thurneysen de la strophe 57 de Vlmram Snedgiisa ociis niic Riagla ; des corrections et additions par M. Whitley Stokes à sa seconde édition du Martyrologe d'Oengus, des corrections de M. L. Chr. Stern à son édition du Tochmarc Elaine {Zeitschrift fi'ir Cdtische Philologie, t. V, p. 524, 530, 533); enfin une note de M. H. Krebs sur l'emploi du vqx\)C glaiiio « débarquer » en gallois.

II

Eriu qui, comme la Zeitschrift fiïr Celtische Philologie, n'avait pas eu de livraison en 1906, vient de paraître à nouveau. La première partie du t. III nous est parvenue. Elle contient douze articles :

Homélie irlandaise publiée d'après le Livre jaune de Lecan, col. 397 et s., pages i'^^-i6^, du fac-similé. Ce texte est accompagné d'une copie

I. Des extraits de cette seconde piice ont été donnés d'après le même manuscrit par M. Max Nettlau, Rei'ue Celtique, t. X, p. 190-191.

2l8 Périodiques.

rcctilice et d'une traduction par M. Straclian. Cette liomélie avait déjà été donnée par M. Kuno Meyer dans la Zeilschrifl fi'ir CeJtische Philologie, t. IV, p. 241 et s., d'après le nis. 23. P. 2, de l'Académie royale d'Irlande.

Note de M. Whitley Stokes sur deux expressions irlandaises Idvi soscc'li, « main de l'évangile » pour « main gauche », Idtii beiuiachtan, « main de bénédiction » pour ^ main droite ».

30 Poème religieux anonyme publié et traduit d'après le Leahhar hreoc, p. 262 b, par M. Kuno Mever.

Note M. J. H. Lloyd discute la question de savoir était situé Cnoc Rire, localité mentionnée dans l'abrégé irlandais de VExpitgnatio hibcrnica de Giraldus Cambrensis. Cet abrégé irlandais a été publié par M. Whitley Stokes en janvier 1905 dans The english historical Review, t. XX, no 77.

50 Note de M. R. Thurneysen sur certains changements subis par l'initiale des verbes irlandais après des préfixes.

Etude par M. Strachan sur divers changements de l'initiale des verbes en vieux gallois.

7" Poème irlandais sur le Jour du Jugement, publié avec traduction par M. O'KeefFe d'après un ms. des Franciscains de Dublin.

Corrections par M. Whitley Stokes à son édition de la Langue toujours nouvelle, Éfiu, t. II, p. 98 et s.

M. Gustav Hamaltûn recherche pouvait être situé le Bruiden Dd Derga, c'est-à-dire le château que rendit célèbre la pièce intitulée Togail Bruidne Dd Derga, « Destruction de Bruiden Dd Derga », publiée par M. Whitley Stokes dans le tome XXII de la Revtie Celtique, et est raconté comment vers l'an 40 avant J.-C, périt Conaire le Grand, roi suprême d'Irlande'. Suivant \q Scèl imicci Mac Dd Thà, § i, Bruden Dd Derga, se trouvait dans la province de Cûala, au génitif Cùaland-. L'auteur veut plus de précision.

10° M. Eoin Mac Neill cherche a établir le sens précis du vieil irlandais tiiocu qu'Adamnân paraît avoir traduit par l'ablatif latin gente de gens et qui désignerait un groupe de parents descendant d'un ancêtre commun, vraisemblablement mythologique, le dieu protecteur, souvent la déesse protectrice de la famille. Moai aurait trois synonymes, ddl et corcu qui se place comme iiiocii avant le nom propre et rige qui se place après.

Il» M. O. J. Bergin étudie à fond les règles de la palatalisation des consonnes en irlandais, phénomène dont O'Donovan a parlé dans A Gram- niar of the irish Language, p. 27 et suivantes. Cet article a servi de thèse de doctorat à l'auteur devant l'Université de Fribourg-en-Brisgau en 1906. Cette thèse, intitulée Coiitrihiitioii to the history of palatalisation iti old irish,

1. Annales des quatre maîtres, édition d'O'Donovan, t.I,p.90, 91 ; Annales de Tigernach, publiées par M. Whitley Stokes, /?«';/« Cf/^/r/wc, t. XVI, p. 405 ; Flathiiisa Prend dans le Livre de Leinster, p. 23, col. i, 1. 47-48.

2. Windisch, Irische Texte, t. I, p. 96, 1. 8.

Pénoâlques. 219

forme une brochure in-80 cie 46 pages. Cordiales félicitations au nouveau docteur.

12° Règle d'Ailbe d'Enily, publiée avec traduction d'après quatre manuscrits, par M. Joseph O'Neill. Ailbe, archevêque d'Emly, mourut dans la première moitié du vi^ siècle, probablement en 535. C'est la date sur laquelle s'accordent les Annales d'Uhter'' et les Flathiusa Erend'. Il ne s'en suit pas que cette pièce remonte au vie siècle. Des auteurs obscurs, désirant le succès de leurs écrits, ont souvent mis leurs œuvres sous le nom d'un homme illustre, mort depuis longtemps, et qui ne pouvait réclamer.

III

The celtic Review, du 15 janvier 1907, débute par un article de M. Arthur Hughes, qui vante le poète gallois du xii^ siècle Gwalchmei ap Meilyr5. A l'appui de ses dires il donne avec traduction une édition mutilée du poème intitulé Gorhofet Gwalchniai*. Il la donne sans prévenir qu'il a retranché la plus forte partie des vers 5. Puis M. Mackinnon continue son édition du Glenmanasan Manuscript ; M. A. Maclean Sinclair raconte l'histoire des Macneiil de Barra, du xiie siècle au xix^; M. Charles Robenson poursuit son étude des dialectes gaéliques d'Ecosse; M. W. J. Watson donne un relevé des noms de lieu d'Ecosse se rencontre le terme gaélique innis « île », écrit par les Anglais inch, et qui s'oppose au synonyme eilcan, celui-ci d'origine Scandinave; M. Kenneth Macleod dans un article intitulé TheCell and the Sea donne la traduction de plusieurs fragments de poèmes gaéliques la mer apparaît ; M. David Mac Ritchie proteste contre ceux qui croient qu'au temps de Jules César les Celtes étaient des sauvages au corps peint et d'une civilisation très inférieure à celle des Romains ; M. Kenneth Macleod nous offre une nouvelle version d'un récit légendaire qui appartient au folklore gaélique d'Ecosse, le Chevalier du bouclier rouge, Gaisgeacli na sgeitbe deirge. Le dernier article est au professeur H. H. Johnson, il y commence un relevé des villes qui, suivant la tradition populaire, auraient été englouties par les eaux. Après les comptes rendus de livres vient sur la dernière page une note philologique de M. Alexandre Macbain : la Clyde, rivière d'Ecosse qui passe à Glasgow,

1. Annales d'Ulster, édition Hennessv, t. I, p. 44, 45.

2. Whitley Stokes, The tripartite Life of Patrick, t. II, p. 514. Cette date semble préférable à 941 proposée par les Annales des quatre viaîtres, édition d'O'Donovan, t. I, p. 182, 183, principalement note c, et par le Martyrologi de Donegal, 15 septembre, p. 246, 247 de l'édition donnée par Ô'Donovan, Todd et Reeves en 1864.

5. Robert Williams, A hiographical Dictionaryof eniinent Welshmen, p. 190,

4. The Myvyrian, 1870, p. 142-144.

5. Les vers premiers publiés et traduits par M. Arthur Hugues sont dans l'édition du Myvyrian ceux qui peuvent être numérotés i, 2, 5-12, 33, 34, 4ti,A2, 57, 58. Manquent les vers 3,4, 15-32, 35-40, 43-56. Ainsi du reste. Est-ce ainsi qu'en Ecosse on traite les odes d'Horace?

220 Périodiques.

porte un nom dont la forme primitive Clouta ne doit pas être confondue avec le nom d'une rivière du pays de Galles, la Chvyd = Clcita.

IV

Dans le Journal of the royal society of antiquaries of ireland, décembre 1906, nous signalerons une histoirede la seigneurie desMacCarthy Môr dont le chef Dermot était roi du Munster méridional, Desmond, lors de l'arrivée d'Henri II en Irlande ; l'auteur de cet article est M. W. F. Butler, professeur au Queen's Collège de Cork. Puis nous mentionnerons le mémoire de M. W. J. Knowles sur une fabrique de haches de pierre près de Cushendall dans le comté d'Antrim, partie nord-est de l'Irlande. M. Knowls a trouvé plusieurs de ces haches en pierre éclatée et en pierre polie, des gravures accompagnent son article. D'autres gravures représentent des broches que l'on croit de fabrication Scandinave et qui ont été trouvées dans le comté de Down également en Ulster, à une profondeur de neuf pieds anglais ; ce sont les monuments d'une autre civilisation.

Parmi les ouvrages dont cette livraison rend compte, nous signalerons comme étant d'un intérêt général : The dioccse of Liiiienck ancienl ami médiéval par le Rev. John Begley.

La livraison des Annales de Bretagne, qui est datée de janvier 1907, débute par un mémoire de M. G. Mollat : le titre de ce mémoire est « Études et documents sur l'histoire de Bretagne » ; la première partie concerne les démêlés d'un évêque de Rennes et d'un vicomte de Beaumont au xive siècle; la seconde est relative à la date du martyre de saint Dona- tien et de saint Rogatien qui habitaient Nantes et qui, selon une tradition de valeur contestable, auraient péri dans la persécution de Dioclétien. Le second article, écrit parDom Malgorn, contient plusieurs morceaux bretons fournis par le folklore d'Ouessant. Parmi les six articles suivants quatre se rapportent à l'histoire moderne et nous les passerons sous silence; nous appellerons l'attention de nos lecteurs sur la continuation des « Mélanges d'histoire bretonne » écrits par M. Ferdinand Lot; elle nous fait remonter au ixe siècle, met en présence Nominoé, Erispoé, et l'empereur Lothaire, puis elle traite de la destruction par Nominoé du monastère de Saint-Flo- rent-le-Vieil, Maine-et-Loire. Nous avons déjà parlé, p. 98 et 99, du mémoire de Dom L. Gougaud sur l'itinéraire de saint Colomban venant en Gaule.

VI

Le tome XX des Indogermanische Forschungen nous offre quelques rapprochements étymolologiques intéressants pour l'étude de l'irlandais, du gallois et du breton. Voir l'article de M. Gunther sur les prépositions dans les inscriptions dialectales grecques, celui M. Brugmann parle des

Périodiques. 22 1

îiox.xi vi-oo;; de VOdyssce, celui de M. N. Van Vijk sur Vablaul indo-ger- manique et surtout les Etymologisclie Misiellcn de M. Cari Marstrandtr.

VII

Dans la Revue des études anciennes, t. IX, janvier-mars 1907, la plus forte partie du numéro est consacrée aux antiquités nationales : d'abord sous le titre de question hannibaliques, une étude de M. Juliian, aidé de plusieurs collaborateurs, sur le passage d'Hannibal dans le midi de la Gaule, quand d'Espagne, en 218, il se rendit en Italie. On trouve ensuite un mémoire de MM. Robert Laurent et Charles Dugas sur le monument romain de Biot, Alpes-Maritimes, qui paraît remonter à l'époque d'Auguste. Y sont jointes trois planches représentant, d'après ce monument, des casques gaulois, des trompettes gauloises, un sanglier-enseigne, etc., enfin deux planches sont réunies, d'après d'autres monuments, des reproductions de casques et de trompettes gauloises à comparera celles que nous offre le monument de Biot. M. de la Ville de Mirmont traite de l'astro- logie chez les Gallo-romains; ce savant travail copieusement annoté mérite une sérieuse attention. La chronique gallo-romaine de M. Juliian toujours fort intéressante est un recueil de courtes mentions qu'à notre grand regret nous ne pouvons analyser.

VIII

L'Anthropologie, t. XVII, no de novembre-décembre 1906, contient un article de M. Lucien Mayet sur « la question de l'homme tertiaire », sujet fort curieux, mais sur lequel la Revue Celtique est incompétente.

IX

En 1899, dans le tome X, p. 397-409, de V Anthropologie , M. Salomon Reinach a publié un savant article intitulé ; Un nouveau texte sur l'origine du commerce de rétain. Corrigeant en Midas phryx le Midacritus de Pline, Histoire naturelle, IX, 197, et justifiant cette correction par deux textes cor- respondant, l'un chez Hygin, fabula 274, l'autre chez Cassiodore, Varianun III, 51, il établit que la marine phrygienne atteignit avant les Phéniciens, les Iles britanniques et aussi avant eux s'y approvisionna d etain. Elle dut par conséquent très anciennement aborder en Espagne. Dans deux articles de la Revue DES questions scientifiq.ues, octobre 1906, janvier 1907, et dont il existe un tirage à part mis sous nos yeux par l'auteur, M. L. Siret, p. 1 1 de ce tirage à part, insiste sur la prochaine parenté du néolithique espagnol avec les découvertes faites par M. Schliemann en Asie-Mineure sur l'emplacement de Troie à Hissarlik '. Ainsi la civilisation préhistorique

I. On peut par exemple comparer, dans la première planche de M. Siret, les figures 48-52 avec les figures que contient le chapitre v de Yllios de Schliemann, traduction de M"ie Egger, p. 289, 290.

222 Périodiques.

d'Hissarlik, c'est-à-dire la civilisation phrygienne préhistorique, a précédé en Espagne celle des Phéniciens et par conséquent aussi celles des Celtes. D'autre part, les Celtes ne sont pas en Espagne, suivant M. Siret, les premiers envahisseurs venus du Nord. Les Celtes ont été précédés en Espagne par un autre conquérant septentrional qui a introduit dans la péninsule la civilisation du bronze. Pour M. Siret ce conquérant est anonyme. Nous risquerons un nom, celui des Ligures.

Dans la Revue ARCHÉOLOGiacE, nous signalerons : no de novembre- décembre 1906, p. ^58-341, description des objets recueillis dans une sépulture à char, explorée le 21 janvier 1876, à Sablonières, canton de Père en Tardenois, arrondissement de Château-Thierrv; les objets découverts alors font partie de la collection Moreau conservée au Musée de Saint-Germain-en-Lave. Aux pages 472, 493, la Revue des publications épigraphiques de MM. Cagnat et Besnier, signale des inscriptions romaines se trouvent des noms propres gaulois au nominatif et au génitif : Adna- mata, Carvecioni f[ilia] ; Absucus Adnamonis f(iliusj, Danuius Diassumari f[ilius], et au génitif seulement : Jovincati Sumaronis.

No de janvier-février 1907, p. 31-37, un article de M. Vercoutre sur l'autel des Xautae parisiaci conservé à Paris, au Musée de Cluny. Suivant l'auteur, les personnages armés de lances font partie d'une œhors Jtiiutaru)!!. Un autre groupe, les eurises, sont des ouvriers constructeurs de bateaux, des fabri tiguarii\ le mot eurises serait dérivé de la racine d'où provient la forme verbale i-euru dont le premier terme paraît être un préfixe. Les Senaiii, troisième groupe, sont des déchargeurs de bateau. Aux p. 38-50, M. Dechelette étudie l'antique usage de la peinture corporelle et du tatouage ; aux p. 94-118, M. Joulin décrit les substructions antiques dont il constate l'existence à Toulouse et aux environs.

H. d'Arbois de Jubain ville.

Nota. Nous renvoyons à la livraison suivante le compte rendu de VArchaeologia Cainbrensis, 6^ série, t. VI, qui ne nous est pas encore parvenu et celui des deux premières livraisons du tome VII dont nous n'avons reçu que la seconde.

CORRECTIONS

P. 17, 1. 4 du texte, an lieu lie d'une vache, /w^ de vaches. P. 53, 1. 6 et 9, au Heu de Meiiapii, lisez Maiiapii.

ADDITION

Dans tome XXVII, p. 3 19, de la Revue Celtique, nous avons publié une photogravure du menhir de Kervadel, aujourd'hui à Kernuz, l'on voit représenté un Mercure accompaoné d'un enfant. Ce Mercure est, suivant nous, la représentation gallo-romaine du dieu celtique Lugus, en irlandais Lug, et l'enfant placé à côté de lui est son jeune fils connu en Irlande sous un surnom à un acte merveilleux accompli par cet enfanta l'âge de six ans et qui l'a fait appeler chien du forgeron Culann, Ciichulainn.

Un monument semblable et d'une beaucoup plus grande valeur artistique, mais malheureusement détruit aujourd'hui, a été découvert à Melun, en 1812.

Dans le volume intitulé : Mémoires lus à la Sorhonne dans les séances extraor- dinaires du comité impérial des travaux historiques et des sociétés savantes les jo, _,'/ nmrs et i^^ avril 1S64. Archéologie, p. 20 et suivantes, M. Eugène Grézy a publié, avec accompagnement de planches, un rapport lu à la 3e classe de l'Institut de France, le 14 août 1812, par l'académicien Antoine Mongez. On y trouve ce qui suit : « Les planches II et III présentent de profil et de face un groupe de deux figures mutilées, l'une de grandeur naturelle, l'autre plus petite d'un tiers. La plus grande a été brisée à la poitrine, le col et la tête sont perdus. La tête de la seconde, qui est la plus petite, manque seule. Les débris d'un caducée, d'une bourse, d'une tortue surmontée d'un coq, de petites ailes attachées aux chevilles des pieds font reconnaître Mercure dans la plus grande qui est nue. Elle parait être appuyée sur un cippe contre lequel est adossée la petite figure qui est vêtue d'une tunique sans manches, liée avec une ceinture, et qui porte une chaussure fermée. Le style de ce groupe est celui des bas-reliefs et des statues trouvées à Metz, à Framont, à Maubeuge, etc., appartenant aux Gaulois qui vivaient sous la domination des Romains.

« Les attributs de la grande figure font connaître Mercure. Q.i-i'int à la seconde, elle en est dépourvue. On peut remarquer seulement qu'elle sup- porte avec ses deux mains ou qu'elle touche la bourse du dieu On

224 Addition.

aperçoit les vestiges d'une tête entre les deux figures et l'on ne peut rien dire sur un objet si peu distinct. »

Telle est la prudente conclusion d'Antoine Mongez : nous serons plus hardi. Cette tête qui apparaît derrière et au niveau du genou de Mercure, derrière et au niveau des fesses de l'enfant, semble être celle d'un des fils de Necht, ces trois redoutables guerriers que le jeune fils de Lug, quoique âgé de sept ans seulement, tua dans trois combats singuliers et dont il emporta les trois têtes, comme nous l'apprend le Tdiii ho Cùalnge. C'est M. Camille Jullian, notre savant confrère et collègue, qui nous a signalé la publication de M. Grézy et par conséquent le rapport de Mongez.

H. D'A. DE J.

Le Piopriétdiie-Gcrant, H. CHAMPION.

MAÇON, PROTAT FRERES, IMPRIMEURS

M F. R CURE DÉCOUVERT A MKLUN F.N ]8l3

LE (( PAIN GALATE »

Dans une Expositio totiiis Dinndi et gcnliiiiii, écrite sous Cons- tance (entre 351 et 358), à Antioche ou à Alexandrie, l'auteur anonyme, caractérisant en quelques mots les provinces de l'Empire et les productions de leurs grandes villes, achève ainsi sa notice sur la Galatie : « Hahet civitateiii jiiaximam quae dicitur Ancyra ; divinum panem et eminentissiniuDi uianducare dicitur ' »

Cette épithète de divin appliquée à un pain ne laisse pas d'étonner ; même chez un écrivain du iv^ siècle, diviiius ne s'emploie que par rapport aux dieux ou aux empereurs. Ainsi notre chorographe, en faisant allusion aux chevaux de Cappa- doce, pourra parler de diviiionini auinialiuni fonnositas, parce que ces coursiers fameux sont réservés à l'Empereur. Il n'en sau- rait être autrement du pain gnlate; s'il est qualifié de diviniis, cen'est pas seulement qu'il est exquis, mais qu'il n'est pas sans quelque relation avec la divinitas.

I. C. MûUer, Geogr. Graeci Minores, II, p. 521 ; A. Riese, Geogr. Latini Minores, p. 115. Deux éditions critiques de V Expositio ont été données par G. Lumbroso (Rome, 1903) et par Th. Sinko (Archiv. f. tat. Lexikogr., 1904) avec un essai de commentaire. Ils ne paraissent avoir remarqué ni l'un ni l'autre le sens de divininn dans ce passage, bien que les autres exemples de l'emploi de ce terme confirment qu'on n'a pas à faire à un simple équivalent d'eniinentissiiniim. Sont dits divins : les choraules d'Héliopqlis parce que a Lihano Mtisac illis inspirent divinitateni dicendi (204) ; rEg3'pte, surtout connue a dits (272) ; le feu qui a consumé la vieille basilique de Nicomédie, car on le dit de caelo descendisse (366); enfin les divina aedificia de Rome Schultze (Gesch. d. Untergangs d. Heidentlmins, I, 117 ; II, 211) voyait les l;eitigen gebâuden. L'auteur était, en effet, proba- blement chrétien ; en tout cas, ce qu'il dit des Caniarini, habitants légen- daires de l'Edeu indien, qui panem caetesteni cotidianuni iwcipiunt, montre qu'il connaissait l'histoire de la manne. (Cf. Jean, VI, 39 : qui niandncat panem caeîestem.)

Revue Celliq ne, XXJ'III. i S

226 A.-J. Ki'iiKich.

Or, d'une part, on sait, par Athénée, que la Cappadoce produisait un pain très apprécié pour sa légèreté et pour le mélange de lait, d'huile et de sel dont il était imbibé ' ; d'autre part, Arnobe nous apprend que les prêtres et les mystes de la Magna Mater, dont Ancyre, comme Comana ou Pessi- nonte, était une des capitales, s'abstenaient ah aUmonio panis^. On ne peut guère admettre qu'il s'agisse d'une abstinence complète et totale de cet aliment essentiel. Il n'y aurait pas

1. Athen. III, 113e: T:apà xotç "EÀXriTi y.aXctTai tiç apio; AIIAAOil àpT'jfj[X£Vo; yâÂaxxt oÀtyio /.ai. âXaiw /.at àXalv àpxîxoï;' otl SI ttjv aaTEpiav àv£i|j.£viriv :rot£rv oOto; b apioç Xs'yciai KaTTraoozio;, è-jtôfj iv Ka7:-aooz!a /.aià To jzXeïaiov ÔLT.aKÔc, ap-o; ytvExau Cet apalos, qualificatif du pain cappa- docien qui a fini par lui donner son nom, a proprement le sens de mou, de frais : c'est ainsi qu'on appelle à-aÂo: rupo; le fromage nouveau. Le lait et l'huile, dont l'adjonction rend mollet le pain cappadocien, contribuent en même temps à accroître son caractère sacré. Cf. H. Usener, Rljeitt. Mus., 1902, p. 182. L'huile de Galatie était également réputée (Plin., XV, 31), sans doute dans le sud d'où on l'exportait par les ports de Pamphylie (cf. Expositio, 1. 337).

2. Arnobe, Adv. iial., V, 16. S. Jérôme répète la même chose, Epist., CVll (Migne, t. XXII, p. 687) : ne sciticet Cereatia doua coiilaminenf ; adv. lovian., II, 17 (t. XXIII, p. 354^ : jejimium panis. Ces témoignages et le pas- sage plus général de Tertullien (De Jejiinio, 2 et 15-6), qu'on a eu tort de prendre à la lettre, me paraissent sans valeur dans l'espèce, non seulement à cause de l'eff'ort continuel de leurs auteurs pour rendre ridicules et odieux les rites phrygiens, mais à cause des erreurs même que permet de contrôler le passage du discours de Julien â-.; -■>,'; MïjTipa twv (}zmv (Orat., V, p. 176, Hertlein), qui énumère avec précision toutes les interdictions alimentaires des Mègatésia : les fruits (tojv oivop'ov ;j.r,Àa) en général et spécialement la grenade (ôoCoi) et la datte (çoiv.?), les légumes rampants (Xayavo! yaaatÇrpvOt) notamment une sorte de radix (p^Ça) et de rave (yoYYuX;;), les poissons (r/0'j£:), le porc (yoipo;) et quelques oiseaux dont, probablement, la colombe (cf. Cornutus, Tlicol. Graecae compeiid., 6, éd. Lang.). Arnobe (V, 6) permet d'ajouter le vin et Athénée (X, 422) l'ail. Enfin il est question de iKép^i-x-y. en général : les poissons, dit Julien, sont interdits parce qu'il sont ■/Ôov.fjjxîpot Tôiv CT-£p[j.âT'ov ; il paraît donc s'agir de tout ce qui vit dans la terre, germes et semences, et non des grains des céréales en maturité. Arnobe n'a pas compris ou n'a pas voulu comprendre tout ce qu'il dit des débauches des mystes de Cvbèie n'eût plus eu de fondement— le sens de casliis (Marinus, Vita Procli, 19, parle de x.a7T£!a'. mensuelles) dans la langue des mystères : il l'explique par temperatio ah alimoiiio paiiis, alors que castus comme àyiatcla désigne la pureté rituelle, jeûne et chasteté. C. Pascal a montré qu'aux Cereatia de Rome, Cereris casliis signifiait, non l'abstinence du pain (le sacrifice qu'on offrait au jour du jejuiiitim Cereris était composé sue praegnanle panibusque), mais l'abstinence des rapports sexuels ; d'ailleurs le pain emplové ad sacra, aux Cereatia comme aux Vestalia, était dit paiiis castus ou viola casta : c'était une pâte de forine pétrie avec du sel dans de l'eau sacrée et cuite en un four spécial (cf. Pascal, Studi di Aiitichita e Mitologia, 1896, p. 213).

Le Pain Galate. 227

seulement impossibilité physique, mais aussi invraisemblance religieuse : la Magna Mater n'est elle pas, avant tout, la divi- nité qui a donné le froment aux mortels et leur a enseigné l'art de s'en servir ? Comment mieux lui témoigner son ado- ration qu'en consommant ce grain qui est son œuvre {\r^\J.T^T^poq ày.--(^, friix Cereris) et dans lequel elle s'incarne? Aussi faut-il que le grain soit pur, préservé de toute pollu- tion et de toute fermentation en un mot, il faut qu'il soit a:(yiiie : c'est le pain bénit, panis divinus.

On sait qu'avant la découverte du levain, le pain n'était par- tout qu'une galette de grains d'orge, puis de blé, broyés et cuits et qu'il resta généralement tel puis ou mola dans les usages religieux. Ce n'est pas seulement à titre d'innova- tion que le pain levé, d'invention assez récente, devait être exclu de toute cérémonie rituelle ; cette corruption manifeste, par laquelle se traduisait l'action du moût", comportait un caractère d'impureté incompatible avec toute pratique reli- gieuse. Comme le seul pain azyme était permis aux Phéniciens pendant les fêtes d'Adonis et aux Juifs pendant les Pâques, ainsi, sans doute, durant les mystères de leur déesse, les fidèles de la Magna Mater devaient s'abstenir de tout pain levé, comme ceux de Déméter ne pouvaient toucher qu'au kykéon \ C'est probablement pour rendre plus agréable ce pain sacré, divinnm panem, qu'on fut amené, en le trempant dans le mélange dont parle Athénée % à créer l'apioç Ka-zaoiy.toç

I. Sur la nature du Jcylcéoii, cf. Lobeck, Aoloapliaïiius, p. 1050; Mannhardt, Mytiiol. Fersctningen, p. 225 ; Preller, Déméter iiiul Peiséptjoiié, p. 98. Il ne serait pas difficile de montrer que, en Grèce comme ailleurs, toutes les fêtes d'origine agraire comportent l'offrande de gâteaux d'orge, puis de farine, non levée : c'est, aux Pvanopsies, Veirésiéiié chargée de n'ova; àpxo'jç ; aux Thargélies les /'/wrwrtA-o/ nourris de iiia:(a et de lyros; aux Thesmophories, ou Mcgatartid l'àyaivr) cftiaxo? '£ij.7:Xcfo; ; aux Diaisies, \kts pciiniiata en forme d'animaux; aux Hyakinthies, les galettes d'orge à l'huile et au miel appelées harax ou physiltiltos ; les mylloi de Déméter Sitô à Syracuse ; à Épidaure le ■KfKmo^dàt santé, xi-^izir».-^ les oiitai et outoctiytdi etc. Cf. Vn\zQ,Hen)ies, 1897, 236 ; Stengel, ibid., 1894, 281 ; 1896, 477, 625 ; 1903, 567 ; Arctnv. f. Rcti- gioiiswisscnsctkift, 1904, 457. Roscher, ilv'd., 1904, 419 et Ahtmndl.d. sdctjs. Ges., 1904, 105.

2. Il ajoute qu'une galette toute semblable, additionnée d'essences de fleurs, portait en Syrie le nom de ^ayt^â : c'est apparemment celle que Théocrite décrit aux Adonies d'Alexandrie sous le nom de ces popatia composés de farine, d.'huile, de miel et de sucs de fleurs (XV, 115). Toutefois, chez les

2 28 A.-J. Rcbiach.

qui jouissait encore au iV siècle d'une telle réputation qu'il pouvait sembler aux chorographes du temps le produit le plus caractéristique d'Ancyre.

D'importantes découvertes épigraphiques sont venues récem- ment ajouter un nouvel intérêt à rh3'pothèse que l'on vient d'indiquer. Au sud-ouest de la Galatie, dans une région com- prise entre Ikonium, l'on adorait Démèter comme Dêkn- nia~os, les Limnai (lacs Egerdir et Hoiran) et le lac Karalis, qui fut une des regioiics de la province romaine sous le nom de Phrygia Galatica, M. Ramsay a recueilli une vingtaine d'ins- criptions qui se rapportent à une même association religieuse florissante au temps des Sévères : les Xé7ioi Tekiiioreioi. Ce sont de longues listes de cotisations, allant de 900 à 6000 deniers, souscrites par les -sY.[j.opeÙGxv-eq, c'est-à-dire par ceux qui sont entrés dans l'association en donnant un certain gage solennel, pour lequel on a ressuscité un vieux terme homérique, conservé dans le vocabulaire orphique, le T£y.[j.ojp '.

Quel peut être l'objet de ce signe qui donne accès dans la confrérie et qui lui a valu son nom ? M. Ramsay a cru pouvoir affirmer que toutes les localités dont sont originaires les membres de la confrérie se trouvent sur les domaines impé- riaux d'Antioche de Pisidie; comme, de plus, l'invocation

oia[j-ov^ç se lit en tête de leurs listes et que le produit des coti-

Sahéens du Haûran, qui ont conservé le culte sous sa forme primitive, il est défendu pendant les fêtes de Tâ-uz (Adonis-Tamuz) de toucher à quoi que ce soit qui ait été broyé dans une meule (cf. Frazer, Golden Boiigh, II, 1900, 288; Adonis, 1906, p. 131). Adonis est, en effet, à l'origine, l'esprit de végé- tation incarné dans le germe du blé, 6 aïro; 6 azî'.pô'xz^/oç. Aussi, pour s'incorporer le Dieu par communion ne devait-on pas l'avoir tué au préa- lable sous le pilon ; il fitllait le manger tout cru ou seulement grillé. On sait que les Hébreux, notamment, consommèrent l'orge ou le blé torréfié sur des pierres plates, puis bouilli à l'eau, bien avant d'oser le piler et le pétrir en galette. Plus tard, on se contenta de défendre de déformer le pain sacré en le faisant fermenter (azyme) ou en le mâchant (iiostie). C'est cette idée de cuisson qui paraît dominer dans panis, popanou, pcniniata (cf. peptos, cactus, radical pcg), comme dans bckos, nom primitif du pain en Phr\'gie (Herod. II, 2) ou en Chvpre (Hipponax, fr. 82, Bcrgk).

I. Historical Geography of Asia Minor, p. 410 (Londres, 1890); Cities and Bishoprics oj Phrygia, p. 359, 650 (Oxford, 1895); Stiidies in tJje history and art of the eastern Provinces of the Roniain Empire, p. 319 (Aberdeen, 1906).

Le Pain Galate. 229

sations paraît employé en partie à l'acquisition d'objets de culte et d'effigies des empereurs ou des dieux nationaux, il a pensé qu'il s'agissait d'une association constituée sous la direction du procurateur des domaines impériaux et sous les auspices de l'empereur; son but aurait été d'associer plus étroi- tement le culte impérial à celui des divinités locales, par manière de protestation contre les doctrines chrétiennes qui menaçaient à la fois le culte des empereurs et celui des vieilles divinités du pays. Le xi%\xiùç> aurait été une sorte de ser- ment de fidélité h. l'empire et à sa religion ; ceux qui l'auraient prêté et auraient été inscrits derechef sur le rôle des Te-ÂiJ-opeîct donnaient, par là, la même preuve de loyalisme et d'adhésion au culte officiel que les Jibellatici en soussignant leur certificat de participation aux sacrifices et repas sacrés. Le -i%\jMÇi ne serait ainsi qu'une forme de lihellus.

Quelque séduisantes que soient ces déductions, il faut remar- quer que les prémisses de M. Ramsay demeurent bien fragiles. Des cent trente-cinq localités citées dans les listes, une seule dépend sûrement du domaine impérial ; quant à l'invocation des divi impériaux sur le même pied que les dieux nationaux, elle est loin de constituer aux Tehnoreioi ce caractère exceptionnel sur lequel est fondée l'hypothèse du savant anglais. On peut affirmer, au contraire, que cette adoption du culte impérial était, pour les confréries religieuses d'Asie Mineure, comme la for- malité préalable et nécessaire à leur autorisation '. Je n'en rap- pellerai qu'un exemple, celui des Ka'.aapatTraf, des environs de Mosténé en Lydie, dont le souvenir eût pu rendre service à M. Ramsay : on le connaît par un décret^ que cette association de Caesariastes rend en l'honneur d'un juge de paix de la localité, vopLOipjAa;, de sa femme et de ses fils, pour avoir avancé l'argent nécessaire hq xàç twv I^sSaatwv 9ujmç, o-^q ùtco | [twv xai' èviauTcJv BpaêsuT(ov oBwTai | [to liç osxa ^t\~r^ àpTixpsaç. Quelque soit le nombre qu'il faille restituer avant àp-ixpsjjç, le sens ne peut faire de doute : l'objet principal du sacrifice était une substance qui associait en quelque manière du pain

1. Cf. V. Chapot, La province romaine iTAsie, p. 415 (Paris, 1904).

2. K. Buresch, Ans Lvclien, p. 6 (Leipzig, 1898).

230 A.-J. Rehiach.

et de la viande ' et que les brabeutes les proclamatcurs faisaient confectionner pour la cérémonie annuelle.

Or, non seulement les brabeutes se retrouvent au nombre de deux comme magistrats annuels des Tehnoreioi, mais la sixième ligne, malheureusement mutilée, de leur première inscription paraît avoir conservé le souvenir de ce qui, pour les Tehno- reioi, aurait été l'équivalent de Vartohréas des Caesariastes : zîlz T£-/,[Aop£ûaavT£? -jw oiTïj[p(o £7Tt àvaYpasJÉox;. . . M. Ramsay a con- servé 5'.::'j[awJ dans son texte, tout en reconnaissant qu'on ne pouvait s'expliquer le rôle de cette double porte, cette entrée à deux arches, aurait eu lieu la cérémonie du T£x;j.o)p.

Cette restitution écartée, o''Tî'jpov est seul possible. Il ne s'agit évidemment pas de l'épreuve ordalique d'un double passage à tra- vers le feu; le sens véritable du terme est facile à étabhr. Dans un fragment d'une comédie du début du iv^ siècle, on lit^ : « Voici des dipyroi tout chauds. Qu'est-ce donc que ces dipyroi} Ce sont de petits pains mollets. » Oribase en donne la recette : après une première et légère cuisson, réduire de nou- veau en farine par trituration ; ensuite faire subir une seconde manipulation et une seconde cuisson ; on obtient ainsi un pain léger, spongieux, ténu, facile à digérer, et dont la chaleur faci-

1. K. Buresch, sur la foi d'une glose de Philoxène, traduit àpToV.psa; par visceratio. Je ne crois pas qu'il y ait le moindre rapport entre ce rite étrusco-latin (qui consiste, une fois les exta mis à part pour les dieux, à distribuer les viscera aux assistants) et la communion par le pain-viande, substance qu'on fabriquait spécialement pour la cérémonie, non sans dépense, puisque le fait d'y avoir pourvu pendant quelques années constitue un bienfait suffisant pour légitimer le décret des Caesariastes. D'ailleurs, artocreas est employé par Perse, Sat., VI, 50, en parlant des distributions faites au peuple par Caligula : oJetiin artocreasque popeUo. Le terme à'artocreas est évidemment pris par le satirique dans l'acception méprisante nous dirions : il distribua au peuple sa pâtée. Ce n'est en effet que sous les Sévères que les distributions de viande de porc vinrent s'ajouter régulièrement à celles de pain et d'huile. Une inscription fragmentaire de Chypre honore un personnage qui a fait des distributions ôl artocreas au peuple (Orelli, 4957).

2. Fragni. Corn. Att., éd. Kock (I, 757), d'après Athénée (III, iio) qui l'attribue au Ganymède d'EuboulosetPollux qui l'attribue à celui d'Alkaios : StTî'jprj'j; TE 6£pjj.où; 01 otrupot o'È'.aiv -'mi^ ; ôcpioi touçôjvts;. Je ne crois pas que -puçwv n'ait ici que le sens de délicat, mais un sens plus précis et plus technique que j'ai essayé de rendre par mollet. Quant à l'emploi de TTjpo; et non d'apio; (comme dans à^xor.Tiy.ioi, àp-oXayayov), il semble tenir à ce qu'on n'a pas à faire à un pain véritable, c'est-à-dire à un pain levé, mais à une farine, à un triticiim moulé, bluté, réduit en pâte et passé

Le Pain Galate. 231

lite la digestion '. C'est pourquoi Hippocrate le recommandait déjà". On pouvait le fabriquer aussi d'une manière plus expé- ditive et plus grossière. Lorsque les trois pa}'Sans Illyriens, Justin, le futur empereur, et ses compagnons Zimarchos et Ditybistès, partent pour aller faire fortune à Constantinople, ils n'emportent que leurs sisyrai sur les épaules, avec de bons dipyroi pour la route dans leurs poches K Ce sont ces qualités de longue conservation qui recommandent le dipyron comme pain de troupe, pour remplacer le vieux pain d'orge suppri- mé sous les Antonins; désormais, sous le nom à^ paxamas "^ , paxamidion, paximatiiiiii, c'est pendant longtemps ce biscuit ^ qui restera la nourriture essentielle des marins, des soldats et des voyageurs.

Qu'il faille le prendre dans l'une ou l'autre des deux accep- tions qu'a conservées le mot de biscuit, galette grossière ou gâteau recherché, la communion par le dipyron parait donc comme l'acte essentiel par lequel on devient Tekmoreios, comme Vartokréas unit, dans leurs agapes, les Caesariastes de Lydie; le tekmôr ne serait pas autre chose qu'une formule d'initiation.

deux fois au four. Dans Homère àoio; est réservé au pain de froment, tandis que ~updç, aïxo;, aXotxa désignent des variétés d'orge, xpï celle qui est réservée aux chevaux. Depuis l'époque homérique, l'à'JTOTcypov ou Çriporupov, pain simple ou pain sec, farine d'orge non levée, est resté en Grèce le pain des paysans ; Phrynichos appelle autopyrites (aùxoTZ'joi'iai) ses sarcleuses (I, 580 Kock ; Athen., III, iio E). On verra plus loin que les paysans phrygiens se servaient d'un mélange de farine avec de l'épeauire ou de l'orge, î^sorupov ou xpt9o;x'jpov. Il en serait encore ainsi de nos jours, cf. notamment. Van Lennep, BiUe Lands, 1875, p. 58, et Benndorf, Eranos Vindobonensis, 1893, p. 372. Sur l'antiquité de l'orge qui paraît avoir précédé le blé dans tout le bassin méditerranéen, cf. Buschan, Vorgeschichtliche Botanik, 1895, p. 37.

1. Oribase, éd. Daremberg, I, 9, p. 24.

2. Hippocrate, éd. Kuhn, II, 474.

3. Proœpe, Hist. arc. ,Y1, B, 45. Cf. Bell. Vand.,l, 13 ; Pline, XXII, 68; Celse, II, 30.

4. Cf. Du Cange, éd. Didot, V, p. 160 et Quicherat, Addenda lexicis Jati- nis, 1862, p. 202, s. V. paxiinatium, paximacium.

5. Hésychius : AiVjpot 01 Ix SsuTÉpou ô;:T(ôacvot. On a du dire à l'origine: Tiupot otTTjpoi, orges deux fois cuites. Puis, bien qu'il n'y ait aucun rapport étymologique entre 7:3p, le feu, et 7:upd; (cjTzupdr, a7:£''pro, la semence par excellence), leur similitude amena fatalement à les confondre et à supprimer par suite l'un des deux termes. Comme l'orge y fit bientôt place au froment, c'est l'idée de la double cuisson qui domina dans oî-upoç. On dit aussi parfois otesOo; (Dioscor. II, 107).

232 A.-J. Reinach.

attestant la participation au biscuit sacré, qu'on peut imaginer sur le modèle des credo fameux d'Eleusis ou de Pessinonte : fai goûté du iynipanos ou fai cousoniiiié le kyh'on \ Rapprochés de l'usage d'un pain azyme, seul permis, semble-t-il, aux mystes de la Magna Mater, ces biscuits bénits constituent une nouvelle analogie entre les MegaJésia et les Pâques (qu'on continua longtemps à appeler a^yma en Phrygie), célébrées toutes deux à l'équinoxe du printemps; depuis longtemps d'ailleurs, des interdictions communes, comme celles du porc ou du pigeon, ont autorisé la comparaison entre les mystères phrygiens et les mystères judéo-chrétiens - et l'on sait que la religion phrygienne, au 11^ siècle, marquait encore si profondé- ment de son empreinte les populations du plateau anatolien que le christianisme se vit obligé, pour y réussir, d'adopter cer- taines des prohibitions alimentaires qui caractérisaient les cultes d'Ancyre ou de Comana.

Le Montanisme n'est pas autre chose que le Christianisme adapté aux idées religieuses des populations phrygiennes '. Que Montan ait été ou non, comme le représentent ses adver- saires, prêtre de Cybèle, le caractère de ses doctrines prophé- tisme et extase, ascèse et surtout abstention de tous aliments forts, viande et vin paraît correspondre aux tendances essen- tielles des cultes nationaux. Une des sectes montanistes les plus puissantes, les Arlotyrites, semble avoir proscrit, jusque dans l'Eucharistie, l'usage du sang représenté par le vin, pour se

1. Sur ces formules, a'jv6rj[i.aTa ou aûij.ÇoÀa i^x\ir[ott<)i (en latin si'oiia ou signacula), cf. A. Dieterich, Eiiie Mitbras-tilîirgie, 1903, p. 100.

2. Cf. Anrich, Das autilcc Mystericirwcsen, p. 225. Il suffit ici de rappeler l'épitaphe d'Aberkios (nom probablement celtique) d'Hiérolophos les uns voient celle d'un prêtre d'Attis, les autres celles d'un évêque ; il y est question de libations de pain et de vin. Sur l'influence juive en Phrygie et en Galatie, cf. Ramsay, Cities and Bisboprics, p. 545, 652, et Commeiilary on the Gatatians, p. 168, 189.

3. Cf. Bonwetsch, Die Geschichtc des Moiitaju'simis (Erlangen, 1881) et l'article Moiitanisunis du même auteur dans VEncydopcdie de Hauck (t. XIII, p. 417). Ramsay a mis en lumière le caractère montaniste de certaines épi- taplies du nord-ouest de la Phrygie (Cilles ami Bishoprics, p. 490, 536). Il est indispensable de noter, au point de vue de notre étude, que la secte héré- tique la plus considérable en Phrygie, avec les Montanistes et lesKatjphry- giens, est celle des Tasliodroiiggiies dont tous les auteurs anciens s'accordent à dériver le nom de deux mots galates qui signifieraient pouce (tasJios)

Le Pain Galate. 253

contenter d'une pâte et d'un fromage, artos et tyrion, qui rap- pellent singulièrement la ma:{a et le tyros, seuls aliments jugés, à Athènes, assez purs pour nourrir les victimes expiatoires des Thargélies '. Quoi qu'il en soit, la communion par r<7;7()- tyrion convient bien au même peuple et à la même époque que celle par Varlokréas ou le dipyroii.

Toute étude d'un rite de la religion phrygienne, dans cette citadelle montagneuse que fut pour elle la Galatie, soulève une question inévitable, mais bien délicate : quelle fut, à son égard, l'attitude des trois nations celtiques? Bien que leurs derniers historiens aient tendu à diminuer l'importance des Galates dans la civilisation du pays qui leur dut son nom, il suffit de rappeler qu'un siècle à peine après leur établissement on trouve à Pessinonte un Galate grand prêtre de la Mater - et qu'au temps de Lucien ou de saint Jérôme on parlait encore cel- tique dans les campagnes ' ; il en résulte que les Galates ont exercer une influence propre sur le développement religieux et social de leur pays d'adoption.

Cette influence a pu se produire parfois contrairement aux coutumes séculaires du pays : ainsi, tandis qu'en Phr5^gie, comme dans d'autres régions du plateau anatolien, le régime de la famille paraît plutôt matriarcal, la pati'ia poiestas, en

et nez (drouggos); ce nom viendrait à ces Passahriiichites, comme tradui- saient les Grecs, de ce que, dans leurs prières, pour obtenir un plus complet silence et sans doute pour empêcher l'esprit de les abandonner, ils se bou- chaient le nez avec le pouce (voir les textes réunis par Holder, Alt-cdtischer Sprachschati, s. v.). On peut se demander si l'on n'est pas en présence d'une déformation indigène du nom de la secte, inventée par des Galates pour la ridiculiser, et si la forme véritable n'est pas celle d'Askodrouggites qu'on rencontre souvent, droiiggos signifiant « troupe ». Sur ce sens, auquel ne paraît pas avoir pensé Holder, voirVopiscus, Pro?'., 19, 2; Végéce, II, 2; III, 16; Isidore, IX, 3 ; Mauritios, Strateg., IV, 5,115 (éd. Holstenius).

1. Sur la signification de ces rites des phartnakoi, cf. Frazer, Golden Bough, III, p. 93, et Harrison, Prohgoiiieini lo the stitdy of grcek religion, 190^3, p. 99.

2. Cf. la correspondance secrète de l'Attis de Pessinonte avec Eumenès II et Attalos II de Pergame, sur laquelle je compte revenir prochainement.

3. Prol. comm. II, in Ep. ad Gai., III : Galatas, excepta graeca sernwne que omnis Orietis loquitur, propriam linguam eaiiideni paeiie hahere qiiain Tre- viros nec referre si aliqiia e.xinde corniperiiit. Dans Lucien (JZc.v., 51) on voit que le faux prophète d'Abonotique, établi dans sa patrie qui dépendait alors de la Galatie, devait parfois rendre ses oracles KîXt'.tt'.. Pour cette

2 34 A.-J. Rcinach.

Galatie comme en Gaule ', va jusqu'à autoriser la condamna tion capitale des enfants par le père. Mais, bien plus souvent, l'action de l'élément galatique a pu se faire sentir quand elle concordait avec les traditions phrygiennes ; cette concordance seule explique la rapide fusion qui, dès le début du ii*" siècle, permet au frère du Tolistoboïen Aioiorix de s'asseoir sur le trône du prêtre-roi de Pessiiionte. Sans reprendre ici la ques- tion en détail, bornons-nous à rappeler que l'Artémis celtique a pu se confondre avec l'Artémis phrygienne, et le dieu Medru avec Mithra ^ ; que certains animaux (taureaux, porcs, colombes peut-être) sont sacrés chez les Phrygiens comme chez les Celtes; qu'on retrouve enfin chez les deux peuples bien des conceptions communes, déesses mères, divination par les oiseaux, carnassiers androphages, divinités des eaux, des arbres et des montagnes. Ces exemples suffiront pour justifier la question à laquelle nous allons essayer de répondre : de quel pain se servaient les Galates avant d'arriver en Galatie et une fois installés dans leur conquête ?

Dans les stations lacustres, le pain ne se rencontre que sous forme de galettes massives faites de grains grossièrement concassés et cuits sur des pierres plates échauffées '. On broyait encore ainsi le grain en Bretagne du temps de Dio-

persistance de la langue gauloise en Galatie, cf. Perrot, Revue Celtique, I, p. I {^Mémoires cP Archéologie, p. 229). Quant aux Trévires, il faut rappeler qu'ils n'étaient probablement qu'une tribu, mêlée de Belges, des Volkes Tektosages établis du temps de César {Bell. Gall., VI, 24) dans la forêt Hercynienne, parents des Tektosages d'Aquitaine comme de ceux de Galatie : d'où, sans doute, la similitude constatée par Jérôme entre les parlers de Trêves et d'Ancvre qu'il connaissait pour y avoir séjourné.

1. Gaius, Inst., I, 55 ; Caesar, Bell. Gall., VI, 19. Ces faits qui paraissent avoir échappé à M. d'Arbois de Jubainville {La Famille Celtique, Paris, 1905) ont été signalés par M. Ramsay {Historical Comnientary on the Galatians, 1898, p. 151). Si le droit galate a pu triompher en l'espèce du droit phry- gien, c'est apparemment qu'il se trouvait, sur la patria potestas, d'accord avec les principes mêmes du droit romain. Ajouter aux références données Revue Celtique, 1907, p. 115 ; Kôhm, Altlatei)iische Forschungen, 1905, 208.

2. Fr. Cumont, Revue Celtique, 1904, 48. Bans les agapes mithriaques la communion se faisait au moven de darun, galettes rondes marquées d'une croix, azvmes comme celles des Mcgalcsia, ce qui n'empêche pas Justin de parler de ce pauis persiaiiiis sous le nom d'artos et Tertullien sous celui àe pa)iis oblatio. Cf. Cumont, Mithra, I, 174, 321.

3. C. Vogt, Leçons sur Thonnne, XIII, p. 502 ; G. de Mortillet, Le Préhis- torique, p. 582 ; W. Helbig, Die Italiker in der Poehene, 1879, p. 17 et 72;

Le Pain Galate. 235

dore '. Bientôt les Gaulois se perfectionnèrent dans l'art de séparer, dans le grain ainsi pulvérisé, le son et la farine : ils inventèrent même pour le blutage un tamis fait de crin de cheval ^ Mais on ne voit nulle part qu'ils aient transformé ces galettes en pain véritable par l'action du levain. Il y a d'autant moins de vraisemblance à leur prêter cette invention que les campagnes françaises l'ignorèrent longtemps; on y fit usage de cette lourde galette d'orge que l'Irlande mange encore sous le nom de griddhbread et certaines provinces d'Angleterre, la veille de Noël, sous celui de frunimetie. Suivant Fortunat, la reine Radegonde, au monastère de Poitiers, ne voulait, par esprit de mortification, manger d'autre pain que celui des paysans, après en avoir moulu elle-même le grain '.Ce n'est qu'assez tard, sans doute sous l'influence de Marseille, que les Gaulois apprirent à faire fermenter le pain ; comme ils n'usaient pas de vin, c'est la levure de bière qu'ils em- ployèrent '^; mais cette invention ne semble pas s'être mainte- nue longtemps après la conquête romaine, qui apporta en Gaule le ferment perfectionné dont Pline nous a transmis la recette 5. Legrand d'Aussy ^ a raconté l'émotion que provo- qua, dans la Faculté comme dans le Parlement, la réapparition en France (1668) de la levure de bière destinée à faire lever ce beau pain mollet, léger et doré, tout spongieux de lait et de beurre comme Yapalos ou le dipyros de Galatie '. Elle nous revenait alors d'Angleterre sa force avait été nécessaire

Heierli, Urgeschkhte der Schweii, 1900, 180; Modestow, lutroductioii à This- toire romaine, 1907, p. 171.

1. V, 21. Les Germains, au contraire, dès leur apparition dans l'histoire paraissent se servir de pain levé. Cf. Hehn, Kiûturpflanyen, 4e éd., 456; Hoops, Ktiltiirpjïa H ;(en, 1905, p. 295.

2. Plin., H. N., XVIII, 1 1 : crihrorum gênera Gaïïi a setis eqiiorum iiivenere.

3. Carmina, VIII, i et appendix, XXVIII.

4. XVIII, 12.

5. XVIII, 26.

6. Vie Privée des Français, éd. Roquefort, 181 5, 1, p. 64. Cf. L. Bourdeau, Histoire de VAlivtentation, 1894, 195. Au moyen âge, l'emploi du Icveçon de cervoise dans la panification paraît avoir été interdit, cf. Fagniez, Études sur Vindustrie à Paris au moyen âge, 1877, P- ^73-

7. D'après Oribase, I, 20, les galettes azymes, àÇJijia 7T£rj.tjLâTa, dont il décrit longuement la fabrication, n'auraient été agréables à manger que pour avoir été trempées dans ce même mélange de lait et d'huile (et de sel ou de miel, selon qu'on les voulait sucrées ou salées) dont Athénée fait men-

236 A.-J. Rrinach.

pour soulever la vieille pâte trempée de graisse et de lait à laquelle le peuple était resté si attaché que l'Église avait y superposer sa croix à la rouelle celtique : hof cross biins. On ne supposera guère, en tous cas, que les Druides se soient montrés mieux disposés que Guy-Patin à l'égard de cette « vilaine écume » '. Bien que Pline emploie le terme de paiiis pane viiwqiie en décrivant un rituel gaulois, il ne semble pas qu'il puisse s'agir d'un autre ///'///// que de la galette composée de ces grains d'orge qui, en Grande-Bretagne sur- tout, sous le nom de harley-corn, sont entourés de tout un cycle de légendes, vestiges à peine déformés des croyances celtiques. Dans ce rituel, la libation à laquelle il faut procéder, vêtu de blanc et les pieds nus et bien lavés, est celle qui précède la cueillette du saniohis notre séneçon et surtout du selago^, remède universel, particulièrement recommandé pour les maux d'yeux ; sans doute une galette d'épeautre non levée jouait elle aussi son rôle dans les sacrifices et le repas préparés selon les rites' , sous le rouvre l'on coupait le gui sacré.

On ne sait si ce selago, peut-être analogue à la jusquiame que les Gaulois appelaient belinuntia"^, donnait lieu en Galatie des pratiques semblables >'; mais l'institution du drunemeton

tion pour expliquer l'excellence du pain galate. Il est piquant de lire ensuite les textes réunis par Legrand d'Aussy, les autorités ecclésiastiques du moyen âge interdisent, dans les couvents, l'adjonction au biscuit grossier, paximaciuiii, de ces mêmes matières à l'aide desquelles on essayait d'en corriger la rudesse. C'est cette adjonction qui paraît avoir fait, encore au ixe siècle, le succès du panis praepiiiguis d'Alèsia. Voir mon article sur ce pain, d'origine semblable à celui d'Ancyre, dans Pro Atcsia, août 1907.

1. Guy Patin, Lettres, 3 nov. 1668.

2. Pline, XXIV, 105-4. Le séneçon, cueilli à la saint Roch,est resté une panacée pour le bétail.

3. Pline, XVI, 249-51 ,

4. Dioscoride, IV, 69 : |3'.À'.vo'jv-ta ; Aquilée, De Jk'rb., 4 : bêltimintia. C'est évidemment le rapprochement, justifié ou non, avec le nom de l'Apollon gaulois Belenus qui a donné naissance au surnom latin de la plante : Apol- tinaris. Uliyoscxanius Apolliiiaris, qui s'employait pareillement en Galatie (Pline, XXV, 17), paraît avoir été la même herbe.

5. Cependant divers remèdes à caractère magique, signalés par Pline en Galatie, présentent une similitude frappante avec ceux que les druides recom- mandaient en Gaule ; ainsi la rata ou le suciis iiigerriiiiiis de l'acacia qui, cueillis dans certaines conditions, peuvent guérir les morsures de serpent (XX, 132, XXII, 109; le biibrotoiiiuni, cuit avec de la farine d'orge, un remède excellent contre les maux d'veux (XXI, 160).

Le Pain Galatc. 237

suffit à prouver que b religion du chêne n'y fut pas inconnue. A côté du 'chêne-rouvre, les Galates retrouvaient encore dans leur nouvelle patrie, sur les pentes rocheuses, le chêne-kermès ou chêne-houx : le nom sous lequel ils paraissent l'avoir dési- gné (/;«/j'?) ' n'est pas inconnu sur les deux versants des Pyré- nées. C'est sur cet arbre qu'on retrouve le cûcciis qui fournit le superbe écarlate dont les Romains teignaient, de préférence à la pourpre, les paludamenta impériaux. Quand on se rappelle que cette substance, qui fut une des grandes ressources de la Galatie, ne nous est signalée dans l'antiquité qu'en Espagne, quand on considère surtout les superstitions qui accompagnent la cueillette du coccns et les analogies qu'elles présentent avec celles qui entourent la récolte du gui ou du selago, on ne peut s'empêcher de croire qu'il y a plus qu'un effet du hasard. C'est non plus au sud, mais au nord des Pyrénées, en Aqui- taine, qu'on se servait, pour faire le pain, d'un panic très estimé que les Galates devaient retrouver en Cappadoce-, ou encore d'une sorte d'épeautre, flfr/;;^^. ', qui semble correspondre au y^ovopbq dont on faisait également grand usage en Galatie •+. L'orge, hraice, dont ils retrouvaient la liqueur fermentée

1. Pausanias (X, 36, i) dit que les FaXâTat ot u-sp <I>pjyia; cprovfj -r^ ir^v/ loolu) appelaient u; ce que les Grecs appelaient /.oV.x.o:. Cependant le mot hus (cf. français Imux ; anglais holly), qui ne se rapporte à aucune racine grecque, paraît résulter de l'adaptation à une désignation indigène du carmin, GayTi (terme iranien ou cappadocien, cf. L. Meyer, Handlmch d. gr. Etyiii., II, 162, dont Xénophon, Cyrop., VIII, 3, 13 fournit le premier exemple en parlant des anaxyrides perses uayivo6acpct?), d'une forme celtique hiiJs que justifierait non seulement le nom catalan du chêne-ker- mès gar-uUa, mais de nombreux noms d'arbres gaulois : bciulla (Pline, XVI, 74), op-uUus (Varro, I, 8, 3)aX6-oXov (Dioscor., III, 33), a/couÇ-o'jXoujjL (Dioscor., IV, 71). Quant ■à.ucoccus, qu'on trouve en Lusitanie comme en Galatie (Pline, IX, 141 ; XVI, 32; XXII, 3 ; Dioscoride, IV, 48) pour dési- gner la cochenille qui, écrasée dans l'œuf sur la feuille de chêne elle s'est fixée, donne notre carmin (de l'arabe kcniics), ce mot, qu'on ne peut expliquer ni en grec ni en latin (où il ne paraît d'ailleurs que sous l'empire), paraîtrait devoir être rapproché du gallois coch, rouge (cf. Holder, Sprachs- chati, s. V.). En Espagne, d'où nous vient le mot de cochenille, le coccoJohis que vantent Pline (XIV, 30) et Columelle (III, 2, 19) ne serait pas autre chose que le raisin rouge qui n'a rien perdu de sa réputation.

2. Pline, XVIII, 25. Cf. Strabon, IV, 2 ; Caesar, B. civ.,ll, 22.

3. Pline, XVIII, 19; XXII, 25 : arinca GaUiaruui propria frumenti

genus galliciiiii.

4. Dioscoride, II, 1 18.

238 A.-J. Rehuich.

cette boisson nationale qu'incarnait leur dieu Braciaca jusqu'au fond de la Cappadoce elle avait pénétré avec les divinités thraco-phrygiennes Braités et Sabazios, y avait donné naissance à ce pain d'orge que les Gaulois paraissent avoir pré- féré ' ; semé en mars sur les terres froides du Dindymos, il donnait, par jugère, cinq niodii d'une farine excellente pour pain de ménage^ ; cette -;^J\v^r^ -/.piO-/) de Cappadoce, connue en Bithynie sous le nom de Çs:-'jp:v ' et en Phrygie sous celui de y.piOîzupov, ou, fomilièrement, de -ups/.pi'^, était sur- tout appréciée dans la Galatie propre et exportée, pour cette raison, sous le nom de honkuiii gûlaticum. Ainsi, c'est de panic, d'épeautre ou d'orge, emmagasinés de part et d'autre dans des greniers souterrains 5, qu'on paraît s'être servi pour le pain, de préférence au froment, tant dans la Gaule du sud-ouest que dans la Galatie du nord-ouest, usage qu'on peut constater des

1. Sur la bière gauloise il suffit de renvoyer aux articles Bracc, Cervesu, Ciiniii du Sprachscbati de Holder et Hier et Briiiierei du Reallexikoii de Schrader. On sait que, en Pannonie et en Illvrie, la bière s'appelait sabaia ou sahaiuiu ; en Thrace et en Phrygie hryton ou bry^a ; le mot bas latin hraisuin paraît une déformation à la fois de hraice et de hryton ; enfin tragos et hronios désignent des espèces d'orge. Il semble donc bien que Dion3-sos, sous ses vocables de Sabazios, Braitès, Bromios, Briseus, Tragos, ne soit qu'autant de formes du vuao; (cf. nurtis, nourrisson) de Déô ou Zéô, Dê- méter, la mère de l'orge, :(e!a, :5;('dou déa. Sur cette conception de Dionysos comme esprit de la liqueur d'orge, cf. Harrison, op. cit, p. 417.

2. Columelle, II, 9; Palladius, II, 4. On en pouvait faire double récolte en Celtibérie (Pline, XVIII, 18) comme en Galatie (Columelle, loc. cit.,) en plantant le disticham en mars, le bexasticbiiiii en janvier. C'est le hordcum distkhum qui est toujours dit galaticnm, parce que c'est celui qui convient Jrigidis locis sed pi)igiiissiiiiis ; on sait que les Gaulois excellaient dans l'art d'amender les terres avec de la rrc/i; dite uiarga (Pline, XVII, 42, 45, Var- ron, I, 7, 8).

3. Oribase, I, 9.

4. Dans une inscription publiée par Ramsay (Studies in easfern provinces, p. 200). Pour faire, en effet, une farine susceptible de panification, il fallait mélanger à du froment Vbordcinii gakiticnni; seul, il ne donnait qu'une polenta. Il paraît en avoir été de même du seigle (secaJe) dont Pline (XVIII, 141) ne signale l'emploi en guise de pain que chez les Taurini des Alpes mélangé à du far sous le nom de sasia. Cette sasia ou asia correspondrait au breton beig (gallois baidd) qui désigne une espèce d'orge ; peut-être est-ce aussi aux Galates, qui l'auraient acclimaté en Thrace et en Asie, qu'elle aurait cette rapide extension qui la fait citer au troisième rang des céréales dans l'édit de Dioclétien.

5. Diodore, V, 21; Varron, I, 57, Columelle, I, 6; Q.uinte Curce, VII, 4, 24.

Le Pain Galate. 239

deux parts jusqu'au ii"^ siècle de notre ère. Peut-être y a-t-il autre chose qu'une analogie fortuite due à la similitude des conditions de sol et de climat; du moins est-il permis de le supposer, lorsqu'on lit dans Justin que les Tektosages de Galatie appartiennent à la même nation que les Tektosages d'Aquitaine \ tradition que paraît bien confirmer le décret Lampsaque, menacée par Antiochus le Grand et par ses Galates, obtient de Marseille, fille comme elle de Phocée, une lettre de recommandation -Kpoq tôv ofiixo^/ twv ToXoaxcaYiwv FaXaTwv (199)-. Si Marseille croyait pouvoir s'attribuer une pareille influence sur les Celtes de Pessinonte, n'était-ce pas à cause de leur parenté avec ses clients de Tolosa, riche des trésors enlevés à Delphes par les Tektosages ' ?

Quoi qu'il en soit, il paraît résulter des faits que nous avons réunis que, dans la Gaule indépendante, le peuple, d'une part, par indigence ou par ignorance, le clergé, de l'autre, par suite d'idées religieuses qui se retrouvent presque partout, se refu- saient à l'usage du pain levé. La situation ne paraît pas avoir été très différente dans l'intérieur de la Phrygie, les mêmes causes produisant les mêmes effets. Puisque nous retrouvons cet état de choses en Galatie quatre siècles et plus après la conquête, on peut croire que lorsque Galates et Phrygiens entrèrent en contact, ils en étaient, sur ce point, au même degré de civilisation. Nous n'en sommes pas réduits d'ailleurs à invoquer la seule vraisemblance. Quarante ans à peine après leur invasion en Galatie, Phylarque, décrivant les festins déjà célèbres des Galates, a soin de dire qu'on disposait sur leurs tables àpTS'j-; kSAAoù^ /,aTa-/.sy.Aa!j;x£voyç, des pains en grand

1. Hist., XXXII, 3. Cette tradition, empruntée au Voconce Trogue- Pompée, est confirmée par Strabon. Son texte laisse entendre que, dès son époque, l'existence des deux Tolosa de Narbonnaise et de Tarraconnaise avait amené à chercher, dans le voisinage des Tektosages, l'origine des Tolostoïens, qui ne seraient devenus Tolcsto-boïens que par fusion avec les Boïens, émigrés d'Italie vers le nord-est après leurs défaites de 285-3 (cf. Strabon, IV, 188, 195). Les récentes recherches de M. Joulin sur Toulouse (R. archéoL, 1907, I, 235) paraissent y confirmer l'influence de l'Orient grec par l'interniédiaire de Marseille et de Rhoda.

2. Dittenberger, Sylloo-e IiiscriptioiiKiii Graecarimi, 276.

3. Justin, XXXII, 3; Strabon, IV, 118; Appien, lUyr., 4; Athénée, VI, 234; Aulu. Celle, III, 9; Dio Cassius, I, 90, etc.

240 A.-J. Rcliiach.

iioinhir tout rompus '. Il ne saurait être question de rompre du pain levé, qu'on peut seulement couper; ce qu'on rompt, ce sont ces longues galettes azymes dont les morceaux sont distribués aux convives, et notre expression rompre le pain est un souvenir de l'époque l'on n'en connaissait pas d'autre. Sur cette question primordiale du pain, il ne semble donc pas y avoir eu de différence notable, en Galatie, entre conquérants et indigènes, ni entre leurs cultes respectifs. On a pu entre- voir quelle influence ce fait, en apparence insignifiant, a du exercer sur l'histoire religieuse de l'Asie Mineure.

A. J. Reinach.

I. Athénée, IV, 34 = Fragiii. Hist. Graec, I, 336. Cf. Ath. VI, 246 (d'après Posidonios): f, -popr) 3'ÈaTtv àpio'. ôXtyot. Je mécontente de rappeler que, dans le récit de [a.Jractio panis eucharistique, lorsque Jésus fractionne en douzeportions la galette azyme, c'est le même verbe /axa/Xân) (en latin//-rtH- gerc) qu'emploient les Synoptiques et les Actes. Cf. Wilpert, Fractio panis (Fribourg 1895). C'est par manière de protestation contre cet usage judéo- syrien et phrygo-galate répandu dans toute l'Asie Mineure qui s'était d'abord imposé à elle que 1 Église d'Orient a substitué dans l'Eucharistie le pain levé à la galette non levée et poursuivi, jusqu'à la fin de l'Empire Byzantin, les a^yiiiites de tous ses mépris et de toutes ses rigueurs. Aussi y coupe-t-on l'hostie à l'aide d'un tranchet spécial dit sainte lance, tandis qu'en Occident le culter eiichuristicns ne sert qu'à v inciser les lignes qui permet- tront de le rompre plus facilement ; peut-être les Gaulois employaient-ils de même le niac'iairion dont ils se servaient comme de couteau de table (cf. A. Blanchet, Revue d. étmles anciennes, 1907, p. 200).

Nota. Sur la puissance paternelle chez les Celtes, voir Cours de litle- rature celtique, i. VII (1895), p. 242-249; d. ci-dessus, p. 234, note i.

ENLEVEMENT DU TAUREAU DIVIN

ET

DES VACHES DE COOLEY

CHAPITRE VII

EXPLOITS DE CLICHULAINN ENFANT RACONTES PAR TROIS ORATEURS

SECTION PREMIERE Récit de Fergus fils de Roech. Les jeux à Emain.

« Cet enfant » dit Fergus, « fut élevé dans la maison de son père et de sa mère en Mag Muirthemne. On lui racontait ce que faisaient les gentils enfants à Emain. »

« Voici comment Conchobar a joui de la royauté, dès qu'il en fut investi. Aussitôt qu'il était levé il commençait par mettre en ordre les affaires de la province. Puis il faisait trois parties du reste de la journée. Il en employait le premier tiers à regarder les gentils enfants faire des tours d'adresse, jouer, lancer des boules ; les jeux de trictrac et d'échecs occupaient le second tiers ; il passait le dernier tiers à manger et à boire jusqu'au moment le sommeil s'emparait de tout le monde, alors les musiciens l'endormaient. Je suis maintenant en exil à cause de lui et cependant je donne ma parole que ni en Irlande ni en Grande-Bretagne il n'y a guerrier égal à Conchobar. «

« On raconta à l'enfant ce que faisaient à Emain les gentils enfants, la troupe de jeunes garçons, et l'enfant dit à sa mère

Revue Celtique, XXl'III. ' l6

242 //. cCArhoh de JuhaUivillc.

qu'il irait jouer ils jouaient, à Emain. « C'est trop tôt pour toi, petit garçon », répondit sa mère, « attends qu'un des guerriers d'Ulster vienne avec toi, ou qu'un des guerriers de l'entourage de Conchobar t'accompagne pour te protéger contre les jeunes garçons ou te venger s'il y a lieu. » « Ce que tu me conseilles », répliqua le petit garçon, « est loin de ma pensée. Je n'attendrai pas qu'il me vienne un protecteur, mais enseigne-moi est Emain. » « C'est bien loin de toi », répartit sa mère, « le mont Fuad est entre Emain et toi. » « Je me rendrai compte de la distance », dit le petit garçon. »

2. « Il partit, il emportait ses jouets, son bâton courbe de bronze, sa boule d'argent, son javelot, son bâton brûlé au gros bout ; et il s'en servait pour égayer son chemin. De son bâton courbe il donnait un coup à sa boule et ainsi la lançait au loin. Puis du même bâton il donnait un second coup et la boule n'allait pas moins loin que la première fois. Il lançait son javelot, il jetait son bâton courbe et courait après lui. Il prenait tantôt son bâton courbe, tantôt son javelot^ et le gros bout de son bâton n'avait pas touché terre que déjà en l'air il en avait saisi le petit bout. »

« Allant devant lui, il atteignit le haut plateau d'Emain se trouvaient les jeunes garçons. Cent cinquante gentils enfants, entourant Folloman fils de Conchobar, étaient à leurs jeux sur la pelouse d'Emain. Le petit garçon alla dans l'en- droit où ils jouaient, se mit au milieu d'eux, et des deux pieds lança loin d'eux sa boule de telle façon qu'elle ne dépassât pas la hauteur de ses genoux et qu'elle ne descendît pas plus bas que ses chevilles. Elle suivit, sans s'écarter la direction que de ses deux pieds il lui avait donnée, elle échappa aux projec- tiles jetés par ses rivaux et allant plus loin qu'eux elle dépassa le but. »

3. « Tous ensemble en sont témoins », « c'est merveilleux, c'est étrange», pensèrent-ils. « Eh bien, enfants », dit Follo- man, fils de Conchobar, « réunissez-vous tous contre lui. Qu'il soit tué ! Il y a magique défense qu'aucun gentil garçon vienne se mêler à vos jeux sans avoir auparavant obtenu votre

Eiilcveiiicnt du hiiireaii divin. 243

protection. Tous à la fois mettez-vous contre lui. Nous savons qu'il est du nombre des fils des héros d'Ulster et ces jeunes garçons ne doivent pas prendre coutume de venir se mêler à vos jeux sans avoir préalablement obtenu votre protection ou votre garantie. »

« Alors ils se mirent tous contre lui. Ils lancent sur le sommet de sa tête cent cinquante bâtons courbes et lui de son unique bâton détourne les cent cinquante. Ils lancent contre lui leurs cent cinquante boules, mais lui levant les bras et les mains écarte ces cent cinquante projectiles. Ils jettent contre lui leurs cent cinquante javelots de jeu brûlés au gros bout; lui, élevant son petit bouclier fait de planchettes, éloigne ces cent cin- quante javelots. »

4. « Puis il fit des contorsions. Il sembla qu'à coups de mar- teau on avait fait rentrer dans sa tête chacun de ses cheveux à l'endroit d'où chaque cheveu en était sorti. Il sembla que chacun de ces cheveux jetait une étincelle enflammée. Il ferma un de ses yeux qui ne fut pas plus large que le trou d'une aiguille, il ouvrit l'autre qui devint plus grand qu'une coupe d'hydromel. Il écarta tellement les mâchoires que sa bouche atteignit les oreilles. Il ouvrit si fort les lèvres qu'on voyait le dedans de son gosier. Du sommet de sa tête jaillit la lumière qui atteste les héros'.

« Alors il prit l'offensive ; il renversa cinquante fils de rois qui tombèrent à terre sous lui. Cinq d'entre eux « dit Fer- gus », arrivèrent entre moi et Conchobar; nous étions à jouer aux échecs sur la table de Conchobar ; cette table était dressée sur le haut plateau d'Emain. Le petit garçon suivait ces cinq enfants, il voulait les mettre en pièces. Conchobar lui saisit le bras. « Je crois, petit garçon », dit-il, « que tu ne traites pas légèrement les enfants. » « J'ai de bonnes raisons pour agir ainsi », dit le petit garçon. « Quand je suis venu les trouver, je n'ai pas reçu d'eux les honneurs qu'on doit aux hôtes. » « Qui es-tu ? » demanda Conchobar. « Je suis le petit Setanta »_, répondit-il, « je suis le fils de Sualtam et de

I. Le § 4 est tiré du Lebor na hUidre, p. 59, col. i, 1. 34-43 ; O'Keeffe, 1. 391-397; Winifred Faraday, p. 18.

244 H. d'Arbois de JuhnUiviUe.

Dechtire, ta sœur; il était invraisemblable que je fusse mal- traité comme je l'ai été chez toi. » « Comment ne sais-tu pas », dit Conchobar, « qu'il y a magique défense de venir trouver les enfants sans s'être d'abord mis sous leur protec- tion. » « Je ne le savais pas », répondit le petit garçon, « autrement, j'aurais demandé leur protection. » « Eh bien, enfants », demanda Conchobar, « prenez-vous le petit garçon sous votre protection « Nous y consen- tons », dirent-ils. »

5. « Le petit garçon se trouva dès lors sous la protection des enfants. Leurs mains qui le tenaient le lâchèrent. Mais lui, de nouveau, se précipita contre eux. Il jeta sous lui à terre cin- quante fils de rois. Leurs pères les crurent morts, cependant ils n'étaient qu'étourdis par les coups qu'ils avaient reçus au front, c'étaient de grands, très grands coups. « Mais », demanda Conchobar, « quel rapport y a-t-il désormais entre eux et toi « Par les dieux que j'adore », répliqua le petit garçon, « je jure qu'ils se mettront sous ma protection et sous mon patronage, ainsi que sous leur protection et sous leur patronage je me suis placé, en sorte que ma main ne se retirera pas d'eux avant de les avoir relevés au-dessus de terre. » « Bien, petit garçon », répondit Conchobar, « prends les enfants sous ta protection. » « J'y consens », répondit le petit garçon. Et les enfants furent sous la protec- tion et le patronage du petit garçon. »

6. « Quand », ajouta Fergus, « un petit garçon a fait ces exploits cinq ans après sa naissance, a pu à cet âge terrasser les fils des guerriers et des héros à la porte de leur château, il n'y a pas lieu d'éprouver de l'étonnement ni de l'admiration parce que le même personnage à l'âge de dix-sept ans, pen- dant l'expédition faite pour enlever [le taureau divin] et les vaches de Cooley, est venu à la frontière de la province, a coupé une fourche à quatre pointes et a tué un, deux, trois ou quatre hommes. »

EuUvcmnil du iaiircau divin. 245

SECTION DEUXIÈME

Récit de Cormac à l'intelligent exil, fils de Conchobar. Meurtre du chien du forgeron par Cùchulainn qui dut son nom à cet exploit.

I. Après Fergus, Cormac à l'intelligent exil, fils de Con- chobar, prit la parole : « Le petit garçon », dit-il, « fit un second exploit un an après celui qui vient d'être raconté. » « Quel exploit? » demanda le roi de Connaught Ailill. Voici la réponse de Cormac : « Culann, forgeron d'Ulster, prépara un festin pour Conchobar et se rendit à Emain afin de l'inviter. Il lui dit de n'amener qu'un seul convive avec lui à moins qu'il ne se fit accompagner par des hôtes indulgents : « Car », ajouta-t-il, « je ne possède ni un domaine, ni même un champ, je n'ai que mes marteaux, mon enclume, mes pomgs et mes tenailles. » Conchobar répondit qu'il n'amènerait qu'un seul compagnon. Puis Culann regagna sa maison qui était fortifiée, et il s'occupa de préparer à boire et à manger. »

« Conchobar resta assis dans Emain jusqu'à la chute du jour, puis il revêtit son manteau léger de voyage et alla prendre congé des enfants. Arrivé sur la pelouse, il \it une chose qui l'étonna; cent cinquante enfants à une extrémité delà pelouse, un seul enfant à l'autre extrémité et ce dernier l'emportait sur tous les autres par l'adresse avec laquelle il lançait la boule et atteignait le but. Le but était un trou dans la pelouse d'Emain. Quand était venu leur tour de lancer leurs boules et son tour à lui d'empêcher leurs boules d'entrer dans le trou, il faisait en sorte qu'aucune n'y pénétrât. Quand arrivait leur tour d'arrêter ses boules et le sien de les lancer, il les faisait toutes entrer dans le trou, jamais il ne manquait son coup. Lorsque le jeu était d'enlever les vêtements, il déchirait les cent cinquante vêtements, et l'on ne pouvait même arracher la broche qui fermait son manteau. Le moment de la lutte venait-il, il faisait tomber sous lui les cent cinquante enfants, et réunis autour de ce petit garçon, ceux-ci ne parvenaient pas à se rendre maîtres de lui. »

« Conchobar se mit à regarder le petit garçon : « Ah! jeunes gens », dit-il, « heureux le pays d'où est venu le petit garçon que vous voyez, sises exploits à la guerre sont un jour

246 H. d\4rhois de JubaiiiviUe.

semblables à ses jeux d'enfant ! » « Le doute que tu exprimes est déplacé », reprit Fergus, « de même que ce petit garçon grandira, de même grandiront ses exploits. Que ce petit garçon soit appelé à venir avec nous prendre part au festin nous allons. » Et Conchobar appela le petit garçon : « Viens avec nous, petit garçon », dit Conchobar; « viens au festin nous allons. » « Non certes, je n'irai pas », répondit le petit garçon. « Pourquoi cela ? » demanda Con- chobar. — « Farce que les enfants », répliqua le petit garçon, « n'en ont pas encore assez de leurs jeux et de leurs plaisirs. » « T'attendre jusqu'à ce qu'ils en aient assez demanderait un temps trop long », dit Conchobar, « nous ne t'attendrons pas du tout. » « Va devant », répondit le petit garçon, « ensuite j'irai vous rejoindre. » « Petit garçon », répartit Conchobar, « tu ne sais pas le chemin. » « Je suivrai », répliqua le petit garçon, « je suivrai les traces du cortège, des chevaux et des chars. »

2. « Puis Conchobar se rendit à la maison de Culnnn le for- geron Il tut accueilli avec l'honneur que méritait son rang, sa dignité, son droit, sa noblesse et conformément aux bons usages. Sous lui et sous ses compagnons on étala de la paille et du jonc trais. On se mit à boire et à manger de bonnes choses. Culann adressa une question à Conchobar. « Eh bien, ô roi, as-tu donné à quelqu'un l'ordre de venir te trouver ici cette nuit ? » « Non certes », répondit Conchobar, « je n'ai donné à personne un ordre pareil. » Il ne se rappelait plus le petit garçon qu'il avait invité à venir au festin avec lui. « Pour- quoi cette question ? » ajouta-t-il. « J'ai un bon chien de guerre », répartit Culann, « aussitôt qu'il est débarrassé de sa chaîne, personne dans le canton n'oserait en se promenant, s'approcher de lui. Il ne connaît que moi. Il a la force de cent hommes. » Conchobar dit alors : « Qu'on ouvre la forte- resse au chien de guerre et qu'il protège le canton. » On débarrass 1 de sa chaîne le chien de guerre, il tit rapidement le tour du canton, gagna le point élevé du haut duquel il veillait sur la ville; il s'y plaça la tête sur les pattes; il était tout ce qu'on peut concevoir de plus féroce, barbare, furieux, tarouche, terrible, belliqueux.

EnJci'cineut du laiircaii divin. 247

« Que devinrent pendant ce temps les enfants d'Emain ? Ils se séparèrent, allèrent chacun dans la maison de son père et de sa mère, ou de sa mère nourricière et de son père nourri- cier. Le petit garçon, suivant les traces du cortège, se dirigea vers la maison de Culann le forgeron. Il abrégeait la route en s'amusant avec ses jouets. Arrivé à la pelouse devant la forte- resse où étaient Conchobar et Culann, il jeta ses jouets à l'exception de sa boule. Le chien de guerre remarqua le petit garçon et poussa des hurlements que tout le monde entendit. Il se faisait fête d'avaler le petit garçon d'un seul coup tout entier, de lui donner pour logement son ventre après l'avoir fiiit passer par sa vaste gorge et au travers de sa poitrine. Le petit garçon employa le seul moyen qu'il eût de se défendre, vigoureusement il lança au chien de bataille sa boule qui, entrant dans la gueule de l'animal, lui pénétra dans le cou, lui traversa les entrailles et sortit par la porte de derrière; puis l'enfant, saisissant deux pieds du chien, le lança contre une pierre levée dont le choc le mit en pièces et joncha tout autour la terre de ses débris. »

3. « Conchobar entendit l'aboiement du chien. « Hélas, ô guerriers », dit-il, « nous n'avons pas eu bonne chance quand nous sommes venus boire la bière ce festin-ci. » « Pour- quoi ? » demanda chacun. « Le petit garçon qui venait à ma suite », répondit Conchobar, « le fils de ma sœur, Setanta, fils de Sualtam, a été tué par le chien. » A ces mots les glo- rieux Ulates se levèrent tous ensemble. Quoique la porte de la forteresse fût ouverte, chacun, au lieu de se diriger vers cette porte, alla droit devant lui et traversa la palissade qui entourait la forteresse. Tout le monde allait vite, mais Fergus plus vite que les autres. Il prit à terre le petit garçon, le plaça sur son épaule. Culann sortit aussi et vit son chien mis en pièces; ce fut un coup violent qui l'atteignit au cœur. Puis il rentra dans la forteresse avec tous les autres, « Ta venue, petit garçon », dit-il, « m'a fait plaisir à cause de ton père et de ta mère; mais non à cause de toi. » « Qu'as-tu contre ce petit garçon ? » demanda Conchobar. « Ce n'est pas pour mon bonheur», continua Culann, « que tu es venu chez moi, petit garçon, boire ma bière et manger ma nourriture, car

248 H. iVArbois de JiibaiiiviUe.

aujourd'hui mon avoir est détruit, comme ma vie ! elle est anéantie ma vie ! Celui de mes gens que tu m'as ôté était un excellent serviteur qui gardait mes bestiaux, mes troupeaux, tous mes meubles. » « Ne te mets pas en colère, maître Culann », répondit le petit garçon, « car je porterai sur cette affaire un jugement juste. » « Quel jugement porteras-tu ? » demanda Conchobar. « S'il y a un petit chien de la race de ce chien en Irlande », répondit le petit garçon, « je l'élèverai jusqu'à ce qu'il puisse faire ce que faisait son père. Jusque-là je serai le chien protecteur dès troupeaux, des meubles et de la terre de Culann. » « Il est bon », reprit Conchobar, « le juge- ment que tu as porté. » « Nous ne porterions pas meilleur jugement », ajouta le druide Cathha. « Pourquoi ne t'appel- lerait-on pas à cause de cela chien de Culann, ciî Chulainu ? » « Non certe. », répondit le petit garçon, « je préfère mon nom, Setanta, fils de Sualtam. » « Ne dis pas cela, petit garçon », répondit Cathba, « car le nom de Cûchulainn sera célèbre en Irlande et en Grande-Bretagne, les lèvres des hommes d'Irlande et de Grande-Bretagne seront remplies de ce nom. » « En ce cas », répartit le petit garçon, « ce que tu me proposes me sera avantageux. » Dès lors ce nom célèbre devint le sien, on l'appela chierp de Culann Cû-cbiilainii depuis qu'il eut tué le chien qui était chez Culann le forgeron. »

4. « Quand un petit garçon a fait cet exploit », ajouta Cor- mac à l'intelligent exil, fils de Conchobar, « quand il l'a fait six ans après sa naissance, quand à cet âge il a tué un chien de guerre si redoutable que les troupes, les armées n'osaient approcher du canton défendu par cet animal, il n'y a pas de raison pour éprouver admiration ou étonnement parce qu'à l'âge de dix-sept ans pendant l'expédition entreprise pour enle- ver [le taureau divin et] les vaches de Cooley, il est venu à la frontière d'une province voisine, a coupé une fourche à quatre pointes et a tué un, deux, trois ou quatre hommes. »

Eiilèvciiienl du liiiiiraii divin. 249

SECTION TROISIÈME

Meurtre des trois fils de Necht Sceni '. Récit de Fiachu fils de Féraba.

I. « Un an après, le petit garçon fit un troisième exploit », dit Fiachu, fils de Féraba. » « Quel exploit fit-il ? demanda Ailill, roi de Connaught. « Le druide Cathba », répondit Fiacha, « donnait à ses élèves son enseignement au nord-est d'Emnin. Il avait près de lui cent élèves zélés ' apprenant l'art druidique. Un d'eux demanda au maître quel événement les présages annonçaient pour ce jour et si cet événement serait heureux ou malheureux. « Un petit garçon », répondit Cathba, « prendra aujourd'hui les armes, il sera brillant et célèbre, mais aura la vie courte; sa vie ne sera pas longue. » Le petit garçon entendit ces paroles au milieu des jeux au sud-ouest d'Emain. Aussitôt il jeta ses jouets et vint dans la maison Conchobar avait l'habitude de prendre le repos de la nuit. « Je te souhaite tout le bonheur possible, ô roi des Féné^ », dit l'enfant. « A tes paroles je devine que tu viens me demander quelque chose », répondit Conchobar. « Que veux-

1 . C'est-à-dire d'Inber Sceini aujourd'hui Kenmare bay, comté de Kerrv, en Munster. Necht Sceni est la mère des trois fils. Son nom apparaît au nominatif dans le Diiuisenchas, publié par M. Whitley Stokes, Rcvtie cel- tique,.x. XVI, p. 83, il est écrit Neacht. Il y a en vieil irlandais un subs- tantif «?f/;/ signifiant « nièce » {Thésaurus palaeohibernicus, t. II, p. 122, 1. 27), et un adjectif necht signifiant « pur » (Glossaire de Cormac chez Whitley Stokes, Three irish glossaries, p. 10, au mot cruthnecht). Dans le Labor na hUidre le nom de cette femme apparaît toujours au génitif sous la forme Nechta. Nechtoiu, dans le livre de Leinster, est le résultat d'une confusion entre ce nom de femme et le nom d'homme Nechtan, Annales de Tigernach publiées par M. Whitley Stokes, Revue Celtique, t. XVII, p. 205 ; cf. Chronicou Scotorum, édition Heimessy, p. 104. Necht était veuve. Son mari Lugaid, au génitif Lugdech, Lugdeach, avait été tué par les habitants d'Ulster. Labor na hUidre, p. 62, col. i, note marginale.

2. C'est la leçon du Lebor na hUidre, p. 61, col. i, 1. 21 : cet fer dêiii- viech. Le Livre de Leinster réduit leur nombre à huit et supprime l'adjectif deininech « ardents, zélés ».

3. Féne ^uênio-s est un dérivé da fian a héros » =z uëiio-s. Ce mot avait peut-être une variante itènno-s d'où le composé O'jsw^/.v.o-. « fils de Ueniio-s, nom d'un peuple établi dans l'Irlande septentrionale d'où Dùïvvi- ■/.v'.ov a-z.pov, Innishovenheadou Malin-head en Donegal. Ptolémée, 1. II, c. 2, 51, 2, édition donnée chez Didot par Charles MùUer, p. 75, 1. 2, 7; cf. Forbiger, Handbuch der alten Géographie, t. III, p. 307.

250 H. d'Arhois de JuhahmUe.

tu, petit garçon « Prendre les armes », répliqua le petit garçon. « Qui t'en a suggéré l'idée, petit garçon ? » demanda Conchobar. « Cathba, le druide », répliqua le petit garçon. « Son conseil ne sera pas une trahison », répondit Conchobar. Il donna à l'enfant deux lances, une épée, un bouclier; le petit garçon, secouant et agitant violemment ces armes, les réduisit en menus morceaux, en menus débris. Conchobar lui remit deux autres lances, une autre épée, un autre bouclier; l'enfant les secoua, les agita violemment une fois, recommença et en fit de petits morceaux, de petits débris. Il y avait des lances, des épées, des boucliers de quoi armer quatorze des gentils garçons, des entants qui étaient près de Conchobar à Emain. Quand un d'eux prenait les armes, c'était Conchobar qui les leur donnait ; ils livraient bataille pour lui et lui jouissait de leurs triomphes. De toutes ces armes le petit garçon fit de menus morceaux, de menus débris. " Ces armes ne sont pas bonnes, maître Conchobar », dit le petit garçon, « elles ne sont pas dignes de moi. » Conchobar lui donna les deux lances, l'épée, le bouclier dont lui-même se servait. Le petit garçon agita et secoua violemment les lances et le bouclier, brandit l'épée et la plia de telle façon que la pointe toucha la poignée ; il ne brisa pas ces armes, elles résistèrent à tous ses efforts. « Ces armes sont bonnes », dit-il; « c'est ce qui me convient. Heureux le roi à qui ces armes appartiennent! Heureuse la terre qui lui a donné le jour! »

2. « |Le roi et l'enfant étaient dans une tente.] Le druide s'y rendit. « Le petit garçon a-t-il pris ces armes ? » demanda Cathba. « Oui certes, et ce ne pouvait être autrement », répondit Conchobar. « Il ne peut m'être agréable », répar- tit Cathba, " que le fils de sa mère ait pris les armes aujour- d'hui. » [Cathba savait que le petit héros une fois armé devait mourir tout jeune.] « Quoi? » s'écria Conchobar «n'est-ce pas toi qui l'as conseillé? » « Nullement », répondit Cathba.

« Que penser de toi? lutin, petit démon », dit Concho- bar, s'adressant au petit garçon. « Nous as-tu menti? »

« Ne te mets pas en colère, maître Conchobar », répliqua l'enfant, « c'est bien Cathba qui m'a conseillé. Un de ses élèves lui a demandé quel pronostic il avait pour ce jour-ci. Il a

Enlèvement du taureau divin. 251

répondu qu'un petit garçon prendrait les armes aujourd'hui, qu'il serait illustre, qu'il serait célèbre, mais qu'il aurait la vie courte et de peu de durée. » C'est vrai, c'est ce que je sais », dit Cathba, « tu seras illustre, tu seras célèbre, tu auras la vie courte et peu de durée. » Tu me prédis un merveilleux mérite », répondit le petit garçon. « Ne serais-je au monde qu'un jour et qu'une nuit, peu importe, pourvu qu'après moi restent mon histoire et le récit de mes aventures. »

3. « Bien, petit garçon », répartit Conchobar, « monte en char. Voici le premier char que J2 t'offre. » Le petit garçon monta en char. Au premier char dans lequel il monta, il donna et réitéra des secousses si violentes qu'il en fit de menus mor- ceaux, de menus débris. Il monta dans un second char et le réduisit comme le premier en petits morceaux, en petits débris. Il mit encore en pièces un troisième char. Dans l'endroit étaient conservés dix-sept chars n la disposition des jeunes gens, des gentils garçons chez Conchobar à Emain, il n'y eut plus que menus morceaux, menus débris de ces chars, tous brisés par le petit garçon, aucun n'avait pu lui résister. « Ils ne sont pas bons ces chars, maître Conchobar », dit le petit g.u"- çon, « ils ne sont pas dignes de moi. »

« est le fils de Riangabair,Ibar mon cocher ? » demanda Conchobar. « Ici certes », répondit Ibar. « Prends avec toi mes deux chevaux», dit Conchobar, « et attelle-les à mon char. » Alors Ibar prit les chevaux et les attela au char du roi. Puis le petit garçon monta dans le char de Conchobar, le secoua tout autour, le char résista, ne se brisa pas. << Certes ce char est bon », dit le petit garçon, « c'est le char qui me convient. » « Bien! petit garçon », reprit Ibar, « pour cette fois-ci laisse les chevaux sur leur pâturage. » « C'est trop tôt pour moi », répondit le petit garçon; « va devant nous hors d'Emain aujourd'hui, c'est la première journée qui suit ma prise d'armes, il faut qu'une grande victoire atteste mon aptitude guerrière. » Ils firent trois fois le tour d'Emain. « Main- tenant laisse les chevaux sur leur pâturage, petit garçon », dit Ibar. « C'est encore trop tôt pour moi, ô Ibar », répondit le petit garçon. « Allons devant nous afin que les enflmts me souhaitent bonne chance aujourd'hui, la première journée après

252 H. iVArhois de JuhainviUe.

ma prise d'armes. » Ils allèient devant eux jusqu'à l'endroit étaient les enfants. « At-il pris les armes » ? demanda chacun des enfants. « Il le faut bien », se répondirent-ils. « Puisses-tu », continuèrent-ils, « puisses-tu obtenir la victoire, tuer ton pre- mier adversaire, triompher; mais pour nous c'est trop tôt que tu as pris les armes, parce que tu te sépares de nous, tu ne prendras plus part à nos jeux. » « Je ne me séparerai pas de vous », répondit-il ; « mais un présage m'a fltit prendre les armes aujourd'hui. »

4. « Laisse, petit garçon », dit Ibar, « laisse cette fois les che- vaux sur le pâturage. » « C'est encore trop tôt », répliqua le petit garçon ; « et cette grande route qui va tournant devant nous, mène-t-elle? » « Que t'importe ? » répondit Ibar », cela n'empêche que tu ne sois un aimable jeune homme. » « Eh bien, gentil serviteur », reprit le petit garçon, a je vais te questionner sur les principales routes de la province. Jus- qu'où va celle-ci « Elle va au gué de la garde du mont Fuad », répondit Ibar. « Pourquoi l'appelle-t-on gué de la garde », demanda le petit garçon, « le sais-tu « Oui je le sais », répliqua Ibar. « Un bon guerrier des Ulates y est de garde pour la défense de son pays. Si des guerriers étran- gers voulaient venir en Ulster pour offrir bataille, ce serait lui qui relèverait le défi au nom de toute la province. Si des artistes détalent", mécontentés, voulaient sortir d'Ulster, ce serait lui qui pour les y retenir et pour conserver ainsi l'hon- neur de la province, leur offrirait de riches présents. Si, au contraire, des artistes de talent pensaient entrer en Ulster, ce serait lui, qui se porterait garant des libéralités par lesquelles Conchobar les rémunérerait pour leurs poèmes chantés et pour leurs histoires récitées à Emain après leur arrivée. » « Sais- tu », dit le petit garçon, « qui est près de ce gué aujourd'hui ? » - « Oui je le sais », répondit Ibar, « c'est Conall Cernach, l'héroïque querelleur, fils d'Amargin, c'est Conall Cernach le royal guerrier d'Irlande. » « Mène-nous en avant, gentil serviteur », dit le petit garçon, « fais-^nous atteindre le gué. »

« Allant devant eux, ils arrivèrent en lace du gué : « Celui-

I . Il s'agit de fiUd.

Enlcvciuciit du taureau divin. 253

ci a-t-il pris les armes ? demanda Conall. « Il le faut bien », répondit Ibar. « Puisses-tu, petit garçon », dit Conall, « puisses-tu remporter la victoire, triompher en tuant ton pre- mier adversaire! Mais pour nous c'est trop tôt que tu as pris les armes, car tu n'es pas capable d'obtenir un tel succès. Au contraire, si l'étranger qui viendrait ici était un artiste qui te demanderait de lui garantir un salaire, tous les Ulates te cau- tionneraient; dans le cas de ton engagement résulterait une bataille, tous les nobles d'Ulster se lèveraient pour te soutenir. » « Que fais-tu ici, maître Conall ? » demanda le petit garçon. « Je monte la garde pour la défense de la province, petit garçon », répondit Conall. « Retourne à la maison pour cette fois, maître Conall », répartit le petit gar- çon, « et laisse-moi monter ici la garde pour la défense de la province. » « Non, petit garçon », dit Conall, « tu n'es pas encore maintenant capable de tenir tête à de bons guerriers. » « Alors », dit le petit garçon, « j'irai plus au sud, à Fertais Locha Echtrann, pour voir si aujourd'hui je trouverai à me baigner les mains dans le sang d'un ami ou d'un ennemi. » « J'irai te protéger », répondit Conall, « il ne faut pas que tu ailles seul dans la province voisine. » « Non », répliqua le petit garçon, « tu ne viendras pas. » « Certes j'irai », s'écria Conall ; « les Ulates me roueraient de coups si je te laissais seul dans la province voisine. « On amena les chevaux de Conall ; ils furent attelés à son char, et il partit pour aller protéger le petit garçon ; il arriva aussi loin que lui. Mais le petit garçon ne voulait pas être supplanté par Conall, si l'oc- casion se présentait de foire une action glorieuse. A terre il prend une pierre qui lui remplit la main et il la lance au loin contre le joug du char de Conall ; le joug se brise en deux, Conall tombe à terre entre les deux morceaux et se démet l'épaule. « Q.u'as-tu fait, o mon fils? » dit Conall. « J'ai lancé une pierre », répondit le petit garçon, « c'est pour voir si je sais diriger mon jet, comment je décoche un projectile, et s'il y a en moi l'étoffe d'un guerrier. » « Maudit soit ton jet de pierre ! » s'écria Conall ; « maudit soit toi-même ! Quand même tu devrais aujourd'hui laisser ta tête chez les ennemis, je n'irais pas te défendre plus longtemps. »

2 54 H. iVArhoh de Jiihaiiiville.

« C'est ce que je vous ai demandé à vous tous guerriers d'Ulster », répliqua le petit garçon, « car il y a chez vous défense magique d'aller chercher la mort dans vos chars. » Conall retourna au nord prendre sa place au gué de la garde. »

5. « Racontons les aventures du petit garçon. Il alla au sud jusqu'à Fertais Locha Echtrann. Il y resta jusqu'à ce que vînt la fin du jour. « Si j'osais exprimer un avis », dit Ibar, » il serait maintenant à propos pour nous de retourner à Emain. L'assemblée est commencée depuis longtemps, comme le par- tage et la distribution de ce qu'on mange et de ce qu'on boit; une place t'y est réservée tous les jours, tu t'asseois entre les pieds de Conchobar; ma place est entre les domestiques et les jongleurs attachés à la maison de Conchobar, le moment est venu d'aller me quereller avec eux. » « Prends les chevaux pour nous emmener », dit le petit garçon ; puis il monte dans le char. « Mais, ô Ibar », dit-il, v comment s'appelle cette colline que maintenant je vois au nord « C'est la montagne de Mourne », répondit Ibar. « Et qu'est-ce que ce tas de pierres blanches que je vois au sommet de cette montagne ? » demanda le petit garçon. « C'est », répliqua Ibar, « c'est le carn blanc de la montagne de Mourne. >> « Mais il est joli ce carn-là », dit le petit garçon. « Oui il est joli », répartit Ibar; « avançons, enfant gâté, afin d'arriver à ce carn- là. Tu es un garçon charmant, et cependant insupportable, je le vois bien. C'est aujourd'hui la première fois que je t'accom- pagne; ce sera la dernière jusqu'à la fin du monde, si même je rentre à Emain. »

« Ils arrivèrent au sommet de la montagne. « Nous sommes bien ici », dit le petit garçon. « Enseigne-moi ce qui de chaque côté appartient à la province d'Ulster, car je ne connais pas du tout le royaume de mon maître Conchobar. » Ibar lui apprit de quoi tout autour était composée la province d'Ulster, il lui montra tout autour les hauteurs, les collines et les montagnes de la province, les plaines^ les châteaux, les points élevés de l'Ulster. « Bien, ô Ibar », dit le petir garçon, « mais quelle est au sud cette plaine il y a tant de coins, d'angles, de lisières, de vallées « Mag Breg » répondit Ibar, « Apprends-moi », demanda le petit garçon, « quels

EiiJcvcniciil du latiretiit divin. 255

sont les bâtiments et les forteresses de Mag Breg ? >; Ihar lui montra Tara, Teltown, Knowth, Brug na Boine, et le château des fils de Necht. « Mais », ajouta le petit garçon, ne sont-ce pas ces fils de Necht qui se sont vantés de n'avoir pas laissé en vie plus d'Ulates qu'ils n'en ont tué « Oui ce sont eux », répondit Ibar. « Allons devant nous », répliqua le petit garçon. « Allons au château des fils de Necht. » « Quel malheur que tu dises cela ? » s'écria Ibar. « Il est évident, pour moi que tu me proposes de faire une folie. Y aille qui vou- dra », ajouta- t-il, « ce ne sera pas moi. » « Tu iras vivant ou mort », dit le petit garçon. « J'irai vivant au château des fils de Necht », répartit Ibar; « mais ce sera miort que j'en sortirai, »

« Ils allèrent devant eux jusqu'au château des fils de Necht et le petit garçon sauta du char sur la pelouse. Sur cette pelouse il y avait une pierre levée, autour de cette pierre un cercle de fer, et sur la fermeture de ce cercle une inscription ogamique faisant appel aux héros. Cette inscription disait : « A tout homme armé qui viendra sur la pelouse défense d'en partir sans avoir demandé combat singulier. » Le petit garçon lut l'inscription, mit ses bras autour de la pierre, la jeta avec le cercle dans le cours d'eau voisin et les flots s'élevèrent au- dessus d'elle. « A mon sens «, dit Ibar, « il aurait mieux valu que cette pierre restât elle était. Nous savons que cette fois-ci tu trouveras sur cette pelouse ce que tu cherches, la mort, oui la mort, une mort tragique. » « Bien, Ibar » répondit le petit garçon, « arrange-moi la couverture du char et sa fourrure pour que je prenne un peu de sommeil. » « Quel malheur que tu me parles ainsi »^ répliqua le cocher, « car nous sommes ici en pays ennemi, cette pelouse n'est pas une de celles l'on s'amuse. » Cependant le cocher arrangea la couverture et la fourrure, puis sur la pelouse le petit gar- çon s'endormit. »

6. « Alors vint sur la pelouse un des fils de Necht. Il s'appe- lait Foill, fils de Necht. « Ne détèle pas les chevaux, cocher » dit Foill. « Je ne songe pas à les dételer », répondit Ibar, « j'ai encore les brides et les rênes en main. » « A qui sont ces chevaux? » demanda Foill. « Ce sont les chevaux de Con-

2)6 H. ifAyhois de Jubaiiivillc.

chobar », répondit Ibar. « Vois leurs têtes tachetées. » « Je les reconnais », reprit Foill, « et qui les a menés d'Ulster à la frontière de la province voisine « Un doux et gen- til petit garçon » , répartit Ibar, « il a pris les armes chez nous et il est venu à la frontière de la province limitrophe pour montrer sa bonne mine. » « Ce ne sera pas pour vaincre et triompher », dit Foill; « si je le savais capable de combattre, ce ne serait pas vivant que d'ici au sud il retournerait au nord à Emain; non il n'y rentrerait pas vivant. » « Il est certai- nement incapable de combattre, quoiqu'on en puisse dire », répondit Ibar, « il est dans sa septième année. »

« En ce moment le petit garçon leva son visage au-dessus de terre, il porta la main sur sa figure, il devint pourpre et prit de la tète aux pieds la forme d'une meule de moulin. « Certainement », dit-il, « je suis capable de combattre. » (' Ce qui me paraît à moi plus vraisemblable que ceque tu dis » répondit Foill, « c'est que tu n'es pas capable de combattre. » « Pour que tu saches quelle est la vraisemblance », répon- dit le petit garçon, « il faut que nous allions ensemble au gué. Mais va chercher tes armes. Venu sans elles au gué, tu n'es pas un guerrier. Je ne tue ni les cochers, ni les palefreniers, je ne tue pas les gens sans armes. » Foill se hâta d'aller cher- cher ses armes. « Dans notre intérêt », dit Ibar, « il est h. propos que tu fasses bien attention, petit garçon », dans ta lutte contre lui. » «Pourquoi cela est-il nécessaire? » demanda le petit garçon. « Sur Foill, fils de Necht, sur l'homme que tu vois », répondit Ibar, « ni les pointes, ni les tran- chants des armes n'ont prise. » « Ce n'est pas à moi qu'il est à propos de dire cela », répartit le petit garçon. « De ma main je lui jouerai le jeu du tour, je lui lancerai ma pomme de fer deux fois fondue, elle atteindra le plat du bou- clier de Foill, le plat de son front, et, après les avoir traversés, elle fera sortir la cervelle par le derrière de la tète dont elle fera en quelque sorte un crible : à travers sa tête on verra le jour. » Foill sortit de son château. Le petit garçon lit le jeu dit du tour, lança la pomme de fer qui arriva sur le plat du bouclier et sur le plat du front de Foill, et les ayant traversés, lui fit sortir la cervelle par le derrière de la tête ; on voyait le jour au travers de la tête de Foill et le petit garçon la coupa. »

Enlèvement du taureau divin. 257

7. « Alors arriva le second des trois frères, Tuachall, fils de Necht. « Je vois que tu te vantes d'un exploit », dit Tua- chall. -- « Je n'ai pas le droit de me vanter parce que j'ai tué un guerrier », répondit le petit garçon. « Il n'y aura pas cette fois-ci lieu de te vanter y>, reprit Tuachall, « car je te tuerai. » « Va chercher tes armes, puisque tu es venu sans elles », répliqua le petit garçon. Tuachall se hâta de les aller prendre. « Il est à propos dans notre intérêt », dit Ibar, « que tu fasses bien attention, petit garçon, dans ta lutte contre lui. » « Pourquoi cela? » demanda le petit garçon. « Tuachall, fils de Necht, l'homme que tu vois », répondit Ibar, « il faut l'abattre du premier coup d'épée, du premier coup de l'arme de jet, à la première attaque; autrement tu ne le vaincras jamais à cause de l'adresse et de l'agilité avec lesquelles il tourne autour des pointes des armes. » « Ce n'est pas à moi qu'on peut dire cela », repartit le petit garçon. « Je prendrai en main la lance de Conchobar; cette lance empoisonnée traver- sera son bouclier, arrivera au-dessus de son ventre, en tout brisant elle pénétrera entre les côtes jusqu'à l'autre côté de son corps après lui avoir traversé le cœur. » « Ce sera », dit Ibar, « l'exploit d'un ennemi et non l'acte amical d'un conci- toyen. » « Je ne l'enverrai pas au médecin », répondit le petit garçon, « et de sa santé je ne prendrai jamais aucun soin. » Tuachall, sortant de son château, vint sur la pelouse. Le petit garçon saisit la lance de Conchobar et la lança dans le bou- clier de Tuachall au-dessus du ventre de ce guerrier; en tout brisant elle pénétra entre les côtes jusqu'à l'autre côté du corps après avoir traversé le cœur. Le petit garçon coupa la tête de Tuachall avant que par la chute du corps elle eût touché terre. »

8. « Alors sortit du château et vint sur la pelouse le plus jeune des trois frères, Faindlé ou l'hirondelle, fils de Necht. « Ils ont été bien bêtes ceux qui ont combattu contre toi », dit Faindlé. « Pourquoi? » demanda le petit garçon. « Viens » répondit Faindlé, « viens près d'ici en bas, dans l'eau ton pied n'atteindra pas le fond [sans que l'eau te dépasse la tête]. » Et Faindlé s'élance vers l'eau.

Revue Celtique, XXVIII. 17

258 H. (VArhoh de Juhaiiivillc.

« Il est à propos, petit garçon »,dit Ibar, « que tu fasses bien attention dans ta lutte contre lui. » « Pourquoi cela est-il nécessaire? » demanda le petit garçon. « Faindlé, l'homme que tu vois, » répondit Ibar, « doit son nom, Faindlé, c'est-à- dire hirondelle, à ce qu'il parcourt la mer comme font l'hiron- delle et la belette. Les nageurs du pays ne peuvent rien contre lui. « « Il n'est pas à propos que tu me parles ainsi », répondit le petit garçon. « Tu connais la rivière qui est voisine de nous à Emain, la Callann. Quand les enfants l'entouraient et faisaient passer leurs jouets sur elle, sans se mettre dans l'eau eux-mêmes, je prenais moi un gentil garçon sur chacune de mes deux mains, un gentil garçon sur chacune de mes deux épaules, puis étant ainsi sous eux, je marchais sur l'eau sans qu'elle mouillât même la cheville de mes pieds. » Faindlé et le petit garçon se livrèrent bataille sur l'eau. Le petit garçon mit son avant-bras sur Faindlé et le fit enfoncer dans l'eau qui atteignit le sommet de la tête de Faindlé, puis, lui donnant un habile et rapide coup de l'épée de Conchobar, il lui trancha la tête qu'il emporta en laissant le corps dans le cours d'eau. »

« [Ensuite derrière lui et derrière Ibar on entendit le cri plain- tif de Necht, mère des trois morts '] ».

« Après cela le petit garçon et Ibar allèrent au château, dévas- tèrent les maisons, les brûlèrent : ce qui resta des bâtiments ne dépassait pas en hauteur les rejets de terre des fossés de circonvallation. Puis ils retournèrent au mont Fuad emportant les trois têtes des fils de Necht. »

9. « Alors ils virent devant eux un troupeau de cerfs : « Qu'est-ce, ô Ibar, que ces nombreuses bêtes si agiles ? » dit le petit garçon, « sont-ce de ces animaux apprivoisés qui sont favorisde reines, ou est-ce une espèce de vaches ? » « Des vaches », répondit Ibar ; « elles se cachent dans les solitudes du mont Fuad. » « Pique de l'aiguillon les chevaux », dit le petit garçon ; « voyons si nous pourrons prendre quelques-uns de ces animaux. » Le cocher piqua de l'aiguil- lon les chevaux ; mais ces chevaux, qui appartenaient au roi

I. Ce qui est entre crochets provient du Lebor na hUidre, p. 62, col. 2, 1. 17, 18; O'Keeffe, 1. 666,667; Winifred Faraday, p. 31.

Eiilèvcineiit du taureau divin. 259

Conchobar, étaient trop gros pour courir aussi vite que la troupe de cerfs. Le petit garçon descendit du char et prit dans cette troupe deux cerfs agiles et forts. Il les attacha au bran- card du char par des courroies. »

10. « Puis Ibar et le petit garçon allèrent devant eux jusqu'au plateau d'Emain ils virent près d'eux une troupe de cygnes blancs. « Qu'est-ce que ces oiseaux demanda le petit garçon ; « seraient-ils de ces oiseaux apprivoisés qui sont les favoris des reines, ou est-ce une autre espèce d'oiseaux « Ce sont d'autres oiseaux », répondit Ibar; « c'est une troupe de cygnes qui, arrivant des rochers et des îles de la grande mer exté- rieure, viennent pâturer sur les plaines et les plateaux de l'Ir- lande. » « Des deux lequel serait le plus glorieux_, ô Ibar », dit le petit garçon, « ou les amener vivants à Emain, ou les y amener morts ? » « Le plus glorieux serait de les amener vivants », répondit Ibar; « tout le monde ne peut pas prendre les oiseaux vivants. » Alors le petit garçon par un premier coup d'adresse s'empara de huit de ces oiseaux, puis par un second coup plus adroit il en captura seize. Puis avec des cour- roies et des cordes il les attacha au brancard du char. « Prends avec toi ces oiseaux, ô Ibar », dit le petit garçon. « Cela m'est difficile », répondit Ibar. « Pourquoi cela ? » demanda le petit garçon. « Il y a pour cela grande raison », repar- tit Ibar. « Si je me déplace, les roues de fer du char me cou- peront à cause de la forte, vigoureuse et très puissante allure des chevaux. Si je fliis le moindre mouvement les cornes des cerfs me perforeront, me transperceront. » « Tu n'es pas un vrai guerrier, ô Ibar », répliqua le petit garçon. « Le coup d'œil que je jetterai sur les chevaux suffira pour les empêcher de sortir du bon chemin. Je n'aurai qu'à regarder les cerfs pour leur faire baisser la tête, tant ils auront peur de moi, et tu n'auras rien à craindre de leurs cornes. »

1 1. « Continuant leur course ils atteignirent Emain. [La sor- cière] Leborcham qui était fille d'Aue et d'Adarc [esclaves de Conchobar, et qui devait un jour prédire la mort de Cûchu- lainn|, les remarqua. « Un guerrier arrive en char », dit-elle, « sa venue est effrayante. Les têtes des ennemis qu'il a tués

26o H. â'Arhois âe JuhainviUe.

sont dans son char près de lui. De beaux oiseaux tout blancs se trouvent à côté de lui dans son char. Des cerfs, ces ani- maux sauvages qu'on ne peut atteler sont près de lui tenus captifs par des liens, emprisonnés par des cordes ; si l'on ne se met pas en garde contre lui cette nuit, il tuera les guerriers d'Ulster. » « Nous connaissons », répondit Conchobar, « ce voyageur qui arrive en char, c'est le petit garçon, fils de ma sœur. Il est allé jusqu'aux frontières de la province voisine, ses mains sont toutes rouges de sang ; il n'est pas rassasié de combat, et si l'on n'y prend garde, par son fait périront tous les guerriers d'Emain. » Voici la décision que prirent Conchobar et son conseil : faire sortir des femmes, les envoyer au-devant du petit garçon, trois fois cinquante femmes ou dix en sus de sept fois vingt, toutes nues comme leur immodeste conductrice, Scandlach, à leur tête, pour montrer leur nudité au petit héros. La jeune troupe des femmes sortit et sans aucune réserve lui montra sa nudité. Mais lui se cacha le visage en le tournant contre la paroi du char et il ne vit pas la nudité des femmes. Alors on le fit sortir du char. Pour calmer sa colère on lui apporta trois cuves d'eau fraîche. On le mit dans une première cuve, il donna à l'eau une chaleur si forte que cette eau brisa les planches et les cercles de la cuve comme on casse une coque de noix. Dans la seconde cuve, l'eau fit des bouillons gros comme le poing. Dans la troisième cuve la chaleur fut de celles que certains hommes supportent et que d'autres ne peuvent supporter. Alors la colère du petit garçon diminua. »

12. « On le rhabilla ; il reprit sa figure ordinaire. De sa per- sonne, à commencer par le sommet de la tête pour finir aux piedsjil fit une roue pourpre. Il avait sept doigts à chacun des deux pieds, autant à chacune des deux mains, sept pupilles à chacun de ses deux yeux, et dans chacune de ces pupilles on voyait briller sept pierres précieuses. Sur chacune de ses deux joues il y avait quatre taches, une tache bleue, une tache pourpre, une tache verte, une tache jaune. Cinquante mèches de cheveux très blonds lui allaient d'une oreille à l'autre, on pouvait les comparer à un peigne de bouleau ou à des aiguilles d'or pâle éclairées par le soleil. Le reste de ses cheveux étaient

i

Eiilèvciiiciit du taureau divin. 261

coupés courts et brillaient comme si une vache les eût léchés. Un manteau vert maintenu par une broche d'argent l'envelop- pait. Sous ce manteau il portait une tunique de fils d'or. Il vint s'asseoir entre les pieds de Conchobar qui lui passa la main entre les cheveux. »

13. « Ce petit garçon a fait ces exploits à l'câge de sept ans : à cet âge il a vaincu les grands guerriers qui avaient tué les deux tiers des hommes d'Ulster. Ces hommes n'avaient pas trouvé de vengeur avant que cet enfant s'élevât contre leurs meurtriers. Il ne faut pas s'étonner de ce que plus tard, étant venu à la frontière de la province à l'âge de dix-sept ans accom- plis, il ait tué un homme, deux hommes, trois hommes, ou quatre hommes pendant notre expéditon pour enlever [le tau- reau divin] et les vaches de Cooley. »

[Fiachu fils de Féraba cessa de parler.]

Tels furent les récits des exploits de Cûchulainn enfant comme on les trouve dans l'épopée qui raconte l'enlèvement [du taureau divin] et des vaches de Cooley. Ces récits viennent après la préface (c'est-à-dire les 4 premiers chapitres), le tableau de la route (chapitre V), la narration de la marche de l'armée (chapitre VI).

Maintenant nous allons continuer l'histoire.

LES INSCRIPTIONS CELTIQUES

DE FRANCE ET D'ITALIE d'après m. Rhys

Sous ce titre : The Celîic Inscriptions of France and Italy, M. Rhys a publié dans les Proceedings oj the Britisb Acadeniy, vol. II, une savante et ingénieuse étude sur les inscriptions gauloises du continent, qu'il est allé vérifier sur placé en 1905 et i9o6(cf. plus haut, p. 209). Il ne regarde pas comme celtiques les inscriptions d'Italie formant les n°' 4 et 5 du recueil de M. Stokes, Celtic Decknsion. Il laisse aussi de côté le texte dit « l'inscription gauloise de Poitiers », dont il donne pourtant sa lecture, p. 2. Voici un très court résumé de son opinion sur les autres.

I. EVREUX.

(i) S^ CRISPOS BOVl

(2) RAMEDON 7 (.3) AXTAC BITI EV^

(4) DO CARA-DITONV

(5) N lA SELANI SEBO-D-DV^

(6) REMI FILIA 7

(7) DRVTA GISACI CIVIS SVE

Ligne i : la première lettre pourrait aussi être un B^ et la dernière un fragment de p, B, R ou E- L. 5 : il faut peut-être lire en un mot lASELANI- L. 7, on ne voit que l'angle supé- rieur de la dernière lettre.

Les trois ^' et les deux 7 doivent être des signes de ponc- tuation. Les deux dernières lignes sont latines.

Les Inscriptions celtiques de Fnince et d'Italie. 26^

IL Alise-Sainte-Reine.

(0 MARTIALIS^ DANN$u

(2) I EVRV V VCVETE vSOsh

(3) CELICNON 0SE1\C

(4) GOBEDBI 7 DVGiIont'Io

(5) ^VCVETINv

(6) IN... ALISIIa C^

L. 2 : la séparation Je | et EVRV doit être une inadvertance du graveur. L. 4 et 6 : les signes il, qu'on a souvent tran- scrits E, représentent plutôt // .• dugiiontiio, AUsiia. La der- nière ligne peut être complétée en |N[DV] ou |N[DO]-

L'auteur suppose que cela forme deux vers hexamètres dont le rythme est déterminé par l'accent, et qu'il scande ainsi :

MartialisI Dannôtalli iéuru U|cuéti| sôsin ce|licnon, Eticgolbedbi dulg'iontiio U|cuétin| indu Alilsiia.

Il traduit : « Martialis, fils de Dannotalos, a fait à Ucueta cette tour ; et pour (notre) bien puisse-t-elle plaire à Ucueta dans Alise ».

m. Dijon.

DOIROS'SEGOMARI lEVRV- ALISANVi:^

« (C'est) Doiros, fils de Segomaros, (qui) a fait (ceci) pour Alisanos ».

IV. Beaune.

ICCAVOS-OP PIANICNOS- lEV RV-BRIGINDONI CANTALON

Autre inscription métrique :

IccâvosI Oppiajnîcnos iléuru Bri|gindonil cânt'lon signifiant probablement : « Iccavos fils d'Oppianos a fait à Brigindo un hym.ne ».

264 E. Ervaull.

V. AUTUN.

LICNOS-CoN TEXTOS-IEVRV ANVALoNNACV- CANECoSEDLoN

Encore un vers :

Licnos Con|téxtos i|éuru Anua|lonnâcu|cânecoIsédlon

« Licnos Contextes a fait pour Anvallonnacos un siège... » {a... seat), peut-être a laiv chair « un siège de juge, un tri- bunal ».

VI. Avignon (i).

ceroMAPOC

OYIAAONeOC

TOOYTIOYC

NAMAYCATIC

GICOPOYBHAH

CAMICOCIN

NGMHTON

Cela semble former un hexamètre et demi :

^t^(i\i.y.\çiz^ OuiAAc|véGç -ozu\ziznq Na;xaj|c:àTiç silojpcu B-^fAr,a-aiJ.t] ai^tv v£|[j.r,TCv

« Segomaros fils de Uillonos, citoyen de Nîmes, fit ce sanctuaire pour Belesama ».

VIL Avignon (2).

OYHBPoYMAPOC AGAG TAPANOOY BPATOYAG KANTGM

Cette dernière lettre serait une erreur du graveur pour NA

liés, ou plutôt pour N, ce qui permettrait de voir un vers.

« Vebrumaros a donné des prémices à Taranus par ordre ».

VIII. Avignon (3).

OYAAIKIO

ONGPGCT///

AIOYNIAI

Les Iiiscripfions celtiques de France et d'Italie. 265

L. I : la lettre finale est peut-être C. L. 2 : le T n'a guère pu être suivi que d'un I.

« Valicio fils d'Onerestos, à (la déesse) Aiunia. »

IX. Avignon (4).

eCKerrAIBAANAOOYIKOYNIAI

Probablement : « Pour Escenga fille de Blandouicunos ».

X. Avignon (5). Probablement :

AAreNNOPin OYepeTO///MAPeooYi

Ou peut-être Ou£pîT£[cu].

« A Adgennorix Marius, fils de Veretos ».

XL Avignon (6). Lecture conjecturale :

NER AIPNITOYC

MAVARNOC VALE

Le dernier mot est latin ; la langue des autres est douteuse.

XIL Malaucène.

SVBRON// SVMELI VORETO VIRIVS-F

L. I : on voit encore à la fin le bas d'une autre lettre comme I, peut-être E.

La dernière lettre représente le latin fecit.

On peut entendre : « Voretovirius a fait (ceci) pour Subro Sumelis ».

XIIL Notre-Dame DU Grosel. Lecture conjecturale :

AOYC

OC-IAAIAKOC rPACEAOYI BPATOYAE KANTENA

206 E. ErnanJt.

L. I : la lettre avant A ^ pu être D. L. 2 : les deux pre- mières lettres sont hypothétiques ; celle qui suit le second | semble A. L. 3 et 4 : le f et le B ne sont pas certains.

«... lusos Illiacos (a donné) des prémices à Graselus par son ordre ».

XIV. Saignon.

///ABO////IOO

OYEIMATIKAN

AIOTEIKARNITOY

L. I : la dernière lettre pourrait être un C, et l'i un T. L. 3 : la seconde lettre était peut-être N.

« Adbocietos ? fils d'Anovos ? a élevé un monument funèbre ? pour Annotis ? »

XV. Saint-Rem Y de Provence (i).

OYPITTA KOCHAO YCKONI OC

« Vrittacos fils d'Eluscô ou d'Elusconos ».

XVI. Saint-Remy (2).

BINNMOC

AITOYM

APeOC

L. I : le graveur semble avoir oublié, à l'M, un trait figu- rant un A précédent.

« Binnamos fils de Litumaros ».

XVI^ Inscription perdue, que le Corpus donne ainsi d'après un manuscrit : ON OOYHO AIOYI-BPATOY. La fin

devait être pparouoe xavTsva ou xavrsv ; âtoui = « à la déesse ». C'était peut-être un vers.

XII. Nîmes (i).

KAPTAPOIIAAANOYIAKOIA^A^ MATPfeBONAMAYIlKABOBPATOYA^

Les Inscriptions celtiques de France et d'Italie. 267

L. I. La première lettre pourrait aussi avoir été F. H, FI, P ou Y- Les caractères P02I, aujourd'hui effacés, ont été lus ainsi par Dardalhion, vers 1745.

« Cartaros Illanuiacos a donné (ceci) aux déesses Mères de Nîmes, parleur ordre ».

XVm. Nîmes (2).

KACm

OYEPCI

EAEBP

EKANT

MI-EINO

TAAOC KNoCA AToYA ENA-AA Yl

L. 5 : un autre I final paraît à un accident.

« Cassitalos fils de Versos a donné des prémices à Lamis Einus {ou Lamis et Einus) par son (ou leur) ordre ».

XTX. Nîmes (3).

MBATI

TOOY

T IN

La seconde ligne paraît contenir le mot TOOYTIOYC- XX. Nîmes (4).

€CKirro

P€IZKO NAIAA€ OC

« Escingorix fils de Condillos ».

XXL Nîmes (5).

MATIACO-... KONNoYBP...

L. I : la première lettre est peut-être A; Tl peut être FI ; I'A suivant est douteux; le petit ressemble à un D. L. 2 : NN est peut-être VT .

268 E. Ernault.

XXII. Nîmes (6).

AAPE2IIKN0I YIBPATOYAEKA

«... fils d'Adressos (a donné) à . . . des prémices par ordre». C'était peut-être un vers.

XXIII. Nîmes (7).

KP6IT6

Rappelle le nom de femme irlandais Créa.

XXIV. Nîmes (8),

3<^/////0

CPIOY

MAN

lOCAN

AOOYN

NABOA

eAGBPATO

YAGKAN

TGN

La première ligne pourrait être EKINNO, EKINIO ou EKNIAIO.

Extvvoç Piou[j.aviGç AvSoo'jvva|3o âeâe ^paiouîe xavTsv, « Ecin- nos fils de Riumanos a donné des prémices aux Andounnas par leur ordre ».

Cela semble un vers, qu'on peut scander :

Exivvoçl Pbu;xav^oçrAvoouvva|3o oéosi îSparoucsl xivusv.

XXIV^ Inscription donnée d'après le Corpus :

KATO VAAOC

C'est le gallois moyen Cadiual, irlandais Cathal.

XXIV''. Inscription perdue, dont on n'a qu'une mauvaise copie; contenait, entre autres, les syllabes ... ouy.'^Çz) oses

Les Inscriptions celtiques de France et d'Italie. 269

XXV. GUÉRET.

SACER PEROCO lEVRV DVORI COV.SLM

La formule latine Votnni solvit lubcus uicrito indique le caractère votif de cette inscription : « Sacer Peroco a fait (ceci) pour Duoricos ».

XXVI. Vieux Poitiers.

ratIm briwtiom

FROrrV TARBBISONÔS

ibvrv

Encore un hexamètre fondé sur l'accent :

Râtin Bri|uâtiom| Frontu] Tarbeislônios i|éuru.

« Fronto fils de Tarbeiso a fait le rdth (ouvrage de fortifi- cation) pour le peuple du pont ».

XXVII. Paris. Autel i.

Devant. Derrière. A droite de Jupiter.

Tib(erio) Caesare EVRISES SENANI VSEILO///

Aug(usto) lovi optum[o] maxsumo su(mm)o nautae Parisiac[i] [pjublice posier[u] n[t]

Dans le mot VSEILO, les lettres SE et O ainsi lues autre- fois, sont devenues presque invisibles; il y avait ensuite des traits qu'on a lus M et qui seraient plutôt NI.

Eiirises peut être « les travailleurs de métaux »; senani usei- loni « les vétérans vexillaires » ou « les vieillards de haute naissance ».

268

E. Ernnult.

XXII. Nîmes (6).

XXV.

AAPEI2IKN0I YIBPATOYAEKA

«... fils d'Adressos (a donné) à . . . des prémices par ordre ». C'était peut-être un vers.

XXIII. Nîmes (7).

KP€iT€ Rappelle le nom de femme irlandais Créa.

XXIV. Nîmes (8).

3(ï«/////0

CPIOY

MAN

lOCAN

AOOYN

NABOA

GAeSPATO

YAGKAN

TGN

La première ligne pourrait être EKINNO, EKINIO ou EKNIAIO.

Ey.tvvo; P'.ou[xavioç Avoc:uvvai3c osoe [âpa-ouoe xavxsv, « Ecin- nos fils de Riumanos a donné des prémices aux Andounnas par leur ordre ».

Cela semble un vers, qu'on peut scander :

'Extvvoçj Pbu[j.av?:çrAvoouvva|3c oéosl ^P^'^uoel xâvTSv.

XXIV^ Inscription donnée d'après le Corpus :

KATO VAAOC

C'est le gallois moyen CadiuaJ, irlandais Cathal.

XXIV''. Inscription perdue, dont on n'a qu'une mauvaise copie; contenait, entre autres, les syllabes ... ou3:,î(:) lilz

(^paT)ouGS XaVT£V.

i

La ton

Encore i

cation IK

Aliofre,,;'

fois, i

tr.i''.

MlSMDce I

Les Inscriptions celtiques de France et d'Italie. 269

XXV. GUÉRET.

SACER PEROCO lEVRV DVORI COV.SLM

La formule latine Vottim solvit liiheiis uierito indique le caractère votif de cette inscription : « Sacer Peroco a fait (ceci) pour Duoricos ».

XXVI. Vieux Poitiers.

ratIm briwtiom

FROISrV TARBBISONoS IBVRV

Encore un hexamètre fondé sur l'accent :

Râtin Bri|uâtiom| Fr6ntu| Tarbeislônios ijéuru.

« Fronto fils de Tarbeiso a fait le rdth (ouvrage de fortifi- cation) pour le peuple du pont ».

XXVII. Paris. Autel i.

Devant. Derrière. A droite de Jupiter.

Tib(erio) Caesare EVRISES SENANI VSEILO///

Aug(usto) lovi optum[o] maxsumo su(mm)o nautae Parisiac[i] [pjublice posier[u] n[t]

Dans le mot VSEILO, les lettres SE et O ainsi lues autre- fois, sont devenues presque invisibles; il y avait ensuite des traits qu'on a lus M et qui seraient plutôt NI.

Eurises peut être « les travailleurs de métaux »; senani usei- loni « les vétérans vexillaires » ou (( les vieillards de haute naissance ».

270 E. Eniault.

XXVIII. Paris, hôtel de Cluny. Autel 2.

Devant. Derrière. A droite de A gauche de

Jupiter. Jupiter.

lOVIS TARVOS'TRIGARANVS' VOLCANVS ESVS

lovis, nom de Jupiter^ peut être latin ou gaulois ; Vokaniis doit être le nom de Vulcain emprunté par les Gaulois; Esns est un dieu celtique, tarvos trigaranus = « le taureau aux trois grues ».

XXIX. Paris, Hôtel de Cluny. Autel 3 .

Devant. Derrière. A gauche de Cernunnos.

[CIERNVNNOS CASTOR SMERT[VLL]0[S]

Les lettres rétablies sont attestées par d'anciennes lectures. A droite de Cernunnos devait se trouver le nom de Pollux, peut-être celtisé. Il est possible que Castor ait été emprunté par les Gaulois. Cernunnos veut dire probablement « le (dieu) cornu ». SinerliiJlos peut s'interpréter « le fort » ou « le puis- sant ».

XXX. Paris, hôtel de Cluny. Autel 4.

FORT(una)? ...VS

XXXI. Paris (5).

BRATRONOS

NANTONICN

EPA-DATEXTo

RIGI-LEVCVll:

SVIOREBE-LOGI

TOe-

L. 3 : les lettres A-D ne sont pas très claires. L. 4 : Gl pourrait être G ou Ci (C avec un petit |). L. 6 : la première lettre pourrait être |, la dernière doit être un E.

Les Inscriptions celtiques de France et (F Italie. lyi

Bratronos Nantonic}i(os) Epadatextorigi Leucnllo sijiorebe logitoe, « Bratronos, fils de Nantonos, fit cette tombe pour Epadatextorix et pour ses (ou leurs) deux sœurs ».

XXXI*. Inscription trilingue de Bourges, d'après le Corpus :

//////OS VIRILIOS ////XTOC OYIPIAAIO

AN€OYNOC

enoei

ELVONTIV

lEVRV-ANEVNO

OCLICNO-LVGVRI

ANEVNICNO

« Oxtos ? fils de Virilos »... « Elvontiu a fait (ceci) pour Aneunos fils d'Oclos et pour Luguris fils d'Aneunos. »

XXXII. Château DE Saint-Germain (i). BVSCILLA SOSIO LEGASIT IN ALIXIE MAGALV

<( Buscilla a placé ceci dans Alisia pour Magalos. »

Ce doit être un vers à scander probablement :

Bùscillal sosiol légaslit in| Alixie| Mag'lu.

La langue serait celticaiiie (cehican) et non gauloise, ce dia- lecte eût dit sosin et indu Alisiia.

XXXIII. Château de Saint-Germain (2).

Statue de Mercure avec une inscription latine et deux gau- loises, dont la première seulement vérifiée par M. Rhys : *

APRONIOS lEVRV-SOSI///

ESV///

272 E. Ervault.

L. 3 : l'V pourrait être O ; il semble y avoir des traces d'un N ou M suivant.

On peut supposer : Apronios ieuru sosi(ji) Esun, a Apronios a fait cet Esus ».

L'autre inscription a été lue par M. Plicque : APRO TASGI...

XXXIIP*"". Inscriptions non vérifiées par l'auteur :

Nevers :

ANDE

CAMV

LOSTOVTI

SSICNOS

lEVRV

« Andecamulos fils de Toutissos a fait. »

Bavai.

VRITVES

cmcos

Cette dernière ligne doit être lue CINGOS. L'explication iiritu ou vritu Escingos « Excingos a fait (ceci) » est douteuse : ce peut être deux noms, Urityes Cingos.

Bar-le-Duc?

ADIA NTVN NENI EXVE RTIN INAP PISET V

Adiantunneni Exvertiiii Nappisctu « Nappisetu (a donné ceci) à Adiantunnena (fille) d'Exvertinios » (traduction de M*. Stokes) ; ou peut-être « don d'Exuertinos à Adiantunne- nia ». Le texte paraît plus ccllicain que gaulois.

Les Inscriptions celtiques de France et cf Italie. 273

XXXIV. NOVARE.

Transcripiion des canictères étrusques :

Ligne horizontale Lignes verticales

TAKOS-TOVTIO-SVT..

INAKVITESASOIOIKENI

(0

TANOTALiKNOI

(2)

KVITOS

(3)

LEKATOS

(4)

ANOKOPOKIOS

(5)

SETVPOKIOS

(6)

ESANEKOTI

(7)

ANAREVIssEOS

(8)

TANOTALOS

(9)

KARNITVS

(10)

L. liQriz. Une fracture de la pierre empêche de savoir si le T était le commencement de l'inscription. La seconde lettre b paraît être pour F c'est-à-dire A. Mommsen a trans- crit « osit. . . » la lacune finale, ce qui n'est pas confirmé par son dessin, sauf peut-être pour le t.

L. vert. I : Les premières lettres IN A sont douteuses. L. 8 : la huitième lettre, X, figurée ici ss, représente proba- blement une sifflante spéciale.

Essai de traduction : « Tagos le magistrat (et) Sut(onios). Ici les petits-fils de Quinta, savoir les fils de Dannotalos : Quintus le légat, Andocombogios, Setubogios, (et) les fils d'Exandecottos : Andarevisseos, Dannotalos ont élevé un tumulus pour eux. »

XXXV. Brescia.

Inscription qui semble bilingue : les lignes

TETVMVS SEXTI DVGIAVA SAssADIS

seraient latines : « Tetumus = Didymus ? (fils) de Sextus (et) Dugiava (fille) de Sassadis. » Elles sont suivies de deux

Revue Celtique, XXVIII. - 18

274

E. Eruanli.

autres en un alphabet mêlé de latin et d'étrusque, qui peuvent se transcrire

TOME-ECAAI

OBAL-ANAT INA

Si cette partie est celtique, on peut entendre : « (Tom- beau ou urne) de Thomas : descendant d'Eccaios, il attend ici » (formule chrétienne).

XXXVI. Rome.

Inscription bilingue de Todi, latin et celtique (en caractères étrusques).

Côté A :

[ATEGNATO

(0

[ATEGNATO

DRVTI EI-VRNVM

(2)

DRVTEI-F-VRNAM

[ClOISIS DRVTI-F

(3)

COUSIS

RATER-EIVS

(4)

DRVTEI-F-FRATER

MINIMVS-LOCAV E///

(5)

EIVS-

STATVITQVI

(6)

MINIMVS-LOCAV

[ATjEKNATI-TRVTlKNI

(7)

IT-ETSTATVIT

[KAR]NITV-LOKAN-KO[ISIS]

(8)

ATEKNATI-TRVT

[TR]VTIKNOS

(9)

IKNI-KARNITV

(10)

ARTVAss KOISIS-T

(II)

RVTIKNOS

Comparaison des deux textes celtiques, qui sont peut-être en vers :

Ategnati- Druticnij carnitu- logan* Goisisi Druticnos

Traduction :

Ategnati Druti filii (locus). Congessit ti: Druti filius.

Congessit tumulum Goisis

Ategnati-Drutlicni- carnitu lartuass Goisis. Djruticnos

Ategnati Druti fîlii (locus). Con^:;essit lapides sepulchrales Goisis Druti filius.

Après avoir donné (p. 75, 76) un tableau des déclinaisons (sur lequel nous reviendrons) d'après les inscriptions précé-

Les Iiiscriplioiis celtiques de France et irilalie. 275

dentés, l'auteur défend la celticité d'une partie d'entre elles (n- VII, XIII, XVI% XVII, XVIII, XXII, XXIV, XXIV'O-

Vient ensuite une étude du Calendrier de Coligny et des textes de Rom ; à ce propos est agitée la question des rapports du celtique et du ligure. Enfin il y a des Corrections et des Additions, dont nous avons tenu compte dans cet exposé. Pour ne laisser de côté que les documents épigraphiques de Coligny et de Rom, il nous reste à mentionner (p. 79) un texte de Substantion près Montpellier, partiellement rétabli par M. Holder : INOVCI- A(EAE), et (p. 100) la nou- velle inscription d'Alise communiquée par M. Espérandieu, dont la fin paraît présenter le mot etic « et » entre deux datifs : BIPAKOTGO €TIK OBPITOYACO G'C n'est pas cer- tain).

E. Ernault.

UN GRAFFITE GALLO-ROMAIN

M. V. Luneau m'a communiqué un denier de Jules César aux types de la tête diadémée de Vénus à droite et d'Enée emportant Anchise et le palladiiiiu. Cette pièce est commune et, bien que trouvée sûrement sur le sol de la Gaule, elle ne mériterait guère d'être signalée si elle ne portait, gravé devant le visage de Vénus, un graffite que je considère comme antique indubitablement. Or ce graffite fournit un nom cel- tique ANDVARTO, qui paraît avoir une proche parenté avec le nom de la déesse des Voconces, Andarta. On sait que ce nom est peut-être celui de la Victoire à laquelle sont dédiés beaucoup d'autels de la même région. Aussi l'on pourrait se demander si le possesseur de la monnaie n'a pas considéré le buste de Vénus comme celui de la Victoire ou ôC Andarta qu'il connaissait mieux. En tout cas, le graffite gaulois méri- tait d'être signalé, car c'est le premier connu sur une mon- naie et le nom qu'il révèle paraît nouveau aussi dans l'onomas- tique celtique ',

Adrien Blanchet.

I. On connaît les mots Aniueia, Anduenna, Andnnocnes (Dict. de Holder). Mais il faut supprimer Andtigovonhis, car un nouvel exemplaire de la monnaie ne permet plus de lire ce nom.

UNE RÉDACTION MODERNE

DU TEANGA BITHNUA

La publication par M. Whitley Stokes de la plus ancienne et de la plus complète rédaction du Tcanga hiihmia {Erin, The Journal of tbe school of Irish leaniing, vol. II, p. 96-162) a ramené l'attention sur ce texte (cf. Revue Celtique, t. XXIV, p. 366-403). Quelque intérêt qu'il présente aux celtistes, il est surtout important pour l'étude de l'ancienne littérature chrétienne, et, à ce point de vue, il convient de ne négliger aucun des moyens d'information que nous fournissent, sur le texte latin perdu, les diverses versions irlandaises.

Si l'on compare au texte du Livre de Lismore quelques- unes des autres rédactions, on se convainc rapidement que, si, sur l'ensemble du traité, elles ne modifient guère l'idée que nous en donne le Livre de Lismore, dans le détail de la composition, elles peuvent contribuer à restituer plus exacte- ment le prototype latin. C'est ainsi, par exemple, que la fin du traité, qui manque dans le Livre de Lismore, est suppléée par le manuscrit de Rennes.

Une rédaction transcrite en 1817 et que m'a communiquée M. Douglas Hyde contient un certain nombre de développe- ments que n'oflre pas le texte du Livre de Lismore. Ces développements sont-ils une addition au texte primitif ou nous conservent-ils des détails perdus par la rédaction du Livre de Lismore? Seule une comparaison détaillée du texte moderne avec le texte le plus ancien permettra d^en juger.

Voici les diff^érences et les coïncidences entre les deux textes : introduction (Lism. 1-8; mod. i); le nom de la

278 G. Dolliii.

Teanga hithnna (Lism. 9; mod. 2); la langue parlée par la Teariga bithniia (Lism. 10; mod. 2); la matière du monde et du corps humain (Lism. 12-14; niod. 3); le monde avant la création (Lism. 15-17, mod. 4); la rondeur de l'univers (Lism. 18-19; mod. 5); la matière du monde (Lism. 21; mod. 6); la matière de l'enfer (Lism, 22; mod. 7); puis la rédaction moderne énumère l'œuvre des six jours de la création (mod. 8); cette partie est tronquée dans Lism. (23- 25); les sept cicux (Lism. 26-31; mod. 9); les mers et les sources (Lism. 31-39; mod. 10); les fleuves (Lism. 40-47; mod. Il); les arbres (Lism. 48-54; mod. 12); l'épisode de l'incrédulité de Judas, la Bête et l'Hiruath (Lism. 55-63; mod. 13-14); puis la rédaction moderne introduit les noms des sept cieux, de leurs portes, des Anges qui les gardent, et la description des tourments que doivent subir les âmes en passant (mod. 15-16); avant d'aborder la description du cours du soleil et des astres (Lism. 64-88; mod. 17), la rédaction moderne énumère les races et précise les distances des astres entre eux et les dimensions de la terre; les oiseaux (Lism.' 89-96 mod. 18); les races humaines (Lism. 97-105; mod. 19) se place dans Lism. l'énumération des espèces (Lism. 107 mod. 17); les peines de l'enfer (Lism. 108-120; mod. 20) le Jugement dernier (Lism. 121-138; mod. 21); la rédaction moderne diffère du texte ancien en ce qu'elle énumère les prodiges jour par jour; l'heure du Jugement (Lism. 139-150; mod. 22); la beauté de Dieu (Lism. 151-162, mod. 22).

La description des sept cieux et des tourments que subissent les âmes en passant (mod. 15-16) est presque identique a celle du Fis Adaninâin 15-20; le dénombrement des espèces du monde (mod. 17) est déplacé dans la rédaction moderne et doit être considéré comme un résumé de tout ce qu'a raconté la langue toujours nouvelle sur les merveilles du monde et comme tel placé après l'énumération de ces merveilles; mais l'énumération de l'œuvre des six jours de la création (mod. 8) me semble nécessaire au texte primitif pour annoncer les développements qui vont suivre. De plus, la rédaction moderne introduit plus souvent que l'ancienne les questions posées par les Hébreux à chaque développement nou- veau. Ces questions manquent dans Lism. 11 (mod. 3);

Une rcdaclion iiwdciiw du Teanga bithnua. 279

Lism. 22 (mod. 7) ; Lism. 23 (mod. 8); Lism. 40 (niod 11); Lism. 89 (mod. 18); Lism. 97 (mod. 19). Sans vouloir pré- tendre que toutes ces questions étaient dans le texte primitif, je pense qu'au moins celles qui introduisent un nouveau jour de la Création sont nécessaires à la clarté de la composition. L'étude du texte moderne est donc utile si l'on veut restituer l'état primitif de l'apocalypse traduite en irlandais.

L'orthographe de cette rédaction est très défectueuse; des confusions de lettres témoignent le plus souvent de l'igno- rance du scribe; ainsi grion (grian), pion (pian); nionnh (niorbh); marradh (mara); airgheana (airdheana), highe (bidh), bragha (bratha), heigh (béidh) ; Jîthidb (fiche); quelques graphies sont phonétiques : batlM (beatha); cainni (cinne), doraine (dorinne); ceire (ceithre); hioJuathaibh (iolthuathaib); ^0 brach (go brdth); sinim {stmm); dimhin (de\mh'm);lim7e (teine); tuitfach (tuitfeadh), ttigeach (tigeadh), rnchach (rachadh); îabharthach (tiubhradh); beirig (beiridh), do cruithaig (do cr\iû\^\^\{), fasaig (fdsaigh), skitibh (sléibhtibh), becht (boicht) et indiquent un dialecte de Munster.

L'éclipsé est marquée par le doublement de la consonne ini- tiale quand cette consonne est c ou t: san ccathair ; fur ccroidhthe ; ar ccosamlacht, go ccuireann, seachl ccéad ; ag a ccur ; a ccomhsoJiis; a cclcithibb ; na ttortha; bur tteagaisg ; as a itainig ; air ttiiitfach ; seacht tteas ; iona Itcid ;na ttioiupchioJJ .

G. DOTTIN.

28o G. DottiJU

AN TEANGA BEATH NUADHA AN SO SIOS

I. Do chruthaig Dia neamh agus talamh air ttûis as^iis asé an Righ do rin sin,is millse na gac Righ, ag»5is aoirdenà gacli comhachta,ag;(5 issôchuidhe gach aon, agus is iolchrotlia gacli dreaguin, ag;« is soillse na an ghrian, ag;(5 is cenfi air naomhaibh 7 air ôrdaibh an blieatha, is béodlia d-fearaibh, 7 is làidre do laochaibh, 7 is clirôdha[do] curaibh, ag;(.ç is aile dhon drong Dliaoine, 7 atâ cômh comhasach sin nach féidir a mliaitli d-féisneis ar a-mhéid .i. aon mac dilis do chrûtliaig neamh 7 talamh ria gàch uile obair, agus na toibreacha sealuightbe ô sin amach, 7 do chruthaig an duine fd cosamalacht féin .i. Adam. 7 is é do cûr an sgéal-so ioltùathaibh an tailimh, ôir bheatha gan lôcran, gan soillse éasga na gréinhe, go ttaine an sgéal-so ô neamh da fhaisneis do chach cia do bhi an sin an dômhaiii; do chighdis na rana ioiîa m-biodh daith na greine 7 éagsa a-ranaib nibhe, do chighdis sratha 7 aibhne agus tobuir a-sliosaibh an tailimh, do chighdis fis gach blâitha 7 gach luibhe 7 gach toradh re teacht tsabhradh, do chighdis seirge na ttortha teacht an ghéimhre, 7 ni raib fios aco go dearbhtha cia an chomhasach do rin (nô da nidh) sia 7 tug sin iongtas môr air gac n-duine gur dhealbh 7 ôidhche re chéile no ttainig an sgéal-sa do ch[r]othughfl<//j gâcha dala 7 d-faisneis gach neithe dôibh.

Oir dob fhiordhorca gach nidh do shiol Adam gur labhair an teanga bheathnûadh a ccléitib nimhe os muUac Sleibhtha Sion a ttrachtaib mairra rùad 7 do bhidar an slôigh iomhda ag//5 chôimhthionol orthear an bheatha an aon dâil 7 an aon ionad .i. ô inbhearuibh mârradh ' go hinse Samhruine- 7 as-é f;id do bhadar ansan .i. air f7h mi 7 blina gan easbi/Zi//; bighe na dighe ga n-iomad gâcha maithiosa air mhullach Sléibhe Sion 7 bo cômhphlas âgtis ôidhce dhoili> ris an réa sin, 7 do bhàdar cûig easboig 7 cheithrefithid air ceitre nihile an, 7 ni raibh aon easbog gan a dhiol sagartaibh 7 do mhaccaibh leighin maille res, 7 adhbhar an chonih- thionoil mor sin ag àirarighthibh 7 ag fearaibh an domhain go hiomlan ag teacht ag éisteacht céol nimhe da chantuin a-nealaibh an aoghair os a-ccean 7 tosach an chéoil sin : Gloria in excelsis Deo et terra pax hominibus. . . Grôire do Dhia uile chômhas[(7f/;J agus a-bhfuil .ar talamh do dhaoinibh 7 bhfuil toil ionta, a.giis san do chanaidis air feadh na bhW/jna doibh air an ordughadh sin 7 do chiialadar a-néalaibh an aoghir ôs

1. othd iiiuir )}iarh Lismore, 3.

2. Sahainid, Lismore, 3. Sabiiiniiu Paris.

3. Cf. (roile, well? (Dinneen).

Une rédaction iiwdcnw du Teangra bithnua. 281

TRADUCTION

LA LANGUE TOUJOURS NOUVELLE CI-DESSOUS

I. Dieu créa le ciel et la terre au commencement et il est, le roi qui fit cela, plus doux que tout roi, et plus haut que toute puissance et plus beau que chacun et plus multiforme que tout dragon et plus brillant que le soleil et chef sur les saints et sur les ordres du monde, le plus vivant des hommes, le plus fort des guerriers et le plus cruel des héros et le plus beau de la foule des hommes et il est si puissant qu'il n'est pas possible de raconter sa bonté à cause de sa grandeur, c'est-à-dire le fils unique chéri de Dieu qui a créé le ciel et la terre avant toute œuvre et les sources scellées ensuite, et qui a créé l'homme à sa ressemblance, c'est-à-dire Adam. Et c'est lui qui envoya cette histoire aux nombreuses tribus de la terre, car c'était une vie sans lampe, sans lumière de lune ni de soleil jusqu'à ce que vînt cette histoire du ciel pour raconter à chacun ce qu'il y avait au monde; ils voyaient les étoiles est la couleur du soleil et de la lune dans les parties du ciel; ils voyaient les cours d'eau et les rivières et les sources dans les côtés de la terre; ils vo3'aient croître chaque fleur et chaque herbe et chaque fruit à l'arrivée de l'été; ils voyaient se flétrir les fruits à l'arrivée de l'hiver, et ils ne savaient pas vraiment quel puissant avait fait cela ' et cela étonna beaucoup chaque homme juqu'à ce que le jour et la nuit se séparassent l'un de l'autre, jusqu'à ce que vînt cette histoire sur la création des éléments et pour leur exphquer chaque chose. Car toute chose était vraiment obscure pour la race d'Adam jusqu'à ce que la langue toujours nouvelle parla des toits du ciel par-dessus le sommet de la montagne de Sion [jusqu'Jaux rivages de la mer Rouge ; et les nombreuses troupes et l'assemblée furent à l'Est du monde réunies en un seul lieu, c'est-à-dire depuis les bouches de la mer [Morte] jusqu'aux îles de Samhrunn, et voici le temps qu'ils y furent, c'est-à-dire pendant un an et un mois sans besoin de nourriture ni de boisson, avec nombre de biens de toute sorte sur le sommet de la montagne de Sion et il y eut réunion jour et nuit en ce temps-là et il y avait quatre mille quatre-vingt-cinq évêques et il n'y avait pas d'évêque sans son compte de prêtres et de jeunes clercs avec lui et la cause de cette grande assemblée pour les nobles rois et les hommes du monde entier, c'est qu'ils venaient écouter la musique du ciel qui chantait dans les nuées de l'air au-dessus de leur tête et voici le commencement de ce chant : Gloria in excelsis Deo et in terra pax hominibus... Gloire à Dieu

I. Cf. Livre d'Hénoch, III-VL

282 G. Dolliii.

a ccion toran mhôr fa chosamhuil re tôirnig 7 rc tcintibh' tiiie an einfheas 7 do chonarcadar deallramh agus taineamh 7 ruithncanih an toran sin agus do bhréithnidheadar gu-rab iad airgheana laoi an bhràtha do bi a-gcomh- foigs dôibli ; do labhair an teanga bheatlinuada do bi os-a-gcioiî do gliuith drd, fuUus, glan, ag«i do bhéarla dinglidhe riu, agM5 as-é do râdh : « bhûr tteagaisg do cuireadh mise ô-n bfir Dia uile chomhasrtc/j » ; do chuir sin ceist agus uamhain mhor air sluaighthibh ûile ; mhor mh-éagle gan adhbliar dôib sin : ôir ni fhéacadar an te do labliair riu 7 nior fhoillse chômhrâdh carud le chéile na comhrad sin do rini7h gac n-aon diob, 7 as-é ba bine do chéoltàib an domhain uile.

2. Do labair uaisle na n-Aibhreach ag»5 eagnûidhe môrsocuidhe sin, 7 d-fiafruighdar : « Cia hâis^ as a ttâinig? « Do freagair an teanga bhéathnùadha 7 as-é adubhflzV/ : « O ioltûataibh an tailimh do rôdhéan-se do réir toile an fhirdia sin me ag//5 as-e m-ainim Pilib ibstal 7 do chuir an choimh Dia chomhasach mise cum na tùath ngeiiîtlighe tteagasg a ccriochaib lochran 5 7 ag seanmôir briathre doibh : do threasgair siad na tuatha dhintlidhe iigiis do baineadar teanga fa seacht n-ùaire as cheah agus do cuir an chômh Dia chonihachtach teanga nuadh a-m chean gach uair diobh sin : gon-ad uime sin is teanga bhéathnùadha m-ainim ». Do freagair eagnûighe na n-Aibhreac eisin 7 as-é adubhradhar : « fochtuimh aihim an bhéarla sud agad », air siad. « Bearla àinglige », air an teanga bhéignuidhe, « agus as-é béarla labruidh na naoi n-grddh nimhe ê agH5 as-e bearla labruid blaithmhiolta mharra agus as-é béarla labraid éanla an eighir 7 as-é bearla labhruid ceathra an talmuin ag»5 as-é béarla flionùs do no hanmhaibh air m-breith ê, 7 is leis sin do chûir an Spriod naomhtha chûghaib-se 67 as uime do chuire chûgaibh ê do nihionughia//; an sgeil-si 7 cum tuigsiona do bheith agaibh air na haoibhneasaib ata air neamh do cumadh 7 do nn[neth] an sgéal so air ttuisg ».

3. Dfiafruigheadar eagnûighe na n-Aibreach : « créadan chumflc//; an tionol atâ air an Domhain »? « Adeartha sin libh » air an teanga bhéathnùadha, c gâcha cumadh 7 gâcha cômhaighne 7 gâcha coiniol do cruithighead san doman do raine Criost an a-ccolluin 7 aiséirghe-t Chriost ô mharbhaib 7 atà a-ccolluih gach u-duine do na ceithre duile .i. don talamh do rin7h an corp 7 as-e sin adhbhar a beith tirim, trom, daingion, doghluaiste, mar atâ an domhah uile mar sin, as tûsga an talamh nân tuisge, 7 an tuiste nân taogear, 7 an taogair nân tiiie, 7 an tihe nân ihiormaiment, ôir as-i an

1. Cichiiaii^r, Lismore, 6. tciiiiail. Rennes.

2. Il faut sans doute lire dit. cf. 17.

3. Faut-il lire Lochiaiiiiach} et regarder ce membre de phrase comme une glose?

4. isin coliiinn in esserract, Lismore, 11. asarerig, Lecan.

Une rcihuiioii uiodcrnc du Tcanga bithnua. 285

tout-puissant et à ce qu'il y a sur terre d'iiommes en qui est la volonté de Dieu, et ils leur chantaient cela pendant une année de cette manière et ils entendirent dans les nuées de l'air au-dessus de leur tête un grand bruit semblable au tonnerre et aux tisons du feu tout ensemble et ils virent l'apparence et l'éclat et la flamme de ce tonnerre-là et ils jugèrent que c'étaient les signes du Jour du Jiigement qui approchaient d'eux; la langue toujours nouvelle qui était au-dessus de leurs têtes leur parla d'une voix haute, claire, pure, et dans la langue angélique,et voici ce qu'elle dit : « C'est pour votre instruction que j'ai été envoyée par le vrai Dieu tout-puissant. » Cela causa de l'anxiété et une grande crainte à toutes les troupes et ils n'avaient pas de crainte sans cause ; car ils ne virent pas qui leur parla et la conversation d'amis l'un avec l'autre n'était pas plus claire que cette conversation que l'on faisait avec chacun d'eux et elle était plus douce que les chants du monde entier.

2. Les nobles des Hébreux parlèrent, ainsi que les sages de cette grande assemblée, et demandèrent : « Qui est-ce ou d'où est-il venu ? » La langue toujours nouvelle répondit et voici ce qu'elle dit : « C'est des nombreux peuples de la terre que je suis d'après la volonté du vrai Dieu et mon nom est Philippe apôtre et le Seigneur Dieu tout puissant m'a envoyé vers les peuples des gentils pour leur enseigner dans les pays de Danemark en leur prêchant la parole de Dieu. Les nations des gentils m'ont vaincu et elles ont coupé ma langue sept fois de ma tête et le seigneur Dieu tout- puissant m'a mis une langue nouvelle dans la tête chaque fois. Et c'est pour cela que la Langue toujours nouvelle est mon nom. » Les sages des Hébreux l'interrogèrent et voici ce qu'ils dirent : « Je demande le nom de la langue que tu parles •>•>, dirent-ils. « La langue des anges », dit la langue toujours nouvelle, « et c'est la langue que parlent les neuf ordres du ciel et c'est la langue que parlent les grandes bêtes de la mer et c'est la langue que parlent les oiseaux de l'air et c'est la langue que parlent les quadrupèdes de la terre et c'est la langue qui sert aux âmes au Jugement et c'est là-dessus que le saint Esprit vous l'a envoyée et c'est pour cela qu'elle vous a été envoyée pour vous expliquer cette histoire et c'est pour vous faire comprendre les beautés du ciel qu'a été formée et qu'a été faite cette histoire d'abord. »

5. Les sages des Hébreux interrogèrent : « Quelle est la forme ou l'assemblage qu'a le monde « Je vais vous le dire, » dit la langue toujours nouvelle, « toute forme et toute nature et toute lumière qui a été créée dans le monde, le Christ l'a faite dans son corps, dans lequel le Christ ressuscita d'entre les morts et il y a dans le corps de chaque homme des quatre éléments : de la terre a été fait le corps et c'est la cause pour laquelle il est sec, lourd, fort, difficile à mouvoir, comme est tout le monde ; (ainsi la terre passe avant l'eau et l'eau avant l'air et l'air avant le feu et le

284 G. Dollin.

fhiormaiment nidh is foiriomala dôibh 7 an talamh na puinc chômhchroin a-cccart mhéadhain, an talamli gan suhstaint faoi, acht grâsa De d-a coingcamâil, 7 an tuisga do rcir faine do bhe7h iona timpcioll; gidh7h do cruithaig an tùismiglnlieoir, .i. losa Criost, an chcud tiÏÏsmar' mliàighedh aitreabh do na daoine 7 do na hairmeantaibh 7 atâ an t-aogcar in-a timpcliioll atruir 7 an fiormaiment do gach tâobh diobh a-ccearthar, 7 as-i so tuarasgabhail an domhain agus na ceithre duilc 7 as uata do rin7h an corp 7 docuir7h dùil uisge an 7 a-si a tuanwgabhâil a-bhcith fùar, fliuch, sôli'iiste 7 na dhiaigh sin do cuir7h duil tuine an 7 as-é tuanwgabhail ; an chuirp bheith tirim, loisgetheach, éadmhur, éadrum, siléach, soghluaiste 7 a-sé adhbhar an tine a-ccorp an duine .i. fuil déarg 7 domblus aodh maille lionad 7 lion dubh 7 as-é do bheir fearg a criodhthib na dâoine; 7 atà san ccollain adhbhar aeghair .i. gaoith, 7 atâ adhbhar don gréin 7 don easga a ccorp an duine .i. radharc ioiîa suilib, 7 atà adhbhar do chlocha 7 do crahaib a-ccorp gac nduine 7 as-é do nidh chumhadh féola agus cnamh séach a-cheile, 7 atà adhbhar do bhlàithibh fôs ah .i. sgéibh ioh-a ghrûadiiaibh 7 dait an chuirp : dorachach an donihah uile air neamhnidh muna ttigeach losa Criost a-ccoUuin daona agus muna ccéusa ê féin tar cean t-siol Adhamh agus eiséirge ô bhàs go beatha, do rachaidis uile go hifrion ria teacht an bhratha 7 ni ghinfighe dùil air 7 do lasàidis na seacht raiia nimhe 7 cheithre nimhe an Righthighe, 7 ni bhiadh talamh ciiieal mar sin san domhah acht ifrioh àmhain, 7 is uime do cuir7h mise chughaibhse », air an t. b. n., « shéanmôir 7 fhoillsiughadh an sgeil-se dhibh no ba dall fiordhorcha hhur ccroidhthe a-dhaoine an dômhain gus anois. »

4. « Maise », ar e. n. n., « inis duin cioh».s- do bi an dômhan chruthugbït//;, ôir atamaoidh ainbhfiosac ah, monadh n-inisir ê ». Do làbhair an t. b. n. do bearladh aihlige riu agns adubhairt « nach raibh talamh na ifrion an air ttùis 7 ni raibh as cûaird seas nimhe 7 seas naol ^ nimhe 7 ni raibh an nidh air ttuitfach gaoth na fearthuine sneachta 7 fôs ni raibh srotha na aibhne ah iohad piastuide éunla an aeghear croth, ceathrra, n-daoine, nidh airbith elle. » « Créadh do bi ah? » ar e. n. n. « Do bi », ar an t. b. n., an t-aon Dia uilechô- mhas gan formad, gan doroing, gan tûis, gan deire, gan brôn, gan tuirse, gan imhsniomh, gan fuacht, gan ghorta, gan ocras, gan chôga, gan ceanarrflj/j as sith sothaina, 7 fôs ni raib nidh bha deacra leis do dheanamh iomràdh na mheahmuih. Dixit .i. Dia môr ag deanamh uile gan obair do ràdh as firt gan saothar, gan doiligh, gan dorông dorin Dia gan foghluim iad; an tan dorin Dia an domhan do dheala neamh 7 talamh, grian 7 easga agus do rin se an cathair néamhdha air ttuis gor-a haingluibh, ataid seas n-gréanbhrôgha ah gach tuath bhfuil ah agus dha chéol déag 7 tri hthid 7 cheire céad mile an is gach grianbhrôgh ' scachnoih an Riglithigh néamhdha ag mola an duileamhuin.

1. M. Douglas Hyde me suggère de lire tuisiuliightheoir.

2. Lire nèl (D. Hyde).

3. C{. in grian hrugaib Parduis, Saltair na rann, v. 1868.

Une rédaction iiiodcnie du Teanga bithnua. 285

feu avant le firmament, car le firmament est la chose qui vous limite et la terre, comme un point(?) toute ronde au juste milieu, la terre sans support sous elle, sauf la grâce de Dieu pour la soutenir, et l'eau comme un anneau

tout autour; cependant le créateur, c'est-à-dire Jésus-Christ, créa

demeure des hommes et des animaux et l'air est autour encore, et le firma- ment de chaque côté d'eux quatre, et voilà l'explication du monde et des quatre éléments et c'est d'eux qu'a été fait le corps) ' ; et l'élément de l'eau y a été apporté et c'est l'explication de ce qu'il est froid, humide, brillant ; et enfin y a été apporté l'élément du feu et voilà l'explication de ce que le corps est sec, brûlant, jaloux, léger, mobile et voici la matière du feu dans le corps de l'homme, c'est-à-dire le sang rouge et la bile du foie avec les humeurs et la bile noire et c'est elle qui donne la colère aux cœurs des hommes ; et il y a dans le corps la matière de l'air, c'est-à-dire le vent ; et il V a la matière du soleil et de la lune dans le corps de l'homme, c'est-à- dire le regard dans les veux ; et il v a la matière des pierres et des arbres dans le corps de chaque homme, et c'est cela qui a fait la forme d e la chair et des os séparément ; et il y a la matière des fleurs encore : c'es t-à- dire la beauté dans ses joues et la couleur du corps. Tout le monde s'en serait allé au néant, si Jésus-Christ n'était venu dans un corps humain; et s'il n'avait souffert lui-même pour la race d'Adam, et n'était ressuscité de la mort à la vie, tous seraient allés en enfer avant la venue du Jugement et aucune créature ne naîtrait et les sept parties du ciel et quatre cieux du Royaume s'embraseraient et il n'y aurait ainsi ni terre ni race dans le monde, sauf l'enfer seul, et c'est pour cela que je vous ai été envoyée, dit la 1. t. n. pour vous prêcher et pour vous expliquer cette histoire; autre- ment, aveugles et très obscurs étaient vos cœurs, ô hommes du monde, jusqu'à maintenant. »

4. « Eh bien! », dirent les sages des Hébreux, « raconte-nous comment fut le monde avant la création, car nous l'ignorons à moins qu'on ne la raconte. » La 1. t. n. leur parla dans la langue angélique et dit qu'il n'y avait ni terre, ni enfer au commencement et il n'y avait que le circuit des sept cieux et des sept nuées du ciel, et il n'y avait rien sur quoi tombât le vent, la pluie ou la neige et encore il n'y avait ni fleuves, ni rivières, ni demeure de serpents, ni oiseaux dans l'air, ni bétail, ni troupeaux, ni hommes, ni rien d'autre au monde ». « Qu'y avait-il? », dirent les sages des Hébreux. " Il y avait, «dit la 1. t. n., « le seul Dieu puissant, sans envie, sans peine, sans commencement, sans fin, sans chagrin, sans tristesse, sans fatigue, sans froid, sans faim, sans appétit, sans bataille, sans sédition, mais paix éternelle, et encore il n'avait rien à faire de plus difficile que de penser en son esprit. Dixit. Dieu grand, faisant tout sans travail, ne dit que miracle sans travail, sans chagrin, sans douleur; Dieu les fit sans apprendre. Quand Dieu fit le monde il créa le ciel et la terre, le soleil et la lune et il fitt la cité céleste au commencement avec ses anges ; il y a sept plaines enso- leillées dans chacune des tribus qui sont et quatre cent mille soixante douze chants dans chaque plaine ensoleillée à travers le royaume céleste, louant le Créateur. »

I. Cette curieuse digression sur les quatre éléments manque ailleurs. Je l'ai mise entre parenthèses.

286 G. Dollin.

5. Atiùabhairt e. n. n. : « Inis dùin cread an chûmaatâ air an Rightha ar an n-dônihan cile » « Foillséoch sin dib» air an t. b. n., « ghion go bhfcicion dibh fcin c, as crôin atd an dômhan uile, agus as crôin fôs do rin se an catliair néamhdha, agus as crôin rin na duile 7 na seas nimhe 7 na seaclit marradb, 7 as croin atâid na hanmna air na bhtblamliughrtf//; as na corpaib daona, 7 as croin atâ an t-àrd Righ uile comhachtach féin mar a bhfuil ioiia shuighe iona chathair féin go deircadh an dômhain 7 ni feadfaidis fir an bheatha as beagan dd thuairisg do thabhairt uatha : oir atâ se as cion tuigsiona daona 7 an uile eagna méid a gloire 7 a mhaithiosa dfeisnéis, ôir mbéidis siol Adamh shirfeucaint do gach leath, ni hiidb fios dôibh a-chûl seach àïghedh as ê na dhlûim dearg thintighe air dearg- lasa, ôir is ûaidh féin foillsighthear gach nidh 7 da dhearbadh sin do chuir se seacht sôilse éasga an gréin, 7 seas soilse gréine an anam an fliioraoin, 7 seacht soillse an anama a-soh« ua seas nimhe, 7 seas soillse na seacht nimhe an-deallram an aingil, 7 seas soillse an aingil a sohis an Righthighe néamhdha an-deallra na trionôide atâ san ccathair néamhdha.

6. 7 as-é adùbhairt e. n. n. : « Créad dob adhbhar do domhan no créad da n-déarrna é ». Do d-freagair an t. b. u. « 7 as-é nidh da n-déarna é .i. teas, fuacht, fliucan, tiormacht, soillse, dorchadas, aoirde, isle, millse, seirbhe, soigneart, doigneart, sâile marra, fùaim, fotram, toirneach, torah, bolait, bolltans, an-ôird na n-aingiol, toirneacha tiiiteach do cruinigheadh ag-ceah a-chéile iad tré bhreithir an drd Righ agus as-e sin adhbhar an domhaih. »

7. « Maise », air e. n. n. « inis dùin an dôibh sin do riheadh ifrioh. » Dfreagair au t. b. n. 7 adùbhairt : « Ni dhearna ifrion (air se) go ndeachaidh an t-ârcaingiol, .1. Lucifer, tar réir an choimhdé comasach go bh-fuair ollamh chean tré bhrethir an âird Righ é. » « Maise », air é. n. n., « créad ndearrnad ifrion ». D-freagair an t. b. n. go n-dubhairt « gâcha d-fûair an t-âird righ uile chômhasach do theas, do fuacht, do sheirbhe, do dhit, do dhochar, do dhomlas, do phlâig, do peanuidh, do ghorta, do dhacar, do ghrùaim, do ghâlar, do dholâs, do tighim, do shaoith, do shiorghol, do bhruath, do bhuirbe, do chéch, do dheatach, do dhorcad»5, do sneachta, do réogh, do gharbhghaith, do thôrnach, do thintibh, do chrùas, do cheaharra, do cogagh, do sparain, do ghaoilge, do dhaithmheanmhuin ', do thiomurgaigh 7 do tiomsuidh a-ccéan a-céile iad tré bhroithir an ârd righ amhail adûbrâmur do bheith ioiia n-ionadabh priosûin do na peacadhibli tre sâruighthe aithne Déa dhôihh iohas go mbid grain ^ chodhla, gan chômhsûan, gan aoibhneas, gan ûrghârdachus, gan sûil re maith, as ag médàughadlj uile 7 ag tôgbhâil gâcha peine on bh-fior Dhia uile chômhasach. »

1. Il faut lire sans doute doiDihcafniihui 11.

2. Faut-il lire simplement o^(i« « sans »?

Une rcdadioii niodcnic du Teanga hitlinua. 287

5. Les sages des Hébreux dirent: « Raconte-nous quelle est la forme qu'a le Rovaumeou l'autre monde». « Je vous le révélerai », dit la 1. t. n., « quoique vous voyiez, c'est rond qu'est tout le monde, et c'est ronde encore qu'il a fait la cité céleste et c'est ronds qu'il a fait les éléments et les sept cieux et les sept mers, et c'est rondes que sont les âmes après être sorties des corps humains, et c'est rond qu'est le Haut Roi tout-puissant lui-même, comme il est assis sur son trône même jusqu'à la fin du monde et les hommes du monde ne pourraient en donner que peu de nouvelles, car il est le chef de l'intelligence humaine et de toute la sagesse. . .raconter la grandeur de sa gloire et de sa bonté, car si la race d'Adam était à regarder sans cesse de tout côté ils ne connaîtraient pas son dos plus que sa face, tîiais il est dans un nuage épais rouge-feu en train de brûler ; c'est de lui-même qu'est éclairée toute chose' et, pour le prouver, il a mis sept lumières de lune du soleil et sept lumières de soleil dans l'âme du juste et sept lumières de l'âme dans la lumière des sept cieux et sept lumières des sept cieux dans la splendeur de l'ange et sept lumières de l'ange dans la lumière du Royaume céleste et sept lumières du Royaume céleste dans la splendeur de la Trinité qui est dans la cité céleste-.

6. Et voici que dirent les s. d. H. : « Quelle fut la matière du monde ou de quoi fut-il fait? » La 1. t. n. répondit : «. Et voici la chose dont il fut fait, c'est-à-dire le chaud, le froid, l'humide, le sec, la lumière, l'obscurité, le haut, le bas, le doux, l'amer, le fort, le faible, la salure de la mer, le bruit, le fracas, le tonnerre, le grondement, l'odeur, le parfum, le chant des anges, les tonnerres enflammés qui furent réunis ensemble par la parole du Grand Roi, et c'est la matière du monde. »

7. « Eh bien! », dirent les s. d. H., « raconte-nous si c'est de tout cela que fut fait l'enfer. » La 1. t. n. répondit et dit : « L'enfer ne fut pas fait », dit-elle, « jusqu'à ce que l'archange, c'est-à-dire Lucifer, transgressa l'ordre du Seigneur puissant en sorte qu'il le trouva prêt pour lui, par la parole du Grand Roi. » « Eh bien », dirent les s. d. H., « de quoi a été fait l'enfer? » La 1. t. n. répondit en sorte qu'elle dit : « Tout ce qu'a trouvé le Grand Roi tout-puissant de chaleur, de froid, d'amertume, de destruction, de malheur, de mauvais goût, de pestilence, de tourment, de faim, de malheur, de déplaisir, de maladie, de chagrin, de peste, de peine, de pleurs continuels, de violence, de brouillard, de fumée, d'obscurité, de neige, de gelée, de vent rude, de tonnerre, de feux, de difiiculté, de sédition, de bataille, de querelle, de détresse, de mauvais esprit, tout cela le Grand Roi l'assembla et le réunit ensemble par la parole, comme nous avons dit, pour servir de lieux de prison aux pécheurs, à cause de la violation de la volonté de Dieu par eux, en sorte qu'est l'horreur du sommeil sans repos, sans plaisir, sans joie, sans espoir dans le bien, mais augmentant le mal et élevant chaque peine de la part du vrai Dieu tout-puissant. »

1. Cf. Fis Adaiinniiu, § 10.

2. Ce développement sur la lumière divine ne se trouve pas dans les autres rédactions.

I

288 G. DoUin.

8. « Maise, inis dun », air e. n. n., « ar crûithigy Adhâmh n-aimser San ». D-frâgair an t. b. n. 7 as-é adiibhfliVt : « nâr cruithiglicadh 7 ro bi an domhain 7 na huile nid eile an air, as-é seo tionsgnadh do rin Dia re iomthnùith an aingil .i. Lucefer, do rin Dia se néamh agus talamli san dômlinach : do rin se an fiormaiment a méodhan an uisge san lùan : do rin muir 7 tir gon-a ttorthaibli san mâirt, do rin gréan a.gus aesga 7 rana nimlie san cceadâoin, do rin éunla an aegcir ag;/5 tona fairge san dârdâoin, do rin ainimhiolta an talaimh 7 daoine do talamli san aoine .i. Adhamh, do no dùile .i. talamh, tiiie, aegliéar 7 uisge amliùil atâ is na hoibreacliaib séalalta. Facennis hominem ad iniagineiii et simililiidineni nostriini À. deanamaoid an duine air àr ccosamalacht féin; do rin7h âmhla sin é, air sin do rugadli go parrathas é 7 do cuireadli Adhamh na chodhla an 7 do bainyh éasna as a taobh cli n-déarrnais Eabha 7 âduhain air sin : Cresit etmiiUiplicaiinii et replète terrain .i. fasaig 7 sioltuigh7h 7 lionaig an talamli. D-aithin Dia go radiach an duine tair aithine féin 7 is uime do sûighcadh fa' nime grâsaibh do shiol Adhàmli air mona fàicfidis an Rightheach neamhdha gon aingliobh 7 gon-a mhôrmhùihtir. »

9. D-fiafraig e. n. n. tùarusgabhàil neimhe Dé. « Do bhéara sin dibh », air an t. b. u., « néamh is foisgi dhiôbli is ah do suig7h easga .i. an raé. Atà dha neamh eile ah os a-ccioh sin .i. Mercury 7 Venus 7 ataidh glantsol/« go n-iomad ainghiol àluin ionta agus as measargha bfûas agus teas iad. Atâ an céatramhadh neamh ah .i. neam fudr ùata sin suas, 7 as an bhios an ghrian 7 as-e ghlâise na leacaidhre a dhaith, 7 atà seacht bh-fùaire an t-neachta ah, 7 is ahse cuirios an ghrian a cùrsa. Atà neamh' uatha sin suas .i. Saturnus, 7 ârd neamh ùata sin suas âgus is solùs ghrianach taithniomhach é agus ni furasdà airiomh a-bhfuil do céoltaibh 7 do cihéal céoil air neamh 7 is iomdha ilchéolta eile seachnoih na seas neamhdha sin nach feidir a-bhfàisneis agus atà spéir um gach neamh do na seas neamhuibh sin ; adeirim fôs go bhfuil tri spére eile ioha ttimpchioll dubhramar fôs .i. spéir na n-àirdreana, spéir na ccômhtora 7c. agus os accion sin uile 7 atàid da cùird cum an m-beith do no creasaibh sin ag/(5 atàid dhràgan tintighe tihc iohta sin 7 timpchiollaid na creasa sin uile do réir toile Dé.

10. « Ihis dùin », air e. n. n., « mhéid do mhuiribh àta san domhain ». Do fhreagair an t. b. n. agus as-e dubhart : « atàid tri marruibh ah », arse, « .i. muir dhorcha iomdhoih fii thaobh an talaimh thuaidh(;<//j go ccuireah si gàr doingeamhail fd dhoirsibh na b-pian do mheadughrtf//; peine na b-peacach ; agus àta muir ghlan ghlôrach air gach

1. Fiai ind uiinefri gnusi, Lîsmofè, 25.

2. da nem aile, Lismore. 27.

Une rédactio)! moderne du Teanga bithnua. 289

8. « Eh bien, raconte-nous » dirent les s. d. H. « si Adam fut créé en ce temps-là ». La 1. t. n. répondit et voici qu'elle dit : « qu'il n'était pas créé et le monde existait et toutes les autres choses sur lui, et voici la première chose que fit Dieu contre la jalousie de l'ange, c'est-à-dire Lucifer; il fit le ciel et la terre, le dimanche; il fit le firmament au milieu de l'eau le lundi ; il fit la mer et la terre avec ses productions le mardi ; il fit le soleil et la lune et les étoiles du ciel le mercredi; il fit les oiseaux de l'air et les vagues de la mer le jeudi; il fit les bêtes de la terre et les hommes de terre le vendredi, c'est-à-dire Adam, des éléments, c'est-à-dire terre, feu, air et eau comme c'est dans les ouvrages terrestres. Faciamus hominem ad imagi- nem et similitudinem nostram, c'est-à-dire, faisons l'homme à notre res- semblance. Ce fut ainsi, puis il fut porté au Paradis et Adam fut endormi et une côte fut retirée de son côté gauche, dont il fit Eve et il dit alors : Crescite et multiplicamini et replète terram : c'est-à-dire : Croissez et mul- tipliez et remplis[sez] la terre'. Dieu savait que l'homme transgresserait et c'est pour cela que fut placé le voile du ciel devant la race d'Adam pour qu'ils ne vissent pas le Royaume céleste avec ses anges et sa grande famille. »

9. Les sages des Hébreux demandèrent l'explication du ciel de Dieu. « Je vous la donnerai » dit la 1. t. n. Le ciel le plus près de vous, c'est que se trouve la lune, c'est-à-dire la Raé '. Il y a deux autres cieux au-dessus de celui-là, [ceux de] Mercure et Venus et il y a en eux de la lumière pure avec de nombreux beaux anges et ils sont modérément froids et chauds; il y a le quatrième ciel, c'est-à-dire le ciel froid en s'éloignant de ceux-là et en haut et c'est qu'est le soleil et sa couleur est plus bleue que la glace et il y a sept froidures de neiges et c'est que le soleil porte sa course. Il y a un ciel en s'éloignant d'eux au-dessus, [celui de] Saturne ; et un ciel élevé en s'éloignant au-dessus et une lumière ensoleillée, brillante, et il n'est pas facile de compter ce qu'il y a de chants et d'espèce de chants dans le ciel et il y a une foule d'autres nombreux chants à travers ces sept cieux-là en sorte qu'on ne peut le raconter, et il y a une sphère autour de chacun de ces sept cieux-là. Je dis encore qu'il y a trois autres sphères autour d'eux que nous n'avons pas dites encore, c'est-à-dire la sphère des astres supérieurs, la sphère des productions etc. et au-dessus de tout cela il y a deux cercles pour ces zones et il y a deux Dragons enflammés de feu en eux et ils entourent toutes ces zones selon la volonté de Dieu. »

10. « Raconte-nous w, dirent les s. d. H. « combien de mers i! y a dans le monde. « La 1. t. ji. répondit et voici ce qu'elle dit : « Il y a trois mers, dit-elle, « c'est-à-dire une mer sombre, très profonde, à côté de la terre au nord en sorte qu'elle mène un bruit lugubre contre les portes des châtiments pour augmenter les châtiments des pécheurs ; et [il y une mer pure,

1. Cette annonce des diverses parties du sujet manque dans les autres rédactions.

2. Cf. Fis Adaninain, § 5.

5. Nom de la lune en gaélique d'Ecosse.

Revue Celtique, XXVIII. 19

290, G. Dot lin.

Icith di sin, ngiis ni sguirion acht ag mille agits ag tràgha agtis as-i coisgios [/Joltortha an talamh bid cômhtrom gach bli(7(//;na 7 lasa iongantach intc 7 deith mile ag/(5 tri fithchid 7 seacht ccéad do cluintior a fûaim 7 a-hanabh- the 7 ni chômhnûidhe si as o easbairt an dômhnaiggo maidion lùain 7 ni labhran as céol ainglidhe ag molad ris an rea sin ; agiis iomad marruibh elle na heagmais fa thaobhuibh an talaimh 7 âta muir dhearg go n-iomuid liaga lôghmhur 7 lonrach fola idir an Eôrap' 7 an India; ngus àta muir ghléageal go n-iomad n-dait n-eagsamhuil don taobh attuadha^//; idir thonaibh diibha san n-ard shoir 7 is adéirthior muir Cheap agus téid osna gach ton neulaibh nimhe; 7 àta muir iongantach an 7 ni tigid longa na arrthuidhe uire 7 as uime na imthighid .i. ôr 7 liaga loghmhuir an tràdha is ganimh di 7 bid ag tarang an iarruin chûcha ; 7 àta muir eile aiî 7 do cidttar i ag liandha ô bhealltuine go samhuin 7 ag tràgha ô samhuin go bealltuiiîe 7 éirgid^ a-piastuighe agiis a blàithmhiolta an chomhthaid bhios ag tràgha 7 bid srotha an bheatha ag teas le aniach an uair bios ag tuile ; -dgiis àta chinéal déag 7 trifithchid do tobaruib san ccruine go n-iomad n-dait n-éagsàmhuil ôrtha 7 is diobh tiobruid Éibhin ' 7 bi si ag clàochlad a dàtha gach laoi agus daith fola ô mheodhan laoi go hamsir easbairt 7 ge b-é ibhtheas nidh d-à huisge, ni thig gàire tar a beal o sin amach go bràch. Ata tobar air sliamh Siôn a-tir Eabhrach ag«^ ni faicter ag tuile, éi 7 bith a-làn ûisge inte air feadh na seasmhi;/'»e go heasbartoin dia domhnaig 7 bith a-làn fiona domnaigh iiite, 7 gach nduine ibheas ni d-à huisge, ni bhion brôn na tuirse go bràth air. »

11. « Ihis dùin », ar e. n. n., « ca meid sruith àta san domhain. » Ata shruiih », air an t. b. n., .i. sruith na bpian, 7 as amhla àta uisge an tsrotha sin 7 seacht tteas na tihe an 7 ni thàithighidh daoine aiî, acht anman na bpeacach 7 na ndeamhan bhios a côimdeacht na n-anman sin ag-à bpiana , agus àta sruith eile ah an insib Tibia +, 7 as môr na miarbhiiiltighe foillsighear. Oir do bi lan uisge inte, 7 an ûair déirge Criost ô bharbhuib 7 do bi a Idn fiona ô sin a leith an 7 àtaid cinéal liaga loghmhaire san shruith sin, 7 an lucht do dhaoinibh ag-a mbia cloch di air iomchar, da mbeidis lômnachta le gaoith, nior mhoide a-bhfuas è, 7 da mbéidis a ttinte dearga, nior moide a-tteas ê. »

12. « Inis dhuin », air e. n. n., « na cinéal chrah is uaisle sa dômhan. » « Ataid )),air an t. b. n.,« chcithre crana a ttalaim, 7 chiall daoine gach cràh diobh, 7 as ag shruith Ortanàin ata cran diobh, agus ô thiobruid Orthanàin ainimightear ê, agus cuirean tri toradh gach hlïadban de .i. to-

1. Egipt, Lismore, 34.

2. eghit Lismore, 35, eigit Lccan.

3. Ebioii, Lismore, 36.

4. Tebe, Lismore, 42.

Uiw rcddiiioi! )Uodcnic du Teanga bithnua. 291

bruyante, de chaque côté de celle-ci et elle ne cesse de monter et de descendre et c'est elle qui empêche beaucoup de productions de la terre pour qu'elles ne soient pas égales chaque année; et il y a en [la troisième merj une flamme merveilleuse et à sept cent soixante-dix milles on entend son bruit et sa tempête et elle ne reste tranquille que du dimanche soir au lundi matin et elle ne parle que chant angélique, louant Dieu en ce temps- là. Il y a nombre d'autres mers loin d'elle, aux côtés de la terre ; il y a une mer rouge avec de nombreuses pierres précieuses et léclat du sang entre l'Europe et l'Inde ; et il y a une mer brillante avec nombre de couleurs différentes du côté nord entre des vagues noires dans la direction de l'Est et c'est elle qu'on appelle mer Ceap et le soupir de chaque vague va aux nuées du ciel ; et il y a une mer merveilleuse sur laquelle les vaisseaux et les navires ne vont pas et c'est pour ceci qu'ils n'y vont pas, c'est que son sable est de l'or et des pierres précieuses du rivage et ils attirent le fer à eux + ; et il y a une mer qu'on voit monter de Beltaine à Samain et descender de Samain à Beltaine et ses bêtes et ses monstres crient tant qu'elle descend et les fleuves du monde débordent avec elle quand elle monte. Il y a soixante-douze espèces de sources dans la terre avec nombre de couleurs diff"érentes sur elles et parmi elles la source d'Ebion et elle change de couleur chaque jour et elle a la couleur du sang 5 depuis le milieu du jour jusqu'au soir et si quelqu'un boit de son eau, il ne vient plus de rire dans sa bouche désormais jusqu'au Jugement. Il y a une source sur la montagne de Sion dans la terre des Hébreux et on ne la voit pas s'enfler et elle a son plein d'eau pendant la semaine jusqu'au soir du dimanche et elle est pleine de vin le dimanche et quiconque boit de son eau n'a plus de chagrin ni de tristesse jusqu'au Jugement. »

11. « Raconte-nous », dirent les s. d. H., « combien de fleuves il y a dans le monde. » h II y a deux fleuves », dit la 1. t. n., « c'est-à-dire le fleuve des châtiments et voici comment est l'eau de ce fleuve : il y a en lui sept chaleiu-s de feu et les hommes n'y fréquentent pas, sauf les âmes des pécheurs et des démons qui gardent ces âmes pour les tourmenter ; et il y a un autre fleuve dans les îles de Tibia et grandes sont les merveilles qui y sont manifestées, car il est rempli d'eau, et, lorsque le Christ a ressuscité des morts, alors, il a été désormais plein de vin et il v a une espèce de pierres précieuses dans ce fleuve-là et les gens qui portent une de ces pierres, s'ils étaient nus par le vent, leur froid n'en serait pas plus grand et s'ils étaient dans des feux rouges, leur chaleur n'en serait pas plus grande.

12. « Parle-nous », dirent les s. d. H., « des espèces d'arbres les plus nobles du monde. » « Il y a », dit la 1. t. n., « quatre arbres sur terre et chacun a l'intelligence d'un homme et c'est auprès du fleuve Orthanâin (Jourdain) qu'est [le premier] et c'est de la source de l'Orthandin qu'on

292 G. Doltiii.

radh glas air ttùis, toradh dearg na dhiagh sin, 7 is geai an treas toradh ; gach aon bhlaiseas don ghlas toradh, ma cigchialliiide é rolmhe sin tig a-chiall sa cûimhne; do gach aon bhlaiseas don toradh gheal, ge mâdh easlàin é rimhe sin, slànuighthear ê fa dhéoigh ; agï/5 gach aon blaisios don toradh .dhearg ni bheigh teirce bidhe dige go brâth air. Nior thuit duille an chraih sin rîamh 7 ni thuitfa caoidhche; 7 cran na beatha is aiiiim do 7 a-bparrt;« âta se, 7 gach aon bhlaisios d-â thorad, ni théid dh-éug go brath, ag//5 tre an chran so do cuïredh Adam a-bpàrrathas. Ata cran elle a-tir Eabra, an doisgeart sliabh Sion, 7 bile Nambûadh' ainim an craiiî sin, ag;« ni bfuair aon duine ô thùis an dômhaih ê, 7 anaimsir ionar céusa Criost oir is do dhcagaibh an crain sin cran croice Criost lé-ar haivghedb ifrion uile 7 nar slànuigheadh an dômhain uile 7 gach aon blaisios thoradh, ni ghabh na faoth na galar ê éis sin go brath, acht slàinte futhain, 7 màdh déidhghealbhach roime sin ê, is-e bhus aile ar domhaiii fireaneach, 7 ni arsùidhean go bràt ; ni thaine riamh fion ba féarr bolaith 7 sdsamh ioha toradh an craih sin ; ata soillse greine nd bolaith agiis deirg ôr bhios air, ag/^5 àtaidh dhâ cinefll déag 7 tri fithchid do cinéalaib céoil éagsamhuil ag-a sinim, ag-a-ccantuiiî, air a-bharr 7 ataid chuig 7 tri fithchid 7 tri chéad éun go n-gile sneasa, agus go sgiathanaib ôrdha ngus sûile amhail liaga loghmhair ag cantuiiï chéoil 7 ôrfaide 7 ealàdhna air ghéugaibh an chràih sin.

13. Adubhradar e. n. n. « Atd ainbhfios mhôr orruih fa gach nidh n-abhairtu 7 gach ni nàch faiciomaoid féin ê 7 is droichredhthe lin fos iad ». Adubha/Vt an t. b. n. riù : « ag - forusta an Righ oirdhearc, uasal, bhreathach, an dorin neamh 7 talamh re prap nasûl, 7 na cchuireah sibh uile air neamhnidh ar son bhûr ni'ghcreidimh, 7 an ciialamhuir an miol beahach do cuir7ha-ttraio mhuir Cheap an Eabhraclw/Wj, an oidhche gein7 Criost, 7 sruith fiona 7 sruith fola 7 sruith leamhnacht as a bhéal an-einfhéacht, 7 seacht n-adharca air 7 di'ol da caogatt air chéad dhig go rachach an gach adharc dhiobh 7 mairid fôs nd hadharcha sin ion bhùr n-dûntaib fein 7 ioiî bhûr ccathrachaib aguibh 7 ba côraide dibh creidhiomh don sgéil-so e », air se, « 7 fôs dob iongantach an t-éun da-rab ainimm loruait' ag-a bhfuil môran a-ttir na Hindia diobh, agus aon ugh bheirios an t-éun sin gâcha hliailhau agus air an grian geinean eun sin ligh agus tig an t-eun d-â fhios, an tan is cead le Dia ê, 7 léighthear an t-éun as an ugh agus do nidhthear longa ag//5 lûathbâre don ugh sin agus beirios gach leathphlaosg diobh deichbhfithid 7 seas gead aoch goina lioiïtaib 7 goina n-armaid tar fairge 7 âta môran da-n choimhthionol sin, mur âta tâoise, thainig a bplaosgh na n-ugh sin : agus déinig amhriis air Dia, a dhaoine, agus crcidig ion-a bhur ccroidhce iongantacha miorbhultighe Dé.

1. Nalhaheii, Lismore, 53.

Il n'est pas question ici du troisième arbre.

2. as Lecan.

3. C'est en irlandais le nom d'Hérode et celui de la Norvège.

Une rédaction nioclenie du Teanga bithnua. 293

le nomme et il porte trois fruits chaque année, c'est-à-dire un fruit vert d'abord, un fruit rouge et troisièmement un fruit blanc. Tout homme qui goûte du fruit vert, s'il est déraisonnable auparavant, l'intelligence lui vient à la mémoire; tout homme qui goûte du fruit blanc, s'il était malade auparavant, est guéri; et tout homme qui goûte du fruit rouge n'a plus besoin de nourriture ni de boisson jusqu'au Jugement ; il ne tombe jamais de feuilles de cet arbre et il n'en tombera jamais. Et arbre de la vie est son nom [au second arbre], et c'est dans le Paradis qu'il est et tout homme qui goûte de son fruit ne mourra pas jusqu'au Jugement et c'est à cause de cet arbre-là qu'Adam fut chassé dans le Paradis. Il y a un autre arbre dans la terre des Hébreux au sud de la montagne de Sion et le nom de cet arbre est Arbre Nambûadh et personne ne l'avait trouvé depuis le commencement du monde jusqu'au temps eut lieu la passion du Christ, car c'est des branches de cet arbre-là que fut fait le bois de la croix du Christ par laquelle tout l'enfer a été dépouillé et par laquelle tout le monde a été sauvé et tout homme qui goûte de son fruit n'a ni crise, ni maladie après jusqu'au Jugement, mais santé éternelle et s'il était bien fait aupara- vant, c'est lui qui sera le plus beau du monde vrai et il ne vieillira pas jusqu'au Jugement ; il n'y a jamais eu de vin qui eût meilleure odeur et agrément que le fruit de cet arbre; il a la lumière du soleil dans son odeur et il est couvert d'or rouge et il y a soixante-douze espèces de chants diffé- rents qui résonnent et chantent à son sommet et il y a trois cent soixante- cinq oiseaux avec la blancheur de la neige et avec des ailes dorées et des yeux comme des pierres précieuses, chantant des chansons et des prières et de la science sur les branches de cet arbre. »

13. Les sages des Hébreux dirent : « Nous ignorons tout à fait tout ce que tu nous as dit et tout ce que nous ne voyons pas nous-mêmes et ces choses sont aussi ditïiciles à croire. » La 1. t. n. leur dit : « Il est calme, le Roi illustre, noble, judicieux, celui qui a h'n le ciel et la terre en un clin d'oeil et qui ne vous met pas tous au néant à cause de votre incrédulité et est-ce que nous avons entendu parler de la bête cornue qui fut apportée sur le rivage de la mer Ceap chez les Hébreux, la nuit que naquit le Christ; et un fleuve de vin, et un fieuve de sang et un fleuve de lait sortaient de sa bouche en même temps, et elle avait sept cornes et de quoi donner à boire à cent cinquante hommes pourrait tenir dans chaque corne et ces cornes restent encore dans vos villes et dans vos cités et il serait plus juste pour vous de croire à cette histoire », dit-elle, « et encore : il fut merveilleux l'oiseau qui s'appelle loruait et dont il y a un grand nombre dans la terre de l'Inde et cet oiseau produit un œuf chaque année, et au soleil cet oiseau pond l'œuf et l'oiseau vient le chercher (?) quand Dieu le permet et l'oiseau sort de l'œuf, et on fixit des vaisseaux et des esquifs de cet œuf et chaque moitié de coquille porte sept cents et dix-vingt soldats avec leurs provisions et leurs armes à travers la mer et il y a beaucoup de cette assemblée, c'est-à-dire les chefs, qui sont venus dans la moitié de coquille de ces œufs-là et ne doutez pas de Dieu, ô hommes, et croyez dans vos cœurs, les merveilles miraculeuses de Dieu. »

294 G. Doliiii.

14. Is ansan d-éirgc oglaoch do thûaiththaib Gûdaighe .i. Judas an Judas sin d-iarsma na hcasgûine agus mallas ag?« as-é adubhairt : « As bréagach, » air se, « an cran go na cheoltaib 7 go na duilleam-uir ortha 7 ni fior aon ni n-dubhrais ain », air se; iompûidh Judas tuaitseal mar tainig aighci//; toile cuige ', 7 tàinig néul chuige 7 câor tiiîtighe as a néul sin go rainig Judas na shuilib go n-déachaig trid go talamh, go fàgh marbh gan anam ameasg na slùaighe é, 7 mar do coiiarciodar na slôigh sin, do gabhadar a-guighe De 7 asé adubhradar gach aon diobh : « Air do choimirce dhuin, airdrigh neamhe 7 talmhaii », air iadsan, <• ag»5 na tàbhair aithsear air ar n-ainbhfiosa oruin ». « As coruidhe dibh trôcairc d-iarra », ar an t. h. n., « ôir giodh iomhda slôigh a.gus socuidhe San mordhail sin, do nihuiri7h Dia sibh uile le sile na sùil. »

15. « Inis duin », air e. n. n., « cion«5 atâid na seasnimhe go soiche an Rigtheach, 7 na haiiimnachaibh -, chum nimhe, an mhéid do phéin no do pheanuid imritear ortha an gach iofiad diobh ». Dfreagair an t. b. n. 7 aduba/Vt : « Atâid seas nimhe go sôichidh an Rightheach, 7 as-iad-so an aihmneacha .i. aeghear. ainim an neamh as goire dhibhsé dithibh, 7 Ertrim an neamh tanaisde, 7 Olimpus an treas neamh, Ignitum an ceath- ramhad neamh, Crelum an cuigeamhadh neamh, Eperium an seseamhadh neamh, agus Crebum Trinates an seasmhadh neamh, agus atâid seas n-doirse caoim ortha sin, iona ttéid an chiiïe daona a-steach san Rightheach, agus do cuireadh dôirseoirighe 7 lucht côimeadtha do mhûintear nimhe ortha 7 as-iad-so an-ai»mineacha .i. Abistum aihim an dhûin 7 Miacheil archaingiol as doirséor do, 7 atâid da og iha fliochair aii go bfleasgaibh iarnuighe ion-a lâmhuibh ag leadra na bpeacach ris an céad phéin. An dorus tanaisde Illision aihim 7 Urial arcaingiol is doirseoir do, 7 atâ 6g iona fhocair ag nighe 7 ag dâthugharf/; na n-amna na bhpeacach go mo coimhgéal le gréin iad, agus atâid tri tobair go blas meal, agus ge m-bolaith fûthain sioruighe fiona fior ùasal ortha, 7 toiraguid go dûghrasach ah-amna nabfiorâon 7 loisgid 7 pianuid ahamhna na bpeacach ah. Olimpus 5 dorus an treas néam Jarian aihim sin 7 atâ dhâ mhile dheag air aoirde ah 7 téid anamna na bfioraon le sile na sûl treas ah sruit sin 7 fôstuighthear ah-âmna na bpeacach go ceah h\\\iaLlh)ia déag an; Rapheal, aingiol is fear coimheadtha do, 7 ta seas bh-fùaire an t-sneacha an uisge an t-srotha sin agus is trid bhearthar anamna na bpeacach uile. An céathramhad neamh .i. Ignitum aihim 7 Lazarus ainim an doruis sin agus Sariell is fear coiméadhta do, 7 atâ srûith tihtighe san dor?n" sin agus is éagsamhuil ôs na srothaibh eile ê 7 fortuidhthear ah amna na bpeacach an

1. 0 thainicc ind adhaidh thoile ind airdrigh. Paris.

2. Il V a ici une lacune produite par une confusion de ainmueachaih avec anmannaih.

3. Ce mot est évidemment déplacé.

Une rcdaciioii iiiodcnw du Teanga bithnua. 295

14. C'est alors que se leva un des guerriers des tribus desjuifs, c'est-à-dire Judas, [descendant de) ce Judas fardeau d'imprécation et de malédiction et voici qu'il dit : « C'est une chose fausse », dit-il, « l'arbre avec les chants et les feuilles dorées et il n'y a rien de vrai dans ce que tu as dit », dit-il. Judas se tourna vers le nord en sorte que par la volonté de Dieu une mort vint vers lui et une nuée vint vers lui et une masse de feu sortit de celte nuée en sorte qu'elle atteignit Judas sous ses yeux et le traversa jusqu'à terre, en sorte qu'elle le mit mort sans âme, au milieu des troupes et quand les troupes virent cela, elles se mirent à prier Dieu et voici ce que dit chacun d'eux : « Donne-nous ta protection, grand roi du ciel et de la terre », dirent-ils, « et ne nous fais pas de reproches pour notre ignorance. » « Il est plus juste pour vous de demander la miséricorde », dit la 1. t. n., « car quelque nombreuses que soient les troupes et la multitude dans cette assemblée, Dieu vous tuerait tous en un cHn d'œil. »

15. « Raconte-nous », dirent les sages des Hébreux, « comment sont les sept cieux jusqu'au Royaume, leurs noms jusqu'au ciel, et la grandeur de châ- timent ou de pénitence qui leur est infligée en chaque endroit' ». La langue toujours nouvelle répondit et dit : « Il y a sept cieux jusqu'au Royaume et voici leurs noms ; c'est-à-dire Air le nom du ciel le plus proche de vous, Ether le second ciel ^, et Olympus le troisième ciel, Ignitum le quatrième ciel, Caelum le cinquième ciel, Hesperium le sixième ciel, et Caelum Trinitatis le septième ciel et il y a sept belles portes à ces cieux, par lesquelles la race humaine entre dans le Royaume et on a mis des portiers et des anges de garde de la famille du ciel à ces portes et voici leurs noms, c'est-à-dire Abistum le nom de la citadelle et Michel Archange en est le portier et il y a deux jeunes gens auprès, avec des verges de fer dans les mains, battant les pécheurs pour leur premier châtiment. La seconde porte a nom Illisiom et l'archange Uriel en est le portier et il y a deux jeunes gens auprès, en train de laver et de teindre les âmes des pécheurs pour qu'elles soient aussi brillantes que le soleil et il v a trois sources à goût de miel et avec l'odeur éternelle et perpétuelle du vin vraiment excellent en elles et elles baignent bienveillamment les âmes des justes et brûlent et tourmentent les âmes des pécheurs. La porte du troisièmiC ciel, rOlympus, s'appelle Jarian et elle a douze mille de haut... et les âmes des justes vont en un clin d'œil à travers ce fleuve et les âmes des pécheurs y restent jusqu'à la fin de douze ans; l'ange Raphaël est l'homme de garde et l'eau de ce fleuve est sept fois froide comme la neige et c'est Inique passent les âmes de tous les pécheurs. Le quatrième ciel, c'est-à-dire Ignitum est son nom, et Lazarus le nom de cette porte et Sariel 3 est l'homme de garde+ et il y a un fleuve de feu à cette porte-là et il estdiff"érent

1. Ce développement est à rapprocher du his Adaiiindin, § 15-20.

2. Cf. Liber Fîaviis Fcrgiisioriiiii, chez Stokes, Eriii, vol. II, p. 162, note § 27.

3. Le Saraqiel du Livre d'Hénoch, XX, 6.

4. Ce qui suit correspond à la description du cinquième ciel dans le Fis Ad a lundi 11.

29e G. Dollin.

bpianlosga 7 an tan is mitid le Dia ê flu'iasgla o na hpeacach tig aingiol chûcha 7 flcasg deilgneach iaruin n-a làimh 7 as amlila bhios an fleasg sin 7 ccad roin air gach aon dcalg mbeit air, go ttabharthach gach deilg diobh céad creacht air gnùis gach peacaidh dhibh ; beirig Mi'achail aircaingio! leis na hanamnachaibh go dorus an seasmhadh .i. neamh na Trionoide agus na hanamnachaibh mur aon ris 7 tâisbéantar lad a-bfianaise an dûileamuin ; is môr féabhas na fâihe dobheir an dùilcamhuin agus muintear nimbe don anam glan iohraic dogeabhaid, 7 as guirt ant a[c/;]mhusàn do bheir an côimh Dia cômastach do na péacaidhib. Adeir losa Criost ris na haingil : taisbeantar fothchrach nimhe 7 glôre na catharac neanihda do na péacadhaibh ionus go mo mhàid an doilgios ê fàm threigint ».

16. Dtiairaig e. n. n. : « meid fothchrach àta air néamh ? » Dfreagai an t. b. n. 7 as-é adubhart : « agaid fothchraig 7 se céad air neamh 7 àta an nuimhir chinte sin do piantaibh an-ifrioh. As aiîsan adeir an cômh Dia cômhasach na mhuintir 7 na ainglibh : béirig lib an t-aiiam neamhchrâibhtheach as-àdharc na bhflathus néamhdha; agus an côimh Dia comhasaig is an san sgarthar an t-anam coimirce na n-aihgiol lé-ar cumhaduigh7h go sôiche ar n-diùha do Criost; do léigios an t-anam is trom 7 is trûadh gach ôsna ag éagchàoine a-sgarrtâ ris an n-glôire sioruidhe. Sloigid air sin [njathdir nimhe dhéag àta ag an-ndiabhal anam an pheacaidh chiicha go mbid ag-a-chogaint, agus léigid uatha sios é tré an ttimpreacht ah-(i)ginibh an diabhail é, is aiî san do gheibh an t-anam coimeirce gach uile olc ag muiiïtir an diabhail 7 as-é céad phion do ghéib an tanam an san ; tairingean Lucifer leis ê 7 fothraghan an-aitibh àta mifrion 7 as-iad so ainim .i. Aesiro, Ceticriso, Saserlus, Costasagus Flexeton.

17. « Inis dùin » air e. n. n. « leith as a ttig an ghrian 7 éasga diiin oir atàmaoid ainbhiosacha dit as a ttig ; nàr fôigse grian don talamh na don fliiormaiment, no cia an ait an tàobh diobh bfuil ifrion, no mhéid dorus atà air an bhfiormaiment tréas a-ttigid na hainglibh : inis dùin fôs mhéid do cinealubh eagsamhuil àta san domhaii «. « Adeara sin libh », air an t. b. n. « go bhfuil cineal déag 7 trifithchid do thorabh air gheugaib, agus cineal déag 7 trifithchid d-eunaib an aogheir, 7 cineal déag 7 trifithchid do raoghalteana an aegeir, cineal déag 7 trifithchid do ainglibh air neamh, cineal déag 7 trifithchid do phiastaib an ifrion 7 dhà cineal déug 7 trifithchid do theangaibh aig siubhàl an dômhan ; atàid se déug 7 trifithchid agus seacht gcéad mile do mhiltibh a-bfitd an talmhan ô ihbhior srotha anôir go fuihe gréine siar agus atàid seacht air cheithre fithchid agus deith gcéad mile do mhiltibh a leathad an tailimh ô shlétibh Firise a-ttuadh go deisgirt na hÉorpha ba deas ag»5 ata an-uimhir chinte sin ô thalamh go neamh agus as-e faid àta ô talamh go neamh na heagsa (no go tti an rea) .1. seacht mile fithchid air chéad mhile do mhiltibh, agus àta ô éasga go gréin mhile dhéug agus tri fithchid air chéad mile do mhiltib, 7 is cômhor an

Ujic rcdaciioii moderne du Teanga bithnua. 297

des autres fleuves et les âmes des pécheurs y restent pour être tourmentées par le feu et quand Dieu oense le moment venu de le délivrer des pécheurs, un ange de Dieu vient vers eux avec une verge d'épine de fer à la main et ainsi est cette verge : chaque épine a cent parties, en sorte que chaque épine donnerait cent blessures sur la face de chaque pécheur. Michel archange emporte les âmes à la porte du septième [cielj, c'est-à-dire le ciel de la Trinité et les âmes ensemble avec lui et on les fait paraître en présence du Créateur. C'est un grand et excellent accueil que fait le Créateur et la famille du ciel à l'âme pure, juste, respectable et il est amer le reproche que fait le Seigneur Dieu tout-puissant aux pécheurs. Jésus-Christ dit aux anges : « Que l'on montre la récompense du ciel et la gloire de la Cité céleste aux pécheurs pour que le chagrin de me quitter soit d'autant plus grand. »

16. Les s. d. H. demandèrent : « Combien de récompenses y a-t-il au ciel? » La 1. t. n. répondit et voici ce qu'elle dit : « II y a six cent deux récompenses au ciel et il y a ce nombre fixe de châtiments de l'enfer. C'est alors que le Seigneur Dieu tout-puissant dit à la famille et aux anges : « Emmenez l'âme incrédule hors de la vue du royaume céleste », et c'est alors que le Seigneur Dieu tout-puissant sépare l'âme de la protection des anges par lesquels elle a été protégée jusqu'à ce qu'elle soit rejetée par le Christ. L'âme pousse un soupir plus lourd et misérable que tout soupir, se lamentant d'être séparée de la gloire éternelle. Là-dessus, douze serpents venimeux qui sont avec le diable avalent l'âme du pécheur en sorte qu'ils sont à la mâcher, et en se la passant la rejettent d'eux en bas dans les bouches du diable ; c'est alors que l'âme obtient la protection toute mauvaise de la famille du diable et c'est le premier châtiment que reçoit l'âme ; alors Lucifer l'entraîne et la plonge dans les demeures qui sont en enfer et dont voici les noms, c'est-à-dire Achéron, Ceticriso, Saserlus, Cocyte etPhlegethon.

17. « Raconte-nous », dirent les s. d. H., « de quel côté le soleil et la lune viennent à nous, car nous ignorons de quel lieu il vient; ou si le soleil est plus près de la terre que du firmament, ou en quel lieu, ou de quel côté d'eux est l'enfer, ou combien de portes a le firmament, par sortent les anges : raconte-nous encore combien de races il y a dans le monde. » « Je vous le dirai », dit la 1. t. n., « qu'il y a soixante-douze espèces de fruits sur les branches et soixante-douze espèces d'oiseaux dans l'air et soixante-douze espèces d'étoiles dans l'air, soixante-douze espèces d'anges au ciel, soixante-douze espèces de bêtes en enfer et soixante-douze langues sur la face de la terre ; il y a sept cent mille soixante-seize milles dans la longueur de la terre depuis l'embouchure du fleuve à l'est jusqu'au coucher du soleil a l'ouest, et il y a dix cent mille quatre-vingt-sept milles dans la largeur de la terre depuis les montagnes Flrise au nord jusqu'au sud de l'Europe du sud et ce nombre fixe est la distance de la terre au ciel et la distance de la terre au ciel de la lune (ou jusqu'à la Raé), c'est-à-dire cent mille vingt sept milles, et il y a de la lune au soleil cent mille soixante-douze milles ; et le soleil est aussi grand que la septième partie du monde et la lune est encore aussi grande que la septième partie du soleil et ce nombre fixe est

298 G. Dolliii.

ghrian 7 an scachtniliadli rafi don domlian, as cômlimhc')!- los an t-casga agus an seanihadh ran de, 7 ata an-uimir cintc sin do ainglidh air neanili 7 as-iad so ainim na n-ârcaingiol ag-a bfuilid na sliighte sin .i. Miachaii, Gaibriel, Sàiriel, Raphaël, Rumail, Urial, Panitibli, as-iad-so coiméadH5 na hanmana air pliiantaibh ifrion Urial a coimcad, marr Raphaël ag coiméad tailimh, Miachael agcoimead na n-anman. Ataid donis déag7 trifithchid trid na bhiîormament da ccômhlanaib ùir riu agus as triotha so thagid na haingil on ccathair néamliadh dion-agallamh daoinibh. Imthiisa an grian as-i a-cûaird tiompchal do bheir si comhghoradh agHi ni ' si an-domhan uile do ghoradh 7 do measarughadh ô mhaidion go néoin 7 téid air sin tar bheanaib iomlocha an talmhan .i. tair sruit na ndamhan 7 ibillsigh7h 7 goradh linte leathan t-sriotha sin 7 as-é crics uisge an domhain thimpchioll as an easgrughadh ioiîa bhfuiltigh-si. Tàid air sin iona sreibh dhearg thintighe imdheargr« ag//5 téigheos na tûatha riompo, as-é slighe na ttéid ghrian an san go mhaig mille, 7 as aluin bhios an mhaigh gach ùair lionus an nihuir 7 an machaire ag filHg ngtis tiomargaigh-si a-piastuidhe agus a- blaithmhiolta chuighche go leadraid 7 go luathmharbhaid iad 7 do nid eigmé 7 ârdghothad mora agus anigh(7//j suas ag iarra furtachta, 7 an ûair thràghas an mhuir, fWgbhus an macaire iona dhoirsibh uamhan 7 iméagla 7 is dimhiiï gur ba iad ata an san annamna na bpeachach àta san bpéiiî sin. Lûigheas an airsin tar srothaibh tintiglic 7 iad uile air dearglasa 7 as-iad atâ an .i. anamna na bpeachach 7 ' na n-déamhan coinieadîw iad bhios aga bpiana air an sliabh sin ; is an sin téid an grion go gleaii na siabhruighe - 7 as amla âta an glean sin 7 aon dorus amain 7 fostuithear ahani truadh na bpecach ris aga bpiano. Téad an grian air sin go hioluathaibh ifrifi ùa huaidh agus tar ghleanauibh 7 tar shrothaibh ilphiastacha ifriii; téid air sin go sléitibh tiiïtige 7 iad uile ar dearglasa agus as-iad ata san ionad sin an ainléanach sagart agus daoine riaghalsa âta bpiana ; téid ansan go glean diibhach, déurach, go n-iomad n-dréaguin, ilphiastach, agus âta do dhorchad;/5 an cuiran an ghrian a sôilse a ruithneamh nd a-deallramh tri horluighe ô na gnûis féin amach ; téid ansin go tir na n-ôg, agus as-iad daoine aithreab;« air sin a lan dé-anaibh is aile sa domhan, agus as-iad fôs is biiie céol agus ôirfide san domhan; téid an ghrian air sin tar mhaighibh aile go mblàithibh iomdha, agus blas fi'ona air na blaitibh sin. 7 air sin go parrathus Adhàmh ; as an thogbhus a-ccean air maidin.

18. « Inis duin », ar e. n. n , « na cinéal éan is ùaisle an sa cruine. » Adubrt//t an t. b. n. : « atâid », air se, « eunla an-iarthaf na liAsia moire 7 ni bhfuil san ccruihe daith bhfuil ortha 7 do nidh gol 7 cdoi an-aimsir an mhcodhanoidhche 7 canuid céol amlu'iil tcada mbincruit

1. Il faut sans doute lire s^hni =r doghni.

2. coualri slahrnih fichit forsin ngleann sin, Lee. (•(•///■/ slabbiadhaib XX fuir an glinii. Par.

Uiif nhhictioi! iiwdcDic du Tcanga bilhnua. 299

celui des anges du ciel et voilà le nom des archanges à qui sont ces chemins, c'est-à-dire Michel, Gabriel, Sariel, Raphaël, Rumail, Urial, Panitihh ' ; ce sont eux qui gardent les âmes aux châtiments de l'enfer :

Urial garde , comme Raphaël garde la terre, Michel garde les âmes. Il

V a soixante-douze portes à travers le firmament avec deux battants d'or et c'est par elles que sortent les anges de la cité céleste pour parler avec les hommes. Quant au soleil, c'est par son tour circulaire qu'il produit la chaleur et c'est le monde entier qu'il éclaire et qu'il tempère du matin au soir ; et il va alors par les pics du centre de la terre, c'est-à-dire par le fleuve des démons et il éclaire et il chauffe les eaux de ce fleuve et il y a une zone

d'eau du monde autour vous êtes. Il est ensuite dans le ruisseau

rouge de feu qui punit et chauffe les peuples devant eux et voici la route par va le soleil alors , à la plaine des bêtes et jolie est la plaine chaque fois qu'est au plein la mer et la plaine. . . en revenant et elle rassemble à elle ses bêtes et ses monstres en sorte qu'ils les déchirent, les tuent vite et ils poussent des cris et de grandes clameurs et ils lèvent leurs visages en haut en demandant secours et quand la mer est au bas, elle laisse la plaine comme une porte de crainte et de terreur ; et il est certain que ce sont les âmes des pêcheurs, qui sont dans ce tourment-là. Il va alors à travers des fleuves de feu et tous brûlent et voici ceux qui sont là, c'est-à-dire les âmes des pécheurs et des démons qui les gardent qui sont à les tourmenter sur cette montagne; c'est alors que le soleil va à la vallée des fantômes, et c'est ainsi qu'est cette vallée-là, avec une seule porte et l'âme pitoyable des pécheurs reste dans les tourments. Le soleil va alors vers les nombreux peuples de l'enfer du nord et par les vallées et les fleuves, aux nombreuses bêtes, de l'enfer; il va alors jusqu'aux montagnes de feu et toutes sont à brûler et voici ceux qui sont à brûler en cet ebdroit : les âmes des persécuteurs des prêtres et des réguliers qui sont en tourments; puis il va à la vallée sombre, larmoyante avec nombre de dragons, pleine de bêtes, et il y a tant d'obscurité que le soleil n'apporte sa lumière à briller et à resplendir que trois pouces de sa face ; puis il va à la terre des Jeunes et voici les gens qui demeurent : tout plein d'oiseaux les plus beaux du monde et ce sont eux encore qui ont le chant le plus mélodieux du monde ; le soleil va alors à travers d'autres plaines avec de nombreuses fleurs qui ont le goût du vin, puis au paradis d'Adam ; c'est qu'il lève sa tête au matin -. »

18. « Parle-nous », dirent les s. d. H., « des espèces d'oiseaux les plus nobles sur terre. » La 1. t. n. dit : « Il y a », dit-elle, « des oiseaux à l'ouest de la grande Asie et il n'y a pas sur terre de couleur qu'ils n'aient et ils font des plaintes et des lamentations au temps de

1. Il faut lire sans doute au lieu de Rumail : Riifael (Livre d'Hénoch, LXVIII, 2); au Heu de Sariel : Saraqiel (Livre d'Hénoch, 'XX, 6); au lieu de Panitihh : Panieî (Isidore, De ctymoloi;ia, VII, 5), cf. D. Cabrol, Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie, Paris, 1905, au mot Ange.

2. Il manque ici un développement sur les espèce d'astres (Lismore, 82-88).

300 G. Dolliii.

ag nioladh an duileamliain ; 7 atàid cunlà an insibli ïlib'n 7 is cosamliuil a-ccomhsholus 7 oidhche san ionad na mbid air a shoillse féin 7 ni lahhruid as an âimsir ghéimhre 7 ni hâoirde 7 ni bine céol aingiol an céol do canuid siad an-aimsir shomhra 7 canuid tre n-a ccodhla amhuil ceol siothbhin sit. Ataid éunla an-iartar na liAfrica agus ni bhfuil air dhrùim talimh dait nd fuil na n-eitibli 7 ni dheachaid cli'imli eithc d-aon éan diobli', is sâsanih dôibh 7 ni theid tôst ôrta do do oidhche as ag cantuin céol agus ni môide a ttuirse è ; 7 atâidh eunla a bparratus tahiihuidhe .i. tri healtana atâ ah 7 atà tri mhile an gach eukuih diobh agus as-iad ealûighne do nid na héin; eirgid an chéad ealtain dôib a-ttosach na lioidhchc 7 insid na cearrda 7 na heahtdhna dorin Dia ndomhah do cruthughaJ/' ; 7 eirgid éalta méonnach a mheodhan oidhche 7 canuid céol ag ihsint na n-gniomhratha dorin an t-ârd Rig ag cruxhughadh an domain go ttânig Criost a-ccolluin daona ; 7 éirigid an treas éalta an-dcire na hoidhche 7 canuid ceol ag môladh agus ag ihsint na ngniomhratha do rin Criost ô s in anall 7 na hairgeaha do dheanuighe se go la an bhratha; 7 atâ dis do dhaonaibh a-ccorpaibh coWaidhe a-bpharrathus talmhuidhe .i. Enoch agus Elias agus éirgidh an dis sin ; inisid do na héunaibh mar thiocfas la an bhragha 7 mur claoidfigear an domhah uiie 7 uathfâsuighe uile an bhrâtha; mur chlunid na héin sin, gabhuidgéis gâir dâsgiathainuibh air a-ttaobhaibh go ttabhruid drùact Ibla don ri'iadh 6 bhoh gâcha heite diobh air eagla laoi an bhratha. »

19. « Ihis dùin », air e. n. n., « cuid éigin d-iongantalbh an domhan 7 mar do crLiithigh7h Adam go n-a chaihi ». Dubhârt an t. b. n. : « Is an seamhadh do oibriùgharf/j na seachtmhuihe na se laithe do rohig Adam 7 do shâirig ar Adam 7 Eabha cran na deachuimhan : do mharbh Câin me Adam dis dearbhrathar do féin .i. Abel me Adam a-hfeall agus a-bhformad 7 Pâinih rîic Adam tré éad .i. an céatrâmhadh lîic dôb fhear ag Adam. Atâid dhâ dhroing ag;«fithche do shiol Adam 7 is iongantach an tùairisg atâ ortha 7 as-iad airmhighther ah .i. drong diob (anih sibh Eibhioh ^) 7 ni bhfuil nidh do dhùiseôchad air a-ccolladh iad as ânbhtha catha gâir mArmdh 7 do nidh céol 7 ôirfide bhih air n-éirge as a cholla dôib a.gus do nidh a-sùile amhuil na raoghilieaha 7 tâid siad air feadh na marra 7 cuirid a hôisg' 7 a hahimhiolta a ttir 7 [i)thid iad; atâid tûatha eile ag sruith cci'iig n-uisge + 7 am-bheoil air mbroihibh ag//j- nâch

1. holud 7 midclos iniia wldatha 7 Idas na secht fiuahaiid doainiiiet inna ligmuic^i issi'd nodossasa 0 thosach doiiiinn. Lism. 92.

2. Elna, Limore, 98.

3. biasta, Lismore, 98. Il faut lire sans doute bc'isg.

4. tuatha Ithier tiiath shlehi Caucaist, Lismore, 100.

Une védiKilou moderne du Teanga bithnua. 301

minuit et ils chantent un chant comme les cordes d'une harpe harmonieuse, louant le Créateur; et il y a des oiseaux dans les îles Eibir et leur éclat ressemble à la lumière du jour et il fait nuit à l'endroit ils ne brillent pas et ils ne parlent qu'au temps de l'hiver et le chant des anges n'est pas plus haut ni plus mélodieux que le chant qu'ils chantent au temps de l'été, et ils chantent pendant le sommeil comme un chant mélodieux de paix. Il y a des oiseaux à l'orient de l'Afrique et il n'y a pas sur le dos de la terre de couleur qui ne soit sur leurs ailes et il n'est pas venu une plume d'aile à aucun d'entre eux... les satisfait assez ; et ils ne gardent pas le silence de jour ou de nuit, mais ils chantent un chant et ils n'en sont pas plus fatigués. Et il y a des oiseaux dans le paradis terrestre, c'est-à-dire il y a trois troupes et il y en a trois mille dans chaque troupe et voici les occupations qu'ont ces oiseaux. La première troupe se lève au commen- cement de la nuit et elle raconte les arts et les sciences qu'a faits Dieu avant de créer le monde ; et la moyenne troupe se lève au milieu de la nuit et chante un chant racontant les grandes actions que fit le Grand Roi en créant le monde jusqu'à ce que vînt Jésus-Christ dans un corps humain ; et la troisième troupe se lève à la fin de la nuit, et chante un chant louant et racontant les grandes actions que fit le Christ depuis lors et les signes qu'il fera jusqu'au jour du Jugement; et il y a deux hommes dans des corps charnels dans le paradis terrestre, c'est-à-dire Enoch et Elle et ces deux-là se lèvent ; ils racontent aux oiseaux comment viendra le jour du Jugement et comme le monde entier sera détruit et tout s'épouvantera du Jugement; lorsque ces oiseaux entendent cela, ils poussent un cri et battent leurs ailes sur leurs côtés, en sorte qu'ils font couler une rosée de sang brun-rouge du bout de chacune de leurs ailes, de peur du jour du Jugement '.

19. (' Raconte-nous », dirent les s. d. H., « quelque partie des merveilles du monde et comment fut créé Adam et sa race. » La 1. t. n. dit : « C'est le sixième jour des ouvrages de la semaine ou des six jours qu'il fit Adam et qu'il imposa à Adam et Eve l'arbre de Dîme ; Cain fils d'Adam tua deux frères à lui, c'est-à-dire Abel, fils d'Adam, par traîtrise et envie et Paininn, fils d'Adam, par soupçon, c'est-à-dire le quatrième fils excellent d'Adam. Il y a vingt-deux tribus de la race d'Adam et merveilleuse est leur descrip- tion et voici qu'on les énumère : un peuple (ils se nomment Eibion) et il n'y a rien qui les éveillerait de leur sommeil, sauf la tempête de la mer ou le cri du combat, et ils font une musique et une mélodie très harmo- nieuse en se levant de leur sommeil et leurs yeux sont semblables à des étoiles et ils vont sur l'étendue de la mer et apportent ses bêtes et ses animaux sur la terre et les mangent. Il y a d'autres peuples au fleuve des cinq eaux et leur bouche est sur leur poitrine, parce qu'ils n'ont point de tête, et ils ont quatre yeux dans le dos, chacun, et ils courent avec le désir dans leurs corps, en sorte qu'ils font leur volonté sur des femmes de leur race; et il y a d'autres peuples, et ce sont les plus beaux de la race d'Adam,

I. Cf. Fis Adamnd'ui, 33. Revue Celtique, t. XXI, p. 385.

Il

300

G. Dollin.

ag moladli an duileamhain; 7 atâid éunlâ an insibh Eibir 7 is cosamhuil a-ccomhsholus Id 7 oidlichc san ionad na mbid air a slioillse féin 7 ni labliruid as an âimsir ghéimhre 7 ni hâoirde 7 ni bine céol aingiol an céol do canuid siad an-aimsir shomhra 7 canuid tre n-a ccodhla amhiiil ccol siothbhin sit. Ataid éunla an-iartar na hAfrica agus ni bhfuil air dhriiim talimh dait fuil na n-citibh 7 ni dheachaid clùmh eithe d-aon éan diobh", is sdsamh dôibh 7 ni theid tôst ôrta do 16 do oidhche as ag cantuin céol agus ni môide a ttuirse è ; 7 atâidh eunla a bparratus talmhuidhe .i. tri liealtana atâ an 7 atd tri mhile an gach eultuin diobh agus as-iad calùighne do nid na héin ; eirgid an chéad ealtain dôib a-ttosach na hoidhche 7 insid na cearrda 7 na healadhna dorin Dia ndomhan do cruthugha<//' ; 7 eirgid éalta méonnach a mheodhan oidliche 7 canuid céol ag insint na n-gniomhratha dorin an t-ârd Rig ag cruthughflJ/; an domain go ttânig Criost a-ccolluin daona ; 7 éirigid an treas éalta an-dcire na hoidhche 7 canuid ceo! ag môladh agus ag insint na ngniomhratha do nn Criost ô s in anall 7 na hairgeaiïa do dheanuighe se go la an bhratha; 7 atâ dis do dhaonaibh a-ccorpaibh coWaidbe a-bpharrathus talmhuidhe .i. Enoch agus Elias agus éirgidh an dis sin ; inisid do na héunaibh mar thiocfas la an bhragha 7 mur claoidfigear an domhaii uile 7 uathfdsuighe uile an bhrâtha; mur chlunid na héin sin, gabhuid géis gâir dâsgiathainuibh air a-ttaobhaibh go ttabhruid drùact fola don rùadh ô bhoiî gâcha heite diobh air eagla laoi an bhratha. »

19. « Inis dùin », air e. n. n., « cuid éigln d-iongantaibh an domhan 7 mar do crLiithigh7h Adam go n-a chaini ». Dubhdrt an t. b. n. : « Is an seamhadh do olbriiighaf//; na seachtmhuine na se laithe do ronig Adam 7 do shdirig ar Adam 7 Eabha cran na deachuimhan : do mharbh Cdin me Adam dis dearbhrathar do féin .i. Abel me Adam a-bfeall agus a-bhformad 7 Pdinih lîic Adam tré éad .i. an céatrdmhadh me dôb fhear ag Adam. Atdiddhddhroing agw5fithche do shiol Adam 7 is iongantach an tùairisg atâ ortha 7 as-iad airmhighther ah .i. drong diob (anih sibh Eibhioh ') 7 ni bhfuil nidh do dhùiscôchad air a-ccolladh iad as dnbhtha catha gâir marvadh 7 do nidh céol 7 ôirfide bhin air n-éirge as a cholla dôib agus do nidh a-sùile amhuil na raoghilieaiia 7 tâid siad air feadh na marra 7 cuirid a hôisg' 7 a hahimhiolta a ttir 7 [ijthid iad; atâid tûatha elle ag sruith cci'iig n-uisge •» 7 am-bheoil air mbroihibh agus ndch

1. holud 7 niiddos inna mhhtha 7 hlas na secht fiuahaud docuuniel inna Ugmuioi issed nodossasa 0 tJmsacli douiuin. Lism. 92.

2. Ehia, Limore, 98.

3. biasla, Lismore, 98. Il faut lire sans doute /;mç'.

4. tuatha Ithier tuath sblehi Cducaisl, Lismore, 100.

sang isrrnm :. ">' JugeiKDt'. 19. RaâI1i^«B

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Utcjf,!; , ,

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Une réddcfioi! moderne du Teanga bithnua.

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minuit et ils chantent un chant comme les cordes d'une harpe harmonieuse, louant le Créateur; et il y a des oiseaux dans les îles Eibir et leur éclat ressemble à la lumière du jour et il fait nuit à l'endroit ils ne brillent pas et ils ne parlent qu'au temps de Thiver et le chant des anges n'est pas plus haut ni plus mélodieux que le chant qu'ils chantent au temps de l'été, et ils chantent pendant le sommeil comme un chant mélodieux de paix. Il y a des oiseaux à l'orient de l'Afrique et il n'y a pas sur le dos de la terre de couleur qui ne soit sur leurs ailes et il n'est pas venu une plume d'aile à aucun d'entre eux... les satisfait assez ; et ils ne gardent pas le silence de jour ou de nuit, mais ils chantent un chant et ils n'en sont pas plus fatigués. Et il y a des oiseaux dans le paradis terrestre, c'est-à-dire il y a trois troupes et il y en a trois mille dans chaque troupe et voici les occupations qu'ont ces oiseaux. La première troupe se lève au commen- cement de la nuit et elle raconte les arts et les sciences qu'a faits Dieu avant de créer le monde ; et la moyenne troupe se lève au milieu de la nuit et chante un chant racontant les grandes actions que fit le Grand Roi en créant le monde jusqu'à ce que vînt Jésus-Christ dans un corps humain ; et la troisième troupe se lève à la fin de la nuit, et chante un chant louant et racontant les grandes actions que fit le Christ depuis lors et les signes qu'il fera jusqu'au jour du Jugement; et il y a deux hommes dans des corps charnels dans le paradis terrestre, c'est-à-dire Enoch et Élie et ces deux-là se lèvent; ils racontent aux oiseaux comment viendra le jour du Jugement et comme le monde entier sera détruit et tout s'épouvantera du Jugement; lorsque ces oiseaux entendent cela, ils poussent un cri et battent leurs ailes sur leurs côtés, en sorte qu'ils font couler une rosée de sang brun-rouge du bout de chacune de leurs ailes, de peur du jour du Jugement '.

19. « Raconte-nous », dirent les s. d. H., « quelque partie des merveilles du monde et comment fut créé Adam et sa race. » La 1. t. n. dit : « C'est le sixième jour des ouvrages de la semaine ou des six jours qu'il fit Adam et qu'il imposa à Adam et Eve l'arbre de Dîme ; Cain fils d'Adam tua deux frères à lui, c'est-à-dire Abel, fils d'Adam, par traîtrise et envie et Paininn, fils d'Adam, par soupçon, c'est-à-dire le quatrième fils excellent d'Adam. Il y a vingt-deux tribus de la race d'Adam et merveilleuse est leur descrip- tion et voici qu'on les énumère : un peuple (ils se nomment Eibion) et il n'y a rien qui les éveillerait de leur sommeil, sauf la tempête de la mer ou le cri du combat, et ils font une musique et une mélodie très harmo- nieuse en se levant de leur sommeil et leurs yeux sont semblables à des étoiles et ils vont sur l'étendue de la mer et apportent ses bêtes et ses animaux sur la terre et les mangent. Il y a d'autres peuples au fleuve des cinq eaux et leur bouche est sur leur poitrine, parce qu'ils n'ont point de tête, et ils ont quatre yeux dans le dos, chacun, et ils courent avec le désir dans leurs corps, en sorte qu'ils font leur volonté sur des femmes de leur race ; et il y a d'autres peuples, et ce sont les plus beaux de la race d'Adam,

I. Cf. Fis Adaiiindin, 33. Revue Celtique, t. XXI, p. 385.

302 G. Dollin.

a-blifuilid cin ortha 7 tdid chcithre suile an-driiim gach lir tiib 7 rithid le driiis iona ccorpaibh go bfdgliaid a-ttoill féin do mhnaoibli da ccoimhchinéal féan ; 7 atâid tuatha cile an 7 as-iad daoine is chômcrotna do shiol Adham iad 7 as-iad is biiïe glor fa nimh na néal; 7 atà tuatha cilc an, an-deisgirt nd Hindia agus as-iad is direoile 7 is drochruighthe do siol Adam, ôir ni bhfuil as cheithre troighthe air aoird an gach fcar diobh' 7 ni bhearthar [acht] nigheana 7 an niiair éirghid as a-ccoUa a-méon oidhclic sgéidid slama tintighe as a-mbrdidibli 7 an tan ghéibhid bas, do ghéabhthar or is ûaislc air iona ndôirnibh deasa air n-éag dôib 7 ' fôs atdid imiriosan môra iona nieallaib tintige na sûilibh agus as aoirde an gothadli na gotha corr, ag"5 canuid ceol tré na ccodhla is cosamliuil céol ainglidhe c, agus an tan do gheibh duine aco bas, tig sruith f[(]ôna as a bheal 7 as a shroin 7 as a suihbh an-einfeacht. »

20. « Ini§ duin », air e. n. n., « cuid do thuarH5gabhail ifrin 7 ar phiantaibh na bpeacach ». Adubhart an t. b. n. : « Da mbéin ô thûis an domhain agus go Id an bhrdtha agus céad tcanga am céan 7 ûrlabhrd an gach teanga dhiobh, ni thiocfa hom an phian as lughi!(//; an ifrion d-insin : ôir dta easghui an : 7 ant-éun as luaithe airdruim an domhain, ni rcachadh on iochtar 7 a-uasar air feadh mile bliah 7 ni féidir airiomh a-bfuil do phiantaib an ifrion d-airiamh no go n-airightear gannimh na tragha 7 duile géug 7 raegiltaiia an deighir, 7 àta coin a.giis leôghain ag leadra ar na hanamnabh a-ccomhnuighe aii, ag/« atâ do theas an tiiie an ghleana sin nd fuil do shdluigh san muir d-uisge is na haibhnibh nid do mhuchadh aon phian da bfuil an : ôir ni tinc mar gach tine dta n-ifrioh as fearg air na hâdhaint 7 na (aduighedh an; 7 dta do mheid a fuachta dd léighthighe fiu hanaile dùine a-ccûas caoile di fdn n-domhan uile, da nibeidis a-bfuil do dainibh béo air drôm talmhan an don ionad air aon bail go bfàighdis uile bds an aon ûair ; 7 àta do dhéine a-thine léighthighe uiread an splaihce tine créasa san ndomhan lasadh uile idir shrothaib agus ûisgeadha ; 7 is amhla ata dorchadus ifrih, da léigthi uiread micimiriosain sul fdoi an dhômhaii de, na faicsidis leus gdoithe na gréine dd éis sin go brdith; 7 àta do mhéid a-thartha 7 a-ghorta, da leighthi a-bhfuil do srothaibh san am-béal aon aham amhain da bfuil an na nach biadh as mar bhrdon uisge uim cloich deirg ; 7 ata do mhcid l'iamhain 7 uathfais ifrin, dd bhf;iicfidis siol Adam uile an phian is lughi/i//; bhfuil an, nach biadh ciall na cuimhe aco eis sin go brdth, ni bhiadh air anaise go brdth acht eagla na bpian sin : ni féidir a-bfiaisneis air an-iomad .i. ata na fhuil codhla na cômhsûan as 7 nd cluintior an go brdth as gol 7 mairig ùamhain 7 inieagla agus as-é faichthear soillse gréine na éasga ah, as iomad graifin tintighe tine 7 iomad soighead air dearglasa ag piana na n-aiiaman mbocht, agus dit an fuil as gaoit bréin 7 dûibhshneachta tintighe 7 fôs mùchadb air ghnûisibh an 7 iomad an fôrlàn 7 crith air géugaib 7 luas air lagharuibh 7 troime air cosaibh ».

1. Ce qui suit se rapporte aux femmes des montagnes d'Arménie (Lis- more, 105).

2. Ce qui suit se rapporte aux liiatha Foiies de Lybie (Lismore, 104).

Une rcditclioii moderne du Teanga bithnua. 303

et ce sont eux [qui font] le bruit le plus mélodieux sous le ciel des nuées ; et il y a d'autres peuples au sud de l'Inde et ce sont les plus petits et les plus mal faits de la race d'Adam, car ils n'ont que quatre pieds de haut chacun, et ils n'engendrent que des filles, et lorsqu'ils se lèvent de leur sommeil au milieu de la nuit, ils vomissent des flocons enflammés de leurs gorges et lorqu'ils meurent, on trouve l'or le plus riche dans leurs mains droites après leur mort, et encore il y a de grandes pupilles dans les globes enflammés de leurs yeux et leur voix est plus haute que celle d'un héron et ils chantent pendant leur sommeil un chant qui est semblable au chant des anges et quand un d'entre eux meurt, un flot de vin sort de sa bouche et de son nez et de ses yeux en même temps.

20. « Parle-nous », dirent les s. d. H., « d'une partie de la description de l'enfer et des châtiments des pécheurs. » La 1. t. n. dit : « Si j'étais depuis le commencement du monde et jusqu'au jour du Jugement et cent langues dans la tête et de l'éloquence dans chaque langue, je ne pourrais raconter le châtiment le plus petit qu'il v ait dans l'enfer. Car c'est une lourde charge et l'oiseau le plus rapide sur la face du monde n'irait pas du bas en haut en mille ans et il n'est pas possible de compter ce qu'il y a de châtiment dans l'enfer, jamais, jusqu'à ce que l'on compte le sable du rivage, les feuilles des arbres et les étoiles de l'air et il v a des chiens et des lions qui déchirent les âmes qui demeurent et les vallées sont d'une telle chaleur de feu qu'il n'v a pas de salure dans la mer ni d'eau dans les rivières pour éteindre un des châtiments qui est là. Car ce n'est pas un feu comme tous les feux qui est en enfer, mais c'est la colère de Dieu qui est allumée et s'éteint là; et il y a tant de froid que si l'on en soufflait l'équi- valent d'une respiration d'homme dans un trou étroit sur le monde entier, si ce qu'il y a d'hommes vivants sur la face de la terre était en un seul lieu, sur-le-champ ils mourraient tous en même temps; et le feu est si intense que si l'on laissait la valeur d'une courte étincelle de feu dans le monde, elle brûlerait tout, tant fleuves qu'eaux ; et l'obscurité de l'enfer est telle qui si l'on en laissait la valeur d'une pupille d'œil sur le monde, on ne verrait plus l'éclat des rayons du soleil par la suite jusqu'au Jugement ; et il y a tant de soif et de faim que si l'on versait ce qu'il y a de fleuves dans la bouche d'une seule des âmes qui sont là, ce ne serait que comme une goutte d'eau sur une pierre rouge ; et il y a tant de crainte et d'effroi dans l'enfer que si toute la race d'Adam voyait la moindre des peines qui sont là, elle n'aurait plus d'intelligence ni de mémoire par la suite jusqu'au Jugement; elle n'aurait jusqu'au Jugement que la crainte de ces peines. Il n'est pas possible de rendre compte de leur nombre. J'est-à-dire qu'il n'y a ni sommeil, ni repos et qu'on n'y entend jusqu'au cugement que cri et clameurs d'épouvante et de crainte, et c'est qu'on ne voit pas la lumière du soleil ni de la lune, mais une quantité de griffons(?) de feu et une quantité de dards brûlants qui tourmentent les pauvres âmes et c'est un endroit il n'y a que vent empesté et neige noire de feu et encore suff'ocation sur les faces et quantité de violence et de trem- blement sur les membres et vitesse sur les mains et lourdeur sur les pieds.»

304 G. Doit in.

21. Adublia//t duinc éigin don chine Eabliracli : « Inis duine anios sgéahi an brâtha 7 cionus do chioidhfear no sgaoilfighior an domhan ». Adubairt an t. b. n. : « Ni haoibhin domh-sa sgéaltha sin d-insint, ôir an tan dobheir muintir nimhe agus na nioi nùird ainglighe da n-aire ê bith crith 7 uamhain ortha, ôir is adhbhar creatha 7 cagla an smudineadh sin agus mar do thioclaig an chead la dona chuig dhéug do laoitibh an bhnitha : .i. éireochaid an fairgc air sliabh Armenia an cnoc as airde san domhan 7 rachaig ôs cheaii dd fichchid cubit 7 ni faicthear as uisge air uachtar an talàmh ; an tara lâ, traochfa an fhairge go-na bia uisge na sdile air talamh ; an treas là, éireochaid ion-a hionad féin aris; an ceathramhadh là, brûisig gach beathadhach air talamh 7 air muir 7 air uisgoadha uile; an cuigeamhad là, lasfaidh an foirge uile go hiomlàn ; an se seamhadh là, bia an Ihairge na haontràghacht fola deirge, ionus go ngéarrfaoi le hairmh i ; an seasmhadh la, ni bhia san ccruihe cloch carruig gluaisfhig 7 nd cuirfighear as air ionadaibh féin ; an t-ochtmhadh la, geimthid na clochadh 7 na cairageacha da cceanaibh ùam a-ccéile, go ndéintior céad cuid do gach cloich diob ; an nàomad la, géisfig an talamh ionus na tàinig riamh agus ni thiochfaig chdoidhche a-comhmhôr sin do thoraii ; an deitheamhadh la, muirfig agus isleacaig an talamh, ionus na bia fana nd ard nàaimhréig an, as na clàr choimhreig; an t-aonmhadh Id déug, ni thàinig san ccrùine duine nd beathadach bia a-bheul a.gtis âighedh Idr air eagla laoi an bhràtha ; an tarra déug, tuitfig grian 7 éasga da ngabhàlaibh fein 7 dd roisthibh go talamh ; an triomh la deug, nior cuireadh anam an-duine nd anal am-béalaidheach^ bia iona suighe mar abhf[u]air bas agus da mbia a chlaiï agus a chinéal uile na suighe air a cômhair ni feachfa neach diobh air a cheile le hàithbhéile an-dearranadar d-olc 7 d-urchoid 7 le huamhain laoi an bhrata; an ceatramhadh la déug, nior bhlàs biadh riomh duine na beathaidheach bia béo san sin, 7 na racadh d-eug san c7na; an cuigeamhadh déug, béa an talamh uile air dearglasa 7 deanfar mion 7 luaith dhe 7 do gach nidh dam-bia air 7 ghéabhaig crith na cheithre dûile 7 an domhan uile agus soillse na seacht nimhe 7 an chùil deisgirt do neamh 7 bo sôiléire soillse 7 gloire lia n-aingiol ô thalam suas 7 badh garb comhachî na cheithre n-duile re chéile an uair sin 7 cluihfighear fûaim 7 blosga beimneach 7 tôirneach 7 géarghlan gué na hàrdchathareac roimhe sin ; nior hadb tciordhuibhe gual na gach dirdreanac dhiobh an Id sin 7 bia dd mhéid an ghabha sin, nd bia aingiol air neamh nd duibheochaig air a-dheilbh le losga 7 le tintibh 7 an sliabh air lasa an sgach drd. Badh truadh an fhorlan na n-aiiam bocht an ûair sin, ag-à bpiana 7 ag-a losga, 7 hadb truadh sianghair éunla an aeigir air na srothaibh tintighe sin agus ba trûadh buithrcach na inmhiolta buithrig le teas na tine ag-a n-greada, 7 hadb

1. Faut-il Yirc boniiddbiiibb'.

2. Lire bealbdidheacb.

3. Lire combrac}

Une rédaction niocîenic du Teanga bithnua. 305

21. Un homme de la race des Hébreux dit : « Raconte-nous les histoires du Jour du Jugement', et comment sera détruit ou dispersé le monde. » La 1. t. n. dit : « Il ne m'est pas agréable de vous raconter ces histoires, car lorsque la famille du ciel et les neuf ordres des anges y font attention, un tremblement et une terreur s'emparent d'eux, car c'est une cause de tremblement et de crainte que cette idée-là ; et comment viendra le premier des quinze Jours du Jugement, c'est-à-dire : la mer montera sur la montagne d'Arménie, le sommet le plus haut du monde et s'élèvera de quarante coudées au-dessus et on ne verra que de l'eau à la surface de la terre ; le second jour, la mer baissera de façon qu'il n'y ait plus d'eau salée sur terre; le troisième jour, elle s'élèvera de nouveau dans le même endroit; le quatrième jour, tout animal est fracassé sur terre, sur mer et sur toutes les eaux; le cinquième jour, toute la mer brûlera entièrement; le sixième jour, la mer laissera du sang rouge ', comme si elle était coupée par des armes ; le septième jour il n'y aura dans la terre pierre et rocher qui ne se meuve et ne soit arraché de ses fondements; le huitième jour, les pierres et les rochers se fracasseront les uns contre les autres en sorte qu'on fera cent morceaux de chaque pierre; le neuvième jour, la terre gémira en sorte qu'il n'est jamais venu et ne viendra jamais autant de tonnerre ; le dixième

jour, la terre et baissera en sorte qu'il n'y aura sur elle ni hauteur, ni

inégalités, mais une surface unie ; le onzième jour, il n'est venu sur terre homme ni animal dont la bouche et la face ne soient sur le sol par crainte du Jour du Jugement; le douzième jour, le soleil et la lune tomberont de leurs supports et de leurs . . . sur la terre ; le treizième jour il n'aura été mis âme en homme ou haleine en animal qui ne soit assis à la place il est mort et si ses enfants et toute sa race étaient assis en sa présence, aucun d'eux ne regarderait l'autre par suite de la grandeur du mal et du tort qu'ils ont fait et par frayeur du Jour du Jugement ; le quatorzième jour, aucun homme ou animal n'aura goûté de nourriture qui ne sera pas vivant ce jour-là et qui ne mourrait pas ce même jour ; le quinzième jour, toute la terre brûlera et on en fera de la poussière et de la cendre ainsi que de tout ce qui était sur elle et les quatre éléments se mettront à trembler et le monde entier et la lumière des sept cieux et le coin sud du ciel et il y aura une lumière brillante de la gloire des anges, de la terre jusqu'en haut et il y aura un rude combat des quatre éléments les uns contre les autres alors, et on entendra du bruit, une explosion violente et du tonnerre, et très brillante apparition de grande ville avant cela et le charbon n'est pas plus noir que chacune des planètes ce jour-là et la grandeur de ce danger sera telle qu'il

1. Cf. Saltaîr lia rann (Anccdota Oxoniensia, med. ser. I, 3), cliii-clix ; et surtout la description galloise du Jour du Jugement traduite et annotée par Th. Powell, Y Cymmrodor, t. IV (1881), p. 106-138, qui coïncide presque entièrement avec notre texte.

2. Apocalypse, VIII, 8; XVI, 3.

Revue Celtique, XXFIII. 20

3o6 G. Dolliii.

truadh cago-dail na naomhùird ainglighe an uair sin ; ba trûadh gdir na n-anaman mbccht ag-a ccur as a ccorpaibh an sin ag insin an dearrnadar do shaoithghionih 7 do droichghniomh, 7 badb trûadh gdir na bpeacach ag eagchaoinc re Dia, 7 badh gàir gan Ibirthint dôibh sin. »

22. Dfiafruigheadar e. n, n. : « Cia aimsir do 16 do oidhche sgaoilfighear an domhan, no huir d-eirge Criost ô mharbhuibh. » Dfreagair an t. b. n. agus asé adubhairt : « A soillse an laoi do rin7ii an domhan 7 an san oidhche do iin7h Criost, ôir do bhadhar siol Adam uile an-dorcadas go nuige sin, 7 an-san oidhche d-éirig Criost 6 mharbhuibh, do chûadh se go hifrion 7 go hairge ' an diabhal leis gon a mhûintear aicine, 7 is comhasach an do nidh sin : 7 dta do ghlormairs a deilbhe a-bfuil an ifrih da bpiana, da bfdgdaois amharc air, na tabhraidis dd n-aighedh dd n-aire aon phian da bhfuil ortha ; 7 dta do sôlabharthâoi a-theangthaibh, dd mbéidis siol Adam uile a-bhfuil d-éunaibh an aéighir 7 do bhlaithmhiolta air marruibh ag-a agallamh an-einfeacht, go ttabharthach sin fréogra ion-a tteangoin féin an-einfeacht fa leith air gach aon diobh ; 7 dta do ruithneamh iona deilbh, go faillseochadh ifrioh fa chosamhalacht an righteach neamhdha; ôir is dofliaisneaseach é féin .i. losa Criost, agus is dotdisnaiseach fôs a-flaitheas neamhdha air iomad aingiol 7 dircaingiol 7 air lasardhacht an t-sluadh taithneamhach agus a-bfuil na ttiompchioll air ncamh 7 air chaoine agus air ceaiîsacht mhuinteire nimhe, ôir ni clos guth a feirge na eagnach ag doineach na chéile riamh an, agus is monghéanar théid suas a-ccoimhdheas na nbeanos, dit nd fuil na roithear aléas soillse éasga na gréine, acht glôrmhaireacht agus soillsiugh(((//; gâcha nidh dhôibh, ô bhéag go môr, ôir is é féin solus na soillse sioruidhe 7 an t-aoibhneas gan uireasba 7 batha gan chrioch, gan foircheah, 7 sldinte shuathain do no haiîamnuibh, agus ni féidir miod a-mhaithiosa na fôs maith na hardchatharach do chuir a-ccrioch oir go bfuil se as cioh tuigsiona ddona air domhan 7 soitchion toil an. »

Gon é sin teanga bheathnûada ahso sios curtha an eagar agus an ôrdu- ghadh, a-cclôdh agus a-sgribhin, a bfuaon agus a-bféighim, amhuil thdinig as bhéiil an abstdil .i. Pilib, ag foillsiuglw(f/; gach morfirine don chine Éabhrach.

Foirceah le na sgriobhin re Seamus me Anaifrioh an triughrti//; la do Maoideanach dfoimlw/V aois an Tirna an tan sin 18 17,

agus air na sgriobh ahso sios le Tomas Huallachain (Houlchan) an dara la do Mhi na Bealtine aois an tirna 1901.

I. Cf. /(' ar liairgedh, 12.

Une rédacHoii moderne du Teanga bithnua. 307

n'y aura ange au ciel dont l'image ne devienne noire par suite de la brûlure et des feux, et la montagne brûle dans chaque clarté ; pitoyable sera alors la violence faite à ce moment aux pauvres âmes tourmentées et brûlées ; et pitoyable sera le gazouillement des oiseaux de l'air sur ces fleuves de feu ; et pitoyable sera le mugissement des bêtes mugissantes sous la chaleur du feu, en proie à la torture ; et pitoyable sera le combat de l'assemblée des neuf ordres des anges alors; pitoyable sera le cri des pauvres âmes tirées de leurs corps alors, racontant ce qu'elles ont fait de tristes actions et de mau- vaises actions, et pitoyable sera le cri des pécheurs se plaignant à Dieu et leur cri ne les secourra pas. »

22. Les s. d. H. demandèrent : « A quelle heure de jour ou de nuit sera détruit le monde ou à quelle heure le Christ est-il ressuscité des morts? » La 1. t. n. répondit et voici ce qu'elle dit : « C'est à la lumière du jour qu'a été fait le monde et dans la nuit qu'a été fait le Christ, car toute la race d'Adam fut dans l'obscurité jusque-là, et c'est dans la nuit que le Christ ressuscita des morts, qu'il alla en enfer et qu'il dépouilla le diable, avec sa famille ou race ; et il est puissant celui qui fit cela, et sa forme est si glorieuse que ce qu'il y a en enfer de gens en proie aux tourments, s'ils le voyaient, ne prendraient garde et ne feraient attention à aucune des peines qu'ils souffrent ; et il est si éloquent dans les langues que si la race d'Adam tout entière et ce qu'il y a d'oiseaux de l'air et de bêtes dans la mer lui parlaient ensemble, il donnerait une réponse en leur propre langue aussitôt séparément chacun d'eux ; et il y tant d'éclat dans son apparence, que l'enfer brillerait à la ressemblance du royaume céleste, car il est indescriptible lui-même, c'est-à-dire Jésus-Christ, et est encore indescriptible son royaume céleste à cause du nombre d'anges et d'ar- changes et de l'éclat de l'armée brillante et ce qu'il y a autour sur le ciel, et à cause de la douceur et de l'aménité de la famille du ciel ; car on n'a jamais entendu voix de colère, ni reproche de l'un à l'autre en cette assemblée, et bienheureux qui monte en la compagnie des bénédictions, à l'endroit il n'y a et n'atteint pas un rayon de lumière de lune et de soleil, sauf la gloire de Dieu et l'éclat de toute chose du petit au grand, car c'est lui-même l'éclat de la lumière éternelle et le plaisir sans besoin, et la vie sans limite, sans fin, et la santé éternelle aux âmes et il n'est pas possible de terminer [le récit de] sa bonté ni du bon repos de la grande cité car c'est au-dessus de l'intelligence humaine dans' le monde et la paix par la volonté de Dieu. »

Et voilà la Langue toujours nouvelle ici mise en ordre et arrangée, im- primée et manuscrite et exécutée comme elle est sortie delà bouche de

l'apôtre, c'est-à-dire Philippe, éclairant toute grande vérité à la race hébraïque.

Fini d'écrire par Seamus Mac Anaifrionn, le trentième jour de septembre de l'âge du Seigneur, en ce temps 1817; et transcrit ici par Tomas Huallachain (Houlchan) le deuxième jour du mois de Bealtinne, âge du Seigneur 1901.

THE FIFTEEN TOKENS OF DOOMSDAY

The fifteen signs or tokens which are to précède the Day of Judgment formed a subject of extrême interest in the Middle Ages, and were consigned to prose and verse in ahnost every language. So says the late Thomas Wright in a note to his édition of The Cbester Plays, II, 218, London 1847. He adds that they are generally stated to hâve been talcen from the writings of St. Jérôme, although some say that they are first found in the Prognosiicon Futuri Seciili of JuHanus Pomerius, « a theologian who died in the year 690 » % and whose work on the Contemplative Life is printed in Migne's PairologiaLalina, lix. 415.

The following text (hitherto unpublished) is taken from the so-called Leabhar ûi Maolconaire « Book of O'Mulconry », a sixteenth century vellum ms. in the British Muséum, now marked Addl. 30, 512. Its chief contents are religions poems, some few of which hâve been published by Dr. Kuno Meyer in the Archiv fiir Celtische Lexicographie, III, 215, 232, 233. But italso contains some prose pièces of which the following are the most important :

po 2^ I. The Wandering of Coliaii cilles clerics, a story based on the same event as the Voyage of Snedgits and Mac Riagla (Rev. Celt., IX, 14), and The Adventure of St Columha's Clerics, ibid., XXVI, 132. It seemsto be the same as the Meanighadh clércach Cohiim chilk, of which there is an eighteenth century copy in the Trinity Collège Dublin, ms. 1285, î° 107. Fo b»-9b. Miracles of Finian son of Fintan. See the 5ame ms. fo ni.

10». Legend of St. Patrick and King Loegaire.

lob. Story of the Abbot of Drimna, printed in Anecdota from Irish mail user ipt s, I, p. 76.

I2b-i4b. Pedigrees of the Fitzgeralds.

193-20». Prophecies of St. Fursa.

27a-28a. Legend of Emi'n Bdn, edited in Anecdota, etc., I, p. 40.

I. Sic Wright. But in the Dictioiiary of Christian Biography, London, 1882, he is said to hâve lived about A. D. 500.

The Fiflecii Tokeiis of Dooiiisihiy. 309

31b 2. Sixteen sayings, each beginning with Dligidli.

33a. The four woodsof the Cross (cedar, cypress, palm, olive) and their mystical meaning. There is a modem copy in the Trinity Collège Dublin, ms. 1285, f. 140.

3 3a r. Sixteen sayings, each beginning with Fcrr.

38b. Synchronistic notices about the deaths of SS. Patrick, Brigit, Eilbe, Comgall, etc.

41a 2. Story of an old woman who went to communion after eating.

42l> 2. The seven to whom alms should be given.

482-52*. Lists of homonvmous Irish saints.

52a 4. The twelve golden fasts in the year.

')6^-6'j^. Pedigrees ofirish Saints.

75a i-8ob. Indcipitt uitta Maria[e] Egipciane, Irish Life of St. Maria Aegyptiaca.

80^ 2-871. Story of the Création, Temptation, etc., with the Harrowing of Hell and conversations of Satan with other devils and with Christ.

88». Legend of Jacobus or Intercisus, a Persian martyr.

90^. Life of S. Cvricus and his mother lulitta.

95a. The Fifteen Tokens of Doomsday, printed infra.

98'' I-I02b. Tractate beginning : Fove[a]t in principio virgo Maria meo. Other copies are in the Rennes ms. (Rev. Celt., XV, 81), and in the Paris ms. {Rev. Celt., XI, 398).

103a I. Homily on ihe Blessed Virgin, beginning : Ut dixit Bernardus in sermone de beata Maria uirgine, quicquid ofherre {sic) paras Marie comendare mémento .1. adeir Bernard naom gib é ni maith dob ail let do ullmï/<fîi(/ tabuir a lamhaibh Maire do uWmiigud hé.

For the sermon referred' to see Migne, Patr. Lat., t. 184, col. 1013- -1022. The Irish homily is also in the Rennes Ms. f. 25a i.

F. 105a I. A copy of the taie Bniideii da Choga, edited, Irom two mss. in the library of Trinity Collège, Dublin, in Rev. Celt., XXI. The conclu- sion differs from that in the Dublin mss., and the taie ends with six qua- trains ascribed to Fergus and beginning : Uchan, mo chroidhe is cosair cro !

F. 115b. Life of St. Alexius, ô avOpw:io; toù' 0£O'j. Begins : Ri romhanach dobî gan chloind aigi « a Roman king who was childless ».

F, 117b. Life of St. Laurence {Lahras). Begins : Bui Sexus papa sa Roim na biccaire a n-inudh Dia a talmain « Pope Sextus was in Rome as vicar in place of God on earth ».

So far as I am aware, thèse is no other old copy of the Irish Fifteen Tokens of Doomsday. But there is a tract dealing with this subject at 26 of a ms. in the library of Trinity Collège, Dublin, marked 1291 and transcribed by Hugh O'Daly in 1755. See Dr. Abbott's Catalogue, p. 307.

W. S.

ïll.'itlcy Slokcs

AIRDENA INNA COIC LA NDÉC RIA MBRATH (Addl. 30, 512, fo 95a i).

1. H[i]eronimus in Annalibus Ebreorum clarat de signis quindecim dierum Diem ludicii praecedentium ', et cetera. .1. Innisidh Cnine findh ama/ fuair a lebraibh airisi ^ na nEhraicIe airdena 3 ana côic la ndc'f ria mB;ath, 7 is iat airdena î an côicedh la àcc ria mBrath .1. na huili muir 7 uisci do thogbail do dreich an talmrt;/ suas co nellrt/7' n/mi .u. cubuit àéc osna sleibtibh siias, xrmiis co mbia ann sin iar/;/ach na rôn 7 nualft/^ach na mbl^^/mil, beict'(/hach 7 seidfcdach na piast mbéldcrg muiriilhe for na t;ar/;/aib t/'/ma déis an uisci da hghail isin sin.

2. IS e airdena 5 an ceathratnad la dc'c ria mBrath .1. treathangair adhbul 7 tairm tonn-mar na n-uili msc'i ac tuitim co tinnesn^c/; andara la ina n-inadti/^h disli féin an's, mnus co tiaghuit a fodomuin + an talman, co nach fes cait a tiaghuit.

5. IS se airdena 5 in treas la àéc ria mBrath .1. na huili uisd do dhul ina c^rtinadh côir féin taranais an's, 7 a ter/;/adh ''7 a c/uadhug//£? innus co roichfedh' sluaigh imdha orro.

4. IS iat airdena an dura la àéc ria mBrath .1. na huili ainmidhi muiridhi do eirgi co dàsar/z/ach on taUïw suas co fraighthib ^ na f/rmamindti 7 co nellrt/ih n//»i, 7 [fo 95" 2] a mbf//h ac s/rblaedhadh 9 7 ac gairm comharc co tinnisncc/; ar omhun lae an Bratha, 7 ni fhid/r nech ar doman acht an Firdhîa môr cum«f/;/ach créd canuid siad isin sin.

5. IS siat airdena an denmad'" la ài'c ria mbrath .1. enlaithi 7 ethaidi an talnirt» uili do heith. ac siuba/ 7 ac udmaille dos/r gan anadh gan fliosad orra, 7 heith gan biadh gan digh do chaithemh dôibh ann.

6. IS e airdena" an dechnmd ria mBrath .1. srotha môra tonngarbha tiugha teinntidhi'^ do bc/th a f/rmamint ô turgabail grnne co fuine[dh].

7. IS é airdena" a[n] naomad ria mBrath .1. fog«r môr grana garbh adh«fl//;m;/r do clos a cleithib n/we, 7 soighnein imdha 7 xo'xxxnech dermair ac tec/jt astu, 7 nell d<'rg teinntidhi'^ do eirgi a rann deisc^rtach ninn 7 a Ic/hadh tar clâr an talnw/; uil/, 7 gress fola fo/dcrgi co lasair tonngairb tinntidhi'3 do fcrthain asin nell sin, 7 co li'nfad se an domun \x\\e etir muir 7 tir, 7 lasn/c/ja tein^d ruithenta tar cethn rannuibh an bc/ha, 7 talamchum-

1. Ms. prot^sedencium 2. Ms. irisi 3. Ms. hic et passitn airdina 4. Ms. foghdomuin 5. Ms. airrgina 6. Ms. roitfedh 7. Ms. thec/;/dah 8. Ms. froighthib 9. Ms. s/rblaoghrtJh 10. Ms. tâenmad 11. Ms. airrgina 12. Ms. teinntighi 13. Ms. tinntighi.

The Fiffeei! Tokeiis oj Doomsday. 311

THE TOKENS OF THE FIFTEEN DAYS BEFORE DOOM

1. Hieronyiuus in Auualihus Hebraioruin, etc., that is, Jérôme the prophet relates, as he found in the historical books of the Hebrews, the tokens of the fifteen davs before Doom. And thèse are the tokens of the fifteenth dav before Doom, to wit, ail the seas and waters will rise ' from the face of the earth up to the clouds of heaven, fifteen cubitsabove the mountains, so that the crv of the seals, and the roar of the whales, the veliing and blowing of the red-mouthed sea-monsters will be on the dry strands after the water leaves them on that dav.

2. This is the token of the fourteenth dav before Doom, namely, the vast billow-roar, and the noise of the mightv waves of ail the waters faliing hurriedlv again on the following dav into their own proper places, so that they go into the depth of the earth ; and whither thev go is unknown.

3. This is the token of the thirteenth dav before Doom, i.e. ail the waters will go back into their own right and proper place, and will freeze and harden, so that many armies would march upon them.

4. This is the token of the twelfth day before Doom; to wit, ail the sea-animals will rise up madlv from the earth to the walls of the firma- ment and to the clouds of heaven, and will be continuallv clamouring and uttering outcries urgentlv for dread of the Dav of Doom ; and no one in the world, save the true, great, mightv God, knows what they sav on that day.

5. Thèse are the tokens of the eleventh day before Doom, to wit, ail the birds and fowls of the earth will be moving and flitting continuallv, without resting or delaving, and will be there without partaking of food or drink.

6. This is the token of the tenth day before Doom, to wit, great rivers, rough-waved, solid, fierv, will flow out of the firmament from sunrise to sunset.

7. This is the token of the ninthdav before Doom, to wit, a great sound, uglv, rough, terrifie, will be hearJ from the heights of heaven, and many lightnings and vast thunder will corne thereout, and a red, fiery cloud will rise from the southern part of the sky and spread over ail the surface of the earth, and a rush of crimson blood, with a rough-waved fiery flame, will pour out of that cloud, so that it would fill the whole world, both séa and

I. Lit. to rise.

312 . IVhUley Siokcs.

scuv^Hil nuSx {or in mbith uili, 7 ciÀxbir dcrmair do eirgi an gflc/j aird don talniiv///, 7 an nuiir cojià hilmilib do dhul dar a ni/(;uibh amach isin sin.

8. IS e airdhi'i an ochhimdh ria mBrâth'> .1. crith imz^rcach do bc//h ar na duihV' la [f° 95^ i] crothadh na f/rmaminnti, 7 drest^/nac/; môr ag an tali7w uile aromhun in môrgluinn bi'ss cucu, 7 gach huili dhûil do heith 'na luig]ii la liomliun, 7 tonna na fairrgi do eirgi comhard frisna haera/Wî roarda, 7 gactlia mora tréna teinntidhi'^ ag croxhad an aigéin o l'chtar co huac/;/ar. Ciclianach 7 torannfodach na muirinw 7 na n-uisa'Jha frisna s/othaibh teint'dh isna haera/Mi gan ceol gan di«es fo cethx'i hairdib in domuin isin lo-sin. Bctha brontzch bithimsnimacli gan tshi'dh gan tshU//«// Acu l'ar li'nird lerg 7 ghlenn an tsaega// ar na 'çieciachaih ann.

9. IS t: airrdi'7 in [t]setV;/mad la [ria] mbrath .1. na huili cloch, idir hec 7 môr, do dluigidh a ceit/;ri rannazè, 7 gach rflnn dib do heiûv ag imagall- flîw/'^ f;-ia aroili, 7 ni fidzV nech acht Dia féin créd chanuid, 7 coillti an talmrt;/ do thuitim as a premn/Mi iarna mbrisfdh uili isin lo sin, 7 crith- nug?/(f gaibht/;t'ch na cloch iarna ndelugHû? doibh re ndelbn/Wi disli ann, 7 srotha sc^bha siab!trtha do théine sraibhi do t7(7-ghaba// a taebn/^ an xûman coma haonb/cô an bith uile ô t«rgabrt// co hmiedh. Céo 7 môrtarranwaf/; nimi isin lo sin.

10. IS e airrdi'v an [tJi'Mt'd la ria [f° 95b 2] mbrath .1. na huili crann 7 cloch do b('//h ac snighi fola ann, 7 //-/gi"? gaoithi gairbhi gt'Ve do eirgi ann nech le croiter an bith uili a n-aoinfhec/;;. Gui 7 scrécach 7 éimhe 7 osnuniach t/uagh thoirrs(?c/; ac sîl Adhaini ag athcuingi an talmfl« d'oslugwd reompu, fo;;ach bc/ais ag feghain na n-olc ndt'rmair sin, uair do bo fherr fo sher/;/ leo bas d'fagbJ// ind b^//h bco an uair sin.

11. IS annsin tîa'tfit tri .xx. ar .u. ce'/ r[e]ann o oirrt/j^r na fmnaminnti anuas for talma»; isin sin, 7 tuittfit na sleibhti ann mnus co mhet aird ar aird fz'isna glennti;//', 7 d/uidfitc;- an f/rmamint 7 nem 7 talfl»; ann.

12. IS é airrdina-" an coicedb roime an b/ath .1. toirraec/;a mora 7 fuaim na c^//;/i ngaoth teinntidhi-' a Cf/Z;ri hairdibh m'wi. Na duili do cra- padh 7 do dhelugwrf re na cumachtaih ndetna. 7 a n-aignc^ do chlô innus co t»/tid sruibne doairme do reltanntr/" a f/rmamint .1. coic reltanna ar tri/ .XX. ar tri .c. ar „u. mili do tuitim sis co talrtw, mar tuit^-i- mes âhaidb a gaoithi. An t-esca do shodh" a fuil, 7 an grian do dhorcug»^', 7 na sleibhti 7 na huil? chunidaighthi do ciir a luait/;readh. lachta^/h aigmeil 7 gair truagh na henlaithi aga ndodh-î 7 acca losc»(/ isin sin, 7 sreaba

14. Ms. airrghi 15. Ms. brat 16. Ms. teinntighi 17. Ms. airrgi 18. Ms. imaghalL/Zw 19. Ms. 5gi 20. Ms. airrgina 21. Ms. teinn- tighi — 22. Ms. shogh 23. Ms. ndogh.

The Fifteen Tokens of Doomsday. 313

land ; and flames of flashing fire (will be) over the four parts of the globe, and a mighty earthquake on the whole world, and a vast spark will rise at every airt of the earth, and the sea with its many thousands will go forth over its ramparts on that day.

8. This is the token of the eighth day he fore Doom, to wit, an excessive trenior will be on the éléments, with the shaking of the firmament and a great clanking at ail the earth for dread of the great deed that is coming to thcm. And every créature will be prostrate with fear, and the waves of the sea will rise as high as the lofty ether, and strong fiery winds willshake the océan from bottom to top. The stridor and thundering of the seas and the waters against the rivers of fire in the ether, without music or pleasure, throughout the world's four airts on that day. A life sad, ever-distressful, peaceless, healthless, they hâve, after the slopes and glens of the world hâve been filled for the sinners there.

9. This is the token of the seventh day before Doom, to wit, ail the stones, both small and great, will split into four parts, and each of thèse parts will be conversing with another, and no one but God Himself knows what they say. And the woods of the earth will fall out of their roots, after ail of them hâve been broken on that day, and a perilous trembling of the stones after thev hâve been separated from their proper forms. And bitter, spectral streams of sulphurous fire will rise from the flanks of the earth, so that the whole world is one blaze from sunrise to sunset. Mist and mighty thundering of heaven are on that day.

10. This is the token of the sixth day before Doom, to wit, ail the trees and stones will be shedding blood there, and fréquent, rough, keen wind will rise there, wherehy the whole world is shaken at once. Wailing and screaming and crying and wretched sorrowful groaning hâve Adam's race, entreating the earth to open before them, so that they may not be seeing those vast evils, for they deem it seven times better to die than to be alive at that season.

11. 'Tis then three hundred and sixty-five stars will fall from the east of the firmament down upon earth on that day. And the mountains will then fall, so that they will be on a level (?) with the glens, and the fir- mament and heaven and earth will be shut there.

12. This is the token of the fifth day before the Doom, to wit, great thunders and the sound of the four fiery winds from the four airts of heaven. The éléments will shrink up and separate before the holy Powers, and their nature will change so that out of the firmament innumerable streams of stars, to wit, five thousand three hundred and sixty-five stars, fall down to earth as falls ripe fruit on a windy day. The moon will turn into blood, and the sun will grow dark, and the mountains and ail the structures will turn into ashes. The terrible screaming and wretched cry

514 Whitley Slokes.

sc^bha sraiblicmlTla na tcinedh t/oniaufaid siu \dir nein 7 talaw ann. Cai tserh truagh 7 golghaire dur dian, 7 toirrsi trom, 7 aithffr imaithfc;- [fo 96» i] dermairacc si'l Adhaimh isin sin.

13. Bet an cim-Jh daonna uiL- annsin ace slef/;/uin co dic/;/a do Di'a 7 ag a atach di'a saon/d ar teinc bratha.

14. IS c airrdi^+ an cethrainadh ria nibràth .1. uili anmanna \w1a\igXezh3. in talma;; do tliec/;/ as a n-inada/Wi disle 7 a mheith ar na muighibh ag blaodhi;<fh^) 7 ac don[n]al(;rf gan biadh gan «'Yach isin sin, 7 an cincdh àdouna do ther/;^ asna hinadrt//'h a mbe/, 7 câch. di'bh sech a cheile for dasac/;/, 7 ni t»cid féin ni da n-ab;aid, 7 grtc/; aon do biais heths. do éc a n-aonuair isin sin, 7 an bith uilc do Iv/Vh fo chasair 7 fo théine ann.

l'^.Octis doirrsi an righthighi do oslugud ann. Uch, comthuargain teinnisnt-ch 7 môrgeinincc/;d('/mair na ser/;/ neimheac Xi:cht an Duilimh coiià. aingl/7' astu do b/eithemhnM5 bratha !

16. IS annsin adbnat aingil n/we frisan Duilcw : Uch, uch, a Tig<'/na, ar siat, tarra co luath a comhfochrfl//' duin, co«adi loisge teine beo bratha sinn ! Uair ge neumech an teine so fuil isin tsaegî// budh téo fo shtcht teine bratha inass. Oir zeithn teinnti fil ann 7 secht tes gach teinedh dibh naroili, ama/ isbtrt aroile ecnaidXn .1. teine talma« 7 teine gealiJ/H 7 tjine bratha 7 teine ifrind.

[fo 96a 2] Sec/;/ tes tein^fh talman tais a[u] teine ghealain gealb/ais, se(7;t tes teinedh bratha brais a[u] teine if;inn amhnais.

Saerfait/r annsin na haingil 7 anmanna na naom 7 na f/ren mur do het\ï iasc a n-uisci, conach loiscinn teine bratha iat.

17. IS i airrdi=^ an très la roimhe in mbrath .1. na huil/ adhluc?/d do oslucz(d, 7 a n-abaidhi do thec/;/ go anorach, 7 an bith fo bhron isin lo sin, oir ni het aitreabi; do biu na do marbh for bith ce ann.

18. IS e airrdhi=" -àndara la ria mbrath .1. na huil/ beo do éc ann.

19. IS é airrdina^* an lâe ria mbrath .1. ri idhan na hinogba/a .1. énnwc ri[g] nimi 7 talnw» 7 ithfrinn, co n-imut diairme aingil 7 arcaingil nime .1. nôi ngraidh n/wi, ina choimidir/;/ co mullach sleibhi Sioin do mes a ngnim. id/r maith 7 olc. ar cloinn eisidhain Adhaimh isin lo sin.

20. IS e sanw// muindti'ri winn a coimider/;/ an Duilim isin sin .1. r[e]anna nimi 7 gainem mara 7 fér for taKnw. IS é met cumachto. 7 nein na

24. Ms. airrgi 25. Ms. blasghadh 26. Ms. airrgi 27. Ms. airrghi 28. Ms. airrgina

The Fifteeii Tokciis of Dooiiisday. 315

of the birds at being burnt and scaldcd on that day, and thc bittcr sulphu- rous streams of that heavy storm's fire between heaven and earth ! A bitttr, sad wail, and a hard, véhément lamentation and heavy grief, and reproachful rebuke hath Adam'srace on that day.

13. AU mankind will then be kneeling fervently to God, and entreating Him o save them from the fire of Doom.

14. This is the token of the fourth day before Doom, to wit, ail the lawless animais of the earth will go out of their proper places, and be on the plains, crying out and howling, without food, without clothing on that dav, and the human race will go out of the places in which they will be, and each of them past his fellow in madness, and he himself under- stands nothing that he says. And every one that has tasted life will die at once on that day, and ail the world will be under hail and fire.

15. And the doors of the palace will upen there. Ah the hurried crashing together, and the vast roar of the seven heavens, at the coming of the Creator with His angels out of them to the judgment of Doom !

16. Then will heaven's angels say to the Creator : « Oh, oh, our Lord ! » they say, « corne quickly near us, so that the living fire of Doom may not burn us ! » For though virulent is this fire that is in the world, hotter seven times is the fire of Doom. For there are four fires there, and seven (tiines greater is) the heat of each of them than (that of) another : as said a certain sage, namely, fire of earth, fire of lightning, fire of Doom, and fire of Hell :

Seven (times greater than) the heat of the fire of the soft earth (is) the fire of bright-quick lightning :

Seven (times greater than) the heat of the fire of ready Doom (is) the fire of cruel Hell.

Then the angels and the soûls of the saints and the righteous will be saved, like a fish in water, so that the fire of Doom does not burn them.

17. This is the token of the third dav before the Doom, to wit, every grave will open, and their dead will come forth honourably, and the world will be in grief on that dav, for then there will not be dwellings for living or for dead on the présent world.

18. This is the token of the second day before Doom, to wit, al! the living will die thereon.

19. This is the token of the day before Doom, to wit, the pure King of Glory, the only Son of the King of heaven and earth and hell, with a countless multitude of angels and archangels, to wit, the nine ranks of heaven, in His company (will go), on that day to the sumniit of Mount Zion to judge their deeds, both good and evil, for Adam's impure children.

20. This is the semblance (in number) of the household of heaven in the company of the Creator on that day, to wit, stars of heaven, and sand

3i6 WhilJey Slokes.

n-aingel .i. co sc/isfuidis secht n-aingil dibli an bitli uili o lnrgd.\)dil grè'ine co fuine[d] fri re donlâe amain.

21. Aduathmuire 7 a ngotha ina torann, conadh ann sin cuner ùir- fuagra on Dûilemh^' for in dnedh [fo 96b i] ndaona .1. Mi'cél arcaingd. 7 dochluinfid na huili duini intan sin forfhiiagra Mi'chil on DuWevih aca togairm 'cum na môrdala sin. Co;iadh annsin ad;eisit na huili marbli a xalam an uair sin .1. adresit ar tûs na h[a]psta// 7 na faidhi 7 na faismeJ- haigh, na mairtz/'igh 7 na naoim 7 na firena/V, 7 luc/;i ôighi 7 aithrigi iarsin, 7 ndidhinî" baist^rfha fadheôidh?'.

22. Ni ba sou 7 ni ba sine nech inas a cheile isin sin, uair is a n-dis trichât hïiadan adresit an cinedh ddennà uili .1. i n-dis ina nd^rnad Adam 7 i n-âis ina roibhi Isu'^ intan ro baistf^ é.

23. Uch, budh salach t;a eiseirgi na p^ct/;acli isin sin. Beit annsin môrsluagh adhbul sil Adhaim uili ac imdec/;/ co himsnimach tresna mitrih tromanfa/d teinntidi ag^z/'r" 7 tresna tonna/bh dimôra dofulaing dcrglas- rach bis a ceithribh hairdibh an bf/ha a chomhdail an Airdr/gh cfrtbrea- thaigh cum.achtaig\\ co sMab Sioin.

24. Uch tinoilfid annsin muinntéT nn?/i 7 talnw» 7 ifrinn isin comdhail sin, cowidh ann sin eirgis Ri n[a] hinogbflla co«a c^roich de/idliH re ais a fiadnawe caich uili [fo 96'' 2], 7 is amlafJ adre, conA corp d^rg uili uime, co slechtaibh gon 7 aladh a ce'5/a fair, 7 comad îoWus dona hldhalaibî5 uili na crechta doimne doleighis 7 napiana môra tugsad féin fair.

25. Suidhfe Cri5/ iarsin cona. dha apsta/az7' àéc uime. Uch heth annsin an crich mor oirrd^rc ar lacht .1. lùan laithi bratha, la dighbaVa 7 inneachflàf dona pecachaib an la sin 7 la cddhusa 7 anôra moire dona f//-énachj/7? é.'

26. Beith gair truagh tai[dh]bhsfc/; ac daoscurshiag an domuin an la sin ac a c;/r cengailti cruadhchuibhrigthi a fodomuin aduathmiir [ijfrinn a hmaibb nemmuunterdha a namat .1. Diabzf/, ac a s/rpian^d 7 ag iadhaJh ithffrinn trc bithu sfr orro.

27. Beit annsin na naoim 7 na f/reoin ac sirmolad a nDuil/w co deithi- d^ch, 7 iatt co subhach fail/i iar mbreith buaidh 7 cosgairo Dhiab2//.

28. Uch coirighter an cinedh ddenna uili a cehhri hoirec/jtaiMi annsin a fiadna/ic Cr/5t .1. maithi 7 romaithi, uilc 7 rouilcc.

29. Ms. duiledh 30. Ms. naighin 31. Ms. fadheoigh 32. Ms. ih. u 33. Ms. ad»/- 34. Ms. dmgh 35. Ms. hïbhahih.

1

The Fifteeii Tokeiis of Doomsday. 317

of sea, and grass on earth. Such is the greatness of the power and strength ot the angels, that in the space of only a single day seven of theni wouid sweep away the whole world from sunrise to sunset.

21. More awful and mightier than thunder are their voices, so that then, there is sent a proclamation, from the Creator to the human race, to •wit, Michael the Archangel; and ail human beings will then hear Michael's proclamation from the Creator, summoning thera to that great assembly. So then ail the dead will arise out of the earth, to wit, first, the apostles will arise, and the prophets and the confessors, the martyrs and the saints and the righteous ; and thereafter the virgins and pénitents ; and, lastly, baptized infants.

22. No one on that day will be younger or older than another, for the whole human race will arise at the âge of thirty years, that is, the âge at which Adam was created, and the âge which Jésus had attained when He was baptized.

23. Oh, foui will be the résurrection of the sinners on that day ! A great and vast armv of Adani's race will be proceeding distressfully through the seas of heavv, fiery, perilous (?) storm, and through the vast unendurable waves of the red flame which is in the four airts of the world, to the meeting of the justly-judging, mighty Overking, unto Mount Zion.

24. Oh then the household of heaven and earth and hell will gather into that meeting, and then the King of Glory will arise with His final Cross on his shoulder in the présence of them ail ; and thus He will arise, with ail His red Body around Him, with the traces of the stabs and wounds of His Passion upon Him, so that ail the deep, incurable gashes, and the great tortures which they themselves inflicted upon Him, may be manifested to the Jews '.

25. Then Christ will sit down with his twelve Apostles around Him. Oh then will be the great, conspicuous end, to wit, the Monday of Doomsday, the day of destruction and vengeance for the sinners, and the day of re- spect and great honour for the righteous.

26. That day there will be a sad and manifest cry from the rabble of the woud at being cast, bound and cruelly fettered, into the awful death of Hell, into the unfriendly hands of their foe, the Devil, tortured continually, and with Hell shut upon them for ever and ever.

27. Then the saints and the righteous will be diligently and always praising their Creator, they being cheerful and glad after gaining vie- tory and triumph from the Devil.

28. Oh the whole human race is arranged in four assemblies, there in présence of Christ, to wit, the good and the very good, the bad and the very bad ^ .

1. Cf. the Tidings of the Résurrection, Rev. Celt., XXV, 240, § 11 ad finem.

2. The nidli vuîde of Tidings of Dooinsday, Rev. Celt., IV, 250.

3i8 irhilkx Slokes

29. Uch is mairg t;a rxrch bidh feidhil foraib f/Vcnda cunnail ailgin ainmnidhach d<Tcach troisctt'ch aintcc/; umal ait/>ngach an oirchill na mbreath so\am s/;-cinnti [fo 97 » i] b^rur ann siu.

30. Uch cuirfitc/- d'éinlf/Vh an uair sin na fcn-imthigh 7 na gobreatha^'^, na cosnuniha/Vh 7 na colatfh, na druithi 7 na cainti 7 na cros^naigh, na heritegai 7 na à\her^aigh, na m«/vligh 7 na héturidaiJ*, na gôich'7, na glora/^, na cainti, na banchainti, na dimsa/Vh, na cràQsaigh, na iergaigh, na dunmar[bh]tha/V, \ucht fingaile 7 mebla, 7 lur/j/ g^c/; uilc ele.

31. IS iat sin cuner le demnaib do s/raitreabh ithf/inn tre bithu sir, 7 scrister in lue/;/ sin asin saog/(/, ar art/eigsit fein foc/;raic n/mi 7 faicsin a Naomathar cumachtaig, 7 bé;7 m/'/c bl/ia/iî/; a teine bithbeo bratha, oir is é sin fiid 7 reimis laithi an bratha.

32. Uch suaimncc/; sorciJh an se'/ sin, oir ni fuigid biadh na deoch na cumsanad ann, acht s//gorta gnaith 7 îta gana t'hiinacbt 7 fiuu7;/ 7 tes dofhuluing.

33. Uch budh truagh t/a an gair gcV golgaire, 7 a[n]nual cuma(5zV)môr, 7 an golfadach dur diân, 7 an brôn in^»man, 7 an cesad croidhi, 7 an bas- gaire buant/'uag beo b/'atha donîd [fo 97» 2] na pecaig ac a trentarraing co tinnesncc/j iar ndiultad na trocHne docwm peine skaid'i ithfrinn, 7 hetl ag dib/</goid moir 7 ag aithfi?/' imaithfi?/' truagh for in Coimdhe gan a logjd doibh annsa saog(J soua saraigth'i tucsat fair.

54. Uch tra is annsin îa[d]f(!/t^r tri glaiss ar na pfctflchaihh in la sin .1. iadhadh orro da air a n-ilpianaib ad/w//;tTi;/ra i;/jfrinn, 7 iadhadh a sul frisin saogîi/, 7 iadhad ar feithim na ûathj neindhà gan a fhaicsin doibh o sin amach.

3$. Uch suidhfid co himsninia[ch] iarsin a ûâdnaise ri[g] na clâiue .1. an Dïahbul, a nglenn na pian nhùvnaidi, mar a fuil teine dhorcha dosoh« 7 bt'/ha b/on(ïc/; bithimsniniach salach suidhema//'* neinnech newglan, 7 mur a mbc/li crith for dhc7 7 c/-apall cruaidh for corp, 7 bron for merimain, 7 teimil for gruadd/Wi, 7 faidhi iruagha toirrs'c/ja, 7 gola gnatha, 7 basgaire buan, 7 dc'ra troma fol Jtar gruadii/Wi aga cesad, 7 nuala aga n-eist^c/j/ acu.

36. Uch doghéna59 Diab»/ iarsin cimidhi cenntroma cruadhcuibhriV//;i cengailti dona pectac/jaibh planta ag a mbuancesad a carcair cliabhchum- huing cenngairb iarna/^W adiiathmuir itfrinn tre bithu [fo 97^ i] sir. Gnùisi bana buancésta co H-ecusc dhuine mairbh acu, 7 p«/i ad;/a//;m//r[a] ilchennacha go sruma/Z'h remra rod«rga+° orro, 7 enpéist môr ann 7 .u. cet cend uirre 7 .u. cet fiaca/ in gc;c/; cend, 7 cet coss uirrA 7 cet mèr for gach cois 7 ceï inga for gach nif'r dhi.

56. Ms.hetî/rigai 37.MS. goid 58.MS suigemail 59. Ms. dodhena 40. Ms. rodergha.

The Fifleeii Tokciis of Doomsday. 3 1 9

29. Oh sad it is that the provision of the ready, ever-decisive judgments whicli are tlien delivered will net be upright, pleasant, righteous, discrcet, gentle, patient, loving, abstinent, fasting, humble, pe nitent !

30. Oh, on one side then will be cast the envious and the false-judging, the quarrelsome and the incestuous, the harlots and the satirists and the buffoons, the heretics and the marauders, the robbers and the jealous, the liars, the noisv, the lampooners, the she-lampooners, the haughty, the gluttonous, the angry, the homicidai, the parricides, tha deceivers, and ail other evil ones.

31. Those, then, are cast to the démons, to inhabit Hell for ever and ever. And that folk is swept out of the world, for they themselves hâve forsaken the reward of heaven and the sight of their holy and mighty Father ; and they uill be a thousand years in the eternal fire of Doom, for that is the length and period of the Day of Judgment.

32. Oh, neithercalm nor easy is that road, for there they getneither food nor drink nor resting, but constant hunger, and thirst without relief, and cold and unendurable heat.

33. Oh, sad will be the sharp cry of lamentation and the great howl of grief, and the hard, véhément wailing, and the sorrow of mind, and the siiffering of heart, and the enduringly wretched hand-clapping of Doom, which the sinners, after rejecting (God's)mercy, make at being dragged, strongly and urgently, to the everlasting torture of Hell. And they will be mightily praving for pardon, and wretchedlv reproaching the Lord for not forgiving them in this life for the outrages thev committed upon Him.

34. Oh, 'tis then on that day the three locks will be shut on the sinners! 10 wit, the shutting on them by casting them into the manv awful torments of hell, and the shutting of their eycs against the world, and the shutting from beholding the heavenly Kingdom without their seeing it thenceforward '.

35. Oh, then they will sit in the présence of the King of Evil, to wit, the Devil, in the glen of infernal torments, where there is dark, lightless fire, and a life sad, ever-distressful, foui, sooty, virulent, impure; and where there will be trembling on tooth, and hard shackles on body, and grief on inind, and darkness on cheeks, and misérable, mournful moans, and constant weepings, and lasting handclapping, and heavy tears of blood over cheeks at their suffering, and cries at hearing thein.

36. Oh, the Devil will then make heavv-headed, cruellv-fettered, bound captives of the tortured sinners at their lasting passion in the narrow- chested, rough-headed, iron, awful prison of hell for ever and ever. White faces of constant suffering with the aspect of a dead man they hâve; and horrible, manv-headed monsters with thick, crimson snouts upon them ; and one great monster there, with five hundred heads and five hundred fangs in every head, and a hundred feet, and a hundred toes on every foot, and a hundred nails on every toe ^

1. Compare Tidiugs o{ Doomsday, Rev. Celt.^lV, 252.

2. Ibid., 252. Cf. also the hestia in the Visio Tnugdali. So the Indian Kâlanemi, a daitya or démon, has a hundred arms and as many heads. And even some Greek giants are l/'-aToy/sips;.

320 îVhitley Sfohes.

37. Cid trac/;/ an cinc(/lî ddenna uili nocha n-inneosadais imat ilpianad itfrinn, teinc bithbco do heith ar lasrtd do sir ann, 7 ni shoilbîo-inn c, 7 da ndoirti an fhairrgi ina chenn ni muchfi?d hi.

38. IS i is pian tanîuti ann .1. (ui\cht dofhulaing, amail adm- in proniJjadh so De q[u]o dicitur : si mitt[eret]z<r mons ignitHi; in glaciem Uf/tcretur»' .1. da cunhaiih sliabh teim'^h ar lasad ann doghcnfld oig/e*= 7 snechta de.

39. An très pian do aitrcaclw/i niin'i, 7 loisginn 7 'ûpesl'i ithtVinn do heith ac cnam 7 ac cerrbad na n-anmann do sir.

40. An cethramad [pian], brentzu bûan cxnimciihaid ithfrinn.

41. An côked pian, comtuarcaint tinnisnec/; na ndemhan ama/ urli;/(/i gobann a a'/-dcha ac szrtuairgaint 7 ag dunmarbfft? na n-anman.

42. An sesed pian, dorcadwi bithbuan, Amal -^àhenhar isin caintic so : Terra tenebrarum ubi umbra mortis, et nuWiis ordo, sed sempiternus horror43 inhfl/'/tat.

43. An sechtmhad pian .1. faisidin na pccad\\ nach [f» 97 b 2] dcrnadh nech féin d'faisidi isin tsar gw/ so, \nnus comad tholbzi do Xucht ithfrinn uili ntan sin l'at.

44. An ochtiimdh pian, s//fheithemh gnuisi in Diab/aV, oir co deimin gin go heth a n-ithfrinn pian, budh lôr do péin sin, ôir c/itlire teinedh silid co tinnisnach a rosg daor an Diab»/7 wmal silid dochdir derg a teallach.

45. An naonihadh pian, glais 7 cuibr/Vhi teinntidhi'*+ do bt'/th ar lasfld, ar gac/; bail 7 ar gadi àighi+5 fo leith dona pcctrtc/;aibh, con nach cuimgid dul asna pianiu'Wi a mbid tre bithu sir, o nar'cengladwr féin na boill sin isin tsaog/J a penna/7 7 a croich na haithr;V/;/ a cin a n-uilc 7 a p^cad.

46. IMthî/5 na naom 7 na firén inimorro, ïeriaid an Coimde cumachtàch. failti co frithnumach f/iu isin 16 sin, 7 atbera/(/ ann friu : Uenite be?iidicti et ceterHi.

47. IS annsin dob^rar secht ngloire do curp na firén 7 secht ngloire .1. da n-anmanna/Wi. IS iat so secht ngloire na corp sin : Claritatem't'' .1. soillsi**, oir budh soillsi fo secht na grian cuirp lue/;/ naheiseirgi isin losin. Velocita- teni+7 .1. luth, oir bud luaithi co môr cuirp lue/;/ na heisergi na gaoth. For- titudinem .i.sonairt[i]. Libertatem .1. saoire. Voluntatem .1. toil, oir budh iuann toil dôibh [fo 98^ i] 7 don Choimdhi. Sanitatem .1. slainti, oir ni bidh saoth na gal«r orro t/'e bithu sir. IM[m]ortalitatem .1, nemmarbtrtc/;[t] oir ni bhf/h delugz/i cuirp 7 anma o cheile acu dog/Vs.

48. IS iat so secht ngloire in anma .1. egna 7 caradradh 7 comaonta, timachtOi 7 anoir, rethince 7 failti. Uch is iat sin onoire 7 aisgidhf àdbeir

41. Ms. uertiretur 42. Ms. dodhenfld oidre 43. Ms. sedh simpi- terrn«5 orror 44. Ms. teinntigh 45. Ms. aidhi 46. Ms. Claritatim .1. soillsigh 47. Ms. Uelositatim.

The Ftfteen Tokens of Doomsday. 3it

37. Howbeit, the whole human race could not set forth the multitude of Hell's many tormenis, Everliving fire will be continually blazing the- rein, and it does not illumine ; and if the sea were spilt against it the sea would not quench it.

38. This is the second torment therein, to wit, unendurable cold, as saith this testimony : si mitterelur etc. that is, if a mountain of fire aflame were cast therein, Hell would make of it ice and snow.

39. The third torment, that of poisonous snakes, and vermin and many monsters of hell to be gnawing and wounding the soûls continually.

40. The fourth torment, the lasting, unmeet stench of Hell.

41. The fifth torment, the urgent smiting together of the démons, like the sledging of smiths in a forge, at the continuai smiting and massacring of the soûls.

42. The sixth torment, everlasting darkness, as is said in this canticle : A land of darkness wherein dwells the shadow of Death, and no right order, but eternal horror.

43. The seventh torment, namelv, the confession of the sins which one did not confess in this life, so that they are then manifest to ail the folk ot Hell.

44. The eighth torment, the continuai contemplation of the Devil's countenance. For though there were no torment in hell, Ihat would be enough of torment, for sparks of fire drop urgently from the base eye of the Devil as a red firebrand (?) drops from a hearth.

45. The ninth torment : locks and fierv bonds to be blazing on every member and on every separate joint of the sinners, so that they cannot escape from the torments in which they abide for ever : for in life they did not control those members by penance and by the cross of repentance in liabilitv for their evil and their sin.

46. But touching the saints and the righteous, the mightv Lord will welcome them attentively on that day, and will then sav to them : Corne ye blessed ones, etc.

47. Then seven Glories are bestowed on the bodies of the righteous, and seven glories on their soûls. Thèse are the seven Glories of those bodies, Claritatem, that is brightness, for the bodies of those that arise on that day will be seven times brighter than the sun : Velocitatem, that is, speed, for the bodies of those that arise will be swifter than wind : Fortiludinem, that is strength : Libertatem, that is freedom : Voluntatem, that is, will, for their will and the Lord's shall be the same : Sanitatein, that is, health, for throughout eternitv they will suflFer no disease or sickness : Iiiimortalita- tem, that is, immortality, for in their case they will never hâve séparation of body and soûl.

48. Thèse are the seven Glories of the soûl, to wit, wisdom and friendli- ness and union, power and honour,gentleness and gladness. Oh those are the

Reviu Celtique, XXVIII. 2;

322 U'hillcx Slokcs.

an Coimdlii c»mnc/;/ach da {îrcnachaib féin .i do \ucht na cennsa 7 na hailgine 7 na dt'rce 7 na ttocitirc, na sognim 7 na hoighi ar Dia.

49. IS annsin ira. ata in Iv/ha suthain gan bas, 7 in fliailti ilceolta 7 an oirfide coinidita+* gan c;ich gan fo/zcenn, 7 an tslainte gan ga.\ur, 7 an t-aibhnis gan imresain, 7 an oigi gan airsidecht, 7 an sidh gan [e|asaonta, 7 an Ûailhius gan cum^cug^^i. 7 an tsaeire gan tsaot/;ur 7 in ainmne gan ocn/5 7 an samh gan chollud. Noimcgan urc/;ra, aonta aingil, ûedugud gan crich, do chaithim na morchasc idir naoi ngradhaibh aingil n/wà, 7 FK/Z/li ard uasal, cliaoni choir chunidflc/;/a, mor mala minglan mailli friu, a cathaireachini ôrda 7 a leptliachaib+9 glo'midi, 7 suidfitlw>" gach aon duinc annsin ar miadh 7 ar dligt'(//j 7 ar a sognim[r]adli, ag fc/him an Righ oireghdhai' ôig, urnaigthi>= f/renda i7/b/catha;> uasail airmin/zî""- umail a liadn/(5e na d'mchlA moire .1. Righ na [fo 98* 2] tri muinntcr a coimcetal fri hvrupin 7 fri harufin 7 fria naoi ngrada/Wi nini'i, 7 frisinti do bi 7 ta 7 bias ann do shi'r, gan aois, gan urc/;/a, gan anfainne^', gan aimnc/'t, gan dubha, gan domenmain, a corpaih seime ed/-oc/;/a, a sosad aingil 7 a mbrugh parrt/;H/5.

50. Uch is dofhaisnesi ln\ met 7 tairsingi 7 LVhe na cathrach nemdha. Uair an t-én is luaithi foluamain 7 eitill ior bith ce ni tairsidh tôchel an righthoighe thoi (?) o thosach domuin co deredh.

51. Uch is môr 7 is adhbul met 7 suthainc 7 soillsi na cathrach sin, 7 a saime 7 a soillsi, a caoime 7 a roghloine, a cohhsaidLxht 7 a fostac/;/, a loghm»/rc 7 a baille 7 a hailgine, a hairde 7 a h(7droc/;/aighi, a hordan 7 a hairmidniu, a kinsidh 7 a lanaontu.

52. Uch is moghenur t;a bes co ndeghbésaibh 7 co ndeghgm'maibh'>+ do aitrebh ivà cathrach sin a lo bnitha, uair bc^h a n-aonta na cec/;tardha .1. a n-aonta is rôuaisli na gach aonta ,1. aenta na right/inoidi an Athar 7 an Mi(/c 7 an Sp/ruta Naim.

53. Ailim trocuire môr-Dia, co roisi;;/ uile an nontaid an Righ uasail ilcunwc/j/aigh sin, 7 co n-aitreabhamh co sir maille fris, 7 ri.

48. Ms. coimgita 49. Ms. lepachtha 50. Ms. suigfiter 51. Ms. oiredhdha 52. Ms. irrnaighti 53. Ms. anmainne 54. Ms. ndt'Jhbesiu'Wi 7 co ndcû^hgnimar'Mi.

The Fijteeii Tokciis of Doomsday. 323

honours and gifts that the niighty Lord bestows on his own righteous ones, to wit, on the mild and kindly and loving and merciful, thc bcnefi- cent, and the virgins for sake of God.

49. Then is Life eternal without death, and manv-melodied jov, and lordly dehght without hmit or end, and heahh without sickness, and pleasure without strife, and youth without aging, and peace without disunion, and dominion without disturbance, and freedom without labour, and patience without désire, and cahii without sleep. Holiness without defect, uniiy of angels, feasting without limit, to partake of the great Pasch among nine ranks of heaven's angels, and together with them a Prince high, noble, fair, just, adorned : great, lordly (?), gentle and pure : on golden thrones and on glassen couches. And everv one will be seated there according to honour and law, and according to his good works, con- templating the King perfect, entreated, righteous, truly-judging, nobJe, révérend, humble ; in présence of the great Godhead, to wit, the King of the Three Households % chanting together with Cherubim and Seraphim, and with nine ranks of Heaven, and with Him who was and is and will be there for ever ; without âge or decay, without feebleness or weakness, without gloom or sadness, in bodies subtile and shining, in the station of angels and in the burgh of Paradise.

50. Oh, unspeakable is the size and amplitude and breadth of the Hea- venly City ! For the bird whose flight and flying are swiftest on this earth could not finish the jouruey of that ro\'al abode (though it flew) from the beginning of the world to the end =.

51. Oh great and vast are the size and lastingness and radiance of that City, and its ease and its lustre, its grâce and its great purity, its firmness and its stability, its costliness, its beauty, and its pleasantness, its height and its splendeur, its dignity and its venerableness : its plenteous peace and plenteous unity.

52. Oh then well for him who shall be with good morals and good works to inhabit that City on the the day of Doom ! For he will be in the unity of each of the three, namelv, in the unitv that is greatly nobler than any unity, the unity of the royal Trinity of the Father and the Son and the Holy Ghost.

53.1 entreat the mercy of great God. May we ail reach the unitv of that noble many-powered King, and ma}- we dwell together with Him for ever!

1. i. e. those of heaven, earth and hell.

2. Cf. Rev. Celt., IV, 246, § 24.

5^4 tVhitley Siokes.

GLOSSARIAL INDEX

abaidhi 17, borrowcd iVom Lat. obiti « the dcad ».

adre 24, pi. adreisit 21, luill arisc, root reg, Strachan Sigmatic Future, 4.

agair 23, fearful, dcrived from thc root ag; cf. rogab aghar 7 imegla é /ear

a«^ /<>?■/■(;/• sei\ed hini, Addl. 30, 512 (Mus. Brit.), fo 8i'\ aghal fear,dread,

P.O'C. aigmeil 12, terrible, dangerous = aicmeil O' Dav. s. v. écccll 796. aines 8, pleasure, gladness. aird ar aird 11, on a level ? lit. height for height. airminnech 49, révérend, vénérable, for airmidnech, airmitnccb, deriv. cf

airmitiu. airsidecht 49, veteranship, proivess, P.'O'C. deriv. of airsid vétéran. animchubaid 40, inimeet.

béccedacb i, yelling, Cymr. beichio « to bawl ». bith-imsni'mach 8, ever distressful, imsni'niach 23. buan-cbésad 36, lasting passion or suffering. buan-trûag 33, enduri)igly uretched. cechtarda ^2,eachofttvo; but in§ 52 it mustmean« each of the //;;-£;(? Persons

of the Trinitv ». cenngarb 36, roiighheaded . certbrethach 23, rightly judging. certinad 3, right place. cîchanach 8, stridor : for cichnach, Tcnga Bithnua, Eriit, II, 150 ; cich

naigistir (gl. striderat) Sg. 1521^ 2. ch'abchumang 36, narroiv-chested. cnâm 39, ad of gnawing. crâesach 30, ghiltonons. crapad 12, act of shrinking. crapall 35, shacl^le, felter.

crosdnach 30, buffooii : crossàn (cf. scurra), Ir. Gl. crûad-chuibrigthe 26, 36, crnelly fettered. deg-bés, a good cnstoin, deg-guim 52, a good work. diàirme 19, innitnierable. dochdir 44, firebraud} càer. dofaisnesi 50, unspeakable.

do-menma 49, sad)iess « want of courage », P.O'C. donnalad 14, Jiowling, yelping, deriv. of donnai, do-solus 35, lightless. dresternach 8, creaking, danking, grating. dreistearnach fiacal giiashing oj

teeth, P.O'C. druith 30, harlot, druth .1. meindreach, P. O'C. éime 10, crying, from eignie. étaire 30, a jealous person, deriv. ci, jealoiisy, dat. eut Ml. 56^ 33.

Tbe Fiftceu Tokeiis of Dooiusday. 325

for-âib 29, pkasant} aoibh, O'R. v. âiph coiicinnilas, Wb. j'^ i.

for-imthech ^o, envions, iomthach .1. tnuthach P.O'C.

gelbras 16, hrightand quick.

îachtach i , crying, screaming root EIG.

il-chennach 36, many-hcaded.

il-cheolta 49, many-viehdied .

il-chumachtach 5 3 , many-powered.

il-phi'anad 37, many-torhiring.

imaithfer 12, reproach,rdmke. iomaithbhear P.O'C.

mala 49, lordly ? deriv. of mal Idng}

môr-chasc ^q, great pasch.

môr-géimnech 15, vast roariitg : géimneach Icnving, hellozving, O'Don. Gr.

203. môr-glonn 8, a great deed. môr-thorannach 9, niighty thundering. muirinn 8, gen. pi. seas ? nemmarbtacht 47, iunnortality. ocrus 49, greed. ocras hiinger, P.O'C. oirchill 29, provision.

osnuniach 10, for osnadhach sighing, groaiiiiig. proniad 38, prooj, testimouy (from Lat. probatio). réltanna 12, stars, for rétlanna, pi. of rétlu, O. Ir. rétglu. rethince 48, genthness. rîg-tn'nôit 52, royal Trinity. ro-gloine 51, great purity. ro-maith 28, very good. ro-olc 28, very bad. ro-ûaisle 52, greatly iiohler.

scrécach 10, screaming, shrieking. scréachach P.O'C. scrisaim, scrisim, 20, 31, I sweep aiuay erase.

séidfedach i, Mo-wing, pi. dat. sétfethchaib (gl. flatibus), Ml. i6b 10. siaburtha 9, spectral, dei)ionic, deriv. of siabur. sîr-aitreb 31, îoiig Iiabitation. sîr-blâedad 4, continuai claniouriinr. si'r-chinnte 29, ever décisive. sir-feithem 44, continuai conteviplation. si'r-gorta 32, constant hnnger. si'r-molad 27, continuai praise. sfr-phianad 26, continually torturing, siraide 3 3 , everlasting.

si'rthuargaint 41, continuai smiting, from tuarguin, with excrescent t. so-gnim 48, a good ivork. so-gnimrad 49, good works. sou 22, younger, cf. sôsar (oser). The initial s in taken from sia, sinser

« elder ». sraibemail 12, sulphiirous, better sroibemail or sruibemail, deriv. of srtiib,

now riiibh, Fr. soufre.

326 lVhil}ex Stokes.

sreb 12, .ç/m/w, sreabh, O'Br. and P.O'C..

sruibne 12, slreavis ?

srum 36, for srub 5«oh/, srub muiccc, Corm. Tr, 134, cogii. with Lat. sor-

beo, Gr. ôoçifo, cuséoj. suaimnech 32, cj/»/, f(?5v, cogn. with suai)iihneas « tranquillitv », O'Don.

Gr. 94. tarra 16, cowe thou\ tarrsa, tarr P.O'C. tôchel 50,/o?//-«cjy, toicheall .t. imiheacht, P.O'C. tonngarb 6, 7, roiigh-wai'ed, tonmar, 2. torannfadach 8, thunderin^. trén-tarraing 3 3, rt strong piilling.

trethan-gair 2, « billmu-roar, treathan .1. toiin. P.O'C. trigi ? 10, perh. for trici « activity ». uili with a singular noun : na huih muir i, na hiiili cloch 9, na liuili crann

ocus cloch 10, na huili beo 18, na huili marbh 21. utmaille 3, restlessiicss, flittitig, deriv. oi' iitiiuill.

'Whitley stokes.

London, May i, 1907.

LE LAI DU LECHEOR ET GUMBELAUC

LECHEOR

Le lai du Lecheor a été analysé à plusieurs reprises ' ; il est assez connu pour qu'il soit inutile, à propos d'un seul mot, d'en donner ici une analyse nouvelle. En revanche certaines précisions bibliographiques me paraissent nécessaires.

Le Lecheor a été publié en 1879, au tome VIII de la Roma- tiiaÇpp. 64-66), par Gaston Paris d'après le grand manuscrit collectif BN 1104, le seul qui nous ait conservé, parmi beau- coup d'autres « lais bretons », le texte de ce petit poème quelque peu effronté ^. L'absence de tout autre manuscrit français n'est compensée que dans une très faible mesure par la survivance d'un court fragment de la version norvégienne qui faisait partie des Strengîeikar. Ce fragment, qui correspond aux quinze premiers vers du texte français, se trouve à la p. 68 de l'édition Keyser et Unger (Christiania, i85o).Comme la comparaison entre les deux versions n'a pas encore été faite, je crois bon de traduire ici ce petit morceau, à l'excep- tion de deux mots dont le sens a échappé aux savants éditeurs norvégiens et m'échappe également :

1 . En particulier dans un article tout récent de M. Lucien Poulet sur Marie de France et les lais bretons {Zeitscbr. f. roni. Philol., XXIX, 1905,

P- 53)-

2. Il s'agit ici du ms. désigné par S dans l'éd. Warnke des Lais de Marie de France.

528 H. Pbilipot el J. Loth.

Leikara lios (Lai du Lecheor) :

Les Bretons de Comouailles ' nous ont racontt: , qu'au pied de la

montagne de Leun - les gens avaient l'habitude de se rassembler en grand nombre tous les douze mois pour glorifier solennellement le nom du saint. On y voyait affluer les riches chevaliers ainsi que les plus belles dames et pucelles du pays ; il n'y avait pas de dame de quelque beauté qui n'y vînt

1. Sic : Koriihrlar. Le texte français dit tout simplement li Breton. Ce cas n'est pas isolé : dans le lai d'Yonec, Marie de France écrivait (v. Il) : « En Brctaigne maneit jadis », la version norvégienne porte : i Kornhreta lainule. En revanche l'expression Kornhretaland est à sa place dans le Geitarhuif {Chievrefoil) elle correspond réellement à Cormiaille (v. 27). Nous le retrouvons dans le Guniiis 1 ioJ (Keyser et Unger, p. 61, 1. 23) ; mais ici, comme l'original français nous manque, il est impossible de contrôler la fidélité de la traduction. Dans le cas du Lecheor et d'Yonec, avons-nous aff"aire à un enjolivement du traducteur norvégien, il lui arrive assez souvent d'ajouter à son modèle (voir R. Meissner, Die Strens;- leikar, 1902, pp. 241-258)? Ou bien le manuscrit sur lequel il travaillait était-il difTérent de ceux que nous connaissons ? On comprend que cette question ne puisse pas être tranchée avec une certitude parfaite, surtout pour ce qui est du Lecheor, dont nous n'avons qu'un ms. français et dont le pre- mier vers, comme on le verra tout à l'heure, paraît avoir présenté des dif- ficultés sérieuses à notre traducteur. Quoi qu'il en soit, il me parait que Kornbretar et Kornhretahmd ont toujours représenté dans son esprit les Cornouaillais et la Cornouaille insulaires, et que par suite M. F. Lot (Koinaiiia, XXVIII, p. 27) a raison sur ce point contre M. E. Brugger (Zeitschr.f. fr. Spr. 11. Litt., XX, p. 127).

2. Il y a ici deux mots incompréhensibles que j'ai représentés par des points. Le texte du ms. S porte simplement : « Jadis à Saini-PanteJion » (sur ce saint et sa fête et sur Paiiteliou ou Panthalcon dans les romans arthu- nens, voir : E. Brugger, Zeitschr. f.jr. Spr. u. Litt., XX, p. 115, n. 45). Or nous avons en norvégien : hius paris iindir Leitns fialle. D'après les édi- teurs on peut lire paris ou varis ; l'expression n'est pas plus claire dans l'une ou l'autre alternative. M. Meissner {Die Strengleikar, p. 207) suppose que le mystérieux paris pourrait correspondre au sigle panis représentant le génitif Pantaleoiiis ; mais cette forme latine est bien invraisemblable dans notre texte. Si le ms. dont il se servait était identique au ms. S pour ce premier vers, le traducteur a pu être dérouté par un nom de saint qui lui était inconnu ; alors il aura essayé d'interpréter, de paraphraser, et il aura vu dans les deux dernières syllabes de Pantelion ou plutôt de Panleleiin le nom d'une contrée bretonne qu'il connaissait par ex. par le lai de Giigeinar. Quant à cette « montagne » de Léon (undir Leuns fialle), M. Meissner affirme qu'il n'y a rien de semblable dans l'original ; mais il suffît de se reporter au v. 40 de l'éd. G. Paris :

En un grant mont fu l'asemblée Por ce que miex fust escoutée.

[Il ne me paraît pas impossible qu'il faille voir dans saint Pantelion, saint Endelion qui a donné son nom à une paroisse du Cornwall (J. Loth)].

Le Lai du Lecheor et Gumbelauc. 329

ce jour-là dans tous ses atours. il fut beaucoup parlé entre hommes et femmes, et de longs discours furent tenus... '.

Ici s'arrête le récit norvégien, brutalement interrompu par la déchirure d'un feuillet entier, qui enlève à la fois la fin du Lecheor et le commencement de Lanval. Bien que l'unique manuscrit qui nous ait conservé cette collection de lais soit par ailleurs en assez mauvais état et que plus haut deux autres feuillets aient disparu, emportant avec eux la fin de Tidorel et le début du Chetovel, j'inclinerais à croire, pour le cas du Lecheor, à une mutilation volontaire motivée par des scrupules de pudeur ; j'y suis d'autant plus disposé que le manuscrit français porte des traces de grattage précisément aux endroits scabreux ^

Cela dit, venons-en à l'objet essentiel de la présente notice. Le fragment Scandinave porte au-dessous du titre une pré- cieuse indication qui fait totalement défaut dans le manuscrit français : « Leikara liod en i brezkv heitir l'essi strengleicr Gumbelauc » ; c'est-à-dire : « le lai du Lecheor, dont la mélodie strengleicr », le lai chanté) s'appelle en breton Gumbelauc. »

Cette indication n'est pas restée entièrement ignorée des chercheurs. Nous la trouvons reproduite, sans aucun com- mentaire il est vrai, dans l'ouvrage suédois de M. Axel

1 . Cette dernière phrase conservée suffit à nous apprendre que le traduc- teur norvégien ne devait pas avoir sous les yeux les quatre vers 11-14 du texte de G. Paris, dont deux sont remplacés par une ligne de points. L'original du Leikara lioJ passait directement du v. 10 au v. 15. Les vers intermédiaires paraissent d'ailleurs insignifiants et tout de remplissage. Ce ne serait pas la seule fois que le ms. S(B. N. 1104) présenterait des addi- tions : il y en a même d'assez longues dans le lai du Désiré, comme je le montrerai dans l'édition que je prépare de ce petit poème.

2. Ces grattages, fort naïfs d'ailleurs car ils sont tout à fait insuffisants, et soulignent les indécences plus qu'ils ne les voilent, n'ont pas été signalés par G. Paris dans la description qu'il donne du ms. 1104 {Roiiiairia, VIII, p. 32). Or au fo 45 ro a, le mot lecheor est gratté dans le titre, ainsi que les mots lay del lecheor dans le rappel du titre au bas de la page. Au verso du même fo 43 on a essayé d'effacer les deux mots qui terminent le vers 92, ainsi que les vv. 94-95, plus les syllabes 3 et 4 du v. 99, et enfin de nou- veau le mot lecheor du v. 120. Comme on le voit, ces palliatifs sont loin de valoir le procédé radical que nous supposons avoir été employé par un lec- teur des Stretiorleikar.

3^,0 E. Pbllipol cl J. Lolh.

Ahlstrôm sur les lais français ' et dans l'étude allemande de M. Meissner sur les Strengicikar (p. 208). Enfin il est certain qu'elle était connue de G. Paris puisqu'au tome II de la Revue Celtique (1873 -1875) l'un des rédacteurs de la dite revue uti- lisait (p. 141) le mot gtifubelaiic que le maître romaniste lui avait, disait-il, signalé « dans un vieux fabliau norvégien ». Il nous est même facile de savoir quelle était l'opinion de G. Paris sur le sens du mot et comment il se Tétait formée. L'auteur du Lecheor déclare aux vv. 1 19-122 que le lai (musi- cal) dont il nous donne la matière ou plutôt les circonstances occasionnelles, était en fait appelé par la plupart « le lai du lecheor », mais qu'il avait aussi un autre titre :

Ne voil pas dire le droit non C'en nu me tort a mesprison.

S'il taut entendre par que l'auteur ne veut pas s'exposer aux protestations de la pudeur offensée, cette crainte est vrai- ment comique de sa part, car au v. 99 il nous a donné sans vergogne, en trois lettres, le titre du « lai novel » qui allait résulter des graves délibérations des seigneurs et dames ras- semblés « à saint Pantelion ». Il était tout naturel que G. Paris, se reportant à ce vers, cherchât dans giimbelauc le correspondant celtique d'un mot ultra-gaulois dont nos pères usaient plus librement que nous. Et comme la racine de gum- hclauc se prêtait en somme à une interprétation de ce genre, les celtisants ratifièrent l'hypothèse de G. Paris, et dès lors le mot en question a passé avec le sens d' « utérus » dans diffé- rents lexiques, par exemple dans VUrhelt. Sprachschai:^ de Whitley Stokes et dans V Eiymologish Ordbog de MM. Falk et Torp (s. V. Vivu).

M. Loth, à qui j'ai soumis ce petit problème, va démontrer que l'interprétation courante n'est pas juste, que gumhelauc répond à lecheor et non à... l'autre titre du lai, et que d'ail- leurs ce mot est incontestablement gallois-.

1. Studier i dcu fonifraiisha Lais-Litteraturcu (1892), p. 150.

2. Notez que le texte norvégien dit : / hre:^hi et que son modèle français devait se servir du terme « breton ». Mais on sait qu'à cette époque « bre- ton » peut avoir un sens très général et n'est pas nécessairement svnonvme d' « ramoricain ».

L(' Lai du Li'chcor ci Giinihciauc. 331

Cette démonstration est de nature à intéresser les celtisants. Mais est-elle absolument indifférente aux romanistes ? Oui, semble-t-il, à en juger par l'attitude dédaigneuse qu'ils ont adoptée jusqu'à ce jour vis-à-vis de gumbclauc. En effet, ils l'ont complètement passé sous silence, du moins à ma connais- sance. Ce menu document n'intervient ni dans le grand article de M. Brugger (Z. f. fr. Spr. u. Lit., t. XX) ni dans la série d'études de M. Ferdinand Lot sur l'origine des lais {Romania, XXIV, XXV, XXVIII), ni dans les articles tout récents de M. Lucien Foulet {Zeitschr.f. roni. PhiL, XXIX). M. Ahlstrôm, qui connaît le renseignement donné par les Strengleikar, puisqu'il le cite textuellement, n'en tire aucun parti et ne le soumet à aucune discussion. Quant à G. Paris, satisfait d'avoir livré GumheJauc en pâture aux celtisants, il n'en souffle plus mot dans son édition des « lais inédits » {Romania, 1879) ni ailleurs, que je sache.

Ce dédain, qui dans les deux derniers cas tout au moins, ne saurait s'expliquer par l'ignorance, a lieu de nous sur- prendre vivement. Dans les nombreuses discussions auxquelles on s'est livré sur l'origine des lais et en général du cycle bre- ton, on a souvent cité et passé au crible des témoignages moins intéressants et moins probants. Alors que les arguments invo- qués en faveur des origines celtiques se fondent en général sur des noms propres de personnes ou de lieux, plus suspects que les noms communs parce qu'il était plus facile de se les procurer pour donner à un récit une certaine couleur locale, gumhelauc se classe, avec le laustic de Marie de France, parmi les très rares substantifs authentiques que les idiomes celtiques aient déposé dans notre littérature romanesque et courtoise des xii'^-xiii'^ siècles.

Si donc on récusait le témoignage fourni par le Leikara lioâ, il valait la peine de dire pourquoi. Comme personne n'a pris cette peine, je suis obligé, tout en croyant à la valeur de ce témoignage, d'imaginer moi-même un certain nombre d'ob- jections possibles.

D'abord le fait que la mention de GiimbeJauc se trouve dans le recueil Scandinave et manque dans le texte français n'a aucune importance. Les Strengleiliar ont été composés au

332 E. PhU'ipol et J. Lolh.

milieu du xiii'' siècle d'après un manuscrit français certaine- ment antérieur au ms. S, lequel date de la fin du même siècle, comme le remarque M. Warnke dans son édition des lais de Marie de France (p. viii).

Mais des objections plus graves se tirent du caractère frivole, ironique du lai français. On hésite à croire qu'une composi- tion de ce genre ait pu avoir un rapport quelconque avec une chanson celtique réellement existante. On soupçonne une supercherie. Par exemple, en adoptant jusqu'au bout l'attitude sceptique qui est celle de M. Lucien Foulet, on pourrait sou- tenir que le facétieux auteur du Lecheor s'est amusé à mysti- fier le public au point de se faire traduire son titre en gallois. L'hypothèse est un peu compliquée, mais en somme elle peut se présenter à l'esprit. Admettons que la note transmise par les Strenghihar soit vraiment de l'auteur lui-même : en ce cas, ayant combiné ce petit faux ingénieux, il me semble qu'il eût pris plus de précautions pour le mettre en valeur ; suivant les procédés de Marie de France, il eût enchâssé le précieux titre gallois dans le corps même du lai au lieu de le reléguer hors texte dans une notule fort exposée à se perdre, accident qui est précisément arrivé au ms. S ou à son archétype. Si la note en question provient d'un copiste (probablement insu- laire), l'hypothèse de la mystification est encore plus compli- quée et plus invraisemblable. Que de machiavélisme chez cet humble annotateur, et quelle envie féroce de jouer un mau- vais tour aux romanistes du xix^ et du xx^ siècle ! Je trouve plus simple d'admettre une relation réelle entre le lai français à-W Lecheor et un lai musical galloise

Mais n'est-ce pas attribuer à ce petit poème une authenti- cité et par suite une anquitité qu'il ne saurait avoir? Nous nous retrouvons toujours en présence de l'objection fonda- mentale tirée du caractère du Lecheor. Elle vient d'être déve- loppée, non sans une certaine exagération, par M. Foulet

I. Encore un argument contre la théorie de la mystification; il est vrai qu'il est subordonné à la démonstration de M. Loth. Au lieu de traduire ou de faire traduire le titre assez vague de Lecheor, n'était-il pas tout indi- qué de chercher un correspondant exotique au mot plus précis et plus gau- lois que G. Paris entrevoyait instinctivement derrière giniibelauc}

Le Lai du Lccheor et Gumhelauc 33$

Qoc. cit., p. 53)'. Sans doute je suis prêt à reconnaître que ce Lecheor s'exprime sur les réalités de l'amour avec une absence d'idéalisme digne des fabliaux. Tout en notant avec G. Paris qu'il y règne un « ton élégant » et que « le poète veut exciter le sourire et non le gros rire que provoquent les fabliaux obscènes », je ne vois aucun inconvénient à constater que par exemple les vv. 93-96 expriment à peu près dans les mêmes termes, niutatis iiiiilandis, l'idée contenue dans la conclu- sion du Pescheor de Pont sur Seine (Montaiglon-Raynaud, III, p. 75) : le rapprochement entre ces deux passages est frappant. Mais si le Lecheor ne doit pas être contemporain de la première floraison des « lais bretons », il est bien systématique d'affirmer qu'il est le dernier de la série et mène l'enterrement d'un genre. L'ironie, l'éclat de rire peuvent se produire de bonne heure sans que le genre ait perdu de sa vitalité. Du reste, nous ignorons à quelle époque précise les harpeurs bretons ont cessé de sillonner l'Angleterre et la France en donnant à leurs mélodies des titres ou des explications plus ou moins authentiques. Et surtout rien ne nous permet d'af- firmer à priori que ces commentaires aient toujours été chastes. Nous nous formons, d'après les lais narratifs, un certain idéal du genre, et cet idéal est sans doute trop étroit, et il ne s'applique guère aux lais qui ne sont pas narratifs. Nous en avons conservé un très petit nombre, et en général ils se distinguent des autres par l'absence du mystère et de la féerie. Tel est par exemple ce Chaitivel, que je n'hésiterai pas à comparer au Lecheor, dussé-je être accusé de profanation. Le Chaitivel n'est pas à proprement parler un récit, et M. Ahlstrôm a raison de le ranger dans une catégorie à part

I. Par exemple à quoi bon tant insister sur l'ironie contenue dans le nom de saint Pantelion ? Si vraiment cette leçon est juste (nous avons vu que le premier vers est très obscur dans la traduction norvégienne), le nom en question n'a rien de grotesque au moyen âge. M. Poulet n'ignore pas, je pense, que ce pauvre saint n'est devenu ridicule qu'au moment de l'introduction de la comédie italienne en France, c'est-à-dire au xvic siècle. Notons, à titre de curiosité, que dans sa grande « Histoire de la Bretagne « (t. III, pp. 227-228), le regretté Arthur de la Borderie pro- posait de lire : « Jadis à Saint-Paul-de-Léoii » et revendiquait pour la petite Bretagne l'honneur d'avoir donné naissance au Lecheor. C'était peut-être pousser un peu loin le patriotisme provincial.

334 £'• Philipot cl J. Lolh.

(chap. xi) avec le Chievrefoil, le Lechcor et surtout ce Strandar liocî, type achevé du lai dépourvu d'action, réduit au cadre, simple annonce dune mélodie absente. Or à quelle souffrance un peu bizarre Marie de France nous invite-t-elle à nous associer dans ce Chaitive! ? Quelle est la question qui servait d'amorce ou de matière à un lai que l'on appelait tantôt « les quatre deuils » et tantôt « le Chaitivel », autrement dit « le malheureux » ? Un chevalier a été blessé en un point délicat de sa personne, tandis que trois autres chevaliers, sou- pirant pour la même dame que lui, ont été tués au tournoi. Qui faut-il plaindre le plus, ou ceux qui sont morts pour tout de bon ou celui qui par sa blessure est mort aux joies de l'amour ? Le sujet une fois donné,— et il est intéressant de con- stater qu'un pareil sujet pouvait se rattacher au répertoire des harpeurs bretons et qu'une femme n'a pas hésité à l'adopter, il faut louer Marie de France de l'avoir traité avec une discrétion et une mélancolie bien féminines. Mais à la même époque, un poète, un homme, rencontrant le même sujet donné comme « breton », n'aurait-il pas pu, tout en écrivant un « lai » ou plutôt une introduction à un '< lai », et tout en restant courtois de style, traiter à son tour le Chaitivel à la manière leste, déduire les réflexions que ce thème un peu étrange lui suggérait sur le centre de l'amour, fliire preuve d'un sens comique dont manquait la tendre Marie de France, bref écrire une sorte de contre-partie masculine du Lecheor ? Nous connaissons encore trop mal cette littérature des lais pour excommunier tel ou tel sujet comme sortant des limites du genre.

Mais je ne veux pas prolonger davantage ces considérations à priori, et je cède la plume à un celtisant éprouvé.

E. Philipot.

II

GUMBELAUC

On trouve dans YUrkeltischcr Spracbschat::^ de M. Whitley Stokes, p. 202, sous vanibâ, vainbilà, schoos, le breton

Le Lai du Lcchcor cl Guiubclaiic. 535

gwaniDi, terme de mépris pour dire femme, et le vieux gallois gumbelauc « utérus ». Pour gumbelaiic, M. Whitley Stokes renvoie à la Revue Ce! t., II, p. 141.

La note concernant gumbelauc dans la Revue Celtique est de M. Gaidoz. M. Gaidoz tait remarquer, à propos du phrygien |iâ;x5aX:v, que Fick, à côté du gothique iwwZ'fl, v. h. a. lueiiipel, aurait pu citer le vieux gallois gumbelauc = * vambilâco-, utérus, conservé dans un un vieux fabliau, et que lui avait signalé M. Gaston Paris. Le mot gallois, ajoute M. Gaidoz, serait dérivé d'un thème vambil[â] identique à zct'////)^/; quant au thème luamba d'où luempel esc dérivé, on doit probable- ment le reconnaître dans giuamm, terme de mépris, en bre- ton, pour femme ; on aurait ainsi l'équation giuainm = vambâ.

C'est évidemment la terminaison -auc qui a déterminé M. Gaidoz à donner gumbelauc comme gallois. Ce n'est pas cependant une preuve décisive. Le cartulaire de Landevennec présente Bot Tahauc 14 et Caer Bullauc 45. En faveur de l'origine galloise, il n'y a donc qu'une forte présomption. Contre cette origine, on peut invoquer l'absence d'assimila- tion de Z' à ;// : on attendrait giimnwlauc. En effet, dès le ^ ix" siècle, cette assimilation apparaît faite, dans l'écriture ; dans les notes marginales à l'évangéliaire de saint Chad, on remarque cimer = *coui-ber-, emenin, beurre = embeniii '. Mais il n'est pas impossible que dans la prononciation, l'assi- milation ne fût pas complète. Le fait paraît certain, d'après l'allitération entre consonnes, même au xii^ siècle (J. Loth, Métrique galloise, II, 2" partie, p. 3 et suivantes). D'ailleurs, pour une oreille étrangère, /;/;// a pu résonner comme mb.

Ce qui, joint à la probabilité provenant de la terminaison, me paraît décisif en laveur de l'origine galloise, c'est la diffé- rence dans le vocalisme entre le mot gallois et les formes bretonnes provenant de la même racine : on a, en breton, non seulement gwamm, mais giuammal, femme mariée, dans le breton de la Roche-Derrien (Ernault, Gloss. moyen-breton).

I. En revanche, Ciunhra-tand montre que -mh- subsistait encore au vi^- viie siècle.

336 E. Phillpot cl J. Lolh.

GnmbeJanc, remonte nettement, non pas à vambilàco-, mais à * uombilâco-. Il y a, pour les mots commençant par no- vieux celtique, flottement entre giuo- et gwa-, qui est hystérogène, en gallois comme en breton : gallois giuarchan et gorchancu ; gallois gwared, breton-moyen goret ; gallois giuastad, breton gûustad ; gallois gwadd, taupe, breton go'^ ; gallois givallt, che- velure, comique gols, etc.

La forme bretonne aurait évolué de iiomb- en iiamb-. Les formes brittoniques supposent voiiib-. Le germanique vamb- remonte à l'indo-européen zw;//'- : Falk-Torp dans leur Dict. étym. norvégien (Etymologisk Ordbog) donnent comme formes indo-européennes avec raison vembh- vombh-.

Je dois dire que je ne suis pas sans inquiétude sur la celti- cité du breton gtuamm. La forme vendéenne ^o/;;/e//^ citée par M. Ernault peut faire supposer que le breton aurait emprunté gwamm et givanunel à quelque patois français qui aurait em- prunté lui-même les formes germaniques correspondantes.

Reste le sens exact de gumbelaiic. Le sens d'utérus est très invraisemblable : c'est * gumbel qui a avoir ce sens. C'est évidemment un adjectif. Ce n'est pas utcrus qui eût le gloser : c'est *uterosus : Lecheor est la traduction exacte de gumbelauc.

M. Philipot a raison de voir, avec F. Lot, dans Kornbretar, les Cornouaillais insulaires, et dans i^(;nz/';-^/fl!/fl';/û? le Cornwall. Jamais on ne s'est servi de formes de ce genre pour désigner la Coruovia armoricaine. Bretarest identique la forme anglo- saxonne Brettas (Bret-wealas ; Corn-wealas).

J. LOTH.

MÉLANGES CELTIQUES

I

BRICA ET BRIGA

L'étude que M. Dottin a consacrée à Brica, Briga et Briva {Revue des études anciennes, 1907, 170-180) est de celles qui sont à encourager, quoiqu'elle soit incomplète. Il est incontes- table qu'on admet couramment comme certaines des théories en matière de noms gaulois, périlleuses, et des identifications très hasardées.

Pour ne parler ici que de Brica et Briga ^ il est fort possible, je dirai même probable, qu'on a affaire à deux mots différents. L'auteur, p. 180, affirme que brica n'est conservé dans aucune langue celtique et que s'il était l'ancêtre des noms en -brio, -brium, ces noms ne seraient sans doute pas celtiques. Cette der- nière conclusion, même si brica ne se trouvait pas dans les langues celtiques, serait très hasardée. Cela reviendrait à poser comme loi : que tous les noms de lieux gaulois qui ne se retrou- vent pas dans les langues celtiques insulaires ne sont pas celtiques. En d'autres termes, tout ce qui ne peut s'interpréter et se comprendre en, matière de gaulois est non-celtique. La seule conclusion logique que l'on puisse adopter en pareil cas, c'est qu'on a droit de douter et qu'on ne sait rien. Le non-celtique a un immense avantagé sur le celtique, c'est qu'on peut en parler congrûment en fort peu de temps : je ne dis pas cela pour l'auteur dont je connais la science et l'esprit critique et qui d'ailleurs, n'a pas donné dans ce travers. Le non-celtiste commence à être agaçant et encombrant; du haut des nuages

Rnne Cdtiqtte, XXVI II 22

33B ;. Lolb.

il s'élève d'un bond, il jette un regard de pitié sur le celtiste courbé, suant, abanant sur un sol productif mais que les siècles ont laissé envabir par les ronces et les épines. Trouver du non- celtique un peu partout est aussi peu scienti- fique que de trouver du celtique en tout lieu, mais c'est plus distingué et on y gagne à peu de frais une auréole d'originalité et un air de protondeur.

D'ailleurs Brica existe, tout au moins brlco-. J'ai signalé son existence en breton dans la Revue Celtique, 1898, p. 211, dans un nom de lieu de l'Ile-aux-Moines (Morbihan) : brig eigyen, endroit la source jaillir, que j'ai rapproché de l'expression de Lewis Glyn Cothi, poète gallois du xv* siècle : yn nirig Edivy, à la source de la rivière Èduj. Brig est courant en gallois dans le sens d'extrâiiité, sommet (Silvan Evans, PFelsh Dict.), au propre et au figuré dans une foule d'expressions. Il me paraît probable qu'on peut en rapprocher le grec spî; «pî/.sç. opissui, se hérisser, se dresser. En effet, ce sens est très voisin de celui de brig dans brig y don, la crête de la vague, la crête écumante; de celui du dérivé briger, cheveux, touffe de cheveux dressés sur la tète : v. gallois (Gloses à Mart. Cap.) //■ caniolaul bricer, gl. vitta crinali'i (mot à mot la touffe de cheveux enroulée).

Le sens de sommet, extrémité (point un objet se dresse), étant acquis, on voit que brica et briga ont le même sens ou peu s'en faut, et que la confusion était à peu près inévitable.

Reste la question de quantité non pour brig = brlco- (mas- culin), mais pour briga. Il est regrettable que l'auteur n'ait pas connu ou ait négligé de signaler les études de Meyer-Lûbke sur l'accent gaulois, il traite justement de mots en briga {Die Belonung iiii Gallischen) : il conclut et justement, je crois, à la brièveté de z dans briga. La quantité d'ailleurs ici a une assez faible importance, car qu'il s'agisse de brigâ vieux celtique, colline (bre en breton), de briga, dignité, rang, les deux sens se confondent. C'est ainsi qu'un dérivé de brig- a donné envieux-breton brientinion, g\. ingenui, en comique brentyn et en gallois breenhin, brenin, roi = brîgantîno-s : c'est-à-dire un sens qui appartiendrait plus spécialement à briga. Les formes avec / bref et î appartiennent-elles à la même racine? Dans

Mélanges celtiques. 339

l'état actuel de nos connaissances en apophonie vocalique, je ne me hasarderai pas à avancer une opinion. Des choses que l'on déclarait impossibles, il y a dix ans, sont aujourd'hui admises comme vraies.

L'auteur me paraît vraiment trop sceptique en ce qui concerne la celticité de briga. Il y a peu de mots dans le territoire gaulois qui me paraissent mieux assurés de leur nationalité à plusieurs points de vue (il n'aurait pas fallu d'abord séparer briga des dérivés de la même racine, comme Brigantes et d'autres). Le mot est représenté dans les Iles Britanniques. V Itinéraire cfAntonin donne Brige, aujourd'hui Houghton en Hauts. L'anonyme de Ravenne donne aussi un Brigo-niono, aujourd'hui Bergenny.

Les situations topographiques d'un certain nombre de briga, après identification des noms gaulois avec les noms actuels, devrait être étudiées à fond. Malgré les chances d'erreur que je ne méconnais pas, ce serait un élément assez sérieux apporté au débat.

Pour brïva il serait nécessaire de citer l'étymologie très pro- bable adoptée par Brugmann, GmWmj, I, p. 336 : Il compare brivaa.\ec Briicke, pont, v. is\. bruggya, nominatif de /rw^/ (avec g spirant) = * bruni, et aussi le v. isl. brii : brJva = bhrêua.

Quoiqu'il en soit, des études, même négatives, comme celle de M. Dotiin, ne peuvent être que fructueuses.

II

JURA

En 1902, mon ami M. Ferdinand de Saussure, me demanda par lettre mon opinion sur la forme réelle de ce nom recons- titué par lui de la façon la plus ingénieuse et la plus sûre. J'espérais qu'il publierait un travail sur ce point de topono- mastique gauloise et que même il se laisserait attirer vers ce domaine de la toponomastique gauloise, si hérissé de diffi- cultés mais si attrayant; nul plus que lui n'eût contribuéà l'éclaircir. J'espère l'exciter par cette note à sortir de son silence. Il ne m'en voudra pas de donner publiquen.ent une

340 /. Lolh.

opinion qu'il a lui-même sollicitée, ni de reproduire le passage de sa lettre il reconstitue la forme sincère du nom du Jura. « Il me paraît de plus en plus certain que, ni dans la seconde syllable, ni dans la première (de Jura) il ne faut rien chercher d'authentique à aucun degré, et que le nom du Jura est purement une reconstitution savante du Jura de César.

« On ne peut arriver malheureusement à aucune conclusion directe par Texamen du nom du Jura dans les patois, par la raison que ce nom n'y existe pas. Les paysans ne connaissent qu'un mot emprunté au français (/o D^urâ) qui serait lo D^j'irà, s'il appartenait au patois.

<' Je prouve par d'assez nombreux mots que la première syllabe de Jura était brève (ainsi Joran, vent descendant du Jtiray, en outre que la seconde syllabe ne doit pas être jugée d'après le I;upa77o; des Grecs; en résumé, qu'il devait exister une dénomination variant entre * Jïir-ës et Jnr-a (Pline : Jures; César : Jura^, représentant le pluriel d'un mot celtique Jur-, que César a traité comme un nom neutre.

« L'intérêt de cette affaire ne commence qu'après que l'on a fait cette double constatation ultérieure :

« a) que tous nos dialectes lémanniques connaissent le mot « une joux » = une grande forêt de sapins, mot qui était autrefois une jour, ainsi que l'attestent mille documents.

« li) que l'on a dit par excellence, la Jour (la Joux) pour le Jura jusqu'au xv!!!*" siècle, ainsi que je puis le montrer particu- lièrement par des plans les points cardinaux sont indiqués :

LA JOUX

BISE

LAC

VENT {Joux à l'ouest est le Jura^

« Ce mot de Joux, archaïquement la jour, correspond tout droit à un latin * iurls et a même l'avantage, étant féminin, de ne pas admettre autre chose que Jiïris, donc

Mélanges celtiques. 341

exactement la forme plinienne Jures, Jiiribus, qui est le nom au Jura. »

L'argumentation de Ferdinand de Saussure me paraît irré- futable : Juris est bien la forme sincère du Jura ; et vraiment l'étude si courte qui précède est de nature à faire partager au lecteur de la Revue Celtique le regret que j'éprouve en pensant que les recherches de M. de Saussure sur d'autres points de toponomastique gauloise ne paraîtront peut-être jamais.

/«m étant acquis, le trouve-t-on dans les langues celtiques ? Il me paraît prématuré d'y répondre par la négative. Un mot en gallois, rappelle ///rn" : c'est /or, on ne le trouve aujour- d'hui qu'appliqué à Dieu ; mais en gallois moyen, il a le sens de chef suprême, appliqué fréquemment à des princes. Livre noir deCarmarthen, ap. Skene, Four anc. 5., II, p. 6, vers 10. Livre de Taliesin, 184, 32; 178, 22 (lat. ior'); 212, 21; L. rouge 280, 22. Le sens est probablement métaphorique; du sens de sommet (peut-être sommet boisé) on a pu passer à celui qu'a acquis wr en gallois. Les exemples de passages de ce genre abondent ; pour n'en citer qu'un uen, voûte, s'applique fréquemment au chef de la famille en gallois. Jor entre en composition de noms d'hommes comme Jor-Werth. M. Rhys (Lectures on the origin and growth of religion, p. 62) a voulu tirer Jor de Esu-ros qui serait tiré de Esu-s, mais Esuros eût donné en gallois Eiur, Ywr.

Au contraire Juris devait donner Jor. Comme je l'ai fait remarquer dans mes Mots latins, p. 103, il semble que /"/ bref, en gallois, sous l'influence de / final se modifie en ô : bod, être, infinitif du verbe substantif, irl. buith = bûti, le .latin buttis bouteille donne both. En breton, il semble au contraire que cette influence soit nulle : boud, être. Jtir eût donné vraisemblablement, en breton, à l'initiale jur; or je relève dans le Morbihan un hameau du nom de Jour-du (le Jour noir), dans la commune du Saint {argent, Lan-^ent) ; je ne connais pas, pour le moment, la situation du hameau.

J. LOTH.

A PROPOS DES DUO GAESA

L'usage des deux lances ou javelots a passer des Celtes aux Germains. Je lis, en effet, dans hlordische Aliertnmshunde^ de Sophus MûUer, II, p. 130, qu'il résulte des sépultures de Bornholm que le guerrier danois portait souvent deux lances. Sophus Mûller représente, II, p. 129, son guerrier nordique, à l'époque des invasions germaniques, tenant à la main deux lances, l'une avec, et l'autre sans barbelure. La prédominance de la civilisation celtique dans ces régions aux iv«-iii^ siècles avant Jésus-Christ, est un fait établi par l'archéologie (ibid., II, p. 30 et suiv.

J. LOTH.

I. Virgile, Enéide, VIII, 661, 662; cf. Varro, De uita populi Romani, III, chez Nonius Marcellus, XIX, (XVIII), édition de L. Quicherat, p. 646; Claudien, De considatu Stilichonis, II, 240-242.

HIBERNICA

(suite ')

SUR QUELQUES PRÉTÉRITS REDOUBLÉS NOTAMMENT LEBLAING ET DREBRAING

Les verbes forts dont le radical contient une nasale à l'indi- catif ne conservent généralement pas cette nasale au prétérit redoublé.

bongim « je brise » : -hobig (pour behoig, cf. nVon^ Sait. 2573 au lieu de roreraig) Tochm. Em., 69 in Rev. Celt., XI, 446 ; -combaig Hy. V, 77 (de*-com-bebaig).

dingim « je presse » : -dedach Ml. 96 c 17, -dedgatar Ml. 63 c 3, -dedaig Sait. 6550, L. U. 21 b 10; dedaig Hy, III, 4.

dlongîm « jefends » : -dedlaig Sait. 7958.

tongim « je jure » : diicuitig Wb. 33 d 10, ducuitich Ml. 78 a (6 de * to-com-ietaig).

dingim (?) « je grince, je me lamente » ^ : ro chichlaig Sait. 776 5 .

Ces prétérits sont exactement semblables à tienaig de tiigim « je lave », reraig de rigim « j'étends », 5('/fl/^ de sligijn « j'étends », senaig de snigim « je dégoutte », etc.

1. Voir ci-dessus, pp. 5 et 137.

2. Cf. lat. c//«o-ô « je crie (en parlant d'une oie) » et clamrô « je crie ». En m. irl. dingim semble devenu clmdim « je re entis (en parlant d'une sonnette) », ap. K. Meyer, Coiitrib., p. 388.

344 /• Veudryes.

Mais la nasale s'étend à la flexion entière dans un groupe de verbes exprimant le mouvement. Ce n'est pas le lieu de rechercher si originellement la nasale de ces verbes appartenait à la racine ou n'y apparaissait qu'au thème du présent d'où elle aurait ensuite été transportée au reste de la flexion (cf. Mêm. de la Soc. de Lingu., XIII, 63 et s.). La question des « nasales flottantes » est une des plus épineuses de la morpho- logie du verbe indo-européen (v. en particulier J. Schmidt, Kritik dcr Sonanteniheorie, p. 65 et ss.) et n'a pas à être soule- vée ici. Il sufllisait de signaler l'état irlandais, sans rechercher dans quelle mesure il est ancien.

cinoim « je marche » : cechaingVéX. 2^ ]?i\-\\\, 20 mdiXS,

etc.

glendim « je parcours, j'explore »

d'où « j'étudie» (cf. ML 137

c 2, 140 c 7, PCr. 59 a 4-6, etc.) :

-geglaind H. 2, 16 col. 781, -roeglaind L.L, 86 a 23, 39.

Quelle que soit l'étymologie de ce verbe (cL Zupitza, K.Z., XXXVI, GG^, il peut être rangé parmi les verbes de mouve- ment à cause du sens qu'il a dans les vieilles gloses Çueslîgâre, rimârè).

grendini « je marche » : -roigrainn Ml. 26 d 3, 30 b 2,

37 a 4; -gegrannatar Ml. 25 b 11, scnidiin « je saute » : sescaind L. U. 60 b39, 71 a43. scingim « je saute » : sescaing Windisch K.Z. XXIII 214,

sesceingL. U. 79 b 39, scescingL. U. 60 a 27.

Ces verbes ont encore ceci de commun que leur infinitif est formé de la même façon et se fléchit de même : ceimni « pas » gréim « pas », sceimii, « saut », îecJifiim gl. acceptio Wb. i d i (du verbe * to-aith-gleudiniy Et par analogie la même forma- tion s'est étendue au verbe rithiiii « je cours » dont l'infinitif est 7-éùnm.

A la catégorie des verbes à nasale marquant le mouvement appartiennent encore les deux suivants dont le prétérit fait difficulté :

Hiberilica. 345

drengim « je m'élève » : drebraing Fél. 2 avril, 17 avril,

26 août. lingini « je saute » : leblaing Fél. 5 mars; -leblang- tar Ml.

129 ci; doarblaing Tur. 60, Jo«V-

blingTur. ^^,-tarblamg Sait. 7761 ;

-roiblang Ml. 95 d ir, 43 d 16.

L'infinitif est formé comme ci-dessus : dn'iiiiin « ascension », léimrn « saut ».

Il faut tout d'abord écarter l'explication qu'a proposée der- nièrement M. Wh. Stokes des deux prétérits en question (Z.C P., III, 471 ; Fél. Oeng., 1905, pp. xxxij, xxxv, 324 et 342); le redoublement n'y serait qu'apparent, et ils contiendraient tous deux un préverbe eb- précédé dans l'un d'un préverbe (ir«- et dans l'autre du double préverbe ror (gr. r.pzr.pb^ : * dru-eb- raing serait devenu drebraing et de * ror-eb-Iaiug, dissimilé en rol-eb-laing , on aurait tiré leblaing. Le prétérit drebraing n'au- rait dès lors rien à faire avec drengim. Mais l'existence du pré- verbe eb- n'est pas sûrement établie (cf. toutefois Sarauw, Irske Studier, 126 et la note du Thésaurus à Wb. 32 a 27), et celle du préverbe dru moins encore (cf. toutefois Thurneysen K.Z., XXXII, 563) ; (ï:i'û\eurs dru-ebraing aurait se maintenir intact et rien ne peut justifier en pareille position la chute de u.

M. R. Schmidt avait été jadis mieux inspiré en rattachant drebraing à drengim CI. F., l, 47 et ss.), en considérant dre- braing et leblaing comme des prétérits redoublés et en suppo- sant une action analogique de l'un sur l'autre. Mais c'est de leblaing qu'il partait, et c'est leblaing qu'il essayait de justifier au moyen d'une hypothèse assez compliquée. La possibilité d'un primitif *vlingim proposé par M. Windisch (Kxgf- I^- Gr., § 45) étant exclue, il faudrait partir à la fois de deux verbes, lingim et * slingim (rac. *svelg-; cf. Thurneysen, Kel- toromanisches, p. 99, n. 2) dont les prétérits se seraient conta- minés : * lelaing et * seblaing devenant après l'accent *m roelaing etnî roeblaing, on aurait tiré de un prétérit unique ro leblaing, auquel ro drebraing devrait son b.

Mais cette reconstruction est purement arbitraire. La succes- sion des faits est beaucoup plus naturelle si l'on suppose que leblaing a emprunté son b à drebraing. En effet, le prétérit de dren-

54é /. Vendryes.

gini, soit * drcilraing, aboutissait par Jissimilation à drebraing; une (Jissimilation plus complète risquait même de transformer drebraing en drehlaing et rendait plus voisins encore les deux radicaux. Or, si la forme ordinaire du prétérit de drengim est drebraing, on lit effectivement drehlaing dans deux manuscrits du Félire d'Oengus au 2 avril et au 26 août; et inversement le prétérit de lingim est écrit rodlehlaing L.U. 72 a 17. Tout contribuait ainsi à favoriser la confusion des deux verbes et à introduire la labiale dans le radical de lingim. D'après leblaing, on forma foroiblachta gl. praeuenti Ml. 58 d 6 au participe passé, et la labiale s'étendit même en moyen-irlandais aux formes de subjonctif sigmatique -larblais L. U. 83 b 14 et co'nribuilsed L. U. 63 b 4.

SUR LA PHRASE NOMINALE AU PRÉTÉRIT PASSIF

Dans l'important article il a déterminé la valeur et l'em- ploi de la phrase nominale pure en indo-européen, M. Meillet a rappelé qu'elle est de règle en irlandais dans les propositions négatives dont la forme verbale éventuelle serait à la 3" pers. du singulier ÇM.S.L., XIV, 14) : ni coir » il n'est pas juste » en face de iscoir « il est juste ». Cet usage devait être en germe dans l'indo-européen, puisqu'il se retrouve ailleurs (/^/J., 18).

Il est un autre emploi de la phrase nominale, également d'origine indo-européenne {ibid., 16-17), qui a pris en irlan- dais une extension régulière. Le rôle du prétérit passif est tenu dans cette langue par l'ancien adjectif verbal en -to- et le verbe copule n'est pas exprimé : roléiced « il a été laissé » Wb. 5 b 3, ro scribad « il a été écrit » Wb. 2 d 2, 6 c 28, 26 b 31, adcess « il a été vu » (Wb. 23 c 11), rofes « il était su » Ml. 80 b ir, ni fess « il n'était pas su » (Ml. 51 b 7, 80 b 10), ni Jrith « il n'a pas été trouvé » Hy. V 29, dG, ro sreth « il a été raconté » Fél. 25 août, etc.; ce qui équivaudrait, en latin, abstraction faite de la particule ro, à l'emploi de amâtus, audi- tus, msus, missiis, etc. au lieu de amâtus est, audîtus est, tnsus est, missus est, etc. La phrase nominale est d'autant plus natu- relle ici que le passif irlandais n'a qu'une troisième personne.

niheniicd. 347

Le prétérit passif est le plus souvent conjoint; ayant en effet le sens de parfait (le seul dont s'accommode en général la langue des gloses, cf. Zimmer, K.Z., XXXVI, 479), il est précédé de la particule ro. Toutefois, dans les passages de récit, quand la langue eut besoin d'une forme absolue sans ro, pour exprimer le prétérit narratif, c'est le nouvel adjectif verbal existant dans la langue et tiré de l'ancien par addition du suf^ fixe -e, qui fut employé : brethae « il fut porté » Ml. 52, Fél. 25 janv., crochthae « il fut crucifié » Fél. 5 fév., rithae « il fut vendu » Arm. 17 b i, § 6, séntae « il fut béni » Fél. prol. 100, skchtae « il fut frappé » Fél. 12 février ; cf. en moyen-irlandais etha « itum est » LU 55 a 3, sudigthe « positum est » 56 b 6, aha « altusest » 59 a 6, riastartha « contortum est » 59 a 33, 79 b 22, 40, 80 a 21 t\.c.,gahtha « captum est » 84 a 40, 84 b 1,7, 14.

Comme cette forme absolue en -e est employée également en qualité de forme relative {brethae « qui fut porté » FéL 1 1 juin, carthae « qui fut aimé » Fél. 9 mai, fechtae « qui fut combattu » Hy. II 57, ortae « qui fut tué » Fél. 26 janv., 6 mars, 7 sept., rithae « qui fut vendu » Arm. 17 b r, §6, skchtae « qui fut frappé » Fél. 23 déc, etc.), on peut établir un certain rapport entre elle et la forme relative en -e du pré- térit i3iCX\î {guilae « qui s'est attaché » Tur. 139, luide « qui vint » Ml. 55 c I en face de ro-guiil Ml. 98 b 8, liiid, etc.). Mais cette question demanderait un examen spécial. Le seul fait important à retenir de ce qui précède, c'est la continuité de la tendance qui fit créer à deux reprises une phrase nomi- nale pure dans l'emploi de prétérit passif, une première fois au profit de l'ancien adjectif verbal (-breth« porté » de *bhrto-), une seconde fois au profit du nouveau (brethe de *breth -j- <?).

Remarque additionnelle. Sans entrer dans le. détail de la for- mation du passif irlandais (cf. Meillet, Introduction, p. 204), il est toutefois permis de signaler en passant le rôle prépon- dérant qu'a y jouer le prétérit. L'irlandais possédait un impersonnel berir « on porte », no-m-berar « on me porte », qui est italo-celtique (cf. ombr. ier « qu'on aille yy,ferar « qu'on porte »); mais il conservait d'autre part l'adjectif verbal indo- européen en -to-, breth « porté » de *bhr-to-. La création du pluriel bertir (-bertar) « ils sont portés », avec une finale -tir

34^ /. Vc II dry es.

Ç-tar} de déponent, est due à l'existence naturelle d'un pluriel dans l'adjectif verbal employé comme prétérit passif en phrase nominale pure. L'influence de ce prétérit s'explique aisément par le double fait que de toute la flexion passive c'était comme toujours le temps le plus fréquemment employé, le temps le plus caractéristique, puisque c'est le seul qui possé- dât un thème propre, indépendant de l'actif (ou du déponent). Mais comme cette influence n'a pu s'exercer qu'assez tard, on comprend que l'expression de la personne au moyen du pro- nom infixé continuât toujours à s'ajouter à la forme de l'an- cien impersonnel -berar pour les deux premières personnes aussi bien du pluriel que du singulier : no-n-berar , no-b-berar « nous sommes, vous êtes portés » à côté de bertir « ils sont portés ». Cet usage s'étendit d'ailleurs au prétérit : ro-n-breth, ro-b-breth « nous avons, vous avez été portés » à côté de ro- bretha « ils ont été portés » ; de telle sorte que si l'adjectif i'r^f^ (pi. brethd) Advenu prétérit fournit à l'impersonnel berir (jberar) la distinction du nombre, il en reçut d'autre part le moyen d'expression de la personne.

J. Vendryes.

CHRONIQUE

Sommaiye. I. Décès du comte Nigra. II. School of Irish Learning. III. Prix décerné à M. Albert Grenier. IV. Hugo Schuchardt, Die iberische Dekli- n;uion. V. Victor Tourneur, Histoire, étymologie du nomdeGand. VI. Alfred DoMASZEwsKi.MoMMSEN, O. HiRSCHFELD, Coipus inscriptionum latinarum, tome XIII, partie 2, fascicule 2. VII. Espérandieu, Recueil général des bas- reliefs de la Gaule romaine. VIII. Georges Calder, Imtheachta Aeniada, The irish Aciieid.

I

Nous apprenons la mort du comte Nigra décédé à Rapallo, province de Gênes, district de Chiavari, le 30 juin dernier, à l'âge de 79 ans, après avoir été successivement ministre, puis ambassadeur d'Italie à Paris, enfin ambas- sadeur dans deux autres capitales.

Le comte Nigra est l'auteur des Rdiquie celtiche, brochure grand in-40 de 53 pages (1872) dont un compte rendu a été donné dans la Revue Celtique, t. I, p. 477-479. La Revue Celtique a publié de lui trois articles qui ont paru dans le tome I^'', p. 58-65 et dans le t. XXIV, p. 306-309. Ce diplo- mate était un celtiste distingué quoique ses éminentes fonctions aient fort restreint sa fécondité.

II

La Revue Celtique a reçu l'annonce suivante :

SCHOOL OF IRISH LEARNING

33 DAWSON STREET, DUBLIN

Director :

KUNO MEYER, Ph. D.

SESSION, 1906-07

SYLLABUS OF SUMMER COURSES

Mr. OSBORN J. BERGIN, Ph. D., will hold the following Courses during the month of July, beginning Monday, the first :

350 Chronique.

1. Old-Irish.

(a) Outlines of Old-Irish Grammar ; Strachan's Old-Irish Para-

digms. (h) Sira.chân' s Sélections froiN ihe Old-Irish Classes. Hours : 7 to 8 p. m. every evcning.

2 . Middlc-Irish Texts.

Indarpe inna nDéisse, éd. Kuno Me\'er. Hours : 8 to 9 p. m. Tuesday, Thurbday, and Saturday. 5 . Historical Modem Irish Grammar.

Hours : 8 to 9 p. m. every Monday, Wednesday, and Friday.

The fées are as follovvs : (i) lo s. the Course; (2) and (3) 7 5. 6 d. each the Course.

The above hours are subject to revision.

Full particuhirs from the undersigned, to whom appHcation sliould be made.

R. I. BEST

Hon. Secrekiry.

III

L'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres vient de décerner la plus forte part du prix Prost à l'ouvrage de M. Albert Grenier intitulé : Habila- tioiis gauloises et l'ilhis latines de la cité des Médiomatrices. Nous avons parlé de cet ouvrage dans notre précédente livraison, p. 214, 215.

IV

M. Hugo Schuchardt, le savant linguiste de Graz, a donné à l'Académie impériale de Vienne communication d'un mémoire intitulé : Die iberische Deldination. Ce mémoire a paru dans les Sit:^uuosberichte de la Philosophisch- Historische Klasse de cette compagnie savante, tome 157, partie. Il y en a eu un tirage à part que l'auteur nous a très obligeamment adressé et qui forme une brochure de 90 pages in-80. M. Schuchardt soutient contre M. Philipon qu'entre la langue basque et la langue ibérique il y a intime parenté et que le basque n'est pas une langue arienne. Ce sont deux ques- tions que j'ai médiocrement étudiées, mais mon opinion un peu superfi- cielle a toujours été conforme à la doctrine de M. Schuchardt. J'ai sans doute exposé cette opinion à M. Philipon. Mais en même temps j'ai lui dire qu'un mémoire il me contredirait me serait fort agréable, que mon enseignement n'était pas destiné à former des perroquets et que je serais toujours heureux d'avoir entre les mains la preuve qu'il n'en avait pas pro- duit.

I. Cf. Revue Celtique, t. XXIII, p. 121.

Chronique. 3 5 1

V

M. Victor Tourneur, attaché à la Bibliothèque royale de Belgique, a extrait du compte rendu du congrès de Gand 1907, une brochure de 12 pages intitulée : Histoire et etyniologie du nom de Gaiid. On a fait à Gand des découvertes archéologiques qui prouvent que cette ville existait déjà sous le haut Empire romain. Mais quand son nom apparaît pour la première fois, il est développé à l'aide du suflfîxe vus dans la formule pitgiis Gandavus, vue siècle, ou du suffixe -ensis dâw^ la formule pagus Gandeiisis, viiie siècle ; enfin on trouve Gaiith en 864. M. V. Tourneur pense que Ganth ou Gand doit s'expliquer par le celtique condatc « confluent ». Le c initial serait devenu 0-, comparez Coruacuni, Gournay ' et le «^ de gtibemare; cette mutation est rare et pour condate on n'en cite pas d'exemple, tandis que la mutation d'o en a se trouve dans Candes en Touraine, autrefois Condate ^.

VI

Le fascicule II de la seconde partie du tome XIII du Corpus inscriptionum Idtinarum vient de paraître. Il comprend les inscriptions de la Germanie inférieure et les bornes milliaires des Gaules et des Germanies. Quand donc cet excellent et si utile tome XIII sera-t-il terminé et pourvu d'index ?

Les inscriptions de la Germanie inférieure ont eu pour éditeur M. Alfred Domaszewski ; l'édition des bornes milliaires est due à la collaboration du regretté Mommsen et de MM. O. Hirschfeld et A. Domaszewski.

VII

Ulrish Text-Society vient de publier un sixième volume qui contient la traduction irlandaise de V Enéide. Cette traduction, faite vers l'année 1400, nous a été conservée par le Book of Ballyniote, p. 449-485. On sait que le Book of Ballyniote paraît avoir été écrit vers l'an 1400 comme le dit M. Robert Atkinson, p. 2 de son introduction au fac-similé. L'auteur irlandais de cette traduction de V Enéide s'est donné un grand nombre de libertés. Ainsi il commence par le chant III ; c'est après le chant III qu'il place les chants I et IL Tantôt il abrège, tantôt il développe, et dans ses développements il n'est pas toujours heureux; par exemple p. 4, 1. 54, il transporte d'Asie Mineure le mont Ida sur la côte de la mer Tyrrénienne, for ur mara Ton ian, c'est-à-dire sur la mer qui baigne les côtes occiden- tales de l'Italie.

Le Rév. George Calder, auteur de l'édition, a noté en marge à gauche les numéros des chants et des vers de V Enéide, il a numéroté dans la marge droite les lignes de son édition du texte irlandais et placé en regard une traduction anglaise. Le volume se termine par un vocabulaire malheureuse-

1. Holder, AUceltischer Spracbschati, t. I, col. 1129.

2. Holder, Altceltiscber Sprachschati,i.l, co\. 1093.

352

Chronique.

ment fort incomplet, par un index des noms de personnes et par un index des noms de lieu.

Ce qu'il y a déplus intéressant dans ce- volume c'est la langue, beaucoup plus moderne que par exemple celle du Livre de Leinster. Nous citerons : épenthèse d'à, imtheachta « voyages » pour le plus ancien iinlhechta % leasc « paresseux »% succédant à toc' ; sonore substituée à sourde, tan- cadar'^ « ils vinrent », dorochradar^, « ils tombèrent », tenant lieu de tan- catar^ et dorochralar t \ gnsiii^ « jusqu'au » pour cosin^, gan^° « sans », antérieurement ceii^K

Un phénomène fréquent même à une date plus ancienne que celle du Book of Ballyniotc, c'est la confusion du gh et du (//; tous deux prononcés ; consonne et souvent écrits sans /;. M. George Calder s'est donné la peine de corriger rojhiarfaid^' « il demanda » en rofiarfaig ; la faute se trouve déjà dans le Livre de Leinster'?; aiiiuidh^*, « dehors » a été corrigé en aviuigh par le même éditeur ; la faute aurait pu être possible bien avant l'année 1400.

Cette édition faite avec soin est à consuher par ceux qu'intéresse l'histoire de l'irlandais.

VIII

Le premier volume du Recueil général des bas-reliefs de la Gaule ROMAINE, par Emile Espérandieu, vient de paraître. C'est un in-40 de x-489 pages, concernant les Alpes-Maritimes, les Alpes Cottiennes, la Corse, la Narbonnaise, et comprenant 835 numéros, dont chacun renferme

1. Tdin Cùahige, édition Windisch, 1. 11 13, 1389.

2. Ligne 59.

3. Tdin..., 1. 408, 2876.

4. Ligne 3.

5. Ligne 18.

6. Tdin...,\. 169, 171, 540, 1393, 1603, 3602.

7. Tdin..., 1. 25 II.

8. Ligne 10.

9. Tdin..., 1. 1724, 3666, 3672.

10. Ligne 27.

11. Tdin..., 4693.

12. Ligne 4.

13. Tdin..., 1. 2199.

14. Ligne 614. On rencontre de même gh pour dh, exemples : niuigh pour muidh. Annales de Tigernach, éditées par Whitley Stokes, Reine Celtiqne, t. XVII, p. 351 ; Lugniaigh pour Lngmaidh ou mieux Lugmnidh, génitif du nom de Louth, Chronicon Scotornni, édition Hennessy, p. 130, 138, 141, 142, 200. La notation avec dentale, Lugniaid, Lnghniaidh, apparaît dans les Annales d'Ulslcr, éd. Hennessy, t. I, p. 316, 330, 342, 416, 484. Si le second terme était mag on aurait au génitif Lnghmaighe, plus anciennement Lugmaige, cf. E. Windisch, Tàin Cùalnge, p. 406, note 2. On trouve le nominatif L;(o^;«o</ dans le Lebor na hUidre, p. 82, col. i, 1. 40, et la variante Lugmud au passage correspondant du Livre de Leinster.

Chronîque.

353

au moins une photogravure ; le plus considérable, le 260, arc de triomphé d'Orange, comprend 45 photogravures.

Ces bas-reliefs sont une des manifestations de la domination romaine ; cependant il s'y trouve plusieurs souvenirs des temps de l'indépendance. Nous signalerons par exemple les Maires d'Allais (Drôme) et de Vienne, nos 527, 558, p. 242, 252 ;\esDispiiter de Nîmes, nos 436et 457, p. 300, 301 ; les sangliers enseignes d'Antibes (no 24, p. 32), d'Orange (no 260, p. 200, 204), de Narbonne (nos 695, 737, p. 425, 444); les trompettes gauloises d'Orange (no 260, p. 204, 205), de Nîmes (no 431, p. 297), de Narbonne (no 701, p. 428), etc.; parmi les boucliers gaulois, celui du no 260, p. 199, apparaissent, au-dessus du nominatif singulier gaulois catus « bataille, » deux grues à rapprocher des trois grues du célèbre monument gaulois de Paris. Sous la forme de ces grues apparaissent les déesses de la guerre et du meurtre, Bodb, Morrigan, Nemain.

H. d'Arbois de Jubain ville.

uto

Revue Celtique, XXVIII.

352 Chronique.

ment fort incomplot, par un index des noms de personnes et par un index des noms de lieu.

Ce qu'il y a déplus intéressant dans ce- volume c'est la langue, beaucoup plus moderne que par exemple celle du Livre de Leinster. Nous citerons : épenthèse d'à, imlheachta « vovages » pour le plus ancien iuithechta ', leasc K paresseux »-, succédant à lesc^ ; sonore substituée à sourde, tan- cadar* « ils vinrent », dorochradar'i, « ils tombèrent », tenant lieu de tan- catar^ et dorochralar t ; giisin^ « jusqu'au » pour cosinf, gan^° « sans », antérieurement cen".

Un phénomène fréquent même à une date plus ancienne que celle du Book of BaUymote, c'est la confusion du gh et du dh tous deux prononcés i consonne et souvent écrits sans /;. M. George Calder s'est donné la peine de corriger rojhiarfaid^^ « il demanda » en rofiarfaig ; la faute se trouve déjà dans le Livre de Leinster'3; aiiiuidh^'^, « dehors » a été corrigé en atnuigh par le même éditeur ; la faute aurait pu être possible bien avant l'année 1400.

Cette édition faite avec soin est à consulter par ceux qu'intéresse l'histoire de l'irlandais.

VIII

Le premier volume du Recueil général des bas-reliefs de la Gaule ROMAINE, par Emile Espérandieu, vient de paraître. C'est un in-40 de x-489 pages, concernant les Alpes-Maritimes, les Alpes Cottiennes. la Corse, la Narbonnaise, et comprenant 835 numéros, dont chacun renferme

1. Tdin Cùalnge, édition Windisch, 1. 11 13, 1389.

2. Ligne 59.

3. Tdin..., 1. 408, 2876.

4. Ligne 3.

5. Ligne 18.

6. Tdin...,\. 169, 171, 540, 1393, 1603, 5602.

7. Tdin..., 1. 25 II.

8. Ligne 10.

9. Tdin..., 1. 1724, 3666, 3672.

10. Ligne 27.

11. Tdin..., 4693.

12. Ligne 4.

13. Tdin..., 1. 2199.

14. Ligne 614. On rencontre de même gh pour dh, exemples : muigh pour muidh. Annales de Tigernach, éditées par Whitley Stokes, Reine Celtique, t. XVII, p. 351 ; Lugniaigh pour Lngmaidh ou mieux Lugnniidh, génitif du nom de Louth, Cbronicon Scotoruin, édition Hennessy, p. 130, 138, 141, 142, 200. La notation avec dentale, Lugniaid, Lughinaidh, apparaît dans les Annales d'Ulster, éd. Hennessy, t. I, p. 316, 330, 342, 416, 484. Si le second terme était niag on aurait au génitif Lughmaighe, plus anciennement Lugmaige, cf. E. Windisch, Tàin Cùalnge, p. 406, note 2. On trouve le nominatif Lz/o-f/W dans le Lebor na hUidre, p. 82, col. i, 1. 40, et la variante Lugmud au passage correspondant du Livre de Leinster.

Chronique. 353

au moins une photogravure ; le plus considérable, le no 260, arc de triomphe d'Orange, comprend 45 photogravures.

Ces bas-reliefs sont une des manifestations de la domination romaine ; cependant il s'y trouve plusieurs souvenirs des temps de l'indépendance. Nous signalerons par exemple les Maires d'Allais (Drôme) et de Vienne, nos 527, 338, p. 242, 252 -yles Dispater de Nîmes, nos 456 et 437, p. 300, 301 ; les sangliers enseignes d'Antibes (no 24, p. 32), d'Orange (no 260, p. 200, 204), de Narbonne (nos 695, 737, p. 425, 444); les trompettes gauloises d'Orange (no 260, p. 204, 205), de Nîmes (no 431, p. 297), de Narbonne (no 701, p. 428), etc.; parmi les boucliers gaulois, celui du no 260, p. 199, oîi apparaissent, au-dessus du nominatif singulier gaulois catus « bataille, » deux grues à rapprocher des trois grues du célèbre monument gaulois de Paris. Sous la forme de ces grues apparaissent les déesses de la guerre et du meurtre, Bodb, Morrigan, Nemain.

H. d'Arbois de Jubainville.

Revue Celtique, XXV 111.

PÉRIODiaUES

Soiiniiniir. I. Revue des études anciennes. II. Athenaeum. III. Compte rendu des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. IV. Pro Alesia. V. The Journal of the Royal Society of Antiquaries of Ireland. VI. Celtic Review. VII. Folklore. VIII. Bulletin archéologique du comité des travaux historiques et scientifiques. IX. Revue des traditions populaires. X. Indogermanische Forscliungen XI. Annales de Bretagne. XII. Zeit- schrift fur vergleichende Sprachforschung. XIII. Analecta Bollandiana. XIV. Romania. XV. Boletin de la Real Academia de la Historia. ?\VI. Revue épigraphique. XVII. Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France. XVIII. Fureteur breton. XIX. Irisleabhar na Gaedhilge. XX. Zeitschrift fiir romanische Philologie. XXI. L'anthropologie.

I

La Revue des études .■\nciennes, no d'avril-juin 1907, contient plusieurs articles intéressants au point de vue celtique : d'abord le 5<= article de M. de La Ville de Minnont sur l'Astrologie chez les Gallo-romains ; puis la supposition par M. C. Jullian que le nom de peuple gaulois Vocontii voudrait dire vingt, doctrine qui semble peu conciliable avec l'irlandais fiche « vingt » (cf. Brugmann, Grundriss, t. II, p. 489, 490 ; Whitley Stokes, Altceltiscber Sprachscbal:(, p. 279, Victor Henrv, Lexique étymolo- gique... du breton moderne, p. 275). Plus bas M. C. Jullian émet, après Mûlienhoff ', l'hypothèse qu'il faut corriger en ^Eaù^jUr. = Esuvii le nom des EJ'Êioi, Ligures suivant Théopompe, fragment 221 rt ^. Il en tire une conséquence que Mûllenhoff n'avait pas prévue, c'est qu'il faut loger ce peuple ligure en Normandie comme on le fait pour les Es uvii qui lui sont identiques. Il propose aussi de considérer comme Ligures les Lexovii et les Unelli, deux voisins des Esuvii. Ce sont des doctrines dignes d'attention. Lexovii a été formé avec le suffixe vio qu'on trouve également dans Esuvii et Karl MûUenlioff (Deutsche Altcrtuuishunde, t. III, p. 178, donne onze exemples du suffixe ligure -ello- qui termine le nom de peuple Unelli.

1. K. Mû\knhoff, Deutsche Altertumskuude, t. III, p. 168.

2. C. et Th. Millier, Fragmenta historicorum graecorum, t. I, p. 515 ; K. Mûllenhoff, Deutsche Alterlumskunde, t. Il, p. 247, note.

Périodiques. 355

M. G. Dottin revient ensuite sur la question de savoir si le mot bn'ga est celtique. Je ne puis qu'approuver le désir qu'il a de vérifier l'exactitude des doctrines enseignées par moi. Je ne lui demanderai jamais du jurare in verba magistri, mais ce n'est pas à moi seul qu'il a affaire ici. Bn'ga, second terme de plusieurs noms de lieu, a été considéré comme celtique dès 1857, par Glueck, Die bei C. Jiilitis Caesar vorliommendeii keltischen Nanien, p. 121 et suivantes, où, notamment, page 126, le savant auteur cite comme cel- tiques, outre Mageto-briga,Litai!obriga, Ehuro-briga, N£|j.£Td6ptYa, 'Ap-uoÇpiya dont il rapproche le second terme l'irlandais brigh, bri « colUs ». Cette doctrine a pénétré en 1870 dans la seconde édition de la Grammatica cel- tica, p. 40, 68, 86, 88, sont donnés comme celtiques Arlobriga, Ebiiro- briga, Litanobriga. Nous la trouvons depuis, en 1894, chez M. Whitlev Stokes, Urkeltiscber Sprachschat:^, p. 171. Mais ici quelques explications sont nécessaires. Briga n'est point panceltique, c'est un mot gaulois ; il est étranger à la langue des Goidels ou Gaëls et l'Irlande l'ignore.

Il y avait une racine indo-européenne, bhergh sous sa forme pleine normale, bhrgh, en sanscrit brh sous sa forme réduite, et signifiant « être fort, être élevé » ; de la forme pleine normale vient l'allemand berg, « montagne », r= *bhergho- '. La forme réduite apparaît dans l'irlandais bri ■z^*brik-s « colline », au àM\i brig =:*brigi dans les Macgniiiiartha Find, xye siècle ■=, à l'accusatif brigh, orthographe un peu plus récente, dans le glossaire d'O'Davoren publié d'après le ms. du Musée britannique Egerton 88, xvi^ siècle 5. Cet accusatif/'/-/^/; = * hrigin a été cité en 1879 par M. H. Zlmmer, Revue de Kuhii, t. XXIV, p. 541. Enfin le génitif sin- gulier/Tt'o- = */;;7Vo5 a été plusieurs fois signalé par M. Thurnevsen en 1897 dans la seconde édition du Gnnidriss de M. Brugmann, t. I, p. 461, 467, 518, 554, 806. On le trouve dans le Dindsenchas publié par M. Whit- ley Stokes +. Il en existe une forme moderne brcagh 5.

Ce mot bri = *briks, aux cas indirects breg = *brigos, brig =1 *brigi, brigin, est devenu en gallois et en breton bre « colline, hauteur ». Sa forme gothique est baurgs qui, chez Vulfila, traduit le grec -oXiç et qui, par conséquent, signifie « ville » ; la notation allemande est biirg qui veut dire « forteresse, château », et d'où vient le français bourg; Vr voyelle de l'indo-européen BHRGH, noté ri en celtique, devient aiir en gothique, »/■ en

1. Kluge, Etyiiiologisches IVôrterbiich der deulscheii Sprachc, 6^ édition, p; 39.

2. Ba ingin rocaem dino a m-Brig Elle, Revue Celtique, t. V, p. 202, §21. Texte publié par M. Kuno Meyer d'après le ms. de la Bibliothèque bodiéienne d'Oxford Laud 610 , qui remonte à 1453.

5. Cingit co sin brigh, Whitlev Stokes, Tliree irish Ghssaries (1862), p. ^j ; Arcbiv fïir celtische Lexicographie, tome II (1904), p. 232, no 218.

4. Primrelicc airthir Mide ocus Breg, § 115, Revue Celtique, t. XVI, p. 67 ; i Temraig breg « à Tara de la colline », § 146, Revue Celtique, t. XVI,

5. leamair breagh, Pétrie, On th' Hislcrv dinl Antiquities of Tar^i h/11, p. 131 : Temair breagh, ibid., p. 157; Tcamhair breagh, O'Currv, Mii. Materials, p. 626.

356 Périodiques.

allemand, et en gothique comme en allemand le sens du substantif est modifié. Par l'effet du long contact politique et militaire des Germains et des Gaulois, le sens nouveau de bhrgh en germanique paraît aussi se trou- ver chez les Gaulois dans le dérivé briga = * bhrgha. Il y eut un temps de préférence c'était sur des points élevés plus faciles à défendre qu'on groupait les habitations. Du reste, pour briga =r bhrgha le sens de forteresse est confirmé par le thème verbal sanscrit brha-, brhati « il fortifie ».

Le substantif bhrgha, devenu briga ', est spécial aux Gaulois et fait défaut dans les autres dialectes celtiques. Les trois exemples que nous en avons en Gaule, Magetobriga ou Adinageto-briga, Litano-briga, Ebiiro-briga établissent formellement que briga est gaulois ; et, si cette doctrine avait besoin de confirmation, Arto-briga, l'ApToSptya que Ptolémée, 1. II, c. 13, § 2, nous montre sur le Danube en Vindélicie prés de Botdoouoov, non loin de Kappooouvov, de Ka;j.6oôouvov, d"A£ouoîa>'.ov, met l'origine gauloise d'ApToêp'.ya, hors de contestation. Le nom géographique gaulois Ebiiro- briga qui aurait donner Evrovre, ou Avrovre subsiste sous la forme adoucie Avrolle.

Les Gaulois, entreprenant la conquête de l'Espagne sur des populations belliqueuses de toute autre origine qu'eux, y ont bâti des forteresses qu'ils ont appelées quelquefois duiioii, le plus souvent briga. Lt nom d'une partie de ces forteresses eut pour premier terme un mot gaulois. Nous citerons d'abord Sego-briga aujourd'hui Segorbe, dont le premier terme est identique à celui de trois Sego-dunuiii, un en Grande-Bretagne, aujourd'hui Walls- end, un en France aujourd'hui Rodez, un en Bavière aujourd'hui Burg- sinn ^. Sego-dtinuiii et Sego-briga ont le même sens : « puissante forteresse ».

Nerto-briga, aujourd'hui Valera la Vieja 5, Nevieto-briga, aujourd'hui Puente de Navea*, ont incontestablement comme premier terme un mot celtique. C'est probable pour d'autres comme Dessobriga,Toiigobriga, Turo- briga, etc. Quelques noms de lieu d'Espagne dont le second terme est briga pourraient avoir un premier terme d'origine ibérique, le nom primitif de la localité avant l'occupation gauloise ; mais est-il possible d'en donner un exemple certain ?

En Grande-Bretagne on ne trouve pas de noms de lieu dont le second terme soit briga. Pourquoi cette différence avec l'Espagne ? Cela se com- prend facilement. Au iii^ siècle avant J.-C. quand une partie des Gaulois du rameau belge, chassés des pavs à l'est du Rhin par la révolte des Ger- mains, se réfugièrent dans la Grande-Bretagne et firent la conquête de cette île alors occupée par les Goidels, ils y avaient trouvé une population de même race qu'eux, parlant presque la même langue, et, tout en lui impo- sant leur domination politique, ils se laissèrent dominer religieusement par le principal clergé des vaincus, par les Druides, comme en Gaule devaient

1. Whitley Stokes, Urkeltischer Sprachschat^, ^. 171.

2. A. Holder, Altceltischer Sprachschat^, t. II, col. 1446, 1447.

3. Holder, Ibidem, col. 723.

4. Holder, Ibidem, col. 711.

Périodiques. 357

faire plus tard les Francs se soumettant aux évêqucs chrétiens et se laissant baptiser par saint Rémi. Grâce à cette concession, en Grande-Bretagne les peuples vaincus s'assimilèrent aux vainqueurs qui n'eurent guère besoin, comme en Espagne, de créer des forteresses nouvelles pour résister aux révoltes des populations vaincues. La plupart des noms de ville en Grande- Bretagne, dont le nom sous la domination romaine se terminait en ilunum ', peuvent être de fondation goidélique, et antérieurs à la conquête gauloise.

Quant à la notation brica elle est à rapprocher de la notation Cains pour Gains, Cuaeus pour Gnaeus. Le C troisième lettre de l'alphabet latin n'est pas autre chose que le F, troisième lettre de l'alphabet grec qui est une gutturale sonore, telle a été la valeur primitive du C latin. Il doit son changement de son à l'influence des Étrusques qui n'avaient pas d'ex- plosives sonores. Quand nous écrivons coq, cave, cuve par un c et non par un h, nous subissons la dcmination desTarquins vingt-cinq siècles après la date les Romains détrônèrent Tarquin le Superbe. C pour G dans les manuscrits latins et les inscriptions latines est un archaïsme inspiré quel- quefois par la paresse ; on a négligé d'écrire ou de graver le petit trait si grossi chez nous qui distingue du C capital la lettre majuscule G.

Le substantif gallois hrk, hrig, sommet, dont parle M. J. Loth, p. ^38, s'explique par le nominatif brik-s du thème brior.

Brio « ponte » dont parle aussi M. Dottin et qu'il emprunte au glossaire dit d'Endlicher conservé par un ms. du ix^ siscle -, est une notation du haut moyen âge, pour Brioue avec ti voyelle prononcé ou comme dans Brioude r= Briitate, dérivé de Briua « pont » qui a été aussi prononcé briva, en français Brive ; il n'établit nullement que Vu consonne de Briua « pom » soit quelquefois tombé d'où serait résulté confusion entre briva et briga.

Après le mémoire de M. Dottin, viennent des notes de M. Adrien Blanchet sur le couteau de table des Celtes ; de M. Georges Gassies sur deux statues représentant des déesses, l'une cornue, l'autre pourvue de grosses mamelles; de M. C. Jullian sur le dieu cornu, Cernunnos. Enfin M. JuUian donne suivant l'usage une bonne chronique gallo- romaine.

II

L'Athenaeum du 4 mai 1907 rend compte d'une séance de la British Academv, 24 avril dernier. Le professeur Ridgeway et le professeur R. S. Conway v ont fait d'intéressantes communications sur les plus anciennes populations de l'Italie. Pour l'inscription d'Ornavasso en Pié- mont, province de Novare : Latuiiiarui Sapsutaipe uinoni nasoiii, M. Con- way propose une interprétation diff"érente de celle qu'a donnée en 1902

1. Branno-dunum, Cambo-dunum, Camulo-dunum, Margi-dunum, Mori-dunum, Rigo-dunum, Sego-dunum, Sorbio-dunum, L'xello-dunum.

2. Voir un article de M. Whitley Stokes, Revue archéologique, t. XVIII (1868), p. 340-344, et celui que M. H. Zimmer a inséré dans la Zeitschrift de Kuhn, t. XXXIl, (1893), p. 230-240.

5 5^ Périodiques.

M. Kictscliincr, Keviie de Kiihu, t. XXXVIII, p. 99 et suivantes. M. Kretsch- nier considérait Latuiiiand et Sapsutai comme des génitifs; suivant M. Con- way ce sont des datifs, ce sont les noms des destinataires du vin, et non pas les noms des propriétaires, et ces propriétaires étaient gaulois, la tra- duction latine serait : Latuniaro Sapsutacqiie uininn iiaxiuvi [mitto].

Suivant le professeur Ridgeway, la plèbe romaine était ligure; comme telle, elle inhumait ses morts, pratiquait le mariage par achat de la femme, c'oeiiiptio, et portait à la guerre le bouclier long. Les patriciens étaient Omtjriens, brûlaient leurs morts, se mariaient par confarreatio et leurs bou- cliers étaient ronds. Les patriciens conquérants, mais minorité, adoptèrent la langue des vaincus plus nombreux ; ils agirent ainsi comme plus tard en Gaule devaient faire les Francs. M. R. S. Conway, professeur à l'Université de Manchester prit ensuite la parole pour appuyer son collègue. L'.athe- NAEUM du 4 mai a donné l'analyse des communications de MM. Ridgeway et Conway. Leur doctrine est très séduisante, il s'ensuivrait que le latin serait un dialecte de la langue des Ligures. On sait que le hgure avait con- servé \q qn indo-européen changé en p par les Ombriens, les Osques et les Gaulois '. Mais comme l'a fait observer M. Conway \e gii aspiré devenait /'dans le mot ligure Bornio nom du dieu des eaux chaudes. On sait que la même lettre devient /dans le latin /o;;//7/i, « chaud » -. En tout cas il est établi par un passage de Festus qu'il fut un temps les Ligures étaient maîtres des sept collines plus tard on bâtit la ville de Rome '.

Dans l'exposé de la doctrine de M. Ridgeway, je vois un petit détail qui me semble sujet à critique. Si je comprends bien, M. Ridgeway affirme que chez les Grecs de la littérature homérique et chez les Teutons le futur gendre n'achetait pas sa future épouse au futur beau-père. Or ïsova est précisément dans VOdyssée le nom du prix d'achat pavé par le futur gendre au futur beau-père *. Un usage identique a existé chez les Ger- mains 5.

De la communication de M. Conway est résulté ceci : Nous lisons dans I'Athenaeum du 22 juin que, dans sa séance du 11 juin, la Bn'iish Academy a voté une subvention au professeur Conway pour lui faciliter l'exécution du travail qu'il prépare sur les inscriptions ligures et vénétes.

L'Athenaeum du i^r juin nous apprend que le 21 mai dernier a eu lieu la première séance de la Gaelic Association tout récemment créée à l'Uni- versité de Dublin. Nous avons constaté avec regret que le professeur

1. MùWenhoff, Deutsche Aîtertumshaide, t. III, p. 179.

2. Brugmann, Grundriss, t. I, 2^ édition, p. 600.

3. Sacrani appellati sunt Reate orti,qui ex Septimontio Ligures Siculosque exegerunt.

4. Buchholz, Homerische Realien, t. II, seconde partie (1885), p. 20. Ebeling, Lexicon homericiim, t. I (1885), p. 341.

5. Ursprunglich war die ehe ein kaitf; der freier entrichtete dem, in dessen gewait sie die junfrau oder witwe befand, dem vater, bruder oder vormund, einen preis, wo fur ihm die braut angelobt und uberliefert wurde. Jacob Grimm, Deutsche Rechtsalteiihiïiiier, 2^ édition, p. 420, 421.

Périodiques. 359

Robert Atkinson n'y assistait pas. Le professeur Edward Gwyn présidait. M. W. J. Stuart Weir, faisant fonction de secrétaire, déclara que le but de cette société nouvelle n'était pas politique, qu'elle avait pour objet l'encouragement de la vie nationale dans son sens le plus élevé. Le prési- dent ajouta que la création de la Gaelic Association était une réponse à un reproche fait à l'Université de Dublin, qui, dans son collège de la Trinité, négligeait, disait-on, l'Irlande.

III

Comptes rendus' des sé.^nces de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, année 1906. P. 389, le commandant Espérandieu parle des découvertes de monuments romains faites grâce aux fouilles qui se pratiquent au Mont Auxois sur l'emplacement d'Alésia. P. 393, commu- nication de M. Audollent sur la découverte d'une statuette de ^lercure au sonmiet du Puy de Dôme. P. 401 et 481, lettres du commandant Espérandieu annonçant de nouvelles trouvailles faites au Mont Auxois, des planches les accompagnent ; ces planches représentent Jupiter entre Minerve et Junon, un Dioscure, le torse d'une amazone, un Gaulois mort, une tête coupée, etc. On a trouvé aussi des traces de huttes gauloises en terre cuite, et une partie de la statue d'un chef gaulois. P. 535, exposé par M. Cartailhac de la découverte d'une caverne ornée de dessins qui paraissent remonter au premier âge de la pierre et qui représentent des animaux, bisons, chevaux, bouquetins, cervidés ; elle est située dans le département de l'Ariège. Ces dessins se trouvent dans une rotonde l'on arrive par une galerie longue de 800 mètres. P. 723, M. L. Joulin dit qu'n en ce qui concerne Toulouse, la question du premier emplacement, discutée depuis le xvie siècle, se trouve définitivement résolue. Il y avait dès l'époque préceltique, sur les coteaux de la Vieille Toulouse, une agglo- mération qui a subsisté jusqu'à l'avènement de l'Empire romain. La ville des bords du fleuve a été fondée... par les Celtes des premières invasions ; elle est devenue au iii^ siècle la capitale des Volkes Tectosages ».

IV

Pro Alesia a eu depuis notre dernier compte rendu, ci-dessus, p. 107, quatre livraisons, novembre, décembre 1906, janvier-février, mars-avril 1907. On y trouve plusieurs articles de vulgarisation, reproductions de publications précédemment faites par Allmer et par M. Hirschfeld, textes antiques concernant Alésia ; signalons seulement ce qu'il y a de nouveau : p. 65, la Vénus d'Alésia, par Salomon Reinach, avec quatre figures dans le texte ; p. 147, notes du commandant Colin sur les travaux romains devant Alesia; p. 159, réponse aux critiques dirigées contre la lettre du commandant Espérandieu qui, comme on l'a vu plus haut, parlait de huttes gauloises découvertes pendant les fouilles d'Alésia; p. 129, notice de M. Héron de Villefosse sur un miroir trouvé dans les mêmes fouilles, trois

560 Périodiques.

figures hors texte ; p. 113, signalons enfin une note du commandant Espé- randieu sur la statue de chef gaulois ; au paragraphe m, une planche l'accompagne.

V

Dans le vol. XXXVII du Journal of the Royal Society of Anti- auARiEs of Ireland, part, i (31 mars 1907), p. 61, Sir John Rhvs a donné un savant article sur l'ogam de Kilmannin au comté de Mayo en Irlande : DDISI MOCQU SELA LUGADDON MONGTI LUGEDEC, c'est-à-dire : « ci-dessous est la famille de Sil, de Lugaed, de Moingthe, de Lugaid. » Sela tenant lieu d'un plus ancien * Selyas serait le génitif de *5f//5 qui, en irlandais moderne donnerait 5//. i,M^Wt/o;z, plus anciennement * Lugiiaidonas serait le génitif de Litgiiaed, plus tard Lugaed. Moiigti, mieux Mongati, pour un primitif * Mongatii, serait le génitif d'un archaïque * Morigalias, en irlandais moderne Muhigthe, Moingthe, « che- velu, pourvu de crinière ■>■>. Du génitif Liigedec, la forme ogamique la plus ancienne est Lugudeccas \ qui suppose un nommzùi * Liigiidics . Est à comparer le génitif Ltiguadici (Corpus inscriptionum latinarum, t. II, n" 2732), qui suppose un nominatif * Luguadicos. Le nom du dieu Lug = Litgit-s est la base de ces dérivés.

Le 29 janvier dernier M. Patrick Weston Joyce, savant connu par d'im- portantes publications, a été élu président de la Royal Society of Antiquaries ofireland.

VI

Le numéro de la Celtic Review qui est daté du 5 avril dernier contient principalement la continuation d'articles commencés dans les livraisons pré- cédentes : le Glenmanasan Manuscript publié et traduit par M. Mackinnon, l'étude du Rev. Charles M. Robertson sur les dialectes gaéliques d'Ecosse, celle du professeur H. H. Johnson sur les cités submergées, l'édition du morceau intitulé « Guerrier du bouclier rouge », Gaisceach lia Sgeithe Detrge, pubhée par M. Kenneth Macleod. M. H. H. Johnson dans le mémoire sur les cités submergées que nous venons de mentionner revient sur la légende de Maes Gwydden, étudiée par M. J. Loth en 1903 dans le tome XXIV de la Revue Celtique, p. 349-364, et précédemment dès 1901 par Sir J. Rhys, Celtic Folklore, t. I, p. 381 et suivantes. Il y a une légende semblable dans la Bretagne continentale, celle de la submersion de la ville d'Is, à laquelle l'Irlande peut comparer la pièce intitulée ^ided Echach mheic Mhaireda « Mort d'Eochaid fils de Mairid », publiée en 1892 par M. Standish Hayes O'Grady, Silva Gadelica, textes irlandais, p. 233-237, traductions, p. 265-269 -. Inutile de parler ici des éditions antérieures.

1. R. A. Stewar Macalister, Studies in irisb Epigmphy, Part. I, p. 14, 22, 24, 26.

2. Cf. Dindsenchas, édité par M. Whitlev Stokes, article 141, Revue Cel- tique, t. XVI, p. 150-153 ; et Annales de Tigernach éditées par le même, Revue Celtique, t. XVII, p. 147.

Périodiques. 561

VII

Dans le Folklore, t. XVIII, no i, 50 mars 1907, M. Arthur Bernard Cook continue sous le titre de The European Sky-God, « Le dieu européen du ciel », son étude sur la mythologie celtique. L'auteur possède une con- naissance fort méritoire de la littérature néo-celtique, mais ne paraît pas se rendre compte du rôle qu'a jouer l'imagination et l'esprit inventif des écrivains auxquels sont dus les récits qu'il cite et qui appartiennent à des siècles fort éloignés les uns des autres.

La même livraison contient une note de M. T. P. U. Blake sur les cou- tumes matrimoniales de l'Irlande occidentale. Entre autres détails, on peut remarquer la suppression de l'usage de payer au père de la mariée, le coihche ou prix d'achat de sa fille ; c'est le curé qui reçoit ce prix d'achat, fixé aujourd'hui à un dixième de la dot. Un changement analogue s'est produit en France dans le département de la Côte-d'Or. Quand les ambas- sadeurs du roi des Francs, Clovis, allèrent dans le royaume des Burgundes demander en mariage Clotiide qui, fille du roi Chilpéric alors défunt, était sous la tutelle de son oncle le roi Gondebaud, ils l'achetèrent à Gondebaud suivant l'usage un sou et un denier, soit treize deniers ^ C'était en 492. Quand 1371 ans plus tard, comme le roi Clovis, je me suis marié en Bour- gogne, mais sans être comme lui précédé d'ambassadeurs, c'est avec surprise que je me suis vu réclamer les treize pièces de monnaie traditionnelles en cette province. Mais ce n'était pas le futur beau-père qui me les demandait c'était le sacristain, représentant du curé. J'en ai été quitte pour treize francs, beaucoup moins que les quatre ou cinq livres dont parle M. Blake -. Déjà, du reste, Clovis, achetant Clotiide pour treize deniers, ne pouvait se plaindre d'avoir payé trop cher cette fille et nièce de rois.

Le rapport annuel lu le 16 janvier à l'assemblée de la Folklore Society donne la liste des mémoires lus dans les réunions de cette Compagnie pen- dant l'année 1906. Ils paraissent avoir été fort intéressants, mais semblent être restés inédits. Nous signalerons par exemple le travail de Miss Eleanor HuU intitulé : The Evolution of the Idea oj Hades in Celtic Literatiire ; nous serions heureux d'en apprendre la publication.

Comme annexe à cette livraison, il a paru une Bibliographie des livres et articles concernant le folklore publiés en 1905 dans l'empire britannique. L'auteur est M. N. W. Thomas. Sur vingt-quatre pages, généralités et index non compris, l'Europe en occupe cinq. Le reste est consacré à l'Asie, l'Afrique, l'Amérique et l'Océanie.

VIII

Le Bulletin archéologiq,ue du Comité des Travaux historiques ET SCIENTIFIQ.UES, année 1906, troisième livraison, offre, p. 374-377, un

1. Chronique de Frédégaire, 1. III, chapitre 18, Scriptores reruni merovin- gicaruni, t. II, p. 100, 1. 13.

2. Ces quatre ou cinq livres forment probablement la totalité des hono-

562 Périodiques.

rapport de l'abbé F. Poulaine, constatant qu'à Voutenay, Yonne, il a fouillé un tumulus contenant deux squelettes qui avaient chacun un collier de bronze au cou, un bracelet de bronze au bras droit. Il y a trouvé aussi des anneaux et des lances de fer, le tout fort oxvdé. Quelques objets en silex, recueillis sur l'aire du tumulus, étaient déjà sans doute, quand le tumulus a été élevé pour servir de sépulture à deux Gaulois.

IX

La Revue (hs traditions populaires, tome XXI, 12, débute par cinq contes bas-bretons, dont les quatre premiers racontent l'histoire de jeunes gens dont la force était merveilleuse. C'est la forme qu'a prise en Basse- Bretagne dans la bouche du peuple la légende de Cùchulainn (voir Kevuê Celtique, t. XXVII, p. 321, 522). A l'âge de cinq ans, un de ces jeunes Bretons était haut d'un mètre quatre-vingt et entre ses bras avait étouffé un bœuf. Un autre se mit en route à l'âge de dix-huit ans, sa canne était de fer et, pour la fabriquer, il avait fallu deux ou trois charretées de fer. Un troisième n'avait que seize ans quand il quitta sa vieille mère, son bâton était aussi de fer et pesait cent mille livres.

Le tome XXII, année 1907, nos j-^^ contient, p. 63-64, une chanson bre- tonne recueillie dans l'île de Groix. Des traditions populaires bretonnes d'un caractère merveilleux y paraissent aux pages 22-29, 73> 74> 78-80, 132, 133.

VAti^eiger qui termine le tome XX des Indogermanische Forschun- GEN, contient, p. 154-161, le relevé des livres et des mémoires dont les langues celtiques ont été l'objet pendant les trois années 1902, 1903, 1904. Ce travail méritoire est signé B. Est-il de M. Karl Brugmann ?

Au tome XXI, première et deuxième livraison, p. 99-115, M. v. Blan- kenstein a donné un article sur le grec /.ai-é. et les mots qui sont apparen- tés à cette préposition ; p. 106, il admet que parmi ces mots il faut placer l'irlandais cet « avec » ', en breton ancien caiit, aujourd'hui o-fl»/. Aux pages 167 et suivantes, M. H. Hirt présente l'a du latin matière comme une forme affaiblie de l'f de aîvo, et il rapproche cet a de celui de l'irlandais, pensant je suppose, au verbe anaim Vm initial est tombé ^. A la page 175, M. Thurneysen expose l'identité de hitu- dans hitumen avec betu- dans le gaulois betii-lla, « bouleau >>; hitu ^* guetu- n'est pas un mot d'origine latine, c'est le nom d'une sorte de gomme extraite du bouleau (Pline, N. H., XVI, 75); p. 179, il rapproche le latin haud :=:* bauiduvi de l'irlandais gau, en breton gaou mensonge, et p. 180, il croit pouvoir reconnaître dans

raires du curé irlandais. Le curé bourguignon ne s'est pas contenté de mes treize pièces, et l'idée ne m'est pas venue de trouver ses prétentions exagé- rées.

1. Cf. Whitley Stokes, Urkeltischer Sprachschat^, p. 94.

2. Cf. Whitley Stokes, Ibidevi, p. 210.

Périodiques. 563

le second terme du latin coii-sulerc la racine du celtique *i«/;/(/, en irlandais selhh, en gallois hchi< <' possession »; ce n'est pas la doctrine de M. Walde. Lateinischcs etyiiiologisches Woerteibiich, p. 159, au mot consiliiiiii.

XI

La livraison des Annales de Bretagne qui est datée d'avril 1907 (t. XXII, no 3) débute par la première partie d'un article de M. de Closma- deuc sur la Vénus du château de Quinipily, commune de Baud, Morbi- han. C'est une statue de granit, haute de sept mètres, représentant une femme nue et qui paraît avoir été intentionnellement dégradée. Au milieu du xvii^ siècle, elle se trouvait près de Q.uinipily, sur le territoire de la commune de Bieuzy; elle y était l'objet d'un culte qui scandalisa le clergé chrétien. Des fidèles zélés la jetèrent deux fois dans la rivière, la retaillèrent pour la rendre moins séduisante, ils auraient mieux fait de la transporter dans un musée. Cette statue est probablement un ancien menhir gaulois, romanisé par un sculpteur sous i'Rmpire romain. Est à comparer ce qui a été dit du culte des nie)ilnr dans la Revue Celtique, t. XXVII, p. 314- 517, t. XXVIII, p. 128, 129.

La Vénus de Bieuzy est aujourd'hui conservée comme objet de curiosité au château de Quinipilv comme le menhir de Kervadel au château de Kernuz '.

M. Pierre Le Roux continue la publication des curieuses chansons bre- tonnes de la collection Penguern.

M. Ferdinand Lot donne un nouveau chapitre de ses mélanges d'his- toire bretonne ; comme plus haut p. 220, il s'occupe du ixe siècle et de Nominoé; ici il parle de l'intervention du prince breton dans le domaine ecclésiastique. Nominoé fit un schisme par la création de l'archevêché de Dol et en prétendant ainsi affranchir les diocèses bretons de la juridiction de l'archevêque franc de Tours. Ce schisme dura jusqu'en 1 199 ^ ; et, chose curieuse, en 1859, une bulle du pape Pie IX, d'accord avec le gouverne- ment français, créant l'archevêché de Rennes, détacha de nouveau la Bre- tagne de la province de Tours '.

XII

Le tome XL de la Zeitschrift fur vergleichende Sprachforschung se termine par un index deux colonnes de la page 575 sont consacrées aux langues celtiques. Le tome XLI, dont la première livraison a paru récemment, sera le résultat de la fusion accomplie entre la Zeitschrift et les Beitràge ^ur Kunde der indûgermanisc1)en Spracimi dont le tome trentième, publié en 1906, sera le dernier.

1. Revue Celtique, t. XXVII, p. 318.

2. D. Morice, Histoire de Bretagne, t. I, p. 125 ; La Borderie, Histoire de Bretagne, t. III, p. 205 ; Gams, Séries episcoporum, p. 547.

,3. Gams, Séries episcoporum, p. 607.

là...

3 64 Périodiques.

A la page 204 de cette première livraison, M. C. C. Uhlenbcck dit qu'en 1903 il a proposé de considérer comme venu du celtique le basque aiid7r « dame ». L'article écrit par M. Magnus Olsen sur le même sujet, et dont nous avons parlé plus haut, p. 106, est postérieur de trois ans.

XIII

Dans le Bulletin des publications hagiographiques, Analecta Bollandiana, t. XXVI, fasc. I, p. 114, le P. Poncelet reprend après M. Campion, Annales de Bretagne, t. XXI, p. 277-284, la question de savoir quel rapport' il peut y avoir entre saint Servatius, évêque de Tongres en Belgique et la ville de Saint-Servan, en France, département d'Ille-et-Vilaine.

A la page 126, le même critique fait l'éloge d'un article de M. Alfred Schulze sur la légende de saint Brendan dans la Zeitschrift fi'ir romanische 'Philologie, t. XXX, p. 257-279.

XIV

La R0MANIA, t. XXXVI, livraison de janvier 1907, nous met sous les yeux, p. 91-96, une étude de mon savant confrère M. Antoine Thomas sur l'étymologie du mot français dard, nom de poisson, qu'on devrait écrire dars et dont la forme la plus ancienne est darsus chez Smaragde, Expositio in octo partihiis Donati. M. A. Thomas suppose que ce mot est d'origine gauloise. Il existe encore en breton sous les formes dan^ et dars comme le lui a écrit M. J. Loth.

Dans une «liste des mots obscurs et rares de l'ancienne langue française», RoMANiA, t. XXXVI, avril, p. 252-301, le même M. A. Thomas donne, p. 360, le verbe camhoisser, « s'arquer, tanguer », déjà signalé par M. Delboulle, Romania, t. XXXI (1902), p. 367. M. Delboulle l'avait trouvé dans l'ouvrage intitulé : « Des nobles malheureux », III, 8, édition de 1538:

« Vivre en un bateau sur mer flottant et camboissant. »

L'étymologie celtique de ce mot résulte d'un article de feu Nigra sur des mots romans, provenant, comme ce mot français, de l'adjectif gaulois camho-s, camha, « courbe », Archivio glottologico, t. XV (1900), p. 280, article auquel renvoie la Romania, t. XXXII (1903), p. 471. Sur le gaulois camho-s, camha, voyez Holder, Altceltischer Sprachschat:^, t. I, col. 714-716, est amplement développé ce qui est dit de ce mot dans la Grammatica celtica, première édition, p. 96, 1. 9, 10; deuxième édition, p. 81, 1. 32, 3 3 ; cf. Whitley Stokes, Urkeltischer Sprachschat-, p. 78: Karl Brugmann, Grundriss, t. I, 2^ édition, p. 694; voir aussi Kuno Meyer, Contributions to irish Lexicograpliy, t. I p. 311.

De plus, M. Antoine Thomas me fait observer qu'on doit placer à côté de camhoisser un mot usité en Limousin, Auvergne et Périgord, c'est chamhige, nom de la pièce courbe de bois qui est la partie essentielle de la charrue.

Périodiques. 365

Ce mot, sous la forme picarde Cambiche et sous la forme précitée Chambige, est employé comme nom propre d'homme. C'est originairement un sobriquet donné à un ancêtre à cause de la courbure anormale de son dos, sobriquet conservé par ses descendants malgré la rectitude de leur échine, tels les Bastard d'aujourd'hui qui cependant sont nés en légitime mariage depuis plusieurs générations ; tels les A-la-petite, les A-la-Deuise qu'on aurait grand tort de considérer comme fils de père inconnu.

J'allais donner le bon à mettre en page de cet article déjà composé à l'imprimerie quand j'ai reçu un mot de M. A. Thomas :

(c Ma note sur Estève de Chambige se trouve, dit-il, dans le Bullelin de la Société des parler s de France, 4-5 (1894), p. 107. »

Il me rappelle en outre qu'il m'a signalé comme d'origine celtique le bas-latin caialntUa « crosse » dont il a parlé dans Romania, t. XXXV, p. 118-119, à propos d'un article de M. Nigra dans les Batistcine ^iir roma- niscbcn Philologie, Festgabe fur Adolfo Mussafia.

XV

Le BoLETiN DE LA Real Academia DE LA HisTORiA, tomc L, Contient, p. 1-32, un mémoire du Dr. Nicola Feliciani sur les sources à consulter pour l'histoire de la seconde guerre punique en Espagne, 218-206. Le P. Fita y continue, p. 196-213 et 271-310, sa révision du t. II du Corpus inscriptionum latinarum. Il nous donne entre autres choses, p. 310, un exemple nouveau du nom d'homme gaulois Segontius '. M. Angelo Casi- miro de Govaiîtes cherche à fixer, p. 235-247, la position de la localité dite Contrclnam qiiae Leiicada appellatiir dans le fragment du livre XCI de Tite Live, il est question des opérations militaires faites en Espagne par Ser- torius l'an 77 avant J.-C. -. Suivant lui, cette Contrehia appartenait aux Arevaci. C'est Contreras, province de Burgos, partido de Salas de los Infantes. Il ne faut pas la confondre avec Contrehia, capitale des Celti- béres '. P. 249, le marquis de Monsalud donne une lecture nouvelle de l'inscription qui porte le no 741 dans le C. /. L., t. II, p. 88 ; au lieu de

DMS CILIVS il faudrait lire CILEUS

CAENONIS F SAENONI

APVLVS ANO.XV.M.I

EAECO F. APVLVS

V.S.L.M FALCO

V.S.L.M

M. Hùbner n'avait pas vu lui-même cette inscription et l'a donnée d'après la copie de Philippe Guena.

1. Cf. Holder, Altceltischer Sprachschat:(, t. II, col. 1450.

2. Tite-Live. édition Weissenborn, 1862, t. VI, p. ix ; cf. Mommsen, Rômiscbe Geschichte, 6^ édition, t. III, p. 29, 30; Revue Celtique, t. XV, p. 10, il a été dit que cette ville appartenait aux Berones.

3. Revue Celtique, t. XV, p. 18.

366 Périodiques.

XVI

La suite du mémoire d' A limer sur les dieux de la Gaule, d'Urobrocac à Vellannus, a paru dans la REVUiiÉpiGKAPHiQUE, t. V, no 120, p. 202-207.

XVII

M. A. de Loisne a recueilli dans des travaux de terrassements faits récemment à Arras des marques de potiers gallo-romains qui sont repro- duites aux pages 405 et suivantes du bulletin de la Société nationale DES ANTIQUAIRES DE FRANCE, 4e trimestre de 1906. Quelques-uns de ces noms de potiers paraissent gaulois : Beqiiro \ Erkus', Lairino, Lixia^, Rennicus *.

XVIII

M. E. Ernault a donné dans le Fureteur breton d'avril-mai 1907, des textes intéressants pour l'histoire de la langue bretonne. Ce sont des extraits en prose du Doctrinal ar Clnistenicn, in- 12, imprimé à Morlaix en 1628. M. Ernault avait déjà tiré de cet ouvrage dix-neuf cantiques dont il a publié le premier en 1891 dans le t. XVIII, p. 114-124, du Bulletin de la Société arcJiéologique du Finistère^, les dix-huit autres dans V Archiv jûr cdtische Lexicographie, t. I (1900), p. 214-223, 360-593, 556-606, en y joignant, p. 606-627, ^" " Index des formes et expressions notables non mentionnées dans son Glossaire moyen-breton » (1895). Dans cet index, comme au début du texte en prose inséré dans le Fureteur breton, on peut remarquer un nom du démon a:iraouant ^, aujourd'hui aerouanl := air-rouant, c'est-à-dire « roi des serpents » ; cf. rouant-ele^ « royaume ».

Le Doctrinal ar Christenien a été traduit du français par le breton Tanguy Guegen qui en a donné une première édition en 1622 sous le titre de Doclrin ar Christenien. De cette édition M. J. Loth a extrait un cantique qu'il a inséré en 1890 dans sa Chrcstoniathie bretonne, p. 299-301. Le texte primitif était espagnol et au jésuite Jacques Ledesma^.

L'article suivant est intitulé : The de la Villeniarqué Bubhle et signé Keranborn. Je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai dit du vicomte Hersart de La Villemarqué dans l'article nécrologique publié en 1896, Revue Celtique, t. XVII, p. 76-79.

1. Holder, Altceltischer Sprachschat^, t. I, col. 364.

2. Ibidem, col. 1463.

3. Cf. Lixa, Holder, Altceltischer Sprachschuti, t. II, col, 275.

4. C{. Renicus, ibidem, col. 1127.

5. Cf. Revue Celtique, t. XII, p. 411.

6. Airouant dans le Catholicon de Lagadeuc.

7. Brunet, Manuel du libraire, 5= édition (1862), t. III, p. 919; Sommer- vogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus (1893), ^- ^^ > '^o'- 1648-1650.

Périodiques. 367

XIX

Les livraisons d'avril, mai et juin de I'Irisleabhar na gaedhilge, contiennent la suite donnée par M. Sean OhOgain, d'une édition de la pièce intitulée Brisleach Mhor MJ)aighe Mhuirtbeiiiihiie. Il ne faut pas confondre cette pièce avec celle qui, à peu près sous le même titre, Breslech Maige Murtbeinne, a été publiée par M. Ernst Windisch, Tdiii Ciialnge, 1. 2430-2812, p. 337-405, et qui se trouve dans le Livre de Leinster, p. 75, col. 2 à p. 79, col. I ; dans le Lehor nu bUidre, p. 77, col. 2 à p. 81, col. 2. Ce que M. Sean ÔhÔgain nous fait connaître est une composition plus récente, dont la date reste à fixer.

XX

M. H. Schuchardt a donné au tome XXX, p. 712-732, de la Zeitschrift FUR ROMANISCHE Philologie un article fort savant sur les noms de pois- sons réunis dans le Latercuhis de Polemius Silvius, qui date de l'an 449 après J.-C. Ce texte latin a été publié par Mommsen dans les Momimenta Gernianiae bistorica, in-40, Aitctonini antiquissinioruw, tomtis I, p. 518-551, et les noms des poissons y sont réunis à la page 543, 1. 5-18. M. Schu- chardt se proposait pour but de compléter les notions réunies dans un excellent mémoire de M. Antoine Thomas publié dans le tome XXXV de la Romaiiia, p. 161-197, et intitulé : « Le Lalerctdus de Polemius Silvius et le vocabulaire zoologique roman. » M. H. Schuchardt propose une étymo- logie celtique pour le nom de poisson écrit aucoiavus par Polemius Silvius, et dont une variante aiicorago est donnée par Cassiodore, Variaruni, XII, 4, I ', et a été citée par M. A. Thomas, p. 169 du tome XXXV de la Ronnuiia. M. Schuchardt considère ancorago comme la forme vulgaire d'aii- conigus, faute qui, chez un écrivain du vi^ siècle, ne doit pas nous étonner. Il croit qu'aiico-ragiis ou aiico-raco'! est un composé et a le même sens que l'allemand bakenlacbs, « saumon crochu », c'est-à-dire saumon mâle ainsi nommé à cause de la forme crochue de sa mâchoire inférieure. Du thème celtique *aiico- dérivent l'irlandais ècalb = "ankato- « hameçon » et le bre- ton ankoc « luette » ^ Le thème * raco- *rago-sti trouve dans le gallois rbag- qui, employé comme nom, signifie « front, entrée », et, employé comme préposition, « devant » ; en breton rak ou rag a seulement ce dernier sens. Le sens littéral d\incorago serait donc « qui a le devant crochu ».

1. Monumcnla Gervimiiae bistorica, in-40, Aiictorum antiquissiinorum, t. XII, édité par Mommsen, p. 362, 1. 20. On ne comprend pas pourquoi, sous l'influence du latin ancliora, Mommsen, d'accord avec les précédents éditeurs, maintient l'orthographe aiichorago (Du Cange, édition des Béné- dictins, t. I, col. 418, édition Favre, t. I, p. 241, au mot ancJiora ; Migne, Patrologia latiita, t. LXIX, col. 857 A), tandis que les mss. portent aiicorcigo sans /j, comme l'a constaté Mommsen, p. 515 de son édition précitée.

2. Victor Henry, Lexique étymologique des mots les plus usuels du breton moderne, p. 1 1 ; cf. Whitley Stokes, Urkelliscber Spracbscbat^, p. 32.

;é8 Périodiques.

XXI

Dans I'Anthropologie, t. XVIII, de janvier-février-mars-avril 1907, nous signalerons, p. 127-139, un article du D"" Hamy, intitulé « Les premiers Gaulois ». C'est une étude sur des ossements et divers objets trouvés dans des tumulus de Franche-Comté et de Lorraine. La conclusion est qu'à la fin des temps néolithiques est arrivée en Lorraine et en Franche-Comté une race brachycéphale qui apportait le bronze; ce seraient les Protoligures, auxquels aurait succédé une race dolichocéphale, celle-ci apportait avec elle des armes de fer, c'étaient les Gaulois.

H. d'ArBOIS DE JUBAIN VILLE.

Le Propriétaire-Gérant, H. CHAMPION.

MAÇON, PROTAT FRÈRES, IMPRIMEURS

SUR L'ORIGINE DE LA DISTINCTION DES FLEXIONS CONJOINTE ET ABSOLUE

DANS LE VERBE IRLANDAIS

La désinence primaire active de la 3" personne du singulier est la môme pour les types thématique et athématique en indo- iranien, en germanique, en italique et aussi en vieux slave : skr. âsti, âàdâti et hbârati, zd asti, dadâiti et haraiti, got. ist et bairi'^, osq. est et faamat, v. russe jesfï, dasti et beretl (v. si. jestn, dasin et heretïi); la désinence secondaire cor- respondante est dans les deux types une simple dentale finale : skr. àbharat, zd barat, got. bairai (ancien optatif), osq. prùfatted, v. lat. fêced, v. si. pade (en regard du présent padetu); le vieil arménien oppose de même eber « il a porté » à berê « il porte ».

Deux langues offrent dans ces désinences primaires un contraste entre le type thématique et le type athématique : le grec et le baltique.

Le grec oppose è'a-t, dor. oiow-ït (ion. -att. oioMai) à oép-i. La forme ç^psi, qui n'a de correspondant exact nulle part, doit avoir été refaite sur la 2^ pers. œéps'.;; elle est du reste para'.lèle à la 3" personne secondaire à'^spe, à côtéde lœspsç. Quelle que soit l'explication de ofpsi, il demeure que l'une des langues indo-européennes les plus anciennement attestées, le grec, a des finales différentes dans le type thématique et le type athé- matique; et tout se passe comme si la 3'' personne primaire thématique <iép=i avait la même désinence *^t que la 3* per- sonne secondaire sçsps = skr. àbharat, arm. eber.

Par une coïncidence curieuse, les trois dialectes baltiques ne présentent la désinence -// que dans le type athématique : lit.

Revue Celtique, XXJ'III. - 24

370 //. Mcilh'l.

èsti,dûsh, lëkt(i\ v. \ettc pallcckl, v. pruss. ast, aslils, clâst, v. Porzezinskij, K isiorii form sprja^euija, p. 44 et suiv. Par ail- leurs, tout se passe comme si la désinence de la y personne du présent était *-/, qui tombe naturellement ; et d'ailleurs, le bal- tique n'offre aucune distinction entre les désinences primaires et secondaires. On ne s'explique guère cette confusion des deux séries de désinences que la phonétique ne provoquait pas. La 3" personne du singulier qui est devenue en baltique la 3^ personne commune à tous les nombres a pu en fournir le point de départ, si comme en grec, le type thématique y avait pour désinence *-/ et non *-//.

En présence de l'accord de toutes les autres langues, on serait tenté de ne voir qu'un accident fortuit dans la coïncidence du grec et du baltique, coïncidence qui n'est du reste pas com- plète ; car le lit. lëka ne répond pas exactement au gr. Aei-izei. Toutefois il est à noter que le lituanien et le grec s'accordent à conserver dans le type thématique, pour les deux autres personnes du singulier, de vieilles formes avec désinences dis- tinctes de celles du type athématique : lit. lëkii = gr. av.-m, lit. lëkî = gr. Kzir.zi-;. Et surtout, il faut tenir compte d'une troisième langue, l'irlandais,, dont la situation est toute parti- culière; il y a d'autant plus lieu d'envisager à cet égard l'irlandais que, commae on a essayé de le montrer, le type de 2^ personne lit. Ick), gr. Xsfes'.ç s'y retrouve (v. M. S. L., XIV, 412 et suiv.).

L'irlandais ne distingue pas entre désinences primaires et secondaires : l'aoriste y a les mêmes désinences que le présent. Mais il distingue entre formes conjointes (munies de préverbes ou précédées de la négation) et formes absolues (sans aucun préverbe); à la V^ personne du singulier, la forme absolue a la désinence du type athématique : bcriiii, et la forme conjointe la finale du type thématique : do-biur; à la 3'' personne du pluriel, la forme absolue est bt'rit = dor. oépivri, tandis que la forme conjointe do-herai repose sur * bhcroiit; Vo est encore visible dans tu thcgot « qui vont » du sermon de Cambrai, cf. gr. à'aTsr/cv. L'hypothèse de M. Zimmerque l'indo-européen aurait employé les désinences secondaires avec les formes verbales munies d'un préverbe ne repose que sur le seul témoignage de l'irlandais; elle est dénuée de toute vraisemblance, car le préverbe était en

i

Flexions coiijoiiilc cl absolue (huis le verbe irliiinlais. l'ji

indo-européen un mot rigoureusement autonome et ne pou- vait par suite exercer pareille action sur la forme verbale; au surplus le contraste entre berim et lio-biur n'est pas celui entre désinences primaires et secondaires. Tout s'expliquerait si Ton admettait une différence entre l'athématique * fi//, qui a donné irl. is, et uneforme thématique *ur(//;t'/ (cf. lit. vcda « il conduit »), quia donné la forme conjointe -fcid. La forme absolue fedid (anciennement fcditli) aurait reçu la désinence du type athéma- tique, comme la i""*^ personne /t'J///^ ; la différence entre la dési- nence primaire et la désinence secondaire à la 3" personne du plu- riel proviendrait d'une action analogique. Les formes théma- tiques sans préverbe, qui ont au singulier des désinences de type athématique_, devraient ces formes à l'influence du verbe « être », qui apparaît en effet sans préverbe en irlandais : am « je suis, » is « il est » ; les anciennes désinences courtes avaient au contraire chance de se maintenir dans des formes que l'addi- tion d'un préverbe, déjà soudé à demi, allongeait. Il résulterait de cette hypothèse que l'irlandais aurait conservé les trois formes anciennes du t3'pe thématique dans la flexion conjointe : -biur, cf. lit. vedù; -bir, cf. lit. vedi ; -beir, cf. lit. vèda (avec un autre vocalisme). Seule, la y personne du pluriel du type conjoint ne représenterait pas l'ancienne forme thématique (en faisant abstraction des i'"'^ et 2^ personnes du pluriel sur lesquelles on ne peut rien dire); les trois personnes du singulier du type absolu berim seraient nouvelles; et seule, la 3^ personne du pluriel berit répondrait au type indo-européen de skr. bhâranti, dor. oépovT'., got. bairand, lat. feriint.

Le slave fournit peut-être un quatrième témoignage en faveur d'une désinence*-/ comme désinence primaire de la y personne du singulier dans le type thématique. Le vieux slave a beretû, le vieux russe berefï, et le russe moderne conserve encore le -/ ; mais la plupart des langues slaves modernes ont des formes du type serbe nèsê, petit russe iiesé, etc. Et ces formes sont très anciennes; elles apparaissent dès le plus vieux serbe, dans le seul vieux texte slovène (monuments de Freising), etc. ; même les textes vieux slaves ont sporadiquement badeà côté de badctû « il sera », et les formes de ce genre sont fré- quentes dans le Suprasliensis (manuscrit vieux slave, mais dont certaines formes diffèrent notablement de celles des autres

372 A. Meillel.

textes). Il est vmi qu'on rencontre aussi dès le début de la tradition je à côté de jestu ; néanmoins la seule désinence en -/ que conserve le polonais est jest (et aussi v. Tpo\.jes'c'); le tchèque -àjesl ( à côté de je), et le serbe jest accentué côté de je enclitique) ; or on ne conçoit pas comment nesetî pourrait passer à *nese; il n^y a pas d'autre exemple d'une pareille altération en slave; il faut partir d'une forme à désinence *-/; V. r. nesetl, v. si. neseln auraient donc subi l'influence des présents athématiques. L'identité des 3" personnes du pluriel sg,tû et berçLtû suffisait à déterminer cette influence analogique. La quantité longue de 1'^' dans serbe Hêsê par opposition à l'aoriste né'se, ne s'expliquerait donc pas par un ancien * nesetî, mais par l'influence de la 3^ personne du pluriel nèsû, issue de nesatù (cf. -u bref issu de -g à la 3^^ personne du pluriel de l'imparfait serbe).

Ainsi les quatre langues il y a trace d'une 2^= personne thématique primaire du type de lit. vedl ont aussi trace d'une 3^ personne thématique primaire à désinence *-t. Cette forme a dès lors toute chance d'être la forme indo-européenne ; et si elle a été généralement éliminée, c'est que le parallélisme de skr. bhàranti et sànti entraînait naturellement une réfection de * bharat en bhâràti d'après âsti; et ainsi dans toutes les autres langues. L'indo-iranien, la nasale finale a conservé la forme -m, et par suite le contraste entre la désinence primaire -mi et la désinence secondaire -m était très clair, a généralisé l'emploi de -/ pour caractériser la désinence primaire ; et il a même à la r*-' personne du pluriel -niasi en iace du dor. -[j.sç. Pour la même raison, l'italique marque nettement le contraste entre -tÇi) primaire et -d secondaire. L'arm. berë « il porte » prouve peu de chose, puisque la i'" personne bereiii « je porte » n'a pas conservé la finale de gr. sipio, got. baira, lat. fera, etc. La plupart des formes du type *bhereti, dont l'accumulation semble au premier abord garantir l'antiquité, sont donc susceptibles de s'expliquer par des innovations analogiques ; et il y a lieu de croire que les trois personnes primaires du singulier avaient en indo-européen des dési- nences différentes dans les deux types thématique et athé- matique; les vieilles appellations de verbes en -o) et verbes en -[j.i trouvent ainsi une curieuse justification.

Fh'xioiis conjointe el absolue dans Je verbe irlandais. 375

L'italo-celtique a donc reçu d'une part une flexion thématique les trois personnes du singulier n'avaient pas d'/final, de l'autre une série de désinences dites secondaires, dont aucune n'avait d'f final. De sont sortis des résultats bien distincts suivant la langue. L'irlandais n'exprime plus le temps au moyen de désinences suivant l'usage indo-européen; il a fondu la série secondaire dans le type thématique et a créé une répartition toute nouvelle des formes qu'il possédait thématiques et athématiques, primaires et secondaires en en réglant l'emploi suivant la présence ou l'absence de préverbes ou de négations. L'osco-ombrien a généraUsé le type athématique à -i final dans la série primaire (donc au présent) : la 3^ per- sonne du pluriel, où, dès le début, -/ final se trouvait même dans le type thématique, a servi de modèle; la série secondaire a été affectée aux temps passés ; les voyelles brèves finales étant tombées, le contraste se marque par l'emploi de la sourde -f à la 3^ personne sing. du présent, et de la sonore -d à la forme correspondante du passé. Le latin a sans doute eu la même distinction que l'osco-ombrien, et le-^ de la vieille forme épigraphique feced en est la trace ; mais à l'époque classique, la forme qui représente le type à i final a seule subsisté, et l'on a également facit et fècit dans tous les textes littéraires. Le latin et l'irlandais ont donc, par des procédés difi"érents, éliminé la distinction indo-européenne des dési- nences priniaires et secondaires; c'est que cette distinction n'a guère survécu, en servant à l'expression du passé, que l'emploi de l'augment complétait et précisait l'expression : dor. oépzv-i et 'i'i^pov, skr. bhàranti et àbharan s'opposaient suffisamment ; partout ailleurs, le passé a reçu un signe propre : dès lors la diflférence entre lat. ferunt et ferebant était assez grande pour n'avoir pas besoin d'être soulignée par la dési- nence. La création des deux séries, absolue et conjointe, du verbe irlandais résulte donc de la perte de la distinction des désinences primaires et secondaires du verbe ; ainsi même sur ce point, l'irlandais présente une innovation si originale, un certain parallélisme apparaît encore entre les développements latin et irlandais.

A. Meillet.

LES LANGUES ROMANE ET BRETONNE EN ARMORIQUE

Depuis que les études celtiques sont entrées dans une voie scientifique, les écrivains compétents sont tombés d'accord que le breton était une langue insulaire importée de toutes pièces en Armorique et que la langue parlée dans la péninsule, à Tépoque de l'émigration, était une langue romane. On peut, en effet, affirmer que non seulement l'organisme entier du breton est le même que celui du comique et du gallois, mais même qu'en dehors des emprunts romans continentaux et français, le vocabulaire est complètement brittonique. Les noms ethniques, l'hagiographie, les traditions entièrement insulaires ne font que confirmer le témoignage déjà suffisant de la linguistique. Enfin, j'ai achevé la démonstration dans mes Mots latins en montrant que les noms de fmidi gallo- romains si nombreux en Armorique (on en compte plusieurs centaines) étaient indiscutablement en évolution romane au moment ils ont été adoptés par les Bretons. Et ce fait peut se prouver sur toute l'étendue du territoire occupé. Le nom breton d'Ouessant en est une preuve. Uxisama n'est pas devenu Ochav mais Oesav (ix^s. Ossani), ce qui atteste l'évolution par Oy-: Oessav est régulièrement devenu Ossav Çd. eus, est, gall. ces. reustl = gr. rhwystr. Les habitants d'Ouessant s'appellent Ossâis (pour Ossàvis). Les noms de fnndi en -ac dans le Finistère ne sont pas bien nombreux pour des raisons que j'ai exposées ailleurs. On peut cependant citer les noms de paroisses : Yuliac, ancien nom de Tréméven, près Quimperlé, Britbiac, Briec pour Briac, Scrignac, Irvillac, Mellac. Il y a

Les langues roiiKiiie el bretoiiiie en Armorique. 375

aussi des noms de villages : en Landunvez, Poiil CaUac ; en Plabennec, CaJlac; en Audierne, P^/t Cadillac; en Landeleau, Lan^ignac; en Trémaouézan, )]ies Tignac. Il y a des emprunts importants faits sur place, qui ne se retrouvent pas en Galles et en Cornwali. Le mot villare a donné le nom de paroisse Guilcr dans le Finistère, GiiiUicrs dans le Morbihan français. De plus, il y a, dans un très grand nombre de communes, notamment du Finistère, des gitiler ' avec le sens de sortie du bourg, place publique; à l'île de Batz, le giiiler (le mot est régulièrement féminin) est un terrain vague servant de place. Il y a une paroisse de Bcuxit dans le Finistère : Benoit vieux-bret. biisit ^ Biisîtitm. Les Faouet ^= Fagèt nui sont nom- breux. Il y a des paroisses de Peumerif qui remontent à Ponia- rJtmn, avec une seule ///, car Poinnierit dans le Trégorrois, se prononce Pàvrif. Il y a près Saint-Brieuc un bourg d'Etables représentant stahuliiin : on dit en breton Staol, etc.

L'étude des noms de lieux prouve aussi ce qui, à priori, était vraisemblable, que si l'émigration et la prise de posses- sion d'une partie considérable de l'Armorique a été rapide, le roman, en pleine zone actuellement bretonnante, a résister assez longtemps. On peut affirmer hardiment d'après l'étude des noms de lieux gallo-romains que les Bretons, à la fin du vj^ siècle, occupaient à peu près comme surface la zone nous les trouvons établis à la fin du ix% mais, ce que n'ont pas vu ceux qui se sont occupés de la question, c'est que dans l'intérieur de cette zone bretonnante, il y avait des îlots romans et que le roman a survivre assez longtemps encore après; même en zone bretonnante actuelle, on en trouve des preuves évidentes. Qu'il me suffise de citer Saille près Gué- rande, on parlait breton, il y a encore peu de temps et qui vient de Saliacutn; Séné près Vannes : les habitants s'appellent eux-mêmes Senegô-iv, si bien qu'en français on dit des Sénagos : le nom des habitants est tiré de Senacinn, mais Séné prouve la persistance du roman au moins jusqu'au vii"^ siècle.

11 en est de même probablement de Redené (Morbihan) : cf. Radenac dans le même département. Le nom de Br ivet da.ns

I . On trouve Giiilar et Giiiler : o-iiilar = villare et o^uiler = villariitm. ?

376 /. Lolb.

la Loire-Inférieure, en zone, il y a peu de temps encore, bre- tonnante, suppose une évolution romane assez prolongée, puisque le nom de l'époque gallo-romaine est Brivates. Au contraire le Coudât nom d'un ruisseau non loin de Vannes, probablement au confluent du Liziec avec une autre rivière, (car on appelle indiff'éremment le même ruisseau I,/~/Vr et Conâat), a été surpris plus tôt'.

Cette question se lie à une autre : jusqu'à quel point la zone le breton a été parlé au moment de sa plus grande exten- sion, c'est-à-dire la fin du ix'^ siècle, a-t-elle été bretonnisée?

Tout d'abord, jusqu'où^ au moment de sa plus grande poussée, le breton s'est-il étendu?

Le cartulaire de Redon nous renseigne en partie, sur une zone étendue du territoire breton, au moment même le mouvement d'expansion bretonne montre le plus de vigueur, c'est-à-dire spécialement la seconde moitié du ix^ siècle. Il ne me paraît pas douteux que si des événements historiques bien connus n'étaient venus l'entraver, les Bretons n'eussent réussi à s'assimiler même les régions romanes du Nantais et du Ren- nais. Ils avaient déjà entamé la rive gauche de la Loire avant l'époque Erispoe, pour des raisons stratégiques et politiques faciles à donner, enleva aux Francs et à l'évêché de Poitiers le pays de Retz : Paimbeuf (Penbo) et Pornic sont de fonda- tion bretonne. Quoi qu'il en soit, on peut, à l'aide de l'étude des noms de lieux actuels, jointe à celle des chartes les plus anciennes, déterminer assez exactement l'extrême limite de la langue bretonne à cette époque. M. de Courson tait passer cette limite au ix" siècle, en partant des bords de la Loire à gauche de Donges et en allant rejoindre la Vilaine un peu plus loin que Bourg-des-Comptes, par Brambu, Cambon, Quehil- lac, Quilly, Pierric, Fougeray. En quittant la Vilaine, la ligne passait par Mordelles, Langan, Langouet, Lanrigan, Cuguen et aboutissait à l'embouchure du Couesnon. M. de Courson s'est appuyé sur les chartes, mais ne les a pas toujours bien interprétées. J'ai fait remarquer que sa Trefflicbe Karfe (Zim- mer) = ndiuirabl niap (Phillimore) était bâtie sur des fonde-

I. J. Loth, Revue Ce]t!'(]uc,XXll, p. 104-105.

Les lanoues romane el brefoinie en Arniorique. 377

ments quelque peu branlants et qu'elle renfermait des erreurs, et surtout une énorme lacune ; elle ne mentionne dans l'inté- rieur de cette vaste zone aucun îlot roman. En étudiant les noms de lieux et le cadastre des différentes communes, je crois pouvoir dès maintenant rectifier cette ligne de démarcation : la ligne part de la Loire à l'est de Donges en l'englobant, laisse à droite Savenay, Nozay en englobant Blain, le Gavre, tra- verse Marsac, Luzanger en passant entre Conquereuil et Jans, laisse un peu à droite Bains, Poligné, Pléchâtel, Bourg-des- Comptes, Laillé, Pontréan, Bruz, Moigné, le Rheu, l'Her- mitage, Parthenay, Gevezé, Vignoc ; traverse Langouet, Saint- Gondran, Saint-Symphorien, Guipel, Bazouge-sous-Hédé,Mar- cillé-Raoul, Noyal-sous-Bazouges (en les laissant à droite), Cuguen ; laisse un peu à droite Trans, Plaine-Fougères, Sains et va aboutir à la mer, à l'est de Roz-sur-Couesnon.

L'étude des chartes et des cadastres des différentes com- munes a été mon critérium. J'ai trouvé dans toutes les com- munes englobées par cette ligne, ou des noms de fnndi en -ac, ou des noms de village nettement bretons et d'origine sûre- ment ancienne. Il ne faudrait pas croire toutefois qu'il n'y ait pas eu des Bretons bien au delà de cette ligne. Après les con- quêtes de Nomenoé et Erispoé, les Bretons s'établissent dans les zones françaises du Nantais et du Rennais, surtout sur les frontières ils fondent de puissantes seigneuries et ils nous apparaissent entourés de gens de leur langue : c'est ce que M. de la Borderie a parfaitement mis en lumière dans sa Géographie féodale de la Bretagne. Dans la Loire-Inférieure : à Teille, il y a un Roscoiiet; à Sion, Queneux (au xvii"^ ^''''- neiic); à Saint- Viaud, un village de Mn:^iUac; à Issé, Coeireiix, à Saint-Père-en-Retz, Coetitrgaut; à Coueron, Le Oitilly; à Nozay, Treffieux; à Rougé, Lauguediin, Le Cadieit ; à la Chapelle-sur-Erdre, Limeur (Lis meur). A Juigné, sur les limites de l'Anjou, dans une charte de 1062-1070 (Cart. de Redon 234), la plupart des signataires sont Bretons; à Sainte-Marie-de-Machecoul, en 1055 Qbid. 264), il en est de même. A Sainte-Opportune en Retz', en 1045, il y a un pro-

1. De Brous.;illon, dirtiiî. de Vahhayc de Soiiit-Aithiii d'Amrers,!!, p. 389, 391.

578 /. Lolh.

priétaire du nom de Simon fils de Coiiallen qui abandonne ses droits à Saint- Aubin d'Angers ; parmi les témoins sont Gle- vehen, Jonargon (Jarnegon) ; dans un autre acte de la même époque, au même lieu situé sur la rive droite de la Loire, Gradelon, un prêtre^ cède la dîme quam ipse donaverat pro filio siio Janiegonio monachando : un témoin s'appelle Alan fils d'Arscoid. Il faut bien se garder d'en conclure qu'à Juigné, et à Sainte-Marie-de-Machecoul, la langue bretonne fût parlée couramment ; les noms de lieux sont entièrement français, et nous constatons chez les gens h nom breton, et probablement d'origine bretonne, un commencement de francisation ; c'est ainsi qu'à Juigné, Kenmarhoc est surnommé Pupart. Si deux fils de la dame Guenno s'appellent Brient et Hervé, un troi- sième est appelé l'ablatif) Bovc. Au ix^ siècle surtout, il en est un peu des noms bretons dans le cart. de Redon, comme des noms germaniques : ils ne prouvent pas d'une façon déci- sive la nationalité. Pour les noms germaniques on peut même aller plus loin : quoiqu'il y ait eu sous l'empire romain, des Leti Frauci dans le Rennais, les porteurs de noms germaniques sont des Gallos-Romains. Les noms de lieux sont, en effet, gallo-romains en zone de langue française. En zone breton- nante, les noms de lieux sont, en général, bretons ou, s'ils sont d'origine gallo-rom.aine^ portent l'estampille bretonne.

Je pourrais donner ici les preuves justificatives de ma ligne de démarcation, mais je n'ai pour but que de donner un aperçu des résultats de mon travail, qui n'est pas terminé dans toutes ses parties. J'ai fait un dépouillement à peu près complet du cadastre de toutes les communes sur lesquelles, en dehors de la zone bretonnante actuelle, la discussion peut porter; j'y ai joint l'étude des cartulaires et chartes qui peuvent fournir des maté- riaux, mais je n'ai pu encore tout compulser. Ces documents, commune par commune, constituent déjà un répertoire important qui s'enfle de plus en plus et aboutira peut-être à un ou deux volumes. Le lecteur y trouvera les preuves de ce que j'avance.

La seconde question : jusqu'à quel point la zone occupée par les Bretons de langue a-t-elle été bretonnisée, se lie à une autre souvent agitée mais à laquelle on n'a répondu que

Les langues romane et hrelomie en Armorique. 379

par des hypothèses en l'air : pourquoi la langue bretonne a-t- elle reculé aussi brusquement du x^ aux xi'^-xii^ siècle ? Il faut évidemment repousser la solution proposée par M. de la Bor- derie et d'autres : ce recul serait à la conquête Scandinave du x" siècle. Pendant une trentaine d'années, les Scandinaves furent, en effet, maîtres de la péninsule. L'an dernier on a découvert sur la côte de l'île de Groix, un tumulus de chef incinéré dans sa barque de guerre, avec des armes en quantité et 21 boucliers dont Vumbo reste. MM. Montélius, Stjerna et Sophus Millier mettent ce tumulus, d'après les objets, à la fin du ix*" ou au commencement du x'^. L'île de Locoal, en 1037, était la propriété d'un Scandinave portant un nom breton, Gurki {Cart. de Redon, p. 32e). Une partie importante de la population émigra en Angleterre et en France. Tous ne revinrent pas évidemment. Ce fut surtout l'élément guerrier et possédant qui fut amoindri : les panperes Britanni, comme dit la Chronique de Nantes ' restèrent sous la domination étran- gère. Les ravages avaient déjà commencé au milieu du ix^ siècle, mais les établissements n'avaient pas été durables, et les envahisseurs subirent à plusieurs reprises de sanglantes défaites. Il ne faut pas oublier non plus qu'à cette époque Bretons et Scandinaves étaient parfois unis pour ravager les territoires français.

J'ai déjà fait remarquer dans mon Émigration bretonne, p. 193, qu'il était invraisemblable que même la partie de la population qui avait émigré et qui était revenue eût oublié sa langue nationale et rapporté le français, en un espace de temps aussi court. Il faut ajouter que les chefs émigrèrent plu- tôt en Angleterre. Enfin, comme le dit la Chronique de Nantes,

I. On a beaucoup exagéré la portée d'un passage de la Chronique de. Nantes (éd. Merlet, p. loi, ch. xxxiv) d'après lequel, Alain-Barbe-Tortc aurait obtenu de Louis d'Outremer que le serf ou coUibert qui viendrait s'établir en Bretagne, v demeurerait libre et ne serait pas réclamé par le roi. La raison donnée par la Cbrouigiie, c'est qu'Alain voulait peiipter (populare) son pays par crainte d'un retour des invasions Scandinaves. Ce fait n'est confirmé nulle part. Ce qui paraît certain, c'est que les serfs auraient été affranchis à cette époque. Rien n'est plus significatif et ne confirme plus clairement ce que je viens de dire : c'est que c'est surtout la population de langue bretonne, qui allait éprouver le besoin de combler les vides qui s'y étaient produits.

380 /. Lolh.

les panperes eux étaient restés, et si leur langue s'était modifiée, c'est qu'ils auraient appris un peu de Scandinave. Ce sont les côtes du Morbihan et de la Loire-Inférieure qui ont été le plus fortement occupées ; or le breton y persiste encore et a persisté dans toute la péninsule guérandaise jusqu'à une époque toute récente; et justement, dans la zone nord, c'est l'intérieur des terres, dans la partie la plus à l'abri des ravages, que le breton a le plus vite reculé. Dans la zone du littoral de la Manche, le recul du breton au delà de Saint-Brieuc, a été également assez rapide. J'en ai conclu que, dans la zone qui, du x^ au xii'^-xiii'^ siècle avait perdu le breton, le roman n'avait pas cesser d'être parlé. L'élément breton, par la domination et les ravages des Scandinaves, y a été affaibli au profit de l'élément roman. Une autre cause d'affaiblissement plus importante peut- être, c'est la conquête du pays français de Rennes et de Nantes. Les chefs bretons s'y établirent avec de nombreux clients, et ne tardèrent pas, par des alliances et dans le pays et en France, à se franciser, et à adopter la langue et les mœurs des popu- lations parmi lesquelles ils vivaient. A ce propos, je ne puis laisser passer une énormité dont la responsabilité revient à Zimmer, mais que j'ai retrouvée aussi reproduite par J. Rhys' : c'est que les Bretons auraient été francisés par les Normands. Cela prouve une connaissance par trop incomplète de l'histoire de Bretagne. Je laisse de côté les questions oiseuses de la suze- raineté de la Bretagne cédée à Rollon par Charles le Simple. Cette suzeraineté n'a aucune importance et n'a été effective qu'à la suite de la conquête de l'Angleterre avec l'aide des Bretons, de mariages qui ont amené des Normands de Neustrie au duché, et de la prépondérance des rois d'Angleterre, notamment sous Henri IL Les zones les plus exposées à l'in- fluence des Normands de langue française étaient romanes et françaises bien avant l'établissement de Rollon.

Un simple coup d'œil jeté sur la carte de la zone breton- nante du ix^ siècle, nous montre dans l'intérieur de cette zone des paroisses dont le nom a subi l'évolution romane et française, quoique la langue bretonne y fût (en partie) parlée :

I. Tbc Arthuridu li'i^i'in], p. 375, 376.

Les langues roiiniiie cl breton ne en Annonque. 381

dans rille-et-Vilaine : Cherrueys, Vildé, le Vivier, la Goues- nière, Ja Fresnaie, Tressé, Le Tronchet, Bonnemain, Lour- mais, Bazouges-sous-Hédé, Dingé, Bécherel, Hédé, Montau- ban, Crouais, Bédée, Breteil, Romillé, Cintré, Mordelles, Bréal, Chavanne, Lassy, Maure, Lieuron, les Brûlais, Fouge- ray. Bains, Brain; dans la Loire-Inférieure : Conquereuil, Blain, Plessé, Nozai, Bouvron, Fay, Besné, Montoir, Saille, Donges; dans le Morbihan : Les Fougerets^, Malestroit, Cour- non, la Gacilly, Rochefort, Mauron, Lanouée, Josselin (xii'-' s.) etc.; dans les Côtes-du-Nord : Matignon, Corseult, Bour- seul, Guitté, Caulnes (C- est à l'influence bretonne), Col- linée, La Bouillie, Broons, La Ferrière, La Chèze, Gausson, Moncontour, La Malhoure, Quessoy, Le Fœil, L'Hermitage, La Motte. Dans le Finistère, La Feuillée paraît devoir se ran- ger parmi les noms en évolution. La forme la plus ancienne est an Folleâ (xii-xiii'^ s. : Chrest., 204), mais on prononce aujour- d'hui ar Foityes, ce qui peut faire supposer que le d final de Folhd est une spirante sourde. Cependant il y a aussi dans cette zone des exemples de d final conservé : dmives (^Chrest. 372). FoJled = Folied est d'origine romane, et remonte à Folied = foliûda ' : ce serait un mot en évolution française des plus intéressants. Il y a dans le Finistère des noms de lieux français, mais ou bien ils sont assez récents, ou ce sont des traductions (Port-Launay), ou de mauvaises transcriptions. On remarquera que dans la partie bretonnante actuelle du Mor- bihan et des Côtes-du-Nord, peut-être en faisant les mêmes réserves, à part Séné et Redené, il n'y aucun nom de paroisse en évolution française. Auray est une francisation : en breton, on ne connaît quJlré.

Cette proportion si considérable de noms de lieux impor- tants témoignant clairement d'une origine romane et de l'évo- lution française dans la zone anciennement bretonnante et aujourd'hui française, tandis qu'il n'y en a pour ainsi dire pas dans la zone actuellement bretonnante, est déjà une preuve suffisante de la présence d'une population de langue romane puis française au milieu de la population de langue bretonne.

I. CL foillci, feuillée, feuilles : Eniault, Gloss. iiioy-bret.

382 /. Lolb.

Assurément un certain nombre peuvent ne pas être d'une haute antiquité, mais comme ce sont des noms de paroisse, même en l'absence de documents précis, on peut être sûr qu'ils sont en général anciens. Il y en a dont la forme suffit, comme Romillé, Guitté, Bi'eteil^, Bréal, etc.

Dans la zone mixte, non seulement les noms de paroisse à évolution française sont assez nombreux, mais on relève des noms de lieux évidemment très anciens, d'origine gallo- romaine, qui ont évolué en dehors et indépendamment du breton qui y était aussi parlé :

Dans l'Ile-et-Vilaine à Goven : La Combe (en breton Coniii, assez fréquent dans le Finis.tère); à Saint-Uniac, Monterfil, Bédée, Lanrigan, Iffendic : Le Pommeret; à Maxent, la Combe, à Saint-Suliac : Champagne.

Dans les Côtes-du-Nord : à Vildé-Guingalan, à Saint-Glen, à Trémuson, à Henansal, au Caïubout : Le Pommeret; à Étables : La Combe; Plédéliac : La-Coiiibe-ês-Fourneaux; à Saint- Ygneuc : Les Combes.

A côté des noms de villages en -tac, on en a en : à Mor- delles : Marigné, Vincé, Calignc; à l'Hermitage : Marigné; à Guichen : le pré Acignc; Crotigné à côté de Chauvignac qui est hybride; à Mont-Dol : le clos Foligné; à Meillac, à côté de 'Feriac, Villée; à Quédillac : La Villée; à Loscouet, Chauvigné: à Gahard : Vriguc.

L'étude des patois français renforce encore ma thèse; si le français s'était avancé peu à peu de l'est à l'ouest, il est évident que sur une zone si étendue on devrait se trouver en présence de formes d'époques diverses. Or, abstraction faite des formes purement françaises, les patois de la Bretagne présentent une réelle unité. Ils se rattachent plus spécialement au patois du Maine et de l'Anjou, et, comme eux, ont des traits com- muns avec les patois normands : le patois de l'Avranchain est très près du patois de la zone rennaise (sur ces questions v. Dottin, Glossaire du parler de P lécha tel ; cf. Gôrlich, Die nord- westlichen Dialekte der langue d'oïl : Bretagne, Anjou, Maine, Touraine, dans Fran:{ô:^ische Siudien, V, 3^ fasc. i88é; Annales de Bref., XI, p. Si, etsuiv. 415; XII, p. 551 ; XIII; XIV; etc.).

Quand s'est foit le recul du breton? A-t-il été aussi fou-

Les langues ronuiue el breloinu' eu Armorique. 3S3

dro3^ant qu'on le dit? Il tiiut tout d'abord fliire une réserve pour un certain nombre de communes le breton ne s'est éteint que récemment. Dans ce cas se trouve la plus grande partie de la péninsule guérandaise. A Batz et aux environs, on parlait encore breton dans ces derniers temps ; à Penestin, le breton s'est éteint au xviii^ siècle. En étudiant le cadastre, il m'a été facile de séparer cette zone peu étendue à l'intérieur, d'avec les autres. Dans ces communes le breton a.non seulement dominé mais a été longtemps exclusivement parlé. Je les englobe dans la zone bretonne pure en traçant plus loin la lia:ne de démarcation entre cette zone et la zone mixte.

Pour le reste, on peut poser en principe que le breton s'y est éteint du x'^ au xii-xiii^ siècle, dans certains endroits plus tôt, dans peu, plus tard. L'évolution française dans les noms bretons se montre de bonne heure : IVern (83e) s'écrit et sans doute se prononce Gtier en 1137 (Morbihan). La vocalisation de / en // qui ne se produit en breton que devant / ou d est, en dehors de ce cas, un fait français qui ne peut être postérieur au xii^ siècle : Canines ÇCaiiiies)', Pluiiiaugat (Malcat pour Maelcat), Plumaudan (vraisemblablement Maltan pour Mael- tan). Bauré-sur-l'Oust, près Redon, en Bains, était au ix*" s. Balrit. Corsent (ou anciennement Corsant) = CnriosoJites' est incontestablement le fruit d'une évolution française ancienne. Car pour mtT; les terminaisons en -oc, en -eue nous ramènent à peu près à la même époque, quoiqu'on trouve des noms en -eue en zone bretonnante, à une époque presque moderne. L'évolution, de th, â en h au xii"^ siècle est un tait plutôt français. Les terminaisons en -oc (Cardroc) montrent l'évo- lution bretonne arrêtée au x-xi" siècle.

Parmi les nombreux documents que j'ai rassemblés, j'en choisis un certain nombre qui suffiront à illustrer ma thèse : à savoir que dans une zone considérable de la Bretagne bre- tonnante, les deux langues ont coexisté, le breton dominant dans une grande partie des évêchés de Dol, Saint-Malo, Saint- Brieuc, Morbihan et Loire-Inférieure, sans étouffer le roman et sans faire disparaître de véritables îlots romans; que

1. ca est à l'inuencc bretonne ; j'y reviens plus tard.

2. évaluant d'une tacon bretonne Cûrio-soJitcs eût donné Kersolt et Kersoivt.

384 /. Lolh.

le breton s'est éteint dans cette zone mixte du x'^ au xii''- xiii'^ siècle, plus ou moins tôt, suivant les localités.

Ille-et- Vilaine. Xous avons la bonne fortune d'avoir dans le Cart. de Redon, des chartes concernant un certain nombre de paroisses de la zone mixte, en particulier Langon, qui n'est pas loin de Redon. Un examen superficiel n'y révélerait que du breton et on serait tenté de conclure que le roman en a disparu ; mais il y a toujours un indice sûr de la persistance de l'élément roman : c'est la présence d'hommes ou femmes à noms germaniques. Dans la charte la plus ancienne de 797 {Cart. Red., p. 147), des missi du comte Frodald Gautro et Hermandro viennent demander à un propriétaire breton du nom d'Anau, à quel titre il occupait Landegon, avec ses colons et sa terre. Anau répond qu'il le tient de ses aïeux et hisaïeux {avis et proavis) ce qui, entre parenthèse, suppose, si cela avait besoin d'être démontré, contrairement à ce que prétend M. de la Borderie, que la zone à l'est de Vannes était au pouvoir des Bretons, bien avant la fondation de l'évêché de Redon et même le commencement du ix' siècle. Les scabini de Frodald, tous Bretons (Sullon, Altroen, Catlouuen, Uuore- thael, Juduuallon, SicVi) exigent qu'Anau jure avec douze témoins : sur ces douze témoins, deux ont des noms germa- niques ou romans : Travert, Risbcrt. L'acte est fait à Langon ; parmi les témoins, à côté des quatre Bretons signe avec Gautro et Hermandro, Indoleno.

Dans une charte de 832-866 (Cart. 168), un propriétaire à nom germanique, Burg, donne Caiiiprotb : camp, qui se retrouve dans Gran-camp, mal écrit Grandchamp près ^'annes (on est arrivé à Gregamp = grancàiup ; Guingauip {Giuengaiii), dans le sens de champ a été emprunté sur le continent : on le trouve dans un certain nombre de communes bretonnantes, comme nom de terre : campir = camp-hir. En 862, à côté des Bretons, signent parmi les notables : Godofred, Momlin. Les fils d'Anau apparaissent dans une charte de 826-840 (cart. 148) avec des noms germaniques : Aelifrid (Etelfrid, plus bas), et son frère Godun accusent leur frère Agun au sujet de l'héritage paternel in mallio publico dans un lieu roman Brufia. Acun donne C soJidos à partager entre Uiiidon, Ad'ahin et Ratuili (Bre-

1

Les hiiigitcs romane et bretonne en Arnioriqne. 385

ton). Les scahini sont tous Bretons, moins Burg. Ces faits sont très significatifs sans insister sur Brufia. Si les fils d'Anau ont des noms germaniques, c'est qu'évidemment Anau avait s'allier à des familles romanes du pays. C'est d'autant plus frappant que nous voyons, dans des localités le breton a déjà sûrement disparu, des noms très bretons conservés dans bon nombre de familles. Il y a mieux, il y a une preuve directe que le roman (français) était parlé à Langon avec le breton. Il est fait mention dans une charte de 832-840 (p. 94) d'un champ cultivé par Fetmer : campum Camdonpont. Il me parait évident qu'il faut lire : Camp don pont. En efî"et, dans une charte de 852 (p. 368) ce champ porte le nom de CampneJpot : ici évidemment, il fout corriger camp de! pont, le champ du pont. Le scribe breton de Redon n'a rien comprendre à cette expression parfaitement française. Pour camp nous verrons qu'il y a un certain nombre d'exemples en Bretagne française du maintien de ca-, même aujourd'hui, par suite de l'influence bretonne.

Brain et Plaz. Ces deux noms sont français.

Plaz est donné sous les formes Placitum et Plaz(Cart. Red. 838-849, p. 46, in plèbe Placito; 861, p. léé. Plaz). Parmi les témoins, en général, à noms bretons, je relève en 838-849 Guandromacr : en 860 Berinker, Lanfred, Rowuuart. Dans une charte de 869, p. 192, nous avons une preuve directe que le peuple, à l'ile de Plaz, parlait roman : entre autres îles don- nées par le roi Erispoé pour le salut de son âme et celle de son père Nomenoé, on cite insula quœ vocatiir Pla^, q.uam

UNDIOUE COMMANENTES, ALIO NOMINE VeNEZIA APPELLANT.

Venexia et par son v initial et par sa terminaison (si v est prononcé lu ou écrit lUi) est manifestement français.

Chavannes : le nom est français. En 1040 (Cart. de Saint- Georges, p. 105) à Cauana, il est fait mention d'une ville Esvi- gnei : c est Evigué, aujourd'hui : c'est un nom gallo-romain en évolution française : cf. Côtes-du-Nord Evignac.

Fougeray. Dans les chartes du ix^ et du x^ siècles, tout y paraît breton, moins les noms Gosbert, Renouart et Sigibert

Revue Celtique, XXVIII. ' 25

386 /. Lolh.

(Cart. Red., 24-166, 187), mais le nom même de Fougeray (Fclkeriac dans les chartes) est un témoin irrécusable de la persistance du roman dans cette paroisse.

GovEN : la plus ancienne charte à moi connue est du xir' s. (Cart. d. S. -Georges, p. 137) : j'y relève Lrt Bernukie et Paiie- poiitis, qui est manifestement une déformation du breton Pen- pont, tête du pont.

GuiCHEN : charte de iioi (Cart. Red. 318): à côté de Glan-ret porus, très breton, de Me^ac {Messac) nom gallo- romain saisi en évolution romane au vi® siècle, mais témoi- gnant par sa terminaison de son passage au breton, il y a un moulin du Gravot, nom bien connu, en zone purement fran- çaise, près Rennes. Le donateur est WaiiUerius fils dejudicael : son nom est français ; son fils est Gaufrid et sa femme Gonnor. A côté de la terre d'Inisan, est celle de Gérard.

LoHEAC (LoHOiAc) : charte de 1062 (Cart, Red.^, 234). Les donateurs sont Judicael et sa femme Uuacelinc; les témoins nobles sont d'un côté Judicael, Hervé, Guethenoc (Bretons), de l'autre : GuaJterits, Frogcrius fils de Robelini et Ansgerius Charru.

Les Bretons eux-mêmes sont francisés : Godahnus est fils de Glemarhoc, avec Gradelon ; Einulfiis avec Helmonoc est fils du Breton Liosoc.

MoRDELLES et Bréal : les deux noms sont français. En 1028, 103 (Cart. S. -Georges, p. 95) une ville s'appelle Siha : or, c'est La Foret aujourd'hui. En 1070-1080 (ilud.,p. 135) deux villa sont mentionnées à Mordelles; toutes les deux françaises : villa Finceiii, c'est Vincé, aujourd'hui, et la Terceria.

Plélan a été le séjour flivori de chefs bretons et notam- ment du roi Salomon. Aussi toutes les chartes du lx.^ siècle et une du x^ ne donnent-elles que des noms bretons (Cart. Red., 39, 40, 41, 60, 61, 64, 71, 78, 172, 192, 195, 197, 226, 227, 347, en exceptant le nom d'un prêtre, Ec^reval (an 869, p. 189).

En 1144, tout est changé (Cart. Red., p. 347) : Boscher et Jacut fils de Hiigonis BcUi (Huon le Bel) sont surpris coupant la moisson dans une terre que réclamaient Roaldus (évolution

J

Les langues romane cl brcloniieeii Armoriquc. 3S7

française de Rodait) fils de Gantier. Roalt et ses frères tuent Jacut et blessent mortellement Boscher. Les témoins sont, à côté de Rivallon et Even, prêtres qui peuvent être d'ailleurs, et Guehenoc (Guether/oc serait la vraie forme bretonne), Gaufridiis rnintcrius (le mintier) moine, Guihomar (forme française de Giuiw-ho mardi) gendre de Ferme, Roalt, Boscher et GuiscHART. Plélan est évidemment français au xii'= siècle.

Saint-Just, près Redon : charte de i loi (Cart. Red., p. 321). Quelques personnages ont encore des noms bretons : Menki, Aldron (Altroen), mais Maenki a pour fils Hamon et Raoul (Radulfus) ; Guethenoc a pour fils Normandiis Bastardus dont la femme s'appelle Odicia; Glemarhoc apour fils Rabin; Derian est fils de Cokelin (Coquelin). Un témoin laïque s'appelle Barbot.

SixT {si^ et même si) : dans les chartes du ix^s. (Cart. Red., 360, 3, 157, 37, 81) les témoins sont Bretons moins Fiilcrit (p. 157). Les villas Noial et Eriginiac sont d'origine gallo- romaine. En 1037 apparaît la villa Fiirnel.

En 1108-1133, les gens paraissent français ou francisés : Richart, Hoes filius Orion (et son frère Jarnogon); Pichart fils de Morin (en breton, on eût eu Mer in), Rivalon Afichet.

TiNTENiAC : à la fin du W" siècle, c'est le français qui domine. Si en 1060, les noms des signataires sont bretons, il y a dès villas d'origine romane par le nom : villa Herfred, v'ûlz Hermenf redis, v'iWa. Bernard (Cart. St-Georges, p. 94); je remarque : si quis vendiderit baccon (p. 97); à la même époque environ (p. 155) : fiiangeria quœ reddunt Ismalienses (les seigneurs de Tinteniac). A la fin du xi'' siècle (p. 155), nous sommes en pleine zone française : villa Dodelini; La Gavascheria (La Gavacherie); la Tnscbia (La Touche). Au XII'' s. (p. 137) signalons Le CoiidroiQe Coudray aujourd'hui); la terre de Castelein (le grand et petit Châtelain); en 11 97; (p. 193) : dîmes de la Pooeleterie, de la Santé cochère, de la Boerie, de la Meenerie; en 1223 (p. 216), medietaria de Chas- telaii; en 1206- 1207 : Leprosaria; a Maladeria versus Castelet Buson (et torrentem qui dicitur Guentus : nom breton). Parmi les noms d'hommes, à côté de noms bretons, on remarque en

388 /. Loi h.

1060 BiienvaJcl et Buenvnllet (p. 99); Odon fils de Glen; Tuai Bastart ; à la fin du xi'' s. (p. 155), Gaufred fils de Normant; en 1263 (p. 20) : Agnes et ses fils Geroart Lecoq, Guill. Gopil. Il y a d'autres noms qui confirment les preuves que le bre- ton a à peu près complètement disparaître dans le cours du xi^ s. : en 1220 (p. 214), terre de Trefioc : -or ici n'a pas évolué en -Clic, car ce village est aujourd'hui Trcfcrioii; or cette évo- lution en -ôc s'était faite sûrement au xr' siècle dans la pro- nonciation. En revanche Cainpanoc en 1040 est aujourd'hui Campeneuc.

DoL et les environs (S.-Brolade; Roz-sur-Couesnon, la Fresnaye, Baguer-Morvan (Bagar), Hirel, Cuguen, etc. Dom Lobineau (Hist. de Bret. Preuves, II, p. 133 et suiv.) reproduit des titres concernant l'église de Dol, tous de la fin du xii^ siècle : moulin de Olivel; a. caleiideria usque ad Maupol; in Chasiieio; verderie de Carcou (en St-Brolade ?) ; Bnicria ; en Charniiers (Cherrueys) campum Trossebof (et cultura Moarec'); la capella Briisle (p. 136); en Hirel (p. 36) : pischaria (pêcherie) Hose pischaria Aveline; pisch. Garnerii ; pisch. Garani Pagaii; nicte- rie en Fresiieia : met. Glaian (breton), met. Bercnger; met. Roberti Longi, les Burfart; met. Giiibcrl ; Eniaiideria; masiira Hervei presb. et Esvelardc et filiorum Will. Bovis et Will. Hos- pinel; en Cuguen : Mcslchert {mes, champ, en breton) et Crenion quod modu (leg. modo) appellatur Macbiia et Jiihelleineria (la Jiihellem-iere sans doute, du nom breton Juhel = Jud-hael); lande de ChaleviUe. A côté de quelques noms bretons, Petrus Pinel, Herveus Chevalcr : Irvoiiis (Urvoy) filius Galterii; Archcnaiid fils de Menar. La langue courante est le français : p. 133, il est question de privilèges de pêcherie touchant: Vestnrjon, salmon, BaJeim et totum Le vuarec (Je varech) ; landa as pendus (jp. 134) : aux Pendus.

En revanche, on peut relever des tormes très bretonnes', dans toute cette zone : villam Me:;^uoit prope castellum Dolis;

I. M. Saint-Mieux dans un intéressant article paru dans VHennine, 1904, p. 182, 1905, p. 14-82, sous le titre de De la formation des noms de lieux du Poulet, on trouve après quelques divagations préhistoriques assez répan- dues, de judicieuses remarques sur les suffixes formatifs des noms de lieux, exception faite toutefois de -acuiii, -iaciim, a soutenu une théorie absolu-

I

Les langues romane et bretonne en Annorique. 389

Carfenîon (auj. Carfantoîi), v\\\-;\m. Beihon (lisez Bethou}^ et Roz, à côté de terra Hameti (Hamet).

BÊCHE REL : Le prieuré de Saint-Jacques de Bécherel dépen- dait de Marmoutiers. Les archives de Rennes possèdent un certain nombre de chartes concernant Bécherel et les environs. Inutile de faire remarquer Bécherel : c'est ce qu'il y a de plus français. Les chartes malheureusement qui nous importent ne sont que du xiii^ siècle. Le français règne : charte du xiii^s. : in granateria (in bono Argantelin, nom vieux-breton); les témoins sont Gauf. de Malo Nido (de Maniiy), Guill. Rossel ; Gaufr. Malo-Infantc (^Maknjant); charte de 1288 inter cheminum quod appelatur cheminum de Conrsout et cheminum Dynanemense ? et terram des Cressonnières.

Iffendic ' : Dans la même zone. Les chartes intéressantes'du prieuré d'Iffendic, dépendant aussi de Marmoutiers, et conser- vées aux archives d'IUe-et- Vilaine, sont un peu plus anciennes mais ne donnent pas grand'chose : charte de 1122 : les noms des signataires sont français, à part quelques-uns dont la défor- mation même atteste l'usage du français : Maiugoueus = Maen- Keneu , aujourd'hui Maingueué; Garino ; Roberto TuagaUuui, c'est-à-dire Tue-gal : c'est une transcription absurde mais très française du breton Tugal, forme déjà francisée de Tutgual. (x^ siècle Tut-iuaï); c'est sous le nom de Tugal que ce saint est honoré dans l'église cathédrale de Laval. Il en est de même dans la charte de fondation qui est de la même époque : à côté

ment fausse, en avançant que le Poulet (Pou-aJet) était un îlot français entouré d'une ceinture bretonne : après avoir reçu une population bre- tonne peu nombreuse il y aurait eu, à la suite des invasions Scandinaves, une repopulation française. Le Foutct est dans les mêmes conditions que le reste de cette zone. Il y a^ même dans le cadastre actuel, dans les chartes anciennes, à plus forte raison, des preuves évidentes d'une forte occupation bretonne. M. Saint-Mieux ne connaît pas les pièces du procès : à Saint- Malo même, le talar (et non le talani) signifie exactement sillon. Enfin, M. Saint-Mieux a lui-même un superbe nom breton, saint Maitoc = *Maglàcos, dérivé de Maglo-s, chef.

Quant à Alet, loin d'être pré-celtique, c'est un nom de lieu bien connu du Coiiiival et du pays de Galles. Quant aux noms norois, aucun ne me paraît démonstratif.

I. Au xiie s., la forme est Hil-phinlic, c'est-à-dire la race, les descendants de Fin tic.

390 /. Lolh.

de noms bretons, comme Gaer~ (Gahard commune d'Ille-et- Vilaine), Treiiielin bois près de Talensac, les noms des signa- taires, à part Jarnogonius, Gradelonus, Arveus sont français, particulièrement ceux des faiimli; Guill. de Bretulis (Brete'û}^ ; Moyses Pellem in Collo ; Herveus Capiit asini (auj. Chedane); filius Galterius BeUi Hoininis (Belhomme).

MoNTFORTet le voisinage : charte de 1296 (titres de l'abbaye de Saint-Melaine de Rennes, fonds La Borderie, aux archives d'IUe-et-Vilaine) : Johannes (et frater Lamoiiroiis = ramoureux est prieur de Montfort; Perrot Perdri:^^ et sa femme Nicholaa donnent, en échange, une terre à Saint-Jean de Montfort sise : inter herbergamentum Morelli de Campis ex una parte et herbergamentum familiic defuncti Guillelmi ex altéra et quamdam peciain prati sitam in parochia Sancti-Nicholai Montisfortis inter osseriam dicte Florie La Baguenière ex una parte et pratum quod predictus prior habuit a Radulpho Bechebîen {Bèche-hieiï) inter herbergamentum Gaufridi Geencors ex una parte et herbergamentum Jobini Leialendier (Le Tail- landier).

Dans l'ensemble, il paraît sûr que le breton était éteint, dans la zone bretonnante du département actuel d'Ille-et- Vilaine, aux xi'^-xii'^ siècles.

Loire-Inférieure : les paroisses de : Escoublac (Saint- Nazaire), Saille, Guérande, Batz_, Piriac, Le Croisic, la Tur- balle, Saint-Lyphard, Asserac Herbignac et celles de Pénestin, Camoel, Férel qui sont du Morbihan, quoique dans la même péninsule, sont hors de cause : le cadastre y est encore presque entièrement breton et sûrement le breton n'a cessé d'y être parlé qu'assez récemment. Ces communes appartiennent à ce que j'ai appelé la zone exclusive m eut bretonnante.

AvESSAC : c'est un nom àt jiindns gallo-romain qui se trouve ailleurs. Les chartes de 892 (Cart. de Redon) ne nous donnent guère pour Avessac que des noms bretons, p. 49, 65^ 73, 89, 95, 151, 159, 192, 219 ; celle de 1 108, p. 291 ne donne rien. Cependant la virgata Piiz^ paraît bien un nom français (p. 49, charte de 836-842); à remarquer parmi les témoins Cadalun (p. 74, ix^' s.), Igehert (p. 96, en 858), Telfred (p. 169, en 858).

Les langues romcvie et bretonne en Armorique. -^^i

Il y a un indice curieux que le français devait être parlé avec le breton à Avessac : ce sont les variantes dans une charte de 869 (p. 192) Davi\ac{m plehe Daviciacd) et Cl av!\ac : Clav^ac est une mauvaise lecture du copiste pour Davi:{ac : il y en a d'autres exemples. Elle assure, en revanche, la forme Davi^ctc. Cette forme ne peut s'expliquer que par une méprise du scribe breton qui recueillit les dépositions des gens d'Avessac : il entendit gens ou paroisse d'Avi:^ac et ignorant la valeur du d' = de français, écrivit Davi^ac.

Le cadastre actuel d'Avessac, en grande partie francs, renferme à côté de noms de villages romans bretonnisés comme Nérac, Sévignac, des noms de lieux bretons : Penhoet, Penfao, Pouldii, Trescaii, TresJerian, Dreneuc.

BouvRON (nom français) : je n'ai d'autres documents que ceux du cadastre actuel. J'y relève des noms de lieux attestant que le breton y a été parlé : OiiéhiJJac, Sordeac, Borsac, Gui- scny, le haut et bas Be:iou (be~ou, bouleau). En revanche la frairie de FilJée nous atteste la coexistence à toute époque du français.

Cambon : de même pour Cambon. Le nom même de cette paroisse est très instructif. Sur une monnaie mérovingienne, c'est Cambidono. Quand les Bretons ont adopté ce nom, c'était Cambon, attestant révolution romane. En revanche il a au breton de conserver son ca initial (c'est Cambono en 990). Le cadastre est à peu près entièrement français. Cependant j'y relève Brentu, Benac, Montmignac(Mâ'///;//;z/ûf£:au xvii^ siècle) Boqmban : bot habitation, est breton.

CoNQUEREUiL {Co}icuru~ Cart. Red. 246, 345) : charte de 1148 (p. 345) : Gaufridus stultus donne une partie de sa ville de Coicaden (Coit caden) et Brengoen (en Pierric). Les témoins sont français : Rainald, GefreCapuisel; Oni le Bovier ; Eon de Bosco (du Bois); Daniel filius Barbote; Goredun filius Roaiit.

Le cadastre actuel a des traces sûres de l'existence ancienne du breton : Cocadin (Coicaden), Coetma, Roscoitet.

Crossac : Le nom, par sa forme, suffit à attester ancienne- ment l'existence du breton. Le cadastre actuel conserve quelques noms d'origine bretonne, comme Le Ras, Qiieiiiéné.

392 /. Lolh.

La cliarte de 1092 du cart. de Redon, p. 339, n'est pas sans intérêt. CavaUon (Catuuallon) donne des terres du consente- ment de ses fils Olivier (Oliverio), Savary {Savarico) et Guil- laume (Guillelmo), Jordan ; sa femme est Aanor, nom qui suffirait à prouver que le français était la langue usitée dans cette famille : en breton on aurait eu, Acfenor. A remarquer encore le nom du témoin Riaelen Girart.

Derval, Luzanger et Fait : les trois noms ont évolué d'une fliçon française. Un certain nombre de chartes anciennes les concernent : Fait (ou villa Faite) était en Luzanger. Charte de 816 (Cart. Red., p. 175) : Acfrudis avec le consentement de son mari Arluin vend à son neveu A^^on des terres en Fait ; l'acte est signé à Luzanger (ou Condita Lubiacense) : tous les signataires ont des noms germaniques : BotJjcleno, Bocseno, Hennenfredo, Rciinlfo, Gairaldo, Herminono, Bertolago etc. Il en est de même dans la charte de 819 concernant Derval et Fait : l'acte se signe à Leodulfello (p. 176) : celle de 819 (p. 176), est signée à Luzanger. En revanche, dans la même zone, en 864 (p. 45), nous avons une ville Bot-Catman, objet de donation de Austroberte et son mari Uuandefred : l'acte est signé au monastère de Moe en Luzanger; ici, les signataires sont Bretons moins Lanfred, Tetcrim, Lanbert : de même dans la charte de 86S, p. 173 : 17 témoins dont quelques-uns de Cornou (paroisse disparue, sur le Cher (Kaer) ont des noms tout bretons contre un Rather. Nous assistons ici à une prise de possession des terres d'Ostroberte et Wandefred. En effet, c'est Hirdran envoyé de Salomon qui remet à Saint-Sauveur les alodos Austroberte cédés en 864 (p. 45) sitos in loco nun- cupante Faito sive Bot-catman, sive Isartio. Une charte de 830 (p. 177) nous donne un champ breton. Pul Unerno en Botcat- man, vendu par Aicus à Wandefred et Austroberta ; les signa- raires ont des noms germaniques. Dans cette même villa de Botcatman il y a un campus Alaiuel qui est peut-être à l'agiiel (p. 17S et 831).

GuENRouET : le nom est breton. Le cadastre suffit pour prouver la co-existence des deux langues vers le ix-x^ siècle : noms bretons ou attestant l'usage du breton : Levrisac, Mal-

Les langues romane et hretoiiue eu Aruuiriquc. 393

neuf {Mes-hneuc en 1520), Tregreiic, Bodelean, Penguet, Peslân, Qiiiiihu, Bleuhen, Cranda. Le nom de lieu Maigné atteste que le roman n'a jamais cessé d'y être parlé. La forme des noms bretons nous reporte pour l'extinction du breton, à la même époque à peu près_, plus tardivement peut-être, que pour riUe-et-Vilaine.

Marsac : nom gallo-romain pris par les Bretons en évolu- tion romane : charte de 1080 (Cart. Red., p. 294); Rifon et Brunel (Brunellus) font don d'une villa. Les témoins sont : Jestin de Jani, Cavallon (Catuallon francisé), Roallen Cervus (RkuaUon le cerf); Paganus filius Renhorcori? ; Seenfreî molen- darius et Renaldus. Les noms bretons du cadastre ont une forme qui paraît arrêtée au xi-xii^ siècle : Treveku, Cadeux, Combeuriac, Morval, Hiyigiié (Hcn-gaer ?), Caribeau, {Car = Caer). La coexistence du français est attestée par les villages de Russe et Prince.

Plessé : dans le cart. de Redon, c'est Plebs Sei ; on pourrait croire à une étvmologie tendencieuse si on n'avait aujourd'hui encore Tressé (Treb-se). Cependant il est possible que d'une ferme française Plessei les Bretons aient tiré un Plebs-Sei. Une charte de 854 (Cart. Red. p. 125) ne nous donne guère que des noms bretons de lieux et de personnes à l'exception du témoin Cadalun; ils se réunissent in villam Savant. Je n'ai pu étudier le cadastre de cette paroisse.

Le Dict. topogr. récemment publié par M. Quilgars donne un bon nombre de noms de lieux bretons ou bretonnisés inté- ressants : Calestreuc devenu La Caletrie ! ; Ltissac, Barsac, Bei- :{ic, Bodtian, (Bodaii au xiii'^ s.), Lagoden {L^ogoden ?), Laver ac, Penbé {Penbed), Penfao, Tregoiiet, Trelan.

Je crois inutile de prolonger cette liste : v. plus bas la ligne de démarcation entre la zone mixte et la zone bretonne pure.

Comme je l'ai dit, à l'est de la ligne extrême du breton, il n'est pas rare de trouver des traces de la présence des Bretons. On le constate un peu partout. Frossay sur la rive gauche de la Loire mérite une mention particulière. Des chartes de 1027, iioo, 1047, 1070, 1050, 1080 (p. 248, 265, 268, 269, 270, 272) nous donnent une majorité de noms bretons

394 /■ Lolb.

dans cette paroisse, mais les noms de lieux sont romans : en 1127 (p. 248) terre Male-Ma:^ure; en 1050 (p. 270) Droaloi donne la terre de Durand et Trehoret miles donne le Plessis ÇPle.xiciiini). Les Bretons s'y francisent vite : en 1070 (p. 269) Nominoe (proh pudor!) a pour fils Babin; Maen a pour fils Raphin; en 1080 Guithenoc a pour son fils Gobin (p. 272); à remarquer le nom de Fan:(on Judiahel et Judicael Fancion.

Morbihan : Augan. Les chartes du ix' s. concernant Augan dans le cart. de Redon ne nous donnent que des noms bretons de lieux et d'hommes, moins celui de Rainbert en 852 (p. 96).

Le cadastre est français avec un certain nombre de noms de lieux à forme bretonne assez ancienne.

La forme du nom de cette commune étant Alcam et Algam au w^ siècle, l'évolution en Augan est due au français et n'a pu guère se produire plus tard que le xii^ siècle.

BÉGANNE. La charte de 1052 du cart. de Redon (p. 278) ne nous apprend rien; pas plus qu'une autre du xi'= siècle (p. 284). Le cadastre ne nous apprend pas grand chose.

Le cadastre a un assez bon nombre de noms bretons, de forme un peu plus récente que ceux d'Ille-et-Vilaine : il y a mêm.e un Kergo ÇKer-gov). Par les Reformations et Montres nous n'atteignons que le xv^ siècle' : il en ressort toutefois avec évidence qu'à cette époque, le breton y était depuis longtemps éteint.

Carentoir. Les chartes du cartulaire de Redon ne nous donnent guère que du breton au ix^ siècle. Je remarque cepen- dant en 863 (p. 50), un témoin du nom de Pivetat, un autre du nom de Gosbert; au ix^ siècle aussi (p. 69) Edelfrit. Les noms bretons du cadastre sont de forme assez archaïque : Peccadeiic (Plecadeuc), Mariac, MeJuc (forme du xi-xii'= s.), ville Heleuc, le Henlée (Hen-Jes). Le cadastre, pour les terres, est entièrement français.

Caro et Reminiac (Caroth et Ruminiac au ix^ s.). Les chartes du ix^ s. donnent des noms bretons. Le cadastre est

I. De Laigues, La noblesse bretonne. Réformes et montres. Rennes, 1902, t. I.

il

Les langues romane et hreloune en Arnioriqne. 395

français, mais avec des noms de villages bretons Lescoet, Tre- vegat. Au xv^ siècle, le français règne (^Noblesse; Dict. Ogéé). En j ^00, La Viardaye, la Guine des Touches; La Barre; Le Boneniers.

CouRNON faisait anciennement partie de Bains. En 847, à côté des Randremes Lisuuern^ randremes Golbin et d'un demi Tigran en Ergentet, apparaît le tegran Bonafont {sic), manifestement français : fonteiii eut donné en breton Fiïnt : cf. funton = fontâna.

Le cadastre est très français; cependant j'y relève un Pin- guily. Les Montres et réfonimtions ne nous donnent que du français.

FouGERETs (Les) : Le nom seul est un document probant. Le cadastre est entièrement français : à remarquer Le Qiiene, si le nom n'est pas estropié, car on a en 1427, dans la même paroisse, La Chesnaye. Les Montres et reformations ne nous donnent guère que des villages français.

GuER {Wern au ix^ s.). La forme Guer, dès 1137, montre la prédominance du français. Les chartes du ix^ siècle donnent des noms bretons de lieux et d'hommes. Il y en a un cepen- dant qui est fort instructif : c'est le tigran Fabr ÇCart. Red., p. 134, an 836) donné par Retuuobri.

Le cadastre m'a paru très français ; cependant à remarquer, Je Rhiine, ruisseau, Botileuc, Coeho.

Lannouée : le nom est sans doute français malgré la forme Lames du ix^ s. En 819-820 (Cart. Red., p. 127) tout y appa- raît comme breton. En 832-835 (p. 128), si les donateurs (Roiantdreon, son père est Loies-britou) et les signataires sont Bretons, il y a cependant des Gallo-romains déguisés sous des noms germaniques ; EdeJfrît, Gerharth.

En 1066- 1082 (Cart. de Red., p. 242) on a l'impression d'être en pays romano-français : Guethenoc fils de Goscelin fonde le château de Goscelin (Josselin) : rien de plus français que ce nom. Il donne les terres de Fossat et Criât en Lannois. Six témoins sont Bretons, mais il y a aussi comme signataires : Eudo, Robertus fil. Rogeri; Guarnerins ÇGarnier), Hugolinus.

596 /. Loi h.

Peillac (au IX'' s. Poliac). Au ix^' siècle tout est breton, mais à remarquer un SîandiiJf (Cart. Red., 72, an 867) dont le fils est bretonisé : Haeluiwcon .

Le cadastre est français avec des noms de lieux bretons archaïques (xi-xii'^ s.) : Liniur (Lis-nwr devenu Les-meiir en pays bretonnant : prononcez Les-veur ÇLes-vôr); Panhaleux {Pen-hailôc ?).

Pluherlin (en 833 PJehs Hoiernin). Au ix* s,, les noms de lieux et d'hommes sont Bretons, moins Herpin témoin en 833 (Cart. Red.).

Le cadastre a conservé un certain nombre de noms bretons, assez archaïques (xii^s. ?) : Broheac (Brohoearn en 141 5), Car- noguin, Caroro, Cardiido, Carboiiet, Carcado.

Roche-Bernard : Une charte de 1063-1076 (Cart. Red., p. 279), nous donne une villa française : Fundra.

Il y a des noms bretons assez nombreux dans cette zone.

RuFiAC : rien de plus instructif que les chartes concernant cette paroisse. C'est une des plus favorisées du Cart. de Redon. C'est que que l'on trouve cette délimitation de terres, si exactement semblable à celles que l'on trouve en grand nombre dans le cartulaire de Llandav. Tout y apparaît d'abord comme foncièrement breton, lieux et gens (Cart. Red., 116, 120, 131, 134, 136, 137. 152, 169-176, 170, 10, 30, 36, 37, 43, 44, 49, 52, 87, 105, 106, 116, 121, 131, 107, 109, no, III, 112, 114, 115, 134, 136, 137, 152, 153, 170, 199, 208, 214, 215). Cependant, il y a d'abord à remarquer dans le flot des noms bretons d'hom.nies, un signataire obstiné du nom de Mw/ (p. 12 en 834; 30, 36 en 859-864, 858-865 ; p. 43, en 863-864; p. 9, en 866; p. 87, en 861-867; p. 106 en 860-866 ; p. 108 en 867; 105» en 857; 411 en 867; p. 113 en 838-839). Il y a aussi un Robot en 863-864, p. 44; mais parmi les noms bretons de lieux, d'ailleurs si intéressants, en 830 (p. 152), il y a lieu de relever deux noms aujourd'hui con- servés : Ran-Gratias, Caiiip-gratias : c'est aujourd'hui Le Gras, district de Ruffiac : Gras se prononce sans doute Gras avec s final. En 840 (p. 169-170), de même nous avons quatre modios de brace nuncupantes Boterelli (BoteJerli, mais plus bas Bolerelli, en 868, p. 170); c'est aujourd'hui Botrel.

Les liiiigiics roiiiiiiic ci hrcloiiiic en Anuorique. 397

SÉRENT : Un donateur en 1041 (Cart. Red., p. 274), porte un surnom qui est une traduction évidente du français : Ralfredus malamaniis. Les témoins, il est vrai, sont Bretons. Au xv^ siècle, tout y est français; la forme des noms de lieux et d'hommes est un sûr garant que le breton avait depuis long- temps disparu (de Laigues, Noblesse, II, p. 775).

L'étude des cadastres des différentes communes permet de déterminer parmi les communes ayant perdu le breton, celles il s'est éteint à une époque assez rapprochée de nous. La ligne de démarcation actuelle part de Damgan et passe par Berric, Monterblanc, Plumelec, Saint-AUouestre, entre Ker- fourn et Credin, et atteint la limite du département en laissant Croixanvec au breton. Le cadastre atteste la prédominance et l'usage exclusif du breton à une époque assez rapprochée de nous : à Camoel et probablement aussi Le Guerno, Férel Nivillac, Marzan, Péaule, Arzal, Billiers, Muzillac, Noyal- Muzillac, Limerzel, Questembert, Molac^ Larré, Elven, Tré- dion, Plumelec, Cruguel, Buléon, Radenac, Réguiny, Pleu- griff'et, Crédin, Gueltas, Saint-Gonner}'.

Il n'est pas sans intérêt de faire connaître la ligne de démar- cation entre le breton et le français donnée en 1618, par Pierre Bertius {La géographie raccourcie. Chez ]osse Houndius, Amsterdam 1618, p. 236). Il nous dit que le breton et le français se parlent dans les évêchés de Nantes, Vannes et Saint-Brieuc, que le français seul est en usage dans les évêchés de Rennes, Dol, Saint-Malo. C'est malheureusement assez sommaire et les localités sont parcimonieusement indiquées. La ligne, assez grossièrement tracée, laisse Le Croisic un peu à l'est, passe par Piriac, Assérac, passe entre Noyai (Novialle) et Rohan, puis à l'est de Loudéac, traverse Quin- tin et aboutit à la mer à l'ouest de Saint-Brieuc. Elle est évi- demment erronée en ce qui concerne la péninsule guérandaise; Batz et Saille, tout au moins^ parlaient breton à cette époque, très probablement même Escoublac, Herbignac etc. Du côté de Pontivy, c'est la limite actuelle.

A une époque plus ancienne, Alain Bouchard qui était de Batz, nous dit que les évêchés de Nantes, Vannes, Saint-Brieuc parlent les deux langues.

398 /. Loth.

CÔTES-DU-NoRD : B0Q.UIEN. Charte de 1205 (délimitation des terres de l'abbaye ; Geslin de Bourgogne et Anat. de Bar- thélémy, Anciens' Evêchés, III, p. 22e, 120) : fons Porchiormn; rocha Ôgeri, fons Roche^ '• rien de plus français.

Créhen : charte de 1232 {Ane. Ev. III). Johannes dictus mal oisel donne ortus mal oisel en Querhen.

Ibid., III, 1297 : témoins, Gefrei la vache; Olivier dit Pro- voire; Estiulle dit Roussel; Estaice Le Hidoux; Avice jadis femme Pierre Le Paumier; Acim Raaot; Estieiiihle Roussel et Pierre Ravin. Il y a quelques noms bretons : Alain Morveu, Guill. Pluiiuiuden : on remarquera la vocalisation de / dans Mandcii, (Màel-dan) et les terminaisons francisées -en pour -an.

Le cadastre conserve quelques noms de villages bretons : ville Tideii, Faugourieu, le Méleu, ville Rieu, ville Ni^an, ville Juhel; le Penhouet.

DiNAN : charte du milieu du xii'' s. (114... Ane. Ev., IV, p. 403) : infra Haiatii Dinanni (La Haye de Dinan); charte de 1149 Çibid. p. 125) : in boscho meo quod Aya de Dinan {sic} dicitur; charte de 1209 (ibid., VI, p. 150) : près Dinan, Toseha Mabon {Le Touche Malmi); charte de 1 212 et 1263 (ibid. 154) : a vico don marcheit ad vicum de la Bolangerie ; 1227 (Ane. Ev. III, p. 63) : terram Gaiifridi Jochehers m Roeria (la Rouerie) : Il est fait mention de Robert Bohardel, croisé, et de sa sœur Richeot. Charte de 123 i (ibid.,\\\,\>. 72-73) : Gaufridus Car- pe)itarius donne sa terre de La Planche Theobaldi; 1233 (ibid., III, p. 79) : Avicia veuve de Riginaud Lesellier donne une maison qui est sise entre celle de Jedecael Lesellier et celle de Jacob de Draperia, les champs entre Blohen et Haia et Roeria et Haia Dinanni.

DoLO : charte de 1249 (Ane. Ev., III) : dîme de la Begaceria (la Bégassière) en Dolou. Une femme Orguen, A nom breton, a pour fils Josse (Joxius); chart. de 1272 (ibid., p. 270) : La Roseie.

ERauY : charte de 1167 (Ane. Ev., III, p. 38) : Gaufret Chef de Mailg (p. 39 G. chef de Mail.) donne villani Auberi (auj. la Ville- Aubry), don confirmé par Gaufr. Bolerel, sa

Les hiiigiics romane el hreloiiiw en Arniorique. 599

femme Bllia et Juhel ; charte de 1233 (ibid. p. 78-79) : Tre- bren dictas stiiltiis fils de Hamon Faiicilon donne une terre en S'° Kaeno en Erquy.

Goura Y (Le) : 1205 (^Anc. Ev., III, p. 227) : terram Plesseix; 127 1 {ibid., p. 266) : terres en Gouray et Saint- Jacut : la Riouere, la Tnalaye ; prés de la BouJayc sis entre aquani Ricie et le bye (bief) du moulin de Guillaume Recruchou, excepté Hochia sise près Lestrat; iiji {ibid., p. 167) : au sujet de ces biens, signe Eudon dit Chaleee. Je remarque Corberia et caiiipi de La Lande en Gourai : 1272 {ibid., p. 272) : La goliere en Gourai; 1273 (p. 274) : campum de la Berrie; Cortchamp en Gourai; 1269 (p. 260) en Gorre : Corberia et Brotissa : 1272 (p. 268), en Gorre : clauso La quarrae.

Le cadastre présente, à côté de noms d'hommes bretons {Brieuc, Caradeuc, Urvoy) des noms de terre également bre- tons, aux formes archaïques : Carbilau, Qtienneleiic, Troherneuf {-erneiic), Ranlatre.

Henanbihen (en 12^0 He?iant-bihaii); xi^ siècle? Auc. Ev., III, p. 3059 : villa Marchereiiis . Les donateurs sont Will. et Roaldus filii/or/ï, le major natii est Rocha. A remarquer dans le cadastre : Bresselien, h Cargti, Le Crehelion, Villes-ès-Derrien, champ Dénouai, "ille Huelin, pièce Giieneiix, Quenelleuc, Saint- Rieiix., Saint-Briac .

Lamballe : charte du xi'= s. {Ane. Ev., IV, p. 305) : c'est le français qui était à cette époque la langue courante : terram ante portam Lambauli que vulgari sermone vocatur Guarda.

1121 (p. 307) : terram Brublaye; charte du xii'' siècle {Ane. Ev., VI) : forêt de Lanmeur {11 JJ Lannwr) inter viam Morvan et Cediar ? et inter Castancas, et fossam de Castelier.

1260 {Ane. Ev., IV, p. 318-319) : Petrus Bafer {Bafier}), Eudo Bafer, Jubalia et Petronilla; Guill. dictus Boon, vendent le moulin de Vaiilvert (de valle viridï) près Lamballe.

Landehen : 1243 {Ane. Ev.,l\l, p. 240), feodo de Prabaron, excepto décima des Liaies.

A remarquer dans le cadastre Carnais,ville-Tanet, Crehellen, Bedo. Les noms de terres sont français.

400 /. Lolb.

Langourla : 1273 {Aiir. Ev., III, p. 275), Laharre, Cran et kl Pcrvanchièrc.

Quelques noms de villages bretons dans le cadastre : Coecla- Jan, Cavpond, CoëJan (Coct-laii), Megitcric, Btandesec, Peiihouet, Cadeitc, Qiiémcîïn. A côté de cinq ou six noms de terre bre- tons, il y a une centaine de noms français. Parmi les noms d'hommes : Caradeuc, Morgan, Morvan, Ruello, Ruellan.

Lanvalay : charte du xiii' s. {Anc.Ev.VJ,p. 160-162): don d'Olivier de Quoequen : hortus Jiidicaelis Landec à Rencia (la Rance) usque ad vineam Orhant que vinee fuit Giquel Landec vineam filii Costart et vineam Osaiinee Radulfi Bigot et fil. Herberti vineam Gaufredi filii Berini vineam Marchant et vineam Acelinc plateam Hugonis Flandrine et hortum MiJoii vineam Galoiiis clausum Hiirel terri- torio de MaJo Concilio (Mauconseil) - campum de Rauchcr.

Matignon : 12 19 {Ane. Év., III, p. 54) : en Saint-Galery de Matignon : terre des Gastix Guill. Le Effant.

Dans le cadastre : Fontaine-Gourien, Trait-Caradeiic, Gouret, le Pont-Iden.

Pleherel : 1090 (Ane. Év. IV, 276) : villam Menvallem 1229 {ihid., III, p. 64): loco qui vocatur Lepcus Hebel : ibid., p. 235 terra que vocatur La Saiix_rêe 1243 (p. 100) in quar- teria Peisiui, le Quartier an Poisson, comme le prouve la charte de 1254 (p. 121) : in quarterio Poisson 1261 (p. 139), Papcboeuf ïan un don à La Hasaie en Pléhérel.

A remarquer au cadastre : Port-Mieux (Maioc), vilh-Madeuc, Ville-Morhan.

Plémy (Plémic), 1182 {Ane. Év., VI, p. 138): L^ Verger. Cadastre : Bran-golo, Drény, Brango; champs Gouélcho, Aval eue.

Plessala : milieu du xi^ siècle {Ane. Év., IV, p. 389 : eccle- siam de Sala) : Hainio patria Brito remarquer) filium Gin- goniari cognomento Bloeci, soldat, donne de ses bien en Soins Gallus (Songeai); sa femme est Rotrudis, son fils Rieardns; ses frères Guraiiton, Hingan, Gingomar (francisé : Jnngoinarch), Mein, Dudonian, Pontin. Le français évidemment est domi-

Les langues romane el hretouue en Aniioriqiie. 401

liant. Parmi les signataires, il y a bon nombre de gens à noms bretons, mais à côté, les signatures de : Richardi Pou- loni, Noriiianiii Potini, Hervei Forestarii, Ansgerii vicarii, The- baJdi fiJii Bernerii ; Giraldi filii Frothlandi; Burchardi bastardi, Haimonis Crassi.

QuiNTENic (Quintenit) : au milieu du xiii^s. (Ane. Ev.,lll, p. 126-127) : Testament de Gaufr. de Soreia. Signataires : Pietin; Gaufr. Legrant ; Gaufr. Galîeri, Jordan, Rolland, Thomas H net, Guill. Garecol, Petr. Forestarins, Bouel Botin, Gauf. Le Conrecier.

Le cadastre est très français : à signaler cependant : Qnen- gueiix, La Noé-Mené. En revanche Gallon dans la Cour-Gallon montre une évolution française très ancienne : Gallon = Wallon.

Saint-Alban : 1281 (Ane. Év.,lV,p. ^20), F etrus Rosselei, Johannes Giraudi, filii Sibille, filii Oliverii Fabri, vendent villa Dcriana charte de 11 82 (ibid., VI, p. 138) : Le Fogerac pour Le Fogerai, car c'est Le Teniple-Fougeray aujourd'hui.

Cadastre : les villages sont français; parmi les terres à rele- ver : le Penfret, ViUe-Tual, Vill-Marqué, Le Goitelo, Cario.

Saint Guillaume, évêque de Saint-Brieuc, en 1184 à Plénée en Pleurtuit avait en tout cas, ses parents à Saint- Alban. Il descendait à VHotelleria Abraham; son frère s'appe- lait Olivier Piehon ou Pinehon et sa mère Jeanne Fortin, (Albert le Grand, p. 336 et suiv.).

Saint-Cast : 1225 (Ane. Ev., IV, p. 316) : terra Baillivia (La Baillie) 1249 (ibid., III, p. 1249 : Hoissia donne ses biens en Saint-Cast. : villa Vressel (Bressel?^, villa Robelin, villa Coeher, boscus Renaut.

Le cadastre est français : remarquer cependant Pinguen (Penguen^ ; parmi les champs : clos du Meleu, Tertre Rideu, tertre Quimereux, Le Bois-bras; clos des Gojf. Veaurien,

Saint-Suliac (S\ Suliaiu.) : 12^-^ Ane. Ev., III, p. 98), Gonter de Villa Monialium (Ville-és-Nonains) donne une terre prèsZa Marele; 1284 (p. 169-170) : on dit déjà Saint-Selia ce qui amènera la graphie Saint-Suliac, par analogie avec les vrais

Rcviœ Celtique, XXFIII. . 26

402 /. /.('//.'.

noms en -ac prononcés -a ; c'est une preuve que le français est déjà la langue de cette paroisse. La charte est française : la ViJk-Madoiic par devant la ViUe-ès-Noueins comme l'on vet a Chastelnef de. la Noe.

1295 (p. 187), vigne de la Hitrcscc; la Fillc-Aiiger ; la vigne Thomas Champion.

SÉviGNAC : 1272 (Ane. Ev., III, p. 269); La moi ue rie; 1278 (p. 282), Labocre; 1273 (p. 27^); Lapenneric.

Cadastre : villa Kergucneuf, Peubroc (Pen-hroch ?), ville Perçue, Limoellan (^Lismoelan), Karabouè, Troditen, Couedan, Qtiineuc, Broondincuff, Pengave (1272 Pengavre, tète de chèvre), Pengly. Les noms de champs sont français.

En somme, on a l'impression que le breton a dû, en général, s'éteindre dans cette zone mixte à peu près à la même époque qu'aux environs de Saint-Malo et Dol, quoique l'empreinte bretonne y soit fortement marquée dans un certain nombre de localités, moins fortement peut-être que dans la zone cor- respondante du Morbihan.

En combinant l'étude des chartes et du cadastre, je trace cette ligne de démarcation entre la zone mixte romano- bretonne et la zone bretonnante pure : je la fais partir de Saint-Nazaire, passer par le territoire de Saint- André -des-Enux, La Chape! le-du-Marais, Nivillae, entre Limerz_el et Caden, entre Questembert et Malansac (Onestemhert étant en zone bretonne), par les terres de Pluherlin, Molac, Saint-Ciiyomard, Sérenl, Liiio, Saint-Servant, Giiégon. La nt il lac, Pleiigrifct, Rohan, Saint-Sanison, Saint-Barnabe, La Prénessaye, La Motte, U:^el, VHcrmitagc, Saint-Brandan, Plaine-Haute, Saint-Donan, Pler- neuf, Tremuson, Tréméloir, puis passer entre Trégomeur et Pordic et aboutit à la mer, un peu à l'est de Binic.

L'étude des emprunts continentaux, en breton, d'un bout à l'autre du territoire bretonnant nous révèle un certain nombre de mots significatifs, témoignant clairement de l'existence du roman partout dans la péninsule et confirme ce que les noms de lieux suffiraient d'ailleurs à démontrer.

Il y a eu influence réciproque des deux langues. C'est ainsi que, grâce au breton, dans des mots qui sont en réalité fran- çais, le ca- initial et parfois le ga- initial a été conservé. Il y a

Les langues romane et breloiiiie eu Aruiorique. 403

bon nombre de mots de ce genre dans le vocabulaire et il serait peu logique de les attribuer à une influence normande. On retrouve le même phénomène, un peu partout dans les noms de lieux et de terre : à Sérent : h Castellier (de Laigue, Noblesse, II, p. 775, en 1427); à Saint-Méloir : Le Catelais ; à La Boussac : La Caiinelais ; Cannes (Canines) paroisse des Côtes-du-Nord, est à citer ici, A Saint-Hervé : Le Caiiipel ; à Bourg-des-Comptes : Le Calmel ; à Sixt : La Cantelle ; à Saint- Dolay : Caumont ; à La-Chapelle-du-Lou : Catillons ; à Landu- jan : La Canterie; à Iffendic : Les Calmianx; à Loudéac : La Ganterie, La Cantepie; à Saint-ntienne-du-Guédel'Isle : LeCam- pion;i Plélan-le-Grand : Le Ca/eneî ; àPaimpont : La Cannée; à Montauban : Caiiipenolle, Canipenes; à Bains : clos de la Caniinais, Les Casseriaitx ; Lillemer : La Cavaldière ; Plerguer : clos du Casseret} {Licatel ^ Lis-casteliy, à Hirel : Les Caniins; à Saint-Coulomb : La Catellerie ; à Saint-Malon : Les Catelais; à Baguer-Pican, le Qiiatelin; à Vivier-sur-Mer : Les CatellUres; à Mont-Dol : Le Capitrel; Tinteniac : Le Clos Camin; à Pipriac : le Cadelai.

Il y a un nom de lieu qui revient dans un grand nombre de communes de la zone romano-bretonne : c'est Ca, les Cas, le grand Ca (écrit Ca, cal, cas)\ En dehors de cette zone, je l'ai rencontré sous la forme cha à Trans (zone française d'Ille- et- Vilaine) : Le C/;a-lès-Devant. Je n'en connais pas le sens. Il y a aussi d'assez nombreux Callonet ^ ; or, à Combourg, le mot a la forme Challoiiet.

Tels sont les principaux résultats de cette étude, hérissée de difficultés de toute sorte, extrêmement ardue, mais d'un intérêt capital, touchant au fondement même de l'histoire de la péninsule armoricaine. Une publication ultérieure, quand les matériaux si complexes à mettre en œuvre seront entière- ment réunis, les précisera, et, je n'en doute pas, ne fera que les confirmer.

J. LoiH.

1. Grand-Fougeray : sous le Ca, le Cas du Haut. Merdrignac : le grand Cat Plessala : les Cats le Cas du Sou Bains : les Cas Pipriac : icage du Ca, Les Cas Brain-sur-Vilaine : Le Ca du Reniai Mérillac : le Ca Pluduno : le Cat.

Le Cas rouge très fréquent doit s'écrire probablement Caroage =r^- Oiiadru- vium.

2. A Saint-Domineuc, La Boussac, Maure-de-Bretagne etc.

LA DÉCLINAISON DANS LES INSCRIPTIONS CELTIQUES

d'après Sir John Rhys.

Dans le résumé donné plus haut de l'instructif travail de M. Rhys sur les inscriptions celtiques de France et d'Italie, nous avons mentionné les tableaux le savant auteur classe (p. 75, 76) les formes déclinées qu'elles contiennent, « sans essayer pour le moment de distinguer entre le gaulois et le celticain ». Voici ce classement, avec les renvois aux n°' d'ordre des inscriptions.

DECLINAISON DES THEMES EN -0

(a) Singulier :

Nominatif niasciiliu.

Andecamulos, XXXIIL. Doiros, III.

Ave^uvor, XXXL. E/.-.vvo.:, XXIV.

lî'.vvay.cç, XVI. Iccavos, IV.

Bratronos, XXXI. Legatos, XXXIV.

Kap-rapor, XVII. Licnos, V.

KacraiTaXcç, XVIII. Quintos, XXXIV.

KaTCuaAsç , XXIV^ ^^s-'Oixapc;, VI.

Cernunnos, XXIX. Smertullos, XXIX.

Cingos, XXX^ Tagos, XXXIV.

Déclinaison dans les Inscriplions celliqucs. Contextes, V. tarvos, XXVIII.

405

Crispos, I. Dannotalos, XXXIV.

Génitif ma se.

Ategnati, XXXVI. Dannotali, IL

Datif.

Alisanu, III. Avsouvs, XXXP. Dyorico, XXV.

Ablatif. Dugiiontiio, IL

Accusatif neutre.

canecosedlon, V. cantalon^ IV.

Pluriel :

Nomin. niasc. SeLani, XXVIL

(^) Singulier.

Nom. masc. en -io-s.

Andocombogios, XXXIV. Apronios, XXXIII. Ey.ivvr.c,: (?), XXIV.

HA0U(7XûVICÇ, XV.

Piou;j.avioç, XV.

Nom. masc. latinise. Voretovirius, XII.

O'jr(êpcu[j.apoç, VIL

Segomari, IIL Exuertini (?), XXXIIL

Leucullo, XXXI. Magalu, XXXI. Seboddu (?), I.

VSlXYjTOV^ VI.

...ramedon (ou masc. ?), I.

Useiloni, XXVIL

Setubogios, XXXIV. Tarbeisonios, XXVI. Uirilios = Ouf.pt A Atc, XXXP.

4o6 E. Ernaull.

Gen. masc. Ec^ai, XXXV.

Ace. masc.

Brivatiom, XXVI (pour Brivation).

Pluriel :

Nomin. masc.

asoioi, XXXIV. Exandecotti (?), XXXIV.

(y) Singulier.

Nom. masc. en -eo -s.

Andarevisseos, XXXIV. AtTcjj^apEsç, XVI.

KovotAAîcç, XX. OjiaXcveo;, VI.

Datif. OuspsTeoj (?), X.

(o) Singulier.

Nom. mase. en -icno -s.

Aâpsffaiy.voç, XXII. Ou£par/.vOw, XVIII.

Druticnos, XXXVI. TocuTiaa-.xvoç, XXXIII^

Oppianicnos, IV.

Gên. masc. Dmticni, XXXVI.

Dat. masc. Aneunicno, XXXP. Oclicno, XXXP.

Ace. neutre en -icno -n. celicnon, II.

Déclinaison dans les Inscriptions celUques

Pluriel.

Islom. ma se. Dannotalicnoi, XXXIV.

(s) Singulier.

Nom. masc. en -aco -s.

IXÀavcu'.ay.îç, XVII. OupttTay.oç, XV.

IXXtaxoç, XIII.

Dat. masc. Anuallonacu, V.

407

DECLINAISON EN -/.

Singulier.

Nom.

Goisis on Coisis, XXXVI. lovis, XXVIII.

Ace.

ratin, XXVI. Ucuetin (?), II.

Dat. Aioui, XVP.

Aocy.'., XVIII.

Martialis, II. Na[j.autjaT^, VI.

Luguri, XXXP. Sumeli, XII.

Nom. Esus, XXVIII.

AtpVtTOUÇ, XI. T00UT10L>Ç,VI.

DECLINAISON EN -U.

trigaranus, XXVIII. Uolcanus, XXVIII.

4o8 E. Ernaull.

Ace. Esun, XXXIII.

Dat.

Eivoui, XVIII. Tapavccj, VII.

TpaasÀoui (?), XIII. . . . o).-., XXII.

Mapîcs'j'., X.

AbL BpaTîu -es (?), MI, XIII, XMI, XVIII, XXn, XXIV, XXIV^

DÉCLINAISON EN -A ET EN -E. diviser en deux classes au moins, mais les données nécessaires manquent).

Singulier fém.

KpsiTc, XXIII.

Nom. Buscilla, XXXII.

Gén. Quintes, XXXIV.

Ace. logan, XXXVI. [/.atixav, XIV.

Dat. Adiatunneni (?), XXXIIP. Ucuete, II. Br/A-^aaixi, VI. Eœxsyy'^'j ^^*

Ucuetin, II.

SiNG. MASC. EN -aS.

Gén. Tome (?), XXXV.

SiNG. FÉM. EN -ia.

Décliiiaisoii dans les Inscriptions celtiques Dat.

409

Adiantunneni, XXXIII'-". Aiouviar., VIII.

Abl. Alisiia, II.

Pluriel,

Ace. artuass, XXXV.

Dat.

AvGcuvvaos, XXIV. Na[;.auaix«êo, XVII.

BÀavoocuiy.cuvtai, IX.

Alixie, XXXII.

...0U<0?), XXIV'\

DÉCLINAISONS CONSONANTIQUES

Singulier.

Nom.

Elvontiu, XXVP. Frontu Qatin), XXVI. Nappisetu, XXXIIP. Peroco, XXV. OuaXmo, VIII.

Dat.

Brigindoni, IV. Subroni, XII.

Ace. neutre.

xoi^nv», VII (?), XXIV, XXIV^ obal, XXXV.

toutio, XXXIV. E(7y.tYYcp-'-T3 XX. Castor (latiii), XXIX. Uritues, XXXIIP.

AoYSvvopr,"., X. Epadatextorigi, XXXI.

410

E.

Ernault.

Duel.

Dat.

suiorebe, XXXI

Pluriel.

Nom.

eurises, XXVII.

Dat.

[j.aTpsêo, XVII.

Ace. neutre.

y.av-£va, VII, XIII,' XVIII, XXII, XXIV^.

PRONOMS, NEUTRE SINGULIER

Ace.

{adjectif) : sosin, II, VI, XXXII. (substantif) : sosio, XXXI.

E. Ernault

LA DATE DE LA FISION DE TONDALE

ET LES MANUSCRITS FRANÇAIS DE CE TEXTE

La date. Dans la préface de leur édition, MM. Friedel et Meyer traitent surtout la question de chronologie du texte latin. L'éditeur du texte latin, M. Wagner, n'admettait pas la date de 1149, indiquée par l'auteur Marcus, et croyait à une erreur de copiste, due à l'emploi du chiffre romain. Dans une étude com- parée des visions, présentée en 1904 comme thèse à la Faculté de philosophie de Gand, nous avons attiré l'attention sur les renseignements contradictoires que nous fournit Marcus et nous avons admis qu'il avait probablement commencé le récit de la vision à la fin de 1 148 et terminé en 1 149. Marcus, venant de l'Irlande, serait passé par Clairvaux, y aurait lu le com- mencement de la vie de Malachie par saint Bernard, et de serait parti immédiatement pour Ratisbonne, il se serait mis sans tarder à rédiger son œuvre. Ainsi s'explique le présent transcrihit : Marcus écrit son livre à Ratisbonne pendant que saint Bernard continue à écrire la vie de Malachie à Clairvaux. Car tous les événements cités par Marcus se placent en 1148, excepté la mort de Nemie au début de l'année 1149 qui suit donc de quelques semaines seulement la mort de Malachie^

1. A propos de « La Vision de Tondale », textes français, anglo-normand et irlandais, publiée par V. H. Friedel et Kuno Meyer, Paris, H. Champion, 1907.

2. Il est assez curieux de constater que, dans les traductions flamandes imprimées en 1484 et sq., ce détail est omis et que le traducteur dit tout simplement que la vision a été vue en 1149, sans autre indication sur l'au- teur Marcus.

412 R. Verdcxcn.

mort à Clairvaux le 2 novembre 1148. Et qu'y a-t-il d'éton- nant à ce que l'auteur rapproche de la mort de Nemie les autres dates et ne fasse pas la distinction d'année? Nous admettons donc que, dans son esprit, la date des événements si récents s'est confondue avec celle de la transcription de

son texte.

*

Les textes : i. Outre les manuscrits français imprimés par M.Friedeljil en existe encoreun autre d'unegrande importance, sinon le plus important de tous, notamment la traduction faite par David de Gand à la demande de Marguerite d'York (3^ femme de Charles le Téméraire), dont il était le secrétaire.

Ce manuscrit orné de 20 miniatures superbes, fut achevé le )o mars 14J4 ; la description complète se trouve dans le cata- logue des livres de feu le Marquis de Ganay, pages 25 sq.,n° 39; nous ne la reproduisons pas ici, mais nous la tenons à la dis- position des intéressés. Ce ms. fut vendu pour 5.100 francs au libraire Porquet de Paris, décédé il y a quelques années. On a perdu sa trace, malheureusement, car il doit être des plus intéressants tant au point de vue linguistique qu'au point de vue artistique.

Aucun des mss. publiés parM.Firedel ne nous donne d'ailleurs une traduction exacte an premier texte latin comme on en trouve dans d'autres langues, en flamandp.ex. Ainsiletexte deP^m, dont M. Friedel vante à tort le caractère personnel, n'est qu'une traduction presque littérale du texte latin de Vincent de 5<'rt//tww (Spéculum historiale, lib. 27, cap. 88, 104).

2. Brunet, dans son Manuel du libraire, signale encore un texte du xiv^ siècle, qui se trouverait à la Bihl. Imper. Est-ce le même que le ms. de Paris}

3. Rappelons aussi qu'un texte en langue d'oc fut imprimé en 1903 par A. Jeanroy et A. Vignaux dans la Bibliothèque méridionale, publiée sous les auspices de la Faculté des lettres de Toulouse, i"^ série, tome VIII.

R. Verdeyen,

Professeur de Néerlandais à l'Athénée d'Ostende.

UN NOUVEAU NOM CELTIQUE DE PEUPLE

Aux vers 1056-1060 de V Alexandra de Lycophron, poète alexandrin du iii^ siècle avant notre ère (280 environ av. J.-C), on lit :

ijxai ZOTS zpsaêsuai.v AWwXwv oâoq ïxtl YO-/)pbv xai TCavs^/ô'.aTOv ©avév, CTav àXaYYwv yatav 'Av^ato-cov 6 so*/; [j,oX6v-cç atTiî^ojo-r, /.oipivou Y'jaç, èo-OAYJç àpcijp-r;ç TCiap sY*/.)v-^psv yÔovi.;.

(édition de C. von Holzinger. Leipzig, 189s).

Le contexte montre que les ^LlâXxvYc. et les " k'-(^(:xiGzi sont donnés par le poète comme habitant la partie sud-est de l'Italie appelée Daunie ou Apulie, contrée se trouve Brindisi {BriindusiiDu, BpsvTSŒiov. L'auteur fait dans la suite prédire à Cassandre = Alexandra que les habitants de ce pays, appelé cette fois en commun Aauvùat v. 1063), enterreront vivants les envoyés qui viendront réclamer leur territoire au nom du roi d'hpire, et Justin raconte en effet le même événement (XII, 2, éd. Rôhl, Teubner) dans les termes suivants : «... Erat namque tune temporis urbs Apuliœ Bnindusium, qiiani Aitoli, scculi famà rerum in Troia gestanim clarissimiim ac nohilissimum duceui Dioniedeni, condidera}it ; sed pitlsi ab Apulis consulentes oracula responsani acceperani lociim qui repctissent perpetiio posses- siiros. Hac igitur ex causa per legatos ciim helli coniininalioiie res- titui sihi ah Apulis iirbem postiilaverant ; sed ubi Apulis oraculwn innotuit, interfectos legatos in urbe sepelicnint, perpétuant sedem ibi habituros. Atque ita defuncti responso diu urbem possederunt . . » Ce traitement cruel rappelle la réponse célèbre de Marins aux chefs des Cimbres et des Teutons, utilisée par Chateaubriand

414 ^- Ciiiiy.

dans le passage si connu des Martyrs : « La terre que je te donnerai, tu la garderas éternellement. » Mais ce n'est pas ce qui peut conduire à voir dans ^xXavvîi et dans " X-n^xvjoi sur- tout des noms celtiques de peuples. C'est la forme même de ces mots qui n'ont rien d'hellénique ou d'italique. Tout au moins on attendrait * Angai:;^oi dans ce dernier cas, * Angîrî en latin (cf. A'jpovsç, Aiirunci). Au contraire, ''A^;yx'.aoq a une physionomie franchement celtique, et l'on peut s'étonner de ne pas le trouver dans V AltceUischer Spraschat:;^ de A. Holder.

C'est sans doute parce que, 'A-'y^'-toi, par suite d'un oubli, ne se lit pas dans le Thésaurus d'Estienne (il est au contraire mentionné dans le dictionnaire de Bailly), alors que XlxAaYYc y figure parfaitement.

Pour qui a présent à la mémoire le vocable celtique bien connu * gaison, gr. -yr-noz, lat. gaesuin, et le nom commun (et propre) qui en est dérivé * gaisaia, *gaisatï (gr. Fai^^Tai, lat. Gaesati, etc.. v. Altceltischer Spraschat:^ s. v. v.), cf. irl. gai, gae « gaesum », gaide, gl. pilatiis, "Av-^aiiroç se dénonce immé- diatement comme un préceltique *n-ghaisos (gr. yyXzz, yjxlzv, germ. *gaî:^as, m. h. a. gêr. etc.), soit en celtique ancien * angaisos « qui n'est pas armé Ôm gacsutn ». Ce nom est par conséquent l'exact contraire du nom du soldat celtique : * gai- sata. Sans doute, il est bien étonnant de trouver une dénomi- nation celtique de peuple à l'extrémité méridionale de l'Italie ; mais, si le nom est celtique, il n'est pas nécessaire que le peuple le soit aussi. Très souvent le nom d'un peuple lui a été donné par un peuple voisin comme c'est le cas pour les Ger- màni baptisés ainsi par les Gaulois sans doute. Et le sens favo- rise cette façon de voir. L'arme nationale de l'Italiote étant le pllum, il se peut très bien que par opposition à leurs gaesati, les Celtes d'Italie aient appelé Angaisoi les peuples qui avaient occupé la contrée avant eux. La phonétique du mot est par- faitement régulière, car on sait qu'en celtique commun, le n voyelle indo-européen est représenté par an-, particulièrement dans la particule négative (sk. et zd. a-, gr. y.-, lat. in.- germ. un- etc.), cf. v. irl. an- (e- devant c, /), cymr. an-, corn. an-, bret. an-, p. ex. dans le nom de la déesse de la victoire Andrastâ (Altc. Sprachsch. s. v.), littéralement « l'irrésistible »,

Un iwiivcan nom celtique de peuple 415

cf. sk. dhars- gr. Gapcr-, 6spa-, got. (^gd)dar.<;, et dans d'autres mots. Si le F du grec 'Ay/'-Fi; n'était si bien attesté par les ins- criptions dialectales et par le latin Achlvî, on serait tenté, mais bien à tort, d'y voir le correspondant exact du celtique Angai- sos et de l'interpréter par à privatif et -/atsç. En revanche, il est possible que cette fausse interprétation ait prévalu à une époque le F était tombé dans les colonies péloponnésiennes de la Grande-Grèce' M. R. Meister voit des colonies achéennes bien plutôt que des colonies proprement laconiennes, et ailleurs (v. R. Mister Dorer itnd Achàer, I. Teil. Leipzig, 1904, pass'uii). Aiigaisos ne serait alors qu'un emprunt celtique de traduction (Ueberset:^iiiigskhnivort'), à- ayant été rendu par son correspondant celtique an- et =^ -yaio-ç par -gaisos. Mais pom- cela il fmdrait admettre qu'on avait reconnu le rapport de gaison et de -/aîcv, ce qui paraît difficile, yaîov n'ayant en grec que le sens de « bâton de berger, houlette ». Il vaut donc mieux s'en tenir à la première hypothèse et voir dans Angai- soi un nom purement celtique donné aux habitants de l'Italie du sud-est.

Quant à HâAayvd, son caractère celtique est beaucoup moins évident. C'est un nom barbare, et c'est à peu près tout ce qu'on en peut dire. Il y avait bien en lUyrie un fleuve appelé ilaXâYYwv, -wvo; ÇApolIonios de Rhodes 4, 337. L'au- teur est un poète alexandrin de la même époque environ que Lycophron (v. 240 av. J.-C.), et l'on sait que l'influence cel- tique a été considérable en Illyrie, mais cela ne suffit sans doute pas pour voir un nom celtique dans -aXaYYC'-. Car on a signalé d'autre part les rapports de parenté qui semblent exister entre l'illyrien et les langues non italiques de la Grande- Grèce. Enfin, pour ce qui est des -aAaYY^'- ^^^ Tlnde (chez Nonnus, v. 500 après J.-C, Dionysiaques 26, 6 1 et 30, 3 12), ils n'ont sans doute rien à faire avec les ^xKxyyz'. d'Arpulie. Si leur nom n'a pas été simplement inventé ou transporté dans l'Inde par Nonnus, il faut bien plutôt le rapprocher des lUxpot.yyxi de la Perse ancienne et du fleuve ^xpxy'{r,c de l'Inde elle-même.

A. CUNY.

I. Au contraire il se maintient en laconien sous la forme graphique p.

A PROPOS DE BEUTE ET DE BYIVYD

L'étymologie de Beiite et son rapprochement avec bùaid (et avec le gallois hudd, que M. d'Arbois de Jubainville oublie) a été donnée par moi dans un article intitulé Biiaid, hud, beiite, dans les Mémoires de la Soc. de ling. de Paris, en 1890,

P- 158.

Dans la Revue Celtique, 1899, t. XX, p. 345, j'ai montré avant M. Strachan que bywyd = bivoliis.

Pour des exemples de l'effet de î = il, v. J. Loth, Remarques au Dict. de Silv. Evans {Archiv., \, p. 465). Dans mes Mots latins, j'ai déjà signalé lleidr, neidr, à rapprocher du vannetais [n]air [n]airoii. Cf. Sais = Saxî=Sa.xô, indiqué par Zimmer.

En breton et en comique, latr a été emprunté à latro avec 0 atténué et a échappé à l'infection.

Pour ivet- et -wid en gallois, v. ibid. {Arch., I, p. 411).

J. Loth.

BRETONS EN IRLANDE

J'ai prouvé dans la Revue Celtique, t. XVIII, p. 304, que les Bretons insulaires avaient souvent porté la guerre en Irlande du v^ au viii^ siècle, et y avaient même fait des éta- blissements durables. Un passage des Annales d'Ulster, qui m'avait échappé, ajoute à nos connaissances sur ce point. On lit à l'année 822 (Hennessy, Annals of Ulster, I) : Galinne na inBretan exustum est 0 Feidhlinitidh cum tota habitatione sua, et cum oratorio.

Haddan et Stubbs (Councilsll, p. 4, note é), avaient d'abord supposé qu'il s'agissait du Galloway, suivant en cela O'Connor. Ils ont reconnu leur erreur dans les notes au tome II et identifié avec Hennessy, Gaili?iuc na niBretan {GaiUwie des Bretons^ avec Gallen, dans la baronnie de Garrycastle, King's County. Il y avait un monastère fondé par un saint breton insulaire, saint Candc, d'après Haddan et Stubbs, mais miçux saint Mochonôg, d'après Hennessy qui suit le Martyiol. de Donegal. Ce saint aurait été fils d'un roi de Bretagne. Il se peut que Galinne na niBretan n'indique qu'un établissement religieux. Le fait qu'il a été brûlé par un chef irlandais serait assez significatif, s'il n'y avait pas d'exemples de monastères sûrement indigènes ayant subi le même sort. Mais si on songe qu'il y a eu sûrement un établissement durable dans le voisinage, dans le comté actuel de Tipperary {Revue Celtique XVIII, p. 308), que la légende de Tristan semble le rattacher au pays d'Ormond qui touche (^ibid., p. 316), on est porté à croire que le monastère d'origine bretonne a très bien pu être fondé au millieu d'une population, à un certain moment, d'origine bretonne.

Il est possible que l'accent si particulier du dialecte de Munster soit à l'influence du brittonique.

J. LOTH.

Revue Celtique, XXV II l 27

BIBLIOGRAPHIE

Mélanges H. d'Arhois de Jubainville, recueil de mémoires concernant la littérature et l'histoire celtiques dédié à M. H. d'Arbois de Jubainville à l'occasion du 78^ anniversaire de sa naissance par MM. Collinet, Dottin, Ernault, Grammont, Jullian, Le Braz, Le Nestour, Le Roux, Lot, LoTH, Meillet, Philipon, s. Reinach, Vendryès. Paris, Fontemoing, 1906, in-80, vii-289 p.

A l'exception d'un mémoire qui est consacré à l'étude de la déclinaison dans l'onomastique de l'Ibérie, tous les articles de ce livre, dédié au vénéré directeur de la Revue celtique, concernent nos études. L'histoire, la toponomastique et les croyances des anciens Celtes, la grammaire et le vocabulaire irlandais, breton et gallois, les lois du pays de Galles, deux gwerz bretonnes et un mystère breton y font l'objet de treize mémoires d'inégale étendue.

Dans son mémoire sur la déclinaison dans l'onomastique de l'Ibérie (p. 237-269), M. Philipon étudie les suffixes et les désinences des noms que l'on rencontre dans les inscriptions ibères. Il démontre que parmi les suffixes de noms ibères il n'y en a pas un seul qu'on ne retrouve dans une ou plusieurs langues indo-européennes, et que la déclinaison, qui est incon- nue en basque, existait dans la langue parlée par les Ibères. L'auteur combat ainsi la thèse de Humboldt qui admet que les Ibères sont les ancêtres des Basques.

M. C. Jullian (p. 97-109) examine de quelles tribus s'est constitué le peuple gaulois des Salyens, quel fut le motif de sa création, et comment ont fusionné les éléments dont il a été formé. Dans le siècle qui suivit la fondation de Marseille, les indigènes de la Provence semblent avoir été des Celtes. Vers l'an 400, les Celtes arrivèrent en Provence et groupèrent autour

Bibliographie. 419

d'eux les tribus isolées. Le nom de Siilyens, qui désignait à l'origine une seule tribu ligure, celle du pays arlésien, s'ap- plique dès leiv^ siècle à tout le peuple de Provence. Les Salyens, sans doute avec l'appui des Gaulois, avaient donc imposé leur hégémonie. Mais il ne semble pas que les Gaulois aient inter- calé de leurs tribus parmi l'es tribus indigènes. Ils imposèrent leur langue : d'après Varron, on ne parlait chez les Phocéens que trois langues, le latin, le grec et le celtique; peut-être aussi leurs rois : Catumandus et Teutomalius portent, semble- t-il, des noms celtiques. Il est possible que par toute la Gaule, lors de l'invasion celtique, les indigènes et les envahisseurs se soient mélangés de la même manière que sur les terres pro- vençales.

M. S. Reinach (p. 271-277) explique le texte obscur de César, De bello gallico, VI, 18 : « ils ne permettent pas à leurs enfants de les aborder en public avant l'âge ils sont capables du service militaire; ce serait une honte pour un père de recevoir publiquement auprès de lui son fils en bas âge » par un tabou guerrier. Le personnage tabou est dépo- sitaire d'une vertu spéciale qui lui impose en général l'obliga- tion de l'isolement, parce qu'elle peut se communiquer par contact. En Nouvelle-Zélande, il est interdit à un chef maori de toucher la tête de son entant. César a sans doute voulu parler des Gaulois, non pas à n'importe quel moment de leur existence, mais des Gaulois en armes, réunis soit pour la guerre, soit en conseil. Le guerrier en armes ne peut se mon- trer publiquement qu'avec ses égaux; la présence d'un enfant trop jeune pour porter l'épée créerait un péril d'ordre supersti- tieux tant pour le père que pour l'enfont.

Les Recherches de toponomastiqiie de M. F. Lot (p. 169-193) ont pour objet des noms de lieu dérivés de la racine qui signifie « élevé » en celtique et de quelques autres racines de sens différent, mais de forme analogue. Parmi les noms modernes de la France on trouve des Oisseaux, Olssel, Hoisseaux, Hoissel, qui remontent à oxellos ou à oscellos ; des Uisseaiix, Usseaux, Uissel, Ussel, Huisseaux, Husseaux, Huissel, Hussel qui remontent à iixellos ou à usrellos. Parmi ces noms, les uns s'appliquent à des lieux situés sur des hauteurs ; ceux-

420 G. Dotli)!.

ont sans doute pour forme primitive uxellos ; les autres s'appliquent à des lieux situés dans des îles ou auprès de cours d'eaux; ils ont sans doute pour forme primitive oscellos dérivé de osca que l'on trouve probablement dans le nom de ruisseau VEusche (Dordogne) et dans le nom de ville Huesca (Espagne). Quel que soit le sens de oscellos, W faut distinguer ce mot de uxellos. Les Exmes, Huismes, Humes, Oiiismes ue France pro- viennent sans doute de Oxiiiia, Uxiina ; ils sont situés sur des hauteurs; O/Vt'/;/^ (Eure-et-Loir) semble remonter à Oxisama; uxiniû, oxisama semblent des superlatifs de dérivés de la racine OUK. Usson {Uccio\ Ussé {Ucciaciis), situés sur des hauteurs, semblent dérivés d'une racine de sens identique, sinon de même forme que celle qui a donné uxellos « élevé ».

M. A. Meillet (p. 229-236) traite du génitif singulier irlandais du type tuaiihe. Il remarque que ce génitif ne peut s'expliquer à l'aide de la terminaison ordinaire du génitif- ablatit des thèmes en : -as. La finale *'âis à laquelle MM. Stokes et H. d'Arbois de Jubainville ont recouru ne trouve d'appui nulle part. Mais les thèmes en de l'armé- nien ont -/ au génitif-datif-locatif singulier. De plus, l'indo- iranien présente au génitif-ablatif singulier des mêmes thèmes une désinence *-âyâs. Pour ramener à l'unité le type irlan- dais, le type arménien et le type indo-iranien, il suffit de poser un primitif -{i)yâs ou (^i)yês qui aurait été altéré en indo- iranien en *-^jY?j" par généralisation de 1'^/ du thème. M. Collitz a montré que la flexion indo-iranienne normale des thèmes en comporte, à certains cas, un élément )'. On est donc amené à cette conclusion qu'il y a pour les thèmes indo- européens dits en â deux flexions distinctes, l'une sans 3' et l'autre à y, à tous les cas du singulier, sauf le nominatif et l'accusatif.

Dans un article des Mémoires de la Société de lingnislique, t. XIII, p. 396-403, M. Vendryès établissait que le pronom cid était originairement en irlandais un pronom interrogatif neutre, identique au latin quid. De l'emploi pronominal est issu l'emploi adverbial de cid qui fait l'objet de la présente étude de M. Vendryès (p. 279-287): De même que le sans- krit cid, l'irlandais cid exprime la corrélation de deux mots;

Bibliographie. 421

il exprime l'idée de « même » . L'adverbe irlandais cid a donc conservédeux emplois anciens d'une particule indo-européenne; il a pris de plus une signification nouvelle, « bien que ce soit », l'origine adverbiale est encore sensible, puis le sens de « que ce soit », cid semblait un mot composé de ce -\- le subjonctif présent du verbe copule, et se changeait, au plu- riel, en cit. Si le verbe copule figurait réellement dans ce mot, on aurait, non pas cid, mais cib, cip qui a existé d'ailleurs avec le sens de « qui que soit, quel que soit ». Le négatif cor- respondant à l'affirmatif cib est cenib^ cenip. De plus, cid se trouve aussi bien dans des phrases l'on attend un passé que dans celles l'on attend un présent. Cid ne contient donc ni une caractéristique de subjonctif, ni une caractéristique de présent^ et est simplement l'ancien adverbe indo-européen, identique à l'origine au pronom interrogatif neutre.

Sous le titre de Les diphtongues toniques en gaélique d^ Irlande, (p. 15-46), l'auteur de ce compte rendu a étudié l'évolution en irlandais moderne des anciennes diphtongues indo- européennes et la naissance de nombreuses diphtongues nou- velles sous l'influence des consonnes palatales ou non-pala- tales. Un des phénomènes les plus intéressants de cette évolu- tion des diphtongues est le changement d'accent qui du pre- mier élément de la diphtongue passe sur le second : co > eô; éa >■ ; io > ; lu >■ in ; et aussi l'éclaircissement sous l'accent des voyelles obscures nées de résonnances consonan- tiques. On peut se convaincre facilement de l'intérêt qu'offrent les graphies souvent compliquées de l'orthographe irlandaise moderne qui dans plusieurs cas nous permettent de détermi- ner des sons que l'orthographe du vieil-irlandais ne notait pas et que l'on ne retrouve pas dans les dialectes parlés aujourd'hui.

Les Contributions à la lexicographie et rétytnologie celtiques, de J. Loth (p. 195-227) portent sur l'irlandais, le gallois, le comique et l'armoricain. Les mots irlandais étudiés sont : ais, forrach,glas,giir, serbh. Les mots gallois sont : achcs, anior, anghad, angell, aros, ban, briuydr, czuni, enllyn, eriuis, gins, gognaiu, grid, groar, girad, giueddgor, giunio, llogylwit, maon, herw, niaïus, mustuir, nomieu, rei, reinyat, reiuyss, tarfu, tarf. Au

422 G. Dolliii.

comique appartiennent : aiicoel, aiulroiu, coscaf, crew, croii, dy^re, gwebesen, hcnse, keryii, la, uieihev, iicwer, poth, pylh, rethys, skynnya, soth. Au breton armoricain : argant, braou, colch cuvranc, gueredic, gudul, parr, pejitir, yehcu.

M. E. Ernault étudie (p. 47-81) le mot dieu en breton. Il le recherche d'abord dans les noms propres vieux-bretons, puis en moyen-breton les emprunts aux formes savantes du français sont particulièrement nombreux ; puis en breton moderne, dans les dialectes vivants. Les mutilations et trans- formations du mot doué dans les expressions familières et les jurons forment une partie considérable et non la moins inté- ressante de ce travail.

L'étude de M. Maurice Grammont porte sur la mélathèse en breton aniioricaiii {p. 83-96). Il examine le traitement en haut- vannetais et en léonard des groupes giur-, giul-, ex. gloaii « laine », gall. giulân; groacb « vieille femme », gall. givràch. Ces groupes ont, dans tous les dialectes bretons, subi la méta- thèse en gnu-, glw-; le haut-vannetais a conservé ^rtf-, gltv- en toute position; mais le léonard a perdu son lu devant les vo3'elles palatales ^ ou / : gn'g « épouse », vann. groiiic, gall. giuraig; glech « action de détremper », vann. gloikc'h, gluîc'h, gall. gzulych; et, devant a, il présente deux formes différentes : gJoan, vann. gloan; grach, vann. grouc'b. Il ne faut pas con- fondre avec les groupes provenant de giur-, giul-, ceux qui sont issus de luo-r-, wo-1- et qui se présentent en léonard sous la forme ^^ow?'-, gouJ-.

Les éléments d'iinporlalion étrangère dans les lois du pays de Galles font l'objet du mémoire de M. P. Collinet (p. 1-13). De l'examen attentif des textes il ressort que l'influence romaine a été peu importante sur le droit gallois. M. Collinet n'a relevé qu'un passage du code de Dimétie qui semble ins- piré de la législation romaine. De même, quelque sensible que soit l'influence de l'Église sur les lois galloises, les emprunts au droit canonique se réduisent à deux. Enfin les dispositions relatives aux droits du roi se retrouvent dans l'Europe occi- dentale et semblent d'origine étrangère. Ont-elles été emprun- tées au droit public des Anglo-Saxons ?

M. Anatole Le Braz expose l'origine d'une chanson bre-

Biblioorapbie. 423

tonne intitulée «La marquise Dégangé » (p. 111-128). C'est une cause célèbre du xvii^ siècle, l'assassinat de la marquise de Gange par ses deux beaux-frères, l'abbé et le chevalier de Gange. H. de la Villemarqué, dans le Bar~a~-Brei:(, 3. prodigieu- sement remanié cette chanson qu'il a publiée sous le nom de « Le clerc de Rohan », en supprimant quelques personnages et en déguisant l'identité des autres; il a, de plus, emprunté quelques détails à une ballade tirée des Chants populaires des Serviens, publiés en 1834. Par cet intéressant exemple on peut voir qu'une partie de la littérature des givei^ion bretonnes est une adaptation de la littérature française du colportage, et constater une fois de plus à quels artifices variés H. de la Ville- marqué eut 'recours pour écrire « l'histoire poétique de la Bretagne ».

M. P. Le Roux traduit et restitue (p. 153-167) le texte singulièrement altéré d'une chanson bretonne sur la mort de Duguay-Trouin. Cette chanson provient de la collection Pen- guern. Le copiste coupait mal les mots et les ortho^^raphiait à sa manière; il n'est pas rare que les chanteurs répètent sans les comprendre des mots qu'ils ont mal entendus. Quant à l'ori- gine de la chanson, comme Duguay-Trouin avait des marins bretons sous ses ordres, il est possible qu'elle soit l'œuvre de l'un d'entre eux ; il est possible aussi qu'elle ne soit que la transcription bretonne d'une complainte française.

Le m3'stère breton de la Desîniciion de JénisaJeiu ne nous est pas parvenu. Mais Le Pelletier, dans son dictionnaire breton- français a fait du manuscrit qu'il en possédait léo citations. M. Le Nestour a relevé ces citations ; il a essayé de reconstituer le plan de la pièce d'où elles sont tirées et a recherché si, comme la plupart des mystères armoricains, cette tragédie n'était pas imitée de quelque œuvre française (p. 129-151). Il démontre que le mystère breton est dans son ensemble une imitation du mystère français imprimé chez Vérard en 149 1; quelques détails seulement seraient tirés d'un modèle inconnu.

Une dédicace, de J. Loth, offre ce livre à M. d'Arbois de Jubainville, au nom des celtistes français. Ceux des anciens élèves de M. d'Arbois de Jubainville, qui non seulement ont lu ses livres et suivi son enseignenient public, mais ont vécu

424 (j- Dolliii.

dans l'intimité de son travail, ne pourront jamais assez expri- mer à leur maître toute la reconnaissance qu'ils lui gardent. Cet esprit vigoureux une imagination si vive s'unit à une méthode si exacte laisse une singulière empreinte sur ceux qui l'approchent et qui, lors même qu'ils ne sont pas de son avis, reconnaissent dans les arguments mêmes dont ils se servent contre lui les traces de l'enseignement ineffaçable qu'il leur a donné.

G. DOTTIN.

NECROLOGIE

JOHN STRACHAN

Les études celtiques viennent de perdre un de leurs repré- sentants les plus éminents en la personne de John Stiachan, enlevé le 25 septembre dernier par une pneumonie à l'câge de 45 'i"s.

en 1862 près de Keith dans le Banffshire (Ecosse), John Strachan se consacra de bo.nne heure à la science ; et sa vie, si courte par le temps écoulé, si longue par le travail accompli, ne comporte guère d'autres dates que celles de sa carrière scientifique. Dès 1877, il entre à l'Université de Aberdeen, qui avait eu peu avant comme élève un autre celtiste éminent, le regretté A. Macbain ; et dès 1880 il va faire un séjour d'un semestre à l'Université de Gôttingen, il étudie le sanskrit sous la direction de Benfey. Revenu d'Allemagne, il entre à l'Université de Cambridge, il est au Pembroke Collège le disciple de son compatriote R. A. Neil. Mais l'en- seignement universitaire allemand l'attirait ; par deux fois, en 1883 et 1884, il alla suivre les cours de l'Université de léna, se trouvait alors un futur maître des études celtiques, M. R. Thurneysen. C'est qu'il compléta ses connaissances en sanskrit et en linguistique et qu'il s'initia définitivement à la culture scientifique allemande, dont il garda toujours la forte empreinte. Dans l'été de 1885, l'Université de Manchester l'élut professeur de grec à Owen's Collège, et il y resta jus- qu'à sa mort, ajoutapt seulement à l'enseignement du grec en 1889 celui de la philologie comparée, et en 1904 celui non rétribué du celtique. Enfin, dans l'été de 1903, il organisa à Dublin, avec le concours de M. Kuno Meyer, une série de cours de vacances consacrés à l'étude méthodique de la langue et de la littérature irlandaises; le succès de cet enseignement.

426 /. Vendryes.

qui fut continué chaque année, alla sans cesse grandis- sant.

Le bagage scientifique de John Strachan est considérable. Sur le terrain de la grammaire comparée générale, il marqua son passage par quelques courts articles, publiés notamment dans les Beitrâge de Bezzenberger et il se révèle linguiste aussi sagace que bien informé. Mais c'est à la philologie cel- tique qu'il devait consacrer la plus grande partie de ses efforts et de son talent. Préoccupé avant tout de conserver le contact des réalités concrètes et ennemi déclaré des constructions hypo- thétiques que ne soutient pas l'étude minutieuse des faits, il ne s'attarda guère à la recherche de la préhistoire et se proposa dès le début de suivre l'histoire de la langue irlandaise en com- mençant par les plus anciens textes. Sur ce terrain, il dirigea ses recherches avec une patience et une sûreté qui font autant d'honneur à son intelligence qu'à son érudition. Du dépouil- lement méthodique des documents du vieil-irlandais résul- tèrent une série de mémoires, publiés dans les Transactions of the PbiloJogicaJ Society : « Contribution lo the *Îjistory of the Déponent verb in Irish »(i894); « The verbal System of the Saltairna Rann » (1895); « On the use of the verbal particle Ro luith Preterital tenses in Old Irish » (1896) ; « the Subjîinctive mood in Irish » (1897); « the Substantive verb in the Old Irish glosses )) (1899); « the signialic Future and Subjunctive in Irish » (1900); « Action and tinie in the Irish verb >; (1901); « Contributions to the history of niiddle Irish declension » (1903). L'importance de ces travaux ingrats est considérable et peut se définir d'un mot : chacun d'eux épuise la question qu'il traite et la met au point d'une façon définitive. En même temps, John Strachan fournissait une collaboration assidue à divers périodiques scientifiques, la Revue Celtique ', la Zeit-

I. La Revue Celtique a publié de John Strachan les articles suivants : gaelic var = (//■ « our » (tome XIII, p. 504): the date of the Aiura Qjo- tuiiub Ctiitleix. XVII, p. 41); notes on ihe Milan glosses (t. XVIII, p. 212 et t. XIX, p. 62); Old Irish ianiiifoicti « quaerit » (t. XIX, p. 177); finals Vowels in the Fètire Oenguso (t. XX, p. 191) ; Old Irish toglenomon (t. XX, p. 445); Old Irish tettaiiii, tallaiiii (t. XXI, p. 176); infixed d in conditional sentences in Old Irish (t. XXI, p. 412); the Vienna fragments ofBede(t. XXIII, p. 40); ro with Imperfect Indicative in Irish (t. XXIII, p. 201); Miscellanea Celtica (t. XXVIII, p. 195).

Nécrologie. 427

srhrift fiir ccllische Philologie, X Archivfiir ccJtische Lexicographie, les Indogeniianische Forschungen, les Beitràge de Bezzenberger, la CJassical Reviezu, etc. En 1904, il fondait avec M. Kuno Meyerun nouveau périodique celtique, qu'il intitulait £"rm et qu'il des- tinait à servir d'organe à la School ofirish Jearning, dont il venait d'être le promoteur. C'est également pour les besoins de cette école qu'il composait en 1904 et en 1905 les Sélections froiii the Old-Irish glosses et les Old-Irish paradigms, qui constituent jus- qu'à présent le meilleur instrument d'étude du vieil-irlandais. Nul n'était donc plus qualifié que lui pour servir de collabora- teur à M. Whitley Stokes dans la préparation du beau Thésau- rus Palaeohiberfiicns (Cambridge, 2 vols, 1901-1903), auquel son nom restera toujours attaché. Nul non plus n'était mieux préparé à faire la critique des textes du moyen-irlandais, ni à débrouiller la grammaire de cette langue, encore pleine de mystères. Les 2*" et 3" fascicules de Eriu contiennent le com- mencement d'une édition critique du Tâiii Cûaiingt, qu'il avait entreprise avec M. J.-G. O'Keeffe et qu'il laisse malheu- reusement inachevée. Et la grammaire du moyen-irlandais lui doit quelques importants travaux, comme les fines remarques sur la flexion nominale et l'étude sur le déponent dont il tira un critérium très sûr pour fixer la date de certains textes.

Depuis quelque temps, il cherchait à étendre aussi sa com- pétence sur le domaine brittonique. Les derniers fascicules de Eriii comprennent deux articles intéressants signés de lui sur le préverbe gallois ry et sur les mutations initiales du verbe en vieux-gallois. C'est au cours d'un voyage d'études dans le Pays de Galles qu'il a été attaqué par la maladie à laquelle il a si rapidement succombé.

Tous les celtistes déploreront la perte prématurée de ce tra- vailleur laborieux et patient, de ce savant exact et scrupuleux, frappé au moment même de nouveaux et vastes champs s'ouvraient, pour le plus grand profit de la science, à son infa- tigable activité.

J. Vendryes.

CORRESPONDANCE

M. d'Arbois de Jubainville a, sous le I de sa chronique de la Revue Celtique de janvier dernier, consacré quelques lignes à ma brochure : De la persistance de la langue celtique en Basse-Bretagne depuis rétablissement des Celtes dans la Péninsule armoricaine jusqu'à nos jours.

« Il (M. Travers), dit cet éminent critique, ne donne pas, « ce nous semble, une seule preuve valable à l'appui de sa « doctrine. »

Je ne puis, de mon côté, considérer comme une preuve suffisante contre ma thèse cette fin de non-recevoir, qui s'appuie sans doute sur l'autorité généralement reconnue de celui qui la formule, mais dont le bien-fondé reste discutable, comme le prouve d'ailleurs l'expression ce nous send'lc intro- duite par M. d'Arbois de Jubainville lui-même dans le libellé de sa sentence.

Non content de cette exécution sans phrases, M. d'Arbois de Jubainville rendant compte, sous le II de sa chronique, d'un ouvrage émanant d'une miss anglaise, me décoche la flèche du Parfhe qui aurait pu, je crois, sans inconvénient, rester dans son carquois. « Une œuvre d'une toute autre « valeur, déclare-t-il, est le volume que Miss Eleanor Hull a intitulé : A Text book Irish Literature. »

Je me demande quel rapport il y a entre ma brochure De la persistance de la langue celtique en Basse-Bretagne et le Manuel de littérature irlandaise de Miss Eleanor Hull, manuel dont je suis loin de contester le mérite, mais qui sort peut-être un peu de son rôle en servant de projectile contre un passant inoffen- sif et qui certes ne lui cherchait pas querelle. La question des origines du peuple breton vaut bien, comme valeur intrinsèque et sans tenir compte de la façon dont elle est traitée, un

Correspondance . 429

manuel de littérature irlandaise. Il ne reste donc plus que la valeur de l'auteur lui-même.

Personnellement je suis très heureux de céder le pas à la gracieuse insulaire qui, pour les Celtisants des deux côtés de la Manche, a su rendre encore plus aimable l'entente cordiale^ en dotant « d'un bon livre » la science celtique. Mais si je remercie M. d'Arbois de Jubainville de m'avoir fourni l'occa- sion de saluer une si sympathique fdloiu-meniber, je n'irai cependant pas jusqu'à m'incliner devant l'injonction pure et simple dont il a gratifié ma modeste étude, et tant qu'il n'aura pas motivé son jugement d'une manière plus complète, je per- sisterai à croire à la Persistance de la langue celtique en Basse- Bretagne.

Albert Travers.

Je ne puis voir qu'avec grand plaisir le zèle avec lequel M. Albert Travers consacre ses loisirs aux études celtiques. Mais sur la question spéciale dont il s'est occupé, je persiste à croire que la vraie doctrine est celle qu'a exposée en 1883 M. J. Loth, L émigration bretonne en Armoriqiie, p. 235, cf. p. 82 et suivantes. Inutile de reproduire ici les raisons données par l'éminent professeur de Rennes.

H. d'Arbois de Jubainville.

In Rev. Celt., XXVII, p. 81, there appeared a short article by me discussmg the meaning and formation of a supposed Word faisedain occurring in several passages of the Irish ver- sion of the Grail legend. I hâve lately come across some fresh évidence, which makes it tolerably certain :

(i) that Professor Robinson and I were wrong in our expansion of the symbol 7 and that the v/ord is undoubtedly faieachtain ;

(2) thatiwas right in regarding it as the infinitive of foaim ' sleep '.

The Stowe ms. E IV I is chiefly occupied by a curions grammatical treatise, parts of which occur also in another vellum ms. of the same collection.

On the verso of folio 23 occurs the following when I

43*^^ Con-rspondaiicc.

avote this, I did not know what word .1. stood for, and Icft et unexpanded with the remark, that it irust bc a word meaning ' wrong ' ' incorrect '. I hâve since found the avord written ont in several passages, it is lochlach, whichis used as the opposite oïcôir [cp. CI3 fo. 3, col. 1. 3 and sq.] Ihe second Diar siii seem otiose : caoi as cithe, côir ni roimhe, cîfed a denmus fteith, gechuin chiear a suidigiid, mar sin ghabhus sios faoiert'r/'/ain as faoithe dham let .1. ni roimhe, faoifed a dennius neith, gechuin faoier a suidigud mar sin ghabhus saoilertr/^/ain mar sin .1. ' ni re n-a hoihxingadh.

There then follow a number of examples of inflections of thèse words, one of which runs :

nior ghiall n medhair do mhnaoi do faoi le triar dTeruibh i

Now, withoiit going into the difficult question of the exact meaning ot thèse technical grammatical terms, the gênerai sensé is somewhat as follows :

Like rûoiÇ' weep ') is inflected faoicachtain having its gerund as faoi ihe dham Jet (dorniiendum est mihi tecum), this gerund is impersonal and does not admit of a subject. Like this too is inflected saolle^r/j/ain, whose gerund is also used imper- sonally.

Now it is true that in thèse words the very same symbol is used to express acht as I expanded sed in m}' former article; but not only the usage of this particular ms. but especially the occurrence of the known form saoileachtain in close conti- guity makes it practically certain, that faoieacbtain is the correct reading, a form, which may be compared with lania- chtain from laniaim ' I dare '.

As regards the meaning of the word and is identity with foaim fess the example cited, whether a genuine quotation, or a fabrication of the grammarian, leaves no room for doubt.

Walter. J. Purton.

1. I hâve not expanded .1. as I hâve never found it written out ; hue hère it seems certainly the opposite of .c. (côir), which is often written out, and accordingly signifies ' wrong ' incorrect. The second mar sin scems otiose.

CHRONIQUE

I

La librairie Guilmoto (6, rue de Mélières, Paris) mettra très prochaine- ment en vente une Graiiiiiiaire du vieil-irlandais (Phonétique, Morphologie et Syntaxe), dont l'auteur est M. J. Vendryes, chargé du cours de gram- maire comparée à la Sorbonne. L'ouvrage comptera environ 400 pages gr. 8°. Il forme le premier volume d'une collection linguistique publiée sous la direction de M. A. Meillet.

Cette grammaire qui repose à la fois sur un complet dépouillement des travaux publiés, en partie dans la Revue Celtique, et sur une nouvelle révi- sion des textes, n'est ni historique, ni comparative, mais uniquement des- criptive. On n'y trouvera que l'énumération des formes attestées, et l'indi- cation de leur emploi. C'est la première description complète qui aura été donnée du vieil-irlandais.

II

M. Félix Stahelin vient de publier à la librairie Teubner de Liepzig, sous le titre Gcschichte der Meitiasiatischcu Galater, une seconde édition de la dis- sertation présentée par lui à l'Université de Bâle en 1897. Mais cette seconde édition équivaut à une publication nouvelle, tellement le texte en a été remanié et augmenté. L'histoire des Galates qui s'arrêtait dans la disserta- tion à la fondatijn de la province romaine d'Asie se poursuit ici jusqu'en pleine époque impériale. En outre, l'ouvrage s'est enrichi d'une table très complète et très exacte des noms propres Galates de personnes. L'exposé lui-même est clair, agréable à lire et enrichi de notes abondantes.

III

M. Camille JuUian vient de faire paraître à la librairie Hachette les deux premiers volumes d'une Histoire, delà Gaule qui en aura quatre, format in-S". Un compte rendu détaillé de ce savant ouvrage paraîtra dans la prochaine livraison.

H. d'A. DE J.

Correction à page 263 :

La petite feuille qui précède VCVET IN, à la 5'^ ligne de l'inscription d'Alise-Sainte-Reine, doit être reportée au commencement de la ligne suivante avant |fj. Cette rectification a son intérêt, en ce qu'elle rend plus impro- bable l'hypothèse du Corpus inscriptionum latinarum (XIII, i, 11° 2880), que l'espace vide après |N aurait été occupé par le même signe.

(Note communiquée par sir J. Rhvs.)

CORRIGENDA

REVUE CELTIQUE, XXVIII.

P. 309, 1. II, for golden fasts m((/ Golden Fridays. Sce. S. H. O'Grady's

Catalogue, p. 319. P. 510, § I, 1. 3, read nEhraiih. L. 6, /rrtt/ sleibhtibh.

§ 3) ^- 3>y°'' roichfedh rend roithfedh.

§ 7, I. 2, rt'fl(/ cleithibh.

P. 311,3 I, 1. I, read Hebraeorum.

§ 3,/'"' march read run.

§ 6, 1. 2, for solid read viscous. P. 312, i 12, 1. 4, for t/it read tri.

P. 313, V 71, f. 313, 1. 3, for thousands real monsters, (pi. dat. ot' mil.).

1. II, for three hundred and sixty five read five hundred and three score.

P. 314, 1. I, /Yih/ t/omanfaidh.

5 16, 1. I, read niiin. L. 5, read inaroli.

note 25, read blaoghadh. P. 315, § 13, 1. 2, for o read to.

§14 1. 2, /or lawless /rat/ irrational.

1. 5,/o/- lie himself nW they themselves.

1. 6, read -stand nothing that they say. P. 316, 5 26, 1. 4, for ithff/inn read ithtVinn.

§ 27, 1. 2, read cosgair o Dhiab»/.

§ 28, 1. I, after coirighter insert [ms. coiridhter]. P. 317, §25,/o/' will be /varf will hâve arrived.

§ 26, 1. 2, for woud read world for death read depth. P. 318, § 33, 1. 6, for sona read so na.

5 29, 1- I- Fr. Henebry corrects /('/W/j;7 iofei^hil, and then translates thus : Woe to them who were not watchful cf tliemselves (that is, who were not) righteous, discreet, gentle, patient, charitable, abstinent, devo- ted to fasting, humble, pénitent in préparation for the ready, ever-deci- sive judgments which will then be delivered.

5 3), 1. 3, read salach suidhemail.

1.6, for fol atar read fola tar.

note 38, read suigemail.

P. 320, § 41, 1. 2, read n-anmann.

§ 44, 11. 3, 4, read silid.

§ 47, 1. 3, for secht read shcchl.

§ 48, 1. 2, for umachta read cumaclAA.

note 44, read teinntighi. P. 322, § 51, dele the second 7.

§ 52, l.i, /or aonti(/(i ;rarf aenttt/J. P. 323, 1. 2, /or loving read charitable.

§49» 1- 5) /or désire r^m/greed.

P. 324, s. V. druith, for meindreach read meirdreach.

P. 325, 1. I, for for-âib etc., read feighil 29 (ms. feidhil) =; Lat. vi^il from

* vegUis, to vegeo, vigeo (Walde). P. 326, 1. 9, for tonmar read tonnmar.

W. S.

TABLE DES MATIERES

DU TOME XXVIII

ARTICLES DE FONDS

Pages

La Gaul^ personnifiée, par Salomon Reinach i

Un vers du livre noir de Carmarthen, par J. Loth 4

Hiberuica, par J. Vendryès S)i 37 343

Mor y zuerydd, ii/criuervdJ, vior-fairge, par J. Loth 12

Études sur le Tdiii ho Cùalnge, par H. d'A. de J 17

Le monument gallo-romain de Trêves, par le même 41

Les gloses bretonnes à Smaragde, par E. Ernault 43

Remarques sur la métathèse en breton armoricain, par J. Loth 57

Un trait de l'armement des Celtes, les duo gaesa, par le même. . . 67,342

Note critique, par Walter J. Purton 68,429

Réponse de M. Whitley Stokes 69

Notes on the Birth and Life of St. Moling, par Whitley Stokes. 70

Chronique de numismatique celtique, par Adrien Blanchet 73

Les institutions et le droit spéciaux aux Italo -Celtes, par H. d'A. de J.

et Julien Havet 113

Notes pour servir à l'histoire de la prononciation de l'irlandais 117

Giituater, par J. Loth 119

Note complémentaire de l'article sur Peredur et Lez Breiz, par J. Loth 122 Sur un passage du comique Philémon, le Tarvos trigaranos en Grèce,

par J. Ve.ndryès 123

Les pien'es baptisées 128

Origine de l'allemand beiite « butin », par H. d'A. de J 130

Un cyclope en Irlande, par H. d'A. de J 132

Le suffixe gallois -edic, par le même 144

Enlèvement [du taureau divin et] des vaches de Cooley, par le

même 145,241

Mélanges bretons de grammaire et d'étymologie parE. Ernault. ... 178

Miscellanea celtica, par J. Strachan 195

Le pain galate, par A. J. Reinach 225

Les inscriptions celtiques de France et d'Italie d'après Sir John Rhys,

par E. Ernault 262, 431

Un graffite gallo-romain, par A. Blanchet 276

Une rédaction moderne du Teanga Inthmia, par G. Dottin 277

The fifteeu Tokens of Doomsday par Whitley Stokes 308

Le Lai du Lecheor, Gumbdauc, par J. Loth et E. Philippot 527

Mélanges cehiques, par J. Loth 337

434 Table des iiialières.

Sur l'origine de la drstinction des flexions conjointe et absolue dans

le verbe irlandais, par A. Meili-ET 369

Les langues romane et bretonne en Armorique, par J. LoTH 374

La déclinaison dans les inscriptions celtiques d'après Sir John Rhys,

par E. Ernault 404

La date de la vision de Tondale et les mss. français de ce texte, par

R. Verdeyek 411

Un nouveau nom celtique de peuple, par A. Cuny 41 3

A propos de heiitc et de hyivxâ, par J. Loth 416

Bretons en Irlande, par le même 417

Bibliographie, par G. Dottix 418

Nécrologie, Ascoli, par Salomou Reixach 79

John Strachan, par J. Vendryès 425

Correspondance, par M. Albert Travers 428

Corrigenda, par Whitley Stokes 432

CHRONIQ.UE

Anonyme. Koitvelles des Iles Britanniques 208

Blanchet (Adrien), Les enceintes romaines de la Gaule 87

Brusson (Ch.)> -^" colonies grecques lV après V Ancien Testament 97

Bull (Eleanor), A Text book of Irish Literature 82

Calder (Georges), Initheachta Aeniasa, The irish Aeneid 351

Carnoy (A), Le latin d'Espagne d'après les inscriptions, étude linguistique 94 CuxY (Albert), Le uo)nbre duel en grec, Les préverbes dans le Çatapa-

thabrâmana .' 97

D0MASZEWSKI (Alfred), Corpus inscriptionuni latinaruin, t. XllI, partie

II, fascicule II 351

Duchesxe (Mgr), Autonomie ecclésiastique, les églises séparées 87

Espérandieu (Emile), Recueil général des bas-reliefs de la Gaule romaine 352

EvAXS (A. W. Wade), The Brychan Documents 95

Felice (Philippe de). Vautre monde, mythes et légendes, le purgatoire de

Saint Patrice 82

FiCK (August), Vorgriechische Ortsnamen als Quelle Ji'ir die Vorge-

schichte Griechenlands 211

Fletcher (Robert Huntingdon), Studies and Notei in Philology and

Literature, t. X 90

Friedel(V. h.) et Meyer (Kuno), La vision de Tondale (Tnudgal),

textes français, anglo-normand, irlandais 209

GouGAUD (Louis), Un point obscur de V itinéraire de saint Columbau

venant en Gaule 98

Grenier (Albert), Habitations gauloises et villas latines de la cité des

Mediomatrices 2 14, 3 50

Halphen (Louis), Le comté d'Anjou au A'/^ siècle 94

Henry (Victor), article nécrologique sur lui 212

Hervé du Halgouet (V'e), Essai sur le Porhoct, la comté, sa capitale, ses

seigneuries 84

Hirschkeld (Otto), Die romischen Meileusteive 213

Le même, Corpus imcriptionum latinarum, XIII, partie II, fascicule II 351 Hirt (Hermann), Die Indo^ermanen, ihre Verbreitung, ihre Urheimal

und ihre Kultur 88

Table des matières. 435

HoLDER (Alfred), Die Reichenau Handsciirijten 84

HuLL (Eleanor), A Text-hoolt of irisli Literature 82

JULLIAN (Camille), Histoire de la Gaule 431

Kern (H.), Vaitidya, Vetulla, Vetutya/ca 98

Le Braz (Anatole), Le tliédtre celtique 91

Lederer (Victor), Ueher Heiiiiat und Urspruug der niehrstiuimi^^eti

Toiilcuiist 89

Macbain (Alexandre), sa mort 215

MARiETfE (Edouard), Tlk' roman IValls, les murs romains entre V Ecosse

et r Angleterre 87

Meyer (Kuno), Ancient Gaelic Poetry 95

Le même, Tiic dcath-tales oj tiie Ulster Jjeroes 96

Meyer (Kuno) et Friedel, La vision de Tondale (TnudçaJ), textes

jrançais, ani^lo-nornmnd, irlandais 209

MoMMSEN (Th.), Corpus iitscriptionun/ latinaruni, t. XIII, partie II,

fascicule II, 351

Nanglard (J.), Le livre de<. fiefs de Guillaume de Blave 93

NiCHOLSON (E. William R.) dans Y Cymwrodor, t. XÎX 95

NiGRA (C'e), sa mort 349

PiCHON (René), Les derniers écrivains profanes, les panégyristes 86

Q.UIGGIN, A Dialect oj Donegal 89

Rand (Edward), Joaunes Scolus 89

Renel (Charles), Les religions de la Gaule avant le christianisme 214

Rhys (Sir John), T/v ccltic Inscriptions of France and Italy 209

Roger, L'enseignement des lettres classiques d'Ausone à Alcuin 92

School of irish Learning, 349

Sheean (M.), Sean-caint na n-Deise 83

ScHUCHARDT, Die ibcrische Declination 350

Stâhelin, Geschichte der Kleinasiatischen Galater 431

Thésaurus linguae latinae ediliis auctoritate quinque acadeniiaruni ger-

manicarum 88

Tourneur (Victor), Histoire, étymologie du nom de Gand 351

TRAUBE(Ludwig), Ouellen und Untersuchungen ~ur lateinischen Philolo- gie des Mittelattcrs ' 88

Travers, De la persistance de la langue celtique en Basse-Bretagiu' 381

Vendryés (J.), professeur à la Faculté des Lettres de l'Université de

Paris. 215

Le même. Grammaire du vieil Irlandais 451

Vessereau (J.), Rutilius Namatianus 85

Weston (Jessie L.), The Legend of Sir Perceval, Vol. I, Chrétien de

Troyes and Vauchier de Denain 85

PÉRIODiaUES

Analecta Bollandiana 108, 364

Annales de Bretagne 103, 220, 363

Annales du Midi 112

Anthropologie 108, 221, 368

Archiv fur celtische Lexicographie .■ 102

Athenaeum.

557

4i6 Table des iiuilièrcs.

Beitraege zur Kunde dcr indogermanischen Sprachen io6

Boletin de la real Academia de la Historia. 104, 565

Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et

scientifiques 561

Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France 112, 566

Celtic Review 100, 219

Comptes rendus des séances de l'Académie des inscriptions et belles- lettres 109

Eriu

Folklore 107

Fureteur breton

Indogermanische Forschungen 103 , 220

Irisleabhar na Gaedhilge -

Journal of the roval Society of Antiquaries of Ireland. .. 10^, 220

Mémoires de la Société de linguistique de Paris

Pro Alesia 107

Revue Archéologique. . lOb

Revue des études anciennes 104, 221

Revue des idées

Revue des questions scientifiques

Revue des traditions populaires 108

Revue épigraphique . 108

Remania 364

Zeitschrift fur celtische Philologie .• 2:6

Zeitschrift fur romanische Philologie 367

Zeitschrift fur ^''ergleichende Sprachforschung 105, 363

360

559 217 361 366 562 367 360 103

359

222

354 109 221 362 566

Nota. La table, par M. Er\'.a.uld, des mots étudiés dans le présent volume, paraîtra dans le volume suivant.

Le Gérant, H. CHAMPION.

MAÇON, PROTAT FRERES, IMPRIMEURS.

PB 1001 .R5 V.28 SMC Revue celtique

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