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Hnalpge ûe0 sculptures De la facaDe occiDentale De Tégltse De l'abbape De Haint-OTouin De ffîarnes (Deujc«Hètre0).

Généralités. ^ historique.

iïma.flQ:iMaimç:î 'A RC H I T E CT U RE romane a eu en France cette bonne fortune d'a- voir conservé jusqu'à nos jours de chacune de ses écoles, un spécimen complet, dont l'aspect réjouit l'artiste, et dont l'étude évoque aux yeux de l'archéologue tout un système spé- cial de construction et de décoration. Tels Saint-Sernin de Toulouse nous révèle l'Ecole romane du Languedoc, Saint-Tro- phime d'Arles, celle de la Provence ; la Madeleine de Vézelay fait revivre l'œuvre clunisienne en Bourgogne, comme Saint- Jouin de Marnes en Touraine-Poitou.

Ces deux derniers monuments sont véri- tablement comparables à tous égards : non seulement le mérite architectural, la riches- se de leurs façades, mais aussi la morne solitude du lieu, la beauté du site sont pres-

que les mêmes, bien qu'avec des caractères tout différents. A un point de vue pure- ment pratique, l'excursion d'un jour ou deux qui montre au voyageur Airvault, Marnes, Saint-Jouin, Oyron et Thouars vaut bien la merveilleuse visite de Vézelay, Saint- Père, Chastellux et Avallon : ce sont peut-être les deux plus belles excursions qu'un touriste archéologue puisse faire en France. Pourquoi donc Vézelay est-il si célèbre et Saint-Jouin si ignoré ? l'histoire, qui a laissé dans l'ombre le second de ces deux noms, y est peut-être pour quelque chose ; mais cette inégalité vient surtout de ce que Vézelay, après avoir été restauré par Viollet-le-Duc, a été ensuite détaillé, célébré, chanté, oserons-nous dire, par cet inoubliable artiste, tandis que Saint-Jouin n'a jamais fait l'objet que de monogra- phies, assez bonnes d'ailleurs, mais néces- sairement trop sèches et trop succinctes. Nous n'avons ni le talent ni l'ambition

REVUE DE L'aKT CHRÉTIEN. 1904. 1'® —LIVRAISON.

3Rebue lie V^xt cbrétten.

de remplir cette lacune : aussi bien notre tâche se limite-telle à l'étude des façades d'églises et de leurs sculptures ; mais, si nous pouvons apporter notre pierre à l'édi- fice qui certainement sera un jour construit à la gloire de ce chef-d'œuvre, et si notre modeste essai décide quelques artistes à aller admirer ce monument, nous aurons acquitté du moins une partie de la dette que nous avons contractée envers Saint- Jouin de Marnes pour prix des pures jouis- sances dont il nous a comblé.

Le monastère de Saint-Jouin, qui a brillé d'un si vif éclat pendant tout le moyen âge, existait dès le milieu du V'' siècle, peut-être même dès l'année 425. Il avait d'abord été appelé « Ension», du nom primitif du vil- lage qui l'environnait ; mais bientôt il prit sa désignation actuelle, formée du nom de saint Jouin, son fondateur ou l'un de ses premiers abbés (Jovinus) et du nom du bourg de Marnes, voisin de l'abbaye. Ruiné lors des guerres que firent contre l'Aquitaine Pépin etCharlemagne.le monas- tère dut à une autre guerre et à une autre ruine sa résurrection et sa splendeur. En effet, l'abbaye bénédictine de Saint-Martin de Vertou, près Nantes, ayant été saccagée et détruite par les pirates normands, les moines qui l'occupaient se réunirent à ceux de Saint-Jouin, auxquels ils donnèrent une importance et une vitalité nouvelles.

On ne possède pas de documents précis sur la construction de l'église ; mais on peut, sans grand risque, en fixer l'époque vers le milieu du XI 1^ siècle.

Abandonnée par les religieux depuis le XVIII' siècle, l'abbaye est tombée en rui- nes. Du cloître ('), il ne restait plus, il y a

I. Ecrase aloi» sous de lourds bâtiments du XVII'' siècle.

quelques années, que deux ou trois arcades aux meneaux brisés ; l'église, et particuliè- rement la façade, était dans un état avancé de délabrement ('F'i^/ry?^//;'!?/^.- le toit octo- gonal de la tourelle de droite n'existait plus; les verrières des fenêtres latérales du pre- mier étage étaient tombées avec leur enca- drement de colonnes et les baies étaient bouchées par une odieuse clôture de plan- ches ; la porte de droite avait disparu ; la porte centrale se trouvait cachée sous un auvent d'ardoises;les grossescolonnes sépa- rant les portes n'existaient plus qu'à l'état de souvenir; les placages sculptés tombaient de la muraille : l'édifice tout entier offrait un tableau de désolation rare mais non sans grandeur.

Depuis décembre 1889, on s'est ému en haut lieu de cet état de choses : M. Deve- rin ('), architecte en chef des monuments historiques, a été chargé de la restauration: déjà la façade et la nef ont été réparées, on s'est occupé ensuite, après les avoir déga- gées, des constructions du XVI I'' siècle, du cloître et de la façade septentrionale tout était en fort mauvais état. Actuellement, le manque de ressources arrête malheureuse- ment cette entreprise,et cependant la réfec- tion du chœur et de l'abside, bien urgente également, exigera encore un énorme tra- vail. Espérons que les fonds indispensables seront trouvés, car en considérant la per- fection des parties restaurées jusqu'ici, on peut être assuré que 1 habile architecte chargé de ce lourd travail ne faillira point à sa tâche.

X)cscription générale De la façaue.

La façade de Saint-Jouin présente la même disposition générale que toutes les

I. C'est à cet éminent architecte que nous devons déjà les reniarquabli!s restaurations de Saint-Pierre de Melle d'Airvault, de Maillezais, etc..

3L'église De ^atnt ^ouin De £©arnes.

autres grandes églises romanes du Poitou: c'est un pignon élevé divisé en trois étages et rtanqué de chaque côté d'un faisceau de colonnes formant tourelle surmontée d'une lanterne de pierre (■); dans le sens horizon- tal, la façade est de même divisée en trois parties qui offrent chacune au rez-de-chaus- sée une porte et au premier étage une

Fig.

Façade de régUse St Jouai de Marnes avant la restauration

fenêtre. Mais ce qui distingue Saint- Jouin entre les autres monuments de la même époque, c'est l'ornementation répan- due sur tout l'ensemble de la façade ; la plupart des églises de la région (St-Hilaire de Melle, abbaye aux Dames de Saintes,

I. Cette disposition est tellement invariable dans les églises poitevines et saintongeaises du XII' siècle, que, pour StNicoIas de Civrai dont exceptionnellement la façade se termine par un plan horizontal, les critiques les plus autorisés n'ont cru pouvoir expliquer cette anomalie que par l'hypothèse de la destruction du pignon à une époque inconnue.

St-Nicolas de Maillezais, St-Pierre d'Aul- nay, St-Pierre de Parthenay-Ie-Vieux, etc.) réservent pour leur étage inférieur toute la richesse de leur décoration ; seuls, St-Nico- las de Civrai et Notre-Dame la Grande de Poitiers (') présentent comme Saint-Jouin, une façade couverte de sculptures depuis le

Fig. a. Façade de léglise St-Jouin de Marnes. État actuel.

sol jusqu'au faîte. Chacune de ces trois églises a un caractère et un mérite spécial: Civrai, dans sa fenêtre du premier étage, nous montre le chef-d'œuvre de l'école ro- mane en ce genre ; mais le reste de la dé- coration, sauf au rez-de-chaussée, paraît quelque peu artificiel et mal lié à l'ensem-

I. Nous ne parlons pas de Vouvant, car, si la porte est romane, la décoration du pignon ne date que du XIV" siècle, et, d'ailleurs, la façade se trouvant au transept, la disposition générale n'est pas celle indiquée ci-dessus.

Bebtie ïie T^rt cbrctien.

ble ; Notre-Dame la Grande, ce chefd'œu- vre, est trop connu pour qu'il soit utile de rappeler sa merveilleuse décoration, qui, avec un relief inconnu aux autres façades romanes, se déroule dans une unité pleine de grandeur ; Saint-Jouin est moins riche, mais a peut-être plus d'unité, plus d'élé- gance naturelle que Givrai, plus de majesté que Poitiers. Les figures qui décorent cette façade sont plus imposantes par la différence de leurs proportions, et l'orne- mentation, très sobre, ne sent ni la recher- che ni l'effet.

Hnalpe Dctaillcc Des sculptures.

No I. En avant d'une grande croix pat- tée, dessinée en faible relief sur la muraille au milieu du pignon, est assis Jésus-Ghrist, de taille colossale : couronné du nimbe cru- cifère, il lève la main gauche, et baisse la droite, qu'il tient ouverte; il a les pieds nus. M. Bélisaire Ledain, auteur d'une bonne monographie de Saint-Jouin, croit recon- naître dans ce personnage Dieu le Père, mais le nimbe crucifère, aussi bien que la croix figurée derrière lui, indiquent assez clairement le Christ ; il est dans l'attitude habituelle du Souverain Juge, et en effet, à notre avis, la scène qui se déroule à ses pieds est celle du Jugement dernier.

N°s 2 et 3. Deux anges, debout, sonnent de l'olifant pour éveiller les morts et les appeler devant le Souverain Juge. Gelui de gauche se couvre de ses ailes repliées,

Ges figures N°s i, 2 et 3 sont reproduites en moulages au musée du Trocadéro.

A droite et à gauche des anges (N°s 2 et 3), sous les triangles BB, il se trouvait avant la restauration, de chaque côté, trois pierres (u) plus grandes que l'appareil voisin, qui portaient peut-être (?) autrefois quelques sujets sculptés (•). L'état de désa-

I. Nous devons ce renseignement à M. Deverin.

grégation des surfaces ne donnant aucune indication, ne pouvait permettre qu'une invention assez hypothétique : aussi l'archi- tecte, vu l'importance de leur emplacement, n'a pas cru devoir tenter la moindre restitu- tion qui eût été l'objet de controverses trop justifiées. On peut en effet supposer à vo- lonté que ces sujets inconnus, complétant la scène du Jugement, auraient été des Saints ou des Apôtres (au XI li^ siècle les Apôtres sont souvent représentés à côté du Souverain Juge, comme à Beaulieu, Arles, etc.), ou des anges portant soit les instru- ments de la passion, soit le soleil et la lune (comme on en trouve quelques exemples dès le XI 1^ siècle), ou encore à gauche (du spectateur) des scènes du Paradis, la porte céleste, S. Pierre, le sein d'Abraham ; à droite, la gueule de l'enfer et les démons. N°^ 4 à 36. Cette longue rangée de petits personnages, interrompue au milieu seule- ment par une figure plus grande, a fort intrigué les interprètes : certains, comme M. Ch. Arnault (Monuments du Poitou), ont pensé voir ici la Religion (N" 4) hono- rée par une longue procession de fidèles ; mais cette idée abstraite de la Religion n'est guère dans la tradition des imagiers ; d'autres ont cru (M. B. Ledain) que le per- sonnage central pouvait être Jésus- Christ recevant les hommages des diverses nations de la terre, mais ce personnage imberbe ne porte pas le nimbe crucifère, et d'ailleurs cette interprétation n'expliquerait pas, bien au contraire, la présence du grand Christ (N° 1). Aussi préférons-nous (et nous avons appris que cette opinion avait été émise avant nous par M. Léon Palustre) reconnaître dans cette page de pierre le jugement dernier, scène qui est plus con- forme à la tradition des imagiers et qui justifie mieux la présence du groupe supé- rieur. — A vrai dire, on ne voit ni tom-

beaux entr'ouverts, ni démons entraînant les damnés ; mais n'oublions pas que ces acteurs, indispensables dans un tableau du XIII^ ou du XlVe siècle, le paraissent moins aux yeux de l'artiste du Xlle(i), la

tradition n'ayant pas encore à cette époque, fixé de règles étroites à la représentation du Jugement.

Nous pensons d'ailleurs que la longue théorie des petits personnages N°s 5 à 33

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Fig. 3 Schéma de la façade de St-Jouin de Marnes.

peut représenter la foule des morts qui viennent de ressusciter au son de la trom- pette : le fait qu'ils sont vêtus n'est pas un

I. Ainsi à Autun (XII' siècle) on ne voit pas, dans la scène du Jugement, la Vierge et S. Jean, acteurs indis- pensables à partir du X 1 1 1"^ siècle ; à Beaulieu (Corrèze- XII« siècle) il n'y a point de S. Michel peseur d'âmes, ni d'anges conduisant les élus au paradis, ni de démons poussant les damnés en enfer ; etc..

obstacle à cette interprétation : au portail d'Autun, vers la même époque fut sculp- tée notre façade, l'imagier Gislebertus nous montrait bien parmi ses ressuscites des gens de toute condition, en costumes d'évêques, de pèlerins, de paysans ; il est vrai que on voit près d'eux leur tombe ouverte, et

3Rel)ue tie T^rt cbréticn.

l'absence de pierres sépulcrales nous oblige seule à faire ici des réserves sur l'interpré- tation que nous proposons. Examinons le détail de ces diverses figures :

4 Un grand personnage debout, im- berbe, vêtu d'une robe longue, brodée, retenue à la taille par une ceinture. Selon notre interprétation, on s'attendrait à trou- ver à cette place un saint Michel peseur d'âmes : mais notre figure n'est pas ailée et ne présente aucun des attributs habituels

Fig. 4. Sculptures du pignon. Détail des statues n"^ 134.

de l'archange. Nous voyons ici la Vierge, médiatrice entre le Christ, assis au-dessus de sa tête, et les pécheurs qui se pressent à ses pieds. En aucun cas, il ne peut être question, comme nous l'avons dit, ni de Jésus-Christ (solution proposée par M. Le- dain), ni de la Religion (par M. Arnault). Ce personnage est nimbé ; il paraît tenir de la main gauche un vase sphérique ; dans la droite il portait un objet aujourd'hui brisé: malgré notre désir, nous ne trouvons pas ici la place d'une balance (qui détermi- nerait la personnalité de saint Michel), bien qu'à la partie inférieure on croie distinguer des crapauds et des reptiles, comme déjà

les imagiers du XI I^ siècle (notamment à Autun) en plaçaient sous le plateau de la balance de l'archange. Le relief est plus accusé que pour les statues suivantes. Cette figure (') est abritée sous une sorte de dais formé par l'évidement du piédestal de la statue No i.

Nos^et 6. Deux pêcheurs, de profil, nu- tête, à genoux et mains jointes, prient la Vierge d'intercéder pour eux auprès du Souverain Juge. Ces personnages sont très grossièrement sculptés; leurs têtes sont disproportionnées.

N°s 7 à 21 et 22 à 34. Deux files de petits personnages, en faible relief, occu- pant chacun un carré de pierre plaqué sur la façade à intervalles réguliers, s'avancent comme en procession, sur une ligne hori- zontale, de part et d'autre, vers le person- nage central, qu'ils paraissent implorer ou saluer : aucun n'est nimbé.

7. Femme en robe longue, debout. On remarquera que la tête de ce person- nage est disproportionnée.

8. Sorte de pèlerin, en tunique courte, tenant un bâton de voyage et un sac en bandoulière.

9. Femm'e ou moine (.'*) debout, peu distincte ; elle tient un bâton ; sa tête paraît couverte d'un capuchon.

10. A peu près pareil au S.

11. Vêtu de même, sans sac, tient un long bâton et peut-être une gourde de pè- lerin (.?).

I 2. De même ; la tête est bizarrement mutilée. Ce bas-relief est moitié moins large que les précédents et les suivants.

13. Vieillard en robe courte et manteau, marchant péniblement courbé, appuyé sur son bâton.

I. Elle est reproduite en moulage au musée du Troca-

déro.

3L'égli0e îie ^aiut Joutn De S^àxnts.

14-15. Deux personnages en tunique courte, debout, marchent comme les autres, appuyés sur de longs bâtons: le n" 14 porte sur la poitrine une sorte d'écu triangulaire; le 15 semble être nu-tête.

16-17. Deux femmes (?) en robe longue, debout ; la première tient une courte ba- guette, la seconde un bâton de voyage.

18-19. Deux personnages en tunique courte, marchent, appuyés sur de longs bâ- tons.

20. Personnage dont la tête manque, appuyé sur un bâton ; derrière lui, on croit distinguer les restes d'un quadrupède.

3 1. Personnage à longue barbe, tenant un bâton et un objet indistinct.

22. Homme debout, en tunique courte, tournant le dos au personnage central ; il avance les mains comme pour accueillir ou repousser les figures suivantes.

23. Personnage en robe longue, levant à demi les bras, comme pour implorer ou se lamenter ; peut-être encore soutient-il sim- plement un fardeau invisible suspendu à \ ses épaules. 1

24. Personnage en robe longue, debout, tournant le dos au personnage central ; il s'appuie sur un long bâton.

25. (Confus.) Personnage en tunique courte, debout; devant lui, une partie indis- tincte.

26. Personnage en tunique courte, de- bout, appuyé sur un bâton.

27-28. Deux personnages en tunique courte, debout, tenant un bâton de voyage et une sorte de marteau.

29-30-31. Trois personnages en tunique courte, debout, s'appuyant sur un long bâ- ton et tenant contre leur poitrine un objet indistinct.

32. Personnage en manteau, debout, portant un livre et une baguette (ou peut- être un cierge ?).

33. Femme ou seigneur en robe longue, debout, portant une courte baguette (peut- être un sceptre ?) et une banderole dérou- lée.

34. Personnage en tunique, debout, por- tant sur l'épaule un bâton auquel est atta- ché un objet indistinct.

N°s 35 à 40. Six petits bas-reliefs pla- qués sur la muraille entre la fenêtre cen- trale et les colonnes des contreforts : ces bas-reliefs, comme nous le voyons souvent sur les monuments du XI I^ siècle, ne sont pas rigoureusement de mêmes dimensions, bien que se faisant pendant les uns aux autres. On remarquera aussi que certains sont surmontés de dais à ouvertures en plein cintre très simples, tandis que d'au- tres n'ont jamais été abrités : aucune raison de symétrie, au contraire, n'explique cette préférence. Voici le détail des six sujets :

35. Sous un dais, une femme, debout, vêtue d'une robe et d'un caftan à longues manches ('), tenant à la main, sur sa poi- trine, un objet indistinct.

36 (Statue refaite nouvellement.) S. Jean, imberbe, nimbé ; il est debout, vêtu d'une robe brodée et tient le livre de son évan- gile. L'aigle paraît à ses pieds. Cette statue est abritée sous un dais. La console qui la supporte est ornée de rinceaux.

37. (Statue refaite nouvellement.) S. Paul, barbu, nimbé, est assis ; il tient devant lui, entre ses genoux, une grande épée, son symbole habituel.

38. Deux personnages imberbes, debout sur un socle formé de deux animaux mons- trueux adossés, dont les cous renversés en

I. Ce vêtement oriental, dont les Croisés semblent avoir apporié la mode en France au XII"* siècle, se trouve reproduit fréquemment à cette époque dans les sculptures du Poitou (notamment à Notre-Dame la Grande de Poi- tiers, etc.), très rarement dans celles des autres provinces.

8

Mebue lie T^rt cbrctten.

arrière aboutissent à une tête commune ('). Ces deux personnages sont vêtus de robes longues : celui de droite, qui est nimbé, semble se retourner vers l'autre pour lui parler : c'est peut-être l'Annonciation : tel est du moins le titre sous lequel ce groupe figure en moulage au musée du Trocadéro.

39. Sous un dais, un saint, nimbé, vêtu d'une robe, lient un livre : comme il fait pendant à S. Jean, on peut penser que c'est un évangéliste, mais il n'a aucun attribut spécial.

40. S. Pierre, nimbé, à barbe courte, vêtu d'une ample robe, est assis ; il tient à la main la double clef. Les deu.x; figures 39 et 40 ont été moulées pour le musée du Trocadéro.

41. Cavalier lancé au galop et brandis- sant une épée ; il est vêtu d'une courte robe de seigneur du XI I^ siècle : on pourrait à la rigueur voir ici saint Martin partageant son manteau : les moines qui bâtirent l'é- glise étaient originaires de l'abbaye de St-Martin de Vertou. Mais le galop du cheval et l'interprétation du groupe 42, symétrique à celui-ci, nous font plutôt reconnaître ici le cavalier traditionnel, le Constantin qui personnifie l'Église triom- phant du paganisme : on remarquera toute- fois l'absence du petit personnage qui d'or- dinaire, foulé aux pieds du cheval, repré- sente le paganisme vaincu, à moins que l'on ne veuille reconnaître les restes de ce per- sonnage dans les débris informes que l'on aperçoit à terre devant le cheval : cette lacune nous empêche seule de donner cette interprétation comme une certitude.

42. M. B. Ledain indique ici un person- nage à genoux devant un cavalier : ce serait alors l'histoire du manteau de S. Martin. Mais un examen attentif ne nous

I. Le personnage de droite (la Vierge ?) pose les pieds sur celte tcte.

a rien montré de semblable. Nous voyons à droite un groupe formé d'un quadrupède sur le dos duquel un homme est à cheval, dans une position paraissant peu conforme aux règles de l'équitation ; d'autre part, l'animal, dont l'encolure ne semble guère celle d'un cheval, ramène en arrière sa tête (mutilée), comme maîtrisé par une force supérieure. A notre avis, c'est Samson déchirant le jeune lion, sujet qui figure aux façades de presque toutes les églises poite- vines en face du cavalier et qui personnifie le triomphe du Christ. Quant au person- nage assez confus et dont la tête est brisée, que nous trouvons debout à gauche, devant la tête du lion, nous avouons n'en pas com- prendre la signification ; il est vêtu d'une robe longue et porte un objet indistinct : est-ce le père de Samson qui, selon le récit biblique, accompagnait son fils quand ils rencontrèrent le lion? Cette représentation serait unique dans toute la statuaire romane. Est-ce plutôt un saint personnage sans aucun rapport avec Samson ? Nous remar- quons en effet que les deux figures sont sculptées sur des pierres séparées, de dimensions toutes différentes, rapprochées peut-être uniquement par la fantaisie de l'ap- pareilleur, comme nous allons le voir dans les sujets suivants. Nous penchons pour cette dernière hypothèse, en faisant pour- tant toutes les réserves qu'impose l'état de dégradation de cette sculpture ; on pourrait même penser d'après la forme de la robe qu'il s'agit d'une femme.

43. Personnage dont la tête est brisée, en tunique courte de paysan, debout, por- tant un fardeau sur ses épaules ; il se dirige vers

44. ...un second personnage, vêtu de même et debout, qui paraît l'attendre : celui-ci se présente de face. Nous n'osons risquer ici aucune interprétation.

3L'églt0e î)t ^atnt Joutn îie £@arne0.

45. La femme aux reptiles : échevelée, nue, elle s'efforce en vain, de ses mains crispées, d'écarter les deux serpents qui, enroulés deux fois autour de ses jambes, lui sucent les seins. Cette figure que l'on retrouve sur beaucoup d'églises romanes du Poitou, de la Saintonge et du Languedoc (notamment àParthenay-le-Vieux, Moissac, etc..) est l'image du châtiment infernal réservé aux luxurieux, ou peut-être aux mères qui ont abandonné leurs enfants : la première interprétation ressort de quelques vers de L'Bxp/oii de la pérégrination hu- maine, compilée en 1331 par frère Guille de Guyeville, précurseur de Dante (') ; la seconde est indiquée expressément dans la Vision ci' Albéric. Au portail occidental de Chartres, sur un cul-de-lampe, on trouve une sorte de parodie de ce sujet : un singe tourmenté par des serpents et des dragons de la même manière que la femme aux rep- tiles.

46 et 47. Deux personnages (la tête du second manque), debout, vêtus de tuniques de paysan comme les No^ 43 et 44 ; ils semblent converser, dit M. Ledain ; il nous paraît plutôt qu'ils portent ensemble un fardeau indistinct, qui semble enfermé dans une toile nouée.

48. (Statue refaite nouvellement.) Un petit homme imberbe, aux cheveux par- tagés sur le front, apparaît à mi-corps ; sur sa poitrine est un livre fermé, par-dessus lequel il croise les mains. L'artiste mo- derne a évidemment représenté ici l'ange ou l'homme, symbole de l'évangéliste S. Mathieu ; la sculpture originale était indis- tincte et nous craignons fort que cette nouvelle interprétation, donnée par l'artiste moderne, n'ait été le résultat d'une erreur, car les sujets voisins ne semblent guère se rapporter auTétramorphe.

I. Bibliothèque de Metz.

49. Tête à peu près indistincte, qui est peut-être celle d'un chien ou d'un démon. Cette figure est très grossièrement sculptée. Si l'on admettait que les quatre sujets N°s 48 à 51 représentent les quatre ani- maux, il faudrait ici, selon l'ordre tradi- tionnel, le bœuf de S. Luc.

50. Sujet indistinct (peut-être le Lion, symbole de S. Marc .'')

51. Statue refaite nouvellement. C'est un oiseau qui se présente de face, les ailes entr'ouvertes: évidemment, dans la pensée du sculpteur, l'aigle, symbole de S. Jean.

Chapiteaux.

52. Feuilles très simples. Sur le tailloir, un chien courant : cette figure animale rap- pelle les chiens qui décorent la frise de la façade de St-Gilles du Gard.

53. Aux deux angles, buste d'un person- nage nu, paraissant tenir à la main un rameau de feuillage. Sur le tailloir, des pommes de pin.

54. Deux quadrupèdes monstrueux, adossés.

55. Deux hommes vêtus de tuniques, adossés, ils sont debout, mais penchés vers la terre ( comme pour moissonner par exemple ).

56. Chevaux galopant sans cavalier. Les tailloirs de ces trois chapiteaux sont

décorés de rinceaux.

57 et 58. Ornements très simples : genre des chapiteaux du Xl^ siècle.

59. Singes assis, adossés ; la tête, placée à l'angle du chapiteau, est commune aux deux animaux qui occupent les deux faces.

60. Quadrupèdes (ressemblant à des chiens) attachés l'un à l'autre ; Us sont adossés, mais contournés de telle sorte qu'ils ont la tête en bas.

61. Deux monstres à tête informe, af- frontés. Entre eux une tête d'ornement de

lO

3Rebue lie V^n t\)xttitn.

la bouche de laquelle sortent des rinceaux. Ce chapiteau est neuf et sa composition a été inspirée par le chapiteau ancien symé- trique (N° 62).

62. Deux monstres affrontés. Entre eux un motif de feuillage assez simple.

Voussure.

Fenêtre de gauche.

63-68. Voir ci-dessous page 1 1 (descrip- tion de l'archivolte P).

69. Frise : feuilles arrondies gaufrées en forme de coquilles.

70. Chapiteau : feuillages.

7i- » : quadrupède assis.

Fenêtre de droite.

72. Frise : suite de loups bondissants.

73. Chapiteau : quadrupède contourné. 74- » : quadrupède marchant au

milieu de rinceaux.

Sculptures Oc pure ornementation.

Pignon .

A. Tige de pierre au sommet du pignon supportant une grosse pomme de pin. Ce couronnement, ainsi que l'indique la pho- tographie prise avant la restauration, avait été heureusement conservé à travers les siècles avec la naissance des moulures qui ont permis de refaire la bande sculptée C. Au cours d'un orage, en 1898, son extré- mité a été brisée et a été déposée dans la galerie du cloître nous l'avons vue : le motif complet mesure environ o'^,6o de haut.

B. Deux triangles égaux formés d'une simple moulure et disposés symétrique- ment; presque effacés autrefois, ils viennent d'être rétablis. Cet emploi de figures géo- métriques moulurées, sans signification, étant assez rare au XII^ siècle, on peut se demander si ces triangles n'encadraient pas

quelque sujet sculpté, par exemple le soleil et la lune, ou bien deu.x anges... ?

C. Bande sculptée bordant le contour du pignon : elle se compose de demi-disques accolés, dessin spécial à l'école poitevine.

DD. Sur toute cette partie, la muraille est revêtue d'un appareil réticulé ou en losanges posés debout.

EE. Sur cette autre partie, l'appareil présente le dessin désigné sous le nom de « feuille de fougère ».

E'E'. Bande de pierre sur laquelle sont posés les petits personnages N°s 4 à 34. Elle affecte la forme d'un ruban plissé en zigzag.

FF. Longue frise ornée : entre les co- lonnes, elle est décorée d'un dessin géomé- trique de lignes courbes encadrant des perles ; au-dessus des colonnes, dont elle forme le tailloir, elle est ornée de rinceaux et de feuillages aux formes variées.

Voussure des fenêtres.

GG. Feston de fleurs posées à plat, oblongues, à huit pétales.

H H. Au milieu de rinceaux très muti- lés on croit distinguer successivement, en suivant la voussure de gauche à droite : 1°, et 30, une sirène dont une partie manque et une tête d'ornement ; en tous cas plusieurs griffons couchés ; 40 deux chèvres broutant le feuillage d'un rinceau ;

50 deux animaux à tête fantastique, adossés ; de même, entre les deux animaux un petit personnage; 7" (au som- met de l'archivolte) deux cerfs affrontés ;

petit personnage gesticulant au mi- lieu de rinceaux de feuillage ; tête d'ornement, barbue; 10° sagittaire ti- rant une flèche contre un grand quadru- pède (?) ; 11° sujet indistinct sous une sorte de double rinceau ; 12° deux grif-

Ilïgltse De ^aînt-Jount îic sparnee^.

1 1

fons, à demi-couchés, affrontés. Nous pensons qu'il serait superflu de chercher à ces sujets une signification symbolique pré- cise, si ce n'est celle attachée d'une ma- nière générale aux griffons, aux cerfs, aux sagittaires, etc. Les deux têtes d'ornement intercalées dans cette série indiquent assez que ces sculptures n'ont qu'un but pure- ment décoratif.

II. Motifs de feuillage répétés à peu près exactement sur le même modèle à chacun des onze claveaux.

JJ. Entrelacs très simple (formant une natte assez lâche).

KK. Seize feuilles (deux par claveau) posées à plat l'une à côté de l'autre (ces feuilles, larges, rappellent celles du tilleul).

LL. Décoration végétale.

MM. Quatre groupes de dragons ailés, couchés, disposés deux par deux; aux deux groupes de gauche, ces monstres sont adossés, mais retournent la tête l'un vers l'autre, et de leur gueule sort une langue (ou un rinceau) en spirale ; aux deux grou- pes de droite, ils sont affrontés.

Voussure et chapiteaux de la porte centrale.

NN. Encadrée par un large filet orné de demi-disques accolés, la dernière vous- sure de la porte centrale présente sur cha- cun de ses quarante-huit claveaux le même dessin purement ornemental, sorte de ro- sace rectangulaire composée de feuilles et de lignes géométriques. L'intrados de la voussure est également sculpté.

00. Quarante-deux claveaux décorés chacun, en assez faible relief, dune tête barbue, couronnée, grossièrement sculptée. Si ces figures sans expression ont une signification quelconque, on pourrait y voir à la rigueur, soit les Vieillards de l'Apo- calypse, malgré leur nombre supérieur au

chiffre 24 indiqué par S. Jean (•) et l'ab- sence de tout attribut, soit les rois ancêtres de la Vierge, bien que la représentation de ce sujet sur les façades d'église ne soit de- venue habituelle qu'au XI Ile siècle.

PP. Partie brute. Cette voussure de- vait représenter les signes du zodiaque et les travaux des mois ; il reste les trois premiers et les trois derniers sujets, tous horriblement mutilés. En commençant à gauche, on croit reconnaître: (N° 63) un personnage entre deux objets indistincts (peut être est-ce janvier entre deux portes, l'une ouverte et l'autre fermée, représen- tant les deux années, comme à l'abbaye de St-Denis) ; (N°64) février : un homme assis se chauffe près du feu ; (N° 65) des rinceaux de feuillage : c'est sans doute le paysan taillant la vigne, occupation tradi- tionnelle du mois de mars. De l'autre côté de la partie brute P, 4'' (N° 66), un paysan entonne le vin : octobre; 50 (No 67) un autre conduit un porc, ou peut-être l'abat: travail de novembre; (No 68) personnage assis sous une arcature : sans doute il était attablé à un festin, comme on le figure habituellement en décembre, mais la table a disparu.

Q,Q. Rinceaux de feuilles et de fruits : aux extrémités de l'archivolte, ces rinceaux, malheureusement très mutilés, paraissent riches et originaux; dans la partie médiane, ce sont des motifs séparés, tous semblables, de rinceaux encadrant une feuille végétale; l'intrados de cette voussure est sculpté.

Chapiteaux.

R. Scène mutilée, méconnaissable. S. Sorte de harpie : dragon à tête de femme au milieu de rinceaux.

I. Ceci ne serait pas sans exemple : à la porte centrale de l'Abbaye àux Dames de Saintes, on trouve une série de 54 Vieillards de l'Apocalypse.

12

ÎRebue lie V^n chrétien.

T. Lion au milieu de rinceaux.

U. Scène à personnages, complètement mutilée.

V. Deux lions affrontés ; au-dessus de chacun une sorte de feuille de fougère fermée, ajourée, qui semble former le pro- longement de la queue de ces animaux.

W. Ornement de genre antique.

X. A peu près semblable à V.

Y. Deux fleurs, de profil ; affectant va- guement la forme d'œillets inclinés.

Z. Dernière archivolte : suite de rosa- ces semblables, de faible relief: formées de quatre-feuilles arrondies et terminées en pointe, lesquelles se rabattent de la circon- férence vers le centre: à première vue elles figurent ainsi, en sens' inverse, les pétales d'une fleur d'églantine. Les coins sont remplis par des fleurons.

Z'. Frise très ornée composée de riches rinceaux au-dessus desquels court un zigzag.

Voussure des portes latérales.

a. Arabesques de feuillage (très fruste).

b. Dessin dérivé du type roman des demi-disques accolés : au lieu de disques unis, ce sont des demi-cercles décorés (en partie neuf).

c. Filet de couronnement : demi-disques unis accolés (très fruste).

d. e. f Toute cette porte avait été dé- truite et remplacée par une baie carrée : les sculptures ci- dessous sont donc neuves. d. Fleurettes (œillets à six pétales) posées à plat, à intervalles réguliers. e. Combi- naison de larges feuilles aux fortes ner- vures en très faible relief f. Pareil à c.

Colonnes.

g. j. n Ces colonnes, placées à l'ex- térieur des ébrasements, sont extraordinai- rement originales : nous ne connaissons

aucun autre exemple de la disposition qu'elles présentent. Leur fût est orné de fines nervures en relief qui s'enroulent en spirales ; tels les brins d'un câble tournant autour de l'âme. Les extrémités de ces spi- rales se terminent au sommet par une sorte de volute d'un assez fort relief ; toutes ces volutes se trouvant à la même hauteur élar- gissent la colonne en cet endroit, et ce ren- flement tient lieu de chapiteau. Ces trois colonnes sont neuves, copiées sur les colon- nes originales.

h. i. 1. m. A ces colonnes les fûts sont unis; les chapiteaux sont décorés de feuilles d'ornement.

On remarquera qu'à la porte gauche, l'ébrasement de droite ne comporte qu'une seule colonne au lieu de deux.

Sculptures diverses.

p. Quadrupède cornu (ou à longues oreilles) galopant: peut-être un lièvre, peut- être un cerf.

q. Sorte de cheval galopant.

r. Deux têtes, de profil, face à face.

Ces trois sujets sont sculptés grossière- ment, en très faible relief : on pourrait croire que ce sont des vestiges d'un monument encore plus ancien utilisés dans la construc- tion de l'édifice actuel.

Colonnes.

ss. Ces deux colonnes à fûts lisses, et les massifs dans lesquels elles sont engagées font une forte saillie sur le plan de la fa- çade : dans l'épaisseur du massif est prati- quée une arcature perpendiculaire à ce plan: on n'en voit pas bien la fonction, mais on y peut trouver l'indice de l'existence d'un porche, d'autant plus qu'à la partie supé- rieure, on trouve des gradins de pierre qui semblent avoir jadis supporté des sujets de décoration. Il faut signaler, dans le fond de

3L'églt0e de t)atnt 3ïoutn de SJ^anuQ.

13

l'arcature perpendiculaire de droite, un curieux ornement en forme de rosace ofravé sur une plaque de pierre carrée d'environ 0^,50 de côté et d'un caractère tout à fait byzantin. Encastré dans le parement, il provient sans doute d'un édifice antérieur ; se trouvant à hauteur d'homme, il est malheureusement exposé à des dégrada- tions volontaires qui ont déjà fait dispa- raître une partie de son ornementation (').

t. A la base de la grosse colonne d'angle on retrouve ce dessin si curieux que nous avons admiré ci-dessus aux petites colonnes g. j. n.

u. Pierres enlevées lors de la restauration (Voir à la description des N°^ 2 et 3.)

Entre-colonnes. A peu près tous les entre-colonnements de la façade sont déco- rés.

A la porte principale, aux ébrasements, en allant de l'extérieur à l'intérieur, on trouve : entre la première et la seconde colonne, un feston ; entre la seconde et la troisième, des crochets ; entre la troisième et la quatrième, des perles (ou boutons) ; entre la quatrième et la dernière, des demi- disques ornés, accolés.

A la fenêtre centrale, entre les colonnes, on voit, à intervalles réguliers, des trèfles gravés en creux.

I. Nous devons ces renseignements à M. Deverin.

Clochetons. On remarquera que celui de droite est plus orné que l'autre. Les toitures, au lieu d'être couvertes en écailles de poisson comme à Civrai et sur la plupart des églises poitevines, sont imbriquées de triangles en relief, présentant la pointe en bas et posés dans le plan même des arêtes. Les chapiteaux sont assez simples : leur ornementation robuste et sévère se com- pose de feuilles ; quant aux modillons pla- cés au dessous de la colonnade supérieure, ils présentent pour la plupart des têtes gri- maçantes.

Telles sont les sculptures de la façade de Saint-Jouin de Marnes: il faudrait, pour être complet, examiner maintenant les merveil- les de l'intérieur du monument et celles de l'abside, que l'habile architecte M. Deverin est en train de ressusciter ; mais ce serait sortir du cadre que nous nous sommes imposé. Aussi bien notre longue nomencla- ture ne donne-t-elle qu'une idée bien sèche des richesses qu'il faut aller contempler sur place. C'est donc avec regret que nous quittons la vieille abbaye, suivant d'un regard envieux les amateurs de jouissances artistiques qui visiteront Saint-Jouin et ne s'arrêteront pas, comme nous, à la porte du sanctuaire.

G. Sanoner.

Paris.

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Carnet lie bocage '.— BaDouc, Venise, Gortina

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[ N quitte avec regret la délicieuse et pittores- que localité de Cortina d'Ampezzo, la perla dei Do/omiti, pour redes- cendre, à petites jour- nées et par de belles

vallées, dans les cités du Cadore.

La première qu'on traverse est Pieve di Cadore, qui est fière d'avoir vu naître Ti- tien (1477-1576). La bourgade a rendu à ce grand artiste tous les honneurs pos- sibles : la place principale porte son nom, une statue de bronze s'élève au centre et une plaque commémorative est placée con- tre sa maison natale.

Il y a cependant une ombre au tableau : aucun document officiel ne donne la preuve que Titien soit à Pieve di Cadore ; la croyance, très accréditée, repose unique- ment sur la tradition.

L'église conserve plusieurs tableaux dont l'un, selon Vasari, est bien de Titien. Ha fatto, dit le biographe, Tiziano in Cador, sua patria, una iaz>ola. dentro la çuale è un nostra Donna e S. Tiziano vescovo. ed es'li stesso ritratto ginocchioni. »

La peinture est dans une petite chapelle latérale ; elle est de moyenne dimension et de colorations affaiblies.

Le sujet représenté est une Adoration.

La Vierge, assise, allaite l'Enfant ; à ge- noux autour d'elle, trois personnages: saint André, un évéque coiffé d'une mitre et re- vêtu d'une chape brodée; derrière le prélat, un homme à barbe tenant la crosse. La tra-

Voir la Revue de septembre 1903, p. 384.

dition veut que la Vierge soit Cecilia, la femme de Titien; saint André serait Fran- cesco Vicellio, son frère ; l'évêque serait Marco Vicellio, un membre de la famille, sous la forme de saint Titien, évêque d'Or- derzo ; l'homme qui tient la crosse serait Titien lui-même; on le reconnaît sans peine, Titien ayant laissé de lui plusieurs portraits.

On veut aussi donner à Titien une Ma- done avec saint Roch et saint Sébastien ; la peinture a été très retouchée et rien ne justifie la supposition.

Il paraît qu'une Adoration des Bergers par Titien, qui appartenait à l'église, a été perdue.

Cesare Tiziano, de la famille Vicellio, mort après 1600, a peint une grande Cène, placée derrière l'autel ; c'est un ouvrage se- condaire traité comme le sont les nombreux sujets du même genre.

Dans la sacristie, au milieu de tableaux sans aucun intérêt, on remarque une Santa Conversazione avec la Madone et l'Enfant, saint Jean-Baptiste et sainte Marie-Made- leine; c'est un très bon ouvrage dans le style et la couleur de Palma le Vieux ; il est par Vicenzo di Biagio deTrévise.dit Catena {'^ 1531)' peintre amateur ; ses tableaux sont assez nombreux dans la Haute-Italie.

Certes, Trévise ne peut être placée au rang des grands centres d'art de l'Italie ; elle est peu visitée, ne se trouvant pas sur l'itinéraire habituel des touristes, et cepen- dant elle mérite une attention particulière, surtout à cause de ses vieilles fresques.

Que de fois dans mes excursions en Italie, du Nord au Sud, de la Méditerranée

Carnet De tïopage.

15

à l'Adriatique, principalement dans les con- trées peu parcourues, n'aije pas eu l'occa- \ sion de constater l'insuffisance des Guides portatifs et de regretter de n'avoir pas à mon service particulier un photographe expérimenté et docile !

Je sais bien que les photographes italiens ont jusqu'à 25.000 clichés d'art, mais que d'œuvres ont été négligées !

A Trévise mes regrets ont été très vifs, car aucune des fresques dont je vais parler,

et je ne signale que les plus importantes,

n'a été photographiée, à ma connais- sance du moins.

A défaut donc de reproductions qui en apprendraient plus que tout ce que je pour- rai dire, je dois me borner à de simples descriptions.

En 1 221, l'Ordre des Dominicains, fondé à Toulouse par saint Dominique en 12 15, s'établit à Trévise dans un couvent dont la chapelle datait de 1 1 70, selon une inscription encore lisible au XVI II'' siècle.

Vers 1243, la chapelle fut convertie en salle capitulaire de l'Ordre; elle était nom- mée alors chapelle du Crucifix, à cause d'une Crucifixion peinte à fresque sur l'une de ses parois.

Plus tard, les Dominicains complétèrent la décoration murale de la chapelle, nous le verrons plus loin, mais ils respectèrent la Crucifixion qui subsiste toujours ; aucun document ne permet de fixer la date de cette peinture et le nom de son auteur, mais, d'après son caractère, on peut admettre qu'elle est des premières années du XIII« siècle.

Le divin Rédempteur est attaché sur la croix, nu, les yeux clos et déjà mort. La croix est de la forme dite immissa en Italie, c'est-à-dire à trois branches. La tète incli- née est nimbée en disque non crucifère ; elle n'a pas la couronne d'épines ; de longs

cheveux encadrent le visage. Le corps est allongé et courbé. Les pieds sont posés sur un support soutenu par un médaillon à trois têtes humaines. Ils ne sont ni tout à fait croisés, ni complètement séparés, le talon du pied droit étant seulement engagé sous le pied gauche.

La particularité de cette représentation du Christ est qu'il est attaché à la croix par cinq clous.

On sait que les premières images du Ré- dempteur le figuraient avec quatre clous, les pieds étant séparés ; puis l'usage vint, vers le XI 1 1*" siècle, de croiser les pieds l'un sur l'autre, ce qui réduisit à trois le nombre des clous ; ce ne fut pas cependant une règle absolue, puisqu'au XIV^ siècle, on constate le Christ tantôt avec trois clous, tantôt avec quatre.

Je ne crois pas qu'il existe, en dehors de Trévise, une autre figure du divin Crucifié avec cinq clous. Ce cinquième clou est très apparent ; il est à tête en forme de T et très long, car il traverse les deux pieds en biais de la droite à la gauche. Un écrivain très sérieux de Trévise, le frère Federici, a encore vu au XVIII' siècle la trace des autres clous des pieds ; à présent, on ne les distingue plus nettement, mais on les de- I vine.

Au-dessus et au-dessous des bras de la croix, planent des anges ailés et nimbés.

Au pied se tiennent debout, d'un côté, la Vierge en vêtements bruns semés d'étoiles dorées ; de l'autre, saint Jean en longue robe talaire.

Aux deux extrémités du champ de la fresque, sont figurés, debout sous des édicules à colonnes, saint Pierre et saint ! Paul, avec leurs attributs respectifs.

Le dessin de la fresque est parfois incor- rect ; les deux apôtres sont visiblement moins soignés et peut-être d'une main

i6

jRebue lie l'art cbrcttcn»

différente, mais il règne dans la Crucifixion une sincère émotion : le Christ, qui vient d'expirer, a souffert avec mansuétude ; la Vierge et saint Jean ont une attitude de douleur profonde mais résignée.

Le peintre était certainement un chrétien doux et sensible ; sa Crucifixion est fort supérieure à d'autres de la même époque, conservées en Italie, notamment à Pise et à Florence.

Une dizaine d'années après que les Do- minicains eurent fait de la chapelle du Cru- cifix leur salle capitulaire, ils résolurent d'en compléter la décoration picturale.

Ils confièrent ce travail au peintre Tom- maso da Modena, ainsi qu'en témoigne une inscription :

Neir anno IJS2 il priore trevigia7to del- t ordine dei Pi-edicatori fece depingere questo capitolo, e lo dipinse il pittore Tom- maso da Modena.

Tommaso dans d'autres documents est dit da Mutina, nom latin de Modena.

On sait que le mot da, placé entre le nom d'une personne et celui d'une localité, signi- fie généralement que la personne est ori- ginaire de la localité, mais ce n'est pas toujours exact : le sculpteur Mino, par exemple, est dit Mino da Fiesole, quoiqu'il soit à Poppi dans le Casentin. D'après certaines pièces d'archives, Tommaso ne serait pas originaire de Modena, mais bien de Trévise.

Tommaso était un peintre renommé ; vers 1357, il fut appelé en Bohême par l'em- pereur Charles IV pour décorer le château de Karlstein près de Prague. Les musées de Modène, de Berlin et de Vienne con- servent des tableaux de lui.

Le catalogue officiel de la Galerie impé- riale et royale de Vienne, rédigé en 1781, par Chrétien de Mechel, mentionne de ce

peintre un triptyque avec la Vierge et l'Enfant, saint Wenceslas, roi de Hongrie, et saint Palmatius, mais par une erreur difficile à expliquer, Mechel dit que le nom de Tommaso da Mutina est celui d'un gentilhomme bohémien à Muttensdorff, dont Mutina serait la traduction latine !

Mechel, dans sa préface, rappelle l'opinion

de Lessing, émise en 1774, qui enlève à

Jean Van Eyck l'invention de la peinture à

l'huile pour la donner à Nicolas Wurmser,

j Theodoric de Prague etThomas de Mutina.

Tommaso fut donc chargé de décorer la

salle capitulaire des Dominicains ; le pro-

I gramme qui lui fut donné est simple mais

I intéressant; il constitue, je crois, le début

1 des salles de portraits peints.

I Sur un fond d'ornements et de cartouches

I à inscriptions, Tommaso a peint quarante

portraits en pied des plus célèbres Domini-

cains,depuis la fondation de l'Ordre en 1 2 1 5,

jusqu'au milieu du XI V«^ siècle. En voici la

liste.

Trois saints :

Saint Dominique, saint Pierre de Vé- rone, saint Thomas d'Aquin. Deux papes :

Innocent V, pontificat de 1276 à 1278; Benoît XI, pontificat de 1303 à 1305. Dix-huit cardinaux :

Hugo (Provence) (') ; Annibal (Rome) ; Pierre (France); Robert (Angleterre); Latinus (Rome); Hugo de Bologne (France) ; Nicolas ( Lombardie inférieure); Nicolas de Prato (Provence) ; Gualterus (Angleterre) ; Nicolas (France); Thomas (Angleterre) ; Guillaume (Angleterre) ; Mathieu (Rome); Guillaume (France); Boniface(?); Thomas(?); Gérard (France); Jean (France).

I. Les noms de pays indiquent la province de l'Ordre. Le point ? signifie que le nom de la province est effacé dans la fresque.

Carnet De tjopage.

17

Quatre évêques :

Pierre (France) ; Augustin (Hongrie); Raymond (Espagne); Albert (Allemagne).

Treize frères :

Guido (Sicile); Maurice (Hongrie); Augustin (Hongrie) ; Jacob (Lombardie supérieure) ; Ambroise (Lombardie infé- rieure) ; Vincent (France) ; Bernard (Tou- louse) ; Pierre (Espagne) ; Isnard (Lom- bardie supérieure) ; Jean (Lombardie supé- rieure) ; Albert (Allemagne) ; Pelage (Espagne); Jean (Saxe).

Les saints sont nimbés.

Le pape Benoît ; les évêques Pierre (France), Augustin (Hongrie) ; les frères

1. Tiare du pape Innocent V, d'après la fresque de Trévise de 1352.

2. Tiare du pape Benoît XI, daprès la fresque de Trévise de 1352.

Pierre (Espagne), Jean (Lombardie supé- rieure), Vincent (France), Ambroise (Lom- bardie inférieure), ont, comme Bienheu- reux, la tête entourée de rayons.

Les papes portent la tiare ; je reproduis ces deux emblèmes (').

Les cardinaux ont le chapeau rouge ; les évêques la mitre ; les frères ont la tête dé- couverte.

Tous sans exception ont le costume de

I. Fra .■\ngelico (1387-1455) a peint les portraits en daillon de dix-sept dominicains, au-dessous de sa Critcifi- xion dans la salle capitulaire du couvent San Marco de Florence dont l'Ordre avait pris possession en 1436. Les papes Innocent V et Benoit XI sont, comme dans la fresque de Trévise, en costume de Dominicain, mais avec le pallium. Leurs tiares sont beaucoup plus hautes et à trois couronnes, tandis qu'on n'en voit qu'une sur la tiare de Benoit .\I à Trévise.

l'Ordre et sont représentés en même gran- deur.

Ils sont assis devant des pupitres en po- sition de méditer, de lire ou d'écrire; sur les pages ouvertes de la plupart des volumes sont écrites des maximes et des sentences; le livre du pape Innocent V porte: no7i re- cédant ab innocentia, celui du frère Bernard de la province de Toulouse : Domine Do- minus noster quant adniirabile est nomen iuiim in universa terra.

A chaque portrait se rapporte une ins- cription avec le nom du personnage et ses mérites : en voici deux.

S. Dominicus de Provincia Hispanis, priinus magister et Fundaior Ordinis Prœ- dicatoj-um, atque Virgo, Doctor, Fidei Ze- lator, Hcsresuin extirpator, vir in cunctis virtutibus laudabilis et innutneris claruit miraculis.

B. Fr Vincentius Belluacensis de Pro- vincia Franciœ Ord. Fratruni Prœdic. in vita et in scientia valde fantosus composuit magnum spéculum naturale, doctrinale, his- toriale et claruit miraculis.

Sur d'autres cartouches sont inscrits les noms des vingt et un premiers maîtres généraux de l'Ordre ; exemple :

Magister Ordinis Fratrum Prœdicato-

rum fuit Révérend. Pater Fr. Herveus de

Provincia Franciœ Exce liens mas::ister in

Sacra TJteol. et in omnes scientias opéra

fecit.

Et pour compléter ce livre d'or des Do- minicains, sont mentionnés les vingt et une provinces de l'Ordre et les trente-huit couvents de la Lombardie.

Il est clair que les figures des Domini- cains ne sont des portraits proprement dits que très exceptionnellement.

Ranger en lignes régulières, sur les quatre parois d'une salle, quarante effigies de

KKVUS DE l'art CHRÉTIBK. 1904. l'*= —LIVRAISON.

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ISitWt tjc T'^rr cbrctieiL

même taille, revêtues d'un costume pareil et dans des attitudes à peu près semblables, constituait une tâche difficile, car il fallait surtout chercher à rompre l'uniformité et la monotonie ; au moyen de dispositions va- riées dans les plis des étoffes, de mouve- ments différents dans les bras et de carac- tères divers dans les physionomies, Tom- maso a su éviter l'écueil.

La salle présente un très satisfaisant ensemble décoratif ; c'est avec raison qu'à Trévise, on la nomme, au moins depuis le XVI I Je siècle : Gallei'ia di pitturc antiche.

Nous allons retrouver Tommaso dans l'église San Nicolo dont l'ancien couvent des Dominicains est une dépendance.

Lemunicipe de Trévise avait décrété, en 123 I, la construction d'une église conven- tuelle pour les Dominicains, mais les circons- tances en empêchèrent l'édification jusqu'à l'avènement à la tiare du Dominicain Nicolo Boccasino, originaire de Trévise, qui régna de 1303 à 1 305, sous le nom de Benoît XI. Le pape fournit une partie des ionds néces- saires, et le frère Benvenuto délia Cella dressa les plans ; ce ne fut cependant que vers 1348 que l'église, qui reçut le nom de San Nicolo, en souvenir du pape Benoît XI, fut à peu près terminée. Elle subit diverses modifications à l'intérieur, surtout en ce qui tient à la décoration, mais en 1856 on eut la bonne idée de la remettre autant que possible dans son état primitif.

La basilique est à trois nefs divisées par de fortes colonnes au nombre de six sur chacun des deux rangs ; elle conserve de nombreux et intéressants ouvrages d'art dont voici les plus marquants.

Il n'est pas très rare de rencontrer en Italie des colonnes décorées partiellement de figures à fresque; le plus ancien type est dans l'église Santa Maria Antiqua, décou-

verte en 1900 au Forum Romain et qui date du VI 1 1^ siècle, mais je crois que nulle part on ne trouve, sur colonnes, autant de fresques qu'à San Nicolo et disposées d'une façon si particulière.

Trois colonnes sur les douze n'ont pas de peintures.

Aucune des neuf autres n'est entièrement peinte de la base au chapiteau.

Sur les lûts décorés, les fresques sont disposées en compartiments bordés d'un listel, comme il en serait d'une colonne pourvue de tableaux peints sur une surface convexe.

Sur certains fûts il y a jusqu'à trois cadres placés à la suite l'un de l'autre, sans solution de continuité, de façon à envelopper entiè- rement un segment.

Sur d'autres il n'y a que deux comparti- ments joints ou isolés.

Sur d'autres, enfin, on ne voit qu'un cadre unique.

Les fresques sont peintes à des hauteurs différentes au dessus du sol et sans aucun souci de la régularité et de la symétrie.

Telle colonne, par exemple, paraît nue à première vue ; il faut en faire le tour pour voir sa fresque.

Ces dispositions me laissaient perplexe, et je ne pouvais m'en rendre compte, mais j'ai compris après les explications qu'on a bien voulu me donner.

Les colonnes dépourvues de peintures étaient attribuées à des compagnies de chanteurs qui n'avaient pas accès dans le chœur de l'église ; ces compagnies se plai- saient à orner de tentures et d'emblèmes les piliers autour desquels elles se réunis- saient ; on jugea dès lors inutile de les dé- corer de fresques. ' Certaines colonnes étaient pourvues d'autels ; en ce cas, les fresques servaient

Carnet ht "oopuQt,

^9

de retables et étaient à des hauteurs corres- | Enfin quelques piliers portent des pein- pondantes à l'importance de l'autel. | tures votives que probablement le do-

'^clÏT:.- SW^W^!:^'^'-'^''^^'^'

V)

Tombeau du sénateur Onigo, Pielro ei Tullio Lombaboi, sculpteurs. Juat, Kellin ou Jacopo ne' makuari, peintres. Fin du XV^- siècle.

Église San Nicolo à Trévise. (Phot. Alinari, Florence.)

nateur pouvait placer selon ses conve- nances.

Telle est l'explication qui m'a été four- nie ; elle est très admissible.

On remarque, en effet, dans les églises d'Italie, qu'une grande latiiude était lais- sée aux congrégations, aux patrons des chapelles et aux donateurs pour disposer

20

WitWt tie ravt cbvctten.

à leur gré les munificences dont par piété et aussi par vanité ils ornaient les sanc- tuaires.

Voici les sujets représentés :

La Vierge lit le traité de l'Incarnation de saint Thomas d'Aquin ; saint François d'Assise.

Un évêque, peut-être saint Augustin, la Vierge et l'Enfant.

Un Camaldule nimbé, un grand cierge à la main; près de lui, deux jeunes pauvres à genoux, en position de suppliants ; sainte Agnès, vierge et martyre ; saint Jérôme, vêtu en cardinal.

La Vierge et l'Enfant ; saint Dominique et saint François.

Saint Michel archange, terrassant le démon.

SaintThomasd'Aquin offrant à la Vierge, son traité de l'Incarnation, un évêque bé- nissant un cavalier à genoux qui tient son cheval par la bride.

Saint Christophe et l'Enfant Jésus ; saint Jacques, apôtre ; saint Nicolas.

Sainte Catherine, vierge et martyre; un Dominicain à genoux lui présente une sup- plique.

.Saint Martin, coupant son manteau pour le partager avec un pauvre.

Ces fresques sont en majeure partie attribuées, avec raison, je crois, à Tommaso, mais, bien certainement, il en est d'autres mains beaucoup moins habiles, notamment celle qui montre le cavalier béni par un évêque.

Ici on peut, mieux que dans la salle du chapitre, étudier le peintre.

Il a le pinceau rapide et facile, car sauf pour les couleurs forcément à tempera comme le bleu, tout est à buoii fresco, c'est- à-dire peint d'un coup, sans reprises, sur enduit frais ; l'enduit très mince a seule- ment quelques millimètres d'épaisseur.

Tommaso peint en blond, pour employer une expression moderne : ses couleurs sont dans des tons clairs et harmonieux d'ensemble ; elles m'ont rappelé quelques- uns de ces doux Florentins de la première période du XV^ siècle.

Ses personnages font également songer à cette époque.

La Vierge est touchante par sa tendresse et son humilité.

Saint Jérôme est déjà dans sa caracté- ristique habituelle : pose grave, aspect sé- vère, œil pénétrant, son livre près de lui, il se dispose à transcrire ses pensées.

Sainte Agnès est bien la jeune patri- cienne de Rome, noble et distinguée ; elle est debout, vêtue d'une longue et chaste robe blanche, tenant dans les bras l'agneau mystique et la palme du martyre ; c'est une figure exquise, digne des grands maîtres du XV^ siècle.

Tommaso a travaillé également, croit-on, à l'église Santa Marguerita, construite au XIV" siècle, depuis longtemps désaffectée.

Le temple était très amplement décoré de fresques ; il a été possible d'en sauver quelques-unes, notamment l'Histoire de sainte Ursule et de les transporter au musée de Trévise.

M. le professeur Bailo, auquel on est redevable de ces précieuses conservations, explique comme suit les fresques de sainte Ursule.

Ursule, fille de Théonat, roi chrétien d'Irlande, est entourée de six compagnes.

Agrippinus, roi païen d'Angleterre, char- ge deux ambassadeurs d'aller demander à Théonat la main de sa fille pour son fils Conon.

Les ambassadeurs remettent à Théonat la demande de mariage. La mère d'Ursule présente sa fille aux ambassadeurs.

Ursule accepte la proposition à la condi-

Carnet de t)o^>age.

21

La Madone, les saints Dominique. Thomas dAquin. Benoît, Jérôme Nicolas. Frère Pensai,en et Girolamo Salvauo, XVK- siùde.

(Phûtogr. Ai.iNAKr, Florence.)

22

3^e\)ue îie r^rt cbvctten

tion que Conon se fasse chrétien ; elle de- mande de plus un délai de trois ans avant l'accomplissement du mariage et la faculté de se rendre à Rome avec ses compagnes.

Ursule est entourée de ses compagnes et de ses servantes.

Le fils du roi d'Angleterre se fait baptiser.

Ursule remonte le Rhin sur quatre bar- ques à voiles, avec ses compagnes et deux évêques ; en vue de Cologne, un ange lui apparaît et lui annonce qu'elle sera marty- risée à cet endroit.

Entrée à Rome d'Ursule et de ses com- pagnes ; elles sont accueillies par le pape entouré de cardinaux et de prélats.

Le pape est endormi sur un lit de pa- rade ; un ange lui apparaît et lui indique de faire partie de la suite d'Ursule.

Le pape préside un consistoire et fait connaître sa résolution de réaliser les indi- cations de l'ange.

Le pape quitte Rome en procession et suit Ursule.

Ursule et ses compagnes descendent le Rhin en bateau et s'arrêtent en vue de Cologne.

Ursule et ses compagnes sont mises à mort par les Huns (').

Les tresques sont-elles de Tommaso ? Aucune inscription, aucune écriture d'ar- chives ne permet de 1 assurer, mais d'après les rapprochements de style et de facture,

I. On sait que la légende des onze mille vierges résulte d'une erreur d'interprétation d'une inscription.

L'inscription porte vrsvla y-yr xi mm vv ; le traducteur a pris les lettres MM pour le nombre de mille alors qu'elles signifient les mots martyres.

Est-il besoin de rappeler que le must'e royal de pein- tures de Venibc conserve une suite de l'Histoire de sainte Ursule peinte par Carpaccio de 1490 à 1495 pour la Scuola de sainte Ursule? 11 serait intéressant de comparer les deux compositions, car elles présentent de notables différences; je n'en cite qu'une: tandis que Tommaso présente l'apparition de l'ange alors que la Sainte est en bateau devant Cologne, Carpaccio montre Ursule étendue sur son lit virginal, et dans son paisible sommeil voyant en songe l'ange qui lui annonce son martyre.

il est fort probable qu'il en est l'auteur. Elles constituent une œuvre remarquable par la simplicité de l'exécution et l'expres- sion très juste des sentiments et des actes des personnages.

Il est fort regrettable que les fresques de Tommaso de Mutina, qui subsistent à Tré- vise, n'aient pas fait l'objet d'une étude spéciale et d'une reproduction complète ; elles méritent ces distinctions autant et même plus que bien d'autres qui ont été mieux favorisées.

Les fresques de Tommaso ne sont pas les seules de l'église San Nicolo ; si je ne puis, dans un simple Carnet de voyage, les signaler toutes, je dois cependant noter celles de la chapelle des Apôtres du XIV= siècle.

Elles montrent la Vierge avec l'Enfant, les saints Jean- Baptiste, Nicolas,- Romuald et sainte Catherine; la famille Monigo, fon- datrice de la chapelle en 1366, y est repré- sentée.

Sur une autre paroi c'est V Adoration des rois mages.

Ces fresques sont médiocres, et on pour- rait ne pas en parler ; mais dans un com- partiment qui fait suite à {'Adoration, on observe une peinture remarquable par sa distinction et son élégance : elle représente saint Jean- Baptiste, sainte Catherine et saint Nicolas, et sur un fond spécial, étoile d'or, sainte Marguerite de Hongrie, en habit de dominicaine, les stigmates aux mains, la tête couronnée par deux anges.

Aux pieds de la Sainte, un suppliant à genoux et l'inscription

FR MARINVs

Est-ce le nom du donateur, ou celui du peintre .'' On l'ignore.

La chapelle des .Apôtres tire son nom de

Carnet ht bopagp.

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Sainte Euphémie, sainte Catherine et saint Jean-Baptisie, Francesco Bissono. 1520. Cathédrale de Trévise. (Photogr. Auinaki, FlDrence.)

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WitWt De r^vt cJ)vctieii.

son tableau d'autel, X Incrédulité de saint Thomas.

Le tableau est absolument de premier ordre; pendant longtemps il a été donné à Jean Bellin, qui l'aurait peint en 149 1 ; à présent on veut qu'il soit du frère Luciani, dit Sébastien de! Piombo. C'est possible, mais lorsqu'on vient de Venise, on pro- nonce le nom de Jean Bellin.

C'est aussi à Jean Bellin qu'on attribue la belle décoration picturale avec les deux héros, qui encadre le tombeau du comte sénateur romain, Agostino d'Onigo, mort en 149 1, placé dans le chœur de San Ni- colo ; quelques auteurs pensent que la pein- ture est d'un Allemand, Jacob Walch, connu en Italie sous le nom de Jacopo de' Bar- bari ; ce Jacob a laissé des peintures en Allemagne, mais en Italie il n'y aurait de lui que les fresques du tombeau d'Onigo ; si réellement elles lui appartiennent, il faut reconnaître qu'elles ont un caractère tout à fait italien.

Le tombeau in aria du sénateur Onigo, est peint par Pietro et TuUio Lombardi, ar- chitectes et sculpteurs; la description en est inutile, puisqu'il est reproduit ici ; c'est un très bel ouvrage exécuté peu après 1492 ; il est juste de faire remarquer que si, à Florence et à Bologne, on trouve des sépul- tures antérieures dans le même esprit mais avec plus de simplicité, nulle part on ne rencontre dans un monument funéraire une alliance aussi heureuse de la sculpture et de la peinture.

Le superbe tableau d'autel cjue nous re- produisons, représente la Madone triom- phante avec l'Enfant sur les genoux ses pieds, un ange joue de la cithare ; autour du trône sont groupés saint Dominique, saint Nicolas, le bienheureux Benoit, saint Thomas d'Aquin, saint Jérôme et un

saint en cuirasse qui n'a pas été spécifié. Les archives du couvent apprennent que la peinture a été exécutée, en 15 20 et 1521. par le Dominicain Marco Pensaben de Ve- nise, aidé du frère Marco Maravéja, qui a laissé l'oeuvre inachevée. Les Dominicains eurent alors recours, pour la terminer, à Gian-Gerolamo junior de Trévise.

Mais les noms de Pensaben et de Mara- véja sont inconnus dans les histoires de l'Art ; l'érudition alors s'est emparée du sujet et a tenté d'en trouver l'auteur véri- table.

On a d'abord pensé à Sébastien del Piombo, admettant qu'il était désigné sous le nom de Pensaben; puis, renonçant à cette hypothèse, on a attribué le tableau à Gero- lamo Salvado, au moins pour son achève- ment. Salvado est mort après 1550; on conserve ses ouvrages à Brescia, Florence, Turin, Venise, Urbino. Mais après tout, peu importe. Nous sommes ici en présence d'une de ces belles compositions dont les peintres de la terre ferme de Venise ont doté les églises ; sans doute ils ont pris leurs inspirations chez les grands maîtres vénitiens, mais combien ces disciples sont restés supérieurs aux générations qui les ont suivies.

Moretto, Romanino, Pensaben ou Mara- véja, Salvado, ne sont placés dans la hié- rarchie qu'à des rangs secondaires ; sont les premiers peintres de notre temps qui peuvent leur être comparés même de loin ? Ils sont restés fidèles au sentiment chrétien et ont continué à réaliser le type parfait du tableau d'autel.

Mais il faut quitter San Nicolo, sans en terminer l'examen, pour quelques autres églises moins importantes.

Gerspacii. (A suivre.)

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:oc la Décoration polpcbrome Du mobilier et Des oeiitires plastiques Dans les églises, --'--- à propos D'un imrc récent (')• ^^

E livre dont je viens de transcrire et de traduire le titre traite une question intéressante, controversée et souvent, sinon étudiée avec compétence, dis- cutée avec une ardeur et un parti pris que l'on pourrait s'étonner de rencontrer dans une matière qui, au premier abord, ne semble pas de nature à échauffer les esprits.

La question semble si bien posée dans la courte préface du livre que j'en donne également la traduction ; c'est la meilleure manière de faire connaître le point de vue auquel se place l'auteur: « Doit-on peindre le mobilier et les sculptures des églises? Comment doivent-ils être peints? Ces deux questions appartiennent au nombre de celles que l'on peut considérer comme les plus brûlantes de l'art ecclésiastique. Le but de ce travail est d'apporter une contribution à l'examen et à la solution de cette question, aussi impor- tante pour l'artiste que pour le prêtre. En nous appuyant du jugement d'auteurs de grand poids, comme sur les modèles de l'art du passé, c'est affirmativement que nous répondrons à la pre- mière de ces questions. Quant à la seconde, l'étude approfondie quenous avons faite nous-même d'œuvres d'art originales, et celles que nous avons poursuivies dans les ouvrages d'archéolo- gues de renom, pour la période gothique, nous citerons en première ligne, Mùnzenberger, Les autels du moyen âge en Allemagne, ces études, disons-nous, permettent d'établir pour la peinture des objets dont il s'agit, des règles fixes. Nous devons des améliorations et des complé- ments très considérables à ce travail, au très Révérend Alexandre Schnlitgen, chanoine à la cathédrale de Cologne, éditeur de la Revue de

I. Die Betnalung der kirchlichen Moebel und Sculpturen, ein Leit/aden fur Kunstler, Geistlichen uud kunitlietenden Laieii. Dusseldorf, S. Schwann, éditeur, 1901.

La peinture du mobilier et des sculptures dans les églises, un fil conducteur pour les artistes, les prêtres et les amateurs d'art, par Joseph Kuhn, curé. In-8», >66 pp.

l'Art chrtUien ( Zeitsclirift fiir christliche Kunst ), et à nos deux amis et collègues dans le sacerdoce, MM. Kilian Bauer et Léo Hugei. C'est avec gratitude que nous faisons connaître la part qu'ils ont prise à ce travail.

« Les passages que l'on peut considérer comme une polémique dirigée contre certaines tendances modernes, doivent être mis sur le compte des attaques sans nombre et sans mesure dont nous avons été l'objet de la part d'artistes et de soi- disant spécialistes, parce que, selon nous, comme le dit Springer, « tout art vraiment populaire aime la couleur ». Comme il nous importe fort peu de combattre les personnes, mais que nous avons surtout pour objet de redresser les vues complètement erronées qui ont cours en ce qui concerne la polychromie, nous avons évité inten- tionnellement de citer des noms propres.

« C'est à l'honneur de Dieu et des Saints, c'est pour l'enseignement des artistes et des membres du clergé, que nous avons consacré notre travail à cet objet. »

L'auteur, comme on le voit, est prêtre; on sera donc disposé à lire son étude avec la pensée d'y trouver une dissertation sur la philosophie de l'art, un exposé des principes de la décoration des églises, et des recherches à la fois théolo- giques et archéologiques. Tout cela se trouve dans le livre du curé Joseph Kuhn, mais il traite son sujet d'une manière complète. Après l'exposé des principes de la polychromie du mobilier et des œuvres de l'art plastique dans les édifices du culte, il aborde hardiment les questions rela- tives à la pratique de la peinture, et il ne recule nullement devant l'examen des procédés à re- commander.

Nous remarquerons, en passant, que les deux archéologues allemands, dont l'auteur évoque avec gratitude les noms et la coopération, MM. Schnlitgen et Miinzenberger ('), donnent, par l'adhésion complète que ce concours présuppose, une grande autorité à son livre.

Ses trois premiers chapitres sont consacrés à

I. Miinzenberger, Zeitschrift fur christliche Kunst, année 1891. p. 26.

26

3Re\)ue tie V^xî chrctten.

la décoration de l'autel. Il devait en être ainsi : l'autel est l'objet le plus important de l'église. C'est la table du sacrifice, le centre du sanctuaire s'accomplit le plus auguste des sacrements. L'artiste et l'artisan doivent y mettre tout leur savoir et tout leur talent. II appartient au peintre d'orner l'architecture et le décor plastique de l'autel, avec toutes les ressources de l'art, non seulement pour en accuser les reliefs, mais encore pour mettre l'autel en harmonie avec la polychromie intérieure de l'église. Ce n'est que dans des cas tout exceptionnels, par l'emploi des marbres de couleur, par le travail de l'émailleur et du mosaïste, que le concours du peintre peut devenir inutile. D'ailleurs, l'auteur fait observer que tous les procédés techniques qui peuvent produire un effet de coloration dans le décor de l'autel, sont conformes à son point de vue et entrent dans le cadre de son étude.

Voici d'ailleurs quelques principes généraux qui ne peuvent être perdus de vue dans la déco- ration polychrome des églises.

Dans une église peinte, les meubles accessoires en marbre blanc ne peuvent rester entièrement incolores ; ils doivent s'harmoniser avec leur en- tourage.

La couleur a pour objet, dans les travaux en marbre, de soutenir l'effet de l'architecture, d'ac- centuer les détails, ainsi que les formes plastiques de la statuaire, surtout lorsque celle-ci est vue a distance.

Pour ce travail, d'une nature très délicate, il importe de rechercher les modèles dans ce que nous a laissé le passé, non seulement dans la peinture grecque des sculptures en marbre, mais dans les exemples plus nombreux que nous a laissés le moyen âge.

Aux retables de la période romane, le bois de chêne ou tout autre bois, n'a jamais été laissé dans sa couleur naturelle ; toujours il a été peint et doré.

La peinture /rtr/Z^/A' de la pierre est aussi illo- gique que la peinture partielle du bois. Laisser les retables d'autel en pierre, sans polychromie, par enthousiasme pour <( la belle pierre» ou le beau bois de chêne, ou par orgueil artistique, c'est porter atteinte aux règles de l'harmonie. Dans une église peinte, un autel en marbre ou

en pierre naturelle, sera toujours chose offen- sante pour l'œil.

Le choix des couleurs ne peut être arbitraire; il ne doit pas viser à la richesse par la variété des tons et des nuances. En général, les couleurs fondamentales du rouge, du bleu, avec les cou- leurs secondaires du vert et du noir, neutre de sa nature, suffisent avec l'appoint des métaux, l'or et l'argent, à produire un effet satisfaisant. Mais il importe de faire usage de tonalités vigoureuses, d'une valeur pleine et franche. La comparaison entre les couleurs employées dans l'antiquité classique, et celles en usage aux époques romane et gothique, aboutit à cette conclusion intéressante, qu'elles concordent dans leurs données principales. C'est aussi le principe qui a prévalu dans les couleurs employées dans l'art du blason.

Cette remarque permet d'adopter les conclu- sions suivantes : ce n'est pas pour satisfaire le goût enfantin de la bigarrure, comme on l'assure sou- vent par erreur, que le moyen âge a adopté son système de coloration polychrome: celui-ci ne repose pas non plus sur l'existence des deu.K fac- teurs qui dominent actuellement dans la peinture des œuvres plastiques ; à savoir, la fantaisie de l'artiste et le goût personnel de celui qui com- mande le travail, mais bien sur des lois im- muables qui ont leur principe dans la nature même (i). Il n'entre pas dans notre tâche, ajoute l'auteur, de rechercher quelles sont ces lois et leurs causes primordiales: ceci est du domaine de la philosophie.

Après avoir établi ces axiomes qui régissent la polychromie en général, M. Kuhn continue l'étude de celle de l'autel, en citant fréquemment les monuments du moyen âge sur lesquels s'ap- puie son étude et il cherche des exemples.

Il insiste sur certaines règles : il rappelle que toute sculpture en bois à l'autel et au retable, qu'elle se compose d'éléments architectoniques, ou de groupes historiés encadrés d'ornements, doit être peinte et dorée. On ne saurait trop ap- puyer sur la valeur générale de cette règle, en présence des déviations du goût moderne et de ses misérables produits.

I. Munzenberger, /.eilschrifl fur Chriitliche Kunst, année 1891,

p. 26.

^élange0.

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Tandis que les autels modernes, d'un style go- thique qui mérite le nom de rococo, souvent in- formes dans leur ordonnance architecturale mal comprise, taillés dans le bois, sont trop souvent empruntés à la sculpture en pierre, l'art ancien cherchait à établir avec intelligence les propor- tions et les rapports les plus délicats entre la sculpture des figures et le décor architectural qui leur sert de cadre. Les groupes des « histoires », comme on les appelait, formaient l'objet princi- pal, malgré les proportions souvent très réduites des figurines. Celles-ci se reliaient à la partie ornementale, avec une grande délicatesse de sentiment, qui formait du tout un ensemble harmonieux. Les images des saints y appa- raissent comme soustraites aux réalités de la vie, dans un entourage qui devait également s'éloigner des réalités de la nature.

Aussi, de tous les éléments qui doivent con- courir à la décoration polychrome de l'autel, l'or et l'or scintillant, l'or bruni doit prendre la première place : cette matière précieuse, avec son éclat magique et mystérieux, est le mieux qualifiée pour donner à l'encadrement, comme à l'image des .saints transfigurés, un aspect et une expression qui n'emprunte plus rien aux réalités de la nature et de la matière. L'or, mis en œuvre judicieusement, a son symbolisme. Les fonds d'or que si souvent nous voyons employés dans les triptyques de la période romane, y apparaissent comme le symbole de la lumière ; ils se rappor- tent à la parabole des saintes Écritures (i). C'est encore l'emblème de la cité de Dieu, ou de la Jérusalem céleste, d'après un autre passage de l'Apocalypse. On peut considérer les fonds d'or comme la splendeur de cette cité « brillant comme l'or pur et répandant son rayonnement sur les saints qui marchent dans ses voies ».

A ces considérations d'ordre idéal, on peut ajouter les expériences du domaine pratique qui recommandent l'usage de l'or dans la décoration picturale des autels et des murs. Dans ce cas les peintures n'apparaissent pas isolées et comme des tableaux. Les fonds d'or s'encadrent généra lement très bien dans les membres de l'architec- ture. Les figures y détachent parfaitement leur

I. Apocat.. xxri, 5. IHd., 21, 18.

silhouette, tout en laissant intacte la surface plane de la paroi décorée.

On ne doit pas oublier que dans les retables d'autel, le décor plastique doit toujours être d'une grande richesse, et que l'emploi de l'or de bonne qualité se recommande encore parce que, de sa nature, il est plus durable que les couleurs.

Dans beaucoup d'églises romanes surtout, et dans celles de style gothique, lorsque les baies sont garnies de vitraux d'un coloris intense, il règne une sorte de mystérieuse demi-obscurité, qui nuit à l'effet des peintures sur fond de cou- leur — sur fond bleu, pour citer un exemple. Le fond d'or obvie en partie à cet inconvénient, parce que, même éclairé d'une lumière in- sufïisante, il possède par lui-même un éclat qui fait valoir les peintures.

L'emploi des différents procédés techniques, au point de vue de leur solidité, est examiné par l'auteur, et il recommande naturellement ceux qui offrent le plus de garantie de durée. Il en écrit comme un homme du métier pourrait le faire, et assurément M. l'abbé Kuhn a été sou- vent en contact avec les artistes. Il veut aussi que ceux-ci fassent toutes les études archéologiques nécessaires à la pratique d'un art délicat qui, dans l'usage moderne, n'est souvent qu'un métier.

Dans l'examen des détails techniques, le livre que nous examinons cherche un point de départ non seulement dans les anciens traités de la ma- tière, comme ceux du moine Théophile, de Cen- nino Cennini, mais surtout dans l'analyse des pro- cédés en usage chez les peintres décorateurs au moyen âge, soit pour la décoration des statues en bois, soit pour celle à employer lorsqu'il s'agit de la sculpture en pierre ou de toute autre ma- tière.

Il énumère cinq procédés différents en donnant des détails très précis sur la méthode à mettre en œuvre.

C'est intentionnellement que je me suis arrêté, peut-être trop longuement au gré du lecteur, sur la théorie de M. l'abbé Kuhn, concernant les différents procédés de décoration polychrome, sur l'emploi de l'or dans l'ornement de l'autel, du mobilier des églises, et sur le soin qu'il a pris d'étudier les procédés techniques. Ces détails prouvent l'étude approfondie de son sujet, et

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îRebue ^t V^xt t^fétten.

font comprendre que nous avons affaire à un livre utile.

A la lecture de ce livre, on comprend qu'il s'agit ici de l'œuvre d'un prêtre qui a beaucoup vu, beaucoup étudié, et qui veut faire servir ses études à la splendeur raisonnée d'un culte dont il est le ministre dévoué. Comme il le dit dans la préface que nous avons fait connaître, le livre s'adresse moins au grand public qui ne le com- prendrait guère, qu'aux membres du clergé dési- reux de s'instruire et aux artistes de bonne vo- lonté, assez humbles pour se laisser guider.

Le principe général émis dans cette étude, c'est que la polychromie des autels, des figures de la statuaire des différentes parties du décor plastique et du mobilier doit, concurremment avec les vitraux de l'église et la peinture des parties architecturales, faire un ensemble har- monieux, qui, établissant l'accord des détails avec le tout, satisfait le cœur du chrétien. Il veut faire servir la science du passé aux progrès de l'art, d'un art qui, à son tour, a pour objet de glorifier Dieu dans les temples ornés de toutes les splendeurs qui conviennent à son culte.

J. H.

H propos De fresques.

A question de la conservation des fresques et peintures murales ordi- naires — je tiens à faire la distinction entre les procédés et les genres étant à l'ordre du jour, je crois devoir parler ici d'une tentative faite en Italie, au Campo-Santo de Pise.

Il y a deux ans, en septembre 1901, j'eus le très grand plaisir d'y rencontrer un artiste d'un rare talent, M. Louis Yperman. à Bruges, dans une des villes a fleuri le plus pur art chrétien, mais habitant Paris depuis de longues années. M. Yperman, à qui le grand art, surtout celui du portrait, n'a pas été cruel, s'est fait une spécialité de la reproduction à l'aquarelle de ces œuvres admirables sur lesquelles .s'acharnent toutes les causes de destruction venant du temps et des hommes. J'ai fait autrefois connaissance avec M. Yperman à Dijon, il copiait à la per- fection les peintures murales du XV« siècle, qui

sont une des parures de l'église Notre-Dame, et il les a restaurées plus tard avec un goût, une mesure que l'on ne saurait trop louer. En 1901, il copiait au Campo-Santo des fragments impor- tants des grandes compositions de lienozzo Gozzoli, et il m'expliqua avec démonstration le procédé que l'on venait d'expérimenter, toutefois, en s'attaquant prudemment aux œuvres secon- daires des galeries.

On appliquait sur la surface peinte un enduit très adhérent maintenu par un puissant châssis et l'on tirait à soi. Le revêtement qui portait la fresque venait tout entier d'un seul morceau; on le doublait par derrière d'un réseau de fils de cuivre, puis, après avoir enlevé la couche adven- tice, on le réappliquait à la muraille. La toile métallique raidissait, soutenait l'enduit peint et l'isolait un peu de la maçonnerie; de plus on ménageait des prises d'air dissimulées et pouvant être ouvertes ou tenues fermées à volonté, comme des bouches de calorifère. Aucune oxydation délétère n'était à craindre, le métal employé étant le cuivre, et on espérait que l'aération supprime- rait toute cause d'humidité.

Mais, au mois de septembre 1903, en revenant de Rome, j'ai eu de nouveau la bonne fortune de rencontrer M. Yperman à Orvieto, dans cette Cappella iiuova de la cathédrale, dont Fra Ange- lico et Luca Signorelli ont fait un des sanc- tuaires de l'art italien à son apogée. M. Yperman reproduisait à l'aquarelle et il arrivait à une exactitude quasi photographique avec la couleur en plus les plus beaux fragments de cet en- semble extraordinaire Luca Signorelli devan- ce et annonce le Michel-Ange de la Sixtine, surtout celui du Jugement dernier. Or, ayant demandé à l'artiste ce qu'il était arrivé du pro- cédé essayé, il y a deux ans, au Campo-Santo, il me répondit qu'on avait dià y renoncer. Si la peinture exécutée à fresque pénètre jusqu'à une faible profondeur l'enduit frais sur lequel elle a été exécutée, elle affleure à la surface en une sorte de poussière colorée, d'une certaine fixité si on n'y touche pas, mais qui s'attache à la colle adventice et c'est une fleur que perd à jamais la peinture elle-même. Ainsi l'opération avait tout d'abord pour effet d'enlever aux an- ciennes fresques plus que n'eussent fait les ac- tions naturelles de longues années.

âgéUngcs,

29

En cet état de choses, il n'\' a qu'un parti à prendre, et on l'a pris : abandonner à leur sort ces œuvres admirables que ne verront plus nos arrière-neveux.

Avant de rentrer en F"rance, j'ai fait encore une halte à Pise pour revoir la noble cathédrale je parle surtout de l'intérieur le Baptistère à l'écho mélodieux et triste; le Campo Santo, ce musée du plus grand art italien antérieur au XVP siècle; la galerie municipale, si bien classée, si riche en primitifs et qui a recueilli les très beaux débris en marbre de la chaire de la cathé- drale, œuvre excellente du XIV'' siècle, détruite dans l'incendie de 1596.

Un peu déconcertant, avouons-le de bonne foi, le premier contact des yeux avec les an- ciennes fresques; il faut si bien ajouter par l'ima- gination ce qui a été à ce qui est! Mais la période d'initiation est courte ; d'ailleurs je revenais à Pise, après de longues stations devant les plus belles œuvres murales des XIV*', XV'' et XVI'' siècles. Si, par suite d'une exposition meilleure, les fameuses scènes du Triomphe de la Mort d'Orcagna.ou plutôt des Siennois Lorenzetti, ont conservé en partie, sinon leur fraîcheur, du moins leur coloris et leur présentation d'ensemble, celles, moins anciennes, cependant, de Benozzo Gozzoline sont plus que des ombres; encore des pans entiers sont-ils effacés. Combien cepen- dant, elles sont encore séduisantes et belles! En vérité, ceux qui les virent dans leur printemps, alors qu'elles rayonnaient d'éclat et de jeunesse, ont eu des joies qui nous seraient inconnues s'il n'y avait à la Libreria de la cathédrale de Sienne, les fresques du Pinturicchio racontant la vie de Pie III, Sylvius-^neas Piccolomini, et mieux encore, à Florence, au palais Medici, plus tard, Riccardi, cette Adoration des Mages, avec la cavalcade des Medici se rendant à la Crèche, dont Gozzoli a orné les murs d'un oratoire. Il est grand comme une alcôve et éclairé par une baie si étroite que certaines parties de la décora- tion ne peuvent être vues qu'à la clarté d'une bougie. Mais les couleurs sont aussi vives que si l'artiste venait de douner le dernier coup de pin- ceau, tandis que l'humidité et le soleil ont dévoré les amples compositions du Campo-Santo.

Il est bien entendu que si belle, si brillante

qu'elle soit, je n'égale pas l'œuvre du Pinturic- chio à Sienne, à celle de Benozzo Gozzoli, soit au Campo Santo, soit à Florence.

Voilà ce qu'ont vu les yeux du XV° siècle, au lieu de ces pastels à demi effacés dont le charme nous séduit encore. Et leur ruine semble s'accé- lérer si lamentablement, que dans vingt-cinq ou trente ans, il en restera bien peu de chose. Mais alors s'ouvriront les porte-feuilles jalousement conservés dans l'ombre des archives des Monu- ments historiques et de l'École des Beaux Arts, et ils livreront les copies si parfaites de M. Yper- man. On comprendra alors l'admiration des hommes du passé pour ces créations qui auront à jamais disparu des murailles redevenues vides et muettes.

Henri Chabeuf.

national et Surbumcral.

I EN obscure et bien discutée jusqu'ici a été la question de l'origine et du développement des ornements litur- giques,en particulier de cet ornement assez rare que les auteurs appellent Rational ou SurhuDicral.

A lire les articles de Du Cange('J, de Cahier (=), de Bock (3), les dissertations de Demay (*), du chanoine Cerf (5), de Mgr Barbier de Montault C^j, et de bien d'autres encore, on n'éprouvait, il faut l'avouer, qu'incertitude et confusion. J'en puis parler d'expérience, ayant m'occuper longue- ment des évéques de Toul (^j, prélats qui jouis- saient et s'imaginaient jouir seuls du privilège

1. Glossarium... art. RationaU et Superhumerale.

2. Cahier. Nouveaux mélanges d'archéologie Ivoires, minia- tures, 182-202.

3. Geschickte der Litur^ischen Geivander. Bonn, 1866, II.

4. Demay, Le Surhuméral, le Rational et la Crosse, d'après les sceaux du moyen âge.

Çj.Ceri, Dissertation sur le Rational en usage dans l'Église romaine et dans l'Église de Reims, dans les Travaux de f Académie de Reims, 1889.

6. Barbier de Montault, Le Buste de saint Adelphe, d'après une gravure du XVI h siècle, dans Mémoires de la Société d'Archéologie lorraine, 1885. Le Surhuméral des évéques de Toul, dans Mém. Soc. Arch. Lorr., 1887. Le Surhuméral jnoderne, dans la Revue de V Art chrétien, 1887. Compte rendu critique de la Dissertation de l' abbé Cerf , dans \3. Revue de l' Art chrétien, 1890. Saint Adelphe dans les Œuvres complètes, X, 227-260, etc., etc.

7. Histoire drsdiocèses de Tout, de Nancy et de Saint-Dié. Nancy, Crépin-Leblond, 1900.1903, 3 vol. in-8». Ce que j'y ai écrit du Surhuméral 9.(t trouve au tome I, pp. 467-.j7.(.

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Btbur tic l'^rt cbvcriru.

de porter le surhuméral ('). Le problème enfin vient d'être élucidé, autant qu'il peut l'être, par le Père Braun, S. J., dans un article intitulé : Das Rationale et paru en 1903, aux colonnes 97- 124 du Zeitschrift fiir christliche Knnst, de réditeurSchwann,à Dusseldorf. Cet article, à mon sens, serait parfait, ^je n'ose pas dire définitif, quand il s'agit de pareils sujets si le savant historien des ornements liturgiques s'était, sur ce point spécial, mieux informé des choses de France, et, avec la gracieuse autorisation de l'auteur, je voudrais essayer de mettre les lecteurs de la Revue de l'Art chrétien au courant de ses conclusions aussi judicieuses que documentées. Ce n'est point une œuvre originale que j'ai la prétention de présenter ; je me bornerai tout simplement à analyser ou à traduire la disser- tation du Père Braun, à la corriger et à la com- pléter par endroits, à l'appuyer à l'occasion par des références et des indications utiles ou inté- ressantes.

Des planches, dont je dois la communication à l'obligeance de M. le professeur D. Schniitgen, chanoine de la cathédrale de Cologne, le savant directeur du Zeitschrift cité plus haut, et de M. Crépin-Leblond, l'éditeur de mon Histoire du diocèse de Tout, aideront fort à propos à la clarté de cet exposé.

Vers la seconde moitié du X'' siècle, il com- mence à être question d'un ornement pontifical que l'on désigne d'ordinaire sous le nom de Ra- tioncil. La plus ancienne mention que l'on con- naisse se trouve dans le sacramentaire de Ra- told de Corbie, mort en 986 (2). Vers le même temps, Adalbéron II, évêque de Metz (9S4- 1005), sollicita et obtint de son collègue Hilduart, de Halberstadt (968-995), la participation au privi- lège que les évéques de ce siège devaient au pape .'\gapet II (946-955) de porter le rational ou logion, symbole, dit-il, de la science et de la vérité (3). Et la Messe illyrique qui doit remonter

1. Guillaume, Le Surhuinéral, prérogative séculaire des seuls évêques de Toul, chez les Latins, en raison de l'antiquité de leur Église. Nancy, Raybois.

2. Martène, De Antiquis Ecclesta- ritibus, L. I, c. 4, an. 12, ordo II (Edit. Anvers, i, 203).

3. Sigebert de Gemblours, Vita Oeoderici, episcopi Metensis, c. 9. (Pertz, 6V;(>>/., IV, 468.)

à la fin de ce même X'^ siècle, range le rational au nombre des vêtements pontificaux (').

En 1027, Jean XIX octroie à Poppon, patriar- che d'Aquilée, l'usage du rational, en sus du pallium (2). Un inventaire du trésor de la cathé- drale de Spire, dressé vers 105 i, sous l'épiscopat d'ArnouIf, accuse un « rational, orné d'or et de pierreries » (.3). En 11 19, Calixte II, en 1133 et 1135, Innocent II, concèdent, le premier, à Die- trich, évêque de Naumbourg et à ses successeurs, le second, à Bernard, évêque de Paderborn, et à Adalbéron II, évêque de Liège, à des conditions presque identiques, le droit de célébrer avec le rational la messe et autres fonctions pontifi- cales (4).

Ives de Chartres (mort en 11 15) (s), Honorius d'Autun (XP ou XII^ siècle) (6), Sicard (^\ un codex liturgique remontant au XI I*^ siècle et conservé à l'abbaye de Saint-Gall (^) citent le rational parmi les ornements épiscopaux.

Au début du XIII'-' siècle, un moine d' Ad mont parle d'un rational, « orné d'or et de gemmes et soutenu par une chaîne d'or », queGebhart, évê- que de Salzbourg (mort en 1088), avait reçu en présent d'un empereur de Constantinople, dont il avait baptisé le fils (9),

Une centaine d'années plus tard, l'évêque Phi- lippe, d'Eichstœdt (mort en 1322), raconte, dans sa vie de saint Willibald, que saint Boniface avait accordé à ce prélat et à ses successeurs sur le siège d'Eichst?edt, le titre de chancelier de la province de Mayence, le premier rang parmi ses cosuffragants et, comme signe de sa dignité, le port du^rational ('°). Un inventaire du trésor de la cathédrale de Prague, dressé en 1387, men- tionne trois rationaux (") ; deux inventaires de la cathédrale de Reims, datant de 1470 et de 15 I S. accusent deux rationaux, un grand et un pe- tit (12). Une chronique du XV^ siècle, après avoir

1. Martène, op. et toc. cit., ordo 4 (I, 177).

2. MIgne, Patr. lat., CXLI, U37.

3. Schannat, Vindcm. litl., p. g.

4 Lepsius, Gcsckiekte der Bischo/e des Hochstiflcs iXaunihiri^, 1, 241. Migne, J'atr. lat.. CLXXIX, i85 et 247.

5. Sermo 111 (Migne, J'ai, lat., CLXXU, 523, 524).

6. Gemma, Liv. I, 2i3(Migni; Fatr. lut., CLXXll, 608).

7. Mitrale, Liv. II. c. 5 (Migne. Patr. latin., CCX1I1,78).

8. Cod. lat. 777.

9. Monachi Admunti, Vita Gebehardi (Pertz, Script., XI, 39).

10. Vita S. Wiilibaldi, c. 23 (Ed. Grelzer, Ingolstadt. 16 17, p. 89). Pastoralblatt des Bistums Kichstiitt, 1854, pp. 4. ii. i-t-

11. Bock, op. cit., II, 204.

12. Cerf. op. cit., 1^1.

âÇélanges,

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relaté la consécration de l'église de Minden, par le pape Léon III, ajoute que l'évêque de ce diocèse reçut « l'honneur d'un palHum qui était appelé rational (M s>. Eiifin.une collection authentique des vieux statuts de l'Église de Toul rassemblés par l'archidiacre Le Sane, en 1497, énumère, parmi les privilèges de l'évêque de Toul, le droit de porter le surhuméral sur la chasuble, pour la messe solennelle et les fonctions pontificales (2).

Telles sont les principales indications que, sur ce point, nous fournissent les documents ; car il ne semble point au Père Braun qu'il faille re- connaître un rational dans le « pectoral épis- copal de drap d'or, à une frange rouge de soie et d'or, doublé de taffetas rouge, que mentionne un inventaire de l'église de Vannes, dressé en 1555 : ce doit être plutôt lui grémial (3). De même, le rational et le surhuméral dont parle V Histoire de l'Église d'Auxerre, en termes du reste assez obscurs, paraissent constituer une chasuble, d'une étoffe plus précieuse, mais non des ornements distincts ('*).

Enfin, l'huméral ou surhuméral dont il est souvent question dans la série des ornements sacerdotaux, n'est autre que le vêtement litur- gique que nous désignons aujourd'hui sous le nom d'amict.

Dans tous les passages que nous avons retenus, le rational ou surhuméral se présente comme un ornement purement pontifical. Il a été, sans aucun doute, plus porté que ne permettent de le constater les monuments, relativement très peu nombreux, qui ont résisté à l'épreuve du temps et, si plusieurs prélats qui s'en glorifiaient, le devaient à un échange, comme Adalbéron II, de Metz, ou à l'une de ces prescriptions tacites, comine il s'en rencontre tant au moyen âge, il n'en est pas moins établi que la première origine

1. i. Et hoc iemplum consfcratur a Leone et ditatur multis privilegiis nam hic prtssul honoratur Mindensis gui vocitalur di^^nitale pallii quod èene rationale vocamus et hoc no)t maie nam trini episcopi tantum isto decorantur per quem recle venerantur locus, gens et clcrici {Meibom, Rer. german. , I, 552).

2. Statutorum... Ecclesiœ Tullensis vetusta collectio a... Nicolao Le Sane... aiornata et in capitulo gênerait Cinerum anni /./çy confirmata. (Ms. 10.019 du Fond^ latin de la Bibl. nat., fol. 67.)

3. Bull, monum., 1877, p. 636. n. 3.

4. APalla vero carbaiea aureo circa pectus ej^utgeni rationali

Casula autem colorii eetherii prygio palmnm kabente superhitmern- liset rationalis e^giem ad tnodum pallii archiepiscopi hoiiorabiliter pralendebati^Hisl. episc. autisiod.. c. XLIX, dans Migne, Patr. lai., CXXXVIII. 277).

de cet insigne décoratif doive être rapportée à une concession du Siège apostolique.

Mais en quoi consistait cet ornement ? quelles en étaient la forme et la signification ? qui en four- nit le type primitif? quelle en fut la raison d'être ? voilà ce qu'il nous faut étudier. Pour cela, tout d'abord, une distinction s'impose, entre deux gen- res de rationaux : l'un, qui était proprement un ornement pectoral ; l'autre, qui formait vêtement et reposait sur les épaules. Cette distinction est essentielle, et c'est faute de l'avoir aperçue, que certains liturgistes n'ont point réussi à élucider la question.

§ I. Du Rational, ornement pectoral.

I. Existence de cet ornement. Le rational de Gebhart de Salzbourg était un ornement déco- ratif de la poitrine : la chaînette d'or qui servait à le supporter, suffit à le démontrer. La descrip- tion qu'Yves de Chartres nous donne du rational s'applique à un objet analogue : après avoir, en effet, décrit l'ornement porté par le souverain pontife, dans le culte juif, et nommé par les Septante, Xôyiov, par la Vulgate, rationale jiidicii, cet auteur écrit (') : <i Cet ornement était le pri- vilège du seul grand-prêtre et, aujourd'hui encore, il sert à distinguer ceux auxquels il appartient de le prendre, des prêtres d'un rang inférieur. » Yves de Chartres admet ainsi l'identité entre le rational hébraïque, lequel était un ornement pec- toral, et le rational chrétien. Honorius d'Autun est plus explicite encore {-'). K Le rational (des évêques), remarque-t-il, est emprunté à la Loi. Là-bas, il était d'or et de pourpre violette et rouge, de la mesure d'une palme et, avec les mots doctrine et vérité {iiriin et thuminiin) ; il portait douze pierres précieuses, sur lesquelles se trou- vaient inscrits les noms des douze tribus d'Israël : et le grand-prêtre le mettait sur sa poitrine. Dans la série de nos ornements pnntificaux, il se présente comme un ornement enrichi d'or et de gemmes qui se place sur la poitrine et s'a- dapte à la chasuble. »

Ce sont encore des ornements de même genre que nous rencontrons dans les inventaires de la cathédrale de Reims (3) : « Un grand et précieux

1. Serm. cit.

2. Loc. cit. 5. [.oc. cit.

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3Rel)ue lie V^xt t\)xititn.

rational en or pur, y lisons-nous, orné de douze pierres précieuses de couleurs différentes, serties d'or, sur chacune desquelles est gravé le nom des douze tribus d'Israël. Ce rational est suspendu par une chaîne d'or qui entoure les épaules ; aux extrémités de cette chaîne, brillent deux ca- maïeux, enchâssés d'or, et, par derrière, un assez gros cristal. De même, un petit rational d'or, avec une chaîne d'or ; au milieu, brille un ca maïeu d'une grosseur inusitée et, a l'entour, huit pierres précieuses, dont quatre émeraudes et quatre ballais. Ensuite, trois épingles en argent doré, servant à tenir les dits rationaux et ayant chacune pour tète une grosse perle antique. » Le petit rational ne portait, il est vrai, ni les douze pierres, ni les douze noms des tribus d'Is- raël ; mais le grand semble de tout point copié sur celui de l' Ancien-Testament et l'un et l'autre étaient des ornements pectoraux.

Il nous est malheureusement impossible de deviner, ni par le récit du chroniqueur Sigebert de Gemblours, ni par le texte d'une lettre de Hil- duard à Thierry, évèque de Metz (i), quelle était la nature de ce rational qu'Adalbéron II envia aux évêques d'Halberstadt ; le paragraphe de l'inventaire de Spire n'est pas plus explicite ; mais, pour ce qui concerne Aquilée, cette cir- constance que Jean XIX accorda à Poppon l'usage du rational, en sus du pallium, nous per- met de conclure qu'il s'agissait d'un ornement qui pouvait s'attacher à la bande antérieure du pallium et non d'un collet, que l'on a peine à se figurer s'agençant avec ce dernier vêtement.

C'était de même un ornement décoratif de la poitrine, celui dont fait mention le sacramentaire de Corbie; la rubrique en est la preuve (^) : « En- suite, prescrit-elle, le diacre présente au prélat la chasuble et enfin le rational, attaché au surhu- méral, « rationale cohœrens viiictini (ou jtiiictini, selon un autre codex (3), superhuinerali ». Le surhuméral ici désigne l'amict, et le rational ne peut être qu'un ornement pectoral qui se posait sur la chasuble et s'agrafait à l'amict.

Les rationaux que nous trouvons dans l'inven- taire de la cathédrale de Prague doivent encore être rangés dans la même catégorie. Nous lisons,

1. Labbe, Nouv. Bibliot., I, 682

2. f.or. cil.

3. Bilil. nal.. fonds latin, 12052.

en effet (') : « Premièrement, un rational de per- les précieuses que fit réparer autrefois le seigneur Arnestus, archevêque de Prague. De même, un autre rational, à fond de perles semé de croix noires, don de l'empereur ; il y manque nombre de perles. De même, un autre ratio- nal de diacre, orné de petites perles et de têtes de dragons. » Ce qui semble au Père Braun auto- riser cette conclusion, c'est tout d'abord que ce paragraphe de l'inventaire, outre ces trois rationaux, mentionne des anneaux, des croix pectorales, des crosses, bref, des objets de métal et non des vêtements ; et ensuite que, de ces

Fig.

trois rationaux, l'un était à l'usage du diacre. Car les diacres, ici et là, portèrent sur la dalma- tique le rational, comme ornement pectoral : la sigillographie permet de le constater maintes fois, en particulier sur un très beau sceau de la ville de Beckum : saint Etienne y paraît en vêle- ments de diacre et sur sa poitrine brille le ratio- nal {-).

Cet ornement pectoral n'a point survécu au moyen âge, ni même, semble-t-il, au X 1 1 1'" siècle; mais nous avons, des Xil« et XI IL" siècles, nombre de sceaux et de miniatures, de sculptu- res et de vitraux qui figurent des évêques en costume pontifical et qui formeraient une belle illustration aux textes cités d'Yves de Chartres et d'Honorius d'Autun, aux données des inven-

1. Loc. cit.

2. Voir la lignri; i.

â^éianges.

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taires de Reims et de Prague. Ainsi, un rational plus ou moins analogue à celui du grand-prêtre juif, se voit sur les sceaux des évêques de Munster, Werner (►!< 1151), Ludolf(>î< 1248), et Wilhelm {>b 1260) ; des évêques de Paderborn, Bernard III {>i* 1223), Bernard IV (•i* 1247) et Simon I (►!< 1277); des évêques de Minden, Jean (>i* 1253), Wilhelm I (►t" 1242) et Wide- kind I (►{< 1261) (') ; des archevêques deMayence, Christian (►î* 1251), Gerhard I (>i> 1259), Wer- ner (>h 1284) (2) et sur le sceau du chapitre de ce dernier siège archiépiscopal (3). De même,

Fig. I

sur les reliquaires des saints Monulphe, Gon- dulphe et Valentin, qui faisaient jadis partie du trésor de Maestricht et qui sont aujourd'hui conservés au musée du Parc du Cinquantenaire à Bruxelles C*) ; sur une statuette de saint Servais dans l'église St-Servais à Maestricht (5) ; sur la statue de saint Grégoire le Grand, au portail sud de la cathédrale de Chartres ; sur les statues de saint Sixte (^J, de saint Remy, de saint Nicaise

1. Des reproductions s'en peuvent voir dans le Die Westfâliichen Sitgel des Miltelalters. Munster, 1882 et 1885, tab. i3 ; 43' ; 44' \

2. Voir Wurdtwein, Nov. subsid. dipL, III, tab. 18 ; IV, tab 20.

3. Voir la figure 2.

4. J. Destrée, Les muiées royaux du Parc du Cinquatiîenaire à Bruxelles. Livre 5.

5. F. Bock et Willemsen, Die mittelalterlichen Kunsi.iind Reli- quiemchdtze zu Maestricht, p. 47.

6. Cette statue passe parfois pour être celle du pape saint Clé-

(première moitié du XIII*' siècle), etc., au por- tail nord et sur la verrière de l'archevêque Henri de Braine (1222), au clair étage de l'abside de la cathédrale de Reims ; sur la pierre tombale du pape Clément II à la cathédrale de Bamberg (l'ancien évêque Suitger, de Bamberg) ('), etc.

II. Formé. Sur tous ces monuments et sur bien d'autres encore qu'on pourrait citer, mais qui, il faut le noter, ne sont ni antérieurs au XI<= siècle, ni postérieurs à la première moitié du X III", l'ornement pectoral que nous avons remarqué affecte en général la forme rectangu- laire ou carrée ; parfois pourtant, il ressemble à un disque. Tantôt grand, tantôt petit, il est richement décoré, le plus souvent de gemmes. Les inventaires rémois, comme aussi le récit du moine d'Admont, nous révèlent qu'il se suspen- dait au cou au moyen d'une chaîne, couvrant ainsi la croisée de l'orfroi et, si c'était un métro- politain, le nœud du pallium : les statues des archevêques, au portail nord de Reims, portent en effet la chaînette qui sort de dessous la pa- rure de l'amict. Et, pour éviter un disgracieux balancement, on assujettissait le rational à la chasuble : Honorius d'Autun le dit : « planetis affixce (2), » et c'est à cela que devaient servir les trois grandes épingles mentionnées par les in- ventaires du trésor rémois ; enfin, la rubrique du sacramentaire de Corbie « cohœrens vinctim superhunierali » autorise à conclure qu'il s'agra- fait parfois à l'amict. Tout ceci variait avec les diff'érentes églises, car l'uniformité n'est point la caractéristique de cette époque.

III. Syinbolisine. La rubrique de la Messe illyrique faisait dire à l'évêque, quand il prenait cet ornement (3) : « Accordez-nous, Seigneur, de nous attacher inébranlable à votre doctrine et d'annoncer dignement à votre peuple les ensei- gnements de la vérité. » Et Honorius d'Autun développait ainsi la même leçon mystique (4) :

ment ; mais Cerf et d'autres la croient plus juiieinent du premier évêque de Reims, saint Sixte.

1. A. Weese, Die Bamber^er Domskulpture7ï. fig. 32, 33. Hasak, Geschichte der dentschen Bildhauerkunst des XIII Jahrlumderts, p. 64.

A remarquer que ces statues de Reims et de Bamberg justifient pleinement le sentiment du Père Braun, sur la concession faite par Jean XIX à Poppon d'Aquilée.

2. Loc. cil.

3. Loc. cit.

4. Loc. cit.

REVUE DE LAkT CHRETIEN. 1904- 1"= LIVRAISON.

34

^ebue lie l^^rt chrétien.

« Le rational rappelle au pontife l'obligation il est de se montrer vigoureux par l'or de la sagesse, l'hyacinthe de l'intelligence spirituelle, la pourpre de la patience ; de tendre vers le Christ qui mesure la récompense au mérite ; de briller par la doctrine et la vérité ; de se distin- guer par les gemmes des vertus ; d'imiter, par la sainteté, les douze apôtres et de se souvenir de tout son peuple, durant le sacrifice. » Le rational était donc, pour l'évéque, le symbole de la science et du zèle qui doivent transmettre aux hommes la vérité divine ; l'emblème de la pénétration des secrets de la foi, qui doit être le propre d'un

Il méM^A,

Fig. 3.

premier pasteur ; enfin, un stimulant à renou- veler en lui les vertus apostoliques.

IV. Origine. Et cet ornement d'un symbo- lisme si relevé, quelle en fut l'origine dans les Églises médiévales ? De tout ce que nous avons dit, surtout de la description du grand rational donnée par les inventaires rémois et des statues épiscopales du portail nord de la cathédrale de Reims, nous pouvons conclure, sans crainte de nous tromper, qu'il dérive de l'ornement du souverain pontife de la loi mosaïque ; son nom seul d'ailleurs suffirait à le prouver: n'est-il point, comme celui-ci, appelé rational .'' Au désir qui se

produisit, surtout du X^ au XIII<= siècle, en particulier dans les Églises de France et d'Alle- magne, de décorer et d'enrichir les ornements et les vêtements liturgiques, se joignit, sur ce point spécial, par suite de la connaissance intime que l'on avait alors des divines Écritures, l'ambition de donner aux grands-prêtres de la Loi nouvelle cet ornement splendide qui brillait sur la poitrine du successeur d'Aaron, et qui fut bientôt, selon toute apparence, évincé par la croix, le véritable insigne d'un ministre du Christ (■).

Peut-être aussi pourrait-on faire remonter le rational à \ Encolpion des évêques grecs, sorte d'ornement pectoral, garni de reliques, qu'une chaîne retenait au cou : c'est un encolpion qu'en- voyait, avec d'autres vêtements liturgiques, le patriarche Nicéphore au pape Léon III (-), et ce pourrait être un ornement de ce genre que Gebhart de Salzbourg rapporta de Constanti- nople. L'origine biblique paraît toutefois plus probable, et le rational serait ainsi le seul orne- ment qui ait été emprunté sans modifications essentielles par des Églises chrétiennes au culte d'Israël.

§ II. Du Rational ou Surhuméral, vêtement couvrant les épaules.

I. Existence de cet ùrnement. Ce n'est plus un ornement pectoral, mais un vêtement plus ou moins genre pallium, dont il est question dans les bulles d'Innocent II à Bernard de Paderborn et à Adalbéron de Liège (3). Ceci déjà se devine aux termes du document pontifical qui met à l'usage de cet insigne les mêmes restrictions de temps et de lieux que le Saint-Siège a coutume d'imposer à celui du pallium ; mais la probabilité devient une certitude à qui se rappelle que, dans le cours du moyen âge, les évêques de Liège et de Paderborn ont posé sur leur chasuble un ornement liturgique en forme de collet ; que, maintenant encore, les évêques de Paderborn continuent à jouir du même privilège et que le buste-reliquaire de S. Lambert, à la cathédrale

1. La croix pectorale ne fut d'un us.ige général que vers la fin du moyen âge, et le premier qui parle de cet ornement est Innocent III (1198-1216). I3raun, op. et loc. cit., c. 105, n. 25.

2. M igné, Patr. lut., Cil, 1067.

3. Voir plus haut, p. 30.

5@flange0.

35

de Liège, est décoré d'une sorte de rotonde, cachant le haut de la chasuble (').

Le rational dont Calixte II gratifia l'évêque Dietrich de Naumbourg, semble avoir été un vêtement de cette espèce (^). Pas de doute, ni pour le rational « entourant les épaules et la poitrine », dont fait mention le manuscrit de Saint-Gall : le texte lui-même en fait foi(^); ni pour celui que, d'après Philippe d'Eichstaedt (4), saint Boniface accorda à saint Willibald : nous en avons pour gages une série de monuments, sur- tout les miniatures d'un pontifical à l'initia- tive de l'évêque Gondekar II (1057 1075) ^t l'usage que fait encore de cet insigne, dans les cérémonies pont'ficales, le successeur de saint Willibald sur le siège d'Eichstasdt.

Même certitude aussi pour le surhuméral toulois : le nom en est déjà caractéristique, et en voici le description, telle que nous la formulent les statuts de 1497 : « Est stola lar^a, fiiiibriatn, circnicns desuper humeios cnm diiobus iiianipidt.<; ante et retio et circa spatulas, ex jttraqite pmte in inoduvt scuti rotiindi, lapidibus pretiosis coo- perti,qiii significayit Jwnorem et omis pnstoris{^').'i Quelques termes de cette définition peuvent prêter à discussion ; mais l'ensemble en est clair. Des sceaux et des pierres tombales serviraient d'ailleurs à l'élucider au besoin et l'évêque de Nancy et Toul, fidèle aux traditions de la vieille Église touloise, a repris, en 1S65, cette sorte de rotonde ou de pèlerine liturgique (6).

En Allemagne, outre les Églises qui viennent d'être citées, à en juger du moins par les monu- ments sigillographiques, tumulaires et autres qui sont parvenus jusqu'à nous, seuls, « Wurtzbourg, Ratisbonne, Minden et Bamberg paraissent avoir des titres sérieux à revendiquer, pour leurs pré- lats, dans leur histoire, l'honneur et la jouis- sance de ce privilège du surhuméral ou rational.

A Wurtzbourg (^), le rational apparaît sur le sceau d'Emehard de Rothenbourg (1088-1104)

1. Helbig. La sculpture et les arts plastiques au fays de Liige. Bniges. Desclée, 1890, p. i;o (avec phototvpie de ce buste) Voir H- 3-

2. Voir plus haut, p. 30.

3. Loc. supr. cit.

4. Voir plus haut. p. 30. 5- Loc. cit.

6. Eug. Martin, Hist. dioc. Toul, loc. cit.

7- Tout ce qui suit a été vérifié par le Père Braun sur les origi-

et il se maintient sur ceux des évêques sui- vants, jusqu'à et y compris celui de Gottfried de Hohenlohe (13 [4-1322). Mais, déjà, au début du XIV« siècle, il figure en peinture sur le tom- beau de Mangold de Nauenbourg {^ 1303) et, dès lors et jusqu'en 1622, le pallium le rem- place sur le monument de Gottfried d'Aschau- sen (1617-1622), il est sculpté sur toutes les sta- tues tombales des évêques qui se voient encore aujourd'hui à la cathédrale (i).Pour Wurtzbourg,

Fig. 4-

il ne peut donc y avoir aucun doute : durant les quatre derniers siècles de la période médiévale et, plus tard encore, au moins jusqu'au XVI^ siècle, les évêques de ce siège ont porté cette sorte de collet qui couvrait les épaules et se nommait rational.

Même certitude pour Ratisbonne: ce vêtement humerai se trouve sur le sceau épiscopal, depuis le pontificat de Hartwig I^^ (i 1061 126) jusque dans la seconde moitié du XIV* siècle. Il ne paraît toutefois sur les tombeaux (peut-être faut- il attribuer ceci au petit nombre qui nous reste

I. Voir fig. 4, le tombeau d'AUiert de Hohenlolie.

36

Bebuc ïie P^rt cl)rétien.

de monuments anciens) qu'à la fin du XV« siè- cle. La première statue qui le porte est celle de Henri de Absberg (1465-1492) ('); «^"ais, à partir de ce prélat jusqu'à David Kolderer de Burgstall inclusivement (1567-1579), tous les évêques de Ratisbonne sont représentés sur leur dalle funé- raire, le rational posé sur la chasuble. Un buste épiscopal, orné du rational et datant de la fin du XIII<^' siècle, se voit au fronton de la porte sud du chœur de la cathédrale, et des figures d'évê- ques décorées du même insigne, aux verrières de la nef latérale sud et du transept, lesquelles remontent à la première moitié du XIV'= siècle.

L'usage du rational pour les évêques de Minden, est plus problématique. Si nous n'en avions pour garant que le passage de la chronique que nous avons cité plus haut (2) et qui relate la consécra- tion de la cathédrale par le pape Léon III et l'octroi fait à l'évêque par le souverain pontife d'un pallium, appelé rational, nous en serions rien moins que sûrs ; car les termes de la chronique sont assez vagues et le fait de la consécration, justement tenu pour légendaire. Ce collet litur- gique paraît bien, il est vrai, sur les sceaux des évêques Wilhelm I de Diepholz (1236-1242), Widekind I de Hoya (1253-1261)01 Wolkwin

1. Voir fig. S-

2. P. 31,11. I.

de Swalenberg (1275-1293) ; mais, pour qui sait la manière dont se fabriquaient les sceaux à cette époque, dans des ateliers souvent éloignés, plutôt selon le caprice on les traditions de l'artiste que suivant les données du client, l'argument n'est point décisif. Pourtant, ce qui donne quelque poids à la probabilité en faveur de Minden, c'est un ivoire et une miniature, datant tous deux du XP siècle, conservés à la bibliothèque royale de Berlin et représentant saint Sigisbert, évêquede cette ville, les épaules et la poitrine couvertes d'une bande à double disque et à double pen- dant, autrement dit d'un rational (').

Le même problème se pose autrement pour Bamberg. Le trésor de la cathédrale conserve un ornement en fils d'or pur qui, à première vue, ressemble fort à un rational et qui, d'après ses éléments, sa confection, son style, appartient à la série des vêtements pontificaux dont l'empereur saint Henri ('i* 1024) enrichit l'Église qu'il venait de fonder. Les comptes du chapitre men- tionnent même, en 1476, 1485, 15 12, 1539 et 1616, des réparations faites au rational, dont maints détails peuvent s'appliquer à ce vieil orne- ment du XL' siècle (-). De plus, d'autres para- graphes des mêmes comptes, entre autres, la fourniture faite par un orfèvre, en I544,de trente- deux clochettes « pour le rational » et le net- toyage des perles et des gemmes du rational, entre- pris, en 1626, par des jeunes filles, « pour le saint tombeau (?) », semblent indiquer l'existence d'un autre ornement, car la contexture du vête- ment liturgique donné par saint Henri exclut toute perle, toute pierre précieuse et, sans doute aussi, toute clochette.

Mais ce dernier, aujourd'hui fort mutilé et grossièiement fixé, depuis la fin du XV'= siècle, sur une chasuble de damas grenat, ne paraît point, à tout bien considérer, avoir jamais formé un vêtement spécial. Il ne devait constituer que la riche décoration de la partie supérieure d'une chasuble et, pour lui donner l'aspect d'un rational, on a en couper le devant, en écarter les deux extrémités et ramener par der-

1. Le père Braun n'a eu connaissance de cet ivoire el de cette niiniaiiire que depuis la publication de son article ; mais les photo- graphies qu'il en a reçues et qu'il m'a montrées, l'ont fait pencher avec laison vers une forte probabilité en faveur de Muiden.

2. Pfisier, Dei- Doin ztir Bamberg, 74.

^gélangeô.

37

rière la presque totalité des deux disques, d'une façon aussi disgracieuse que maladroite (i). Bien plus, sur les nombreux tombeaux que possède la cathédrale, pas un évêque de Bamberg ne porte le rational, tandis que beaucoup sont revêtus du pallium. Les évéques, Hartwig, en 1053, ^^ Egilbert, en 1 139, avaient obtenu des papes saint Léon IX et Innocent II (2), à titre purement personnel, le privilège du sacré pallium, et leurs successeurs peut-être sollicitèrent l'octroi perpé- tuel de cette distinction à l'Église fondée par saint Henri, peut-être continuèrent tout simple- ment l'usage de cet insigne ; car il est bien diffi-

cile d'admettre que le seul bon plaisir des sculp- teurs ait orné du pallium tant de statues d'évê- ques, dans la seule cathédrale de Bamberg. Mais alors, que signifient les réparations faites au rational, le nettoyage des perles et des gemmes accompli par des jeunes filles, et pour le « saint tombeau» ? car le pallium ne s'appelait point rational et ne se décorait, ni d'améthystes, ni de topazes, ni surtout de trente-deux clochettes.

On ne peut rien conclure, en faveur d'Osna- bruck ou de Munster, de la présence du rational sur deux sceaux épiscopaux de chacun de ces deux sièges ; comme, non plus, en faveur de

Figr. 6.

Metz, du dessin d'un surhuméral, sur un sceau de l'évéque Bertram (i 194) (3) : ces exemples isolés peuvent être attribués à la fantaisie de l'artiste. Il est vrai que Barbier de Montault a signalé un surhuméral, authentique et incontestable, sur une gravure d'un buste-reliquaire de saint Adelphe, évéque de Metz, lequel lui semblait remonter aux premières années du XVP siècle ("*) ; mais il n'avait point confronté cette gravure avec une photographie du buste de saint Lambert de Liège : il y aurait découvert une réplique de ce précieux reliquaire et son argument eût perdu

1. Vo'r fig. 6.

2. Migne. Pair. lai.. CXLIII. 700; CI.XXIX, 483.

3. Ch. .Abel, Étuiie sur le Pallium ...jadis porté f>ar les évêqites a'e .\fclz, dans .\tém. Soc. Arch. de la Moselle, 1867.

4. Barbier de lAon\».w\\., Le Busle de saint Adelphe, dans .Mcm. Soc. Arch. Lorr., 1885,

de sa valeur ('). Toutefois, rappelons-nous qu'A- dalbéron II de Metz obtint de son collègue de Halberstadt la concession du privilège dont jouissait ce dernier, de prendre le rational (2); mais en quoi consistait cet ornement ? d'ailleurs les prélats messins, si nous en jugeons par leurs sceaux (3), préférèrent se faire représenter avec le pallium que saint Chrodegang, Angeiramm et plusieurs autres avaient reçu du Siège aposto- lique.

Hors de l'Allemagne— car Toul, Metz, Liège étaient villes du saint Empire ^ ce collier litur- gique ne se rencontre pour ainsi dire pas. Mabil-

1. Eug. Martin, Sur une commutîication de Mgr Barbier de Mon- tault à propos d'un buste de saint Adelphe de Metz, dans Bull. Soc. Arch. Lorr., 1903.

2. Cf. plus iiaut, p. 30.

3. Ch. Abel, loc. cit.

38

9Rcbue lie T^rt rl)rétien.

Ion a cru reconnaître un rational dans une riche bordure que porte, au col et à la fente de la cha- suble, saint Réol, archevêque de Reims, dans un codex de l'abbaye d'Elnone(') ; mais son hypo- thèse semble aussi peu justifiée que celle des éru- dits qui ont prétendu trouver des surhuméraux dans les colliers multicolores d'un dessin très varié et d'une ornementation chargée qui déco- rent le haut des vêtements de nombreux person- nages, anges, évêques, princes, martyrs, vierges etc., sur les mosaïques merveilleuses de la cathé- drale de Monreale, en Sicile (2) : ce sont des ornements de style byzantin, plus ou moins dus à l'imagination du dessinateur ou du mosaïste.

Barbier de Montault a cru voir un surhuméral sur une miniature du siècle, conservée au Bri tish Muséum (3); sur une autre du Xllf, représen- tant saint Hilaire et appartenant à la Bibliothè- que nationale(4);sur une autre de la même époque qui fait l'un des feuillets de la Bible ô.'Wç.de Saint- Martial, à la même Bibliothèque nationale et sur laquelle figurent le pape Damase et saint Jérôme ; sur un buste d'évêque (qu'il dit de Poi- tiers (s), je ne sais pourquoi), lequel fut trouvé à Saint-Hilaire-de-la-Celle, en Poitou... (6) etc.. L'infatigable chercheur ne cite malheureusement pas avec assez de précision ses autorités ou ses références : un contrôle efficace n'est pas toujours possible ; mais, de ce qui peut se constater sur la Bible de Saisit- Marti al et sur la statuette de Saint-Hilaire de-la-Celle, on peut conclure que l'érudit, comme il arrive d'ordinaire en pareille occurrence, s'est laissé entraîner, prenant pour des surhuméraux l'un ou l'autre de ces ornements byzantins dont il a été parlé plus haut, ou une bordure un peu trop développée de la fente ou de l'encolure de la chasuble.

Bref, cet ornement qui couvrait les épaules et était désigné sous le nom de rational ou de sur- huméral, ne semble guère avoir franchi les fron- tières du saint Empire. Il se maintint plus long-

1. Annales Ordutis sancti Ueiiedicli, I, 529.

2. Pour appuyer leur interprétation, ces éiudits alléguaient une bulle qu'expédia I-ucius III, en 1183, en faveur de l'archevôque Ciuilhtuuie, cit; Monreale. et il est parlé du rational (Bull, rom., éd. Turin, III, 13); mais la mention du rational n'a, dans cette bulle qu'une signification mystique.

3. Le buste de suint Adelpkc, loc. cit.

4. /iid. S- lUd.

6. Barbier de Montault, Particularités du costume des ivèques de Poitiers, dans Bull, mon., XLIII (1877), p. 632 et sq.

temps que le rattonal-pectoral et l'usage n'en fut abandonné, par la plupart des intéressés, que dans le cours des XVII« et XVIII'' siècles, peut- être par suite des bouleversements que causa la guerre de Trente-Ans, peut-être plutôt par l'effet du dédain qu'amena la Renaissance pour les choses du moyen âge. A Wurtzbourg, les princes- évêques portèrent le rational jusqu'à la séculari- sation de leur siège ('). Quoique le Père Benoît Picart consacre un chapitre de son Histoire de la ville et du diocèse de Toul, parue en 1707, au pri- vilège qu'il revendiquait, d'après la tradition locale, pour les seuls évêques de cette Église, de prendre le surhuméral (2), les prélats toulois, à cette époque, sans doute depuis les luttes désas- treuses de Charles IV, duc de Lorraine, contre Louis XIII et Richelieu, semblent avoir re- noncé à cet ornement (3) ; nous en avons pour preuve une lettre de Dom Calmet à Montfaucon, du 14 janvier 1726: t Les évêques de Toul, y lisons-nous {■*), se servaient autrefois d'une espèce d'éphod ou de surhuméral » : c'était donc déjà de l'histoire ancienne.

Mais, qu'il ait été repris ou conservé par eux, le rational ou le surhuméral est actuellement porté, avec l'aveu de la Cour romaine, par les évêques de Paderborn et d'Eichstsedt, en Alle- magne, de Nancy et Toul, en France (5).

II. Forme. La forme du rational ou surhu- méral varia avec les lieux comme avec les temps : plus peut-être que les autres vêtements liturgi- ques.cet ornement subit sou évolution, dont l'ima- gination des sigillographes, des miniaturistes ou des sculpteurs ne nous permet pas toujours de suivre les phases avec la précision désirable.

1. Lettre du D' von Kiililes, prévôt du chapitre de Wurlzbouig, à M. l'abbé M, Démange, ancien vicaire à la cathédrale de Toul aujourd'hui curé de Lagney (M. et M),

2. P. 167 et sq. La tradition locale est surtout représentée pour lui par les statuts de 1497 et les aftirmations de l'archidiacre Le Sane, leur compilateur.

3. Le siège alors vaqua de 1637 à 1655 ; le diocèse fut décimé; le pays, réduit à une affreuse misère, et, cnose à remarquer, depuis 1655, le siège épiscopal ne fui plus occupé par des prélats lorrains, mais par des évêques français.

4. La lettre est citée par koliault de Kleury, La Messe, VIII, P 73-

5. Pour Paderborn et Kischstaedt, il n'y a point, je crois, de nou- veaux brefs. Nancy et Toul a obtenu un bref pontifical, daté du 16 mars :865, lequel est inséré dans le Keciieil des Ordonnances du diocèse de iXancy publié en 1866 par Mgr Lavigerie, p. 334. Mgr Lavigerie et Mgr Foulon, son successeur, quand ils quittèrent Nancy, l'un pour Alger, en 1867, l'autre pour Besançon, en 1882. obtinrent du Saint-Siège le privilège personnelle continuer à porter le surhuméral,

s^tumts.

39

Fort instructive sur ce point est la série des miniatures des évêques d'Eichstïedt qui se trouve dans le Pontifical, dit cfe Gondekar (■). Commen- cée par l'évêque Gondekar II (mort en 1075) et poussée jusqu'à lui-même, elle fut continuée, vers 1200, pour les prélats du XI I'' siècle, et tenue dès lors au courant, jusqu'à l'année 1540. Elle offre une si grande variété de rationaux qu'il est im- possible de ne point invoquer ici la fantaisie ; mais, si l'on fait abstraction de la diversité des

Figr 7

détails pour ne s'attacher qu'à l'essentiel, on suit, dans ces miniatures, le progrès de cet insigne. Au XIP siècle, époque il commence à figurer, il rappellerait le pallium, si son pendant antérieur était plus long et s'il n'était point accompagné le plus souvent de sortes d'épaulettes en forme de disques. Au XIII* siècle, il s'éloigne de plus en plus du pallium, pour prendre le type d'un collet à disques huméraux ; enfin, au commencement du XIV' siècle, le collet se complète de quatre fanons verticaux, deux par devant et deux par derrière. La forme est désormais fixée: nous ver- rons bientôt d'après quel modèle (2).

1. Cette série est reproduite en photogravures dans le beau recueil intitulé Eichildtts Kunst, Fat^chrift sum gohUnem Priesler- jubiîdum des ht^chw. Herrn. Bisckofs. Dr Franz Leopoîd Freiherr von Leonrod. Munich, iQoi, et dédié à l'évêque actuel d'Eichstaedt, à l'occasion de son jubilé sacerdotal.

2. Voir plus bas, p. 42,

Le développement du rational se laisse peut- être mieux apercevoir encore sur les monuments de Ratisbonne. Jusqu'à Conrad V de Louppourg (1296-1313), cet ornement ressemble également au pallium, sauf que son pendant antérieur est plus court ; les disques huméraux se montrent vers le milieu du XII P siècle ; les 'deux fanons apparaissent, pour la première fois, sur le sceau de Nicolas de Stacho\vitz(i3i3-i34o), et les tom- beaux enfin offrent le type complet, avec ses par- ties constitutives, collet, disques et pendants.

Fig. 8.

A Toul, autant du moins que permet de le constater le caprice des monnayeurs et des sigil- lographes ('), l'évolution du surhuméral passa par des phases analogues. Sur le sceau de Henri de Lorraine (i 126-1 165), le plus ancien il ap- paraisse, il rappelle le pallium ; il devient un col- lier fretté et pointillé, sans pendants, sur le sceau de Pierre de Brixey (i 165-1 I9i)(2) et il prend les deux pendants sur le sceau de Thomas de Bour- lémont (1330 1353) (3).Le monument de Henri de Ville (1408-1436), à la cathédrale deToul(-») (5), n'offre point encore les disques huméraux que mentionnent les Statuts de 1497 et que présen-

1. Robert, Recherches sur les monnaies des ivêqties de Toul. Paris, 1844 : Sigillographie de Toul. Paris, 1868.

2. Voir fig. 7.

3. Voir fig. 8.

4. Démange, Découverte à la cathédrale de Toul, dans Journal Soc. Arch. Lorr., 1892.

S Voir fig. 9.

40

Bebtie De T^rt t{)rctien.

teiit enfin les tombeaux de Hugues des Hazards (1506- 15 17), à Blénod-les-Toul, et de saint Man- suy, premier évêquede Toul, dans l'ancienne ab- baye de ce nom, tous deux exécutés dans les pre- mières années du XVI*^ siècle. C'est le modèle fourni par le tombeau de saint Mansuy(')qui a servi de patron au surhuméral que porte aujour- d'hui l'évéque de Nancy et Toul, dans lescérémo- nies pontificales. L'ornement actuel est en drap d'or enrichi de gemmes et broderies ; il forme un collet composé de deux bandes circulaires, réu-

'/ 0»SBU*

Fig. 9.

nies par un treillis de fils d'or ; sur la bande supérieure, qui serre le cou, sont écrits ces mots ; << Pater, Filins et Spirilns Sa net us "h dont l'ap- plication est ici assez difficile à expliquer ; à la bande inférieure, garnie de franges, sont attachés quatre pendants frangés, deux devant et deux derrière,et,sur les épaules, sont posésdeuxdisques également frangés. Pour la commodité de l'usage, cette rotonde est coupée par devant et les deux bords en sont maintenus par une agrafe en or : développée, elle forme une demi-couronne d'en- viron o"'65 de diamètre, et la largeur de l'étoffe ne dépasse guère 0™,20 (-).

1. Voir fig. 10. La crypte se trouve ce tombeau est aujour- d'hui sous la ctiapelle du faubourg Saint-Maiisuy, à Toul.

2. Un autre surhuméral offeit à ^'Igr Foulon, évéque de Nancy et Toul { 1867-1882), et fait, je ne sais sur quel modèle, est conservé au trésor de la cathédrale de Nancy. 11 se rapproche assez du type d'Eichstredt, Mgr Battandier en a donné une photogravure dans son Annuaire pontifical calhotiifuc, 1902, p. 390.

A Paderborn, dans le plus ancien état sous lequel nous le présentent les monuments, le ratio- nal affecte aussi le type d'un pallium disposé en Y : on peut le remarquer sur le sceau de Wil- brand de VVildeshausen (1225-1227) et de Ber- nard IV (1227- 1247), comme sur la statue de saint Liborius (?), au portail de la cathédrale. Plus tard, il devint un collier formé de deux bandes horizontales, l'une antérieure, l'autre postérieure, dont les extrémités supérieures se rejoignaient sur les épaules, sans l'intermédiaire de disques, et dont les extrémités inférieures se terminaient à angle droit par des bandes verticales. On con- serve à la cathédrale un ornement de ce genre ('). Richeinent décoré de broderies, de perles et de franges, il porte, sur les deux bandes horizontales, 'par devant, les mots: « Doctrina, veritas "b ; par derrière : « Fides, caritas. » Sur les pendants, se lit, en résumé, toute l'histoire du rational de Paderborn : « Beriiaidus /, episc. pad.; iiiipetravit Innocentins II, P. M., concessit Alexan- der VII, P. M., confirmavit Ferdinandus II, episc. pad., mnpliavit. » Sur ce modèle, fut confec- tionné le rational qui sert aujourd'hui encore à l'évéque de Paderborn.

A VVurtzbourg, le rational ne semble point avoir subi de modifications : sceaux et pierres tombales présentent, depuis Emehard {fi* 1104) jusqu'à Gottfried exclusivement {fi* 1622), un collier en forme de pallium, avec pendant moins long et souvent avec disques (2). Tout au plus, pourrait-on citer trois sceaux le rational s'écarte de ce patron (3) ; mais cette exception n'est point à retenir, car, sur d'autres sceaux des mêmes évêques, se retrouve le type normal. Pour Bamberg, nous ne pouvons tirer aucune indication de l'ornement donné par saint Henri (■*) ; car il est peu probable, nous l'avons dit, qu'il ait jamais constitué un ornement dis- tinct ; mais, vrai ou prétendu, ce rational a exercé une réelle influence sur un rational de la pre- mière partie du X1II<^ siècle, chef-d'œuvre de bioderie, conservé au trésor de la cathédrale de

1. On peut en voir le dessin dans Ludorff, Die Bau-iind Kuml- iienhmilff dei Kreiies Paderborn, tab. 60.

2. Voir fig. 4 et II.

3. Ce sont deux sceau.v d'Embrichos de Lciningcn (4- 114Ô) et un d'Hérold de Hochheini ("J- 1172).

4. Voir plus haut, p. 37.

£©élange6.

41

Ratisbonne (') et dont une réplique, d'un travail moins fin, se trouve au Musée royal national de Munich (-). Ce n'est plus, il est vrai, ni le même st)le, ni les mêmes matériaux ; mais, c'est la

même forme, les mêmes sujets, la même distri- bution. A quelle église originairement ce rational du XIII« siècle a t-il appartenu? est-ce à Bam- berg ? est-ce plutôt à Ratisbonne ? nnns ne le

Fis

savons point; mais, ce qui est certain, c'est qu'à partir de la première moitié du XIV« siècle, le

I. Sighart. Geschichlt derbildenden Kiinste in Bayern, 287. La reproduction de ce rational de Ratisbonne est donnée, entre autres, par Bock, 0/. et ioc.cii.,ig^. Cahier, Nouveaux inélanges...

type fourni, tant par l'original de Bamberg que

Ivoires, etc., 1156 et sq. Rohault de Fleury, op. cit., tab.638 et 640. L. de Farcy, La broderie du X/"^ siècle jusqu'à Jtos jours. Paris, 1890, tab. 6. 2. Voir fig. 12 et 15.

42

9Rcbur lie rSrt cfirctttn.

par cette copie du trésor de Ratisbonne, c'est-à- dire collier à deux bandes horizontales, l'une antérieure, l'autre postérieure, terminées chacune par deux bandes verticales et réunies, sur les épaules, par deux disques assez grands, fut adopté par les évéques de Ratisbonne, comme aussi par leurs collègues d'Eichstaedt.

On possède, en effet, à la cathédrale de cette dernière ville, un rational de cette forme, riche- ment décoré de perles et de broderies d'or, et datant les armoiries qu'il porte, en font foi

Fig II.

de l'épiscopat de Jean d'Eich (1445- 1464) ('). Sur les bandes antérieures et postérieures, hori- zontales et verticales, court, encadrée de feuilles de chêne (en allemand, Eiclie : c'est la signature du prélat donateur), cette inscription, évocatrice des vertus que doit pratiquer un évêque « Fides, spes, caritas ; justitia ; fortitudo. Veritas, dis- ciplina ; temperantia ; pnideiitia. » C'est un orne- ment de ce modèle qui se voit sur le tombeau de saint Willibald, à la cathédrale (2), et qui couvre encore aujourd'hui les épaules de l'évêque d'Eich- staedt, à la messe pontificale.

1. En voir une reproduction dans Cahier, op. et loc. cit., p. 184 et s. Eichsiàtts Kiinsl, p. 5.

2. Photogravure dans Eichsialts Kunst, p. 32.

Quant à l'évolution du rational de Liège, il nous est impossible de la suivre, car tous les monuments qui nous restent ne remontent guère qu'à la fin de la période médiévale. Sur tous, il figure comme un collet, tantôt avec, tantôt sans disques : il se rapprocherait fort du sui humerai toulois, si les pendants ne ressemblaient plutôt à des crans et ne se trouvaient au nombre de six, trois par devant, trois par derrière (■).

Ainsi donc, quelle que fût, selon les Églises, la diversité des formes et des détails, le rational ou surhuméral se présentait à la fin du moyen âge, comme un collier ou une pèlerine, en étoffe pré- cieuse, rehaussée de broderies, de perles et de

Fig 12

gemmes, ornée généralement de disques qui re- posaient sur les épaules et de pendants ou fanons plus ou moins longs. Souvent, il était garni de franges et parfois aussi de clochettes : « l'intin- îiabulis resonans, » dit le manuscrit de Saint- Gall {^) : on voit encore quelques-unes de ces sonnettes aux rationaux de Bamberg (?) et d'Eichstaedt.

Seul, fait exception à ce type, un rational que donna la reine Hedvvige, femme de Ladislas Jagellon (1371 1399) à l'église de Cracovie (3) et que, chose singulière, rappelle un ornement qui figure sur le sceau d'Eudes de Sorcy, évêque de

1. Voir, par exemple, le buste de saint Lambert, fig. 3, p. 34.

2. Of. tl Ion. sufr. cit.

3. Voir fig. 13. Alex. Przezdziecki et Edouard Rastowiecki, M.innmenls du moyen âge dans l'ancienne Pologne. 17 Mgr Battandier a consacré à ce rational un article de son An- nuaire pontifical catholique, 1901, p. 259.

Mélanges»

43

de Toul (i 2 19- 1228) ('). « C'est une espèce d'é- cliarpe double, reliée par une sorte de formai cir- culaire au centre duquel se trouve un agneau. Sur les bandes se lit l'inscription suivante, formée par plus de dix mille petites perles:« Docirina, veritas, prudeniia, siviplicitas. Hedungis regina,filia régis Ludovici... Les bouts de l'écharpe sont terminés par des écussons qui représentent l'aigle de Polo- gne, et les lys d'Anjou, province dont la donatrice était originaire. A quoi faut-il attribuer ce type isolé ? est-ce à une combinaison ingénieuse des

Fig. 13.

deux rationaux, humerai et pectoral ? le rational de Cracovie est-il original ? est-ce une copie t et, dans ce cas, quel en a été le patron ? car il est difficile d'y voir un simple effet de la fantaisie. Tout au contraire, c'est au caprice de l'artiste ou bien à une confusion inévitable entre deux orne- ments qui portaient le même nom, que l'on peut attribuer la présence d'un rational pectoral sur quelques sceaux de Paderborn.de Minden, etc. (2), comme l'existence de cet ornement en forme de disque pectoral sur le sceau d'Eudes de Sorcy, à

1. Voir fig. 14. Robert, Sigill., pi. IV, 10. Eug. Martin, H lit. cit., I, 277.

2. Voir plus haut, pp. 32 et 33.

Toul. Au moyen âge, plus peut-être qu'à nulle autre époque, s'est vérifié le dicton d'Horace :

« Pictoribus atque poetis « Quidlibet audeiidi semper fuit œqiia pote-

stas (1). »

m. Symbolisme. Le symbolisme de ce vête- ment est le même que celui du premier rational; il ressort des inscriptions des rationaux de Pader- born : « Doctrijia, veritas, fidcs, caritas »; de Cra- covie : « Doctrina, veritas, prudentia, siviplicitas », d'Eichstœdt : « Fides, spes, caritas, jnstitia, forti- tudo, veritas, disciplina, temperantia, prudentia » et, surtout, du riche et suggestif ensemble que présente, d'après le vieil ornement de Bamberg, le rational conservé au trésor de Ratisbonne (2). Sur l'un et l'autre disques, deux femmes se tiennent

Fig. 14

embrassées: près délies, se lisent ces mots tirés du Psautier : « Misericordia et veritas obviaverunt sibi Jnstitia et pax osciilatœ sunt », et tout à l'entour, six bustes de femmes, séparés par un feuillage et portant les noms des tribus d'Israël. Trois par trois, sur les bandes verticales, à partir de l'encolure même de rornement, sont dispo- sées, l'une au-dessous de l'autre, les images des douze apôtres. Et, sur le milieu, laissé libre, des deux bandes horizontales, se voient, au dos, le Sauveur du monde et l'Agneau, superposés l'un à l'autre, entourés d'anges et des quatre emblèmes des évangélistes. Sur le devant, cette représenta- tion allégorique de l'Église : sous une galerie de cinq tours, se tient le Christ, le nouveau Salo- mon, le Roi pacifique, comme l'appelle le rational de Bamberg; il est placé sur une estrade, le fer- culiim Salomonis, le reclinatorium aurenm, à la- quelle conduisent deux escaliers. La galerie de

1. Epist., Liv. II, ep. III, v. lo.

2. Voir figures 12 et 15.

44

IRcbue tic r^rt rbrétien.

tours est soutenue par deux coloûiies, auprès des- quelles sont debout saint Pierre et saint Paul, les deux piliers de l'Église. Sous l'escalier de droite, se voit saint Jean, le héraut de la charité; sous celui de gauche, des martyrs : ceci pour rappeler que les deux chemins qui mènent au Roi de la paix sont l'amour divin et le renoncement. Devant l'estrade, se dresse une femme, l'Eglise, aux pieds de laquelle sont disposés deux bustes, Marthe et Marie, la vie active et la vie contemplative. Toutes ces explications ne sont point fantaisistes : elles sont imposées par des inscriptions. Quel beau sujet de méditation offrait au pontife la contem- plation de ce rational! L'Apocalypse et le Can- tique des Cantiques, le Pentateuque et l'Évangile s'unissaient pour l'inviter à la pratique des vertus, au dévouement'au Christ et à son Église: c'était le commentaire en images d'un traité de la per- fection épiscopale: « sigiiiftcaiit honorein et onus pastoris », disaient les statuts toulois.

IV. Origine. Les historiens d'Eichstredt fai- saient remonter le don du rational à saint Roni- face ('). L'apôtre de la Germanie aurait établi saint Willibald, son disciple et premier évêque de cette cité, chancelier de la province de Mayence et lui aurait accordé cet ornement comme signe de sa dignité. Mais, à cette époque de fondation, il est peu probable que ces deux hommes de Dieu aient songé à de tels détails : le souci du galon ne se rencontre guère que dans les sociétés déjà organisées. Les autres prélats de la province contestèrent souvent ce droit et, sur les miniatures du pontifical de Gondekar, le ratio- nal ne fait son apparition que sur la chasuble des prélats du XI siècle. Enfin, si la bulle que Benoît XIV envoya le 4 juillet 1745, au prince évêque d'Eichstsedt, Jean-Antoine II, à l'occasion du millénaire de son Église (2), confirma juri- diquement aux successeurs de saint Willibald une jouissance immémoriale, elle ne peut avoir, au point de vue historique, que la valeur des documents qui furent alors invoqués.

A Toui, on attribuait également cette distinc- tion du surhuméral au rang de doyen de la province de Trêves, que l'on revendiquait pour l'évêque de cette cité (•^). Mais ce titre ne peut

1. Voir plus haut. p. 30.

2. Bull. Ben. XIV, I, n" 133. Paslorablatl sup. cil., p. ii. j. Benoit Picart, op. et loc. cil.

être justifié, ni pat" la plus grande ancienneté du siège, ni par la majeure importance de la ville, ni par le libre choix des autres sufTragants, ni enfin par un diplôme impérial ou pontifical ('). Du reste, partout, dans les cérémonies, dans les signatures d'actes, les prélats toulois ne semblent avoir pris que leur rang de consécration. Ce décanat de la province de Trêves pourrait bien être une chimère d'un historien quelconque et il est à craindre qu'il n'en soit de même d'une dignité analogue dont, paraît-îl, l'évêque de Liège, se prévalait.

Fig. 15.

Il est plus sûr, pour expliquer ce privilège, soit de remonter à une faveur initiale de la Cour ro- maine soit d'invoquer la prescription. Nous avons la preuve d'une concession de ce genre pour Liège et Paderborn (2), et il nous est loisible de supposer que Wurtzbourg et Eichst^dt, Wurtz- bourg surtout qui avait, à cette occasion, vaine- ment sollicité le rang de métropole, ont obtenu cette distinction, lors de la création de l'évéché de Bambcrg (1007), comme dédommagement de la perte de territoire que cette érection leur fit subir (3). Dans la supplique qu'il adressa, en 1865, à la Sacrée Congrégation des Rites pour obtenir la reprise du surhuméral, Mgr Lavigerie,

1. Eug. iMarlin, Hist. cil., I, 465.

2. Voir plus haut. p. 30.

3. Héfélé, Hisl. des Conciles (trad. Delarc), VI, 243.

Mélanges,

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alors évêque de Nancy et Toul, allégua sur quelles données précises? je ne sais une tradi- tion locale qui rapportait à saint Léon IX, jadis évêque de Tou! (1026-1052), l'octroi perpétuel de cet insigne à ses successeurs sur la chaire de saint Mansuy (•). L'hypothèse est acceptable : saint Léon IX, qui accorda le pallium à l'évêque de Bamberg, a pu, dans la distribution de ses faveurs, avoir une attention spéciale pour sa première Eglise.... mais le document authentique n'est point qui changerait la probabilité en certi- tude.

Minden, si tant est qu'il en usât, attribuait son rational à ce qui est une pure légende: la consé- cration de sa cathédrale par le pape Léon III (^) ; quant à l'Église de Ratisbonne, je ne sais comment elle s'en tirait...; mais peut-être bien que les distinctions dont se glorifiaient les Églises voi- sines, avaient engage ses prélats à se décorer eux-mêmes: ce ne serait point le seul exemple, qui se rencontrerait, des rivalités d'Églises au moyen âge.

Mais, à quoi faut-il rattacher le concept, le type de cet ornement? Là-dessus, bien des hypo- thèses furent et sont encore imaginées : il serait étonnant qu'il en soit autrement, quand l'accord est loin de se faire entre savants et archéologues, sur l'origine des vêtements liturgiques, même des plus usités.

Wilpert (3) fait dériver le rational d'une garni- ture que l'on trouve sur beaucoup de monuments d'origine ou d'influence byzantines, du III<^ au XI* siècle. De? disques couvrent les épaules et de partent des bandes qui se rejoignent sur la poitrine, formant encolure à la tunique : cette garniture aurait été détachée des vêtements qu'elle décorait et serait devenue un ornement distinct. Mais, répond le Père Braun, cette garniture se rencontre sur les tuniques, mais jamais sur des chasubles. Bien plus, le rational ne fut guère porté qu'en Allemagne et, en Alle- magne, aucun monument n'offre cette garniture sur la tunique. Enfin, cette supposition, assez in- génieuse, il est vrai, ne s'accorde point avec ce que les monuments nous ont révélé de l'évolu- tion du rational.

1. Bref cité plus haut, p. 38, col. 2, n. 5.

2. Voir plus haut. p. 30.

3. Un capitolo di slorta deL vesîiario, p. 2Ô, n. i.

Rohault de Fleury {^) identifie le surhuméral c'est le terme qu'il emploie avec cette bor- dure large et précieuse qui se voit souvent à l'en- colure de la chasuble, sur les peintures des XI I^ et XIII*" siècles. Mais, il n'a pas remarqué que cette bordure se rencontre aussi sur les dalma- tiques et les tuniques des clercs, même sur les vêtements des laïques et des femmes, non seule- ment en Allemagne, mais en Angleterre, mais en France, mais en Italie...; et les formes bizarres qu'elle prend maintes fois, laissent croire à la fantaisie des artistes, toujours soucieux, surtout au moyen âge, d'enrichir et de décorer les images de leurs héros.

D'après Barbier de Montault (2), le surhumé- ral serait le même insigne que le fanon papal. Mais, à l'origine et durant tout le moyen âge, ce fanon ne fut autre chose que l'amict, lequel, au lieu d'être caché sous l'aube, se mettait alors par- dessus, selon la coutume encore suivie à l'ordi- nation des sous-diacres, et constitua seulement un vêtement distinct, quand l'amict proprement dit fut introduit dans la série des ornements pon- tificaux, c'est-à-dire, après la période qui nous occupe. D'ailleurs, cette hypothèse se trouve infirmée, elle aussi, par ce que nous savons de l'évolution du rational.

Bock (3), reprenant la distinction que Rui- nart (4) avait établie entre le pallium romain et le pallium gallican, croit retrouver ce dernier dans le rational. Mais cette distinction semble au Père Braun n'avoir d'autre fondement qu'une mauvaise interprétation du sixième canon du concile de Mâcon (581), lequel défend aux archevêques de célébrer la messe sans pallium(5). Et encore e(^t-il existé, ce pallium gallican n'aurait point survécu à la réforme liturgique que menèrent rigoureusement les premiers Carolingiens : ce n'est donc point qu'il faut chercher le type d'un vêtement qui ne paraît que vers le XI® siècle, et non point dans des diocèses

1. La Messe, VIIÎ, p. 70 et sq.

2. Compte rendu de la Dissertation de l'abbé Cerf, dans J^ev, Art. chrétieu, 1890, etailleurs encore. Sur le fanon pontifical, il faut lire le môme Père Braun. Die fotitijikalen Gewatider, p. 175 et sq.

3. Op. cit., II, 195.

4. Ruinart, Dissertatio kistorica de Pallio archicpiscopali, dans Ouvt\Tges posthumes de D. /eart Mabillon et de D. Thierry Ruinart, II, ch. X, p. 452.

^.<kCanon isie prœscriHt utarchiepiscopus sine Pallia missasdicere non prce^umal. » (Ruinart, loc. cit.)

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IRebtte be V^xt rbrctien.

de France, mais dans des Églises relevant du saint Empire.

Pour le Père Braun, deux facteurs semblent avoir contribué à l'idée de cet ornement, le souvenir de l'huméral et du rational portés par le grand-prêtre juif et le désir d'indiquer par un signe extérieur, un rang réel ou prétendu dans la hiérarchie ecclésiastique. Les rationaux de Bamberg et de Ratisbonne présentent, sur leurs disques en particulier, des allusions évidentes aux ornements du pontife mosaïque ('), et la forme de pallium amoindri qui se rencontre, à l'origine, sur les monuments d'Eichstsedt, de Ratisbonne, de Toul (2), et jusqu'au XIII« siècle, sur les tombeaux de Wurtzbourg(3), ne semble- t-elle pas indiquer que ces insignes avaient un rôle analogue à celui du pallium et marquaient le rang immédiatement inférieur à celui du métropolitain dans les préséances de la province? Rappelons-nous les prétentions des évêques d'Eichstaedt, de Liège, des historiens de Toul (•*), etc

Que ces deux facteurs aient concouru à l'éla- boration du rational, cela se pourrait déduire des deux bulles d'Innocent II au.K évêques Adalbé- ron II, de Liège, et Bernard, de Paderborn. « L'Kglise romaine, comme une bonne mère, est- il écrit dans la première (5), élève ses enfants, les uns à la dignité de patriarche, les autres à la dignité d'archevêque ou d'évêque, et elle tire pour eux du riche trésor qu'elle tient de la faveur divine, des distinctions variées. > « Il est juste, lisons-nous dans la seconde (^j, que le zèle dont tu fais preuve, reçoive du Siège apostolique un honneur particulier... Tu as été appelé par Dieu, comme un autre Aaron.au sommet de la

1. Voir plus haut, p, 43.

2. Voir plus liaut, p. 39 et sq.

3. Voir plus haut, p. 40.

4. Voir plus haut, p. 44.

5. Loc. supr. cit.

6. Loc. supr. cit.

dignité épiscopale et, comme un autre Moïse, tu es constitué le chef et le guide du peuple chré- tien : aussi, t'accordons-nous, à toi et à tes suc- cesseurs, l'usage du rational. »

L'analogie avec le pallium ressort davantage encore des restrictions imposées par le pape à l'emploi de cet insigne. Comme il est prescrit pour le pallium, le rational qu'Innocent II oc- troyait aux évêques de Liège et de Paderborn, ne devait être porté par eux qu'à l'église, dans l'intérieur de leur propre diocèse et seulement à certains jours, soigneusement désignés par le document pontifical.

Le nom de surhuméral que porte cet insigne à Toul et sous lequel il était connu en France, s'explique de lui-même ; quant à celui de ratio- nal, il devait être inspiré par celui de l'orne- ment pectoral du grand prêtre de l'ancienne Loi.

Voilà tout ce que, sur ce point, permet d'avan- cer l'état de l'érudition contemporaine. Bien des incertitudes, il est vrai, bien des obscurités sub- sistent encore : d'oili vient, par exemple, cet éloignement postérieur du type pallium ? d'où, ces disques et ces pendants ? pourquoi cette richesse d'ornementation dans le rational, quand le pallium s'est maintenu dans la simplicité pri- mitive?... Il n'en est pas moins constant que la dissertation du Père Braun marque un progrès considérable dans l'étude de ce rare privilège, et les détails que mes propres investigations m'ont autorisé à y joindre, n'ont fait qu'en préciser, en confirmer les conclusions. Plus tard, peut-être, quelques-unes des assertions qui viennent d'être exposées, seront contredites par des découvertes nouvelles ; mais l'ensemble en restera, car il repose, non point sur des généralisations hâ- tives, mais bien sur une pénétrante analyse des documents, sur une induction solidement appuyée par des faits.

Eug. M.A.RTIN. Docteur-ès-Lettres.

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Le Lude (Sarthe), ce 21 nov. 1903. Monsieur le Directeur,

ANS le dernier numéro de la Revue de l'Art chrétien vous publiez un article de feu Mgr de Montault : La Vierge de Partheiiay », sur lequel je veux attirer votre attention. Votre collaborateur place Ligron, dont est originaire la statuette de Par- thenay, en Bretagne. Or Ligron est un petit vil- lage de la Sarthe (680 liab.), de l'arrondissement de La Flèche et du canton de Malicorne. Avant 1789, cette paroisse, du doyenné de Clermont- Gallerande et de l'archidiaconé de Sablé, appar- tenait au diocèse d'Angers.

Depuis le XIII<' siècle des poteries de terre se fabriquaient à Ligron, puisqu'à cette époque les potiers sont tenus, collectivement, à une rede- vance de 100 boisseaux d'avoine envers le sei- gneur de Château-Sénéchal pour avoir droit de fouiller de la terre à poterie sur ses domaines. Deux hameaux seulement, Bellouse et La Croix, confectionnent ces poteries. Au début du XIX'' siècle, la poterie occupait 12 fourneaux. Le nom- bre en est moins grand aujourd'hui. Cette fabri- cation a donné, au milieu de produits vulgaires, quelques œuvres d'une bonne facture parmi les- quelles de nombreuses statues identiques à celle de Partlienaj' que l'on retrouve dans les pays circonvoisins.

Quant à la « coutume pieuse » dont parle plus loin le même auteur, je dois dire qu'elle devient de plus en plus rare au diocèse du Mans. Elle y existe encore cependant, notamment à MaroUes- les-Braults, où, chaque année, les confrères de

Saint-Sébastien élisent un roi, une reine et un dauphin. A ces dignitaires revient l'honneur de porter, dans les cérémonies extérieures, le bâton de la confrérie. A Marolles ce bâton consiste en une petite chapelle le Saint est renfermé. Ailleurs, une statuette seulement surmonte la hampe. Ce dernier cas explique peut-être le dou- ble trou constaté sur la statuette de Parthenay par M. de Montault. Mais j'ai constaté le même fait sur presque toutes les statues ligronnaises, et toutes, vraisemblablement, ne pouvaient servir aux confréries : elles se plaçaient ordinairement dans le creux des arbres, dans une cavité pra- tiquée aux croix de carrefours ou ailleurs. Ce- pendant la statuette de Notre-Dame du Chêne, celle-là même qui fut placée par James Buret en 1494, est en bois grossièrement .sculpté. Or Notre- Dame du Chêne n'est pas éloignée de Ligron.

Je tiens aussi à faire constater que dans la pensée des potiers ligronnais les deux trous, quand ils existent tous deux à la fois, ce qui est rare, devaient servir à enfoncer le bâton de procession tout entier, de telle sorte que l'extré- mité dépasse par le trou supérieur. La pensée du bouquet mystique était donc loin de leur esprit (i).

Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, l'ex- pression de mon respect.

Louis Calendini, pr.

I. Depuis l'envoi de celte lettre, les Aiitiates Fléchoi^es. t. II. p. 377, ont signalé cet article de la Revue de t Art chrétien. L'auteur de la note dit en outre avoir trouvé à La Flèche, une statuette de Ligron, adossée au mur du jardin d'une maison du XVI 11'= siècle. « Toute plate du dos, dit-il, pour s'appuyer à une surface plane, elle est aussi percée à la base et à la hauteur des deux épaules, sous la nuque. Ce dernier trou servait à retenir la statue au mur ; c'est, je crois, la meilleure destination qu'on puisse lui supposer. »

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de France, mais dans des Eglises relevant du saint Empire.

Pour le Père Braun, deux facteurs semblent avoir contribué à l'idée de cet ornement, le souvenir de l'huméral et du rational portés par le grand-prêtre juif et le désir d'indiquer par un signe extérieur, un rang réel ou prétendu dans la hiérarchie ecclésiastique. Les rationaux de Bamberg et de Ratisbonne présentent, sur leurs disques en particulier, des allusions évidentes aux ornements du pontife mosaïque ('), et la forme de pallium amoindri qui se rencontre, à l'origine, sur les monuments d'Eichstaedt, de Ratisbonne, de Toul (2), et jusqu'au XIII« siècle, sur les tombeaux de Wurtzbourg(3), ne semble- t-elle pas indiquer que ces insignes avaient un rôle analogue à celui du pallium et marquaient le rang immédiatement inférieur à celui du métropolitain dans les préséances de la province? Rappelons-nous les prétentions des évêques d'Eichstœdt, de Liège, des historiens de Toul ("*), etc

Que ces deux facteurs aient concouru à l'éla- boration du rational, cela se pourrait déduire des deux bulles d'Innocent II aux évêques Adalbé- ron II, de Liège, et Bernard, de Paderborn. « L'Église romaine, comme une bonne mère, est- il écrit dans la première (S), élève ses enfants, les uns à la dignité de patriarche, les autres à la dignité d'archevêque ou d'évêque, et elle tire pour eux du riche trésor qu'elle tient de la faveur divine, des distinctions variées. » « Il est juste, lisons-nous dans la seconde C^), que le zèle dont tu fais preuve, reçoive du Siège apostolique un honneur particulier... Tu as été appelé par Dieu, comme un autre Aaron,au sommet de la

1. Voir plus haut, p. 43.

2. Voir plus liaut, p. 39 et sq.

3. Voir plus haut, p. 40.

4. Voir plus haut, p. 44.

5. Loc. supr. cit.

6. Loc. supr. cit.

dignité épiscopale et, comme un autre Moïse, tu es constitué le chef et le guide du peuple chré- tien : aussi, t'accordons-nous, à toi et à tes suc- cesseurs, l'usage du rational. »

L'analogie avec le pallium ressort davantage encore des restrictions imposées par le pape à l'emploi de cet insigne. Comme il est prescrit pour le pallium, le rational qu'Innocent II oc- troyait aux évêques de Liège et de Paderborn, ne devait être porté par eux qu'à l'église, dans l'intérieur de leur propre diocèse et seulement à certains jours, soigneusement désignés par le document pontifical.

Le nom de surhuméral que porte cet insigne à Toul et sous lequel il était connu en France, s'explique de lui-même; quant à celui de ratio- nal, il devait être inspiré par celui de l'orne- ment pectoral du grand prêtre de l'ancienne Loi.

Voilà tout ce que, sur ce point, permet d'avan- cer l'état de l'érudition contemporaine. Bien des incertitudes, il est vrai, bien des obscurités sub- sistent encore : d'où vient, par exemple, cet éloignement postérieur du type pallium ? d'où, ces disques et ces pendants ? pourquoi cette richesse d'orneinentation dans le rational, quand le pallium s'est maintenu dans la simplicité pri- mitive?... Il n'en est pas moins constant que la dissertation du Père Braun marque un progrès considérable dans l'étude de ce rare privilège, et les détails que mes propres investigations m'ont autorisé à y joindre, n'ont fait qu'en préciser, en confirmer les conclusions. Plus tard, peut-être, quelques-unes des assertions qui viennent d'être exposées, seront contredites par des découvertes nouvelles ; mais l'ensemble en restera, car il repose, non point sur des généralisations hâ- tives, mais bien sur une pénétrante analyse des documents, sur une induction solidement appuyée par des faits.

Eug. lVr.\RTIN. Docteur-ès- Lettres.

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France.

Le Liide (Sarthe), ce 2i iiov. 1903. Monsieur le Directeur,

ANS le dernier numéro de la Revue de l Art chrétien vous publiez un article de feu Mgr de Montault : « La Vierge de Parthenay », sur lequel je veux attirer votre attention. Votre collaborateur place Ligron, dont est originaire la statuette de Par- thenay, en Bretagne. Or Ligron est un petit vil- lage de la Sarthe (680 hab.), de l'arrondissement de La Flèche et du canton de Malicorne. Avant 1789, cette paroisse, du doyenné de Clermont- Gallerande et de l'archidiaconé de Sablé, appar- tenait au diocèse d'Angers.

Depuis le X1II<= siècle des poteries de terre se fabriquaient à Ligron, puisqu'à cette époque les potiers sont tenus, collectivement, à une rede- vance de 100 boisseaux d'avoine envers le sei- gneur de Château- Sénéchal pour avoir droit de fouiller de la terre à poterie sur ses domaines. Deux hameaux seulement, Bellouse et La Croix, confectionnent ces poteries. Au début du XIX"^ siècle, la poterie occupait 12 fourneaux. Le nom- bre en est moins grand aujourd'hui. Cette fabri- cation a donné, au milieu de produits vulgaires, quelques œuvres d'une bonne facture parmi les- quelles de nombreuses statues identiques à celle de Parthenay que l'on retrouve dans les pays circonvoisins.

Quant à la « coutume pieuse » dont parle plus loin le même auteur, je dois dire qu'elle devient déplus en plus rare au diocèse du Mans. Elle y existe encore cependant, notamment à Marolles- les-Braults, où, chaque année, les confrères de

Saint-Sébastien élisent un roi, une reine et un dauphin. A ces dignitaires revient l'honneur de porter, dans les cérémonies extérieures, le bâton de la confrérie. A Marolles ce bâton consiste en une petite chapelle le Saint est renfermé. Ailleurs, une statuette seulement surmonte la hampe. Ce dernier cas explique peut-être le dou- ble trou constaté sur la statuette de Parthenay par M. de Montault. Mais j'ai constaté le même fait sur presque toutes les statues ligronnaises, et toutes, vraisemblablement, ne pouvaient servir aux confréries : elles se plaçaient ordinairement dans le creux des arbres, dans une cavité pra- tiquée aux croix de carrefours ou ailleurs. Ce- pendant la statuette de Notre-Dame du Chêne, celle-là même qui fut placée par James Buret en 1494, est en bois grossièrement sculpté. Or Notre- Dame du Chêne n'est pas éloignée de Ligron.

Je tiens aussi à faire constater que dans la pensée des potiers ligronnais les deux trous, quand ils existent tous deux à la fois, ce qui est rare, devaient servir à enfoncer le bâton de procession tout entier, de telle sorte que l'extré- mité dépasse par le trou supérieur. La pensée du bouquet mystique était donc loin de leur esprit (').

Veuillez agréer. Monsieur le Directeur, l'ex- pression de mon respect.

Louis Calendini, pr.

I. Depuis l'envoi de celte lettre, les Annales F/à-hniies. t. II. p. 377, ont signalé cet article de la Seviie de l'Art chrétien. L'auteur de la note dit en outre avoir trouvé à La Flèche, une statuette de Ligron, adossée au mur du jardin d'une maison du XVIIFsitcle. « Toute plate du dos, dit-il, pour s'appuyer à une surface plane, elle est aussi percée à la base et à la hauteur des deux épaules, sous la nuque. Ce dernier trou servait à retenir la statue au mur ; c'est, je crois, la meilleure destination qu'on puisse lui supposer. »

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Société Nationale des Antiquaires de France. ^ Séance du 2J octobre içoj. M. F. de Mély fait une communication sur une image du Christ qui, d'après la légende, avait été apportée à Rome par les flots et aujourd'hui conservée au Sancto Sanctorum.

M. Evrard présente un livre d'heures manus- crit du XV'^ siècle, d'origine parisienne, con- tenant des miniatures et des armoiries qui n'ont pas été identifiées jusqu'à présent.

Séance du 4. novembre. Monsieur Coûte! en- tretient la Société de ses fouilles à Pau-sur-Eure.

Monsieur Lauer identifie le nom Calaus, oià eut lieu la bataille de 924, soit avec Clialmont soit avec Chalot St-Rais, près d'Étampes.

Monsieur Fallu de Lessert parle des décou- vertes qui ont eu lieu récemment à Mouvion en Triniche (Oise).

Monsieur Cagnat présente la copie d'une in- scription latine découverte à Narbonne.

Monsieur Héron de Villefosse communique une inscription latine trouvée à Alice Ste-Reine. Il annonce que l'église de St-Gauberge à Nogent- le-Rotrou vient d'être classée comme monument historique.

Séance du 11 vovembre. M. Maurice lit une étude relative à l'apparition du labaruui sur les monnaies constantiniennes.

M. Héron de Villefosse communique des notes de M. Gerin Ricard sur un vase grec de Marseille, et de Mgr Toulotte.sur un point obscur de la géo- graphie africaine ; il présente des photographies envoyées de Tolède par M. Valverd y Pirabî.

M. Durand Greville soumet à la Société une tête en bois ayant fait partie d'une statue de la Vierge, œuvre du XV^ siècle.

Séance du 18 novembre. M. Rodocanachi lit une notice sur l'origine du Musée du Capitole.

M. Cagnat attire l'attention sur des papyrus d'Oxyrinchus contenant des fragments de mimes de l'époque romaine.

M. le comte Durrieu indique les rapproche- ments à faire entre divers monuments de l'art français, notamment le bas-relief de la Ferté- Milon et la miniature du couronnement de la Vierge dans le livre d'heures du duc de Berry du Musée Coudé à Chantilly.

M. Monceau lit une note sur les Acta Marcelli contenus dans les actes des Martyrs.

Séance du 2 décembre. La Société procède au renouvellement de son bureau pour 1904:

M. le comte Durrieu, président.

MM. Bouchât et Omont, vice-présidents.

M. Valois, secrétaire.

M. P. Girard, secrétaire-adjoint.

M. Blanchet, trésorier.

M. Prou, bibliothécaire.

M. Cagnat communique une note de M. Gauckler sur une inscription romaine, donnée au Musée du Bardo par M. Alix, professeur au Lycée Carnet de Tunis.

M. Lauer fait une communication sur la numé- rotation grecque dans les manuscrits des annales de Flodoard.

Séance du g décembre. M. Marquet de Vas- selot présente des petits bronzes du moyen âge faisant partie d'une série offerte au Musée du Louvre par M. Jules Maciet.

M. Fallu de Lesser fait une communication sur ime inscription de Guelma relative au proconsul d'Afrique Flavius Eucsinius.

Séance du 16 décembre. M. Baleau lit une note sur les anciens fossés du Palais du Louvre.

M. Vitry lit une communication de M. Gauckler relative au tombeau des Laubespine dans la cathédrale de Bourges.

M. Monceau entretient la Société de la station thermale d'Kammanfif en Tunisie.

Académie des Inscriptions et Belles- Lettres. Séance du ç octobre içoj. M. Gau- ckler expose les progrès de l'exploration métho- dique des restes de la domination romaine qu'il a entreprise dans le Sud de la Tunisie. Il mentionne que les lieutenants Goulon et Mo- reau ont poursuivi cette année les recherches relatives au limes iripolitanus, en déblayant, d'une part, le camp de la septième cohorte à Thalet, et de l'autre, dans la vallée de l'Oued Gordab.

Le capitaine Donan a déterminé avec précision le tracé de la grande route stratégique de Gabès à Tébessa dans sa partie médiane entre Açute Tacapitance et Gafsa, à travers le chott Fedjedj. Il a retrouvé, encore en place, une cinquantaine de bornes milliaires qui nous renseignent de la façon la plus complète sur cette importante artère.

Le principal effort de la Direction des anti- quités de Tunisie a été porté sur le port de Gighti, les fouilles ont déjà pris un développement comparable à celles de Timgad. Les travaux ont été conduits, cette année, par MM. Sadoux, inspecteur des antiquités, et les lieutenants Chauvin et Jeangérard.

Crat)au;c des Sociétés satjantes.

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Les fouilles ont mis à jour : le Forum, l'un des plus complets que l'on connaisse ; le macellum ou marché, les thermes publics pavés de belles mosaïques, de fort belles sculptures, notamment des têtes colossales de Sérapis et d'Hercule, des statues de la Concorde, de Cybèle, ainsi qu'un grand nombre de dédicaces qui fournissent des indications circonstaticiées sur l'histoire muni- cipale de Gighti et sur les hauts fonctionnaires de l'empire.

Séance du 2^ octobre. M. E.-F. Gautier fait une communication sur des découvertes archéo- logiques et épigraphiques faites au cours d'un voyage au Sahara. Il a découvert une inscription hébraïque provenant du Touat et qui a été traduite par M. P. Berger et des gravures rupes- tres provenant des montagnes touareg. La pré- sence du chameau prouve que ces gravures sont postérieures au X'II" siècle après Jésus-Christ. Il semble que ce soit un témoignage du refoule- ment progressif vers le Sud d'une race ou d'un état de civilisation.

M. de Mathuisieulx expose à l'Académie les résultats de son voyage archéologique en Tri- politaine.

En suivant des itinéraires que nul explorateur n'avait parcourus avant lui, il a pu visiter les ruines de Sabratha maritime, l'un des trois em- poria phénico-romains qui ont valu son nom à la Tripolitaine ; puis les ruines d'une Sabratha intérieure dont certains historiens avaient nié l'existence.

Dans le Djebel, M. de Mathuisieulx a identifié trois stations du lunes tripolitaitus, d'après l'itiné- raire d'Antonin : Thamascaltin, Thenteos et Asrou. Il a trouvé, en outre, une des voies an- ciennes de pénétration vers le Fezzan, celle de Rabta, Djendouba, Elmina Ragda et Skiffa. Enfin la mission a découvert une très dense colonisation romaine le long des Ouadi Soffedjin, Zemzem, Refed, Beni-Oullid. Dans cette région, les nécropoles de Ghirza dépassent en beauté tout ce qu'on retrouve dans cette partie de l'Afrique.

M. Ed. Pottier continue la lecture de divers extraits de son travail sur la céramique grecque. Le chapitre qu'il communique a pour titre : « Le canon des proportions des Attiques.

Séance du jo octobre. M. Ed. Pottier con- tinue la lecture d'un chapitre de son catalogue des vases peints antiques au Louvre.Cette partie est relative à la condition sociale des fabricants de vases attiques.

M. Heuzey offre à l'Académie, de la part de M. Thureau-Dangin, un travail intitulé Recueil de tablettes ckaldéennes, qui constitue, avant tout.

dit-il, une édition de textes originaux et une monographie des plus utiles pour les études assyriologiques.

Séance du 22 novembre. M. Homolle, di- recteur de l'Ecole française d'Athènes, donne lecture de deux lettres émanant l'une du duc de Loubat, dans laquelle le généreux correspon- dant de la Compagnie annonce qu'il met à la disposition de la Commission des fouilles de Délos une nouvelle somme de cinquante mille francs, l'autre de M. Goekoop, de La Haye, an- nonçant qu'il fait don à la section néerlandaise de l'École d'Athènes d'une somme de dix mille francs pour entreprendre des fouilles sur l'empla- cement de l'ancienne Ithaque.

M. Finot, directeur de l'École française de l'Indo-Chine, communique, par l'entremise de M. Sénort, une photographie d'une parure en or qui vient d'être découverte au cours de fouilles à proximité de My Son en Indo-Chine.

Tous ces objets, diadème, gorgerin, bracelets, etc., étaient probablement destinés à orner une statue divine aux jours de cérémonie. Ils parais- sent contemporains du X^ siècle.

M. S. Reinach entretient l'Académie d'un mé- moire de M. Bruno Sauer, relatif à une tête en marbre qui appartient aujourd'hui à M. le mar- quis de Laborde et qui a été identifiée par le savant allemand avec celle de la déesse Arté- mis, du fronton oriental du Parthénon.

M. Ed. Pottier donne lecture d'une lettre de M. Perdrizet relative à un des monuments les plus intéressants qui aient été trouvés en Crète. Il s'agit d'un relief sur un carafon de pierre pro- venant des fouilles de Phaestos, qui représente une troupe de soldats armés de lances fourchues, conduits par un chef couvert d'une cuirasse imbriquée et précédé d'un peloton de chanteurs et de musiciens.

M. Pottier achève aussi la lecture du chapitre extrait de son catalogue des vases du Louvre et intitulé : La condition sociale des fabricants de vases.

Séance du 2j novembre. L'Académie procède à la désignation de deux candidats à la chaire de littérature française du moyen âge ; sont désignés MM. Bedier et Jeanroy.

M. Rodocanachi lit un travail sur la fondation des musées capitolins.

Séance du / décembre. M. Héron de Ville- fosse communique une lettre de M. le docteur Carton, datée de Sousse, le 27 novembre, et relative à la découverte de catacombes chrétien- nes. Les fouilles, entreprises par la Société archéologique de Sousse depuis quelques jours à

KRVUK UB l'art chrétien. 1904- 1"^ LIVRAI-iON

50

3Rebue be r^rt chrétien.

peine, sont dirigées par M. l'abbé Leynaud avec le plus grand dévouement.

L'ensemble de ce qui a été reconnu jusqu'ici comprend trois galeries de 40 mètres chacune. On a commencé à dégager une de ces galeries. Le couloir, d'un mètre de large, présente sur ses deux parois cinq étages de loculi; —les trois supé- rieurs ont été violés ; les deux inférieurs sont intacts. Le squelette y est étendu de tout son long, sur le dos, les bras collés au corps.

Chaque loculus est fermé par quatre tuiles sur lesquelles a été posé un enduit de plâtre ; sur cet enduit sont gravés des symboles, des caractères. L'aspect de cette galerie rappelle, de lamanière la plus frappante, celle de la nécropole de Saint- Calixte à Rome.

M. Oppert fait une communication au sujet des fouilles entreprises par la Société orientale allemande sur les ruines de Babylone.

Cette Société se proposait de dégager ce qui reste du palais de Nabuchodonosor, dans le but, semble-t-il, de trouver, dans cette exploration, la confirmation impossible des faits non histori- ques relatés dans le livre de Daniel. M. Frédéric Delitszch, dans un discours qu'il a prononcé devant la cour, a prétendu, sans aucune raison, qu'Hérodote s'était trompé et avait induit M. Oppert en erreur au sujet de l'étendue de Babylone.

M. Oppert démontre que les résultats de cal- culs qu'il a faits sur le terrain sont d'accord avec les témoignages de tous les auteurs anciens et avec les textes cunéiformes. L'exploration alle- mande n'a révélé aucun fait qui puisse de près ou de loin infirmer ces témoignages des anciens.

M. Léon Heuzey entretient l'Académie de la reprise des fouilles de Tello, dans l'ancienne Chaldée, interrompues par la mort de M. de Sarzec et confiées aujourd'hui à un officier de mérite, M. le capitaine Cros, que plusieurs mis- sions topographiques ont familiarisé avec la vie du désert et le maniement des populations arabes. La haute bienveillance du gouvernement ottoman assure à ces nouvelles recherches une protection efficace, profitable à la science et au progrès de nos collections chaldéennes. La mis- sion, au lieu de s'établir, comme précédemment, sur le canal du Chott-el-Haï, a réussi à s'installer en plein désert, au milieu même des ruines et à donner ainsi à la conduite des travaux une pré- cision méthodique.

Dans une première communication, M. Heuzey insiste surtout sur la découverte faite par le capitaine Cros d'une petite statue de Goudea qui a été trouvée décapitée, comme toutes celles que nous possédons de ce chef chaldéen. Mais à celle-ci, par une rencontre des plus heureuses, se rajuste une remarquable tète à turban, exhumée,

il y a plusieurs années, par M. de Sarzec. Nous pouvons donc voir aujourd'hui une statue de Goudea complète, exposée j côté de ces grands cylindres historiques, près de sa masse d'armes sculptée et de son vase à libations.

L'inscription copiée et traduite pour la mis- sion par M. François Thureau-Dangin, consacre la statue au patron personnel de Goudea, au dieu Minghiszida, fils du dieu Ninazou.

Séance du 11 décembre. M. Héron de Ville- fosse communique une lettre informant l'Aca- démie que le R. P. Delattre vient de découvrir un grand sarcophage de marbre blanc dans un étroit caveau de 13 mètres environ de profondeur.

Ce sarcophage ayant été ouvert, le corps du personnage mort a été trouvé déposé dans la cuve sur une épaisse couche de sable. Sur le côté droit il portait une boîte aux monnaies. Celles-ci étaient au nombre de sept du type connu avec le palmier au revers. On a également trouvé un anneau d'or.

Le fronton du sarcophage porte comme orne- ment peint une palmette entre les rinceaux rem- plissant le champ. Les moulures de la cuve sont décorées d'or et d'ornements.

Congrès des Sociétés savantes. Voici un extrait de programme du prochain Congrès de la Sorbonne, en ce qui concerne la matière in- téressant nos lecteurs.

Archéologie du moyen âge.

15" Donner, avec plans et dessins à l'appui, la descrip- tion des édifices chrétiens, réputés antérieurs à la pério- de romane.

16" Signaler les monuments chrétiens antérieurs au XI'= siècle ; rechercher en particulier les inscriptions, les sculptures, les verres gravés, les objets d'orfèvrerie et les pierres gravées.

17" Étudier les monnaies féodales de la France, sur- tout à l'aide des documents d'archives ; faire connaître ceu-x de ces documents qui seraient inédits et les com- menter.

1 Relever les noms des chapitres, abbayes et prieurés ayant eu sur la fabrication de la monnaie des droits complets ou restreints ; déterminer la date de ces droits et leur origine.

19" Étudier les jetons des Corporations et des États provinciaux.

Se référer, à titre de comparaison, au travail de M. E. Bonnet : Les jetons des Etits généraux de I.nns^itedoc, inséré dans le Bullelin arcliéologique du Comité des tra- 7iatix historiques et scientifiques^ 1899, p. 241 à 329.

20" Décrire les sceaux conservés dans les archives pu- bliques ou privées ; accompagner cette description de moulages ou au moins de photographies.

21" Étudier les caractères qui distinguent les diverses écoles d'architecture religieuse à l'époinie romane, en s'attachant à mettre en relief les éléments constitutifs des monuments (plans, voûtes, etc.).

Cette question, pour la traiter dans son ensemble, sup- pose une connaissance générale des monuments de la

Cratîaui: Des Sociétés satjantes.

France, qui ne peut s'acquérir que par de longues études et de nombreux voyages. Aussi n'est-ce point ainsi que le Comité la comprend. Ce qu'il désire, c'est provoquer des monographies embrassant une circonscription don- née : par exemple un département, un diocèse, un arron- dissement, et dans lesquelles on passerait en revue les principaux monuments compris dans cette circonscrip- tion, non pas en donnant une description détaillée de chacun d'eux, mais en cherchant à dégager les éléments caractéristiques qui les distinguent et qui leur donnent un air de famille. Ainsi on s'attacherait à reconnaître quel est le plan le plus fréquemment adopté dans la région ; de quelle façon la nef est habiuiellement couverte (char- pente apparente, voûte en berceau plein cmtre ou brisé, croisées d ogives, coupoles) ; comment les bas-côtés sont construits, s'ils sont ou non surmontés de tribunes, s'il y a des fenêtres éclairant directement la nef ou si le jour n'entre dans l'église que par les fenêtres des bas-côtés ; quelle es; la naiure des matériaux employés; enfin s'il y a un style d'ornementation particulier, si certains détails d'ornement sont employés d'une façon caractéristique et constante, etc.

22° Rechercher, dans une contrée déterminée, les mo- numents de l'architecture militaire en France aux diver- ses époques du moyen âge ; signaler les documents historiques qui peuvent servir à en déterminer la date ; accompagner les communications de dessins et de plans.

23° Signaler, dans chaque région de la France, les centres de fabrication de l'orfèvrerie pendant le moyen âge ; indiquer les caractères et tout spécialement les marques et poinçons qui permettent d'en distinguer les produits.

Il existe dans un grand nombre d'églises des reliquai- res, des croix et autres objets d'orfèvrerie qui n'ont pas encore été étudiés convenablement, qui bien souvent même n'ont jamais été signalés à l'attention des archéo- logues. Il convient de rechercher ces objets, d'en dresser des listes raisonnées, d'en retracer l'histoire, de découvrir ils ont été fabriqués, et, en les rapprochant les uns des autres, de reconnaître les caractères propres aux diffé- rents centres de production artistique au moyen âge.

24" Décrire et photographier les anciens tissus, quelle que soit leur origine, conservés dans les églises, les mu- sées ou les collections particulières.

25° Recueillir les documents écrits ou figurés intéres- sant l'histoire du costume pour les diverses classes de la société dans une région déterminée.

Au moyen âge, il y avait dans beaucoup de provinces des usages spéciaux qui influaient sur les modes. Ce sont ces particularités locales qu'on n'a guère étudiées jus- qu'ici. Il serait intéressant d'en rechercher la trace sur les monuments.

26° Signaler les carrelages de terre vernissée, les do- cuments relatifs à leur fabrication, et fournir des calques des sujets représentés et de leurs inscriptions.

27" Faire par région, par ville, ou par édifice, le recueil des pierres tombales et inscriptions diverses, publiées ou non : accompagner ce recueil, autant que possible, d'es- tampages ou de dessins.

Consulter, à titre comparatif : F. de Guilhermy et R. de Lasteyrie, Inscriptions de la France du l'" au XVIII' siècle ; ancien diocèse de Paris; Quesvers et Stein, Catalogue des inscriptions de l'ancien diocèse de Sens.

Société d'archéologie de Bruxelles. Le tome 17= débute par une étude de M. J. Des- trée, vraiment savoureuse, sur le.s tapisseries qui furent exposées en 1900 au Petit palais, à Paris ;

le compte-rendu vient tard, mais il est tout de même bien venu. C'est un aperçu de l'histoire de la tapisserie à ses débuts, enrichi d'observa- tions compétentes, tendant à la détermination des origines des chefs-d'œuvre dont il s'agit. L'histoire commence au XIV= siècle, qui vit fleurir,sinon naître, les fameux ateliers de haute- lisse de Paris et d'Arias ; les plus anciens spécimens connus sont : La Présentation de Jésus-Christ au temple, conservée au inusée du cinquantenaire de Bruxelles, qui a des affinités avec les miniatures d'Anchi Beauneveu, et la fameuse tenture de Y Apocalypse, publiée pour la première fois, par M. L. Farcy, dans la Revue de r Art chrétien {^);e\\ts sont de Jean Bataille et Jean deBruges.De la même époque est la fameuse tenture de la légende de saint Piat et de saint Éleuthère à Tournai, apparentée à l'art des Van Eyck Passant au XV<= siècle, l'auteur passe en revue les inerveilleuses tapisseries de Sens, ainsi que celles de l'hôpital de lîeaune, dont nous nous sommes délectés, il y a quelques se- maines, les unes et les autres bien flamandes. M. Destrée incline à attribuer à Bruxelles la merveilleuse Adoration des Mages de Sens.

Signalons encore Y Ascension, d'Aix en Pro- vence, flamande aussi. Quant à Xa Judith et Holo- pherne du même trésor, il réfute l'attribution que M. Soil en a faite à Tournai ; il refuse également à l'archéologue tournaisien la Vie de saint Remy de Reims. Un véritable bijou, est le morceau de tapisserie brabançonne appartenant à M. Schutz, l'on voit l'homme, recevant les armes pour la lutte de la Vie, de la Miséricorde, de la Foi et de la Paix.

Un chapitre spécial est consacré à l'exposition du pavillon d'Espagne, avec la suite de Y His- toire de la Vierge, de l'école de Quentin Metsys, \a.Messe deS Grégoire,œ\\WYe. brabançonne comine le Chemin du Calvaire, due à Aelst d'Enghien, la Passion attribuée à Quentin Metsys.

(N°s I n et IV, 1903). M. le comte Gandini, con- servateur au musée civique de Modène, a étudié l'étoffe d'or et de soie polychrome, découverte en 1900 au monastère St- Pierre, et il croit qu'il s'agit d'un tissu byzantin ayant servi à enve- lopper des reliques ; il est de même texture que certaines pièces du musée du Cinquantenaire de Bruxelles.

M.I.Errera,qui rompt une lance avec l'archéo- logue italien, croit à une provenance arabe, et classe le trésor parmi les tapisseries.

Nous avons jadis rendu compte d'un travail considérable de M. P. Saintenoy, consacré à l'his- toire et surtout à la classification des fonts bap- tismaux (2). L'auteur ajoute à cette laborieuse

1. V. Revue de l' Art chrétien, année 1890, p. 156.

2. Prolégomènes, Revue de l'A}/ chrétien, année

. P- ,S23-

52

WitWt tie r^rt cbtctien.

étude quelques notes additionnelles. En rendant compte de la première étude de M. Saintenoy, nous avons reproduit d'après lui le baptistère de Nocera ('). Celui-ci offre la piscine à bord saillant avec degrés, et le ciborium sur co- lonnes ; c'est le type antique. A St-Jean in fonte de Ravenne ( Vesiècle),la piscine est devenue une grande cuve, et l'on voit aux angles de celle-ci les vestiges des colonnes disparues de l'édicule. A Pise (XlIIe s.), on retrouve la même cuve, mais toute trace de colonnettes a disparu ; la piscine à immersion contient d'ailleurs quatre cuves pour le baptême par infusion. De la piscine à bords sail- lants, M. S. passe à la margelle, comme celle du puits de Murano et autres qu'il a observées à Venise, et dans lesquelles il reconnaît, non pas des fonts, mais des copies de fonts, imitées même avec leurs emblèmes religieux. Les fonts margelli- formes se maintinrent longtemps en Italie; notre auteur en a relevé de nombreux exemples.

Signalons en outre la suite d'une étude très creusée de M. J. Capart sur les débuts de l'art en Egypte.

La Société archéologique d'Eure-et-Loir. Cette société, fondée au mois de mai 1856 par A. de Caumont, se prépare dès à présent à célé- brer en 1906 le cinquantenaire de sou existence. A cet effet, elle a élaboré un programme de sujets à traiter en vue de cette solennité, et invite les érudits à se mettre dès maintenant à l'œuvre. Voici quelques-unes des questions posées :

Eglises romanes du diocèse de Chartres.

Origines de la cathédrale de Chartres.

Sculpteurs du tour du chœur de Chartres (biographie, marchés, œuvres).

Œuvres d'art des musées de Chartres (choix, attribu- tion d'auteur).

Corporations. Métiers. Poterie d'étain.

Manuscrits de la bibliographie municipale de Chartres (écriture, enluminure).

hnprimerie et librairie chartraines.

Biographie d'Eure-et-Loir. Armoriai chartrain (par familles et par pièces de blason).

Répertoire archéologique d'Eure-et-Loir.

Glossaires, cartes et plans As la Beauce et du Perche.

Les histoires de Chartres.

Guide archéologique dans le département d' Eure-et- Loir.

Société historique et archéologique de Périgord. La Société a organisé, sous la direc- tion de son distingué président le marquis de Fayolle luie intéressante excursion en octobre dernier. Le premier jour comprenait la visite de l'église de Marsac, de la petite ville de Saint- Astier, qui possède une église si remarquable, de l'église de Bruc, des belles ruines de Grignols, du château de Neuvic, de l'église de Sourzac, et de

l'église de Saint-Médard de Mussîdan dont le curieux portail roman vient d'être habiieiuent restauré. Quittant alors le département de la Dordogne, les excursionnistes, après avoir couché à Libourne (Gironde), occupèrent le lendemain à visiter cette ville, puis la vieille église de Saint- Martin-de-Mazerat, et surtout la ville de Saint- Émilion très connue par ses excellents vins, mais dont les antiquités de preinier ordre offrent le plus grand intérêt. Au nombre d'ime vingtaine, les savants périgourdins purent examiner à loisir, et les anciens murs de ville du XIII*= siècle, et la collégiale, et l'église monolithe, creusée dans le rocher, et le château du roi, donjon du XI 11" siècle, et le logis Cardinal (XII<^ siècle) et le Clos des Cordeliers, etc. Cha- cun rentra chez soi ravi de tout ce qu'il avait eu à étudier.

Excursion en Bourgogne de la Gilde de Saint-Thomas et de Saint-Luc (suite) {}).

Aperçu des ttwnianents.

Sens fut notre première étape. L'ancienne ca- pitale des Senones était une ville importante au

Abbaye de St-Jean (église de l'hôpiial actuel) de Sens. Une travée du déambulatoire.

temps de César. Les Romains l'embellirent et en firent sous Gratien la capitale de la 1V'= Lyon- naise. Le christianisme y fut prêché de bonne

I. V. Revue de l'Art chrétien, 1891, p. 248.

I. Voir la livraison de novembre 1903, p. 513.

Cratiaiu* Des ^ociétée^ satiantcs.

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heure par saint Savinien et saint Potentien. L'ar- chevêché de Sens fut longtemps l'un des pre- miers de France. De son époque de splendeur, il a gardé sa majestueuse cathédrale qui est avec Saint-Denis, l'une des premières productions grandioses de l'architecture gothique à son ber- ceau. Postérieure à Saint-Denis de quelques années, elle est cependant moins parfaite. On y constate des gaucheries, des tâtonnements, des disproportions qui trahissent la période d'en- fance et des nouvelles méthodes.

La cathédrale de St- Etienne date du XII' siè- cle dans son ensemble; à la fin du XIII<= siècle

Plan de la cathédrale de Sens (').

on a modifié la partie supérieure des murs au- dessus du triforium, changé les fenêtres et remanié les voûtes et la chapelle du chevet ; vers la même époque on a commencé les fondations du faux-transept (2) et élevé la façade principale sur les fondations du XI 1*= siècle. Des treize chapelles dont le XI V"-' siècle avait doté les bas-côtés de la cathédrale, quatre seulement ont échappé au vandalisme du XIX^ siècle (1858). Vers la fin du XV<> siècle l'architecte Chambige commença le transept sur les substructions du XlIIe siècle.

Le plan de St-Étienne comprend trois nefs, un transept simple, avec chapelles orientales dans les bras, un chœur avec déambulatoire et

1. D'après V architecle E. Bérard. II y a erreur dans le tracé des croisées d'ogives du déambulatoire, qui ne sont pas en diagonales.

2. Il n'y avait pas à proprement parler de transept, mais deux- portails latéraux ouvrant sur les basses nefs. VioUei-le-Duc affirme avoir constaté la présence sous le sol du transept des substructions qui auraient porté la double colonne continuant celles de la nef et du chœur. lit il en conclut que la nef de Sens comme celle de Bourges n'avait pas primitivement de croisée. (Note de M. l'abbé Chartraire.J

trois absidioles de chevet. Dans la nef se voit, rappel de l'école rhénane, l'alternance de gros piliers avec des colonnes; seulement, chose cu- rieuse, celles-ci sont par couples, alignées trans- versalement et soutenant un même abaque ; la saillie de celui-ci sur les arcades qu'il reçoit est

Autel dit de Salazar.

démesurée. Les voûtes sont sixpartites sur la nef et le chœur. La claire-voie du rond-point est for- mée de baies à deux lancettes surmontées d'un trilobé. Le style très pur de la façade occidentale

Contrefort du transept de la cathédrale de Sens (14901510).

contraste avec les richesses flamboyantes du pignon du transept.

On remarque tout spécialement, dans le déam- bulatoire, la gaucherie avec laquelle sont encore exécutées les nervures de la croisée d'ogives sur plan trapèze, par branches brisées et dépourvues de clefs de voûtes.

La sculpture, par sa liberté d'allure, marque le départ de l'art roman et de l'art gothique.

54

Bcbur tJt l'^^rt cbrctten.

La verrerie de Sens, en partie restaurée par M. Félix Gandin est, comme l'a fait remarquer M. J. Casier, du plus haut intérêt: quatre vitraux (') sont hors prix et datent probablement de la fin du XII^ siècle. Les siècles suivants y ont apporté leur contingent. Jean Cousin, natif des environs de Sens, y' est représenté par deux vitraux d'un dessin serré et d'une harmonieuse coloration.

Les deux grandes roses flamboyantes du tran- sept, si magnifiquement ajourées, sont occupées par des chefs-d'œuvre de la Renaissance. Au pignon du croisillon nord est figuré le plus gra- cieux concert d'anges qu'on puisse rêver. Nous espérons, grâce à M. l'abbé Chartraire, en fournir la description à nos lecteurs. Notons au passage l'autel de Salazar, jadis décrit par le même ar- chéologue (2).

Cathédrale de Sens. Transept nord.

Il serait oiseux de célébrer ici le trésor de Sens, l'un des plus riches de France, surtout ses admirables tapisseries. M. l'abbé.Cliartraire, l'au- teur du beau catalogue, y fut notre cicérone ainsi qu'au grand musée voisin.

La restauration de la cathédrale de St-Êtienne a été effectuée par Viollet-le-Duc d'une manière trop radicale, témoins les nombreuses sculptures inutilement remplacées, mais heureusement con- servées, que nous avons pu voir dans les souter- rains de la belle salle synodale. On comprend, sans la partager dans son exagération, l'admira- tion du maître précité pour cette belle construc- tion qui avoisine dignement la cathédrale et dont le courormement crénelé, le grand toit aux tuiles polychromes, les gracieux contreforts or- nés de statues sous des «; tabernacles », les vastes

1. Ceux de s. Thomas, de .S. Eustache, de l'Enfant prodigue et du Samaritain.

2. E. Chartraire, Bull, de la Soc. artMol. de Sens, X. XVI.

fenêtres aux ébrasements énormes, offrent tant de cachet ; dans un pareil local, et sous les vastes croisées d'ogives aux élégantes nervures, le mu- sée, qui n'est qu'ordinaire, paraît remarquable,

Samt-Jean de Sens date du XI 11^ siècle ; sa beauté, que des remaniements ultérieurs ont altérée, réside surtout dans les colonnes et les arceau.x du chœur, dans les fenêtres à triplets devant lesquelles court un chemin de ronde der- rière de sveltes colonnettes (dispositif dont nous reparlerons) et surtout dans la gracieuse chapelle absidale dont les voûtes ont avec celles du déam- bulatoire une retombée commune sur deux svel- tes colonnettes. Cette disposition, dérivée des absides champenoises.est une des caractéristiques de la région, nous l'expliquons plus haut.

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Coupe et base d'un pilier du rond point.

L'église St-Jean servait autrefois d'oratoire à l'Hôtel-Dieu ; le Gouvernement vient de sécu- lariser la maison de la souffrance et d'enlever aux malades l'usage de la chapelle qui reste vide. Chose à noter, rare pour l'époque, les piliers de la nef, qui paraît plus récente que le chœur, mais antérieure au XV<^ siècle, sont dépourvus de chapiteaux. Ceux du chœur sont ingénieuse- ment construits, composés d'un noyau octogonal, flanqué de quatre colonnes engagées et ceinturés de quatre colonnettes isolées en délit.

Aiixerre. Avec quel art prestigieux le moyen âge savait bâtir ses villes, on ne peut le constater nulle part mieux qu'en présence de cette pittoresque cité; elle s'étage sur les flancs d'un coteau que baigne l'Yonne à son pied, et que couronnent la silhouette du clocher de Saint- Pierre, la masse majestueuse de la cathédrale et le profil élégant de l'abbaye de Saint-Germain.

La cathédrale de Saint- Etienne fut élevée en grande partie au XIII= siècle: elle a trois nefs avec des chapelles latérales ajoutées, un long transept avec superbe portail, un chœur de quatre travées entouré d'un déambulatoire magnifique, que contourne une coursière régnant entre deux rangs de triplets : celui des verrière.';, à la paroi externe et, à l'intérieur, celui que portent à cha- que travée deux légères colonnades sur lesquelles

CraDaur des â)OC(étés savantes.

55

retombent des nervures qui partagent en trois le triangle de la voussure externe des voûtes. Au chevet les retombées se font sur deux sveites co- lonnettes montant de fond, et qui partagent l'en- trée de l'abside centrale, construite à l'instar de celle de Sens. Partout est pratiqué le système bour- guignon du double mur, avec formerets isolés. Les supports du chœur sont en faisceaux, sauf celui du rond-point et deux autres, avant le rond-point, qui sont monocylindriques. Un triforium, formé de petits arceaux sur colonnettes très maigres, contourne toute l'église. Le clair-étage se com- pose de baies géminées sévères, surmontées d'un

Plan de la cathédrale d'Auxerre.

très grand oculus tout simple ; pas un redent, pas un trilobé. Les voûtes sont barlongues, sauf celles du croisillon sud, qui sont sixpartite, et la voûte étoilée du transept.

Les sculptures du portail sont des merveilles. La façade principale est comme couverte de den- telles de pierre.

La vitrerie de Saint-Étienne est riche et s'étend du XII*" au XVIP siècle. On y voitderares tracés de barlotières, de curieuses combinaisons de figures avec les grisailles, des effets prestigieux dus à des moyens originaux, des médaillons lé- gendaires, de grandes figures, de quoi faire un bel apprentissage de l'art du verrier. A signaler le vitrail de St- Michel, au transept nord, avec ses ravissants musiciens célestes dus à Pinaigrier.

La crypte, rebâtie vers 1030, restaurée par Viollet-le-Duc, est à 5 nefs établies sur un plan

analogue à celui des cathédrales de Sens et de Langres. Dans l'absidiole du fond, en cul de four, est peint le Christ en Majesté entre deux chande- liers à sept branches et les emblèmes évangélis- tiques. Une autre peinture montre le Christ et des anges, à cheval. Certains chapiteaux, à faces en trapèze, sont de très beaux spécimens de l'époque carolingienne.

U église de Saint-Germain n'a plus de nefs ; sa belle tour romane se dresse mélancolique loin du chœur majestueux, et l'on dirait qu'elle a tou- jours été isolée de l'église. Elle rappelle par ses amortissements bien conduits les belles tours de Brantôme et de Vendôme. Le passage du carré à l'octogone se fait sur le dernier étage par des édicules à plan triangulaire. Des frontons d'allure rhénane décorent quatre des versants de la flèche à sa base.

Chevet de la cathédrale d'Auxerre.

Le chœur est de la fin du XIII« siècle. Ici les fenêtres hautes ont des redents aux lancettes géminées et des quatre-feuilles dans le tympan.

A noter, que le chemin de ronde du triforium échappe les piles en contournant par l'extérieur les contreforts sous les arcs-boutants.

Les moines se sont inspirés, pour la vaste cha- pelle du chevet, de la chapelle de la Vierge à la cathédrale ; elle porte sur des colonnes de o"\25 de diam., et de 6"\30 de hauteur. Le transept a les caractères du style champenois (XLv^*^ siècle).

La vénérable crypte, l'on vénère le tombeau de saint Germain et de plusieurs saints évéques, garde des parties carolingiennes. Il est curieux de constater la similitude du profil en doucine des impostes des piliers antiques de cette crypte avec celui des abaques des chapiteaux du XI« siè- cle de la région.

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3Rebue ÏJe T^rt cbrctten.

Le portail du transept nord est richement orné de la légende de Saint-Germain.

L'église paroissiale de Saint-Eusèbe est en par- tie romane, avec un chœur efflanqué du XVI= siè- cle. Elle possède d'anciens vitraux. L'intérêt du monument réside dans son beau clocher, bâti en 1660, jadis isolé.

Aval/on, ce pittoresque bourg qui s'étage sur une haute colline aux confins du Morvan, offre une église dédiée à Saint-Lazare, type de roman bourguignon. Ses portails bien connus ont des archivoltes richement sculptées, se remarquent les entrelacs, les rosaces et les figures symboli- ques ; aux ébrasements s'alignent des colonnes cannelées, sculptées et torses. Elle offre des rémi- niscences du décor romain, notamment des im- postes en doucine décorée de feuilles d'acanthe

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Église de St-Lazare d'Avallon. Base des colonnettes.

et des cordons ornés d'oves ; pas de triforium, mais des fenêtres dans le haut mur et sur la grande nef, des voûtes barlongues et curieuses, (compromis entre lesvoûtes d'arêtes romanes et le dôme), avec des arêtes peu accentuées. Les murs ont bouclé sous l'effort de la voûte, dont la pous- sée a été contrebutée après coup par de puissants contreforts, aux pinacles amortis en batière. Le chevet est à trois absides rangées. Les chapiteaux sont historiés, A noter les chapiteaux à la haute corbeille, au puissant encorbellement; à signaler aussi le parti très hardi, grâce auquel on a réa- lisé l'orientation dans un vaisseau bâti dans le sens de la plus grande pente d'une forte décli- vité ; les nefs sont en pente avec deux degrés de chute à chaque travée et six à l'entrée, de sorte que les fidèles y sont en quelque sorte comme sur les gradins d'un amphithéâtre ; leur regard plonge sur le chœur.

Seimir. L'église Notre-Dame paraît singu- lièrement élancée par la raison que sa grande nef ne mesure guère que sept mètres d'ouverture. Le

chœur forme une lanterne percée de hautes et larges fenêtres en tiers-point sans meneaux; au pourtour du chœur s'adossent trois belles absi- dioles. C'est un beau spécimen de style bourgui- gnon du XI 11*= siècle. Une coursière règne devant tout le clair étage, qui rappelle Notre-Dame de Dijon. La croisée est surmontée d'une gracieuse tour avec flèche en pierre.

Le porche s'ouvre a l'Ouest par trois grandes arches ; les parois latérales sont aveugles.

Les arcs-boutants sont d'une courbure très peu prononcée, et constituent presque des piles incli- nées.

Le portail des Bleds est une belle et curieuse page d'iconographie, encore imparfaitement ex- pliquée.

Eglise de St-Lazare d'Avallon, Croquis d'une travée des nefs.

L'église renferme de curieuses peintures mu-

ales, une tourelle à reliques, un « sépulcre », d'in-

;;éressantes clôtures de chapelles et une tribune

d'orgues en encorbellement d'une construction

hardie,

Pontauhert. L'admirable petite église ro- mane de Pontaubert retint un instant les excur- sionnistes, sur la route de Vézelay, d'abord à rai- son du problème iconographique soulevé et par les sculptures du tympan de son porche fermé et à simple travée. M. le baron Kethune a aussi- tôt reconnu dans la scène qui accoste, à droite, l'adoration des mages, une très curieuse figura- tion de l'Incarnation : l'âme de N,-S. apportée par les anges. En elle-même l'église est fort intéressante; elle offre tous les caractères bour- guignons du Xlle siècle: piliers cantonnés de quatre colonnes, puissants formerets ; plan à

Cratïaur îies ^ociétc0 satiantes.

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trois nefs de trois travées, transept non sail- lant, chœur d'une travée, terminé, chose rare, par une abside à trois pans ; dessinant en plan un trapèze ; chapiteaux à volutes et feuilles d'eau gracieusement enroulés ; voûte d'arêtes simple, typique. On retrouve ici l'imposte en doucine des grands chapiteaux faisant le tour de la pile. A signaler une curieuse armoire eucharistique, ménagée dans le pilastre à gauche du chœur,

sous un doubleau, dans le pilastre habilement élargi.

Saint-Père-soiis- Vézelay. Les voyageurs s'ar- rachent à l'enchantement du site de Pontaubert pour gagner V abbatiale de Saint-Pcre, cadette de la Madeleine de Vézelay. On s'arrête sous un porche gracieux, ajouré de trois côtés, couvert de belles voûtes aux six travées retombant sur deux élégants piliers, et conçu en style ogival. Il est dominé par un pignon qui rappelle celui de Véze- lay, aux modestes mais riches sculptures ; celui-ci se dresse devant un comble plus bas, qui n'est sans doute pas primitif.

.v^i

Église de Saint-Père-sous-Vézelay.

Piliers, côté de la grande nef.

Bas-côté nord.

Les trois nefs sont séparées par des colonnes curieuses, auxquelles se greffe une colonnette vers les bas-côtés portant les doubleaux du col- latéral; en outre, une sur deux s'augmente d'une colonnette vers la grande nef, qui monte de fond jusqu'aux voûtes ; les autres ne portent pas directement la retombée, dont le support s'arrête dans l'entre-deux des grandes arches. Une cour- sière règne devant la claire-voie, immédiate- ment au-dessus de celle-ci, les bas-côtés n'étant pas couverts en appentis. Les chapelles du chevet sont joliment développées.

On doit à M. l'abbé A. Pisster une petite mais excellente Monographie de l'église Saint-Père-

sous- Ve'zelay {^), que nous signalons spécialement aux érudits. L'auteur décrit avec complaisance le joli clocher de cette église, dont l'étage octo- gone est flanqué sur les angles à racheter d'édi- cules à colonnettes graciles, qui font pressentir les merveilles du clocher de Laon. « Les architectes du Xllfs siècle, dit-il, craignaient les profils pleins et rigides ; ils voulaient, dans des monu- ments se détachant sur le ciel, éviter le brusque passage du plein au vide ; il y a un sentiment très fin des forces extérieures de l'architecture, qui allègent et grandissent les édifices en les faisant se fondre, pour ainsi dire, dans les forme-

I. .Auxerre, Milan, édit. 1903.

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WitWt ïie rart fbrétien.

rets. » N'est-ce pas que l'architecte a été bien compris par notre auteur ? Nous empruntons à

cehii-cî le plan et la coupe de l'ég^lise, l'on remarquera la manière hardie dont le mur gout-

Eglise de Saint-Père-sous-Vézelay (').

terot est assis à côté de la pile, mais au droit de la colonnette qui lui sert de renfort.

Vézelay. Le lecteur ne s'attend pas à ce que nous lui décrivions la prestigieuse et vaste

abbatiale de Vccelay (2) ; ce serait l'objet d'un article tout entier, lequel d'ailleurs n'aurait guère

■» V-

Église de Saint-Père-sous-Vczelay

Gufic tli. l ' église-

d'inédit. Notons l'impression profonde ressentie par les confrères de Saint-Luc, en pénétrant dans ce porche, qui est comme une très monumentale église ; mais comment décrire l'effet magique et émouvant, quand s'ouvre le célèbre portail et qu'apparaît la longue et majestueuse nef, la plus

longue des églises romanes, un peu sombre et austère, au fond de laquelle, à 120 mètres de pro- fondeur, au bout de ses dix travées, apparaît, tout

1. D'après M. l'abbé Pissier.

2. M. l'abbé Poulaine, Guide du Touriste dans t Avalounais, .Avallon. Odobé, 1903.

CratJdUT îîes ^octétc0 0at)ante0.

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inondé de lumière, le chœur svelte et élégant ! Quel spectacle plus grandiose encore s'évoque à l'esprit, quand on se représente saint Bernard préchant sous ces nefs immenses la croisade à une assemblée de preux ; et combien on re- grette de ne plus rien retrouver des locaux de la célèbre abbatiale, fondée an IX<= siècle par Gérard de Roussillon ! On n'en garde que la base de l'enceinte, des douves inférieures des tours et la Poitc'-neuve, dont les murs possèdent encore les corbeaux des hourdis.

Le porche de l'abbatiale avec son bel étage est d'un caractère majestueux; au-dessus du portail, à la tribune, est bandée la célèbre voûte que Qui-

Fronton de l'église de Vézelay.

cherat avait prise pour la première voûte nervée existante ; ce n'est qu'une pseudo-croisée d'o- give. Le porche était surmonté d'une chapelle de St-Michel comme en tant d'autres églises roma- nes. L'église fut fortifiée. Tout le monde connaît la forme insolite du pignon du XIl^ siècle à rampants courbes, percé de cinq belles fenêtres accostées de remarquables statues. Nous renon- çons à décrire les merveilles des portails sculptés; elles appartiennent également au XII« siècle, ainsi que l'étage en forme de tours, dont l'une n'est qu'amorcée.

Les voûtes sont cylindriques, à pénétrations pour la claire-voie; ce sont des voûtes d'arêtes, les plus anciennes qu'on ait bandées sur une nef

centrale. Elles ont poussé les murs et fléchi sous leur propre poids ; leurs doubleaux sont visiblement abaissés. Ces doubleaux, faits de pierres blanches, alternent avec des pierres bru- nes, rappelant l'architecture polychrome de l'Auvergne ; faut-il y voir une polychromie voulue? C'est au moins douteux, puisque la com- binaison des pierres est tout à fait irrégulière. Les arcs formerets sont entourés d'un larmier en relief et surmontés d'une moulure analogue. Les nefs latérales sont d'arêtes, séparées par des doubleaux. Les chapiteaux sont extrême- ment remarquables, par les sujets historiés qui y sont représentés ; on pourrait y développer tout un cours d'iconographie, et réformer bien des erreurs courantes, par exemple apprendre aux érudits du terroir, que le premier chapi- teau de droite présente non pas le « laissez venir à moi les petits enfants », mais la légende de sainte Marie-Madeleine, patronne de l'ab- batiale.

On retrouve au chœur une colonne géminée analogue à celles de la cathédrale de Sens, faisant pendant à une colonne monocylindrique. Elle est, comme celles de la salle capitulaire, ornée de mosaïques dans des creux isolés : truc ingénieux, qui a permis le remploi de fûts magnifiques et rares, mais offrant des éclats adventices. Les voûtes sont bandées sur nervures. Les neuf absidioles du chevet ne sont séparées que par des clôtures ajourées. On retrouve sur les pierres des pavements quantité de signes lapidaires (') jadis étudiés par M. A. Guillon, archéologue vézelien, que nos lecteurs connaissent. On trou- vera, dans nos colonnes {^) une lettre de lui fort instructive, il défend dans une certaine me- sure les travaux de restauration de VioUet-le- Duc, critiqués par M. Hallais.

Le cloître, dont la voûte rappelle le demi-ber- ceau de la galerie en bois de Beaune, est une re- construction fantaisiste de Viollet-le-Duc.

Saiilieu. Possède en son église Saint- An- doclie, un autre type du roman local, qui rap- pelle Notre-Dame de Beaune et St-Lazare d'Au- tun, avec sa nef élancée, munie d'une claire- voie. On y retrouve comme à Autun les arcatures du triforium d'imitation romane, ainsi que le berceau brisé sur la grande nef, qui a, comme partout, poussé le haut mur en dehors. La claire-voie est à triples lumières ; des voûtes d'arêtes simples régnent sur les bas-côtés. Le

1. La question des signes lapidaires a été spécialement étudiée par M. A, Guillon (V. Revue de l'Art chrétien, années 1893. p. 489

et 1894, p. 160 ; Ann. de la Soc. des sciences hist. de f Yonne )

et antérieurement par D, Rancée [Hisl. géii. de l'architecture, t. II, p. 286), par J. Flechter (Collection of matons mark, 1858) et par M. .^. ^^'nf\^\.{ Journal des arts),

2. Année 1895, p. 512,

6o

3Rcbue lie r^^rt cJ)rcrtrn»

portail a été remanié d'une façon déplorable. Les chapiteaux sont richement garnis de fleu- rages et de légendes ; les sujets historiés sont tournés du côté de l'Ouest; l'un représente la légende de sainte Marie-Madeleine. L'abside en cul de four, au fond d'un chœur, est de deux travées ; le chœur garde d'anciennes stalles inté- ressantes. Un remarquable évangéliaire du XII' siècle a beaucoup intéressé les archéologues.

Autiin. Nous ne nous arrêterons pas aux remarquables monuments romains dont la ville d'Autun est riche. Disons que la tour dite de Janus, avec ses trous de boulins, avec ses arcades internes ne traversant pas la masse des murs, nous a quelque peu mystifiés. Quelle a bien pu être la destination de cet édifice de forme inso- lite chez les Romains, qui semble avoir été en- touré d'un portique externe?

Nous avons été affreusement scandalisés de voir exécuter à la porte d'Arroux des réfections de Vandales. On était occupé, lors de notre visite, à refaire en pierres neuves des assises puissantes, à hauteur d'imposte, au flanc gauche de la porte (vue de la ville) en enlevant, pour les remplacer, de solides pierres munies de certaines amorces de moulures en retour, qu'on n'avait nullement songé, d'ailleurs, à reproduire dans les pierres nouvelles, lesquelles au surplus sont de roche de nature entièrement différente des anciennes. Ail- leurs, il nous a paru que dans un parement de mur entièrement refait, hélas ! on avait imité l'appareil d'un arrachement de murs, visible à la porte Saint-André.

Mais reportons notre attention vers l'antique cathédrale, encore toute romaine de style, ainsi que nous l'avons dit plus haut, et cela sans qu'elle y gagne en élégance ; ce fut même une déception pour nos compagnons. Remarquons toutefois, avec M. de Baudot, que les grands pilastres pseudo-corinthiens ne sont pas ici pu- rement décoratifs comme chez les Romains ; mais ils sont disposés de manière à servir très utilement de dosserets pour soutenir les dou- bleaux. Le vaste porche couvert du XI 11= siècle, figure l'image de saint Lazare accosté de ses deux sœurs, nous a dédommagés ; les colonnes, les archivoltes sculptées, le tympan historié rap- pellent ceux de Vézelay. On y voit le Jugement dernier et un zodiaque combiné avec les travaux de l'année.

Commencée en 1120, l'église ne fut terminée qu'au XVe siècle, ce qui explique l'enchevêtre- ment des styles de ses parties. La majesté de son vaisseau et l'élégance de sa flèche en font, vue du dehors, une des belles cathédrales de France. L'époque gothique a transfiguré son extérieur et elle a doté la grande nef de contre-

forts massifs, que caractérisent leurs gros pinacles couronnés en hatière et des chapelles latérales aux riches fenêtres flamboyantes, qui accentuent son allure extérieure ogivale. Nous avons assez fait connaître les caractéristiques romanes en traitant d'une manière générale de l'architecture bourguignonne. Insistons sur la forme des voûtes d'arêtes en plein cintre, voûtes déjà plus savantes que celles des Romains et analogues à celles de Vézelay.

Pontigny. Pontigny, la seconde des quatre filles de Cîteaux, était une des plus importantes des grandes abbayes cisterciennes. L'église, longue de 108 mètres, est austère comme les idées de saint Bernard. Elle n'a pas de tour, elle est relativement basse; elle est précédée d'un narthex ou portique de front, sous appentis, à l'instar des basiliques latines ; toutefois il a deux travées en profondeur. L'église a trois nefs de sept travées, un curieux transept fort saillant, très typique au point de vue du mode cistercien, et un chœur avec déambulatoire et chapelles rayonnantes sur plan pseudo-rectangulaire, à voûtes sixpartites. Nous expliquons plus haut l'habile particularité quidistingue le voûtement du collatéralduchœur. Il faut surtout remarquer la très simple ordon- nance des chapelles rangées aux flancs orientaux des croisillons du transept. Le long du flanc occidental des mêmes croisillons sont ménagés des compartiments analogues. M. le baron Bethune a fait remarquer aux visiteurs qu'au fond de ceux-ci a existé un couloir, que ce furent sans doute d'autres chapelles, orientées, avec autel dans l'ouverture vers le transept. Les doubleaux de la grande nef posent sur des colonnettes engagées, qui s'arrêtent sur des culs de lampes au-dessus des chapiteaux. Les fenê- tres sont à lancettes, sans meneaux.

Nous n'avons pu visiter les bâtiments claus- traux, mis sous scellés par le Gouvernement de M. Combes. L'église est sauvée du jacobi- nisme, grâce à son usage paroissial.

Beaiine (•). S'il est une église qui, mieux en- core que celle d'Avallon et de Saulieu, représente le style roman régional dans des proportions moyennes, c'est celle de Notre-Dame de Beaune, qui offre aussi de grandes analogies avec les cathédrales d'Autun et de Langres ; elle est bien proportionnée et tout d'une venue ;en elle l'aus- tère vaisseau bourguignon à transepts plats se marie avec le chevet auvergnat au déambula- toire rond percé de trois jolies absidioles, le tout dominé par une belle tour tiu transept du même stj-le que le monument, modernisée dans sa toi- ture qui date du XVI IL' siècle ; elle est assise

I. Voir l'article de M. H. Chabcuf dans la .ffez'w*' de C Art clirilien, ann(ic 1891, p. 233.

Cralïaur î)t0 Sociétés sal3antE0.

6i

à l'intérieur sur des trompes. Les nefs sont pa- reilles à celles d'Autun : mêmes piliers à pilas- tres cannelés, mêmes chapiteaux pseudo-clas- siques à feuilles d'acanthe, dont plusieurs ont été sculptés après coup, à des époques consécu- tives. Au cours du moyen âge, ici encore, on a ajouter des arcs-boutants pour empêcher l'écartement des murs des nefs. Le chœur date de la transition.

Le porche du XI 11"^ siècle et de type clunisien, à trois nefs, à deux travées, est large et ouvert par trois arcades inégales de front et des baies latérales ; il est recouvert en terrasse ; sous ses voûtes s'ouvrent de belles portes en menuiserie du XV« siècle. L'église possède de merveilleuses tapisseries du XV'^ siècle, artésiennes ou fla- mandes, que M. le curé de Notre-Dame avait eu l'extrême gracieuseté d'exhiber à l'intention de la Gilde, et d'exposer au chœur (•), et des fresques fort curieuses que M. Mathieu, archéo- logue de Beaune (-1, croit pouvoir attribuer à Pierre Spicre. Ces peintures ont naguère été décrites dans nos colonnes (3). M. Louis Yper- man en a fait de remarquables relevés, qui ont fait sensation au salon de Paris.

Ce fut l'aimable vice-président de la Com- mission des hospices de Beaune, M. Montoy, qui nous reçut à l'entrée du célèbre Hôtel-Dieu, et nous présenta aux Dames du lieu, ayant à levjr tête Madame Sœur Bigot, Maîtresse, et sa dé- vouée assistante Sœur Jardot, qui nous rap- pelaient les Grandes- Dames de nos béguinages de Flandre.

« Quelle évocation, s'écrie notre compagnon, correspondant du Bien public, M. J. C, quelle évocation médiévale, en pénétrant dans la cour de l'établissement fondé en 1443 par le chance- lier de Bourgogne, Nicolas Rolin et sa femme, Guignone de Salvins. » Malgré des restaurations nécessaires au cours de quatre siècles, l'hôtel- Dieu de Beaune se présente aux regards tel qu'il fut à ses débuts.

Tout en effet est resté en l'état : les cloîtres, la cuisine, la pharmacie, les salles des malades. La grande salle mesure 46 m. sur IJ^SO; une belle voûte en bardeaux, joliment rehaussée d'orne- ments polychromes, se détachant sur le fond brun du bois, avec poutres et poinçons apparents, enferme un volumineux cube d'air.Une rangée de 28 lits en bois s'étend le long de chaque côté, laissant discrètement une ruelle le long du mur, et élevés sur une estrade planchéiée, tandis que

1. V. l'article de M. H. Chabeuf dans la Revue de l'Art chrétien. année 1895. p. 351.

2. F. .Mathieu, Heintures murales delà chapelle Kolin à l'église collégiale de Beaune, Beaune. Batault, 1903.

3. V. Revue de l'Art chrétien, année 1899, p. 370.

la salle est pavée de carreaux portant les initiales des fondateurs, enlacées de la bande de chêne et l'étoile symbolique de leur devise ; et vers le fond, une clôture ajourée (ce que les Anglais appellent un screen), surmontée de l'image du Calvaire, sépare la partie réservée aux malades d'une magnifique chapelle. On sait que dans les hôpitaux du moyen âge la salle se prolongeait ainsi en oratoire. De belles peintures char- maient les yeux des souffrants hospitalisés, retraçant des sujets consolants que le religion fournit à leurs espérances d'au delà. Derrière l'autel de la chapelle une peinture murale por- tant au sommet les emblèmes héraldiques des fondateurs, a remplacé le fameux triptyque de Roger Van der Weyden, trésor inestimable du chancelier Rolin, que nous avons contemplé à

'1»,

^i^x^i

Cour de THôtel-Dieu de Beaune.

l'aise au beau musée, formé à l'étage, d'objets du mobilier primitif de la maison. Nous n'en dirons qu'une chose : c'est que, plus peut-être que les autres œuvres du maître tournaisien, il décèle les qualités plastiques du sculpteur, qu'il a peut- être été (selon M. Maeterlinck), du fils de sculpteur qu'il fut dans tous les cas.

On croit rêver quand on pénètre dans la cour de l'Hôtel-Dieu de Beaune; on se dirait transporté en plein XV« siècle, et rien ne vient troubler la parfaite illusion du milieu médiéval et flamand le plus pur. Cette cour pittoresque le puits à couronne de ferronnerie ouvragée cache à moitié sa margelle aux puissantes moulures dans un massif de verdure, ces galeries de bois sculpté oîi passent des nonnes blanches coiffées du hennin aux voiles plissés, cette ravissante balustrade que l'on restaure en ce moment (d'après les traces encore apparentes sur le bois, et à l'aide d'un

62

IBitWt De r^rr cljréticiu

spécimen authentique gardé d'une vieille maison démolie dépendant de l'hôpital), et qui va revoir le jour en place d'un appentis ardoisé qui l'avait fait oublier; ces superbes et vastes lucarnes si richement couronnées de plomberie, aux ram- pants fleuronnés, aux crêtes ajourées, aux épis à bannière, etc.; ce grand comble couvert de tuiles polychromes et couronné d'une dentelle de plomb ouvragé, ce cainpanile aigu, cette flèche en aiguille ; tout cela est bien du plus pur flamand ; seulement on ne retrouverait pas dans toute la Flandre actuelle un morceau aussi riche, aussi complet, aussi savoureux que ne l'est ce vaste ensemble. Ces anges conservateurs, que sont les Dames de l'Hôtel-Dieu, nous l'ont gardé à tra- vers les siècles, intégralement et pieusement.

Parmi toutes ces merveilles,il en est dont l'espèce est presque perdue ; tels sont les ornements de plomberie des combles et lucarnes. De cet art jadis si développé, l'on trouve çà et des exem- ples isolés, épars, plutôt dans les musées que sur

Crète de comble (').

les édifices ; la plupart, très intéressants encore, re- montent au XVI' siècle ; ceux du XV" devien- nent extrêmement rares.Ici nous avons l'ensemble très complet de ce ravissant décor des combles, tel qu'il fut conçu au moyen âge, en pièces ori- ginales, ou restaurées avec soin, ou refaites avec une scrupuleuse fidélité.

Ce sont d'abord les arêtes des flèches, et les rampants de lucarnes hérissés de fleurons feuilla- ges ; ceux-ci, par la finesse des découpures, et la délicatesse des reliefs, ont toute la grâce que comporte le plus malléable des métaux, qui, à cette époque, avait encore cette fermeté que lui a fait perdre de nos jours un affinage trop parfait.

Ce sont ensuite ces frises ajourées qui couron- nent le faîte, composées de quatre-feuilles et d'une riche rangée de fleurettes culminantes. Ce sont surtout ces adorables épis, qui s'élancent de la pointe des lucarnes, garnis de bouquets de plomb composés avec un art consommé par des gens qui possédaient à ravir le sentiment de ce décor spécial pour lequel il faut compter avec reff"et dévorant de la lumière sur les silhouettes se détachant sur le ciel.

De pareils épis se voient encore çà et là, notamment au château de Blois ; ils abondaient au XV siècle dans le Nord ; on les appelait des lieuses, et c'est en voyant les beaux couronne- ments de lucarnes deBeaune que l'on peut com- prendre les indications fournies par certains comptes d'ouvrages du temps, par exemple ceux de la salle des Conseaux de Tournai, il est question à'heiises ornées de soleils, de Jîorons, etc. (I).

Les lucarnes de Beaune ont leurs rampants garnis de très gracieux fleurons et la pointe du gable est décorée d'un soleil aux rayons flam- boyants. La crête délicate qui court sur le faîte s'arrête à une pyramide à crochets qui habille le poinçon prolongé ; de naît la tige de l'épi,

S^tS ^^

I. Cette vignette reproduit à la fois l.i crPte de comble et les armoiries de l'Hôpital.

Épis conservés au musée de Dijon.

ayant pour point de départ une bague ornée. Elle est terminée par un bouquet fleuragé au- dessus duquel gironne la petite bannière au gré du vent ; elle est interrompue par des décors en forme de gros nœuds qui sont de deux espèces. Les uns constituent une sorte de couronne hexagonale dont le bandeau plat est repercé de fenestrelles dans chacune des faces, que séparent de petits contreforts aux angles ; parfois aussi de véritables couronnes de fleurons. D'autres, imi- tés des nœuds de tiges de calices, off"rent, en six raies d'étoile, autant de petits prismes hori- zontaux posés sur l'arête, et terminés par un losange ajouré de quatre-feuilles et garni de petits fleurons sur les deux côtés supérieurs. Les croquis ci-contre, que nous avons pris de deux épis, analogues mais plus simples, conservés ati

I. Citons, entre plusieurs autres, cet extrait des comptes com- munaux f Rfgistte lies Conseaux ) de la ville de Tournai. 1461 (payé) à (iillard It^ [<iche (In dorure faite) à une lieuse de ploncq mis sur le pignon de la maison du concicrche de la Halle et aussi le soleil.

Crat)au;i' des^ ^octété0 satiantes.

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palais du duc de Bourgogne à Dijon, indiquent cette combinaison.

On trouve de gracieux spécimens des tètes en losange, des prismes en question, des couronnes, des soleils surtout, ces ornements superbes, ainsi que des crêtes, dans un panneau d'échantillons de l'ancienne plomberie, conservé au musée de l'hôpital, et que nous pouvons présenter à nos lecteurs, grâce à l'extrême obligeance de M. Mon- to)', vice-président du Conseil d'administration dans cette vénérable maison. Nous le remercions

d'avoir eu l'obligeance de faire photographier pour la Revue de F Art cJtrétien ces beaux spéci- mens de plomberie, conservés, grâce à lui, pour l'édification des artistes.

Dijon. La pittoresque et gracieuse ville de Dijon fut notre plus importante étape. Elle offrait à nos études de belles églises et des monuments civils non dénués d'intérêt archéologique, et nous y eûmes pour cicérone le collaborateur dijon- 'x\^\?, A&\a Revue de [ Art cltrctien,'\\. H. Chabeuf, qui ne serait, à l'en croire, qu'un amateur distin-

Spécimens de plomberie conservés au musée de l'Hôtel-Dieu de Beaune.

gué, mais que nos lecteurs connaissent pour un érudit de marque et un critique d'art autorisé.

En première ligne, parmi les monuments di- jonnais, il faut placer Véglise Notre-Dame, ce chef-d'œuvre de l'art bourguignon à l'époque gothique, se trouve élevé jusqu'à son apogée l'art des doubles murs cloisonnés, et des raidis- sements par l'étai.

Quelle merveille en effet, à cet égard, que ce porche de 1230, avec ses sveltes supports et ses

voûtes hardies, dont la poussée se contrebute d'une manière déguisée et coquette, aux piliers élégants, de la courte travée de façade, fonction- nant comme les jambes d'un lutteur. Mais par contre, quelle déroutante ordonnance offre la façade aux galeries étagées,qui masquent le vais- seau, ornées des plus luxuriants rinceaux sculp- tés, et habitées par un peuple de monstres aux physionomies sarcastiques, ironiques et trou- blantes, qui, nous fûmes très étonnés de l'appren-

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3Rebur tir TSit tf)rétten.

dre de la bouche de notre cicérone, datent seule- ment d'une quarantaine d'années, hormis ceux du flanc de la façade, et c'est ce que nous a permis en effet de vérifier depuis une gravure du Magasin pitioresque.W est poignant de voir avec quelle rage odieuse certain pharmacien révolutionnaire du voisinage de l'église s'est appliqué à abattre, une à une, toutes les figures qui décoraient le superbe portail ; il ne reste de cette page d'iconographie peut-être sans rivale, qu'un étrange bourgeonne- ment et une sorte de tablette recouverte d'une draperie, greffés aune colonnette du porche, objets étranges à jamais incompréhensibles. Notre-Dame rappelle les églises belges de cette époque par ses

t—I i^*r-*<.

Église de St-Bénigne à Dijon. Plan leva en 1796.

colonnes isolées, et ses étages de galeries ; on se rappelle aussitôt les nefs de St-Martin d'Ypres et de St-Jacques de Tournai. Des piles monocylin- driques et de grêles colonnettes isolées, reliées en tout sens ; et ce quillage n'ayant pour clôture extéiieure que des cloisons verticales, percées de fenêtres, raidies par des dalles horizontales ; point ou guère de murs, tel est le système, qui s'accentue encore au chœur.Les colonnes ont d'é- normes corbeilles à crochets comme en Belgique. Les voûtes sont à doubleaux de recoupement. Les baies sont des lancettes en tiers-point sans résille ni redents,séparées,aux deux étages duchœur.par des ûculi. Au dehors, de puissants contreforts sans arcs-boutants appuient les murs ; des tourelles flanquent au dehors la haute nef et le transept pour permettre l'accès aux galeries du triforium et aux coursières de la clairevoie. L'extérieur est austère et un peu sec.

Des flamands ne peuvent manquer de saluer au passage sur le beffroi le Jacquemart enlevé, en

1382,3 la ville de Courtrai, par Philippe le Hardi. A noter des peintures murales dans quelques chapelles.

Récemment étudiée au long par M. le chan. Chompton ('), Saint-Bénigne a aussi son porche, mais fort modeste ; elle a deux tours élégantes une flèche à la croisée si bien refaite par M. Suisse (^), des combles richement décorés de tuiles émaillées polychromes; de vastes nefs dont les murs intérieurs ont été l'objet d'énormes remaniements (que d'aucuns considèrent comme peu justifiés), une crypte vénérable, une des plus vastes connues, qui rappelle l'ordonnance circu-

Église de St-Bénigne à Dijon. Façade.

laire du St-Sépulcre,base d'une ancienne rotonde à triple étage bâtie au début du XI^ siècle. L'é- glise fut rebâtie au XIII<= siècle. L'aspect inté- rieur de sa triple nef, transfigurée par les restau- rations de M. Suisse (3), est simple et noble; trois absides s'ouvrent autour du chœur, l'une pro- fonde et carrée ; les piles sont en faisceaux de colonnettes. Ici les fenêtres sont à meneaux. Nous remarquons dans la nef des constructions provi- soires sous les grandes arches, qui constituent des cintrages en maçonnerie. La vignette ci-contre reproduit un plan de l'église levé en 1791, d'après une des belles planches de l'ouvrage du chanoine Chom[)ton.

Saint-Miclul offre une façade fort remarquable comme spécimen de la première Renaissance et

1. V. Revue de l' Art chrélien, année 1896, p. 357.

2. V. Ibid., année 1901, p. 429.

3. V. Ibid., année 1893, p. 175.

CraîjaujT Des Sociétés ôa'oantts.

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un triple portail profond, dont les sculptures, at- tribuées à Hugues Sanbin (d'antres en font lion- heur à Dominique Florentin) sont singulièrement décoratives et larges de manière. Les caissons des voûtes, habités par des anges, sont d'une magistrale allure.

Du fastueux palais du duc de Bourgogne sub- sistent seules la cuisine et la salledesGardes. La première, construite dans la première moitié du XV<" siècle, est un monument du genre culinaire, sinon pantagruélique, comme le considère Viol- let-le-Duc. Au point de vue architectural, nous remarquerons la belle disposition de cet atelier des comestibles,à plan carré, couvert d'une grande voûte en arc de cloître. Ce genre de voûte, si peu employé au moyen âge, était néanmoins bien connu toutefois des constructeurs de ce temps, avec sa propriété de s'ouvrir aisément par le sommet, propriété qu'ils ont si bien utilisée pour conduire les vapeurs de la cuisine vers leur exutoire. Au pourtour de la voûte, sur trois côtés, étaient rangés les fourneaux sous six vastes manteaux de cheminées, tandis que la lumière du jour était abondamment déversée par les fenêtres percées sur le quatrième côté.

La salle des Gardes a conservé sa cheminée et son plafond en bois du XV» siècle, portant sur de jolies consoles armoriées.

En dehors de ces constructions et de la Tour du Barr, tout l'ancien palais a été reconstruit de 1682 à 1686. Les nouveaux bâtiments sont oc- cupés par le musée, qui est un des plus beaux de France.

C'est avec un plaisir particulier mêlé d'une pointe de fierté nationale, que nous avons con- templé, dans la salle des Gardes, le célèbre tom- beau de Philippe le Hardi, par Claus Sluter, celui de Jean sans Peur et de Marguerite de Bavière par Jean de la Huerta et Antoine le Moiturier, le fameux retable exécuté, en 1391, par Jacques de Baerze pour les Chartreux, les volets peints par Melchior Broederlam, et d'autres morceaux d'art qui chantent la gloire de l'art flamand.

L'excursion de Bourgogne s'est terminée par une visite à la Chartreuse de Champnol, fondée sous le vocable de la Ste-Trinité par Philippe-le- Hardi, à son beau portail règne anticipati- vement un souffle de Renaissance et à cet éton- nant «puits de Moïse », actuellement renfermé dans une espèce de volière. Nous n'avons pas l'intention d'entamer ici une dissertation sur les chefs-d'œuvre de l'art flamand-bourguignon. Les Monjet (■), les Dehaisues (2), les Courajod (3), les

1. Cyprien Monjet, Histoirt de la Chartreuse de Champnol.

2. Mgr Dehaisnes, Histoire de l'Art en Flandre, etc.

3. Courajod, Catalogue dn Trocadero, elc.

ont savamment étudiés sans avoir apparemment dit le dernier mot sur son compte.

La séance finale a été honorée d'un discours de notre cicérone dijonnais. M. Chabeuf nous a rappelé gracieusement les riches Flandres d'au- trefois, avec leurs grandes cités affranchies et industrieuses, et la Bourgogne encore féodale et rurale, dont les villes les plus peuplées n'avaient pas 15.000 âmes. Puis, parlant des monuments locaux et de leurs anciennes splendeurs, il a déploré l'extermination sauvage de l'imagerie du porche Notre-Dame de Dijon, la destruction absolue de la Sainte-Chapelle ducale et de la rotonde de Saint-Bénigne, ainsi que de la for- teresse de Louis XI ; il a évoqué, de ses sou- venirs personnels le Dijon d'il y a 60 ans, si pittoresque et encore si médiéval.

Parlant de la cathédrale d'Auxerre,il a rappelé le curieux triforium qui, comme à Saint-Just de Narbonne, contourne les piles au dehors, la chapelle de la Vierge dont l'immobilité gracile est un miracle de la science médiévale », et ces tètes vivantes et stylisées qui s'échappent de la pierre au départ des arcatures. Nous sommes ici au point de rencontre des styles de l'Ile de France, de la Champagne et de la Bourgogne.

La Madeleine de Vézelay,elle, est pleinement bourguignonne. Sa restauration où, « dans l'har- monie souveraine des choses qui ont vieilli ensem- ble, se juxtapose l'architecture de trois grands siècles », est l'œuvre de début, non la meilleure de Viollet-le-Duc.

A Avallon, à Semur, on est au cœur de la vieille Bourgogne ; M. Chabeuf parle en poète de ce pays enchanté, et en archéologue de ses églises si curieuses. Il signale l'Hôtel-Dieu de Beaune, un monument transplanté tout brandi de Flandre en Bourgogne, et il développe en termes aimables ce thème flatteur pour les Belges qui l'écoutent. Nous devons ici lui laisser la parole : « Aucune surprise pour vous, n'est-il pas vrai, dans tout ce flamand au loin rencontré; vous sa- viez que pendant l'union dynastique des Flandres et de la Bourgogne celle-ci n'a été, au point de vue des arts, qu'une colonie de l'empire flamand de ses princes. C'est chez vous que Philippe le Hardi était allé chercher Claus Sluter, le plus grand imagier decette période suprême du moyen âge ; vous avez admiré ses Prophètes qui ,dans leur personnalité aiguë, égalent ce que faisait de plus beau l'Italie contemporaine, contemplé au musée les retables ciselés dans le bois comme dans un métal ductile, par Jacques dcBaerze.et les peintures naïves, familières dont on les a revêtus à l'extérieur Melchior Broederlam. A Claus Sluter succède son neveu Claus deWerve; à Broederlam, Jehan de Beaumetz, Jehan Malwel, Henry

KEVUK DU L AKT CHKSTIEN. 1904. l"= LIVRAISON.

î^ebur tic T^rt cbrétten.

Bellechose, un Flamand encore, malgré son nom français ; enfin quel est à Dijon le peintre titré de PhiHppe le Bon ? Encore un Flamand, Guil- laume Spicker, l'auteur probable des vitraux qui remplissaient le fenestrage absidal de Saint-Jean, œuvre magnifique admirée même au temps l'on méconnaissait le plus l'art du moyen âge, et l'on voyait représentés les trois premiers ducs de Bourgogne avec leurs duchesses et le comte de Charolais, le futurCharles le Téméraire, ayant chacun son saint patron debout derrière lui.

» Il en est de même ailleurs ; André Beauneveu n'a-t-il pas été l'imagier en titre de Charles V et n'est-ce pas à Jean de Cambrai que l'on doit le tombeau de Jean, duc de Berry ?

» Je sais, il y en a eu d'autres, et n'étaient des Flamands ni Jacques Morel, l'auteur du tombeau des Bourbons à Souvigny, ni son neveu Antoine le Moiturier qui achèvera celui de Jean sans Peur laissé en plan par cet Aragonais bohème et capi- taine, Jehan de la HuertaPMais qu'ont-ils fait tous les trois,sinon du bourguignon et qu'était-ce alors, sinon du flamand ?

» C'est qu'il se produisait alors une évolution semblable à celle qui, dans l'antiquité grecque, a fait succéder à l'idéalisme abstrait de Phidias et de Praxitèle, l'art de Lysippe, c'est-à-dire, celui de la vie individuelle et du portrait. Certes le réel n'était pas absent des églises du XII I<= siècle, il y fourmille au contraire, et aux seconds plans du décor imagé, la bouffonnerie énorme du moyen âge se donne ample carrière en figures se tordant, grimaçantes et vaincues sous les grandes statues sereines ; en gargouilles chi- mériques, construites cependant selon toutes les lois de l'animalité et de la vie ; en têtes qui, comme à Notre-Dame de Dijon, sont des portraits un peu tournés en caricatures, mais toujours pos- sibles, se montrant inattendues dans les plis les plus cachés de la structure; c'est le cortège popu- laire tumultueux de l'imagerie sacrée. Mais elle demeure, elle, idéale et grave. Eh bien, l'apport des Flandres sera précisément une conception autre, non pas plus vraie mais plus réelle, plus familière, moins distante de la vie supérieure, et l'art se vouera désormais à exprimer cette pensée non plus typique, mais personnelle avec sa variété infinie et sa complication grandissante. Et dans les Prophètes de la Chartreuse, puis dans les moinillons des tombeaux, l'imagerie de l'âge

nouveau atteindra du premier bond à la perfec- tion, autant dire qu'il sera égalé, pas souvent, à vrai dire, dépassé jamais.

» Ainsi, malgré les frontières tracées par la nature.les races et la politique, s'affirment l'unité la solidarité des esprits, le besoin que, comme les individus, ont les unes des autres les grandes familles humaines. Et à la même heure, avec un peu d'avance, l'Italie entrait, elle aussi, dans la voie de la vérité moderne. C'est que la vie, c'est le renouvellement, et il y a ainsi dans l'histoire des idées certains faits généraux pro- duits d'une loi mj'stérieuse comme de parallé- lismes, s'exerçant sous une influence supérieure et plus qu'humaine, qui, à la fois et s'ignorant, sur les points les plus éloignés de l'espace civilisé. Mais pour quelque temps l'Italie nous est une terre inconnue; il n'y aura bientôt pour notre voisine qu'une trop belle revanche, et au temps prochain elle visera à créer des choses non plus vraies mais seulement belles ou crues telles, l'Italie nous envahira des Alpes et de la Mé- diterranée à la mer du Nord, pour abolir nos plus précieuses qualités natives et étendre sur toutes les œuvres comme sur tous les esprits, le niveau égalitaire de la banalité déclamatoire et apprise. Et il y en aura pour des siècles. Mais au XV'= l'invasion bienfaisante vient du Nord et votre art savoureux, naïf, vraiment chrétien fait les délices de l'Italie. Florence si raffinée, et à demi païenne déjà, sait reconnaître dans les peintres flamands les (rères des siens, de Masaccio, de Benozzo Gozzoli, de Gentile da Fabriano, des Lippi, de Ghirlandajo, peut-être même de Fra Angelico,ce miracle sans précédent ni successeur de l'art chrétien. »

M. Chabeuf n'a pas oublié la Revue de l'Art chrétien, qui le compte parmi ses plus vaillants collaborateurs.

« Nous, dit-il, qui avons l'honneur de marcher sous la bannière de la Revue de l' Art chrétien, nous n'oublierons pas que nous avons une fois de plus à combattre le bon combat, que nous .sommes pour quelque chose dans ce mouvement irrésistible d'opinion, qui, pour une fois, grande merveille ! a fait reculer les Vandales ». Ces der- nières paroles font allusion à l'abandon du sau- vage projet qu'<jn a connu naguèrede transformer en marché l'hôpital de Tonnerre.

L. Cloquet.

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LE BIENHEUREUX JEAN DE VERCEIL, SIXIÈME GÉNÉRAL DE L'ORDRE DES FRÈRES PRÊCHEURS, par Marguerite de Wa- RESQUiEL. In-i2, 228 pp. Orné d'un portrait et de plusieurs gravures, représentant le plan général et une vue du Couvent de Verceil restauré; une élévation du tombeau de S. Dominique, etc. Létilleux, éditeur, Paris, et Bar-le-Duc, Collot, 1903.

?^^^^^^E livre fait suite à ia monographie ^ de Humbert de Romans, du même ^ auteur et dont nous avons rendu s: compte lorsqu'elle a paru (') et se îit^SîîS^^*^ distingue par les mêmes qualités qui recommandent cette première étude. Madame Marguerite de Waresquiel a prisa tâche de faire revivre successivement les figures, un peu oubliées aujourd'hui, de ces religieux pourtant si remar- quables qui, au XIII<= siècle, ont donné une si grande importance et un si large développement aux deux grands Ordres mendiants, notamment, à celui des Dominicains. Si elle laisse dans leur auréole des célébrités de première notoriété, les Dominique, les .Albert le Grand, les Thomas d'Aquin, elle se plaît à mettre en lumière des figures encore hautement intéressantes qui ont peut-être travaillé avec autant d'ardeur et de succès à la diffusion de l'Ordre que les hommes célèbres dont je viens de rappeler les noms, ont contribué à sa gloire. L'histoire du sixième général des Frères Prêcheurs, comme celle de son prédécesseur, initie bien le lecteur à la vie la- borieuse, féconde, et pourtant pleine de difficul- tés des religieux de cet Ordre devenu en si peu de temps une puissance dans la chrétienté. L'auteur semble à cet égard s'être bien documenté : on voit à l'aisance avec laquelle elle se meut dans un sujet qui réclame de nombreuses recherches et une grande lecture, qu'elle a suivi de longue main la vie de ces hommes austères, à la foi si ferme, et si énergiques dans la volonté de faire le bien. C'est en les étudiant qu'elle s'est vraiment éprise du sujet de son livre, au point qu'elle a pu écrire dès la première page : « En suivant le cours des âges, nulle époque n'est plus attrayante que le X II I^ siècle, époque troublée, confuse, pleine d'étranges contrastes, mais féconde en héros et en saints. »

Or, des hommes comme Humbert de Romans et Jean de Verceil sont des héros et des saints dont il importe de mettre en lumière et, si pos- sible, de rendre populaire la généreuse existence.

I. Ktviie de t Art chrétien. Année 1891, p. 526.

L'auteur tient d'ailleurs, à rappeler que la vie de Jean de Verceil vient d'être publiée en italien par le R. Père Pie Mothon, et qu'elle n'eût pas tenté une monographie française si lui-même n'en avait manifesté le désir. Madatne de Wares- quiel ajoute : « Cette monographie n'est donc pas le fruit de nos recherches personnelles, ni d'un patient labeijr, et il nous est doux de recon- naître que la plupart des documents ont été empruntés à l'œuvre du R. Père Mothon, c'est à dire d'un historien aussi compétent qu'impartial et absolument sincère. »

J'ai le regret de ne pas connaître l'ouvrage que !\I™s de Waresquiel recommande avec tant de chaleur, ni de savoir dans quelle mesure il a été utilisé dans l'ouvrage français, mais je crois en- trer dans l'esprit de l'auteur de celui-ci en trans- crivant des lignes peut-être entachées d'une modestie excessive.

Si le ressort intime de la vie de Jean de Verceil est le même que celui de son prédécesseur immé- diat dans le généralat de rOrdre,rexistence de ces deux hommes, les difficultés et les contradictions contre lesquelles ils ont eu à lutter, sont de na- ture très différentes. Humbert de Romans a trouvé au sein de l'Église, dans les intrigues des professeurs de l'Université de Paris, et dans la papauté même de redoutables antagonistes, qui, à certain moment, ont mis en péril l'existence même de l'Ordre de S. Dominique. Sous le généralat de Jean de Verceil, il n'en est plus de même. L'Ordre des Frères Prêcheurs a pris rapidement une extension considérable ; il est établi par la multiplicité de ses couvents dans la chrétienté sur des bases solides, et ce sont ses religieux qui sont appelés au siège pontifical. Jean de Verceil lui-même échappe avec quel- que difficulté à ce redoutable honneur.

Mais la puissante extension de l'Ordre et la multiplicité de ces maisons désormais épar- pillées dans toutes les régions du monde catholi- que, sont un danger qui menace la pureté de sa doctrine et l'unité de ses constitutions.

L'extension et l'influence de la famille Domi- nicaine, est la source de tentations dangereuses, pour l'humilité du religieux mendiant, souvent sollicité à intervenir dansje domaine de la poli- tique où les plus grands États sont en lutte.

C'est ainsi que Jean de Verceil est chargé par Urbain IV d'organiser la croisade à laquelle saint Louis prendra part, et souvent on aura recours à son entremise dans les affaires les plus considérables.

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3Rr\)ue ïir T^rt chrétien*

Aussi la vie de ce moine mendiant offre un spectacle étrange. Le repos en est exclu, et on le voit parcourant l'Europe dans tous les sens, allant d'un Cliapitre de l'Ordre à l'autre, d'un couvent à un autre couvent, cheminant, en com- pagnie d'un frère, toujours à pied, sans un sou vaillant, mendiant l'hospitalité d'un pauvre gîte quand il ne peut atteindre un couvent domini- cain, conformément aux prescriptions, et obéis- sant même dans ses plus fatigants voyages aux austérités prescrites les plus sévères.

Le livre qui raconte cette vie est écrit d'une plume alerte, aimable et facile qui permet d'en recommander la lecture particulièrement en France, tant de bons esprits ont besoin de chercher dans les souvenirs du passé, l'oubli des douleurs de l'heure actuelle.

J. H.

DIE PUNZIERtJNG IN MÀHREN, GLEIGH- ZEITIG EIN BEITRAG ZUR GESCHICHTE DER GOLDSCHMI EDEKUNST, von Cari SCHIERK.

LES POINÇONNAGES ET LES MARQUES D'ORFÈVRES EN MORAVIE, EN MÊME TEMPS UNE CONTRIBUTION A L'HISTOIRE DE L'ORFÈVRERIE, par Cari. ScHiERK, avec i6 reproductions et 70 marques. Brunn, édité par l'auteur, 1902. Grand in-4° 176 pp.

L'auteur de cette publication est le gardien de l'important musée de Brunn, capitale de la Mora- vie où s'est développé un centre très actif d'étude et de propagande d'art décoratif Une Revue, très bien rédigée, y paraît sous le titre de Mit- ilieiluns:en des Màrerisclien Gei<.'eibe Mitseuiiis : elle est dirigée, comme le musée lui-même, par M. Julius Leisciiing, et la plupart des articles qui y paraissent sur les arts industriels et déco- ratifs, portent la marque d'une réelle compétence et d'études très sérieusement poursuivies. Ils ont le mérite de nous initier aux travaux d'un foyer d'art sur lequel nous espérons pouvoir donner un jour des informations plus étendues.

L'étude dont le titre se trouve en tête de ces lignes est le fruit d'un travail persévérant. On doit à M. Cari. Schierk une série de recherches sur l'histoire de l'Orfèvrerie dans la région qui embrasse toute l'étendue de la Moravie, et ses efforts n'ont cessé de préparer un travail d'en- semble sur la matière. Le volume qu'il publie est le résultat de ces recherches. Cependant il assure que celles-ci ne sont pas encore parvenues à le satisfaire, et que pour établir la valeur des maîtres orfèvres dont il s'occupe, le nombre de leurs travaux connus et des documents qui s'y rapportent, est encore trop restreint. Il convient donc de poursuivre les investigations à cet égard

et de réunir autant que possible les données acquises.

Le volume qu'il publie a déjà une valeur très réelle, et peut servir de point de départ à de nouvelles recherches qui aboutiront à une synthèse historique de l'art de l'orfèvrerie en Moravie et en Bohême. Mais, au point de vue de l'auteur ce but ne peut être atteint qu'au moyen de témoignages certains, irrécusables tels que les marques et poinçons d'orfèvres dont les travaux sont ainsi identifiés, et des documents d'archives.

C'est sur ces bases solides, mais qui réclament une grande somme de temps et de peines, que l'auteur a établi son travail : celui-ci est divisé en deux parties.

La première partie contient tout ce que les actes publics et les documents de toute nature ont consigné concernant les poinçons et les mar- ques d'orfèvres; l'on y trouve en même temps un grand nombre de dates et de faits concernant les maîtres orfèvres et leurs travaux. Ces infor- mations augmentent dans une notable mesure ce que l'on connaissait du développement de l'art de l'orfèvrerie en Moravie. On y trouve, no- tamment, les renseignements intéressants que l'auteur a recueillis sur l'exécution des travaux en filigrane, dont les ateliers avaient principale- ment leur siège dans les villes de Butschowitz, Kraemsin, Nicolsburg et Olmutz.

La seconde partie contient principalement des documents et pièces justificatives à consulter. Elle donne un tableau des marques et des poin- çons d'orfèvres et des prescriptions concernant les corporations, classés par localités et confirmés soit par des sources d'informations secondaires ou des travaux exécutés. Les documents cités dans cette seconde partie commencent à la vérité par une ordonnance de l'empereur Léopold I^"^, datée de l'année 1699, mais dans la première par- tie il est question de pièces remontant beaucoup plus haut.

Au nombre des documents reproduits il s'en trouve de très intéressants : notamment ceux qui, encore au XVIII'^ siècle, règlent les con- ditions dans lesquelles les Juifs peuvent être autorisés à exercer la profession d'orfèvre et le commerce d'or et d'argent : ces règlements ex- priment sans ambage la crainte des fraudes et des duperies que l'on redoutait de leur part. Les Juifs devaient, dans certaines régions, non seulement être pourvus d'une autorisation spéciale, mais encore être munis d'un passe-port du directeur de la Monnaie, lequel devait être renouvelé tous les ans.

Le livre est établi avec un soin et un ordre dans les divisions qui font honneur à l'auteur. Les

Btbïiograplîte.

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poinçons et marques sont gravés avec une netteté qui ne laisse rien à désirer. Au nombre des gra- vures dans le texte représentant des œuvres d'orfèvrerie provenant d'ateliers du pays, il con- vient de signaler deux ostensoirs dont l'un est daté de 1473, et un autre, sans date, qui ap- partient à la même époque. Ces monstrances élégantes dans le dessin d'ensemble paraissent d'une bonne exécution, mais n'accusent pas un style particulier, régional.

La publication de M. Cari Schierk doit être regardée comme une contribution de valeur ap- portée à l'histoire des arts industriels de l'empire Autrichien. J- H.

L'HABITATION BYZANTINE, par le général H. de Beylié. In-folio. Leroux, Paris et Grenoble, 1902.

MONSIEUR le général H. de Beylié a publié, l'an dernier, chez M. Ernest Le- roux, à Paris, et chez MM. Falque et Perrin, à Grenoble, « L'Habitation byzantine, recherches sur l'architecture civile des Byzantins et son influence en Europe ». L'ouvrage est dédié à M. Gabriel Millet, maître de conférences à l'École des hautes études, qui a aidé l'auteur de ses conseils et de ses services.

Dans la préface, M. de Beylié dit que son but a été surtout d'attirer l'attention du public qui s'intéresse aux choses de l'art sur une question archéologique encore imparfaitement connue : l'habitation byzantine dont les monuments sont plus rares et moins étudiés que les édifices religieux et militaires. L'auteur donne ensuite ses sources. Ce sont d'abord les monuments : maisons de la Syrie centrale empruntées à M. le comte de VogUé ; à Constantinople les ruines de Tekfour sérail ; une grande maison seigneu- riale de Melnic, etc. ; viennent ensuite les rensei- gnements fournis par les fonds architecturaux des mosaïques byzantines de Ravenne, etc.. et les miniatures des manuscrits byzantins des grandes bibliothèques d'Europe, surtout le ma- nuscrit illustré de Skylikzès, de Madrid, dont M. Millet a entrepris la publication intégrale aux frais du général. Ce manuscrit compte 575 mi- niatures ; l'auteur en reproduit beaucoup. Il cite encore les bas-reliefs de l'obélisque de Théodose, la châsse en ivoire de Trêves, les sarcophages et les ouvrages d'architecture et d'histoire les plus importants. Il y a encore bien des monuments à étudier à Venise, dans le Sud de l'Italie, la Grèce, l'Istrie, la Dalmatie et Constantinople. « Cela constituera peut-être notre tâche future.»

Après la préface vient l'avant-propos, que l'auteur intitule « l'Architecture byzantine: ses

caractères généraux ». L'art byzantin, qui nous apparaît surtout comme un art chrétien, par la prépondérance que lui assure sur l'art païen le christianisme s'établissant à Constantinople dès son avènement au pouvoir et par les caractères définitifs qu'il reçut à la suite de la création du type de Ste-Sophie au VI'' siècle, l'art byzantin ne fut pas autre chose jusqu'à cette époque que l'art romain d'Orient, mis en honneur par les em- pereurs des dynasties syriennes et illyriennes. C'est dire ses relations avec les architectures grecque, romaine et persane. Cette parenté est prouvée pour l'art religieux que l'architecture civile imite évidemment de très près ; certains auteurs prétendent même que l'art byzantin étant essentiellement religieux, les caractères architec- turaux des édifices consacrés au culte se retrou- vèrent tous dans l'habitation byzantine et qu'il suffit de connaître ceux-là pour avoir une idée exacte de celle-ci : ils se croient le droit de sup- pléer par cette affirmation à la disette des mo- numents. Notre auteur pense que ce principe, vrai dans ses grandes lignes, est peut-être insuf- fisant comme renseignement et que le problème n'est pas résolu. Il espère non pas le résoudre (il se dit trop pauvre en documents pour donner une idée complète de la maison byzantine à l'intérieur et à l'extérieur et montrer tous ses points de contact avec la vieille tradition gréco- romaine et orientale), mais il croit pouvoir dé- blayer un peu la voie à suivre. Dans sa modestie et ses exigences de vrai savant, il pense que pres- que rien n'est fait tant qu'il reste quelque chose à faire. Beaucoup trouveront sans doute qu'il a donné plus qu'il ne promettait.

L'ouvrage est divisé en cinq parties.

La première est consacrée à l'habitation ro- maine jusqu'aux premières années du I siècle. « L'auteur a l'occasion d'y réformer les idées trop exclusives du monde, même lettré, sur la maison romaine ». Cette partie se recommande donc à tous ceux qui veulent connaître l'ancienne Rome.

La deuxième étudie « L'habitation byzantine du IV<= siècle aux premières années du VI<^. »

La troisième est intitulée « Byzance et l'habi- tation byzantine du VI'= au XV* siècle.»

La quatrième traite « Des palais byzantins en dehors de la Grèce. »

La cinquième a pour titre « La décoration et le mobilier. » Après quoi vient la « Conclusion. »

La maîtresse pièce de la première partie qui, en trois chapitres, traite des maisons de rap- port ; de la maison patricienne ou hôtel par- ticulier ; et des palais ; est le palais de Dioclétien à Spalato. Ce palais ou château, d'im- mense intérêt pour l'archéologue, est le monu- ment le plus complet encore existant de la déca-

70

3Rcl)uc lie riart chrétien.

dence romaine et du style nouveau, qui, modifié petit à petit par les architectes chrétiens, devint plus tard le style dit byzantin. Il dut servir de modèle à Constantin pour le palais impérial de Byzance et faisait encore six siècles plus tard l'admiration du PorphjTOgénète. Ce n'est point seulement par ses arcades sur colonnes sans l'in- termédiaire d'une imposte, ni par les mosaïques de ses voûtes, mais par son plan même que le pa- lais de Spalato intéresse l'histoire de l'habitation orientale. Dix plans ou coupes empruntés à Adam (Londres, 1762) et huit vues photographi- ques, dues à M. Millet et autres, donnent l'état actuel de ce monument.

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La deuxième partie comprend deux chapitres. Dans le premier, « Byzance et la maison romai- ne » l'auteur nous rappelle que cette ville fut transformée par Constantin de 426 à 430 et que ce fut très probablement Rome qui fournit le modèle pour la maison patricienne et pour les édifices publics. Beaucoup de ces constructions furent détruites par des tremblements de terre et des incendies et les architectes pour les rebâtir firent certainement des emprunts à la maison syrienne ; en effet le personnel des bâtisseurs se recrutaitsurtout en Syrie, et il s'agissait de gagner de l'espace pour une population orientale qui affluait attirée par les privilèges impériaux ; or

El-Rabah (V^- siècle), (d'après de Vogiié).

l'habitation syrienne, avec sa logette ou balcon couvert s'avançant sur la rue répondait parfaite- ment à cette nécessité. Aussi l'auteur conclut-il avec raison que « les maisons romaines fourni- rent l'ossature et les points saillants de la nou- velle capitale, mais qu'on rencontrait derrière les portiques des rues principales dans le dédale des rues populaires de très nombreuses habitations conçues dans le style de la maison syrienne ». Il arrive ainsi au chapitre deuxième consacré à la maison de la Syrie centrale. L'habitation syrien- ne, qui dérive de l'égyptienne, comprenait un ou plusieurs corps de bâtiments à deux ou trois étages, avec galeries extérieures, disposées autour d'une cour centrale. Cette disposition se retrouve dans le palais de Dioclétien à Spalato et dans

les monastères d'Orient. Le général de Beylié donne, d'après M. de Vogiié, les types les plus intéressants des maisons urbaine et rurale; les portiques qui garnissaient les rues des villes ; les hôtelleries, le monastère de St-Siméon Stylite, dont il rapproche, pour faire sentir l'influence syrienne, celui de Daphni près d'Athènes. Tout en décrivant et racontant, il compare avec les édifices de Coiistaiitinople et montre, avec autant de sagacité que de réserve, sous des modifications imposées par la nécessité et dont le génie sut faire des merveilles, comme la coupole sur pen- dentifs, les emprunts faits à la Syrie par l'art byzantin.

La troisième partie donne en cinq chapitres : un aperçu général ; des représentations de

BtbUograplîie.

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villes ; des groupes d'habitations ; la struc- ture des maisons ; les palais.

Les iconoclastes, les croisés, qui pillèrent la ville en 1204, les Turcs qui la ravagèrent en 1454 détruisirent une foule de monuments ; aussi l'au- teur recourt-il aux textes, aux mosaïques et aux miniatures pour représenter des villes et des groupes d'habitations : fermes, hôtelleries et châteaux. Il donne, d'après Barsky, le plus sou- vent, la reproduction de plusieurs monastères du Mont-Athos ; « les monastères sont précieux à étudier, car il y avait de tout dans ces immen- ses agglomérations de bâtiments: des hôtels par- ticuliers, des couvents, des églises, des ateliers, des groupes ruraux, etc. )) Le chapitre IV= traite de la construction des maisons. Le plan des mai-

sons isolées, par exemple le caravansérail de Salonique et la maison de Melnic (frontière de Bulgarie et de Macédoine), nous donne encore le type syrien. Viennent ensuite douze pages de vignettes tirées du Ménologe du Vatican (XI^ siècle) et autres manuscrits ou reproductions de célèbres mosaïques. Ces des- sins, classés d'après les analogies, nous don- nent différents types de maisons, des péristyles, des détails décoratifs. Enfin les dernières feuilles de ce chapitre contiennent de nombreuses minia- tures du Skylikzès, qui raconte l'histoire byzan- tine depuis l'avènement de Michel Rhangabé (811) jusque vers le milieu du XP siècle. On distingue dans cet important manuscrit trois manières principales : la première donne des

Monastère d Iviroo, au Mont-Athos (d'après une photographie de M. G. Millet).

architectures très intéressantes par leur caractère de vérité, mais les monuments y sont en géné- ral extrêmement simplifiés ; dans la seconde ma- ! nière, les architectures sont plus développées, mais aussi plus conventionnelles ; dans la troi- sième, elles présentent le même caractère, mais avec plus de finesse dans l'exécution et des fonds polychromes.

La description du palais des Blachernes et du Boucoléon, avec leurs dépendances, occupe une grande partie du chapitre cinquième. Il est illus- tré de nombreuses vignettes empruntées au ma- nuscrit de Skylikzès et de quelques fresques de Ste-Sophie de Kiew. En terminant, l'auteur parle des jardins de Constantinople, sur lesquels on en est réduit aux conjectures. Ils devaient être petits et réguliers ; mais en dehors de la ville il y avait de grands parcs pour la chasse.

La quatrième partie, consacrée aux palais by- zantins en dehors de la Grèce, a 3 chapitres :

Ravenne et le palais de Théodoric ;^ Venise et ses palais byzantins ; le Kremlin.

Les colonnes, les statues et les mosaïques du palais de Théodoric. qui était une imitation de celui de C. P., furent transportées à Aix-la- Chapelle par Charlemagne ; aussi reste-t-il peu de chose de ce monument; mais on peut voir la porte extérieure et juger de sa façade principale par la mosaïque de S. Apollinaire Nuovo. L'au- teur dit quelques mots du mausolée de Théo- doric et attire l'attention du lecteur sur les cam- paniles et les fenêtres à arcades nettement byzan- tins des églises de Ravenne.

« Venise fut tributaire de Byzance plus encore sous le rapport des arts qu'au point de vue poli- tique. » Les artistes qui s'y réfugièrent lors de la persécution des Iconoclastes, et ceux qui y furent appelés par les doges, entre autres Orseolo, reconstruisirent S. Marc, bâtirent des églises et des palais du IX^ au XI P siècle. Le caractère

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WitWt tJC rSrt tf)rétien*

byzantin de ces monuments est évident ; mais les architectes locaux firent des emprunts à l'art copte et arabe et des modifications tenant à la race, au climat et aux mœurs. Ces palais servirent de modèle à ceux que les Vénitiens construi- sirent pendant le moyen âge et la Renaissance. M. de Beylié donne la représentation de plusieurs de ces palais et de deux maisons de Cluny du Xle ou XII* siècle. On peut ainsi constater que nos habitations romanes présentent de singu- lières analogies avec celles de Venise.

L'art russe est un mélange de l'art byzantin, qui prédomine, et de l'art hindou ; mais l'in- fluence byzantine fut limitée à la religion et à la cour. L'auteur étudie trois édifices de ce style à

Moscou, le palais Anguleux et le Térem ou Bel- védère situés l'un et l'autre dans le Kremlin et la maison des Romanow. Le Térem fut construit au XVII<^ siècle par des architectes russes; mais l'extérieur du palais Anguleux et de la maison des Romanow, bâties aux X\'" et XVI" siècles, par des Milanais, a le caractère de la Renaissan- ce italienne. L'intérieur est nettement byzantin, sauf le mobilier qui est en style Louis XIII. A part les portraits des souverains, les sujets sont généralement religieux, comme à Constantino- ple; bien plus ils sont souvent empruntés à l'his- toire byzantine, par exemple, les gestes de Cons- tantin et d'Hélène, la condamnation des Icono- clastes. Ces palais nous fournissent le seul inté-

Palais de Théodoric à Ravenne (VI"; siècle). (Mosaïque de Saint- Apollin.iire (Nuovo).

rieur princier byzantin qui existe encore. La description et les phottjgraphies de l'auteur per- mettent de reconstituer dans des conditions acceptables un appartement du palais impérial de Byzance.

La cinquième et dernière partie traite en trois chapitres ; de la décoration polychrome ; des portes, du mobilier.

M. le général de Beylié réunit et complète ici les données éparses dans tout l'ouvrage sur la décoration et le mobilier.

La décoration polychrome (mosaïques, incrus- tations et placages, que les Byzantins héritèrent des Alexandrins), passa tout naturellement de l'intérieur et de l'extérieur de leurs maisons à la basilique qui en dérive et aux églises. Les Russes l'emploient encore sur leurs façades et leurs cou- poles. — Dans ce chapitre l'auteur a beaucoup emprunté pour le texte et les gravures à l'his- toire de l'art depuis les temps chrétiens de M. Gaston Millet.

Dans le chapitre deuxième, il s'agit des luxueuses portes byzantines, quelquefois pleines, le plus souvent seulement plaquées de métal, incrustées et damasquinées.

Jusqu'au XI 1" s., le mobilier était semblable dans ses formes générales à notre mobilier du moyen âge, mais il était richement décoré d'émaux et d'ivoires, au moins les lits, les sièges en forme d'X et les fauteuils. Les coffres étaient plus sobres d'ornements. Les armoires et les bi- bliothèques étaient rares et modestes et rempla- cées par des placards. Les objets précieux, les effets étaient renfermés dans des gardes meubles et n'étaient exhibés, comme font encore les Chinois, que dans les grandes occasions: le bibe- lot civil n'existait pas. C'était dans les étoffes, les armes, la vaisselle, les lustres que se manifestait le luxe. Ce chapitre contient de nombreux des- sins et quelques belles mosaïques représentant des meubles divers.

En trois pages, l'auteur donne sa conclusion,

Bibltûsrapl)te.

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qui est déduite logiquement, clairement, sans exagération ni parti-pris. Le résumé de cette conclusion nous intéressera particulièrement, nous Français ; «; En somme, la maison byzan- tine, à en juger par les exemples que nous en avons donnés, ne différait pas beaucoup, comme extérieur tout au moins, de la maison moderne du bassin de la Méditerranée. Un Français du XX^ siècle, qui serait transporté subitement, par une machination de féerie, dans la Byzance de Nicéphore l'hocas serait certainement moins étonné que ne l'ont été les pèlerins latins du moyen âge lesquels, nous dit la chronique, res- taientbouche bée etbras ballantsdevant les églises à coupole et les palais aux beaux portiques et

aux larges fenêtres vitrées et aux terrasses à ba- lustres si peu semblables aux massives construc- tions seigneuriales de l'Europe.aux portes basses, aux fenêtres étroites et menaçantes, aux salles sombres et peu aérées. Notre Français se trou- verait, avec un peu de bonne volonté, en pays de connaissance. 1 1 reconnaîtrait, peut-être vague- ment,dans le palais de la Chalci la façade de feu le palais de l'Industrie ; dans les rares palais con- stantiniens encore debout la Madeleine, la Bourse et la chambre des députés ; dans les portiques de la grande rue centrale de la Mésé, la rue de Rivoli et les galeries du Palais-Royal ; dans les caravansérails et les monastères non pas les grands hôtels de Paris, mais les casernes aux

Mosaïque de Sainte-Sophie (< L'art byzantin », par Bavet.)

façades banales et aux multiples étages qui ont abrité plus ou moins confortablement ses années de service militaire. Seul l'Hippodrome l'étonne- rait un peu, à moins qu'il n'ait vu les arènes de Provence et d'Italie.

« Le parallèle est peut-être excessif et para- doxal ; aussi ne le donnons-nous pas sans un peu d'ironie, mais il a l'avantage de rendre tan- gible une idée que nous avons souvent émise dans le cours de cet ouvrage : c'est que dans son apparence l'habitation byzantine différait moins de nos maisons modernes qu'on ne le pense généralement et que certaines histoires de l'ha- bitation humaine, à commencer par celle de Charles Garnier, tendraient à le faire croire.»

Ce livre, même pour un spécialiste, peut être considéré comme un essai très important de syn-

thèse sur l'un des points les plus difficiles de la civilisation et de l'art byzantins. Les matériaux sont abondants, la littérature spéciale soigneuse- ment consultée, de telle sorte que peu de chose a échappé à l'auteur. Le souci de l'exactitude est digne d'un vrai savant : ainsi le général de Beylié nous avertit par une note que tel détail n'a pas été bien rendu dans une vignette. En même temps le désir de la perfection artistique le porte à rectifier certains dessins, dont le modèle est trop grossier ou trop primitif.

Un ouvrage de ce genre perdrait beaucoup de sa valeur sans une méthode nettement tracée et fidèlement suivie, sans un langage clair, pré- cis, scientifique sans pédanterie, et même pit- toresque, puisque souvent il faut décrire. Pour éviter la monotonie et la sécheresse, il importe de

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îRebue lie V^xt cJ)rétien.

savoir varier le style, faire ressortir un contraste, amener un trait historique, tirer de l'œuvre même quelqueanecdote intéressante,par exemple du sujet représenté par une mosaïque. L'auteur a satisfait pleinement à toutes ces difficiles con- ditions.

L'exécution matérielle du travail ne laisse rien à désirer. L'impression est très soignée et fait le plus grand honneur à la maison Allier frères. M. Le Jourdan mérite les mêmes éloges pour la phototypie.

Une table des 400 illustrations, qui indique en chiffres grecs les 99 planches hors texte, est jointe à la table des matières.

Dom E. ROULIN.

LE DROIT D'ENTRÉK DANS LES MUSÉES, par M. Henry Lapauze. Paris, 1902, Société fran- çaise d'imprimerie et de librairie, 15, rue de Cluny.

L'AUTEUR est partisan des entrées payan- tes avec des jours gratuits et des cartes de faveur libéralement distribuées.

Et il a bien raison.

Depuis vingt-huit ans le système fonctionne légalement en Italie et a donné d'excellents résultats : depuis une dizaine d'années, il est de temps en temps préconisé en France.

Pour donner à l'opinion publique de France les moyens de s'éclairer sur la question, M. Lapauze a fait une enquête dans toute l'Europe.

Il nous apprend qu'il a accompli des voyages répétés à l'étranger, qu'il a contrôlé ses propres observations par les déclarations écrites des directeurs des grands musées de l'Europe, décla- rations obtenues au moyen de questionnaires détaillés.

Je ne m'occupe que de l'Italie. Eh bien ! je constate que l'enquête faite dans ce pays, soit par M. Lapauze, en personne, soit par les question- naires, est absolument insuffisante.

Et je le prouve.

L'auteur parcourt certaines villes d'Italie les unes après les autres et consacre à chacune un chapitre spécial.

A Rome, M. Lapauze a oublié la Galerie mo- derne, qui correspond à l'idée qui a doniié nais- sance au musée de Luxembourg à Paris.

Et, chose plus incompréhensible, l'auteur ne dit mot de la Pinacothèque du Vatican.

En fait de musées pontificaux, il cite le musée de Latran et le < Vatican. Tous les jours, de 10 h. à j h. (excepté le dimanche). Entrée i fr. Le samedi l'entrée est libre ».

Il est clair que la mention ne s'applique qu'au musée de sculpture et à ses annexes, car l'accès de la Pinacothèque est gratuit.

M. Lapauze a oublié également la Galerie de l'Académie de Saint-Luc, et cependant il marque les galeries particulières Barberini, Doria, Co- lonna.

A la suite de ces galeries, l'auteur indique la galerie Corsini.

Il ignore évidemment qu'en 1883 le prince Tomaso Corsini a fait don à l'État des tableaux réunis par ses ancêtres à la Longara ; depuis cette époque l'État a joint aux tableaux de Corsini des peintures provenant de Torlonia et du Mont-de- Piété, et la galerie a été dénommée Galerie nationale.

A Naples, c'est plus fort qu'à Rome, si c'est possible.

A lire M. Lapauze, il n'y aurait dans cette cité qu'un seul musée, le musée civique de Filangieri.

Par quelle incroyable distraction l'auteur a-t-il pu oublier non seulement le musée secondaire de San Martino mais le musée royal, un des plus importants de l'Italie ?

Les omissions inexplicables que je viens de citer suffiraient pour juger la valeur de l'enquête de M. Lapauze, mais il faut aller plus loin.

L'auteur omet les collections royales de l'arme, Modène, Lucquss, Palerme, Tarente, Syracuse ; la galerie des armes de Turin et le musée de San Marco, de Florence.

Je me suis tenu jusqu'à présent dans les musées de l'État ; voyons maintenant les musées et galeries civiques c'est-à-dire municipales.

M. Lapauze en nomme quelques-uns, mais il a négligé Pérouse, Pise, Sienne, Vérone, etc., pour ne citer que les plus importants parmi les cent soixante que possède l'Italie.

Il n'a porté aucune attention non plus aux musées spéciaux des églises, et cependant le musée de l'Opéra du Dôme de Florence et celui de la cathédrale de Sienne méritent qu'on s'y arrête ; ils sont, ainsi que des musées civiques que j'ai nommés, beaucoup plus importants que nom- bre d'établissements mentionnés par l'auteur.

Le gouvernement italien a soumis à la taxe diverses localités qui ne sont pas des musées pro- prement dits.

Ce sont les excavations du Forum romain, du Palatin, des Thermes de Caracalla, de Pompéi, d'Herculanum, de Pœstum.

M. Lapauze n'en dit mot, pas plus que des chapelles, réfectoires, salles capitulaires détachées

Bibltograplîie.

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des églises et des couvents et soumis à la taxe d'entrée tels par exemple que le réfectoire de Santa Maria délie Grazie à Milan se trouve la Cène de Léonard de Vinci, et la chapelle des Mé- dicis, dans l'église San Lorenzo à Florence, célè- bre par les tombeaux sculptés par Michel- Ange.

Il me semble que lorsqu'on plaide la cause des entrées payantes, il est utile de tenir compte des recettes et de l'usage qui doit en être fait.

M. Lapauze a négligé ces détails, quoique Pompéi donne de 45,000 à 50,000 francs par an, et la chapelle des Médicis près de 12,000 francs.

L'auteur donne bien quelques indications sur les recettes effectuées par l'État, mais ses indica- tions sont incomplètes ; sur Rome, par exemple, il est muet.

Ce qui paraît étrange, c'est qu'il ne se soit pas inquiété de la somme totale encaissée annuelle- ment par l'État dans l'ensemble des établisse- ments soumis à la taxe.

Le chiffre cependant est un argument, puisqu'il est de 500,000 francs, que tous les ans il est en croissance et que vraisemblablement il sera cette année au moins de 550,000 francs.

Je parle des recettes faites par le Trésor public et non de celles des musées pontificaux et des musées civiques, qui peuvent être évaluées à une somme de près de 100,000 francs environ.

Je crois que M. Lapauze ne s'est pas bien rendu compte de la loi italienne de 1875, sur les taxes et l'usage qui peut en être fait.

En tout cas, il n'en parle pas.

Il y a cependant une disposition remarqua- ble et digne d'être signalée.

Les sommes encaissées par le Trésor, de ce chef, ne peuvent en aucun cas, être employées à des augmentations de traitement du personnel des musées ni à des créations d'emplois nou- veaux, elles sont exclusivement applicables aux dépenses du matériel, et à l'acquisition d'oeuvres d'art, en plus, bien entendu, des crédits habituels Votés par le Parlement.

J'en ai dit assez, je crois, pour montrer que l'enquête sur l'Italie faite par M. Lapauze ne saurait être utilement consultée, lorsque la taxe d'entrée dans les musées de l'État et dans les établissements d'art de la France sera de nouveau mise à l'ordie du jour du parlement.

A présent j'aborde une affaire qui m'est per- sonnelle.

Depuis dix ans je demeure en Italie, j'ai recueilli les renseignements nécessaires à la publication d'un travail sur l'organisation des

Beaux-Arts en Italie : musées, enseignement, conservation, etc.

Je ne me suis pas contenté d'envoyer des ques- tionnaires, j'ai étudié avec attention les lois et les règlements sur la matière et leurs applications.

Il n'y a pas de pays au monde qui possède une plus grande quantité d'objets d'art et pas de pays non plus où, en raison des divisions territoriales de jadis, aujourd'hui heureusement disparues, il n'a été fait plus de lois et de règlements.

Partisan résolu de la taxe d'entrée dans les musées avec, bien entendu, des jours gratuits et des cartes de faveur généreusement accordées, j'ai commencé dès 1894 dans le journal Le Temps et dans d'autres journaux de Paris, je ne puis dire une campagne, mais une série d'articles pour démontrer, par l'exemple de l'Italie, que la taxe n'était nullement contraire aux principes démo- cratiques et qu'elle avait eu pour la prospérité des musées des effets très efficaces.

En lisant le livre de M. H. Lapauze, j'ai été très étonné de voir que l'auteur avait, en une douzaine de pages, reproduit mes articles du Temps : il m'a nommé, il est vrai, et il a nommé le journal.

Mais il ne s'était pas donné la peine de me demander mon assentiment.

Ne connaissant rien aux lois françaises sur la propriété littéraire et comme lorsqu'on vit à l'étranger depuis dix ans on perd petit à petit ses anciennes relations, j'ai eu recours à V Intermé- diaire des chercheurs et des curieux et, dans le numéro du 20 mars 1903 j'ai posé la question suivante :

« Droit de reproduction. J'ai publié dans un journal quotidien plusieurs articles sui un sujet spécial. Les arti- cles étaient destinés à un livre que je prépare ; un écri- vain a annexé mes articles à un de ses volumes sur le même sujet. 11 m'a nommé et a nommé le journal, mais il ne m'avait pas demandé l'autorisation préalable et même il ne m'avait pas prévenu.

« A-t-il droit de s'emparer ainsi de mon texte.' »

Un auteur.

Le 30 avril, M. G. Rabaroust que je n'ai pas l'honneur de connaître, a répondu ce qui suit :

< Dans l'espèce présentée aujourd'hui par l'intermé- diaire qui se plaint d'avoir été pillé comme auteur je ne vois apparaître aucun motif dexceplion a la rèj^le com- mune, bien que le fait incriminé soit en quelque sorte autorisé par l'usage.

« Le principe n'est pas douteux : toute sa vie l'auteur a le droit exclusif de publier l'œuvre littéraire qu'il a créée, article de journal ou autre. Lui seul a la faculté d'exploiter son œuvre et d'eu disposer librement.

« Il a été maintes fois jugé que le fait de reproduire sans autorisation, par la voie de la presse, des articles parus dans un précédent journal, constituait pour le propriétaire du journal reproducteur le délit de contrefaçon.

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3Rebue ïjc V^vt tbrétten.

« Cr. T., oct, tSjo. D. t. Cr. Prop. Litt. z8çg. Paris, 2^ novembre lSj6, ibid. Trib. comin. de la Seine, 6 jatwier t8j8, ibid. Rouen, ro et ij dt'cembre iSjç, ibid.

« ...alors même que ces articles auraient été reproduits par d'autres journaux avec la permission de l'auteur et même par un journal sans cette permission.

<,< Mime arrêt du ij décembre /Sjç.

« h fortiori, si c'est en dehors de la presse qu'est repro- duit l'article.

G. Rab.-vroust. »

Si M. Henri LapauZE veut répondre à ma cri- tique de son livre et à la consultation de M. G. RabarouST, je prie M. le Directeur du journal Les Beaux- Arts de lui ouvrir ses colonnes.

Florence, Juin 1903.

GERSrACH,

Administrateur honoraire de la Manufacture des Gobelins.

P. S. En décembre 1903, M. H. Lapauze n'avait pa»; répondu à mon invitation.

MÉMOIRE SUR LES PRINCIPES DES PRO- PORTIONS EN ART, par MM. Jaminé et Peeters. (Ann. du Coni^^ns archéolos:^ique de Tongres en içoi ).

LA question des tracés eurythmiques dans les monuments anciens et en particulier dans ceux du moyen âge, est vieille de plus d'un demi-siècle. J'en ai rappelé les précédents et fait connaître les plus récentes investigations, no- tamment dans la Revue de l'Art chrétien (année 1900, p. 340), dans mon mémoire sur les Piincipes du Beau en architecture (') et dans mon Traite d'Architecture (t. V). Je rappellerai encore que feu Aurès a laissé là-dessus foute une collection de savantes études {-), que V. Heszelman, suivi par Albert Lenoir, a été le principal vulgarisateur des lois eurythmiques, reprises plus tard par Viollet-le-Duc; il faut citer encore à ce sujet les études de MM. Babin et Faure (3) et spéciale- ment les toutes récentes découvertes de M. Lam- perez, que nous avons exposées ici même (''), Il s'agit de divers tracés canoniques, appliqués surtout à l'élévation des églises gothiques, et en outre, des règles traditionnelles pour le tracé de leur plan, tracées en 168 1 par l'architecte Simon Garcia de Salamanque {=>).

Un rappel de toutes ces sources eût avanta- geusement figuré en tête de l'intéressant inémoire présenté au Congrès archéologique tenu à Ton- gres en 1901 par M. Jaminé (6). Il a pour sujet la réponse à cette question,que se pose l'auteur à lui-

1. Bruges, Desclée. De Brouwer et C'=, 1900.

2. V. Revue de 1^ Art chrétien, loc. cit.

3. \^ Ibid.

4. V. thid. . 1902, p. 344.

5. V. IHd., 1900, p. 341.

6. L'auteur semble (p. 4) méconnaître ces nombreu.'c travaux.

même : Les principes des proportions de majeures et mineures proportionnelles ont- ils été d'application constante pendant le moyen â<^e dans l'art de l'ar- chitecte, du sculpteur et du peintre ?

Cet énoncé paraîtra énigmatique à beaucoup de lecteurs; il aurait peut-être été préférable de se demander si les artistes médiévaux se sont servis d'échelles eurythmiques basées sur la pro- gression géométrique et sur l'application de triangles dits Égyptiens. L'explication donnée par des exeinples numériques, de la formule pré- citée, ne sert guère qu'à embrouiller les idées; du moins nous avouons n'avoir pas réussi à y voir bien clair.

Néanmoins il résulte du très curieux travail de M. Jaminé une confirmation de ce qui était pour nous déjà une conviction morale, à savoir, que dans certaines limites, que j'ai précisées ailleurs, les règles eurythmiques en question ont été d'un usage fréquent et sont d'une application des plus rationnelles.

D'ailleurs, notre confrère a poussé l'examen de la question dans un domaine nouveau, celui des ai'ts accessoires et des objets mobiliers, et il retrouve trace de ces règles eurythmiques dans quantité de petits monuments romans et go- thiques, tels que le reliquaire de la sainte Croix de Tongres, l'ivoire de l'évangéliaire de Tournai; des statuettes, des peintures, etc.

L. Cloquet.

DICTIONNAIRE D'ARCHÉOLOGIE CHRÉ- TIENNE ET DE LITURGIE, par le R. P. Hern, F. Cabrol. Paris Letouzey, 1903.

Le troisième fascicule de ce savant recueil contient un important article du Directeur du Dictionnaire lui-même sur la liturgie ancienne, anténicéenne et postnicéenne, de l'Afrique. l,a liturgie africaine, dont les documents ont disparu, est cependant de première importance, comme étant la plus ancienne liturgie latine dont on puisse essayer la restitution, grâce aux mentions qui se rencontrent dans les textes ; on peut même y rechercher les premières origines de la langue liturgique latine. Le savant auteur, en étudie les sources, les cérémonies et notamment les fêtes des martyrs et le culte des morts, les agapes, la messe, les sacrements, etc.

L'archéologie de l'Afrique elle-même offre un intérêt majeur, car elle offre, à cause des études suivies dont elle a été l'objet de la part des savants français, des documents plus nom- breux que celle d'aucune autre région du monde antique. Des fouilles retentissantes ont été ouvertes durant ces dernières années dans

Btbltograpl)te,

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ces contrées dont le soi est si riche en vestiges des premiers siècles de l'ère chrétienne ; seule- ment le désarroi règne encore dans cet amon- cellement de documents lapidaires, et aucun classement sérieux n'a encore pu être entrepris. Dans le mémoire considérable qu'il y consacre, M. H. Declercq se borne à un dépouillement très précis des connaissances acquises par les laborieuses investigations dont notre collabo- rateur le R. P. Delattre s'est fait le grand pion- nier et M. S. Gsell, le savant publiciste. Signalons, parmi les monuments étudiés, les nteiiioriœ des martyrs, comme la chapelle d'Alexandre àTipasa, les temples païens transformés en oratoires chrétiens, les basiliques chrétiennes proprement dites, comme la chapelle et la grande basilique de Tigzirt, le Dar-el-Kons au Kef, la chapelle tréflee d'Agemounni à Oubekkar, la basilique de Sainte Salsa à Tipasa, la vaste basilique de Damous-el-Karita à Carthage et surtout la basi- lique de Tebessa, qui a tant occupé les archéolo- gues. Les baptistères, les autels, les tombes en mosaïques, les fresques, les sarcophages sont l'objet de chapitres annexes.

Une autre étude considérable est consacrée aux antiques agapes; elle est illustrée de nom- breuses gravures reproduisant les lieux de réunion des agapes, les inscriptions qui y font allusion, les fresques qui les représentent, etc., etc. ; c'est tout une vaste iconographie. La monographie consacrée au monastère à'Agauiie est surtout d'ordre historique, mais renferme la description illustrée de la fameuse châsse mérovingienne du trésor de Saint-Maurice ; M. Declercq est encore l'auteur de cet article. Le fascicule se clôture par le commencement d'une étude symbolique de Y Agneau.

L. C.

DICTIONNAIRE DE LA BIBLE, publié par F. ViGOUROUX, XVP fascicule. Paris, Letouzey, 1903.

Ce fascicule traite des sujets classés dans l'ordre alphabétique entre les mots Fontaine et Gaza. On y trouve beaucoup de pages de haute érudition, notamment sur les versions françaises et gaéliques de la Bible, sur les travaux bibliques des Franciscains, sur les funérailles chez les peuples de l'antiquité, sur divers métiers, tels que celui de forgeron ou de foulon, sur la géographie des pays de Gad et de Galilée. Aucun de ces articles, si intéressants soient-ils, n'est de nature à être analysé ici, mais le lecteur adonné aux recherches d'érudition nous saura gré de les avoir signalés.

L. G

RÉPERTOIRE BIBLIQUE A L'USAGE DU TOURISTE EN BELGIQUE, par E. SonNEVILLK. Bruxelles, Vromant, 1903. Prix : i fr. 25.

Le Toiiring Cliil>,ça.v la multitude de ses mem- bres et par sa bonne organisation, est devenu une petite puissance en Belgique. Son journal est fort intéressant, ses adhérents se recrutent dans la meilleure société et comptent dans leurs rangs quantité d'érudits. Cette société vient d'éditer à l'usage des intellectuels de la pédale un recueil bibliographique superbe, embrassant toute la littérature historique et descriptive de nos villes, œuvre qu'on avait attendue en vain jusqu'ici dans nos sociétés savantes.

L. C.

ÉTUDE SOMMAIRE DU BAPTISTÈRE DE SAINT-JEAN DE POITIERS, par le R. P. C. DE LA Croix. In-8°, 86 pp. Poitiers, Blois, 1903.

On a divagué durant un siècle sur le pré- cieux monument latin qu'a visité cette année la Société française d'archéologie ; mais ses membres ont trouvé dans le Père de la Croix un cicérone à même de leur dire à son sujet l'exacte vérité, car il doit une part de sa grande notoriété aux études qu'il a faites durant sept ans sur le fameux baptistère dont il prépare la mono- graphie.

En attendant il nous en donne une description sommaire mais précise, d'une précision scienti- fique rigoureuse. Puis il pose le problème de sa destination. Ce n'était pas un temple, car l'édi- fice, caché au public par ses annexes, était dénué d'autel et muni d'une piscine. Etait-ce bien le mausolée de Claudia-Varenilla ? La remar- quable épitaphe du musée poitevin paraît anté- rieure à l'édifice, il n'y avait pas place pour un mausolée pas plus que pour un autel, vu la pré- sence de la piscine centrale. La présence de celle-ci doit faire deviner un baptistère ; et de fait, toute l'ordonnance du monument se rapporte à cette affectation ; elle réalise parfaitement tout le programme liturgique du baptême par immer- sion telle qu'il se pratiquait à l'époque de son édification.

Cette époque ne peut être antérieure à l'édit de Milan (310) ; l'édifice est fait entièrement de matériaux de remploi antérieur au IV<= siècle ; il est visible que ses constructeurs étaient des chré- tiens pressés de jouir de la liberté dont ils venaient d'être investis. Le savant P. Jésuite pense que le baptême à immersion aurait été remplacé par celui à infusion vers la fin du VIP siècle époque des aménagements mérovingiens, suivis des re- maniements carolingiens et de nouveaux amé-

78

WitWt tir rSrt cf)rétten.

nagements nombreux au cours du siècle suivant. Ces questions, que nous ne faisons que résumer, sont élucidées à grand renfort d'arguments basés sur une étude de l'édifice vraiment anato- mique, et sur la critique historique la plus ap- profondie.

L. C.

L'ÉGLISE DE SAINTE-MARIE DES AN- GLAIS, par L. Régnier. Broch. Caen, Delesque, 1903.

Ce minuscule oratoire roman de Calvados, qu'a fait connaître de Caumont, est en train de périr. M. Régnier a fait ce qu'il a pu pour lui, ou plutôt pour la science, savoir une bonne petite monographie du modeste monument. Ses bases pattées, ses chapiteaux godronnés, ses corbeaux de corniche à copeaux, ses restes de fresques, ses portes à l'archivolte ornée de tores en zigzag, ses tombes du XIIP siècle, lui donnent un vif intérêt.

L. C.

GOURNAY-EN-BRAYET SAINT-GERMER,

par L. Régnier. Broch. Orner, Delesque, 1903.

Cet opuscule, fruit d'une excursion faite par V Association normande, est un recueil de notes archéologiques sur l'abbaye de Saint- Germer de Fly ; i'église, du XIII<^ siècle, se rattache à l'Ile de Franco avec quelques emprunts à l'école nor- mande. On connaît sa grille du XIII' siècle, son autel roman. La chapelle de la Vierge est une merveille qui fait penser à Pierre de Mon - tereau. Des traces de la décoration picturale subsistent, ainsi que les vitraux de l'abside.

Gournay n'a conservé que deux de ses an- ciennes églises, celles de Saint-Hildevert ;M. R. refuse à cette collégiale l'ancienneté qu'on lui attribue généralement, et la date du commen- cement du XII« siècle : il en donne un plan en y marquant les remaniements successifs ; les parties reconstruites sont analogues à l'église de Saint-Germer.

L. C.

LE NORD-EST DE LA FRANCE, par BaE- DEKER. Paris, OUendorff, 1903.

La septième édition du guide de Baedeker, consacrée aux Ardennes, aux Vosges et au Rhône, résume tous les renseignements les plus neufs pouvant intéresser les voyageurs, en ce qui concerne une des contrées les plus remarquables de la France et de l'Europe. Les guides de cette collection ont d'ailleurs atteint une perfection re- lative, à laquelle il serait difficile d'ajouter quel-

que chose. Cependant ce serait possible à cer- tains égards ; et, pour la partie qui nous concerne, nous constatons un certain défaut de méthode dans la description des monuments. Bien décrire un édifice en quelques lignes, n'est pas chose à la portée du premier venu. Si l'éditeur nous en croyait, il confierait, par exemple, la description des monuments anciens notables à un archéo- logue très entendu, et sachant condenser sa pensée. Il élaguerait des détails superflus ou inexacts, insisterait sur les caractères typiques, se servirait de termes parfaitement appropriés, placerait aux vrais bons endroits l'accent qui suggère l'admiration légitime. On ne dirait pas que l'église de Saint-Quentin est en croix archiépiscopale, et que le chevet deLaon est carré (ilestplat).On ne s'attarderait pas à l'église chimé- rique que pouvait être le transept de Soissons ; on dirait quelques mots de l'ordonnance générale (une perfection) de la cathédrale d'Amiens au lieu de se borner à l'énumération de la statuaire. On ferait remarquer la sveltesse suprême de St-Urbain à Troyes, qui est la plus aérienne des églises anciennes ; on s'abstiendrait de proférer cette énormité, que Guillaume de Sens a « in- venté l'ogive » ; on insisterait sur les caractères spéciaux de l'art bourguignon, qui s'accusent si évidemment dans les monuments romans de Vezelay, de Beaune, d'Auch, dans les églises gothiques telles que celles de Dijon, les cathé- drales d'Auxerre et de Sens etc. Nous citons au hasard ces petites imperfections, non pas du tout pour débiner un travail qui est dans son ensemble d'un grand mérite, mais dans l'espoir d'y voir se réaliser une perfection nouvelle.

L. C.

L'ARCHITECTE DE LA COLLEGIALE DE SAINTE-WAUDRU, A MONS, par J. HUBERT.

Mens, 1902.

M. l'architecte J. Hubert vient de publier en brochure une intéressante communication qu'il a faite au Congrès archéologique et historique de Bruges.

Il y reprend une question déjà traitée et résolue par lui comme nos lecteurs le savent :

Quel est l'architecte qui a conçu le projet de Sainte- IVaudru, â Mons? Voici sa conclusion:

« En 1449, tout était prêt pour commencer les travaux. Le Chapitre provoque une consulta- tion de quatre architectes. Jean Huwcllin est ap- pelé çout prendre advis de conwiinchier à ordonner et mettre eti forme l'ouvrage ; Michel de Rains, pour avoir son advis ; les deux autres, pour ac- compagner les précédents. Évidemment, l'auteur du projet se trouve parmi ces quatre architectes;

Btbltograpl)ie,

79

nous pensons que c'est Huwellin, mais nous faisons des réserves, parce que les comptes ont des lacunes ».

Dans une espèce de thèse présentée il y a quarante et des ans, feu L. Dethuin affirmait avoir découvert l'auteur du projet et semblait dire d'abord que c'était Michel de Rains, lequel aurait été choisi par le Chapitre pour dresser les plans de l'église. Il parle peu de Spiskin, un autre architecte, venu pour conduire les travaux qui ont été ajournés. Il signale l'arrivée tardive de celui-ci, le ravale en disant qu'il est sous les ordres de de Layens et finit sans conclure. Quel- ques mois plus tard, il publie la seconde partie, dans laquelle, sans préambule, il déclare que c'est Spiskin qui est l'auteur du projet. Il s'est dis- pensé ainsi de fournir une preuve qui n'existe pas.

M. Boghaert-Vaché a annoncé dès 1898 une prétendue découverte. Selon lui, deRains a donné \&s plans, mais Spiskin a conçu \e projet ! Si l'on recherche les fondements de son opinion, on ne trouve que des déclarations inexactes emprun- tées à Dethuin, des équivoques, des suppositions gratuites substituées à des textes précis. C'est ce que M. Hubert établit avec une implacable argumentation.

L. C.

CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE POITIERS (1903), par M. L. Quarré-Reybourbon. Broch. in-8°. Darcel, Lille, 1903.

M. Q. R. est un assidu de congrès, il pré- sente souvent des communications. En suite du congrès archéologique de France il a donné à la Société de Géographie de Lille, dont il est Vice- Président, un rapport très développé et très étu- dié, qu'on peut considérer comme un guide archéologique dans la région poitevine.

DIE ROMISCHEN KATAKOMBEN, par le D''A. Weber. In- 12, de 176 pp. Pustet, Ratisbonne, 1903-

Nos lecteurs connaissent l'excellent guide très précis et très exact, que notre ancien collabo- rateur feu Barbier de Montault a édité chez Desclée sur les catacombes romaines. On peut placer au même rang, pour la langue alle- mande, celui du D'^ Antoine Weber, auquel la maison Pustet vient de donner le jour ; il est enrichi d'abondantes illustrations.

DE L'INVENTION A L'EXALTATION DE LA SAINTE CROIX, par L. DE CoMBES. In-8°, 300 pp. Paris, édiieur de VArt à l'autel, 1903.

Nos lecteurs connaissent l'auteur de ce livre, lequel est le second d'une série ; nous avons parlé du premier : La vraie Croix retromiee. Dans le présent volume, il est question de la basilique tripartite de Sainte-Hélène à Jérusalem et des souvenirs de la Passion dont elle était pleine : le saint-Sépulcre, le Calvaire, les reliques, le portrait du Christ, l'Exaltation de la SaiiiteCroix, tous sujets palpitants d'intérêt pour le public au- quel nous avons l'honneur de nous adresser.

L'auteur s'occupe d'abord delà basilique Con- stantinienne, sujet que nous avons naguère ré- sumé d'après l'abbé Legendre ('). On admet généralement jusqu'ici comme plausible la resti- tution de M. Schick, que nous avons donnée naguère (-). Elle suppose que l'abside ronde du niartyriiim est à l'opposite de Vanastasie, la ba- silique de Ste-Hélène s'appuyant par ses nefs à Vatriuin. M. de Combes avance, qu'au contraire l'abside de la basilique était contiguë à l'un des trois bras des portiques (de l'atrium) ; et voici comment il justifie son opinion :

« Eusèbe, en effet, après avoir constaté que l'atrium était entouré de portiques sur trois côtés, ajoute : « La Basilique est contiguë à ce côté qui, regardé du Sépulcre, est au soleil levant ».

Il nous paraît que la conséquence ne tient pas dans les prémisses, et nous tenons pour l'avis du P. Germer Durand : le martyrium formait une abside orientale. Néanmoins, comme M. Cler- mont-Ganneau l'a démontré (3) naguère, il est certain que la façade de la basilique regardant l'Est, et non l'Ouest, on accédait aux portes d'en- trée par un escalier monumental, embrassant toute la façade et débouchant sur un grand vesti- bule de colonnes. Ces données auraient être mises à profit par notre auteur.C'est la seule cri- tique que nous ayons à faire à sa restitution très précise.

Quant aux reliques de la Passion, il en a été traité d'une manière particulièrement développée dans nos colonnes par M. de Mély, que notre au- teur invoque souvent parmi nombre d'auteurs. Ses références sont nombreuses et précises ; son livre est œuvre de sérieuse érudition. Il accorde grand crédit à l'histoire, rapportée par Eusèbe, de la statue du Christ, élevée à Forcade deux ans avant la Passion par Ste Bérénice, l'hémor- roïsse miraculée. Il disserte longuement sur les images du Sauveur et la question de sa beauté corporelle, et conclut sur un mot, assez obscur, et qu'il trouve magistral, du triste personnage

1. Revue de VArt chrétien, année i8g8, p. 331.

2. Ibid., p. 332.

3. Séance du 5 août 1897, de V Académie des înscriptiûus et Belles-Lettres.

qui a tant besogné pour profaner le souvenir de S. S. Léon XIII.

Pour décrire le temple restauré du VU'' siècle, M. de C. suit le récit bien connu d'Arculfe. Nous n'y relèverons qu'un passage : « par une fantaisie architecturale inexplicable, l'intérieur était divisé en onze compartiments concen-

triques en forme d'anneaux.séparés par des murs exactement circulaires ». Mais il n'y a rien d'inexplicable. Comme l'a remarqué M. Ch. Lu- cas, il est probable que les trois enceintes dont il est question ici, constituaient un portique inté- rieur et un portique extérieur, ordonnance qui est parfaitement judicieuse et heureuse. L'église

TswWV

actuelle du S. Sépulcre présente encore la colon- nade intérieure.

Le dernier chapitre, intitulé l'Exaltation de la Sainte Croix, est un long morceau d'histoire militaire, un hors-d'œuvre, trois pages seule- ment sur vingt-cinq, de beau style d'ailleurs, sont consacrées à la glorieuse relique.

L. C.

L'ART KT L'AUTEL (septembre 1903).

Nous relevons une notice de M. E. van den Broeck sur le peintre religieux Romain Cazes (1810-1881), qui fut élève d'Ingres et décora plusieurs églises de Paris: Saint- François-Xavier, l'église du Gesu, la Trinité, etc. ; et la fin de l'article du D' Ménard sur la restauration de Saint-Urbain de Troyes. L'auteur continue à

déplorer l'esprit qui a présidé à la remise à neuf de l'antique collégiale et critique, en particulier, la flèche projetée, nullement conforme au dessin de l'ancienne, détruite par la foudre en 1761, et le nouveau porche occidental.

FONDATION PIOT. MONUMENTS ET MÉ- MOIRES PUBLIÉS PAR L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES (T. IX,

1" fasc).

M. Benoît consacre un intéressant travail à la Résurrection de Lazare du musée du Louvre. Cette peinture précieuse prend place immédiate- ment après les deux tableaux du musée de Vienne dans la reconstitution de l'œuvre de Gérard de Harlem, qui mourut à peine âgé de 28 ans. Elle est remarquable par la valeur de la composition, l'excellence des figures et de leurs expressions. M. Benoît remarque que la Résur- rection contient deux portraits, aux extrémités droite et gauche de la composition.

Btbliograpl)te.

8i

Ce fascicule contient encore un article que le regretté collaborateur de \ARevue del' Artchrétien Miintz avait écrit peu de temps avant sa mort sur quelques tapisseries allégoriques. Les tapis- siers ont puisé abondamment dans la littérature et, au moyen âge, les peintres de carton ont mis à contribution les romans et les poèmes allégo- riques. Miintz a successivement étudié les Vertus et les Vices de la collection de M. le baron d'Hu- nolstein, les Moralités de la collection de M. Emile Peyre, le Triomphe de la Pauvreté de M. Patenôtre.

BULLETIN DES MÉTIERS D'ART.

Nous suivons avec intérêt le jeune et vivant organe des écoles de St-Luc.

Jeune, mais fier à ses heures : il assiste, le sourire aux lèvres, aux débats sur la restauration de monuments qui mettent aux prises les cham- pions de l'archéologie et du pittoresque ; il trouve que tous sont... à côté. La vérité là-dessus, il la sait, mais ne veut pas la dire! Il loue les conseils de modération donnés naguère par M. le Ministre Van den Heuvel, non, comme lui, par éclectisme, mais au nom de la prudence : il attend beaucoup de l'avenir et de l'évolution ar- tistique greffée sur la tradition. Ce serait parfait,

si ce n'était que les ruines tombées ne se relèvent pas.

En ce qui concerne la peinture des églises, il la faut, selon lui, partout, mais plus tard, quand les artistes seront prêts, et l'opinion convertie, ce qui viendra.

On ne peut assez louer la remarquable étude du Frère Fidèle, de Lille, qui a paru dans les livraisons précédentes, et oi:i la flore décorative est étudiée avec une méthode parfaite, avec appli- cations charmantes, le tout basé sur les principes scientifiques de la botanique.

Signalons encore une bonne description du nouveau et remarquable portail de la cathédrale de Metz, jadis vanté avec tant de désinvolture par le sieur Bonnefon, trop bien connu depuis la mort de S. S. Léon XI II. L. C.

L'ART SACRÉ.

L'excellente petite revue mensuelle d'art chrétien donne dans son numéro de novembre le texte des études iconographiques de M. P. Bes- nard (S. Jacques-le-Majeur, S. André) et la suite aussi de l'étude posthume de E. Didron, l'artiste chrétien tant rappelé sur les peintures sur verre. Elle continue enfin l'étude de l'abbé B. Cheval- lier sur les carreaux vernissés. L. C.

KEvutt UE L'art CHKÉTIEN. 1904. l" —LIVRAISON.

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d)rOllltIUC. SOMMAIRE : ÉCOLK DES HAUTES ÉTUDES D'ART A BRU- XELLES.— MONUMENTS ANCIENS : Rempart de Limoges; église Saint-Pierre à Cou- tances ; église de Neufchâteau (Vosges) ; église Saint-Pierre de Lisieux ; église Saint-Pierre- les-Étiex ; église de Zande ; cathédrale de Chartres ; église de Fontevrault ; église de Lassay ; Campanile de la basilique de Venise. ~ MUSÉES. EXPOSITIONS.— VARIA. PHOTO- GRAPHIES ARCHÉOLOGIQUES. NÉCROLOGIE : Le chanoine Reusens ; Camille Sitt.-.

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Gcolc Des fautes étuDcs D'art De Briuclles.

U mois de novembre a eu lieu à Bru- xelles la séance inaugurale de YÉcole d Art créée par l'initiative de M. C. Van Overbergh, directeur de l'ensei- gnement supérieur.

Aux premiers rangs de l'assistance, nombreuse et choisie, on remarquait MM. les ministres de Trooz et Van den Heuvel ; MM. C. Van Over- bergh, Verlant, directeur des beaux-arts; Van Overloop, conservateur en chef du Musée des arts décoratifs ; R. P. Van den Ghein, chanoine Pieraerts, directeur de l'Institut Saint-Louis, et un assez grand nombre de dames.

M. le sénateur Braun, président, a pris la pa- role pour exposer à l'auditoire le but de la nou- velle école, qui est principalement de faire des cours et des conférences sur l'histoire de l'art. En d'heureux développements, l'orateur montre la grande part donnée aujourd'hui dans la vie à l'art et la facilité avec laquelle les amateurs peuvent se déplacer pour aller admirer sur place les monuments de nos villes et les chefs-d'œuvre de nos musées, la facilité surtout avec laquelle, monuments, statues, tableaux, pièces d'orfèvrerie se déplacent pour venir, par la gravure, la pho- tographie, les moulages, se mettre à la portée de l'amateur. Que de travaux autrefois irréalisables sont devenus possibles grâce à cet immense progrès !

Tout un enseignement supérieur s'est créé en d'autres pajs, en Allemagne et en France, no- tamment dans les universités ou dans les grandes écoles, sont mis a contribution mille trésors ainsi rassemblés.

Notre pays vient d'entrer dans cette voie. Un arrêté royal a organisé l'enseignement supérieur de l'art à l'université de Liège. Des diplômes de licenciés et docteurs en art et archéologie seront délivres aux étudiants après examens. L'orateur rend hommage à M. de Trooz, qui a voulu réa- liser cetie grande réforme dont l'exemple porte déjà ses fruits, jusqu'à l'imitation de ce qui se fait à Liège ; la nouvelle école de Bruxelles se propose de travailler au même but par des moyens analogues.

M. Braun présente ensuite à l'auditoire les professeurs de la nouvelle école et trace à grands

traits le programme d'ensemble des cours. La première conférence a été donnée par M. André Hallays, le distingué critique d'art des Débats ; il a parlé de la culture du goût et de l'histoire de l'art.

Depuis M. Fierens a inauguré ses leçons sur l'esthétique, et le R. P. Van den Gheyn a fait une conférence sur les manuscrits de la Biblio- thèque de Bourgogne et M. A. Verhaegen une autre sur l'art des vitraux. Nous en rendrons compte ultérieurement. Enfin M. H. Vaes a com- mencé l'étude du cadre des villes.

Monuments anciens.

IMOGES. Le conseil municipal de Limoges a décrété la démolition des restes des anciens remparts, et celle du pont Saint-Etienne, datant du XIV'^ siècle; la Société archéologiqtie du Li- mousin a protesté contre ces brutales décisions.

Coutances. On va restaurer l'église de Saint- Pierre. Le travail est confié à M. l'architecte de la Rqcque.

Neufchâteau. On vient de terminer la res- tauration de l'église de Neufchâteau (Vosges) édifiée au XIII' siècle, remaniée au XVI I^

Lisieux. La flèche de la tour méridionale de Saint-Pierre a été restaurée; on vient de la débarrasser des échafaudages qui la masquaient.

Saint-Pierreles Etiex. La tempête a ren- versé le clocher de cette paroisse de l'Aisne, lequel datait du XII« siècle.

Zande. Le joli clocher roman de la paroisse de Zande en Flandre a également été abattu par l'ouragan.

Chartres. La partie supérieure du beau clo- cher sud (appelé naguère le clocher vieux, en réalité le nouveau) est en réparation. On refait, sous la direction de M. Selmersheim, la restau- ration effectuée au XVIII«= siècle, et qui n'a pas tenu.

Fontevrault. On vient de démolir les plan- ches et cloisons qui déshonoraient l'intéressante église romane, convertie en caserne. C'est à M. Magne, qu'on doit cette réparation importante.

Lassay, l'une des plus pauvres communes du département de Loir-et-Cher, possède une église

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jRrbue tie T^vt cl)vctteiu

du XV'^ siècle, classée parmi les monuments his- toriques. Le chœur est voûté en pierre ; la nef a heureusement conservé sa charpente apparente lambrissée en chêne. Un projet de restauration a été dressé par M. G. Grenouiliot, architecte à Blois, et une demande de secours peu importante est faite au service des Monuments historiques et à la Direction des Cultes. Espérons qu'ils seront accordés.

Strasbourg. Chacun connaît la fameuse hor- loge astronomique de Strasbourg, <( la huitième merveille du monde », disent les habitants de la ville.

Elleaété.la nuit du nouvel an, l'objet d'un vrai phénomène. Le changement d'année a produit dans son mécanisme un mouvement de rouages tellement extraordinaire, qu'il ne saurait se reproduire avant l'an 2000. L'an 1904 est, en effet, le premier centenaire bissextile de la nou- velle horloge. L'an 1900 n'a pas été bissextile, d'après les conventions qui président au calen- drier grégorien.

Environ cent cinquante personnes ont assisté aux mouvements compliqués de l'horloge sur le coup de minuit. Les touristes anglais étaient venus pour assister à cette séance, qui ne se reproduira plus pour aucun de ses spectateurs, car la prochaine conjonction de semblables évé- nements astronomiques aura lieu dans quatre- vingt-dix sept ans seulement.

Notons en passant cette particularité curieuse, que l'horloge astronomique de Strasbourg con- tinue à marquer l'heure française. Elle ne fonc- tionne qu'à minuit vingt-neuf, donc quand minuit sonne à Paris. Il n'a pas été possible de germa- niser le chef-d'œuvre de Schwilgué.

Westmalle. Des peintures murales très inté- ressantes ont été découvertes dans l'église de Westmalle (Belgique). Elles seraient conservées

et restaurées.

* * *

Venise. On achève en ce moment à Venise la pose des pilotis destinés à supporter le nouveau campanile qui sera réédifié sur unebaseplus large. On en a planté six par mètre carré, entre lesquels ensuite a été coulé du béton. Après quoi, on at- tendra la fin de l'hiver pour voir si les nouvelles fondations font corps avec les anciennes et sont assez solides poursupporter le futurcampanile.On rétablira dans celui-ci tout ce qui a pu être sauvé de l'ancien. Le professeur Dal Piccolo, disent les Débats, a établi sous les arcades du palais des Doges un atelier il rassemble et remet en ordre tous les morceaux utilisables de la Log- getta. Le fondeur Munaretti répare la Pallas de Sansovino et trois autres statues de bronze plus ou moins mutilées. Enfin, on a réussi à restaurer

la Madotie en terre cuite de Sansovino, quoi- qu'elle eût été brisée en 600 morceaux. L'ingé- nieur Rosso a eu la patience de retirer ces fragments un à un des décombres, et M. Pietro Zei, conservateur des musées de P'Iorence, n'a pas craint d'assumer la tâche, qui semblait im- possible, d'en refaire une statue. Cette Madone n'attend plus que le moment d'être replacée dans son ancienne niche, qui a pu, elle aussi, être re- constituée (').

* *

Ceux qui ont visité la basilique de Saint-Marc, savent que le pavage n'en est pas plan et offre des vallonnements. Or, ces jours-ci, lisons-nous dans la Libre Parole, comme une des dalles du pavage dépassait par trop le niveau et présentait un danger pour l'équilibre des personnes traver- sant la nef, l'architecte de la basilique a fait lever cette dalle pour la remettre à niveau.

Au-dessous, il a été trouvé d'abord un pilastre en maçonnerie, puis deux murs venant se joindre à angle droit.

L'architecte supposa aussitôt qu'il s'agissait d'une crypte et fit enlever le terreau qui la rem- plissait. À i"i 35 de profondeur apparut une grande dalle de pierre portant des bas-reliefs et, au milieu, une croix byzantine. On creusa sur un côté et l'on mit à découvert la face d'un sarcopha- ge portant également des bas-reliefs. En exami- nant le terreau, on trouva qu'il contenait des traces de peinture et de mosaïque. Le sarcophage doit remonter vers l'an 800 ou 900 ; la crypte mise à découvert devait donc appartenir à la primitive église de Saint-Marc, construite après le transport à Venise du corps de l'Évangéliste, qui eut lieu en l'an 897. Un incendie détruisit l'église en 976. L'excavation ainsi faite a donné l'explica- tion du vallonnement du pavage, dont les parties hautes reposent sur des murs, les parties basses, sur le terreau qui comble les espaces vides de l'ancienne construction.

Cet événement, rapproché des heureuses fouil- les que fit, en 1902, à Angers notre collaborateur M. de Farcy, est de nature à encourager ceux qui ont l'occasion de fouiller le sol, presque toujours relevé, des anciens édifices.

ffîusécs.

ÉTAT vient de recevoir et d'envoyer au musée du Louvre une collection que lui lègue M. Bossy, le célèbre

amateur d'art. Cette collection, estimée

plus de 200,000 fr., comprend deux objets qui furent particulièrement admirés au Petit Palais

1. Courrier de i'Art,

Cl)rontque.

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pendant l'Exposition de 1900 : une grande statue de Vierge à l'enfant, et une autre Vierge, en marbre, provenant de l'abbaye de Hautecombe. Quatre autres objets seulement, mais de tout premier ordre, la complètent. C'est une superbe statuette en bois sculpté de saint Etienne, une statuette de Vierge assise, un tableau de l'école de Pérouse et une tapisserie du XV" siècle repré- sentant « l'altière > Vasti.

Le musée Carna^>alet va recevoir prochaine- ment toute une série de documents, établis par la Commission du Vieux-Paris et concernant les bâtiments actuels de la Pitié, qui sont appelés à disparaître sous peu.

Parmi ces documents figurent: la vue extérieure de la chapelle en bordure de la rue du Battoir ; celles de chacune des deux grandes cours prises en regardant le chevet de l'église ; la vue du pavillon Michon, la plus belle partie de l'hôpital, datant du XVIIP siècle; enfin, les vues du bâtiment de la Direction, de l'intérieur de la chapelle et de l'autel.

La Commission du Vieux-Paris a demandé la conservation de certaines parties artistiques du vieil hôpital et des objets d'art qu'il renferme, notamment des belles boiseries de l'autel et des consoles anciennes de l'église, des vitraux très intéressants au point de vue de l'histoire de Paris, ainsi que tout un lot de vêtements sacer- dotaux anciens.

La destination de ces objets n'est pas encore fixée. Mais il est probable qu'un certain nombre iront à Carnavalet, même si le musée projeté de l'Assistance publique est créé (').

erpogitions.

ll'EXPOSITION des Ptwtittfs français, organisée par M. H. Bouchot, est fixée au mois d'avril. Elle aura lieu au pa- villon de Marsan, dans des salles mises à sa disposition par l'Union centrale des Arts décoratifs. Des promesses de tableaux ont déjà été faites par des musées et de nombreux ama- teurs. En même temps aura lieu à la Bibliothèque Nationale une exposition des manuscrits illustrés du roi Charles V et de ses frères, pris dans la Bibliothèque même ou obtenus des autres dépôts de France, comme la bibliothèque de l'Arsenal, et de divers collectionneurs.

Les œuvres auxquelles cette exposition sera spécialement ouverte sont, comme nous l'avons

I. Courrier de i'Arl.

dit, les œuvres françaises exécutées sous le règne des Valois, de 1350 à 1559.

* *

Il vient de se former en Italie un Comité qui se propose d'organiser à Sienne, du mois d'avril au mois d'août 1904, une grande exposition d'art ancien, analogue à celle qui eut lieu à Bruges l'an passé.

Cette exposition comprendra des peintures, sculptures, orfèvreries, médailles, estampes, ta- pisseries et armes, depuis les temps les plus reculés jusqu'au XVIII'' siècle.

On se propose, en outre, de faire revivre les fêtes pittoresques locales, depuis le fameux palio dont la tradition ne s'est jamais perdue, jusqu'à d'autres divertissements populaires aujourd'hui oubliés (').

Vana.

NE remarquable châsse en émail de Limoges du XIIP' siècle a été volée, à la fin du mois d'octobre dernier, dans l'église de Montpezat (Tarn-et- Garuiine). Sa forme est la classique maison avec toiture ; elle a o™ 135 de hauteur, o"' 20 de longueur et o"^ 07 de largeur, et elle est ornée d'émaux champlevés bleus avec des tons dé- gradés passant au blanc en certains endroits. Des anges à mi-corps, au nombre de seize, forment la donnée iconographique de ces mé- daillons.

Le service de la Sûreté est à la recherche de cet important objet d'art.

De nombreux tombeaux de pierre ont été découverts dans l'ancien cimetière de Saint- Georges, qui faisait autrefois partie de l'abbaye de Saint-Jean-d'Angély (Charente- Inférieure). Dans l'un d'eux, on a trouvé une crosse en cuivre doré, sans émail ni gravure, dont l'enrou- lement se termine par une tète de serpent cornu, aux yeux formés d'une pierre bleu foncé.

Une partie des sépultures se trouvait sous un carrelage de briques rouges, qui occupait vrai- semblablement l'emplacement d'un cloître.

L'église Saint-Jean de Dijon.

Notre collaborateur qui signe André Arnoult dans le Journal de l Art publie dans ce pério- dique une petite monographie de cet édifice véné-

I, Courrier de i' Art.

rable par son antiquité, car il remonte, paraît-il, au IV^^ siècle. La reconstruction en fut décidée par les paroissiens le 28 mars 1445, jour de Pâques, et la première pierre posée le i" juin 1448 par Philippe Macliefoing, conseiller et garde des joyaux de Pliilippe le Bon, deux fois vicomte- maïeur de Dijon, qui eut sa sépulture dans la nef, devant la table de communion, sous une lame de pierre gravée à son effigie, qui a disparu. L'inscription nous en a été, du moins, conservée par les documents.

Les travaux de la nouvelle église furent poussés d'abord avec activité, puis s'arrêtèrent à mi-hauteur, faute d'argent. Nous laissons la parole à l'archéologue dijonnais.

Saint-Jean est un bel et grand édifice de style flam- boyant, mais quelque peu lourd ; il ne faut pas demander à l'école bourguignonne les envolées et les découpures de l'Ile-de-France et de la Champagne. Les trois pignons fleuris aux rampants et à la pointe, de beaux bouquets et de choux au fenillage stylisé, forment portails sans autre décor que les baies géminées et les roses au souple réseau flammé. Aux tympans des portes sertis dans une moulure délicate, des statues debout ont été exterminées à la Révolution. Les tours se dressent non au pignon occidental, mais comme à Saint-Jean de Lyon, aux angles formés par la rencontre du transept et de l'abside. Celle-ci, rectangulaire, présentait un ample fenestrage rempli par un vilrail donné, en 1459, par Philippe le Bon; on y voyait peints les trois premiers ducs de la seconde race, Philippe le Hardi, Jean sans Peur, Philippe le Bon, avec leurs duchesses, Marguerite de Flandre, Isabelle de Bavière, Isabelle de Portugal, enfin le comtede Charolais, le futur Charles le Téméraire, avec sa première femme Isabelle de Bourbon ; tous agenouillés et ayant leurs saints patrons debout derrière eux. Cette verrière, la plus belle du quinzième siècle à Dijon, était de la plus magnifique couleur ; elle avait coûté 300 livres au duc environ 1 2,000 francs de notre monnaie et on la peut attribuer à son peintre-verrier à Di|on, le Flamand Guillaume .Spicker. Elle fut toujours fort admirée, même aux temps l'on goùtail le moins les œuvres du moyen âge ; si bien que, au dix-huitième siècle, les chanoines de la collégiale préférèrent renoncera un autel monumental dessiné dans le goût du jour par Robert de Cotte, un habile homme cependant, plutôt que de per mettre qu'on touchât à la paitie du vitrail l'on voyait les images des anciens ducs de la Bourgogne indépendante, demeurés populaires dans la province devenue française et si bonne française.

Trois flèches en charpente, une sur la croisée, deux sur les tours, donnaient de l'élancement à la masse robuste et fière de Saint-Jean.

L'intérieur forme une seule et large nef ii murailles nues percées d'arcs assez bas donnant entrée aux cha pelles, et de fenêtres petites et simples. La seule beauté du vaisseau est dans les proportions qui sont bonnes, et dans l.i voûte en berceau aigu lambrissé, sans charpente de soutien, et blasonné aux armes de toutes les familles qui ont concouru à la construction. A la croisée, les ner- vures se réunissent en une sorte de grande rosace à pen- dentifs ; ceux (|ui subtilisent sur les influences récipro- ques des styles, se plaisent à reconnaître ici un souvenir des voûtes anglaises.

Quand vint la Révolution, la décoration de Saint-Jean avait été absolument modernisée, mais le grand vitrail

était intact et le trésor renfermait encore plusieurs pièces d'orfévrerieancienne qui seraient inestimables aujourd'hui et dont la fonte ne donna que quelques parcelles de métal. Les nobles images ducales furent biisces à coups de pierre. L'église avait été d'abord conservée comme paroisse, mais celle-ci fut supprimée des 1791 ; en 1796, la nef fut affectée aux fourrages de la guerre. On proposa ensuite d'y étaolir le théâtre, ce qui n eut pas de suite. Au commencement du dix-neuvième siècle, on coupa l'abside au ras des tours, à l'eli'et d élargir la rue, traverse de la route nationale de Dijon à Chalon-sur-Saône, et aussi, ne irtanquèrent pas de dire les Dijonnais nés moqueurs, de dégager la maison de M. le maire Durande. Puiî., pour rien, pour le plaisir, on abattit les trois flèches. Le préfet Guiraiidet, un homme du Midi, dans une ville (Nimes) aux longues toitures honzimtales ro- maines, déclarait ne rien comprendre au goût de ses administrés pour ces « pointes en l'air », et les fit jeter bas. En 1803, l'église servit de marché et de bureau de passage pour le bétail. Les faiseurs d'antithèses roman- tiques avaient beau jeu à montrer les vendeuses caque- tant, les bêtes de boucherie criant, beuglant, bêlant, et la volaille vivante piaillant, sur le dallage étaient en- castrées les pierres, modernes d'ailleurs, indiquant les tombes de saint Grégoire et de saint Urbain, évêques de Langres.

Sous le second empire, Saint-Jean servit temporaire- ment d'entrepôt de farines : puis, en 1862, le conseil municipal délibéra qu'il serait rendu au culte et formerait une nouvelle paroisse ; la bénédiction eut lieu le 13 no- vembre 1866. Malheureusement, la restauration avait été confiée à un brave homme d'architecte municipal, parfaitement incapable de comprendre ([uoi que ce fût au style médiéval ; surtout, il n'était pas coloriste, oh non ! Les murs reçurent une teinte crème au caramel sur laquelle on jeta au pochoir de longues bandes avec ornementation en rinceaux d'un quinzième siècle approxi- matif : le tout, de la plus fâcheuse couleur.

Les écus de la voûte furent repeints et mal : enfin, la haute muraille pleine de l'abside tronquée, reçut une immense peinture de M. Bénédict Masson, un artiste dijonnais, mort il y a une douzaine d'années.

Après avoir analysé l'œuvre regrettable de Masson, l'auteur conclut :

La décoration murale de .Saint-Jean est tout simple- ment exécrable ; divisée en deux parties conjuguées que sépare un meneau peint devant lequel se tiennent de- bout saint Je.in- Baptiste et saint Jean TEvangéliste, elle montre, d'un côté, le baptême du Christ, de l'autre, le disciple bien-aimé amené devant le juge romain qui va le condamner au supplice de la chaudière ardente. Au- dessus, sur une nuée pesante, auréolée d'une lumière qui n a rien de céleste, siège une Trinité composée d une manière fort hétérodoxe, puisqu'elle est formée du Père, du Fils et de... la Vierge 1 assis et égaux. Cette grande machine pousse rapidement au noir, mais il était impos- sible qu'elle devint plus mauvaise.

Les chaoelles ont reçu quelques verrières dont il vaut mieux ne rien dire; quant aux grandes baies des pignons, on y a mis des panneaux losanges de jaune et de violet qui sont horribles.

Il me souvient d'avoir eu le plaisir,en iS89,de promener dans Dijon Philippe Burty; la belle masse de Saint-Jean aux pierres rouillées par les soleils de quatre siècles et demi le charma tout d'abord. Mais je n'oublierai jamais son mouvement de recul, d'horreur sur le seuil de la nef. « Allons nous débarbouiller >, me dit-il, en tournant aussitôt sur les talons. Ce n'était pas tout à fait équitable; malgré les erreurs, les horreurs, si l'on veut, de la poly-

Cl)romque.

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chroMiie, Saint-Jean vaut une visite, les peinturlureurs n'ont pas eu raison des lignes de l'architecture, qui demeurent belles. Mais Philippe Burty n'était guèie sen- sible qu'à la couleur, et la géométrie des structures ne lui disait lien. Pour le rasséréner, je le menai à quelques pas, à l'ancien hôtel Bourhu, grave demeure à mine de châ- teau, élevée en 1643, peut-être par le Uijonnais Le Muet, 1591-1669, le plus beau palais parlementaiie que le XVIP siècle ait construit à Dijon. Moins riche dorne- nientation que celui qui porte aujourd hui par droit d'héritage direct le nom d hôtel \'ogué, il eit peut-être plus imposant, dans sa simplicité et parleiythme fier de ses hauts faitages. < A la bonne heure, murmura Hurty, voilà qui est sous patine ancienne. > On y a bien touché un peu, pas trop, pourtant, lorsque Ihôtel Bouchu est devenu la succursale du Conservatoire.

Pour en revenir à notre église, elle est pauvre en objets j d'art anciens ou modernes. \'oici cependant, incrustée 1 dans le pavé d'une chapelle, la tombe avec effigie de 1 Thiébault Liégeard, un lointain ancêtre de M. Siephen ! Liégeard, le poète et l'écrivain dijonnais. Cette dalle, bien conservée, est du \V siècle. Ce Thiébault Liégeard avait commandé pour un autel de l'ancienne église un retable de la V'isitation, au sculpteur Jehan de la Huerta, ce sculpteur aragonais qui commença le tombeau du duc Jean sans Peur que devait achever le Dauphinois .Antoine le Moiturier. Nous avons le marché, qui est du 18 novembre 1444, et c'est un docu- ment précieux en ce qu il nous montre avec quelle minutie étaient établis les programmes donnés aux artistes pein- tres, sculpteurs ou verriers. Non seulement on prévoit, comme dans un cahier des charges pour une entreprise de travaux publics, toutes les conditions matérielles de l'exécution, mais on trace, dans une description minu- tieuse à la plume, le thème détaillé de la composition elle-même. N'oublions pas que les sujets religieux n'étaient jamais abandonnés à la liberté, à la fantaisie des artistes ; on imposait à ceux-ci des conditions rigou- reuses conformes aux lois de l'iconographie, et au clergé seul appartenait la connaissance complète de celle-ci. Ainsi le peintre ou le sculpteur ne faisait qu'exécuter sous la dictée le tableau ou le bas-relief commandé. Au temps d'indépendance nous sommes, une pareille pratique refroidirait singulièrement la veive d'un artiste, et on n'obtiendiait assurément qu'une (L'uvre sans accent. Cette discipline ne produisait pas les mêmes eflets au moyen âge, les artistes tenaient, non à la gloire personnelle, mais à l'honneur d'avoir concouru à une œuvre collective de foi et de beauté.

Une inscription, toute moderne d'ailleurs,fait connaître que Jacques-Bénigne Bossuet a été baptisé en cette église le 27 septembre 1627 ; il était né, la veille ou le jour même, dans une maison voisine qui est très modeste, au numéro 10 de la place Saint-Jean.

Une somme de 14,964 fr. 73 va être employée en répa- rations à Saint-Jean ; il est probable que l'on aura la surprise ordinaire des travaux imprévus et impérieuse- ment nécessaires. Quoi qu'il en soit, je ne sais à quoi cet argent sera employé par la Commistion des Monuments historiques et ^I. Charles Suisse, son architecte en chef ; s'il s'agit de réparer les bévues polychromiques de l'in- térieur, c'est peu ; j'imagine plutôt que l'on va repren dre certaines parties ruinées des maçonneries extérieures. Il se peut que le travail soit urgent ; je vois là, en effet, bien des pierres épidermées et effritées. Je regretterai, toutefois, comme un mal nécessaire, l'introduction de matériaux neufs parmi un bel appareil dont le ton général, qui va du rouillé des surfaces au fer sombre des crochets et fleurons, est d'une harmonie singulière et rare.

André Arnoult.

fibotogcapfjics Htcbéologiques.

IA Revue de l'Art chrétien a signalé à se.s lecteurs plusieurs fois déjà la belle collection de photographies archéolo-

giques de M. Martin Sabon. La pre-

miere mention remonte à l'année 1890 (■).

A cette époque, les amateurs n'avaient guère à leur disposition que la collection Mieuseinent, éditée, sous les auspices du Ministère de l'Instruc- tion Publique et des Beaux-Arts, dans le format 30 X 40. Ce format était encombrant. Le prix était en rapport avec le format ; il variait entre 2 et 3 francs, selon que les épreuves figuraient sur le catalogue officiel, ou qu'elles appartenaient à la collection particulière de l'opérateur. Ces photo- graphies ne pouvaient donc entrer que dans les portefeuilles des amateurs indifférents à la dépense.

C'est alors qu'un homine de goiit, vraiment désintéressé, d'une persévérance invincible, réso- lut de mettre les reproductions de nos monu- ments nationaux à la portée de tous leurs admi- rateurs.

Dès le premier jour, M. Martin-Sabon créa deux séries dans les formats 13 x 18 et 21 X 27, qui, en édition, étaient vendus o fr. 75 et i fr. 25. Ces prix assuraient évidemment un bénéfice à l'éditeur au détriment de l'acheteur.

Aujourd'hui les choses sont simplifiées. Plus d'intermédiaire. M. Martin-Sabon se constitue le préteur de ses clichés et se met sur rendez-vous à la disposition des archéologues pour leur montrer chez lui, S'''^, rue Mansart, à Paris, ses collections l'on peut examiner à loisir les épreuves désirées. Le choix étant fait, les clichés sont portés chez un tireur photographe du voisi- nage,auquel les demandeurs paieront simplement pour les frais de tirage et de retouche o fr. 50 par épreuve 13 x 18 et i fr. par épreuve 21 X 27. C'est une économie notable.

On peut, de la sorte, se procurer des épreuves neuves tirées avec le plus grand soin et non des épreuves vieillies et plus ou moins altérées dans les albums de l'éditeur. C'est un grand avantage.

La collection Martin-Sabon comprend, à l'heure actuelle, près de 7000 clichés, répartis dans l'Ile- de-France, la Picardie, la Normandie, la Bretagne et la Touraine.

Tout le monde sait que les photographes, amateurs et même professionnels, ont une prédi- lection pour les extérieurs des monuments, qui n'exigent qu'une pose rapide et une mise au point facile. Ceux qui se risquent à l'intérieur des édifices ne prennent généralement que des

I. Revue de l' Art chrétien,

p. 267.

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jRebue ïie T^rt tlirctien.

vues d'ensemble. M. Martin-Sabon ignore de tels errements. Quand il aborde un monument, église ou château, il l'envahit tout entier. Il pro- mène partout son objectif, disputant à la lumière les points les plus obscurs. Rien ne lui échappe; sa chambre noire emmagasine tout. La simple énumération de son butin témoigne de sa prodi- gieuse activité. Quand il a passé en revue les divers membres d'architecture, arcs-boutants, arcades, arcatures, bases, chapiteaux, triforiums, roses, clefs de voûte, etc., il s'attaque au mobilier. Ici, le défilé devient interminable. Sans prétendre faire un dénombrement complet, citons seule- ment les autels, bancs d'œuvre, bénitiers, chaires, cheminées, fonts baptismaux, jubés, lutrins, pier- res tombales, piscines, reliquaires, retables, sépul- cres, stalles, statues, tabernacles, etc.

M. Martin-Sabon a voulu parfaire son œuvre en publiant un catalogue, qui est un merveilleux instrument de travail. Ce catalogue, en effet, comprend, outre une table de noms de lieux, un index alphabétique (126 pages), véritable réper- toire archéologique.

L'auteur de ces lignes serait heureux si la publicité de la Revue de T Art chrétien contribuait à faire connaître une collection qui a déjà rendu tant de services aux études archéologiques et qui est appelée à en rendre, chaque jour, davantage.

F. C.

ïîécrologtr. n^:

IfE cfiauDiiic HcuGcns.

LE plus autorisé des maîtres de l'archéologie chrétienne, M. le chanoine E. Reusens, professeur à l'Université catholique de Louvain, vient de mourir. Nous recommandons son âme au pieux souvenir de nos lecteurs, et résumons à grands traits sa carrière scientifique, d'après le discours prononcé à ses funérailles par son dis- tingué successeur à la chaire d'archéologie, M. l'abbé de Maere.

Edmond Reusens naqOil à Wynegheni, le 25 avril 1831. Après s'être f-iit remarquer par ses supérieurs au Sémi- naire de Malines, il fut envoyé à Louvain, en 1S54, pour s'y adonner à l'étude de la théologie.

Le Recteur magnifique, Mgr de Ram, s'adjoignit sans hésiter sa collaboration. Lorsque M. Reusens passa, en 1862, son doctorat en théologie, il avait déjà trouvé la voie qu'il allait suivie d'une f.içon définitive. En effet, depuis trois ans, il était bibliothécaire de l'Université, et sa dis- sertation doctorale relative à la doctrine théologique du Pape Adrien VI relevait de deux matières auxquelles il devait consacrer sa vie : le passé de l'Université de Lou- vain et celui de l'Eglise de Belgique. Mgr de Ram s'as-

socia son élève lorsqu'il fonda, en 1864, les Analecies pour servir à Vhistoire ecclésiastique de Belgique.

Cependant après le premier des grands Congrès de Malines, à la suite desquels la vitalité catholique, débor- dante de sève, s'épanouit en une si belle efflorescence, un cours d'archéologie fut créé à Louvain, et ^L Reusens en devint le premier titulaire en 1864. Peu après il occupa aus^i les nouvelles chaires de paléographie et de diplo- matique.

A la Bibliothèque, avec des ressources trop restreintes, il sut obtenir de grands résultats. Dans le domaine de l'histoire religieuse de Belgique il publia un trésor de documents et, à la veille de sa mort, il édifia à la gloire de l'ancienne université de Louvain un monument impé- rissable.

Son action ne fut pas moins remarquable dans le pro- fessorat.

Son cours d'archéologie devança dans le pays tous les cours similaires. Pour décrire ce qu'il produisit dans le domaine de l'art ancien il faudrait rappeler le nom de Bethune et son école, les noms des disciples qu'il suscita, la Gi/de de Saint -Tho»ias et de Saint-Luc dont il fut l'âme, le comité diocésain des monuments qu'il fit créer, tout ce mouvement, enfin, auquel il eut une large part, qui rendit le peuple belge conscient de son passé et de sa valeur artistique. Il devint membre de la Commission royale des .Vlonuinents, membre'de la Commission royale d'histoire. Diverses autres sociétés savantes le reçurent dans leur sein.

Gamma Sitte.

A LA fin de l'année 1902 a paru un petit livre qui fit une énorme sensation, à cause de la nouveauté, de l'originalité des idées qui y étaient contenues,et qui étaient cependant pleines de vérité et de bon sens. Après avoir consacré une douzaine d'années à des voyages d'études, M. Sitte fit voir combien nous avons encore à apprendre pour ne pas compromettre la beauté de nos rues par des transformations pratiquées à la légère. Il venait trop tard pour éviter de graves fautes, encore à temps pour conjurer de nouvelles bévues. Nous avons fait connaître, dans notre der- nière livraison le beau livre de l'architecte vien- nois. Ayant entrepris de nous mettre en rapport avec cet homme de bon conseil, nous n'avons reçu de réponse que de son fils et élève M. l'ar- chitecte Siegfried Sitte, qui nous annonçait la mort inopinée de son digne père, au inoment même une juste célébrité allait couronner ses travaux. Il mettait la dernière main à un nou- veau volume sur l'esthétique des villes.

Question.

Monsieur Louis de Farcy (3, parvis St-Mau- rice, à Angers) serait très reconnaissant à celui des lecteurs de la Revue, qui posséderait l'opus- cule suivaut, de le lui communiquer :

Cljromque.

91

Insigne Ecclesiœ Aiidegavensis panegyricon ad singulos anagrammaticon , par Jaques Berge. Andegavt. J. le BouUenger, 1659. In-4° de 63 pages, dédié à Henri Arnaud, évêque d'Angers, et à tous les chanoines de la cathédrale, dont chacun trouve son éloge dans l'anagramme de son nom disposé en vers latins.

erratum.

Au début de l'article de M. H. Chabeuf sur le

musée Brera (p. 533 de notre dernière livraison), s'est glissée une faute d'impression qui dénature la pensée de l'auteur. Le contexte de la phrase initiale et le texte entier de l'article auront du reste suggéré au lecteur la substitution du mot continu à inconnu. Il faut donc lire ainsi cette phrase « Si les riches musées italiens sont au » premier rang par l'ensemble de leurs trésors J) artistiques, laissant parfois à désirer au point de » vue du classement, du moins le progrès y est-il « continu. »

Imprimé par Desclée, De Brouweret C'=, Lille- Paris-Bruges.

^V ^ii jli:ri"ifc-v,'..^>-=;/-'V y ><^Vv^v ^-"^^ . .

Betiuc lie

l'Hrt rhrétien

> paraîseniu toiiis les bDut iiuiisf. 4;| ^ 4yme ^nncc. Sétic.

(Coinc XV (Lii^ be fa coUectiou).

][^ 2me livraison. ffîars 190^. 4<]|

g;H1iHits^iiiifH:a:iiilMiilB:tIMhMi^^jiiijiiii^I■'i5!;i!!;atfj«?^

li^Hïioration î)cs Bergers liu musée lie ©ijon

(0

^^^L y a peu de mois, visi- ï: tant pour la première fois le riche et instruc- tif musée de Dijon, après un rapide coup d'œil général, un examen plus attentif m'avait retenu auprès des œuvres princi- pales réunies dans ce que l'on pourrait nommer le salon d'honneur, les tombes monumentales des ducs de Bourgogne, Philippe le Bon et Philippe le Hardi, les retables peints par Hroederlam et sculp- tés par Jacques de Baerze, je me sentis attiré par un petit panneau, placé dans une salle voisine, dont se dégageait un charme singulier. Il m'était connu par des repro- ductions, mais des reproductions comme

I. Ce panneau est entré au musée de Dijon en 1S41. Il a été acquis par le conservateur, à cette époque, M. Pivert de Saint-Mesmin. Il mesure o"',47 sur o"',7o. Il a souffert, et on y voit des reprises, sensibles surtout dans le groupe d'anges chantant le Gloria. Nous devons les ren- seignements relatifs à l'acquisition et à l'état du tableau à M. Chabeuf, le savant président de la Société des sciences, arts et belles-lettres 9e Dijon.

celles que nous offrons à nos lecteurs, hé- las, sans couleur. J'y revins à plusieurs reprises, retenu par l'intérêt de la compo- sition, l'harmonie particulière des tonalités, et la remarquable pondération qui existe entre les figures groupées au premier plan, les anges qui planent dans le ciel et ce ravissant paysage qui, sans distraire l'œil de la Scène biblique, lui donne au contraire quelque chose d'intime et de familier. Il semble que l'on ait parcouru ces chemins serpentant dans le lointain, bordés d'arbres à demi dépouillés le long des prés jaunis par l'automne, conduisant à d'anciennes cités, apparaissent les églises et les tours surmontées de flèches ; on a vu déjà ces remparts baignés par une rivière bleue qui reflète le ciel! 11 me semblait même que dans les rêves de l'enfance, je m'étais as- socié à ces bergers adorant l'Enfant Jésus, et que j'avais entrevu alors ces groupes d'anges revêtus de couleurs chatoyantes, chantant le Gloria in excehis Deo ! ...

Enfin, tout cet ensemble me parut si

HKVL'K DE L AKT CHKtTIt.N. 1904. 2'"* LIVRAISON".

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jRelluc tie V^xt cf)rctteu.

attachant, qu'une reproduction, si insuffi- sante qu'elle fût serait agréable aux lec- teurs de la Revue, et qu'à ce propos, il ne serait pas indifférent de leur faire connaître les études dont le panneau de Dijon a été l'objet des savants de notre temps, et ce que l'on sait sur le maître qui en est l'auteur.

L'Adoration des Bergers du musée de Dijon a été décrite et reproduite trois fois. Tout le monde est d'accord pour l'attribuer aujourd'hui au peintre désigné sous le nom de « Maître de Flémalle », grâce à une étude, bien approfondie, parue en 1898.

La Gazette des Beaux- Arts a donné un article accompagné d'une gravure sur ce tableau. L'auteur rapproche \' Adoration des Bergers d'une peinture murale repré- sentant le même sujet, fort détériorée, qui existe à la boucherie aujourd'hui désaffec- tée de Gand. Il trouve de nombreuses ana- logies entre les deux peintures. Plus clair- voyant que d'autres archéologues, qui ont étudié le panneau de Dijon, il y a vu la figure du Père éternel que, jusqu'à présent, il a été seul à apercevoir ('). Il juge au surplus cette peinture « la plus importante et la plus développée des œuvres du maî- tre », ce qui est également inexact.

Une délicieuse héliogravure de ce tableau orne le beau livre de M. Gonse: Les chefs- dœuvres du Mtisée de FraJice ("). Cette reproduction est accompagnée d'une notice écrite avec charme l'auteur apprécie à sa haute valeur l'œuvre que je tiens à faire connaître à nos lecteurs. Dans l'attribution

1. < Enfin, nous constatons, dans la peinture de Dijon, comme dans celle de Gand, la présence de la Vieille Ze- lomé, la femme au turban, et l'introduction dans la pein- ture murale du l'ère Éternel, occupant dans l'œuvre de Dijon, une place moins apparente que dans la fresque ».

Gazette des Beaux-Arts, Année 1900, tome vingt-troi- sième, p. 247.

2. Paris, Société française d'édition d'art, 1900. Article sur le Musée de Dijon, p. 104.

au Maître de Flémalle il se range sans hé- siter à l'opinion de M. de Tschudi, qui a été le premier à en reconnaître le peintre.

M. de Tschudi, directeur des musées de Berlin, dans une étude très approfondie et pleine de recherches sur le Maître dit de Flémalle, étude sur laquelle nous allons revenir met le panneau de Dijon en très bonne place : il donne de cette com- position une description à la fois si précise et si complète, que je ne crois pouvoir faire mieux que d'en essayer ici une tra- duction que je m'efforcerai de rendre la plus exacte possible.

* * *

^, Sous une hutte de chaume, Marie, age- nouillée, est en adoration devant l'Enfant. Elle est revêtue d'une robe et d'un man- teau blancs, orlé d'or qui étend ses plis sur le sol. Le petit enfant malingre, presque décharné, est couché devant elle, reposant sur une auréole aux rayons d'or, comme sur un tapis. Joseph, agenouillé devant lui, con- temple le nouveau d'un air soucieux. D'une main il tient un cierge allumé dont il cherche,de l'autre main, à garantir la flamme. Ce cierge signifie que la scène se passe la nuit, bien que l'on se trouve en plein jour, comme cela se serait passé sur les tréteaux d'un théâtre Shakespearien. Il ne pouvait, en effet, entrer dans l'esprit du peintre, l'ami des couleurs claires et de la joyeuse lumière, de vouloir rendre ici un effet de nuit. Dans la figure de Joseph on reconnaît iinmédiatement, le fabricant de souricières du triptyque de Mérode(').

« Ses vêtements sont nuancés des cou- leurs les plus vigoureuses : manteau rouge doublé de vert avec capuchon bleu. Cette

I. Dans le volet de droite du célèbre triptyque aujour- d'hui disparu, saint Joseph est représenté devant son établi de menuisier, confectionnant des souricières.

3L':^t)oratton hts Bergers.

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harmonie des trois couleurs juxtaposées trouve un écho dans le trio d'anges, ainsi que dans le costume de la femme à droite. A la baie de la fenêtre on voit se presser trois bergers, et, dans l'expression de visage de ces rustiques, se peint un mélange de curiosité et de gaucherie respectueuse, vraiment la nature semble prise sur le fait. En revanche, l'âne et le bœuf, à l'en- conire des données traditionnelles, ne pren- nent aucune part à l'action. On aperçoit à travers la claire-voie disjointe, formant les parois de la chaumière et dont les lattes sont dégarnies de leur crépi, le ruminant mollement couché. L'animal est reproduit avec un remarquable esprit d'observation. Au-dessus de la hutte plane un groupe d'anges aux vêtements flottants, tenant des banderoles dont les plis forment de capri- cieuses évolutions.

« A ces figures typiques, traditionnelles de la nuit de Noël, viennent se joindre deux femmes, que l'on ne voit guère dans les tableaux qui la représentent, et qui apparais- sent ici survenues en visiteuses étrangères. Toutes deux sont revêtues de riches atours; elles ont la tête couverte de coiffes volumi- neuses en forme de turban. Celle qui est vue du dos est revêtue d'un manteau gris dont la doublure est ornée d'un diaprage or, de style oriental. Les banderoles qui les entourent, nous font connaître quelles sont ces dames. Au premier plan est agenouillée Zelomé, la sage-femme, appelée, suivant lesévangiles apocryphes, par Joseph dans unmomentd'anxiété et d'angoisse. Elle s'est tournée vers sa compagne avec les mots « virgo peperit filium ». Celle-ci, qui avait été incrédule, lui donne la réponse : « Cre- dam quum probavero ». Ce n'est que par une constatation personnelle qu'elle a été obligée de croire au prodige. Mais aussitôt le châtiment céleste a puni le doute coupa-

ble. La main droite desséchée, que doulou- reusement elle montre, ne sera guérie que par le contact avec l'Enfant divin. Son vi- sage exprime une grande peine; de la main gauche elle a relevé l'ample manche du bras droit, montrant la main privée de vie à sa compagne dont l'effroi à la vue du pro- dige, est manifeste. Mais déjà au-dessus des deux femmes plane un ange, tenant d'une main un phylactère dont le texte indique le remède « Tange puerum et sanaberis » et de l'autre un linge, allusion à la vertu des langes de l'Enfant, dont l'attouchement suffira à ramener la vie dans le membre frappé de paralysie.

<< Le groupe des deux sages-femmes ne met pas médiocrement en valeur, le talent caractéristique du peintre. Il représente ici un thème rarement traité dans l'art du moyen âge,et,s'il recourt aux textes inscrits, sur les banderoles, ce n'est pas par impuis- sance ou maladresse. Il est maître con- sommé dans l'art d'exprimer les sentiments par les gestes. Ne devait-il pas, à cet égard, se sentir bien sûr de son fait pour oser, sans les ressources de l'expression du visage, accuser, par le mouvement d'une figure entièrement vue du dos, le saisissement de l'âme ? Le maître sait donner au g-este des mains une éloquence particulière. Ainsi dans les deux femmes les mains aux doigts effilés, aux articulations si délicates ont à dire le mot décisif, le dernier mot : et elles le font avec une précision qui ne laisse pas de place au doute.

« Le paysage dans ce panneau est l'un des principaux charmes de l'ensemble. C'est le paysage le plus achevé, le plus beau dans tout l'œuvre du maître : il nous transporte en pleine campagne par un jour ensoleillé de la fin de l'automne ; les saules au bord du chemin sont émondés, les arbres dé- pouillés et les prés ont pris les teintes fauves

96

3Rcbuc tir r^rt chrétien*

d'un brun jaunâtre. Ces trois promeneurs que l'on aperçoit dans un sentier, les arbres, les buissons, projettent des ombres allon- gées, et des nuages bleus au loin flottent à l'horizon. Deux routes passent sur les ondu- lations des collines qui caractérisent le pays. Auprès d'une de ces élévations on voit un édifice qui semble un couvent, plus loin une hôtellerie ; puis le chemin passe sur un pont-levis qui conduit à la ville entourée de murs et dominée par un château fort. Au [ dernier plan, à gauche, s'étagent des rochers à crête aiguë; entre leurs anfractuosités apparaît l'étoile qui projette ses rayons d'or sur la chaumière du premier plan.

« J'ai dit que ce paysage était le plus beau du maître : c'est aussi l'un des plus remar- quables dans tout le domaine de l'ancienne peinture néerlandaise. Si je ne me trompe, il y a un premier essai d'accentuer, par le caractère du paysage, celui de la scène représentée par les figures.

« Le peintre n'a osé encore aborder un paysage d'hiver. Cette tentative sera réser- vée au XV I^ siècle. Mais ici, nous voyons pour la première fois la nature dépouillée de sa robe estivale, pour laquelle jusque-là, les maîtres flamands ont réservé les trésors de !■ ur chatoyante palette. Avec les arbres qui projettent sur la clarté du ciel leurs branches dénudées, avec l'herbe desséchée des prairies roussies, l'art a conquis un do- maine inconnu du monde visible : ce pay- sage se distingue encore par un autre point de la plupart des essais tentés à la même époque, dans l'imitation de la nature. On y voit clairement que ce sont les rayons du soleil qui éclairent la contrée ; mieux encore, ce ne peut être que le soleil automnal, déjà descendu à l'horizon. Auparavant, et en même temps que ce maître, les peintres ont imaginé des paysages éclairés par le soleil ; mais ils ne parvenaient qu'à évoquer l'illu-

sion d'une lumière uniforme et pâle. Le Maître de Flémalle a compris qu'il ne s'agis- sait pas seulement de peindre les objets en pleine lumière, mais que ces objets devaient encore projeter une ombre. Si l'on se sou- vient avec quelle minutie naïve, presque en- fantine, il s'attache, dans les scènes d'inté- rieur, à faire correspondre les ombres des objets éclairés aux différents foyers de lu- mière auxquels ils doivent leur relief, on ne s'étonnera pas de ses tentatives d'accuser aussi les ombres portées des objets qui se trouvent en plein air. Sous ce rapport il n'est peut-être pas un novateur, mais il est le peintre le plus logique, le plus consé- quent avec lui-même.

« Dans les peintures de Jean Van Eyck on peut voir les pignons des maisons à toits aigus, les hommes projeter sur les places publiques et les marchés vivement éclairés par le soleil, des ombres à bords arrêtés.Mais dans ses paysages, c'est à peine si l'on trouve une indication de cet effet particulier de la lumière. La plupart des peintres néerlandais lui sont encore inférieurs à cet égard. Il est bien remarquable qu'il en soit de même dans les œuvres de Hugo Van der Goes, qui, dans le beau paysage d'hiver du re- table Portinari, a cependant, en ce qui con- cerne la différence des saisons, suivi la voie ouverte par le Maître de Flémalle (')».

* * *

Après avoir suivi avec toute l'exactitude possible le savant archéologue allemand dans sa description du tableau de Dijon, il est peut-être utile de le suivre encore dans l'étude très étendue qu'il consacre au maî- tre, étude trop peu connue en France, parce qu'elle est écrite dans une langue étrangère.

I . Jahrbuch der Koniglich : Preussische Kunstsammlun- gen, netiiiaehn/tr Hand, 1898, Heft I uiid II.

3L':XlJoration Des Bergers.

97

C'est M. de Tschudi, qui le premier a baptisé du nom de « Maître de Flémalle » le peintre mystérieux désigné jusqu'alors du nom de Maître de Mérode.

Ce dernier nom venait d'un très remar- quable triptyque, représentant l'Annoncia- tion au panneau central ; le volet de droite montrait saint Joseph, fabriquant des sou- ricières, et sur les volets de gauche, on voyait le portrait du donateur et de la do- natrice.

Cette peinture se trouvait à l'hôtel de M'"^ la comtesse de Mérode, où, il y a un certain nombre d'années, quelques archéologues ont pu la voir et l'étudier. Elle fut consi- dérée alors comme une œuvre type, pouvant servir de critérium aux recherches à faire sur un maître de premier ordre, et comme point de comparaison aux peintures que l'on pourrait lui attribuer.

Mais bientôt.Ie triptyque ne fut plus ac- cessible. On ignore ce qu'il est devenu ; on sait seulement .qu'il a été copié à une date récente et c'est d'après une photogra- phie faite sur une copie moderne que M. de Tschudi a fait exécuter la reproduction qu'il donne en tête de la monographie qui sert de base à notre étude.

Cependant les remarques et annotations faites sur le triptyque de Bruxelles n'avaient pas été perdues. Elles ont servi à identifier et à reconnaître comme œuvres du même maître une série de quatre panneaux d'un polyptyque de haute valeur qui se trouvent actuellement au musée Staedel de Franc- fort. Ces panneaux ont été acquis pour ce musée en 1849 à J. Van Houten d'Aix-la- Chapelle, et proviennent, d après l'auteur, de l'abbaye cistercienne de Flémalle, près de Liège.

Il convient ici de redresser une légère erreur ; il n'y a jamais eu d'abbaye cister- cienne à Flémalle, ni dans les environs.

Mais il y a existé une communauté de dames nobles, La Paix-Dieu, et une com- manderie de chevaliers de Malte.

Le retable était une œuvre de dimen- sions monumentales, d'un mérite de pre- mier ordre, comme en témoignent les frag- ments de Francfort: il peut avoir orné la chapelle d'une de ces communautés. M. de Tschudi suppose que «l'abbaye» aurait été supprimée à la Révolution française. En dehors de cette hypothèse, nous ne pos- sédons pas de renseignements historiques sur l'ensemble du retable et sur les circons- tances dans lesquelles les panneaux ont été dispersés. Leur origine aura probable- ment été renseignée par le vendeur, J. Van Houten.

A partir de la disparition du retable de Mérode, ce sont les panneaux de Franc- fort qui ont été considérés et étudiés comme des œuvres types. Ils représentent la Ste Vierge debout allaitant l'Enfant Jésus, Ste Véronique, une Trinité et le fragment d'une Crucifixion; le bon Larron avec S. Longin et un soldat. Les figures sont à peu près de grandeur naturelle.

C'est en raison de leur origine que M. de Tschudi a proposé de débaptiser le mys- térieux maître de Mérode et de l'appeler désormais le « Maître de Flémalle». L'opi- nion du savant allemand a prévalu ; cepen- dant, en proposant ce nom nouveau, il émit le vœu de voir celui-ci remplacé bientôt par le nom véritable du grand artiste, dont, au cours du travail que nous analysons, il pour- suit l'étude avec une science et une sagacité remarquable.

Ce vœu est probablement sur le point

d'être réalisé.

* * *

Ce serait encore à l'Exposition des an- ciens maîtres flamands de Bruges que l'on devrait cette conquête sur l'obscurité qui

enveloppe tant de questions intéressantes que soulève l'histoire de l'ancienne peinture flamande.

Par son catalogue critique de cette ex- position, M. le professeur Hulin de l'Uni- versité de Gand, s'est révélé observateur perspicace autant que judicieux, et dans une i étude bien raisonnée, appuyée de dates précises et de rapprochements de faits bien établis,il a cherché à identifier le Maître de Flémalle avec le peintre Jacques Daret de 1 Tournai, l'élève de Robert Campin.

La place nous fait défaut pour suivre de point en point les déductions du savant professeur de Gand, mais quelques remar- ques sont à noter :

Dans l'étude des peintres flamands du XV^ siècle et du rang qu'il convient d'as- signer à chacun d'eux, après les frères Van Eyck et Rogier Van der Weyden, il n'existe pas de peintre dont le génie soit à la hauteur du Maître de Flémalle.

A la même époque, Jacques Daret était le plus considérable des peintres et le plus en vue de tous ceux dont les archives ont conservé le nom.

Les comptes des ducs de Bourgogne en font foi. A deux reprises il est fait appel à tousles peintres dupays:aubanquet deLille, 1/ février 1453, Jacques Daret apporte le concours de son travail, et son salaire est plus élevé que celui de tous ses confrères. En 1468, aux fêtes des noces de Charles le Téméraire avec Marguerite d'York, un très grand nombre de peintres de mérite sont appelés à venir peindre les décorations, Jacques Daret a la direction des travaux, avec une rémunération supérieure. Ce pein- tre n'eut pas une influence purement locale. Son renom s'étendit au loin, et on retrouve sa trace à Saint-Omer, à Anvers, à Arras. Le style et le talent du Maître de Flé- malle offrent des affinités remarquables

avec le style et les mérites de Rogier de la Pasture, Rogier Van der Weyden.

Jacques Daret fut condisciple de Rogier à l'atelier de Robert Campin ; Rogier Van der Weyden y commence son apprentis- sage le 5 mars 1426, Jacques Daret entre au même atelier le 12 avril 1427. Van der Weyden est reçu franc-maitre le i" août 1432. Jacques Daret est élevé à la même dignité le 18 octobre 1432.

Jacques Daret a eu une carrière longue et productive.

L'œuvre du Maîire de Flémalle, telle qu'elle est établie par M. de Tschudi est très considérable. C'est à tel point qu'il constate comme chose bien remarquable que le nombre des œuvres qu'on peut attribuer à ce peintre, au moyen de considérations bien fondées, atteint et même surpasse, ceux des maîtres les plus féconds parmi ses contem- porains. M. Hulin émet encore d'autres arguments en faveur de sa thèse qui paraît si bien établie que M. Weale, dans le cata- logue officiel de Bruges, s'est rallié à ses conclusions et voit dans le Maître de Flé- malle et Jacques Daret, un même peintre.

*

Il y a donc tout lieu de croire que M. Hulin se trouve sur une bonne piste. Le moindre petit renseignement chronologi- que trouvé par quelque travailleur heureux, pourra dans un avenir peut-être prochain assurer à Jacques Daret l'auréole qui depuis peu d'années s'est formée autour du Maître de Flémalle.

* * *

Mais en attendant cette éventualité pro- bable, nous allons suivre l'étude de M. de Tschudi pour reconstituer l'œuvre du maître.

Cette étude est le fruit d'un long et per- sévérant travail poursuivi dans tous les

IL'^Doratton tt& Bergers*

99

musées et collections de l'Europe. L'ar- chéologue allemand ne s'est pas attaché ex- clusivement aux tableaux, œuvres incon- testables du peintre, il fait connaître aussi les anciens dessins et croquis faits d'après ceux-ci, les copies anciennes et les compo- sitions ou fragments de composition ins- pirés par le maître, de même qu'il recherche aussi les motifs et figures antérieures dont le maître à son tour s'est inspiré. C'est grâce à ces recherches et aux comparaisons éta- blies entre tout ce que l'on connaissait du Maître de Flémalle, qu'il a pu lui restituer le tableau de Dijon, avec une conviction et une sûreté qui n'a pas suscité de contra- diction.

Ceci dit, nous continuons l'inventaire des œuvres du maître. Nous avons déjà cité les panneaux de Francfort.

1. La Sainte Vierge allaitant l'Enfant Jé- sus, figure presque de grandeur naturelle.

2. Sainte Véronique, panneau de la même suite.

3. Dieu le Père, debout, soutenant son divin Fils mourant, au-dessus duquel plane la colombe, peint en grisaille ; cette peinture parait avoir fait partie du même ensemble, mais à l'extérieur des volets ; le panneau, très mince, semble avoir été scié en deux.

4. Fragment d'une Crucifixion, représen- tant le bon Larron sur la croix. En dessous, saint Longin et un soldat.

Un ancienne copie du triptyque dont ce fragment faisait partie, appartient aujour- d'hui au musée du Royal Institution de Liverpool. Il a figuré à l'Exposition des anciens maîtres flamands à Bruges.

Ces quatre fragments d'un polyptyque peint sur panneaux en bois de chêne d'une hauteur de 1,44 sur 0,53, formaient un retable considérable, une œuvre monumen- tale ; l'auteur fait remarquer avec beau-

coup de raison que, au point de vue de son importance l'œuvre devait être rangée bien près du polyptyque des Frères Van Eyck de Gand.

Au musée du Prado à Madrid.

Deux volets d'un retable dont la partie centrale est perdue.

Le volet de gauche représente le dona- teur à genoux, sous la protection de saint Jean- Baptiste. Une inscription au bas de ce volet fait connaître que, l'an 1438, Henri de Wert, magistre à Cologne, fit peindre ce triptyque. Henri de Wert est un per- sonnage bien connu, de l'Ordre des Frères- Mineurs ; il était maître en renom pro- fessant à l'Université de Cologne, il est décédé en 1461. L'autre volet représente sainte Barbe, lisant. Charmante jeune fille, aux cheveux ondulés et dénoués tombant sur les épaules, assise sur un banc gothique au milieu d'un intérieur dont le peintre met tous les détails en relief, comme il aime à le faire. Derrière la liseuse, une bûche tlambe dans la cheminée, tandis que dans le paysage visible par la fenêtre ouverte, on voit construire la tour qui servira de prison et d'emblème à la sainte.

Le musée du Prado possède encore deux panneaux moins importants du même pein- tre ; l'un représente la Salutation angélique et l'autre les Épousailles de la sainte Vierge. Le catalogue du musée les attribue à Rogier Van der Weyden.

La Galerie nationale de Londres.

La Mort de la sainte Vierge (indiqué dans le catalogue comme « Ecole alle- mande »), et sous un même N" un : Portrait d'homme inconnu et de sa femme.

Appartenant à des collections particu- lières.

La Vierge et l'Enfant Jésus (connu sous le nom de Léon Somzée) a figuré à l'expo-

lOO

WitWt lie rart chrétien.

sition de Bruges, et admis par tous les con- naisseurs, comme œuvre d'une authenticité incontestable (').

A la Galerie royale de Berlin.

Le Crucijienie7tt, œuvre très importante (H. o'",77, L. o'",47), a été peint primitive- ment sur fond d'or. Le paysage et le ciel sont l'œuvre d'un peintre du XVIe siècle, qui à la création du maître a voulu ajouter un élément dramatique qui n'était pas dans sa pensée. Celle-ci a été manifestement influen- cée par une peinture de Rogier Van der Weyden qui se trouve au musée de Vienne.

Portrait d'homme.

Galerie de [Ermitage à St-Pétersbourg.

Deux petits panneaux dont l'un, une Sainte Trinité, offre beaucoup d'analogie par la conception du sujet, avec la grisaille de Francfort, et un tableau de grande di- mension conservé au musée communal de Louvain, et l'autre, une Vierge occupée à la toilette de l'Enfant Jésus. M. de Tschudi donne une interprétation assez étrange, et dont il semble n'être pas bien sûr, au geste de la jeune mère qui étend la main droite vers le foyer allumé près d'elle. Dans cette main il ne voit rien moins que l'intention d'administrer une correction maternelle à l'Enfant étendu sur ses genoux et dont la pose et l'absence de costume semble jus- tifier une interprétation, qui n'est certaine- mentpaspuiséedans le récit des Evangiles... Nous allons v revenir.

Mttsée de l'Hôtel de Ville à Louvain.

Dans cette collection dont la célébrité n'est pas européenne, l'auteur a découvert un panneau important par ses dimensions, et qu'il croit pouvoir attribuer au maître qu'il étudie. Le panneau, placé assez haut et mai

I. A été vendu à la firme Thoni:is Agneco and hions, i de Londres.

éclairé, mesure à peu près un mètre de large sur 1,40 de hauteur.

C'est la reprise du thème traité dans l'un des fragments de Francfort, et dans le ta- bleau du musée de l'Ermitage : une Sainte Trinité. Dieu le Père, tenant devant lui son divin Fils, dont les reins sont revêtus d'un linge blanc. Le groupe est entouré de qua- tre anges.

La composition semble avoir été peinte sur fond d'or, mais elle a souffert de nota- bles retouches, qui ont probablement fait disparaître la colombe, complément de l'idée du maître. C'est un fait à vérifier.

Musée de Bruxelles.

Il possède d'abord une copie du tableau de Louvain qui date du XV siècle. On trouva également dans cette collection deux portraits du seigneur A la Truye et de sa femme que M. de Tschudi, cette fois avec quelque hésitation, croit pouvoir attribuer au maître.

L'étude poursuivie avec tant de science à laquelle nous venons de faire de si larges emprunts, contient pour un maître encore inconnu il y a un quart de siècle, l'inven- taire d'un nombre très respectable de pein- tures parmi lesquelles il y en a plusieurs de premier mérite. N'oublions pas cepen- dant que le travail de M. de Tschudi re- monte à l'année 1898, qu'il a servi de point de départ aux recherches faites depuis, et enfin que les jugements de l'auteur ont servi de critérium aux découvertes, faites depuis. A notre connaissance celles-ci sont peu nombreuses.

A l'exposition de Bruges a figuré un joli tableau appartenant à Sir Fréderik Cook de Richmond, attribué au même maître, à juste titre, ce me semble. Dans son catalo- gue M. Weale le décrit de la manière sui- vante :

W,^VU^ D^ L' }m0 C[ÇR^6l^n.

PI..1

?-.uhkn, M. Gladbjch.

."adoration des Bergers.

(Musée de Dijon.)

I

3L';adoratton hts }derger0.

lOI

<? 24. La Sainte Vierge se préparant à faire la toilette de l'Enfant Jésus. Marie, vue de face, assise auprès d'un foyer, tient sur ses genoux le petit Jésus en chemise de toile diaphane, couché sur sa poitrine. L'Enfant tourne la tête vers sa Mère, qui chauffe sa main droite. A gauche, au deuxiè- me plan, trois anges chantent en suivant la notation d'un livre qu'ils tiennent devant eux. A droite, un quatrième ange apporte une casserole en terre rouge et une cuiller. Bois : H. o'",82. L. 0^56. »

Le catalogue ajoute ; Un panneau analo- gue mais avec des variantes dans les accès soires se trouve au musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg.

Ces variantes sont notables, puisque les quatre anges qui développent la composi- tion ne s'y trouvent pas. La présence des anges infirme d'ailleurs l'interprétation donnée au panneau de l'Ermitage.

Il est vrai que M. Hulin n'accepte pas l'attribution. Il n'y voit qu'une peinture de l'Ecole de Flandre de la fin du XV^ siècle. (Variante d'après le Maître de Flémalle). L'original, ajoute-t-il, se trouve au musée de l'Ermitage, et, suivant en cela une re- marque de M. de Tschudi, il rappelle que la composition a été utilisée par J. Patinier, dans son tableau du musée de Berlin.

Dans le volume de M. Gonse que nous avons eu l'occasion de citer à propos du tableau de Dijon, l'auteur nous fait connaî- tre par une excellente héliogravure une œuvre du maître conservée au musée d'Aix et qui ne laisse pas de doute sur son authen- ticité.

La composition est divisée en deux zones : La Sainte Vierge apparaît dans la région supérieure, sur un banc gothique largement drapé, tenant de la main gauche l'Enfant Jésus complètement nu. Elle a la tête en- tourée d'un double rayonnement d'or, et un

cercle de nuages multicolores forme une large auréole autour du groupe.

En dessous, dans la région terrestre, se trouvent trois figures. Au centre, un reli- gieux dominicain est à genoux en prière. C'est un abbé, car il a déposé sa mitre à ses pieds. De chaque côté on voit un Saint assis, formant pour ainsi dire la transition entre le ciel paraît la Reine du ciel avec le divin Enfant et la terre prie le reli- gieux. L'un est saint Pierre revêtu des insi- gnes de la papauté et tenant de la main gauche les deux clefs, symbole de son pou- voir de lier et délier. A droite, un évêque, revêtu d'une chape en brocart d'or, ayant sur les genou.x un livre qu'il semble méditer. C'est probablement saint Augustin. Il tient à la main droite un objet dont la reproduc- tion ne nous permet pas de reconnaître la nature : c'est peut-être un cœur. Un déli- cieux paysage, entre les ondulations des collines on voit au loin une ville hérissée de tours et de flèches et dont l'accès est gardé par des portes et des ponts-levis, se déroule à l'horizon et complète l'ensemble de la composition.

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Après avoir énuméré les différentes pein- tures attribuées, ajuste titre probablement, au maître que nous venons d'étudier, il est peut-être utile de marquer brièvement les caractères qui lui sont particuliers.

Dans son Catalogue critique, M. Hulin constate que l'art du Maître de Flémalle est essentiellement narratif, et que son naturalisme en est la conséquence. Il y a beaucoup de vérité dans cette remarque, et, sans nous écarter de l'étude du panneau de Dijon, nous voyons que c'est un peintre fasciné pour ainsi dire par la nature, à laquelle ses études lui ont révélé des aspects nouveaux.

Il ne lui reste plus rien presque du hiéra- tisme et de la solennité de la peinture mo- numentale. Chacun de ses panneaux est un microcosme dans lequel il reflète, souvent d'une manière charmante, une scène du siècle il vit. Il s'affranchit aussi, trop peut-être, des textes bibliques, dans les scènes des évangiles que retrace son pin- ceau. Il met une sorte de prédilection à représenter l'Enfant Jésus complètement nu, même dans l'Adoration des bergers, ceux-ci, suivant le texte évangélique, ont trouvé l'enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche.

En revanche, il dépouille la Vierge iVIarie, d'une manière trop sensible, des caractères de la maternité. Renonçant sou- vent au voile, on la voit les épaules inondées d'une chevelure ondoyante et abondante.

Son type de la Vierge-Mère n'est d'ail-

leurs pas fixe. Charmant dans les pan- neaux de Dijon et d'Avignon, il est remar- quablement lourd et banal dans le tableau, si remarquable, d'ailleurs, dit de « Somzée » et d'une grande mélancolie dans l'un des panneaux de Francfort.

Notons, d'autre part, que, moins avancé que les frères Van Eyck, le maître a peint encore sur des fonds d'or, ou diaprés de dessins empruntés à des tissus précieux. Mais dans les peintures il place les saints et les saintes, dans un intérieur du XV^ siècle avec tout le détail du mobilier et des accessoires de son temps, avec une fenêtre ouverte sur un lointain paysage, il est souvent par l'acuité des détails et le jeu des lumières et des ombres, d'une vérité et d'un charme inexprimables.

Jules Helbig.

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5on histoire ; ses ricbcsscs aitistiqucs; sa Description, par l'abbé a. Pastoors

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CHAPITRE PREMIER. Constructions successives, 525-1148.

J'ÉGLISE de Cambrai, dédiée à la Mère de Dieu, était annexée à un monastère, et était ainsi, tout à la fois, cathédrale et abbatiale. Edifiée par S. \'aast, vers 525, elle s'élevait entre la colline et le premier bras de l'Escaut, sur les ruines d'une immense construction romaine. Elle fut incendiée par les Normands, le 28 décembre 881.

L'évéque Dodilon la rebâtit et la consa- cra le i^'' août 890. Ce prélat donna à l'autel principal une riche table d'argent et ajouta à cette magnifique offrande plusieurs vases de métal et des ornements sacerdotaux. Menacée d'une ruine totale par les Hon- grois qui venaient de faire irruption dans les campagnes fertiles de la Flandre, l'é- glise fut sauvée de l'incendie par un ecclé- siastique appelé Séralde, en 953 : mais la partie occidentale de l'édifice avait été tellement endommagée, que l'évéque En- grand en dut entreprendre le rétablisse- ment. L'œuvre fut achevée par son succes- seur, Rotard I I,qui fit la dédicace du temple le I" août 990.

Trente ans après, une nouvelle restaura- tion s'imposait. L'évéque Gérard I^'^ de Florines décida d'entreprendre une recons- truction complète. Il se plut à reconnaître l'intervention du Ciel en faveur de son œuvre, dans la découverte de deux carriè- res de pierres, aux terroirs de Lesdain et de Noyelles ; découverte qui eut lieu au

temps l'évéque décidait que la pierre remplacerait le bois dans la construction du nouveau sanctuaire. Les travaux furent poursuivis avec tant d'activité que la dédi- cace se put célébrer dix ans après, 18 d'octobre 1030. La solennité fut remar- quable. Toutes les reliques que possédaient les abbayes et les principales églises du diocèse furent apportées triomphalement dans laville épiscopale. Lafoule qui accourut des provinces limitrophes fut si considé- rable, que la ville n'en put contenir qu'une partie. Le reste se vit obligé de demeurer dans les faubourgs, et même, d'établir des tentes dans la campagne.

Sous le pontificat du Bienheureux Lié- bert, un nouvel incendie dévasta la cathé- drale. Le peuple de Cambrai concourut admirablement à sa réédification; le suc- cesseur de Liébert, Gérard II, procéda à la consécration de l'édifice sacré, le 21 décembre 1079. Il dédia en même temps la chapelle paroissiale St Gengould ('), récem- ment fondée par le chanoine Hugues, doyen du chapitre, et qui se trouvait entre la cathédrale et la maison de l'évéque.

En 1 148, un incendie, qui prit les propor- tions d'un malheur public, désola la partie la plus importante de la ville, le château de Cambrai ; c'est-à-dire, la cité primitive, qui comprenait : la cathédrale, le palais épiscopal, l'abbaye de St-Aubert, l'église Ste-Croix, l'hôpital St-Julien, ainsi que les habitations des notables. Tout fut la proie des flammes ; l'incendie dura deux jours.

I. L'évéque Gérard I avait levé les corps des saints Gengoult ou Gondulphe et Monulphe à Maestricht, à la prière de l'évéque Nithard, août 103g.

104

jRctouc De r^rt tbrctten*

CHAPITRE DEUXIÈME. L'œuvre définitive, 1200-1796.

NICOLAS de Chièvres, qui régissait le diocèse, conçut le projet de recons- truction de sa cathédrale sur un plan nouveau et dans de plus grandes propor- tions. Il fit appel à la munificence des rois et des seigneurs, à la générosité des chapi- tres et des abbayes, à la piété du peuple: il jeta les fondements de la nouvelle église sur l'emplacement de la précédente. Vers la fin du siècle (X[I<=), moins de cinquante ans après l'incendie, la partie romane de l'édifice était terminée. C'était: le portail flanqué de tourelles en saillie qui s'éle- vaient à peu près jusqu'à la plate-forme d'où s'élançait la flèche, surmontée d'un ange de bronze, sonnant de la trompette. Elle reçut, dans la suite, une ornementation ogivale. C'étaient ensuite, la nef prin- cipale avec ses bas-côtés, dans l'un desquels la chapelle de St-Gengould avait été englo- bée; enfin, le transept, arrondi à ses extré- mités, comme celui des cathédrales deTour- nai et de Noyon.

La construction du chœur, avec la cou- ronne de chapelles, fut commencée sous l'épiscopat deGodefroy de Fontaines (i 220- 12^7). C'est le chef-d'œuvre de Maître Villart d'Honnecourt, qui avait déjà bâti l'admirable abbaye de Vaucelles, près Cambrai.-

En 1463, une croix en fer, œuvre de Jean Caudrelier, de Tournai, fut posée au sommet de la flèche. Quelques années après (en 1472), le chanoine Jean de Rosut se rendit à Rome pour solliciter l'obtention d'indulgences et de faveurs spirituelles à l'occasion de la consécration de l'église élevée à la gloire de la « bénie mère de Dieu et de monseigneur S. Jean-Baptiste. » Jean de Bourgogne était à la tête du dio-

cèse. Mais ce prélat préférait le séjour de Bruxelles à la résidence dans sa ville épiscopale. Le chapitre s'adressa donc à l'évêque d'Arras, Pierre de Rachicourt, qui vint consacrer la cathédrale, le 5 juillet 1472. La cérémonie, commencée à trois heures du matin, ne finit qu'à midi. Un clergé innombrable remplissait le chœur, une foule immense, venue de tous les points du diocèse, remplissait les nefs et débordait jusque sur le parvis et dans la cour de la maison épiscopale. Chaque année, le dimanche qui suit le 5 juillet, le clergé et le peuple chrétien célébraient l'anniversaire de la prise de possession par Dieu de cet admirable sanctuaire.

I. Description de l'extérieur de la cathé drale.

Jean Molinet, dans sa chronique, range la cathédrale de Cambrai parmi les plus belles. Notez, dit-il, que pour avoir une Église parfaite, il faudrait la nef de N.-D. de Cambrai et son embellissement d'épi- taphes, la croisée (') de N.-D. de Valen- ciennes et le dôme et le clocher de N.-D. d'Anvers. » Elle était, en effet, la rivale d'Amiens et la merveille des Pays-Bas.

Bâtie en forme de croix latine, le che- vet dirigé vers l'Orient, l'église présentait une masse imposante, dans laquelle s'har- monisaient les hardiesses de l'art ogival avec la gravité du style roman. Le chœur et les chapelles absidales de la cathédrale de Reims, qui sont aussi de la première époque du style ogival, nous donnent une représentation exacte de notre antique église. La nef, les bas-côtés et le tran- sept, plus anciens d'un siècle, avec leurs baies à plein cintre, complètent le monu- ment.

Au point d'intersection de la nef princi-

I. Croisée est ici synonyme de transept.

09onograpl)te De ranctenne catl)étirale tie Cambrai. 105

pale et du transept s'élevait un dôme haut de cinquante mètres, percé dans chacune de ses quatre faces de deux fenêtres prenant jour au-dessus des toits. Aux angles, il y avait quatre tourelles en encorbellement, dont le toit était revêtu de plomb doré: «des heuses (') de plomb doré. »

A l'extrémité de la nef, au rond-point, vers l'abside, il y avait un ange de cuivre qui, au moyen d'un mécanisme, tournait sur lui-même en suivant le cours du soleil.

Le porche, ou grand portail, porte la date de son érection, XT siècle. Dans son rapport à la Société celtique, en iSo6, Alexandre Lenoir en fait la description : < Ce porche est composé de quatorze figures de sept pieds de proportion, en pierre blanche du pays, laquelle imite le marbre blanc : les statues représentent les Pères de l'Église, les saints prophètes... que l'on a caractérisés par un livre qu'ils tiennent d'une main et par un rouleau sur lequel leurs noms sont inscrits en lettres rouges rehaussées d'or. Plusieurs bas- reliefs, dont l'un plus grand que les autres, représentent sous une forme gigantesque Jésus-Christ et la Ste Vierge entourés d'anges ; des ornements riches, des frises bien développées et des détails d'un grand caractère, enfin la statue colossale de S. Christophe portant l'Enfant Jésus, com- posent un admirable ensemble de décora- tion extérieure. »

Les deux tourelles en saillie donnent de

I. Que faut-il entendre par le mot Heuse ou Heuzet Sommet, toit, ce semble, et non pas < girouette >), comme on le croit d'ordinaire. En effet : l'adjectif haus signifie haut, élevé, éminent. (Etymologies Patoises-Escalier)

En Cambrésis, heuche-mi, heuche-le signifie : lève- moi, lève-le.

Nous croyons que le mot heuse a bien, comme on le croit d'ordinaire, le sens d^épi (ornement terminal d'un pignon ou du poinçon d'un toit, d'une lucarne.) On en trouvera la preuve plus loin. L'étymologie ci-dessus est du reste bien d'accord avec cette version.

{N. de la R.)

la sveltesse à la tour massive qui supporte la flèche. Toute en pierre grise, percée, découpée à jour comme un ouvrage en den- telle, elle dominait la contrée et portait, jusque dans les nues, la triomphante image de la Croix du Rédempteur. On comptait trois cents pieds q6"\36 depuis le

sol jusqu'au pied de la croix : la hauteur totale était de 107 mètres.

La porte qui donnait accès dans le tem- ple, sculptée en bois de chêne, existe encore, disait en 1806, Alexandre Lenoir, dans le rapport déjà cité : « Elle repré- sente un zodiaque complet, par la réunion assez singulière d'allégories païennes et chrétiennes. » En efifet, douze comparti- ments dans lesquels sont représentés les travaux d'Hercule et les quatre évangé- listes, avec leurs emblèmes, occupaient la surface de cette porte fameuse.

io6

3Rebue De r^rt chrétien.

Outre ce portail, ou porche principal, qui s'ouvrait dans la cour d'honneur du palais épiscopal, la cathédrale présenlait quatre autres entrées, peut-être cinq. Il s'en trou- vait une à chaque extrémité du transept : celle qui débouchait sur la place N.-D. en face de St-Aubert, s'appelait : le portail St-Jean, et quelquefois N.-D. des Fiertés. L'entrée opposée, et qui regardait la collé- giale de Ste-Croix, était appelée : portail St-Étienne, et, à partir du XI P siècle, portail de l'Horloge, parfois encore: portail des Enfants de chœur. Une troisième entrée se trouvait à peu près en face de la rue St-Jérôme, c'est-à-dire, proche de la galerie qui conduisait au palais. A l'opposite, à l'extrémité de la galerie qui conduisait à la salle du chapitre, il y avait le portail de Sle-Croix. Certains plans placent une cin- quième entrée entre le transept (portail de l'Horloge) et la troisième chapelle absidale, celle consacrée à S. Géry et à S. Laurent.

II. Intérieur de la cathédrale.

La nef romane, aux arceaux en plein cin- tre reposant sur des piliers trapus, se com- posait de onze travées. Longue de 64", 20, large de 38 m. environ, y compris les bas- côiés ayant chacun i i mètres, elle avait 32'", 15 d'élévation.

Le chœur ogival, séparé de la nef par un jubé, mesurait en hauteur 41 '",19, soit im,85 de moins que celui de la cathédrale d'Amiens, qui date de la même époque. Il avait 28'", 89 de profondeur. En ajoutant la largeur du déambulatoire et la chapelle absidale de la Ste-Trinité, soit 33'",3i ; de l'entrée du chœur au chevet de l'église, il y avait 62"\20; du chevet au porche, 126"^ 20, d'un portail du transept à l'autre, on comptait 72"\30. La longueur totale de l'édifice était, d'après le plan de A. Boileux, de 128 mètres environ. D'après le plan de

M. Pinte: longueur, i3i'",5o; hauteur, de la nef, 32"^, 15; largeur, 72"\30 ; flèche, 107 mètres. Plus vaste que la cathédrale de Tournai, presque aussi élevée que la cathé- drale d'Amiens, N.-D. de Cambrai avait quc:lque chose de la majesté de celle de Reims, et passait à juste titre pour la mer- veille des Pays-Bas (').

A l'entrée du chœur se dressait le jubé. Nous ne savons rien du jubé primitif. Celui qui a pris rang parmi les monuments remarquables du XVI^ siècle avait été fait des deniers de l'évêque Henry de Ber- ghes. Composé de marbre noir, dans lequel des statues et des bas-reliefs d'al- bâtre et de cuivre scintillaient d'un vif éclat, il était surmonté d'un immense cru- cifix en bronze, accosté des statues en marbre blanc de la Ste Vierge et de S. Jean, autour desquelles de nombreux chan- deliers de bronze étaient disposés. Des cierges y brûlaient continuellement.

C'était au jubé que se chantaient l'épî- tre, l'évangile et certaines parties de l'of- fice canonial aux fêtes solennelles ; on y proclamait les publications importantes. Publier au Trin, disait-on ; probablement à cause de la triple entrée, des trois por- tiques dont se composait le monument, qui comprenait non seulement la clôture du chœur, mais encore le déambulatoire ou abside.

L*^ chœur était orné de verrières repré- sentant les douze apôtres : c'était un don de la comtesse Jeanne, fille de Baudouin de Hainaut, fait en 1196. A la voûte étaient suspendus les drapeaux pris par Charles VI,

I. Julien de Ligne, vicaire de la cathédrale, ►{« 1615, donne les dimensions suivantes : longueur de la nef, 1S5 pieds; longueur du chœur, 130; largeur de la nef, 30 ; lar- geur des bas-côtés, 45; longueur de chaque croisée, 50. Par croisée, il faut entendre le transept.

Houdoy nous apprend que les cuivres et les marbres de ce jubé furent exécutés .\ Tournai. (N. de la R.)

£l^onograpl)ie îie ranctennc catl)éDrale De Cambrât.

107

roi de France, à la bataille de Rosbecq, en 1382. De nombreux lustres, ou lampadai- res d'argent garnissaient le sanctuaire.

Au milieu, dans la partie surélevée, qui avait un pavage spécial de carreaux «plom- més verts et jaunes », le reste du chœur

étant pavé de marbre noir se dressait le maître-autel. « C'était, au XV^ siècle,

« une table d'argent doré, sans rétable, ni « tableau, dont la face antérieure était

io8

3Rebue be r^rr cbrctten.

« décorée d'un antependium, œuvre de bro- « derie représentant d'ordinaire, au milieu, « la Vierge assise, entourée d'anges et des « SS. Apôtres, et aux deux extrémités, S. « Jean- Baptiste et S. Jean l'apôtre. »

« Au-dessus de l'autel, et dans une châsse octogonale dont les volets formaient en se « développant un tableau large mais peu « élevé, était placée la statue d'argent de la « Ste Vierge. » Les volets représentaient l'adoration des Mages : œuvre de l'enlu- mineur Gabriel.

« A une croche dorée, était suspendu le « ciborium qui renfermait le St-Sacrement, « et que l'on faisait descendre au moyen « d'un petit câble de soie attaché à l'un des « quatre piliers de cuivre, placés à une cer- « taine distance des quatre angles de l'au- « tel. » Ces piliers, couronnés d'anges, ser- vaient de point d'attache aux tapisseries qui ornaient l'autel et variaient selon lesfêtes(').

Le mauvais goût, si général au XVIII' siècle, qui condamna tant d'œuvres artis- tiques des âges précédents, fit disparaître de N.-D. de Cambrai l'autel, qu'il remplaça par une table d'argent contournée, soutenue par des consoles en bronze doré. Sous cette table, était posée une urne d'argent, en- tourée d'anges de même métal. Quatre- vingt mille livres d'argent, produit de la fonte d'innombrables pièces d'orfèvrerie, furent consacrées à cette œuvre. Le taber- nacle, le crucifix, les chandeliers qui com- plétèrent l'ornementation de cet autel somp- tueux,furent confectionnés avec d'anciennes argenteries.

I. L'autel ét.iit entouré de courtines portées sur des tringles appendues h des colonnes de laiton surmontées de sl.-ituettes d'anges ; les supports avaient été fondus par Maître Gilles de Grumellemont de Tournai, d'après les dessins du peintre Jehan More). Antérieurement .^ 1431, Guillaume Lefeljvre avait fourni quatre anges en cuivre pour le même autel. (V. Houdoy, H/s/. ar//s//qt(e de la cathédrale de Cambra/ et les ï.tiides sur l'art à Tournai, de A. de Lagrange et L. Cloquet, t. II, p. 30.)

CHAPITRE TROISIÈME.

Le chœur et les sépultures des évéques de Cambrai.

DES stalles de grand style rempla- cées, elles aussi, au XVI 11^ siècle garnissaient le chœur. Au-dessus, sur les murailles, des grisailles représentaient d'un côté, les douze apôtres, de l'autre, les douze prophètes, tenant chacun un rouleau dé- ployé, ou phylactère, était inscrit un texte de l'ancien ou du nouveau Testa- ment : œuvre de Matthieu de West, un des précurseurs de Jean Van Eyck, qui enlumina le cierge pascal, 1380-1440.

Dans les intervalles libres, le long des murailles, étaient érigés de nombreux et magnifiques monuments, mausolées des seigneurs-évêques. Sous les dalles char- gées d'inscriptions, d'autres évêques dor- maient leur long sommeil, en attendant la résurrection. Sous le maître-autel se trou- vait le caveau des archevêques, construit en 1720.

Une plaque en marbre noir, portant les noms des évêques de l'église de Cambrai, depuis S. Vaast jusqu'au cardinal Dubois (la liste avait été dressée par le chanoine Simon .Stiévenard) était fixée à l'entrée du chœur.

Près du jubé, qu'il avait fait édifier, gisait Henry de Berghes (*^ en 1502). Son monument avait été dessiné par Gabriel Clouet. Erasme, alors étudiant à l'Univer- sité de Louvain, composa l'épitaphe. En avançant, on rencontrait la pierre tombale de Gaspard Némius (41 en 1667), âgé de plus de 80 ans , ensuite le monument de Ladi.slas Jonnart (^ en 1674) ; il avait in- stitué les pauvres de Cambrai ses héritiers.

Non loin du maître-autel, le monument de Nicolas de Fontaines {^ en 1272). Ce monument fut enlevé en 162 1 pour donner

®onograpl)îe îie rancicnne catftéDrale De Cambrât. 109

place au mausolée de François Faristeret ("^ en 1615). Il représentait l'ensevelisse- ment de Notre-Seigneur Jésus Christ, ac- costé des statues de S. Thomas et de S. François d'Assise.

Puis venaient les monuments de Gui d'Auvergne, mort en 1336, à Château- l'Évêque ; de Pierre-André (►$< en 1368) En face de la sacristie, la tombe de Maxi- milien de Berghes, premier archevêque de Cambrai, «f" en 1570 ; ensuite la sépulture d'André de Luxembourg, >i* en 1396, dont le monument se trouvait en une chapelle voisine, l'évêque était représenté aux pieds de la Ste Vierge. A droite, se trou- vaient les monuments de Gérard Dainville, •i* en 1378, de Guillaume de Berghes, >i* en 1609 et de Jean Richardot, ►J^ en 1614.

Sous le maître-autel, reposait Jean de Bryas, mort en 1694. Derrière, se dressait l'autel de S. Jean- Baptiste, second patron de la cathédrale : on l'appelait aussi de Requietn. Pierre d'Ailly avait fait construire son tombeau « sous le petit autel de Re- quiem situé au fond du chœur». Il y était représenté couché. Un motif de sculpture à trois personnages décorait le mausolée : c'était Notre-Seigneur dans les eaux du Jourdain, recevant le baptême des mains de S.Jean-Baptiste, accosté de S. Pierre (').

Cardinal et légat du Pape, Pierre d'Ailly demeura attaché de cœur à son Église de Cambrai : il porta toujours le titre de Cardinal de Cambrai et voulut être inhumé dans la cathédrale. Sa mort arriva à Avi- gnon en 1420. Les débris de ce monument sont conservés au musée de Cambrai.

Près de Pierre d'Ailly, deux autres

I. Il n'est peut-être pas sans intérêt de noter ici, que !e tombeau de Pierre d'.\illy fut l'œuvre de l'imagier tou'-- nalsien Jacques de Braibant. (A. de Lagrange et L. Clo- quet. Eludes sur [art à Tourjiai, I. II, p. II 5, ainsi que les monuments funéraires d'un grand nombre de clia- noines cambraisiens. ( X. de la R.)

évêques avaient leur sépulture. C'étaient : Jean de Lens, ^ en 1439. Le prélat y était représenté en vêtements pontificaux, entre ses deux frères, tués à la bataille d'Azin- court ; et Jean de Bourgogne, <i< en 1478. Cet évêque s'était fait ériger un magni- fique tombeau dans sa cathédrale,qu'il visita si peu et cependant son cœur fut inhumé.

Enfin, à l'entrée du chœur, faisant pendant au monument d'Henry de Berghes, était érigé le tombeau de Fénelon, <i* en I 7 1 5, œuvre de Lemoyne, sculpteur du roi : le P. Sanadon, de la Compagnie de Jésus, en avait composé l'épitaphe.

Le chœur était entouré d'un mur plein, tout enrichi de peintures, de sculptures, et auquel étaient adossés des monuments fu- néraires. A rencontre du mur du chœur, lisons-nous dans les comptes de la cathé- drale, se trouvent : la gésine de N.-D. ; S. Quentin et S. Firmin, libéralités du chanoine Pierre Lemaire, 1419-

CHAPITRE QUATRIÈME. Les 21 chapelles.

AU chevet de l'église, la chapelle de la Très-Sainte-Trinité, devenue, au XV'' siècle, la chapelle de Notre-Dame de Grâce.

I. Chapelle de N.-D. de Grâce. Au Chevet.

Dans une monstrance, d'un travail d'une perfection artistique remarquable, était renfermée la précieuse et miraculeuse imap-e de Notre-Dame de Grâce, donnée à l'église de Cambrai, par Fursy de Bruille, chanoine, archidiacre de Valencienes. Cette châsse était d'argent rehaussé d'ornements en or. « Sur les dessins de Jehan (')

I. Bellegambe, le maître des Couleurs, natif de Douai ; auteur du fameux polyptyque d'Anchin, donné à l'église N.-D. de Douai, par M. Escalier.

HaVX'E UE L ART CHRÉTIEN. 1504. r"- LIVRAISON.

I JO

18it\)x\t tic r^rr cf)rétiriu

« Bellegambe, de Douai (1470-1535), l'or- « fèvre de la cathédrale exécuta un riche « encadrement de même métal pour en- « tourer le tableau. Le revers de l'image « vénérée était orné d'un arbre de Jessé, « dont les fines découpures s'enlevaient sur « un fonds de velours rouge : c'était le « complément de la châsse ou fierté, sous « laquelle on promenait la sainte image en « procession. »

Sur les parois de la chapelle, en place de choix, se trouvait le tableau représentant S. Jean Baptiste, œuvre authentique de Raphaël. L'auteur de la description artis- tique de la cathédrale, à qui nous devons tant de renseignements précieux, se de mande si ce ne serait pas le tableau revenu au musée du Louvre, après des pérégrina- tions sans nombre.

Dans cette chapelle se trouvait une quantité considérable d'ex-vo/o, parmi les- quels : la lampe en argent donnée par la ville de Valenciennes ; les trente-quatre cœurs d'argent offerts solennellement par les bourgeois de Lille de 1709 à 1739 ; un reliquaire en vermeil représentant la sainte Maison de Lorette soutenue par quatre an- ges d'argent, reposant sur socle en cuivre doré ; quatre grandes pyramides d'argent, renfermant des reliques, aux armoiries du chanoine Michel Vancantelberg ; un lam- padaire avec trente-quatre lampes d'argent, enfin, le lustre de Louis XI, lampadaire en fer forgé supportant douze porte-fiambeaux d'argent, travail dessiné par Guillaume Colman et exécuté par Andrieu Jacquemin.

Un des vitraux de cette chapelle repré- sentait N.-S. au Jardin des oliviers, et, aux grandes fêtes, on revêtait les murs des sept belles tapisseries, dites de Charles- Quint.

Devant la clôture, une des œuvres les plus remarquables du sculpteur cambré-

sien, Jehan de Noie, 1556 : sous le re- gard de N.-D. de Grâce, qu'il avait léguée au Chapitre, reposait le chanoine Fursy de Bruille, >i> en 1450.

Les comptes de la cathédrale, découverts et publiés par M. Houdoy, nous fournissent les renseignements suivants sur le reli- quaire ou monstrance qui renfermait la précieuse peinture de N.-D. de Grâce, en l'année 1752 : « L'image enchâssée en ar- « gent doré, ornée d'une bordure garnie de « diamants et de rubis, et à chaque angle, « il y a 43 diamants, une pierre fine et « un rubis au milieu d'un cadre, de chaque « côté, il y a 16 diamants et 2 rubis et une « pierre fine.

« Au-dessus du cadre, il y a une demi- « couronne d'or, sur laquelle il y a une « croix d'or et deux colliers de perles fines. « Item, une croix d'or, garnie de diamants, « deux anges de la hauteur d'un pied, d'ar- « gent doré, ayant chacun pendants d'oreille « d'or émaillé avec chacun 6 perles. ï>

CJtapelle de Stc-Êlisabeih et de Si il loi fondée en 1239.

Côté de Ste-Croix, portail St Etienne ou de l'Horloge. A droite.

2^ absidale.

L'autel était surmonté d'un retable aux innombrables personnages, fouillés dans l'albâtre ; de chaque côté un ange aux ailes déployées. Dans un reliquaire de métal pré- cieux, rehaussé d'émaux, se conservait le cœur de Ste Elisabeth de Hongrie, bien- faitrice de l'église de Cambrai.

Des peintures décoraient cette chapelle. En 1454, un religieux de St-Aubert, Nico- las Bleutin, y représente de nombreux per- sonnages. En 1566, Jean de Nolle, avec ses deux fils, « l'orne de fines peintures, avec volets en bois, portant sur leurs revers

5@onograpl)te De Vamimnt catftéDrale De Cambrai.

II I

les images de Jehan Happe, archidiacre d'Anvers et de quelques membres de sa famille. »

La clôture était en bois sculpté, avec colonnes de cuivre surmontées de candé- labres du même métal.

Chapelle de St-Géry et de Si- Laurent. absidale.

Fondée au XI IP siècle par les frères Etienne et Grégoire Leduc, membres du Chapitre.

On y remarquait le tombeau en marbre blanc d'Ernestine de Velasco, chanoinesse de Ste-Vaudru, morte en 1654, dans sa dix- neuvième année.

Profanée en 1595, par l'inhumation du fameux baron d'Inchy, sur l'ordre de Bala- gny, gouverneur de Cambrai, elle fut puri- fiée par l'évêque Louis de Berlaimont.

Chapelle du Crucifix ou du St- Sépulcre. 4^ absidale.

Robert de Franqueville, lequel quitta sa stalle de chanoine pour entrer dans l'Ordre des Chartreux, avait enrichi cette chapelle d'une clôture de marbre avec colonnes.

Les statues en marbre de S. André et de Ste Catherine, le monument de Jean de Malove, <^ en 1554, un groupe représentant Notre Dame de Pitié «que l'on dit Fla- mingue », ornaient cette chapelle.

C'était « un travail d'orfèvrerie, fait par Pierre Van Pulaer, composé de quatre per- sonnages et de 6 petites histoires. »

On appelait Notre-Dame la Flaminghe, le groupe représentant la T. Ste Vierge tenant dans ses bras le corps inanimé et sanglant de son Divin Fils. Ce nom pro- vient, sans doute, de ce que les églises de Flandre ont, les premières, offert à la piété des fidèles, de semblables représentations de la Mère des Douleurs. En Italie, on a

appelé le groupe Pietà, et l'usage général en a fait N.-D. de Pitié. Les comptes de la cathédrale, de l'an 1500, portent: « N.-D. de Pitié, que l'on dit, Flaminghe. » Ce qui infirme l'opinion de certains érudits qui préfèrent y voir la Vierge auréolée de flammes : Flamma, flammarum, d'où par une suite d'altérations, flaminghe.

Près du « Piteux Crucifix », au-dessus de la chapelle, se trouvait l'Horloge monu- mentale,antérieure de deux cents ans à la fa- meuse horloge de Strasbourg. Commencée, dit-on, en 1383, perfectionnée sous Pierre d'Ailly, elle avait été renouvelée en 1765. Au moment le carillon sonnait l'heure, on voyait s'avancer un groupe de person- nages en cuivre représentant la passion de Notre-Seigneur, tandis qu'un ange appa- raissait au sommet d'une flèche de style ogival et sonnait de la trompette, pour rappeler aux mortels que chaque heure qui s'écoule, les pousse vers le jour suprême le Fils de Dieu citera l'univers à son tribunal.

Outre le cadran des heures, il y en avait deux autres qui indiquaient les jours de la semaine, la succession des mois, des saisons et les phases de la lune.

Ce travail curieux jouissait de la faveur populaire ; l'horloge de la cathédrale figu- rait parmi les VI I merveilles du Cambrésis.

Chapelle de S t- Biaise ou des évêqties. Faisant pendant à la chapelle de Ste- Eli- sabeth.

Côté du portail St-Jean.

absidale.

A gauche de l'autel de N.-D. de Grâce.

Close d'une belle balustrade en marbre, due à l'inépuisable libéralité de l'évêque François Van der Burch on y substitua en 1789 une grille avec boiseries cette chapelle était décorée des statues de pro-

phètes, au nombre de h uit, en marbre blanc, et d'un candélabre orné de figures en ronde bosse, donné par Y von Leroy, en 1519.

était le monument élevé en mémoire de Don Fernand de Quesada, gouverneur de Cambrai, mort en 1655.

Cette chapelle était réservée à l'usage des évêques. Pendant son épiscopat, Féne- lon, dérogeant à l'antique coutume, célé- brait le S. Sacrifice de la messe à la cha- pelle de N.-D. de Grâce.

Chapelle de Ste- Catherine et de St- Nicolas. 2^ absidale, gauche. Le chanoine Ferry de Crohin, '^ en 1628, l'avait enrichie d'une clôture en marbre.

Chapelle St-Pierre et St-Paul. absidale.

Elle avait été érigée en 1227. Pierre Prudhomme, qui a laissé de précieux mé- moires sur Cambray, l'avait dotée, l'an 1628, d'une clôture en marbre.

Chapelle de St-Nicaise. 4^ absidale, gauche.

La clôture, don du chanoine Félix Len- grand, était en marbre.

Chapelle de Ste- Anne. 5^ absidale.

Fondée et dotée en 1319, par le chanoine Nicolas Fabourdeur, prévôt du chapitre. La clôture était en pierre grise.

Chapelle St-Jean-l Évangéliste. 6^ absidale.

Elle a donné son nom au portail situé en face de St-Aubert. Édifiée aux frais d'Éiienne de Suisy, celte chapelle renfer- mait le splendide monument de François \'an der Burch, de vénérée mémoire. Érigé d'abord dans l'église des PP. Jésuites, à Mens, en 1640, le monument fut transporté à Cambrai, en 1720; et les restes mortels

du saint prélat reposèrent dans la chapelle St-Jean, jusqu'au jour (( la Bande infer- nale » vint exécuter les ordres sacrilèges du Comité du salut public.

Ce mausolée se trouve dans la chapelle Ste-Agnès, Fondation Van der Burch, en faveur de cent jeunes filles pauvres.

N.-D. -des- Fiertés ou des Reliques.

Dans le transept, à peu de distance de la chapelle St-Jean, dans le prolongement de la clôture du chœur, une vaste cha- pelle était dédiée à Ste Maxellende. On l'appelait encore Notre-Dame-des-Fiertes, ou des Reliques.

L'autel était surmonté d'une belle statue d'argent de la Mère de Dieu. On y vénérait les reliques que l'évêque Halitgaire, *^ en 829, avait rapportées de Constantinople.

La châsse de Ste Maxellende y occupait la place d'honneur. Elle renfermait une partie du chef de la virginale martyre du Cambrésis, ainsi que l'épée avec laquelle elle avait subi la mort, le 13 novembre 670. « Les fillettes, rapporte Julien de Ligne, portaient cette épée aux processions solen- nelles. »

Il y avait, en outre, la châsse des XII Apôtres. Les peintures qui décoraient cette chapelle, étaient l'œuvre de Simon Marmion, de Valenciennes, ►J< en 1489. C'était un miniaturiste distingué. On l'appe- lait avec raison : Prince d'enluminure.

La table de marbre de cet autel, sculptée par Hubert Hanicque, avait été donnée parle chanoine Fouillan d'Eppe ^ en 1622, et la clôture en marbre était un don de Pierre d'Antoing, archidiacre du Brabant.

En descendant la petite nef, entre le por- tail St-Jean et la galerie qui conduisait au Palais épiscopal, se trouvaient trois cha- pelles : celles de N.-D. -la-Grande, de l'As- cension et des Morts ou de St- Philippe.

5^onograpï)ie tie ranciettne catticdrale de Cambrai. 113

Chapelle Notre- Dame- la Grande.

Fondée et ornée par les libéralités d'un abbé d'Anchin.

L'imagfe de N.-D. -la-Grande était enfer- mée dans une châsse dont les volets avaient été peints par Simon Marmion.

Les bannières ou gonfalons que l'on por- tait en procession étaient dus au talent du même artiste.

En face de N.D. -la-Grande, dans la nef de gauche, Robert de Croy était inhumé. ^ 1556-

Chapelle de r Ascension.

Le chanoine Jean Gounet y avait choi.si sa sépulture. La clôture en marbre, posée en 1527, était due à sa libéralité.

Chapelle des Morts ou de St- Philippe.

dotée par le chanoine Philippe Majoris, fondateur d'un collège à Cambrai, ^ en 1554. Il était inhumé en cette chapelle. Son monument le représentait à genoux.

Dans le transept, côté droit, ou de Ste- Croix, se trouvait la chapelle St-Étienne; elle avait donné son nom au Portail, qui s'appelait encore, de l'Horloge, ou des En- fants de Choeur.

Chapelle St-Étienne.

Les ecclésiastiques attachés au service de la paroisse, et qu'on appelait « grands et petits vicaires », y célébraient les offices. Les boiseries en chêne sculpté, avec mé- daillons, étaient dues à la piété du chanoine Etienne Trigaut, ^ en 1743.

On y remarquait le monument du cha- noine Guillaume du Fay. grand-chantre, la gloire de la célèbre maîtrise de la cathé- drale de Cambrai. Il était représenté à genoux, les mains jointes, devant un Christ sortant du tombeau. 1474.

C'était un grand artiste, passionné pour son art. II avait demandé que lorsque vien-

drait l'heure dernière, après réception des sacrements des mourants, en temps oppor- tun, huit de ses collègues du choeur vinssent chanter à mi-voix, près de son lit d'agonie, l'hymne : Magno salutis gaudio ; et qu'à leur tour, les enfants du choral avec leur maître et les choristes, chantassent le motet : Ave Regina Cœlorum, qu'il avait composé.

Unedes verrières représentait S. Michel. Vis-à-vis de cette chapelle (St-Étienne) une plaque de cuivre fixée à un pilier portait l'épitaphe de l'évêque Jean de T'serclaes, <^ en 1388.

Dans la nef de droite, depuis le transept jusqu'à la galerie conduisant au chapitre, se trouvaient cinq chapelles :

Chapelle du St-Novi de fésns.

Le chanoine Guillaume Claix fournit, en 1550, des fonds pour son embellissement.

Chapelle de Tous les Saints.

Construite vers 1365.

Chapelle des SSts- Vincent et- Eustache.

Érigée en 1342, par Guillaume, C'^ de Hainaut. Le chanoine André Lemaire y fît placer, en 1739, un autel, des boiseries et un pavé en marbre.

Chapelle S te- Croix, ou de la Ste- Face.

Elle avait été dotée, en 1520, par le chanoine Nicolas Domont.

Chapelle St-Thomas.

Alexis de Cuinghien, ►!< en 1741, l'avait enrichie d'une table d'autel et d'un tableau estimé, représentant S. Jérôme. Aussi, cette chapelle est-elle appelée par certains au- teurs, chapelle de St-Jérôme.

Chapelle de Saint- Jean- Baptiste.

Enfin, sous le clocher, à droite, se trou- vait l'autel de St-Jean-Baptiste, la com-

114

Bebur lie T^rt cbrctien»

munauté des chapelains célébrait ses obits. « Au-dessous des cloques, les chapelains du grand commun ont accoutumé de dire des obits et des psalmes de miserere », lisons-nous dans les chroniques.

Dans le déambulatoire, ou carolles du chœur, on voyait : le tombeau de l'évêque Némius, c'est lui qui a édité le premier catéchisme à l'usage des fidèles de son dio- cèse; le monument en bronze de D. Alfonso Ferez de Vivero,gouverneur des Pays-Bas, >i* i66i,et les mausolées des Franqueville, 1734, et d'Adrien Mazile, mort doyen du chapitre, en 1 741 ...

De nombreux monuments avec «leur em- bellissement d'épitaphes » étaient rangés le long des murailles, dans les bas-côtés, for- mant une véritable galerie historique, offrant, en outre, des spécimens de l'art pendant une période de cinq siècles. «Une des gloires de la cathédrale de Cambrai, dit avec raison M. Houdoy, était sa remar- quable collection de monuments qu'elle devait à la libéralité de ses évêques et de ses chanoines. »

Le pavé de l'église était fait de larges dalles de pierre, chargées d'inscriptions, rappelant à ceux qui venaient adorer dans la Maison de Dieu, les noms des ancêtres et des bienfaiteurs de l'église, qui avaient eu l'honneur d'y recevoir la sépulture.

Au pied du clocher, reposait l'évêque Nicolas de Chièvres, >i> en 1167. Il avait fait choix de cet endroit, pour y attendre la résurrection : le chœur n'était pas encore commencé, et la superbe tour était son œuvre !

Sur l'un des piliers du clocher, à droite, « les baillis font leur station, les jours de procession », il y avait une belle statue de S. Nicolas; à gauche, se trouvait la belle statue en albâtre de S. Antoine, que le

chevalier Estays de Boulogne y fit placer en 1753.

Voilà donc ce que nous avons pu recueil- lir sur les vingt et une chapelles de la cathé- drale : que le lecteur n'oublie pas qu'il s'agit d'un monument disparu et que les docu- ments sont rares.

L'auguste Mère de Dieu était honorée, dans la cathédrale qui lui était dédiée, sous divers vocables :

Notre-Dame de Cambrai, maître-autel.

Notre-Dame de Grâce, chapelle de la Ste-Trinité.

Notre-Dame des Paieries, chapelle de Ste-Maxellende.

Notre- Dame- la- Grande.

Notre-Dame Flamingue, chapelle du Crucifix.

Noire-Dame-Ia Belle ou d'Albâtre : ados- sée au jubé.

Ces madones avaient leurs autels et recevaient les hommages de la population de Cambrai et de la province entière.

CHAPITRE CINQUIÈME. Le Trésor de Notre-Dame.

UN E multitude d'objets d'art, statues, tableaux, retables, pièces d'argenterie, de cuivre, de bronze, d'or, avec émaux et I pierres précieuses, dons des rois, des prin- ces, des évêques, du chapitre, des villes et des métiers, ex voto de la Reconnaissance, expression de l'amour et de la piété, souve- nirs laissés par les morts, tout un monde de merveilles, dont plusieurs avaient coûté des sommes considérables, enrichissaient la cathédrale et composaient son incompa- rable trésor.

Un inventaire de 1401, reproduit par M. Houdoy, montre, d'une façon péremp- toire, que le trésor, un des plus riches de

SPonograpbte lie ranctenne catl)éDrale De Cambrai. 115

France, était un merveilleux musée d'or- fèvrerie, d'émaux et d'étoffes de luxe:

Les croix précieuses étaient au nombre de douze, parmi lesquelles, il faut citer :

Celle en bois d'olivier, pleine de reliques, apportée de Jérusalem et donnée à l'église, par l'évêque Halit- gaire, IX* siècle.

Une en vermeil, avec pied de cuivre, sur lequel on avait gravé, d'un côté, l'image deSte Marie-Madeleine, de l'autre, le portrait de Jacques de Croy, en habit ducal.

Et une croix d'or avec épines de la Ste Couronné, ornée de 12 marguerites et de 9 pierres précieuses.

Les calices et vases sacrés, de toutes les époques, étaient en nombre considérable. Deux calices méritent une mention spéciale.

Le premier, de l'or le plus fin, était une merveille, un chef-d'œuvre de joaillerie.

Le second, qui était affecté à la chapelle des Tré- passés, «c était en vermeil et richement ciselé. Sur le « pied de la coupe, il y avait un écnssnn avec croix de « S. André, appuyée sur un pélican et surmontée d'un < cycle solaire. »

Les reliques des Saints reposaient dans des taber- nacles ou fiertés, de métal ou de bois, que le marteau de l'artiste ou le pinceau de l'enlumineur rendaient doublement précieux. Le peup'e chrétien ne trouvait jamais les reliquaires assez somptueux, et il se dépouil- lait de ses bijoux pour embellir encore les gracieux et riches édicules.

Citons, parmi les plus remarquables :

Le reliquaire de la Ste Couronne d'épines, repré- sentant la Crucifixion, don de la comtesse Jeanne de Hainaut : XIT= siècle.

La statue de S. Jean-Baptiste, tenant un cristal qui renfermait une dent du saint Précurseur. Le socle, soutenu par quatre serpents, portait l'inscription suivante : « Donné par I-ouys aîné, fils du roi de France, 1243. » S. Louis.

Un S. Christophe, en vermeil, sur socle d'argent. Deux anges dorés soutenaient une relique du Saint, enfermée dans un tube de cristal.

Les châsses, avec émaux et pierreries, des saints Eloi, Denys et Agathe.

Bras d'argent renfermant des ossements de S. Etienne, des saints martyrs Côme et Damien, de S. Amé, de S. Jean Chrysostome, de S. Martial et de S. André.

Deux grands reliquaires d'argent représentant la

Nativité de Notre-Seigneur, et le Couronnement delà Ste Vierge, don de Jehan Martin.

La statue, en métal précieux, de S. Martin, à cheval, partageant son manteau avec un pauvre.

Une Circoncision et quatre cassettes garnies de cristaux avec reliques.

Le Couronnement de Ste Catherine.

Vingt-trois autres reliquaires, parmi lesquels, cinq surtout occupaient un rang à part, tant à cause de la richesse des métaux que de la perfection du travail : c'étaient les châsses de S. Éloi, de S. Piat, de S. Mar- tin, de S. Géry et de S. Robert.

Enfin, la grande châsse, pièce monumentale, le chapitre renfermait ses innombrables reliques. Elle mesurait quatre pieds de long, un pied et demi de haut, jusqu'à la base de la flèche qui la surmontait. Il était entré dans la confection de cette pièce d'orfè- vrerie plus de cent kilogrammes d'argent. Elle datait de 1352.

Là, reposaient dans la soie et l'or, dix reliques con- cernant Notre-Seigneur Jésus-Christ, neuf touchant à la T. Ste Vierge, quarante-deux reliques de SS. Martyrs, trente de confesseurs, quatorze de Vierges ou de Veuves, et une multitude d'ossements ayant appartenu à des Saints dont les noms étaient ianorés.

Parmi les objets d'art disséminés dans la cathé- drale, en dehors de ceux dont il a été fait mention dans le travail, citons :

La Vierge en argent du grand autel, Notre-Dame de Cambrai, à laquelle la comtesse Jehanne, fille de Biuduin de Constantinople, avait offert un affiquet d'or (couronne), garni de saphirs et d'émeraudes.

Les statues d'argent de la Ste Vierge et de S. Nor- bert, offerts par l'évêque Robert de Croy.

La statue en marbre blanc de S. Sébastien, due au ciseau du sculpteur cambrésien, Balthasar Marsy ('). Elle se trouvait à l'entrée delà nef principale.

La statue en marbre du Prophète Daniel.

Un S. Michel, surplombant le mausolée de Michel Bruneau.

Un St François d'Assise recevant les Stigmates : groupe exécuté en marbre, à la mémoire du chanoine François Sarre, 1560.

Parmi les bas-reliefs, celui qui représentait l'An- nonciation de Notre-Dame.

Les tableaux ne semblent pas avoir été nombreux. Outre l'admirable peinture de Raphaël, dont il a été

I. Artiste distingué, Balthasar Marsy (1620-1674), tra- vailla avec son frère Gaspard au bassin de Latone et au groupe d'Apollon, du Palais de Versailles. Son S. Sébas- tien se trouve au musée de Cambrai.

ii6

3Rc\)uc lie r^vt cbrctien.

fait mention, les comptes de la fabrique citent le tableau représentant le Combat de David contre Goliath; le Baptême de N. S. dans les eaux du Jourdain. (Cette dernière toile avait été léguée par le chanoine J.-B. de Camp, en 1641. Cet ecclésias- tique possédait une galerie de tableaux) et la Trans- figuration, tableau retouché par Jean Morel, en 1430.

Les tapisseries qui aux jours des festivités couvraient les murailles, tant à l'intérieur de l'église qu'à l'exté- rieur, véritables tableaux que nos artistes flamands façonnaient avec une perfection que nous admirons encore, les tapisseries étaient nombreuses.

Nous connaissons quelques-uns de ces chefs-d'œu- vre. Sept tapisseries représentaient les œuvres de Miséricorde : elles servaient à la grande tente en Carême. »

Les sept tapisseries qui servaient à décorer la cha- pelle de Notre-Dame de Grâce ;

Les tapisseries représentant l'Histoire de S. Jean- Baptiste ;

Le tapis de haute-lisse, représentant la Déposition de Notre-Seigneur armoyée, de tous côtés, des armes de Jacques de Croy ;

Enfin, la grande tapisserie « que l'on pendait aux solennités au dessus de la tente derrière le grand autel.

La Bibliothèque du Chapitre, avec ses livres nom- breux et remarquables, ne peut être passée sous silence; les Psautiers, Missels, Évangéliaires à riches enluminu- res, et qui ont trouvé abri dans la Bibliothèque de la ville de Cambrai, dont ils sont la richesse, ces livres ornés par Jean le Hardy, trinitaire de Douai, isrr, Guillaume Spuler, r452, Lyon, peintre de Valencien- nes ; les ouvrages de doctrine, de théologie et d'au- tres, admirablement exécutés, méritent de figurer parmi les richesses artistiques.

Nous finissons cette froide nomenclature par l'osten- soir de Fénelon, que le saint prélat offrit à la cathé- drale, comme acte de foi et de léparation ; jiièce d'or- fèvrerie remarquable, tout en or.

Trop d'historiens révoquent en doute l'existence de cet ostensoir. Il ne sera donc pas hors de propos de faire la preuve.

L'abbé de Calonne, ancien vicaire-géné- ral de Nos Seigneurs de Choiseul, de Fleury et du prince Ferdinand de Rohan, arche- vêques de Cambrai, consulté sur le fait, a formulé la déclaration suivante.

« J'atteste que cet ostensoir d'or pur re-

présentait la Religion, portant dans une main le soleil élevé au-dessus de sa tête, foulant aux pieds plusieurs livres parmi lesquels il y eti avait un sur le couvercle duquel... on lisait en toutes lettres: Maxi- mes des Saints. »

E" ^373> Gérard de Dainville, évêque de Cambrai, faisait, en ces termes, appel à ses diocésains en faveur de la cathédrale : « Nous savons que nul d'entre vous «n'ignore le vaste développement des « murailles de notre église, la beauté « des colonnes et de ses voûtes, et avec quel « art ingénieux la sculpture l'a décorée à « la louange de Dieu. » Ce zèle de tout un pays pour l'ornement de la cathédrale n'a pas cessé, et les faits l'ont établi d'une fa- çon triomphante. Nous pouvons, il nous seinble, appliquer, en toute vérité, à notre ancienne cathédrale, que nous avons évo- quée avec émotion et décrite avec amour, ces lignes que l'auteur dti « Voyage pitto- resque dans l'ancienne France > consacre à l'antique église de Louviers, en Nor- mandie. <<: Douze générations ont apporté « à ce temple le tribut de leur patience et « de leurs travaux. On sent que ce n'est « pas ici l'ouvrage d'une société fugitive « qui s'épuise en brillantes improvisations (( pour se procurer en passant les jouissan- « ces du présent. C'est celui qu'un peuple, <,< qui a la conviction de sa durée, consacre « lentement à une religion immortelle. « Tout est fixe, arrêté, invariable ; tout ce « qui existe, continuera d'exister, et le v( monde peut attendre. »

CHAPITRE SIXIÈME. Le Clocher de Notre-Dame.

LA sonnerie de Notre-Dame passait pour une des plus belles et des plus harmonieuses de l'Europe : elle était digne

â@onograpl)ie De rancienne catl)étirale tie Cambrai, uy

de la flèche hardie et superbe qui la cou- ronnait.

Cette sonnerie comprenait trente-neuf cloches. Parmi elles, il s'en trouvait primi- tivement seize qui étaient accordées. Au XVIe siècle, il y en avait vingt sonnant d'accord.

La plus grosse cloche, nommée Marie, pesait quinze mille livres. Refondue sous l'épiscopat de Fénelon, elle fut baptisée par ce prélat, en août 1706.

La seconde s'appelait Glorieuse. Refondue en 1709, elle reçut le nom de Cécile. I-'inscii|)tion en faisait foi : < De reliquiis Gloriosœ facta sum. » J'ai été fondue avec les débris de Glorieuse.

La troisième, la cloche de l'évêque, s'appelait Aide- gonde.

La quatrième, Fursy, du nom de son donateur, le chanoine Fursy de Bruille.

La cinquième Martine.

La sixième Nicole.

En 1496, on procéda à la bénédiction de deux clo- ches, qui reçurent les noms de Jacoba et d'Egidia ;

et en 1545, trois autres cloches, appelées Fides, Spes, Charitas prirent place au clocher.

En 1677, les cloches furent évaluées à la somme de cinquante-cinq mille livres.

CHAPITRE SEPTIÈME. La dévastation. 1796-1801.

FERMEE en vertu d'un décret de la Convention, l'an 1791, dépouillée de son argenterie, de ses ornements précieux, la cathédrale fut convertie en magasin, pour les subsistances, et vendue le 6 juillet 1796, pour être démolie, à Blanquart, négociant à St-Quentin et à Moronval.

La tour et la flèche qui la surmontait existaient encore, dans leur entier, en 1 809. La municipalité de Cambrai projetait, à Celte époque, la restauration de la tour et songeait à en tirer parti pour ériger un monument à la mémoire de celui qui est demeuré la gloire de Cambrai, Fénelon, lorsque le 30 janvier, à la suite d'un oura- gan, la flèche et la tour s'écroulèrent.

... Le 17 décembre 18 16, eut lieu l'ad- judication de l'abattis des murailles encore debout, et la vente des matériaux qui encombraient l'emplacement de la cathé- drale; car les adjudicataires, déclarés insol- vables, avaient été forcés d'abandonner sur place la plus grande partie des ruines qu'ils avaient accumulées.

En 1822, on procéda à des travaux de nivellement du terrain. On y découvrit plusieurs cercueils de plomb, avec inscrip- tions portant les noms des personnages qui y étaient déposés. Ceux-ci avaient échappé à la fureur de la « Bande- Infernale » (■) et des sicaires qu'elle avait laissés après elle. C'étaient les restes mortels des évêques Gaspard Némius, Ladislas Jonart, Jean Richardot, François Buisseret, Maximilien et Guillaume de Berghes, Nicolas de Fon- taines et Jean de Lens.

Déjà auparavant on avait sauvé, en partie, les ossements de Fénelon et de Van

[ der Burch, qui avaient été déposée dans la

i chapelle Ste-Agnès.

Les restes mortels de ces évêques et archevêques de Cambrai, princes duSt-Em- pire et ducs de Cambrai, furent exposés dans le grand salon de l'Hôtel de ville, pendant les trois jours des 27, 28 et 29 août 1822. Monseigneur Louis Belmas se rendit, suivi de tout le clergé de la ville, à la mairie, il fut reçu par les autorités. Après la remise des corps et la signature du procès-verbal par Monseigneur l'évêque, les autorités et Messieurs de Buisseret de Blaringhien, arrièrepetits-neveux de l'évê- que François Buisseret, le cortège funèbre prit le chemin de la nouvelle cathédrale

I. Armée Infernale. C'est le nom que se donnait le 5' bataillon des fédérés, venus de Paris, pour révolution- ner la province, et qui, arrivés à Cambrai, pendant que l'on violait les tombeaux des évêques, se ruèrent sur les restes mortels et les traînèrent à travers les rues de la cilé. Le sinistre Carra menait cette band e.

ii8

îRebur lie T^rt cf)rcttcu.

l'ancienne église de l'abbaye de St-Sépul- cre ; entre deux haies, formées par la garde nationale, la gendarmerie et les trou- pes de la garnison. A l'issue du service funèbre, les cercueils des prélats furent des- cendus dans les caveaux de la cathédrale. Place St-Sépulcre.

CHAPITRE HUITIÈME. Une visite aux ruines de la cathédrale.

NOUS avons vu dans notre jeune âge, écrivait, en 1852, l'auteur du Dic- tionnaire historique de la ville de Cambrai, et parcouru souvent les ruines récentes de

ce vieux temple gothique. Nous conservons mémoire parfaite de ces ogives, de ces colonnes, de ces portails qui restaient debout. Nous avons vu souvent de nom- breux admirateurs s'arrêter devant le Por- tail de l'Horloge qui avait échappé au

marteau des démolisseurs. On en remar- quait la riche ornementation ; l'œil y suivait avec curiosité ces feuillages, ces figures de Saints, ces animau.v fantastiques qui cou- raient entre les nervures de l'ogive ('). Nous avons vu, du côté du clocher, le vaste portique qui séparait l'église du palais, l'on pénétrait par une galerie. . . Nous avons contemplé cette longue série de statues rangées sous le porche, et notamment, l'image colossale de S. Christophe, élevée en 1450, devant laquelle on priait pour être préservé de mort subite. Toutes ces belles statues de pierre, dignes d'être con- servées dans un musée, avaient été, pendant la révolution, mutilées à coups de pioche ou de marteau.

... Au milieu de la nef et du chœur dont le dallage avait été enlevé, sous les arcs à demi détruits qui formaient le pourtour de l'église, gisaient, parmi les décombres, de grands fragments de chapiteaux, de colon- nettes et de statues brisées. On voyait de nombreux morceaux de sculpture chargés de peinture polychrome. On pouvait alors, en se promenant au milieu des ruines, ré- tablir facilement par la pensée, tout le mo- nument, dont il restait de grandes parties de murailles. Plusieurs chapelles étaient encore très visibles; on admirait encore, sur les parois de quelques-unes, l'or et l'argent qu'y avait prodigués la palette du peintre.

La cathédrale occupait, outre la place Fénelon, une partie de l'emplacement s'élève l'hôtel circonscrit par les rues des Ratclots et de Van der Burch; et les maisons qui font face au jardin. Abstraction faite de ses dépendances, elle avait 5500 mètres carrés de surface, plus du double de l'église actuelle St Aubert et St Géry, qui a 2500 mètres carrés.

I. Ce poilail ctait de style roman.

£l9onograpl)te de l'ancienne cathédrale de Cambrai. 119

La cathédrale actuelle a 2,900 mètres carrés.

Si la destruction du superbe monument a été complète, la maison épiscopale n'a pas disparu tout à fait. En 1620, l'évêque Van der Burch y fit des travaux considérables. L'entrée existe encore, mais découronnée. « Elle se compose d'un portail principal, accompagné à droite et à gauche de deux portiques de dimension moindre. Trois arcades qui dominent ces portails sont sup- portées sur quatre colonnes cannelées d'un effet pittoresque. Des ornements dans le style de la Renaissance enrichissent ce gracieux monument. Au-dessus de chaque porte latérale on distingue, parmi les ara- besques, un écusson orné et soutenu par des anges : sur l'un de ces écussons, on lit: A Clave lustitia; sur l'autre: A gladio Pax; c'est-à-dire : « De la clé de S. Pierre dérive la Justice ; l'Épée du Roi garantit à la ville le repos et la paix. » Le portail principal portait un écusson aux armes de l'évêque Van der Burch, avec sa devise. Ce motif d'architecture a disparu....

Puissent ces quelques pages, qui repro- duisent scrupiiktisement tout ce que l'on a pu recueillir touchant l'ancienne cathédrale de Notre-Dame de Cambrai, rappeler à la génération actuelle la splendeur de ce mo- nument, oeuvre gigantesque de la piété des ancêtres.

Ceux qui se donnent encore la peine de réfléchir, évoqueront plus facilement les souvenirs d'un passé qui ne fut pas sans gloire, tout en se reposant à l'ombre des bosquets et en jouissant de la fraîcheur des eaux jaillissantes.

Ils fouleront le sol sacré de l'antique église avec plus de respect ; car ils sauront que, pendant treize cents ans, ce fut un centre de prières, un foyer de lumières, un

trésor de chefs-d'œuvre, et, qu'à l'ombre

de ce monument, les ancêtres ont vécu

chrétiens, libres et fiers.

A. P.

Auteurs consultés : Baldéric, Chroniqtie d' Ajn'as et de Cambrai, XI^ siècle. Ju- lien de Ligne, 1615. Dupont, chanoine de St-Aubert, Histoire ecclésiastique, 1767.

Alexandre Lenoir, Revue Celtique, 1806.

Leglay, Recherches sur l Église de Cam- brai, 1832. - Bruyelle, Éphémérides, mo- numents de Cambrai, 1850. Bouly, Dic- tionnaire de Cambrai, 1852. Chanoine Thénard, La Terretir à Catnbrai, 1860, Houdoy, Recherches artistiques sur la ca- thédrale de Cambrai, 1880. Destombes, Histoire de l église de Cambrai, 1890.

D.\NS le travail érudit et plein de recherches que l'on vient de lire, par lequel l'auteur évoque tout le passé de la cathédrale de Cambrai avec ses disposi- tions intérieures, ses chapelles, le riche mo- bilier et les œuvres d'art qui ornaient notamment le chœur, M. l'abbé Pastoors rappelle que ce chœur est le chef-d'œuvre du maître Villart de Honnecourt, qui avait déjà bâti l'admirable abbaye de Vaucelles, près de Cambrai.

M. l'abbé Pastoors ne nous fait pas con- naître où il a puisé cette dernière informa- tion qui paraît fondée. On sait qu'un album de Villart de Honnecourt s'est conservé, et que cette intéressante collection de dessins de l'architecte du XI 11° siècle a été l'objet d'une publication commencée par l'archi- tecte Lassus et achevée par Alfred Darcel.

L'album contient des dessins de diffé- rentes catégories : Études d'après des monuments que Villart a visités, croquis d'animaux, de figures observées ou inven-

120

IRebue te V^vt cîjrétten.

tées par l'architecte, et plans d'édifices éofalement de sa composition. Parmi ces derniers se trouve celui du chœur de la cathédrale de Cambrai, alors que la cons- truction, encore à son soubassement, com- mençait à sortir de terre.

M. l'abbé Pastoors ne nous en voudra pas sans doute de compléter son étude de la cathédrale de Cambrai au moyen des recherches des deux archéologues français, dont nous reproduisons les annotations, et auxquels nous empruntons le plan terrier de la cathédrale et deux élévations de la façade ouest et d'une façade latérale. Les notes indiquent la source de ces différents documents. j tt

Nous reprenons l'étude d'Alfred Darcel :

« Voici d'abord le croquis de Villart de

Honnecourt du chœur de la cathédrale de

Cambrai, et l'annotation qui l'accompagne.

I. « Voscr l'esligement del chavec

MEDAME SAINTE MaRIE DE CaMBRAI ENSI COM IL IST nE TERRE. AvANT EN CEST LIVRE EN TROUVERES LES MONTEES DEDENS ET DEHORS, ET TOTE LE MANIERE DES CAPELES ET DES PLAINS PANS AUTRESI, ET LE MA- NIERE DES ARS BOTERES ».

Voici le plan dri chevet de madame sainte Marie de Cambrai, tel qu'il sort de terre Plus avant eji ce livre vous en trouverez les élévations du dedans et du dehors, ainsi que toutes les dispositions des chapelles et des murailles, et laforme des arcs-boutants.

« Nous avons déjà insisté sur le plan de la cathédrale de Cambrai afin de prouver par son rapprochement avec les études faites à Reims, que Villart de Honnecourt était l'architecte de cette église de Cam- brai, aujourd'hui malheureusement détruite, nous donnons (planche LXVI I), le plan de Notre-Dame de Cambrai relevé sur place,

lors de la démolition en 1796, de cet édi- fice, vendu comme domaine national (•). En le comparant à celui, beaucoup plus sommaire, tracé sur l'Album, on reconnaît leur parfaite identité, à un détail près: c'est l'inflexion du mur du chevet, à sa rencontre avec celui du transept. Dans l'Album, ce mur suit l'alignement général, parallèle- ment à l'axe de l'église, mais en exécution, la place nécessaire pour un escalier mon- tant aux galeries du transept a fait rentrer ce mur en dedans, tandis qu'au Nord l'esca- lier, étant placé à l'extrémité du transept, n'a donné lieu à aucune déviation du plan. A Reims et à Cambrai un escalier est placé dans l'épaisseur du mur qui sépare la cha- pelle centrale du chevet de la première chapelle au Sud ; de plus chaque groupe de nervures de la voûte repose sur un massif qui fait avant-corps dans l'église, comme une espèce de contre-fort intérieur destiné à donner plus de solidité au système et à unir une grande force à une excessive légèreté.

« Quant aux élévat'ons intérieures, elles nous font défaut, et, pour les élévations extérieures, il faut nous en rapporter à celles que nous donnons d'après le plan en relief, dressé en 1695 (2). On reconnaît facilement

1. Ce plan a été relevé par M. S. M. Boileux, archi- tecte de la ville de Cambrai, et remis en 1S27, par son fils, qui lui succéda, à M. de Baralle, architecte diocésain du département du Nord, qui nous l'a transmis. Nous pen- sons que ce plan a être dressé sur le monument encore existant, du moins jusqu'à une certaine hauteur au-dessus du sol, puisque ce plan indique les fenêtres du rez-de- chaussée et la galerie intérieure placée à leur niveau. Un autre plan, signé et parafé parle sieur Des Anges,secrétaire de F'énélon, que possède M. de Haralle, constate les mu- tilations que le chœur de Notre-Dame de Cambrai a subies sous cet illustre prélat. Il indique les travaux de marbrerie, de menuiserie et de serrurerie effectués dans le chœur et le transept conformément au contrat passé à Paris le 20 avril et ratifié à Cambrai en plein chapitre le 8 mars 1719 (L).

2. Ce plan en relief de la ville de Cambrai, emporté, comme trophée d'une ville conquise, par les Prussiens en suite de l'invasion, est aujourd'hui conservé à Berlin, dans

a3onograpl)ie îie l'ancienne catl)éî)rale De Cambrai.

121

^^nntc^^AP^^ csmfev^-enfx corn »t i^-^ fWA^t^î^^atiîmt; ^ce{V^lu^r entvôuxtc^

les différents styles de l'édifice. La nef, les transepts, la tour de la façade jusqu'au

un établissement appartenant au corps du génie. M. Schnaase, qui a fait exécuter pour Lassas les dessins gravés dans les planches L.WIII et LXIX, donna sur lui les renseignements suivants, le 20 décembre 1S52 : i Le plan relief de Cambrai contient la cathédrale. Elle est au milieu du relief qui a un diamètre d'à peu près .)'",5o, de manière que, malgré les proportions passablement gran- des du modèle de l'édifice, il est trop éloigné pour pouvoir

niveau du comble, sont de construction romane ; et de plus simples ( 1 023 à 1030,

être dessiné. > Mais la permission de déplacer la cathédrale ayant été obtenue, M. Schnaase ajoute : « Pour tous les détails je puis vous en garantir l'exactitude, quoique le modèle soit trop petit pour donner avec précision ceux des moulures, du tracé des fenêtres et de la balustrade qui entoure le toit du chœur. >

D'un autre côté, M. de la Fremoire, ingénieur du che- min de fer du Nord, écrivait de Stettin, le 15 décembre

122

3Rrbur ïie V^xt fbrctten.

ne. cfltCBi^fli

124

3^rt)ur Dr V^xt rl^rctien.

S©onograpl)îe De l'ancienne catl)édvale De Cambrai. 125

et 1068 à 1079). Les contreforts au de- dans de la nef, les arcs-boutants des tran- septs doivent être des additions postérieu- res, destinées à maintenir les voûtes. Il en est de même du dernier étage du clocher, ainsi que de la flèche, qui semblent appar- tenir à la fin du XI 1I« siècle. Cette tour est flanquée de deux tourelles, placées en avant et presque indépendantes d'elle, mais qui ne montent que jusqu'à la partie romane ; au-dessus, l'escalier doit être inté- rieur, et l'on ne retrouve rien qui rappelle le système suivi à Laon, et cela sans éton- nement, car cette partie semble postérieure à Villart de Honnecourt, les travaux de l'église ayant été poursuivis jusqu'en l'an- née 1472 (').

« Il faut ajouter la cathédrale de Cambrai à la liste des rares églises dont les transepts sont arrondis ; ceux-ci sont, de plus, con- tournés par une galerie intérieure, tandis

1855. < Voici ce que porte l'écriture du plan de Cambrai : Fait en lôçj, réparé en ijyj-iSf^ ; éclulle de 6 pouces pour ^o toises. La date de 1845 se rapporte à une simple réparation, qui a consisté à le peindre. L'échelle, comme vous voyez, est trop petite pour qu'il puisse y avoir beau- coup de détails. Ainsi la cathédrale a approximativement o'",2o de longueur sur o™, 12 de largeur. Les clochers, fenêtres, arcs-boutants se distinguent facilement, mais il n'y a pas de détails, et si les dessins de M. Lassus en donnent, c'est que l'architecte les a devinés et rétablis. > En présence de ces deux lettres, et de la garantie d'exac- titude donnée par M.Sclinaase,nous devons croire que les détails reproduits de la grandeur du modèle sont exacte- ment accusés sur celui-ci, et que nos gravures ne lui prêtent rien (A. D.)

I. Ce clocher, avec la flèche qui le surmonte, existait encore en i8o5, bien qu'il ait éié frappé à nombreuses reprises par la foudre, et je vois dans un rapport adressé à l'Académie celtique, par Alexandre Lenoir, qu'il fut un moment question d'en faire le lieu de sépulture de Féne- lon. Mais le mauvais état de ce débris, qui croula deux années plus tard, empêcha de donner suite à ce projet bizarre et grandiose. (A. D.)

Ludovic Vitet. Monographie de la cathédrale de Noyon; chapitre des Éi^lises à transepts arrffndis.

Julien Deligne, historien du XVI= siècle, dans son Sommaire des antiquités de P Eglise archiépiscopale de Cambrai.

N. B. La note signée L, est de Lassus ; celle signée A. D., sont d'Alfred Darcel.

qu'une chapelle circulaire à deux étages leur est adossée du côté du Levant. Ces dispositions, qui semblent spéciales aux églises du Nord et des bords du Rhin, ont été reproduites au XI 1 1^ siècle, avons- nous dit déjà, à Marbourg, dans une église dédiée à sainte Elisabeth de Hongrie, qui, bien que morte en 1231, lors de la recon- struction du chœur de Notre-Dame de Cambrai, en i 230, « ayda par or et par ar- gent àachever le dit chœur. » C'est ce chœur qui est l'œuvre de Villart de Honnecourt : nous reconnaissons dans les dessins faits d'après le plan en relief, que les fenêtres des chapelles sont séparées par un meneau central, et occupées dans leur ogive par une rose à six lobes, comme à Notre-Dame de Reims. Même principe pour les fenêtres hautes ; seulement, à Cambrai, les rosaces sont à quatre lobes, et des frontons les surmontent, accompagnés de pinacles éle- vés au-dessus des contre-forts et compre- nant la balustrade du grand comble, dans leur ordonnance : disposition qui ne se retrouve pas à Reims, mais qui semble imitée de la sainte Chapelle du Palais ; et est peut-être une addition à l'œuvre primi- tive. De plus, les arcs-boutants du chevet, qui sont à double volée à Reims, sont simples à Cambrai ; mais la forme des amortissements des contre-forts qui les reçoivent, tellement indécise, qu'il nous setnble difficile de les attribuer à un siècle plutôt qu'à un autre, et en même temps si éloignée de l'élégance des contre-forts de Reims, nous fait croire à un remaniement postérieur. Si donc les élévations nous paraissent dissemblables, il faut surtout limputer aux constructions qui sont venues remplacer celles qui avaient être élevées par Villart de Honnecourt, car, les plans étant identiques, les formes qu'ils comman- dent ont être les mêmes.

RBVUe DE L ART CHRETISN. 1904. 2'"- I.lVRAI';ON,

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A cathédrale est très an- cienne; elle a été agran- die au XI I*^ siècle et modifiée au XV^ et au XVI Ile.

Elle renferme diver- ses sculptures dont la principale est le beau monument de l'é- vêque Zanetti par di Lombardi ; au-dessus du tombeau, la statue du Rédempteur, le globe dans sa main ; à ses pieds, l'évêque agenouillé et un prêtre tenant la crosse pastorale.

Sur l'autel de la chapelle de l'Annoncia- tion se trouve V Annonciaiion de Titien, commandée par le chanoine Malchiostro

C'est la plus célèbre peinture de Trévise, mais je ne puis partager l'admiration qu elle provoque.

La Vierge, très belle de figure, est à ge- noux sur le sol d'un portique s'ouvrant sur la campagne ; la douce impression qu'ins- pire sa physionomie est gâtée par l'ange Gabriel, représenté en jeune garçon, à larges ailes déployées, qui accourt à grands pas en gesticulant, et visiblement inconscient de sa mission. Le chanoine Malchiostro s'est lait représenter à genoux sur les mar- ches du portique ; il est, il est vrai, de petite taille,mais il se détache très nettement du fond du paysage. Il est regrettable que Titien ait eu la faiblesse de céder à cette malencontreuse fantaisie.

Titien a aussi à Venise deux Annoncia- tions : l'une à la Scuola-San-Rocco, l'autre dans l'église du Rédempteur.

I. V. la Kevueàe sept. 1903, p. 3S4 et de janv. \<jo^, p. 14.

A mon sens aucune n'est satisfaisante ; il n'a pas compris le mystère, pas plus du reste que d'autres grands peintres du XV I^ siècle, notamment Véronèse, Tintoret et même Léonard de Vinci, si toutefois les AnnoTicia- tions qu'on lui attribue sont de lui. Pour l'interprétation idéale du mystère, la palme reste aux peintres de la Toscane et de rOmbrie et surtout à l'incomparable Fra Angelico.

Parmi les autres tableaux de la cathé- drale, on remarque de Girolamo da Treviso, avec la date de 1487, une Madone sur le trône, saint Sébastien, saint Rock et des anges mtisiciens ; une Assomption de Pier Maria Pennachi 1464-1528; la Gloire de sainte Euphémie, avec saint Jean-Baptiste et sainte Catherine par Pier Francesco Bissolo de Trévise, peinte vers 1520, dans une coloration claire et harmonieuse et une procession devant la cathédrale, très habi- lement présentée, en 1571, par Francesco de Dominicis, dont on ne connaît pas d'au- tres peintures.

Les autres églises de Trévise possèdent aussi de nombreux tableaux dont les princi- paux sont attribués, peut-être avec trop de complaisance, à Jean Bellin, Pordenone, Palma le vieux et autres peintres célèbres. Il semble cependant que c'est avec raison qu'on donne àTommaso da Modena une très belle Madone avec saint Jérôme Miani et sainte Fosca peinte à fresque dans l'église Sainte-Marie-Majeure ; je regrette de ne pouvoir, faute de document, reproduire cet intéressant ouvrage.

En plus de son musée civique, réunion

Carnet ûe tjopage.

127

de sculptures et de fresques, Trévise a une pinacothèque communale, d'environ trois cents tableaux. En grande partie ils pro- viennent de collections entières léguées ou données ; en pareil cas, on accepte tout. Aussi la pinacothèque est de médiocre importance et les quelques bons ouvrages

de Jean Bellin, Bassano, Tintoret, Lotto, Schiavone, Palma le Vieux, sont noyés dans une accumulation de tableaux de peintres d'ordre inférieur.

Comme dans beaucoup de galeries ita- liennes, on y trouve un certain nombre de flamands : Blés, Franck-le-Vieux et un pay-

Palais délia Ragioiie de Vicence. Palladio, T550. (Photogr. .^i.inari, Florence.)

sagiste Xylembroucke, que je confesse ne pas connaître, même de nom.

A Vicence c'est l'architecture qui domine ; il y a peu de cités en Italie qui, par rapport à leur superficie et au nombre des habitants, aient autant d'anciens palais.

Le maître est le grand Palladio (Andréa ( 1 508- 1 580), enfant de Vicence, l'architecte le plus insigne de l'Italie au XVI^ siècle ; il s'est inspiré de l'antique, mais il a su

donner néanmoins à ses constructions une grandeur, une logique et un caractère parti- culier ; le regard et l'esprit sont charmés à la vue de ses monuments.

Nous reproduisons l'édifice qui a conser- vé le nom de Basilica ou Palazzo délia Ra- gione (I).

I. L'expression était souvent usitée en Italie ; la Ragione est la faculté intellectuelle qui permet de discer- ner le vrai du faux dans l'ordre moral et matériel.

128

Belluc De r?lrr cbrcticn.

On croit, mais sans preuves certaines, que le premier palais remonte au V I<^ siècle ;

il subit plusieurs incendies et éboulements partiels ; le municipe résolut de le faire

Loggia Bernardo. Palais communal île Vicence. Palladio, 1576. (Pliotogr. Alenahi, Florence.)

reconstruire et, après concours, Palladio fut charç^é des travaux ; ils commencèrent en

1549 et furent terminés en 1614. Nous donnons également le Palais communal,

Carnet îie topage,

129

Porte majeure de l'église Saint-Laurent a Viceuce. Frère Pace da Lugo, 1344 (Photogr Alinabt, Florence.)

130

îRcbur tic ran cbvctiru.

ancienne loggia Bernarda Les deux mo- numents donnent une idée juste des nom- breuses constructions de Palladio à Vicence et dans les autres parties de l'Italie.

Vicence a toujours eu un goût très vif pour l'architecture.

Le Dôme, massive construction souvent remaniée, remonte au XI 11^ siècle.

Sanctuaire du inout Berico a Vicence Palladio, puis Borblla, 1688. (Photogr. Alinari, Florence.)

L'église Saint- Laurent était au XII^ siècle une simple chapelle des Franciscains; elle fut achetée, en 13 15, parle municipe et transformée en église. La porte majeure de la façade, que nous reproduisons, a été con-

struite, en 1344, sur les plans du frère Pace da Lugo.

On remarquera que deux colonnes sont supportées par des lions ; la même particu- larité s'observe ailleurs. Saint Charles Bor-

romée a exprimé l'opinion que ce symbole était significatif de la vigilance du clergé.

En 1796. San Lorenzo, comme beaucoup d'autres églises, fut remis à l'autorité mili- taire, puis transformé en magasin à four- rages. Le municipe racheta l'édifice en 1 845 et le rendit au culte.

Il renferme plusieurs tableaux dont un d'Antonio Veneziano (1512-1386) et un grand nombre de sépultures, dont celle du bienheureux Bartolomeo da Breganze, l'ami du roi de France, saint Louis, mis à mort par ordre de Eccelino, tyran de Padoue.

L'écroulement du campanile de Venise, en 1902, a attiré l'attention des architectes de la conservation des monuments natio- naux sur divers édifices menacés.

En première ligne, le ministre de l'In- struction publique et des Beaux-Arts et le ministre des Cultes ont placé la basilique de San Lorenzo, dont les murailles étaient crevassées, les travaux sont en cours actuel- lement, et l'église est fermée.

L amitié de saint Louis pour Bartolomeo, évêque de Vicence, a valu à la cité le don d'un fragment de la vraie Croix et de la Couronne d'épines de notre Sauveur.

Voici la lettre de saint Louis qui a été conservée.

Lodovico pergratia di Dio re di Franc ta.

Al stio diletto in Christo Bartolomeo per la medesima gratia Vescovo Vtcentino, salute et affetto di situera dilettiotie.

Ad instantta ho conferttiato la vostra dottiatida in segno di dilettione del pretioso legno délia Croce et un Spina délia sacro- satita Corona del Signore ; attentaiiiente pregando la dilettiotie vostra, che sino aile fitie conserviate, et la facciate coti honore cottservare, vogliate pregar per noi et facciate fare orationi spirituali.

Data in Parigi l'anno del Signore I2^ç in. giorno di giovedi dopo la /esta invernale del Beato Nicolb et in perpettw testimotiio di questa casa habiatno comatidato et fatto bol- lare le presettli lettere con li tiostri stgilli correndo l'antio del Signore 1266 nella tndi- tione tiona. del tnese di Lugho.

Ce fut pour la conservation de ces pré- cieuses reliques que les Dominicains firent construire, en 1260, l'église Santa Corona, dont la belle façade en briques vient d'être récemment restaurée.

Le sanctuaire de la Madonna di Monte Berico, reproduit ici, est situé sur une colline hors de la cité ; on y accède par une galerie de 166 arcades, construite en 1748; c'est en réduction la galerie de 635 arcades commencée en 1676, qui, de Bologne, con- duit au sanctuaire de la Madonna di San Luca, élevé sur le Monte délia Guardia.

On admet que les plans de l'église du Monte Berico appartiennent à Palladio, mais en fait l'édifice a été construit, en 1688, par Borella.

Le sanctuaire est très vénéré; il est des- servi par les Servîtes de Marie. Il faut recon- naître que la générosité des fidèles a donné aux Frères l'occasion de déployer dans l'église un luxe de décoration très exagéré.

La construction au moins est restée in- tacte, ce qui n'a pas eu lieu, pour bien des raisons, dans beaucoup d'autres édifices religieux de Vicence, dont les notes d'un simple Carnet de Voyage ne peuvent être amplifiées ici.

L'architecture est le charme, dans les rues de Vicence, de ceite. passegiata, pro- menade, — si chère aux Italiens, après le labeur de la journée. Mais avant Palladio la cité avait de très beaux palais particuliers, dont plusieurs remontent au XI V"' siècle.

En architecture, je n'ai que mon impres-

132

Brbur tic ran cbvétien.

sion visuelle, sans rien connaître de la technique, qui, du reste, m'importe fort peu; c'est donc avec plaisir que j'ai regardé à Vicence, à côté des nobles constructions de

Palladio, les légers et élégants palais dans le style ogival si élégant de Venise dont le type accompli est La d'oro, élevée, en 1310, sur le Grand Canal. L'appareil est

Lamentations sur le corps de Jésus-Chnst. Bartolomeo Montagna, ,5=0. Sanctuaire du mon. Berico à Vicence. (Pho.ogr. A,,,nari, Florence.)

ici en briques, mais la modestie de la ma- tière ne fait aucun tort à l'aspect.

La vue de toutes ces séduisantes archi- tectures ne doit pas cependant détourner de la peinture.

Nous sommes ici dans le centre le plus

important de ces pays du Frioul, du Cadore, du V'eneto de terre ferme, vertes plaines boisées d'une part et, de l'autre, plus ou moins éloignées des prcalpi, premières montagnes des Alpes, qui vont grandis- santes jusqu'aux vallées du Tyrol.

Carnet tie tïopage.

133

La nature semble disposée pour favoriser le goût de la peinture, et, en fait, de grands peintres vénitiens ont passé leurs pre- mières années.

Le groupe des peintres vicentins restés plus ou moins sur la terre natale a laissé beaucoup de tableaux dans la contrée ; en général ils n'ont pas de caractère très parti- culier ; ils ont subi l'influence de Padoue et de Venise et ont conservé de Mantegna surtoutune tendance vers le réalisme. On ne peut nommer ici que les principaux dont les œuvres sont conservées dans les églises de Vicence et dans la pinacothèque munici- pale établie dans le superbe palais Chiere- gati, construit par Palladio :

Bartolomeo Montagna (1450-1523). La Madone avec des Saints.Çi\ovà.w\\\ Speranza, contemporain de B. Montagna: V Assomp- tion. Giovanni Buonconsiglio, dit Mares- caldo, de la même époque: Les lamentations

sur/e corps du Christ. Marcello Fogolino, du même temps, X Adoration des Rois Mages, etc.

Dans les églises de Santa Chiara, de San Giovanni Ilarione, de Santa Corona et dans la cathédrale on retrouve ces peintres et surtout Bartolomeo Montagna. Son ta- bleau le plusconnu est dans le sanctuaire de la Madone au Monte Berico ; je le repro- duis comme un spécimen du genre de Vicence au XVP siècle.

Maintenant je ferme mon Carnet, je n'en ai pas extrait toutes les notes prises dans cette aimable, belle et intéressante cité ; aussi bien, dans les voyages en Italie, il faut savoir mettre un terme aux impressions, en crainte d'une abondance de choses et de noms qui, insensiblement, mettent la con- fusion et le trouble dans l'esprit.

Gerspach.

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lies confessions et les CrppteS Dc StFcrrcol oe Besançon,

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DC St^flBarccl DC Gf)âlon=siir=Haônc et De St=Valcncn De Tournus.

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immr.'ç.'^-' •^■';?g ' A I meloisJiier un S' S^^^""?^^; ;; moment de l'itinéraire '3 que je m'étais tracé, et faire une excursion en S: Aquitaine pour répon- ^ dre sans retard aux ob- '- ; V, , :io jections que soulevait la

question de l'âge de la crypte de Saint- Seurin de Bordeaux ; je m'empresse de revenir dans les vallées du Rhône et de la Saône, c'està dire dans la région qui subit le plus immédiatement l'influence des apôtres de Lyon et de leurs disciples.

Bien des cités gauloises ont eu leurs martyrs de la foi chrétienne, mais aucune ne peut s'enorgueillir comme la ville de Lyon, d'avoir produit toute une légion de croyants assez vaillants pour préférer la mort à toute apostasie. Ceux que nous rencontrons ailleurs en parcourant la pro- vince sont toujours isolés un par un ou par petits groupes, un prêtre ou un évêque avec son diacre et son sous-diacre. La chré- tienté à Lyon étant très nombreuse, il est croyable que les églises voisines lui ont emprunté leurs apôtres et leurs mission- naires, que saint Pothin et saint I renée ont envoyé Valérien, Marcel, Ferréol, Félix, Fortunat, Achillée, Julien, Andéol sur les bords de la Saône et du Rhône ; c'est un fait qu'on peut admettre sans blesser la vraisemblance.

Perréol et F"errucion, honorés à Besan- çon comme martyrs du II F siècle, sont toujours associés comme deux contempo- rains qui seraient partis ensemble à la con- quête de la Séquanaise et auraient versé leur sang pendant la même persécution (').

I. Ac/a 55. junio mense, X\ I" die, t. III, p. S.

Grégoire de Tours, qui avait lu le récit de leur passion « ut passio déclarât », rapporte que la cité de Ves7tntio les considérait avec orgueil comme ses martyrs particuliers et se vantait d'être témoin de nombreux mi- racles.

D'après le même auteur, les deux martyrs étaient déposés dans le secret d'une crypte « in abdito cryptae (') », de nombreux pèlerins venaient se prosterner encore au Vl« siècle. Le sol sur lequel reposait leur tombeau était couvert de feuilles de sauge qu'on s'empressait d'étendre pour leur faire honneur. Comme la plupart des martyrs des premiers temps, ils demeu- rèrent oubliés dans quelque coin de la nécro- pole pendant un temps assez long. La dé- couverte de leur sépulture, d'après la Gallia christiana, ne serait pas antérieure à 368 et à l'évêque saint Aignan qui les aurait trans- portés dans une église érigée sous l'invo- cation de saint Jean, du temps de l'évêque Hilaire (325), en attendant sans doute qu'on pût construire une basilique spéciale pour les recevoir dans le lieu même ils furent exhumés. Il ne paraît pas que les coutumes de l'église de Besançon aient été aussi régulières que celles des autres églises, il est vrai que l'histoire de ses premiers évêques, comme les origines de beaucoup de ses fondations pieuses, sont eriveloppées d'une grande obscurité- Aucun texte ancien ne nous éclaire sur l'existence de l'abbaye à laquelle fut confiée la garde des deux martyrs ; le fait n'est attesté que par un auteur du XV 1^ siècle, Gilbert Cousin de Nozeroy, qui sans doute avait compulsé beaucoup de vieux titres,

I. Ex gloria tiiartyrum, cap. LXXI.

îles Confe0sions et les crpptes.

135

car il est affirmatifsur ce point ('). La petite celle, dit-il, qui fut élevée par l'évêque Aignan, donna nais'-ance à la construction d'un monastère, dont l'existence futanéantie par des circonstances malheureuses au bout de peu de temps. Il s'élevait à une demi- lieue de la ville de Besançon, à l'endroit marqué aujourd'hui par le village de Saint- Fergeux, traduction de Sanctus Ferreobis. C'est le même édifice qu'on appelait Saint- Ferrucion au XVII I^ siècle et dans lequel on découvrit, en 1730, le sarcophage d'un évêque du IV'^ siècle, celui de Silvestre, découverte qui permet de supposer d'autres sépultures de même importance introduites dans ce lieu par révérence pour les deux martyrs ( ).

Dans tous les cas, leur sanctuaire n'avait pas le privilège exclusif des sépultures épiscopales, car il est rapporté dans certains nécrologes que S. Léonce (399) fut inhumé à St- Etienne, S. Prothade à l'église Saint- Pierre et Ternatius à Saint-Paul [f). Dans les villes de la frontière les incursions des Barbares ont été fréquentes, on s'ex- plique que les usages aient été bouleversés par les événements.

A Chalon-sur-Saône, le culte de saint Marcel est encore vivant autour d'un puits miraculeux qui attire une foule de pèlerins, le 4 septembre de chaque année, dans l'église paroissiale de Saint-Marcel, on ne sait rien des temps primitifs et des dispositions prises pour la conservation de ses reliques. Pourtant, il est certain que sa mémoire fut toujours singulièrement hono-

1. Description de la Franche Comtés traduite pour la première fois par Achille Chereau, 1863, p. 94.

2. L'église de St-Fergeux récemment remplacée par un édifice neuf, datait du XVI' siècle. La crypte plus an- cienne avait été dénaturée et transformée au début du XVIIP siècle.

3. Nous empruntons ces citations aux colonnes de la Gallia cltrisUana.

rée, puisque Contran, roi de Bourgogne, après avoir fait réédifier (■) et orner son église, la choisit pour le lieu de sa sépul- ture (594). Plus tard, un cardinal de Rohan, évêque de Chalon, jugeant que son tom- beau était au-dessous de sa réputation, fit élever un mausolée magnifique qui est tombé en morceaux sous les coups des Protestants comme bien d'autres monu- ments (=). La basilique de Saint-Marcel, déjà gouvernée par un abbé au VI^ siècle {% était située dans la banlieue, à 3 kil. vers l'Est, par conséquent au delà de la Saône ; elle était très exposée aux déprédations, néanmoins l'abbaye qui l'entourait et qu'on peut avec vraisemblance faire remonter au roi Contran, fut si bien entretenue, qu'elle subsistait encore à la Révolution. Par un procès-verbal de fouilles pratiquées par l'évêque Cirbald (^), on sait que les corps de saint Silvestre et de saint Agri- cola furent inhumés près de saint Marcel. Devant tous ces témoignages de piété, il ne semble pas douteux que les reliques de saint Marcel furent déposées dans une confession spéciale pendant la période an- térieure à l'an mille.

Ha crypte Dc saint Bbiliûcrt De Tournus (Saônc^et^Jïoire).

SAINT Valérien, immolé seul à Tour- nus, au début du II I^ siècle, comme les précédents, serait demeuré obscur, sans doute, si le petit monastère qui entourait sa sépulture n'était devenu, au temps des

1. Frédégaiie se trompe en disant que Contran bâtit cette église la 24' année de son règne (5S4-585), car Grégoire de Tours dit, qu'elle fut assignée comme piison à deux évêques par le concile de Châlon de 579 {Hist. franc, lib. V, cap. 28).

Fredegani schol. Chron., lib. L

2. Cl. Parry, Histoire de lu ville et cité dc Châlon-sur- Saône, 1659, infol. pp. 51 et 52.

3. De gloria martyrum,\. \\\.

4. Acia S S., t. II, Martii mensis, p. 515.

136

îRcbut De rSrt chrétien.

invasions normandes, le refuge d'une com- munauté de Bénédictins errants qui ve- naient du Bas-Poitou, portant avec eux diverses reliques et notamment le corps de saint Philibert. Pour l'installation des nou- veaux arrivants, il fallait des constructions très vastes, qui furent tracées sur un plan grandiose. Dès la fin du IX^ siècle, l'église

abbatiale s'étendait depuis la crypte qui marque la place du chevet mérovingien jusqu'au narthex de l'entrée occidentale dont le caractère archaïque frappe tous les visiteurs.

Il y a peu d'églises en France aussi importantes et aussi curieuses, au point de vue de l'histoire de l'architecture romane,

£jMg»

Coupe longitudinale de l'abbatiale de Tournus.

que l'église abbatiale élevée au XI^ siècle par les religieux de Saint-Philibert deTour- nus. Son plan, les voûtes de sa nef, ses colonnes élancées, ses chapiteaux, ses trois tours, son narthex en font un monument exceptionnel pour les études archéolo- giques. Cette église a perdu son cloître presque entièrement, mais elle conserve sous son sanctuaire une crypte qui ne res- semble à aucune autre par ses dimensions, sa hauteur et son plan d'étage, 3'", 50 sous clef de voûte. Opposée à la chapelle Saint- Michel, qui est construite au-dessus du

vestibule d'entrée, à l'Ouest, au niveau de la tribune des orgues, comme pour symbo- liser l'église triomphante, la crypte figure la période des souffrances de l'Église de Tournus, et nous rappelle qu'elle eut l'hon- neur d'offrir au ciel un martyr, saint V^alé- rien, premier patron de la ville, au temps de S. Pothin de Lyon. On sait comment le culte de saint Philibert vint lui disputer les hommages de la foule sur les bords de la Saône. Chassés de leur île par les inva- sions normandes, les religieux de Noir- moûtier (Vendée) avaient traversé le Poi-

iteô confessions et les crpptes.

137

cou, l'Anjou et le Berry sans pouvoir trou- ver un asile à leur convenance; ils erraient portant avec eux le corps de leur fonda- teur, saint Philibert, lorsque le roi Charles le Chauve les autorisa à s'établir dans le pays de Châlon. L'acte est de l'année 875 ('). Les nouveaux arrivants étaient nom- breux, ils formaient une communauté plus importante que le petit monastère méro-

Plan de la crypte de Tournus.

vingien qui les avait précédés, ils furent obligés de relever les ruines qu'on leur offrait et d'étendre le périmètre des cons- tructions. Au siècle, une invasion de Hongrois renversa ce qu'ils avaient édifié et les força à dresser les plans d'un nouvel établissement, qui dépassa en splendeur tout ce qu'ils avaient fait auparavant, et dans lequel fut comprise l'église abbatiale que nous avons sous les yeux.

I. Abbaliam S. Valenam martyris qu;t' est in pago Cavilonensi ubi etiam venerabilis martyr corpore qiiies- cit. » Chifflet, //is/. de l'abbaye royale de Tournus, p. 82.

La crypte, qui s'étend sous le chevet, la seule partie que nous ayons à décrire pour notre étude, reproduit en contrebas le plan de l'église supérieure ; sa cella est sous le sanctuaire et le chœur, son déambulatoire est exactement situé au-dessous de celui qui tourne autour de la colonnade du maitre-autel. On voit également dans le sous-sol la reproduction des cinq chapelles absidales qui ornent l'extrême chevet. Cette crypte est donc en réalité une sorte d'église inférieure. Aucune partie, n'est demeurée close et mystérieuse, la circulation est libre dans tous les sens. La cella, qui occupe le milieu du sous-sol, se compose d'une enceinte, dans laquelle on a percé cinq ouvertures qui sont de véritables portes : les quatre des côtés ont 0^^,90 de largeur sur 2"\6o de hauteur, celle de l'Orient a i"^,o8. Il n'y a pas trace de fenêtres sinon dans le fond de deux niches demi circu- laires qui flanquent la porte de l'Orient, ce sont deux petites lucarnes étroites, hautes de o"\79 sur 0"\30 de largeur, prenant jour sur le déambulatoire. Les murs de cette cella sont des massifs de maçonnerie de i"\50 pour lesquels on a employé des moellons de grosseur moyenne (o™,30 X o"\5o) liés par d'épais joints en mortier grossier.

Quand on pénètre dans l'intérieur de la cella, on constate que l'espace de cette petite nef.longue de 9"^,8o, large de 5'",65, est partagé dans le sens de la longueur en cinq travées couvertes de petites voûtes hémisphériques, façonnées d'après un pro- cédé des plus primitifs avec du blocage jeté sans ordre sur des formes. L'ouvrier a em- ployé pour le cintrage des planchettes qui ont laissé partout les traces de leur em- preinte et de leurs joints ('). Pour supports,

I. Les voûtes s'arrêtent aux abords du puits et laissent un vide de o'",2o. Au même endroit, on aperçoit aussi

138

3Rc\jur tic l'^vt chrétien.

on a dressé le long des murs des pilastres peu saillants, couronnés de tailloirs, et au milieu des colonnes au nombre de huit, non fuselées, qui se terminent par des cha- piteaux ornés comme on savait le faire dans les ateliers de l'époque romane ('). Au-dessus des chapiteaux sont des abaques épais, pour recevoir la retombée des voûtes qui ne se produit pas toujours d'une façon réorulière sur le milieu du chapiteau. Il faut noter encore que les deux colonnes de la première travée à l'Orient, ont été polies, et ont le fût renrté ; elles ne proviennent pas

de la même carrière que les autres et parais- sent plus anciennes. On fait la même re- marque au côté de l'Occident, à l'entrée d'un enfoncement qui renferme un puits ; encore on a employé, au lieu de pilastres, deux petites colonnes fuselées, montées sur un socle très élevé qui n'ont pas la même origine et la même date que les autres.

L'escalier unique par lequel on descend aujourd'hui dans le sous-sol, en partant du transept nord, avait son pendant dans le transept sud, avant que le Cardinal de Bouillon fît exécuter, en 1702, de grandes

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6^

jMI,iO< (

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Appareil de la crypte.

réparations dans cette partie de l'église. Celui du Nord fut lui-même pendant quel- que temps remplacé par un autre pratiqué dans la chapelle de saint Pourçain, la première à gauche dans le déambulatoire ; heureusement l'architecte Ouestel, chargé des restaurations de 1846, eut la bonne inspiration de rétablir l'accès primitif. Il nous reste à souhaiter que l'escalier du Sud ne reste pas indéfiniment fermé, car il com- plétera les lignes harmonieuses du plan. Dans la plupart des églises, l'accès des cryptes a subi les mêmes variations, parce

des traces de fenestrage qui semblent annoncer la pré- sence d'un soupirail.

I. Les feuilles d'acanthe sont groupées comme les fleurs dans un bouquet uniforme.

que souvent il contrariait les projets d'em- bellissement du chœur ou entravait la circulation.

Tel est le cadre dans lequel les généra- tions du moyen âge et des temps modernes, depuis le XI^ siècle jusqu'en 1562, sont venues accomplir leurs dévotions autour des reliques de saint Valérien. La crypte étant aujourd'hui absolument déserte et vide de tout mobilier, il nous est assez difficile de dépeindre la physionomie de la cella. quand l'autel était en place ; ce que nous pouvons affirmer, c'est que l'emplace- ment assigné au tombeau qui passe pour être celui de saint Valérien ne lui appar- tient pas plus que l'invocation du même Saint ne convient à la chapelle absidale du

Hcs confessions et les cryptes.

139

milieu il est exposé. Si nous avions un dessin du XI I*^ ou du XIIl^^ siècle, nous le verrions dans la cella elle-même, à la place d'honneur, c'est-à-dire contre le mur de l'hémicycle, la tête regardant l'Orient et appuyée contre un autel. Les deux niches demi circulaires qui sont pratiquées à gauche et à droite de cet hémicycle res- semblent bien aux crédences qu'on est ha- bitué à voir à proximité des autels pour y déposer des offrandes ou des objets du culte.

Le public ne pénétrait pas dans la cella, à moins qu'il ne fût d'une classe privilégiée ; il se bornait à regarder le sarcophage à travers les grilles qu'on avait établies dans chacune des cinq ouvertures percées dans l'enceinte de la cella. 11 n'est pas possible de douter de cette installation, car on aper- çoit encore dans la maçonnerie de plusieurs cintres les restes des barreaux de fer qui composaient les grilles. L'ouverture de l'Orient n'était pas nécessaire, sa seule présence aux pieds du tombeau indique que la grille de ce côté avait une partie mobile qu'on ouvrait dans certains cas pour satisfaire les pèlerins désireux de toucher le sarcophage.

Supposer, comme l'a fait Meulien dans son Histoire de Tournus ('), que la confes- sion et l'exposition du sarcophage se trou- vaient du côté opposé, c'est à-dire à l'Ouest, dans cet enfoncement de deux mètres de profondeur l'on voit le puits, c'est mé- connaître les rites ecclésiastiques. Le réduit distinct, dont l'entrée est décorée de deux colonnes, paraît composer une sorte de cella; parce que le puits jouait un rôle impor- tant dans le culte rendu aux saints, il était l'accessoire indispensable de toute confes- sion, attendu qu aucun pèlerin ne serait

I. Histoire de la ville et du canton de Tournus. Tour- nus, 1S92. I vol. in-8 .

parti content s'il n'avait emporté un peu d'eau puisée à proximité du sarcophage. On croyait avec assez de vraisemblance que le martyre de S. Valérien avait eu lieu en dehors de la ville de Tournus, s'élève l'abbaye ; on devait donc supposer, par voie de conséquence, que la terre et l'eau de cet emplacement, devaient avoir une vertu curative.

La seule présence de ce puits nous auto- rise à affirmer que le Xl^ siècle n'a rien in- nové en élevant une crypte avec des colonnes et des voûtes au-dessus du tom- beau de S. Valérien, il n'a fait que décorer avec splendeur un lieu sanctifié depuis plusieurs siècles par des démonstrations éclatantes de piété. Jamais les générations postérieures à l'an mille n'auraient eu la pensée de creuser un puits dans un sous- sol, qui n'aurait pas été signalé d'avance par des prodiges et un courant de pèleri- nages. On dit que ce puits n'avait pas plus de deux mètres de profondeur avant 1846, époque il fut creusé tel qu'il est aujour- d'hui. S'il en est ainsi, il faut supposer que les pèlerins se contentaient, à défaut d'eau, d emporter de la terre comme à Saint-Iré- née de Lyon (').

Quoi qu'il en soit, j'ai la conviction que le patron de Tournus n'a pas été plus mal- traité que les autres martyrs de la Gaule chrétienne et que, dès l'époque mérovin- gienne, il a eu sa confession monumentale comme saint Symphorien d'Autun, saint Bénigne de Dijon et tous les autres mar- tyrs de la vallée du Rhône. On sait que les princes de la race inérovingienne, quoique grossiers dans leurs mœurs, se montraient très respectueux envers les autels et que la Gaule sous leur domination se couvrit de

I. Témoignage de M. Chaumont, curé de Tournus Cette crypte ayant été louée à des particuliers de 1792 à 1840, il est possible qu'ils aient comblé le puits.

140

B.ebue ïie rSrt cbrétien.

monastères. Chaque tombeau était gardé par une abbaye dont les murs retentissaient de louanges perpétuelles, dontran de Bourgogne, ne se contenta pas de bâtir une église à Chalon-sur-Saône en l'honneur de saint Marcel, martyr contemporain de saint Valérien et de saint Pothin, il consti- tua aussi une riche dotation pour l'entre-

tien du service religieux. Comment supposer qu'il a oublié saint Valérien dont les reli- ques étaient non moins célèbres au temps de Grégoire de Tours ?

Ce pieux auteur, qui est allé à Tournus comme il a visité tous les sanctuaires célè- bres de son temps, et qui a conféré avec le desservant, Epirechius, dont il vante la

Nef principale de la crypte.

vertu et la sincérité, désigne l'établissement sous les différents noms de basilique, de temple et d'église, termes qui représentent autre chose qu'un simple oratoire exigu élevé dans un cimetière. Il s'est enquis des prodiges qui s'accomplissaient, il en a noté un qui est presque une accusation de tié- deur envers le comte de Châlon, appelé alors Gallus. Ce personnage, atteint d'une maladie qui ressemblait à une hydropisieet

se sentant défaillir sous les tortures de son mal, se fit transporter mourant au tombeau du saint martyr ('). Là, comme il était pros- terné la face contre terre, le prêtre vint lui dire : « Si vous voulez guérir, ayez con- fiance dans la puissance du martyr et faites le vœu de lui offrir une poutre et ses acces- soires pour la restauration du toit de son

I. Ch. Parry, Histoire de la ville et cité de Châlon-sur-

Suant' 1659, inf", pp. 51, 52.

îles confessions et les crpptes.

41

temple. Si vous tenez parole vous serez exaucé. » Aussitôt le malade se mit en prières, fit le vœu, qu'on lui indiquait et se leva guéri. En retour, il ordonna d'envoyer une poutre à la basilique (').

L'historien n'en dit pas davantage sur le monument, il ne prononce pas le mot de crypte, mais il lui arrive si souvent de citer des expositions de sarcophages dans des sous-sols, qu'il a pu simplifier, cette fois, les détails de sa description ou considérer qu'ils étaient inutiles devant un usage très répan- du. Il n'est pas croyable que les reliques de saint Valérien aient été déposées dans une confession étroite, murée et inacces- sible au public sous le maître-autel.

Il y a peu d'exemples que de telles pré- cautions aient été prises en Gaule avant l'invasion desSarrasins. Dans les conditions de solidité que présentent ces caveaux, celui de Tournas aurait résisté à tous les coups, et de plus, on peut être certain qu'il aurait été respecté par les constructeurs succes- sifs comme une relique insigne. Ceux-ci auraient créé une seconde crypte à côté de la première comme à Saint-Savin sur Gar- tempe plutôt que de modifier une installa- tion admise par les siècles antérieurs. L'hé- micycle d'un côté et le puits de l'autre nous paraissent être les deux limites extrêmes de l'étendue de la crypte de Tournus au VI^ siècle. Quant à l'entrée, je serais tenté de la fixer sur l'axe dans le renfoncement du puits, par les deux couloirs de i'^,20 qui sont de chaque côté, car ils ne sont pas nécessaires à l'accès du puits.

Je ne sais si le corps de saint Valérien fut caché pendant la panique du VIII^ siècle, cela est possible, mais l'existence de sa sépulture était parfaitement connue au IX^ siècle. Le diplôme qui institue les reli-

De gloria martyr um, lib. I, cap. 54.

gieux de Noirmoûtier, propriétaires de l'ab- baye de Saint-Valérien, en 875, relate for- mellement que son corps y est conservé(').

C'est ici le lieu d'indiquer les change- ments probables qui résultèrent de l'arrivée d'une nouvelle communauté nombreuse et suivie d'un trésor considérable. Il va sans dire qu'après les émotions de leurs déplace- ments continuels et les bruits d'incursions qui troublaient sans cesse la Gaule, les religieux utilisèrent la cella telle qu'elle était avec ses murs pleins et réduisirent les ouvertures au chiffre strictement nécessaire. Le moment n'était pas encore venu de percer l'enceinte de portes hautes et larges comme celle que nous voyons. 11 était plus prudent d'imiter les religieux de l'abbaye de Saint-Gall, qui, dans le même temps, se contentaient de deux petites fenêtres à l'Orient et à l'Occident, d'une petite porte pour le desservant et de répétera Tournus ce qu'ils avaient fait à St- Philibert de Grand'lieu (Poitou). A mon sens, le déam- bulatoire qui contourne la cella depuis le Xl^siècle succède à un couloir dont l'unique but était de conduire les pèlerins à l'arrière- chevet pour honorer le tombeau par la fenestella de l'Orient. C'est la disposition adoptée au IX^ siècle dans les deux abbayes précitées.

Il y avait lieu de prévoir une affluence plus considérable de pèlerins par suite de l'augmentation du trésor. Les religieux de Noirmoûtier arrivaient avec plusieurs corps saints, entiers ou divisés, parmi lesquels je citerai ceux de saint Philibert, de saint Viau, de saint Martin de Vertou et de saint Benoît de Quinçay. L'ancien catalogue des reliques fait encore mention des corps de

I. « Abbatiam sancti Valeriani martyris, quœ est in pago Cavilonensi, super fluvium Sagonam, ubi etiam idem venerabilis Martyr corpore quiescit. > (Juénin, Preuves, PP- 90, 93-)

KEVUE DE l'art CHRÉTIEN. 1904. 2'"*^ LIVRAISON.

142

Bebuc lie rart tl)rctien.

s. Samson, de S. Candide, de S. Clin, de S. Basile, de saint Arnou et d'une quan- tité d'autres qui ne figurent pas dans la chronique de Tournus. Il est certain que le corps de saint Florent y demeura aussi quelques années, car c'est de que le moine Absalon l'enleva furtivement pour le reporter en Anjou d'où il était parti. Ainsi,

au IX^ siècle, l'abbaye de Tournus fut transformée en un dépôt important de re- liques, c'est un fait bien avéré (').

Puisqu'il en est ainsi, il faui admettre que ses trésors n'étaient pas exposés dans les chapelles de l'église haute sous la main de tout le monde et que le sous- j sol du sanctuaire avait été aménagé d'une

Déambulatoire de la crypte.

façon assez vaste pour^'donner place à tous les personnages qui étaient venus deman- der l'hospitalité à Tournus. Autour de l'autel et du sarcophage de saint Valérien qui occupait le centre de lacella inférieure, on voyait tous les autres sarcophages ran- gés çà et le long des parois et dans le milieu de la nef. Nous sommes donc obligés d'en induire que la crypte de l'abbaye de Tournus était déjà au IX^ siècle d'une ca- pacité égale à la nef centrale de la crypte

actuelle, autrement elle aurait été insuffi- sante.

Les événements tragiques qui se renou- velèrent au X*^ siècle démontrèrent que les religieux auraient manqué de prévoyance s ils n'avaient pas eu recours à une crypte fermée, parfaitement murée et voûtée. Dans leurs courses en Bourgogne, les Hongrois commirent les mêmes ravages que les Nor- mands et les Vandales ; ils brûlèrent Tour-

I. Juénin, Ibidem, chap. vi, p. 39.

JLts coiTfe0Sion0 et les crpptes.

143

nus et son abbaye, et cependant on a la certitude que les reliques échappèrent au désastre. On prit sans doute les mêmes précautions que dans beaucoup d'autres lieux, on enterra la plupart des sarcophages et on dissimula l'entrée du sous-sol. D'après les documents postérieurs, on a lieu de croire que le corps de S. Valérien demeura enfoui de 937 à 979 {'). Le calme étant revenu, l'abbé Etienne voulut venger le saint patron de l'église de l'humiliation qu'il avait subie trop longtemps pendant les années de terreur. Il fit fabriquer deux reliquaires d'argent enrichis de lames d'or et de pierres précieuses, l'un pour les membres du martyr, l'autre en forme de buste pour loger la tête. On laissa la pous- sière de son corps et de ses vêtements dans le sarcophage dont le couvercle fut scellé avec du bitume. Il est rapporté formelle- ment que ce monument funèbre fut descendu dans la crypte, in inferiori crypta, il fut placé derrière l'autel sacro-saint de Saint- Valérien, tandis que les reliquaires restèrent dans l'église supérieure et furent déposés sur l'autel de Notre-Dame ('). C'est bien ainsi que s'accomplirent dans toutes les églises les déplacements posté- rieurs aux invasions barbares.

Dans le temps de la translation des reliques, événement qui avait eu beaucoup de retentissement, un pauvre hydropique, attiré par l'espoir d'une guérison, se cachait, dit le texte, dans les cryptes d'où le corps de saint Valérien avait été exhumé (latebat in cryptis) (^). Ce pluriel dénonce autre chose qu'un simple caveau, il nous

1. < Clausum tellure per multorum spatia manserat annorum. > (Chronicon Trenorciejise , cap. 38.)

2. < In inferiori crypta monasterii nostri post beatis- simi Valeriani sacrosanctum altare déponentes, abierunt.» ]\ié.'d\n, preuves, p. 35.

3. Acta S. Valeriani et miracula. (Apud Juénin, preuves, p. 36.)

dévoile la présence de couloirs d'accès plus étendus que dans les cryptes latines des premiers siècles. Telle était la situation certaine du sous-sol du sanctuaire de Tour- nus lorsqu'un nouvel incendie, en 1006, mit les religieux dans la nécessité de préparer ou d'achever l'édification du splendide édi- fice roman qu'on appelle l'abbatiale de Tournus.

Pour le sujet spécial qui nous occupe, nous résumerons cet exposé en disant que la la crypte de Tournus a perdu tous les ca- ractères qui constituent une confession de martyr. Il est possible que sous le vête- ment de moellons de son enceinte on re- trouve des vestiges de murs du VI'= siècle, comme du côté du puits, mais sa décoration actuelle est un vêtement nouveau qui ne peut être antérieur au XI'= siècle. Dom Martène, quoique savant bénédictin de la congrégation deSaint-Maur.a trop présumé de son antiquité, en 17 10, quand il a émis l'avis que le monument de la crypte était contemporain de Grégoire de Tours ('). A son époque, l'archéologie religieuse était une science inconnue ou peu répandue. Le chanoine Juénin est meilleur juge, quand, s'appuyant sur les caractères de l'inscription RENCO ME FECIT, il apprécie que le monastère a été reconstruit presque totale- ment à la fin du X<= siècle ('). La chronique de Tournus paraît lui donner raison aussi quand elle dit que l'abbé Etieime reprit la construction depuis les fondations (').

Léon Maître.

1. Voyage littéraire de deux Bénédictins. Paris, 17 17. 2 vol.-in 4°.

2. Nouvelle histoire de t abbaye royale et collégiale de Saint -Filiberl cl de la ville de Toiirmn, enrichie de figures par un chanoine de la même abbaye. Dijon, 1733, I vol. in-4°, p. 381.

3. « Majoremque monasterii fabricam a fundamento construxit. > {Ibidem, preuves, p. 25.) Cet abbé est mort en 980.

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tion De la façaDe tt Des portes. (Brt.Lxxxiocia collection.)

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Géncralitcs. Bistorique.

.■^^^^^^^•EST un remarquable llzMi^^^^LiVmS- privilège de notre France que de présen- ter sur toute l'étendue de son territoire des monuments intéres- sants des siècles passés. Aucune autre des grandes nations euro- péennes ne possède au même degré ce caractère : l'Allemagne s'enorgueillit, sur les bords du Rhin et en Bavière, de ses admirables églises romanes du Xll^ siècle et de ses riches cathédrales gothiques du XIV*^; mais en Poméranie, en Prusse, en Hanovre, en Wurtemberg même, l'art chré- tien de ces époques n'a pour ainsi dire laissé aucune trace (') ; l'Italie vante avec raison les basiliques de marbre cons- truites par ses architectes du moyen âge, mais on ne pourrait guère en citer une seule dans tout le Sud de la Péninsule ; de même pour la plupart des autres pays. En France, au contraire, depuis les flèches de granit de la Bretagne jusqu'aux porti- ques à colonnes de porphyre de la Provence, on trouve dans chaque département, nous pourrions presque dire dans chaque canton, même dans les lieux la nature semble se prêter le moins à l'épanouissement de l'art, des monuments intéressants qui at- testent tout ensemble la foi et le génie de nos pères.

C'est ainsi que sur les confins de la Bresse et des Dombes, dans un pays tout

I. L'admirable Miinstei d'Ulm est sur lextrênie limite du Wurtemberg, à quelques centaines de mètres de lu frontière bavaroise.

parsemé d'étangs, à quelques lieues de la merveille de Brou ('), se dresse, solitaire, au milieu des maisons d'un modeste village, une délicieuse église du XII*" siècle: St- Paul de Varax.

L'histoire de cet édifice est peu connue : on sait seulement qu'au début du XII^ siècle, le domaine appartenait aux arche- vêques de Lyon, car, le 25 juin i 103, l'un d'eux, Hugues I^', en fit donation au cha- pitre de St-Paul de Lyon, à charge d'une redevance annuelle de dix sols (cf. Archives dît Rhône, hist. de St-Paul, fol. 114-115) : on ignore si le nom de St-Paul appartenait antérieurement à la terre ainsi cédée, ou s'il lui fut donné à cette occasion. Le chapitre conserva le patronage de St-Paul de Varax jusqu'en i 790.

Bien qu'on ne possède aucun document relatif à la construction de l'église actuelle, on peut avec certitude, d'après ses caractères architectoniques, la faire remonter à la pre- mière moitié du XI 1" siècle : ce sont donc les chanoines qui auraient fait édifier ce beau monument sur leur nouvelle posses- sion. — Une découverte moderne semble du reste confirmer cette hypothèse :en 1 853, en grattant les murs de l'intérieur de l'église pour y appliquer un crépissage nouveau, M. Darme, architecte, chargé des travaux, a mis au jour diverses peintures extrême- ment anciennes, notamment un long cordon régnant tout autour de la nef, et représen- tant une longue suite d'écus armoriés (').

1. L'église de Brou, élevée dans un faubourg de Bourg, par Marguerite d'Autriche pour lui servir de tombeau.

2. Ce cordon se trouvait placé horizontalement à 2 mètres 33 du sol. Les écus étaient dessinés par de larges

€glt0e De ^t#aul De (Harajc.

145

Or, si l'on remarque que les armes de la famille de Varax('), maison pourtant célèbre et puissante dès cette époque, n'y figurent pas, on peut en conclure que cette liste no- biliaire doit représenter une collection de personnages étrangers au pays même, sans doute la suite des doyens du chapitre de St-Paul, ou simplement la liste des mem- bres de ce chapitre au moment de la cons- truction {").

Fidèle à notre plan, nous n'examinerons ici en détail que l'extérieur du monument : il présente d'ailleurs assez d'intérêt pour satisfaire le chercheur même le plus blasé. La façade, en particulier, par laquelle nous allons commencer notre examen, offre un dispositif éminemment original : sur un perron élevé de quelques marches, court tout le long de cette façade une arcature en plein cintre, historiée, percée en son milieu d'une porte dont le cintre dépasse le niveau des arcades voisines : l'ensemble a un carac-

traits noirs ; les couleurs dominantes, du moins dans les écus demeurés intacts, étaient le rouge (gueules) et le blanc (argent;.

1. Les Varax portent écartelé de vair et de gueules.

2. En outre, et au-dessus de ce cordon armorié, M. Darme a découvert de très curieuses peintures mu- rales, en ton gris clair et à traits noirs fortement ac- cusés : elles représentaient, du côté droit de la nef : r une scène de martyre : on voyait des jambes nues, un billot et une sorte de marteau levé au-dessus ; 2" un chevalier richement vctu,dont le cheval était gardé par un page ; du côté gauche : un fragment de personnage ;

au dessus d'une inscription i ecce homo », un Christ, de grandeur naturellefdont la partie supérieure manquait) nu, les reins ceints d'un linge, tombant en avant ; de la cuisse gauche jaillissait du sang ; à ses pieds était agenouillé un moine revêtu d'un manteau blanc par- dessus ses ornements sacerdotaux ; dans le nimbe de sa

tête chauve, on lisait : « S. martyr omni mémento ».

Au-dessus du moine, dans un petit cartouche, était l'ins- cription : « Hoc me fecit fieri Uns Author Triquesionti >.

Ce nom bizarre serait donc celui de l'artiste qui avait exécuté, ou mieux du chanoine qui avait commandé les peintures ; le terme < Dominus î> semble en tous cas indiquer un personnage ecclésiastique. Ces peintures ont aujourd'hui disparu. Tous les renseignements ci-dessus, fournis par Siraud (dans son ouvrage Courses archéolo- giques), m'ont été obligeamment communiqués par M. l'abbé Marchand de Bourg.

tère de recueillement et en même temps de majesté qu'on s'étonne de rencontrer dans un édifice de proportions aussi restreintes.

Quant aux sculptures, elles ne peuvent soutenir la comparaison avec les belles œuvres que produisaient à la même époque, les écoles de Poitou et de Bourgogne : l'exécution des ornements est bonne ; mais les figures laissent fort à désirer : l'imagier semble ignorer l'art de les grouper et se borne à les disposer isolément sur un fond uni ; bien plus, les proportions même des personnages sont en général mauvaises : ce sont des nains disgracieux, à la tête et aux pieds ridiculement exagérés.

Nous devons plusieurs des renseigne- ments qui vont suivre à la description publiée, en 1835, par M. Leymarie dans « l'Album de l'Ain ». M. le curé de St- Paul de Varax et M. l'abbé Marchand de Bourg ont bien voulu.eux aussi, nous fournir de précieuses indications (').

Façauc occiDcntalc.

I. PORTE. Figures sculptées.

AVANT de détailler les sculptures de cette porte, déchiffrons les inscrip- tions qu'elle nous présente et qui parais- sent contemporaines de la construction.

La première, disposée sur une seule ligne autour de l'archivolte du tympan, sert de dédicace à l'église :

In nomine Dni nostri Isu X Pi et inonore (sic) beaie s6 (semper) virgiiiis Mariœ et sci Pauli api et omniu scm Dei (=). » C'est- à-dire: « Au nom de N. S. Jésus-Christ et

1. Actuellement, l'architecte chargé de l'entretien du monument, est M. Ferret de Bourg, qui y a exécuté divers travaux il y a trois ans.

2. Cette inscription, comme les suivantes, étant en let- tres carrées, il n'y a, dans l'original, ni majuscules ni mi- nuscules.

146

3Rr\)ue De V^xt cbrétieu.

en l'honneur de la bienheureuse Marie tou- jours Vierge, et de S. Paul apôtre, et de tous les Saints de Dieu. »

Une autre inscription, gravée sur l'étroite bande de pierre qui sépare le tympan du linteau et au-dessus des personnages figu- rés sur ce linteau nous fournit leurs noms : c'est la liste des apôtres :

« 5" . Simon . s. bar (toi (^) ) omeus . ia (cobus) . iu (das) . io (hannes) . petrus . maria . pa (ulus) . an (dreas) . ia (cobus)

philipus . mateus . tomas . , c'est-à-dire S. Simon, S. Barthélémy, S. Jacques, S. Jude, S. Jean, S. Pierre, Ste Marie (la Vierge), S. Paul, S. André, S. Jacques, S. Philippe, S. Mathieu, S. Thomas », soit les douze apôtres et la Vierge, correspon- dant aux treize personnages du linteau Certains noms ont été abrégés afin de pouvoir trouver place exactement au-dessus du personnage représenté. Une cassure de la pierre figurant un jambage au p de pa.

b

tb

o

D

0

Fig. I. Schéma de la façade occidentale de l'église St-Paul de Varax.

avait fait prendre cette lettre pour un R à M. Leymarie, qui, par suite de cette erreur, lisait ainsi la partie centrale de l'inscription : « Pierre, Marc, Jacques, ra (redemptor?) André, Jacques ». Mais cette lecture erronée avait trois inconvénients : elle donnait quatorze noms pour treize figures ; 2" elle supposait trois S. Jacques ; elle introduisait parmi les apôtres S. Marc, sans raison, et en excluait S. Paul, le patron de l'église. D'ailleurs, sur nos indications, M. le curé de St-Paul a bien voulu vérifier l'existence de cette cassure qui ne laisse subsister aucun doute sur la véritable version.

I. Cette partie est brisée.

Au-dessous du linteau se trouve une troisième inscription de deux vers léonins écrits en caractères romans sur une seule ligne : « ^ cuprecib . lacrimassifûda AVE

edietes gra c eniacom e abi-

tu . edi\etes ('). » Pour interpréter ces deux vers, remarquons d'abord que la pierre car- rée qui porte le mot AVE en caractères un peu différents d'ailleurs du reste de l'inscrip- tion, a été encastrée après coup, au cours évidemment d'une réparation : l'architecte, ne sachant comment reconstituer la partie ainsi supprimée du premier vers, a peut- être cru bien faire de graver ici un souhait

I. Ces quatre dernières lettres sont reportées à la ligne supérieure.

oBgltse De ^tpani ht mavax^

147

de bienvenue AVE. Il n'y a donc pas à en tenir compte. Notons d'autre part qu'au- tour du tympan de la porte de l'église de Yandeins, construite vers la même époque dans une localité voisine, on lit : « omuipo- tens bonitas exaudiat itigredientes, atigelus ej'us De custodiat egredieiites. » l.'une des deux inscriptions ayant évidemment été

Fig. a. - Porte occidentale.

inspirée par l'autre, celle intacte nous ser- vira à reconscituer celle incomplète : nous obtenons ainsi une version certaine pour le premier vers et assez probable pour le second; la voici: «^[m] precib\\\%\ lacry- mas si fu\x(\da\xi'C\ \\x\gx'\edie\j\'\tes, grac\\-à\ f[um] \y^nia com\j^\\e\^x\ abitu e£\_r]e- di^n]les (en remplaçant la pierre AVE in- tercalée par « nt ingr » ) : c'est-à-dire « Ceux qui en entrant répandent des larmes avec des prières, qu'en sortant la grâce avec le

pardon les accompagne dans leur route {'■). »

Examinons maintenant les figures de ce tympan :

I. Dans une auréole elliptique très arrondie, formant concavité dans l'épaisseur de la pierre, le Christ, au nimbe crucifère, est assis sur un trône : ses pieds nus repo- sent sur un scabellum découpé en arcades (le buste, la tête, les bras manquent) ; sans doute, conformément à la tradition, il tenait le Livre et bénissait.

2-3. Deux grands anges debout, nu- pieds, se dirigent vers le Christ ; leurs bras sont brisés, mais d'après leur mouvement général, qui drape bizarrement leurs lon- gues robes, on peut conjecturer qu'ils balan- çaient des encensoirs.

4 à 16. Les apôtres et la Vierge debout, nimbés ; ils ont la face brisée : ces mutilations doivent être attribuées aux Hu- guenots du XVl*^ siècle; on remarquera qu'à chaque extrémité de ce linteau il reste une large place vide de sculpture ; ce linteau est fendu horizontalement d'un bout à l'autre, ce qui a nécessité au XV 1*^ siècle l'adjonction de l'arc de sou- tien BB. Les noms des personnages nous sont donnés par l'inscription ci dessus dis- cutée.

4. S. Simon lève la main pour mon- trer le Christ.

5. S. Barthélémy fait le même geste en parlant à...

6. S. Jacques : ce dernier tient une bande sur laquelle on lit NVE, mot dont nous ne saisissons pas le sens.

7. S. Jude montre de la main le Christ en parlant à...

8. S. Jean qui l'écoute.

9. S. Pierre fait le même geste en s'adressant à...

1. Cette ingénieuse restitution est due à M. Leymarie

148

3Re\)ue ïie l'^rt cJ)rctieu.

To. La Vierge, qui occupe le milieu du linteau.

11. S. Paul, tourné vers la Vierge, fait un geste symétrique à celui de S. Pierre.

12. S. André: sur la banderole qu'il tient à la main, on lit : VERE. Que signi- fie ce mot ? On le trouve prononcé par le Sauveur, dans l'évangile de la vigile de S. André, mais il ne se rapporte pas à ce Saint, c'est au disciple Natanael que Jésus s'adresse (vere Israëlita un vrai Israé- lite) : il est donc douteux que ce soit l'ori- gine du mot qui nous occupe. La dernière lettre est d'ailleurs incertaine, et la leçon exacte est peut-être, malgré l'autorité de M. Leymarie, VERI, commencement du mot « Veritas » ou VERB, commencement du mot « verbum ».

13. S. Jacques.

14. S. Philippe lève avec véhémence un bras vers le ciel.

15. S. Mathieu tient un livre ouvert sur lequel est gravée l'inscription: g|i comme ce livre ne peut être que celui de son Evangile, et que le mot en question doit être un titre, on peut interpréter : (verbum) Dei, bien que cette périphrase ne soit guère usitée pour désigner l'Évangile. Il présente ce livre à S. Thomas.

16. S.Thomas, tourné vers S.Mathieu, semble écrire sur le livre de celui-ci ou le tâter: l'apôtre incrédule voudrait. il encore s'assurer par le toucher de l'existence de l'Évangile ?

17-18. Ecus en faible relief ayant porter à l'origine les armes du chapitre de St-Paul ou celles d'un donateur: aujour- d'hui la face de ces deux écussojis est unie, ce qui a donné à penser à M. Leymarie, que les armoiries, en plâtre ou en bronze, y étaient simplement appliquées. Peut-être

aussi ces armoiries ont-elles été grattées par les Huguenots ?

19-20. Têtes grimaçantes supportant la retombée de l'arc HB:ces mascarons da- tent évidemment du XVI" siècle.

Partie purement décorative.

A. Archivolte extérieure de la porte; c'est un large encadrement de feuilles lan- céolées, régulièrement dressées à plat, d'assez faible relief Cette décoration est rehaussée par une mince bande qui l'en- toure extérieurement d'un rang de redans carrés et de billettes plates, si l'on peut s'exprimer ainsi.

B. Arc de soutien, uni, décrit plus haut.

C. Fût de la colonne de gauche, orné de trois étages de cannelures verticales; les parties pleines entre les cannelures sont dé- corées de rinceaux. Les trois étages sont séparés par des sortes de larges bagues plates ornées d'un semis de fleurettes.

D. Fût de la colonne de droite : com- binaison curieuse de torons cylindriques inclinés (figurant à première vue un pas de vis comme au.K belles colonnes de la porte Mantille de la cathédrale de Tournai) sur lesquels s'enroule en sens inverse une spi- rale de perles.

Ces deux colonnes sont admirables d'in- vention et d'exécution, et, dans les nom- breux modèles que nous a laissés le XI I^ siècle, nous n'en connaissons aucun qui puisse être mis au-dessus de ceux ci (').

E. Chapiteau orné de bouquets de feuillage posés à plat.

F. - Chapiteau orné de feuilles frisées disposés en rangs superposés.

I. Nous mettons hors de pair les colonnetles du cloître .St-Aubin d'.Angers, qui, avec leurs médaillons historiés, procèdent d'un tout autre ordre d'idées.

église tie ^t |0aul De (Ilîavajc.

149

Le linteau repose sur ces chapiteaux par l'intermédiaire d'un rang de redans carrés pareils à ceux du cordon extérieur de l'ar- chivolte.

Conversion de S. Paul.

II. ARCATURES DE CHAQUE COTE DE LA PORTE.

Côté gauche de la façade.

21. Un prince, vêtu d'un manteau court, tenant un grand sceptre sur son épaule, est assis sur un trône à pieds. Il semble donner des ordres à

22. ... un serviteur extrêmement mu- tilé, presque méconnaissable : au-dessus de sa tête, on croit voir un objet étranger dont il est impossible de reconnaître la na- ture.

23. jésus-Christ, vêtu d'une robe et d'un manteau ; sa face est brisée, mais il est reconnaissable à son nimbe crucifère ; il se tient debout et semble adresser la parole au prince (N° 21). On pourrait donc conjecturer qu'il s'agit ici d'un des épisodes de la Passion (le Christ devant Hérode ou devant Pilate) si les sculptures voisines ne paraissaient complètement étrangères à ce sujet.

24. Un monstre énorme, informe, aux pieds munis d'ailes ou de nageoires, est précipité tête première. Est-ce l'archange révolté ? ou un des nombreux démons chassés par le Christ au cours de sa prédi- cation ? Nous n'osons formuler aucune hypothèse.

25 à 30. Histoire de S. Paul. Ici nous trouvons un terrain plus solide et sans pouvoir cependant affirmer l'exactitude de notre conjecture, en raison de l'ordre anor- mal dans lequel seraient disposés les sujets, nous croyons fermement avoir sous les yeux quelques épisodes de l'histoire de S. Paul, patron de l'église de Varax.

25. D'un nuage aux formes arrondies nettement découpées, sort une grande main étendue ; évidemment celle de Uieu. Elle est ouverte et dirigée vers

26. ... un homme étendu à terre et qui, regardant la main, semble essayer de se relever. L'état de détérioration de la

Fig. 3. Façade occidentale, côté gauche.

sculpture ne permet pas de distinguer si cet homme est vêtu ou non. On a cru voir dans cette scène la création d'Adam ; mais, bien que l'attitude de notre person- nage soit, par une bizarre coïncidence, presque exactement celle donnée par Michel-Ange au premier homme dans son admirable panneau de la Sixtine, nous ne pouvons accepter cette hypothèse : l'idée d'Adam s'éveillant à la vie sur un signe de la main d'un Dieu invisible est d'une con-

I50

Bebue ïie T^rt cl)rctien.

ception par trop étrangère au XII' siècle. Nous voyons ici Saul renversé par la voix divine sur le chemin de Damas ; tombé païen, il va se relever chrétien. Sans doute, la tradition veut que le persé- cuteur ait été précipité de son cheval, mais les Actes des Apôtres ne disent rien de semblable, et d'ailleurs, on conviendra que cela ne suffirait guère à infirmer notre in- terprétation, si l'on remarque le soin pru- dent avec lequel l'imagier de Varax, déjà peu sûr de son ciseau quand il taillait la figure humaine, a, contrairement à ses con- temporains du Poitou, évité toute représen- tation d'animaux.

Néron ordonne la mort de S. Pajil.

27. Un prince vêtu d'un manteau court et, reproduisant exactement la pose du 23, est assis sur un trône à dossier bas et à bras pleins, de forme byzantine. Il tient, lui aussi, son sceptre sur l'épaule et, de sa main droite, semble commander à un serviteur d'aller remplir une mission. A notre avis, c'est l'empereur Néron ordon- nant le martyre de S. Paul et disant à son serviteur, selon la Légende dorée : « Cou- pelui la tête pour qu'il sache que je suis plus fort que son maître le Christ ! et nous verrons bien, ensuite, s'il vit encore ! »

28. Le serviteur, vêtu d'une courte tunique ; il est très mutilé : un bras et une jambe manquent. De ce qui reste on peut conjecturer qu'il fléchissait le genou en re- cevant les ordres de César. Nous n'attachons aucune signification au rinceau de feuillages qui se trouve sous son pied : à notre avis, le sculpteur, assez novice, comme nous l'avons déjà vu, avait mal calculé ses me- sures, et, s'étant aperçu que s'il prolongeait la jambe jusqu'à terre elle serait démesu- rée, il a employé cet artifice enfantin pour

relever le pied et maintenir à peu près les proportions normales.

Martyre de S. Paul.

29. Le bourreau exécute l'ordre don- né par Néron : debout, vêtu d'une courte tunique, il frappe de son épée la tête de S. Paul : la pointe de l'épée ressort entre les épaules du martyr. Bien que le person- nage ait perdu un bras et une jambe, on se rend compte du geste qui est assurément bizarre, car il donnerait plutôt l'idée d'un coup de pointe, ou d'un coup d'estoc frappé de haut en bas, alors que la décollation ne peut résulter que d'un coup horizontal. Nous trouvons d'ailleurs ce même mouve- ment reproduit à satiété, par un autre artis- te du XI I^ siècle, dans les scènes de mar- tyre de la voussure, à la porte centrale de l'Abbaye des Dames, à Saintes.

30. S. Paul, vêtu d'une robe et recon- naissable à son nimbe, s'incline en recevant le coup fatal ; ses bras sont brisés, mais, malgré les mutilations, on peut présumer qu'il joignait les mains.

Côté droit de la façade.

31 à 45. Aucun doute ne peut exister sur l'interprétation des sujets représentés ici: ce sont des scènes de l'enfer. On peut s'étonner seulement que l'enfer soit figuré seul, sans le prélude indispensable du Juge- ment et la contre-partie naturelle du Para- dis : on ne pourrait guère citer d'autre exemple, croyons-nous, l'un de ces trois sujets soit ainsi séparé des deux autres (').

31 et 32. Un démon nu (N° 31) dont la face est brisée, mais qu'on reconnaît au

I. A Beaulieu (Corrèze XII" siècle) le Paradis man- que, mais nous voyons le Christ Juge et l'Enfer ; à Stjouin de Marnes, il semble bien qu'une au moins des 3 parties manque, mais plusieurs sculptures ayant dispa- ru, on ne peut être très aftnmatif à cet égard.

6glt0e ht ^t#aul tie Màxax^

151

gros ventre, aux pieds et aux mains énor- mes dont le sculpteur a doté ici tous ses diables, entraîne, au moyen d'une chaîne massive mais peu distincte, un damné qu'il frappe en même temps d'un bâton ou d'un fouet: la dégradation de la pierre empêche de reconnaître la nature de cette arme. Le malheureux réprouvé, nu (N° 32), que

l'-ci 4 - Façade occident^.c, ^uli. diuit.

la chaîne serre au cou moins qu'elle ne soit attachée à la langue), essaie en vain de résister. Chacun des deux personnages a une jambe brisée. Cette scène est sé- parée de la suivante par une gracieuse co- lonnette au chapiteau formé de feuilles vé- gétales épanouies.

33 et 34. C'est une répétition presque exacte de la scène précédente : les seules différences consistent en ce qu'ici le démon (No 23) ne paraît pas frapper le damné, et

qu'on peut se demander s'il se sert d'une chaîne ou d'une tige de fer pour attirer à lui le malheureux (N° 34): on croirait même, au milieu de cette chaîne supposée, qui est en partie brisée, distinguer une main ; mais on ne voit pas à quel corps elle appartiendrait.

35. Un personnage vêtu, comme un chevalier du XII'' siècle, d'une cotte de mailles et d'une robe demi longue, flottante; ses chaussures sont pointues et peut-être munies d'éperons; sans doute il portait un casque, mais la tête et les épaules sont trop dégradées pour qu'on puisse rien affirmer à cet égard. Les jambes écartées, les ailes ouvertes, solidement campé dans une pos- ture de combat, ce guerrier fait tournoyer en l'air son glaive pour chasser les damnés. Faut-il voir dans ce chevalier qui frappe les réprouvés, un démon? Nous ne le pensons pas : d'abord parce que rien dans son atti- tude ni dans les parties conservées de son corps, ne rappelle les ridicules difformités des démons voisins ; ensuite, parce que, malgré l'esprit satirique et frondeur de nos pères, c'eût été une audace vraiment trop grande que de représenter un démon sous les traits d'un chevalier, en plein XI I^ siècle, alors que la chevalerie, dans tout son épanouissement, fournissait des défenseurs aux opprimés et des libérateurs à la Terre- Sainte. Il n'y a donc guère qu'une solu- tion possible, c'est de reconnaître en notre personnage un S. Michel, d'un type très bizarre assurément, qui n'a point de ba- lance à la main, qui ne sépare point les bons des mauvais, mais se borne à chasser les réprouvés qui l'entourent de tous côtés. Pour trouver, dans la sculpture de nos i églises, un archange qui ressemble à celui- ci, il faudrait peut-être aller jusqu'au XV'^ siècle: encore, à cette époque le S. Mi-

152

3Rebue lie T^rt tljrctten.

chel guerrier avail-il d'autres attributs, et verrait-on sous ses pieds le démon terrassé.

36 ;i^'j 38. Trois damnés nus, pressés les uns contre les autres, s'éloignent de S. Michel dans une attitude désespérée, le bras gauche replié contre la poitrine, la main droite levée vers le ciel et ouverte, geste qu'il est difficile d'expliquer (i).

39. Un grand démon ventru, à la tête et aux pieds énormes ; il a une paire d'ailes repliées bizarrement le long de son corps, et sans doute une seconde paire à la tête ; mais cette partie de la sculpture est si dégra- dée que ces ailes hypothétiques peuvent être simplement des cornes démesurées. Il pousse devant lui

40 41 42. trois damnés

nus, debout, très mutilés (chacun d'eux a perdu une jambe). Désespérés, ils essaient timidement de résister à la force qui les entraîne vers l'enfer.

43. La porte de l'enfer, aux solides pentures d'airain, est ouverte, laissant voir l'entrée voûtée de l'abîme.

44. A demi sorti de l'antre, un monstre dont la tête rappelle celle de l'hippopotame, étend en avant sa longue patte (-) pour sai- sir le premier des trois damnés qu'il s'apprê- te à broyer dans sa gueule ouverte. Ici, par exception, ce Béhémoth {^) est présenté dans le sens horizontal ; d'ailleurs le thème

1. Ce geste pourrait être un appel à la pitié : il serait justifié s'il s'agissait de ressuscites implorant Dieu avant le jugement ; en ce cas, il faudrait rattacher S. Michel à la scène suivante (N"'' 39 à 42) : il chasserait alors simple- ment les démons et les damnés, mais l'absence de tom- beaux ouverts, en nous empêchant de reconnaître ici des ressuscites, nous oblige à écarter cette hypothèse qui autrement nous séduirait fort

2. Ou plutôt son bras, car l'articulation est celle du bras humain et non celle de la jambe antérieure d'un qua drupède.

3. Béhémoth, nom appliqué souvent par les Pères de l'Église au démon, trouve son origine dans le livre de Job (XI, 10 à 19) il désigne l'hippopotame, ilâtons- nous d'ajouter que la ressemblance de notre monstre avec un hippopotame doit être ici toute fortuite, car nos pères

de l'artiste s'écarte tout à fait de la donnée habituelle, car de la gueule infernale ne sor- tent ni flammes ni animaux immondes.

45 Au-dessus de la porte fatale paraît une tête d'animal assez semblable à celle d'un bœuf: nous ne pensons pas que le sculpteur ait voulu personnifier par tel ou tel des démons auxquels l'Écriture Sainte attribue la tête de cet animal : c'est plutôt une simple fantaisie de sculpteur qui ne savait quels traits donner à ses démons. Devant cette tête apparaît sur le long du bas-relief une bande légèrement courbée qui se prolonge au-dessus des figures pré- cédentes jusqu'au S Michel; la dégradation de la pierre ne permet pas d'en reconnaître la nature.

Chapiteaux.

Les N°^ 47 et 50 qui couronnent des pilastres sont carrés ; les autres sont arron- dis, comme les colonnes qu'ils surmontent ; au-dessus de chacun des chapiteaux est une abaque décorée de petites feuilles dressées très simples, sauf au 46 et au 49, l'ornementation consiste en demi-disques et en une combinaison de redents et de per- les ; on remarquera que l'abaque ne porte pas directement sur les chapiteaux : la pièce intermédiaire est creusée sur chaque face et ne se montre qu'aux angles ornée d'une fleurette, ce qui donne à l'ensemble une grande légèreté.

46. Le péché originel : le serpent est enroulé au tronc de l'arbre de la Science, aux rameaux contournés, chargés de cinq

du XI P siècle ne connaissaient guère les animaux de l'Egypte et de l'Inde. L'église d'Aulnay (Charente Infé- rieure) nous fournit un amusant exemple de cette igno- rance : un donateur, revenu sans doute des pays lointains au XII'= siècle, fait sculpter sur un chapiteau de cette église des éléphants ; mais, sachant ((ue ces figures consti- tueraient une énigme pour les fidèles du lieu, il (ait graver au-dessous ; *.< hi sunt elephantes, » (ce sont des élé- phants).

€glt0e de ^t^anl tie îllarar.

'53

ou six grosses pommes. Eve, debout, en ' saisit une ; sans aucun doute, près d'elle se j trouvait Adam, à qui elle offrait le fruit :1a partie du chapiteau était ce personnage est malheureusement fort mutilée.

47. Chapiteau très remarquable : sur la face de gauche, la Nativité de Notre- Seigneur. Sur la face antérieure, l'Adora- tion des mages : Marie, nimbée, assise sur un siège à bras ornés, les pieds posés sur un tabouret, tient sur ses genoux l'Enfant, qui avance le bras, soit pour bénir, soit pour recevoir les présents que lui remettent les trois rois debout devant lui. On remarquera que les mages sont ici vêtus de courtes tuniques, ce qui est assez rare, du moins dans la sculpture monumentale. Sur la face de droite, Hérode, assis sur son trône, donne à un officier armé d'un glaive l'ordre de massacrer les enfants : on peut s'étonner que le serviteur soit assis en présence du roi.

48. Ornements végétaux : sur chaque face, un fleuron formé de deux feuilles qui s'écartent pour laisser entre elles surgir une tige verticale portant un fruit rond ; aux angles, de larges feuilles roulées en rinceaux. Ce chapiteau est limité à sa partie supé- rieure par un galon.

49. Ce chapiteau offre le même type général que le précédent. Les feuilles et les fleurettes sont simplement d'un autre mo- dèle ; et le fleuron ne comporte pas de fruit.

50. Ici, ce sont deux rangs superposés de tiges grasses rappelant celle du céleri, s'épanouissant aux angles et au milieu des faces en toufles de feuilles léeèrement

o

frisées

51. Au milieu de feuillages en partie mutilés, à l'angle du chapiteau, est une grosse tête de démon, de la bouche duquel sortent les queues de deux animaux fantas-

tiques, décorant chacun une des faces : à droite, un dragon dont la langue est formée d'un long rinceau de feuillage ; à gauche, un basilic, sorte de coq à queue de dragon.

Partie purement ornementale.

GG. Les fûts de ces colonnes sont cylindriques, à surface unie : aucun d'eux n'est d'une seule pierre.

H H. Les deux colonnes, ou pilastres, intermédiaires sont carrées et creusées du haut en bas sur leur face antérieure de deux profondes cannelures verticales qui produisent un effet éminemment décoratif.

IL Les arcatures sont limitées infé- rieurement par un simple boudin rond uni ; supérieurement,par une bande de ces sortes de billettes plates que nous avons signalées déjà autour de l'archivolte de la porte (voir A). Entre deux, large bande de pierres unies.

PETITE PORTE MÉRIDIONALE.

CETTE baie carrée, qui s'ouvre au côté droit de l'église, est extrêmement fruste: aucune colonne, aucun ornement ne l'encadre ; mais elle est surmontée d'un tympan sculpté dans un seul bloc de pierre, quiconstitueun véritable chef-d'œuvre: bien des cathédrales pourraient envier la pos- session de ce bas relief, si mutilé qu'il soit, aussi intéressant par la vigueur de l'exécu- tion, la composition décorative de la scène, que par la singularité du sujet traité.

D'après la forme des caractères de l'ins- cription gravée sur l'archivolte, cette porte doit avoir été édifiée vers la fin du XlJe ou le commencement du XI lie siècle, bien que la sculpture accuse un art plus réaliste que celui habituel à cette époque, mais l'inscription ne peut être antérieure à la sculpture qu'elle explique.

154

3Rebur lie r^rt cbrctieiu

Lisons d'abord (en BB) cette belle ins- cription qui nous indique le sujet de la sculpture :

ABBAS QVEREBAT l'AVLV FAVN'q'nOCEB

soit, en rétablissant les quelques lettres supprimées par les abréviations : abbas quœ- rebat Paulum, faunusque docebat. Le sculpteur avait commencé une autre inscrip- tion sur la bande de pierre (C) unie qui en- toure cette archivolte : il s'est arrêté à la première lettre A. Il semble qu'il s'était trompé de place et avait d'abord voulu gra- ver ici l'inscription que nous venons de lire ; on pourrait à la rigueur supposer aussi que l'inscription de cette seconde bande devait faire suite à la première et que cet A formait la continuation du mot « docebat » interrompu à l'autre ligne sans porter au- cun signe d'abréviation ; mais alors on se demande pourquoi l'artiste n'aurait pas poursuivi son travail jusqu'au bout.

L'inscription présente d'ailleurs un sens complet, et, encore bien que le nom d'Ab- bé soit ici singulièrement appliqué, et qu'on puisse s'étonner de ne point voir le nom «Paulum» précédé de la lettre S (Sanctus) comme pour les saints représentés au por- tail occidental, nous n'aurons point de peine à découvrir l'identité de cet « abbé qui cherchait Paul et à qui un faune montrait le chemin. » Ouvrons, dans la « Légende Dorée », le récit de la vie de S. Paul er- mite (') :

« S. Paul (^) s'était enfui dans le désert ; et lorsque .S. Antoine vint à son tour au

1. Bien entendu notre sculpteur du XII° siècle ne s'est pas inspiré de la Légende,écrite par Jacques de Voragine vers 1255 seulement: mais ce beau livre constiiue un résumd de toute les tradiiions en cours pendant le moyen âge sur la vie des .Saints, et à ce titre il est un guide pré- cieux pour quiconque cherche la solution des problèmes posés par nos anciens imagiers.

2. On remarquera que S. Paul ermite n'est point le pa- tron de l'église de .St-Paul de Varax : pourquoi donc a-

désert, s'imaginant être le premier ermite, un songe lui apprit qu'un autre ermite, meilleur que lui, avait droit à son hommage. Aussi S. Antoine s'efforça-t-il de découvrir cet autre ermite. Comine il le cherchait par les forêts, il rencontra d'abord un centaure, à demi homme, à deini cheval, qui lui dit d'aller devant lui. Il rencontra ensuite un

Fig:. 5 - Petite porte méridionale.

animal qui portait des dattes, et qui par le haut du corps ressemblait à un homme, avec le ventre et les pieds d'une chèvre. Antoine lui demanda qui il était: il répondit qu'il était un satyre, c'est-à-dire une de ces créatures que les païens prenaient pour les dieux des forêts. Enfin S. Antoine ren-

t-on choisi ce sujet si particulier pour décorer notre porte? Peut-être simplement .^ cause de l'association d'idées résultant de la similitude des noms: ce serait bizarie à coup sûr, mais non sans exemple.

Cgltse tie t>t#aul De mara;c.

155

contra un loup qui le conduisit jusqu'à la cellule de S. Paul » (').

Nous n'avons plus, après cette lecture, qu'à jeter un coup d'œil sur les person- nages et les détails de notre bas-relief pour retrouver vivants tous les éléments du récit de la Légende.

Fig. 6. Schéma de la petite porte.

I. S. Antoine (nommé par l'inscrip- tion << abbas >, nous ne savons pourquoi), vêtu d'un costume de moine à capuchon rabattu sur le dos et à attaches sur le côté, marche, probablement pieds nus, en s'ap- puyant sur un gros bâton de voyage, en partie brisé. La tête et les bras du person- nage manquent. Il se dirige vers

1. Légende dorée, traduction T. de Wyzewa.

' 2. le faune (ou satyre, comme le

I nomme la Légende) dont l'aspect répond I exactement à la description de Jacques de Voragine : d'énormes pieds de chèvre ou de cheval, les jambes et sans doute le ven- tre (cette partie est brisée ainsi que la jam- be droite) velus, une courte queue de chè- vre, voilà la part de l'animal ; une tête humaine à longue barbe, avec peut-être de petites cornes (la pierre est brisée en cet endroit), des bras et des mains, voilà la part de l'homme. Cet être hybride est debout et, tournant la tête vers S. Antoine, de la main droite il l'invite à avancer, tandis que de la gauche étendue, il lui indique par un geste expressif le chemin qu'il doit suivre pour trouver S. Paul.

3. 4. 5. Alternant avec les person- nages sont trois arbres, pour signifier que la scène se passe dans une forêt. Ce sont des plantes d'une végétation bizarre, mais émi- nemment décorative, à gros troncs d'où se détachent des rameaux retournés en rin- ceaux et ne portant chacun qu'une ou deux feuilles : on pourrait, avec un peu de bonne volonté, y reconnaître le type du palmier. AA. Ce beau bas-relief est encadré d'une bordure assez simple de dents arron- dies, plates sur leur face antérieure.

G. Sanoner.

Paris.

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Hutour Dc •èJérusalcm antiauc.

N Palestine, à Madaba, en faisant les fouilles pour asseoir les fondations d'une nouvelle église grecque, on a découvert une mosaïque donnant une image grossièrement naïve de l'ancienne Jérusa- lem. Et il n'y a aucun doute sur l'identification de la ville représentée, puisque l'image est ac- compagnée de cette inscription en caractères grecs: HAGIAPOLICIEROVCALEM.

J'ai sous les yeux une reproduction héliogra- phique, c'est-à-dire rigoureusement exacte, de cette mosaïque, rencontrée dans le de V/l- lustration Italienne du 8 novembre 1903, p. 393. Mais j'avoue qu'il m'est difficile d'y reconnaître quelque chose et imagine qu'il faudrait beau- coup d'ingéniosité pour tirer de cette confusion une reconstitution un peu sérieuse de la ville an- tique. La première question à résoudre est, d'ailleurs, celle de l'orientation ; or, si nous ad- mettons l'inscription. Porta di Damasco, mise en lettre par le journal, à la porte présentée à gauche du lecteur, je suis tenté de reconnaître le tracé de ce corso, bordé d'un double filet de porti ques en colonnades.qui du Nord au Sud traversait, en son entier, la ville romaine d'Hadrien, ^Elia Capitolina. De semblables rues, maîtresses artè- res des cités bâties tout d'une pièce, existaient dans les grandes capitales de l'Asie et de l'Afri- que, à Palmyre, elle est encore debout dans une partie du parcours, et reconnaissable en son entier, à Antioche, à Alexandrie. Comme la porte de Damas s'ouvrait au Nord, cette hypo- thèse paraît extrêmement vraisemblable ; une autre rue, en ligne brisée et garnie également de portiques, mais d'un seul côté, part encore de la porte de Damas et aboutit par un embran- chement à la porte Dorée, puis directement, sem- ble-t-il, à celle des Eaux.Il est difficile de recon- naître dans ce pêle-mêle, qui semble un village en bois de Nuremberg jeté hors dc sa boîte de sapin, quelque chose qui rappelle les parvis du Temple et le Temple lui-même. Quant au Saint- Sépulcre, je le retrouve à la rigueur dans une

construction à triple porte, au toit à deux pentes

on remarquera qu'il n'y a pas une seule mai- son à terrasse figurée ici avec une coupole. Mais que tout cela est incertain et vague !

L'article de Y Illustration Italienne, signé des initiales C. R., rapporte le plan trouvé à Madaba

ce serait plutôt un essai informe de vue à vol d'oiseau, à une époque antérieure à Jésus- Christ. C'est, je crois, une erreur; je n'invoque pas comme un argument décisif le fait d'une inscrip- tion en langue grecque, qui était dès lors en grand usage dans l'Asie méditerranéenne : mais la forme sensiblement régulière de l'enceinte englobe, sans aucun doute, le Golgotha laissé en dehors des murs jusqu'à Hadrien.

Je conclus de ces constatations que nous av^s ici non la Jérusalem d'Hérode et de Pilate, mais r./Ëlia Capitolina d'Hadrien, qui conserva sa plantation romaine bien après le triomphe du christianisme. Le nom païen subsista même longtemps; un usage de deux siècles est long à abolir.

Peut-être ne sera-t-il pas hors de propos de dire ici quelque chose de ce que firent des Lieux Saints Constantin et sainte Hélène. Quand, en 327,1a mère de rempereur,rAugusta,eut retrouvé la sainte Croix depuis trois siècles ensevelie dans une citerne abandonnée, elle n'eut plus qu'une pensée, faire pour les chrétiens, du Calvaire et du Saint Tiimbeau, ce qu'avait été le Temple dans l'ancienne Loi, c'est-à-dire le sanctuaire com- mun de l'empire. L'empereur envoya un archi- tecte de Hyzance, qui n'était pas encore Constan- tinople, Eustathe, avec ordre de faire grand et magnifique. Pénétrés des idées païennes et impé- riales, Constantin et sa mère voulurent que les constructions nouvelles égalassent en splendeur tout ce qu'avaient produit l'art et les siècles po- lythéistes ; ils ne furent que trop obéis et s'ac- complit alors un des actes de vandalisme reli- gieux les plus stupéfiants qu'ait à enregistrer l'histoire. Sous les terrasses auxquelles Hadrien avait imposé un temple de Vénus et une statue colossale de Jupiter, on retrouva le tertre rocail- leux du Golgotha, mais l'idée de le conserver

dans sa simplicité et dans sa nudité ne vint à personne. Le saint monticule fut rasé, nivelé et on n'en conserva qu'un bloc au point avait été plantée la croix rédemptrice. Il en fut de même du coteau Joseph d'Arimathie avait creusé le sépulcre neuf qui reçut le corps divin. Combien les Lieux Saints eussent mieux parlé à l'àme si on les avait laissés dans leur état historique! Les constructions dues àConstantin et à sa mère formèrent un ensemble irrégulier qu'il est difficile de restituer avec un peu de certitude. Les an- ciennes descriptions sont l'œuvre de pieux pè- lerins qui écrivent sur les choses saintes dans un but d'édification et non en géomètres, ou en archi- tectes. D'ailleurs la parole donne l'idée non l'i- mage de la forme, et ensuivant minutieusement la description la plus précise dix archéologues feront graphiquement dix restaurations plau- sibles, mais différentes entre elles. Je me borne- rai donc à donner un crayon du tableau monu- mental dû à Eustathe, sans chercher à déterminer le rapport des éléments entre eux.

Il y avait d'abord sur l'emplacement du Cal- vaire une cour dallée et entourée sur trois côtés de portiques, V Atrium; les matériaux employés étaient magnifiques et variés. Au centre, une grande croix de bois se dressait l'avait été celle (lu Christ. Sur le quatrième côté était la ba- silique toute brillante d'or, de mosaïques et de peintures, peut-être surmontée d'une coupole. Il est donc à présumer que la forme de l'édifice rappelait non les longues basiliques romaines à charpentes apparentes, mais les édifices à voûtes et coupoles, comme les thermes d'Antonin-Cara- calla et de Dioclétien, et cette basilique de Cons- tantin dont les trois arcs ouverts dominent si noblement le Forum romanum (').

On reconnaît dans \' Atrium la cour à porti- ques ou colonnades qui précède ou précédait les anciennes églises, comme Saint-Faul hors les Murs a Rome.

Le Saint Sépulcre était abrité sous un édifice circulaire avec précinction de colonnes à l'inté-

I. Nous avons fait connaître jadis, au sujet de l'ordonnance, en plan, de la basilique constantinienne du Saint-Sépulcre, la restilution de M. Sodick. reproduite dans notre dernière livraison (p. 80), ainsi que l'opinion de M. de Combes, du R. P. Germer Durand, de M. Clermont et de M. Ganneau ; antérieurement (année 1898 p. 331) nous avons résumé l'histoire du Saint-Sépulcre d'après M. l'abbé Legendre. fN. de la R.)

rieur, qui devait ressemblera Sati Stefano rottin- do, ou au baptistère de Saint-Jean de Latran à Rome. On l'appelait Anastasis, en grec Résur- rection, ou Martyrwn. Enfin, une chapelle, l'Z;;//- culuin, sorte de châsse monumentale d'une ri- chesse inouïe, renfermait la vraie Croix.

D'autres églises s'élevèrent hors des murs sur l'emplacement du Cénacle, au tombeau de la Vierge, au Gethsémani. Mais il ne reste rien de toutes ces constructions commandées à Eustathe par Constantin et Hélène, et ce n'est pas la mo- saïque informe trouvée à Madaba qui nous aidera dans l'œuvre d'une restitution graphique de ce qui a disparu.

Henri Ch.\beuf.

Deiir pèlerinages au Suaire De Cbambérp-O^urin.

OUÈNE est avec Parme l'iuie des villes d'Italie qui conservent presque encore intactes les précieuses correspondan- ces des agents diplomatiques envoyés par les petites cours italiennes près des Souve- rains des grands États européens. Aux Archives d'Etat, grâce à l'aimable complaisance du direc- teur. Monsieur Ognibene, j'ai pu retrouver dans les dépêches de Trotti et de Zerbinati, ambassa- deurs des ducs de Ferrare, le récit du pèlerinage de François \'^'^ au Suaire de Chambéry, en 1 5 i6, ainsi que la relation de la visite que fit saint Charles Borromée, en 1578, au même Suaire, alors transporté à Turin.

Au retour de la conquête du duché de Milan, qui suivit le triomphe éclatant de Mari- gnan, après avoir traversé le Midi de la France, François I'^' vint s'établir à Crémieu, petite ville du Dauphiné, son séjour fut coupé par une excursion aux gorges de la Balme ('). Le 27 mai> il vint à Lyon et ne s'y arrêta pas. i. Le 28 de mai 15 16, d'après le Journal de Louise de Savoie, environ cinq heures après midi, mon filz partit de Lyon pour aller à pié au saint Suaire de Cham- béry (2). » Jean Harrillon, tout en se trompant

1. Catalogue des actes de François l^^, n^s 474 à 484, et Journal de Louise de Savoie, dans Guichenon, Histoire généalogique de la royale maison de Savoie, 1778-80. t. IV, Preuves, p. 459.

2. Guichenon. ibidem.

RBVUK DE l'akT CHKÉTIKN. iqp^. 2*"*^ LIVRAISON.

158

Bcbue lie riart c{)ictien.

sur la date exacte du départ, note, au cours de son journal, que << le Roi partit de Lyon pour aller faire un voiage à pied au sainct suaire, qui est à Chambéry (i). » L'ambassadeur ferrarais. Sigismond Trotti, écrit à son maître, Alphonse l" d'Esté : < Le roi est parti pour Chambéry à pied pour accomplir le vœu » (^), sans indiquer l'objet de ce vœu. C'est ce que répète, presque dans les mêmes termes, Badoer, ambassadeur de Venise(3). Seul, Guichenon raconte que « le roi étant à Lyon, touché d'un même mouvement de piété, rendit à pied un vœu au saint Suaire de Cham- béry qu'il avait fait le jour de la bataille de Marignan (4) ». Cet auteur, que suit sans doute Ménestrier (^), assez inexact dans les détails, mérite-t-il créance? Il est étrange que François I«^ dans sa célèbre lettre, écrite du camp de Sainte- Brigide, le 14 septembre 1515, le jour même de Marignan, ne souffle mot de son vœu. A peine peut-on y voir une allusion quand, vers la fin de sa lettre, il écrit à sa mère : « Au demeurant. Madame, faites bien remercier Dieu par tout le royaume de la victoire qu'il lui a plu nous don- ner » (6). Toutefois le rapprochement des textes, l'éclat insolite donné au pèlerinage, la solennité du vœu, la rigueur avec laquelle il est accompli, tout permet, jusqu'à preuve du contraire, de s'en tenir aux dires de Guichenon.

La Cour presque entière accompagna le roi. Grands seigneurs, grandes dames, la reine Claude elle-même se firent un honneur de lui composer un brillant cortège. François L', dont l'humeur voyageuse se plaisait aux équipées extraordinaires, était revêtu d'un costume si merveilleux, que Trotti ne put contenir son admi- ration et qu'il le décrit complaisamment. « Le roi, écrit-il, porte un pourpoint de velours noir tout tailladé, à larges manches, doublé moitié de toile lamée d'argent et moitié de soie marron. Les revers sont garnis de toile lamée d'argent. Par endroit sort la chemise, terminée par un haut collet à l'allemande. Des bas-de-chausse l'un est tout noir et l'autre listré de bandes blanches et

1. Journal de Jean Barrillon, édition P. de Vaissière, Société de l'histoire de France, t. I, p. 218.

2. Archives d'É/at de Modène, dépêche du 29 mai.

3. Diarii. t. XXII, col. 287 ; cité par de Vaissière.

4. Guichenon, op. cit., t. II, p. 198.

5. HiUoire civile ou conuiliire de lit ville de Lyon, 1696.

6. Petitot, Collection de mémoires, t. XVII, p. 188.

marron. Les chaussures sont dans le même style. Sur la tête un petit bonnet de drap d'or sur lequel repose une toque (') de drap blanc, recou- verte de plumes qui s'étalent sur le devant sur une longueur de deux mains {^). Ce panache est mi-partie noir, mi-partie blanc et marron. Le roi, avec quelques-uns des siens, est venu dans ce costume à la messe, mais il portait par-dessus une chape française brodée d'or (3), dont il se débarrassa pour dîner (•'). »

Le roi, accompagné de sa suite, n'avançait qu'à petites étapes. Il marchait dans la matinée et la soirée. Au milieu du jour, pendant son repas, il recevait les ambassadeurs, puis il s'entretenait longtemps avec la reine Claude, au grand dépit de Trotti qui aurait voulu rester plus longtemps avec lui. Le soir venu, un bal costumé reposait des fatigues de la route. Les dames faisaient bonne contenance. Trotti s'émerveille de leur vaillance, mais, en sceptique, il doute qu'elle per- siste, car lui-même se plaint de l'insuffisance du logement et des péripéties du chemin assez accidenté.

Le 5 juin, on parvint à la Verpillière (^). Le 7, on atteignit la Tour-du-Pin (6) ; de là, on passa en Savoie par Pont-de-Beauvoisin et, le 15, on entra à Chambéry.

« Le lendemain, environ midy, rapporte Bar- rillon, fut monstre le saint suaire par trois éves- qiies publicquement > 1' | Cela fournit à Trotti l'occasion de nous donner du Suaire une descrip- tion, d'autant plus précieuse qu'elle est la plus ancienne en date et qu'elle précède l'incendie du 4 décembre 1532, dont la relique eut beaucoup à souffrir. « Sa Majesté, ce matin, écrit-il le 16 juin, a vu le linceul fut enveloppé le Christ au sé-

1. C'est la toque aplatie à la florentir.e. dont les divers portraits du roi fournissent le modèle.

2. Environ 50 centimètres.

3. C'est sans doute ce qu'appelle Chorier (Histoire générale de Dauphiné, 1672, t. II, p. 515) « une aube de toile blanche ».

4. Lettre originale du 29 mai. Il e.viste quatre portraits de François I'-'. Deux sont au Louvre, ceux du Titien et de Jean ou leannet Clouet ; un autre se trouve au.v Offices, A Florence, et le qu.itrième, sur ém.iil, fait partie de la collection Soltikofl. Aucun des costumes représentés par ces portraits ne correspond exacte- ment à celui qui a tant émerveillé Trotti. Toutefois celui du Titien en a les taillades et les manches du pourpoint, et celui de Jean Clouet le bouffer de la chemise sur le dev.ant, moins le collet qui se retrouve sur la toile du maître vénitien.

5. Cataloi>ue... n" ^()o.

6. Journal de Louise de Savoie, Guichenon, op. cit., t. IV, p. 460

7. Édition P. de Vaissière. Journal de liarrillott, t. I, p. 218.

S^tiànQtô,

159

pulcre. Il peut être long de six brasses et large de deux ('). Sur la partie fut placé l'envers du corps du Christ se voit toute cette portion du corps qui comprend la tête, l'échiné et les jambes, à l'exception du derrière de la tête. Sur l'autre par- tie du linceul, qui était retournée sur le corps et le visage du Christ, se voit la figure, sauf le cou puis le corps jusqu'aux pectoraux. Ensuite com- mencent le devant des jambes et les bras. Ainsi sur la moitié du linceul se trouve toute la partie du corps du Christ, vu du dos, et sur l'autre toute cette partie du corps vu de face, moins le cou et les parties sexuelles qui ne se voient pas : chose très étonnante et belle à contempler (-). »

Le duc de Savoie, Charles III, raconte Gui- chenon, « reçut le Roi avec une somptuosité si extraordinaire que Sa Majesté partit de Cham- béry fort satisfaite (3). » Le départ eut lieu le 17 juin, et le 25 le cortège atteignit Grenoble, d'où il s'ébranla le 2 juillet pour parvenir le 3 à Lyon.

Ainsi se termine la relation de Trotti qui dé- crit, en simple spectateur, le Suaire tel qu'il l'a vu. Sa correspondance, très intéressante au point de vue diplomatique, nous a ainsi permis de tracer les étapes d'un itinéraire qui jusqu'ici était fort obscur.

Longtemps après le pèlerinage de François I^"" le cardinal Borromée, s'étant mis en chemin pour rendre à pied un vœu qu'il avait fait au saint Suaire de Chambéry, à cause de la peste, qui avait fait de grands ravages dans tout son diocèse (4), le Duc, pour gratifier ce saint Prélat, envoya quérir le saint Suaire à Chambéry et le fit apporter à Turin pour abréger le pèlerinage du Cardinal, craignant d'ailleurs que la ville de Chambéry étant frontière à la France et au Dauphiné, la guerre civile attirait les nou- veaux Religionnaires de tous côtés, il ne fût pas en assurance (5). >

Tommaso Zerbinati, ambassadeur du duc de Ferrare, assista au départ du cardinal. Comme François I*^"^, le saint allait à pied, mais ce n'était

t. La brasse ferraraise était de 0,674 millimètres.

2. Archives d'État de Modène, lettre originale et minute.

3. Guichenon, ofi. cit., t. II, p. 198.

4. 11 s'agit de la peste de 1576.

5. Guichenon. op. cit., t. II, p. 266. Sa chronologie est en dé- faut, car le 14 septembre le Suaire .était déjà à Turin. (Chevalier, Étude critique, p. 47. )

plus avec l'entourage d'une escorte bruyante et tout adonnée au plaisir. Vêtu de l'habit de pè- lerin, le bourdon à la main, de rudes chaussures aux pieds, sans serviteur, il quitta Milan, entouré seulement de treize familiers (').

Autant le voyage de François I" avait été long, autant celui-ci fut rapide. « Ne comptant pour rien ni la pluie, ni le vent, ni la boue, ni tout autre inconvénient », le cardinal Borromée parvint à Turin le 9 octobre, après quatre jours de marche. Le duc de Savoie, Emmanuel-Phili- bert, avec toute sa cour, s'avança à sa rencontre jusqu'à un mille de la ville, puis il l'accompagna jusqu'à la cathédrale et de le conduisit dans l'un des palais princiers. On le traita « royale- ment », écrit Guido Panciroli, célèbre juriste (2) dont Zerbinati transmet la lettre au duc de Fer- rare, Alphonse II d'Esté.

Le lendemain de son arrivée, le cardinal ex- prima le désir de célébrer la messe propre du Saint-Suaire. On eut un moment d'hésitation. Pie V, ce détail était encore inconnu, en avait interdit l'usage (3). En sa qualité de juris- consulte et de professeur à l'Université de Turin, récemment fondée par Emmanuel-Philibert, Panciroli fut appelé au palais ducal et fut invité à donner son avis. Par modestie, peut-être, il ne nous dit point quel il fut en l'occurrence et à quelle résolution s'arrêta le duc. Un autre témoin, un certain Zini, raconte que saint Charles célébra la messe dans la chapelle majeure de la cathé- drale devant le Suaire, sans nous tenir au cou- rant de la controverse.

Au cours de la journée, quatre-vingts person- nes furent admises avec l'illustre prélat à regar- der le Suaire de près. Entouré de la cour, de prélats, d'évêques et d'ambassadeurs, le cardinal le vénéra avec dévotion. Zini rapporte qu'il le vit pleurer abondamment, relatant ce que son confrère, le Père Adorno, nous avait déjà fait connaître {^). Panciroli en profite pour décrire le

1. Archives d'Etat de Modène, busta 43.

2. Panciroli (1523-1599) est surtout célèbre par sa Notifia digni- talum utriusque Imperii cum commentario. Cfr. Nuova encicîopedia italiana, t. XVI, p. 604.

3. « Il giorno seguente (10 octobre) fui chiamato per dire il mio parère se si poieva cellebrare la messa piopria del Santjssimo Suda- rio per una prohibizione di Pio V" et orca le hoie 21 dissi il mio parère ».

4. Sa lettre est imprimée dans Pingone, Syndoit evangelica..., édit. 15S1, pp. 65-85.

i6o

3Re\)ue De T^lvt cbvétieu.

Suaire, mais avec plus de souci de la précision et plus de développement que Trotti, en 1516. K Dans la cathédrale, écrit-il, nous trouvâmes le Suaire disposé sur une longue table garnie d'un tapis et recouvert lui-même de taffetas cramoisi. Après une courte prière. Don Francesco Adorno, provincial des Jésuites, fit une exhortation à l'occasion de l'ostension d'une si importante reli- que, que je tiens pour la plus mémorable et la plus remarquable du monde. Le taffetas ayant été enlevé, tous, au nombre d'environ 80, nous nous approchâmes pour le contempler. C'est une toile longue d'à peu prèsjbrasses et large d'une et demie. On ne peut reconnaître si elle est de lin ou de chanvre. Elle n'est pas très blanche. Elle est un peu poileuse. Elle fut placée sur la tète de Notre Seigneur de telle manière qu'un côté couvrait la partie antérieure du corps, et l'autre la partie postérieure. Sur ses deux replis on y voit la vé- ritable effigie du Sauveur, comme en une sil- houette où apparaît le très saint visage. Les mains sont posées l'une sur l'autre, et l'on voit distinctement la forme des doigts. Au milieu de la main supérieure il y a une petite tache à l'en- droit où elle fut transpercée par le clou. Appa- raissent ensuite les traces des jambes et les pieds avec deux taches à la place des clous. Au côté gauche, sous les côtes se voit une autre tache à l'endroit pénétra la lance. Elle n'est point marquée sur la poitrine comme le représentent les peintres, et l'évangile nous dit : /a/us appa- ruit (•). Sur l'autre partie de la toile se voient les cheveux qui s'étendent jusque sur les épaules. Puis la forme du corps va en s'amincissant jusqu'à la ceinture qui porte une ligne de taches de sang. Viennent ensuite les traces des jambes, les plantes des pieds et les pieds eux-mêmes, vus à revers : toutes choses qui provoquent l'é- tonnement de chacun » (2).

L'ostension privée du Suaire fut suivie de grandes fêtes. Le dimanche, 12 octobre, une longue procession parcourut les rues de Turin et se dirigea du Dôme vers la place du Château. Arrivé la, on monta sur un grand échafaudage construit pour l'occasion. Le cardinal Borromee ouvrit le coffret qui renfermait le Suaire, l'en

1. Sair:/ /ean.xix, 34.

2. Archives d'Éiat de Modène, leUre du 25 octobre.

tira et, le déployant, le montra à une nombreuse foule en présence de la Cour, d'archevêques et d'évêques, et de l'ambassadeur de Venise. Apiès quoi, la procession reprit son cheinin vers la ca- thédrale, où le cardinal Guido Ferrero l'exhiba de nouveau. C'était assez pour donner l'éveil au Chapitre de Chambéry et lui faire craindre de ne plus jamais revoir la relique.

Que conclure de ces deux pèlerinages? C'est que le Suaire, bien que n'étant pas authentique d'après Clément VU ('), mérite un honneur tout particulier. Du moment qu'une image pieuse provoque la piété des fidèles, l'Eglise eu permet la vénération, à condition toutefois que le culte dont on l'entoure soit conforme aux règles litur- giques tracées en pareil cas.

C'est ce que met en évidence une décision cu- rieuse de la Congrégation des Indulgences et Saintes Reliques, du i8 novembre 1670, mention- née au tome second du traité des Indulgences dédié par l'auteur, le Père Théodore du Saint- Esprit, à 5i?«c// -W /'. La duchesse Marguerite de Savoie avait sollicité du Saint-Siège une in- dulgence plénière pour ceux qui visiteraient la cathédrale de Turin, lors de l'exposition du Suaire. La Congrégation, tout en relatant dans les considérants de sa décision les témoignages des partisans de l'authenticité, n'accorda la fa- veur qu'avec la réserve ; uf pie iieiii/ur, et l'in- dulgence fut donnée « non pas à ceux qui le vénéreraient comme s'il était le véritable Suaire lie Jésus-Christ, mais à ceux qui inéditeiaient /es soîiffrances de Jésus- Christ, et surtout sa mort et sa sépu/ture {^). >

Rapprochée de la défense de Pie V, dont Pan- ciroli fait mention, cette décision est significa- tive. C'est donc bien vainement que l'on a voulu opposer à Clément Vil d'Avignon l'attitude des papes de Rome.

G. MOLLAT.

Cliapelaiii de Saint-I.ouis-des-Franç.iis, à Rome.

1. Voir mon article dans le Correspondant du 25 janvier 1903.

2. < Sacra Congregatio Indiilgentiarnm censuit : Indulgentiani petitam posse concedi adhibita cautione Cleiiientis VII, ut pie cre- dittir, vel alla consimili, coriis diebus ab ipsamet Sacra Congrega- tione designandis percipiendam : non tamen venerantibus illam, quasi germana esset Jesu ChristiSyndon. %e.A Recogitantibuscrucia- tus Jesu Chriiti, pmsertim vero ipsius mortem, et Sepulturam. 1> Moncbamp, Liège et Rome, 1903, pp. 9-12.

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^OUS avons reçu de M. Robert Triger, ' président du Conseil de fabrique de l'église de Saint-Pavin du Mans, et de la Société historique et archéologique du Maine, une lettre à laquelle nous ouvrons volontiers les colonnes de la Revue.

La Revue de t Art chrétien a de tout temps eu le souci de l'équité et de l'impartialité ; elle ac- cepte comme l'accomplissement d'un devoir les rectifications et les réponses auxquelles peuvent donner lieu les articles qu'elle imprime, même quand ceux-ci sont signés de ses collaborateurs les plus autorisés. Cependant on comprendra que dans une publication qui reçoit des communica- tions des pays les plus divers, parfois des plus lointains, il n'est pas possible de contrôler tou- jours l'exactitude des faits rapportés.

Del'aveu de l'honorable président du Conseilde fabrique de l'église de Saint-Pavin, la reconstruc- tion de cette église a déjà donné lieu à une polé- mique qu'il regrette et que nous ignorons. Dans les questions de reconstruction et de restauration d'anciens monuments, surtout lorsque celles-ci touchent à des lieux consacrés par une dévotion traditionnelle, les points de vue peuvent souvent différer beaucoup. Pour prendre position dans les questions de cette nature délicate, il faudrait une étude des circonstances et une connaissance des lieux que l'on ne saurait exiger de la direction d'une Revue; mais celle-ci regrettera toujours de voir des questions de personnes se mêler aux controverses archéologiques qui, seules, peuvent avoir de l'intérêt pour la cause qu'elle tient à

défendre.

Le Mans, le 27 décembre 1903.

.Monsieur le Directeur,

Le résumé des récentes notices de MM. Chappée et Ledru sur le tombeau de saint Pavin, au Mans, publié dans le dernier numéro de la Revue de l'Art chrétien, se termine par ces affirmations :

' La petite absidiole et le tombeau de saint Pavin pouvaient être conservés dans la nouvelle église en con- struction.

<i Malgré les démarches et les instances de MM. l'abbé Ledru et J. Chappée, la' démolition en fut décidée par M. l'abbé Péan, curé de la paroisse. Guerrier, architecte de la nouvelle église ; R. Triger, président du Conseil de

fabrique et président de la Société historique et archéolo- gique du Maine.

< Du tombeau de saint Pa/in, il ne reste que le souve- nir. Le sarcophage sera replacé dans l'église dans un caveau sans caractère, peu éloigné du « locus » primitif, que rien ne permet plus de retrouver. »

En mon nom personnel et au nom du Conseil de fabri- que tout entier, j'ai le devoir et le regret de protester ex- pressément contre ces affirmations, inexactes dans les termes elles sont présentées.

I" La petite absidiole en question b>e réduisait à un simple pan de mur des fondations, sans aucun caractère architectural ou archéologique, qu'il était impossible d'utiliser dans la nouvelle construction.

2" La démolition en a été prescrite par l'architecte responsable, qui a jugé la conservation de ce pan de mur absolument incompatible avec l'exécution du projet adopté et approuvé par les autorités administratives.

Un plan des fondations de l'absidiole et de l'empla- cement primitif du sarcophage, dressé avant la démolition et certifié par le même architecte, reste déposé aux archi- ves paroissiales de Saint-Pavin et sera gravé sur une dalle de pierre dans le nouveau caveau. Il permettra toujours, à ceux qui voudront bien prendre la peine de le consulter, de retrouver mathématiquement la position du « locus ■» et de constater que le sarcophage occupera, à vingt centi- mètres près, son ancien emplacement.

Quant aux démarches et aux instances de M. l'abbé Ledru en vue de la conservation du pan de mur, ni l'archi- tecte, ni le Conseil de fabrique n'en ont jamais eu con- naissance.

Je n'insisterai pas. Monsieur le Directeur, me refusant, pour ma part, à ranimer une regrettable polémique qu'on pouvait croire terminée depuis plus d'un an, mais j'appré- cie irop la haute impartialité de la Revue de l' Art chré- tien pour ne pas la prévenir, dans la circonstance, que cette impartialité a été surprise.

Je vous serai très reconnaissant, Monsieur le Directeur,

de vouloir bien insérer cette protestation dans le prochain

numéro de la Revue, et je vous prie d'agréer, avec mes

remercîments, l'expression de mes sentiments les plus

distingués.

Robert Triger,

Président du Conseil de fabrique de Saint-Pavin du Mans et de la Société historique et archéologique du Maine.

27 janvier 1904. Réponse à la lettre de M. Triger. Monsieur,

DEPUIS plus d'un an, tout a été dit sur l'affaire du tombeau de S. Pavin. Répé- tons-le une fois encore :

102

ISitWt ïje V^xt cJ)rcttrn.

L'absidiole et son tombeau présentaient un grand intérêt, à la condition que tout fût con- servé.

Il était possible de tout conserver en ne modifiant pas le pian présenté par l'architecte au Conseil municipal, plan approuvé et modifié en- suite sans l'avis de personne.

MM. Ciiappée et Ledru ont demandé, ver- balement, mais expressément la conservation de l'absidiole et du tombeau en place.

Il y a à l'évêché du Mans, une Commission des monuments qui n'a été avisée en rien. La destruction s'est faite subrepticement et à la hâte.

La crypte neuve n'aura aucun intérêt.

Toutes les plaques du monde ne peuvent remplacer un monument détruit.

Veuillez agréer. Monsieur, l'expression de nos sentiments les plus distingués.

A. Ledru et J. Chappée.

Vestiges Des relations Des moines De Cîteaur auec la Bologne.

Goworowo, 20 janvier 1904.

Monsieur le Directeur,

.^NS la Revue de /'Art chrétien, 1903, sixième livraison, article : Gilde de S. Thomas, Excursion en Bow-gogne j'ai lu entre autres les paroles sui- vantes :

« La maison-mère de Cîteaux, fondée en 1098, donna naissance à quatre filles : Clairvaux, Pon- tigny, Morimond et la Ferté. >

Ce nom de Morimond me rappela qu'en Pologne se trouvait aussi un cloître, portant le nom de « Novi Morimundi », preuve certaine de sa provenance. Comme l'auteur de cet article, en citant plusieurs nations, les moines de la règle de S. Bernaid allèrent s'établir de ces quatre premiers monastères, ne fait pas mention de la Pologne, je voudrais prouver que la Pologne avait de multiples relations avec les moines de Cîteaux.

S. Bernard envoya ses moines entre autres dans la lointaine Pologne. Vers l'an i 140, Janik,

curé de Breslau (Wroctaw), puis évèque de cette ville, enfin archevêque de Gniezno, fit venir des moines de Morimond, et leur bâtit une abbaye, appelée dans les annales latines « Novus Mori- mundus >, en polonais anciennement Rrzeznica, maintenant Andrzejow. Les Annales Cister- cie7ises, apud Winter, I, p. 303, disent que c'était la 2i« fille de Morimond.

L'an 1176, le prince de Sandomir, Casimir II dit le Juste, fit venir des moines de Morimond, et leur érigea un monastère à Sulejôw {Annales Cistercienses, n. 523-524).

Le même prince érigea un cloître à Koprzy- wnica appelé Clara Provincia, et y installa des moines provenant de Morimond. (Dtugosz, Liber beneficiorum, III, p. 375-400.)

Gédéon, évêque de Cracovie, fonda l'an 1178, une abbaye pour ses moines de Cîteaux, qui en latin s'appelait Camina et en polonais Wachock. Les Annales Cistercienses, n. 532, disent : «f A. D. I178, Abbatia de Camina in Polonia Morimundi filia, 26. Et secundum qnasdam tabulas scriptas Morimundi neptis et filia Bellae Vallis ».

Outre ces quatre maisons-mères provenant directement de Morimond, il y en avait encore d'autres, dont ces dernières étaient la souche.

Théodore Cedron, palatin de Cracovie, érigea un cloître à Szczyrzyca, appelé en latin Vallis Mariae. Les moines du Novi Morimundi s'y installèrent l'an 1239. {Lepkowski Przeglond zabytkow okolic Krakowa, p. 220.)

Ladislas, prince d'Opole, fit venir des moines de Novi Morimundi, et leur construisit un cloître à Ruda appelé en latin « claustrum de Wladis- law super flnvium Ruda. » (Codex diplomaticus Silesiae, I. Wattenbach.)

Il y avait encore un monastère à Bartfeld dans les monts Carpathes, appelé « Claustrum S./Egidii de Bartpha », qui était fille de Clara Provincia et un autre dont nous lisons dans les Statuta prov. gêner, apud Winter: « Abbatia nova inter Galiciam et Poloniam Morimundi filia, 27 ».

Enfin le monasterium Vistilense, en polonais Wistycze, fut construit l'an 1G70 par Eustache comte Jyszkievvicz, et les moines y vinrent du monastèreCamina(Volumina legum V, folio,63o). En tout, il y avait dans l'ancienne Pologne 28 cloîtres d'hommes et 8 de femmes, de la règle de

CorresponDance*

163

Cîteaux, inais outre ceux que j'ai énumérés, ils vinrent en Pologne de l'Allemagne ou de Italie.

Toutes ces abbayes sont maintenant en ruines, et les églises de plusieurs d'entre elles, bâties en style roman, ont été décrites par M. Luszcz- kiewicz dans les Rapports de la Commission d'art

de l'Académie des Sciences de Cracovie ('). Recevez, Monsieur le Directeur, l'assurance de mes sentiments distingués,

Antoine BrykcZYNSKI. Prélat de la maison de Sa Sainteté.

r. Sprawodama Komisyi do Cadania ssiuki w Polsec, t. I, p. I ; t. ni, p. 54; t. V, p. 2z8 ; t. VI, pp. 56, 68, 9, 7.

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imms} Trabatt): ties Hocictés satjautes» imm^

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Société Nationale des Antiquaires de France. Séance du 2^ décembre içoj. M. Merlin lit une notice sur une inscription ro- maine récemment découverte à Khamina. (Al- gérie).

M. Michon entretient la Société d'une inscrip- tion du XII'' siècle relative à une convention conclue à Rome entre les églises St Jean et Sts- Cosme et Damien.

M. Maurice présente un médaillon romain frappé pour célébrer le triomphe deConstantin II.

Séance du jo décembre. M. Héron de Ville- fosse fait une communication sur des médaillons et vases de l'époque romaine.

M. Cagnat communique de la part de M. Gau- ckler une inscription trouvée dans les ruines de Munchar et donnée au Musée de Bardo par M. Alix, professeur au Lycée Carnot à Tunis.

M. Durrieu entretient la Société de deux mis- sels manuscrits avec miniatures du XV^ siècle aujourd'hui conservés au Musée de Turin.

M. le D"' Capitan présente un travail de M. Chassaigne et Chauvot sur l'analyse du bronze dont sont composées les haches préhistoriques,

Séance du 6 janvier iço^. M. HomoUe, pré- sident sortant, prononce le discours d'usage.

MM. le Alexandre de Luc-Saluces-La- lande et l'abbé Requin sont élus associés corres- pondants nationaux.

M. Garofalo est élu associé correspondant étranger à Naples.

M. Prou fait une communication sur les fouilles récemment faites dans les anciennes murailles de la ville de Sens. M. Enlart ajoute quelques observations.

Séance du i^ janvier. M. Marquet de Vas- selot fait une communication sur deux bras de croix donnés au Louvre par M. Noietan.

M. Leprieur présente deux statuettes en bois faisant partie de la donation faite au Louvre par feu Albert Dony ;

une Vierge à l'Enfant dont il démontre l'ori- gine bruxelloise ;

un S. Etienne d'origine française qu'il croit pouvoir dater de la dernière partie du X siècle.

Séance du 20 janvier. M. Tardif lit une notice sur la vie et les œuvres de M. Chabouillet, son prédécesseur.

M. Mayeux fait une communication sur la cathédrale St-Jean-Haptiste de Perpignan.

M. Héron de Villefosse fait une communica-

tion sur les fouilles exécutées par M. Bullock Hall dans l'amphithéâtre de Fréjus.

Lecture est donnée d'une notice de M. l'abbé Arnaud d'Aignel' sur le reliquaire de Saignan (Vaucluse), dit de la Reine Jeanne.

Séance dji 2j janvier. M. Cagnat commu- nique une découverte récente faite à Telmuda par le capitaine Touchard. Il s'agit de tubes en poteries engagés dans des constructions de bri- ques et qui avaient pour objet de soutenir le revêtement.

M. le baron de Baye communique la reproduc- tion de plusieurs objets en argent, trouvés dans la Géorgie occidentale.Parmi ces objets figure un plat au centre duquel est représenté un cheval la tête tournée vers une colonne.

M. le Président donne lecture d'un mémoire de M. Pasquier sur la décoration du chœur delà cathédrale de Rieux en Languedoc en 1527.

Séance du 2y février. On annonce le décès du regretté E. Corroyer, bien connu des archéo- logues chrétiens et l'on élit des membres nou- veaux.

* *

Nous avons mentionné antérieurement une communication de M. Destrée aux Antiquaires de France sur Renier de Huy. La partie historique de cette notice doit être complétée par le mémoire de M. G. Kurth à l'Académie de Belgique.

M. Destrée, qui a envoyé sa note avant la publication de ce mémoire, a ignoré, comme le remarquent \qs Archives des Arts, \es témoignages décisifs du chroniqueur de 11 18 et du diplôme de 1135. Ce dernier fournit la confirmation de l'existence de l'orfèvre Renier de Huy et indique le haut rang qu'il occupait dans sa ville natale; il fait connaître la vraie histoire des fonts bap- tismaux de Renier, racontée par un contempo- rain ; c'est par erreur que la Clironique de i.f.02 leur assigne une date postérieure. Quoi qu'il en soit les Archives signalent une heureuse conjecture de M. Destrée, qui voit dans l'artiste hutois le même que le Reinerus, auteur d'un admirable encensoir de Lille, et dont le nom figure dans l'inscription en trois vers que porte ce chef-d'œuvre. M. Destrée a raison de ne pas vouloir, malgré l'autorité de Viollet-le-Duc, voir dans cet ouvrage d'art un produit du Xni<^ siècle ; il est incontestablement d'époque anté- rieure. L'encensoir, comme nous l'apprend l'ins- cription, a été donné par Renier à une maison religieuse, à condition qu'on y fit chaque année son anniversaire, et peut-être bien que si l'on

Crat}aujc ties Sociétés satjantes.

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cherchait attentivement dans les obituaires des églises de l'ancien diocèse de Liège, on finirait par retrouver la mention de ce grand artiste, dont, jusqu'en 1892, on ne connaissait pas même le nom.

P. S. Au moment de mettre ces lignes sous presse, nous recevons de M. J. Destrée une plaquette il dissipe tout malentendu, et il précise sa part et celle de M. le prof. Kurth dans les nouvelles données sur Renier de Huy que nous devons à ces deux savants.

Académie des Inscriptions et Belles- Lettres. Séance tin 18 décenibrc içoj. IVT.vCol- lignon donne lecture d'un rapport sur les fouilles exécutées en 1903 par M. Degrand, consul de France à Philippopoli, dans la vallée Tounja (Bulgarie).

Séance du 2'i décembre. L'Académie élit comme associé étranger, M. Otto Heinrich Hirschfeld, professeur à l'Université de Berlin, et comme correspondant étranger, M. Adolf Mi- chaelis, professeur à l'Université de Strasbourg.

M. Héron de Viilefosse communique au nom de M. le docteur Carton, médecin-major au 4^ régiment de tirailleurs, des photographies d'une galerie des catacombes chrétiennes d'Hadru- mète, dont le dégagement vient d'être achevé.

Malheureusement, plusieurs galeries menacent ruine ; on sera obligé de les soutenir par une maçoimerie, ce qui entraînera une dépense im- prévue. Il y a des tombes dans le sol même des galeries ; le tuf a été creusé de manière à prendre, dans chaque excavation, la forme même du corps qui y était déposé.

Séance du 8 janvier 1Ç04.. Le R. P. Delattre continue à Carthage ses fructueuses recherches.

M. Ph. Berger signale un certain nombre de découvertes épigraphiques qui ont été faites, ces temps derniers, par ce savant ; un nouvel exem- plaire de petit disque en plomb portant une dédi- cace mi-partie en phénicien, mi partie en grec ; une inscription funéraire sur laquelle le P. De- lattre croit lire le nom de Malte, etc., etc.

M. Berger présente en outre à l'Académie, au nom de M. Perdrizet, la photographie d'un bas- relief fort beau, trouvée en Tripolitaine et repré- sentant trois nymphes qui se suivent en se tenant par le pan de leur manteau.

Ce curieux monument, connu depuis quelque temps déjà, a été publié pour la première fois avec la collaboration de M. Perdrizet en 1896 dans l'annuaire de l'école anglaise d'Athènes.

M. Ciermont-Ganneau commente une série de monogrammes byzantins pleins d'intérêt.

Séance du i^ janvier. M. Croiset lit une notice sur son prédécesseur, feu Gaston Paris.

M. P. Berger présente au nom de M. Gauckler une curieuse stèle de terre cuite trouvée à Car- thage dans une tombe punique du V^^ ou "VI^ siècle. Elle porte un motif déjà signalé sur des monuments plus récents et qu'il appelle la triade, puisque ce sont trois cypes inégaux dressés sur un autel et accompagnés de symboles divers ; ils sont encadrés dans une décoration élégante de style égyptien, et leur base porte une inscription phénicienne.

M. Homolle résume^ les travaux entrepris à Delos et Delphes par l'École française d'Athènes, ainsi que les résultats de ces fouilles, qui, la plupart, ont pu être menées à bien grâce au géné- reux concours pécuniaire du duc de Loubat.

Séance du 22 janvier. Fouilles à Èphèse. M. E. Guimet présente à l'Académie des photo- graphies envoyées en communication par M. Wilberg, qui, avec M. Pleberdey, fait des fouilles à Ephèse pour le gouvernement autrichien.

Presque toute la ville antique a été déblayée. On a dégagé deux larges avenues pavées de grandes dalles rectangulaires et bordées de mo- numents et de statues. Elles vont du port au théâtre situé au pied de la montagne. L'avenue de gauche longe le forum, les bains et la construc- tion grandiose de l'époque romaine. Celle de droite, coupée par des propylées à colonnes, con- duit à l'Agora grecque ; c'est que fut décou- vert un immense bas-relief de 2 mètres de haut sur 18 mètres de long, représentant des scènes de la vie de Marc-Aurèle, fort belle œuvre qui vient d'être envoyée au musée de Vienne.

Société archéologique de Tarn-et-Ga- ronne. Cette Société a fait cette année deux excursions : l'une, au vieux Villemar, mais avec cet objectif principal peu archéologique, savoir la visite du vaste établissement de pâtes alimen- taires: l'autre, dans le Ro\iergue, elle a rejoint la Société archéologique du Midi de la France. A Villefranche, les sociétaires réunis ont visité l'an- cienne Chartreuse, convertie en hospice, qui con- serve quelques remarquables bâtiments du XI V'' et du JCV» siècle, d'un très beau style. Le mor- ceau capital est le petit cloître. A signaler une belle chaire en pierre masquée dans le mur du réfectoire.

La collégiale de Villefranche est un des plus beaux monuments du département : riche porche du XV^ s., grosse tour carrée militaire, nef en croix latine de style flamboyant, abside en partie du XI V"^ siècle, chaire en pierre du XV''.

L'hôtel oriental garde de jolis vestiges des XIV^ XV^et XVI<^ siècles.

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3^ebue lie I*^rt cbtttien.

Société d'études de la province de Cambrai. Le bulletin de cette Société con- tient une intéressante notice de notre collabora- teur M. A. Pastoors sur la collégiale de St-Aimé de Douai, ce monument du XIII*" siècle malhieu- reusement rasé par le Gouvernement révolution- naire, qui le mit aux enchères et l'adjugea pour 130,000 fr. f') Ce monument sacré fut défini et estimé par Bonbé, fils, architecte, comme suit :

< Un grand et vaste édifice, bâti en grés, briques et blanc,étant couvert d'une charpente considérable pour la construction et revêtu d'ardoises. Au pourtour de la dite église se trouvent une quantité de petites chapelles, dont les couvertures se trouvent séparées par de gouttières en plomb, tout étant bâti sur une surface de Soo toises carrées environ.

« Le clocher bâti en grés, surmonté d'une espèce de dôme, est compris dans la présente estimation, de même que la porte de fer, servant d'entrée au cimetière de cette église. >

« Suis d'avis que toutes charges comprises, ce domaine national valait en capital, y compris le clocher, la somme de 93,000 fr. (l'horloge avec la cloche étant réservées. >

L. C.

Cercle historique et archéologique de Courtrai. Cette Société, dont nous annon- cions naguère la fondation, a déjà produit des travaux intéressants. Il faut signaler spéciale- ment, outre une courte dissertation du baron J. Bethune sur les iours centrales des églises, des

I. C'était un beau vaisseau à trois nefs sur colonnes, chœur avec déambulatoire, et chapelles absidales rondes. A noter que le chœur de Saint-Aimé offrait plusieurs châsses adossées au maitre-autel comme à la cathédrale de Tournai.

notes fort documentées de MM. J. et L. Bethune sur Waermaerde et son église (une église bien scaldisienne) et la jolie église de Tieghem, au riche mobilier.

Cercle archéologique de Malines. 1903. Le passé des artistes malinois, basé sur les re- cherches de Smeyers et de ses continuateurs, a pris corps surtout dans V Histoire de la peintiire et de la sculpture de Malines, de feu Neefs. Cette liistoire est reprise par M. W. Coninckx, qui se trouve à même de développer et compléter l'œuvre de Neefs à l'aide d'un manuscrit dont s'est enrichi le dépôt des archives malinoises ; c'est une copie faite par Smeyers et complétée par Rymenans, du livre des apprentis de la Cor- poration des peintres et sculpteurs du milieu du XVl'' jusqu'à la fin du XVI Ii^ siècle.

ERRATUM.

Une phrase de l'allocution prononcée par notre ami M. H. Chabeuf, à l'excursion en Bourgogne de la Gilde de .St-Thomas et St-Luc,a été dénaturée par une interpolation de mots (V. p. 66, de la livraison de janvier dernier).

Les 10% 1 1" lignes et suivantes de la 2"= colonne doivent se lire comme suit :

« Il y a ainsi dans l'histoire des idées, certains faits généraux produits d'une loi mystérieuse de parallélisme, qui, à la fois et s'ignorant, s'exer- cent sous une influence supérieure et plus qu'hu- maine sur les points les plus éloignés de l'espace civilisé. »

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AHNENREIHKN AUS DEM STAMBAUM DES PORTUGIESIGHEN KONINGHAUSES MINIATURENFOLGE IN DER BIBUOTHEK DES BRITISH MUSEUM ZU LONDON. Mit einem Genealogischc/i Wegweiser von pto/essor H. G. Strohl, so luie einer Kunsthislorischen ErlaiHerung Il lui einer kurzen Abhandlnng iiberdic Flandrische Bttch- malerci des XI'. und XVI. Jahrhunderts -von piofcssot D. L. Kaemmerer.

SUITE D'ANCÊTRES TIRÉS DE L'ARBRE GÉNÉALOGIQUE DE LA MAISON ROYALE DU PORTUGAL, SÉRIE DE MINIATURES DE LA BIBLIOTHÈQUE DU MUSÉE BRITAN- NIQUE DE 'LO'N'D^'E.S. Avec des indications gc'7u'a- logiques, des L'claircissemeiits histo/iques par le prof. H. G. Strohl, et une notice sur la peinture des inanus crits en Flandre au XV' et au XVF siècle, par le prof. D. L. Kaemmerer. J. Hoffman, éditeur h Stuttgart. 34 pp.,in-4°avec un atlas, gr. in-f°de 13 pi. en phototypie.

50 marcs.

;^^^^4^ AUCUNE époque de l'histoire de

l'art on n'a, comme de nos jours, 1 rendu accessibles et vulgarisé dans ^ le bon sens du mot, les œuvres dont *(t^^S^4è l'étude et la jouissance étaient ré- servées à un petit nombre de privilégiés. Nous voyons, à tout moment, la librairie s'emparer de petits trésors restés inconnus du public, et grâce à des reproductions dont la fidélité ne peut être mise en doute, les offrir aux curieux et aux stu- dieux. La publication dont nous donnons le titre est de ce nombre. Grâce au bon goût de l'éditeur, aux soins donnés à la reproduction des pein- tures sur vélin qui en sont l'objet et aux études des deux savants qui les expliquent, cette publi- cation apporte des informations précieuses sur l'histoire, longtemps négligée et encore trop peu connue, de la peinture des manuscrits.

Cette peinture, en effet, dont les créations ont généralement le privilège de jouir d'une conser- vation parfaite, est une des branches les plus in- téressantes de l'art dans les Flandres. Elle y a pris, plus que dans aucune autre contrée de l'Europe, un magnifique essor. Répondant au XV'<^ et au XVI<= siècle à des demandes multi- ples, à un véritable besoin de l'aristocratie et du clergé, elle a été tout à la fois un art et une industrie. C'est ce que fait très bien ressortir dans son étude un peu concise mais fouillée M. Knemmerer.

Cette étude, comme l'auteur en fait la réserve expresse, n'a pas la prétention d'être complète. Il est étrange cependant, comme nous aurons l'occasion de le remarquer tantôt, qu'il ait

presque passé sous silence une époque particu- lièrement brillante de la peinture sur vélin, celle qui a été fortement influencée par l'Ecole des Van Eyck.

Le manuscrit, ou pour être plus exact, le frag- ment de manuscrit qui forme l'objet de cette publication, se trouve au riche dépôt de livres illustrés par des artistes néerlandais conservés au Musée britannique. 11 se compose de treize feuilles de grand format, peintes avec une ample richesse de détails, et reproduites pour la pre- mière fois par la publication que nous annon- çons. Le texte intéressant et instructif qui y est ajouté, comme nous l'avons dit, est à la plume de M. Kaemmerer. Il nous apprend que onze de ces feuilles ont été acquises en 1849, au prix de 40 livres sterling, par IM. Newton Scott, attaché à l'ambassade anglaise à Lisbonne, et qui les céda au Musée britannique contre la somme de 600 guinées. Plus tard, en 1868, le même musée eut la bonne fortune de pouvoir acquérir deux autres feuilles de la même suite au baron de Hortega : malheureusement les marges de ces deux feuilles ont été assez notablement rognées.

A la fin du XV« siècle, les familles royales et princières cherchaient à lutter entre elles et à se surpasser dans la confection d'arbres généalo- giques. L'empereur Maximilien avait sa généa- logie rendue populaire par le burin de Hans Burgkmair, et qui faisait aboutir au patriarche Noé les ancêtres du Souverain. L'exemple de l'empereur Maximilien semble avoir piqué d'é- mulation don Ferdinand, prince portugais, troi- sième fils d'Emmanuel III et de Marie d'Es- pagne, fille de Ferdinand le Catholique. Ce jeune prince s'adonnait avec un intérêt intense aux études historiques ; il avait formé une collection importante de manuscrits et de livres imprimés relatifs à l'histoire de sa maison. Il envoya au chroniqueur Damien van der Goes, ambassadeur de son frère Jean III en Flandres, un croquis de la généalogie complète des rois d'Espagne, dont le premier ancêtre était également le patriarche Noé. L'arbre généalogique fut établi avec le con- cours de plusieurs savants, et Damien avait reçu mission de le faire peindre par le meilleur maître enlumineur connu.

C'était alors, dans l'opinion de Damien, maître Simon, vivant à Bruges (Simon Bening), le plus recommandable pour exécuter d'après le croquis en question, les travaux de peinture en minia- tures — Causas de iluminure pour lesquelles, ajoutait l'envoyé de Jean III, «j'ai déjà dépensé

i68

3Rrbuc tjc V^xt fbrétien.

une forte somme d'argent ». Le 20 août 1530. Damien van der Goes écrivit d'Anvers à don Ferdinand, qu'il lui envoyait la première feuille du travail demandé, en même temps qu'un livre qu'il avait été chargé de faire peindre. Le livre, ajoutait-il, n'est pas d'aussi bonne écriture qu'à l'ordinaire, mais l'ancien calligraphe est mort, son fils, qui lui a succédé, n'est guère aussi ca- pable que le père, mais c'est cependant le meil- leur que l'on puisse trouver. J'enverrai l'autre livre aussitôt qu'il sera achevé. J'ai déjà en ma possession les miniatures qui sont terminées.

De ce passage, il ressort que Bening com- mença le travail en 1530, et qu'une feuille devant servir pour ainsi dire d'échantillon, était achevée au mois d'août de la même année. Ce passage, comme le pense M. Kaemmerer, se rapporte évi- demment à la généalogie des rois de Léon et de Castille. I! semble hors de doute également que l'arbre généalogique avait été établi et esquissé par Antoine de Hollande, ou d'autres artistes néerlandais ou allemands demeurant au Portu- gal, et peints ensuite par Bening qui ajouta les oiseaux et d'autres animaux dans les places restées vides. Les armes de Portugal réunies à celle de la généalogie fictive de Magog, des bor- dures architecturales paraissent également avoir été dessinées par Bening. Il n'est pas facile au surplus de faire la part des différents artistes qui ont collaboré à cette œuvre complexe.

La comparaison des effigies de plusieurs souve- rains et de leurs femmes dont les portraits authen- tiques sont connus, avec les figures des arbres généalogiques, prouve que bien peu de ces person- nages peuvent être regardés comme des portraits. Les compositions dans lesquelles ils figurent ne doivent donc pas être considérées comme docu- ments historiques, mais bien comme des œuvres d'art décoratif; à ce point de vue ces miniatures sont remarquables. Plusieurs des figures sont dignes d'un grand artiste.

M. Kaemmerer, dans le texte ajouté à la repro- duction de ces enluminures, ne s'est pas contenté de les décrire et d'en donner une appréciation cri- tique. Il y a ajouté une notice sur les principaux miniaturistes des Pays-Bas, et une liste des ma- nuscrits contenant leurs enluminures, ou celles qui leur sont attribuées. Cepeudant, comme nous venons de le faire remarquer, il n'accorde aucune mention à ce groupe de peintres dont les travaux se lient intimement à ceu.x des Van Eyck, parmi lesquels il importe de citer le plus précieux de tous, le magnifique livre du duc de Berry dont la partie la plus importante est conser vée à la Bi- bliothèque de Turin et qui a été étudiée avec tant de soin par M. Paul Durrieu ('). M K.cite cepen-

I. V. Gazette des Beaux-Arts, livr. 547 et 548. janvier et février »9°3-

dant le nom de Marguerite Van Eyck quia pu être au nombre de ces enlumineurs, mais il n'existe aucune raison de croire qu'elle ait été religieuse, comme le dit le savant Allemand.

Quelques indications sur l'organisation des Gildes ou corporations de ces peintres que M.K. rappelle, méritent d'être notées ; on les doit en grande partie aux recherches de M. Weale. Le premier patron de la Gilde des libraires de Bruges n'a pas été saint Jean-Baptiste, mais bien saint Jean l'Évangéliste, probablement parce que les peintres l'ont généralement représenté écrivant dans l'île de Pathmos, avec une plume et un encrier. Plus tard, la corporation a adopté saint Luc comme patron secondaire, sans doute à la demande des peintres miniaturistes.

A Bruges, jusqu'en 1457, non seulement cha- cun était libre d'exercer ces professions, mais même bon nombre d'enluminures et d'impres- sions en couleurs étaient importées, venant prin- cipalement d'Utrecht, les artistes résidant à Bru- ges ne suffisant plus à répondre aux detnandes des acheteurs.

Lorsque le travail des enlumineurs commença à acquérir une véritable valeur au point de vue de l'art, les peintres de retables et de tableaux les obligèrent par des moyens légaux à entrer dans leur Gilde. De même que pour les peintres, on peut établir que, presque sans exception, les plus anciens miniaturistes étaient étrangers à la ville et sont venus se fixer à Bruges attirés par la facilité qu'ils y trouvaient à vendre leurs tra- vaux.

C'est ainsi que Guillaume Vrelants, l'un des premiers membres de la Gilde et dont on pos- sède quelques travaux authentiques, était natif d'Utreclit. Il vint s'établira Bruges et y acheta le droit de bourgeoisie le 30 août 1456. Simon Bening, l'auteur des peintures généalogiques ob- jet de cette étude, est à Anvers et y résidait encore aux premières années du Wl*" siècle. Il s'établit à Bruges et acheta le droit de cite en 15 19. Avant cette date, il est venu à Bruges a différentes reprises, sans doute afin d'y vendre ses livres aux foires annuelles ou pour y prendre des commandes (').

M. Kaemmerer croit que Bening et Gérard Horebaut auraient tenu boutique à la fois à Gand et à Bruges, mais c'est une opinion qui ne semble avoir aucun fondement historique.

Nous ne suivrons pas M. Kaemmerer dans les développements de son historique de la pein- ture des manuscrits ; nos indications suffiront à en faire comprendre l'importance. La notice gé- néalogique due à la plume de M. le professeur

I. Voyez Weale, lie^roi, t. IV, 1873, pp. 238-251.

ldibltograpl)îe.

169

StrohI semble également faite avec soin et con- science, mais elle sort trop du cadre de nos étu- des pour nous y arrêter.

Les treize grandes compositions généalo- giques, dont l'une n'existe qu'à l'état de contour, sont hautement fantaisistes dans leur ordonnance. Indépendamment des figures historiques revêtues de leur costume pittoresque on trouve un peu de tout, de la faune et de la flore, des oiseaux de tous genres, paons, aigles, faucons, petits oiseaux chanteurs, des ménageries complètes avec des animaux variés, des singes et des ours, des cerfs et des chats, des griffons et des chiens de toutes espèces ; puis ce sont au bas des encadrements, des vues de villes, des batailles navales, des sièges et d'autres combats, suivant que l'artiste croyait devoir rappeler les événements de la vie des sou- verains dont il voulait illustrer les règnes : le tout entremêlé de blasons nombreux, de panoplies et de phylactères.

Les treize grandes planches reproduites avec toute la fidélité du procédé phototypique adopté donnent l'idée d'œuvres du premier ordre, et on doit savoir gré à l'éditeur de n'avoir épargné ni soins ni dépense pour établir cette publication avec la richesse qu'elle comporte. Cette belle pu- blication n'a été imprimée qu'à 200 exemplaires.

J. H,

THE EARLY CHRISTIAN MONUMENTS OF SCOTLAND, par J. RoMiLV Ali.em et J. Anderson Secretary, National Muséum of antiquities, Queen Street, Ediraburgh, Scotland, 1904. L. ,; 3 (So fr.)

PARMI les premiers monuments chrétiens de l'Ecosse les plaques en pierre sculptées for- ment la catégorie la plus nombreuse et certaine- ment la plus intéressante au point de vue archéo- logique du pays. Le présent ouvrage.diviséen trois chapitres, donne la description et la reproduction de plus de 500 de ces plaques. L'auteur donne une description exacte des ornements et figures bibliques ou tirées de bestiaires aussi bien que des inscriptions celtiques qui accompagnent les sujets traités.

L. C.

A RENAISSANCE LEANING FAÇADE AT GENOA. LA FAÇADE INCl-INÉE DE SANT- AMBROGIO A GÈNES, par \V. H. GOODVEAR. Opuscule in-4°; 22 pp. 80 photogravures et 3 plans levés. New- York, Macmillan Company, 66 fifih .\ve- nue. 1902.

Le professeur Goodyear vient de publier une étude intéressante sur l'inclinaison que présente la partie inférieure de l'église St-Ambroise à Gênes. Cette inclinaison est voulue et ce qui le

prouve, c'est l'observation faite par M. Goodyear que les moulures des bases des pilastres d'angle parfaitement horizontales forment aussi avec le plan de la façade un angle obtus du côté opposé.

Il est probable que cette disposition a été adoptée pour faire mieux valoir les sculptures et les présenter sans le moindre raccourci : tels les pinacles et statues en couronnement de St-Marc de Venise, dont l'inclinaison est de plus de six pouces.

Quoi qu'il en soit, l'étude de M. Goodyear montre que la pratique des architectes du moyen âge, de donner aux lignes et surfaces de leurs monuments des formes courbes ou inclinées, en vue de corriger les effets de perspective, a persisté dans un certain degré à travers la Renaissance, jusque ime époque assez avancée.

L. C.

LA PHOTOGRAPHIE DES MONUMENTS, par F. Martin Gabon. Broch. Pion, Paris, 1903.

M. le D"' Coutan a rappelé dans un récent ar- ticle de cette Revue, les éminents services ren- dus aux archéologues par M. Martin Sabon, photographe d'élite, amateur aussi désintéressé qu'éclairé. Les nombreux amis des monuments qui utilisent le précieux objectif, trouveront dans la brochure ci-dessus tout le fruit de l'expérience et de la science de ce virtuose de la photographie. Les admirables vignettes qui l'illustrent donnent la plus haute idée de son savoir-faire.

L. C.

LINE AND FORMS, par Walter Crane. In-12, illustr., 232 pp. Londres, Bill, and C°, 1902.

Dans ce livre destiné à être un des classiques d'art les plus universels, on commence à montrer, mieux encore par une exquise illustration que par le texte, toute la valeur de la ligne, comme expression des forces, des idées, du mouvement; on montre que les variétés dans l'emploi de la ligne sont les dialectes divers du dessin et que l'artiste, par son sens de sélection, trouve sa manière à lui de se servir de la ligne.

Venant aux principes, l'auteur remarque qu'on se sert de la ligne dans un sens purement gra- phique (formes adventices) ou dans un sens or- nemental (formes stylisées). Il conseille d'ob- server les contours des objets et de déduire les détails de la masse. La pondération des masses s'obtient par la répétition, l'alternance, la sy- métrie et le rayonnement. La ligne et le relief sont les deux éléments de l'art.

Il montre ensuite par des exemples le choix judicieux à faire de la manière de tracer les lignes pour interpréter un modèle, de manière

lyo

Bcbuf tir rSrt c{)rctten.

à donner au dessin du caractère; comment le procédé diffère selon la destination du travail du dessinateur et selon son outil : crayon, fusain, pinceau.

Quant à la forme, elle est la chair du dessin, comme la ligne en est le squelette. Elle s'incarne dans le solide; les facteurs sont l'équilibre des masses, le contraste dans les éléments reproduits ou la manière de les rendre, et la forme enve- loppante.

Ici apparaît le grand styliste décorateur que fut W. Crâne; c'est de la décoration qu'il traite avec prédilection. Le décor, dit-il, doit s'adapter à son emplacement comme l'e.scargot à sa coquille; cet emplacement est donné par l'architecte, et l'architecture gothique, comme le remarque l'au- teur, est de beaucoup celle qui fournit à l'artiste les thèmes les plus riches et en même temps les plus belles res.sources techniques. Les artistes médiévaux ont su merveilleusement harmoniser le décor à la structure.

On le voit, dans la composition interviennent trois éléments :

la ligne prédomine dans le dessin d'illustration la forme » » » pictural et plas-

l'emplacement » » décoratif, [tique.

Ici l'auteur étudie la combinaison de la ligne tracée, la combinaison des formes au regard du pittoresque naturel ou contrasté.

Puis il indique les procédés propres à expri- mer le relief; contraste des tons, effet d'ombre et de himière, modelé et relief, et il analyse ces procédés complexes avec une remarquable luci- dité, en msistant sur la distinction fondamentale des lignes de contour et de la ligne auxiliaire.

L. r.

GRONDBKGINSELEN VAN DE GESCHIE- DENIS DËR BOUWKUNST. I. HËIDEN- SCHE BOUWKUNST. II. CHRISTENE BOUWKUNST, par A. Van Houcke, 2 vol. in-8"de 180 à 220 pp., nombreuses gravures, Peeters, 1903.

Il existe quantité d'ouvrages traitant d'une manière générale de l'art monumental a travers les âges. Il en est trop peu qui offrent le caractère didactique et l'allure concise, qui conviennent à la large diffusion de l'histoire de l'architecture dans la masse du public instruit. C'est que cette vaste matière est terriblement difficile a conden- ser en quelques pages sans grosses lacunes. C'est à quoi a réussi M. V in Houcke dans cet ouvrage qui a,en outre,le mérite d'être écrit dans la langue néerlandaise, encore assez dépourvue de livres de l'espèce. Nous devons dire que M. Van Houcke était particulièrement préparé à cette œuvre dis- tinguée, car depuis de longues années il se livre

à l'enseignement de l'architecture à l'École St-Luc de Bruxelles, et dès l'année 1891, il a déjà publié en français une excellente histoire de l'architecture; c'était un modeste (;«î7vr^£ litho- graphie (') et illustré de la main de l'auteur. Sa réédition se présente sous la forme de deux beaux volumes, fort abondamment illustrés de vignettes et de photogravures. C'est une belle acquisition pour la bibliothèque si recomman- dable du Davidsfonds.

L. C.

LESVILLESD'ARTCELEBRES: RAVENNE, par Ch. DiEHL ; CONSTANTINOPLE, par H. B.ARTH. Petit in-4" nombreuses gravures. Paris, Renouard, 1903.

La collection à laquelle appartient cet élégant volume est connue de nos lecteurs, à qui nous avons fait connaître les volumes consacrés, l'im à Bruges et Ypres, l'autre a Gand et Toiirniii. Nos abonnés connaissent aussi M. Ch. Diehl et M. H. Barth, deux écrivains de marque bien qua- lifiés pour décrire deux villes dont ils sont depuis longtemps les fervents et érudits admirateurs. Ils ont fait ailleurs œuvre de science appro- fondies; ici, ils condescendent à faire d'excellente vulgarisation.

De Ra venue, feu IM. Barbier de Montault a décrit toutes les riches mosaïques, et nos divers collaborateurs ont traité bien des points de son archéologie. Il est singulièrement attrayant de retrouver dans les belles pages que nous signa- lons, le tableau largement tracé en maître par l'historiographe même du grand Justinien, des merveilles accumulées dans cette ville étonnante, triste infiniment et bien morte, où, suivant l'esprit de Dante, il semble que les sujets de Théodoric et de Gallia Placidia se retrouveraient encore presque chez eux, s'ils se levaient de la terre Us dorment.

En parlant des sculptures méplates, en marbre et en ivoire du V<= et du VI<= siècle ainsi que des mosaïques et de leurs sujets sornptuen.v, M. Diehl précise ce point de l'influence orien- tale, que l'éminent chanoine Van den Gheyn a trop vaguement indiqué dans son intéressante étude des chapiteaux byzantins (2) : c'est celle de l'école syrienne ou alexandrine, la même a qui l'on doit la chaire de Ma.xicnien (VI'= s.).

L'ouvrage se termine par des pages de belle littérature et d'art intense M. Dielh évoque la grande figure de Dante, de Camaldulo et de ce monde héroïque religieu.x dont Ravenne fut un des centres les plus remarquables.

M. Barth, et son livre Constantmople, sont égale-

1. Gand, Siepmann, 1891.

2. V. Revue de t Arl chrilien, p. 523, .inn.

1903.

Btbltograpl)te,

171

ment connus de nos lecteurs par l'article que notre Directeur I\I. J. Helbig a consacré à l'édition allemande de cet ouvrage ('). Il exprimait le vœu d'en voir donner une traduction française. Après avoir retracé en poète les beautés pitto- resques de la ville moderne, il s'arrête longuement à une description très complète et très impres- sionnante de l'église- mosquée Sainte-Sophie. Il passe en revue également l'église purement by- zantine des SSts-Serge et Bacchus, Ste Irène, transformée en arsenal, de Kahrie-djami, dont il reproduit abondainment les belles mosaïques si pleines de vie, en dépit des traditions byzantines, plusieurs autres églises modestes moins ancien- nes, Vésa-djami, Fétiyé-djami, les mosquées d'Ahmed, de Alehemed Pacha (l'ancienne Anas- tasie), etc.

Viennent ensuite les constructions civiles et militaires Tekfour-Serail, les aqueducs, la citerne des looi colonnes, le château des Sept-Tours, l'hippodrome, l'obélisque de Théodore le Grand, la colonne Serpentine, l'obélisque Muré, la co- lonne Brûlée, etc.

Pour étudier les produits de l'art turc pur dé- rivant des civilisations perse et arabe, il faut se rendre à Brousse, et visiter ses mosquées et ses mausolées. Nous revenons enfin à Constantinople et visitons les grandes mosquées de Mahomed 1 1 et de Bajazet, le Shoh-Zade, la mosquée de Suleï- ma.celle de la Validé et les monuments modernes.

L. C.

NOTICES SUR LA COLLÉGIALE DE SAINT- PIERRE A DOUAI, par M. l'abbe Pastooks. Broch. exir. de Bu/L delà Soc. d'étude de Douai.

Courte notice sur une importante église dis- parue. Elle avait cinq nefs, un choeur très allongé, une superstructure en boisetdes cryptes antiques. Elle abritait la belle statue de Notre-Dame des Miracles. ^ ^

BASILIQUE DE SAINT-REMI. ORIGINE ARCHITECTURALE, par M. GosSET. Broch. Reims. Imp. de l'Académie, 1903.

M. L. DemaisoD a avancé au congrès de Bor- deaux, que la basilique de Saint-Remi n'a « t-ien conservé des travaux d' Hinonar ». Ce n'est pas l'avis de M. Gosset, qui n'a pas épargne ses pemes pour justifier sa manière de voir. A l'aide de nombreux levers, et de dessins très explicites, il s'est attaché à restituer les états successifs des nefs de l'ancienne basilique, et spécialement des cinq arcades primitives conservées à la face Ouest du transept Nord, encore conservées sous les revêtements ogivaux de Pierre de Celles.

I. Hevue de l' Art chrétien, année 1902, p. 144.

Saint-Remi fut, selon Dom Marlot, bâtie par Turpin (736-802), puis agrandie et achevée par Hincmar (852). L'abbé Agrard entreprit de la renouveler en 1005. M. Gosset reproduit intégra- lement la relation du moine Anselme ('). On y trouve ce passage, qui est le pivot de la discus- sion : « Après l'avoir presque (pœne diruto) en- tièrement démolie et ne laissant que quelques fondements (fiiudamentis quibusdain rehctis) qui parurent nécessaires aux architectes pour les constructions futures, il reprit l'édification de la maison de Dieu ». Quelque chose a été conservé de l'édifice carlovingien. Ce reste, M. Demaison le voit dans quatre piliers de la nef M. Gosset constate qu'il faut le chercher plutôt dans les cinq arcades précitées du transept. Ces dernières sont de style plus ancien, de moulura- tion, de proportion, de module différent de tout le reste et plus conforme à l'ordonnance antique. Tel était aussi l'avis de M. L. Leblan, dans son rapport officiel de 1877. -, p

"^m ©érioïiiques. wm

BULLETIN MONUMENTAL, 1903, n" 45-

M. Lefèbvre Fontalis donne la monographie d'une élégante église de la Mayenne, l'abbatiale d Evre. Elle présente une petite nef romane, aug- mentée au XI V<= siècle d'un vaisseau relativement vaste, comprenant au bout des nefs, un vaste tran- sept et un chœur profond, entouré de sept cha- pelles absidales comprises dans un hémicycle. Les arcades du chœur sont encadrées de larmiers fleuronnés ; le chœur est imite de la cathédrale du Mans ; c'est dire quelle est la richesse de son architecture élancée. A noter la forme des piles du rond-point, en amande, à deux colonnettes greffées dans le sens de rayonnement du chœur. Le clocher-porche roman est une rareté dans la région. La chapelle Saint-Crépin offre un portail d'une décoration très curieuse, de style roman, qui aurait mérite une description plus explicite que cette courte explication : « Ses deux colon- nettes et ses chapiteaux à feuillages, couronnés par des tailloirs à large doucine, soutiennent des claveaux en coussinets (?j,en boudin rehaussé de têtes plates (?) et un cadre mouluré )).

M. V. Makerau décrit le château de Sarzay (Indre)et M. l'abbé BouiUet, l'église deMontreuil- sous-Bois (Seine), qui possède un beauchœurdu XIII'^ siècle aux très élégants chapiteaux, des voûtes sixpartites, un beau triforium.

Le Directeur àxxBulletin nous donne encore une

I. Anselme, Itinerariutn Leonis Papœ (Bollandistes, l'vol. a. i).

172

3Ret)ue lie r^rr chrétien.

étude sur le puits de S^int-Fort et les cryptes de la cathédrale de Chartres ; il rend compte des fouilles opérées par M, Merlet, sous son con- trôle et celui de M. de Lasteyrie. Ces fouilles ont permis de reconnaître la place occupée jadis dans les cryptes par le sanctuaire de Notre- Dame de Sous-Terre (dit \7i grotte druidique). Il redresse les erreurs émises dans des études antérieures.

REPERTORIUM FUR KUNSTW^ISSEN- SGHAFT (fascicule 3).

M. É. Jacobsen passe en revue les tableaux italiens du Louvre, en redressant maintes attri- butions.

M. Jacob Schmitt s'occupe de l'ancienne église Saint-Charles Borromée, de l'ancien couvent de Saint-Faul, dans le faubourg Au, de Munich, bâtie de 1621 à 1623, et démolie en 1902.

M. R. Bruc fait connaître le traité de maître Antonio de Pise sur la peinture sur verre. Le manuscrit fut découvert dans les archives du couvent de Saint-François, a Assise, et fut publié dans le livre de P. Giuseppe Fratini, Storia délia Basilica e del Convento di San Francesco in Assisiiyt-è.'io, i8S2j. Il appartient à la seconde moitié du XIV" siècle. M. Thope y a reconnu l'œuvre d'un Antonio, peintre sur verre qui tra- vaillait en 1395 au Dôme de Florence.

Signalons une notice de M. !•". Jacob Schmitt sur la curieuse basilique à dix pans de Saint- Jean-Baptiste, à Worms, construite sous l'arche- vêque Burkard I (1000-1025) et détruite par les Français en 1807-1808, et un article de M. VVil- helm Suida sur de nouvelles études sur l'histoire de la peinture lombarde au XV^ siècle. L'auteur analyse en détails le livre important de M. Fran- cesso Malaguzzi Na\ç.x\: Recherches sur les peintres lombards du Quattrocento (Milan, 1902).

M. Albert Giimbel publie de nouveaux docu- ments, trouvés aux Archives royales de Nurem- berg, ayant trait à la commande et à l'exécution du tombeau de la famille Schreyer, par Adam Krafft, dans l'église Saint-Sébald, à Nuremberg.

Une note de M. Campbell Dodgson a pour objet les différentes copies de \' Apocalypse de Diirer, celle de Hieronymus Grefïe {\^02) et les copies anonymes.

M. Wilhelm Vœge s'occupe de l'influence provençale en Italie et de la date du portail d'Arles. Il montre par de nombreux exemples l'influence exercée par les sculpteurs d'Arles et de Saint-Gilles sur les sculpteurs de la Haute- Italie, particulièrement sur ceux de Modène et de Parme.

M. A. GiJmbel étudie les traités passés pour l'illustration et l'impression de la Chronica inun- dide Schedel, par Michel Wolgemut et Wilhelm

Pleydenwurfif. pour l'illustration, avec Schreyver et Sébastien Kammermeister (1491).

M. E. Scatassa décrit l'église gothique dispa- rue del Corpus Doniini, a Urbin (').

L'ARCHITECTURE USUELLE.

Nous avons parcouru avec grand intérêt les premières livraisons de cette nouvelle publica- tion archéologique conçue dans un sens parti- culièrement pratique et technique, et dirigé par un maître capable de lui assurer grand succès et de rendre des services marqués aux profession- nels de l'architecture ; nous voulons parler de M. Rivoalen, dont on connaît la collaboration distinguée à V Encyclopédie d'architecture, à la Construction moderne, aux Nouv. A nu. de la Con- struction, etc. Cette revue technique mensuelle est éditée par M. Thezard à Dourdain. Elle ne coûte que 15 fr. par an.

L'EFFORT.

Nous ne pouvons manquer de saluer l'appari- tion à Roubaix d'un petit, mais excellent pério- dique, Y Effort, organe de la fédération de la jeu- nesse catholique de la région. C'est un journal d'action chrétienne, qui ne s'occupera d'art que subsidiairement et incidemment ; mais nous savons dans quel esprit éclairé et sérieux les créa- teurs conçoivent le rôle de l'art dans le mouve- ment catholique, qu'ils poursuivent, sous cette belle devise : Instaurare omnia in Christo.

L'ART ET L'AUTEL (octobre 1903).

Etude de M. le D"^ Ménard sur Le Vitrail, et en particulier sur les vitraux de la cathédrale de Troyes.

Les Calvaires morbihannais , par M. J. Buléon.

Le Style moderne en architecture religieuse, par M. Emile Sedeyn.

(Décembre). Le Cycle de la Nativité dans la liturgie et dans l'art du XI II' siècle, par M. E. van den Brœck (3 grav.).

L'ARTE (1903, fasc. I à IV).

A. Venturi : Les premières œuvres du Caradosso à Rome. M. Venturi attribue les battants en bronze qui ferment le reliquaire des chaînes de saint Pierre, à l'église San Pietro in Vincoli, au Caradosso, artiste en 1452.

Marcel Reymond : La Tombe d' Onofrio Strozzi dans l'église de la Trinité, à Florence. M. M. Reymond combat l'attribution du monu- ment funéraire d'Onofrio Strozzi. M. Reymond estime que l'admirable monument du doge Mocenigo, à Venise, d\i à un Piero di Niccolo également, est très imprégné encore de souvenirs gothiques, et qu'il date pourtant de 1423.

I. D'après le Courrier dt l'Art.

Btbltograpl)ie.

173

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Xndei* bibliograpl)îquc.

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KRVUK DE l'art CHRÉTIEN l()04. 2''"-* [.IVRAISON.

'74

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30 Mark.

Les trésors de l'Art du dôme impérial d'Aix- la-Chapelle. Orfèvrerie, toreutique et tissus.

35 planches en phototypie, avec texte, par Etienne Beissel. B. Kiihlen, éditeur à Gladbach. En porte- feuille. Prix : 30 marks.

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Les anciens vitraux de la cathédrale de Fribourg, par le prof Geiges. 5 liv. in-4°, avec de très nombreuses illustrations et 2 pi. en couleurs par livraison. Herder, Fribourg. Prix : 5 marcs par livr.

Deux livraisons ont paru. L'ouvrage sera complet en 5 livraisons.

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Ruskin (J.). Moderne Maler (vol. I et II).

Im Auszug uebersetz und zusammengefasst von Charlotte Breicher. In-8°, 312 pp. Leipzig, Diederichs, 1902.

* Slrohl (H. G.). Ahnenreihen aus dem Stambaum des Portugiesichen Koninghauses Mi-

NIATURENFOLGE IN DER Bll'.LIOTHEK DES BrITISH MU- SEUM zu LoNDON. Mit einem genealogischen Wegweiser, so wie einer kunsthisiorischen Erlaiiterung und einer kurzen Abhandlung ùber die Flandrische Buchmalerei des XV. und XVI. Jahrhundcits.

* StrohI (H. G.) et Kaemmerer (D. L.). Suite d'ancêtres tirés dk l'arbre généalogique DE la Maison royale du Portugal, série de mi- niatures DE LA bibliothèque du Musée Britan-

nique de Londres. .\vec des indications généalo- giques, des éclaircissements historiques, et une notice sur la peinture des manuscrits en Flandre au XV= et au XVP siècle. In-4°avec un atlas, 34 pp., gr. in de 13 pi. en phototypie. 50 marcs.

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façade AT GeNOA, la FAÇADE INCLINEE DE SaNI-

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175

Lady Dilke Frknch engravers and nRAUGHTSMEN IN THE XlIIth CENTURY. Uiiiform with « French Painters of the XVIITlh Century, » etc. With 10 photogr. and 40 blocks. Cloth, Impérial Zvo., $10. Macmillan Company, 66, Fifth ave., New- York.

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Lord Ronald Sutherland Gower (F. S. A.). Sir Joshua Rkvnolds, with 90 ill. including 2 phot. C/0//1. Quarto, $3.00. Macmillan Company, 66, Fifth ave., New Yoïk.

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Cl)rOni(ïUC. SOMMAIRE: CONSERVATION DES MONUMENTS ANCIENS. - ÉCOLE ST-LUC. - HAUTES ÉTUDES D'ART. VARIA. - NÉCROLOGIE : Frère Marusin.

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^

Conservation Des monuments aneiens.

OUS sommes les premiers à nous éle- ver contre les atteintes portées par les restaurateurs trop zélés à la majesté des monuments anciens. Cependant nous constatons qu'aujourd'hui la défiance jadis si justifiée à l'égard des architectes, est moins motivée, vu la prudence éclairée des artistes du bâtiment, devenus à la fois plus archéologues et plus consciencieux.

Mais la défiance du public ne désarme pas ; au contraire, le mouvement hostile aux architectes et artistes est devenu une poussée populaire. On n'a qu'à les invectiver pour se faire applaudir et l'on s'en donne à cœur joie. Cela se voit sur- tout en France et en Belgique.

Dans ce dernier pays, les restaurateurs ont trouvé des défenseurs dans les membres de la Commission royale des monuments à l'encontre de la société fort bruyante et remuante, dite Société nationale pour la protection des sites et des moniunents en Belgique {on n'est pas plus laconi- que). Cette société avait dénoncé au Gouver- nement toutes sortes d'actes de vandalisme com- mis sous l'œil paternel de la Contmission des monuments. L'église de Walcourt dépouillée de ses boiseries, celle de St-Martin à Courtrai dé- garnie de ses marbres, celle d'Alost menacée de perdre le portique de son retable, l'église d'Op- chie défigurée, les boiseries d'Hulshout mises à l'encan, etc.

Or, voyez le mécompte. La Commission incri- minée a répondu, et établi que les boiseries de Walcourt restent et resteront en place, que celles de Saint-Martin tombent d'elles-mêmes en mor- ceaux et sont sans valeur, que l'église d'Opchie n'existe pas (il y a bien une église d'Aubechies, mais dont la restauration est l'objet présentement des études les plus consciencieuses), etc. (').

Décidément, il devient temps qu'on_ ne croie plus sur parole les déclamateurs de l'Ecole des pittoresques, qui se font de la popularité dans les journaux sur le dos des travailleurs. Nous avons eu déjà mainte occasion de remettre à leur place dans ces colonnes mêmes, l'une et l'autre de ces mouches du coche de l'art.

I. Commission roya/e des Monuments. Correspondance artec la Société nationale four la protection des sites et des monuments de Belgique, 1903.

Rappelons que dans la séance annuelle de la Commission royale des monuments de la Belgique tenue en octobre 1902,1e président de ces assises, M. l'Inspecteur général Ch. Lagasse de Locht, avait répliqué avec une ironie charmante aux récriminations de « l'École des pittoresques » à l'égaid de la restauration des monuments anciens, et ce, à propos de la restauration de l'abbaye de Villers, cette belle entreprise d'art consciencieuse inaugurée sous ses auspices et bientôt couronnée.

La restauration de la brasserie, disait-il, en partie réalisée et de façon remarquable par feu Licot, devrait être achevée complètement. Le ré- fectoire devrait être complètement restauré.

« En restaurant complètement le réfectoire, on aurait un local qui servirait de musée pour les restes découverts dans les décombres de Villers et qui, aujourd'hui, se trou- vent relégués dans une dépendance.Heureusement, la clef en est bien gardée. A l'intérieur de l'église abbatiale nous voudrions réédifier le mausolée du Duc Henri et de la Duchesse dont on a retrouvé les tombes. On a tous les éléments de cette restauration dans les documents histo- riques concernant l'abbaye (').

« Voilà pour satisfaire les architectes et les savants ar- chéologues.

« Quant aux pittoresques, qu'ils se rassurent ; il n'est pas question de ressusciter l'église de ses ruines. Mais, pour les satisfaire, faut-il la laisser s'anéantir absolument? Ne faut-il pas reconstituer quelques bandeaux dans la voûte, afin d'empêcher que certains contreforts, desti- nés à subir les poussées de la voûte, manquant de quoi répondre h leur destination primitive, ne produisent juste l'effet contraire et n'achèvent, en poussant au vide, d'a- battre ce qui reste encore des murs magnifiques et véné- rables de la splendide abbatiale "i

« Je le sais ; on objecte la beauté de l'actuelle ruine. Mais ici vraiment on oublie ce que savent tous les vieux amis de Villers : nous avons connu la haute nef de l'église revêtue de sa voûte. Il y a à peine 25 ans que cette voûte s'est effondrée tout entière.

« Si elle était rétablie partiellement dans un but con- fortatif, les ruines de Villers en seraient-elles moins belles ? Selon moi, elles seraient comme je les ai connues jadis, beaucoup plus grandioses et plus impressionnantes. Elles s'offriraient sous un aspect plus charmant, plus <L inimitable » aux amateurs du pittoresque.

< Je vais plus loin. Messieurs. Oui de vous ne s'est ar- rêté, étreint par l'admiration, devant l'abside fière et simple de l'abbatiale.' Combien le fenestrage en est im posant ! Et pourtant la lumière crue tombant de haut et

I. Outre la gravure figurant dans les Trophées de BUTKENS ei dans le grand Théâtre sacré, il y a, dans un manuscrit de la Biblio- thèque tio Bourgogne cité par M. Schuermans, une aquarelle repré- sentant le tombeau tel qu'il était au XVIII<' siècle.

Cl)ronique.

177

directement dans le chœur non voûté embarrasse, inter- fère, diminue et détruit presque les rayons du soleil pé- nétrant à travers les baies latérales. Toutes les nuances dues aux jeux de la lumière venant de ces baies grandes et sveltes du chœur ont disparu avec la voûte. Rétablis- sons cette voûte, ne fût-ce que pardessus le chevet, et voici que l'œuvre géniale reprend tous ses aspects, ceux qu'a voulus l'artiste et ceux aussi qu'ont entrevus et de- vinés les rêves féconds de son imagination. Dites : quel < pittoresque > y trouvera sérieusement à redire ?

< Ainsi, il n'y a point de contradiction réelle entre la recherche de cette forme et une restauration rationnelle. Tout est affaire de tact et de mesure. 11 ne saurait y avoir en l'espèce, de principe absolu. 11 convient, dans chaque cas, de se livrer à une étude complète et d'arriver h des résultats contre lesquels viennent s'émousser les traits divers de la critique totale. L'artiste restaurateur peut, s'il est de force, rendre de grands services non seulement à l'art, mais à l'archéologie et aux < pittoresques >. J'at- tends de pied ferme la contradiction.

< Autre observation : rien n'est plus délicat qu'une res- tauration. Quelques critiques se sont imaginé que les restaurations réclamées par les artistes avaient surtout pour but un gain d'argent. Ces critiques me permettront de le leur dire : ils n'ont pas l'âme artiste ; sans quoi ils n'invoqueraient pas un argument à la fois si pitoyable et si faux. >

Ici M. Lagasse fait bonne justice de cet argu- ment de mauvais ton, qui consiste à représenter les architectes restaurateurs comme des gens ctipides, intéressés, poussant à la dépense au pro- fit de leur bourse. Nous avons essuyé ces amé- nités dans une polémique antérieure. Nous avons dédaigné d'y répondre. M. Lagasse continue :

'< Dernière observation : on a beaucoup critiqué l'emploi, à Villers, d'une pierre neuve jaunâtre pour l'en- cadrement de certains baies de fenêtres ; on a dit, même à la Chambre des Représentants, que l'emploi de ces matériaux était d'un effet désastreux.

< J'ai voulu en avoir le cœur net ; voici l'expérience que j'ai ordonnée.

« On a pris, çà et là, dans des encadrements ruinés, des morceaux de pierre jaune ancienne ('). J'ai fait dres- ser sur le sol, deux encadrements de baies, l'un composé avec ces pierres jaunes anciennes, l'autre avec des pierres jaunes nouve'Ies. On a demandé à ceux qui n'étaient point au courant de l'expérience de quel côté étaient les anciens matériaux et de quel côté étaient les nouveaux.

< Personne n'a pu faire la distinction.

< On a fait un autre essai. L'entourage d'un fenestrage a été composé d'un mélange de pierres anciennes et nou- velles. Encore un coup, on n'a pu distinguer les unes des autres.

« D'où provient donc l'effet soi-disant désastreux invo- qué jusqu'au sein du Parlement ? L'œil, habitué trop vite, hélas ! au ton grisâtre d'une ruine désolée, s'est effarou- ché, avant toute réflexion, à la vue d'une couleur jaune réapparaissant et se détachant sur l'aspect terne et misé- rable des baies dépouillées de leur encadrement. Est-ce qu'un aspect terne et misérable saurait jamais appartenir à quelque forme pittoresque ? Encore un coup, dans ce cas particulier, les artistes, les savants et les < pittores quf-s > sérieux ne sauraient être en désaccord >.

I. Sur la provenance de ces pierres jaunes, voir Bulletin des Com- missions royales d'art et darchéologie, t. XVII. 1878, p. 275.

Mgr Fallières, évêque de Saint Brieuc, vient de créer dans son diocèse une Commission qui devrait exister partout en France. Aucune con- struction, aucune restauration, nulle démolition, pas la moindre aliénation de mobilier religieux ne pourront avoir lieu sans l'avis de celte Com- mission, composée d'archéologues et de lettrés

bretons.

-«■

* *

Tûiirmis. Le curé de l'abbatiale de Saint- Philibert de Tournus met en souscription une monographie détaillée et abondamment illustrée de ce curieux monument de l'architecture romane qui est comme la préface de l'école clunisienne.

* •»

Cliâlons. On vient de terminer la restauration intérieure de la sacristie et du cloître de la cathé- drale de Chnlons-sur- Saône.

* *

Calvados. Le beau clocher XI 11'= siècle de Lagrune, deux fois endommagé par la foudre, va être restauré. On attendait cette restauration depuis cinq ou six ans. Les choses ont duré ainsi par suite de désaccords entre les archéolo- gues et l'architecte des monuments historiques au sujet des clochetons qui doivent accompagner la base de la flèche. Le différend menaçant de s'éterniser, le Comité a déclaré que cette recon- stitution n'était pas indispensable pour le moment, on rachètera par de simples amortisse- tnents la place des anciens clochetons (').

* *

M. Jacques Siegfried a offert à l'Institut le beau château de Langeais, sous unique réserve d'en garder l'usufruit.

Construit au siècle par Foulques Nerra, cet important édifice fut saccagé sous la Révo- lution et reconstruit sous la Restauration. M.Jac- ques Siegfried, son dernier possesseur, l'a res- tauré entièrement : il l'a restitué dans son aspect priiTiitif et grâce à une admirable sélection du mobilier, l'a transformé en un véritable musée de l'époque Louis XL

Une commission, composée de représentants des cinq Académies, a visité, il y a quelques jours, ce magnifique domaine.

école Samt^Iruc.

llA distribution des prix aux élèves de cole Saint-Luc de Liège a eu lieu en décembre dernier.

L'École vient de perdre un de ses fondateurs en la personne de M. Pascal Lohest, président du Comité-directeur. L'année scolaire

I. Art sacré.

J

178

îRcliue tie V^xt cbrctien.

a été brillante, l'école est fréquentée par plus de 4C0 élèves. Monsieur le Ministre du Travail a visité naguère l'établissement et témoigné sa satisfaction. Les séminaristes sont autorisés à suivre certaines leçons orales. Plusieurs prix ont été obtenus par des élèves dans des concours ouverts pour les constructions d'églises. Plusieurs ateliers d'art ont été ouverts par d'autres : ateliers d'orfèvrerie, de sculpture, de peinture décorative, et bureau d'architecture.

Le R. F. Guilette a fait un remarquable discours sur l'état d'âme de l'artiste chrétien. On peut entendre par l'art, a-t-il dit, le savoir faire; dans ce sens il n'y a pas plus d'art chrétien que de science chrétienne. Mais l'art peut se prendre aussi pour l'inspiration, et consiste dans l'inter- prétation qui en fait l'expression des idées, de l'idéal ; à ce point de vue, il y a art et art, art chré- tien et art païen ; et si l'école St-Luc met ses moyens techniques au service du sentiment chrétien, l'état d'âme intellectuel de nos appren- tis comporte leur adhésion aux principes de la théologie chrétienne sur la conception des Beaux- Arts.

Tel est le sujet développé par l'éloquent con- férencier, qui a fini en proposant comme modèle de l'artiste chrétien l'incomparable artiste de son ordre, FraAngelico.

Hautes étuDes D'art.

rUNE des dernières conférences de l'Institut des hautes études d'art de lîruxelles a eu pour sujet la vitrerie , et pour auteur le député Verhaegen, ingénieur, artiste et homme d'œuvres, le chef du mouvement populaire antisocialiste belge, auquel S. S. Pie X adressait naguère une lettre qui a eu un grand retentissement.

M. Verhaegen est, en cette matière délicate, un spécialiste d'une rare compétence. Élève et collaborateur de Bethune, il s'adonna pendant plusieurs années à la pratique de l'art du vitrail, avec une science, un tact et une pureté de goût que tous se plaisent à reconnaître.

M. Verhaegen a parcouru les étapes de la fabrication du vitrail depuis les origines ; puis il a esquissé dans ses grandes lignes l'évolution archéologique de cet art dont le- premières manifestations remontent au XII<= siècle. .Avec une admiration profonde pour les « vitrailleurs » du passé, il a montré sur quelles bases solides reposait leur éminente supériorité: la science des harmonies, la connaissance consommée des rayonnements et des juxtapositions ; notion exacte de la mission du vitrail comme auxiliaire

de l'architecture, destiné à mettre en valeur l'en- semble du monument.

Cet art est tombé dans une profonde déca- dence ; depuis quelques années un réveil se mani- feste, grâce, en Belgique, à l'énergie impulsive du baron Bethune et de ses continuateurs, MM. Verhaegen, Joseph Casier, etc. Il importe que ce mouvement soit appuyé par tous ceux qui, comme donateurs, marguilliers ou à tout autre titre, ont à commander des vitraux.

Une seconde conférence sur le même sujet sera donnée prochainement par un peintre ver- rier bien connu de nos lecteurs, M. Jos. Casier.

Voici du reste la série des conférences données :

Le 23 janvier, M. Gustave Benedite, conserva- teur aux Musées du Louvre : L'art dans la vie privée chez les anciens Égyptiens (projections lumineuses). Le 30 janvier, M. Alph. Rœrsch, professeur à l'Université de Gand : Les Huma- nistes belges à l'époque de la Renaissance. Le 6 février, M. Edmond De Bruyn : L'Art folklorique (projections lumineuses). Le 13 février, M. Paul Vitry, conservateur aux Musées du Louvre : Les Primitifs français (pro- jections lumineuses). Le 20 février, M. Joseph Casier : L'Art du vitrail (projections lumineuses). Le 27 février, M. Maurice Emmanuel, cri- tique d'art à Paris : Lulli, musicien du Roy (audition musicale). Le 5 mars, M. Alexandre Halot, consul général du Japon : L'Art japonais (projections lumineuses). Le 12 mars, M. Vin- cent d'Indy : L'Ancien Opéra français (audition musicale). Le 19 mars, M. Ernest Verlant, directeur des Beaux- Arts: Sienne (projections lumineuses). Le 26 mars, M. Charles Michel, professeur à l'Université de Liège : La Sculpture funéraire à Athènes (projections lumineuses).

Varia.

'INCENDIE de la bibliothèque de l'Université de Turin en janvier der- nier,a été désastreux. Parmi les œuvres détruites (loo.ooo sur 300.OOO), se trouvent des chefs-d'œuvre artistiques, des codex et des manuscrits précieux d'un intérêt universel. Voici rénumération des principaux : tous les documents relatifs à la maison de Savoie ; les très rares manuscrits de l'abbaye de Bobbio ; quatre cents manuscrits grecs, douze cents latins ; deux splendides volumes de VHistoria Naturalis de Pline, du XV'" siècle, avec des miniatures de Mantegna ; beaucoup de manus- crits anciens ; une précieuse mappemonde en acier gravé, exécutée par Basso en 1570; les palimpsestes de Cicéroii et de Cassiodore ; le

Cl)romquc.

179

code théodosien des IV« et V'= siècles ; les cartes géographiques du Juvara, etc., etc.

M. le Ch. P. Durrieu a fait sur ces pertes déplorables une étude très documentée parue dans le Courrier de l'Art, nous y reviendrons.

* *

La Commission du Vieux Paris se préoccupe d'établir le programme du prochain concours de photographie organisé par la Ville, afin de con- stituer, pour le musée Carnavalet, une collection des sites et des monuments parisiens les plus remarquables.

Les amateurs sont invités à présenter, l'année prochaine, des clichés de la Bièvre, du vieux Montmartre et des jardins dans Paris apparte- nant a des particuliers.

On sait l'importance de l'ancienne abbatiale d'Essen. Non seulement elle est d'une haute signification pour l'histoire de l'architecture du moyen âge, mais en outre elle possède un trésor qui, en pays de langue allemande, les églises sont si riches en objets précieux, est à peine sur- passé par le trésor d'Aix-la-Chapelle.

La fabrique de l'abbatiale a pris une initiative qui mérite toute louange. Elle a voulu faire con- naître par une belle publication les objets d'art que l'église renferme. L'exécution du projet ne pouvait être mieux confiée qu'à M. G. HUMANN, qui a habité Essen durant de longues aimées, et dont les savantes études sur l'architecture de l'ab- batiale sont hautement appréciées (').

« * *

Le musée de Naples va prochainement exposer une série très importante et peu connue de tapisseries anciennes, exécutées en Flandre au XV1<= siècle, d'après des dessins de van Orley, l'auteur des célèbres Chasses de Maxiini- lien. Le musée de Naples possède les tapisseries dont il s'agit depuis une quarantaine d'années,

I. L'ouvrage doit paraître incessamment sous le titre Die Kunst- werke des Munsterkirche zu Essen (gr. în-80, xn-440 p. : Album de 72 pi. Gr. in-fol. Prix: 80 marcs, tiré à 200 exerapJaires). Les planches photoiypiques reproduisent des objets d'art de toutes les périodes comprises entre le Vlll*^ et le XVIIP siècle Les objets datant de l'époque des Othons. qui font surtout la réputation du trésor d'Essen, y sont richement représentés. Nous espérons rendre compte de cette belle publication, mais nous voulons dés mainte- nant signaler l'initiative que la fabrique de la collégiale d'Essen vient de prendre.

mais, par suite d'un procès, elles n'avaient jus- qu'ici pu être exposées. Elles furent offertes, paraît-il, à Charles Quint, en 153 1, par les États-Généraux des Pays Bas, qui y avaient fait représenter, pour plaire à l'empereur, la plus grande de ses victoires : la bataille de Pavie. Après avoir décoré le palais de Bruxelles sous Philippe II, elles appartinrent à don Carlos, qui les légua à son ancien précepteur, don Honoré Juan, évêque de Osma. On ignore ce qu'elles devinrent depuis lors jusqu'en 1862, le der- nier descendant de la famille d' Avanlos les légua au musée de Naples. Elles sont au nombre de sept et mesurent chacune 8 mètres de longueur sur 3™8o de hauteur ; elles sont tissées de laine, de soie, d'or et d'argent. Quatre d'entre elles ont perdu leur bordure. A cela près, elles sont intactes. Ces tapisseries, qui représentent les principaux épisodes de la bataille de Pavie, sont, dit-on, plus remarquables encore par la compo- sition et le mouvement que les Chasses de Maxi- inilien. Il est visible que le paysage, très soi- gneusement traité, a été étudié sur place par l'artiste. Quant au nom de celui-ci, aucun doute n'est possible : M. Wauters a démontré que la Bataille de Pavie est l'œuvre de van Orley ; on peut d'ailleurs en voir au Louvre les dessins originaux (»).

S^f^ ïîécrologie.

jfrèrc lEanieîn.

Nous apprenons avec regret la mort du cher frère Marusin, diiecteurde l'École profes- sionnelle St-Luc de Liège, pieusement décédé à Liège le 19 janvier 1904, dans la 60""^ année de son âge et la 43"'° de vie religieuse.

L'enseignement de l'art chrétien fait en sa personne une perte sensible.

Celte école, qu'il dirigeait depuis vingt ans, a pris, sous son habile direction, un développe- ment considérable et s'est acquis une juste répu- tation.

Toute sa vie fut vouée aux rudes labeurs de l'enseignement et to.utes les forces de son âme aux intérêts de l'art, au bien de la relgion,dela classe ouvrière et de la jeunesse liégeoise.

1. Courrier de i' Art.

Imprimé par Desclée. De Brouwer et C"^, Lille-Paris-Bruges.

l'Hrt rtjrétien

paraissant toiis (ce bcnjc umis. 47"'^ Hnnée. 4<= Série.

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^ Came XV (LiF de (a conecticiii). <^, ^i^^^^ljK 3'"' livraison. ffîai 1904. f 1

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ES portes secondaires de la façade occiden- tale à la cathédrale de Rouen posent à l'atten- tion de l'historien d'art des problèmes de plus d'une sorte, et d'abord le plus grave de tous : celui de la date de leur construction. Ces deux portes sont- elles, comme Viollet-le-Duc le premier (') l'a cru, avec la base de la tour nord (tour dite de St-Romain) les vestiges subsistants d'une cathédrale antérieure élevée tout en- tière au cours du XII^ siècle? Est-il pos- sible d'admettre que l'église, bâtie par les premiers ducs de Normandie {-) et consa- crée en 1063 (3) sous l'archevêque Maurille,

1. Dictionnaire (V Architecture, t. II, p. 362.

2. Au témoignage d'Orderic Vital. Voir Dom Pomme- raye. Histoire de la cathédrale de Rojien. Paris, 1686, p. 19.

3. Manuscrit de la cathédrale. Voir Dom Pomme raye, p. 21.

ait été si promptement remplacée par une construction nouvelle (■) ? Et s'il paraît difficile, d'autre part, de penser que ces portes appartiennent à l'œuvre de la cathé- drale actuelle dont la première période de construction va de 1 200 à 1 2 1 4, n'est-il pas vraisemblable qu'elles soient, comme la tour nord, le souvenir d'embellissements ajoutés par les Rouennais à leur cathédrale à la fin du XI I^ siècle, plutôt que les restes d'une église complète dont on ne trouve d'ailleurs nulle autre trace (-) ?

1. Dans un des travaux les plus récents sur la cathé- drale de Rouen {France artistique et monumentale, Paris, t. II, p. 54), on trouve, il est vrai, la mention d'un incendie de uio dont personne n'avait jamais parlé et qui expli- querait toutes choses. Malheureusement, c'est une sup- position qui paraît totalement gratuite.

2. Qu'il n'existe, contrairement à l'opinion de Viollet- le-Duc, aucune autre trace d'une église du XII" siècle, c'est l'avis de M. le docteur Coutan. Coup d'œil sur la cathédrale de Rouen aux X h et XIII' siècles qui s'est livré sur cette question à une véritable expertise archéologique, et a émis, au moins pour la tour N. l'hypo- thèse que j'indique.

;;EVUE DE L ART CHRÉTIEN. 1904. 3"" LlVR.\ISON.

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3^ebue lie V^xt t\)xttitn*

Je crois, pour ma part, que l'étude atten- tive et qîiasi-microscopique des fragments de sculpture figurée qui subsistent encore dans des caissons au soubassement de ces deux portes, leur comparaison avec des détails de N.-D. de Chartres et de N.-D. de Paris, pourrait, concourant avec l'étude de l'architecture, contribuer à élucider la question de date.

Mais si cette question, que je ne puis aborder aujourd'hui, est encore controver- sée, il est au moins un point sur lequel tout le monde est d'accord ('), c'est que la sculpture des tympans des deux portes est manifestement postérieure à leur architec- ture et ne peut être placée plus tôt que 1240 à 1250. Il y a eu un remaniement dont la trace est visible au portail nord, le superbe rinceau qui décore le chambranle est brusquement coupé pour faire place au linteau portant les figures. Ou le tympan est resté non sculpté pour attendre le tasse- ment de la maçonnerie pendant une période de temps qui paraîtrait bien considérable ou, plus vraisemblablement, un tympan contemporain des pieds droits a été rem- placé dans le cours du XII siècle.

En effet, deux beaux fragments de sta- tues assises, trouvées dans les substructions de la base du clocher, et déposés au musée archéologique de Rouen, semblent bien avoir appartenu à l'un ou l'autre des tym- pans primitifs de la façade principale.

Mais si l'on est à peu près d'accord sur la date de ces sculptures (date que j'essaie- rai tout à l'heure de préciser un peu plus par voie de comparaisons), il n'en va pas de même pour leur iconographie, et c'est l'ex- plication d'une partie importante du tym- pan nord que je voudrais aujourd'hui pro-

i.Un passage de Wlit i^olhi'que, Louis Gonse, Paris, 1889, p. loS, semble prêter à l'équivoque, mais l'opinion de M. Gonse ne peu! pourtant ètie douteuse.

poser aux lecteurs de la Revue de l' Art chrétien.

Si les artistes du moyen âge ne se sont pas désintéressés de la beauté pure, autant qu'on a voulu longtemps nous le faire croire, il est bien certain, cependant, qu'ils se sont préoccupés plus qu'on ne l'a jamais fait, de la signification précise de leurs œuvres. Retrouver le sens d'une de ces œuvres, c'est donc, il me semble, réveiller en elle l'àine qu'y avait déposée l'auteur anonyme qui la créa, c'est lui rendre la parole afin qu'elle puisse reprendre avec nous le dia- logue pour lequel elle avait été faite et que notre indifférence seule avait interrompu. C'est en même temps peut-être retracer les démarches de l'esprit même du moyen âge et, par l'intimité des œuvres, pénétrer jus- qu'à l'intimité des hommes, et réside le grand intérêt des problèmes iconographi- ques qui nous arrêtent à chaque pas lorsque nous voulons étudier de près l'art de ce temps.

Le tympan de la porte nord (') présente dans son registre inférieur la vie de saint Jean- Baptiste : festin d'Hérode, danse de Salomé, décapitation du saint, offrande de sa tête à la jeune fille. C'est que se voit le plus illustre spécimen de cette danse de « jongleresse » exécutée sur les mains, motif dont un dessin de Villars de Honnecourt montre la popularité dans l'art du XI 11^ siècle, mais qui lui était bien antérieure comme en témoigne, à Rouen même, au musée archéologique, un monument d'une respectable antiquité, le chapiteau de Saint- (reorge de Boschcrville (-) et que l'on retrouve plus tard dans un médaillon du portail de la Calende, toujours à Rouen.

Au-dessus de cette première zone, dans

1. Moulé au Trocadéro.

2. Revue de l' /ht chrétien, année 1900, pp. 244 et suiv.

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l'écoinçon, se trouve une scène dont on n'a pas jusqu'ici précisé le sens : au centre se présente un tombeau ouvert dans lequel disparait à mi-corps un personnage imberbe vêtu en simple prêtre avec la chasuble et l'amict paré, tenant d'une main un livre et faisant de l'autre un geste de prédication ou de bénédiction. Deux acolytes se tien- nent à ses côtés ; deux vieillards barbus, drapés dans de grands manteaux qui leur enveloppent en partie la tête, se penchent sur les trois premiers personnages avec une impression d'anxiété intense. Enfin une femme, d'un côté, et de l'autre, un jeune homme, le menton dans la main, terminent la composition à droite et à gauche.

Il émane de tout cet ensemble attentive- ment considéré un sentiment d'émotion profonde dont j'ai toujours été frappée et qui ne me permettait pas de me contenter des explications proposées.

Deux faits dominants dans cette compo- sition ont en effet donné naissance à deux modes d'interprétation parmi les historio- graphes, parfois assez distraits, de la ca- thédrale de Rouen: ceux que frappait sur- tout la présence d'un tombeau, ont vu dans cette scène soit la Résurrection du Christ (') soit au contraire une représenta- tion de funérailles {-), tandis que d'autres, plus attentifs aux attitudes des divers per- sonnages, y ont cru reconnaître une prédi- cation soit de S. Jean- Baptiste soit de S. Romain, évêque de Rouen (3).

Ni l'une ni l'autre de ces hypothèses n'étant plausible, puisque le personnage principal, imberbe, tête nue, vêtu en simple prêtre, ne peut représenter ni le Christ ni le

1. Abbé Cochet, Répertoiie arch. de la Seine Inf", Paris, 1871.

2. Abbé Sauvage, Normandie fiiltoieique et monumen- tale,ht Havre, 1896.

3. Abbé Loth, Histoire de Lt cath. de Rouen, Rouen.

Précurseur, ni un évêque; puisque, d'autre part, il est bel et bien vivant dans son tom- beau et qu'il ne peut être question d'un ensevelissement ordinaire, il s'agissait de trouver dans la légende ou dans l'histoire un fait qui conciliât ces données assez exceptionnelles et en apparence contradic- toires.

Or ce trait existe dans la légende de S. JeanÉvangéliste; un vitrail du XI 11*= siècle, à la cathédrale de Tours, vitrail dont la majeure partie est consacrée à l'histoire de S. Jean-Baptiste, retrace aussi, avec plu sieurs autres scènes de la vie de l'apôtre, celle même à laquelle je fais allusion. Et je crois pouvoir affirmer que la sculpture de Rouen, comme le vitrail de Tours, juxta- pose à la mort de S. Jean-Baptiste celle de S. Jean apôtre retracée d'après les récits légendaires.

Que le moyen âge ait souvent rapproché, jusqu'à les confondre presque, les deux saints homonymes et qu'il y ait eu à Rouen même des convenances particulières pour ce rapprochement, c'est ce que nous verrons plus loin.

Recherchons d'abord dans les textes l'ori- gine des diverses représentations de la mort de S. Jean : la Légende dorée pour- rait suffire à la rigueur, mais, comme elle est postérieure à cette sculpture, que d'ail- leurs elle n'explique pas complètement, nous remonterons pour plus d'exactitude aux sources qui l'ont précédée. Voici d'abord le récit de V^incent de Beauvais (') (je tra- duis) : « Alors que S. Jean était âgé de 99 ans, le Seigneur Jésus lui apparut avec ses disciples et lui dit : « 11 est temps que tu manges avec tes frères à mon festin ; le di- manche, jour de ma Résurrection, qui est dans cinq jours, tu viendras à moi. »

I. spéculum kistoriale. Édition de Douai, Livre X. chap. XLI.X.

Cpmpan tje porte à U catljédrale De IRouen.

185

C'est pourquoi, le dimanche, tout le peuple se réunit dans l'église, et là, ayant célébré les saints mystères, depuis léchant du coq jusqu'à la troisième heure du jour, S. Jean exhorta les fidèles, les invitant à la persévérance et leur annonçant sa propre vocation.

Après quoi il ordonna qu'une fosse fût faite près de l'autel et la terre jetée hors de l'église. Alors, y descendatti, il étendit les mains vers Dieu et dit : « Seiçjneur, invité à votre festin je vous rends grâces de ce que je suis tel qu'il faut être pour partager semblable nourriture et vous savez que je le désirais de tout mon cœur. )) Quand il eut fini sa prière le peuple répondit : « Amen » et une si grande lumière apparut au-dessus de l'apôtre pendant près d'une heure que personne n'en pouvait supporter la vue. Ensuitecette fosse fut trouvée pleine, mais elle ne contenait rien que de la manne qui s'en écoulait et a continué de s'en écou- ler jusqu'à nos jours. »

Puis voici une version plus brève (') et qui, dans sa sobriété même, semble le plus précis commentaire de la sculpture de Rouen. ^ L'an soixante dix-septième après la passion du Sauveur,sous le règne de Tra- jan, accablé déjà sous le poids de la vieil- lesse et sentant que le jour de son passage était proche, il ordonna qu'un sépulcre lui fût creusé, d'où, faisant ses adieux à ses frè- res, il entra vivant dans le tombeau et s'y coucha comme dans un lit (2). »

Un troisième récit, celui du « Combat apostolique,» d'une poésie abondante et dif- fuse, où l'auteur de la Légende dorée a puisé à pleines mains, n'ajoute aucun trait essentiel à l'intelligence de la scène, sauf en

1. Attribuée faussement, paraît-il, à Isidore de Séville (De ortu et obitu Palrum, Migne, LXXXIH, col. 152;.

2.Jussit fertur effodi sibi sepulchrum inde vale dicens frairibus...

ceci, qu'il mentionne très précisément, lors de la mort de saint Jean, qui se passe, d'après lui, hors de l'église, la présence de plusieurs témoins qu'il va jusqu'à nom- mer (').

Tous les narrateurs insistent sur la dis- parition miraculeuse du corps de S. Jean remplacé par une source de manne intaris- sable et bienfaisante. On voit qu'il y a dans tout ce cycle légendaire comme une florai- son de la semence jetée dans les âmes par la .parole mystérieuse du Sauveur au sujet de S. Jean rapportée par l'Evangile : « Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne que vous importe .'' » Et l'Évangile même ajoute: « Le bruit se répandit parmi les frères que ce disciple ne mourrait pas.» On croyait donc communément que saint Jean avait été enlevé au ciel avec son corps. Il était réservé à Ciotto, la plus haute in- carnation peut-être de l'âme gothique, de donner à cette tradition son maximum d'ex- pression spirituelle dans la belle fresque d'Assise, il nous montre le disciple bien- aimé s'élançant corps et âme et comme s'envolant à l'appel du Maître. Mais voyons au point de vue qui nous occupe comment \ç. passage de S. Jean a été interprété, dans les monuments antérieurs à notre sculpture ou contemporains. Quelques vitraux du X II I^ siècle et trois manuscrits nous servi- ront de points de coinparaison. A Tours (f), dans le vitrail dont j'ai parlé plus haut, S. Jean est représenté assis dans un tom- beau, mains jointes, et regardant vers le ciel : une main divine sort des nuages et laisse échapper de vifs rayons de lumière :un globe de feu apparaît au-dessus d'un autel. Les fidèles, témoins du prodige, sont placés

1. Combat apostolique du pseudo-Abdias. Migne, Z>/V/. des apocryphes^ 1S58, t. II.

2. Vitraux de Jours, Bourassé et Marchand, Paris, 1849, Pl- II.

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Be\)ur be T^rt cbvétiea.

dans le médaillon suivant. S.Jean est ici comme à Rouen imberbe et vêtu en simple prêtre. A Lyon (vitrail de l'abside de la cathédrale tout près d'un vitrail de S. Jean- Baptiste), il est couché dans sa tombe vêtu en évêque et barbu (' ) : deux autres évêques et un enfant assistent au miracle : devant un autel un prêtre ou diacre se tient de- bout et regarde l'apôtre avec une expres- sion de douleur. Les représentations du vi- trail de Bourges(2) et du vitrail de Troyes(3) sont à peu près semblables à celle de Tours. Au vitrail de Chartres (4), S. Jean est assis dans un sarcophage posé sur des piliers: il joint les mains et prie; des rayons de feu descendent sur lui. Dans la ver- rière de St-Julien du Sault (5), l'apôtre reçoit l'annonce de sa mort, puis il célèbre la messe et enfin il entre debout, une croix hastée à la main, dans son tombeau. Il est imberbe et sans insignes épiscopaux ('').

On le voit, tous ces monuments pré- sentent d'assez notables différences d'in- terprétation avec la scène de Rouen. Il en est de même dans les manuscrits. Ce fut, a dit M. Mâle (7), dans une certaine famille de manuscrits provenant d'un pro- totype anglo-normand, une habitude des miniaturistes que de faire précéder ou sui- vre l'illustration de l'Apocalypse de scènes empruntées à la légende de S. Jean. Et

i. Monographie delà cathédrale de Lyon. Bégule et Guigue. Lyon, i88o,etÉtude vni. Lancette 6 desVi/raux de Bourges. PP. Cahier et Martin, Paris, 1842-44.

3. Vitraux de Bourges. PI. XV, texte p. 270. (Chapelle du chevet, tout près d'un vitrail de S. Jean-Baptiste.)

3. Abside de la cathédrale. PI. XIII. D. des Vitranx de Bourges.

4. Monographie de la cathédrale de Chartres. Bulteau, 1891.

5. Gaussin, Portefeuille archéologique de la Cha?npagne, 1861, PI. VIII.

6. Dans une petite rose de Reims, \ l'abside, le P. Cahier croit reconnaître encore S. Jean près d'entrer dans le tombeau. L. c, PI. XVI 11.

7. Mâle, Art religieux au XIII' siicle, Paris, z" édition, 1902. P. 405-408.

quoique cet usage soit assez loin d'être universel (') je lui dois deux documents de comparaison intéressants.

Le magnifique manuscrit français 403 de la Bibliothèque Nationale (-) nous pré- sente la messe de S. Jean, puis saint Jean couché dans son tombeau, mains jointes avec, planant au-dessus de lui, des anges dont l'un recueille son âme sous la forme d'un petit enfant. Saint Jean porte l'amict paré et n'a aucun insigne épiscopal : il est légèrement barbu. Au dernier du ma- nuscrit lat. 688 (même Bibliothèque), en illustration du récit attribué à Isidore de Séville, est une fort médiocre miniature qui représente encore l'apôtre à demi couché dans le tombeau, la tête enveloppée d'un linge, nimbé ; une colombe sort de sa bouche et un ange lui tend les bras.

Enfin la Bibliothèque de l'Arsenal pos- sède un très curieux petit manuscrit : Tro- paire de l'Eglise d'Autun revêtu, en guise de reliure, d'un ivoire romain du III^ siècle scié en deux. Or ce précieux manuscrit qu'il faut dater entre 996 et 1024 (3) et dont l'illustration révèle un curieux mélange de traditions classiques et d'influences byzan- tines (la Vierge de l'Adoration des Mages y est coiffée en impératrice d'Orient),contient une page l'on voit S. Jean debout, imberbe et nimbé, un livre à la main, faire ses adieux aux fidèles puis entrer dans son tombeau.

La seule œuvre de sculpture gothique l'on ait jusqu'à présent, à ma connais- sance, reconnu la mort de S. Jean apôtre est issue d'après M. Mâle, de l'Apocalypse anglo-normande; et, en effet, c'est à la suite

1. Sur une dizaine de manuscrits de l'Apocalypse con- sultés je n'en n'ai trouve que deux de ce type.

2. XI I" siècle.

3. Catalogue des manuscrits de la liibliothique de F Ar- senal. Henry Martin, T. II, N" ii6y.

Cpmpan De porte à la catl)étïrale De IRouen.

187

de scènes empruntées à la vision de Path- mosque se présentent sur le retour du tym- pan accolé à droite de la façade occidentale de la cathédrale de Reims la vie et la mort de S. Jean, et la représentation en est conforme en plusieurs points aux données de la mi- niature. L'apôtre est couché dans la tombe revêtu de la chasuble et portant une large tonsure ; des anges emportent son âme au ciel.

Reportons-nous maintenant à la scène de Rouen ; la donnée en est entièrement originale et neuve: S. Jean y est bien dans la tombe, mais debout et, du fond même de cette tombe, il adresse à ses frères les adieux suprêmes. Il semble disparaître déjà et comme s'enfoncer dans la terre : c'est ainsi.je crois.qu'il faut expliquer la dis- proportion qui existe entre sa stature et celle de ses acolytes. Des fidèles sont : deux vieillards, deux jeunes gens, une femme, un enfant, c'est toute une Église en résumé : aucun trait ne les caractérise, mais nous sentons qu'ils sont en proie à une intense émotion et qu'il se passe devant eux quelque chose de surhumain. Il n'y a pas de main divine ni de rayons, seule une sorte de cannelure à la clef de l'arc me semble une indication schématique de nuages.

Toutes les figures se détachent sur un fond ouvré qui était sûrement peint et doré, car la polychromie semble avoir joué à la cathédrale de Rouen un rôle particuliè- rement important.

Maintenant, si l'on se demande pourquoi cette scène dans le voisinage de sujets em- pruntés à la vie de S. Jean-Baptiste, il ne sera pas besoin d'invoquer des exemples aussi exceptionnels que la présence à Chartres et à Reims de la représentation de Job au milieu de tympans consacrés à la vie de saints du nouveau Testament.

D'où viennent le rapprochement ou la substitution fréquente l'un à l'autre des deux saints Jean dans l'art chrétien ? Il ne semble pas qu'il soit besoin pour l'expliquer de très longs commentaires, mais en tout cas c'est un fait iconographique des plus constants. Dans plusieurs monuments cités par M. Grimouard de St-Laurent (•), le Précurseur tient au pied de la croix dans la scène du Jugement la place que nous sommes plus accoutumés à voir S. Jean occuper. Cette tradition s'est perpétuée dans l'iconographie allemande ou plus ou moins influencée de germanisme et S. Jean- Baptiste figure avec la Vierge au Jugement dernier de Reims et à celui de Strasbourg.

Je n'ai pas rencontré cependant au XI Ile siècle, sauf dans le vitrail de Tours, un exemple de parallélisme aussi précis {-) que celui du tympan de Rouen et ce rap- prochement a pu être dicté par une coïnci- dence particulière. En effet, s'il ne semble pas qu'il y ait eu une église ou baptistère de Saint-Jean comprise dans les construc- tions de la cathédrale de Rouen, comme il y avait une paroisse de Saint-Etienne qui a déterminé l'iconographie du tympan sud, la nef latérale nord était cependant sous le patronage tout spécial des deux saints Jean, car elle contenait et contient encore deux chapelles du Précurseur et dans chacune des chapelles, des chapellenies étaient fondées en l'honneur des deux saints homo- nymes (3).

Le tympan central de la façade occiden- tale, remplacé au XVIe siècle, étant très

1. Guide de r Art chrétien. Paris, 1874, in-8°.

2. A la cathédrale de Burgos, une porte dite « Porta- da de la Pellegeria >, du XVI= siècle, juxtapose aussi le martyre des deux S. Jean : la décollation de l'un et le sup- plice de l'huile bouillante pour l'autre.

3. Il est probable que ces chapelles sont postérieures au tympan dont je m'occupe, mais elles ne font que con- sacrer le souvenir de traditions anciennes.

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vraisemblablement dès le XI 11^ consacré, î comme aujourd'hui, à la sainte Vierge, la cathédrale de Rouen présentait donc un portail de Marie accosté à droite et à gau- che d'un portail Saint-Jean et d'un portail Saint-Etienne.

Ce que devaient être le charme et la beauté de cet ensemble, le tympan subsistant de

Saint-Jean (beaucoup plus beau et mieux conservé que celui de Saint-Etienne) nous le laisse deviner.

L'école de l'Ile de France, c'est-à-dire ce qu'il y eut dans la sculpture gothique de plus aisé et de plus sobre, de plus libre à la fois et de plus mesuré, s'y reconnaît avec une nuance spéciale d'affinement et de

Morceaux de sculpture du XHh' siècle provenant de la cathédrale de Rouen actuellement déposés au cliantier. La figure de droite doit avoir appartenu à la porte principale de la façade O. (Cliché de l'auteur.)

grâce. Une élégance aussi souveraine que celle du groupe des convives d'Hérode se rencontre rarement même en plein XI 11^ siècle dans la sculpture monumentale.

La partie supérieure se trouvent les adieux de l'apôtre n'est d'ailleurs pas, à beaucoup près, la meilleure partie de cet ensemble, au point de vue du dessin et des proportions. La division en deux regis- tres semble avoir été tracée un peu impru-

demment et n'avoir pas laissé assez de place à l'écoinçon. Or l'artiste, ayant logé toute une composition importante à multiples personnages et, chose tout à fait anormale alors, n'ayant pas placé les figures les plus grandes au centre, il s'est trouvé gêné par la courbure de l'arc et les lignes de son groupe en ont souffert une sorte de con- trainte.

Toutefois, s'il ne nous a pas donné un

Cpmpan De porte à la catl)éDrale De IRouen.

189

exemple de cette merveilleuse adresse d'a- daptation au cadre architectural par les Gothiques se sont montrés parfois les dignes émules des Grecs, on peut dire que de sa gêne même il s'est fait un moyen d'expression et qu'il y a quelque chose de très touchant dans la convergence de tous les personnages vers le tombeau se passe le miracle ; mais il serait difficile d'excuser le modelé sommaire et les mains énormes et maladroites des acolytes de S. Jean.

Le nom d'école de l'Ile de France étant une expression plutôt morale que géogra- phique, c'est assez loin de Paris qu'il faut aller, me semble t-il, chercher dans ce qui nous reste de sculpture du XI 11*= siècle, des analogies évidentes de style avec le tympan de Rouen.

Le tympan principal de la cathédrale de Bourges et celui de la Porte dorée d'Amiens d'une part, le tympan de la porte St-Sixte à la cathédrale de Reims d'autre part, ceux- avec plus de recherche de mouvement et d'expression, des draperies plus amples, celui-ci au contraire d'allure sensiblement plus froide et avec des plis linéaires plus maigres, me semblent limiter assez exacte- ment en avant et en arrière la période peut s'inscrire le tympan de Rouen. Au point de vue du pathétique contenu dans l'expression et le groupement des figures, le morceau de l'histoire de Job dans cette sculpture de Reims me paraît relever du

même sentiment que la scène de la mort de S. Jean.

Or, on s'accorde assez généralement au- jourd'hui à placer les portes ci-dessus nom- mées de Bourges et d'Amiens à la fin du XI 11^ siècle (environ 1280) et les récents travaux de M. Déniaisons ont donné la date de 1240 (') environ au portail Saint-Sixte de Reims. C'est à peu près au milieu de la période ainsi circonscrite, entre 1250 et 1260, que pourrait, ce me semble, être placée la sculpture qui nous occupe ici. Vingt ou trente ans la sépareraient des premiers tra- vaux entrepris au portail de la Calende.

Un admirable morceau, malheureusement unique et très mutilé, une statue de sainte aux pieds posés sur des nuages, actuelle- ment déposée au musée du chantier de la cathédrale, permet d'apprécier la beauté des travaux exécutés dans cette période. Car la cathédrale de Rouen a eu la bonne for- tune de rencontrer à toutes les étapes de son histoire des sculpteurs soigneux et di- ligents et si elle ne présente plus de grands ensembles, les médiocrités y sont aussi beaucoup plus rares que dans d'autres mo- numents d'une tenue générale plus impo- sante et plus complète.

Louise PiLLiON.

I . Louis Déniaisons, La cathédrale de Reims, in-S", Caen, Delesques, 1902.

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Dotre ï)aine De Beaune, Côte D'or.

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L a été déjà parlé ici même de cet ensemble remarqua- ble, mais d'une manière très sommaire, et le sujet mérite qu'on y revienne.

Notre-Dame de Beaune, « l'insigne collégiale Notre- Dame», comme on l'appe- lait officiellement avant 1789, est un bel édifice du XII* siècle, à trois nefs, avec déambulatoire autour du sanctuaire, sur lequel s'ouvrent trois chapelles basses voûtées en cul de four; au-des- sus de la croisée se creuse une coupole rudimen- taire. Du point de vue architectural, Notre-Dame est une fille, à Beaune on dit volontiers une sœur, ^ de Saint-Lazare, la cathédrale d'Autun; jusqu'à la Révolution, Beaune fit partie du diocèse d'Autun. Ainsi la grande voûte est à berceau aigu et le triforium présente des formes quasi -romaines, plus interprétées, toutefois, qu'à Autun la ressemblance avec le chemin de ronde de la porte, dite d'Arroux, arrive presqu'à la copie. Le porche jeté en avant du portail prin- cipal, n'a été ajouté qu'au XI siècle; enfin les XV= et XVI'' ont accolé aux nefs latérales plu- sieurs chapelles dont la seconde en entrant, au côté de l'Évangile, dite aussi du grand Christ, à cause d'un crucifix de grandeur naturelle, mais peu ancien, qui surmonte l'autel, est, de temps immémorial, sous le vocable de saint Léger, évêque d'Autun, mis à mort par l'ordre d'Ebroïn, sous le règne de Thierry III, en 67S.

Dans l'été de 1901, un membre du Conseil de fabrique, M. Francisque Mathieu-Faivre, qui est à la fois un collectionneur de grand goût et un dessinateur habile, crut distinguer sous le badi- geon successivement épaissi au cours des âges, des traces non équivoques d'anciennes peintures voilées. Et son attention fut d'autant plus excitée, que la chapelle avait été décorée au XV* siècle, par Jean Rolin, évêque d'Autun, cardinal au titre de San Stefano in Cœlio Monte, fils du célèbre chancelier, et archidiacre de Notre-Dame. En

1470, au moment se rallumait la guerre entre Louis XI et Charles le Téméraire, il avait fui Autun menacé par les troupes royales, et s'était retiré à Beaune; le chapitre, reconnaissant d'une fondation de 300 écus d'or faite en l'église, l'ac- cueillit avec honneur, mit à sa disposition le logement qui avait été celui de Guigone de Salins, la deuxième femme du chancelier, et lui concéda l'usage de la chapelle Saint-Léger. Le cardinal la fit décorer de peintures il mit son portrait, de vitraux à ses armes, et annonça même qu'il la destinait à sa sépulture, ce qui ne devait pas s'exécuter. Sa munificence ne s'arrêta pas là; il contribua à la peinture renouvelée de la riche imagerie du portail exterminée à la Révolution, et fit élever le jubé qui eut le même sort. Enfin il chargea le chapitre de faire exécuter à ses frais une tenture en tapisserie, la Vie de la Vierge, destinée à orner le pourtour du sanctuaire aux grandes solennités ; elle existe encore et je l'ai décrite dans la Revue de l'Art c/iri'ticn, igoo, 3* livraison. Toutefois, le projet ne devait pas se réaliser du vivant de Jean Rolin, mais il fut repris par l'archidiacre Hugues Le Coq, qui se servit manifestement àespatrons les modèles de ce temps étaient peints sur toile comman- dés pour être travaillés en tapisserie. Seulement, et c'était bien son droit, Hugues Le Coq substitua son image de donateur et ses armes parlantes à celles du cardinal.

Des vitraux peints aux armes de Jean Rolin, il ne subsiste depuis longtemps aucune parcelle; mais les peintures soupçonnées sous le lait de chaux n'allaient-elles pas reparaître plus ou moins dégradées, avec une inscription dédica- toire ou la signature héraldique du donateur, peut-être même avec ce portrait que l'on savait avoir existé ici? « Sera aussy paint mains jointes « mon dit seigneur le cardinal, ainsi qu'il est au « tableau de la chapelle Saint-Légier, à Beaune, « qui a fait ledit maistre feu emprès (') de

I. Emprii de luy, d'après lui, d'après le modèle vivant et présent.

îLe0 peintures tie iJ^otre-SDame De Beaune.

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« luy et son chapeau de cardinal devant luy » , lit- on dans le marché fait au nom du chapitre, le 13 septembre 1474. entre Antoine de Salins, doyen, Antoine Grignard et A. de Salins, chanoines, et Pierre Spicker (•), peintre pour les patrons des futures tapisseries. Remarquons bien que le mot tableau ne se réfère pas nécessairement à une peinture adventice et mobile, mais se peut très bien entendre d'une décoration murale.

M. Mathieu-Faivre se mit à l'œuvre et condui- sit son minutieux travail avec un soin, un res- pect que l'on ne saurait trop louer; tant de pein- tures retrouvées sous le badigeon ont souffert de l'emploi brutal d'un instrument en fer! Les résul- tats obtenus ont récompensé le patient archéo- logue, et des traces importantes de la décoration depuis des siècles abolie, ont reparu au jour, nous rendant comme une ombre du bel ensemble commandé par le cardinal et certainement exé- cuté par un des meilleurs artistes du temps. La découverte fit quelque bruit, non seulement dans les journaux bourguignons, mais encore à Paris, si bien que le lundi 11 septembre 1901, \ç. Jour- nal des Débats publiait un article signé Raymond Kœchlin sur les peintures ressuscitées de la cha- pelle Saint-Léger {f).

Il faut d'abord entendre que celle-ci forme un carré parfait, avec voûte peu élevée en arcs ogives reposant sur quatre consoles d'angle, et que la fenêtre unique à réseau flammé ne remplit pas à beaucoup près le mur goutterot, ce qui laisse de côté des espaces vides mais mal éclairés. La paroi est l'autel ne présente plus que des traces de peintures ; toutefois, au moins dans la partie gauche, côté de l'Évangile, le sujet n'est pas douteux et pourrait être restitué, sinon sur la muraille, du moins sur le papier, avec une certi- tude à peu près entière, c'est une Lapidation de saint Etienne. Richement vêtu en diacre, age- nouillé, les mains jointes, la tête nimbée rejetée en arrière, le jeune saint a déjà reçu une pierre,

1. Le nom est écrit eo français, Spicre, comme on le prononçait. mais c'est évidemment Spicker.

2. M. Mathieu-Faivre a décrit les peintures découvertes par lui, dans une brochure : Peintures murales de la chapelle Roliii (cha- pelle Saint-Léger j à l'église collégiale de Beaune, par F, Mathieu^ membre de la Société d' Histoire et d' Archéologie. Extrait des vié- moires de la Société d'Histoire et d' Archéologie de Beaune, içoz. Beaune, imprimerie Arthur Batault, jgo2, in-S» de 12 pages, avec deu.x planches héliographiques et deux lithographies.

mais prie toujours, c'est le moment suprême les cieux s'ouvrent visibles pour le recevoir ; voici les textes synthétisés par le peintre : Cum antein esset plenus Spiritii Sancto, intendens in cœluin vidit gloriam Dei, et Jcsnm stantem a dextris Dei. Et ait : Ecce video cœlos apertos et Filiuin hominis stantem a dextris Dei. ACTA APOSTOLO- RUM, cap. VII, j. 55. Et ejicientes extra civitatem lapidabant.... J. 57. Et lapidabant Stêphanvm invocantem, et dicenteni : Domine Jesu, suscipe spiritum meum. y. 58. Positis antem genibiis, clamavit voce magna, dicens : Domine, ne statiias illis hoc peccatum. Et qnum hoc dixisset. obdormi- vit in Domino... J. 59. Malheureusement l'en- duit est tombé ou a été détruit dans toute la partie de droite, supprimant l'apparition de la gloire divine, et même la ligne verticale de sépa- ration entre ce qui est et ce qui n'est plus, coupe environ un sixième de la scène terrestre. Derrière le martyr dans toutes les représentations de la lapidation, les bourreaux frappent le jeune diacre par derrière se voit debout un des exécuteurs improvisés; il porte une toque à fleurons dorés, un vêtement collant mi-partie rouge et bleu brodé d'or, et se prépare à lancer une grosse pierre; la physionomie est féroce, l'attitude et le geste sont bien ceux de l'homme qui veut porter un coup avec le maximum de sa force. Même précision dans le mouvement d'un personnage placé sur le devant et vêtu comme le premier, qui ramasse une pierre; mais tout en étant recon- naissable dans son tracé général, cette figure est fort dégradée.

La composition simple et d'un beau caractère, ne remplit en hauteur que les deux tiers de l'arc; au-dessous s'étend un riche parement figuré, un dossier, comme on disait alors, en drap d'or damassé avec une bordure feinte d'orfèvrerie gemmée de pierres précieuses. Il était tenu par deux anges debout, à longues ailes et en robes blanches, dont il subsiste entier celui du côté de l'Évangile; malgré un défaut de régularité dans les traits, il est fort beau. Enfin, plus bas, agenouillé et les mains jointes, voici, peint en petites proportions, un homme d'Église vêtu d'un manteau noir doublé de rouge, avec capuchon, et que recouvre une aube blanche; cette figure a malheureusement souffert et beaucoup dans la

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3Rcbur Dr r^rt cbvctiru.

partie inférieure. Il est manifeste que nous avons là, mis à la place d'honneur, un personnage im- portant: serait-ce le cardinal ? On l'a cru d'abord et il y avait quelque vraisemblance; sans doute, pensait-on, le chapeau rouge à glands et le chien blanc ('), ce compagnon inséparable du prélat, se voyaient à ses pieds dans la partie détruite. En- fin, avec un peu de bonne volonté on retrouvait dans les traits du personnage en prière, cette vulgarité empâtée et lourde qui apparaît dans les deux images authentiques et contemporaines qui nous donnent le portrait de Jean Rolin. C'est d'abord une précieuse peinture sur bois conser- vée au palais épiscopal d'Autun, et provenant, comme la Vierge au donateur du Louvre, de la cathédrale Saint-Lazare. Vêtu de la capfia magna écarlate et joignant les mains, son chien blanc à ses pieds, le cardinal est agenouillé de- vant l'Enfant Jésus couché dans la crèche, près de celle-ci sont la Vierge, saint Joseph et deux anges; derrière, l'âne et le bœuf; au fond, une palissade s'appuient du dehors deux bergers; le portrait est authentiqué par les armes des Rolin. C'est une œuvre très remarquable de l'école flamande, mais il ne faut pas prononcer ici le nom des Van Eyck, puisque Jean Rolin ne reçut le chapeau que [)lusieurs années après la mort des deux frères Hubert et Jean Van Eyck (2).

On doit encore reconnaître le cardinal dans la miniature initiale d'un beau manuscrit, les Chro- niques de Haiiiaut, à la Bibliothèque de Bour- gogne à Bruxelles. Ces Chroniques sont l'œuvre du franciscain Jehan de Guyse, à Mons vers 1334, mort à Valenciennes le 6 février 1399, et le manuscrit original en latin est à la Bibliothèque nationale de Paris, Fonds Dupuy. Une traduc- tion française fut exécutée sur l'ordre de Philippe le Bon par son « escrivain et translateur > Jean Wauquelin, clerc de Mons, et la commande don- née par Simon Nockart, clerc du bailliage de Hainaut, conseiller ordinaire du duc en Brabant. Cette traduction est en trois volumes in-folio dont le premier fut terminé en 1446, le deuxième en 1449 par Jacobin du Bos, le troisième proba-

1. Le cardinal était atteint, paraltil, d'une maladie qui provo- quait de fréquents et subits vomissements, or le chien était dressé à on m'entend de reste.

2. Huljert est mort en 1426, Jean en 1440.

blement en 1455. La miniature à pleine page, mise en tête du premier volume, compte parmi les chefs-d'œuvre du genre; selon l'usage, on y voit Philippe le Bon entouré de sa cour, et rece- vant l'hommage du livre par lui commandé. De- bout, vêtu de noir, le chaperon chargé d'une masse de linges plissés et bouffants, le duc a cette pose de danseur qui paraissait sans doute aux contemporains le comble de la dignité et de la grâce, les jambes d'une gracilité invraisem- blable, encore une des beautés du temps, et les pieds chaussés de souliers à la poulaine extrava- gants. .'\ sa gauche, un jeune garçon de quatorze ans, la Toison d'Or au cou, le bonnet à la main, engoncé dans de grosses épaules et la tête pen- chée en avant, se montre dans toute la gaucherie de l'âge ingrat; c'est le comte de Charolais, le futur Charles le Téméraire. A la droite du duc, plusieurs personnages debout; un vieillard en longue robe, qui est certainement le chancelier Rolin, a la première place; ensuite vient un grand et gros bonhomme en rouge, à la figure pleine, fîasque, et, il n'y a pas en vérité d'autre mot, à la physionomie de parfaite ganache ofîficielle; c'est manifestement le cardinal reconnaissable, d'ail- leurs, à l'inévitable chien blanc couché devant lui sur le pavé émaillé. Il viendra un temps un cardinal n'acceptera pas facilement le second rang et s'égalera aux princes. A droite, faisant face au duc, un groupe ds chevaliers de la Toison d'Or, aux figures graves et rasées (').

Cette miniature est d'une beauté qui l'a fait attribuer à Rogier Van der Weyden ; il est plus assuré de la donner à un enlumineur de profes- sion comme il en existait, et de talent hors ligne, à la cour de Bourgogne. Peut-être pourrait-on prononcer le nom de ce Simon Marmion à qui M. Salomon Reinach attribuerait volontiers les miniatures du beau manuscrit : Histoire de France depuis la prise de Troie jusqu'au règne de Charles V, venu de la Bibliothèque de Bourgogne à celle de Saint-Pétersbourg. Mais toutes les hypothèses ne sont (jue des jeux de l'érudition.

I. La miniature ici décrite est reproduite en héliogravure dans le tome VU I delà Gazelle archéolosi(jue. publiée par MM. J. de Witte, K. Lenormant et Kobert de Lasteyrie, pour accompagner un bon article de M. Duclens, mais l'auteur laisse de côté la question de l'identification des personnages représentés. Il est on ne peut plus regrettable que cette publication qui honorait l'érudition française, n'ait pas été continuée.

îles peintures ûe jl^otre 2Daine De Beaune. 193

et tant qu'un document vainqueur n'est pas sorti de la poussière des archives pour nous livrer un acte de commande ou de paiement, le plus sage est d'admirer les belles choses sans se risquer à prononcer aucun nom.

Une observation pourtant. J'ai dit que le pre- mier tome des Chroniques avait été achevé en 1446, or l'évêque d'Autun ne fut fait cardinal, par Nicolas V, que le 13 janvier 1449, à la recom- mandation de Philippe le Bon ; mais la minia- ture dédicatoire a pu être ajoutée postérieure- ment à l'achèvement du corps même du volume.

Quoi qu'il en soit, il est impossible d'admettre que le clerc représenté dans la peinture de Beaune, au côté de l'Evangile, soit le cardinal ; son portrait était au côté de l'Épître, l'on a retrouvé un pan de la cappa magna rouge et le chien blanc caractéristique; seulement c'est la seconde place, la première étant incontestable- ment au côté de l'Évangile. A cet effacement d'un prince de l'Église, je vois deux raisons pos- sibles; il se pourrait <jue se considérant dans la chapelle de la Collégiale comme un simple dignitaire du chapitre, l'évêque eût cédé la pré- séance au doyen, ce serait alors Antoine de Salins dont nous aurions ici l'image agenouillée. Mais au XV* siècle on subtilisa à outrance sur toutes choses; on bouleversa l'ordre et la dispo- sition héraldique des écus armoriés pour en diri- ger les pièces comme des êtres vivants, soit vers le centre d'un tableau ainsi qu'on le voit dans un des retables de la Chartreuse au musée de Dijon soit vers un autel plus ou moins éloigné ou une image sainte, ce dont Palliot nous donne des exemples ('); il serait donc possible que l'on eût considéré comme le lieu d'honneur la partie de la muraille la plus rapprochée du sanctuaire et du maître-autel.

Le choix du sujet représenté se rapporte évidemment au vocable de l'église dont le cardi- nal, l'évêque d'Autun, était titulaire à Rome, San Stefano in Cœlio Monte; c'est aussi en souvenir du titre de son église cathédrale, Saint-Ladre, comme on dit familièrement dans le diocèse que l'évêque d'Autun a fait peindre une Résur- rection de Lazare sur la muraille opposée à l'au-

I. La vraye et parfaite Science des armoiries MDCLXI i V. in-fo pp. 289. 290, 291.

tel. Mieux conservée que la Lapidation, incom- plète cependant, la composition remplit ou plutôt remplissait l'espace entier inscrit dans l'arc brisé, et descend même un peu plus bas que les con- soles d'oij jaillissent les nervures. "Mais le quart, environ, du sujet manque à la gauche du specta- teur, une réfection ancienne de la maçonnerie ayant aboli toute trace de peinture en cette par- tie, qu'une ligne verticale et nette sépare de ce qui a été conservé.

Sur le devant, au centre à peu près de la com- position, Lazare, rappelé à la vie et tourné à gauche, se soulève d'un sarcophage ouvert en marbre rougeâtre. La figure a malheureusement disparu presque en entier, on voit seulement la partie médiane et nue du corps enveloppé par le bas dans un linceul blanc dont un pan retombe en dehors de la cuve; le ressuscité a les mains jointes, et, penché sur lui, saint Pierre enlève les dernières bandelettes de l'ensevelissement. Et statim prodiit qui fiierat inortuiis, ligatus pedes et inaitits institis, et faciès illins sudario erat ligata. Dixileis lesus : Solvite en m, et sinite abire. JOANNES, cap. XI, J. 44. C'est sans doute une idée subtile et belle d'avoir ainsi confié à celui qui a reçu le pouvoir de lier et de délier, le soin de dénouer les liens de la mort ('). Ainsi dans cet art admirable et vraiment chrétien du moyen âge, un geste, une attitude, un détail en appa- rence insignifiant, ont un sens ésotérique et con- tribuent à l'intensité de l'idée religieuse exprimée. Ces inspirations-là, les artistes ne les trouvaient

I. Le même détail se rencontre dans la Résurrection de Lazare qui forme la partie centrale du triptyque de Nicolas Froment d'Avignon, au musée des Offices, 744. Saint Pierre, reconnaissable à sa che- velure grisonnante, à sa barbe épaisse, à sa calvitie, détaché du groupe formé par le Christ et ses apôtres, et agenouillé, délie les mains du ressuscité assis dans son sarcophage ; à gauche sont de- bout les saintes femmes dont l'une, celle du devant, ramène sur sa bouche, le long linge pendant qui lui sert de coiffure; à droite, un seigneur debout fait un geste semblable. La composition, très ras- semblée, s'inscrit dans une sorte de galerie de style flamboyant et se détache sur un fond richement damassé. Le triptyque des Offices est s\gné.V, cola/isFrumenticibsolvil opiis XXoKL" Jui-.ii MCCCCLXI, il est donc sensiblement contemporain des peintures murales de Beaune. Nicolas Froment d' .Avignon fut un des peintres du roi René, et son œuvre capitale, le Buisson ardent, qui est a la cathédrale d'Aix en Provence, a figuré à l'exposition rétrospective de 1900. Le triptyque de Florence devrait être dans les salles françaises et non dans les salles flamandes.

On peut rapprocher des peintures de Beaune, la Risiirreclion de Lazare, par Gérard de Harlem que Ion voit au Louvre ; la com- position me semble un peu dispersée, mais le thème principal est le même, c'est à-dire que le ressuscité surgit d'un sarcophage à l'antique placé à terre.

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WitWt De rSrt (brétten*

peut-être pas en eux-mêmes, ils les recevaient du clergé qui dressait minutieusement le programme des compositions à exécuter: « L'art seul appar- tient au peintre, proclame le onzième concile de Nicée en 7S7, l'ordonnance et la disposition ap- partiennent aux pères (i). » Il ne faudrait pas croire, d'ailleurs, que ces raffinements fussent lettres mortes pour le commun des fidèles; si toutes ces leçons des choses ne nous sont plus accessibles que par des commentaires, nos loin- tains ancêtres du XV'^ siècle les comprenaient sans peine, et c'est alors que les églises étaient vraiment et dans toutes leurs parties, de grands livres ouverts la peinture, la sculpture, et le vitrail parlaient aux yeux et à l'âme par les couleurs et les formes de la vie.

A gauche du sarcophage, vêtu d'une robe rou- geâtre brodée d'or, la tête légèrement penchée et ceinte d'une auréole radiée différente du nimbe en aimeau des saints, le Christ est debout; ses deux mains à demi tendues et aux doigts rapprochés, mais dans un autre geste que celui de la prière humaine, font le signe dominateur qui commande à la mort et à la vie. Signe très simple, d'ailleurs : la toute-puissance n'a pas besoin de mouvements violents pour être obéie ; rappelons-nous celui de Jéhovah dans les fresques de la création de l'homme et de la femme au plafond de la Six- tine. Un peu voilé par le hâle des longs siècles, le visaP'e divin a une expression très belle de puis- sance et de douceur. Derrière le Christ, le peintre avait mis le chœur des douze apôtres, mais il a disparu eu partie, et c'est une perte à jamais regrettable. D'abord parce que la lacune détruit l'équilibre général et atteint même en arrière le contour du Christ; ensuite, à en juger par les cinq figures subsistant à droite, ce qui est effacé devait être de la plus grande beauté. Celui qui conformément à la tradition iconographique, est au premier rang, saint Jean, me parait de tous points admirable; imberbe, et seul des apôtres,

I. J'imagine que lorsque dans la seconde moitié du XV*= siècle, Filippino Lippi eut à peindre la vie de saint Thomas d'Aquin dans la chapelle Caraffa, en l'église Notre-Dame de la Minerve, A Rome, il dut certainement consulter quelque Dominicain du couvent atte- nant à l'église. Ce sont aussi les lettrés de la Cour pontificale, Ali- dosi, Benibo, Bibbiena, Casiiglionc, qui ont donner au jeune Raphaël les programmes de ses grandes fresques synthétiques du Vatican ; la conception et l'ordonnance en sont évidemment au- dessus de ce que, réduit à ses seules forces, pouvait concevoir im jeune homme de vingt-cinq ans, ftit-il Raphaël.

même dans l'extrême vieillesse, il sera repré- senté ainsi ('), la tête chargée d'une épaisse chevelure, le disciple bien-aimé incline son visage attentif, non au miracle qui s'accomplit, sa foi n'a pas besoin de voir, mais au geste du Maître, tandis que ses mains s'enlacent distraites à la hauteur de la ceinture. La justesse de l'attitude, la vérité de la draperie qui, à demi retenue par le bras droit, se brise en plis d'une noblesse digne des maîtres florentins, enfin, par-dessus tout, la grâce sereine du visage appartiennent au grand art flamand, au grand art tout court.

Le surplus de la paroi, les deux tiers environ, est rempli de la foule des spectateurs : Judœi ergo, qui erant cum ea in donio et consolabantur eam, cum vidissent Mariant quia cito surrexit et exiit, seciiti sunt eam dicentes : Quia vadit ad monumentuni, ut ploret ibi. JOANNES, cap. XV, y. 31. Ici nous sommes en pleine réalité du XV« siècle, additionnée de couleur naïve- ment orientale ; toutefois il n'y a aucune dis- sonance entre les parties, entre le groupe du Christ et des apôtres qui est traité selon le mode traditionnel, abstrait, et celui des spectateurs. L'unité se fait d'abord par l'exécution qui est partout de la même précision, ensuite par une recherche égale de la vérité dans les types, plus idéalisés à gauche, plus réels à droite. Nous sommes dès longtemps habitués à ce mélange du sacré avec le profane et, avec Véronèse, par exemple, l'art des siècles suivants nous en fera voir bien d'autres.

Douze personnages, dix hommes et deux femmes, disposés surdeu.x rangs, ceux du second dominant de beaucoup ceux du premier, assistent paisibles au miracle accompli ; la plupart dans une attitude assez indifférente, quelques-uns ne regardent pas ou même détournent la tête. Sans doute le peintre a eu la bonne intention de leur faire prendre part à l'événement mais sans réussir à les unir dans un sentiment commun et actif. Ainsi, à droite, un gros Turc, rasé et à turban,

I. L'art byzantin représente saint Jean yieux avec une longue barbe, mais l'iconographie occidentale le laisse plus volontiers im- berbe, même à la fin de sa longue vie. Toutefois la règle fléchit plus tard; aux piliers qui soutiennent la coupole de Saint-Pierre de Rome, le saint Jean en mosaïque est un vieillard barbu comme les trois autres ICvangélistes. Il est vrai que le cavalier d'Arpin 1560- 1640 n'est une grande autorité ni en art, ni en iconographie. Saint Jean est représenté de niôine dans les mosaïques récentes de la chapelle sépulcrale de Pie IX, à Saint-Laurent-liors-les-Murs.

îLe0 peintures de iBotre-SDame De Beaune. 195

fait placidement face au spectateur ; la main gauche passée dans sa ceinture il esquisse de la droite un geste imprécis; en vérité, l'idée générale fait absolument défaut. Du reste, toutes ces fi- gures semblent étudiées sur la vie même, ce sont des portraits nous retrouvons les types fami- liers à l'art septentrional du temps, mais le peintre lésa pris comme ils s'offraient à lui et sans parvenir à les incorporer à l'action. Tout de même, cette naïveté, cette gaucherie, si l'on veut, ont un charme attirant de réalisme ingénu, et valent cent fois mieux que le pathétique con- ventionnel, gesticulant de l'âge dit classique.

Les costumes ne sont pas moins intéressants ; voici des bonnets de feutre coniques comme on en voit dans maints portraits du XV° siècle, le prétendu Charles le Téméraire à la flèche ('), du musée de Bruxelles, par exemple. Un per- sonnage du second rang, il regarde celui-là, porte le chapeau à grands rebords retroussés, la coiffure des Juifs en ce temps, celle du prophète Zacharie dans la statue du monument dit le Puits de Moïse ou des Prophètes, à l'ancienne chartreuse de Dijon. Seuls, au premier plan, un homme et deux femmes ont un rôle de spectateurs actifs dans le drame divin ; une grosse commère, vue de face, à coiffure faite de linges compliqués, suppute sur ses doigts la durée de l'ensevelisse- ment : Et invenit eiim quatuor dies,javi in inonii- mento habentem. JOANNES, cap. XI, y. 17. Plus rapprochée du sépulcre, une autre femme, vêtue d'un riche damas à grands rinceaux comme on les aimait alors, la tête abritée sous un capuchon faisant pèlerine, se détourne, la main étendue, comme pour écarter la vision de mort et se bouche le nez. Cette figure à peu près sacramen- telle dans la représentation de la scène de Béthanie exprime le : Dicit ei Martlia soror ejiis qui mortuus fiierat : Domine, jam fœtet, quatri- duanus est enim. JOANNES, cap. XI, J. 39 Un personnage en longue dalmatique de drap d'or ramage de fleurs bleues et coiffé d'amples linges faisant couvre-nuque, la rassure en lui

I. La comparaison de l'homme à la flèche avec le grand liâurd Antoine de Bourgogne, dont le portrait est à Chantilly, m'a toujours fait penser que les deux panneau.'c représentent le même personnage seulement plus jeune dans celui de Bruxelles. Quant au Téméraire, son image la plus authentique me parait être le portrait de Berlin, qui est attribué selon toutes vraisem- blances à Rogier Van der Weyden.

montrant le miracle déjà accompli. Ces deux femmes sont assurément Marthe et Marie, les deux sœurs du miraculé, mais, dans la première surtout, le peintre s'est montré plus réaliste qu'il n'était nécessaire pour être vrai.

Comme dans les tapisseries du temps et les aimables peintures de la première Renaissance italienne, le terrain est fait de gazon semé de fleurettes ; selon une coutume très en faveur chez les Juifs, le tombeau de Lazare se trouvait dans un jardin, mais c'était une grotte creusée dans le roc et fermée par une énorme pierre s'encadrant dans la feuillure de l'entrée, non, il est à peine nécessaire de le dire, un sarcophage isolé et factice à la mode païenne. Ainsi sera le sépulcre neuf bien peu de semaines après la scène de Béthanie, Joseph d'Arimathie déposera le corps du Christ. En arrière et en haut, sans le moindre souci de la perspective, se profile une ville toute hérissée de tours et de hautes toitures ; le chemin qui y conduit passe par une coupure de la première enceinte crénelée, la fausse braie, et ondule vers la seconde porte ouverte entre deux tours rondes à faîtes aigus. Quelle est cette ville représentée, bien entendu, semblable à une forteresse du XV^ siècle occidental? Serait-ce Jérusalem? Ce n'est pas impossible. Toutefois la ville sainte était éloignée de quinze stades, c'est-à-dire de plus de deux kilomètres et demi de Béthanie ('), JOANNES, cap. XI, jr. 18, habitait la famille de Lazare. Or la forteresse ici figurée semble toute proche. A la vérité étant données les libertés extraordinaires que l'on prenait alors avec la perspective, l'objection a très peu de valeur. Mais en voici une autre et qui me paraît plus sérieuse. Lorsque l'on repré- sentait Jérusalem, on ne manquait jamais de mettre en évidence le Temple de Salomon ou plutôt celui d'Hérode. Et en un temps l'on n'était pas assez savant pour faire de l'archéo- logie, où l'on prenait en tout les choses du passé pour identiques à celles du présent, une confusion naïve s'était opérée entre le Temple juif et la mosquée qui lui a succédé sur la terrasse salomonique. Ainsi l'on représentait la Jérusalem

I. Béthanie est aujourd'hui El Azarijeh, nom qui rappelle certai- nement celui de Lazare. C'est une bourgade située à l'Est de Jérusalem et par conséquent du côté s'élève la haute terrasse qui porte la mosquée d'Omar et domine sur tous les environs.

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des Évangiles comme une de ces villes à cou- poles que décrivaient ou dessinaient les voyageurs et les pèlerins. Si bien que l'on représentait volon- tiers le nouveau Temple aux longues lignes ro- maines, en lui donnant les formes plus ou moins 1 interprétées de l'édifice élevé en 6^J par le Kalife Omar. On en a la preuve dans maints tableaux de la fin du XV'= siècle ou des premières années du XVI'=, particulièrement dans les deux Afa- riages de la Vierge, peints, l'un par le Pérugin le tableau se trouve aujourd'hui au musée de Caen et l'autre exécuté par Raphaël en 1504 pour l'église San Francesco de Citta di Castello, et qui appartient maintenant au musée Brera, de Milan, une imitation, une adaptation, si l'on veut, mais très supérieure de l'œuvre pérugi- nesque. Eh bien ! l'un et l'autre, le jeune Raphaël de 21 ans, comme son vieux maître qui en avait 58, ont représenté le Temple sous la forme d'un édifice à coupole et à pans, octogonal chez le Pérugin, polygonal chez Raphaël, traduction en style italien de la mosquée d'Omar dont on con- naissait par les récits la structure générale. La même représentation se rencontre dans la fresque du Pérugin, à la chapelle Sixtine, Le Chnst remettant les clefs à saint Pierre. Et comme nous n'avons rien de semblable dans la peinture de Beaune, j'en conclus que le peintre a voulu repré- senter non Jérusalem mais Béthanie, qui dans l'évangile, JOANNES, cap. XI, J. i et 2, est qua- lifiée de castelhim, un mot que, vivant dans un pays hérissé de forteresses, il aura pris dans un sens féodal et militaire.

Mais cette ville forte du XV*^ siècle français ou flamand, est elle une image réelle ou une fan- taisie de l'artiste? Dans une première et rapide étude, je m'étais demandé si nous n'aurions pas ici une vue plus ou moins arrangée d'Autun, la ville épiscopale de Jean Rolin, ou de Beaune. Et j'invoquais entre maints exemples, la vue du vieux Louvre de Philippe-Auguste et de Charles V qui fait le fond du tableau dans le beau Calvaire, honneur du Palais de Justice, à Paris, à peu près contemporain des peintures de Beaune, et les miniatures des Heures de Jean, duc de Berry, à la bibliothèque du châttau de Chantilly. Un examen plus attentif m'a fait é- carter cette hypothèse comme très insuffisam-

ment fondée. Tout au plus, à gauche, dans ce clocher carré surinonté d'une haute pyramide à pentes rapides, pourrait-on reconnaître «l'insigne collégiale » elle-même ('). Mais l'analogie est d'autant plus fugitive qu'au XV» siècle, Beaune n'était pas la ville forte en double enceinte que l'on voit ici.

Les ors mis il fallait et qui ont reparu vibrants et chauds parmi les couleurs assoupies, donnent une richesse d'émail à cet ensemble, qui, selon les lois de la décoration, vêt la muraille sans y ouvrir des perspectives. Ces lois, les artistes du moyen âge les pratiquaient d'instinct et aussi par l'effet d'une heureuse ignorance ; en vérité ces naïfs pourraient donner aux plus savants des leçons de ce que doit être la peinture appliquée aux monuments. Mais dès le début du XVI« (2) siècle l'emploi de l'or fut jugé barbare ; appli- qué aux tableaux, il peut être condamné parce qu'il met le trompe-l'œil à la place de l'image. Et cependant, oh ! la vanité des jugements absolus dans les arts ! que de quattro-centistes italiens ou flamands se sont servis heureusement de l'or pour donner à leurs œuvres, fresques ou tableaux de chevalet, comme à des miniatures amplifiées, un charme et une beauté de plus ! Je pense en écri- vant ceci, à maint Fra Angelico, 1387-1455, à cette Adoration des Mages de Gentile da Fa- briano, 1360- 1440, que l'on voit à l'Aca- démie des Beaux-Arts à Florence, et aussi à tant d'œuvres flamandes semblables à de grands émaux largement rehaussés d'or, telles que les peintures extérieuresde MelchiorBroeder- lam, fin du XIV"^ siècle au grand retable de bois sculpté et doré qui de la chartreuse de Champmoi a passé au musée de Dijon. J'estime donc que l'emploi de l'or se justifie très bien quand il s'allie, et c'est le cas des primitifs, à la

1. La grosse coupole à quatre pans et surmontée d'un lanternon, que l'on voit aujourd'hui couronnant les tours de la croisée, date seulement du XVI siècle.

2. Il y a encore quelques touches d'or dans la Thiologie, dite mal à propos la Dispute du Sai nt-Sacrement ^ la première des grandes fresques peintes par Raphaël au Vatican, de 1508 à 1511. Mais quand, le 31 octobre 1512, apparut pour la première fois entièrement découverte la voiite de la chapelle Sixtine. plusieurs, même, dit-on, le Pape Jules II, reprochèrent à Michel-Ange d'avoir dédaigné de rehausser d'or les vêtements de ses personnages. « Sainteté, répondit rudement l'artiste, j'ai peint de pauvres gens qui n'avaient point d'or sur leurs habits ï>. Il se rencontre cependant quelques applica- tions d'or sur des balustres figurées.

îlc0 peintures de iJ^otre-SDame De îdeaune. 197

finesse quasi orfévrée du travail et à la solidité émaillée de la couleur. Mais pour produire tout son effet décoratif, l'emploi doit être loyal, c'est- à-dire qu'il faut ici, comme dans les miniatures, de l'or appliqué à l'état de métal en feuilles bruni et ciselé, non une couleur délayée au pinceau.

Il ne faudrait pas évoquer devant la muraille peinte de la chapelle Saint-Léger certains sou- venirs du grand art chrétien, entre autres celui de cette Résurrection de Lazare, une des plus saisissantes dans la série des fresques dont, vers 1302, le jeune Giotto, il avait alors vingt-six ans, couvrit les murs de la petite église Santa Maria del Arena à Padoue, peut-être le plus bel ensemble de peinture religieuse du XIV'= siècle en Italie. Rien dans la composition que je me suis efforcé de décrire n'égale l'apparition formi- dable et bien hébraïque de ce corps que Giotto nous montre étroitement serré, comme une mo- mie vivante, dans un léseau de bandelettes entrelacées. La même formule se retrouve dans une des plus anciennes mosaïques de Ravenne, et je l'ai rencontrée dans les catacombes romaines. Mais Giotto appartient encore à i'art chrétien primitif; si le sentiment moderne de la vie et de la forme s'éveille déjà en lui, le contemporain de Dante conserve encore quelque chose de cette gravité terrifiante empreinte dans les grandes mosaïques comme le Jugement dernier ou plu- tôt V Apocalypse de la cathédrale de Torcello, dans la lagune vénitienne. Toutefois, dès la fin du XIV« siècle, l'art religieux se fait plus intime, moins distant, les détails familiers y apparaissent et mettent la vie actuelle parmi les « ystoires > de l'Évangile et de la vie des Saints. Dans les peintures de Broederlam, au musée de Dijon, le sujet de la Fuite en Egypte monUe saint Joseph marchant à pied devant l'âne blanc qui porte la Vierge et l'Enfant, et il soutient ses forces en bu- vant à même d'un petit baril dont le jet tombe de haut dans sa bouche. Ces familiarités aimables se rencontrent surtout dans l'art flamand éclos dans un pays de vie intérieure, tandis que l'Italie est vouée par son climat et ses traditions à la vie du dehors qui implique nécessairement plus de gravité oratoire ; il y a toujours eu en Italie du romain et du païen, aussi l'art y a-t-il le plus souvent offert moins des choses vraies que

de belles formes et de beaux assemblages de couleurs. C'est pourquoi dès le commencement du XVI^ siècle, après les premières œuvres de Raphaël, les écoles italiennes tombent-elles vite dans cette noblesse convenue, admirable encore parce qu'elle demeure personnelle et humaine dans les cartons de Hampton Court, mais qui dégénérera vite en procédés de professeurs et en formules académiques avec les maîtres bolonnais et les décorateurs faciles de la décadence.

Et pendant que l'art italien se tourne en rhétorique, celui du Nord poursuit son évolution dans le sens de la vérité et ce sera alors cette in- comparable floraison de l'art intime des maîtres hollandais qui remplit le XVI I'' siècle, tandis que l'Italie en est réduite après le Dominiquin, les Carrache et le Guide, à Pierre de Cortone, à Carlo Maratta et à Luca Giordano.

Cependant cette note d'intimité familière n'est pas absente de la peinture italienne duXV* siècle, mais elle y est l'accident et Florence va de plus en plus donner sur l'écueil des anatomies à outrance où, après Luca Signorelli, risquera de se perdre Michel-Ange lui-même. En même temps les Florentins goûtent beaucoup les œuvres fla- mandes contemporaines ; il leur en venait des ateliers lointains de Bruges, de Gand, de Bru- xelles, d'Anvers, et les artistes en apportaient eux-mêmes ou les peignaient sur place dans les villes ils s'arrêtaient bien fêtés au cours de ces voyages d'outre-monts qui commençaient d'être comme des pèlerinages obligés aux sanctuaires du beau antique. Rogier Van der Weyden, Mem- ling, Hugo Van der Goes, connurent l'Italie et Florence se plut à leurs œuvres par des motifs assez semblables à ceux qui nous passionnent aujourd'hui pour les primitifs ; cet exotisme sa- voureux, les Flandres étaient alors aussi dis- tantes que le sont pour nous le Japon et la Chine, cette naïveté à la fois un peu appuyée et subtile contrastait avec le raffinement florentin, comme ils aiguillonnent aujourd'hui notre imagination et notre vision blasées. L'homme se laisse prendre surtout par les qualités qui lui manquent le plus. Aussi les œuvres flamandes et allemandes sont- elles nombreuses à Florence, plus même qu'en France si proche pourtant, et si profondément pénétrée par le génie artistique des Pays-lîas.

REVUE DE l'aijT CHKÉTIHN. 1904. i""^ LIVB.MàûN.

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BeDuc t)c ravt cbrcticu

J'en reviens à la chapelle Saint-Léger et de chaque côté de la fenêtre qui a récemment reçu un vitrail en grisaille, une des dernières œuvres d'Edouard Didron, je rencontre peinte debout une figure de femme, sainte Marthe à gauche, ! sainte Madeleine à droite ; chacune a son nom écrit en caractères gothiques à la hauteur de la tête. Ici encore le choix des deux personnages n'est pas arbitraire, puisque Marthe était la sœur de Lazare et Marie-Madeleine peut-être de sa famille. Même dans leur intégrité elles n'ont jamais été très visibles, surtout quand la baie était remplie par un vitrail à toute coloration. C'est que nos lointains ancêtres avaient des yeux de chats et trouvaient suffisantes des clar- tés naturelles ou artificielles qui nous paraîtraient à nous des ténèbres visibles. Ainsi les églises d'Italie présentent des figures à peine distinctes I pour nous, mais qui l'étaient parfaitement pour les hommes du XV^ siècle; au palais Médicis, plus tard dit palais Riccardi, Benozzo Gozzoli a orné de fresques excellentes et d'une conserva- tion parfaite, les murs d'un petit oratoire éclairé par une baie étroite, et dont certaines parties ne peuvent être vues qu'à la clarté d'une bougie. De la sainte Marthe, très dégradée, il ne subsiste que des traces, suffisantes toutefois à nous en faire reconnaître la beauté ruinée. On distingue la tête à la coiffure de linges plissés, les mains qui tiennent un bénitier et une palme, le monstre enfin, la tarasque foulée sous le pied victorieux de la sainte; le fond est en montagnes de formes bizarres. C'était le goût du temps ; rappelons- nous le paysage tourmenté que Léonard de Vinci K donné pour fond à Va Joconde.

Mieux conservée est la sainte Madeleine et de l'avis de tous, elle doit être considérée comme une des plus belles choses que l'art médiéval ait laissées en Bourgogne; le vêtement est fort riche, un manteau bleu brodé d'or recouvre une robe à fleurs d'or qui tombe cannelée pour s'amonceler en beaux plis cassés autour des pieds ; la main droite porte le vase à parfums, la gauche le livre ouvert, les deux caractéristiques de la sainte. La tête, un peu penchée sur sa droite, les deux figurassent tournées vers la fenêtre était sans doute peint un Christ ou une Vierge montre sous une abondante chevelure crespelée ruisse-

lant sur les épaules un pur et doux visage, plus français, semblet-il, que flamand. On remarquera que la robe ouverte en carré laisse voir le cou et même un peu de la poitrine ; dans le fond, une montagne abrupte portant un château à quatre tours. Cette figure, la perle de toute cette déco- ration, peut soutenir la comparaison avec les plus belles du même temps et du même art.

La triple moulure creuse qui enserre la fenêtre est peinte dans le style des bordures prodiguées par les enlumineurs contemporains aux marges de leurs manuscrits ornés. Dans la première gorge, sur un fond de ce pourpre à la fois chaud et sombre propre au XV'= siècle, montent de souples rinceaux entremêlés de phylactères se lit la devise du cardinal : Deunt time ; dans l'azur pro- fond de la seconde ce sont des feuillages de chêne d'un vert éclatant et doux, à grosses fleurs retom- bantes bleues à pistils d'or ; ici nous rencontrons encore la signature du cardinal, non plus sa devise mais ses armes : Écartelé an i et ^ d'azur à trois clefs d'or mises en pal le panneton en haut, qui est de Rolin, aiix 2 etj d'or à une bande d'azur char- gée d'une molette d'argent, qui est de Delandes. Ensuite ce sont deux hommes sauvages brandis- sant des massues et portant les mêmes armes dont ils sont très probablement les tenants.

La voûte est d'azur semé d'étoiles d'or, les nervures sont aux mêmes couleurs, celles du car- dinal ; rien, en effet, dans ces décorations n'était laissé au hasard et à la fantaisie de l'artiste. En- fin, en face de la fenêtre, dans l'espace demeuré libre entre le formeret primitif et l'arc d'entrée percé au XV" siècle, des vestiges de peintures montrent des châteaux forts dans un paysage. Peut-être même la décoration débordait-elle de la chapelle ; en effet, dans la travée correspon- dante du bas-côté, autour de la clé de voûte, on croit distinguer, combien vagues, à vrai dire ! les contoms d'une Annonciation dont le style paraît contemporain de la décoration décrite.

L'auteur tle la décoration commandée par Jean Rolin est et demeurera peut-être à jamais in- connu ; on a noté que dans le marché pour les tapisseries a été laissé en blanc le nom de l'ar- tiste déjà mort. Mais Dijon et la Bourgogne ne manquaient pas alors de peintres flamands ou élèves des Flamands, qui continuaient la tradi-

iLe0 peintures îie #otre'2Dame de Beauiie.

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tion des vieux maîtres de la Chartreuse, de Mel- chior IVoederlam, de Jehan de Beaumetz, de Jehan Malwell, de Henry Bellechose. De cette seconde école dijonnaise on connaît quelques noms de tournure plutôt française, Raoul Pi- cornet, Adam de Montpointet, Jehan Change- rut, un pur nom dijonnais, Pestinien, André du Mont ; quant à Guillaume Spicker ce fut surtout un verrier. Toutefois on ne donne pas ici une énumération choisir. Quoi qu'il en soit, celui qui a composé et exécuté l'ensemble décrit dans ces pages, était un maître ; et il ne s'agit pas ici d'improvisations, ni de décors brossés rapidement pour l'effet sans souci des détails, mais d'une œuvre très étudiée la science du dessin s'unit à la recherche de la vérité dans les ty- pes pris sur le réel ou idéalisés. Enfin les parties ornementales sont délicates comme des minia- tures agrandies ; partout l'exécution présente cette finesse appliquée dont le secret se perd au seuil du XVI'^ siècle alors qu'apparaîtra dans l'art le style oratoire. Et il y en aura pour long- temps.

Quel sera le sort des peintures de Beaune? Bien entendu, il ne saurait être question de les cacher sous un nouveau voile de badigeon, cette fois ce serait pour toujours. La question est donc de savoir si on les conservera telles quelles ou si l'on tentera de les restaurer ; mais ici se manifeste cette opposition de vues que j'ai eu souvent l'occasion de constater et avec regret. Les archéologues voient volontiers dans les édi- fices religieux de grands objets d'art servant surtout à être beaux, et c'est ainsi que la Com- mission des Monuments historiques a pu être accusée souvent de sacrifier à l'esprit de géomé- trie, les convenances les plus essentielles du culte. Il faut bien reconnaître pourtant que les églises sont avant tout des édifices d'usage, et j'ajoute que cet usage étant leur vie morale est insépa- rable de leur beauté. D'autre part le clergé, avou- ons-le, a une certaine tendance à tenir un compte insuffisant de la valeur esthétique des monuments et de leur parure adventice ; après tout il est ex- cusable de vouloir qu'une église se présente dans des conditions de dignité, peu compatibles, se- lon lui, avec un état de délabrement et de ruine partielle. Ce sont deux points de vue opposés.

deux conceptions du devoir, respectables l'une et l'autre, entre lesquelles avec un peu de bonne vo- lonté, on pourrait ne pas faire de choix exclusif. Et tout bien considéré, malgré l'état ruineux des peintures récemment mises au jour, j'estime qu'a- vant d'y toucher on fera bien d'y regarder à deux fois ; vraiment, il y aurait trop à faire. Dans le Martyre de S. Etienne, plus d'une moitié de la composition manque absolument, et l'autre n'existe qu'à l'état d'indications. Moins malades, les deux figures de saintes devraient être resti- tuées dans une large mesure ; pour un bon tiers la ste Madeleine, pour un peu plus la ste Marthe. Enfin dans la Résurrection de Lazare, tout un pan fait défaut à gauche et il faudrait refaire à peu près en entier la figure du ressuscité. Ce sont des responsabilités que ne consentira sans doute jamais à assumer la Commission des Monuments historiques, et on ne l'en saurait blâ- mer. Il est donc probable que, à part un léger travail de consolidation et de raccord, les pein- tures de Beaune demeureront dans l'état les ont mises le temps et les hommes.

En fait, elles ne sont pas plus dégradées que celles de maintes églises d'Italie ; celle-ci, en effet, n'a pas épargné non plus la riche parure murale dont les siècles avaient vêtu ses monu- ments religieux. Nombre de fresques disparurent sous le badigeon, soit parce que dans les temps de peste on employait le lait de chaux dans un but d'assainissement général ('), soit aux siècles dits classiques, par mépris de ces œuvres jugées barbares. De nos jours encore, à Florence, ont reparu des peintures dont la mémoire même s'était perdue, celles de Giotto, à Santa Croce, ne furent dévoilées qu'en 1858; la Cê«^ d'Andréa del Castagno, faussement attribuée d'abord à Raphaël, à l'ancien couvent San Onofrio, avait été mise au jour dès 1843. Je ne parle pas de cer- taines destructions plus qu'imbéciles perpétrées au Campo Santo de Pise et ailleurs, pour infixer dans les murailles de gros tombeaux de style classique. Toutefois, le procédé de la fresque étant une incorporation de la couleur à l'enduit

I. C'est ce que l'on fit à 'Vérone à l'occasion de la peste de 1690, notamment dans l'église San Giorgio dont les décorations remontaient au XIV'^ siècle. Exemple cité par M, Gerspach dans ses savantes études sur l'art florentin publiées dans la Revue de t Art chrétien.

même, conserve mieux les compositions enseve- lies sous le badigeon que celui qui est employé dans le Nord et consiste en une simple applica- tion d'une couche colorée sur les surfaces sèches. Je terminerai cette étude par quelques mots de biographie : Jean Rolin était le troisième en- fant de Nicolas Rolin, chancelier de Bourgogne, et de sa première femme, Marie, fille de Ber- thold Delandes, valet de chambre du Roi, géné- ral des monnaies de France, et de Philippe Cul- doé. Le légiste, fils d'un bourgeois d'Autun, qui sera fait chancelier de Bourgogne en 1422 en remplacement de Jean de Thoisy, et deviendra ainsi le premier personnage des États bourgui- gnons après le duc, était déjà assez avancé dans la carrière des honneurs pour avoir contracté un mariage relativement considérable. Jean, le troisième enfant de Nicolas Rolin, eut pour par- rain le duc Jean sans Peur et naquit probablement en 1408. Étant fait d'Église, il fut à vingt-deux ans chanoine et archidiacre d'Autun, évéque de Châlon sur Saône le 7 septembre 1431, d'Autun en octobre 1434, ce qui lui donnait le premier rang après l'archevêque dans l'archidiocèse de Lyon, et le droit de porter le pa//ium, conféré en 599 par le pape S. Grégoire à 1 evèque S. Syagre. En 1443, par le privilège de son siège, il est administrateur du diocèse de Lyon après la mort d'Amédée de Talaru, pendant la minorité de Charles de Bourgogne, et se fait représenter à Lyon par son vicaire général Barthélémy du Fresne. Le 13 janvier 1449, le pape Nicolas V le fait cardinal sur la recommandation de Philippe le Bon. Il se montra du reste aussi avide de richesses que son père et cumula force bénéfices, abbayes et autres ; de plus, comme beaucoup de membres du haut clergé contemporain, ses mœurs n'étaient pas fort bonnes. Mais il avait cet

esprit public qui réparait bien des choses, et faisait à tout prendre un noble usage de ses revenus; son église cathédrale ayant été ravagée par un incendie allumé par la foudre le 17 sep- tembre 1465, il la fit réparer et Saint-Lazare lui doit son chœur ogival et la belle flèche de pierre fleurie aux arêtes de choux ciselés, qui surmonte à la croisée les graves maçonneries du XII^ siècle. Elle remplace l'aiguille de charpente et de plomb détruite par le feu. Jean Rolin donna aussi la grosse cloche, les quatres colonnes de cuivre en- tourant le maitre-autel, et l'aigle ou lutrin du chœur. A Paris, il reconstruit la salle capitulaire des Carmélites de la place Haubert ; il fonde des offices dans maintes églises, notamment à la Sainte-Chapelle de Dijon, à Sainte-Geneviève de Paris et on a vu qu'il se montra très libéral envers le chapitre et l'église de Beaune. Cela n'empêcha pas le premier de poursuivre en cour de Rome l'exemption pour la collégiale de la juridiction épiscopale, et il y fut aidé par Louis XI qui détestait dans les Rolin les an- ciens et bons serviteurs des ducs nationaux. Ainsi cette fois la haine parla plus haut chez le roi que l'intérêt politique. Mais le cardinal, un assez pauvre homme, disons-le, mourut à Gra- vant, près d'Aiixerre, en revenant de Paris dans son diocèse, le 10 des calendes de juillet, 22 juin 1483, sans avoir eu connaissance de l'acte ponti- fical qui soustrayait à l'autorité de sa crosse la plus riche collégiale de son diocèse. Le corps fut ramené à Autun et solennellement inhumé dans la cathédrale, à la gauche de l'autel principal, c'est-à-diie au côté de l'Évangile. Le tombeau qui était une œuvre d'art remarquable, a été détruit à la Révolution.

Henri Chabeuk.

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OUT le monde a vu Berne, la ville pittores- que par excellence ; pas un touriste qui n'ait ad- miré la tour de l'hor- loge, les amusantes fon- taines, les ours histori- ques, et contemplé longuement à l'horizon le panorama des Alpes neigeuses ; quel- ques-uns ont peut-être même visité l'église St-Vincent ; mais, à part les architectes et les archéologues, combien peu ont examiné comme il le mérite le portail de ce vieux monument et se sont rendu compte du chef- d'œuvre qu'ils avaient sous les yeux ?

Et pourtant quelle jouissance ne trouve- rait pas tout artiste, tout voyageur même, si, secouant cette indifférence, il examinait en détail cette curieuse page de pierre ! C'est ce que, dans cette analyse, nous allons essayer de faire comprendre.

On peut comparer à certains égards le portail de St-Vincent de Berne à celui de l'église de Thann, élevé vers la même époque ('): ainsi tous deux présentent la particularité très rare que les baies de la porte, séparées par le trumeau, ne sont pas carrées (-) : elles sont chacune limitées

i.La première pierre de St-Thibault de Thann fut pos^e en 1331 ; mais, si l'on considère que la célèbre flèche de celte église ne fut commencée qu'en 1430, on peut penser que la construction de la façade n'a été antérieure que de peu d'années à celle du portail de Berne.

1. Plus exactement, les baies de la porte de Thann sont carrées, mais encadrées chacune d'une ogive ; le tympan qui les surmonte n'étant que la conséquence de cette for- me ogivale, on peut dire, dans un certain sens, que ces baies ne sont pas du type carré.

supérieurement à Thann par une ogive, à Berne par une ligne brisée bizarre mais non sans grâce ; le trumeau présente aux deux églises la même disposition très particulière de trois statues, dont celle du centre plus élevée que les deux autres ('). - A un au- tre point de vue, la multitude des person- nages, leur exiguïté, leur fourmillement, pourrait-on dire, sont les mêmes dans les deux édifices. C'est pourquoi, si l'on considère la proximité des deux villes, leurs rapports fréquents au moyen âge une certaine époque, Mulhouse, voisine de Thann, fit partie de la ligue des cantons suisses), on peut se demander si les artistes qui ont construit et sculpté la porte de Ber- ne ne se sont pas inspirés à certains égards de celle de Thann.

Bistoriquc.

AUX pieds des statues qui ornent le trumeau de cette porte, se déroule une large banderole tenue par deux figuri- nes et dont l'inscription (K de notre cro- quis), en vieil allemand, comme toutes celles que nous allons avoir à examiner, nous donne l'acte de naissance de la cathé- drale :

in dem iar der geburt christi mccccxxi an dem xi tag merczen ward der erste stein geleit an dieser kilchen

c'est-à-dire : « En l'an 142 1 delà naissance du Christ, le onzième jour de mars, a été posée la première pierre de cette église. »

I. Cette disposition, très rare aux portes gothiques, a été employée au Xll'siècle par un certain nombre de cons- tructeurs romans, surtout en Bourgogne (Autun,Vézelay)

202

WitWt tie V^xt t\\ïttm\.

L'édifice, commencé à cette date, semble 1 rieur tout au moins, y compris le portail, a avoir été construit d'un seul jet, et Texte- | être terminé dans la première moitié du

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Fig. I. Porte occidentale de Téglise Saint-Vincent de Berne.

XV<= siècle. Négligé pendant plusieurs siècles, le monument a été restauré avec

soin par l'architecte Millier, de 1870 au 20 octobre 1893, jour fut posé le couron-

Cat!)éîirale ^atn^^tncent De Berne*

20

o

nement de la tour qui surmonte le portail, et que les constructeurs du KV' siècle avaient laissée inachevée.

Avec la collaboration de M. Haendeke, M. Millier a publié une très intéressante étude (en allemand) sur le monument res- tauré par lui. C'est dans cet ouvrage (Das Miinster in Bern) que nous avons puisé la plupart des renseignements qui vont suivre.

Notre portail est assurément une œuvre de décadence, le désir de l'originalité quand même se manifeste par des formes bizarres, des lignes contournées ; mais il y a une telle richesse dans l'ornementation, une telle ingéniosité dans certaines dispo- sitions, une telle perfection dans la statuaire des grandes figures des ébrasements, une si curieuse reproduction des costumes et des modes de l'époque, que cette porte in- téressera toujours l'artiste comme l'archi- tecte, et l'archéologue comme l'historien.

X)C0cnption analptiquc.

Trumeau.

La Justice. i. Peut-être, à l'ori- gine, y a-t-il eu à cette place une statue de saint Vincent, patron de l'église : c'est une hypothèse de MM. Haendeke et Millier, mais qui nous semble assez faiblement étayée. S'il était prouvé qu'il y a eu ici une autre statue que la statue actuelle, il nous paraît que la présence des deux anges et des Vierges sages et folles, aussi bien que celle du Jugement dernier du tympan ferait supposer la figure du Christ plutôt que celle de S. Vincent. Quoi qu'il en soit, la statue actuelle, œuvre d'un sculpteur in- connu,datée de l'an i 575, époque Daniel Heintz, le père, était architecte de l'église, est un pur chef-d'œuvre.

Elle représente la Droiture ou la Justice (die Gerechtigkeit), non cette Justice raide

et inflexible comme elle apparaît d'ordi- naire, mais une délicieuse figure de jeune fille vêtue des plus riches atours d'une da- moiselle de la cour de Bourgogne au XV^ siècle, et qui semble vouloir faire oublier, par son sourire et par la gracieuse moue de sa tête penchée, qu'elle tient une épée nue. N°' 2 et 3. A ses côtés, sur des socles un peu moins élevés et placés au niveau des statues des ébrasements, deux anges, vêtus comme des diacres : ils ont les cheveux fri- sés et les joues bouffies de l'école flamande (comme aussi les statues des ébrasements) mais sans cette exagération qui se montre à Dijon ou à Brou. Ils tiennent à la main chacun une tablette. Sur celle du 2 on

lit:

vorsichtig keusch und wis wyl ihr gewesen sind gelind herin freunde siiss zu eureni briitigam inariK kind

c'est-à-dire : « Parce que vous avez été prudentes, chastes et sages, entrez, douces amies, près de l'enfant de Marie, votre fiancé. »

L'ange adresse ces paroles aux vierges sages de l'ébrasement, vers lesquelles il est tourné.

L'ange N" 3 regarde les vierges folles à qui se rapportent les quatre vers gravés sur sa tablette :

dir thorrechten kamt zu spiit

der briitigam dir thiir geschlossen hat

er kennt euch nit wer ihr sind

den eure ampeln verkehrt sind

c'est-à-dire: « Vous, folles, vous êtes venues trop tard ; le fiancé vous a fermé la porte ; il ne vous connaît plus, ne sait pas qui vous êtes, car vos lampes sont renversées. »

Ébrasements.

LES figures des ébrasements, que nous allons examiner, ont été sculptées par Ehrard Kung, vers la fin du XV^ siècle.

204

îRebttf tie rarr cJ^rcticn.

Elles sont ainsi à peu près contemporaines de la construction du portail, et antérieures d'une centaine d'années à la statue du tru- meau. Ce sont d'ailleurs, comme celle-ci, des œuvres admirables

Les Vierges sages et les Vierges folles (■). N"" 438. Les cinq Vierges sages ; vêtues selon la mode bourguignonne la plus splendide : elles ont les cheveux ondulés, soit dénoués, soit partagés en deux ban- deaux, et portent, par-dessus, des couron- nes aux formes variées ; les corsages sont ajustés, les manches pour la plupart bouffan- tes ; les robes, amples et tombant sur les pieds, sont généralement recouvertes d'un manteau ; tous ces vêtements sont brodés ; autour du cou, qu'encadre parfois un col, s'enroulent des colliers de pierres pré- cieuses. Le n" 4 tient, outre sa lampe, une tablette dont l'inscription est aujourd'hui effacée ; les quatre autres vierges portent avec soin leur lampe, sorte de torchère, d'où s'échappe une large flamme; le 8 montre du doigt cette flamme à l'ange (n" 2) placé vis-à-vis, lequel lui répond par les mots gravés sur sa tablette.

N°^ 9 à

Les cinq Vierges folles.

peut-être encore plus richement vêtues que les précédentes ; l'expression de leur phy- sionomie est désespérée, et elles tiennent leurs lampes renversées. Le 9 dont les longs cheveux sont rassemblés en deux

I. Ce sujet est un de ceux le plus fréquemment traités sur les portes d'église, l'appelle naturellement sa signi- fication symbolique. Maison remarquera qu en France, à l'époque ogivale du moins, les Vierges sages et folles occu- pent presque toujours les pieds droits de la porte ('Amiens, Paris, Auxerre, Sens, etc.), et rarement la voussure (Laon, Dol, St-Pèresous-Vézelay) ; en Allemagne, au contraire, on a souvent donné à ce sujet une place plus importante. Nous le trouvons au linteau à la porte St-Gall de la cathé- drale de Bâle ; aux grandes niches des ébrasements à Strasbourg, Berne, et F"ribourg en Brisgau cette der- nière église, plus exactement sur les parois du porche qui prolongent les ébrasements) ; mais nulle part ce sujet n'a été traité avec autant de magnificence qu'à Berne.

épais bourrelets, a un corsage à col rabattu, à larges manches bouffantes , le 10, qui semble être un portrait, est coiffé d'une de ces toques hautes que Véronèse posait plus tard sur la tête des rois mages : elle a un collet rabattu ; de sa lampe penchée l'huile se répand ; le 11, ouvrant la bouche pour se lamenter, est admirable d'expression ; elle est vêtue d'une robe courte et coiffée d'un large bonnet plat garni d'un voile dé- coupé ; le 12, qui de sa main essuie ses larmes, porte le curieux chapeau à deux cornes du XV^ siècle, recouvert d'un voile; le 13, une sorte de chaperon à larges bords. Cette dernière tient une tablette sur laquelle on lit :

ach und weh dass

wir kein œhle hand

gend uns zu kaufen

das wir mil euch lue gehnd

ce qui signifie: %. Malheur sur nous parce que nous îi avons point d'huile, vendez-nous- en, afin que nous entrions avec vous » (chez l Époux).

Sous les socles des deux dernières sta- tues de chaque côté :

N"" 14 et 15. Une dame élégamment vêtue et un seigneur coiffé du chapel réser- vé aux princes ; il tenait autrefois à la main un épieu, comme en témoigne un dessin fait en 1830 ; près de lui, un chien courant poursuit un chevreuil. Ces figures, d'après M. le docteur Stantz, caractérisent la « zah- me Jagd » (chasse aux animaux non féro- ces, réservée aux nobles).

N°' 1 6 et r 7. Un homme et une femme du peuple, dont le costume simple et pauvre contraste avec la richesse d'atours des sta- tues qui les surmontent. Peut-on voir ici, par opposition aux n" 14 et 15 : la chasse aux animaux féroces à laquelle le peuple était tenu (wildc Hatze durch Lœzue, Hund

Catl)éDraIe t)atnt'Bincent tie Berne.

205

und Bar). Mais rien n'indique ici une I notre avis, M. Stantz a cherché trop loin : chasse, et si c'en était une, comment expli- ces quatre figures symbolisent simplement, quer la présence delà femme du peuple? A d'un côté, les seigneurs, les nobles (l'artiste

P\g. z. Ébrasement gauche du portail. Les Vierges sages. Moise la voussure).

n'a figuré la chasse que comme un acces- soire caractéristique et presque indispen- sable de la vie d'un seigneur du XV^ siè- cle), de l'autre côté, les gens du peuple :

peut-être pour indiquer que les uns et les autres ont contribué à l'érection de l'église. Au-dessous des n°' 16 et 17 se trouvait autrefois un bénitier.

Voussures.

Instruments de la Passiou. N"" 1 8 à 22.

Cinq anges (la sixième niche est remplie par un épisode du Jugement dernier qui dé- borde du tympan) debout, à longs cheveux frisés, tiennent les instruments de la Pas- sion. Ils ont une admirable vérité d'atti- tudes, très variées.

Le 18 tient une verge; le 19, la colonne de la flagellation autour de laquelle une corde est enroulée en spirale, et l'épon- ge au bout du bâton ; le 20, la croix; le no 21, la lance; le 22, la couronne d'é- pines et d'énormes clous réunis en fais- ceau.

Patriarches et Prophètes. N°' 23 a 30.

La seconde voussure est occupée par les patriarches et les prophètes.

N°' 23. Moïse, debout, chauve, avec une longue barbe pointue curieusement frisée ; il se présente de face et tient sur sa poitrine une table de pierre carrée avec l'inscription : du sollst die bilder nicJit an- biittcii noch ihnen dienen (tu ne dois ado- rer ni servir aucune image).

24. Zacharie, barbu, coiffé d'un bonnet plat ; il est assis et a l'air méditatif; il déroule une banderole sans inscription visible.

25. Osée, barbu, en robe courte, assis ; sa tête est encadrée dans un capu- chon à pèlerine ; il déploie un phylactère.

N " 26. Le roi David, assis, couronne en tête, tient un instrument de musique.

N" 27. Daniel, assis.

28. Hagaï (Aggée .'') assis ; coiffé d'un bonnet plat, il tient une banderole est inscrit son nom.

N" 29 -— Joël, assis ; il est imberbe ; sa physionomie est énergique ; il porte une coiffure bizarre. Selon M. Muller, il tient un disque (?), mais, pour nous, nous

n'apercevons entre ses mains qu'une longue banderole.

N " 30. Un personnage en costume juif, vêtu d'une robe et d'un manteau ; sa barbe est partagée en deux par le milieu ; il est debout et tient un livre ouvert dont l'inscription est effacée.

Le Christ et les Apôtres. N"^ 31 à 45. De l'avant-dernier cordon de la voussure se détachent des tiges moulurées qui, traversant le dernier cordon, s'épanouis- sent en larges piédestaux supportant quin- ze statues. Les deux tiges extrêmes sont en partie courbes, les autres, entièrement droites. On ne peut du reste expliquer cette disposition bizarre que par le désir de placer les statues dans le sens vertical. Quant aux statues elles-mêmes, l'exécution en est très médiocre : elles représentent les personnages suivants, tous assis et sans nimbe :

N" 31. Le Christ Juge, assis, le torse nn, les bras ouverts pour montrer ses plaies.

N" 32. La Vierge, à genoux.

33. S. Jean- Baptiste, à genoux, l'implorant avec Marie en faveur des pé- cheurs.

N"' 34, 35 et 36. Trois apôtres, assis, tenant chacun un long bâton.

N°' 2)1 y 3S et 39. Trois apôtres, assis (l'ombre de la voûte ne permet pas de distinguer leurs attributs).

N°^ 40 et 41. Deux apôtres, assis, te- nant chacun un long bâton.

N" 42. S. André, assis, tenant la croix diagonale qui, depuis le XIVc siècle, passe pour avoir été l'instrument de son martyre. On sait en effet que jusqu'à cette époque, l'apôtre a toujours été représenté avec la croix droite ; mais alors le duché de Bour- gogne, qui portait dans ses armes une croix

Cathédrale ^amr 2llincent De Berne.

207

diagonale, ayant pris pour patron S. André, on associa dorénavant l'idée du saint à celle de cette croix.

N"' 43, 44 et 45. Trois apôtres, assis.

Dans cette série, les attributs sont moins

variés qu'à l'ordinaire : on ne peut, par suite,

Fis- 3- Schéma du portail de Saint- Vincent de Berne.

identifier ces divers apôtres, ni même savoir ne correspondrait pas exactement aux don- ce que signifie exactement le long bâton nées traditionnelles ? Est-ce plutôt le bâton que la plupart tiennent à la main : est-ce de voyage avec lequel ils sont partis à la l'instrument de leur martyre qui en ce cas conquête du monde, ou celui qu'ils tenaient

208

Belluc De r?lrt cbvétten.

à la main, selon le rite israélite,en célébrant la Pâque ?

Tympan.

Le Jugement dei-nier. Le tympan re- présente le Jugement, le Ciel et l'Enfer. L'artiste a voulu rendre la grandeur de la scène par la multitude des personnages : jamais, croyons-nous, la sculpture du moyen âge n'a entassé plus de figures dans un même tableau : nous en avons compté plus de cent-dix dans cet espace restreint. Ajou- tez à cela que pour exprimer la perspective et former le décor dont les imagiers des siècles précédents n'avaient cure, notre sculpteur a ménagé jusqu'à cinq plans diffé- rents, modelé des rochers dans l'enfer et une porte monumentale dans le Paradis : aussi la première impression est celle d'une confusion voisine du chaos. Disons cepen- dant, qu'examinées en détail et en quelque sorte à la loupe, certaines parties de ce vaste tableau sont fort remarquables; mais ce n'est pas le but qu'il fallait atteindre, et l'ensemble n'en est pas moins, à notre avis.antiarchitectural; c'est une belle œuvre, mais une œuvre de pleine décadence. Tout ce bas-relief a être sculpté à l'atelier, avant la mise en place.

46. L'archange S. Michel, sans ailes ni nimbe, à la chevelure frisée, tête nue, couvert de parties d'armure (notam- ment de brassards), brandit son épée et sépare les justes des réprouvés ; de la main gauche il saisit à la gorge un monstre in- forme, évidemment un démon qu'il va frap- per de son glaive. Sa taille est gigantesque et disproportionnée à celle des autres figu- res. Il ne tient pas à la main la balance, mais on en aperçoit un plateau à ses pieds : est-ce pour exprimer que le jugement est déjà rendu, qu'il ne reste qu'à l'exécuter en séparant les élus des damnés ? ce serait une

' idée peu heureuse et à peine orthodoxe. Nous pensons plutôt que l'artiste n'a obéi ici qu'au désir de grouper harmonieusement les éléments de son sujet. On remarquera aussi que, par une autre dérogation aux principes traditionnels des imagiers, dans ce jugement, il n'y a point de résurrection des morts.

N" 47. Au-dessus de S. Michel, un ange ailé, volant dans les airs, écarte égale- ment à coups d'épée la horde des démons.

N°48. Un petit ange ailé déploie dans les airs une banderole on lit : mors (la mort).

49. Un autre, semblable : sa ban- derole porte les mots in dictuni qui peuvent signifier « le jugement » ou « dans le lieu assigné » (il se trouve du côté de l'enfer). Il souffle dans une sorte de trombone.

Le Paradis. 50. L'entrée du Paradis : c'est une porte monumentale, une sorte de dais élégant aux meneaux flam- boyants: réduction de ces admirables « bal- daquins » dont le XV^ siècle nous a laissé un si bel exemple à Ste-Cécile d'Albi.

N" 5 r. Sous cette porte, un pape en grand costume, couronné d'une tiare énor- me, est accueilli par deux anges.

52. Un ange aux ailes démesurées, volant en l'air, apporte dans ses deux mains des objets peu distincts (couronnes ou branches de feuillage ?)

53. Quatre chevaliers, complète- ment adoubés, se tiennent debout côte à côte. Leur costume est fort intéressant. Le premier gauche) est coiffé d'un casque conique arrondi, à mentonnière ; son bou- clier, rond et pointu par le bas, est timbré d'une croix ; le second porte un écu carré concave marqué d'une croix pattée ; le bouclier du troisième, également or- né d'une croix, est carré plat ; enfin le

Catl)éDrale t)atnt'^tncent îie Berne»

209

dernier, coiffé d'un simple chapel de fer, montre sur son écu, non une étoile (comme le dit M. Muller, qui émet l'hypothèse que ce pourrait être celle des mages ?), mais une double croix disposée à peu près comme celle du drapeau d'Angleterre. M. Muller voit dans les trois premiers de ces chevaliers les représentants des trois Ordres monastiques du Temple, de St-Jean de Jérusalem et Teutonique.

N" 54. M. Muller signale ici cinq personnages, mais nous n'en voyons que quatre : le premier à droite est un empe- reur, car il a sur la tête une haute couronne fermée : il tient à la main un objet prisma- tique (vase, reliquaire ?) dont nous ne com- prenons point la nature. 11 porte une barbe chenue, comme d'ailleurs le personnage suivant, qu'à sa couronne ouverte on re- connaît pour un roi ; celui-ci tient dans sa main le globe terrestre surmonté de la croix (il semble bizarre que ce ne soit pas plutôt l'attribut de l'empereur). Les deux derniers personnages, vêtus du même costume, sont imberbes, coiffés de bonnets plats et couverts de tuniques à manches bouffantes ; le premier porte sur l'épaule une épée très courte dont la garde forme une croix. M. Muller pense que ce sont des dignitaires bienfaiteurs de la cathédrale, ou des feudataires du chapitre ; ce peuvent être tout simplement des hérauts formant la suite de l'empereur et du roi.

N" 55. Deux anges, debout à l'extré- mité droite, poussent devant eux, pour les faire entrer au ciel, cinq personnages : d'abord, le plus près des anges et se re- tournant vers eux, un évêque mitre ; puis un cardinal coiffé du chapeau plat à brides ; un archevêque, mitre en tête; puis encore, se tournant vers le précédent, un second cardinal vêtu et coiffe comme le premier.

les épaules couvertes d'une pèlerine ; enfin, un moine encapuchonné.

N" 56. Longue suite de quinze per- sonnages, caractérisant, comme les précé- dents, les élus ; nous les examinerons en commençant par la gauche :

Plusieurs hommes imberbes, vêtus de tuniques, lèvent la tète vers la Porte du ciel , les deux derniers tiennent sur l'épaule une arme recourbée ; l'un d'eux, coiffé d'un casque bizarre, se couvre d'un écu historié.

Une mère, debout, coiffée d'un voile, presse contre elle ses deux petits enfants qui lui serrent les mains avec confiance.

Derrière cette scène, un prêtre tient un calice ; un homme à longue barbe, chauve, porte de la main gauche les armoiries de Berne avec l'ours. A sa gauche est le bailli (Schultheiss) de Berne, que l'on reconnaît à sa chaîne d'or : cette figure admirable, aux cheveux frisés couronnant un visage glabre, au large front, au nez puissant légè- rement busqué, au menton volontaire, à la bouche fine ombragée d'une légère mous- tache, est évidemment le portrait d'un des baillis de Berne lors de la construction du portail : on pourrait sans doute, avec quelques recherches, découvrir son iden- tité.

Puis viennent plusieurs personnages im- berbes, vêtus de tuniques ou de robes courtes, tenant divers objets indistincts ; et enfin, fermant la marche, trois femmes.

Tous ces personnages sont debout.

57. Au-dessus d'un nuage parsemé d'étoiles, voici les Prophètes et Patriarches de l'Ancienne Loi, trônant dans le ciel. On ne voit que leur buste. Ce sont, en com- mençant par le bas :

D'abord un homme barbu, à l'air fa- rouche, coiffé d'un bonnet juif : on n'aper- çoit que sa tête, aussi ne peut-on l'identifier: est-ce Samson, Gédéon, Josué ? Moïse,

2IO

ÎRclJUc De rart fbvcttcn.

barbu, coiffé de la mitre à deux cornes des srrands-prêtres, et tenant les Tables de la Loi ; une femme voilée (Judith ?) ; un vieillard à longue barbe ondulée {Mathu salem ? Abraham ?)

Puis des saints du Nouveau Testament, tous imberbes : l'un tient une petite croix ; deux autres, des objets indistincts. Kn

tout onze figures, dont quatre ou cinq femmes.

L' Enfer. Tous les personnages de l'enfer sont nus, sauf les exceptions que nous signalerons au passage.

58. A une potence sont pendus par la langue, au moyen de chaînes, trois damnés ; leurs [jieds sont léchés par les

Fig. 4. Tympan de la porte de Saint Vincent de Berne.

rtammes ; ils se tordent de douleur. Ce châtiment semble être celui des réprouvés qui ont péché par la parole.

N" 59. Un chaos de damnés se dé- battant contre des démons à corps humains monstrueux et à têtes d'animaux informes rappelant vaguement les têtes de lions de l'art khmer. Dans un coin, trois damnés sont plongés jusqu'au cou dans une masse dont on ne peut reconnaître la nature, mais qui paraît être un bloc de glace, hypothèse

assurément bizarre, explicable toutefois à Berne, les artistes, en sculptant le portail, voyaient sans cesse à l'horizon les glaciers des Alpes : il semble, à en juger par leurs coiffures, que ce soit un empereur, un évêque et peut-être un cardinal.

60 Une cohue de damnés en- traînés vers l'enfer par des démons mons- trueux qui les tirent à l'aide d'une chaîne; plusieurs sont jetés à terre et rampent sur les genoux. Un groupe de trois femmes

Carl)cDralc ^ain^îliincent tje Berne.

21 I

nues, tourmentées par les diables, person- nifient peut-être la luxure ; plus loin, un démon assis semble tenailler tranquille- ment la chair d'un réprouvé. Toute la scène est environnée de flammes. Parmi les damnés, on voit des représentants de divers corps de métiers : charron portant une roue, tailleur de pierre tenant une hachette, men- diant perclus appuyé sur une béquille, etc.

6i. Une sorte de rocher entr'ou- vert, rempli et environné de flammes : c'est l'enfer. Un pape, à la tiare énorme, y est précipité, tête première, par de hideux démons (') ; un empereur, un cardinal, l'ont précédé dans le gouffre(-). Certaines parties du rocher sont contournées en forme de têtes grimaçantes.

62. Un autre tas de rochers, au milieu desquels paraît, entourée de flammes, l'énorme tête barbue d'un damné : les dimen- sions de cette tète, la place à part que sem- ble occuper le réprouvé auquel elle appar- tient, laissent supposer qu'il s'agit d'un ré- prouvé de marque, peut-être Judas ou Caïn.

1. Quelque singulière que soit cette représentation sur une porte d'église d'un pape jeté en enfer, elle n'est pas sans exemple : dès le .\III'' siècle nous trouvons ce sujet à la porte des libraires de la cathédrale de Rouen. On doit y voir généralement moins l'expression de l'esprit satirique de nos pères, que la traduction de cette idée que, même dans les plus hautes situations, l'homme est toujours sujet au péché et à la damnation. Cependant sur le bas-relief de Berne, sculpté quelques années à peine après le concile de Constance (1414-1418), on peut, en raison du rapprochement de temps et de lieu, se demander si exceptionnellement l'artiste n'a pas voulu faire une personnalité, et désigner sous la figure de ce pape damné, soit Jean X.\III, dégradé et emprisonné par le Concile, soit plutôt Benoît XIII que l'Allemagne n'avait jamais reconnu et qui, déposé aussi, bravait encore du fond de l'Espagne les décisions du monde chrétien.

2. Les tigures d'un pape, d'un empereur et d'un évéque placées en enfer, sont, dans ce Jugement dernier, de tra- dition dans l'art au moyen âge. L'idée exprimée par ce moyen est qu'aucun rang si élevé qu'il soit, dans la hié- rarchie de l'Eglise, comme dans celle de l'État, ne met à l'abri de la Justice de Dieu. Dans les Jugements derniers de Fra Angelico, ces figures du pape et des évéques, pa- raissent également, et l'artiste dominicain y joint des religieux dominicains, dans une intention facile à saisir.

N. D. L. R.

Sur ces rochers, remplissant une des niches de la voussure, est assis un horrible diable qui souft^e dans une corne tout en battant du tambour ; il est coiffé d'un casque ridicule surmonté d'un gigantesque plumet.

Partie purement décorative.

A. Lourde guirlande de feuilles, du type de la feuille de chardon, suivant la curieuse courbe en dos d'âne des deux baies: cette guirlande s'harmonise admirablement avec les autres ornements du portail.

B. Socles des statues des ébrasements: ce sont non des chapiteaux couronnant les colonnettes de support, mais simplement des épanouissements très ornés de ces colonnettes.

C. Niches vides.

D. Dais excessivement riches et fouil- lés, dont les arcatures à contre-courbes sont garnies de meneaux formant dentelle ; bien qu'ornés de pinacles aux angles, ils sont plats au sommet.

E. Socles d'une forme très bizarre, offrant le profil d'une carène de nef, à la sur- face ornée d'arabesques, et se prolongeant en nervures ajourées (beaucoup sont bri- sées) pour former dais au-dessus de la sta- tuette inférieure.

F. Au sommet de la voussure, le sculp- teur, au lieu d'accoler simplement les deux dais, en a combiné les éléments en un gra- cieux ensemble.

G. Arcades légères à contre-courbes formant dais.

H. Petite fenêtre ronde, sans orne- ment, faisant tache au milieu du tympan. Elle paraît avoir existé très anciennement, mais il est certain qu'à l'origine, l'architecte du XV^ siècle, si prodigue d'ornements aux autres parties du portail, a garnir cette rosace de meneaux flamboyants ca- pables d'en dissimuler l'effet désastreux.

212

WitWt îie V^xt t\)xttitn.

Aujourd'hui, c'est un œil-de-bœuf qui serait mieux à sa place dans une caserne ou dans une usine.

I. Bases des statues des apôtres ; elles sontformées alternativement par l'épanouis- sement, orné de nervures, des colonnettes, et par une sorte de chapiteau en forme de bourrelet rond très ouvragé.

J. Nervures unies de l'archivolte d'entrée du porche.

K. Inscription donnant la date de la construction de l'église (voir cette inscrip- tion en tête de l'article).

Porche.

LA voûte de ce porche, ornée de ner- vures saillantes supportant des clefs de voûte aux croisements, retombant sur des amortissements historiés, est fort remar- quable. Depuis 1574 elle est peinte en bleu et parsemée d'étoiles dorées. Les douze croisements des nervures sont ornés de la co- lombe du Saint-Esprit, des quatre animaux et des sept planètes, devant chacune des- quelles un ange porte avec respect un ou deux des instruments de la Passion. Les neuf amortissements sont consacrés aux neuf chœurs des anges, qui s'y trouvent représentés avec les inscriptions suivantes :

Les Séraphins, sous la forme d'enfants couronnés tenant des cierges. On lit : die seraphini brennen in der liebe Godles, c'est- à dire « les séraphins sont consumés de l'amour de Dieu. »

Les Puissances sont des anges recouverts d'une armure. L'inscription est illisible.

Les Dominations : anges en vêtements sacerdotaux. On lit : dotninationes hant

gwalt in kiininel zu regieren (les domina- tions ont pouvoir de gouverner dans le ciel.).

Les Vertus sont des anges tenant des livres. On lit : virtiites durck uns thnt gott sein, phrase au sens obscur qui doit signifier : « C'est par nous (anges nommés vertus) que Dieu fait exister les vertus (humaines) » ; sorte de jeu de mots sur la double significa- tion du mot « vertu » (')

Les Archanges tiennent des sceptres. Inscription -.erzengel verkiinden die grossen thaten godles (les archanges publient les grandes œuvres de Dieu).

Les Trônes sont des anges sans emblème spécial. On lit : tronii m uns kat godt seinen sitz (les Trônes : en nous Dieu fait sa demeure).

Les Chérubins, également sans attribut. On lit les mots : ckerubim sind vollkommcn in der zveisheit, c'est-à-dire : les Chérubins possèdent la plénitude de la sagesse.

Les Principautés : anges portant des croix. L'inscription est effacée.

Les .A.nges ont des styles et des sceaux cruciformes (signacula Dei). Engel sind boten godtes, dit l'inscription: les anges sont les messagers de Dieu.

De chaque côté de la porte, sur le retour du mur du porche, on distingue les restes d'anciennes fresques : celle de gauche, la plus remarquable, est divisée en deux parties : en bas est représentée l'Annonciation ; au- dessus une troupe d'anges.

G. Sanonek.

Paris.

I. La pluase allemande peut .Tussi eue complétée par le mol : M'ille. C'est par nous que Dieu accomplit sa volonté.

\^A A^VX^ K^^ \^A A^yhc A^VU \^yU A^VU \^»U A^^g^ A^^ A^'VlU A^V^ A^^ \^ ^^

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B,oc=HmaDour (')

E pèlerinage de Roc Amadour a joui d'une grande et bien ancienne célé- brité, non seulement en France, mais dans tous les pays catholiques. Dès le XI[e siècle, mais surtout au siècle suivant, ce sanctuaire attirait des fidèles de toutes les ré- gions et de toutes les classes de la société. L'ori- gine de ce pèlerinage semble, comme toutes les origines, assez obscure. On a voulu la faire re- monter aux premiers siècles de l'ère chrétienne, par une légende qui a obtenu beaucoup de crédit. Ce qui semble certain, c'est qu'en 1166, on dé- couvrit au seuil d'une chapelle un corps, dans lequel le peuple crut voir les restes d'un saint et que la rumeur publique désignait comme étant celui de saint Amadour. Des prodiges et des grâces obtenues par l'intercession de la Vierge Marie auprès des reliques du saint canonisé par la voix du peuple, vinrent confirmer bientôt les élans de la dévotion nouvelle. Dès la fin du XIP siècle, les miracles se multiplièrent et avec eux la célébrité du sanctuaire qui, élevé dans une contrée singulièrement pittoresque, sur les flancs d'un rocher abrupt, semblait de nature à frapper l'imagination. Aussi à la fin de ce siè- cle, la réputation de Roc- Amadour non seule- ment était populaire dans tout le Quercy, mais elle avait gagné les frontières de France et de s'était étendue aux pays voisins.

Avant cette époque, cependant, le village avait une certaine importance. II avait commencé à prendre de l'extension lorsque vers la fin du X*^ siècle, en 968, il avait été donné aux moines de Tulle qui y bâtirent un couvent autour duquel vinrent bientôt se grouper les habitations d'un peuple religieux et paisible, heureux de vivre près d'un sanctuaire vénéré et d'établir ses de- meures dans les anfractuosités d'un rocher près, que inaccessible.

I. Ernest Rupin. Roc-Amadour. Etude historique et archéolo- gique. Préface par M. le comte Robert de Lasleyrie, membre de l'Institut, 120 gravures dans le texte, 12 planches et i chromolitho- graphie hors texte. Paris, G. Baranger, 5, rue des Saints- Pères, 1904. Prix: 20 fr.

Malgré les fortunes diverses et des époques singulièrement agitées, les pèlerinages à Roc- Amadour n'ont cessé de conserver leur popula- rité jusqu'à nos jours. A ces pèlerins de la Foi sont venus se joindre ceux du plaisir et de la curiosité, je veux parler des touristes dont, d'année en année, on voit maintenant croître le nombre.

Indépendamment des masses populaires qui, au cours des siècles, sont venues à Roc-Ama- dour, conduites par les inspirations de la foi, de nombreux personnages historiques ont tenu à visiter ce sanctuaire privilégié, protégé par de redoutables défenses et qui cependant a connu toutes les misères et les horreurs de la guerre. Ce rocher a ses légendes, nous l'avons dit, et ses contes locaux ; il n'est pas étonnant qu'il ait trouvé un historien.

Nous devons nous applaudir qu'il se soit trouvé précisément dans un écrivain capable de s'épren- dre des beautés de son sujet comme artiste, de l'étudier en érudit et de nous donner le livre que je me fais l'agréable devoir de signaler aux lec- teurs de notre Revue.

M. Ernest Rupin, les lecteurs de notre Revue le savent, est non seulement un archéologue très au courant des antiquités de son pays, mais c'est surtout un artiste. Il devait donc être tout natu- rellement sollicité par une ancienne cité histo- rique, bâtie dans un coin merveilleusement pit- toresque du Quercy, et illuminée pour ainsi dire de l'auréole de son renom de sainteté et des mi- racles accomplis par l'intercession de la Vierge de Roc-Amadour. Cependant, j'ai hâte de dire que ce n'est pas en pèlerin, ni en artiste que l'auteur a compris son sujet, c'est avant tout en historien consciencieux et fidèle. Loin de cher- cher à en esquiver les difficultés et les côtés épi- neux, il les a abordés de front. L'un des côtés les plus délicats pour un écrivain catholique était la question des origines du pèlerinage séculaire et de la réalité du personnage qui a donné un nom si sonore à cette curieuse ville de Roc-Amadour.

M. Rupin consacre les premiers chapitres et non moins de 80 pages à l'étude de cette ques-

RBVUE DE l'art CHRÉTIEN. 1904. 3"'* LIVRAISON.

214

3Rel)ue îie r^rt c!)rétieu.

tion, et après avoir interrogé les documents les plus anciens et scruté toutes les sources, il n'a pu rien retrouver de ce saint Amadour, identifié

avec le Zachée de l'Évangile, qu'une pieuse légende racontait être venu mourir sur ce rocher du Quercy, après avoir épousé sainte Véronique,

Vue de Roc-Amadour (côté Nord-Est).

ou, selon d'autres, après avoir donné le jour à cette sainte si charitable à Jésus lors de sa marche au Calvaire.

Obligé par sa conscience d'historien à reléguer

dans le domaine de la pure légende des faits sur lesquels se sont basées des autorités respectables et même les mandements de quelques évêques, M. Rupin, avant de les consigner dans son livre,

S^tiamtô.

2r5

a voulu les soumettre à plusieurs savants de l'Ordre bénédictin. Il a reçu de l'un d'eux, ancien professeur d'histoire ecclésiastique des Pères de

Solesmes, réfugié aujourd'hui en Angleterre, la réponse que je tiens à transcrire.

« J'ai lu avec grand intérêt le manuscrit de

Vue iutéiieure, avaut les restauiatious, du palais des évèques de Tulle.

M. Ernest Rupin sur les Origines de Roc-Ama- dour. Il demeure très difficile de ne pas partager son avis. Sa démonstration est abondante, peut- être un peu touffue, mais l'exposé reste clair et

les preuves s'enchaînent naturellement. Il faut louer surtout le ton de la polémique de M. Rupin. Trop souvent les adversaires de l'école tradition- nelle ont triomphé malignement, durement, du

2l6

3Rebue tit r^^rt chrétien.

peu de solidité de l'argumentation des tenants j rières ne pourront se plaindre à leur contradic-

de cette dernière. 1 teur de son manque de courtoisie. M. Rupin dis-

» Mgr Enard [évêque de Cahors] et M. Bour- [ cute les traditions de Roc-Amadour en historien

Escalier conduisant aux chapelles.

et non en dénicheur de saints. L'autorité ecclé- siastique ne pourra que souscrire aux conclusions. Je ne vois pas cornaient on pourrait y répon- dre. »

Dans la charmante préface que le comte Ro- bert de Lasteyrie a écrite pour ce livre, il dit de son côté :

« C'est une œuvre de bonne foi, on s'en aperce-

£©élange0.

217

vra dès les premières pages; à quelque école his- torique que l'on appartienne, on ne pourra mé- connaître le soin scrupuleux que l'auteur a mis à n'avancer que des faits solidement établis, et on devra lui savoir gré des précautions qu'il a

prises pour se faire pardonner des pages où, en historien sincère, il a montrer l'inanité de pieuses légendes, auxquelles on sera surpris, après avoir lu sa réfutation, que tant d'hommes éclairés et sincères aient pu ajouter foi. »

Entrée de la porte du Fort à RocAmadour (état actuel).

On ne saurait mieux dire. M. Rupin, non seu- lement use de son droit, mais il accomplit un devoir, en appliquant à l'étude des poétiques lé- gendes qui ont cours depuis le XII*^ siècle, les régies sévères de la critique historique qui, dans ces derniers temps, a fait de grands progrès. C'est là, il faut en convenir, un rude critérium.

sous lequel on voit s'évanouir bien de pieuses illusions et de poétiques souvenirs.

Nous ne devons pas oublier que la connais- sance de l'histoire et l'étude des documents cer- tains, ne peuvent être le monopole exclusif de savants catholiques: on doit à ceux-ci beaucoup de gratitude lorsqu'ils sont les premiers à s'éta-

2l8

jl^rbur De r^rt fbvctieu.

blir dans un domaine dont ne manquera pas de s'emparer une controverse hostile. L'Église et la foi catholiques n'ont besoin que de lumière et de vérité. C'était aussi l'opinion du grand pape Léon XIII lorsqu'il ouvrit largement l'accès des archives du Vatican à tous les studieux, quelle que fût leur confession. La poésie des légendes populaires a pu inspirer les artistes et alimenter la dévotion des masses, mais si on continuait à les admettre comme témoignages de l'histoire,

Rue de la Couronnerie à Roc-Amadour.

elle deviendrait une arme dangereuse entre les mains de nos adversaires. Encore une fois, la religion et la véritable piété, n'ont rien à redou- ter de la lumière.

Dans les chapitres suivants, l'auteur continue à se tenir sur le terrain de l'histoire. Il s'est trop familiarisé avec les sources, il a réuni trop d'in- formations de tout genre pour ne pas prendre plaisir à les coordonner, à les utiliser et à les mettre en valeur. Cette petite agglomération d'églises, d'habitations et de défenses, perchées sur un roc.ofifre une histoire pleine de péripéties, les misères de la guerre et parfois le dénue-

ment le plus complet succèdent aux fêtes de l'Église et aux magnificences des pèlerinages tellement nombreux que les fidèles ne pouvaient trouver place dans le sanctuaire principal que successivement, par petits groupes et confor- mément à des dispositions particulières.

M. Rupin a étudié son sujet sous les différents points de vue auxquels celui-ci s'offre à lui : Origines, histoire aux différents siècles du moyen âge jusqu'à nos jours, et notamment à l'époque si désastreuse pour les sanctuaires de Roc- Amadour, des guerres de religion, pèlerinages, archéologie militaire, civile et religieuse. Cette variété d'aspects est précisément ce qui rend la lecture à la fois intéressante et instructive. L'un des chapitres qui m'ont paru le plus attachant est celui consacré à l'étude des pèlerinages. L'auteur nous initie à leur origine, à l'orga- nisation, aux développements et aux différentes conditions dans lesquelles s'effectuent ces pieux voyages. Le premier pèlerin de marque que nous voyons à Roc-Amadour est Henri II, roi d'Angleterre. Après avoir fait la conquête du Quercy en 1166, il voulut s'agenouiller auprès des reliques de l'anachorète que l'on venait de découvrir, et quatre ans plus tard, il renouvela cet acte de piété, en 1 170, cette fois suivi d'une armée prête à combattre. La même année, c'est le comte de Flandre, Philippe d'Alsace qui vient, avec une nombreuse et brillante suite de che- valiers, faire ses dévotions et rendre hommage à la Vierge dans son sanctuaire de Roc-Amadour. D'autres hauts personnages, dignitaires de l'Église ou nobles laïcs viennent gravir la mon- tagne sainte. C'est Arnauld Amalaric, abbé de Cîteaux, légat du pape; c'est le comte Simon de Montfort qui vient le rejoindre. Puis c'est saint Dominique , c'est Englebert , archevêque de Cologne, prince électeur de l'Empire, c'est enfin Louis IX, le saint roi de France, accompagné de ses trois frères et de la reine Blanche, sa mère, qui viennent à Roc-Amadour, en 1245, humblement prier dans l'église consacrée à la Vierge Marie, et lui rendre grâces pour la guérison d'une ma- ladie qui avait menacé les jours de la reine-mère. Il va de soi que ces pèlerins princiers ne ter- minaient pas leurs dévotions sans laisser au sanc-

£Pélange0,

219

tuaire des dons d'une grande richesse et qui ont formé un trésor souvent renouvelé.

Les richesses que possédait l'oratoire de la Vierge furent enlevées en 1183, par Henri au Court Mantel, et en 1235, par l'abbé Élie de Ven- tadour. A l'époque des guerres de religion, les protestants firent main basse sur les trésors de l'église et la tourmente révolutionnaire s'empara à son tour de tout ce qu'il y avait de précieux, de tout ce qui pouvait avoir une valeur matérielle quelconque. M. Rupin ajoute cette réflexion : «quelques reliquaires avaient cependant échappé à ces déplorables événements; ils formeraient encore un ensemble important si on n'en avait pas aliéné un grand nombre. Nous protesterons toujours contre ce genre de trafic. Il nous semble que lorsque des objets de cette valeur sont donnés à une église, c'est pour qu'ils y restent ; en les vendant, on ne respecte plus les intentions des donateurs et on n'encourage pas les donations futures » (i). Je me fais un véritable plaisir d'en- registrer cette protestation qui est en quelque sorte l'écho d'un article paru, il y a nombre d'années, dans cette Revue (2).

De nombreux pèlerins arrivaient à Roc- Amadour, non en accomplissement d'un vœu, mais en vertu d'une condamnation, qui très sou- vent n'émanait pas d'un tribunal ecclésiastique, mais bien de la justice civile. Les délits en- traînant l'obligation d'un pèlerinage à Roc-A- madour sont soigneusement spécifîés,notamment dans les coutumes de Flandre et de la princi- pauté de Liège, car les pèlerinages à ce sanc- tuaire étaient particulièrement populaires dans les Pays-Bas. L'auteur entre à cet égard dans des détails fort intéressants et qui témoignent d'une grande érudition. Il est évident que dans ces condamnations se manifeste le principe d'amé- liorer le coupable par la nature de la punition qui lui est infligée.

La plume de rauteur,dans son étude si achevée sur Roc-Amadour, est bien celle de l'historien. Son style, simple, clair, sans sécheresse, décrit avec beaucoup de netteté les faits qu'il raconte et les monuments qu'il veut nous faire connaître.

s'appuyant parfois de nombreuses citations de pièces d'archives, de notes empruntées aux auteurs anciens et enfin de pièces justificatives. Artiste, il ne se laisse pas aller aux tirades élo- quentes en présence des beautés des sites ou du prestige des monuments restés debout et qui

1. Pp. 302 et 303.

2. De la Venu des Objets d'Art appartenant aux églises, t. VI, année i88û, pp. 489 495.

Rue de la Mercerie à Roc-Amadour.

nous parlent du passé. Il demeure sobre tout en étant persuasif et attachant tout en restant vrai. Il abandonne aux nombreuses illustrations qui ornent son livre, le soin de suppléer à des des- criptions, qui souvent n'apprennent rien au lecteur chacun les interprétant à sa manière. Les vues photographiques et les gravures dans le texte sont d'une grande fidélité et ajoutent beau- coup au charme que le lecteur éprouve en étudiant cet intéressant volume. Les quelques

220

3Ret3ur ïie T^lrt cbrétien.

clichés que l'on a bien voulu nous confier per- mettront d'ailleurs aux lecteurs de la Revue, d'apprécier la valeur des illustrations ; je serais heureux si ces lignes rapides leur donnaient le pressentiment de la valeur du texte.

Jules Helbig.

Jïcs tiascs sactés Du T^rcsor Gliancatlo

^.x^w^^.^^ BLossi. --^^— ^-^-^-— ^

E lecteur se rappellera sans doute qu'en 1893, la Revue a donné plusieurs ar- ticles sur un ouvrage paru sous le titre de ; Tavole XXV reproducenti il sacro tesoro Rossi. 2^ edizione. Rom a, iSço.

Nous connaissions ce trésor, non de visu mais par cette publication, et comme il avait été exa- miné par les savants les plus autorisés de Rome sans en excepter le commandeur J.-B. de Rossi, le prof. Gori, le P. Louis Bruzza, barnabite et beaucoup d'autres savants qu'il avait fait l'objet d'une série d'articles dans la savante revue allemande bien connue sous le nom de Romische Quartalsckrift, et avait même été exposé à Rome, sans qu'aucun doute se fût élevé sur son authenticité, nous crûmes, de même que notre savant et regretté collaborateur Mgr Barbier de Montault qui en parla également dans notre Revue ('), que la valeur archéologique du trésor Giancarlo Rossi était absolument établie. Il n'en était pourtant pas ainsi. En 1895, le R. P. Grisar, que nos lecteurs connaissent par l'étude que ce savant a publiée sur Sainte-Marie in Cosmedin à Rome, dans la Revue de l' Art chrétien, fit paraître une brochure intitulée : Un prétendu trésor sacré des premiers siècles, où, niant d'une façcm absolue l'authenticité des pièces de ce trésor, il le regardait comme l'œuvre d'un faussaire moderne.

Une violente polémique, qui bientôt prit un caractère personnel, s'engagea à la suite de la publication de cette brochure. Le P. Grisar crut, avec raison, qu'il n'était pas de sa dignité de ré- pondre aux attaques personnelles dont il était l'objet à son tour, et insensiblement tout est rentré dans le silence.

I. Année 1893, pp. 156 et ss.

Mais voici qu'un savant italien adresse à la Romische Qnartalschrift une lettre dans laquelle il prend la défense du trésor ; il le fait par la citation de textes à peu près contemporains de l'époque à laquelle on a généralement voulu faire remonter le trésor en question.

Nous tenons à communiquer à nos lecteurs la traduction de cette lettre, non pour rouvrir une polémique dont l'intérêt semble épuisé, mais parce qu'elle contient des citations curieuses donnant des informations inattendues sur d'an- ciennes liturgies, qui sont de nature à justifier la forme de l'une des pièces les plus vivement attaquées dans l'opuscule du P. Grisar.

Encore une remarque sur le trésor Rossi.

Depuis la très forte critique publiée en 1 895 par le savant P. Grisar, sur le célèbre trésor du chev. Giancarlo Rossi, personne n'a plus osé vanter, ni même apprécier l'antiquité et la valeur des ustensiles sacrés composant cette collection. I^e R. P. Grisar en avait démontré la fausseté, et généralement on s'est incliné devant cette démon- stration. Malgré cet assentiment presque général, je crois devoir émettre encore des doutes sur le bien fondé de l'opinion du P. Grisar, étant convaincu que parmi les pièces falsifiées du trésor, il en existe d'autres d'une authenticité incontestable. Moi, qui, depuis 1893 ai démontré, dans plusieurs articles publiés dans la Scuola cat- tolica, que le trésor, loin d'être un travail du I^"^ siècle, comme on le prétendait alors, était l'œuvre du VIIL ou du commencement du IX" siècle, je n'ai pas voulu écrire un mot contre les conclu- sions du P. Grisar, parce que la polémique avait pris un caractère âpre et personnel,et que en réa- lité j'ai alors commencé moi-même à croire que plu.sieurs des pièces étaient fausses. Mais aujour- d'hui tout étant rentré dans le calme, je m'enhar- dis à soumettre aux archéologues une observa- tion simple et modeste, mais qui, selon moi, ne manque pas d'importance : je le fais dans l'es- poir que la question étant mieux étudiée, on pourra établir la vérité avec une entière certitude.

A la page 35 de l'édition italienne du travail du P. Grisar Di 7in pretcso tesoro cristiano, etc. Roma,Spithover, 1895, on lit : surtout, a-t-oii trouvé un vase en argent pour le vin eucharis-

£©élangc0.

221

tique (planche 24"), vase auquel l'audacieux inven- teur a donné la forme d'un agneau élevé sur un plat en argent, entouré de douze gobelets ? peut-on lire que le vin euchaiistique a été con- servé et distribué de cette manière, et particuliè- rement à l'époque dans laquelle l'artiste, grâce aux formes barbares adoptées par lui, s'est confi- né? Nous connaissons la colombe eucharistique en argent, remontant aux temps les plus anciens, dans laquelle on conservait seulement le pain consacré, et qui était suspendue dans les égli- ses. Nous savons aussi que chez les Longo- bards, les gobelets d'usages profanes prenaient souvent la forme d'animaux... Mais voilà /oui,ei cela ne peut servir à démontrer l'usage d'un agneau eucharistique. Ou voudrait-on admettre comme preuve, la figure de femme qui dans notre planche 1 1 i porte sur un plat ce même agneau que nous reproduisons ?. . . les douze gobe- lets qui entourent l'agneau ne sont pas détachés, comme on pourrait le croire, mais ils sont fixés sur le plat, circonstance bien étrange, et qui a obligé les amis du trésor, forcés cependant de trouver une explication, à émettre la conjecture, qu'ils étaient destinés seulement à recevoir d'au- tres récipients du vin consacré... La description de l'agneau dit assez aux connaisseurs que cela ne peut être œuvre d'antiquité chrétienne, ni création de l'art primitif du moyen âge mais bien comme tout le trésor, un produit du XIX« siècle; non un monument de l'antique Liturgie, mais celui de l'art raffiné d'un faussaire tout contem- porain.

A ces affirmations si explicites et si tranchan- tes du P. Grisar, j'ose opposer :

a) Aux VI Ifs et IX^ siècles, dans les liturgies solennelles, en usage comme vase eucharistique, pour les espèces du pain, il existait non seule- ment la colombe, mais précisément aussi l'a- gneau;

d) que les douze récipients, fixés au plateau et entourant l'agneau ne sont pas des gobelets, mais des lampadaires, ou des récipients pour l'huile ou les baumes à brûler ;

c) que le tort des amis du trésor consiste seu- lement dans l'explication erronée qu'ils ont don- née de l'agneau, croyant que c'était un vase destiné aux espèces du vin et non à celles du

pain, et donnant pour des gobelets, ce qui n'était que des godets de lampes ;

tl) que donc la prétendue falsification de l'a- gneau, devient pour le moins douteuse.

Et la preuve ?

La voici : Un an après la publication du P.Gri- sar, réminent P. Fidèle Savio imprimait un travail sur la légende des SS. Faustin et Gio- vito (Analecta Bolland., t. XV), précédé d'un examen critique de la légende suivi du texte amendé de celle-ci. Le P. Savio démontre que la légende remonte,en se montrant sévère, au milieu du LX« siècle, d'autres diraient à la fin du VI II''. Eh bien, dans cette légende, je lis le passage suivant :

« Et ecce angélus Domini apparuit, praesente populo, et quatuor pueri in albis, habentes in manibus suis altare aureiini ge:nniis ornatiim, in quo erat agnns.... Angélus dixit : Mitte mamim titam ad agmim et trade populo, in vero (Jovita) suscipe ex altari sanguinem Domini et trade populo... Beatus Faustinus misit manum suant ad agnum et coepit tradere populo » (p. lOi de l'Extrait des Analecta).

Ce passage peut encore laisser quelque doute. Mais en voici un autre, nous voyons claire- ment indiqué l'agneau, réserve du pain eucha- ristique, entouré de douze lampes (les douze prêt endus gobelets) et la croix sur la tête, cette croix, dans laquelle le P. Grisar (p. 37) a reconnu une autre marque de falsification.

« Cum cogitaret beatus Faustinus unde eos communicaret, et ecce ipse angélus cum quattuor pueris habentibus in manibus suis altare aureum gemmis ornatum, et super altare agnum nive can- didiorem (probablement en argent comme celui du trésor) et in circuitu eius lampades diiodecim (les douze gobelets prétendus) crux super capiit. ... Tum Faustinus et Jovita tradentes ab altari ; corpus et sanguinem Domini, etc. » (p. 102 de l'Extrait des Analecta').

Ce passage me semble décisif : il sert à expli- quer le précédent et à éclairer celui qui lui suc- cède :

« Cumque surrexissent ab oratione apparuit ante eos angélus stans ante fontem nivea veste indutus, coruscantibus oculis, tenens in manibus suis canistrum gemmeum et super canistrum agnus

222

3Rebur ïie V^xt cf)rctien.

niveus erat ; cuius similitudo narrari non potest, Octava autem die hora quarta coeperunt de agno tradere populo et ecce subito apparuit angélus Domini tenens calicem gemmis ornatiim et dédit eum Jovitae dicens : Accipe et trade populo credenti in Deum » (p. III de l'Extrait des Analecies.)

Dans ce passage nous avons Vagneau distinct du arlice : le premier sert à la custode des espè- ces du pain, le calice à celles du vin. IJAgniisesX. toujours placé sur l'autel, comme on le voit pi. II, fig. I, de l'opuscule du P. Grisar, ou bien porté par la main des Anges, ou des officiants, comme cela se voit pi. II, fig. 2. UAginis est entouré de 12 lampes faisant allusion aux douze apôtres, dont les bustes sont gravés au bord inférieur du plateau, sur lequel est posé \'Agnus du trésor Rossi, et celui-ci est orné de la croix sur la tête, pour mieux le caractériser. Il est inutile d'insister davantage.

Cette coïncidence si éloquente entre la des- cription de la scène eucharistique des actes des SS. Faustin et Giovito et le vase eucharistique du trésor Rossi, ne peut être l'effet du hasard, pas plus qu'elle ne saurait être le produit d'une mystification. Le faussaire audacieux, comme l'appelle le P. Grisar qui, de sa pure imagination, aurait créé un vase eucharistique semblable devait être un brillant esprit, un génie supérieur en culture artistique, en science archéologique et en liturgie, supérieur au Père Grisar lui-même. Celui-ci ignorait complètement l'usage d'un A- gneau eucharistique. Les Michetti, les Guarentini et d'autres plus obscurs encore, désignés comme les auteurs ou les inspirateurs de la colossale mystification, pouvaient-ils avoir cette science? Absolument non. (P. Grisar, Ancora del preteso tesoro cristiano. Rome, Spithover, 1896, p. 13.) En conclusion cependant, je suis d'avis que le P. Grisar a bien fait de mettre sur leurs gardes les savants, pour qu'ils ne se laissent pas tromper trop facilement par certaines pièces du trésor Rossi, d'une authenticité contestable, mais je crois à bon droit [louvoir m'opposer à son œuvre de démolition du dit trésor tout entier, dont je crois quelques pièces non seulement entière- ment authentiques, mais même d'une inestima- ble valeur. t^ r t^ , ir »»

Sac. Prof. Rodolfo Majocchi.

■Rotes à propos D'une fresque que l'on

croît représenter ^Teanne D'Brc, Dans

réglise De St=Bctrone à Bologine.

L y a quelques années, en délivrant du badigeonnage les fresques du XV'' siècle qui décoraient les piliers de la monumentale église de St-Pétrone à Bologne, on vit paraître sur le premier pilier à

Bologne. Église de St-Pétrone - Fresque du XV siècle.

gauche une intéressante image, dans laquelle on crut reconnaître un portrait de Jeanne d'Arc.

Dans une fausse niche de style gothique, sou- tenue par des colonnettes torses, et supportant quelques tourelles, est peinte une jeune fille vue

£@élange0.

223

de profil. Elle porte une robe grise à collerette rouge, elle tient dans la main gauche une bande- role ornée d'une croix, et sa chevelure blonde et riche tombe sur les épaules. Une courroie passée sur l'épaule droite soutient deux besaces.

La tête n'étant pas nimbée, on supposa que cette fresque ne représentât point l'image d'une sainte. L'hypothèse, qu'il s'agit au contraire d'un portrait de Jeanne d'Arc, fut suggérée par le sou- venir d'une vieille légende locale d'après laquelle les parents de cette héroïne appartenaient à une branche exilée en France de la noble famille bo- lonaise des Ghisilieri.

Le nom des Ghisilieri, dans l'histoire de Bo- logne, se rattache à toutes les luttes intestines, qui troublèrent cette ville au moyen âge. Ils sont surtout les ennemis de la famille Bentivoglio, qui eut au XV^ siècle la seigneurie de la ville. Lorsque, dans l'année 1445, Annibale I Bentivo- glio fut assassiné, un Ghisilieri (François) fut un des plus actifs meneurs de la conspiration qui amena ce meurtre. Bannis de Bologne, les Ghisi- lieri se dispersèrent, et se fixèrent en mainte ville italienne ; on trouve les traces de leur séjour à Rome, en Toscane, dans les Marches et en Pié- mont. De la branche piémontaise naquit Michel Ghisilieri, qui devint Pape sous le nom de Pie V; c'est la véritable illustration historique de la fa- mille. Mais l'émigration d'une branche des Ghi- silieri en France parait être encore plus ancienne; elle remonte à la première usurpation des Benti- voglio (1401).

Une chronique manuscrite qui raconte la vie de deux cent vingt- sept personnages de la fa- mille est aujourd'hui en possession Bologne) du comte Louis Rinaldi Ghisilieri (»). Elle nous apprend que, lorsque Jean I Bentivoglio, dans l'année 1401, se fit seigneur de Bologne, Ferrand Ghisilieri s'expatria avec sa femme Bartholomée Ludovisi, et qu'il eut en Lorraine une fille, celle qui devint ensuite l'illustre Jeanne d'Arc. Le chroniqueur appuie son dire sur deux épitaphes écrites en l'honneur de Jeanne. L'une, française,

I. Vife di duecentcrventisette uomitti insigni délia famiglia Ghisilieri famoU in santità, o in dottrina, o in armi cavale dalli piit accreditati storici : ms. anonyme in-folio en 326 pp. Le ma- nuscrit contient un arbre généalogique de la famille, et il est enrichi par plusieurs dessins et par des portraits ; parmi ces derniers celui de (eanne d'Arc, qui n'offre d'ailleurs aucune ressemblance avec l'image, représentée dans la fresque.

est attribuée à Claudine Brunaud ; l'autre est italienne et anonyme. Ce sont de bien pauvres compositions poétiques; elles mentionnent toutes les deux le noble sang des Ghisilieri qui coulait dans les veines de Jeanne, et elles donnent à son père le nom de Ferrand (').

La chronique Ghisilieri est, à notre connais- sance, le seul document qui affirme l'origine bo- lonaise de Jeanne d'Arc. Cette tradition fut ac- cueillie par Guillaume Marsano, qui la soutint dans un article de la Gazette universelle des théâtres, de la littérature, de la musique et des modes de Vienne (2) ; et par Caroline Bonafede qui, publiant les vies de quelques femmes illustres bolonaises, mit Jeanne dans leur nombre (3). Parmi les défenseurs de cette thèse, nous trou- vons aussi un nom moins obscur, celui de Jean- Baptiste Crollalanza, qui publia tout un livre sur la question (■*), en s'efforçant par des argu- ments tout- à-fait spécieux de donner du crédit et de la valeur historique à la tradition. Mais les données sur lesquelles cette tradition repose, ne peuvent soutenir un sérieux examen.

En effet, les sources qui servent de base à la démonstration de Crollalanza sont trop éloi- gnées du siècle de Jeanne d'Arc, pour offrir à elles seules une preuve suffisante. La chronique n'est pas antérieure au XVI 1 siècle ; l'épitaphe française est l'œuvre d'un poète qui vécut au XVII'': l'épitaphe italienne, dont l'origine et l'auteur nous sont inconnus, est d'une authenti- cité bien douteuse, et il nous serait même permis de supposer qu'elle ait été forgée par l'auteur de la chronique.

Ce même auteur allègue un arbre généalogique des Ghisilieri ; mais cette preuve également est bien loin d'être concluante, puisque l'arbre cité ne coïncide pas, pour ce qui regarde Ferrand, avec les généalogies connues de la famille.

D'ailleurs les historiens et les chroniqueurs bolonais plus anciens gardent tous le silence le

1. Ces deux épitaphes sont transcrites par Crollalanza dans son livre sur Jeanne d'Arc, qui est cité ci-dessous.

2. 9 et 10 décembre 1835.

3. Carolina Bonafede. Cenni biografici e ritratti d' imigni Donne bolognesi raccolti dagli storici pi il accreditati. Bologna. tip. Sassi. 1845, pp. 183.

4. G. B. Crollalanza. Origine e gesta di Giovanna Darco (sic) I™ édition. Narni, tip. del Gattamelata, 1859. 2m= édition, ibidem, 1862.

224

jIRebue tie T^rt ct)rétien.

plus absolu sur l'origine bolonaise de Jeanne d'Arc. Il ne faut pas oublier à ce propos que Sabadino degli Arienti, écrivain qui vécut à la cour des Bentivoglio, dans son livre « Gyneveia de le clare donne ;», dédia une de ses biographies de femmes illustres à Jeanne d'Arc, à « Janna polcella gaya de Fratiza ».

Sabadino, qui fut renseigné, sur la vie de Jeanne, par un chroniqueur bolonais revenant de la France Fileno délie Tuate raconte les origines de Jeanne suivant la version bien con- nue : <( Qiiesia Janna polcella gaya nacqiie in Franza nel paese de Barois, la qiiale da la elate de octo anni fino a li sedexe fii gnardatrice de pécore et sempre se exercito corere in qiiella parte, et in questa altra insieme cuvi altre fanciule gnarda- trice de pécore, etcuin unagrossa verga corne asta, la quale sotto il brazo se poneva stringendola corne li cavalieri d'arme le lanze ; et colpiva ne li piedi de li arbori et talvolta inontava a cavalo de qualche cavalla de altri pastori correndo similmente, che chi la vedea cnin piacere se ne maravigliava, pei modo divenne fiera e gagliarda ('). »

Pas un mot sur les parents de Jeanne, et sur leur origine étrangère. D'ailleurs ce n'est guère probable que Sabadino, ami et courtisan des Bentivoglio, eût compris entre ses <iclare donner une femme, qu'il crut issue de la famille Ghisi- lieri, ennemie constante de ses maîtres.

Le témoignage négatif de Sabadino est une preuve presque décisive contre la vraisemblance de la légende (2).

En résumant, il n'est pas trop malaisé de soup- çonner qu'il s'agisse d'une audacieuse tentative d'enrichir l'histoire des gloires de la famille ; tentative appuyée sur le fait des longs exils, que la famille même eut à supporter. Le chroniqueur, intéressé peut-être, ou tout simplement adroit courtisan, accepta les preuves qui lui étaient offertes, preuves trop modernes et suspectes, et il bâtit, à leur aide, son romanesque récit.

Si la tradition de l'origine bolonaise de Jeanne

1. Gynevera de le clare donne di Joanne Sabadino de li Arienti, a cura di Corrado Ricci e A. liacchi deila Lega. Bologna, 1888, pp. 100-103.

2. Marsano ne cite pas seulemenl le chroniqueur et les docu- ments allégués par ce dernier ; il affirme aussi que deux historiens donnent à Jeanne le nom de Cihisilieri. Mais il ne nous dit pas qui sont ces historiens ; et son affirmation aussi dénuée de pieuvcs, ne mérite pas de nous arrêter.

d'Arc repose sur des bases si faibles, l'hypothèse que l'image de St- Pétrone soit le portrait de l'héroïne vient à perdre sa principale raison d'ê- tre. Mais, laissant de côté la tradition, nous allons examiner si l'image elle-même nous offre des éléments qui permettent de supposer que le pein- tre ait eu en effet l'intention de représenter Jeanne d'Arc.

Quelle est la pose de la soi-disante Jeanne ? Elle soutient avec la gauche la bannière, tandis qu'avec la droite elle esquisse un mouvement qui rappelle celui d'une personne en train de discuter. L'index et le troisième doigt réunis forment un arc avec le pouce; les autres doigts ne se voient point. Ce geste n'a pas encore le charme de celui que Masolino a donné à Ste Catherine dans sa dispute avec les philosophes païens ; mais, bien que moins clairement, il exprime la même idée: ce qui ne conviendrait point à Jeanne d'Arc.

Un fait aussi qu'on ne doit pas négliger, est que la fresque qui nous occupe se trouve préci- sément dans cette partie de l'église qui était déjà construite dans les premières années du XV'î siècle. On sait en effet que dès 1401 les quatre premières chapelles de droite et de gauche, et la partie de la nef qu'elles renferment étaient ache- vées ; de sorte que dans la même année, on pou- vait célébrer les divins offices dans la chapelle Bolognini (la quatrième à gauche) (').

A la même époque cette partie de l'église était aussi décorée de peintures murales. Vasari, Mal- vasia, Cavalcaselle mentionnent celle que peignit un vieux maître de Bologne, Lippo di Dalmasio, dans l'année 1407, et qui représentait la Vierge avec l'enfant Jésus et une gloire d'anges. Cette fresque a été transportée sur toile, et même elle a beaucoup souffert dans ce passage.

Une autre fresque, l'image colossale de S. Christophe, restée heureusement à sa place pri- mitive entre la troisième et la quatrième chapelle de gauche, a tous les traits distinctifs du style de Jacopo di Paolo, peintre bolonais qui travailla surtout dans les dernières années du XI V"^ siècle, et qu'on ne trouve plus mentionné après 1402.

On peut donc avec assez de raison supposer

I. Ricci, Guida di Bologna, Bologna, 1900, p. 15. Gatti, La fabbrica di S. Peironio. Bologna, i88g, p. 12.

£©élange0.

225

que notre fresque, située si près des deux autres, est aussi une œuvre des premières années du XV* siècle (ce qui met Jeanne d'Arc hors de cause); et l'examen de son style ne peut que nous confirmer dans cette opinion.

La fresque est très endommagée, mais pas de telle sorte qu'elle ne puisse être étudiée, d'autant plus qu'elle n'a pas été gâtée par des retouches. La soi-disante Jeanne a une silhouette assez svelte et bien prise, mais sa physionomie est dure et suffisamment revêche. Les yeux sont petits et fixes, les lèvres et le menton trop proéminents et accentués ; les muscles sont saillants, le front est large et osseux. L'impression dure de ce visage sans charme est rehaussée par les ombres ter- reuses et sombres.

Les fresques bien connues, peintes par un maître qui n'a pas encore été déterminé avec certitude dans la chapelle Bolognini Amorini, offrent beaucoup de rapports avec notre image, soit pour le dessin soit pour la couleur. Le mo- delé des visages surtout présente des analogies si frappantes dans les deux œuvres, qu'il est per- mis de les attribuer à la même main. On ne pour- rait du moins ne pas admettre qu'il s'agit de deux maîtres bien rapprochés pour le style et pour l'époque.

Or les documents nous attestent que les fres- ques de la chapelle Bolognini Amorini furent exécutées sur la commande que Barthélémy Bo- lognini exprima dans son testament en l'année 1408. Nous ne connaissons pas avec certitude, je le répète, le nom de leur auteur ; mais ce fut, selon toute apparence, ce même Jean de Modène qui, au cours de l'année 1420, travaillait aux fresques toujours existantes, bien que défigurées par des retouches maladroites, dans la chapelle

de St-Abonde, la première du côté gauche de St-Pétrone (O-

On peut attribuer à cette même période, 1408- 1420, la fresque qui nous occupe et qui est cer- tainement, en tout cas, une œuvre antérieure à la mort de Jeanne d'Arc. Si même on admettait que l'image eût été peinte après 143 1 (ce qui ne paraît pas vraisemblable) on se heurterait tou- jours à une difficulté assez considérable. Est-ce possible qu'on choisit afin de décorer une église les traits d'une femme morte sur le bûcher, par la sentence d'un tribunal ecclésiastique qui la déclarait hérétique ?

Une telle idée ne pouvait naître qu'après sa réhabilitation ; mais une date postérieure à l'an- née 1456 serait absolument incompatible avec le style de la fresque. Il faut donc conclure que celle-ci ne peut pas être le portrait de Jeanne d'Arc (2).

L'image perd ainsi tout son attrait légendaire et tout son intérêt historique : elle est très inté- ressante toutefois, parce que c'est, très probable- ment, une nouvelle œuvre que nous apprenons à connaître du maître de la chapelle Bolognini, c'est-à-dire du plus marquant des artistes de la première moitié du XV<" siècle à Bologne.

Henri Brunelli.

1. Bianconi, Guida di Bologna. Bologna, 1835, p. 112. Ricci, ouvr. déjàcité, pp. 16-18.

2. Est-ce même l'image d'une femme ? J'ai suivi l'opinion géné- ralement reçue, en disant qu'il s'agit d'un portrait de jeune fille ; mais, quoique j'incline à penser de même, je ne peux taire que le sexe de cette image parait douteu.x. Les longs cheveux blonds qui l'ornent peuvent aussi bien convenir à l'image d'un adolescent. Dans l'œuvre célèbre de Carpaccio et dans bien d'autres tableaux, qui représentent .S. Georges terrassant le dragon, le saint a une figure dont le charme juvénile est rehaussé par ses longs cheveux bouclés.

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Corrtsponliance. ^^mwm^mwm

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Bcjiate : Un tableau Bf fflatco B'Ooaione. 'B\:^t : XccB frcsqucfi Dii Campo Hatito. Canif rlno : Xtc choeur te l'éoliac tics ClatisBCB. Blorcnrc : It'aBotation urs ffiagco par O.entilc Ba Habriano; une fflaBone Bc B. Capo= | rali; une sousctiption exemplaire; lea atcbiuea photoara- phiques ; Bécouoertc De BCBBine Bf ffîitbeUHnçe.

Besate (Lombardie) Un tableau de Marco d'Oggione.

L'église San Michèle Arcangelo possède un tableau portant l'inscription :

Hoc opus fecit fieri Comniunitas Besati.

Comme il arrive trop souvent, la peinture avait été laissée à l'abandon et peu à peu avait subi l'influence de la poussière et de la fumée des cierges et de l'encens.

Un amateur intelligent, M. Pisani appela l'at- tention sur cet ouvrage ; il. fut alors envoyé à Milan et soumis à l'examen de l'éminent direc- teur de la Galerie Brera, M. Corrado Ricci et de M. le professeur Careiiagli.

La peinture fut décrassée et reconnue comme étant de Marco d'Oggione, en 1470 et mort, croiton, en 1550.

C'était un fervent admirateur de Léonard de Vinci dont il s'inspira souvent ; il copia deux fois la célèbre Cène de Léonard, à l'église de Santa Maria délie Grazie, alors que déjà la pein- ture était menacée de ruine. La copie d'Oggione a servi à une gravure de Frey et de Morghen.

Le tableau de Besate (i mètre "jQ de haut, sur I m. 48 de large) représente la Madone assise sur un trône avec l'Enfant Jésus, adorée par des saints en robes monacales ; la peinture est d'un ton un peu gris et diaphane, mais d'une grande délicatesse.

Les fresques du Cauipo Santa de Pise.

Ce n'est pas d'aujourd'hui que la préservation des fresques peintes sur la muraille exposée à l'air de la mer, est d'actualité.

Bien des tentatives infructueuses ont été faites ; récemment on h parlé d'un essai sur des parties secondaires des peintures de Benozzo Gozzoli, très affaiblies de coloration et l'essai, a-t-on dit, n'aurait pas bien réussi.

Le système consiste à enlever la fresque et à la placer sur un réseau de fils métalliques, puis à la remettre en place, en ayant soin de laisser entre elle et le mur un espace vide suffisant pour la circulation de l'air.

A la lecture de ces relations, on pourrait croire que la méthode est appliquée pour la pre- mière fois.

Il n'en est rien.

Il y a une dizaine d'années environ, M. Fiscali a proposé ce système à la Commission compétente.

Il a été autorisé de l'expérimenter, après des épreuves préliminaires.

Le très habile praticien a levé ainsi et remis en place vingt-quatre mètres carrés des fresques d'Antonio Veneziano (1319-13S3) représentant la mort de saint Ranieri, l'un des patrons de Pise.

La tentative a si bien réussi que pas un seul critique d'art ne s'en est aperçu et n'a signalé l'opération.

Du reste, pour toutes ces questions de fresques: technique, restaurations, etc., il ne suffit pas d'être écrivain, peint re, ou architecte, il faut absolument suivre de très près les travaux et souvent.

Nous en avons une nouvelle preuve à propos des fresques de Gozzoli au Campo Santo.

L'essai fait par M. P^iscali a échoué, dit-on.

Eh bien, non ; il a réussi autant que cela a été possible et pour l'affirmer, je m'appuie sur l'au- torité d'un membre de la Commission nommée par le ministre.

Il ne pouvait entrer dans le programme de remettre les fresques dans leur état primitif; elles resteront donc affaiblies dans leurs colora- tions ; il fallait simplement chercher le moyen d'empêcher les dégradations de s'étendre. Par l'exemple des peintures d'Antonit) Veneziano, la Commission a estimé que les procédés de M. Fiscali arriveraient à ce résultat.

Je puis donner une nouvelle preuve de la con- fiance qu'inspire M. Fiscali : par décision minis- térielle il vient d'être chargé d'appliquer son procédé aux fresques dePaloUccello (1397- i475J du cloître vert de la basilique de Smta Maria Novella à Florence.

Correspondance.

227

J'ai vu les premiers résultats ; ils sont excellents.

Je reviendrai sur cette très importante entre- prise.

Camerino ( ancien État de l'Eglise).

La toiture du chœur de l'église des Clarisses s'est écroulée et dans sa chute a brisé les stalles et les boiseries. Ces ouvrages, peu connus, mais fort remarquables, paraît-il, sont de l'an 1489, ainsi que l'indique une inscription : Opus Donii- nici Severinatis 14SÇ.

On pense que l'auteur est le célèbre Indivio de San Severino qui a sculpté les boiseries de l'église de San Severino et celles du chœur de l'église supérieure d'Assise.

Les débris ont été soigneusement recueillis et on espère pouvoir reconstituer l'ensemble.

Il sera placé au Musée civique de Camerino, organisé en 1903 dans l'ancienne église de la Santissima Annunziata, décorée d'une fresque de Pinturicchio.

La predelle de l'Adoration des Mages par Gen- tile da Fabriano.

Ce magnifique ouvrage signé OPUS GEN- TILIS FABRIANO 1423 MENSIS MAII, fait partie de la Galerie de l'Académie de Flo- rence ; il était jadis dans la sacristie de l'église de la Trinité.

Il est évident que tous ceux qui l'ont admiré, ont remarqué l'absence de l'une des trois histoires peintes sur la predelle ; V Adoration des Bergers et la Fuite en Egypte sont là, mais le troisième compartiment était vide ; la peinture est au Musée du Louvre et parait avoir été prise à la fin du XVI 11^ siècle ou dans les premières années du XIX^

Elle représente la Présentation au Temple.

On regrettait cette lacune trop prolongée. Un artiste italien, M. Diomède délia Bruna, vient de la combler ; il a copié fidèlement au Louvre la Présentation et en a généreusement fait don à la Galerie.

Une Madone de B. Caporali.

M. Corrado Ricci, le très distingué directeur de la Galerie de Brera à Milan a été nommé Directeur des Musées royau.v de Florence en remplacement de l'éminent M. Ridolfi, admis à la retraite sur sa demande après quarante-cinq ans d'excellents services.

On ne pourrait faire un meilleur choix.

M. Corrado Ricci a inauguré ses fonctions par l'acquisition d'une Madone par Bartolomeo Ca- porali.

Nous reproduisons en petit cette délicieuse peinture.

On ne connaît pas exactement l'année de la naissance de Caporali ; il a été inscrit sur la ma- tricule des peintres de Pérouse en 1422 et tra- vaillait encore 1487.

Il ne faut pas le confondre avec son fils Capo- rali (Jean-Baptiste) dit Betti, peintre et architecte et avec son petit-fils, Jules, également peintre et architecte.

Les peintures de Bartholomeo Caporali sont d'une extrême rareté dans les musées.

Je crois que la pinacothèque Vanniicci de Pérouse, seule, possède une œuvre authentique de lui, c'est une sainte Marie Madeleine.

Le même musée conserve aussi une fresque à.tis.c'Ciéa, Jésus-Christ et la Vierge en gloire, avec la date MCCCCLXIX, mais elle est seulement attribuée à Caporali.

Caporali a collaboré fréquemment avec Bene- detto Bonfigli (1420 ?-i496 ?).

La pinacothèque de Pérouse conserve de cette collaboration plusieurs tableaux : La Vierge annoncée, petit ouvrage très abîmé ; l'Ange Ga- briel annonçant, petit tableau détaché d'une cuspide ; les saints Paul et Pierre ; la Madone avec r Enfant et des Anges ; saint Pierre et sainte Catherine, ces trois dernières peintures sont d'ex- cellents ouvrages.

Une souscription exemplaire.

La Commission nommée en 1S55 pour la nou- velle façadedu Dôme de Sainte-Marie de laFleur de Florence vient d'approuver les comptes des recettes et des dépenses ; dans ces comptes sont comprises également les trois portes de bronze non prévues dans le principe.

Les recettes, souscriptions, legs, concessions ont été de 1,798, 312 lires :

Tous frais payés, il reste un reliquat de 205,158 lires.

Le résultat est magnifique et bien peu d'entre- prises en ont obtenu de semblables.

C'est que la façade résulte d'un mouvement unanime de patriotisme et de piété.

Parmi lessouscripteurs on peut citer l'ex-grand-

duc de Toscane, le Pape Pie IX, le roi Victor- Emmanuel II.

Les sculpteurs chargés de l'exécution des nom- breuses figures de la façade ont tenu à travailler sans rétributions et n'ont accepté que le rem- boursement des marbres et de la pratique.

En 1903 mourut à Florence, à l'âge de quatre- vingt-treize ans, un notable Anglais, M. Temple- Leader, ancien membre de la Chambre des Com- munes.

Depuis de longues années il était établi à Florence, s'occupant d'archéologie et d'art. Sa fortune lui avait permis la fantaisie de tenter le rétablissement du château de Vincigliata, situé sur une colline près. de Fiesole, dont il ne restait que quelques ruines du XIV'' siècle ; il y réussit dans une certaine mesure.

Après sa mort on trouva dans son testament un legs de 180,000 lires, destiné aux nouvelles portes de bronze du Dôme de Florence. Il était spécifié qu'au cas les portes seraient achevées à l'époque desa mort ce qui s'est en effet réalisé la somme servirait à l'achèvement de la gale- rie qui contourne à l'extérieur la base de la cou- pole de Brunellesco.

C'était bien pensé, car depuis plus de cinq siè- cles on regrettait l'état inachevé de la galerie.

Brunellesco avait bien laissé un projet, mais le dessin a été perdu ; l'opéra du Dôme adopta en principe des projets de Simone Pollaiulo, Giu- liano da Sangallo, Baccio d'Agnolo, Antonio Manelli.

Enfin en 15 15, on découvrit une partie de la galerie ; elle consistait en petites arcades qui n'eurent pas l'approbation des Florentins ; Mi- chel-Ange,très poité à la critique, donnaledernier coup à la galerie, en l'appelant une cage à grillons.

Depuis lors, les choses sont restées en l'état.

Le legs de Temple-Leaders, compris dans le reliquat de 205, 158 lires, permettra d'achever la galerie.

Ce n'est pas la première fois que la générosité des Anglais se manifeste à Florence.

Plusieurs anciennes fresques badigeonnées ont été rendues à la lumière à leurs frais, mais c'est Sloane qui a donné le plus généreux exemple. Il a mis 500,000 lires à la disposition de l'architecte

de la basilique de Santa Croce pour l'édification de la façade, qui fut terminée en 1863 d'après un croquis attribué à Simone del Pollaiulo del Cronaca (1457-1508).

Sloane, et cela n'enlève absolument rien à son mérite, s'était peut-être rappelé que le fabricant des produits tincturiaux, Giovanni Rucellai, sur- nommé Oriccellai, avait, en 1448, fait édifier à ses frais, par son ami l'architecte Alberti, la façade de la basilique de Santa Maria Novella.

Les archives photographiques.

M. Corrado Bicci a créé à la Galerie de Flo- rence une section : les archives photographiques.

Il a fait appel aux artistes, amateurs, photo- graphes de profession de tous pays.

Ces photographies seront classées méthodi- quement et mises à la disposition du public.

C'est une excellente idée. Le succès a ré- pondu à l'appel ; en moins de deux mois, 10,000 documents ont été déjà reçus.

Découverte de dessins de Michel- Ange.

L'année dernière, M. Ferri, conservateur de la Galerie des offices de Florence, de la très impor- tante section des dessins qui sont au nombre de plus de 40,000, a découvert avec le concours de M. E. Jacobsen, une suite inconnue de dessins de Michel-Ange.

Poursuivant leurs recherches les deux érudits viennent de trouver une autre suite du grand artiste. Les dessins se rapportent aux études pour la voûte de la chapelle Sixtine, au monu- ment du pape Jules II et à la restauration de plusieurs antiques du Vatican, dont Michel- Ange s'était chargé. Gerspach.

Au Congrès d'archéologie tenu à Namur en 1886, M. Van Bastelaer et M. le comte Vander Straten-Ponthoz ont posé la question de savoir s'il faut prendre les mots droite et gauche dans leur sens objectif ou dans leur sens subjectif lorsqu'on s'en sert dans la description d'objets appartenant à l'héraldique, à la numismatique, ou à des monuments ou œuvres d'art.

M. le comte Vander Straten-Ponthoz nous fait observer que, depuis lors, la solution dans le sens objectif a été admise pour ces termes.

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rn^mB) Tvabaujc bejS JSociétés sabantes. i^m

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Société des Antiquaires de France. Séance du j février iço^. M. Toutain est élu membre résidant, en remplacement de M. Ui. Robert.

MM. Fourcher, A. Vidier et L. Galle sont élus associés correspondants nationaux. M. F. Cu- mont est élu associé correspondant étranger à Bruxelles.

Séance du lo février. M. le baron de Baye communique, de la part de M. Lex, le calque d'un carreau de pavage.

M. de Villefosse lit une note de M. J. Déche- lette sur un petit vase à infuser faisant partie de la collection de M. Bertrand, conservateur du musée de Moulins.

M. de Mély communique un dessin du VI 11^ siècle tiré du Sacramentaire de Gellone et repré- sentant un chevalier armé de toutes pièces.

Séance du ij février. M. Dimer fait une communication sur les tableaux qui décoraient jadis la petite galerie du Louvre.

M. Lafaye rend compte au nom de M. Franki- Maulin d'une découverte d'antiquités gallo-ro- maines faite à Vers, près de Sederon, Drôme.

M. Cagnat propose une lecture pour une ins- cription cursive qui orne un plat communiqué par M. le baron de Baye.

Il donne ensuite lecture d'un mémoire de M. Gauckler sur le mosaïste dans l'antiquité.

Lecture est donnée d'une note de M. Jadart, sur une plaque en terre cuite du musée de Reims portant le sceau de Jean Godart.

M. de Villefosse rend compte des plus récentes découvertes du R. P. Delattre.

Séance du 2jf. février. M. Dumuys fait hom- mage des photographies agrandies représen- tant des ivoires du musée historique d'Orléans. Il communique la reproduction de deux ensei- gnes de pèlerinage appartenant au même musée. Il fait passer sous les yeux delà Société le sceau du comte d'Alençon tué à Crécy. Ce sceau a été trouvé à Orléans dans la rue des Gourdes, lors des travaux exécutés pour poser le câble élec- trique. Il fait partie de la collection de M. Du- muys.

M. de Villefosse communique un travail de M. R. de Kerviler sur les mesures de longueur et les nombres 7 et 3 chez les constructeurs de monuments mégalitiques en Armorique.

M. Henri Martin présente un manuscrit du commencement du XV'= siècle qui porte des

notes marginales pour guider le travail de l'illus- tration.

M. Durrieu fait part d'une découverte de M. Lucien Magne qui a reconnu dans une des mi- niatures des Heures du duc de Berry, conservées à Chantilly, une reproduction du château de Saumur.

M. Cheron fait au nom de M. Mallard une communication sur les fouilles que celui-ci est en train d'exécuter dans le théâtre de Prévaut près de St-Amand.

Séance du 2 mars. MM. Ch. Vignot, Char- les Magne et l'intendant-général Courbot sont élus associés correspondants nationaux.

M. Adrien Blanchet communique un plomb antique au type de Mercure sur lequel on lit un nom qui semble se rapprocher de celui d'Anse. (Rhône).

M. Jules Maurice communique les parties essentielles d'un mémoire relatif aux ateliers mo- nétaires des Gaules vers l'époque de Constantin et à leur fonctionnement.

Séance du ç mars. M. Omont entretient la Société d'un très ancien exemple d'illustration fourni par le ms. latin 4884 de la Bibliothèque nationale.

M. Gauckler adresse une note au sujet d'une inscription trouvée à El Djem Thysdins, par MM. Gilbert et Tunlay.

M. Cagnat parle d'une enceinte funéraire chré- tienne fouillée par M. Bertrand, conservateur du Musée de Philippeville à Ceni Melek sur la route de Stord.

M. Henri Martin communique un livre d'Heu- res conservé à la bibliothèque de l'Arsenal et qui paraît avoir appartenu au duc Jean de Berry.

Académie des Inscriptions et Belles- Lettres. Séance du janvier iço^. M. P. De Meyer énumère les pertes de la bibliothèque nationale de Turin au cours de l'incendie que nous avons relaté ('). Il annonce que la plupart des manuscrits grecs et beaucoup de manuscrits latins (plusieurs milliers) sont devenus la proie des flammes ou ont été détruits par l'eau. Il termine en proposant à l'Académie de mettre une collection aussi complète que possible de ses publications à la disposition du conservateur de la bibliothèque de Turin.

I. V. Revue de l'Art ehrétteti, 1904, p. 178.

KEVIJH Di-: I. AHT CHKKTtK.V. 1904. 3""^ LIVRAISON.

230

3Rebue ïie V^xt cbrctinu

M. S. Reinach remarque combien il devient facile de limiter pareil désastre en photo- graphiant les manuscrits précieux. Sur la propo- sition de M. Uieulafoy, l'Académie décide qu'elle prendra auprès du Ministre de l'instruction pu- blique l'initiative d'une proposition dans ce sens.

Séauce du 5 février. Il est donné lecture d'un projet de loi, tendant à faire photographier les monuments les plus précieux conservés dans les musées selon le vœu émis par l'Académie.

Séance du 12 février. L'Académie procède à la proposition de candidats à la direction de l'école française d'Athènes.

M. S. Reinach montre et commente vingt-deux photographies d'après les miniatures qui ornent un magnifique manuscrit de Froissart, écrit pour le Grand Bâtard de Bourgogne en 1469 et doimé, au XVI'= siècle, à la Bibliothèque de Breslau.

Quelques-unes d'entre elles représentent des scènes historiques figurent des vues de Paris, de Bruges, de Dunkerque, de Bordeaux et de Londres.

La vue de Paris avec le Châtelet et la Bastille est particulièrement intéressante.

M. Reinach estime que les meilleures minia- tures de ce manuscrit peuvent être d'un artiste français établi à Bruges auquel M. P. Durrieu a attribué les belles grisailles des Miracles de la Vierge (actuellement à la Bibliothèque Nationale) et plusieurs miniatures d'un manuscrit de la col- lection Dutuit au Petit Palais.

M. S. Reinach annonce qu'Edhem Bey, pour- suivant, au nom du musée de Constantinople, les fouilles de Tralles (Asie-Mineure), a déblayé une partie du gymnase de cette ville et y a décou- vert, avec une série d'inscriptions relatives aux vainqueurs des jeux, un très intéressant bas-relief en marbre dont le motif est absolume''nt nouveau.

C'est le premier exemple d'un bas-relief pitto- resque dont la provenance asiatique soit certaine.

Séance du février. M. Hcuzey continue à exposer quelques-uns des principaux résultats obtenus, dans les fouilles de Tello, par le capi- taine Gros, le nouveau chef de la mission fran- çaise de Chaldée. Parmi ces découvertes, il convient de signaler l'existence de la polychromie dans l'ancienne sculpture chaldéenne.

A citer encore un bas-ielief très archaïque qui représente la «Pêche miraculeuse du héios Isdou- bar » ; r « Hercule oriental », sujet des plus rares, reproduit seulement sur un cylindre ; une plaque de coquille découpée (c'était l'ivoire de cette haute antiquité) qui nous donne la figure du roi

Our-Nina que l'on place vers le quarantième siècle avant notre ère. Ces monuments sont d'un grand intérêt archéologique et historique.

Les documents épigraphiques recueillis par le capitaine Cros et déchiffrés par M. François Thu- reau-Dangin, établissent une relation directe entre les aiinales de Sirpourla et celles de plu- sieurs autres villes chaldéennes, parmi lesquelles la cité biblique d'Erech, mentionnée dans la Genèse : c'est un synchronisme important pour la reconstruction des origines de l'histoire.

M. d'Arbois de Jubainville offre à l'Académie, de la part de l'abbé Martin, l'étude sur le coq du clocher, dont nous rendons compte plus haut.

ConiDinnications diverses. M. Clermont- Ganneau communique une lettre du Père Lagrange, datée de Jérusalem le 15 février, dans laquelle cet érudit annonce le retour à bon port de l'expédition qui s'était rendue à Éboda.

Trois cents tombes antiques ont été explorées. On y a découvert le tombeau du fameux roi nabatéen divinisé Obodat, avec un proscynème nabatéen ainsi conçu : '< Vivant est Obodat », et la marque de deux pieds gravés attestant l'acte d'adoration d'un ancien pèlerin. D'autres graffiti nabatéens ont été copiés; des plans d'Éboda, Sbeita et Elousa ont été levés, avec de nombreux dessins et détails. A signaler, entre autres, un sépulcre orné d'animaux dans le genre des fresques de celui de Beit-Djibrin. Le tout sera prochainement envoyé à l'Académie avec un rapport explicatif.

Séance du 4. mars. Le secrétaire perpétuel donne lecture de l'article du testament par lequel M. Edmond Drouin,de Paris, lègue à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, mie rente annuelle de 300 fr. avec mission de fonder un prix de 1.200 francs, qui sera accordé tous les quatre ans, au meilleur ouvrage sur la numismatique orientale.

Le président donne lecture d'une lettre dans laquelle le préfet de la Seine décrit les fouilles qui ont été entreprises, ces temps derniers, par la Commission du Vieux Paris, rue Fromentel et rue Lanneau, et dont nous avons dit ici les résultats. L'Académie décide qu'elle priera le président de la Commission de ces fouilles, M. Georges Villain, de venir exposer, avec plans à l'appui, les résultats de ses recherches.

M. Clermont-Ganncau mentionne qu'au cours des travaux de réfection d'égouts qui ont été entrepris dans ces parages, il y a quelques années, les ouvriers ont mis à jour un gros ro- binet en cuivre oxydé qui provenait probable- ment des étuves dont on a relevé les traces.

Cratjaujc tieg Sociétés 0at)ante0»

231

Cette épave d'un autre âge avait été déposée au Collège de France.

M. Bayet communique à l'Académie une inté- ressante notice sur l'état des fouilles que M. de Morgan dirige actuellement en Perse.

Il signale tout particulièrement la découverte d'une statue de femme en granit gris portant une inscription probablement votive, un lion en marbre, une colonne en bronze sur laquelle on relève une longue inscription, des cylindres à scènes figurées, et divers objets en métal.

De son côté, M. Heuzey entretient l'Aca- démie de la céramique chaldéenne. Celle-ci n'était représentée jusqu'ici que par des vases en terre ordinaire sans décoration d'aucune sorte. D'après les exemples communiqués par M. Heu- zey, on doit aux fouilles du capitaine Gros d'avoir constitué une série de vases chaldéens en terre noire ornés de figures à la pointe dont le contour est avivé par une pâte blanche incrustée dans les incisions.

Il s'agit d'une technique spéciale qui a fait un grand chemin dans le monde antique, car on la retrouve depuis la région de la Suse jusque dans les nécropoles d'Espagne, en passant par la Tur- quie, l'île de Chypre, laThrace et l'Étrurie.

M. Ed. Pottier présente de la part de M. Gonze, secrétaire général de l'Institut archéologique de Berlin, une photographie de la sculpture qui a été trouvée à Pergame et publiée dans les comptes rendus de l'Académie de Berlin. Il s'agit d'une copie romaine de l'Hermès Propylaios d'Alcamènes, comme l'indique une inscription gravée sur la base. Le style encore archaïque en est fidèlement conservé et peut servir à établir, d'une façon plus rigoureuse qu'on n'avait pu encore le faire, le caractère des œuvres d'Al- camènes, le principal émule de Phidias. L'original a été transporté au musée de Constantinoplc.

Séance du 11 tnars. Le docteur Capitan et MM. Breuil et Charbonneau communiquent à l'Académie le résultat des observations complè- tement inédites qu'ils ont faites sur le territoire de la ferme de la Vaulx près de Saint Aubin- Baubigné (Deux- Sèvres), entre Bressuire et Cholet. Il existe là, dans un espace d'à peine un kilomètre carré, de nombreux blocs de granit, parfois assez volumineux, isolés au milieu des champs. Sur la plupart, au nombre d'une cin- quantaine, les auteurs ont découvert de nom- breuses gravures, qu'ils ont photographiées, cal- quées et dessinées.

Profondément gravées sur la surface du granit, ces figures se composent: de signes divers ; de figures d'animaux ; de figures humaines. Toutes sont extrêmement stylisées.

Parfois les figures sont groupées deux à deux; elles forment quelquefois de vraies scènes : soit un couple, soit plusieurs individus qui, dans une image, entourent un grand personnage les bras étendus. Des figures d'animaux sont quelquefois associées aux images humaines, souvent avec représentation d'un cavalier de même type que les autres figures. Enfin, des cercles, des croix, des signes divers sont souvent interposés entre les images.

Telles sont ces singulières figures dont il n'existe nulle part d'identiques. Tout au plus pourrait-on rapprocher les figures d'animaux de certaines gravures rupestres d'Algérie et les images humaines des statues menhir du Tarn et de l'Aveyron, découvertes par l'abbé Hermet et qu'on peut légitimement attribuer à l'époque du bronze. Il est donc bien difficile de dater les gravures rupestres de la Vaulx. Elles ne parais- sent guère pouvoir être considérées comme bar- bares.

On peut donc penser qu'elles sont antiques, et non sans de grandes réserves les rapprocher des statues menhir sus-indiquées et les faire remonter à l'époque du bronze ou au premier âge du fer ; soit donc du neuvième au douzième siècle avant Jésus-Christ.

Quant à leur signification, on pourrait, dit M. Capitan, émettre l'hypothèse qu'elle est commé- morative, rituelle ou fétichique.

Les enhiinineiirs de manuscrits au moyen âge. M. Henry Martin, conservateur à la Biblio- thèque de l'Arsenal, communique à l'Académie des observations d'où il résulte que, dès leXlII«= siècle, il y a eu de véritables ateliers de peintres placés sous la direction d'un chef ou d'un maître qui fournissait à ses collaborateurs les esquisses des miniatures à exécuter.

Ces esquisses, qui, jusqu'à présent, avaient passé inaperçues, peuvent être observées sur les marges d'un très grand nombre de manuscrits de luxe. Elles sont généralement d'un dessin bien supérieur à celui des miniatures, et les per- sonnages figurés dans ces esquisses, bien qu'ils soient souvent dessinés d'une façon sommaire, ne présentent pas les gestes gauches qu'on re- marque dans beaucoup de ces petits tableaux du moyen âge.

Grâce à ces esquisses, on comprend maintenant pourquoi les miniatures d'un même manuscrit, quoique bien homogènes pour la composition des scènes, accusent si souvent d'incroyables inéga- lités dans l'exécution de l'enluminure. Toutes les esquisses étaient bien l'œuvre du chef d'atelier, mais le travail d'enluminure était confié à des auteurs différents,

M. Henry Martin a relevé aussi l'existence à Paris, sous Charles VII, d'une femme peintre in-

232

Brtuc ÏJC part cbréttcn.

connue jusqu'ici et qui devait être très en vogue puisque ses œuvres se payaient fort cher. Cette enlumineuse portait le nom assez singulier d'A- nastaise (nous disons aujourd'hui Anastasie). Bien qu'elle travaillât à Paris, il n'est pas sûr que cette dame Anastaise fût Française d'origine ; peut-être avait-elle été attirée en France par la renommée universelle dont jouissaient à cette époque les enlumineurs parisiens.

Séance du i8 mars. M. Ph. Berger annonce que M. Gauckler, directeur des antiquités et des fouilles en Tunisie, a découvert au Djebel-Man- sour, dans les ruines de la petite « civitas Galita- na », fut déjà trouvé un monument funé- raire avec bas-reliefs et inscription bilingue, latine et néo-punique, un linteau de porte monolithe portant la dédicace d'un temple à Mercure par la « civitas Galensis » et ses suffîtes Aris et Ma- nius, fils du Celer.

M. Potier communique une notice du P. Jala- bert sur les stèles de Sidon.

Séance du mars. La Commission du prix Saintour (3,000 fr.), destiné à récompenser le meilleur ouvrage relatif à l'antiquité classique publié depuis le i*^"^ janvier 1901, accorde :

Un prix de 2,000 fr. à M. Maurice Besnier pour son livre intitulé L'Ile Tibérine dans l'anti- quité ;

Un prix de 1,000 fr. à M. Ridder pour son Catalogue des vases peints de la Bibliothèque JVa- tiotiale.

Séance du jo mars. M. Babelon fait une communication relative aux types monétaires et autres monuments qu'on a rapprochés de la célèbre statue de bronze du musée de Berlin, connue sous le nom de L Enfant en prière.

Il démontre que, sur la monnaie de Tarente, le héros Taras, à califourchon sur le dauphin, ne fait pas le geste de la prière, mais les mouvements saccadés du céleuste, comme pour régler et rythmer le balancement des rameurs. Sur la stèle de Némée, oîi l'on a vu un athlète en prière, il

faut reconnaître, suivant M. Babelon, un devin, peut-être Mélampos,dans une attitude liturgique. Des monnaies de Sicyone représentent le même personnage avec des bandelettes qui des- cendent parallèlement de ses mains levées, au- dessus de sa tête ; et parfois la colombe, placée devant lui, indique qu'il s'agit d'une scène d'or- nithomancie. L'hypothèse de l'athlète en prière doit donc être écartée.

Académie royale d'Archéologie d'Anvers. M.lechan. Van den Gheyn, dans son discours présidentiel de décembre dernier, a exposé la perplexité qu'il éprouve en présence de la ques- tion de la restauration des anciens monuments, qu'il distingue, comme le soussigné l'a proposé dès 1894, en deux catégories, les monuments morts et les monuments vivants. Autrefois, un généreux mouvement s'est produit contre l'aban- don dont ils étaient l'objet, les uns et les autres, en faveur de leur restauration ; depuis, on dé- nonce les restaurateurs à l'animosité publique. Au sujet du traitement des ruines, M. Van den Gheyn cite deux opinions contraires : celle de M. Fierens et la mienne; il trouve que j'ai plutôt raison en théorie, mais il se range en pratique du côté de mon antagoniste. C'est comme pour la polychromie d'église : M. Van den Gheyn est connu pour avoir vaillamment affirmé le bien fondé de cette pratique, jadis universelle ; et néanmoins, il serait, dit-il, le dernier à conseiller l'application de ce principe.

Quant aux ruines, il faut procéder avec une extrême circonspection ; éviter de pécher par défaut, plus encore par excès. Nous sommes d'accord. Pour les monuments vivants, dit l'émi- nent chanoine, cela dépend des cas. Il n'y a pas de danger qu'il trouve des contradicteurs.

M. H. Hymans a vivement intéressé son audi- toire par une piquante causerie sur les dupes et les faussaires en archéologie.

L. ClocjUET.

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DER ALTE FENSTERSGHMUCK DES FREI- BURGER MUNSTERS, von Prof. F. Geiges.

LES ANCIETMS VITRAUX DE LA CATHÉ- DRALE DE FRIBOURG, par le Prof. P". Geiges. Herder, éditeur, Fribourg. L'ouvrage sera complet en 5 livraisons in-4° avec de nombreuses illustrations dans le texte, et 2 planches en couleurs par livraison. Deux livraisons ont paru. Prix de la livraison; 5 marcs.

5^^^^^i?»'EST un des meilleurs ouvrages qui 1^ aient paru sur la peinture sur verre. \ Il convient de le recommander tout j^ particulièrement aux peintres ver- ^^^^^-j^ riers et aux archéologues qui dési- rent s'initier aux procédés techniques de ce genre de peinture. La cathédrale de Fribourg, malgré les pertes considérables dont l'auteur énumère les causes, a conservé toute une série de verrières d'époques différentes et dont les plus anciennes remontent au XIII<^ siècle. Un grand nombre de ces vitraux et des détails dont ils se composent sont reproduits dans les illustrations, avec une précision et un caractère qui permet de recon- naître immédiatement le siècle auquel appartient l'œuvre.

C'est que l'auteur de cette étude.désigné comme professeur, est lui-même peintre verrier, et on s'aperçoit bientôt à la lecture de son texte et à la vue de ses croquis que l'on a affaire à un pra- ticien expérimenté, qui a étudié à tous les points de vue, avec un véritable amour, l'art qu'il cultive. Bien qu'au titre de l'ouvrage on puisse croire qu'il s'agit ici d'une simple monographie, on s'assure à la lecture que M. Geiges a décrit et dessiné les vitraux de ta cathédrale deFribourg à un point de vue synthétique. Il a étudié la pein- ture sur verre dans presque tous les monuments de l'Europe, et il a lu tout ce qui a été écrit sur cet art si important dans le décor des édifices du moyen âge. M. Geiges connaît aussi la peinture sur verre moderne, les qualités du verre employé et ses jugements prouvent qu'il est pénétré des véritables principes de la vitrerie.

Nous avons donc ici à une publication haute- ment recommandable et sur laquelle je compte revenir lorsque l'ouvrage entier aura paru.

J. H.

DEUX CENTS MODÈLES DE BRODERIE RELIGIEUSE, GENRE MOYEN AGE, par Jo- seph Br.^ux, s. j. Herder, éditeur. Fribourg en Brisgau. 1904 In-foP 20 pi. (50 x 70), Prix en car- ton, fr. 22-50.

L'ouvrage contient 16 modèles pour croix de chasuble, 6 pour ornements de chape et 7 pour dalmatique ; 11 pour broderie d'étoles et un très grand nombre pour bordure d'aubes. Les plan- ches sont accompagnées d'un texte explicatif.

L'auteur a surtout eu en vue un but pratique: il veut rendre ses dessins utiles aux brodeurs sans que sa collection de modèles devienne trop coûteuse ; c'est à cet effet qu'il a réuni plusieurs motifs sur une seule feuille.

Bon nombre de ses dessins, notamment ceux des bordures d'un usage si général, peuvent être appliqués à différents usages liturgiques ; on peut les appliquer aux bordures des nappes d'autel, aux aubes, surplis, etc., dans tous les cas une bordure ornementale est d'un bon effet.

Le R. P. Braun dessine avec élégance et ses ornements sont généralement de bon goût, sans s'attacher avec sévérité au style d'une époque déterminée, ce qui est peut-être à regretter, car les différents siècles du moyen âge ont eu un style particulier qui généralement leur donne une haute valeur. Les mêler dans une sorte d'éclec- tisme et broder « en genre moyen âge », comme dit le titre de l'ouvrage, ne peut guère être tenté qu'au détriment du caractère.

Quoi qu'il en soit, l'ouvrage sera certainement utile aux brodeurs qui s'en serviront avec cir- conspection, surtout si, en suivant les dessins du R. P. Joseph Braun, ils observent avec conscience les procédés techniques des brodeurs des XV= et XVI': siècles, dont le style domine dans les mo- dèles de la collection que nous leur signalons.

J. H.

KUNSTSCHAETZE DER AACHENER KAI- SERDOMS. WERKE DER GOLDSCHMIEDE- KUNST, ELFENBEINSCHNITZEREI UND TEXTILKUNST. 35 Lichtdrucke mit Text von Stephan Beissel, S. J.

LES TRÉSORS DE L'ART CONSERVÉS AU DOME IMPÉRIAL D'AIX-LA-CHAPELLE. ŒUVRES D'ORFÈVRERIE, DE LA TOREU- TIQUE ET DE L'ART TEXTILE. 35 planches en phototypie, avec texte explicatif d'Etienne Beissel. In-fol° 30x40 cm. Prix : 30 marcs.

Le trésor du sanctuaire fondé par Charlema- gne et enrichi par plusieurs empereurs d'Alle- magne et d'autres princes a été assez souvent l'objet d'études savantes et de publications de mérite. Il forme en effet une de ces collections d'oeuvres d'art comme il n'en existe qu'un nom-

234

3Rel)uc De T^vt cl)rttieu.

bre très restreint en Europe, également impor- tante par le mérite souvent exceptionnel du travail, et l'authenticité historique qui ne peut être mise en doute. 11 s'agit donc ici tout à la fois de chefs-d'œuvre et de documents précieux.

Cependant, jusqu'à présent, le trésor d'Aix-la- Chapelle n'a pas encore été l'objet dans son ensemble, d'une publication qui fût à la fois en rapport avec sa haute valeur, et avec les moyens de reproduction dont disposent la science et l'art moderne. Celle que nous annonçons répond à un désir souvent exprimé parles archéologues. Pour ceux d'entre eux qui ont vu et étudié cette re- marquable collection, ce sera tout à la fois un moyen de rappeler leurs souvenirs et de résumer leurs études, tandis que les studieux qui n'ont pas encore eu l'occasion de se rendre à Aix-la- Chapelle, trouveront une série d'informations, d'excellents éléments de comparaison et d'ensei- gnement, en attendant l'examen des monuments eux-mêmes.

Pour l'Allemagne, cette riche publication trouve une sorte d'opportunité, en coïncidant avec le décor récent que vient de recevoir le mo- nument où ce trésor est conservé. Décor qui embrasse tout au moins dans sa partie essentielle, le célèbre octogone, la partie primitive construite par le grand empereur d'Occident.

Nons aurons peut-être à revenir sur cette dé- coration un peu controversée par le monde érudit en Allemagne ; en attendant, l'occasion a paru favorable à un savant que les lecteurs de la Revue connaissent, le R. P. Beissel, d'ajouter un texte succinct, mais sufifisant au point de vue archéologique, comme au point de vue de l'art, aux planches éditées par M. Kiihlen de Gladbach que nos lecteurs connaissent également comme éditeur, et comme notre collaborateur par les planches qui paraissent dans notre recueil.

Les trente-cinq planches qui reproduisent les monuments les plus remarquables du trésor d'Aix-la-Chapelle sont de tout point excellentes: elles sont non seulement précieuses par la dimen- tion du format adopté, par la netteté et la pré- cision de l'exécution, mais un véritable artiste, M. Kiihlen, a su mettre les pièces du trésor dans le meilleur jour pour en accentuer le relief et donner à ses reproductions autant que possible, la beauté du monument reproduit.

La plupart des pièces du trésor offrent encore, comme je viens de le rappeler, un intérêt parti- culier par leur origine historique et les souvenirs mémorables qui s'y rattachent, et toutes ou pres- que toutes ont acquis une grande notoriété.même en dehors du monde savant, par l'énorme afïluence de pèlerins qui vient le visiter tous les sept ans. En dehors de ce mouvement religieux, il est bien

peu de voyageurs instruits qui, visitant la station balnéaire, ne tiennent à voir le trésor du dôme, comme nous venons de le dire un des plus célè- bres de l'Europe catholique. Quel est celui d'entre eux qui n'ait pas examiné avec attention, la grande couronne de lumière suspendue dans l'octogone, offrande de l'empereur d'Allemagne Frédéric I^"^, ouïe remarquable ambon donné par son successeur l'empereurFredéric II, et qui n'ait pas conservé, s'il a visité le trésor souvenir des magnifiques châsses de la sainte Vierge Marie, de la châsse de Charlemagne, du beau retable d'or, et de la chapelle de saint Anastase ? Tous ces monuments précieux sont reproduits avec une conscienee et une exactitude qui ne lais- sent rien à désirer. Les principaux sont donnés sous plusieurs aspects, de manière à en faire valoir les détails les plus remarquables.

Le prospectus de l'ouvrage nous apprend que la nature des procédés employés n'a permis d'im- primer qu'un nombre d'exemplaires assez limité. En présence du prix modéré de cette publication et de l'extrême utilité qu'elle offre aux artistes, aux orfèvres et à tous les artisans professionnels des arts décoratifs, il est à désirer que cette publi- cation trouve sa place dans toutes les biblio- thèques publiques et particulièrement dans celles des Académies et des écoles d'Art.

J. H.

GKNÈSE DK LA CRYPTOGRAPHIE APOS- TOLIQUE ET DE L'ARCHITECTURE RI- TUELLE, DU I" AU xvr SIÈCLE, par Théo- phile Bkaudoire. I vol. in 4" de 292 pp. avec nom- breuses reproductions d'œuvres d'art. Paris, H. Champion, 1903. 30 francs.

NOUS signalons à l'attention des lecteurs de la Revue une découverte originale, qui ne manquera pas de piquer leur curiosité. M. Th. Beaudoire croit avoir retrouvé la clé de la symbolique chrétienne. Cette science mysté- rieuse, propagée dans tout le moyen âge, aurait eu des principes fixes et traditionnels suivant lesquels se seraient développés les arts de la dé- coration architecturale et de la construction. Pour établir cette thèse, l'auteur, qui n'est pas architecte, n'a pas épargné sa peine. Une étude patiente et consciencieuse de l'Art religieux dans ses manifestations les plus diverses l'a mis à même de réunir bon nombre de documents intéressants et variés. Peut-être la manière dont ils sont présentés laisse-t-elle à désirer; on aurait souhaité plus de souci de la rigueur scientifique. Tel qu'il est cependant, l'ouvrage offre quantité d'idées neuves et personnelles, qui, malgré quel-

ll5tbliograpl)ie.

235

ques exagérations, méritent certainement d'être prises en considération. J'exposerai brièvement les principaux points du sujet d'après le système de l'auteur, dont je ne prétends pas du reste discuter toutes les conclusions.

Les premiers chapitres traitent des signes mystérieu.x, dont se servirent les Juifs et les Chrétiens, lorsqu'ils voulurent représenter, les uns la personne de Jéhovah, les autres le Fils de Dieu fait homme. Laloi mosaïque interdisait l'usa- ge de symboles imitant les êtres animés. Aussi, suivant l'auteur, les Israélites choisirent-ils, pour désigner la personne de Dieu, la lettre de leur alphabet qui signifie tête : c'est le resch, qui s'écrivait anciennement ■^. Grâce à l'initiale du nom de Jéhovah, 1, qu'ils couchèrent en tra- vers de la précédente, ils formèrent un mono- gramme -4 ; ce symbole de Dieu fut transmis par la tradition jusqu'au XV' siècle, les typo- graphes le reproduisirent constamment dans

leurs marques ; telle serait l'origine du fameux Quatre de chiffres, dont les bibliophiles n'ont jamais pu deviner la signification exacte. Ce n'est toutefois qu'une hypothèse, car je ne sache pas que l'on rencontre ce signe dans l'antiquité.

Les premiers chrétiens adoptèrent le même caractère hébraïque pour désigner le Christ ; seulement chez eux le resch secondaire T de- vint souvent le P, lettre correspondante de l'alphabet grec. En y joignant l'iota, initiale du mot 'lïiToûi;, ils formèrent le monogramme -9-, -^, que l'on trouve continuellement, dans l'an- tiquité chrétienne, sous l'une de ces deux formes. Souvent aussi ils combinaient le resch *] , P ou le monogramme -^,-p- > avec la lettre X de Xpio-TÔç, ce qui donna )^, •^, le chrisme très usité, lui aussi, dans les temps anciens.

Dans l'art antique, le resch se trouve quelque- fois seul sous la forme d'une volute :

Pavement de la basilique de Tigzirt.

Fronton du baptistère St-Jean de Poitiers.

Marque du libraire Resch, de Paris.

Deux reschs du même modèle accouplés ont formé la feuille que l'on rencontre si fréquemment sur les inscriptions des catacombes ; ce symbole

aurait été pour les chrétiens, d'après l'ingénieuse théorie de M. H., l'image de la consubstantialité du Père et du Fils.

o^ ô ô é

Ce symbole de la feuille ou du cœur se retrouve sur certaines monnaies, comme celle du roi Sige- bert, et surtout dans plusieurs marques de typo- graphes, où il accompagne le Quatre de chiffres, coïncidence évidemment curieuse.

L'un des monuments anciens les plus intéres- sants pour la cryptographie chrétienne est une table de marbre trouvée à Lyon en 1S43, étudiée par M. Le Blant. Elle renferme plusieurs des signes mystérieux dont j'ai donné plus haut l'explication d'après M. Beaudoire. Les petites

volutes qu'on y remarque sont assez souvent reproduites sur les monnaies du moyen âge, ce qui semble bien indiquer qu'on leur donnait une signification déterminée. ( Cf. figures ci-après).

Un autre ornement se rencontre aussi dans les catacombes et sur les monuments anciens, sur- tout dans l'architecture mérovingienne ; c'est l'étoile à quatre, six ou huit rais, <=§=, <^, .^ ; l'auteur ne peut s'empêcher d'y voir une forme plus ornée des sigles -^, )^ et ^, monogram- mes du Christ. Cette dernière interprétation

236

îRcbuc De rSvt chrétien.

parait acceptable, car il existe à Rome des inscriptions très anciennes, que l'auteur n'a pas connues,où le sigle -^ accompagne le mot IX0YC, ou la figure du poisson.

Mais, de tous ces faits, on ne saurait tirer une conclusion trop générale, car il est ma-

Monnaie de Sigebert.

nifeste que ces symboles existaient comme purs ornements, de longs siècles avant le^ christia- nisme. Aussi, ne doit-on s'en servir qu'avec une très grande prudence pour conclure de leur pré- sence sur beaucoup de monuments anciens, au caractère chrétien de ces monuments. C'est pour-

Marques des imprimeuis Courbé, Sonnius, Thierry, à Paris.

tant ce que l'auteur s'applique à démontrer à propos des fameux tombeaux phrygiens, connus des archéologues pour leurs formes mystérieuses. A l'extrémité orientale de la Phrygie se dres- sent, en effet, sur les collines dominant le San- garios, d'étranges monuments taillés dans le

Marbre de Lyon, 111= siècle

roc même, que jusqu'ici l'on avait pris pour des tombeaux ou des cénotaphes. MM. Charles Texier, Ramsay, Perrot et Chipiez ont viisité à différentes époques cette vaste nécropole ; ils ne se sont guère accordés sur la destination de ces sculptures gigantesques, sauf sur leur caractère païen, et sur leur très haute antiquité. L'un de

ces monuments porte une inscription se lit le mot Mida, d'où le nom de tombeau de Midas qu'on lui donne généralement. M. Beaudoire est le premier à voir une œuvre chrétienne : l'or- nementation lui en fournit la preuve. Ce tombeau consiste en un mur de tuf volcanique, sur la paroi duquel une main inconnue a sculpté en creux un immense parallélogramme orné de méandres, formant des croix et des carrés, et surmonté d'un fronton que terminent deux volutes accolées l'une à l'autre. Plusieurs autres monuments du voisinage, de forme et de décor analogues, pas-

Monnaies du roi Clovis, du Mans et de Paris.

sent pour les tombeaux des rois phrygiens. M. B. les regarde tous comme chrétiens ; pour lui ce serait quelque chose comme des calvaires primi- tifs ; les deu.x volutes du sommet seraient des reschs, figures du Christ, les croix et les carrés des chrismes.

# u

En revenant vers la côte occidentale de l'Asie Mineure, l'on trouve sur les versants du mont Sipyle, tout près de Smyrne, une autre vaste nécropole, dont le monument principal porte le nom de tombeau de Tantale, roi de Lydie.

Texier a pu y pénétrer et prendre le dessin intérieur de cette rotonde, qui se trouve repré- senter assez exactement le sigle (^ du Christ, fréquent dans l'antiquité. M. B. en conclut, un peu trop vite semble-t-il, que ce doit être une tombe chrétienne.

Plus heureuse me paraît être son hypothèse, très neuve, elle aussi, à propos des espèces de camps retranchés que les explorateurs ont dé- couverts sur les sommets escarpés de ce mont Sipyle.Ces plates-formes, d'accès difficile, présen- tent des cours inclinées en pente douce, avec des réservoirs et des sortes à'auges, creusées dans le roc, dont la destination est restée inexplicable. M. B. soupçonne que ces endroits retirés pour- raient bien avoir été ménagés par les premiers chrétiens pour l'administration du baptême. Les

Btbltograpl)te.

237

ait£;t-s,dAns lesquelles on descendait par^/^z^.r iftar- cAes, ne devaient être autre chose que la piscine. L'un de ces baptistères à ciel ouvert possède une petite abside, qui pouvait être le lieu siégeait ï'évêque pour la confirmation. Rien ne s'oppose absolument à ce que ce soit la meilleure solu- tion de ce problème archéologique. Il est égale- ment vraisemblable que notre auteur a raison quand il reconnaît un baptistère dans l'une des tours rondes qui se dressent encoreprèsdesruines de la basilique de Pergame. Rien n'y manque, ni le réservoir pour recueillir l'eau des pluies, ni les canaux, ni même les vannes destinées à régler l'alimentation de la cuve baptismale.

Dans la troisième partie de son ouvrage, M. B. étend à toute l'architecture religieuse les prin- cipes de la science cryptographique. Les deux principaux sigles dont nous avons parlé, le resch et le chrisme, seraient, d'après lui, la source de toute décoration architecturale ; bien plus, ils seraient comme la loi de la construction elle- même. Qu'on en juge par ces deux phrases, que j'emprunte à l'auteur : « Ces sigles transformés en cent mille dessins plus ou moins artistiques au moment des persécutions en Asie Mineure, en Afrique ensuite, puis à Rome, ont formé peu à peu le bel Art qui n'est ni byzantin, ni roman, ni gothique, mais simplement et purement Ckré-

tien (p. 288-2S9). L'architecture des églises d'Europe... n'est ni romane, mot inventé en 1825 par Quicherat, ni^t7//î/(7«^ flamboyante ou rayon- nante, mots inventés vers le milieu du XIX'' siè- cle par de pseudo-archéologues ; c'est une archi- tecture rituelle chrétienne (p. 143).»

Il paraît bien qu'ici l'auteur a poussé un peu loin ses conclusions. Vouloir découvrir partout le resch et le chrisme mystique est évidemment excessif ; car suivant ce système, il n'est plus possible de tracer une ligne droite ni une courbe, encore moins de croiser deux lignes, sans faire du symbolisme. Selon M. Beaudoire, cependant, le nom du Christ se lit en tout endroit dans nos édifices religieux, dans les nervures des fenêtres aussi bien que dans les rosaces de nos cathé- drales, dans les palmettes des chapiteaux, dans l'arcade romane comme dans la courbe brisée de l'ogive, même dans l'intersection des arêtes des voûtes ! Et tout cet art serait venu d'Asie Mi- neure à la suite des Croisades. Mais tout cela est bien hypothétique. Qu'il se soit trouvé au moyen âge des artistes qui aient voulu donner à leurs constructions telle ou telle signification symbolique, cela n'est pas douteux ; mais il est

inadmissible qu'il ait pu exister une tradition constante et universelle, qui aurait inspiré toutes les œuvres d'art jusqu'au XVI« siècle, i-rt«5 /«/.fje^ aucune trace dans les documents écrits. Aussi me semble-t-il que l'auteur a eu tort de généraliser un système qui a certainement du bon.

En résumé, il y a beaucoup à prendre dans le livre de M. Beaudoire, et l'on doit féliciter l'au- teur de l'abondance de ses recherches. Nous avons le regret de ne rendre qu'un hommage posthume ; une mort subite emporta M. Théo- phile Beaudoire au moment s'imprimaient les dernières feuilles de son volume (').

DE P.

LE COQ DU CLOCHER, par L. Martin. (Broch. extr. des Mém. de l'Acad. Stanislas). Nancy, Berger, 1904.

M.Martin a entrepris de résoudre l'intéressante question tant de fois exposée : pourquoi le coq sur la flèche de nos églises? Il l'a traitée de ma-

I. Nous devons à la complaisance des héritiers de M. Th. B. d'avoir pu donner quelques spécimens des illustrations soignées, qui ajoutent à l'intérêt de cet ouvrage.

238

ÎRebue lie r^rt cbrcticn.

nière littéraire et charmante, après l'abbé Barraud, A. De Caumont, l'abbé Godard et Barbier de Montault.

Dès 820, l'évêque Dampert plaçait un coq de bronze au faîte du clocher de Brescia, et ce ne fut sans doute pas la première des girouettes de cette forme ; depuis le X*" siècle les documents écrits célèbrent cette vigie gallinacée, qui plane dans les airs, brave la tempête, regarde le soleil, défie la foudre, qui toutefois la frappe souvent. S. Charles Borromée la prescrit dans ses Actes de l'Église de Milan.

Mais d'où lui vient son privilège ? On a vu dans ce coq un emblème celtique, on a pensé qu'il figurait la patrie gauloise, que rappelle son nom, et même Jos. Bard s'insurgea jadis contre cet emblème profane et prétendit en dégarnir les tours d'église.

La vraie solution doit être demandée à l'inter- prétation des anciens. Déjà les Grecs et les Ro- mains avaient fait du coq l'emblème de la vigi- lance et de l'activité; ils Un attribuaient les fonc- tions de réveil-matin, et c'était pour eux le type du courage et de la vigilance en même temps qu'un oiseau protecteur. Les chrétiens reprirent ce symbole. Saint Ambioise célèbre dans ses hym- nes le chant du coq et sa vigilance, S. Grégoire le Grand, Prudence et S. Hilaire dans leurs commentaires du livre de Job, assurent que le coq donna le signal de la Résurrection et montrent l'oiseau matinal secouant les fidèles dans leur torpeur.

Et ce n'est pas ici une fantaisie poétique ; les li- turgistes du moyen âge ne tarissent pas sur le sym- bolisme de cet oiseau, qui pivote au gré des vents par-dessus la croix. S. Eucher, S. Grégoire, S. Bonaventure en font l'emblème du pasteur des âmes. Hugues de Saint-Victor développe cette idée mystique, reprise par Durand de Mende et Honorius d'Autun.

L. C.

LE DOUBLK CHŒUR DE LA CATHÉDRALE

DE GLASGOW, par M. Th. Lennox-Watson.— Gr. in-4°, illustré de 180 pp., papier de luxe. Glascow, Hedderwick, 1901.

A défaut de documents d'archives, M. Lennox- Watson a entrepris de narrer l'histoire de la ca- thédrale de Glascow à l'aide de l'étude conscien cieuse des voûtes, étude qu'il a faite avec une remarquable pénétration. Il a pu établir que ce monument a été exécuté en cinq périodes, recon- naissablcs aux progrès survenus dans la construc- tion des voûtes gothiques.

La première cathédrale de Glascow 1175- 1194) fut en partie démolie et reconstruite sur un plan plus vaste, de 1208 à 1232, par l'évêque

Walter ; le chœur fut achevé sous Bondington, entre 1233 et 1258. Cet édifice offre la curieuse disposition d'un chevet plat contourné par un double déambulatoire de forme carrée ; Villard de Honnecourt en a donné dans son album le croquis et le dispositif

Après Walter on travailla encore un siècle à l'achèvement de la nef, dont on poursuivit la construction à mesure des ressources.

De l'édifice primitif on a conservé les deux travées S.-O. de la crypte ; mais la voûte en fut reconstruite de 1240 à 1260.

Toutes ces dates, assez précises, notre auteur les déduit de l'étude des voûtes et en particulier du tracé et du profil des moulures, et sa pers- picacité n'est pas mise en défaut même en pré- sence de certaines parties oîi l'on a été amené à conserver des tracés et des profils surannés pour continuer l'œuvre commencée ; les reprises se trahissent par la manière spéciale dont on dut alors constituer les retombées et les som- miers.

Nous ne reprendrons pas avecl'auteur, l'évolu- tion si rationnelle et si rapidement progressive de la voûte en croisée d'ogive au cours du XIII'" siè- cle. Une étape dans cette évolution est marquée par l'adoption des ogives en plein cintre, combi- nées avec desformerets à cintre brisé; cette phase apparaît à Glascow en 1240 ; elle y est accusée surtout par un bel agencement des sommiers, comme delà retombéed'une série de nervures d'un même rayon de courbure ; c'est le second système de voûtes, faisant place aux voûtes romanes.

Un troisième stade va de 1230 à 1250; le plan d'ensemble, arrêté par Bondington avant les travaux de 1235, ne comportait pas de supers- tructure voûtée au-dessus du compartiment central formant le chœur proprement dit ; cette partie fut couverte de charpente, tandis qu'on hâtait l'achèvement des voûtes des bas-côtés. Mais les moulures de ces dernières sont celles qui furent à la mode en 1250.

Mais voici qu'un nouvel élément s'introduit dans l'organisme des voûtes, à .savoir la lierne, qui était apparue en Angleterre dès 1230, et qui en devint un accessoire inséparable à partir de 1240. Le compartiment central de la crypte de Glascow, une des plus belles et des plus récentes de l'Europe, date des environs de 1260. Ici, la dis- position nouvelle se trouve greffée sur l'ancienne déjà partiellement exécutée. Ainsi, les bas-côtés de la crypte, qui remontent à 1235, sont couverts desimpies croisées d'ogives, aux moulures épaisses et toriques. Au centre, les profils sont plus fouil- lés, et le tracé des nervures rappelle l'ichtogra- phie des pièces isolées, salles capitulaires, etc.

Btbltograpl)te.

239

C'est la voûte en étoile, telle qu'elle figure dans l'albiim de Villard de Honnecourt, dessinée, Oiiicherat l'a démontré, de 1240 a 1251; cette voûte devint commune au XIV<' siècle (église de Ste-Marie et de Ste-Catherine de Lubeck).

Après les liernes apparaissent les tiercerons, spécialement nécessaires, en Angleterre, pour soutenir à ce point intermédiaire, les liernes qui offrent fort peu de flèche l'abside on peut constater leur fléchissement). Les tiercerons ap- paraissent dans la voûte de la cage de l'escalier d'ouest de la crypte.

Puis le système se développe, engendre les contre-liernesou goussets, les tiercerons multiples, pour aboutir à la voûte en éventail ; les nervures deviennent plus étroites et plus élancées pour mieux se dégager. Pendant ce temps (la première moitié du XI II<" siècle), les profils des moulures fournissent des indications chronologiques infail- libles.surtout ceux des nervures. A Glascow leurs profils accusent cinq époques distinctes, allant de 1220 à 1270 pour les quatre premières, la cin- quième est postérieure. Pour établir cette classifi- cation, l'auteur entre dans des détails techniques sur la marche des travaux, les moyens d'élevage, etc. L'étude de l'agencement des sommiers lui permet de restituer la disposition primitive des voûtes et la partie centrale de la crypte. Les ner- vures,commencées en i240,ont être déviées en 1260 pour s'adapter à un nouveau tracé de l'ossa- ture du plafond voûté.

Bref, cette étude anatomique d'un des beaux monuments de l'Angleterre est un travail vrai- ment scientifique, fécond en déductions bien établies.

L. C.

DICTIONNAIRE DE LA BIBLE, t. XVII.

Décrivant la ville hébraïque de Gébal, M. Le Camus nous représente ses habitants comme d'habiles constructeurs qui ont collaboré au tem- ple de Jérusalem. Les murs de la cité, dont il ex- hibe d'intéressantes reproductions d'après Renan, sont d'un magnifique appareil; ceux du temple de Jérusalem leur étaient analogues.

L'article de M. F. Prat sur la généalogie de Jésus-Christ est à consulter par les artistes appelés à composer un arbre de Jessé. Celui de M. Lesètre sur la génuflexion est instructif au point de vue iconographique. M. Legendre décrit les ruines d'Umm-Qeis, l'antique Gadara, et le remarquable tombeau restitué par Schumaeker. Intéressant pour tout lecteur est l'article sur Gethsémani et le jardin des Oliviers. Au mot gond, M. Lesètre fait connaître le curieux pivot

d'une porte en pierre d'une chambre funéraire du tombeau des rois de Jérusalem.

Dans un autre article (gouvernail), il montre comment les navigateurs grecs suppléaient par la manœuvre des rames à l'instrument du pi- lote qui ne fut adapté qu'au commencement de l'ère chrétienne à l'étambot des navires.

Bien intéressante pour nos lecteurs est l'im- portante étude du même savant sur le grand- prêtre, son élection, sa consécration, sa fonction,

Costume du grand-prêtre, d'après J. Iîkaun.

spécialement son costume, d'où dérive le splen- dide costume sacerdotal et pontifical chrétien, le costume dont leSeigneur avait lui-même fourni la description et qui faisait l'admiration des Hébreux : l'éphod, le pectoral ou rational, la tu nique à lames d'or et la tunique de byssus, la tiare, la ceinture brodée, etc. Ce sujet est développé dans d'autres articles du dictionnaire relatifs aux termes précités.

240

Bebtie ïie V^xt t\)xtîitn.

Plus loin il étudie l'art de la gravure chez les Hébreux, la gravure sur pierre, les sceaux dont on voit un si beau spécimen au Louvre (sceau

d'Armais). Le costume liturgique était rehaussé de pierres gravées, enchâssées dans l'or. Toutefois le peuple juif était peu expert dans cet art déli-

Joueurs de harpe égyptiens.

cat, les Phéniciens lui procuraient les joyaux né- cessaires, les gemmes égyptiens et assyriens. Fort curieux est l'article de M. Levesque sur

T'T»)

Grenade figurée sur les colonnes du temple de Jérusalem.

d'après l;i restitution de M. Cmi'lHZ.

la grenade. Ses fleurs et ses fruits furent remar- quables dans l'art hébraïque.

La grenade était figurée sur la colonne du

temple de Jérusalem;deux cents grenades étaient rangées autour du chapiteau et du portique, comme on le voit dans la restitution de M. C. Chipiez.

M. Beurlier nous présente la restitution par Curtius, du fameux gymnase d'Olympie, mis au jour assez récemment par les fouilles de l'École française d'Athènes.

On le voit, la savante encyclopédie biblique de l'abbé Vigoureux est pleine de données précieuses chacun peut prendre sa part, notamment les archéologues chrétiens qui nous lisent. Ces quelques glanes suffiront, pensons-nous, à leur montrer combien le Dictionnaire de la Bible peut les seconder dans leurs études.

L. C.

HISTORIA DK LA ARQUITEGTURA CHRIS- TIANA, par V. Lamperez-v-Romea. In-12, illus- trée de 240 pp. Barcelone, J. Gili, 1904.

M. Lamperez-y-Romea, professeur de l'École Supérieure d'architecture de Madrid, que nos lec- teurs connaissent bien, comme le plus autorisé des architectes archéologues de l'Espagne, était tout désigné pour éditer ce livre, grandement désiré par la masse du public instruit, à savoir un précis de l'Histoire de l'architecture chrétienne. Il l'a fait avec sa compétence reconnue, et il a eu le talent de condenser en quelques pages substan- tielles cette énorme matière, qui comprend l'his- torique, les procédés et les formes des styles suc- cessifs, latin et byzantin, tant d'Orient que d'Oc- cident, roman, gothique et classique renaissant; eu outre il fait connaître les grands monuments

Btbltograpl)te,

241

des époques historiques ; il insiste, comme de juste, sur les beaux monuments de son pays. Nous prédisons bon succès à son éditeur M. J. Gili.

T.. C.

ARNOULD DK VUEZ, PEINTRK LILLOIS

(1644-1720), par L. Quarré-Reybourbon. Petit in-4° de 80 pp., nombreuses planches. Lille-Lefèbvre- Ducroy, 1904.

MonsieurOuarré-R.estunérudit dont l'activité se manifeste par de nombreuses communications aux sociétés savantes. C'est à la réunion des so- ciétés de Beaux-Arts de l'an dernier, qu'il a pré- senté la biographie de Vuez, rééditée en un volume de luxe, élégamment présenté.

Le personnage est intéressant, et sa vie est re- tracée consciencieusement à l'aide de documents inédits, conservés entre les mains de M'" Las- serre d'Arras, descendante du peintre. Celui-ci naquit à Saint Orner, se forma à Paris et à Rome; il fut élève de Lebrun. Peut-être bien pourrait-on lui attribuer (M. Quarré le pense) les dessins du Parthénon rapportés par le marquis de Nossi- tal et qu'on attribuait jusqu'ici à Carrey. Vuez se maria à Lille et s'y fixa. Intéressants sont ses tra- vaux, dont notre auteur dresse la liste imposante; il lui assigne une place parmi les décorateurs du genre de Lesueur. Ses peintures sont dignes, et empreintes de sentiment. Le Jugement dernier, destiné à la salle du conclave à Lille, est une page de grande allure.

L. C.

CONSTRUCTION PROJETÉE SOUS LOUIS XIV A VERSAILLES D'UN PAVILLON D'A- POLLON, par J. Fennebesque. Broch. in-8°. Versailles, Bernand, 1902.

Ce pavillon d'Apollon dont M. F. nous fait la description d'après un manuscrit du temps, aidé d'une estampe du projet, devait être un vaste musée encyclopédique à l'usage de la Cour, conte- nant des sallesspéciales pour l'histoire, laphiloso- phie, pour l'architecture et la sculpture, pour la peinture et l'optique, pour la poésie et la musi- que, et il eût été digne, par sa splendeur, du Roi Soleil.

Un rêve éblouissant qui faillit se réaliser.

L. C.

ITINÉRAIRE DES PROMENADES DE LA FAMILLE ROYALE DANS LES PARCS DE VERSAILLES, par J.Fennebesque. Broch. in-S". Versailles, Bernand, 1902.

C'est un autre aspect, plus vivant, des fastes de la cour du XVI I'^ siècle, qu'évoque M. F. quand

il commente l'itinéraire dont il s'agit, c'est-à-dire le plan, conservé au Cabinet des Estampes, des allées fréquentées par la famille royale, et entre- tenues en conséquence. Le sujet, on le comprend, n'est pas pour nous arrêter spécialement.

L. C.

DOCUMENTS D'ART MONUMENTAL DU MOYEN AGE, architecture, sculpture, ferronneries, relevés et croquis, par Vincent Lenertz, architecte, chef des travaux graphiques à l'Université de Louvain. Vromant et €'=, Bruxelles.

Nous sommes dans une période remar- quable au point de vue de l'étude des monu- ments anciens. Nulle époque de l'histoire n'a vu le public éclairé s'attacher avec cette passion à leur étude ; cette ferveur excessive passera, et sans doute ne se reproduira plus, car bientôt ce qui nous en reste sera suffisamment connu; l'attrait qui s'attache jusqu'ici à des mines encore exploitables se perdra, et d'ailleurs l'on sait que les esprits s'orientent vers les formes de l'avenir greffées sur celles du passé.

En attendant, quelle riche collection de mono- graphies et de recueils les arts graphiques si per- fectionnés mettent à notre disposition ! Tantôt ce sont des rendus au crayon lithographique d'après nature ou d'après photographie, comme les inap- préciables petites monographies d'édifices anciens de M. Raguenet ; tantôt ce sont des collections de phototypies comme la série des cathédrales françaises de Robert, et la collection des monu- ments, malheureusement interrompue, qu'avait entreprise M. Dero ; ou bien encore de fines reproductions phototypiques des savants dessins des architectes de la Commission des monuments historiques, éditées par Schmitz, ou encore les croquis des Vieux coins de Flandre, tracés sur la pierre lithographique par M. Heins. M. Lenertz nous fournit aujourd'hui le dernier cri, le genre le plus savoureux de rendus des monuments anciens : ce sont ses propres croquis originaux.

La photographie nous donne l'aspect réel et pittoresque des monuments, pris d'un point de vue perspectif, mais son rendu superficiel nous laisse ignorer les mystères de sa structure et nous dérobe quantité de choses essentielles. Les relevés orthogonaux nous fournissent avec précision les données métriques et, avec des cou- pes, les secrets de la structure, mais nous désan- chantent en supprimant la poésie et l'âme du monument ; les croquis brossés sont un régal pour l'amateur, mais disent peu à l'homme d'étude. Pour les gens studieux de l'art monu- mental, rien de tel que ces relevés pris au pied du mur par un bon technicien, qui s'attache

242

3Rr\)uc De V'S.xt cf)icticu.

aux choses intéressantes, en dégage toute la substance, donne l'impression esthétique et l'ana- lyse structurale, et en quelques traits d'un crayon anatomiste, relevés de teintes de lavis, rapporte dans son carnet des notes précieuses, à l'aide des- quelles il puisse féconder ses études de compo- siteur. Quand ce dessinateur touriste est un maître et de la technique et du dessin, comme M. Lenertz, ses croquis de voyage sont des docu- ments de premier ordre, qu'on peut à bon droit lui envier. Aussi lui sommes-nous reconnaissants de nous les céder dans toute leur saveur originale et primesautière, reproduits tels quels en fac-similé par le nouveau procédé de la photographie en trois teintes, On en jugera par la planche spécimen que nous donnons et qui est extraite de son recueil (').

L. C.

PETIT FORMULAIRE DE PRIÈRES. Im- primerie St Augustin, Desclée, Paris, Lille, Rome.

Ce sont œuvres artistiques, que certains livres de prières, que produit notre éditeur. Nous avons sous les yeux un joli paroissien en maroquin écrasé, format pratique, glissant facilement dans la poche ou dans le réticule ; malgré cela, très complet, vrai formulaire de prières. En plus des prières habituelles de la messe, de la communion, vêpres, salut, chemin de croix, rosaire, on y trouve plusieurs litanies, la prière indulgenciée à la Ste- Famille, \e A/emorare à S. Antoine et, heureuse innovation ! les évangiles des diman- ches ! La lecture des Saints Évangiles si recom- mandée est si précieuse aux âmes chrétiennes ; et tout cela, condensé en des pages mignonnes, admirablement imprimées, et élégamment re- liées. C'est à rendre dévot un mécréant qui a du goût.

L. C.

RAPPORT SUR LA DÉMOLITION D'UNE PARTIE DE L'ENCEINTE ROMAINE DE SENS EN 1903, par l'abbé Chartraire. Broch. Imp. nat., 1904.

La Société archéologique de Sens suit avec un légitime intérêt les démolitions successives aux- quelles ne peut échapper ce précieux reste d'une enceinte remarquable. Le premier fonds du musée local, riche déjà de 300 pièces, fut formé en 1 846 des épaves de ces murs antiques entamés en 1846, et qui n'ont plus aujourd'hui que quatre des seize tours, figurées sur le plan restitué par M. Lallier. M. S. Julliot en a tiré alors la grande inscription de Magilius, et a pu restituer

I. Celui-ci comprendra 50 planches format grand in^" et paraîtra en quatre livraisons, de 12 à 13 pi. , au prix de 7 fr. 50 par livraison pour les souscripteurs.

la façade des thermes d'Agedineum (X"= siècle). Un nouvelle démolition, opérée en 1903, et suivie par la Société et par son érudit vice-président, a donné des fragments d'architraves et d'une frise ornée de bas-reliefs figurent la tête colossale d' Helios, de curieuses inscriptions polychromes à lettres incrustées de métal, une nymphe cou- chée dans une gracieuse attitude, une stèle ornée de la figure en pied d'un personnage entier, et quantité de fragments, dont M. Chartraire donne un inventaire méthodique.

"^m BcrioïJiques»

Burlington Magazine. M.James Weale publie dans le fascicule de Mars une notice sur Jean Van Eyck qui semble de nature à intéresser nos lecteurs, comme tout ce qui concerne les maîtres de l'ancienne École flamande. Nous la tra- duirons textuellement.

La mort de Jean Van Eyck, sa veuve et ses enfants. Tous les écrivains jusqu'en 1795, sont d'accord pour dire que Jean Van Eyck est mort vers l'an 1440. En classant les archives de l'église St-Donatien dans laquelle il a été enterré, j'ai trouvé dans les comptes de la fabrique de cette église, de l'année commençant le 25 juin 1440, et finissant le 24 juin 1441, l'indication des sommes reçues pour sa tombe, et la sonnerie des cloches à ses funérailles ; dans l'obituaire de l'église son anniversaire devait être célébré le 9 de juillet. Cette date, quoique incorrecte, est généralement acceptée maintenant. Deux postes dans les comptes de Waltère Poulain, receveur général des Flandres, pour l'année terminée le 31 décembre 1441, prouvent que le décès de Jean eut lieu en H41, mais ils laissent incertaine la date exacte du jour de cet événement. La première de ces annotations établit qu'il con- serva le titre de peintre du duc jusqu'à sa mort, que le salaire de cette charge lui fut payé jusqu'au 24 du mois de juin 1441 ; le reçu signé du peintre est rappelé par le compte. Le second poste (') nous informe que Jean mourut vers la fin de juin, et qu'au 22 du mois de juil- let, le duc en considération des bons et agréables services rendus par le peintre décédé et en com- passion de sa veuve et de ses enfants, leur fit un

I. A demoiselle Marguerite, vefve du dit Jehan Van Eyck. pcm- tre de mon dit Seigneur qui irespassa environ la fin du mois de Juingen dit an mil ce ce quarante ung, à laquelle icelhii Seigneur, considéracion eue aux bons et agréables services que lui avait fait le ditdeffunctenson vivant. et pour pitié et compassion d'elle et de ses eiifanls demourez après le décès, a oitroié de sa grâce especial qu'elle ait été prengne pour elle et ses diz enfans pour ung demy an la moitié de tele pension ou gaiges qu'avoit et prennoii de lui le dessus dit deffunct par chacun an en son vivant, lesquelz pen-

Bibltograpl)te»

243

don de 360 livres, l'équivalent du salaire semes- triel de son époux. Nous apprenons en outre, par la même annotation, que le nom de baptême de la femme de Jean Van Eyck était Marguerite, qu'elle demeura veuve avec au moins deux enfants dont l'une était la filleule du duc, Philippe ou Philippine, née au mois de juin 1434, et l'autre Livine devint religieuse à Maaseyck en '449-

(Juillet) (•). M. R. Fry étudie la collection de sir Hubert Parry (i'^'' article). Cette pre- mière partie est consacrée aux Primitifs italiens, qui y sont particulièrement bien représentés. Parmi les œuvres les plus remarquables de cette période, il faut citer: C/ne Nativité, de l'école de Cimabué, dont la date d'exécution peut être fixée au.x environs de l'an 1400; un polyptyque de Bernardo Daddi ; deux tableaux d'autel de Taddeo et d'Angelo Gaddi ; une Adoration des Mages de Lorenzo Monaco, etc.

M. E. Blochet s'occupe de certains manuscrits à miniatures que l'on a pu voir au printemps der- nier à l'exposition d'art musulman du pavillon de Flore. On sait combien est rare, dans l'art musulman, la reproduction de la figure humaine ; c'a donc été une bonne fortune pour les orien- talistes, de pouvoir admirer les très curieuses enluminures prêtées à cette exposition par la Bibliothèque Nationale, le baron E. de Roth- schild, M. Ch. Schefer, etc.

A signaler encore dans ce numéro : un article de M. Percy Macquoid sur les trésors d'argenterie du collège de Winchester ; une étude de M. R. Petrucci sur les sceaux des corporations bruxelloises ; enfin, un article de M. E. Moli- nier sur les tapisseries des Gobelins du XVII'' siècle.

(Août). M. Campbell Dodgson examine un portrait dessiné d'Albert Diirer, récemment acquis par le Brilish Muséum, et qui porte les poinçons de deux collectionneurs notables : sir Thomas Laurence et le capitaine William Co- ningham. Commentant une inscription qui se trouve à l'extrémité supérieure gauche du dessin, M. Dodgson établit que le personnage représenté est la princesse Marguerite, sœur de Casimir, margrave de Culmbach, et fille du margrave Frédéric de Brandebourg, Ansbach et Bayreuth (1460- 15 36).

sions ou gaiges finisent au terjne de ]a Saint Jean mil CGC C qua- rante ung par le trespas dicellui deffunci, comme il appert plus à plain par les lettres patentes de mon dit Seigneur sur ces faictes et données en sa ville de Brouxelles le XXII': jour de Juillet au dit an mil c c c c quarante ung. Pour ce icy par vertu d'icelles et quic- tance de la due vefve, ay rendues à court, pour les diz gaiges ou pension d'un demy an escheu au .\oel ou dessus dit an mil c ce c quarante ung, la somme de ciiii^xl du pris de XI gros la livre...

Valent.... niic. xlivres. I. Ce compte-rendu est emprunté au Courrier de l'Art.

Un article de M. Mason Perkins est relatif à Andréa Vanni, un des plus lointains repré- sentants de l'école siennoise (août 1333) et dont il ne reste plus que trois ouvrages rigoureu- sement authentiques, tous les trois à Sienne: une Sainte Catherine dans l'église San Dome- nico; une Crucifixion, à l'Institut des Beaux- Arts, et enfin un polyptyque relativement peu connu dans l'église de l'Alborino.

A citer encore, dans ce fascicule, un article de notre collaborateur M. James Weale sur Les Primitifs flamands à l'Exposition de Bruges de l'année dernière ; une notice sur les dernières acquisitions du Louvre, etc.

(Septembre-octobre 1903). M. Bernhard Berenson commence une étude sur un peintre siennois de la légende franciscaine, lequel n'est autre que Stefano di Giovanni, dit Sassetta. Déjà, dans le numéro de mai, M. Langton Dou- glas avait réhabilité le nom et l'œuvre de ce peintre qu'ont trop ignoré la plupart des cri- tiques d'art. Après lui, et s'aidant d'ailleurs beau- coup de son article, M. J. Destrée {Art moderne, 2 août) a retracé la vie et le rêve d'art de Sassetta, et s'est essayé à un premier catalogue de ses œuvres. M. Berenson, plus heureux que ses devanciers, puisqu'il lui a été donné de retrouver et d'identifier les neuf panneaux du grand retable que l'artiste exécuta pour l'église Saint-P"rançois, à Borgo San Sepolcro, se place cependant à un point de vue différent. II analyse les œuvres de Giotto dans l'église d'Assise, moins comme œuvres d'art que comme interprétations de la légende franciscaine, et il nous montre comment elles échouent à nous communiquer l'essence spirituelle de l'enseignement de saint François. Comparant ensuite l'art européen à celui d'Extrême-Orient, il se livre à des considé- rations étranges, d'où résulterait la supériorité de ce dernier dans l'expression du spirituel ; il en donne comme exemple une peinture chinoise du -XII'-' siècle, représentant un miracle, dans la collection de M. Deuman W. Ross, de Cam- bridge U. S. A.

M. Campbell Dodgson donne une notice sur un saint Jean à Pathmos : une gravure sur bois attribuée à tort à Hans von Kulmbach. L'auteur, après s'être élevé contre cette attribution , s'appuie sur la couronne qui entoure la signature pour y reconnaître la signature de Hans Knoblauch, im- primeur et éditeur strasbourgeois (période d'ac- tivité : 1500 1528), qui serait alors le possesseur et l'éditeur de cette gravure ; quant à l'auteur, il doit être cherché parmi les artistes stras- bourgeois contemporains ; peut-être serait-ce Wechtiin ?

244

Bc\)ue De r^^rt cbrctien»

GAZETTE DES BEAUX-ARTS. Livraison du i" février 1904.

Le Renouvellement de l'Art par les « Mys- tères » à la fin du moyen âge (i<^' article), par M. É. Mâle.

Quelques bois sculptés de l'école tourangelle du'XVe siècle par M. P. Vitry.

Un Portrait d'enfant : « Elizabeth Laura Hen- rietta Russel », par le baron R. Portails.

Le Palais Farnèse par M. André Chaumeix.

Deux mannequins en bois du XVl*^ siècle, par M. É. Michel, de l'Institut.

Girolamo délia Robbia et ses œuvres (2^ et dernier article), par miss M. Cruttwell.

Deux « Vies » d'évêques sculptées à la cathé- drale de Rouen (2^ et dernier article), par M"^ L. Pillion (I).

Artistes contemporains. R. Mois ; P.-J.-C. Gabriel (2"= et et dernier article), par M. Georges Riat.

Bibliographie : Deux récents historiens de Watteau (Gabriel Séailles ; Edgcumbe Staley), par M. Maurice Tourneux ; Constantin Meunier, sculpteur et peintre (Camille Lemon- nier), par M. R. M. ; Monumenti dell' Italia méridionale (Adolfo Avena), par M. E. Bertaux; Sports et jeux d'adresse (H. -T. D'Alle- magne), par M. A. M.

Cinq gravures hors texte :

L' Adova(io7i des bergers, miniature par Jean Fouquet (Musée Condé, Chantilly).

Elizabeth Laura Henrietta Russel, par William Ovi^en.

Les Œuvres de miséricorde, bas-reliefs en terre cuite émaillée, par Girolamo délia Robbia.

Carrier, bronze par M. Constantin Menier.

The CrafSMAN. Nous venons de recevoir le d'octobre de cette revue mensuelle de mé- tiers d'art publiée par -i The united Craft » (2).

Le fascicule est copieusement illustré et con- tient en dehors d'articles traduits du français des études originales de Caryl Caleman sur l'auréole comme symbole à travers les siècles ; de VVendell, G. Corthell sur le travail du bois en Suisse; de Louise Stowell, sur les images peintes du Japon, de Irène Sargent sur l'art de la po- terie au collège Ste-Sophie à Nouvelle Or- léans.

Handicraft est une autre revue mensuelle d'arts et métiers publiée par « The Society of arts

I. Il sera rendu complo de ce trnv.iil dans notre proolmine livraison.

2 277, Soulh State slreet Syracuse New-York, 3 dollars par an.

and crafts » (2). Le No de septembre contient un article intéressant traitant du verre et qui fait suite à un autre article sur les vitraux paru dans le no de juillet. Dans le no d'août a paru une étude de M. Hodge sur la reliure des livres.

E. C.

MISGELLANEA D'ARTE (1903, fasc. lO-ll).

Ce double numéro est entièrement consacré à Masaccio, à sa vie et à ses œuvres.

M. Marrai, à propos des fresques de la cha- pelle Brancacci, au Carminé, dues au pinceau de Masaccio et de Masolino, consacre à ces deux grands peintres des pages des plus intéressantes et d'une critique très sûre.

M. Paolo d'Ancona nous décrit le tableau d'autel de l'église del Carminé, actuellement à la galerie de l'Académie des Beaux- Arts, générale- ment attribué à Masaccio. Sans vouloir nier cette attribution, M. d'Ancona ne la croit pas aussi certaine qu'on le dit généralement.

M. N. Ferri a étudié des dessins de Masac- cio, tous assez arbitrairement attribués au célèbre réformateur de la peinture toscane. Il passe en revue, d'après le catalogue Braun, ceux du musée de Lille, du Louvre, du British Muséum, des Offices, etc. Aucun ne paraît à M. Ferri d'une authenticité certaine.

Enfin, M. Giovanni Poggi consacre une importante étude à la table d'autel que Vasari dit avoir été faite par Masaccio pour l'église del Carminé à Pise.

(Fasc. 12). M. Canestrelli étudie minutieu- sement l'église de San Quirico in Osenna, située à 45 kilomètres de Sienne. Il conclut que cet édifice date de la seconde moitié du XIII<= siècle, sauf la porte occidentale, qui est du XII'= siècle (8* illustrations).

M. Jacques Mesnil étudie la Madone des constructeurs ; c'est la plus ancienne œuvre d'An- dréa délia Robbia, dont la date soit établie par un document précis ; elle date de 1475. Andréa avait 40 ans.

RIVISTA D'ARTE (1904, n" l).

A dater de 1904, la Miscellanea d'Arte se pu- blie sous le titre Rivista d'Arte. Elle est dirigée par une Commission de laquelle font partie MM. Corrado Ricci, Benvenuto Supino et Giovanni Poggi.

M. Corrado Ricci, à propos du tableau peint à Florence par Benozzo Gozzoli pour la confrérie

I. 14. .*>oni«'rset Street at Boston Massachiissetts. i dollar par an.

Btbltograpftte.

245

de San Marco, et aujourd'hui à Londres, recher- che ce qu'a pu devenir la prédelle. Il suppose, d'après les sujets indiqués par les documents, que c'est à ce tableau que se rapportent deux petits tableaux de Gozzoli : le Miracle de saint Domi- nique, qui est à Brera, à Milan, et le Miracle de saint Zénobe, de la collection Rodolphe Kann, à Paris.

M. Carlo Gamba étudie un tableau de Pontormo, qu'il a trouvé dans l'église de Carmi- gnano.

M. Emilio Robîony publie des documents établissant que la Madone au long cou du Par- mesan (galerie Pitti), a été achetée en 1698 par le grand-duc de Toscane Ferdinand de Médicis, aux Pères Servîtes de Parme par l'intermédiaire du comte Calvi.

(N° 2). T^a plus grande partie du numéro est consacrée aux dessins de Michel- Ange que MM. Ph. Ferri et Jacobsen ont découverts.

M. Corrado Ricci étudie un tableau de Rar- tolomeo Caporali récemment acheté par le musée de Florence et placé aux Offices. Il représente La Madone, rEnfant Jésus et des anges. Il est très bien conservé et d'un fort beau coloris.

M. de Fabriczy publie quelques documents sur Mino da Fiesole.

(N°s 3-4). M. Peleo Bacci étudie une Résur- rection du Florentin Benedetto Buglioni, l'auteur des terres cuites de l'église de la Badia, à Flo- rence. Cet ouvrage important se trouve au Capi- tole, annexé à l'église Saint-François, à Pistoia. Les documents qui le concernent portent les dates de 1489 et de 1490.

M. Jacques Mesnil publie des documents sur la Compagnie de Gesù Pellegrino. Cette So- ciété était très importante au XV*" siècle à Flo- rence et siégeait à Santa Maria Novella.

]\r. Colasanti décrit le tableau de Néri di Bicci, à la Pinacothèque de Gubbio, qui repré- sente La Vierge adorant l'Enfant Jésus. Il la compare au tableau de Fra Filippo Lippi qui est à Berlin et qui représente le même sujet et il conclut que Néri di Bicci a suivi de près Filippo Lippi sans arriver à en atteindre toute la grâce.

En quatre pages intéressantes, M. Durand- Gréville continue ses <i Notes sur des tableaux et dessins de collections italiennes. » Il signale en particulier la Vierge avec l'EnJant de la Pinaco- thèque de Lucques. Cette œuvre, attribuée à l'école allemande du XI'" siècle, semble à l'auteur l'œuvre d'un grand peintre néerlandais (').

I. Courrier de tArl.

JAKCRBUCH DER KUNSTHISTORISCHEN SAMIVILUNGEN DES ALLE RHŒGHSTEN KAI- SERH A aSES. Tiime XXI, année 1 900.

Ce volume contient les travaux suivants, illustrés, comme d'habitude, de nombreuses et belles reproductions dans le texte ou hors texte :

La Peinture de paysage en Toscane aux XI V" rt A' I '■" siècles, son origine et son développement, par M. Wolfgang Kallab.

Pendant toute la période antique et byzantine le paysage a gardé un rôle secondaire. Ce n'est qu'au commencement du XIV*" siècle, qu'avec Giotto et Duccio, nous voyons l'éveil d'un senti- ment direct de la nature. Parmi les idéalistes du XIV* siècle, Ambrogio Lorenzetti fut le seul réaliste. Il renonça aux fonds dorés que Duccio conservait encore, mais il n'eut pas sur ses con- temporains une bien grande influence. Enfin Masaccio se dégagea complètement de la tra- dition byzantine. Il peignit les collines des environs de Florence, les vallées de l'Arno et du Mugello. Mais ces paysages, traités par grandes lignes et par masses d'ombre et de lumière, sont toujours subordonnés au sujet principal. Au contraire, ses successeurs, les naturalistes du XV^ siècle, s'attardèrent dans des recherches de dé- tails, ponts, champs clos, villes fortifiées « ed altri minuzie délie natura », selon le mot de Vasari. Ils semblaient avides de faire parade de leur science de la perspective dont les lois venaient d'être établies par L. R. Alberti, P. Uccello et Piero délia Francesca. Ce dernier fut, d'ailleurs, un grand paysagiste. Il se préoccupa de rendre l'atmosphère et de résoudre tous les problèmes de la perspective aérienne, dont ses prédécesseurs semblaient ne pas se douter. Les Ombriens de la fin du XV" siècle se préoccupèrent de rendre dans leurs paysages les harmonies des différentes heures du jour et ils purent être considérés comme les créateurs du paysage intime.

Léonard de Vinci, par ses paysages, n'appar- tient guère à l'école florentine. Ses fonds de ro- chers fantastisques font plutôt penser aux mon- tagnes dolomitiques qu'aux collines de la Tos- cane. Par ses traités, il fut le premier théoricien du paysage et il étudia, par esprit scientifique, bien des problèmes dont on ne retrouve aucune trace dans ses tableaux.

Le paysage florentin ne se développera pas au.K siècles suivants comme à Venise. Ce n'est qu'un épisode sans grande influence sur la pein- ture moderne. Mais il a pourtant un intérêt histo- rique comme exemple de la transition entre les formules du moyen âge et la compréhension in- dividuelle de l'art moderne.

REVUE DE L ART CHRKTIEN. 1904. 3""^ LIVRAISON.

246

îRebue tic l'^vt cbrctieu.

Les Types de la « Genèse » de Vienne sur les ivoires, par M.Hans Graeven.

M. Graeven établit les ressemblances évidentes qui existent entre certaines scènes de ce manus- crit et des ivoires byzantins dispersés dans di- verses collections et dont les sujets demeuraient jusqu'à présent incertains. L'auteur croit que les compositions de la Genèse sont des copies de re- cueils de sujets d'après d'anciens modèles dont se servaient les artisans byzantins du IX'= siècle.

tiotonsV Hislûire de la miniature dans la maison d'Esté, à Ferrare, par M. Julius Hermann (').

I. D'après la Chroyiique des Arts.

BULLETIN DES MUSES BOYAUX DES ARTS DÉCORATIFS ET INDUSTRIELS DE BRUXELLES.

M. J. Destrée publie dans le numéro de jan- vier ses études sur le phylactère de Ste-Marie d'Oignies exécuté par le trère Hugo. Cet objetde toute beauté, récemment acquis par le musée de Bruxelles, appartenait à l'église Saint-Nicolas de Nivelles, il a été mis en évidence pour la premièrefois par laGilde deSt-ThomasetSt-Luc. M. Destrée le compare à un phylactère semblable au moine d'Oignies, et conservé au trésor des Sœurs de Notre-Dame de Namur, et à un troi- sième, appartenant à le cathédrale de Cologne et signalé par le chanoine Schnùtgen.

L. C.

Btbltograpl)te.

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dirOniCJUC. sommaire: école des hautes études d-art de Bru- xelles. — conservation des monuments et objets D'ART; la loi Pacca ; le Campanile de Venise ; la maison d'Ozé à Alençon ; Croix triomphale ; église des Jacobins de Castillonnès; cathédrale de Lyon ; Notre-Dame d'AIençon ; église de Beaulieu, de Longueil- Annel ", Beffroi de Périgueux ; Sainl-Jean-de-la-Ruelle ; Catacombes romaines. ŒUVRES NOUVELLES : cathédrale de Cerignola ; parvis d'Amiens ", atelier de tapisseries au Vatican, à Champfleur. MUSÉES ET BIBLIOTHÈQUE: musée de Naples, de Florence, de Mont- pellier; bibliothèque de Turin. MUSIQUE SACRÉE: Centenaire de saint Grégoire le Grand. NÉCROLOGIE : E. J. Corroyer.

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Gcolc De bautcs ctiiDcs De BrurcUcs.

dite.

fES conférences des cours d'art et d'ar- cliéologie se poursuivent chaque sa- medi avec un succès croissant. Après la captivante causerie de M, G. Bene- l'éiiiinent égyptologue parisien, sur « les

industries d'art de l'ancienne Egypte », on a eu une étude de M. le prof. Roersch, de l'Université de Gand, sur n les humanistes belges de la Renaissance ».

-M. Roersch a révélé une des phases les plus attachantes de l'histoire littéraire belge, un épi- sode de ce mouvement d'expansion qui, au XV"^ et au XVIfi siècle, fit rayonner sur toutes les nations latines l'influence flamande : dans la musique, la peinture, les lettres, la philosophie, les mathématiques, les Flamands gravent leur empreinte.

M. Roersch, orienté par ses études spéciales vers les questions philologiques et littéraires, a montré comment la Renaissance avait pris ori- gine dans les provinces flamandes, comment l'humanisme, loin d'y avoir été importé d'Italie, y était spontanément du besoin de réaction contre la scolastique, et avait pu s'y développer très rapidement, grâce à la préparation du terrain intellectuel par De Groote et ses continuateurs.

Ce Gérard De Groote, à Deventer en 1340, soit plus d'un demi-siècle avant les humanistes italiens, à part Pétrarque et Boccace, fut le premier humaniste flamand. Par ses propres travaux, surtout par la fondation des Frères de la Vie Commune (Hiéronymites) dont les collèges rayonnèrent bientôt sur la Hollande, l'Allemagne et la Belgique, De Groote suscita un vigoureux réveil des esprits.

Après lui viennent : Érasme, le plus univer- sellement célèbre, qui se fixe à Louvain dès 1502 ; Juste-Lipse ; De Smedt de Westwinkel (1525), le créateur de la méthode épigraphique ; Piguius, le gouverneur du prince Charles de Clèves (1520- 1604), auteur d'un célèbre récit de voyage à Rome avec son élève, et initiateur de la Chronologie de l'Empire romain ; François de Maulde, d'Oudenburg ; le seigneur de Boes-

beke, qui découvre l'inscription d'Ancyre ; Marc Laurain, seigneur de Watervliet, qui, avec la collaboration de Goitzius, établit à Bruges une imprimerie et un atelier de gravure tout spéciale- ment pour publier le catalogue de ses collec- tions ; enfin le charmant Jean Everts, dit Jean Second, mort tout jeune à Tournai, peintre, graveur et poète latin exquis, si exquis que son recueil les Baisers sert de modèle aux poètes de la Pléiade: Ronsard, Bellau, du Bellay, qui le démarquent sans scrupule...

M. P. Vitry a fait une conférence sur les Pri- mitifs français. En cette préface à l'exposition qui vient de s'ouvrir, l'orateur s'est appliqué à mettre en relief les caractères de l'art où, tour à tour au service des rois de France, des ducs de Berry, d'Anjou, de Bourgogne, à Bourges, à An- gers, à Dijon, s'illustrèrent des maîtres de premier ordre. Avec plusieurs expressément désignés : les frères Pol, Jean et Herman Manuel, dits de Lim- bourg, Jean de Bandol, dit de Bruges, Jean Coste, Girard d'Orléans, J. Fouquet et ses fils, Bour- dichon, le conférencier en a signalé d'autres, encore indéterminés, en qui persistent des habi- tudes assez franches pour constituer une école, au sens rigoureux du mot. Contemporains de Broederlam, ils seront les précurseurs des frères van Eyck, comme sculpteurs, comme peintres, comme miniaturistes.

M. de Bruyn doit parler de 1'* Art popu- laire ».

L'éminent professeur romain Marucchi, bien connu par ses travaux archéologiques, viendra donner, en avril, une série de conférences sur « les résultats des récentes fouilles du Forum ».

Art naturaliste.

La collection de l'école des Beaux- Arts possède une statue couchée en marbre, attribuée àGermain Pilon, et indiquée par E. Muntz comme la figure de Catherine de Médicis. Une consultation anatomique, faite à l'initiative de M. E. Luger (i), a révélé que le gisant est bel et bien un homme, et qu'il s'agit d'une étude sur modèle vivant destinée à l'exécution de l'effigie de Henri II.

I. V. Chronique des ar/s, 1904. p. 4.

252

jRcbue ÎJe ï^xt thxétmx.

Ne faut-il pas admirer cette servilité savante de la copie d'un modèle, qui aboutit à une expression artistique telle, qu'il faille de savantes recherches pour distinguer s'il s'agit d'un homme ou d'une femme !

Conscruation Des monuments et objets Q'Hrt.

WI Pacca. On connaît la loi salutaire édictée jadis par le Saint-

Siège sur l'initiative du Card. Pacca, pour protéger les œuvres d'art ancien, (bien avant que nos Congrès d'archéologie n'eussent jeté l'alarme contre les marchands du Temple) et mettre frein à la spéculation qui faisait sortir d'Italie tant de chefs-d'œuvre de l'art. Les journaux font maintenant honneur de cette loi au « Gouvernement italien ». Le Gou- vernement italien, lui, se sert de la loi pontificale d'une manière singulière, absurde, au profit des finances et en fait une exploitation du fisc. Il en tire prétexte pour permettre l'exportation de livres anciens, moyennant une forte taxe. La Bibliflfiliaàt. Florence s'élève contre ces pratiques et réclame avec raison, qu'on laisse libre la vente des estampes dont il reste de multiples exemplaires.

Le Campanile de Venise. On nous écrit de Rome :

« Dans sa séance du 22 mars, le Sénat a ap- prouvé le projet de loi pour la reconstruction du Campanile de Saint-Marc et pour la restauration des monuments de Venise. A propos du campa- nile de Saint-Marc, le rapporteur, M. le Sénateur Pellegrini, assure que les anciennes fondations ont été trouvées en parfait état de conservation et que toute crainte à cet égard a disparu, de même que les préoccupations concernant les éventualités auxquelles seraient exposés les monuments du voisinage, qui doivent également être écartées. Ces déclarations ont été confirmées par M. Orlando, miin'stre de l'Instruction publi- que, lequel a ajouté qu'il assumait comme minis- tie la responsabilité de ces informations. Cepen- dant il a ajouté avoir acquis la conviction que l!exécution du travail n'est pas entre de bonnes mains; il confessa son manque absolu de con- fiance en voyant présider à la reconstruction du campanile le même système qui a été la cause de sa ruine.

Il résuite cependant des renseignements four- nis, que la Commission à laquelle le travail a été confié ne s'isole pas de l'action gouvernementale,

cette Commission comptant dans son sein des représentants autorisés du Gouvernement. A l'ad- ministration municipale de Venise n'incombe d'autre responsabilité que celle de la gestion des finances.

Les deux projets de loi ont été approuvés et votés au icrutin secret. »

On ne saurait s'empêcher de trouver étrange l'attitude de M. Orlando, Ministre de l'Instruc- tion publique: elle est de nature à jeter le discré- dit sur la direction d'un comité le Gouverne- ment lui-même est représenté.

Les membres de cette Commission seraient peut-être fondés de répondre à M. le Ministre que si, par le système qu'ils ont adopté, le nou- veau campanile doit résister à l'action des siècles aussi longtemps que l'a fait l'ancien, on n'aura pas trop à se plaindre de la direction imprimée au travail. La stabilité du nouveau campanile de Saint-Marc dépassera probablement de beaucoup celle d'édifices modernes approuvés par le Minis- tre italien.

# « *

La maison d'Ozé, à Alençon, ayant été classée comme monument historique par décret du 27 août dernier, la SocicU' historique et archéologique de l'Orne vient d'ouvrir une souscription, dont le montant,ajouté à la subvention fournie par l'Etat, est destiné à aider à la restauration de la maison dont il s'agit et à sa transformation en musée public (•).

La croix triomphale vient d'être rétablie à sa place dans l'église de Rebaix (Hainaut).

La Dépêche de Toulouse prête à M. le cuté de Castillonnès l'intention d'ouvrir une nouvelle souscription pour l'achèvement des travaux à l'église et au clocher. On sait que la façade nord de Notre-Dame des Jacobins menace ruine et que de grosses réparations sont nécessaiies. Le monument étant communal, c'est la Ville d'Agen qui devrait supporter tous les frais de ces réparations. M. le maire a songé à faire clas- ser l'église parmi les monuments historiques, ce qui obligerait l'Etat à prendre à sa charge les frais d'entretien. Il demande, en conséquence,au conseil de l'autoriser à faire les démarches néces- saires.

I. On peut adresser toutes souscriptions A .\r. Léon Homniey. conseiller municipal à Alençon. banquier cl trésorier du comiié d'organisation, rue du Cours, à Alençon.

Cl)romque.

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Un crédit de 60.000 francs a été alloué sur le budget de 1904 pour la continuation des tra- vaux de la cathédrale de Lyon (Rhône). Le rap- port de la Commission des finances du Sénat fait connaître que le dernier crédit figurera au budget de 1905.

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L'église Notre-Dame, à Aleiiçon (Orne), monu- ment historique, exige des réparations dont le montant s'élève, paraît-il, à 40,000 francs. Rappe- lons que les verrières du haut de la nef de cet édifice.datant du XVI'= siècle, forment un ensem- ble de tout premier ordre.

*

On nous informe que très prochainement la commune de Beaiilieu (Indre-et-Loire) va mettre en adjudication les travaux de restauration de son église, lesquels sont évalués à 100.000 fr.

Le dimanche 14 février, Mgr l'évèque de Beau- vais a béni la nouvelle église de Longueil-Annel. Cette église est sur plan basilical, sans transept, à trois nefs, et triforium praticable. Style général : transition, fin du XI I«. Architecte ; M. Morin. Le clocher reste à édifier.

Le beffroi de l'église de la Cité à PJrigueux, menace ruine ; il est déjà tout lézardé. Des mesu- res viennent d'être prises pour éviter des acci- dents aux abords de l'église, en attendant une urgente réparation.

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* *

La commune de Saint-Jeande- la- Ruelle {\^o\- ret) reçoit du ministère des Cultes un secours de 10.000 fr. pour aider à la couitruction de son église (•).

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M. Chaumié, ministre des Beaux-Arts, vient de charger d'urgence M. Suisse, architecte des Monuments historiques, d'accord avec le ministre de la Guerre, de prendre en main les travaux de Saint- Philibert à Dijon, et d'établir un projet de restauration de cet édifice, dont M. Chabeuf s'oc- cupe dans la présente livraison de notre Revue.

* « «

Catacombes romaines. Depuis quelques se- maines, Rome compte une basilique chrétienne de plus et un groupe de catacombes bien supé- rieur à celles déjà connues.

I. Les nouvelles précédentes sont empruntée l'excellente revue hebdomadaire V Art sacré.

La découverte a été faite non loin du cimetière de Comodilla, lequel est même en communica- tion avec ces catacombes inopinément venues au jour.

Cette basilique souterraine n'est pas de grande dimension ; en revanche, elle offre un grand in- térêt par les trésors artistiques qu'elle renferme. Toutes les parois sont couvertes de fresques, dont deux surtout frappent non seulement à cause de leur parfait état de conservation, car on les di- rait peintes d'hier, mais par la pureté du dessin.

On sait que les peintures des premiers siècles de l'ère chrétienne qui se sont conservées dans les catacombes, sont de simples simulacres faits à grands traits et sans aucune recherche du dessin. Même les fresques découvertes il n'y a pas long- temps dans la basilique « S. Maria Antiqua » au Palatin, bien qu'importantes pour l'époque elles furent exécutées, ont toute la froideur et la raideur hiératiques de l'art byzantin.

Au contraire, les fresques découvertes dans les catacombes de Comodilla révèlent le pinceau d'un véritable artiste au dessin correct et puis- sant. L'une d'elles, représentant la Vierge, entou- rée de quatre saints, est un réel chef-d'œuvre.La tête, finement modelée, a une expression de man- stiétiide qui émeut même le profane. Le coloris est d'une admirable fraîcheur et les tonalités d'une harmonie que l'on chercherait en vain dans les peintures byzantines. Les lignes du drapé,et pour la Vierge et pour les saints, sont belles et souples.

Si la découverte de cette petite basilique est importante au point de vue artistique, celle des catacombes l'est encore davantage sous le rap- port archéologique.

Le visiteur qui descend dans les catacombes romaines en voit les « loculi » vides, les tombes dévastées en grande partie. Dans le groupe qui vient de revenir au jour se trouvent des galeries de 20 mètres de hauteur, avec dix à douze ran- gées de « loculi » ou tombes, toutes fermées, toutes intactes. De plus, à côté de chaque tombe, il y a la lampe funéraire, les dons votifs et jus- qu'aux clous étaient appendues les couronnes.

Il est très probable que ces souterrains furent fermés au VI'^ siècle et échappèrent ainsi aux déprédations des Goths. On les a donc retrouvés en leur état primitif et, une particularité à noter, c'est que des squelettes gisaient à terre. Il est à supposer qu'un éboulement se produisit, obstrua les galeries et que ces squelettes sont ceux des chrétiens venus prier près de la tombe de leurs chers défunts, et qui ne purent se sauver quand l'éboulement eut lieu.

Tous les « loculi », toutes les tombes ont leur inscription, une date, ce qui permet d'établir que l'hypogée est de l'époque comprenant le V'^ et le Vl<= siècle.

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3Rrbur tic V^xt chrctirn.

Mais noiis~sommes seulement au commence- ment des explorations : d'autres galeries restent encore à découvrir, qui probablement seront in- tactes aussi.

Autour de la basilique existent les sépulcres de plusieurs saints et martyrs du VI*^ siècle. On y a recueilli nombre de sarcophages, de colonnes, de chapiteaux et de fragments de statues. Tout un trésor archéologique.

Les fouilles se font pour le compte du Vatican. Pie X s'y intéresse immensément, surtout à cause des tombes des martyrs et des saints.

* * *

Nous lisons avec plaisir dans la Chronique des Arts du 9 avril :

i. Une étrange mesure ministérielle vient de supprimer des prétoires tous les emblèmes religieux. Si nous n'avons pas à juger ici les raisons dont elle s'inspire, il nous ap- partient de dénoncer le sacrilège artistique qu'elle accom- plit h la légère. Toutes les sculptures, tous les tableau.\ religieux qu'une tradition souvent ancienne plaçait sous les yeux des juges, des prévenus et des spectateurs vont disparaître et les murs ne présenteront plus au re- gard dépaysé que leur nudité inonotone.

Il y a un véritable contre-sens artistique. La vie publique n'avait que trop rarement déjà le souci du décor elle s'écoule. Et puisque les prétoires gardaient, comme un legs du passé, une ornementation parfois si précieuse, il fallait la leur laisser. Une administration intelligente aurait même souhaité de l'enrichir. Aux em- blèmes déjà existants elle aurait ajouté d'autres emblèmes qu'ils soient ou qu'ils ne soient pas religieux. Elle se serait souvenue que le charme de tant de vieilles cités vient pré- cisément de ce qu'elles ont eu soin de parer les salles s'assemblaient leurs juges, leurs syndics ou leurs conseil- lers, et d'embellir la vie officielle. .Si les murs blanchis .\ la chaux et les bustes de plâtre doivent être désormais le décor idéal de tous les actes publics, c'est que les Scythes ont envahi le monde.

Une autre inquiétude saisit, pour peu que l'on songe aux destinées des œuvres d'art qui vont être enlevées de leur place traditionnelle. Les questions de propriété ne manqueront pas d'être souvent délicates, et, une fois résolues, elles laisseront encore indécis l'einplacement futur des ouvrages bannis. les départements les expo- seront-ils ? Dans quelle salle obscure et sans emploi les villes pourontelles les accueillir.? On parle déj.à de main- tenir certains tableaux dans les prétoires, en les recou- vrant d'un voile, comme des objets indignes d'être vus. Et ce projet suffirait à condamner à lui seul la mesure qui vient de frapper les emblèmes. Au milieu de tant d'incer- titudes, il conviendra que les départements et les villes se souviennent qu'il est pour nos richesses d'art un asile national, et que le Louvre pourra aisément devenir le refuge glorieux des bannis. Ce sera le meilleur moyen de sauvegarder à la fois les ouvrages eux mêmes et l'intérêt du public. >

OEutircs nouticUcs.

Cathédrale de Cerigiiola. Nous résumons ci- après un article paru dans le fournal dis Arts

sous la signature connue et sympathique de

André Arnoult.

Je ne pense pas que la cathédrale actuellement en construction dans la petite ville de Ceriguola, province de Capitanate ou de Foggia, soit, par les dimensions, un édifice de tout premier ordre en Italie. Du reste, il ne faudrait pas s'imaginer que les églises italiennes atteignent toutes à des proportions gigantesques. Par leurs dimensions, les cathédrales de Gênes, de Pise, d'Orvieto, de Sienne, p.ir exemple, sont dépassées par nombre des nôtres ; celle de Ccrignola aura, j'imagine, de 70 à 80 mètres de longueur, ce qui lui donnera un rang honorable parmi ses sœurs aînées. La cathédrale de Sienne en a 89, celle d'Orvieto 104, celle de Pise 95.

Un legs important a été la base de l'œuvre dont la réalisation a été confiée à l'architecte Alvino ; mais la mort l'a surpris avant que les projets fussent sortis de la pé- riode préparatoire et l'achèvement a été confié à un de ses élèves, M. Giuseppe Pisanti, que l'Italie tient pour un de ses meilleurs architectes contemporains.

Ayant a édifier de toutes pièces une cathédrale en style médiéval, M. Pisanti pouvait s'en tenir à celui qui a laissé tant d'exemples dans l'ancien royaume de Naples, abondent les œuvres normandes et angevines dues à des prélats et à des architectes d'origine française.

Cette influence venue du Nord, que l'on amoindrirait volontiers en Italie de même qu'on la majorerait plutôt en France, ne peut être mise en doute. Il faut entendre, toutefois, que les architectes français Pierre d'Angi- court sera au XI 1 1'^ siècle celui de Charles d'Anjou modifièrent plus ou moins leurs plans et leurs procédés de structure pour adapter leurs édifices à des conditions spéciales dont ils étaient trop bons constructeurs pourne pas tenir compte. Ainsi, j'ai déjà indiqué qu'ils rempla- çaient un peu partout les berceaux en pierre par des char- pentes apparentesbeaucoup plus résistantes aux secousses sismiques que les voûtes équilibrées par des contreforts.

Pourquoi M. Giuseppe Pisanti est-il allé cheicher son inspiration sur les bords de l'Arno ? Je l'ignore. Mais les projets et maquettes exposés en 1903 au Palais des Beaux- Arts de Naples nous donnent l'impression d'une adroite copie de la cathédrale de Floreuce, Sainte- Marie de la Fleur. C'est un beau modèle, assurément, et je ne crois pas qu'il existe, dans le monde chrétien, un plus beau, un plus noble parti de plan ('; je parle surtout de l'effet extérieur que celui de cette immense église à l'aspect immobile, avec sa coupole cantonnée de trois absides en quart de sphère, séparées par des sacristies rectangulaires. Mais il faut bien avouer qu'au lieu de sincères ossa- tures apparentes loyalement exprimées dans nos cathé- drales du moyen âge, nous n'avons ici, selon la tradition romaine, qu'un édifice en briques ou de très petit appareil revêtu d'une pellicule de marbres. Sainte-Marie de la Fleur, comme son campanile et son baptistère, comme les façades de San INIiniato et de Santa-Maria-Novella n'est qu'une masse rudimentaire sur laquelle on a jeté une riche parure polychrome.

Ainsi faisaient les Romains pour leurs palais, leurs thermes et certains grands édifices à voûtes, tels que le Panthéon et cette basilique de Constantin, dont dérive en partie l'art moderne. Seulement, ils construisaient mieux que leurs descendants et n'avaient pas besoin d'étresillonner leurs voûtes et leurs arcs par ces tirants de fer ou même de bois, qui gâtent tant d'intérieurs italiens.

I. Nous ferons remarquer au lenteur que cette appréciation est personnelle à notre estimé correspondant

(n. d. l. r.)

Ctjroinque»

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Donc, la cathédrale nouvelle de Cerignola sera un succédané, un diminutif ingénieux de Sainte Marie de la Fleur, et on y retiouvera le thème ornenjenial de la façade tlorentine nouvelle ; toutefois, la section des gran- des et basses nefs y semble plus accusée et la figure géo- métrique rappellera, mais pour le tracé seulement, le portail de la cathédrale de Pise. Et la similitude avec Sainte- Marie de la Fleur se poursuivra dans la distribu- tion de la sculpture, jusque dans les baies longues et étroites divisées par un meneau torse. La coupole sera, bien entendu, beaucoup moins volumineuse que celle de Brunelleschi, mais elle reposera aussi, sans contreforts, sur un tambour octogone ; seulement, les oculus circu- laires seront remplacés sur chaque pan par trois fenêtres conjuguées. Le style sera sensiblement celui de Sainte- Marie, sans copie servile, cependant, et on nous annonce, cela est un peu inquiétant, que l'architecte a fait appel aux formes les plus nouvelles du décor ornemental con- temporain. La coupole parait plus élancée que celle de Florence ; je doute que cet allongement de la courbe génératrice y ajoute de l'élégance ; ce serait plutôt le contraire. C'est, en effet, une erreur commise par beau- coup d'architectes, qui s'imaginent ainsi donner de la grâce à leurs courbes, notamment à leurs portiques ou arcs de triomphe en resserrant les lignes au lieu de les distendre ; mais ce n'est pas le lieu de traiter à fond une question de cet ordre.

* #

A)niens. On vient de créer devant la cathé- draled'Amiensune place d'heureuses proportions et de bâtir en face de Notre-Dame une rangée de maisons d'un goût exquis.

On s'est bien gardé de créer devant le vénérable et merveilleux édifice un gigantesque espace vide, qui l'aurait comme noyé dans le vide du ciel ; on a mesuré l'espace au monument lui-même, à sa hauteur, de manière à donner, sans plus, le recul nécessaire pour le saisir d'un coup d'œil; la bonne mesure est celle que réclamerait un photo- graphe pour faire entrer la façade entière dans le champ de son objectif; et cela y est. La pente douce du terrain vers la cathédrale contribue à l'excellent effet, complété par l'heureuse idée, qu'on a eue de daller la place, comme le parvis lui-même, selon la tradition des places antiques.

Mais ce qu'il faut louer surtout, c'est la ma- nière dont on a traité les maisons élevées en face de la cathédrale. Pour éviter le danger d'immeu- bles de rapport, M. l'architecte Douillet proposa à la Ville de lui vendre le terrain pour y bâtir à la distance convenue un rang de logis de style approprié. Il a donné le modèle pur des entreprises de l'espèce. Avec un ensemble de motifs pris à Amiens, à Abbeville, à Rouen, à Beauvais, il a composé et a groupé des maisons, le confort moderne s'allie aux formes savou- reuses de l'art traditionnel et local (ij.

I. Nous résumons ici un article de M. G. Scheid, dans l'excel- lente revue Lt Cottage. (Paris, rue Nouvelle, 8.)

Après dix-huit ans d'interruption, l'atelier de tapisserie de M. Gentili va être relevé par S. S. Pie X, avec une royale magnificence. Le rescrit pontifical qui autorise sa réouverture est déjà entré en voie d'exécution. M. Gentili et son fils ont pris possession d'un local dans la galerie au-dessus du portique de Saint Pierre. L'atelier de tapisserie ne comptera jamais moins de dix élèves, entretenus par le trésor apostolique. Il a averti en outre M. Gentili qu'il honorerait l'ate- lier d'une visite aussitôt après sa pleine reconsti- tution (I).

Depuis deux ans un atelier de tapisserie de haute lisse dans lequel on emploie les meilleurs procédés de nos manufactures de l'État est établi, avec la haute appro- bation de Monseigneur l'évcque du Mans, grâce à l'initia- tive de M. le chanoine Bruneau, dans une maison voisine du monastère franciscain de Champfleur (Sarthe).

Une habile ouvrière de Paris a bien voulu donner à quelques-unes des religieuses les premières leçons et les élèves ont fait des progrès si rapides qu'au bout de trois mois elles étaient en état de commencer et de mener à bonne fin la copie exacte et fidèle d'un morceau de la tapisserie (XVI" siècle) des saints Gervais et Protais de la cathédrale du Mans.

D'éminents archéologues, des savants distingués, de fins connaisseurs parmi lesquels nous pouvons citer ; M. de Farcy, d'Angers ; M. Guiffiey, directeur de la manu- facture des Gobelins, ont salué avec joie cette heureuse tentative et ont même voulu témoigner pratiquement par une commande leur haute satisfaction.

Pour compléter cette œuvre éminemment artistique, depuis quelques mois à côté des métiers des tisseuses, on a organisé un atelier de réparation pour les vieilles tapis- series.

Les résultats déjà obtenus sont parfaits. Par les soins et la charité toujours si libérale de M. le chanoine Chan- son, un des panneaux de la grande tapisserie de Saint- Julien, qui se trouve exposé actuellement dans le cathé- drale en entrant au chœur du côté de l'Epître, vient d'être complètement restauré.

Les nombreux visiteurs de la cathédrale pendant les fêtes de saint Julien pourront juger eux-mêmes ce travail.

Nous ne saurions trop nous réjouir de cette heureuse initiative. Elle prouve une fois de plus que l'Eglise ne saurait être indifférente à tout ce qui touche aux arts, au progrès : ce progrès dont elle-même demeure ici-bas la plus belle, la plus vivante expression.

flBiisccs et Bibliotbèque.

Au musée de Naples. On lit dans \z Journal de ï Art :

Le travail de réorganisation du Musée de Naples est l'œuvre du directeur, le professeur Ettore Pais ; elle a duré deux ans, coupés, il est vrai, par un intervalle de repos de plusieurs mois, aux polémiques ardentes des journaux. Les critiques n'ont pas manqué, en effet, au

I. La Véritâ française, 23 février 190.1. Safthe, du 30 janvier 1904.

Du Nouvelliste de la

256

ÎRcbuc iJC rart cbvcttciu

promoteur de l'œuvre entreprise et il a fallu une singu- ' lière énergie à M. Ettore Pais pour que sa volonté ne fléchît pas. Mais le succès est enfin venu, et l'opinion, subitement retournée, ne fait plus entendre de voix discordante.

Le premier acte de M. Ettore Pais a été de faire entrer partout la lumière dans des salles pour la plupart obscures ou mal éclairées, de mettre .1 portée de la vue et en bonne clarté nombre d'objets, d'inscriptions surtout, enfouis dans l'ombre ou placés trop haut. Le rez-de-chaus- sée, accru de plusieurs salles, a leçu les marbres et les grands bronzes. Un vestibulede formes et de proportions imposantes sert d'entrée aux différentes parties ; là, on a réuni les plus grands monuments, les statues équestres des Balbus, venues d'Herculanum ; celle du théâtre de Pompéi, à Rome; les prêtres et les prétresses de Pompéi; k droite sont les salles de l'histoire de l'art, h gauche l'iconographie grecque et romaine, au milieu l'icono- graphie. D'autres salles renferment les morceaux de pein- ture venant d'Herculanum et de Pompéi, classés par styles, par époques et par lieux d'origine.

A l'étage supérieur sont les médailles, les gemmes, les vases ; puis, dans des salles éclairées par le haut, les peintures modernes, entendons ceci des œuvres non antiques, puisque la collection va du XI 11^ siècle au W'III" siècle: le classement suivi est conforme h la chronologie. Un grand salon a reçu les belles tapisse- ries du marquis del Vasio, et les objets de la Renaissance.

Dans l'aile orientale est l'Antiquarium sont exposés les petits bronzes présentés avec beaucoup de goût. Enfin, à l'étage au-dessus, qui se compose de pièces basses inu- tilisées jusqu'ici, c'est tout une succession de salles nou- velles décorées en style pompéien et remplies de tout ce qui a trait à la vie antique, objets en céramique, en verre coloré ou blanc, menus ustensiles de la toilette des femmes, armes, papyrus, monnaies, provenant de Cumes, Stabia, Herculanum et Pompéi. Beaucoup de ces objets, et non des moins précieux, sont pour la première fois exposés.

Le musée comprend ainsi trois grandes divisions : Peinture, sculpture, archéologie. Le classement très méthodique et rigoureux auquel s'est astreint M. Ettore Pais n'a donné aucune froideur à un ensemble demeuré suggestif et vivant.

Ces renseignements sont empruntés à V Illustration italienne du 22 novembre 1903.

Ainsi, après la réorganisation du musée Brera, à Milan, c'est le tour du musée de Naples. A quand celui de l'Ac.idémie de la Pinacothèque du Vatican, l'éclairage partout pris de côté dans les quatre salles est absolument défectueux, et même des Offices de Florence, dont cer- taines petites pièces sont des espèces de cryptes enténé- brées ?

Mon rêve serait de voir réunis en une galerie disposée à la moderne les Offices, le Pilti et l'Académie des beaux- arts ; on aurait ainsi le plus beau musée de peintures italiennes du monde. En mettant toutefois hors classe le Vatican, non pour sa galerie, mais pour la .Sixtine et les Chambres de Raphaël, 1' « Odieux Raphaél 5>, comme a osé l'écrire M. Huysmans, qui, je l'espère pour lui, n'était pas encore venu à Kome. .Si l'auteur de VOblat a écrit ce mot, qui fait tort seulement à lui, après avoir vu les Chambres, ce serait vraiment un cas pathologique rele- vant des spécialistes.

André Arnoult.

Nous lisons dans le Journal d' Art.

Aux Musées de Florence. Le Journal des Débats annonce que M. Corrado Ricci, le réorga- nisateur du musée Brera à Milan, vient d'être chargé du mêine travail à Florence, il aura à remanier les Offices et la collection du palais Pitti. Son correspondant ajoute :

Je ne doute pas qu'il ne soit aussi heureux dans la ville des Médicis que dans celle des Visconti et des Sforza; mais il aura fort à faire. .\ux Offices, le local est manifes- tement insuffisant et imparfait.

D'après \t Journal des Débats, un des articles du pro- gramme serait la suppression de ce salon octogone connu dans le monde entier sous le nom de la Tribune. Le goût n'est plus ;\ ces assemblages d'œuvres diverses étrangères les unes aux autres par l'espace et la durée; et, de f.iit, la Tribune des Offices réunit des tableaux assez étonnés de voisiner ainsi. D'ailleurs, elle date d'une époque déjà décadente, puisqu'elle a été construite à 'a tin du XVI' siècle ou au commencement du XX'II'^ siècle par l'archi- tecte florentin Bernardo Buontalenti et décorée par Ber- nardino Pocetti ; aussi, le choix souvent remanié, des tableaux et statues n'est-il pas d'une grande sévérité et vraiment ni le Guerchin, ni le Guide, ni Schidone, ni Annibal Carrache, ne devraient se rencontrer ici avec Raphaël, Michel Ange, Le Titien, le Pérugin, Mantegna, Fra Bartolomeo, Giorgione, Le Corrège, Rubens et \'an Dyck. En l'état, la Tribune offre donc une étrange macé- doine, .\lbert Diirery coudoie Raphaël, et avec nos idées méthodiques, nous trouvons qu'un semblable péle-méle ne fait que nuire à tout le monde. Mais détruire la Tri- bune, ce n'est pas faire disparaître l'édicule lui-même, ce serait grand dommage; avec son pavé de beaux marbres assemblés h. l'antique, sa voûte à écailles de nacre qui luisent doucement, sa lumière florentine tombant égale et claire de la lanterne, la Tribune est une cassette pré- cieuse dont on peut seulement changer la destination. Les tableaux y sont déjà en ordre dispersé et dans un demi-isolement favorable; qu'on en fasse le sanctuaire de l'art dans la période raphaclesque, mais que l'on conserve à l'ensemble son caractère, celui d'une salle intime faisant partie du palais d'un prince amateur intelligent, et qu'on ne fasse pas évanouir ce parfum affaibli, si captivant encore du lointain passé. Nos musées modernes se font de plus en plus irréprochables au point de vue didac- tique, mais ils sont facilement froids comme des cabinets de minéralogie. Déjà Lamartine n'aimait pas les musées les œuvres de la main et de l'intelligence humaines sont mises hors de leur place, ce sont « des cimetières de l'art >. écrit-il dans son Voyage en Orient ; hélas ! ces cimetières-là sont aussi nécessaires que les autres.

J'espère donc que M. Corrado Ricci épargnera l'œuvre de Buontalenti, mais pour en user autrement et mieux.

Laissera-t-il ici les cinq antiques, la Vénus de Médicis, VApollino, le Ri'ntouleur, le Faune et les Lutteurs, que l'on y voit de temps immémorial, et qui en sont devenus comme le décor nécessaire? J'en doute; le mélange des œuvres de la statuaire et de la peinture n'est pas heu- reux; il y a une quarantaine d'années, on en a essayé au Louvre, et j'ai vu la Diane à la biche dressée au milieu du Salon carré; elle n'y est pas demeurée longtemps, l'épreuve ayant été unanimement condamnée.

Cependant, la tradition, la consécration du temps peuvent militer en faveur de la conservation de la Tri-

Cl)rontque.

257

bune en son état actuel, sauf à reviser le choix des pein- tures exposées.

Que fera M. Corrado Ricci de la collection des por- traits de peintres par eux-mêmes? Actuellement, ils sont placés dans des salles au-dessous du musée et forment une série h part; je crois qu'il faut conserver ce caractère de personnalité à la galerie créée par le cardinal Léopold de iMédicis, et j imagine que M. Corrado Ricci se gardera bien de disperser un ensemble unique au monde.

Pour le Pitti, la question est plus délicate ; ici, nous avons moins un musée qu'une collection princièie, logée dans les appartements d'un palais et personne ne peut songer h détruire le bel aspect intime de ces amples salons tendus de vieille soie rouge, sous les voûtes peintes par Pierre de Cortone, Luigi Sabatelli, Ciro Ferri, Catani et Gaspero Martellini, décorations fastueuses de la déca- dence, d'accord, et qui ne sont plus à la mode aujourd'hui, mais auxquelles on ne peut refuser, du moins, de l'imagi- nation et de l'éclat.

D'après le Journal ^^s Débats^ le Pitti conservera son état historique de galerie particulière ; pour ma part, et je l'ai déjà dit ici même, je révérais de voir tous les musées de peinture florentins réunis dans une synthèse unique et savante, mais du moment oii il n'en peut être ainsi, je crois que l'on fera bien de maintenir au Pitti sa présenta- lion plusieurs fois séculaire.

Il paraît que les magasins du palais renferment en abondance des œuvres inconnues du public et peut-être des conservateurs eux-mêmes. M. Corrado Ricci se pro- pose donc de les explorer et de demander à la liste civile italienne quelques locaux supplémentaires. On pourra aussi faire un choix parmi les innombrables portraits qui tapissent le long corridor de communication entre les Offices et le Pitti. Il y a beaucoup de toiles ayant tout au plus une valeur documentaire, mais quelques-unes peuvent être dignes de prendre place dans les salles des musées, soit aux Offices, soit au Pitti lui-même.

André ArNOULT.

Notre estimé collaborateur M. J. Berthelé nous apprend qu'il vient de réussir à faire acheter par l'Université de Montpellier la superbe col- lection de moulages de notre regretté ami M. le chanoine Didelot de Valence ('). L'Association des Antis de V Université a pris sur elle les frais de cette acquisition.

La collection sera très prochainement trans- portée à Montpellier, elle conservera son inté- grité. Elle sera logée dans une salle spéciale, qui portera le nom de Salle Didelot.

Persuadé que le développement des Universi- tés provinciales résultera surtout de la spéciali- sation locale de leur enseignement, et que l'Uni- versité de Montpellier est mieux placée que toute autre pour l'étude si intéressante de l'art du moyen âge dans le Midi de la France, cette association a voté à la Faculté des lettres une importante subventioii pour la création d'un « musée d'art méridional », qui complétera les

I. M, l'abbé Didelot séjourna longtemps à Gand. il s'était fait le disciple du grand maître d'Art chétien, le baron Béthune, dont notre Revue a toujours épousé les doctrines.

collections d'art antique déjà existantes. C'est cette subvention, venant s'ajouter à une alloca- tion de monsieur le directeur de l'enseignement supérieur, qui a permis d'acquérir sans retard la splendide collection d'anaglyptique, créée à grands frais par le savant archéologue de Valence.

A ce sujet nous lisons dans XÈclair du 10 tnars :

Grâce au zèle éclairé de M. le professeur Joubin, cette série de reproductions, pour l'acquisition de laquelle il s'était produit de nombreuses compétitions, notamment lie la part de plusieurs universités voisines, est définitive- ment assurée à l'Universilé de Montpellier.

Notre ville se trouvait toute désignée par sa situation géographique comme un centre d'études archéologiques méridionales. L'outillage scientifique de premier ordre qu'elle vient d'acquérir permettra à nos étudiants, et aussi, nous l'espérons bien, à nombre de nos compatriotes, de s'initier, sous l'érudite duection de M. le professeur Joubin, à l'histoire de l'art médiéval, aussi bien en Lan- guedoc, qu'en Roussillon, en Catalogne, en Provence, en Dauphiné et même en Auvergne.

La collection Didelot, en effet, comprend les plus re- marquables spécimens de la sculpture du IV= au XI II" siècle, conservés ron seulement à Arles, à Beaucaire, à Tarascon et à Narbonne, mais encore à Barcelone, à Girone, à Perpignan, à EIne, à Dax, à Aire-sur-1'Adour, à Marseille (Château Borély), à Carpenlras, à Vaison, à Lérins, à Manosque, à Saint-Maximin, à Brignoles, à Die, à Vienne, à Valence, à Saint-Restitut, à Grenoble, à Lyon (Ainay), à Nantua, à Charlieu, à Saint-Rambert, à Valbonne, au Bourg Saint Andéol, à Bagnols, à Issoiie, à Saint-Nectaire, à Clermont-Fetrand, au Puy, etc.

Espérons que la générosité de l'Association des Amis de l'Université sera d'un bon exemple et contribuera à provoquer des libéralités de la part de nos concitoyens, qui voudront faire pour les collections nouvelles ce que le regretté M. Chaber a fait, il y a quelques années, avec tant de goût et de discernement, pour la période grecque et pour l'époque de la renaissance.

Ne semble-t-il pas tout indiqué de continuer la collec- tion Didelot par la reproduction de ces autres merveilles dont s'enorgueillit notre Midi, tels le portail et le cloître de Saint-Trophime d'Arles, la façade de Saint-Gilles, les tombes épiscopales de Maguelone, etc..'

* *

Incendie de la bibliotJicque de Turin. Nous avons promis à nos lecteurs des détails sur les pertes causées par le feu à ce précieux dépôt ; mais le désastre est si considérable, les pertes sont si nombreuses, que les documents y relatifs seraient trop longs à donner. Nous signalons à ceux qui voudront s'en renseigner à cet égard un article très étendu de l'érudit qui probablement a le mieux connu les richesses considérables de la célèbre bibliothèque, et qui y a puisé des notes devenues aujourd'hui singulièrement pré- cieuses ; nous voulons parler de M. le comte P. Durrieu, qui a publié dans les numéros du 6 fé- vrier dernier suivants du Courrier de l'art, trois

258

Bebue tie T^vt cfirétien.

longs articles. Il y étudie spécialement les ma- nuscrits à miniature française et flamande, parmi lesquels il désigne la fameuse Bi/>/e latine et les Retires du duc de Berry qui ont été jadis l'objet d'une magistrale étude de M. L. Delisle dans la Gazette des Beaux- Arts. C'est dans ce dernier manuscrit que M. Durrieu a découvert la main des Van Eyck. En ce moment, nous ignorons encore si les Heures de Turin ont été sauvées.

Nous empruntons à un journal français, Le Gaulois, l'article intéressant qu'on va lire, et qui répond de tous points à nos propres vues:

Ua ffîusique sacrée et le Cfjant Qtégorien

(Centenaire De jiîafnt erégoire le Grand,)

jA Sainteté Pie X entre dans la voie des réformes et commence par celle du culte I' extérieur, auquel il veut rendre toute la di- gnité que des abus lui avaient enlevée.

Il ne sera plus permis d'introduire dans les églises des chants et une musique peu dignes du sanctuaire.

Les paroles de la liturgie seront chantées d'après la no- tation grégorienne, et l'orgue, qui doit soutenir et non couvrir les voix, ne fera plus entendre que des morceaux d'un caractère exclusivement grave et religieux.

Le Pape n'interdit pas, tout en faisant l'éloge de la musique de Palestrina, aux artistes de donner des com- positions nouvelles, mais il bannit de l'église tout ce qui aurait un cachet profane et théâtral.

La musique de Palestrina et celle de plusieurs grands compositeurs est admirable, mais, en raison des difficul- tés qu'elle présente, de la perfection d'exécution qu'elle exige, bien peu d'églises sont à même de l'adopter. A peine de perdre toute sa beauté, elle réclame non plus de simples chantres mais des artistes, des professionnels.

A Paris, il n'y a guère que la Sc/iola Ca/i/oi i/m de M. Charles Bordes qui sache mettre en valeur les œuvres de Palestrina.

C'est aux maîtres à faire dans le répertoire religieux un choix de morceaux d'une exécution plus facile et à y ajouter de nouvelles compositions conformes aux pres- criptions du Pape.

La diversité des notations pour les mêmes paroles liturgiques semble à bon droit une anomalie. A l'origine, cette diversité de notation n'existait pas; l'ancienne unité de notation est un fait maintenant démontré. Elle a dis- paru lentement au cours des siècles, au grand détriment de la majesté du culte.

En France, h l'heure actuelle, près d'une quinzaine de notations se partagent les diocèses. Une musique presque toujours dépourvue de caractère religieux a envahi les églises, au point que l'office divin perd com- plètement tout caractère sacré.

Pie X veut faire cesser ces abus et la réforme qu'il vient de décréter obtient un immense retentissement, non seulement dans le clergé, mais encore dans le monde musical.

Pie X confirme ses décisions par des actes et, après avoir décrété l'adoption de la notation grégorienne pour la liturgie latine, il s'apprête à faire célébrer, dans .Saint- Pierre de Rome, en chant grégorien, la fête du centenaire

de la mort de saint Grégoire le Grand. Le Pape donne l'exemple et officiera lui-même à cette solennité.

Il y a quarante ans, il n'eût pas été possible de chanter un office d'après la notation grégorienne transmise par Rome sous les Carolingiens et enseignée partout et spé- cialement dans les célèbres écoles de Metz et de Saint- Gall : la tradition en était perdue et on désespérait de la ressaisir.

Par suite d'erreurs qui se multipliaient de copie en copie, de changements probablement voulus, le texte musical grégorien atteignit l'époque de l'imprimerie tel- lement défiguré, sauf dans quelques rares églises qui avaient su en conserver plus ou moins la pureté, qu'il était devenu méconnaissable. L'imprimerie fixa ces alté- rations, que les musicographes aggravèrent chacun suivant ses goûts personnels.

Saint Pie V, conformément aux intentions exprimées au Concile de Trente, établit des règles pour les paroles de la liturgie, mais la liberté fut laissée pour la notation.

Par souvenir, on continuait à appeler grégorienne toute notation adaptée à. la liturgie romaine, bien qu'au- cune des notations en usage en France n'eût droit à cette qualification sauf approximativement le chant rémo- cambraisien.

A Rome, la musique l'avait emporté sur le plain- chant, le grégorien avait disparu depuis longtemps. Une musique de concert, et de quels concerts ! pouvait faire oublier aux fidèles qu'ils étaient dans une église et assis- taient à l'office divin.

Le mal avait gagné toute l'Italie, moins, dans une cer- taine mesure, l'Église de Milan, qui conserve avec un soin jaloux son antique rite ambrosien, au point que même les simples fidèles regarderaient comme un sacri- lège la moindre innovation liturgique.

Le sens profondément religieux du cardinal Sarto souf- rait de cet état de choses qu'il avait trouvé à Venise et tenté de corriger ; devenu Pape, il n'a pas tardé à im- poser une réforme complète et immédiate de ces abus dans son diocèse de Rome par sa lettre au cardinal-vi- caire et à prescrire par son tiintii proprin, véritable code de la musique sacrée, cette réforme pour toute l'Église. Pie X adopte la notation grégorienne pour le chant liturgique, et, avec cette sagesse dont l'Église romaine donne l'exemple, le décret de la Congrégation des Rites qui notifie les intentions du Souverain Pontifeaccorde aux diocèses et aux institutions religieuses un laps de temps indéterminé pour l'introduction du grégorien, en per- mettant l'emploi, mais seulement temporaire, des nota- tions en usage.

Loin d'être une atténuation aux décisions de Pie X, comme il a été dit mal à propos, ce décret en est l'ap- plication.

L'illustre abbé de Solesmes, Dom Guéranger, après avoir_ déterminé par ses écrits le mouvement de retour des Églises de France au droit de la liturgie, estimait, peu satisfait des essais pseudo grégoriens qui se multi- pliaient, qu'il lui restait à rendre h. la liturgie romaine sa notation primitive. L'oeuvre devant laquelle avaient échoué des musicologuesémérites était considérable, mais, avec cette foi qu'il avait dans les causes qu'il défendait et qu'il a vues toutes triompher, il ne voulait pas désespé- rer du succès.

La Providence lui envoya l'homme qui devait réaliser ce vreu, dont l'Église entière était appelée à bénéficier.

chronique.

259

Le 1" novembre l85o, un jeune piètre de la Lorraine

que le cardinal Caverol, alors évêque deSaint-Dié, avait laissé partir à regret, faisait profession de la vie bénédic- line à Solesmes, Uom Joseph Pothier.

Avec le discernement qu'il possédait des capacités intellectuelles, Doni CUiéranger avait déjà reconnu dans le novice d'exceptionnelles aptitudes pour la musique sacrée. Aussi contia-t-il de suite au nouveau moine la mission de retrouver le chant grégorien.

La tâche était d'autant plus périlleuse que les essais des musicologues qui l'avaient entreprise n'avaient rien d'encourageant et surtout pour un débutant de vingt-cinq ans. ^Lais, plein d'ardeur et soutenu par l'obéissance, qui double les forces du religieux, Dom Potliier se mit à l'œuvre, étudiant, comparant les travaux de ses devan- ciers, recourant aux auteurs du moyen âge, qui avaient laissé des écrits sur la musique sacrée et entrant en rap- port avec les hommes réputés les plus compétents, comme le chanoine Gonthier, l'abbé KaiUard. Il étudia dans de nombreuses bibliothèques tous les manuscrits de liturgie notée connus et, après de longues années de labeur, publia le fruit de ses recherches en un petit volume, les Mélodies gri'j^oricnncs, qui fut un événement. 11 ne tarda pas à mettre en œuvre les théories qu'il avait établies et donna le graduel, puis l'antiphonaire, restitués d'après les plus anciens manuscrits.

Ces manuscrits ne sont pas écrits avec les figures mu- sicales de la notation moderne, dont l'invention lemon- terait au XI= siècle et serait due à un Bénédictin français, Guy, retiré à Arezzo. La notation dans ces anciens manuscrits est représentée par des signes appelés neumcs et sans portée.

Les essais d'interprétation de ces neumes étaient loin de donner toute satisfaction, et plus d'un érudit de la musique avait fini par les déclarer indéchiffrables.

Il existait bien à Montpellier un manuscrit découvert par M. Danjou, manuscrit écrit en double notation, mais, malgré ce secours, on ne parvenait pas à donner une interprétation satisfaisante des neumes. Théodore Nisard, qui avait cependant transcrit ce manuscrit, avait fini par déclarer qu'il fallait renoncer à retrouver l'ancien chant grégorien reçu de Rome au haut moyen âge.

Un membre de la Société des Missions étrangères, M. l'abbé Tesson, avait compris que pour rentrer en posses- sion du grégorien, il fallait s'adresser aux livres litur- giques manuscrits et, en compulsant ceux qu'il trouvait près de lui, il était parvenu à donner au chant rémo- cambraisien établi sur ces travaux une grande similitude avec le grégorien.

M. Tesson avait se borner à étudier les manuscrits notés avec la figuration dite guidonienne, la clef des neumes n'était pas trouvée.

Dom Pothier ne connut pas le découragement, et, aidé par la pratique journalière qu'il avait du chant de l'office divin, il découvrit la clef des neumes et put établir que sa restitution du chant grégorien était complète. D'anciens manuscrits guidoniens, écrits à l'époque l'usage des neumes n'était pas encore complètement perdu, sont venus confirmer l'exactitude de ses lectures.

Pour des motifs étrangers à l'art et à la liturgie, l'œuvre de Dom Pothier a rencontré des contradicteurs. Mais il a été facile à ceux qui ont embrassé sa doctrine, comme à lui, de la défendre victorieusement.

La beauté de la notation grégorienne est au-dessus de toute discussion. Les dilettanti qui ont suivi les offices à Saint-Gervais à l'époque M. Bordes était le maître de chapelle de cette paroisse, ont constaté la supériorité du grégorien sur les autres notations. Et, ce qui n'est pas

moins prouvé, les offices, chantés en grégorien, ne sont plus d'une longueur interminable.

Quant à l'exécution du grégorien, tel qu'il a été resti- tué par Dom Pothier, elle oftVe si peu de difficultés qu'en peu de temps des enfants, qui n'ont reçu aucune initiation à la musique, sont à même de le chanter avec une éton- nante justesse. La preuve de ce fait existe partout cette notation a été enseignée avec une bonne méthode et par un professeur expérimenté, notamment au petit séminaire de Versailles, sous la direction de M. le cha- noine Poivet.

Les nouvelles éditions du chant grégorien faites sans la participation de Dom Pothier par des musicographes moins respectueux que lui de la vérité des manuscrits, présentent, il est indispensable de dégager la responsa- bilité de ce grand maîire, un texte altéré ; elles ne don- nent pas le texte pur.

Animé des mêmes préoccupations pour la dignité du culte que le patriarche de Venise et devançant l'acte de Pie X, Mgr Henry, évêque de Grenoble, a remplacé, il y a trois ans, la notation plus que médiocre qu'il avait tiouvée en usage dans son diocèse, par le grégorien, et avant même que cette notation ait été louée par un bref de Léon XI II qui, tout en célébrant sa beauté, n'allait pas jusqu'à en recommander l'usage en termes formels. Mgr Henry aura été un précurseur de la réforme accom- plie par Pie X.

C'est à Dom Pothier que l'abbaye de Solesmes doit d'être devenue un conservatoire de chant grégorien, c'est à son école que se sont formés les moines qui y enseignent aujourd'hui le plain-chant ; il a aussi inspiré le travail monumental de la Paléographie imtsicale.

Devenu abbé de Saint-Wandrille, Dom Pothier con- tinue l'œuvre du chant et il n'est pas de mois que la \2A- \AXi\.e. Revite du CJiant grégorien^ •çv^i\\é^ à Grenoble, ne donne à ses lecteurs une étude du savant Bénédictin sur le chant d'un texte liturgique.

Dom Pothier aura été pour la notation liturgique ce qu'un autre grand Bénédictin, Mabillon, fut il y a deu.x siècles passés, pour la science des documents historiques, la diplomatique, le grand initiateur.

Avant Mabillon, des érudits avaient fait quelques essais de critique des actes laissés par le moyen âge, mais c'est de Mabillon, qui revisa et compléta leurs tenta- tives par ses propres recherches et une savante méthode, que date la diplomatique.

Malgré les progrès de l'érudition, qui ont rectifié sur mainte question les règles qu'il avait établies, Mabillon demeure, comme père de la diplomatique, une des plus grandes gloires de la science française, et, dans le monde savant, son nom sera toujours prononcé avec admiration et respect.

Dom Pothier est le Mabillon du chant grégorien. Jus- qu'à lui, il n'y a eu que des essais. Des musicographes pourront peut-être proposer çà et des modifications à ses lectures, elles seront rares si on revient aux plus anciennes leçons connues et ces dissidents, la loyauté la plus élémentaire leur en fera une obligation, devront toujours reconnaître en Dom Pothier le maître sans lequel la clef du chant grégorien serait encore à trouver.

Pie X a nommé une commission organisatrice des fêtes du centenaire de la mort de saint Grégoire le Grand, auxquelles il veut donner une solennité extraordinaire qui fasse date dans l'histoire de l'Église et de la liturgie.

Lors de la commémoration de l'exaltation de saint Grégoire à la chaire de saint Pieire, faite sans grande pompe sous Léon XIII, Dom Pothier avait eu les hon- neurs de l'allocution pontificale dans l'audience accordée

26o

3Re\)uc tir V^xt chrétien»

aux musicolot;ues venus à Rome à cette occasion.

La pensée de Pie X est de n'arrêter le texte de la nota- tion grégorienne qu'il déclarera typique pour toute l'Église qu'après un sérieux examen, et il a appelé Uom Pothier auprès de lui.

C'est un grand honneur pour la France et pour le vieil ordre bénédictin d'avoir donné à l'Eglise l'homme émi- iient dont les travaux permettent la restauration de l'ancien chant liturgique.

(Gaulois.) A. Louis.

^mim^ Dccrologie. imw^

6. tJ. Gorrapcr.

Nous devons un souvenir pieux à lemi- nent restaurateur de l'abbaye du Mont Saint-Michel et de maints autres monuments

anciens (■), à l'auteur des excellents traités : FJar- chitectnre romane et L'architecture gothique. Il avait été l'élève de VioUet-le-Duc et de Questel.

Onse rappelle les longues luttes suscitées entre les intérêts de l'art et les intérêts locaux lors de la construction de la fameuse digue unissant le Mont Saint-Michel à la mer, et les protestations énergiques du regretté Corroyer.

Corroyer ne s'est pas retiré, il a été révoqué par décret du 7 décembre, « tout simplement parce qu'il faisait partie d'une œuvre pour le recrutement des Frères des écoles chrétiennes ! »

L. C.

I. Citons l'Hôteirte-Villp de Roanne. Saint-Bruno à Grenoble, les Fortilîcations de Dinan, l'abbaye du Mont Saint-Michel, le projet de restauration du tr.ansept sud de la cathédrale de Soissons, des Calvaires bretons, les églises de H^un, Nesles, Alhies, etc.

Imprimé par Desclée, De Brouwer et C'^, Lille-ParisBrugas.

Beijue lie

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g^tefflMtm^-pXPOSITION ouver- te à Sienne le 17 avril, en présence du roi d'Ita- lie, du ministre de l'Ins- truction publique et de toutes les autorités qui pouvaient ajouter l'éclat d'une tête nationale aux souvenirs de l'art du passé, est la première exposition rétros- pective organisée en Italie. Il n'y a pas lieu de s'en étonner: dans ce pays heureux, si riche en monuments, en œuvres d'art et, à tout prendre, si conservateur, chaque cité ancienne, avec les musées communaux éta blis de toutes parts, offre une exposition per- manente ; et ces villes, visitées annuelle- ment par une foule d'étrangers, auraient peu à gagner à leur offrir une collection éphémère, cette collection fût-elle orga- nisée et classée avec toute la science et l'intelligence déployées à la « Mostra > de Sienne.

Cette première tentative se produisant à la suite des expositions d'art ancien orga-

nisées à Paris, à Bruxelles, à Liège, à Dus- seldorf et à Dinant sur la Meuse, n'est donc pas dénuée de hardiesse. Sienne est préci- sément une de ces villes d'Italie qui, sans être en dehors de l'itinéraire des touristes, est des plus riches en monuments, en mu- sées et en souvenirs historiques. C'est la cité les édifices, les rues et les habitants eux-mêmes, très caractérisés, semblent être restés les plus fidèles à la vie du moyen âge, les plus attachés aux traditions d'un passé glorieux. Le choix du local de l'Ex- position, — le Palazzo publico, l'hôtel de ville, l'un des édifices civils les plus jus- tement célèbres par la beauté de son archi- tecture et les plus remarquables par l'inté- grité de sa conservation intérieure, peut paraître à la fois comme une hardiesse, ou comme un trait de génie. L'exhibition des objets réunis et disposés dans quarante salles de ce palais évocateur des grandeurs de l'histoire et de l'art siennois est assuré- ment d'un grand intérêt; elle est très digne d'étude, et les hommes qui ont apporté à

RBVUB UE l'art CHRÉTIRN. 1904. 4'"'= LIVRAISON.

202

Bebue lie P^rt cbrcttcn.

l'organisation et à l'ordonnance de cette vaste Exposition, leur science et leur dévouement, ont bien mérité la gratitude de leurs concitoyens et des visiteurs : mais il arrivera que plus d'un de ces derniers, après avoir passé en revue les richesses réunies, après les avoir examinées de salle en salle, de vitrine en vitrine, après avoir gravi le rude escalier en pierre pour étudier les panneaux de l'ancienne École de Sienne appendus aux murs des étages supérieurs et s'être arrêté à la Loggia, l'on a réuni les débris de la célèbre fontaine de Jacopo délia Quercia voudra s'arrêter. Il se repo- sera en contemplant du haut de cette loggia la vue magnifique d'une partie de l'ancienne cité entourée des délicieuses montagnes éclairées par le soleil du midi, et, recueillant ses impressions en présence de la vision qu'il a sous les yeux, il se dira que dans tout ce qu'il a vu, rien n'égale en intérêt, en souvenirs historiques et en enseigne- ments le monument même se trouve l'Exposition.

Aussi je dois offrir d'avance mes excuses au lecteur si, dans les lignes rapides qu'il a sous les yeux, il aura lieu de m'accuser de nombreuses distractions, peut-être de digressions et de redites. Mon désir serait de l'aider à se former une conception de cet art siennois, expression non seulement du génie de cette forte race, mais qui s'est pénétré si profondément de la foi, des insti- tutions et, j'oserais ajouter, de la fierté des citoyens de cette République, souvent l'émule, l'ennemie acharnée, et parfois l'heu- reuse rivale de Florence! Le Palazzo piiblico est un de ces monuments du XII 1^ siècle les mieux conçus, non seulement au point de vue de la construction, mais encore par son décor et son ameublement, pour répondre à la vie civique et aux institutions de ces énergiques républiques italiennes.

Il a été trop souvent décrit pour que je m'attarde à le faire à mon tour, mais en visitant l'Exposition, le cadre et le tableau, le contenu et le contenant se pénètrent mutuellement de manière si intime que l'un est le complément de l'autre. Ce serait se priver de propos délibéré d'un enseigne- ment et d'une jouissance, de vouloir s'en tenir aux objets exposés dans les montres et les vitrines, suspendus aux murs et repris dans le catalogue, qui n'existait pas au moment de ma visite, qui n'existe pas encore au moment où, résumant mes notes, j'écris ces lignes. J'ai me contenter, pour toute information sur les objets que j'avais sous les yeux, de très maigres indi- cations, inscrites sur des fiches auprès des objets exposés, parfois trop éloignées de la paroi du verre protecteur, pour qu'il soit possible de les lire.

Dans des conditions aussi défavorables, des erreurs sont inévitables.

Nous ne nous arrêterons pas à la pre- mière salle qui est surtout d'intérêt local ; elle contient des documents topographiques et historiques concernant l'ancienne ville de Sienne : plans, dessins reproduisant les églises et les habitations démolies ou dont la construction a été modifiée. A Sienne on est essentiellement conserva- teur ; c'est un des beaux côtés du ca- ractère national auquel la ville doit en grande partie son charme, les oeuvres d'art leur durée, les hommes leur valeur. Il suffît d'en parcourir les rues pour s'en convain- cre. Les documents exposés, précieux pour l'étude de l'histoire de la ville, arrêteront peu le visiteur étranger ; en revanche il trouvera dans la seconde salle, s'il s'inté- resse aux œuvres de l'orfèvrerie religieuse, une collection très considérable à étudier. Et cependant les pièces les plus remarqua- bles ont été placées ailleurs, notamment

iL'6;i:positton D'^rt ancien à tienne.

263

dans la Chapelle du palazzo nous aurons à les examiner.

L'une des branches de l'art siennois les mieux représentées, et les moins connues peut-être, c'est l'orfèvrerie religieuse, non seulement par l'extrême variété des pièces réunies, mais encore par leur multiplicité imposante, par les souvenirs qui s'y ratta- chent, et le nom connu des artistes aux- quels on les doit.

Dans cette salle on voit exposées en cinq grandes vitrines des séries considé- rables de croix stationales en cuivre doré et en métal précieux du X 11'= au XV 1 1' siècle : des calices, des ciboires, avec leurs patènes, des pyxides, des burettes, des instruments de paix, des clochettes et des encensoirs, enfin tous les ustensiles employés dans le culte religieux J'y remarque, à titre de sou- venir historique, un anneau du pape Pie II exposé par le comte Piccolomini : c'est donc un document de famille. Plusieurs jolis en- censoirs du XI P au XV' siècle seraient à recommander par leur forme simple et gra- cieuse, à titre de modèle, aux orfèvres mo- dernes. Un fragment de couronne du XIV" siècle, se développant aux grandes fleurs de lis, ayant probablement servi à couronner quelque statue de Vierge, peut également être imité. Dans l'une des vitrines s'est égarée une belle tête de sainte Catherine en marbre, de Mino da Fiesole. Enfin parmi les reliquaires de tous dessins et de toutes dimensions, un grand reliquaire en forme de triptyque s'impose à l'attention. La reproduction que nous offrons, le fait connaître suffisamment pour rendre une description inutile. Les formes architectu- rales encadrant des émaux d'un bleu tem- péré qui servent de fond aux gravures, sont d'un effet très harmonieux. Les plaques émaillées représentent la Ste Vierge assise sur un trône avec l'Enfant Jésus entourés

de plusieurs saints, et dans la région supé- rieure, la Crucifixion. Les gravures sont de très bon style, et paraissent, comme le reli- quaire, du XlVe siècle. Ce beau travail, qui a une hauteur d'un mètre à peu près, est

Reliquaire du XI V^ siècle. (Phot. Lombarui à Sienne.)

exposé par la Société de Pie Disposizione. Nous aurons à revenir sur plusieurs au- tres pièces d'orfèvrerie que l'on pourrait appeler des monuments. Non qu'il y ait une seule de ces grandes châsses aux formes architecturales, comme l'art de Limoges, et

204

3Rebue it V^xt t\)xttitn.

surtout l'art rhénan et mosan en ont pro- duit en grand nombre, et comme on en a vu des exemplaires remarquables aux exposi- tions de Bruxellesen 1888, de Liège en î88i et de Dusseldorf en 1902. Cet élément fait absolument défaut à Sienne, les maîtres italiens comprenant leur art d'une manière très différente de nos orfèvres du Nord. Bien des objets, dans cette salle, sollici- teraient notre attention : ces richesses se trouvent exposées dans la salle du Grand Conseil décoré des fresques d'Ambrogio Lorenzetti, ce grand artiste a cherché au moyen d'allégories dont les unes sont claires et facilement intelligibles, les autres obscures, à représenter les conséquences du âon et du maii-vais gouvernement, peintures célèbres et souvent décrites, quoique par- fois interprétées de manière différente. Ces vastes compositions qui couvrent de trois côtés les parois de la salle sont aujourd'hui dans un triste état : celle qui est peinte sur le mur opposé aux fenêtres peut seule être encore étudiée dans son ensemble remar- quable. Mais n'oublions pas que ces fresques remontent au XIV'' siècle ; elles ont fait l'admiration et l'enseignement de bien des générations ! Des gravures et de bonnes photographies de ce qui en subsiste con- serveront au moins la pensée du maître aux générations futures.

Nous passons dans la quatrième salle, connue à Sienne sous le nom de Sala del Mappaniondo ; c'est la plus considérable par ses proportions et l'une des plus inté- ressantes par son décor pictural. sont exposés dans un grand nombre de vitrines, les tissus et ornements sacerdotaux : cha- subles, dalmatiques, chapes, manipules, étoles, antependiums, voiles de baptême, corporaux, etc. Les églises de Sienne et des environs, les oratoires de communautés religieuses, des hôpitaux et des associations

charitables de tout genre, semblent s'être dépouillés à l'envi pour répondre à l'appel du Comité de l'Exposition, et cette abon- dance presque excessive prouve tout au moins que l'œuvre des organisateurs jouit d'une grande popularité et semble être considérée comme une manifestation pa- triotique. Dans mon examen peut-être trop rapide des tissus façonnés en ornements sacerdotaux, je n'en ai guère noté qui pût remonter au XV^ siècle ; l'archéologue trouvera dans cet ensemble de jolis motifs et d'intéressantes combinaisons de couleurs, mais bien peu de sujets d'étude. Les plus anciens motifs de ces étoffes développent le type si connu et si souvent mis en œuvre au XVe et au XVl^ siècle de la pomme de grenade.

Le damas, certainement italien, d'une chasuble du XVI^ siècle, m'a paru intéres- sant par le dessin inspiré d'un thème favori de l'art siennois. 11 représente la sainte Vierge en adoration de l'Enfant Jésus couché devant elle ; ce groupe est abrité sous un dais, comme on en porte en proces- sion, dont les montants sont tenus par des anges, et sur lequel on lit le texte ; VER- BUM CARO FACTVM EST. Le fond du damas est d'un bleu tendre: l'Enfant Jésus, les têtes et les mains des figures sont en carnation ; çà et des touches rouges dans les costumes. L'ensemble est d'un effet très distingué. Exposé par le sémi- naire épiscopal de Montalcino.

Dans cette même salle se trouve une montre dans laquelle plusieurs pièces d'or- fèvrerie, de valeur et de dimensions excep- tionnelles, ont été exposées. On y voit deux reliquaires en forme de tête, servant de custode aux chefs de deux saints, qui, au point de vue du travail, n'offrent pas de valeur exceptionnelle. Mais il y a une pièce d'orfèvrerie qui par ses dimensions

3L'<25;cpo0(tton îi'i^rt ancten à tienne.

265

elle a plus de deux mètres de hauteur

et par l'originalité de la composition, attire l'attention des visiteurs. La fiche que j'ai pu lire à grand'peine, placée au pied de ce reliquaire, fort sobre de détails, donne au reliquaire la date de l'année 1472.

La longue inscription gravée au pied de ce curieux travail, et dont j'ai pu me procu- rer le texte, est beaucoup plus explicite. Elle nous apprend que, commencé en 1350, ce reliquaire a été achevé seulement en 1471, par Gabriel d'Antonio, orfèvre siennois(').

Pied du reliquaire exposé par la commune de Lucignano. (Ihot. d'AiiNANi )

Cette inscription explique le disparate de la composition, dont la partie inférieure, le soubassement, est d'un caractère tout architectural, tandis que la partie supé- rieure, qui affecte la forme d'un arbre, et qui vient s'y souder d'une manière peu or- ganique, exécutée plus d'un siècle plus tard, est seule le travail de Gabriel d'Antonio. Nous sommes évidemment déjà à une pé-

riode de décadence de l'art, mais l'œuvre très intéressante dénote beaucoup de talent. L'ensemble forme une sorte d'arbre. D'un pied hexagone qui peut avoir 60 à 70 cen-

I. Clarum indiisiriaqtie dominicae Crucis hujtts arboris praeceile?is opits anno MCCCL inceplwn ; exinde prae- stantis Comiinitatis Lucignani Numpliatae ac Dominae Jacobae haeredum Reverendi Magistri Johannis, fraire Mannella Macleo, Marianoqice Vivticci recta Jide procu- raittibus, per magistrum Gabrielem Antonii de Sertis anno gratiae MCCCCLXXI foeliciter completum est.

266

3Rrbur De TSrt cbrctien.

timètres dans la plus grande étendue de la base, émerge une sorte de chapelle avec ogives, pinacles, contreforts, de formes ar- chitecturales de même que le pied, et très détaillés. De cet édicule s'élève un arbre à six branches de chaque côté, donnant naissance à des feuilles de grand style, et terminées par de larges médaillons enca- drant des émaux translucides. Ces branches alternent avec des bourgeons formés par des coraux, sortant directement de la tige centrale, laquelle aboutit à un Christ en croix surmonté du pélican symbolique nour- rissant les petits de son sang.

Ce travail d'orfèvrerie, d'une disposition si originale, est d'un très joli ensemble. Malheureusement il a beaucoup souffert ; presque partout l'émail coloré a éclaté, lais- sant à nu la gravure destinée à lui donner du jeu. Ce grand reliquaire étant protégé par une glace, je n'ai pu m'approcher assez pour discerner les sujets traités dans les émaux translucides, ni examiner de près d'autres détails qu'il m'importait d'étudier. La photographie du pied que j'ai pu me procurer depuis, mettra le lecteur à même de juger de la partie inférieure de ce cu- rieux travail.

Tout auprès de cet arbre mystique, mais plus accessible à l'œil, se trouvent deux autres végétaux en or et qu'il convient de signaler, moins en raison de la valeur de l'art que pour les souvenirs historiques qu'ils rappellent. Ce sont deux roses d'or, dont l'une a été donnée par le pape Pie II, de poétique mémoire, à la commune de Sienne ; l'autre a été offerte par Alexandre VII à la cathédrale de cette même cité, si dévouée à l'Église.

Les fresques des anciens maîtres de l'École de Sienne qui décorent cette salle historique réclament l'attention du visiteur, non moins que les objets exposés. L'une

des parois est couverte par une vaste pein- ture de Simone Martini. Elle représente la Vierge Marie assise sur un trône magni- fique, et abritée sous un vaste dais dont les supports sont tenus par les apôtres Pierre et Paul, et les deux saints Jean, le précurseur et l'évangéliste. Devant la Mère de Dieu, protectrice de Sienne, sont age- nouillés les patrons de la cité : Ansanus, Victor, Crescentius et Savinus, précédés de deux anges qui présentent des offrandes à Marie. L'encadrement de cette vaste page est formé de médaillons, représentant en buste, le Christ et différents saints. Cette fresque, peinte en 131 5, fut très peu d'an- nées après repeinte par Simone Martini lui- même, son œuvre ayant été fortement endommagée par les émanations d'un ma- gasin de sel, établi à l'étage qui se trouve en dessous de la salle.

L'état actuel de la peinture laisse à dési- rer naturellement, quoiqu'il y ait quelques parties assez bien conservées et que d'autres aient été rafraîchies par des retouches. Ce- pendant, malgré l'action du temps et les res- taurations,cette vision toute céleste produit encore l'impression rêvée parle peintre. La Vierge, tenant son Enfant si gracieux, debout sur ses genoux, n'a rien perdu de sa majes- té. Les saints qui l'entourent ont conservé leur air de grandeur, l'expression et même quelque chose de l'agrément de la tonalité originale. C'est la plus ancienne œuvre de Simone qui soit parvenue jusqu'à nous.

Dans la même salle, mais du côté opposé et placée assez haut, on voit une autre œuvre du même peintre. C'est le portrait équestre de Guidoriccio da Fogliano, capitaine mili- taire de Sienne, probablement le plus ancien portrait équestre que l'art italien ait produit. Un auteur qui a fait une étude approfondie de l'École siennoise, dit que cette œuvre est l'une de ses productions les plus merveilleu-

3l'(lB;i:posttton îi'i^rt ancien à tienne.

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ses ('). Sur les murs opposés aux fenêtres sont peints en e^risaille des combats, et sous le portrait de Guidoriccio est placée la célè- bre madone de Guido de Sienne datant pro-

Saint Bernardiu de Sienne.

bablement de la seconde moite du XI 11^ siècle, mais elle a été repeinte un siècle plus tard, par un élève de l'École du Duccio.

I. M"= Lucy Olcott, Guide to Siena, p. 207.

Dans la même salle sont peintes plusieurs figures de Saints, parmi lesquels les deux Saints, citoyens de la ville et aujourd'hui encore des plus populaires : Sainte Cathe- rine et saint Bernardin de Sienne.

De la salle de la Mappemonde on se rend, en suivant un corridor assez obscur, à la Chapelle du palais.

Parmi les touristes visiteurs de l'ancien palais public de Sienne, il en est peu qui, ayant parcouru ses grandes salles toutes couvertes de fresques, n'aient conservé une impression durable de l'oratoire charmant et recueilli appelé la Chapelle du magistrat de Sienne. C'est en effet un sanctuaire tout imprégné de la foi du peuple siennois, de son amour particulier de la sainte Vierge, la religion a trouvé dans l'Art son ex- pression la plus pure et la plus élevée. La chapelle a une sorte de narthex, ou, si ce mot semble trop archéologique,un vestibule tout historié de peintures. Elle en est sépa- rée par une élégante grille en fer forgé ('), qui permet à l'œil de plonger dans l'ora- toire, très parcimonieusement éclairé d'or- dinaire, mais dont pendant l'Exposition le demi-jour est dissipé par un jet de lumière électrique, destiné à mettre en relief les pièces d'orfèvrerie exposées au centre de la chapelle.

Dans le vestibule très richement décoré, comme les parois de la chapelle même, de fresques par Taddeo Bartholi, on aperçoit tout d'abord l'énorme figure de saint Chris- tophe, qui, d'après une tradition beaucoup plus vulgarisée en Allemagne et dans les Pays-Bas qu'en Italie, devait préserver de maie mort celui qui l'avait aperçue dans la journée. Elle est accompagnée, mais peinte en proportions beaucoup plus réduites, de

I. Travail que nous reproduisons, terminé en 1445, par Giacomo di Giovanni.

268

jRebue lie VSixt cbrétten»

Grille en fer forgé de la Chapelle du Magistrat de Sienne. (Phot. Lomuabui à Sienne.)

la figure de Judas Machabée. Le maître, fier de son travail et fier d'être Siennois.a eu

soin de ne pas se laisser oublier en présen- ce d'un de ses plus beaux travaux ; nous

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lisons dans un cartell'inscription suivante:

TIIADEUS 'BaRTHOLI DE SeNIS PINXIT tstâ

capcllani cu7n figura sti Xpofori et cum a/lis fignris avec la date de 1407. Avant d'entrer dans la chapelle, notons le bénitier en bronze, œuvre de Giovanni Turini.

Cet oratoire, je ne saurais trop le répéter, est vraiment une merveille d'harmonie et de goût, tous les arts se sont concertés pour produire le sanctuaire les magistrats d'une population catholique allaient deman- der au ciel les lumières nécessaires à leur mission. ..Je l'avais vu il y a un certain nom- bre d'années ; mais je profite de l'Exposi- tion pour le voir, le revoir et l'étudier ; je profite aussi de la lumière électrique pour étudier les fresques de Bariholi noyées d'ordinaire dans une demi-obscurité. La décoration murale encore complète, semble avoir peu souffert. Elle se compose de fi- gures de différents Saints sous des balda- quins d'architecture ; ce sont des Saints dont la dévotion est la plus populaire. Mais ce qui impressionne surtout, ce sont les quatre grandes fresques Taddeo a représenté les derniers épisodes de la Vie de la sainte Vierge,seIon la poétique légende de Jacques de Voragine. Pour l'intelligence des plan- ches reproduisant deux de ces composi- tions, il est nécessaire de rappeler en peu de mots le texte de cette légende :

La Vierge Marie, immaculée dans sa naissance, d'une vie pure et sans tache, ne devait pas mourir ; la mort n'étant que le fruit, la conséquence du péché. Cependant ayant vécu des années après la Résurrection et l'Ascension de son divin Fils, années écoulées dans l'amour et la méditation de celui dont elle avait été la mère, elle fut prise d'un incommensurable désir d'être de nouveau réunie à Jésus; désir tellement ar- dent qu'elle sentit son âme, ne pouvant y

résister, prête à se séparer du corps pour al- ler au ciel. Puis, prévoyant cette séparation, elle se souvint des apôtres, les disciples et

Bénitier en bronze, œuvte de Giovanni Turini

(Phot. LOMBARDi à Sienne.)

les amis de Jésus : avant de quitter la

terre, elle voulait les voir encore une fois

par les yeux du corps réunis autour d'elle.

Cependant, les apôtres, alors disséminés

sur toute la terre, s'étaient séparés pour al- ler, selon la volonté du Maître, prêcher toutes les nations. Mais voilà que, mus par une force irrésistible, ils se sentent enlevés à leur mission et transportés, les uns après les autres, auprès de la Vierge Marie, la mère de Jésus-Christ.

C'est l'arrivée miraculeuse des disciples qui forme le sujet delà première des gran- des fresques; on voit la sainte Vierge, sous un édicule, tendant les mains dans une sainte joie, aux apôtres, dont deux retar- dataires, à droite et à gauche de la compo- sition, arrivent encore, suspendus dans l'air, dans l'attitude la plus mouvementée, au terme du miraculeux voyage.

La seconde composition représente la sainte Vierge étendue sur sa couche funè- bre, entourée des apôtres. Saint Pierre, une palme à la main, lit la prière des agonisants ; des deux côtés, des anges cé- roféraires et turiféraires, donnent une gran- de solennité à cette scène, Jésus-Christ, tout rayonnant de gloire, vient recueillir l'âme de sa sainte Mère, que sous la forme d'un petit enfant, il presse sur son sein.

La troisième fresque représente les funé- railles de la Vierge Marie. Le corps est porté par les apôtres précédés de saint Jean l'Evangéliste, le disciple que Jésus aimait, tenant la palme qui doit préserver la sainte dépouille des atteintes du démon qui complotait une profanation.

Enfin, dans le quatrième tableau nous voyons les apôtres, arrivés au terme des fu- nérailles, au moment ils vont déposer le corps de la Vierge dans le tombeau qui a été préparé. Mais voici la radieuse figure de Jésus-Christ, qui, entouré d'une gloire d'anges, vient appeler Marie à sa glo- rieuse Assomption. Le cénotaphe restera vide, la tombe n'est pas faite pour garder

une chair incorruptible sur laquelle le péché n'a eu aucune prise...

Il faut voir avec quel charme, avec quelle verve le pinceau du maître siennois a su rendre la poésie et pénétrer de vie cette gracieuse légende ; la sainte véhémence du Christ arrivant avec son vol d'angres, I accueillir sa Mère pour son Assomption au Ciel. Il faut voir l'onction et la dignité des apôtres : ils sont solennels, il est vrai, mais ils vivent d'une vie toute surnaturelle.

Ces fresques ont subi quelques retouches ; cependant ce travail a été fait d'une manière assez discrète pour ne pas compromettre l'impression produite par cette œuvre char- mante.

Taddeo Bartholi a été un maître d'une fécondité remarquable.Ouoiqu'il ait travail- lé dans d'autres villes, on trouve à Sienne de nombreux produits de son pinceau qu'il a toujours soin de signer. Généralement ce- pendant les historiens de l'art n'ont pas donné à ce peintre la place que ses œuvres doivent lui assurer.

Avant de passer à l'examen des objets exposés, je dois rappeler encore que tout le mobilier de la chapelle est à la hauteur de la peinture. En dessous des fresques, les parois sont garnies de stalles dont les par- closes sont sculptées avec une élégance toute toscane, et le dossier historié d'une série de compositions illustrant le Credo de Nice, qui forment tout un traité d'iconographie chrétienne. Ce beau travail à'intarsio, sorte de mosaïque de différentes sortes de bois incrustés, est de Domenico di Niccolo.

Une bonne peinture de Sodoma forme le retable d'autel de la chapelle, sous lequel dans la predella sont retracés les dif- férents épisodes de la vie de Marie. Enfin le mobilier de l'oratoire est complété par un joli buffet d'orgue et une élégante lanterne

îL'erposttton D'art ancien à tienne.

271

de style gothique dont je mets une repro- duction photographique sous les yeux du lecteur.

Le Comité d'organisation a eu le bon goût de ne pas encombrer ce délicieux ora- toire. Il n'y a placé qu'une montre où, lors de ma visite, figuraient une demi-douzaine

d'œuvres d'orfèvrerie religieuse de choix, dignes du cadre elles sont exposées.

C'est d'abord le reliquaire très important comme dimensions et comme travail, du chef de San Galgono, travail du XI V^ siècle; la reproduction que nous en donnons, per- mettra au lecteur, mieux qu'une longue

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stalles ornées de mosaïques de différentes sortes de bois incrustés (Domenico di NiccOLo). (Phot. Lombardi à Sienne.)

description, de se faire une idée de l'en- semble.

Puis vient le beau reliquaire du « San- Savino », exposé par la cathédrale d'Or- vieto, travail d'Ugolino di Vieri et de Viva di Lando.

C'est à mes yeux la plus belle pièce d'or- fèvrerie de l'Exposition.

Sur un pied de forme hexagone posé sur six lions, s'élève un édicule de style archi- tectural d'une élégance remarquable. Des colonnes annelées, ornées d'émaux posées sur un soubassement, sont réunies par des arcs en ogives surmontés de frontons trian- gulaires dont les rampants sont décorés de crochets d'un caractère végétal. Ces fron-

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3&ebur De T^rt rt)rctien.

tons, réunis par une voûte, forment ce que l'on peut considérer comme le premier étage d'un édifice ajouré, servant de dais à une statuette de la sainte Vierge avec son divin Fils entre les bras. Au-dessus de ce petit temple s'élance un second étage décoré

Lanterne de la Chapelle du Palazzo publico (Phot. LoMBARDi à Sienne.)

de fenestrages et d'ajours entre lesquels on voit la statuette d'un Saint, abritée par une voûte couverte par la flèche aiguë dont le sommet s'amortit par une statuette d'ange. On peut se demander se trouve la relique dans ce bel ensemble, et quelle est

cette relique ? Elle trouve probablement sa place dans le soubassement formant une sorte de dôme sur lequel est posée la sta- tuette de la Vierge Marie. A part cette objection à laquelle ne se serait pas exposé un orfèvre du Nord, on doit reconnaître que le reliquaire est d'un dessin excellent : l'effet en est si grandiose qu'il pourrait servir de type et inspirer l'artiste chargé d'ériger sur une place publique un monu- ment en honneur d'un saint personnage. Une œuvre de ce caractère serait imposante et d'un aspect autrement monumental que les banalités érigées sur les squares de nos grandes villes.

Parmi les autres pièces d'orfèvrerie qui se trouvent dans la même montre, j'ai noté un magnifique instrument de paix représentant le Christ en majesté avec les quatre évan- gélistes sur fond émaillè. Cette œuvre de grand style est exposée par la municipalité de Sienne.

La salle voisine contient des statues, et surtout des statues peintes et dorées.

L'ensemble ne suffit pas à l'étude des développements et de la floraison de la sculpture siennoise, mais elle en fait con- naître le caractère. Nous nous trouvons tout d'abord en présence de six figures du statuaire le plus célèbre de Sienne, Jacopo délia Ouercia (1374-142S). On a voulu voir dans ce statuaire un prédécesseur de Mi- chel-Ange: en ce qui concerne l'École de Sienne, il a été par la vigueur de son ciseau et l'énergie de ses conceptions un nova- teur, tout en demeurant peut-être la dernière incarnation des traditions médiévistes, alors en décadence. Les six figures que nous avons sous les yeux représentent la Vierge Marie, quatre apôtres polychromes et sur- tout dorés, au point d'en prendre un aspect métallique. Une statue en grandeur natu- relle de saint Nicolas, richement et vigou-

3L'6i:po0(tton û'^rt ancien à tienne.

273

reusement décorée de peinture (exposée par la Scuola professionale Leopoldine) m'a paru particulièrement remarquable ; le lec- teur en trouvera ici une reproduction. Le saint est représenté revêtu de ses orne- ments sacerdotaux, mais par une bizarrerie dont il faut chercher la source dans une légende qui m'est inconnue, il a les pieds nus.Nous allons retrouver l'œuvre du maître dans d'autres locaux de l'Exposition. Deux salles sont remplies de moulages faits avec beaucoup de soin d'après les travaux de Jacopo exécutés dans d'autres villes d'Italie. Parmi les chefs-d'œuvre de délia Quercia on cite avec raison le ravissant tombeau d'Ilaria de Carretto de la cathédrale de Lucques. La figure de la jeune fille, couchée sur le sarcophage dans l'attitude du som- meil et de la paix, est remarquable de grâce juvénile et d'élégance dans les draperies. Mais il est à regretter de voir l'impression toute chrétienne que donne cette chaste figure compromise parla ronde de « Puttis » qui, soulevant de lourdes guirlandes, pren- nent leurs ébats dans le soubassement de la tombe !

C'est la Renaissance avec ses inconve- nances qui arrive...

Dans la grande Loggia du palais, on a réuni et juxtaposé, de façon à rappeler la disposition primitive de l'œuvre la plus populaire du maître, celle qui l'a fait nommer Nicolas délia Fonte, je veux parler de la fontaine de la place del Campo vis à vis de l'hôtel de ville. Ce ne sont, hélas ! que les ruines en quatre-vingts frag- ments qui composaient autrefois la fontaine Gaja, peut-être la fontaine la plus juste- ment célèbre du monde.

Tombée dans un état d'irréparable ruine, elle a été remplacée, en 1886, par la copie en marbre blanc exécutée par Tito Sar- rocchi, mais qui semble être restée incom-

Reliquaire de San Galgano. (Phol. Lombardi à Sienne.)

274

ÎRebue De T^rt chrétien.

plète. et ne rend pas assurément le style du maître.

Comme tout l'art du moyen âge, l'œuvre originale s'inspirait à la fois d'une pensée religieuse et populaire. Un vaste bassin con- tenant une nappe d'eau, était entouré de trois côtés par des statues et des hauts

statue de saint Nicolas, par Jacopo délia Qurrcia. (Phot. I.OiMiiAKiJi à Sienne.)

reliefs en marbre blanc. Au centre de la composition trônait la sainte Vierge,protec- trice de la ville, avec son divin Enfant. Aux deux côtés de ce groupe deux figures (des anges ?) lui servaient de garde d'honneur. Puis venaient huit figures repré- sentant les Vertus cardinales et sociales :

ensuite deux groupes, aux extrémités : la création d'Adam et les premiers parents de l'humanité chassés du Paradis. Çà et là, des carnassiers lançaient par la gueule des jets d'eau. Telle qu'elle existe, la copie a le mérite de rappeler la pensée de l'œuvre originale.

Jacopo délia Fonte et les créations de son puissant génie ne doivent pas nous faire oublier les imagiers, ses confrères, dont les travaux intéressants sont réunis dans deux salles du palais.

Nous venons de voir qu'au centre de la grande fontaine de la place du Campo, la place publique par excellence à Sienne, celle que déjà Montaigne déclarait la plus belle d'Italie, trône la sainte Vierge avec le divin Enfant. La dévotion à la sainte Vierge est si vivante, si populaire, qu'on peut la regarder comme la véritable inspiratrice de l'art à Sienne. Tous les arts, architecture, art plastique, peinture et même les arts mineurs viennent à l'envi, rendre hommage à la Reine du ciel, à la Mère du Verbe fait chair. Nous avons vu tantôt, dans la chapelle du palais Taddeo Bartholi, chanter pour ainsi dire, en quatre fresques admirables, la fin de l'existence terrestre de la Vierge Marie, et son triomphal départ vers le ciel. Il ne serait pas difficile d'écrire un volume sur les œuvres d'art créées sous la même inspi- ration, et certes, les images pour l'illustrer ne feraient pas défaut ! En peinture, on peut voir dans les salles supérieures du palais, des séries de madones sur fond d'or avec l'Enfant divin, se répétant du XI IP au XIV^ siècle, avec peu de variantes. C'est comme la récitation du rosaire, l'artiste, reprenant la même formule, ne croit pas répéter l'œuvre de ses prédécesseurs, mais bien la renouveler par l'accent de sa foi (')!

i.On se rappellera qu'à propos de la bataille de Montea- perto les Siennois unis aux Gibelins intligèrent une

lt'C;cpositton ti';art ancien à tienne.

275

Dans la statuaire, ce sont des groupes de l'Annonciation, figures de grandeur na- turelle, polychromées avec art qui s'im- posent à l'attention du visiteur. Plusieurs de ces groupes ont été réunis (salle VI I I).Je remarque deux statues, l'ange Gabriel et la sainte Vierge, d'un grand caractère. Elles appartiennent à l'église de Montaluccio. L'artiste a donné aux carnations la tonalité naturelle; la Vierge Marie est revêtue d'une robe rouge, d'un manteau et voile bleus, semés d'étoiles et bordures en or. Plus loin, ce sont deux autres statues représentant également la Salutation angélique, la Vierge, vêtue d'une simple robe rouge, sans manteau ni voile, remarquable par la jeunesse et le sentiment de naïveté, semble toute surprise de l'apparition de l'ange, re- vêtu d'une robe blanche, avec parure et étole du même rouge que la robe de Marie. En général, dans la peinture de ces figures de l'Annonciation, l'artiste, cherchant à mar- quer par la couleur des vêtements l'origine céleste de l'ange au moyen d'une tonalité claire, y introduit cependant dans les détails les couleurs portées par la Vierge, faisant, en quelque sorte, écho à celles-ci. L'harmonie des tonalités est d'ailleurs rétablie par les bordures en or et parfois par les semis de même métal qui enrichissent le décor.

Dans la salle sont exposées les cinq statues dejacopo et les Annonciations que je viens de citer, la décoration et l'ameuble- ment appartenant à l'hôtel- de-ville même, viennent encore une fois compléter admi- rablement l'impression que produisent les objets exhibés. Toute cette salle avec ses voûtes, ses arcs doubleaux et ses lambris.

sanglante défaite aux Guelfes de Florence, la ville prit le nom de Siena délia Vergine j le goiifalonier Buona Guida Lucari ayant proposé, avant le combat, de donner la cité à la Vierge Marie et d'en remettre les clés à l'évêque de Sienne.

a conservé ses anciennes peintures. Ce sont de grandes fresques de Spinello Aretini, avec la collaboration de son fils. Les figures symboliques de la voûte sont dues au pin- ceau de Martino di Bartolomeo. Spinello Aretino, l'un des derniers peintres inspirés par Giotto, n'était pas Siennois : c'est l'un des rares exemples un artiste étranger ait été appelé à participer à une œuvre es- sentiellement civique. Les scènes peintes dans cette salle représentent les différents épisodes de la vie du grand pape siennois Alexandre III (Orlando Bandinelli), et plusieurs des compositions sont inspirées par la lutte héroïque, soutenue par ce pape contre l'empereur Frédéric Barbarossa. L'une des compositions les plus drama-

. tiques représente le pape donnant une épée au doge de Venise Ziani, agenouillé devant le souverain pontife et entouré de ses soldats. Dans une autre fresque nous

j voyons le cortège triomphal d'Alexandre victorieux, monté sur un destrier dont la bride est tenue d'un côté par le doge, et de l'autre par l'empereur humilié. On s'ar- rêterait indéfiniment àdéchiffrer les fresques un peu oblitérées de ce cycle tout parle de la grandeur des idées et de la grandeur des arts du passé !... Vous voyez qu'à tout instant dans l'Exposition de Sienne, le mo- nument où elle se trouve se confond avec le contenu, la collection temporaire avec l'édifice antique, qui vit encore aujourd'hui de la vie civique qui l'a créé.

Je ne puis quitter cette salle sans jeter un coup d'œil sur un banc à haut dossier, qui garnit tout un pan de mur. C'est un travail du XV^ siècle, orné d'armoiries, de sculptures et de ce travail de marqueterie dont nous avons remarqué le bel effet aux salles de la chapelle. Je demande au gar- dien si ce banc monumental fait partie de la Mostra ? Non, il appartient au Palazzo

et occupe la place pour laquelle le huchier la fait.

C'est à regret que je m'éloigne d'une divi- sion où j'ai arrêté le lecteur si longtemps. Mais nous allons précipiter 1 allure. Nous sommes arrivés à la salle que l'on appelle ici « monumentale ». Elle l'est en effet par ses vastes dimensions. Les murs sont couverts de peintures modernes, illustrant des faits non moins modernes de l'Histoire contem- poraine de l'Italie et des sujets tirés de la vie du roi Victor-Emmanuel. Dans l'une de ces vastes compositions je vois, au premier plan, des bersagliers qui font feu dans la direction du spectateur; cela fait frémir! il faut passer rapidement et nous réfugier de nouveau dans les œuvres du passé.

A l'annonce de l'Exposition de Sienne on pouvait espérer trouver réunis un grand nombre de tableaux et avoir ainsi sous les yeux une sorte de synthèse du dé- veloppement de cette Ecole de peinture, plus célèbre peut-être que bien connue en- core. A ce point de vue l'Exposition serait une déception, si les fresques ornant les salles du palais public n'offraient ample compensation au visiteur. Mais, par le peu de lignes quej'ai consacrées à ces peintures murales, le lecteur a pu voir que le Palazzo publico renferme un véritable trésor d'œu- vres des anciens maîtres siennois. Je con- naissais ces peintures par une visite anté- rieure, mais comme la plupart des voyageurs qui peuvent disposer de peu de temps, j'avais, guidé par le concierge et ses banales explications, été obligé d'abréger l'étude nécessaire à l'intelligence de ces pages historiques. Ce n'est pas l'un des moindres charmes et des moindres fruits de l'Ex- position actuelle, de les voir bien à l'aise, d'y revenir et de pouvoir, le lendemain, con- trôler l'impression de la veille. Ce serait déjà ample compensation à ce que, dans

leur ensemble, les peintures de l'ancienne Ecole siennoise, réunies à l'étage supé- rieur du palais, présentent d'insuffisant. Une autre compensation est offerte aux stu- dieux par le très beau Musée de l'Institut des Beaux-Arts de Sienne, dont pas un cadre n'a été déplacé pour enrichir la Mostra d'arte senese antica. Cette galerie, bien disposée, bien éclairée, est au point de vue de la peinture siennoise et ombrien- ne, de la plus haute importance. Elle exige plus d'une visite qu'un catalogue, assez bien fait, rendra particulièrement instructive. On y trouvera notamment les retables et les panneaux de Giovanni di Paolo et deSano di Pietro, deux maîtres féconds dont les oeuvres remarquables suivent entièrement le courant d'idées de Fra Antrelico. Dans nn Jugement dernier de Giovanni di Paolo, on retrouve plusieurs des scènes les plus poétiques et des épisodes les plus touchants des jugements de l'inimitable moine de Fiesole. Ces peintres sont à peu près con- temporains, mais ce que l'on connaît de leur vie ne permet pas de conclure à des rela- tions de maître à élève. Cependant il ne paraît pas possible, en présence d'analogies incontestables, de les considérer comme in- dépendants les uns des autres. Ou bien Fra Angelico a été directement inspiré par eux, ou il a été leur inspirateur. C'est une question de chronologie à élucider mais en étudiant le Jugement dernier de Gio- vanni di Paolo, on est disposé à lui recon- naître la priorité.

Au Palazzo publico on a réuni à peu près trois cent et trente tableaux ; ce sont des retables empruntés à quelques églises, des panneaux prêtés par des collectionneurs, parmi lesquels il y a assurément des œuvres de mérite ; mais n'est pas l'intérêt de l'Exposition, et si l'on y venait dans l'es- poir d'étudier par quelque chef-d'œuvre

HcDiic De THct cfjréticn.

PL. V.

Beliquairc D'Ugolino D( Vierf. xiv= ?iicle. Catfiéûiale û'Orbleto.

(Phot. d'ALINAKI.)

3l'CApo0ttion î)':^rt ancien à â)tenne,

277

resté inconnu le caractère et l'importance de l'École de Sienne, on s'exposerait à une déconvenue. Il y a cependant des panneaux que l'on examinera avec plaisir. Dans la salle XXIX, se trouve une collection con- sidérable de panneaux de Sano di Pietro, maître fécond, mais dont, comme je viens de le rappeler, on peut étudier au Musée de l'Académie, les œuvres importantes ; dans une autre salle j'ai noté une imposante tîgure de saint Jean le Précurseur dont je n'ai pas eu longtemps à chercher le maître ; on y lit: <l Taddeus de Senis me pinxit ».

Dans les salles sont exposées les pein- tures, de nombreux dessins de maîtres sont classés dans les vitrines ; ils sont très ins- tructifs ; c'est ainsi que l'on y voit entre autres des croquis et études de Pinturicchio pour les fresques de la Libreria du dôme de Sienne et d'autres documents pleins d'in- térêt pour les studieux et les artistes.

La salle Vil, quoique vaste, est presque encombrée par cinq grandes montres ou vitrines à double versant, et une vitrine simple, placée contre le mur du fond, dans lesquelles sont rangées plusieurs centaines de manuscrits sur vélin, la plupart riche- ment décorés de miniatures, appartenant du XI au XVe siècle. Un grand nombre sont des livres de chœur, mais il y a aussi des manuscrits prêtés par les bibliothèques de l'Etat, de la ville de Sienne, de Commu- nautés hospitalières, de bienfaisance ou autres, et qui, indépendamment de leur décor pictural, peuvent avoir une valeur historique importante. Mis sous glace, ces livres sont généralement ouverts à la place se trouvent les enluminures les plus intéressantes. Parmi celles-ci, il y en a de belles et qui donnent bien la note de l'époque et de la contrée qui les a produits, mais, si l'on y remarque particulière- ment un livre de chœur du XV' siècle dont

les miniatures sont attribuées à Giovanni di Paolo et quatre antiphonaires de Chiusi, de la seconde moitié du XI V'^ siècle, il y en a peu d'autres dont la valeur soit au point de vue de l'art de nature à mériter une étude approfondie. 11 en est de même du décor de la salle composé de Gobelins du XVI le et du XVI Ile siècle, et dans la voûte, des peintures de la même époque.

Il est entendu que je ne conduirai pas le lecteur dans la visite des quarante salles sont étalées les richesses ou les curiosités qui ont un intérêt particulier au point de vue historique de l'ancienne République sien- noise. Le Siennois est essentiellement con- servateur, je dois le répéter ; c'est un grand mérite, et il suffit de parcourir les rues de la ville pour s'en assurer et lui rendre pleine justice dans son amour du passé. L'Exposition est toute pénétrée de cet esprit.

Dans une des salles nous trouverons un médailler qui semble assez complet; on y a ajouté une belle collection de matrices, des sceaux qui ont servi et qui servent peut- être encore à la Commune de Sienne, à ses différentes associations et communautés, aux notables de la ville. Il en est qui remon- tent au XI I*^ et au XI 11^ siècle, et qui sont de petits chefs-d'œuvre de la Sphra- gistique, dont le moyen âge savait rendre souvent d'une manière admirable le symbo- lisme et la signification. Mais dans une Exposition aussi riche, il est impossible d'entrerdans le détail de toutes les branches. C'est ainsi que je ne me suis guère arrêté aux compartiments contenant les armes an- ciennes pour lesquelles toute compétence me fait défaut. La ferronnerie m'a peu arrêté, et je n'y ai rien trouvé de supérieur à la grille de la chapelle du Palazzo, dont une reproduction a été mise sous les yeux du lecteur. Dans le mobilier une magnifique

KBVue uE l'art chrétien.

1904. 4'"'^ LIVRAISON.

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JRrbuc tjc r^vr ff)rcticn.

stalle exposée par la cathédrale d'Orvieto attire l'attention du visiteur.

Arrivé au bout de ma tâche je me fais un devoir de rendre hommage aux efforts et au travail des membres du Comité qui ont réuni et disposé d'une manière très ju- dicieuse les trésors de cette riche Exposi- tion. On m'assure que le classement et l'or- donnance de l'ensemble sont en grande partie l'œuvre de M. Corrado Ricci, le

savant directeur des musées de Florence qui a inauguré l'Exposition par un éloquent discours lors de la visite royale. Ces travail- leurs ont bien mérité de l'art toscan et par- liculièrement de l'art siennois en réunissant en nombre prodigieux ces monuments et ces éléments d'étude dont une partie n'était que peu ou point connue.

Jules Helbig.

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A ville d'Autun est éloi- HSF"^^^^^!^ gnée de la vallée de la ilW/RJkE^^fwtH- Sgône et de la vallée de la Loire, elle est privée des communications par bateau, et cependant, ^W5S? giie était très accessible dans l'Antiquité, elle se trouvait à la jonction de plusieurs voies romaines qui la mettaient en relation facile avec Lyon, Besançon, Sens, Orléans et Bourges ; il n'est donc pas surprenant qu'elle ait été visitée dans les premières courses aposto- liques des missionnaires de l'Évangile à travers la Gaule. Sa population, riche et nombreuse, n'était pas uniquement occupée d'affaires de négoce, comme celle de Lyon, elle renfermait une élite intellectuelle for- mée aux études sérieuses par les professeurs de son gymnase connu dans le monde ro- main, sous le nom d'Écoles Méniennes et habituées aux discussions philosophiques ; il y avait donc un terrain tout préparé pour recevoir avec avidité les nouvelles doctrines apportées par les disciples du Christ ('). Quel est l'apôtre qui le premier annonça dans la ville la venue du Messie promis aux nations ? nous l'ignorons. Nous savons seulement qu'il fut assez éloquent pour inspirer l'enthousiasme à ses auditeurs et pour en faire des croyants intrépides jusqu'à braver la mort.

Symphorien, le martyr si connu, honoré dans une grande partie des églises de la

I. On enseignait le grec certainement dans ces écoles. Dans les fouilles pratiquées avant l'église Saint-Étienne (1839), on a découvert une épitaphe chrétienne en vers grecs qui, de l'avis des meilleurs juges, serait du III' siècle. Le Blant, Inscriptions chrétiennes de la Gaule, 1836, in-4o.

Celtique, de Metz jusqu'à Nantes ('), a été immolé à Autun dans le même temps que saint Pothin souffrait le martyre à Lyon, à deux ans près, et il est mort avec le même courage en répétant à ses bourreaux : « Je suis chrétien et j'adore le Dieu vivant qui règne aux Cieux. » Il ne s'agit pas ici d'un pieux récit inventé au X^ siècle pour exci- ter l'admiration des fidèles, il existe une passion de saint Symphorien qui, dès le Vie siècle, au moins, était lue dans divers diocèses et dont Grégoire de Tours a cité des passages dans son livre des Confesseurs de la Foi (^). L'historien rapporte que le jeuneSymphorien fut décapité hors du mur d'enceinte après avoir reçu les exhortations de sa mère et ne dit rien du rôle qu'il jouait dans la ville. J'en conclus que son âge ne lui permettait pas encore de remplir aucune fonction publique civile ou ecclé- siastique. Après sa mort, son corps fut porté non pas parmi les autres sépultures, mais extra campum publicîim, c'est-à-dire en dehors du cimetière commun, pour lui infliger une sorte de flétrissure aux yeux des païens.

Ce terrain qui s'étendait au N.-E. de la ville, le long de la voie d'Autun à Besançon, ne fut pas longtemps désert, il devint le rendez-vous des coreligionnaires de Sym- phorien dont les pratiques pieuses conser- vèrent la mémoire de son martyre et du lieu de sa sépulture jusqu'au jour les chrétiens osèrent ériger des cel/cs dans les cimetières ("). Certains auteurs font re-

1. Le plus ancien cimetière de Nantes au N.-E. de la ville était sous le patronage de S. Symphorien.

2. i. Ferunt etiam in hac urbe simulacrum Berecynthiae, sicut sancti tnariyris Symphoriani passio déclarât. 1> (Greg. Turon., De viia confiss., c. Lxxvn.)

3. « Eo namque tempore nondum latis aedificiis ambie-

28o

Wit\)x\t tie rSrt cbvéticiL

monter la construction d'un premier ora- toire jusqu'à l'épiscopat d'un saint Amator qui, d'après les Martyrologes les plus ac- crédités, aurait vécu au II 1*^ siècle. Quoi- qu'il en soit, il est bien certain que les premiers édifices ne furent pas somptueux dans les cimetières du II I^ siècle ou du IV«, et que bien des années s'écoulèrent avant que l'organisation du culte public permît d'élever ce qu'on appelait une basi- lique à l'époque mérovingienne. Les textes les plus anciens se servent du mot ce//a parvissima pour désigner la memorta qui fut consacrée par la main de l'évêque déjà cité.

Au V'^ siècle, l'évêque Euphrône, alors qu'il était simple prêtre, jugeant que l'édifice n'était pas à la hauteur des mérites d'un si grand martyr, s'empressa, vers 450, de lui élever une basilique il reçut lui-même la sépulture en 490 ('). Nous n'avons pas de détails sur cette érection, mais il y a lieu de croire qu'il ne négligea rien pour placer le tombeau dans les conditions prescrites par la liturgie, c'est-à-dire dans une confession pratiquée sous le maître- autel. Cet évêque était partisan de la décence dans les églises, il était plein de zèle pour la décoration des tombeaux élevés à la mémoire des saints personnages, témoin cette table de marbre qui fut, par ses soins, envoyée jusqu'àTours pour recouvrir la sépulture de saint Martin. Il entretenait des relations amicales avec cette église, il reçut sans doute en échange des reliques du grand thaumaturge et ne

batur sed parvissimae cellœ angustiis obseratuni erat

spatium Licet enim jamdiù prefata cella fuisset in

honore martyris constructa, non tamen fuerat canonico more pontificis invocationibus consecrata. »(K/yrt ^...^wij- toris cpisc. Aulissiod., c. IV.)

r. < Eo tempoie et basilica beati Symphoriani Au- gustodunensis martyris ab Eufronio .udificata est. Et ipse Eufronius hujus deinceps civitatis episcopatuni sor- tilus est >. (Gregorius Tur., Historia Franc, Lib. Il, cap. IV.)

manqua pas d'envoyer également des re- liques de saint Symphorien. Cette suppo- sition est fondée sur l'existence d'une église très ancienne élevée dans un faubourg de Tours sous l'invocation du martyr d'Autun. Ce fut le point de départ de la dévotion de S. Symphorien si commune dans toute la vallée de la Loire qu'on la rencontre même au-dessous de Nantes, à Couëron. Cette propagation fut rapide, car on constate que le plus vieux cimetière de Nantes, celui qui contenait le plus de sarcophages méro- vingiens, était sous l'invocation spéciale de saint Symphorien ('). Un saint d'une re- nommée aussi étendue ne pouvait pas être indifférent à ses compatriotes.

On ignore quel est le personnage pieux qui augmenta la fondation d'Euphrône en établissant une communauté religieuse char- gée des offices religieux; on sait seulement que, dans le cours du VII^ siècle, un ecclé- siastique, du nom d'Hermengarius, s'intitu- lait abbé de St-Symphorien, ce qui nous autorise à déclarer que les reliques du mar- tyr d'Autun étaient gardées, comme celles de tous les martyrs, par une communauté régulière ('). Cet établissement ne fut pas anéanti par les Sarrasins, puisqu'en 865 Adalhard unissait le titre d'abbé de St-Sym- phorien à celui de comte d'Autun ('). .Au Xlll«= siècle, l'église est appelée basilique dans le martyrologe éduen, il est probable que l'établissement est tombé peu après au rang de prieuré, c'est le titre qu'il portait en 1793 au moment il fut détruit (^).

Sur le tombeau et sur le concours de pè- lerins qu'il attirait, les auteurs, pourtant très nombreux qui ont écrit sur les antiquités

1. La chapelle, petite et rectangulaire, était bâtie en petit appaieil sans chaîne de briques.

2. Aitonymus Etiucnsis, cap. i.

3. Recueil des historiens de Fronce, t. \' 1 1 1.

4. Oinet, S. Symphorien ei son culte, Autun, Dejussieu, 1861. In-S".

îLe0 monument0 cl)réttens D':2lutun.

281

d'Autun, gardent le silence ; Grégoire de Tours lui-même, qui a visité cette ville, a manqué cette fois à sa mission pour courir après le merveilleux et prêter l'oreille aux récits des amateurs de prodiges. Il nous parle de Rhétice, l'évêque marié qui vécut avec son épouse comme avec une sœur ; il nous raconte que celle-ci ayant été inhumée la première, dans un vaste sarcophage, se réveilla comme d'un long sommeil quand on souleva le couvercle et tendit les bras à l'évêque défunt qu'on apportait près d'elle ('). Il nous rapporte encore qu'il a vu le tombeau de l'évêque Cassien dont la sainteté attirait de nombreux malades qui cherchaient leur guérison en composant des breuvages avec la poussière grattée sur son sarcophage.

Il se promena dans le vaste cimetière environnant et entra dans la basilique de Saint-Étienne qui passait pour le rendez- vous de toutes les âmes des béatifiés dont les cendres remplissaient, croyait on, d'in- nombrables sépulcres; son guide lui raconta que ces nouveaux Champs Élysées retentis- saient souvent de mystérieuses psalmodies, que des apparitions se produisaient et qu'en s'approchant de Saint-Étienne,on entendait des choeurs de voix célébrant les vigiles, on apercevait des lumières ou des clartés. Des indiscrets pénétrèrent dans l'intérieur et furent doucement charmés par les chants qu'ils entendirent, mais une voix pleine de menaces leur reprocha leur curiosité (').

Voilà les récits que le naïf historien ai- mait à recueillir, voilà ce qui lui fit oublier sa visite au tombeau de S. Symphorien. Et pourtant l'invocation de saint Etienne, premier martyr, aurait lui rappeler la présence du premier martyr d'Autun, car cette fondation pieuse n'avait pas d'autre

I. De gloria confessorum, cap. LXXVI. ■i.Ibid., cap. LXXIII.

raison que celle d'accompagner la sépulture de saint Symphorien. Partout des mar- tyrs ont versé leur sang et ont mérité l'érection d'une basilique, on est sûr de ren- contrer à proximité une seconde basilique, élevée à la mémoire du proto-martyr pour faire cortège à la première; c'est une parti- cularité qui, dans les cas douteux, peut ser- vir à déterminer les qualités d'un apôtre quand on veut savoir s'il a été tout ensem- ble confesseur et martyr. L'invention des reliques de saint Etienne est de l'époque du règne d'Honorius (395-423) (') ; elles ont été distribuées en abondance et recher- chées dans une foule d'églises qui gardent encore aujourd'hui son patronage.

Saint Pierre, le chef des Apôtres, a joui aussi d'une grande vogue ; cependant il n'est venu qu'après saint Etienne. Au reste, on sait que son culte s'est répandu seule- ment après la découverte des chaînes qu'il avait portées dans sa prison, or cette décou- verte n'est pas antérieure au V^ siècle (°). Ces chaînes furent coupées à la lime et ré- pandues dans tout l'univers.

Quelques débris vinrent à Autun, sans doute, sous l'épiscopat d'Euphrône qui déjà possédait des reliques de saint Etienne, et, muni de ces précieux témoignages, il eut la joie de décorer la chrétienté d'Autun de deux nouvelles basiliques qui faisaient cor- tège au martyr de la ville. Nous ne sommes pas dans le champ des hypothèses, nous marchons sur le terrain solide (^). Dans tous les diocèses, les fondations primitives

1. C'est un des événements les plus célèbres du V" siè- cle, dit Lenain de Tillemont. {Mémoires ecclés., II, 12.)

2. Art. de M. de Rossi sur le cinietûre des Aliscainps (T Arles, traduit par M. L. Palustre. (Bull, mon., 5' série, t m, p. 170.)

3. On a des raisons de croire que la basilique de Ste- Croix, détruite en 843, était aussi dans ce quartier.On cite encore Saint- Pantaléon dans le voisinage de Saint-Sym- phorien, St-Vincent,St-Simon et St-Jude(depuisSt-Roch), St-André,rabbaye de Saint-Martin, le tout dispersé sur un espace de 1200 mètres.

282

IRebue ïie ravt cl^vctien.

se sont accomplies dans les mêmes condi- tions, par groupes: on aurait cru faire injure à un saint personnage, si on avait laissé son tombeau isolé au milieu d'une nécropole. Au Ve siècle, l'Église jouissait d'une liberté complète, rien n'empêchait l'évêque d'ériger ses basiliques dans l'intérieur de la ville, tnh'a mta'os, et, cependant, nous le voyons préférer la banlieue déserte, le quartier con- sacré aux sépultures, parce motif qu'il vou- lait honorer la mémoire du premier martyr d'Autun et toutes les autres sépultures chrétiennes qui se pressaient autour de son tombeau.

Le champ désigné pour les inhumations sous l'administration romaine se trouvait au Nord-Est de la ville, à 1200 m. de l'en- ceinte, le long de la voie d'Autun à Be- sançon.Celui-ci paraît avoir été la principale nécropole, bien qu'on ait constaté la pré- sence d'une autre au Sud-Est, dans un endroit nommé le Champ des Urnes, les inhumations païennes et chrétiennes furent pratiquées du V" au VIII' siècle ('). Dans tous les cas, c'est au cimetière de Saint- Pierre de r^.yi'rïVr ou de Saint- Etienne qu'il faut chercher et étudier les monuments funé- raires les plus nombreux et les plus impor- tants du Paganisme et du Christianisme; son surnom de l'Estrierlui vient du voisinage de la voie romaine qui le traversait sous le nom de via strata.

Il se composait de la réunion de trois cimetières : l'un d'eux, situé au lieu dit actuellement les Dreyneaux, est appelé dans les chartes la terre des Endormis.

I. M. H. de Fontenay, qui a minutieusement relevé tous les résultats des fouilles faites dans les sépultures païennes et chrétiennes et noté toutes les inscriptions découvertes, signale encore trois autres polyandres à Boisjean, au Temple de Pluton et aux champs St-Roch. Au/un et SCS Afonuiiienls, pa.r H. de Fontenay avec un précis historique par Anat. de Charmasse. Autun, 1889, I vol. in-i2 pp. 233-286.

Outre les basiliques de Saint-Pierre et de Saint- Etienne qui en décoraient les extré- mités, il renfermait plusieurs oratoires qui recouvraient les tombeaux de Rhétice, de Pragmace, de S. Evoant, de S. Cassien. Plus tard, au VI' ou au VII' siècle, sur- girent sur le même emplacement des abbayes qui prirent le nom des SS. Pierre, Etienne et Symphorien et retentirent les louanges de Dieu pendant de longs siècles. Les fondations servirent en même temps à recueillir les débris des construc- tions secondaires qui tombèrent dans l'aban- don faute de ressources ou à suppléer les titulaires négligents. On portait surtout à l'abbaye et à la basilique de Saint-Pierre les sarcophages dont la conservation était compromise. C'est ainsi que dom Ruinart vit le tombeau de Rhétice logé dans une petite arcade qu'on avait pratiquée dans le mur de cette église. Comme la basilique de St-Symphorien était très étroite, on avait aussi contracté l'habitude d'y porter les sarcophages des évêques d'Autun pendant les siècles antérieurs au Ville. Malgré les dévastations commises à toutes les époques, le polyandre de St-Pierre était encore cou- vert de monuments au XVl^ siècle ('). On y voyait, dit Chasseneuz, d'innombrables tom- beaux en pierre d'une élégante structure. Munier, qui vivait 5 ans plus tard, y cons- tatait la présence de quantités de tombeaux et de monuments et plusieurs petites cha- pelles, les unes à demi ruinées, les autres totalement. Au XVIII'' siècle, le peuple désignait sous le nom de tombeau de S. Amator un oratoire construit en belles pierres de taille ('). De l'église St-Etienne il ne restait alors que la façade à laquelle on attribuait une haute antiquité ; elle dé-

1. Catalogus gloria mundi. Lyon, 1529. Inf». 69 col.

2. Nouvelles ecclésiastiques. 1775, ?■ '65.

îLes monument© cl)rétien0 îi'autun.

283

pendait d'un prieuré dont le titulaire ne se souciait guère d'entretenir les souvenirs que rappelait cette fondation, bien qu'il fût grand-vicaire du diocèse ; il préférait tirer bon parti des terrains des alentours en les affermant à un cultivateur. Sa profanation souleva pourtant parmi les lettrés quelques protestations dont nous trouvons l'écho dans un journal du temps, les Nouvelles ecclésiastiquesàfi 1 775.Enretournantla terre, on amena au jour des «urnes romaines et gauloises chargées d'inscriptions», dit un témoin. Les sépultures chrétiennes, les ruines des oratoires et les débris des sarco- phages qui auraient pu orner les galeries d'un musée furent traités comme de vul- gaires moellons sans que personne ait eu le temps et le goût de décrire ces précieux restes pour les historiens futurs. Aujour- d'hui, le terrain a été si bien nivelé par la culture qu'il est difficile de retrouver l'em- placement du cimetière de l'abbayede Saint- Etienne sans un guide archéologue.

L'église et le domaine de St-Pierre de Lestrier sont passés entre les mains de di- vers particuliers qui n'ont conservé que la crypte. I\L de Charmasse, qui a bien voulu nous renseigner d'après ses souvenirs, af- firme qu'elle est construite en grand ap- pareil et qu'elle conterait des sépultures des premiers évêques d'Autun comme l'église supérieure. C'est tout ce qu'on peut en dire dans la situation présente en attendant qu'un accès facile permette d'en faire une description.

Bien que de nombreux auteurs aient écrit sur les antiquités et les institutions d'Autun, j'ai eu beaucoup de peine à rencontrer des renseignements sur la fondation qui porte le vocable de S. Symphorien à Autun, de même que sur son tombeau {'). Le fait est

I. Ladone, Augustoduni amplissitnœ civitatis anti-

surprenant dans une cité importante les sépultures furent entourées de monu- ments pompeux. Les auteurs citent un tombeau de marbre blanc qui se voyait au XVII'' siècle dans l'église du prieuré de St-Symphorien, mais ils ne sont pas d'accord sur sa destination et ne proposent que le nom de saint Franchet, archevêque de Sens. Sur le sarcophage du patron de l'église on garde le silence comme si on avait perdu sa trace après un enfouissement pendant une époque troublée.

Il est à présumer que la multiplicité des saints personnages qui honorèrent l'Eglise d'Autun et l'abondance des reliques qui furent apportées là, de divers côtés, comme celles de saint Nazaire et de saint Lazare, auxquelles on érigea de belles basiliques dans l'intérieur de la ville d'Autun, éclip- sèrent, après le IX^ siècle, la renommée du martyr ('). Il y a un saint surtout dont le culte a pu lui causer quelque préjudice, c'est saint Andoche, dont le nom a été donné à l'une des portes de la ville et à une abbaye qui n'était pas éloignée de l'enceinte. Ce- pendant son histoire ne se rattache pas directement à Autun, il appartient à une autre localité du diocèse nommée Saulieu, dans l'arrondissement de Semur, il est honoré depuis une antiquité qui peut re- monter au temps de saint Symphorien ("). Il se présente à nous avec toutes les appa- rences d'un apôtre envoyé avec une délé- gation officielle par un pontife pour évan- géliserune contrée, il est accompagné d'un diacre saint Thyrse. Le troisième person- nage, saint Félix, que les biographes lui

quitates. Autun, 1648. In- 12. he?i\Hé, De Antiquis Bibracte seu Augustoduni monwnentis libellus. Lugduni, 1650.

Ph. Chavane, Recherches et mémoires servant à [his- toire de Vanc. ville et cité d Au/un. Dijon, 1660, in-4''.

1. Dinet, 5. Symphorien et son cu'te, Autun, Dejussieu, 1861, in-S° 2 vol.

2. Acta sajictorutn, t. VI de septembre.

284

WitWt lie r^rt cl)rctten.

adjoignent serait un négociant, qui, après lui avoir donné asile, se serait converti et aurait partagé son apostolat et son martyre. Il ne peut y avoir d'embarras pour dater leur arrivée dans le pays des Éduens. Leurs noms sont d'origine grecque bien caracté- risée. Comme Pothin et Symphorien, ils appartiennent donc à la phalange qui vint d'Orient et remonta la vallée du Rhône au 11^ siècle. Ils ont été martyrisés à Saulieu

Crypte de SaintAndoche à Saulieu.

dans l'une de leurs courses apostoliques comme Bénigne à Dijon, et ils sont de- meurés là, loin du chef-lieu du diocèse, par respect pour les hommages qu'on rendait à leur sépulture, et c'est ainsi qu'Autun a se contenter de leurs reliques morcelées ('). Le monument les corps de saint An- doche et de ses compagnons furent conser- vés pendant 900 ans existe toujours à Saulieu ; il a une forme si particulière et si archaïque qu'il convient de le décrire ici.

I. Ce qu'on nomme la prison desaint Andocheà Autun est une salle basse dépendant d'une aumônerie du IX' siècle décrite par M. Bulliot (Congrès scienii/. de France, 42° session, 1876. Autun, Dejussieu, 1877, t. I, p. 114).

Il se compose d'un rectangle allongé for- mant nef, terminé à l'Orient par un chœur circulaire de cinq mètres de diamètre, coiffé d'une coupole ('). On y pénétrait par un double escalier pratiqué au Nord et au Midi, qui aujourd'hui est réduit à une seule des- cente au Midi, l'autre étant obstruée. L'éclai- rage se compose uniquement d'une lucarne étroite, percée du côté de l'Orient ; dans l'autre partie, il n'y a pas trace de fenêtre.

En réunissant la nef et le chœur on a un ensemble de 16 mètres de longueur sur 4 mètres de largeur ; quant à la hauteur, elle a été malheureusement réduite lors de la reconstruction du chœur. Elle s'annonçait à tous les visiteurs qui pénétraient dans l'église supérieure par un surhaussement du sol auquel on accédait en montant huit marches qui donnaient de la majesté au chevet, mais les bons chanoines de la collégiale n'aimaient pas les difficultés, ils ont relevé le dallage de l'église supérieure, abaissé celui du chœur pour avoir l'unifor- mité, et de la sorte, la voûte de la crotine, abaissée notablement, est de 2"\5o. Ce sont encore les chanoines qui, pour faire un char- nier, ont coupé la crypte en deux et séparé le chœur de la nef par un mur ; cependant cette mutilation peu respectueuse ne nous empêche pas d'entrevoir le plan primitif.

S'il faut en croire la tradition, trois niches auraient existé dans les murs de la rotonde pour contenir les tombeaux des trois mar- tyrs ; il serait peut-être plus exact de dire que le principal tombeau occupait le milieu, celui de S. Andoche, et que les deux autres l'accompagnaient à droite et à gauche comme on l'a fait dans de nombreuses con- fessions. Aujourd'hui, on ne voit plus traces d'arcosoles. Il est vrai que bien des événe-

I. Carlet (Joseph), Notice sur l'égHse ci' Andoche de Saulieu. Mémoires de la Commission des Antiquités de la Côte d'Or, t. V, 1 13, 1S57-1860.

^àintmtniQnt De SDlfon et ses crpptes. 285

ments ont pu bouleverser ce sanctuaire depuis le jour le pape Calixte II, en consacrant l'église de Saulieu, le 21 décem- bre I I 19, tira les reliques des trois martyrs de la crypte pour en faire la translation solennelle dans l'église supérieure (').

La maçonnerie, grossièrement exécutée, est sans assises régulières, elle n'a subi de remaniements que par la réfection de la voûte, au XVI Ile siècle, et cette partie seule est recouverte d'un enduit. Un vieux vestige de décoration subiste à la naissance de la coupole, c'est un agneau sculpté quia le corps traversé par une croix, figuration tout à fait archaïque qui démontre que, dans son ensemble, le monument est intact, que sa date est antérieure à l'époque mérovin- gienne {").

E'cgUse De SamtBcnignc Dc X)i)on et ses crjjptes.

lELON le jugement de Viollet- ie Duc, les cryptes bâties sous

l'ancienne église de Saint- Bé- nigne de Dijon ('), alors qu'elle était complète, étaient l'un des plus vastes monuments souterrains qui eussent été construits dans la Chrétienté ; il dit cryptes au pluriel, parce qu'en réalité l'ensemble se composait d'une succession de trois cryptes ajoutées successivement l'une à l'autre, sous trois édifices de forme différente, admirable exemple de l'esprit de conservation qui animait les anciens dans leurs travaux et de l'ingéniosité qui les guidait dans leurs com-

1. < Corpora martyrum e subterranea spelunca in re- centiorem locum transtulit. > Abbé Baudiau, Le Mon/an, t. m, p. 231.

2. Le tombeau de saint Andoche a été reproduit dans VHisl. de Bourgogne de Dom Plancher, dans le congrès de \3. Soc. franc, d' Archéologie d.i 1832 et dans les Anna- les de la Société éduenne, 1862-64.

3. Dictionnaire d'architecture, verbo crypte.

binaisons architecturales. Les démolisseurs delà Révolution de 1793 ont jugé que Dijon avait trop d'églises agglomérées sur un même point, que celle-ci notamment tenait trop de place, et ils ont rasé au moins la moitié des édifices élevés au-dessus du sol en comblant les dessous avec les décombres et en fermant tous les accès.

De toutes les antiquités accumulées au- dessus du tombeau de saint Bénigne, il ne reste aujourd'hui sous nos yeux qu'une église ogivale, bâtie à la fin du XI 1 1^ siècle. La disparition des annexes prive la ville de Dijon d'un édifice en forme de rotonde à plusieurs étages qui constituait un type de construction très rare parmi les productions de l'époque romane et qui servait de trait d'union entre l'église ogivale et un édicule mérovingien. Il nous serait difficile d'appré- cier la valeur archéologique de cet assem- blage bizarre, mais intéressant, si Mabil- lon (') n'avait publié le plan de l'abbatiale de Saint- Bénigne, et si un historien récent de haute valeur, M. le chanoine Chomton, n'avait recherché avec persévérance les documents qui relatent les entreprises de chaque époque et suivi avec la passion de l'archéologue éclairé les fouilles tentées à la fin du XIX'^ siècle pour retrouver les dispo- sitions du martyrium de Saint- Bénigne et de ses alentours ('). Voilà les deux guides dont nous nous servirons pour projeter la lumière sur les origines chrétiennes de Dijon.

On sait que le siège épiscopal de cette ville est récent, il date seulement du siècle ; dernier (1731); auparavant le pays de la Côte d'Or relevait du siège épiscopal de Langres. Malgré l'éloignement des deux villes, nous aurons l'occasion de noter que

1. Annales O. S. B., t. IV, libro LU, 8.

2. Histoire de l'église de Saint-Bénigne de Dijon. Dijon, 1900, I vol. in folio.

286

jRebue De V^xt cbrétten.

plusieurs évêques préférèrent Dijon à leur cité ordinaire, et recherchèrent l'honneur de reposer après leur mort auprès du mar- tyr Bénigne, témoignage qui n'était rendu qu'aux premiers apôtres de la Foi dans chaque région et qui encourage l'opinion de ceux qui regardent la mission de Bénigne comme un apostolat ('). En voyant la simi- litude de circonstances qui existent entre les origines chrétiennes de Dijon et les commencements des autres chrétientés, on ne peut s'empêcher de croire que Bénigne a exercé des fonctions analogues à celles de saint Ferréol de Besançon vers 211.

L'époque de son martyre est contestée, elle est placée par les uns sous Marc-Aurèle, par les autres sous Aurélien. J'incline pour le second siècle, par cette considération que la Bourgogne était trop voisine de Lyon pour être oubliée par les disciples de saint Pothin et de saint Irénée.

La crypte de Saint- Bénigne est une de celles que visita Grégoire, évêque de Lan- gres au VP siècle (''), elle était alors dans un état de vétusté tel qu'elle ressemblait à une ruine, abandon qui mit l'évêque dans un grand embarras. Le grand sarcophage qu'elle renfermait n'avait pas d'inscription, puisque l'évêque dans sa première impres- sion le prenait pour le tombeau de quelque païen {^) ; il est à présumer que la liturgie était également muette à son égard dans l'église de Dijon, autrement on ne compren- drait pas ces hésitations de Grégoire. Il ne fallut rien moins qu'une apparition et le spectacle de pk sieurs miracles pour le con-

I. Ce n'est pas un martyr isolé comme S. ValérienetS. Marcel. Be'nigne avait deux acolytes (comme saint Denis) que nous nommerons plus loin.

z. <,< De qua ille visione concussus beatum sepulchrum adit... Et quia crypta illa, quae ab antiquis inibi transvo- luta fuerat, diruta crat. > De gloria marlyrum. L. I.

3. «i Et quia in magno sarcophago post martyriuni con- ditus fuit. > {Ibidem.)

vaincre qu'il était en présence de la sépul- ture du premier apôtre du diocèse. On ne peut accorder aucune confiance aux vies qui nous ont été transmises sous le nom de saint Bénigne de Dijon ('); on doit s'en tenir à ce que rapporte Grégoire de Tours au chapitre Ll de son livre rédigé à la Gloire des Martyrs. Cet auteur en fait un mar tyr qui fut immolé dans le castrum de Dijon sans nous éclairer sur le siècle il vivait.

L'époque à laquelle arriva cet événement est livrée aux conjectures, comme le nom du personnage qui prit soin de recouvrir sa sépulture d'une façon honorable. Le fait le plus certain, c'est la grandeur et le poids du sarcophage qu'on avait employé pour con- server les restes de saint Bénigne, car Grégoire de Tours revient sur ce sujet une seconde fois pour nous dire que trois paires de bœufs pouvaient à peine le traîner. Un vaste cimetière s'étendait hors de l'enceinte fortifiée de Dijon, au delà du lit naturel du Suzon : c'est que fut établi son monu- ment funéraire.

Lorsque l'évêque de Langres, Grégoire, élu en 506 ('), fit une enquête sur la réalité des prodiges qu'on racontait à propos de saint Bénigne ; il constata que les paysans entouraient sa tombe avec empressement et s'en retournaient satisfaits des grâces qu'ils avaient obtenues. Il y avait pourtant dans ce cimetière d'autres oratoires : la basilique de Saint-Jean reposait l'évêque saint Urbain, mort depuis 50 ans, et une autre basilique l'on gardait les reliques de sainte Paschasie ; néanmoins, la crypte de Saint Bénigne était la plus visitée.

Il y avait aussi un oratoire élevé en l'honneur de la Mère de Dieu d'une date incertaine dont les dispositions méritent

1. Acta S<i>i</oruiii, l" Novembre.

2. S. Grégoire a occupé le siège de Langies de 506 à 539 environ.

^aintTBéniQnt îJt SDtjon et ses erpptes.

287

d'être signalées parce qu'elles ont une ressemblance frappante avec les hypogées gallo-romains surmontés d'un édicule ('). Les témoins qui ont découvert ses sub- structions comme ceux qui l'ont vu debout, le représentent comme un bâtiment carré, élevé par- dessus une crypte (^) ; c'est celui qui fut réuni à la basilique au IX^ siècle.

Après quelques hésitations causées par l'aspect grossier sans doute du sarcophage, l'évêque de Langres se décida à relever les murs et la voûte de la crypte dans le pre- mier quart du Vl" siècle. La littérature du temps voulait que le Saint réclamât lui- même

cette faveur dans une apparition, et c'est ce qui arriva en effet. « Hâtez-vous, dit le Saint, d'élever un oratoire sur mon tom- beau ». Grégoire de Tours qui rapporte ces détails, dit formellement que la première crypte était voûtée et que la seconde fut exécutée avec élégance ('), ce qui ne nous surprend pas depuis que nous avons vu les dessins de certains chapiteaux réemployés dans le monument du XI^ siècle (^), chapi- teaux dont les feuilles d'acanthes sontencore de l'art antique, bien qu'elles aient été alté- rées par la main des mérovingiens. Il n'en faut pas davantage pour inférer que l'archi-

CrypLe de S' Bénigne de Dyon

tecte avait employé des pilastres et des colonnes pour supporter les arêtes des voû- tes. Le dallage se composait de plaques de marbre multicolore dont les derniers vesti- ges ont été aperçus en 1858, observation qui a déjà été faite dans la crypte deSaint- I renée de Lyon (^). Afin de couronner son

1. Les restes de mosaïque qu'on a découverts dans le dallage sont une preuve que l'e'difice est au moins méro- vingien. (Chomton, p. 77.)

2. Voir les plans publiés par Dom Mabillon et M. le ch. Chomton. Voir aussi les vues données par le baron Taylor, \ 'oyages pittoresques et romantiques dans l'an- cienne France. Bourgogne, t. II.

3. Sidoine Apollinaire et Grégoire de Tours citent des

œuvre l'évêque ajouta par-dessus, vers 533, une grande basilique (3).

Le sarcophage de saint Bénigne n'était pas décoré de figures, le grain de sa pierre

évêques qui employaient des marbres, des colonnes et des mosaïques au V et au VI° siècle.

Historia Francorum, libro V, cap. 96. Epistolarum, libro II, cap. 10.

1. « Et quia crypta illa quae ab antiquis inibi transvo- luta fuerat, diruta erat, rursum eam beatus pontifexreae- dificavit eleganti transvolvens opère >. Historia Franco- rum, libro II, cf. De Gloria tnartyrum, L. I. Vitae Pa- trum cap. X, i .

2. Voir la planche ci-jointe empruntée à l'ouvrage de M. Chomton.

3. « Nec moratus, super cryptam illam, basilicam magnam jussit aedificari >. {Historia Francor., ibidem.)

288

Bebue De T^vt t\)xttitn.

était si tendre que les pèlerins le grattaient pouren emporter la poussière. Raoul Glaber, quile vit au X^ siècle.confirme la description de Grégoire en lui appliquant l'épithète de pergrandis arca. Il occupait le centre et, suivant l'habitude, il était flanqué de deux compagnons que l'Histoire appelle saint Eustade et saint Tranquille. La mousse qui poussait sur le sarcophage de ce dernier avait, contre certaines maladies, notamment contre les pustules, une vertu dont Grégoire de Tours fit l'épreuve avec succès ('). Tous ces détails révèlent donc une crypte très

fréquentée les tombeaux n'étaient pas protégés par les barrières qui paraissent avoir existé dans les temps postérieurs. M. l'abbé Chomton, qui a étudié de près les substructions de l'abbatiale, présume que la crypte martyrium devait être carrée (') comme, par exemple, celle de saint Véné- rand à Clermont, il n'explique pas le texte de X Histoire des Francs, eleganli opère ; nous sommes obligé de rechercher un autre terme de comparaison tel que la crypte de Saint Seurin de Bordeaux.

J'inclinerais plutôt à croire que devant les

fffle/ft * OWJ" fit mm

Cryptes de Saint-Bénigne de Dijon.

trois tombeaux orientés et logés dans ses niches il y avait une sorte de vestibule cou- vert de voûtes d'arêtes retombant sur des colonnes. Les œuvres du V K" siècle sont moins sévères que celles des temps précé- dents. Avec un simple caveau, il semble difficile de faire une œuvre élégante comme celle dont parle l'historien. Dans tous les cas, l'espace n'y manquait pas, puisqu'on trouva le moyen d'y placer, à la fin du V I II "^ siècle, le sarcophage de saint Jacques (^),

1. De gloria confessorum, cap. XLIV.

2. « Jacob Christi pontifex mortem subiens requiescit in crypta .S. Benigni martyris ecclesie Divionensis habens ad caput allare in honnie S. Mansueti confessoris î> (fiesta episc. Ttillensium, ap. Mon. Gcrm. liist., VIII, 637.

évêque deToul.qui mourut à Dijon, en reve- nant de Rome et d'ériger contre la tête ad caput un autel en l'honneur de saint Man- suet ; c'est pourquoi il me paraît superflu de supposer avec M. l'abbé Chomton que la crypte subit des agrandissements dans le même temps pour expliquer comment elle fut capable de recevoir les sépultures insi- gnes qui se trouvaient dispersées dans le cimetière voisin. On a des exemples de cryptes bâties sur un plan spacieux, à l'épo- que mérovingienne, témoins celles de Jouarre, de Saint-Seurin, de Trêves et de Saint-Léger, dans les Deux-Sèvres.

I. Cette hypothèse s'applique àla première construction antérieure au VI'= siècle ou bien à la forme du ciboriuni.

Les seuls travaux certains sont les res- taurations entreprises, vers 870, par levêque Isaac ; elles paraissent avoir été le point de déparc d'un agrandissement considérable qui fut sans doute décidé en vue de répon- dre aux désirs de beaucoup de personnages qui manifestaient l'intention de reposer près de la tombe du martyr Bénigne. On sait en effet que plusieurs évêques, Isaac, Argrimus, Garnier, demandèrent, sans par- ler de divers bienfaiteurs laïques, une place dans le prolongement de la crypte. Au lieu d'agrandir l'étage inférieur dans le sens de l'Ouest, l'évêque Isaac, auquel il faut sans doute attribuer les absidioles ajoutées à gauche et à droite, décida que le chevet serait prolongé vers l'Orient afin de ratta- cher à Saint-Bénigne l'édicule dédié à la Mère de Dieu qui se trouvait dans cette direction, à 25 mètres de là, à peu près sur la même ligne que l'axe du bâtiment princi- pal, et qui inspirait une grande vénération à raison de son antiquité.

Ce plan ne fut pas conforme au goût de l'abbé Guillaume qui le modifia complète- ment au commencement du Xl*^ siècle. A la place des travées qui servaient de trait d'union avec Sainte-Marie, il édifia une rotonde à plusieurs étages, puis il remplaça toute l'ancienne basilique par une nouvelle église à cinq nefs dont les bas-côtés étaient couverts. Les agrandissements commen- cés en looi furent inaugurés en 1016.

Suivant la description de la Chronique de Sai7tt- Bénigne qui nous a conservé l'as- pect des lieux, le visiteur qui entrait par la grande porte de l'Ouest rencontrait bientôt près d'un autel érigé à la Sainte Croix et à Tous les Saints, au milieu de la grande nef, trois entrées qui le conduisaient dans le sous- sol du XI" siècle, au moyen de quinze mar- ches (■). Là, il pouvait se promener sous

I. < Ante hoc altare triplex constat introitus cryptae et

une forêt de colonnes (il y en avait 104) assemblées par douzaine et sur quatre rangs, jusqu'à l'extrême chevet. Cet étage infé- rieur, y compris celui de la rotonde, n'avait pas moins de 60 mètres de longueur et renfermait cinq autels.

Voyons maintenant ce que devint la con- fession du martyr à travers tous ces boule- versements. Nous pouvons être certains que son emplacement fut respecté à Dijon comme ailleurs et qu'elle fixa toujours l'axe principal de l'église.

Les recherches qui furent faites pour remettre en honneur le culte de S. Béni- gne un moment étouffé révèlent les mesu- res prises pendant les troubles causés par les invasions des Normands et des Hon- grois. On sait que le corps fut porté d'abord à Langres pour quelque temps, vers 898, puis après son retour, il fut transféré, en 923- 931, dans l'église de Saint- Vincent, bâtie dans l'enceinte fortifiée de Dijon, puis rap- porté en 940 dans l'abbaye de Saint- Béni- gne hors les murs, où, par prudence, il fut enfoui, comme saint Germain d'Auxerre dans une fosse par-dessus laquelle on bâtit une petite voûte en forme de caveau ; les colonnes furent renversées et le tout fut recouvert de terre pour tromper les chercheurs ('). C'est ainsi que les choses se sont passées dans beaucoup d'églises, notamment à Trêves et à Sainte- Rade- gonde de Poitiers; c'est pourquoi l'abbé Guillaume eut quelque peine à retrouver les reliques. L'invention fut laborieuse sur- tout parce que la porte de la crypte était masquée, et que les religieux témoins des travaux n'étaient plus pour la guider.

in quindecimgradibus ascenditur ab ipsa ad superiorem

ecclesiam > (Chomton, note p. 98.)

I. Je suis tenté de faire remonter au X'= siècle la fosse que M. Chomton attribue à l'abbé Guillaume. Alors, elle avait sa raison d'être pour servir de cachette, tandis que plus tard, elle ne se comprend pas.

290

3Rebue tir V^xt chrétien.

La disposition des lieux, nous dit R. Gla- ber, un contemporain, était masquée par des ruines et des décombres ; de plus, le lieu de la sépulture était creusé profondé- ment devant C autel principal à\x monastère. Cette expression ne peut désigner que l'au- tel majeur élevé dans l'église supérieure et non celui du dessous, comme le suppose peut-être à tort M. Chomton, car il y a dans son interprétation plusieurs invraisemblan- ces. D'abord il n'y a pas d'exemples de tom- beaux placés devant l'autel de la crypte, c'est au contraire l'autel qui est à la tête du tombeau, c'est le cas de Saint-Germain d'Auxerre, de SaintValérien de Trêves et d'une foule d'autres. Ensuite, si la fouille avait été pratiquée immédiatement dans la crypte, un ecclésiastique au courant des usages liturgiques n'aurait pas hésité sur l'endroit à sonder, tandis qu'à l'étage su- périeur l'ouverture pouvait être dissimulée par un dallage ou une maçonnerie habile- ment façonnés. Glaber parle encore de p7'ofottdeurs, or la fosse gisent les débris du sarcophage n'a jamais eu plus de quatre ou cinq marches, tandis que l'escalier à trouver pour descendre en avait quinze ('). Si on adoptait la traduction de M. Chom- ton, il en résulterait tout un bouleverse- ment pour la physionomie de la crypte mérovingienne, puisqu'il met l'autel les rites habituels placent le tombeau.Ouand on a peu d'espace, il est plus naturel de repousser le sarcophage contre le fond du chevet et d'appliquer l'autel à l'extrémité ouest;respace libre est beaucoup plus grand dans ce cas que dans la position inverse,où il y a nécessité de laisser un espace libre

I. < Cujus namque positionem loci antiqua vetustas occuluit. Nam coram pr;Ecipuo illius monasterii altari profundius habebatur defossum memoratum sepulcrum, quod continiio requirens invenit >. Raoul Glaber, Vita GuilUlini. On sait que le mot sepulcruiii désigne aussi bien la grotte funéraire que le tombeau lui-même.

entre le tombeau et l'autel pour le service religieux. C'est pourquoi cette dernière dis- position n'a pas été adoptée dans nos églises.

Ce principe étant posé, il n'est plus né- cessaire de conjecturer que l'abbé Guillau- me a modifié le niartyrium le jour il a transformé le chevet plein en chevet à jour, il a relevé ce qui était tombé et les marches qu'il a placées à l'extrême chevet ont été adoptées pour la commodité de ses visiteurs qui arrivaient par la rotonde ou tournaient autour de la confession ('). Après ces ré- flexions, je comprends mieux pourquoi dom Plancher a osé dire que l'abbé Guil- laume s'était contenté de faire des répara- tions dans la crypte de Saint- Bénigne : sa pensée était que les lignes du plan primitif avaient été respectées ('').

L'autel dont a voulu parler Raoul Glaber, est bien l'autel majeur du premier étage de plein pied. 11 s'ensuit que la recherche s'est faite dans la croix du transept et que les ouvriers ont retrouvé la descente de l'esca- lier du milieu qui peut-être avait été fermée lorsque les escaliers de côté furent ouverts à gauche et à droite {f).

A force de patience, l'abbé Guillaume parvint à ressaisir le sarcophage et les reliques dans le contrebas creusé à l'endroit même il avait été exposé pendant des siècles au grand jour ; il se borna à rétablir la murette sur laquelle s'élevaient autrefois les colonnes du dôme (^) et dont les lignes traçaient une sorte de cella rectangulaire, puis il enveloppa le sarcophage d'une sorte

1. Le texte dit que Guillaume avança le tombeau vers \'Ot\tn\, paululum amovetis ad orientem^ pour indiquer sans doute qu'il le rapprochait du nouveau chevet. L'an- cien chevet pouvait être plat et non circulaire.

2. Histoire de Bour^oane, tome I, 476-499.

3. Viollet-le-Duc ne doutait pas que le double escalier ne fût du VI'= siècle (Dictionnaire dare/iilccture).

4. < Desuper auteni quattuor columnx' marmorea; locat;e erant antiquitus ». (Chroit. S. lienigni.)

^atnt'Béntgne De SDîfon et sts crppte0.

291

de caveau voûté en cintre et ouvert aux deux extrémités, à l'insur de ce qui se voit encore à Saint-Germain d'Auxerre. C'est à cette couverture qu'il faut appliquer la désigna- tion (à sépulcre employée par la chronique de Saint- Bénigne. « Elle est en forme de tombe construite avec des pierres appa- reillées, sa longueur est de huit coudées et sa largeur de cinq('). » L'usage voulait alors que le vrai tombeau fût dissimulé et fût remplacé aux yeux de la foule par un céno- taphe. L'abbé Guillaume plaça sur le sépul- cre une sorte de châsse en bois de 6 cou- dées de long, de 3 coudées de large, de 7 coudées et demie de hauteur, recouverte de plaques d'or et d'argent, étaient repré- sentés en ciselure les tableaux de la Nati- vité et de la Passion du Sauveur. Le chro- niqueur donne à cette addition somptueuse le nom à'absida dont le sens est ici bien détourné de l'usage habituel ; il ajoute que ce bel ouvrage disparut pendant une famine pour convertir sa valeur en grain et en pain.

Tout cet échafaudage n'aurait pas pu s'élever sous les anciennes voûtes (-); c'est pourquoi l'architecte, après avoir ajouré le fond du chevet au moyen de colonnes, fut

1. < Sepulcrum vero sancti et gloriosi martyris ita est constructum : tumba ex quadris lapidibus asdificata quœ octo cubitos in longuni, quinque autem tenet in latum ».

(Chronicon S. Renigni Divionensis).

2. < Olim super lapideos arcus quos continebant, absi- dam ferebant ligneam >. Il faudrait « arcus lapidei qui continebaniur intra columnas >. Le rédacteur n'est pas très fort latiniste (Chomton, p. 1 19).

obligé de recourir à de nouvelles voûtes en plein cintre et à demi-coupoles en se servant des anciens supports. Afin de contrôler les renseignements fournis par la Chronique, on a pratiqué des fouilles, en 1858, en deçà et au delà du chevet gothique, bâti au XI 11^ siècle, et on est arrivé ainsi à se convaincre que l'auteur s'était fidèlement tenu au cou- rant des travaux de l'abbé Guillaume, et que dans les reconstructions successives du XI^^ et du XII I^ on avait toujours respecté les principaux massifs de maçonnerie. Après avoir examiné lessubstructions de la roton- de et à,\iniartyriîimy\o\\Q\. le-Duc(')déclara que ces constructions étaient identiques et possédaient tous les caractères barbares du XI" siècle. Cela ne veut pas dire que, dans sa pensée, il ne restait rien des édifices antérieurs ; il croyait à la superposition exacte des murs et des supports et attribuait les escaliers latéraux au VI*" siècle. On a mis au jour le fond du sarcophage de saint Bénigne, des fûts de colonne, des chapi- teaux, des débris de carrelage qui nous permettent de dire que Dijon possède encore beaucoup de vestiges de la confes- sion mérovingienne de son premier martyr et aussi des matériaux contemporains de saint Grégoire de Langres réemployés au XI'^ siècle dans les supports des voûtes (2).

L. Maître.

1. Dictionnaire éarchitecttere, verbo crypte.

2. Voir de curieux chapiteaux mérovingiens reproduits par M. Chomton, pi. XI et .\.\VII de son livre.

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(âcncralités. - Historique.

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L est, dans les pays rhé- nans, un dicton popu- laire :

Le clocher de Fribourg est le plus gros, Le clocher de Strasbourg est le plus haut, Le clocher de Thann est le plus beau.

Peut-être, à vrai dire, pour les besoins d'une rime d'ailleurs dou- teuse, ce brocard rabaisse-t-il un peu trop les chefs-d'œuvre de Strasbourg et de Fri- bourg en Brisgau ; on ne saurait méconnaître cependant que la flèche de St-Thibault, si hardie et si légère, est un des ouvrages les plus remarquables du XV<= siècle et que sa réputation n'est nullement usurpée. Ce mor- ceau d'architecture est trop connu pour que nous croyions utile de le décrire à nouveau ; pourtant l'église de Thann se recomman- de à l'attention des artistes par bien d'au- tres côtés, notamment par ses portes mo- numentales. Nous allons les examiner en détail; mais on nous permettra auparavant de jeter un rapide coup d'œil sur l'histoire de cet édifice.

Si l'on en croit la légende, S. Thibault (ou Ubaldus), évêque de Gubbio, en Italie, étant mort dans son diocèse en l'an 1161, son serviteur se mit en route portant, ca- chée dans l'intérieur de son bâton de voyage.une relique de son maître. Il marcha longtemps, traversa les Alpes, et, arrivé en Alsace, il s'arrêta un soir, épuisé de fatigue, dans un bois de sapins pour y passer la nuit. Au matin, après un sommeil réparateur, notre homme voulut reprendre son chemin ; mais son bâton de voyage.son bourdon, était com-

me fixé au tronc du sapin voisin, contre le- quel il l'avait posé la veille; malgré ses efforts, il ne put l'en détacher, et fut forcé de comprendre que S. Thibault voulait que sa relique demeurât en ce lieu. Or, la même nuit, le comte Engelhardt, des fenê- tres de son château d'Engelburg, regar- dant la nuit noire et le paysage désert.avait aperçu, entre les branches du sapin miracu- leux qui abritait la relique, trois lumières merveilleuses: dès l'aube, il accourt sur le lieu du prodige, trouve le pèlerin fort em- barrassé de la résistance de son bourdon; le miracle est évident, et le comte, pour abriter la relique de S. Thibault, décide l'érection d'une chapelle sur l'emplacement même du sapin ('). Le nouveau sanctuaire acquit bientôt une telle réputation et la foule des pèlerins devint si grande que, trente ans après, on dut ajouter une église à la chapelle primitive. En même temps se formait, autour de ce centre, une ville (-) qui, en souvenir de son origine, prit le nom de Thann (3), et mit dans ses armes un sa- pin. Cette nouvelle église étant à son tour devenue insuffisante, on demanda, en 1269, à Erwin de Steinbach, de dessiner le plan d'un édifice plus vaste et plus somptueux ; les travaux commencèrent en 1275, mais ce ne fut pas cet architecte qui les dirigea. En 1307, on construisait le grand portail ;en 1310, les portes latérales; en 1322, la nef s'achevait; en 1344, les assises de la tour

1. Ce petit sanctuaire se trouvait, croit-on, exactement

sur l'emplacement de la chapelle dédiée à .S. Thibault dans l'église actuelle.

2. Le nom de Thann apparaît pour la première fois en 1244.

3. «Tanne» en allemand, signifie sapin.

|aortailj5 De VtQiiQt ^t-Cbibault De Cl)ann»

293

étaient posées et en 1351, on entamait la construction du chœur. Mais à partir de 1363, les travaux furent suspendus; l'archi- tecie Hans Werlin qui les reprit en 1386, se borna sans doute à terminer le chœur, car une inscription gravée à la base du clo-

cher nous apprend que la première pierre de ce prestigieux couronnement de l'édifice fut posée seulement en 1430, et que l'œuvre fut achevée en 1516 par maître Remigius Walch.

Ce beau monument qui, malgré la durée

Fig. r. Eglise Saint-Thibault, à Thann.

de sa construction, présente un rare carac- tère d'unité, a eu la bonne fortune d'échap- per presque complètement aux embellisse- ments que les siècles classiques ont infligés ailleurs à tant d'églises ogivales. Il ne pou-

vait cependant se soustraire aux injures du temps et, notamment dans les portails, qui nous intéressent spécialement, bien des sculptures étaient mutilées, bien des fi- gures avaient disparu. Le gouvernement

KRVUE UE l'art chrétien 1904. 4*"*^ LlVRAIc;ON.

294

IRebue tie r^vt cbrctien.

s'est ému de cet état de choses (' ) : en 1886, M. Winckler, architecte de Bavière, a été chargé de la restauration complète du monu- ment, et les travaux, continués par un autre architecte, sont aujourd'hui presque ache- vés. M. l'abbé Jost, ancien curé deThann(-), a secondé avec beaucoup de zèle et de science archéologique celte grande œuvre; c'est encore à lui que nous devons la meil- leure partie des renseignements groupés dans notre modeste étude. Qu'il nous per- mette de lui rendre ici, au nom de tous les amateurs du beau, un hommage de recon- naissance bien mérité.

PORTAIL OCCIDENTAL.

LE portail principal de l'église St-Thi- bault est remarquable à plus d'un titre: sa disposition générale, avec ses deux baies surmontées chacune d'un tympan et réunies, à l'étage supérieur, sous un vaste tympan commun, est à peu près unique;son trumeau aux statues superposées rappelle celui de St-Vincent de Berne, avec qui il présente certains rapports que nous avons signalés ailleurs (3) ; enfin, la foule de figurines pressée sur ses tympans et sous ses vous- sures, se groupent en des scènes d'une gra- cieuse naïveté, déjà trop rare au X1V<= siècle: sans doute, l'exécution laisse parfois à désirer, les personnages, à trop grosse tête, trapus et courtauds, évoquent çà et l'idée des nains familiers de nos vieux contes, et leur exiguïté,'leur nombre véri- tablement exagéré, s'ils sont intéressants, amusants pourrions-nous dire, pour qui- conque les examine en détail, produisent à distance une inévitable confusion et ne réa-

1. Depuis douze ans le gouvernement allemand a con- sacré à cette restauration plus de 200.000 francs; et, grâce à l'initiative de M. l'abbé Jost, d'autres souscriptions importantes ont été fournies par les particuliers.

2. kéceminent nommé vicaire-général de Strasbourg.

3. Voir notre étude sur St-Vincent de Berne.

lisent point l'effet d'ensemble, seul désirable au point de vue architectural, que détermi- nent avec tant denetteté les grandes figures, largement traitées sur les tympans de nos portes d'église du XI 11"^ siècle.

En ce qui concerne l'iconographie, le sujet des sculptures de notre portail est extrêmement complexe : la voussure de la ofrande archivolte nous fait le récit de la Genèse et nous montre des scènes de mar- tyre ; puis des anges, des patriarches, des rois ancêtres de Marie. Sous cet encadre- ment se déroule, au tympan, l'histoire dé- taillée de la Vierge : sa naissance, sa vie, sa mort et son couronnement au ciel. Par une disposition peu liturgique et à peine explicable sur la façade d'une église non consacrée à Notre-Dame, l'histoire de Marie est ainsi placée au-dessus de celle du Christ que nous voyons aux petits tym- pans inférieurs : ici en effet nous trouvons, à droite, la Nativité, à gauche, la Mort de Jésus, en d'autres termes : l'Incarnation et la Rédemption. Tout à l'entour, sous les voussures, des scènes de martyre. Plus bas, au trumeau et aux ébrasements, la Vierge- Mère est entourée des Saints et Saintes les plus populaires en Alsace. Enfin, au sommet de la porte, Jésus Christ montre ses plaies coinme dans un jugement der- nier. Ajoutez encore le S. Thibault qui couronne le pignon de la façade, et vous aurez une idée de la multiplicité et de la diversité des sujets représentés.

Toute la façade est construite en belle pierre de Rouffach ; les sculptures ne pa- raissent présenter aucune trace de peinture, bien que certaines parties, comme les écus- sons armoriés qui surmontent les deux baies, semblent appeler l'emploi de la couleur.

Au cours de notre analyse, nous noterons au passage les détails refaits ou rétablis

î^ortails de l'église ht ^U%\)ihan\t î3e Cl)ann. 295

dans la récente restauration ; mais, dès maintenant, nous pensons devoir signaler la principale modification apportée par l'ar-

chitecte moderne à la disposition antérieure; jusqu'à ces dernières années, et sans doute depuis l'origine du monument, de chaque

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Fig. 2. Porte occidentale de l'église Saint-Thibault,

côté du Christ qui surmonte le portail, étaient rangées sur une ligne horizontale six grandes statues ou groupes (figurés en traits

sur notre schéma), représentant la Vierge, S. Jean, S. Pierre, S. Paul, S. Barthélémy et trois autres saints.

296

Brbuc lie r!a;rt cf)rétien.

Ces statues ont été supprimées et rem- placées par une galerie à fines colonnettes surmontées de pinacles aigus et de cloche- tons aux arêtes ornées de crochets : type qui a été emprunté par l'architecte mo- derne au dessin d'un vitrail de l'église (le premier à gauche du chœur) (') L'ensemble est gracieux, mais peut-être un peu trop léger et grêle par rapport à la structure solide et robuste du reste de la façade.

Examinons maintenant le détail des sculptures en signalant, dès maintenant et une fois pour toutes, qu'aucune figure de ce portail ne porte de nimbe.

Voussure du tympan principal.

CORDON extérieur: N"^ i à 16 Anges musiciens, debout ; les figures sont abritées chacune sous un dais, confor- mément à l'usage, mais on remarquera un dais supplémentaire aux deux extrémités du cordon, sous les pieds du premier et du dernier personnage : particularité pouvant faire supposer qu'autrefois ce cordon se prolongeait davantage et ne s'arrêtait point aux chapiteaux des petites colonnes.

Voici le détail des figures :

Anges musiciens. i. Ange tenant un instrument indistinct.

2. Ange soufflant dans une clarinette énorme.

I. A notre avis, M. Winckler a commis une lourde erreur : l'architecture de fantaisie qui orne le fond des vitraux a un principe de conception et des moyens d'exécution tout autres que la véritable architecture. Elle cherche la richesse et la légèreté, sans trop se préoccuper de la vraisemblance et de la stabilité de la construction, et la coloration permet de mettre plus ou moins en valeur les diverses parties. De même l'architecture pratiquée par les orfèvres sur les châsses ou les tabernacles serait souvent ridicule si on l'appliquait à de véritables édifices. Toutes proportions gardées, il en est de l'architecture comme de la poésie : telles strophes d'un opéra célèbre qui nous charment parce qu'elles servent de support à une belle musique, nous païaîtraient d'insipides vers de mirliton si nous nous avisions de les déclamer en dehors de leur cadre et sans leur broderie de notes.

3. Ange tenant sur sa poitrine un petit orgue ou peut-être un syrinx.

4. Ange tenant à l'envers un violon et son archet.

5. Ange tenant à la main un cahier de musique : il semble chanter.

6. Anoe tenant un instrument.

7. Ange sonnant de l'olifant.

8. Ange tenant un instrument peu dis- tinct.

9. Ange tenant un instrument peu dis- tinct.

10. .^nge soufflant dans une fiùte double.

11. Ange frappant un triangle.

12. Ange tenant un monocorde.

13. Ange battant des cymbales (?).

14. Ange tenant une sorte de guitare.

15. Ange tenant un instrument de mu- sique.

16. Ange pinçant une grande cithare. A propos de cette série, fort complète,

comme on le voit, nous remarquerons que c'est surtout à partir de la fin du XI 11*= siècle que les imagiers se sont at- tachés à varier les instruments de leurs anges musiciens et de leurs vieillards apo- calyptiques ; jusque-là, ces personnages ne connaissaient guère que la trompette, le tnonocorde, la guitare et surtout la vièle (voir Moissac, Saintes, Paris, Chartres, Laon, etc..) A Metz, aux pieds droits de la porte méridionale, la collection est en- core plus complète qu'ici.

Deuxième cordon. Nous voyons ici les Docteurs de l'Église latine (N"=* 17 à 20), opposés aux Évangélistes (N°^37à 40), exactement, sauf le détail bizarre des figures, comme à la porte ancienne de la cathédrale de Cologne ; entre eux, les rois ancêtres de la Vierge assistent au triomphe de Marie représenté sur le tympan.

Les quatre Docteurs. 17. S.Grégoire le Grand (ou peut-être S. Ambroise) est

portails îie VtQlm ^tCl)tbault De Cï)ann.

297

assis devant un pupitre richement sculpté, et écrit ses Co)!n>icntaires. Il est vêtu d'une robe et d'un manteau ; sa coiffure conique bordée par une couronne et sur- montée d'un bouton, semble bien une tiare papale ; mais comme le docteur suivant porte exactement la même coiffure, on ne peut affirmer que ce soit ici S. Grégoire; il est imberbe, frisé et paraît bien jeune pour un pape. Nous n'apercevons pas ici la colom- be du St-Esprit qui inspirait le saint Doc- teur et que les imagiers ont si souvent représentée lui parlant à l'oreille.

18. S. Ambroise (ou peut-être S. Gré- goire), vêtu et coiffé comme le précédent II est plus âgé ; sa tête, ornée d'une courte barbe, respire l'énergie. Il lit dans le livre ouvert devant lui sur le pupitre, et de la main droite écrit sur une banderole dérou- lée sur ses genoux (peut être, au lieu d'une banderole, est-ce une sorte d'encrier il trempe son style ?).

19. S. Jérôme, reconnaissable à son cha- peau de cardinal, d'une forme quasi-conique, avec son fond surélevé. Il se penche sur son pupitre.

20. S. Augustin, barbu, nu-tête, semble méditer un passage qu'il montre du doigt sur la page du livre ouvert sur son pupitre.

Rois ancêtres de Marie. Nos 21 à 35. Ces quinze rois, couronnés de diadèmes fleuronnés, vêtus de robes et de manteaux attachés sur la poitrine, sont assis sur des trônes et tiennent à la main des sceptres finement ouvragés. Le nombre des rois ancêtres de Marie représentés sur nos façades de cathédrales est extrêmement variable : on en compte vingt-huit à Paris, vingt-deux à Amiens, seize à Chartres (face ouest) et vingt à Chartres (face sud): c'est assez dire que les artistes n'ont été guidés, en général, que par les dimensions de la galerie ou de la voussure qu'il s'agis-

sait de décorer. Ici, cependant, il semble bien que le nombre quinze soit voulu, car sur le cordon de notre porte, entre les doc- teurs et les évangélistes, il restait seize places, et l'imagier a rempli la seizième par une scène (n" 36) qui ne se rattache aucunement à la généalogie de la Vierge. Il semble donc qu'on ait représenté ici les ancêtres de Marie depuis David, qui le premier fut roi, jusqu'à Jéchonias, qui fut détrôné et emmené captif à Babylone. Dans cette hypothèse nous aurions ici, selon la généalogie de S. Mathieu: David, Salomon, Roboam, Abias, Asa, Josaphat, Joram, Ozias, Jonathan, Achaz, Ezéchias, Manassès, Amon, Josias et Jéchonias. Hâtons-nous d'ajouter que nous n'avons pu identifier aucune de ces figures, sauf toute- fois le No 35, qui est David, car il tient en main une harpe. Contrairement à l'usage, il faut donc lire la série de droite à gauche.

Voici le détail des figures: 2 I . Roi à courte barbe tenant une harpe : c'est évidemment le roi David.

22. Roi barbu: Salomon.

23. Roi imberbe tenant un objet indis- tinct: Roboam.

24. Roi barbu tenant un phylactère: Abias.

25. Roi barbu tenant un phylactère : Asa.

26. Roi barbu tenant un phylactère dé- roulé entre ses bras étendus: Josaphat.

27. Roi barbu lisant un phylactère dé- roulé sur ses genoux: Joram.

28. Roi barbu: Ozias.

29. Roi barbu, portant son sceptre sur l'épaule: Joathan.

30 Roi à très longue barbe, déroulant un phylactère: Achaz.

31. Roi barbu : Ezéchias.

32. Roi barbu : Manassès.

298

3Rebtir tjc T^rt cbrctiem

33. Roi barbu, à l'expression autoritaire: Amon.

34. Roi âgé, barbu, paraissant méditer sur un phylactère: Josias.

35. Roi imberbe, assis sur un trône orné ettenant à la main un objet indistinct: Je chonias.

36. Ce compartiment est occupé par une scène à plusieurs personnages, qu'il nous a été impossible de bien distinguer: nous croyons voir un homme étendu à terre, que plusieurs autres semblent regarder en riant. Serait-ce Job sur son fumier ? ou plutôt Noé, enivré, en butte aux railleries de Sem et de Cham ? En tous cas, cette scène n'a aucun lien avec celles qui l'en- tourent.

Évangélistes. Beaucoup de portes d'églises (Strasbourg, Cologne, St- Benoît sur- Loire, etc..) nous montrent les évan- gélistes assis devant de petits pupitres, ayant près d'eux l'animal qui leur sert de symbole. Mais ici l'artiste, par une simpli- fication hardie et à peine respectueuse, a donné aux personnages la tête même de l'aigle, de l'ange, du bœuf et du lion ('). Pour trouver une autre interprétation aussi libre et originale du même sujet, il faut al- ler à Worms, où, sur la porte méridionale, les Évangiles sont figurés par un monstre dont la tête quadruple réunit celles des quatre animaux, et qui marche sur quatre pieds empruntés chacun à l'un d'eux (2).

1. Dans les Mélanges archéologiques les RR. PP. Martin et Cahier citent diverses représentations ana- logues des Évangélistes : on les voit, en buste, avec tête d'animal, sur une enluminure d'un évangéliaire de Poi- tiers du IX" siècle, et surun vitrail d'une rose à la cathé- drale de Strasbourg, de même, mais en pied, sur un ancien vase ou bénitier. Mais les savants archéologues ne citent aucun exemple de sculpture architecturale reproduisant ce type extraordinaire. Les quatre statuettes de Thann constituent donc un document très curieux et, croyons- nous, unique dans son genre.

2. Cet < Animal Ecclesie » se retrouve sur une minia- ture d'un manuscrit de \Hortus deliciarum : les RR. PP. Martin et Cahier en ont donné une reproduction

57. S. Jean, sous les traits de l'aigle, vêtu de la robe et du manteau, assis, mon- tre du doigt le livre de son évangile.

38. S. Mathieu, de même, avec une tête d'ange, imberbe et frisée.

39. S. Luc, de même : sa tête de bœuf, ornée de deux cornes, a un air grave, du plus haut comique.

40. S. Marc, à la tête de lion, dans la même position.

Ha Genèse. N"' 41 à 62 Les épiso- des de la Genèse et des premiers temps de l'humanité, représentés sur ce cordon de la voussure, ont été reproduits, à partir du XII I^ siècle, sur la plupart de nos grandes églises, tantôt comme ici, à la voussure (Laon, Chartres, Fribourg, Strasbourg, Worms, etc.) soit au soubassement (Rouen, Bourges, Auxerre, etc.).

Selon la tradition habituelle des imagiers dans les scènes de la Création, Dieu est représenté sous les traits de Jésus-Christ, mais sans nimbe (comme tous les autres personnages de notre portail); quant à la figuration des êtres créés, l'artiste nous inontre ici, comme à Laon, Chartres et Strasbourg, les êtres eux-mêmes, tandis que le plus souvent (Fribourg, Rouen, Auxerre, etc.,) Dieu bénit simplement un disque sur lequel apparaissent les choses créées.

41. Dieu crée le ciel et la terre: de- bout il tient de la inain gauche et bénit de la droite une masse de neuf segments de sphères à peu près concentriques, emboîtés l'un dans l'autre et représentant la terre et les planètes: c'est ainsi, par des cercles con-

dans leurs Mélanges archéologiques. La fantaisie d'une telle représentation heurte évidemment le bon goût, et, au moyen âge même, quelques esprits y tiouvèrcnt matière .\ raillerie : ainsi, en l'an 1496, le célèbre graveur Wenceslas d'Olmutz, voulant faire la -satire de l'Église romaine, nous la montre sous la forme d'une femme dont chacun des quatre membres est emprunté à l'un des qua- tre animaux : il est vrai que, pour mieux accentuer son hostilité, il donne au personnage une tête d'âne.

centriques, que les savants du moyen âge figuraient l'univers : ils ne variaient guère entre eux que par le nombre des cercles : Gauthier de Metz, dans son « Image du monde », en trace jusqu'à quinze.

42. Dieu sépare les eaux inférieures des eaux supérieures. L'imagier a ici traduit plus littéralement que de coutume l'expres- sion même de la Genèse: Dieu debout, ar- mé d'une baguette.tranche en quelque sorte les eaux qui se partagent en deux masses ondulées ou nuageuses.

43. Dieu crée les anges: c'est un gra- cieux et pieux chapitre ajouté au récit mo- saïque par la foi de nos pères : deux anges joignant les mains et souriant comme en extase sont agenouillés devant Dieu, qui les appelle à la vie en les bénissant.

44. Dieu crée les plantes: ce sont des herbes et des arbres aux branches noueuses qui se dressent sous sa main bénissante.

45. Dieu crée le soleil: l'astre est figu- ré, accompagné d'étoiles, sur une sorte de paroi convexe placée devant les pieds de Dieu.

46. Dieu crée la lune, de même: sur la paroi se montrent une pleine lune et des étoiles.

47. Dieu crée les quadrupèdes: ils sont comme amoncelés devant lui sur une sorte de rocher; au sommet de cette pyra- mide vivante se dresse un singe.

48. Dieu crée les oiseaux, entassés les uns au-dessus des autres comme les qua- drupèdes de la scène précédente. Parmi eux on distingue des aigles.

49- 50. Dieu crée l'homme: ici l'ar- tiste a divisé le sujet en deux scènes pour exprimer sans doute la grandeur de l'œu- vre divine : en 49, Dieu forme Adam éten- du à terre; en 50, il le met debout: cette I représentation est quelque peu puérile. La même idée de grandeur a été mieux rendue

par le sculpteur de Notre-Dame de Rouen qui, pour la création de l'homme, fait inter- venir les trois personnes de la Sainte Tri- nité, tandis que pour les autres êtres Dieu le Père paraît seul. On remarquera aus- si, sur notre voussure, que l'homme est im- berbe au premier tableau et barbu au se- cond: l'artiste semble ainsi avoir mal com- pris la gracieuse tradition des imagiers rhé- nans.qui nous montrent (àWorms.Fribourg, etc.) Adam barbu à partir de son péché seulement, pour exprimer sans doute qu'en perdant l'innocence il a perdu l'éternelle jeunesse qui lui était réservée.

51. Dieu crée la femme : tel nous pa- raît du moins être le sujet de ce tableau, malgré l'absence d'Eve dont l'image doit avoir été brisée. Adam en effet dort, éten- du dans une attitude accablée et Dieu étend la main vers lui comme pour commander.

52. Dieu unit Adam et Eve: debout entre eux, il leur met la main dans la main. Dans ce tableau comme dans les suivants, jusqu'à l'expulsion du Paradis, nos premiers parents sont complètement nus.

53. Dieu ayant conduit nos premiers parents devant l'arbre de la Science, le montre à Adam, derrière lequel se tient Eve, et leur fait défense de goûter aux fruits de cet arbre.

24. Le péché: au milieu de la scène, le petit arbre, au tronc duquel est enroulé le serpent; à gauche Adam, à droite Eve écoutent les paroles du Tentateur et s'ap- prêtent à cueillir la pomme, qu'on aperçoit sous un bouquet de feuilles.

55. Dieu reproche leur désobéissance à Adam et Eve, qui s'approchent honteux en cachant leur nudité.

56. Un ange en longue robe chasse du Paradis Adam et Eve qui se retirent lentement; il devait, selon l'usage invariable.

300

WitWt De ravt cbittten.

être armé d'un glaive; mais nous n'avons pu distinguer trace de cette arme.

57- Scène extraordinaire, unique, croyons-nous, dans la statuaire monumen-

F>C- 3- Schéma de la porte occidentale de l'église Saint-Thibault.

taie du moyen âge: du sein de nuées épais- ses sortent les bustes d'un vieillard qui

paraît commander, et d'un jeune homme imberbe ou à barbe très courte. On doit

i^ortails De régltse ^t Ct)ibault ht Cbann.

301

voir ici Dieu décrétant l'Incarnation, c'est- à-dire (si l'expression, traduction exacte de la scène représentée, n'est pas par trop hé- rétique) Dieu le Père commandant à Dieu le Fils de s'incarner dans la suite des temps pour racheter l'homme qui vient de se per- dre. On trouvera sans doute étrange l'ab- sence de la troisième personne divine et aussi cette figure imberbe prêtée ici à Jésus- Christ ; l'artiste semble avoir voulu par mieux marquer la différence entre le Père et le Fils.

58. Scène presque aussi curieuse que la précédente, mais plus orthodoxe et aussi gracieuse que touchante. D'ordinaire, les imagiers après la sortie de l'Eden ne font plus intervenir Dieu : la condamnation prononcée s'exécute, sans qu'il paraisse s'occuper davantage d'Adam et d'Eve: ceux-ci travaillent péniblement, loin de Dieu. Ici, au contraire. Dieu ne se désin- téresse point de leur sort: il ne se contente point de leur dire : « Vous gagnerez votre pain à la sueur de votre front », mais il leur apporte lui-même des vêtements et les outils qui leur permettront de travailler utilement. Idée charmante, qui montre bien' la foi de nos pères en l'inépuisable bonté de Dieu

59. - Encore une scène gracieuse que nous n'avons rencontrée sur aucune autre porte d'église: Eve, devenue mère, allaite son premier-né, et, attirés par ce spectacle nouveau et sacré de la maternité, les anges, accourus, entourent la jeune mère.

60. Premiers travaux de l'homme: Eve, tenant son enfant sur ses genoux, file à un fuseau sculpté, tandis qu'Adam, à ses pieds, bêche la terre.

61-62. M. Ch. Grad, décrivant som- mairement notre porte dans son magni- fique ouvrage sur l'Alsace, indique ici les sacrifices de Melchisédech et d'Abraham.

C'est une erreur évidente. Le N^ôi repré- sente le sacrifice de Caïn et d' Abel :les deux frères, dont un au moins vêtu d'une courte tunique, sont debout de chaque côté d'un petit autel recouvert d'une nappe, sur le- quel sont disposées les offrandes: ce sont des objets peu distincts, sans doute un aeneau et des fruits de la terre. Le N" 62 est le meurtre d'Abel: le malheureux, déjà blessé sans doute, est étendu à terre, et Cain dont on remarquera la pose pleine de vie, lui assène à deux mains un coup d'une sorte de pioche à long manche.

Comme on l'a vu, celte série de l'Ancien Testament est encore plus admirable par l'idée que par l'exécution; plusieurs scènes sont uniques dans leur genre : ce cordon de voussure constitue une des parties les plus curieuses du portail de Thann.

Martyres des Apôtres. N^^ 63 à -]-]. Ce cordon représente la mort des apôtres et des premiers martyrs chrétiens : ce sujet, assez rare à la voussure de nos portes d'église, se retrouve, presque à la même place, au portail de Strasbourg et, d'après l'ordre des tableaux, la quasi-similitude de certains groupes, on est amené à penser que le sculpteur de Thann a plus ou moins copié l'œuvre de Strasbourg ; mais à cette dernière cathédrale, le sujet se trouve mieux à sa place qu'ici : le martyre des Apôtres encadre tout naturellement la Passion et la Mort du Christ, représentées au tympan, tandis qu'ici ce sujet se rap- porte bien indirectement soit à l'histoire de la Vierge que nous voyons au tympan, soit aux scènes de la Genèse et aux autres figures que nous venons d'examiner dans la voussure. Quoi qu'il en soit, voici le détail de ces quatorze groupes :

63. A cette place nous voyons, à Stras- bourg, un apôtre, évidemment S. Pierre, attaché à une croix renversée au moyen

Î02

3Re\)uc De T^vt cbrctien.

d'une corde qui lui entoure plusieurs fois le corps. Ici nous trouvons de même un Saint crucifié la tête en bas, en présence d'un roi qui, sceptre en main et couronne en tête, préside au supplice ; mais on peut se deman- der s'il s'agit de S. Pierre, car plus loin, au 71, nous rencontrons un autre martyr, crucifié aussi la tête en bas.

64. Comme à Strasbourg, S. Paul est agenouillé : un bourreau le frappe d'un glaive qui pénètre profondément dans le cou du martyr. Deux autres exécuteurs, debout, assistent à la scène.

65. L'apôtre est agenouillé au-dessus d'un billot ; un bourreau, debout derrière lui, attend, appuyé sur une grande épée. Un autre, dont nous ne distinguons pas bien le geste, semble frapper la tête du martyr.

66. Deux personnages barbus parais- sent tirer les extrémités d'une corde qui en- toure le corps du martyr (ou peut-être d'une lame de scie qui lui entrerait dans les chairs?). Nous savons que S. Marc fut traîné au moyen d'une corde à travers les rues d'Alexandrie, mais nous ne pouvons guère reconnaître ici cette scène.

67. Plusieurs personnages agenouillés ou accroupis sur le sol, semblent s'em- presser autour d'un objet que nous distin- guons mal, et au-dessus duquel apparaissent d'autres figures. Seraient-ce des bourreaux activant le feu sous le gril de S. Laurent ?

68. Une barque chargée de passagers flotte sur la mer dont on voit les vagues au premier plan ; des matelots rament, tandis que leur chef se tient debout, un bâton de commandement sur l'épaule. Un autre personnage se penche par dessus bord : nous ne distinguons pas s'il jette à l'eau un corps humain ; en ce cas, ce pour- rait être le corps du diacre S. Vincent jeté à la mer comme nous le voyons sur beau-

coup de bas-reliefs, notamment à la cathé drale de Bâle.

69. Un personnage semble agenouillé devant une roue(?) que l'on aperçoit en l'air. Un autre, debout, le frappe par der- rière (?) nous ne nous expliquons pas cette scène.

70 Plusieurs personnages sont age- nouillés : nous ne distinguons pas de bour- reaux.

71. S. Pierre (ou si l'on reconnaît S. Pierre au No 63, S. Barthélémy qui, selon S. Dorothée, aurait subi le même martyre), crucifié la tête en bas : quatre bourreaux lui clouent les pieds et les mains à coups de marteau.

72. Un saint (ou peut-être deux : en ce cas S. Simon et S. Jude) à genoux ; un païen vient le frapper par derrière. Au second plan, trois personnages, debout, assistent.

7:

Scène extrêmement confuse : en

avant un corps, qui semble nu, est étendu sous les roues d'une sorte de chariot. Au- dessus s'agitent plusieurs personnages.

74. Le Saint (peut-être S. Matthieu qui fut frappé pendant sa prière) est à genoux ; trois exécuteurs paraissent der- rière lui; un d'eux lui donne un coup d'épée.

75. S. Jean plongé dans une cuve d'huile bouillante, devant la Porte Latine de Rome : le buste du saint émerge d'une cuve manifestement trop petite pour con- tenir son corps. Deux bourreaux, debout, semblent remuer l'huile; deux autres, bais- sés, attisent le feu.

76. S. .'\ndre est lié par les bourreaux, au moyen de cordes, à une croix en X Le même martyr se trouve à la même place sur la porte de Strasbourg ; mais il est lié à une croix droite : c'est qu'en effet, les sculptures de Strasbourg datent du XI IL'

l^ortatls de l'égltse ^t Ct)tbault De Cl)ann.

303

siècle, époque ou personne ne songeait a attribuer à notre apôtre une croix de forme spéciale; mais, dans le cours du XIV^ siècle, la maison de Bourgogne, dont les armes comportaient deux bandes croisées en diagonale, ayant pris pour patron S. André, l'idée de la croix diagonale fut dès lors toujours associée à celle du saint apôtre : le sculpteur de Thann, tout en s'inspirant des groupes de Strasbourg, a modifier le sujet conformément à la tradition alors nouvelle, qui depuis est devenue générale.

/ô"^'* et "]"] . Ces deux groupes sont bizarrement placés au-dessous de la base du tympan ; ils sont séparés des précédents par la frise ; mais la similitude des sujets montre assez qu'ils forment la suite de la même série.

76t>'s. S. Phillippe, vieillard à longue barbe, est suspendu à une croix dressée, sur laquelle quatre bourreaux le clouent à grands coups de marteau.

77. Un saint, agenouillé, est frappé par derrière d'un coup d'épée à la nuque ; deux personnages, debout, semblent prési- der au supplice. Ce pourrait être le martyre de S. Matthieu moins qu'on ne préfère le reconnaître au 74).

Prophètes. N°' ■jf'"' à 90. Ce cor- don ne fait pas, à proprement parler, partie de la voussure : il est pris sur le tympan, dont il encadre la portion supérieure. Les quatorze statuettes qui le composent, non abritées sous des dais comme les précé- dentes, mais portées simplement sur des socles, tiennent chacune à la main un phy- lactère déroulé, sur lequel était sans doute autrefois inscrit leur nom. Leur costume fait reconnaître en eux des personnages de l'Ancien Testament : comme on ne trouve point Moïse dans la série, ce ne peuvent guère être des patriarches : nous verrons donc en eux les prophètes qui ont annoncé

la grandeur de Marie, dont l'histoire est racontée sur le tympan.

77''''. Barbu, assis, coiffé d'un haut bonnet, regarde en l'air les scènes du tym- pan.

78. Barbu, assis, nu-tête, lit attentive- ment son phylactère.

79. Barbu, assis, couronné (peut-être est-ce David ?)

80. Barbu, assis, coiffé d'un bonnet, regarde le ciel.

81. Barbu, assis, coiffé d'un bonnet, lit son phylactère.

82. Barbu, assis, coiffé d'un bonnet plat, lit son phylactère.

83. Barbu, assis, coiffé d'un bonnet, tient son phylactère sur ses genoux.

84. Barbu, assis, nu-tête, tient son phylactère devant lui.

S5. Barbu, assis, coiffé d'un bonnet, tourne la tête vers les scènes du tympan.

86. Barbu, assis, nu-tête, lit en sui- vant du doigt sur son phylactère.

87. Barbu, assis, coififé d'un bonnet plat, tient son phylactère sur ses genoux.

88. Semblable au précédent.

89. Barbu, assis, nu-tête, lit son phy- lactère.

90. Barbu, assis, coiffé d'un bonnet formé d'étoffes flottantes.

Tympan principal.

Les sculptures de ce tympan représen- tent, comme nous l'avons dit, les principaux épisodes de la vie de Marie.

91. Dans le temple de Jérusalem, le prêtre, la tête voilée, est debout auprès d'un petit autel soigneusement recouvert d'une nappe. Il vient de refuser l'offrande de J oachim et d'Anne,leur disant qu'un homme sans enfant est maudit de Dieu et indigne d'entrer dans le temple. Les deux époux.

304

îRrlJuc Dr r^vt cbvcttnu

confus, s'éloignent, Joachim marche appuyé sur un bâton de voyage.

92. Joachim s'est retiré au milieu de ses troupeaux, il est assis parmi les rochers, quand un petit ange, paraissant au-dessus de sa tête, vient lui annoncer que sa prière a été entendue de Dieu, qu'Anne va enfan- ter et qu'il la rencontrera près de la Porte d'Or en rentrant à Jérusalem.

93- Joachim, les épaules couvertes de sa pèlerine de voyage, est arrivé devant la Porte d'Or au moment Anne en sor- tait. Les deux époux s'embrassent.

94. Naissance de Marie. ^SteAnne est couchée dans un lit, la tête soutenue par des oreillers : auprès d'elle s'empres- sent deux femmes dont l'une lui apporte une potion. Au pied du lit, une servante lave l'enfant dans un baquet ; une autre s'apprête à verser l'eau d'une cruche (').

95. Un vieillard, sans doute le grand- prêtre, est debout près de l'autel des holo caustes, placé au sommet d'une pyramide de huit hauts degrés (d'après la tradition, il devrait y en avoir quinze, correspondant aux quinze psaumes graduels). La petite Marie, âgée de trois ans, gravit avec as- surance cet escalier, tenant ses mains jointes et élevées vers l'autel. On remar- quera que contrairement à l'usage, le sculp- teur n'a point fait assister Joachim et Anne à cette scène.

96. Vie de Marie dans le temple : depuis trois ans jusqu'à quatorze, Marie vécut dans le temple : selon la Li^gende dorée, elle restait en prière depuis le matin jusqu'à la troisième heure ; ensuite elle s'occupait à tisser la laine ; après quoi elle se remettait en prière jusqu'au moment un ange venait lui apporter sa nourriture. Ici, nous la voyons vaquer aux soins du

I. M. Grad a vu dans cette scène la naissance du Pré- curseur : nous ne compienons pas celle erreur.

temple : elle s'apprête à poser un calice sur l'autel ; derrière elle, une de ses com- pagnes, debout, tient un livre d'heures ; d'autres, assises sur la terre, se livrent à des travaux manuels.

97. Nous ne sommes pas absolument certain de l'interprétation de cette scène, mais nous croyons y reconnaître la suite de la vie de Marie dans le temple : sur le revers de l'autel mentionné au N" 96, une jeune fille couronnée semble agenouillée ; elle lit dans un livre de prières ; près d'elle quatre autres jeunes filles, dont une au moins file la laine, conformément au récit de la Légende dorée. Ce doit être la Vierge, parvenue à l'âge de quatorze ans, implorant Dieu avant de quitter le temple: mais pourquoi est-elle couronnée .'' est-ce pour exprimer sa sainteté ': ou faut-il voir dans ce diadème la couronne des fiancées.'' nous ne savons.

98. Voici le passage de la Légende qui se rapporte à cette scène : « Une voix sortit du fond du temple, disant que tous les hommes nubiles et non mariés de la maison de David devaient s'approcher de l'autel, chacun portant une baguette à la main, et que la Vierge Marie aurait à épouser celui d'entre eux dont la baguette produirait des feuilles. Or il y avait un homme de la maison de David, nommé Joseph, qui, seul, ne se présenta pas devant le prêtre, estimant inconvenant, à son âge, de prétendre devenir le mari d'une vierge de quatorze ans. De telle façon que le miracle prédit par la voix divine n'eut pas lieu. Et le prêtre, de nouveau, inter- rogea le Seigneur, qui répondit que celui-là seul n'avait pas apporté sa baguette, qui était destiné à devenir le mari de la Vierge. Force fut donc à Joseph de se présenter à l'autel : et aussitôt sa baguette produisit des feuilles et on vit descendre sur elle une

|i>orratl0 ht rcglîse ^t Cl)ibault îie Cl)ann.

305

colombe, du haut du ciel ('). » Nous voyons ici huit prétendants, debout, tenant leur baguette stérile à la main ; la plupart sont jeunes ; un seul est âgé, comme on peut le reconnaître à sa longue barbe: c'est Joseph, car son rameau commence à pous- ser des leuilles et au sommet nous aperce- vons une petite masse informe, qui pourrait être un lis, mais nous préférons voir la colombe mentionnée dans le naïf récit de la Légende.

99. Mariage de Joseph et de Marie. Au centre du tableau, le grand-prêtre, barbu, voilé, se tient debout ; au pre- mier plan de chaque côté, les deux époux s'avancent l'un vers l'autre et se donnent la main (ou peut-être Joseph remet-il à Ma- rie l'anneau du mariage); Joseph a la tête couverte d'un voile; la Vierge est nu-tête. Derrière Marie sont un vieillard et une femme: bien que celle-ci paraisse assez jeune, nous pensons que ces deux person- nages sont Joachim et Anne qui, selon la tradition du moyen âge, ont assisté au mariage de leur fille. Au second plan, qua- tre autres personnes, sans doute les témoins ou les amis des époux.

100. L'Annonciation. Au milieu d'une nuée épaisse, traversée de rayons, apparaît le buste de Dieu le Père, tenant en sa main le globe du monde; en avant de la nuée, l'ange messager de Dieu, Gabriel, s'age- nouille respectueusement pour saluer la Vierge : Ave, Maria. Celle-ci, également à genoux, s'incline avec un geste de sur- prise et de soumission,

loi. (Deuxième bande du tympan.) La Visitation: par une disposition bizarre, la Vierge (ou S'^^ Elisabeth, car on ne peut distinguer l'une de l'autre) est vue de dos, au premier plan, cachant presque entière- ^

I. Légende rfijri^t' (traduction de Wyzewa). Nativité | de la V'ierge.

ment l'autre figure qui se présente de face.

102. S. Joseph et la Vierge sont assis vis-à-vis l'un de l'autre; un petit ange sor- tant à mi-corps d'une nuée, vient expliquer à Joseph que Jésus, qui va naître, a été conçu par l'opération du Saint-Esprit et que, loin de se troubler de cette conception, il doit s'en réjouir.

Ici devrait se placer la Nativité de Notre- Seigneur; mais, soit que l'artiste ait jugé ce sujet trop important pour être traité ici incidemment, soit plutôt qu'il ait pensé que ce mystère se rattachait encore plus à la vie de Jésus qu'à celle de Marie, qui seule fait l'objet de notre tympan, il a réservé ce sujet pour un des tympans inférieurs, il l'a traité avec une abondance de détails (N"' 1 19 à 123) qui ne laisse rien à désirer.

103. Dans le temple, le vieillard Si- méon, la tête couverte d'un voile, est assis : il tient sur ses genoux l'Enfant-Dieu et chante le Nunc dimittis... Contrairement à la tradition, nous ne voyons ici, du moins au premier plan, ni Marie et Joseph, ni la vieille Anne. Par contre, cinq vieillards (dont un est peut-être S. Joseph) et au fond du tableau deux femmes(peut-être la Vierge et Anne) s'empressent autour de Siméon; un des vieillards, agenouillé, touche avec respect le corps sacré du petit Jésus.

104. - La Circoncision : Marie, suivie de Joseph, s'est présentée au temple; elle pose l'Enfant, nu, debout sur un petit autel recouvert d'une nappe; de l'autre côté de l'autel, le grand-prêtre, la tête voilée, s'ap- prête à recevoir Jésus dans ses bras. A l'ar- rière-plan, un homme et deux femmes as- sistent à la cérémonie.

105. Le massacre des Saints Inno- cents: — le roi Hérode, couronne en tête, tenant en main un long sceptre et un objet qu'on prendrait volontiers pour un globe impérial, est assis, afin de présider au

3o6

Bctour De r^rt cbrctim.

massacre. Devant lui deux soldats, au casque conique et à l'accoutrement bizarre, enfon- cent sans effort leur glaive dans le corps d'enfants nus. La terre est jonchée de pe- tits cadavres, et derrière les soldats, les mères pleurent en pressant sur leur sein les restes de leurs fils égorgés.

io6. Pendant ce temps, la Sainte Fa- mille gagne l'Egypte. On remarquera que l'imagier n'a pas représenté le songe de S. Joseph, averti par un ange de quitter la Judée : cette scène précède presque tou- jours, sur nos portes du moyen âge, celle de la Fuite en Egypte. Quoi qu'il en soit, nous voyons ici S. Joseph, bien emmitouflé dans un manteau à capuchon, conduisant par la bride l'âne sur lequel est assise la Vierge tenant Jésus dans ses bras; du reste, pas d'arrière-plan, aucun arbre, comme nous en montrent la plupart des bas-reliefs, pour indiquer que le saint cortège traverse la campagne. Mais, en avant de S. Joseph, et paraissant l'attendre, se montre un soldat en casque et cotte de mailles, debout, te- nant à la main une lance à laquelle est fixée une tablette. Nous ne nous expliquons pas bien la présence de ce soldat : serait-ce un mercenaire égyptien recevant la Sainte Fa- mille à sa sortie de Judée? ou un défenseur suscité par Dieu pour la protéger au milieu des périls de la route? A notre connaissance, aucune tradition, écrite ni sculptée, ne fait mention, dans l'épisode qui nous occupe, de ce guerrier que nous allons retrouver à ia scène suivante.

107. Même scène que la précédente, mais le soldat marche cette fois en avant, conduisant l'âne avec sollicitude; Marie, toujours assise sur la monture, tient l'En- fant, et Joseph, vêtu comme ci-dessus,ferme la marche. Bien que Jésus ne semble pas plus grand que sur l'autre tableau, nous

croyons voir ici le retour d'Egypte en Ju- dée, à moins toutefois que, comme la pré- sence du mystérieux soldat paraîtl'indiquer, il ne s'agisse d'un seul épisode, en deux ta- bleaux, de la Fuite en Egypte: épisode, en tout cas, qui nous est inconnu.

108. La Sainte Famille au travail :sous une sorte de toit, qui indique l'intérieur d'une maison, S. Joseph, à l'énorme tête, barbu, manœuvre un gros marteau : au pre- mier plan, entre la Vierge et S" Elisabeth {celle-ci plus âgée et voilée) agenouillées, les deux enfants, Jésus et S. Jean, jouent ensemble sur un escabeau élevé. Au fond on aperçoit la tête de Zacharie.

109. (Troisième bande du tympan). - Ce sujet, et surtout le suivant, sont difficiles à expliquer. Nous pensons pourtant qu'ici il s'agit simplement d'une scène de la Sainte Famille : une femme ( Marie ?) assise, tient sur ses genoux l'Enfant, qui l'embras- se ; un vieillard à tête voilée (Joseph ?) s'ap- proche du groupe.

iio. Ici, nous avouons ne pas com- prendre le sujet, ni même distinguer exac- tement les objets représentés: c'est une sorte de cadre rectangulaire formé d'énor- mes pièces de bois ou de maçonnerie: au haut des montants et au milieu de la base, trois objets semblables qu'il nous est impos- sible de distinguer; au centre du cadre, le buste d'un vieillard; en dehors du cadre, à gauche, un bœuf et un personnage barbu qui amène la bête,ou peut-être,au contraire, se détourne ; à droite, trois figures debout: une femme, un serviteur ou soldat en tu- nique courte et, au second plan, un person- 1 nagebarbuquipourraitêtre Notre-Seigneur, si cette place accessoire et surtout la chro- nologie ne forçaient à écarter cette hypo- thèse. En effet, tous les épisodes de ce tympan étant exactement disposés par or-

i^ortads De VtQiist ^t Cl)tbault de C!)ann.

307

dre de date, la scène énigmatique qui nous occupe se place pendant l'enfance du Christ, entre son retour d'Egypte et sa visite au temple, que nous allons examiner mainte- nant.

111. Jésus parmi les Docteurs : l'Enfant, assis sur une sorte d'estrade, commente un livre ouvert sur ses genoux ; trois docteurs, debout, l'écoutent ; deux autres sont assis à terre en face de lui ; quatre autres enfin, assis de même, discutent sur un passage du livre qu'ils tiennent en main. De l'autre côté, Joseph et Marie ar- rivent et font un geste de surprise en aper- cevant Jésus parmi les Docteurs.

112. F'ranchissant une longue période, nous voici à la mort de la Vierge : elle est étendue, habillée et le front voilé, sur un lit sculpté recouvert d'un drap, la tête posée sur un oreiller. Jésus, revenu sur terre pour recueillir l'âme de sa Mère, est debout près d'elle et la bénit, mais il ne tient pas à la main l'âme comme sur beaucoup d'autres sculptures des XI 1 1"= et X I V" siècles. De chaque côté du Christ, cinq apôtres debout : celui placé à la tête du lit est seul imberbe, c'est évidemment S. Jean.

113. Les funérailles de la Vierge. S. Pierre et S. Paul, conformément à la tradition, portent ensemble sur leurs épaules la civière recouverte d'un drap, est cou- ché le corps de Marie. Les autres Apôtres font cortège : on aperçoit les têtes de six d'entre eux. Quant aux trois petits indivi- dus renversés à terre en avant et au-dessous du brancard funèbre, voici la légende qui explique leur présence à cette place : les Juifs ayant appris la mort de la Vierge se portèrent en armes sur le parcours du cor- tège, pour s'emparer du corps qui avait en- fanté Jésus et pour massacrer les disciples. Le prince des prêtres, qui les conduisait, voulut saisir le cercueil pour le jeter à ter-

re, mais ses deux mains, se desséchant, y restèrent attachées ; en même temps, les anges qui entouraient le cortège aveu- glèrent les autres Juifs. Cependant le prince des prêtres ayant imploré S. Pierre et promis de se convertir, fut guéri et S. Pierre lui ayant donné la palme qu'il por- tait, lui dit : « Touche de ce rameau les yeux de tes compagnons. )) Aussitôt la vue fut rendue à tous, et tous crurent en Jésus- Christ ('). Nous ne voyons pas sur notre bas-relief les mains desséchées du prince des prêtres, mais les petits personnages étendus à terre sont évidemment les Juifs frappés de cécité.

114. Quatrième bande du tympan: toute cette bande, peut-être parce qu'elle contient l'Assomption, est surmontée d'un feston, qui se replie même, formant cadre, autour de la scène de l'Assomption et des Anges qui l'accompagnent. Ce feston, origi- nal, mais lourd et peu gracieux, se compose d'une sorte de ruban tuyauté formant des coques alternativement en haut et en bas.

La première scène représente la mise au tombeau de la Vierge : le tombeau, de pier- re sculptée, est orné de petites fleurettes ; les Apôtres (nous en comptons onze, et en l'absence de tout nimbe ici comme sur les autres scènes, il est difficile de dire si Jésus n'est pas parmi eux {-) ) y déposent le corps «le Marie, enveloppé d'un linceul, dont quatre d'entre eux tiennent les bords et les extrémités. Des anges apparaissent dans le ciel.

115. Nous croyons reconnaître ici l'épisode de S. Thomas, bien que logique-

1. Ce sujet a été représenté très fréquemment sur les vitraux d'église ; il se trouve notammant sur une admi- rable verrière du début du XVI» siècle à Notre-Dame de Châlons-sur-Marne.

2. En ce cas on pourrait penser que les dix apôtres re- présentés avec Jésus sont U;s mêmes qui ont assisté aux derniers moments delà Vierge (voir ci-dessus n" 112).

3o8

ÎRcbue tir rart cbvcttcu.

ment cette scène doive prendre rang après l'Assomption. S. Thomas.nous dit la lé- gende, n'avait pas assisté à ce miracle; et toujours incorrigible, il refusait de croire que le corps de Marie eût été enlevé au ciel ; mais soudain, apportée par un ange, la ceinture de la Vierge tomba du ciel dans les mains de l'incrédule, en témoignage de la réalité de l'Assomption. Nous voyons ici un personnage barbu (S. Thomas dans notre hypothèse) agenouillé : il semble te- nir en main un objet vertical très long, qui serait la ceinture de Marie ; au-des- sus, nous croyons distinguer un ange. En arrière, quatre personnages barbus regar- dent la scène. On pourrait aussi conjectu- rer qu'au lieu de S. Thomas, l'homme age- nouillé est le prince des prêtres, tenant en main la palme dont nous avons parlé sous le 1 13.

116. Marie, joignant les mains, s'élève au milieu des nuées, environnée d'une foule de petits anges qui apparaissent à mi-corps.

117. Ce tableau, tout encadré, comme

le précédent, par le feston que nous avons décrit, nous montre simplement des anges volant dans le ciel, à la rencontre de la Vierge.

I 18. Le sommet du tympan ne ren- ferme qu'une seule scène : le Couronne- ment de Marie. Sur une estrade sculptée, Jésus et Marie sont assis vis-à-vis l'un de l'autre, et Jésus, couronné, tenant en main le globe du monde, pose un diadème sur le front de sa Mère qui s'incline en joi- gnant les mains. A droite et à gauche, de petits anges font retentir l'air de leurs concerts ; ils jouent de divers instruments : buccin, harpe, hautbois,cithare, violon, tam- bour, cor et longue trompette ; d'autres chantent un cantique dont ils lisent les pa- roles sur une banderole. N'oublions pas l'orchestre complet des anges de la vous- sure (N"' I à 16) réunis, eux aussi, pour cé- lébrer le triomphe de Marie.

(A suivre.)

G. Sanoner.

Paris.

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ttn atelier pour la BLcproDiiction De» ^^.^-■^ anciennes tapisseries. --^-.^-^■'

|ES inventaires font connaître les ad- mirables tapisseries, substituées en France de la fin duXIV^siècle jusqu'au XVIII<= aux tentures de parement, aux cliambres de broderie, aux courtines et aux tissus précieux ('), dont on aimait à décorer l'in- térieur des édifices.

A l'origine, les cartons peints, de grandeur d'exécution souvent, par les meilleurs artistes du temps, étaient interprétés avec un sentiment dé- coratif, concordant avec les exigences de la fa- brication. Trois ou quatre teintes par couleur pénétrant les unes dans les autres, par de gran- des hachures, suffisaient pour rendre les plis des vêtements les plus compliqués. Un fort trait brun y accusait les contours des figures, la profondeur des draperies et détachait tous les détails, un peu comme les plombs d'un vitrail. A distance (et presque toujours les tapisseries étaient vues ainsi) l'effet décoratif était excellent : l'histoire ou la scène composée de plusieurs figures, se lit à merveille sur le fond uni ou diapré. On dirait l'agrandissement des miniatures de l'époque.

Au XV« siècle et surtout au XV I*", un notable changement se remarque dans le dessin ; il se perfectionne au détriment de l'effet général. Adieu les beaux et puissants fonds unis ou dia- prés, dont X Apocalypse et les Anges de Nantilly, à Saumur, fournissent de si curieux exemples. La succession de plans différents, les intérieurs d'appartement, les paysages, la perspective enfin, changent complètement l'aspect des tapisseries. Les personnages, souvent trop nombreux, se pressent les uns devant les autres: l'œil est fatigué par la multiplicité des couleurs et la mièvrerie des détails. Le fil d'or se mêle à la laine et à la soie pour donner plus de vraisemblance et de richesse aux bordures des vêtements, aux ar-

1. On les appelait i. pailles, fanni serici, iaudequins, draps de Larest et de Lucques, culci/rœ pinctœ, sarges, etc. »

mures, aux couronnes, etc.. ou bien encore, il apparaît en fines hachures pour éclairer les par- ties saillantes, à la manière des miniaturistes contemporains.

Malgré cette recherche exagérée dans les dé- tails, malgré cette imitation de la nature de plus en plus grande, la tapisserie conserve encore un faire particulier, un aspect décoratif, qui la dis- tingue des fresques et de la peinture à l'huile. Elle reste pour les archéologues à venir une mine inépuisable de renseignements uniques sur le costume, les armes et l'ameublement du temps on l'a fabriquée.

Il en sera tout autrement, quand Lebrun aura mis à la mode le style classique, les costumes grecs et romains, le respect absolu de la couleur locale et surtout quand la tapisserie deviendra la copie servile de la peinture à l'huile.

Peu à peu, la faveur dont avait joui si long- temps la tapisserie, décline.

Aveuglés par les déclamations contre le gothique, à la mode à la fin du XVII= siècle, les Chapitres de nos belles cathédrales rivalisent d'ardeur pour détruire les vitraux peints, les dinanderies, les jubés, les autels et tout le reste. Place aux stucs, aux marbres d'Italie, aux plâ- tras dorés, aux vitres blanches et surtout vive le badigeon (') !

Dans leur amour pour le « grand style » et croyant faire preuve de bel esprit à la suite de Fénelon et aussi à&goût, les chanoines détruisent à l'envi (avec les meilleures intentions du monde) des pièces d'orfèvrerie, des sculptures et des peintures superbes, échappées à la fureur des Huguenots en 1563. Les tapisseries ne furent pas davantage épargnées.

Le chapitre d'Auxerre aliéna de magnifiques tentures, dont les harmonieuses couleurs avaient été admirées par Louis XIV : on peut les voir aujourd'hui au Musée de Cluny.

I. Un certain BoraH;, italien, badigeonna l'église de Marmoutiers et la cathédrale d'Angers, dans laquelle rien ne fut respecté pour cette opération, pas même le tombeau d'Ulger, qu'on mura, afin de pouvoir plus aisément tirer les joints de pierre : les tombeaux en pierre sculptée de Jean de Rély, de Jean Olivier et de Claude de Rneil furent souillés de badigeon.

l.fcVL'K DK L AKT CHktril-.N. IÇO4, 3'"* LIVRAISON.

310

3Rebue lie V^xt tbrctien»

A la cathédrale d'Angers, la vente de toutes les tapisseries fut décidée en 1782, sous le pré- texte qu'elles causaient ajix voix un très grand préjudice (').

Il en fut ainsi un peu partout à la fin du XVIII'' siècle.

Toutefois, cette défaveur n'était pas particu- lière aux églises : elle était générale. Mercier, dans son Tableau de Paris, écrit en 1783 {-): « On a « banni des appartements ces tapisseries à grands « personnages, que les meubles coupaient désa- i gréablement. Le damas à trois couleurs et à « compartiments égaux, a pris la place de ces « figures, qui, massives, dures et incorrectes, ne « parlaient pas à l'imagination des femmes... Les « tapisseries descendent des galetas pour le jour « de la Fête-Dieu, ou bien on les envoie à la « campagne pour garnir les mansardes. »

Quelle aberration ! elles furent remplacées par le damas, la toile des Indes et le vulgaire papier peint.

Les temps troublés de la Révolution et les quarante premières années du XIX<= siècle ne furent pas moins funestes aux tapisseries : elles n'échappèrent à aucune espèce de vandalisme : donnons-en quelques exemples.

La célèbre tapisserie (disons plutôt la Broderie) de la conquête d'Angleterre, à la cathédrale de Bayeux, réquisitionnée pour décorer le char de la déesse Raison, allait être souillée de peintures et d'emblèmes patriotiques, quand un citoyen la sauva en donnant à la municipalité une pièce de toile neuve. U Apocalypse, de Saint-Maurice d'Angers, fut étendue sur les gradins d'une serre et employée à garantir du froid les orangers de la ci-devant abbaye de Saint-Serge. Plus tard, on en tapissa l'écurie de l'évêché pour em- pêcher les chevaux de s'écorcher ; on en tailla

1. Ainsi disparurent les tentures, données en 1428 par CliarlesVII, « faictes à fil d'or, d'argent, soie et layne, en lesquelles sont les <i ymaigeyies du l'ieit et Nouveau Tes/atfunt, qui se tendent aux « festes solennelles au liault du cueur de la dite église, estimées val- «loir cinquante mil livies tournois i> en 1533;— la l'ie tic saint Maurice et de ses compagnons, en laine et soie, donnée en 1459 pour le dossier des stalles par le chanoine Hugues Fresneau; la Vie de saint Alaurille, commandée en 1460 par le Chapitre pour la déco- ration du jubé : la Rdutrrection exécutée vers 1467 et enfin l' Annonciation. la Nativité, le Baptême de N.-S. et la Cine, don- nées en 1540 par l'évCque Jean Olivier.

\J Apocalypse, seule, sans doute à cause de son poids et de ses énormes dimensions (144 mètres sur 5"'3o), échappa à cette lamen- table dispersion.

2. Volume VI, p. 91.

des descentes de lit ; on en couvrit même les parquets, pendant la restauration des plafonds. .Ailleurs, pendant les guerres de la Vendée, les tapisseries servirent à envelopper des fusils, à couvrir (comme de vulgaires bâches) les voi- tures qui transportaient les blessés. Enfin, l'habitude de les transformer en tapis de pied, d'en couvrir les bûches et les pommes ne cho- quait personne, il y a cinquante ans (').

L'État semblait aussi acharné à leur destruc- tion que les particuliers, dont l'ignorance était assurément plus excusable. Ne vit-on pas le gouvernement, à l'époque du Directoire, faire brûler dix tentures, de l'ancien mobilier de la Couronne, tissées d'or et d'argent et d'une valeur artistique hors pair pour en tirer quelques kilos de métal précieux ?

L'administration des Domaines vendit aux enchères à Angers Y Apocalypse au nombre des meubles inutiles de l' e'vcché çouv 300 fr. !... L'évê- que heureusement intervint, en fit l'acquisition et la remit à la fabrique. Sans lui, qui sait si cette unique tenture n'aurait pas été dépecée par les revendeurs en couvre-pieds, comme il en advint sous la Terreur, des tapisseries yfewrt/e/z'j'fVi d'un hôtel-de-ville ?

A ce dédain, à ce mépris systématique, à ce stupide vandalisme succéda, vers 1850, une ère de réaction. Autant, pendant un siècle, on avait détruit avec entrain les vieilles tapisseries; autant on mit d'ardeur à les rechercher, à les remettre en honneur. Nul doute que ce revirement de l'opinion ne soit aux études archéologiques, aux expositions, aux collectionneurs et aux savants ouvrages de MM. Darcel, Mihitz, Pin- chart et Guiffrey.

II

CE préambule était, il me semble, nécessaire pour justifier \'oççoï\.Vin\ié àeV Atelier pour la Reproduction des anciennes Tapisseries, dont je viens entretenir le lecteur.

Depuis que les tentures des siècles passés sont estimées à leur juste valeur, d'iiabiles ouvrières ont pris à tâche de remédier à leurs dégradations.

I. En 1875, je trouvai, étendu sur les melons, dans un jardin, un beau panneau de tapisserie, représentant Isaac bénissant Jacob, des premières .innées du XVI*-' siècle. Il fait maintenant partie de la collection de la cithédrale d'.Angers.

£Pflange0.

311

Le moyen âge connaissait les ateliers de Ren- trayuie, A combien d'épreuves étaient alors soumises les tapisseries! Détachées à la hâte des chambres d'apparat ou de salles de parement, on les transportait souvent au loin à dos de mulet ou par eau à l'occasion d'un tournois, d'un mys- tère célébré en plein air, d'une entrée seigneuriale ou en mainte autre circonstance, si bien qu'après ces pérégrinations, elles revenaient souvent en très mauvais état ; il fallait alors les confier aux rentrayeiirs.

A plus forte raison les vieilles tapisseries, mal-

traitées comme je l'ai dit, ont-elles presque toutes eu besoin de sérieuses réparations. Aussi devint- il nécessaire de former de nombreuses ouvrières pour en raviver les couleurs fanées, en restaurer le tissu à demi usé et même pour refaire à neuf certaines parties détériorées par les rats ou maladroitement coupées.

Angers s'est assurément distingué sous ce rapport, grâce à l'initiative du chanoine Joubert, dont la mémoire ne saurait être assez bénie des archéologues (').

Mais, si toutes les villes importantes possèdent

^miiJu' miUMio nummliiiiM muo tnaoïlluiMrtni.usiuaKnilc^'ritivu-j „__ mm. utamius i.nuMnni mltiu tsnakus aiianimmum ijw pat mm a ulutu ^^^i( pajajm jatmm immuoniir pinli?pi taamaUs îttmnaliuao mp. Uhmu hmriâ if'

'^TS^œs^Sl^^ilS^J?:^ p:n*i^ =f-'^ '^^'^-^^t'^i^:^^^.'^^^-

. !)( luintau nu upotis Miiciu [fitaipa^ traommiru Itiitliumî iiousmtnif tnl&f ali|!{iDitak m-,tams tuM ditis nwa inistozi jaun ïnis marq -

Une des pièces de la \ 'ic de saint Gervais et de saint Ptotais, donnée en 1509 à la cathédrale du Mans, par Martin Guérande. Reproduction.

aujourd'hui des reitti-ayeuses cB.pAh\es, Aubusson, Beau vais et Paris étaient jusqu'ici les seules, à ma connaissance, oii l'on pouvait reproduire une ancienne tapisserie iojtt entière. Quoi de plus utile cependant ?

Un amateur possède trois pièces de la même histoire : celle qui lui manque se trouve dans le musée voisin. Ne serait-il pas heureux, faute de Yoriginal, de s'en procurer une copie très exacte et de combler ainsi la lacune qui le chagrine ? Assurément si, à la condition que cette copie soit en parfaite harmonie avec les pièces dont il est déjà propriétaire.

Un Musée des Arts Décoratifs, rempli de moulages, d'estampages et de photographies,

classés méthodiquement pour guider le visiteur, avide de s'instruire, dans les transformations de l'architecture, de la sculpture et de la peinture à travers les siècles, n'accueillerait-il pas avec fa- veur des reproductions tissées d'anciennes tapisse- ries, connues dans l'Europe entière? Évidem- ment au même titre que des copies de Raphaël, de Murillo ou de Rubens.

Enfin, une scène manque dans une tenture: elle a été détruite par un incendie, par les rats

I. Ce vénérable chanoine, mort depuis une vingtaine d'années, restaura l'Apocalypse, acheta à vil piix de 1850 à 1860 pour la Fabri- que de très curieuses tapisseries provenant des anciennes églises d'Angers et des environs, échappées à la Révolution et forma des ouvrières, à force de patience et de persévérance, pour les remettre en état.

312

i^ebue lie T^rt cJ)vctien»

ou de toute autre façon... mais on sait que telle miniature d'un manuscrit en donne exactement la composition. Qu'on l'agrandisse à la dimension voulue, qu'on suive rigoureusement le coloris et la technique du reste de la tapisserie et la lacune sera comblée. C'est absolument le cas pour V Apocalypse d'Angers.

Douze tableaux sur quatre-vingt-dix manquent aujourd'hui. Les cartons ne présentent aucune difficulté, puisqu'on trouvera dans le Manuscrit 422 de la bibliothèque de Cambrai les mi- niatures correspondantes,

Dans l'une ou l'autre de mes trois hypothèses, l'atelier de Champfleur (Sarthe), près Alençon, est appelé à rendre les plus grands services : en voici l'histoire.

III

MONSIEUR le chanoine Bruneau, attaché à la cathédrale du Mans, ne manqua pas d'y remarquer plusieurs antiques tapisseries d'une haute valeur artistique. Désireux de procurer des moyens d'existence honorable à quelques adroi- tes ouvrières de Champfleur, il se garda bien d<^

Tableau n" 6 de la i""^' pièce de \ Apo:alyi''Sc, exécutée par Nicolas Bataille en 1376 pour Louis I*^', duc d Anjou. Reproduction.

les annihiler dans la confection quasi-mécanique d'ouvrages de couture, et dirigea leurs aptitudes vers la restauration et surtout la reproduction des anciennes tapisseries. Il fut amené à cette résolu- tion par ses fonctions. Que faire des tentures, usées jusqu'à la corde, dont les chaînes sont à demi pourries ? il est souvent impossible de les rentrayer. Ne vaut-il pas mieux, en certains cas, reproduire entièrement à neuf? C'est assuré-

ment un expédient plus rapide et moins coû- teux (■)•

Après avoir fait venir de Paris, il y a deux ans et demi, une ouvrière très expérimentée pour initier les siennes pendant six mois, le chanoine Bruneau acheta plusieurs métiers de haute-lisse et les mit à l'œuvre. Trois essais seulement suffi-

I. Les tapisseries exécutées à Champfleur sont d'un prix très abordable. On pourra s'en rendre compte en s'adressant A M. le chanoine Bruneau (i, place St-Michel, Le Mans).

£©élangeg.

313

rent pour lui donner pleine confiance dans le résultat. Une des pièces de la Vie de samt Ger- vais et de saiuf Protiu's, donnée en 1509 à la cathédrale du Mans, par Martin Gjcérande, cha- noine de Saint-Julien ('), fut apportée à Champ- fleur avec ordre de la reproduire très exactement. Ce travail présentait peu de difficulté, la tapis- serie étant en bon état. En quelques mois, trois ouvrières terminèrent ce panneau d'un tissu assez fin et d'une surface de cinq mètres carrés avec un succès complet, inespéré pour une première copie. Je reproduis ici cet intéressant panneau, dans lequel figure le donateur.

Avant d'avoir comparé la reproduction à l'ori- ginal, quand j'appris ce qui se faisait à Champ- fleur, j'étais, je l'avoue, fort incrédule. Semblable tentative inspire toujours une grande méfiance aux archéologues. Elle leur semble téméraire, tant il est difficile de respecter le /iiire et le dessi>i des anciens, tant une interprétation plus ou moins fantaisiste (sous prétexte de perfec- tionner) est à craindre.

« Ne me parlez pas de cela, dis-je tout d'abord, « vous allez échouer mise'rablemetit. De simples H ouvrières peuvent-elles faire en tapisserie autre « chose que des pantoufles ?... En tout cas, « nisi

Tapisserie exécutée entre 1659 et 1661 pour faire suite à une tenture du commencement du XVl^ siècle. Reproduction.

< videra, non credam », comme saint Thomas.

Devant l'insistance de mon interlocuteur (M. Chapée, archéologue bien connu), je promis de faire le voyage.

D'Angers à Champfleur le trajet est facile... Me voici donc arrivé dans un vaste atelier bien éclairé, au milieu duquel se dresse un grand mé- tier de haute-lisse. Trois ouvrières travaillaient au panneau de la Vie de saint Gervais. Je m'ap- proche avec le plus vif désir de les trouver en faute. « Voici un nez trop long, quelle invention! ^ Permettez, me dit-on, comparez avec l'origi- nal. — « Rien à dire, il est tel. Mais cette teinte est un peu fade. » Regardez la tapisserie.

< Elle est semblable dans le modèle... » Et ainsi de suite de toutes mes observations. Je dus

I. Cette tentune se compose de plusieurs pièces, destinées au dos- sier des stalles. La longueur totale est de 50 mètres ; la hauteur de i">.50. Les personnages ont o°>,85 de hauteur. Des légendes en lettres gothiques donnent l'explication des sujets. Les scènes sont limitées par des motifs d'architecture,

m'avouer battu et content : la justice m'obligeait à décerner les plus grands éloges à ces ouvrières que j'étais tout disposé à mon arrivée à découra- ger par mes critiques.

Aussi est-ce de grand cœur et à titre de répa- ration d'honneur, que j'écris aujourd'hui ces lignes.

L'atelier de Champfleur a produit beaucoup d'autres travaux et compte maintenant dix ou- vrières.

On lui doit la copie de deux autres grandes pièces de la Vie de saint Gervais et de saint Protais, d'une surface de 20 mètres carrés de quatre apôtres, à mi-corps ('), enfiti du tableau

I. Martin Guéranife. décédé le 26 février 1510, fit encore e.xécuter de petites tapisseries pour parer les abat-voix ou dais, placés au- dessus des stalles. Elles avaient seulement o", 80 de hauteur et repré- sentaient des pprsonnages. à mi-corps, encadrés dans des arcs sur- baissés. 11 y en a quatre : deux grandes pièces de isn^s sur om.So pour la longueur du chœur {Les douze A faire! et les douze Sibylles) et deux petites pour les parties des stalles en retour derrière le jubé

314

3Rebuc lie T^rt cbvctien»

6 de la première pièce de \' Apocalypse, d'An- gers, destinée à un musée (').

En dessous de la photographie de ce dernier travail, j'ai fait reproduire un fragment de tapis- serie représentant Saint Julien entre saint Gcr- vais et saint Protais [-), qui était en très mauvais état restauré k Champfleur.

Les lacunes, causées par les modernes Van- dales, dans l'Apocalypse, exécutée de 1376 à 1380 aux frais de Louis I'^'', duc d'Anjou, sautent aux yeux, quand on examine les planches données autrefois dans la Revue. La tapisserie se compo- sait jadis de 90 tableaux, analogues au 6 (dont la photographie donne la copie exécutée à

(Lei quatre docteurs de l'Église latine et \es Quatre vertus cardi- nales).

Il ne reste plus aujourd'hui que la série des douze apôtres et troii docteurs de l'Église en mauvais état.

I. Cette reproduction a été exposée à Angers pendant huit jours. Voici l'article de la Semaine Keligieuie, du i^-r mai qui lui est con- sacré :

Aux amateurs de Tapisserie.

Dimanche et jours suivants, les Angevins, habitués à s'arrêter devant la vitrine de M. Girard, presque toujours ornée des compo- sitions artistiques les mieu.v réussies, pourront y admirer la repro- duction fidèle d'une des scènes de V Apocaly/>se de noire cathédrale. Chacun connaît à -Angers la haute valeur de cette tenture, com- mandée pour les fêtes de l'Ordre de la Croix établi par Louis I*^^, duc d'Anjou, dans la chapelle de son château en l'honneur de l'in- signe relique de la Vraie-Croix (conservée aujourd'hui aux Incura- bles de Baugé). De 1376 à 1379 fut tissée cette œuvre si importante •par Nicolas Bataille, tapissier parisien, sur les cartons de /f,j« de Bandol, dit Hennequin de Bruges, pour une somme équivalant, suivant M. Guiffrey, à 430.000 francs de notre monnaie. Kaut-il s'en étonner quand on sait que cette tapisserie avait jadis une surface d'en- viron 800 mètres carrés et qu'elle était estimée 300,000 livres en 1533 ? Sa réputation est universelle ; elle a figuré à Paris aux grandes expositions. On a pu voir, il y a trois ans. un dessinateur émérite, M. Thompson, reproduire à Xaquarelh pour le Musée Kensington, de Londres, les premiers tableaux de \' Apocalypse.

Rien donc d'étonnant qu'un Musée ait fait copier le 6 de la première pièce.

Ce tableau est l'interprétation des deux versets suivants du cha- pitre IV de l'Apocalypse.

Y . 10. Les vin^t-quatre vieillards se prosternaienl devant celui

qui est assis sur le trône, et ils adoraient celui qui vit

dans les siècles des siècles et ils jetaient leurs couronnes

devant le trône, en disant :

]F. II. Vous êtes digne, ô Seigneur Dieu, de recevoir "loire, lion-

neur et puissance, parce que vous avez créé toutes choses... ...Tel est le sujet du tableau, dont on annonce aujourd'hui l'ex- hibition.

2. Évidemment, il y avait une interruption dans l'ornementation des abat-voix ; elle correspondait à la largeur de la porte du jubé. Jean le Bouclier, tapissier du Mans, fut chargé, en 1658, de fournir une pièce représentant S. Julien, S. Gervais et S. Protais pour combler cette lacune. Les tableaux devant servir de patrons furent remis aux commissaires du Chapitre le 3 mars 1659 et la tapisserie « neufve de trois figures en mi-corps scavoir de saint Julian, saint « Gervais et saint Prothais pour estre adjoustées aux petites tapisse- « ries qui font la courtine au couronnement des chaires de nostre « chœur » fut apportée ;\ la cathédrale le 21 février i56i.

Archives de la Sarthe, Chapitre delà cathédrale, Série B, N" 11, pp. 289, 340 et 669.

Champfleur). Aujourd'hui I2 tableaux manquent, huit autres sont incomplets. Ce serait un travail bien intéressant de rétablir cette immense ten- ture, d'environ Soo mètres carrés, dans son état primitif Avec un atelier comme celui de Champ- fleur et le manuscrit N" 422 de Cambrai, la tâche serait abordable. Cette entreprise, digne de tenter quelque Mécène angevin, pourrait être considé- rée en quelque sorte comme Yainendc honorable du XX« siècle, pour les dégradations honteuses, infligées à la belle tapisserie de Louis I'=^

C'est mon vœu en terminant cet article, écrit avec enthousiasme pour le talent des ouvrières de Champfleur et reconnaissance pour le cha- noine Bruneau, qui les a dirigées avec tant de savoir et de succès, au grand profit des amateurs

de tapisserie. -, . .^„t7.„^,,

^ Louis DE Farcy.

ffîonumcnts De tcaticrs. ^---

N croit généralement qu'une qualité essentielle d'un édifice est d'avoir un plan géométriquement correct, des lignes bien de niveau ou d'aplomb, une belle exactitude de la ligne, sinon une or- donnance parfaitement symétrique. Plusieurs seront étonnés d'apprendre, que parmi les plus beaux monuments du monde, il en est peu qui réalisent cette perfection orthogonale, et beau- coup qui enfreignent avec une singulière désin- volture les lois saintes de la régularité.

Ceux qui se sont occupés de restauration d'an- ciens monuments et qui ont procéder à leur relevé, connaissent au contraire les invraisem- blables irrégularités que présente souvent leur « plan à terre >. Les dissymétries les plus fortes, les hors d'équerre les plus hardis, les irrégula- rités les plus risquées, s'y rencontrent en abon- dance, et d'ailleurs échappent fréquemment à l'œil de l'observateur. Les anciens ont procédé à la plantation de leurs murs, ou bien avec un su- perbe dédain de l'exactitude géométrique, ou plutôt avec une étonnante conscience de notre imperfection visuelle. Cela leur a permis de se tirer aisément des difficultés que les circonstances locales ont pu opposer à la rigueur des tracés exacts.

£©élange0.

315

Mais ce dont on ne se doute guère, ce sont les déviations non moindres, qu'offrent les mêmes édifices dans ce qu'on appelle leur « élévation ». Dans des études que nous rappelions récem- ment ('), M. Goodyear a prouvé que tous les an- ciens monuments sont généralement de travers. Ayant remarqué des incorrections de lignes dans l'un ou l'autre monument, il s'est mis à en vérifier une quantité d'autres, et presque partout il les a trouvés en désaccord avec la ligne de niveau comme avec le fil à plomb, et cela dans les constructions de la renaissance, comme dans les romanes, les byzantines et les gothiques.

Mais ces irrégularités que nous prendrions pour des gaucheries ou tout au plus pour des négligences de la part d'habiles constructeurs qui savent ce qu'ils peuvent se permettre en présence de l'imperfection de notre organe visuel, sont quelquefois des anomalies voulues, des raffine- ments d'art, des artifices de virtuoses, et ces écarts intentionnels de la droite, de l'horizontale, de la verticale se rencontrent de fait dans les plus ad- mirables édifices de tous les styles, depuis l'antiquité égyptienne jusqu'à nos jours.

M. Goodyear les signale et les démontre par des relevés et des photographies, à St-Loup,à Notre- Dame, à St- Alpin de Chalons ; à St-Remi de Reims; à la cathédrale de Laon; à St Jean deCaen; aux cathédrales de St-Quentin, d'Amiens, de Paris, de Laon, de Noyon, comme à celles de Pise, de Fiesole, d'Assise, comme à St-Marc de Venise, à Ste-Sophie de Constantinople, à St-Am- broise de Milan, et jusque dans les monuments bien plus compassés de la Renaissance Italienne.

M. Goodyear, partant de ce fait constant, que l'irrégularité est généralement voulue, se de- mande dans quel but et d'après quelles règles elle a été réalisée. D'après lui, elle est due au sens artistique, à la profonde habileté des anciens ar- chitectes. Ils ont voulu, non pas profiter de la tolérance des yeux peu exercés, mais au contraire satisfaire l'exquise délicatesse de la vue chez les spectateurs raffinés.

Il est avéré que certaines lignes s'écartent de l'horizontale, en vue d'effets de perspective, que d'autres s'inclinent sur la verticale pour tenir compte de certaines illusions d'optique; des lignes

1. Kevucde l'Arl chrélien, anvée 1904, p. 168.

sont légèrement curvilignes, pour paraître plus droites. Il y a longtemps que ces raffinements de tracé ont été signalés, notamment au Parthénon d'Athènes. Et quant au détail, la parfaite correc- tion géométrique d'une construction évoque l'idée d'un monolithe facilement équarri, plutôt que d'une construction organique combinée; un mur plat, lisse, aux joints imperceptibles, ne fait nul- lement penser au travail structural, que révèle un appareil bien accusé. La rigidité des lignes géo- métriques exprime la sécheresse et n'inspire aucun des attraits que l'on a pour des choses, la vie organique ou le travail humain a laissé son empreinte.

Aucun sculpteur ne fera une statue parfaite- ment et géométriquement symétrique, qui serait d'une raideur choquante et d'une expression glaciale. Un grand architecte rompt la régularité des ordonnances d'un édifice, comme le sculp- teur la raideur des lignes d'une statue. Chacun sait bien que le charme intime d'un croquis tracé à main libre gît dans la vivante incorrection des lignes et dans cette agitation des traits qui tra- duit les nuances d'impression nerveuse propre à une main vivante. Il n'y a rien de cette vie expri- mée dans les dessins compassés, ni dans les bâtisses aux contours mécaniquement corrects, aux angles impeccablement mesurés. Les Pierre de Montereau et les Palladio réalisaient dans leurs constructions ces lignes vibrantes qui sont le prestige des dessinateurs artistes. Les monuments qu'ils ont élevés sont; dans toutes leurs parties, empreints de ces vivantes infrac- tions à la froide régularité. Les pierres ont leur entité et font chacune dans le mur leur partie artistique, comme chaque voix dans un chœur de chantres ; toutes les travées sont pa- reilles, mais on les regarde successivement comme on regarde différentes personnes ; tous les coins de l'édifice sont symétriquement répétés, mais ont une physionomie propre. Le regard se promène sans se lasser sur les surfaces vi- brantes sur lesquelles l'artiste ou l'artisan a laissé partout quelque faible trace de son activité émue; ils ne sont point comme un tapis fabriqué mé- caniquement dans les prisons des Indes sous la férule anglaise, dont les motifs identiquement répétés lassent bientôt le regard, mais comme

3i6

3Re\3ur tje l'Srt cbrétien.

les tapis d'Orient oîi l'ouvrier libre a partout semé la vivante imperfection de son travail manuel (').

L. Cloquet.

Saloirs gotbiqncs.

E château de Munte, vieux manoir gothique, reconstruit au XVII^ siècle, et restauré de nos jours par son pro- priétaire M. le Dr Verstraeten, profes-

seur à l'université de Gand, contient dans ses

vieux souterrains d'assez curieuses cuves de

I. Y. W. H. Goodyear, Architectural reûnement in frencli gothic Cathédrale and earïy byzantine Churchea. Petit in-4*^ de 70 pp. illustré, Macmillan Company, Brooklyn. 1904.

pierre bleue (petit granit), au nombre de trois, qui font penser au saloir le criminel boucher de la légende de Saint-Nicolas de Myre mit en saumure, les morceaux, des trois petits enfants que le bon Saint devait bientôt ressusciter. Ces objets étant assez rares, nous en avons relevé les

- ^V-yiH"^-==^VV'r V-1

croquis qui intéresseront peut-être nos lecteurs. L'un est octogone, analogue presque aux cuves baptismales, avec ses moulures accusant le com- mencement du XVI^ siècle ; les deux autres, en forme de simples parallélipipèdes, sont sans

doute plus récents.

L. C.

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BlOifiirr : Un ctutifir pat CBict)Cl>?Jnot; Xtca ffiusjfefl ft Ira (•i.ilcricfl ! Bfcouljcrtc Ce BCBSins Bc ÎBlchrl Hnec; Gnûoi De tapiuBcrifa à Karia. Vftli.iiif : DoiiDrlIc acquit aition Bf la ftalcnc ropalf. ïîomc: lie portrait Bf JSa jSairuttc x>ic X. BoiBO ^an liorenjo: dix tableau bolf. ÎBonttlCOnc:ï)fcouberte D'une faiee. ïîflple;£(: lie portrait Du catDinal Bempo : lea pomaita par Dtcolaa Hromeiit ù'.FJtiianori.

\LORENCE. Un Crucifix par Mi- chel Ange. Le sculpteur Asciano Coiidivi a écrit, en 1553, l'histoire de Michel-Ange, sous les yeux du maître.

Vasari a consacré un chapitre détaillé à Michel-Ange.

Les deux auteurs rapportent que dans sa jeunesse, Michel-Ange a sculpté un crucifix en bois, un peu moins grand que nature, pour le prieur de l'église de Santo Spirito de Florence, et que ce crucifix fut placé au-dessus de l'autel majeur.

D'autres écrivains, Boighini en î58r, et Bocchi en 1591, fournissent le même renseignement.

De 1600 à 1607, l'ancien autel majeur fut remplacé par l'autel actuel ; le crucifix de Michel-Ange ne trouva pas sa place dans le nou- veau et médiocre monument ; il ne fut plus parlé de la sculpture dans les écrits sur l'art à Floren- ce jusqu'en 1761, année parut le travail du père Richa sur les églises de Florence. L'écri- vain dit que sur l'autel de la salle du Chapitre se trouvait le Christ de Michel-Ange, destiné au chœur de l'église, mais à présent conservé dans la sacristie.

Depuis lors, il n'a plus guère été question de ce crucifix ; cependant dans la Niiova Guida da Firenze, publié en 1842 par l'architecte Fantozzi, il est dit qu'à San Spirito, dans le chœur de l'autel majeur, on voit un crucifix en bois, que, selon ce que rapporte Cinelli, continuateur de Bocchi, on peut croire œuvre de Michel-Ange.

François, dans la Nuova Guida da Fire^ize, publié en 1857, fait la même mention.

L'église est en forme de croix latine et l'autel se trouve placé à l'intersection des branches ; le

chœur, c'est-à-dire l'enceinte réservée aux chanoines et aux chantres, est derrière l'autel et séparé de la nef par une simple cloison de bois de peu de hauteur.

Les mentions de Fantozzi et de François n'ont pas attiré l'attention des écrivains modernes qui se sont occupés de Michel-Ange.

Knacfuss(i897), M. Reymond (1900), Corrado Ricci (1902), Hobroyd (1903) ou ne parlent pas du crucifix, ou bien disent qu'il a disparu de Santo Spirito.

Aucun des guides actuels à l'usage des voya- geurs ne signale cette sculpture.

Subitement le crucifix du Santo Spirito est devenu une question d'actualité.

Le professeur Thodede l'université de Heidel- berg, est l'auteur d'une vie de Michel-Ange dont deux volumes ont paru; il a séjourné plusieurs fois à Florence et lors de son dernier voyage il a fait une découverte, le mot est de lui, dont les journaux allemands et italiens ont rendu compte.

En visitant une fois de plus l'église Santo Spirito, le professeur aperçoit le crucifix du chœur auquel il n'avait pris aucune attention jusque-là.

Avec une vive émotion il reconnaît l'œuvre de Michel-Ange.

Il suppose que de la sacristie le crucifix a été transporté sur la balustrade du chœur, car il n'admet pas qu'un ouvrage de cette importan- ce ait pu être perdu, alors que l'église Santo Spirito conserva tant de peintures remarquables du XV^ siècle.

Le professeur Thode est émerveillé de sa découverte. Il tient le crucifix comme im ouvrage du plus haut intérêt ; Michel-Ange n'avait que de dix-sept à dix-neuf ans lorsqu'il le sculpta et déjà dans cette œuvre de jeunesse on sent le génie du grand artiste ; cette sculpture forme la transition du style du XV^ au XVJe siècle et indique la voie que l'art suivra à l'avenir !

Le lyrisme de Thode est sans doute très sincère, maison peut admettre que la satisfaction d'avoir fait une découverte lui a donné l'illusion

3i8

ÎRetoue tje rart cbrctien.

de voir dans le cruficix des qualités qui n'exis- tent pas.

L'opinion à peu près générale émise à Floren- ce à ce sujet, peut se résumer ainsi.

Rien ne prouve que ce crucifix du chœur soit celui qui était dans la sacristie de l'église.

En tout cas la sculpture, si elle est de Michel- Ange, ne porte pas l'empreinte du maître.

Elle n'est pas dans de bonnes proportions, car les bras sont trop longs.

Le torse est modelé avec force, tandis que les jambes ne le sont pas assez.

Le crucifix n'a jamais attiré l'attention des fidèles et des visiteurs, même pas celle du pro- fesseur Thode jusque dans ces derniers temps, parce qu'il ne présente rien qui le distingue particulièrement des autres crucifix de la fin du XVe siècle.

Plusieurs critiques vont plus loin et voient un ouvrage flamand plutôt qu'italien.

Le professeur Thode annonce sur le sujet une dissertation appuyée de photographies, qui paraî- tra dans son troisième volume sur Michel-Ange,

Attendons cette publication ; à mon avis, le professeur aura beaucoup de peine à convaincre ceux de ces lecteurs qui ont constamment Mi- chel-Ange sous les yeux.

Les Musées et les Galeries.

Plusieurs journaux italiens et étrangers ont annoncé que le nouveau et éminent directeur des musées royaux de Florence, M. Corrado Ricci, avait l'intention d'apporter de notables changements dans les établissements dont il a la direction ; on a dit, notamment, qu'il supprime- rait la célèbre Tribune de la Galerie des Offices.

Il faut ramener au point tous ces bruits. La Tribune ne sera pas supprimée, M. Corrado Ricci y fera des changements de tableaux, comme l'ont fait tous ses prédécesseurs.

Dès que les nouvelles salles de la galerie se- ront prêtes, le directeur procédera à une instal- lation des tableaux en ordre raisonné et métho- dique.

On a écrit également sur la Galerie Pitti ; on a parlé des tableaux relégués en magasin, et on émettait l'espoir que M. Ricci y mettrait ordre.

C'est bien peu connaître la situation adminis- trative de la Galerie palatine.

Le Palais Pitti et toutes ses dépendances ont été, par une loi du parlement italien, attribués au souverain. Le directeur des musées royaux de Florence ne peut ni ajouter ni retrancher un seul tableau à la Galerie ; il a cependant la faculté de changer déplace les ouvrages; c'est ce que vient de faire M. Corrado Ricci.

Les magasins de tableaux de Pitti sont une invention pure et simple.

Découverte de dessins de Michel- Ange.

La Galerie des Offices conserve environ 44,000 dessins; la majeure partie est en portefeuille, dont un grand nombre sont exposés sous vitrines dans les corridors et diverses salles de la Galerie. M. Ferri, le distingué conservateur de la collec- tion, et M. E. Jacobsen, un émérite érudit, s'oc- cupent sans cesse de rechercher dans les cartons les pièces qui ont pu échapper à l'attention.

Leurs efforts ont eu un grand succès. L'an passé, ils ont trouvé quarante esquisses et dessins de Michel-Ange tracés sur dix cartes différentes. Cette année ils ont pu ajouter vingt dessins à ceux de l'année dernière.

Avec science et sagacité, ils sont arrivés à spécifier les sujets, quelquefois cependant assez incertains.

Les sujets se rapportent aux études de Michel- Ange pour la chapelle Sixtine, les tombeaux des Médicis, et d'autres travaux du maître.

On espère que bientôt un éditeur intelligent fera paraître ces très intéressants documents.

Envoi de tapisseries à Paris.

Florence a envoyé à l'Exposition des Primitifs français à Paris, deux tapisseries de la magnifique suite de huit pièces, dite Les Fêtes de Henri //, l'une a trait aux fêtes de Bayonne données à Catherine de Médicis, l'autre à une fête donnée en 1572 aux Tuileries aux ambassadeurs polonais.

Les cartons de ces tapisseries sont fort proba- blement français, mais l'exécution est flamande à n'en pas douter.

Les tapisseries sont donc du dernier quart du XVI'^ siècle.

Par quel abus de langage peut-on les classer dans les Primitifs ?

Venise. Galerie royale de peinture.

M. Cantalamissa, le très distingué directeur, s'attache surtout à rechercher les peintures des ar- tistes vénitiens. Voici ses dernières acquisitions,

La Madone et l'Enfant, saint Jean et saint Jérôme, par Catena (Vincenzo) de Venise >i< i 531.

La Madeleine, par Pittoni (Gianbatista) de Venise (i 686- 1767).

La Guérison du paralytique, par Ricci (Se- bastiano) de Bellune (16601734).

Iles de la lagjine, par Guardi (Francesco) de Venise (1712-1793).

Ile de la lagune par Canaletto de Venise (1697-1768).

Rome. Depuis l'avènement du Pape Pie X, son eFfigie est répandue à profusion dans toute l'Italie: photographies, gravures.chromolithogra- phies, plastiques, etc.

Mais ce n'est que dans ces derniers temps que le pontife a décidé de donner séances à des artistes.

M. Gabriel Ferrier, peintre français de grand talent, a fait le portrait peint à l'huile et l'a ex- posé au salon de Paris de cette année. M. Fré- déric Limburg, sculpteur allemand, a sculpté le buste destiné aux évêchés, paroisses et institu- tions catholiques de l'Allemagne.

On raconte que le Pape, passant par hasard dms une salle du Vatican, M. Limburg tra- vaillait, vit que le sculpteur avait fait poser un simple domestique revêtu des parements pontifi- caux. Pie X sourit et n'empêcha nullement M. Limburg de continuer, comprenant fort bien que le modèle n'était que pour les parements.

Borgo San Lorenzo (Toscane). L'église con- servait un tableau du XV<^ siècle, d'auteur in- connu, représentant San Assiano, patron du sanc- tuaire.

Le tableau a été volé.

Montcleone (Ombrie). Les découvertes d'antiquités ne rentrent pas en général dans le cadre de la Revue de F Art chrétien ; cependant, par exception, on peut en signaler une en raison de son extrême rareté. Dans une nécropole de Monteleone, localité située près de Spolète, on a trouvé à quelques mètres de profondeur une bige qui paraît remonter à quatre ou cinq siècles avant l'ère chrétienne ; elle était ornée de plaques de cuivre avec des sujets à personnages. Les paysans qui ont fait la découverte ont trouvé également des casques et des amphores métalliques.

Le secret a été si bien gardé, que personne ne s'est douté de ce trésor, sauf, bien entendu, les intéressés qui se sont mis en relations avec un marchand d'antiquités ; ce négociant a si bien ma- nœuvré, qu'il a acheté la bige pour un prix rela- tivement minime et qu'il l'a revendue en Amé- rique trois ou quatre cents fois plus cher qu'il l'a- vait payée, c'est-à-dire de 200,000 à 300,000 fr.

Et de plus il a trouvé moyen de l'exporter malgré les lois italiennes interdisant l'exporta- tion des objets d'art anciens sans une autorisa- tion préalable.

Les biges antiques sont d'une extrême rareté.

Les musées italiens n'en ont qu'une seule ; elle est d'origine étrusque et conservée au musée archéologique de Florence ; elle a subi du reste des restaurations, et certaines parties qui man- quaient ont été ajoutées avec intelligence.

II y a bien au musée de sculpture du Vatican une salle dite de la Bige ; mais ce n'est pas un char véritable qui a donné son nom à la salle, c'est une bige décorative en marbre.

Naples. On savait que Titien avait exécuté le portrait du célèbre cardinal Bempo (1470- 1547), secrétaire du pape Léon X pour les lettres latines, mais on croyait la peinture perdue. Elle vient d'être trouvée au musée royal de Naples ; le cardinal est représenté assis, maigre et austère- le fond du tableau montre la campagne d'Aso- lana qu'affectionnait le cardinal.

Et comme j'ai cité Naples, il est de circons- tance d'ajouter que j'ai noté à la Pinacothèque deux ouvrages de Froment d'Avignon, peintre du roi René, dont plusieurs ouvrages sont pré- sentement exposés à Paris.

On sait que Froment a travaillé de 146 1 à 1482, mais je ne crois pas que les peintures de Naples aient été signalées par les écrivains fran- çais.

Ce sont les effigies en pied, d'une facture élé- gante et distinguée, de Charles, duc de Calabre, et de Robert, roi de Sicile ; tous deux sont figu- rés en rois mages apportant des présents.

Ger.sp.\ch,

Florence.

320

WitWt tie r^rt cbrétien.

Question.

UN de nos abon- nés nous en- voie la photographie d'une croix byzantine en nous demandant de déterminer sa pro- venance et son âge.

Réponse : L'objet appartient évidem- ment à l'art russe. Il est impossible de préciser davantage étant donné l'hiéra- tisme de cet art, qui comporte la multi- plication des répli- ques d'une même composition tradi- tionnelle. L'objet pa- raît dater du XIV^ siècle. Nous repro- duisons commepoint de comparaison une croi.x presque iden- tique mais complétée par cinq plaques his- toriées montées sur les branches supé- rieures de la croix.

Au surplus nous avons le plaisir de fournir à notre cor- respondant latraduc- tion des inscriptions slaves indiquant des sujets et symboles tracés sur la croix qu'il possède, à sa- voir :

Au croisillon figure le soleil et la lime ; au titulus, IC.XC (Jésus Christus) ; au côté du nimbe, fils de Dieu; sous la tête divine, au sommet de la branche verticale : Ifitage de Dieu créa- teur du »to?ide: im- médiatement en des- sous : anges dii'ins ; dans le croisillon de la traverse supérieu- re : Roi de gloire; dans le croisillon de la grande traverse à gauche : 7ious nous inclinons devant tu croix glorieuse ; à droite : et nous clian- tons ta sainte Résur- rection ;so\is les pieds du Christ : mon a-

chTvil'ie'd.-làtveurV C. de Na.areth : h la gauche de la poitrine du Christ: .>A,/.«r; aux côtés de 'a.tête d'Adam : Go7gotla. Enfin en tête des registres latéraux : à droite, la Ste Mère de Dieu et Ste Mane Magdeleine; à gauche, ^. Jean et le centurion.

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Académie des Inscriptions et Belles-Let- tres. — Séance du S avril. M. L. Heuzey fait connaître un monument de sculpture romaine découvert en deux fois (1889 et i89S)à Ville- vieille près de Sommières (Gard).

On trouva d'abord un étroit piédestal de pierre giise taillé en forme de gaine ou d' kermès et por- tant une inscription latine que l'on peut traduire ainsi : « Au génie de notre Publius, Pimigenius, son affranchi. > Cette formule familière, fré- quente dans la région de l'ancienne colonie ro- maine de Nîmes, indique un culte religieux voué par les esclaves, les affranchis, les clients d'un patron à son _^'^;/n/.f, c'est-à-dire au démon intime que les Romains croyaient résider au fond de chaque personnalité.

Ce n'est que beaucoup plus tard que fut re- cueilli dans le même terrain un marbre blanc que M. Fernand Révil, possesseur de ces divers frag- ments, reconnut comme s'emboîtant dans la cavi- té creusée au sommet de l'hermès. La tête, d'une réalité vivante, est surtout curieuse, parce qu'elle est coiffée de 1' « apex » ou bonnet à pointes des prêtres appelés « fiamines ».

Séance du ij avril. L'Académie propose pour la médaille d'or offerte par la Société cen- trale des architectes, M. Lefebvre, membre de l'Ecole française d'Athènes, qui a exécuté des fouilles au Fayoum, ayant amené la découverte d'un temple consacré à des divinités helléniques ainsi que de nombreux papyrus grecs.

Séance du 6 mai. M. Dieulafoy continue la lecture de son mémoire sur la sculpture espa- gnole, notamment sur la statuaire polychrome. Il est en mesure d'établir, que c'est à Léon, dans la vieille cathédrale et au Musée municipal, que se trouvent les monuments polychromes les plus anciens, datant du début du XIII'^ siècle; on y constate l'influence des écoles méridionales de la France et des écoles clunisiennes, influence qui restera prépondérante jusqu'au milieu du XV'^ siècle, date à laquelle l'art bourguignon, flamand et même allemand devient prédominant. Enfin, au XVI'^ siècle, l'Espagne, fidèle aux traditions de la Renaissance italienne, atteindra la perfection avec les contemporains et les ému- les de Velazquez, de Ribera et de Miirillo.

Séance du ij mai. M. Heuzey fait une com- munication sur les monuments ibériques récem- ments découvertes en Espagne.

Grâce à MM. Arthur Engel et Pierre Paris, le musée du Louvre a pu suivre et encourager

des recherches qui ont mis au jour nombre de monuments appartenant à l'antiquité ibérique, encore si incomplètement connus.

M. Heuzey résume une notice de ces deux ar- chéologues sur les fouilles qu'ils ont exécutées à Osuna, l'antique Ursao. Ils y ont déblayé les siibstructions d'une muraille construite avec des blocs arrachés à des édifices d'époques différentes. Beaucoup de ces blocs portaient des sculptures romaines et demi barbares, conservant quelques traces des influences antérieures, grecques ou orientales.

Ce sont des angles de frises, des pièces d'ar- chitecture, avec des restes de représentations mi- litaires ou religieuses ; guerriers aux casques che- velus et aux longs boucliers, presque gaulois ; autres combattants à la tête nue, armés de la petite rondache ibérique ; à côté de ces soldats, un curieux acrobate marchant sur ses mains, comme s'il s'agissait de jeux militaires plutôt que de combats réels. Puis des femmes portant des vases à libation, une joueuse de flûte, un prêtre à long manteau, de nombreuses figures d'animaux, surtout des taureaux. Les armes et les poteries feront l'objet d'une autre communication.

Séance du 20 mai. L'.Académie attribue à M. Dufour, ancien membre de l'École d'Extrême- Orient, une nouvelle allocation de 6000 fr. pour lui permettre de continuer les fouilles du Bayon d'Angkor-Thom.

Séance du 2-j mai. M. Clermont-Ganneau donne lecture d'une dépêche datée de Dakar dans laquelle le lieutenant Desplagnes, chargé de mis- sion, annonce à l'Académie la découverte qu'il vient de faire de l'emplacement de Koukia, pre- mière métropole de l'empire de Sourhaï.

Suivant la légende, cette cité remontait aux pharaons d'Egypte. Elle disparut au courant du XVIII<= siècle. Il n'en reste actuellement que quelques ruines, des monticules avec des cime- tières renfermant de nombreuses pierres tumu- laires chargées d'inscriptions arabes.

Le P. Jalabert communique, au nom du P. Sé- bastien Ronzevalle, professeur à l'Université française de Beyrouth, une note sur quelques mo- numents relatifs aux cultes syriens de l'époque gréco-romaine.

C'est d'abord un autel de Hauran, dont une face représente le dieu Esculape revêtu du cos- tume romain ; puis une nouvelle inscription rela- tive au dieu Beellepharus provenant d'Heilboun, qui permet d'affirmer que ce dieu est bien d'ori- gine syrienne, ce serait le Raal d'Ifry près Damas ;

322

jRebxic De rart tbrctien.

enfin divers monuments figurent des repré- sentations diverses sous la forme de lions. La plus intéressante, le lion cornu de la gaine du Jupiter Héliopolitain, confirme l'origine égyp- tienne du grand dieu Cœlisyrien

Séance du ^ juin. M. Homolle communique le rapport de M. Lefebvre, membre de l'École française d'Athènes, sur les fouilles qu'il a faites en collaboration avec M. Bassy sur l'emplace- ment deTchneh.en Egypte.

Le capitaine Weill donne lecture d'une notice -sur un nouveau bas-relief de Snofrou.

Séance du lojuin. M. Héron de Villefosse fait part à l'Académie d'une lettre qu'il a reçue du docteur Carton, président de la Société archéolo- gique de Sousse, annonçant que, de concert avec l'abbé Legnaud, il vient de découvrir l'entrée d'une des catacombes d'Hadrumète.

Cette voie d'accès, qui présente encore un esca- lier de huit marches bien conservées, devait être protégée par un petit édicule voûté ; la voûte était formée de poteries creuses et cylindriques. Elle conduit à un vestibule en forme de croix peut- être une chapelle - qui n'est pas encore complè- tement déblayé, mais qui est entièrement garni de loctili ; dans un des angles une petite ouverture taillée dans le tuf donne sur les galeries des cata- combes.

Cette nécropole était très étendue. Plus de qua- tre cents mètres de galeries souterraines sont déjà dégagées ; elles forment jusqu'à quatre étages de tombeaux fermés par des tuiles. Une galerie ré- cemment découverte conduit à un carrefour débouchaient six autres galeries, ce qui laisse en- trevoir un champ d'exploration considérable.

Tout était rempli de terre.et le dégagement eût été extrêmement coûteux si le colonel du 4^ régi- ment de tirailleurs n'avait pas fourni la main- d'œuvre.

Le diagramme musical inédit de Florence. M. Ruelle, de la bibliothèque Sainte-Geneviève, communique une note sur « le diagramme musical inédit de Florence >.

Ce savant a trouvé ce tableau dans le Lauren- tianus, 86, 3, folio 163.

Société des Antiquaires de France. Séance du /"-' ai'ril iço^. MM. Philippe de Forti et Gabriel Martin sont élus associés cor- respondants.

M. Lcprieur expose les raisons qui lui font croire à l'authenticité du «diptyque de Melun > et du portrait de Jean Fouquet. Une discussion s'engage à ce sujet entre MM.Leprieur, de Mély et Marquet de Vasselot.

Séance du 2y avril. M. Blanchet fait au nom de M. Naef une communication sur les différentes marques à l'aide desquelles les archi- tectes suisses désignent les parties restaurées dans les monuments anciens.

M. de Mély fait, au nom du baron Carré de Vaux, une communication sur les origines de la légende de J^ellerophon.

M. Toutain cominunique une inscription grec- que trouvée, en 1880, à Panticapie (Crimée).

M. de Laigue envoie un mémoire sur une ins- cription grecque découverte à Trieste.

M. Ravaisson MoUien entretient la Société de différentes peintures italiennes ou françaises, o\x se peut reconnaître le portrait de Léonard de Vinci.

Séance du ./ mai. M. Ch. Em. Ruelle est élu membre résidant, en remplacement de M. Cor- royer, décédé.

M. Joseph Depoint est élu associé correspon- dant national.

M. Chenon communique divers objets de l'épo- que gallo-romaine trouvés à Château-Meillant (Cher).

Séance du 11 mai. M. Dimier pose une ques- tion au sujet de Marc Duval, graveur du portrait des trois Coligny.

M. Durant-Gréville présente diverses observa- tions au sujet de certaines œuvres exposées aux Primitifs français qu'il croit devoir attribuer à Bourdichon.

M. Destrée entretient la Société d'un tombeau sculpté de HouPfalize (Luxembourg) et d'an fuge- ment dernier de l'école brabançonne au Louvre.

Séance du 18 mai. Communications : de M. Y. de Mély sur la signature de Jehan Perréal dé- couverte par lui dans la décoration du carrelage qui figure au bas du tableau de La Vierge appar- tenant au Louvre, actuellement exposé aux Pri- mitifs français, et qui, suivant notre collabora- teur, offre cette forme : « I. P. I. * I. 1490 » ; de M. J. Maurice sur une nouvelle reproduction du labaruui de Constantin ; de M. Arnauldet sur les origines du monastère et de la bibliothè- que de Saint-Mesmin de Micry ; de M. Mar- quet de Vasselot sur une base de reliquaire en cuivre doré de la fin du Xll»^ siècle ou du début du XI 11"=, récemment acquise parle Louvre.

Séance du 25 mai. M. V. de Mély poursuit devant la Société son enquête sur les Primitifs. Ses dernières constatations ont trait au fameux diptyque de Melun, par Fouquet, qui représente la Vierge sous les traits d'Agnès Sorel, et Etienne Chevalier. M. de Mély relève la différence de dimensions aussi bien que de facture qu'ils

Cratjaujc tie0 Sociétés satiantcs.

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offrent : \' Etienne Chevalier mesure i'",oi sur o'",88, \diV'icrge o"\8i5 sur o"', 82. Quant à la dif- férence de facture, elle s'explique, suivant M. de Mély, par le fait, que, si V Etienne Chevalier a. été peint en 1450, l'autre panneau a l'être avant 1442, date Agnès Sorel quitta la Cour. M. de Mély fait ensuite une remarque intéressante sur le portrait sur émail de Jean Fouquet, également exposé aux Primitifs, peint très probablement par l'artiste lui-même et qui aurait fait partie du cadre du prétendu diptyque de Melun. M. de Mély fait observer que la dorure au feu a été découverte seulement en 14S4, et que le travail d'émail à l'aiguille, suivant lequel ce médaillon a été exécuté, est absolument caractéristique du milieu du XVI*" siècle.

M. Cagnat présente, de la part du D"" Carton, une inscription funéraire conservée à Kairouan et une petiteboite de plomb, recueillie par le sergent Scard dans une sépulture de Sousse.

M. Durand-Gréville entretient la Société de quelques miniatures qu'il croit devoir attribuera ce « maître François » qu'on suppose être Fran- çois Fouquet, fils de Jean.

Séance du i^' juin. M. Leprieur répond à la communication faite par M. F. de Mély sur le <( diptyque de Melun > de Jean Fouquet, à la dernière séance de la Société et dont nous avons donné le résumé ici même. Il a pu constater, après vérification, qu'il n'y avait pas, entre les volets du diptyque de Melun, la différence de 0'",20 en hauteur et de 0"\o6 en largeur indiquée par M. de Mély. Les dimensions des deux panneaux (o™,942 sur o'",855 pour la Vierge, 0'",965 sur o"',885 pour le portrait A' Etienne Che- valier) sont un demi-centimètre près), con- formes à celles qu'avait lionnées M. Friedlzender en 1896, dans \s Jahrbuch à& Berlin Rien, sur ce point, ne s'oppose donc à ce qu'ils aient formé diptyque dès l'origine.

Après avoir rappelé le témoignage des histo- riens du XVI1I'= siècle (Denys Godefroy no- tamment. Histoire de Charles VII, 1661), qui les ont vus réunis encore en place et dans leur cadre original, à l'église Notre-Dame de Melun, M. Leprieur fait remarquer dans la Vierge certains détails, comme les plaques marbrées du siège (identiques à celles qui ornent le mur dans l'autre panneau), et surtout comme le geste indicateur de riînfant montrant nettement du doigt le dona- teur, qui semblent bien témoigner de l'exécution contemporaine des deux œuvres, nécessitées ainsi en quelque sorte l'une par l'autre comme pen- dants. Pour expliquer l'aspect juvénil d'Agnès Sorel sous les traits de la Vierge, il s'en tient à l'hypothèse émise par lui, dès 1897, dans la Revue de l'Art ancien et moderne : à savoir que Fouquet

peut avoir utilisé simplement ici, après la mort d'Agnès et dans un arrangement modifié, un ancien portrait (peinture ou dessin), exécuté sans doute par lui-même d'après le vif

Quant au célèbre portrait en émail représentant Fouquet, il estime que, quel que soit le procédé employé, le style seul de l'œuvre prouve qu'on ne saurait l'écarter de sa date traditionnelle (milieu du XVi^ siècle). Il la rapproche des miniatures de Chantilly, pour l'effet du camaïeu d'or aussi bien que pour les caractères de l'inscription, et rappelle que, dans la bordure même du diptyque de Melun, semblent avoir figuré des émaux analogues, ainsi qu'il l'a précédemment démontré. Mais il garde jusqu'à nouvel ordre toutes réserves, quant à l'hypothèse nouvelle de M. Bouchot, qui voudrait que cet émail même en provienne.

Séance du 8 Juin. M. Adrien Blanchet communique un moule en terre cuite du moyen âge qui paraît avoir servi à la contrefaçon des bulles de Grégoire IX.

M. Toutain étudie le texte de Strabon qui mentionne un sanctuaire de Hera Argonia au Nord de Poestum.

M. Monceau communique au nom de M. Gauckler et commente plusieurs inscriptions chrétiennes d'Afrique.

Lecture est donnée d'une note de M. Aveneau de la Grancière sur le résultat des fouilles faites au nouveau cimetière de Vannes.

Au mois de mai a eu lieu, au musée du Lou- vre, la célébration du centenaire de la Société Nationale des Antiquaires de France. A cette occasion, M. Héron de Villefosse a lu le très intéressant discours préparé par M. Durrieu et dont le sujet, tout d'actualité était les origines de la peinture française. M. Bayet et M. Marcel ont ensuite prononcé des allocutions. Après quoi, M. Noël Valois, membre de l'Institut, s'est fait applaudir dans la lecture d'une savante étude sur l'histoire de la Société des Antiquaires. Enfin, des médailles d'or et d'argent ont été décernées à divers savants de province et de l'étranger.

Congrès des Sociétés Savantes de Paris et des Départements. Le Congrès s'est tenu à Paris, à la Sorbonne, du 5 au 9 avril. Voici le résumé des travaux de la section d'archéologie :

Mardi ^ avril. M. l'abbé Arnaud d'Agnel lit une communication sur les antiquités du musée de Sault (Vaucluse), riche en objets pré- historiques et antiquités gallo-romaines.

M. Clerc lit le compte rendu des fouilles qu'il a faites en collaboration avec M. l'abbé Ar- naud d'Agnel sur la colline de la Tourette, près du village de Saint-Marcel(banlieue de Marseille)

324

ÎRebur ïir T^rt cl)iTttriu

et qui ont fourni des vestiges des temps néoli- thiques et ligures, ainsi que des diverses périodes grecques.

Lecture est donnée d'un mémoire de M. de Gérin-Ricard sur les castella des environs d'Aix- en-Provence.

M. Jean Louis lit un mémoire sur la céramique romaine, fondé sur l'étude des objets recueillis dans les fouilles qu'il poursuit depuis 1899 à Au- trécourt (Meuse).

M. J. Martin lit un mémoire sur les pierres tombales et inscriptions du territoire de Tournus (Côte-d'Or).

M. Pasquier envoie un mémoire sur les sta- tuts des orfèvres de Toulouse en 1550-

M. le chanoine Pottier entretient la section du résultat des fouilles entreprises sur l'empla- cement de l'abbaye cistercienne de Grandselve (Tarn- et- Garonne).

M. Victor Quesné lit un travail sur la dalle tumulaire de Jean Anquetin, sénéchal de Neuf- bourg (1400).

Mercredi 6 avril. M. l'abbé Chaillan lit un mémoire sur un rebord de couvercle d'un sarco- phage chrétien ou de l'époque chrétienne, en- castré dans le mur de l'église de Nets et orné de bas-reliefs.

M. Chevreux lit un mémoire sur les croix de plomb, dites « croix d'absolution >>, trouvées dans des tombes et munies d'inscriptions au trait, du XI»" au XV1I« siècle.

M. Henry Corot donne lecture d'une notice sur une sépulture à incinération partielle décou- verte à Minot (Côte-d'Or).

M. Louis Févret lit, en son nom et au nom de M. Julien Feuvrier, un mémoire sur l'antique Crucinia et la découverte de quatre autels ané- pigraphes des époques celtique et gallo-romaine, à Dôle (Jura).

M. Ed. Fourdrignier signale un vase métal- lique récemment trouvé dans la Seine, et le rap- proche des trésors d'argenterie bien connus de Boscoreale, au Louvre, et de Berthouville, au Cabinet des médailles.

M. Léon de Velsy présente l'historique des cachettes monétaires les plus importantes re- trouvées dans le département de la Seine-Infé- rieure.

M. Georges Béraud expose le résultat des explorations qu'il poursuit au point de vue pré- historique dans l'arrondissement de Bressuire.

M. Chambroux signale la découverte d'un cimetière mérovingien au pied de l'église Saint- André à Chelles (Seine-et-Marne).

M. Ulysse Dumas lit trois mémoires sur l'ex- ploration qu'il a faite de la grotte de la Baume-

Longue, commune de Dions (Gard) ; sur la sta- tion des Châtaigniers, à Baron (Gard), et sur la grotte Nicolas, comauine de Sainte- Anastasie (Gar), il a découvert de nombreux objets préhistoriques.

N Eugène Ferrase présente une carte préhis- torique du Minervois qu'il a dressée.

M. Julien Feuvrier lit une notice qu'il a rédigée en collaboration avec M. Louis Févret sur une épée de fer trouvée à Chaussin (Jura) et qui porte une marque de fabriquant. Les auteurs rappor- tent cette arme au début de l'époque de La Tène.

M. Maurice GiUet rend compte de la décou- verte qu'il a faite, entre les villages de Villepreux et Chavenay, près Versailles, de stations néoli- thiques.

M. Charles Magne donne lecture d'une notice des plus documentées sur le fer à cheval dans l'antiquité.

M. Pillou lit une étude sur une épée de bronze trouvée dans la rivière d'Oise, près de Chauny (Aisne), et qui paraît remonter à la fin de l'âge de la pierre polie.

Lecture est donnée d'un mémoire de M. l'abbé Poulaine sur les fouilles de la grotte Saint- Joseph, à Saint-Moré (Yonne), il a trouvé de nombreux débris de l'industrie et de la faune paléolithique.

M. le secrétaire lit un mémoire de M. le doc- teur Roux signalant les monuments mégalithi- ques des environs de Saint-Nectaire (Puy-de- Dôme).

M Henry Corot présente une carte archéolo- gique du département de la Côte-d'Or, qu'il se propose de publier prochainement.

M. Fourdrignier entretient le Congrès de la découverte faite il y a quelques jours par M. Le- moine, près de Châlons-sur-Marne, d'une sépul- ture à chars analogue à celle de la Gorge-Meillet.

Jeudi 7 (tvril. M. l'abbé Arnaud d'Agnel lit un travail sur le trésor de l'église Sainte-Anne d'Apt (Vaucluse).

Lecture est donnée d'une note de M. Barrière- Flavy sur de nouvelles stations wisigothiques du midi de la France.

M. Jules Beaupré communique un inventaire des monnaies gauloises recueillies dans l'arron- dissement de Nancy.

M. Gustave Chauvet communique un statère d'or pâle trouvé à Lorigné (Deux- Sèvres).

M. le chanoine Cherrier lit un mémoire sur la croix de Lorraine en Provence.

M. Chevreux lit un mémoire sur \e paçus Su^- (rinteiisis, dont le chef-lieu aurait été la localité des Vosges appelée Sugcnes au inoyen âge.

Crat)au;c des ^otittts savantes.

325

M. Paul Ducourtieux lit un mémoire sur les voies romaines qui traversaient le territoire des Lémovices.

M. le secrétaire rend compte d'un catalogue dressé par le R. P. Delattredes marques cérami- ques grecques et romaines trouvées à Carthage, sur la colline voisine de Sainte-Monique, en 1902 et 1904.

M. Emile Bonnet lit une étude sur les vestiges de l'architecture carolingienne dans le départe- ment de l'Hérault.

Lecture est donnée d'une note de M. l'abbé Chaillan sur différentes églises construites peu après l'an looo par les bénédictins de Saint- Victor de Marseille, dans la vallée de l'Arc supé- rieur.

M. P. Coquelle lit un travail sur les portails romans du Vexin français et du Pincerais.

M. Charles Joret fait une communication sur quelques objets trouvés sur le champ de bataille de Formigny.

M. l'abbé Meister lit un mémoire sur des ins- criptions tumulaires et campanaires de Grand- villiers (Oise).

M. l'abbé Nicolas lit un travail de sujet sem- blable concernant l'ancien décanat de Uun (Lorraine).

M. le chanoine E. Morellitun travail sur l'épi- graphie du canton d'Estrées-Saint-Denis.

M. l'abbé Parât résume les récentes décou- vertes préhistoriques faites à La Roche-aux- Loups, au Crot-Canat et à La Roche-aux-Lar- rons (Yonne).

M. J. de Saint-Venant parle des fouilles qu'il a faites en collaboration avec M. L. Poussereau dans une enceinte avec motte, située au vieux château de Barbarie, à La Machine (Nièvre).

Lecture est donnée d'un mémoire de M. Léon Germain de Mady sur le calvaire de Briey, dont deux statues de bois, qui se rattachent à l'école des Richier, sont conservées dans la chapelle du cimetière actuel de Briey.

l.e samedi ç avril a eu lieu à la Sorbonne l'assemblée générale de clôture du Congrès. Un discours a été prononcé par M. Bayet, directeur de l'enseignement supérieur, représentant le ministre de l'Instruction publique.

Réunion des délégués des Sociétés des Beaux-Arts des Départements. La vingt- huitième session a eu lieu à Paris, à l'École des Beaux-Arts, du 5 au 8 avril. Nous donnons ci- après le résumé des travaux présentés :

Mardi ^ avril. M. Emile Biais retrace l'his- toire du théâtre à Angoulême du XV»" siècle à 1904.

M. Charles Ponsonailhe lit une étude sur deux peintres de Montpellier au XVII'= siècle, Zueil et Boissière.

MM. H. Herluison et Paul Leroy donnent lec- ture d'un travail sur les sculpteurs Gois père et filset sur la statue de Jeanne d'Arc de ce dernier.

M. Louis de Grandmaison présente la suite de son Essai d armoriai des artistes français.

M. A. Montier parle des épis ou pièces de faîtage en terre cuite vernissée ou émaillée, en Normandie.

M. F. Lorin étudie les belles peintures du château de Thoisy (Seine-et-Oise).

M. Camille Leymarie lit des notes sur l'his- toire du biscuit à Limoges.

M. Bouillon- Landais parle de la collection de tableaux de Paul de Surion légués à la Ville de Marseille : plus de quatre-vingts toiles, dont plu- sieurs très importantes au point de vue histo- rique.

M. Paul Pellot lit une notice sur Gérard Aubry, peintre champenois du XVII^ siècle.

M. Paul Clauvet communique un travail sur Pierre Martin Barat, peintre du XVIII^ siècle, qui a laissé les portraits d'un secrétaire perpétuel de l'Académie de Nîmes.

Mercredi 6 avril. M. L. Scribe parle des maisons de la Renaissance à Romorantin.

M. Eugène Thirion lit un travail sur le théâtre à Fontainebleau jusqu'en 1870.

M. Léon Chartel fait l'historique de l'enseigne- ment public des arts du dessin à Lyon.

M. L. Quané-Reybourbon lit une étude sur Alphonse Colas, peintre lillois (1818-1887).

M J. Martin présente une note sur les fres- ques de l'ancienne église de Varennes-le-Grand (fin du XVI« siècle).

M. P. Parfouru lit un travail sur les anciennes tapisseries du palais du Parlement de Rennes.

M. Emile Delignières donne lecture d'une im- portante étude surPierre-AdrienChoquet, peintre abbevillois (1743-1813).

M. Henri Jadart remet en lumière des artistes rémois inconnus du XVI<^ siècle.

M. Albert Jacquot présente la suite de son Essai de répertoire des artistes lorrains: les autetirs dramatiques et comédiens.

M. l'abbé Brune étudie des statues de la fin du XVI^ siècle à l'église d'Arlay (Jura).

M. l'abbé Langlois lit une communication sur des bustes de Sceaux, représentant des empe-

RSVUB DE l'art CHRÉTIEN. 1904. 4""^ LIVRAISON.

326

Brtue tir rSrt cbvétieiu

reurs romains et aujourd'hui dispersés à Chartres et à Paris.

Jeudi 7 avril. M. Alfred Gabeau lit une étude historique sur la collection de tableaux du duc de Choiseul.

M. Bourde de la Rogerie présente une notice sur un recueil de plans manuscrits d'édifices cons- truits par les architectes de la Compagnie de Jésus (1607- 1672).

M. le baron Guillibert lit une monographie du peintre Granet (1775 1849).

M. Félix Pasquier fait une communication où, sous le titre : Engagement d'objets précieux de la maison de Foix\ il donne des inventaires de pierreries, de bijoux, de pièces d'orfèvrerie, que les Grailly, comtes de Foix, mirent en gage dans un moment de gêne.

M. le chanoine Ch. Urseau lit une note sur le portrait de Louis XI conservé à Notre-Dame de Béhuard, en Anjou.

M. V.-E. Veuclin donne communication de notes biographiques, critiques ou anecdotiques sur cent cinquante artistes ou artisans de la région normande.

AI. Armand Benêt présente une liste impor- tante d'artistes et d'artisans des XIV'^ et XV^ siècles occupés parles ducs d'Harcourt.

M. Paul Lafond entretient l'assemblée de trois nouveaux portraits de Henri IV, contemporains du modèle, et dont l'un a été gravé en 1630 par un artiste des Flandres.

M. Maurice Hénault parle des portraits de sou verains conservés au musée de Valenciennes.

M. Paul de Longuemare lit une notice sur un architecte du XVI I^ siècle: Abel de Sainte- Marthe.

Vendredi 8 avril M. L. de Vesly fait une communication intitulée: ]&s.nGo\\]an, architecte ; les colonnes de l'église Saint-Maclou à Rouen.

M. l'abbé Requin lit une notice sur le sculpteur Stephani et le peintre Guigonis; artistes proven- çaux du XVe et du XVl" siècle.

Enfin, M. Henry Jouin, secrétaire du comité, donne lecture de son rapport général sur les tra- vaux de cette vingt-huitième session.

Comité des travaux historiques. Bull, archéol., 1903, y liv. M. Euting, professeur à l'Université de Strasbourg, a découvert dans le pays de Moab les restes, remarquables au point de vue artistique, du palais de Méckatta, con- struit par un prince de la dynastie des Ghas- sanides, et qui serait le premier monument l'art byzantin est combiné avec l'art arabe. Enre-

gistrons une note du R. P. Delattre sur des ins- criptions romaines en Tunisie et des découvertes archéologiques faites à Carthage. Signalons spé- cialement une étude de M. Barrière-Flavy sur les portails romans des églises de Caujacet et de Gaillac-Toulza (Haute-Garonne). Ces travaux sont à rapprocher de ceux de notre collaborateur M. Lanore. Importante aussi est la description par M. le comte de Loisne, des miniatures romanes du cartulaire de Marchiennes, dues sans doute au moine Guy, dont Mgr Dehaisnes avait retrou- vé plusieurs œuvres. M. l'abbé Metais décrit aussi les vitraux de Ste-Anne du XVI^ siècle, à l'église de Saint- Valérien de Châteaudun.

Société d'archéologie de Bruxelles, Par- mi les travaux de l'année 1903, nous avons à signaler, à notre point de vue, une communica- tion de M. J. Destrée sur un monument votif du XV« ou du XVIf^ siècle, et une autre sur l'auteur (qui reste toujours discuté) des fonts baptismaux de l'église de St-Barthélemy de Liège, Nous re- viendrons sur cette question, MM. Destrée et Kurth, qui ont attribué ces fonts à Régnier de Huy ayant rencontré des contradicteurs.

M. l'abbé Lemaire a commencé l'étude de l'é- glise d'Alsemberg. Madame Isabelle Errera a fait connaître une remarquable pièce d'étoffe d'or découverte à Modène, étoffe de fabrication arabe, avec influence byzantine, du X"^ ou du Xl<= siècle.

M. de Marsy s'est occupé des sceaux des cor- porations bruxelloises. Il faut ajouter à ces études les sept brillantes conférences de MM.de Mot et Cappart sur les antiquités égyptiennes.

Société d'Histoire et d'Archéologie de Gand (12*^ année). A signaler spécialement une conférence du R. P. Van den Ghein conservateur des manuscrits à la bibliothèque royale de Bru- xelles sur la miniature à la Cour de Bourgogtie.

Un membre dénonce un projet menaçant, sous prétexte d'agrandissement et de restauration, la petite église d'Afsné, véritable bijou architectu- ral de la Flandre.

M. V. Van der Haeghen, archiviste de la ville de Gand, s'occupe de \a conspiration pour délivrer Gand et la Flandre de la domination espagnole en 1631.

M. J. Desmet étudie la porte romane de l'hô- pital de Louvam et continue la discussion soule- vée par M. Maeterlinck, au sujet de son époque.

On entend la conférence de M. Jos. Casier sur le vitrail, illustrée de projections lumineuses. L'orateur examine les différents points de vue sous lesquels la question du vitrail peut être envisagée.

^xà\)à\ix t}tô â>ociété0 sabantes.

327

M. A. Heins décrit une maison gantoise. Ses transfortnations du X V^ au X VIII^ siècle. Les archives de la ville de Gand renferment une grande quantité de dessins anciens de façades et de pignons, du XYII^ et du début du XVIIIe siècle. Ces documents étaient joints aux deman- des adressées aux échevins en vue d'obtenir l'au- torisation de faire des modifications à des mai- sons. C'est en consultant une farde de cette col- lection, que M. Heins a pu établir les change- ments faits à la demeure du sieur Robert Stevens, habitant quai de la Grue. Une réduction du dessin original accompagne le texte.

Institut archéologique liégeois. Bull.de l'année iço2. M. le vicaire général E. School-

meesters, dans ses études sur Rodolphe de Habs- bourg et la principauté de Liège, nous fait voir à l'œuvre dans ses rapports avec la principauté de Liège, l'activité de la chancellerie de Rodolphe de Habsbourg, qui « se montra ici comme ailleurs dans l'Empire le défenseur des droits acquis et le gardien de l'ordre et de la paix publique. »

M. Ruhl passe en revue les monuments de l'art militaire au pays de Liège que le temps et la pioche des démolisseurs ont épargnés.

M. L. Renard fait Rapport sur les recherches et les fouilles exécutées en içoj par l'Institut ar- chéologique liégeois. Exposé très intéressaut des fouilles opérées à Latinne, Ocquier, Vervoz (Cla- vier).

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PISTOIA: Nelle sue opère d'arte. PRATO : Impression! d'arte. FIRENZE : P. Lumachi, par Odoardo H. Giglioli.

^N publie sur les arts en Italie, tant ^ d'erreurs et d'inepties qu'on est sou- ^ lagé,lorsque paraissent des ouvrages I comme ceux de M. H. Giglioli. «^^■.y^.^4^ Ses volumes sur Pistoia et Prato sont indispensables aux personnes qui veulent connaître les arts de ces deux antiques et très in- téressantes cités, trop négligées par les voyageurs

Ger.

MONOGRAPHIE DE LA GATHÉDRAE D'A- MIENS, par G. Durand, tom. IL MOBILIER ET ACCESSOIRES. Grand in-40 de 660 pp. et pi. en héliogravure. Amiens, Yvert et Tellier, 1903.

NOUS avons fait connaître le premier et principal volume de cette monographie modèle, vraiment digne du chef-d'œuvre archi- tectonique chrétien, et qui fait grand honneur à la Société des Antiquaires de Picardie et illustre le nom de son président M. G. Durand. ma- gistrale étude consacrée dans un premier volume au monument lui-même se trouve complétée dans ce second volume, par la description du mobilier actuel et l'exposé de ce que l'on sait du mobilier disparu, bien autrement important que celui qui subsiste. L'auteur fait le tour du monument, décrivant ce qu'il rencontre ; mais il consacre deux chapitres spéciaux et fort importants aux clôtures du chœur et aux stalles avec des com- pléments au sujet des vitraux, des cloches et du trésor. Il ne manque pas de faire connaître les quelques spécimens conservés de cette fameuse série de tableaux dédiés à la Vierge par la con- frérie du Pnj Notre-Dame, et dont feu M.J. De- haisnes a jadis entretenu nos lecteurs ('). Les belles héliogravures qui donnent tant de valeur à la monographie de N.-D. d'Amiens, sont surtout consacrées aux bas-reliefs de la clôture du chœur et aux merveilleuses sculptures des stalles.

Nous ne pouvons entreprendre d'analyser cet ouvrage considérable, dont l'éloge n'est d'ailleurs plus à faire. Sans vouloir aucunement en faire le résumé, nous y glanerons quelques notes relatives aux parties disparues, au sujet desquelles l'auteur s'est livré à de patientes et consciencieuses re- cherches.

On a quelques indications sur le jubé qui fer- mait le chœur au moyen âge. Il était de pierre,

I. V. Revue île l' Art chrétien, année 1890, pp. 25 et suiv.

et formait un portique à sept arches sur colonnes, avec cintres redentés, à larmiers fleuronnés, celui du milieu plus large, décoré à l'intrados de feuillages ; la balustrade contenait en ses nom- breuses niches (29 sur la face antérieure) une série de statues de prophètes, de sybilles, d'anges, etc. Ce portique, large d'environ 8 pieds, porté en saillie sur les deux piles d'entrée du chœur, était voûté de petites croisées d'ogives. Une porte grillée s'ouvrait au centre ; les travées extérieures abritaient deux autels consacrés l'un à l'anneau de la Vierge et à S. Firmin, et l'autre au menton de S. Jacques. D'après le dessin qu'on en garde, datant de 1727, son style se rapporte au début du XIV<= siècle.

Parmi les tombeaux d'évêques, celui de Fran- çois de Halluin (1503-1538) était un mausolée somptueux qui s'élevait en pyramide jusqu'à la hauteur des chapiteaux des maîtres piliers; il était fort admiré pour sa richesse, mais scandali- sait à juste titre le Chapitre par son exubérance.

M. Durand esquisse, à l'aide de documents, les tombeaux disparus et complète l'indication des sujets sculptés au pourtour du chœur, et dont on garde de si remarquables parties. Il décrit ces dernières, et commente avec une grande érudi- tion leur riche iconographie. Un dessin de 1727 donne un croquis des remarquables tom- beaux, placés bout à bout, des évêques Jean de la Grange (^ 1402), et Jean de Boissy {>b 1410). Leurs cénotaphes enlignés occupaient une travée du chœur, à l'abri d'un baldaquin à quadruple travée, très élevé, et porté par de sveltes supports, qui sont si bien incorporés aux lignes de l'édifice, qu'ils se confondent avec lui. La statue du car- dinal de la Grange est seule conservée ; c'est une œuvre de l'école parisienne.

Notons que dès le XIII^ siècle le c/iœtir et le sanctuaire, très distincts, étaient séparés par deux degrés et une balustrade. Il y avait dans le chœur deux autels ; le iiiajus altare et \e post altare, le premier adossé au diamètre du rond point, le second, au fond de l'abside. Les comptes four- nissent de curieuses indications sur les parements de broderie de ces autels. A la fin du XV^' siècle on fit un premier et riche retable d'orfèvrerie, exé- cuté par deux orfèvres d'Amiens, Pierre Fauvel et Pierre de Dury, aidés de Nicolas des Osteux. On mit huit ans à l'exécuter. Il était renfermé dans des étuis de bois peint qu'on n'ouvrait qu'aux grandes fêtes. On y avait figuré le crucifie- ment, lequel ne se voyait que le Vendredi-Saint; car tous les autres jours de l'année, hormis les grandes fêtes, l'on découvrait le retable d'or-

Btbltograpfile.

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févrerie, son enveloppe était garnie de riches étoffes.

Au XIV= siècle un crucifix et quatre candé- labres d'argent doré, dont deux étaient plus grands que les autres, formaient la garniture ordinaire du maître-autel.

Six belles colonnes de cuivre ornées de figures de saints en ronde bosse et surmontées de statues d'anges vêtus de chapes et portant les instru- ments de la Passion, soutenaient les tringles des courtines. Des frises de cuivre d'où naissaient des branches fleurdelisées portant des bobèches et servant de chandeliers devant la châsse des saints, s'étendaient des deux côtés de l'autel jusqu'à la clôture du sanctuaire. Cet appareil datait de 151 1.

Au XI V^ siècle la Sainte Eucharistie était sus- pendue dans une coupe suspendue au-dessus du maître autel dans un tabernacle porté sur six colonnes d'argent doré.

Les châsses étaient placées derrière le maître- autel, voilées d'ordinaire. Il y avait devant l'au- tel un édicule de pierre pour les exposer. Cet édicule barrait le chœur transversalement ; il of- frait des niches pour les deux châsses et on y accédait par deux petits colimaçons.

Un grand dais d'étoffe bleue garnie de fran- ges et semée de fleurs de lis d'or fut suspendu au-dessus du maître-autel jusqu'en 1707.

Dans le chœur figuraient de grands candéla- bres en cuivre, des lutrins en bronze, comme on en voit encore à Tournai.

Les parties conservées de la merveilleuse clô- ture sont l'objet d'une minutieuse description. On ne connaît pas leurs auteurs ; la période de leur exécution s'étend de 1490 à 1530 environ. On y distingue deux époques. L'imagerie de Saint- Firmin (vers 1490) est plus ancienne; les person- nages ont plus de raideur, les draperies sont tuyautées ; les costumes sont relativement sim- ples. Le reste est du premier quart du X VI« siècle, de même que les stalles ; toutefois, ces sujets sculptés échappent en grande partie à l'influence italienne ; c'est de l'art flamand, d'un naturalisme un peu prosaïque. Encore dans l'ensemble de cette seconde partie peut-on distinguer deux mains. La plus récente, datée 1531, est la plus retardatrice. Les histoires de S. Firmin et de S. Jean-Baptiste sont de petites merveilles assez connues; M. Du- rand en a fait un commentaire qu'il faudrait lire devant les sculptures même. Il en est de même de celles de la clôture du transept, qui retracent des scènes de l'Évangile.

Les stalles sont prodigieusement fouillées.d'une richesse étourdissante, et néanmoins d'une belle unité. La description de leurs imageries forme tout un petit traité d'iconographie. Elles furent commencées en 1508, par Arnould Boulin auquel on associa Alexandre Huet, tous deux d'Amiens ;

leurs serviteurs furent Léonard Le Clerc, Guil- laume Quentin et Pierre Meurisse. On attribue à Huet le côté droit, à Boulin le côté gauche des stalles (l'auteur du document entend sans doute la droite et la gauche du spectateur).

Pour l'exécution de 72 histoires des sellettes ou miséricordes, on a dit qu'il avait été fait marché à part avec Antoine Avernier, mais M. Durand admet l'opinion émise dans la Revue de l'Art chrétien ('), par Mgr Dehaisnes : que cet Avernier pourrait être un nom mal lu pour Antoine Anquier, l'auteur de la statue funéraire d'Adrien de Hénencourt. La question reste à ré- soudre. Le marché primitif ne prévoit pour les miséricordes que des ornements ; on se décida plus tard à y mettre des sujets bibliques, ce qui est rare. Le nom de Turpin, deux fois gravé sur les stalles, est celui d'un simple ouvrier. Il faut ajouter aux noms des ouvriers celui d'un certain Breton et deux frères Cordeliers appelés en i 5 10.

Il faut encore signaler le reste des peintures murales exécutées en 1506 dans la chapelle de Saint-Èloy, et représentant les sybilles et les remarquables tombes des évêques Evrard de Fouilloy et Geoffroy d'Eu, monuments de bronze du XI Ile siècle, à peu près uniques en France.

Encore une fois toutes nos félicitations à M. Durand.

L. C.

MANUKL D'ARCHEOLOGIE FRANÇAISE DEPUIS LES TEMPS MÉROVINGIENS JUS- QU'A LA RENAISSANCE, par E. Enlart. Pre- mière partie, architecture. Tome II, Architecture civile et militaire. In-8", 850 pp. illustrées. Paris, Picard, 1903.

Nous avons fait connaître le premier volume de ce remarquable ouvrage, qui restera le traité définitif et classique pour la France. Le second volume est écrit avec la même abondance d'éru- dition que le premier et la même sûreté d'in- formations. M. Enlart reprend à peu près le plan du deuxième volume de V Abécédaire d'ar- chéologie de de Caumont, mais au lieu de hacher la matière relative à chaque genre d'édifices, en la reprenant séparément aux époques suc- cessives, il épuise en une fois le sujet au cours de tout le moyen âge. Il écarte certaines superféta- tions tombait son illustre devancier, quand il traitait des appareils, du carrelage, etc., et autres questions connexes à l'architecture religieuse et civile. Par contre, il est beaucoup plus complet dans les choses pertinentes, il n'ignore aucun édifice civil ou militaire du territoire français, et com- plète par des notes copieuses autant que précises,

I. Année 1889, p. 467.

330

ISitWt De r^vt cbrctten.

les indications qui surchargeraient trop son texte parfois un peu touffu. Chez lui, le dépouille- ment des archives et des anciens écrits va de pair avec les relevés faits sur les monuments. Il déverse en quelque sorte dans son livre une quantité étonnante de documents, fruit de voyages et de recherches singulièrement fruc- tueux. L'illustration est judicieusement choisie, composée de dessins très démonstratifs, et de photogravures absolument typiques.L,' A /^/câfaïre d'Arcisse de Caumont était un recueil, fort re- marquable pour l'époque, de documents relatifs au vaste sujet qui nous occupe ; ici la matière est I mieux coordonnée. Certains chapitres sont à cet égard vraiment didactiques, comme ceux relatifs aux monastères et aux fortifications. On souhai- terait voir la méthode appliquée de manière com- plète à tous les genres, notamment à l'habitation privée. La revue des types régionaux de vieilles maisons de France reste encore à faire. Dans l'ouvrage de M. Enlart il y a des chapitres en- tièrement nouveaux et des plus intéressants, tel celui qui est relatif aux travaux publics, aux égoûts, aux bastilles, lieux de divertissements et maisons de jeux, etc., ainsi qu'à l'art naval. Les tables de référence sont précieuses, le réper- toire archéologique des départements, document inestimable, démontre à quel point l'étude a été fouillée en tous sens, et combien elle est com- plète. Le livre de M. Enlart est un instrument de travail et d'étude d'une utilité extraordinaire; on ne aurait assez lui en être reconnaissant.

L. C.

LA SCULPTURE BELGE ET LES INFLUEN- CES FRANÇAISES AU XIIP ET AU XIV^

SIÈCLE, par M. R. Kœchlin. Gr. in-8° de 48 pp. Paris, Gazette deî Beaux- Arts, 1903.

Les œuvres médiévales de sculpture ne sont pas nombreuses en Belgique ; elles intéressent au plus haut point l'histoire de l'art, comme on le verra par ce qui suit. Il est étonnant qu'il ne se soit pas trouvé un érudit belge pour en faire l'étude d'ensemble ; cette besogne a été entre- prise par un des plus distingués parmi les critiques d'art français, et il a procédé à ce sujet à une enquête sérieuse, embrassant toutes les pièces de valeur de la sculpture proprement dite, à l'exclusion de l'orfèvrerie. Il a fait mieux, il a tiré de son clairvoyant examen des déductions nettes, neuves et logiques. On pourra lui contester des détails : il sera difficile d'infirmer sa thèse.

Cette thèse est la suivante : Jusqu'ici l'on a attribué à l'esprit flamand et en particulier à sa sculpture du XI V<= siècle une influetice originelle et primordiale sur la renaissance réalistique de

l'art plastique en Europe. Il n'en est rien : le réa- lisme flamand ne s'affirme qu'au XV^ siècle et plutôt dans la peinture. Au XIII<^ et au XIV<= siècle, le réalisme, loin de dominer en Flandre, transpire à peine à côté de l'idéalisme français qui pénètre dans l'art belge. C'est presque le contrepied des théories de Courajod. M. Kœchlin ajoute, que si le naturalisme bourguignon dérive de l'art flamand, il s'en distingue par un souffle plus puissant.

Nous devons reconnaître, dans l'état actuel de nos connaissances, le succès de la thèse de M. Kœchlin. Quant à l'influence française en Bel- gique, au X1II<^ et au XIV'' siècle, les écrivains belges l'ont à peine indiquée dans leurs livres, mais beaucoup l'ont remarquée, et à la Société d'archéologie à Gand il en a été souvent question. M. A. Heins l'a récemment encore affirmée à propos des sculptures des voûtes lapidaires de Saint-Bavon, et le premier peut-être, je la lui avais signalée, consulté par lui sur ces sculptures. Cette influence est évidente dans le domaine de l'architecture. Le chœur de la cathédrale de Tournai est une œuvre bien française, ainsi que la chapelle épiscopale, érigée à la fin du XII'= siècle, par l'évêque Etienne, ancien abbé de Sainte- Geneviève. L'église Saint -Jacques de Tournai semble pénétrée d'influences françaises avec ses claires-voies qu'on dirait bourguignonnes, et sa tour qui évoque un lointain souvenir de celles de Laon, et rappelle d'une manière frap- pante le clocher de Vernouillet.

Les trois jolies églises de Poperinghe sont parentes de la cathédrale de Saint-Omer. Le croisillon Sud de Saint-Martin d'Ypres a deux ou trois chapiteaux d'une flore purement parisienne, et son chœur est français par sa corniche sculptée et surtout par ses absidioles en diagonale du type Soissonnais ; le même plan d'absidioles se retrouve à Lisseweghe et à Damme. Inutile de rappeler les influences françaises marquées au chevet de Sainte-Gudule à Bru.xelles et à N.-D. de la Chapelle.

M. Kœchlin relève les marques de l'influence française dans la sculpture belge. Il commence son enquête au XII« siècle. A cette époque Tour- nai possédait une école d'art puissante, et à laquelle il aurait tort de dénier une grande origi- nalité. Il a beau parler de la rudesse des fonts baptismaux ; s'il connaissait la riche collection de ces fonts superbes, malgré le fantastique débor- dement de leur décor, il yreconnaîtrait les vestiges d'ateliers ayant leur art propre, plus lombard que français. A notre avis, nos provinces ne su- bissent la loi française qu'à partir du XI 11*^ siècle. Dès lors elle est incontestable. Elle éclate dans le double tympan de l'hôpital Saint-Jean à

25tbltograpl)te.

331

Bruges (vers 1270), mais apparaît plus tôt en Flandre française (Grand Dieu de Thérouane). M. Kœclilin croit la retrouver dans le tympan de Saint-Servais à Maestricht (?). Elle s'accuse dans une série de madones de nos musées et de nos églises, notamment dans la Vierge assise de Saint-Pierre à Louvain, dans l'admirable Vierge de Saint-Jean et de Saint-Pholien à Liège, dé- crites par M. Helbig, dans celle de Laeken.

Les dalles funéraires, si nombreuses en Belgique, sont des schémas idéalistes et les gisants des sarcophages sont à peine encore des portraits.

Au KIY'"" siècle l'idéalisme fait place à la formule, comme M. Kœchlin l'a si bien montré en étudiant la sculpture au pays de Troyes ; et la formule est la même en Belgique que dans le Nord de la France, que dans toute la France. Aussi l'emporte-t-elle sur le réalisme natif et incontestable des Flamands, qui ne s'en dégage que très tard, à la fin du siècle. C'est, comme à Troyes, dans les statues de Vierges, qu'on peut surtout étudier l'évolution : le type est la Vierge du portail Ouest de Notre-Dame de Tournai noter toutefois que la tête de cette Vierge est de la Renaissance ainsi que l'Enfant Jésus), celle du portail Sud de Hal, la sainte Catherine de Beauneveu à Courtrai, si proche parente de la Vierge de Tournai et d'autres Vierges de nos musées. Le maniérisme est à son apogée dans la charmante Vierge des Fonts de la cathédrale d'Anvers. Celle de N.-D. du Lac à Tirlemont (conservée au musée de la ville) est la plus frap- pante par sa similitude avec les modèles français.

L'analogie se manifeste encore dans certains thèmes uniformes comme celui des sculptures représentant le Couronnejiient de la Vierge à Bruges, à Saint-Jacques de Liège, à Walcourt, ou des figurations d'Abraham recueillant les âmes dans son sein, etc. Les prophètes de la cathé- drale de Tournai sont apparentés à ceux de Sens.

M. Kœchlin refuse de reconnaître la verve caricaturiste et la faculté d'observation attribuée aux Flamands, dans les consoles et les masques de la salle échevinale d'Ypres, même dans les consoles de l'Université de Louvain, et de la Bi- loque de Gand, ainsi que dans les écoinçons historiés de la chapelle des Comtes à Courtrai, de l'église du Sablon à Bruxelles, des églises d'Assche et de Hal. C'est, me semble-t-il, aller loin ; mais, trop peu compétent, nous laissons à MM. Maeterlinck, de Smet et Destrée, ces fins connaisseurs en l'espèce, de dire leur avis à cet égard. Comparant nos produits à ceux des ateliers français, M. Kœchlin n'est pas loin de trouver ceux-ci plus réalistes que les Flamands.

Ce n'est qu'au troisième tiers du XIV'= siècle.

qu'il reconnaît l'entrée en scène du réalisme flamand. Mais ce n'est à ses yeux que le réa- lisme bourgeois et terre à terre, étranger à cette allure puissante qui caractérisa le génie des Flamands transplantés en Bourgogne. Les chefs- d'œuvre de cette période sont, à son sens, les chapiteaux de la Grande église de Rotterdam, les consoles de la galerie Ouest de la façade de l'hôtel de ville de Bruxelles et celles de l'hôtel de ville de Louvain.

Les origines de l'École de Dijon paraissent à notre auteur une énigme, sans attache dans le passé avec la Flandre, et étrangères à la suite du développement de l'école belge. Les mor- ceaux qui gardent le plus d'analogie avec les œuvres bourguignonnes sont l'ancienne décora- tion du portail de l'hôtel de ville de Bruxelles, déposée au musée communal.

Nous croyons avoir analysé fidèlement l'étude de M. Kœchlin, révolutionnaire et presque agressive à l'égard d'idées chères à nos compa- triotes. Nous ne sommes pas en état d'y contre- dire. Quelle que soit la vérité, elle ne peut que gagner à des recherches aussi consciencieusement conduites et aussi franchement exposées.

Ajoutez que l'auteur, admirablement docu- menté, semble avoir fouillé tous les coins de la Belgique. Du reste en quelques heures passées au musée des Moulages du Cinquantenaire à Bruxelles il a pu déjà se faire une idée de l'en- semble de notre art plastique médiéval. On ne pourrait trouver plus belle preuve de la manière méthodique et éclairée dont l'Ltat belge a cons- titué cette collection et des grands services qu'elle est susceptible de rendre.

L. C.

DEUX VIES D'ÉVÊQUES, par M"' Louise PiLLiON. (Extrait de la Gazette des Beaux-Arts.)

Croirait-on que parmi les sculptures histo- riées si remarquables qui tapissent le fameux portail de la Calende de Rouen, et que tant de milliers de touristes et d'archéologues ne cessent d'examiner, se trouvent encore, ou plutôt se trouvaient de longues pages indéchiffrées,comme des albums d'histoires étalées sous les yeux de chacun et que personne n'avait lues ; et ces histoires n'étaient rien moins que celles de deux grands saints évêques, saint Romain et saint Ouen. C'est une dame, notre nouvelle collabora- trice,M^i'^ Louise Pillion,qui par son érudition est venue éclairer ces étonnants bas-reliefs, plongés dans l'ombre de l'ignorance, en même temps, il faut le dire, que dans la pénombre due à un fâcheux éclairage ; mais la photographie est devenue un précieux auxiliaire de l'archéologue, et elle est

332

3Rebue te V^xt chrétien.

une des nombreuses ressources de notre corres- pondante, qui n'est en défaut devant aucune difficulté. C'est un régal de lire les pages élégantes et érudites elle élucide de multiples problèmes et retrace sans lacune la double histoire si pitto- resquement ciselée dans les pierres séculaires.

L. C.

MONUMENTS DU FOREZ ET DU VELAY.

Le journal Le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire a donné une suite à l'intéressante série de monographies paroissiales due à M. Noël Thiollier, et que nous avons signalées naguère ('). On y trouve des renseignements pleins d'in- térêt sur les églises, châteaux et autres antiquités. A Chanteuges ce sont les ruines de l'ancienne abbaye dominant le panorama superbe de la Planèze et l'église, un des plus beaux spécimens d'architecture romane dans la Haute-Loire, cons- truite vers 1 137, et qui offre de beaux chapiteaux historiés remarquer surtout une représentation du Bon Pasteur). A Saint-Haon, existe une église également romane, une des plus originales de la région par sa curieuse abside à 5 pans, bâtie en appareil avec parement en talus que couronne sous la corniche de longues arcatures ; en avant se dresse un mur surmonté de quatre arcades oili pendent les cloches. L'église de Saint- Vidal, également ancienne, avec une travée voûtée en coupole sur trompes et une abside ronde à l'intérieur, à pans coupés au dehors; la fenêtre centrale est encadrée d'une archivolte trilobée posant sur colonnettes. Jusqu'à 1872 celle de Ternay avait gardé sa superstructure en char- pente; ses murs si bien conservés, avec assises de moellons alternant avec un double ou triple rang de briques, sont un chef-d'œuvre de maçon nerie ; elle mérite d'être étudiée de près. Pour bâtir l'église de Ceyssac (une haute curiosité des environs du Puy), l'on se contenta de construire une façade et un chevet entre deux coulées volca- niques formant murs latéraux, et de bander unevoùte au-dessus;elle s'ouvre par une jolieporte romane. Saint-Christophe sur Dolaizon a une église romane analogue aux précédentes, cou- verte en dalles de pierre.Celle de Verrières, fondée en 1223. fut reconstruite au commencement du XVIe siècle, d'un seul jet ; c'est une des plus belles églises de la contrée. L'église Sainte- Marie à Borne garde son chevet roman ainsi que son ancien campanile. Noirétable a conservé deux anciennes églises, l'une remonte au XII'- siècle, c'est celle du prieuré bénédictin ; la seconde date du XV<= siècle; elle offre en avant un vaste porche de charpente du XVI« siècle. Inspirée

I. Revue de CArt chrétien, année 1904, p. 339.

commeplusieurs autres de La Chaise-Dieu, l'église de Saint-Galmier offre une grande nef dépourvue de fenêtres et éclairée seulement par les bas-côtés et les chapelles, cette nef est d'ailleurs large et belle, posée sur des piliers à moulures qui se perdent dans les voûtes. Cette église date du XV"^ siècle. Notre touriste érudit nous présente la vue de l'église démolie de Saint-Martin-la- Sauveté ; partie romane et partie gothique. En agrandissant l'église de Beaulieu,on a eu soin de respecter le vaisseau roman construit en superbes blocs de brèche volcanique; son abside est semi- circulaire intérieurement, à pans coupés au dehors, avec trois absidioles creusées aux dépens du mur. Des tempsanciens il ne resteàCoubonquedeux cippes romains et l'église de St-Georges, du moins la partie centrale de la façade avec le portail de si belle ordonnance. Nulle part on ne peut mieux qu'à Lavaudieu se faire une idée de ce que fut au moyen âge un monastère de femmes; tout est conservé ; fortifications, église, cloitre, salle capitulaire, cuisine et dortoir ; mais hélas! bien délabré. L'église est un monument fort curieux de la fin du XI<= siècle, avec un des plus jolis cloîtres que le XII<= siècle ait laissés dans la Haute-Loire. Dans le réfectoire on peut encore voir des fresques du XH^ siècle. L'église de l'Hôpital-sous-Rochefort est construite en partie avec des matériaux antiques de grand appareil comprenant pas mal de cippes funéraires. Le portail est de grande allure. L'église de Trélins, un intéressant morceau du XV'= siècle, et la ville de Saint-Etienne était surtout remarquable par sa rue Guy-Colombet aux maisons moyenâgeuses, récemment démolies par une municipalité trop peu soucieuse des souvenirs du passé. Inutile d'insister sur l'intérêt de la chapelle Saint-Michel d'Aiguilhe et sur celui de l'église de Charlieu, deux joyaux de l'art roman élevé en Forez sur la frontière bourguignonne.

L. C.

ENQUETES CAMPANAIRES NOTES, É- TUDES ET DOCUMENTS SUR LES CLOCHES ET LES FONDEURS DE CLOCHES, DU VHr AU XX= SIÈCLE, par Jos. Berthelé. In-8° de XVI-7s8 pp., 48 gravures. iMontpellier, Delord-Bœhm et Martial, 1903. Prix : 20 fr.

Il y a quelque trente ans, les cloches n'étaient inscrites au programme des études archéolo- giques et historiques, que comme une branche du Mobilier ecclcsiastitjue et de V Épigraphie. Les archéologues ne s'y intéressaient guères, que si elles remontaient au moyen âge. Les épigra- phistes les transcrivaient si elles était antérieures à la razzia de 1792- 1793.

I0ibliograpl)te.

333

Dans ces derniers temps (') plusieurs archéo- loi^ues, MW. L. Germain de Maidy et Jos. Ber- tlielé, notamment, ont montré quel intérêt ont réellement les cloches pour Vhtstoire de l'Art iiuiititrifl t.\. quelle attention méritent ces mo-

Beffroi et cloches de l'Épine (Hautes-Alpes).

destes artisans ambulants, qui ont peuplé de leurs œuvres nos clochers et nos beffrois, et dont beaucoup ont été de véritables artistes.

Le Comité des Travaux historiques a aidé ces

I. A la suite de la publication, en 1884, par M. Henri Jadart, de l'histoire du célèbre bourdon de Reims.

eff"orts. Des recueils autorisés (la Revue de l'Art chrétien se flatte d'avoir été le principal avec le Bulletin Monumental), se sont associés à ce mouvement. L'étude de l'art campanaire possède aujourd'hui ses fervents, tels MIVI. Brugière, Le- cler, Jadart, L. Régnier et R. Rodière.

Pour aider les travailleurs dans ce genre de recherches, M. Jos. Berthelé vient de réunir en volume, avec d'abondantes et instructives illus- trations, une série de notices consacrées par lui à l'histoire des cloches et des fondeurs de cloches et aux inscriptions campanaires anciennes. Il peut dire avec orgueil : Exegi Monumentum œre perennius.

Le volume h'ouvre par une étude historique, technique et pittoresque, sur la fonte des cloches avant l'époque actuelle : l'entreprise commer- ciale, 2° l'opération industrielle, le règlement des comptes.

Viennent ensuite, groupés par ordre géo- graphique, cinquante et quelques articles de genres très divers : listes d'anciens fondeurs, discussions épigraphiques, monographies, dépouil- lements bibliographiques, documents, inscrip- tions, etc., concernant particulièrement les dépar- tements des Deux-Sèvres, de la Vienne, de la Vendée, de la Somme, de l'Oise, de l'Eure, du Jura, de la Nièvre, de la Loire, de l'Ariège, de la Haute Garonne, de la Haute-Marne, des Vosges, du Loiret, du Gers, de la Meuse, de l'Aisne, de la Marne, des Ardennes, du Rhône, de la Côte- d'Or, de l'Yonne, etc.

L'ouvrage se termine par trois tables analy- tiques, très minutieuses et très complètes : un Index des noms de Fondeurs, un Index général des noms de personnes, de lieux et de tnatières, un Index spécial des gravures.

Le premier de ces index contient plus de 900 noms de fondeurs de cloches. Ce seul détail suf- firait à indiquer l'importance du volume pour les études d'épigraphie campanaire.

Tous les départements de France, sauf un, sont représentés plus ou moins dans l'index des noms de lieux. Notons également les articles : Alle- magne, Belgique, etc.

L'illustration toute documentaire se rapporte à la fois à la campanographie ancienne et à la campanographie moderne.

La Paléographie des cloches peut y être étudiée dans ses différents types, à l'aide d'une série de fac-similes d'inscriptions, remontant jusqu'au commencement du XI 11^ siècle.

Ulconographie campanaire, héraldique, orne- mentale, religieuse ou historique, n'est pas moins amplement représentée. Une série spéciale est consacrée aux Marques de fondeurs.

334

3Rebue te T^rt chrétien.

L'auteur a complété cette partie iconogra- phique par la reproduction de divers bourdons

Matrice du fondeur Fr. Michel.

importants et par les portraits de quelques an- ciens fondeurs célèbres.

Enfin, une place a été faite, dans l'illustration, à la Technique campanaire et même à.\a Musique

campanaire : les carillons composés par feu Alexis Lévêque apportent une note presque gaie

f

Matrice du fondeur Fr. Micliel.

au milieu de ces Enquêtes, dont le caractère général est bien plutôt celui d'une œuvre d'éru- dition que d'un livre de curiosité.

L. C.

2l5ibliograpl)te.

335

■«fc

DOCUMENTS D'ART MONUMKNTAL DU MOYEN AGE, par V. Lenertz, Bruxelles, Vromant, 1904.

Le beau recueil de fragments artistiques, et fac-similé des croquis originaux (ces croquis valent de bien bons dessins), qu'a entrepris M. Lenertz, et que nous avons annoncé derniè- rement, tient toutes ses promesses. L,e troisième fascicule nous offre les détails précis des fameuses bailles de Malines et d'une défense grillagée de fenêtre de la même ville, le charmant lutrin en bois sculpté en forme de pliant,de l'église Ste-Gertrude de Louvain, des détails nombreux des stalles si connues de l'église St-Jacques de Liège, une fort intéressante grille conservée au musée de l'Hôtel- de- Ville de Louvain, des couronnements de tours des bords du Rhin, la clôture du chœur de l'église St-Mathius à Trêves, l'ensemble et de savoureux fragments du chœur de St-Jean de Diest, et des spécimens rares de moulures gothiques.

L. C.

L'ANCIEN CHATEAU DES COMTES DE FLANDRE A GAND, par J. de Waele, Bruxelles, Goemare, 1904.

Cette brochurette est le troisième article d'une série insérée aux Annales des travaux publics de Belgique (avril 1904), dans lesquelles l'auteur distingué de la restauration tant discutée, expose d'une manière très précise et brève les travaux exécutés en les justifiant par des arguments solides. ^ P

SOUVENIRS DE PREMIERE COMMUNION SOCIÉTÉ ST-AUGUSTIN.

Les deux nouveaux souvenirs de première communion que vient d'éditer la maison Des- clée sont de purs chefs-d'œuvre d'imagerie chrétienne. La polychromie murale a son style, bien différent de celui de la miniature ; de mê- me la chromolithographie a le sien, rarement compris. Il ne s'agit pas de cette chromolitho- graphie réalistique qui reproduit avec une cer- taine fidélité, surtout depuis l'invention des procédés trichromes, le rendu de l'aquarelle artistique ou de la peinture de chevalet ; nous voulons parler de la chromolithographie consi- dérée comme expression d'art spéciale. Appli- quée à l'imagerie populaire, elle possède une technique toute particulière, que nous Dévouions pas exposer ici, mais dont on peut considérer les deux images qui nous occupent comme des spécimens réussis et charmants. C'est un mélange intime de compositions historiées et d'art déco-

ratif Les sujets à personnages occupent des pan- neaux et des médaillons ; les ornements sont semés dans le cadre et dans des fonds: les textes eux-mêmes, inscrits dans des banderoles, ou tracés sur le fond en caractères ornés, constituent un noble décor. La polychromie est solide et très soutenue, mais douce et harmonieuse ; rien de criard et rien de fade. L'ensemble, relativement complexe, est d'une seule et belle venue ; tout se tient et se lie et une grande douceur de coloris se dégage d'une richissime composition. Quant aux sujets principaux, ils se lisent avec une clarté qui saute aux yeux, ils sont dessinés d'un trait pur, distingué, expressif ; les figures sont nobles, les costumes gracieux et artistiques. Celles de la la Vierge de Lourdes, qui occupe le centre des images, et des anges qui l'accostent sont suaves. Quant à la belle scène qui illustre l'autre image, et S. Louis de Gonzague est représenté rece- vant la Ste Communion de la main de S. Char- les, c'e.st une fort belle composition fortement idéalisée et cependant d'un naturel charmant, en ce qui concerne les proportions des figures, l'agencement des attitudes, l'exécution des costu- mes, fidèles aux usages du temps. Les deux anges qui assistent à la cérémonie, paraissent descendus des tableaux de Memling. Dans des médaillons sont figurés le Baptême, la Confession, l'Eucharistie et la Confirmation et des scènettes gracieuses, auxquelles les mêmes costumes an- ciens, bien en situation ici, prêtent une grande noblesse.

En vérité, c'est bien l'imagerie qu'il faut aujourd'hui. Elle est d'un dessin plus savant que les naïves miniatures de nos pères, mais elle a leur charme artistique et leur accent décoratif et surtout leur expression profondément noble, idéale et pieuse.

L. C.

ANCIENNES HABITATIONS RURALES EN PICARDIE, par M. A. de Francqueville. In-8° de 40 pp. Amiens, Yvert et Tellier, 1904.

Ce sujet est d'un vif intérêt. La question des types traditionnels de l'habitation et de la ferme a été mise à l'ordre du jour du prochain congrès archéologique convoqué a Mons, et M. A. Flebus a déjà présenté la définition de quatre types primordiaux (i) de fermes, le type franc, le type saxon, le type frison et celui de la villa romaine.

Dans son beau livre, sur les conditions de l'ha- bitation en France (2), M. A. de Foville a montré naguère que chaque région possède son type de

1. Annales du Congrès archéol. de Mons, 1904, 4" livr.

2. Paris, Leroux, 1894.

330

ISitWt De r^lrt cJ)rctteu.

maison rurale si caractéristique, que quand un voyageur qui traverse la France en chemin de fer, ouvrant la fenêtre de son wagon au point du jour, se demande il est, il est fixé dès qu'il a vu une ferme, et deux- ou trois maisonnettes.

M. Foville passe en revue les habitations de diverses provinces. Les conditions d'exploitation des terres, la configuration du sol, sa nature orographique, géologique et hydrologique, la na- ture des matériaux locaux, les mœurs des habi- tants, toutes les influences topiques se reflètent dans les constructions anciennes, qui apparaissent en quelque sorte comme le produit de la terre.

A ces intéressantes observations M. de Franc- queville fait un nouvel apport en nous décri- vant les habitations rurales en Picardie.

Il nous rappelle les huttes anciennes ?>. paillo- tage (torchis) enfoncées dans le sol, les chaumières, les cabanes couvertes d'essangles (planchettes de chêne). La panne n'apparaît qu'au XVI II<^ siècle. Les murs sont en galets au bord de la mer ; en pierre dans l'Aine et dans l'Oise, en grès dans le canton de Villers Bocage, en briques cuites aux confins de la Normandie ; en brique séchée au soleil dans le Laonnais,et un peu partout on ren- contre les murs en bouge ou en torchis. L'Aisne a ses habitations souterraines {creutes ou boves).

Si les matériaux varient avec les localités, il en est de même de l'emplacement. Ici la maison est en façade, c'est la grange ; on rencontre peu de fermes isolées ; le Picard aime à vivre en société, près de son clocher et prèsdes bâtiments,dispersés dans les herbages, comme en Normandie et en Flandre. Les maisons des villages, entourées de leur coiirtil (verger) s'égrènent le long de la rue.

M. de Francqueville pénètre dans une de ces maisons. Il franchit la porte charretière de la ferme et la porte cojipée, à guichet, qui accède à la première pièce, nommée la maison, avec la gran- de cheminée, avec la cramillie fleur-de-lysée qui supporte la mcquinette (chaudron). Un seul an- dier porte les bûches placées de biais. A la poten- ce pend le crochet, sorte de lampe juive, en fer dans l'Amiénois, en cuivre, à plusieurs becs aux environs d'Abbeville. Un coffre en forme de py- ramide tronquée sert de siège et contient le sel ; sur les gradins de \a. potière s'étalent les plats et les brocs. Les murs blanchis à la chaux sont or- nés d'images naïves. Une grande table, une petite à trois pieds, des cayelles garnissent la maison. Une claie suspendue sous le plafond sert à dé- poser le lard au sortir du saloir. En face de la cheminée est la boîte-horloge (le coucou) sculp- tée au couteau.

Latéralement s'ouvrent deux chambres sans feu, la principale est la chambre des maîtres de céans. Le lit en frêne est couvert du londier

(courte pointe) ; quelquefois il est dans une sorte d'alcove protégée par des rideaux de toile de Jouy. \Jannoire, en chêne, est du temps de Louis XIII, et bien picarde, à deux corps. A côté est le coffre de mariage ; jadis on voyait aussi le rouet.

L'auteur décrit une série de ces vieux logis, qui sont tous en pans de bois. Il donne des des- sins, qu'on souhaiterait moins sommaires.

L. C.

IL POLITICO DELLA PARROGHIALE DI

OTTANA, par E. Brunelli (Extrait de \Arte).

Les fresques remarquables de la modeste égli- se paroissiale d'Otana sont consacrées notam- ment à l'histoire de saint François, dont l'image en pied est noble et impressionnante. L'Annon- ciation surtout est de grand style ; les peintures sont l'œuvre d'un artiste pisan de la première moitié du XIV« siècle.

L. C.

OPERE D'ARTE DEL PALAZZO GAREGIATI A VENETIA, par E. Brunelli (Extrait de VArte).

Parmi les richesses du palais Vénitien, notre auteur distingue, décrit et reproduit une pein- ture de Bartolomeo Moiitagna figurant le groupe de la Vierge et de l'Enfant divin accosté des figures de S. Jean Baptiste et de S. François d'Assise (celui-ci tient une croix en forme de tau) ; puis une madone de Luca da Conegliano, une autre de Bastiano Mainardi et une peinture du même artiste représentant Jésus, adoré par saint Joseph et la Vierge Marie, tandis que des anges présentent dans les airs un phylactère est reproduit le texte et la notation musicale du Gloria in cxcclsis.

L. C.

DICTIONNAIRE D'ARCHÉOLOGIE CHRÉ- TIENNE ET DE LITURGIE. Fascicule IV. Paris, Letouzey, 1904.

Nous nous proposons de puiser, à mesure qu'elle se présente à nous, à cette mine de don- nées précieuses, ou du moins, d'en signaler les richesses à nos lecteurs. Le 4""^ fascicule con- tinue l'étude de V AgneaH,cons\ô.éxé comme sym- bole de Moïse et du Rédempteur, des apôtres, des prophètes et des fidèles. À ces titres divers, W figure, dès le IV*^ siècle, dans le sarcophage de Junius Bassus au Vatican, sur un peigne litur- gique du IVe siècle, dans les peintures des cata- combes, etc.

ldtl)llograpl)te.

337

Notre ancien collaborateur, M. P. AUard, s'oc- cupe de sainte Agnès, et en particulier de son tombeau et de sa basilique, de son image en orante, découverte en 1884, de sa figuration sur des verres dorés et antiques, et sur les mosaïques de Ravenne, notamment à Saint- Apollinaire le jeune à Ravenne : une notice est consacrée à sa magnifique basilique sur la voie Nomentane.Les fouilles exécutées en 1901 dans cette basilique ont mis au jour une châsse des restes de cette Sainte se trouvent mêlés à d'autres ossements de martyrs. A noter aussi la reproduction de l'inscription damasienne consacrée à sa mémoire, et le plan du cimetière. Le mausolée de Sainte- Constance, compris dans ce cimetière, est l'objet d'une description.avecdissertation sur les ancien- nes peintures et mosaïques, et sur leur interpré- tation.

L'article Agttus Dei est à signaler au point de vue du culte.

M. \V. Henry, qui nous décrit la chapelle d'Aix-la-Chapelle, n'est-il pas trop sévère, en la qualifiant d'imitation maladroite de Saint-Vital de Ravenne ? Les architectes ne sont générale- ment pas de cet avis, et y voient une variante des rotondes byzantines, d'une autre conception, fort judicieuse dans son genre, moins prestigieuse mais plus rationnelle, notamment dans la cons- truction bien supérieure des voûtes des bas- côtés et l'élimination des hémicycles. M. H. Leclercq décrit, d'après notre collaborateur Gers- pach, les tapisseries coptes que nous avons jadis fait connaître d'une manière développée,et d'après Fovier, la célèbre tapisserie d'Akmin. Il nous fait aussi connaître la catacombe d'Albano, le cime- tière et la basilique de Saint- Alexandre, et enfin la ville d'Alexandrie, qui est l'objet du principal chapitre du volume ; on peut y étudier la cathé- drale, le dominiciim Dionysii, le sanctuaire de Saint- Menas, le diptyque d'ivoire figure le saint patron, les ivoires conservés à saint Marc, et surtout les catacombes, la catacombe chrétienne de Karmouz, avec ses sarcophages, ses peintures figure la fameuse image du Christ- Docteur foulant l'aspic et le basilic, les catacombes païen- nes aux galeries régulièrement tracées, les cata- combes chrétiennes d'Abou-el-Achem, les hypo- gées, l'épigraphie funéraire, etc. ^ ^

â^ ©ériotiiques.

BULLETIN DKS METIERS D'ART.

Cet excellent périodique d'art continue à se distinguer par ses articles intéressants, pratiques, opportuns, dictés par l'esthétique la plus droite,

et par les sentiments les plus chrétiens. Nous l'avons jadis présenté à nos lecteurs, analysant son premier numéro et empruntant à un écrivain d'esprit un vif éloge de ses mérites ('). Nous avons confirmé depuis nos sentiments d'estime pour la jeune revue, qui, en certain point, s'est un jour trouvée si bien d'accord avec nous, qu'elle nous fit l'honneur, je ne dirai pas de nous citer, mais de nous emprunter nos propres expressions pour exprimer une idée commune à un de ses collaborateurs et au soussigné (2).

Une troisième fois (s), nous avons signalé ses travaux et loué leur valeur. Nous sommes heu- reux de constater aujourd'hui ses succès crois- sants. Dans les livraisons de cette année, figure une étude sur l'interprétation de la figure hu- maine dans l'art, qui fait heureusement suite au magistral traité de la flore artistique, signalé ici à deux reprises. Nous ne pourrions louer la boutade de M. M. Braun en faveur de la conservation de la poire monumentale dont on affuble par récidive le clocher de Dinant, mais nous trouvons d'excel- lents principes exposés par M. Gevaert, dans sa conférence sur l'enseignement professionnel, et notons une étude bien faite du porche de l'église d'A'^sche, accompagnée de nombreux dessins de détail. Le dernier numéro contient un remar- quable morceau: c'est la reproduction des plans, que le cher frère Mares adressés pour la basilique votive qu'il fut question d'ériger au quartier de l'Est de Bruxelles, avant qu'eût prévalu le projet de l'église monumentale qui va s'élever à Koekelbergh, sous le patronage des plus hauts personnages. Nous avons sous les yeux la conception d'une grande église, selon l'idéal du maître vénéré de l'école St-Luc, de cet illustre frère Mares qui, depuis près d'un demi-siècle, préside à la prospérité des écoles de St-Luc ; de ce digne artiste qu'on va fêter prochainement, à l'occasion de son jubilé de cinquante ans de profession religieuse. Cette œuvre magistrale ne peut être décrite en ces lignes cursives ; nous espérons y revenir.

Nous avons rappelé les articles élogieux con- sacrés ici au Bulletin des métiers d'art. Notre sym- pathie pour cette œuvre artistique chrétienne n'a rien de tiède ou de douteux... Néanmoins, dans le numéro d'avril, faisant allusion à ce que nous avions écrit dans la première livraison de cette année, p. 81, et qui n'avait rien que de bien anodin (qu'on le relise), le Bulletin écrit cette phrase étrange: « A part ce commentaire et un autre, le compte rendu de la Revue est exact mais fielleux, ce que nous regrettons sincère- ment. »

1. Revue de l'Art chrétien, année 1901, p. 532.

2. Ibid.. année 1902, p. 3c;3.

3. Ibid., année 1903, p. 81,

138

WitWt tie rarr cbrctirn.

Nous regrettons bien plus encore, de voir nos intentions si mal appréciées, et nous avouons en être sinsrulièrement étonnés (•).

L. C.

BULLETIN MONUMENTAL.

N" 6, 1903.

M. L. H. Labande donne une étude sur Saint- Trophime d'Arles, dont le portail, véritablement inondé de sculpture, a une renommée universelle. Il reprend, après Révoil, M. Véron (=), M. l'ab- bé Bernard, M. Constantin et d'autres, le gros problème que soulève la composition hétérogène des constructions de cet édifice. Les chambres souterraines découvertes naguère sous le pave- ment de l'église ne sont que des substructions du nivellement de l'époque romaine. Il faut abandonner l'assertion de Révoil, que l'église métropolitaine aurait été bâtie en 601, par S. Virgile ; la vie de cet évêque sur laquelle il s'ap- puyait, est apocryphe. La reconstruction de la basilique de St-Étienne doit remonter à la renaissance carolingienne (fin du VIII*^ siècle). Elle est citée dans le texte du concile de 813. La façade occidentale et les murs latéraux, sur- tout dans les premières travées du vaisseau, subsistent dans leur plus grande hauteur, ainsi qu'un corps de construction servant actuellement de sacristie. Cette sacristie n'était pas voûtée. Les piliers primitifs ont disparu lors d'une restauration ultérieure. (A s/iii're.)

1. Nous devons bien (que le lecteur nous le pardonne), nous ex- pliquer sur cette querelle qu'on nous cherche. A propos de la controverse relative à la restauration des monuments, la A'fviif avait pris parti, nous avions dit, en parlant du Bulletin da miitiers d'art :

« La vérité là.dessus, il la sait, mais il ne veut pas la dire ! »

Tel est le délit.

Qu'est-ce qu'il peut y avoir Aq fielleux, de malveillant ou simple- ment de désobligeant, à cette remarque, qui, dans notre pensée, équivalait à dire : le Bulletin de\ métiers d\irt réserve son opinion i .-^u surplus, n'était-ce pas à peu près le résumé du passage visé par nous, et que voici tout entier (Bull., année 1903, nov. p. 129) :

« Aussi le Bulletin est-il resté fort calme au milieu des débats tapageurs et trop souvent rouverts entre poétiques et tnrhéoloi;ues. Il s'est gardé d'y entrer. La seule attitude qu'il eiU pu prendre était en dehors des camps en présence. 11 l'a montré chaque fois que, pour rabattre un ridicule trop inconscient, redresser une erreur de fait trop criarde, relever un principe trop méconnu, il a cru devoir élever la voix. Le point de vue auquel .se plaçaient les gr,inds champions de cette lutte n'était pas, à notre avis, le vrai, et nous croyons encore que l'avenir ne tirera aucun profit des idées échangées dans cette dispute. )>

On n'est pas plus solennel, ni plus dédaigneux. Le lecteur jugera si nous .avons été flattés, nous qui avions consacré à cette contro- verse, déclarée oiseuse, tout un long mémoire (qui a d'ailleurs servi de base aux débats du Congrès international d'arckitecture tenu à Madrid, en mai dernier). Mais chacun est libre de placer très haut son jugement, et nous n'avons eu garde de chercher noise à notre jeune confrère. Nous nous sommes simplement permis cette ré- flexion anodine : « Jeune, et fier à ses heures, il assiste, le sourire ,iux lèvres, aux débats sur la restauration .. etc. » (Voir notre livraison de janvier, p. 81.)

Et c'est tout ; et c'est en visant ces lignes, que le Bulletin (sans aucim fiel, lui) imprime ceci ; <t on nous a reproché oh ! si gentiment de ne pas savoir ce que nous voulions. » Le lecteur jugera si le reproche est équitable I

2. Arehileclure romane du Midi de la France.

M. Vachon se livre à des recherches sur l'ar- chitecte de l'ancien hôtel de Villers, à Paris; il achève de démontrer le fait, que feu L. Palustre avait jadis fait connaître, de la construction par Pierre Chambriges de cet édifice si longtemps attribué au Boccador.

L'article marquant de la livraison est celui que M. Jean Virey, consacre à l'histoire de la construction de Saint-Philibert de Tournas. Ce monument si curieux et fort compliqué offre beaucoup d'unité malgré de multiples reinanie- ments. La construction primitive fut celle du sanctuaire (IX<^ siècle) actuellement détruit, cor- respondant à la partie centrale de la crypte. Il ne subsiste, .selon M. Virey, rien d'antérieur au X^ siècle. L'auteur admet qu'Aimin commença la reconstruction avant sa mort survenue vers 946, que son successeur la continua et que l'abbé Etienne, entre 960 et 970, acheva l'œuvre par la reconstruction de la crypte et du chœur. Les fouilles opérées par M, Virey ont montré les traces sous les nefs du formidable incendie de 1006, qui a nécessiter le remplacement du plafond par des voûtes. Les travaux de l'abbé Bernier, suivis de la consécration en 1019, doivent con- cerner le chœur avec son pourtour. Les remar- quables voûtes actuelles de la grande nef ne seraient cependant que du commencement du XI« siècle, celles du nartliex, de l'époque de saint Ardain (1028-1058), ainsi que les tours jumelles. La croisée de transept et le chœur sont du XII<= siècle. Seuls les murs de la crypte remontent au X'' siècle.

Signalons encore une note de M. L. Régnier, oîi il résume les travaux de feu G. Paris et de notre collaborateur M. Lanore. à l'encontre de la thèse de M. Marignan sur l'âge de la tapisserie (ou plutôt de la broderie) de Bayeux, que nous avons fait connaître antérieurement.

L. C.

JAHRBUCH DER KOEN. PRKUSSISCHEN

KUNSTSAMMLUNGEN. Le dernier fascicule contient une chronologie des œuvres de Giulano de Sangallo de 1902, par M. Von F.ap.riczv ; une étude de M. G. Ludwig sur les artistes étrangers, surtout flamands et allemands, établis à Venise dans la se- conde moitié du XVI"= siècle.

Dans le premier livre de 1903, M. A. Haupt étudie un album d'esquisses espagnoles de la Renaissance. M. Haseloff s'occupe des ivoires de l'école de Ravenne aux IV« et V"^ siècles, qui semble n'avoir été qu'une succursale d'é- cole orientale. M. H. Friedlander fait connaître des œuvres d'un peintre hollandais, du XV siècle, Geertgen Tôt S. Jans. M. W. Bode

2i5tbUograpl)te.

339

fait ressortir les particularités de X Adoration des bergers de Hugo van der Goes, récemment entrée au musée de Berlin.

RKPERTORIUM FUR KUNSTWISSKN- SCHAFT, 1903, fasc. 4.

Etude de M. W. Weisbach sur Pétrarque et l'art. L'auteur, après avoir cité le livre récent du prince d'Essling et du regretté E. Miintz sur Pétrarque, analyse l'ouvrage et le complète par le résultat de ses recherches personnelles. Il étudie les illustrations des Cansoniere, du De Viris illustribiis et surtout des Triomphes. Le type du Triomphe est, selon l'auteur, celui les allégories s'avancent triomphantes sur un char. L'auteur montre que l'on peut en suivre la représentation depuis le début du quattrocento, et que le cycle atteint son apogée au milieu du XV* siècle, à Florence.

Article de M. E. Moeller sur l'épisode de la verge brisée des prétendants à la main de Marie.

Etude de M. A. Gtimbel sur le peintre et sculpteur Berthold de Nuremberg, qui est cité dans des documents en 1363 et 1378, et sur la famille Landauer.a laquelle il appartenait et dont un membre commanda plus tard à Diirer le tableau de Tous les Saints.

M. H. Rœttinger, à propos de l'étude de M. Giehlow sur le Livre d'heures de l'empereur Maximilien, illustré par Durer et autres artistes, relire à Hans Durer pour les donner à Altdorfer les encadrements signés du monogramme HD et, par de semblables comparaisons de style, attribue au peintre Wolfgang Huber les dessins signés AA.

Fasc. 5. Étude de M. E. Polaczek sur maître Nicolas dit de Pise, et que des documents con- temporains désignent sous le nom de Nicolas Pietri « de Apulia ». L'auteur étudie l'état actuel de la question et les nouveaux essais d'explication. Le problème est de savoir si c'est à Apulie en Toscane ou à Apulie dans le Sud de l'Italie que naquit Nicolas ; Hovve, Venturi, Schering et, plus tard, M. Bertaux (par de très intéressants arguments tirés des rapports archi- tecturaux entre Castel del Monte et le château de Prato), se sont prononcés pour la seconde hypothèse ; l'auteur, lui, s'appuyant sur l'inscrip- tion de la fontaine de Pérouse, conclut que Nico- las est à Pise et que le « de Apulia » se rapporte au nom du père, et il croit que l'art toscan du XII= et du XIII<= siècle, en y ajoutant les indéniables influences de l'antique et du gothique, suffisent à expliquer l'œuvre de Ni- colas.

Nouveaux documents publiés par M. F. Mala- guzzi-Valeri sur le Pérugin et la Chartreuse de Pavie.

Notice de M. E. von Dobschiitz sur la Vision dEzéchiel, représentée sur un plat d'ivoire byzan- tin.

Étude de M. Swarzenski sur les peintures et l'ornementation de l'abbaye de Reichenau, de l'époque carolingienne à l'époque d'Othon. L'au- teur montre la dépendance étroite qui unit Reichenau et Saint-Gall au X= siècle (').

GAZETTE DES BEAUX-ARTS (=).

Livraison du I" avril iço^. L'Exposition des Primitifs français. Avant-propos, par M. Henri Bouchot.

Études d'iconographie française. II. Iden- tification de deu.K modèles de la Tour, par Maurice Tourneux.

Le Renouvellement de l'art par les « Mystères» à la fin du moyen âge (3<= article), par M. Emile Mâle.

L'Exposition de l'Art français du XVIII= siècle à Bruxelles, par M. Henry Hymans.

Maître Francke, par M. Etienne Bricon.

L'Exposition Alphonse Legros, par M. Roger Marx.

Grottaferrata, par M. G.-L. Poubel.

Bibliographie : L'Art pendant la Révolution française, à propos de publications récentes (L. Tuety ; H. Lapauzel), par M. Jules Guiffrey, de l'Institut ; Leçons professées à l'École du Louvre (L. Courajod), par M. Louis Hourticq. Six gravures hors texte :

Portrait dOrry de Vignory, contrôleur général des Finances, pastel par M.-Q. de la Tour (Musée du Louvre) ; photogravure.

Portrait de M. Duval de l'Épinay, pastel par M.-Q. de la Tour (coll. de M. J. Doucet) ; eau- forte par M™<^ Julie G.-Romain.

Le Bonheur du ménage, par Marguerite Gérard (coll. de M. Gouttenoire de Toury) ; héliogravure Chauvet.

La Mise au tombeau, par maître Francke (1435) (Musée de Hambourg) ; photogravure.

Le Petit hangar, eau-forte originale de M. Al- phonse Legros.

Étude d'enfants, dessin par M. F. Guiguet : photogravure.

Nombreuses gravures dans le texte.

1. D'après le Courrier de t Art.

2. Hue Favart, 8, Paris.

340

3Rel)ue De rSrt chrctten»

BULLETIN ARCHEOLOGIQUE, 1903,

livr.

F. Régnault, Peintures et gravures dans la grotte de Marsoulas (Haute-Garonne), l'abbé F. Poulaine, Les fouilles de Hermès (Oise), en 1902, Rapport sur les fouilles du rempart d'Arles en 1902 et restitution de l'Arc admirable. L'abbé Chartraire, Rapport sur la démolition d'une partie de l'enceinte romaine de Sens (Yonne), en 1503. L'abbé F. l'oulaine, Une statue de Vierge mère à Voutenay (Yonne). L. Le Clert, Notes sur les fermoirs armoriés d'un livre d'heures conservé à la bibliothèque de Chaumont- en-Bassigny. L. Broche, Inventaire du mobi- lier du palais épiscopal de Laon, au décès de l'évêque Geoffroy le Meingre. L. Lex, Docu- ments inédits de numismatique bourguignonne. Le R. P. Delattre, Note sur une nécropole punique voisine Sainte- Monique. Gauckler, Le quartier des Thermes d'Antonin et le couvent de Saint-Etienne à Carthage.

1903, 3*^ livr. : J. Pilloy, La gourde de Conce- vreux (Aisne). C. Barrière-Flavy, Les portaits des églises de Caujac et de GaiUac-Toulza (Haute-Garonne). Le comte A. de Loisne, Les miniatures du cartulaire de Marchiennes. L'abbé Ch. Métais, Un vitrail de Sainte-Anne, du XVI= siècle, à l'église Saint- Valérien de Châ- teaudun. A. Ballu, Rapport sur les fouilles exécutées en 1902, à Khamissa.

L'ART SACRÉ, avril 1904.

A noter dans ce périodique recommandable, un article de M. l'abbé Gregat sur la belle Vierge et l'Enfant de Marthuret à Riom, gracieux spé- cimen de la première renaissance française, d'un réalisme pénétrant, mais d'une distinc- tion extrême, en ce qui concerne du moins la figure de la Vierge. M. P. Besnard continue ses articles de vulgarisation iconographique ; il en est à S. Philippe et S. Barthélémy. Avec infiniment de raison, il fait ressortir ce qu'il y a de répu- gnant dans le saint Barthélémy écorché de Ra- phaël à la Chapelle Sixtine. M. Ch. Farnez donne la monographie de l'église du Mont- devant Sassey (Meuse) joli édifice roman, avec crypte. On regrette de ne pas trouver \e plan du monument, ce qui est essentiel pour toute monographie illustrée.

L'ART DÉCORATIF (■).

La Peinture aux Salons, par Gustave Soulier. Architecture Danoise, par Jean Lahor. La dentelle française an Musée Gallicra, par Emile Sedeyn. La Gra7'ure à l'eau-forte simplifiée, par Henri Boutet. Un intérieur moderne, par Léon Riotor.

Rue Saint-Augustin, 24, Paris, z».

BtbUograpl)te.

341

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iîSj&îK, •& •StîÊîa.iïKf

Xndei* bïbliograpl)tque.

.&

^rcl)cologie et Ibtanx^vtQ'K

jFrancc.

* Berthelè (Jos.). Enquêtes campanaires -^

NOTES, ÉTUDES ET DOCUMENTS SUR LES CLOCHKS ET' LES FONDEURS DE CLOCHES, DU VIIl" AU XX'= SIÈCLE.

In-8'^ de XVI-750 pp., 48 gravures. Montpellier, Delord-Buehm et Martial, 1903. Prix : 20 fr.

Cabrol (R. P. dom). Dictionnaire d'archéo- logie CHRÉTIENNE ET DE LITURGIE. Fasc. I et 2,

10-4°, 576 col. et fig. Paris, Letouzey et Ané, 1903. Chauvet (G.). Analyses de bronzes anciens

DU DÉPARTEMENT DE LA CHARENTE. In-S". RuffeC, 1903-

Clermont-Ganneau (C). Recueil d'ar- chéologie ORIENTALE. ^ I-VI, fasc. 1-5. In-S", 80 pp. Paris, Leroux. 1903.

de Baye. Emaux de la cathédrale de Vla-

Dl.MlR et du couvent DE SaINT-AnTOINE LE RoMAIN

(Russie). In-8°, 15 pp. et grav. Paris, Nilson, 1903. de Lasteyrie (R.). Études sur la sculpture

FRANÇAISE AU MOYEN AGE. In-4°, I44 pp., 21 pi.

Paris, Leroux, 1902.

de Mirabal (C). Le crucifix de Fénelon. exécute A Ro.ME, VERS 1625, par François Duquesnoy.

In-S", 30 pp. avec grav. Mesnil, Firmin Didot et C".

de Vries (G.). Reproduction du Bréviaire Gki.màni de la bibliothèque de Saint-Marc a Venise. Fasc. L Paris, Delagrave. Le Fasc. fr. 2-50.

* Dictionnaire d'.\rchéologie chrétienne et DE liturgie. F'ascicule IV. Paris, Letouzey, 1904.

* Durand (G.). Monographie de la cathé- drale d'Amiens, t. IL Mobilier et accessoires.

Gr. in-4° de 660 pp. et pi. en héliogravure. Amiens, Yvert et Tellier, 1903

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BlBUOTHEK VON SaN MaRCO IN VeNEDIG, 12 B"""

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KtiVUK L»E L AKT CHKKTIKN. igo4. 4'°® I.IVKAISON.

342

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d)rOniClUC. SOMMAIRE : PRIMITIFS FRANÇAIS, FLAMANDS ET ALLE- MANDS. — RESTAURATION DES MONUMENTS: Congrès de Madrid; Châlons ; Chartres; Binche ; Y près ; Gand ; Bruges. ROME MODERNE. NOUVELLES: Pierrefort ; Gand ; Milmort; Exposition mariale de Rome.

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fitimitifs français, flamanOs et allemands.

EXPOSITION ouverte en 1902, à Bruges, des tableaux anciens dits im- proprement « les primitifs », n'aura été que le commencement d'un grand mou- vement d'étude ; depuis, grâce à l'initiative et à l'énergie de M. H. Bouchot, la France a voulu montrer au monde qu'elle a aussi des primitifs, et pour la première fois les a réunis en un bel en- semble ; déjà l'Allemagne suit l'exemple, et une exposition de primitifs est aussi ouverte en ce moment à Dusseldorf.

L'exposition du Louvre, moins prestigieuse, moins éblouissante que celle de Bruges, mais plus agréablement présentée, comprend diverses catégories d'oeuvres dues à des artistes, qu'on pourrait classer en français et en franco-flamands, selon l'expression du professeur Hulin, qui dis- tingue parmi ceux-ci les Français adeptes de l'École de Bruges, et les Flamands qui ont tra- vaillé en France.

Dans une récente conférence, l'érudit Gantois que nous venons de citer, s'est efforcé de faire le départ entre les trois groupes d'artistes. C'est un Flamand pur, qu'il faut voir dans Melchior Broederlam, auquel M. Hulin restitue la Vierge de M. Aynard (n° 13), qu'une fausse étiquette attribue à Malouel. On a donné à ce dernier artiste le 16 (légende de S. Denis), qui revien- drait à son successeur Henri Bellechose, encore un pur Flamand.

C'est dans le portrait que l'on peut bien diffé- rencier le procédé français et le flamand. Un type de la première catégorie est le superbe portrait de Jean U (no i), dont il faut rappro- cher l'aquarelle 26 de la Bibliothèque nationale, étudiée par M. Bouchot, dans la Gazette archéolo- gique : œuvre remarquable, toute en silhouette, à l'instar des Italiens. Tout autre, remarque M. Hu- lin, était le portrait flamand, tel celui dejean- sans-Peur ; ceux-ci sont toujours présentés de trois quarts et d'un éclairage spécial, selon la formule née aux Pays-Bas.

L'art franco-flamand, lui, est bien représenté par les admirables et les typiques miniatures des frères de Limbourg, qui marquent l'apogée du mouvement d'art commencé à la fin du XIV siècle.

Mais au commencement du XV<= siècle, la France cesse d'être le foyer artistique de l'Occi- dent. Paris tombe aux mains des Anglais, Phi-

lippe-le-Bon établit sa cour à Bruges et à Bru- xelles. La Flandre partage l'hégémonie avec l'Italie. D'ailleurs, c'est Van Eyck qui avait vraiment créé l'art moderne dont l'influence s'étendit jusqu'en Italie, en Espagne et en Alle- magne. Cet art est caractérisé par une analyse plus profonde de l'aspect visuel de la nature et la parfaite compréhension de la lumière et du relief.

Cette influence pénétra en France. Au cœur de la France royale, on la retrouve bientôt (c'est toujours notre conférencier qui l'observe) dans les admirables anges, qui décorent la voûte de la chapelle de l'hôtel de Jacques Cœur, à Bourges, tout imprégnésdu caractère flamandettrès voisins de l'art de Van der Weyden. Jean Fouquet nous offre un fonds bien français, mais atteint par des influences italiennes et flamandes. Le diptyque de Melun (n°s 40 et 41) est antérieur à 1450, témoin le costume. Le fond est bien italien, mais ce n'est qu'un accessoire. Le groupement des personnages est une création de Fouquet. Mais les têtes sont de construction flamande, quelle que soit la forte personnalité de l'artiste. M. Hulin passe en revue la si riche série de portraits de Fouquet ; il lui refuse toutefois les numéros 51 et 43. Le portrait de la galerie Liechtenstein (n° 51), M. Hulin le rapproche du portrait de M Homme au verre de vin (n" 43) ; dans aucun des deux on ne trouve le modelé rond à points de lumière, qui caractérise toutes les têtes de Fouquet : ni ses ombres cernantes, ni son mode d'éclairage, ni sa manière banalede rendre l'oreille et la main. Ces deux derniers portraits ont au contraire les qualités flamandes, une structure plus parfaite même que ceux de Jean Van Eyck. L'auteur est flamand, fixé en France, postérieur à Van Eyck, antérieur à Van der Weyden.

L'action des influences externes se manifeste également en Provence. L'Annonciation d'Aix, cette peinture si extraordinaire, est visiblement, selon notre fin critique, aussi l'œuvre d'un Fla- mand ; aucun autre que les artistes des Pays-Bas n'était capable de cette exécution amoureuse des choses inanimées, ni familiarisé avec cette mise en scène symbolique. Le milieu provençal se traduit par la couleur locale. Certaines analo- gies rappellent le peintre badois Conrad Witz, sur lequel l'auteur de ce tableau a exercé une forte influence. M. Hulin risque l'hypothèse que le maître de l'Annonciation d'Aix serait à iden- tifier avec le Flamand Barthélémy Le Clerc. La

344

Bcbue De V^xt cbvétien.

Résurrection de Lazare, de la collection Kaufmann (no 8i), paraît ne pas être de Nicolas Froment. M. Hulin a établi antérieurement qu'elle lui est postérieure, et il incline à l'attribuer à un peintre des Pays-Bas, appelé par le roi René.

Mais le tempérament du Midi est manifeste dans les œuvres authentiques de Froment, mal- gré quelques emprunts au Flamand. La Vie de S. Mitre (n° 80) est de son école.

En général, Charenton est nettement français avec quelques influences giottesques. Cependant M. Hulin remarque que le Couromietnent de la Vierge contient deux œuvres bien distinctes ; le paysage est d'un autre style que le groupe ; c'est presque du flamand.

La tradition provençale pure éclate dans la Pietà de Villeneuve (n° jy), cette œuvre pathé- tique, passionnée, archaïque et avancée, mala- droite et savante; «, l'artiste a su si puissam- ment concentrer l'attention sur la signification morale et l'expression plastique des sujets. » Ce tableau révèle une nationalité artistique. Si l'école de Tours est française, celle-ci est autre. L'école provençale a sa psychologie bien distincte.

Les considérations que nous venons d'em- prunter au professeur gantois vont rudement à ['encontre des savantes et attachantes disserta- tions par lesquelles Bouchot et Lafenestre ont en quelque sorte inauguré l'exposition du pavillon de Marsan. Elles seront sans doute fortement combattues; elles intéresseront en tous cas vive- ment nos lecteurs.

L. C.

* *

L'Exposition des Primitifs allemands à Dus- seldorf offre une réunion d'œuvres plus fournie et plus complète, sinon aussi intéressante, que celle de Paris ; seulement elle présente moins d'unité et elle est moins préparée au point de vue de la documentation. Les organisateurs semblent avoir rencontré chez les propriétaires de collections privées et près des dépôts publics un accueil plus empressé que leurs collègues français ; la liste des « prêteurs » contient plus de 125 noms, et le catalogue accuse la présence de 41 1 œuvres de peinture, de 170 manuscrits et miniatures, d'une dizaine de tapisseries.

Les primitifs sont groupés en sections : l'école de Cologne et du Bas- Rhin, depuis le milieu du XIV'' jusqu'au commencement du XV^^ siècle ; l'école de VVestphalie, du commencement du XII1« à Ludger to Ring le jeune (1522- 15S3); les peintres du Moyen-Rhin et du Sud, deuxième moitié du XV^ et XVI<= siècle ; puis viennent les Flamands, depuis les successeurs de Van Eyck jusqu'à la seconde moitié du XVI*' siècle ; quel-

ques Hollandais, de 1480 à 1560, deux Français : Clouet et Mannion.

Beaucoup d'œuvres allemandes restent sans attribution. Pour beaucoup, on doit se contenter de les grouper autour de quelque maître ano- nyme : maître de la Vie de Marie, maître de l'Assomption, maître de la Sainte Famille, maître de Saint-Séverin..., etc.

La section la plus attachante est celle des peintres du Bas-Rhin. Elle s'ouvre par la grande page d'un maître inconnu, d'environ 1330, et continue par Wilhelm von Herle, les maîtres du début du XV'= siècle, encore si naïve- ment inexpérimentés et sincères, jusqu'à ce délicat et poétique Stephan Lochner, dont cinq œuvres se trouvent réunies : la « Madone à la Violette » donne surtout l'idée exacte de sa cou- leur chaude et séduisante, de l'expression pu- dique et réservée de ses personnages ; la Vierge d'une petite « Adoration de l'Enfant Jésus » est tout particulièrement exquise de fraîcheur et de tendresse ; tandis que sa « Présentation au Temple », du musée de Darmstadt, le montre sous son aspect décoratif.

Le maître de la Vie de Marie est représenté par un remarquable tableau d'autel : un « Cruci- fiement » de large ordonnance, de belle tonalité, et qui se distingue par une heureuse préoccupa- tion de vérité et d'émotion dans la douleur simple des saintes femmes ; la Madeleine, restée debout, contemplant Jésus d'un regard plein de confiance et d'amour, constitue une trouvaille vraiment poignante. Du maître de la « Sippe », une charmante <( Adoration des Mages ». Le maître de Saint-Séverin, qui se caractérise par la justesse et la finesse dans une « Messe de saint Grégoire » est aussi l'un des premiers portraitis- tes de l'école : son portrait de Vieille Dame est superbement composé, et les deux personnages du tableau de l'église Saint-Séverin (sainte Hélène et saint Etienne), constituent également des morceaux de profonde psychologie et de vivante humanité.

Voici maintenant le plus célèbre, avec Lo- chner, des interprètes de la Vierge : le maître de la mort de Marie, aujourd'hui identifié avecjoos van der Beke de Clèves, ou Jos van Cleef, origi- naire du Bas-Rhin, membre de la Lucasgilde à Anvers de 1511a i540,et manifestementinfluencé par Quentin Matsys. On verra sa petite « Adora- tion des mages », du Musée de Dresde, animée, touffue, savoureuse ; sa <i Sainte-Famille » aux tonalités hardies, avec un paysage d'une extrême délicatesse ; son beau « Christ en croix », et pour lui surtout on fera bien de passera Cologne admirer une de ses œuvres capitales, une de ces morts de la Vierge qui lui valurent sa célébrité et son nom.

Cl)Vûmque»

345

Bartholomé Bruyn (1493-1555), intéressant par ses recherches de clair-obscur déjà très modernes (Nuit de Noël), est remarquable comme portrai- tiste volontaire et pénétrant. Passant par Anton Wœnsam de VVorms (1511-1541), par quelques inconnus du quinzième, nous atteignons Jan Jœst ( 15 I9)qui couronne la section bas-rhénaneavec son retable du maître-autel de l'église Saint- Nico- las à Kalkar ; ouvrage considérable formé de 16 grands panneaux représentant les principaux épisodes de la vie de Jésus, jusqu'à la venue du Saint-Esprit et à la mort de Marie. Le réalisme des figures et de la mise en scène, le côté drama- tique de l'interprétation, la variété et le pittores- que dans la composition en font un monument caractéristique du génie rhénan.

C'est chez les Westphaliens que se trouve la peinture la plus ancienne en date de l'Exposition: i'antependium d'un maître de Soest, au début du XIII^ siècle. Il est vrai que nous sautons alors à peu près deu.K siècles pour retrouver seulement les saints de Conrad de Soest (vers 1400), puis quelques maîtres indéterminés du XV*. et enfin les deux Dlinwegge et les deux To Ring, Huit œuvres importantes mettent en relief l'art opulent des frères Dijnwegge(vers 1500-1520)011 des influences flamandes sont comme transpo- sées, interprétées par une imagination abondante à l'excès : dans le <,< Crucifiement >, par exemple, c'est le grouillement de la foule, la multiplicité des personnages, au détriment de l'intérêt des figures essentielles ; cela manque d'air, de pon- dération ; mais c'est brillant, observé, d'exécution soutenue. L'ainé des Ring, Herman (1520-1597), se recommande par ses petits portraits décisifs, serrés, d'expression pénétrante ; son cadet Lud- ger, est un coloriste extrêmement raffiné, inventif et savoureux ; en même temps qu'il traite avec souplesse et poésie la figure de la femme.

JDans la région du Rhin moyen et supérieur la chronologie est moins suivie : parmi les pièces curieuses, toutes isolées, sauf l'ensemble du maître du Hausbuch » ( vers 1 505) un des artistes influents de l'école de Francfort et de Mayence citons l'importante « Madone dans un buisson de roses » de Martin Schongauer ; un impressionnant portrait de jeune homme et une <,< Sainte-Famille > de Diirer, deux portraits de garçonnets, d'un charme juvénile et d'une déli- catesse de manière exquise, de Cranach le vieux, et le portrait de Thomas Morus, d'Holbein le jeune.

» » *

La section des manuscrits est constituée prin- cipalement par les contributions des bibliothè- ques ecclésiastiques, et surtout par celle de la cathédrale de Cologne. Les pièces les plus an-

ciennes sont une réunion de Canons du XVI 1'= siècle, « l'Adacodex », donné au commencement du IX'^ par l'abbesse Ada à saint Maximin, abbé de Trêves ; les évangéliaires et missels du siècle, en nombre imposant... Dans les époques plus rapprochées, on verra comme par- ticulièrement important le livre de prières de Catherine de Clèves (1430), de la collection d'Arenberg.

Et c'est à cette dernière galerie encore qu'ap- partiennent les tapisseries principales ; deux grandes compositions bruxelloises du début du XVI* siècle, le Jardin de la Vertu et le Bûrg de l'Honneur, et trois mythologies de Jossede Vos. L'art germanique n'est représenté dans cet ordre d'idées que par deux pièces du XIV* siècle (').

Restauration Des monuments.

ETTE question a été débattue, cette fois, entre architectes, au Congrès in- ternational d'architectes tenu à Madrid en mai dernier. Nous extrayons de

\' Arcliitecture le résultat de cette discussion.

<ic Les conclusions lues par M. Poupinel sont adoptées. MM. Cloquet et Gabello reconnaîtront facilement ce qui leur revient.

L'assemblée a été d'avis : i. Qu'il y a lieu de distinguer entre les monuments appartenant à une période déter- minée de civilisation et ayant servi à des usages qui ne sont plus et ne seront plus, et les monuments qui conti- nuent à être utilisés pour l'objet en vue duquel ils ont été construits. ( M. Cloquet avait dit : « monuments morts, monuments vivants. >)

« Que les monuments doivent être conservés en con- solidant les parties indispensables pour éviter leur ruine, car l'importance d'un monument réside dans la valeur historique et technique, qui disparait avec le monument.

•S Que, l'utilité étant une des bases de la beauté des monuments, on doit les restaurer pour qu'ils puissent continuer à servir.

« Que, l'unité de style étant aussi une des bases de la beauté, on devrait restaurer dans le style primitif en respectant les formes géométriques ; mais on doit cepen- dant conserver les parties exécutées dans un style diffé- rent de celui de l'ensemble, si leur style a du méiite en lui-même et ne détruit pas l'harmonie générale. (M. Nizet a insisté sur ce point.)

'( On ne chargera de la conservation et de la restaura- tion des monuments quî des architectes diplômés ou spécialement autorisés agissant sous le contrôle artis- tique, archéologique et technique de l'État.

« On provoquera, dans les pays il n'en existe pas encore, la création de sociétés de défense pour les monu- ments historiques et artistiques ; dans les pays il en existe, on provoquera leur développement : elles pourront se grouper pour un effort commun et collaborer à l'éta- blissement de l'inventaire général des richesses nationales et locales. »

I. Nous avons résumé ici un compte rendu paru dans le XX^ Siècle, et signé, C. S.

346

jl^ebue ïje r^rt chrétien.

Châlons. Il est question d'entreprendre la restauration de la belle église de Notre-Dame de Châlons sur Marne. Le devis des travaux monte à près de 90,000 fr.

L'église de St-Jacques de Compiègne va être réinscrite parmi les monuments classés.

* * *

Chartres. De nouvelles fouilles ont été en- treprises sous le chœur de la cathédrale de Chartres. Elles ont pour but de retrouver les ves- tiges de l'ancien caveau de saint Savinien et saint Potentien, ainsi que le puits des Saints-Forts.

*

* *

Binche. Les travaux de restauration de l'é- glise collégiale Saint-Ursmer à Binche (Belgique) continuent. Cette importante entreprise néces- sitera une dépense d'environ 300,000 francs.

Les travaux en maçonnerie de la restauration du transept sud de l'église sont terminés.

On travaille à la restauration intérieure et ex- térieure des deux chapelles de transept et de la travée de la haute nef correspondante, ainsi qu'au chœur et à la chapelle du Saint-Sacrement.

L'église parait par suite des travaux singu- lièrement agrandie et surélevée. Les voûtes et les piliers ont été débarrassés du plâtras séculaire qui les alourdissait. Les briques rouges des voûtes, les grès nuancés de blanc et de jaune, des colonnes forment un contraste saisissant.

*

* *

Ypres. L'architecte communal M. Coomans a achevé les plans de la restauration de St-Martin à Ypres.

La Commission royale des monuments a écrit à ce propos une lettre dans laquelle elle fait le plus vif éloge de l'œuvre de M. Coomans. La restauration globale comporte un devis de 656,000 francs.

On ne la fera naturellement que petit à petit. Ainsi on commencera par le petit portail de l'entrée sud.

Le devis de ce travail s'élève à 120,000 fr. ; il sera prochainement mis en adjudication. Les plans seront exposés à l'Hôtel de Ville. Le con- seil communal a officiellement félicité l'architecte yprois et le distingué correspondant de la Com- mission royale des monuments.

Gand. On restaure en ce moment un édifice antique situé sur la place aux Foins connu, depuis des siècles, sous le nom de Spijkcr. Comme, sous l'ancien régime, c'était une pro- priété du souverain dépendant de la cour féodale

du Vieux-Bourg-de-Gand, il y a tout lieu de supposer que c'était jadis l'entrepôt l'on em- magasinait les redevances en grain, en nature, que certaines terres du Comté de Flandre devaient au souverain sous le titre de Spijkcrrenten ou Epier.

L'édifice est très ancien, peut-être autant que la maison dite de l'Etape, mais il est plus rema- nié et, par conséquent, moins caractéristique. Sa restauration n'en offre pas moins un intérêt archéologique qui méritait l'attention de l'Admi- nistration (').

Bruges. L'admirable quai du Rosaire, connu de tous les touristes, allait subir une dégradation regrettable par la construction au bord de l'eau, du côté Ouest, d'une brasserie avec malterie.

Les édiles ont su prévenir ce désastre. Inter- venant pour une somme de 10,000 francs, ils ont obtenu du propriétaire la construction d'une série de jolis pignons en style flamand, dont la conservation est assurée par contrat pour une durée de trente années.

La tourelle qui s'élève à l'Est du quai du Ro- saire sera sous peu acquise par la Ville, qui la fera reconstituer et qui interviendra largement dans la restauration de la façade dui? Dreveken ».

Différentes visites de ministres ont appris aux Brugeois que les gouvernants caressent des projets grandioses au sujet de la belle place du Bourg.

Non seulement le Palais de Justice serait reconstitué d'après le plan de Marcus Geeraerd ; mais, du côté ouest, la rangée des maisons entre la Chapelle du Saint-Sang et la rue Breydel serait expropriée, démolie et rebâtie comme elle était au moyen âge.

M. De Vriendt, l'éminent peintre d'histoire, a informé le Collège échevinal qu'il vient de ter- miner la composition du dernier tableau pour la salle échevinale. Il promet d'exécuter cette peinture murale avant la fin de la présente année.

Les touristes qui visitent Bruges louent unani- mement les propriétaires qui restaurent si déli- catement les anciens pignons. Ils ne cachent pas leur admiration pour les nombreuses façades flamandes, qu'on érige un peu partout et dont l'aspect aussi artistique que varié augmente les attraits de Bruges-la-Belle.

M. Schramme, avocat, échevin des beaux- arts, a donné un bon exemple en érigeant au Nord de* la place du Bourg une coquette façade style flamand du XVI le siècle.

I. Chronique des travaux publia.

Cjjrontque.

347

Très remarqués, rue des Pierres, les deux grands pignons, à gradins contigus dont les beaux bas-reliefs sont rehaussés d'or.

Rue des Baudets, chacun s'arrête pour admirer les trois pignons dentelés qui forment la façade de l'hôtel d'Autricourt, anciennement « 't hof van Holland».Feu M. DeWulf en est l'architecte.

La Vierge, qui figure au-dessus de la porte cochère, sous un dais délicatement fouillé, est une sculpture remarquable, exécutée sur place. Au bout de la rue, en face de la porte d'Osteude, s'élèvent deux pignons, en style local, d'après les projets couronnés de M. Pannier ; ces cons- tructions formeront un heureux pendant à la jolie maison à tourelle du coin opposé.

La construction, en style brugeois, de la belle maison Viérin, coin de la rue Eeckhout et du Dyver (dernier projet produit par feu notre éminent architecte Charles De VVulf), est com- mencée. On espère la mettre sous toit cette année (').

Home noutJcUc.

OICI en quels termes un esthète pari- sien, M. André Hallays, résume les impressions que lui a laissées un récent voyage à la Ville Éternelle, préten- dument régénérée par l'invasion subalpine :

« Rome, capitale du royaume d'Italie, a subi le soit de toutes les capitales : elle s'est enlaidie. On a, pour les besoins de la circulation et de l'hygiène, abattu des églises renversé des palais, saccagé de vieux quartiers. Quel- ques-uns de ces travaux étaient indispensables. D'autres étaient sans excuse... Mais toutes nos plaintes sont vaines pour le passé, vaines pour l'avenir.

Les grandes rues neuves, surtout à Rome, ne sont pas seulement ridicules et désolantes, mais encore désagréa- bles et malsaines ; elles sont le royaume du vent, du soleil et de la poussière. N'importe ! 11 est entendu qu'une capitale ne peut se passer de « grandes artères » et, à ce dogme, on continuera de sacrifier la beauté et le sens commun.

11 semble cependant que les enibellissetirs de Rome viennent de dépasser la mesure. Lorsqu'ils démolissent, ils peuvent parfois invoquer un semblant d'utilité. Mais lorsqu'ils bâtissent, on est en droit de leur demander un peu de goût et de discrétion de \a discrétion surtout. Leurs derniers ouvrages sont effroyables et terriblement indiscrets.

On a rasé naguère les ruelles de l'ancien Ghetto. Sur cet emplacement, on a élevé une synagogue. Cet édifice ne se distingue pas par une laideur excessive ; il est lourd, vulgaire et simple. La vue en serait donc tolérable, si l'on n'avait eu l'idée de coiffer la synagogue d'une sorte de coupole en zinc qui étincelle à toutes les heures du jour, et comme un miroir, réverbère les rayons du soleil. De quelque côté que l'on se place pour goûter le spec- tacle de Rome, la douce harmonie des dômes, des cam- paniles et des toitures est brisée par ce jet de lumière aveuglant.

I. Chronique des travaux publics.

Mais le méfait, l'impardonnable méfait, c'est la cons- truction du nouveau Palais de Justice. De toutes parts, on aper(;oit cette masse énorme et déshonorante. On ne peut dire si c'est de près ou de loin que ce monument babylonien est le plus ridicule et le plus exaspérant. De loin, lorsqu'on embrasse toute Rome, du Janicule ou du Fincio, il nous choque parce qu'il détruit l'équilibre du tableau. Il n'est point à l'échelle de la ville. Il rabaisse les autres édifices. Il accapare toute l'attention. Il écrase Rome du poids de sa formidable banalité.

De près, ses façades ornées et sculptées (et quels orne- ments ! quelles sculptures !) nous choquent comme un désastreux contresens. Un pareil décor à Rome toutes les façades sont graves et unies ! Méconnaître à ce point la traditionnelle physionomie de la Ville éternelle ! Même au temps le baroque était en faveur, les architectes n'avaient point perdu le sentiment de cette grande loi de la beauté romaine et ils avaient réservé à l'intérieur de l'édifice les fantaisies de leur verve tumultueuse.

Devant le nouveau Palais de Justice de Rome, on se rappelle les paroles célèbres du grand architecte florentin Léon Battista Alberti : « Quel sentiment pourra jamais émouvoir une grande masse de pierres, mal formée et mal ajustée, sinon que plus elle sera colossale, et plus nous blâmerons les dépenses jetées en l'air, et plus il nous faudra honnir l'appétit sans but d'amonceler des pierres ? >

André Hallavs.

I^outicUcg.

Pierrefort. Un incendie vient de détruire en partie le vieux manoir de Pierrefort, datant du XIV" siècle, et l'un des plus intéressants de l'époque des ducs de Lorraine. La porte histo- rique et une partie des bâtiments habités ont pu être préservés. Cet incendie a causé néan- moins des pertes irréparables pour l'archéologie lorraine.

Gand. On a découvert près du Château des Comtes à Gand, les fondations d'un pilier d'une des bailles de cette ancienne forteresse, du côté de la place Ste-Pharaïlde. Ce bloc de maçonnerie composée de grandes briques, se trouve à environ 5 mètres de la porte d'entrée et mesure en coupe I m. 30. Un journal local, le Volksbelang, rappelle à ce sujet, que dans les documents les plus anciens il est fait mention des bailles du Château des Comtes : au moyen âge elles furent en bois, au XVI<= siècle elles étaient en fer et avec des piliers en pierre ornés d'un lion. En 1635, on y ajouta même les statues du roi Philippe et du prince cardinal Ferdinand.

On a trouvé au même endroit la voûte maçon- née du pont qui, dans la rue de la Monnaie, pas- sait au-dessus du fossé des Corroyeurs, comblé depuis plus de trente ans. Sous les rails du tram- way la maçonnerie a été démolie, mais elle est restée intacte sous le trottoir, du côté de la Lieve.

348

3^ebue ïie rart c!)rttien.

Milmort. On a découvert à l'église de Mil- mort près Liège, lisons-nous dans le Bulletin des métiers d'art, des peintures murales du commen- cement du X VI^ siècle. Le mur oriental porte en haut, sur un fond rouge-brique, Notre-Dame des Sept Douleurs, avec les médaillons traditionnels ; en bas, les deux donateurs et saint Étoi, représenté comme évêque et comme forgeron. Sur le mur nord se trouvent, superposées, des deux côtés de la fenêtre : la Présentation de la sainte Vierge, l'Annonciation la Nativité, l'Adoration des Mages. Sous la voûte on distingue encore le Christ dans sa gloire; malheureusement ces ves- tiges d'art ancien sont destinés à disparaître. L'ancienne église va être reconstruite sur les plans de M. Lohest.

Rome. Le Comité central institué pour célébrer le cinquantième anniversaire de la défi- nition dogmatique de l'Immaculée conception adresse un appel en faveur de l'exposition ma- riale internationale.

« Puisqu'un appel chaleureux du souverain pontife, y est-il dit, convie les fidèles à venir à Rome chanter à la Vierge Immaculée l'hymne de la foi et de la piété filiale, pourquoi le génie chrétien qui, au cours des siècles, a accumulé de si précieux trésors à la gloire de la plus belle des créatures ne les réunirait-il pas dans une exposi- tion modeste, mais qui compléterait les travaux du Congrès?

Aussi, le Comité central romain a décidé qu'il se fera une exposition mariale internationale. Sa Sainteté Pie X veut qu'elle ait lieu dans le palais apostolique de Latran.

Cette exposition devant servir au Congrès mariai, son programme se modèle sur le pro- gramme du Congrès et se compose, comme celui- ci, en trois divisions générales qu'on a jugé opportun de réduire aux limites suivantes :

pe division : Le culte de Marie et ses nianifes- tatiotis dans l'iconographie et dans la numisma- tique.

II« division : La presse mariale.

III« division : l^es instituts religieux et les asso- ciations viariales.

L'Exposition n'aura pas un but industriel et n'admettra que des objets ayant un caractère artistique, historique ou antique. Cette admis- sion sera soumise au jugement d'un jury compé- tent nommé par le Comité local avec l'approba- tion de la Commission cardinalice. On fera con- naître au plus tôt les critériums qui serviront de base aux appréciations de ce jury. »

Langeais. L'ingénieur Léon Dru, récem- ment décédé, a fait à l'État un legs dont l'im- portance dépasse même celle de la donation à l'Institut du château de Langeais.

C'est le château historique de Vez, dans l'Oise, avec les collections artistiques qu'il contient et un capital d'environ un million et demi. Ces différents legs sont faits aux conditions suivantes:

Le château devra être classé comme monu- ment historique ;

Le public devra en avoir le libre accès au moins trois jours par semaine.

Imprimé par Desclée, Dk Brouwer S: C'^', Lille- l'aris-Bruges.

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paraissant tous les bEii)C mois. 47""* Hnnée. 4^ Série.

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S"'" litir. Septembre 190^. 41l

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lie carrelage ïJe Tabbaje be Champagne (Harti)e),

D'après les paucs tetrouucs sur remplacement Du cbœur De l'église De cette atibape.

u^mwm

N 1859, M. E. Amé, architecte des monu- ments historiques, pu- bliait un important vo- lume sur les carrelages émaillés ("), et il dédiait son travail à Viollet-le- Duc, son maître.

Il faudrait, si la place le permettait, suivre M. Amé page par page, dans son livre, pour étudier convenablement le carrelage du chœur de l'église de Champagne.

Comme ce n'est pas possible, nous devons tout d'abord recommander la lecture du vo- lume à ceux qui jugeront, avec raison, les lignes qui suivent bien incomplètes.

I. Les carre /âges ^matUés du moyen âge et de la Renais- sance, précédés de rhistoire des anciens pavages^mosaïques, labyrinthes, dalles incrustées, par M. Emile Amé, archi- tecte des monuments historiques, correspondant du mi- nistère de rinstruction publique pour les travaux histo- riques. Paris, A. Morel et C"=, éditeurs, l8, rue Vivienne, 1859. Tiré à 300 exemplaires 102, in-4°, 201 pp. Nom- breuses planches noir et couleur.

Au moment écrivait M. Amé, en 1859, le retour aux traditions artistiques du moyen âge commençait à peine. Voici ce que dit M. Amé dans son introduction :

« En 1850, une des grandes salles du musée de. Cluny, à Paris, fut pavée de car- reaux vernissés incrustés. Ce pavement d'une grande simplicité, qui cependant n'ex- clut pas la beauté, fut admiré sans restric- tions, et la vue de cette espèce de mosaïque, exécutée en peu de temps, causa une sur- prise générale. Les visites au musée se succédèrent ; elles furent nombreuses ; quel- ques mois après, on s'aperçut que l'éclat brillant du carrelage s'amoindrissait d'une singulière façon ; puis, à la place d'une aire resplendissante, semée de feuillages et de fleurs, l'argile pure et simple ne tarda pas à paraître en quelques endroits plus fré- quentés. On revint sur les louanges décer- nées avec une si grande libéralité et on condamna les carrelages vernissés, en les

REVUE DE l'art CHRÉTIEN. 1904. 5'"* LIVRAISON.

350

Bebue tie T^rt chrétien.

reconnaissant tout au plus bons à flatter les yeux. »

M. Amé ajoutait : « Ce résultat fâcheux ne doit pas atteindre un système excellent en lui-même, ce qui en reste le prouve po- sitivement ; il doit seulement être imputé à la maladresse ou à l'impéritie du fabricant dont les études trop superficielles se seront arrêtées en face des recherches sérieuses nécessaires pour obtenir un vernis solide, dur et résistant, égal à celui qui recouvre les carreaux du moyen âge.

Cette réaction, à nos yeux, n'est donc pas sérieuse, et doit bientôt succomber sous les efforts réunis des fabricants ; c'est à eux qu'il appartient de remettre en honneur ces brillants pavages.... »

M. Amé était bon prophète et il n'est guère possible de voir aujourd'hui une mai- son moderne qui n'ait au moins le vestibule pavé en carreaux décorés. Le procédé n'est peut-être pas tout à fait le même qu'au moyen âge ; les carreaux ne sont pas de la même fabrication. Qu'importe, le résultat est le même et part du même principe.

Cette fabrication des pavés décorés est aujourd'hui une industrie très florissante ; sa naissance (c'est notre conclusion) est due aux travaux archéologiques. La plus gran- de partie des dessins exécutés de nos jours sur les carrelages ne sont que les répéti- tions des dessins des XI I=, XI 11= et XI V^ siècles. De ce côté nos fabricants ont fort peu créé.

Les dessins de pavés qui vont suivre et qui ont été reconstitués d'après les éléments retrouvés à Champagne, sont tout à fait inédits ; je ne les ai vus nulle part, quelque nombreuses qu'aient été mes recherches depuis un an. Si ces lignes tombent sous les yeux d'un fabricant, il lui sera loisible de s'en servir.

Par ailleurs, les pavés de Champagne ne

se prêtent pas qu'aux seules combinaisons qui suivent. Il y en a d'autres. Je laisse aux curieux le soin de tirer de ce jeu de patien- ce tout ce qu'il peut donner. Le jeu despe- tits pavés peut charmer les longues soirées d'hiver.

II

PENDANT la domination romaine et jusqu'au milieu du XII° siècle envi- ron, la mosaïque fut employée dans les Gaules pour revêtir l'aire des habitations et des églises. Les voûtes même en furent ornées. A partir de cette époque, la mosaï- que disparaît tout à coup, et les pavages en terre cuite (sorte de mosaïque moins coûteuse) la remplacent définitivement. Ces carrelages formés de pièces de rapport, va- riées en couleur, se perfectionnèrent rapi- dement, et la fin du XI 11^ siècle n'était pas arrivée que le système de carreaux couverts de dessins à deux tons prévalait presque complètement.

Les carreaux unis, non décorés et dispo- sés en mosaïque, demandaient à être dé- coupés avec art et présentaient un travail d'une grande complication, pour former des courbes, des entrelacs, etc.

Aussi, dès que l'on sut fabriquer des car- reaux émaillés, abandonna-t-on le système tout en continuant à imiter, avec les nou- veaux moyens, les effets que l'on obtenait auparavant avec de véritables mosaïques. C'est en vertu de cette recherche que cer- tains pavés émaillés reproduisent un damier jaune et rouge, damier obtenu auparavant au moyen d'autant de pavés indépendants qu'il y avait en tout de petits carrés. Chaque pavé, tantôt rouge, tantôt jaune, était carré et d'une seule teinte.

Quand il s'est agi d'exécuter les pavés décorés, les difficultés à vaincre devinrent très grandes.

JLt carrelage tie l'abbape tie Cl)ainpague.

35 i

Celle qui exige les plus longs tâtonne- ments de la part des industriels, est d'obte- nir que la pâte colorée formant les orne- ments prenne à la cuisson le même retrait que celui du carreau.

Le carrelage que nous allons étudier est un carrelage cistercien ; j'insiste sur ce point, car tout ce qui touche à cet Ordre porte, au point de vue artistique, un carac- tère extrêmement accentué.

Il régnait.comme on sait,une très grande sobriété d'ornements dans la décoration des églises cisterciennes. Saint Bernard l'avait érigée en système par esprit d'opposition à la richesse décorative des églises cluriisien- nes. Le contraste était frappant mais voulu. 11 en est résulté que l'on ne rencontre ja- mais de mosaïque de marbre dans les égli- ses de Cîteaux, tandis que l'on en trouve encore dans celles de Cluny, après cepen- dant que l'usage en eut été généralement abandonné. Et quand, dans leurs églises, les Clunisiens employèrent les pavés ver- nissés, ils cherchèrent à leur conserver le caractère de la mosaïque.

A l'appui de cette thèse, nous invoque- rons le témoignage de la rosace de Vivoin, dans le chœur de l'église du prieuré. |

Cette rosace dont nous donnons la repro- duction, a perdu aujourd'hui une grande partie de ses couleurs.

Ses émaux se sont usés sous le frottement des pieds : on ne saurait s'en étonner lors- i qu'on songe qu'elle est en place depuis six siècles. Cette rosace est essentiellement une mosaïque la terre cuite remplace le marbre.

Pendant longtemps les églises cistercien- nes firent usage de carreaux à dessins im- primés, les règlements de I Ordre recom- mandant la plus grande simplicité dans les formes et les ornements.

Les vitraux même étaient incolores et les dessins figurés par des plombs. (Vitraux incolores de l'église de Pontigny.)

Ces églises de Cîteaux firent toutefois de rapides progrès dans l'emploi des produits céramiques, et c'est à elles que l'on doit les perfectionnements que ces sortes de pa- vages reçurent à la fin du XI siècle, lors- qu'on eut découvert la manière de faire en- trer par incrustation deux terres de même nature, mais d'une teinte différente, dans le même carreau.

Saint Bernard n'était plus pour main- tenir ses moines dans la sévérité primitive de la règle.

Les Cisterciens étaient mêmeparvenus,au commencement du XII P siècle, à établir de si grands perfectionnements dans l'emploi des terres, qu'en 1 210, lors d'un chapitre général, on réprimanda vertement l'abbé de Beaubec qui avait autorisé l'un de ses religieux, expert en la matière, à exécuter des pavages pour des personnes qui ne suivaient pas l'observance cistercienne. Ces carrelages avaient excité l'admiration ; il y a donc lieu de croire que ces pavés étaient historiés et couverts de figures incrustées ; il fallait une semblable cause pour agir ainsi sur l'esprit des populations.

Un dernier mot enfin sur la décoration des églises de Cîteaux. Une tradition fort répandue existe encore parmi les habitants du village était située l'abbaye de Pon- tigny ; c'est que les pavés des chapelles reproduisaient les dessins des vitraux inco- lores ; des fouilles exécutées dans l'abside permirent de reconstituer des terres cuites d'anciens pavements du XI I'^ siècle qui présentaient la plus grande analogie avec les vitraux qui existaient encore {').

I. La coutume d'inhumer dans les églises a été une cause de ruine pour beaucoup de carrelages.

352

5Rebue De r^rt ct)rétien.

m

LES pavés retrouvés dans les fouilles sur l'emplacement du chœur de l'église de Champagne, présentent environ trente- trois variétés différentes ('). Ce chiff're est un minimum, dans lequel nous n'avons pas voulu comprendre quantité de débris, qui devaient être d'anciens pavés brisés.

Nous donnons chacune de ces variétés et pour la plupart nous indiquerons les dimen- sions de l'original.

{Diamètre 75™"'). Pavé circulaire en terre rouoeâtre avec dessins incrustés en terre blanchâtre, le tout recouvert d'un vernis jaunâtre très limpide.

{Côté ço'""'). Pavé triangulaire de même composition que le précédent.

{Longueur 9J"""). Pavé long, avec deux extrémités curvilignes, recouvert d'un émail vert très foncé, presque noir.

{Hauteur o"'i4, longueur o"'//^). Pavé en forme d'écu. Il porte très effacé l'émanché des Riboul. La partie marquée sur le dessin par des hachures était en terre cuite naturelle, l'autre en terre blanche, le tout recouvert d'un vernis jaunâtre très limpide. Ce pavé n'a été retrouvé qu'à un seul exemplaire ; la terre blanche est pres-

I. Définitions de quelques ternies techniques :

On appelle Engobe une matière terreuse, soit blanche, soit colorée, qui par son opacité cache et semble masquer la couleur de la terre, au point qu'une pièce jaunâtre à sa surface peut ofifrir à l'intérieur une pâte rouge.

Le Vert, fréquemment employé, ne peut pas être consi- déré comme un engobe, c'est un vernis composé de protoxyde trituré de cuivre rouge ou bien encore de batitture de cuivre jaune mêlés avec de l'alquifoux (sulfure de plomb, ou galène). On l'appliquait sur les engobes ou les terres blanches.

On appelle /^aw.? vernisses ou cmaillés ceux dont la couverte est translucide et laisse par conséquent aper- cevoir les tons de la terre cuite. Les pavés vernissés ont une glaçure transparente et une teinte légèrement jaunâtre quand elle n'a pas été mélangée avec certains oxydes métalliques.

Les pavés à surface tnale ou sans couverte ne sont revêtus d'aucun vernis.

que entièrement partie, mais sa place est marquée par des creux, au fond desquels adhèrent encore quelques fragments blan- châtres.

{Côté rectiligne 0'^i4S). Pavé en terre cuite non vernie, dont nous n'avons trouvé également qu'un seul échantillon.

{Hypothénuse 95 '"'"). Pavé en terre cuite avec engobe blanche recouvert d'un vernis jaune. Il se présente avec une belle couleur citron.

{Mêmes dimensions que le précédent^ Pavé triangrulaire, terre cuite avec dessins blancs incrustés, recouvert d'un vernis jaunâtre.

Z" {Côtés yo"""). Pavé rectangulaire en terre cuite avec émail vert très foncé pres- que noir.

{Mêmes dimensions çue les n"^ 6 et 7) Pavé triangulaire de même composition que le précédent.

lo'' {Grand côté (Jo""", petit côté 42"""). Pavé parallélogrammatique, de même com- position que les deux précédents.

I {Grands côtés o'^ii^, petits côtés o'^Ojo). Pavé de forme curieuse ; il est formé de partie d'un losange, dans lequel est découpé un vide destiné à recevoir le 1 2. Ce pavé est en terre cuite, recouverte d'un émail vert très foncé, presque noir.

I {Diamètre o"'oj). Petit pavé circulaire destiné à être enchâssé dans la cavité circulaire également du i t. Terre cuite, engobe blanche, vernis blanc jaunâtre, aspect général en résultant jaune citron clair.

1 2i° {Grands côtés 6^065, petits o"'04S, côtés rentrants o''"o6^). Pavé en forme de V. Même composition et couleur que le pré- cédent.

14" {Côté o"'042). Pavé en forme de losange. Même composition et couleur que le précédent.

3Le carrelage De Tabbape De Champagne.

353

1 {^Mêmes dimensiones que le précédent). Pavé en forme de losange. Terre cuite, sans vernis, ni émail ; de couleur ocre rouge par conséquent.

i6° [Côté o"'o6§). Pavé carré décoré ; terre cuite, croix fleurdelisée incrustée en terre blanche, vernis jaunâtre.

\y° [Hypothénuse o'"ijo, côtés o"'iio). Pavé en triangle décoré d'une demi-fleur de lis, complétée par un deuxième pavé semblable. Même composition que le précé- dent.

1 {Côté, o'"o8o). Pavé en losange, décoré d'une fleur de lis. Ce pavé ne nous est parvenu que par un seul échantillon dont les deux extrémités étaient brisées. Même composition que le précédent.

19° {Petit côté 6^040, grand côté o^'oys). Pavé parallélogrammatique, terre cuite, recouvert d'un émail opaque, vert très foncé presque noir.

20" {Petit côté o'"70, grand côté o^'oSs). Nous n'avons retrouvé aucun échantillon de ce pavé. Le dessin est fait d'après un échantillon découvert, il y a fort longtemps, par M. Vallée, un des propriétaires de Champagne. Terre cuite, dessins incrustés en terre blanche, vernis jaunâtre. Ce pavé porte comme décoration la fleur de lis de France, et le château de Castille, plus un fleuron ornemental.

21° {Grand côté o^oço, petit côté o'"OJ2). Pavé rectangulaire décoré. Terre cuite, dessin incrusté en terre blanche, vernis jaunâtre. Le dessin n'est pas complet avec un pavé ; il en faut deux, on a alors une fleur de lis très élégante. Malheureusement nous n'avons trouvé que plusieurs exem- plaires de ce seul pavé et aucun du pavé le complétant. Nous avons essayé une recons- titution que l'on trouvera plus loin.

22° {Petit côté o'"oj8, grand côté o'^ios).

Pavé rectangulaire. Terre cuite recouverte d'un émail vert très foncé, presque noir.

23° {Grand côté 0^^103, petit côté 0^^025). Pavé parallélogrammatique ; même compo- sition que le précédent.

24° {Hypothénuse o"'/Oj). Pavé trian- gulaire. Même composition que le précé- dent.

25° {Grand côté 0^115, petit côté 0^^040). Deux pavés parallélogrammatiques.

26° Même composition que le précédent.

27° (/" côté 0^^024 ; 2" côté 0"'045 ; J' côté 0,07 J ; 4^ côté 0,100). Pavé dont deux côtés seulement sont parallèles. Même compo- sition que le précédent.

28° {Petit côté o'"o2S, grand côté o'^o'/s). Pavé parallélogrammatique. Même compo- sition que le précédent.

29° {Grands côtés o^^iii, côtés intérieurs 0^^045, petits côtés o"'oj'j).Pavé en forme de V. Terre cuite, engobe blan'che, vernis jaune ; aspect général en résultant, jaune citron.

30° {Grand côté 0^^072, petit côté 0^^040). Pavé triangulaire. Même composition que le précédent.

31° {Côté o'^ojo). Pavé carré. Même composition que les n°' 22, 23, etc., mais il présente cette particularité que deux sillons suivant les diagonales sont profondément gravés à sa surface.

32° {Côté o'^oSo). Pavé en losange, vert très foncé. Même composition que les n°' 22, 23, etc.

2iT^° {Côté 0^080). Pavé en losange ; aspect jaune citron. Même composition que les n°' 29, 30.

Pour ne pas y revenir constamment, avec la description de chaque pavé, nous donnons ses dimensions ce qui nous dispensera d'indiquer l'échelle des dessins.

Enfin nous ajouterons que chaque pavé

354

ISitWt De r^rt cj)rctien.

existe en demi pavé.afin de pouvoir carreler aisément toute surface triangulaire sans avoir à briser de carreaux.

Les pavés retrouvés en plus grand nombre sont ceux numérotés i, 2, 3. En les groupant ils ont permis de former le type de carrelage A, qui devait recouvrir la plus grande partie du sol du sanctuaire. Les autres combinaisons devaient, suivant le système décoratif employé dans ces tra- vaux au moyen âge, former des bandes ou des encadrements. La beauté décorative de ce motif est très grande. Ce beau dessin est assurément de la fin du XI 11^ siècle autant qu'on en peut juger par le style seul.

Les n°' 4, 5 (24 ou 17) ont permis de tenter la reconstitution B. Toutefois le petit pavé en croix, placé à la pointe des écus, n'ayant pas été retrouvé même en unité, il est impossible de rien affirmer. Les pavés carrés 24 et 17, unis ou décorés de fleurs de lis, pouvaient être alternés et donner ainsi une plus grande variété d'as- pect. Un architecte de nos amis nous a suggéré l'idée que nous avions un sys- tème décoratif de revêtement de muraille plutôt qu'un dallage. Ce n'est pas impos- sible. Toutefois, l'état d'usure du pavé aux armes des Riboul ne permet guère d'ad- mettre cette hypothèse : il ne nous serait pas arrivé si détérioré s'il n'avait subi de longs frottements de pas. De même que le précédent, ce carrelage est par son style du XIII' siècle.

13 (jaune citron) seulement. Ce sys- tème C est obtenu avec le seul pavé 13 ; étant monochrome, il devait former des bandes ou chemins. Ajoutons seulement que les joints en ciment rougeâtre rom- paient la monotonie de la teinte générale. Il est difficile d'indiquer la date de ce dallage, il peut être placé aussi bien au XI II<-' qu'au XIV-^ siècle.

D. Système composé de deux pavés les 15 (rouge, terre cuite) et 25 (jaune citron). Pour différencier quelque peu les teintes sur la reproduction, le jaune est indiqué par un pointillé, et le rouge terre cuite par des hachures. Comme toujours les joints en ciment avaient leur importance, n'étant pas d'une épaisseur négligeable.

jE. N°' 15, 14, 29, 25 et 26. Système plus complet que le précédent, employant trois pavés de plus, différents de forme et de couleur. La tonalité de ce carrelage est des plus riches. Nous avons employé des ha- chures et des pointillés pour mettre en valeur les différentes colorations.

K N°^ II et 12. Les pavés 11 et 12 seulement entrent dans le système /^ Les petits disques jaune citron se détachent avec la plus grande vigueur sur le fond vert, presque noir et le dessin est complété par les joints en ciment. Ce système est peut-être de la fin du XII' ou du commen- cement du XI 11"^ siècle. C'est en tous cas celui qui paraît le plus ancien.

G. 13. Le pavé 13 intervient dans ce système G, avec un pavé carré dont il n'a pas été retrouvé d'échantillon certain. Nous donnons toutefois ce carrelage à titre de renseignement.

//. 20. Le seul pavé 20 donne la splendide décoration ci-jointe. Les fleurs de lis de France et les châteaux de Castille y alternent avec un fleuron décoratif. Ce motif, de la plus belle époque du XII L siècle, a être fabriqué vers le temps de la mort de saint Louis et rien ne s'oppose à penser qu'il environnait le tombeau de l'évêque G. Rolland. Ce tombeau de grande richesse, puisqu'il était en cuivre doré et émaillé, devait se présenter admirablement sur ce fond chaudement polychrome.

/. 2 I n'étant que partie constituante d'un système de deux pavés, nous proposon

3Le carrelage îie Tabbape De Clîanipagne,

355

la reconstitution ci-jointe qui semble la seule possible. Nous donnons à la fois le simple trait et l'aspect général.

Ce motif paraît être du XI V^ siècle, y. N°^ lo, 14. 15, 19, 18, 32 et 33. Sept pavés interviennent dans ce système y. Il comprenait des pavés losanges unis, jaunes ou verts, et décorés avec des fleurs de lis (18). La plus grande variété pouvait être obtenue avec des moyens très simples ; la monotonie était évitée, ce qui paraît toujours avoir été la préoccupation des décorateurs du moyen âge.

Nous laisserons de côté les combinaisons que l'on pourrait obtenir avec les pavés 6, 7, 8, 9, 16, 22. 23. 27, 28: nous n'avons voulu que montrer la pensée qui avait présidé à la composition d'un dallage tel que celui de Champagne. D'ailleurs des pavés tels que le 2 7, devaient être accom- pagnés de nombre d'autres qui ne nous sont pas parvenus ; composer des combinaisons avec ces données incomplètes serait faire oeuvre d'imagination et ne présenterait aucun résultat certain.

J. Chappée.

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['ANTIQUE cité de Sienne a donné à l'É- glise des saints illustres. Sainte Catherine et saint Bernardin sont, depuis des siècles, res- ïl^wmn^^mmwS tés honorés et populai- res, mais à côté d'eux d'autres Siennois, fondatori di Religioni, fondateurs d'Ordres religieux, ont apporté au christianisme les bienfaits de leurs vertus.

Ils sont, il faut le reconnaître, trop ou- bliés aujourd'hui.

Bernard Tolomei,Ambroise Piccolomini, Patrice Patricii ont fondé l'Ordre des moi- nes blancs du célèbre couvent de Monte Oliveto Maggiore.

Etienne et Jacques ont été les créateurs et les chefs des chanoines réguliers du Saint- Sauveur.

Jean Colombino a fondé, en 1 334, l'Ordre des Clerici Apostoliques, dits Jésuates de Saint-Jérôme.

Il appartenait à l'une des plus anciennes familles de Sienne.

Les Colombini descendent de la colonie romaine ; pendant des siècles elle a donné à la République des docteurs, des lettrés, des gonfaloniers, des capitaines et des am- bassadeurs.

Ses membres occupèrent également d'im- portantes fonctions à Rome, Bologne, Parme et Pérouse.

La famille possédait des palais à Sienne et plusieurs châteaux dans les environs.

Jean renonça à tous les avantages qu'il pouvait tirer de cette situation et consacra

sa vie à la piété, au soulagement des mal- heureux et à la prédication.

Il alla prêcher à Pise, Lucques, Pistoie, Florence, Bologne, Viterbe, Arezzo et dans d'autres localités. Sans peine il recruta des frères dans l'élite de la société et dans chaque cité importante il institua un rettore deiraninie, un directeur spirituel.

L'Ordre fut approuvé à Viterbe, en 1 367, par le pape Urbain V, de passage dans cette cité.

Colombino était allé se prosterner aux pieds du pontife ; il mourut en juin de la même année à Aquapendente des suites de la fièvre qu'il avait gagnée aux bords du lac de Bolsène.

Il fut béatifié.

La plus ancienne règle codifiée de l'Ordre qui a été conservée, est de 1426 ; elle fut plusieurs fois modifiée,notamment en 1485.

Les frères suivaient la règle de saint Augustin.

Ils n'étaient pas prêtres mais simples clercs : « non abiamo violta abilita de prete^b, nous n'avons pas les qualités des prêtres, dit un article du règlement.

Ils avaient pris saint Jérôme pour pa- tron.

On les appelait aussi Gesuati ou /nge- sîiati, parce qu'ils prononçaient très sou- vent le nom de Jésus.

Le peuple les désignait habituellement sous le nom de pères Alla Calza, à cause de la forme allongée de leur capuchon qui ressemblait à une chausse.

Je reproduis leur coiffure d'après une miniature du XV^ siècle.

La robe était brune et la coiffure blanche, d'où le nom de Ingesuati de caputio albo

IL'^ixt au toutjent ^. (5msto à jFlorence.

357

qu'on trouve dans quelques écrits du XV^ siècle.

On les connaît aussi à Florence sous la dénomination de pères du couvent de Saint- Juste, qui fut leur première résidence près de la cité.

Recruté d'abord dans les classes élevées, l'Ordre devint bientôt populaire; il eut des maisons dans un grand nombre de cités italiennes et même en France, à Toulouse.

Les Jésuates devaient, d'après la règle de l'Ordre, éviter l'oisiveté ; lorsque les

Coiffure d'après une miniature du XV*^ siècle.

oraisons et les travaux habituels du couvent étaient terminés, ils pouvaient, avec l'au- torisation du supérieur, se livrer à diverses occupations manuelles au bénéfice de la communauté.

Ils usèrent largement de cette faculté et acquirent ainsi de grandes richesses.

Cette prospérité leur fut fatale.

En 1668, le pape Clément IX supprima l'Ordre des Jésuates et des chanoines de Saint-Georges d Alga qui possédaient de grands biens en Vénetie.

Cette mesure extrême fut arrachée au pape par la République de Venise, qui était à bout de ressources ; les biens des couvents furent vendus en grande partie

pour soutenir la guerre contre les Turcs et

les frères se dispersèrent dans d'autres communautés comme leur règle leur en donnait la facilité.

Telle est, en résumé, l'histoire de l'Ordre des Jésuates.

Nous allons maintenant nous occuper de leur couvent de Florence, le seul de leurs établissements sur lequel il est resté des renseignements.

II

EN l'année 1383, le Jésuate Nanni di Gualtieri de San Gimignano, gen- tihio)iio honorato, rettore dell'ajtime, prit la résolution d'établir à Florence une maison de l'Ordre.

Il ne pouvait mieux choisir.

La République de Florence s'est toujours montrée très favorable aux couvents, non seulement par esprit de piété, mais à cause du bénéfice moral et matériel qu'elle tirait des corporations religieuses.

Dès 1206, elle avait accueilli avec em- pressement les frères Umiliati, très experts dans le travail de la laine ; elle leur concéda des terrains et des privilèges, notamment l'exemption des impôts, et la faveur de recevoir le sel gratuitement de la Com- mune. Les Umiliati fondèrent réellement à Florence l'industrie de la laine, qui fut l'un des éléments les plus efficaces de la prospérité de la République.

Les Jésuates ne s'établirent pas dans l'intérieur de la cité, mais hors de la porte Pinti, dans un modeste couvent de reli- gieuses, bâti depuis un siècle environ, et presque abandonné. Les religieuses, en très petit nombre, furent placées dans l'intérieur de Florence.

Le couvent était sous le vocable de saint Juste, archevêque de Lyon à la fin

358

5Retoue ïje T^rt cbrctien.

du IVe siècle. Quelques historiens Flo- rentins pensent que saint juste n'était pas archevêque de Lyon, mais évêque de Vol- terra.

Quoi qu'il en soit, l'ancien couvent portait le nom de Convenlo di S. Giusto.

Les Jésuates le quittèrent vers 1438, pour s'établir dans de nouveaux et plus vastes bâtiments que l'extension de leurs industries avait rendus nécessaires ; la nou- velle maison continua cependant à porter le nom de S. Giusto.

Elle fut construite hors de la porte Pinti et prit le nom de Convento di San Gitcsto aile Mura.

La porte a été démolie de notre temps, ainsi que toute l'ancienne enceinte de Flo- rence sur la rive droite de l'Arno.

La rue di Pinti existe toujours ; elle conduisait jadis à Fiesole ; sa dénomination provient, selon les uns, de terrains apparte- nant à un propriétaire nommé Pinti, selon d'autres, d'un couvent de filles repenties, pentite, d'où, par abréviation, le peuple a fait Pinti (').

La situation est très belle. De la plaine, le regard embrasse les collines et les montagnes de la vallée de l'Arno : Fiesole, le mont Ceceri, Vallombrosa, le mont Con- suma au loin, et plus près les collines de San Miniato.

Tout l'horizon présente les lignes douces et harmonieuses de l'Apennin toscan que les peintres du XV<^ siècle se plaisaient à choisir pour les fonds de leurs fresques et tableaux.

L'architecte fut Antonio di Giorgio da Settignano ; Antonio évidemment ne compte pas parmi les grands architectes de

I. [.es modifications des anciens noms de Florence ne sont pas rares : de l'oratoire de San Michèle in Orlo, on a fait Or San Michèle ; de la rue Santa Maria sopra Porta, on a fait Por Santa Maria.

Florence du XV^ siècle ; mais alors l'archi- tecture avait atteint un si haut degré, qu'on pouvait être très bon architecte sans être dans le premier rang.

Les constructions d'Antonio da Setti- gnano furent détruites en 1529, comme on le verra plus loin.

Il n'en reste ni plans, ni traces, mais au moyen de documents d'archives et de la description faite par Vasari qui fréquen- tait chez les Jésuates, il est possible de se faire une idée assez juste du couvent et de ses dépendances.

Nous réservons les œuvres d'art.

En sortant de la porte Pinti, on arrivait au couvent par une allée se trouvait un tabernacle.

La façade du couvent était pourvue d'une loggia à colonnes.

De cette loggia on entrait dans l'église décorée de peintures et de sculptures ; der- rière l'autel majeure se trouvait un portique d'ordre dorique en bois de noyer sculpté.

Au-dessus de la porte principale, l'archi- tecte avait disposé une tribune très com- mode pour les oraisons de nuit des frères.

La même loggia donnait accès dans le couvent.

C'était d'abord un petit cloître à co- lonnes, avec un beau puits à baldaquin au centre.

De ce cloître on pouvait entrer dans l'église et au secrétariat.

Après cet enclos réservé au public on pénétrait dans le couvent proprement dit.

Il possédait trois autres cloîtres avec por- tiques à colonnes de pierre, surmontés d'au- tant de cloîtres en bois, d'où la vue s'éten- dait sur Florence, Fiesole et la vallée de l'Arno.

Le grand cloître dont les colonnes étaient garnies de ceps de vigne, conduisait dans le jardin, très bien cultivé en fleurs et réputé

IL'Zvt au cout)ent ^. mn&to à jflorence.

359

l'un des plus beaux de Florence, qui en a toujours compté et en compte encore beau- coup de fort beaux.

Au premier étage se trouvaient les dor- toirs, diverses chambres et un oratoire.

Le couvent était pourvu d'annexés et de cours aménagées pour le service : cui- sines, boulangerie, celliers, bûchers et labo ratoirespour les diverses industries exercées parles Jésuates.

Le plan du couvent n'avait rien de par- ticulier ; presque tous les couvents italiens du X\^^ siècle sont à peu près du même type en tant que dispositions élégantes et confortables.

Les Jésuates n'avaient pas de foreste- ria. appartement pour les étrangers, dont étaient pourvus généralement les couvents situés loin des agglomérations ; le voisi- nage de Florence rendait inutile un pareil aménagement.

Un historien florentin dit que les Jé- suates avaient dépensé 100,000 florins pour la construction et la décoration de leur couvent.

Toute discussion sur ce chiffre serait vaine : d'abord la réalité de la somme n'est pas démontrée et le serait-elle qu'elle ne nous donnerait qu'une idée très incertaine de la dépense.

Pour l'apprécier en monnaie de notre temps, il faudrait avant tout connaître la décroissance de la puissance d'achat de l'or depuis le XV^ siècle.

Sur cette décroissance les économistes ne sont nullement d'accord.

Au XVe siècle le florin d'or de la Répu- blique de Florence, accepté dans le monde entier, était en or pur sans alliage.

Son poids était à peu près celui d'une pièce d'or de notre temps qui vaudrait 1 1 , "^o à 1 2 fr.

Les uns veulent que ce florin avait une puissance d'achat égale à 60 francs d'au- jourd'hui, les autres ne vont qu'à 35 ou 40 francs ; je penche vers cette dernière opinion.

Quoi qu'il en soit, les Jésuates étaient très riches, beaucoup trop riches même, car cette richesse fut la cause de la suppres- sion de l'Ordre.

Ils tiraient leurs revenus des différentes industries qu'ils pratiquaient.

III

COMME d'autres moines, ils distillaient des plantes à usage de pharmacie et de parfumerie, mais ils étaient aussi distil- lateurs de raisins, d'où le nom à.it padri del- l'acquavite, pères de l'eau-de-vie, que les Florentins, toujours narquois, ne tardèrent pas à leur donner.

Les distillations ne les occupaient pas exclusivement. Ils étaient maîtres-verriers et fabricants de couleurs.

Nous n'avons pas à faire ici l'histoire des vitres et des vitraux, mais seulement à ré- sumer ce que l'on sait des Jésuates dans cette fabrication et l'on sait fort peu de choses.

On ignore l'époque de leur début dans ce genre de travaux, mais on croit, sans cependant qu'il y ait des preuves à l'appui, que les vitraux de couleur d'Or San Michèle viennent des Jésuates.

Les fenêtres et les lunettes des portes du sanctuaire ont été construites par l'ar- chitecte Talenti vers 1378 et terminées plusieurs années après par d'autres archi- tectes ; or les Jésuates se sont installés hors la porte Pinti en 1383. Les dates ne s'oppo- sent donc pas à l'hypothèse, d'autant que les verrières ont pu être, sans inconvénients, placées plusieurs années après l'achèvement

36o

BeDue lie V^xt chrétien.

de l'architecture, l'oratoire étant ouvert sur ses quatre faces.

Les anciens vitraux d'Or San Michèle qui subsistent prouvent que les Jésuates étaient très habiles peintres verriers; leurs couleurs sont franches, vibrantes et d'une parfaite transparence, mais en tant que composition les vitraux laissent beaucoup à désirer. Certains motifs ne s'expliquent pas, tant ils sont confus; dans d'autres c'est avec peine qu'on distingue les sujets.

Les Jésuates ont travaillé aussi à la cathédrale de Sainte- Marie de la Fleur, sur des modèles qu'on leur fournissait.mais on ne connaît pas exactement les verrières qui leur appartiennent.

Ils avaient le sentiment de leur infé- riorité pour la composition des sujets et attachèrent à leur maison des artistes ca- pables de fournir des modèles.

En 1477, l'archevêque d'Arezzo leur de- manda un vitrail représentant Jésus-Christ et saint Donato. La commande dit expres- sément que le vitrail doit être cuit au feu et non peint à l'huile, ce qui indique qu'il y avait déjà alors des vitraux peints à l'huile en transparence, comme on en voit encore dans quelques églises.

Ils firent, en 1570, pour l'église San Girolamo à Sienne, un vitrail avec la Sainte Trinité.

Les Jésuates fabriquaient aussi des vitres blanches et des vitraux avec des ornements en couleur ; ils eurent dans ce genre plu- sieurs commandes pour le Palais de la Sei- gneurie de Florence.

Ils ont travaillé en 1558 et 1568 aux vitraux de la bibliothèque Laurentienne composés dans l'élégant style de Jean d'U- dine et probablement par lui-même.

IV

L'HISTOIRE n'a retenu que les noms de deux artistes employés par les Jésuates pour les modèles de vitraux.

Francesco Granacci ( 147 i- 1544), un des meilleurs élèves de Domenico Ghirlandaio, était un peintre très distingué ; il excellait surtout dans les ouvrages de décoration : bannières, arcs de triomphe pour les fêtes, organisation et costumes des cortèges, tou- tes choses très prisées par les Florentins. On ne connaît pas les travaux qu'il fit pour les Jésuates.

Giovanni Agnolo da Montorsoli (') (' 507- 563) n'est resté que peu de temps au couvent de San Giusto.

Son histoire, décrite en détail par Vasari, est intéressante ; je vais la résumer très brièvement pour montrer comment un en- fant bien doué pour les arts, pouvait faire son chemin au XVI'' siècle.

Giovanni a débuté à Fiesole chez un scal- pellino, tailleur de pierres ; d'autres sculp- teurs plus célèbres que lui ont commencé de la même façon.

A Fiesole il fut remarqué par le sculp- teur Andréa, excellent dessinateur qui lui donna des leçons.

Giovanni, qui aimait les voyages, s'en fut à Rome avec plusieurs scalpellini pour tra- vailler à la basilique de Saint-Pierre alors en construction; de il alla à Pérouse et à Viterbe. Puis il vint à Florence, il fut agréé par Michel-Ange pour les travaux de la chapelle et de la libreria de l'église de Saint- Laurent.

De Florence il se rendit dans le Casen- tin aux Camaldules et à la Verna.

I. Rappelons que le mot da précédant le nom d'une localité, sii^nifie généralement que la personne dont il est tliiestion est originaire île cette localité ; cependant ce n'est pas toujours exact : Mino da Kiesole, par exemple, n'est pas natif de Fiesole, mais de Poppi dans le Casen- tin,mais il s'est illustré pendant son séjour ;\ Fiesole.

3L';art au coutjent â)* (I5tusto à iflorence.

361

Il revint à Florence, se présenta chez les Jésuates, qui l'accueillirent avec bienveil- lance, espérant trouver en lui un compo- siteur de modèles de vitraux.

il fit la coimaissance d'un frère Servite qui venait dire la messe au couvent San Giusto, les Jésuates, n'étant pas prêtres, ne pouvaient célébrer le saint Sacrifice de la Messe.

Le Servite persuada Giovanni Agnolo qu'il perdrait son temps chez les Jésuates, « qui ne font que dire des prières, fabriquer des vitres, distiller des plantes, cultiver les Jardins et autres choses semblables sans étudier et s'occuper de littérature. »

Agnolo se laissa persuader ; il fut accepté par les Servîtes « considérant que la mai- « son avait besoin d'un homme qui savait « peindre et faire des images et qu'en A travaillant il pourra être utile au cou- « vent. »

En 1532, le prieur des Servites le pro- posa « pour faire des images dans les « conditions d'autres en ont fait avant « lui, car beaucoup de ces images étaient « gâtées. »

Peu de temps après Agnolo fut reçu et prit le nom de Fra Giovanni d'Agnolo.

Il ne paraît pas avoir beaucoup travaillé au couvent des Servites de Florence, car il continua ses pérégrinations.

Michel-Ange avait apprécié son talent; il le fit agréer au pape Clément VII pour la restauration de plusieurs statues antiques conservées au Vatican,

Giovanni revint à Florence, il aida Mi- chel-Ange dans ses travaux de la nouvelle sacristie deSaint- Laurent; Michel-Ange lui confia notamment la statue de saint Cosme, dont il eut soin cependant de retoucher la tête et le bras.

Le frère s'en fut ensuite travailler à Gê- nes, Venise, Padoue, Vérone, Mantoue, Bo-

logne, Messine ; enfin, fatigué de ces péré- grinations et de son labeur, Giovanni liquida sa position ; il avait gagné personnellement une belle fortune.

Il dota ses neveux ; laissa aux hôpitaux

de Naples de l'argent pour les aumônes,

I et à son couvent des Servites une forte

somme pour acheter une terre. Il institua

pour quelques membres de sa famille des

rentes viagères.

Après quoi il rentra au couvent de Flo- rence, où les Servites l'accueillirent avec grande satisfaction.

Il mourut en 1 563.

Fra Giovanni Agnolo da Montorsoli ne peut être mis au rang des grands sculp- teurs de Florence, mais il fut un bon et consciencieux artiste.

Les Jésuates en le prenant, avaient eu le sentiment de sa valeur.

Dans les rangs des Jésuates on cite quel- ques peintres :

Giuliano da Firenze, mort à Sienne de j la peste en 1487 ; il aurait peint dans cette cité un tabernacle avec la Madone et plusieurs ouvrages dans le couvent des Jésuates ; on nomme aussi, mais sans dé- tails, Benedetto da Brescia, dont je n'ai trouvé le nom nulle part, et Benedetto da Lucca. J'ai relevé à la date de 1690, un peintre nommé Benedetto da Lucca, mais sans indication de ses travaux ; il est pos- sible que ce fut un ancien Jésuate ayant survécu à la suppression de l'Ordre, effec- tuée en 1688.

Les Jésuates ont aussi compté dans leur corporation des théologiens, des mathéma- ticiens, des ingénieurs et des mécaniciens.

Fra Giovanni da Milano a construit en 1425 l'horloge du palais public de Sienne et vers 1640, fra Bonaventura Cavalieri a inventé une pompe hydraulique encore en usage et qui porte son nom.

302

Brbue îje r^rt chrétien.

V

L'INDUSTRIE des vitraux peints avait amené les Jésuates à la fabrica- tion des couleurs.

Ici encore nous sommes dans une igno- rance à peu près complète, car nous ne con- naissons du couvent qu'une seule couleur : Vazzîirro oltramarino, le bleu d'outre-mer ; il est vrai qu'elle est de première impor- tance.

Très fréquemment dans les lettres des peintres et dans les contrats passés par devant notaires entre eux et leurs clients, il est question de cette couleur.

Elle était d'un prix très élevé, on dit qu'elle valait littéralement son poids en or ; aussi le peintre stipulait parfois, en plus du prix de la peinture, une indemnité spéciale pour le bleu ou l'obligation par le client d'en fournir la quantité nécessaire.

J'ignore l'origine de la qualification outre- mer ; je ne sais pas non plus à quelle époque les Jésuates parvinrent à fabriquer lacouleur et à la faire adopter à la place de Xazzurro délia Magna, l'azur d'Allemagne, alors apprécié en Italie ; il n'est pas douteux cependant que déjà vers le milieu du XV^ siècle, le bleu des Jésuates était très estimé.

Pierre de Médicis, dit le Goutteux, fils de Côme le Vieux, confia à Benozzo Gozzoli la décoration de la chapelle du palais élevé par son père vers 1430 (').

Benozzo a exécuté de 1459 à 1463 la splendide fresque représentant le cortège des Rois mages se rendant à Bethléem.

Avant de se mettre au travail, Gozzoli écrivit à Pierre de Médicis de lui faire tenir de Xazzurro deg Jesuati.

Benozzo n'en était pas à ses débuts ; il

1. On sait que ce magnifique édifice dlevé par Michelozzo est connu sous la dénomination de palais Riccardi, nom de la famille qui l'a acheté en 1659. Il eût été plus juste de lui conserver le nom de Palais des Médicis.

avait déjà exécuté des peintures à Florence, à San Gimignano,au couvent du Monte Oli- veto Maggiore, à l'église de San Francesco à Montefalco ; s'il a fait choix de l'azur des Jésuates c'est qu'il en avait reconnu les qualités.

Michel-Ange aussi connaissait cet azur.

Le 10 mai 1508, il s'était mis à l'œuvre au plafond de la chapelle Sixtine.

Trois jours après il expédia à Florence la lettre suivante :

« Au Révérend père en Jésus-Christ, « frère Jacopo, Jésuate à Florence.

» Frère Jacopo,

» Ayant à faire peindre ici certaines cho- ses, ou bien à peindre, il m'arrive de vous en donner avis parce qu'il m'est nécessaire d'avoir une certaine quantité de bel azur ; et si vous pouviez m'en livrer à présent, cela me serait bien commode. Pour cela veuillez envoyer ici à vos frères, la quantité que vous avez ; qu'il soit beau et je vous promets d'y mettre le juste prix. Et avant que je prenne livraison de cet azur, je vous ferai payer ici ou là-bas vous voudrez.

» Votre Michel- Ange, )) Sculpteur à Rome.

» Ce treize de mai 1508. »

On remarque que Michel-Ange travail- lant à la Sixtine comme peintre, se qua- lifie de sculpteur.

En revanche Orcagna, qui a sculpté en 1359 le tabernacle d'Or San Michèle, a signé son œuvre : pictor fiorentinus !

L'emploi du bleu d'outremer en fresques présente des inconvénients, quelle qu'en soit la qualité.

Il ne résiste ni à l'humidité permanente, ni au lavage à l'eau, ce qui est une cause de dégradation. Mais sur un mur sec et à l'abri de pluie il se conserve parfaitement, ainsi

iL'^rt au cout)ent â)» (Binsto à jfloreuce.

363

que le montrent les fonds bleus des fres- ques peintes par Giotto en 1306 à l'église de la Madone dell'Arena à Padoue.

Il n'est pas probable que les Jésuates se soient bornés, en fait de couleurs, à la fa- brication du bleu d'outre-mer, mais aucun document ne fournit des renseignements sur la question.

VI

LES Jésuates vécurent sans incidents dans leur couvent de San Giusto aile Mura jusqu'en 1529.

En cette année Philibert d'Orange, lieu- tenant de Charles - Quint, vint attaquer Florence pour y ramener les Médicis qui avaient été chassés.

Le quartier général impérial s'établit à San Salvi au large de la porte Pinti ; Flo- rence prit la résolution de défendre à outrance sa liberté et son indépendance et fit dans ce but d'immenses sacrifices, désas- treux pour l'art.

La presque totalité de l'orfèvrerie reli- gieuse des églises et des couvents fut en- voyée à la monnaie; tous les bâtiments qui pouvaient faciliter les approches de l'assié- geant furent rasés ; le 7 octobre 1529,1e peuple jeta bas tout le couvent des Jésuates et ne laissa debout que le tabernacle situé sur le chemin de la porte Pinti.

Les Jésuates furent provisoirement logés chez les habitants de Florence, puis dans plusieurs maisons religieuses et finalement dans un couvent près de la porte San Pier Gattolini, nommée depuis porta Romana.

Une bulle du pape Clément XII, datée de 1531, les confirma dans leur nouvelle pro- priété. Ils reçurent de la Commune pour leur couvent de S. Giusto une indemnité qui fut bien loin de compenser les pertes qu'ils avaient subies, mais qui cependant témoigne de l'esprit de justice qui animait Florence.

L'établissement de la porte San Pier Gattolini prit le nom de S. Giusto a S. Girolamo de' Gesuati, mais le peuple con- tinua à l'appeler de//a Ca/sa, et on le nomme encore ainsi.

Après la suppression en 1668 de l'Ordre des Jésuates, l'établissement fut acheté par la Congrégation du Saint-Sauveur de l'Ar- chevêché.

La Congrégation avait pour but l'instruc- tion des jeunes gens pauvres, particulière- ment de ceux de la campagne, qui se desti- naient à la vie ecclésiastique.

Après diverses modifications, les frères de la Congregazione di sacerdoti secolari di Gesu Salvatore continuèrent une œuvre si utile. Ils sont toujours très modestes et très respectés ; ils reçoivent comme pen- sionnaires trente jeunes gens moyennant une légère rétribution.

VU

J'ARRIVE enfin aux œuvres d'art com- mandées par les Jésuates. Des fresques du couvent de S. Giusto aile Mura nous ne savons que ce que Vasari qui les a vues en rapporte. Des sculptures, des orfèvreries religieuses, des parements de l'église, rien n'a été conservé.

Des manuscrits, il n'en reste que trois.

Des tableaux, quatre ont été sauvés du désastre de 1529, les Jésuates ayant eu soin de les transporter dans F'iorence ; ils sont restés longtemps à la Calza; à présent ils figurent dans les galeries royales de la cité.

Les Jésuates ont fait travailler Gherardo (1407-1470).

Il a peint à fresque au-dessus de la porte d'entrée du couvent un médaillon avec San Giusto et deux anges.

Gherardo est surtout renommé pour ses miniatures, mais il a fait également des ta-

bleaux et des fresques. La pinacothèque de Bologne conserve de lui un très bel ouvrage le Mariage mystique de sainte Catherine.

A Florence il y a de lui un tabernacle sur rue, toujours clos par des volets peints. J'ai cependant pu le voir ; il montre la Ma- done avec l'Enfant, et les saints François, Jérôme, Dominique, Benoît et Michel ar- change ; la peinture a été retouchée, mais la Madone et l'Enfant sont intacts ; il m'a paru que ces figures tiennent un peu de Botticelli ; en ce cas elles seraient d'une époque ou Gherardo était déjà âgé.

Vasari raporte que Gherardo fit sur le mur extérieur de l'église San Egidio, au couvent de Santa Maria Nuova à Florence la grande fresque, toujours en vue, repré- sentant le pape Martin \, pontificat de 141 7 à 1431, confirmant les privilèges ac- cordés au sanctuaire.

L'assertion de Vasari est fort contes- table. La fresque a beaucoup souffert ; elle a visiblement été retouchée et par suite dé- naturée. Il est difficile d'en juger; en tous cas c'est un ouvrage secondaire, assez bien composé cependant.

La peinture fait pendant à une autre grande fresque de Lorenzo di Bicci de 1420, représentant le pape Martin V et le cardinal Antonio de Bologne consacrant l'église en 14 19.

Je cite cet ouvrage parce qu'il est très bon et surtout à cause des moyens de con- servation qu'on a employés, de notre temps pour en empêcher la dégradation.

La conservation d'une peinture murale en plein air est toujours difficile ; le moyen qu'on a employé pour la fresque de Loren- zo di Bicci me semble le meilleur et le plus pratique.

A environ vingt centimètres du mur on a posé un vitrage sans montants ; aux quatre côtés, entre les vitres et la peinture,

on a appliqué une toile métallique, assez serrée pour s'opposer au passage de la pous- sière tout en laissant pénétrer l'air.

Gherardo de plus était mosaïste II com- posa en vue de cet art des cartons destinés à la chapelle San Zenobi de l'église Sainte- Marie de la F"leur ; ces mosaïques n'exis- tent plus.

Les Jésuates estimaient sans doute qu'un mosaïste leur serait utile pour les vi- traux peints, et en ceci ils étaient dans le vrai ; un carton de mosaïque peut en effet parfaitement servir à un vitrail et réci- proquement, si le metteur en œuvre sait employer judicieusement les qualités ex- pressives des matières vitrifiables, opaques pour la mosaïque, transparentes pour les vitraux.

L'exemple de Gherardo et d'autres mon- tre qu'un miniaturiste peut en même temps se livrer à la peinture décorative et aux tableaux d'autels.

Il est probable que Gherardo peignit aussi des miniatures pour les Jésuates ; on peut admettre également que Boccardino.le jeune, miniaturiste qui a beaucoup travaillé pour les couvents de Florence, a également été employé par les Jésuates. Il ne semble pas que Pérugin ail illustré quelques-uns de leurs manuscrits ; dans aucun écrit il n'est question de Pérugin miniaturiste.

Les manuscrits des Jésuates conservés dans les bibliothèques de Florence ne sont qu'au nombre de trois dont deux du XV*^ siècle et un du XV l^. Ils sont d'une écri- ture très soignée, encadrés de listels et de fieurs. Ceux du XV^ siècle ont quelques petites miniatures d'une grande finesse : la Déposition du Christ, l'Enfant Jésus et saint Jean, le bienheureux Colombini et deux autres Jésuates, le pape Martin V.

Tous les autres manuscrits du couvent sont perdus.

^'Zrt au courent ^. d^iuôto à jFlorence.

365

Une seule sculpture est mentionnée par

Vasari, elle était dans l'église du couvent.

C'est une Crucifixion avec la Madone

et saint Jean, par Benedetto de Maiano

(1442- 1497); cet ouvrage n'existe plus.

Lesculpteur était d'une famille d'artistes demeurant à Maiano près de Florence ; il débuta dans la marqueterie, mais c'est dans l'architecture et la sculpture décorative qu'il conquit une grande et juste renommée. Il travailla notamment à Arezzo, Faenza, Naples, Sienne, Prato, Monteoliveto, etc. On ne peut citer ici que les œuvres les plus importantes qu'il a laissées à Florence :

Le palais Strozzi, qui peut rivaliser avec le palais Médicis.

La chaire à Santa Croce, une perfection de grâce et de légèreté.

La décoration de la porte de l'audience du palais de la Seigneurie: les candélabres avec enfants, la Justice, saint Jean, qui faisaient partie de la porte sont conservés au musée national du Bargello, ainsi que plusieurs autres reliefs de Benedetto.

Le tombeau de Philippe Strozzi le Vieux à l'église Santa Maria Novella. Le sculpteur rit aussi le buste de ce patricien; il a été acquis par le musée du Louvre.

Le buste de Giotto à Sainte-Marie de la Fleur.

Tous ces ouvrages, tombeaux, bustes, autels, cil)oires, sont empreints de vérité et d'élégance; l'arabesque est traitée avec cette perfection florentine du XV^ siècle at- teinte nulle part ailleurs.

En faisant choix de Benedetto de Maia- no, les Jésuates ont montré qu'ils étaient hommes de goût.

Les Jésuaies firent appel à Domenico Bigordi dit Ghirlandaio (1449-1494).

Vasari nous l'apprend en ces termes :

« Il peignit pour les frères Jésuates un

« tableau pour l'autel majeur avec plusieurs « saints à genoux: saint Juste, évêque titu- « laire de l'église, saint Zenobi, évêque de <■< Florence ; l'ange Raphaël et saint Michel « revêtu d'une très belle armure et autres « saints ; et en vérité I~)omenico mérite des « éloges, parce qu'il fut le premier qui « commença à contrefaire avec les couleurs « quelques garnitures et ornements d'or, « qui alors étaient en usage; il supprima « aussi en grande partie les bordures d'ar- « gile doré, qui sont plus pour les garni- l tures que pour les bons ouvrages d'art.

« Mais plus belle que les autres figures « est la Madone, avec l'Enfant sur les « genoux, entourée de quatre anges. Cette « peinture étant à la détrempe ne pouvait « être mieux travaillée. »

La reproduction que nous donnons de ce beau tableau présente une idée juste de la composition, mais elle est impuissante à faire comprendre l'éclat des colorations.

II faut bien reconnaître que certains cri- tiques d'art de notre temps font preuve d'ignorance en matière technique ; ils afifir- ment, par exemple, que la peinture de la détrempe est impuissante à donner des effets de coloration aussi puissants que la peinture à l'huile; il suffit cependant de re- garder avec attention pour se convaincre que la détrempe fournissait au peintre aussi bien les couleurs vibrantes et accen- tuées que les nuances ternes et délicates. Le tableau de Ghirlandaio en est le témoi- gnage absolu, et il est probable que peint à l'huile, il ne serait pas dans l'état de conser- vation où nous le voyons aujourd'hui, plus de quatre siècles après sa création.

Le tableau est resté à la Calza jusqu'en 1857 ; il était peu connu, mais cependant il avait excité la convoitise des conservateurs de la galerie nationale de Londres: ils étaient en pourparlers avec les pères lorsque le

KKVUK L>E L AKT CMRi^.TlKN. IQO^. 5'"*^ LIVRAISON.

366

Be\)ue De r^vt cbtétieiu

grand-duc Léopold [ l s'opposa à la vente, comme il en avait le droit.

Les pères, dont les ressources étaient in- suffisantes pour l'exercice de leur mission, se prêtaient favorablement aux ouvertures

qui leur furent faites; ils ignoraient sans doute que les communautés religieuses ne pouvaient disposer de leurs objets d'art qu'avec l'autorisation du Gouverne- ment.

La vierge et 1 Enfant Jésus, par Doinenîco Cîmiri-andaio (1449-1494)' <'i>lerie des Offices ;i Florence. (Photocr. Ai.imari, Klorenco.)

Le directeur de la Galerie des Offices, M. Montalvo, mis au courant de la négo- ciation, la fit cesser et approuver par le grand-duc Léopold II une combiiiazione assez étrange à première vue.

Le tableau fut transporté aux Offices et

les pères reçurent en échange une rente perpétuelle de onze cents livres par an.

Au fond, l'intention du prince était d'as- surer une subvention hors de toute at- teinte, à une institution dont il reconnais- sait l'utilité. La subvention fut supprimée

JL'^xt au coutîent ^. dBtusto à jFlorence»

67

fin 1903, dans les conditions favorables aux pères, que nous ferons connaître.

VIII

PERUGIN semble peu en faveur dans la critique moderne, peut-être parce que les critiques de notre temps cherchent en général à se singulariser.

On lui reproche les inégalités dans son œuvre, l'uniformité de ses types et son amour du lucre qui l'a conduit à faire du métier.

Quelle est donc l'œuvre d'un grand pein- tre qui est exempte d'inégalités ?

Fra Angelico n'a pas donné à toutes ses peintures la même perfection.

Raphaël a eu des faiblesses.

Titien a plusieurs tableau.x authentiques qu'on a peine à lui attribuer, tant ils diffè- rent de ses meilleurs.

Andréa del .Sarto, sema errore, comme on dit de lui à Florence, est parfois également inférieur à lui-même.

Et par quelle exception Pérugin ne le serait-il pas ?

On ignore la date de ses premiers ouvra- ges, mais lorsqu'à 1 âge de trente- six ans, il fut appelé à Rome pour les fresques de la Sixtine, il devait déjà être très apprécié.

Et il a travaillé constamment jusqu'en 1523, année il est tombé frappé par la peste, à l'âge de soixante-quinze ans.

11 a donc tenu les pinceaux durant plus d'un demi-siècle, et on voudrait que toujours il ait été également bien inspiré !

Il a faibli dans les dernières années de sa laborieuse existence, c'est incontestable ; mais c'est à tort qu'on jugerait son très grand talent sur ses derniers ouvrages.

L'œuvre d'un artiste ne se juge pas selon une sorte de moyenne prise entre ses meil- leurs et ses moins bons ouvrages. Il ne faut le voir qu'à son apogée, n'eût-il produit

alors que de rares ouvrages hors ligne. Cela suffit pour le classer, et ce n'est pas le cas de Pérugin, qui, dans la plénitude de son génie, a produit tant de peintures extrê- mement remarquables, notamment X'a Dépo- sition de la Croix de la galerie Pitti, l'une des plus belles, des plus pathétiques peintures de l'art chrétien

L'uniformité de ses types ?

Elle existe certainement, mais on a exa- géré en l'étendant à presque tous ses per- sonnages ; elle se limite à la Madone, à la Madeleine et à saint Jean.

Dès ses débuts, il avait créé ces figures extatiques empreintes de piété, de tendresse et de douleur contenue.

Elles ont répondu au sentiment intime du peuple, et aussitôt le succès s'est déclaré.

De la Toscane, de l'Ombrie, de Rome, de la Haute- Italie et des pays étrangers on lui demandait des peintures conformes à ses créations ; sans manquer à son mandat il ne pouvait modifier son genre.

Et puis, les autres grands peintres italiens n'ont-ils pas persisté dans les types qu'ils ont adoptés ?

Les Madones de Fra Angelico, de D. Ghirlandaio, de Botticelli, de Signorelli, de F. Lippi, de Léonard de Vinci, d'Andréa del Sarto et de bien d'autres se ressemblent entre elles, au point qu'à première vue on en reconnaît l'auteur.

La cupidité ? Certainement Pérugin se faisait payer et il avait bien raison. Tous les peintres en faisaient autant, les uns pour leur profit personnel, les autres pour le couvent auquel ils appartenaient.

On fit un jour remarquer à Fra Angelico que ses prix étaient bien plus élevés que ceux de ses contemporains ; il répondit que c'était vrai, mais que l'argent n'était pas pour lui qui avait fait vœu de pauvreté, mais

?68

WitWt De rart fbrétieiL

pour son couvent et que il était consacré à la glorification de Dieu.

De l'aveu de ses amis, Titien ne voulait travailler que pour des clients très riches ;

cela ne lui a pas toujours réussi, car nombre de ses tableaux sont restés impayés ; c'est lui du moins qui l'affirme en se plaignant de la détresse de ses dernières années.

Pieta p;ii PÉKUGIN (1446-1523). Galerir. de l'Acadciiiic h lloreiice. (Photugr. Al-lNAKi, Florence.)

Du reste, Vasari, qui reproche à Pérugin sa cupidité, donne un exemple de son abnégation.

Pérugin avait terminé pour les religieuses de SainteClciire la Descente de la Croix, qui

est S(jn chefd œuvre. La peinture excita une grande admiration ; un amateur, Francesco j del Pugliese, proposa aux sœurs de l'acheter trois fois plus cher que le prix de l'acquisi- tion et d'en commander pour le couvent une

3t';art au coutjent ^, (Bimto à jFlorence

369

réplique à Pérugin. Le peintre refusa, disant que jamais il ne pourrait arriver à un sem- blable résultat.

Pérugin peignit dans le couvent des Jésuates plusieurs fresques.

Dans le premier cloître il fit une Adora- tion des Mages avec une quantité de person- nages et de têtes d'après le naturel, notam- ment celle d'Andréa Verrocchio, son maître. Dans le même cloître il peignit, au-dessus des arcs des portiques, une frise avec des figures en buste dont celle du prieur, grand amateur d'art.qui lui avait fait la commande. Dans un autre cloître, au-dessus de la porte du réfectoire, il représenta le pape Urbain \' donnant l'habit au bienheureux Giovanni Colombino accompagné de huit frères. Vasari loue beaucoup les effets de perspective fuyante de cette fresque.

Au-dessous de cette peinture il peignit la Nativité avec des anges et des bergers.

Ht au-dessus de l'entrée d'un oratoire il fit dans un arc et en demi-figures la Madone, saint Jérôme et le bienheureux Giovanni Colombino.

Pérugin peignit pour l'église deux ta- bleaux. La Pie ta.

La Madone tient sur ses genoux Jésus- Christ descendu de l'instrument de supplice. <i Le Christ mort, dit \'asari, est aussi raide < que s'il était resté longtemps sur la croix « et que la durée et le froid l'eussent ainsi </ réduit. );

Saint Jean soutient la tête du Sauveur ; derrière lui, Nicodème lève les yeux vers le ciel.

Sainte Marie-Madeleine est à genoux en prière; Joseph d'Arimathie, debout, regarde le divin Crucifié.

La scène est figurée sous un portique à colonnes s'ouvrant sur la campagne.

Elle est de toute beauté : simple, tou- chante, sans emphase.

L'archiduchesse Marie-Madeleine d'Au- triche, mariée au grand-duc Cosimo II, qui régna de 1 609 à 1621, l'acheta aux pères et la mit dans la chapelle de la villa du Poggio Impériale, ancien château aux por- tes de Florence, rebâti par l'archiduchesse.

La princesse fit faire une copie du tableau par Vannini qu'elle donna à la Calza ; on croit que cette copie est en Angleterre.

Du Poggio Impériale la Pietàfut trans- portée au palais Pitti.

En 1799, elle fut, par ordre du com- missaire de la République française, en- voyée à Paris avec d'autres tableaux de la galerie Palatine ('); elle revint à Pitti en 1 8 I 5, et y resta jusqu'en 1 83 1 , année elle prit place à la Galerie de l'Académie, en échange d'une autre Déposition par Pérugin, qui est toujours à Pitti. Jésus au Jardin des Oliviers.

I. Parmi les 63 tableaux enlevés de Pitti on remarque particulièrement.

Raphaël : La Vierge à la chaise^ La madone au bal- daquin, — La madone de F Inipanata, La vision dEzechiel, Le portrait du pape Jules II, Le portrait du cardinal Dovizi de Bibbienna, Le portrait d'Int^hc- ratni, Le portrait du pape Léon X.

Michel-Ange : Les Parques.

Titien : La Madeleine, La Belle, Le poitrail du cardinal Hippolyte de Médicis.

Allori : Judith.

André del Sarto : La Déposition, Histoire de Joseph.

Fra Bartolomeo : Jésus et les quatre évangélistes, Saint Marc.

Sébastien del Piombo : Le martyre de sainte Agathe.

Jules Romain : Les muses et Apollon, .Sainte Famille.

Carlo Doici : Le Christ au jardin des Oliviers.

Rubens : Paysages, Les Philosophes.

Van Dyck : Le portrait du cardinal Bentivoglio.

Rembrandt : Polirait d'un vieillard.

Sept tableaux enlevés en 1799, ne sont point parvenus à Paris et n'ont pas fait retour à Pitti, ce sont :

Deux épisodes de l'histoire de Mucius Scévola et deux histoires de Jacob, par Bartolomeo Veneziano.

Une Sainte Famille dans le style de Raphaël.

Une Sainte Famille d'Annibal Carache.

Moïse abandonné sur le Nil, par Paul Véronèse.

{Archives des musées et galeries de Florence.)

o

70

jRebue ïie l^Srt chrétien.

Le sujet a été souvent traité, mais aucun peintre n'a donné à la figure de Jésus une si belle expression de piété, de résignation et de douceur; on ne peut se lasser de voir

ce tableau et on ne peut l'oublier lorsqu'on

a vu.

Les apôtres endormis sont d'un naturel parfait. « Là, dit Vasari, Piero a montré

Jésus au jardin des Oliviers, par Peiîugin (1446-1527). tjalerie de l'Acadcnue u 1* lorence. (Photogr Ai.inaki, Florence.

« combien le sommeil a de puissance contre « l'affliction et la douleur, en faisant « dormir les apôtres dans des attitudes « paisibles. »

Le fond est occupé d'un côté par des soldats qui cherchent le Sauveur pour s'en emparer, de l'autre par un groupe d'hommes

précédés de Judas, une bourse à la main. Le paysage montre une cité idéale dans la vallée de l'Arno. Il est traité avec une minutie de détails et une pureté de lignes qui paraissent d'un conventionnel exagéré et comme puériles, mais qui cependant sont parfaitement exacts; seulement pour com-

prendre les paysages des quatrocentistes, il faut vivre, comme eux, dans une atmos- phère pure, limpide et baignée de soleil.

Il est probable que Jésns au [ardin des Oliviers et la Pietà ont été peints à Flo- rence, à l'époque Pérugin fit la célèbre Déposition de la Croix de la galerie Pitti, son meilleur ouvrage, daté de 1495.

En la même année, il peignit aussi la Crucifixion au couvent de Santa Maria Madelena dei Pazzi ; par une fortune rare- ment accordée aux fresques, les couleurs sont restées sans aucune altération.

Il n'en a pas été de même pour [ésus au Jarditi des Oliviers, la Pietà et une Cruci- fixion dont il va être question.

Vasari mentionne que ces trois tableaux, peints sur bois et à l'huile, ont beaucoup souffert ; les couleurs, surtout dans les obs- curs et les ombres, étaient déjà craquelées de son temps ; cela tient à l'inexpérience du Pérugin dans ce genre de peinture qui commençait seulement à être pratiqué en Italie.

T) a.ns Jésus au Jardin &\. la Pietà, on a pu arrêter les effets des craquelures ; elles sont toujours visibles, mais en fait elles ne nuisent pas à l'aspect général des tableaux.

IX

LES Jésuates possédaient de Pérugin un troisième tableau placé dans l'ora- toire de l'étage supérieur du couvent.

Nous le reproduisons.

Dans un paysage rocheux s'élève la Croix.

A la droite du Sauveur, saint Jérôme, un chapeau de cardinal est à ses pieds, et saint François, une croix et un livre dans les mains; à la gauche du Christ, saint Jean- Baptiste et le bienheureux Jean Colombino, fondateur de l'Ordre des Jésuates, au pied de la Croix, sainte Madeleine.

Le tableau ne se trouve pas dans de bonnes conditions à l'église de la Calza ; il était mal en vue derrière l'autel : pour l'exa- miner, il fallait monter sur un escabeau et être presque toujours muni de luminaire.

Il vient d'entrer à la Galerie des Offices dans les conditions que voici :

En 1898, les pères eurent l'intention d'ac- quérir pour leur institution une villa dans les environs de Florence, mais l'argent leur manquait. Ils proposèrent alors à M. Ridolfi, directeur des musées royaux de Florence, une combinazione, et après de longs pour- parlers, on se mit d'accord.

Les pères, comme je l'ai indiqué, rece- vaient de l'État, depuis 1857, une rente annuelle et perpétuelle de onze cents lires, en compensation d'un tableau de Ghirlan- daio qu'ils avaient cédé à la Galerie. Ils déclarèrent être prêts à remettre à l'État la Crucifixion de Pérugin, et à renoncer à la rente de onze cents lires, si de son côté l'État consentait à leur donner une somme de trente mille lires et un tableau pour être mis dans leur chapelle à la place de la Crucifitxion.

La combinaison fut approuvée par le ministre de l'instruction publique et des beaux-arts et par le ministre des cultes, après avis favorable du Conseil d'Etat, et le nouveau directeur des musées et galeries de Florence, M. Corrado Ricci, prit posses- sion du tableau.

La somme à payer sera prélevée sur les recettes d'entrée des musées et galeries de Florence.

Maintenant que le tableau est placé dans un musée, on peut l'étudier à loisir.

Déjà à la Calza il avait attiré l'attention, et de sérieux critiques admettaient que si certaines parties étaient bien de Pérugin, d autres personnages pouvaient être de la

main de Signorelli ([441 ^ '523), le saint Jérôme notamment.

D'autres écrivains pensaient que le saint Jérôme et la Madeleine, tout en étant de Pé- nigin, paraissaient copiés d'après Signorelli.

Mon humble avis est qu'il n'y a pas de figures copiées de Signorelli, mais bien collaboration de Pérugin et de Signorelli.

Ceux qui ont eu l'occasion de voir les œuvres de Signorelli à Florence, à Milan,

mMiL.Jk^

Crucifixion, par Signorelli (1441 (?)-i523). Galerie de l'Académie à Florence. (Photogr. Alinaki, Florence.)

à Pérouse, à Volterre, à Borgo San Sepol- cro, à Cortone, à Citta di Castello, à Monte Oliveto Maggiore, à Orvieto et dans d'au- tres localités, car beaucoup de peintures de ce grand artiste ont été conservées, ont été

frappés de la vigueur, de l'énergie, de la har- die.sse du dessin et de l'éclat des couleurs. On retrouve ces qualités dans le saint Jérôme et la Madeleine de la Crticifixion de la Calza ; la physionomie de la Madeleine

est très caractéristique ; chaque fois que Signorelli a eu à représenter la sainte, il lui a donné les mêmes traits.

Le saint Jean et le saint François sont certainement de Pérugin et aussi le bien- heureux Colombino.

Quant au Christ en croix, je pense qu'il est de Pérugin, par comparaison avec d'autres figures du divin Crucifié.

11 est possible qu'on veuille l'attribuer à Signorelli et non à Pérugin.

Pour permettre d'en juger, je reproduis la Criicifixion de Signorelli conservée à la galerie de l'Académie de Florence ; on remarquera qu'ici le visage du Sauveur est empreint d'une énergie et le corps d'une roideur inconnue dans les Crucifixions de Pérugin, mais tout à fait dans le style de Signorelli.

je crois donc à une collaboration des deux peintres dans la Crucifixion de la Calza. Dans quelles conditions a-t-elle eu lieu ? et à quelle époque ? Ce sont des questions à résoudre.

Pérugin et Signorelli ont travaillé à la même époque, de 148 1 à 1483, aux fresques de la chapelle Sixtine ; peut-être l'idée du tableau leur est-elle venue alors ? En ce cas nous aurions sous les yeux un des pre- miers ouvrages de Pérugin.

Et entendons-nous bien.

X

T L s'agit d'une collaboration à un même A tableau des deux peintres pratiquant le même genre de peintures, et non d'une peinture commencée par un peintre et ter- minée par un autre après la mort ou l'aban- don du premier. Dans cet ordre les exemples sont faciles à citer.

Les fresques de la chapelle Brancacci à l'église Santa Maria del Carminé ont été commandées à Masolinoda Panicole; après

le départ de ce peintre pour la Hongrie, elles ont été confiées à Masaccio ; à la mort de ce grand artiste, en 1428, elles ont été abandonnées, et ce. n'est qu'en 1484 qu'elles ont été reprises et terminées par Filippino Lippi.

La Déposition de la Croix, commandée à Filippino Lippi pour le couvent de San Marco à Florence, a été terminée par Pé- rugin, après la mort de Lippi.

La Transfiguration de Raphaël a été achevée par Jules Romain.

11 n'est pas question non plus des pein- tres attachés en qualité d'aides à un maître, comme Penni, Jules Romain et d'autres l'ont été à Raphaël qui seul avait la respon- sabilité du travail.

Nous sommes en présence d'une de ces associations effectives dont nous trouvons quelques exemples dans l'histoire de la pein- ture italienne.

Je sors de mon sujet pour en mentionner une fort peu connue et la seule, je crois, dont le texte a été conservé.

Fra Bartolomeo délia Porta (14S8-1517) et Mariotto Albertinelli (1474 15 15) ont conclu au commencement de 1509 une so- ciété en forme régulière.

L'acte fut approuvé par le supérieur de Fra Bartolomeo, prieur du couvent San Marco à Florence. 11 peut se résumer comme suit :

Le syndic du couvent fournit aux deux peintres les couleurs, les toiles, et tout ce qui est nécessaire à la profession.

De l'argent encaissé par la vente des peintures, le syndic prélève d'abord ses déboursés puis la somme restante est divi- sée en deux parts égales : l'une pour Alber- tinelli, l'autre, pour F"ra Bartolomeo, c'est-à- dire pour le couvent, puisque les Domini- cains ne pouvaient rien posséder par eux- mêmes. A la fin de la société, les peintures.

374

Bebuc ïir r^rt t!)rétien.

les modèles et le matériel restant à l'atelier seront partagés entre les deux peintres.

Rien dans le contrat ne s'opposait à ce que les peintres travaillent chacun pour son

compte, et il semble, qu'ils ont usé de cette faculté.

La liste complète des tableaux exécutés en société n'existe pas, et sur plusieurs il y

Crucifixion, par Pkkugin (1466-1527) et SliiKOKELLl (1-141 (?)-1527). Galerie des Offices à Florence. (Pliotugr. Ai. inaki, 1 lortnce.)

a des doutes. Mais selon des documents d'archives et des notes ainsi conçues : de Fra Barlolomeo nostro e Rlariotto stio com- pagno, il résulte que durant la société il est sorti du studio :

Une Nativité.

Le Christ portant la croix.

La Madone avec l'Enfant et les apôtres Pierre et Paul.

\}n tableau sans désignation de sujet pour la Chartreuse de Pavie.

Un tableau sans désignation de sujet envoyé dans les Flandres.

Comment le sage et laborieux Fra Bar-

il';art au coûtent ^. (3inQto à jflorcnce.

^75

tolomeo est-il arrivé à contracter un arran- gement avec Mariotto Albertinelli, peintre de beaucoup de talent, il est vrai, mais vi- cieux, fantasque, paresseux ?

Fra Bartolomeo était alors à l'apogée d'une gloire bien méritée, car il a été l'un des plus grands peintres chrétiens de l'Ita- lie.

Ne pouvant suffire aux commandes, il s'adjoignit Albertinelli, qui avait parfaite- ment adopté sa manière ; sans doute aussi le Dominicain eut pitié de la misère était tombé Albertinelli par ses détestables habi- tudes.

La société fut dissoute en 1 5 i 2 par le fait d'Albertinelli, qui ne pouvait se résoudre à

une vie régulière.

Le prieur du couvent de San Marco pro- céda au partage des objets au studio.

Fra Bartolomeo reçut :

Un grand tableau La Vierge assise sur un trône avec [Enfant sur ses genoux, sainte Anne et les saints protecteurs de Florence. Cet ouvrage avait été commandé au frère pour la salle du Conseil de la République ; il n'était qu'ébauché en i 5 1 2 et est resté en grisaille à la mort de Bartolomeo, en 15 17. 11 est à la Galerie des Offices.

Dieu le Père avec les saintes Marie Ma- deleine et Catherine.

Le Christ portant la Croix.

Un Christ en buste.

Albertinelli eut pour sa part un tableau de Filippo Lippi.

La copie du tableau peint pour les Char- treux de Pavie.

Adam et Eve, ébauche par P'ra Bartolo- meo.

Trois tableaux sans désignation de sujet.

Un Christ portant la croix entouré des deux larrons.

Une Annonciation.

Le matériel du studio restera à la dispo- sition de Bartolomeo, mais reviendra à Albertinelli après la mort du frère.

On y remarque :

Un Enfant Jésus, modèle en plâtre de l'Enfant du tombeau de Carlo Marsuppini exécuté à la basilique de Santa Croce par Desiderio da Settignano.

Divers instruments de mesurage, compas et autres.

Plusieurs modèles de figures humaines en bois articulés.

On sait que Fra Bartolomeo se servait couramment de pareils mannequins.

XI

DANS l'allée qui conduisait de la porte Pinti au couvent, les Jésuates avaient fait construire un tabernacle isolé. Andréa del Sarto (i486- 1531) y peignit à fresque, de grandeur naturelle, la Madone avec l'En- fant Jésus sur les genoux et saint Jean de- bout.

Vasari dit que la Madone était le por- trait de la femme d'Andréa. La coutume était ancienne de représenter les personnes vivantes sous forme de saints et de saintes.

Savonarole(i452-i498) avait, du haut de la chaire de Sainte-Marie de la Fleur, pro- testé énergiquement contre cet abus ; il ne fut pas écouté par les peintres, pas plus que ne le fut plus tard saint Charles Borromée.

Lors de la démolition du couvent, le ta- bernacle fut respecté.

En 1576, le grand-duc Cosimo I^'' voulut le faire transporter dans la cité ; les archi- tectes consultés déclarèrent l'opération im- possible.

Elle l'était sans doute à cette époque, mais une pareille entreprise eut lieu au XV II le siècle.

Dans le jardin du couvent de la Crocet- ta existait une chapelle décorée à fresque

376

jRebue lie r^^rt ct)vétien*

par Giovanni da San Giovanni ( i 582- 1 636) d'une Fuite en Egypte, d'épisodes de la vie de la Vierge, de fleurs et d'ornements.

Le grand-duc Pierre Léopold fit en 1788 transporter la chapelle toute entière dans une salle de l'académie des Beaux-Arts. L'architecte Paoletti réussit à ce point qu'on ne peut se douter de la translation (').

Le tabernacle d'Andréa fut abandonné et insensiblement tomba en ruine.

Par fortune un peintre, Jacopo Chimen- ti da Empoli (1551- 1640), en fit une copie lorsque la peinture était encore en bon état.

Cette copie est à la galerie du prince Corsini à Florence.

Chimenti avait beaucoup étudié Andréa del Sarto ; il fit si bien que si l'on n'é- tait informé, on prendrait ce tableau pour un Andréa authentique ; tout y est ; l'élé- gance du dessin, le charme des colorations et ce chiarosaii'o particulier à Andréa.

Cet exemple et d'autres montrent l'utilité des copies ; il faut distinguer cependant et ne pas s'abuser.

Les copies réduites constituent d'agréa- bles souvenirs et sont de grande utilité aux publications illustrées, mais pour la recons- titution d'un ouvrage ruiné ou perdu elles sont insuffisantes.

Ce qu'il faut en ce cas, ce sont des copies

I. La chapelle est à trois faces ; elle mesure l'inté- rieur 3 mètres 20 sur 2 m. 70 et en hauteur 4 mètres 50.

fidèles, à peu près dans les dimensions de l'original.

C'est le parti que la direction des Beaux- Arts d'Italie, a adopté pour les fresques du VI II'^ siècle du sanctuaire de Santa Maria Antiqua au Forum Romain.

Et encore faut-il avoir soin de choisir un copiste qui fasse abstraction de son tempé- rament personnel; cette qualité, l'expérien- ce l'a prouvé, est assez difficile à rencon- trer chez les peintres qui d'habitude pro- duisent des œuvres originales ; on la trouve au contraire assez facilement chez les pein- tres qui font profession de copier.

Au couvent près de la porte Romana, les Jésuates et leurs successeurs firent exécuter plusieurs peintures en l'honneur de la Ma- done et de leur patron ; elles sont de qua- lité inférieure.

C'est à tort qu'on attribue à l'initiative des Jésuates le cénacolodu réfectoire : il a été peint par Francesco di Cristofano Gui- dini dit Franciabigio, mort en 1525, avant, par conséquent, la prise de possession du couvent par les Jésuates.

Certes les Jésuates n'ont pas, comme les Dominicains, fourni des peintres célèbres, mais par les artistes qu'ils ont attachés à leurs institutions et par les commandes judicieusement distribuées, ils ont contribué dans une mesure efficace à l'incomparable floraison des arts au XV<^ siècle.

Gerspach.

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gj^jy5«^^ 'ÉGLISE de l'ancien prieuré d'Hastière No- tre-Dame (')( Belgique), ^ dépendance de l'abbaye bénédictine de Waul-

_^_^ sort, supprimée au

):t^mm^mmmii XVI 11^ siècle, est un monument de l'architecture romane assez remarquable. Construite au XI" siècle, elle fut agrandie vers le milieu du XIII' siècle.

On aurait ajouté à cette époque un nouveau sanctuaire de style gothique.

Le chœur conventuel et son collatéral dateraient aussi de la première époque d'ac- tivité ; tout au moins a-t-on laissé supposer

I. Sur l'histoire d'Hastière cfr. Dom U. Berlière, Mo- naslicon I>elf;e, t. I, pp. 53-54- L. Lahaye, Élutie sur F abbaye de U'aulsori (Extrait du Bulletin de la Société d'art et iP/iistoire du diocèse de Liège, t. V).

qu'ils sont antérieurs au XI II'' siècle, date de la construction du sanctuaire. On ne les a jamais attribués à cette date. Leur style et certains indices archéologiques prouvent cependant qu'ils n'ont pu être bâtis à une autre époque.

Nous le démontrerons ci-dessous.

Quelques modifications faites à l'intérieur de l'église et aux fenêtres, pendant le XV" siècle et à l'époque de la Renaissance, ont

Eglise d'Hastière. Vue générale. (.Pliotogr.Tphie de laiiteiu.)

été supprimées au cours de la restauration récente de l'édifice en son style primitif.

Dans l'église se trouve une crypte curieu- se. Mise au jour lors de ces travaux, elle a donné lieu à diverses hypothèses sur la date de sa construction. Certains auteurs ont voulu la faire remonter aux temps de S. Materne, au IV" siècle. Cette opinion fut abandonnée depuis. D'autres ont proposé le

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Betouc tir V^xî cbrctieu.

VI 1 1'' ou le IX' siècle. Aucun auteur n'a examiné les éléments que pouvait donner sur son âge, à défaut de documents précis, l'étude du style et des caractères architec- turaux de la crypte.

La chronique du monastère de Waulsort relate la construction d'une église à Has- tière par Adalbéron, évêque de Metz (929- 964) ('), probablement en remplacement de l'oratoire primitif, dont les origines restent incertaines (■).

Elle mentionne aussi l'élévation d'un nouveau temple par Rodolphe, abbé de ■Waulsort (1033- 1035), lequel avait été pen- dant plusieurs années directeur de l'école des oblats, annexée au prieuré d'Hastière.

A part ces deux indications on n'y trouve plus rien relativement à la construction de l'église d'Hastière. Une inscription funé- raire, dont il sera fait usage ci-dessous, jette une certaine clarté sur les travaux effectués au XI I P siècle.

Il a paru préférable de commencer cette étude par la recherche de l'âge de la crypte, que l'on croit antérieure à l'église du XI" siècle et avoir appartenu à la construc- tion de l'évêque Adalbéron au siècle ou même à l'oratoire primitif. L'examen de la crypte fournira, d'ailleurs, quelques données au moyen desquelles il sera possible de reconstituer le plan absidal de l'église, bâtie par l'abbé Rodolphe (1033-1035). Il per- mettra de suivre plus facilement les trans- formations et l'agrandissement du XI IL siècle.

La crypte s'étendait autrefois sous une partie de la croisée et sous le sanctuaire du temple construit par Rodolphe.

1. Sed quia ea ecclesU vHabteriensisI esse constructa cogodscebatur a domino Adalberone Mettensium prœsu- le... Historia Walciodorensis monasterii, éd. M. (i. H., SS., t. XIV, p. 512.

2. Voy. L. Lahaye, Elude sur l'abbaye de Waulsort, p. 15.

Démolie en partie, comblée lors de l'agrandissement de l'église, les travaux de déblaiement entrepris durant la restauration de l'édifice l'ont fait reparaître. Elle a été rétablie dans son état primitif. Seule la voûte qui la couvrait n'a pas été recons- truite : l'extrados de celle-ci se serait élevé à une certaine hauteur au-dessus du niveau du pavement actuel du chœur, construit à la place au XL siècle se trouvait le sanctuaire de l'église.

Elle a l'aspect d'une fosse, creusée au milieu de l'église. Une balustrade en fer l'entoure actuellement.

Cette crypte compte trois nefs ; chaque nef s'étend sur une longueur de trois tra- vées. Une abside semi-circulaire termine la crypte à l'Est. Il s'en suit que, seule, la net du milieu a un plan régulier. Les travées orientales extrêmes des nefs latérales offrent un plan triangulaire dont l'un des côtés est formé par un segment de la courbure de l'abside.

On accède à la crypte par deux escaliers latéraux débouchant au transept, de chaque côté de la croisée.

Au fond de la nef centrale se trouve un enfoncement, une niche de plan oblong, réservée dans la maçonnerie de labside ; de part et d'autre, dans la courbure, des bancs en maçonnerie. .Ailleurs, entre les pilastres, le long du mur règne une banquette de maçonnerie. La crypte était éclairée au- trefois par une baie percée dans le mur de l'abside, de chaque côte de la niche du fond.

Dans la travée orientale de la net du milieu, à quelque distance et au devant de la niche, on a découvert les restes d une masse cubique de maçonnerie qui devait être l'autel de la crypte. Il est construit sur un soubassement, élevé d'un degré au-des-

Construction ht l'église et De la crppte O'i^astière,

379

sus du niveau du sol de la crypte. Un petit espace creux, réservé dans la masse de l'autel, prouve qu'on y avait placé des reli- ques conservées, probablement, dans un coffret en métal ou en bois.

Le sol de la crypte est recouvert d'un pavement en blocage. Les parois des murs sont enduits d'une épaisse couche de plâtre sur lequel on a retrouvé de nombreux gra- phites, fortement endommagés, partielle- ment détruits même par les travaux de res- tauration.

La plupart ont été reproduits dans la notice de Dom G. van Caloen, qui les a relevés avant la restauration (').

Dans la niche de l'abside on a retrouvé quelques traces de peinture et de dorure décoratives. Ce devait être l'emplacement du siège du chef de la communauté. Aucun vestige du siège ne fut découvert. Des deux côtés de la niche, le long du mur de l'hémicycle, on remarque les bancs en pierre destinés aux religieux, pendant les offices dans la crypte.

La voûte couvrant autrefois la crypte était portée par quatre colonnettes isolées et par des pilastres doubles ou composés.

Les colonnettes n'existent plus. Il reste de l'une d'elles un fragment. Le fût en pierre calcaire grise, polie, est octogonal.

Le plan carré du socle est raccordé au fût par un simple adoucissement, surmonté d'une baguette qui suit le contour angu- leux du fût.

Les pilastres sur lesquels reposaient les arcs doubleaux sont munis d'un dosseret formant, de chaque côté du pilastre princi- pal, un pilastre secondaire sur lequel ve- naient retomber les arêtes de la voûte. Selon d'éminents archéologues, ces pilastres ne

I. Dom G. van Caloen, Hastière Notre-Dame ou Has- tiire par delà (.^nn.iles de la Société d'archéologie de Namiir, t. XVII, 1886).

se rencontrent pas avant le XL siècle ('). Leur présence suffit donc pour dater la crypte du XL siècle, c'est-à-dire du temps de l'abbé Rodolphe (1033-1035), sous l'administration duquel fut construite à Hastière une nouvelle abbatiale. Cette conclusion est vérifiée par l'esquisse ci- dessous du temple, tel qu'il avait été cons- truit par Rodolphe au XL siècle.

L'église avait le plan de la croix latine comprenant un sanctuaire orienté, le tran- sept et la grande nef, avec bas-côtés, pré- cédée à l'Ouest d'une belle tour carrée dont le rez-de chaussée voûté servait de porche. La nef et les bas-côtés comptent cinq tra- vées couvertes, de même que le transept, d'un plafond lambrissé. Les arcades de la nef et toutes les baies de l'église du XL siècle sont en plein cintre.

Très irrégulier est l'appareil des murs, bâtis en blocage de pierre calcaire des bords de la Meuse.

A l'intérieur, une épaisse couche de plâ- tre sur la surface rugueuse et inégale.

L'église se terminait à l'Orient par une abside principale, flanquée de deux absides secondaires. Des traces de l'hémicycle formé par chacune des absidioles ont été retrouvées, lors des fouilles préalables à la restauration de l'édifice.

Le sanctuaire s'étendait au-dessus de la crypte voûtée. 11 était naturellement sur- élevé de plusieurs degrés au-dessus du ni- veau de la nef, fermé par une abside semi- circulaire contournant la crypte.

De chaque côté de celle-ci, dans l'ali- gnement des arcades du chœur actuel, un

I. 6 f. A. Choisy, Histoire de l'Architecture, t. II, PP 148 et 153.

J. ^Wsrin, Les orii^ines de l'Architecture gothique [Re- vue de l'Art chrétien, 5= Série, 1901, t. XII, pp. 370 et

371.)

C. Enlart, Manuel d Archéologie fratii^aise, t. I, pp. 320 et suiv.

38o

3Rel)ue t)c rSrt cljvéttrn.

pan de mur s'élève jusqu'au comble de la hauie nef. A une certaine hauteur, ces murs sont percés chacun d'une baie en plein cintre, légèrement outrepassé. Dans l'état présent de l'église ils n'ont ni utilité, ni raison d'être.

Autrefois, ils séparaient la travée rectan- gulaire du sanctuaire des bas-côtés. Les baies servaient à éclairer le sanctuaire et permettaient de suivre les offices de celui- ci aux assistants des bas-côtés.

Le sanctuaire était recouvert d'une voûte sur laquelle se continuaient les peintures qui décorent l'arc triomphal.

On peut encore remarquer aujourd'hui quelques traces d'amorces de cette voûte.

A l'endroit finissent les murs dont nous venons de parler devait commencer la courbure de l'abside du sanctuaire primitif de l'église.

Le plan de l'église d'Hastière, au XI'' siècle, se confond avec celui des nombreuses abbatiales et collégiales, élevées en Bel gique, surtout dans le bassin de la Meuse, aux XI*" et XI I" siècles. Il correspond exac- tement au plan de l'ancienne collégiale de Celles et ressemble à celui de la collégiale de Lobbes.à celte différence près qu'ici le chevet est rectangulaire.

A une époque ultérieure, au XI I 1' siècle, l'église construite par l'abbé Rodolphe fut transformée et agrandie par l'adjonction d'un nouveau chœur, avec collatéral, et d'un nouveau sanctuaire.

Cependant, les auteurs qui croient la crypte antérieure à l'église de l'abbé Ro- dolphe, sont d'avis que le chœur n'aurait pas été ajouté auXlII"^ siècle mais construit par l'abbé Rodolphe, en même temps que la partie occidentale de l'église.

Le sanctuaire seul devrait être reporté au XI [h- siècle. L'abbé AUard de Hiergfes {12OÛ-1264) l'aurait accolé à la construction

ancienne, en détruisant le mur au fond du chœur. Cette solution, très simple, ne ré- pond aucunement aux indications révélées par l'architecture du monument.

On sait, il est vrai, que sous l'abbatiat d Alard de Hierges certains travaux furent effectués à. l'église d'Hastière. Une inscription figurant sur la pierre tombale du

Jljplise du Il Histii reTir-Mi

prélat, scellée dans le pavement de la tra- vée rectangulaire du sanctuairtt l'atteste

abbas hoc templum xpo conslruxil Alardtisi^). Peut-être a t-on pensé que l'action d'A- lard s'était bornée au sanctuaire, parce que sa pierre tombale se trouvait placée là.

Mais l'inscription ne détermine pas la partie de l'église édifiée sous l'administra- tion d Alard.

I. Voyez la reproduction delà pierre tombale de l'abbé Alard et de son inscription dans K. Reuseiis, lAt'niinls il'arMolojriechrHienne, 2= éd., t. II., pp. 272 et siiiv.

Construction De l'egltee et tie la crppte D'i^asttère. 381

C'est donc au moyen des renseignements fournis par l'architecture et par le style du monument qu'il est possible d'élucider ce point.

Cette partie de l'église, renfermant le chœur conventuel, chorus stallahis ou psal- lentium, est en style gothique primaire. Il est éclairé par d'étroites fenêtres lancéolées, bordées d'un encadrement de pierres blan- ches. Impossible, dès lors, de le faire remon- ter au XT' siècle, à l'époque de l'abbé Ro- dolphe.

D'ailleurs, à supposer que le sanctuaire seul ait été ajouté au monument, on décou- vrirait sans aucun doute une solution de continuité dans le mur, entre la partie ancienne et la partie neuve, soudée à l'an- cienne.

L'examen des murs de l'église, au point se terminent les murs du chœur et com- mencent ceux du sanctuaire, ne laisse aper- cevoir aucune soudure. C'est le mur du chœur qui se prolonge pour former le sanc- tuaire et l'abside polygonale. L'appareil est le même aux murs du chœur et aux murs du sanctuaire. Au sanctuaire et au chœur la tablette de la corniche est soutenue par de petits modillons très saillants.

Ces deux parties de l'église sont édifiées en une seule et même période.

Elles ont été ajoutées au transept de l'église du X L siècle. On trouve en effet une solution de continuité dans le mur de la haute nef, entre la dernière lancette du chœur et la première fenêtre romane de la nef du XI" siècle. Cette soudure se remar- que d'autant plus facilement qu'il existe une notable différence entre l'appareil en blocage des murs de la nef romane et celui moins irrégulier des murs du chœur ei du sanctuaire. De plus, les murs de la partie de l'église construite par l'abbé Rodolphe sont couverts de grandes arcatures aveu-

gles, bandées sur pilastres et sous lesquelles sont établies les fenêtres. Ces arcatures n'existent pas au chœur et au sanctuaire. Enfin, dans l'ancienne œuvre, la corniche s'appuie sur l'extrados des arcatures. Au chœur et au sanctuaire, elle repose sur des modillons.

L'existence de cette soudure, la diffé- rence entre l'appareil des murs et la manière de construire, dans les deux parties de l'église, permettent d'affirmer qu'on se trouve en présence d'une construction nou- velle soudée à une autre plus ancienne. Et

Vue intérieure de l'église d'Hastière. (Photographie de l'auteur).

comme il a été établi ci-dessus que le sanctuaire et le chœur ont été élevés en une fois, il s'en suit que toute la partie orientale de l'église, le chœur et le sanc- tuaire, ont été ajoutés à l'œuvre du XI" siècle. Par leur style, le chœur et le sanc- tuaire appartiennent au XI II" siècle. On peut donc les attribuer à l'abbé Alard de Hierges(i26o-i264)dont l'inscription funé- raire nous rappelle la participation à la construction d'Hastière.

Lorsque l'abbé Alard résolut d'agrandir l'église vers l'Est et de construire un nou- veau chœur conventuel, avec sanctuaire, il dut, avant tout, faire abattre les trois absides qui fermaient le temple de ce côté.

KRVUB UB l'art CHRéTIBN. IQO4. 5'"*^ t.IVRAI«ÎON.

î82

jRebue lie T^vt cl)rcticu.

Les deux pans de mur, dont il a été question, furent épargnés, parce que, se trouvant dans le prolongement des arcades de la nef, ils ne faisaient pas obstacle à la réalisation du nouveau projet. Pour obtenir dans la nouvelle construction un niveau égal à celui de l'ancienne, l'abbé Alard fut forcé de détruire la voûte de la crypte au- dessus de laquelle s'étendait l'ancien sanc- tuaire surélevé.

Au XI 1 1" siècle l'usage des cryptes était généralement abandonné. Le culte des re- liques avait cessé d'être souterrain. Il se faisait au fond de l'abside, sur un autel élevé spécialement à cet effet et portant le nom d'autel aux reliques (').

Rien d'étonnant que l'abbé Alard com- blât la crypte jusqu'au niveau du pavement de l'église pour y établir le chœur conven- tuel. Cela s'était fait aussi à l'église de l'ab- baye de St-Trond, sous l'abbé Adélard (►f" 1082). Désirant agrandir l'abbatiale, Adélard supprima la crypte et fît construire sur son emplacement un nouveau chœur {^).

Avant la restauration de l'église d'Has- tière, les stalles en bois du XV"" siècle se trouvaient dans le chœur conventuel, au- dessus de la crypte comblée. Par suite du ' déblaiement de celle-ci, on fut obligé de les changer de place, et on les mit dans la travée rectangulaire du sanctuaire. Elles y sont encore aujourd'hui.

Le collatéral du chœur a été refait complètement. Au Nord n'existaient plus que les fondations du mur extérieur. Au Sud, une partie de mur s'élevait par endroits jusqu'au seuil des fenêtres. Quelques traces

1. E. Reusens, Éléments tparchéol. chrét., t. I, pp. 351 et 427.

2. Et quia post vêtus sanctuarium, de quo habetur supra... predicta vêtus cripta erat, replevit (abbas Ade- lardus)illam humo, et ibidem chorum psallentium con- struxit. Gesta abbalum Trudonensium, éd. de Borinan, t. M, p. 148.

de la voîlte couvrant l'extrême travée orien- tale du collatéral sud ont été découvertes. Le bas des fenêtres éclairant cette travée subsistait encore. Ces précieux restes ont contribué largement à la reconstitution du collatéral sud. Le collatéral nord a été re- construit sur le modèle de l'autre.

Les fenêtres du sanctuaire et au chevet du collatéral sont les mêmes. Elles se com- posent de deux lancettes, encadrées sous un arc de décharge commun. Leurs me- neaux et le remplage, percé d'un oculus au sanctuaire, sont en tuf blanchâtre.

La même pierre fut employée aux voûtes du sanctuaire et de la travée extrême du collatéral, les seules parties voûtées de l'église, avec le rez-de-chaussée de la tour. On la retrouve encore aux embrasures des lancettes du haut chœur. Elle n'apparaît pas dans l'œuvre de l'abbé Rodolphe, sauf exceptionnellement au tailloir de quelques pilastres du rez-de-chaussée de la tour.

Les voûtes du sanctuaire et de l'extrême travée du collatéral sont des croisées d'ogives, dont les nervures s'appuyent sur des culs de lampe, très simples, sans déco- ration. La section des arcs de voûte et le profil des culs de lampe sont les mêmes au sanctuaire et au collatéral. Il en résulte que la communauté d'origine de ces parties de l'église n'est pas douteuse. Toutes deux datent de la même époque.

Dans la reconstruction du collatéral, au lieu de fenêtres à arc brisé, pareilles à celles du haut chœur et à celles au chevet du collatéral, il a été jugé préférable d'y placer des baies à plein cintre. On a oublié d'ap- puyer la tablette de la corniche sur des modillons très saillants, comme cela existe au sanctuaire et au chœur.

Une confusion pourrait naître de cette différence dans l'architecture du collatéral,

Construction De Téglige et De la crppte D'i^a0tière. 383

d'une part, du chœur et du sanctuaire, d'autre part. Elle pourrait faire supposer que le collatéral, sauf la travée voûtée, date d'une période autre que le chœur et le sanctuaire.

Pareille hypothèse est inadmissible. Le sanctuaire et la travée voûtée du collatéral datent d'une même époque. Nous l'avons démontré. Uniquement pour la partie anté- rieure du collatéral, celle éclairée par les fenêtres à plein cintre, pourrait être posée la question de savoir si sa cons- truction est antérieure à celle du sanc- tuaire. Mais cela supposerait l'existence d'une soudure au mur extérieur du colla- téral, à l'amorce de la travée voûtée. Cette soudure, nous l'avons vainement cherchée dans cette partie du mur certainement ancienne et peu remaniée.

L'erreur provient sans doute de ce que les restaurateurs sont partis de l'idée géné- ralement admise alors, que le chœur et le collatéral devaient être attribués à l'abbé Rodolphe. Dans ce cas le collatéral eût

pu recevoir le jour par des baies romanes. Voici nos conclusions : La partie occi- dentale de l'église d'Hastière, le transept, la crypte, la nef et ses bas-côtés avec la tour sont l'œuvre de l'abbé Rodolphe ; le sanctuaire, le chœur conventuel et son collatéral doivent être attribués à l'abbé Alard de Hierges.

En terminant, hommage soit rendu à la mémoire du savant éminent, M. le chanoine Reusens, mon ancien profe.sseur, auquel j'avais soumis le résultat des recherches préalables à cette étude.

Je suis heureux de remercier de leurs renseignements, si obligeamment donnés, M. l'abbé Ledoux, ancien curé d'Hastière, et M. Schlcigel, le curé actuel.

M. P. J. de Maesschalck, archéologue à Termonde, a bien voulu se charger du plan de l'église. Je ne saurais assez l'en re- mercier.

Adrien Schelleken.s.

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A connexité des sujets iconogra- phiques, sinon l'ordonnance ar- chitecturale, nous amène à exa- miner maintenant les tympans inférieurs, en commençant par celui de droite.

Tympan de droite. Il est entièrement consacré à la représentation de la Nativité de Jésus, dont les différents épisodes sont disposés non en bandes régulières comme au tympan principal, mais en plusieurs plans arbitrairement séparés : ce qui ne laisse pas de produire un désordre aussi amusant que pittoresque (-).

119. Dans un nuage au-dessus de rochers qui ont la forme de prismes basal- tiques, apparaît une tête, peut-être celle de Dieu le Père (bien qu'elle n'en reproduise pas les traits habituels) assistant du haut des cieux au mystère de l'Incarnation ; peut-être aussi, comme pourrait le faire croire la toque qui la coiffe, cette tête est- elle celle du maître imagier auteur des sculptures de la porte.

I 20. Au-dessous de lui, et séparés des scènes voisines par une mince bande de nuées, une douzaine de petits anges, dis- posés sur deux rangs, de face, se montrent à micorps : les deux plus rapprochés de terre tiennent en mains un objet indis- tinct, qui doit être la traditionnelle bande- role, ou plutôt le livre ouvert, avec l'ins- cription : « Gloria in excelsis Deo... »

1. ï'^ partie. Voyez la \" partie, p. 292.

2. Ce système de plusieurs plans, assez rare dans les sculptures du moyen âge, se retrouve au tympan de la porte de Berne, dont nous avons déjà signale les analo- gies avec notre portail et aussi à la porte sud d'Ulni.

12 1. Au-dessous des anges, trois bergers, réveillés par le cantique, se sont levés, et, debout, lèvent les yeux au ciel, tournant le dos au spectateur; leur costume est amusant : le capuchon, la grosse houp- pelande indiquent bien des bergers alle- mands du XIV^ siècle, mais si courtauds, si grassouillets, qu'on les dirait sortis d'une boîte de jouets de Nuremberg. Près d'eux leurs moutons paissent; à gauche un pas- teur souffle dans un cornet ; çà et se dressent quelques minuscules arbustes; à l'extrême droite de la scène, une chèvre, détachée du troupeau des bergers, broute des feuillages. Chacun de ces personnages ou de ces arbrisseaux est planté sur un de ces blocs de basalte que nous avons signa- lés, ce qui leur donne encore plus l'appa- rence de joujoux de bois. A la droite des trois bergers, on voit une énorme tête barbue à la bouche ouverte : la main de ce personnage, dont le reste du corps est caché, tient un petit fagot ou un faisceau. Est-ce le portrait d'un des sculpteurs, ou un berger, ou plutôt une figure du démon, ou du paganisme, frémissant de rage à l'aspect de Jésus naissant? Une tête à peu près semblable se voit au tympan de Si-Vincent de Berne, sculpté vers la même époque et sans doute par des artistes de la même école, au milieu d'un des rochers qui rem- plissent l'enfer. Si on admettait notre hypothèse, on pourrait reconnaître dans le petit personnage voisin, qui regarde le ciel en joignant les mains, la per.sonnification des hommes de bonne volonté, qui saluent la venue du Messie : ainsi d'un côté, les païens endurcis qui vont être vaincus ; de

îêovtails De Téglise ^t4i:i)tbault De Cl)ann. 385

l'autre, les futurs chrétiens qui commen- cent à espérer : cette antithèse serait assez dans le goût du XIV^ siècle.

122. S. Joseph, coiffé d'une sorte de toque, agenouillé devant la crèche, y prend (ou y dépose) l'Enfant Jésus emmail-

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loté. C'est du moins ainsi que nous croyons pouvoir interpréter cette scène, dont cer-

tains détails sont peu distincts. Bien que ce sujet et le suivant aient pour théâtre

386

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commun l'étable, dont le petit toit percé d'une cheminée ou d'une lucarne, surmonte toute cette partie du bas-relief, nous devons les séparer, car autrement nous trouverions dans la même scène deux Enfants Jésus.

123. L'Adoration des mages. L'étoile s'est arrêtée et posée sur le toit de l'étable. Dans l'étable même, la Vierge est à demi couchée dans un petit lit ('), au-dessus duquel paraissent les têtes de l'âne et du bœuf, qui se retourne pour manger au râtelier ; sur les pieds de Marie, est assis, au bout du lit, le petit Jésus, mi- gnon et frisé, vêtu d'une courte robe et ayant à peu près la taille d'un enfant de deux ans ; en souriant, il tient le coffret d'or qui lui est offert par le premier des mages, agenouillé devant lui, et le bénit. Ce roi, à la ceinture duquel est pendue une épée, a déposé à terre sa couronne et, pros- terné, il caresse les pieds de l'Enfant. Au second plan, trois serviteurs, debout, dont l'un tient par la bride le cheval du mage. Immédiatement derrière, le second roi, couronné, et barbu comme le précédent, descend de cheval ; il a encore un pied dans l'étrier, et tient à la main une sorte de ciboire qui renferme l'encens. Au second plan, un soldat armé de pied en cap. Derrière ce groupe, le cortège continue, dégringolant comme d'un chemin creux, tout le long de la voussure : ce sont d'abord deux hérauts à cheval ('), bizarrement ac- coutrés, sonnant de longues trompettes droites ; derrière eux s'entrevoit un autre cavalier ; puis le troisième mage, jeune, imberbe, aux cheveux frisés, couronné et cuirassé ; dressé sur ses étriers, il porte à la main le ciboire fermé, rempli de myrrhe.

1. De niême à Fribourgen-Rrisgau.

2. Tous ces chevaux ont l'encolure protégée par une pièce de mailles, allant de leurs oreilles jusqu'à la selle : harnachement de guerre usité à la fin du moyen âge.

Derrière, ou plutôt au-dessus de lui, tant est raide la pente que descend le cortège, viennent d'abord, marchant de front, deux cavaliers tout bardés de fer, avec casque conique et cuirasse, reliés ensemble par un tissu de mailles; enfin, fermant la marche, I deux cavaliers encore, dont l'un très mutilé ; l'autre est un chevalier barbu, casqué, mais sans cotte de mailles et moins pesamment armé que les précédents.

Ty)iipan de gauche. Faisant pendant à la Nativité, ce bas-relief nous montre, en une seule scène, la mort du Christ. Les groupes sont ici disposés avec plus d'art, et l'exécution semble moins naïve qu'au tableau précédent.

124 Jésus meurt sur la croix: la tête couronnée d'épines, les pieds cloués l'un sur l'autre; cette figure admirable d'expres- sion ne diffère en rien de nos plus beaux Crucifix modernes.

125-126. De chaque côté de la Croix, un ange adorateur à genoux sur une nuée, élève dans ses mains un calice pour re- cueillir les gouttes de sang qui coulent des mains transpercées du Sauveur. Sous ces nuées, deux anges, plus petits, apparaissent à mi-corps.

127. Un ange, sortant à mi-corps d'un nuage, au sommet de la Croix, déploie entre ses bras une banderole avec l'inscrip- tion 1. N. R. I. ordinairement fixée à la croix elle-même.

128. Le bon larron, dont la tête est extrêmement mutilée, est attaché à une croix, moins haute que celle de Jésus. Ses jambes sont repliées, et un soldat monté à une échelle appliquée au bras de la croix, les lui brise pour l'achever ; un ange descend du ciel, au-dessus de sa tête, pour recueillir son âme rachetée. Au pied de l'échelle, trois cavaliers.

0ortatl0 îje l'église t)t Cl)tbault De Cl)ann,

387

129. Le mauvais larron, placé de même, de l'autre côté du Christ ('). Même détail qu'au 128. Si la partie supérieure du tableau n'était pas mutilée, nous verrions sans doute un démon venant chercher l'âme du pécheur impénitent.

1 30. Au pied de la croix, se tient un groupe de cavaliers aux casques bizarres et variés ; parmi eux doit se trouver Longin, s'apprêtant à percer le côté de Jésus. Ils sont suivis d'autres personnages qui pa- raissent être des Juifs, car ils sont vêtus à l'orientale, coiffés de toques fantaisistes et armés simplement d'une courte épée ; leur chef à la tête barbue, se retourne vers son suivant et semble lui dire, en montrant du doigt le Christ: « Cet homme était vraiment Fils de Dieu ! »

131. Les soldats jouent aux dés sur une table improvisée, la robe sans couture de Jésus, que l'un d'eux porte sur l'épaule. Au premier plan, un de ces mercenaires, assis, rit aux éclats, soit parce que la chance l'a favorisé, soit plutôt parce qu'il voit deux de ses camarades se disputant et s'ar- rachant la barbe à la suite d'un coup de dés douteux.

132. Le groupe des Saintes Femmes. Au pied de la croix de Jésus, Made- leine, élevant ses mains jointes, est pros- ternée; à terre, près d'elle, est un vase de parfums. A ses côtés, la Vierge, que S. Jean cherche vainement à soutenir, tombe en pâmoison dans les bras d'une Sainte Femme assise à terre. Derrière ce groupe est un cavalier, sans doute un centurion, armé de pied en cap.

I. Le plus souvent, sur les portes du moyen âge, le Christ en croix est représenté seul ; pourtant on trouve les deux larrons, accompagnés d'un ange et d'un démon, dès le XI I' siècle àSt-Pons (Hérault)..'\u XlII'et surtout au XIV' siècle, les exemples sont nombreux.

Voussure des tympans inférieurs.

NOUS retrouvons ici, au cordon in- térieur, des scènes de supplice : M. Ch. Grad croit y reconnaître les mar- tyres des principaux Saints du rituel de Bâle, qui était autrefois suivi à Thann : ce n'est pas absolument exact, bien que, parmi les Saints que nous trouvons ici, la plupart soient compris dans ce rituel ; à l'autre cordon se pressent d'autres Saints, particulièrement populaires en Alsace.

Premier cordon. Baie de gauche :

^2>?>- Un évêque est agenouillé, mitre en tête et mains jointes, attendant le coup fatal ; près de lui, deux exécuteurs, dont un, par derrière, le frappe d'une hache sur la tête. Ce saint passe pour être S. Mathieu.

134. Ste Agnès est amenée par deux soldats devant le juge; celui-ci, vêtu comme un seigneur du XV^ siècle, est assis.

135. Supplice de S. Vit: le jeune martyr (il était âgé de douze ans) est plongé, nu, dans une chaudière remplie de poix bouil- lante, sous laquelle un bourreau, muni d'un souffîet, active le feu avec rage. Cependant le Saint, croisant les mains sur la poitrine, semble être comme en extase. A gauche se tient l'empereur Dioclétien, les bras croisés, présidant au supplice. Ce même sujet est représenté sur un vitrail ancien de St-Thibault.

136. Martyre de S. Jean-Baptiste : en haut sont assis à un festin le roi Hérode avec la reine et deux convives ; en avant, S. Jean, couvert de sa peau de chameau, est agenouillé devant l'exécuteur qui le désigne d'une main, tandis que de l'autre il tient son glaive. Hérodiade, couronnée (comme à la cathédrale de Rouen), porte le chef du Saint dans un plat.

137. Supplice de S. Erasme: vêtu de ses ornements pontificaux, le martyr est

388

Bebuc tic rSrt cbvcrinL

assis de face sur un siège. Deux bourreaux, armés de longues alênes, lui transpercent l'un le pouce de la main gauche, l'antre le pouce du pied gauche. Les traits du Saint expriment une souffrance extrême.

138. Martyre de Ste Afra, vierge: elle est debout sur son bûcher, richement vêtue, une couronne placée sur ses longs cheveux; à sa droite, un bourreau, en attisant le bûcher, vient de se brûler et pousse des cris de douleur : détail plein de verve qui carac- térise bien l'imagier de Thann. -Ste Afra est une Sainte particulièrement vénérée en Alsace : non loin d'Altkirch, une église lui est dédiée.

139. S. Sébastien, nu, debout, tourne le dos à quatre soldats qui lui tirent des flèches à bout portant. Ce Saint était jadis, à Thann, l'objet d'une vénération particulière. En 1422, le pape accorda des indulgences spéciales à cette dévotion dans l'église de Thann (').

140. S. Laurent est étendu sur son gril ; trois bourreaux attisent le brasier au- dessous, tandis que Décius, couronné, préside au supplice qu'il a ordonné. S. Laurent avait autrefois un autel dans l'église St-Thibault ; son martyre, ainsi que celui de S. Sébastien, est représenté dans le grand vitrail du chœur.

Baie de droite.

141 S. Etienne, agenouillé, prie les yeux levés au ciel, tandis que deux Juifs le lapident ; en arrière, un pharisien barbu semble encourager les bourreaux. On remarquera que S Etienne est ainsi placé symétriquement à S. Laurent : c'est une tradition des imagiers de mettre côte à côte les deux diacres martyrs, auxquels on ad- joint parfois S. Vincent.

I. Celte bulle existe encore dans les archives de la mairie de Thann.

142. Martyre de S. Léger : deux sol- dats d'Ebroin maintiennent par derrière le saint évêque d'Autun, tandis que deux bourreaux, à l'aide d'une vrille de charpen- tier, lui crèvent les yeux.

143. S'^ ApoUonie, couronnée d'un diadème, est assise et croise les bras sur sa poitrine ; deux bourreaux la martyrisent : l'un, tenant un ciseau sur lequel il frappe à coups de marteau, fait sauter les dents de la Sainte ; l'autre les saisit au moyen d'une pince S'" Apollonie était en grande vé- nération à Thann ; l'église des Franciscains lui était dédiée.

144. S'^ Odile est agenouillée, mains jointes, dans son costume de nonne, devant un autel recouvert d'une nappe et sur lequel brûle un cierge. Elle prie pour son père mourant, que l'on aperçoit près d'elle : c'est un vieillard barbu, vêtu d'une chemise et couché, les bras croisés sur sa poitrine. Un ange apparaît qui, de sa main, touche le bras du moribond, pour exprimer que la prière de S'" Odile a obtenu le salut de l'âme de son père. - Cette Sainte est la patronne de l'Alsace ; la chapelle de l'hôpital de Thann est placée sous son vocable.

145. .S. Emméran, barbu, est assis à demi nu sur une pierre : cette circonstance, ainsi que le nombre des trois bourreaux qui l'entourent, est conforme à la vieille tradi- tion rapportée dans une vie des Saints im- primée en 1513 à Strasbourg. Le pre- mier des bourreaux, à la gauche du Saint, se tient debout, de face, sur un perron de deux marches ; d'une main il tient écarté le bras de S. Emméran, et de l'autre lui coupe les doigts de la main gauche ; le second, de- bout près du -Saint, lui tranche sur sa pro- pre cuisse les doigts de la main droite ; le troisième, assis à terre, appuie sur une pierre le pied du .Saint, afin de lui couper les orteils avec un coutelas de boucher. La

laortaUs îic l'égUse â)t Cl)îbault ht Cljann.

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physionomie de S. Emméran exprime une douleur profonde.

146 L'ermite S. Antoine tourmenté dans le désert par les démons : le Saint, très barbu, est vêtu d'un froc de moine et d'une sorte de camail : il est agenouillé et prie, malgré les efforts de trois démons velus, à pieds de chèvre, qui, armés de massues, le frappent l'un au front, l'autre au côté. Cette tentation de S. Antoine est une des plus anciennes que nous con- naissions sur les portes d'église ; il est intéressant de constater qu'elle ne présente pas le caractère grotesque que se sont plu à lui donner les Callot et les Téniers : << le fi- dèle compagnon de S. Antoine » notam- ment paraît être une invention postérieure au XlV'e siècle, car l'imagier de Thann, dont nous avons constaté çà et l'esprit jovial, n'aurait pas négligé un accessoire aussi pittoresque.

147. Martyre de S'^ Lucie : la vierge, dépouillée de ses vêtements, debout, joint les mains ; un bourreau lui verse sur la chair.au moyen d'une grande cuiller, la poix bouillante qu'il puise dans une cuve cerclée posée sur un feu devant la martyre.Comme celle-ci résiste à ce tourment, le consul Paschase qu'on aperçoit au fond, couronné comme un roi, entre deux acolytes barbus, donne l'ordre de lui percer la gorge : un second bourreau, d'une main saisit déjà la tête de la victime et de l'autre brandit son glaive.

148. S. Mathias, barbu, vêtu de la ro- be et du manteau, costume habituel des Apôtres, est à genoux, les mains croisées et liées ensemble ; déjà le bourreau abaisse sa hache sur la tête du martyr. Au fond de la scène se tient le persécuteur, coiffé d'un bonnet de fourrure, les mains posées sur le pommeau de son épée ; deux soldats sont debout à sa droite.

Second cordon. Baie de gauche.

149. S"= Hélène, ayant sur la tête,par- dessus son voile, la couronne d'épines,tient à la main la Vraie Croix, qu'elle a retrouvée sur le Calvaire. Cette figure, comme toutes les suivantes, est debout.

150. Saint religieux, vêtu d'une robe sans ceinture, tenant dans la main droite une verge recourbée et dans la gauche un livre à demi ouvert : ce Saint passe pour être S. Benoît, mais on pourrait aussi recon- naître en lui l'un des moines fondateurs ou réformateurs d'Ordres, si nombreux au moyen âge en Alsace et sur les bords du Rhin : S. Morand, S. Fridolin, S. Gall,

etc..

151. S. Paul, ermite, à la longue barbe inculte, s'appuie sur un bâton ; il est vêtu d'une robe faite de racines tressées; dans sa main gauche il tient un pain.

152. Ermite imberbe, à la face ridée ; ses pieds et son torse, nus, sont très maigres, presque décharnés ; sa chevelure est extrê- mement longue ; son vêtement est fait de feuilles. Près de lui, un ange lui présente la sainte Hostie. Albert Durer et Hans Schâufelin ayant représenté de cette même manière S. Onuphre, on doit penser qu'il s'agit ici de ce Saint. Cependant la lon- gueur des cheveux, jointe à l'absence de barbe, permettent de se demander si cet ermite n'est pas plutôt une femme ; ce serait alors S"= Marie l'Égyptienne ; mais en ce cas l'imagier, en nous montrant près d'elle un ange, aurait traité bien librement la lé- gende, car c'est l'abbé S. Zosime qui, tra- versant le Jourdain en marchant sur les eaux, vint au jour de Pâques, apporter la communion à la Sainte.

153. S. Augustin, en habits épiscopaux avec la mitre, l'aube, la chasuble, tient de la main droite sa crosse; dans l'autre main il porte une aumônière contenant un livre.

390

jRebue De l'art chrétien.

On trouve au musée de Colmar un autel sur lequel ce saint est représenté exactement de la même manière.

154. Une sainte, couronnée, enfonce dans la Gueule d'un drayron infernal une lance dont la hampe est terminée par une petite croix ; sans doute S'*" Marguerite, qui vainquit de cette façon le démon. Bien qu'elle ne fût pas reine, on la représente parfois couronnée.

155. L'empereur S. Henri II, barbu, couronné, vêtu d'une tunique de guerrier ; il tient à la main son sceptre et une petite église, reproduction très fantaisiste de la cathédrale de Bamberg fondée par lui.

156. Evêque crosse et mitre, tenant de la main gauche un sudarium, et de la droite, levée en l'air, un poisson : c'est S. Ulrich, évêque d'Augsbourg, qui a con- verti Ste Afra : il est à ce titre très popu- laire sur les bords du Rhin, notamment à Bâle ; plusieurs villages de la contrée por- tent son nom.

Ici se termine le second cordon de la vous- sure: on remarquera qu'à cette baie, comme à l'autre, ce côté de la voussure comprend deux sujets de moins que le côté opposé : c'est qu'en effet ce cordon se prolonge aux ébrasements par une gorge moulurée, tan- dis qu'au trumeau il cesse d'exister.

Baie de droite.

'57. S. Maurice, complètement armé, vêtu d'une courte tunique ; son costume, qui veut être romain, se complète par un casque bizarre, précurseur de celui des anciens pompiers. II tient en main une lance surmontée d'une petite croix. S. Maurice, comme tous les martyrs de la légion thébaine, mis à mort dans le Valais, est très populaire sur les bords du Rhin : les ossements de ces martyrs sont d'ailleurs conservés à Cologne dans l'admi-

rable église dédiée à l'un d'eux, S. Géréon.

158. L'archange S. Michel, transper- çant de sa lance le dragon infernal qui se tord à ses pieds.

159. Un saint abbé crosse, en costume de pénitent, tenant dans sa main gauche une pierre. Ce saint passe pour être S. Jérôme; la pierre qu'il porte serait alors celle dont il se servait pour meurtrir son corps pen- dant ses tentations. Mais nous préfére- rions voir ici S. Fridolin, fondateur du monastère de Sâckingen, sur le Rhin, et apôtre de la Suisse, ou encore S. Gall, premier abbé du célèbre couvent qui porte son nom.

160. Un saint évêque, mitre en tête, tenant sa crosse et bénissant : c'est S. Ni- colas, patron d'une des premières églises de Thann.

161. S. François, en costume de moine, nu-tête et tonsuré : les deux mains ouvertes en avant, il semble montrer ses

stigmates.

162. S. Georges, couvert d'une ar- mure complète, mais coiffé, au lieu de cas- que, d'un bizarre bonnet de fourrure. On remarquera qu'à la cathédrale de Bâle le même Saint porte aussi un haut bonnet orné de plumes, précurseur de ceux des houzards du X\'I1I" siècle. A sa cein- ture est passé un poignard ; il lient de la main gauche son bouclier et de la droite un petit étendard dont la hampe est terminée par une croix. Il regarde à ses pieds une place aujourd'hui vide, sans doute se trouvait le dragon dont il a triomphé.

163. S.Bernard, fondateur de Cîteaux, tient à la main une crosse dans la volute de laquelle se montre un lis : allusion soit à la pureté de ce Saint, soit plutôt à la dévotion spéciale qu'il professait pour la Vierge. La présence de S. Bernard se justifie aisément ici, car, par une bulle de 1422,

|dortaU0 îie Vtsiisit â)^CDibault tie Cî)ann. 391

Thann obtint la faveur de célébrer solen- nellement sa fête.

164. L'impératrice d'Allemagne, Ste Cimégonde, épouse de S. Henri II. Enveloppée d'un large manteau, couronnée d'un diadème pardessus son voile et son bandeau, elle tient à la main une croix grecque, en mémoire du fragment de laVraie Croix dont elle fit présent à l'église de Bcàle.

Linteatix. Les linteaux des deux baies que nous venons d'examiner sont ornés chacun d'une arcature très riche de la toute dernière période du style gothique. Sous ces arcades sont des écussons que nous allons examiner.

165. (Refait nouvellement). Écu aux armes de la ville de Thann ('), avec le sapin légendaire ; on retrouve cet écu sur les an- ciennes monnaies de la ville ('').

166. (Refait nouvellement). Deux bars renversés d'or : ce sont les armes des comtes de Ferrette, premiers seigneurs de Thann (^).

167. (Refait nouvellement). Aigle simple éployé : on retrouve ces armoiries au revers de certaines monnaies de Thann et aussi de Colmar: c'est l'aigle autrichien. En eftet, après l'extinction de la maison comtale de Ferrette, Thann passa sous la domination des archiducs d'Autriche : c'est au cours de cette période que fut édifiée l'église de St-Thibault.

168. (Refait nouvellement). Lion ram- pant, armoirie des barons de Reinach; nous avons retrouvé sur les monnaies de Mul-

1. Voir page 292 l'histoire de la fondation de Thann et la signirication de ce sapin dans les armes de la ville.

2. Thann obtint en 1387, des archiducs d'Autriche, le droit de battre monnaie; ses écus représentent générale- ment, sur une face, l'image de S. Théobald ; sur l'autre, les armes de la ville.

3. Plus anciennement, la maison de Ferrette (en alle- mand < Pfirt >), avait pour armes un buste de femme habillé de gueules, couronné d'or.

house du XVI le siècle un lion semblable supportant l'écu de la ville.

169-170. La forme des écus subsiste ; mais les armoiries ayant été effacées, on les a laissé.s tels lors de la restauration.

Les deux dernières petites arcades sont complètement vides : on ne peut affirmer qu'elles aient jamais abrité des écussons.

171. Trumeau. Au sommet d'une fine colonnette, dont le chapiteau dépasse le niveau des baies de la porte, la Vierge se tient debout, couronnée, par-dessus son voile, d'un diadème à fleurons. Elle porte, assis sur son bras, l'Enfant Jésus, nu-tête et sans nimbe, qui tient le globe dans une main et de l'autre caresse le menton de sa Mère. La Vierge porte en outre un livre entr'ouvert. Cette statue du XI V^ siècle est très gracieuse, et peut soutenir la com- paraison avec les plus belles Vierges de nos cathédrales.

1 72. S.Thibault, évêque, aux cheveux frisés sous sa mitre brodée, tient sa crosse.

Un personnage minuscule, en costume de moine, au capuchon rabattu sur le dos, est agenouillé à ses pieds. On pourrait voir aussi dans ce personnage à genoux, soit un donateur, soit le serviteur du Saint qui ap- porta ses reliques en Alsace(voir page 292).

La tête de S. Thibault a été refaite nouvellement.

I -j^. Ste Catherine, couronnée, tient à la main un livre et une grande épée dont elle perce un petit personnage figurant sans doute le persécuteur renversé à ses pieds.

174. Êbrasements. S. Amarin, moine à longue barbe, nu-tête, s'appuie sur un gros bâton de voyage. La moitié de la tête a été restaurée.

175. S. Léonard, abbé : imberbe, tête nue, il porte un costume de moine. De sa

main gauche il tient une chaîne dont l'autre extrémité est fixée au cou d'un captif age- nouillé, mains jointes, sur le sommet d'une tour. On raconte en effet que le vicomte de Limoges avait fait sceller à une tour de son château une lourde chaîne à laquelle il attachait par le cou les criminels. Or un serviteur de S. Léonard, ayant été par er- reur ainsi enchaîné, invoqua son patron mort depuis quelque temps, et celui-ci le délivra miraculeusement. Aussi ce Saint est-il invoqué par les captifs.

1/6. S'^ Barbe, vierge, couronnée, montre du doigt une sorte de tour carrée qu'elle tient à la main.

1 7 7- S'' Apolline ou Apollonie, couron- née, tient sur un linge une énorme dent, en mémoire de son martyre : le persécuteur lui fit en effet briser les dents à coups de maillet.

Suite du mur de la façade.

I /S. S. Georges, en costume de cheva- lier complètement adoubé : casque conique, brassards, jambières, cotte de mailles, etc.. Debout, il transperce de sa lance la gueule du dragon infernal, qui se tord à ses pieds. Cette statue est fort belle : elle a un peu de la majestueuse énergie du S. Michel de Frémiet.

On remarquera que, de l'autre côté de la porte, la place symétrique à celle occupée par .S. Georges est vide et parait n'avoir jamais été décorée d'aucune figure.

179. (.Statue neuve). S'^ Claire, en cos- tume de religieuse, tenant à la main une chapelle ou peut-être un reliquaire.

1 80 (Statue neuve). S"" Agathe.vierge, au-dessus d'un petit brasier : elle subit en effet le supplice du feu, et c'est pour cette rai.son qu'on l'invoque communément con- tre l'incendie.

181 (Statue neuve). S. Edouard, roi d'Angleterre, ne refusait jamais l'aumône à ceux qui la lui demandaient au nom de S. Jean. Un jour, imploré au nom de ce Saint par un pèlerin, il lui donna sa bague, n'ayant pas sa bourse sur lui. Or le prétendu pèle- rin était S. Jean lui-même, qui, à quelque temps de là, rendit miraculeusement la ba- gue au pieux monarque. Nous le voyons ici en train de faire cette aumône. On re- marquera que la Légende Dorée rapporte la même tradition à propos du roi S. Edmond.

182. (Statue neuve). S. Antoine de Padoue, jeune religieux, portant sur son bras l'Enfant Jésus et tenant à la main un rameau de feuillage. Inutile de faire remar- quer que cette figure n'a aucune prétention d'ancienneté : si le saint franciscain, par sa vie, appartient au XI 11^ siècle, on doit re- connaître que son culte s'est développé seulement à une époque assez récente et que les sculpteurs de notre porte, au XIV^ siècle, devaient à peine connaître son nom.

183. (Statue neuve). Moine au capuchon rabattu sur la tête ; les mains sont cachées sous ses manches ; entre les bras il tient une croix. Comme S. Antoine, il porte un cha- pelet pendu à sa ceinture. Ce doit être S. François d'Assise : cette figure nous sug- gère les mêmes réflexions que la précédente.

184. S. Louis, imberbe, portant avec respect, sur un coussin, la couronne d'épi- nes qu'il a reçue des infidèles et pour laquel- le il a fait construire la S'" Chapelle. Con- trairement aux représentations habituelles, le pieux roi tient ici une épée nue et est coiffé d'un casque sur lequel est posée sa couronne ; sans doute pour exprimer qu'il fit la guerre aux ennemis du Christ.

Sommet de la porte.

185 Le Christ, assis, le torse nu, mon- trant ses plaies. Comme nous l'avons dit ci-

0ortaiï0 De l'égliee ^t'C|)it)ault îie Cl)aim,

393

dessus, cette statue colossale (3^4 mètres de haut) occupait jadis le milieu d'une rangée de sept statues ou groupes ; placée un peu en retrait du plan de la porte, elle a seule trouvé grâce devant l'architecte charoé de la restauration.

Nous n'avons pu englober dans notre schéma les autres figures qui, plus éloignées de la porte, concourent aussi à l'ornemen- tation de cette belle façade. Nous croyons néanmoins devoir les signaler rapidement.

Au sommet du pignon, debout sur un socle décoré d'une figure de femme nue, symbolisant peut-être le vice, se montre l'évêque .S Thibault, patron de l'église et de la ville de Thann. De chaque côté du Saint, deux pèlerins, un homme et une femme, agenouillés.

Sur le mur de la façade, à gauche, en continuant au delà du 181, nous trou- vons successivement :

S. Augustin, tenant la crosse d évêque d'Hippone, et un cœur enflammé ; sur son livre, on lit le titre de son ouvrage : Civi- tas Dei.

S. Jérôme, en costume de cardinal ; près de lui est son lion ; on lit sur son livre : Biblia sacra : c'est la Sainte Bible qu'il a traduite.

Un saint évêque tenant la crosse et un marteau : c'est S. Eloi, patron des mécani- ciens, nombreux à Thann.

S. Luc, imberbe ; près de lui le bœuf; il est le patron des dessinateurs également nombreux dans la ville.

Au-dessus de ces Saints, S. Christophe portant sur son épaule l'Enfant Jésus.

En outre, de ce côté, nous trouvons une Sainte couronnée, près de laquelle est une urne : c'est S" Madeleine avec le vase d'al- bâtre contenant les parfums dont elle oignit Jésus ; une autre Sainte, également cou-

ronnée, tenant à la main trois flèches : S'" Ursule, fille de roi, qui fut tuée à coups de flèches, avec les onze mille vierges, ses compagnes.

De l'autre côté de la porte, au delà de S. Louis (N° 184), nous voyons S" Cécile, portant une palme et un petit orgue.

Partie purement ornementale.

A. Galerie (déjà signalée et critiquée dans la description générale de la porte, page 295) imaginée de toutes pièces par l'ar- chitecte chargé de la restauration, à la place de six statues ou groupes qui entouraient le Christ central. Ce sont de grêles colon- nettes aux chapiteaux feuillages, entre lesquelles s'ouvrent de très petites arcatures trilobées surmontées de gables triangulaires. Au-dessus des chapiteaux la colonne se reforme, plus épaisse et carrée, et se ter- mine par un haut clocheton à crochets, d'aspect un peu lourd. Deux particularités viennent rompre l'harmonie de cette déco- ration : d'abord, près de chaque extrémité, un petit saillant de la balustrade ; ensuite la grande archivolte de la porte qui coupe toute la partie médiane de la galerie ; l'ar- chitecte a bien relevé cette partie le long de l'archivolte ; mais on ne voit plus les fûts des colonnes, et les clochetons, qui seuls se montrent, paraissent, faute de ce support indispensable, alourdis et illogiques à cette place.

H Large rinceau de vigne remplis- sant une gorge profonde qui limite infé- rieurement le tympan principal.

C. Redans très saillants, complète- ment découpés à jour et terminés par des fleurs de lis. Cette dentelle de pierre en- cadre extérieurement les archivoltes des I deux baies de la porte. Au-dessous de I ces redans, le dernier cordon, ou filet de couronnement, est formé d'une guirlande

394

Bebue lie rSrt cl)rctien.

de feuilles frisées, affectant de place en place la forme de crochets.

D. Entre le tympan principal et les archivoltes des baies jumelles, la muraille apparaissait nue: pour masquer cette nudité, l'architecte y a ménagé trois petits oculi polygonaux à côtés arrondis, d'une assez pauvre invention ; celui du milieu, plus grand, est seul ouvert ; les deux autres sont aveugles et constituent en réalité un simple placage.

E. Le chapiteau de la colonne du trumeau devait être mince à sa partie infé- rieure pour se rattacher à la colonne, et très large au sommet pour former le socle de la grande statue de la Vierge (N" i/i)- Cette difficulté a été élégamment résolue au moyen de deux étages de guirlandes de feuilles superposées sur le chapiteau, dont elles augmentent progressivement la lar-

geur.

F. Après le N'^ 164, nous avons déjà mentionné ces arcatures qui décorent le linteau des baies jumelles. Elles sont for- mées de lancettes très arrondies, subdi- visées à l'intérieur en plusieurs lobes iréHés; chacune est couronnée par un épais fleuron, et séparée de la suivante par deux petits clochetons ; les écoinçons sont décorés de petits panneaux. L'ensemble est très gracieux ; certains détails font déjà pres- sentir l'art de la Renaissance.

G. Dais surmontant les statues de l'ébrasement de gauche et du trumeau : ils sont ouverts sur deux faces par une arcade trilobée surmontée d'un fronton triangu- laire à rampants munis de crochets.

G'. Les dais des statues de l'ébrase- ment droit sont au contraire très riches, sur- tout celui de l'extérieur, qui est ouvert sur trois faces et décoré de six petites statuettes. Ces deux dais sont, sauf quelques variantes.

du même type que les arcatures F du linteau voisin.

H. Chapiteaux ornés de deux rangées de feuillage se surplombant : c'est à peu près le même modèle qu'en E ; mais ici ce n'est qu'un mode d'ornementation, tandis que c'était un artifice ingénieux pour élargir la corbeille du chapiteau.

I. Petites arcades ogivales prises dans l'épaisseur du mur; au-dessous est une petite rosace à jour et un arc plein cintre à petits crochets qui délimite l'ouverture même de l'arcature. L'ensemble forme une sorte de dais sans saillie extérieure, qui semble appeler la présence d'une statue. Il ne parait pas cependant qu'il y en ait jamais eu sous l'arcade de droite.

J. Gargouille (neuve) : chèvre.

K. » » : cheval.

L. Piédouches ornés de moulures très simoles, terminées au sommet en forme d'ogives.

II.

PORTAIL SEPTENTRIONAL.

A DEUX pas de la porte occidentale, et s'ouvrant comme elle tout au bas de la nef, mais dans le mur du Nord, se trouve la porte que nous allons rapidement analyser.

Sans présenter l'intérêt iconographique, ni la richesse luxuriante de sa rivale, elle ferait encore honneur à bien des cathé- drales: c'est en effet un des portails les plus curieux de l'époque de transition : les ar- chivoltes, tant du porche que de la porte même, les résilles de la verrière n'accusent presque plus la brisure centrale ; les baies jumelles de l'entrée sont surbaissées en anse de panier, mais tous les détails d'ornemen- tation sont purement gothiques. Et tandis que les architectes de ce temps, cherchant leur voie entre les procédés de l'art flam-

0ortatl0 De réglisse m%l)itmlt Ue Ct)ann.

395

boyant épuisé par ses propres excès, et les essais encore timides d'où devait sortir la Renaissance, n'ont produit en général que

des œuvres bizarres et chargées, notre por- tail au contraire se distingue par une rare élégance, qu'il doit sans doute à la franchise

Fig:. 5. Porte septentrionale de l'église Saint-Thibault.

de son parti-pris : il unit à la pureté des lignes de la Renaissance la richesse d'exé- cution de l'art gothique à son apogée, et

peut soutenir la comparaison avec les meil- leures productions de l'un et de l'autre style. I. La Vierge, debout, une couronne

fleuronnée posée sur ses cheveux ondulés, tient assis sur son bras gauche l'Enfant Jésus à demi nu, qui joue avec un oiseau. De la main droite, Marie porte un rameau de lis en fleur. Ce type de l'Enfant à l'oiseau, bien que fréquent dans les tableaux des primitifs, est très rare sur les portes d'église du moyen âge.

2. S. Jean-Baptiste, aux cheveux frisés et à la barbe presque inculte, est debout ; il porte l'Agneau de Dieu. Pour tout vêtement il a une peau de quadrupède, tout entière et dont la tête tombe au-dessous de ses ge- noux ; les bras et les jambes sont nus.

3. L'évêque S. Thibault, coiffé d'une mitre brodée, tient en main sa crosse, beau- coup plus finement ouvragée que la plupart des crosses sculptées en pierre. De la main il semble accueillir deux minuscules pèle- rins, ou donateurs, qui, leur chapeau rabat- tu sur leur dos, mains jointes, s'agenouillent à ses pieds avec un air de ferveur presque amusant chez de si petits bonshommes.

4. S'" Marguerite, couronnée, foule aux pieds le dragon infernal.

5. S. Ulrich, évêque d'Augsbourg, dont le costume et la pose sont presque pa- reils à ceux du N" 3. Des deux donateurs agenouillés à ses pieds, l'un est pour ainsi dire couché à terre.

6. Un seigneur, imberbe, nu-tête, vê- tu d'une robe courte bordée d'un galon, s'ap- puie sur une sorte de canne dont la partie supérieure est brisée et qui, dans son état primitif pouvait être une lance ou un bâton de commandement. De la main gauche, il tient des grappes de raisin. Cet emblème caractérise .S. Morand, qui, selon la légende, aurait passé tout un carême sans autre nour- riture qu'une grappe de raisin : c'est en rai- son de cette circonstance que les vignerons du Sundgau l'honorent comme leur patron ; mais nous nous demandons pourquoi le

Saint bénédictin d'Altkirch n'est pas re- présenté sous son costume monastique.

7. S. Léon IX, pape ; sa tiare, au con- traire de celles du XI 11^ siècle, présente les trois couronnes superposées ; il tient à la main un reliquaire.

Fig. 6. Schéma de la porte septentrionale.

On remarquera qu'aucune de ces statues n'est nimbée.

Partie purement ornementale.

A A. Sorte de gable, de dessin ultra- flamboyant à accolades, surmontant cha- cune des baies jumelles ; les rampants sont ornés de crochets, les intervalles des me- neaux remplis par un réseau d'arcatures

îdortatls De l'église ^t Cl)tbault De Cl)aun.

397

ou de rosaces trilobées ; l'ensemble, cou- ronné par de gros fleurons, forme comme un écran ajouré en avant de la verrière du fond du porche.

BB. Ue chaque côté.à différentes hau- teurs, trois petits dais indiquent l'emplace- ment de statues, qui paraissent n'avoir jamais été posées.

C. La grande archivolte à accolade qui limite la baie du porche, projette à l'in- térieur un feston de pierre formé de redans trilobés d'une admirable légèreté. En gé- néral nous aimons peu ces dentelles accro- chées aux archivoltes, mais ici nous nous inclinons devant l'effet produit : ce feston donne de l'importance au filet de couronne- ment, et il cache en même temps la nudité de la voussure ; enfin, au sommet, il s'inter- rompt avec discrétion pour dégager la pointe de l'accolade.

U Dais de la statue du trumeau; c'est, en miniature, une véritable flèche de cathé- drale,à trois étages ornés chacun d'arcatures trilobées supportées par des colonnettes.

E et F. Dais des statues des piles du porche : riches dais polygonaux, dont les rampants à contre-ogive, ornés de crochets, s'entrecroisent pour former des arcatures trilobées et se rencontrent à la même hau- teur pour s'épanouir en fleurons. Ceux mar- qués F, qui regardent l'intérieur du porche, sont surmontés d'un pinacle un peu lourd. Mais en arrière des uns et des autres, et paraissant les prolonger sur la face des piles

du porche, s'élèvent des clochetons inégaux, très aigus, supportés par des colonnettes et atteignant le sommet du porche.

G. Balustradede laterrassequi surmon- te le porche : elle est ajourée selon un des- sin fort gracieux assez répandu aux XIV^ et XVe siècles. ^ Sanoner

Paris.

Noie. Cet article était déjà composé quand il a été donné tout récemment (août 1904) à l'auteur de visiter la cathédrale d'Ulm : il a été surpris de retrouver sur les portes de ce monu- ment la plupart des particularités du portail de Thann. Ces traits communs, si nombreux et si caractéristiques, nous obligent à attribuer à la même école d'imagiers la décoration des deux édifices. Nous citerons notamment les ressem- blances suivantes :

A. Au point de vue de la statuaire et de l'iconographie: Dieu donne des vêtements à Adam après le péché (n° 58 Thann ; porte ouest Ulm) ; Marie et ses compagnes dans le temple ; Marie porte une offrande sur l'autel ; épisode de la verge fleurie (n°s 96, 97 et 98, T ; p. sud U. ) portrait de l'imagier au-dessus de la crèche (n° 1 19 T. ; p. sud U.) même cortège des mages descendant le long de la voussure ; mêmes piédestaux prismatiques des bergers (nos 123 et 121 T; p. sud U.) anges recueillant le sang de Jésus crucifié, soldats sur les échelles (n» 125 à 129 T. ; p. nord U.), etc.

B. Au point de vue de la construction. baies ogivales accolées, trumeau à plusieurs personnages (p. ouest Ulm) ; deux tympans inférieurs historiés inscrits dans un tympan su- périeur (p. sud U.), etc.

RBVUH DE l'art CHRÉTIEN. 1904, 5'"* LIVRAISON.

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Jlc stplc nco=cla5sique et le noimcau ^.^.r^.-..^s..^^ Brurcllcs.

A. reconstruction du palais royal et des inusées de Bruxelles va se faire dans le style gréco-romain qu'affec- tionne le Souverain, dont on connaît les goûts grandioses, les concepts à la Louis XIV, inspirés de l'art pompeux des cours de l'ancien régime. Sous son impulsion, des quartiers pitto- resques et vivants du vieux Bruxelles vont faire place à des ordonnances à la romaine, aussi froi- des que majestueuses, qu'admireront les étrangers en excursion, mais que désertera la vie de la cité. On peut ne pas partager cet idéal, on peut regretter, comme M. Ch. Buis ce qu'on appellerait de la mégalomanie,sauf le respect que l'on doit à un Souverain qui est, à bien des titres, le bienfai- teur du pays ; on comprend que l'architecte ap- pelé à réaliser les volontés royales se complaise à ce qu'offre de grand et de fastueux la noble tâche confiée à son remarquable talent. Un écrivain officieux a entrepris de justifier devant le public un parti qui trouve sa principale rai- son d'être dans une auguste volonté. Cet avocat ne se contente pas de défendre la cause du néo- classicisme par des arguments de circonstance, il croit devoir ériger son goût en principe et jeter le blâme sur ceux qui ne trouvent pas que tout soit pour le mieux dans un Bruxelles- Versailles. Il estime que la Belgique aurait tort de ne pas rompre entièrement avec les traditions de son art national et traditionnel, absolument suranné selon lui. C'est dans la Chronique des travaux publics que nous trouvons son plaidoyer, qui ne manque pas d'être un peu paradoxal. Il peut se résumer à peu près en ces termes :

Un monument public ne peut être excentri- que et tapageur ; or en dehors du gréco-romain, il n'y a pas d'architecture simple et grande, pas d'expression saine et lo^jique de la vérité. Pour donner à la façade une allure rationnelle, il faut la revêtir de colotuiades engagées. Le gothique et la Renaissance n'offrent à l'œil que profusion

d'ornements bizarres exclusifs du <i grand art ». Le style classique seul s'adapte bien à la vie mo- derne. La Renaissance flamande n'est d'ailleurs qu'une « interprétation rustique » (sic) de la Re- naissance italienne et le gothique n'est bon que pour les églises; il ne se conçoit d'ailleurs pas sans les donjons, les échauguettes, les mâchicou- lis, les créneaux et les meurtrières, d'où il tire son pittoresque. Le style à platebande de l'anti- quité est le seul qui convienne au climat belge, aux matériaux belges, aux programmes moder- nes, et, n'est-ce pas, «ce devrait être une vérité banale de dire qu'un édifice est construit pour le rôle qu'il est appelé à remplir» ?

« Si les amateurs de gothique n'aiment pas Guimard, c'est que leur éducation artistique ne les met pas à même de le comprendre. > «Ecoutons les professionnels, dont l'avis a plus de poids que celui des architectes amateurs. » Vous qui n'êtes pas de notre avis, vous n'y entendez rien. Et cela suffit ! Assez de discussions comme cela ! Point à la ligne.

On pourrait croire que nous travestissons le morceau ; il faut que le lecteur puisse s'assurer par .ses propres yeux que nous l'avons fidèlement résumé. C'est pourquoi nous le donnons ci-après avec quelques notes.

L. C.

Uc Balais roi?aI Dc BrurcUes (')

E style est gréco-romain ou classique, et les partisans du gothique et <ie la Renaissance flamande en ont f.iit un grief à l'artiste. Mais celui-ci estime qu'un monument public ne doit pas revêtir une excentricité tapageuse (°), qu'il doit être l'expression saine et logique de la vérité ('J. La fai^ade sera simple, homogène et exempte d'éléments inutiles (■•), elle s'impose (5) par ses proportions et par sa masse et non par des détails injustifiables.

I Chronique dei travaux publics^ 28 août 1904.

2. Tout style en dehors du gréco-romain est donc excentriquo et t.ipageur ?

3. lin quoi le gréco-romain est-il spécialement l'expression saine et logique de la vérité?

4. lîstce que les colonnades engagées ne sont pas des éléments inutiles?

^. L'écrivain aur;; voulu dire : « elle impose par ses masses >?

S^^tiamtQ.

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Le grand art est modeste et laisse supposer par sa simplicité que chacun puisse l'aborder sans grandes étu- des (')• Et ce n'est pas seulement vrai pour l'architecture : un discours simple et beau inspire aux naïfs cette pensée qu'ils seraient capables d'en faire autant. La profusion des ornements dans une fagade correspond à l'abus du néologisme chez nos écrivains contemporains {'). Mais l'ange du bizarre, dans aucun domaine artiste, n'a réussi encore à supplanter les muses de l'antique Hellade.

On a dit au Parlement que le gréco romain n'était qu'un pastiche (^), que le style (zuimard, comme on dit quelque- fois, n'avait aucune originalité. Racine n'en a pas non plus, en ce sens qu'il s'inspire de Sophocle et d'Euripide {*). Originalité est un mot servant d'habitude h couvrir l'in- conséquence qui a présidé à l'étude des œuvres man- quées Uy a beau temps qu'on en a fait justice dans l'en- seignement littéraire. Certes,il y a une bonne originalité, celle qui trouve une belle pensée que personne n'a eue, mais le style original, en littérature, c'est-à-dire le style qui fait reconnaître tel ou tel écrivain, est le résultat de ses défauts et non de ses qualités. La preuve est qu'on pastiche le plus facilement des écrivains qui ont le nom d'avoir le style plus original. Rien de plus aisé que d'é- crire un caractère de La Bruyère ou une lettre de Mada- me de Sévigné, plus ressemblants que s'ils n'étaient pas en toc. Un conte de Voltaire est même faisable. Mais on ne pastiche pas Racine, ni Bossuet.

Le gréco- romain est le style classique ; il est l'expres- sion la plus complète du grand art et a le mérite pratique de se prêter le mieux h l'emploi des matériaux de notre pays (5). .Sans doute, il est noble, austère, plutôt que gai, mais un monument public ne doit pas être fantaisiste. «On ne rit pas dans une école militaire (') >, disait Maquet pour expliquer le caractère sérieux de la façade qu'il a conçue pour l'éditice de l'avenue de la Renaissance.

C'est, au contraire, le gothique moderne et la Renais- sance flamande qui pourraient plutôt être appelés des pastiches (').

Nos esthètes les représentent comme nos styles natio- naux, pour flatter notre amour-propre. Mais la Renais- sance n'est qu'une interprétation rustique de la Renais- sance italienne (^). Le gothique n'est assurément pas d'in-

1. Curieuse définition du grand art.

2. C'est à l'auteur de la Bourse de Bruxelles qu'il faut dire cela.

3. On a eu raison.

4. Racine parle français et pas grec.

5. Nous pensions jusqu'ici que le style classique était par excel- lence crlui qui convient aux matériaux et au climat de la Grèce, à ses beaux marbres favorables comme son ciel au système de la plate- baniie; et que notre pays s'accommodait mieux, avec «es malériaux plus divisés et son climat pluvieux, des moyens si habiles créés par le moyen âge.

6. On a bien tort.

7. .A.llez-y ! Payez d'audace. Traitez de pastiches des constiuc- lions faites dans le style traditionnel, et d'originales celles qui sont copiées des édifices exotiques et vieux de milliers d'années.

8. Ceci est un sophisme. La renaissance flamande offre un tond ir.idilionnel et local afiecté d'une influence italienne, bien mal quali- hée < d'interprétation rustii/uf. » Qu'est-ce qu'on veut dire par ?

vention belge. Il se prête aux édifices religieux ('), mais en abuser pour les bâtiments modernes témoigne d'un man- que de logique que rien ne justifie. La façon de vivre, de construire était tout autre, au moyen âge que de nos jours. Donjons, échauguettes, mâchicoulis, créneaux et meurtrières d'où le gothique tire son pittoresque {-) sont aujourd'hui un non-sens. Et ce devrait être une vérité banale de dire qu'un édifice est construit pour le 1 Ole qu'il est appelé à remplir. A la Maison du Roi, à Bruxelles, des employés de la Ville ont été frappés de cécité.

Sans doute, conservons avec un soin jaloux nos monu- ments gothiques. Cela coûte, du reste, assez cher pour nous ôter l'envie d'en édifier d'autres. L'église du Sablon, à Bruxelles, et l'hôtel de ville de Louvain, coûtent en ce moment à eux seuls pour leur restauration la bagatelle de trois millions (3), et ce n'est pas tout, car, quand on a fini d'un côté, il faut recommencer de l'autre, de sorte que la dépense est permanente.

Si les amateurs de gothique n'aiment pas Guimard, c'est que leur éducation artistique ne les met pas à même de le comprendre (•*). Ils ne saisissent pas l'ensemble d'une conception, mais seulement l'inspiration du hasard et le caprice de la fantaisie Et cependant, en architecture, comme en musique, l'ensemble est tout. Toutes les par- ties si remarquables qu'elles soient, aboutissent à une ca- cophonie, si l'orchestration n'est pas bien faite.

Le gothique moderne n'a ni le caractère, ni le senti- ment du gothique, parce que celui-ci était le reflet des mœurs du temps. Toutes les époques ont leurs concep- tions artistiques et le palais de Bruxelles ne sera pas ha- bité par le duc Jean II de Brabant (s), mais par le roi Léopold II qui y donnera des fêtes les salons seront éclairés k la lumière électrique.

Paris et Rome, domine le style classique, sont les plus belles villes du monde ("). Ne nous laissons donc pas aller à un faux amour-propre. Écoutons les profession- nels (0 dont l'avis a plus de poids que celui des architectes amateurs.

Tout ceci pour répondre quelques mots aux observa- tions que le projet Maquet a provoquées à la Chambre et au Sénat.

La façade sera en pierre d'Euville, en pierre bleue et en pierre de Gobertange. Il n'y aura pas de maçonnerie apparente. On employera environ 8,000 m' de pierres. Les fondations nécessiteront 30,000 m^ de maçonnerie.

1. En quoi, s'il vous platt, s'y prêterait-il exclusivement?

2. Qui parle de faire aujourd'hui des macliicoulisetdes meurtrières ?

3. Et le Palais de Justice de Brii.>;elles ? Il est de la moitié du siècle ilernier et son entretien cotue à ce que l'on assure plus de cent mille francs par an.

4. Et nul n'aura de l'esprit que « nous et nos amis ! »

5. Il ne sera pas habité non plus par Auguste.

6. Rome est une ville auguste par ses souvenirs et son histoire, comme par sa situation du centre de la chréiienté : elle n'est pas de premier ordre au point de vue de l'esthétique. Paris est la première ville du monde par sa valeur artistique ; mais parmi ses joyaux N.-D. de Paris et la Ste-Chapelle ne sont pas les moindres.

7. Tous les professionnels ne sont pas de votre avis.

400

jRebue lie r^rt cbrétten.

A l'intérieur, on rétablira l'ancienne décoration du côté de la façade. Le grand escalier ne bouge pas, mais les escaliers de service donnant sur la façade sont modifiés et doivent l'être, c'est un vrai casse-cou ; il n'y a pas longtemps, le Roi est tombé sur les degrés; heureusement Sa Majesté ne s'est pas fait de mal.

Les bâtiments actuels du palais n'ont ni air, ni lumière: ils sont malsains, humides, pourris. On aurait peut être mieu.\ fait de se décider à jeter tout par terre, quitte à re- construire sans y rien changer l'admirable escalier de Balat.

H'ecolc gantoise Oe Saint=Jiuc et i'Grposition Des tratiaur De ses clèties.

École Saint-Luc de Gand.

X lit dans le Bien public de Gand :

Un critique d'art distingue, actuellement en possession d'une chaire d'esthétique dans une École de Hautes Études, a complaisam- ment esquissé le tableau de notre art architectural pré- sent ; dans ses notes, il cite deux douzaines de maitres belges et se tait absolument sur l'École St-Luc : et je crois que c'est pure charité de sa part. Ailleurs, il y fait une allusion voilée, pour affirmer qu'elle ne demande à ses élèves que la copie de formes anciennes et qu'elle n'a produit que des pastiches assez médiocres (').

La vérité, c'est que l'École St-Luc a préparé de longue main, depuis plus de trente ans, l'évolution irrésistible par laquelle est actuellement rénovée notre architecture, car, pour une grande part, le néo-style n'est que du gothique déguisé.

Dépouillez les constructions dites « esthétiques >, du moins les bonnes, de quelques fantaisies qui les gâtent, comme les courbes serpentines, et les formes a priori, et que restera-t-il d'intéressant, sinon l'emploi de matériaux apparents, la mise en évidence de la njenuiserie et de la ferronnerie, l'usage de la flore stylisée et des essais de la polychromie ? Qu'est-ce que ces nouveautés,sinon l'en- vahissement du rationalisme médiéval (les Anglais di- sent préraphaéliste) agrémenté de caprices puérils ou charmants }

Or, cette évolution, qui l'a préparée, un (|i.iart de siècle durant, avant la naissance de nos jeunes architectes ferns de leurs inventions ? C'est TÉcole St-Luc, qui avait de- mandé aux maîtres médiévaux les secrets de la saine construction et qui avait répandu les principes dans les Flandres antérieurement aux premiers essais de ceux-là qui ont eu la monumentale suffisance de s'adjuger le monopole de l'esthétique.

Nos amis ont pris pour point de départ de leurs études

I. V. Fierens Gevaert, Nouveaux essais d'art contemporain.

le moyen âge ; ils ont tiré leurs modèles classiques de nos monuments nationaux, qu'ils ont dessinés et restau- rés, avant de se mettre à composer librement des édifices absolument modernes; et on les appelle des copistes! On trouve originaux et personnels ceux qui continuent les errements gréco-romains et alignent des colonnades dori- ques ou ioniques à perte de vue

Nous estimons, nous, que les plus modernistes ne sont pas ceux qui inventent des formes abracadabrantes,mais ceux qui savent adapter à des programmes généreusement modernes des procédés techniques sages, fussent-ils tra- ditionnels, et se servir des matériaux les plus nouveaux sans répudier les bons vieux moyens d'autrefois.

La tendance moderne et pratique de l'enseignement de l'École St-Luc est si accusée, qu'elle a pris de tout temps pour objectif de ses études les questions les plus vivantes qui se posaient dans le milieu gantois.

Aussi, cette fameuse transformation du centre de la ville de Gand, à laquelle M. Braun aura attaché son nom, ayant eu le mérite de prendre l'initiative de son exécution, qui l'a conçue,sinon l'École St-Luc' Il y a près de 15 ans que cette importante question était mise à l'étude dans un de ses concours de fin d'année.

Le Courrier Belge du 21 juin 1896 reproduit le projet, élaboré dès i89o,par l'élève Alph.Depauw,d'Ostende,pour la transformation des abords de la cathédrale St-Kavon, comprenant le dégagement du chœur et la construction d'un nouveau palais épiscopal. C'est d'ailleurs un des maitres de St-Luc, le vénérable Auguste Van Assche, qui a conçu l'idée première des grands dégagements en voie d'accomplissement dans la cuve de Gand.

Quant a la restauration de la Halle aux draps, elleétait l'objet d'une excellente étude de notre architecte provin- cial, M. Etienne Mortier, lorsqu'il était encore sur les bancs de l'académie St-Luc ; c'était, je crois, vers 1878 il y a plus d'un quart de siècle.

Le projet de cet élève plein de promesses (brillamment tenues) était de tous points excellent, peut-être supérieur h celui qui a été exécuté, car il ne comportait pas les lourds balcons, qu'à tort selon nous, on a mis au bas des flèches des tourelles. Depuis, l'étudiant est devenu un maître, dont on parle relativement peu, parce qu'il est modeste et ne fait partie d'aucune coterie ; mais l'avenir le placera très haut parmi les artistes de notre temps, notamment pour la part qu'il a prise à l'érection de l'Hôtel des Postes, et pour des restaurations consciencieuses.

Dans ses mains la nouvelle chapelle dite «Heilig Graf>, près de Saint-Bavon, est devenue un bijou architecto- nique, et aucune restauration n'a été effectuée avec plus de talent et de clairvoyance que celle de la façade sud de la cathédrale et de ses dépendances.

Les blanches maquettes bientôt légendaires qui depuis tant d'années se succèdent dans les niches de l'Hôtel-de- Ville, de temps en temps inspectées par une Commission royale ou communale ou autre, attestent le désarroi de l'art de nos grands sculpteurs si artistes, mais parfois peu entendus en matière d'art monumental. L'une, emphatique

£©élanges.

401

et débordante,s'encadre mal dans son cadre, une autre s'y cambre avec trop de désinvolture, d'autres paraissent s'échapper d'un salon ou d'un boudoir. Il y a bien des années, c'était, je crois, en 1896 que ce délicat pro- blème avait été résolu d'une manière satisfaisante par un élève de StLuc, le sculpteur A. De Beule, dont les ma- quettes encore imparfaites au point de vue du caractère monumental, étaient de grand style tout de même et ont fait sensation naguère.

Mais revenons à l'exposition des travaux de cette année.

Le « Grand Pri.x > d'architecture se disputait sur un programme, auquel on reconnaîtra une parfaite moderni- té, sujet si neuf, que l'on devrait aller bien loin, à Kre- feld, à Mulhouse ou à Manchester pour en trouver des modèles ; il s'agissait d'élever sur un terrain de forme adventice très particulière, une école de tissage.

Les élèves, s'inspirant de constructions très modernes exécutées à Gand et des leçons techniques reçues à l'É- cole, ont mis en œuvre tous les procédés les plus nou- veaux. Le projet de M. Fr. Todt se distingue à ce dernier point de vue : l'emploi judicieux du ciment armé, l'usage si indiqué de fermes Raikem bien conditionnées, l'éta- blissement d'une canalisation d'eau bien comprise, etc., le tout expliqué avec intelligence dans un rapport remar- quable, fait de son projet une conception réalisable.

Toutefois quelques lacunes empêchaient de le consi- dérer comme une œuvre maîtresse digne de la plus haute récompense.

Selon l'habitude, le même programme était imposé aux élèves de la septième année, le jury s'est trouvé en présence de compétiteurs nombreux et méritants.

Le premier prix est partagé entre MM. A. Janssens et Ose. Bernaert.

Nous avons dit qu'on doit rendre à l'École cette justice qu'elle est de son temps, bien qu'elle s'attache à l'étude du passé ; elle a comme l'intuition des besoins de notre époque et de l'avenir. C'est encore, en effet, une louable préoccupation de modernité dans une œuvre nouvelle, soumise en toute convenance aux traditions artistiques locales, qui a dicté le sujet du concours de cette année.

Les étudiants de quatrième année avaient à élever une maison de campagne. Ici, nous nous trouvons en pré- sence d'un charmant projet, que plus d'un maître signerait volontiers. C'est une gracieuse villa conçue par M. Carlos Thirion : elle est distribuée avec sagesse, d'un pittoresque piquant, d'une charmante couleur, d'un style bien wallon coiTime l'auteur.

M. E. Haché n'a pas moins mérité le deuxième prix avec une composition plus modeste, mais bien jolie, en son style flamand. Une mention honorable à M. Jos. Van de Velde qui ne pouvait entrer en lice avec des projets incomplets.

Dans la section de ferronnerie, M. H. Vanderlinden s'est fait remarquer par une série d'études sérieuses.

Les années inférieures d'architecture témoignent toutes de cette étonnante intensité de travail, dont l'École

St-Luc a le monopole, grâce à d'excellentes méthodes et un art singulier d'entraînement. Il faut voir les études d'après d'anciens monuments, les études de projections obliques, les analyses des bâtiments et les éléments de constructions, etc.etc. Impossible de nous y arrêter, sans abuser de la place qui nous est accordée.

Dans la section de modelage, le concours pour le grand prix avait pour sujet le rendu, en bas-relief, d'une des sept œuvres de miséricorde : la visite des malades. M Van de Capelle présente une intéressante composition qui man- que toutefois de qualités maîtresses suffisantes requises par le jury, toujours sévère (on doit l'en louer), pour rem- porter la glorieuse médaille. Remarqué du même artiste de charmantes études inspirées de la cathédrale de Reims.

Le même sujet était imposé aux élèves de la septième année et M. Achille Moortgat a été plus heureux. Le groupe qui s'empresse autour du malade (parents, amis et serviteurs), en quelque sorte par un même souffle de charité, s'harmonise à des attitudes concordant à leur variété ; les figures sont nobles, et le style personnel de M. Van de Walle a mérité une mention honorable.

Le concours de la sixième année avait pour sujet : 1" le modelage d'une console .avec figure accroupie et 2" de deux statues pour être exécutées en pierre. Le résultat obtenu par les deux concurrents est très satisfaisant : MM. De Visscher et Geeraert ont emporté un i" prix.

En cinquième année(reproduction de la statue en bronze de saint François, à la cathédrale de Tolède), les concur- rents avaient, en outre, à fournir des œuvres purement décoratives qui, en général, ont été fort bien comprises.

Combien plus difficile (et trop difficile) était un autre morceau demandé : l'étude d'une de ces bêtes fantastiques qui habitent les corniches de Notre-Dame de Paris ; une sorte d'aigle saisissant dans ses serres une grappe de rai- sin. Il était ardu de donner la vie, le mouvement harmo- nique à cette chimère.

Il y a aussi des études remarquables dans la quatrième année. En somme, nous constatons avec plaisir que les jeunes sculpteurs sont dirigés avec entrain dans la voie de la sculpture décorative, de manière à devenir des pra- ticiens habiles et artistes dont nous avons tant besoin.

Encore deux mots des travaux des peintres dont une grande partie n'a pu être exposée, faute de place à cause des nouvelles constructions en cours.

Nous remarquons en cinquième année une jolie inter- prétation de la statue bien connue du saint Hubert, de Louvain; en quatrième année : un médaillon pour vitrail, qui représente une figuie du Christ d'après le beau Dieu d'Amiens.

M. Dua, de la sixième année, fournit une bonne étude de vitraux, mais oîi les figures sont trop plastiques pour satisfaire aux exigences décoratives du métier.

Le plus beau morceau de la section de peinture est le projet de verrière de M. H. Coppejans, qui a remporté

402

îRebue îfe V^xt chrétien.

le Grand Prix. Ce superbe carton représente, dans les quatre fenêtres de l'ancienne chapelle de l'hospice Sainte- Catherine h Gand, des épisodes se rattachant h l'histoire de la sainte et à la fondation de l'hospice.

L. C.

Ecole Saint- Luc de Liège.

Nous lisons dans le Bulletin des métiers d'art.

Exposition des travaux des élèves. Il suffit d'avoir com- paré l'exposition des travaux de ses cours supérieurs avec celle des œuvres d'institutions similaires restées fidèles aux vieilleries trop académiques, pour constater que du côté de Saint-Luc se révèlent de plus en plus la vie et la dignité, le travail régulier, persévérant et personnel, l'ori- ginalité vraie qui résulte de ce travail, et l'alliance heu- reuse du culte du progrès, et de l'emploi de ses nouveau- tés avec la fidélité aux meilleures traditions artistiques et nationales de nos plus habiles devanciers.

Les progrès notables du cours des arts décoratifs con- tinuent à s'accentuer d'une manière évidente.

Ce qui attire particulièrement le regard, c'est le magni- fique projet pour la décoration d'une église avec carton d'exécution d'un groupe représentant la Cène et une figure de saint Bonaventure en peinture murale faisant partie de cet excellent projet. Ce travail a valu à l'au- teur, M. Colpa, la distinction très rare du Grand Prix.

Les cours de mobiliers, de modelage et de ferronnerie offrent aux visiteurs des projets aussi méritants que nom- breux.

Signalons, en ferronnerie, les dessins de la première an- née : torchère, suspension de lanterne, qui ont valu à leurs auteurs, MM. P. Janss et D. Lahaye, un premier prix.

M. Z. Gobiet expose une copie très heureuse de la char- mante statue de Notre-Dame de Hal, ainsi qu'une res- tauration bien réussie d'une noble statue de sainle Cathe- rine.

En troisième année : M. D. Léonard qui obtient un premier prix pour ses belles études d'un mobilier complet de chambre à coucher.

En quatrième, M. L. Doering remporte un premier prix et M. J. Detilloux un deuxième pour la composition d'un mobilier complet de salle à manger.

**•

Les travaux du cours d'architecture sont de nature à soutenir et à relever encore la réputation de l'école.

En huitième année, M. H. Seaux a produit un travail d'une supériorité marquée, un projet de Palais des Beaux- Arts. Sur un plan bien combiné, s'élève une riche

façade. Un vrai sentiment artistique, une connaissance sûre de la construction, un crayon habile, un lavis char- mant, se révèlent à l'œil le moins exercé.

En sixième année, un projet de « local pour société > a provoqué de bons travaux. Le premier prix est revenu h M. J. Ghobert, M. J. Barsin a obtenu le deuxième prix.

Un projet de « Villa » avec dépendances, faisait l'objet du concours de la cinquième année. Deux premiers prix: MM. Clément el Thibeau, deux seconds prix : MM. Joslet et Wilkin, ont été donnés. Le très agréable projet de M. Clément d'Oneux nous ofi"re une riante villa, sagement distribuée, pleine de pittoresque et de couleur.

Le projet de M. Thibeau attire les yeux par la manière calme dont il est rendu et témoigne d'une connaissance sûre de la construction. MM. Joslet et Wilkin font augu- rer des succès pour l'avenir.

Aux élèves de quatrième année était imposé un projet de < maison de commerce ». MM. Joassart et Thône ont obtenu le premier prix ; MM. Dehin et Fétu le deuxième prix.

L'École Saint-Luc de Schaerbeek- Bruxelles.

Pour terminer l'année scolaire, l'école Saint Luc de Schaarbeek-Bruxelles a exposé des résultats très au-dessus de la moyenne. Les travaux des élèves de la section d'architecture dénoncent une rare élite de dé- butants. L'on sait combien le jury qui circule parmi les écoles Saint-Luc semble avoir h cœur de se montrer sé- vère. Il a fallu qu'à Bruxelles il se montrât prodigue de distinctions, à peine de renier l'esprit d'équité qui, avant tout, le'gouverne. Le Grand Prix (huitième année) a été emporté par M. Eug. Hucq, dont les qualités de goût et de distinction ont déjà été signalées à nos lecteurs. En septième année (projet d'église) deux premiers prix, chose peu ordinaire, sont délivrés à MM. Diekschen et Laniy, et trois seconds : MM. Gustenhoven, Hegendorfer et Meulepas. En sixième année (local pour une société d'ar- chitecture) deux premiers prix encore à MM. Gosselin et Latteur, et un second à M. De Roi. MM. Herinan Lemaire et Léon Van Criekinge emportent le premier prix en cin- quième année (couvent), et un projet de maison commu- nale vaut en quatrième année à MM. Lefeveret Silly le premier prix encore.

Signalons comme particulièrement remarquable le pro- jet d'église de M. Diekschen.

Sans être aussi remarquables que la section d'architec- ture, les classes de décoration sont pourtant fort intéres- santes, et les classes de principes se montrent pleines d'ardeur.

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Blai^BdlIlff : (In tableau B'-flntoncIlo Or SicBiSinf, IHes^inC: DrcouOcttc D'une moflaïquc. Berlin: IXnia^ bleau ne VanOer GOC0. San JSi'UeiO (Soficane) : "Vol D'une ocuiDtf De îJobbia. Floicnce: liée tabernaclea eut tue; le DaCîD De SHIcbel Hnce; Doutielleo acquieitions Dea flBufléca ; Un tableau De Kapbaet.

Plaisance. Un Christ à la colonne.

|E musée civique conservait un Christ à la colonne qu'on soupçonnait être peint par Antonello de Messine. Le petit ta- bleau, — il mesure 0^,38 sur o"i,48 était surchargé de vernis ; le conservateur, le pro- fesseur G. Ferrari, prit le parti de le faire net- toyer ; alors apparut visiblement l'inscription :

14.7J Antonellns înessaneus me pinxit.

C'est un très bel ouvrage, il était jadis dans la chambre à coucher du palais que possédait à Plai - sance le cardinal Alberoni (1664- 1752), ministre du roi d'Espagne Philippe V. Du palais le ta- bleau passa au collège Alberoni fondé par le cardinal et de au musée civique. Sur aucun in- ventaire le tableau n'était attribué à Antonello.

Le peintre a signé plusieurs de ses tableaux, comme il l'a fait sur le Christ à la colonne, mais on trouve aussi son nom sous d'autres formes.

Antonello Messanensis; Antonellns de Antonio. Antonio était le père d'Antonello.

Il règne de grandes incertitudes sur la vie du célèbre peintre de Messine.

Vasari et après lui Siret et MUntz disent qu'Antonello est resté à Bruges jusqu'après la mort de J. Van Eyclc, survenue en 1440. C'est une erieur démontrée à présent: Antonello n'est arrivé à Hruges qu'après la mort de Van Eyck ; ce n'est donc pas par ce peintre mais par un autre flamand qu'il a été initié à la peinture à l'huile telle qu'elle se pratiquait à Bruges.

Les biographes ne sont d'accord ni sur l'année de la naissance d'Antonello ni sur celle de sa mort.

Messine Dccouverte d'une mosaïque.

Sous une couche de stuc on a trouvé sur l'un

des côtés de l'arc de l'abside du dôme, l'archange Gabriel à genoux dans l'attitude habituelle de l'Annonciation ; on s'est assuré que sur l'autre côté de l'arc existe la Vierge Marie, mais le stuc n'a pas encore été levé.

On pense que ces mosaïques ont pour auteur le peintre mosaïste de Messine Francesco Giuffre, qui, par un contrat de 1534, s'était engagé à tra- vailler précisément sur cette partie du Dôme.

Berlin. Un tableau de Van der Goes.

On sait que l'Italie est le pays qui possède le plus grand nombre de peintures de Hugo Van der Goes. Ce nombre était de sept : il vient d'être diminué d'une unité, le tableau de la Galerie des Offices de Florence, La Madone, l'Enfant et sainte Catherine ayant été enlevé à Van der Goes et donné à de Bles dit Civetta (1480 1521).

En revanche le nombre total des tableaux de Van der Goes exposés dans les musées a été augmenté d'une pièce qui a trouvé sa place au musée de Berlin.

M. Bode, l'éminent directeur, en a fait l'acqui- sition à la succession de Marie Christine de Bourbon, veuve de l'infant Don Sébastien, mort en 1875.

Le tableau a été mis pendant quelque temps sous les yeux du public de Madrid, mais ne paraît pas avoir été apprécié : en dernier lieu il était à Pau.

Il mesure 2'",45 de long sur 0^,97 de haut.

La Madone est à genoux en adoration devant l'Enfant ; des bergers empressés se précipitent vers le nouveau-né ; deux prophètes en buste assistent à la scène d'un air tranquille.

L'acquisition de M. Bode est d'autant plus précieuse que dans toute l'Allemagne il n'y avait que deux Van der Goes : Le cardinal Charles de Bourbon à Nuremberg, et la Madone avec l'En- fant à Francfort.

San Severo. Une œuvre robbianesque volée et retrouvée.

Au mois de janvier dernier, des voleurs péné- trèrent dans la chapelle de la S. S. Annunziata annexée à l'église San .Severo à Legri près de Calenzano, non loin de Florence; ils détachèrent

404

3Rrbue lie r^lrt chrétien»

de la muraille un très important relief des Robbia et tentèrent de le vendre.

L'ouvrage représente la Déposition du Christ ; le corps du Rédempteur est soutenu par sainte Marie Madeleine et saint Jean ; dans le ciel un chœur d'anges.

Les figures, presque de grandeur réelle, sont émaillées de blanc et se détachent sur un fond bleu.

Le cadre est limité par une bordure de fruits, de feuilles et de fleurs coloriés d'après le naturel. Sur le soubassement se trouve l'inscription :

O vos onines gui trausitis per viaiii, attendite et videte si est dolor siait dolor meus.

Pour comprendre le sens de ces paroles il faut savoir que depuis le XV'= siècle la Déposition était placée dans un tabernacle situé sur la voie publique. En 1890, on eut l'idée de la mettre dans la chapelle, piobablement pour lui assurer une plus grande sécurité ; cette translation, con- tre laquelle la population fit entendre de vives réclamations, fut très probablement la cause du vol, dont la perpétration assez longue n'aurait pu s'accomplir en plein air dans une localité fré- quentée.

Ce qu'il y a de singulier, c'est que ni l'adminis- tration, ni les photographes professionnels ne photographièrent une œuvre aussi importante, qui certainement est ou de Luca délia Robbia ou d'Andréa.

Le défaut d'une reproduction rendait plus dif- ficile la tâche de la police ; par hasard une dame anglaise. Miss Grahame, avait braqué son kodak sur la Déposition et obtenu une épreuve suffisan- te qui, dans une certaine mesure, a contribué à la recherche des voleurs et des receleurs.

La Déposition a été retrouvée et les coupables voleurs et receleurs, ont été sévèrement con- damnés.

Florence. Les Tabernacles sur rue.

Aucune ville d'Italie ne peut rivaliser, même de loin, avec Florence pour la quantité et la qualité des tabernacles, lunettes, statues et autres œu- vres d'art exposés sur les voies publiques à la vue du passant.

C'est par centaines qu'il faut les compter et dans le nombre il en est des plus grands artistes

florentins depuis le XIV^ siècle. Malheureuse- ment, ils sont en général mal entretenus.

L'Association pour la défense de l'ancien Flo- rence, qui est la Société d'art la plus importante de Florence, a été saisie par im de ses membres d'une proposition ayant pour objet la protection des tabernacles , sous la présidence du prince Corsini. Le projet a été adopté ('J.

Le David de Michel- Ange. L'opéra de Sainte-Marie de la Fleur, la cathédrale de Flo- rence, confia en 1464 au sculpteur et architecte Agostino Duccio un bloc de marbre de neuf brasses de haut (5"\22) pour en tirer une statue colossale de prophète destinée à la décoration extérieure du Dôme.

Duccio était connu ; il avait travaillé avec succès à Venise, Rimini, Pérouse, mais il manqua le prophète.

L'opéra lui retira )a commande ; c'était assez dans la coutume du X siècle ; Donatello subit une pareille mésaventure au sanctuaire d'Or San Michèle ; mais cela ne tirait pas à conséquence, et Duccio continua à être demandé dans diverses parties de l'Italie. En 1501, Michel-Ange revint de Rome à Florence ; ce grand homme, alors âgé de vingt-quatre ans, avait déjà donné des preuves de son talent.

L'opéra lui remit le bloc de marbre ; Michel- Ange se mit à l'œuvre et donna aussitôt des preu- ves de ce caractère indépendant qui devait le faire souffrir dans sa longue carrière. .'\u lieu d'un prophète, il fit un David ; au lieu de placer la statue à la cathédrale, il obtint de 1h mettre sur la ringhiera du Palais de la Seigneurie ; comme argument, il avait dit : David a défendu le peuple d'Israël, il faut, par cette statue, donner un avertissement à ceux qui gouvernent Florence de le faire avec sagesse.

Vers 1846, on aperçut quelques fissures dans les jambes du David et aussitôt on songea à conjurer un péril qu'on tenait pour possible.

Divers moyens furent proposés alors et dans la suite :

I. C'est M. Gerspach qui est l'auteur de la proposition : nous sa- vions que notre collaborateur s'occupait des tabernacles depuis plu- sieurs années. Il a lait une communication sur ce sujet au Congrès des sciences historiques de Rome en 1903. Nous publierons ce tra- vail.

( i^oif de la Direction.)

Correspondance.

405

Transport du marbre dans un lieu couvert ;

Mise à l'abri en place sous un édicule ;

Remplacement du marbre par le bronze.

Rien ne fut fait, sauf un moulage qui plus tard servit à la fonte de la statue de la colline de San Miniato, elle fait un médiocre effet n'ayant pas été conçue pour le bronze et pour un pareil emplacement.

Enfin en 1873 on prit une résolution ferme.

La statue fut transportée dans une salle cons- truite exprès à la Galerie de peinture de l'Aca- démie ; on l'entoura des moulages des principaux

ouvrages de Michel-Auge et la localité fut appelée la Tribune de David..

Le peuple de Florence, et par cela il faut en- tendre la population entière, fut mécontent de ne plus avoir sous les yeux, en permanence, son David.

La place de la Seigneurie souffrit dans son aspect séculaire, elle parut comme amputée d'ini organe nécessaire ; j'ai ressenti deux fois une pa- reille impression ; ici d'abord, puis à Venise, après l'écroulement du campanile. Le municipe com- prit la situation et promit qu'une copie en marbre

La Vierge et l'Enfant, par I.uca délia Roodia (1399-1482). Musée national de Florence. (Phot. Alinaki.)

de la statue serait mise à la place de l'original, mais il ne fît rien.

L'an passé, le cercle d'artistes de Florence saisit le municipe de justes réclamations ; l'admi- nistration fit un de ces référendums très en usage au temps de la République florentine et con- sulta les diverses Sociétés d'art de la cité ; le vote fut favorable à une grande majorité.

Une Commission executive fut nommée, et une souscription est ouverte.

Sans aucun doute elle réussira.

Le decoro publico étant toujours cher aux Flo-

rentins, le David se dressera de nouveau sur la ringhiera, l'estrade de la façade du Palais d'où la Seigneurie de la République haranguait le peuple et proclamait les décrets.

Nouvelles acquisitions des musées de Florence.

Le musée national dit Bargello, déjà si riche en œuvres de Robbia, a acquis récemment un bas-relief de Luca (1399-1482) signalé par Vasari

Nous en donnons la reproduction ; il porteles initiales du pape Martin V, pontificat de 1417 à 1431-

RKVL'tl DE L AKT CMKETIKN.

4o6

B.e\3ue tje rart cljrétien.

La Vierge en adoration, par Filippino Un-, U459 :-50S). ^laleriedes Offices Je Florence. H'huU Aunak,.)

Les personnages sont en couleur blanche sur un fond bleu. La bordure, selon l'habitude des Kobbia, est coloriée d'après le naturel.

Ce magnifique ouvrage était placé contre une propriété particulière dans la rue populeuse de l'Agnolo, au-dessus d'une porte qui jadis donnait

Correspontiance»

407

accès à un séminaire fondé par le pape Martin V. Il a subi quelques dégâts : après quoi il fut re- couvert d'un réseau métallique. Maintenant il est à l'abri dans un musée, mais la translation a trouvé des opposants. Du moment le relief a été enlevé de la place pour laquelle Luca l'avait créé, il eût été préférable, a-t-on dit, de le mettre dans une église, dans les conditions de hauteur et d'isolement à peu près semblables à celles de la Via de l'AgnoIo.

Dins le monde des antiquaires amateurs et des collectionneurs étrangers, on ne cesse de répéter qu'il n'y a plus rien à faire en Italie, en fait d'achats, et cependant les musées ne cessent d'augmenter leurs collections, à ce point qu'il est plusjuste de dire que l'Italie est inépuisable.

La galerie djs Offices a eu la bonne fortune d'acheter une Madone en adoration de Filippino Lippi (1459 -'-1505) fort peu connue.

Si la reproduction de cette peinture donne une idée juste de la composition, elle ne peut faire comprendre le charme et la fraîcheur des colora- tions. Le ciel est d'un bleu pur qui s'éclaircit à l'horizon ; le paysage, détaillé avec précision, est bien celui que nous avons toujours sous les yeux dans les plaines du Valdarno. Il démontre une fois di.' plus que les peintres du X siècle avaient, quoiqu'on ne cesse de soutenir le contraire, le sentiment juste de la nature.

FilippinoLippi a été choisi pour achever, dans la chapelle Brancacci à l'église Carminé à Florence, les fresques commencées par Masaccio, et il s'est montré digne de la mission qui lui fut confiée. Il a laissé de nombreuses peintures, notamment X Apparition de la Vierge à saint Bernard à la Ba dia de Florence délicieux ouvrage bien connu et apprécié, et la Madone et les Saints dAns la cha pelle Tanai, à l'église San Spirito, trop négligée par les visiteurs et dont les importants tableaux d'autels sont médiocrement soignés.

Dans la cité de Prato, sur une maison lui ap- partenant, via Margherita, il a peint, en 1498, à

fresque, un tabernacle en plein air : la Vierge couronnée par les Anges, avec les saints Antoine et Etienne, et les saintes Marguerite et Cathe- rine. Cette peinture exquise est laissée dans le plus déplorable abandon : depuis longtemps déjà une partie a disparu et malgré les réclamations on ne se décide pas à la préserver ou à l'enlever, ce qui est dans le droit incontestable de l'adminis- tration.

Un tableau de Raphaël? Le marchand de tableaux anciens, Cronier, de Londres, prétend avoir découvert dans une maison particulière, un tableau de Raphaël représentant la Sainte Fa- mille avec l'Enfant Jésus dans les bras de sa Mère.

Le tableau est très petit ; il ne mesure que 69 centimètres de long sur 26 de haut.

L'Enfant Jésus aurait des analogies avec l'En- fant du célèbre tableau La Madone Sixtine con- servé au mu sée de Dresde.

Voici quelle serait l'histoire de cette peinture.

Elle a été acquise par le roi d'Angleterre Charles l^'' en 1628 ; vendue par Cromvvell, la collection royale fut dispersée et le petit tableau de Raphaël fut acquis pour la galerie royale d'Espagne. Il y resta jusqu'à l'époque des guerres de Napoléon ; il fut alors vendu avec d'autres tableaux de la collection pour subvenir aux frais des guérillas.

D'Espagne le tableau passa en Angleterre vers 181 r.

Cromer offre deux mille cinquante francs à celui qui prouvera que le tableau n'est pas de Raphaël.

La proposition est singulière !

Jusqu'à présent c'était au propriétaire à dé- montrer l'authenticité d'un tableau qu'il met en vente ; de ce que personne, comme c'est probable, ne relèvera le défî de Cromer, cela ne prouvera nullement que la peinture est de Raphaël. Et si par hasard le défi est relevé, quel sera le juge de la controverse ?

Gerspach.

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Trabaujc lies JSociétés saluantes.

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Académie des Inscriptions et Belles- Lettres. Séance du ij Juin iço^. L'Académie décerne les prix suivants :

Prix Fould (de la valeur de 5,000 fr. et destiné à « récompenser le meilleur ouvrage sur l'histoire des arts du dessin »), partagé ainsi qu'il suit :

2,500 francs à M. G. Durand, pour sa Mono- graphie lie l'église de Notre-Dame, cathédrale d' A- vtieiis {') ; 2,500 francs à M. É. Bertaux, pour son étude: L'Art dans l'Italie méridionale de la fin de l' Empire romain à la conquête de Charles d'Anjou.

M. D. Serruys signale une source ignorée jusqu'ici du capitulaire par lequel Charlemagne s'éleva contre le culte des images et que l'on désigne communément sous le nom de Libri Carolini M. Serruys a retrouvé dans un ouvrage inédit de Nicéphore, patriarche de Constanti- nople, dont il annonce à l'Académie la publica- tion prochaine, le texte original grec de certains témoignages invoqués par le capitulaire. Ces témoignages sont empruntés à des écrits de propagande iconoclaste composés à Byzance au VI II<= siècle. Ils furent sans doute envoyés en Occident par les empereurs de Byzance désireux de créer un dissentiment entre Rome et les Francs sur la question des images, ainsi qu'ils le tentèrent encore sous Louis le Débon- naire.

Séance du i^^ juillet. M. Clermont-Ganneau annonce la mort, en Syrie, du P. Paul de Saint- Aignan, archéologue, un des correspondants les plus zélés de l'Académie.

Sur la proposition de M. Sénart, une somme supplémentaire de 3,000 francs est accordée sur la fondation Benoît-Garnier, à M. Dufour, pour la continuation de ses travaux d'exploration archéologique en Indo-Chine, et particulièrement à Angkor.

M. Gauckler annonce à l'Académie qu'il vient de découvrir à Carthage, comme nous le disons plus loin en détail (voir la Chronique), le théâtre romain que l'on croyait détruit et qui existe, au contraire, tout entier, sous huit mètres de terre, à cent cinquante mètres au sud de rOdéon déblayé par lui-même en 1900-1901. Une tranchée ouverte dans l'axe du monument a permis à M. Gauckler de reconnaître que l'édi- fice comportait quatre galeries concentriques superposées reliées par des escaliers voûtés et surmontées d'un portique à colonnades.

I. V. Revue de r Art chrilien. Année 1902, p. 70.

Séance du 8 mai. M. Berger présente une inscription bilingue punico-lybique qui vient d'être découverte à Dougga, dans les fouilles dirigées par M. Gauckler et conduites sur place par son adjoint, M. Sadoux. Ce texte, d'une importance capitale pour l'histoire de l'ancienne Afrique, est la dédicace d'un temple au roi nu- mide Massinissa, dont il fait connaître la généa- logie et les nombreux ancêtres rois ou suffètes. L'inscription se termine par le nom et la gé- néalogie de l'architecte qui a construit le temple. M. S. Reinach annonce que l'abbé Arnaud d'A- gnel vient de découvrir à Cuges (Bouches-du- Rhône), trois squelettes humains dans une grotte dite : « Trou des morts ». Les uns et les autres étaient dans l'attitude accroupie qui caractérise les plus anciennes inhumations préhistoriques.

Séance du j'uillet. M. Sénart analyse le rapport de M. Dufour, délégué de l'Académie à Angkor, relatif au déblayement du Rayon d'Ang- kor et Thom, et à la reproduction des sculptures qui décorent ce monument regardé comme le chef-d'œuvre de l'art Khur.

M.HomoUe communique une lettre de M. Hol- laux sur les fouilles de Délos.

Société des Antiquaires de France. Séance du 22 jiiin iço^.— M.Marquet de Vasselot rouvre la discussion soulevée dans une précé- dente séance sur l'authenticité du portrait en émail de Jean Fouquet qui appartient au Louvre.

M. le commandant Mowat fait une communi- cation sur une inscription grecque disposée en carré qui se trouve notamment sur un jeton de cuivre de provenance allemande, datée de 1572.

M. Lafaye communique en y ajoutant des observations des nouvelles archéologiques en- voyées de Toulon, par M. Franchi Maulin.

Séance du juin. Le Président annonce la mort de M. Anatole de Barthélémy, membre de l'Institut, doyen des membres houoraires et rappelle les services exceptionnels par lui rendus pendant 60 ans à la Société.

La séance est levée en signe de deuil.

Séance du 6 juillet. MM. le D'^ Victor Nadet, André Lemoisne, H. Vasnier et Charles Buttin sont élus associés correspondants nationaux.

M. Michon entretient la société de différents objets en argent découverts en 1902 dans la Géorgie occidentale.

Cratïau;c des ^otitttô 0atïante0.

409

M. Durand Greville fait une communication sur divers crucifiements des Musées des Offices, de Berlin, etc., qu'il croit pouvoir attribuer au peintre Hubert Van Eyck.

M. Chenon présente une peinture en forme de triptyque provenant d'une église berrichonne et qui porte la date de 1544- Le centre de la com- position figure un crucifiement.

Séance du i^ juillet. M. Ch. Ravaisson Mol- lien fait une communication sur diverses repro- ductions de la Joconde ; il croit pouvoir affirmer qu'on la voit près de Léonard de Vinci, à Suron- no, dans le Mariage de la Vierge par B. Luini et montre que sa présence est en rapport avec le sujet principal de cette fresque.

M. Uimier revient sur la question de la petite galerie du Louvre.

Î\I, Merlin communique au nom deM.Cagnat deux inscriptions latines récemment trouvées à Narbonne.

M. Durand Greville revient sur sa précédente communication relative à un tableau qu'il avait attribué à Hubert Van Eyck.

Séance du 20 juillet. M. Michon lit un mé- moire sur les trois stèles funéraires de l'ancien Cabinet de Cardin le Bret, à Donaueschingen.

M. Leprieur revient brièvement sur la question du diptyque de Melun, par Jean Fouquet, qu'il a pu examiner depuis la fermeture de l'Exposi- tion des Primitifs français.

Congrès des Sociétés savantes à la Sor- bonne. La section d'archéologie a eu très peu à s'occuper d'archéologie monumentale, la numis- matique et la sigillographie ayant, avec l'archéo- logie préhistorique, presque complètement ab- sorbé le programme.

Signalons, dans la première séance, la commu- nication de M. l'abbé Arnaud d'Agnel, sur les antiquités du musée du Sault ( Vaucluse), tendant à prouver que les objets de bronze conservés à ce musée se rattachent à l'industrie du Nord, tandis que les objets de céramique, de source grecque, indiquent les relations de la région avec Massilia.

Dans la seconde séance, citons le mémoire présenté par M. L. Fevret sur quatre autels ané- pigraphes découverts à Dole (Jura), et auxquels on veut attribuer une origine celtique et gallo- romaine; cette opinion appelle les plus expresses réserves de MM. Héron de Villefosse et Déche- lette.

M. L. de Vesly.de Rouen, entretient la section de la découverte de cachettes monétaires retrou-

vées dans le département de la Seine- Inférieure, trésor comprenant 872 monnaies de grandbronze, dont les plus anciennes remontent à Vespasien et les dernières à Albin.

Dans la cinquième séance, M. E. Bonnet a donné lecture d'une étude sur les vestiges de l'architecture carolingienne dans le département de l'Hérault. Divers auteurs, parmi lesquels Prosper Mérimée, Jules Renouvier, Revoil et L. Noguier, ont assigné une date antérieure à l'an 1000 à toute une série d'églises de ce dépar- tement, telles que celles de SaintGuilhem-le- Désert, Loupéan, Quarante, Celleneuve, Espon- deilhan. M. Bonnet pense, au contraire, qu'il ne reste presque rien des constructions antérieures au siècle, les caractères architectoniques con- sidérés comme carolingiens (petit appareil, feuil- les de fougère, arcatures encorbeliées, pilastres, dents de scie, absence de transept, cordons de Charlemagne) se retrouvant dans les monuments des Xle, Xn« et XHIe siècles. Quant à la porte principale s'ouvrant sur le côté méridional, la cause de son existence doit être attribuée au désir de se garantir des vents violents du Nord-Ouest. M. Bonnet conclut que, à part quelques sculptures conservées dans les églises de Saint-Guilhein et de Sérignan, à part les substructions de la crypte de la cathédrale de Lodève et peut-être la crypte semi-circulaire de l'église Sainte- Aphrodise de Béziers, le département de l'Hérault ne possède aucun monument de l'époque carolingienne.

Dans cette même séance, M. P. Coquelle, de la Société des études historiques de Paris, auquel nous devions déjà une belle étude sur les clochers romans du Vexin français, offre une étude sur les portails du Vexin et du Puicerais.

Ces monuments si nombreux et variés de la partie occidentale de l'Ile-de-France appartien- nent à deux séries. La plus ancienne, d'art roman primitif, est composée de portails a deux pieds- droits unis ou avec une petite imposte avec linteau souvent renforcé au centre, quelquefois orné de sculptures, ou encore avec un arc de décharge très peu saillant sur un tympan uni. La seconde série, de style roman parvenu à son apogée, comprend trente- cinq portails qui sont caracté- risés par un jambage formé de ressauts rectan- gulaires ornés de colonnettes aux chapiteaux d'une grande variété. Les voussures sont de sim- ples tores ou décorées de scènes animées. L'ar- chivolte est souvent finement sculptée. Le tympan de Heaulme peut être cité comme étant le plus curieux (').

I. D'après des notes de M. A. Besnard, dans \ .Architecture.

4IO

3^e\)ue ÎJC V^xt cbvctien.

Congrès de la Sorbonne. Réunion des délégués de la Société des Beaux-Arts. Cette réu- nion a été ouverte le 5 avril dernier par l'allocu- tion de bienvenue qu'a prononcée M. H. Havard.

La seconde séance a été inaugurée par un dis- cours de M. Élie Forée, dont nous extrayons quel- ques considérations intéressantes. L'orateur a rappelé la série considérable des travaux des ses- sions précédentes.

Devant cette collection considérable <le documents si patiemment et si intelligemment amassés par vous, dit-il, on se prend à regretter qu'une telle initiative n'ait pas été prise plus tôt. Mais les recherches que vous faites, ces monographies spéciales, ces analyses approfondies, mé- ticuleuses sur les points particuliers, ce sont des études relativement nouvelles, c'est le résultat d'un esprit cri- tique nouveau. Nos pères, gardiens si jaloux des traditions politiques et morales, n'admettaient g' ère la tradition pour l'art. Toute forme vieillie, démodée et qui n'était plus en honneur, ne leur semblait pas respectable et n'était pas par eu.\ respectée : on la dénaturait à plaisir. on la défigurait =ans scrupule, quand on ne la sacrifiait pas tout à fait. Constamment, Messieurs, ne vous arrive- t-il pas de signaler ces évictions barbares qui se multipliè- rent, très fréquentes, aux XYIl^et XVII I"^ siècles .' L'es- thétique officielle eût alors volontiers condamnée mort et exécuté le passé glorieux de l'art, je puis dire tout notre art français :

« N'avez-vous pas remarqué ces points, ces petits or- nements coupés et sans dessein suivi, enfin tous ces coli- fichets dont nos vieilles églises sont pleines? Voil,"! en architecture ce que les antithèses et autres jeux de mots sont dans l'éloquence. L'architecture grecque est bien plus simple ; elle n'admet que des ornements maiestueux et naturels, on n'y voit rien que de grand, de propor- tionné, de mis en place. Cette architecture qu'on appelle gothique nous est venue des Arabes. Ces sortes d'esprits... n'ayant ni règle ni culture, ne pouvaient manquer de se jeter dans de fausses subtilités ; de vient ce mauvais goût en toutes cho=es... Sophistes en raisonnements, amateurs de colifichets en architecture, inventeurs de pointe en poésie et en éloquence... Tout cela est du même génie. >

C'est ainsi que Fénelon, dans le second dialogue sur l'éloquence, parle de nos merveilleuses cathédrales go- thiques.

Le temps est loin, pareil langage pouvait venir sur les lèvres d'un homme d'esprit.

De même que le poète enchaîne son inspiration .^ un rythme exigeant et choisit un vocabulaire de métaphores et de gloses inédites, que le musicien cherche des harmo- nies et des combinaisons que le temps n'a pas usées et brillent l'ardeur et la beauté de la jeunesse: de même les artistes s'ingénient à vaincre la nature, à l'assujettira leurs caprices, à n'employer rien de vulgaire ou d'avili. Idéal différent de celui que nous constations tout à l'heure, lorsque la foi exaltée du moyen âge ne se servait que de la pierre et du bois, matières simples et commu- nes, mais qui étaient ennoblies, réhabilitées par les pro- portions grandioses de l'architecture, [lar l'effort prodi- gieux du sculpteur. Ainsi l'art est l'expression suprême et infiniment variée d'un idéal, variable lui-même et que chacun de nous porte en soi, et cet idéal n'est en vérité qu'une sorte d'instinct l'intelligence n'intervient pas, se révèle ime vertu mystérieuse, une forme supérieure à celle de l'organisme raisonnant. L'iKUvre d'art, par cela même qu'elle est le prolongement, l'aboutissement de cet instinct naturel, l'image, pour reprendre les ex-

pressions de Taine, ne doit pas être déviée par l'idée tou- jours approximative malgré son apparente précision, elle doit être avant tout une production libre, naïve, sincère, toute de spontanéité. L'art ne doit pas mentir, il ne peut mentir qu'en se reniant lui-même. Mais ce reproche on ne saurait le faire à notre art français. La sincérité est une de nos qualités natives, caractéristiques. Puisque nous parlons de nous, laissez moi vous citer encore une fois, pour terminer, une page de Ruskin qui connaissait bien la France,rayant parcourue en tous sens et pendant de longues années. -Son appréciation sera beaucoup plus intéressante cjue tout ' e que nous pourrions dire de nous- mêmes, en admettant notre impartialité ;

« La sincérité et la flamme du Franc, il faut que je le répète avec insistance, car mes plus leunes lecteurs ont été habitués à penser que les Français sont plus polis cjue sincères. Ils trouveront, s'ils approfondissent la ma- tière, que la sincérité seule peut être policée, et que tout ce que nous reconnaissons de beauté, de délicatesse et de proportions dans les manières, le langage ou l'architec- ture des Français vient d'une pure sincéiité de leur na- ture, que vous sentirez bientôt dans les créatures vivantes elles-mêmes, si vous les aimez ; et si vous comprenez sainement jusqu'à leuis pires fautes, vous verrez que leur Révolution elle-même fut une révolte contre les mensonges et la révolte de l'amour trahi. Jamais peuple ne fut si vainement loyal. »

Dans son discours d'ouverture de la séance du 7 avril, M. H.Stein s'est occupé de l'événement artistique du jour, l'exposition des « Primitifs » français. Après avoir rappelé les études remar- quables de M. P. Mlintz sur l'histoire de la pein- ture française, il en a lui-même esquissé cette histoire: en voici la partie principale :

Avant le XI V siècle, les artistes einployés par les souverains français aux travaux de peinture ne parais- sent pas avoir reçu la qualification de < peintres du roi »; du moins aucun texte antérieur à 1304 ne mentionne cet office, et les comptes royaux, d'une brièveté si désespé- rante pour tout ce qui concerne les beaux-arts, sont muets dessus avant le règne de saint Louis. Assurément ces peintres étaient chargés comme leurs successeurs du XIV^^ siècle, de travaux parfois bien secondaires ; ils décorent des emblèmes et des berceaux royaux, mais on les voit aussi utiliser leurs talents à des œuvres plus sé- rieuses et plus durables, par exemple dans les maisons royales. En dehors d'eux, le hasard a bien révélé quelques noms d'artistes, la plupart moines ou attachés à des cou- vents. Vous vous souvenez, Messieurs, de ce contrat passé vers r.m 1 100 entre un serf pratiquant la peinture, nommé Foulque, et l'abbé de Saint Aubin d'.Angers, celui-là mê- me sous l'administration de qui furent élevées les belles arcades peintes et sculptées découvertes dans un massif de maçonnerie à la préfecture d'Angers ; le serf s'engage à faire tous les travaux de peinture dans le monastère, et en retour on promet divers avantages à l'artiste et à son fils, à la condition que ce dernier cultivera le même art que son père au profit du même monastère.

Mais les peintres de cette qualité nous échappent pres- que tous. Les noms qui ont survécu sont inscrits dans le DiclinniKiire des artistes frivti;<ii^ de Bérard, auquel il con- vient de joindre les textes et les listes des Archhjcs de l'art friin^ais ti des /irclihics historiques et littéraires. Si vous y ajoutez les noms exhumés par la province, Port en Anjou, Girardot à Bourges, Grandmaison en Tourai- ne. Douais en Languedoc, Mai.gnien en Dauphiné, Maxe- Werly et /acquot en Lorraine, Herluison en Orléanais, Rondot à Troyes et à Lyon, Dusevct et La Fons-Méli-

Cratîaur îies Sociétés sàMntts.

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cocq en Picardie, et par vous-mêmes, Messieurs, dans nos congrès annuels, vous pourrez dresser aisément le bilan de nos connaissances sur ce point.

Que sont d'ailleurs ces listes en présence de ces monu- ments d'antan qui attestent la vigueur et le talent de nos artistes français du moyen âge? Pour l'époque carolin- gienne, nous avons, à défaut de monuments, des docu- ments indiscutables : Hincmar faisant décorer la voûte de la cathédrale de Reims, Charlemagne parlant dans ses capitiiliiires du soin à donner aux peintures et faisant représenter ses victoires sur les murs de ses palais impé- riaux. Plus tard, ce sont de petits traités de l'art de la miniature que conservent encore nos bibliothèques, c'est le moine Théophile qui écrit sur l'art roman et la pra- tique de la peinture un ouvrage devenu classique et de- meuré célèbre. De ces temps lointains nous possédons encore, à l'état malheureusement fragmentaire et souvent remanié, de précieux témoignages de notre peinture na- tionale. Qui de vous n'a admiré ces peintures murales de .Saint-.Savin en Poitou, de Germigny-des-Prés en Orléa- nais, de Saint- Philibert de Tournus, de Notre-Dame de MontmoriUon, de Ponce en Maine, du Liget en Touraine, de Saint-Julien de lirioude,de Saint-Quiriace de Provins, du Puy, de Quevilly, de Saint- Désiré, pour n'en citer que quelques unes ? Sans fatigue et sans déplacement, vous avez d'ailleurs un moyen bien simple de faire avec elles plus ample connaissance : ouvrez le fort bon ouvrage de Laffillée et Gélis-Didot sur la peinture décorative en France jusqu'au XVh siècle, oii les reproductions sont notoirement d'une scrupuleuse fidélité. Vous y verrez comment dans des scènes telles que le < Massacre des innocents devant Hérode », « Joseph et M'"" Putiphar», 1' « Entrée dans Jérusalem », la « Fuite en Egypte >), le « Couronnement de sainte Catherine », h côté d'étrange- tés et de maladresses sans nombre, la sincérité du sujet est rendue avec une éloquence expressive qu i peut soute- nir toute comparaison avec les primitifs i'aliens et fla- mands, et qui n'a qu'un défaut, celui d'être insuffisam- ment connue

Le lendemain la séance s'est ouverte par un di.s- coiirsde M. A. Boserot.Son discours contient des conseils pour les ériidits de plus en plus nom- breux qui présentent des mémoires en Sorbonne. Il n'y a pas lieu que nous nous y arrêtions. Nous nous contenterons d'emprunter comme d'habitu- de le résumé de communication au rapport tou- jours si intéressant de M. H. Jouin, tout en en re- tranchant les passages relatifs aux sujets qui sor- tent de nos cadres. Ce rapport groupe les tra- vaux selon la branche des arts qu'ils concernent. Il s'occupe d'abord d'architecture.

On a entendu M. Bourde de la Rogerie, corres- pondant du ministère à Quimper. Son travail a pour titre : Notice sjtr un recueil de plans vianus- crils d'édifices construits par les architectes de la compagnie de Jésnsi^iôoj-iôjz). C'est un chapitre à consulter par tous ceux qui voudront parler de l'architecture française au XVII<^ siècle. La Com- pagnie de Jésus a compté dans ses rangs de très nombreux architectes parmi lesquels, plusieurs se sont acquis, à leur époque, un juste renom.

Notons une note de M. L. Scribe, sur des Mai- sons de la Renaissance à Roinoratitin. Ces demeu- res sont peu nombreuses, mais elles ont leur ca-

chet, leur caractère, leur histoire. M. Scribe met discrètement en lumière les traits caractéristiques des édifices qui l'occupent.

Peu d'artistes de la Renaissance française sont plus populaires et moins connus que ne l'est Jean Goujon. Son nom jouit de toute notoriété. Sa Diane iVAtiel et sa Fon- taine des Innocents sont célèbres, mais le grand public s'en tient là,sur le statuaire de Saint-Germain-l'Auxerrois, du Louvre et d'Écouen. M. Léon de Vesly, correspondant du Comité à Rouen, a écrit un chapitre imprévu sur les colonnes de la tribune des orgues de Saint- Maclou. Les érudits qui avaient lu Deville, savaient l'origine de ces colonnes. Les comptes du trésor delà fabrique, de 1538 a 1542, publiés par Deville, nomment Jean Goujon, « ar- chitecteur-juré de la ville de Rouen »,coiTime chargé de l'exécution des colonnes de .Saint-Maclou, mais personne encore ne les avait mesurées, analysées, décrites avec le soin patient que M. de Vesly a voulu mettre à ce tra- vail. Les colonnes de Saint-Maclou sont de style corin- thien ; elles posent sur un piédestal en marbre noir ; la base et le chapiteau sont eu marbre blanc et le fût est formé de deux parties dont l'une, de 2 mètres, est de mar- bre noir de Tournai, tandis que l'autre, de i mètre, est de marbre gris. Jean Goujon, dans cet ouvrage, n'est pas le disciple soumis des anciens. Le fût est lisse. Les can- nelures corinthiennes sont volontairement oubliées. Gou- jon a le dessein de faire œuvre personnelle. Il innove. M. de Vesly le surprend en flagrant délit d'infractions aux dimensions admises, aux profils consacrés. Vignole l'eût taxé de rébellion. Les acanthes de son chapiteau n'ont rien de classique. Goujon entend se montrer créateur. S'il a proscrit les cannelures du fût, il dissimule la jonction des blocs de diverses couleurs par des bagues décorati- ves de son invention, dans lesquelles entrent des guir- landes, des perles, des lis de mer avec leurs pétioles. M. de Vesly est, je crois, le premier qui se soit préoccupé de ressaisir sur les colonnes de Saint-Maclou les vestiges presque efTacés de ces ornements : remercions le d'avoir observé Jean Goujon sous un angle nouveau. C'est Jean Goujon qui a dit : « Ceux qui n'ont point étudié les scien- ces ne peuvent faire œuvres dont ils puissent acquérir guère grande louenge. » M. de Vesly s'est pénétré de l'effort de l'individualité, du goût de Jean Goujon. Il ajoute en homme de science et en artiste, à ce qu'on avait écrit, jusqu'ici sur les colonnes de Saint-Maclou. Goujon lui-même, s'il était ici, lui décernerait sûrement «grande louenge ».

Ouvrez vos rangs. Messieurs. Un érudit, M. Montier, membre de la .Société des Amis des arts de l'Eure, à Pont Audemer, se joint à vous. Qu'il soit le bienvenu ! M. Montier vous apporte une monographie des Epis du pré d'Auge et de Manerbe, deux localités normandes qui relevaient autrefois des généralités de Rouen et d'Alen- çon. Je ne sais rien d'attachant comme l'étude rétrospec tive du décor aérien dont s'est occupé votre nouveau con- frère Quelles recherches n'a-t-il pas faites dans les col- lections publiques et privées, à Sèvres, à Cluny, à Rouen, Louviers, \ Lisieux, à Bernay, à Orbec, pour composer sa gerbe, le ternie est de circonstance, d'épis fuselés, en terre vernissée ou en faïence .' C^est une joie pour l'œil de contempler ces vases allongés, ces tiges élancées que dominent des fleurs, des sirènes,des oiseaux fantastiques, tandis que, de l'arête du toit jusqu'au faîte des ornements sveltes et toujours élégants, se superposent les masques, les chimères, les enroulements, les fruits, les consoles, que sais-je? tout ce que peut enfanter une imagination fertile pour rendre aimable la rigidité d'une ligne verti- cale. M. Montier a cherché ses modèles du XV" au XVI lie siècle. Sa moisson est d'une opulence dont il

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IRebue lie V^vt chrétien.

faut louer le moissonneur, non moins que les maîtres d'œuvre qui ont conçu ces charmantes aigrettes des édi- fices construits par nos pères.

On connaît la Tour ronde de Copenhague. M. Scribe, correspondant du Comité à Romorantin, a voulu nous faire les honneurs des maisons historiques de sa ville. 11 nous a conduits au Carroi doré, à l'hôtel Saint-Pol, au château, à la chancellerie. Promenade instructive et curieuse.

La sculpture a été l'objet de deux études particulièrement intéressantes pournous.

La patience a des limites. C'est ainsi que Jean de Lou- hans, l'un des sculpteurs de Brou, s'est lassé du silence gardé sur ses ouvrages. Il a confié sa peine à M. l'abbé Brune, correspondant du Comité à Mont sous-Vaudrey, et celui-ci nous appelle dans l'église d'Arlay, devant un groupe de V Annonciation. Ce groupe est un fragment de retable, commandé vers 1530, par Philippe de Vaulchier, conseiller au parlement de Dôle, et demoiselle Claude de Clerval. Un historien local, très digne de foi, Abry d'Ar- cier, a décrit ce retable. Le document ancien sur lequel s'est appuyé d'Arcier est perdu, mais il n'y a pas lieu de suspecter la véracité d'un auteur toujours sérieux et qui avait puisé aux bonnes sources. Ce qu'il rapporte est d'ailleurs trop en désaccord avec ce que l'on pensait au- tour de lui, et trop justifié par les découvertes récentes, pour qu'il ait parlé au hasard. En conséquence, s'il nous dit positivement « d'après un ancien registre > que le retable de V Annonciation était « du dessin et de la main de Jean de Louhans », sculpteur complètement inconnu au moment écrivait d'Arcier, nous n'avons qu'à l'en croire. Le groupe de VAntionciatioti n'est pas intact. 11 a subi plus d'un outrage. Mais il est d'une lecture assez claire pour que son auteur nous apparaisse doué d'un talent réel, en avance sur son époque par une préoccu- pation visible de l'ampleur des formes, signe précurseur du XVII' siècle. Louhans est aussi sollicité par les maî- tres d'Italie. Telle est la double caractéristique de sa personnalité. M. Brime s'est arrêté devant des statues anciennes de l'église d'Arlay, au nombre de cinq. II aurait la tentation très vive d'inscrire sur leur socle le nom de Jean de Louhans. N'est-ce point aller trop vite ? Ajour- nons le jugement. A chaque jour suffit sa conquête, et celle que vient de faire M. l'abbé Brune est de premier ordre.

Nous devons à. M. l'abbé Langlois, conservateur de la bibliothèque de Chartres, de curieuses recherches et de lamentables constatations sur un échange de marbre opéré pendant la période révolutionnaire. L'échange eut lieu entre Chartres et Paris ; ce fut Paris qui bénéficia, s'il est permis de considérer comme un profit les frag- ments d'un superbe ensemble gratuitement détruit. Ex- pliquons nous. Le jubé de l'église Saint-Père, reuvre admirable de François Marchand, dépecé, démoli, fut troqué contre des bustes d'empereurs romains provenant de Sceaux. De ces bustes, plusieurs sont .'1 Chartres ; d'autres achèvent de se détruire dans le jardin de l'école des Beaux-Arts. Ce n'est pas sur ces marbres mutilés, rongés, que nous pleurerons ! M. l'abbé Langlois nous permettra de ne pas faire le voyage de Chartres pour juger de la valeur ou de l'attrait des têtes frustes dont il nous a dit l'exode. Triste compensation pour les Char- trains d'avoir perdu le jubé, qui était la richesse, l'hon- neur, l'éclat de l'église de Saint-Père, que de se trouver en face d'antiques ou de copies d'antiques sans rayonne- ment. Vous attendez de moi quelques paroles sévères h l'adresse des organisateurs de musées aux heures de Irou-. ble ! Hélas ! grande est pour eux la tentation de faire décréter des ruines dont ils recueilleront les épaves. Trop

souvent ils y succombent, mais ne nous hâtons pas de leur jeter la pierre ; nous n'avons pas été leurs contem- porains, nous n'avons pas subi l'^mibiance qui les enve- loppait. Le jubé de François Marchand n'avait pas, il y a un siècle, l'ampleur, le style, le prix exceptionnel que les hommes de notre génération attachent h ses reliefs. Les malédictions tardives tomberaient à faux. Les ignorants ou les coupables ont disparu.

Sept mémoires ont traité des peintures ; nous ne nous occuperons que de trois.

On affirme que Monteil, l'historien des Français des divers Etals, eut la joie d'indiquer à plus d'un gentilhomme le véritable nom de ses ancêtres. Une pareille tâche est louable. Elle honore l'homme qui la remplit. Retrouver un blason, le bien lire et restituer à ses contemporains la bonne renommée de leurs aïeux, c'est agir noblement. M. J. Martin, membre de l'académie de Mâcon h Tour- nus, est de l'école de Monteil. L'église de Varenne-le- Grand, en Saône-et-Loire, date d'hier. A-t-elle vingt années ? M. Martin a pensé que la nef trop récente serait l'objet de comparaisons fâcheuses s'il ne la dotait d'un passé. Et voilà qu'il décrit amoureusement les fresques représentant l'une saint .Sébastien, l'autre saint Roch, qui couvraient les parvis de l'ancienne nef Et M. Martin rappelle les fléaux qui décimèrent les ancêtres de la po- pulation de Varennes, la foi naïve et forte de ces ascen- dants qui ornèrent l'église paroissiale au XVI'= siècle de peintures curieuses et riches ('). Varennes-le-Grand a mérité son nom il y a quatre siècles. Par le culte que rendent ses habitants à leurs devanciers en prenant souci de leurs sacrifices, Varennes-le-Grand a droit à l'éloge. L'étude de M. Martin provoquera sans doute l'exécution de peintures murales destinées à remplacer les fresques disparues dont il s'est fait l'annaliste.

M. Lorin, correspondant du comité à Rambouillet, nous introduit chez le comte de La Panouse, au château historique de Thoiry. Notre guide jouit de la confiance du châtelain, ce qui lui a permis de compulser les pré cieuses archives de cette princière demeure. Aussi M Lorin est-il en mesure de nous donner la teneur du con trat passé en 1560 par Raoul Moreau, trésorier de l'épar gne, avec Olivier Vmbert, maître maçon, pour la cons truction d'un château à Thoiry. Raoul Moreau savai choisir. 11 ne se trompa point en faisant appel à Ymbert Quatre ans plus tard, en 1564, il avait un château. La façade nord de l'édifice actuel est l'œuvre d'Ymbert. Thoiry devint, en 1604, la propriété de Guillaume de Marescot, puis de Gilles-Michel de Marescoi, puis de M'""^ de Vatan, puis de Machault d'.\rnouville, garde des sceaux sous Louis .\V. Et le domaine de M. de La Pa- nouse renferme des portraits, des manuscrits, des souve- nirs de ces illustres personnages, M. Lorin a ouvert devant nous des lettres de Henri IV, de Louis XV, de d'.-\ngi- viller, du plus haut intérêt. Les missives de Henri IV ont trait à Marthe Bossier, la démoniaque de Romorantin. Mais ce sont les peintures qui nous appellent. Voici Henri IV et, .sans doute, Marie de Médicis, deux œuvres attribuées à Pourbus ; un portrait daté de 1693, est dit de Largillière ; un grand pastel, d'une grâce exquise, repré- sente les trois enfants de Machault d'Arnouville. M. Lorin n'a pu déchiffrer le nom de l'artiste. Qu'importe ? Le beau n'a pas besoin de signature. Le portrait d'Angélique- Élisabeth-Jeannede Beaussan, épouse de Charles- Henri- Louis Machault, comte d'Arnouville, décore le grand salon. Il est l'touvre de l'admirable portraitiste suédois, le chevalier de Roslin. Je voudrais tout dire. Le temps me

I. L'église de Varennes a été reconstruite, depuis cette décou- verte, et les fresques sont perdues.

^và\)à\ix Des t)octétés satjantes»

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presse. Cependant je ne puis omettre de signaler la tapis- serie qui se déroule joyeusement, sous le regard, dans la salle à manger de Thoiry.Elle représente Don i2uichotte dansant .m bal de Don Antonio. C'est l'un des sujets de la tenture composée par Charles Coypel et qui comporte six pièces. Les cinq autres sont la propriété du marquis de Vogiié, membre de l'Académie française, beau frère du comte de La Panouse. Elles ornent le château du Peseau, près de Sancerre. La tenture entière fut offerte par Lnuis XVI à Machault d'Arnouville, en réparation d'un oubli de Louis XV à l'égard de son ancien garde des sceaux. Telle est, dans ses lignes essentielles, la mono- graphie de NL Lorin. Ce travail est digne de toute notre AWtnùon.U /ninntaite dt's n'chesst-s d'art de la France, instrument inappréciable d'investigation, de sage critique, de lumière, dont le marquis de Chennevières, il y a trente ans, a voulu doter notre pays, ne s'applique qu'aux œuvres d'art qui ont un caractère de propriété publique. Combien les historiens de notre art national n'aurontils pas de gratitude pour les révélations de la richesse pri- vée ! M. Lorin a ouvert devant vous le « trésor )> de Thoiry. A l'œuvre, Messieurs ! Ayez à cœur de nous in- troduire, à votre suite, dans tous les châteaux de l'an- cienne France.

M. le chanoine Urseau, correspondant du ministère h Angers, a fait œuvre de critique et d'impartialité dans le mémoire qu'il est venu lire devant vous. Ce mémoire a trait au portrait de Louis XI de l'église de Rehuard, en Anjou. Alors que tant d'autres cèdent h la tentation de voir un original dans une copie, ÎM Urseau démontre loyalement qu'une peinture, tenue pour avoir été faite ad vj-'unt^ n'est qu'une œuvre exécutée posi inorteni. Si M. Urseau n'était pas Angevin, sa dissertation n'aurait qu'une valeur de sagacité, mais l'auteur habite la région règne encore la légende à laquelle il s'attaque. Il faut le louer de son courage. C'est Charles VIII qui offrit à ISehuard le portrait de Louis XI. Sur ce point, nul doute. Or c'est seulement en 1S39 que s'accrédite l'opinion fau- tive d'authenticité. Godard-Faultrier émet l'idée ; le baron de Wismes l'adopte. Ouicherat l'estime fondée. L'erreur est en marche : elle aura soixante ans de crédit. M. Urseau a étudié le portrait de Behuard : c'est une œuvre du XVI« siècle, non du X\'=. Mais notre auteur va plus loin, l'œuvre qui l'occupe est, d'après lui, la reproduction d'un portrait de Louis XI par Jean Fouquet, gravé par Morin, et que l'on retrouve en aquarelle dans le recueil de Gai- gnières. Certes, voilà des constatations neuves et de pre- mier ordre. Louis XI ne vint pas moins de six fois en pèlerinage à Behuard, de 1463 à 1480. Par ordonnance du 30 avril 148 s, c'est encore Louis XI qui accorda aux cha- noines de Behuard « la grâce, à leur choix, d'un criminel dans le ressort du duché d'Anjou, le vendredi saint ». Attentions flatteuses, touchant privilège qui autorisaient les présomptions en faveur du portrait authentique. M. le chanoine Urseau voudra se montrer clément envers ses devanciers. Leur crime n'eut rien de prémédité. L'erreur étant dissipée, l'honneur est satisfait.

Faisons une digression, et occupons-nous d'or- fèvrerie, de céramique et de tapisserie.

Décidément, plus une œuvre d'art a de prix par la ma- tière ouvrée, plus elle risque de devenir vénale. Que vous a raconté M. Pasquier, correspondant du Comité à Tou- louse ? Il vous a dit l'humiliation des joyaux, des bijoux, des pièces d'orfèvrerie léguées par Gaston Phœbus à ses descendants ! Froissart a peint le faste de ce brillant capitaine, nommé par Charles V lieutenant général dans le Languedoc. Il avait une cour. La chasse et la poésie occupaient ses loisirs. Hélas ! les Grailly, ses héritiers, connurent la gêne en 1438 et les trésors accumulés à la

cour de Béarn, avant cette date fatale, furent engagés en échange de 2,000 écus d'or. Res angusta. Les embarras d'argent suggèrent les expédients de toute nature. Le chapitre d'histoire qui vous est apporté par M. Pasquier est instructif, mais ce n'est pas sans quelque tristesse que nous voyons d'illustres gentilshommes donner en gage d'une avance de 25,000 francs la « Croix des comtes de Foix », constellée de 764 pierres précieuses, perles, dia- mants, émeraudes, saphirs et rubis.

Philippe IV recevant un jour du duc de Médina-Cœli le tableau des officiers de la couronne, réclama les noms de ses soldats. « Les officiers, dit-il, ne constituent pas l'ar- mée, ils n'en sont que la tête. » Ce mot devait être connu de M. Leymarie, meinbre non résidant du Comité à Limo- ges. Ses notes sur l'histoire du biscuit ne renferment qu'à titre exceptionnel des noms d'artistes, tandis que les noms d'industriels foisonnent sous sa plume bien informée. Le biscuit est une variété dans la fabrication limousine dont il convenait de dire la genèse, le développement, la vogue. M. Leymarie a fixé ces points d'histoire avec siàreté. Et Limoges doit lui savoir gré de la lumière qu'il a su répan- dre sur l'une des branches de son industrie céramique. Philippe IV eût été content de lui. S'il parle de l'état- major, il n'a pas omis les soldats.

Vous avez entendu M. Parfouru, correspondant du comité à Rennes. Il vous a dit les négociations du Parle- ment de Bretagne avec Charles Errard et Antoine de Biay, deux peintres d'inégale réputation, en vue d'obtenir des cartons de tentures destinées au palais de justice. Il vous a parlé de Gabriel et de François Pierron, tapissiers à Aubusson que M. Perathon, l'historiographe attentif des manufactuies de cette ville, ne nous avait pas nom- més. Nous savons par M. Parfouru que le Parlement de Bretagne fut obéi. Trois pièces de l'hôtel du Parlement furent garnies de tapisseries murales. Aubusson les avait livrées à la fin du XVI siècle. Elles disparurent cent ans plus tard. Ironie de l'orgueil de l'homme ! Deux sujets nous sont connus : la Victoire et la Renommée. Légendes illusoires ! Vaines allégories I La ruine et l'oubli devaient planer après un siècle sur les morceaux dispersés de ces riches tissus. Est-ce la Révolution qu'il faut faire respon- sable de ces destructions 'i On nous le dit. Je suis perplexe. M. de Louvois, fils du marquis de Souvré, très jeune et criblé de dettes, se présente un jour au château de son père et lui demande de l'argent. Le père refuse et reproche à son fils de se présenter devant lui avec un frac usé. M. de Louvois se retire ; or, la chambre qu'd habitait dans le château paternel était tendue de riches tapisseries. L'une d'elles représentait ^Irmide et Renaud. La pensée vint au jeune viveur de se faire un habit de cette tenture. Le tailleur du village fut son complice et quelques jours plus tard, Louvois reparut devant le marquis accoutré de la façon la plus étrange avec la tête d'Armide et des Amours sur le dos et les basques de son frac. Cette irrévérence le sauva. Le marquis de Souvré était fier de ses tapisseries. Il redouta leur destruction totale s'il ne soldait les dettes de Louvois. M. Parfouru me pardonnera d'avoir rappelé ce trait. Ce n'est pas sans tristesse que j'évoque un pareil souvenir. A toute époque et de toutes mains les tissus précieux ont souffert ! Lorsqu'on n'en a pas fait des fracs, on les a dépecés en carpettes. Ne nous étonnons pas de la disparition de tentures que le Parlement fit exécuter il y a plus de deux siècles.

L'homme est un être enseigné. Avant de patler des maîtres, donnons place dans notre travail aux éducateurs et aux foyers d'étude.

Jules Janin, qui ne signa jamais une œuvre de longue haleine, a donné de l'historien cette définition mélanco- lique : < L'historien est un malheureux attaché à une glèbe savante dont la moisson fuit toujours. > Parole dé- cevante et sans justesse. Qu'en pense M. Léon Charvet,

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3Rel)uc tie T^rt cf)vctteu.

membre non résidant du Comité à Paris, qui s'est fait l'historiographe de tant d'artistes de mérite, et l'historien de \' Enseii^nement public des arts du dessin à Lyon ? S'est- il estimé malheureux? Je ne le crois pas. La glèbe savante à laquelle il s'est attaché lui a-telle refusé les moissons ? Que non pas 1 Vous avez suivi M. Charvet dans son clair tableau de l'enseignement du dessin, de 1756 h 1763, au congrès de 1903. L'exposé que vous présente l'auteur en 1904 embrasse la tin du W 1 1 1' siècle. Avec quelle aisance et quelle netteté de vues M.' Charvet ne nous a-t-il pas montré la répercussion de l'enseignement de l'art sur les fabriques lyonnaises ! Entreprises généreuses, luttes, in- succès, triomphes, tout ce qui caractérise une mêlée hardie, tout ce qui se dégage de la bataille pacific|ue des idées, dans une grande cité, est observé, recueilli et mis en lumière avec sobriété et conscience par M. Charvet. Les historiens futurs de la ville de Lyon seront incom- plets s'ils n'ont pas lu M. Charvet et ne se sont pas péné- trés de ses écrits.

Voici maintenant des artistes anciens qui se présentent par groupes. MM. Benêt, Veuclin, Jadart, Louis de Grandmaison, Requin et 15ourde de la Rogerie sont leurs parents.

M. Benêt, membre non résidant du Comité à Caen,vous a présenté le fruit de ses découvertes dans les riches ar- chives du duché d'Harcourt. Combien précieuse a été sa récolte ! Les premiers épis sont de 13906! les derniers de 1785. Cinq siècles parcourus par un investigateur sagace, au milieu de pièces révélatrices ! 0"^"^ )"'f> Messieurs, pour un homme justement épris d'inédit de lier ses gerbes dans un champ de toute fertilité. Guillaume Brodon, Nicolas Lefeye, Salomon Lambert, Cafifieri reçoivent de la main de M. Benêt un surcroit de renommée, si même ils ne lui sont pas redevables de sortir des ténèbres. Nous ne pouvions nous défendre, en face des pages concises, remplies de sève, tracées par votre confrèm sur les artistes et artisans aux gages des d'Harcourt, de nous souvenir du trait raconté par Saint-Simon, au sujet du maréchal d'Harcourt, mort en 17 18, à cinquante-cinq ans. La maladie lui avait enlevé la parole et il était réduit << à marquer avec une baguette les lettres d'un grand alphabet, placé devant lui, qu'un secrétaire, toujours au guet, écrivait à mesure et réduisait en mots ». La baguette de M. Benêt, comme celle du maréchal, a marqué dans l'amoncellement de pièces mises à sa discrétion, les « lettres > instructives qui, désormais, seront des preuves pour les historiens de l'art.

M. Veuclin, correspondant du comité à Mesnil-sur- l'Estrée, n'y met aucune morgue, et l'exemple qu'il donne mérite d'être cité. Sous le titre ; Artistes normands, votre confrère a groupé les noms de cent quatre-vingt-six artis- tes de sa région. Tous ne sont pas des maîtres, et M. Veu- clin, avec un bon vouloir trop rare chez les écrivains, nous permet d'exclure de son panthéon les personnages qui n'auraient pas la taille réglementaire. Usons de ce droit, avec discrétion cependant. Passons sous silence les peintres doreurs, les fondeurs de cloches, les serruriers, les horlogers ; le dénombrement fait par M. Veuclin se trouvera diminué de cinquante noms, mais, du moins, peintres, sculpteurs, architectes, tapissiers, graveurs et musiciens se sentiront-ils plus à l'aise dans le salon réduit les a réunis votre confrère. Certains d'entre eux méri- tent qu'on engage la conversation avec eux. Ils ont de l'allure, quelques parchemins, je veux dire des titres basés sur leur talent. Leurs ouvrages ne sauraient être passés sous silence sans quelque injustice.

M. Henri Jadart, membre non résidant du Comité à Reims, a maintes fois parlé devant vous, avec l'autorité

de son savoir, de maîtres célèbres issus de sa région. Aujourd'hui, M. Jadart se plaît .1 vous présenter des artis- tes qu'il qualifie d'inconnus. Modestie excessive ou incons- ciente ironie ! Inconnus, les potiers d'étain, fondeurs de cuivre, peintres, peintres verriers, imagiers et musiciens dont M. Jadart s'est fait l'introducteur dans ce congrès? Mais leurs noms désormais vous seront familiers, leurs œuvres vous ont été révélées, leurs habitudes, leurs mœurs, leur caractère n'ont plus rien de caché pour vous. M. Jadart a compulsé les archives les plus diverses et reconstitué un passé plein d'ombre avec une netteté, une précision de détails qui lui font honneur. Gare aux fon- deurs de cloches en l'an de grâce 1904 Je crains pour eux bien des mécomptes si les organistes de la cathédrale et de Saint-Hilaire de Reims, s'autorisant d'un précédent établi en 1667, s'avisent d'aller vérifier avec droit de veto les cloches qui sortent des fonderies. Les juges s'entendront-ils ? Seront-ils d'accord sur le ton dans lequel devra se maintenir le métal sonore? Quel diapason récla- ineront ces deux augures? S'ils ne s'entendent pas, le fondeur aura la ressource de ne pas les entendre : il lui suffira de mettre ses cloches en branle ! M. Jadart ne nous dit pas si les fondeurs d'autrefois, en butte aux tracasseries des organistes, ont usé du stratagème.

L'empereur Paul !■" avait de ces boutades. S'il rencon- trait un soldat de son armée qui lui pICu, il l'appelait lieu- tenant, puis capitaine, puis commandant et, à la fin de l'entretien, notre homme était colonel. Le grade était acquis. Quand M. Louis de Grandmaison, correspondant du comité à Tours, donne place dans ses écrits à quelque artiste d'autrefois, il lui confère des titres de noblesse et des armoiries. Titres et blasons demeurent acquis. J'en- tends bien ce que l'on chuchote. C'est que M. de Grand- maison choisit ses hôtes et ne les invite qu'à bon escient. 11 s'est assuré d'avance que les artistes dont il s'entoure sont nantis de parchemins. Je le veux bien, mais qui de nous était renseigné ? Votre confrère a toutes les appa- rences d'un souverain qui confère des dignités aux plus éminents de ses sujets. Éminents, ils le sont tous, .\ des degrés différents sans doute, mais dans une mesure hono- rable. Tels Germain Pilon, Martin Freminet, Claude Deruet, Jacques Stella, Charles Le Brun, Mathieu Le Nain, Pierre Mignard, Gérard Edelinck, Antoine Coypel, Kigaud, Wleughels, de Troy, les Van Loo, Natoire, Cochin, Rameau, Francœur, Pigalle, Vien, Guido Paga- nino et d'autres encore, car ils sont soixante-dix. En 1903, ils étaient soixante. La belle chambrée de dignitaires. Les croix étincellent, les moires chatoient sous le regard. M. de Grandmaison se connaît en brillants cortèges. De quels maîtres se réclamera-t il auprès de vous en 1905 ?

Certains d'entre vous. Messieurs, sont infatigables. Dieu veuille que leur belle vaillance soit contagieuse ! M. le chanoine Requin, membre non résidant du comité h Avignon, ne soupçonne pas le repos. A peine a-t-il publié sa grande monographie de la faïence de Mous- tiers qu'il se replonge dans l'aride lecture des pièces nota- riales de sa région. Aride, c'est moi qui le suppose, mais pour M. Requin, la lecture d'une pièce inédite a toujours une grande saveur. Quoi de surprenant à cet état d'âme? M. Rec|uin ne cherche jamais en vain. Cette fois encore, il a fait émerger deux artistes, le sculpteur Audinet .Ste- phani et le peintre Henri Guigonis, Audinet Stephani ou Etienne, vit à Aix au -W" siècle. Le roi René l'a-t-il em- ployé ? C'est chose probable, mais non prouvée. On suit la trace de Stephani de 1448 à 1476. Il travaille pour les Frères prêcheurs. Les sieurs Domandi, Léalcort, Ray- mond Puget s'adressent à lui. C'est à Raymond Puget qu'il est redevable de la commande du monument du Saint-Pilon, encore existant sur la route de Saint-Maximin h Saint Zacharie, qui consiste en un haut pilier que sur-

Crat)aU;C hts ^octétcs 0at)aiites.

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montent quatre anges élevant vers le ciel la double statue de sainte Marie-Madeleine. L'œuvre est mutilée. Elle est fruste, mais lisible encore dans ses saillies, et ce qu'on en peut lire témoigne du style sobre de Stéphani. Je m'at- tarde, et le peintre Guigonis s'impatiente. Henri Guij^onis, originaire du diocèse de Genève, est fixé dans la ville des papes en 1526. Il mourra eu 1532. M. Requin a retrouvé la mention d'importantes commandes faites à Guiyonis. Oii sont les œuvres exécutées par le peintre en vertu de ces contrats ? Votre confrère ne peut le dire et son désap- pointement lui était cruel lorsque, fortuitement, des volets de triptyque, signés de (îuigonis, se sont révélés à M. Re- quin. Partageons sa joie. V,\l/i>ionLiatio)i, la A'aliviU\ VAiior.ilion i/cs Bers;er.':, \' Ailoralion des Ma^es sont des pages curieuses dans les(|uelles tonte personnalité n'est pas absente. De qui ("migonis est-il fils, lorsqu'il tient le pinceau ? Attendons, pour le diie avec quelque assurance, que les Primitifs français nous soient moins étrangers.

Il n'est pas de bon testament sans codicille. M. Bourde de la Rogerie, correspondant du ministère à Quimper, s'est souvenu du testament d'Adolphe Lance, Dictionnaire lies architectes (ranimais, et il y ajoute un codicille. A la vérité, ce codicille est quelque peu spécial. Il a trait aux architectes de la Compagnie de lésus qui, de 1607 à 1672, ont construit des églises ou des châteiux. Nous sommes tous d'accord sur les lacunes du style jésuite, mais l'his- toire est l'histoire. Elle ne choisit pas. Elle cherche, dé- couvre et enregistre. L'histoire ne doit rien omettre. M. Bourde de la Kogene apporte une contribution bien inattendue au tableau de l'architecture française au .W II' siècle. Si son étude lue à cette tribune ne constitue pas un chapitre entier dans le livre de demain, elle four- nira du moins le texte d'un commentaire, d'une note développée. Admettons Mansart et Claude Perrault dans le chapitre, il y aura placo pour Martellange et Turmel dans la note.

Patience, Messieurs, ie n'ai plus à parler que de sept portraits signés par .MM. de Longuemare, Pellot, Clauzel, Ponsonailhe, Quarré Reybourbon, Guillibert et Deli- gnières.

Un architecte Oratorien, le Père Abel de Sainte- Marthe, revit sous la plume de M. Paul de Longuemare, correspondant du comité à Caen, M. de Longuemare suit l'artiste il Saumur oii il parait avoir dirigé les travaux de la grande rotonde de Notre-Dame des Ardilliers. Cette partie de l'édifice, résolue en 1655, n'aurait été terminée qu'en 1690, sinon plus tard, mais le Père de Sainte- Marthe ne décède qu'en 1697. Rien ne s'oppose à ce qu'il ait surveillé la construction du dôme des Ardilliers. Les Oratoriens ayant élu .Abel de Sainte-Marthe leur supérieur général, en 1669,11 usa de l'autorité que lui conférait cette haute magistrature pour exercer son art à Juilly, à Auber- villiers, à Paris, il enrichit l'église de l'Oratoire du faubourg Saint Honoré. Le digne religieux disposait de quelques revenus et il concourut de ses deniers à l'exécu- tion d'un tabernacle en forme de dôme, dans l'église de son Ordre à Paris, mais c'est avant tout à Notie-Dame des .Ardilliers de Saumur qu'est attaché le souvenir d'.Abel de Sainte-Marthe, et cette église, on le sait, est l'un des types les plus célèbres de l'architecture religieuse du XV'II" siècle. Riclielieu et Sainte-Marthe doivent être nommés lorsqu'on traite de ce monument.

Gérard Aubry frappe à la porte. C'est un peintre. 11 .«.erait Champenois. Ouvrons lui. M. Pellot, archiviste bibliothécaire à Rethel, est son introducteur. Qu'ils soient les bienvenus. Aubry piend le titre de «. peintre ordinaire de la reine >. Nous sommes à l'époque de Marie de Mé- dicis. Ce patronage est de bon augure. Marie de Médicis donnait sa confiance à bon escient. Elle ne recherchait pas les médiocres. Rubens fut aussi son peintre. Aubry

serait-il de même envergure.' Nous n'osons l'espérer. Aubry se réclamait d'une peintuie conservée au musée de Reims. M. Pellot conteste l'authenticité de l'attribution. Aubry est dit « bourgeois de Paris > en 1602, mais M. Pel- lot suit sa trace dans le canton de Fismes, près Reims, de r6o8 à 1610. placerson berceau.'' A Paris, à Fistnes, à Mont-sur-Courville .'' M. Pellot nous invite aux recher- ches sur Aubry. Ce qu'il apporte au congrès de 1904 n'est qu'un jalon. A l'oeuvre, Messieurs, secondez M. Pellot et découvrez des toiles indiscutables de ce nouveau peintre de Marie de Médicis.

M. Charles Ponsonailhe, correspondant du Comité à liéziers, l'historien de Sébastien Bourdon, aurait pu inti- tuler le mémoire qu'il vous a lu : « Autour d'un soufflet. > C'est, en effet, un soufflet appliqué par l'irascible Bourdon sur la joue de son compatriote Boissière, qui sert de pré- lude au récit de M. Ponsonailhe. Le fait se passe en 165S. Bourdon est recteur de l'Académie de peinture de Paris ; Boissière appartient h la jurande de Saint-Luc à Mont- pellier. Là, comme ailleurs, académiciens et jures étaient irréconciliables. La cause du soufflet fut une critique, sans doute trop verte, du tableau la Cliute de Simon le .\fagi- lieii, exposé par Bourdon. Les conséquences ? Un procès, la fuite nocturne de Bourdon et vingt années de retard dans la fondation de l'académie de Montpellier. Tout cela est fort grave, mais ce qu'il faut déplorer par-dessus tout, c'est la notoriété que valut h Boissière le soufflet retentis- sant dont l'avait gratifié Bourdon. Ses œuvres manquent de caractère. Boissière a bénéficié d'un acte de violence. Cet acte l'a sauvé de l'oubli, mais h chercher ce que valut Boissière, M. Ponsonailhe a découvert que Boissière avait une sœur aînée, mariée en 1630, à un peintre flamand du nom de Jean Zueil qui, en 1647, est en vogue à Montpel- lier. II travaille pour les consuls. Il est l'artisan le plus qualifié des fêtes, des entrées, des représentations de gala. Jean Zueil se fait naturaliser Français et prend le nom de maitre François. C'est Jean Zueil qui a formé Boissière, mais c'est aussi Jean Zueil qui a instruit Hyacinthe Ri- gaud. Le disciple grandit le maître. Zueil a produit de bous ouvrages. La plupart ont disparu ; les autres sont attribués à des peintres de marque. Zueil n'a pas reçu de la postérité le renom qui lui était dû. M. Ponsonailhe remet les choses au point. La vivacité de Bourdon nous incline à l'indulgence. Il a eu, somme toute, la main heu- reuse. A quelque chose soufflet est bon.

Jp l'ai vu, dis-je, vu, ce qui s'appelle vu !

Un dernier mot. Messieurs, et votre session aura pris fin.

En l'année 173 1, Fontenelle, delà septuagénaire, fut pris à partie par son confrère l'académicien Houdar de La Motte. < Fontenelle vieillit, disait La Motte, il n'écrit plus que des billets ! » Et P^onteuelle de répondre : « La Motte vieillit comme moi, d'un jour par vingt-quatre heures, mais il devient prolixe. Ses moindres lettres ont quatre pages ! Un billet se lit, se relit et parfois se retient. Une longue épitre se déplie, mais on ne la lit pas. » L'ai- mable et fin vieillard ajoutait : < Ma devise est Rien de trop .' J'essaie d'y être fidèle. > P'ontenelle se tint parole, et, devenu centenaire, l'excellent homme se laissa mourir, estimant sans doute qu'un siècle d'existence est ime lon- gévité suffisante, au delà de laquelle il y aurait excès.

Comité des travaux historiques. M. La- lande fournit une note sur le baptistère de Venasque(Vaucluse), queMéiiméecroyaitdu XI' siècle. M. Lalande opine pour le VI=, mais M. de I.asteyrie fait des réserves à ce sujet. L'édifice,

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ISitWt be V^n chxititn.

en tous cas, paraît antérieur à l'époque romane proprement dite.

Le R. P. Germer Durand fournit un important rapport sur l'exploration faite en 1903 de la voie romaine entre Amman et Bostra (Arabie), voie construite par Trajan. Le savant explorateur reproduit les curieuses ruines de la citadelle de Philadelphie (Syrie), la mosquée, les restes d'un temple de l'époque des Antonins, les ruines du théâtre romain, de la porte romaine et de la mosquée de Bostra.

M. A. Vidal étudie un primitif italien (retable en triptyque) conservé à la cathédrale d'Albi. Ce rare morceau se trouve signé et daté : P. A. Agusti, 1 345 ; mais cette signature est-elle authen- tique ? C'est chose si rare qu'elle demande véri- fication.

M. A. Philippe communique le marché conclu pour la construction de la porte d'Aiguepasses à Mende (1436;, et M. F. Villepelet, l'inventaire du trésor de la collégiale de Saint- Front de Périgueux en 1552.

Signalons spécialement un mémoire de M. S. Macary sur l'orfèvrerie à Toulouse aux X V^ et XVIe siècles.d'après des documents d'archives; ce mémoire fait connaître la corporation des Argen- tarii et aityifal>n\ \eurs membres et leurs œuvres décrites dans les « baux à besogne ».

Société archéologique du midi de la France 1903. Le baron Desazars de Mont- Gaillard a étudié les célèbres miniatures des archives municipales de Toulouse qui illustrent douze volumes des Anvales locales si tristement mutilées à la Révolution. A la suite de la loi de 1792 prescrivant la destruction de tous les signes de l'ancien régime, on brûla sur l'autel de la patrie les portraits des Capitaines, et les feuil- lets qui les contenaient furent arrachés des regis- tres. Ceux-ci restent encore un des plus curieux recueils héraldiques, artistiques et paléographi- ques de France.

La Société a porté sa sollicitude sur les travaux de restauration de la cathédrale d'Albi. Elle déplorelasuppressiondes balustrades couronnant les murs extérieurs. M. Marc Gaïda a restauré habilement les peintures murales des chapelles de St-Michel,de St-Christophe et de St-Sébas- tien ; sur les avis de la Société Toulousaine, il s'est abstenu de remettre sur les socles des anges les noms apocryphes qu'y avait inscrits la renais- sance. L'appréciation du rapporteur, M. le baron de Rivière, est celle-ci : La partie picturale ne mérite que des éloges, tandis que la partie archi- tecturale est une insulte au sens commun.

M. de Labordes a fourni la description de trois pierres tumulaires d'abbés de Saint-Sernin, dont

deux à effigies ; le même archéologue fait connaî- tre un document attestant la consécration faite en 1 592 de l'église de Saint-Etienne de Toulouse. M. l'abbé J. Lestrade fournit un inventaire de l'église de Saint-Rome datée de 1608. M. l'abbé Degest présente une note sur l'origine de la Vierge, nom- mée de la Daurade (XVI'= s), œuvre de Magister Rainaud.

Congrès archéologique de Mons. La Fédération des sociétés d'archéologie de Belgique a fait cette année une série d'excursions dans la province de Hainaut. Les savants versés dans les études préhistoriques ont visité sous la conduite de MM. Rutot et Hublard les gise- ments remarquables de Spiennes, l'on vient, paraît-il, de découvrir une couche de terrain inconnue jusqu'ici, à la base du crétacé; on leur a montré la très curieuse station de l'époque néolithique, naguère trouvée par le prof. Cornet sur la plateforme du fameux « caillou qui bi- que » d'Angers, etc..

Les membres du Congrès ont fait un pèleri- nage à la cité romaine de Bavai. se voit une enceinte fortifiée flanquée de tours, dont l'exté- rieur remblayé recèle des vestiges gallo-romains encore inexplorés. On a découvert récemment dans cette localité un important hypocauste, ailleurs des murs souterrains décorés de niches, l'on a cru voir des niches de colombaire (.'),

Les amateurs d'antiquités médiévales se sont surtout intéressés, d'abord aux derniers vestiges de l'abbaye de Cambron. Dans le parc superbe du comte du Val de Beaulieu, un escalier colossal, d'environ 10 mètres d'enroulement, mène en trois volées les visiteurs aux pieds de la tour cons- truite par Dewetz, au XVI 11"= siècle, entête de l'église gothique primaire qu'a abattue la Révo- lution, et dont il ne reste qu'une colonne et un pan de mur percé d'enfeus l'on voit de superbes tombeaux gothiques en voie de périr lentement. Il est urgent que l'État belge les sauve en les achetant pour ses musées. Au che- vet des gisants l'on voit des bas-reliefs l'àme du défunt se voit portée dans le sein d'Abraham.

En contrebas de l'église, à son flanc S.-O., s'étend encore une belle salle gothique, 390 arcs de croisées d'ogives de la toute première époque ; sans doute une partie du doiiius conversorum de l'ancienne abbaye cistercienne. On y trouve de remarquables sculptures, notanunent deux gi- sants du .XII h" siècle, analogues à ceux de même provenance qu'a recueillis le musée ar- chéologique de Mons. Notons de beaux claveaux de nervures en terre cuite, qu'on s'étonne de rencontrer en cette région.

De Cambron le Congrès a fait visite à l'inté-

t!Drat)au;c des Sociétés satjantes.

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ressantecoUection d'antiquités réunies par le vail- lant et intelligent chercheur qu'est M. l'abbé Puissant. Il a exposé ces objets dans des balcons de médiévale allure, groupés autour d'un vieux donjon, dernier reste de l'important château d'Herchies, et qu'il a élevés sur les anciens murs du manoir, de façon à en rétablir aux yeux toute la topographie. M. Puissant a reçu les éloges bien mérités des congressistes.

Une autre excursion a eu pour objectif les ruines du palais princier de Marguerite de Hon- grie, qui agrémentent la superbe propriété de M. Waroqué. M. Waroqué a réuni dans un musée des plus remarquables une série d'antiquités de tout premier ordre appartenant à l'art grec et romain ; tout ce qu'on voit dans le « temple » qu'il a érigé ferait très belle figure au Louvre.

La dernière excursion eut lieu dans la char- mante vallée de la Sambre, à la vieille église de Lobbes, à la pittoresque ville de Thuin, et à l'abbaj-e d'Aulne, s'achèvent les travaux de restauration ou plutôt de sauvetage et de conso- lidation des ruines. Les excursionnistes les ont visitées sous la direction du secrétaire de La Revue de l' Art clirétien.

Nous reproduisons ci-après l'intéressante con- férence qui a été donnée aux congressistes par M. l.efebre-Pontalis, directeur de la Société française d'Archéologie, sur les origines de l'ar- chitecture gothique dans le Nord de la France.

Conférence faite par M. Lefevre-Ponta- lis au Congres de Mars, en 1904, sur les Origines de rarchitecttire gothique dans le Nord de la France.

Le conférencier commence par signaler l'erreur com- mise par les archéologues en appliquant le terme à!ogive à l'arc brisé.

Une voûte ogivale, une croisée d'ogives est une voûte établie sur deux nervures diagonales ; on trouve dans un compte de 1399, le mot de augif, arc aitoif, employé dans ce sens ; il vient du latin aiigere, augmenter ; la voûte d'arêtes romane fut en efifet alors augmentée de ner- vures.

M. Lefevre-Pontalis demande aux archéologues de ne plus appliquer le mot ogive au cintre brisé ; car si cette erreur persiste, il subsiste une fâcheuse équivoque, et il ne reste plus aucun terme pour désigner la vraie ogive.

Il se demande ensuite il faut chercher les plus an- ciennes voûtes d'ogives. On rencontre les nervures diagonales aux voûtes de St-Ambroise à Milan, que de Dartein date du IX- siècle ; mais Cattaneo a prouvé que le gros œuvre de St-.Ambroise est du XI I' siècle et on voit des croisées d'ogives à St-Pierre in Ciel d'Oro de Pavie, à Darmstadt, à Salamanque, toutes de la même époque. M. Bilson croit en avoir rencontré d'antérieures à Durham, mais le fait a été contesté par M. de Lasteyrie. M. Lefevre-Pontalis croit qu'on n'a trouvé aucune croisée d'ogives antérieure au XI I" siècle, et que les plus anciennes se rencontrent en France.

Qu'est-ce qui en a donné l'idée? Quicherat, dès 18501 avait interprété dans le sens d'une voûte d'ogive, le catjcer dont il est question dans un texte relatif au phare d'Alex- andrie. D'un autre côté, il avait signalé l'analogie avec les arcs augifs, des nerfs diagonau.x que constituent les arcs noyés dans les voûtes d'arêtes romaines; Viollet- le-Duc a cru l'ogive originaire de Syrie; Corroyer a vu dans les pendentifs des coupoles périgourdines l'œuf . d'où est sortie l'ogive, telle qu'elle fut appliquée en 1150 aux voûtes d'arêtes domicales de la cathédrale d'Angers.

En réalité c'est dans l'Oise et la Somme qu'il faut chercher le berceau de la voûte d'ogives.

On en trouve cependant des ambrions en Poitou, dans la rotonde de Quimperlé, dont la partie centrale offre une voûte d'ogives a larges claveaux carrés : les absides des croisillons de la cathédrale de Tournai ont des sortes de nervures analogues, larges et plates. Il y a encore de ces larges nervures à vives arêtes carrées à St-Victor de Mar- seille ; et au premier étage du porche de Moissac on voit une voûte à 12 nervures; M. Brutails pense qu'elles sont postérieures à l'an 1100. Citons encore celles de St-Gau- dens de Toulouse et celles de St- Gilles, que M. de Lastey- rie considère comme postérieures à 1142.

Les plus anciennes ogives de Poitou sont celles de Jazeneuil, de Lusignan, apparaît la nervure à boudin.

En somme l'origme de la croisée d'ogives doit être étu- diée dans trois régions : l'Ile de France, la Normandie et l'Anjou. Mais si l'on cherche le centre géographique de son pays d'origine, la pointe de compas du cercle qui enveloppe la patrie de la voûte gothique, il faut se con- centrer entre Chartres, Laon, Amiens, Orléans, Étampes ; le point central est à peu près \ Senlis

Après avoir insisté sur la nécessité de réserver le nom d'ogives aux nervures diagonales des voûtes et le nom d'arc en tiers-point aux arcs en cintre brisé, le savant archéologue explique comment cette région fut le champ d'e.xpérience des trois éléments de l'architecture gothique, la croisée d'ogives, l'arc en tiers-point et l'arc-boutant. Il prouve que les architectes appareillèrent d'abord des voûtes d'ogives sur des espaces restremts, comme sous le clocher d'Acy en Multien (Oise) et sur le déambulatoire de Morienval, tandis que les croisées d'ogives isolées des porches de Saint- Victor de Marseille et de Moissac ou de la crypte de Saint-Gilles, voûtée vers 1142, restaient des exemples isolés. Les voûtes de ce genre furent appli- quées successivement sur les chœurs et les transepts des églises rurales du Beauvaisis, du Valais, du Soissonnais, mais on n'osa guère en appareiller au-dessus des nefs avant le milieu du XI I" siècle.

A Bury, à Cambronne, à Foulangues, à La Villetertre, à Saint-Germer, à Saint- Vaast-les-Mello (Oise), à Cou- longes (Aisne), à Chars (Seine-et-Oise), les architectes transformèrent les vieux piliers cruciformes des nefs romanes en les cantonnant de colonnettes pour voûter après coup le vaisseau central. Vers 1 160, l'alternance des piles et des colonnes fit adopter la voûte sexpartite qui embrasse deux travées. Dans les chœurs, les nervures appliquées tout d'abord sous des voûtes en cul-de-four, comme à Berry-leSec et à Vauxrezis, près de Soissons, rayonnèrent ensuite autour d'une clef centrale. Les profils primitifs des nervures carrées ou toriques se modifièrent par les boudins flanqués de gorges ou de filets.

Et si l'on se demande la raison de l'apparition de l'ogive en cette région, l'on est tenté de la trouver dans l'influence royale.

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3Rebuc ïie r^rt cl)rctien.

II n'en est rien ; la cause gît dans la facture due à la

nature des matériaux.

Dans cette contrée, au début du XI h' siècle, les archi- tectes n'étaient pas dominés dans leurs conceptions par une école romane puissante. Livrés à eu.K-mêmes, ils ont cherché le perfectionnement de leur art dans des procé- dés techniques auxquels se prêtait la pierre excellente qui était à leur disposition. Viollet-le-Duc s'est trompé quand il a dit que Saint-Denis avait été le point de dé- part de l'art gothique ; c'est plutôt le point d'arrivée : le produit complet du style dont le premier embryon a dis- paru. VioUet le Duc fait trop d'état de l'école chini- sienne ; il n'a pas aperçu le rôle important, mis eu relief par M. Enlart, des cisterciens comme propagateurs du gothique ; ils avaient des plans types, qu'ils ont répan- dus partout en F"rance et à l'étranger.

Mais revenons aux croisées d'ogives et voyons celles qui peuvent être datées. M. Lefevre-Pontalis ne croit pas qu'il en existe de plus anciennes que celles de Morien- val, que M. Anthyme Saint-Paul date de Il22,etqui sont en tout cas antérieures à 1125. Elles sont établies sur travées très étroites et otifrent un gros boudin très lourd. Mieux datées sont celles de Bellefontaine dont une, très curieuse, date de 1125; celle du clocher Nord de Notre- Dame de Chartres, bâti après l'incendie de 1134, puis viennent les célèbres et élégantes voûtes de Saint-Dinis. Suger nous a fait connaître lui-même que le porche fut élevé de 1137 à 1140; et heureusement la restauration moderne n'a pas touché à ce porche précieux.

Dans le chneur de Saint- Denis, on est parvenu à ré- duire beaucoup la section du boudin ; puis, on y a ajouté une petite baguette ; on a combiné trois tores, ou ailleurs adopté le profil en amande comme au clocher de Noël St Martin (époque avancée du XII' siècle) ; à la fin du X 1 1" siècle on rencontre deux tores séparés par un biseau. Alors on fait usage de petites clefs de voûte ; la clef de voûte devient importante dans la 2"^ moitié du X 11" siècle.

Au début les quatre arcs de tête sont très bas, et les remplissages rampent vers la clef; la voûte a un aspect coupoliforme. Les arcs formerets existaient avant les croisées d'ogives ; on les rencontre comme terminaison des berceaux dans l'architecture romane ; on les trouve aux berceaux de Morienval dans la 2'' moitié du XII' siècle.

Notons encore quelques voûtes datées, celle de St-Ger- main des Prés, de 1 163, comme celle de Domniartin, (en aiTiinde). M. Broche vient de dater la chapelle de lévêchc de Laon, qui est du temps de l'évêque Gauthier de Mortagne. Le chœur de la cathédrale de Paris fut élevé de 1 163 à 1 177, le croisillon méridional à Soissons, entre 1 163 et 1200. La cathédrale d'Angers est de II 50-1 153, celle du Mans, de 11 58. Un progrès s'accuse dans les compartiments moins inclinés et les formerets remontés comme à Saint-Qairiace de Provins.

C'est dans les chœurs des églises, les voûtes étaient plus faciles h établir, qu'on a commencé à appliquer la croisée d'ogives sur grande échelle, d'abord dans les chœurs ronds qui n'offraient pas encore les plans savants des gothiques ; ce sont les vrais culs de fours nervés, quelquefois à 4 rangs d'ogives, quelquefois six, comme à Juziers, à Courmelles. L'ogive est appliquée h des chœurs carrés comme à Laon et à Soissons, enfin à des chevets à pans coupés comme les chapelles accolées au chœur de Soissons.

Mais le triomphe de la croisée d'ogive se produit dans le voûtement des déambulatoires.

Les romans les avaient couverts d'abord d'un berceau annulaire, puis de voûtes d'arêtes ; ils y appliquèrent les croisées d'ogives à Morienval; à St Martin d'Etampes, on banda trois doubleaux pirtant de chaque pilier;à N.-D. de Paris, on imagina le tracé en triangle pour échapper

aux difficultés du plan en trapèze, et ce procédé fut appli- qué avec plus de perfection encore à .Saint- Germain et h Saint Leu d'Esserent.

Reste un point : l'origine de Varc en tiers point. Le cintre brisé dérive directement de la voûte d'augives. Il vient de la nécessité d'amener toutes les clefs à peu près au même niveau. Cet élément architectonique n'a d'ailleurs qu'un rôle tout à fait secondaire.

Le conférencier proteste contre cette théorie longtemps admise, qui faisait du tiers-point une caractéristique du gothique.

On a bien au contraire mis un siècle à passer du p'ein- cintre au centre brisé ; l'arc plein-cintre a fait surtout une belle résistance dans les clochers.

Peu à peu les voûtes deviennent moins bombées, parce que les architectes arrivent à mettre la clef de tous les arcs d'encadrement au même niveau. Ce fut la véritable raison du succès de l'arc en tiers-point. A Morienval, à .Saint-Etienne de IJeauvais et ailleurs, on avait cherché à résoudre le problème de monter la clef du doubleau à la même hauteur que celle de la voûte à l'aide de l'arc en plein cintre sui haussé, mais cet expédient resta d'un usage exceptionnel, bien qu'on le rencontre encore dans les déambulatoires de la cathédrale de Noyon et de l'église de Saint-Germain des Prés à Paris, consacrée en 1163. L'arc brisé qui apparut tout d'abord autour des voûtes par suite d'une nécessité de construction, se répan- dit dans tous les membres de l'architecture vers iiSo, mais l'arc en plein cintre avait fait une longue résistance dans les portails, les baies des clochers, les fenêtres et les arcatures. Il fallut un siècle pour que son usage fût aban- donné définitivement au début du règne de saint Louis. La naissance de l'architecture gothique ne fut pas une éclosion spontanée, elle est le fruit du génie des archi- tectes du XII' siècle et la conséquence de l'invention de la voûte d'ogives.

La croisée d'ogives a pour complément nécessaire l'^/r- honlant.

Les édifices les plus hardis du XII" siècle étaient dé- pourvus d'arcs-boutants, comme Saint-Remi de Reims, le croisillon de Soissons, le chœur de .Saint-Len. Les poussées de voûtes déformèrent les chœurs de St-Remi de Reims, de St-Germain-des-Prés à Paris, de Soissons, etc., et c'est pour sauver ces chœurs qui allaient tomber, qu'on leur appliquait des arcs-boutants dans la 2' moitié du XII' siècle.

L'arc-boutant apparaît comme un expédient destiné à prévenir la ruine des dievets des premières grandes églises gothiques dans la seconde moitié du XIP' siècle, car leschœurs de No:re-I)ame deChûlons, deSaint-Renu de Reims, de Saint-Germain des Prés, de Saint- Leu d'Esserent et l'admirable croisillon sud de la cathédrale de Soissons en étaient dépourvus h l'origine. Il fallut les étayer apiès coup, mais au commencement du XIII' siècle, on monta des arcs-boutants encore intacts comme ceux du chœur de la cathédrale de Soissons (1212), delà nef de Notre-Dame de Chartres (1220), de l'église abba- tiale de Longpont (1227J.

Au commencement du XIII' siècle l'arc-boutant est prévu par le constructeur ; c'est un organe nécessaire et accessoirement une béquille ajoutée : avec lui le système gothique se complète ; c'est dans la région de lieauvais, de Senlis et de Soissons qu'on le voit se constituer de toutes pièces.

M. Lefevre-Pontalis s'arrête .'i la filiation des chevets de Chalons et de St-Remi de Reims, mise en lumière par

Cratau;c deô ^otiétég ©ayantes.

419

-M. Demaison ; les absidioles de ces deux églises appar- tiennent à ce type panicnlier caractérisé par la forme ronde en plan, et la colonne centrale établie entre elle et le déanibiilatnire. Or M. L.-P. a reconnu que le croisillon Sud de Soissons, élevé vers 1170, se rattache au même type, comme le prouvent quantité de détails.

Nous venons (.le voir la croisée d'ogives appliquée aux chœurs des églises, et sur leur déambulatoire. Dans les transepts son application était facile ; on l'emploie de bonne heure. Elle sert aussi à couvrir la tour-lanterne de la croisée à Nouvion le- Vineux, à Laon, etc.

Enfin, le systcme t^othique fut réalisé intégralement par son emploi sur les grandes nefs. Quelles furent les pre- mières voûtes dans ce système ? Il est douteux que ce soit celle de Saint- Uenis ; ce serait plutôt celle de Creil (2= moitié du \Ih). Les constructeurs soissonnais étaient timides et n'osaient voûter leurs nefs ; il les couvraient de plafonds en bois ; si l'on rencontre les voûtes nervées sur les nefs primaires deBeauvais, elles ne sont pas pri- mitives : c'est une vingtaine d'années après l'apparition de la croisée d'ogives qu'on voûta les églises de celte région après coup. C'est ce que Ion voit à Acy, à Bury, à Chars, à St ("lermer, à Cambronne au XII'' siècle : on retrouve les colonnades portant les retombées, qui ont été engagées après coup dans le mur.

M. L.-P. croit qu'il en fut de même à Durham, quoi qu'en pense M. Bilson ; les colonnades ajoutées ultérieu- rement à quelques années de distance imitent fidèlement le style originel. La région de Soissons a fait usage de doubleaux isolés pour porter les charpentes.

Quant aux voûtes sexpartites, dérivant de l'alternance des piles fortes et faibles, le conférencier est d'avis que c'est un procédé qui dérive des bords du Rhin, et en dernière analyse est à une infiuence lombarde.

Un dernier développement se produit dans les cons- tructions des voûtes nervées ; c'est la ramification des nervures ; les architectes procèdent volontiers du simple au composé. Dès le milieu du XII' siècle, on voit cons- truire la lierne ; on la voit à Juziers, au porche méri- dional du Puy, en Poitou, en Anjou surtout, elle ca- ractérise le style Plantagenet (Airvault, St-Jouin des Mar- nes, etc.)

La voûte se complique an XIII" siècle. On voit dès cette époque à la croisée d'Amiens la voûte à liernes et tiercerons.

De son côté le profil des nervures subit une évolution.

Le tore simple ou en amande prédomine dans la pre- mière moitié du .XI 1- siècle ("Senlis, Cambrai, St-Remi de Reims) ; puis le double tore séparé par une arête vive (N'.-D. de Paris), ou par un creux (scolie) ; ensuite vient le profil en trèfle agrémenté de b.âtons brisés, le boudin décoré ; h signaler aussi les figurines décorant les sommiers.

Dans la seconde moitié du XII' siècle la décoration des ogives est souvent très riche comme à Lucheux (.Somme) et à Saint-Germer : elle comporte parfois des bâtons brisés comme dans la tribune du porche de Saint- Leu d'Esserent.

* * *

Les chaleureux applaudissements de l'auditoire ont prouvé au conférencier combien les archéologues avaient apprécié sa facilité de parole et la clarté de ses observa- tions techniques, .'i l'aide des planches de son ouvrage sur l'architecture religieuse dans le Soissonnais et d'excel- lentes photographies.

Société archéologique de Namur. Nous trouvons dans les Annales de celte Société t. XXIV, 4*= livraison, les travaux suivants à si- gnaler.

Une œuvre inédite de frère Hugo dOignies. Il s'agit d'une partie du buste-reliquaire de saint Feuilien, conservé non point dans le trésor des Sœurs de Notre-Dame à Namur, sont réunies les œuvres du grand orfèvre du XIII^ siècle, mais dans l'église, autrefois collégiale, de Fosses ; œuvre inédite, d'un goût exquis, dont M. Rops fait une instructive description. Il y reconnaît les traits caractéristiques de l'art justement vanté du célèbre ami de Jacques de Vitry et le rattache, suivant l'opinion commune, au grand art rhénan.

E. de Pierpont, Congrès d' archéologie et d'his- ioire tenu à Dînant du ç au ij août içoj. Dans cet article, le secrétaire du Congrès rend compte de différentes journées ; les conférences et les tra- vaux présentés au Congrès seront publiés dans un compte-rendu spécial.

A. Bequet, Discours prononcé à la séance d'ou- verture du Congrès de Dînant. M. Bequet retrace très rapidement l'Iiistoire des trois plus anciennes industries d'art en Belgique : la bijouterie, l'orfè- vrerie, ladinanderie ; c'est d'après lui, au i"^' siècle, dans la villa d'Anteius, à lokilomètres de Dinant, que se serait établie l'industrie du cuivre et de l'émaillerie à côté des fourneaux à fer.

Idem, Habitations des métallurgistes lelgo- romaius des W et IIP siècles. Des fouilles récen- tes, notamment celles exécutées au village de Vodecée, permettent à l'auteur de reconstituer la structure de ces habitations.

Société d'émulation pour l'étude de l'his- toire et des antiquités de la Flandre. 53<" vol., année 1903. Cette livraison des Annales renferme un article de notre collaborateur James Weale,qui a longtemps habité la Belgique.Il nous apprend que, dans une vente du 30 inars 1903, il s'est vendu à Londres trois livres d'heures d'ori- gine flamande, qui ont atteint des prix merveil- leux.

L'un de ces livres Horœ Beatœ Mariœ Virginis avec un calendrier et 163 feuillets écrits par un bon calligraphe flamand, ornés de miniatures, s'est vendu 230 livres, soit 5,750 francs.

Un autre voluirte orné de 23 miniatures a été adjugé pour 152 livres, soit 3,800 francs.

Un troisième livre d'heures, du X V'^' siècle, relié par Jacobus Van Gavere, gantois, fut acheté en 1786 pour 18 shelHngs et a été vendu pour 837 francs. Dans le calendrier, le rév. Charles Van lloucke, archidiacre d'Ypres, avait écrit un grand nombre de notes concernant cette ville et l'abbaye de Nonnenbossche.

420

ÎÉlcbue tie lart cl)rcticiu

Commission royale des monuments de Belgique. L'Assemblée générale annuelle de la Commission Royale des Monuments et de ses correspondants aura lieu le lundi lO octobre.

L'ordre du jour est ainsi réglé :

i" Rapport du secrétaire sur les travaux de la Commis- sion pendant l'année 1903-1904 (art. 61).

Rapports des Comités provinciaux des membres correspondants sur leurs travaux de l'année 1903-1904. La lecture ou l'exposé n'en devra pas durer plus d'un quart-d'heure (art. 64).

.A. quelles conditions essentielles doivent satisfaire les parties d'un vitrail artistique? (Question remise à l'or- dre du jour à la demande de l'Assemblée préparatoire du 10 octobre 1903 et conformément à la décision de l'As- semblée générale du surlendemain 12 octobre).

4" Qu'enseignent les découvertes de peintures murales faites dans les monuments de la Belgique ? (Question re- mise pour la seconde fois à l'ordre du jour en vertu de la décision de l'Assemblée générale du 12 octobre 1903.)

5" Examen des moyen s les plus propres d'assurer la con- servation et la restauration des anciennes constructions privées offrant un intérêt archéologique, historique et artistique. (Question mise à l'ordre du jour sur la propo- sition du Comité des correspondants du Hainaut.)

Inventaires des objets d'art appartenant aux établis- sements publics.

La Commission des Monuments histo- riques et la Ville de Paris viennent de se mettre d'accord pour l'exécution d'importants travaux à Saint-Séverin. Ses contreforts, notam- ment, dont la légère élégance est si admirée et qui passent pour un des chefs-d'œuvre de notre architecture française, vont être reconstitués.

La dépense est évaluée à 1 35.000 fr.

Société archéologique de l'arrondissement de Nivelles, t. VIII, 1" livraison. Nivelles, 1904.

R. p. Nimal, L'Église de Villcrs. En 1899, M. de Prelle de la Nieppe publia, dans le Bulletin des Commissions royales d Art et d Archéologie (38"' année, livraisons i et 2) une étude sur l'église de l'abbaye de Vdlers. Cette étude se résume dans les quatre thèses suivantes : 1" l'église dont nous admirons aujourd'hui les ruines majestueuses, fut commencée dès les débuts de l'abbaye, soit dès 1147 ; une interruption dans les travaux eut lieu en 1212 ; 3" les chapelles latérales du bas-coté nord ont été cons- truites dès la première moitié du -XIII" siècle; 4" la chapelle de Saint-Bernard, remarquable surtout par le sarcophage renfermant les restes de dix corps de saints, était située sous le porche. Ce sont ces conclusions, qui ne sont d'ailleurs pas solidement établies, que le R. P. Nimal attaque dans le travail qui nous occupe. D'après l'auteur, les moines de Voiliers auraient, avant de commen- cer la construction de leur église monumentale, construit un oratoire de moindre importance, démoli au XVI I" |

siècle. La date de l'interruption des travaux, fixée par M. de Prelle à 1212, serait bien incertaine ; les chapelles du bas-côté nord ne dateraient que du XIV siècle ; entîn, la chapelle de Saint-Bernard était située à l'intérieur de l'église.

Il y a du bon dans ce travail, (^"^rit à la date de la construction de l'église, notamment, le R. P. Nimal a mis en lumière une tradition importante négligée par M. de Prelle ; mais pour l'ensemble, le travail est loin de satis- faire complètement le lecteur. Ce qui lui manque, c'est une documentation suffisante. Les archives de Villers, je le veux bien, sont dispersées aujourd'hui : telle partie du chartrier se trouve à Bruxelles, telle autre à Malines, d'autres documents à Londres, d'autres encore entre les mains de particuliers. Le premier devoir de l'auteur eût été de compulser tous les documents accessibles, de rechercher ce qui pouvait être inconnu. Au lieu de cela, il se contente la plupart du temps de simples inductions d'un fait général à un cas particulier ou de raisonnements portant à faux sur une base défectueuse. Voici, à titre d'exemple, l'une de ces inductions : « La chapelle de » Saint-Charles, dit l'auteur, nul doute à cet égard, était » la chapelle orientée du milieu du transept gauche,

> c'est-à-dire côté épître. Elle est évidemment de ce côté.

> En effet, le nécrologe mentionne la sépulture de plu-

> sieurs abbés : ?eira caticelhim sancti Caroli ou prope » sacristiatn divi Caroli. Or, la sacristie se trouvait du

> côté de l'épitre. > En règle générale, oui. Ici, cependant, la sacristie de Saint-Charles se trouvait du côté de l'évan- gile et occupait la place prise jadis par la chapelle de la Sainte-Trinité, qui avait été convertie au XVI I'^ siècle en sacristie. L'auteur ignorait le fait, peut-être, mais c'est de sa faute.

Cet exemple se rapporte, certes, à une question d'inté- rêt secondaire, mais il fait toucher du doigt le défaut capital du livre du R. P. Nimal : manque de recherches, tendances dialectiques.

H. Schuermans, A M. Edgard de Prelle de la Nieppe^ conservateur du Musée royal d\irmes et d'armures à Bruxelles. La lettre de M. Schuermans se rapporte .1 l'un des points en discussion entre M. de Prelle et le R. P. Nimal : l'emplacement de la chapelle de Saint-Bernard dans l'église de Villers. M. Schuermans est partisan de l'emplacement de la chapelle en question sous le porche. 11 invoque, entre autres arguments, contre l'opinion du R. P. Nimal, l'impossibilité de faire tenir les différents monuments, que nous savons avoir orné cette chapelle, dans l'espace étroit qu'offre la première chapelle du bas- côté nord, en entrant par le fond de l'église (').

La Société archéologique du Midi de la France vient d'acheter une des portes de l'en- ceinte de la ville de Cordes, que son propriétaire voulait démolir.

La Société historique de Bordeaux s'efforce de conjurer la détérioration du château histo- rique de Pugols, dans la cour duquel la munici- palité a décidé d'élever un bâtiinent scolaire.

I. D'après les Archives belges.

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LES ANCIENNES MAISONS DE CONSTAN- TINOPLE, par M. le général L. de Beylié. In-4°, X-27 pp., 11 planches hors texte et 15 gravures. Paris, E. Leroux; et Grenoble, Falque et Perrin, 1903. Ce volume est un supplément à \ Habitation by- zantine, du même auteur (voir Revue de P Art chrétien, janvier 1904).

n'y a pas lieu de reparler ici du g somptueux ouvrage de M. le général ^. de Heylié sur l'Habitation byzan- ij tine. En quête des vestiges de l'ar- ^W^TSî^-^ chitecture privée des Byzantins et des arts qui en dépendent, notre savant et aima- ble guide nous a conduit de la Syrie centrale aux plaines de la Russie, de la presqu'île des Balkans aux lagunes de Venise. Mais voici qu'a- près ces courses excentriques, il nous ramène au cœur de cette civilisation byzantine qui rayonna si loin ; qu'est-ce que Constantinople a conservé de ses anciennes habitations? n'est-il pas temps d'explorer ses vieilles maisons? Certes oui, il n'y a pas un instant à perdre, car chaque jour elles menacent de disparaître : tremblements de terre, incendies, caprices de leurs hôtes présents, continuent, comme par le passé, à les ravir à la curiosité de l'historien, de l'artiste et de l'archéo- logue. Dès aujourd'hui leur nombre est bien minime: on n'en peut guère compter plus de quatre-vingts qui rappellent plus ou moins le style des maisons que nous avons étudiées à Mistra (XIV"^ s.) ou dans les arrière-plans des miniatures de Skylitzès. Excepté quatre ou cinq, elles sont toutes postérieures à la conquête.

De leurs devancières elles gardent encore l'ap- pareil des murs les couches de briques alter- nent avec les couches de pierre (généralement un lit de moellons pour deux de briques), les balcons couverts, analogues aux bow-win- dows modernes, les étages à encorbellement, souvent disposés en crémaillère (dents sail- lantes sur la façade) : grâce à cet arrangement, <L triomphe de la méfiance ou de la curiosité », on pouvait de chaque chambre regarder ou tirer vers les deux extrémités de la rue ; c'est le sys- tème usité si fréquemment pour flanquer les angles saillants des fortifications. Autres traits de ressemblance avec les habitations du XVI^ siècle, ce sont les jarres vides empilées symétri- quement entre la voûte et le toit, sans doute pour le soutenir sans surcharger celle-là, et c'est surtout l'aménagement intérieur des édifices : il n'est pas rare, par exemple, que l'étage entier soit occupé par une vaste pièce à coupole : celle-ci est

précédée d'un vestibule voiité, comparable au narthex des églises, et elle sert successivement de salon et de chambre à coucher. Mais ce qui distingue presque toutes ces vieilles maisons de celles qu'on bâtissait aux siècles précédents, c'est l'emploi fréquent de l'ornementation polygonale du style dit arabe, et celui de l'ogive en accolade : par elles dénotent un style dégénéré, bien qu'elles aient été construites par des architectes byzantins. On ne peut pas voir, dans les trois quartiers de Constantinople, plus de cinq maisons qui présentent encore des fenêtres à plein cintre.

La rareté de ces spécimens anciens rend plus précieuse encore l'œuvre de M. le général de Beylié. Non content de dater les plus remarqua- bles de ces édifices, une quinzaine en tout, et de les décrire avec la précision d'un architecte, il nous en donne 25 photographies phototypées, réparties sur 1 1 planches hors texte ; 15 gravures dans le texte, plans ou croquis, complètent l'il- lustration. La difficulté de photographier dans une rue étroite, n'a pas toujours permis d'éviter certains défauts de perspective ; mais l'imagina- tion corrige sans peine le déséquilibre des lignes, l'œil est charmé par l'excellence de la reproduc- tion phototypique, et l'on ne peut que déplorer le fanatisme turc dont la méfiance a trop souvent arrêté l'exploration de M. de Beylié dans le quartier de Stamboul.

Malgré ce fanatisme, Constantinople nous offre donc encore, non seulement dans ses églises, mais même dans ses habitations privées, de cu- rieux témoins de la civilisation chrétienne anté- rieure à la catastrophe de 1453. Je ne sais si M. de Beylié serait disposé, comme M. Lampakis ou M. Beaudoire, à reconnaître des emblèmes chrétiens dans ces étoiles et autres sigles qui ornent le tympan de plus d'une porte. En tout cas la vitalité de l'art byzantin s'affirme assez par ce fait que toutes les constructions impor- tantes de la ville furent dues, après la con- quête, aux architectes de la nation vaincue : les Turcs, « rebelles aux études scientifiques », n'y intervinrent jamais.

Le chrétien est tout particulièrement recon- naissant à l'auteur de cet excellent travail, de nous avoir dit un mot du monastère de Stoudion, de nous avoir présenté, au moyen d'une bonne photographie, la façade du Métochion du Sinai dans le quartier du Phanar, et d'avoir mis sous nos yeux par le même procédé l'antique beffroi du couvent de Saint-Benoît à Galata, sa porte d'entrée, franchement byzantine, et la façade du couvent deSaint-Pierre dans le même quartier.

RHVUE UB l'art CHRéXlBN. 1404. 5*"® LIVRAISON.

422

Bebuc tie r^rt cbvctieu.

C'est ainsi que tout en se cantonnant hors du domaine de l'architecture proprement religieuse, l'ouvrage de M. le général de Beylié intéresse à plusieurs titres les amateurs d'art chrétien. Tout spécialement les lecteurs de cette Revue seront heureux de voir la dédicace adressée, en même temps qu'au R. P. Louis Petit, à notre collabo- rateur, M. le docteur Mordtmann.

L. B.

LE PORTAIL DE L'ÉGLISE DE MIMISAN, par G. Beaurain. Iti 8" de 56 pp., illustré. Paris, Champion, 1904.

MIMISAN, en Aquitaine, possédait une église de la transition romano-gothique, démolie en 1888 ;il en reste la tour avec un très curieux portail historié d'une multitude de figures archaïques. Au tympan, c'est l'adoration des mages, et dans les archivoltes concentriques, le Sauveur entouré des vierges sages et des vierges folles, les douze apôtres, le zodiaque. Dans une frise au-dessus du portail sont rangées des statues d'apôtres, des deux côtés d'un bas- relief figure le Christ-Docteur dans un quatre- feuille à nébules (non pas à feuillages comme le dit l'auteur).

M. Beaurain a eu la bonne pensée d'analyser cette page d'iconographie au point de vue du costume royal, chevaleresque, sacerdotal et po- pulaire, comme au point de vue du mobilier et des symboles.

Notons que la polychromie rehaussait l'œuvre sculpturale.

L. C.

GUIDE DU CONGRÈS DU PUY DE 1904, par M. Noël Thiollier. In-8° de 90 pp. illust. Caen, Delesque, 1904.

M. Thiollier a donné pour l'utilité des membres du dernier Congrès archéologique de France, une série de courtes et très bonnes monographies des monuments du Puy et des environs, à commencer par la cathédrale, à laquelle il a consacré naguère un ouvrage important(').Il décrit aussi la chapelle Saint-Jean, l'église Saint- Laurent, la chapelle octogone et la chapelle Saint-Michel d'Aiguille. Les excursions ont pour objet La Rochelambert, Saint-Paulien et son église à la large abside de travers, Polignac, son intéressant château et son église aux trois absides rangées, la Chaise- Dieu et son importante abbatiale, Chamalière-sur- Loire à l'abside énorme, Clianteuges, Brioude, (église Saint-Julien aux longues nefs et au che-

I. Voir Revue de V Art chrétien, année 1902, p. 153.

vet rayonnant), la Voûte-sur-Loire, Bouzols, le Moiiastier. Nous avons fait connaître antérieu- rement, d'après M. ThioUiert, ous les édifices visités dans ces localités ('). . p

MONOGRAPHIE DE LA CATHÉDRALE DU PUY, par M. Noèl Thiollikr. In-8' de 39 pp., illustré. Le Puy, Marchessou, 1904.

Sous ce titre, M. Thiollier reproduit le ma- nuscrit de l'architecte Mallay, qui restaura ou plutôt remania de façon déplorable la cathédrale au inilieu du siècle passé. 11 reproduit d'instruc- tifs relevés de l'édifice dressés avant la restau- ration. ^^ c

LA CATHÉDRALE DE SAINT-JEAN DE BEYROUTH, par M. T. Enlart. In-4° de 13 pp. ill. Paris, 1904. (Catalogue des Mémoires de la Société des Antiquaires de France.)

Au recueil de Mémoires formé à l'occasion du Centenaire de la Société des Antiquaires, M. En- lart a fourni pour contingent une très intéressante monographie, celle d'une des plus anciennes églises élevées par les Croisés, et qui, transformée en mosquée, avait été dérobée jusqu'ici presque entièrement à l'examen des archéologues. Elle reproduit le type d'une église romane du centre de la France. M. Enlart a rapporté le lever très exact en plan et en élévation, ainsi que de bonnes photographies de ce monument typique et bien conservé.

C'est une triple nef à piliers cruciformes de cinq travées précédées d'un porche extérieur, ter- minées par trois absides rangées : grande nef voûtée en berceau percé de lunettes, au-dessus des terrasses couvrant les bas-côtés, lesquels sont voûtés d'arête; ce dispositif, que favorise le climat oriental, donne lieu à un bel éclairage. Les ab- sides ont des corniches à modillons historiés et des contreforts à colonnes engagées.

Saint-Jean est un modèle de petite cathédrale de colonie, et le type des églises des Croisés de la région. r ç

NIEUPORT ANCIEN ET MODERNE, par G. Wybo. In-8" de 135 pp. illustré. Bruges, Desclée, 1904. En vente chez l'auteur, rue Duques- noy, 40, Tournai.

l.a Flandre Occidentale est un pays très conservateur, et l'on sait qu'elle garde précieu- sement ses richesses historiques ; mais ce n'est point un pays mort. Bruges, dite la morte, vient

I. V, Revue de l'Art chrétien, années 1901, p. 68, 1903, p. 339.

BtbltograpDte»

423

de creuser un port à la navigation internationale, d'ouvrir la première, cette exposition des « pri- mitifs », aussitôt imitée à Paris et à Dusseldorf, et d'envoyer à Saint-Louis d'admirables spéci- mens de son art « revival ». Tandis que Gand attendait encore un guide du touriste qui n'ait pas un demi-siècle d'âge (MM. Bergman et Heins vont nous le donner), Bruges en a trois bons ; Ypres a le sien, qui est un modèle, et M. Wybo nous livre à présent celui de Fumes, édité dans une forme analogue au précédent.

C'est un charmant volume, plein de belles gravures, l'on rencontre des documents choi- sis avec intelligence, comme les fac-similé de certains vieux plans, de vieilles vues de la ville, tirées du retable de Lancelot Blondeel, des plans à terre (toujours si précieux) des édifices, et des détails d'œuvres d'art dont cette petite localité est pleine. Citons des fragments de peintures murales naguère retrouvés à l'église de Notre-Dame et dont nous avons entretenu nos lecteurs ('), les stalles et les tabernacles en tourelle, le jubé renaissance, surtout la belle chaire de vérité, qui ne connaît guère d'émulé que son aînée de Roucourt, etc.

I. La Revue de t Art chrétien, année 1899, p. 86.

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Église de Nieuport. Plan.

Eglise de Nieuport. Vue d'ensemble (côté sud.)

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Wit\)m tic rSrr cbvétieu.

L'historique de la ville contient une intéres- sante notice sur la chambre de rhétorique remon- tant au X1V>^ siècle au moins, une autre sur le Folklore local.

L'église Notre-Dame est un beau spécimen du type delà Flandre maritime, à trois nef accolées,

traversées d'un transept saillant, à trois chevets plats; elle date du X V^ siècle ; la grosse tour, jux- taposée, est du XV siècle. Elle possède de belles dalles tumulaires ; nous venons de parler de son intéressant mobilier.

Intéressant est l'hôtel de ville, bâti vers 1513

Église de Nieuport. Chaire de vérité.

Le musée est relativement riche, l'auteur nous en donne un petit catalogue très utile ('),

La Halle surtout est un chef-d'œuvre du genre, remarquable par son unité et son originalité.

Voilà un guide qui peut servir de modèle ; il nous en faudrait un centaine de pareils pour les petites cités belges. . p

I. Une petite observation : il donne le nom de grotesques i des corbeaux à masques grimaçants ; il vaut mieu.t ne pas dénaturer le sens du mot gotesque. à peu près synonyme d'araàesque.

L^V SCULPTURE DU XIV SIÈCLE DANS LA RÉGION DE TROYES, par R. Kœchlin Petit m-8", 36 pp. nombreuses illustrations. Caen, Delesque, 1904.

Le fil conducteur de cette charmante étude réside dans l'influence idéaliste dont M. Kœchlin constate la persistance à travers une période imprégnée du réalisme flamand, que L. Courajod a mis en évidence.

Il s'occupe spécialement des statues de Vierges dont il subsiste une belle série. Ce sujet d'élection

de la sculpture médiévale n'a jamais été l'objet d'un classement métho- dique, ni d'une étude d'ensemble, étude bien intéressante qu'aborde notre au- teur.

Il rappelle qu'au XIII>= siècle l'œu- vre d'art fut avant tout religieuse ; tout détail trop individuel était écarté, même toute fantaisie propre à dis- traire l'attention. Les grands maîtres d'alors avaient réussi à respecter la nature tout en l'épurant et à ne point tomber dans la formule vide de souffle. Chez les ouvriers sans génie, la part d'observation de la nature que ^com- portait la transformation du style di- minue et l'on tombe dans le poncif au XIV" siècle. L'exagération de l'idéa- lisme engendre alors le maniérisme. C'est ce que montre la collection souverainement curieuse de Vierges troyennes exhibée par M. K.

La gracieuse Vierge de Fouchères, si prestigieuse sur le fût d'une haute croix de pierre, qu'abrite un platane séculaire à l'entrée du village, est sin- gulièrement instructive à examiner de près. Les plis de la draperie sont déjà d'une certaine sécheresse, et le maniérisme de l'expression s'accen- tue ; quelle distance entre le beau et le chaud sourire de la Vierge dorée d'Amiens, et le sourire très fin, mais véritablement figé de notre madone. Nous sommes à la transition.

Si l'on avance, on constate la bana- lité du type, la rondeur d'un visage moins expressif, et le déhanchement du corps. Pour ce qui est de la froi- deur du visage, elle tient à la désac- coutumance, de la part des imagiers, de l'observation directe de la nature ; au XII I" siècle on la simplifiait pour l'idéaliser, mais elle de- meurait à la ba- se de l'art ; peu à peu l'imagier s'en tint au pon- cif et l'on en a les premiers ex- emples dans la

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Vierge de Fouchères.

Vierge de Sainte-Savine à Troyes. Quant au déhanchement, il vient de ce qu'au XIV<= siècle la coutume s'implanta de poser les statues non plus sur deux jambes, mais sur une seule ; on

fit ressortir la hanche, et le contraste de deux lignes, l'une rentrante, l'autre sortante, fut encore accentué par le mouvement en arrière des épaules né- cessité par le poids de l'enfant tenu sur le bras. Cette attitude apoaraît déjà au Xlir siècle dans la Vierge du portail nord de N.-D. de Paris. Il suffit d'exagérer ce geste pour produire l'effet caractéristique trop cher aux imagiers du XIV« siècle et qu'on a voulu expliquer par les statues d'ivoire tirées d'une dent d'éléphant. Le déhan- chement transporté dans les figures sans charge, devint une contorsion insupportable pour nous comme les modes passées.

Le déhanchement est du reste ac- cusé par la forme de la draperie. Tan- dis qu'au XIII« siècle l'ample manteau laissait à peine entrevoir la robe, il passe maintenant devant le buste d'une épaule sous le bras qui porte l'enfant, formant de larges plis diago- naux ; au XIV« siècle le manteau se rétrécit et tend à devenir une sorte d'écharpe tombant de la ceinture aux genoux en des plis striés. Cette dra- perie verticale, coupant les plis dia- gonaux et profonds de la robe, accuse le déhanchement, mis surtout encore en relief par les plis tombant du bras qui porte l'enfant en une sorte de lai à escaliers ou à volutes, véritable ex- croissance qu'on greffe sur la hanche déjà proéminente.

Ici l'auteur pousse à l'extrême les défauts qui caractérisent le style du XIV<= siècle, dans la région de Troyes plus qu'ailleurs ; mais la plupart des Vierges du XIV siècle offrent l'un ou l'autre trait de ce maniérisme. Cette évolution de l'école traditionnelle fran- çaise était achevée vers la fin du XIV-^ siècle ; mais le type subsista encore long- temps, surtout dans la Champagne, qui a échappé, plus que toute autre contrée, à l'influence bourguignonne et flamande.

En somme l'art troyen fut surtout idéal, d'une grande finesse et d'une remarquable unité. A la fin du moyen âge, la formule gothique s'efface et

426

^tWt De rart cbrctieiu

apparaît ensuite un art plus près de la nature, et, à côté d'une école puissante d'influence flamande, on constate ici, comme sur la Loire, à la Renais- sance, des ateliers d'un style tout français, issus de l'école traditionnelle du XI« siècle.

L. Cloquet.

NOTICE SUR LA CONSTRUCTION DE LA

CHAISE-DIEU (1344-1352), par M. Maurice Fau- con. — In-S", 68 pp. Paris, Picard, 1904.

Le pape Clément VLancien moine de laChaise- Dieu, entreprit, deux ans après son avènement, de refaire l'abbatiale élevée au XI"^ siècle, par saint Robert. M. Faucon a recueilli dans les archives locales et dans celles du Vatican l'his- toire détaillée de cette reconstruction, qui coûta une somme équivalente à près de 2 millions de notre monnaie actuelle, non compris les trois dernières travées et les tours exécutées sous Gré- goire XI.

On connaît depuis peu l'architecte de cet édi- fice, Hugues Morel, sans doute un provençal ; il avait sous ses ordres deux « maîtres de la fabri- que », Pierre Falciat et Pierre de Cebazat. La construction fut menée avec une rapidité sur- prenante. En 1346, on jetait bas la nef et les clochers de la vieille église ; deux ans après, on voûtait la nouvelle ; le parachèvement dura toute- fois jusqu'en 1350. Notre auteur peut citer par leurs noms et prénoms les ouvriers même qui ont taillé et sculpté toutes les pierres.

Dom Tiolier doit s'être trompé en avançant que la façade occidentale a été construite sous Clé- ment VI. M. Faucon se croit en mesure d'assurer que le clocher seul date de cette époque.

La notice abonde en détails très curieux sur les circonstances de l'entreprise. Nous y voyons que, contrairement au préjugé répandu, aucune des tâches de l'œuvre n'était l'objet de corvées, ni exigée à titre de redevance ; le travail était libre et largement rétribué.

Notons les grands traits de l'église : elle me- sure j6 m. de longueur, 24 de largeur, près de 19 de hauteur sous clef ; le largeur de la nef est de 15 m. Elle est à trois nefs, de hauteur à peu près égale, de 9 travées à piliers octogonaux se noient les nervures.

Les jours sont étroits et l'intérieur est sombre ; l'effet austère était atténué par la polychromie dont on retrouve les traces. A l'extérieur, pas d'arcs-boutants, des contreforts à larges glacis.

Le regretté Mtintz a découvert dans les archi- ves du Vatican l'auteur des fresques d'Avignon, Mateo di Giovanetto de Viterbe, le favori de

Clément VI ; c'est à lui que le pape recourut aussi pour décorer La Chaise- Dieu ; il y exécuta des fresques et peignit deux tableaux pour les autels. Il dessina sur papier les 28 i histoires » de saint Robert qui devaient figurer sur la châsse du fondateur, commandée par Clément VI (1352). Citons pour mémoire \a.Dnnse mûCûôn',b'\entôt ef- facée, heureusement relevée par M. L. Giron (').R'-"' est postérieure d'un siècle aux peintures de IVIat- teo. Inutile d'insister sur la grosse erreur qui a fait attribuer longtemps à Taddeo Gadi les hau- telisses flamandes célèbres, de Jacques de Saint- Nectaire. Taddeo n'a pas travaillé à la Chaise- Dieu.

On connaîtl'effigie couchée de ClémentVI, par- tie principale de son mausolée mutilé. On ignoie généralement que sur les faces du sarcophage étaient rangés en garde d'honneur quarante-qua- tre personnages, cardinaux, archevêques, évêques et seigneurs de la cour du pontife. Cet ouvrage s'inspirait du tombeau de Jean XXII, exécuté à Avignon par M"^ Jean de Paris, orné de 75 statuettes aujourd'hui dispersées. M. Faucon a la bonne fortune de connaître le nom des auteurs du tombeau de Clément VI. C'est un maître nommé Pierre Roye, et ses deux aides, Jean de Santolis et Jean David. Roye était probablement du Nord ; ses aides du Midi. Ainsi tombe encore une légende, celle qui attribuait l'ouvrage à un artiste italien.

De la notice de M. Faucon nous n'avons ex- I trait que quelques indications de valeur hors ligne ; mais elle est toute pleine de données du plus haut intérêt. C'est un travail de premier ordre.

L. C.

LE RETABLE DE MAIGNELAY, par l'abbé Marsaux, broch. Daix, Clertnont, 1904. (Exlr. des Mém. de la Soc. hisf. et arch'eol. de Clermont.)

La jolie église de IVIaignelay possède un riche retable en bois sculpté, déjà signalé, mais pas encore décrit de façon méthodique, qu'on peut rapprocher de ceux de Marissel, et de Thou- rotte. iVI. P. Vitry l'a signalé comme « un type des meilleures productions de l'école braban- çonne ». Il représente le crucifiement, en un grand bas-relief véhémentement mouvementé, entre deu.x autres, beaucoup moins hauts, figurant le portement de croix à dextre, la déposition, à sénestre. Dans son étage bas formant pseudo- predelle, la scène de l'enfance du Sauveur. Les volets sont peints et représentent des scènes bibliques à l'extérieur; à l'intérieur, la Présenta-

I. Voir Revue de C Arl chrilien, année 1884, p. 401.

BtbHograpl)te.

427

tion et le mariage de la Ste Vierge, le jugement de Pilate et la trahison de Judas, la Circoncision, la Résurrection, le repos en Egypte et l'Ascension. M. Marsaux décrit ces scènes avec le soin qui le caractérise, et l'érudition qu'on lui connaît en matière d'iconographie chrétienne.

L. C.

■^m Bérioliiques*

L'EFFORT.

Nous avons applaudi, avec toute la sympa- thie qu'elles méritent, aux bonnes œuvres de la vaillante Fédération de la jeunesse catliolique de Ronbaix, qui devrait susciter des émules dans toute la F'rance. Nous notons avec plaisir que parmi les multiples objets de sa généreuse acti- vité elles ne néglige pas l'art chrétien. Elle pos- sède un Cercle d'art sous les auspices de Notre- Dame de la Treille ; nous notons une conférence sur le Sty/e gothique en Bretagne, qu'y a donnée récemment M. Maurice Glorieux.

BULLKTIN MONUMENTAL.

La première livraison de cette année (n° i et 2) est fort intéressante. Nous y trouvons d'abord la fin de l'étude historique et archéologique de M. L. H. Labande sur Saint-Trophime d'Arles. Cet édifice, dont le plan présente une remarquable unité, est cependant de différentes époques. On garde quelques maçonneries de la fin du VIII« siècle. Le transept présente un caractère archaï- que : les croisillons sont voûtés de blocaille ;

la coupole porte sur des trompes en cul de four. M. Labande attribue cette construction au milieu du siècle, et il y rattache la travée voisine du transept.

Entre 107S et 1 1 52, on édifia une crypte à che- vet pour y recevoir les reliques de saint Trophi- me. C'est après 1078 qu'on reprit la construc- tion des nefs actuelles. M. de Lasteyrie a établi que le portail date des 20 dernières années du XII« siècle (I).

En ce qui concerne l'époque du cloître, attri- bué par M. R. de Lasteyrie à la fin du XII« siècle, l'auteur corrobore cette opinion. Le dor- toir était construit en II 80; le bâtiment claus- tral était complet en 1195.

Nous ne pouvons que signaler comme étude documentaire l'article de M. A. Philippe, sur l'architecture religieuse romane du diocèse d'Auxerre. On y trouve étudiées les églises de Garchy, de Bazarne, de Druyes, de Sacy, de Vermenton, d'Escolives, de Saint-Agnan de Cosne, et de Donsy ; les clochers sont intéres- sants, surtout ceux de St-Germain et de St-Eu- sèbe d'Auxerre.

M. E. Lefèbre-Pontalis propose, preuves à la main, de regarder Jean Langlois comme le vé- ritable architecte de St- Urbain de Troyes (1262- 1266), ce chef-d'œuvre de l'architecture go- thique.

CORRESPONDANCE ARCHÉOLOGIQUE.

Le de juin 1904 contient de nombreux documents sur l'histoire, à partir de sa fondation ''1742), de l'église de Neuilly.

I, Nous donnerons prochainement le résumé des recherches de M. de Lasteyrie sur cet édifice.

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I. Les ouvrages marqués d'un astérisque (*) ont été, sont ou seront l'objet d'un article bibliographique dans la Revue.

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Cl)rOntC(UC. sommaire: le concours pour le prix de ROME.— RO- GIER DE TOURNAI. BRUXELLES: basilique de Koekelberg. MONUMENTS ANCIENS: Chartres; portails romains; Châlons ; Alby ; Armagh; Mulhouse ; Carthage ; Furnes ; Hautem-Saint-Liévin ; Louvain ; Saint-Quentin; Walcourt ; Courtrai ; Alost ; Tirlemont, etc. VARIA : Tapisseries à Angers.

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Jlcs Concours pour le Brir ne Home.

OUS lisons dans le Courrier de F Art et de la curiosité' de judicieuses ré- fle.xions sur le dernier concours des pensionnaires de la villa Médicis.

En proposant aux architectes comme thème de con- cours l'édification d'une nouvelle Manufacture nationale des Gobelins, l'Institut a entendu soustraire les activités à l'ambition vaine d'un art de parade et les obliger, de vive force, à respecter les exigences, trop souvent mé- connues, de la destination. Si la pensée ne laisse pas d'être louable, l'ensemble des projets s'accorde à établir que l'enseignement distribué à l'école sait mal favoriser une conception architecturale utilitaire et pratique. Le manque de simplicité, de personnalité, de rationalisme, est ici presque constant. L'idée de la destination n'est guère suggérée par les façades à colonnes ou à pilastres, près d'éd'ifices pompeux;leur aspect, qui rappelle maintes fois celui des fâcheux Palais des Champs-Elysées, annon- ce tout aussi bien un musée, une mairie, une école.qu'une manufacture d'État. Qu'il soit loisible de rencontrer de ci de là, dans les dispositions générales d'un plan, quel- que aménagement ingénieux, ou même chez MM. Alaux, Tauzin, Hébrard d'honorables velléités de logique, je raccorde,mais aucun emploi de matériaux spécial, si bien indiqué en la circonstance, et pas davantage de régénéra- tion dans le décor, à tout instant surchargé ou poncif A juger d'après ce concours, les architectes du quai Man- quais paraissent résolument étrangers à ce qui se passe au dehors et bien peu se montrent acquis au principe du renouvellement nécessaire de l'art et de son adaptation aux besoins modernes.

Tout différents les sculpteurs ! On leur a demandé de représenter, dans une figure. Saint Jean-Baptiste prêchant dans le désert, et la plupart ont pensé à Auguste Rodin non moins qu'à Donatello. La hantise de l'œuvre du Luxembourg apparaît partout : celui-ci s'est souvenu de l'élan de la marche ; cet autre a reproduit, dans sa ressem- blance quasi littérale, le masque de la statue, les traits et la bouche ouverte. .Saint Jean devient, selon M. Fabre et M. Brasseur, un illuminé à la face convulsée, à l'oeil hagard, ou d'après la fiction de M. Benneteau, de M. Lar- rivé, une sorte d'énergumène, à la gesticulation désor- donnée. L'invention demeure aussi dramatique, dans son expression plus mesurée, chez MM. Descatoire et Cau- mont, et surtout chez M. Biaise et M. Févola en l'avenir desquels on placera de belles espérances. Seul M. Grenier a imaginé un saint Jean Baptiste, jeune, imberbe presque, non sans séduction et dont la contenance timide détonne parmi l'exubérance de tant d'allures d'une fougue tour- mentée.

Sur les dix concurrents au prix de peinture, deux, M. Pierre Gourdault et M. Concaret, ont été mis en belle lu- mière, grâce au dernier Salon. Sans prétendre que leurs versions respectives de la Décollation de saint Jean valent les ouvrages naguère applaudis au (irand Palais, c'est justice de reconnaître en ces nouveaux travaux la confir- mation des dons par leurs auteurs avaient su d'emblée conquérir le public. Derechef on goûte la puissance du coloris, la diffusion heureuse de l'éclairage, ainsi que les libres accents d'un métier sain, ample et souple. Il y a

encore révélation d'un vrai tempérament de peintre de la part de M. Godefroy dont la toile s'empreint joliment des matités sourdes de la fresque, et de la part de M. Aubry ; certes, dans l'envoi de M. Aubry, le visage de Salomé est d'une construction bizarre, mais, en compen- sation, quel plaisant concert de nuances assorties à souhait pour la joie du regard ! Avec moins d'originalité, peut- être, M. Muller s'atteste quand même un coloriste discret auquel tout éclat et toute vulgarité spontanément ré- pugnent.

R. M.

BLogier De Tournai et Zanctto Bugatto

Nous trouvons dans le même périodique la très intéressante communication qui suit :

ES historiens de la peinture flamande au XV= siècle ne paraissent pas avoir fait at- tention à deux textes très importants relatifs à Rogier van der Weyden , qui ont été publiés en 1902 par M. Malaguzzi Valeri ( Pittori Lonibardi del (luattrocento, p. 125 et suiv.). Je les ai si- gnalés brièvement dans \& Journal des savants {n^o^, p. iSi).

Le 36 décembre 1460, le peintre Zanelto Bugatto, pro- tégé de Francesco Sforza et de sa femme Blanca Maria, est recommandé par le duc de Milan au duc de Bour- gogne ; il se rend dans les États de ce dernier prince pour profiter des leçons du célèbre maître Guillaume .Ideo cidem arti dcditus est, ut auditâjamâ Mai^istri Gulielmi apud prcfatam vestram dominationein seu in partibus illis renwrantis, qui artis illius pre ceteris optiinavi cognitio- neni liabete predicatur, ohtenta a nobis licentia inslituerit ilium adiré dediscendi uliguid ab eo gratiâ. Ipsum itague Zaïietum, qucm sua pro virtute no7i mcdiocriter carum habentus, jani dicte Dontinationi l'estre cotnmendanius > Qu'est-ce que le célèbre maître Guillaume? Il semble qu'il y ait une erreur de nom et que le scribe ait écrit Gulielmi pour Rugeri.

En effet, au mois de mai 1463, Zanetto Bugatto était de retour de son voyage d'instruction et la duchesse Bianca Sforza écrivait à Rogier une lettre de remercie- ments qu'a publiée M. Valeri. L'intitulé de cette lettre est en latin : Nobili viro dilecto Magistro Rugcrio de Tornay pilori in Ihirselcs (lîruxelles). La lettre elle-même est en italien : je la traduis librement :

< La duchesse... Connaissant votre réputation et votre habileté, nous avons autrefois décidé de vous envoyer notre peintre Zanetto, afin qu'il apprît de vous quelque chose dans l'art de peindre. A son retour, il a rapporté avec quelle bienveillance et quelle affection vous l'avez reçu, avec quel zèle vous avez tenu compte de notre re- commandation, avec quelle libéralité vous lui avez en- seigné votre art. En ayant eu également connaissance, nous vous adressons nos remerciements et, tant à cause du service rendu que de vos singuliers mérites, nous nous mettons à votre disposition pour tout ce c|ui pourrait vous être agréable. Donné à Milan, le 7 mai 1463. >

Zanetto est souvent mentionne dans les documents des archives des Sforza; il paraît être mort au commencement

Cl)ronique»

431

de 1476. Le 9 mars de cette année, le duc demande qu'on le remplace à Milan, en qualité de portraitiste officiel, par iino pi/tore Ceciù'd/ifl, qui est Antonello de Messine. Il doit certainement exister un bon nombre de portraits de liugatto, mais on n'en a pas encore identifié un seul, et, comme il a passé trois ans dans l'atelier de Rogier à Bruxelles, il est probable que plus d'un poitrait de Zanelto porte, dans les musées, l'étiquette : < École flamande. »

Tout récemment, M. C. Hasse, reprenant une ancienne hypothèse ibandonnée.a prétencludistinguerdeux peintres du nom de Rogier et a formulé comme il suit ses conclu- sions ( Rpaer van li>i<gj^e, der Meister von Flemalle, Strasbourg, 1904, p. 51) :

<l En même temps que le peintre de la ville de Bruxelles, Roger van der Weyden, vivait \ Bruges, entre 1400 et 1480, Roger de Bruges, élève de Jan van Eyck, maître de Memling et de Friedrich Herlin. Ce grand maître naquit probablement à Bruges et visita l'Italie en 1450. Il est identique au peintre du tableau d'autel autrefois dans l'abbaye de Fémalle. >

M. Hasse ne connaissait pas la lettre de la duchesse de Milan. Le fait que cette princesse s'adresse à Roger de Tournai, peintre à Bruxelles, comme au plus célèbre des maîtres flamands, suffit h rendre très vraisemblable qu'il s'agit du peintre qui visita l'Italie en 14491451 et ne semble pas favorable à l'hypothèse qu'il existât, à la même époque, deux peintres renommés du même nom.

J'ajoute que les relations de Rogier avec les Sforza avaient déjà été soup(;onnées par Crowe et Cavalcaselle, qui se demandent (p. 251 de l'éd. allemande) si Rogier avait passé par Milan pour se rendre à Ferrare, ou si Sforza avait eu connaissance de son mérite par les éloges du duc de Ferrare. La collection Zambeccari h. Bologne possédait une Crucifixion où, sur le premier plan, figu- rent deux personnages agenouillés, que leurs armoiries permettent d'identifier à Francesco-Marie Sforza et à Bianca Visconti (') ; le page à gauche de cette dernière serait son fils, le duc Galeazzo Maria. Crowe et Caval- caselle attribuaient la conception et l'exécution de cette peinture à Rogier.

Salomon Reinach.

Brurcllcs.

fN comité national a été constitué sous la présidence du comte de Bergeyck,

sénateur, en vue de l'érection d'une grande basilique votive sur la hauteur

de Koekelberg, œuvre somptuaire conçue par le

roi Léopold II.

On a l'espoir, lisons-nous dans la Métropole, que la pre- mière pierre de la basilique, pourra être posée au mois de juillet 1905, à l'occasion des fêtes jubilaires de l'indépen- dance nationale.

On a dit que la basilique de Koekelberg serait un pla- giat de celle de Montmartre. Il n'en'sera rien, ni au point de vue de l'architecture du monument, ni au point de vue des dépenses qu'il entraînera.

Montmartre a englouti 40 millions. On prévoit pour le Koekelberg un minimum de 5 millions et un maximun de 8 millions.

I. C'est au Musée royal de Bruxelles que l'on peut présentement voir ce tableau. Nous l'avons reproduit naguère avec un texte de E. Muntz, étaient déjà mises en lumière les relations de Rogier et de Sforza. Les nouveaux documents apportés par M. Reinach ne font que confirmer les conclusions auxquelles avait été conduit notre regretté collaborateur. (.n. d. l. r.)

V. Revue de V Art chrétien, année 1893, p. 192.

On a prétendu que la basilique de Koekelberg serait édifiée en style roman-byzantin. Il n'en est rien encore. Le projet de M. l'architecte Langerock, déjà assez avancé pour qu'on en puisse louer la très belle venue et l'im- posant effet, est en style gothique primaiie et restera donc conforme aux traditions nationales en tnatière d'architecture monumentale religieuse.

En quoi la basilique de Koekelberg ressemblera à Montinartre, il faut l'espérer, c'est qu'elle sera l'œuvre de la générosité de toutes les classes de la nation et que de toutes les régions du pays aussi les Belges y viendront manifester leur fière et indestructible fidélité à la foi séculaire des ancêtres.

Il faudrait ne pas connaître notie pays pour douter que le grandiose projet du Roi n'y soit admirablement compris et couronné d'un réel succès de popularité.

Monuments anciens.

ATHÉDRALE de Chartres. M. René Merlet vient d'entreprendre de nouvelles fouilles dans le chœur de la cathédrale de Chartres. Il a fait com- plètement dégager un gros pilier cruciforme de la cathédrale carolingienne et l'escalier droit qtii descendait du côté nord à la petite crypte du IX*" siècle connue sous le nom de caveau de Saint-Lubin. Cet escalier avait été rempli de blocage au XVII" siècle, mais M. Merlet a fait réapparaître son mur méridional en petit appareil bien régulier.

Au Xle siècle, on pénétrait dans la crypte carolingienne en passant contre le puits des Saints-Forts et dans le couloir de l'ancien escalier qui avait été supprimé par Fulbert. Le mur d'enceinte gallo-romain, épais de i™,5o, était alors percé d'une porte dont on a retrouvé la trace. L'entrée actuelle du caveau Saint-Lubin n'est pas antérieure au XVIJe siècle, époque l'ancien couloir d'accès fut muré tandis que le puits des Saints- Forts était comblé.

Portails romans. M. Gabriel Fleury conti- nue son intéressante étude sur la sculpture romane dans les grands portails du XII^ siècle. Il décrit et compare les portes de Saint Tro- phime d'Arles, de Saint-Gilles, de Romans, de Valcabrère, de Saint-Bertrand-de-Comminges,de Moissac, de Souillac, de Beaulieu, de Conques, de Caremac et de Cahors. Cet article, illustré d'excellentes photographies de l'auteur, se ter- mine par l'étude comparée des portails de Notre- Dame la Grande à Poitiers et de la cathédrale d'Angouléme. Les études de M. G. Fleury sont à rapprocher de celles que M. Sanoner consacre à l'iconographie des portails romans (').

I. Bulletin monumental, 1-2, 1904 et Jfeviie de l'Art chrétien, année 1902, pp. 445 et suiv. Jiev. kisl. et archéol. du Maine, 1904, i" semestre, pp. 28-69, '^ P'-

432

WitWt lie rart cJ)rétîen.

Châloiis. Brisés en plusieurs morceaux, les anciens fonts de la cathédrale de Châlons avaient servi de blocage dans l'étage supérieur du clo- cher du Sud, élevé au XVI I*" siècle et récemment démoli. Les fragments rapprochés ont permis de reconstituer une cuve rectangulaiie. dont les quatre coins sont occupés par une figure d'ange sonnant de l'oliphant, tandis que le long des quatre faces, des suites de personnages parais- sent sortir de leur tombeau. M. le chanoine Lucot croit cette sculpture contemporaine de la cathédrale de 1147; il la rapproche des fonts (tournaisiens) de Zedelghem et de Vermand, dessinés par de Caumont. Comme elle est de marbre noir, il n'y aurait rien de surprenant à ce que ce fût un nouvel exemplaire d'une expor- tation lointaine des ateliers tournaisiens. Nous croyons pouvoir rappeler au sujet des ateliers en question l'étude que notre Revue y a consacrée naguère (').

» *

Maisons anciennes d'Alby. M. Aug. Vidal a signalé et dessiné plusieurs maisons de briques à tourelles ou en pans de bois {^).

* * *

La cathédrale cTArmagh. La cathédrale d'Ar- magh.que S. É. le cardinal Vannutelli a inaugurée au mois de juillet en Irlande, est dédiée à saint Patrick. Sa première pierre fut posée en 1840 et le bâtiment s'éleva peu à peu jusqu'en 1873, il fut ouvert au culte, bien qu'inachevé. Le car- dinal Logue succéda à l'archevêque Mac Gofflgan, qui était, à cette époque, à la tète du diocèse, et voua tous ses efforts à trouver l'argent nécessaire pour achever la cathédrale et payer les dettes de l'édifice. L'appel qui fut adresse aux catho- liques du monde entier produisit plus qu'il n'était nécessaire.

La cérémonie a eu un éclat particulier. Le car- dinal Vannutelli, qui a consacré la cathédrale, a assisté pontificalement à la grand'messe, chantée par l'archevêque VValsh.

Mulhouse. Les superbes vitraux du XI 11*^ sjècle qui ornaient autrefois l'église Saint- Etienne, démolie en 1858, vont enfin trouver de nouveau une destination. Ce trésor d'art, pro- priété de la communauté protestante de la ville, avait été mis provisoirement en caisses et remisé

1. L. Cloquet, Les/onls romains de Tournai, année 1895, p. 308. V. Bulletin monumental, 1-2, 190461 \lém. de la Soc. (tagri- cul., comm., se. et arts de la Marne, 1901, pp. 65-72.

2. Rev. kist., scientif. et litt. du dép. de Tarn, 1903, pp. 227-283.

en différents endroits, au diaconat, à la tour de l'église protestante et enfin dans une cave. On paraissait avoir complètement oublié ces vieilles verrières lorsque l'idée vint de les placer au temple protestant. Dix fenêtres vont être ornées d'une quinzaine de panneaux chacune. Pour subvenir aux frais de restauration et d'installa- tion qui se monteront à une trentaine de mille francs, le journal L'Express a ouvert une sous- cription, et, sans distinction de culte, les vieux Mulhousiens sont venus apporter leur obole (').

Les milles de Carthage. Grâce à l'initiative de M. Jepssen, danois, et le concours de la société qui possède aujourd'hui l'ancien domaine du diocèse à Carthage, M. Gauckler, directeur des antiquités, a retrouvé un des monuments les plus importants de la cité romaine, le théâtre Apulée fit ses conférences et que mentionnent souvent Tertullien et saint Augustin. Construit selon toute apparence au début du W" siècle de notre ère, il fut détruit par les Vandales.

On n'avait aucun renseignement précis sur l'emplacement de cet édifice, qui fut confondu souvent avec l'Odéon voisin, et on le supposait anéanti. Les fouilles actuelles élucident entière- ment ce problème. La première tranchée ouverte de haut en bas dans l'axe présumé du théâtre a prouvé que celui-ci existe tout entier sous huit mètres de terre rapportée et que ses dimensions sont colossales.

A l'heure actuelle on approche de la scène dont on commence à découvrir toute la décoration architecturale, chapiteaux et corniches. On espère trouver à bref délai des statues et des œuvres d'art analogues à celles découvertes en 1900 sur l'emplacement de la scène de l'Odéon romain. Dès à présent on a mis à jour un superbe camée ovale sur agate, représentant la tète de Pallas-Athéné, casquée, et détachant son profil blanc et nacré sur un fond jaune pâle.

Les fouilles ont amené depuis encore la décou- verte d'une statue colossale d'Apollon, debout près de l'autel. Cette statue, de toute beauté, est presque intacte ; seuls les avant-bras sont en mauvais état.

La direction du même service des antiquités de Tunisie vient de faire de très intéressantes découvertes à l'endroit s'élevait la puissante Carthage.

On a retrouvé des maisons luxueuses de bour- geois riches, des magasins qui devaient servira des marchands de grains, et deux mosaïques

I. Courrier de l'Art.

Cl)romque.

433

datant du I<=' siècle, et qui sont d'une belle valeur artistique.

Dans la région du cap Bon, on a découvert un magnifique sarcophage en marbre blanc, qui va figurer parmi les remarquables attractions du musée de Bardo.

*

*

Fumes. Nous apprenons qu'on se dispose à opérer le grattage à cru des parois intérieures des murs de l'église Ste-Walburge à Furnes. L'architecte si éminent chargé de la restauration de cette église, et que nous mettrons parmi les maîtres les plus appréciés, a sur ce point du grattage des églises, une manière de voir que nous ne pouvons approuver. C'est lui qui a mis à nu les parements en briques de la cathédrale de St-Bavon en sacrifiant d'inestimables vestiges de peintures. L' église de Furnes aussi possède des vestiges de décorations murales. Nous espé- rons qu'on ne va pas les sacrifier au préjugé des matériaux apparents.

L'église de Hautem-Saint-Liévin, dont les nefs ne datent que de 1769, possède un chœur de haute antiquité, ainsi que l'oratoire de son patron, flanqué d'une tourelle ; il y en avait autrefois deux aux flancs de l'abside. On s'oc- cupe de restaurer le vénérable oratoire.

L'église si importante au point de vue archéolo- gique de N.-D. aux Dominicains de Louvain est fort endommagée ; on va pourvoir à certaines réfections urgentes.

On s'occupe de la restauration de l'église de Saint-Quentin, remarquable pour les lancettes si élancées de son chœur, en partie bouchées, toutes dépourvues de leurs meneaux. On y a découvert des traces de polychromie appliquée directement

sur la pierre.

La restauration de l'église de Walcourt, dont il a été question plusieurs fois dans nos colonnes, est chose faite et bien faite par les soins de !Vr. Langerock. Les derniers travaux ont eu pour objet le rétablissement du clocheton du transept, du toit de la tour, des arcs-boutants, des con- treforts, la restauration du narthex et la réfection du pavement du chœur.

On a restauré la tour romane de Loothen- hulle (FI. Occid.) ; on s'occupe des belles églises qui font le monumental ornement de la jolie petite ville de Poperinghe : St-Bertin, Notre- Dame et St Jean.

*

*

On vient de classer parmi les monuments, la belle tour de la petite paroisse de Mannekens- vere (FI. Occid.), à la flèche élancée tout en briques (commencement du XV'' s.).

La croix triomphale vient d'être rétablie à l'église de Rebaix (Hainaut).

L'église de Notre-Dame àCourtrai,si curieux spécimen d'architecture de style tournaisien (XIII'' siècle), a été débarrassée des boiseries peintes imitation de marbre qui dissimulaient les anciennes ordonnances de l'œuvre primitive.

Le décrépissage de l'église de Saint-Martin d'Alost a mis à découvert ses parois en pierre de Meldert, et a permis de reconnaître l'urgence de la restauration de certaines parties en péril.

L'architecte Langerock a découvert une crypte dans l'église de Saint-Germain de Tirlemont. Malheureusement on ne pourrait la restaurer sans relever de i™,50 le pavement du chœur.

Des restes de peinture murale ont été trou- vés sur le pilier de l'église de Westmalle (prov. d'Anvers) ; elles représentent les Apôtres. On a fini de restaurer celles de Neeroeteren. Revue de r Art chrétien les a publiées (').

*

* *

Des peintures décoratives nouvelles ont été exécutées à la nouvelle église de Grimde (Bra- bant).

*

*

On a débadigeonné l'abbatiale de Saint-Hubert.

On vient de restaurer la chaire de vérité de l'église de Roucourt (Hainaut), très intéressant meuble du XVI^ siècle ; une seule autre peut lui être comparée : celle de Nieuport. Les cinq

I. V. Revue de ï Art chrétien, année 1903, p. 193.

434

iÊlel^uc tie r^rt chrétien.

panneaux de la cuve sont ornés de sujets relatifs à la prédication. On y voit \e Jugement dernier, \a Prédication de S. Jean- Baptiste ; S. François d'Assise, prêchant auv oiseaux ; la scène relative au roi Saloinon et la légende de Ste Catherine d'A lexa7idrie.

Elle était établie jadis en encorbellement contre un massif de maçonnerie.

Oii a restauré rhôtel-de-villedeLoo(F1.0ccid.), qui remonte au XVI^^ s,, sous la direction de

M. Vineth.

*

*

Liège. Il a été procédé, par les soins de M. Rousseau, conservateur au Musée des arts décoratifs de Bruxelles, au démontage de la cuve baptismale de Saint-Barthélémy.

Cette opération, comme on le prévoyait généralement, n'a pas révélé le nom de l'au- teur, — hutois ou dinantais, du plus célèbre monument de la dinanderie du XII'' siècle : elle n'a mis au jour ni inscription, ni marque d'aucune sorte.

Ce qui paraît résulter de l'examen du fond extérieur de la cuve, c'est que les bœufs sont de plus en plus vraisemblablement l'œuvre du fon- deur même de cstte cuve. Du moins autour de ce fond une rainure est creusée à laquelle s'adapte exactement le tenon dont est cliargé le garot de chacun des animaux. Les bêtes qui manquent ont été perdues ou enlevées autrefois.

*

* *

La Commission royale des monuments a exa- miné la construction connue à Liège, sous le nom de la maison Porquin, bâtie au XV!" siècle par le banquier Lombard, Bernard Porcini. Rachetée, pour 24,000 florins, par le prince de Liège, Ernest de Bavière, elle fut transformée en hospice, annexe de l'Hôpital. L'Administration commu- nale de Liège, n'ayant tenu aucun compte de l'avis de la Commission royale des monuments, ni des démarches des Sociétés archéologiques de la ville pour la conservation de cet intéressant monument, en a décidé la démolition.

Varia.

*

* *

ALGRÉ les protestations de la presse esfiagnole et les mesures prises par v^jt. le Gouvetnement, le chapitre de Val- a?^jj ladolid a conclu la vente des tableaux du Greco, qui appartiennent désormais au musée de IVjston. Cet incident, qui a vivement ému l'opinion publique, hâtera sans doute le vote de la loi contre l'exportation des œuvres d'art (').

I. Courrier de l'Art.

Un sort semblable a menacé il y a quelque temps les tapisseries de la Seo de Saragosse. La presse réclame la création, en Espagne, d'une loi analogue à la loi Pacca en Italie, pour em- pêcher l'exportation des œuvres d'art.

Un des meilleurs tableaux du Greco, le portrait de D. Fernando Nino de Guererra, a déjà été récemment vendu en France pour 275,000 fr.

* * *

La basilique de Saint-Denis, qui avait prêté à l'exposition des Primitifs français les statues de Charles V et de Jeanne de Bourbon, s'en dessai- sit définitivement au profit du Louvre.

Ces deux chefs-d'œuvre du XIV"ï siècle n'étaient d'ailleurs à Saint-Denis qu'en dépôt. Les deux statues figuraient autrefois aux côtés du portail de l'église des Cèlestins de Paris, que Charles V avait fait construire près de son hôtel Saint-Paul (i).

Le Conseil des Musées, dans sa dernière séance, a acquis le tableau de l'école provençale du XV'= siècle : Le Christ an tombeau que possé- dait l'église de Boulbon, près Avignon, et que M. Bouchot avait signalé et reproduit dans la Gazette du if^"^ juin (2).

*

L'église de Bussy-Lettre (Marne), remar- quable par son ancienneté, a été entièrement détruite, au mois d'août par la foudre.

Un violent incendie a détruit le samedi 6 août, à Strasbourg, la vieille église Sainte-Madeleine, fondée en 1478. Ses superbes vitraux, qui comp- taient parmi les plus beaux de l'Alsace, ses peintures murales, dues à l'artiste alsacien Feuerstein, une curieuse Vierge en bois du XV siècle, ont été la proie des flammes. Il ne reste plus debout que le clocher en pierre. On a réussi à sauver le beau reliquaire de sainte Attale, un ornement en brocart d'argent du XVI P' siècle, et quelques statues.

Dans l'église Sainte- Marguerite de Colorno, petite ville près de Parme, on a déplacer le tableau représentant le martyre de sainte Mar- guerite, jusqu'aujourd'hui attribué a 'v'ignola. M. Glauco Lombardi a pu découvrir ainsi que cette peinture est une œuvre authentique de Paul

I. Courrier tie l' Art.

2. Ibid.

Cl)romquc.

435

Véronèse, ou se trouve le portrait de Barbara Sanseverino.

*

Il y a deux ans, au mois d'août, les habitants d'Ascoli Piceno apprirent avec chagrin qu'une précieuse chape, don du pape Nicolas V à la cathédrale, avait disparu. Toutes les recherches furent vaines pour retrouver les auteurs du vol sacrilège et la trace de l'ornement sacerdotal, conservé depuis plus de six siècles comme une insigne relique.

Or, dernièrement, M. Corrado Ricci, directeur des musées de Florence, reçut une lettre de M. Herrera, professeur à l'Université de Bruxelles, l'avisant que la chape de Nicolas V, qu'il con- naissait pour l'avoir vue à Ascoli, figurait dans la collection d'objets d'ait exposée par Pierpont Morgan à Londres. M. Ricci a fait le voyage de Londres et a reconnu, en effet, la fameuse chape. Le syndic d'Ascoli, l'ambassadeur d'Italie, le cardinal Vanniitelli, sont en mouvement pour obtenir du milliardaire Morgan la restitution de l'objet historique, d'une valeur inappréciable.

Du 20 au 25 juillet ont eu lieu à Arezzo des fêtes en l'honneur de Pétrarque à l'occasion du sixième centenaire de sa naissance. On a placé sur la maison natale du poète, viadell' Orto, une plaque commémorative, et le Comité du cente- naire a fait frapper une médaille imitée des belles œuvres du X\''"= siècle, qui reproduit le seul portrait authentique de Pétrarque d'après un manuscrit de la Bibliothèque Nationale de Paris, publié naguère par la Gazette.

lïa T?cntuic « De rHpocaljjpsc » Dc la CatbcDralcD'Hngcrs.

N lit dans le Courrier de L'Art.

La cathédrale d'Angers possède une suite de tapisseries célèbres,di tes «de l'Apocalypse» qui a été l'objet de nombreux et excellents travaux. Nous en connaissons toute l'his- toire, et les recherches d'archives si heureuses de M. (jiffrey lui ont permis d'identifier l'auteur avec le fameux Nicolas Bataille, tapissier parisien du XIV" siècle (■)■

M. Giry, dans la revue L'Art (décembre 1876), et M. de Farcy, dans son Histoire et description des tapisseries la cathédrale d' Angers {Dssc\ée.it*. De Brouwer éditeurs

X. Nicolas Bataille, tapissier parisien du XIV'^ siècle, auteur de la tapisserie de t Apocalypse d'Angers. (Mémoires delà Société de l Histoire de Paris, tomt X.)

à Lille) en faisant l'historique de cette tenture, avaient mis au point toutes les questions cjui s'y rattachaient. Pour résumer le remarquable travail critique de M. Giry, il me suffira de rappeler que le duc d'Anjou avait com- mencé par emprunter à son frère, le roi Charles V, un précieux manuscrit de sa bibliothèque, représentant, en un grand nombre de miniatures, les scènes épiques de l'Apocalypse. Le livre avait été confié à Hennequin ou Jean de Bruges, ])eintre attitré de Jean V, qui s'en inspira pour exécuter les cartons de tapisseries dont le duc venait de lui faire la commande, et qui furent payés en janvier 1378. C'est Nicolas Bataille que le duc d'Anjou devait charger d'exécuter la tenture, dont la dernière pièce ne devait être terminée qu'en 1490, et donnée à la cathédrale par Anne de France, la fille de Louis XL

Une des grandes sources d'intérêt de la tenture «de l'Apocalypse » d'Angers, c'est son étroite parenté avec l'art des miniaturistes et des enlumineurs de manus- crits. M. Giry avait très bien démontré que Jean de Bruges n'avait nullement tiré de sa piopre imagination les tableaux complexes et variés cjui composent cette suite énorme, et que ce n'était pas seulement du manuscrit de la bibliothèque du roi Charles V qu'il s'était inspiré, mais de bien d'autres manuscrits royaux qui contenaient des visions de l'Apocalypse.

Le grand séminaire de Namur possède même un manuscrit daté de 1360, renfermant 86 miniatures, dont un grand nombre sont presque identiques de composi- tion avec les tableaux de la tapisserie de Saint-Maurice d'Angers si bien, qu'on pourrait retrouver les tableaux manquants de la tenture dans les miniatures mêmes de ce livre.

Un travail récent, dont l'auteur est un des plus grands ;>avants de notre temps, a jeté sur cette question un jour nouveau. M. Léopold Uelisle, secondé par M. Meyer, s'est proposé d'étudier tous les manuscrits à sujets de l'Apocalypse, plus particulièrement dans leurs rapports avec la tenture d'Angers. Il n'écarte pas le manuscrit de la bibliothèque royale de Charles V, portant aujourd'hui le n°403 du fonds français de la Bibliothèque Nationale, mais il consacre une longue étude à une série de 16 manuscrits ofifrant tous un type commun arrêté en Angle- terre et dans le Nord de la France au XII' siècle, dont les miniatures ont longtemps servi de modèles aux tapis- siers et aux graveurs de livres.

Après avoir examiné attentivement les miniatures, M. Delisle s'est trouvé dilïérer d'avis avec M. Giry, par suite de l'identité presque absolue constatée de bon nombre de miniatures de ces manuscrits avec les tableaux de la tapisserie d'Angers et leur présentation dans le même ordre. Il ne nie pas que le manuscrit de Charles V ait pu être prêté par lui au duc d'Anjou, mais il croit impossible qu'il ait pu influencer l'auteur des cartons de la tenture qui sont tout à fait différents. Ils se rappro- chent, au contraire, exactement de. miniatures de plusieurs des manuscrits étudiés par M. Léopold Delisle, et tout particulièrement de deux manuscrits conservés dans les bibliothèques de Cambrai et de Metz.

Tel est, sans entrer dans le détail, le fond de la discus- sion de M. Léopold Delisle menée avec une grande force logique. Il ne reste qu'à regretter que cette discussion ne s'appuie sur aucune représentation des choses auxquelles elle s'applique. L'autorité de M. Delisle aurait pu obtenir bien facilement des bibliothèques intéressées d'excellentes photographies qui nous auraient donné de précieuses reproductions comparatives.

Gaston Migeon.

Imprimé par L'esclée, De Brouwer et C'<=, Lille-Paris-Bruges.

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Coiiic XV (Liv-^ ùe fa collection). < r§, 6"e [jjjr __ j:?ooemtire (90^.

Œn t£it)re ti'Iïeureô appartenant a H. H. le due D'Hrenberg

à BrujceUe0.

GtuDe iconopapbiQue.

ÉTUDE de l'icono- graphie chrétienne a été cultivée en France de- puis longtemps par des archéologues du plus haut mérite. Mais nous ■'^^^^^WÎWfWs-- sommes encore loin d'être arrivé au bout. Beaucoup de ma- nuscrits, encore non étudié.s et pourtant riches en renseignements, forment une source abondante, mais ignorée des savants. Son Altesse le duc d'Arenberg a bien voulu exposer ses plus précieux manuscrits à Uusseldorf, en permettant d'en publier les miniatures. Nous lui exprimons ici toute notre respectueuse reconnaissance, en nous prévalant de son autorisation pour donner ici les reproductions des miniatures tirées d'un livre d'Heures in-8° de premier ordre et qui offre un intérêt tout spécial.

Les blasons des feuilles deux verso et trois recto prouvent que le livre a été écrit et peint pour Catherine de Clèves, mariée en 1430 à Arnaud, duc de Gueldre. Leurs blasons d'alliance sont peints au bas de la seconde feuille, les armes des bisaïeuls de Catherine sur les marges de cette feuille et delà feuille suivante. Sur la seconde feuille, on voit Catherine agenouillée devant la Mère de Dieu, avec une banderole portant l'inscription : Mater Dei, miserej-e j^iei[(\g. i ).

A la troisième feuille, le texte commence par les Heures de Notre-Dame, accom- pagnées de grandes et de petites miniatures.

Aux Matines, dans une petite miniature, le roi David demande le secours de Dieu: Deus, m adjutorium meum intende. Un petit ange descendant du ciel lui apporte l'assu- rance de l'aide de Dieu (fig. 2). Aux Laudes, trois anges chantent le Gloria. A Prime, est représentée la Nativité de la sainte Vierge.

A Tierce, dans une grande miniature,

KKVUK UE L AKT CHKETIBN. IQO4. 6*"* LIVRAISON.

l'artiste a peint la Présentation. Dans une petite miniature, on voit des jeunes gens assemblés devant le grand-prêtre ; une colombe descend sur saint Joseph, en té-

moignage de la volonté de Dieu qui le

désigne comme l'époux de la sainte Vierge.

A Sexte, le peintre représente, dans une

grande miniature, les fiançailles de saint

Fig.

Catherine de Clèves, agenouillée devant la Mère de Dieu.

Joseph et de la Vierge Marie r dans une petite miniature, on voit Dieu assis sur un trône, adoré par deux anges, après avoir formé le dessein de se faire homme. On y lit sur une banderole : Dicite filice

Sion, ecce rex tuus: vernie. (Matth., 21, 5.) A None, nous voyons dans la grande miniature, l'Annonciation ; dans la petite est représentée la Visitation ; aux Vêpres, dans la grande, la Naissance de Notre-

Mn %i\)vt d'i^eures.

439

Seigneur (fig. 3) ; dans la petite, la Fuite en Egypte ; aux Compiles, dans une petite miniature, on voit comment Notre-Dame, après sa mort, est portée au ciel par deux

anges, Dieu, entouré d'anges rouges, se dispose à la recevoir.

Les Heures de la Passion sont ornées de sept grandes et de six petites miniatures,

Fig. 2. David demande le secours de Dieu.

représentant l'histoire du Sauveur, depuis la trahison de Judas jusqu'à la Résur- rection (fig. 4). Deux des petites miniatures sont remarquables : l'une à Sexle, dans laquelle on voit Jésus, dépouillé de ses vêtements, assis sur un tertre, tandis que

les bourreaux sont occupés autour de la croix, et l'autre à None, dans laquelle Nico- dème demande à Pilate la permission de descendre le corps du Sauveur de la croix. D'une importance encore plus grande pour l'histoire de l'iconographie chrétienne sont

440

îicbue tie ravt cljvctieu.

les huh'ûlustraùons des Heiij^es de /a irèsSie I du Saint-Esprit sous la forme humaine ('). T'r/wz'//. On sait que Benoit XIV s'est pro- | Déjà Avala avait blâmé ces sortes nonce avec énergie contre la représentation j d images (').

Fig. 3. La naissance de Notrc-Seigneur.

Didron écrit néanmoins dans son Histoire de Dieu (') : «Quoique ce portrait du Saint- Esprit en homme ait été abandonné à la

I. Paris, 1843, p. 462.

Renaissance, c'est à nous de le reprendre

1. Acia et décréta in caitsis Beatifîcatioiium et canotii- zationutn C. 12, Opéra Venet. 1767, V, 102 s. Epistola ad episcopum Augustanum.

2. Pictor christianus, Matriii, 1730, 11, 3, n. 8, p. 44.

Mn fimt D'i^eures.

441

et de le perfectionner encore ; les artistes chrétiens ne doivent pas laisser périr un si

beau sujet, soit dans les représentations de la Trinité entière, soit dans celle du Saint-

Figr. 4. Jésus porte sa croix.

Esprit tout seul. L'esprit en homme n'a pas fini sa carrière ; c'est à l'avenir surtout qu'il appartient d'honorer l'intelligence, de

cultiver la raison dans le Saint-Esprit, comme le passé a vénéré la puissance dans Dieu le Père et l'amour dans Dieu le Fils. »

442

Bebue lie V^xt ft)rétien.

Le pape Benoît XIV jouissant d'une très grande autorité, je n'oserai pas me ranger à l'avis de Didron. Mais on ne peut nier que la lettre du pape n'est pas tout à fait décisive dans cette question et qu'elle n'a pas force de loi. Elle n'est adressée qu'à un seul évêque et les raisons qu'elle donne, ne semblent pas incontestables. Benoît XIV affirme que les trois personnes qui visitèrent Abraham étaient des anges et non les trois personnes de la Sainte-Trinité. II prétend qu'il n'est donc pas permis de représenter cette Sainte-Trinité sous la figure de trois hommes, en s'autorisant du récit de la sainte Écriture sur cette appari- tion. Mais on peut répondre que ces trois anges signifièrent la Sainte-Trinité, et qu'en conséquence on a le droit de la re- présenter sous la forme de trois hommes (').

La seconde raison de Benoît se fonde sur la supposition qu'on aurait rarement représenté les trois personnes de la Sainte- Trinité sous les figures de trois hommes. Mais Didron prouve qu'on l'a fait souvent dès le siècle et que les portraits du Saint-Esprit en homme ne sont pas rares surtout au XV'' siècle (').

La lettre du pape Benoît à l'évêque d'Augsbourg affirme que même si l'on était autorisé à peindre la Sainte-Trinité sous l'image de trois hommes, il ne serait pourtant pas permis pour cela de repré- senter le Saint-Esprit seul et séparé des autres personnes comme un jeune homme, beau et aimable, le Saint-Esprit ne s'étant jamais manifesté ainsi.

Après ces considérations, revenons à nos Heures de la Sainte-Trinité. Dans une grande miniature, aux Matines, les trois

I. Angeli significabant ss. Trinitatem. Cornel. a Lapide in Gen. \%, ■^^ Comment, éd. Antwerp, 1648, p. 176. Cf. Benedict. XIV, /. c, p. 102, § 31.

3. Histoire de Dieu, pp. 456, 461.

Personnes sont assises sur un trône l'une à côté des autres ; dans une petite enlumi- ' nure Dieu le Père siège seul, portant une tiare, un globe et la tête entourée d'un nimbe qui n'est pas timbré d'une croix.

A Prime, Dieu le Fils a pris place sur le trône céleste, tenant un livre. Il est orné du nimbe crucifère. A Tierce, les trois Per- sonnes siègent de nouveau sur leur trône commun, le Père coiffé de la tiare, le Fils vêtu d'une chape, le Saint-Esprit en aube, avec une étole, sans chape, mais tenant un livre et la tête entourée d'un nimbe simple comme le Père.

A Sexte, le Père et le Saint-Esprit trônent, mais le Fils s'est agenouillé devant la première Personne qui lui remet une petite croix (fig. 5).

A None, sortant d'un cercle de nuages, dans lequel on voit la demi-figure du Père, le Saint-Esprit, entouré de petites flammes rouges, prend son vol vers la terre, sous la forme d'une colombe. En dessous du Saint- Esprit le Fils descend sous la figure d'un petit enfant nu, portant une croix. Le fond est bleu, semé d'étoiles, faisant comprendre que les ténèbres d'une nuit spirituelle régnaient sur le monde avant que Dieu ne se fît homme.

C'est une seconde singularité blâmée par les théologiens (').

Grimoiiard dit très bien (-) : « Le Fils de Dieu, en s'incarnant, n'est pas venu habiter ce sein virginal avec un corps tout formé, mais son corps a été formé du sang le plus pur de Marie. Evidemment les artistes dont nous citons les tableaux connaissaient cette vérité, et ils étaient bien éloignés de l'hérésie des Valentiniens, qui avaient sou-

1. S. Antonin, Summa hist., III, lit. 8, 4, § 11 ; Mola- nus. De imiii^inibus, III, c. 13 ;AyaIa. Pictor chris/ianus, I, c. 7, 13. IV, c. 4, n. 2, pp. 22 et 200, etc.

2. Guide de fart chrétien, Paris, 1874, IV, 112 s.

mn îlttjre D'i^eures.

443

tenu l'erreur contraire ; ils voulaient seule- ment rendre sensible, par le seul procédé

compatible avec la nature de l'art, le fait, que le Fils de Dieu vient s'incarner. Mais

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Fig. 5. Dieu le Fils, agenouillé devant Dieu le Père.

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ce procédé favorise une grave erreur ; il est puéril, il est même iconographiquement inexact. Aujourd'hui on serait inexcusable d'y recourir. Le Fils de Dieu, en tant

que Dieu, ne doit pas être représenté sous la figure d'un enfant, étant de toute éter- nité égal à son Père. »

Aux Vêpres le Père, assis sur un trône,

444

3Re\3ue tje T^rt chrétien.

tient devant sa poitrine la croix à laquelle est attaché son divin Fils et au-dessus de laquelle plane la colombe du Saint-Esprit. Il a placé la croix auprès d'un grand globe, image de notre terre arrosée par le sang du Sauveur.

Aux Compiles les trois personnes sont représentées une troisième fois, assises sur un trône commun, mais le Fils n'est revêtu que du linge qui ceint ses reins. Il montre ses plaies et tient sa croix embrassée. A la tnesse de la Très Sainte Trinité le miniatu- riste a figuré dans la région supérieure Dieu le Père en demi-figure, entouré de petits anges rouges, montrant le crucifix. Dans la zone inférieure on voit les représentants de la chrétienté. Tous sont agenouillés ; le pape a déposé sa tiare sur le sol, l'évêque sa mitre, le chevalier son casque et ses gantelets.

Les miniatures qui accompagnent \ Office des morts nous offrent un petit drame en images. Aux Matines, la première montre les âmes des damnés enfermés dans la gueule béante d'un monstre dont la mâ- choire est pleine de flammes. Un grand brasier entre deux tours s'élève sur cette tête, apparaît la gueule d'une seconde tête, remplie de feu et de damnés. Des diables amènent de toutes parts des âmes. La miniature, d'une finesse extraordinaire, est remplie d'une foule de figures minus- cules (fig. 6).

A Prime, un homme qui vient de mourir est posé par deux porteurs sur un tas de foin, dépouillé de ses habits.

A Tierce, des clercs, revêtus de rochets blancs, et les parents du défunt, habillés en noir, sont assemblés autour du cercueil. Celui-ci est couvert d'un drap rouge sur lequel sont placés trois candélabres.

A Sexte, on fait descendre le cercueil

dans la fosse, tandis qu'un prêtre prie, en- touré des parents vêtus de deuil.

A None, le prêtre dit la sainte messe. Les parents se rendent en procession autour de l'autel pour déposer des pains sur sa table et apporter des vases remplis de vin.

Le résultat de ces offrandes apparaît dans la miniature des Vêpres ; on y voit trois âmes, figurées comme hommes nus, assises derrière une table couverte d'une nappe. Des anges apportent les pains et le vin offerts à l'autel par les parents.

Aux Compiles les anges délivrent de la gueule d'un monstre trois âmes pour les- quelles on a prié et fait des offrandes ; deux autres âmes sont obligées d'y rester.

Une enluminure placée près d'une prière en l'honneur de saint Pierre, représente cet apôtre refusant l'argent offert par Simon le magicien.

Les miniatures de VOffice de ions les Saints sont d'un haut intérêt.

A Prime, Dieu siège dans la zone supé- rieure, entouré d'un grand nombre de saints. On remarque parmi leur foule, à droite, le précurseur, un apôtre avec une lance (saint Thomas), un évêque et un empereur. L'ins- cription dit : Tu es spes sanctorwn et turris fortitudinis. A gauche S. Jean tient son aigle sur le poing, comme les chevaliers du XV^ siècle portaient leur faucon ; il est ac- compagné de sainte Agnès et de saint Jé- rôme. L'inscription dit : Dedisti haeredita- tem titnentibus nomen tutim, Domine. Dans les marges rouges trois fois trois anges sont peints en rouge avec un peu de blanc et de vert. Dans une petite miniature vis à vis de celle-ci, des anges entourent le trône de Dieu.

A Tierce on voit les apôtres à la droite du trône de Dieu, à gauche les prophètes.

A Sexte, Dieu est entouré des symboles

mn lLi\)vt D'ï^eureg.

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des évangélistes (fig. 7). A None le minia- turiste a placé à droite du siège de Dieu, des religieux de différents Ordres, à gauche

des chevaliers; aux Vêpres, à droite des vierges, à gauche des veuves.

\.' Office et la Messe du Saint- Sacrement

Fig. 6. La poite de l'enfer.

sont ornés de neuf miniatures disposées avec autant de goût que d'esprit. Aux Ma- tines, Joseph distribue à quatre hommes du

blé tiré de trois grands sacs. Une inscrip- tion dit: ht toto orbe panis deerat. (Gen., 47, 13.) En haut, la figure de Salomon porte

446

jRebtie ïfe T^rt chrétien.

une banderole avec l'inscription : Veniie, I têtes de saint Paul et de saint André avec coniedite panem meum. {Vxov., 9. 5.) Aux les légendes : £"j/ ««//^-/«^r /^/V, qui liabet coins, à droite et à gauche, sont peintes les i quinque panes. (Joan., 6, 9.) Panent, que?n

Fig. 7. Dieu, entouré des symboles des évangélistes.

frangimus {nonne participatio corporis Do- mini est.) I. Cor., 10, 16.)

A Prime, le Saint-Sacrement est exposé

sur un autel dans un ostensoir. A droite et à gauche de cet autel nous trouvons Moïse et saint Jean avec des banderoles portant

Win ilibre D'i^euree.

447

les légendes : Dedt tibi cibum manna, quod ignorabas. (Deut., 8, 3.) Vittcenti. dabo manna abscotiditum. [IK^oc., 2, 17) Dans les marges sont ajoutées les légendes : Nehemias : Panem de coelo dedisti eis in famé eoruvi ! (2 Esd., 9. i^.) I/iesiis : Ego sum panis vilae, quivemt ad me non esuriet. (Joan., 6, 35.)

A Tierce, la sainte communion est don- née par un prêtre à un homme. Un autre fidèle agenouillé attend le prêtre. En haut les têtes d'Élie et de Moïse sont peintes avec les légendes : Respexit Helias ad ca- put suum sttbcineritium paneiii. (3 Reg., 19, 6.) Moyses : Homo, qui accesserit de stirpe vestra ad ea quœ consecrata sunt. (Levit., 22, 3.) Dans les marges on lit -.Jo/ianfies : Ctim accepisset Judas Symonis Iscariothes. (Joan., 13, 30. ) Jésus : Panis Dei est, qui descendel de cela. (Joan., 6, 33.)

A Sexte le Saint-Sacrement est de nou- veau exposé. Devant l'autel se tiennent de- bout : Isaïe et Aaron, saint Paul et saint Luc. Les légendes de leurs banderoles disent : Vere tu es Deus absconditus. ( I s. , 4 5 , 1 5 . ) 5? quis circumcisus non fuerit, non vescetur ex (?(?. (Ex., I 2, 48.) Probet autem seipsum homo et sic de pane illo edat. (I Cor., i i, 28.) Nec est absconditnm, quod non cognoscatur. (Luc, 8, I 7.)

A None le miniaturiste montre comment les Israélites recueillent la manne: aux Vê- pres, les deux disciples reconnaissent le Seigneur à Emmaiis ; aux Compiles on voit comment lesjuifs mangent lAgneau pascal.

Les Heures de la miséricorde de Dieu ne sont ornées que d'une seule peinture, dans laquelle « l'homme de douleurs », debout dans un sarcophage, est adoré par la foule.

Qu'ils sont riches en idées ces livres

d'heures et bien d'autres manuscrits de la seconde moitié du moyen âge ! Notre siècle n'aurait qu'à y puiser pour offrir à la dévotion populaire des images reli- gieuses vraiment dignes de leur objet. Si l'on voulait s'en inspirer, nous ne verrions pas se répéter toujours les mêmes repré- sentations vides et sans caractère, trop sou- vent sorties d'officines, dont les dessina- teurs sont ignorants. Ils ne cherchent pas à s'instruire, leurs commis voyageurs plaçant facilement ce qui ne coûte que peu et con- vient à ceux qui suivent en paix et commo- dément le chemin battu. Beaucoup de nos images religieuses modernes sont sem- blables à l'eau tiède, ni froides, ni chaudes. (Apoc. 3, 15.)

L'art moderne s'efforce à donner de hautes nouveautés. Il est à la recherche de formules et de sujets neufs, qui n'ont pas encore été vus jusqu'à ce jour. Et c'est par ce moyen qu'il espère exciter l'attention.

Il va sans dire que notre art religieux doit rester dans les voies traditionnelles de son iconographie, mais à aucune époque et par aucune autorité il n'a été condamné à une stérilité ennuyeuse, à répéter toujours de la même manière tout ce qu'on a vu mille fois de côté et d'autres. L'étude sérieuse du moyen âge est une source abon- dante, à laquelle l'artiste puisera des idées et des formes qui répondront aux désirs de ceux qui savent penser. L'esprit humain cherche toujours le vrai, le bon et le beau sous des formes nouvelles ; il doit rejeter les formules usées et qui n'ont pas assez de valeur pour répondre aux aspirations de l'homme religieux et sensé.

Etienne Beissel, S. J.

Luxembourg.

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Interprétation Des suicts Du linteau

et Des cbapiteaur De la porte centrale

De la nef.

L n'est peut être pas un seul monument du moyen âge qui ait été plus souvent reproduit, étudié, analysé, que la porte centrale de la Madeleine, à Vézelay. Aucun du reste n'est plus majestueux par ses proportions, plus intéressant par ses détails ; et la position de cette porte, qui s'ouvre entre le narthex et l'église pro- prement dite, sous l'abri des voûtes, en a suffisamment assuré la conservation pour en rendre l'examen facile et attrayant ('). D'abord, Viollet-le-Duc, qui avait res- suscité de ses ruines la vieille abbaye romane {'), l'a décrite avec un amour quasi paternel ; à leur tour, de Caumont, Mé- rimée, Meusnier, Le Normant, l'abbé Crosnier ont cherché, ce dernier non sans succès, à deviner quelques-uns des pro- blèmes iconographiques que nous propose la foule de ses figures sculptées.

Grâce à ces savants archéolosfues, il ne subsiste aucun doute sur le sujet de l'ar- chivolte et sur celui du tympan ; mais, en ce qui concerne le linteau et les chapiteaux des ébrasements, aucune des explications données jusqu'ici ne paraît définitive. On nous permettra de proposer à notre tour une interprétation qui nous semble à peu

1. Celte conservation serait même pai faite (sauf en ce qui touche la peinture presque complètement effacée) si les huj;uennls, en 1569-1570, et les révolutionnaires, en '793. n'avaient brisé beaucoup de tctes et gratté certains détails de sculpture.

2. Violletle-Duc a restauré Vézelay de 1S40 à 1856.

près certaine pour le linteau et tout au moins possible pour les chapiteaux.

R

Description générale de la porte.

APPELONS brièvement le thème général de l'iconographie de notre porte.

Inutile de nous arrêter aux archivoltes, qui nous présentent cependant des orne- ments vigoureusement sculptés et un ca- lendrier divisé en médaillons curieux : ce sont sujets qui se retrouvent sur presque toutes nos vieilles églises et ne donnent à notre monument aucun caractère spécial. Il n'en est pas de même du grand tableau du tympan, qui est unique dans la statuaire du moyen âge : le Christ, assis au milieu de ses Apôtres, leur donne mission d'évan- géliser le monde : de ses mains étendues partent des rayons qui aboutissent à la tête de chacun d'eux : symbole ingénieux de la grâce divine. Les Apôtres expriment par leurs gestes et leurs attitudes l'inspi- ration qui les emplit. Autour du Christ, et pour mieux indiquer la grandeur de la scène, paraissent le fleuve d'eau vive et l'arbre de vie apocalyptiques. Enfin, dans huit compartiments disposés à la périphérie du tympan, on croit reconnaître les divers peuples de la terre, à qui les Apôtres vont porter la bonne nouvelle.

Au trumeau, S. Jean- Baptiste, le Pré- curseur, portait jusqu'en 1793 l'Agneau de Dieu dont les iconoclastes n'ont laissé sub- sister que le nimbe avec un reste d'ins- cription : ecce [agtms Dei qui tollit peccaia] mundi ; sur le socle une autre inscription, en vers léonins, nous donne, par un soin vraiment superflu, le nom du saint person-

laortail De Tabbape tie <Illé3elap.

449

nage : Agnoscant omnes quia dicitur isie Johannes \Convenit\ et populum demonstrans indice Christîim ('). S. Jean est accom- pagné, sur les côtés du trumeau et aux ébrasements, par six apôtres qui ont, comme lui, coopéré à l'avènement de la Loi nou- velle.

Le sommet de la figure de S. Jean

Fig. I. Abbaye de Vézelay. Grand portail de la nef.

dépasse le linteau et le divise en deux parties, dont chacune semble, d'après l'attitude des figures, représenter un sujet différent. Nous allons maintenant examiner en détail cette longue bande de pierre se pressent quarante quatre per sonnages.

I. Cette restitution est de VioUet-le-Duc ; Meusnier avait proposé < ecce tenet ». Les premières lettres sont en effet douteuses.

Linteau.

LE linteau est divisé en deux parties par le sommet du trumeau : chacune offre une série de figures formant comme une procession dont les personnages, par- tant des deux extrémités du linteau, se dirigent pour la plupart vers le centre. Décrivons-les.

Partie gauche. i. Adossé à la partie supérieure du trumeau, un person- nage debout, vêtu d'une robe à larges manches, tient à deux mains une lance à crochet. Auprès de lui (qui, seul des per- sonnages de cette partie du linteau, a conservé sa tête) on voit sur le second plan deux hommes (N°' 2 et 3), auxquels il paraît commander, et qui lui amènent un bœuf (N° 4) : le premier tient l'animal par une corne, et porte une énorme hache; le second caresse le flanc de la bête. Deux autres acolytes (N°' 2""'" et 3''"') semblent discuter avec eux sur la manière de tuer le bœuf.

5. Un personnage portant une lance, pareille à celle du i, se tourne vers quatre figures également vêtues de robes longues: la première (N°6), très mutilée, tenait une lance ou un long bâton ; la se- conde (N° 7), de face, porte un seau ; elle semble s'arrêter pour regarder le colloque engagé entre une femme (N°8), qui étend les bras en avant, et un personnage (N° 9), placé derrière elle, qui lui pose la main sur l'épaule : on ne saurait distinguer quel est le sexe de ce dernier.

Puis viennent trois figures en robe courte : l'une (N" 10) tient un grand poisson attaché par la tête: une autre (N° ri) s'appuie sur son épaule ; la dernière (N° 12) porte un pain rond marqué d'une gaufrure carrée.

13. Un personnage enveloppé d'un manteau tombant jusqu'aux genoux, s'ar-

450

3Re\)ue De T^rt cl)iétieru

rête, la jambe gauche croisée par- dessus la droite ; il tient un vase rond, à panse renflée, tout rempli de petits fruits sphériques.

N°' 14 à 19''''. Neuf archers en marche, vêtus de tuniques courtes, sauf le 17 qui en a une beaucoup plus longue, et le 14 qui a pour tout costume un manteau court agrafé sur l'épaule droite. Ils ont les pieds nus, au contraire des autres per- sonnages du cortège, qui sont chaussés. Le 14 a un grand arc sur lequel il s'appuie comme sur un bâton; un carquois garni pend sur sa cuisse; la plupart des autres bandent de petits arcs.

2" Partie droite. N°'' 20 et 21. Deux personnages dont la taille est beaucoup plus grande que celle des figures voisines. Ces deux statues, bien que sculptées en partie sur le linteau, empiètent sur le tym- pan de toute la hauteur des épaules et de la tête : aussi les interprétateurs les ont-ils généralement rattachées à la composition du tympan; nous n'avons aucune raison de procéder autrement; il nous semble cepen- dant bien hardi de supprimer tout rapport entre elles et le sujet représenté sur le lin- teau: un tel préjugé est dangereux au milieu des énigmes de ce bas-relief. D'autant que cette explication usuelle de nos deux figures ferait ressortir deux S. Pierre dans une seule composition. D'après la tradi- tion locale, en effet, que l'on est réduit à suivre faute de toute autre indication, ces deux statues représentent l'une (N» 21) la Madeleine, patronne de l'abbaye, l'autre (N° 20) S. Pierre : l'identification de ce dernier est en tout cas certaine, car il tient à la main deux grandes clefs très ouvragées.

Les personnages suivants sont tous de la même taille que ceux de la partie gauche du linteau.

22. Un cheval en marche vers la gauche porte un cavalier, dont il ne sub-

siste plus que le bouclier rond, la jambe et la cuisse, protégée en partie par une cotte de mailles.

N" 23 et 24. Deux personnages vêtus de robes ( le 24 est peut-être une femme?); leurs têtes manquant (ainsi que celles de toutes les figures du 2 au 30 à l'exception des N°^ 20 et 21), il est diffi- cile de les interpréter, faute d'autre indica- tion; sans doute elles regardaient vers le ciel.

Fig. 2. Abbaye de Vézelay. Schéma du grand portail de la nef.

No 25. Un guerrier, reconnaissable à sa cotte de mailles, et d'une taille bien supérieure à celle de ses compagnons, se retourne vers le cavalier N^ 22. Son geste peut être interprété de deux façons : ou bien il tenait une épée et un bouclier, aujourd'hui brisés, et provoquait le cavalier, ou bien plutôt, il lève la main vers les figures du tympan (le Christ et les apôtres) pour attirer vers elles l'attention du cavalier.

N°s 26, 27 et 28. Trois hommes en tunique courte s'éloignent du précédent et se dirigent vers le N" 29. Celui du milieu

lèortatl de Tabbape De ^éselap.

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tient sous son bras un bouclier rond; celui (N" 26) qui le suit lui touche du doigt l'épaule comme pour le mettre en garde.

N" 29. Un guerrier, revêtu d'une cotte de mailles par dessus sa tunique, porte de la main gauche un petit bouclier rond; de la droite élevée il présente à Ste Made- leine (dont il dépasse à peine le genou) son épée, la pointe en bas.

30. - Au second plan, un person- nage, debout derrière le cavalier 22, fait un geste de surprise en regardant dans la direction indiquée par le N* 25.

31. Un nain ou un enfant (sa tête, conservée, est imberbe) dont le manteau flotte au vent et dont les jambes sont bri- sées, monte à l'aide d'une petite échelle sur un cheval (N° 32) sellé et sanglé de deux sangles dont une fort en arrière, à la mode orientale; les étriers sont courts et trian- gulaires. Le cheval, tournant la tête, semble regarder avec mépris son petit cavalier, au second plan, un homme (peut-être deux) (N" ^;^) lève un bras vers le ciel.

37. Une femme (dont le bras gauche manque) et un homme (N° 38) sem- blent s'entretenir ensemble. Entre eux est un enfant (N° 39) qui se réfugie contre sa mère, ou se dirige vers le cavalier 3 i.

N°' 34, 35 et 36. Trois individus pa- raissant appartenir à une race particulière; tous trois pourvus d'énormes oreilles qui leur descendent sur les épaules et qui res- semblent à des écailles gigantesques. Le premier (N° 34), évidemment le chef de cette monstrueuse famille, est nu : il a les épaules (les bras sont cassés), le torse et les cuisses recouverts de longs poils ou, selon quelques critiques, d'un maillot en peaux de bêtes. La femme (N''35), dont le bras droit est également brisé, est nue jusqu'à la cein- ture; elle a le bas du corps enveloppé dans une draperie flottante par le bas, serrée au-

dessus des hanches. Entre eux est leur enfant (N° 36) qui, appuyant la main droite contre sa joue ou son oreille, tient de l'autre son pied gauche, comme s'il y avait mal, ou encore comme s'il sautait à cloche-pied. Son père se penche au-dessus de lui comme pour le frapper ou pour parler à sa mère, qui de la main gauche retient la draperie qui lui sert de robe. On remarque le soin méticuleux avec lequel l'artiste a re- produit les cartilages des oreilles, parais- sant s'attacher à les montrer sous toutes les faces.

Que signifient ces deux séries de person- nages que nous venons d'examiner des deux côtés du trumeau, sur le linteau?

I. Un premier système (celui de M. Le Normant) voit dans la série gauche l'entrée des Hébreux dans la Terre promise, image de l'entrée des élus dans le ciel, et, dans la série droite, les Péchés et les Vices qui empêchent d'arriver au ciel. Premier sujet : nous avouons ne voir ici aucun signe ni attribut caractérisant soit le peuple hébreu, soit l'épisode de la sortie d'Egypte : si l'artiste avait eu en vue ce sujet, il n'eût pas manqué, à notre avis, de nous présenter Moïse, Aaron, ou tout au moins l'Arche d'Alliance et les tables de la loi. Deu- xième sujet : ici la colère serait figurée par l'homme qui tient une épée nue près de sainte Madeleine (mais le geste de pré- senter à quel qu'un la poignée d'une épée, même nue, peut-il passer pour un acte de colère?); l'orgueil ou la présomption, parle petit personnage qui a besoin d'une échelle pour grimper sur son cheval (mais si la présomption a souvent été figurée par un cavalier, c'est par un cavalier précipité à terre, non par un enfant montant à cheval) ; la calomnie, par la famille aux grandes oreilles (mais pourquoi ces costumes de sauvages, et pourquoi trois calomniateurs,

452

ISitWt De ravt chrétien.

quand un seul suffirait?) En outre, pourquoi les vices le plus fréquemment représentés au XII" siècle, la paresse, la luxure avec ses reptiles, l'avarice courbée sous le poids de la bourse pendue à son col, ne seraient- ils pas figurés ici? Enfin, cette inter- prétation n'explique pas la présence de S. Pierre et de la Madeleine, qu'il serait

singulier de rencontrer à côté des Vices; dans ce système on ne voit aucune relation soit entre les deux parties du linteau, soit entre ce linteau et le tympan.

II. Un second système, plus suivi (Viollet-le-Duc, abbé Crosnier, etc.), croit reconnaître à gauche les offrandes appor- tées à l'abbé de Vézelay par les gens du

0Eè

Fig. 3. Abbaye lie Vezelay. - Tympan tlu portail.

pays, et même plus spécialement la fête dite de l'Apport, on lui apportait toutes sortes de victuailles. .A droite, il voit comme précédemment la représentation des Vices. Pour établir une relation entre ces deux sujets, on ajoute que ceux qui font à l'abbé des offrandes de bœufs, pois- sons, fruits, etc.. accomplissent de bonnes œuvres et méritent le Ciel, tandis que les

Vices figurés en regard méritent l'Enfer . ceci est à notre avis trop subtil ; d'ail- leurs nous avons dit plus haut que nous refusions de voir ici l'image des Vices, Au contraire nous acceptons à peu près, [ sauf ce que nous dirons plus loin, l'ex- plication de Viollet le-Duc en ce qui con- cerne la première partie du linteau : toute- fois le personnage adossé au trumeau ne

peut être l'abbé, car il tient non une crosse ou un bâton pastoral, mais une lance à crochet semblable à celle du 5 : ces deux figures sont donc celles de deux bou- viers, ou de deux officiers de l'abbaye diri- geant le cortège. Quant aux archers, ce sont vraisemblablement des chasseurs ou des soldats de l'abbaye.

III. A notre avis, pour trouver le mot de l'énigme, il convient de se rappeler l'époque et les circonstances la porte fut édifiée : Viollet-le-Duc en place la construc- tion vers 1145 ou II 50, en tous cas sous l'abbatiat de l'abbé Ponce de Montboissier (mort en ii6i) dont Augustin Thierry a raconté les luttes avec les comtes de Nevers et les bourgeois de Vézelay. Nous inclinons même à penser que ce grand travail ne fut entrepris qu'à partir de 1155, après la fin des troubles qui en auraient certainement entravé l'exécution, et après le paiement de l'indemnité de 40,000 sous(environ 200,000 francs) que, suivant la sentence rendue par Louis VII, les bourgeois durent payer à l'abbé, et que celui-ci employa sans doute en partie à l'embellissement de son église. Or à cette époque, à Vézelay, deux faits avaient laisser dans les esprits une impression profonde : d'abord l'insurrection communale, à laquelle il eût été malséant et dangereux de faire allusion dans les sculptures de notre porte (et à ce point de vue, la représentation de la fête de l'ap- port n'eût-elle point paru aux bourgeois une bravade intempestive et peu chré- tienne ?), ensuite la seconde croisade que S. Bernard avait prêchée à Vézelay quel- ques années auparavant et qui avait attiré dans cette ville un concours extraordinaire de peuples et de princes ; les offrandes avaient été énormes : tant en nature qu'en argent, chacun avait donné selon ses moyens. Or la croisade n'était-elle pas un

sujet convenable à présenter sur une porte d'église ? de même que les Apôtres avaient fait triompher le christianisme par la parole, les croisés le faisaient triompher par les armes. S. Bernard ne disait-il pas, si l'on en croit Michaud: «Ne vous couvrez plus du cilice, mais de vos boucliers invin- cibles ! Le bruit des armes, les dangers, les travaux, les fatigues de la guerre, voilà la pénitence que Dieu vous impose!... Volez donc aux armes ! qu'une sainte colère vous anime au combat, et que le monde chrétien retentisse de ces paroles du pro- phète : « Malheur à celui qui n'ensanglante pas son épée ! »

Ainsi la partie gauche du linteau figure- rait non la fête de l'Apport, mais la remise des offrandes apportées par le peuple en vue de la croisade ; la partie droite, d'abord le départ pour la croisade, puis les peuples infidèles que les guerriers chrétiens vont convertir par l'épée ; d'une part, ceux qui ne peuvent combattre eux-mêmes mais contribuent par leurs dons à la sainte entre- prise, de l'autre ceux qui ont eux-mêmes pris les armes. Dans ce système, il y a une relation logique et étroite tant entre les deux parties du linteau qu'entre ces deux parties et le tympan. On s'explique ainsi la présence de la Madeleine, patronne de l'abbaye, intercédant auprès du céleste portier S. Pierre en faveur des croisés ; on comprend le geste de ce guerrier qui, au moment du départ, tend son épée à Ste Madeleine comme pour la lui consacrer ; de même ces gestes des guerriers qui se montrent l'un à l'autre, au-dessus d'eux, les Apôtres qui les ont précédés en Terre- Sainte et qui ont frappé de la parole comme eux vont frapper de l'épée.

On nous fera évidemment deux objec- tions auxquelles nous allons essayer de répondre :

RKVUE UR L ART CHRBTIEK. 1904. 5'"* LIVRAISON.

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Bebue ïje r^vt t\)ïttitn.

a. On nous dira qu'une église, placée sous le vocable de Sainte-Croix, avait été construite à Vézelay aussitôt après le con- cile et sur le lieu même il avait été tenu ; que dès lors il n'y avait nul besoin de consacrer à nouveau ce souvenir dans les sculptures qui nous occupent. Ceci n'est pas une objection sérieuse, car il arrive souvent que le même événement est l'occasion et le sujet, dans une même ville, de plusieurs monuments, ou, dans le même monument, de plusieurs représentations : ainsi à Reims nous trouvons raconté en diverses places le baptême de Clovis ; à Amiens, la découverte des reliques de S. Acheul, etc.. ; et la construction de l'église de Ste-Croix témoigne au contraire de l'impression profonde causée à Vézelay par la prédication de la croisade.

ô. On nous fera remarquer qu'aucun des guerriers ne porte cette marque de la croix que les soldats pèlerins s'attachaient, dit-on, sur l'épaule. L'objection est grave; elle serait décisive si nous ne savions que les protestants, qui ont ravagé l'église en 1569- 1570, effaçaient partout les croix; d'ailleurs les révolutionnaires en 1793, qui ont gratté l'Agneau portant la croix sur le disque du S. Jean-Baptiste du trumeau, eussent suffi à cette besogne. De fait, aucun des guerriers n'est intact ; tous ont la tête brisée, et bien des parties de leurs vête- ments ou de leurs armes ont été mutilées ou grattées : rien ne permet donc d'affirmer qu'ils n'avaient point porté de croix, les uns sur leur coiffure, les autres sur leur épaule ou sur leur bouclier.

Ainsi, comme nous l'avons dit, tous ces personnages (N°' 21 à 30) représenteraient le départ pour la croisade ; les N°' 31 à 36 doivent, dans notre système, symboliser les peuples païens ; quant aux figures intermé-

diaires. (N°' T,-/' a. 39) on peut les rattacher à l'un ou à l'autre groupe.

N°'3i à 33. Dans la première hypo- thèse, on peut donner du petit personnage qui se guindé à cheval au moyen d'une échelle quatre explications : a. On sait que, dans l'enthousiasme du premier moment, beaucoup d'enfants, à peine en âge de com- battre, s'enrôlèrent pour la croisade : est-ce un de ces jeunes croisés que l'artiste a re- présenté ? p. Peut-être y eut-il, parmi les seigneurs qui se croisèrent à Vézelay, un nain dont le souvenir perdu dans la mémoire des habitants n'aurait été conservé que par notre bas-relief ? y. Peut-être est-ce un croisé que l'imagier a voulu ridiculiser: cela n'est pas impossible, car les abbés conser- vaient une haine persistante contre certains croisés qui avaient eu avec eux des diffé- rends ; Hugues de Poitiers n'écrit-il pas « comme il (Guillaume II de Nevers) avait si indignement traité le tombeau de Ste Marie-Madeleine, l'amante du Sauveur, il en fut puni dès cette vie (et il s'était converti et s'était fait chartreux), il fut dé- voré par un chien, et son second fîls Re- naud, comte de Tonnerre (qui s'était croisé avec son frère Guillaume III) fut fait esclave en Barbarie en 1 148. » L'imagier a pu même avoir en vue un de ces deux jeunes princes. Mais nous préférons y voir un guerrier infidèle adversaire des croisés : on remarquera en effet que le cour- sier, harnaché à la mode orientale, est tour- né en sens contraire de la plupart des per- sonnages précédents, à la rencontre desquels il semble s'apprêter à marcher : quant à la petite taille du cavalier, ne peut-on pas l'expliquer par les légendes qui avaient cours alors sur les peuples inconnus de l'Orient ('), comme nous allons le voir de

I. Ici même, dans deux des compartiments quientou-

I^ortntî îje l'abba^e De TO5elap.

455

f;içon certaine pour un des groupessuivants: depuis Ptolémée, on racontait que l'Afrique recelait une race de pygmées, redoutables par leur adresse et leur férocité : ne serait- ce pas ici un de ces nains qui se dispose à combattre l'armée des croisés ?

N°' 34 à 36. Ces trois personnages au corps couvert de poils épais, aux oreilles énormes, ont jusqu'ici paru aux critiques constituer la partie la plus difficile de l'énigme : certains ont vu en eux, nous l'avons dit, le symbole de la calomnie ; d'autres ont pensé que c'était l'image des peuples indifférents à la .prédication des Apôtres, car presque seuls entre tous les personnages qui les entourent, ils ne lèvent point leurs regards vers le ciel; un critique, plus fantaisiste, a voulu expliquer la dimen- sion de leurs oreilles en disant que plus éloignés de saint Pierre que tous les autres, ils avaient besoin, pour entendre la prédi- cation de cet Apôtre, d'oreilles mieux con- ditionnées ; autant dire qu'ils sont « tout oreilles » ! Nous croyons pouvoir affir- mer que l'artiste a simplement voulu repré- senter un des peuples païens que la tradi- tion populaire du moyen âge plaçait sur la route des Lieux- Saints. Si nous lisons Huons de Bordeaux, cette immense épopée le poète semble avoir réuni toutes les légendes de son temps, nous voyons que le héros, se rendant à Babylone pour rem- plir auprès de l'amiral Gaudise la bizarre mission dont l'a chargé Charlemagne, ren- contre sur son chemin des nations étranges, notamment celle des Conmains, qui, dit-il :

< Plus sont velus que viautre (limier) ne sangler (sanglier)

< De leurs oreilles sont toutacovetés (recouverts)...

N'est-ce pas une description exacte de nos trois personnages ?

rent le tympan, ne voyons- nous pas, parmi les peuples à qui les Apôtres doivent porter la Bonne Nouvelle, des individus à té.e de chien et d'autres à groin de porc .''

N"' 37 à 39. Ces trois figures, faute d'attributs, ne peuvent être identifiées avec certitude ; mais il est impossible de les sé- parer des figures voisines. Si le petit cava- lier ( 31) est, comme nous le croyons, un adversaire des croisés, nos personnages se trouvent placés entre deux groupes de païens et doivent dès lors représenter eux- mêmes des païens. Si le cavalier est un prince chrétien, on peut également, quoique avec plus de difficulté, voir aussi en eux des chrétiens. Quanta reconnaître dans cette famille désarmée, qui lève les yeux vers le ciel, comme pour implorer le se- cours d'en haut, des chrétiens, habitants des Lieux Saints, persécutés par les Infi- dèles, nous ne pensons pas qu'on doive ha- sarder une telle hypothèse, que rien n'infirme absolument mais que rien non plus n'autorise.

Arrivés aux derniers groupes de cette longue série, nous avons pu constater que tous les détails de notre bas-relief s'accor- dent bien avec l'interprétation que nous proposons. Les considérations d'ordre gé- néral ne sont pas moins favorables à cette hypothèse : en effet : le sujet de la croisade est tout indiqué à Vézelay, au len- demain de la prédication de S. Bernard et dans une abbaye de cet ordre clunisien, dont le réformateur lui-même, Odilon, di- sait à ses auditeurs : « Avant tout, suspen- dez à vos cols vos boucliers échancrés, at- tachez par-dessus vos frocs une cuirasse formée d'une triple chaîne, enfourchez vos destriers, vos bidets ou vos ânes, montez sur vos chariots et combattez ces mé- créants » ; il s'accorde absolument avec le sujet certain du tympan, la Mission des Apôtres ; il explique logiquement certains gestes ou attitudes de personnages, autrement incompréhensibles, et la pré-

sence des trois Conmains dont l'identité est indiscutable.

Notre interprétation nous paraît donc présenter toutes les garanties d'exactitude: nous avons bien sous les yeux le tableau légendaire de la croisade.

L

Analyse des chapiteaux.

ES quatre chapiteaux des pieds-droits, dont les figures sont reliées moins étroitement au thème général de notre porte, n'ont pas, au contraire, malgré les nombreuses études dont ils ont été l'objet, livré leur secret : nous ne nous flatterons pas d'être plus heureux sur ce point que nos devanciers et notre ambition se bornera à ajouter une hypothèse à toutes celles émi- ses jusqu'à ce jour.

Constatons tout d'abord, pour ne plus revenir sur cette question d'ornementation pure, le style admirable de ces chapiteaux, les merveilleux rinceaux de feuillage sur lesquels se détachent les personnages : c'est l'alliance, la fusion intime de l'antique cha- piteau romain dans ce qu'il a de plus riche et de plus majestueux, avec le chapiteau roman historié, plein de vie et de fantaisie.

Examinons les figures qui s'agitent au milieu de ces feuillages :

No 40. Un roi, caractérisé par sa cou- ronne, dépèce une béte fauve ; un serviteur se tient près de lui et l'assiste. Les archéologues s'accordent à voir dans ce roi, Salil offrant à Dieu un sacrifice avec l'aide de son écuyer. Un personnage barbu semble conseiller le roi ou le réprimander : ce serait, selon M. Meusnier, le prophète Samuel, prédisant à Saiil que son sacrifice sera inutile et qu'il périra avec ses enfants dans le combat qu'il va livrer, parce qu'il a épargné Agag, roi des Amalécites. Cette explication est précise et détaillée ; si rien ne semble autoriser spécialement cette hy-

pothèse, rien ne s'y oppose, non plus que pour celle qui va être exposée au chapiteau suivant ; on peut même remarquer que ces deux interprétations continuent le même sujet, ce qui, pour deux sculptures voisines, nous paraît être une certaine garantie d'exactitude.

41. Un personnage debout paraît adresser un discours à un jeune homme assis, qui porte une sorte de gibecière : derrière eux, à l'extrémité du chapiteau, un roi, la couronne en tête, est assis. Selon M. Meusnier et la majorité des critiques, cette scène représente Samuel sacrant David roi, ou plutôt lui révélant qu'il suc- cédera sur le trône au roi Saiil : c'est ce dernier qu'on aperçoit à l'écart, déplorant ses fautes. Constatons toutefois que l'angle du chapiteau est brisé ; on peut se deman- der si à l'origine il ne se trouvait pas là, au centre du tableau, un personnage dont la présence modifierait sans doute, du tout au tout, l'interprétation ci-dessus. Sous le bénéfice de cette réserve nécessaire, nous admettrons l'interprétation de M. Meusnier ; mais nous nous séparerons de lui quant à l'explication des deux autres chapiteaux dont voici le détail, d'après la description de Viollet-le-Duc :

42. « Un homme nu, s'appuyant sur un bâton, ou se perçant d'un javelot. Devant lui est un personnage barbu, qui porte sur le dos une corbeille ou claie d'osier. Un ange, sortant de l'eau, semble lui présenter un petit serpent ou un petit poisson. Toutes ces figures entourées de feuillages fantastiques. » Mérimée n'a proposé aucune interprétation de cette scène. M. Meusnier croit reconnaître Eve dans la figure que Viollet-le-Duc annonce «un homme nu », et Adam dans l'homme barbu : aussi donne-t-il pour titre à ce cha- piteau : « Premiers travaux d'Adam et Eve

portail de l'abbape de Mt^tiav^

457

après qu'ils ont été chassés du Paradis terrestre ». Mais à notre avis, dans une pareille scène, le sculpteur n'eût pas man- qué de donner à Eve, selon la coutume constante des imagiers, un attribut quel- conque : quenouille (comme à Chartres, à Saintes, etc.. XI I'' siècle), ou un enfant (comme à Thann, X I V^ siècle), et à Adam, une bêche ou un outil à travailler la terre (voir les mêmes monuments). D'ailleurs,

Fig. 4- Chapiteaux de 1 ebrasement de droite.

à moins qu'on ne justifie de l'existence d'une légende spéciale sur ce sujet dans la Bourofoene du XI I'' siècle, nous ne com- prenons pas la présence de l'ange qui sort de l'eau, un petit poisson dans la main.

Notre ami, M. H. Reyerdy, propose une interprétation un peu subtile peut-être, mais à coup sûr plus vraisemblable que la précédente. Il part de ce principe que les deux chapiteaux à droite de la porte se rapportant à la vie de David, il y a chance que l'imagier ait suivi la même pensée dans les deux chapiteaux de gauche : les deux premiers ayant trait aux actions du roi- prophète, les deux autres feraient allusion

à son œuvre poétique. Or, ouvrant le psaume 90, l'un des plus connus parmi ceux de David, on lit : Angelis suis viandavit de te, ut custodiant te in omnibus viis tuis. Pour mettre en action ce verset, l'artiste trouvait dans l'Ancien Testament même, un exemple aussi pittoresque que populaire: l'histoire du jeune Tobie. Ce serait donc le sujet de notre chapiteau. Dans cette hypothèse, le personnage imberbe, nu, qui

Fig. s. Chapiteaux de l'ébraseraent de gauche.

s'appuie sur un bâton de voyage, serait le jeune Tobie s'apprêtant à entrer dans le fleuve après avoir quitté ses vêtements ; l'homme barbu portant sur l'épaule la cor- beille d'osier tressé, un serviteur chargé des provisions nécessaires au voyage ; enfin l'ange Raphaël, par une traduction assuré- ment libre du psaume, ferait surgir devant Tobie, lui présenterait même, le poisson mystérieux, le remède qui doit rendre la vue à son père. Certes on peut répondre que l'ange semble offrir le poisson non au jeune Tobie, mais au serviteur ; et qu'il est surprenant que ce dernier, figure absolu- ment accessoire, occupe la place principale

458

3Re\)Uc tir r^rt cbréticn.

au centre du tableau. Ces objections ont, nous le reconnaissons, une grande force, mais pas plus que celles opposées aux autres interprétations émises jusqu'à ce jour.

43. ^ Une femme, nue à l'exception d'un tablier de feuilles ou de longs poils, se cache le visage sous une sorte de bou- clier ovoïde décoré d'une croix pattée : elle s'avance vers un grand oiseau à deux têtes. Derrière l'oiseau est un monstre à tête humaine avec une queue de serpent, forme fantastique que les imagiers ont souvent donnée au démon, spécialement au démon de la Calomnie. La femme paraît brandir une sorte de fronde contre ces deux ani- maux. — M. Meusnier voit dans ce sujet une Ste Madeleine au désert, chassant pour se procurer de la nourriture : singulière, nourriture, à notre avis, que des oiseaux à deux têtes et des monstres à tête humaine. Si l'on tenait à voir ici une Madeleine chassant, interprétation qui ne nous paraît d'ailleurs reposer sur rien (car peut-on ad- mettre que l'artiste ait représenté cette sainte sans aucun vêtement .''), il faudrait au moins reconnaître dans les animaux qu'elle poursuit, non un gibier ordinaire, mais des vices symbolisés.

Nous préférons de beaucoup l'interpré- tation proposée par M. Reverdy, qui voit ici une nouvelle mise en action d'un autre verset du même psaume 90 de David, nous avons déjà trouvé l'explication du cha- piteau précédent: « La vérité, s'écrie le roi- prophète, t'environnera comme d'un bou- clier; tu ne craindras ni les terreurs de la nuit, ni la flèche qui vole pendant le jour, ni les complots tramés dans les ténèbres, ni les attaques du démon. » Scuto circumdabit te Veritas ejus; non timebis a timoré tioetiirno, a sagilta volante in die, a negotio peramôa-

lanfe in tenebris, ab inc7irsu et devionio meridiano. Telle est la pensée rendue par l'imagier sur notre chapiteau : le prétendu chasseur est l'âme humaine, que l'on repré- sente toujours par un personnage nu, sans sexe ; si l'on veut reconnaître en lui une femme, on peut dire que l'artiste, en oppo- sant aux monstres cette personnification de la faiblesse, a voulu faire mieux ressortir la puissance de Dieu qui lui assure la victoire ; son bouclier, celui de la vérité divine, est timbré d'une croix, emblème du Christ qui a dit: «Je suis la Vérité », les animaux monstrueux représentent les démons dont parle le prophète : notamment, ce reptile à tête d'homme, symbole de la calomnie, rend bien l'idée de la parole mauvaise dont parle un verset précédent du même psaume : Quoniam ipse liberavit me de laqneo venan- tinm et a verbo aspero.

Nous reconnaissons que cette représen- tation de l'âme luttant contre les vices s'écarte sensiblement de la forme tradition- nelle au XI !'■ siècle: en Bourgogne notam- ment, à cette époque, ce sujet est habituel- lement personnifié par un centaure ou un sagittaire, comme à Avallon.

Mais la statuaire de Vézelay ne nous a- t-elle pas habitués à des surprises de ce genre ? il semble que les imagiers qui ont décoré la vieille abbaye aient cherché sans cesse, ou à représenter des sujets nouveaux (comme au tympan et au linteaii de notre porte et sur nombre de chapiteaux de la nef), ou à rajeunir les sujets anciens par une expression nouvelle (comme dans le calendrier de la voussure, etc.).

Aussi y a-t-il toujours eu, et y aurat-il toujours, dans les sculptures de Vézelay, une source inépuisable de jouissances pour le chercheur qui s'efforce, sans succès peut- être, mais certes avec bonne volonté, de

îaortatl îie Tabbape De îHé5elap.

459

deviner les idées que les imagiers d'il y a bientôt huit siècles ont voulu exprimer sur ces pierres énigmatiques.

En interrogeant ces figures impassibles, qui parlent une langue trop souvent inin- telligible pour nous, l'artiste revivra un peu de la vie de nos pères, au milieu de cette

ville d'autrefois se sont superposés, comme en un terrain d'alluvion historique, les débris des âges passés, que seule l'ab- baye de Ste- Madeleine domine de son antique majesté et de sa tranquille splen- deur.

G. Sanoner, Paris.

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E chef-lieu du diocèse des Lingons dans la Haute-Marne célèbre aussi la mémoire de plusieurs martyrs dont les noms o^recs nous

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reportent au siècle de

l'apostolat de S. Polhin. On les nomme Speusippe, Eleusippe et Meleusippe, et la tradition les considère comme frères ; c'est pourquoi le peuple, par abus de langage, les désigne sous les noms des Saints Jumeaux ou Saints Geosmes. D'après la légende recueillie par les Bollandistesau 17 janvier, ils seraient les petits-fils de sainte Léonille qui fut inhumée dans la crypte de Saint- Bénigne de Dijon (').

Rien ne s'oppose à ce que nous adoptions le récit qui en fait des martyrs locaux ; il n'est pas plus contraire aux données histo- riques que le récit des martyrs de Lyon. Les noms grecs abondent dans la lignée des apôtres qui ont répandu leur sang dans la vallée du Rhône, en proclamant leur foi au Christ. A Reims, Timothée, à Autun, saint AtidocheM Besançon, FerréoL^. Paris, Dyonisiîis et Eletitherius sont encore des Grecs ; je ne vois donc pas pourquoi la capitale des Lingons, Langres, point de rencontre de plusieurs voies romaines, n'au- rait pas reçu la visite de quelques mission- naires envoyés de Lyon ou d'Autun.

Les critiques qui font des Jumeaux de Langres des martyrs delà Cappadoce dont

I. Abbé lîougaud. Etude hislorique et critique sur la mission, les actes et le culte de saint Ëéms;iie dans la Bour- gogne et sur l'origine des églises de Dijon, d Autun et de Langres, Autun, Dejussieu, 1859. Mon opinion est celle de cet auteur.

les reliques auraient été apportées d'Orient en Gaule au IV"' ou au V" siècle, n'ont pas de chance de recruter des adhésions à leur opinion, car les martyrs de Langres se présentent à nous dans les mêmes condi- tions que les autres. Ils sont honorés dans la banlieue de la ville, dans un emplace- ment qui fut toujours gardé par une abbaye et ensuite par une collégiale et, de plus, leur tombeau a reposé dans une crypte érigée sous le maître-autel. Toutes ces cir- constances sont des garanties pour ceux qui croient à leur immolation en Gaule, sur le territoire des Lingons (').

Le bourg de Saint-Geosmes est un vil- lage situé à 4 kilomètres au Sud de Lan- gres, au point de bifurcation de deux voies venant de Lyon et d'Autun. Dans le cime- tière on voit un exhaussement du sol sur lequel on a planté une grande croix et auquel on applique le nom de Martyria pour rappeler que le supplice des Jumeaux eut lieu en cet endroit.

Ici, comme dans tous les centres de chrétienté ancienne, existait un cimetière dont la popularité ne peut s'expliquer sans la présence de tombeaux vénérés comme étaient ceux des martyrs. Ses couches les plus profondes ont donné des sépultures dont l'antiquité paraît incontestable quand on examine leur forme et leur matière. Les témoins des fouilles pratiquées dans l'inté- rieur de l'éaflise bâtie au milieu de ce cime- tière, ont vu sortir de terre un bon nombre

I. L'abbaye exist.-iit certainement en 716 d'après des titres cites par la Gallia christiana. En S30, des chanoines habitaient Saint-Geosmes. Au XII'' siècle l'établissement n'est plus qu'un prieuré. {Provincia Lugd., t. IV, p. 653.)

JLts ^^. gumeaur ou les ^^. (Bto&mtë lit îLangres. 461

de sarcophages monolithes en pierre ; l'un d'eux était en plomb et renfermait deux fioles en verre. Comme les pieds n'étaient pas uniformément tournés du côté de l'O- rient, on est fondé à croire que païens et chrétiens reposaient sans distinction les uns à côté des autres dans le môme enclos, comme on l'a constaté à Nantes et dans bien d'autres villes.

L'église primitive qui fut érigée sur la tombe des Trois Jumeau.K n'existe plus depuis longtemps ; elle a été remplacée au XIII* siècle par un édifice gothique dont les vastes dimensions ont permis de fonder les piliers du chevet sans porter atteinte aux fondations antérieures. Sous le dallage du sanctuaire, l'architecte a conservé in- tacte l'enceinte d'une crypte dont le plan nous donne la figure d'une église disparue qui avait 6 mètres de largeur et qui était terminée par un hémicycle, comme le sous- sol, puisqu'il y a toujours conformité de plan entre les deux étages de nos anciennes églises.

Il n'y a pas bien longtemps que la crypte des Jumeaux peut être examinée ; en 1880, elle était encore inaccessible par suite des remblais qu'on y avait entassés sans doute pour éviter les éboulements. A cette date, M. Henri Brocard, architecte, eut l'heu- reuse pensée de tenter des fouilles qui lui ont permis d'en déterminer l'étendue. Son exploration n'a malheureusement pas pu aboutir à un nettoyage complet ('). . Les sondages pratiqués aux deux bouts nous révèlent que le sous-sol a 11^,70 de longueur; que la partie occidentale, divisée en trois nefs, a des voûtes d'arêtes qui reposent sur 16 colonnes cylindriques dont les chapiteaux sont d'une exécution peu

I. La crypte de Péglise Saint-Geosmcs. (Bull, de la Soc. historique et archéologique de Langres, t. II, 1880-85, p. 114.) Voir aussi les années 1869 et 1882.

soignée, mais les décombres occupent encore un tiers de la contenance. M. Bro- card suppose que la partie demeurée incon- nue devait être voûtée de la même façon que la première et que la totalité du sou- terrain renfermait 30 colonnes. Le fait est possible. Quand l'architecte du XI II' siècle éleva sa construction gothique, il se trouva dans l'obligation d'allonger l'édifice anté- rieur du côté de l'Orient, mais il se garda bien de détruire la confession des SS. Ju- meaux, bien qu'elle ne fût plus dans la position liturgique, c'est-à-dire sous le sanctuaire. Le transept se développe, en effet, au delà du chevet circulaire du sous- sol renfermant le tombeau, il a été tracé sur ce point dans l'intention évidente de ne rien déranger dans les murs préexistants. Il suffit, du reste, de jeter les yeux sur le plan de M. Brocard pour juger que les deux monuments sont indépendants l'un de l'autre.

La première impression de M. Brocard, après sa découverte, fut qu'il était en pré- sence d'une confession des temps gallo- romains et il la présenta pour telle aux réunions de la Sorbonne. Les objections qui lui furent opposées, lui démontrèrent bientôt qu'il s'était fait illusion et qu'il fallait descendre plus bas dans les temps voisins de la fin du XII^ siècle.

Dans son rapport au comité des Travaux historiques, J. Quicherat fait ressortir avec beaucoup d'à-propos que la date du monu- ment est inscrite dans le style des chapi- teaux dont les ornements composés de feuilles d'eau, de cœurs et de trèfles, et la corbeille déprimée dénoncent une parenté étroite avec les œuvres du XI I^ siècle (').

Il ne résulte pas pourtant de cette con- statation que le sous-sol soit rigoureusement

I. Revue des Sociétés savantes^ T= série, t. VI, 483-487.

462

jElebue lie T^rt c|)rctien.

une construction bâtie entièrement au XI I^ siècle, car on a de nombreux exem- ples de réfections opérées dans le cours des siècles pour lier dans un édifice les

parties anciennes avec les plus récentes. Quand les voûtes s'écroulent, on peut les remplacer par de nouvelles sans toucher au plan d'ensemble. -Si l'architecte du XI I^ siè-

Eglise de5 Saints Jumeaux

a S' Geosmes près Langres (Haute Marne^

Coupe de la Cryptr

Brocard del

cle avait rebâti la crypte de fond en com- ble, il aurait adopté les dispositions de son époque, c'est-à-dire qu'il aurait fait une double descente. Or M. Brocard dans le cours de ses recherches n'a trouvé trace que d'une seule porte, et cette ouverture se

Echelle de OTOofi pour i~oo

trouve placée juste dans le milieu, sur l'axe principal de l'édifice. Cette particularité est un indice qu'il a respecté ce que ses prédé- cesseurs avaient fait pour le service de la circulation.

Il y a encore un témoignage d'antiquité

Crètïes et ses antiquités c!)réttennes.

463

à invoquer en faveur de ce sous-sol, c'est celui du tombeau que M. Brocard a décou- vert à l'extrémité orientale du chevet et qui est demeuré accolé à la section circulaire. Cette place est celle qu'on attribuait aux sculptures vénérées dans les premiers siècles du christianisme ; elle fut conservée à cette destination jusqu'aux invasions normandes, mais après, elle est réservée aux autels d'une façon courante. Quand on trouve un tombeau dans une position aussi respectable, on doit croire qu'il a été l'objet d'un culte persistant dont on ne voulait pas arrêter le cours par un déplacement témé- raire. Il attirait à certains jours, une afifluence de pèlerins qui paraît attestée par certaines marques demeurées visibles sur les fûts de colonnes. L'architecte a constaté

la présence de mortaises échancrées et placées symétriquement qui annoncent l'intention de poser des barrières pour iso 1er certaines parties du souterrain et diri- ger la circulation de la foule.

Comment la dévotion aux saints Jumeaux s'est-elle affaiblie ? Nous l'ignorons. Le diocèse de Langres attend encore d'un his- torien la révélation des circonstances qui ont amené l'abandon et le remblaiement de la crypte ses premiers martyrs manifes- tèrent leur puissance surnaturelle.

Ici se termine la revue des confessions établies dans la province de Lyon en l'hon- neur des premiers martyrs et des confes- seurs. Dans l'article suivant, nous entrerons dans l'étude des monuments du même genre bâtis dans la province de Trêves.

Trèïjes et ses aiitîquttés cl)retiennes.

Ha basilique De Samt=^ean=Baptiste ou De Saint=ffiatt)ias f)ors les ffiurs

, REVES, sur les bords de la Moselle, non loin de cette vallée du Rhin qui fut longtemps la barrière creusée par la Nature pour arrêter le flot de nos envahis- seurs, a été nommée avec raison la Rome du jVord ; eWe mérite deux fois ce titre dans l'histoire du IV" siècle surtout, époque elle fut le siès^e de la Préfecture des Gaules, les empereurs Constantin le Grand, Con- stance et leurs successeurs se plaisaient à y résider dans un palais dont les ruines imposantes sont toujours debout, et son évêché était occupé par des pontifes comme

Maximin et Paulin dont le nom n'a pas pâli (").Ene complète sa ressemblance avec la Rome du Sud par une liste de martyrs qui se rattachent à l'histoire de la Légion thé- baine, et elle nous montre une chrétienté si florissante au III" siècle, que la per- sécution de Dioclétien allait frapper jus- que dans les rangs des principaux magis- trats de la cité.

L'influence de Constantin le Grand a pu contribuer à développer le rayonnement re- ligieux de Trêves, comme métropole chré- tienne, mais elle a trouvé un champ d'action très bien ensemencé par les prédécesseurs du pontife Agrecius. Eîicharms, qui ouvre la liste des évêques de l'église de Trêves.

I. Plusieurs auteurs ont écrit l'histoire de Trêves. Les principaux sont ; Brower, Anliquilales et annales Tre- viremes, Leodi, 1670. Hontheim, Historia Trevirensis, Augustae Vindelicorum, 1750- Ciouet, Histoire ecclés. de lapiovince de Trêves, Verdun, 1844.

464

3Rebue De T^rr cl)rctien.

porte un nom grec comme Pothin de Lyon, Andoche d'Autun, Méleusippe de Langres; il peut donc être regardé comme un des membres de ce collège d'apôtres qui vint d'Orient s'établir à Lyon pour y travailler à l'évangélisation de la Gaule. Euchaire n'était pas le seul Grec mêlé à la colonie romaine, il avait des compatriotes aisés, dont les noms étaient gravés sur des mar- bres funéraires qu'on lisait dans les cime- tières de la ville. Ces épitaphes grecques, an- térieures au V^ siècle.étaient encore si nom- breuses au XVP siècle, qu'elles frappaient l'attention des étrangers qui visitaient les cimetières de Trêves. Conrad Celtes en parle ainsi dans ses vers: Sepulchra grtEcis vidi epitaph Us ( ' ) .

Trêves devint bientôt une colonie abso- lument romaine lorsque la cour impériale y vint faire séjour même temporairement avec son cortège de magistrats et d'officiers de l'armée, et cette invasion d'étrangers in- troduisit en même temps dans ses murs un bon nombre de partisans du culte chrétien qui venaient detoutes les parties de la Gaule lut demander la lumière de ses apôtres. A leur mort.les corps de tous les convertis à la doctrine de l'Evangile étaient portés aux alentours de l'une des trois basiliques de Saint-Euchaire,de Saint-Maximin et de Saint- Paulin et leur sépulture était marquée par des épitaphes le plus souvent gravées sur marbre blanc qu'on a peu à peu retrouvées dans les fouilles de l'église et au cimetière environnant. Le compilateur des inscrip- tions chrétiennes de la Gaule a recueilli près de cent épitaphes dans cette seule cité et il a constaté qu'elles sont antérieures à la fin du V*= siècle: c'est la série la plus considérable qu'on ait rencontrée en Gaule ('').

1. Le B,\a.n\.,/nscriplions chrétiennes de la Gauie, tome I, 327-

2. Le Blant, Nouveau recueil des inscriptions c/trctiennes de la Gaule ant. au VIII' siècle. Lire la préface.

Cette belle efiflorescence de civilisation chrétienne fut interrompue tout à coup par les invasions des Barbares qui commencè- rent, en 464, par la prise de la ville et jetè- rent le désarroi dans le troupeau des fidèles comme dans le personnel du clergé. On cite un évêque, Jamlichus, exilé de son siège, qui alla mourir jusque dans la Viennoise ('). Le paganisme reprit une partie de sa vogue et le trouble se prolongea si longtemps que le roi Thierry, après avoir occupé l'Auver- gne où les chrétientés étaient prospères, lui emprunta de nombreux clercs pour ser- vir dans l'Église de Trêves et combler les vides causés par la brutalité des Ger- mains ('). La résurrection fut rapide si nous en jugeons par ladescription des sanctuaires dont parle Grégoire de Tours. De son temps, les pontifes Euchaire, Maximin et Nizier avaient une grande influence et leurs tombeaux étaient visités par de nombreux pèlerins. Après chaque désastre, il se rencon- trait toujours un évêque zélé, comme Nizier ou Magnéric, qui s'empressait de relever les édifices incendiés. Le feu n'attaque pas toujours la solidité des maçonneries, il ne cause pas toujours la ruine complète des constructions, témoin la basilique constan- tinienne dont l'enceinte colossale est encore capable de servir de temple aux Protestants de Trêves, témoin la Porta Nigra, édifice romain demeuré presque intact, bien qu'il ait été approprié à diverses destinations, témoin la cathédrale dont la membrure in- térieure est faite des meilleures parties d'un palais impérial du IV*" siècle. Si les églises des martyrsetdes confesseurs qui nous occu- pent ont moins bien résisté aux épreuves du temps et des accidents, il faut cependant admettre que leurs soubassements, tout au moins, ont échappé à la ruine et servi de

1. Ibidem. V. la préface.

2. Grégoire de Tours, Vitae pairutn, VII, 2.

Crêtes et 0es antiquités cl)rfttennes.

465

base aux restaurations successives, autre- ment il serait difficile d'expliquer la survi- vance de toutes les reliques dont cette ville a toujours prétendu conserver le dépôt et dont l'authenticité est certifiée par de nom- breux chroniqueurs.

Peu de villes offrent autant d'exemplaires de cryptes que la métropole de Trêves, on en compte encore quatre, et par les histo- riens, nous avons la certitude qu'il en exis- tait une cinquième dans un sanctuaire con- sacré à la mémoire de saint Ouiriace ('). Celles qui subsistent sont celles de Saint- Maximin ('), de Saint-Mathias, de Saint- Paulin et celle de la cathédrale en spéci- fiant bien toutefois que cette dernière n'ap- partient pas à la catégorie des monuments que nous étudions. Il est très rare que les cathédrales soient élevées sur des iiiartyria, des confessions ou des metuoriae, puis- qu'elles sont à l'intérieur des cités et que les sépultures anciennes sont toujours reportées dans les faubourgs.

La cathédrale de Trêves n'a pas échappé à cette règle. Elle a été installée au V" siècle dans l'enceinte d'un palais romain, et quand elle fut reconstruite au VI^ siècle, par l'évê- que Nizier, l'addition d'une crypte ne fut pas adoptée, puisque le corps de ce pontife fut porté dans celle de l'église Saint-Maximin. Après les ravages des Normands, l'ar- chevêque Poppo entreprit la réédification et l'élargrissement du monument, et la con- ception de la crypte qu'il plaça sous le chœur ne peut avoir été inspirée que par l'ambition de rivaliser avec les plus vieux sanctuaires de lacité.ceuxde Saint-Mathias, de Saint-Maximin et de Saint-Paulin, ou

1. ActaSS., VII Maii mensis 20-26.

2. Je ne sais pourquoi on a hésité entre S. Jean-Bap- tiste et saint Jean-l'Évangéliste, ce dernier étant déjà honoré à .Saint-Maximin. Le cimetière de Saint-Mathias étant le plus ancien, c'est qu'était certainement le bap- tistère comme dans toutes les chrétientés.

par le légitime désir de protéger les reliques dispersées au dehors en les réunissant dans un dépôt central établi au cœur de la cité. Quelle que soit la pensée qui a présidé à la construction, il n'en est pas moins vrai qu'on ne peut lui assigner une date anté- rieure au XI^ siècle ; elle a pu être étudiée en 1898, lorsqu'on opéra le déblaiement des décombres qui remplissaient le sous-sol. Le plan relevé alors par l'architecte W.Schmitz représente un édifice à trois nefs coupées à l'Ouest par une autre nef transversale. Tous les piliers avaient disparu, sauf un, ce qui rendait la restitution plus difficile; cependant en examinant les naissances des voûtes restées en place, il parut évident que toutes ces nefs étaient couvertes de voûtes en berceau (').

La crypte qui conserve la marque la plus authentique de vénérabilité, bien qu'elle ait été remaniée, comme les autres, est celle qui se trouve placée sous le sanctuaire de l'église dédiée à Saint-Mathias, sont exposés deux énormes sarcophages de pierre calcaire sur le couvercle desquels on lit : S. Eucarius, S. Valerius, c'est-à-dire les noms des deux premiers évêques de la cité de Trêves (''). Comme la ligne de l'axe prin- cipal de la basilique tout entière passe entre les deux tombeaux, nous sommes fondés à croire qu'ils occupent la place primitive qui leur fut assignée, car il était d'usage de respecter les fondations religieuses, quand

1 . Rapport sur Us ti avuux à la cathédrale de Trêves, dans les années iSçy-i8çg. 4" Rapport annuel de la Com- mission provinciale pour la conservation des Monuments de la province rhénane.

2. Ces deux inscriptions se lisent sur la bande du cou- vercle. On ne peut admirer aucune décoration semblable à celles qu'on voit sur les sarcophages d'Arles. Nous n'avons pas de vie bien informée pour les premiers apô- tres de Trêves. Celle que publient les Boll. au 29 janvier les représente comme des missionnaires envoyés par S. Pierre.

Valerius et Maternus seraient l'un diacre et l'autre sous- diacre d'Eucher.

466

î^ebuc tie r^rr cbrétiea.

on les relevait, ou quand on les agrandis- sait. Le point de départ n'était pas chose indifférente comme aujourd'iaui, il repré- sentait une pensée pieuse qu'on s'efforçait de perpétuer. Quand l'édifice supérieur s'écroulait sous les coups du marteau des Barbares ou des atteintes de l'incendie, les ruines recouvraient la crypte quand elle n'avait pas été d'avance remblayée ou ob- struée pour détourner l'attention des pil- lards, et, le jour du relèvement, l'architecte retrouvait là.dans le sous-sol, la pensée mère de la construction ('). Telle a été pour moi la destinée de cette confession des SS. -Eu- chaire et Valérien ; elle a servi de guide dans toutes les réfections exécutées. Ce qui me frappe autant que la situation des tombeaux par rapport à l'axe de l'édifice, c'est la disposition de l'autel de la crypte. Trêves offre peut-être le seul exemple d'un autel encore adossé à la tête de sarcopha- ges, comme on le faisait dans la primitive église: ailleurs on s'est empressé de repous- ser les tombeaux le long des murs latéraux et de mettre l'autel contre le fond du che- vet.

Pour se rendre compte de l'aspect de cette confession, il est essentiel de rétablir par l'imagination la clôture qui existait dans le principe contre les pieds des sarcopha- ges; ici, comme dans les autres confessions, les sarcophages touchaient le chevet de la crypte. Le mur est tombé lorsqu'on a jugé à propos d'allonger le sous-sol. Il est évident qu'il y a deux monuments souterrains acco- lés l'un à l'autre, comme il y a deux styles différents dans l'architecture, mais il est

I. L'autel de la crypte fut consacré au XII" siècle par l'évêque de Genève H:ir(wicus « in linnorc SS. Apostolo- runi Pétri et Pauli et omnium apostolorum 5>. Il y mit des reliques des SS. André, Barthélémy, Malhias, Euchaire, Valère, Materne, Agrèce, des martyrs de la léi^ion tlié- baine et des onze mille vierges. {Mon. Germ. Iiisl., XV, 1279.)

croyable que par leurs fondations, ils sont contemporains, autrement il aurait été diffi- cile de les souder l'un à l'autre aussi exac- tement qu'ils le sont.

Voici comment j'expliquerai ce singulier rapprochement: on aimait autrefois les ac- cumulations de sanctuaires sur un même

Crypte de Saint Evichair»e

en l'èghae de Saini Mathias a Theves

EST

A Profil d'une ccJanoe C Crypu dii MI' sieclt

B Autel ' I Tomheata de sx Ettâasre eC Vajerien

fchtllc (te ^poi par mètre. Brajtd arcli. tiet.

point, comme pour composer un cortège au principal patron. Dans l'enceinte du monastère de S. Mathias, on avait érigé une église à saint Materne, une autre sous l'in- vocation des saints Ouirin et Quintin, une quatrième à Notre-Dame ('). L'une de ces églises était peut-être accolée au chevet au-dessus de la crypte sans nom

I. Gallia cliristiana, Provincia Trevirensis.

Crèt)e0 et ses antiquités cl)rétiennes«

467

dont nous parlons, par exemple, celle de saint Materne, quatrième évêque du siège, auquel on attribue un rôle très important dans les légendes parce qu'il a déployé un grand zèle dans la conversion des païens ('). La partie occidentale, celle qui s'étend devant l'autel souterrain, est évidemment la plus ancienne ; elle est partagée en trois nefs séparées, à gauche et à droite, par une rangée de quatre colonnes de prove- nances différentes. Elles n'ont pas le même module et elles ne sont pas toutes de la

même pierre; quelques fûts sont en marbre. Au lieu du chapiteau, ils supportent des tablettes successives sur lesquelles retom- bent les arêtes des voûtes. Les bases sont classiques comme les sommets: ce sont des tores et des gorges reposant sur un dé. Ce ne sont pas les caractères d'une œuvre des temps barbares, il y a trop de perfec- tion de travail dans les voûtes et dans leurs supports pour que nous cherchions sa date dans les temps antérieurs à l'an mille. D'ailleurs, nous devons tenir compte du

Crypte de Saint Euchaire enl église S'Mathias Cote Ouest

récit des historiens et des conséquences inévitables des assauts qu'a subis la ville de Trêves.

Les deux pontifes Euchaire et Valérien reposèrent d'abord dans un édifice modeste que les historiens appellent cella, oratoire étroit qui disparut pendant les invasions du V^ siècle ('). Ce premier dépôt devait

1. On a été jusqu'à en faire un des 72 disciples de N.-S. Jésus-Christ, absurdité qui a été parfaitement réfutée par Jean de Hontheim, Histoire diplomatique de Trêves 1750, et par les Bollandistes Acta Sanctorum, mensis Sept. lv,374.FJi/a S. Materni.On y lira une longue disser- tation sur les origines apostoliques du diocèse de Trêves

2. L'auteur de la vie de saint Valérion dit qu'il fut in- humé dans le même sarcophage que S. Euchaire « in

avoir quelque ressemblance avec les hypo- gées qui subsistent toujours dans le cimetière de Saint-Mathias et qui sont si intéressants à observer quand on étudie les sépultures antiques. Ces caveaux rectangulaires, voûtés en berceau et taillés dans le rocher,sont con- struits en moeIlons;ils sont desservis par un escalier et aérés par une petite cheminée. Les sarcophages y sont placés tantôt dans les parois, c'est-à-dire emmurés.tantôt isolés au milieu du sous-sol, parfois dans les deux

eodem sarcophago divinis laudibus condiderunt > Acta sanctorum, mense januario, tome II, p. 921. Pourtant le sarcophage qui porte son nom a un aspect très antique comme celui d'Euchaire.

468

î^eliuc De r^rt ci)vctien.

situations en même temps pour occuper toute la place disponible (').

Je remarque un arrangement semblable dans la partie occidentale de la crypte de nos deux saints personnages, c'est-à-dire que les parois, au lieu detre en maçonnerie régulièrement continuée d'un bout à l'autre,

sont entamées par des excavations dans les- quelles on a inséré de grands sarcophages rectangulaires, certainement antérieurs à la période mérovingienne. Comment a-t-on été amené à annexer cette seconde crypte à la première si elle n'a pas été consacrée par la présence de précieuses sépultures

Crypte de saint Euchaire en l'église Saiut-Mathias (côté Est).

dignes d'être rapprochées des premiers pon- tifes ?

La question serait insoluble si nous n'avions que l'architecture pour nous éclairer, car nous sommes en présence ici de voûtes et de supports du XVI^ siècle, qui détonnent auprès de l'aspect des sar-

I. Voir la notice du D' Hettner sur ces hypogées dans Berichie dey provinzial Kommissionfiir die Denkmal- pflege in der Rheinprovinz, 1902. Bonn, von Cari. Georgi, In-S» br.

cophages. La crypte des SS. Euchaire et Valérien mesurait 15'", 65 de longueur sur 7'T',30 de largeur ; vers 1500, elle fut portée à 33"\i7 sur 7'",82 (■). On se tromperait assurément si on prenait cette date comme absolue ; antérieurement, il existait un hypogée chrétien en cet endroit, il fut dé-

r. Diel, Berichie von S. Mathias bei Trier, p. 22. L'abbé Antonius Leivven serait l'auteur de cette trans- formation. 1496-1510.

Crè\3es et ses antîiiiutéô cl)rétiennes;.

469

couvert sans doute pendant qu'on pratiquait des fouilles pour l'allongement du chœur et on décida qu'il serait approprié conve- nablement pour servir de prolongement au soubassement du chevet. Par certains in- dices on fut peut-être conduit à penser que les deux hypogées étaient en com- munication dans le principe et servaient aux inhumations des pontifes de l'église de Trêves ('). C'est évidemment que l'évêque S. Cyrille en 458, bâtit le mo- nastère de Saint-Jean-Baptiste, où, dit- on, il fit transporter les restes de saint Euchaire et ceux de ses successeurs, à peu de distance de la cella primitive ('). Il est remarquable que les deux cryptes ont un seul et même axe central, c'est pourquoi nous supposons que leur plan a été tracé dans le même temps, car il n'y a pas d'exemple que les générations du XV'^ et du XV [e siècle se soient jamais préoccupées d'installer des tombeaux dans des conditions aussi archaïques.

On a la certitude que les reliques des trésors de Trêves n'ont pas voyagé comme tant d'autres, on s'est borné à les enfouir et à murer les portes des cryptes lorsque re- tentirent les premiers bruits des invasions normandes ('). Elles ne furent exposées de nouveau à la vénération publique qu'en 1053, sous l'épiscopat d'Evrard, qui fit la cérémonie de leur translation (^), ce qui veut dire qu'après avoir déblayé les alentours des sarcophages de tous les décombres qui les dissimulaient aux yeux, il en fitl'ouver-

1. Une note de la vie de S. Valérien ajoutée par les Bollandistes laisse entendre qu'il y en avait au moins 17 et qu'ils y étaient honorés avec un grand respect. (Janvier, tome 2, p. 921.)

2. Dom Calmet, Hist. de Lorraine, I, 144.

3. < Corpus quoque S. Eucharii et reliquorum ibi se- pultorum altius terrœ infoderunt, idem fecerunt de aliis circa urbem sepultis >> (anno 864, Hisloria Trevirensis, Dom Calmet, t. IV, co'. iS )

4. Dom Calmet, Ibidem, t. I, p. 11 28.

ture pour en exalter le contenu sur les autels de l'édifice supérieur. C'est à ce mo- ment que le corps de S. Valérien fut mis à la disposition de l'empereur Henri 111 qui le demandait.

Il y a lieu de croire que l'invention des reliques concorde, ici comme ailleurs, avec des travaux de reconstruction du chœur, hypothèse qui est très admissible quand on considère l'ensemble du monument. L'ab- baye de Saint-Mathias ou de Saint-Jean était, comme les autres, en dehors de l'en- ceinte, par conséquent très exposée aux coups des envahisseurs; il n'est donc pas surprenant que les religieux, une fois réin- tégrés dans leur abbaye, aient entrepris une basilique conforme aux aspirations des générations du XI^ siècle et suivant les règles de l'art nouveau. Par ce qui s'est passé à Saint- Maximin en plein X^ siècle, nous savons que les ouvriers habiles ne manquaient pas à Trêves, malheureuse- ment il fallait compter, ici comme ailleurs, avec les échecs et les risques de tous genres. Après avoir remis le monastère en état de refleurir de nouveau, de 1097 à 11 10, les religieux eurent la douleur de voir leurs efforts anéantis par un grave incendie en 1148. Cette fois, la crypte fut reconstruite pour ne plus disparaître, elle reçut du pape Eugène 1 1 1 une consécration qui lui a porté bonheur, car elle est encore debout sous nos yeux et nous montre ce qu'on savait faire à Trêves au XI I^ siècle.

Les escaliers seuls ont été modifiés pour répondre à de nouveaux besoins. La dou- ble descente ouverte dans le déambulatoire ne peut être considérée comme la plus an- cienne, elle aboutit juste sur les côtés de l'autel et non en face, par conséquent elle est dans une situation anormale. Cette com- binaison fut imaginée au XVI^ siècle, lors de l'allongement du chevet. La logique et

XEVUB US LAKT CHRÉTIEN. X904. 5'"® LIVRAISON.

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îRellue tie T^rt cl)rétten.

les exemples nombreux qui se présentent ailleurs nous obligent à chercher du côté de l'Ouest, et à supposer que les escaliers du XII' siècle et des temps antérieurs s'ap- puyaient sur le mur occidental nous apercevons des traces d'ouverture.

De même que la basilique de Notre- Dame-aux-Martyrs quitta son vieux voca- blepour prendre celui de Saint-Paulin après les travaux de reconstruction du XP siècle et la découverte de ses reliques ; ainsi la vieille abbaye de Saint-Jean-Baptiste aurait prendre le vocable de Saint-Euchaire, premier évêque de Trêves, dont elle gar- dait le corps ('). Le nom qui l'emporta au XI° siècle pendant la période des recon- structions et des inventions de reliques fut celui de Mathias, nom d'un apôtre bien connu {-). L'installation de ce nouveau culte devrait concorder avec l'invention d'un sarcophage enfoui comme les autres sous les décombres et sur lequel on lisait Ma- thias (').

La Gallia Ckristiana prend comme point de départ la date de 1127, mais c'est une erreur, car, dès le X*" siècle, on en parlait à Trêves (''). Le moine Théodoric, mort en 996, raconte dans une de ses homélies que l'importation du corps de saint Mathias remontait au temps de sainte Hélène, la mère de Constantin, qui l'avait demandé au patriarche d'Antioche pour l'offrir à l'évêque Agrecius.

Je suis surpris cependant de ne pas rencontrer le nom de Mathias dans les dis- tributions de reliques et les consécrations d'autel faites si fréquemment à Trêves, au X'^et au XI'' siècle, je ne le vois appa-

\. D'après le moine Lambert, les reliques de S Eu- chaire auraient dté perdues dans l'incendie de 1131. {Acta inv. rel. S. Mathia, Acta SS. Februarii III.)

2. Acta inventionis S. A/a//iiae {Acla. SS. Februarii III,

455).

3. D'après certains auteurs, on trouva les reliques de saint Mathias sous l'autel de S. Jean-Baptiste.

4. Recueil man. conservé à la Bibl. au grand sémi- naire de Trêves.

raître que dans la consécration de l'autel majeur de la basilique placée sous son in- vocation, qui eut lieu par les mains du pape Eugène III, assisté de l'archevêque Albé- ron, en 11 48 (').

Grâce au séjour de Constantin à Trêves, les églises de cette ville ont pu se procurer un grand nombre de reliques tirées de l'Orient, l'origine de leurs trésors n'est pas moins antique, il ne s'ensuit pas que le corps de saint Mathias tout entier ait été déplacé. 11 n'est pas admissible qu'un apôtre soit arrivé à Trêves au IV" siècle sans prendre le premier rang, sans effacer tous les autres cultes ; or nous savons de source certaine qu'au VP siècle, Euchaire, Maxi- min et Nizier, trois évêques de la cité, étaient les protecteurs réels de Trêves, sui- vant le témoignage de Grégoire de Tours. Si l'invocation de Mathias l'a emporté sur les trois autres, c'est une innovation posté- rieure au X" siècle dont la responsabilité appartient peut-être tout entière au moine Théodoric cité plus haut ('). La légende qu'il a recueillie sans doute dans le peuple s'est propagée d'autant mieux que le clergé exposa derrière le maître-autel un sarco- phage somptueux auquel il appliqua son invocation en le plaçant assez haut pour qu'on puisse passer dessous, suivant la cou- tume. Encore aujourd'hui, saint Mathias jouit du même crédit et occupe au chœur de l'église la place d'honneur sur des piliers de marbre sous lesquels les pèlerins passent sans se baisser {^). ^ Maître.

1. Altare quod est in medio monasterio ad tumbam heali Matliie apostoli consccravit idem dictus Eugenius et Albero archiepiscopus Trevirensis m honore Ste Crucis et SS. apostolorum Mathie etjacobi fiatris Domini. » (Pertz. Mon. Genii. //islon'a, XV, 1278.)

2. Lambert, religieux de l'abbaye qui propagea la lé- gende au XI P siècle en écrivant le récit des translations du corps de saint Mathias ne cite pas la source de ses informations et paraît trop ami du merveilleux {Ac/a invcntionis, S. M., Ibidem.)

3. Voir la planche publiée dans notre première livrai- son {Revue de PArt c-/i>-i.'tieii, janvier 1902.)

IH.VIII

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î^***^**^^**?i********^ A Revue de l'Art chrétien s'occupe avec prédilec-

tion de l'art ancien, de son histoire, de ses mo- numents, des chefs- d'œuvre qu'elle aime de proposer à l'imitation des artistes contemporains. Elle se plaît aussi, à l'occasion, à présenter à ses lecteurs les œuvres de ces derniers, surtout celles qui s'inspirent des meilleures traditions médiévales.

Parmi les ouvrages de style religieux oii l'esprit des siècles chrétiens continue de prévaloir comme sur son terrain propre, on peut citer les vitraux. Le vitrail est une conception bien propre au moyen âge ; il est un non sens, il ne dit rien, s'il n'est con- çu dans le sentiment décoratif et religieux qui est propre aux maîtres chrétiens.

On a dit bien souvent que les secrets techniques des anciens verriers sont perdus; il n'en est rien ; c'est leur esprit et leurs sentiments artistiques qui ont disparu. Pas partout cependant ; en France, l'École de Didron a produit de belles œuvres de vitre- rie, l'Angleterre a eu d'excellents verriers de nos jours. M. Ch. Lagasse de Locht, président de la Commission royale des monianents, n'a pas craint de proclamer récemment que les peintres verriers belges sont les meilleurs du continent. C'est en Belgique surtout que l'art des vitraux co- lorés a repris depuis longtemps les meil- leures traditions sous l'influence du baron Bethune. M. Verhaegen a naguère exposé les principes de cet art dans la Revue de l'Art chrétien ('). Il l'a fait avec d'autant

1. V. Revue de tArt chrétien, année iS86, p. 297.

plus d'autorité, qu'il était devenu le succes- seur du grand maître belge, dont il avait repris les ateliers. II les a légués depuis à M. Jos. Casier, dont nous avons souvent signalé les œuvres. Monsieur Casier a des émules très distingués, notamment MM. Ladon et Osterrath, dont nous espérons avoir aussi l'occasion de faire connaître les œuvres si méritantes.

Nous reproduisons aujourd'hui un frag- ment d'un des vitraux offerts par M. Casier à l'abbaye de Maredsous et posés dans deux petites fenêtres latérales de la cha- pelle située dans le cloître (au rez-de- chaussée) en face de l'entrée d'honneur. Chaque verrière offre deux médaillons lé- gendaires se détachant sur une décoration polychrome, encadrée d'une vigoureuse bor- dure. La chapelle sera dédiée au Christ, roi de la paix. Les quatre médaillons repré- sentent :

a) Anges chantant : Pax hominibus bonœ voluntatis.

b) Sermon sur la moniagx\ç.:Bcati pacijici. rj Apparition de Jésus-Christ aux apôtres:

Pax vobis.

d) Saint Benoît donnant la règle â ses moines et disant : Inquire pacevi.

Le médaillon que nous reproduisons re- présente le Sermon sur la montagne. La composition est conçue dans le style du XI II<^ siècle qui est celui du beau monastère élevé par le baron Bethune. Mais la partie historiée se présente sous un aspect inat- tendu, et constitue une innovation, que nous aimons à considérer comme exceptionnelle.

Le dessin du médaillon a la noblesse, la pureté de trait, l'allure idéalisée qui carac- térise l'art du XI Ils siècle; mais il présente

la coloration en grisaille rehaussée des larges tons jaunes de chlorure d'argent, qui a prévalu au XIV^ et au XV^ siècle. Tandis qu'il y a unité de style dans le dessin entre le sujet à personnages et la bordure, il y a une opposition et une sorte d'anachronisme dans le coloris.

L'artiste a eu des raisons pour en agir ain- si. La chapelleàdécorer,ornée de mosaïquesi est éclairée de manière faible par deux pe- tites fenêtres ombragées par des contreforts voisins. Les médaillons clairs qui se dé-

tachent sur le fond très soutenu, donnent la lumière désirée, et font, à courte distance, un effet satisfaisant. Dans un grand édifice, il produirait certainement un effet de rayon- nement nuisible à l'harmonie de l'ensemble du vitrail.

Nous sommes en présence d'une concep- tion un peu hardie, qu'on ne pourra appré- cier définitivement que sur place, mais qui constitue un essai des plus intéressants.

L. C.

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E tous les arts décoratifs de la période gothique, c'est assurément la pein- ture murale et la poly- chromie de la statuaire U qui sont le moins com- ^y^i-ym^ pris et dont, en général, l'étude est la plus délaissée. Pour certains esprits, cette peinture n'a existé que par exception. Loin d'y voir le dernier et néces- saire complément de l'architecture, ils ne veulent y voir qu'un manque de goût, un reste de la barbarie du moyen âge, dont les quelques vestiges, encore visibles dans les monuments de cette époque, ne valent guère les peines d'être examinés. Lorsqu'un artiste ou archéologue se livre à cette étude, il faut surtout l'empêcher d'en faire l'appli- cation aux édifices de la même époque ou de même style. On ne saurait trop l'ac- cabler, s'il se permet de couvrir de peinture « la belle pierre, le beau bois de chêne, les belles briques, voir le bel enduit ». Il n'est pas rare d'entendre alors des tirades plus ou moins éloquentes sur la simplicité, sur le naturel et la vérité des matériaux em- ployés dans la construction. Des hommes qui, apparemment, trouveraient très déplai- sant d'habiter des locaux la pierre et la brique seraient visibles et à l'état de nature aux parois, et qui, dans une salle de théâtre, voire dans un restaurant, regarderaient comme haute inconvenance une telle nudité des murs, admettent parfaitement cette incongruité dans les églises et les sanc- tuaires.

Mais ils disent que les essais de rétablir dans le style du moyen âge la peinture murale des églises ont été malheureux !

Que des essais fâcheux aient été tentés, cela est certain, faute d'études suffisantes, par- fois faute de talent, et même parfois sans ressources pécuniaires, cela est incon- testable. Mais il n'est pas moins certain que ce sont souvent les hommes les plus ignorants, les moins initiés à la décoration picturale des édifices du moyen âge, qui élèvent les critiques les plus acerbes et des jugements, qui ne sont basés que sur leur goût personnel. Ils jugent de la peinture décorative des édifices gothiques, comme au XVI 11^ siècle on jugeait leur construc- tion, leur statuaire et leur décor plastique. En réalité, ils n'ont pas la science et l'intel- ligence d'un art dont ils ne connaissent ni les principes ni les règles et dont pourtant ils prétendent s'ériger en juges.

Au XVI IL siècle, et même au siècle précédent, on n'admettait pas les vitraux de couleur dans les baies des fenêtres, puisque dans beaucoup d'églises on les a fait dis- paraître alors. Aujourd'hui les vitraux sont de nouveau en faveur, et c'est un progrès. Il s'en faut assurément que toutes les ver- rières peintes soient de main de maître, et même que la plupart des peintres-verriers employent de bons matériaux et se confor- ment aux principes des grands maîtres du XIILet du XIV" siècle. Mais on admet très couramment les mauvais vitraux mo- dernes, et même on les admet, parce qu'ils sont mauvais, c'est-à-dire, parce qu'ils ne correspondent en rien à la gravité du style, à la puissante coloration et aux irrégularités du verre qui existaient dans les œuvres des maîtres au moyen âge. Or, accepter la coloration aux parois translucides d'un édi- fice, et vouloir la bannir aux parois solides

474

^tWt lie r^rt chrétien.

et opaques, c'est assurément un manque de logique, un défaut de sens esthétique que l'on rencontre trop souvent dans les adver- saires du décor pictural dans les édifices.

Que le sentiment de l'harmonie dans la coloration ait été différent au XI 11^ et au XI V^ siècle du sentiment de notre époque habituée aux nuances faibles, neutres, gri- ses et même ternes, cela semble hors de doute. Mais les peintres décorateurs de la période gothique avaient-ils tort et nos esthètes ont-ils raison ? C'est une question qui mérite d'être examinée. ^ priori, je crois que les hommes qui ont construit les monuments qui aujourd'hui s'imposent à l'admiration du monde civilisé, en compre- naient aussi le mieux le système de déco- ration. Si nous ne le comprenons plus, il importe au moins de l'étudier sérieusement avant de le condamner.

Peut-être convient-il de commencer cette étude par les décorations les plus simples, que nous a léguées le moyen âge, les moins coûteuses, celles dont les éléments peuvent se reproduire sans grand talent, même par des artisans guidés par un artiste assez initié au style adopté dans le monument, pour y adapter le décor dans toute sa sim- plicité, mais aussi dans toute sa sévérité. Un de nos collaborateurs, M. van Ruym- beke, nous offre à cet égard une étude faite sur l'une des églises de la Flandre Occi- dentale, l'église Sainte- Walburge à Furnes, que nous nous empressons de mettre sous les yeux des lecteurs de notre Revue.

Nous ajouterons que, dans la région de la Flandre, se trouve cette église, on cons- tate presque partout l'existence des restes de cette ancienne décoration picturale, plus ou moins riche, plus ou moins simple, sui- vant les ressources dont on disposait, mais toujours en harmonie avec le style de la construction. Mais ce qui a existé en Flan-

dre a existé dans presque toutes les régions de la chrétienté. Dans les Flandres on a été peut-être plus conservateur que dans d'autres contrées; mais partout, même pour les édifices dénués de ressources, on a toujours considéré la peinture décorative comme le complément nécessaire de l'ar- chitecture.

Il en était ainsi, même pour les églises et les sanctuaires des Ordres mendiants, auxquels, pour leurs temples comme pour tout le reste, la simplicité et la pauvreté étaient imposées par leurs fondateurs. Loin de voir dans la peinture une sorte de luxe, ces religieux, voués à la pauvreté parleurs vœux, n'y voyaient en réalité que l'expres- sion d'un sentiment de convenance. C'est ainsi que les Franciscains et les Domini- cains qui, dans la construction des églises et chapelles, devaient observer les règles d'une rigide simplicité, ne pas élever des clochers, se contenter généralement d'une seule nef, et éviter tout ce qui pouvait être regardé comme ornement de luxe, ne re- nonçaient nullement à orner leurs chapelles de peintures décoratives. Cela leur semblait imposé par la décence du lieu saint.

Nous trouvons, à cet égard, dans un livre qui vient de paraître et que M. G. Ro- hault de Fleury consacre à l'étude des cou- vents de saint Dominique au moyen âge, des renseignements très intéressants et qui rentrent trop bien dans notre sujet pour que nous ne les transcrivions pas ici.

« La peinture au moyen âge s'identifiait avec l'édifice auquel elle s'appliquait : elle le modifiait dans ses dimensions, dans son aspect, et semblait donner à la chrysalide les splendeurs du papillon. Elle s'associait à l'édifice, elle suivait même ses constructions. En Italie, les églises dominicaines, si sou- vent inachevées, étaient toujours peintes. A Florence, Ste-Marie Nouvelle était illus-

ila peinture î3écorattt)e au mopen âge.

475

trée par le orénie d'Orcagna, de Simone Memmi, de Taddeo Gaddi, de Ghirlandaio avant que la façade ne fût achevée ; à Milan, on peignait le réfectoire avant que les architectes aient mis la dernière main. En France, si nous ne pouvons citer de tels hommes, nous y avons reconnu la même intelligence de la peinture et les mêmes principes.

<l Rappelons Agen, ses deux nefs qui conservent leur vieux vêtement de pein- ture, nous y notons au soubassement une bande sombre, au-dessus jusqu'au sommet un fond bleu occupé par des appareils simulés en brun rouge, vaste espace coupé aussi par une litre qu'enrichissent des rin- ceaux jaunes et rouges. Dans les voûtes d'arêtes, les fonds blancs sillonnés de lignes d'appareils, sont encadrés de nervures à dessins variés avec rehauts noirs.

« Les Dominicains semblent souvent avoir adopté la décoration blanche; M. Ru- prich Robert nous l'a signalée à Dinant, avec des lignes d'appareil en ocre rouge, des croix de malte rouge et nervures for- tement accusées par des entrelacs rouges, verts t-t jaunes.

i M.Lauzun.dans sa remarquable explo- ration de Port-Ste-Marie, constate aussi des appareils en ocre rouge avec rondelles et lignes doubles sur fond blanc.

« Dans les ruines de Tarascon, la photo- graphie nous rappelle encore les denticules et lignes pointillées sur fond blanc.

< La peinture chez les Dominicains n'est pas seulement décorative, elle s'élève jus- qu'aux sujets religieux et à l'histoire. Le frère Grignier, 1341, évêque de Pamiers (Mém. de la Soc. arch. du Midi, 1886, XIV^^, 5 13) fit peindre magnifiquement la chapelle de St Antonin de Toulouse. On y voit, sur les voûtes des tableaux de l'A-

pocalypse, le Christ avec le livre scellé ; au-dessus de l'entrée, dans trois arcatures ogivales, S. Antonin, à droite S. Domi- nique, à gauche S. Pierre de Vérone avec une étoile au front : sur les parois verti- cales se déroulent les scènes naïves de S. Antonin. VioUet-le-Duc, dans la coupe de la chapelle, a finement reproduit ces sujets.

« La peinture ne s'appliquait pas seule- ment aux murailles : puissant auxiliaire de l'architecture, elle ne l'était pas moins de la sculpture. Lorsqu'une statue ne devait pas sa coloration aux marbres qui la com- posaient, elle se revêtait de peintures. Nous devons encore citer Poissy au premier rang. Deux statues magistrales, de S.Louis et de Marguerite de Provence, comme les gardiens royaux du sanctuaire, étaient sus- pendues aux piliers, au-dessus du jubé, dans leurs manteaux étincelants d'azur et de fleurs de lis d'or. Le chœur devait être entièrement peint ; on y voit dans Gai- crnière surgir des colonnes de l'église.rouge, verte, bleue, fleurdelisée. Au bord du tran- sept à gauche, les enfants de S. Louis avaient leurs statues richement colorées, dorées, leurs riches bliauts fleurdelisés d'or, qui se détachaient sur une tenture alternativement blanche et rouge avec fleu- rettes noires ; leurs chairs et cheveux étaient au naturel (■). »

En présence des informations historiques que nous possédons et des considérations auxquelles elles donnent lieu, on compren- dra l'importance d'études précises comme celle que nous offre M. van Ruymbeke sur l'église Ste-Walburge à Furnes. Nous l'avons reçue avec reconnaissance, et nous espérons que l'exemple de notre collabora-

I. Gallia Dominicana.Les couvents de St-Domhiique au moyen âge, par G. Rohault de Fleury, Paris, Lethielleux. V. les dernières pages du 2"'^ volume.

476

WitWt lie rSrt cbrétteu.

teur sera suivi par les études d'autres ar- chéologues, auxquelles nous accorderions volontiers une place dans cette Revue.

J. Helbig.

Jles ficintutcs Décoratitjcs De l'cgUse Dc Saintc^'WaltJurgc à Fumes.

L y a une trentaine d'années déjà que l'on a signalé en séance du Comité provincial des monu- ments de la Flandre Occidentale, et dans des publications périodiques l'exis- tence de peintures et de décorations mu- rales dans l'église de Sainte- Walburge à Furnes.

En 1889, l'honorable Gouverneur de la Flandre Occidentale, alors membre du Comité provincial, exprima le souhait que des recherches fussent faites pour retrouver, sous les couches de badigeon, les vestiges de polychromie décorative que l'on remar- quait dans toutes les parties de l'édifice.

Délégué à cet effet, j'ai suivi avec un vif intérêt les recherches et la levée des calques qui ont été exécutés par M. A. W'ybo, peintre décorateur, à Furnes.

Tout récemment j'ai été assez heureux de découvrir encore une partie de la déco- ration des arcatures qui entourent les bas- côtés du chœur.

Grâce aux éléments actuellement recueil- lis, il est possible de reconstituer presque tout le système décoratif de ce monument.

Voici en quoi consistent ces décorations.

Les voûtes sont uniformément recou- vertes d'une teinte verdâtre. Un appareil de maçonnerie de dimension moyenne y est simulé par deux filets blancs juxtaposés. Les arcs et nervures ont la couleur du mortier : ils sont divisés en longs claveaux séparés par un large filet. Chaque claveau.

qui empiète sur le plat des voûtes, porte un arc ogive, à deux redents, tracé en couleur rouge.

Ces arcs et ces nervures retombent sur un faisceau de légèrres colonnettes à cha-

Décoration de la voûte.

piteaux, qui descendent jusqu'aux colonnes, elles reposent sur des culs de lampe historiés. Le fond des chapiteaux et des culs de lampe est de couleur rouge, sur lequel les crochets et motifs sculptés se détachent en couleur jaune. Les colon-

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Litre sous les fenêtres du chœur.

nettes sont décorées de bandes diagonales jaunes et noires d'environ 12 centimètres de largeur. Le creux qu'elles forment en se rapprochant du mur est relevé par un large trait rouge.

Le plat des hauts murs de la nef centrale

îla peinture Detoratttje au tno)>en âge.

477

est de la couleur du mortier. Un appareil y est tracé au moyen de deux traits noirs. Immédiatement sous les fenêtres hautes du chœur règne une litre représentant, entre deu.K rubans de couleur verdâtre, des rin- ceaux tracés en noir sur fond de mortier et terminés par d'épais feuillages de couleur jaune, redessinés d'un trait noir.

Les gracieuses colonnettes du triforium sont recouvertes de couleur jaune avec bandes rouges en spirale d'environ 8 cen- timètres de largeur. Elles sont surmontées d'une plate bande portée sur encorbelle- ments en quart de cercle, dont les baguettes

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Arcades du chœur.

d'angle sont jaunes et les creux de couleur rouge.

Le mur de fond du triforium a la couleur du mortier avec rusticage en rouge brun redessiné intérieurement d'un filet noir.

Les arcades de la nef sont aussi divisées en claveaux de couleur rouge, terminés par un arc en plein ceintre, décoré à l'intérieur de trois perles. La ligne du claveau est elle-

même relevée d'un perlé du plus gracieux effet.

Les murs des bas-côtés du chœur sont décorés d'arcatures en maçonnerie recou- vertes d'un léger enduit de mortier. Les arcs en tiers-point sont relevés d'un filet rouge perlé. Ce filet se termine à la nais- sance des arcs par une crosse végétale. Une fleur de lys à deux tiges surmonte l'arcature.

Ces arcatures et presque toutes les mou- lures d'angle de l'église se composent de baguettes se détachant d'un creux.

Les fenêtres hautes du chœur sont mo- dernes, je n'ai pu y découvrir une trace quelconque de polychromie. Par contre douze des dix-neuf fenêtres des bas-côtés du chœur ont conservé leurs ébrasements anciens. Sous de nombreuses couches de badigeon, de gracieuses peintures décora- tives, formées d'enroulements végétaux, ont

Chapelle de Sainte-Walburge, anciennement chapelle de Sainte-Catherine ou de la paroisse

été découvertes. Ces rinceaux sont tracés à la main en couleur rouge sur fond de mortier.

l'y relève surtout la feuille de trèfle, d'é- rable, de maronnier et de lierre.

Sous les fenêtres des bas-côtés et des chapelles absidales règne un larmier dont la gorge est de couleur rouge et la baguette

478

ÎRebue De V^xt cbrétien.

jaune, soulignée d'un gros trait rouge et d'un second filet de même couleur.

Dans l'une des chapelles latérales du chœur on a retrouvé deux décorations murales armoriées.

Collatéral nord, entre la chapelle de Sainte- Walburge et celle du B. Idesbald.

La première a été reconstituée avec peine. Au centre de compartiments carrés, posés d'angle, et formés de deux filets blancs se voit un cartouche de couleur noire à quatre lobes sur lequel est peint un écu à

Chapelle du B. Idesbald, anciennement chapelle de SaintEloy.

trois croissants de sable. Le fond est unifor- mément rouge, comme celui de la seconde décoration. Cette dernière est plus riche et se compose aussi de compartiments posés

de la même façon, et agrémentés au point d'intersection de lignes de roses blanches. Au centre des compartiments se trouve l'écu des {/e Visch. Au-dessus de l'écu est tracé le mot Hfet ou Niei en lettres gothi-

CoUatéral nord, entre la chapelle de Saint-Éloy et celle de Notre-Dame.

ques : au-dessous, je crois reconnaître un chapelet et une navette de tisserand. C'est sans doute une devise en rébus que je n'ai pu déchiffrer.

Collatéral sud, entre la chapelle de Notre-Dame et celle de Saint-Pierre.

Comme on le voit, la décoration est à proprement parler architecturale. Chaque membre de l'architecture est accusé par la couleur. Les creux sont rouges, les baguettes

îla peinture îiécoratitie au mopen âge.

479

et les reliefs d'un jaune crème ou simple- | Toute cette polychromie est faite sur un ment de la couleur du mortier. Les claveaux enduit de mortier de très faible épaisseur,

recouvrant à peine la brique, et ne dissi-

sont nettement marqués, et nulle autre préoccupation ne semble avoir présidé au

Chapelle de Saint Pierre.

travail du décorateur que celle de faire valoir les lignes du monument.

Ce but a été atteint avec les moyens les plus simples : je n'ai relevé que l'emploi du rouge, correspondant à la nuance du rouge

Chapelle de la Sainte-Croix.

anglais du commerce, du jaune crème et du noir. Dans les voûtes et dans la litre du chœur, j'ai aussi constaté l'emploi d'une légère quantité de bleu pour donner au fond et aux rubans la couleur verdâtre.

mulant pas les inégalités de la construction.

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Oëcoratioii muraio daiib la chapelle de la Sainte-Croix.

Seuls les matériaux pierreux sont dépour- vus de tout enduit, et la peinture est direc- tement appliquée sur leur surface.

Décoration murale dans la chapelle de la Sainte-Croix.

Quel est l'auteur de cette décoration ? A quelle époque a-t elle été réalisée ?

Je l'ai crue tout d'abord de l'époque de la construction de l'église et de l'architecte

lui-même, qui n'aurait pas autrement fait valoir son œuvre.

Mais la lecture d'une notice sur la collé- giale de Ste-Walburge, publiée dans les Annales de la Société d' Émulation de Bruges, ne m'autorise pas à m'arrêter à cette hypothèse.

Se basant sur le livre des privilèges, des fondations et des appointements de la j collégiale, le chanoine van de Putte, auteur de la notice, expose que l'église romane construite au bourg de Furnes fit place à une église gothique dans le courant du XlIIe et du XI Ye siècle; que les fonde- ments du chœur furent jetés, probablement en une fois, et que vers le milieu du XIV^ siècle, après un vaste incendie, les cha- noines continuèrent les travaux au fur et à mesure que les ressources de leur caisse le permettaient, et qu'ils y ajoutèrent de 1481 à 1490 des chapelles absidales pour termi- ner ainsi le chœur et ses bas. côtés.

Rappelons que durant cette dernière période ce fut Jean van de Poêle qui était

l'architecte de l'église, car dès l'année 1481 il recevait du chapitre des gages annuels.

Je ne puis faire remonter la décoration à une époque plus reculée que celle des dernières constructions, car j'ai constaté que les fenêtres des chapelles du B. Ides- bald et de Saint-Pierre, qui datent de cette dernière époque, ont leurs ébrase- ments décorés d'après le système adopté dans tout le reste de l'église. Il ne m'a pas été possible de trouver une différence de style et de caractère dans les rinceaux des ébrasements des deux époques.

C'est à Jean van de Poele plutôt qu'à tout autre que l'on pourrait attribuer cette polychromie si rationnelle.

Aujourd'hui que les pouvoirs publics se sont unis pour poursuivre l'achèvement de la belle collégiale de Ste-Walburge, qu'il me soit permis d'exprimer le vœu de voir restituer à cet édifice sa remarquable déco, ration murale.

J. VAN RUVMBEKE.

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Ua Suisse pittoresque (')■

ONSIEUR Fatio a écrit sous ce titre, qui est un cri d'alarme : O/iî'rofis les yeux! un plaidoyer contre la « barbarie » moderne, qui détruit toute la poésie du site et du logis. C'est une éloquente page d'esthétique; elle révèle le sens des belles choses de la nature et de l'art rustique, et en explique le charme, qui est l'harmonie entre

le sol et la demeure. Pour comprendre ces choses il faut, avec l'auteur, renouer le lien entre nous et nos ancêtres.

Chaque région a sa poésie. En- Suisse, il y a la poésie des sommets, la poésie de la verte vallée de l'Aar, celle du pays rouge ou vallée du Rhin, celles de la région allemande et de la région ita- lienne, celle du pays bleu, c'est-à dire de la vallée du Rhône, et celle du Jura.

La première région, celle des sommets, com-

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3 J.S'vtAmoxA'

Chalet de la vallée de l'Aar,

mence avec le ciel, finissent les cultures. C'est la région sublime qu'a décrite Tôpffer. Elle a pour habitation le chalet rudimentaire, robuste et hospitalier, grossièrement taillé dans les troncs de mélèzes, couvert d'une toiture plate, tapi sous la neige épaisse, blotti au pied des rochers. Les murs sont faits de poutres horizontales, superposées et consolidées par des chevilles de cerisier; les joints

I. Ouvrons Us yeux / Voyage esthétique à travers la Sut ne, par G. Kalfo, dessins de C. Robida. Grand in-S" de i8p pp., édiiion de luxe, illustrée en couleurs. Genève, Atar. 1904.

creusés sont calfeutrés de mousse. De giosses pierres pèsent sur le toit pour empêcher le vent de le soulever. Le mobilier est primitif.

Les vallées abritées de l'Aar (pays de Berne) ou Pays vert, aux vastes et gras pâturages, vrais tapis d'émeraude, se distinguent par le spacieux chalet de l'Oberland et la ferme monumentale du Mittelland. Les habitations très vastes, abritées sous des toits aux larges saillies,ont autant de con- fort à l'intérieur que de charme au dehors. Le ton naturel du bois, largement travaillé, s'harmonise

482

WitWt tie rart chrétien»

avec les paysages des forêts. La façade est en largeur, le pignon surbaissé; des touches de pein- tures accentuent les lits de poutres sculptées, les consoles d'appui, les frises légères. L'ensemble est robuste et bien équilibré; les grandes lignes hori- zontales donnent la tranquillité; des découpures, des festons font l'effet de sourires. L'ossature révèle l'aménagement intérieur; en regardant ces chalets, on peut connaître les êtres qui l'habitent. Les volets polychromes sont à coulisses; dans les

Ferme du Mittelland.

est plus aigu dans la région pluvieuse des cantons de Lucerne et d'Unterwald.et des avant-toits, aux consoles ornées de pendentifs en fer de lance, pro- tègent les fenêtres de chaque étage. Les fenêtres, avec vitraux à rondelles, vont par trois ou quatre au rez-de-chaussée, par deux ou trois au premier étage, tandis qu'elles ne forment qu'un groupe au second ; des planchettes festonnées recouvrent les têtes de poutres. La grande salle (Wohn- stubej, éclairée de deux faces, entourée de bancs

à demeure, chauffée par un grand poêle en faïence, respire un confort modeste.

Dans le grand plateau du Mittelland, le Block- haus fait place au pan de bois à charpente verti- cale, avec remplage hourdé. Les proportions sont colossales et les façades moins ornées. Ces vastes fermes, vrais chefs-d'œuvre d'architecture cam- pagnarde, sont couvertes de toits immenses des- cendant très bas, agrémentés seulement de pi- geonniers. La façade est ornée d'un large balcon

montagnes, des prières naïves comme les sui- | i vantes sont inscrites sur les façades : 1

I Cette maison s'est mise dans la main de Dieu ; i

Dieu, protège-la du chagrin et de l'incendie, Du malheur et de l'inondation ; En un mot, conserve-la telle quelle.

Chaque affluent de l'Aar a sa variété, parmi ces chalets tous de même famille. Ceux de rOberland ont de vastes toitures peu inclinées dépassant les façades de plusieurs mètres. Le toit

^©élanges.

483

abrité sous le comble. Un plan incliné {\e pont de grange) accède au fenil, surmontant l'étable,

les bêtes, sur deux rangs, se regardant, sont accessibles de tète et de derrière.

J)"

Chalet au pays de Lucerno.

La maison de ville ofifre des arrangements du même esprit, et ses rangées de logis aux murs maçonnés (tels qu'on les voit à Thoune, à Berne

et à Morat), ont leurs types variés et apparentés ; des portiques abritent les trottoirs de la rue.

*

ORo^dA^

Une rue de Berne.

Si nous nous transportons sur le versant sud i sont plats, projetant de grandes ombres sur le

des Alpes, le Tessin offre un vif contraste avec le

crépi blanc des murailles. L'abandon de la

pays vert. Ici, c'est le Midi, le soleil. Les toits nature s'étend aux maisons, dont l'intérieur est

484

ISitWt lie rairt cbvétieu.

est négligé; de part et d'autre, le logis s'harmo- nise avec le climat. Les fenêtres sont béantes ; des portiques courent le long des maisons tas- sées les unes sur les autres. Partout la gracieuse négligence d'une vie tout au dehors, qui ne

demande à l'habitation qu'un peu d'ombre et de fraîcheur.

Revenons aux sommets, pour descendre la vallée du Rhin. Les chalets se compliquent d'in- fluences italiennes et autres. On réduit l'ouverture

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Chalet du canton des Grisons.

des baies, mais on les ébrase en entonnoir, avec décor et graffites; les volets sont à l'intérieur et glissent dan.s l'épaisseur des murs. La maçonne- rie prédomine sur la charpente. Dans les Grisons des fresques décorent les murs, rappelant l'Italie.

La saillie du toit et en même temps les galeries des chalets disparaissent. Les saillies maintenues portent sur des bras de force. Des grillages en ferronnerie protègent les fenêties.

Aux cantons de Glaris, de Saint-Gall et d'Ap-

i'- -.— \ ^.t'i^ " Ti

Maison en pans de bois du canton de Thurgovie.

penzell, s'abrite une population industrieuse, dans de vastes logis dispersés ; chaque colline forme un domaine. Les habitations offrent une uniformité d'apparence démocratique, et d'un grand confort. Les murs sont en pans de bois à croisillons,

1 1 .

Manoir Vaudois.

maçonnés et peints en blanc. Les toits, aigus et parfois infléchis, sont couverts en tavillons. Les dessins rectilignes remplacent les décorations sculptées.

Dans les cantons de Thurgovie et de Schaff-

£Pélangc0.

485

house, surtout vers Bâle, le terroir prend une cou- leur rouge, et la coloration chaude s'accentue dans les constructions en pierre rose. Les habitations se groupent en cités pittoresques, d'allure féodale; ce sont des châteaux, des maisons à tourelle et à eckers ornées de fresques, des auberges à enseignes décoratives, et si l'on rencontre des pans de bois, ils se superposent en encorbelle- ment, couverts d'emblèmes et d'inscriptions. Ici l'Allemagne a importé ses pignons à gradins. Les clochers et les tours sont souvent en batière. Nous venons maintenant au pays bleu, dans la vallée du Rhône. Les chalets du Valais subissent l'influence italienne; le rez-de-chaussée est en maçonnerie passée à la chaux; les étages supé- rieurs sont en mélèzes empilés; les motifs d'ar- chitecture italienne abondent; portique, loggia. A mesure qu'on descend le Rhône, le caractère de noblesse et d'ampleur s'accentue. Au bassin du lac Léman, aux ondes azurées, tout est de cou- leur bleutée; l'on respire la vie facile et désœu-

vrée. L'habitation est gaie; elle apparaît avant tout pratique, utilitaire. Dans le canton de Vaud, le pan de bois disparaît. De vastes toitures à la bernoise coiffent de solides constructions en moellons, aux fenêtres petites, irrégulièrement distribuées. Au pays de Genève, le comble de- vient moins important, mais se projette sur la façade; les murs latéraux sont aveugles.

Après cette étude attachante faite au point de vue géographique, M. l'^atio envisage l'art de la Suisse au point de vue chronologique; il dis- tingue cinq époques : l'époque religieuse (XI<= au XV« siècle); l'époque féodale (du XII« au XV^ siècle); l'époque de la Renaissance (XVI« et X V 1 siècle); l'époque française (XVIII'^ siècle) et l'époque banale (XIX'^ siècle naturellement) Nous ne le suivrons pas, devant nous limiter et voulant réserver à ses lecteurs tout le plaisir que leur procureront ces pages savoureuses.

L. Cloquet.

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Académie des Inscriptions et Belles- Lettres. Séance du juillet içof.. Fouilles à Délos. M. HomoUe communique une lettre de M. HoUeaux, directeur de l'École d'Athènes, sur les résultats des fouilles exécutées à Délos et dans les îles d'Ios, de Céos et d'Ithaque, grâce aux libéralités de M. le duc de Loubat, de M. Goekoop et du Gouvernement belge.

Séance du 5 août. Musique grecque. M. Paul Tannery expose les raisons qui peuvent faire douter de l'authenticité d'un opuscule attri- bué au géomètre Euclide, et que son titre pré- sente comme ayant pour objet la division ma- thématique de la règle (ou canon) servant à déterminer les longueurs des cordes de la lyre grecque.

Il montre que cette division, donnée dans les deux dernières proportions, renferme des contra- dictions techniques avec ce qui précède. Il en conclut que ces dernières propositions sont une addition à un texte plus ancien.

Des motifs tirés de l'histoire de la musique grecque ne permettent pas de faire remonter cette addition avant le temps d'Eratosthène.

Séance du ij août. M. L. Léger annonce que le consul de France à Philippopoli est autorisé à ouvrir des fouilles à l'emplacement d'Api llonie-du-Pont, près de Bourges.

M. Homolle présente, de la part de M. Le Fourneau, des aquarelles représentant neuf croix byzantines provenant de monastères de Thessalie. Les sujets de ces croix, qui sont en bois sculpté et enrichies de pierreries et d'émaux, sont empruntés à la vie du Christ et à celle de la Vierge. Des inscriptions indiquent le nom du donateur et de l'artiste et contiennent des malédictions contre ceux qui détourneraient ou détérioreraient la croix. Une seule porte une date, l'année 1610.

On lit un rapport de M. Naville sur les fouil- les exécutées à Dier-el-Bahari dans le grand temple de la reine Hatschapson, découvert par Mariette.

Séance du août. M. Cugnat entretient l'Académie du tracé primitif de la ville romaine de Thamugade en Algérie.

Séance du 26 août. M. Homolle commu- nique la lettre de M. Holleaux annonçant la découverte à Délos, dans une maison voisine du théâtre, d'une mosaïque, représentant Dionysos à cheval sur un tigre.

M.Clermont-Ganneaulit une note du marquis de Vogue sur une statuette de la déesse Isis envoyée par M. Maspero.

M. Homolle décrit la célèbre colonne d'Acan- the découverte à Delphes et s'occupe de la resti- tution qu'on a essayée de son couronnement.

Séance du ç septembre. Grotte à parois gravées. M. le docteur Capitan signale, au nom de MM. l'abbé Breuil, Ampoulange et en son propre nom, la découverte qu'ils viennent de faire d'une nouvelle grotte à parois gravées, la grotte de la Grèze aux environs des Eyzies, dans la vallée de la Beune (Dordogne) ; c'est la onzième grotte de ce genre qui soit connue et la septième appartenant à cette même vallée. Elle ne mesure que 7 mètres sur 6, avec une hauteur de 2 mètres à peine.

Fouilles de Tunisie. M. Gauckler, corres- pondant de l'Académie, expose les résultats de l'exploration du limes tripolitanus, qui se pour- suit par le service des antiquités et des arts de Tunisie, dont il est directeur, avec le concours des officiers des affaires indigènes. Il signale notamment la découverte par M. le lieutenant Péricaud, à quinze kilomètres du poste de Mat- mata, et dans la partie la plus sauvage du massif montagneux de ce nom, d'une ferme romaine fortifiée qui est le vestige le plus important rencontré jusqu'ici dans le Sud-Tunisien de la colonisation romaine, établie aux II<= et IIP siè- cles de notre ère, à la suite de l'occupation mili- taire.

Séance du 16 septembre. M. Jacquot com- munique divers clichés, pris par lui, de ruines intéressantes sises à Sedrata, banlieue de Ouargla, département d'Alger.Elles remontent à quatorze siècles et offrent de précieux spécimens de la civilisation berbère.

M. Baloni s'occupe des origines de la monnaie, à Athènes.

M.Gaukler fait connaître ses recherches sur la topographie de Carthage ; la Carthage romaine était tracée en damier comme les bastilles médié- vales.

Séance du 2j septembre. M. E. Babelon continue sa communication sur l'origine de la monnaie d'Athènes.

M. Philippe Berger communique une série d'inscriptions funéraires puniques trouvées par le P. Deiattre dans ses fouilles à Carthage.

Il communique, en même temps, la photogra- phie d'un sarcophage en marbre blanc peint.

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trouvé dans les mêmes fouilles au fond d'un puits de 17 mètres. Sur chacun des deux fron- tons se voit un sujet qui représente, sculptée en relief, la nymphe Scylla, les bras étendus. De ses reins s'élancent des chiens, suivant des tra- ditions antiques. Le P. Delattre avait déjà trouvé le même sujet, mais peint, sur un autre sarco- phage.

Ce qui donne un intérêt particulier à cette découverte, c'est que le même sujet se retrouve sur le mausolée néopunique d'Kl-Amrouni en Tripolitaine, que M. Berger avait communiqué en 1S95, à côté d'autres sujets mythologiques, tels que : Orphée charmant les animaux sauva- ges, Sisyphe et Ixion, Hercule enlevant Alceste des Enfers.

Il est intéressant de retrouver, dès l'époque punique, à Carthage, le mythe de Scylla que l'on ne connaissait, avant les découvertes du P. De- lattre, que sur des monuments de l'époque romaine.

38"= session de la Gilde de St-Thomas et St-Luc (■). Le point de ralliement était Florenville, gros village d'Ardennes, situé à 359 mètres d'altitude, à proximité de la frontière française, sur une colline baignée par la Semois, cette capricieuse petite rivière, qui trace son lit sinueux dans une des plus gracieuses vallées belges.

A cinq heures, la première séance plénière réunit tous les confrères dans une salle de Vffô- tel du Couimerce ; au bureau siègent le président baron Bethune, gouverneur de la Flandre occi- dentale, MM. le chanoine Delvigne et J. Helbig, vice-présidents, Chev. J.-B. de Ghellinck d'Else- ghem, secrétaire, P. Daniels, J. Van Ruymbeke, baron Jos. Bethune, Jos. Casier, conseillers ; sont présents à cette session notamment : MM. La- gasse de Locht, président de la Commission royale des monuments, chanoine Henry, doyen du cha- pitre de la cathédrale de Namur, C. Henry, chev. Soenens, abbé Maere, baron Ruzette, représen- tant, Léon Nève, E. Mortier, architecte provin- cial, J. Coomans, architecte de la ville d'Ypres, J. Huyghe, les frères Blanchaert, R. Roorns, E. Dumont, Wood, architecte à Londres, le frère Matthias, etc. f^).

L'assemblée écoute une très intéressante com- munication de M. Ed. Lagasse, ingénieur, au sujet du château de Bouillon ; son travail résume en

1. Nous résumons ici une série de lettres fort intéressantes en- voyées au Bien public de Gand, par M. Joseph Casier, un des membres les plus distingués de la Gilde, et le vaillant organisateur des excursions.

2. Le secrétaire de la Revue de V Art chrétien a également pris part à l'excursion.

quelques traits l'histoire de la forteresse et les diverses phases de ses transformations.

Le travail de M. Lagasse offrait d'autant plus d'intérêt que la journée du lendemain devait être consacrée à la visite de Bouillon ; pareille communication anticipant sur la visite des mo- numents rend celle-ci plus agréable et plus ins- tructive.

M. Casier présente ensuite un travail sur l'église de Mouzon, monument remarquable inspiré de la cathédrale de Laon et qui lui a été signalé par M. Lefèvre-Pontalis, président de la Société française d'archéologie.

L'exécution du programme comportait, outre le château de Bouillon et l'église de Mouzon, le château des Amerois, l'église Notre-Dame d'A- vioth, les ruines d'Orval et l'église Saint-Hubert.

Bouillon évoque le souvenir du chevaleresque Godefroid, le pieux chrétien appelé à ceindre la couronne royale de Jérusalem au terme de la première croisade. Avant son départ, il céda, en 1095, son duché à Otbert, évêque de Liège.

Les princes-évêquesse succédèrent au nombre de trente-sept à la tête du duché de Bouillon ; mais cette période fut marquée par les sanglants et longs démêlés avec la famille de la Marck, toute puissante dans cette contrée. Bouillon eut à soutenir de nombreux sièges au cours de ces querelles.

Sous Louis XIV, le duché échappa définitive- ment des mains des évêques de Liège pour entrer dans le domaine du roi de France.

Le Congrès de Vienne de 18 15 attribua le duché au grand-duc de Luxembourg, dépendant du royaume des Pays-Bas. Le gouvernement hollandais, voulant moderniser le vieux château, ordonna d'importantes démolitions; donjon, cha- pelle Saint-Jean, habitation du gouverneur dis- parurent. Et sans doute ne resterait-il plus rien de cette intéressante forteresse, si la révolution de 1830 n'avait arrêté l'œuvre dévastatrice.

L'Etat belge a heureusement compris que, malgré ses graves mutilations, le château de Bouillon commande le respect ; dans ses murs et autour du roc qui le porte, se sont écrites plu- sieurs pages importantes de l'histoire nationale; depuis plusieurs années le Gouvernement a pris soin des ruines ; la Commission des monuments a chargé l'un de ses correspondants, M. Lohest, architecte à Liège, d'une étude complète de la vieille forteresse.

La Revue de l'Art chrétien a publié jadis le travail de M. Lohest, avec des planches très dé-

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2^e\)ue ïie r^rt cbtétien.

veloppées ('). Il reste des questions à étudier ; M. Lohest voudrait entreprendre des fouilles pour chercher les solutions sur l'emplacement de l'an- cien donjon et de la chapelle.

La Gilde a émis le vœu de voir se réaliser le souhait de M. Lohest ; il sera adressé au Gouver- nement, qui, par l'organe de M. Lagasse-de Locht, directeur général des bâtiments civils, ne manquera pas de donner satisfaction à un projet destiné à élucider d'importantes questions d'art militaire médiéval.

Nous n'accompagnerons pas les archéologues chrétiens dans la visite au château royal des Ame- rois, ou, du moins, nous ne ferons halte avec eux qu'à la chapelle castrale.

Celle-ci ne s'impose pas à l'attention par des qualités spéciales de style. Mais sa décoration picturale, due au talent du Directeur de \?l Revue de l'Art chrétien, M. Helbig, avait été un des attraits de la visite aux Amerois.

L'impression produite a été excellente, pour ne pas dire enthousiaste. M. Lagasse-de Locht s'est fait à la séance du soir l'écho des senti- ments de la Gilde pour féliciter l'auteur de cette œuvre aussi artistique que chrétienne. Il a vanté à juste titre la composition, l'expression des figures, leur style châtié, leur coloris pondéré et l'harmonie du décor et des figures.

La décoration de la chapelle des Amerois remonte à plus de 25 ans ; elle restera parmi les meilleurs travaux dus au talent d'un des fonda- teurs de la Gilde.

(Au soir de cette première journée eut lieu une séance, dans laquelle M. Lagasse-de Locht et M.Cloquet présentèrent, le premier, d'importantes communications, le second une étude historique au sujet des ruines d'Orval,qu'on devait visiter le surlendemain) (2).

Mouzon est une petite ville du département français des Ardennes ; l'histoire atteste qu'elle fut, pendant cinq ou six siècles, la capitale d'une terre souveraine ; de nos jours, Mouzon est un modeste chef-lieu de canton, sur le bord de la Meuse, à proximité de Cérignan.

retrouver, sinon dans les chartes, le souve- nir de saint Rémi, auquel Clovis céda Mouzon après son baptême, en 496? L'abbaye du VII I*= siècle a disparu et ne vit que par le souvenir dans les quelques bâtiments élevés au XVIII'^ siècle et servant d'hôpital civil ; disparus égale- ment les remparts, les portes, sauf celle de lîour- gogne.le château, la Cour souveraine, plusieurs églises.

1. Revue de V Art chrétien , année 1896, p. T45.

2. N. de la R.

L'abbatiale seule est debout et sert d'église paroissiale , elle fut bien près de la ruine irrépa- rable au début du XIX'" siècle. Une première restauration faillit compromettre définitive- ment l'édifice. Le travail fut repris par M. Boes- wilwald et mené à bonne fin, mais non sans pro- voquer de justes critiques.

Certains partisans belges de l'école du pitto- resque en matière archéologique attaquent sou- vent,sans fondement, les travaux de restauration des architectes belges. Ils les accusent de ne pas respecter le document, de vouloir remplacer toutes les anciennes pierres, bref, de vouloir en- lever au monument cette patine qui en fait le charme. Cette critique, si elle peut être excep- tionnellement fondée, ne saurait être généralisée sans injustice.

Il n'est pas de pays, peut-être, oi^i les archi- tectes apportent plus de conscience, de désinté- ressement, de soin scrupuleux qu'en Belgique, en matière de restauration.

A Mouzon tout a été gratté ; pas une pierre de l'intérieur n'a conservé sa patine ; elles sont toutes uniformément colorées; il en résulte un aspect neuf, froid, sec ; on ne sent pas la main du temps appesantie sur ces colonnes.ces arcades, ces voûtes, ces nefs.

On n'a même pas craint de détruire une cha- pelle du XV*^ siècle, consacrée par la dévotion populaire à N.-D. de Mouzon ; elle était ac- colée à l'une des basses nefs. Le restaurateur l'a fait disparaître sous prétexte d'unité de style.

La façade entre les deux tours était percée d'une immense fenêtre à meneaux entrelacés de style flamboyant et surmontée d'une gable aux rampants décorés de crochets fleuris. Le restau- rateur a jeté bas la façade jusqu'au seuil de la fenêtre pour en élever une autre d'après le tracé incontestablement plus ancien des façades des transepts.

Des faits de ce genre ne se passeraient pas en Belgique ; les architectes belges respectent trop leur art et leur métier pour détruire les chefs-d'œuvre de leurs devanciers. Comme les médecins et les chirurgiens en agissent pour les corps, ils auscultent les pierres malades, diagnos- tiquent le mal et y portent remède avec pru- dence et énergie ; une amputation n'est pas une destruction ; c'est bien souvent le seul moyen de sauver la vie. Il convient d'ajouter que la Commission royale des monuments, ses corres- pondants, les commissions et les sociétés locales ou régionales font la garde autour de nos monu- ments. Elles exercent une influence heureuse sur les travaux de restauration.

Quoi qu'il en soit de cette question si souvent et si passionnément débattue de la restauration

Crabaujr Des ^octétés satjantesr»

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des édifices, l'église de Mouzon, malgré son aspect trop propre et trop neuf, s'impose par la beauté de ses formes. L'extérieur est simple et sévère ; l'intérieur est plus séduisant avec ses belles nefs voûtées, ses colonnes cylindriques aux chapiteaux à double rang de crochets, sa belle galerie courant tout autour de l'édifice au-dessus des basses nefs.

La sculpture n'est pas abondante, sauf aux chapiteaux, dontla forme est abondamment variée dans les galeries.

On a fait remarquer l'étonnante similitude entre le plan primitif de la cathédrale de Laon et celui de N.-D. de Mouzon ; la ressemblance est manifeste ; elle est si complète que l'on peut appliquer à l'église de Mouzon la description de la cathédrale de Laon, telle qu'on la trouve dans les ouvrages de MM. Cloquet, Lambin et autres.

La cathédraledeLaonfut commencée au milieu du XTI'' siècle et terminée dans le premier tiers du siècle suivant ; la consécration en fut faite en 1236 ou 1237.

Il est permis de conjecturer que, privés de leur abbatiale par l'incendie de 1212, les moines aient été attirés par la réputation de splendeur des cathédrales voisines ; ils ont choisi de préférence celle dont l'achèvement était le plus avancé.

La cathédrale de Reims avait brûlé en I2ti ; le nouvel édifice était à peine ébauché dans l'esprit de son architecte ; tout au plus sortait-il de terre un an plus tard.

Mais à Laon, l'église était presque achevée dans sa disposition primitive, c'est-à-dire avec une abside polygonale. Les moines de Mouzon s'inspirèrent du plan qu'ils avaient sous les yeux. Et sans doute fut-ce au cours de la construction de l'abbatiale mouzonnaise que le caprice d'un génial architecte ou les nécessités du culte firent détruire l'abside polygonale de Laon pour dou- bler la longueur du chœur et lui donner cette ampleur, cette profondeur, cette solennelle ma- jesté dont la vue produit sur tous les visiteurs une ineffaçable impression.

L'église Notre-Dame d'Avioth est bâtie sur la pente d'une petite colline ; il en résulte une dé- clivité de terrain rachetée tout autour de la partie occidentale de l'église par une espèce de terrasse; du côté du portail principal, un double escalier donne accès à l'église ; cette terrasse, qui fait le tour de l'édifice, servait autrefois de cimetière. A l'angle S.-O. s'élève la Recevresse, sorte de cha- pelle hexagonale placée à côté de l'entrée du champ des morts ; elle épouse la forme d'une . vaste lanterne mesurant environ 2"\75 de dia-

mètre, portée sur quatre colonnes cylindriques isolées et une partie pleine contre laquelle s'a- dosse un petit autel.

La toiture est composée d'un dais en pyramide ajourée, le tout décoré de pinacles, fenestrages, galeries en claire voie, gables et crochets, fouillés avec cet art minutieux des sculpteurs du XV« siècle.

Quelle était la destination de cet élégant mo- nument ? Les avis sont partagés : les uns y voient la chapelle ou monument funéraire de la famille de Rodemack dont l'ecu, sculpté dans la paroi, a fait l'objet de nombreuses recherches et a été définitivement identifié, en 1891, par M. le comte F. van der Straeten Ponthoz.

Quoi qu'il en soit de sa destination primitive, la Recevresse servit ensuite de chapelle pour les jours de grands pèlerinages ; on y transportait la statue miraculeuse de Notre-Dame et la messe dite dans la chapelle pouvait être suivie par la multitude éparpillée autour de l'église et dans les rues avoisinantes.

Au XVII^ siècle, un tronc de pierre occupait le milieu de la chapelle, pour recevoir les dons des pèlerins.

L'existence d'un pèlerinage très fréquenté s'affirme au reste, de toutes parts ; le long de la partie existante du mur de clôture du cimetière des bancs ont été aménagés. Les pèlerins les utilisaient sans doute aux jours de grande affluence.

L'église elle-même porte les traces de plusieurs remaniements; la chronique atteste qu'au début, elle ne fut qu'un modeste édifice dont on re- trouve quelques traces dans le bas des nefs. Mais dès le début du XIV<= siècle, une église plus vaste s'éleva ; les ressources firent-elles bientôt défaut ? ou bien des projets plus grandioses sur- girent-ils ? quoi qu'il en soit, au XV'= siècle le chœur est bâti ; les voûtes de la nef sont repri- ses ; des chapelles rayonnantes sont créées entre les contreforts du déambulatoire ; sans doute fallait-il fournir des autels aux prêtres chaque jour plus nombreux à Avioth.

Au XVI« siècle, la place fait encore défaut, et l'on élève, en hors-d'œuvre du transept sud, une chapelle éclairée par une grande fenêtre de style flamboyant. Ces transformations privent l'église d'Avioth de cet aspect grandiose et majestueux résultant d'une conception et d'une exécution d'un seul jet.

Des détails de caractère divers ont vivement intéressé la Gilde. Que d'objets d'étude pour l'architecte comme pour l'ornemaniste : une série remarquable de chapiteaux du début du XIV'= siècle, deux types de clôture de chœur, un maître-

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ÎRtbur De P^rt t^rétten.

autel de la fin du XIII^ siècle, un triple siège de pierre, un tabernacle pour la réserve Eucharis- tique, le trône de Notre-Dame, une armoire aux reliques ou aux Saintes-Huiles, plusieurs tables d'autel, une chaire de vérité de 15 38, des pein- tures murales, des restes de vitraux des XIV" et XV' siècles.

N'oublions pas de signaler les deux portails d'Avioth : l'un, au Sud, a été fait ou refait vers le XV<= siècle ; le tympan et les épaves de la statuaire des ébrasementsme paraissent remonter à la fin du XIII^ ou au début du XIV<^ siècle ; il y a quelques morceaux de tout premier ordre. Tout le reste du portail, profond de 2'",6o, est décoré avec profusion ; l'ogive extérieure est surmontée d'un gable terminé par un pinacle, en forme de dais, sous lequel s'abrite la statue de la Vierge Mère entre deux anges agenouillés et ailés, tenant chacun un chandelier dont le cierge a été brisé.

La façade occidentale présente une belle or- donnance : elle se compose d'un pignon décoré d'une rose surmontant une galerie et le portail, le tout encadré de deux belles tours.

Cette œuvre remarquable de l'architecture du XIV'' siècle semble inspirée de la cathédrale de Reims, sous l'influence de l'école champenoise du XI ir* siècle. On retrouve en effet un tympan avec fenestrage ajouré au lieu des sujets sculptés qui sont le décor habituel de cette partie de l'édifice.

La vie de J.-C. décore le linteau de la porte ; aux diverses voussures, l'artiste a placé les ancê- tres terrestres du Christ depuis Jessé, les mois de l'année, les principaux personnages de l'An- cien Testament et la parabole des Vierges sages et folles.

Sur la façade se développe le thème, si fré- quemment représenté au moyen âge, de la scène du Jugement dernier. Le centre est occupé par la figure assise du Christ, placée sous un dais à la cime de l'archivolte extérieure du portail, la tête porte la couronne d'é[)ines ; le buste et les bras levés sont nus ; la poitrine est couverte du manteau drapé dont les extrémités sont rame- nées à grands plis sur les genoux.

Cette statue est un modèle de sculpture monu- mentale ; conçue pour la place qu'elle occupe, elle s'harmonise parfaitement avec les lignes architecturales. J'en pourrais dire autant des figures de l'Église et de la Synagogue, de celles des Anges, sonnant de la trompette, de la Vierge, de saint Jean-Baptiste et d'autre.s.

Bref, le plan d'ensemble est grandiose et les détails savamment étudies pour produire l'effet cherché. La façade occidentale de Notre-Dame d'Avioth mérite une place de choix à côté des

chefs-d'œuvre des cathédrales françaises de la grande époque.

* * #

Les ruines d'Orval furent ensuite visitées. Les murs de l'église encore debout sont de cette architecture élégante et pure qui caractérise la transition romano-ogivale. Depuis des années on se préoccupe de sauver de ces ruines ce qui en reste et les efforts de l'État belge sont, croyons- nous, sur le point d'aboutir. Nous ne nous éten- drons pas sur cette visite, ayant l'intention de donner prochainement dans ces colonnes une notice de la célèbre abbaye et de ses ruines pittoresques.

La Gilde n'a pas manqué d'émettre un double vœu : que l'État, grâce à l'initiative de la Com- mission des monuments, multiplie les démarches pour faire entrer Orval dans son domaine ! qu'il prenne ensuite les mesures de conservation jugées nécessaires par les hommes compétents.

* *

Après des journées aussi bien remplies par l'étude de monuments intéressants, les séances de la Gilde furent trop courtes pour élucider toutes les questions soulevées au cours de ces visites. La dernière séance fut, comme d'usage, une séance de liquidation.

Saint-Hubert fut la dernière étape de la ses- sion. La Gilde y revenait pour la seconde fois ; que de changements dans l'église depuis 1S85 ! Le décrépissage a sévi dans les cinq nefs depuis la façade jusqu'au transept. Il semble que les autorités compétentes hésitent à continuer le tra- vail ; car les travaux sont arrêtés depuis assez longtemps.

L'intérêt de l'église de Saint-Hubert réside dans la grandeur du vaisseau et l'élégance, j'oserais dire l'envergure, des nefs. La décoration des plats des murs fait songer aux églises bra- bançonnes d'Anvers, Malines, Bois-le-Duc.

Tout le mobilier ancien a disparu ; l'église elle-même avait été vendue et allait passer sous le marteau des démolisseurs, quand dix citoyens généreux de Saint-Hubert la rachetèrent pour 35,000 francs. Lorsque la tourmente révolu- tionnaire fut apaisée, l'autorité ecclésiastique se fit un devoir de rembourser aux sauveteurs de l'église le prix d'achat.

Telle fut, résumée en quelques traits forcé- ment incomplets, la 38'' session de la Gilde de St-Thomas et St-Luc. Elle témoigne de l'inten- sité de vie qui règne dans notre Société malgré la maturité de l'âge. Jamais elle ne se repose sur ses lauriers ; à peine la session des Ardennes.

%và\)à\ix Des ^otittéë satiantes.

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est-elle finie que nos organisateurs préparent pour 1905, un voyage en Alsace-Lorraine (i).

C.

La Commission royale des monuments de Belgique. La Commission royale des monuments a tenu, le 10 octobre dernier, au Palais des Académies, à Bruxelles, son assemblée générale annuelle. Les membres correspondants étaient également invités à cette réunion ; ils y assistaient en grand nombre.

M. Lagasse présidait, ayant à ses côtés M. le baron van der Bruggen, ministre de l'Agricul- ture ; MM. Beco, secrétaire général de ce dépar- tement ; Massaux, secrétaire de la Commission ; baron du Sart de Bouland ; Helbig, Acker, Jan- let, chanoine Van Caster, Van Cleemputte, Mar- chai ; baron Bethune, gouverneur de la Flandre occidentale ; baron de Montpellier, gouverneur de la province de Namur ; de Kerchove d'Exaer- de, gouverneur de la Flandre orientale. M. le baron van den Bruggen, ministre de l'Agricul- ture et des Beaux-Arts, ouvre la séance par un discours dans lequel il exprime sa satisfaction d'avoir pu renforcer le cadre des Comités pro- vinciaux en leur adjoignant des collaborateurs nouveaux qui viendront donner plus d'efficacité aux travaux de la Commission.

M. Massaux donne lecture d'un rapport fort intéressant et très documenté sur les travaux de la Commission royale pendant l'exercice 1903- 1904. Ce rapport constate que la Commission s'est réunie 90 fois, a donné son avis sur 1,127 affaires et a fait 82 voyages d'inspection pour examiner sur place des questions douteuses. Ses travaux prennent chaque année une plus grande extension. En effet, la population comprend mieux aujourd'hui que les monuments de l'art constituent son propre patrimoine ; aussi fort souvent facilite-t-elle la mission de la Commis- sion.

Le rapport rappelle qu'en décembre 1903 le chevalier Marchai, secrétaire perpétuel de l'A- cadémie royale, a déposé, pour être soumise à l'approbation de la Commission, la proposition suivante : « Inviter les peintres qui feront des fresques d'une certaine importance, à déposer à l'Académie royale des Beaux-Arts un billet ca- cheté renfermant la description de leur procédé. Ce billet serait ouvert dans le cas des répara-

I. La Gilde avait depuis longtemps projeté une excursion au pays d'Abbeville. Mais la situation troublée de la France lui a fait préférer un pays des associations ayant quelque ressemblance avec une Congrégation peuvent voyager en toute sécurité.

tions devraient être apportées aux peintures après la mort de l'artiste. » M. Marchai remettait en même temps le texte d'un billet de ce genre déposé le 8 août 1850, dans les archives de l'Aca- démie, par le peintre Van Eycken, et relatif à son procédé de peinture à la gutta-percha. Le Comité a décidé également de conserver avec soin les anciennes statuas inutiles qui seront placées au musée d'art monumental.

La Commission des monuments a été unanime à proposer à M. le ministre de l'Agriculture, de prendre cette proposition en considération. L'honorable ministre a bien voulu se ranger à son avis.

En terminant, l'orateur rend un juste hom- mage à la mémoire de M, le chanoine Reusens, de M. l'architecte Bordiau, membres effectifs, et de MM. Lhoest, Zech, Cador et Léanne, mem- bres correspondants, décédés.

Ce rapport est longuement applaudi. M. La- gasse félicite M. Massaux.

Les secrétaires des divers Comités de province présentent successivement leurs rapports sur les travaux de leurs sections. M. Donnet parle au nom de la section anversoise ; M. Destrée, au nom de la section du Brabant ; M. Van VVambeke, au nom de la section de la Flandre occidentale; M. de Ceuleneer, au nom de la section de la Flandre orientale ; M. Matthieu, au nom de la section du Hainaut ; M. Ruhl, au nom delà sec- tion de Liège ; M. l'abbé Daniels, au nom de la section du Limbourg ; M. Candel, au nom de la section de Luxembourg ; enfin, M. Dardenne, au nom de la section de Namur. A noter que M^. l'abbé Daniels réclame l'acquisition par l'État du porche de l'église d'Herkenrode, qu'il signale comme un monument archéologique im- portant.

*

* *

L'assemblée aborde ensuite la discussion de l'objet suivant : « A quelles questions essentielles doivent satisfaire les parties d'un vitrail artis- tique ? >

M. le baron Bethune fait rapport. Il rap- pelle qu'il a déjà traité à deux reprises cette question au point de vue des matériaux à em- ployer et de l'harmonie des couleurs. Il se borne aujourd'hui à parler de la distance à laquelle la verrière doit être vue par le spectateur. L'ora- teur fait à ce propos l'historique de la composi- tion des verrières en indiquant les circonstances qui ont déterminé les différents aspects archi- tecturaux. Il rappelle qu'il importe que le verre des vitraux soit d'une fabrication spéciale ; que la diaphanéité des couleurs soit parfaite et que l'artiste tienne compte des conditions de lumière

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3&e\)ue ïie V^xt cl)iétieu.

de l'édifice, de la distance à laquelle le specta- teur se trouvera placé et qu'il ait un scrupuleux souci des traditions archéologiques et iconogra- phiques. {Apphiudisseiiients^

M. de Ceuleneer recherche les moyens d'arriver à une réalisation pratique des deside- rata exposés par M. le baron Bethune ; il pro- pose que l'on délaisse le vitrail à personnage unique, pour en revenir aux vitraux à médail- lons, surtout dans les bas-côtés des églises ; il faut encore que l'architecte, en faisant les plans des fenêtres, n'oublie pas que des vitraux y devront être placés.

M. Lagasse. Nos peintres-verriers, sans con- teste, sont les meilleurs du continent. Nous dépassons de fort loin les Français, les Alle- mands et même, je crois, les Anglais. Ce résultat, nous le devons avant tout, au père de M. le baron Bethune, qui a voué une grande partie de son existence à la restauration de l'art verrier.

L'orateur combat ensuite la conclusion de M. de Ceuleneer qui lui paraît trop absolue en ce qui concerne les vitraux à grande figure.

M. le baron de Montpellier et le chanoine Van den Ghein présentent des observations de détail, puis la discussion est déclarée close.

*

On discute ensuite cette question : « Qu'en- seignent les découvertes de peintures murales faites dans les monuments de la Belgique? »

M. Helbig fait rapport. Il se prononce ca- tégoriquement pour la décoration picturale des monuments, non seulement de ceux bâtis en briques, mais même de ceux construits en « ma- tériaux nobles ». Il rappelle que les plus beaux monuments de la Grèce ancienne étaient peints à l'intérieur et à l'extérieur, même lorsqu'ils étaient construits dans le marbre blanc le plus beau ; c'est notamment le cas pour le Parthénon. Les savants qui ont étudié les monuments an- ciens ont établi que la polychromie avait été utilisée aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur des monuments.

M. le chanoine Van Caster développe les motifs pour lesquels il se range à l'avis de M. Hel- big. Si la plupart de nos grandes églises n'ont pas été décorées par la peinture, c'est parce que le temps ou les ressources empêchèrent ce travail. La preuve en est que de nombreuses petites églises ont reçu une décoration complète, parce qu'on a pu facilement les achever complètement. Nous sommes heureux de voir l'éminent chanoine revenir à cette thèse, que nous avons eu jadis l'honneur de défendre contre lui (').

I. V. Annales du Congrès de Matines.

Vu l'heure avancée, la discussion sur la thèse de iVlM. Helbig et Van Caster est remise à une séance ultérieure.

M. Soil examine « les moyens les plus propres à assurer la conservation des anciennes construc- tions privées offrant un intérêt archéologique, historique et artistique». Il estime que les pro- i priétaires doivent être invités à restaurer ces \ immeubles par des subsides ; les maisons d'un intérêt considérable devraient être classées | comme étant « d'intérêt public ». Il préconise ! de plus la révision des mesures d'alignement déjà prises et qui entraîneraient la disparition de maisons intéressantes, la création de Comités locaux chargés de faire rapport sur les demeures anciennes, etc.

Un déjeuner a réuni une cinquantaine de membres de la Commission.

M. Lagasse-de Locht a porté le toast au Roi. L'assemblée, debout, a longuement applaudi. Le président si distingué de la Commission a été ensuite l'objet d'une manifestation de chaleu- reuse sympathie à l'occasion de sa promotion au grade de commandeur de l'Ordre de Léopold. M. Helbig a exprimé toute la joie qu'il ressen- tait de pouvoir en cette circonstance lui témoi- gner la vive gratitude de la Commission royale. Le médaillon de M. Lagasse, par le sculpteur Vinçotte, a été découvert à ce moment aux applaudissements de l'assistance

M. Helbig a associé le nom de M""= Lagasse- de Locht à celui de son mari. M. Lagasse-de Locht a remercié avec émotion et a serré dans ses bras M. Helbig et M. Vinçotte.

M. le baron Bethune a bu à M. le secrétaire Massaux et à la presse.

Nous venons de recevoir le compte rendu de l'assemblée annuelle de 1903, justement à l'épo- que où vient de se tenir celle de 190.}. Il nous paraît intéressant de consigner ici les principales communications qui y on vu le jour.

AL Van den lleuvel, ministre de la justice, a témoigné d'une manière très spéciale sa com- pétence et sa sollicitude envers les monuments anciens par des recommandations tendant sur- tout à la conservation des antiquités, même hété- roclites, qui garnissent les églises. Le distingué secrétaire de la Commission, M. i\Tassaux, a pré- senté son rapport annuel. Nous devons donner l'écho à ses excellents conseils : qu'on ait soin

Cratjaur ïies Sociétés; châtiantes.

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de bien ventiler les églises pour conserver les peintures murales, les tableaux et tout le mobi- lier ; qu'on prenne garde d'écarter des murs des églises les fosses funéraires, cause fréquente de lézardes;qu'on évite d'adosser des murs aux murs extérieurs du temple. M. Massaux déplore l'iner- tie des autorités civiles, qui abandonnent à leur ruine l'église de St-Jean, dans le cimetière de Diest et la vieille église de Grimde sous Tirle- mont. La Commission a obtenu qu'on prît des mesures de conservation de l'ancienne porte de Laval à ]5ouviu;nes. On poursuit les négociations pour le sauvetage des ruines de l'abbaye d'Orval. (Nous avons dit plus haut que depuis les négociations ont abouti.)

Les neuf Comités provinciaux des membres correspondants ont présenté leur rapport. M.Don- net, au nom de celui d'Anvers, annonce que son comité a découvert et rendu à sa destination le lutrin en laiton, au pélican symbolique, de l'église de Saint-Amand à Gheel, pièce du XlV'^ siècle. Ce Comité s'oppose énergiquement an bouleversement des ab(jrds du château de Turnhout, et à l'abaitage projeté des beaux arbres qui couronnent les remparts de la jolie petite ville de Lierre. M. Donnet rappelle la reconstruction faite par la ville d'Anvers, de la jolie maison des Tonneliers ; malheureusement, celle du Jeune Serment de l'arc, qui datait du WT"-' siècle, n'a pu être sauvée. Deux autres maisons vides, derrière l'hôtel de ville, ont été en partie abattues, l'une datait de i 573.

M. Destrée fait rapport au nom du Comité brabançon. Il rapporte la décision intervenue au sujet de la décoration du vestibule de l'hôtel de ville de Louvain. Le Comité s'est élevé contre le projet de décorer de peintures le hall monu- mental ; on s'est opposé même à des rehauts de peinture à appliquer aux sommiers du plafond et à leurs corbeaux en pierre ; c'est aller trop loin, et se montrer hostile au plus plausible des embellissements. Le Comité a été plus heureux en réclamant des traceurs de rues nouvelles plus de respect pour les vieux quartiers pleins de poésie.

Notre collaborateur M. Van Ruymbeke avait la parole au nom de la Commission provinciale de la Flandre Occidentale. Il loue la restauration du triforium et des fenêtres de l'église Notre- DamedeBruges.il s'occupe destrois intéressantes églises paroissiales de Poperinghe, si mal restau- rées il y a quarante ans. Leurs flèches, meneaux, galeries et corniches moulurés en briques ont été refaits eu style français et d'époque trop an- cienne, en pierre blanche qui s'effrite déjà ; la Fabrique doit épuiser ses ressources pour la réfection d'une flèche refaite, il n'y a qu'un demi-

siècle. M. l'architecte Cooman a étudié le projet de la nouvelle flèche et des autres parties, à l'aide de la brique locale et selon les traditions du pays. Il compte rétablir les voûtes en bar- deaux. On se prépare aussi à la restauration de l'hôtel de ville de Loo, restauration qui sera né- cessairement radicale à cause de l'état délabré de l'édifice.

M. le professeur de Ceuleneer parle au nom du Comité de la Flandre Orientale. Le Comité ne fait que de petites besognes, parce qu'on ne lui en procure pas d'autres. Néanmoins il s'est vivement intéressé à la restauration du manoir d'Herzele (XV<= siècle) et à la conservation de la chapelle de Lcugemeete, dont on devra faire son deuil, ainsi qu'au maintien de ce qui reste de l'ancien Béguinage de Gand, menacé par un percement de rue après avoir été désaffecté et quelque peu profané.

Le Comité du Hainaut, dont les travaux sont énumérés par M. T. Hubert, s'est préoccupé de l'église romane de Deux-Acren et de son remar- quable mobilier, du dégagement du chevet de la cathédrale de Tournai, dont la Revue de l'Art chrétien a parlé naguère('),et de la restauration de la collégiale de Soignies. On a décidé le maintien du jubé de 1640, moyennant de le désaveu- gler, et l'on a préconisé, à cette fin, l'enlèvement des stalles, qui sont contemporaines. On annonce l'achèvement prochain des travaux de conserva- tion de l'abbaye d'Aulne ; on s'est occupé aussi de l'intéressante chaire de vérité de Roucourt. Le Comité a proposé le classement de l'église romane de Saint- Vaast.

Le rapporteur du Comité de Liège est M. Lo- hest. Le Comité n'a pu conjurer la destruction de la maison Porquin ; il est disposé à admet- tre la démolition du porche renaissance de Stjacques de Liège, qui cache un beau portail gothique. Les églises de Scry et de Thys ont été classées, l'une donnant le type de la construction en briques et pierres de sable, l'autre, un bel exemple de la construction calcaire du Condroz.

Le chanoine Daniels est l'interprète des corres- pondants limbourgeois ; il s'occupe de diverses églises de la Campine et de leurs portails carac- téristiques s'ouvrant au sud (ex. : église de Zep- peren) Le Comité a soustrait à la vente une belle collection de quinze statues anciennes conservées à Bocholt.

Enfin, M. Tandel parle au nom de ses con- frères de Luxembourg. Il propose la publication de nombreux monuments roinains du remar- quable musée d'Arlon. Le Comité s'efforce de sauver l'église gothique d'Attert, rare exemple

I. V. année 1903, p. 231.

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3Rcbue bt l*art cl)rttien.

dans le pays d'une hallenkirche. A propos de la construction d'une nouvelle église à Arlon, s'est élevée une curieuse discussion sur le style à adop- ter ; on s'est mis d'accord par une excellente solution, celle qui consiste à adopter le style gothique primaire qui convient si bien dans sa noble simplicité, au rude climat des Ardennes.

M. Dardenne, au nom du comité de Namur, s'applaudit de la réfection de la flèche de Dinant, d'une si ridicule forme en poire, et des travaux exécutés à la porte de Bouvignes citée plus haut.

On voit qu'aucun des neuf Comités n'apporte un brillant tribut de travaux. Cela n'a pas dépendu de leur zèle, la cause en est au fonctionnement défectueux de ces Comités. Il faut ajouter toute- fois que tous ont travaillé de leur mieux à la conservation des monuments et objets d'art du pays.

Après cette revue des travaux régionaux, l'As- semblée s'est occupée de l'étude des questions inscrites à son ordre de jour. On a abordé la grosse question de la polychromie des églises, dont le rapporteur était M. Jules Helbig, le Directeur de la Revue de l'Ait chrt'tieu. Son opinion, très nette, a été solidement motivée. Il a rappelé celle de VioUet-le-Duc : « Toutes les architectures connues sont aidées de la peinture, ou plutôt de l'harmonie produite par l'assem- blage des couleurs, pour donner à la pierre, aux enduits et même au marbre la valeur indépen- dante de la forme plastique. » M. Helbig pose en principe qu'aucun monument digne de ce nom n'a été considéré comme achevé sans avoir reçu le décor que seule la couleur peut donner. Le peuple ne comprend pas un art incolore. Courajod montre que la polychromie est de règle aussi pour la statuaire. Johann Kuhn l'a prouvé par de multiples exemples, s'appuyant d'ailleurs de l'autorité du chanoine .Schniitgen, de feu l'abbé Miintzenberger et du R. P. lîeissel.

Malgré le blanchissage inexorable exercé durant deux siècles systématiquement sur toutes nos églises, les traces abondent des peintures murales du moyen âge. L'orateur cite St-Paul, St-Jacques, St-Martin, St-Antoine, St-Christo- phe de Liège, la collégiale deTongres, St-Pierre de Saint-Trond, la collégiale de Huy, l'église de Bastogne, Ste-Walburge de Fumes, le Sablon et Ste Gudule de Bruxelles, l'église de Laeken. Il aurait pu citer quantité d'autres exemples im- portants, le chevet de la cathédrale de Tournai, St-Pierre de Louvain, la cathédrale de Malines (triforium), quantité des églises de Brabant. Il insiste sur les curieux vestiges d'une poly- chromie d'ensemble qui ont été mis à découvert et

visibles peu de temps au choeur de Ste-Gudule de Bruxelles.il démontre à l'évidence qu'on n'avait pas en vue de laisser l'appareil à nu pour profiter de la polj'chromie naturelle des matériaux les plus riches, témoin le manteau d'arlequin, en pierres grise et rose de l'ancienne abbatiale de Saint-Hubert.

En réalité, dans la plupart de nos églises, la peinture n'a pu être achevée, le gros œuvre même ne l'a souvent pas été. Mais la présence seule de vitraux suffit pour nécessiter la polychromie murale.

M. le baron Bethune a corroboré la thèse de M. Helbig et a cité comme exemple des vestiges de coloration aux colonnes et colonnettes des mou- lures de l'église Saint-Sauveur de Bruges, d'autres constatés à l'église Notre-Dame de la même ville, à St-Jacques, à la chapelle du Saint-Sang, ainsi qu'à l'église de Damme, à l'église de Lisse- weghe, à St-Martin et à Notre-Dame de Cour- trai. Le chœur de Ste-Walburge de Fumes offre un décor polychrome complet.

La séance s'est continuée par une intéressante étude de MM. Bordiau et Acker sur les appli- cations de l'esthétique à l'entourage des monu- ments ; en voici la conclusion :

Un monument gagne à être dégagé, du moins à offrir un abord facile, sans que ce prin- cipe soit absolu.

Il ne faut pas pousser le dégagement jus- qu'à l'isolement, mais, au contraire, ménager dans l'entourage des points de comparaison donnant l'échelle des monuments.

Il faut ménager des repos et proportion- ner chaque édifice à son rôle particulier dans l'en- semble.

La séance se termine par une communication liumouristique, mais d'une précision scientifique, de M. Schuermans au sujet de l'emplacement de la chapelle de St-Bernard (Uns l'abbatiale de Villers.

Société historique et archéologique du Maine Cette Société, très vivante, a fait en juillet dernier, durant deux jours, sous la direc- tion de son érudit président M. R. Triger, une excursion dans la vallée du Loir.

La promenade commença par la visite du château de Poncé, dont l'escalier, de la seconde moitié du XVI« siècle, est richement décoré de caissons sculptés ; puis on passa à l'église, la première de celles assez nombreuses dont on a pu admirer de précieux spécimens de fresques du XI !"■ siècle, d'une surprenante conservation. Puis on a gravi sous un soleil torride les rampes qui conduisent au château de la Flotte. Celui-ci, re-

%va))à\ix ties t)ociétég sa\)antts.

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construit sur un plan ancien, contient quelques portraits et objets d'art intéressants.

Trôo sollicita ensuite l'attention des excur- sionnistes. C'est un des plus curieux et des plus pittoresques petits coins de France. Qu'on se figure tout un village perché aux flancs abrupts d'une falaise de craie dominant le Loir. Certaines de ses caves sont fort anciennes. Mais avant de commencer l'ascension des lacets conduisant sur le plateau, on traverse le Loir pour visiter l'église Saint-Jacques-des-Guérets (XI« et XII'' s.), qui possède aussi des peintures à fresque du XII'" siècle du plus vif intérêt. Au sommet du pla- teau se voient deux mottes féodales, une enceinte du moyen âge, l'église Saint-Martin (XII'' et XII1'= s.), les ruines de l'église Notre-Dame-des- Marchais (XII'= s.) et celles de la Maladrerie Sainte-Catherine (Xle et XII^ s.); enfin le cé- lèbre puits qui l^arle, dans lequel, en raison de sa grande profondeur, la voix se répercute en syl- labes sonores.

On arrive à Montoire (Loir-et-Cher), fièrement dominée par les importantes ruines de son don- jon, et de la petite chapelle, aujourd'hui désaffec- tée, de Saint-Gilies-des-Guérets, dont certains voudraient faire remonter la construction aux temps carolingiens, mais qui n'est guère anté- rieure aux peintures qui la décorent, c'est-à-dire au XIL siècle. Ces fresques sont de toute beauté, du plus grand caractère et d'une merveilleuse conservation. Elles offrent cette particularité de montrer, aux voûtes de l'abside et des deux ab- sidioles qui forment les bras du transept, trois représentations différentes du Christ de majesté, dans des gloires en amande.

En dehors du donjon, Montoire n'a rien de bien intéressant si ce n'est une maison de la fin du XVI'' siècle on a installé la mairie.

Le lendemain l'on se rend à Lavardin, qui est un des plus importants châteaux-forts de France, par ce qui subsiste de ses constructions ; il sup- porte fort bien la comparaison avec Coucy et Bonaguil. Seulement il paraît difficile d'y voir rien des constructions du XII^ siècle ; la base du donjon paraît de la fin du XlVe siècle ; le haut, du XVe (certains écussons le datent d'une façon certaine), et sans doute faut-il rapporter à la même époque la plupart des constructions des bâtiments annexes et des diverses enceintes.

Autrement ancienne est l'église, qu'on peut considérer comme appartenant au XL" siècle et dans les murs de laquelle on retrouve, en dehors d'une ornementation très intéressante, des frag- ments réemployés de l'époque mérovingienne. Cette église mériterait, sans conteste, une mono- graphie.

A Vendôme, c'est le musée et la bibliothèque qui reçoivent tout d'abord nos amis ; ils sont l'un et l'autre très riches et parfaitement classés. Puis, l'église de la Trinité, avec une portion de ses cloîtres aujourd'hui affectés au quartier de cava- lerie voisin (i).

Institut archéologique liégeois. Bullet., an. 1903- G. Kurth. Le peintre Jean. L'étude de cri- tique historique, que M. Kurth consacre au peintre Jean, lui sert à élucider les problèmes relatifs à la vie de cet artiste, qui, à la fin du X"" siècle, orna de ses œuvres les églises de Liège, après celles d'Aix-la-Chapelle, et à ce titre pourrait être considéré comme le plus ancien peintre connu dans les annales de notre pays.

B'^" de Sélys-Fanson. U Exposition de l'Art ancien au pays de Liège, en içoj.

L. ^e.x\-M A. Découverte archéologique à Hollogne- aux- Pierres.

Société historique et archéologique dans le duché de Limbourg. Bulletin de l'année 1903. M. Van Hasselt retrace les annales du couvent des Kruisheeren à Maestricht, fondé en 1438 ; il fait très méthodiquement l'histoire du bâtiment et de la communauté religieuse. Il montre comment l'église fut construite, meublée, ornée, comment les bâtisses du couvent reçurent leurs développements successifs.

La croix sépulcrale de Geldulphe.prévôt de l'église Saint-Servais à Maestricht, datant du Xl'^ siècle, et retrouvée en cette église le ji août içoj. M. le D"' P. Dopple donne l'histoire de cette décou- verte et la description de la croix et de l'identi- fication du personnage.

Congrès archéologique d'Arras. A l'oc- casion de l'exposition d'Arras, s'est tenu dans cette ville un Congrès des Sociétés savantes du Nord de la France et de la Belgique. Parmi les diverses communications, signalons:

M. Parenty. La Renaissance flamande. Le château de Hesdin eu Artois, berceau des ar- tistes et des arts. L'auteur tend à prouver que Jean de Liège, Jean de Merville, Clans Sluter et Jean de Selles seraient des descendants de Thomas de Manneville ; Jean de Bruges serait également un Boulonnais.

Le Congrès s'est terminé par une conférence de M. Enlart sur Nos cathédrales disparues : Thé- rouanne, Arras, Boulogne. Nous espérons revenir sur cette communication importante.

I. D'après une relation de M. le C'e Charles de Beauniont.

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GALLIA DOMINICANA. LES COUVKNTS DK ST-DOMINIQUE AU MOYEN AGE, par. G. Ro HAUi.T DE Fleurv. 2 vol. in^", omés d'un grand nombre de planches. Paris, Lelhielleux.

I^^^f ONSIEUR Rohault de Fleury n'est

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pas un de ces auteurs qui dépensent en menue monnaie le trésor de leur llfe science. Lorsqu'il entreprend un éf^^i^ïs?^ livre, c'est presque toujours une œuvre de longue haleine, tout au moins de re- cherches ardues et multiples que l'on peut s'at- tendre à voir paraître. Le livre dont nous trans- crivons le titre en tête de ces lignes traite un sujet des plus importants : le rôle de l'Ordre des Dominicains dans l'histoire de France, de leurs couvents dans la province de France dès le XII I<^ siècle mais encore bien fécond aux siècles suivants. C'est un thème qui devait tenter la plume de l'historien et de l'archéologue. M. Rohault de Fleury lui consacre deux gros volumes ornés, j'allais écrire, éclairés de plus de 500 planches. Le Père Chapelier, l'illustre his- torien, a, en outre, dressé pour cet ouvrage une carte de la France sont indiqués tous les cou- vents de l'Ordre. Cette carte, qui, dès le début, apparaît aux yeux du lecteur, permet de juger d'un coup d'œil le développement extraordinaire des Frères Prêcheurs au siècle de saint Louis, qui fut, comme on sait, l'ami et l'ardent propa- gateur des fils de saint Dominique.

L'auteur appartient à une génération qui a vu revivre cet Ordre dans un élan de ferveur et de générosité; il se rappelle sans aucun doute l'en- thousiasme avec lequel la jeunesse surtout accueil- lit la robe du Frère Prêcheur apparaissant dans la chaire deN.-D. de Paris ; il se rappelle avec quel frémissement sympathique elle répondit alors à la voix éloquente du P. Lacordaire. Il se rappelle certainement les espérances d'avenir, d'expansion religieuse que l'illustre orateur et ses disciples firent naître alors. C'est un épisode inoubliable de l'histoire moderne, et pourtant il semble qu'il soit oublié, tant le régime imposé à la fille aînée de l'Eglise répond mal aux espérances qu'avait fait naître cette renaissance dominicaine en France !

L'auteur le sent profondément : Le livre qu'il publie aujourd'hui n'est pas seulement une œuvre d'étude et de science. C'est la protestation de la conscience d'un Français et d'un chrétien, blessé dans sa foi, dans ses affections les plus chères. Nous lisons dès les premières lignes de l'avertis- sement du livre, que l'opportunité de sa publica- tion ne résulte pas seulement du vœu émis par le célèbre lioUandiste Victor de Huck qui expri-

mait le regret de voir l'Ordre de Saint-Domini- que, un des plus illustres et des plus fidèles en œuvres de salut et de science, manquer non seulement d'une histoire générale, mais de n'avoir pas même celle de ses provinces et de ses maisons en France. <i L'opportunité de l'histoire monumentale qu'il nous propose, dit l'auteur dans son avertissement, résulte surtout d'une façon éclatante des circonstances actuelles. Lorsque les couvents avaient repris en France leur vie, leurs prières, leurs costumes antiques, lorsque leur ferveur surpassait les meilleurs temps, lorsque les cloîtres s'étaient rouverts, que les clochers tein- taient les hymnes sacrés, voici que les sectaires de 1792 se relèvent, dispersent les Religieux et ferment leurs demeures, cherchent à étouffer ces foyers de science et de piété. Quelle heure est plus propice que celle-ci, devant ces criminelles tentatives, pour rétablir ces vieux cloîtres, pour recueillir leurs pierres qu'on croyait à jamais brisées ou oubliées, pour remettre debout ces édifices? Leurs vues donneront l'image d'une ré- surrection certaine, la preuve de l'invincible vie des religieux. »

Cette noble protestation suffit pour faire con- naître l'esprit dans lequel l'auteur a entrepris son œuvre, et qui l'a soutenu jusqu'à l'entier accom- plissement de son travail.

Ce n'était pas tâche facile. La France vit dans les soixante dernières années du XIII'' siècle s'établir soixante-six fondations dominicaines, un peu plus d'une fondation par an. Il est vrai que cette fécondité devait bientôt se ralentir, le siècle suivant n'en a guère produit qu'une douzaine.

Les planches qui, comme nous venons de le (lire, dépassent le nombre de cin(^ cents pour les deux volumes, quoique tracées légèrement, sou- vent en forme d'esquisse, offrent pour les cou- vents existants on qui ont existé, décrits dans l'ouvrage, tous les renseignements graphiques que le lecteur peut désirer : plans terriers, cou[)es, vues cavalières, esquisses d'ensemble des lieux réguliers. Puis ce sont des détails remarquables tels que tombeaux, sceaux, statues, chapiteaux, arcatures, inscriptions ; toutes les particularités intéressantes sont notées avec soin. Sur un grand nombre de ces couvents aujourd'hui dis- parus, l'auteur a recueilli dans les ouvrages pu- bliés au temps de leur splendeur, une foule de renseignements précicu.x. Il suffit d'ailleurs de lire les notes au bas des monographies de chaque couvent pour s'assurer que l'auteur ne néglige aucune source d'informations. Lorsqu'il ne peut se rendre lui-même dans les villes existent

Btbltogmpftie.

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ou ont existé des couvents dominicains, il s'a- dresse aux chercheurs locaux, dont il se fait rapidement des correspondants, des collabora- teurs, des amis, très heureux d'être pour quelque chose dans les études dont d'avance ils connais- saient la haute valeur.

M. Rohault de Fleury nous initie d'ailleurs lui-même au système de ses invesîigations. Nous avons, dit-il, cherché d'abord le « lieu des cou- vents» ; nous avons recueilli les moindres pierres, nous avons interrogé les archives, les bibliothè- ques, les vieux plans qu'elles contenaient, les an- ciennes vues qui nous permettent de rassembler les fragments et de recomposer l'ensemble. »

Souvent le crayon de M. Rohault de Fleury nous donne la restauration de couventsetd'églises dominicaines dont il n'existe plus à peine qu'un souvenir. Mais soyez certain que des documents authentiques ont été mis sous les yeux de l'ar- chéologue ; celui-ci s'est si bien familiarisé avec les dispositions générales de l'architecture dominicaine, il en a tellement l'intuition, qu'il lui suffit parfois de quelques données sommaires pour évoquer tout un ensemble de constructions et établir ainsi une restauration qui paraît très acceptable.

Les Frères-Prêcheurs formaient comme on sait, un Ordre mendiant,c'est-à-dire que tout luxe était exclu de leurs couvents, comme de leurs sanc- tuaires et de leurs églises. Généralement celles-ci se composaient d'une ou au plus, de deux nefs, disposées de la manière la plus commode pour la prédication. Pas de clochers élevés, ni de por- tails richement historiés par la statuaire ou la sculpture décorative. L'auteur donne un tableau synoptique comparatif des plans terriers des églises dominicaines fort intéressant.

L'Ordre cependant comptait des artistes et a eu, surtout en Italie, des maîtres illustres, comme Fra .Angelico et Fra Bartolomeo. Un Père Do- minicain moderne a consacré quatre volumes aux artistes de son Ordre (i). M. Rohault de Fleury donne sur la décoration picturale des églises dominicaines quelques renseignements recueillis dans les monuments mêmes et qui sont de nature à intéresser vivement les lecteurs de cette Revue. Ils prouvent une fois de plus que les humbles fils de Saint-Dominique comme ceux de Saint-François étaient pénétrés des vé- ritables principes de l'art, tel que le chrétien doit les concevoir ; pour eux l'art n'est pas un luxe ; c'est l'expression de la foi et d'un senti- ment de convenance qui porte l'homme à offrir à Dieu ce qu'il y a de meilleur et de plus élevé, et que si l'on peut marquer l'esprit de pauvreté

1. Memorie de' più insigni Pittori, Scultori e Architetti domini- cani del P. Vincenzo Marchese. Firenze, 1851.

dans les vêtements, il n'est pas permis de laisser dans leur indigente nudité les murs de ses sanc- tuaires.

Jules Helbig.

LES PHIMITIFS PARISIENS. ÉTUDE SUR LA PEINTURE ET LA MINIATURE A PARIS DU XIV= SIÈCLE A LA RENAISSANCE, par Marcel Poète, conservateur adjoint de la Bibliothè- que de la ville de Paris. Leçons d'un cours d'introduc- tion à l'histoire de Paris, professé à la Bibliothèque de la ville. Paris, Honoré Champion, 1904.

Bien peu d'expositions ont donné un essor à d'aussi nombreuses publications que \' Exposition des Primitifs français ouvert cette année au Pavillon Marsan et à la Bibliothèque nationale. C'est tout un mouvement littéraire et d'histoire de l'art qui n'est pas encore à sa fin, il faut l'espérer, et sur lequel nous aurons à revenir, car il est d'un haut intérêt. Il a déjà été fécond en enseignements et nous réserve sans aucun doute encore bien des révélations sur l'histoire de la Peinture en France et notamment sur une période de cette histoire laissée singulièrement dans l'ombre.

En attendant, je tiens à signaler aux lecteurs de la Revue un petit livre il n'a que 74 pages et quelques gravures dont les clichés sont em- pruntés à la Gazette des Beaux- Arts. C'est, comme l'auteur nous l'apprend dans son avertis- sement, l'esquisse d'un ouvrage sur l'art à Paris aux XIV^ et XV« siècles. Chargé d'un cours d'Introduction à l'histoire de Paris, M. Poète a fait à l'occasion de l'Exposition ouverte au Louvre, une série de leçons sur la peinture et la miniature parisiennes, du XIV^ siècle à la Re- naissance. Ce sont ces conférences qui forment le fond de ce livre.

L'auteur a fort bien fait de les imprimer.puisque par cette publication il étend considérablement le cercle des personnes qui profiteront de son enseignement. Le lecteur trouvera dans son livre toute la vivacité d'allure, l'attrait de l'enseigne- ment oral et tout le fruit de leçons bien pré- parées.

M. Marcel Poète, en rétrécissant son cadre et en confinant son étude à la ville de Paris, assure plus de clarté et de précision aux faits qu'il rap porte. Il remarque avec raison que l'on connais- sait peu de chose des artistes dont il s'occupe, dont les noms étaient généralement ignorés, et combien il convient de se mettre en garde contre la disposition générale d'attribuer à quelques ar- tistes connus la plupart des œuvres de leur temps.

C'est une tendance qui, heureusement, grâce aux exigences de la critique historique moderne, commence à passer. Les règnes des rois de

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3Rebur lie T^rt tbrcticu.

France Charles V et Charles VI forment natu- rellement une période lumineuse dans l'histoire des Beaux-Arts à Taris. M. Marcel Potite en fait ressortir tout l'intérêt en rappelant bon nombre de travaux commandés et inspirés par ces rois.

N'oublions pas d'ailleurs que sa publication n'est qu'une esquisse ; elle nous promet beaucoup pour le tableau de l'art au XIV^ et au XV"^ siècle que l'auteur étudie et auquel nous serions charmé de préparer par ces lignes, l'accueil que mérite un livre qui s'annonce sous d'aussi heu- reux auspices.

J. H.

FONDATION D'KUGENE PIOT, t. VIII. ÉTUDES SUR LA SCULPTURE FRANÇAISE AU MOYEN AGE, par Robert Di: Lastevrie, membre de l'Institut. Gr. in-4° de 140 pp. et 22 héliotypogr. Paris, Leroux, 1902.

CE magistral ouvrage comprend une véritable monographie illustrée des trois plus beaux portails de l'époque romane: le portail de Char- tres et les portails d'Ailes et de Saint-Gilles. C'est en même temps une œuvre de critique remarquable, qui vient jeter le plein jour dans les discussions savantes, laborieuses et un peu confuses que les sculptures de ces portails ont soulevées depuis Mérimée, Revoil et Ouicherat. Nous avons tenu nos lecteurs au courant de ces controverses, se sont distingués MM. Mayeur, Marignan,Voge. Lefebvre-Pontaliset notre colla- borateur, M. Lanoore. Nous nous trompons fort, ou les intéressantes questions agitées entre ces savants auront reçu dans cette étude leur con- clusion définitive.

Les admirables sculptures du portail occiden- tal de la cathédrale de Chartres ont été jusqu'ici attribuées au milieu du Xll'^ siècle. Mais voici que MM. Vbge (•) et Clémen (2), après M. Mari- giian (3) renversent les données admises. Les sculptures de Chartres dériveraient de l'École Arlésienne et seraient inspirées du portail de Saint-Trophinie, actuellement attribué an XI1I« siècle d'après L. Courajod. M. R. de Lasteyrie remet lés choses au point; il maintient la priorité de la porte royale de Chartres.

Dans sa magistrale dissertation il remémore l'histoire de la vénérable basilique jusqu'à l'in- cendie de II 34. Il n'est pas probable qu'on ait, dès 1 135, commencé la réfection du monument

1. Vbge, Die Anfânge des monumentaUn Stiles îin Miltdalter. Strasbourg, 1894, et Reperlorium fur Kiinslwissenschafl, fasc. 3. 1904.

2. Clemen, Le Moyen Age, t. XI, p. 348.

3. Marigiian, Le Portail occidental de Chartres, le Moyen Agi, t. XI (1898), 341 et Xtl, p. I.

parle portaîl,dontles moulures accusent d'ailleurs un style plus avancé que celles du clocher nord, reconstruit consécutivement au désastre ; il est au plus de l'âge du clocher sud, auquel on tra- vaillait en 1145, et très probablement postérieur, car il eût été bien incommode d'y travailler en même temps qu'aux tours. M. Marignan va plus loin, et reporte l'époque de l'érection du portail après l'incendie de 1194.

Ici M. de Lasteyrie fait remarquer le bien fondé de l'opinion reçue, d'après laquelle leportail du XII<= siècle, épargné par l'incendie, aurait été transporté et remonté à l'alignement des façades des deux tours. Les traces matérielles de ce dé- placement se lisent encore sur la pierre, et la belle unité de l'ensemble prouve qu'il s'agit du réem- ploi de tout l'ouvrage et non de l'utilisation de quelques pierres, comme le prétend M. Marignan. Cet érudit prétend qu'au XII<= siècle on n'au- rait pas sculpté les arts libcraux ('), que les anges du tympan et des voussures (2) ainsi que les statues des colonnes (•^) ne peuvent être anté- rieurs à la fin du XII^ siècle.

Cette considération esthétique constitue un argument peu rigoureux, qu'écarte M. de Las- teyrie, en même temps que les arguments icono- graphiques. On peut considérer comme acquis que le portail est dans son ensemble une œuvre du XI I*^ siècle, et il est resté à peu près intact dans sa partie historiée ; il ne contient aucune figure moderne.

D'autre part le thème iconographique est bien roman : la Vierge y est assise ; la légende est telle qu'à la Charité sur Loire oti les apôtres rap- pellent les 24 vieillards de Moissac. C'est au 3"= plutôt qu'au 4e quart du XI siècle qu'il con- vient de l'attribuer.

L'auteur cherche des points de repère pour préciser davantage. M. Anthyine Saint-Paul a fixé entre 1145 et 1175 la date du portail de N.-D. à Étampe, inspiré de celui de Chartres. Il en est de même des deux admirables figures de roi et de reine, de N.-D. de Corbeil, conservées à Saint-Denis, qui sont antérieures à 1 180. Le triple portail de St-Denis, qui est daté (1140J, qui a perdu ses sculptures originelles, mais dont l'or- donnance est encore visible, a certainement ins- piré celui de Chartres. Bref, M. de Lasteyrie peut préciser et placer l'exécution du portail royal de

1. Le poème de Martianus Capellon, avait, dés le X1I« siècle, popularisé dans le cloître l'allégorie des Sept W/-/.V,- à Chartres même l'écolâtrc Thierry écrivait en 1142 son Manuel des Sept Arts ( Hep- tateuchon ) , dont le sculpteur s'est visiblement inspiré ; le même sujet figurait dans \' Hortns delieiarum de Herrade de Landsperg (XIl" siècle) et dans le pavé de St-Rcmy à Reims (jogo.)

2. On a trouvé des analogies à la cathédrale d'Angouli'nic.

3. En examinant les petits fûts indiscutablement du XI U- siècle, on peut se convaincre qu'ils ont été faits pour les statues qu'ils por- tent.

BtbltograpDte.

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Chartres, vers 1160. II est à peu près d'accord avec M. Lefebvre-Pontalis ; ce dernier pense que le portail est antérieur à 11 56, et que sa recons- truction en avant des tours a eu lieu vers 1 180.

La question des dates relatives de Saint-Tro- phime d'Arles est connexe à la précédente. Les auteurs sont à cet égard dans le plus par- fait désaccord. M. de Lasteyrie reconnaît comme scientifiquement démontré par M. Marignan, à l'aide de l'iconographie, que le cloître ne peut être antérieur à la seconde moitié du XII*^ siècle. Les quatre galeries sont d'âges différents. Celle du Sud aurait été commencée en 1389 ; celle de l'Ouest, couverte en croisées d'ogives, est du XI 11^ siècle. Celles du Nord et de l'Est, couvertes en berceau, peuvent remonter au XII'ï, la première étant la plus ancienne des deux, avec ses arcades à vives arêtes. Des inscriptions funéraires qu'elles por- tent, M. de Lasteyrie conclut que le mur du Nord (extérieur) du cloître était bâti en 1165, celui de l'Est en I iSi, et celui de l'Ouest en 1 18S. Mais au milieu des arcades de la galerie nord on lit une épitaphe de 1188, tracée sur un parpaing du mur. D'ailleurs le style de l'iconographie s'ac- corde avec les dates de 1 165 1 188 entre lesquelles a être élevée la galerie du Nord. Notre auteur passe en revue tous les personnages des piliers et des chapiteaux historiés, sans trouver confirma- tion des arguments par lesquels M. Marignan a voulu attribuer au X1II<= siècle ces remarquables sculptures. La galerie septentrionale date de i iSo environ ; elle n'est pas antérieure au portail de Chartres.

Après les savantes études de M. Marignan, il n'est plus possible de soutenir que le prestigieux portail de Saint-Trophime appartienne à la pre- mière moitié du XII^^ siècle. Mais faut-il le placer en plein XIII^ siècle? Ses sculptures ont trop d'analogie avec les plus anciennes du cloître pour s'en écarter beaucoup, et nous avons vu que celles-ci sont du XI I"^ siècle. M. Marignan, pour les reporter après 12 17, se base sur l'interprétation d'une inscription re- cueillie par Sacius, qu'il a mal interprétée. Le portail est postérieur au mur de façade auquel il s'adosse, mais ce dernier n'est pas, comme il le pense, de la deu xième moitié du X 1 1*^ siècle. Son appareil montre qu'il est plus vieux que celui du bas côté nord, tout au plus du début du Xili^ siècle, à ce qu'atteste une inscription qu'il porte. Quant aux sculptures, tout en repoussant la doctrine surannée de Viollet-le-Duc sur l'in- fluence gréco-syrienne, on doit y reconnaître avec lui une influence gallo-romaine. L'arc brisé n'est plus un argument pour dater l'ouvrage du

XI Ile siècle ; on sait aujourd'hui qu'on en a fait au XII'^ siècle. Étudiant l'iconographie du por- tail, M. de Lasteyrie récuse les « indications précises» qu'a relevées M. Marignan dans le sens de son attribution au XI 11^ siècle. Bref, épousant les appréciations générales de M. Mari- gnan, mais allant moins loin dans ses conclu- sions, il opine pour une date comprise entre II 80 et 1190, et cela, en dépit de certaine mitre triangulaire usitée seulement au XI IP siècle ; on en trouve des exemples antérieurs sur plusieurs sceaux.

Les arguments positifs de M. Marignan sont ici réfutés en détail, notamment celui qui concerne la finesse des moulures ; elle n'est pas moindre à Sainte- Marthe de Tarascon, qu'une inscription date entre 1 187 a 1197.— M. de L. observe au sur- plus la conformité de caractère des inscriptions pieuses du portail avec celles du cloître allant de 1165 à 1188. Il relève en outre l'extraordi- naire similitude que présente le beau rinceau décorant le linteau de la porte, avec celui de la cathédrale de Maguelonne, sculpté en 1 178. Donc le portail d'Arles peut être daté entre 1 180 1 190. Or, à cette date, les sculptures du portail royal de Chartres étaient achevées. Il est donc impossible de souscrire à la thèse de M.Voge.

Mais que penser de la thèse de M. Mari- gnan, faisant dériver les sculptures de Chartres de l'école provençale, représentée par la façade de Saint-Gilles ? Sur la date de cette façade, les auteurs fourmillent d'erreurs; depuis Mérimée et Revoil jusqu'à Quicherat et Viollet le-Duc. Tous ont mal interprété une inscription gravée sur l'un des contreforts, fixant à rii6 le com- mencement des travaux. Par ont-ils com- mencé .'' Par la crypte, dit Quicherat ('), tandis que M. Marignan affirme qu'il ne reste rien de l'église commencée à cette date.

M. l'abbé Nicolas, curé de St-Gilles, dans un savant mémoire, apporte des lumières nouvelles sur la question. Il nous apprend (2) que Raymond VI, pour expier le meurtre du légat Pierre de Castella, fut amené devant les portes de l'église de Saint-Gilles ; le fait s'étant passé en 1209, on a une preuve certaine que le portail n'est pas du milieu du XIII*^ siècle, comme le prétend M. Marignan. Quant à l'inscription, M. Nicolas a démontré que la pierre à l'inscription de 11 16 n'est pas une pierre rapportée ; elle est placée au cœur des maçonneries de la crypte, à laquelle elle s'applique. La croisée d'ogives qui couvre la crypte n'appartient pas, selon M. de L., à

1. Mélanges d' archéologie ^ p. 179.

2. Abbé Nicolas, Construction et réparation Ae l'église de Saint- Gilles, Nemé. 1900.

500

IBitWt tie P^rt cj)rétien.

l'époque de la construction de celle-ci ; à cette époque, la crypte était voûtée d'arêtes sans ner- vures,comme elle l'est encore sur deux travées. La marche des travaux se lit sur l'édifice ; le gros œuvre de la crypte doit avoir été terminé vers 1 140 ; à ce moment, les ogives des voûtes étaient prévues, comme le montre l'appareil. On peut admettre avec Ouicherat que la nef haute était en pleine construction vers 11 50. Le portail a être élevé avant 11 79 pendant la période de paix dont l'abbaye a joui au XI 11" siècle. Le portail porte en son milieu une saillie caracté- ristique de deux couples de colonnes; elle s'explique par une saillie correspondante de la crypte ; les deux constructions ne peuvent pas être séparées par une grande lacune ; or, cette partie de la crypte, une inscription prouve qu'elle existait en 1 142. C'est au troisième quart du Xll" siècle qu'il faut placer la construction du beau portail de Saint-Gilles. On discerne d'ailleurs parmi les sculptures plusieurs groupes hétérogènes dus à des mains différentes, sou- mis à un chef unique, nommé Bruiius. Notre auteur analyse longuement cette grande page de sculpture, et en conclut que la construc- tion s'est poursuivie par intermittences pendant toute la seconde moitié du XII<= siècle.

Il étudie encore d'autres sculptures romanes du bassin du Rhône : celles de la cathédrale de Nimes et de N.-D. de Pommières à Heaucaire, celles de Saint-Bernard de Romans, celles de Saint-Guilhem du Désert, de Maguelonne, de Reddes, de Montmajour. Il conclut que l'école provençale n'a pas, comme le pré- tend M. Vogue, devancé celle de l'Ile de France. M. Marignan, prenant le contrepied de cette théorie, a admis l'influence du Nord dans le Midi. M. de Lasteyrie ne la nie pas, mais croit qu'elle ne s'est guère exercée avant la fin du X 1 1"= siècle. Les écoles d'Arles et de St-Gilles remontent plutôt à celle qui avait pour centre Toulouse et Moissac.

L. Cloquet.

DICTIONNAIRE D'ARCHÉOLOGIE CHRÉ- TIENNE ET DE LITURGIE, par le D"^ F. Cabrol, fasc. V. Paris, Letouzey, 1904.

Parmi les articles du fascicule V, nous ne ferons que noter les articles relatifs à Alexan- drie (liturgie, élection des patriarches, etc.), l'article de M. 11. Leclercq sur les célèbres sarcophages des Aliscamps, celui de Dnin Ca- brol sur l'acclamation liturgique de YAIlelttui, etc., pour nous arrêter à l'article Ambon qu'a traité M. Leclercq. Il décrit d'après les textes celui de Justinien à Sainte-Sophie de Constan-

tinople, qu'ornaient l'argent, l'ivoire, l'or et des masses de perles enchâssées dans le marbre ; celui de Saint-Marc de Venise et un exemple d'ambon à coupole. Le pupitre élevé d'où parle le lecteur apparaît dans les textes, dès l'époque constantinienne. L'ambon de Sainte- Sophie s'élevait vers le milieu du temple, à l'Est ; à l'église métropolitaine de Ravenne, au VI'^ siècle, il était dans le chœur inférieur (nef). Parmi les types remarquables figurent l'am- bon de Salonique, d'où saint Paul aurait pris la parole ; celui de la métropole de Ravenne, décoré d'abondantes figures d'animaux distri- bués en un ensemble qui s'élève de l'élément liquide jusqu'aux régions de l'air ; puis viennent les ambons des basiliques de Rome (St-Laurent hors les murs, Saint-Clément, Ste-Marie in Cos- medin, St-Pancrace) que l'on attribue au IX<= siècle environ. Ceux des églises de San-Spiritu et de StApoUinaire à Ravenne remontent plus haut (VP siècle). Rohault de Fleury les a décrits ; un beau spécimen est celui de Sainte- Marie à Castel-Saint-Llisée près de Népi (IX°), nous le reproduisons. Agaune possède un cu- rieux ambon du VI^ siècle.

Le chant et le rit Ambrosiens occupent lon- guement, (c'est légitime), M. L. A. Gatard et P. Lejay ; puis vient une étude développée sur la (5(?.î27/$'«£ ambrosienne; elle est encore de M. H. Leclercq. Dans cette étude faite au point de vue archéologique et architectural, l'auteur suit les idées de M. de Dartein (VIL siècle). L'église date de quatre époques : le chevet est la partie la plus ancienne, les nefs et le narthex sont postérieurs, l'atrium fut construit en troisième lieu, finalement furent élevés les campaniles. L'auteur ne s'arrête pas au différend qui s'est élevé entre M. de Dartein et feu Cattaneo quant à l'âge de la superstructure des nefs de Saint- Ambroise, et que connaissent nos lecteurs ('). Il lui importe davantage de rechercher des vestiges de l'édifice ambrosien.

Les murs de la basilique lombarde paraissent avoir été édifiés sur les fondations du IV' siècle; les nefs couvrent exactement l'édifice primitif; M. Leclercq étudie minutieusement l'histoire de la confession, telle qu'ont permis de l'établir les fouilles de 1S64, confirmant l'intention connue de S. Ambroise de céder aux saints Martyrs Gervais et Protais le droit de la tombe ; une cer- taine confusion s'était produite dans les esprits quant à cette donnée, par suite du retourne- ment de l'orientation des églises survenue dans l'architecture.

C'est encore d'après M. de Dartein que notre érudit auteur étudie la basilique de Saint-Satire;

i. Revue Je ia i' An clirilien, année 1892, p. 524.

Btbliograpl)te.

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pour celle-ci comme pour l'édifice de Saint- Ambioise, il s'aide d'intéressants dessins em- pruntés à Landriani et à Beltrami.

Cet intéressant fascicule contient un autre article important à notre point de vue : c'est celui qui est relatif à l'âme ; mais il n'est pas terminé, et nous le reprenderons quand nous aurons le fascicule suivant.

L. C.

MUSÉKS ROYAUX DES ARTS DÉCORATIFS KT INDUSTRIELS DE BRUXELLES. CATA- LOGUE DES IVOIRES, DES OBJETS EN NACRE, EN OS GRAVÉ ET EN CIRE PEIN- TE, par J. Destrée, conservateur. In-S'', illus- tré, 130 pp. Bruxelles, Bruylant, 1902.

On a longtemps envié, chez les Belges, les re- marquables catalogues illustrés des musées de Londres, si bien faits, et mis à la portée des petites

Diptyque sacré de Genoels-Elderen.

bourses, ces catalogues intuitifs et didactiques, qui sont un puissant instrument d'éducation populaire. Bientôt les Anglais pourront prendre modèle sur leurs voisins. Le catalogue des ivoires du musée de Bruxelles est un modèle du genre, et il n'est pas le seul.

En quinze pages, M. Destrée y résume l'histoire de la technique éléphantine; puis il donne des pièces marquantes, des notices descriptives qui sont en même temps de bons morceaux de cri- tique archéologique.

La technique de l'ivoire a pour monuments en Belgique, outre les pièces capitales du musée, un feuillet de diptyque byzantin du trésor de Tongres, l'évangéliaire mosan de l'Université de Liège, l'évangéliaire de la cathédrale de Tour- nai, le bâton pastoral de Saint-Servais de Maes- tricht, et plus tard, les œuvres de Duquesnoy et de F. Van Bossuyt.

Les pièces notables du musée sont un fragment ' de cathedra à l'image de saint Pierre (vers 700) { de provenance alexandrine, analogue au feuillet

RKVUU UB. LAKT CHRUTIBN. 1904. 6"'* LIVRAISON.

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3^ebue te V^xt chrétien.

de Tongres, qui a été spécialement étudié par le Directeur de la Revue de V Art clirétien (•) ; le diptyque sacré de Genoels-Eldereii (vers 8oo), que M. Helbig croit sortir d'une abbaye mosane et M. Destrée est tenté de voir une production longobarde; un coffret byzantin du IX^ siècle au décor en rosaces et à bestioles; les beaux peignes liturgiques de Stavelot (X'' s.); une plaque d'évan- géliaire, mosane selon M. Helbig, mais d'inspi- ration byzantine ; une gracieuse petite branche du XII^ siècle, transformée en reliquaire au XIV"^ siècle, une châsse du Xtl' siècle, de travail allemand ; le lustre en dents de morse trouvé à Bouvignes en 1864; deux ravissantes Vierges assises, du XIV« siècle, de travail français ; de nombreux feuillets de diptyques, des coffrets, baisers de paix; voilà pour la période médiévale. Parmi les objets de la renaissance, il convient de citer les trois grasses de Van Opstael. On peut citer dans le domaine de l'art chrétien, une gra- cieuse Vierge Immaculée, du XVI I»^ siècle, la plaque à la Sainte Famille de Peter Hencke (vers 1700), une Pietà et un saint Jean (statuettes du XVIII« siècle).

L. C.

CAMBRON-CASTKAU, par R. Paternotte. In-S" illustré de 88 pp. (=), chez l'auteur à Cambron- Casteau, 1904.

L'amour du clocher natal a inspiré cet intéres- sant livret rehaussé de nombreux photozincs. Les trois Cambron (Cambron-Marie, Cambron- Saint- Vincent, Cambron-Casteau) furent d'inté- ressants villages; les deux derniers subsistent seuls, et Cambron-Casteau l'emporte en intérêt par les restes qu'il possède d'une puissante abbaye.

Il possède une joliette église de style primaire, à triple nef, la centrale adossée à une grosse tour carrée, les latérales englobant celle-ci; à l'oppo- site est un chœur plus bas, à chevet plat. C'est un type parfait d'église rurale ; sa superstructure est en berceaux lambrissés. Elle a été récemment restaurée et agrandie ; on a refait le chœur pour intercaler une quatrième travée. Chose éton- nante, le restaurateur n'a pas reproduit dans les nouvelles arches l'appareil des anciennes. Nous devons regretter en outre la lourdeur des entraits apparents du comble, et la répétition de la croix comme antefixe aux deux pignons de la nef et du chœur, ce qui tend à faire un motif banal d'un emblème sacré. Le massif clocher percé de fenestrelles en forme d'archères a quelque allure

1. j. Helbig, La sculpture et Us arts plastiques au pays de Liège.

2. Se vend i fr. 25 au profit de l'église.

de tour fortifiée. Vue du côté de l'Orient, l'église, qui se dresse sur un tertre, a belle silhouette avec son chœur austère au pignon percé d'un triplet. Au sortir du village, une magnifique drève de tilleuls mène à la poterne de l'abbaye cistercienne, élevée au XI II' siècle, rebâtie en 1722, et dont il ne reste plus que quelques vestiges; mais ces vestiges sont grandioses : c'est une tour colossale du XVIIIf^ siècle, une belle salle de l'époque de

Église paroissidle de Cambron. Nef.

transition de destination incertaine, une seule colonne de l'église primitive, et un pan des murs de remarquables mausolées abritent leurs gisants sous des enfeus.

Tout cela, et de moindres curiosités locales, est décrit avec ordre et conscience, en des termes élégants, dans un sentiment pieux, et accom- pagné de nombreux renseignements historiques. C'est un modèle de monographie locale.

L. C.

THE BASES OF DESIGN, par Walter Ckane. In- 12, illustré de 372 pp. Londres, Bell, 1902.

Ce beau petit volume, illustré d'une manière ex- quise et écrit par un maître sous forme didac

BibItograpl)îe.

503

ÊgUsc p<iruisàialc Ue C^iubion. Cho^ui.

Toui de l'abbaye de Cambroii.

Eutrce de 1 «ibbaye de Cambroii.

Eglise paroissiale dt, Cainbion. Vue extérieure.

504

îRcbuc ïie Tî^rt cbrcttm.

tique, ne répond pas exactement à son titre, car il traite plus de la classification des formes artis- tiques que du dessin proprement dit, qui est l'art de leur représentation.

Quelles sont, se demande l'auteur, les in- fluences d'où découlent leurs variétés ? C'est d'abord Vîitiliié, c'est la demeure de l'homme qui en fournit les premiers sujets ; en d'autres termes, l'architecture est la grande génératrice des formes et la mère des arts. Avec Ruskin, l'auteur classe les formes architectoniques sous trois titres : la plate bande, le plein cintre et l'arc pointu. La distinction nous semble dé- fectueuse, car les trois catégories ne sont pas équivalentes ; la colonne architravée d'une part, l'arcade et la voûte de l'autre, voilà deux concep- tions qui se classent nettement à part ; mais la même division nette ne peut être établie entre les deux cintres, pas même entre la coupole et la croisée d'ogives.

De son aperçu rétrospectif, retenons d'excel- lentes remarques, celle-ci, par exemple, que la décoration des anciens recherche toujours les bonnes places à sa convenance ; et encore cette autre : que la base du décor des Grecs est la ré- pétition de lignes qui se font écho. Chez eux le sentiment architectonique pénètre tout, même le mobilier, l'outillage et l'habillement.

L'art romain enrichit le dessin de formes nou- velles ; l'arcade, le dôme, le pilastre pannelé (que reprendra la renaissance) et de riches détails dé- coratifs, notamment pour les fresques. Ingénieux, plus que vrai, le rapprochement qui est fait entre les bucraiies réunies par des guirlandes, et la paire de bœufs attelés sous le joug. (V. fig. ci-contre.)

Le style byzantin apporte à l'art les effets de splendeur, gouvernés par beaucoup de retenue et de dignité. Analysant ensuite l'esthétique de l'art roman et gothique, M. W. C. s'en rapporte peut- être trop exclusivement aux modèles anglo-nor- mands.Il constate l'accord des artistes médiévaux avec les Grecs, dans l'art de placer l'ornement sur les champs libres, et de rythmer les lignes. Il estime que les Grecs ont excellé surtout dans le décor plastique, et les Byzantins, dans la mo- saïque; les gothiques ont triomphé dans la pein- ture sur verre et dans les arts du mobilier.

L'auteur ne paraît pas avoir savouré toute la beauté de l'architecture des cathédrales. Il re- nonce au surplus à poursuivre l'évolution de la forme à travers les périodes de la renaissance.

tonnées ; le guillochis et le lacis sont nés des clôtures entrelacées. Les bordures courantes et montantes des œuvres textiles ont créé les motifs de bandes employés jusque dans l'architecture. Il y a dans les sources primitives les bases de la logique décorative. Quand on les a oubliées, la production artistique a décliné ; l'artiste s'est séparé de l'artisan, et le décor est devenu une addition sans rapport intime avec l'objet.

La nature des matériaux gouverne surtout la forme et le dessin, selon que celui-ci est réalisé

Passant à un autre ordre d'idées, il montre l'infîuence du facteur utilitaire sur les formes architecturales, picturales et ornementales. La confection de la natte aux âges primitifs a enfanté le dessin en damier et les bordures fes-

VolC6 OF ÛXCfJ - CAftR.ARA.

par la sculpture, le modelage, la fonte, la forge, la broderie.

M. Crâne applique les principes à cet art si populaire de nos jours, d'un dessin noir sur blanc, c'est-à-dire l'illustration des imprimés. 11 discute les divers types de mise en page des livres.

Il s'occupe aussi du milieu ambiant de l'œuvre d'art, de sa position par rapport à l'œil, à la main, à la lumière ; des conditions d'exécution du des- sin, par des procédés rapides ou par des techni- ques laborieuses et précises, etc.

Des pages bien neuves sont celles qu'il con- sacre à l'esthétique du livre, caractères, impres- sion. II est d'avis que les procédés photographi-. ques d'illustration qui triomphent de nos jours,

Bibliographie.

505

sont funestes en ce qu'ils détruisent l'harmonie entre l'image et le texte. Il a bien raison, et nous sommes ici en présence d'une crise venant d'un progrès scientifique et industriel anormal par son importance trop subite, pour que l'équilibre et l'harmonie puissent s'établir entre le moyen et le but. L'art est débordé par le procédé. Nous som- mes tentés de comparer cette anomalie à celle qui s'est produite vers 1S40, quand la métallurgie a développé ses moyens brutaux sans concert avec l'art architectonique qu'il a bouleversé. De même, les procédés héliographiques envahissent les pagesimprimées avecdes produits merveilleux en soi, mais dépourvus de style, et sans que le metteur en page ait le temps de se retourner, d'adapter des ressources trop riches à l'œuvre artistique du livre.

Il nous faut encore insister sur l'influence climatérique et ethnique, si active que les œuvres d'art racontent éloquemment l'histoire des peuples disparus. L'éclat de la lumière dans les pays chauds a le curieux effet d'éteindre la vivacité des couleurs et d'harmoniser les teintes heurtées. L'ardeur du soleil du Midi engendre des ordonnances architecturales aveu- gles, et les brumes du Nord donnent naissance à des édifices vraiment aériens. Au point de vue atavique, l'auteur attribue à ses compatriotes des facultés d'imagination, dues à leur origine cel- tique, et des capacités de calcul et d'analyse provenant des sources teutoniques.

Encore une observation instructive : le dessin « purement graphique ^ ou naturalistique s'at- tache aux caractéristiques individuelles, c'est- à-dire aux différences, tandis que le dessin monu- mental et décoratif, ou stylisé, recherche et synthétise des formes types, et met en évidence les correspondants. Voilà les deux principes qui se sont toujours disputé le monde des art*;. Dans les arts les 'plus parfaits, ils se concilient, avec prédilection pour l'un ou l'autre des deux principes.

L. Cloquet.

DINANT DANS LA HANSE TEUTONIQUE, par H. PiRKNXE. Broch. in 8". Namur, Wesmael, 1904.

On se rappelle une communication qui a fait sensation au Congrès archéologique de Dinant en 1903 : c'est celle du professeur Pirenne de Gand, sur l'histoire de la Dinanderie, cette glo- rieuse industrie qui fut remémorée par la bril- lante exposition de Dinanderies. Nous avons maintenant sous les yeux le discours du savant professeur, qui a paru sous ce titre : Dinant sohs la hanse teutonique.

C'est un fait remarquable que seule, dans la Belgique actuelle, Dinant a fait partie de la Hanse teutonique. C'est que la petite ville mosane devint, à partir du XI I^ siècle, le centre le plus actif de la fabrication des objets de cuivre en Occident. Elle tirait son minerai des mines de Goslar, par Cologne, le Rhin et la Meuse. Mais au milieu du XIII^ siècle, le commerce maritime ayant augmenté l'attraction des ports flamands, c'est par la ville de Bruges et son port de Dam- me qu'arrivèrent les matières premières ; c'est aussi que se rendirent les chaudronniers dinan- tais et de ils se répandirent à Angleterre. Le trafic acquit outre Manche une intensité dont M. Pirenne fournit les preuves authentiques et curieuses.

Les Dinantais eurent en Angleterre une puis- sante association de copères, nommée la Compa- gnie d'Angleterre. "Les marchands wallons avaient grand intérêt à fréquenter l'Angleterre et a y transporter leurs produits eux-mêmes, et durent créer personnellement leur débouché ; ils finirent par enrapporterl'étaindesCornouailles et d'autres marchandises. Mais de combien de difficultés ces opérations n'étaient-elles pas entourées en ces temps de piraterie, d'insécurité des routes, de con- flits incessants. L'association était une nécessité pour eux. Aussi dans le XIL' siècle les Flamands eurent-ils leur Hanse à Londres ainsi que les Alle- mands. Les Dinantais, moins nombreux et cepen- dant obligés de défendre leurs intérêts, trouvèrent l'appui nécessaire dans la Hanse teutonique. Ré- putés allemands par les fonctionnaires royaux, les batteurs tirèrent avantage d'une confusion qu'ils n'avaient pas créée. Edouard III leur oc- troya en 1303 les franchises accordées au marché des Allemands. Après le sac deDinant par Charles le Téméraire (1466), la batterie, déchue de sa prospérité, se releva péniblement, mais elle ne trouva plus dans la Hanse qu'un appui précaire et des dispositions ombrageuses.

M. Pirenne fournit des détails très précis et extrêmement intéressants sur l'histoire de cette industrie artistique, et sur le rôle qu'elle a joué dans le monde commercial.

L. C.

LE CHRIST DE LA « LÉGENDE DORÉE >, par l'abbé J.-C. Broussolle. In-8° de 484 pp. Paris, rue Bayard, 5. Prix : 5 francs (').

Nos lecteurs connaissent le texte de la Légende Dorée, l'œuvre d'un célèbre archevêque italien du XI siècle, Jacques de Voragine, commentant,

I. Relié toile, 8 francs; relié avec luxe, tranches dorées, lo francs ; port o fr. 60 en gare, o fr. 85 à domicile.

5o6

3Rt\)ue ÏJC rSvt cljrctien.

d'après les textes et monuments anciens, les grandes fêtes de l'année liturgique.

De ce vaste cycle de récits poétiques, M. l'abbé Broussolle a extrait, puis traduit les passages qui se rapportent au Christ.

L'ouvraçe comporte dix chapitres traitant de la Nativité, de la Circoncision, de l'Epiphanie, des Saints Innocents, de l'Entrée à Jérusalem, de la Cène, de la Passion, de la Croix, de la Résurrection et de l'Ascension.

Plus de 400 gravures, reproductions des plus célèbres tableaux, miniatures, mosaïques et sculp- tures illustrent le commentaire iconographique qui complète chacune des parties du récit de Jacques de Voragine.

Ce livre intéressant et instructif présente la vie de Notre-Seigneur sous un jour nouveau. Il est fait pour satisfaire pleinement la piété des lec- teurs et la curiosité des amis de l'art religieux.

BULLETIN MONUMENTAL, n. 3, 1904.

Les Légendes s'en vont et les grands mots perdent leur sens. Cela allait si bien, de rappeler un mot de V. Hugo, en parlant du vaste perron de N.-D. de Paris, «; qu'a dévoré degré par degré, la marée montante des siècles»! M. Morlet, l'érudit si expert à remettre au point des rensei- gnements archéologiques trop vagues ou erronés, nous apprend que cette marée n'a rien dévoré du tout, que la porte de Notre-Dame fut de tout temps au niveau du seuil des grands portails ;nn escalier a bien existé, mais c'était du côté du logis épiscopal.

M. Lefebvre-Pontalis nous donne une mono- graphie très détaillée et très instructive, comme il en sait faire, de Saint-Evremond de Creil ; il l'intitule : Notice nécrologique ; c'est qu'en effet le monument qu'il décrit n'existe plus ; mais quand il était encore debout, il l'a étudié, dessiné, pho- tographié et, grâce à lui, cet édifice reste parmi les types de la genèse gothique comme un pré- cieux terme de comparaison.

M. l'abbé J. Clément donne un relevé d'épita- phes sacerdotales conservées à l'église paroissiale de Chareil-Cintrat. Il s'a£;it d'une lame funéraire verticale ( Au voye) du milieu de XVI' siècle.On y voit deux prêtres en habits sacerdotaux couchés sous un missel et un calice ; un troisième est repré-

senté à genoux sur un prie-Dieu, en présence du S. -Sacrement.

Notre collaborateur M. Lenoir fournit une étude détaillée de la cathédrale de Lescar, que M. Gausse a jadis fait connaître, à nos lecteurs.

L. C.

THE CRAFTSMAN (')•

Livraison de septembre 1904. M. G. Wharton James continue la série des articles consacrés ' aux premières missions catholiques du Far West. ! Il nous montre l'influence des constructions de ces pionniers de la civilisation sur l'architecture moderne de la Californie. Vers le milieu du XVI II<^ siècle les Pères Franciscains espagnols convertirent à la vraie foi les peuplades qui habi- taient les côtes du Pacifique et développèrent rapidement parmi eux l'art de bâtir.

C'est dans l'architecture originale des bâti- ments de ces missions que les constructeurs du pays de l'or vont puiser leurs inspirations pour continuer le « Mission Style », style qui rappelle la renaissance espagnole avec ses toits plats en tuiles rouges, ses tourelles surmontées de dômes mauresques, ses galeries à arcades empruntées directement aux cloîtres franciscains et ses pignons à gradins ou à rampants, souvenirs de la Renaissance flamande.

En passant, l'auteur reproduit les demeures des Indiens primitifs. Puis, dans un langage enthousiaste, il raconte comment les mission- naires ayant à leur tête le Père Serra inculquèrent à ces sauvages les principes de la civilisation occidentale ; au bout d'un petit nombre d'années plus de trente mille Indiens convertis vivaient paisiblement sous la direction spirituelle des Pères, gardant les troupeaux et cultivant la terre, tandis que, grand nombre parmi eux, devinrent d'habiles artisans. Ce fut un crime du Gouver- nement américain, de soustraire à la tutelle de ses bienfaiteurs ce peuple fraîchement arraché à la barbarie, pour l'exposer à l'exploitation des chercheurs d'or. L'alcool aidant les Indiens retournèrent vite à leur état sauvage : redevenus insoumis, ils furent bientôt décimés par une guerre d'extermination. Ce fut la ruine des missions.

M. Wharton passe en revue, aidé par une abon- dante illustration, toutes les parties intéressantes des constructions dues aux missions, ainsi que le mobilier qui les décorait jadis.

E. C.

I. The Craftsnian building-Syracuse. New-\'ork, 3 dol. par an.

Btbliograpl)te.

507

«

Xntitv bibliographique.

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ÏI^ Congres intccnarionaï De rcnsci^ gncment Du Dessin à Berne, 1904.

E deuxième Congrès international de l'en.seignement du dessin s'est tenu à Berne, du 2 au 6 août derniers.

Tous les États européens, les Etats- Unis et le Japon y étaient représentés officielle- ment.

Parmi les nombreuses communications faites par les rapporteurs officiels ou particuliers, nous en voyons deux à signaler.

La première de ces communications a été lue par le Fr. Mares, inspecteur des Écoles de Saint- Luc de Belgique, qui a présenté au Congrès un exposé de l'organisation de ces écoles.

Sous le nom à' École des métiers d'art, la pre- mière a été fondée en 1862, à Gand, grâce aux subventions de quatre personnalités de l'aristo- cratie belge, I\1M. le baron Bethune. le comte d'Hemptinne, Florimond Dullaert et Florimond Van de Poêle ('). Le frère Mares, de l'Institut des Frères des écoles chrétiennes, fut chargé de l'éla- boration des programmes.

Les écoles de Saint-Luc sont des écoles d'en- seignement professionnel dont les cours ont lieu le soir ; les jeunes gens y sont admis depuis l'âge de douze ans. La durée de l'enseignement est de dix années ; pendant les deux premières années, les élèves suivent des cours élémentaires, et pen- dant les huit années suivantes, des cours profes- sionnels. Chaque année d'étude est terminée par des examens et des concours ; ces examens et ces concours sont passés devant un jury composé de membres pris hors du personnel de l'école ; il est décerné un prix pour chaque année d'étude et un grand prix à la fin de la dixième année.

Les programmes ont relégué au second plan l'étude dessinée des formes pour donner la pre- mière place à l'étude des matériaux et de l'outil- lage propre à chaque métier, étude qui est com- plétée par des exercices manuels. Ils considèrent,

i.Noiis regrettons que cet important rapport ne définisse pas d'une manière plus précise le rAle des créateurs de l'œnvre de Saint-Luc. Certes le vénérable comte J. de Hemptinne, dont la munificence a tant contribué k la fondation et au soutien de l'œuvre, ne voudrait pas revcndi(juer l'initiative artisticjue de cette belle entreprise, due en premier ordre à son ami, 1<; maître immortel Je.tn Bethune, dont FI. Van de Pocle fut un modeste collaborateur. Quant à frère Mares nous dirons, nous, ce qu'il n'.i pas voulu dire, (pi'il fut, non seule- ment l'élaborateur si entendu des profjrammes. mais l'organisateur et le soutien, la colonne de l'œuvre, durant plus d'un quart de siècle.

en effet, justement, à notre avis, que la forme doit être le résultat de l'étude de la matière et du procédé de travail plutôt que celui d'une inspi- ration empruntée à la plastique des monuments anciens.

Le cours élémentaire ne comporte qu'une seule section par laquelle tous les élèves doivent pas- ser, tandis que les cours professionnels sont groupés en deux sections : la section « du bâti- ment » et la section « des travaux décoratifs ».

Dans la «section du bâtiment », les élèves, pendant les trois années, se consacrent à l'étude des matériaux et de l'outillage, puis, pendant quatre années, par des essais de composition et d'arrangement, ils s'exercent à inventer ; arrivés enfin en dixième année, ils sont répartis en trois classes, ils vont commencer à se spécialiser. La première de ces classes comprend les archi- tectes, les entrepreneurs, les surveillants de tra- vaux et les tailleurs de pierre ; la seconde, les ouvriers du bois ; la troisième, les ouvriers du métal.

De même, dans la section « des travaux déco- ratifs»,les élèves s'exercent, pendant trois années, au tracé géométrique, à l'étude de la plante et à celle des formes ornementales ; puis, pendant quatre années, ils se livrent à des essais de com- position. La dernière année les classe, alors, en deux groupes ; le premier groupe est celui des ouvriers du travail sur surface plane (peinture, dentelles, émaux, etc.) ; le deuxième, celui des ouvriers du travail en relief (sculpture sur bois, orfèvrerie, etc.). Pendant cette dernière année, dans la section « des travaux décoratifs » comme dans la section « du bâtiment », les élèves peu- vent, suivant leurs dispositions ou leur situation sociale, se préparer plus spécialement au rôle de patron ou à celui d'ouvrier.

Ce qui caractérise cette école au point de vue social, c'est que, les cours y étant faits le soir, les élèves les suivent en même temps qu'ils prati- quent leur profession, en ville, dans des ateliers patronaux, et que, par conséquent, l'école n'est plus placée en dehors de la vie industrielle, mais prend bien part à celle-ci. Si l'on considère, en outre, que les patrons de ces élèves sont, eux aussi, souvent, d'anciens élèves des écoles Saint- Luc, on peut supposer que l'enseignement de l'école et l'apprentissage dans les ateliers forment un ensemble absolument favorable et parfaite- ment uni.

Cl)romque,

511

L'influence sociale des écoles Saint-Luc s'étend sans doute au delà des limites du domaine de l'instruction. Les professeurs prennent part aux affaires de leurs élèves en les i^nidant de leurs conseils et de leurs relations ('). La première école des métiers d'art de Gand a essaimé en Belgique de nombreuses filiales, notamment à Bruxelles, à Tournai et à I^iége ; à Lille, il y en avait une qui a probablement disparu depuis l'application de la loi sur les congrégations.

La seconde communication a eu pour objet l'exposé des programmes et de la pédagogie de l'enseignement de l'architecture, au seul point de vue « plastique », dans une école libre de Paris, l'École du bâtiment.

Cette école a été créée sous le patronage de MM. J.-J. PiUet et G. Scellier de Gisors, par MM. J.-P. Guichard et Robert Lesage. Son but est d'offrir aux étudiants, après les études du ly- cée, où ils sont habitués à être dirigés d'une façon constante, un enseignement méthodique de l'ar- chitecture, suivant des programmes et une péda- gogie bien déterminés, et, aussi, d'appliquer le régime de la régularité et de la discipline au travail de jeunes gens qui ne sont pas préparés au régime d'absolue indépendance, si justement en honneur dans les ateliers, mais seulement convenable au public particulier qui les fréquente, c'est-à-dire à des hommes faits et à des artistes ; en outre, par les tendances de l'enseignement, et tout en donnant la plus grande importance à l'éducation artistique, elle veut préparer à la profession, dès le début même de leurs études, ceux de ses élèves qui sont aspirants à l'école des beaux-arts, ou qui, y étant reçus, en suivent régulièrement les cours.

La partie artistique des programmes de l'École du bâtiment embrasse des cours de graphique (modelage, dessin d'après le plâtre, tracé des ombres, tracé perspectif, tracé technique) et des cours d'architecture (étude analytique des formes et des éléments architectoniques, étude de la répartition de ces formes et de ces éléments ou composition).

Ce qui caractérise ces programmes, c'est qu'ils sont rationalistes et gradués ; ils sont rationa- listes, parce que la forme plastique y est présen- tée comme l'expression de la structure des orga- nes et de leur rôle dans l'édifice ; ils sont gradués parce qu'ils procèdent du simple au complexe,

I. Voici quelques indications données par le rapporteur sur «réta- blissement * des anciens élèves de l'école -Saint-Luc : g directeurs d'écoles industrielles. 41 professeurs, 3 chargés de cours, 15 archi- tectes titrés, 25 fonctionnaires, 48 patrons ayant atelier, 34 sculp- eurs ayant atelier, 61 architectes établis, 27 experts, 62 entrepre- neurs, 19 patrons maîtres d'œuvre, 37 dessinateurs d'industrie, etc.

non seulement dans les essais de composition, mais aussi dans les études analytiques des formes. L'élément architectonique est étudié sur nature ; il est modelé avant d'être dessiné : le relevé géo- métral est seulement la dernière opération.

L'application de ces programmes est assurée par une pédagogie rigoureuse. Les principes de cette pédagogie sont caractérisés par la discipline imposée aux élèves dans leurs travaux d'appli- cation et par la critique de ces travaux.

Les travaux d'application, ou petites études de composition, sont exécutés en une semaine, sur programmes argumentes, et comme suite à une leçon documentaire dont un résumé autographié est remis aux élèves. Ceux-ci mettent ainsi im- médiatement en pratique les connaissances qu'ils viennent d'acquérir.

La critique des travaux est faite sur un plan d'analyse précis et invariable. En ce qui concerne les études d'architecture, ce plan considère sous les quatre titres graphique, plastique, expression du programme, expression de la construction, les qualités générales que doivent présenter des tra- vaux de cette nature : dessin, concordance, modé- nature, unité de style, franchise de composition, appropriation de la forme à la matière, appro- priation du parti de composition au mode de construction et à la destination, etc., etc. Pour les travaux graphiques, ce plan d'analyse se trouve réduit à \a. présentation, la mise en place des contoJirs, la mise en place des ombres et la mise en valeur.

La critique ainsi comprise doit avoir pour ré- sultat de développer la conscience des élèves, qui arrivent à disséquer eux-mêmes leurs propres travaux et, par conséquent, à savoir se critiquer et se corriger.

L'enseignement étant « individuel », le profes- seur peut modifier sa pédagogie suivant le tem- pérament de son disciple et les opportunités : il peut même, quand les circonstances l'exigent, adre-iser par la poste des leçons autographiées à un étudiant retenu en province, au sein de sa famille, et diriger de loin ses études.

En résumé, l'enseignement de l'architecture n'a été représenté au deuxième Congrès de l'enseignement du dessin que par les deux com- mimications que nous venons de relater : les dé- légués officiels n'ayant reçu sur cette question aucune réponse, elles n'ont donné lieu à aucun vœu et ont été peu discutées. Ceci est regrettable, car, si l'enseignement supérieur de l'architecture est parfaitement organisé au point de vue artis- tique à l'école nationale des beaux-arts, l'ensei- gnement professionnel n'existe pour ainsi dire

5î2

3Rrbue lie V^xt cbvctten.

pas en France. Il y aurait, à notre avis, à faire, dans le domaine de l'enseignement des arts du bâtiment, des progrès analogues à ceux qui ont été faits dans le domaine de l'industrie, grâce à nos écoles professionnelles. L'initiative représen- tée par la communication de M. de Pauw était, à ce point de vue, extrêmement intéressante, et elle aurait mérité d'être étudiée par des hommes compétents et autorisés.

R. L. (Extrait de L Arcliitectiive}f

Iiicgc. Iccs fonts De Iiambcrt fiatras.

jL a déjà été question dans nos colonnes des contestations qui se sont élevées sur le nom de l'auteur des fonts bap- tismaux de l'église St-Bartliélemy de Liège, attribués par un chroniqueur liégeois du XIV« siècle à Lambert Fatras de Dinant.

Depuis que cette attribution a été contestée, ainsi que nous l'avons fait savoir, une polémique, sinon vive du moins assez savante, s'est engagée entre archéologues belges. Parmi ceux-ci M. Jo- seph Demarteau, qui, pour être vaillant journa- liste, n'est pas moins un érudit très compétent en ce qui concerne l'histoire de son pays, expose dans une Chronique de la Gazette de Liège, les termes du débat d'une manière si savante et si précise, que nos lecteurs en suivront sans doute les développements avec intérêt.

Le monument artistique ie plus antique, venu jusqu'à nous, de notre dinanderie, ce sont les célèbres fonts baptismaux qui, jadis appartenance de la plus vieille pa- roisse de Liège, Notre-Dame-aux-P"onts, sont aujourd'hui conserve's à Saint-Barthélémy, dans la chapelle à droite du chœur de cette église.

Il suffit pour les connaître, étranger, d'avoir visité Liège ; ami de l'art, d'avoir ouvert n'importe quelle histoire de cet art au moyen âge. A leur haute valeur de souvenir incomparable du passé, ils joignent, pour nous Liégeois, le mérite d'avoir, des débuts du XII'' siècle à la fin du XV'III'', servi à faire chrétiens le plus grand nombre de nos ancêtres.

Le croirait-on cependant ? Aujourd'hui c'est la discorde qui jaillit à flots du pacifique baptistère : autour de lui les archéologues se partagent en deux camps.

On ne discute, sans doute, ni sa haute valeur esthé- tique, ni l'époque de sa confection, ni la personnalité de celui qui le fit faire, mais bien le nom de l'artiste à qui revient l'honneur de l'exécution de cette (euvre, et le point de savoir, si elle s'offre à nous telle qu'elle est sortie des mains de cet artiste.

Pour en juger, allons aux textes. Un prêtre zélé, llelin, abbé de l'église, curé de la paroisse de Notre-Dame- aux-Fonts, de l'an 1007 peut-être, au plus tard de l'an 1 1 1 1 à l'an II 18, mourut le 7 novembre 1 1 18, A ce propos, un contemporain, son collègue au chapitre de St-Lambert, nous fait en latin, dans une Chronique rimée, connaître cette donation et nous donne l'exacte description de ces fonts :

Helin, nous dit ce poème, < fit des fonts baptismaux,

de métal fusible, fondus avec un art presque icomparable. Les douze bœufs qui soutiennent ces fonts, portent le symbole de la grâce. Les sujets (représentés) signifient la faveur mystérieuse conférée dans le baptistèe. Ici Jean baptise le Seigneur ; ici, Pierre, le païen Corneille ; le philosophe Craton est baptisé le peuple afflue autour de Jean.

« Le couvercle de ces fonts nous offre en relief apôtres et prophètes. Celui qui a fait cela, a fait aussi une œuvre qui rendra sa mémoire immortelle : un hôpital, etc. 5>

Ainsi dit le poète annaliste. On a perdu, nul ne sait depuis combien d'années, ce couvercle qui représentait des apôtres et des prophètes. Mais la cuve même reste telle aujourd'hui que la décrivait le poète de 11 18 : on y voit en relief le baptême symbolique des juifs d'abord, et celui du Christ ensuite par saint Jean-Baptiste : celui du païen Corneille, par saint Pierre, enfin celui du philosophe converti à Éphèse, Craton, par l'apôtre saint Jean. Au lieu de douze bœufs toutefois, dix seulement soutiennent la cuve baptismale.

Le chiffre de ces bœufs est un premier sujet de discus- sion : j'y reviendrai. Ce qu'on discute plus encore et tout d'abord, c'est le nom de l'auteur. Le poète de 11 18 n'a pas songé à nous le conserver dans sa notice nécrologique : il ne songeait à louer que le donateur défunt. Est-ce Lambert Patras de Dinant ? N'est-ce pas plutôt Renier, de Huy.' Le plus puissant de nos historiens, M. Kurth, et un conservateur de musée des plus experts, M. Destrée, se prononcent nettement pour Renier et pour l'origine hutoise. Jusqu'à leur intervention, on tenait, malgré de légers doutes, l'œuvre pour dinantaise et venue de Lam- bert Patras. A qui croire?

Nul témoignage contemporain, ni rapproché du XII' siècle, n'est pour nous imposer une conviction. Pendant tout près de trois cents années, jusqu'à la fin du XIV^' siècle, comme on le voit encore parla Chronique de Mathias de Lewis, en 13S9, nos historiens ne nomment, à propos de ces fonts, que le donateur, Helin : aucun n'en cite le fondeur.

Arrive enfin le plus fécond, mais hélas ! l'un des moins scrupuleux de nos chroniqueurs : Jean d'Outremeuse, en 1338 et mort le 25 novembre de l'an 1400. Il avait rimé, en sa jeunesse, une longue Chronique de Liège ; il la revisa au tard en la mettant en prose ; cette refonte, commencée à partir de 1395, est connue sous le nom de J/yn-ur là'S histoires. Dans ses vers, il raconte à sa façon, la fabrica- tion des fonts en cause, sans désigner le fondeur ; c'est dans sa prose que, pour la première fois, nous est révélé le nom de Lambert Patras !

Jean raconte donc que les Liégeois ont pris part à un siège de Milan qu'il place en 11 12 alors qu'en réalité, un siège de cette ville, avec participation liégeoise, ne devait se produire que cinquante ans plus tard. Jean expose qu'ils reçurent large part du butin :

« L'évêque, poursuit-il, fit apporter à Liège maintes belles reliques et maints beaux joyaux que le roi lui avait donnés, entre lesquels il y eut iiiiii^t-hi/ii bêtes de métal, d'un demi-pied de long, telles que cerfs, bœufs, vaches, porcs, braques, limiers : il les fit voiturerà Liège. De quoi l'évêque fit don à Mgr Helin, fils du duc de Souabe, prévôt de Saint-Lambert, archidiacre de Liège et abbé séculier de Notre-Dameaux Fonts, à Liège.

> Celui-ci les voulut joueirij) à l'évêque, et l'évêque lui en donna une charge (somme). Puis Helin, le prévôt, a mandé un soudeur de la ville de Dinant, qui était bon ouvrier, et qui avait nom : Lambert Patras, le batteur >.

« Celui-ci {■x\K geteir ffondre) un bassin d'un gouffe de métal épais, de la contenance d'une ayme d'eau, et mit

Cl)romque.

513

en \^ forme du bassin, les bêtes tout autour, de telle sorte, qu'elles supportaient le bassin comme si elles sortaient hors à moitié, en naissant (?) du bassin et en fit un noble ouvrage.

> Ce bassin fut assis à Notre-Dame, au lieu se trou- vaient les anciens fonts, qui alors furent enlevés, et, comme tous les anciens fonts, étaient de pierre. Et il fît garnir l'intérieur du bassin d'une chappe de plomb, pour le défendre contre le sel qui mangeait le métal, et encore sont les fonts et peut les voir qui irait. »

Sans nous arrêter aux détails incontestablement ima- ginaires qui remplissent ce récit, constatons l'attribution formelle à Dinant, et à Lambert.

Mais constatons aussi que, deu.\ ans après la mort de Jean d'Outremeuse, un autre chroniqueur liégeois, un moine cette fois, de l'abbaye de Saint-Jacques, achevait d'écrire en latin une chronique sommaire qui s'arrête à l'an 1402. Il y avait tout d'abord résumé les faits rapportés antérieurement, au sujet de Liège, par des devanciers autorisés, surtout par Jean de Warnant.

Or, voici ce que cette chronique de 1402 nous fait lire, en ajoute à une .innotation datée de i 13S :

< Par l'ordre d'Alberon, évéque de Liège, Renier, orfèvre à Huy, a fait à Liège des fonts d'airain, entourés d'une admirable variété d'images, et assis sur douze bœufs qui se tiennent en positions diverses. >

L'attribution de l'œuvre à Huy et à Renier n'est pas moins nette ici. Mais si courte que soit cette note, elle offre au moins une incontestable erreur : elle veut que les fonts aient été fondus d'ordre d'un évéque, arrivé au siège épiscopal dix ans après la mort de leur vrai dona- teur, l'abbé Helin.

Encore un coup, auquel ajouter foi de ces deux chroni- queurs, tous deux du même temps, tous deux écrivant 2S0 ans après l'événement, tous deux pris en llagrant délit d'erreur à son sujet, et tous deux les premiers à nous désigner pour l'auteur des fonts célèbres, l'un Lambert de Uinant, l'autre Renier de Huy ?

1. H. Legius.

ffionumcnts anciens.

VIGNON avait eu bien du mal à .sau- ver ses remparts. Il lui faut maintenant songer à défendre le cloître des Cé- lestins. M. André Hallays signale un projet du génie militaire qui s'attaque a ce pré- cieux édifice. Déjà, il y a quelque temps, la nouvelle d'un si étrange dessein s'était répandue, et la Commission des inonuments historiques avait décidé, à l'unanimité, de s'opposer à toute démolition. On aurait pu croire qu'une telle ré- solution mettrait fin à toute discussion. Il n'en a rien été. La destruction du cloître serait convenue, et par un raffinement de vandalisme, les pouvoirs publics consentiraient à dépenser tout de suite les douze mille francs que coijtera la destruction. Les travaux, heureusement, ne sont pas com- mencés. Si l'opinion publique proteste avec énergie, ils ne commenceront jamais. Le bon sens et le bon goût peuvent encore protéger Avignon contre l'audacieuse entreprise qui la menace (').

I. Journal des Débats, 2 septembre.

* * *

Nevers. En ce moment, les alentours de la cathédrale de Nevers, dans sa partie ancienne de l'Ouest et du Midi, sont livrés aux ouvriers pour y faire une rue circulaire qui dégagera le monument.

La démolition des murs a laissé à découvert, au niveau du sol, deux meurtrières géminées à arc aigu du XI le ou du XI I^ siècle, puis, au-des- sous des fondations de l'abside Sainte-Julitte, deux autres meurtrières qui doivent remonter à l'époque gallo-romaine ou carolingienne (■).

Mont- Saint- Michel. Le ministre des Tra- vaux publics vient de se dessaisir, en faveur du service des Beaux-Arts, de la tour du Moulin ou tour Gabriel, sise au Mont Saint-Michel et classée parmi les Monuments historiques (-).

Bruxelles.^ l\ est dès à présent acquis, paraît-il, que la loge du concierge de l'église Sainte- Gudule, ce très curieux morceau d'architecture, sera maintenu et restauré lors des travaux qui vont dégager et embellir tout le chevet de la collégiale. Au conseil de fabrique, on est main- tenant partisan de la conservation de cette « conciergerie ».

Quant à la Commission des Monuments, son vote est, peut-on dire, acquis. La conciergerie compte dans son sein des avocats résolus.

* *

Bruges. On espère inaugurer en 1905 la salle échevinaie, à l'étage de l'hôtel de ville.

M. Julien De Vriendt, dit la Chronique des Travaux publics, le célèbre peintre d'histoire, directeur de l'Académie royale d'Anvers, va com- pléter l'œuvre capitale de feu son frère Albert, la peinture murale de ladite salle.

Il n'y manquait plus qu'un seul tableau, quand la mort est venue arrêter le pinceau du peintre flamand.

Nul autre que son frère ne pouvait être chargé de l'accomplissement de cette belle œuvre. Le tableau représentera l'inauguration, au commen- cement du XV^ siècle, du « Zwijn », ancien avant-port du port de Bruges. Le prévôt de Saint- Donat, de Bruges, entouré de son clergé, forme un beau groupe en face des magistrats de la ville et des consuls, accompagnés de leurs dames

1. Courrier de l'art.

2. làid.

514

IRtbuc lir r^rt cbvcticiu

richement parées. Au second plan, on voit l'avant- port ; au loin la mer naviguent maints vais- seaux. L'ensemble est superbe.

Celte salle, à la voûte aux pendentifs riche- ment sculptés et dorés, à la cheminée monumen- tale, aux boiseries admirablement façonnées et dont les peintures murales, vrais chefs-d'œuvre, rappellent les belles pages de notre histoire, dé- passera en splendeur et en dimensions toutes les salles échevinales du pays.

X^outicUes.

|N nous écrit de Poitiers, qu'une décou- verte vient d'être faite ces jours-ci. Le fameux pignon du palais de justice trois cheminées traversent un im- mense vitrail du XV<= siècle était enterré de 2'", 20. Le déblaiement est fait. L'aspect du mo- nument sera beaucoup plus élégant. I\L Magne, inspecteur des monuments historiques, a fait de très importantes études pour la restauration de ce monument. Vous savez sans doute qu'elles ont été publiées avec dessins et planches, elles coûtent 50 francs, mais il ignorait à ce moment que le pignon était enterré de plus de deux mètres.

Aiion. La vilh- fait démolir en ce moment une épaisse muraille située à proximité de l'hôtel de ville pour dégager les abords de ce monument.

Les ouvriers qui procèdent à ce travail ont mis au jour des matériaux qui ne sont autres que des pierres taillées de la porte de l'ancienne église des Carmes, paraissant être de la même époque que la porte historique actuellement encore existante a Clairfontaine-lez-Arlon.

D'autres pierres, mieux travaillées, du style ogival le plus pur, peuvent dater du XI''ouXII»= siècle et avoir fait partie de la primitive église, détruite dans la seconde moitié du XVI'' siècle par le duc de Guise. Nombre de pierres portent les traces du feu. On sait qu'Arlon fut brûlée sept fois au cours des siècles.

Toutes ces pierres avaient été incorporées dans la maçonnerie au même titre que les moel- lons voisins. Au dire des archéologues, cette découverte est de la plus haute importance.

*

Une cathédrale monumentale à Liverpool. Le roi Edouard, accompagné de la Reine, s'est rendu à Liverpool il posera la première pierre d'une

cathédrale anglicane, du style gothique, la plus vaste d'Angleterre. L'architecte du monument est un jeune homme de 23 ans. M. Gilbert Scopp, petit-fils de sir Gilbert Scopp, auteur du monument connu sous le nom de « Albert Mé- morial ».

Hcs catacombes romaines.

Découverte d'une nouvelle catacovibe. M. François Veuillot publie dans V Univers une interview qu'il vient d'obtenir du commandeur Marucchi. Nous la reproduisons :

Le domaine propre d'Orazio Marucchi, écrit notre con- frère parisien, ce ne sont pas les ruines païennes, ce sont les catacombes. Dans les catacombes, il est vraiment chez lui. Disciple et successeur de Rossi, le directeur du Musée archéologique du Vatican possède tous les détours de ce monde souterrain, il en connaît toute Thistoire, il en a lu toutes les inscriptions...

Et vous avez ajouté, lui disons-nous, une nouvelle province à ce royaume? 11 sera bien intéressant de vous entendre raconter vous-même votre découverte.

Le commandeur se récrie vivement à ce mot :

Ma découverte ? Mais je n'ai rien découvert. Ce n'est pas moi qui exécute les fouilles; c'est la Commission pon- lificale dont j'ai seulement l'honneur d'être le piésident. Le président et la Commission ne font qu'un. Dites-le bien à vos lecteurs et attirez leur plus sympathique attention sur les travaux de cette Commission pontificale. Elle fut constituée, il y a cinquante ans, par Pie IX ; malgré la difficulté du temps et la réduction des ressources, elle a été maintenue par ses deux successeurs. Car, tout prison- nier, le Pape continue de jouer son rôle de Mécène. Et d'ailleurs c'est à lui qu'il appartient de veiller sur les catacombes et d'en agrandir les parties connues. Le Va- tican consacre à ce travail tout ce qu'il peut lui réserver ; mais combien il voudrait lui donner davantage ! il reste encore tant de fouilles à entreprendre ; on ne se doute pas qu'il y a tout un monde à explorer sous la campagne romaine. En ce moment, nous suivons même une piste des plus précieuses et qui nous conduira, nous l'espérons, jusqu'aux catacombes les plus anciennes et, si je puis dire ainsi, les plus primitives. Nous retrouverons et nous pour- rons situer exactement la petite église souterraine, oh ! bien étroite et bien basse, saint Pierre enseigna les premiers fidèles... Mais dites bien surtout que tout cela, c'est l'œuvre de la Commission ! >>

Comviiiit on a découvert les nouvelles catacombes. Je le dirai. Mais comment la Commission pontificale ou son président a-t-elle pu découvrir ces catacombes de Commodilla .'

L'existence de ces catacombes était connue depuis longtemps. Nous possédons, vous le savez, quelques itinéraires des pèlerins des premiers siècles ; au sortir de l'ère des persécutions, ceux-ci venaient prier dans les souterrains qui avaient servi d'églises et de tombeaux à leurs pères. Nous savions donc par eux que, non loin de la porte de Saint-Paul, en allant vers la basilique de Saint-Paul-hors-les-murs, on avait vénéré jadis, sous le nom de cimetière de Commodilla, une vaste nécropole se creusait une basilique souterraine dédiée aux S.S. Kélix et Adauctus. Mais les barbares étaient tombés sur Rome et le chemin de ces catacombes avait été perdu. Puis les ruines qui s'écroulaient sur le sol et les ell'ondrements

Cl)romque.

5'5

qui se produisaient dans les galeries profondes avaient fait leur œuvre. Il ne sera plus, du cimetière de Commo- dilla, qu'un lointain souvenir.

> Cependant, voici bientôt deux siècles, un prêtre qui opérait des fouilles afin de recueillir des reliques, Boldetti, essaya de retrouver ces catacombes. Il fut d'abord assez heureu.\ dans ses recherches : un puits qu'il perça le con- duisit dans un couloir, qui le mena jusqu'au seuil de la basilique. Malheureusement, Boldetti ne put pénétrer plus avant ; un éboulemeut subit interrompit ses investi- gations. De sa tentative, il ne demeura qu'une indication plus précise.

» C'est justement cette indication dont nous avons profité. Toutefois nous avons cru devoir creuser sur un autre point, qui nous paraissait plus favorable ; et la Pro- vidence a béni nos travaux. Les premiers coups de pioche ont été portés au mois de décembre. Ils nous ont ouvert presque tout de suite une galerie, que nous avons suivie, d'abord tout droit, puis en obliquant sur la gauche. Et là, quelques mètres ont suffi pour nous faire entrer à notre tour dans le sanctuaire dédié aux SS. Félix et Adauctus.

Une basilique soulet raine. « Le déblaiement a été vivement poussé. Au mois de mai, la basilique était remise en état. C'est une des plus belles et des mieux conservées que nous ayons à Rome. Et c'est aussi l'une des plus anciennes. Elle dut être agrandie au IV"^ siècle ; mais à cette époque, elle existait déjà depuis assez long- temps. Longue d'une trentaine de mètres sur dix de large, elle offre au fond un enfoncement qui abrita le tombeau des mariyrs honorés dans ce lieu ; puis, à côté, deux minuscules absides se trouvaient des autels. Les murs sont couverts d'inscriptions, encore déchiffrables, et de fresques encore visibles ; quelques unes de ces peintures ont gardé même une vivacité, j'oserais presque dire une fraîcheur de coloration vraiment merveilleuse après un enfouissement d'environ treize siècles. A terre, on a dé- couvert aussi des tombeaux que recouvrent des dalles, gravées d'inscriptions funéraires.

> Déjà nous avons relevé 145 inscriptions, dont plu- sieurs remarquables. Éludiez celle-ci, par exemple, et surtout regardez l'e.xquis tableau qu'elle accompagne... >

Et, parmi plusieurs photographies, représentant celle- ci saint Etienne, celle-là saint Luc, cette autre encore un très beau Christ assis sur le globe entre les apôtres Pierre et Paul, le commandeur Marucchi me fait admirer la reproduction d'une fresque très pure et très harmonieuse qu'on a relevée, à peu près intacte, sur la paroi latérale gauche de la basilique.

Une fresque de quinze cents ans. D'une couleur qui s'est révélée vivante sous la terre accumulée pendant les siècles et de traits vraiment fins et délicats, une Vierge apparaît ; ses yeux, très grands ouverts, brillent encore au milieu d'un visage encadré d'une coiffe aux plis tom- bant sur les épaules et nimbé d'une nuance amortie par le temps. La Vierge est assise sur un trône royal et tient l'Enfant-Dieu sur ses genoux. A sa droite et à sa gauche, se tiennent debout les deux patrons de la basilique : Félix, enveloppé de sa longue robe sacerdotale, dont la blan-

cheur met comme une clarté sur la muraille ; Adauctus, en vêtements plus sombres. Enfin, aux pieds d'Adauctus, qui paraît la présenter à Marie, s'incline une matrone chrétienne dont le corps fut enterré sous cette fresque et dont l'inscription nous apprend le nom poétique, Turtura. Cette inscription, composée en l'honneur de Turtura par le fils delà morte, auteur probable de la fresque elle- même, nos lecteurs seront sans doute curieux de la connaître. En voici le texte :

Svscipe nvnc lacriinas mater natiqvc svperstitis

(Jvasfvtidet gemitvs lavdicvs ecce tvis

Post vior/ein pa/ris sertiasti casta niarili

Sex trigen/a annis sic vidvata fideni

Officivm nato patris inatrisqvc gerebas

In svbolis facietn vir tibi vixit obas

Tvrtvra twmen abis set tvrtvr veraftiisti

Cvi conivx nioriens non fvit aller avior

Vnica materia est qvo svmii femina lavdem

Ovod te conivgio exibvisse doces

Hic reqviescit in pace tvrtvra

\Qvci\ bisitpl m annvs Ix.

Derrière un mur. < Mais ce n'est pas tout, continue le savant archéologue. En déblayant la basilique, nous avons constaté qu'un mur sonnait creux. Vous entendez bien, un mur ; non pas donc un amas de terre accumulée et tassée par des éboulements ; mais une paroi maçonnée par les chrétiens eux-mêmes, à l'époque les catacombes leur servaient encore de refuge. Au delà de ce mur, il y avait donc chance de découvrir un couloir, une excava- tion ou un souterrain, demeuré intact depuis le temps les piemiers disciples du Christ y enterraient leurs frères. En effet, à peine avions-nous percé cette paroi, que nous sentions l'air humide et chaud d'une galerie profonde, fermée depuis treize ou quatorze siècles. En y pénétrant, nous avons trouvé, s'étageant le long, des murs, des cen- taines de « loculi s> qui, derrière leur clôture de briques, gardaient fidèlement leurs morts, endoimis d'un som- meil que rien n'avait troublé depuis l'empire romain. Dé- tail plus impressionnant : nous avons dû, pour nous enfon- cer davantage, enjamber d'autres morts étendus sur le sol, ayant encore sur leurs côtés les lampes, auxquelles nul n'avait touché depuis qu'elles s'étaient éteintes. Sans doute, avant de fermer cette galerie, toute pleine, on y déposa ces cadavres, au travers du couloir, qui servait jusque-là de passage entre les tombeaux, mais qui allait devenir un tombeau lui-même... Et le cimetière de Com- inodilla n'a pas encore livré tous ses secrets. »

Et tandis que nous félicitons le commandeur Orazio Marucchi de ces découvertes remarquables, il reprend avec vivacité :

Mais ce n'est pas moi qui les ai faites ; c'est la Com- mission pontificale. Ne manquez pas de le dire à vos lec- teurs et de leur rappeler aussi que c'est le Pape, qui, malgré les difficultés qu'il traverse, entretient ces grands travaux. »

François Veuillot.

Imprimé par Descléc, De Biouwer & C''^, lille-paris-bruges.

ERRATA 1904.

Page 17, i"" col., 12° ligne, au lieu de: cette ïoxmç. &i; lisez : cette forme <K pittoresque > et.

» 47, T"' )) 15'= » » d'Angers; lisez: du Mans.

» 55, 2"-' » iO« > lisez: L'église de Saint-Germain a perdu la plus grande

partie de ses nefs.

» 59, !'■'= >> 4'^ » rt« //W?^ de: sous ces nefs immenses; lisez: à l'ombre de

ces tours.

» 64, 2<^ » et 27e lignes, «?< lieu de: Chompton ; lisez: Chomton.

» 65. V^ » dernière ligne, au lieu de: Monjet ; lisez: Monget.

» 66, V % T' ligne, au lieu de: titré; lisez: verrier.

Table Des matières. Knnée 190é.

L'église de Salnt-Jouin de Marnes, par M. G. Sanoner

Padoue, Venise, Trévise, Vicence, etc., par M. Gerspach

L'Adoration des Bergers du musée de Dijon, par M. J. Helrig

Monographie de l'ancienne cathédrale de Cambrai, par l'abbé A. Pastoors

Les confessions et les cryptes de St-Ferréol de Besançon, de St-lVîarcel de

Chalon-sur-Saône et de Sl-Valérien de Tournas, par M, L. Maître..

Église de Saint-Paul de Varax, i)ar M. G. Sanoner

Tympan de porte à la cathédrale de Rouen, par M^"^ Louise Pillion. Peintures de la chapelle Saint-Léger de Beaune, par M. H. Chabeuf. . Description de la porte de la cathédrale St-Vincent de Berne, par M. G. Sanoner. L'Exposition d'Art ancien à Sienne, par M. J. Helbig. Les monuments chrétiens d'Aiitun et l'église de Saint-Bénigne de Dijon,

par M. \j. Maître

Description des portails de l'église Saint-Thibault de Thann, par M. G. Sanoner

Le carrelage de l'abbaye de Champagne (Sarthe), par M. J. Chappée

L'Art au couvent S. Giusto aile Mura à Florence, par M. Gerspach

Église et crypte d'Hastière, par M. A. Schellekens.

Un Livre d'Heures appartenant à S. A. le duc d'Arenberg à Bruxelles, par

Etienne Beissel, S. J

Portail de l'abbaye de Vézelay, par M. G. Sanoner. Les saints Jumeaux ou les saints Geosmes de Langres.

chrétiennes, par M. L. Maître.

Vitrail à Maredsous, par M. L. Cloquet.

La peinture décorative au moyen âge, par M. J. Helbig

Les peintures décoratives de l'église de Sainte-Walburge à Furnes,

par M. J. VAN RUYMBEKE.

Trêves et ses antiquités

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4-lS

.. p.

460

p.

47'

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473

47&

ffîélanges.

Décoration polychrome du mobilier des églises (J. Helbig). A propos de fresques (H. Chabeuk). Rational et Surhumèral (Eug. Martin)

25

RKVIJR l>H I. ART CHKETIEN.

5i8 3Rcbuc t)r raivt cbvéticiL

Jérusalem (H. Chaueuf). Pèlerinages au Suaire de Chambéry (G. Moli.at). ... p. 159

Roc-Amadour {]. Helbig). Les vases sacrés du trésor Giancarlo Rossi (R. Ma-

loccHi). Fresques de l'église de Saint-Pélrone n Bologne (H. Brunki.li). ... p. 213

Un atelier pour la reproduction des anciennes tapisseries (L. de Farcy).

Monuments de travers (1,. Cloqukt). Saloirs gothiques (le même) p. 309

Le style néo-classique et le nouveau Bruxelles. Le Palais royal de Bruxelles (L. Ci.oquet). L'École fgantoise de St-Luc et l'Exposition des travaux de ses écoles (L. C.) P- 39^

La Suisse pittoresque (1,. Ci.oouiiT). p- 481

GorresponDanccs.

Fiance, |i:ii M. 1,. Calknoini ; id., par M. R. I'kiger pp. 47, 161

Cîteaux et la Pologne, par Ant. Hrykczynski p. i6r

Italie, par M. Gkrspach pp. 226, 317, 403

Question et Réponse, par M. L. Ci.oquet p. 320

Tratjaur Des Botxttts satjaiues.

FRANCK. Société nationale des Antiquaires de France pp. 48, 164, 229, 322, 408

Académie des Inscriptions et Belles-Lettres ... pp. 48, 165, 229, 321, 408, 486

Congrès des Sociétés savantes à la Sorbonne pp. 50, 409

Id. Id. do Paris et des Départements. p

Société archéologique d'Eure-et-Loir.

Société historique et arcliéologique de Périgord

Kxcursion en Bourgogne de la Gilde de Saint-Thomas et Saint-Luc p

Société archéologique de Tarn-et-Garoniie p

Réunion des délégués des Sociétés des Beaux-Arts des Départements p

Comité des Travaux liistoriques pp. 326, 415

Société archéologique du Midi de la France, 1903 pp. 416, 420

Conférence faite par M. Lefevre-Pontalis au Congiès de Mars, 1904 p

Commission des Monuments historiques et la Ville de Paris p

Société historique de Bordeaux p

Société historique et archéologique du Maine ; p

Congrès archéologique d'Arras p

BELGIQUK. Cercle historique et archéologique de Courtrai p

Société archéologique de Matines p

Académie royale d'archéologie d'Anvers. . p

Société archéologique de Bruxelles p

Société d'histoire et d'archéologie de Gand p

. 326 Institut archéologique liégeois , pp. 327, 495

416

-119 419

Congrès archéologique de Mons p

Id. Id. de Namur. p

Société d'émulation pour l'étude de l'histoiio et des antiquités de la Flandre

Commission royale des monuments de Belgique. pp. 420, 491

Société archéologique de l'arrondissement de Nivelles p. 420

38'-' session de la Gilde de Saint-Thomas et de Saint-Luc ' p. 487

Société historique et archéologique dans le duché de Limbourg p. 495

323

52

52

52

.65

325

417 420 420 ^94 495 166 166 232

Cable ÛC0 inatière0.

Bibitograpl)ie.

519

Première livraison. Le Bienh. Jean De Verceil, par Marguerite de Waresquiel. Les marques d'or- fèvrerie en Moravie, par Cari Schierk. L'iiabitation byzantine, par le génér. H. de Beylié. Le droit d'entrée dans les musées, par H. Lapauze. Les principes dos proportions en art, par Jaminé et Peeters.

Dictionnaire d'archéologie, par les RR. PP. Hem et F. Cabrol. Dictionnaire de la Bible, par F. Vi- goureux. — Répertoire bibliographique du Touriste en Belgique, par E. Sonneville. Baptistère de Saint-Jean de Poitiers, par le R. P. C. de la Croix. Église de Sainte-Marie des Anglais, par L. Régnier.

Gournay-en-Bray et Saint-Germer, par le même. Le Nord-Kst de la France, par Baedeker. L'ar- chitecte de Sainte-'Waudru à Mons, par J. Hubert. Congrès archéologique de Poitiers, par L. Quarré- Reybourbon. Die Romisclien Katakomben, par le D' A. Weber p. 67

Deuxième livraison. Généalogie de la Maison royale de Portugal, par le prof. G. H. Strohl et le prof. D. G. Kaemmerer. The Early Christian monuments of Scotland, par J. Romyli Allen et J. Andersen.

La façade inclinée de San-Ambrogio à Gênes, par W. H. Goodyear. La photographie des monu- ments, par F. Martin Gabon. Line and form, par Walter Crâne. Grondbeginselen van de geschie- denis der Bouwkunst, par A. Van Houcke. Ravenne, par Ch. Diehl. Constantinople, par H. Barth. Collégiale de Saint-Pierre à Douai, par l'abbé Pastoois. Basilique de Saint-Remi, par M. Gosset. p. 167

Troisième livraison. Vitraux de la cathédrale de Bourges, par le prof F. Geiges. Modèles de Broderie religieuse, par J. liiaun. Les trésors de l'art d'Aix-la-Chapelle, par Et. Beissel. Cryptographie apos- tolique et architecture rituelle, par Th. Beaudoire. Le coq du clocher, par L. Martin. Chœur de la cathédrale de Glascow, par Th. Lennox-Watson. Dictionnaire de la Bible. Historia de la arquitectura christiana, par V. Lamperez-y Romea. Arnould de Vuez (1644-1720), par L. Quarré-Reybourbon. Pavillon d'Apollon à Versailles, par J. Fennebesque. Les parcs de Versailles, par le même. Documents d'art du moyen âge, par Vinc. Lencrtz. Formulaire de prières. L'enceinte romaine de Sens en 1903, par l'abbé Chartraire. p. 233

Quatrième Ir.'raison. Pistoia, Prato, Firenze, par H. Giglioli. Monographie de la cathédrale d'Amiens : Mobilier, par G. Durand. Manuel d'archéologie française, par E. Enlart. La sculpture Ijelge et les influences françaises, par R. Kœchlin. Deux vies d'Évêques, par M""'' Louise PiUion. Monuments du Forez et du Velay. Enquêtes campanaires, par Jos. Berthelé. Documents d'art monumental, par \'. Lenertz. Ancien châte au des comtes A Gand, par J. de Waele. Anciennes habitations en Picardie, par A. Franqueville. 11 politico délia parrochiale di Ottana, par E. Brunelli. Opère d'arle del Palazzo, par le même. Dictionnaire d'archéologie chrétienne p. 3-^

Cinquième livfciison. Les anciennes maisons de Constantinople, par le général L. de Beylié. Le portail de l'église Mimisan, par G. Beaurain. Guide du Congrès du Puy de 1904, par Noël ThioUier. Mono- graphie de la cathédrale du Puy, par le même. La cathédrale de Saint-Jean de Beyrouth, par T. Enlait. Nieuport ancien et moderne, par G. Wybo. ~ La sculpture du XIV siècle dans la région de Troyes, par R. Kœchlin.— Notice sur la construction de la Chaire-Dieu, par Maurice Faucon p. 4-3

Sixième livraison. Couvents de St-Dominique, par G. Rohault de Fleury. Les Primitifs parisiens, par Marcel Poète. La sculpture française au moyen âge, par R. de Lasteyrie. Dictionnaire d'archéo- logie, parle D'' F. Cabrol. Musées royaux de Bruxelles. Catalogue des ivoires, parf. Destrée. Cambron - Casteau, par R. Paternotre. The bases of design, par Walter Crâne. Dinant et la Hanse teutonique, par H. Pirenne Le Christ dans la « Légende dorée », par l'abbé J.-C. Broussolle p. 496

Périodiques

Index bil:)liographique.

pp. 80, T/i, 242, 2,2,7^ 4-^7. 506 pp. 82, 17.^, 247, 341, 428, 507

520

3Re\)ue tie V^xt cbrctien*

Gl)rontque.

Première livraison.— ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES D'AKT A BKUXELLES. MONUMENTS ANCIENS: Rempart de Limoges; église Saint-Pierre h Coutances ; église de Neufchâteau (Vosges); église Sainl-Pierre de Lisieux ; église Saint-Pierre-les-Éliex ; église de Zande ; cathédrale de Chartres ; église de Fontevrault ; église de Lassay ; Campanile de la hasilique de Venise. MUSÉES. EX- POSITIONS. — VAKIA. PHOTOGRAPHIES ARCHÉOLOGIQUES. NÉCROLOGIE : Le chan. Beusens ; Camille Sitte P 8;

Deuxième livraison. CONSERVATION DES MONUMENTS ANCIENS. - HAUTES ÉTUDES D'ART. VARIA. NÉCROLOGIE: Frère Marusin.

ÉCOLE ST-LUC.

P- i;6

Troisième livraison. ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES D'ART DE BRUXELLES. CONSER- VATION DES MONUMENTS ET OBJETS D'ART : la loi Pacca ; le Campanile de Venise ; la maison d'Ozé à Alençon ; Croix triomphale; église des Jacobins de Castillonnès ; cathédrale de Lyon; Notre- Dame d'Aiençon ; église de Beaulieu, de Longueil-Annel ; Beffroi de Périgueux ; Saint-Jean-de-la-Ruelle ; Catacombes romaines. OEUVRES NOUVELLES: cathédrale de Cerignola ; parvis d'Amiens ; atelier de tapisseries au Vatican, à Champfleur. MUSÉES ET BIBLIOTHÈQUE: musée de Naples, de Florence, de Montpellier; bibliothèque de Turin. MUSIQUE SACRÉE: Centenaire de saint Gré- goire le Grand. NÉCROLOGIE: K. J. Corroyer p. 25'

Quatrième livraison.— PRIMITIFS FRANÇAIS, FLAMANDS ET ALLEMANDS. RESTAURA- TION DES MONUMENTS : Congrès de Madrid ; Châlons ; Chartres; Binche; Y près ; G and ; Bruges. ROME MODERNE. NOUVELLES : Pierref ort ; Gand ; Milmort ; Exposition mariale de Rome. p. 341

Cinquième livraison. - LE CONCOURS POUR LE PRIX DE ROME. ROGIER DE TOURNAI.— BRUXELLES: basilique de Koekelberg. MONUMENTS ANCIENS: Chartres; portails romains; Châlons ; Alby ; Armagh ; Mulhouse; Carthage ; Furnes ; Hautem-Saint-Liévin ; Louvain ; Saint- Quentin; ^Valcourt; Courtrai ; Alost ; Tirlemont, etc. VARIA: Tapisseries à Angers. ... p. 43°

SixiC7ne livraison. W" CONGRÈS INTERNATIONAL DE L'ENSEIGNEMENT DU DESSIN A BERNE, 1904. LIÈGE: Les fonts attribués à Lambert Patras. MONUMENTS ANCIENS: Avignon ; Nevers ; Mont Saint-Michel ; Bruxelles ; Bruges. NOUVELLES. LES CATACOMBES DE ROME, etc P- 31°

4^ TTable t)t0 :Qlancl)es; ^

I. L'Adoi-alion des Bergers (Musée de Dijon).

II. Documents d'art monumental.

III. Thaddeo Barlholi.

IV. Le même.

V. Reliquaire d'Orviéto.

VI. Carrelage de l'abbaye de Champagne (types de pavésl VU. Id. Id. Id. (ensemble).

VIII. Abbaye de St-Benoit à Maredsous. Vitrail de la chapelle du cloître.

Vignettes tuterealées îiano le te^te.

Église St-Jouin de Marnes.— Façade avant

la restauration, p. 3

Id. État actuel. » J

Id. Schéma. ... > 5

Id. Statues. ...» 6

Tiares des papes Innocent V et Benoît XI. p. 17

Tombeau du sénateur Onigo > 19

La Madone, les saints Dominique, Thomas

d'Aquin, Benoit, Jérôme, Nicolas » 22

Saintes Euphémie, Catherine et saint Jean. » 23

Cable hts mattèreg.

521

Rational et Surhuméral (15 figures), pp

Sens. Abbaye de Saint-Jean.

Id. Plan de la cathédrale

Id. Autel dit de Salazar

Id. Contrefort de la catliëdrale.

Id. Transept nord de la cathédrale.

Id. Coupe et base Id.

Cathédrale d'Auxerre. Plan

Cathédrale d'Auxerre. Chevet

Église St- Lazare d'A vallon. Base, etc.

Église St-Père-sous-Vézelay.— Piliers. ...

Id. Bas-côté nord.

Id. Plan

Id. Coupes.

Id. Fronton.

Beaune. Cour de l'Hôtel-Dieu

Id. Crête de comble.

Épis conservés au musée de Dijon

Spécimens de plomberie. Dijon. Plan de l'église Saint-Bénigne. Id. Façade Id.

El-Rabah

Monastère d'Iviron an Mont- Athos.

Palais de Théodoric à Ravenne

Mosaïque de Sainte-Sophie.

Plan de la basilique de Constantin.

Cathédrale de Cambrai. Plan

Id. Vue perspective.

Id. Plan d'ensemble.

Id. Plan de Villart de

Honnecourt. Id. Id.

Id. Id.

Id. Id.

Vlcence. Palais délia Ragionc

Id. Loggia Bernardo. Pal. communal. » Id. Porte majeure de régi. St-Laurent. 3> Id. Sanctuaire du mont Berico. ... » Vicence. Sanctuaire du mont Berico.

Lamentations sur le corps de J.-C. ... »

Église de Tournus. Coupe longitudinale. »

Id. Plan de la crypte. ... >

Id. Appareil de la crypte. »

Id. Nef principale >

Id. Déambulatoire >

Église St-Paul de Varax. Schém.i. ... >

Id. Porte occidentale. >

Id. Façade occidentale, gauche. »

Id. Id. droite. >

Id. Petite porte méridionale. ... >

Id. Schéma de' la petite porte. *

Cath. de Rouen. Tympan de la porte. ... >

Id. Sculptures du Xni' siècle. »

St-Vincentde Berne. Porte occidentale. >

Id. Éljrasement gauche. »

Id. Schéma de la porte. »

Id. Tympan de la porte. »

32 à 44 p. 52

> 53 » 5.-5

> 55 ^ 54 >. 54

> 55

> 55 î> 56

> 57

> 57 58 59 59 61 62 62

63 64 64 70

71 72 73 80

105 107 iiS

121 122

123 124 127 138 129 130

132 136

137 138 140 142 146

'47 149

'5' '54 '55 i8j 188 202 205 207 210

Roc-Amadour. Vue du côté N.-E. Tulle. Palais des évêques, vue intérieure.

Escalier conduisant aux chapelles

Fort à Roc-Amadour, entrée de la porte. Roc-Amadour. Rue de la Couronnerie.

Id. Rue de la Mercerie.

Bologne.— Fresque de l'église de St-Pétrone. Tigzirt. Pavement de la basilique. ... Poitiers. Fronton du baptistère Sl-Jean.

Paris. Marque du libraire Resch

Monnaie de Sigebert

Paris. Marques des imprimeurs Courbé,

Sonnius et Thierry

Marbre de Lyon, 111' siècle

Monnaies du roi Clovis, du Mans et de

Paris

Costume de grand-prêtre ...

Joueurs de harpe égyptiens

Grenade figurée sur les colonnes du temple

de Jérusalem

Sienne. Reliquaire du XIV' siècle. ...

Id. Pied de reliquaire.

Id. Saint Bernardin

Id. Grille en fer forgé

Id. Bénitier en bronze

Id. Stalles ornées de mosaïques.

Id. Lanterne de la Chapelle du Pa-

lazzo

Id. Reliquaire de San Galgano. ...

Id. Statue de saint Nicolas

Saulieu. Crypte de Saint-A ndoche.

Saint-Bénigne de Dijon. Crypte

Id. Id. Id

Église St-Thibault de Thann

Id. Porte occidentale.

Id. id. Schéma.

Cath. du Mans. Tapisserie : Vie des saints

Gervais et Protais.

Id. Id. L'Apocalypse.

Id. Id. XVl» siècle.

Saloirs gothiques (3 gravures)

Croix byzantine russe

Beffroi et cloches de l'Épine (Hautes- Alpes).

Matrices du fondeur Fr. Michel

Coiffure d'après une miniature du XV^ s.

La Vierge et l'Enfant Jésus

Pietà

Jésus au Jardin des Oliviers

Crucifixion, par .Signorelli.

Id. par Pérugin

Église d'Hastière. Abside

Id. Vue générale

Id. Plan

Id. Vue intérieure.

Église St-Thibault de Thann. Porte occid. Id. Porte septentr.

Id. Id. schéma.

p. 214

> 215

> 216

> 217

> 218 » 219

> 222 » 235

> 235 » 23s

> 236

» 236

> 236

» 236

> 239 » 240

> 240 J> 263

265 267 268 269 271

> 272

î> 273

> 274

> 284

> 287 » 288

» 293 » 295

> 300

> 3"

» 312

» 3'3 » 3'6 » 320

» 333

» 334

> 357 » 366 » 368 î. 370 J> 372 » 374 » 377 » 377 » 380 » 381 » 385 » 395 » 396

522

Brtur ïic r^rt (Ijrctiru,

La Vierge et l'Enfant J«?siis. p. 405

La Vierge en adoration. ... > 406

Église de Nieuport. Plan » 424

Id. Vue d'ensemble. » 424

Id. Chaire de vérité. » 425

Vierge de Foiichères » 426

Catherine de Clèves (miniature) » 438

David Id. » 439

La Nativité Id. > 440

Jésus portant sa croix Id. .. ... > 441

Dieu le Père et Dieu le Fils Id. ?■ 443

La porte de l'Enfer. Id. » 445

Le Christ Docteur Id. •> 446

Abb. de Vézelay. Grand portail de la nef. » 449

Id. Schéma Id. » 450

Id. Tympan du portail. » 452

Id. Chapiteaux de droite. >■ 457

Id. Id. gauche. » 457

Eglises SS. Jumeaux et SS. Geosmes. Plan. ,•> 462

Trêves. Église Saint-Mathias, crypte de Saint-Euchaire. Id. Id. Id.

Id. Id. Id.

Fumes. Peintures décoratives de l'église

Ste-Walburge 117 grav.). pp Suisse. Chalet de la vallée de l'Aar. Id. Ferme du Mittelland.

Id. Chalet au pays de Lucerne.

Id. Une rue de Berne.

Id. Chalet du canton des Grisons.

In. Maison de l:)ois de Thurgovie.

Id. Manoir vaudois

Diptyque sacré de Genouls-Elderen. (2 grav Église paroiss. de Cambron. Nef.

Id. Chœur. ..

1(1. Tour.

Id. Entrée. ..

Id. Vue extérieure

p.

4ôb

>

467

>

468

476?

i 479

p.

481

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482

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483

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483

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484

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484

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V.).

501

. »

302

. >

503

. »

503

. »

503

e »

503

^ Table par noms D'auteurs. ^î-

Arnoult (.\ndré.) BEISSEL(Ét.), s. J. Brunelli (Henri).

Brvkczvnski (A.). C.

Calendini (Louis). Ch.abeuk (H.).

Chappée (J.). Cloquet (Louis).

DE Farcv (L.). De p. F. C. Ger. - ger.spach.

Hallays (André).

Musées et Bibliothèques (Chronique) p. 255

Un Livre d'Heures appartenant A S. A. le duc d'Arenberg à Bruxelles. .. p. 437 Notes à propos d'une fresque que l'on croft représenter Jeanne d'Arc,

dans l'église de Saint-Pétrone h Bologne (Mélang^es; p. 222

Vestiges des relations des moines de Citeaux avec la Pologne ( Id. ). ... p.

Travaux des Sociétés savantes p.

Correspondance de France p.

Les peintures de la chapelle S t- Léger ,^ N.-D. de Beaune, Côte-d'Or. . p.

A propos de fresques (Mélant;es). p.

Autour de Jérusalem antique ( Id. p.

Le carrelage de l'abbaye de Champagne (Sarthe) . p.

Vitrail de Maredsous p.

Monuments de travers (Mélanges) p.

Saloirs gothiques ( Id. ). p.

Le style néo-classique et le nouveau Bruxelles ( Id. ). p.

L'École gantoise de St-Luc et l'exposition des travaux de ses élèves ( Id. ). p.

La Suisse pittoresque C Ici. ) p.

Travaux des Sociétés savantes pp. 52, 165,

Bibliographie. ... pp. 76 à So. 169 à 171, 237 à 242. 246, 328 à 337, 422 à 426, 498 h

Périodiques pp. 327,

Primitifs français, flamands et allemands iClironique^ p.

Nécrologie p.

Un atelier pour la reproduction des anciennes tapisseries (Mélanges). p.

Bibliographie p.

Photographies archéologiques (Chronique^ p.

Bibliographie p.

Carnet de voyage. Padoue, Venise, Cortina d'Ampezzo, Pieve di Cadore,

Trévise, Vicence pp. 14,

L'Art au couvent S. Giuslo aile Mura h Florence p.

Correspondance d'Italie. pp. 226, 317,

Rome nouvelle (Chronique; p.

162

487

47

190

28

156

349 471 3M 3'6 398 400 48 1 232

505 506

343 260

309

234

89

328

126 356 403

347

^able Des matières:.

523

Hki.big (J.).

L. B.

Legius (L.-H.). - Maître (L.).

Majocchi (R.). Martin (Eug.)- MiGEON (Gaston). MOLLAT (G.). Pastoors (L'ab. A.)-- PlLLiON (Louise). Reinach (S.). R. L. R. M.

ROULi.N (,Dom E.). Sanoner (G.).

SCHELLEKENS (A.).

Triger (Robert). - Veuillot (Fr.).

L'Adoration des Bergers du musée de Dijon. .

L'Kxposition d'Art ancien à Sienne

La peinture décorative au moyen âge.

De la décoration polychrome du mobilier et des œuvres plastiques

dans les églises : à propos d'un livre récent (Mélanges)

Roc-Amadour ( Id. )

Biljliograpliie p^j. O7, 6b', 167,

Bibliograpiiie

Liège. Les fonts de Lambert Fatras (Chronique).

Les confessions et les cryptes de St-Ferréol de Besançon, de St-Marcel

de Châlon-sur-Marne et de St-Vincent de Tournus.

Les monuments chrétiens d'Autun.

Les saints Jumeaux ou les saints Geosmes de Langres.

Trêves et ses antiquités chrétiennes.

Les vases sacrés du Trésor Giancarlo Rossi (Mélanges)

Rational et Surhuméral ( Id. )

La Tenture de Vi Apocalypse » de la cathédrale d'Angers (Chronique).

Deux pèlerinages au Suaire de Chambéry-Turin (Méhinges)

Monographie de l'ancienne cathédrale de Cambrai.

Un tympan de porte à la cathédrale de Rouen

Rogier de Tournai et Zanetto Bugatto (Chronique)

Il' Congrès international de l'enseignement du dessin à Berne (Chronique).

Les Concours pour le Prix de Rome ( Id. )

Bibliographie

Analyse des sculptures de la façade occidentale de l'église de l'abbaye

de Saini-Jouin de Marnes (Deux-Sèvres)

Église de St-Paul de Varax (Ain). Description de la façade et des portes. Description delà porte occidentale de l'anciennç cathédrale Saint-Vincent

de Berne (Suisse)

Description des portails de l'église St-Thibault de Thann (Alsace). pp.

Portail de l'abbaye de Vézelay

Étude sur les dates de la construction de l'église et de la crypte d'Hastière.

Correspondance

Les catacombes romaines (Chronique)

p-

93

p-

261

p-

473

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25

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2'3

333,

496

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421

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'34

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279

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377

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161

P-

5'4

abbaye. Aulne, 417. 493 ; Cambron, 416, 502, 503 ; Chaise-Dieu. 426 : Cham- pagne, 349 ; Chantenges. 3^2 : -- Fié- malle. 97: ijrançelve, 124: iMarnes (St Jouin), 1-13; Mont-Saint-Michel. 513

Muzon. 488 : Nonnenbossche. 419

Orval, 487, 489 : Reichenau. 339 ; Saint-Geosme. 460 ; Saint-Trond, 382 ;

Saintes, 3. 11 : Sens. 52, 54 ; Vau- celles. 104. 119 : Vertou (St-Martin), 2 ;

Vézelay. 448. 450 ; Villers, 276, 420 ;

Waulsort. 378.

Abel de Sainte Marthe, architecte. 326. 415.

Abou-el-Achem. catacombes chrétiennes. 337.

Académie des Imcriflions et Belles- Lettres, 48, 165, 229. 408. 486 ; royale Sarchio- logie d'Anvers, 232.

Acy-en-Multien. clocher. 417.

Aelst d'Ençhien. tapissier, 51.

Adam et Kve. 199.

Adolphe (buste reliquaire de S.), 37.

Adoration, tableau du Titien. 14 ; des ber- gers, 93 ; des .Xfa^ei, 3S6.

Afra (ste), 388.

Aisne, église. 326.

Agathe (ste), 392.

Agen, église Notre-Dame des Jacobins, 252,

agneau, symbole de Moïse et du Rédempteur. 437 : vase eucharistique. 22t.

Agnès (ste), 20, 337. 387.

nfnus Dei, 337. ^

Agricola (s.), 135.

Agusti. peintre. 416.

Aignan (s.). 134.

Aiguilhe. chapelle St-Michel. 332.

Airvault. restauration. 2.

Aix, Castella, 324 ; musée, loi.

Aix-la-Chapelte. trésor d'art. 233.

Aknin. tapisserie. 337.

Alberti. architecte. 238.

Albertinelli. peintre. 375.

Albi. cathédrale. 416 ; la Daurade, 416

église St-Etienne. 416 ; maisons an ciennes. 432 ; peintures murales. 4F6

pierres tumulaires. 41a ; primitifs ita- liens. 416.

Alençon (comte d') (sceau du). 229 ; église Notre-Dame. 253 ; maison d'Ozé, 252.

Alexandrie, cathédrale. 337 ; phare. 417.

Aliscamps (sarcophage des). 500.

Alise Ste-Reine. inscription latine. 48.

Alost. église St-Martin. 176. 433.

Alsemberg. église. 326.

Alvino. architecte. 254.

Amarin (s.). 391.

Amator (s. ). 280

ambon. 500.

Ambroise (s.). 238. 295.

âme (représentation de 1'). 458.

Amé. architecte, 349.

amict, 45.

Amiens, cathédrale. 328 ; confrérie du Puy Notre-Dame. 328 ; jubé. 328: maitre- autel. 328 ; peintures murales. 329 ; place. 254 ; porte dorée, 189 ; stalle, 329 ; tombeau.\ d'évêques, 328.

Anastaise, enlumineuse. 232.

Andoche (s.), 283.

André (s, ), 148. 206. 302 ; (statue en mar- bre de), m ; de Luxembourg (tombeau d'), 109.

Angelico (fra), peintre. 17, 28. 211. 276. 497.

Angers, cloître St-Aubin. 148 ; tapisseries anciennes. 310,311; de 1 apocalypse, 434.

Anges (les neuf chœurs des). 212; musiciens, 294.

.^ngicourt (Pierre d'). architecte. 254.

Angkor (Indo-Chine), exploration archéolo- gique. 408

Angoulème. cathédrale. 498 ; histoire du théâtre, 325,

Antiquaires de France (société desj, 48, 164. 22g.

antiquités, chrétiennes. 463 ; égyptiennes. 326 : ^gallo-romaines. 229, 323.

Antoine (s.). 154. 155. 392; (statue de). 114 ; ermite, 389.

Antonello de Messines, peintre. 463.

Anvers, cathédrale. 104 ; maison des ton- neliers. 493 ; Vierge des Fonts, 331.

Apocalypse (tentures de 1'), 51.

Apollonie (ste). 288, 392.

ApoIlonie-deà-Ponts. fouilles, 48Ô.

Apôtres. -^48; (châsse des XII). 112; (martyre des). 301.

Apt. église Ste-.-\nne. 324.

arbre généalogique de la maison royale de Portugal, 167.

archéologie, africaine. 76. 77 ; chrétienne, 76. 336. 500 ; française. 329.

architectes. Abel de .Sainte Marthe. 326. 415 ;

Alberti. 228 ; Alvino, 254 ; Amé. 349 : .\ngicourt (Pierre d'), 254 : An- tonio di Giorgio da Settignano, 358 ; Baralle (de). 120: Benvenuto délia Cella, 18 ; Bérard (E). 53; Boileux. t2o; Bordiau. 491 ; Borella. 130, 131 : Boubé, 166; Brocard (H.). 461, 462; Brunellesco, 228; Buontalenti (Bern,), 2ç6 : Caumont (de). 329 ; Chambige. 53' 338 ; Cooman. 346. 493 ; Darme. 144. 145 ; Deverin, 2-13 : De Wulf. 347 : Douillet. 255 : Erwin de Stein- bach. 292 ; Eoulques-Nerra. 177 ; Grenouillot. 85; Hubert (J ). 78 ; Huwellin ().). 78 ; Langerock. 423; Langlais (Jean). 427 ; Lassus. 119. 125;

Lenertz (Vinc). 241; Michelozzo. 362 : Morel (Hugues). 426 ; Morin. 253 ; Millier. 202 ; Nicolas de Pise, 339 : Pace da Lugo (fra), 130 ; Palla- dio. 127. 131. 315; Paoletti. 375; Perret. 145 ; Pierre de Celle. 17T ; Pierre de Montereau. 315 ; Pisonti (Giust.). 254;— Questel. 138; Rains (Mich.). 78; Rocque (de la), 85; Schmitz (W. ). 465 ; Scopp (Gilb. ). 514 ; Selmersheim. 85 ; Suisse. 64, 253 ; Talenti, 359; Van de Poel (Jean), 480 ;

Villart d'Honnecourt. 104. 119. 120 ; VioUet-Ie-Duc. i. 53 55. 181. 285. 291.448. 453. 494; Wehriin (Hans), 293; Winck- 1er. 294, 296; architectes suisses. 322.

architecture, auvergnate polychrome. 59 ; byzantine. 6^, 421 ; carolingienne. 325. 409 ; chrétienne. 240 ; française, 411.

415; gothique. 417. 418; grecque. 410;

militaire. 51; des missions. 506; re- ligieuse, 427: rituelle. 234; romane, i ;

usuelle (1"), 172 : (enseignement de 1 ),

5"-

archives, d'Harcourt,4i4; Modène (d'Etat). 157 ; Nuremberg (royales). 172 ; Parme, 157: photographiques à Florence, 228 ; "Toulouse (municipales), 416 ; du Vatican. 218.

.-\rezzo. fêtes en l'honneur de Pétrarque, 435.

Arlay. église. 412; retable. 412; statues.

325-

Arles. Saint-Trophime. i. 338. 427 ; por- tail. 172. 498. 499.

Arlon, hotel-de-ville. 514 ; musée, 493 ; nouvelle église. 494.

Armagh, cathédrale. 432.

armoire eucharistique, 57.

Arnould (André). 256. 257.

Arras, Congrès archéologique, 495,

Art (hautes études d'), 85. 176.

art, ancien. 261 ; arabe, 326 ; belge, 330 ; byzantin, 69, 194. 253. 326, 504; campanaire. 333 ; chrétien. 144. 197 ; décoratif. 340 ; ecclésiastique, 25 ; flamand. 65. 197; flamand bourguignon, 65; français. 48; franco-flamand, 343 '• ~ gothique, 53, 418 ; italien. 197 ; khmer, 208; khar,,(o8; médiéval, 198;

militaire. 327: moderne, 447; monu- mental du moyen âge. 241, 335 ; mosan. 264; musulman. 243 naturaliste, 251;

populaire, 251; religieux, 4.47: rhé- nan. 254. 419 ; romain. 504 ; roman. 53- 332 ; russe. 72. 320; siennois, 262;

suisse, 485 : textile. 233 ; troyen, 425 ; turc, 171 ; (hautes études d'), 85.

Art et Vaittel {r), 80. 172 ; sacré, 340.

Arte ( L' ), 172.

artistes, chrétiens. 178 ; dominicains. 497 ;

lorrains. 325 ; malinois. 166 ; re- mois. 325.

Asciano Condivi, sculpteur. 317,

Ascoli Piceno, chape de Nicolas V. 435.

Assise, manuscrit du X I Ve s. . 172.

Assche, porche de l'église. 337.

Assomption. 307.

ateliers monétaires des Gaules, 229.

Athènes, école française. 230; néerlandaise.

49 : origine de la Monnaie, 486; Par-

thénon, 315. Attert. église. 493. Aubry (Gérard), peintre, 325. 415. Audinet (Stephan). sculpteur, 414. Augustin (S.), loi, 29?, 389. 393 ; .Société

St-), 335- Aulnay. église Saint-Pierre. 3. 152. Aulne, abbaye. 417. 493. autel (décoration de 1'), 26. autels anépigraphiques de l'époque celtique,

324. Autrécourt. fouilles, 324. Autun, basiliques, 281 ; cathédrale, 190 ;

fouilles, 282 ; monuments chrétiens, 279 ; romains, 60; portail, 5; porte d'Arroux, 60 ; tour de Janus. 60 ; tro- paire manuscrit. 86 : - urnes romaines. 283.

1904. Xable analytique.

526

IRcliue lie V^xt cbictieu.

Anxerre, architecture religieuse, 427 ; ca- thédrale, 54, 55 ; églises: St-Eusèbe, 56 ; St-Germain, 55; tapisseries anciennes, 309 ; triforium de la cathédrale, 65 ; vitraux. 55.

Avallon, église St-Lazare,s6.

Aveyron, statues menhir, 231.

Avignon, cloître des Célestins. 513.

Avioth, église Notre-Dame, 487, 489; por- tails, 490.

B

Babylone, fouilles, 50.

Baedeker (guides de), 78.

Baerze (Jacques de), peintre, 65, 93.

Bamberg, cathédrale, 33: comptes du Cha- pitre, 36; rational, 40, 43; tombeau des évêques, 37 : trésor, 36.

banc sculpté du XVV s., 275.

Baralle(de), architecte, 120.

Barb.ai (Jacopo dei), peintre, 19, 24.

Barbarie, château, 325.

Barbe iSte), 99. 392.

Barot (Pierre Martin), peintre, 325.

Bartoli (Tadd. ), 267, 270.

Bartolomeo (fra), peintre, 373, 375,497; (Martino di), peintre, 27.

bas-relief antique, 165.

basilique à Jérusalem (constantinienne), 97, 80; Koekelberg, 337, 430; Montmar- tre, 441 ; Pergame, 237; Trêves (Saint- Jean), 467, 468; Worms (St-Jean. Bap- tiste), 172 ;

Bassano, penitre, 127.

Bataille (Jean), tapissier, 51, 312.

Bavai, vestiges gallo-romains, 416; hypo- caubte, 416.

Bayeux, tapisseries antiques, 310.

Beaulir-u. église, 150, 253.

Beaumetz (Jehan de), pemtre, 65, 199.

Beaune, collège Notre-Dame, 190; église romane, 60: fresques, 6t ; hôtel-Dieu 61 ; peintures à la chapelle St-Léger, 190-200 ; Spécimen de plomberie, 63 ; tapisseries, 51: flamandes, 61, 190.

Beauneveu (André), imagier, 66; (miniatu- res de). 51.

Beauvaisis, églises rurales, 417.

Beissel (Et.), 233, 447.

Bellecho-^e (Henri), peintre, 65, 199.

Belleganibe, peintre, 109.

Bellin (Juan), peintre. 19. 24. 126. 127.

Benedelto, da Brescia, peintre, 361; da Lucca. peintre, 361; da Maiano, sculp- teur, 365.

Bénigne (s.) (tombeau de), 285.

Bening, miniaturiste, 168.

bénitier f-n bronze. 269.

Benoit, XI (tiare de), 17; XIV, 44.160, 440, 4^2.

Benozzo Gozzoli, 28, 29, 198, 226, 244, 362.

Benvenuto délia Cella, architecte, 18.

Bérard (K.), architecte, 53.

Bérénice (ste). 79.

Berghes (Henri de) (tombeau de), 108; Guillaume (tombeau de), 109; Maximl- lien (tombeau dr), 109.

Berlin, bibliothèque royale, 36; galerie royale, 09; musée, 16, 339,

Bernard (s.), 162, 351. 390, 453.

Bernardin de Sienne (s.), 267, 356.

Berne, 201 ; cathédrale St-Vincent, 201, 294 : Congrès international de dessin, 510; porte occidentale, 201-210: une rue, 483.

Berthelé(J.), 257, 332.

Berthold de Nuremberg, peintre et sculpteur,

339 Besançon, crypte St-Ferréol, 134. Besate, tableau de Marco d'Oggione, 226. Bethune (le b»"), 166, 178, 471. Beyrouth, cathédrale St-Jean, 422.

Béliers, église, 409.

Bible, de Sl-Marlial, ^i;— f Dictionnaire de

laj, 239. bibliothèque, de Berlin (royale), 36; Bres-

lau, 230; Bruxelles (de Bourgogne), 192;

Cambrai (du Chapitre), 116; Colo- gne, 345 ; Turin (nationale), 229, 257 ;

(de l'université), 178 ; —Vendôme, 495. Binche. collégiale St-Ursmer, 346. Bissono (Fr. ), peintre, 23.

Blénode de Toul (tombeau de), 40.

Blés, peintre, 127, 403.

Blois, château, 62.

Bobbio, manuscrit de l'abbaye, 178.

Boccardino. miniaturiste, 364.

Bocholt, statues antiques, 493.

Boileux, architecte, 120.

Boine. église, 332.

Boissière. peintre, 325.

Bologne, fresque du XV': s., 222 ; pinaco- thèque. 364.

Bonfigli (Benedetto), peintre, 227.

Boniface(s.), 30. 44.

Borella. architecte, 130, 131.

Borgo-san-Lorenzo, église, 319.

bornes miliaires, 48.

Boscherville, église et chapiteaux, 181.

Boston, musée, 434. I Botticelli, peintre, 367. ! Boubé, architecte, 166.

Bouillon, château, 487.

Boulbon, Christ au lambeau, 434. I Boulin (Arn. ), sculpteur, 329.

Bourbons (tombeau des), 66. I Bourdon, peintre, 415.

j Bourges, cathédrale, 189; hôtel de Jacques sans cœur, 343; peinture de la chapelle, I 343; tombeau des Laubespine. 48. I Bourgogne (duc de) (comptes du). 98 ; ex- cursion de laGilde de St-Luc, 166.

Braibaut (Jacques de), imagier, 109.

Braun (R. P.), 233.

Bray (Ant de), peintre, 413.

Breslau. bibliothèque, 230; manuscrit de Froissard, 230.

Briey, calvaire, 325.

Brocard (H ), architecte, 461, 462.

broderies religieuses (modèles de), 233.

Broederlam (Melchior), peintre, 61;, 93, 197,

199. 343-

bronzes du moyen âge, 48.

Brou, église, 144.

Broussole (J.-C), 505.

Bruc, église, 52.

Bruges, éghses : Saint-Donatien, 242; No- tre-Dame, 493; exposition des Primitifs, 97-100 ; gilde des libraires. 168 ; hôpi- tal Si -Jean, 330; restauration architec- turale, 346; salle échevinale, 313.

Brunellesco, architecte, 228.

Brunelli (Henri), peintre, 225.

Bruxelles, église Ste-Gudule. 330, 414 ; loge du concierge de Ste-Gudule, 513; Musées ; Communal, 100 ; du Parc du Cinquantenaire, 33 ; royaux des arts dé- coratifs, 501 ; le nouveau Bruxelles. 398;

palais : de justice. 399 ; royal, 398 ; Société d'archéologie, 51, 326.

Bruyn iBart.), peintre. 345.

Bryas (Jean de) (tombeau de). 109.

Brykczinski (Ant. ). 163.

bucranes. 504.

Buglioni (Ken.), peintre, 245.

Bulletin, nrchéologiqiie, 340 : des métiers

d'art, 81, 337; monumental, 171, 338,

427, 506. Buis (Ch. ), 398. Buonconsiglio. peintre, 133. Buontalenii (Bern.), architecte, 256. Burch (Fr. Van der) (tombeau de), 112. Burgkmair (Hans), graveur, 167. Burgos, cathédrale, 187. Burlington m<igazine, 242. Bussy-Leltie, église, 434.

bustes d'empereurs romains, 326, Byzance, palais impérial.

Cabrol (Dont V .), 500.

Caen. musée, 190.

calices en or, 115.

Calixie II, 30, 35, 28^.

Caloen(Dom Gérard van). 379.

Calvaires morbihannais, 172.

Cambrai, ancienne cathédrale, 103 : les 21 chapelles, rog ; chœur et sépultures des évèques, 108 ; clocher. 116 ; clo- ches, 117 ; constructions successives, 103 ; dévastation, 117 ; lioiloge mo- numentale, III ; musée, 109 ; œuvre définitive, 104 ; plan, 105, n8, J2i, 122; . ruines, 118 ; ^ Société d'étude, 166 ; stalles, 108 ; trésor, 114 ; verrières. ic6; vue, 107, 123.

Cambron, abbaye, 416. 502. 503 ; église, 502 ; tombeaux gothiques, 416.

Camerino, chœur de l'église des Clarisses, 227 ; musée. i;27.

Canipin (Robert), peintre, 98.

Campine. églises, 493.

Caporali (Bart. ), peintre. 227. 245.

Carmignaco. église, 245,

Carpaccio, peintre, 22, 225.

carreau de pavages, 229.

carrelages de terre émaïUée. 349 ; vernis- sée, 5t.

Carthage. découvertes. 165, 326, 4_32 ; fouilles, 165; insciiptions funéraires pu- niques, 486; marques de céramiques grecques et romaines, 325 ; sarcophage de marbre blanc, 50; sièle de terre cuite, 165 ; théâtre romain, 408 ; topogra- phie, 408.

Casier (j.). peintre. verrier. 471.

Castagno (Andréa del). peintre. 199.

Castel-St-Élisé, anibon. 500.

Castillannès, église. 252.

catacombes, 79, 165.

cathédrales, d Albi, 416 ; Alexandrie. 337 ; Amiens. 328 ; Angers. 435 ; Angou- lènie. 498 ; Anvers. 104 ; Armagli. 432; Autun. 60, 190 ; Auxerre, 54, 55, 65 ; Bamberg, 33 ; Berne, 201 ;

Beyrouth, 422 ; Bourges, 189 ; Burgos, 187; Cambrai, 103; Ceri- gnola, 2.S4 ; Chàlons-siir- Saône, 177, 432 ; Chartres, 346, 431 ; Gand, 400, 433; - Glascow, 238: Laon,479; Léon, 321 ; Liverpool, 514 ; Lyon, 253 ; Maguelonne, 499; Metz, 81; Minden, 45 ; Monreale, 38 ; Nevers, 513 ; Paderborn, 40; Perpignan, 164; Pise, 28 ; Puy, 422 ; Ratisbonne. 36 ; Reims, 33, 34, 104, 189, 421 , 489; Rieux, 164 ;— Rouen, i8i, 211, 299 ; Sens, 53, 59 ; Torcello, 197 ; Tournai, 330, 4'7. 493 ;— Trêves, 465 ; Trévise, 126 ;

Ulm, 397.

Catherine (sie), statue en marbre, m. 391 ;

de Sienne (ste), 269, 356; de Clèves, 437 ; (livre de prières de), 345.

Caumont (de), architecte, 329.

Celleneuve, église, 409.

Ceni-Melek. enceinte funéraire chrétienne, 229 ; touilles, 229.

céramique. 413 ; clialdéenne, 231 ; 10- maine, 324.

Cercle, archéologique de Malines, 166;— his- torique et archéologique de Courirai, 166.

Cerignola, cathédrale, 254.

Ceyssac. église, 332.

Chabeuf (II ). 29, 65, 157; 166, 200.

chaire, du XVe s., 365 ; du XV1« s,, 490 ;

deRoucourt, 423 ; triomphale, 424. Chaise- Dieu, abbaye, 426; église, 426. chalet de la vallée de l'Aar, 481.

Cable analptique.

527

Châlons-sur-Marne, église Notre- Dame, 346 ;

vitraux, 307.

Châlons sur-."!>aôae, cathédrale, 177; crypte St-Miircel, 134 ; fonts b^iptismaux, 432.

Chambéry. pèlerinages auStSuaire, 157-160.

Cliaiïibige. architecte, 53, 338.

Champagne {carrelages de l'abbaye de), 349, 352 ; église abbatiale, 349. 352.

Chainpfleur, atelier de tapisserie, 312.

Champtiol, Chartreuse, 65.

Changerai (Jehan), peintre, 199,

chant grégorien. 258.

Chanieui^es. abbaye, 332 ; église, 332.

Chantilly, Heures du duc de Berry, 196 ; musée Coudé. 48.

chapiteaux-, liistoriés. 59 ; à Marnes, 9, 11; à St-Paul-de-Varax, 152; à Vé- zelay. 452. 457 ; du XI V^ s.. 489.

Chappée(J.). 355.

Chareil-Cinerat, épitaphes sacerdotales, 506.

Charlemign-; f C^tptiuLiires de ), 408, 411.

Charle-;. V (statue de). 434 ; VII, 310 ; le Téméraire ( noces de), 98; ^ (portrait de). 195 ; liorromée (s. ), 130, 157.

Charlieu, église, 332.

Chartres, cathédrale. 346. 431 ; clocher vieux. 85 : cryptes de la cathédrale. 172;

portail, 9; vitrail, 186.

châsse, eu argent, log. 110 : en émail de Limoges. XI lie s., 87-

chasuble du XVI" s., 2Ô4.

chAteau, des Amerois, 487, 488 ; de Bar- barie. 325 ; Bouillon, 487; Flotte.

494 ; Gand (des comtes). 335 ; Her- chies, 416; Herzele, 493 ; Karlstein, 16 ; Langeais, 177, 368 ; Lavardin,

495 ; Munte, 316 ; Neuvic, 52 ; Pescau. 413 ; Pierrefont. 347; Poncé, 494; Parlo. 339: Pujols, 420 : Sar- zay. 171 ; Saumur. 229; Thoisy, 325, 412; Turnouth. 493: Vinciligata, 228.

Chateaudun. vitraux. 326.

Chelles, cimetière raévovingien, 324.

Chêne (Motre-Dame du), 47.

Chaquet (Pierre Adrien), peintre, 325.

Christ, adoration des bergers, 73; 386 ; circoncision, 305 ; à la colonne, 403; crucifixion. 99, 100. 370-374; déposi- tion de la croix, 373. 404; fuite en ïtgypte, 306 ; image, 48 ; au jardin des oliviers, 370 ; mort. 386 ; nativité, 384, 440; parmi les docteurs, 307; passion, 206; portement de croix, 441 ; au tombeau. 434 ; transfiguration, 373.

Christophe (s), 224, 267.

Cimabué, peintre. 243.

cimetière mérovingien, 243.

circoncision. 305.

Clteaux (églises de), 351.

Citta di Castel'o, église San Francesco, 196.

Civrai, église Saint-Nicolas. 3, 13.

Claire fste). 392.

Clément. Il (pierre tombale de). 33 ; VI (effigie couchée de), 426 ; VII, 160 ; - IX. 3.S7.

cloches, à Cambrai, irô, 117; du Villes., 332 : (Paléographie des), 333.

clocher, à Acy en Multien. 417 ; Cambrai, 2 ; Dinant. 337 ; octogonal, 57 ; porche roman, 171; romans, 409: du XIIU s. , 171 ; technique du, 334.

Cloquet. 76-81, 169-171, 232, 238-241. 246. 3t6. 329-334. 344. 398, 422. 471, 485. 500, 502. 505, 506.

Clouet (fiabriel), sculpteur. 108.

Cluny. églises. 35: ; maison du XI*= s.. 72.

codex, de l'abbaye d'Elnone, 38; litur- gique du XII« s., 30.

coffret byzantin du IXe s., 502.

coiffure du XV^ s, . 357.

Colas (Alph.), peintre, 325.

collégiale, à Douai, 166, 171 ; Mons (Ste- Waudru). 78 ; Soignies. 493 ; Ville- franche, 165.

Colmar, musée, 390.

Cologne, bibHothèque, 365.

colombe eucharistique, 221.

colonne du temnle de Jérusalem, 240.

Colonne, église Ste- Marguerite, 434.

Commisûon royale des 7nonuments de Belgi- que, 491.

communion (Souvenir de ire), 335.

Comodilla (catacombes de). 253.

Conegliano ( Luca de), peintre, 336.

Con^rèi, d archéologie et d'hi-itoire de Dî- nant, 41g; d'arckéola^ie de Namur. 228;

arche ilogiq ne d'Arras, 495 ; archéo- logique du Afafii, 416; archéologique de Poitiers, 79 ; international de desnn à Berne, 510; international des architec- tes à Madrid, 345 ; Mariai de Rome, 348 ; des Sociétés savantes à la Sorbonne, 50, 323. 409, 410.

Conrad de Loest, peintre, 345.

Constantin, 156.

Çonstantinople. Ambon de Ste-Sophie. 500 ;

constructions civiles, 171; églises, 171 ; jardins. 71; maisons anciennes, 421 ; mosaïque de Ste-Sophie, 73.

Coomans, architecte, 346, 493.

coq, du clocher, 230. 237; (symbolisme du), 238.

Corbie (sacramentairede). 32.

Cordes, porte de l'enceinte, 420.

Correspondant archéologique, 427.

Corroyer (E. J.), nécrologie, 260,

costume (histoire du), 52, 239.

Coubon. cryptes romaines et église, 332.

couronnement de M irie, 308.

Courtrai, Cercle archéologique, 166; -église St-Martin, 176 : Notre-Dame, 433.

Coutan (le D""), loi.

Coutances. église St-Pierre. 85.

Crafman ftltej, 244, 506.

Cranach, peintre. 365.

Crâne (Walter), !;o4.

création (la), 298. 299.

Creil, église St-Evremond, 506.

Crète, monumentsdécouverts, 49.

croisées d'ogives, 417, 418.

croix, d'absolution, 324 ; antique, 254 ; en bois d'olivier du IX'^ s., 115 ; byzan- tine, 32Q, 486; (invention et exaltation de la Ste), 70 ; ^ de Lorraine. 324 ; d'or, 115 ; pectorale. 34; (la sainte), \<^6 ;

sépulcrale. 495 ; stationnales, 263 ;

triomphale, 252,433: en vermeil, 115. crucifix, en bronze, 196 ; de Michel- Ange,

317- .

crucifixion, 99, 100, 371-374.

cryptes de Besançon, 134; de Châlons- sur-Saône. 134; de Dijon. 285 ; de Langres, 460 ; de Saulieu, 284; de Tournas. 134 ; de Trêves. 465.

cryptographie apostolique (genèse de la), 234.

Cuges, trou des morts, 408.

Cuivre (industrie du), 419.

Cunégonde (ste). 391.

Daddi (Bern.), peintre, 243.

da Fabriano (Gentile), peintre, 196, 227.

dalles funéraires. 331.

Damme, église. 330.

Daniel, 206,

Daphni, monastère de S. Simon stylite, 70.

Daret (Jacques), peintre, 98.

Darme. architecte, 144, 145.

Darmstadt, musée. 344.

da Settignaao, architecte, 358.

David, 209. 439-

décor (le), 170.

décoration polychrome du mobilier des égli- ses, 25.

découvertes archéologiques, à Arlon, 514 ; Carthage, i6s. 326. 408, 432; —Crète, 49; Euzies, 486 ; Gand, 347 ; Milmont.

348 ; Mouvion, 48 ; Poitiers, 514 ; Sahara, 49 ; Sousse, 322 ; Vers, 219;

préliistoriques, 325.

délia Bruna (Dioniède). peintre, 227.

Délos, fouilles, 4g, 165, 408, 486; mosaï- que. 486.

Delplies, colonne d'acanthe, 486 ; feuil- les, 165.

dei Sarto (Andréa), peintre, 367, 375 ; sculpteur, 360.

Déposition (U), 373, 404.

de San Severino (Judicio), sculpteur, 227.

Deux-Acren, église, 493.

Deverin, architecte, 2-13.

Devriendt (J. ), peintre. 346, 513.

De Vieez (Arnould), pi-intre, 241,

De Wulf, architecte, 446.

Dictionnaire d' archéolo^e chrétienne, tj , de la Bible, yj, 23g.

Didelot (collection), 257,

Didron (E. ), 198. 440, 442.

Dier-el-Bahari, fouilles, 486.

Diest. église St-Jean, 335, 493; choeur,

335-

Dieu, en majesté, 446 ; le Père, 99.

Dijon, adoration des Bergers, 93 ; beffroi, 64 ; crypte, 286-288 ; décoration mu- rale, 88 ; églises : St-Benigne, 64, 28^ ;

St-Jean, 66. 87 ; St-Michel, 64 ; St-Philibert, 253 ; Notre-Dame, 63. 65 ;

hôtel Boucher, 89 ; musée 62, 93, 193. 196 ; palais des ducs de Bourgo- gne, 63 ; peintures murales, 28 ; tom- beau de S. Bénigne, 285; vitraux, 66, 87.

dinanderies, 505.

Dinant, 505 ; clocher, 337, 494; Congrès d' histoire et d' archéologie, 419.

délia Bruna (Diomède), peintre, 227.

diptyque de Melun, 322.

Djebel, monument funéraire, 232; voies anciennes, 4g.

Dôle, autels anépigraphiques, 324, 409.

Dominicains (ordre des), 15, 67, 496 ; (peintres chez les), 45; (portraits de), i6.

Dominique (S. ), 15.

Donaueschingen, stèles funéraires, 409.

Douai, collégiale St-Aimé, 166 ; St-Pierre, 171.

Douillet, architecte, 255.

Dresde, musée, 344.

Duccio. peintre. 245. 267 ; (Agerts). sculp- teur et architecte, 404.

Dunwegge, peintre, 345.

Durand (G), 328.

Diirer (Alb. ), peintre, 243, 339.

Dusseldorf. Exposition des primitifs aile- 7nands, 344.

Ebode, tombes antiques, 230.

école, flamande de peinture, ici ; des hau- tes études d'art, 85. 251 ; néerlandaise d'Athènes, 49; romane d'architecture re- ligieuse, 50 ; St-Luc, 400 ; siennoise , de peinture, 276.

Ecosse, premiers monuments chrétiens, i6g.

Edouard (s.), 3Q2.

Effort [V], 172. 427.

église, à Afsné, 326 ; Agen, 252 ; Air- vault. 2 ; Albi, 416 ; Alençon, 252 ; Alost, 176, 433 ; Alsemberg, 326 ; Apt. 324 ; Arlay, 412 ; Arles, 338, 427 ; Arlon, 4g4 ; Assche, 337 ; Attert, 493 ; Aulnay, 3, 152; Auxerre, 56 ; Avallon, 56 ; Avioth, 487, 484 ; Beaulieu. 150, 253; Beaune. 60. igo ; Berne, 294 ; Béziers, 40g ; Binche, Borgo san Lorenzo, 319 ; Borne,

Boscherville, 181;

Brou,

t44:

34" 332

Bruc, 52 ; Bruges, 242, 493 ; Bruxel- les, 330, 499 ; Bussy- Lettre, 434 ; Ca- merino, 217 ; Campine, 493 ; Carmi-

528

îRcbur tic rart chrétien.

gnano, 245 ; CastiUonnès, 252 ; Cel- leneuve. 409 ; Ceyssac, 332 ; Chaise- Dieu, 426 ; Châlonssur-Marne, 346 ; Chamenges, 332 ; Charlieu, 332 ; Citlà di Castello, 196; Civrai, 3-13; Constantinople, 171 ; Coubon, 332 ; Courtrai, 176. 433 ; Couiances, 85 ; Creil, 506 ; Damme, 330 ; Ueux- Acren, 493 ; Diest, 335, 493 ; Dijon, 63, 64. 65, 87, 253, 285 ; Espandeilhan, 409 ; Essen, 179 ; Florence. 245, 407 ;

Fontevrault, 85 ; Furnes, 443; Gournay en Bray, 78 ; Grimde, 433, 493; Hastière. 377; Hautem-St-Lié- vin. 433 ; Hôpital sous Rochefort, 332 ;

Jérusalem, 157; Kalkar, 345; Koe- kelberg, 337: Lassaye. 86; Lavardin, 495 ; Legri, 403 ; Liège, 493 : Lis- seweghe, 330; Lobes, 417 ; Lodève, 409 ; Longueil-Annel, 253; Loupéan, 409 ; Louvain, 330, 433 ; Labeek, 239; Maastricht, 330 ; Maignelay, 426 ; Maillezais, 2 ; Marnes. 1-13 ; Mans. 161 ; Marsac, 52 ; Marseille, 417 ; Melle, 3 ; Minden , 31 : Mimi- san. 422 ; Moissac. 9 ; Mons. 78 ; Monl-devant-Sang, 340 : Montreuil sous bois, 171; Mouzon.487.488; Mulhouse. 432 ; Munich. 172 ; Mussidan. 52 ; Neufcliâteau. 83 ; Nieuport. 422 ; Nogent le Rotrou.48; Noirétable, 332; Padoue. 197: Paris. 418; ^ Parthenay-le- Vieux. 3-9 ; Poitiers, 3. 7 ; Pontau- bert, 56 ; Pontigny, 60 ; Poperinghe, 330, 493: Quarante. 499; Reims. 125,

Saint-Astier, 52 ; Saint-Christophe, 332: Saint-Émilion. 52; Saint-Fergeux. 135 ; Samt-Galmier, 332 ; Saint-Guil- hem le désert, 409 ; Saint-Haon. 332 ; Saint- Hubert. 433. 487-494; Saint- Jacques des Guérets. 495 ; Saint-Jean de la Ruelle, 253 ; Saint-Jouin de Marnes. 150; Sainte-Marie des Anglais. 78 ; Saint-Martin de Mazerat, 52; Saint- Mar- tin la Sauveté, 332 ; Saint-Paul-de- Varax, 144, 155 ; Saint-Père-sous-Véze- lay, 57, 58 ; Saint-Quentin, 433; Saint- Trond, 482 ; Saint- Vaast, 493 ; .Saint- Vidal, 332 ; San Quirico in Osenna, 244 ;

Saulieu, 59, 285 ; Saumur, 415 ; Semur, 56 ; Sérignan, 409 ; Soignies, 493 : Sourzac, 52 ; Strasbourg. 434 ;

Ternay. 332 ; Thann. 201, 292.384 ;

Tieghem. 166 ; - Tirlemont, 433 ; Toulouse. I ; Tournai. 64. 330 ; Tour- nus. 134-142. 177, 338 ; Tréhns, 332 ; Trévise, 18 ; Troyes, 80 ; -— Urbin, 172 ; Valenciennes, 104 ; Vandeins, 147 ; Varennes-le-Grand, 412 ; Ven- dôme, 495 , Vérone, 199 ; Verrières, 332; Vézelay, i, 58, 65; Vicence, 129- 131 ; Vivain. 351 ; Vouvant, 3 ; Waermaerde, 166 ; Walcourt, 176, 433 ;

Westcapelle, 433 ; Ypres, 64, 330, 346.

églises, cisterciennes, 351 ; clunisiennes,

351 ; gothiques, 27; peintes, 26, 81. Ehrard-Kung. sculpteur. 203, El-Anirouni. mausolée néo-punique, 487. Elisabeth de Hongrie (ste) (cœur de), 110. Ebi (s. ). 393.

Emmeran (supplice de s.), 388. encolpion, 34. enfer (porte de 1'), 445. Enlart (E. ). 329. 422. enlumineur. 168, 232. épées en fer. en bronze. 324. Ephèse. fouilles. 165. épi en fer forgé. 62.

fpine. beffroi et clocher. 333. rasme, 251 ; (s.), (supplice de). 387. Errard (Ch. ). peintre, 413. Errwein de Steinbach, architecte, 292. Espagne, monuments ibériques, 321. Espondeilhan, église, 409.

Essen, abbatiale, 179.

Étampes, portail, 498.

Etienne (s.), 281. 388 ; (martyre de), 199.

Euchaire (s.). 469.

eurythmie. 76.

évangéliaire du XI1<^ s.. 60.

évangélistes (les). 298.

Everts (Jean), peintre, 251.

Evre. abbatiale. 17t.

exposition d'art ancien à Sienne. 261 ;

des maîtres anciens à Bruges. 97-100 ;

des primitifs allemands à Dusseldorf. 344 ;

des primitifs français. 87. 343. Eyck (Jean van), peintre, 16. 96. 98, 99, 242.

343. 409-

Fantozzi, architecte. 317.

Farcy (L. de). 51. 314.

Fauron (M.). 416.

Faustin (s.). 221.

Fauvel (Pierre), orfèvre, 328.

Femmes (les Stes), 387.

Fénelon (ostensoir de). 116; (tombeau de), 109.

Ferreol (s.). 134.

Ferrier (Gabriel), peintre, 319.

Ferrucien (s.), 134.

Ferté-Milon, bas-relief, 48.

Feuillen (buste reliquaire de s.), 419.

Fierens. 85.

Firmin (s.). 392.

Flavius Emilius, procureur d'Afrique, 48.

flèche en charpente. 88 ; en pierre, 56 ; en pierre grise, 105 ; en poire, 494.

Flémalle, abbaye cistercienne, 97.

flore décorative. St.

Florence, archives photographiques, 228 ; l'art au couvent de San Giusto, 356 ; compagnie de Gesù pellegnno. ^45 ; couvent de Jésuates. 358 ; Crucifix de Michel- Ange, 317 ; David de Michel- Ange, 404 ; découverte de dessins de Michel-Ange. 228, 318 ; diagramme mu- sical, 322 ; églises ; de la Badia, 245 ; del Carmino. 407 ; fresques. 226, 375. 407 ; Madone. 217 ; manuscrits. 364 ;

monnaies du XV': s., 359 ; musées et galeries. 256, 318. 405, 406 ; nouvelle façade du Dôme. 227 ; ordre des Jésua- tes, 357 ; pal.ais .Médicis, 29 ; peintu- res, 362 ; - portes de bronze, 228 ; pré- delle de \' Adtiration des jnages, 227 ; ta- bernacle du XVI= s., 375 ; sur rue, 404;

tapisseries, 318 ; terres cuites, 245 ; vitraux, 300.

Florent (s.). 142.

Florentin (Doni. ) sculpteur, 65.

Fly, abbaye St- Germer. 78.

FogaUno (Maccello). peintre. 133.

fondeurs. (îiiles de Grumelleniont. io8 ; Michel (f ). 333, 334 : _ du V11I<: s., 332.

Fontainebleau, théâtre. 323.

Fontevrault. église romane, 85.

fonts baptismaux, à Châlons, 432 ; histoire et classification des), 52 ; à Huy, 164 ; Liège (St-Barthélemy), 326, 434, 512 ; Murano, 52 ; Pise, 52 ; l^oitiers, 77 :

Venise, 52 ;

Forez (monuments du). 332.

Forum, fouilles. 251.

Fouchère. Vierge en pierre, 425.

fouilles, Autrécourt, 324 ; Autun, 282 ; Babylone, 50 ; Barbarie, 325 . Bayon d'Angkor-Thom, 321 ; Carthage, 165 ;

Cerne-Mélek, 229 ; Chartres, 346, 431; Délos, 49, 165, 408, 486;- Delphes, 1Ô5 ; Dier el Bahari, 486 ; Ephèse, 165 ;— Fréjus ; 164 ; Gighti, 48 ; Gran- selve, 324 ; Ithaque, 49 ; Latinnes, 327 ; Madaba, 166 ; Osuma, 321 ; Paris, 230 ; Pau sur Heure, 48 ; Per- se, 231 ; Philippopolis. 165 ; Prévaut,

229 ; Rome, 251, 253 ; Saint-Marcel, 323 ; Saint-Moré, 124 ; Sens, 164 ; Tehneh, 322 ; Tell ), 50, 230 ; Tral- les, 230 ; Tunisie,486 ; Vannes, 323;

Vodecée. 419.

Foulques de N'erra, architecte, 177.

Fouquet (Jean) (portrait de), 322, 408.

Francfort, musée Staedel, 97.

Franciabigio, peintre, 376.

Franck le Vieux, peintre 127.

François (S.), 390 ; -I", 157-158 ; —de Hal- luin (tombeau de), 328.

Francqueville (A. de), 335.

Fréjus. fouilles et amphithéâtre. 164.

fresques, à Beaiine, 61 ; Bologne, 222 ; Florence, 226, 375 ,407 ; Montoire, 495 Otana, 336 ; Padoue, 362 ; Pise, 226 ; Poncé, 494 ; Prato, 407 ; Rome, 515 ; Saint-Jacques des Guérets, 495 ; Trévise, 142; Varen nés le Grand, 325;— (Conservation des), 28.

Frey, graveur, 226.

Fribourg. anciens vitrauxde la cathédrale. 233.

Fridolin (s.), 390.

Fioissart (miniature du manuscrit de), 230.

Froment d'Avignon, peintre, 319, 344.

fuite en Egypte, 306.

Furnes, église St-Walburge,433 ; peintures décoratives, 476 480.

Gabriel d'Antonio, orfèvre, 265.

Gaddi (.^ug. Tad.j. 243, 475..

Galata, couvent de S. Benoît, 421.

Galgano (san) (reliquaire du chef de). 271.273

Gall (s. ), 390.

Gallia christiana, 470 ; dotninicaîia, 496.

Ga.nd, Adoraiio/i des Bergers, 94; ancien béguinage, 493 ; catliédrale, 400, 433 ; château des Comtes, 335 ; découver- te archéologique. 347 , école St-Luc, 400 : hôtel de ville, 400 ; maisons an- tiques, 327 ; Société d' kisloire et d^ archéo- logie, 326 ; Spycker, 346 ; voûtes la- pidaires de St-Bavon. 330.

Gaules, ateliers monétaires, 229.

Geerrtgen tôt S. Jans, peintre, 338.

Genève, 298.

Gènes, façade inclinée de St-.-\mbroise, 169.

Genoels-Elderen, diptyque sacré, 501.

Georges (s.), 225, 390, 392,

Géorgie orientale, objet antique en argent, 166.

Geosnes (les ss. ). 460.

Gérard I de Florines. 103 ; II. 103 ; de Harlem, peintre, 80, 193.

Germain Pilon, sculpteur. 251.

Gerspach, 76, 228, 319, 37Ô, 404, 407.

Gheel, lutrin en laiton, 493.

Gheralpe. peintre, 363,

Ghirlandaio, peintre, 365, 367, 475.

Ghirza, nécropoles, 49.

Giacomo de Giovanni, 267.

Giancarlo Kossi (trésor de), 220.

Gighti, fouilles, 48 ; mosaïques, 49.

Gilde de St- Thomas el St-Luc, 52, i66.

gildes (organisation des). 166.

Giotto, peintre. 185. 197. 245, 362, 365.

Giovanni. Agnolo da Montoroli, peintre. 360; da Milano. mécanicien. 361; di Paolo. peintre. 276 ; da san Giovanni, peintre, 376 ; (Stefano di), peintre, 293.

Girolamo da Frcvezo, peintre, 126.

Ciislebertus, imagier, 5.

Cîiuffre (Franc), peintre. 403.

Giuliano da Firenze. peintre. 361.

Glascow, cathédriile, 238.

gobelets longobards profonds, 221.

Godyear, 315.

Goes (Hugo van der), peintre, 96. 197. 339.

403- Gois (les), sculpteurs. 325.

Cable analpttque.

529

Goiidea (statue de), ;o. Goujon (Jean). 411. Gournay en Bray, église. /8. graffiti nabatéens. 230. Gravacci ( Franc. ), peintre, 360. Grand-prêtre (costume de), 239. Grandselve, abbaye, 324 ; fouilles, 324. Grandvilliers, inscriptions tumulaires et cam-

panaires, 325. Gravet, peintre, 326. gravures rupestres, 49. Grégoire le Grand (s.), 238. 294; (statue

de), 33- Grenouillot, architecte. 85. Grignoles. ruines de, 52. grille du XIII' s., 78 ; en fer forgé, 268. Grimde, église. 433. 493. Grisar(le R. P.). 220. Grisons (chalet des). 484. Grumellemont (Gilles de), fondeur, 108. Guelvia (inscription de), 48. Guéranger (Dom), 258. Guido de Sienne, peintre. 267. Guigonis, peintre, 326, 413.

H

habitation, byzantine, 09, 421 : syrienne, 70.

[ladrurnète. catacombes chrétiennes, 165.

Hallaus (.André). 85. 347-

Havicque (Hubert), sculpteur. 113.

harmonie de proportion. 76

hanse teulonique (Dinant dans la), 505.

Harcourt. archives du duché. 414.

Hastière. église et crypte, 377 ; plan ter- rier, 380 ; stalles de XVi:, 382 ; vue intérieure, 38t.

Hautem-St-Liévin, 433.

Hedwige (la Reine). 42.

Helbig (.1), 28, 68, 69,102, 120, 169, 170,220,

233. 23+. 278. 476- -192. 494. 497. 498-

Hélène (ste), 79. 156. 389.

Henri (s). 390; de Absberg (statue de). 36 ; II d'.\ngleterre. 218; IV (portrait), 326 ; duc (mausolée du), 176.

héraldique (description des objets apparte- nant à 1), 228.

Hérault, architecture carolingienne, 409.

Herchies, château, 417.

Herzele, château, 493.

Hiéronvmiles, 231.

Hilaire'(s.), 238.

Holbein, peintre. 363.

Hôpital-sous- Rochefort. église. 332.

Horebaut (Gérard), peintre. 168.

horloge monumentale du XlVe s., m,

hôtel de ville, de Arlon. 514 ; Bruges. 513: ^ Gand. 400 ; Loo. 434. 493 ; Lou- vain, 493 ; -Vieuport. 423.

Houflfalize, tombeau sculpté, 322.

Hubert (J), architecte, 78.

Huerta (Jean de la), sculpteur, 65, 89.

Huel (.-Mex. ), sculpteur, 329.

Hugo d'Oignies. orfèvre, 419.

Hugues des Hazards (tombeau de), 40.

Hulin (le prof.). 98. lor.

humanistes belges, 251.

Huwellin (Jeau), architecte. 78.

Huy, fonts baptismaux, 164.

iconographie, campanaire. 333 ; chré- tienne. 457.

imagerie populaire. 335

images (culte des), 408.

Innocents (.Massacre des), 305.

inscriptions, campanaires. 325 ; chré- tiennes. 323 ; funéraires. 323 ; funé- raire punique. 486 : de Guelma, 47 ; grecque, 322 ; hébraïque, 49 ; latine, 48. 409; punico-Iybique, 408; romaine, 48, 164, 326; tumulaires, 325.

Institut archéologique, liégeois, 327, 495. instruments, de paix, 272 ; de la Passion,

206. inventaires, à Prague, 30-33 ; Reims, 30-

33 ; Spire, 30, 32. Ithaque, fouilles, 49. ivoires 246; byzantins, 246. 339 ; du

XI^s., 36 ; (technique des), 301.

Jacopo Chimenti, peintre. 376 ; di Paolo peintre. 224 ; délia Quercia. 262. |

Jacques de Voragine, 505.

Jalirbuch der ion. prtusiischen Kunst- sammlungen, 338 ; der kunsthistorischen Summlungen des allerhoechsten Kaiser- hautes. 245.

Jean, peintre, 495 ; Baptiste (s.), no, 181- 189. 329, 387, 396, 448 ; de Bruges, tapissier, 51; de Boissy (tombeau de), 328 ; le Boucher, tapissier. 314 ; de Bourgogne (tombeau de), 109 ; de Cambrai, sculpteur, 66; évangéliste (s.), 181- 189. 302; de la Grange (tombeau de), 328 ; de Lens (tombeau de), 109 ; de Paris, sculpteur. 426 ; sans Peur (tombeau de), 65. 66, 89 ; II (portrait de).

343; -XIX. 30.32. , . . ^ ,

Jeanne d'.'\rc, fresque 222 ; (origine bolo- naise de), 223 ; de Bourbon (statue de),

431- Jehan de Guyze, 192 ; de Nale. sculpteur.

110. Jérôme (s.), 20, 295. Jérusalem, basilique antique, 156; con-

stantinienne, 79, 80, 157 ; colonne du

Temple, 240. Jésuates (Ordre des), 356-376. Jésuites architectes, 411. Jésus, au jardin des Oliviers, 310 ; parmi

les docteurs, 307. Joachim (s. ), 304. Joseph (s.). 94, 97. Jouin (s.), 2. Jovite (s.). 221. Jubé, 423.

Jugement (scènes du). 5, 208. Jumeaux (les ss. ). 460.

K

Kîirouan. inscription funéraire, 323. Kalkar, église St-Nicolas, 345. Karlstein, château. 16. Karmouz, catacombe, 337. Khamina. inscription romaine. 16;. Knoblauch (Hans), imprimeur du XVI<^s.,

243. Koechlin (M. R.). 330. Koekelberg. basilique, 337, 431. Kolbia, pierres tumulaires arabes, 34. Krafft (.4dam), sculpteur, 172.

Labarum. 48. 322.

La Croix, poteries de terre, 47.

Ladon. peintre verrier. 471.

Lagruve. clocher du XI 11= s., 177.

Lambert (S. ), (buste-reliquaire de), 34. 37.

Lampe en argent, ito.

Langeais, château, 177, 348.

Langerock. architecte, 433.

Langlois (Jean), architecte, 427.

Langres, les .SS. Jumeaux, 460.

lanterne gothique, 272.

Laon, cathédrale, 489.

Lassay. é,glise du XV^ s.. 85.

Lassus, architecte. 119, 125.

Lasteyrie (Robert de). 498.

Latinnes, fouilles à, 326.

I.,aurain (Marc), imprimeur. 251.

Laurent (.s). 302 ; (martyre de), 388.

Lavaudieu, monastère de femmes, 332.

Lavardin, château-fort, 495 ; église, 495.

Lavigerie (Mgr), 45.

Le Clerc (Barthél.). peintre. 343.

Lefebvre-Pontalis, 417.

Légende durée ^a). 184. 304. 505.

Léger (s.) (martyre de). 388.

Legri. église San .Severo, 403 ; relief des délia Robbia. 404.

Lemoyne. sculpteur, 109.

Lenertz (Vincent), architecte, 141, 335.

Léon, cathédrale et musée municipal, 32 t.

Léonard (s.). 391.

Léonard de Vinci, peintre, 367.

Léonce (s.), 235.

Leonille (ste), 460.

Liège, art militaire, 327 ; buste de s. Lambert. 37 ; école St-Luc, 335. 402 ; église St-Jacques. 493 ; évangéliaire mosan, 501 ; fonts baptismaux de St- Barthélemi, 326, 434, 512 ; histoire des biscuits, 325: Institut archéologique.yij, 445 _^ maison Porquin, 434. 493 ; pont St-Éiienne, 85; national, 42; stalles sculptées, 335.

lierne. 239.

ligne (la), élément de l'art, 169.

Ligran, poteries de terre, 47.

Limburg (Fréd.), sculpteur, 319.

Limoges, anciens remparts. 85.

Lippi (Filippo). peintre, 245, 367.406,407.

Lippo di Dalmasio, peintre. 224.

Lisieux. flèche de la tour .St-Pierre, 85.

Lisseweghe. église, 330.

liturgie, acclamation liturgique de Valleluia, 500 ; africaine, 76 ; codex liturgique, 30 ; culte des images, 408 ; Diction- naire de liturgie, 336 ; évangéliaire, 60, 298 ; Fonnulairt de prih'es, 242 ; Invention et exaltation de la .Ste Croix, 79 ;

livre d'Heures, 48, 229, 419, 437 ; messe illyrique, 30, 33 ; musique sacrée, 258 ; peignes liturgiques, 504 ; Pon- tifical. 39. 44 ; rit ambrosien, 500 ; Sacramentaire, 30, 32, 229. ( Pi^ivc .■ Mobi- lier liturgique, Vêtement liturg.)

Liverpool, cathédrale, 514 ; musée du Royal institution, gg.

livre d'Heures, 437; flamand. 419; manuscrit du XV^s. , 48.

Livre de ptiéres, 242.

Lobbes. église. 417.

Lochner (Siephan), peintre, 344.

Lodève. église. 409.

Lombardi (Pietro et Tullio), sculpteurs, 19, 24. 126.

Lorgueil-Annel, église, 253,

Londres, galerie nationide, 99 ; musée britannique, 167.

Loo, hôtel de ville, 434, 493.

Loothenhulle, tour romane, 433.

Lorenzetli, peintre, 29, 245, 264.

Lorigné, statère d'or pâle, 324.

Lotts. peintre, 127.

Loiiis (s.), roi, 131, 218, 392;— (statue), 473 ; Louis XI, portrait, 413.

Loupéan. église, 409.

Louvain, église St-Pierre, 331 ; Notre- Dame aux Dominicains, 433 ; grille, 335;

hôtel de ville. 493 ; lutrin en bois sculpté, 335 ; musée communal, 100 ; porte romane de l'hôpital. 326.

Louvre, anciens fossés, 48 ; tableaux

italiens. 172; vases peints antiques, 172.

Lubeck, église Ste-Catherine et Ste-Marie,

239- Luc (s.), 393. Lucerne, chalet, 483. Lucie (ste), 389.

Lucignano, reliquaire du XVe s, , 265. Lucques. tombeau de Flavia de Carretto, 273. Luini, peintre. 409.

530

Hebue lie TSlrt clirctien.

lustre en dents de morse. 502.

Lyon, arts de dessin, 325; cathédrale,

253 ; table de marbres, 235, 236 ;

vitrail, 186. lyre grecque, 486.

M

Madaba, fouilles, 156.

Madeleine (ste), 393. 458-

Madrid, Congrii international d' architectes,

345 ; manuscrit iilustré de Skylikzès, 69;

musée du Prado, 99. M.iestriclit, bâton pastoral. 501 ; couvent

des Kruisheeren, 495 ; croix sépulcrale,

^95 ; _ église St-Servais, 331 ; trésor.

J3- Maguelonne, cathédrale, 499.

Maignelay, église. 426. Maillezais. restauration, 2. Mainardi (Basiiano), peintre. 336. maisons antiques, à Albi, 432 ; Alençon, 232 ; Anvers. 493 ; Cluny. 72 ; Constantinople, 421 ; Gand. 327 ; Liège, 434, 493 ; Picardie. 335; Rome. 69, 70; Romorantin. 325. 411 ; Saint- Étienne. 332 ; - Thurgovie. 484. Maitre (Léon), 143, 291,470; de Flémalle,

peintre. 94. 9^' 97- Malines, bailles. 335 ;— Cercle archéologique, ■^(^fi ; livre des apprentis de la corpora- tion des peintres, 166. MaUvel (Jehan), peintre. 65, 199, 343. Mannekensvere. tour romane. 433. manoir Vaudois, 484.

Mans (\.s). Congrès archéologique, ni6; église et tombeau de St-Pavin.i6i; —mon- naies. 236 ; tapisseries anciennes, 311. Mansuy (s.) (tombeau de), 40. Mantegna (miniatures de), 178. manuscrits, à Autun. 186 ; de chant. 259 ;

grec, 178 ; des Jésuates à Florence.

364 ; latin, 178 ; à Madrid, 69 ; livres d'Heures du XV= s. , 48 ; à minia- ture, 192, 230 : missels du XVe s., 164 ;

à Robbio, 178 ; à Saint-Gall, 35, 42 ;

à Thoisy, 412 ; tropaire. 186; du XIV« s., 172 ; du XVe s., 229.

mappemonde en acier gravé, 178. Marc (s.), 302. Marc Duval, graveur, 322. Marcel (s.). 135. Marco dOggione, peintre. 226. Maredsous, vitrail. 471. Mares (le Fr.). 337-

Marguerite de Bavière (tombeau de). 65 ; de Provence (statue) 475 ; (ste), 390.

39^- , . ,

Marie Madeleme (ste), statue, 415.

Mariemont. palais de Marguerite de Hongrie,

417. Marmion (Simon), peintre, 112. 192. Marnes, abbaye St-Jouin, 1-13; chapiteaux,

cj, II ; . colonnes, 12 ; église abbatiale,

1-13 ; façade, 3 ; sculptures, ,1 ;

voussures, 10-12. marques céramiques grecques et romaines,

32.V Marsac, église, 52. Marsaux (l'abbé), 426. Marseille, collection de tableaux de Paul de

Serion, 325 ; église St-Victor. 417 ;

vase grec. 48. Marsy (Balthazar). sculpteur. 115. Martin (s.) (sépulture de), 280; (Eiig. ),

46; (L.). 237: V. 607. Martini (Simone), peintre. 266. Marusin (Pierre), nécrologie. 17g. Masaccio. peintre, 244, 245, 407. Masolino, peintre, 244, 373. Mathias (s.), 389, 470. Mathieu (s ), 148, 387. Maurice (s. ), 390.

Mechatta (palais de), 326. médaillon romain, T64.

Mélanges archéologique!, 238.

Melle, église St-Hilaire, 3.

Meluil, diptyque, 322, 323.

Mely (F, de), 79.

Memling, peintre, 197.

Memmi, peintre. 475.

Mende. porte Aigueperse, 416.

messe illyrique, 30, 33

Messine, mosaïque, 403.

métiers d'art, 81, 337.

Metz, cathédrale, 81.

Michel (s.). 151. 390.

Michel (arch.), 208 ; (Fr.), fondeur, 333 (matrices de). 334.

Michel-Ange, 228, 317. 361, 405.

Michelozzo, architecte. 362.

Micry, monastère St-Mesmin, 322.

Milan (édit de). 77 ; musée Bieia, 196.

Milmont, peintures murales, 348.

Mimisan, portail de l'église, 422.

Minden, église, 31, 45.

Minghizzida (statue du dien). 50.

miniature, 438-447; —du Xes., 38 ; du X[':s.,36;— romane, 326 ( K Enlumineurs).

Mino, sculpteur, 16, 2Ô3.

Minot, sépulture à incinération, 324.

Miscellanea ifarte, 244.

missels manuscrits avec miniatures, 164.

Mittelland (ferme du). 481, 482.

mobilier, banc. 275 ; byzantin. 72 ; carafon en pierre. 49 ; carrelages émaillés. 51, 229, 349 ; coffret byzantin. 502 ; gobelets longobards, 221 ;— haches. 163; horloge monumentale, m; plaques en pierre sculptée, 169; en terre cuite, 229 ; plat en argent, 164 ; po- teries. 47. 164 ; saloirs gothiqvies, 316 ;

terres cuites, 245 ; tubes en poterie. 164 ; unies romaines, 283 ; vase grec, 48 ; vases à infuser. 229 ; métalliques, 324 ; peints, 49.

mobiher liturgique, armoire eucharistique, 57 ; autel, 53, 324, 328, 409 ; bâton pastoral, 501 ; bénitier, 2Ô9 ; calice, 115 ; chaire, 365, 490, 493 ; châsse, 110, 112 ; colombe eucharistique, 221 ;

croix triomphale, 252; -crucifix, 317; encensoir, 164 : évangéliaire, 60. 298. 501 ; grille de choeur, 335 ; instru- ment de paix. 372 ; jubé. 412, 423. 493 ;

livre d'Heures. 22g, 419. 437 ; lutrin, 335, 493 ; ostensoirs, 69, 116;— peignes liturgiques, 502 ; reliquaire. 3 \. 37. 76. iio. 113. 164. 172. 263-271, 273, 322; sacramentaire. 30. 32. 229 ; stalles. 108. 270, 278. 328, 329, 335 ; tabern.acle. 375. 404. 42^ ; vase euciiaristique, 221.

mobilier des églises (décoration polychrome

du), 25. Modène, archives d'État, 157; étoffe d'or,

326 ; musée, ib. Moïse. 206.

Moissac, église romane, g ; porche. 417. Moiturier(.'\ntoine le), sculpteur, 65, 8q. Monaco (Lorenzo), peintre, 243. monnaies, féodales. 50; gauloises. 324 ;

romaines. 40g. monogrammes, 235 ; byzantins, 165. Monreale, mosaïque de la cathédrale, 38. Mons. collégiale Sle-Waudni, 78. Mont-Ailios, monastère d'Iciron. 71. Montault (Mgr X. B. de). 38. 45. 47. Mont devant Sassey. 340. Monteleone. bige, 31g. Montoire, fresque du XII«s.. 495. Montpezat. chasse en émail de Limoges, 87. Montpoiniet (Adam de), peintre, igg. Montreuil sous bois, église, 171. Mont-Saint-Michel, 513. monuments anciens, 85, 431 ; chrétiens

antiques. 50 ; mégalithiques. 324 ; morts et vivants. 232 ; de travers. 314 ;

(conservation des). 176, 252, 420 ; (photographie des), i6q ; (restauration des), 81. 232. 314. 345.

Morand (s.). 396.

Moravie, poinçonnages et marques tl' orfèvres,

68. MoreUAug. ). architecte. 426; (Jehan),

peintre. 108 Morghen. graveur. 226. Morienval, déambulatoire, 417. Morin, architecte. 253. mosaïque, de bois incrustés. 271 ; en

Champagne, 350; a Constantinople, 73;

à Délos. 486 ; Gighti, 49; Messine. 403 ; Monreale, 58 ; Ravenne, 72,

337-

mosaïste dans l'antiquité (le), 229.

Moscou, palais anguleux, 72 ; le Térem, 72.

moulages (collection de), 257.

Mouvion. découvertes. 48.

Mouzon, abbaye, 488 ; église. 487, 488.

moyen âge. peintures ,décoratives. 473.

Mulhouse, église St-Etienne et vitraux. 432.

Muller. architecte, 202.

Munchar, ruines, 164.

Munich, église StCharles. 172 ; musée royal, 41.

iMunte, château, 316.

Murano. fonts baptismaux, 52.

musée, Aix, loi ; .\rlon, 493 ; Berlin 16 ; (galerie royale). 99. 33g; Boston 434;— Bruxelles (du Cinquantenaire). 33; (communal), 100 : (royaux des arts coratifs), 501 ; Caen, ig6 ; Cambrai log ; Camerino. 227 ; Chantilly (Con dé). 48 ; Colmar, 3go ; Darmstadt 344 ; Dijon, 62. 93. 193. 196; Dresde, 344 ; Florence, 256, 405. 406 ; Franc fort (Staedel). 97 ; Léon. 321 ; Liver pool. 99; Londres (britannique). 167; (galerie nationale). 99 ; Louvain, 100

Madrid, gg ; Milan (Brera), ig6 ; Modène, ; Municli (royal), 41 ; Naples, 179, 255; Oriéans (historique), 229; Paris (Carnavalet), 87 ; (Cluny). 349; (Louvre). 86; ( l'rocadero), 6 ; Rouen (archéologique). 182 ; Saint-Pétersbourg (de l'Ermitage). 100. 10 1;

Sienne, 276 ; Tunis (du Bardo). 164 ;

Trévise (Pinacothèque). 126; Valen- ciennes. 326 ; Vauciuse (du Sault). 409;

Venise (royale de peinture). 22 ; Vienne, 16. 100.

musées (droit d'entrée dans les). 74.

musique, campanaire. 334 : sacrée, 258.

Mussidan. église. 52.

mythologie: Beellepharus. 321; Esculape, 321 ; Hermès propylaios, 231 ; Mer- cure. 229,

N

Nabuchodonosor (palais de). 50.

Namur. Congrès d'archéologie, 228 ; So- ciété archéologiqne, 419 ; trésor des Sœurs de Notre-Dame, 419.

Nantes, sarcophages mérovingiens. 280.

Naples. musée. 17g. 255 ; portrait du car- dinal Bempo, 319; tapisseries flaman- des, 179.

Nativité, 440.

Nats, sarcoph.iges chrétiens. 324.

nécrologie. E. j. Corroyer. 260 ; le chan. Reusens. 90 ; Camillo Sitte. 90 ; frère Marusin, 17g.

Neri di Becci, peintre, 243.

Neufchàteau. église du XÏH= s., 85.

Neuvic. château. 52.

Nevers. cathédrale, s'3-

Nicaise (s.), (statue de). 33.

Nicolas (s.) (statue de). 114, 272. 274, 3go ; de Pise, architecte, 33g.

Nieuport, chaire de vérité, 423. 424 ; égli- se, 323 ; hôtel de ville, 424 ; peintures

Cable analptiquc.

531

murales, 423 ; tabernacle en tourelle,

423- Nivelles, Société archéologique, 420, Nocéra, baptistère, 52. Nogent le Rotrou, église Ste-Gauberge, 48. Noirélable. église. 332. Nombres 7 et 8 dans l'antiquité, 229. Nonnenbossche. abbaye, 419. Notre-Dame la Flamingue, m ; des

Fiertés. 112 ; - de GrAce, 109. numismatique (description des objets appar- tenant à la), 228 ; orientale, 230. Nuremberg, archives royales. 172; tombeau

de la famille Schryver, 172. Nylembrouck, peintre, 127.

Oberland, chalet, 481.

objets d'art (conservation des), 252 ;— pré- historiques. 323

Odile (ste). 388.

ogive, 417.

Onuphre (s.), 389.

Orcagna, peintre, 29, 475 ; sculpteur, 362.

orfèvre (poinçonnage et marques d"). 63.

orfèvres: Andrieux (Jacquemin), uo; Fauvel (Pierre), 328; Gabriel d'Anionio, 265 ; Hugo d'Oignies, 419 ; Pierre de Dury, 328 ; Palaer (Pieire van), m ; Renier de Huy, 164. 513 ; Turini (Giov. ). 269 ; Ugolino di vieri, 271.

orfèvrerie, 233; médiévale, 51 ; sien- noise. 263 ; toulousarine, 416 ; (his- toire de Y). 68.

Orléans, ivoires, 229 ; musée historique, 229.

orner.ients sacerdotaux, 265.

Orval, abbaye, 487, 490.

Orvieto. peintures murales, 28 ; reliquaire du Santissimo Corporale, 271 ; stalle, 278.

Osée, 226.

ostensoirs du X Vc s. , 69.

Osterrath, peintre- verrier, 471.

Osuna, fouilles, 321.

Ottana, fresques, 336.

Pacca (loi), 252.

Pace da Lugo, peintre, 130.

Paderborn, cathédrale, 40; statue de S. Li-

borius, 40. Padoue, église Santa Maria del Arena, 197 ;

fresques. 362. Palestrina, 258.

Palladio, architecte, 127. 131, 3:5.

Palma le Vieux, peintre, 120, 127.

Palo Uccello. peintre, 226.

Paoleiti. architecte, 37Ô.

paradis (le), 208.

Paris, ancien hôtel de Villers, 338 ; basilique de Montmartre, 430 ; bibliothèques : de l'Arsenal, 186; Nationale, 186, 192 ; calvaire du palais de justice, 196 ; Com- mission des Monumeitts historiques, 420 ;

Commission du Vieux Paris, 87, 179. 230 ; église St-Germain des Prés, 418 ;

exposition de manuscrits illustrés, 87; exposition des Primitifs français, 87. 367 ;

fouilles. 230; manuscrit, 186; musées : Carnavalet. 87 ; de Cluny, 349 ;

du Louvre, 86 ; du Trocadéro, 6 ; Se ho la Cantoruw..

Parme, archives d'Etat. 157.

Parmesan, peintre, 245.

Parlenay-le-Vieux, église St-Pierre, 3-9;

Vierge. 47. Passion (instruments de la), 206 ; (reliques

de la), 79. Patenier (J.), peintre, loi. Patras (Lambert), 512. Pau-sur Heure, fouilles, 48. Paul (s.), 149. 302 ; ermite, 389.

pavés en terre cuite, 352.

Pavin (s.) (tombeau de), 161.

peignes liturgiques, 502.

peintres: Agnolo (Giov. ) da Montorsoli, 360;

Agusii, 416; Albertinelli. 375; Angelico (fra), 17, 28. 211. 276, 367, 497 ;

Andréa del Sarto, 367 ; Antonello de Messine, 403 ; Aubry (Gérard). 345. 415 ;

Raerze (Jacques de), 65 ; Barbari(Ja- copo dei), 19. 24 ; Barat (Pierre-Martin), 325 ; Bartolomeo (fra). 373, 375, 497 ; Bassano. 127 ; Beaiimetz (Jehan de), 65, 199; Bellechose (Henri), 65, 199; Bellegambe, 109 ; Bellin (Jehan), 19, 24, J26, 127 ; Benedetto da Brescia, 361 ; Benedetto da Luca. 361; Benuzzo Goz- zoli. 28, 29. 198. 226, 244. 362 ; Bertliold de Nuremberg. 349: Bissano (Franc.), 23 ; Blés, 127. 403 ; Boissière, 325 ; Bonfigll (Hened.). 227 : Botticelli, 367 ;

Bourdon, 415 ; Bray (Ant. de) 413 ;

Broederlam (Melchior). 65, 93, 196-199. 343; Bruyn (Ban.), 345: Buglioni (Ren.), 245; Buonconsiglio, 133; Campin (Robert), 98 : Caporali (Bart.), 227, 245 ; Carpaccio, 22. 225 ; Casta- gno (.Andréa del), 199; Gazes (Romain), 80; Changerut (Jehan), 199; Chi- menti (Jac. ), 376; Choquet (Pierre- Adrien), 325; Cimabuë, 243; Colas (Alph.), 325 ; Conrad de Soest, 345 ; Cranach. 345 ; IJaddi (Bern.). 243 : Daret (Jacques), 98; De Vriendt (J.). 513 ; Diomède délia Bruna, 227 ; Duccio, 245, 267 ; Dùnwegge, 345 ; Durer (Alb.), 243, 339; Krrard (Ch.), 413; Everts (Jean), 251 ; Eyck (J. van), 16, 96-99, 242, 343, 409; Ferrier (Ga- briel), 319; Fogalino (Marcello), 133 ;

Franciabigio, 376; Franck le Vieux, 127; Froment d'Avignon, 319, 344; Gaddi (Tad. et Aug. ), 243, 475 ; Geerg- tgen tôt S. Jan, 338 ; Gentile da Fabria- no, ig6, 227 ; Gérard de Harlem, 193 ;

Gherardo, 363; Ghirlandaio, 365, 367, 475 ; Gioito, 185, 197, 245, 362 ; Gio- vanni di Paolo, 276 ; Giovanni di San Giovanni; 376 ; Girolamo da Treviso,

126 ; Giuffre (Franc.), 403 : Giuliano da Firenze, 361 ; Goes (Hugo van der), 96, 197, 339, 403: Granacci (Franc), 360 ; Granet. 326; Guido de Sienne, 267; Guigonis. 326, 415; Holbein, 345 ; Houbaut (Gérard), 168 ; Jacopo di Paolo. 224 ; Le Clerc (Bartli.). 343 ;

Lippi (Fil. ). 245, 367, 406. 407 ; Lippo di Dalniasio. 224; Lochner (Slefano), 344 ; Lorenzetti, 29, 245. 264 ; Lotto,

127 ; Luca de Conegliano, 336 ; Luini, 409; Mainardi (Bait. ), 336: Maître de Flémalle, 94-97 ; Mahvel (Jehan), 65, 199' 343; Marco d'Oggione, 226; Marmion (Simone), 112, 192 ; Martini (Simone). 266 ; Martino di Bartolomeo, 275 ; Masaccio, 244, 245, 407 ; Ma- solino, 244, 373 ; Memling. IQ7 ; Memmi, 475 : Mimo da Fiesole, 26^ ; Monaco (Lor. ), 243; Montagna, 132. ^33- 3'^^ I Montpoinlet (Adam de). 199 :

Morel (Jehan), 108; Nerï de Bicci, 245 ; Nylembrouck. 127 ; Orcagna, 29, 475; Pahna le Vieux, 126. 127; Palo Uccello, 226 ; Parmesan. 245 ; Patenier ( J. ), loi ; Pennachi (Pier Maria), 126; Pensaben (frère). 21; Perreo! (Jehan), 322; Pertinien, 199; Pérugin.196. 367-369; Picournet (Raoul), 199 ; Piero délia Francesca, 245 ; Pin- turicchio, 29, 227, 277 ; Pontorno, 245;

Pordenone, 126; Pourbus, 412; Raphaël. 196, 367, 407 ; Ring, 345 ; Salvado (Girol.), 21,24 \ Sano di Pietro, 276, 277, Schiavone. 127; Schon- gauer (Mart.), 345; Signorelli (Luca). 28. 367, 372, 374 ; Sodoma, 270 ;

SperanzajGiov.), 133; Spicker(Guil.),66, 88; Spicker (Pier.), 6t, 191-199: Spi- nello Aretino, 475 ; Stefano Giovanni, 243 ; Theodoric de Prnyne, 16 ; Tho- mas de Mutina. 16 ; Tmtoret, 126, 127 ;

TJssolo (Franc.). 126 ; Titien, 14, 126, 367; Tiziano (Ces.), 14; Van der Beke (Joos), 344 ; Vannini. 367 ; Var- mi (Andréa), 243 ; Veneziano (Ant. ), 131;

Veronèze, 126. 194 ; Vicenzo di Bia- gio. 14 ; Vignola, 434 ; Vinci (Léon, de), 126, 198, 226, 245. 367.409; Vrelants (Guil), 168 ; Vuez (Arm de), 241 ; Werve (Claus de), 65 ; Wert (Mathieu de). loS ; Weyden (Roger van der). 61, 98-100. 192-195, 197, 343, 430; Wien- sam (Ant ), 345 ; WÙhelm von Herle, 344 Witz (Conrad). 343 ; Wolfgang (Hubert), 339 ; Wurmser (Nie), 16 ; Wybo, 476; Yperman (L), 28; Za- netto BugiUo, 430 ; Zueil, 325, 413.

peintres, décorateurs du moyen âge, 27; flamands, 96 ; verriers belges, 492.

peinture, chinoise, 243 ; des églises, 81 ; flamande, 430 ; italienne. 322 ; lom- barde, 172; néerlandaise, 96; de paysage, 245 ; sur verre, 152 ; (traité de la). 172.

peintures murales, à Albi, 416; Amiens, 329 ; Belgique, 420 ; Bourges, 343; Dijon, 28 ; Furnes. 476-480 ; Milmort, 348 ; Nieuport, 423 ; Orvieto, 28 ; Semur, ; Thoisy, 325, 412 ; (Con- servation des), 492-494. {Voyez: Fresques.)

Pennachi (Pier Maria), peintre, 126.

Pensaben (frère), peintre, 21,

Pergame, basilique, 237; sculpture, 231.

Périgueux, beffroi, 253 ; trésor de la collé- giale, 416.

Pérouse, fontaine, 339; pinacothèque Van- nucci. 227.

Perpignan, cathédrale, 164,

Perreal (Jehan), peintre, 322.

Perret, architecte, 145.

Perse, fouilles, 231 ; statue de femmes, 231.

Pertinien, peintre, 199.

Perugin, peintre, 196, 367-369.

Pescan. château, 413 ; tapisseries, 413.

Pétrarque, 339.

Philibert (s.). 136.

Philippe (s.). 302.

Philippe, le Bon (tombeau de), 99 ; d'Alsace, 218 ; le Hardi (tombeau de), 65, 99.

Phiiippopoli. fouilles, 165.

photographies archéologiques, 89; des monuments, 169.

Picardie, anciennes maisons rurales, 335.

Picournet (Raoul), peintre, 199.

Piero, della Francesca, peintre, 245 ; di Nicolo, sculpteur, 172.

Pierre, de Celle, architecte, 171 ; de Dury, orfèvre, 338 ; de Montereau, architecte, 315.

Pierre (s ). 8, loi, 302 ; (reliquaires des chaînes de), 172.

Pierrefont. châtt-au, 367.

pierres, arabes, 321 ; tombales, 51.

Pierron (Franc. etGabr.), tapissiers, 413.

Pietà, 368-370,

Pillion (Louise), 189, 331.

Pmturicchio, peintre. 29, 227, 277.

Pirenne (le prof.), 505.

Pisanti (Giuseppe), architecte, 254.

Pise, cathédrale, 28 ; fonts baptismaux, 52 ; fresques du Campo Sanio, 226,

Plaisance, Christ à la Colonne, 403.

plaques en pierres sculptées, 169 ; en terre cuite, 22q.

plat en argent, 164. plombs antiques, 229.

Poitiers, baptistère Sl-Jean, 77, 235 ; G?«- ^rès archéologique, 79; évangéliaire du IX--" s., 298 ; Notre-Dame la Grande, 3, 7 ; palais de justice, 514. Pologne (moines de Cîteau en), 162.

532

î^rtuc lie rart c|)rctien.

polychromie des églises, 492-404 ; (lois de

la), 25. ( Voyez : Peintures. ) Poncé, château. 494; fresques du XII^s. ,

494-

Pontaubert. armoire eucharistique, 57 ; église romane, ^6.

Pontigny, église cistercienne, 60.

Pontormo, peintre. 245.

Poperinghe, église. 330, 493.

Pordenone, peintre. 126.

portails romans. 325. 431.

portes : .-^igueperse à Mende. 416 ; Amiens (dorée). 189 ; Autun (d'Arroux), 60 ; Berne. 201-210 ; Bouvignes. 493 ; byzantines, 72 ; en chêne sculpté. 105 ;

Cordes, 420; du Fort A Roc Ama- dour, 217 : Mantille à Tournai, 148 ; romane à Louvain, 326; Thann. 385. 395. Sg'S : Vézelay. 448.

Pothier (Dom). 239.

Pothin (s. ), 279.

Pourbns, peintre. 412.

Prague, inventaire du trésor de la cathédrale

30-33- Prato. château. 339 ; fresques. 407. primitifs, allemands. 343 ; flamands, 243 ;

343 ; français, 251, 322. 343, 4x1, 497 ;

italiens, 243.

prix de Rome (concours pour le). 430.

proportions en art (principes des), 76.

Prothade (s.). 135.

Pujols. château. 420.

Pulaer (Pierre van), orfèvre, m.

Puy, cathédrale. 422 ; Congrès de iqo/.

Quarante, église, 409. Quarré Reybourbon (L. ) Quertel. architecte, 138. Quicherat. 461.

R

241.

Rains ( Michel de), architecte. 78.

Ranieri (s.), 226.

Raphaël, peintre. 110,196. 3Ô7. 407.

Rapliael (l'ange). 457.

Rasso. graveur. 178.

rational. 29 ; existence, 34 ; forme, 33 ;

origine, 34 ; symbolisme, 33. Ratisbonne, cathédrale, 36; dalles funé- raires des évêques.36 ; rational, 41. 43 :

verrières. 36.

Ravenne, 170 . ambon, 500 ; fonts bap- tismaux. 52 ; ivoires. 338 ; mosaïque, 7'. 337 ; palais. 70. 72.

Rebaix, croix triomphale. 252. 433.

Rédempteur (images du). 15.

Reichenau. abbaye. 339.

Reims, cathédrale. 33, 34, 104, 189, 421,489;

église Notre-Uame, 125 ; inventaire de la cathédrale. 30. 31, 33 ; plaque en terre cuite. 229.

reliquaire, de S. Adolphe. 37 ; en argent. 110 ; àCambrai. 115 ; —de la chaire de S. Pierre, 172 ; de la Ste-Croix. 76 ; de San Galgano. 271. 273 ; de S. Lam- bert. 34 ; à Saignan, 164 ; du Santis- simo Corporale. 27t ; en vermeil, iio ;

du XII<=s.. 322; —du XIVc s., 263. 271 ; du XV': s,. 264. 265.

Remy (s.) (statue de). 33.

Renaissance (la). 251.

Renier de Huy, orfèvre, 164, 513.

Rennes, tapisseries, 325, 413,

Real (s.), 38.

Repertoriiiin fur Kunslwissensckafl, 172, 33g.

restauration, à Airvault. 2 ; Binche. 346;

Bruges. 346. 493. 513: Bruxelles. 513;

Cliàlonssur Marne. 346; Furnes. 433;

Gand. 432 ; Hautem St-Liévin, 433 ;

Louvain, 433 ; Maillezais. 2 ; Mul- house. 432 ; Saint-Quentin. 433 ; Troyes. 80 ; Walcourt, 433 ; des ruines, 232.

Reusens (le Ch. ). 383 ; nécrologie. 8g.

Rieux. cathédrale. 164.

Ring, peintre, 345.

Riom, la Vierge et l'enfant, 340.

Rit ambrosien. 500,

Rivista d'arte, 244.

Robbia (.Andréa délia), 244 ; ( Luca délia),

405. Roc amadour, 213 ; porte du Fort, 217 ; escaHer, 216 ; palais des évêques de Tulle, 213 ; rue de la (Jouronnerie, 218;

rue de la Mercerie, 219. Rocque (de la), architecte, 85. Rogier de la Pasture, 430. Rohault de Fleury. 45, 474. 496.

Rolin (Jean), (armoiries de). 198; (portrait de). 192. 200.

Romain (s.), 184.

Rome, ambons. 500 ; ateliers de tapisserie 255 : basiliques souterraines. 515 ; catacombes 79, 253. 515; chapelle sé- pulcrale de Pie IX, 194; Congrès mariai, 348 ; forum. 251 ; fresques. 515 ; image du Christ. 48 ; Rome nouvelle,

347-

Romorantin, maison de la Renaissance, 325 411.

Roubaix, Cercle d'art, ^27.

Roucourt. chaire de vérité. 423, 433. 493.

Rouen, cathédrale, 211,29g; musée ar- chéologique. 182 I sculptures historiées. 331 ; tympan de la porte de la cathé- drale. 181.

Roulin (Dom), 74.

ruines (restauration des), 232.

Rupin (E.). 213.

Ruymbeke (van), 475, 480.

Sabratha maritime (ruines de), 49.

sacrameiuaire de Gellone, 229.

Sahara, découvertes, 49.

Saignan. reliquaire, 144.

saint, Adolphe, 37 ; Agricola.,133 ; A\- gnan, 134 ; Amarin. 391 ; Aniator, 280 ; .Ambroise. 238. 295 ; .Andoche, 283 ; .André, lit, 206, 302 ; Antoine, 114, 154, ISS, 392; (ermite), 389; .Augustin. 101. 295, 389. 393 ; Bénigne, 285; Bernard, 162, 351, 390, 433; Bernardin de Sienne, 267, 336 ; Charles Borromée. 130, 137; Christophe, 224, 267 ; Edouard. 392 ; Eloi, 393 ;

Emmeran, 388; Erasme, 387; Etienne, igg, 281. 388 ; Euchaiie, 469 ; Faustin, 221; Férréol, 134;— Ferrucien, 13^ ; Firmin, 329 ; Florent, 142 ; François d'Assise, 390 ; Fridolin, 390;

Gall, 390 ; Georges. 225, 390, 392; Cieosmes. 460 ; Grégoire le Grand. 33. 238. 294 ; Henri II. 390; Hilaire. 238;

Jean, év. , 181-189. 302 ; Jean-Bap- tiste, 191-189. 32g. 387. 395. 448; —Jérôme, 20. 2gs, 3g3 ; Joachim, 302 ; Joseph, 94, 97 ; Jouin, 2 ; Jovite, 221 ; Laurent, 302, 388 ; Léger, 388; Léon IX, 45, 396; Léonard, 391 ; Léonce. 135 ; Louis, roi. 131, 218, 392 ; Luc, 395 ; Mandré, 148 ; Mansuy. 40 ; Marcel, 13S ; Martin, 280 ; Mathias, 389, 470 ; Mathieu, 148. 387 ; Mau- rice, 390 : Michel, 131. 390 : Maraud. 393 ; Nicaise. 33 ; Nicolas, 114, 272, 274, 390 ; Onuphre, 389 ; Paul (apô- tre), 7, 149, 302 ; (ermite), 389 ; Phi- libert. 136; Philippe, 302; Pie V, 238 ; Pierre, 8, loi, 172, 302 ; Pothin

279 ; Ranieri, 226 ; Remy, 33 ; Reol. 38 ; Rom.ain, 184; Sébastien, 388 ; Sixte, 33 ; Sylvestre, 125 ; .Symphorien, 279. 280; Thibault. 292. 391. 396 ; Thomas, 148, 308 : Ulrich, 390, 396 ; Vaast, 103 ; Valérien, 135- 143. 469 ; Vit. 387 ; Willibald. 42. Saint -Astier. église. 52.

Brieux. Coinmissioti archéologique, l'jy,

Christophe, église, 332.

I Émilion, église monolithe. 52.

Esprit (représentation du). 440.

Etienne, maisons antiques, 332.

Fergeux, église, 135.

Fort, puits. 172.

Gall, abbaye, 141; manuscrit, 35,4'-

Galmier, église, 332.

Guilhem le Désert, église. 409.

Haon. éghse, 332.

Hilaire de la Celle, st.atuette, 38.

Hubert, église. 433. 487, 494.

Jean d'Angely. abbaye, 87 ; tom-

beaux en jDJerre, 87.

Jean de la Ruelle, église, 253.

Jouin de .Marnes, église, 150.

Julien du Sault, vitrail, 186.

Luc, école, 177, 510.

Marcel, fouilles, 323.

Martin de Mazerat, église, $2.

Martin la Sauveté. église. 332.

Moié. fouilles. 324.

Nectaire, monuments mégalithiques,

324.

Père-sous-Vézelay, clocher octogonal,

57 ; église abbatiale, 57, 58 ; jubé, 412.

Pétersbourg. musée de l'Ermitage. 100.

lOI.

Pierreles Etiex. clocher du XII' s. , 85.

Quentin, église. 433.

Rémi, basilique. 171.

Siméon Stylite (monastère de). 70.

Suaire. 137. 160.

Thomis et S,tint-Luc (Gilde de), 487.

Trond. église abbatiale, 382.

Vaast, église, 4g3.

Vidal, église. 332.

sainte. Afra. 388 ; Agathe, 392 ; Agnès, 20. 337. 387 : Aoollonie, 388, 392 ; Barbe, gg, 392 ; Bérénice, 79; -=- Cathe- rine, III. ^56. 391; Claire. 392; Cunégonde^ 391 ; Hélène, 89, 156. 389,

Léonille. 460 ; Lucie. 389 ; Made- leine. 393. 458 ; Marguerite. 590. 396 ;

Odile. 388 ; Ursule. 20. 22 ; Véro- nique, gg. 214.

Sainte-Marie-aux-Anglais. église. 78.

Saintes, abbaye aux Dames, 3, il.

saintes femmes (les), 387.

saloirs gothiques, 316.

Salonique, ambon. 500.

Salvado (Girolamo). peintre, 21, 24.

Sambin (Hugues), sculpteur, 65.

Sano di Pietro. peintre, 267, 277.

Sanoner (G.), 13. 155. 212. 397, 459.

Saragosse, tapisseries. 434.

sarcophages, en marbre blanc. 486 ; mo- nolithes. 461.

Sarrocchi (Tito), sculpteur. 273.

Sarsav. château. 171.

Sauliéu. église St-.Andoche. 59. 284, 285 ; évangéliaire du XI1'= s.. 60.

Saumur. château, 229; Notre-Dame des ArdiUiers, 415; tapisseries anciennes,

3°9- Sault, musée, 409. Savonarole. 375.

Sceaux, bustes d'empereurs romains, 326. sceaux, anciens. 50 ; d'évêques, 33; des

évfiques de Minden, 36; de Ratisbonne,

35 ; de Toul. 39. Scliaerheek. école St-Luc. 402. Schellekens (Adrien). 383. Schiavone. peintre. 127. Schmitz. architecte, 465.

Cable analptlque.

533

Schongauer (Martin), peintre, 345.

Scopp (Gilb.), architecte. 514.

sculpteurs. Alcamène. 231 ; Andréa. 360 ; Ascanio Cordivi, 317 ; Audinet(Ste- phani). 414 : Baerze (Jacques de), 93 ; Berthold de Nuremberg, 339 ; Boulin (Arnould), 329 ; Clouet (Gabriel), 108; ^ Doinenico di Nicolo. 270, 271 ; Duccio (Agost. ), 404: Ehrard Lung. 203 ; Fantoizi. 317 ; Florentin (Dom. ), Ô5 ; Germain Filon. 251 ; Gois, 325 ;

Hanique (Hubert), 113; Huerta (Jean de la), 65. 89 : Huet (Abs. ), 329 ;

Indivio de San Severino, 227 ; Jacobo délia Quercia, 262, z-j-î; Jean deCambrai, 66; Jean de Paris, 42Ô ; Jehan de Noie, iio; Kraftt (Adam), 172: Lemoyne. 109 ; Limbourg (Fréd. ). 319 ;

Lombard! (Pietro et Tullio), 19, 24. 126; Maiano (Bened. ), 365; .Uarcy (Balthasar), 115; Michel Auge, 228,317, 3Ô1, 404, 405 : Mino. 16 ; Moiturier (.■\nt. le). 65 ; Orcagna. 362 ; Pierre di Nicolo. 172 ; Robbia (.Andréa). 244 ;

Luca. 405 ; Savidochi (Tito). 273 ; Slater (Claus) ; Stephani, 326.

sculpture, belge, 330 ; chaldéenne, 230 ;

espagnole, 321 ; française, 498 ; historiée, 331 ; méplate, 170 ; romaine, 321 : romane. 431 ; du Xlle s.. 498 ;

duXIIIes. . 188. Sébastien (s. ) (supplice de), 388. Sedrata. ruines antiques. 486. Selmersheim, architecte. 85.

Semur. église NotteDame, 56 ; peintures murales, 56.

.Sens, abbaye de St-Jean. 52, 54; autel de Salazar, 53 ; cathédrale, 53, 59 ; en- ceinte romaine, 242 ; fouilles, 164 ; tapisseries, 51 ; trésor, 54 ; vitraux , 54.

sépulture, à chars. 324 ; à incinération,

324- Sérignan, église. 409. Sienne. 356 : exposition d'art ancien. 87 ;

fontaine publique, 273 ; fondateurs d'ordre, 356 ; Jean Colombino, 356; musée de peinture, 27Ô ; palazzo publico, 2Ô2. 2Ô7,

Sigebert (monnaies de). 236.

Signorelli (Luca). peintre, 28. 367, 372-374.

Siméon, 305.

Sitte (Camille), nécrologie, 89.

Sixte (s.) (statue de), 33.

Sluter (Claus), sculpteur, 65.

Snafrou, bas-relief. 222.

SociéUs : d archéologie de Bruxelles, 51. 326;

archéologique it Eure et Loir, 52 ; arckéolo^que de Numur, 416 ; archéolo- gique de Tarn et Garonne, 165 ; d'ému- lation pour l'étude de l'histoire et des antiquités de la Flandre, 419 ; d'histoire et d archéologie de (iund. 326 ; historique et archéologique du Limbourg, 495 ; histo- rique et archéologique de Périgord. 52 ; nationale des antiquaires de France, 48, 164, 229, 322, 408 : nationale pour ta protection des Sites, 176 ; savantes (Congrès des), 50.

Sodoma, peintre, 270

Soignies, collégiale, 493 ; jubé de 1640,

493- Soil (Eug), 492. Soissonnais, églises rurales, 417. Sonnius, imprimeur (marque de), 236. Sorbonne, Congrès des sociétés savantes, 50,

410. Sourzac. église, 52. Sousse, boite de plomb, 323 ; catacombes

chrétiennes, 49 ; d Hadrumète, 322. Souvigny. tombeau. 66- Spalato, palais de Dioclétien, 69. Speranza (Giov.), peintre, 133. Spicker (Pierre), peintre, 61, 191-199;

(Guillaume), verrier, 65, 88. Spinello Aretini, peintre, 275.

Spire, inventaire du trésor de la cathédrale, 30. 32-

Stachowitz (Nicolas de) (sceau de), 39.

stalles, à Cambrai, 108 ; Hastière, 382 ; Orvieto, 27S ; sculptées, 270, 329, 335,

statère d'or pâle, 324.

statues, de S. Antoine, IT4 ; Charles V, 434 ; femme, 231 ; Goudea, 50 ; S. Grégoire le Grand, 33 ; Henri de Absberg, 36 ; Jean d'Arc. 325 ; Jeanne de Bourbon, 434 ; S. Léon IX, 45 ; S. Louis, 475 : Marguerite de Provence, 475 ; Ste Marie-Madeleine, 415 ; Minghiszida, 50 ; S. Nicaise, 33 ; S. Nicolas, 114 ; S. Remy, 233 ; S. SiN:te, 33 ; Ste Vierge, io3, 11.

statuettes en bois du XVe s,, 164.

.Stavelot, peignes liturgiques, 502.

stèle de terre cuite, 165.

Strasbourg, église Ste-Madeleine, 434 ; horloge astronomique, 86 ; vitrail, 298, 434.

.Suaire (le St-). 157-160.

Suisse, pittoresque. 48 r.

surhuméral, 29 ; existence, 34 ; forme. 38 ; origine. 44 ; symbolisme. 43.

Sylvestre (s). 135.

Symphorien (s. ), 279, 280.

tabernacle, du XVI"= s. , 375 ; sur rue, 404 ;

à tourelle, 423. tablettes chaldéennes, 49. Talenti, architecte, 359. tapisserie (histoire de la), 51.

tapisseries, allégoriques, 81 ; ^ à Angers, 310, 311, 435 ; .«^uxerre, 309 ; Bayeux, 310 ; Beaune, 51, 190 ; brabançonnes, 51 ; à Cambrai, 116 ; coptes, 337 ; flamandes, 51, 6t, 179 ; au Mans, 311 ; à Pescau, 413 ; Rennes, 325. 415 ;

Saragosse, 434; Sens, 5t; tenture de l'Apocalypse, 51 ; Tournai, 51 ; -du XIV«: s., si; XVe s., 87; (repro- duction des), 309.

Tarascon, ruines, 475.

Tarente, monnaie, 232.

Tarn, statues, menhir, 231.

Techneb, fouilles, 322.

Tello, fouilles, 50, 230.

Telmuda, tubes en poterie, 164.

Tenture, 51.

Ternaez, église, 332.

Thamugade, villa romaine, 486.

Thann, église 5t-Thibault, 201 ; monnaies, 391 ; portails, 292, 293 ; occidentale, 294, 295, 300, 384, 385 ; porte septen- trionale, 395, 396.

Théodoric, de Prague, peintre, i5 ; empe- reur (palais de), 71.

Thibault (s.), 292, 391, 396.

Thiollier (N. ), 422.

Thoisy, château, 412 ; manuscrit, 412 ; peintures, 325, 412.

Thomas (s.), 308.

Thomas de Mutina, peintre, i5.

Thurgovie. maison en pans de bois, 484.

tiare, 17.

tierceron, 239.

Tieghem, église, 166.

Tigzirt. pavement de la basilique, 235.

Tintoret, peintre, 126. 127.

Tirlemont, église St-Germain, 433; —Notre- Dame du Lac, 331.

Tissolo (Franc.), peintre, 126.

tissus anciens, 51 ; byzantins, 51.

Titien, peintre, 14, 126, 367.

Tiziano (Cesare), peintre. 14.

Tobie, 457,

tombe punique. 165.

tombeaux, d'Ailly (Pierre d'), 129 ; André de Luxembourg, 109 ; S. Bénigne, 285 ;

Berghes( Guillaume de), 109 ; Berghes (Henri de), loS, 109 ; Blénod de Toul, 40 : Bourbons, 66 ; Bruges (Jean de), 109 ; Burch (Franc, van den), 112 ; Dainville (Gérard), 109 ; S. Euchaire, 469 ; Faristeret (François) ; Fay (Guill. du), 113 ; Fénelon, 109 ; Fontaines (Nicolas de), 108 ; François de Halluin, 328 ; S. Geosmes. 460. Gui d'Auvergne, log ; Hacia de Car- retto, 273 ; Hugues des Hazards, 40; Jean de Berry, 66 ; Jean de Boissy, 328;

Jean de Bourgogne, 109 ; Jean de la Grange, 328 ; Jean de Lens, 109 ; Jean sans Peur, 65, 66; Jonnart(La- dislas), 108 ; des Laubespines, 48 ; Majorés (PhiUppe), 113 ; Malove (Jean de), III ; Mangold de Nauembourg, 35;

de s. Mansuy. 40 ; Marguerite de Ba- vière, 65 ; S. Mathias, 470 ; Onigo, 19, 24 ; S. Pavin, 161 ; Perez de Vivero (D. Alfonso). 114; Philippe le Bon. 93; Philippe le Hardi, 65, 93 ; Pierre André, 109 ; Richardot (Jean), 109 ; Sauvigny, 66 ; Velasio (Ermen- tine de), m ; .S. Valérien, 469. S. WiUibald, 42 ; Zanetti, 126.

Tommaso da Modena, peintre, 16, 20, 22. Tongres, reliquaire de la Ste Croix, 76. Tonnerre, hôpital, 66. Torcello, cathédrale, 197. toreutique. 233,

Toscane, peinture de paysage, 245. Touat, inscription hébraïque, 49. Toul. monument de Henri de Ville, 39. Toulouse, archives municipales. 416 ; or- fèvres, 324 ; orfèvrerie du XV*^ s., 416 ;

-St-Sernin, i.

tour, à Autun (de Janus), 60 ; c airée mili- taire, 165 : romane, 433.

Touring club, 77

Tournai, cathédrale, 330, 417, 493 ; église St-Jacques, 64, 330 ; ivoire d'évangé- liaire, 76 ; porte Mantille, 148 ; salles des Conseaux, 62 ; tapisseries,

51-

Tournus, crypte St- Valérien, 134-142 ; pierres tombales, 324; église abbatiale, i.-l6, 137. 177. 338.

Tours, vitrail, 184, 185.

Tralles, fouilles, 230.

Transfiguration, 373.

Trélius, église, 332.

trésor, à Àix-la- Chapelle, 233 ; Bamberg, 36 ; Cambrai, 144 ; Giancarlo Rossi, 220 ; Maestricht, 33 ; Namur, 419; Périgueux, 416 ; Prague, 30-33 ; Sens, 54 ; Spire, 30, 32 ; Winchester,

243- Trêves, abbaye St-Mathias, 459; antiqui- tés chrétiennes, 463 ; basilique St-Jean- Baptiste, 463 ; cathédrale, 465 ; —cryp- tes, 465-468 ; épitaphes grecques. 464 ;

porta Nigra, 464 ; reliques, 469 ; sarcophage en pierre, 465.

Trévise. 14 ; cathédrale. 126 ; église San Nicolo, 18 ; fresques, 15 ; pina- cothèque communale, 127 ; tombeau de l'évêque Ganetti, 126 ; tombeau du séna- teur Onigo, 19.

Trinité, 100, 142.

Trista. inscription grecque. 322.

Troyes. église St-Urbain, So; sculpture du XI V"! s., 424 ; Vierge de St-Savin, 425 ;

vitraux, 172. tubes en poterie, 164.

tuiles polychromes, 54, 62 ; vernissées.

325- , ^

Tunis, inscription romaine. 48 ; musée du

Bardo. 164. Tunisie, exploration, 48 ; fouilles. 486 ; inscriptions romaines, 326 ; route straté- gique, 48.

534

3Rebue lie l'^lrt chrétien.

Turin, bibliothèque de l'université. 178; nationale, 22g, 257 ; missel manuscrit avec miniatures, 164 ; St-Suaire, 106.

Turini (Giovanni), orfèvre, 269.

Turnoiith, château, 493.

U

Ugolinodi Vieri. orfèvre, 271. Uhn, cathédrale. 397. Ulrich {s. ). 390, 391. Urbin. église. 172. Ursule (ste). 20. 22.

Vaast (s.). 103.

Vaes(H.).35.

Valais, chalets. 485; églises rur.iles, 417.

Valence, collection de moulages, 257.

Valencieniies. église Notre-Dame, 104 ; musée, 326.

Valérien (s.), 135, 13S, 139, 141, 143, 469.

VanCaster (le ch. ), 492.

Van de Foel (Jean), architecte, 480.

Vandeins, ét^lise, 147.

Van der Beke (Joos), peintre, 344.

Van der Gheyn (R. P.), 85.

Van Gavere, relieur. 419.

Vannes, fouilles, 323.

Vanni (Adrien), peintre, 233.

Vannini. peintre, 369.

Varax (armes de la famille de), 145; église St. Paul, 144-154 : peintures anciennes, 144.

Varennes le Grand, église, 412 ; fresques, 325. 412.

Vase, à infuser, 229 ; ^- métallique, 324.

Vaucelles, abbaye, 104, 119.

Vaulx, gravures rupestres, 231.

Velasco (Ernestine de), (tombeau en marbre de), III.

Velay (monuments du), 332.

Venasque, baptistère, 415.

Vendôme, bibliothèque, église et musée, 495.

Veneziano (,\nt. ). peintre, 131 ; (fresques de). 226.

Venise, ambon de St-Marc, 500 ; campa- nile. 86. 252 ; fonts baptismaux, 52 ; monument du doge Mocenigo, 172 ; mu- sée royal de peinture. 22, 318 ; œuvres d'art, 336 ; sarcophage, 86.

Verceil (le B" Jean de), 67.

Verhaegen (.A.), 85, 471.

Vérone, église .San Giorgio. 199.

Véronèse, peintre. 126, 1Q4.

Véronique (ste), 99, 214.

Verrières, église, 332.

Vers, antiquités gallo-romaines, 229.

Versailles, pavillon d'Apollon, 241 ; pro- menade de la famille royale, 241.

Vertou, abbaye St-Martin, 2.

vêtements liturgiques, amict, 45 ; chape 435 ; chasuble, 264 ; encolpion, 34

grémial, 31 ; peignes liturgiques. 502 ,

ratioiial, 29-34 ; surhuméra!, 29, 34- 44; ; tiare, 17,

Veuillot (François). 55.

Vexin. clochers romans, 409 ; portails

romans, 325. Vézelay, abbatiale. 58 ; chapiteaux. 456-

457 ; linteau, 449 ; Madeleine, t, 65 ;

-- portail de l'abbaye. 448, 450 ; porte,

448 tympan, 456, 457. Vicence. église. 129-131 ; palais délia Ra-

gione, 127 ; Loggia Bernardo, 128. Vicenzo di Biagio, peintre, 14. Vienne, musée, 16, 100. Vierge, 99. 102, 266, 274 ; en adoration,

406, 407 ; -Annonciation. 97, 275, 305 ;

assise, 502 ; Assomption, 307 ; Couronnement, 308 ; et l'Enfant, 99, 366, 405 ; épousailles, 99, 305 ; funé- r,aiUes. 307; Immaculée du XVlI=s., 502 ; Mère, 102 ; Mère au tombeau. 307 : mort, 90, 307 : naissance, 304 ;

statue d'argent, 108, ii2 ; en bois du XV*-' s. , 434 ; en pierre, 425 ; du '^l^''' s.. 331 ; vie dans le Temple, 304 ;

Visitation. 305.

Vierges sages et les vierges folles (les), 204,

205. Vignola, peintre, 434. Villart d'Honnecouri, architecte, 104, 119.

120, 181. Villefranche, chartreuse, 165 ; collégiale,

165 ; tour carrée militaire, 165. Villers, abbaye, 176, 420. Vi/les iTart (les), 170. Villevielle. sculpture romaine. 321. Vincent de Beauvais, 184. Vinci (Léonard de), peintre, 126, 198, 226,

245, 376 ; (portrait de), 32; Vincigliato, château, 228. Violiet-le- Duc, architecte, i, 53-55. 181, 285,

291, 409, 448, 453, 494. Visitation, 305. Vit (s. ), (martyre de), 387. vitrail (le), 326. vitraux, à Auxerre. 55 ; Cambrai, 106 ;

Chàlons-sur-Marne, 307 ; Chartres, 186 ;

Chateaudun, 326 ; Dijon, 66 ; Flo- rence. 360 ; Fribourg. 233 ; Lyon, i36; Maredsous. 471 ; Mulhouse,

432 ; Ratisbonne, 36 ; Saint-Juhen du .Sault, 186 ; Sens, 54 ; Strasbourg, 298, 434 ; Tours, 184, 185 ; Troyes, 172.

Vivoin, église, 351 ; rosace, 351.

Vodecée, fouilles, 419.

voies romaines, 325.

voûtes, barlongues, 53 ; en croisées d'ogi- ves, 238 ; cylindriques, 53 ; à dou- bleaux de recoupement. 64 ; lapidaires. 330 ; d'ogives. 417 ; sixpartites, 53, 419.

Vouvant, église, 3.

Vrelants (Guil. ), peintre. 168.

W

Waermaerde. église. 166.

Walcourt, église, 176, 433.

Waulsort, abbaye, 378.

Weale (J.), 98, loo, 168, 242. 335. 410.

Weclin (Hans). architecte. 293.

Wenceslas d'Olmutz. graveur, 298.

Wert (Henri de), dominicain, 99.

Werve (Claus de), peintre. 65.

Wert (Mathieu de), peintre. 108.

Westmalle. église. 433 ; peintures murales.

86, Weyden (Roger van der). 61. 98-100. 192,

195. t97. 343. 430- Wilhem von Herle, peintre, 344. Willibald (s.), (tombeau de), 42. Wilpert. 45.

Wincester. trésors d'argenterie, 243. Winckler, architecte. 294, 296. Witz (Conrad), peintre, 343. Woensam (.-\nt. ). peintre, 345. Wolfgang Hubert, peintre. 339. Worms. basilique St-Jean- Baptiste, 172. Wurmser (Nie. ), peintre, lô. Wurtzbourg, sceaux et pierres tombales, 40. Wybo (A.), peintre, 476.

Ymbert (Olivier), maître maçon. 412.

Yperman (L. ). peintre, 28

Ypres. église St-Martin. 64, 330, 346;

salle échevinale, 331. Yves de Chartres, 30-32.

Zande, clocher roman, 85. Zanetto Bugato, peintre, 430. Zeil (Je.an), peintre, 415.

Imprimé par Desclée. De Brouwcr et Ci";, LII.I.K-PAKIS-BRUGKS.

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