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^ Vtenne la .Sainte et ses premières églises. ^

Vienne la Baintc (')•

:UCUNE ville de la Gaule n'a renfermé au- tant d'églises et de re- liques que Vienne. Il semble qu'après avoir mérité le nom de Vieiuie W^^^^ la Belle, sous les Empe- reurs romains, par la splendeur des monu- ments païens qui décoraient ses places, elle ait ambitionné un nouveau genre de gloire en conquérant le surnom de Vienne laSainte, que lui décernaient les voyageurs. Vtenna, civitas sancla.'Y^\& est la devise de ses armes. Ses martyrs propres tels que Ferréol, Julien, Exsupère, Félicien et Didier ne lui suffisaient pas (■'), elle jalou-

1. On peut lire le résumé des découvertes faites à Vienne dans un article de M. Bazin : Plans de Vienne et de Lyon gallo-romains diaprés les mottumenis antiques, les ruines et les comptes rendus de fouilles. {Bulletin archéologique du Comité des Travaux historiques, 1 89 1 , pp. 3'9 353-)

2. M. de Terrsbasse dans ses Trois inscriptions vien-

sait les gloires de Lyon, sa voisine, et prétendait aussi posséder tout au moins une parcelle du corps de sainte Blandine à laquelle elle avait érigé une basilique ; elle se vantait aussi d'avoir des reliques des Quarante-Imit martyrs qui furent immolés avec elle (').

Ses plus anciennes fondations sont à chercher, comme à Lyon, dans sa banlieue, principalement dans le faubourg qui s'est développé sur la rive droite du Rhône, au territoire des Ségusiaves, en face du cen- tre occupé par les Allobroges. Malgré cet éloignement, des rapports étroits existaient entre les deux territoires au moyen d'un vieux pont dont la place est marquée par une tour, et par lequel les principaux habi- tants se rendaient de Vienne à leurs riches villas et à leurs vastes jardins. Ce quartier de la rive droite du Rhône, d'où la vue

noises. Vienne, Savigné, 1863, in-8", a commenté les épi- taphes des martyrs Séverin, Exsupère et Félicien. I. Chorier, Antiquités de Vienne, livre 11.

Kt^Vub LiK LAKT L.HKtl'ri IQO6. l"^ I.IVKAISriN.

^tWt îie rart chrétien.

embrasse tout le panorama de la ville et qui porte le nom de Sainte-Colombe, en sou- venir d'un monastère célèbre au moyen âge, fut le séjour affectionné des premiers chrétiens de Vienne. Les souterrains que Chorier a explorés de ce côté et qui pour- raient faire croire à la présence d'anciennes galeries de carrières, n'ont rien de commun avec les catacombes de Rome. Ce qu'il a décrit nous représente les sous-sols du palais du Miroir, splendide habitation gallo-romaine, élevée sur le bord du Rhône, qui avait besoin de grandes dépendances pour loger les provisions, et de hauts sou- bassements pour être à l'abri des inonda- tions.

Rien ne ressemble davantage à des pri- sons, à des fosses basses et à des cachots pour un auteur doué d'imagination comme Chorier (')On comprend très bien qu'il ait pensé à des ergasiula pourles esclaves et que le Peuple en ait fait le séjour des Chrétiens persécutés. Partout il invente les mêmes histoires, il veut que tous les confesseurs de la Foi aient passé par les mêmes épreu- ves et les mêmes tourments. Dans toutes les villes qui comptent des martyrs dans leurs annales, on est sûr que les légendes locales conduisent les curieux dans quelque sou- terrain pour y vénérer le lieu de leur déten- tion. A Lyon, c'est la prison de Sainte- Blandine ; à Marseille, c'est la prison de Saint-Lazare ; à Paris, c'est la prison de Saint- Denis ; à Dijon, c'est la prison de Saint- Bénigne.

I. Basilique de Saint-Ferréol

FERRÉOL de Vienne est un person nage delà fin du 111 siècle qui a souffert le martyre pendant une persé- cution de l'empereur Dioclétien. Les écrits

I. Chorier, Antiquités de Vienne^ pp. 143 et 144.

populaires rapportent qu'il aurait été saisi par ses bourreaux au moment il fuyait la ville païenne en traversant le Rhône, et qu'il aurait été renfermé dans l'un des sou- terrains qui furent longtemps visibles sous le monastère de Sainte-Colombe, même s'élevait d'abord le fameux palais romain du Miroir. Les légendes ne sont jamais sans fondement. Ici, on a tout lieu de croire que les reliques de saint Ferréol ont séjourné deux siècles dans le voisi- nage ou dans les dépendances de ce palais, et qu'elles étaient installées en sous-sol, suivant l'usage, après une translation sur laquelle le doute n'est pas possible.

M. Cochard a démontré que le lieu de la première sépulture du Saint est à cher- cher sur la rive droite du Rhône, mais plus haut, jusqu'à Saint- Romain, autre village en amont de Sainte-Colombe, s'éle- vait une église sous l'invocation de saint Jean et de saint Ferréol ("). La présence de sépultures chrétiennes dans cet endroit s'est révélée de notre temps à M. Bizot, conservateur des musées de Vienne, parla découverte d'auges creusées dans des mor- ceaux d'entablement et fermées au moyen de couvercles provenant de monuments païens. C'est bien l'emplacement que veut désigner Grégoire de Tours quand il nous raconte que la basilique du martyr saint Ferréol avait été bâtie par les Anciens sur le bord du Rhône (").

Pendant une inondation violente, la basi- lique ayant été emportée par les eaux du fleuve, les Chrétiens se rapprochèrent du palais du Miroir et bâtirent, sous l'inspira- tion du prêtre Mamerl, un autre édifice qui,

1 . Notices historiques et statistiques sur Sainte- Colombe et Saint- Romain-en- Galles.

2. « Basilica S. martyris Ferreoli super Khodani littus ab aiuiquis fuerat collocata. > (De gloria iii<ir/yni»i, libro H, cap. 2.)

antenne la ^âintt et ses premières églises.

suivant Grégoire de Tours, était de dimen- sions convenables et d'une architecture élégante ('). Cet événement eut lieu entre 463 et 475. Quand Mamert voulut procéder à la translation des reliques, il se trouva très embarrassé, parce que la confession renfer- mait trois tombeaux. Il les ouvrit, et dans l'un d'eux il aperçut un personnage qui tenait une tête sous son bras, circonstance qui équivalait à un signalement, car on savait, par les Actes du martyr, que Ferréol et Julien étaient liés d'amitié et que le pre- mier avait rapporté à Vienne la tête de son ami. Plein de joie, Mamert put, en toute sécurité, procédera l'installation de la nou- velle confession et encourager les fidèles à y apporter leurs hommages. Pour épargner toute incertitude aux générations à venir, on plaça dans l'endroit le plus apparent, sur le fronton de la tribune, un distique dont voici la traduction : « Ce sanctuaire renferme deux héros du Christ; la tête de Julien et le corps de Ferréol. »

Heroas Christi geminos h;ec continet aula : Julianum capite, coipore Feireolum.

Dans l'un de ses voyages de Clermont à Lyon, Grégoire de Tours s'arrêta un jour à Vienne pour y faire ses dévotions; il avait, dit-il, pour saint Ferréol une affection égale à celle qu'il gardait pour saint Julien de Brioude. Après avoir fait sa prière près du tombeau vénéré, il leva les yeux et aperçut linscription. C'est ainsi qu'elle nous est parvenue (^).

Dans son entretien avec le gardien du tnartyrium, il apprit que la reconnaissance des reliques se fit par Mamert en présence de l'évêque entouré d'un grand nombre

1. «Aliam basilicam e'eganti opère et in ipsamensura sagaci intentione construxit, illuc sancti martyris trans- ferre cupiens corpus. > ;Z?^_o'/or;'rt W(jr/>'/«OT,libro 1 1, cap. 2.)

2. De miraculis sancti Jiiliant, c3,t^. II. Dom Rui- nart, Acta sincera, p. 509.

d'abbés et de religieux. Ce récit est parfai- tement en concordance avec les termes de la vie de saint Clair, dans laquelle l'auteur énumère l'abbaye de Saint-Ferréol au nombre des monastères de la rive droite du Rhône ('), agglomération pieuse qu'il désigne sous le nom de monasteria grinin- censia, dans laquelle il faut comprendre aussi le monastère de Sainte-Colombe.

Ce cortège de sanctuaires ne nous sur- prend pas, il était l'accompagnement obligé de toute sépulture insigne, et se retrouvera dans toute la Gaule chrétienne, partout nous rencontrerons des martyrs et des con- fesseurs ensevelis avec honneur. Depuis que Cassien s'était établi, au commencement du Ve siècle, dans la banlieue de Marseille, la vallée du Rhône avait vu surgir de nombreux monastères empressés de riva- liser avec le zèle des religieux de Saint- Victor.

Tous ces établissements de la rive droite du Rhône sombrèrent, au VI 1 1^ siècle, dans la tempête soulevée par le passage des Sar- rasins, qui là, comme dans toute l'Aqui- taine, ne laissèrent que des ruines. Cette fois l'évêque de Vienne, ne voulant pas exposer le trésor de ses reliques à de nou- veaux risques, prit le parti d'ériger une basilique dans l'intérieur de la ville et d'y déposer le sarcophage de saint Ferréol (^). La translation eut lieu en 740, par les soins de l'évêque Villicaire. On ne sait rien de cette nouvelle construction, sinon qu'elle était très simple, très solide, et qu'elle dura jusqu'à la Révolution. En 1775, elle était entre les mains des Pénitents Noirs.

Le culte de saint Ferréol a fait peu de bruit dans l'histoire, il ne paraît pas avoir donné lieu à des manifestations retentis-

1. Acta sanctorum, mensejanuarii, primo die.

2. In martyrologio Adonis et Callia chris/iatm, t. XVI, col. 14S.

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santés dans les siècles du moyen âge ('). On ne sait rien de son tombeau et des dispo- sitions prises pour son installation sous le sanctuaire ; aussi, on avait eu recours à une confession en sous-sol qui devait être peu accessible après la panique de 732.Chorier, qui a recueilli beaucoup de souvenirs et de témoignages sur les antiquités chrétiennes devienne, relate que sous l'église de Saint- Ferréol, il existait une cave contenant un autel sur lequel on exposait un doigt de saint Ferréol ('). De son tombeau, il ne dit mot.

Un autre auteur nous apprend que de toute l'église, il ne subsistait qu'une petite sacristie et des cryptes qui servaient de caves. « Le chanoine Lelièvre qui, le pre- mier, a tâché de tirer des ténèbres Vienne et ses merveilles, a relevé l'autel qui paraît, aujourd'hui, dans une cave placée sous le chœur de l'église, et c'est dessus cet autel que reposaient ses sacrés trésors ('). )) L église de Saint- Ferréol est aujourd'hui rasée, elle est remplacée par un pâté de maisons et, sans la petite place voisine de la grande rue à laquelle on a heureusement laissé son nom, rien ne rappellerait aux Viennois le souvenir de leur premier martyr.

Sur la foi de M. Teste, qui a parlé de voûtes d'arêtes et de nervures (^), j'espérais trouver matière à quelque description inté- ressante de cette dernière crypte ; j'ai suspendre celte entreprise après l'explora- tion qui a été faite par M. Bizot pour me renseigner.

La voûte en plein cintre porte la trace de

1. n y avait pourtant un autel érigé à saint Ferréol à la cathédrale de Nantes.

2. Ibid., p. lOj.

3. Voir Lelièvre, Histoire de Vanliquilé de la ville de Vieu/ie.]ean Lelièvre était sacristain de Saint-Maurice et, en cette qualité, abbé de .Saint- Feiréol.

4. liitlletiii monumental, 3^ série, t. V, 1855, p. 648.

traits jaunes qui paraissent employés pour simuler des nervures, mais c'est en vain qu'on chercherait la croix grecque dont il parle, du moins dans la partie accessible, des colonnes ou des moulures. C'est un sous-sol sans aucun ornement (').

II. Basilique de Saint-Sévère.

AU Nord de la ville et en dehors, près du pont de Gère, il existait une autre église qui était destinée à rappeler l'apos- tolat et les vertus de saint Sévère, évêque de Vienne du V^ siècle, qui serait mort vers l'an 430. La légende de sa vie rap- porte qu'au temps il s'établit dans cette ville, le paganisme entretenait un temple consacré à Cent Dùntx, qu'il renversa et à la place duquel il édifia une basilique en l'honneur du premier martyr Etienne, en employant beaucoup de matériaux de la construction supprimée. La vue des ruines qui subsistaient sur son emplacement, du temps de Chorier, imprimait à cette tradi- tion une grande vraisemblance ; cet auteur cite, en effet, des murailles qu'il a vues recou- vertes de plaques de marbre vert (f). Dans tous les cas, il est bien certain que, de très bonne heure, la basilique de Saint-Sévère fut, comme celle de Saint-Pierre, le rendez- vous d'une foule de chrétiens illustres qui y choisissaient leur sépulture sous la protec- tion du premier martyr. C'est qu'on a trouvé le plus d'épitaphes mémorables, notamment celles des chrétiennes Aureiia, Irène, et Eustacia, au milieu d'inscriptions païennes ("). En creusant le sol de la cha- pelle Saint-Théodore, qiii est au-dessous du grand autel, à main gauche, dit Chorier, on

1. La chapelle de Saint-Ferréol figure sur un plan de 1775. l".Uea été vendue comme bien national à l'époque delà Révolution.

2. Antit/uités de p'ienne, p. 35.

3. Allmer et Terrebasse, Les inscriptions de Vienne.

Mitnnt la Mainte et ses premières églises.

découvrit, en 1609, une quantité de tom- beaux entassés jusqu'à former trois rangs superposés les uns sur les autres. «Un pavé de marqueterie est au dessus, dans une pro- fondeur digne de merveille ('). »

Il n'est pas douteux que le corps de saint Sévère n'ait exercé sur les fidèles une attraction pareille à celle des reliques de saint Etienne ; sa vogue fut telle qu'il finit par l'emporter sur le premier martyr dont il avait voulu développer le culte. Le nom de saint Sévère resta seul appliqué à l'édi- fice qu'il avait fondé. Avait-il préparé lui- même sa sépulture dans cette église, ou bien laissa-t il ce soin à ses successeurs ? nous l'ignorons ; mais il paraît certain que son sarcophage fut déposé dans une crypte, comme on le faisait dans le même temps à Arles pour saint Honorât; à Bordeaux, pour saint Seurin. Je tire cette déduction d'un passage du livre de Chorier il est fait allusion à un hypogée qu'il a vu dans le cimetière du P/dh'ede. Saint-Sévère. « Une partie du cimetière, dit-il, est suspendue par une grotte assez spacieuse dont la voûte est soutenue par quatre piliers ; sa fabrique dififère peu de celle d'une chapelle. Elle a été le charnier de cette paroisse. Les os et les corps des pauvres y étaient jetés par une ouverture ronde qui y paraît comme un soupirail ('). » Cette construction n'avait pas été faite pour cette destination, elle devait être le sous-sol d'un sanctuaire rasé et le dernier témoin de l'existence de la basilique dédiée à saint Etienne et à saint Sévère en cet endroit {^).

III. Basilique de Saint-Pierre.

A U Sud de la ville, non loin du Rhône, "^^^ s'élevait une autre basilique antique

1. Anliguités de Vienne, pp. 46 et 47.

2. Ibid. pp. 50 et 51.

3. L'église Saint-Sévère a été démolie en 1820 ; ce qui en restait paraissait remonter auXlI^ouauXIlI" siècle.

érigée en l'honneur de saint Pierre dans le même temps, ou à peu près, que la précé- dente par un personnage plus ancien que le comte Ancemond, car nous savons que le V" siècle est l'époque de la découverte des chaînes de saint Pierre et de la dispersion de ses reliques. Les auteurs qui proposent la date de 543 confondent, sans doute, la fondation du monastère qui fut annexé à la

Vienne (Isère). Basilique de Saint-Pierre.

basilique au moyen des générosités d'Ance- mond, avec la création de la basilique. Parmi les fidèles de la chrétienté viennoise, cet établissement jouissait d'un grand re- nom et inspirait une haute vénération. La foule répétait que le nombre des martyrs et des confesseurs dont elle renfermait les cendres était presque infini ; on la considé- rait comme un lieu tellement saint, qu'on aurait cru commettre une profanation en y admettant toute autre dépouille que celle

3^ebur ïie T^rt cl^rttien»

d'un évêque. Les princes se contentaient d'une place sous le porche. C'est que reposaient, non pas dans une crypte, mais sur le dallage commun, à côté des abbés du monastère, S. Didier, S. Mamert, S. Avite, S. Pantagathe et quinze autres évêques ou archevêques. Le vaisseau de cet édifice de Saint- Pierre ressemblait à un immense

sépulcre, imaginé, comme l'abbaye de West- minster, pour recevoir les restes de toutes les gloires du pays. Les fouilles qu'on y a pratiquées ont fait sortir au jour beaucoup de sarcophages en pierre creusés dans des blocs et des entablements de provenance romaine sur lesquels se développaient des moulures et des inscriptions indiquant

Vienne (Isère). Basilique de Saint- Pierre.

clairement la première destination de ces matériaux (').

Voici ce qu'en dit un témoin oculaire, bon appréciateur de ces antiquités : « Ce qui ajoute surtout, écrit M. Allmer, à l'in-

I. Allmer et Terrebasse, 6 vol. avec atlas, ont donné le dessin du plus beau tombeau sorti de Saint-Pierre.

Aujourd'hui le musée est installé dans cette basiliquequi, après avoir été ruinée au Xe siècle, fut rétablie avec son abside polygonale au XII"= siècle, et ses piliers au lieu de colonnes. Son plan est celui des basiliques d'Italie.

térêt de la découverte, c'est que presque toutes les tombes sont d'anciens sarco- phages romains pris sans doute le long des deux voies qui passaient par autrefois. « Différentes de mesure et de niveau, les unes ouvertes et vides, les autres déco- rées d'inscriptions ou de sculptures, toutes ces auges massives, pressées les unes contre les autres, superposées en certains endroits les unes aux autres, offrent un coup d'œil

^Itenne la Mainte et ses premières égltses.

7

des plus étranges qui rappelle celui des Aliscamps d'Arles et celui du cimetière non moins intéressant, mais moins connu, de Saint-Gervais à Vienne. Tantôt, pour les ap- proprier à des sépultures chrétiennes, on en a effacé les inscriptions, moins toutefois les i initiales D. M; tantôt la dépouille chrétienne a pris place dans la demeîi7-e élernelle du païen sans qu'on se soit inquiété de l'épi- taphe de l'ancien destinataire ; ou bien le sarcophage païen a été retourné et l'on a pu, dans l'épaisseur très considérable du fond, creuser une nouvelle auge (') »

IV. Basilique de Saint-Maurice.

LES fondateurs de basiliques n'hési- taient pas à construire un sous-sol dans le sanctuaire, même dans le cas ils prépa- raient un dépôt de reliques. Quand l'évêque Eolde, au VIII*^ siècle, put obtenir des reli- ques de saint Maurice d'Agaune et de ses compagnons, il en fit hommage à la basi- lique érigée en l'honneur des Frères Mac- chabées, en ayant soin de ménager une cachette souterraine, cryptatim coitsiruxii ; dès lors l'édifice perdit son vocable d'ori- gine pour prendre celui de Saint-Mau- rice (').

Il ne m'est pas possible de fournir une description ou un plan de ce réduit voûté sans doute en berceau; il a été obstrué par

l.Allmei, Décoin'ertes de colonnes et de tombeaux an- tiques dans l'église de Saint-Pierre de Vienne, p. 26.

2. « Tum sanctus episcopus Eoldus Vieniiensem eccle siam rébus auxit. Erat enim affinis Francorum regibus, quique etiam intra civitatem in honore beatoruni marty- rum. Tliebœorum Mauritii et socioruni ejus doinicnculani cryptatim construxit, ibique non mediocrem partem reliquiarum sive ex his martyribus sive ex aliisposuit. Atque ex eo tenipore res ecclesia; nomine beati Mauritii attitulantur, quando ex antiquo et major domus in honore septeni niarlyrum M. et facultates ejusdem ecclesiae sub nomine eorum a fidelibus offerrentur et consecrata; ma- nerent. » (Adonis Chronicon, éd. Migne vol. 123, col. 20.) Saint-Maurice est aujourd'hui la cathédrale, comme à Angers.

des transformations qui ont respecté quel- ques passages que M. Bizot, conservateur du musée de Vienne, a bien voulu visiter à mon intention pour me renseigner, avec son obligeance habituelle. « L'un de ces pas- sages, dit-il, est construit en fortes pierres de taille et ressemble à un couloir qui aurait conduit à quelque sépulture. » Comme nous sommes dans une crypte bâtie au VI ll'^ siècle, c'est-à-dire à l'époque des invasions sarrasines, nous pouvons supposer, d'après ces expressions, que la confession était abso- lument fermée comme celle de S. Aphrodise de Béziers, et que M. Bizot a vu le couloir enveloppant qui conduisait à \'a.rnère/eites- tella. Il serait heureux qu'on pût avoir une certitude absolue sur ce point, nous aurions alors un nouvel exemple des précautions prises après 732 pour préserver les corps saints des profanations.

V. Basilique des Saints Gervais, Protais et Marcel.

ON sait que des reliques des saints milanais Gervais et Protais sont ar- rivées aussi à Vienne à une époque très reculée, sans doute dans le temps qu'elles furent découvertes et répandues dans toute la Gaule, aux environs du V'^ siècle. La ba- silique où elles étaient exposées a disparu depuis longtemps, mais on a eu l'occasion récente d'apprécier son importance et son antiquité lorsque les gares du Chemin de fer ont été construites. Il est arrivé qu'il y avait un cimetière considérable et des tombes qui remontaient à une date reculée. Il m'est difficile d'en dire plus long sur l'église et le monastère Saint-Marcel qui oc- cupaient la région Est de la cité; cependant je signalerai que ce quartier a donné nais- sance aux mêmes légendes que la rive et la banlieue de Sainte-Colombe.

8

3Re\)ue ïie T^vt cl)rctien.

Le peuple veut que saint Marcel, l'apô- tre de Châlons sans doute, se soit ré- fugié dans les grottes et les excavations qui se rencontrent de ce côté et dont les dispositions ressemblent assez à un sanc- tuaire souterrain, comme celui de Saint- Émilion. L'entrée est étroite, elle est tracée pour le passage d'un seul homme, mais elle conduit à un élargissement voûté qui se pré- sente comme une nef orientée Est-Ouest, coupée par une sorte de transept (").

En résumé, les monuments chrétiens les

I. Choiier, ouv. cité, p. 436.

plus anciens de Vienne se réduisent à des substructions enfouies sous des édifices modernes dont la description n'ajouterait rien à ce que nous savons. Vienne la Sainte a perdu l'auréole que lui composaient tous ses vieux sanctuaires érigés à la mémoire de ses martyrs et de ses confesseurs ; elle est devenue une cité quelconque et ne peut plus offrir aux archéologues que des souve- nirs. C'est la ville qui nous promettait la plus riche moisson d'observations et c'est elle qui nous laisse passer avec le plus de

regrets.

Léon Maître.

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ES toutes premières années du XI 11^ siècle, telle est la date que les caractères ar- chitecturaux de l'édifice et les textes trop rares ou trop brefs ont permis, avec le plus de probabilités, d'assi- gner à l'achèvement du corps (le l'église Notre-Dame-la-Grande. N'est- ce pas une preuve à l'appui de cette opinion que l'enquête menée en i2io par des chanoines d'Ar- ras et de Cambrai au sujet de la juridiction, mal définie jusqu'alors, des évêques de ces deux dio- cèses relativement à notre église, /is super libcr- tate ecclesiae beatae Mariae maioris Valencenen- sis (-). L'importance de l'édifice nouveau, l'aug- mentation des dons et revenus qui eu est la conséquence, attirent l'attention du prélat diocé- sain. Un siècle plus tôt, son prédécesseur confir- mait simplement, sans penser à revendiquer sa part, les droits, en ce temps-là bien minimes, contestés aux religieux d'Hasnon, propriétaires de Notre-Dame, par ceux de Saint-Saulve, patrons d'une partie de la ville (^).

1. Voir la Rtvue de i Art thrétieu, 1903.

2. Fragments et documents relatifs à N.-D. la Grande. ( Bibl. de l'auteur. J Cet acte se lit aussi au Cnrtttlaire d'Masnon. Bibl. de Douai, ms. 1342. Le cours de l'Escaut partageait la ville même en deux diocèses. La rive droite, avec l'église Notre-Dame, dépendait de Cambrai ; la rive gauche appartenait au diocèse d'Arras.

3. Fixer des dates trop absolues serait téméraire, surtout après la disparition totale d'un monument. Néanmoins, même en ce cas, et d'autant mieux s'il reste des dessins ou des plans, on arriverait à dégager la vérité, à rectifier des estimations évidemment inexactes, fussent-elles traditionnelles ; ainsi peut-il en être, comme nous avions essayé de le suggérer, pour l'ancienne cathédrale de Cambrai. Quel- ques mois après la publication de la première partie de ce présent travail, a paru dans cette même revue un article intitulé Monogra- phie de la cathédrale de Cambrai. Il suit de très près un ouvrage simplement appelé Recherches sur l église nUlropolitaine de Cambrai {in-4° 224 p. pi.), par A. Le Glay qui le composa, non en 1832, mais en 1825. Ce livre est donc l'un des plus anciens de ce genre et s'il reste une source abondante de renseignements intéressants, il doit néanmoins être rectifié en matière architecturale, puisqu'il remonte à une époque l'archéologie médiévale naissait à peine, Les dates données aux différentes parties de l'édifice par M. Hou- doy, dans la préface de son Histoire artistique de ia cathédrale de Cambrai, demanderaient également à être contrôlées. Cependant elles sont acceptées sans discussion tandis que certaines proposi- tions sagement laissées par lui sous forme dubitative telle l'attii- bulionàVillart de Honnecourt du chœur de la cathédrale de Cam- brai — sont érigées en affirmations positives. Rien de nouveau mal- heureusement ne les vient appuyer dans ces pages qui renferment

« I^e cinquièine Dimanche après le jour de grand Pasque, » on célébrait la dédicace de l'église, mais en quelle année avait eu lieu cette céiémonie? La inéme imprécision régnera pres- que toujours dans l'histoire du monument ; pour établir quelques points de repère, il faut se contenter de renseignements fort peu nom- breux (').

En 1 289 (n. s.), un orage éclata sur la ville, d'une telle violence que les éclairs semblaient embraser les combles de l'église (^), mais il n'y eut pas d'in- cendie. En 1307, c'est l'inondation qui menace: « fut l'eawe si haute en la grande rue Nostre- Dame que la rue flottoit en eawe (3). » Il ne paraît pas que l'édifice ait souffert. Il était encore jeune; les fondations, creusées dans un terrain bas et humide, avaient être établies en connaissance de cause (4). Environ cent ans plus tard, première inention est faite de travaux importants. L'épi- taphe de Nicolas Vigreux, abbé de 1401 à 14 13, rapporte, sans toutefois spécifier l'objet, qu'il exécuta « moult belles réparations ». Le prélat les avait reconnues nécessaires après en avoir « advisé avec sages hommes, ouvriers expers en tels cas appelez /> qui visitèrent l'église « en bas et en haut » les piliers et les voiites apparem- ment (5). La sollicitude de l'abbé fut prévoyante. « La petite rente > dont pouvait disposer Notre- Dame-la-Grande éiant insuffisante pour subvenir aux frais du service divin, « qui constamment de jour et de nuit est fait et célébré en la dite église et à l'entretieti de l'édifice qui polroit aller à désolation et à ruine »,il constitue, en 1403, un fonds perpétuel « au prouffict de la fabrique ».

« tout ce qu'on a pu recueillir », c'est-à-dire une bonne part de tout ce qui avait déj.\ été écrit sur ce monument dont la perte reste si regrettable.

1. Les archives d'Hasnon ne possèdent aucun de ces comptes qui seraient une ressource précieuse. Elles renferment seulement un mince cahier ; Compte de la petite recette de N.-D., i^^J.

2. Bibl. de Douai, Cartulaire d'Hasnon, ms. 1342.

3. Archives du Nord de la France et du Midi de la Belgique, t. in, p, 240.

4. Le terrain divisé et partiellement exhaussé ou construit ne permet aucune fouille.

5. 1404. 25 mars (n. s.) .Archives du Nord, Yorvùs d'Hasnon. Publié partiellement par M. l'abbé Dewez, p. 181.

lO

3Re\)ue lie T^rt cbrctim.

Vers la fin du même siècle, D. Etienne du Ploicli aurait aussi restauré l'édifice:

« Hanc qupque nuiantem stabilmt virginis aedein « Qiiam stiiduit variis condecorare modis (')• »

Encore une fois, nous ignorons à quoi ce distique fait allusion. Nous savons seulement qu'Etienne fonda et décora une chapelle située dans un angle de l'église et qu'il prit une mesure dont les suites furent, dit-on, fâcheuses pour la conservation du monument. Abolissant le titre et les fonctions du prévôt établi depuis 1202, il réduit le personnel religieux de Notre-Dame à un trésorier assisté de deux moines : « ce qui at causé un grand mal à la dicte prévosté à cause qu'ils donnèrent la charge de beaucoup de choses qu'avoit iceluy prévost à un séculier (-). » Peut- être cet officier reçut-il pour logement une jolie maison dont il convient de dire ici quelques mots puisqu'elle est heureusement parvenue jus- qu'à nous, non sans donner lieu à certaines con- fusions.

Située à l'angle de deux rues, elle est bâtie de brique et de pierre. Ses pignons à redents vien- nent de subir une restauration. La tourelle d'es- calier, suivant un procédé vraisemblablement im- porté de Bourgogne, mais rare dans la région (3), repose sur un cul-de-lampe formant de côté, une sorte d'auvent à la porte du rez-de-chaussée ; cet étage est plus étroit que le premier élargi en encorbellement par une suite de petits arcs brisés portés sur des consoles de grès. Les meneaux et encadrements des fenêtres, la niche d'angle avec son dais sont de pierre blanche. On date parfois du XII I'^ siècle cette habitation qui est manifes- tement de la fin du XV« ;on la nomme « maison du prévôt », alors que le religieux chargé de cet ofifice occupait non un logis tout à fait séparé de l'église, mais bien les vastes bâtiments de la pré- vôté réédifiés entre 1482 et 15 17 par l'abbé du Ploich. Ne serait-ce pas à ce même prélat, le style de la construction autorise l'hypothèse, qu'est due la maison dite du prévôt, habitée par le fonctionnaire commis à Valenciennes aux

1. Épitaphe du prélat au chœur de N.-D. Épilaphier de Le Boticq.

2. Le Boucq, Histoire ecclésiastique, p. il.

3. Celte combinaison heureuse n'est pas eNClusivenient bourgui- gnonne. A Falaise en Normandie, il en existe un exemple. Cf aussi Enlart, Manuel d'archéologie, t. II, p. io6.

intérêts temporels de la terre et abbaye d'IIas- non : en 1518, Jean Dusart, prévôt et receveur d'Hasnon, reçoit à loyer une demeure « gisant en le plache et à l'opposite de l'église ('). > Une similitude de qualification entre le prévôt des religieux et le bailli d'Hasnon aura causé la méprise qui dure encore (2).

Cette maison se trouve en face du grand por- tail où les brise-images, le 19 août 1566, avaient aposté des gardes pour se livrer plus tranquille- ment au pillage de l'intérieur (s), dont ils furent cependant délogés par une troupe de courageux bourgeois. Peintures, autels, statues, tout avait été saccagé, mais l'édifice en lui-même ne souffrit pas delà bataille. Il fut moins heureux au siège de 1572. L'une des échauguettes de la tour cen- trale fut percée d'un boulet « de sorte qu'il a fallu l'emmurer de briques comme on le voit présentement, » a noté Le Boucq.

Le même historien nous apprend que l'abbé Pierre Blondeau, en 1599, « feit ancrer la lanterne ou dom, vulgairement appelée le trou d'or. » Son successeur, D. Léger Tison, élu abbé après avoir été le premier chef de la prévôté nouvellement rétablie, « ayant emprins la réfection,» nous di- rions la restauration, « de son église qui estoit fort caducque » en acheva « bonne partie et feit blanchir tout ce grand vaisseau d'église par un allemand auquel il paya pour toute estotfe et main-d'œuvre la somme de 600 florins (4), » somme qui aurait été mieux employée à rétablir deux arcs boutants du croisillon nord i. rués jus » par les vents vers 1606 (s) et qui n'étaient pas encore reconstruits en 1650, si tant est qu'ils le furent jamais.

1. Arch. du Dép. du Nord. Fonds Hasnon, 1518, i'-"' sept. Claire Huon, veuve de Jean Dusart, receveur et d</i7/f d'Hasnon, fit son testament en l'ïss, 29 juillet. Ibid.

2. M. Kervyn de Lettetïlîove, non sans imagination, tente d'y voir l.-i maison de Froissarl : « On montre à Valenciennes dans la rue Notre-Dame, c'est-ù-dire dans le quartier que devait habiter un chanoine, une petite maison qui remonte au moins au XIV'^ siècle. C'est bien la demeure élégante et modeste que put choisir Froissart. » [Froissarl, Élude lilléraire, t. 1, p. 189.) La maison est de la fin du XV": siècle. L'église voisine n'était pas desservie par des cha- noines, et s'il y .avait bien à Valenciennes un petit chapitre sous le nom de Notre-Dame de la SalIe-Ie-Comte,il avait son siège dans une « sainte chapelle > de très jolie architecture, ilépendant du palais ou salle des comtes de Hainaut.

3. Je.an de HolUande, cousturier, est condamné pour avoir gardé l'entrée de Notre-Dame la Grande pendant le bris et saccageiuent d'icelie. Louise, Conseil des troubles. Sentences, p. 37. .

4. Le Boucq, Hist. ecclés., p. 12.

5. Légende du dessin de Le Boucq.

3L'églt0e iBotre 2C)ame4a'Ci5rantie à WiàimtitnntQ,

1 1

Avec ce fâcheux badigeonnage, commence toute une série d'embellissements poursuivis jus- qu'à la fin du XVI 1 1^ siècle, au détriment parfois de travaux plus utiles. Michel de Raismes, abbé de 1626 à 1630, consacre toutes ses ressources au coûteux établissement d'un doxal ou jubé. Le siège de 1656 cause peu de dégâts: « les Français en s'enfuyant furent si téméraires qu'ils laschèrent encore trois coups de canon. Le der- nier donna sur le derrière de la chapelle Saint

Ghislain, perça la table d'autel et alla tomber proche la chaière confessoire, à l'opposite sous les carolies » (i). En 1696, des charpentiers et ma- çons travaillent au « grand vitre » de l'église (2). Le portail sculpté ouvert sous cette baie dis- parut ou du moins fut caché par une sorte de tambour extérieur, maigrement décoré d'un fron- ton et de deux pilastres, au cours de modifica- tions exécutées entre les années 1738 et 1750(3). La vieille clôture du chœur fut remplacée par des

Maison dite du Prévôt, de Notre-Dame-la-Grande.

grilles, le pavé renouvelé en carreaux de marbre, les orgues restaurées ('), les fenêtres vitrées à nouveau. Une vaste sacristie est aménagée dans les bâtiments de la prévôté entièrement rebâtis(2). Ces corps de logis, vastes et de bonne appa- rence, frappèrent les yeux des chanoinesses d'un chapitre voisin(3). A peine étaient-ils terminés, les Dames de Denain s'avisent qu'ils leur seraient une résidence bien plus commode que leur abbaye,

1. Le devis donné à cette occasion par l'architecte Laurent, attri- bue à l'église 4: eu égard à son ancienneté une valeur de 280,000 liv. »

2. La prévôté subsiste ; elle est occupée par la sous-préfecture.

3. Denain, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Valen- ciennes;

située vraiment un peu loin de la ville. Sans perdre un instant, elles usent si bien de leur crédit à la cour que les religieux d'Hasnon se voient obligés de leur céder en échange d'illu- soires compensations, la prévôté de Valenciennes et par suite l'église Notre-Dame. De celle-ci, les chanoinesses ne prirent guère souci, tout occupées qu'elles étaient de disposer « les entresols, les

1. Le Boucq, Récit du siège de 16^6, publié par M. M. Hénault, 1889, p. 151.

2. Archives de Valenciennes, F. 109.

3. L'avant-corps indiqué sur le plan des toitures de l'égli.se cor- respond au comble à deux versants de celte adjonction dont l'aqua- relle de Gillet conserve le souvenir peu artistique.

12

Bebur ïie V^xt cbvctien.

appartements de femme de chambre, les grandes salles d'assemblée (') nécessaires à leurs con- venances personnelles et à leur goûts de société. Peu après, ces fantasques demoiselles, n'ayant sans doute pas rencontré dans leur nouveau séjour tous les agréments qu'elles s'en étaient promis, se mettent à intriguer afin de résilier la cession de 1761. Non contentes d'y réussir eni 772, elles prétendent faire payer aux religieux une indemnité de 60,000 liv. pour ces bouleverse- ments, complètement inutiles à des moines.Quant à l'église « cédée en bon état », elles avaient « si évidemment négligé les réparations que sur les plaintes des habitants de Valenciennes, les ma- gistrats ont été obligés d'en faire faire une visite et d'en constater l'état de dépérissement par un procès-verbal judiciaire dont ces mêmes magis- trats auraient suivi l'effet si les dames abbesse et chanoinesses n'avaient point arrêté les poursuit^^s du ministère public par les réparations les pius urgentes et par les promesses de s'exécuterpour le surplus. »

Le procès-verbal de la visite de 1768 signale les défectuosités existant aux « piliers, colonnes, voûtes, charpentes et couvertures de l'église ». « Dans la grande nef, les murailles de droite et de gauche et les colonnes sont renversées en dehors d'un demi-pied de chaque côté dans toute leur hauteur, ce qui pourroit tomber en ruine s'il n'y étoit promptement placé des sommiers de fer à chaque doubleau... A la croisure de droite, plusieurs colonnes et pilliers, principalement celui de la chapelle Saint-Ghislain sont renversés de six pouces sur quinze pieds. Il faudrait aussi les lier par un tirant de fer à la muraille des bas- côtés. » Dans ceux ci, plusieurs colonnes sont lézardées Au-dessus des tribunes « la deuxième voûte des bas-côtés » les tuiles de la toiture sont mauvaises, laissent passer la pluie et « occasion- nent le dépérissement des voûtes. » La grande voûte « est chargée de décombres, ainsi que celle des bas-côtés, principalement au-dessus de la naissance des dites voûtes et la pluie qui tombe sur icelle les feroit crouler, principalement dans le temps de dégel. » Les arcs-boutants sont en mauvais état et des crevasses anciennes se voient au cloclier (2).

1. Requête de l'abbé d'Hasnon au conseil privé, p. 13.

2. Rapport d'Ignace Laurent, architecte de la ville. Archiva de VaUnciennes. Fonds non classés.

Les chanoinesses, mises en demeure, avaient exécuté « quelques très légères réparations. % L'abbaye d'Hasnon rentrant en possession de Notre-Dame évaluait à 40,000 livres le préjudice causé par les négligences des précédentes années, mais eut-elle le temps d'y porter remède?

L'église arrivait donc au terme de sa carrière telle, ou peu s'en faut, que ses premiers archi- tectes l'avaient conçue, avec sa nef, son chevet, ses croisillons circulaires et leurs chapelles. La façade, comme nous l'avons dit, n'était qu'un placage. Elle n'entamait guère le corps de l'édifice, non plus qtie le haut de la tour centrale, peut- être aux restaurations de l'abbé Nicolas Vi- greux. L'aspect de ce couronneinent concorde en effet assez bien avec le début du XV^ siècle. Le clocher, élevé sur d'anciennes amorces, pourrait également remonter à cette époque. En tout cas, il était construit dès 1421. La preuve s'en déduit de l'histoire de la chapelle de Hal. Il y a lieu de la mantionner tout de suite avant de commencer la description des nefs et des chapelles de l'église le long de laquelle cette annexe était simplement juxtaposée.

Chapelle de Notre Dame de Hal. Bâtie à deux reprises, elle s'allongeait parallèlement à la nef entre le bas-côté et le croisillon nord. En 1421, la confrérie de Hal à Valencieiines était assez riche déjà pour demander à l'abbé Jacques Labours « la plache du parvis ou portail de Nostre-Dame qui estoit à ce temps vaghue et pau servant afin d'y ordener une cappielle à la mé- moire et remembrance de celle de Hal. » La concession accordée stipule que les confrères devront <( le dite place d )U parvis Nostre-Dame clore et réparer à leurs despens et parfaire les ouvraiges de machoiinerie, huisserie et autres réparations qu'ils ont promis à faire (') ». Sans délai, ils érigèrent « de fond en comble » leur petit sanctuaire, qui, suivant les conditions imposées par l'abbé, s'ouvrait uniquement dans l'église. Le culte de Notre-Dame de Hal se développa bien- tôt sous le patronage officiel du magistrat (2). En

1. Le Boucq, Hiit. ecclés., p. 212, donne le texte de l'acte de con- cession.

2. Tous les ans, jusqu'en 1790, un article des comptes de la ville porte un crédit de 60 1. pour aider au pèlerinage des douze confrères qui, le I" dimanche de septembre, partaient vers Hal offrir un blason d'armes de la ville de Valenciennes, un « chiron de huit livres* et une robe précieuse pour la statue vénérée. .Vrrivés à destination, les délé- gués prenaient dans le cortège des douze villes et bourgs représen- tés au pèlerinage, leur rang traditionnel ; c'était le premier, jusqu'en

îL'cglise Jl^otrC'îDanic lad^ranDe à ^aleuciemic0.

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Chevet de Notre-Dame la Grande, d'apiès le relief de Berlin.

Intérieur de la chapelle de Notre-Dame de Hal, d'après Le Eoucc.).

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Wit\)xit \)t r^rt cljvctien.

1495, les confrères songent à l'agrandissement de leur chapelle. Ils ajoutent une nef et un petit clocher, pour n efre plus obligés d'emprunter les cloches de l'église elle-même ('). Ce clocher, dans le dessin, dissimule partiellement une porte pratiquée à cette époque sous l'une des trois fe- nêtres de la construction primitive. Une galerie ajourée cache la naissance du comble de cette travée ancienne. Dans la nouvelle, une large fenêtre aux remplages flamboyants éclaire le pignon.

Autant que l'on peut interpréter la vue inté- rieure donnée par S. Le Boucq, le chevet était constitué par une grande croisée d'ogives dont les formerets, très profonds, figurent des retraits dans l'un desquels se loge l'autel, vaste compo- sition de « pierre de rance » posée en 1641 et présent posthume du conseiller Tordreau (-). Au côté sud de l'autel le monument funéraire du do- nateur représentait en « allebastre », dans un encadrement de marbres variés, « la nativité de nostre Rédempteur». De l'autre côté, sous un dais trilobé supporté par de minces colonnettes d'aspect gothique, peut-être une épave échap- pée aux désastres de 1566, s'abrite une statue: saint Léonard ou sainte Renelde, honorés dans la chapelle.

Le lambris qui règne sous les fenêtres pourrait avoir contenu dans ses armoires les chefs « de bois doré, assez bien élabouré », renfermant les reliques de ces deux saints, « une belle image de Notre-Dame d'argent, une' croix et deux relic- quaires faicts en forme de clochier aussi d'ar- gent (3) » et les robes offertes à Notre-Dame de Hal, rachetées et rapportées par les confrères (^).

'S 'S- A p.irtir de celte année la peste ayant empùclié la venue des Valenciennois, les Tournaisiens prirent leur place. Kn 1649, les Français étant maîtres de Condé. un confrère parvint à franchir les lignes pour garder les droits de sa Confrérie. Le Boucq, p. 213.

1. L'acte de concession les autorisait à se servir pour leurs offices des cloches de l'église.

2. La table d'autel coûta iSoo florins, non compris le tableau, une Assomption donnée par le prélat Archange Michel. Le Boucq p. 213.

3. Le Boucq, p. 213.

4. La peinture était représentée aussi dans la chapelle. Chaque confrère.àson entrée dans l'association, faisait peindre son portrait et tomes ces effigies réunies en deux immenses tableaux décoraient les murailles, dit Cellier (Antoine Walteau, p. 21), qui affirme que des fragments de ce curieux assemblage existaient encore au début du XIX" siècle. Quatre grands tableaux provenant de cette chapelle furent transportés A l'hùtel de ville au moment de la révo- lution.

Vis à-vis de ce lambris, dans le mur mitoyen avec cel ui de l'église, le dessin montre un en- semble de sculptures dignes d'attention. Sous le grand formeret s'ouvrent deux arcs dont les archivoltes paraissent avoir été décorées de feuil- lages ou même de petites statues avec dais. Ces deux baies, trilobées intérieurement, sont cou- pées par une sorte de galerie. Une suite d'arcades, trilobées aussi, soutiennent un toit, chargé d'imbrications comme celui d'une châsse ; il abrite les nombreux personnages d'histoires sculptées : on songe en les voyant à certaines clôtures de chœurs, celle d'Amiens par exemple. Des groupes de figures garnissent aussi les tym- pans des deux arcs. Vers le bas, des balustres forment claire-voie entre la chapelle et l'église. Si l'on enlève tout ce curieux remplissage, on reste en présence d'un grand portail géminé : ne serait-ce pas en réalité une ancienne entrée de l'église, transformée par suite de la construction de la chapelle ? Le nom de « parvis » donné à l'einplacement s'éleva ce petit sanctuaire ten- drait à confirmer l'hypothèse. Malheureusement, personne n'a pris soin de décrire ce portail et il n'en reste aucun débris, non plus que de toutes les œuvres de pierre, de bois ou de cuivre, peintes ou sculptées, qui emplissaient en les décorant les nefs et le chœur de Notre-Dame.

La nef. Pour nous diriger dans l'église, les deux manuscrits déjà mentionnés au début de ce travail serviront de guide, principalement la i. Description » de S. Le Boucq. L'itinéraire de l'historien valenciennois allant méthodique- ment de chapelle en chapelle, est d'un grand secours pour fixer le vocable des unes et l'em- placement des autres, chose qui n'est pas tou- jours facile, car la mode a son influence, même dans les dévotions et plus d'une fois un saint délaissé se vit dépossédé de son autel au profit d'un bienheureux plus en vogue ('). De simples bénéfices, des fondations de messes à desservir sur n'importe quel autel portent aussi le nom de chapelles et augmentent la confusion (2). Souvent

1. Les deux autels primitifs de sainte Foy et saint Michel avaient complètement disparu.

2. Telles étaient les chapelles de .Saint-Nicaise, du Heaulme, fon- dée par Elisabeth de Herstal, veuve d'Henri de Louvain, en 1293 l'une des plus anciennes de l'église. (Arch. du Nord. Fds I-Msnon, 1293, 20 octobre). M. Dewez mentionne cette même année la fon- dation par « 'Vsabeau du Harfcar », d'une chapelle dans laquelle

3L'église ji^otre 2Dame U d^ranDe à ^alencienne0. 15

des corporations transportaient d'une église dans une autre le culte de leur saint protecteur dont la chapelle, il est vrai, ne se composait la plupart du temps que d'un autel adossé à un pilier (i).

De ces aménagements factices, il serait mal aisé et au surplus peu intéressant, de marquer la situation exacte. Il en est autrement des cha- pelles que le plan de l'édifice accuse ou laisse deviner. Sous la conduite de S. Le Boucq, on peut, après avoir parcouru la nef, étudier chacune d'elles, au transept, au déambulatoire, et enfin, «; parfaisant le tour de l'église )), terminer par le chœur plus riche encore en monuments pré- cieux (2).

Une statue de saint Christophe était placée dans la nef, près de la porte, selon rusage(-'). Dans cette même région, sous le « grand vitre », de- vaient se trouver les orgues dont mention est faite depuis le XVI" siècle: en 1553, « a M^ Philippe de Landrecyes, pour l'entretènement des orgues, comme il est de coutume », on donne 20 livres (■*). En 1610, Pierre Morel (5), d'une famille de hérauts

cette dame aurait été eiUeirce el fut placée son épitaphe . Cette inscription ne se retrouve pas et il parait bien qu'Ysabeau du Harfcar n'est autre que la veuve d'Henri de Louvain, d'une famille qui participe aussi à la fondation des dominicaines de Beauniont, dans la maison natale de l'empereur Henri VII. L'église de ce monastère, bâti en 1310 par la comtesse de Luxembourg, mère de l'empereur, était un charmant édifice à une nef. Il renfermait la tombe « foi t magni- fiquement relevée>de la fondatriceet quantité d'autres monuments: la statue de Félicitas de Luxembourg, sœur de l'empereur, veuve de Jean de Louvain, puis prieure, les tombes de Béatrix de Luxem- bourg, de Simon de Lalaing, de Jeanne d'Escaussines, etc. Il ne reste plus de ce couvent que la rue du même nom et une grange.

1. Parmi les « stils » ou <( métiers » établis à Notre-Dame, on comptait les ciriers, les taillandiers, les « tondeurs de grande force», les «saieteurs »,les mesureurs de grains et surtout les peintres dont nous aurons ;i reparler.

2. Le généalogiste, premier auteur de lépitaphier recopié et augmenté par S. Le Boucq avait parcouru les églises antérieurement aux pillages de 1566, et c est un des mérites de son recueil. Le continuateur a indiqué quels sont les monuments qui avaient pu échapper au saccagement. Pour le XVIII'^ siècle, il existe une deuxième continuation due à Tordreau de Belleverge : malheureu- sement elle fait défaut pour la seule église de Notre-Dame. D'ail- leurs à cette époque les sépultures, formées le plus souvent d'une dalle a%'ec inscription gra%'ée, sont dépourvues du caractère artis- tique ordinaire aux plus anciennes. Aussi a-t on cru inutile de les mentionner ici.

3. Ne serait-ce pas la belle statue en marbre, œuvre de Dupréau,que possède aujourd'hui l'église .Saint-Nicolas, se demande Cellier (/fev. agricole, 18Ô9, p. 305). Il parait cependant impossible d'attri- buer celte œuvre au sculpteur du Préau ou du Praiel dont les donze apôtres, actuellement à l'église Saint-Géry, si défigurés qu'ils soient par des restaurations, dénotent une autre main et surtout un autre âge. Du Praiel vivait à la fin du XV' s ; les apôtres appartien- nent encore à l'art gothique.

4. Compte de la petite recette, 1553.

5. D'après l'épitaphe de Morel, à Saint-Jean. Au XVII« siècle il y eut aussi un « Maître des instruments », Cornil Bertau.

d'armes, cumule ces fonctions avec celles d'or- ganiste de Notre-Dame. Au cours du XVII siècle le buffet d'orgues fut renouvelé, œuvre superbe, au dire des contemporains, de Pater, sculpteur valenciennois. La chaire, dont aucun souvenir ne reste, était dressée « près de la place des orphelins, au troisième pillier. »

Aux colonnes étaient attachées de nombreuses statues : Notre-Dame d'Amour, le Bon Dieu flagellé, saint Roch, Notre-Dame de Paix, saint Benoît, mais ce qui abondait dans l'église et en constituait la plus belle décoration, c'étaient, accumulées sur le pavé ou le long des murailles, toutes les tombes ^< plates » ou « relevées » de marbre ou de cuivre. Il est instructif de voir quelle quantité d'œuvres d'art, peintes, gravées ou sculp- tées pouvait renfermer un édifice de dimensions, somme toute, assez peu considérables (').

Dans la nef « entre deux pilliers à gauche en entrant par le grand portail, deux personnages, l'homme armé », représentaient Gilles de Qua- rouble (1564) et sa femme Guillemette de Cour- teville (-). Non loin de là, à l'entrée de la cha- pelle de Hal, un marbre de trois personnages portait les armes des Lenoir et deux autres blasons. « A senestre de l'entrée de cette chapelle, contre le mur, en pierre, » se voyait le mémorial de Pierre li Jovenes (1430J, enterré dans le sol voisin avec sa femme et sa fille, comme l'indi- quait la légende apposée au bas de ce « tauliet ».

Les quatre gros piliers de la lanterne, par leur surface et leur position plus en vue, avaient attiré quantité de sculptures et d'épitaphes. Simon Le Boucq en donne une nomenclature si complète qu'il ne reste plus, pour l'achever, qu'à y ajouter son propre monument.

<i Contre le premier soustènement de l'église, a main droite de l'entrée du chœur, » il y a un petit tableau posé en 1570, par Jacques de Saint- Vaast. Un autre religieux, Marc d'Ablain, avait érigé le sien t au mesme soustènement du costé

1. A l'aide des épitaphicrs, on pourrait continuer le même travail pour toutes les églises de la ville et l'on serait également surpris de voir combien grand était le nombre de ces monuments et combien aussi leur disparition a été absolue.

2. Les notes relatives aux tombeaux ayant été le plus souvent prises dans les deux ouvrages de Le Boucq et quelquefois très rarement dans les recueils de Goethalsà Bruxelles et de Pitpan de Montauban à Cambrai dérivés d'ailleurs d'une même source originaire, on a cru pouvoir omettre l'indication des références afin de ne pas augmenter démesurément le nombre des notes.

i6

3Re\)ur lie V^xt cbrcttcn.

de la chapelle Sainct-Eloi, est l'autel de Sainct-Maur » ; il figurait la Résurrection ( 1 578).

« Au second soustènemeut à main gauche du chœur, » au « pilier de la lanterne », du costé de la chapelle des miracles, y at un tableau avec la figure de saint Jérôme, posé en souvenir de Jean de Roncq « thrésorier céans >( i 580) (i).C'est sans doute à cette même pile, « en haut contre la voûte pour aller aux caroUes derrière le chœur > qu'était accroché un grand tableau de pierre, souvenir de Philippe Hardy «avec la représenta- tion du martyre de saint l'hilippe, apostre » (1637). Ce monument sujet à quelques vicissi- tudes (^)se trouvait « à l'opposite ;»de deux autres sépultuies de la même famille « posées au pilier de devant le précédent », c'est-à-dire « à l'oppo- sitedu second soustènement » dont il vient d'être parlé. Ainsi donc, à ce « troisième soustènement de la croisure, contre la chapelle des teinturiers, en bois Nostre Seigneur en croix », marquait la tombe de Nicolas Hardy (15S0). Bientôt Pierre Hardy (1630) y ajouta une composition « d'al- lebastre, rance, pierre de touche ». Pour achever d'habiller ce pilier, « du costé et vis du dernier », un autre tableau « qu'on despent N.-S. de la croix » rappelait le souvenir de Jacques de Fauche (1567). Les héritiers de Simon Le Boucq cependant y trouvèrent encore une place suffi- sante pour ériger au prévôt un somptueux cénotaphe surmonté d'un buste. Les deux statues de saint Simon et de sainte Catherine accos- taient l'épitaphe. Au-dessous deux boucs man- geaient des raisins à une vigne et on lisait cette légende * Roisin conforte Le Boucq (•3), »

Ce monument avait donné un pendant à celui du doyen Eustache Muissart dont une question de mots avait empêché l'érection dans son église collégiale de Saint-Géry (4_) : « Au pilier droit ou

1. « Qui de Jérusalem avoit fait le voyage », « fut prins deux lieues d'ici d'ennemis huguenois » et mourut à Audenarde.

2. « Honorable homme Philippe Hardy en son temps bourgeois, marchand et maître de la bonne maison des orphelins ». Tels étaient les qualificatifs du défunt, 'i'ordreau ajoute que l'on avait posé<!Cune trace » sur le mot marchand. l'uis, en 1718, le chapiteau ou tympan de cette épitaphe étant tombé, vers 4 h.i/2 du inatm, les héritiers ne manifestèrent pas le désir de faire des réparations et permirent au curé d'enlever le tout. Nû/e ajoutée par Tordreau à ta description de Xotre-Dame.

3. Le Boucq était réellement enterré avec sa famille dans la clia- pelle de Saint-Luc. Son buste, œuvre de Pierre Sciieift, est l'un des très rares objets qui proviennent de Notre-Dame. On ie conserve au musée de Valenciennes.

4. Eustache Muissart était doyen de la collégiale de SaintGéry.

soustènement de la lanterne le quatrième du costé de la nefve, se voit une magnifique épi- taphe y ayant à costé la figure de saint Eus- tache et de saint François. » On imagine quels pouvaient être ces riches décors luttaient à l'envi le sculpteur et le marbrier. L'art devait être meilleur, car la date est plus ancienne dans un petit tableau à la mémoire de Cornil Harou (1591); un carreau de marbre marquait la fosse. Sur le pavé « entre le quatrième et le troisième soustènement » était encastrée égale- ment la dalle de Nicolas de Potelles, doyen de chrétienté l'an 1500, tandis que « devant le troi- sième soustènement un marbre à deux person- nages longs vestus » représentait Jean Cares- maux, maire d'Anzin et laboureur de l'abbaye d'Hasnon (1562). D'autres « laboureurs » et leurs femmes avaient été ensevelis devant les marches du chœur sous trois petits carreaux. Enfin <( au troisième pillier de la nef à main gauche en en- trant, Nicolas Dubucquoy (1632) avait employé à son usage « un tableau de la Conception » ayant autrefois servi de retable à la chapelle de ce nom par l'on peut commencer à visiter le pouitour de l'église.

Chapelle de la Conception. « A costé de la nef sous la caroUe et a costé gauche en sortant », elle avait été aménagée en faveur d'une confrérie sous le même vocable, par D. Etienne du Ploich, dans l'angle formé par le mur de la façade et celui du bas-côté sud ; rien donc ne la décelait extérieurement. Elle possédait un autel consacré en 1491 par Henri de Berghes, évêque de Cambrai, et renfermait la tombe de l'abbé Du Chesne enterré d'abord au milieu du chœur : « sous la carolle, proche du grand por- tail, se voit sur un marbre la représentation d'un abbé » (1410). « Tenant à ce marbre », mais dans la nef, « y at un autre marbre d'ouvrage relevé en bosse y at un grand escu tenu par deux lyons »; il est timbré de deux ailes et autour « en escripture » on lit que c'e^t la sépul- ture de Jean Villon (1433).

Chapelle de Saint Gihslain. Dans le bas- côté dont la chapelle précédente formait le fond,

Comme l'épitaphe le qualiliait pasteur « propriétaire » de celte église, les clianoinos ne voulurent pas l'y admettre. Ses héritiers, plutôt que de supprimer ce litre, préférèrent la porter A Notre- Uame.

îL'égltse il^otre 2Damc la d^ratide à Baleitctenne^.

17

non plus que dans la partie adjacente du tran- sept, aucune chapelle n'avait été pratiquée entre les contreforts, le plan du XVI 11*^ siècle le prou- ve. Néanmoins une chapelle existait dans cette région. L'épitaphier la place vis-à vis de celle de Saint-Éloi, et de cette dernière la position est bien connue c'est la grande absidiole du croi- sillon sud. V avait-il donc un sanctuaire dans le bas de ces deux appendices carrés que l'on re- marque à chaque bras du transept, à peu près en face, précisément, des deux chapelles profondes, de celle de Saint-Eloi, par conséquent. Mais si l'on en croit le plan, aucune baie n'établissait de communication entre le collatéral et cet espace rectangulaire dont la paroi longeant l'église cor- respond mal d'ailleurs, à l'entrecolonnement diin des pans du transept. Cependant il y avait mieux qu'un simple autel adossé au mur. Les textes, et surtout les monuments qu'elle renfermait prouvent bien que la chapelle formait une en- ceinte séparée (').

Saint Ghislain était honoré dans Notre-Dame dès une époque reculée : devant son image brû- lèrent jusqu'en 1566 les « chirons ardents » fon- dés en réparation du meurtre de l'homme préci- pité sur le pavé du haut du « trou d'or > (2). En 1404, 1410, Jean li Cangières et sa femme furent enterrés sous une dalle portant « ung homme et une femme longvestus^. «Devant iceluy y at encoires ung semblable, l'escripture est en lettres gothiques et sont les dates semblables l'un à l'autre. Jean li Cangières et Santé de le Halle sa femme étaient morts tous les deux « l'an mil CCC et XIV, au mois de mai. > Coïncidence singulière qui ne provient pas d'une mauvaise lecture, puis- que Simon Le Boucq atteste qu'il l'a vérifiée: «j'ai vu le lieu et sont les dattes semblables.» Un autre passage de ses adjonctions à l'épitaphier vient à son tour montrer que Saint-Ghislain était bien une chapelle. Un « tableau de N.-S. en croix», avait servi à la table d'autel jusqu'en 1622; «à pré- sent il est à droite en entrant et marque la tombe de Pierre Vairon (1587). Contre la muraille en pierre blanche sculptée avec « postures » une

1. Au XVIII' siècle plasieurs épitaphes furent placées « dans la chapelle Saint-Ghislain ».

2. Bibl. de Douai, ms. 1342. Cartulaire d'Hasnon, 106. Attes- tition que Thierry Brochons a présenté cinq cierges, huit torches et un bassin d'argent en réparation de ses torts, 1378, i" fév. (v. s.).

Assomption avait été posée pour P. Marissal (1658), maître de la bonne maison des orphelins. Guillaume Desmaisières y était représenté armé, mains jointes « un chien à chacun pied et la femme priant aussi un chien aux pieds. » La clôture surmontée d'un Christ en croix avec « saint Jean et la Vierge en pierre blanche le reste en marbre noir, blanc et jaspé » était un présent de D. Benoît Desfossez, prévôt en 165 i, « au de hors de la dite chapelle, contre la muraille il y a un petit et long marbre endossé dans la muraille » se voyait « en pierre une histoire brisée en 1566 et portant la figure de la Résurrection. II était au nom de Philippe le Loherain et de Jeanne de Sommaing (1418-1425). Sur le sol, une lame de marbre « à deux personnages long vestus » couvrait les deux corps.

Cette sépulture « tirait vers le fort huis » ; elle se trouvait dans la direction de la grande nef, à droite de la chapelle Saint-Ghislain dont l'emplacement exact peut encore se déduire de la description d'autres monuments : vis-à-vis d'elle, mais du côté de la chapelle Saint-Éloi, on lisait l'épitaphe de Jean Lesprohon à un tableau de bois « y at l'histoire de Saint-Jean baptisant N.-S. » Le sujet était de circonstance, car les fonts étaient proches.

Fonts de baptême. Notre-Dame étant une paroisse, de fort petite étendue, il est vrai, pos- sédait une cuve baptismale établie « dans la croisée de l'église dans le bout ». Il semble peu liturgique de les rencontrer loin de toute porte à l'abside du croisillon sud, mais la même anomalie existait à l'ancienne cathédrale d'Ar- ras ('). « Guère loin des dicts fonts, desoubz la voûte et contre la muraille », ung petit tableau de la Résurrection avait été posé par François Machu et « dessus la muraille devant le font, une armoirie cordonnée et liée en une colonne entre saint André et saint Pierre mis en croix » rappelait le décès d'une Hardy (2). Ce coin de l'église était encore meublé du « banc des chari- tables » vis-à-vis la chapelle de Saint-Eloi.

r. C'était un baptistère surmonté d'un dôme, porté par des co- lonnes, construit en 1617. Un portail, il est vrai, donnait accès h ce croisillon. A Notre-Dame de Valenciennes, la « clef des fonts fut refaite en 1553 (Compte de la petite recette) : il y avait probablement tout autour une clôture fermée.

2. Certificat d'armes des « jurés de eattels » de 'Valenciennes 1683. (Bibl. de l'auteur.)

RKVUB UK l'aKT CHRRTIKN. 1906. 1'^ LIVRAISON.

i8

Bebue lie l'art cbrctteu.

Chapelle Saint-Élol Le Boucq, nous l'a- vons vu, la prend comme point de repère, au Sud de la lanterne (i). Il agira de même dans la description du doxalei ses indications concordent avec celles de Brasseur. Tous deux la placent secus sacristiam a dextris ; ils l'opposent symé- triquement à la chapelle des Miracles, a siiiis- tris if). C'est, à n'en pas douter, l'une de ces cha- pelles profondes et bien en vue, ouvertes parallè- lement à l'axe de la nef sur les bras du transept) à deux étages comme à Cambrai, au croisillon sud de Soissons et comme la Normandie en eut aussi quelques-unes, à Saint-Etienne de Caen, à Saint- Vigor de Bayeux (3). Des étages supérieurs, délaissés et de peu d'utilité, il est impossible de rien dire. Le rez-de-chaussée était de longue date consacré au saint évèque de Noyon, puis- qu'en 1404 déjà, Nicolas Vigreux affecte à l'en- tretien de l'église une partie des revenus des « reliques M. Saint-Eloi. » Le vocable subsista jusqu'à la révolution ainsi que la confrérie, « la- quelle estoit remplie des plus notables de la ville, comme font foi les tiltres d'icelle ». Un règle- ment de 142 1 contient des allusions à un état plus ancien. A partir de cette époque les confrères se limitent au nombre de trente. Depuis lors, ils modifient encore leurs statuts, notamment en 1591 l'un des signataires était Valentin Lau- mosnier enterré « à main droite de l'autel Saint- Eloi, sous un petit tableau de Notre-Seigneur en croix. » On ne signale pas à l'intérieur d'autres sépultures ; aux abords, « au pilier dextre » contre la chapelle Saint-Eloi était accrochée l'épitaphe démesurément longue, d'André Du- crocquet, prédicateur fameux (''). « Au même pillier, vis-à-vis de la chapelle Saint-Ghislain, y at une histoire en pierre mais est effacée » ; seuls « les mots sont encore entiers » pour permettre de lire les noms de Jean de le RouUie et de ses deux femmes, Jakemarde dou Sart et Jeanne Pérutte(i435),Puis, toujours « devant la chapelle Saint-Eloi, en marbre, y at la représentation

1. Hiit. ecclis., p. 13.

2. Brasseur, Par Sanclorum Marlyrum, p. 91. M. Dewez, par l'effet de plusieurs confusions, pense que saint Eloi se trouvait vis-à- vis de N.-D. des Miracles, à gauche en entrant.

3. Ruprich Robert, Larchileclure normande, t. 1, p. 78.

4. Ducrocquet, prieur d'Hasnon, controversiste, a laissé un re- cueil de sermons il fit un des premiers essais d'une réforme de l'orthographe.

d'un prestre. » Robert Lebourgeois, prévôt de l'église à laquelle il avait donné un tableau de saint Benoît (1628).

Les confrères possédaient plusieurs objets d'art (ï) trois beaux reliquaires d'argent qu'ils portent ordinairement es processions, mis dans une fierté de bois doré et enrichie d'aulcunes mol- lures d'argent ». Le premier est « un saint Éloi, leur patron « à eulx, donné par feu Jakemart Le Vairrier {^) dict de l'arbre d'or »; les deux autres estant des anges supportant des reliques en l'une des quelles y at » de la vraie croix et dans l'autre i. l'une des espines de la couronne d'épines ». L'an 1491, l'évêque de Cambrai « ayant visité la fierté des dits confrères laquelle n'estoit que de bois doré et mal mise en ordre et y ayant ren- contré dedans les deux susdites belles reliques, il requist les confrères de les vouloir mettre en quelques beaux reliquaires d'argent « ce qui eut lieu effectivement le 7 septembre 1503. Les deux anges « de bonne fortune furent préservés de la rage des hérétiques l'an 1566 » (s). On aimerait à trouver des renseignements aussi précis sur ce que pouvait renfermer la salle suivante.

La Trésorerie. La chapelle de Saint-Éloi confinait à la sacristie secus sacristiam. Le Boucq signale cette dernière entre la chapelle de Saint-Eloi et celle de Saint-Nicolas, la plus

1. M. de Mély dans son étude sur les reliques provenant de la Sainte Couronne ne mentionne pas celle-ci mais seulement une autre épine conservée dans l'église des Frères mineurs : ^ .Si l'on croit pou- voir admettre l'épine de Valenciennes au nombre de celles données par saint Louis et le ms. G. 394, des archives de Valenciennes me semble assez catégorique pour être accepté, on ne saurait la cata- loguer après 1244. 5> iRevui de [ Art chrétien, 1899, p. 101). .Simon Le Boucq dit positivement que « l'an 1239, à l'arrivée des reliques de la Sainte Chapelle, la comtesse Jeanne se trouvant à Paris, « obtint du roy une espine de la couronne de nostre Rédempteur, longue d'un doigt [Hiit, eccl/s, p. 112.) » Cette épine fut brûlée par les hé- rétiques en 1566. L'église actuelle de Notre-Dame en possède une autre, mais venue de l'ancienne église Saint-Nicolas à laquelle un prêtre l'avait donnée en 17S7. Elle avait été donnée par l'arche- vêciue de Salzbotirg À Constantin de Barbançon comme le cons- tatait une attestation de l'archevêque de Cambrai, Fr. Vanderburch. L'épine de Notre-Dame-l.a grande a disparu. Les Religieuses de l'abbaye de Foiitenelles conservaient « trois ou quatre .autres espines qu'elles croyent estrc de la couronne de nostre Sauveur » « laquelle créance, je n'oserais point avouer », ajoute le P. d'Oultreman (Cotir sainte, 683).

2. Jakemars Le Vairrier était aussi l'auteur d'une curieuse fon- dation ; il avait légué à la ville 67 mencaudées de terre pour entre- tenir quatre joueurs de h.autbois qui tous les jours devaient se faire entendre au balcon du beffroi : on les appelait les A/iiseux. Ce con- cert populaire disparut à la révolution, les 67 mencaudées de_ terre ayant été confisquées au profit de la nation, malgré des réclatnations de la ville.

3. Le Boucq, hisl. ecclés., p. 18.

îL'église il^otve SDame^ad^ranûe à Maimtitmxts,

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méridionale du déambulatoire. Il faut donc la loger dans la base du clocher sud, resté toujours inachevé comme l'on sait. Pratiquée au milieu des massifs de maçonnerie qui auraient porté cette tour, elle était fermée de murs sans doute, ou tout au moins de grilles. Une porte ouvrant sur le collatéral du chœur y donnait accès : « devant l'entrée de la thrésorerie contre un pilier servant au chœur, un petit tableau représentait un prêtre, Martin de Bouchain. »

L'argenterie de Notre-Dame ne nous est con- nue que par de courts inventaires de l'époque révolutionnaire dressés quand déjà une partie des principales pièces avait disparu. A cette époque la trésorerie avait changé de local ; elle occupait une vaste salle dans les bâtiments neufs de la prévôté. On y accédait par un passage percé dans l'une des trois chapelles absidales.

Chapelle Saint-Nicolas. Elle abrita la confrérie de la Sainte Trinité, venue de la paroisse Saint- Vaast, ruinée par les troubles du XVI'' siècle. Avant 1566, au pied de la table d'autel on lisait l'épitaphe et à gauche on voyait la statue « un priant présenté par saint Jacques > dejacquesde Lille « réparateur de ce lieu » (1400) Abandonnée par la confrérie, elle devint le « re- vestuaire du prélat >; plus tard on y perça une porte et elle devint l'entrée de la sacristie nou- velle. Son histoire est donc moins longue et moins intéressante que celle de sa voisine.

Chapelle Saint-Luc. Dans l'axe de l'abside, a tergo principis arae, elle forme le rez-de- chaussée de ces deux chapelles superposées ûont la voûte inférieure était portée sur deux colonnes, comme Brasseur le marque à son tour geininis suffulta columnis ('). Ce détail renforce l'hypo- thèse déjà émise sur l'interprétation à donner aux descriptions de cette chapelle ; le parti adopté devait être analogue sans doute aux exemples des chevets de Reims et de Saint Quentin. La chapelle « qu'on dit de Saint-Honnouret, c'était alors son vocable, derrière le maître- autel, délaissée par les boulangers, fut en 1462, du consentement de l'abbé d'Hasnon, reprise par les « peintres, broudeurs, tailleurs d'images (2) >

1. ^TsssQMT, Par Sanciorum Martyrum, :^, 88.

2. L'acte de concession a été publié par Mgr Dehaisnes. Re- cherchas sur le retable de Saint-Berlin et sur Simon Marntion, P- I33-

qui la consacrent à 1(^«^ patron. « Le mouvement artistique qui s'était produit à Valenciennes au XIV* siècle, continua au XV<= siècle ('). La peinture, la sculpture, l'orfèvrerie, la haute-lisse y furent brillamment cultivées. L'un des carac- tères particuliers de cette période remarquable est le grand nombre d'artistes étrangers qui vinrent au XV"^ siècle s'établir dans la ville ». Plusieurs étaient originaires des bords du Rhin ; l'un des plus célèbres arriva de Picardie, Simon Marmion, dont les œuvres ont, pour la plupart, disparu mais dont le renom a subsisté et s'est même accru en ces dernières années (f). C'est ce peintre, « le prince d'enluminure (3) », protégé par l'abbé d'Hasnon Laurent d'Yvoire, grand amateur de livres qui « impetra et obtint du prélat l'érection de la confrérie et y fit du bien de diverses manières ; en premier lieu il peignit la table d'autel. « Elle est de cet excellent ouvrier, Marmion, digne de très grande admiration, sin- gulier en la draperie, relèvement de plate pein- ture que l'on jugeroit que c'est pierre blanche qui n'y prendroit garde de bien près et surtout.... la chandelle qui semble vraiment ardre (4). » Si la scène représentée ne nous est pas décrite, nous voyons qu'une partie du retable était traitée peut-être en camaieu. L'on sait aussi qu'une image de saint Luc, due également à Marmion, faisait partie de l'ensemble.

Des raisons personnelles avaient guidé le peintre dans le choix de cette chapelle lui- même devait recevoir la sépulture. Dès 1420, du temps elle était encore consacrée à saint Honoré, datait « un marbre élevé à demie bosse » avec « ung homme et une femme en suaire, deux

1. Dehaisnes, loc. cit., p. 85.

2. Postérieurement à l'importante étude que lui a-consacrée Mgr Dehaisnes à propos du retable de Saint-Berlin, les expositions de Primitifs et la découverte à Saint-Pétersbourg d'un ms. peint par lui l'ont mis en lumière davantage encore.

3. Simon Marmion. rapporte l'annaliste valenciennois Louis de la Fontaine dit Wicart << en la noble science de poincture avoit un don très magnifique tellement qu'il excédoit tous autres peintres résidans non seulement en la dite ville, mais aux villes et cités circonvoisines, car il besognoit etestoffoit tant vivement tousses ouvraiges, tant par ses traits subtilz et expers, tant en machonnerie et paysages, dra- peries et autres parties prolixes à déclarer qu'il n'en avoit chose vicieuse ne imparfaicte ; de même les personnages qu'il tiroit estoient tant bien ouvrez et faictz d'après le vif qu'il n'y restoit que l'âme et l'esprit et davantage estoient ses couleurs tant parfaitement com- posées et raixtionnées ». Bibl. de Valenciennes, ms. 529, p. 288.

4. Texte cité par Le Glay, Bull, de la Coni/n. historique du Nord, t. I, p. 61.

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Bcbur tic V^xt cbrctten.

^

petits enfants à leurs pieâSj.il couvrait le corps de Jean de Quarouble, prévôt de Valencieniies, mais « le nom de la femme et ses armes sont effacez et rostés (^) ». Quarouble était le nom de la femme de Marmion, d'une ancienne et riche famille de Valenciennes. Jean son père, époux de Jeanne du Gardin, était fils d'un autre Jean de Quarouble qui pourrait fort bien être celui dont Marmion vint partager la tombe : « sous ce même cercueil fut ensépulturé ce tant renommé peintre. » Sa longue et fastidieuse épitaphe attribuée à Jean Molinet était pendue « à un tableau escript en lettres d'or >. Un « peintre inp;énieux », donateur dans U chapelle « de bien peintes images » Michel Le Prévost, y était aussi enterré « en dessoubz de la table d'autel » (1587). Un autre peintre, Otelin, avait fait le portrait de Cornil Morel revêtu des insignes de sa profession : il était héraut d'armes. Souvent le héraut était un généalogiste et le généalogiste se doublait d'un peintre: tel était Jacques Le Boucq, enseveli non loin du sanctuaire de Saint-Luc. « A main droite de la dite chapelle contre un pilier, Jean d'Am- brines avait fait poser « Saint Jean au désert » ; puis au suivant « tenant à la chapelle Saint- Nicolas « at un tableau il y a la pourtraicture du défunt revestu de sa cotte d'armes, Jacques Le Boucq (1573) qui :

« De peindre eut tel art que mil et mil traictz Faict les hommes revivre en ses divins pourtraictz Et fut tant bien appris au faict des armoiries Qu'il savoit les quartiers de toutes seigneuries (=). >

Il était fils de Noël Le Boucq, le courageux défenseur de Notre-Dame en 1566, et de Made- leine Vivien, enterrés dans le chœur, mais tout près de la chapelle Saint-Luc. L'historien Simon Le Boucq, fit « rilluminer » l'épitaphe de Jacques qui était « gattée et effacée par son antiquité ». Il désigna [)Our lieu de sa sépulture cette chapelle

1. Le Boucq a remarqué que « le nom de la femme a esté rostez, partant il semble qu'il y ayt de l'infamie apparent que c'était la sœur de M^ Simon Marmion. » La conclusion n'est pas juste. Il faut plutôt croire que cette lacune provient de ce que Jean de Quarouble n'était pas légitimement marié.

2. Hér.aut d'armes de Charles-Quint et de Philippe II, Jacques Le Boucq a laissé plusieurs volumi's de généalogies dont beaucoup furent l)rûlé3 à Bruxelles en 17^1 II était lieutenant d'.'Vnloine de Baulaincourt. roi d'armes de la Toison d'or. Plusieurs des portraits qu'il dessinait existent encore à la bibliothèque d'Arras. Il y eut alors à Valenciennes toute une école de généalogistes.

que les membres de sa famille considéraient un peu comme leur étant personnelle. En 1630, la confrérie des peintres ayant subi une éclipse momentanée, car les arts devaient encore fleurir à Valenciennes, Philippe Le Boucq obtint du prélat d'Hasnon la permission de décorer à sa guise cette absidiole qu'il destinait à des reliques de saint Philippe de Néri échues à l'église depuis quelque temps ('). Le retable de Simon Mar- mion, si d'aventure il avait survécu aux troubles religieux, ne put échapper aux marbriers de 1647. L'autel neuf, surmonté du buste du nouveau saint, devait à son tour faire place à d'autres ar- rangements ainsi qu'on le verra plus loin (2).

Chapelle Saint-Georges « Alias de Sainte Barbe» ajoute dans l'épitaphier de Le Boucq une note de son continuateurTordreau qui prend soin de spécifier qu'elle se trouve derrière le chœur : c'estla troisième dudéambulatoire,la plus rappro- chée du croisillon nord. Les sépultures y étaient nombreuses en marbre eslevé a demie bocheat homme et femme en suaire, Jehans H Boins et Piéronne d'Angriel (1461-1480). Tenant ces- tuy at ung marbre à deux personnages long ves- tus en suaire, Willame d'Angriel et Agnès dou Martroit » ( 1428-1427). Ces monuments subsis- taient au XVI siècle. Avant 1566 « contre la muraille on voyait un homme et une femme priant la Trinité, Jacques de Faloise et Anne Brunielle(i502 1490).

Chapelle du SKpulcre. La description de Leboucq la range entre la chapelle Saint-Geor- ges et celle qui va suivre. Il y a donc lieu de penser qu'elle occupait, symétriquement à la tré- sorerie, l'étage inférieur du clocher nord (3). Ce carré, que des murs plus épais et des fenêtres plus

1. Just Ryckius, chanoine de Gand, « les avait impétrées » des Pères de l'Oratoire de Rome « pour les présenter à la Sérénissime Infante Isabelle, mais Iceluy chanoine venant k mourir, ses parents les ont données à celte église. » /.c Roncq. p. 19.

2. Plusieurs Le Boucq au XVIl^' et au XVIIIc siècle y furent en- terrés. Cl. Le Boucq de Ternas, Notice historique sur la famille Le Boucq de Valenciennes, Douai, 1857.

3. 1201789, dix-neuf cloches étaient suspendues dans ce clocher. {Archiv.de Krt/(?«i:/f«««,D.4,6s.)L'une d'elles se trouve aujourd'lmi .au clocher del'église de Notre-Dame. Elle porte les armes de l'ab- baye d'Hasnon et de l'abbé Jean Tliierry « Jchenne suis nommée.A m:i bénédiction, ce nom me fut donné en l'an M.CCCCC.XXX.III. (1533). Notre-Dame la Grande avait un carillon que dirigeait un carillonneur attitré. Les cadrans d'horloge à la naissancede la (lèche furent posés en 1623, Une h.orloge existait aussi à l'intérieitr de l'égli- .se, non loin de la dalle de Jean Castelois près du chœur par consé- quent.

IL'égltse iI5otie'2Daine4a d^raiiDe à îllalencteimes. 21

étroites devaient rendre plus sonnbre, convien- drait assez bien à une représentation de la scène traditionnelle. Ces sculptures, très vraisemblable- ment,avaient été brisées par les Gueux, car dans la suite, cette chapelle devint celle des ciriers, mais, des époques plus lointaines, subsistait ce pendant im vestige. Sous l'autel v< at une pierre en forme de luiseau (') est dessus deux armoi- ries », Jean Polie et Jeanne du Gardin dont une lame de cuivre donnait les noms et l'épilaphe (1390-1410).

Dans le cas le réduit ci-dessus n'aurait pas abrité le sépulcre, un autre peut-être aurait pu le

I. Cercueil.

renfermer, s'il en existait un dans l'espace vacant entre le chevet de la chapelle de Hal et le colla- téral du transept nord. Au surplus l'existence dans cet angle d'une chapelle (^), quel qu'en soit le vocable, contribuerait peut-être à éclairer cer- tains points obscurs dans l'histoire de la chapelle, plus importante, dont il va être question.

, , . , L. Serbat.

(A siizvfe.)

I. Cf. d'après le plan des toitures, l'es^jace que pouvait occuper cette chapelle. D'après la vue extérieure, elle aurait été surinontée d'une sorte de clocheion, d'une lanterne peut-être, analogue à celle que l'on voyait sur une des chapelles latérales de l'église de l'abbaye de Saint-Jean, construite en 1612 seulrnient mais d'aspect encore gothique.

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V. ÉPOQUE CARLOVINGIENNE.

Charlemagne et ses successeurs s'appli- quèrent à relever les ruines dont les Sarra- sins avaient couvert le sol de l'Occident. Un essor considérable fut donné à l'organisation publique. On lit dans les Capitulaires de nombreuses ordonnances relatives à la re- construction des édifices religieux. L'entou- rage de l'empereur, ses agents (les Missi dominici), prirent une grande part aux constructions nouvelles. Alcuin s'était oc- cupé de la construction de Saint-Pierre d'York, consacrée en 780 ; Angesis dirigea les travaux du premier monastère d'Aix la- Chapelle, et nommé plus tard abbé de Saint-Wandrille (823-833), il érigea d'im- portantes bâtisses dans cette maison reli- gieuse; enfin Eginhard, l'un des plus jeunes dans l'entourage de Charlemagne, fut sou- vent employé dans la haute direction des édifices que faisait élever l'empereur (') Des parties des cathédrales d'Avignon, de Sisteron, d'Arles, d'Aix, de Carpentras, d'Apt, des églises de Saint Quentin de Vai- son, de Pernes (3), de Fours près d'Avi- gnon ("), remontent à l'époque qui s'étend de Charlemagne à Hugues Capet.

A cette époque, à côté de monuments inspirés de l'art byzantin, qui sont dus à Charlemagne et dont nous parlerons plus loin dans le chapitre consacré de VAi't by- zantin, il s'était formé un art d'architecture néo-latin, des procédés de la maçonnerie gallo-romaine et de l'imitation des bâtisses romaines, n'innovant qu'au sujet de l'arcade,

1. Voir Revue de l'Arl chrétien, 1905, pp. 174, 223; 3" et 378.

2. J. Helbig dans E. Reusens, Elém. cfarchéol. chrét. t. I, p. 567.

3. Revoil, Architecture romane du Midi de la France.

4. Revue de l'Art chrétien, 1884, p. 44i-

dont on outrepassa la formule normale en lui donnant le tracé en fer à cheval.

Ce style nous est transmis dans la Basse- Œuvre de Beauvais, dans la nef de Saint- Philibert de Grandlieu ('), dans celles de Vertou (Loire inférieure) et de Germiny-les- Prés, peut-être dans celle de Saint-Pierre

Église de Germîny-les-Prés. Coupe.

en Isère, etc. C'étaient des basiliques sans colonnes, ayant pour supports des piliers carrés, aux bas-côtés voûtés d'arêtes, à la grande nef couverte en charpente. Les piliers

Plan de l'église de Germiny-les-Prés.

n ont

ordinairement pour couronnement qu'une imposte faisant saillie seulement de deux côtés, les côtés des retombées des arcades.

Revue de l'Art chrétien, 1896, p. 316.

3L';arr cl)rétien monumental.

23

Sans doute les édifices dus à l'initiative directe de Charlemagne furent élevés sous l'inspiration d'artistes Grecs. Mais la rotonde mise en honneur par eux ne pouvait servir convenablement aux églises. On s'en tint généralement à la forme basilicale. Ce ne fut désormais plus celle de la basilique latine sur colonnes ; on reprit les formes plus massives des constructions romaines, l'on pressent déjà l'intention de voûter la nef centrale.

Ainsi aux basiliques mérovingiennes des VlII'^et IXe siècles, relativement légères, dont les Normands n'avaient fait qu'un feu de joie et dont les vestiges nous sont con- servés dans les ruines de l'abbaye de Lorsch (776), peut-être à Saint-Martin d'Angers (') ainsi que dans les dessins, datant du X^ siècle, de l'abbaye de Saint-Riquier (''), à ces basiliques encore latines, succédèrent des constructions plus lourdes et plus solides, d'allure moins ecclésiastique et plutôt gallo- romaine, mais qui ne firent pas école (^).

L'abbaye de Saint-Gall en Suisse, dont le plan à terre, dessiné vers 830 peut-être par Éginhard lui-même, est conservé dans les archives de l'abbaye (*), peut être regardé, selon Ouicherat, comme le prototype de la construction carlovingienne. Cette espèce de construction comportait plusieurs élé ments empruntés aux procédés romains (s). Du reste Éofinhard, surintendant des cons- tructions de Charlemagne, avait étudié

1. Saint- Martin fut fondé en 8i8, mais peut avoir été reconstruit en grande partie au commencement du XI' siècle.

2. Voir le plan dans la Revue oénérale de l'architecture, t. IX (1856), et de F.nlart, Traité d'archéologie française, t. 1.

3. Dans les premières années du X" siècle on construi- sait dans le même style la basilique de Lobbes, une des plus importantes de la Gaule

4. V. J. Ouicherat, Mélanges ^archéologie et d'histoire, t. II, p. 116.

5. L. Courajod, Leçon du Louvre, du 14 déc. 1892.

Vitruve, comme le prouvent ses lettres ('). Cette époque, toute de transition, n'a guère laissé d'œuvre architecturale considé- rable, à part la chapelle palatine d'Aix et ses dérivées, que nous étudierons dans le cha- pitre de \ Art byzantin. Les édifices en bois abondaient alors, et l'architecture maçonnée subissait l'influence de la charpenterie. Des influences nombreuses, orientales, lom- bardes, franques, préparaient la formation prochaîne de l'architecture romane.

Nef de l'église de Vignory (Hante-Marne).

Le plan trichore se maintient à l'église de Gourgé, à celle de Saint- Honorât, à la cha- pelle de Saint-Étienne de Werden, trifoliée, bâtie vers l'an 800 par saint Ludger. Nous reviendrons plus loin sur le plan en rotonde d'influence purement byzantine.

Le plan basilical subsiste, mais les dispo- sitions ramassées et arrondies sont fréquen- tes sous l'action de cette influence : témoin

I. Le procédé dont nous parlons apparaît même dans la chapelle palatine d'Aix ; déjà le roman s'y annonce par l'emploi des arcs doubleaux dans la rotonde inférieure tandis que l'absence des contreforts, le remplage des arcades de l'étage et la coupole appartiennent au style byzantin.

24

Bebuc tic rart cbvctien»

l'église de Germiny-les-Prés en Loiret, avec ses trois absides rangées à l'Est, ses deux absides greffées dans l'axe transversal avec

des embryons de transept, auxquelles s'ajou- tait autrefois une abside occidentale. Le tout, greffé sur un carré autour d'une tour lanterne

Lyon. Eglise d Aiiiay, ciiapelle Saiiite-Blandine. Entrée tie la crypte.

couverte en coupole et posée sur quatre piles, est comme un compromis entre le plan grec et le plan latin. C'était, peut-être en France, avec le baptistère de Saint-Jean de Poitiers, l'édifice le plus remarquable de la

période carlovingienne avant sa fâcheuse restauration. Elle est entièrement voûtée, et son abside principale est ornée de mo- saïques.

D'autres églises restent fidèles au plan

JL^^vt cljrétten monumeutal.

25

latin. On n'en peut guère montrer d'entières, mais l'église de Vignory (Haute-Marne), dont nous donnons la vue intérieure, repro- duit assez bien l'église carolingienne dans ses formes très frustes persistant à travers la période romane.

« Rien de plus simple, dit M. A, de Montaiglon, on pourrait dire de plus grossier, que cette bâtisse. Une série d'arcades en plein-cintre, sans la moindre mou- lure, portée sur de lourds piliers carrés construits en moyen appareil, sépare la grande nef du collatéral voisin. Le mur qui surmonte ces arcades est bâti en moellons, il est percé de fenêtres, en nombre égal aux travées. Le seul motif d'ornement que l'on puisse re- lever dans tout cet ensemble, c'est un maigre bandeau mouluré aux impostes des arcades. Le profil n'en est pas très caractéristique, du moins à la [ilupart des travées, car il n'est pas partout semblable. RLiis ce bandeau présente une particularité très commune dans les mo- numents carolingiens, et qui devient rare après le milieu du XI'= siècle. Il ne règne pas sur tout le pour- tour des piliers, il en décore seulement les faces latéra- les, celles qui correspondent à l'intérieur de chaque arcade. Ce détail suffit à justifier ce que je disais plus haut de l'église de Château-Landon, et autorise à pen- seur qu'elle n'est pas postérieure au temps du roi Robert. »

Cette église du X' siècle donne bien une idée de l'architecture à la fin de l'ère qui nous occupe. Un bas-côté avec trois cha- pelles absidales entoure le chœur ; ces par- ties sont voûtées, le reste est couvert en charpente apparente. Un faux triforium rap- pelle encore la tribune des basiliques romai- nes. La nef centrale n'a que cinq mètres de largeur.

Celle de Château-Landon est plus primi- tive encore d'allure. Son chœur est voûté ; ses nefs sont couvertes de charpente ; ses fenêtres sont très étroites. Celle de Bourbon Lancy est entièrement semblable.

Nous avons dit que l'église de Charroux, fondée par Charlemagne et le comte de Roger d'Aquitaine, consacrée en 799, avait le chœur seul en pierre (il est conservé)

et les nefs avaient été construites provisoi- rement en bois comme dans beaucoup d'autres églises de l'époque.

Nous avons parlé du plan que l'on a conservé, de la célèbre abbaye de Saint- Gall. Grâce aux légendes qui l'accompa- gnent, c'est le document le plus complet que nous possédions sur l'architecture ca- rolingienne (').

Enfin nous donnons la vue intérieure du vénérable petit oratoire de Sainte-BIandine à l'abbaye d'Ainay à Lyon, attribuée au X^ siècle il donne une juste idée d'une petite église de l'époque latine.

Cryptes. Les cryptes carolingiennes sont encore très nombreuses, souvent ac- compagnées d'une confession ; elles sont couvertes de voûtes en berceaux ou d'arê- tes. Celle de Saint-Quentin date du com- mencement du IXe siècle. La partie souter- raine de la cathédrale de Chartres contient deux cryptes carolingiennes. Orléans en

/

Crypte de Saint-Avit à Orléans.

possède deux, celle de Saint-Avit, et celle de Saint-Aignan plus ancienne, mais rema- niée après l'incendie de 999.

La crypte de Saint- Paul de Jouarre, que nous avons citée com.me un reste mérovin- gien, fut augmentée d'une seconde plus ré- cente,dédiée à saint Ebrégisile. Un morceau d'architecture carolingienne complet et bien daté est la crypte de Saint-Germain d'Au- xerre, élevée entre 843 et 850. Celle de

I. V. Alb. Lenoir, L'architecture monastique dans la Revue de l'architecture et des travaux publics, I-IX.

26

WitWt ïie rSrt cbrctien.

Saint-Remi à Flavigny (Côie-d'Or) est le seul édifice de l'époque encore presque intact (').

Baptistères. Dès le VI^ siècle l'usage de baptiser les enfants et de procéder par aspersion avait commencé à prévaloir. Les premiers baptistères étaient isolés de la basilique ; plus tard ils s'y soudent. Au IX' siècle, on trouve la cuve baptismale in- diquée dans l'église même sur le célèbre plan de Saint-Gall.

.4 ;~'

PlaQ acmel du b.iptialtrô

Nous donnons plus haut d'après le R. P. de la Croix (^) la restitution du baptistère de Saint-Jean de Poitiers tel qu'il a du être édifié dès le IV^ siècle. La figure ci-contre le représente dans son état actuel avec son abside en fer à cheval et ses absidioles laté- rales ajoutées au VII^ siècle, et les rema-

1. Citons encore, toujouis d'après M. C. Enlart, les cryptes carolingiennes de Saint-Savinien à Lens, de Saint- Bénigne de Dijon, de Lemenc et du Boiuget dans le Sud-Est, de Montmajore (taillée dans le roc), de Saint- Emmeran de Ratisbonne (980), de l'etersberglie près de Fulda (IX"^ s.), de Saint-Martin d'Emmerich (X' s.), de Jagithale en Wurtemberg, de Sainte-Cécile de Cologne, de Gernrode (crypte occidentale), de Zurich, de Sainl- Lucius de Coire et de Saint-Cîervais de Genève.

2. V. Société française d'archéologie. Con;^rls de Poi- tiers en IQ04, p. 8.

niements du XI^ siècle en style carolingien. On retrouve dans la façade des imbrica- tions et des ornements en frontons pareils à ceux des églises Saint- Généroux et de Gravant que nous indiquerons plus loin.

On garde à Riez un remarquable baptis- tère octogone et des vestiges de baptistères à Baptiste (Loire et Garonne), à Angers (édifices octogones), à Chambery ('), à Aix, ainsi qu'à l'église d'Ainay à Lyon.

Vestiges divers. Les restes d'églises carolingiennes étant des raretés, tous les jours plus précieuses, nous croyons bien faire d'énumérer les principaux.

La nef de l'ancienne église de Beauvais, mentionnée par le cartulaire de l'église, comme l'ouvrage de Hervé, contemporain d'Hugues Capet {•¥ 990) ('), et qu'on nom- me la Basse-Œuvre, est un des principaux spécimens de l'architecture de cette époque. D'autre part, l'église de Bourse en Artois, bien modeste d'ailleurs, présente une abside du temps. Plus modeste encore, celle de Bruay (Nord), qui leur était contemporaine, a malheureusement été détruite au siècle passé.

Également disparue est l'abbaye deSaint- Riquier, connue par un plan qu'a publié Mabillon (1677) dans les Acta sanctorum ordinis sancti Benedidi {^\ d'après un des- sin qui était, dit-on, vieux de cinq cents ans. Le cloître dessinait un carré dont l'un des côtés se prolongeait de manière à former un angle au sommet duquel se trouvait la cha- pelle de Saint- Benoît, consacrée en 798. Le côté occidental était occupé par l'église Notre-Dame, et au côté opposé du cloître vers le Midi, s'élevait le temple principal,

1. V. Enlart, oui', cité, t. II, p. 195.

2. V. de Caumont, Abécédaire, t. 1, p. 8. V. Revoir, Ar- chitecture romaine du Midi de la France.

3. V. Seculum IV,\. I.

îl'^rt ct)rétten monumentaL

27

construit vers 809. Ses colonnes avaient été apportées d'Italie. Il avait double abside, et tour-lanterne couverte d'un dôme à chaque croisée. Cette église ressemblait à celle du Mont-Cassin.

Sur l'emplacement de la cathédrale de Chartres a existé une basilique carolin- gienne dont on a retrouvé des vestiges donnant un idée de l'ensemble. L'église de Saint-Christophe à Suèvre (Loir-et-Cher) est considérée comme carolingienne (') ; elle aurait été bâtie au commencement du IX<^ siècle, par Théodulphe, abbé de Fleury.

M. Enlart cite encore comme de l'épo- que l'ancienne chapelle castrale d'Issou- dun, les restes du chœur de l'ancienne église de Déols, une partie de la petite église de Saint-Pierre dans l'ancienne abbaye de Jumièges, les murs de la nef et le déambu- latoire de la Couture du Mans.

Selon M. L. Maître, la curieuse église de Saint- Philibert de Grandlieu (actuellement transformée en halle) est un type carolin- gien (^). Mais M. Brutails l'attribue à l'épo que romane, en admettant toutefois que la nef puisse être du IX^ siècle [^) ; M. de Lasteyrie la croit aussi romane, mais il reconnaît que sa crypte est peu postérieure à 836.

L'église romane de Saint-Jouin-les-Mar- nes est une des plus curieuses à étudier du département des Deux-Sèvres (•*). Les ar-

1. V. Enlarl, ouv. cité, p. 156. V. L. Courajod, par Ma- rignan.

2. L. Maître, Une église carolingienne à Saint- Philibert de Grandlieu {X-ow^ Inférieure), dans le Lille Congrès archéologique de France (I898), Paris, Picard. Cette église a été voûtée vers 1200 ; la crypte et l'abside pa- raissent romanes.

3. V. Bull, arch/ol. du Comité des trau. d'art, i8g6, p. -^i\:\ .2M%s\\3. Revue de V Art chrétien. 1896, p. 136 et le liull mon7emc-ntal,iS')6.p.sy, •^■Bull.archéologique,Aft 1896 et de 1900 ; Bull, mensuel, de 1898 et 1901 ; S Philibert, sa vie, etc. Nantes, 1898; Contres archéologique, 63e session.

4. M. Jos. Berthelé lui a récemment consacré une mo- nographie.

chéologues poitevins en attribuent la re- construction aux Xle-XIIe siècles (1095- 1 130) sur la foi d'un passage de la Chro- nique de Maillezais. Mais l'église ne fut pas reconstruite entièrement ; elle offre encore aujourd'hui des parties antérieures à 1095 et même bien plus anciennes (').

M. de Lasteyrie signalait, le 3 mai 1893, aux Antiquaires de France, l'église de Pey- russe-Vieille, à trois coupoles sur le tran- sept, sur encorbellements grossiers, très anciens : absides de chevet, rondes en de- dans, carrées au dehors ; appareil réticulé. Il y trouve les caractères carolingiens.

Le département de Maine et Loire pos- sède un groupe de trois églises de l'époque: celles de Savenières, de Distré et de Cha- tillon sur Thouet ("). De la curieuse église de Distré il faut rapprocher celles de Cra- vant et de Saint-Lubin. Des vestiges du temps se conservent de celles de Voutegou, de Gennes, d'Orchaise, de Vieux Pont en Baie (^).

M. Enlart cite encore celles de Chan- ceaux, de Saint- Vincent sur Risle, qui remontent peut-être au VI II^ siècle. Le chevet de Gourgé à Parthenay fut probable- ment élevé entre 889 et 942 (*).

L'église de Saint-Généroux (Deux-Sè- vit) (s) était un beau spécimen de IX' siècle avant qu'elle ne fût gâtée par une mauvaise restauration. Celle de Tourtenay est caro- lincrienne selon M. Enlart, ainsi que l'ab- side de Rugles.

1. Telle est du moins l'opinion émise dans d'intéres- santes lettres adressées à la Revue poitevine 'pa.x un érudit de grande autorité, M. G. de Cougny.

2. B. Ledain, Bull, de la Soc. des Aniiq. de l'Ouest, 4= trim., 1880, p. 162.

3. V. de Caumont, Abécédaire.

4. V. J. Berthelé, Recherches sur les arts en Poitou, p. 15, et Revue poitevine et saintongeaise, t. I, 15 déc. 1884,

p. 317.

5. V. Gailhabond, L'architecture du Ve siècle, t. III. Courajod n'accepte pas Saint-Généroux comme carolin- gienne, mais bien Saint-Jean de Marne, Vertou et Suèvre.

28

J^rbuc lie V^xt cbrctieiu

Les substructions de la cathédrale de Clermont remontent, selon Viollet-le-Duc, à 966; une chapelle de l'église d'Ainay à Lyon date de la même année. L'église de Chamalières près de Clermont est aussi du X" siècle. Nous avons dit que l'abside de la cathédrale de Yaison est mérovingienne ; le chœur et les murs de bas-côté sont de 910.

La façade remarquable de l'abbaye de Lorsch près de X^'^orms, avec son beau porche à trois arcades, serait, d'après Sa- velsberg et Foerster, un reste de la cha- pelle funéraire de Louis le Germanique, élevée vers 880. La basih'que de Steinbach, dans la Hesse, serait une construction d'Éginhart. L'abside occidentale de Saint- Sauveur de Fulda date du début du IX' siècle, et Sainte- Marie de Reichenau, des IX" et X*" siècles. Werden a gardé de l'époque, outre Saint-Etienne, les restes de l'abbaye bénédictine de Saint-Sauveur, fondée en 815. Au X^ siècle remontent l'abbatiale de Hersfeld, l'église palatine de Ingelhein et l'église de Gernrode.

Caractères généraux. Voici, résumés d'après Revoil ('), les caractères du style carlovingien :

Profils et sculptures imités de l'art antique et gauchement rendus.

Construction en grand-q carreaux de pierre; interv-nlles et chaînes parfois remplis par de la maçonnerie de petit appareil.

3" Taille en chevron ou ftn fougère.

Sigles en lettres imitées de l'alphabet romain particulièrement dans la forme de l'H, du C et de 1 M; terminaison en queue de poisson de ces caractères.

Travail pointillé sur ces appareils (').

L'arc en fer à cheval persiste après le style carolingien. Notamment en Langue- doc, par exemple à Saint- Philibert de Charlieu et en Belgique, à Tournai.

L'architecture carlovingienne ne connaît pas le pilier crucifère, ni les arcades à res- sauts, ni les églises à trois nefs voûtées.

Les caractères indiqués par Prosper Mé- rimée et depuis par M. Jules Renouvier (') sont moins précis et peut-être un peu larges. Selon M. Bonnet {^), ce qui caractérise

Lyon. Arcades de la basilique de Saînt-Irénée (■*).

! l'époque carlovingienne, ce n est pas tant l'imitation de l'art antique, ni un type de

1 plan ou de décoration, mais la dégénéres- cence des traditions latines par l'appoint des éléments barbares dus aux Francs.

Appareil {f). Les modes de construc- tion empruntés aux ouvrages gallo-romains persistent ; la brique alterne avec la pierre,

I. Revoil, Architecture rotnane du Midi de la France. Appendice : Documents relatifs au classetncnt chronolo- gique de l'architecture romane du Midi de la France, pp 24 et suiv.

1. Lahondes, Bulletin arch^ologiqae, 1896.

2. Mém. de la Soc. archéol. de Montpellier, i' série, vol. I, p. 342.

3. Comité des travaux hist., Bulletin arcli., 2"= liv. 1904.'

4. D'après M. L. Mach.

5. V. ViolIet-Ie-Duc, Diction, d'architecture, t. IV, p. 4.

îL'^rt cljrétieu monuinental.

29

surtout dans les arcades, comme on le voit à Saint- Martin d'Angers, à Savenières, à Vieux- Pont Saint- Anges, à la Basse-Œuvre de Beauvais('). Des lignes de briques mar- quent des cordons et des archivoltes. Le gros œuvre est en petit appareil romain,

Oij''^_

y

)

Eglise de Dîstré (Maine et Loire).

cubique ou réticulé (opus reticulalum); sou- vent imbriqué, en arêtes de poisson (opus spicatum). Il est orné d'entrelacs, de zig- zags, de jets de briques.

L'appareil des murs est essentiellement décoratif. Nous sommes à une époque la membrure, si pompeuse, des édifices anii-

tUfk'

Église de Saint-Généroux (Deux-Sèvres) (').

ques, est tombée en désuétude; les organes de la structure romane ne sont pas encore créés; par suite, le seul ornement possible est celui que peut offrir l'appareil complexe et imbriqué dont les Romains ont donné l'exemple.

1. V. J. Brutail, Bull, monumenlal, 1880, p. 320.

2. D'après Lechevallier Chevignad, ///.f/(?z>^ des styles. V. Congrès arcliéologiqice de Poitiers, 1903, p. 74.

Un décor fréquent consiste dans des dessins formés par l'appareil même, et des- sinant des frontons qui alternent avec les cintres des baies. Cet ornement a son type à l'église de Saint-Généroux, dont nous reproduisons la façade latérale ; il se repro- duit identiquement de même à Gravant (Maine et Loire), à Savenières, ainsi qu'au

Eglise de Saint-Généroux.

baptistère de Saint-Jean de Poitiers, dans les reconstructions carlovingiennes. Des dessins en zigzag, en losange, en fougère, se voient à une porte de l'église de Distré (Maine et Loire), aux archivoltes de Notre- Dame de Nantiily, à la façade de l'église de Saint-Pierre (Isère), à celle de l'abbaye de Lorsch.

Eglise de Saint-Pierre (Isère).

L'ornementation de l'époque se carac- térise par un dessin géométrique ou fan- tastique, en relief méplat ou en gravure.

Les sculptures de l'époque sont rares, on peut citer celles qui sont conservées à Saint- Guillaume- les- Désert.

Baies des fenêtres. - Les fenêtres sont très petites ; la difficulté des percements voûtés dans l'épaisseur des gros murs les réduisait à des lumières étroites; au surplus l'idée de défense dominait dans les églises.

^o

3Rcliue ïie r^rt ci)vétien.

du VHP au XI 1= siècle. Les bas-côtés des éo-lises n'avaient souvent pour fenêtres que des sortes de meurtrières, comme on le voit encore à Jumièges.

Les archivoltes, relativement larges, sont ornées de billettes. (V. Saint-Généroux, Gravant, Saint-Jean de Poitiers.)

Abbatiale de Lorsch. Une des trois travées du portail.

Deux fenêtres qu'on peut dater d'environ 1 020, découvertes dans les cryptes de la ca- thédrale de Chartres, et dont nous reprodui-

1^

Fenêtre avec châssis en bois de Cliâteau-Landon.

sons plus haut le type, reproduisent encore fidèlement le dispositif de l'époque carlo-

vingienne. De cette époque même semble dater la curieuse fenêtre de l'église de Château- Landon, que nous reproduisons d'après Sauvegeot, et dans laquelle on a retrouvé un châssis en bois qui a contenu des vitraux.

« Si je n'ose prétendre, dit M. R. de Lasteyrie, que de véritables vitraux peints aient décoré les fenêtres de ces églises mé- rovingiennes dont Fortunat nous a laissé de si brillantes descriptions, je suis con- vaincu que l'on faisait déjà des vitraux pro- prement dits, c'est-à-dire des vitres ornées de figures, dès les temps carolingiens. Le fait est incontestable à tout le moins pour le X" siècle. Nous savons en effet que l'archevêque Adalbéron, dans la seconde moitié du X'^ siècle, orna de vitres à per- sonnages des fenêtres de la cathédrale de Reims ('). »

Portes. Les portes sont très simples. L'oratoire carlovingien de Nimègue, datant du I Ys." siècle, offre une porte en plein ceintre appareillée par claveaux sans moulures ni ornements (').

Nous avons donné, en nous occupant des appareils, la disposition du portail de l'église de Disti'é,&x. celui de Saint- Pierre en Isère. C'est un plein cintre avec claveaux de formes spéciales imbriquées, mais sans moulures. A. de Caumont donne encore : une porte de l'église de Gravant (près de Chinon); elle est munie d'une moulure for- mant larmier; la porte de l'église du Vieux- Pont (baie rectangulaire avec linteau dé- chargé par un arc ; autour de l'arc, larmier saillant) ; et celle de Saint-Christophe à Suèvres (archivolte en plein ceintre dans laquelle les briques alternent avec les pierres. Pas de moulures.)

1. V. M. Lasteyrie, Semaine-religieuse de Meaux, 9 févr. 1895.

2. Reusens, ouvr.cité, t. I, p. 286.

3t'-^vt Chrétien moiiumeutal.

31

Piliers. La colonne isolée est très rare à l'époque carlovingienne, comme maître support; quand elle existe, elle est une copie bâtarde de la colonne corinthienne antique.

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Outre le pilier quadrangulaire, indiqué plus haut, dont l'imposte qui ne fait pas le tour du pilier, mais se profile en saillie seulement

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'1' ^î*^ ;î***^.^'*^"^*'^-"^-v-»^4-_ ''"','.1'', ,1'' ,1

Chapiteau d'un pilier de la crypte d'Auxerre.

sous larcade, on rencontre des supports munis d'un tailloir caractéristique, biseauté, offrant la forme d'une pyramide tronquée et renversée, dont les faces sont ornées d'un cartouche en trapèze. Au surplus les bases reproduisent les formes des chapiteaux ren-

versées. Dans cette forme et dans la simi- litude de la base et du chapiteau, l'on peut voir un souvenir du poteau de charpenterie octogonal, maintenant son équarrissage pri- mitif à la tête et au pied, variante de l'amortissement sphérico-cubique du poteau Scandinave.

On remarque, avons-nous dit, des car- touches en trapèze, en relief sous le large biseau des impostes ; ils sont ornés de baguettes en saillie sur leurs angles. Le double cartouche est plus ancien que le simple ; cette disposition se maintient d'ail- leurs jusqu'au XI" siècle. De pareils chapiteaux se voient à la crypte de Saint-Benoît sur Loire, à celle d'Auxerre, à Saint- Avit et à Saint-Aignan d'Orléans.

Arcades. Les arca- des, percées à travers des murs massifs, ont des archivoltes à fleur des murs et à vives arêtes, retombant sur leurs pieds droits par l'inlermédiaire d'une imposte caractéristique qui s'arase, comme nous l'avons dit, au nu du mur vers les têtes, et dépasse sous le cintre avec une moulure bâtarde à doucine. Elles sont souvent appareillées par assises alterna- tives de pierres et de briques.

Nous en trouvons un intéressant exemple à Saint-Philibert de Grandlieu.

Saint-Philibert de Grand- lieu. Naissance d'un arc.

(A suivre.)

L. Cloquet.

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SECONDE PARTIE.

Vie publique, miracles et prédication du

Christ (••).

ÉVANGILE, après avoir relaté avc^c tant de détails les faits mer- veilleux de la naissance et de la première en-

^_^^ ^^ fance de Jésus, passe

mspmw^^^^^^^-^ complètement sous si- lence sa jeunesse, et ne reprend le récit qu'au moment où, trente ans après, le

1. Voir les précédents articles, 1905, pp. 217, 299, 363

2. Liste des principales portes d'église sur lesquelles sont représentés les faits de la vie publique du Christ.

Aux XP et XII'= siècles : en séries : le Mans, Chartres, Étampes, Saint-Gilles.

En épisodes isolés : Baptême de Jésus : Clermont- Ferrand, Autun, Vérone (San Zéno), Pise (cathédrale), Parme (baptistère). Tentation : Beaulieu, Compostelle.

Pèche miraculeuse : Civrai. Samaritaine : Cahors.

Repas chez Marthe . Foussais. Résurrection de Lazare : Avallon, Tarascon (détruits). Rameaux : Thouars (Saint-Médard),Tarascon (détruit). Lavement des pieds : Vandeins. Cène : ViziUe,SaintPons, Sain- tes, Avallon, Dijon, Saint-Germain-des-Prés (ces trois derniers détruits). Paraboles : Mauvais Riche ; Mois- sac, Argenton-Château, Avila (San Vicente) Vierges folles : Argenton-Château, Feniou.x, Aulnay, Civrai, Châ- lons-sur-Marne, Saint-Denis, Bàle.

Au XIII= siècle : en séries : Strasbourg, Rouen.

En épisodes isolés : Baptême de Jésus : Sens (deux lois), Arezzo (S. Maria d. Pieve), Léon (cathédrale). Jésus et les Pharisiens : Amiens. Paraboles : Vierges folles : Laon, Paris, Amiens, Sens, Trêves, Strasbourg.

Aux XIV= et XV"' siècles: en séries : Bourges, Auxene, Tolède, ISayeux, Léon (porte du cloître).

En épisodes isolés : Baptême de Jésus: Auxerre (deux fois), Notre- Dame de Lépine,Dammartin,Worms,Burgos, Orviéto. Vocation des Apôtres : Bazas, Poitiers.— Ra- meaux: Reims, la Neuville-sous-Corbie, Dreux.— Cène : Bordeaux, Vouvant, Tolède. Paraboles : Enfant pro- digue : Auxerre. Vierges folles : Auxerre, Dol, Saint- Père-sous-Vézelay, Berne, Fribourg en Brisgau.

Au début du XVI"^ siècle : en épisodes isolés : Baptême de Jésus: Abbeville. Vendeurs chassés: Séville. Rameaux : Salamanque, Séville.

Christ commence sa vie publique. On ne voit même pas qu'aucun de ces évangiles apocryphes, si nombreux et si répandus au moyen âge, ait essayé, dans les lé- gendes dont ils agrémentaient la vie de Jésus, de combler cette lacune. Les artistes, dont les œuvres peintes ou sculp- tées s'adressent, surtout dans les temps l'instruction est rare, à un public plus con- sidérable encore, étaient, à plus forte rai- son, tenus d'imiter cette réserve : aussi ne connaissons-nous, depuis les premiers âges du christianisme jusqu'à la fin de la période médiévale, aucune représentation d'un fait quelconque de cette phase ignorée de l'existence de Jésus (') : la mort de sainte Anne, celle de saint Joseph expirant entre les bras de Jésus et de Marie, ont été géné- ralement placées dans cette période : ces scènes, assez fréquemment traitées dans les temps modernes (') le culte des deux Saints s'est particulièrement développé, ne paraissent sur aucune porte d'église an- cienne.

Au contraire, les épisodes de la vie publi- que ont été très souvent reproduits dans les catacombes et sur les murs des basiliques primitives, sculptés sur les sarcophages, gra- vés sur des verres, brodés sur des étoffes

1. Dans les premiers siècles, même après l'adoption générale du type traditionnel du Christ .H barbe bifurquée, on trouve encore, il est vrai, sur quelques monuments, Jésus imberbe, petit et sous les traits d'un adolescent ; mais la composition de la scène indique alors qu'il s'agit, ou d'une allégorie (le Bon Pasteur, etc.), ou d'un fait de la vie publique oii la physionomie du Christ est rajeunie sans raison déterminée (ainsi dans la résurrection de Lazare du sarcophage de Layos (Espagne, V'^ siècle).

2. Un des plus anciens exemples est l'admirable pan- neau de Ouenlin Metsyâ : la Mort de sainte Anne (fin X V" s.. Musée tic Bruxelles.)

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précieuses : les miracles du Christ, qui at- testent sa toute-puissance et sa divinité, ses paraboles, qui établissent sous une forme vivante son enseignement et la doctrine chrétienne, ont occupé dans l'iconographie romaine et byzantine une place plus impor- tante peut-être que les souffrances et la mort même de l'Homme-Dieu : ainsi à Saint-Apollinaire-Neuf, de Ravenne (VI^ siècle) les deux séries sont réunies en une suite de vingt-six tableaux ("), mais tandis que la collection des miracles est à peu près complète, plusieurs scènes de la Passion, notamment la crucifixion, sont absentes ; parmi les monuments disparus, nous savons par les descriptions, que beaucoup d'entre eux étaient décorés des mêmes sujets : au VI' siècle encore, le rhéteur Choricius dé- crit les fresques d'une église de Gaza l'on admirait les Noces de Cana, les guéri- sons de la belle-mère de saint Pierre, du paralytique, de l'hémorrhoïsse, du serviteur du centurion ; la résurrection de l'enfant de Naïm et celle de Lazare ; Jésus apaisant la tempête, marchant sur les flots, chassant les démons, etc. Ces miracles décoraient souvent aussi les objets mêmes du culte, et Paul le Silentiaire nous apprend qu'ils étaient représentés en broderies sur la nappe du grand autel de Sainte-Sophie de Constantinople. Quant aux sarcophages et aux verres gravés qui reproduisent ces scènes, on les rencontre en foule dans les musées de France, d'Italie et d'Espagne.

On peut dès lors s'étonner que les ima- giers occidentaux, héritiers cependant des traditions byzantines, se soient écartés de leurs devanciers sur ce point spécial. En effet, si nous mettons à part la scène capi- tale du baptême de Jésus, dont la place était naturellement marquée à la porte des

I. Ue même à Saint-Serge de Gaza.

baptistères antiques comme à celle des cha- pelles baptismales des cathédrales, les faits de la vie publique du Christ jusqu'à l'entrée à Jérusalem ne sont presque jamais repré- sentés sur les façades de nos églises.

Au XI I^ siècle, on trouve bien, çà et là, surtout dans les édifices d'origine monasti- que ("), et généralement en dehors de l'Ile- de-France (^) quelques scènes de la vie pu- blique de Jésus, mais ce sont des excep- tions, et ces exceptions mêmes disparaissent aux siècles suivants : au XI 1 1^ siècle, Stras- bourg seul, tout imprégné du caractère d'indépendance des imagiers allemands, nous montre encore, à la voussure de son portail, la suite des miracles du Christ; au XI V°, Bazas, Poitiers et Semur reprodui- sent bien, isolément, à propos de l'histoire particulière de saint Pierre et de saint Thomas, quelques scènes détachées de la vie du Sauveur ; mais il faut aller jusqu'à Tolède pour trouver une porte spéciale- ment consacrée (et en partie seulement) à la représentation d'un tel sujet. Ce thème, ainsi abandonné complètement, n'est repris qu'à l'époque de la Renaissance (^), de nouveau les actes de Jésus, ses prédica- tions, ses paraboles sont mises en oeuvre à l'envi par les sculpteurs, par les peintres, par les maîtres verriers, pour la décoration non seulement des églises, mais aussi de certains édifices civils (*).

Un seul sujet, nous l'avons dit, n'avait

1. Moissac, Beaulieu, Argenton-Château, Civrai, Pous- sais, Avallon, elc. On peut ajouter Compostelle, dont la cathédrale paraît avoir été construite sous la direction de moines français.

2. Chartres, Étampes et le Mans font seuls exception ; encore doit-on remarquer qu'ici les scènes de la vie pu- blique sont représentées au cours d'une série géné- rale de l'histoire de Jésus, et non pas isolément comme sur les monuments cités dans la note précédente.

3. Le sujet spécial de l'entrée à Jérusalem redevint assez fréquent dès la fin du XV" siècle.

4. Ainsi le Bon Pasteur occupe la voûte du Gros-Hor- loge, à Rouen.

KBVUB UK L'ART CHRHTIHN. 1906. l""^ LIVRAISON.

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3Rcbuc tir l'Srt cbrctien.

cessé d'être en faveur à toutes les périodes : le baptême de Jésus-Christ. C'est par lui que nous commencerons (") l'examen dé- taillé des sculptures relatives à la vie publi- que du Christ.

Baptême de Jésus (=) (').

DANS les premiers siècles de l'Église, le baptême, administré aux adultes, était l'objet d'une longue préparation et donnait lieu à des cérémonies beaucoup plus importantes qu'aujourd'hui : en raison, tant de la liturgie que des dispositions spé- ciales nécessaires pour le baptême par im- mersion, le baptistère formait généralement un édifice séparé de l'église ; plus tard, un souvenir de cette tradition a fait assioner, par nos constructeurs d'occident, une place spéciale, à peu près invariable, au bas du côté droit de l'église, aux fonts baptismaux et à la chapelle du Précurseur. C'est natu- rellement dans les baptistères ou sur les portes voisines des fonts baptismaux que nous trouvons le plus habituellement figuré le baptême du Christ.

Les artistes de Rome et de Byzance ont apporté à ce sujet des variantes si curieu- ses, qu'on nous permettra d'en dire un mot, bien que la période ils vivaient sorte du cadre strict que nous nous étions tracé.

La célèbre mosaïque de la coupole du baptistère orthodoxe de Ravenne(\^^siècle) nous montre le Précurseur debout sur un rocher : d'une main il tient une croix hastée,

1. Les auteurs sacrés ne font généralement commencer la vie publique du Christ qu'avec le miracle de Cana, après le Baptême et la Tentation. Il nous a paru difficile de séparer ces deux scènes de celles de la Prédication, dont elles constituent le prologue et la préparation lo- gique.

2. M. Strzygowski a magistralement tiailé ce sujet dans son ouvrage : Iconographie der Taufe Christi.

3. On remarquera que ce sujet est compris au moins aussi souvent dans les séries de la vie de Jean-liapliste que dans celles de la vie du Christ ; ainsi à Pise. Parme, Léon, Sens, Auxerre, Notre-Dame de Lépine.

ornée de gemmes, et de l'autre une patère dont il verse l'eau sur le front de Jésus. Celui-ci e.st plongé jusqu'à mi corps dans l'eau du fleuve, dont la transparence laisse I apercevoir le contour des jambes. Du ciel descend la colombe divine. Mais ce qui constitue l'originalité du tableau, c'est la présence du Jourdain personnifié, vieillard à barbe limoneuse, tenant un sceptre de roseaux: ressouvenir des divinités mytholo- giques qu'il est surprenant de retrouver ici. Il est plus surprenant encore que cette composition bizarre ait fait école dans la sculpture italiennejusqu'au début du XIII"^ siècle (') : les artistes toscans se sont con- tentés de transformer le vieux fleuve en un adolescent, qu'ils nous montrent couché sous les ondes (linteau de la cathédrale de Pise, par Diotisalvi {yd\x Jig. 21), ou dis- simulé sous leur transparence (tympan du baptistère d'Arezzo (Jig. 22) sculpté par Marchionne).

Un autre type curieux se rencontre sur quelques sarcophages antérieurs au VI^ siècle: contrairement au texte de saint Luc, qui lui attribue alors environ trente ans, Jésus est représenté imberbe, adolescent; et en face du Précurseur, oij les imagiers placeront un ange, se tient un prophète reconnaissable au phylactère qu'il déroule : sans doute Isaïe qui a prophétisé le bap- tême du Messie (^).

Ailleurs, l'eau purifiante jaillit d'un ro- cher, soit dans la patère Jean la recueille, soit directement sur le front du Christ (^). Sur d'autres monuments, on la voit s'échap- per d'une urne suspendue dans les nuées,

1. Oans l'école byzantine, ce type a subsisté jusqu'à la fin du moyen âge, cl le moine Denys, dans son Manuel, mentionne encore le dieu Jourdain comme un acteur essentiel de la scène du Baptême.

2. Sarcophages d'Arles, d'Ancône et un troisième' signalé par Mabillon.

3. .Sarcophage gallo-romain signalé par Millin.

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tandis que la colombe, qui figure toujours dans ces anciennes compositions, tient en

son bec un rameau de feuillage ('). Parfois aussi, c'est la colombe qui porte cette

Fig. 21. Linteau de la porte de la cathédrale de Pise. Témoignage de Jean-Baptiste et baptême de Jésus.

(Fragment de \^Htstoire dit Précurseur,')

Fig. 22. Tympan de S. Maiia délia Pieve à Arezzo. Baptême du Christ.

urne (') ou qui même verse directement de son bec l'eau sainte sur la tête de Jésus (^). Sur un sarcophage, le sculpteur a poussé la

1. Sculpture de Monza.

2. Notamment sur une cuiller d'argent trouvée à Aqui- lée, en 1792.

fantaisie jusqu'à représenter, au-dessous de

I. Fragment de verre gravé, découvert à Rome en 1876. Ce rameau s'explique, car selon saint Jean Chrysos- tome : « de même qu'après le déluge la colombe rapporta le rameau d'olivier, signe du calme revenu sur la terre, de même elle apparaît au baptême du Sauveur pour annon- cer la délivrance. >

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ÎRebue lie V^xt chrétien.

cette colombe baptisante, Jésus et Jean sous la figure de deux agneaux (').

Cette rapide énumération suffit à mon- trer la variété des interprétations données par les artistes des premiers siècles à cette grande scène. Au contraire, si l'on fait abstraction de la frise de Saint-Trophime d'Arles, M. Révoil a cru reconnaître un baptême de Jésus par immersion, dans une cuve et hors de la présence du Précur- seur ("), les imagiers du moyen âge s'en sont tenus à peu près à un type unique, que

nous trouvons figuré sur les portes soit isolément, soit dans les séries de la vie du Christ ou de celle de saint Jean (").

Ce type, fort simple, a d'ailleurs été par- faitement choisi et parmi les fantaisies de leurs prédécesseurs, nos artistes n'ont adopté qu'un seul détail {') admirablement imaginé pour exprimer la grandeur de la scène et pour satisfaire à la piété des fidè- les : je veux parler de l'ange qui, debout (^), assiste au baptême, et tient sur ses bras soit les vêtements du Christ, soit les linges

Fig. 23. Liuteau de porte du baptistère ile Parme. Baptême du Christ.

qui serviront à essuyer l'eau de baptême (^). Cet ange se retrouve sur tous les bas re- liefs, sauf à San-Zéno de Vérone (XI I*^ siè- cle) où, par contre, nous voyons la colombe divine qui souvent ne figure pas dans les œuvres de cette époque.

Sauf celte exception, unique à notre con- naissance, la scène a toujours, sur les portes

1. Sarcophage de Junius Bassiis (1V° siècle) : nous verrons, à propos de la Transfiguration, une représenta- tion analogue du VI"= siècle (voir plus loin, à l'article : Transfiguration).

2. Cette interprétation demanderait une sérieuse véri- fication, car sur les autres monuments on avait cru jusqu'ici reconnaître le même sujet, il a été établi qu'il s'agissait ou du baptême d'un saint (par ex., à Saint-I'ons) ou du bain de l'Enfant Jésus après sa naissance (Poitiers).

3. Les peintres et mosaïstes byzantins, tout en plaçant auprès du Christ un ou deu.'C anges, ont souvent donné à ces envoyés célestes l'attitude de l'adoration ; les linges ou vêlements sont, en ce cas, simplement posés à terre.

de nos églises occidentales, depuis le XI^ jiisqu'au XI V"^ siècle, compris au moins trois personnages : au milieu, le Christ, debout, dépouillé de son vêtement, est plongé jusqu'à la ceinture ou exceptionnel- lement jusqu'au cou, comme sur le linteau de la cathédrale de Pise (voiryf^'. 2/) (''), dans les eaux du Jourdain ; mais, au lieu

1. Clcrmont-Ferrand, le Mans, Chartres, Sens (deux fois), Autun, Abbeville, Auxerre (trois fois), Notre-Uanie de Lépine, Bourges, San Zéno de Vérone, Arezzo,VVorms, Tolède, etc.

2. Déjà relevé sur la sculpture antique de Monza et sur beaucoup de sarcophages.

3 Exceptionnellement, à Notre-Dame ou Port, de Clermunt-Fcrrand, l'ange fléchit le genou

4. De même sur un panneau des vantaux de la cathé- drale de Pise, Jean, pour atteindre la lêle de Jésus, a se placer sur la pointe d'un piton rocheux ; deux anges s'étagent sur d'autres pitons moins élevés.

JLa Mit De 3tms€\)xist.

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qu'il soit enfoncé dans ces ondes, ce sont elles au contraire qui s'amoncellent en forme de butte autour de lui. Le Pré- curseur, à la droite de Jésus, et l'ange por- teur de linges à sa gauche, se tiennent de- bout sur le même plan (') : saint Jean, s'inclinant légèrement, lève la main pour verser l'eau sainte (^) sur le front du Sau- veur (3). mais sur la plupart des monuments, ce bras est malheureusement brisé.

Il faut pourtant signaler, comme absolu- ment en dehors de ce cadre habituel, la singulière composition sculptée par Antel- lami sur le linteau du baptistère de Parme (XI 1"" siècle) (/%-. 2j):]a, entre trois anges qui présentent les linges sur leurs bras élevés, avec des gestes d'ostentation, le Précurseur est à demi enfoncé dans le flanc du monticule liquide, qui monte jusqu'à la ceinture de Jésus. Chose extraordinaire, Jean touche de la main la poitrine du Sau- veur, et c'est celui-ci qui bénit : une telle interversion des rôles pourrait faire douter de l'identification des personnages, si le sayon de poil du Baptiseur, la croix grecque (sans auréole circulaire) qui couronne le front de Jésus et les noms mêmes gravés à côté de chacune des figures ne les indi- quaient avec une absolue certitude.

Cependant les variantes du type tradi- tionnel, que nous rencontrons çà et là, assez peu nombreuses d'ailleurs, datent le plus souvent de la fin du XIV'^ siècle: ainsi, à Worms où, faute d'espace, l'ange n'est pas représenté, Jésus est exception- nellement vêtu, et saint Jean est comme couvert d'une carapace de cuir ; à Notre- Dame de Lépine, dans une série de la vie

1. Sur les linteaux de Pise et de Parme, il y a excep- tionnellement trois anges : sur le tympan d'Arezzo quatre.

2. A Tolède (porte de l'horloge), il verse l'eau d'un broc cylindrique ; à Léon, d'une cruche ventrue.

3. Notamment à Léon, et à Tolède.

du Précurseur, Jésus est au contraire com- plètement nu, et l'eau du fleuve n'est même pas indiquée. Plus souvent, l'artiste a cherché l'originalité dans le nombre plus grand des personnages : à Auxerre, par exemple, non seulement il a mis les linges entre les mains de deux anges au lieu d'un seul ('), mais encore il en a placé deux autres dans les nuées et a rassemblé autour de Jean un certain nombre de disciples : la scène perd ainsi cette imposante simplicité qu'avaient su lui donner les premiers ima- giers. La même critique peut être adressée au curieux bas-relief de la cathédrale de Burgos (porte du cloître (XIV^ siècle) ; le sujet du baptême y remplit, par excep- tion {'), tout le tympan (voiry?^. 2^). Sous une sorte d'édicule, le Christ, au centre du tableau, est plongea mi-corps dans les flots du Jourdain ; il semble ployer à demi les genoux comme pour résister au courant. Près de lui, saint Jean, debout, vêtu d'une chape, lui verse sur la tête l'eau contenue dans une large écuelle ; de l'autre côté, un ange aux ailes grandes ouvertes, présente les linges ; de part et d'autre, sept disci- ples du Précurseur assistent au baptême ; enfin, au-dessus de Jésus, parmi les nuées, apparaît une énorme colombe, et ce n'est pas là, dans cette singulière composition, le détail le moins curieux, car, nous l'avons dit, tout au moins jusqu'au XIV" siècle, la colombe n'est le plus souvent pas figurée dans la scène qui nous occupe (^) : absence

1. De même à Orviéto.

2. On en trouve un autre exemple à Dammartin (XV siècle), et à Arezzo (XI II'-' siècle) (^g: 22) le tympan est beaucoup moins vaste.

3. A Arezzo, à Tolède, etc., la colombe nimbée descend sur Jésus. Au contraire, à Pise (fig. 21), elle est assez malencontreusement perchée sur le nimbe du Christ. A Orviéto (Jig. 2j), nous la trouvons également, on re- marquera le soin de l'artiste à représenter Jésus avec une barbe naissante, tel qu'il pouvait être au début de son apostolat.

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3Rebue Ije rSrr chrétien.

d'autant plus surprenante que, tout en sup- primant un élément fort pittoresque de la composition, elle déroge à la fois, sans rai- son apparente, aux traditions romaine et byzantine ('), et au récit même de l'Évan- gile. Mais peut-être, en réalité, cette exclu- sion est-elle moins générale qu'elle ne pa-

raît : la tête du Christ, en effet, et les sculp- tures qui la surmontent sont très souvent brisées ou mutilées, ce qui laisse au moins place à un certain doute. Quant au person- nage de Dieu le Père, que les artistes mo- dernes ont parfois représenté dans les cieux, sa voix fait entendre les paroles :

Fig. 24,

Porte du cloître dans la cathédrale de Burgos. TymJ'aa : Baptême du Christ. Éiranments : Annonciation David-Isaie. î'afitaiix: Rameaux et descente aux limbes (celte porte est entièrement peinte.)

«Celui-ci est mon Fils bienaimé », il

ne figure sur aucun monument ancien ('). A ce propos d'ailleurs, remarquons une fois pour toutes que, dès le IV' ou le V' siècle,

1. Dans son Manuel d'iconographie byzantitte, le moine Denys indique la colombe comme un acteur essemiel de la scène.

2. Cependant, au tympan de Saint-Jean de D.immartin (Seine-et-Marne), œuvre très médiocre du XV^ siècle, on croit apercevoir Dieu le Père dans la masse confuse et

les artistes ont donné au Tout- Puissant les traits du Christ, par exemple dans les pein- tures de l'Apocalypse, de Dieu dans la gloire, etc. ; dès lors ils n'ont pas eu pour la première Personne de la Sainte Trinité

mutilde qui surmonte le Christ. Ce bas-relief présente encore d'autres particularités : les places habituelles du Précurseur et de l'ange sont interverties, et Jésus est enfoncé dans l'eau .'l un niveau inférieur à celui de ces deux personnages.

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un type difterent de celui adopté pour la seconde. Les imagiers ont suivi la voie tra- cée par leurs prédécesseurs byzantins : ainsi dans les scènes mêmes de la Genèse, le Créateur emprunte toujours les traits du

Christ. Aussi, à part de bien rares excep- tions (') jusqu'au XI V"^ siècle, les trois Personnes ne sont-elles jamais réunies dans une même composition. On ne sera donc pas surpris que dans les divers épisodes de

Fig. zs

Cathédrale d'Orviéto, mur de la façade. Au milieii : Baptême du Christ. En haut: Entrée à Jérusalem. En bits: Massacre des Innocents.

la vie de Jésus, Dieu le Père n'apparaisse point, même dans les circonstances l'Évangile mentionne son intervention.

Tentation de Jésus.

PAR la réception même du baptême, l'israélite s'engageait à faire péni- tence : malgré son innocence absolue, Jésus devait donc donner l'exemple de la péni- tence comme il avait donné celui du bap- tême. 11 se retira dans le désert, y jeûna

pendant quarante jours, et y fut tenté par le démon.

Cette page extraordinaire de l'Evangile n'a été traduite, que très rarement sur les monuments chrétiens. On ne la rencontre presque jamais dans les peintures et les mosaïques des basiliques, même dans les

I. La Trinité, en trois personnes égales et aux traits dentiques n'est représentée au XII" siècle, qu'à Charlieu et au XIII^ siècle qu'à Pouen. A partir du XIV% Dieu le Père apparaît souvent en costume de pape, tenant dans ses bras le Crucifié, sur la tête de qui il souffle l'Es- prit.

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3Rcbue lie V^xt cbrctien.

séries consacrées à la vie du Christ ; et chez les Byzantins le sujet de la tentation semble n'avoir obtenu droit de cité que vers l'époque leurs œuvres commen- çaient à servir de modèles aux construc- teurs et sculpteurs d'Occident. Au moyen âge, nous ne trouvons ce thème que sur cinq portails d'église (') du X\\^ siècle: Beaulieu (Corrèze), Compostelle, Étampes, Chartres et le Mans, et un du XIV=: Or- viéto : c'est-à-dire qu'à compter de la fin du Xll" siècle, les artistes ont définitivement abandonné le sujet qui nous occupe : fait d'autant plus remarquable qu'à cette épo- que, précisément, pour orner les portes plus nombreuses des cathédrales, ils aug- mentaient leur répertoire iconographique et cherchaient notamment, dans la vie et la passion du Christ, de nouvelles inspira- tions. Les Byzantins, au contraire, après avoir adopté tardivement le thème de la Tentation ('), y restèrent fidèles, et en firent l'un des sujets les plus usités sur les fresques de leurs églises : ils insistent par- ticulièrement sur l'épilogue du récit évangé- lique, le repas servi par les anges, qu'ils nous montrent souvent, d'après le cérémonial des cours orientales, tenant des parasols et agitant des éventails autour du Christ.

Par des procédés différents, avec plus de simplicité, nos imagiers, surtout à Beaulieu et, paraît-il, à Compostelle, ont su donner au sujet une grandeur plus impressionnante.

1. Par contre sur les vantaux de type byzantin, on ren- contre assez frécuiemment ce sujet : ainsi, à la cathédrale de Pise, nous voyons le Christ et un démon ailé debout sur un pic élevé ; plus loin, un édicule, sous lecjuel brûle une énorme lampe suspendue à la voûte, figure le temple de Jérusalem. M. André Michel {Histoire de l'Art) signale, en outre, diverses sculptures du X 1 1' siècle repré- sentant le même sujet, à Issoire, àOrcival et àSt-Nectaire.

2. Les byzantins inscrivent les paroles de Satan et les réponses du Christ sur des banderoles et des cartels dis- posés auprès des personnages. Pour la troisième ten- tation les artistes de la dernière période placent au bas de la montagne des châteaux, des rois suivis de leurs troupes, etc.

A Beaulieu ('), c'est sous les arcatures de la paroi latérale du porche que ce thème est développé en deux tableaux de gran- des dimensions. On sait que l'Évangile énumère trois tentations successives: l'ima- gier, ne disposant que de deux panneaux, paraît n'avoir point représenté, directe- ment du moins, la tentation corporelle de la faim, celle précisément que ses confrères ont choisie de préférence, comme la plus facile à interpréter d'une façon claire et vi- vante aux yeux des fidèles. Il s'est con- tenté de rattacher cette première tentation à la seconde, en un seul tableau, en gra- vant dans sa composition le texte évangé- lique qui la rappelle. Sous l'arcature droite (''), nous voyons, tous deux debout, d'un côté Jésus, de l'autre ce Satan difforme et terrible, que les artistes bénédictins (qui en ont peut-être ici même créé le type) ont reproduit ensuite à Moissac (^) et à Souil- lac (*) : poilu, enlaidi encore par un ventre de porc et une queue de chien, il se dresse sur ses ergots de coq pour interpeller le Christ, qui le dépasse de toute la tête. Entre eux paraît le temple de Jérusalem dont la tour, qui semble surmontée d'une croix, rappelle absolument celle de Saint- Front de Périgueux, alors évidemment considérée comme un modèle par les archi- tectes de la région. Sur les diverses assises de cette tour sont gravées des inscriptions à demi effacées, que le texte évangélique permet de restituer sans peine : « si fili' Dei es die ut lapi des isti pa nés fiant. si fili' Dei es mile te deor- sum », c'est la double tentation. Jésus, qui se trouve ainsi non sur le toit du Temple,

1. Le portail de Beaulieu a été parfaitement analysé

par M. l'abbé Poulbricre.

2. Vo\x fig. 26.

%. Dans l'histoire du Mauvais Riche. 4. Dans la légende du diacre Théophile.

JLa Mit tie 3é0U0'Cl)n0t.

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comme le rapportent saint Luc et saint Matthieu, mais à côté, se détourne avec un geste de refus fort expressif. Dans les airs, au-dessus de Satan, accourt un démon sem- blable à son maître, tandis qu'au-dessus du Christ un ange s'approche en volant : on remarquera que l'Évangile ne fait interve-

nir les anges qu'après la troisième tentation repoussée.

Celle-ci fait l'objet, sous l'autre arcature, d'un bas-relief plus mutilé encore que le précédent, mais d'une conception excep- tionnellement grandiose : Jésus est debout sur la haute montagne dont parle l'Evan-

I ^pj^aâS^^a^-r-^^'-'-Wv^^:--^-

Figr z6. Retour de gauche du porche de Beaulieu. La tentation du Christ (cliché de M. G. Flëukv de Mamers.)

gile, et auprès de lui deux démons, de taille inférieure, lui montrent à ses pieds tous les royaumes de l'univers ; « Tout cela, dit Satan, vous appartiendra si, vous prosternant, vous m'adorez ». Mais le Christ repousse la tentation, et déjà l'un des deux démons, renonçant à la lutte, fait mine de se retirer ('). Pour figurer la haute montagne, l'imagier a surélevé le plan

I. C'est pourquoi on a souvent regardé cette composi- tion comme représentant un possédé guéri par Jésus.

sur lequel sont debout les personnages, et dans l'espace inférieur ainsi rendu libre, il a entassé une foule de minuscules édifices, à tours, à coupoles, à arcades, qui repré- sentent les royaumes de l'univers ; le pro- cédé est naïf peut-être, mais l'idée est pro- fonde : l'artiste voulait, avant tout, ne pas diminuer la taille de Jésus, sur qui doit se concentrer toute l'attention du spectateur. Sur les chapiteaux du portail de Notre- Dame d'Etampes, l'imagier a développé le

42

Brtiue De l'iavr cl^rcttcu.

sujet d'une façon moins imposante assu- rément, mais il y a introduit un élément nouveau, que nous ne retrouvons nulle part ailleurs ; avec une grande élévation de pensée, il a opposé la tentation Satan triompha de nos premiers parents, à celle il fut vaincu par le Christ : les deux motifs sont placés vis-à-vis l'un de l'autre sur les faces des pieds droits. Le récit de la tentation au désert ne manque pas d'ailleurs d'une certaine ampleur, autant que les mutilations de la sculpture permettent de l'apprécier: successivement nous voyons le démon présenter à Jésus trois pains ; puis, le transporter sur la coupole du Tem- ple, à côté de la croix qui surmonte cet édifice : pour donner au Malin la possibi- lité de transporter ainsi le Christ, l'imagier a représenté celui-ci d'une taille minuscule : conception contraire à celle de l'artiste de Beaulieu. Enfin Satan, vaincu, a cédé la place, Jésus est assis, et les anges s'appro- chent pour le servir.

Chartres et le Mans (') reproduisent le même sujet avec beaucoup moins d'origi- nalité et de détails.

Il serait peut-être plus intéressant de s'arrêter devant le tympan de la porte « de las Platerias », de Saint-Jacques de Com- postelle. On sait que cette partie de l'édi- fice espagnol a été construite au XII« siè- cle par des architectes venus du midi de la France {') : la comparaison de ces sculptu- res avec celles de Beaulieu révélerait sans doute au point de vue iconographique une ressemblance et une filiation déjà consta- tées au point de vue architectural (^).

1. Au Mans, pour figurer les trois actes de la tentation, l'imagier a reproduit trois fois la même composition banale : le Christ et Satan debout, séparés par un arbris- seau.

2. Probablement de Beaulieu et de Toulouse.

3. Il parait n'exister ni en France, ni même en Espagne, aucune reproduction ou photographie de ces sculptures ;

Nous avons vu par les exemples précé- dents que les imagiers romans, surtout ceux qui travaillaient à l'ombre des monas- tères clunisiens, s'étaient appliqués à don- ner au Tentateur un aspect effrayant, re- poussant même. II semble qu'au contraire leurs successeurs du XI V'« siècle aient plu- tôt cherché, dans cette scène tout au moins ('), à le rapprocher de la nature

Fig. 27. Cathédrale d'Orviéto. Mur de la façade. En bas : Teutatîoii du Christ. En haut : Baiser de Judas.

humaine : ce n'est plus un être immonde, fantastique, hors de la réalité, qui pour in- citer au mal, met en oeuvre son pouvoir d'intimidation, mais bien un personnage presque semblable à nous, qui nous trompe par un raisonnement captieux, ou même nous séduit par son charme : le Tentateur,

et l'organisation des chemins de fer rend très difficile aux voyageurs l'accès de Santiago.

I. Même dans leurs jugements derniers, les artistes du XIV" siècle ont perdu le sens du terrible, du formidable : les démons qu'ils veulent faire effrayants sont souvent simplement grotesques ou dégoûtants (par exemple h Bourges).

3La mit De 3îé0ug Ct)n0t,

43

ce n'est plus un étranger répugnant, c'est nous-méme, notre nature et nos passions. Peut-être cette pensée philosophique n'a- t-elle pas guidé Pisano quand il sculptait dans le marbre les reliefs d'Orviéto, mais c'est elle que suggère l'examen de son œuvre ^/^. 2y) : Satan ne se distingue par aucun caractère particulier (') et, n'étaient son geste de découragement et les pierres qu'il paraît tenir à la main, on pourrait le prendre pour un disciple de Jésus {'). Le Christ, de son côté, se détourne et joint à demi les mains pour nous indiquer que par la prière seule on triomphe de la tenta- tion.

Noces de Cana.

CE premier miracle de Jésus a été con- sidéré par les Pères comme une figure soit du baptême, soit plutôt de la transsubs- tantiation. Il n'est donc pas étonnant que les artistes des premiers siècles l'aient sou- vent représenté sur les sarcophages (^) et sur les murs des basiliques. Mais sur nos églises occidentales nous n'en connaissons que deux exemples du XII^ siècle et un du XIV'=(*).

Le premier se trouve à la porte méridio- nale de la cathédrale du Mans. Le peu de place dont disposait l'artiste sur la vous- sure l'a empêché de donner au sujet tout le

1. A la clôture du chœur de Tolède l'artiste a pris un parti intermédiaire : le démon qui tente le Christ est encore un homme, mais du moins un nègre.

2. La place occupée par cette scène immédiatement après celle du baptême, ne permet d'ailleurs aucun doute sur l'interprétation.

3. On nous permettra de citer les sarcophages assez peu connus de Layos et de Saragosse (S. Engracia), sur lesquels, par une disposition fréquente à l'époque ro- maine, Jésus opère le miracle en touchant d'une baguette les vases remplis d'eau.

4. Ainsi cette scène paraît n'avoir jamais figuré, au XI IP siècle, sur une porte d église: c'est donc une grande liberté iconographique qu'a prise M. Tornow en en faisant le sujet d'un médaillon sur le nouveau portail de Metz, construit dans le style de cette époque.

développement qu'il comporte : il a éparpiller isolément, et non sans quelque désordre, la scène sur sept claveaux diffé- rents : ici, c'est la table du festin ; là, c'est le défilé des serviteurs chargés de victuail- les ; plus loin, deux esclaves portent un seau ; plus loin encore, on vide dans une amphore l'eau qui va être changée en vin, etc. : tout cela sans lien et, à vrai dire, peu artistique.

L'autre œuvre du X I P siècle présente au contraire un intérêt considérable, tant au point de vue de la composition qu'à celui de l'exécution. Il occupe en entier le tym- pan de la baie latérale sur la façade de Charlieu ; c'est par conséquent une œuvre clunisienne. Longtemps on a cru y recon- naître une Cène, mais le nombre des per- sonnages, leurs attitudes et surtout leurs costumes ne peuvent laisser aucun doute sur le sujet réel du tableau ('). Bien que fort mutilé, il laisse en effet reconnaître aisé- ment les détails suivants (voiryf^. 2S): assis à une table semi-circulaire, très ornée et fort bien servie, Jésus et sa Mère occupent les places d'honneur ; celle-ci se penche vers son Fils pour lui dire : « Ils n'ont plus devin.» Cinq autres convives sont atta- blés de part et d'autre, et au premier plan passe le maître d'hôtel, l'architriclinius de l'Évangile ou, pour employer le naïf lan- gage de nos ancêtres «S. Architeclin ». Il s'empresse, soit pour exécuter les ordres de Jésus, soit pour goûter le breuvage mira- culeux, soit peut être encore pour gour-

I. M. G. Fleury a notamment remarqué que plusieurs des convives sont chaussés, ce qui exclut l'hypothèse des .A.pôtres assis à la Cène. Autant qu'on peut en juger malgré la mutilation des têtes, il y aurait, outre le Christ et la Vierge, un troisième personnage nimbé. Or, on sait qu'il était de tradition au moyenâge que l'épou.x de Cana fût le futur apôtre saint Simon ; à ce titre, certains artistes byzantins l'ont représenté nimbé ; on peut pen- ser que l'imagier bourguignon a, sur ce point comme sur plusieurs autres, subi l'influence des œuvres orientales.

44

Bel3ue lie r^lrt tl^rctieu.

mander l'hôte qui a manqué à tous les usa- ges en gardant pour la fin son vin le meil- leur. En tous cas, devant lui, un petit servi- teur verse dans une amphore l'eau d'un grand vase qu'il porte sur le dos. Le dispo- sitif de cette amphore, posée sur un piédes- tal sculpté, la cuve ronde qui l'avoisine, destinée sans doute à faire rafraîchir les

boissons, tous ces détails évoquent cer- taines compositions antiques, et donnent à penser que l'artiste de Charlieu a suivi soit un modèle ancien, soit un type byzantin dérivé lui-même des œuvres romaines.

Telles sont les seules représentations des noces de Cana que nous offrent les portes d'églises françaises, toutes réserves faites

Fig. 28. —Tympan de la baie gauche de la façade de Charlieu; Noces de Cana. Ait iinicau : Scène d'holocauste.

pour une scène très mutilée de la voussure du portail d'Auxerre (XIV'^ siècle) : la dé- gradation de la sculpture ne permet pas d'identifier le sujet avec certitude.

Mais en Espagne, ce même XIV^ siècle nous a donné, à la porte de l'horloge de la cathédrale de Tolède, un tableau admi- rable du miracle de Cana. Au premier abord, on peut s'étonner que, dans la vie du Christ racontée sur les quatre registres de ce tympan, le prodige qui nous occupe prenne une place aussi importante : trois ou quatre scènes en effet en retracent et en

développent les diverses péripéties (voir Jlg. 2ç). Voici d'abord Jésus, seul nimbé, assis au bout de la table, auprès de sa Mère et de trois convives : Marie, s'inclinant vers lui, l'avertit du manque de vin ; d'ailleurs, pour souligner cette détresse, un des invi- tés porte à ses lèvres sa coupe vide. Puis le Christ s'est levé et, accompagné d'un jeune disciple, il bénit deux grandes am- phores dans lesquelles, sur son ordre, un serviteur vide une cruche d'eau. Au dessus, voici les deux mêmes amphores que deux serviteurs achèvent d'emplir. Enfin les es-

îla Wiit ht 3ïéj5ug Cl)nst.

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claves ont achevé leur besogne,et 1' «archi- triclinius» ayant puisé du liquide dans les amphores, le goûte et manifeste à ses com- pagnons la surprise que lui cause la mysté- rieuse douceur de ce vin.

On s'explique le développement inusité donné ici à cette scène, en considérant que

l'imagier a voulu, non pas simplement nous présenter un miracle quelconque du Sau- veur, mais bien glorifier le mystère de l'Eu- charistie par un transparent symbole; ce qui le prouve, c'est qu'en dépit de la chronolo- gie ('), il a joint à cette scène de Cana celle de la multiplication des pains ; deux mira-

Fif. zg. Cathédrale de Tolède : tympan de la porte dite de l'Horloge. Isnlance de Jésus ;son baptême ; noce de Cana : divers miracles.

Multiplication des pains. ESUS est debout (voiry^. 2^) tenant

des qui, dès l'origine du christianisme, ont été considérés comme des figures de la Transsubstantiation. A Cana, Jésus a trans- formé l'eau en vin ; dans le désert il a mul- tiplié le pain : voilà le présage merveilleux de la communion sous les deux espèces. On nous permettra de suivre l'exemple de l'imagier tolédan et d'examiner dès mainte- nant cette seconde scène.

J

à la main le Livre, image de la doc- trine qui a attiré la foule sur ses pas jusque dans le désert ; il bénit les pains que saint André, suivi de saint Philippe (^), lui

1. La multiplication des pains se place dans la troi- sième année de la prédication du Christ.

2. Ce sont les deux apôtres qui, d'après l'évangéliste saint Jean, ont joué le rôle principal dans ce miracle.

46

WitWt tie rairt cJ)rctiem

présente ; et pour marquer qu il s agit ici de la communion, ce disciple tient, en outre des pains, non pas les cinq poissons du récit évangélique, mais une coupe de vin ; et les Israélites qui se pressent à l'entour, vieillards, hommes faits, femmes, enfants, les uns debout, les autres agenouillés ou assis, se rassasient de cette nourriture et de ce breuvage divins, avec des gestes de sur- prise, de reconnaissance et d'amour. Cepen- dant voici alignées sur deux rangs derrière eux les douze grandes corbeilles que men- tionnent les évangiles : les disciples, appor- tant dans un pli de leur manteau les restes du mystérieux repas, en remplissent ces corbeilles d'osier tressé, dont on remar- quera la forme singulière. N'est-ce pas un mélange bien harmonieux, et bien rare au moyen âge, de la lettre et de l'esprit de l'Evangile, de la réalité et du symbole : admirable conception qui suffirait à placer ce morceau au premier rang des œuvres ar- tistiques du XI V^ siècle .'*

Ce miracle de la multiplication des pains et des poissons, si rarement représenté par les imagiers, avait pourtant été, dès les pre- miers siècles de l'Église, un des sujets de prédilection des artistes chrétiens : associé d'ordinaire à celui delà résurrection de La- zare pour figurer l'Eucharistie et la Résur- rection de la chair, il décore un très grand nombre de sarcophages (') : nous y voyons Jésus debout entre André et Philippe, qui

lui apportent l'un les pains d'orge, l'autre les poissons. Les Byzantins, dans leurs fresques et leurs mosaïques, ont su donner plus d'ampleur à la scène : ils ont assemblé à l'entour du Christ l'immense foule de peuple affamée de la mystérieuse nourri- ture.

Nous avons vu que sur ce point l'imagier de Tolède avait suivi leur exemple ; au con- traire, la seule autre œuvre du moyen âge qui reproduise ce sujet sur une porte d'église, le réduit, peut-être en raison de l'espace limité accordé à l'artiste, à une sim- plicité qui ne va pas sans quelque séche- resse : à la voussure de Strasbourg, parmi la série des miracles évangéliques, nous ne trouvons devant Jésus qu'un seul person- nage, cet enfant mentionné par l'Evangile, qui apporte au Sauveur les pains et les poissons. Quel contraste entre ces deux œuvres presque contemporaines 1 la com- position de Strasbourg, en quelque sorte schématique, dont on ne peut pénétrer le sens que grâce à la connaissance des textes et par un effort Imaginatif, et ce tableau de Tolède qui parle aux yeux et au cœur un langage si magnifique et si clair (') !

I. En Espagne seulement, on peut citer ceux de Sara- gosse, de Layos, d'Astorga, de Gérone, etc. En Italie et en France ils sont plus nombreu.x encore.

(A suivre )

G. Sanoner. Paris.

I. Un curieux chapiteau de l'ancien cloître de Saint- Pons (Hérault) paraît aussi représenter la multiplication des pains (voiryZif.jo, dans le prochain article) : Jésus figuré exceptionnellement imberbe, distribue à quatre personnages des pains en couronne et des moitiés de pains ronds : plusieurs autres, également vêtus de tu- niques, portent aussi des pains qu'ils viennent de rece- voir des mains du Christ.

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jLt recensement Des tapisseries en Italie.

J'ITALIE est très riche en anciennes tapisseries, je ne parle pas, bien en- tendu, des tapisseries de propriétés particulières, mais de celles que possè- dent la papauté, l'état, les communes, les églises, les hôpitaux, les œuvres pies, etc., toutes les entités morales en un mot.

Elles sont de fabrications flamande, alleman- de, française et italienne ; il en est, en outrC) qui ont été tissées en Italie par des tapissiers flamands sur des modèles de peintres italiens.

Dans cette dernière catégorie on trouve des tapissiers flamands à Mantoue, en 1419, à Venise, en 1421, à Ferrare, en 1436, à Sienne, en 1438, à Rome et à Florence, en 1455, à Bologne, en 1460 ; beaucoup de ces ouvrages sont perdus ou ignorés.

Il n'est pas possible de donner un chiffre même approximatif du nombre de tapisseries de toutes origines conservées en Italie, car jamais, ici pas plus qu'ailleurs du reste, il n'en a été fait un inventaire général.

On ne connaît que quelques chiffres partiels, notamment ceux de Florence.

Le dépôt dans cette cité est d'environ 550 pièces, dont 124 sont exposées au palais de la Crocetta et 34 à la Galerie des Offices ; quelques autres sont dans divers établissements publics ; le reste est en magasin à la Galerie des Offices. La Crocetta est le seul musée spécial de tapis- series de l'Europe, mais on va faire mieux : on étudie une combinaison qui permettrait de garnir de tapisseries les longs corridors de la Galerie des Offices ; les tentures y seraient très bien, car toutes seraient placées à la lumière de face.

Qu'on ajoute les tapisseries médicéennes du palais de la Signoria appartenant à la cité, qui décorent la salle des Cinq-Cents et la salle des Deux-Cents, et il en résultera que de toutes les villes de l'Europe Florence est celle qui a mis

le plus grand nombre de tapisseries sous les yeux du public.

J'ai vu les tapisseries des cathédrales de Côme, de Bergame, de Milan, de Ferrare, dans les musées civiques de Forli,de Padoue, de Fa- briano, et ailleurs, mais je n'ai pas été partout, il s'en faut de beaucoup, et dans mes voyages j'ai eu des surprises ; par exemple dans la sacristie de l'église de Pienza, en Toscane, j'ai relevé six tapisseries d'Audenarde et deux d'Allemagne, qui n'avaient été signalées dans aucun écrit ; il est fort probable qu'il eu est de même dans beaucoup d'autres localités.

Cet état d'incertitude va prendre fin.

L'honorable M. Blanchi, ministre de l'Instruc- tion publique et des Beau- Arts, vient d'ordonner le recensement général de toutes les tapisseries du royaume, appartenant à l'État et aux entités morales.

La nomenclature comprendra: les sujets, les dimensions, les signes particuliers, l'origine, la valeur d'art, l'état de conservation, les répara- tions à faire.

Un volume sera consacré à chaque région de l'Italie ; le texte, très sommaire, sera illustré de reproductions,

C'est un travail très considérable, et on estime qu'il ne durera pas moins de dix ans.

En Italie, comme en France, on a rompu des séries et déposé des pièces isolées dans divers établissements publics d'une même ville et même de cités différentes. Le ministre veut faire cesser cet état de dispersion et reconstituer les suites ; il est à désirer qu'il réussisse, mais ce sera difficile.

Le recensement qui est commencé ne sera pas confié à ces commissions sur lesquelles les ministres n'ont pas d'autorité, mais à un fonc- tionnaire de l'État ; c'est M. Pietro Gentilli, très qualifié pour une pareille entreprise, qui a été choisi.

M. Gentilli porte le double titre de Directeur de la fabrique pontificale de tapisseries du Vati- can et d'Inspecteur des Beaux-Arts au ministère de l'Instruction publique ; d'une part donc il ap-

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3Éle\)ue ïic rSit c{)rétien.

partient au Vatican et de l'autre au gouverne- ment royal.

Cette situation, qui peut paraître étrange, de- mande une explication.

Après les événements de 1870, le Pape fut privé de la manufacture pontificale de tapisse- ries de l'hospice de Saint- Michel qui avait été fondée officiellement en i7io('); mais pour ne pas interrompre la tradition, S. S. Pie IX auto- risa Pietro Gcntilli, le plus habile tapissier de S. Michèle, à installer un métier de haute- lisse dans une des chambres du Vatican ; ainsi fut fait.

M. Gentilli présenta au Pape, en 1S74, le Mar- tyre de Sainte-Agnès d'après le modèle de M. Grandi destiné à la chapelle Sixtine où, selon l'usage, une tapisserie placée derrière l'autel est changée à chaque fête. A cette occasion, Pie IX prononça une allocution dont voici un extrait ;

«... J'ai dit plusieurs fois qu'une tapisserie est » comme le symbole de la divine Providence. » En effet, il y a comme deux côtés dans la » divine Providence : de l'un, ses desseins sem- » blent obscurs et confus, parce qu'ils ne sont » pas visibles à l'esprit humain ; mais de l'autre, » tout est ordonné et beau, et souvent Dieu le

> montre même ici-bas en nous faisant admirer » l'accomplissement de ce qui était un secret de » sa pensée. Il n'en est pas diversement des » tapisseries : d'un côté, la confusion des fils » n'offre rien de beau ; mais de l'autre, elle » montre des figures gracieuses et admirables » comme on le voit dans ce tableau qui repré- » sente la belle tête de notre patronne sainte » Agnès. »

S. S. le Pape Léon XIII fit plus, ainsi que le montre le document suivant :

« Préfecture des S. S. Palais apostoliques.

« Sa Sainteté le Pape Léon XIII, dans » le but de conserver à Rome la glorieuse tra-

> dition de l'école de tapisseries, de motu proprio ft dans l'audience du 18 mars couiant, a mani- » festé au soussigné la décision prise d'établir » une école de tapisseries dans le Palais pontifi- y> cal du Vatican, confiant sa direction à M. le » chevalier Pierre Gentilli, en lui fixant une » rétribution de 200 lires par mois, avec l'obli-

I. Il ne reste plus à S. Michèle que trois tapissiers occupés à des ouvrages secoadaires pour meubles.

> gatîon d'instruire, d'une manière permanente » non moins de douze élèves, d'apiès les règles i> à fixer par un règlement spécial.

» Du Vatican, le 20 mars 1887, > le majordome de Sa Sainteté, » Louis Macchi. »

Malheureusement les finances pontificales n'ont pas permis la réalisation de ce projet, et la manufacture resta réduite à sa plus simple ex- pression : elle n'a qu'un métier et un seul tapis- sier bénévole, M. P. Gentilli, qui est en même temps directeur ; une tapisserie saint Joseph, d'aptes le modèle de Grandi, est en cours d'exé- cution, mais M. Gentilli est libre de se livrer à d'autres travaux. C'est ainsi qu'il a pu accepter la mission que lui a confiée le gouvernement royal.

Le ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts a la lourde charge de la conservation du patrim.oine d'art légué à l'Italie parles siècles passés ; en ordonnant le recensement des tapis- series, il a pris une mesure très utile et donné un exemple qui pourrait être imité dans d'autres

P^y^- Gkrspach.

Un primitif à iDcntificr.

Nous insérons volontiers et signalons à nos lecteurs la lettre suivante, ainsi que l'intéressante vignette qui l'accompagne.

Dijon (Côte-d'Or), le 10 novembre 1905. Monsieur,

Dans les cartons de la Commission des Antiquités de la Côte-d'Or, on a retrouvé dernièrement la photographie d'une lithographie dont j'ai l'honneur de vous adresser la reproduction. L'épreuve, montée sur onglet, semble bien provenir d'un livre, mais aucune fiche d'identité n'y est jointe. Il y aurait cependant un grand intérêt pour la Commission à connaître l'origine et le sort du tableau la Circoncision, dont il s'agit ; d'abord, plusieurs des per- sonnages présentent des ressemblances frappantes avec ceu.\ que l'on voit dans un panneau du musée de Dijon, V Adoration des Bergers, attribuée autrefois .H Memling, donnée aujourd'hui avec plus de vraisemblance à ce pein- tre non encore identifié d'une manière certaine, que, en attendant mieux, l'on nomme le maître de Flémalle Mais ce qui rend surtout le tableau de la Circoncision précieux pour la BDurgogne, c'est que l'intérieur d'église représenté ici est manifestement celui de Notie-Dame de Dijon, le type bien leconnaissable par ses caiactères par- ticuliers, de l'architecture bourguignonne au XI II' siècle.

£©élange0.

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La Commission des Antiquités recevrait avec recon- naissance tous renseignements lui permettant de retrou- ver la trace du tableau dont il s'agit.

La Circoncision, d'après une peinture fiamande, XV^ iiècle.

\euillez recevoir, Monsieur, l'expression de mes senti- ments les plus distingués.

Le Président de la Commission des Antiquités,

Henri Chakeuf. rue Legouz-Gerland, 5, Dijon.

ttnc église en ciment armé

EPUIS la prétendue Renaissance, l'ar- chitecture est devenue en quelque sorte un art décoratif, après avoir été un art essentiellement constructif chez les Grecs et chez les Gothiques. Elle a cessé d'être à la hauteur des ressources de l'industrie moderne et de nos programmes complexes. Le

monde actuel aspire à une rénovation du grand art, et cette rénovation, M. A. de Baudot l'attend de l'application du ciment armé. Avec lui les poncifs surannés doivent disparaître; avec lui l'on en viendra nécessairement à la composition logique et à l'unité de structure. Faisons con- naître, nous ne di.sons pas « le nouveau matériau », mais le nouveau procédé.

Il réside dans la combinaison du ciment, ou du béton de ciment, avec l'acier. On a acquis la certitude que le métal enfermé dans le ciment n'est plus exposé à la rouille ; même il est sous- trait aux désordres effroyables que subit le mé- tal sous l'action de l'incendie. Le ciment armé permet de constituer des surfaces enveloppantes sans discontinuité, que la pierre et le fer ne pou-

Eglise de Saint-Jean de Montmartre. Vue intérieure.

vaient fournir. On peut, à l'aide du ciment, réali- ser un ensemble solidaire de supports, d'arcs, de planchers, de murs, de cloisons et de voûtes ; on peut franchir allègrement tous les vides, risquer tous les porte-à-faux. Le bâtiment le plus com- plexe peut dès lors être formé comme un mono- lithe de membrures grêles, de parois minces, d'une parfaite résistance. Toutefois, les piles et les murs peuvent être constitués plus économi- quement en maconi\eiie de ân'çues eiifilées, capa- bles de se solidariser avec les autres parties. Telles sont, résumées, les propriétés du système. Dans une brochure d'un vif intérêt, qu'il a bien voulu nous envoyer.M. de Baudot démontre que le système érige à moindre prix des cons- tructions plus légères et plus solides que les pro-

RKVUK UE LAKT CHRETIEN 1906. 1^^ LIVRAISON.

50

38it\)ut De l'art cj)vctieîu

cédés courants. On pourrait le caractériser par comparaison avec le système gothique, en disant que ce dernier tendait à établir une ossature de piliers et d'arcs nervés, complétée par des cloi- sons et des voûtains indépendants d'elle ; tandis qu'ici, la membrure et les cloisons qu'elle ren- force forment un tout solidaire.

M. de Baudot, avec la foi robuste qu'on lui connaît dans les principes rationnels, avec l'audace d'un grand initiateur, avec sa grande expérience d'architecte, a entrepris de réaliser diverses constructions à l'aide des procédés créés par M. Cotancin. Il a projeté des salles de fête, des théâtres, etc., d'une belle originalité. Il n'a même pas hésité à appliquer le ciment armé à la construction religieuse. L'église de Saint-Jean

Église de Saint-Jean de Montmartre. Plan.

de Montmartre, qui fait beaucoup parler d'elle, constitue le principal spécimen de la nouvelle architecture.

Nous exprimons franchement notre impres- sion : cette église nous a complètement déçu.

Nous admettons qu'elle constitue une merveille de solidité et d'économie, nous pensons qu'on ne peut, dans de meilleures conditions techniques, abriter un nombre déterminé de fidèles. Mais, dans sa nudité et sa sécheresse, ce vaisseau qu'on pourra peu décorer, n'éveille aucun sen- timent religieux. Il doime l'expression d'une œuvre accomplie avec des matériaux trop do- ciles, où le labeur de l'ouvrier n'a pas laissé cette empreinte et ce cachet de style, qui résulte de la nnble lutte de l'homme avec la matière, cette

lutte touchante qu'ont soutenue les maçons ro- mans et gothiques, et dont M. de Baudot lui- même a si éloqueinmeiit retracé l'histoire. Dans un monument, l'esprit humain, soit routine, soit préjugé, cherche à voir un organisme quasi-vi- vant. L'âme voudrait sentir des efforts accom- plis, applaudir à des difficultés vaincues ; elle se délecte de l'art incorporé à la pierre et au bois taillés, moulurés, sculptés ; elle s'émeut à la vue de la matière pétrie par des mains pieuses. Ici, tout est monté d'un bloc: plus de joints, plus d'appareil, plus d'organisme, partant plu-; d'émo- tion. Le système est économiquement plausible, il est matériellement parfait, il est précieux au point de vue utilitaire,il est idéal pour l'industrie, il est digne de notre siècle ; Dieu nous en pré- serve pour les églises! Nous les aimons plus coû- teuses, mais plus nobles; moins ingénieuses, mais plus émouvantes ; nous n'aimerions pas être paroissiens de Saint Jean de Montmartre.

Dans le fait, certaines parties de la composi- tion de Saint-Jean ne sont pas heureuses, surtout le balcon, qui fait le tour de l'abside et écrase le maitre-autel. Les arcs relevant les supports des nefs sont d'un tracé peu gracieux ; ces lignes très accusées, qui frappent vivement l'attention et qui sont insolites, ne portent pas en elles les éléments de leur justification comme des arcs appareillés ; il y a des formes trop arbitraires, qui ne se font accepter ni par l'habitude acquise, ni par la logique d'une structure lisible. L'ai- sance propre au merveilleux procédé laisse trop de place à la fantaisie, et s'émancipe trop des heureuses sujétions qui, d'ordinaire, assurent l'unité. Combien fantaisiste est l'étage ajouré, au fronton trilobé, qui couronne la façade anté- rieure, façade d'ailleurs traitée, nous aimons à le reconnaître, avec un art très distingué et très original dans ses curieux détails.

B:ef, le merveilleux procédé dont M. de Bau- dot s'est fait le vaillant protagoniste, a pour lui l'avenir ; son application à l'art religieux pouira venir avec le temps ; mais il faudra qu'il s'adapte doucement aux convenances religieuses en les servant dans leurs nécessités et aux procédés traditionnels, en les secondant dans leur im- (juissance, au lieu de se substituer d'emblée et de toutes pièces aux pratiques séculaires, qui

£@élange0.

51

nous sont chères à bien des titres, et qui don- nent une belle carrière à toutes les expressions artistiques. L. Cl.OQUET,

Ayant communiqué l'article qui précède à M. de Baudot, nous avons reçu de cet éminent Maître l'intéressante lettre qui suit :

Paris, le 16 décembre 1905. Mon cher Confrère,

Je ne suis pas surpris de votre déception au sujet de l'église Saint-Jean de Montmartre. Vous vous placez à un point de vue qui n'est pas le mien ; de vos réflexions différentes de celles exposées dans ma brochure. Je rêve une révolution complète dans l'art de bâtir et cela vous effraie et vous trouble comme bien d'autres. Dans cet état d'esprit, pouvez vous trouver satisfaction dans l'application que j'ai été amené à faire à Montmartre? assurément non. Avant d'atteindre le but, il faudra bien des efforts nouveaux et surtout collectifs et malheureuse- ment les occasions de produire dans un sens nouveau sont rares ! Je ne me décourage pas pour cela, d'autant que chaque jour je me sens moins isolé dans la voie que tout particulièrement les nécessités économiques (que n'a pas connues le passé), nous indiquent.

Excusez-moi si je ne donne plus de développements à ma réponse, d'autant que je crois avoir par avance, dans ma brochure, lépondu à vos objections. Quoi qu'il en soit, loin de me chagriner de vos critiques, faites avec courtoisie, j'en suis très satisfait, car je ne cherche que la discussion et la vérité.

Veuillez croire à mes sentiments dévoués.

R. DE Baudot.

H'art méDiétial.

OTRE collaborateur M. H. Chabeuf a fait une fort belle conférence à la distribution des prix de l'École Saint- Frmiçois de Sales à Dijon. C'est une leçon remarquable d'esthétique donnée à la jeu- nesse. Il y célèbre la valeur exquise de l'art du moyen âge en quelques lignes que nous voulons reproduire.

Le propre d'un art complet est de mettre dans les moindres œuvres de la beauté, et telle est bien la vertu admirable de celui-ci. Non seulement une humble église de village éveille en nous quelque chose de l'impression reçue des cathédrales, mais, comme l'antiquité, le moyen âge a eu ce privilège, notre époque industrielle le lui peut envier, que ses produits les plus usuels ont le droit d'être recueillis dans les musées d'art et non d'archéologie. Vous

le savez, les ustensiles exhumés des boues solidifiées d'HercuIanum et de Pompéi ne sont pas seulement des documents pour l'histoire du travail antique et de la vie romaine ; eh bien, il en est de même pour l'art médiéval ; par l'exécution parfaite, l'identité de la destination et de la forme, un landier, une serrure, un meuble d'usage courant sont des objets dignes d'être admirés, et j'ajoute, imités. C'est qu'il ne faut pas prendre l'art pour une aristocratie de choses servant seulement à être belles ; il a le droit, le devoir de pénétrer partout, parce qu'il est hiérarchisé mais un, et si au plus haut sommet régnent la peinture, la sculpture et l'architecture, les arts dits déco- ratifs en descendent par des transitions infinies. Oui, le souci du beau dans l'utile doit inspirer tous les travail- leurs du métal, du bois, de la céramique, de l'étoffe ; le châtiment du laid n'est-il pas d'être incommode en même temps que ridicule.? Et il est vraiment digne de l'homme d'imiter dans la mesure de sa faiblesse, Celui qui dans la moindre mousse a fait œuvre divine, comme dans l'or- ganisme compliqué des animaux supérieurs, comme dans son image terrestre, l'âme.

Il est ici, n'est-ce pas, des botanistes amis de la longue boîte de fer-blanc, qu'ils la laissent pour une fois au logis et aillent herboriser dans nos églises : je parle de la flore de pierre, non des lichens et des pariétaires. L'antiquité s'en est tenue à quelques nobles feuillages, le laurier, l'a- canthe: nos vieux ornemanistes ont pris leurs modèles dans nos bois, nos prairies, nos fontaines, et de ces plantes familières ont tiré des effets surprenants. Par encore, combien elles sont populaires, accueillantes, nos chères églises ! Puis quelle variété inépuisable! Le moyen âge a produit par centaines de milliers des chapiteaux, des frises, des feuillages stylisés, pas une fois, il ne s'est répété. Vraiment au prix d'une telle abondance, l'in- vention grecque et romaine n'est plus que stérilité.

UTconograpbie De la basilique De I?otre=X)ame De la Treille.

A France, qui renie en ce moment son passé chrétien, n'a pas de gloire ar- tistique supérieure à ses cathédrales, enviées par l'univers. Tout esthète se confond d'admiration devant leur merveilleuse architecture, et il n'en aperçoit pourtant qu'un côté secondaire, si prestigieux soit-il ; quelle serait son émotion, s'il les voyait encore rehaussées de leur parure complète, surtout s'il pouvait lire le poème qui fut écrit dans leurs sculptures mutilées et leurs peintures effacées ! Alors il sentirait la grandeur morale, philosophique et mystique de ces ravissants colosses.

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3Rebue De rSit cl)vétien.

Le moyen âge y avait retracé la somme de connaissances humaines, ainsi que tous les élans de l'âme chrétienne. Aujourd'hui nos savants ar- chéologues ont peine à déchiffrer quelques pages du poème, et nul n'en a pu faire encore la su- perbe synthèse. Qui peut se vanter d'avoir lu ce grand livre de pierre qu'est la cathédrale de Chartres? Didron, l'aîné, l'avait essayé ; pendant des mois il vécut sous les voûtes de la basilique pour en analyser toutes les sculptures ; il en revint avec un énorme volume de notes illustrées de nombreux croquis de son ami Gaucherel, et conçut l'idée de donner aux lecteurs de ses Afi- nales archéologiques la transcription littéraire du vaste poème. Hélas! il en est resté à la création du monde !

Lui du moins avait pénétré ce vaste sujet et il pouvait en retracer l'ordre admirable. Que n'est- il plus là, pour apprécier et reviser au besoin l'œuvre entreprise par deux prêtres éminents de Lille,à savoir le programme de la décoration de la basilique de Notre-Dame de La Treille. Son ne- veu a pu apprécier et approuver la première par- tie, due à Mgr Delassus ; les deux Didron nous manquent aujourd'hui pour couvrir de leur auto- rité la suite de ce travail, élaborée avec tant de distinction par M. le chanoine Van Dame.

Comme nous l'a enseigné le maître que nous regrettons tant, l'iconographie d'une cathédrale porte un double caractère, celui de l'adoration et celui de l'enseignement. Pour remplir ces deux fonctions, les personnages sculptés ou peints et les scènes figurées se distribuent en d'harmo- nieuses théories, selon un classement que le moyen âge a réglé avec une entente dont nous ne serions peut-être pas capables, et qu'il est sage de respecter. Il a divisé les êtres, pour l'adoration, en célestes,atmosphériques,terrestres, humains et sociaux; pour l'enseignement, en naturels, scientifiques, moraux et historiques. Au surplus il les a distribués en deux grandes classes selon qu'ils appartiennent à l'ancien ou au nouveau monde, selon qu'ils sont antérieurs ou postérieurs à l'avènement du Sauveur ; la pre- mière classe occupe le côté Nord des nefs, la seconde, le côté Sud. Le chœur est le domaine du Christ, de ses apôtres, de sa doctrine et de sa vie ; les chapelles sont à la disposition de dé- votions locales. Les mêmes sujets, figurés d'une

manière développée à l'intérieur, pour l'adora- tion, se reproduisent à l'extérieur, en abrégé, pour l'enseignement. Les ordres les plus élevés sont plus voisins du sanctuaire; les ordres in- férieurs s'étendent jusqu'au dehors. L'ensemble est une encyclopédie des connaissances humaines dont la théologie catholique embrasse l'univer- salité. Les pages se lisent de gauche à droite et de bas en haut.

Telle est la loi traditionnelle.

C'est bien dans cet esprit net et large qu'a été conçu par Mgr Delassus le programme des vitraux, et dans une certaine mesure, l'œuvre subséquente, que M. le chanoine Van Dame décrit et complète en projet, dans son étude : Une visite à Notre-Dame de la Treille. C'est tout un beau développement iconographique de la décoration de la basilique.

La grande chapelle du chevet a été, comme il convenait, dédiée à Notre-Dame, ainsi que dans la plupart des grandes cathédrales. Quant aux quatre absidioles voisines, elles sont consa- crées à sainte Anne et à saint Jean, à saint Charles le Bon, et à saint Louis. Dans les attri- butions de ces chapelles latérales, nous ne retrou- vons pas la belle logique qui nous frappe dans les monuments anciens, et il semble qu'on se soit laissé guider par des raisons d'à côté. Les quatre saints personnages précités ne paraissent pas appelés de compagnie par une même idée mère et le texte de la brochure ne nous fait pas connaître de raisons très déterminantes de ce groupement. La dévotion populaire réclame le saint comte de Flandre ; tandis que le grand saint Louis satisfait plutôt le sentiment national que la piété locale. Quant à sainte Anne on se demande à quel titre elle préside aux arts et métiers. Enfin saint Jean intervient, nous ap- prend-on, comme représentant de la science et de l'enseignement, non pas en vertu de ses préro- gatives traditionnelles et consacrées, mais par cette considération abstraite, qu'il est le prince de la théologie, reine des sciences (?). Par des motifs de même valeur, combien d'autres attri- butions ne pourrait-on pas motiver ! Et puis, quel groupe hétérogène forment les quatre saints ! à la vérité, n'a-t-on pas voulu dédier les quatre ab- sidioles, non pas à quatre dévotions, mais à quatre abstractions : savoir la France, la Flandre, l'En-

5©élange0*

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seignement et l'Industrie? Ce sont thèmes à la mode, mais bien profanes à côté du sanctuaire. De même dans l'autel de Notre-Dame des raisons aussi peu péremptoires sont fournies pour expliquer, sinon la présence de certains sujets, du moins la place qu'ils occupent. Le mystère de l'Incarnation a été placé sous la fable,... parce que c'est un mystère caché, et celui de la Ré- demption, au sommet du tabernacle,... parce qu'il s'est accompli au sommet du Calvaire !

Nous ne sommes pas partisan de trop his- torier les mosaïques du pavement. Dans celle du sanctuaire, on a figuré les éléments de la nature, c'est fort joli et plausible. Nous aimons moins les médaillons de la chapelle Sainte- Anne, des gens de métiers semblent figurer les Saints patrons de métiers, dénommés dans des bande- roles ; il y a tout au moins équivoque. Nous réprouvons surtout cette main divine bénissante et nimbée: ce symbole sacré est destiné à être foulé aux pieds, et au surplus, placé à l'envers, les doigts vers le bas ! Au même titre le tétra- morphe nous paraît déplacé dans les mosaïques du sol de la chapelle Saint-Jean.

L'œuvre de Notre-Dame de la Treille est toute imprégnée de symbolisme. Le symbolisme est le vrai langage chrétien ; mais c'est une langue, et une langue doit préexister à l'usage qu'on en fait ; c'est une convention tacite. La tradition seule peut fournir des symboles intelligibles. « Les symboles, a dit feu H. Martin, sont l'œuvre du temps, unique synthétiste et façonneur de types, et qui les modèle à l'usage des généra- tions. L'éloquence du mythe est dans la généra- lité de son langage ; son verbe, nécessairement commun, puisqu'il est universel, n'est clair qu'à la condition de faire fond sur les tradi- tions. » Gardons-nous donc du symbolisme fa- briqué. La décoration du sanctuaire lillois n'est pas exempte de quelque abus. Est-il de conven- tion établie que la rose figure la charité de Marie, que la tulipe figure sa beauté, la calcéolaire sa grâce, la chrysanthème sa fidélité, le jasmin sa douceur, l'iris son recueillement, la jacinthe sa noblesse, etc.? Ne confondons-nous pas ici le symbolisme sacré avec le langage galant des fleurs?

Nous insisterons sur la décoration des arcatures de la chapelle Sainte- Anne, qui n'est pas encore

exécutée. C'est bien, qu'on modernise et rajeu- nisse les thèmes symboliques, et qu'on crée de nouveaux types, à condition qu'ils soient lisibles, et qu'on n'innove qu'avec discrétion. On peut même corriger les erreurs de nos pères, pauvres clercs en sciences naturelles. Aujourd'hui, Veau, \e /en, Vair et la terre, ces quatre éléments, nous paraissent bien disparates : \'eau, un corps, le fen, un mouvement, Vair, un fluide, la terre, une masse hétérogène ; or, nous n'aurons fait qu'ac- centuer le défaut de ce groupement suranné, si nous y ajoutons V électricité comme cinquième, même sous prétexte de figurer cinq espèces de moteurs industriels différents ; car quel moyen de prendre la terre pour un moteur ?

Voici encore deux exemples de symbolisme risqué : dans les arcatures de l'absidiole de la Science, on se propose de figurer deux licornes « symbole de Virginité », retenant par les dents la plume et l'écritoire de la Science. Quel amal- game étrange ! Il ne faut pas perdre de vue que la licorne est un mythe traditionnel, et que sa signification est fixée ; elle symbolise la vir- ginité de la Vierge Marie, en rapport avec l'In- carnation du Sauveur. Lui donner à tenir un encrier, c'est abuser du bon public que l'on dé- route. En outre les aigles ne sont pas des « fi- gures des âmes qui prennent hardiment leur essor vers la région supérieure de la pensée >; ça, c'est delà poésie, non du symbolisme. En bonne sym- bolique, l'aigle qui, pensait-on jadis, regarde le soleil en face, peut symboliser le génie, il symbo- lise le Christ comme le roi de l'espèce volatile, la Résurrection, en vertu d'une parole du psalmiste : Renovatur ut aquila j'uventus inea. Il est en outre l'attribut traditionnel de saint Jean. A ce titre seulement, il est à sa place ici, mais pas pour le motif indiqué. Utilisons donc les mythes traditionnels, mais sans en dénaturer le sens.

Encore une légère observation. On veut peindre des draperies dans les fonds des arcades entourant les chapelles. Si l'on fait attention à la vigueur de l'architecture des arcades, si l'on remarque que celles de la chapelle du chevet sont mêmes traversées, dans le fond, par une frise sculptée prolongeant le décor des chapiteaux, l'on reconnaîtra que des draperies seraient un décor mal adapté à cet endroit ; il faudrait de préfé- rence un ornement structural, comme des imbri-

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i^cbuc De rart cj)vétien.

cations, ou tout au plus un fond plat, bien consis- tant et semé d'ornements plutôt géométriques.

Qu'on ne se figure pas, en présence de ces quelques critiques, que nous méconnaissions l'éminente valeur du large et beau travail de M. le chanoine Van Dame. La matière est vaste, grave et ardue. Sa seule critique demande- rait un travail de longue haleine. Nous avons voulu signaler par ces quelques remarques l'uti- lité d'un examen approfondi, que l'auteur a la sa- gesse et la modestie de réclamer lui-même. Nous pensons que, nonobstant quelques défauts inévi- tables dans toute œuvre humaine, l'entreprise à laquelle M. le chanoine Van Dame prête le concours d'une si grande érudition sera l'une des plus imposantes de notre époque, s'il plaît à Dieu qu'elle se réalise en dépit des malheurs du temps.

I.. Cloquet.

X)cur peintures De Gosmc Tura.

ES années de la naissance et de la mort de Cosimo Tura, appelé généralement Cosme Tura, ne sont pas exactement connues; on admet cependant que ce peuvent être 1420 et 1498. C'est un Ferrarais, l'un des plus brillants de ce groupe si particu lier ; il fut le peintre officiel de la principauté, ce qui ne l'empêcha nullement de se livrer au commerce du bois et d'y faire fortune.

Son style est caractéristique, ses ouvrages se reconnaissent à première vue.

Il affectionne les formes nettes, les contours décidés ; il donne à ses carnations une sorte d'âpreté, d'épidermes tirées, de naturel exagéré; il aime les belles architectures, et les colorations éclatantes.

Il ne voit pas l'idéal, c'est un réaliste dans le sens sérieux de la qualification; il prend la nature telle qu'il la voit, mais il choisit des types en exagérant évidemment leurs physionomies.

Il a beaucoup produit, mais plusieurs de ses ouvrages sont perdus, il en reste cependant suffisamment pour permettre une juste appré- ciation.

Il a travaillé dans la célèbre villa des princes d'Esté à Ferrare, la Schifanoia (sans souci) dé-

corée par les Ferrarais Zoppo, Galesso, Cessa, Costa, Piero délia Francesca.

Les galeries de Berlin, de Ferrare, du Louvre, de Bergame, de Venise, la cathédrale de Ferrare conservent quelques-unes de ses œuvres,

Florence et Rome n'en avaient pas.

Ces lacunes viennent d'être comblées.

L'éminent M. Corrado Ricci, directeur des

Saint Dominique, par Cosme Tura (1420-1498 ?)

galeries royales de Florence, a pu acquérir de lui un saint Dominique.

Avec sa profonde érudition et sa sagacité, M. Corrado Ricci a reconnu que cette peinture avait fait partie d'un polyptique ; il a pu le re- constituer au moyen de photographies.

Au centre, la Madone avec l'Enfant, au musée de Bergame.

Sur l'un des côtés saint Christophe au musée de Berlin, saint Antoine de Padoue au Louvre.

Sur l'autre côté, saint Sébastien au musée de Berlin, saint Dominique à la Galerie des Offices de Morence ; nous reproduisons cette belle et noble figure dont malheureusement le panneau.

Mélanges.

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comme celui de la Madone, a été scié par le bas.

Rome a également acheté pour l'ex-galerie Borghèse, à présent galerie Nationale, une figure de moine de Cosme Tara ; c'est un tableau complet.

On discute pour savoir s'il représente saint Jacques délia Marca ou saint Antoine de Padoue.

Saint Jacopo délia Marca est un saint peu connu dont la biographie est très incertaine ; cependant cette opinion est soutenue par quel-

ques érudits, d'autres, plus nombreux, pensent que c'est bien saint Antoine de Padoue, ils s'ap- puient sur le fait que le saint tient un livre à la main, ce qui est la caractéristique de saint Antoine.

La figure est également très belle et bien dans la manière de Cosme Tura. Que prouvent ces deux acquisitions ?

C'est que, quoiqu'on le répète sans cesse, l'Italie est inépuisable.

GERSPACH.

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Italie.

Florence : lia collection tico portiaito aittoerapbes ; liffl taicfl B'cnttcf Pans les muafca. filenja : lies tapiascties flamantics. ffioiiti-piilciatio : lie muace citoiqiic. - Vérone : ©ccoubctte Dune fresque. ïîij(= toia ; Bestauration Du campanile. Boine : lie mueie Du Forum ; lia catacombc De CommoDilla. JSiCnne : Dfcouûertefl De frccqueo. Gcnc.ïf : Découttertea De fresques. JSllSîC : Beatauration Du campanile De Han GiUBto: lies muocea Dca celiaes; U.n portrait par Bubeng. (In portrait par Van !Oi'C&.

LORENCE. La célèbre galerie des poi traits autographes des peintres a reçu ou acquis les effigies suivantes. Romney (G.) anglais (1734-1802), acquisition.

Girolamo da Castello, italien de la Ligurie (XVIIP siècle), acquisition.

Joseph Hoffmann, à Vienne en 1831, légué par l'auteur.

Eugène Smits, à Anvers en 1826, don de l'auteur.

Cari Emil Zoir, suédois, en 1867, don de l'auteur.

Enrico Deangeli, italien vivant, don de l'auteur. Giuseppe Maria Terreni, de Livourne (1739- 181 1), acquisition.

Le don le plus important a été fait par le pro- fesseur Volpi. Il consiste en une peinture à la détrempe avec les portraits en buste des trois Gaddî, célèbres peintres florentins du XI V= siècle; au dessous de chaque portrait sont inscrits les noms Taddeus Ghaddi Gaddus Zenobii Angelits Taddei.

La collection possède ini portrait de Jordaens portant au revers ces mots :

Portrait de Jordan Flainan faict de sa propre main.

M. Max Rooses, le distingué conservateur du musée Plantin à Anvers, conteste ; il admet parfaitement que le tableau est de la main de Jordaens, mais qu'il n'est pas le portrait du peintre ; il base son opinion sur un portrait de Jordaens, disparu aujourtl'hui, dont il existe à Anvers une reproduction.

La taxe d'entrée dans les musées et galeries et autres établissements d'art de l'État est en croissance d'année en année. Pendant l'exercice 1904-1905, à Florence seulement, elle a donné 205,000 francs ; en Italie l'exercice financier administratif va du i'^'' juillet au 30 juin.

Pienza (Toscane). Les œuvres d'art de la cathédrale pouvant être déplacées sans inconvé- nient, ont été réunies dans un musée spécial, on y remarque huit tapisseries qui représentent :

Le jugement de Salomon,

L'enlèvement des Sabines,

Les Jardins d'Armide,

Les prêtres de Belus portant des vivres dans le temple.

Daniel ordonnant la destruction du temple de Belus.

Saijl réprouvé.

Saiil consultant la pitonisse,

La rencontre à Cirta de Marsinista et de Sophoniste.

Ces tapisseries portent la marque d'Aude- narde : une paire de lunettes et le sigle du fabri- cant, un A et un B suivis d'un peigne de tapissier.

Elles furent données à la cathédrale en décem- bre 1 590 par l'évêque Maria Piccolomini, à la con- dition que jamais elles ne pourraient servir à un usage profane. L'évêque appartenait à l'illustre famille de Sienne qui a donné à la papauté Aeneas Sylvius Piccolomini (pontificat de 1458 à 1464 sous le nom de Pie II). Le pontife a fait élever à Pienza un magnifique palais, menacé de ruine maintenant pour cause d'abandon.

Le musée de Pienza conserve aussi trois tapis- series allemandes du XV'= siècle.

Montepnlciano (Toscane). Le chanoine Cro- ciani a fait don au musée civique de la cité de sa galerie de peinture ; parmi les ouvrages les plus intéressants on remarque des tableaux de Filip- pino Lippi, Carrache, Bronzino, Michelange de Caravage, Sustermaos, Lotto, Tintorret, Gio- vanni. Le musée possédait déjà une belle collec- tion, on y remarquait surtout des œuvres des délia Robbia. La cité renferme de beaux monu- ments, églises et palais, mais elle est peu visitée à cause de sa situation éloignée des giandes lignes de chemin de fer.

CorresponDante.

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Vérone. On a découvert dans une maison particulière de Vérone une fresque représentant saint Bartolomeo; elle est du XIV' siècle et en très bon état de conservation.

Pistoia. Il est juste de signaler les généro- sités pour la conservation et la restauration des anciens monuments. A Boulogne M'"" Zucchini Sassoti a donné 6000 francs pour la restau- ration de la façade majeure de l'église San Francesco construite au XII I'^ siècle et décorée de bas-reliefs du XIII>-\

A Pistoia le campanile du dôme a été restauré aux frais de la congrégation de Saint-Jean et Zenon, du ministère de l'Instruction publique et des Beaux- Arts et de la caisse d'épargne de la cité.

Rome. M. Boni.l'éminent directeur des fouil- les du Forum qui a déjà fait tant d'heureuses découvertes, s'est proposé de former dans le musée du Foruin, une collection de photogra- phies de tous les monuments antiques épars dans les pays occupés par les Romains. L'appel a été entendu et de toutes parts les envois ont eu lieu.

La Catacombe de Commodilla, située sur la voie Ostienne, avait été abandonnée au IX« siè- cle lors du transport des restes des martyrs dans l'intérieur de Rome ; le cimetière resta dans l'oubli jusqu'en 1720, époque l'on découvrit par hasard une grande salle souterraine, bientôt comblée par un éboulement ; l'oubli se fit de nouveau sur la Catacombe. Elle vient d être explorée avec l'autorisation de la Commission d'archéologie sacrée parle savant Orazio Maruc- chi,qui a retrouvé non seulement la salle vue par Boldetti en 1720, mais de nombreuses ramifica- tions avec des peintures, des mosaïques et des inscriptions.

Sienne. Dans l'église Santa Colomba, hors de Sienne, on a découvert d'importantes fresques du XIV« siècle qu'on pense être de Lorenzelli ; une partie seulement a été mise au jour, mais il y a lieu de croire que l'église susdite était peinte ; nous en reparlerons.

Gênes. Il existe dans l'ancien couvent de la paix à Gênes, deux fresques du XV<= siècle: La Cène et la Crucifixion. La maison va être démolie, mais la municipalité a décidé de faire détacher ces intéressantes peintures ; le travail a été con- fié à M. Recliia de Vérone.

Suse. Le campanile de l'église San Giusto

est en restauration; l'église a été fondée en l'an 1026 par l'ordre de la comtesse Berthe de Sa- voie.

Les musées. Indépendamment des musées civiques (municipaux),ritalte possède dix musées de cathédrales ou d'églises. On a critiqué ces institutions, disant qu'il valait mieux laisser les objets en place que de les réunir dans un local spécial ; l'observation serait juste si on avait dé- pouillé les églises, mais il n'en a pas été ainsi. Les muséesd'églises ne renferment que des objets qui étaient ou inutiles à la décoration des tem- ples, ou mal placés, ou relégués dans les sacris- ties, ou enfermés dans les meubles. En fait, grâce à ces musées, nombre de pièces en pare- ments ecclésiastiques et en orfèvrerie religieuse surtout, ont été mises sous les yeux du public.

Dans quelques églises, les objets les plus pré- cieux ont été exposés dans les sacristies; à Santa Croce de Florence notamment, il y a de très beaux parements ecclésiastiques, des livres cho- raux illustrés et de remarquables pièces d'orfèvre- rie; mais ce magnifique local décoré au XV*^ siècle de fresques par Nicolodi Piero Gerini et Ambro- gio di Biedese, ne pouvait recevoir d'autres pein- tures et sculptures; on prit alors le parti d'organi- ser un musée spécial dans le grand réfectoire du couvent se trouve une grande fresque, la Cène, par Taddeo Gaddi,- et d'autres peintures giottes- ques et du XV« siècle. C'est un musée de plus pour Florence.

Angleteire. Rubens a peint en 1635 le por- trait de Charles le Téméraire. Il existait dans l'atelier de l'artiste à l'époque de sa mort en 1648 ; sa trace fut perdue l'année suivante.

On suppose qu'il passa à Philippe IV, puis- qu'il fut transporté en France au XIX'= siècle d'où il fut acheté pour l'Angleterre. M. Max Rooses, le savant directeur du musée Plantin d'Anvers, a reconnu l'authenticité de cette pein- ture.

Vienne. Un amateur de Vienne avait ache- té pour 500 florins à un menuisier un tableau qu'on croyait une copie d'une œuvre de Van Dyck.

Le tableau fut examiné avec soin et on admet à présent que c'est un original de Van Dyck et que sa valeur est de 200,000 francs; ce serait le portrait du roi Charles V" d'Angleterie.

Gerspach.

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Académie des Inscriptions et Belles- Lettres. Séatice du 6 octobre içoj. Le professeur Hiilsen attire l'attention de l'Acadé- mie sur un manuscrit inédit de l'archéologue J.-J. Boissard, savant qui naquit à Besançon en 1528 et mourut à Metz en 1612.

Ce document renferme la copie de nombreuses inscriptions et la description d'un grand nombre de monuments antiques qui existent ou ont existé à Rome, en Gaule, en Suisse et dans les provinces danubiennes.

Séance du ij octobre. Le D'^ Carton rend compte des fouilles qu'il a exécutées pour le compte de l'Académie dans le sanctuaire punico- romain de Tanit, qu'il a découvert à El-Kenis- sia, près de Sousse.

Fréquenté pendant plusieurs siècles avant notre ère, ce lieu consacré présente des disposi- tions pleines d'intérêt. On y voit des autels et des piédestaux groupés au pied d'un vaste em- marchement qui précède un ensemble de cou- loirs étroits et de chambres exiguës, garnies pour la plupart de grands lits.

En un point dn monument, on a mis au jour une cuve au sol cimenté renfermant une couche épaisse de deux mètres, formée de débris de charbon et d'ossements, dans laquelle on a trouvé plus de 6.000 objets jetés pêle-mêle lors des sacrifices. M. Carton y a recueilli environ 2. 000 lampes puniques à becs, des brûle-parfums en forme d'autels, 200 stèles puniques portant le nom de Tanit, et un grand nombre de statuettes peintes d'un haut intérêt, représentant des dédi- cants, et dont quelques-unes sont d'une remar- quable exécution.

Il existait des sanctuaires du même type à Hadrumète et à Cartbage. L'ensemble si curieux de Nora, pris jusqu'ici par ceux qui l'ont exploré pour une nécropole, n'est autre qu'un sanctuaire de Tanit analogue à celui d'El-Kenissia.

M. Tocilesco,de l'Académie et de l'Université de Bucharest, rend compte du résultat de ses der- nières fouilles dans le bas Danube, et plus parti- culièrement dans la région de la Dobroudja. Il résume les discussions sur l'âge du monument d'Adam Klissi, et conclut qu'il s'agit bien d'un trophée de Trajan contemporain du mausolée voisin. Il démontre que le prétendu tombeau de Cornélius Fuscus est la sépulture d'un chef bar- bare.

Séance du 20 octobre. Cette séance est con- sacrée à la présentation des canditatures.

Séance du 2j octobre. M. E.-F. Gautier fait une communication sur les résultats ethnogra- phiques d'un long voyage transsaharien qu'il vient d'accomplir.

Les conclusions auxquelles il s'arrête reposent sur deux catégories de découvertes :

Les monuments néolithiques : des flèches en silex, des meubles en granit, etc., qui prouvent que la plus grande partie du Sahara a été occu- pée à l'époque néolithique par des agriculteurs nègres ;

2" Les monuments de l'âge de fer, qui font voir que cette civilisation a cédé la place sans inter- médiaire à une civilisation berbère de l'âge de fer. Il s'agit des ancêtres des Touaregs actuels.

Cette grande transformation est toute récente, à peine préislamique, peut-être romaine.

Séance du j novembre. M. Héron de Ville- fosse communique au nom de M. Déchelette, une note relative à une antéfixe en terre cuite ornée d'une tête de taureau posée de face. Cette antéfixe proviendrait de Néris et elle aurait été fabriquée dans les ateliers de la 8*^ légion, dont le taureau était l'emblème.

M. Albertini fait le relevé des fouilles qu'il a exécutées en Espagne et qui lui ont fourni de curieux échantillons d'une céramique spéciale.

Séance du 10 fwvembre. M. S. Reinach fait une communication qui a pour titre : la

Vénus de Médicis, copie d'un original de Lysippe. On attribue d'ordinaire à l'école de Praxitèle l'original de la célèbre statue de Florence. M. S. Reinach donne lecture d'une note de M. Mahler, professeur à Prague, qui fait valoir à cet égard les droits de Lysippe par des arguments que M. Reinach juge décisifs. M. Collignon présente des objections contre cette attribution de la

Vénus à Lysippe.

M. Roman communique le dessin du sceau de l'armée des Catalans en 1312, et deux sceaux de Guy, dauphin, nommé roi de Salonique par les mêmes Catalans.

M. G. Perrot, secrétaire perpétuel, prononce l'éloge de son prédécesseur, M. Wallon.

Enfin, lecture est donnée de la liste des prix et récompenses que l'Académie des Inscriptions a décernés cette année.

Séance du 2^ novembre. Le R. P. Delattre annonce la découverte faite par lui d'un nou-

^vâMnx îïes Sociétés sat)ante0.

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veau sarcophage de marbre blanc rehaussé de peintures.

Son couvercle est de dimensions inusitées : sa longueur est de 2 m. 75 et sa largeur dépasse un mètre. Onze acrotères, motifs décoratifs, en ' ornent les fonds sur chaque grand côté. Le tym- pan du fronton antérieur porte une peinture dans laquelle on distingue un personnage ailé émergeant des flots de la mer ; les angles du tympan sont occupés par des dauphins.

On y avait déposé un corps enfermé dans un cercueil de bois richement décoré de peintures et de dorures et muni de quatre poignées de bronze.

Séance du j décembre. Cette séance est consacrée à l'élection du membre titulaire, M. Haussonlier.

Société nationale des Antiquaires de France. Séance des S et 75 novembre iço^. M. A. Blanchet signale la restauration récente des thermes romains de Royat ; il regrette qu'elle ait enlevé tout aspect artistique à ces ruines.

M. Monceau présente au nom du R. P. Uelat- tre des plombs de bulles byzantines et autres.

M. Dimier appelle l'attention sur une minia- ture appartenant à M. Pierpont Morgan qu'il croit pouvoir attribuer à Jean Clouet.

M. Babelon lit un mémoire de M. le D' Bou- quette sur une lanterne romaine trouvée par lui à Ain-El-Hout près de Soukahras.

M. Prou lit une note de M. Maxime Legrand sur une Vernelle de chiens.

M. Héron de Villefosse signale une tablette de bronze trouvée à Olbiaet qui appartient à la catégorie des tubulœ defixionuin.

Séance du 22 novembre. M. Primet commu- nique la reproduction d'un sceau en navette trouvé récemment dans le Var. C'est un sceau d'Aix en Provence dont la légende et la décora- tion sont du XV*^ siècle.

M. Vitry fait une communication sur le groupe du Dotnine quo vadis qui figurait autrefois dans l'église St-Pierre de Saumur.

M. Toutain étudie une inscription probable- ment gravée sur une des colonnes milliaires de la voie romaine par laquelle était reliée Cartenna à la grande route qui traversait d'I'^st en Ouest la Mauritanie Césarienne en suivant le cours du Cheliff.

M. Poinsat fait une communication sur une inscription récemment découverte à Dougga par M. Carton.

Séance du novembre. M. Valois com-

munique, au nom de M. C. de Chambrun, un vase romain trouvé à Jublains (Mayenne).

M.Manceau communique divers sceaux bjzan- tins trouvés à Carthage par le R. P. Delattre.

M. Prou lit une note sur une monnaie méro- vingienne frappée à Naixen-Rarrois et qui fait partie de la collection de M. Testenoire, de Saint- Étienne.

Séance du 6 décembre iço^. M. le Président lit une note de M. Roger Rodière sur deux cloches anciennes existant actuellement dans le Pas de Calais.

M. le C'^ Durrieu expose que d'après lui il y aurait lieu de restituer le diptyque de Jeanne de France, duchesse de Bourbon, qui est exposé sous le nom de Memling au musée Condé à un élève de Rogier Van der Weyden d'origine ita- lienne, Zaneno Bugato, qui a travaillé en France à la cour de Louis XI.

M. le C'*^ de Loisne fait une communication sur un cimetière franc récemment exploré aux environs de Béthune (Pas de Calais).

Société archéologique de Tarn et Ga- ronne. — Toutes les églises n'ont pas été cou- vertes de peintures au moyen âge, mais toutes devaient l'être, et l'on a commencé la décoration picturale de la plupart. Bien des exemples l'at- testent, et s'ils sont si rares, c'est à cause du décrépissage des murs qu'on s'est trop hâté de pratiquer.

Si l'on rencontre çà et une partie couverte de badigeon à une époque reculée, soit au XVII^ siècle, on est presque certain qu'en la grattant, on mettra des fresques à découvert. C'est ce qui est arrivé naguère à M. Gizard, curé de Ram- poux, qui a découvert une petite chapelle en- tièrement couverte, au XV siècle, de peintures décoratives et historiées. M. Jean Fourgon vient d'en publier la description. Au-dessus de l'autel, le registre inférieur représente \ Annonciation, et le supérieur, le Père éternel entouré de la cour céleste. Sur le mur de fond, la scène du baiser de Judas et la Flagellation des deux côtés d'un vitrail et au-dessus, deux anges portant les instruments de la Passion. En face de l'autel, le Crucifiement surmonte la Pietà. La voûte est décorée par quatre médaillons inscrits dans les voussures et contournant les emblèmes évan- gélistiques ; le reste des parois des voûtes est couvert de nébules. Les scènes sont traitées largement et en vraie peinture murale. M. Four- gon donne de ces intéressants tableaux de bonnes reproductions photogiaphiques ; on ne regrette qu'une chose : un spécimen du coloris.

L. C.

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3^ebue lie V^xt t\)xttitn.

Congrès de la Société française d'ar- chéologie à Beauvais et à Compiègne en 1905. (Sui/eJ (-).

«La journée se terminait à Clermont,c|ui ne conserve de son ancienne fortification que le donjon du château, que l'on peut dater du XI K' siècle ; il est à regretter qu'il ait été maladroitement défiguré lorsqu'il fut annexé aux constructions de l'ancienne maison de détention.

« L'hôtel de ville, qu'a reconstruit presque en entier M. Selmersheim, en suivant strictement l'ancien plan, est un édifice remontant au preitiier quart du XlVe siècle; il est surtout curieux par la halle qu'il abrite, et dont le plancher, reposant sur des arcs isolés et treize colonnes dépourvues de chapiteaux, est du meilleur effet.

« L'église, consacrée à saint Samson , évéque de Dol, fut édifiée au XIII" siècle; maisjincendiée en 1432, repriseen sous-œuvre au XVIe siècle, réincendiée en partie en 1785, mutilée surtout aux portails par de maladroites restaura- tions modernes, elle a perdu non seulement toute unité, mais aussi presque tout son caractère, et ne mérite plus d'arrêter l'attention que par l'étude des détails, dont quel- ques belles verrières du XVIe siècle. Rappelons enfin que Clermont possède quelques vieilles maisons de la même époque.

« Le lendemain, le programme fixait la réunion à Gisors, ville qui a presque complètement perdu ses fortifications, démolies aux XVI Ile et XLX" siècles, mais qui a con- servé les ruines d'un imposant château-fort du XI K' siècle, l'un des meilleurs modèles que nous en possédions en France avant l'épanouissement de l'architecture militaire à Château. Gaillard. Sa situation à la frontière du duché de Ntirmandie et du royaume de France suffit à expliquer les soins que son constructeur, Guillaume le Roux, y ap- porta, et qu'augmentèrent encore Henri I" et Henri II, rois d'Angleterre.Lestoursà éperon du château de Gisors furent parmi les premières construites en France, et l'on peut y reconnaître le modèle de celles exécutées plus tard à Issoudun, la Roche-Guyon et Château-Gail- lard.

« Lorsque Philippe-Auguste s'empara du château en 1193, il l'augmenta encore et construisit en C, à la ren- contre des courtines et des remparts de la ville, une tour cylindrique de 38 mètres de hauteur et 14 mètres de dia- mètre, qui rappelle celles de Rouen et de Dourdan.

« Quittant le cliàteau, le Congrès se réunit à l'église, vaste édifice se trouvent mélangées deux époques, le go- thique et la Renaissance. Son plan comporte une nef flan- quée de quatre bas-côtés et de deux rangées de chapelles, un transept et un chœur rectangulaire accolé lui-inême de doubles bas-côtés ; le plan se trouve fermé par un déam- bulatoire semblant être constitué par trois petites absides se communiquant entre elles. Trois tours, deux sur la façade et une sur la croisée, complètent le monument. Cette dernière tour, datant du XI K' siècle, est la partie la plus ancienne de l'édifice; remaniée au .XV^ siècle, elle fut, en 1821, coifîée d'un disgracieux campanile. Dans la nef et les chapellles. l'ensemble est gothique, avec seu- lement quelques détails Renaissance : en façade, c'est le contraire qui se produit, avec une tendance très marquée en certains endroits l'interprétation de l'architecture rortiaine. A l'intérieur, quelques piliers des bas-côtés mé- ridionaux sont remarquables par leur originalité, entre autres celui construit en 1526, aux frais de la corporation des tanneurs. Les chapelles possèdent quelques bonnes verrières et quelques œuvres de sculpture intéressantes, dont l'une, un cadavre décharné en pierre, rappelant

I. Voir Revue de l'Art chrétien, 1905, p. 423.

l'œuvre similaire, conservée à Saint-Mihiel, est impropre- ment attribuée à Jean Goujon.

« Un train spécial conduisait les membres du Congrès à Gournay-en-Bray, où, après le déjeuner, séance était tenue à Saint Hildevert, monument pouvant être daté du com- mencement du XI l-î siècle, et dont le chevet plat constitue une exception pendant la période romane pour un édifice de dimensions si importantes, composé qu'il est d'une nef de six travées, d'un transept avec deux absidioles et d'un chœur de trois travées. La construction, commencée par les parties orientales, fut probablement terminée avant 1150, malgré qu'on y retrouve çâ et la présence d'as- sises en opiis spicaium. Quant aux voûtes, elles furent construites dans la seconde moitié du XI 1"-" siècle. Cette église possède un bufifet d'orgues daté de 153S, refait en 176g, mais ayant conservé de jolis motifs de l'époque de la Renaissance.

« La journée se complétait d'une visite .H Saint-Germer, monument du plus haut intérêt archéologique et pour lequel bien des questions restent encore à lésoudre.

<"< Quoique la date de sa fondation soit inconnue ('), on peut sans hésiter le classer dans les monuments apparte- nant au style de transition dans l'Ile de-France, et le rapprocher des cathédrales de Noyon et de Senlis, ainsi que des églises de Chars et de Saint-Leu-d'Esserent. L'église comprend une nef de huit travées flanquée de deux bas-côtés, un transept et un chœur d'une travée avec déambulatoire donnant originairement accès à cinq absi- dioles ; aujourd'hui il n'en reste que trois, celle du milieu ayant été, îi la fin du XI IL' siècle, éventrée pour donner accès à la chapelle de la Vierge, et l'une des absidioles du nord ayant disparu à une époque indéterminée.

« Originairement, deux tours existaient au-devant de la façade ; mais elles furent jetées à bas sous Charles V, par les troupes anglaises venues de Gournay,et un grand mur en brique, existant encore, remplaça la façade, en fermant la nef.

<( Conformément h l'usage de cette époque, .Saint-Germer fut commencée par le chœur, et les trois campagnes de sa construction sont assez lisibles, la dernière compre- nant la première travée et les tours. A l'examen de ce qui reste de cette dernière partie, on est amené à se deman- der si ce monument ne possédait pas un narthex.

k Ne quittons pas Saint-Germer sans rappeler la chapelle de la V'ierge ou .Sainte-Ch.ipelle, délicieux bijou du XI IL siècle, rappelant par plus d'un point celle de Paris ; les vitraux, dont l'un d'eux représente le maître de l'œuvre recevant des mains de l'abbé (Pierre de Wesencouri pro- bablement) une bourse pour payer les ouvriers, méritent l'examen ainsi que l'antel, copie de l'ancien (-), et repré- sentant le Christ en croix entre saint Jean et la Vierge ; à droite, la Synagogue, saint Paul, la Visitation, saint Germer aux pieds de Clovis II ; à gauche, l'Église, saint Pierre, l'.'\nnonciation, saint (fermer donnant ses soins à un blessé.

« A l'issue de sa visite h Saint-Germer, le Congrès vote des félicitations â M. le doyen Bornet pour les soins éclairés qu'il apporte à la conservation du monument, et émet le vœu que des crédits soient enfin accordés à notre confrère Bœswilhvald pour sauver, s'il en est temps en- core, certaines parties de l'édifice qui menacent ruine.

« Le lendemain matin, tout le monde se retrouvait à Beauvais, à la I5asse,œuvre construite sur l'emplacement projeté de la nef de la cathédrale ; ce petit édifice, avec

1. Néanmoins, l'on possède un texte marquant qu'en ii57,Henn, roi d'Angleterre, donne à l'abbaye quatre chCnes à prendre annuel- lement pour aider à la construction.

2. Aujourd'hui au musée de Cluny.

Crat)aa)c ties ^octétés satiantes.

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bas-côtés, sans voûtes, et construit en matériaux de petit appareil suivant le système romain, date de la fin du X' siècle.

< Nous ne saurions ici prétendre donner en quelques lignes une description, même sommaire, de la cathédrale Saint-Pieire, qui, teiminée, eîit été l'un des monuments les plus magnifiques de la chrétienté. Le grandiose des proponions et l'harmonie des formes, que nous révèle le chœur, laisse assez supposer ce qu'eût été ce merveilleux morceau d'architecture, que, sans exagération, Viollet-le- Duc qualifiait de « Parthénon de l'architecture française >. Sur place, M. Lefèvre-Pontalis a su dire tout ce qu'il convenait, et 1 œuvre des vieux maîtres a eu en lui un digne commentateur.

« La visite des vieilles maisons et de la Manufacture complétait cette journée.

t Le lendemain matin, dès six lieuies, le train menait le Congrès à Senlis, qui conserve de la vieille citéiomaine les fondations des aiènes et seize îles vingt-huit tours de l'enceinte fortifiée, contre laquelle, au nord, s'élève un ancien château royal remontant aux 1V'= et XK siècles.

« La cathédrale, monument du XI siècle, reprise au Xlll'^et très modifiée au XVI", nous nflfre encore, par beaucoup de ses parties primitives, un des meilleurs exemples du style ogival naissant. Comuie nous le verrons plus tard à Noyon,il y a alternance uans lanef des piliers et colonnes isolées donnant sur les bas-côtés ; nous re- marquons un tracé de voûtes d'ogives sur plan carré avec doubleau intermédiaire ayant son point de passage à la clef.

«AuXVl" siècle, l'architecte Michel de liray respecta celte disposition, mais modifia des mouUiies, en même temps qu'il remplaçait par un fenestrage flamboyant les baies eu tiers point du XI h siècle ; de même, sur le carré du transept, il modifia la croisée d'ogives pour la remplacer par une voûte en étoile.

< La façade principale est percée de trois portes; son poriail central, en tiers point, sculpté vers 1180, repré- sente les scènes de la mort, de l'ensevelissement et du couronnement de la \'ieige. La tour du Sud, avec sa flèche dentelée et épaulée d'élégantes lucarnes, est un véritable chef-d'œuvre de l'architecture du XI 11"^ siècle. M. Lefèvre-Pontalis pense que le constructeur s'inspira d'une ancienne flèche d'un clocher de Saint-Denis.

La collégiale de Saint-Frambourg, l'on se rend ensuite, et servant actuellement de magasin, fut rebâtie en 1177. Elle ne comporte qu'une nef avec abside ; mais ses proportions imposantes et d'une belle harmonie ont permis à M. le chanoine Mûller, auquel nous devons une très bonne monographie de Senlis, de dire que « ce monument était d'une science consommée, l'élégance s'unit à la force et le charme de l'ensemble à une merveilleuse simplicité ».

«Senlis possède encore: Saint- Vincent, édifice du XI !•= siècle, dépendant jadis d'une abbaye fondée par Anne de Russie; ce monument est à une seule nef avec deux croisillons et est paré, à 1 Ouest du croisillon nord, d'un élégant clocher de la fin du XI1° siècle ;

< Saint-Pierre, aujourd'hui transformée en marché, de- vait, à l'origine, êi re édifiée sur le plan de Rhuis ; elle com- prend dans ses diverses parties des éléments d'archi- tecture des XI I», X\"*et XV'I" siècles ;

« Saint- Aignan, des XI V^ et XVI " siècles, est convertie en théâtre ;

< La chapelle de Saint-Laz:ire, qu'on peut dater de la fin du XII" siècle ;

< L'église des Bonshommes, du commencement du XIV'' siècle, aujourd'hui magasin d'habillements;

« L'ancien évèché, avec chapelle, est du XIII" siècle.

« Quelques maisons du moyen âge et du XVIe siècle complètent les vestiges archéologiques que possède Sen- lis.

« La journée du dimanche était réservée aux excursions individuelles ; mais presque tous les congressistes res- tèrent à Beauvais, pour assister aux belles fêtes anniver- saires de l'héroïne locale,

« Le lendemain commençait la deuxième période du Congrès, avec Compiè.s^ne comme siège des séances.

« Avant son arrivée à Compiègne, le Congrès se rendait à Creil, des voitures emmenaient les excursionnistes à Nogent-les-Vierges, localité devant son nom à sainte Brigide et sainte Maure, vierges écossaies martyrisées à Balagny-sur-Thérani à la fin du V'^ siècle, et dont les reliques furent transférées à Nogent vers 645.

« La nef de l'église, qui remonte au commencement du Xlle siècle, possède une belle charpente en forme de carène renversée. Le porche occidental, rappliqué vers II 50 contre la façade, conserve encore une de ses baies en tiers-point. Au Nord du sanctuaire se trouve le beau tombeau en marbre noir de Jehan Bardeau, seigneur de Mortefontaine,avec sa statue eu marbre blanc par Michel Bourdin, auquel nous devons les groupes de la clôture du chœur, à Sa cathédrale de Chartres.

« Non loin de Nogent-les-Vierges se trouve Villiers- Saint- Paul, dont l'église date des XlJf, XIII^ et XVJe siècles ; encore nous trouvons une église à chevet plat, portail rapporté et corniche beauvaisine. Dans l'intérieur, douze belles pierres tombales des XIV", XV^-', XVI<-' et XVIK' siècles méritent d'arrêter l'attention.

«Après le déjeuner à Creil, rendez-vous était pris à l'église gothique de Montataire, remplaçant un plus an- cien monument roman, dont le chœur et le transept fu- rent, vers la fin du XI II" siècle, rebâtis dans un style d'une belle élégance. De l'église on se rend au château, dont l'existence dès le XI I' siècle est certifiée par trois chapiteaux romans ornés de feuillages, conservés dans une dépendance du château; mais ce que nous en voyons aujourd'hui remonte aux XVIîï et XVI siècles.

«A l'intérieur, rappelons la chambie d'Henri IV, avec son intéressante galerie de portraits.

« Saint-Leu-d'Esserent réunit ensuite le Congrès. Cette belle église, l'un des meilleurs types que nous possédions du style ogival naissant, est, avec quelques vestiges de cloître du XI IK' siècle et une porte fortifiée du XI V% tout ce qui reste d'un prieuré dépendant de Cluny et fondé en 1081 par Hugues de Dammartin. M. Selmersheim a été assez heureux pour retrouver les éléments d'une petite église primitive terminée par un chœur entre deux absi- dioles. Au revers du porche, se voient encore deux colonnes engagées de la première travée et donnant ainsi les dimensions de la nef, qui était très restreinte.

« L'église que nous admirons aujourd'hui semble remon- ter à la fin du Xll" siècle; mais l'examen des clochers de l'abside nous amène aux premièies années du XlIIe. Quant au surplus de la nef, le triforium de l'abside et les arcs-boutants, nous devons les dater vers 1225.

«Au-devant de l'église s'ouvre un porche ne prenant pas toute la façade et venant, sur l'un de ses retours,s'amortir contre la tourelle de l'escalier; ce porche comprend trois croisées d'ogives, avec, à la clef, quatre têtes sculptées.

« Ce porche fut très savamment restauré de 1882 à 1885 par M. Selmersheim.

« Reprenant le train, nous nous rendions à Compiègne, et le soir, à neuf heures, les congressistes étaient reçus à l'hôtel de ville par le maire, M. Fournier-Sarlovèze, en- touré de son conseil municipal.

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i^ebuc lie r^rt (j)t*ctiru.

« Le lendemain matin, les visites continuaient par les monuments locaux, que tous nos confrères connaissent, et, l'après-midi, le train nous emmenait à Emeville, d'où des voitures nous conduisaient à V'ez, ancienne capitale du Valais et voisine de la résidence royale de Bonneuil.

< Après une rapide visite de l'église, celle du château commençait.

< Construit à la fin du \1 siècle par Louis d'Orléans, que la situation stratégique du lieu entre la Ferté-Milon et Pierre-fonds avait séduit, il comprend de nos jours une enceinte carrée flanquée au nord-est d'un donjon penta- gonal, épaulé de cinq contreforts cylindriques. Ce donjon rappelle ceux de Villeneuve-Loubet, Bourdeilles, Cler- mont-Tonnerre.

« Au milieu de la cour se trouve la chapelle, qui n'était pas voûtée ; elle se termine par un chevet à trois pans orienté au nord et renforcé de contreforts. Notre con- frère M.Bœswilhvald a excellemment restauré ce château.

« Après un arrêt à l'église de Fresnoy-la-Rivière et aux rumes de celle de Lieu-Restauré, nous arrivions à Mo- rlenval, église célèbre par les discussions archéologiques auxquelles ont donné lieu la date de sa construction et son importance dans les origines de l'architecture ogivale.

« Au XI" siècle, l'église comprenait une nef précédée d'un nanhex, un transept flanqué de deu.x absidioles et un chœur demi circulaire avec deux chapelles rectan- gulaires prenant accès directement sur le tiansept ; plus tard, aux XI1= et Xlll" siècles, cette église fut remaniée et augmentée de bas-côtés venant jusqu'à l'alignement du narthex et d'une charmante chapelle de la finduXlll'' siècle; le lourd portail de la façade qui s'ouvre dans le bas- côté nord date du XVI I>^ siècle. Au Xle siècle, la nef était recouverte d'un lambris: mais, en 1652, l'abbesse Anne III Foucault la fit voûter d'ogives en même temps que l'aile nord du nanhex. Les deux tours romanes du XK siècle qui flanquent l'abside donnent à ce monument un aspect des plus imposants.

<< L'on doit louer sans réserves M. Selmersheim de la restauration tout à fait rationnelle qu'il a entreprise de ce beau monument, l'un des plus intéressants de la région de l'Oise.

«La dernière journée était réservée à Ourscamps, an- cienne abbaye cistercienne, fondée en 11 29; il ne reste plus aucun vestige de l'église primitive, et celle du XII" siècle est aujourd'hui en ruines ; mais le beau déambula- toire gothique dont les nervures des croisées d'ogives sont encore existantes montre assez l'importance de ce monument, en même temps qu'il nous expose clairement, par ses ruines mêmes, le mode de construction employé à cette époque. Ue magnifiques tombes plates et de beaux monuments funéraires ornaient cette église ; la collection Gaignières et l'ouvrage de M. PeignéDelacourt en ont donné de bonnes reproductions.

« Près de l'église se trouve l'infirmerie, composée d'une grande salle divisée en trois nefs par deux files de huit colonnes isolées. Édifiée vers 1240, elle rappelle la grande salle capitulaire de Noyon, de même que, par les niches réservées dans les murs latéraux, elle fait ressouvenir de la grandes aile du Mont-Saint-Michel.

< Nous ne pensons pas que cette salle eût été édifiée pour l'exposition des morts, comme plusieurs auteurs l'ont écrit, mais plutôt qu'elle fut une salle des hôtes. Ce ne pouvait non plus être un dortoir, car nous savons que les pièces destinées à cet usage étaient au premier étage.

« D'Ourscamps l'on se rend à Noyon, où, après le dé- jeuner, l'intéressante cathédrale réunissait tous les con- gressistes.

< Ayant la forme d'une croix latine, de 104 mètres de long, avec un transept terminé par deux chapelles en hémicycle, elle possède un chœur d'un caractère iden- tique à celui du chevet de Saint-Germain-des-Prés, à Paris. Les cinq chapelles du rond-point, peu profondes, sont flanquées de contreforts en forme de colonnes.

« La nef de onze travées, avec alternance de piliers et de colonnes isolées, est accompagnée de simples colla- téraux au-dessus desquels des tribunes s'ouvrent sur la grande nef par de doubles arcades fort gracieuses et sur- montées elles-mêmes d'une galerie. Les voûtes de cette partie de l'église furent refaites au XI IL' siècle. De belles boiseries, un superbe maître-autel en marbre blanc daté de 1779 et le trésor décrit par Didron méritent d'arrêter l'attention.

i Au nord de la cathédrale, contre la nef, est appuyée la belle salle capitulaire, du XI lit siècle. Les dix voûtes, dont les ogives et les doubleaux retombent sur des colonnes isolées, rappellent ce que nous avions vu à Ourscamps. A l'Est, une grande baie fait communiquer cette salle avec le cloître, bâti vers 1280.

« Après la cathédrale, la visite se terminait par l'évêché, à la si jolie façade de la Renaissance, et par l'hôtel de ville, de l'époque Louis XII, mais inhabilement restauré au .XVI 1= siècle.

«Comme on a pu le voir, bien plus par la nomenclature des monuments visités que par la trop rapide esquisse que nous en avons faire, ce Congrès fut des plus éconds en observations, et il ne fallut rien moins que la h tute science de son directeur pour en soutenir le constant intérêt ; aussi les félicitations ne lui firent pas défaut.

« L'année prochaine, la session s'ouvrira a Carcassonne, et se continuera à Narbonne et Perpignan. »

A. Besnard,

Premier Congrès mariai breton tenu à Jos- selin. Tout est chrétien en Bretagne, le sol et le cœur, et tel coin de ce pays de héros l'est mieux encore que les autres, comme Josselin, avec son célèbre château, et la basilique de Notre-Dame des Rosières ; ce fut le siège du premier congrès Mariai. Il fut fécond en travaux glorifiant 1' « Im- maculée » qui ont été consignés en un bel et gros volume. Nous y signalerons au point de vue qui nous occupe l'histoire de Josselin, par M. J. Fal- her, et un mince chapitre consacré à l'art. On y envisage l'Immaculée Conception dans la poésie, dans l'éloquence, dans la peinture. M. l'abbé Abgralle retrace l'iconographie bretonne de l'Im- maculée Conception et M. Picaud s'occupe de la Vierge de Casale.

Dans sou article sur l'Immaculée Conception dans la peinture, M. l'abbé J. J. Lepetit s'en prend incidemment à l'opinion soutenue par le P. Cahier dans ses Mélanges archéologiques , et adoptée par beaucoup de personnes, à savoir qu'il convient de ne pas figurer la Vierge Im- maculée séparée de l'Enfant Jésus ; il nous paraît qu'il la réfute faiblement

L. C.

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ëmëmmmB Bibliographie, ^m^

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ROGER DE LA PASTURE, par M. A HocQUET. - Broch. Tournai, Casterman, 1905.

ff^^^l^^'EST en vain que feu Wauters, met- j" tant en suspicion les documents les b. plus formels, a voulu nier l'origine Ci tournaisienne de Vanderweyden. r:^^ Le livre de la corporation des pein- tres tournaisiens atteste qu'il est natif de Tournai et qu'il fut l'apprenti de Robert Campin. Feu Amaury de Lagrange a trouvé dans les comptes de la corporation la preuve que Maître « Roger de la Pasture, peintre, fils de feu Henry, demeurant à Brouxielles, acheta de la ville de Tournai des rentes viagères au profit de lui-même, de sa fem- me, Isabelle Goffaert, et de ses deux enfants Cor- neille et Marguerite» ; et il a prouvé aussi que les peintres tournaisiens firent célébrer un service funèbre pour l'âme de leur compatriote décédé à Bruxelles en 1464. La Revue de l'Art chrétien (') a signalé depuis, à la suite de M. S. Reinach, un document de 1460 notre artiste est dénom- mé « maitre Roger de Tournai ». Cela n'a pas empêché des érudits de nier encore l'origine tournaisienne de Roger. On a voulu le faire descendre d'un Henri Vanderwyden de Louvain et en faire un artiste flamand d'origine (-).

L'érudit archiviste tournaisien remet les choses au point. Il prouve qu'à Bruxelles même Roger avait conservé son nom wallon « de la l'asture >. Si son nom familial originel avait été Vanderweyden, jamais les Tournaisiens n'en auraient fait «de la Pasture»; ce n'est pas de cette manière qu'ils francisaient les noms germaniques, si nombreux, qu'ils ont traduits dans leur idiome. Bref, M. Hocquet rétablit solidement l'origine tournaisienne de Roger. D'après lui Vander- weyden ne fut pas un peintre flamand, mais un peintre français. Français par sa naissance dans une ville relevant alors de la Couronne française, Français aussi par son tempérament artistique. L. C.

UN COURS D'ESTHÉTIQUE ARTISTIQUE, par l'abbé H. Gevelle. Broch. in-8". Eaghien, A. Spinet, éditeur, 1905.

M. l'abbé Gevelle, professeur de rhétorique au collège d'Enghien, a créé un très intéressant cours d'esthétique artistique que nous signalons à l'attention et à l'imitation de ses confrères de l'en- seignement moyen. Pour en donner une idée à

1. Voir année 1904, p. 434.

2. V. Maeterlinck, Revue de l'Art chrétien, année 1902, p. 327.

nos lecteurs, nous ne pouvons mieux faire que d'emprunter au Courrier de Bruxelles les quel- que lignes qui suivent :

M. l'abbé Gevelle nous donne une idée exacte de sa méthode en repren.^nt h son compte la définition qu'Ernest Legouvé donnait de son cours de Lecture à haute voix : « Quel est le moyen (de remplir mon rôle d'enseignant) ? C'est de jeter un grand mouvement dans votre esprit, de vous ouvrir mille aperçus nouveaux, d'éveiller en vous de vives ambitions d'intelligence, de vous exciter au travail personnel, de faire de vous mes collaborateurs dans l'œuvre de votre éducation. C'est plutôt une initiation qu'un enseignement ;je ne suis pas un profes- seur, mais un excitateur.

Telle est bien l'impression que laisse la lecture de cette Isrochure. En des pages vivantes, elles nous font assister à l'un des cours d'esthétique, consacré à l'étude de la statue d'Auguste, du musée du Vatican. Nous voyons comment le professeur sait conduire ses élèves à se rendre compte méthodiquement des alentours d'une œuvre, de son caractère et de sa signification, pour arriver à s'en faire une appréciation esthétique raisonnée. Cet exercice bien conduit et appliqué successivement aux diverses formes de l'art doit contribuer rapidement à éduquer et à épurer le goiit des élèves ; complété par des études d'art comparé, il donne aux jeunes gens qui savent en profiter, un élément de formation intellectuelle supérieure, d'où ils tireront dans la suite des jouissances élevées, ils trouveront une sauvegarde de plus contre l'entraînement des plaisirs bas.

SAINT JEAN LE VIEUX DE PERPIGNAN, par M. Mayeux, Broch. Paris, 1905. extr. des rném. de la Société nationale des antiq. de France.

Monsieur Mayeux nous décrit une intéressante église romane, consacrée en 1025. Elle était pri- mitivement à une seule nef avec chœur, abside et deux absidioles dans les bras du transept, dont l'un, celui du Sud, était surmonté d'une tour. C'est un type qui se retrouve aux abba- tiales de Saint-Genis (1153) et de Saint-André de Sorède (i I2l).

Une particularité de Saiiit-Jean-le-Vieux, c'est d'offrir un exemple rare d'une double arcade à clef pendante, dont la construction nous est indiquée par Villard de Honnecourt dans son célèbre album. On en trouve d'autres exemples à Sauveterre de Béarn (XI 11'= siècle), à la cathé- drale d'Agde (XI V" siècle), et à Sainte-Claire de Zamora en Espagne (XllL siècle). Mais dans ces trois derniers cas, on a fait usage d'un tirant en fer, dont on s'est passé à Perpignan. Le portail est encore remarquable par sa sculp- ture.

L. C.

64

Hebue ïie V^xt cbrétien.

A TRAVERS LE GORBONNAIS ET LE PERCHE GHARTRAIN, par M. l'abbé A. Desvaux. In illustré de loo page?, imprimerie Alençoiinaise, 1905.

C'est une excursion de la Société historique et archéologique de l'Orne que nous retrace l'auteur, qui n'est pas un inconnu pour nos lecteurs. Les localités visitées sont Mauves avec son église et la Maladrerie de Saint Gilles Courgeon, avec son église romane agrandie du XVI I^" siècle, Loisail avec sa vieille Maison de Justice et son église que se trouve dans le cas de celle de Courgeon, et que domine une tour très fière, Saint-Médard de Reno, puis la Vove et son joli manoir du XV*^ siècle, et une série d'autres châteaux, Longay et sa petite église flanquée d'une grosse tour. Mou- tiers en Perche avec son église romane remaniée. Citons encore le château de la Grand-Noë à Moulicent, la jolie église romane d'Autheuii, étudiée par Ruprich-Robert, les restes de la Chartreuse du Val-Dieu. L'excursion finit par Mortagne, l'on visite l'église Notre-Dame et les anciens remparts. L. C.

LES FONTS BAPTISMAUX DE L'ÉGLISE NOTRE-DAME A TERMONDE, par A. SCHEL- LEKENS. In 80, 1 1 pp. 3 pl.Teruionde, Ducaju, 1905.

Nous avons naguère fait connaître à nos lecteurs les intéressants fonts-baptismaux de Termonde en même temps que toute une série d'autres provenant aussi d'ateliers tournaisiens(i). Monsieur Scliellekens nous en donne une descrip- tion succincte mais exacte et explicite, surtout en ce qui concerne l'iconographie des motifs qui dé- corent ce petit monument roman duXII'^ siècle. On y voit figurer la sainte Cène, S. Pierre et S.Paul successivement représentés _ comme membres de l'Eglise militante et de l'Eglise triomphante, l'Agneau divin et les âmes sous la forme de co- lombes, enfin trois animaux infernaux.

LA PEINTURE ET LES ARTS PLASTIQUES DANS L'ANCIEN PAYS DE LIÈGE. Liège, Bernard, 1905.

Dans le catalogue de l'Exposition de l'ari ancien au pays de Liège en 1905,1e Directeur de la Revue de l'Art clin'tien a résumé l'histoire de la peinture et de la sculpture sur les bords de la Meuse. Nul ne pouvait le faire avec autant de compétence que lui ; en deux ouvrages impor- tants, il a jadis écrit l'histoire de ces deux branches de l'art local, et ses œuvres font autorité. Son livre sur la peinture au pays de Liège vient de lui valoir le prix de mille francs de la fonda- tion Rouveroy; et dans sa robuste vieillesse il a entrepris de publier une œuvre définitive et syn-

I. Voir Revue de [Art chrétien, année 1895, p. 308.

thétique; Z.'Amo?;v des arts au pays inosan, qui est déjà sous presse.

Une page de la notice précitée est relative à la question de l'influence française sur la sculp- ture en Belgique, naguère traitée par M. R. Kœchlin (') ; cette page est assez intéressante pour que nous la reproduisions ici :

i. Le savant que je viens de citer a voulu reconnaître l'mtluence française dans un certain nombre de sculptu- res de nos régions. L'influence de l'art d'un pays sur un pays voisin, à défaut de documents historiques certains, peut être plus facilement reconnue dans le domaine de l'aichitecture que dans celui de la statuaire et de la sculp- ture : la statuaire avait, dans la seconde moitié du Xll" siècle et surKuit au siècle suivant, produit en France une si magnifique floraison qu'il n'y aurait rien d'étonnant à ce que les artistes des régions voisines, s'y seraient inspi- rés pendant cette époque. Malheureusement, nous n'avons aucun renseignement à cet égard, tandis qu'il est certain que dans le XIV et le XV' siècle, aucun artiste étranger de quelque mérite n'est venu se fixer dans l'un des centres importants des bords de la .Meuse. Cela s'e.'^plique au sur- plus par l'état de guerre, par les dissensions et les luttes incessantes qui, alors, divisaient et appauvrissaient les régions riveraines de la Meuse, n'existait d'ailleurs ni cité opulente, ni cour fastueuse, pouvant servir de cen- tre à un mouvement artistique. Il est au contraire très remarquable de constater pendant leXI^'et le XV" siècle un véritable exode d'artistes mosans du plus haut mérite, émigrant vers lei Flandres et surtout vers la France les appelaient des mécènes généreux, comme le roi Char- les V, le duc de Herry, les ducs de Bourgogne et Mahault, la comtesse d'.Artois et de Bourgogne. C'est sous le règne du roi de Fiance Charles V que nous trouvons chargé de travaux considérables pour le Louvre, Hennequin de Liège ("), entouré de toute une colonie d'artistes des bords de la Meuse, parmi lesquels il faut citer Pé])in de Huy, le sculpteur fixé à Paris avant Hennequin, artiste très en renom, qu'entre autres œuvies importâmes la comtesse d'Artois avait chargé de sculpter le tombeau de son mari. Il existe encore une statue de Jean Pépin de Huy .^ l'abbaye de Saint- Denis : c'est le tombeau de Ro- bert l'Enfant, fils de la comtesse d'Artois. 11 ne serait pas difficile d'allonger la liste des artistes mosans qui, ;\ cette é|K)que, quittèrent leur pays pour aller chercher à l'étran- ger un milieu plus favorable au développement de leur talent et plus rémunérateur pour leurs travaux : parmi les peintres, il suffira de citer les frères Van Kyck et les frères Limbourg, et jusqu'à la fin du XV" siècle, des pein- tres comme Joachim Patenier, à Dinant, et Henri lîlès, originaire de Bouvignes,qui poursuivent une longue et laborieuse carrière, sans qu'il soit po-sible de signaler leur présence dans l'une des villes mosanes,ni de consta- ter l'existence it^i/n seul table.iii qui leur aurait été com- mandé dans leur pays d'origine. ^

DIE DENKMAELER DER DEUTSCHEN BILDHAUERKUNST, par MM. Dkhio et G. VoN Bezold. Album in (0,32X0.48). Wasmuth, Berlin. VV. 1905. Prix: 20 livraisons, 100 marcs.

Messieurs Dehio et Von Bezold, bien connus de nos lecteurs, viennent de publier ini bel album de

1. Revue de [Art chrétien, année 1904. p. 330.

2. Un tontbier Liégeois à Paris, par J. Vidier, dans les Mémoires de la Société de r Histoire de Paris et de V fie de France, t. XXX, 1903.

15ibltograpl)te.

65

20 planches d'irréprochables reproductions d'une trentaine des plus beaux spécimens de l'ancienne plastique allemande. C'est le premier d'une série de 20 livraisons qui comportera deux mille figu- res. 11 nous suffira, pour faire apprécier l'intérêt du recueil, d'indiquer les principales œuvres reproduites, à savoir : la porte de bronze de Gne- sen, la croix triomphale de Freiberg, le Christ Docteur-Juge de Weehselburg, le beau gisant de Pejau, de belles jouées de stalles du XIII^ siècle, le mausolée d'Henri IV à Breslau,une série de têtes historiques de Prague, des bas-reliefs votifs de Breslau, des mausolées de la Renais- sance de Liegnitz et de Dresde, etc.

Le recueil en question fournira de précieux documents aux praticiens comme aux hommes d'études. Il n'est du reste que le commencement d'une importante publication destinée à embras- ser tout l'art plastique allemand, encore si incom- plètement connu. L. C.

AEGYPTISGHE KINLAGE IN GOLD UND SILBER.

INCRUSTATIONS POLYCHROMÉES ÉGYP- TIENNES SUR OR ET ARGENT, par Van RoSEN- BERG. In 4", 12 pp., ill. Francfort sur Main. Keller, 1905.

Cette plaquette de luxe offre une savante étude fort bien illustrée sur la polychromie anti- que égyptienne et grecque. On a découvert à l'a- cropole d'Athènes une corniche polychrome an- tique. La couleur n'y est pas simplement étendue, mais posée sur des surfaces on des lignes préala- blement creusées. L'intéressant n'est pas tant l'emploi de la décoration polychrome ni la nature des couleurs; ce qui frappe aujourd'hui les archéo- logues,ce sont les creux dans lesquels la couleur a été appliquée Cette technique révèle une tradi- tion égyptienne, pays classique des incrustations. Et c'est ce que nous montre M. Rosenberg au moyen de la reproduction de bijoux ornés de pierreries de couleurs variées fixées entre des cloi- sons d'or ou d'argent, ou dans des champlevés du bronze et de la pierre. Ajoutons qu'avec cette technique pourrait n'être pas sans rapport celle de la bijouterie franque. ^ P

DEUX PI.AQUES TUMUX.AIRES EN

CUIVRE, par P. G. DE Maesschalck. In-8° de 16 pp. 2 pi. Termonde, Ducaju, 1905,

Dans une étude remarquable l'auteur fait la description de deux plaques tumulaires en cuivre conservées dans l'ancienne église collégiale de Termonde. La première date du XV<= siècle, elle appartient à l'art gothique. Le donateur et la

donatrice, accompagnés de leurs patrons, sont agenouillés aux côtés de la Vierge mère assise sur un trône. La seconde a été exécutée au XVI'^ siècle, à l'époque de l'épanouissement de l'art de la renaissance flamande. Le sujet est le même que celui de la première plaque, mais avec un nombre plus considérable de personnages.

A côté d'une saine appréciation des deux œuvres au point de vue artistique, M. de Maes- schalck révèle certains procédés techniques de l'exécution. Son étude sera une contribution heureuse à l'histoire trop ignorée des monuments funéraires similaires. A. S.

©érioliiques.

L'ART ANCIEN EN FLANDRE.

M. C.Tulpinck, président de l'Association pour la publication des monuments de l'art flamand, vient de fonder sous ce titre une nouvelle revue destinée à faire connaître les œuvres flamandes antérieures à Rubens, existant de par le monde entier.

Année 1905. i. Hubei't van Eyck et son œuvre. M. E. Durand Gréville restitue au maître flamand cinq crucifixions. Il signale les traits mêmes de cet artiste dans le Portrait de l'homme au Carton de la galerie nationale de Londres.

M. L. Dunier attribue à Simon Bennings des miniatures d'un manuscrit de la Bibliothèque nationale de Munich.

M. Valentiner étudie Quentin Matsys dans ses œuvres caricaturales.

M. L. de Farcy s'occupe d'une chape de la cathédrale de Gubbio.

2. Le R. P. Bessel s'occupe de diverses miniatures ; M. Rousseau, de retables flamands existant en Allemagne; M. P. Bartmann, de tapis- series flamandes et enfin M. Tulpinck lui-même, d'un maître inconnu du XVI^ siècle.

REVUE DES DEUX MONDES.

Signalons un article de M. E. Mâle : Vart français à la fin du moyen âge. H y étudie les modifications profondes qui se reproduisent dans l'art religieux du XIII« au XV'^ siècle. Il carac- térise l'évolution par ces deux mots, qui résu- ment la pensée des artistes au commencement et à la fin de la période médiévale: aiiner,souffrir; il montre que les sujets favoris tels que la Cruci- fixion, l'Ecce Homo, la Pietà, la déposition de la Croix, etc. sont traités vers le XV siècle, d'une manière pathétique toute nouvelle.

KKVUK ue I. AKT *_HKKTII{^ IQOÔ. l'^ LIVRAISON

66

Bebue De V^xt Catien.

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XuDev bibliograpljique.

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^ ^ -'^ ■^. ^ ^ ^ ^ ^ ■^. ■^. ^ ^^ ^ ^^ ^ ^^. ^^ ^- '^, '^ ^ -^i^i^fer

^

(Cl)rOniHUC. SOMMAIRE : MONUMENTS ANCIKNS : Relevés et inventaires; restaurations.— EXPOSITION : Exposition Van Eyck.— NOUVELLES : Troyes ; Toulouse ; Pompéi ; Feltre.

ffionumcnts anciens.

ÉLEVÉS et inventaires. Une grande sollicitude s'éveille partout à l'égard des monuments de l'art an- cien. On s'intéresse à leur conservation et l'on s'applique à leur étude. D'abondants matériaux sont déjà amassés pour les études d'ensemble, et l'on est impatient de pouvoir synthétiser l'histoire locale, régionale, nationale, générale même des arts anciens.

Mais avant de pouvoir tenter ces œuvres défini- tives, combien de travaux préparatoires ne res- tent pas à accomplir. Que nous sommes loin encore de connaître par le détail les monuments et œuvres d'art qui constituent le patrimoine artistique des vieilles nations ! Dans un rapport au dernier Congrès de l'art public tenu à Liège en 1905, nous indiquions la besogne accomplie et le programme de ce qui reste à faire, tant pour les édifices que pour les œuvres d'art, en ces termes :

Les Édifices. Les édifices doivent être connus des pouvoirs publics et de ceux qui s'intéressent à leur sau- vegarde ; connus dans leurs origines, dans leur histoire, dans leur valeur esthétique et archéologique, dans les richesses artistiques qu'ils renferment.

Il faut faire leur étude, leur relevé, leur description et vulgariser leur connaissance. Un vaste travail s'impose, qui n'est qu'ébauché dans les pays les plus civilisés, à savoir une enquête générale sur les richesses monumen- tales et artistiques de chaque pays et sur leur état de conservation. Les documents à établir sont les suivants :

La Collection des monographies des monumenls histori- ques. — Chaque monument devra posséder dans l'avenir sa monographie complète, dressée d'une manière métho- dique avec le concours d'un historien érudit, d'un archéo- logue et d'un architecte capable d'en faire des relevés exacts.

Il existe des milliers d'études intéressantes sur les mo- numents anciens ; il existe à peine quelques douzaines de travaux définitifs constituant des monographies correctes et complètes telles que celles de la cathédrale d'Amiens par M. Durand, de la basilique de Saint-Remi à Reims par M. Gosset, de l'église Saint-Sauveur à Bruges par M. Verhaegen.

Des relevés de plans exacts et détaillés, indiquant l'état, à un moment donné, des monuments et des plans dressés pour leur restauration.

Des recueils de l'espèce devraient être formés par tous les Gouvernements pour constituer les archives monumen- tales du pays. Ce desideratum a été réalisé en France d'une manière remarquable par la Commission des monu- ments historiques créée en 1S37 et réorganisée en 1889, sur l'initiative de Vitet et de Mérimée. Cette Commission a opéré le classement et assuré. dans une large mesure la conservation des monuments anciens de tout style qui couvrent le sol de la Gaule et des colonies. Elle a consti-

tué pour leur garde et pour leur étude un groupe de pro- tecteurs éclairés tels que Ch. Lenormand, F. de Lastey- rie, A. de Longperier, Guilheimy, J. Quicherat, du Som- merard, A. Darcel, L. Courajod, pour ne citer que des morts. Elle a amassé de précieuses archives qui sont en voie de publication sous la direction de M. Perrault- Dabot et de M. de Baudot. Celles-ci comprennent une collection de photographies prises avant restauration, comptant environ 25.000 pièces, dont plus de 3.000 sont mises à la disposition du public. Elle possède en outre de remarquables relevés d'édifices dus à Vaudoyer, à Boeswilwald, à Duban, à Lassus, à Questel, à Abadie, à Ruprich-Robert, à Viollet-le-Duc, à Corroyer, etc. Amas- sés en un demi-siècle, ces dessins forment un trésor gra- phique de plus de 12.000 pièces de valeur placées sous la garde de la Commission des monuments historiques.

L'Allemagne n'a pas négligé de constituer ses archives monumentales, et de relever, tandis qu'il en est temps encore, le dessin de ses anciens édifices. Dès 1819, Von Stein préconisait l'idée de réunir et de mettre à la portée des chercheurs les documents originaux de l'histoire de l'empire A cet effet, le dessin pittoresque ou géométrique n'offre qu'un moyen très insuffisant. La photographie a opéré une révolution dans les arts graphiques et apporté à l'ceuvre un secours puissant. Encore ne fixe-t-elle pas les dimensions réelles. Si les levers faits par les méthodes de mesurage et de dessin fourmillent d'inexactitudes et de lacunes, la photographie nous donne trop et trop peu dans ses reproductions si vivantes.

Mais les Allemands ont trouvé dans la photogratnmé- trie un moyen d'éviter les erreurs. La proposition de traduire de bonnes vues perspectives en dessins géomé- triques exacts fut présentée par M Lambert de Strasbourg en 1772 et pratiquement réalisée par un Français, Beau- temps-Beaupré, en 1855. La photographie devait rendre la méthode plus aisée et plus pratique ; c'est ce qu'ont compris un Français et un Italien, MM. Laussedat et Porro, qui toutefois n'appliquèrent la photogrammétrie qu'aux levers des terrains.

Mais en 1858 le D' Meydenbauer, chargé du lever de la cathédrale de Wetzlar, imagina de remplacer le pro- cédé ordinaire du mesurage sur l'œuvre, difficile et dan- gereux, par celui du report des mesures sur reproductions photographiques, et au précédent Congrès, on nous décri- vait déjà le fonctionnement de l'établissement créé à Berlin dans ce but (Schinkelplatz, 6). A cette époque, il avait déjà réalisé la reproduction de 352 monuments.

Eu Belgique, la Commission royale des monuments, organisée dès 1835, n'a pas eu la mission de diriger les restaurations monumentales comme la Commission des monuments historiques de France, et elle ne possède pas ces riches archives formées des plans des architectes restaurateurs. Son action se borne h une surveillance des travaux dus à d'autres initiatives, et sa documentation, en photographies laites par son propre service pour aider à ses études. Cette institution fut complétée en 1860 par la création des Comités provinciaux et de membres corres- pondants, dont le rôle est très réduit.

Des inventaires archéologiques officiels et privés, comme celui qui a été entrepris en Belgique par les soins de la Commission royale des monuments, et dressé par les comités provinciaux.

Des recueils de photographies, qui, depuis quelques années, ont multiplié, de la manière la plus heureuse, la

70

WitWt De V^xt cljrctieu.

masse des documents mis à la disposition des hommes d'étude.

Parmi les entreprises ofl'icielles de l'espèce, il me sera permis de citer la collection de photojjrapliies ou plutôt de photoiypies de très grand format des monuments anciens de Belgique, que, sur ma proposition, le Gouvernement belge est occupé de former par les soins de la Commis- sion artistique des échanges internationaux. Comme exemple d'entreprise privée, bien plus louable à ce titre, il faut signaler aussi l'initiative de M. F. Martin Sabon, qui a formé une collection de photographies archéologi- ques de monuments français très importante; elle com prend près de 7000 clichés. Monsieur Meydenbaiier a accompli une œuvre similaire en Allemagne.

Non seulement ces collections tendent à nous mettre en possession de séries plus ou moins complètes de repro- ductions de monuments, mais encore la photographie nous permet de multiplier jusqu'à l'infini le détail et se prête à de fécondes études comparatives; une intéressante initiative a été prise dans cette voie par le Conservateur du musée du Cinquanlenaire de Bruxelles qui organise des expositions de photographies relatives h des régions particulières, expositions fécondes pour l'étude, pour le rapprochement, les comparaisons et l'analyse.

Entre les autorités officielles et les particuliers se pla- cent des associations qui peuvent rendre et rendent effec- tivement de grands services à \Art piibUc^ telles que les sociétés de photographie et les Touriiti; Club, éditeurs d'intéressants albums et de périodiques illustrés.

Des recueils documentah-es confectionnés par les .Socié- tés archéologiques, tels que' le bel album archéologique publié par la Socii't' des antiquaires de Picardie et tout spécialement les Ficlies arc/icologiques éditées par la Sûcle'/c' tf/u'sloire et d'archéologie de Gand. Ce sont des notices rédigées par un Comité spécial, sur des monu- ments et objets d'art, sans ordre préconçu et sous forme de feuillets volants ; ces notices succinctes, précises et illustrées, sont destinées à former à la longue un Inveii- tairc archéologiqice. Fondé en 1896, le Comité a produit jusqu'à ce jour près de 400 fiches annotées.

Une bibliographie monumentale. Ces erait une louable initiative, et qui reviendrait naturellement à quelque con- servateur de bibliothèque publique ou h une société biblio- graphique, que de composer, sur le plan des fiches archéo- logiques, une bibliographie monumentale et artistique.

A cette vaste enquête en voie d'élaboration se rattache l'intéressante entreprise que vient de faire M. Dehio, pour l'empire allemand, en publiant son Manuel des œuvres d'art allemandes. Nous avons sous les yeux le premier des cinq volumes qui contiendront l'inventaire des mo- numents des différentes régions germaniques, classés par ordre alphabétique des noms de loca- lités (•). Le premier volume paru concerne l'Alle- magne du centre.

Sous la forme d'une courte description de ces richesses monumentales et artistiques, M. Dehio passe en revue les villes et villages du pays, possédant quelques curiosités en fait d'édifices anciens, d'œuvres de peinture ou de sculpture d'un caractère public.

C'est un précieux instrument de travail pour les hommes d'études en même temps qu'un inven-

I. Berlin, Wasmuth. (Voir Index.)

taire utile à la conservation des richesses artis- tiques.

C'est au dernierCongrès de l'Art public à Dres- de, que l'on résolut d'éditer la liste des monu- ments historiques allemands ; une Commission executive composée de MM. Gusiitt de Dresde, Lorsch de Bonn, et Van Oechelhauser de Karls- ruhe fut chargée d'en exécuter le plan. Ce fut le professeur Gustave Dehio de Strasbourg, l'auteur de la grande histoire de l'architecture religieuse qui en prit la direction.

L'œuvre d'ailleurs est largement soutenue par le Ministère de rintérieur,par plusieurs gouverne- ments d'État et personnellement par S. M. l'Em- pereur qui y consacre une partie de ses fonds particuliers.

L. Cloquet.

Anciens édifices privés. Quels sont les moyens les plus propres à assurer la conserva- tion et la restauration des anciennes construc- tions privées offrant un intérêt archéologique, historique et artistique ? Telle est la question récemment examinée à l'Académie royale d'ar- chéologie d'Anvers, par M. E. Soil, qui aboutit aux conclusions suivantes :

1'^ Dresser des listes de ces constructions et publier les listes en les accompagnant, dans la mesure du possible, de reproductions photographiques ou autres. Mais les moyens de persuasion ne suffisent pas ; il faudra recourir à la contrainte de la loi tui accorder des subsides aux pro- priétaires qui font la restauration ;

Les maisons d'une valeur exceptionnelle seront clas- sées par arrêté royal : le classement aura pour résultat de priver les propriétaires, partiellement au moins, de la jouissance de leur propriété. Une fois classées, ces mai- sons échapperont à la servitude d'alignement ; en cas de restauration, elles auront droit à des subsides de l'État, de la Province et de la Commune;

3" Allocation de subsides à ceux qui rétabliront les constructions anciennes dans leur style primitif, qui conserveront ou rétabliront des sites pittoresques ou remarquables par leur beauté, des vieux coins, des ruines, tant dans les villes que dans les campagnes, avec engage- ment, par les propriétaires subventionnés pour les tra- vaux, de ne pas modifier l'état des lieux pendant un nom- bre d'années à convenir ;

Achat de façades anciennes, comme on l'a fait à Bruxelles pour les maisons de la Grand'Place, à Tournai pour une maison romane ;

5" Inscription au budget d'une somme annuelle pour la restauration des anciennes constructions civiles, et création d'un fonds de prévision constitué par les subsides non dépensés chaque année, comme cela se fait ;i Gand ;

6" Abrogation des règlements généraux ou communaux sur la police ou la voirie, dans leurs dispositions prescri- vant des mutilations ou entravant la restauration fidèle des constructions anciennes ;

Révision des alignements déjà décrétés, dans lesquels des maisons anciennes intéressantes sont frappées d'une servitude d'avancement ou de recul ;

Cl)rontciue,

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Institution, par l'État ou par les communes, de com- missions locales donnant leur avis sur les propositions de restauration et sur les demandes de subsides.

Bruges. L'hôtel Gruuthuuse tel qu'il se pré- sente maintenant, est incomplet. La question de l'achèvement de cette demeure seigneuriale ayant été portée à l'ordre du jour, il en est ré- sulté une discussion approfondie entre partisans et adversaires du projet : M. l'architecte H. Hoste nous en donne le résumé en ces termes :

•< La victoire est restée aux premiers. En effet, les archives sont d'accord avec les vieux plans L-t dessins pour nous dire que l'ancien hôtel Gruuthuuse se composait d'une cour intérieure, entourée non seulement des locaux d'habitation encore existants, mais aussi d'une galerie cou- verte et des dépendances. Ces derniers bâtiments devraient être reconstruits et formeraient avec ce qui nous est conservé lui ensemble vraiment grandiose.

D'un autre côté, il est acquis que les monu- ments du moyen âge demandent à être vus de près et que par conséquent les dégagements leur font perdre en partie leur caractère. Il en eijtété ainsi pour Gruuthuuse dégagé; la cour intérieure au contraire sera d'un puissant effet.

Il ne reste qu'ime objection : une fois les dé- pendances reconstruites, l'aile principale ne sera plus visible si ce n'est aux visiteurs du musée. La difficulté, s'il y en a une, n'est pas grande, on ouvrirait toute large la porte de l'enceinte ; les Brugeois et les étrangers pourraient en toute liberté admirer à l'aise la belle demeure de Louis de Bruges. »

La Commission royale des monuments a approuvé les projets de M. Delacenserie pour la restauration de la façade principale de Notre- Dame de Bruges. Les plans ont été trouvés dignes d'éloges. On sait que les travaux fort délicatement entamés de démolition ont mis à nu des documents importants qui ont permis à l'architecte de reconstituer presque intégrale- ment le porche primitif, les sveltes tourelles qui l'encadrent et les chai inants détails de son ordon- nance.

La Commission royale a fait visite également à l'église Saint-Jacques on avait réclamé son intervention pour trancher le problème de la polychromie d'une chapelle latérale précieuse- ment restaurée par feu Charles de Wulf. Avant de se prononcer sur la question très importante de la peinture décorative de cette chapelle, la Commission a demandé des essais préalables.

Elle a procédé en outre à la réception défini- tive de la dernière des peintures murales de la salle gothique de l'hôtel de ville.

Bruxelles. Les travaux de dégagement du chevet de l'église Sainte-Gudule seront entre- pris prochainement. La dépense est évaluée à 263,760 francs. Les ininistères des Beaux Arts et de la Justice, ainsi que la province de Bra- bant se sont engagés à intervenir dans les frais à concurrence chacun d'un sixième ; la fabrique d'église supportera également le sixième de la dépense. La ville de Bruxelles avait accepté de payer les deux sixièmes restants, à la condition que le devis ne serait pas dépassé et que, par conséquent, sa part d'intervention n'excéderait jamais, quoi qu'il advînt, 87,920 francs. M. le gouverneur du Btabant a fait connaître à l'ad- ministration communale que la députation per- manente n'a pu admettre cette réserve.

* * *

Milan. On sait que les Milanais, ne se con- solant point de voir au devant de leur cathédrale gothique une façade de la Renaissance, brûlent de construire un portail neuf afin de restituer à l'édifice son caractère ancien. Mais l'entreprise est dispendieuse et, peut-être aussi, téméraire. En attendant qu'elle devienne possible, les Mi- lanais ont ouvert un concours entre les artistes du monde entier pour la réfection des vieilles portes du Dôme.

M. Ludovico Pogliaghi en est sorti vainqueur. // Rinasciniento annonce que les travaux de M. Pogliaghi sont près d'être achevés, i. Son œuvre est, paraît-il, d'un grand sculpteur et d'un poète. Elle est toute pénétrée d'ardeur mystique, mais d'un mysticisme tempéré par le feu de l'art et de la doctrine. »

M. Pogliaghi a représenté sur ces portes de bronze tous les épisodes de la vie du Christ ; à droite, les mystères joyeux, à gauche les mys- tères douloureux. D'innombrables figures ani- ment les scènes sacrées du drame qui commence à l'étable de Bethléem, pour s'achever au Gol- gotha. Entre les deux vantaux, s'élève le tronc d'un arbre immense dont le feuillage s'épanouit et se divise, pour encadrer une glorification de la Vierge, l'on voit Marie, entourée d'un vol d'anges, montant au ciel sous une pluie de fleurs et de rayons.

Au bas de la porte s'alignent les figures des plus illustres archevêques milanais. // Rinasci- niento célèbre avec enthousiasme la beauté et particulièrement l'harmonie de cette composition, il admire « une inspiration musicale, conduite d'après les règles de la mélodie ». Le fondeur a été pour l'artiste un collaborateur excellent, et ces portes de bronze sont, paraît-il, un chef- d'œuvre d'exécution. Elles seront placées et inaugurées au printemps prochain.

72

IBitWt tic rSvt c!)rétieu.

Gcposition.

L'Exposition van Eyck à Gand. On lit dans le Courrier de l'art :

Lorsqu'il y a quelques années déjà, un comité se forma dans le sein de la Société d'histoire et d'arcliéologic de Gand pour ériger, à la mémoire des frères van Eyck, un monument dans la cathédrale de St-Bavon, oîi se trouve son retable de \'A«ttcan, une proposition fut faite pour reconstituer temporairement ce chef-d'œuvre.

Croyant la chose impossible, il ne fut pas donné suite à ce projet. Ce ne fut qu'après le succès des expositions des Primitifs à Bruges et à Paris, et surtout après un article très remarqué de M. H. Bouchot, proposant, lui aussi, la réunion des fragments épars du célèbre retable de Gand, que nous nous sommes proposé d'essayer de donner une suite à ce projet qui est dans les désirs de tous.

Quoique des renseignements officieux, donnés tout d'abord par notre ministre de Belgique à Berlin, fussent peu encout^ageants, les volets conservés à Berlin ayant été refusés pour l'exposition de Bruges, -- des démarches personnelles auprès de mes éminents collègues du Kaiser- Fnedrich Muséum laissèrent une impression plus heu- reuse. Ces messieurs ne considèrent pas, dans ce cas particulier, le prêt des panneaux de van Eyck comme chose impossible.

Dans ces conditions, la ville de Gand nous a autorisé à continuer nos négociations en vue d'une exposition van Eyck en tgoô. M. Durand Gréville a bien voulu se char- ger de certaines démarches à faire, à Paris notamment, auprès de nos éminents confrères et collègues français, dont la collaboration sera si précieuse lors de l'organisa- tion définitive de notre exposition. M. H. Bouchot, qui a été comme le promoteur de l'idée de reconstitution pro- jetée à Gand, a bien voulu accepter de faire partie du Comité organisateur qui se formera bientôt.

Comme on le voit, l'exposition prématurément annoncée par divers journaux français ne peut pas encore être con- sidérée comme chose faite, car le gouvernement belge n'a pas encore été consulté et c'est lui qui doit faire la de- mande officielle à Berlin.

Espérons cependant que cette exposition si générale- ment désirée aura lieu, et que, grâce à la participation généreuse de tous, la < question van Eyck » pojrra faire un pas de plus vers sa solution définitive.

L. Maeterlinck.

L'Expo.sition vaii Eyck promet une réussite complète. Aux demandes formulées par le Comité d'initiative, que préside M. Beernaert, il a déjà été répondu avec un empressement plein d'en- couragement. La galerie des Uffizi de Florence et le musée de Turin prêteront leurs tableaux.

Lord Northbrook enverra la « Vierge au perroquet » et la « Vierge au portail » ; M. Aynard, un « Christ en Croix » ; M. Merzenich, d'Aix-la Chapelle, un « Calvaire >> ; M. John Johnson, un « Saint-François ».

M. Bouchot multiplie ses démarches pour que la collection Rothschild prête trois tableaux, un portrait de la Vierge et deux portraits de saints.

On espère aussi obtenir les van Eyck de Bruges et d'Anvers.

ïîouBelles.

Troyes. Le département de la sculpture du moyen âge, au musée du Louvre, va s'enrichir d'une charmante statue de Vierge française du XIV'= siècle, dont l'acquisition a été votée par le Conseil des musées à sa dernière séance. C'est une figure en pierre polychrome qui a toute la grâce de celles de l'époque, sans presque aucune trace du maniérisme qui souvent les dépare et et les affadit. Elle provient, paraît-il, de la région troyenne et peut être comparée à une Vierge assez célèbre de la cathédrale de Troyes (').

On vient de placer au musée de Dijon, dans la salle des Gardes, l'important tableau du XV*' siècle qui, jusqu'à ces derniers temps, ornait la salle dorée du Palais de justice : un Christ en croix entre la Vierge et un saint agenouillé {^).

Deux des statues de la chapelle de Rieux, à Toulouse, avaient été prêtées à l'église Notre- Dame-du-Paur, lors du rétablissement du culte, pour occuper deux niches de la façade, demeurées vides depuis la construction de ladite église. Par un accord entre la municipalité et le clergé de la paroisse, ces statues viennent de rejoindre au musée des Augustins les quinze autres dont elles étaient séparées depuis plus d'un siècle. Elles seront remplacées par deux copies dues au ciseau de M. Moulins.

Ponipéi. Le professeur A. Sogliano, direc- teur des fouilles de Pompéi, annonce la nouvelle intéressante d'une découverte la première de ce genre indiquant à Pompéi l'existence du culte chrétien : au Nord-Ouest de la ville, on a trouvé, en déblayant de riches villas, à une pro- fondeur de 3™SO, une lampe en terre rougeâtre portant le monogramme du Christ entouré d'une couronne de lierre, qui semble dater du IV'' ou du V'= siècle. On avait trouvé déjà à Pompéi des traces du judaïsme, mais pas encore de l'époque chrétienne.

* *

Feltre. On annonce de Fcltre (Italie) qu'à la suite d'un travail de restauration entrepris sur l'ordre du ministère de l'Instruction publique Italien, on aurait découvert la signature de Tin- toret sur un tableau de l'église de Tous-lcs- Saints de cette ville, représentant la Vierge avec des anges.

i. Chronique des Arts. I 2. Ibid.

Imprimé par Desclée, De Brouwer & €'•=. lillk-paris-brugks.

■5luïC0 BcïfiîlT.

vfd'-îM^'^'^-i^t^ A Revue de l'Art chrétien vient ■■''~^ de perdre son directeur, Mon- i:.[,-- sieur Jules Helbig, pieusement

i- «-^-fr-^-v-^*^ V ^ ^.'--; - 'HWi

'X\^ décédé à Liège le 15 février dernier.

Depuis près de vingt-cinq ans il présidait à nos travaux avec l'autorité de son savoir et de son expérience, avec une fermeté inébranlable à ses convictions, mais aussi avec tact et discrétion, car il a- vait autant de modes- tie que de talent. Nos nombreux collabora- teurs, qui ont goûté le charme de ses rela- tions épistolaires, con- naissent la distinction et l'aménité de sa plu- me délicate, la franche cordialité de son ca- ractère. Nos lecteurs se souviennent de ses articles relativement rares, mais toujours si attachants, toujours d'une portée élevée, toujours inspirés par ses tendances vers le grand idéal chrétien

et oij brillait en même temps l'autorité d'un cri- tique spirituel et très entendu.

Dans ses considérations sur le nu dans la nature et dans l'art, il fit si bien la part des exigences de l'art et de la noblesse des sentiments chrétiens, ainsi que dans ses articles sur la poly- chromie des monuments, il montrait la voie aux j"unes artistes au milieu des difficultés des ten-

dances modernes. Il adonné carrière à sa science archéologique dans ses études sur l'autel chrétien, sur les retables flamands, sur l'iconographie de la Licorne, sur la mort et l'assomption de la Sainte Vierge, etc. Il s'est attaché avec prédi- lection à Fra Angelico, le maître qui a le plus inspiré son pinceau et sollicité sa plume ('); le Pérugin a exercé sa fine critique. Parmi les artistes modernes les Overbeck et les Steinle

avaient surtout sa sympathie et il leur a consacré de belles pa- ges. Il s'est occupé particulièrement des maîtres flamands Gé- rard David et Luc Faidherbe dont il a rectifié et complété l'histoire et mieux fait connaître l'œuvre, et surtout des maîtres wallons, tels que Pa- tenier, Gérard Loyer, etc. Ses travaux sur Lambert Lombard sont importants et bien connus (=). Il est

I. Il a publié la traduction française de l'ouvrage alle- mand du P. E. Beissel ; Fra Angelico de Fiesole, sa vie et set œuvres. In-4", Société St-Auguslin. 1899.

2. Lambert Lombard, piintre et archilecte. Bruxelles, Bartsoen, 1893-

Entre les années 1850 et 1860. il a fourni une série d'articles artis- tiques au Journal de Liège, à La Meuse et à la Gazette de Liège et de plus à quelques feuilles étrangères A sa ville natale. De ces articles nous pouvons citer les suiv.ints ; htude sur les nuùtres liégeois dans les musées de l' Allemagne en 1854. 16 pp. Journal de Liège. Éloge académique du Prince Velbruck, fondateur de la Société libre d' Éniulatioji, en 1881, 32 pages.

Compte rendu de V Exposition de Bruxelles de 1857, 32 pages.

Le Salon de /SjS A la Société <f Émulation de Liège, 54 pages.

KKVUK IIR LAKT CMFftTIHN 1906. î"'* LIVRAISON.

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3Sit\)Xit ïie V^xt cbictteiu

l'auteur d'un remarquable mémoire sur les re- liques et reliquaires donnés par saint Louis, roi de France, au couvent des Dominicains de Liège (•),

On connaît ses deux ouvrages sur l'art mosan : La peinture au pays de Liège, et La sculpture ait pays de Liège, tous deux couronnés par la Société libre d'Émulation de Liège qui lui décerna, en outre, le iS décembre 1905, le prix de la fonda- tion Rouveroy pour la nouvelle édition de 1903 de son ouvrage : La peinture au pays de Liège et sur les bords de la Meuse (=), travaux qui avaient placé M. Helbig à la tête des archéologues de la région wallonne.

Il a publié une belle monographie de l'église de Saint-Christophe à Liège (3) et un recueil du mobilier du moyen âge (■*).

Il prit l'an dernier une part active à l'organi- sation de la Section d'art rétrospectif de l'expo- sition internationale de Liège, et rédigea pour le catalogue une notice que nous avons fait con- naître (5).

Tel fut notre regretté directeur. Disons quel- ques mots de sa carrière.

à Liège le 8 mars 182 1 de parents origi- naires des environs de Mayence, J. Helbig avait résisté aux influences de son milieu pour suivre sa carrière artistique. Élève de l'Académie des

Correspondance artistique du journal La Meuse, x partie, 1856, 156 pages.

Frid. Rouveroy, Liège, de Thierre, 1886.

Notice sur l'Ancienne collégiale de Saint-Pierre à Liège et les œuvres d'art qu'elle possédait, 23 pp. Liège, Grandmat, 1886.

.Articles dans le Bulletin de l' Institut archéologique liégeois, de la Commission royale des monuments de la Société d'art et dliistoire du diocèse de I-iége, dans la Biographie nationale, dans le Catalogue de [Exposition de t Art ancien à Liège, 1881 de t Exposition universelle de Liège, 1905.

1. Mémoire présenté à la classe des Beaux-Arts, en séance du 7 avril 188 1.

2. V. Revue de l' Art chrétien, année 190b, p. 64.

3. Bruges, V^<: l'etit. In-f", 1877, avec planches de M. A. \'an Assche.

H. Recueil de vwdèles artistiques du moyen â^e. In-f°, Gand, Stepman avec dessins de M. A. Van A.ssche, 1882.

5. V. Revue de [Art chrétien, année 1906, p. 64. J. Helbig avait largement contribué à l'organisation de diverses expositions et à la rédaction de leurs catalogues, Malines, 1864, Bruges, 1867, Bru.xelles, 1884, Liège, etc.)

La revue Onze A'««i/ (Bnscliman, Anvers), qui vient de paraître, donne dans son numéro de mars un article du regretté défunt sur l'Exposition de Liège.

Beaux-Arts de Liège, il cultiva d'abord le paysage, la gravure d'illustration, peignit des portraits, et fréquenta durant deux ans l'Aca- démie de Dusseldorf. Mais il était un autodidacte et ses sentiments le portèrent avec ardeur à l'étude de l'esthétique chrétienne et de l'archéo- logie médiévale. Aussi fut-il aux côtés de J.Weale et du chanoine Delvigne, lorsque fut organisée la célèbre exposition d'Art chrétien au second Congrès de Malines en 1864, et auprès de Mgr Voisin et de Maître Jean Bethune lors de la fon- dation de la Gilde de Saint-Thomas et de Saint- Luc, dont il était vice-président.

Il y avait dans sa robuste personne et dans son expressive physionomie un mélange de vigueur et de finesse, dans son caractère, autant d'aménité que de dignité. Son absolue indépendance, l'austérité de sa vie et la ferveur de sa foi en faisaient un solitaire, mais un solitaire accueillant dans son milieu tout embaumé d'art, et égayé jusque quelques années avant sa mort par la douce affection d'une sœur dévouée. Il resta jus- qu'à la fin très jeune de cœur et sa loyale cordia- lité en fît pour quelques-uns un ami dévoué et très précieux. 11 fut le plus aimable et le plus intéres- sant des compagnons pour ceux qui ont partagé ses pérégrinations artistiques.soit comme membre de la Commission Royale des monuments, soit comme confrères de la Gilde de Saint-Thomas et de Saint-Luc pour laquelle sa mort est une perte irréparable.

A ses yeux i'art devait être l'expression fleurie du sentiment religieux, le resplendissement du culte ; c'est ce qui lui rendait si sympathiques quelques peintres modernes, mais plus encore les adeptes des maîtres du moyen âge. S'il s'intéres- sait vivement à l'archéologie, c'était pour en tirer des leçons quant à la rénovation de nos industries d'art, dont la technique lui était familière.Ses con- naissances très étendues, son esprit largement cul- tivé, son style plein d'attrait en firent un colla- borateur précieux pour beaucoup de périodiques

il^écrologte.

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auxquels il collabora en anonyme par amour pour l'art, qui fut la noble passion de sa vie. Il exerçait judicieusement sa pénétrante critique dans des comptes rendus des expositions des Beaux-Arts. Il fut un soutien de toutes les belles entreprises et apportait surtout son dévouement à l'École Saint-Luc de Liège.

Comme artiste on lui doit la décoration com- plète de l'église d'Hoogstraeten, la remarquable polychromie de la chapelle du château des Ame- rois, et des travaux de décoration dans presque toutes les églises de L'ége ('). à Sainte- Marie d'Aix-la-Chapelle, à la basilique d'Echternacht, au chœur de Saint-Jacques de Tournai et dans une série de sanctuaires privés ou conventuels. Ses plus belles œuvres furent une série de peintures de retables d'autels que l'on voit à Hoogstraeten, à Liège, à Dinant, à Tournai, etc.. Il fut dans une certaine mesure le colla- borateur de Jean Bethune, notamment pour la fameuse châsse de Saint-Lambert de Liège, et surtout dans les études préalables faites de concert avec lui au cours d'un voyage en Italie pour la préparation du projet de la décoration en mcsaïques du Dôme d'Aix-la-Chapelle, projet qui fut adopté par un concours international. Il laisse en mourant un volume dont l'impression s'achève en ce moment, consacré à la vie et à l'œuvre du grand artiste que nous venons de citer et qui fut le rénovateur de l'art chrétien en Belgique.

J. Helbig prit une part fort distinguée à la der- nière séance du Conseil de perfectionnement de l'enseignement du dessin et à la rédaction des

I. A noter des peintures murales aux églises de .Sainte-Croix, de Saint- Pholien, de Saintjacques.à la cathédrale Saint- Paul, au Palais provincial et au château de Ponthoz.

rapports, restés sans suite, qui résument les con- clusions de cette laborieuse session.

Il avait toujours décliné les honneurs et les situations officielles; mais son caractère,son expé- rience et son talent en avaient fait une autorité de premier ordre dans le monde de l'érudition archéologique, un oracle, en Belgique, dans les questions d'esthétique chrétienne. Il était parti- culièrement aimé et vénéré par ses collègues de la Commission Royale des monuments dont il était vice-président.

La mort, qu'il vit venir avec sérénité, l'a enlevé à l'âge de quatre-vingt-quatre ans au milieu de ses travaux d'érudition, apportant les dernières corrections aux épreuves d'un livre très impor- tant entrepris dans la dernière année de sa vieillesse et qui résume les travaux de sa vie : L'art ancien dans la région AIosane.Nous espérons que cet ouvrage paraîtra prochainement ; ce sera le chef-d'œuvre de cet aimable érudit.

Notre ami ne s'était pas confiné dans le do- maine artistique s'exerçait sa maîtrise. Il resta jusqu'à la fin un des présidents les plus dévoués des Conférences de Saint-Vincent de Paul. A l'heure des luttes publiques, ni son nom ni son concours ne manquèrent à la bonne cause.

Une piété fervente ne cessait de raviver en lui la ferveur des affections et des dévouements. C'est dans les sentiments de cette piété qu'il a vu venir sa fin, conservant jusqu'au dernier mo- ment la pleine possession de ses facultés. Puisse- t-il trouver dans l'immortelle jouissance de la beauté céleste, la récompense méritée par une longue existence incessamment éprise ici-bas du bien, de la charité et du service de Dieu.

Nous recommandons son âme aux prières de nos lecteurs. L. Cloquet.

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IHrt chrétien

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li dans une bourgade sans

-a cseHi;<*?Laass-aâisH8- importance, pourdécou- tW*'W^i^iSwê vrir le premier martyr

qui illustra les annales du diocèse de Viviers. Saint Andéol.en effet, n'appartient ni à l'histoire d'Albe, premier chef-lieu du diocèse, ni à l'histoire de Viviers, second centre diocésain; sa mort glorieuse orne la première page d'une petite localité située sur la rive droite du Rhône, entre Viviers et Pont-Saint-Esprit. Bourg-Saint-Andéol est une des nombreuses stations romaines qui se fondèrent dans la vallée du Rhône à la suite de la conquête de Jules César et qui vécurent longtemps des profits com- merciaux qu'apporte toujours la navigation d'un grand fleuve ('). Au Nord, son assiette

I. V^zznn, Autour du Bourg-Saint-Andéol,\ vol. in- 12, 1886. Privas.

se compose d'un rocher à pic dominant la rive droite du Rhône, puis d'un plateau ; celui-ci s'abaisse en pente rapide d'un côté vers le fleuve, et, du côté du Sud, suivant un plan très adouci qui s'incline vers la rivière de Tourne.

Les deux groupes principaux d'habita- tions étaient, l'un, au sommet du plateau, dans un endroit facile à fortifier, qu'on dédia à saint Michel, l'autre, à proximité du fleuve, recherché par les négociants. Non loin de l'eau, s'élevait aussi un palais ou une riche habitation que l'histoire de Saint- Andéol désigne sous le nom de maison de Tullie, et dont les jardins occupaient le versant à pente rapide (').

L'agglomération totale n'était pas sans importance, car elle avait eu assez de res- sources pour édifier un temple au dieu Mars, dont on montre l'emplacement au midi des jardins.

I. Chanoine Rouchier, Histoire du Vivarais, 1862, I vol. in-8°.

78

Bel)uc De rart cbictten.

Le sous-sol du temple contient des sou- terrains que l'imaorination populaire a trans- formés en prison pour les premiers chré- tiens, comme au palais du Miroir à Vienne; ils forment les soubassements d'un édifice qu'on voulait surélever et qui sans doute succédait à d'autres temples. Les popula- tions commerçantes de l'Orient qui visi- taient tous les ports de la Méditerranée, y avaient introduit des divinités asiatiques dont la présence nous a été révélée par un bas-relief sculpté représentant une scène du culte de Mithra, l'immolation d'un taureau, qu'on a sculpté sur un rocher (').

Bergoiate était le nom de la petite cité dont nous parlons; au IV^ siècle, elle prit celui de saint Andéol, personnage du pays qui souffrit le martyre le i^'' mai 208, sous le règne de Septime-Sévère. De même que le Haut-Bergoiate avait son église Saint-Michel, le Bas-Bergoiate avait son église Saint-Sauveur remplaçant le temple de Mars. La mort d'Andéol amena l'érection d'une troisième église qui fut bâtie au mi- lieu du versant, avec double étage, dont la partie supérieure fut consacrée à saint Polycarpe, le grand évêque de Smyrne, si connu dans la vallée du Rhône.

Suivant la légende du martyr, saint Andéol aurait été jeté dans le Rhône après son supplice, et son corps, roulé par les vagues, serait venu échouer sur la rive de Bergoiate, au bas des jardins et des terras- ses appartenant à une dame gallo-romaine de nom de Tullie, qui, elle aussi, était con- vertie à la foi chrétienne et comprit ses devoirs à l'égard de saint Andéol {'). Elle recueillit pieusement ses membres et les déposa dans un sarcophage de marbre pré- paré pour un enfant, de peur, sans doute,

1. Mirabel, Saini Andéol et son culte. Palmé, Paris, 1868, I vol. in- 12.

2. Acta satutorum, i"' mai.

d'éveiller l'attention des bourreaux, et elle l'enfouit dans son jardin. Le préambule du Livre des tniracles consacré à sa mémoire et rédigé peu après le IX^ siècle, relate que le corps du martyr fut longtemps caché dans une crypte profonde Tullie l'avait enseveli (').

Il y a une inexactitude qu'il convient de corriger au moyen des récits analogues que nous possédons sur les sépultures an- ciennes ; il faut entendre plutôt qu'elle le déposa dans un des nombreux souterrains voûtés qui environnaient son habitation. On ne construisait pas d'hypogées chrétiens au temps des persécutions ; cet usage n'est venu qu'au temps de Constantin, quand les évêques ont eu le loisir de mettre en ordre les traditions et de poser les bases de cha que sanctuaire. Nous ignorons le nom du prêtre qui prit soin de l'élever de terre et de l'offrir aux hommages pieux de la foule; il n'en est pas moins vrai, que l'évé- nement ne peut être antérieur au IV^ siècle.

Ce qui prouve que le tombeau fut ouvert dans les premiers siècles, c'est que bon nombre de localités éloignées de Bourg- Saint- Andéol sont en possession de ses reliques et l'honorent depuis un temps im- mémorial. Pour être plus précis, je dirai que Louis le Débonnaire, passant à Cama- ret en Provence, en 793, remarqua que cette ville possédait des cheveux, une fiole de sang et une côte provenant du corps de saint Andéol. Ce genre de reliques, dit M. Mazon, fait présumer que leur distribu- tion remontait à l'époque même du martyre ou à l'élévation contemporaine de Cons- tantin.

Le peuple n'admet pas qu'un martyr ait pu être condamné au dernier supplice sans

I. '■ Diu per multa tenipora latiierat siib ciipla in profundo a beata Tullia cqnditus. » (Ibidem.)

Mn £©artpnum à Bourg t)atnt:^nUéoL

79

avoir passé par une prison, c est pourquoi dans la plupart des villes dont les origines chrétiennes se fondent sur une immolation de martyr, on prétend montrer sa prison ; or, dans ce cas, on va toujours chercher dans les monuments du paganisme un sou- terrain quelconque dont l'antiquité puisse cadrer avec la légende du saint. Ce qu'on appelle la prison de saint Andéol n'est pas autre chose qu'un reste des soubassements du temple de Mars. Cependant la croyance était si tenace qu'il fallut lui donner satis- faction en érigeant au-dessus une église de laquelle on communiquait avec la prison par un escalier de vingt marches ('). L'in-

vocation appliquée à l'église fut celle de Saint-Sauveur par suite d'une habitude chrétienne également très répandue dans les mœurs. Le Christ ayant délivré les âmes de la détention perpétuelle de l'enfer, il est tout naturel qu'on ait pensé à l'instituer patron des prisons des martyrs. A Marseil- le, l'église Saint-Sauveur est au-dessus de la cave voûtée qu'on appelle la prison de saint Lazare. D'autresvilles pourraient sans doute offrir des exemples d'une pareille superposition, si l'on examinait les origi- nes de leurs fondations en l'honneur du Sauveur.

Il y a désaccord entre les indications de

Sarcophage de saint Andéol.

la vie de saint Andéol et le sarcophage qu'on lui attribuait dans les derniers siècles. Ce monument funéraire n'a pas l'aspect d'un sarcophage préparé pour un enfant. Il est vrai qu'il a des dimensions restreintes, i'",50 de longueur sur o"^,6o de hauteur; mais cette exiguïté suffisait encore à con- tenir les restes d'un personnage dont la mort remontait à plus de cent ans, si l'on admet que les auteurs de leur translation choisirent au I V^ siècle un sarcophage plus somptueux que le premier. Ils prirent une auge païenne qui avait été occupée par un personnage nomméy?^/n« Va/erianus, nom qu'on peut encore lire aujourd'hui sur une

I. L'église est aujourd'hui démolie ou à peu près, et le souterrain est un dépôt d'objets divers.

tablette environnée de génies, de colombes, au milieu d'un panneau décoré d'un arc, d'un lapin, d'un carquois et de guirlandes. La face opposée était évidemment ornée dans le même goût ; elle fut transformée par les chrétiens en décoration d'un autre genre destinée à inspirer le respect aux fidèles qui seraient attirés par la présence du martyr. Les animaux symboliques sont des lions affrontés, des dragons ailés, des colombes autour d'un calice, deux phénix, et les personnages qui soutiennent l'inscrip- tion sont saint Polycarpe et saint Bénigne. Sur le couvercle on lisait: « impii jussionem explentes caput martiris Andeoli in modum X contriverunt. »

Le mot jussionem employé sur le cou-

8o

3Rcbue De ran chrétien.

vercle est de basse latinité, il ferait sup- poser que l'inscription est au moins caro- lingienne, sinon antérieure. On ne peut en dire autant de la longue inscription placée dans un double encadrement en forme de parallélogramme ; sa rédaction nous repré- sente plutôt une œuvre du XII^ siècle. En voici la traduction :

« Vous tous qui placez votre espérance en la vie éternelle, regardez ce tombeau à quatre faces, il est digne de manifester aux quatre parties du monde les merveilles du Christ et d'apprendre aux justes, à vaincre dans les combats de la foi. O Andéol, heu- reux martyr, donnez-nous des marques de votre protection. L'enceinte de ce petit tombeau renferme votre corps, mais votre âme vertueuse jouit avec les saints, par delà les astres, de la félicité céleste. Qu'ils accourent à vous ceux que de cruelles dou- leurs affligent, il n'est aucun de ceux qui implorent votre protection qui ne s'en re- tourne consolé ('). »

A défaut de documents clairs et précis, les circonstances qui ont accompagné la découverte de son tombeau autant que l'examen de la memoria oîi il reposait, nous aideront à pressentir les commencements de son culte. Au IX'^ siècle, son enfouisse- ment était si vieux qu'on ne savait de quel côté diriger les recherches. Ce fut une vé- ritable découverte quand l'évêque de Viviers, Bernoin, mit la main sur ses re- liques, en 858, et les montra aux fidèles surpris. Il poursuivit ses investigations non pas dans un champ mais dans la basilique de Saint-Polycarpe ; et il trouva le corps dans un sous-sol dont l'érection ne peut

I. D'après l'abbé Paradis, l'inscription avec les sculp- tures du sarcophage, sur ia face chrétienne, serait l'œuvre des chanoines deSaint-Ruf, au XI1'= siècle. M. Le lilant ne lui a pas donné place dans son recueil des Inscriptions anlérieures au VIII' siècle ; cette exclusion est significa- tive.

être que de l'époque antérieure aux Sarra- sins. On sait que la panique causée au VI 1 siècle par l'invasion de ces fanatiques destructeurs des fondations chrétiennes, détermina beaucoup d'églises à cacher les reliques soit en les enterrant, soit en murant la porte des caveaux.

L'exiguïté de la confession de saint Andéol se prêtait fort bien à cette opé- ration. En plan, c'est une salle carrée, voûtée sur arêtes et flanquée, sur trois côtés, d'absidioles semi-circulaires. Son escalier débouche sur le quatrième côté ! Sa marque essentielle est la simplicité et l'absence de toute ornementation. On ne voit même pas de cordon de pierres à la retombée des voûtes, sa tnaçonnerie se compose de petits moellons sur lesquels on a relevé les lettres I, Z, A, P, M, S, E, tandis que, dans l'église enveloppante, les tailles de pierre en feuille de fougère dominent.

Tous ces détails nous sont révélés par le pieux zèle d'un enfant du pays, M. l'abbé Paradis, mort curé de la paroisse Sainte- Marguerite à Paris, qui avait puisé le goût de l'archéologie à l'école des Chartes et qui, pendant ses vacances, aiinait à consacrer ses loisirs à l'étude des souvenirs et des monuments de Bourg-Saint-Andéol, sa ville natale ('). Quand il commença ses recherches, en 1865, l'église Saint-Poly- carpe, aliénée comme bien national en 1793, était devenue une auberge ; son nom ne signifiait plus rien pour les habitants, et ses murs ne servaient plus qu'à soutenir des salles, des chambres, des greniers, des caves et des magasins. Il fallait une grande perspicacité pour reconstituer la forme pri- mitive de l'édifice à travers toutes ces mo

I. M. l'abbé Paradis, après avoir acquis l'édifice, avait fait dresser les plans de restauration et conimenc^a les travaux en 1876, mais il fut interrompu par des tracas- series.

mi\ S^avtvvinm à î0ourg t)aint :anîiéol

8i

difications, et le travail était d'autant plus difficile que l'église elle-même avait été remaniée à plusieurs époques, remblayée et allongée. Le problème, on le voit, pré- sentait plus d'une difficulté (').

A force de patience et d'observation, M. l'abbé Paradis est parvenu à se rendre compte des conditions dans lesquelles l'édi- fice fut rebâti au Xl^ siècle; il a clairement expliqué les dispositions prises pour remé- dier à l'inclinaison trop forte du terrain et les facilités qu'elle offrait à l'installation d'une crypte. Les plans qu'il a relevés font ressortir très exactement le surhaussement du sanctuaire et la différence d'âge qui s'accuse entre la nef et la crypte par suite de la déviation de leur axe.

On se tromperait lourdement si on re- gardait le martyrium comme une oeuvre de Bernoin ou de ses contemporains, car il est avéré que ce pontife, au lieu de travaillera l'amplification de sa découverte, conçut au contraire le projet de bâtir une construction absolument distincte. Cette constatation nous oblige donc à admettre, en dehors des arguments à tirer de l'architecture, que la crypte, trouvée au IX« siècle puis aban- donnée, ne devait pas être plus jeune que le Ville siècle. Nous allons voir que ses caractères architectoniques permettent de la croire plus vieille. Aujourd'hui elle est obscure parce qu'elle est enveloppée dans une construction postérieure, mais quand on l'examine de près, on aperçoit les vesti- ges de fenêtres étroites dans le sommet de chaque conque septentrionale.

A l'aide de ces indications précieuses, voici comment j'essaierais de reconstituer sa physionomie des premiers jours. Pour

I. Étude sur P église et la crypte de Saint Poly carpe à Bourg-Saint-Andéol.ÇàwW. d'histoire et d'archéologie des diocèses de Valence, Gap, Grenoble et Viviers. 4 1"' et 42' livraisons, 1886.)

moi, la salle carrée du centre devait être surmontée d'un sacellum de même forme, oii l'autel était érigé ; quant aux trois con- ques percées chacune d'un jour en forme d'oculus rond, évasé à l'extérieur, rétréci à l'intérieur, elles faisaient saillie autour du rectangle et servaient à éclairer les trois absidioles du sous-sol.

L'étage inférieur n'avait pas d'autre éclairage, il n'en porte pas de traces dans les murs latéraux. Ce seul fait suffit à dé- montrer que le plan de l'étage supérieur ne couvrait pas les conques rayonnantes. Le tombeau devait être isolé dans la partie carrée, sans être adossé à aucun autel.

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Cella. de saint Andéol, d'après S. C. de Montmajouk.

car l'espace manquait ; il pouvait être visité au moyen d'une petite porte ouverte dans l'axe, sous l'escalier conduisant au sacellum supérieur.

L'architecte de ce petit monument funé- raire s'est visiblement inspiré de la forme des sépulcres païens qu'on voyait le long des voies qui sortaient des portes de chaque cité gallo romaine et dont on voit encore de .beaux spécimens dans la banlieue de Rome. On sait que dans ces mausolées le tombeau est placé au rez-de-chaussée dans une sorte de cella obscure par-dessus laquelle on édifiait une tour ronde ou carrée ('). Le christianisme s'est emparé de ce plan, il n'a fait qu'y ajouter les trois conques ou ab- sides par amour du symbolisme pour attes-

1. Voir dom Montfaucon, U Antiquité expliquée, V, lib. ni, cap. I.

82

3Rc\)Uc De rart cj)rctieu.

ter que le défunt croyait à la Trinité. Ce type n'offrait pas d'abri aux fidèles, il les obli- geait à se tenir en plein air, mais dans le Midi cette disposition ne passait pas pour un inconvénient, le public ayant sous les yeux le spectacle des temples païens qui n'étaient pas plus spacieux. C'est pourquoi les architectes ont longtemps conservé l'ha- bitude de construire des sanctuaires exigus comme Sainte-Croix de Montmajour.

Il paraît donc certain que le tombeau de saint Andéol a été exposé dans un édicule d'abord isolé, puis incorporé à un agrandis- sement qui prit le nom de saint Polycarpe. Il doit à cette circonstance sans doute le privilège d'avoir traversé les âges sans être trop endommagé parce qu'il était facile à dissimuler aux yeux des profana- teurs en murant la porte ou en remblayant la descente. On avait si bien réussi à le cacher que du temps de Bernoin on igno- rait le lieu précis du dépôt des reliques d'Andéol.

Malgré cet enfouissement, le peuple con- servait le souvenir de la pieuse femme qui avait recueilli les reliques du martyr, il unissait son nom à celui d'Andéol ; il n'en- trait pas dans l'église de Saint-Polycarpe sans penser à la sainte Roumelo. Il est clair que cette tradition orale mit sur la voie des recherches à faire. Au lieu de se borner à un déblaiement, l'évêque Bernoin ne jugea pas que le sous-sol fût suffisant pour honorer un grand martyr, il construi- sit une église spéciale qu'il dédia à saint Etienne et à saint Jean, puis il y transporta les restes de saint Andéol pour les exposer sous le maître-autel ('). Telle est la pensée qui a donné naissance à l'église Saint- Etienne. Il suit de que Bernoin ne peut être considéré comme le constructeur de la

I. Marquet, curé de Bourg- SaintAndéoI, Notice historique sur f église paroissiale, in-4° de 46 pages.

crypte et qu'il faut remonter dans les siècles antérieurs pour en trouver l'architecte, puisqu'il n'y avait plus de raison pour l'édifier après le départ des reliques au IXe siècle.

Nous n'avons pas de procès-verbal de reconnaissance des découvertes faites par Bernoin dans le sous-sol de l'église deSaint- Polycarpe, cependant nous avons lieu de croire que le monument renfermait plusieurs tombeaux, notamment celui de Tullia. L'exaltation des reliques et leur exposition à l'étage supérieur n'entraînait pas néces- sairement la translation du sarcophage : il est arrivé plus d'une fois que les cryptes sont demeurées dépositaires du monument funéraire (') du personnage pour lequel elles avaient été érigées, afin de conserver le courant de dévotion qu'elles avaient provo- qué. Les tombeaux découverts par Bernoin sont restés sans doute dans leur position primitive comme un mémorial de l'authen- ticité des reliques jusqu'à l'époque les travaux d'agrandissement de l'église Saint- Polycarpe obligèrent la fabrique à enterrer la descente de la crypte sous des remblais. On sait, en effet, qu'au XIV'= siècle, on al- I loncrea le chevet de deux travées nouvelles

o

: au niveau du sanctuaire élevé au XL siècle; il en résulta un autre travail indispensable, l'exhaussement de la nef, et, dans des opé- rations successives de nivellement, la con-

, fession de Saint-Andéol, ou tout au moins son accès, disparut. Supposer que le tom- beau {\i\.,alors seulement, transféré à son tour à l'église Saint-Etienne, appelée depuis lors Saint-Andéol, et placé sous le maître-autel ou par derrière, est une conjecture très ad- missible. Il y était encore au moment delà Révolution, mais il subit des déplacements comme bien d'autres. Quand Millin passa

I. C'est le cas de l'église de Saint-l'hilibeil de Grand- lieu.

Mn ©artprtum à Bourg-^^atnt^^nDeol.

83

à BourgSaint-Andéol, en 1808, il le trouva dans le bas de la nef (').

J'invoquerai un dernier argument à l'ap- pui de mon opinion sur le privilège que conserva l'église de Saint-Polycarpe de montrer le sarcophage de saint Andéol aux pèlerins, et de célébrer sa mémoire : c'est

la présence d'une inscription qui pour nous vaut l'attestation d'un culte permanent. Dans le mur de l'escalier septentrional qui montait de la nef au chœur, on a relevé un graffite en caractères carolingiens portant ces mots : Sce Andeole, intercède pro nobis. M. l'abbé Paradis a examiné l'inscription

PLAN DE L'ÉGLISE S^-POLYCARPE, BOURG -S-^-ANDEOL (Ardèche)

et de 3a crypte

de près, et il a démontré par la forme des majuscules, les insertions de lettres et les inégalités, qu'elle devait être du X" siècle, au plus tard. Dans tous les cas, que sa ré- daction soit du temps de Bernoin ou posté- rieure, il suffit qu'elle ait été imaginée pour que nous osions soutenir que le tom-

I. Voyage dans les départements du Midi, t. II, pp. 121,

beau du saint n'avait pas quitté l'église et y demeura jusqu'au XIV' siècle.

Il faut bien croire aussi que le tombeau de Tullie se trouvait à proximité du pré- cédent : car autrement on ne s'expliquerait pas comment le peuple pût conserver le souvenir de cette pieuse femme sans la vue d'aucun témoignage sensible. Les histo- riens du pays ont constaté que les pèlerins

84

jt^ebue De T^lrt cl)rét(eu.

fréquentant l'église de Saint-Polycarpe croyaient à l'existence d'un sous-sol qu'ils appelaient la crota de la bienheureuseTuUie et invoquaient une sainte Roiunaine (').

Résumons-nous maintenant pour préciser notre pensée : au point de vue de l'étude des habitudes ecclésiastiques et de l'esprit de conservation qui animait nos ancêtres, nous ne pouvons pas siofnaler d'édifice plus curieux et plus instructif que cette église de Saint- Polycarpe, augmentée de son marty- rium. Voici, en effet, comment s'établit la succession des phases de sa construction : son noyau est un édicule d'une forme par- ticulière qui peut être contemporain des plus anciens monuments de la Rome chrétienne, construit évidemment pour loger un tom- beau et qui devait être à double étage pour les nécessités du culte qui se pratiquait toujours au dessus des reliques. Par suite du développement de sa renommée, il fut englobé dans le sanctuaire d'une basilique mérovingienne dont nous ne connaissons pas l'architecture, mais dont nous soupçon- nons l'importance par le fait de l'enfouisse- ment qui s'est produit, au VI 1 1^ siècle, sous l'amoncellement de ses ruines. Privée de son tombeau au IX'' siècle, la crypte ne de- meura pas moins en vénération et fut utilisée au X l'siècle comme sous-sol d'un sanctuaire très surélevé auquel on accédait par un escalier de i 2 marches.

La différence d'âge qui existe entre la con- fession et l'édifice du X V siècle s'accuse par une déviation d'axe qui trahit une soudure

I. Mirabel, Ibid., p. 104.

évidente. La pente de la colline sur laquelle s'élevait le nouvel édifice étant très rapide dans la direction est-ouest, qui était celle de l'axe principal, le niveau du dallage de la nef se trouvait à quatre marches au-des- sous du seuil de la porte principale et à sept marches au-dessous de la place ménagée devant ce portail. Le profil de la nef offrait donc l'aspect d'une cuvette. Un jour vint, au XIV'= siècle, le chevet parut trop court pour la célébration des offices. Au lieu de raser ce qui existait, on construisit à l'Orient deux nouvelles travées au niveau du chœur et on fit disparaître tous les escaliers intérieurs en remblayant toute la nef pour avoir un seul niveau d'un bout à l'autre. Après tous ces travaux, la crypte fut en- terrée dans le dallage uniforme établi sur toute la superficie, le relief du sanctuaire qui annonçait sa présence fut effacé, mais sa structure n'eut pas à souffrir de cet en- fouissement, puisque, vers le milieu du XIX^ siècle, un des savants du pays a pu la remettre au jour et nous révéler tous les traits de son architecture qui n'a rien de commun avec les constructions du moyen

âge.

Il nous reste à souhaiter que les archéo- logues viennois s'intéressent à ce curieux monument de nos origines chrétiennes et déploient tout leur zèle pour l'isoler des constructions profanes qui le déparent, et recherchent les moyens de le conserver pour servir de base aux études archéolo- giques.

Léon Maître.

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L existe en Belgique, dans le bassin de la Meuse, une série d'é- glises de paroisses ru- rales, anciennes abba- tiales ou collégiales, datant des XI^ et XII^

siècles, qui méritent d'être tirées de l'indif- férence et de l'oubli. Sans atteindre ni l'importance architecturale, ni les dimen-

sions des églises romanes de Liège, Soi- gnies ou Nivelles, elles présentent cepen- dant un intérêt indéniable au point de vue de l'histoire générale de l'architecture du pays. Quelques-unes se distinguent par une physionomie propre, nettement ca- ractérisée. II ne serait pas possible d'ex- pliquer cette originalité, conséquence fréquente des influences agissant aux débuts d'une fondation pieuse, sans examiner au

Phot. A. SrMFLl.i Kl NS.

Église de Saint-Séverin. Chevet.

préalable les origines et les liens de dépen- dance de la communauté nouvellement établie, à laquelle est confié le soin de cons- truire et de desservir l'église.

O

L'étude de ces édifices sera donc parfois compliquée de celle de l'introduction d'élé-

I. Commune du cintoii de Nandrin, province de Liège.

ments exotiques importés par des moines appelés d'une autre région ou par des maîtres-d'œuvre recrutés ailleurs et venant appliquer ici leurs théories. En archéo- logie, la recherche de ces facteurs est d'im- portance capitale.

L'église de St-Séverin en Condroz est

86

^tWt De rart chrétien.

l'un des monuments les plus remarquables parmi ces édifices de second ordre des bords de la Meuse ; d'abord par son architecture et sa décoration, de loin supérieures à celles des autres monuments de même nature, puis en raison de certaines dispositions par- ticulières inusitées dans le pays et emprun- tées au style de la Bourgogne.

Située au milieu des plaines du Condroz, d'accès assez difficile par suite de son éloi-

gnement des grandes voies de communica- tion, elle n'a pas été l'objet d'une mono- graphie, si l'on excepte une courte notice plutôt pittoresque, parue en 1857 dans la Gazette de Liège ('). Depuis, M. H. Rous- seau lui consacra quelques lignes pour éveiller l'attention des pouvoirs et signaler l'urgence d'une restauration (■).

Le prieuré de St-Séverin fut fondé en l'an 109 1. On possède de cette année un

l'hot. A. ScHELLKKhNs

Église de Saint-Séverin. Intérieur.

acte de donation de l'église de St-Séverin (appelée en ce temps St-Symphorien au Bois) à la puissante abbaye française de Cluny, alors à l'apogée de sa splendeur. La nouvelle fondation devint une dépendance immédiate de ce monastère et lesClunisiens ne tardèrent pas à s'y établir, car dès i 107 le prieuré était constitué. Il devait être occupé par trois moines et un prieur (').

I. Pour les notions historiques cfr. J. Halkin, Les prieurés cliinisiens de fanderi diocèse de IJi'ge ; IV, le prieure de St-Séverin en Condroz (Bull, de la .Soc. d'art et d'histoire du diocèse de Liège, t. X, 1S96, pp. 177- 1S5), et Documents concernant le prieure de St-Séverin en Condroz, de l'Ordre de Cluny. {\i\û\. delà Comm. royale d'histoire, 5= Série, t. IV, pp. 165-192.)

Les premiers travaux de construction de l'église actuelle doivent remonter à cette époque. Comme beaucoup d'abbatiales bé- nédictines, à l'instar de Cluny, la tête de l'Ordre, elle était dédiée aux SS. Apôtres Pierre et Paul. Albéron II, évêque de Liège (i 136-1 145), consacra le maître-autel ainsi que le prouve le sceau de ce prélat retrouvé sur la cassette contenant les re- liques de l'ancien autel {f). Il n'y a pas

1. Publiée séparément sous le titre : Une perle archéo- logique, notice sur l'éi^iise de St-Séverin en Condroz. Liège, Demarteau, 1857. (Edouard Lavalleyc. )

2. Voy. Bull, des Comm. royales d'art et d'archéologie, t. XXXI, 1892, pp. 322-325.

3. J. Halkin, Les prieurés cliinisiens, etc., ibid., p. 177.

iLïgltôe De ^àinV^t\)ttin en ConDro3.

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d'autres sources relatives à l'âge du monu- ment, mais cette période d'activité, comprise dans la première moitié du XII*= siècle, est la plus conforme au style ; on peut l'adop- ter comme date d'origine en l'absence de tout document ou indice architectonique dénotant un arrêt des travaux, suivi d'une reprise subséquente (').

Le nouvel édifice remplaçait l'oratoire primitif de St-Symphorien, abandonné par les moines, sans doute à cause de son in-

suffisance comme église monastique les cérémonies liturgiques des moines néces- sitent certaines dispositions dans le plan du choeur conventuel. Peut-être l'ancienne chapelle ne correspondait-elle pas aux idées des Clunisiens en architecture. L'ayant trouvée d'une simplicité par trop rustique, ils jugèrent bon d'élever un monument de meilleure apparence. Celui-ci fut bâti par les moines d'après un plan conforme à sa destination nouvelle et selon les procédés

Église de Saint-Séverin. Façade.

de construction en usage dans la Bour- gogne, leur pays d'origine, ou bien sous la direction de maîtres-d'œuvres emmenés avec eux, car il se rapproche davantage des églises romanes de cette contrée que de celles de nos provinces. Son aspect diffère du tout au tout. C'est un type isolé, éveillant im- médiatement l'attention par certains carac- tères du style et de la décoration emprun- tés à l'étranger. L'élégance et les formes de

I. Le style de l'édifice s'oppose d'une manière péremp- toire à ce qu'on puisse le dater de l'an looo, comme le rapporte une tradition.

l'architecture dépassent de beaucoup la simplicité des églises des environs. Elles s'expliquent par les circonstances spéciales de la fondation du prieuré par les moines venus de Cluny.

L'importation par les Clunisiens du style des monuments de la Bourgogne dans d'autres pays, en Espagne notamment, a été mentionnée par le savant archéologue français M. C. Enlart ('). Il eût été curieux

I. '^Q'j. Manuel (C Archéologie française, t. I, p. 205, Origines françaises de V architecture gothique en Italie, p. 224. Cf. aussi Dehio und von Bezold, Die kirchliclie Baukunst des Abendlandes, t. I, pp. 389 et 390.

88

Bebiic lie rart cljrcticn.

de vérifier l'action architecturale des mêmes religieux en Belgique quelques monas- tères de leur dépendance furent fondés. Mais le nombre de ceux-ci resta toujours peu élevé, à peine six ou sept sans grande importance, et à part celle de St-Séverin, les églises de ces filiales disparurent de bonne heure soit par la désaffectation des prieurés, soit par suite d'incendies ou d'autres accidents (').

Il n'est donc plus permis de formuler une théorie générale en cette matière. Tout au plus la description de l'église de St-Séverin pourra-t-elle révéler quelques éléments d'emprunt aux monuments de la Bourgogne et établir ainsi, dans un cas particulier, l'in- fluence du style de la contrée d'origine de ceux qui présidèrent à la construction de l'édifice.

Restauré de nos jours avec les soins les plus minutieux par l'architecte Lange- rock, ce beau monument se présente au- jourd'hui tel qu'il était au moyen âge, avant les changements apportés à la décoration interne sous l'empire de la Renaissance, et dont la disparition complète s'imposait.

L'église de St-Séverin est bâtie en pierres schisteuses irrégulières de teinte claire de la contrée, dites pierres âî avoue. Elle a le plan de la croix latine comprenant le chœur et son collatéral, le transept simple, la grande nef avec bas-côtés ('').

La nef compte trois grandes travées rectangulaires, correspondant chacune à deux travées de bas-côté et à deux ar- cades. Celles-ci reposent alternativement

1. Dom U. 'RatWh'ct, Docitmenls concernant les prieurh clunisiem en Belgiqite\V>\}.\\. de la Comm. royale d'histoire, 4" Série, t, XVII, pp. 134 et suiv.) J. Halkin, Les prieurés clunisiens, etc., ibid., pp. 155 et suiv. et pp. 228- 230.

2. M. Langerock a bien voulu me communiquer le plan et la coupe longitudinale de l'église. Qu'il me soit permis de le remercier ici publiquement.

sur de solides piliers carrés, à face en res- saut, et sur d'autres supports variés : dans la première travée, c'est un groupe de qua- tre colonnettes disposées sur plan cruci- forme, dans la seconde une simple colonne, tandis qu'à la troisième travée se rencontre de nouveau un faisceau de quatre colon-

Eglise de Saiiit-Séverin. Plan (d'après M. Langerock).

nettes, mais placées d'une autre manière.

Tous ces supports sont construits en moellons irréguliers de pierres calcaires grises, d'inégales assises. Les chapiteaux des colonnes et colonnettes sont cubiques; ils portent un astragale à la naissance. Une moulure en forme de doucine, surmontée d'un tore, compose leur base.

Des arcs à large ouverture, faisant office

IL'tQlm De ^alnt %ét)er(n en Contiro3.

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d'arcs de décharge, délimitent à l'intérieur les grandes travées de la nef; ils aboutissent au sommet des pilastres doubles ou com- posés qui s'élèvent le long des murs gout- terots au-dessus des piliers.

Dans un but purement décoratif, des colonneltes géminées à fût contourné en spirale, chapiteau cubique et base formée

de deux tores séparés par une scotie, ont été posées sur un relai établi à la partie inférieure des pilastres.

A hauteur du premier étage un cordon de pierre fait le tour de l'édifice. La haute nef est éclairée par des baies en plein cintre, percées sous les arcs de décharge.

On pourrait croire la haute nef voûtée en présence des pilastres aux murs goutte- rots. Malgré cela, elle est couverte d'un plafond moderne lambrissé, remplaçant les voûtes construites à l'époque de la Re- naissance. Les autres parties de l'édifice sont toutes voûtées. Pour ce motif, les murs de la haute nef ont une épaisseur moindre que celle des autres murs de l'édifice, sou- tenant des voûtes.

Les bas-côtés comprennent six petites

Eglise de Saint-Séverin. Coupe longitudinale (d'après M. Langerock).

travées de voûtes d'arêtes légèrement sur- haussées et séparées par de larges arcs dou- bleaux, qui, en se détachant progressive- ment des panneaux, augmentent l'aspect bombé de la courbure des voûtes. La re- tombée des arêtes et des doubleaux se fait sur des pilastres doubles, adossés aux murs des nefs latérales. Chaque travée est éclai- rée par une fenêtre en plein cintre. Le transept, sans collatéral, a trois grandes

travées rectangulaires, voûtées d'arêtes avec larges doubleaux. Comme aux bas côtés, les retombées sont reçues sur des pilastres doubles. Chacune des faces des ailes du transept est percée d'une baie romane, à l'exception de la façade méridionale, la proximité des bâtiments conventuels du prieuré empêchait l'ouverture d'une fenêtre. Au bas du transept nord une nouvelle sa- cristie a été ajoutée depuis quelques années.

KltVUK UE LART CHKKI'IEN. 1906. 2'"* LIVRAISON.

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BeDue De ravt cljiétten.

Le sanctuaire se compose d'une travée barlonsfue, voûtée et éclairée comme celles de la nef transversale, et d'une abside basse, accolée en hors-d'œuvre, l'on pénètre par une profonde voussure, sur laquelle repose le mur du chevet. Celui-ci est orné d'une grande fenêtre tréflée, produisant par sa situation au fond de l'édifice, une im- pression très favorable.

A la travée du sanctuaire, répondent deux petites travées dans le collatéral, ter- miné par des absidioles pareilles à l'abside principale et voûtées, comme celle-ci, en cul-de-four.

L'abside reçoit le jour par trois baies en plein cintre, les absidioles par une seule. Chaque collatéral possède en outre une fenêtre latérale.

A l'extérieur les murs de l'église, sauf ceux des nefs latérales, sont rehaussés d'une série de petites arcatures décoratives, se développant sous les corniches des com- bles. Elles reposent sur des modillons et, au droit des pilastres intérieurs séparant les travées de la nef, du transept et du col- latéral, sur des pilastres extérieurs garnis d'impostes. Des arcs de décharge, corres- pondant à chaque travée de bas-côté, al- lègent les murs latéraux. Ils font saillie sur la surface de la muraille et s'appuient sur des pilastres placés au droit de la pous- sée des arcs doubleaux.

Très simple est la façade du monument, dont la division en trois nefs s'indique à l'extérieur par des pilastres et des arcs de décharge. On remarque deux autres arcs semblables, noyés dans la maçonnerie, le premier au-dessus de la fenêtre à l'Ouest de la grande nef, le second au-dessus de la porte d'entrée, au bas de la façade. L'en- cadrement de cette porte consiste en deux montants supportant un linteau triangu- laire.

Un joli clocher octogonal domine la croi- sée du transept. A l'étage de la sonnerie, chaque face contient une fenêtre divisée par une colonnette à chapiteau cubique. Sous le comble pyramidal du clocher se prolonge une arcature décorative. Des arcs de décharge, visibles à l'intérieur de la tour, reportent les charges sur les piliers du carré du transept.

Au Sud du transept se trouve le bâtiment conventuel, habité autrefois par les moines et servant aujourd'hui de presbytère. Il fut transformé à l'époque de la Renaissance et ne présente rien de remarquable.

L'église de St-Séverin, on aura pu s'en convaincre par la description, n'offre aucune ressemblance avec les édifices de même classe de la région, parmi lesquels il faut citer comme type, l'ancienne collégiale de Celles (.).

D'abord l'aspect de ces deux monu- ments, à l'extérieur et à l'intérieur, diffère absolument. A St-Séverin, l'architecture at- teint une certaine élégance; elle est rehaus- sée de quelques motifs de décoration qui font complètement défaut à Celles et ail- leurs. Ensuite, par leur plan et leur struc- ture, les absides de St-Séverin, accolées en hors-d'œuvre aux murs plats du chevet, se rapprochent de celles de l'ancienne abba- tiale de Cluny et d'autres églises de Bour- gogne.

A Celles par contre, l'abside principale l'emporte de beaucoup par ses dimensions sur l'absidiole de St-Séverin. Elle forme vraiment le prolongement de la grande nef dont elle atteint à peu près l'élévation, et

I. Commune du canton de Dînant, prov. de Namur. On peut comparer à Celles l'ancienne dglise du prieuré d'Hastière. V. Revue de P Art chrétien, 4^' série, 1904, t. .XV, pp. 377 et suiv. Le plan de Celles est reproduit par L)e liruyn, Architecture relii^icuse, t. II, p. 62. Cfr. aussi Keusens, Éléments tf archéologie chrétienne, 2" éd., t. I, p. 348.

iL'égltfîe De ^ainu^tMtxin en CotiDvoj.

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les baies, au lieu d'être placées à hauteur d'appui comme à St-Séverin, occupent la partie supérieure du mur circulaire.

Le transept donne lieu à une autre obser- vation. Dans la plupart des monuments romans de la Meuse, les ailes du transept n'atteignent pas la hauteur de la grande nef et leur comble vient par conséquent buter contre les murs goutterots de la nef. Il n'en est pas ainsi à St-Séverin. Ici, l'élé- vation du transept égale celle de la nef.

Des voûtes d'arêtes se voient à St-Séve- rin oartout sauf à la grande nef: ailleurs les églises sont couvertes de plafonds lam- brissés ou de charpentes apparentes ; seuls la crypte et l'étage inférieur de la tour sont voûtés. Le clocher octogonal à la croisée du transept, sig.alé comme une caractéristique du roman bourguignon ('), ne se rencontre pas dans les églises roma- nes de la Meuse. Il est remplacé par une grande tour carrée, à l'Ouest de la nef et parfois par un clocheton carré sur la croisée.

On pourrait peut-être considérer les co- lonnettes décoratives des pilastres comme un souvenir des colonnettes triples occu- pant la même place à Cluny.et des pilastres

I. Anthyme Saint-Paul, Viollet leDuc et son système archéologique. {Bulletin monumental, t. 46% 1880, p. 731.J C. Enlart, Origines, etc., p. 252.

garnis de cannelures qui se retrouvent dans quelques églises de Bourgogne (').

Enfin, la variété des supports, le nom- bre des arcs de décharge, l'usage de ban- deaux intérieurs et la multiplicité d'arca- tures décoratives, sont les indices de re- cherches et d'études dans la conception du plan. Celles-ci ne pouvaient avoir pour objet les monuments de la région, puisqu'ils sont tous différents et que leur style est beau- coup moins développé. C'est donc à l'étran- ger que les maîtres-d'œuvre ont pris leur modèle et comme l'église de St-Séverin montre certaines analogies avec les monu- ments religieux de la Bourgogne, d'où venaient les fondateurs, on peut en con- clure qu'ils ont construit, sur les bords de la Meuse, un édifice conformément au plan, aux traditions et aux procédés architecto- niques de leur pays d'origine.

L'hypothèse d'une influence étrangère à St-Séverin s'était fait jour plus d'une fois, mais personne n'avait entrepris des recherches tendant à vérifier cette suppo- sition. Il m'a paru utile de faire connaître le résultat de quelques études faites dans

ce but.

Adrien Schellekens.

I. Dehio und von Bezold, Die Kirchliche Baukunst des Abcndlandes, t. I, pp. 388-391 et atlas pi. 138 et 139.

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STYLE BYZANTIN.

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COUP d'œil d'ensemble.

L'empereur Constantin tran.sporta vers l'an 330 son gouvernement sur les rives du Bosphore et fonda la capitale qui porte encore son nom, et qui, remplaçant l'anti- que Byzance, était destinée à être le centre de la civilisation chrétienne et de l'art qui, dans le monde romain, succède à l'hellé- nisme. De Constantin à Justinien, une lente élaboration combina les éléments de cet art, formé des traditions romaines rajeunies par les procédés orientaux. Celui-ci attei- gnit son apogée au Vl^ siècle sous l'empe- reur Justinien, dont le règne fut marqué par des travaux d'utilité publique considé- rables et par l'érection de monuments su- perbes. Procope a composé un ouvrage en six livres consacré aux édifices élevés par

ïL'2ivt chrétien motrumental.

o

cet empereur. Parmi ceux qui subsistent il faut citer les citernes de Constantinople et sa triple enceinte de murailles; d'autre part les églises de Saint-Serge et de Saint-Irène à Constantinople, le monastère du Sinaï, les églises de Saint-Démétrius et de Sainte- Sophie de Salonique, et par-dessus tout la merveille de Sainte-Sophie de Constanti- nople.

Le règne de Justinien marque le moment l'art a trouvé sa formule nouvelle et définitive ; où, comme l'a dit M. Choisy ("), « toutes les méthodes de construction sont fixées, tous les types d'édifices se sont pro- duits... Le plan polygonal, indiqué dans les écrits d'Eusèbe et de Grégoire de Nazianze, se renouvelle à Saint-Serge et à Saint- Vital ; le plan en basilique se retrouve à l'église de la Mère de Dieu à Jérusalem ; le plan en croix à cinq coupoles apparaît lors de la construction de l'église desSaints- Apôtres ; la belle disposition de Sainte- Sophie de Constantinople se révèle ; et enfin Sainte-Sophie de Salonique nous offre le type de ces églises à coupole centrale- dont toutes celles de l'Athos et de la Grèce ne sont que des variations. »

Après Justinien la querelle des icono- clastes ralentit et troubla le développement de l'art byzantin. Mais les empereurs et en particulier Téophile (829-842) provoquèrent de la fin de IX^ au commencement du XI^ siècle une renaissance dont malheureuse- ment on n'a conservé que quelques monu- ments de second ordre, tels que l'église de Saint Théodore Tiron (X^ siècle), Pan- tocrator, Pammakaristos {XI P siècle) de Constantinople, l'église des Saints Apôtres de Salonique et celle de Daphni près d'Athènes.

I. V. Choisy. L'Art de bâtir chez les Byzantins. V. Diehl, Etudes byzantines^ p. 160.

Laprise deConstantinople par lesCroisés (1204) porta le coup de mort à la civi- lisation de l'empire d'Orient. Son art con- tinua à briller dans ses produits purement décoratifs, mais en architecture son dévelop- pement fut interrompu, pour ne reprendre son évolution que sous l'Islam.

INFLUENCES ORIENTALES.

Les monuments orientaux offrent des ressemblances frappantes avec ceux d'Oc- cident à l'époque romane : la suppression de l'atrium, l'emploi de la voûte, l'établis- sement d'un porche flanqué de deux avant- corps en forme de tours, l'usage de piliers cantonnés de colonnes engagées, l'emploi du presbytérium devant l'abside, la fré- quence de baies géminées sous une arcade maîtresse, se retrouvent en Syrie, et en Anatolie ('). Viollet-le-Duc et M. de Vogue ont expliqué ces analogies par les croisades. Selon M. Strzygowski, c'est dès le V'^ siècle que ces formes passèrent en Occident, par le canal de Ravenne, de Milan ou de Mar- seille, qui étaient en rapport avec l'Asie Mineure. C'était aussi la pensée de L. Cou- rajod. M. Enlart estime que ces analogies peuvent s'expliquer en grande partie, en dehors de toute imitation, par l'identité des programmes aboutissant à une même solution, dans des conditions de milieu anologues (?).

Origines asiatiques.

Byzance hérita des vieilles civilisations orientales, dont la Perse sassanide avait recueilli et en quelque sorte condensé les procédés architectoniques.

D'autre part, l'art arabe se combina ulté- rieurement avec l'art byzantin (^).

1. L'ancienne Asie-Mineure.

2. M. Euting, professeur à l'université de Strasbourg, a découvert dans le pays de Moab le palais de Méchatta, construit par un prince de la dynastie des Ghassanides,

94

B.e\)ue ïie T^rt cJ)rétten,

Les palais de Firouz-Abad et de Sar- vistan ( 1 1 1^ siècle) ont de vastes salles cou- vertes de coupoles sur encorbellement. Le palais de Ctésiphon et d'autres monu- ments de la Perse aux VI^ et VI I^ siècles offrent des exemples des mêmes procédés.

La Syrie avait hérité des procédés sas- sanides. M. Melch. de Vogue et, après lui, M. Strzygowski (') ont démontré le rôle prépondérant de la Syrie dans la formation de l'art chrétien ; ce dernier archéologue étend le rôle à l'Asie-Mineure.

Des études récentes des monuments chrétiens de l'Anatolie, notamment les ex- plorations de MM. Smirnov et Crowfort (^), ont ajouté des notions nouvelles aux don- nées fournies par les travaux de M. de Vogue.

M. Strzygowski pense que plusieurs des nombreuses églises de l'Asie-Mineure da- tent d'une époque, sinon préconstantinienne, du moins comprise entre Constantin et Justinien et il va jusqu'à avancer que ce n'est pas à Rome, mais en Asie, qu'il faut chercher le type primordial du temple chré- tien (3).

On constate en Asie- Mineure quatre types de monuments chrétiens.

a) Des basiliques tout en pierre, voûtées, précédées non d'un atrium, mais d'un vesti- bule ouvert entre deux tours, à l'abside iso- lée, avec arcades en fer à cheval (exemple : Bin-Bir-Kilissé), analogues d'ailleurs à ce qu'on trouve en Tunisie.

qui serait le premier monument byzantin combiné avec l'art arabe. Sa décoration est d'une extrême finesse et d'un grand charme. (V. Bull, archéol. du Comité des travaux historiques., année 1903 3= liv.)

1. V. Strzygowski, Communication au Congrès des Orientalistes en JSçy. Orient oder Rom.

2. Recherches de Crowfort, de la Société scientifique Ac Prague, de l'expédition allemande, de l'expédition amé- ricaine de A. C. Butler.

3. V. W. R. Lethaby, L'art du moyen â^e. Ch. Bayet, L'art byzantin, p. 11.

b) Des édifices de forme octogonale à coupole, existant dès le IV^ siècle (Bin- Bir Kilissé, Wiranschehr).

c) Des basiliques à coupole à nef longitu- dinale, avec bas-côtés à tribune (Kodja- Kilessé, Adalia). Sainte-Sophie de Salo- nique se rapporte à ce type.

d) Des églises en croix grecque inscrite dans un rectangle avec coupole à la croisée (mosquée de Firsandyn, ancienne église chrétienne en ruines de Tschauly-kilissé).

Selon M. Dhiel ('), il ne paraît pas dé- montré que ces différents types ont passé de l'Asie-Mineure à Byzance. Le centre de l'empire d'Occident prit à un certain moment la direction de l'art, et il a pu y avoir réciprocité dans les influences. Tou- jours est-il que l'Asie-Mineure a joué un rôle originel important. Les savants sont d'accord pour reconnaître que les systèmes d'architecture particuliers aux trois régions les plus importantes de l'Orient hellénis- tiques (Egypte, Syrie, Asie-Mineure), se rencontrent à Constantinople pour former la nouvelle architecture qu'on appelle by- zantine.

Quoi qu'il en soit, on a trouvé en Anatolie des basiliques en pierre d'un type original.

Derbe-Bin-Bir-Kilîssé, d'après Hubsch.

conformes aux indications données au IV^ siècle par une lettre de Grégoire de Nysse. Ce sont des édifices à plan octogonal, à

I. Ch. Dhiel, Études byzantines, Paris, Picard, 1905.

iL*:^rt tftrétten monumental.

95

bas-côtés ronds surmontés parfois d'une tri- bune, couronnés d'une coupole sur tambour. Les plus anciens sont les octogones de Bin- bir-Kilissé (c'est-à-dire les Mille et une

Octogone oval de Wiranschehr, d'après O. Puchstein.

églises) et de Wiranschehr. Ce dernier édi- fice est précédé d'un portail, et devant son abside est interposé un chœur profond.

Octogone d Isaure, d'après Fritz Knoll.

Ainsi plusieurs de ces églises se rapprochent du plan basilical. Remarquons, avec M. Diehl, que le dispositif est précisément

celui du mausolée de Dioclétien, devenu la cathédrale de Spalato. Ce type de rotonde se retrouve plus tard dans le martyrion d' Isaure (dénué du tribune) et dans l'octo- gone d'Hiérapolis. Le plan se développe

Octogone d'Hiérapolis, d'après Hubsch.

d'une manière curieuse dans l'église Saint- Grégoire d'Etschmiadsin, bâtie en 650. Nous reviendrons sur ses dispositifs remar- quables, comportant des hémicycles à ar-

r"

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C^

Eglise de Saint-Grégoire d' Etschmiadsin, d'après M. Strzygowski.

cades, et qui semblent apparentés aux octogones d'Aix-la-Chapelle et de Ravenne. A côté de ce type se présente celui en croix grecque inscrite dans un rectangle, avec coupole sur la croix, dont l'église pa- triarcale d'Etschmiadsin fournit un exemple typique, et dont les prototypes en Anatolie

96

Be\)ue De T^vt chrétien.

se voient dans les ruines de Tschauly- Kilissé, et à la mosquée de Firsandyn. Au même type se rapporte Saint Georges d'Esra en Syrie, dont nous reparlerons.

Influence syrienne.

La Syrie, la vie chrétienne s'était dé- veloppée dès l'origine, était au IV' siècle un foyer artistique dont le rayonnement s'étendit jusque sur l'Europe. Les travaux de MM. Melchior de Vogue et Duthoit ont mis en évidence son influence sur la formation du style byzantin et roman.

Ce pays, devenu de bonne heure une province romaine, était couvert de monu- ments romains construits en belles pierres remarquablement appareillées. Le prétoire de Mousmieh, bâti vers l'an 160 par Marc-

"^^^^

Prétoire de Mousmieh. Vue intérieure, d'après A. Corroyer.

Aurèle, témoigne des ressources nouvelles que les Syriens surent tirer des données classiques : il offre déjà un système de cons- truction extrêmement curieux, basé sur la croix grecque, qui va devenir une des carac- téristiques du style byzantin.

Son plan est en effet une croix à branches égales inscrite dans un carré ; la croisée

était couverte par une coupole quadrangu- laire en arcs de cloître. Sur quatre colonnes et huit pilastres sont bandés des arcs dou- bleaux portant la superstructure des croi- sillons ; celle ci est des plus intéressante et caractéristique des procédés syriens ; elle est formée de pseudo-berceaux constitués non par des voussoirs, mais par des dalles partant d'un doubleau au formeret : les angles du carré sont couverts de plafonds plats, et l'abside est singulièrement bien appareillée en cul de four. Nous avons ici une construction ex- trêmement perfectionnée pour son époque, dont toutes les charges sont admirablement réparties sur une ossature et reportées sur des points choisis. Dans le Haouran, partie mé- ridionale de la Syrie qui touche au Nord de la Palestine et dont Damas était la capitale, s'élevèrent, dès la première moitié du II" siècle, des villes entières, construites complètement en pierre, « Réduits à cette seule matière, dit

Prétoire de Mousmieh.— Plan

y/,(///'///y//Ay////À Pptt.oire de Uousmek ancienne Phsm Syrie

B'Geopg^ d'Ezrs S\/rie-so£

D'après M. A. Gosset.

M. de Vogue, les architectes surent en tirer un parti extraordinaire en satisfaisant à tous les besoins d'une civilisation avan- cée. Cette nécessité toute matérielle, en excitant leur sagacité et leur savoir, leur fit trouver des principes nouveaux. Ainsi \ arc,

IL'^xt cl)rétien monumental.

97

seule combinaison capable de relier à l'aide de pierres deux supports éloignés, devint le principal élément de la construction ; des séries d'arcs parallèles supportant les dalles du plafond servirent à couvrir la plupart des salles ; quand l'espace à couvrir était trop grand pour porter la longueur des dalles ordinaires, on eut recours à la coripole. On conçoit les profondes modifications que l'introduction de ces éléments apporta à l'art de bâtir ; les arcs, par leur poussée, appelèrent des cofttre/orts extérieurs des- tinés à en contrebalancer l'effet ; il en ré- sulta que l'ensemble des arcs, des dalles et des contreforts forma comme une ossature qui, dans beaucoup de cas, réduisit les murs latéraux au simple rôle de murs de remplissageet permit de donner une grande indépendance aux diverses parties de la construction ('). »

La coupole (') était en usage dans les édifices religieux dès le troisième siècle de notre ère (^). C'est à l'Orient que la cou- pole considérée comme forme a été em- pruntée par les constructeurs byzantins. Cependant la coupole syrienne et la cou- pole du bas-empire byzantin diffèrent. Elles ont même aspect et leur place dans le plan est la même ; mais leur structure les dis- tingue. Les architectes de l'Asie, ayant de grandes pierres à leur disposition, s'en sont servis pour passer du plan carré formé par les piles de support, au plan circulaire de la base des coupoles, en employant de fortes dalles posées en porte-à-faux.

La coupole de Saint-Georges cC Ezra en Syrie (515), qui a dix mètres de diamètre, porte sur huit petits encorbellements de pierre étsgés (*). Elle couvre un octogone

1. V. de Vogue, L'architecture civile et religieuse de la Syrie Centrale.

2. Coupole, de cupula, coupe (V. Encyclopédie d'ar- chitecture, t. V, p. 4).

3. V. E. Reusens, Éléments d'archéologie chrétienne, 1. 1,

P- 25-

4. V. M. de Vogiié, ouv. cité, t. I, p. 439) fig- 8.

entouré d'un bas-côté à huit pans enfermé dans un carré, que rachètent des niches

Plan. Coupe longitudinale.

Eglise de Saint-Georges d'Ezra en Syrie, d'après M. A. Gosset.

d'angle. L'abside, à cinq pans, est saillante et précédée d'un presbytérium.

Le plan basilical se rencontre également en Syrie. La basilique de Tafkha (Syrie centrale) fut Basilique

^ , , j de Tafkha.

bâtie vers 400, sur les plans des basiliques antiques ; sa superstructure était fort curieuse. Le vaisseau, à trois nefs avec

Église d'Harab-Ech-Chams (VI' siècle).

tribunes, était traversé par une série de murs percés chacun au milieu d'une grande arcade et latéralement de deux étages de petites arcades. Le plafond de la grande nef et des deux étages de collatéraux était ^ _ formé de dalles (').

La chapelle de Bordj-Haïdar ''',t,"j'/<î^ 1^" et l'église d'Harab-EchChams, 1— (v^^-) toutes deux du ¥"= siècle, celle de Barad,

I. V. Corroyer, L'architecture romane, p. 711.

98

3Rebue te V^xt ttjrétten.

du VI^ celles; de Behioh, de'Babouda, de Baquouza du VI^, de Tourmaninia, appar-

;i1:i::llî;'Vlill'l:Ba:!lli;i;1iT-r

tiennent déjà à un art savant, qui fait pres- sentir l'architecture romane (').

■* .1,. X

Elles se distinguent par un appareil puis- sant, des soubassements largement mou- lurés, des cordons épais à moulures mul- tiples, de fortes corniches, des frontons

classiques ('). De larges bandeaux forment

1. V. C. Enlart, Traité d'archéologie jrançaise, 1. 1, p. 1 12.

2. Basilique de Saint-Simcon à Quala at Seni'an, église de Behioh, chapelle de DeirSem'an.

3l':^rt tl)rétten monumental.

99

chambranles autour des portes (') et autour des fenêtres en plein-cintre. Les archivoltes,

qui descendent sur les pieds droits, font retour d'équerre et se prolongent horizon-

w I

talement (*).Un large vestibule s'ouvre sou-

1. Église de Hass (IVe siècle), de Dehhès (Vie siècle), baptistère de Deir-Seta.

2. Baptistère de Ueir-Seta, basilique de Saint-Siméon, chapelle de Deir-Sem'an.

vent entre deux pavillons en saillie devant la façade ('). Les arcades des nefs sont de

I. Basilique de Hass, églises de Baquouza,de Toiirniani- nia, de Saint-Siméon.

lOO

3Êlel)ue lie rSit cbrctien.

large ouverture, puissamment membrées, et retombent sur des piles trapues, carrées.

rondes ou cruciformes ("). Les larges ab- sides, magistralement voûtées en cul-de-

Q.

I

four, se décorent en dehors de colonnes engagées et se couronnent d'une corniche parfois soulignée d'arcatures (').

I. Église de Quaib-Louseh, basilique de Saint-Siméon église de Baquouza.

La basilique de Behioh (Syrie centrale), à trois nefs avec un chevet plat, était cou- verte par une charpente apparente; celle de

1. Église de QualbLouseh, d'Harab-Ech-Chams.

îl';^rt d)réricn monumental.

lOI

Babouda, à une seule nef, admirablement conservée, avec une abside demi ronde,

est précédée d'un narthex. Celle de Ba- quouza avait trois nefs, avec arcades sur

colonnes, une claire-voie, une charpente apparente, une abside demi ronde et un narthex.

L'église de Tourmaninia (env. 400 après J.-C.) est magnifiquement conservée dans son superbe appareil de pierre et représente

102

3Éle\)ue De V^xt t\)xtîmx.

bien le type syrien, surtout dans sa façade occidentale flanquée de deux pseudo-tours

Basilique de Saint-Siraéon Stylite, à Qiiala at Sem'an (Vc siècle).

carrées entre lesquelles régnent un porche ouvert au rez-de-chaussée et une loggia à

Église de Tournianinia.

l'étage, comme aussi à Babouda. Celles de Roueïha et de Oualb-Louseh sont remar-

Église de Qualb-Louseh (Syrie centrale).

quables par leurs larges arcades posant sur des piliers trappus, et la dernière, par les

encorbellements à colonnettes qui portent les en traits des combles.

Remarquons qu'ici le système des arca- des des nefs acquiert sa fonction utile et définitive. Tandis que les petits arceaux sur colonnes des basiliques latines ne con- stituent qu'un expédient pour remplacer l'entablement, les constructeurs syriens donnent à leurs arcades de larges ouver- tures ; la proportion des arcades est désor- mais celle d'un portique et non celle d'une colonnade.

Comme type d'église syrienne de plan octogonal, il faut citer la belle rotonde oc- togonale de la basilique de Ouala at Sem'an datant du V" siècle.

Palestine (')•

L'édifice élevé par Constantin sur le tom- beau du Sauveur comprenait une partie ronde, et une basilique de forme latine.

La basilique de Bethléem conserve sa nef du Vie siècle.

L'église de Koubeibeh, près de Jérusa- lem {'), a la forme d'une église romane, et il en était de même de l'église Saint-Georges de Lydda, dont on conserve de belles ruines, et de celle d'Abou-Gosh décrite par M. Mauss.

Le monument nommé Kair-Hachetta, en Palestine transjordanine, n'offre aucun trait de l'art gréco-romain ; sa riche déco- ration indépendante de toute structure, s'inspire de façon évidente de l'imitation de dentelles et d'objets d'orfèvrerie, et cons- titue un type originel de décor superficiel. On y voit des chapiteaux qui rappellent ceux de Sainte-Sophie de Constantinople(^).

1. Melchior de \'oguë, Les églises de la Terre-Sainte. Paris, Uidron, 1860.

2. V. H. Mauss. Iimcnlion du loiubeau de SIe Anne à Jérusalem. Paris, Leroux, 1S93.

3. Dhiel, /'ulleliu du Comité des travaiLX historiques. Année 1904, i" livraison.

IL'Zvt cl^xttim monumental.

103

Saint-Sépulcre. j proprement dites, qui ont été élevées sur

Le Saint -Sépulcre (^). Parmi les églises | un plan circulaire ou polygonal, la plus cé-

s

lèbre et l'une des plus anciennes est celle du Saint-Sépulcre à Jérusalem.

On croit généralement que le Saint-

1 . V. Revue générale de f architecture^ t. I V. V. Revue

Sépulcre a toujours été une rotonde ouverte au sommet comme le Panthéon. Des décou-

de r Art chrétien, année 1898, p. 331. V. liulletin de la Société historique de Tournai, t. II, p. 182.

I04

3Rebue ïic T^rt (|)rétien*

vertes de M. de Vogue (') rectifiant la resti- tution proposée par le professeur Willis ('), permettent au contraire d'avancer que la forme générale de la magnifique basilique qu'à l'inspiration de sainte Hélène.Constan- tin éleva en 336 sur la sépulture du Sauveur du monde, était celle d'un rectangle terminé par une abside. Seulement cette abside offrait un arrangement exceptionnel. Les idées symboliques qui ont toujours interdit de voûter l'église de l'Ascension, et d'inter- cepter, ainsi que le disait Saint-Jérôme (^), « la voie par laquelle Notre-Seigneur s'était élevé au ciel >), firent placer le saint tom- beau à l'air libre, au milieu d'une cour sacrée entourée par un riche portique circu- laire. Dans le plan de Jérusalem tracé sur la mosaïque de Madaba, M. Ph. Berger a cru retrouver la figuration de cette cour ron- de (■♦). Cette partie du monument, nommée Dominicum, se trouvait à l'Ouest, adossée à la colline dans laquelle avait été creusée l'excavation du Saint-Sépulcre. Le reste de l'édifice s'étendait à l'Est en englobant le « Calvaire », la « Pierre de l'Onction » et le souterrain de 1' « Invention de la Sainte Croix. >) Cette nef, indépendamment du Dominicum, avait une abside particu- lière, probablement une abside intérieure et à jour formée d'un hémicycle de petites colonnes, qui encadrait l'autel sans masquer le Saint-Sépulcre.

Comme Saint-Paul-hors-les-murs, l'église était pourvue de bas-côtés doubles, et cou- verte d'un plafond à caissons dorés. Mais malgré les assurances données par l'empe- reur Constantin à l'évêque Macaire dans

1. Melchiorde Vog\ië,Les églises de Terre-Sainle. Paris. Didron. 1860.

2. Williams et Willis, The Holy Ci/y, Londres, Parker. 1849-

3 ...Propter Domini corporis meatum nullo modo contegi iiec concamerari poiuit. (Locis Hebi. Act. Apost.)

4. V. Académie des Itiscriptions et Belles- Lettres, séance du 14 avril 1897.

une curieuse lettre qu'Eusèbe nous a con- servée, on n'avait pas envoyé à l'architecte assez de ces grandes colonnes monolithes, très communes à Rome et très rares sans doute en Judée. Il n'y en eut que deux rangs ; de simples piliers carrés en tinrent lieu pour les bas-côtés extrêmes ('). En avant de la nef se développait un «atrium » et en avant de l'atrium un péi istyle à colon- nade, comme celui de la basilique San- Lorenzo à Milan {^).

De cet ensemble de constructions, qui mesurait cent trente mètres de longueur, il ne subsiste que des vestiges peu considé- rables. On admet jusqu'ici comme plausible la restitution de M. Schick que nous repro- duisons. Elle suppose que l'abside ronde du marlyriuin est à 1 opposite de VAnastasie, la basilique de Sainte-Hélène s'appuyant par ses nefs à Y atrium ; M. L. Combes (^) pense au contraire que l'abside de la basi- lique était contiguë à l'un des trois bras des portiques de l'atrium ('').

L'église ronde. Lorsque l'église du Saint Sépulcre fut restaurée sous Héraclius, de 614 à 629, après les ravages de Chos- roës II, elle prit pour la première fois l'as- pect d'une roionde; l'abside de Constantin en détermina les dimensions, savoir trente- cinq mètres d'un mur à l'autre. La coupole eut le diamètre de l'ancien chœur (5).

1. L'un de ces bas-côtés, vers le Midi, se trouvait ob- strué en partie par le rocher du Golgotha, isolé aussi et retaillé sur trois faces, mais montrant toujours, à un niveau supérieur, le trou de la croix et la fente dont parle la Passion.

2. Didron, Annales archéologiques, t. XX.

3. De \' Invention de la Sainte-Croix, Paris, 1903.

4. V. Revue de l' Art chrétien, année 1904, p. 79.

5. Le rocher du Calvaire et l'excavation sainte Hélène découvrit la croix de Notre Seigneur, restaient en dehors de la rotonde d'Héraclius. On éleva sur ces deux pomts, au milieu des ruines de la grande basilique de Constantin, deux petites églises, distincte l'une de lautre. Un troisième édicule, dédie à la Sainte Vierge, fut bâti au-dessus de la < pierre de l'onction ;».

3l'^rt cl)rétîen monumental.

105

Moins d'un siècle après la restauration d'Héraclius, un prélat anglais, Arculphe, visita les lieux saints, et à son retour en fit une description détaillée (695). Pour « illus- trer » cette précieuse relation, 1 evêque Adamnan, dessinateur plus zélé qu'habile, traça sous les yeux et sur les explications d'Arculphe un plan du Saini-Sépulcre (').

L'église du Saint-Sépulcre, dit saint Arculphe lui- même, est de très grande dimension, entièrement de pierre et parfaitement ronde en tous sens. Trois encein- tes concentriques s'élèvent pour former son contour,

laissant entre elles des galeries de circulation ; le mur du milieu est décoré de trois autels dans des niches dont l'ornementation a été établie avec beaucoup d'art; l'un de ces autels se dirige vers le Midi, un autre vers le Nord, le troisième vers l'Occident. Douze colonnes de marbre de dimension remarquable soutiennent l'église à l'intérieur.

Cet édifice présente huit entrées groupées quatre par quatre; chaque issue se reproduit dans les trois enceintes et permet de traverser les galeries qui les séparent. Quatre de ces portes regardent le vent du Nord- Est, les quatre autres sont tournées vers l'Orient, Au milieu de l'espace central de cette église circulaire s'élève un édicule rond dans une seule pierre, et dans

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Saint-Sépulcre à Jérusalem construit par sainte Hélène vers 310. Plan de la basilique de Constantin, d'après M. Schick.

lequel peuvent se tenir neuf personnes en prière. La voûte de cet édicule s'élève à un pied et demi au-des- sus de la tête d'un homme de grande stature qui se tiendrait debout.

L'entrée regarde l'Orient et toute la couverture extérieure est formée d'un toit de marbre dont le som- met est orné de dorures et porte une grande croix d'or. A l'intérieur de ce mausolée, au Nord, est le cer cueil de Notre-Stigneur, taillé dans une seule pierre; mais le poI du mausolée est plus bas, car depuis son

I. Voir le Muséum of clasiical antiguities, de Fal- kener.

pavé jusqu'au bord supérieur du cercueil, il y a environ une distance de trois palmes ('). »

Cette précieuse description est accom- pagnée d'un dessin plus précieux encore. Selon feu Ch. Lucas, il est piobable que les trois enceintes dont il est question, formant une rotonde entourée en dedans et en dehors d'une double rangée de colonnettes,

I. Nous reproduisons ce texte d'après M. Ch. Lucas (Les églises circiclaires ci' Angleterre) qui l'emprunte lui- même à Falkener (Muséum of classical antiquities).

KKVUK DE L'ART CHRÉTIEN, 190Ô. 2'"^ LIVRAISON.

io6

3Re\)ue De r^vt chrétien.

constituaient un portique intérieur et un portique extérieur. L'église actuelle du Saint-Sépulcre, qui est en partie celle de Constantin, présente la même colonnade à l'intérieur (').

Cette église avait déjà été deux fois dé- truite, d'abord par les Perses et les Juifs, ensuite par les Arabes lorsqu'elle reçut au VI I^ siècle la forme d'une rotonde entourée d'une galerie à étage, qu'on y voit encore aujourd'hui dans sa partie la plus ancienne. Elle fut couverte d'une toiture conique tronquée en bois de cèdre, selon la forme usitée pour les grands mausolées antiques.

Charlemagne fit rebâtir en 813 ce tom- beau vénérable entre tous. Détruit par les Sarrasins, vers loio, par suite d'un accès de fanatisme farouche du Kalife Hakem, il fut restauré par l'empereur grec Constan- tin Monomaque, en conservant le plan pri- mitif.

A une époque récente, cette couverture en charpente a été remplacée par le dôme que connaissent tous les pèlerins de Pales- tine (^).

Influences romaines.

L'architecture religieuse, de Constantin à Justinien, participe encore de certains principes de l'art romain, tant dans la dis- position des édifices, que dans la technique de la construction.

1. A l'Orient de cette rotonde se voyaient d'autres con- structions augustes : une assez vaste nef abritant l'autel d'Abraham, de nombreuses lampes brûlaient nuit et jour, une fenêtre contenant le calice du Seigneur, la cha- pelle du Golgotha, enveloppant le sommet du rocher sur lequel avait été dressée la croix du Sauveur et dont on montrait la fente aux fidèles, l'église de la Vierge, mar- quant l'endroit Marie se tint debout avec saint Jean, enfin l'église de Constantin, bâtie sur le lieu sainte Hélène découvrit la croix de Jésus et celles des deux larrons.

2. D'autres remaniements y avaient déjà été faits par les Croisés, de sorte qu'extérieurement l'église du Saint- .Sépulcre se présente sous l'aspect d'un édifice de style roman avancé.

Le plan basilical prévaut à l'origine et se maintient à côté du plan nouveau, en croix grecque. L'ancienne église de Saint- Jean Studius, élevée à Constantinople par Constantin, était unebasilique du type latin, à colonnes architravées ; celle des Saints Apôtres avait un plafond en bois à caissons, et Eusèbe constate que les églises de son temps étaient en forme de nefs allongées, à plafond apparent, terminées en hémi- cycle. L'église des Saints-Serge et Bacchus à Constantinople offre le dernier exemple connu de l'entablement romain, qui sera désormais remplacé par une simple cy- maise. Du moment que les architectes firent entrer dans l'ornementation de la façade les formes de la structure interne, notamment les extrados des voûtes et le tracé des arcs, l'entablement classique devait disparaître ; cette révolution fut ac- complie sous Justinien (').

A côté du type basilical, on retrouve celui de la rotonde romane couverte en coupole. L'église de Saint-Georges de Salo- nique est une véritable copie de réduction .du Panthéon de Rome.

En ce qui concerne le gros œuvre, l'art byzantin emprunte à l'art romain de l'épo- que impériale l'emploi des briques et de petits matériaux. Ce genre de maçonnerie était plus en rapport avec les ressources locales et donnait le moyen d'élever plus rapidement des travaux considérables.

L'art romain fournit en outre à celui de Byzance le système de plaquages en marbre et de revêtements décoratifs en mosa'iqties.

A partir du VI 11^^ siècle, les fresques remplacent les mosaïques.

Les byzantins reprennent au.\ Romains l'usage de \arcade, et spécialement de l'ar-

I. V. Ch. Tessier. V architecture byzantine. Londres, Day et fils, 1864.

3l':^rt cl)rétîeti monumental.

107

cade portée sur colonnes ; mais, comme nous le verrons, ils emploient ce dernier support sans l'intermédiaire de l'entable- ment. De plus, la colonne perd son rôle de support principal.

LA CONSTRUCTION BYZANTINE.

La coîipole. Parmi les puissants édifices dus au génie païen, se faisaient remarqure surtout les rotondes à coupole, dont le chef- d'œuvre impérissable est le Panthéon. Mais la coupole romaine, de forme hémisphé- rique, ne peut être établie que sur un mur en rotonde, forme peu appropriée à l'usage d'un temple. Des siècles s'écoulèrent avant que le génie humain n'eût conçu le moyen de se dégager de ce cercle étroit, d'ouvrir cette enceinte circulaire, de com- biner la majesté du dôme avec les perspectives avantageuses et le tracé com- mode d'un édifice quadrangulaire, de con- cilier la stabilité de la coupole avec des combinaisons d'assiette carrée, avec des supports isolés, avec des dispositions en plan réalisant la croix.

Ce sont les constructeurs syriens qui trouvèrent le moyen de couvrir d'une cou- pole un vaisseau en croix grecque, en même temps qu'ils substituèrent une struc- ture légère et équilibrée à la masse concrète et inerte des puissantes voûtes romaines. Dès lors les chrétiens d'Orient demandèrent la réalisation de leur rêve au type de la rotonde, agrandie et développée par des croisillons, couverte en dôme par le moyen nouveau et merveilleux des pendentifs. Ils firent des églises vastes, monumentales, plutôt carrées qu'allongées, qui abritèrent l'autel sous un dôme majestueux semblable à un colossal ciborium.

La construction des coupoles byzan- tines (') repose sur des principes de cons-

I. Sur l'histoire de la coupole, v. A. Gonet. Les

truction étrangers à l'art du haut empire.

« Bien différentes des voûtes romaines, dit de Dartein, quant aux conditions de sta- bilité, celle de Sainte-Sophie et ses dé- rivées bâties en briques avec une faible épaisseur, ne se maintiennent point en équilibre à la façon d'un bloc de forme invariable, simplement posé sur des appuis. Faute d'une épaisseur suffisante, elles tendent à s'effondrer en renversant au dehors leurs appuis, et ceux-ci, soumis à l'action d'une poussée oblique, remplissent la double fonction de porter la voûte et de la contrebuter... »

« Le problème de l'équilibre des voûtes se pose alors avec toutes ses difficultés ; et la voûte moderne, légère, appareillée, pous- sant au vide, formant en quelque sorte, avec son support, un système articulé, supplante à jamais, depuis l'avènement du style by- zantin, les massives concrétions monolithes de l'architecture romaine ('). ))

Les coupoles byzantines furent finale- ment appareillées non plus par tranches coniques, mais par assises annulaires ; elles se distinguent encore par leur évidement à leur base. Elles sont éclairées, non point par un lanternon posé au sommet, mais par des pénétrations en lunettes voisines de la

coupoles d'Orient et d'Occident, v. F. Verneilh. Bull, monumental, 1 869, p. 70. I. Otiv. cit., t. I, p. 36.

io8

Betoue lie T^vt cbrétien.

naissance. On évitait naturellement de char- ger du poids d'une lanterne, une voûte qu'on s'efforçait de faire légère et hardie, presque aérienne ; les lanternons n'apparaîtront que plus tard.

La dififérence capitale de la coupole by- zantine avec les coupoles asiatiques et romaines, c'est l'idée féconde et hardie des pendentifs. Jusque-là la coupole avait constitué une voûte fermée, inextensible. Le pendentif couvrait largement les flancs de la voûte, de manière à lui donner une extension considérable, par les voûtes qui couvrent les croisillons, en se soudant avec le dôme central.

La combinaison de la structure concrète "omaine et de la forme de pendentifs by- zantins se voit réalisée en Asie- Mineure, dans les deux coupoles qui couronnent l'église de Saint Georges de Sardes.

Comme les Romains, les Byzantins abritent leurs édifices sous des voûtes non couvertes de charpente ; la voûte forme

plafond et couver- ture, ou du moins porte directement les tuiles. Le genre de voûtes em- ployées par eux sont, outre la cou- pole à pendentifs, le berceau et la voûte d'arêtes. Ils construisent eurs voûtes en briques.

Ils exécutent les berceaux par tranches obliques, en appareil hélicoïdial, selon le procédé des Perses ("). Ils font de même les voûtes d'arêtes surbaissées par tranches tronconiques. Cette voûte d'arêtes n'a rien de commun avec la pénétration des deux berceaux ('). Quand leurs voûtes d'arêtes

1. Voir L. Cloquet, Art monuinenlal, t. II.

2. V. Choisy, Histoire île C architecture, t. I, p. 9.

ont une flèche égale à la moitié de la diago- nale du plan, les arêtes s'effacent et il reste une voûte sphérique à pendentifs, appareil- lée par tranches raccordées en besace sur l'arête ; aussi la voûte d'arête byzantine et la calotte sur pendentifs dérivent de la même conception. Toutefois les Byzantins emploient aussi la coupole à assises annu- laires, soit sous forme de voûtes sphériques à pendentifs, soit sous forme de voûtes sphériques sur pendentifs, distincts.

Les Romains faisaient servir à l'épaule- ment des voûtes les refends de l'édifice, comme on le voit dans leurs thermes. Les Byzantins procèdent d'une manière analo- gue ; ils emploient pour contrebuter leurs voûtes, les murs des croisillons de leurs églises, disposés expressément en croix.

La coupole sur pendentifs est la caracté- ristique principale de l'architecture byzan- tine. Elle dérive de l'Orient comme forme et emplacement, de la Syrie en particulier; comme structure elle dérive de la Perse, par l'intermédiaire de l'Italie septentrio- nale, qui paraît avoir connu les pendentifs avant Byzance. Ce qui caractérise le plan de l'église byzantine, c'est la forme en croix dite grecque, à croisillons également courts, qui laissent à la croisée, couverte en cou- pole, l'importance prépondérante à l'instar des monuments syriens.

L'arcade. Les Byzantins empruntent aux Romains le principe de l'arcade, mais ils en modifient l'application. En dehors des grandes arches sur lesquelles s'appuient leurs coupoles, et des arches séparant les nefs basilicales des églises syriennes, l'ar- cade ne sert plus comme support des hauts murs, mais seulement comme moyen de percements. Les maîtres murs font place à de larges arcades fermées par un léger rem- plissage à claires- voies. Ces claires-voies sont formées de rangées étagées d'arceaux

îL':^rt t\)ntitn monumental.

109

portés sur des colonnettes, et leur abon- dance constitue un des caractères frappants de l'architecture byzantine.

Les arcades sont en plein cintre, et les baies qu'elles amortissent, d'ouverture rela- tivement petite. Les arceaux, qui jusqu'alors

^ j£-.'...^^^s lO^^-r

Sainte-Sophie de Constantînople, d'après Violi.et.le-Duc.

avaient eu leur retombée à l'aplomb des pieds droits, doivent maintenant reposer deux à deux sur un sup- port unique et étroit; ils offrent dès lors un sur- plomb considérable; nous verrons, en traitant du chapiteau, comment on résout cette difficulté ('). Les fenêtres. Les baies sont en plein cintre, relativement pe-

I. V. Encyclopédie d'architecture. Archéol. byzantine, P- 43-

tites, disposées en rangées horizontales, et dépourvues de moulures et d'ornements.

Les grandes fenêtres des édifices impor- tants sont à jours multiples. Les Byzantins n'admettent plus la plate-bande que sous l'arc ; leurs fenêtres sont parfois subdi- visées sous un large plein cintre, par une platebande que soutiennent et surmontent des supports verticaux, ordinairement de colonnettes.

L. Cloquet.

(A suivre.)

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Glanes iconographiques.

HACUN en voyageant se propose un but spécial. L'archéologie, avec ses branches diverses, a pour nous un attrait particulier. L'étude de nos mo- numents si nombreux encore sur notre terre de France, malgré tant de ruines, donne le plus vif intérêt à nos pérégrinations. Cependant, nous devons le dire, l'iconographie, peut-être trop né- gligée, a toutes nos préférences. Sans négliger l'étude des monuments, de leur style, des pro- blèmes d'architecture qu'impose leur examen, nous nous attachons particulièrement à cette science. Certains motifs par leur importance, leur fréquente répétition peuvent faire l'objet de monographies spéciales ; d'autres ne comportent pas les mêmes développements. Toutefois il est bon de les noter au passage, afin qu'ils ne soient pas perdus. Nous groupons ici sous le titre de Glanes iconograpliiques quelques motifs qui, au cours de nos excursions, ont piqué notre curiosité et que nous signalons aux spécialistes.

I. Les Emblèmes de la Sainte Vierge à l'église de la Ferté Bernard.

ON connaît les emblèmes de la Sainte Vierge, toujours à peu près les mêmes, sauf de légères variantes. Tantôt ils accompagnent la Vierge à la licorne, comme on le voit sur le plat d'une reliure à la bibliothèque de Rouen, tantôt ils figurent au mystère de l'Assomption, comme au bas-relief de Gisors, tantôt enfin, et cette re- présentation est la plus commune, ils entourent l'image de Marie Immaculée ; ce thème est connu sous le nom de Prédestination de la Vierge. A la chapelle de Notre-Dame de Bon-Secours à Compiègne, un bas-relief (sculpture sur bois) représente les emblèmes, mais à la place de l'image de Marie, c'est son chiffre qui figure au centre du tableau ; c'est un thème iconogra- phique peu commun et que nous croyons devoir signaler. Notre intention n'est pas de traiter ex professa l'intéressante question des emblèmes de

Marie ; nous voulons seulement attirer l'atten- tion sur les emblèmes de l'église de la Ferté- Bernard, en raison de certaines particularités curieuses au point de vue iconographique.

Les emblèmes de la Sainte Vierge de l'église de la Ferté-Bernard ne font point cortège à la Sainte Vierge, comme cela a lieu d'ordinaire ; ils sont sculptés au-dessous des fenêtres et for- ment une frise autour d'une chapelle autrefois dédiée au saint Rosaire ; c'est l'une des chapelles renommées pour leurs voûtes en caissons posées sur des claires-voies de pierre portées par des arcs-ogives. Ces sculptures remarquables par leur délicatesse ont été exécutées en 1533 et restaurées en 1858. Voici l'énumération des sujets, en commençant par la droite. On notera aisément les motifs plus rares.

La cité de Dieu avec l'inscription civitas Dei. C'est un ensemble d'édifices avec enceinte fortifiée.

Fontaine des jardins. Fous ortorunt. La fontaine se compose d'une élégante pyramide à deux vasques, terminée par une figurine d'en- fant. Elle s'élève au milieu d'un bassin à pans coupés et à caissons. Autour du motif sont d'élé- gantes arabesques.

Miroir sans tache. Spéculum sine macula. Deux chimères accompagnent le motif.

Fenêtre du ciel, Fenestra celi. La fenêtre est en style Renaissance. De chaque côté on voit deux magnifiques ibis. L'appellation Fenestra celie^X. peu commune. C'est la première fois que nous la rencontrons. Elle demande une explica- tion que nous donnerons en terminant notre étude.

Lis entre les épines, Sicut liliuni inter spi- nas. Encadement d'arabesques.

6" Porte du ciel, Porta celi. C'est le motif connu, une porte fortifiée, comme une porte de ville ou de château.

Temple de Dieu, Tcplum Dei. C'est une belle église gothique.

Maison de Dieu, Domus Dei. L'artiste a sculpté une belle maison de style Renaissance, avec fenêtres à meneaux croisés.

5PéIange0.

III

Cèdre élevé, Cednis exaltata.

io° Tour de David, Tiirris davidica.

11° Olivier avec la mention, Oliva speciosa. Ces trois motifs bien connus n'ont pas besoin de commentaires.

12° La tige de Jessé avec l'inscription : Virga Jesse floruit. La tige se termine par une tête d'enfant. Ce détail précise bien le motif. Marie est la tige, et Jésus est la fleur.

13° Un puits. Sur un cartouche on lit : puteus aquaruvt vivenlinni.

14° Jardin clos, Ortus coiiclusus. Un petit en- clos barlong simule le jardin.

De toutes les appellations, la plus inusitée est celle de Fenestra celi. Elle ne remplace pas la porte du ciel que nous trouvons plus loin ; si ce n'est pas un caprice de l'artiste a-t-il puisé son inspiration ?

Saint Bonaventure, dans ses Litanies de la bienheureuse Vierge Marie, a placé cette inscrip- tion : Sancta Maria C.ELI FENE.STRA crystal- lina (•).

Saint Pierre Damien,dans son troisième sermon sur la Nativité de la Sainte Vierge, s'exprime ainsi : < Hodie nata est regijia niundi, fenestra cœli, janua paradisi, tabernacuhim Dei, Stella maris, scala cœlestis, per quarn snpernus Rex hu- miliatus ad iina descendit et honio qui prostratus jacebat, ad superna exaltatus ascendit (-). »

Enfin, Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, dans la prose Cœlum gaude, dit de Marie:

, « Tu fenestra, porta, vellus,

« Aula, domus, templum, tellus. »

Ces autorités suffisent pour expliquer notre sculpture.

IL Rencontre de Jésus et de sa Mère. Église Saint-Remy de Troyes.

EN visitant l'église Saint-Remy de Troyes, notre attention s'est portée sur le retable d'une chapelle, dont le sujet est particulièrement intéressant. C'est un bas-relief en bois représen- tant la rencontre de Jésus et de sa Mère sur le chemin du Calvaire. La sculpture, sans être une œuvre de premier ordre, n'est pas à dédaigner ; dans un milieu artistique comme Troyes, les

1. Opéra S. Bonavenlurœ. éd. Vives, t. XIV, p. 183.

2. Patrologie latine de Migne, t. 144, col. 753, 235.

moindres objets ont leur cachet. Mais ce qui fait surtout l'intérêt de ce bas-relief ce sont les ins- criptions qui y sont gravées. Au-dessus du tableau un cartouche porte ces mots : « Sicut ovis ad occisionem ducetur et quasi agnus coram tmidente se obniutescet et non aperictur os suiim. » C'est le texte d'Isaïe (LUI, 17). De la bouche de la Sainte Vierge sort un phylactère sur lequel on lit :

« Vadis propiciator ad immolandtun pro oni- bus qui me castam conservastifilius et Deus meus. » Ce texte très neuf pour nous, il faut bien l'avouer, a singulièrement piqué notre curiosité. Il ne se trouve ni dans la sainte Écriture, ni dans la liturgie romaine.

Il est d'un grand caractère. Le langage de Marie s'adressant à son Fils, dans la douloureuse rencontre du Calvaire, est bien touchant. l'artiste a-t-il puisé ce texte digne de l'antiquité ? Longtemps nous avons cherché en vain, quand, en lisant l'ouvrage de Dom Cabrol : Le Livre de la prière antique, nos yeux sont tombés sur le Vadis propiciator ; c'est un répons d'origine grec- que. Il est employé à l'ambrosien et au grégo- rien durant la semaine sainte. Nos lecteurs nous sauront gré d'en donner ici le texte intégral.

« Vadis propitiator ad immolandum pro omni- bus ; non tibi occurrit Petrus qui dicebat mori tecum ; reliquit te Thomas qui aiebat : omnescum eo moriamur. Et ne ullus ex tilts, sed tu solus duceris qui castam (ou immaculatam) me conser- vasti, Filius et Deus métis !

f. Promittentes tecum in carcerem et in mortem ire, relicto te fugerunt.

IÇ. Et ne ullus ex illis, sed tu solus duceris, qtii castam me conservasti.

Nous le répétons, ce répons est d'une grande beauté. Plusieurs critiques le font remonter au V^ siècle. Il est curieux de le voir donné comme commentaire au sujet très fréquent de la ren- contre de Jésus et de Marie sur la route du Cal- vaire. C'est là, croyons-nous, une rareté en ico- nographie. Jusqu'ici c'est le seul exemple à notre connaissance.

in. L'Ange du Regina. Église de Saint-Florentin (Yonne).

DERRIÈRE le sanctuaire est un beau re- table daté de 1536, qui représente en une série de bas-reliefs les scènes de la Pas-

I 12

Bcbur De r^rt cf^rctten.

sion et de la Résurrection. Sur le devant de l'autel et formant antependium, nous avons noté une scène très curieuse et assez rare. Marie est en prières, un ange vient la .«îaluer. Au pre- mier abord on pourrait croire à une Annoncia- tion, il n'en est rien. Selon une pieuse tradition, le Christ députa un messager céleste à sa très sainte Mère pour lui annoncer sa résurrection. Quelques instants plus tard, il apparaîtra lui- même et plusieurs artistes ont représenté cette scène touchante (') ; mais voulant ménager l'âme si sensible de sa Mère, Jésus lui envoie d'abord un ange porteur de la bonne nouvelle.

Après le dénouement du Calvaire si poignant pour elle, la sainte Vierge s'était retirée dans la demeure de saint Jean et cherchait une force et une consolation dans la prière.Or, voici qu'à l'aube de Pâques, un esprit céleste se montre à ses regards.Elle le reconnaît, c'est l'archange Gabriel. Sur un cartouche on lit les paroles qu'il lui adresse :

Regina celi letate

Quia quem mcruisti portare

Resîirrexit sicut dixit.

Il convenait que Gabriel, le messager de l'In- carnation, fût aussi celui de la Résurrection. Près de la Vierge, un donateur tonsuré, ce qui indique un ecclésiastique, porte dans ses mains un phylactère avec ces mots qui complètent le Regina : Ora pro nobis Detim alla (pour alléluia).

le sculpteur at-il puisé l'idée de cette représentation ? M. Mâle, dans un article très suggestif : Le Renouvellement de l'art par les Mystères à la fin du moyen âge (2), a montré que nombre de scènes inconnues dans les siècles précédents ont fait leur apparition avec les Mystères. Les artistes ont représenté des choses vues. Nous sommes convaincus qu'il doit en être ainsi de la scène qui nous occupe.

Nous la trouvons dans le Grand Mystère de Jésîis (3), drame breton du XVI<= siècle. Gabriel reçoit de Jésus l'ordre d'aller trouver Marie et de lui annoncer «de suite et doucement» la conso-

1. Citons entre autres exemples le tableau de Roger van der Weyden (musée de Berlin), un vitrail de Saint-Nicolas de la Ferté Milon, une sculpture du jubé de Villemaur, aujourd'hui au musée de Troyes, etc.

2. Cf. Gazelle des Beaux-Arts, i"' trimestre 1904.

3. Publié par M. de la Villemarqué.

lante nouvelle, Gabriel remplit son message. Il salue la Vierge par ces mots : « O reine du ciel, réjouis-toi pleinement avec moi, après tes dou- leurs, car ton fils, Jésus, ce roi du Nord et du Midi est ressuscité, etc. > Marie reçoit avec joie le céleste envoyé, puis elle ajoute : « Pour te remercier de ton message, je t'offre une couronne d'un éclat inaltérable, afin de inontrer que tu es le roi, le vrai roi de tous les messagers du inonde ; porte-la désormais à ton front.» (Elle couronne l'ange.)

Le célèbre Passionsspiel d'Oberammergau n'a pas oublié cet épisode, mais la mise en scène est différente. Ce n'est point dans sa demeure, mais quand Marie arrive au sépulcre que l'ange lui apparaît et lui annonce que son fils est ressus- cité.

Il y a, on le voit, une grande connexion entre l'iconographie et l'art dramatique du moyen âge.

IV. Fresque de l'église de Gisors

LA chapelle du bailli ainsi appelée, parce qu'elle fut construite par Jean de la Vief- ville, bailli de Gisors, est ornée d'une grande fresque peinte en 1561, dont l'étude nous paraît intéressante. Elle avait disparu sous une épaisse couche de badigeon et n'était plus connue que par les vers d'Antoine Dorival dans son Tableau de l'église de Gisors (') :

« Ce que ton voit encor de remarquable et beau,

< Un Jésîis porte-croix qui, dans un plat tableau,

!,< Orne l'autre cosié, suivy d'un populace

« Arme' de fers, de dards, d^épée et de cuirace ;

« Un pbr revestu dun surplis à fleur blanc

« Semble le vouloir suivre aux traces de son sang. >

Elle fut découverte en 1902 lors de la restau- ration de la chapelle. Soigneusement nettoyée, elle fut restaurée avec conscience, sous la direc- tion de l'architecte des Monuments historiques. Au-dessous on a rétabli la longue inscription qui accompagnait la fresque, laissant en blanc les mots illisibles ou douteux. Il appartient à notre ami M. Régnier, qui connaît si bien Gisors, de compléter cette inscription, d'identifier, si pos- sible, le prêtre signalé par Dorival, en un mot, de donner une description complète et documentée de cette curieuse peinture. Nous voulons seu-

I. Publié par l'abbé Blanquart et L. Régnier. Cf. p. 71.

âgélanges.

113

lement signaler deux particularités iconogra- phiques.

Le sujet principal est bien la montée du Cal- vaire. Le Christ succombe sous le poids de sa croix et s'appuie d'une main sur une pierre dont la tranche porte la date de 1561. Derrière le Christ, Marie s'évanouit entre les bras de saint Jean. Au fond se dresse la cime du Golgotha, deux croix sont déjà plantées, tandis que des ouvriers armés de pioches creusent la fosse des- tinéç à recevcjir la croix du Sauveur. Au premier plan deux personnages vont nous arrêter un instant. Sur la gauche du spectateur est un prê- tre, à genoux, les mains jointes. De ses doigts sort une longue banderole sur laquelle on lit ces paroles empruntées au psaume 130 : Illustra facietn tuant super servum tuum ; salviim mefac tfi misericordia tua. Domme non confundar. Le prêtre est placé en face du Sauveur succombant sous le poids de sa croix et dont Véronique vient d'essuyer le visage pâle, couvert de sueur et de sang. Sa prière s'adresse à la sainte Face. Sans doute, dès le XIII<= siècle, l'Église a honoré la sainte Face du Sauveur, mais c'est surtout à partir du X VIi^ siècle que son culte a pris de l'ex- tension. La fresque de Gisors en est un nouveau témoignage.

L'épisode de Véronique est également à noter. Cette femme courageuse s'approche du Sauveur et, du linge qu'elle tient à la main, elle essuie son visage dont les traits restent empreints sur l'étoffe. Cet épisode a été bien souvent reproduit. Toutefois il importe de remarquer qu'on ne le voit pas dans le haut moyen âge. Il n'apparaît guère avant le XV''^ siècle. M. Mâle, dans un article très documenté de la Gazette des Beajix- Arts, pense que les Mystères qui mettaient la Passion du Sauveur en action ont contribué à introduire dans l'art la scène de Véronique (';. La remarque de M. Mâle nous paraît tout à fait fondée. Il est certain que les artistes chargés d'exécuter un tableau, une fresque, une tapis- serie, une sculpture, une verrière, se sont inspi- rés de leurs souvenirs et, volontiers ont repré- senté naïvement les scènes qu'ils avaient sous les yeux.

I. Le Renouvellement de l'art par les Mystères à la fin du moyen âge. Gazette des Beaux-Arts, x"' trimestre 1904.

En terminant, qu'on nous permette de citer un Dialogue ou fragment populaire du drame bre- ton : Le Mystère de Jésus. Il est d'une poésie simple mais touchante. On dirait quelque an- cienne ballade.

Sainte Véronique vient d'essuyer le visage de Jésus avec un pan de sa coiffe ; alors s'adressant à sa sœur, elle lui dit :

< Tenez ma coiffe, ma sœur, emportez-la à la maison ;

» Mettez-la au fond de votre coffre et conser- vez-la bien.

» N'allez pas la laver dans l'eau de la rivière, car elle garde le sang du Sauveur.

» N'allez pas la laver dans l'eau de la prairie, car elle garde le sacré sang de notre Père.

» N'allez pas la laver dans l'eau du torrent, ou c'en est fait du monde. »

La sœur de sainte Véronique lui répond : « Ma chère petite sœur, donnez-la-moi, je la mettrai au fond du coffre.

» Au fond du coffret d'ivoire, qui est entouré de trois cercles d'argent.

» Et il y a des herbes odoriférantes, de la lavande, du thym et du muguet (i). »

Il y a dans cette poésie tout à la fois une pen- sée touchante et un trait de mœurs tout à fait local. A ce double titre, il intéressera nos lec- teurs, et les dédommagera de la sécheresse de nos

descriptions.

L. MarSAUX.

Ua cfjeminéc gothique en Belgique.

A maison moderne, giâce à de préten- dus progrès, tend à devenir une chose banale ; on la bâtit non pour des habi- tants déterminés, mais pour des occu- pants éventuels. Les logis se superposent en étages dans un bâtiment commun, ou bien s'ali- gnent en un bloc aux compartiments uniformes. La maison n'est plus affectée à une famille, ou du moins elle est destinée à des occupations

I. Cf. Hersart de la Villemarqué, Dialogues de la Passion. Le chrmin du Calvaire, p. 256.

114

3Rc\)ur De r^vt cl^rctieiu

éphémères ; nous changeons d'habitation plu- sieurs fois dans l'espace d'une génération.

C'est fâcheux en ce sens, que la famille, cet élément organique de la société, devrait y tenir une place stable. Il y a quelque chose de sacré en quelque sorte dans le foyer familial, qui ne résiste pas à l'instabilité de nos demeures moder- nes, qui ne se transmet pas d'un logis à l'autre, mais qui se transporte de père en fils avec les souvenirs héréditaires et les traditions. L'homme de bien qui a laissé dans sa maison l'empreinte de son caractère et de ses mœurs vertueuses, le culte de ses ancêtres, souffre à la pensée qu'après lui ses traces seront balayées, et que sa demeure terrestre sera bouleversée par ses successeurs, « Si les hommes, dit John Ruskin, en ses Scpi langues de V architectnre,\\\A\&v\\. vraiment comme des hommes, leurs maisons seraient comme des temples. »

Il en était ainsi aux siècles passés ; les habi- tations de nos ancêtres étaient, en effet, comme

I. Détail della maison dite de la Reine Bérengère au Mans.

2. - Cheminée du XV" siècle, au château de Boutheon (Loire.)

£0élanges.

"5

des temples. Dans leurs maisons, il y avait la sa//e commune, lieu de réunion de tous les mem- bres de la famille ; et le sanctuaire de ce temple était autour du foyer ; le foyer était au logis ce

que le cœur est à l'individu ; ce foyer sacré était placé dans un édicule, un petit monument tout imprégnéd'art, qui était la che- minée.

Parmi les ouvra- ges qui forment l'habitation, il n'en est pas de plus in- téressant, de plus attachant que la cheminée. C'est le témoin expressif de la vie familiale, le centre de l'activité domestique, le bon coin l'on se serrait les coudes à la flambée du soir, se racontaient les légendes, se faisait la prière commune devant le crucifix. On y trouve la mesure du

- Cheminée d'une maison démolie

a Léau (i).

4. •- Clieminée tournaisieone, couronnée à TËcole de St-Luc, (d'après N. A. H.)

sentiment artistique d'un peuple. La cheminée, avec son manteau sous lequel s'assemblait la famille entière, respirait jadis une poésie intense et revêtait un caractère imposant dans la chau-

I. A côté de l'hôtel de ville.

mière du pauvre comme dans le manoir du seigneur. Elle mérite une étude spéciale. M. A. Heins l'a pensé avec raison. Il a donné dans la belle revue \' Art flammid et hollandais une série de jolis croquis d'après la cheminée flamande. Nous nous servirons de ses notes et emprun- terons quelques-uns de ses dessins pour traiter un sujet un peu plus large, celui de la cheminée gothique en Belgique.

Rappelons d'abord que la cheminée domestique com- prend le corps intérieur et la souche externe. Nous nous occuperons, naturellement, d'abord du premier.

Lui-même se décompose en plusieurs parties : la 7iiche, avec son seuil, son contrecœur et ses jambages ; le manteaii, avec le lintean et la hotte, surmontée parfois d'un encor- bellement soutenant le seuil d'une cheminée à l'étage supérieur ; enfin, vient l'rt/^/Vrt//, compre- nant la taqiie, les landters ou chenets, la crémaillère, et le restant du foyer.

4^"^. Claveau de clef de la cheminée précédente.

5. Claveau de clef d'une cheminée tournaisienne (L. G.)

Nous ne nous arrêterons pas au seuil, qui n'existe que dans la cheminée monumentale. Dans les foyers ordinaires le sol de l'âtre arase celui de la salle. La partie caractéristique des cheminées consiste dans les jambages ; tandis que la richesse des cheminées monumentales se concentre dans la hotte. Nous traiterons en pre- mier lieu des jambages.

Les Jambages. Le spécimen le plus ancien de la cheminée en Belgique est apparemment la

ii6

WitWt ïic rSrt cJ)vctiru,

simple niche à feu que l'on voit en trois endroits de la salle basse du donjon du château des comtes à Gand, remontant au X'' siècle ; elle est en cul

de four, et ménagée aux dépens du gros mur en moellons calcaires. On n'a s'en servir que pour y placer un brasero, sans quoi le fond de l'âtre

CljwnintfOii milieu nu !n/*91(tlt. ^^ en pitnt » Tournât

se serait calciné, Dans ce type embryonnaire, les jambages... brillent par leur absence.

ils existent, ils constituent, du moins à la première époque,des montants monolithes aux-

6 et 7. Cheminée tournaisienne, provenant d'une maison de la rue de l.-i Madeleine fL. C.)

quels est greffée une colonnette avec base et cha- piteau ; c'est un des types intéressant du support lapidaire. Les jambages reçoivent le linteau par

l'intermédiaire d'un vigoureux abaque, qui fait encorbellement, et supporte une superstructure formant saillie en avant des montants (3).

:S©éIanges.

117

Les cheminées du XII I"^ siècle sont très rares en notre pays. M. Heins attribue à la fin du

) l\

XII I«" siècle une cheminée du Steen de Ryhove à Gand ; les jambages sont à colonnettes et por-

dit, le linteau pose sur l'abaque de manière à ménager un découvert, qui était utilisé comme tablette pour y déposer des objets d'utilité.

Voici (5) un spécimen de clef ornée tournai- sienne (musée de l'Ecole de Saint-Luc à Tournai); elle repré- sente la gracieuse légende de la Licorne.

Je reproduis avec tous ses détails (6 et 7) un spécimen complet et vraiment typique d'une cheminée tournaisienne en pierre bleue, que possède M. le juge Soil de Tournai, et que j'ai publié naguère dans un recueil local (•).

On trouve au musée archéo- logique de Bruges une cheminée en pierre bleue de style tour- naisien (8). La colonnette des "IX^tTH^Jr^s""' pieds droits se raccorde aux jambages par des gorges ornées de rosettes. Le chapiteau se décore de crochets et de feuilles de cresson de style français ; l'abaque est un

10 et II. Chemiaée de la cuisine de 1 liôtel Gruuthuuse, d'après M. A. Heins.

tent un puissant linteau en surplomb sur deux corbeaux étages.

La cheminée toiirtiaisienne est robuste et large ; elle a pour caractères des montants ornés de gorges garnies de ro- settes, deux puissants abaques ornés de même et sur lesquels pose, en laissant un découvert, un linteau appareillé à cros- settes (4 et ^^^), orné de reliefs à la clef et aux coussinets. C'est là, et non pas sur les 12. - Support angulaire jambages comme à Gand, du tombeau de Margue- qu'apparaissent dcs têtes

rite d Autriche. " ^'^

d'hommes et de femmes ; les têtes sont souvent remplacées par des armoiries. Le linteau est surmonté d'un cordon larmier, toujours orné de rosettes. Comme nous l'avons

Cheminée de la

14. Croquis d'encadrement d'une cheminée de l'hôpital Saint-Jean à Bruges.

bloc en saillie d'oij se détachent une tête et des bras. On en voit une analogue à l'abbaye de la Biloque à Gand. Le jambage est à triple colon-

T. Le Touriste tout-jinisien, Désolée, Tournai.

ii8

9Re\)ue tïe V^xt tfinîitn.

nette, et à quatre gorges à rosettes ; l'abaque, aussi décoré de rosettes, présente une cariatide ployée sous la charge. Le plus beau spécimen de l'espèce est à la grande salle de la même abbaye; le support est le même, sauf la cariatide supprimée; les feuil- lages du chapiteau sont bien tournaisiens et superbes (9).

Une cheminée gigantesque de l'ancienne cuisine de l'hôtel Gruuthuuse présente des jam- bages curieux, l'encorbel- lement est réalisé par une déviation sinueuse du fût des colonnettes (10 et 11). Ils sont à rapprocher des colonnes tordues qui soutiennent les ,5- Cheminée flamande statues du mausolée de Mar-

d'après un manuscrit, çruerite d'Autrlchc à l'égHsC d'après M. A. HiclNS. ° ,

de Brou et qui sont dus a des artistes flamands. Nous en donnons un croquis (ï2).

Cheminées flamandes. La figure isolée, cou- ronnant un montant plus ou moins orné, parait

16. Cheminée d'une maison à Damme, il-iprès M. A IIrins.

commun à Gand et à Bruges. C'est souvent un ange portant un phylactère (collection de l'École Saint-Luc à Gand) ou un écu (13) (musée lapi- daire à Gand), ou un instrument de musique (cheminée de l'Hôpital Saint-Jean à Bruges) (14). L'écu est parfois porté par un chevalier et sa dame, comme on le voit au château des Comtes

de Gand, à une cheminée du milieu du XV'^ siècle. M. A. Heins reproduit le type d'une che- minée flamande à figures entières au sommet des montants, d'après un intéressant dessin de l'école flamande conservé à l'Université d'Erlan-

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17. Cheminée conservée au musée de Gruuthuuse à Bruges d'après M. A. Hrins.

gen (15). Le musée du Broel a Courtrai possède des jambages de cheminées en pierre blanche, couronnés par des anges ailés et couronnés, qui portent un phylactère avec la date 1372.

18. Cheminée au musée lapidaire à Gand, d'après i\l. A. Hkins.

L'apogée de la richesse des chenn'nées se pro- duit au XV« siècle, alors que le linteau est souvent couvert de sujets historiques, et que les montants se décorent de personnages jumeaux.

A Bruges abondent à cette époque des mon- tants couronnés d'un couple d'époux hissés ou accroupis dans la cavité saillante se noie la

fl^élanges.

H9

moulure. Le type le mieux conservé a été signalé par M. Heins à Damme (i6). On en voit de pareils au musée d'archéologie brugeois et à l'Hôtel Gruuthuuse (17). Le linteau de la che- minée en dos d'âne est tout couvert de sculp- tures.

La double figurine se retrouve à Gand, à la Halle aux draps construite en 1426 par Simon

Van Assche. Les personnages sont des portants d'armoiries.

La cheminée de la salle scabinale contiguë aux halles d'Ypres offre des colonnes complètes sur- montées d'anges portant le phylactère ; mais elles paraissent refaites à une époque moderne.

Vient ensuite en différentes régions des Flan-

- Ancienne maison à Danime. zo. Maison rue du Vieux-Bourg a Gand.

Têtes de monture d'une cheminée, d'après M. A. IIbins.

dres le type de montants à figures animales.le plus souvent des lions, parfois des aigles ou des griffons figurant comme portants d'armes. Le musée lapi- daire à Gand possède deux beaux montants à

21. Cheminée de la maison communale de Maestricht, d'après L. dhFizenne.

deux lions en pied portant un écu ( 1 8). On en voit de pareils aux musées de Gand et de Bruges, mais un spécimen de toute beauté décore le

jambage de la salle d'honneur à l'hôtel de ville d'Audenaerde. La salle dite de l'Arsenal, à l'hôtel de ville de Gand (1484), possède une cheminée dont les superbes montants s'ornent à leur som- met d'une part du lion de Flandre portant l'écu.

22. Rendez-vous de chasse de Grivegnée, d'après L. de Fizenne.

d'autre part de la pucelle de Gand accueillant le lion dans son giron.

La cheminée commune gantoise a pour carac- téristique des montants à profil de nervure s'in- curvant au sommet, se greffe une tête humaine;

I20

3Rebur tir T^rt cbrétien.

il y a de part et d'autre un masque d'homme et de femme ; il y eut à Gand une multitude de cheminées de ce type original. Parmi les plus anciens spécimens, M. Heins cite deux belles têtes trouvées dans une maison de Damme (XVe siècle) (19).

On peut voir à Gand plusieurs spécimens de la même période, notamment deux jambages provenant d'une maison de la rue du Vieux Bourg (20) et qui sont à présent au musée lapi- daire de la ville. Ce musée possède une collection de têtes sculptées par couples d'hommes et de

23- Cheminée d'après un tableau de Memling:.

femmes au sommet de montants en pierre de cheminées. Ces figures sont traitées datis un sen- timent décoratif et de manière un peu banale, et visiblement faites par de simples artisans qui en multipliaient les exemplaires.

Au XV<= siècle apparaît une simplification des jambages à colonnettes ; la base subsiste, mais le chapiteau disparaît ; c'est un écho de ce qui se passe alors dans les arcades et dans les piliers dits prismatiques d'où disparaît les chapi- teaux. Le fût est remplacé par un toie avec ou

sans listel, une sorte de nervure ; vers le haut son tracé s'incurve en quart de rond, pour former un encorbellement ; le creux qui raccorde le tore au jambage se retourne horizontalement, de front, en haut, sous le linteau. M. Heins donne comme exemples deux cheminées des halles de Damme. Dans l'une des deux, l'encorbellement est obtenu par les moulures incurvées et en sus par un cor-

24. Cheminée provenant d'Arquennes, placée au presbytère

St-Jacques à Tournai. (T.. C.)

beau. 11 en est de même dans la somptueuse cheminée de la salle des Échevins à l'hôtel de ville de Courtrai.

Les montants en forme de nervure recouibée au sommet se retrouvent en Limbourg (21). Voici la cheminée de l'ancien hôtel de ville de Maestricht ; la mouluie, au lieu de s'arrêter en haut en quart de rond, remonte encore un peu verticalement pour s'amortir en demi-pyramides. Ce parti est propre à la région ; nous le retrou- vons à la jolie cheminée du rendez- vous de chasse de Grivegnée dont le linteau est histoiié de la légende de saint Ilubeit (22). Le musée

Si^tiamtô.

121

25- Cheminée ancienne, provenant d'Arquenne, appartenant à l'Auteur.

26. Cheminée de la Renaissance à Feluy, dessin de L. C

RBVUK LE l'art CHKêTIEK. 1906. a""^ LIVRAISON.

122

3Re\)ue tic V^xt cljrctien.

d'Anvers possède un tableau de Memling figure l'intéressante cheminëe dont voici le cro- quis (23). Ici la nervure en montant fait retour le long du linteau dont elle orne le bord inférieur.

Cheminées du Hainaut. Le jambage à mou- lure recourbée dont il s'agit n'est pas exclusive- ment flamand ; il abonde au contraire aux XV= et XVI- siècles en VVallonnie, surtout autour des

carrières d'Écaussines, de Feluy et d'Arquennes, qui, depuis le XIV* siècle, et surtout aux deux siècles suivants, ont fourni une multitude de cheminées dans les manoirs, les fermes et les maisons de la ville et des champs du Hainaut. J'en ai connu de nombreux spécimens analogues à celui que je reproduis (24) ; cette cheminée provient d'Arquennes ; je l'ai placée jadis au presbytère de Saint-Jacques à Tournai. En

l|_ --T!

Façade d"ane maison de Beaumont. (L. C.)

voici (25) un autre exemple, et un troisième (26), oi^i l'on voit s'insinuer les formes de la Renais- sance.

La confection des jambages était devenue si courante, que l'on en vint à les copier dans de curieux encorbellements de certaines façades de maison en pierre que l'on voit encore, par exem- ple, rue d'Havre à Mons, et à Beaumont. Le sur- plomb de l'étage au-dessus du rez-de-chaussée

est soutenu par des pilastres recourbés en forme de montants de cheminée.

La cheminée ancienne n'avait pas, comme la cheminée moderne, un découvert horizontal en forme de tablette, pour y poser des miroirs, et des pendules encore inconnues, ou de la vais- selle étalée , mais souvent l'abaque débordait latéralement pour y recevoir quelques objets d'usage. L. Cloquet.

immBi Tvabauy Des JSociétés saluantes. 'Êmim

Société nationale des Antiquaires de France. Séance du ii décembre içoj. M. Enlart lit un mémoire sur les origines an- glaises du style flamboyant.

M. Rodocanaki fait une communication sur le costume des femmes de Florence au XIV« siècle.

M. Arnauldet parle sur un inventaire des tapisseries du château de Blois, conservé à la Bibliothèque de Nantes.

M. de Mély communique un mémoire de M. Stuckelberg sur les reliques de saint Smier.

M. Monceau communique deux sceaux byzan- tins trouvés par le F. Delattre à Carthage.

M. Héron de Villefosse communique une inscription récemment découverte à Alise.

Séance du 20 décembre. M. Vauvillé com- munique des armes, des fibules, etc., récemment trouvées dans l'enceinte de l'oppidum de Pom- miers.

M. Chapot fait une communication sur une inscription du Louvre qui se rattache à un trem- blement de terre survenu à Antioche au temps du patriarche Théophane.

M.Gauchery croit pouvoir attribuer le tombeau des Montigny, dans la cathédrale de Bourges, à Michel Bourdin.

M. Moreau de Néris communique le plan d'une piscine romaine découverte par lui dans la prairie Les Chaudes (Allier).

M. F. de Mély présente l'héliogravure que la Gazette des Beaux-ArtsçxiihWç., d'après le retable de Beaune, reproduction qui n'avait jamais été autorisée jusqu'ici.

Séance du 2"] décembre. M. Héron de Ville- fosse lit une note de M. Leex sur une stèle avec inscription trouvée à Frolois (Côte-d'Or). Il donne communication de fragments d'inscription, dé- couverts à Alise, et qui lui ont été adressés par M. Corot.

M. Arnauldet lit une note sur deux imprimeurs du XV<= siècle, Nicolas Janson et Jacques Lerouge.

Séance du ly janvier iço6. M. Adrien Blanchet communique un jeton de la Société sous le règne de Charles X.

M. Marquet de Vasselot communique une plaque byzantine de stéatite acquise par le musée du Louvre et représentant saintMichel, archange.

M. Fallu de Lessert présente l'estampage d'une inscription trouvée à Carthage par le P. Delattre

qui mentionne le nom du Consul Fomponius Bassus.

M. Monceau communique une lampe chré- tienne trouvée en Tunisie qui porte un chrisme et les lettres A. B. C.

Séance du 24. janvier. M. Naurice lit une notice sur M. Eug. Muntz. M. le comte Durrieu fait une communication sur Michelino Besozzo dont on vient de découvrir un tableau au Musée du Louvre.

M. Ravaisson Mollien continue son étude sur l'inscription dite de Praxitèle qui se trouve gra- vée sur la plinthe d'une salle du Louvre; il est d'avis que l'amour est d'emprunt. M. Michon indique les opinions de plusieurs archéologues qui ont nié ou accepté l'authenticité de cette inscription. En i8l5,on encastra la base dans un socle rectangulaire, c'est ce qui a fait croire à sa disparition.

M. F. Monceaux communique de la part du R. P. Delattre un nouveau sceau byzantin trouvé en Afrique.

Séance du ji janvier. M. Vitry lit un travail de M. Perdrizet qui conteste l'attribution pro- posée par M. de Laigue d'une fresque du XV'^ siècle de la Chartreuse de Pesio à un moine nommé Antoine Le Cocq.

M. l'abbé Thédenat communique une série de moules à bijoux égyptiens en pierre dure. On a pu fondre trois bagues en alliage dans le plus curieux qui se compose de trois pièces.

T. Boinet étudie le portrait de Marguerite de Valois qui se trouve dans son livre d'heures.

M. Michon donne lecture d'un mémoire de M. Perdrizet sur des verres de Sidon donnés en prix dans des concours.

M. Cagnat signale trois chapiteaux byzantins photographiés à Chersonèse par M. le Baron de Baye. On lit sur l'un d'eux une inscription funé- raire romaine.

Académie des Inscriptions et Belles- Lettres. Séance du ç décembre içoj. Décès d'un correspondant. Le président, M. CoUignon, annonce à l'Académie la mort d'un de ses correspondants nationaux les plus érudits et les plus méritants, M. Gustave Saige, conservateur des archives de la principauté de Monaco.

On lui doit, outre de nombreuses études d'his- toire et d'archéologie pure, une histoire de la

124

2Rebue lie V^xt (Ijrctim»

maison de Grimaldi, la publication des « Docu- ments historiques relatifs à la Principauté de Monaco depuis le XV« siècle», celle des Do- cuments relatifs à la vicomte de Cariât », du « Trésor des chartes du comté du Réthel », etc.

M. Holléaux, directeur de l'École française d'Athènes, fait connaître le résultat des dernières fouilles exécutées à Délos aux frais de M. le duc de Loubat. Il décrit les travaux les plus impor- tants accomplis en 1905 : déblaiement de l'Agora des Italiens, du Portique de Philippe, et d'une nouvelle région limitrophe au théâtre,

Il signale, en terminant, deux découvertes épi- graphiques d'un haut intérêt : la dédicace d'un monument élevé par le roi de Macédoine, Anti- gone Doson, et le texte d'une loi relative à la vente du bois et du charbon à Délos.

Séance du 21 décembre. Le président, M. CoUignon, annonce la mort, à Munich, à l'âge de quatre-vingt-cinq ans, du doyen en date des correspondants de la Compagnie, M. Fried- rich von Spiegei.

Séance du décembre. Chaire du Collège de France. L'ordre du jour appelle la désigna- tion au ministère de l'Instruction publique de deux candidats, en première et seconde ligne, à la chaire d'assyriologie, laissée vacante par le décès de M. Oppert. L'Académie présente en première ligne le Père Scheil, par 26 voix contre 7 à M. Fossey et à M. Thureau Dangin ; en seconde ligne, M. Thureau-Dangin, par 19 voix contre 14 à M. Fossey. On sait quel esprit sec- taire a fait repousser le candidat élu par l'Aca- démie.

Séance du 12 janvier iço6. M. Héron de Villefosse lit un rapport du P. Delattre sur les fouilles de Carthage.

Il s'agit de la découverte, faite dans les pre- miers jours de novembre 1905, d'un énorme sar- cophage en marbre blanc rehaussé de couleurs et mesurant 2'n,75 de longueur. Le couvercle est orné sur chacun de ses grands côtés de onze acrotères recouverts de peinture bleue. Sur les deux frontons apparaît au milieu des flots et entre deux dauphins une représentation peinte de Scylla, ailée, brandissant une sorte de mas- sue ; des chiens hurlants s'élancent de ses flancs. Le corps du défunt reposait dans un cercueil en bois décoré de peintures et de dorures qui était placé au fond de la cuve en marbre blanc.

Ce beau sarcophage a été placé au musée Saint-Louis, en attendant son transport au mu- sée du Louvre, auquel le P. Delattre s'est em- pressé de l'offrir par l'intermédiaire de l'Aca- démie.

Séance du janvier. M. S. Reinach sou- met à l'examen de l'Académie une série de photographies de sculptures grecques qui figu- rent dans les musées de Boston (Amérique) et qui lui ont été communiquées par M. d'Eichthal, membre de l'Académie des Sciences morales et politiques.

Séance du 26 janvier. A l'ouverture de la séance, le président offre ses félicitations à M. Léopold Delisle et annonce que ce savant vient d'être l'objet d'une distinction flatteuse de la part de l'empereur d'Allemagne qui lui a fait remettre les insignes de l'ordre pour le Mérite.

M. Léon Heuzey lit une notice intitulée : « Les dieux à turban sur les cylindres clialdéens.» Il signale sur ces petits monuments une curieuse modification à partir de l'époque oîj les rois de la ville d'Our s'emparent de l'hégémonie en Chaldée. Le dieu auquel s'adressent les adora- tions ne porte plus que très rarement la coiffure à cornes de taureau. Cet emblème de la divinité est remplacé par le simple turban que portent les rois et les chefs des cités chaldéennes. M. Heuzey en cherche l'explication dans ce fait, que les rois d'Our, comme on le voit par leurs inscriptions, acceptaient les honneurs divins. Par une confusion voulue, c'était en réalité le roi régnant qui recevait l'adoration sous l'apparence de quelque divinité.

M. Cagnat signale les découvertes archéologi- ques quiont été faites par le capitaine Donaudans le Sud tunisien. Il en fait ressortir l'importance et se piopose de les analyser au cours d'une des prochaines séances.

Cercle historique et archéologique de Courtrai, 1905. Le bon exemple est chose précieuse ; M. Soil, en publiant son remarquable volume sur les anciennes maisons tournaisiennes, a ouvert les yeux à ses confrères d'autres villes, et tout de suite le voilà imité par un archéologue distingué de Courtrai, le baron Jos. Bethune. Avec MM. de Geyne et Goethals, il a parcouru les rues de la bonne ville flamande, et y a noté pas moins de 170 constructions anciennes. Si l'on compare les anciennes façades aux pignons de Bruges et de Gand, on y trouve peu de simili- tudes, certaines analogies seulement avec celles d'Ypres. Rapprochées de celles de Lille,de Tour- nai, elles offi ent une différence plus sensible. Ainsi donc chaque ville a bien son cachet du terroir, et c'est ce qui rend l'étude plus intéressante.

Malheureusement les plus anciennes ne remon- tent qu'à la fin du XVI'^ siècle. Il faut noter sur- tout l'annexe de la brasserie Tack, bien conser-

Crabaux' Dts t)Ociétts matantes»

12^

I

1 20

jRebue De r^rt cbrctieiu

vée avec les croisillons et les barreaux de ses fe- nêtres, couronnés par un linteau, abrités sous des décharges qui sont en cintre brisé au rez-de- chaussée, en anse de panier à l'étage. Les sui- vantes montrent un passage progressif au style de la Renaissance ; elles sont à pignon en briques, en pas de moineau, avec larges et profondes fenêtres à cintre en arc déprimé, surmonté d'une moulure larmier ; l'encadrement est bordé

d'une légère chaîne en pierre ; c'est la variété dite de style espagnol.

Plus tard la façade s'allonge sous une corniche classique, et les baies s'encadrent entre des pilas- tres ; ailleurs, les pilastres (juittent la bordure des fenêtres pour s'établir dans l'axe des trumeaux suivant la formule classique.

L'étude du baron Bethune est substantielle, objective, comme on dit, et consciencieuse ; elle

Courtrai. Pignons situés Grand'Place, zi et 22.

fournit un inventaire précis, bien daté, de tout ce que Courtrai conserve d'intéressant. Elle ren- drait impardonnable, à l'avenir, tout manque d'égard envers les derniers restes de l'ancienne architecture privée de Courtrai. Car il l'a dit à ses concitoyens, sa tâche est achevée, la leur commence ; à eux de sauvegarder et de restaurer leurs vieux pignons.

Si l'étude que nous signalons est sobre de commentaires, elle est riche d'illustrations, et constitue un petit volume d'un très vif intérêt.

Le même archéologue a présenté au cercle dont il est un des fondateurs, d'intéressantes obser- vations concernant la collégiale de Notre-Dame à Courtrai. Des fouilles pratiquées à la façade occi- dentale ont mis à découvert l'élégant portail occidental, et montré l'ordonnance primitive de la façade, toute tournaisienne et analogue à celle de Saint-Nicolas de Gand. Le porche primitif, si porche il y a eu, n'était qu'un auvent en char- pente. Une belle porte du commencement du XIII<^ siècle a été retrouvée près de la tour sep-

Cratjaujc Des Sociétés savantes.

1 27

tentrionale. Chose curieuse, les contreforts étaient évidés au niveau du rez-de-chaussée par des passages qui établissaient la continuité d'une coursière courant entre le mur et le fossé qui longeait cette église, primitivement englobée dans l'enceinte du château comtal.

Société d'Archéologie de Bruxelles. Les livraisons III et IV de l'année 1905 con- tiennent quelques articles intéressants à noter ici. C'est d'abord une courte causerie de M. J. Fourgois : promenade à Quercy, et une longue note du R. 1'. Nimal sur l'abbaye de Villers.

On a beaucoup agité la question de savoir si la belle abbatiale en ruines est l'œuvre de S. Bernard, si elle est antérieure à 1 1 5 1 ; la réponse est négative.

La Chronique de Villers (1250) mentionne un oratoire primitif; l'expression ne peut s'appliquer à l'église actuelle; une chronique du XVI I siècle nous parle d'un édifice, contenant un oratoire, qui s'élevait dans une partie retirée du monastère, le P. Nimal pense qu'il s'agissait de cette bâ-

tisse. D'ailleurs les conditions de pénurie qui ont caractérisé le début de la colonie cister- cienne au temps de S. Bernard s'opposent à l'hypothèse que les premiers religieux établis au bord de la Thyle aient pu édifier l'œuvre gigan- tesque du monument encore debout. D'ailleurs sa magnificence semble contraire à l'esprit de saint Bernard. M. Enlart a d'ailleurs établi que les créations de celui-ci eurent le caractère roman, à l'instar de Saint-Paul Trois-Fontaines près de Rome, un véritable type.

Quelques pages sont consacrées au porche de Villers ; il était ouvert à l'instar des églises pri- mitives. Il est bon de noter ici que le porche d'Aulne, ainsi que je l'ai établi, était dans ce cas ; une galerie avec appenti à arcades ou- vertes longeait la façade occidentale (i).

L'auteur s'arrête longuement à déterminer la date des chapelles latérales septentrionales des nefs. Avec une parfaite droiture, le P. Nimal rec- tifie son ancienne opinion sur la situation de la chapelle Saint-Bernard.

L. C.

I. V. Revue de ÏArt chrétien, année 1898, p. 469, 2"'= col.

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.NTIQUITÉS KT MONUMKNTS DE L'HÉ- sépultures. Le chapitre sur la période gallo-

ANTIQUITÉS KT MONUMENTS DE L'HÉ RAULT, par Emile Bonnet, docteur en droit, avocat à la Cour d'appel de Montpellier. Montpellier, impr. Ricard, frères, T905. Un vol. in 8" raisin de 560 pages, avec 12 planches hors texte et 72 figures dans le texte. (Extrait de la Géographie générale du déparlc- tnent de l'Hérault, publiée par la Société languedo- cienne de Géographie, t. III, pp. 199 à 754.)

^^j^^^E département de l'Hérault ne pos-

;; sède pas, comme ses voisins du j^ Gard, de l'Aude et du Tarn, de ces 'i; monuments de premier ordre qui î^^^î^^4^ s'imposent à l'admiration de tous. Il n'offre rien de comparable à la Maison- Carrée et aux Arènes de Nîmes. De ses cinq anciennes cathédrales, aucune ne rivalise avec le chœur de Saint-Just de Narbonne ou avec Sainte-Cécile d'Albi. Ses nombreuses fortifications rurales restent bien en arrière de la Cité de Carcassonne et des remparts d'Aiguës- IVIortcs. Il n'a ni le portail de Saint-Gilles, ni la frise de Beaucaire.

Il mérite cependant l'attention des archéolo- gues par un ensemble d'antiquités et de monu- ments, réellement intéressants et instructifs, dont plusieurs jouissent, depuis assez longtemps déjà, d'une notoriété des mieux justifiées.

M. Emile Bonnet, conservateur des collections delà Société archéologique de Montpellier, auteur d'importantes études sur l'histoire de l'imprimerie à Montpellier et dans les autres villes de l' Hérault, et de divers autres travaux, justement estimés, de numismatique, d'histoire, de bibliographie, d'archéologie monumentale, etc., vient de consacrer à ces antiquités et monuments de l'Hérault un important et remarquable volume d'ensemble, l'on trouvera traité de main experte tout ce qu'il est utile de connaître sur l'archéologie historique (i) de cette portion de l'ancienne province de Languedoc.

Le volume de M. Emile Bonnet peut être considéré comme composé de deux séries d'éten- due sensiblement égale: d'un côté, Vanti- quité (i. période préromaine ; 2. période gallo- romaine) (pp. 7 à 272) ; de l'autre, le moyen '^£^ (3- période wisigothe ; 4. période carolin- gienne ; 5. période romane ; 6. période gothique) (pp. 273 à 542)._

Dans le chapitre consacré à la période préro- maine, M. Bonnet étudie successivement les inscriptions, les monnaies, les enceintes et les

I. La partie préhistorique a éié traitée par M, Paul C^zalis de Fondouce, dans un fascicule spécial : L' Hérault aux temps pré historiques. ( In-8" raisin de 195 pages. )

sépultures. Le chapitre sur la période gallo- romaine est divisé d'une façon analogue : les voies romaines, 2" les inscriptions, les édifices et les objets d'art, les sépultures {a. par inci- nération, b. par inhumation) et le mobilier funé- raire.— Cinq planches hors te.xte (sur douze) et 33 figures dans le te.xte (sur 72) se rapportent à ces deux grandes subdivisions des temps païens.

L'Hérault n'a fourni que deux de ces inscrip- tions — tracées en caractères grecs et rédigées dans une langue inconnue, que l'on a long- temps apçç^é^s gallo-grecques &t attribuées aux Gaulois. En revanche, les monnaies antérieures à la conquête romaine y ont été trouvées en abondance. Elles portent des légendes en diver- ses langues, correspondant aux diverses races qui ont peuplé le pays, notamment les Ibères, les Ligures, les Volkes Tectosages et les Volkes Arécomiques.

Les plus importants des oppida sont ceux de Murviel, près de Montpellier, et d'Ambrussum, sur la rive droite du Vidourle.

Les vestiges de la période romaine « sont répandus en grand noinbre sur le sol du départe- ment de l'Hérault. On peut dire qu'il n'est pas un coin de son territoire qui n'ait fourni quelque débris rappelant l'occupation romaine ». Les noms de localités en ac, en an et en argues, qui reproduisent les noms des anciens fundi, sont encore très abondants.

Le pays était traversé par la grande route, qui mettait en communication l'Italie avec l'Espagne, la voie Doinitienne. Sur cette route, dont M. Bonnet suit le tracé pas à pas, se trouvaient divers petits bourgs ou simples relais, et à proximité, surtout dans la région la plus rap- prochée du littoral, de nombreuses villas, àonX. les sépultures ont enrichi nos musées d'abondants et élégants spécimens de verrerie, etc.

Béziers (dont l'origine remonte certainement plus haut, puisque l'on possède des monnaies de la période gauloise à la légende BlITAPPA) cons- tituait l'agglomération romaine la plus impor- tante. Les restes de remparts, retrouvés dans le sous-sol de la ville actuelle, ont fourni de nom- breux et intéressants morceaux de sculpture et d'épigraphie.

Dans les fonts baptismaux de l'église Saint- Aphrodise existe un sarcophage, d'origine païenne, représentant une chasse, dont M. Bon- net signale l'analogie très étroite avec l'un des sarcophages de Girone (Espagne).

Btbliograpl)ie.

1 29

Sur environ deux cents inscriptions romaines recueillies jusqu'à ce jour dans le département de l'Hérault, près de la moitié ont été découvertes à Béziers. L'ensemble de ces inscriptions romaines, de Béziers et du reste de l'Hérault, a été spéciale- ment étudié par M. Bonnet, au double point de vue des divinités topiques et de l'organisation civile de la contrée.

Les inscriptions de l'époque chrétienne primi- tive et de la période wisigothe sont la plupart bien connues, grâce au recueil d'Edmond Le Blant. Nous nous bornerons à rappeler celle de Maguelone : Vera in pace, qui peut remonter au ni« siècle.

Les cimetières wisigoths, au nombre d'une vingtaine environ, ont livré un assez grand nombre de boucles de ceinturon et de fibules à

rayons, et deux bagues portant les symboles chrétiens du poisson et de la colombe. A cette même période, se rattachent plusieurs sarco- phages : un entre autres, conservé dans l'église de Saint-Guilhem-le-Désert et sur lequel sont figurés le Christ et ses apôtres, Daniel entre les lions, etc.

De l'occupation sarrazine provient un marbre, revêtu d'une inscription arabe, découvert en 1882 à Aniane. Un monument analogue, mais remon- tant seulement au XII^ siècle, a été trouvé en 1892 à Montpellier.

La majeure partie du chapitre intitulé://;w^^ carolingienne, est consacrée à réfuter l'opinion de divers archéologues, d'après lesquels « le département de l'Hérault ne compterait pas moins d'une douzaine d'édifices carolingiens. » M. Bonnet n'admet guère, comme appartenant

Sarcophage de Saint-Guilhem-le-Désert.

aux siècles ayant précédé l'an mille, que la crypte de l'église Saint- Aphrodise à Béziers et les sub- structions (en matériaux romains) de la crypte de la cathédrale de Lodève. Au cours de ce même chapitre, M. Bonnet fait bonne justice de la tradition languedocienne, qui considère comme fondées par Charlemagne les diverses églises présentant comme ornementation des cordons en pierre noire.

La partie architecture religieuse des deux cha- pitres traitant de \a. période romane et de X'Ape'riode gothique, est établie sur un plan identique : Caractères généraux des églises romanes de la région (pp. 346 à 382) et Nomenclatiire des églises romanes du déparlement de l'Hérault (pp. 382 à 482). Caractères généraux des églises gothi- ques de la région (pp. 483 à 490) et nomenclature des Principales églises gothiques du département

de l'Hérault (pp. 490 à 520). Sous la rubrique Caractères généraux, M. E. Bonnet étudie succes- sivement le plan, l'appareil, les voûtes, les sup- ports, les portes et fenêtres, les toitures, les clochers, les fortifications, les cryptes, les tribunes et bancs de pierre et enfin la décoration et la sculpture.

La période romane a été particulièrement féconde dans l'Hérault. M. Bonnet a pu consta- ter que « les procédés de décoration employés dans nos églises romanes présentent de sensibles différences suivant les diocèses auxquels elles appartenaient >. «[Dans les diocèses de Mague- lone et de Lodève dominent les suites de petites arcatures reposant, soit sur des colonnettes,... soit sur des pilastres,... soit sur des encorbelle- ments... Ces suites d'arcatures décorent tant l'intérieur que l'extérieur des édifices... » « Un autre motif d'ornementation spécialement

i-^^o

l^tbur lie r^vt fbrétten.

employé dans les diocèses de Maguelone et de Lodève, est celui des frises et archivoltes en dents d'engrenage. »

Ce motif avait été désigné par Renouvier, Mérimée, Revoil et Noguier, sous le nom de dents de scie. M. E. Bonnet fait très justement observer que cette expression « présente le dou- ble inconvénient de mal caractériser la forme de l'ornement en question et de prêter à l'équivoque, car le nom de detits de scie est généralement ré-

servé à une décoration purement sculpturale. » Et il propose cette dénomination de dents d'en- grenage pour la décoration qui affecte le carac- tère d'une œuvre d'appareillage, en réservant la dénomination de dents de scie à celle qui est du domaine de la sculpture (p. 371 et fig.). Cette heureuse correction au vocabulaire archéologique en usage, sera certainement accueillie avec faveur et ne tardera pas à devenir courante.

« Dans les diocèses de Béziers et d'Agde, les

Salle capitulaire de l'abbaye de Valniagne.

procédés de décoration sont tout différents [de ceux des diocèses de Maguelone et de I^odève], Les petites arcatures n'apparaissent qu'excep- tionnellement., et on ne rencontre plus de frises ni d'archivoltes en dents d'engrenage. Par contre, les moulures en billettes ou en damiers consti- tuent l'ornementation dominante... > (pp. 372-

373).

La croisée d'ogives a été connue dans l'Hé- rault dès le XI1« siècle. On la trouve, à cette date, dans le transept de la cathédrale de Ma- guelone, au porche de l'église abbatiale de Saint- Guilhem-le-Désert et à la salle capitulaire de

l'abbaye de Valmagne. « Mais ce ne furent que des tentatives isolées, qui n'eurent point de lendemain ; et il faut attendre jusqu'en 121 1 pour voir [commencer à] s'élever, avec l'église du Vignogoul, le premier édifice gothique de la région » (p. 481). Encore peut^on constater que la persistance des anciens procédés architecto- niques « se manifeste au plus haut degré % dans toute la partie inférieure de ce monument.

A Ja suite de Renouvier et de Noguier, M. E. Bonnet admet « que la pénétration de l'architecture gothique dans le Midi J a été une conséquence de la croisade contre les Albigeois.

2i5tliltograpl)te.

131

« Tous les édifices gothiques de cette région sont postérieurs à la croisade. Quelques-uns datent de la seconde moitié et surtout de la fin du XI 11"'^ siècle, mais la plupart ne sont pas anté- rieurs au XIV"'«. » « Nos populations rurales... longtemps encore construisirent leurs édifices nouveaux- en restant fidèles aux traditions du style roman » (p. 483.)

Les églises les plus remarquables du départe- ment de l'Hérault, sont, pour la période romane : la cathédrale à'Agde, dont l'aspect « est plu- tôt celui d'une imposante forteresse » ; la

cathédrale de Maguelone, qui s'élève isolée au bord de la mer une dizaine de kilomètres de Montpellier), seul reste d'une importante cité épiscopale du moyen âge ;— l'église paroissiale, anciennement abbatiale, de Quarante, qui pré- sente trois nefs et un transept : plan fort rare dans notre région ; l'église également parois- siale aujourd'hui, et précédemment abbatiale, de Saitit-Guilhem-le-Dc'seyt, dont le chevet a été unanimement considéré par les archéologues comme reconstruit, au XI 1*= siècle, sous une in- fluence lombarde; l'église abbatiale d'abord, cathédrale ensuite, simplement paroissiale au-

Aute! de baint-Guilhem-Ie-Désert.

jourd'hui de Saint-Pons-de- T/to//iières,présentAat « un ensemble très complet d'ouvrages de dé- fense, qui en faisaient une véritable citadelle » ; les églises, moins importantes, de Saint-Jacqiiesàe. Béziers (dont le chevet a conservé une riche dé- coration qui rappelle beaucoup les entablements antiques) ; à'Espondeilhan (dont les bas-côtés sont voûtés en quart de cercle); de Loupian (qui présente des croisées d'ogives disposées de la même façon qu'à Lusignan et à Jazeneuil, en Poitou); de Saint-Antoine-de-la-Cadoule, de Saint-Martin-de-Londres, de Saint-Pierre-de- Rèdes, etc.. Notons encore les restes du chevet, rectangulaire à l'extérieur, semi-circulaire à l'intérieur, de l'église de Pallas, consacrée en

1024, et la belle tour du cimetière de Puissalicon, « dont la décoration décèle incontestablement une influence lombarde ».

Pour la période gothique, les œuvres majeures sont : la cathédrale Saint-Nazaire de Béziers, « un des édifices les plus intéressants de notre ré- gion»,— la collégiale de Capestan^, qui présente une grande analogie de style avec la cathédrale de Narbonne, dont elle est voisine », l'église de Saint-Paul de Clerviont, qui « est, avec celle de Valmagne, le spécimen le plus remarquable d'architecture gothique que nous possédions dans le département de l'Hérault », la cathé- drale de Lodève, la cathédrale actuelle de Mûutpellier,hkiie par le Pape Urbain V de 1364

132

ÎRrbue lie V^vt cbvcticn.

à 1 368, l'église abbatiale de Valmagne, « qu'un de nos plus estimés archéologues, M. Anthyme Saint-Paul, considère comme un des édifices gothiques les plus remarquables du Languedoc >, les églises monastiques du Vignogotil et de Villemagne-P A rgentière.

Du mobilier lapidaire de nos églises carolin- giennes, romanes et gothiques, il a survécu un autel daté du règne de Charles-le-Simple, trouvé à Capestang, aujourd'hui au musée de Béziers ; un certain nombre d'autels romans, dont le plus remarquable est celui de Saint-Guilhem-le-Dé-

.!_

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II!

Cathédrale Saiat-Nazaire de Béziers.

sert (en marbre blanc et noir, avec incrustations en verres de couleurs très foncées), consacré en 1138, plusieurs cuves baptismales à immer- sion ; et deux retables du XIV'^ siècle. Le mobilier en orfèvrerie a presque partout disparu.

La Société archéologique de Montpellier pos- sède une intéressante cuve baptismale en plomb, provenant de \'ias.

La plus précieuse des rares inscriptions qui nous ont été conservées des époques carolin-

Bibltograpï)te,

133

gienne et romane, la dédicace de l'église de Montflaunès en 972, a quitté l'Hérault : elle est aujourd'hui au château d'Etoile, dans la Drôme.

L'architecture monastique (qu'il est de tradi- tion, peut-être à tort, d'englober dans l'architec- ture civile) nous a laissé plusieurs beaux spé- cimens de cloîtres : Saint-Guilhem-le-Désert, Grandmont-de-Lodève et Valmagne, auxquels il faut joindre celui de la cathédrale Saint-Nazaire de Béziers, aujourd'hui musée lapidaire de la Société archéologique de cette ville.

A l'architecture civile publique se rapportent le pont roman de Saint-Jean-de-Fos (construit de concert par les abbayes d'Aniane et de Saint- Guilhem-le-Désert), le pont gothique de Béziers, l'aqueduc du Malpas (créé en 1248 pour opérer le dessèchement de l'étang de Montady), les aque- ducs analogues de I.aunac-Saint-André et de l'Estang-du-Pouget; à l'architecture civile privée: diverses maisons romanes, à Saint-Guilhemle- Désert, à Villemagne l'Argentière, etc., et d'assez nombreuses maisons gothiques.

Dans l'Hérault, l'architecture militaire se pré- sente sous un double aspect : ecclésiastique et laïque. Les églises fortifiées y sont très nom- breuses ; au point de vue de la défense, la cathé- drale de Saint-Pons offre des particularités fort intéressantes. La motte féodale de Mauguio, qui doit remonter aux temps carolingiens et qui n'a probablement jamais porté qu'un château en bois, évoque d'importants souvenirs historiques ; les papes et les évêques de Maguelone ont été sei- gneurs de Mauguio. Aux évêques de Maguelone appartenait aussi le puissant château de Mont- ferrand. En face de Montferrand se dresse le château de la Roquette ou de Bibioures.On trou- ve dans l'Hérault un certain nombre de donjons carrés remontant à l'époque romane et beaucoup de châteaux de l'époque gothique. Plus abon- dants encore sont les villages fortifiés : les rem- parts de Saint Jean de Fos remontent au XH" siècle ; ceux de Vendémian, Viols-le-Fort, etc., au XlVe.

Le mur de ville de Saint-Pons-de-Thomières, construit dans le dernier quart du XH^ siècle, renferme des parties appureWlées en /eut7/es de fougère.

Pour^en finir avec les diverses parties du livre de M. E. Bonnet concernant l'architecture, no- tons quelques indications sur les anciennes bornes armoriées, sur les gibets seigneuriaux et sur les croix monumentales.

Nous avons signalé plus haut l'intérêt des trouvailles monétaires faites dans l'Hérault pour la période préromaine. Les périodes carolingienne, romane et gothique ne sont pas moins impor-

tantes au point de vue de la numismatique. Sous les Carolingiens, deux ateliers monétaires ont fonctionné dans la région qui nous intéresse : l'un à Béziers, l'autre à Substantion ; M. Emile Bonnet n'admet pas l'existence à cette époque d'établissements analogues à Lodève et à Cler- mont-l'Hérault. Dès la fin du X^ siècle, les comtes de Mauguio frappent, dans cette localité, la fameuse monnaie mclgorienne, qui fut « au moyen âge, une des monnaies les plus répandues dans le Midi de la France. » A côté de l'atelier de Mauguio fonctionnèrent les ateliers de Béziers, de Lodève et peut être d'Aumelas. Les monnaies de Béziers (du dernier quart du XI'^ siècle au début du Xni<^) durent avoir une circulation beaucoup plus restreinte que celles de Mauguio. Plus rares encore que les monnaies de Béziers sont les pièces émises par les évêques de Lodève dans la seconde moitié du XII'' siècle. La puissance grandissante de l'autorité royale fit disparaître les fabrications monétaires seigneu- riales. Les évêques de Maguelone cependant avaient encore le droit de frapper monnaie au XIV« siècle.

Parallèlement à leur atelier de Mauguio, le roi d'Aragon, seigneur de Montpellier,Jayme I<^'',créa à Castelnau-le-Lez, en 1273, un autre atelier, qui eut une existence éphémère. En 1293, Philippe- le-Bel ayant acquis une partie de la ville de Montpellier (Montpelliéret), y transféra l'hôtel monétaire royal de Sommières, qui fonctionna jusqu'à la Révolution.

Tel est, dans ses grandes lignes, le sujet traité par M. Emile Bonnet.

Le livre que nous venons d'analyser rapide- ment, et sur lequel nous aurions eu plaisir à nous étendre bien davantage, est une œuvre de syn- thèse scientifique, à'une érudition très complète et très sûre, les travaux des archéologues anté- rieurs sont révisés avec une critique des plus ju- dicieuses, et complétés par une quantité consi- dérable d'observations et d'informations nouvel- les ; une œuvre réellement doctrinale qui fait le plus grand honneur à son auteur et en même temps à la Société languedocienne de Géogra- phie, qui l'a éditée.

Le plan en est très clairement établi ; la rédac- tion témoigne d'un remarquable talent d'expo- sition ; l'illustration est bien choisie et bien équi- librée. Le succès obtenu en Languedoc a été très vif. L'ouvrage restera et les archéologues qui auront à entreprendre des monographies régio- nales analogues, trouveront tout profit à le choi- sir pour modèle.

Jos. BERTHELÉ.

Montpellier, le 21 décembre 1905.

134

B,ebue De TSlvt cbrctien.

LE CAIRE, par M. G. MiGEON, In-4° de i6o pp., 133 gravures. Broché,4 fr. Relié, 5 fr. Paris, Lau- rens. 1905.

Décrire les sites pittoresques, mouvementés, polychromes et ensoleillés du Caire, c'est faire

œuvre de peintre, et pour le bien faire, il fau; comme M. Migeon avoir de belles et vives cou- leurs dans sa plume. Il s'en tire à merveille, et l'illustration qui rehausse sa chaude description fait bien entrevoir ce pays de rêve, l'ombre i t

la lumière produisent de si riants mirages, ' de tous ceux de la belle collection des l'tlles Aussi, son livre est-il selon nous le plus attachant iVart célèbres. Quel monde prestigieux que

Btbltograpl)te.

135

cette cité les maisons ont de si mystérieux moucharabiehs, les palais ont de si ravissants

portiques, les temples s'amortissent en des coupoles étincelantes, se dressent de si sveltes

136

3Rebuc tic r^rt cbvctien.

minarets, les murs se tapissent en dehors de zébrures et de stalactites, à l'intérieur, de mosaï- ques et de menuiseries précieuses. Combien sont curieuses ces scbils qui offrent la fraîcheur au passant, ces viedressehs qui abritent un peuple d'étudiants, ces temples tombeaux qui jalon- nent la plaine à la lisière du désert ; et puis

quel impressionnant contraste, que celui de l'art arabe délicat et fantastique, tout en finesses, en broderies, tout svelte et tout ajouré, tout cha- toyant et tout gracieux, avec les colosses majes- tueux et froids, mystérieux et sombres qui l'avoisinent à Giseh ! Quel curieux rapproche- ment entre les merveilles millénaires accumulées

Une ruelle da Caire.

au musée du Caire, et les séculaires murailles qui bordent la rue de la ville. A qui en juge par le livre de M. Migeon, le Caire apparaît comme une ville enchanteresse.

Naguère nous donnions ici une idée de l'an- cienne maison byzantine ; pour connaître la demeure égyptienne, il faut lire dans ces pages jolies la description d'une des demeures anciennes du Caire.Ie palais Beil Gawal ed-Uin, restauré par

M. Max., Herz-bey, dont naguère nous avons fait connaître les travaux ('). On l'appelle au Caire la maison des artistes, parce que c'est un des plus parfaits modèles que les architectes et les peintres y puissent chercher : elle est datée de 1044 de l'hégire (1666 de notre ère).

« La porte d'entrée, s'ouvrant toujours en de-

I. V. Revue de l'Art chrtl., »n. 1905, p. 358.

KtSVUK OE l'art chrétien. 1906, a'"*^ LIVKAISON.

1-.8

'o

3Rebue be r^rr c!)rct<en.

dans, laisse pénétrer en un couloir coudé venant aboutir à la cour autour de laquelle sont les communs, généralement voûtés, logent les domestiques et les bêtes de somme. De la cour, un petit escalier monte au premier étage et permet d'accéder aux salons de réception ; l'un, le 7U(7ç' ad, sorte de grande loggia, prend jour sur la cour par trois grandes arcades. Il communique avec \e qa' a ou salon principal, dont le sol de mosaïque et de marbre offre des différences de niveaux d'une ou deux marches. Des niches pro- fondes garnies de larges divans y font des coins d'intimité.De place en place.les murs sont creusés d'armoires aux vantaux de cèdre et d'ivoire ; les plafonds sont ornés de caissons polychromes, et souvent, à l'une des extrémités, une galerie élevée ou une loge à balcon permettait aux femmes d'assister aux fêtes qui s'y donnaient. »

L. C.

LA VIERGE MIRACULEUSE DE FOY-NO- TRE-DAME PRÈS DE DINANT, par M. J. DeS-

TRÉE. In-S° illustré de 34 pp. Namur, Wesmael, 1904.

En 1609, le batelier Delimoir fit abattre un chêne énorme bordant le Chemin des pèlerins, entre Dinant et Foy. On découvrit au cœur de l'arbre des pierres, une tresse de cheveux fémi- nins et une statuette de la Vierge enfermée dans une treille de fer. Alessire de Celles, qui avait vendu le chêne, transporta la pieuse image en son château, affluèrent les pèlerins : on éleva plus tard une chapelle sur l'emplacement du chêne ; elle fut inaugurée en 1624. De vient la statue de Notre-Dame de Foy, exécutée en terre cuite, dont s'occupe M. Destrée.

Après bien des recherches, l'érudit conservateur du musée d'archéologie de Bruxelles est parvenu à rattacher cette œuvre d'art... plutôt industriel, à la fabrique de statuettes moulées qui existait à Utrecht dans le XIV^ siècle. Cette madone n'estpas isolée comme type. Le fameux Williaume Lefevre, l'auteur du chandelier pascal célèbre de Saint-Ghislain, a imité une sainte Catherine qui appartient à une sériede produits du même atelier de moulage; et M. Destrée de nous exhiber toute une série de Vierges et de sainte Catherine, sœurs de la statuette hollandaise. Avec une charmante anecdote il nous donne une étude toute scienti- fique.

L. C.

L'ORFÈVRERIE SUR LES BORDS DE LA MEUSE, LA DINANDERIE, L'ARGENTERIE DE TABLE, LA FERRONNERIE- Broch. par

J. Dkstrék. I..iége, Benard, 1905.

Cette brochure est un instructif fragment de l'introduction au catalogue de X Art ancien à l'ex- position de Liège en 1905. On y trouve le dernier mot de certaines questions controversées, comme celle de l'auteur des fonts de Saint-Barthélémy de Liège, et celle de l'origine de la belle châsse de Notre-Dame et de Saint-Eleuthère à la cathé- drale de Tournai. L'auteur traitera prochaine- ment de ces derniers joyau.x dans les colonnes de la Revue de l'Art clirctien.

L. C.

DE LA RESTAURATION DE L'INDUSTRIE DE LA TAPISSERIE EN BELGIQUE. Broch. illustrée de M. J. Destrkh;. Tirlemont, Claes, 1905.

Cet intéressant opuscule contient une note sur les Gobelins, une étude sur la tapisserie d'art en général et en particulier sur les anciens tapis belges, ensuite des notices sur les ateliers moder- nes de Champfleur et d'Héverlé, ainsi que sur le relèvement en Belgique de l'art de la hautelisse.

L. C.

NOUVEAU GUIDE DE L'ÉTRANGER DANS TROYES ET LE D ÉPARTEMENT DE L'AUBE, par M. L MoREL. In-8° de 90 pp., illustré de photo- typies. Troyes, Gaffé, 1906. Prix : 2 fr. 00.

Tout guide qui vient au jour est nouveau ; il est oiseux de le dire en titre. Celui-ci, paru en 1905, était daté de l'an 1906. A part ces petites joyeusetés, l'ouvrage est très sérieux. Il est du reste signé par un érudit, M. L. Morel, archi- viste et conservateur. De nos jours, un guide est une œuvre de science, c'est une monogra- phie archéologique, artistique, et géographique d'une ville, et ce n'est pas le premier venu qui peut assumer pareille tâche.

Troyes est une des villes françaises de province les plus intéressantes.et elle méritait cet excellent guide,écrit avec compétence.méthode et clarté.en- richi d'une bonne carte et de fines phototypies. Il y manque ce que nous voudrions voir en tête de tous les guides de ville ayant un passé artis- tique, un aperçu historique des arts locaux. Il n'y avait qu'à ouvrir, pour ce faire, les publica- tions si documentées de feu M. N.Rondot. Les re- marquables monuments gothiques sont bien dé- crits,la Madeleine avec ses cinq nefs et son jubé, un des quatre beaux jubés de pierre que possède la France, la belle cathédrale, que les siècles suc- cessifs ont érigée par morceaux et qui attendra sans doute toujours l'achèvement de sa seconde tour, la merveilleuse église de Saint-Urbain, ce chef-d'œuvre de l'art aérien de l'époque gothique.

Btbltograpl)ie.

139

Saint-Jean et Saint- Pantaléon, le style gothi- que se mêle à celui de la Renaissance, l'hôtel- de-ville, beau spécimen de style Louis XIII, les intéressants hôtels anciens des Ursins, de Ma- ritz, de Vauluisant, la pittoresque rue des Cham- peaux, la ruelle des Chats, tant d'autres vestiges d'un riche passé artistique, font de Troyes une des villes les plus attirantes pour les touristes. Ses environs sont aussi pleins d'attraits, surtout pour le promeneur nanti d'un bon « guide » comme celui de M. Moral.

L. C.

^m BrrioÏJiques.

REVUK DES HAUTES PYRÉNÉES. Histoire Archéologie Folklore.

Sous le titre Revue des Hantes- Pyrénées YiAr^Xi, à partir de janvier 1906, une publication men- suelle consacrée a l'histoire du département et des pays qui l'ont formé. Il n'existait plus depuis la disparition du Souvenir de la Bigarre, de revue spéciale à cette région.

Le programme du nouveau périodique est le suivant : vulgariser l'histoire locale, lointaine ou toute proche ; en étudier les monuments ; publier les principaux documents sur la Bigorre, les Quatre- Vallées et le Nébouzan, conservés dans les archives publiques et privées du département ou d'ailleurs ; rééditer les publications oubliées ou rarissimes. Bonne vie au nouveau périodique !

REVUE DES REVUES.

U Art français primitif. Cette publication, éditée en six livraisons, s'est proposé de mettre

en lumière cette époque de l'art français qui comprend tout ce qui n'est plus l'art gothique et n'est pas encore la Renaissance, période s'éten- dant entre 1450 et 1550 environ.

La première renferme une étude de M, A. Hallays sur le chef-d'œuvre de ce temps, le château d'Azay-le-Rideau, récemment acquis par l'État. Ce monument qui menace ruine a été certainement habité parla reine Jeanne de Laval et probablement par le roi René lui-même.

M. Octave Justice donne des renseignements sur les fondateurs du Château de Clienonceaux et ses différents propriétaires.

Les notices de M. Casati de Casatis sont con- sacrées au Château de G'(?z</rt/«£(Loire-Inférieure), modèle très réussi de l'architecture française du XV"^ siècle, œuvre des plus remarquables de l'école des bords de la Loire, et au CJiâteau de Montsoreau, datant de la même époque, et qu'il serait utile de sauver de la ruine.

M. Octave Justice signale un petit portrait de femme qu'il attribue à François Clouet.

M. Casati de Casatis signale des sculptures en bois de la Renaissance française, provenant du château de Courcelles-le-Roy, en Gâtinais. Signalons encore : h'Art vénitien (14503 1550), par M. C. C. Les Académies de province, V Académie de Dijon et le huchier Sambin, par M. L. M. Les grands constructeurs français de i^SO à 1550, par M. Oct. Justice. Le Châ- teau de Meillant (Cher)", par M. C. Casati de Ca- satis. — Jean de Daillon, constructeur du château du Lude, par M. J. M. Le Château de Main- tenon, par M. A. Darvant. L'Art national au château de Blois. Le Château de M artainville- Épreville, Normandie, par M. André Hallays. Le Château du Lude, par M. Maurice Demaison.

140

Bctoue tir T^rr cbvctien.

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Inîiev bibliograplitiiue.

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3lrct)éologte etBeaitv :Hrr6;'\

.(Trancc.

* Bonnet (É.). Antiquités et monuments DE l'Hérault. ln-8°, 560 pp., 12 pi., 72 fig. Montpellier, Ricard, 1905. (Extrait de la Géographie générale du département de V Hérault, publiée par la Société languedocienne de Géographie.)

Christian (A.). Études sur le P.\ris d'autre- fois. ( Miniaturistes, les Primitifs de la peinture, les Origines de l'imprimerie, la Décoration du livre.) In-i6, 277 pp. Paris. Imp. nationale, 1905.

Ebersolt (J.). Mini.\tures byzantines de Berlin. In-8°, 16 pp. Angers, Surdon, 1905.

Hervé (N.). Les Noels français. In-i8, 145 pp. Clouzot, Niort, 1905.

Labande (L. H). La Cathédrale de Vaison. In 8°, 77 pp. Caen, Delesques, 1905.

Métais. Note sur la restauration, les vi- traux DE la Cathédrale de Chartres. In-8°, 12 pages. Paris, imp. nationale, 1905.

* Migeon (G.). Le Caire (Collection les Villes d^ Art célèbres). Petit in-4', 133 grav. Paris, Laurens,

1905. Prix, broché : 4 fr.

* Morel (L.). Nouveau guide de l'étranger dans Troves et le département de l'Aube. In-8° de 90 pp., illustré dephototypies. Troyes, Caffé,

1906. Prix : 2 fr.

auemagne^autricbc

de Budan (Comte E.). Bibliographie des Ex- LiBRis. 2' édition, 34 fig. Hiersemann, Leipzig. Prix: 15 M.

Ehrhardt (Ad.). DieKunstderMalereheine Anleitung zur Ausbildung fiir die Kunst. 53 pi. Hiersemann, Leipzig.

Le même. Handeuch der Oelmalerei fiir KiiNSTLER UND KuNSTFREUNDE. Hicrsemann, Leipzig. Prix : 8 M.

Ferrer (R.). Die Schwerter und Schwert-

KNàUFE DER SaMMLUNG CaRL VON .SCHWERZENBACH.

In folio viii-64 pp., 60 pi., 360 fig. Hiersemann, Leipzig Prix: 100 M.

Hossfeld (O.) Stadt und Landkirchen. In-8o, 139 pp., TOI grav. Berlin, Sohn, 1905. Prix: 2,50 M.

Pichler (F.). Das Landes Zeughaus in Craz. i vol. 43 grav. Hiersemann, Leipzig. 1905.

Semrau (D-'M.). Venedig (Collecl. des Modernes Cicérone). In-t6,332 pp., 137 fig. 4 pi Stuttgart, Union Deutsche Verlagsgesellschaft, 1905 -~ Prix : 4,50 M.

Schubrlng (D' P.). Mailand unddieCertosa Di Pavia (Collect. des Moderties Cicérone). In-i6, 3S2 pp., 214 fig., 4 plans. Stuttgart, Union Deutsche Verlagsgesellschaft, 1905. Prix : 5 M.

Von Lenz (E.). Die Waffensammlung des Grafen s. D. Scheremetem in St-Petersburg. In 4", 26 pi., 240 pp. Hiersemann, Leipzig. Prix : 40 M.

Voss (Eugen). Bilderpflege : ein Handbuch fur Bilderbesitzer, 12 pi, Hiersemann, Leipzig. Prix : 4 M.

=^ a[ng;lctcrrc'Ctats=Onis. =

Bradley (J.-N.). Illuminated Manuscripts.

In-i6, 304 pp. London, IMeltruer, 1905,

Lowrie (VV. M. A.) Monuments of the Earlv Church. a handbook of Christian archaeologv.

The Macmillan Company, New York. Prix : 1,75 dollars.

Hill. (G. F.) A handbook of Greek and Roman coins. '7 pi The Macmillan Company, New York.

T5clgifiuc4!3oIlanDc.

I. Les ouvrages marqués d'un astérisque (*) ont été, sont ou seront l'objet d'un article bibliographique dans la Rtvuc.

Catalogue of the pictures..., in the Rijks- MusEUM AT Amsterdam. Un vol. in- 16, xxii-448 pages, 200 grav. Roeloffzen-Van Santen. Amster- dam, 1904,

Fierens-Gevaert. La renaissance septen- trionale et les premiers .maîtres des Flandres. Petit in^", 220 pp., nombreuses gravures. Bruxelles, Van Oesti 1906. Prix; 12 fr. 50.

* Dpstrée (J.). La Vierge miraculeuse de Foy-Notrf.-Damk, près de Dînant. In-8° ill. de 34 pp. Namur, Wesmael, 1904.

* Le même. L'orfèvrerie sur les bords de LA Meuse, la Dinanderie, l'argenterie de table, LA ferronnerie. Broch. Liège, Benard, 1905.

■* Le même. De la RESTAUR.vnoN de l'in- dustrie de LA tapisserie en Belgique. Broch. illustrée. Tirlemont, Claes, 1905.

^^^ ^ ^^ ^^ ^. ^^^. ^. ^ ^ ^ ^^. ^ ^ ^^^^ ^ ^ ^ ^.^^^

Cl)rOniC}UC. SOMMAIRE: L'ART A L'ÉCOLE.— RESTAURATIONS MONU-

MENTALES.

VANDALISME: Solesmes ; Rome.

VARIA.

FWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWW^

E'Hrt à l'école.

L vient de se fonder en Belgique une , société qui se propose de relever I le niveau esthétique du public, par l'éducation à l'école et au foyer, en particulier par la culture des écoliers. L'idée est généreuse autant qu'opportune.

Tout de suite des gens d'esprit ont fait à cette noble tentative une objection sérieuse : si vous faites de l'art à l'école, cet art sera éclectique. De plus, vous risquez de faire plus d'érudition archéologique, que de culture du goût. Il y a là, en effet, un double danger.

Cette inquiétude est-elle fondée? Malgré les protestations des protagonistes de l'entreprise, nous persistons à le croire.

Nous venons de recevoir le premier numéro de l'organe de l'œuvre : L'Art à l' école et au foyer. Nous avions hâte d'y relire le programme. Nous y trouvons, malgré beaucoup de précautions dans l'exposé du but, la preuve qu'on n'évitera pas facilement le sérieux inconvénient de charger le cerveau des petits enfants de notions superflues, d'une érudition précoce propre à émousser plutôt qu'à aviver le sentiment artistique :

« Il s'agira avant tout de faire contracter à l'enfant l'habitude de regarder avec attention et de voir avec prt'cision tous les détails il'uné œuvre dart.

... Le commerce attentif et journalier des Maîtres peut suffire (sic) pour développer la réceptivité esthétique et pour former le goût ('). Une impression raisonnée de- mande davantage : nous estimons qu'il faut attirer l'at- tention de l'élève sur les éléments de beauté qui se trou- vent réalisés dans tes chefs -d œuvre de toute epnque et con- sacrés tels par l'érudition. Ce sont : le choix du sujet, le moment fécond choisi par l'artiste.la convenance du geste, la variété, le rontraste, l'harmonie, l'unité, le rythme des lignes, etc. : bref le fond et la forme, car la valeur de l'idée, la splendeur de la forme, est l'harmonie qui combine les deu.\ éléments constitutifs en une œuvre une et belle. 5)

Il y a chez nous une expression vulgaire, qui seule me permet de rendre l'impression que me causent ces lignes : excusez du peu !

Mais ce n'est pas tout :

< L'œuvre sera située dans son cadre historique pour arriver à faire saisir la compénétration de cette œu2ire et des tendances de r époque qui lui a donné naissance. L'élève apprendra ainsi que l'idéal artistique varie d'époque à époque et d'une nation à l'autre... Il apprendra à différen- cier les styles... etc

Vous pensez, lecteurs, que cette éducation raf- finée s'adresse à des étudiants d'écoles supérieures

I. C'est assez : arrêtez-vous ici. (n. d. l. r.)

et spéciales ? Nullement on entend l'appliquer à l'école primaire !

L'autre jour, au dernierCongrès de V Art public, j'avais préconisé une certaine culture esthétique à introduire dans les écoles. Le spirituel directeur de la Construction moderne, M. Planât, s'égaya de l'idée d'améliorer le sentiment esthétique des élèves par l'action de l'instituteur, qui a été lui- même l'élève mal éduqué... à cet égard ; et il me posa cette question : « Quel sera le lapin qui aura commencé ? J> Le bon goijt est-il inné chez l'instituteur ?

Je n'eus pas de peine à lui répondre ; car ma proposition, dont il avait mal pris connaissance, était précisément d'établir l' enseignement normal spécial du dessin, c'est-à-dire, l'enseignement pé- dagogique du dessin donné dans une école nor- male de dessin, selon le vœu depuis longtemps exprimé par le Conseil de perfection de l'ensei- gnement du dessin de Belgique.

Cet enseignement nous fournirait, pour les villes du moins, des professeurs de dessin de carrière, destinés à l'enseignement primaire, qui passeraient d'une classe à l'autre et donneraient à nos enfants, non pas l'apprentissage mécanique du dessin (souvent si vicieux et si destructeur du goût, et de l'aptitude artistique), mais une saine culture de la main, de l'œil et de la mémoire des enfants.

Telle est, à mon sens, la véritable réforme à réali.ser. C'est sur l'instituteur qu'il importe de travailler, et non point directement sur le petit enfant. Mais avec quelle disciétion il con- vient de le faire, c'est ce qu'on ne comprend pas assez. Les intentions sont admirables, mais la pratique est bien délicate !

Le grave écueil à éviter se trouve indiqué dans un article qui m'arrive en même temps que la première livraison de L'Art à l'école. ]e le trouve dans le Bulletin des métiers d'art, signé de M. G. Lemaire.

L'auteur constate un double fait : jamais on ne s'est tant et si universellement occupé d'art qu'aujourd'hui, et jamais on n'a produit taiitd'œu- vres banales ; et cela vient de la prédominance donnée aux études éclectiques de l'histoire de l'art aux dépens de l'étude philosophique de l'esthétique, aux dépens de la formation du goût et de Ytdéal.

Aujourd'hui, grâce à l'éclectisme des idées, l'art ne se sent plus, il s'étudie. Les neuf dixièmes de l'humanité restent en dehors du mouvement esthétique, devenu trop complexe, trop raffiné,

14:

3Rcbue ïie TSrt chrétien.

grâce au dilettantisme et à l'hérésie de l'art pour l'art. Ce sont tous les arts et toute l'histoire de l'art qu'on prétend enseigner aux enfants, pour former leur jugement esthétique. Le peuple n'y comprend plus rien, et voilà pourquoi il n'y a plus d'art.

Allez-vous introduire cette confusion des styles dans l'école qui y échappe par bonheur ? Malheureux écoliers ! Allez-vous les perdre dans le dédale des musées, ces nécropoles de l'art ? Allez-vous faire dans l'école un musée de mou- lages avec des Apollons, et des Minerves, et des Moïses, et des Madones, et des chromolithogra- phies d'après les Raphaëls et les Rubens? Pauvre enfant ! Ici je laisse la parole à M. Lemaire :

« C'est un art vivant qu'il faut enseigner dans les écoles, théoriquement et pratiquement. Faites comprendre aux enfants la beauté qu'il peut y avoir dans toutes les choses qui composent et qui entourent leur vie individuelle, sociale et religieuse, et leur goût se formera. L'art ne sera pas pour lui, à l'école même, une « récompense que l'élève doit mériter > ; mais il ira de pair avec le labeur même et le rendra agréable. La vie de l'adolescent se passe avec les livres et les cahiers. Pourquoi, dès lors, lui donner entre les mains de ces misérables productions d'imprimeries de dixième ordre ? Donnez-lui de beaux livres, aux caractères élégants, à la couverture attrayante. Expliquez lui son livre. Pourquoi estil beau? Parce qu'il est ce qu'il doit être et parce qu'il exprime élégamment ce qu'il est. l^ourquoi ces grosses lettrines au début des leçons? Pourquoi ces culs-de-lampe au bas des pages et ces frontispices au sommet de chapitres? Que représen- tent-ils? Pourquoi telle fleur, tel animal y sont-ils repré- sentés de la sorte ? Pourquoi la gravure h gros traits de la couverture a t-elle un tout autre caractère que la pho- totypie imprimée dans le texte ? etc., etc. Et quand l'élève saura tout cela, il trouvera son livre beau, il le conser- vera et l'aimera, et le travail dans ce livre, c'est-à-dire sa vie, deviendra agréable.

Mettez l'enfant sur un banc bien construit, élégant, facile. Expliquez-lui comment est fait ce banc ; comment sont faits les meubles de la classe; pourquoi telle pièce est-elle et pas ailleurs, pourquoi ces chanfreins aux angles, pourquoi ces panneaux étroits et pas larges? Pourquoi la moulure qui les entoure de trois côtés ne se retrouve-t-elle pas au bas ? Pourquoi le panne.TU est-il en sapin et le cadre en chêne ? Quand il aura compris tout cela, ce meuble lui dira quelque chose, et comme il voit des bancs, des chaises et des armoires toute sa vie durant, il retiendra ce qu'il a appris.

Construisez et décorez le local de la classe d'une façon convenable ('). Pourquoi telles couleurs et pas telles autres? l'ourquoi cette plinthe est-elle Ih. pourquoi cette moulure, cette forme de fenêtre, cette poutie, ce rinceau, mille et une choses qu'on voit à l'école et à la maison paternelle.'' Et surtout ne montrez pas à l'élève que de

I. Y a-til, sous ce rapport, quelque chose de plus triste que la plupart de nos écoles officielle.';, t.aut primaires que moyennes? L'enseignement libre e.i;t dans une bien meilleure voie. F'Kisieurs de nos instituts, Malines et Basse-VVavre surtout, ont été recons- truits récemment avec un bon goût digne de louange. Ce n'est cependant p.is le cas partout : je pourrais citer tel exemple de grand institut l'on imposait comme programme aux architectes chargés de la reconstruction « de ne pas faire un bâtiment gothique ni artistique y> ! !

beaux objets ou de beaux détails vous ne le pourriez pas, du reste. Mettez-le hardiment en face avec la laideur, à condition de la lui faire saisir sur le vif.

Et si vous expliquez des œuvres d'un art plus élevé, prenez au moins des sujets qui peuvent entrer dans notre vie. J'ai vu l'Apollon du Belvédère dans une col- lection classique, avec cent autres pièces de même genre, du reste. Que d'efforts nécessaires pour mettre l'enfant à même d'en saisir quelque chose I II sera choqué tout d'abord de voir un homme nu. Ce n'est pas ainsi qu'il les connaît. Il faudra lui due pourquoi on l'a représenté de la sorte et il ne saisira pas le motif Alors qui est cet Apollon? Qu'est-ce que cette Latone dont il est le fils? Pour lui montrer dix statues anciennes, on sera forcé d'expliquer toute la mythologie, chose insipide et inutile pour un homme ordinaire. Alors cet Apollon pourquoi est-il dans cette pose ? Quel est ce serpent Python vers lequel il vient de lancer sa flèche? C'est seulement aptes avoir expliqué tout cela qu'on pourra s'attacher à l'œuvre même et rechercher comment l'artiste a réussi à expri- mer son idée. Et combien d'auditeurs en comprendront quelque chose? Et au sortir de la classe tout sera oublié parce que cela n'a aucune relation, ni historique, ni esthétique, ni pratique, avec la vie ('). Mais expliquez, au contraire, la belle 'Vierge avec l'Enfant Jésus qui trône h l'école sur un socle fleuri, expliquez-lui le Samedi- Saint de Janssens ou le Cheval à l'Abreuvoir de Meunier, ou un tableau de nos grands peintres anciens. Il com- prendra avec peu d'explications. Et il retiendra.

Allez avec lui à l'église, expliquez-lui-en la structure et la décoration. Pourquoi ces contreforts, ces arcs-bou- tants, ces clochetons ? Pourquoi ce pilier-ci est-il plus massif que cet autre? Pourquoi ces colonnettes accostant le pilier? Pourquoi telle statue est-elle plus effilée ou plus trapue qu'un homme ordinaire? Et ces voijtes sont peintes en rouge et ces nervures en blanc. Est-ce logique, est-ce décoratif? Quels sont les mérites de ce vitrail comparativement h cet autre? Pourquoi cet autel à co- lonnades est-il vilain? Tous ces insignes païens et mé- ridionaux sont-ils à leur place ici ? Pourquoi ce retable en bois est il traité d'une façon tout autre que son voisin en marbre ?

Faites de même pour la maison, pour la rue, pour la ville, pour tout ce qui touche à la vie : tirez-en les principes du beau généraux et particuliers à notre art, et l'élève les comprendra avec la plus grande facilité, et il les applic|uera plus facilement encore... Et vous aurez transporté l'art dans sa vie. Quelques exemples que j'ai donnés au hasard de la plume ont simplement pour but d'indiquer une route, non d'en poser les jalons, moins encore de tracer un programme complet.

Oh ! l'utilitarisme, s'écriera quelqu'un. Eh bien ! oui. La science pour la science est le fait d'un homme sur dix mille. Et pour former un savant, faut-il déformer iTiille hoiTimes pour qui la vie est autre chose qu'une bibliothèque ou un laboratoire ? Et encore pour celui là, je pense que la méthode que l'indique est la bonne. Car pourciuoi ceux mêmes qui font de ta science compren- nent-ils si difficilement les œuvres d'art étrangères et anciennes ? Précisément parce qu'ils manquent de point de repère. Si nous possédions à fond les principes de noire art, nous tirerions bien plus de profits de l'histoire de l'art et de l'archéologie.

Actuellement on enseigne l'histoire de l'art à ceux qui ne connaissent aucune règle d'art. C'est tout comme si

I. M. H. Gevelle, o. c, donne un exemple de leçon d'esthétique sur r « Auguiïte » du Vatican. L'explication préliminaire mytholo- gique pour la cuirasse .seule comporte les neuf dixièmes de la leçon, et, dans l'appréciation esthétique qui suit, le principal mérite des sujets représentés, leur mérite décoratif, est totalenunt oublié !

Cl)ronique,

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on enseignait l'histoire de la philosophie à un homme qui ne connaît pas le premier mot de cette science. Cet homme retiendra de mémoire les noms des philosophes et les noms de leur système, mais n'en comprendra pas un mot, parce qu'il manque de point de comparaison. La connaissance de l'histoire de l'art que l'on donne aux jeunes savants se réduit fréquemment à des noms et à des écoles, précisément pour le même motif. Pour bien faire l'histoire de l'art, il faut être artiste. Or, on ne devient artiste qu'en un seul art, c'est à-dire en une seule tendance d'art.

Je crois donc pouvoir conclure légitimement que l'en- seignement de l'art dans les écoles doit avoir pour objet, dans tous les cas, un art unique et déterminé, un art compréhensible et pratique. Quel est cet art pour nous.' C'est notre art national, qui a évolué avec nous depuis la fondation des nationalités modernes (I.X" et X" siècles), qui est arrivé à son apogée aux XI II" et XV= siècles, qui a décliné depuis lors jusqu'au XV'II 1= siè- cle, qui s'est perdu depuis, mais dont les traditions peuvent se renouer. Que si l'on met ces traditions au niveau de nos moyens et de notre esprit moderne, on aura l'art vrai de notre époque. G. Lemairk.

Nous souscrivons à ce langage sensé.

L. C LOQUET.

Restaurations monumentales.

M. Dupin examine dans Y Ari sticit'\es règles à suivre en matière de restauration, question si importante, au sujet de laquelle il importe de ré- pandre des idées saines.

En ce qui concerne Y unité de style, deux, cas se présentent : ou bien l'on se trouve en présence de faits accomplis par des styles ou des modes anté- rieurs ; ou bien ce sont des travau.K nouveaux qu'on se propose d'exécuter.

Dans le premier cas M. Dupin se rallie à l'avis que nous avons exprimé ('), et auquel nous ren- voyons le lecteur.

Sur le second cas, notre confrère, exprime des idées fort justes que nous aimons à reproduire:

Second cas. De nos jours lorsqu'une restauration s'im- pose, doit-on respecter le style général de l'édifice : lors- qu'on a des compléments à y ajouter,doit-on les raccorder à ce qui existe ; enfin, si l'on veut y introduire des déco- rations nouvelles, doit-on les faire en harmonie avec l'ensemble existant déjà r

A ces trois questions nous répondons par l'affirmative.

Ceux qui s'opposent à cette esthétique de tradition et de respect fournissent certains arguments spécieux qui peuvent se ramener à ceci : i. Il n'y a pas d'art sans ori- ginalité et sans sincérité. Si vous copiez les (euvres des siècles écoulés, vous ne produisez qu'un pastiche dé- pourvu d'émotion ; l'art vit de créations, non de répé- titions. La piqûre archéologique ne peut faire qu'œuvre de mort. >

Nous allons essayer de rétorquer ces arguments, qui sont d'ordre littéraire. Nos critiques d'art, qui sont main- tenant légion, ont mis à la mode cette phraséologie cap- tieuse et incertaine dont le moindre défaut est de ne pas

I. V. Revue de l'Art CItritien, année 1901, p. 498.

être adéquate à l'espèce. Quand on me parie de « piqiire archéologique qui fait œuvre de mort (') » j'avoue humble- ment ne pas comprendre. A des mots nous opposerons un principe.

L'originalité dont on nous parle, ou personnalité artis- tique, n'est pas une qualité essentielle de l'art religieux. Non est hic locus. Elle était totalement inconnue ou mé- prisée avant la Renaissance païenne. L'art chrétien du moyen âge se distingue par l'effacement de la personnalité de l'artisan, et la cathédrale gothique est la synthèse d'eftorts obscurs. Le lôle du maitre de l'œuvre était (et devrait être encore) d'harmoniser les talents mis à sa dis- position et non de les convier à improviser des solos isolés. L'individualité artistique n'est pas plus utile au point de vue monumental que la calligraphie n'est indis pensable dans une œuvre de haute littérature.

L'art vit de créations, dit-on. Oui, mais de créations disciplinées, ha. sincérité souvent affectée d'ailleurs ne suffit vraiment pas à justifier tous les écarts. La grande vertu d'un monument c'est son homogénéité esthétique. Les qualités éparses de verve individuelle sont insigni- fiantes à côté de cette tenue morale, et l'art religieux ne s'élève jamais si haut que parle mépris de l'individualisme dissolvant. C'est le secret profond des manifestations médiévales, dont il faudrait pourtant tenir compte si l'on parle d'art chrétien.

11 nous suffit de rappeler cette saine notion du rôle monumental, que les bons archéologues du XIX' siècle ont travaillé à rétablir, pour éclairer du jour qui convient la question qui nous est soumise. Nous dirons donc que lorsqu'une restauration s'impose, ou des compléments ou des décorations, on devra les faire dans le style et l'esprit du monument, et avec les éléments moraux et matériels de l'époque qu'on se propose de compléter.

Il faut en vérité un ceitain désordre intellectuel pour qu'on oublie ces convenances élémentaires.

Venons à un exemple. Si vous avez à compléter la dé- coration d'une église de style Renaissance caractérisé, faites-le avec toute « l'originalité » que vous pourrez ren- contrer, si vous voulez, mais que ce soit l'originalité qu'y durait mise un artiste du XVI' siècle. Faites-vous con temporain de cette époque, et donnez libre cours à votre inspiration.

Cette tactique répond par surcroît au reproche défaire des copies ou pastiches. Copier est en effet sans intérêt, mais produire une œuvre nouvelle imprégnée de l'am- biance d'une époque est à la fois difficile et d'une haute saveur. C'est cela qu'il faut tâcher de faire.

L. C.

VanDalisme.

Solesines. Un cri d'alarme a été poussé, à la Com- mission des monuments historiques en séance de décembre dernier. L'abbaye de Solesmes (Sarthe), qui contient d'incomparables chefs-d'œuvre d'architecture, est menacée.

On veut la mettre en vente et déjà se sont formés des Comités de marchands qui s'apprêtent à dépecer les en- sembles merveilleux. On attend le résultat de l'enchère au delà de l'Atlantique.

La fameuse abbaye, jadis classée comme monument historique, ne l'est plus depuis longtemps.

Le prieuré de .Solesmes, fondé au XI I" siècle, a été reconstruit presque entièrement en 1723. L'église est du XII 1 = siècle, mais ses parties supérieures datent seulement du XVI% et même le dôme n'a été élevé qu'en 1731. On

I. Expression de M. E. Guillaume, statuaire, reproduite par M. Lucien Magne, inspecteur général des monuments historiques.

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Bcbuc tic r^rt cbrcticn»

considère comme des chefs-d'œuvre les stalles du chœur, et les sculptures des chapelles sont toutes splendides.

Tel est le trésor :irtistique dont le vandalisme des législateurs va dépouiller la France.

Rome. Quiconque est allé à Rome connaît le Mont Soracte, qui se dresse au Nord-Ouest de Rome, sur Ir voie flaminienne, à une altitude de 2. 131 m. juste 10 m. plus haut que le mont Pilate de Lucerne.

Cette montagne, qui s'appelle aujourd'hui Monte San Oreste, est depuis quinze siècles couronnée par une église et une maison religieuse. En dernier lieu c'étaient des Trinitaires déchaussés de cet antique ordre espagnol, fondé en 1138, qui l'occupaient.

Ce couvent abrita plusieurs illustres pontifes, notam- ment saint Silvestre I'' et saint Grégoire Vil ; son église fut élevée par l'empereur Constantin ; Carloman, roi des Francs, y prit l'habit religieux il y a plus de mille ans.

Le domaine italien, qui se dit propriétaire du couvent, vient de vendre l'église et l'immeuble à des spéculateurs étrangers qui veulent y établir hôtellerie, voie ferrée à crémaillière et le reste.

ont retenti pendant quinze siècles des chants religieux, se dressera peut-être un ha/l d'hôtel moderne, des faux Tsiganes racleront du violon et joueront la marche de Ragoczy !

La .Société archéologique romaine s'en est émue et il faut espérer que le ministère de l'instruction publique d'Italie ne ratifiera pas une vente qui constitue un acte de vandalisme moderne (').

Varia.

La Chronique des Arts publie sous les initiales L. D. une critique du livre de M. Fierens- Gevaert : La Renaissance septentrionale et les pre- miers maîtres de Flandre. Nous extrayons de cet article un intéressant passage oii justice est ren- due à l'historiographe des peintres flamands et à ces artistes eux-mêmes :

En effet, on ne pouvait marquer avec plus de netteté et d'à-propos qu'il ne fait, la direction nécessaire des idées

I, Bien Public.

quant à toute une partie de l'histoire des arts récemment remuée par l'exposition des Primitifs français Parce que V'an Mandere fait remonter au.\ frères Van F.yck son histoire des peintres flamands, il est arrivé que les pré- décesseurs de ceux ci ont paru de bonne prise à qui faisait celle des origines de la peinture française. J'ai marqué dans les Arts l'étonnement qu'on semait h voir Beaumetz, ALalouel et Bellechose, qui ne travaillaient pas à Paris, qui, issus des Pays-lias, n'exercèrent leur talent qu'au service des comtes bourguignons de Flandre, annexés par nos historiens. A plus forte raison, quelques- uns de ces derniers ont parlé couramment de l'.eauneveu de Jean de Bruges et des Linibourg, vivant et travaillant en France comme d'autant de gloires de l'art français.

Pourtant le lieu de naissance de ces peintres ne fait pas de doute. Et le grand nombre d'artistes flamands qii'on rencontre alors à Paris ne permet pas de les dépeindre comme noyés dans un flot d'influence française.

Une collection très précieuse d'étofles coptes et du haut moyen âge vient d'être léguée au musée de Gre- noble, par M'"" Paul Blanchet. Cette collection comprend une centaine d'échantillons de tissus du LX' au .XVI' siècle, qui forment un ensemble de très grande valeur.

On vient de découvrir, sous la boutique d'un marchand de vin située rue de l'Hôtel de Ville Paris), à l'inter- section de la rue Geofifroy-Lasnier et de l'ancienne rue de la Mortillerie une chapelle souterraine.

Cette chapelle avait été fondée par Blanche de France ainsi que l'indique cette épitaphe.

Blanche de France, trcs noble dame, sœur mineure de l'abbaye de Longchamps, fille du f eut roi Philippe, qui fut jadis roi de France et de Navarre, fils du roi Philippe le Bel, et fut fille de Madame la reine felianne, jadis reine dudit royaume, qui fut son propre héritage, comtesse de Bourgogne et d'Artois et trépassa ladite dame Blanche, tan de grâce 135S, le s^ avril.

Priez Dieu que merci lui fasse. Amen.

L'on n'a pas d'autres renseignements sur le sort ulté rieur de la sépulture de Blanche de France qui dort vraisemblablement son dernier sommeil en ce lieu (').

La Vérité Française, du 28 décembre 1905.

Imprimé par Desclée, De Brouwer et 0=, LlLMi-PARls-BRUCKS.

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>mm CCn nouveau libre mx THrt tfjrétten. ^^

mm.mi^±^:^'m 'HEURE, semble-t-il, est aux grandes publi- cations d'archéologie M chrétienne, comme si " les maîtres de cette ^ science comprenaient de ^"^^WWi- plus en plus que, sauf quelques épis attardés, la récolte est mûre et que les moissons peuvent être commen- cées. Depuis un quart de siècle, en effet, l'archéologie médiévale a fait des pas de géant ; elle a été conduite au point où, si l'ère des débats n'est pas encore définitive- ment close, les résultats acquis sont assez nombreux et assez décisifs pour permettre de solides études d'ensemble.

Telle a été la pensée de M. André Michel et de son éditeur, dont l'œuvre dépassera en importance et en étendue toutes celles de même genre. Ce sera bien, comme le titre l'indique, une Histoire de Vart depuis les premiers siècles chrétiens jusqiî à nos jours, dans toutes les parties de l'Europe ayant eu, à un moment quelconque de cette pé-

riode, une pratique suffisante des arts du dessin (').

Sans doute, ce ne sera pas exclusive- ment un livre d'archéologie chrétienne. Si nous lui attribuons ce caractère, c'est que, personne n'ignore pourquoi.le christianisme y trouvera la part de beaucoup la meilleure.

Une publication d'aussi haute volée mé- rite d'être présentée aux lecteurs de Xa^ Revue de H Art chrétien autrement qu'en un simple compte rendu bibliographique. C'est donc au fond que nous nous attacherons plutôt qu'à la forme littéraire, plutôt surtout qu'à la forme plastique. De cette toute dernière, un mot seulement. La beauté des volumes et le luxe des illustrations ne sont com- binés avec la modicité des prix qu'au moyen de l'emploi de papier couché, blanc, luisant,

I. Huit magnifiques volumes grand in-S», chacun de 900 à 1000 pages avec 12 planches hors texte et 450 à 500 héliogravures dans le texte, paraissant par demi- volumes tous les six mois ou par fascicules tous les quinze jours. Prix du demi-volume, broché, 15 fr. (relié demi- chagrin tête dorée, 22 fr.) , du fascicule, i fr. 50 ; le i" volume a paru en juin et décembre 1905. Paris, Armand Colin, 5, rue de Mézières.

RSVUE DE l'art CHRâTIBN. IQ06. 3""^ LIVRAISON.

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Bcbue lie rSrt cl)rctien*

fragile, fatigant à l'œil, délicat au manie- ment. Mais, pratiquement, était-il possible de mieux faire ? Nous ne le croyons pas, à moins de mettre l'ouvrage hors de la portée des bourses modestes. Quant à nous, tout bien pesé, nous prenons notre parti de cet inconvénient, préférant voir la nouvelle Histoire de l'art accessible au grand nom- bre. Il serait vraiment dommage que ce magistral exposé de l'art chrétien, art au- quel la France a si largement fourni sa contribution, ne fût le régal que de quelques privilégiés.

La direction de l'œuvre a été commise à M. André Michel ; elle ne pouvait l'être mieux. M. André Michel, conservateur aux musées nationaux et professeur, à l'Ecole du Louvre, d'histoire de la sculpture pour le moyen âge et la Renaissance, est un de ceux qui, dans ces dernières années, ont le plus fait avancer les notions, encore assez rudimentaires, qui avaient cours sur les origines de la sculpture chrétienne ; ses recherches personnelles l'ont porté sur diverses questions connexes, et c'est ac- tuellement un denosérudils français possé- dant le mieux la matière générale du livre que nous annonçons. Mais il ne pouvait, matériellement, se charger seul d'une rédac- tion aussi vaste, et il s'est adjoint des colla- borateurs d'élite depuis longtemps recom- mandés par leurs travaux spéciaux, tous anciens élèves de l'Ecole des chartes ou imprégnés de son esprit éminemment mé- thodique. Il nous suffira de mentionner, comme plus particulièrement connus de la Revue de l Art chrétien, MM. Camille Enlart, Emile Mâle, Maurice Prou, Mar- quât de Vasselot, André Pératé, Emile Molinier.

Le premier volume nous conduit à la fin de la période romane, et ses chapitres sont ainsi répartis :

Les commencements de l'art chrétien en Occident, par M. André Pératé ;

20 L'architecture romaine en Occident avant l'époque romane, par M. C. Enlart ;

3" L'art byzantin, par M. Gabriel Millet;

L'art de l'époque mérovingienne et carolingienne en Occident, par MM. Paul Leprieur, Emile Bertaux, Marquet de Vas- selot, Ém. Molinier ;

L'architecture romane, par M. Camille Enlart ;

La sculpture romane, par M. André Michel pour la France et M. Em. Berteaux pour l'Italie ;

Peintures, miniatures et vitraux de l'époque romane, par M M. Arthur Haseloff, Ém. Mâle, Ém. Bertaux ;

L'évolution des arts mineurs du Ville au XI siècle, par MM. Ém. Moli- nier et Marquet de Vasselot ;

L'art monétaire, par M. Maurice Prou.

Suit une conclusion partielle, signée de M. André Michel. Elle contient des re- marques graves et doctorales, qui ne sont en partie que le groupement, le développe- ment et la confirmation de remarques dis- persées dans les chapitres précédents. Deux surtout nous paraissent nécessiter une re- production intégrale et de sérieux commen- taires.

La première a trait à la capacité artis- tique du christianisme et à son attitude originaire vis-à-vis des arts plastiques.

« A tout renouvellement décisif des for- mes d'art deux ordres de causes correspon- dent : les unes sont morales, les autres tech- niques. Un système d'architecture, c'est un ensemble de procédés de construction, la mise en valeur de certains matériaux d'après certaines méthodes, et c'est aussi l'enve- loppe et l'expression d'un programme social ou d'une conception religieuse. Une école de peinture n'est pas un groupement arbi-

tîn noutjcau libre sur Ti^rt cl)rétîen.

H7

traire et fortuit, mais une certaine façon de peindre appliquée au service d'une certaine vision de la nature, d'un certain « idéal», dans un certain milieu. Le christianisme, quand il parut, n'apportait au monde qu'un principe moral. A le considérer même dans ses origines et sa doctrine initiale, il semblait qu'aucun art ne dût en sortir. Il naissait au sein d'un peuple auquel Jéhovah lui-même avait dit Tu ne te feras aucune «image taillée ni aucune ressemblance des « choses qui sont là-haut dans les cieux, ni « ici-bas sur la terre, ni dans les eaux sous « la terre, tu ne te prosterneras pas devant «elles et tu ne les serviras point... » {Exode, XX, 4, 5.) L'enfant dans la crèche de Bethléem, qui venait sceller la nouvelle alliance et accomplir la loi, avait promis à ses disciples que quelques- uns seraient assemblés en son nom, il y serait aussi ; mais son « royaume n'était pas « de ce monde », et si l'on n'a pas le droit de dire qu'il ait proscrit l'art, rien dans ses paroles ni son enseignement ne pourrait servir de fondement à une esthétique, en- core moins à un système d'architecture. Ses apôtres, pas plus que lui-même, ne se sont jamais préoccupés des rapports pos- sibles de l'art et delà religion. On ne trou- verait chez eux que des allusions naturelle- ment hostiles à tout ce qui pouvait perpé- tuer le souvenir et le dangereux prestige des idoles païennes. Le mot du Décalogue : « Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma « face », hante la conscience de saint Paul quand il traverse la Grèce. Il y est offensé par vue des statues et des temples : « Vous êtes dévots à l'excès », dit-il aux Athéniens. Et de tous les autels qu'il a ren- contrés, il ne veut retenir que celui du Z>;>?< inconnu ; c'est celui-là qu'il annonce : « Ce « Dieu qui a fait le monde et toutes les «choses qui y sont... n habite point dans

« les temple <; bâtis par la main des hommes ; « il n'est point servi par la main des hommes, « comme s'il avait besoin de quoi que ce « soit, lui qui donne la vie à tous, la respi- « ration et toutes choses... Etant donc de i. la race de Dieu, nous ne devons pas croire « que la divinité soit semblable à de For, ou i â de l'argent, 021 à de la pierre taillée par « l'art on l'industrie des hommes. » {Actes des Apôtres, xxii, 23, 24, 29.)

« Le christianisme primitif resta pénétré de ce double sentiment : souvenir de la loi mosaïque d'une part, et, de l'autre, haine du paganisme, dont la statuaire avait mul- tiplié les dieux. Les Pères de 1 Église, de Lactance à Clément d'Alexandrie et à saint Augustin, et jusqu'à saint Bernard au XI I^ siècle, ont, sous des formes diverses, avec plus ou moins de véhémence et de netteté, maintenu cette protestation. Mais ce n'est pas dans la race elle avait pris naissance, ni vers l'Orient, son berceau, que la religion nouvelle devait faire ses con- quêtes définitives. C'est dans le bassin mé- diterranéen et vers l'Occident qu'elle se répandit ; elle eut pour cadre général les limites de l'Empire, et c'est par les voies romaines qu'elle s'achemina à la conquête du monde. A ces populations accoutumées par tant de siècles à l'anthropomorphisme gréco-romain, il fallait des images : le chris- tianisme, en dépit de ses répugnances, dut bientôt s'accommoder à ces exigences héré- ditaires.

« Un art nouveau ne s'improvise pas. La religion nouvelle, n'apportant avec elle aucune technique, ne pouvait se manifester que par son principe moral. Dans l'obscu- rité des catacombes, à la clarté tremblante des lampes des fossores, M. André Pératé nous a montré comment, mêlés et comme perdus dans le répertoire courant de l'orne- mentation pompéienne, des motifs caracté-

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3Rcbuc ic r^rt cbrctim.

ristiques paraissent et se distinguent peu à peu. Le sentiment chrétien s'insinue lente- ment dans un décor païen ; par transitions ménagées, un sens nouveau se communi- que à d'anciennes images : l'oiseau de Vénus devient la colombe du Saint-Esprit, puis des thèmes inédits paraissent, une icono- graphie progressivement élargie, des timides symboles primitifs et de la liturgie des agonisants aux grandes scènes historiques de l'Ancien et du Nouveau Testament, se constitue sous la double action du triom- phe de l'Eglise qui veut évoquer aux murs de ses basiliques les fastes de ses fondateurs, et des éléments nouveaux qui viennent en- richir la matière plastique.

« L'art dès lors devient, aux mains ou sous la direction de l'Église, un puissant moyen d'instruction. Les décisions des con- ciles et des synodes, les commentaires des docteurs abondent et se renouvellent dans ce sens de siècle en siècle, du IVeauXlle, depuis Basile, les deux Grégoire et saint Paulin de Noie, jusqu'à l'abbé Suger.

« Aux illettrés qui ne peuvent lire les « Ecritures, !a peinture rappelle les actions « des serviteurs de Dieu et les incite à les « imiter », dira saint Nil. En Occident comme en Orient, c'est pour « inculquer par « les yeux ce que la parole présente à « l'oreille », que la peinture « parle sur les « murs et fait beaucoup de bien ('). »

Nous aurions, certes, mauvaise grâce à ne pas rendre pleinement hommage à la prudence, à l'équité, à la bienveillance, à l'urbanité qui se manifestent partout dans le livre de M. André IVIichel. Un catholique ne saurait s'ofïenser de réserves formulées çà et au détriment de son culte extérieur;

I. Pages 926-928. M. Aiuiré M ichel a reproduit et étendu ces considérations historiques dans une conférence, aussi éloquente qu'impartiale, donnée à Paris le 6 février der nier, sur VArl et le prolesluiUisme.

elles sont raisonnées d'après des faits et des circonstances de nature à entraîner les esprits les plus réfléchis.

11 y déjà loin des phrases modérées et courtoises qui précèdent à la cinglante mercuriale jetée à la face du christianisme par un écrivain de talent et d'autorité qui, dans un ouvrage de vulgarisation, non seu- lement n'a pas accordé un mot d'éloge à nos artistes français du moyen âge, mais n'a pas craint de travestir du tout au tout les sentiments et les actes des premiers fi- dèles à l'égard de la sculpture et spéciale- ment de la statuaire. Nous détachons de cette mercuriale, à laquelle n'a pas manqué l'appui d'Ernest Renan, les passages les plus significatifs.

« On estimait les images, sous Constan- tin, non pour le travail, mais pour la matière » Les premiers chrétiens n'a- vaient montré pour les beaux-arts, au lieu du goût éclairé, du goût enthousiaste des polythéistes, qu'une ignorance profonde et une profonde antipathie. Lorsque, dans les premières années du règne de Néron (vers l'an 50 de J -C), l'apôtre saint Paul était venu visiter Athènes, cette ville possédait encore presque tous ses chefs d'œuvre des temps passés, et l'Acropole était toujours un musée incomparable. « Tant de mer- « veilles touchèrent peu l'apôtre, dit M. <( E. Renan ; il vit les seules choses par- « faites qui aient jamais existé, qui exis- « teront jamais..., et sa foi ne fut pas « ébranlée ; il ne tressaillit pas. Les pré- « jugés du Juif iconoclaste, insensible aux « beautés plastiques, l'aveuglèrent ; il prit « ces incomparables images pour des « idoles.... Ah ! belles et chastes images, « vrais dieux et vraies déesses, tremblez ; « voici celui qui lèvera contre vous le « marteau. Le mot fatal est prononcé : « vous êtes des idoles ! »

Win nou\)eau Utjre sur v:^vt cl)réttcn.

149

« C'était un arrêt de mort qu'avait pro- noncé par sa bouche une haine lamentable contre ces précieux produits des siècles passés, que le Goth Théodoric appelait /aâor vmndi. Après la réaction païenne de Julien, qu'on nomme l'Apostat, les chré- tiens se mirent à détruire tous les vestiges de l'antiquité, tous les objets d'art, surtout les statues, que Lactance appelait des « poupées fardées », et qu'il vouait, comme saint Paul, à la destruction. « Ardents à « anéantir tout ce qui pouvait rappeler le pa- « ganisme, les chrétiens, dit Vasari, détrui- « sirent les statues merveilleuses, les sculp- « tures, les peintures, jusqu'aux images des « grands hommes qui décoraient les édifices « publics. » Il n'y eut guère que Rome, Athènes et Constaniinople qui purent con- server quelques débris de l'antiquité. Par- tout ailleurs, on jetait tous les ouvrages païens sous le marteau, sous les roues des chars, dans des fournaises ardentes. Les premiers empereurs chrétiens furent con- traints, par la violence de l'opinion, qu'at- tisaient les écrits des Pères et les sermons des évêques, de rendre plusieurs édits pour la destruction des idoles, et cette destruc- tion fut alors si générale et si complète que lorsque Honorius renouvela, pour la qua- trième fois, l'ordre de les briser, il ajouta : i. si toutefois il en reste encore ('). »

Malgré quelque parenté entre les consi- dérations de Louis Viardot et celles de M. André Michel, nous saurons faire la différence entre celles-ci, témoignages d'une érudition réfléchie et mesurée, et celles-là, qui sont pures diatribes. Nous consacrons toutefois aux unes comme aux autres le canevas d'une réponse que nous comptons plus tard développer avec les documents convenables : réponse nécessaire, car les

I. l.o\x\% W^xàoi, les Merveilles de la sculpittre (4' édi- tion, 1886), pages 182-184.

écrivains précités ne sont pas les seuls qui aient contre le christianisme formulé de semblables réserves ou dressé de sem- blables réquisitoires. Il existe à ce sujet parmi les amateurs et les critiques d'art, même sincèrement catholiques, un état d'esprit trop mollement combattu jusqu'à ce jour, et dont ce qu'on vient de lire n'est, à tout prendre, qu'un écho renforcé ou affaibli.

Distinguons et séparons bien deux choses : les procédés du christianisme à l'égard du paganisme ; ses aspirations et ses moyens quant à la création d'un art à lui.

Sur le premier point, séparons encore les trois grandes branches des arts plastiques, peinture, architecture, sculpture, et ne re- tenons que la troisième, seule directement en cause.

Nous défions qui que ce soit de trouver dans la conduite et le langage tenus par saint Paul à Athènes l'indice quelconque d'une malédiction ou d'un souhait visant la destruction des chefs-d'œuvre qui s'y of- frirent à ses yeux. Il dit aux Aréopagites que ces statues ne pouvaient être ce qu'ils croyaient, la demeure, le réceptacle de la divinité ; aucun ne cria au blasphème, et on ne le renvoya que sur la question de la résurrection des morts.

II est puéril de s'indigner de la froideur serait resté saint Paul devant des œuvres qui, si elles étaient, à l'encontre de l'asser- tion trop exclusive de Renan (les proclamer les seules parfaites dans tous les siècles est une flagrante injustice envers le moyen âge et les temps modernes), susceptibles d'être égalées, n'en étaient pas moins ad- mirables au delà de toute expression. Outre que cette froideur n'est attestée par rien ni par personne, il ne faut pas oublier que, l'expérience l'a presque constamment mon- tré, autre est le tempérament d'un apôtre,

I50

Bebuc Dr rart cbvctim.

d'un missionnaire, d'un mystique, et autre le tempérament d'un artiste chrétien, artiste amateur ou artiste de profession. De cette opposition Suger et saint Bernard sont des exemples suffisamment caractéristiques.

Il y a eu, certainement, une hostilité voulue et persistante, parmi les premiers fidèles, contre les statues des temples et autres lieux sacrés. C'est l'unique héritage artistique venu des Juifs. Aux textes bi- bliques allégués on aurait pu ajouter celui- ci, le plus énergique et aussi le plus connu, puisqu'il fait partie du chant des vêpres du dimanche {Psaume cxiii) : « Les idoles des Gentils ne sont que de l'or et de l'argent, façonnés par la main de l'homme ; elles n'ont ni mouvement ni vie ; puissent leurs auteurs et leurs adorateurs leur de- venir semblables ! » Si les chrétiens se sont d'abord conformés aux répulsions judaïques, c'est moins toutefois en vertu d'une obli- gation transmise que parce que, plus éclairés encore que les Hébreux, ils ne voyaient pas sans un amer dégoût l'idée d'une divinité présente s'attacher à des statues ; parce que ces statues soi-disant animées étaient la négation d'un Dieu spirituel, universel et tout-puissant ; parce qu'elles présidaient ou avaient présidé aux tortures des confesseurs et des martyrs ; parce qu'en elles se cram- ponna désespérément ce polythéisme, cette déification delà nature et de la matière que les prédicateurs de l'Évangile voulaient extirper. C'était un duel qui parut devoir ne se terminer que par l'anéantissement de l'un des adversaires.

Théoriquement, il en était ainsi; les évé- nements furent tout autres, et une haine qui faisait présager tant de massacres de statues retint ou arrêta ses propres dé- chaînements.

Il y eut parfois des destructions, jugées inévitables pour empêcher le retour de su-

perstitions vaincues ; il y eut ça et là, à un moment ou à un autre, quelque fanatique ou quelque exalté qui fit appel à la vio- lence ; il a pu se glisser dans les écrits des Pères de l'Église des arrêts de proscrip- tion ; ces arrêts ont été plus formels, plus pressants et plus redoutables dans les édits de trois ou quatre empereurs. Comment, s'il fallait prendre tout cela au pied de la lettre, nous resterait-il une seule statue antique; comment à plus forte raison ces sta- tues seraient-elles si nombreuses dans nos musées d'Europe ; comment se fait-il que la disparition de beaucoup d'entre elles, dûment constatée, ne remonte qu'au moyen âge ou à l'époque moderne ?

Préservons-nous de toute idée exagérée de l'inlluence exercée par les Pères de l'Église sur leurs contemporains en dehors des questions de théologie ou de discipline; l'inanité des véhémentes objurgations de saint Bernard, l'oracle de son siècle, en face des nobles résistances de Suger et des tendances depuis longtemps affermies du goût français, doivent faire réfléchir. La note juste fut donnée, à la fin du qua- trième siècle, par Prudence, de qui sont les deux hémistiches si souvent cités :

Liceat statuas consistere puras, Artificum magnorum opéra.

Quant aux édits impériaux, ils furent exécutés à peu près comme devaient l'être plus tard les capitulaires de Charlemagne et de Charles le Chauve contre les méga- lithes,les ordonnances de Louis XI 1 1 contre les châteaux-forts, les décrets de la Con- vention contre les armoiries, les statues sacrées, les flèches et les cloches ; subsis- terait-il de tout cela une pierre ou un éclat de métal, si l'effet des condamnations offi- cielles avait été strictement et impitoyable- ment poursuivi ?

Mn noutjeau It^re sur r:^rt cl)rétten.

151

Enfin, pourquoi passer sous silence les mutilations, destructions et pertes occa- sionnées par la construction précipitée des remparts des villes au IV" et au V^ siècle ; et surtout les invasions des Bar- bares ? Rome n 'était-elle pas encore in- tacte lorsque, en 410, s'y introduisirent pour la mettre à sac les hordes d'Alaric ; et si après elles les ravages de Genséric en 455 et les guerres féodales au moyen âge y laissèrent quelque chose, ce peu n'a-t-il pas été sauvé par les papes, les interprètes et les organes les plus autorisés de la pen- sée chrétienne ? Et quelle ville, en Gaule, en Italie ou en Espagne, a pu se vanter d'avoir atteint l'aurore du X^ siècle sans avoir vu dans ses murs les marteaux et les torches des Vandales, des Visigoths, des Huns, des Lombards, des Sarrasins, des Normands ?

Les conséquences de la répulsion des premiers chrétiens pour la statuaire sont plus tangibles si on les étudie dans l'art que la nouvelle religion avait à se créer ; nous allons y venir.

Cette nouvelle religion ne pouvait indé- finiment se passer de l'art, qui était son rayonnement nécessaire. Les Juifs n'eurent qu'un monument, leur temple de Jérusalem, et il leur suffisait ; ils eussent craint pour l'unité de leur culte si quelque autre édifice avait pu, chez eux, rivaliser avec le sanc- tuaire national. Le christianisme devait porter ses aspirations plus loin, plus loin même et plus haut que le paganisme. Ar- demment soucieux de consacrer toutes les forces intellectuelles et physiques de l'hom- me et toutes les richesses de la nature à un Maître qu'il se savait impuissant à louer, à glorifier autant qu'il en est digne; convain- cu intimement que rien dans les œuvres du génie ou dans les objets créés n'est trop beau pour celui qui a élevé la matière aux

destinées les plus sublimes en l'unissant, bien véritablement cette fois, par le corps du Christ.à la substance divine elle-même ; pouvait-il réaliser ces aspirations supérieu- res autrement que par l'art, et un art supé- rieur ?

Ce n'est donc aucunement pour avoir grandi au sein d'une civilisation éprise de beauté plastique, ce n'est pas en vertu d'une cause occasionnelle et locale que le christianisme a pris goût aux hautes mani- festations artistiques : fût-il chez les Parthes, en Arabie, en Ethiopie, chez les Cafres ou des peuples plus sauvages encore, ses tendances eussent été analogues, quoi- que d'abord avec des ressources restreintes ou tout à fait nulles.

Durant plusieurs siècles, la parole de saint Paul aux Aréopagites répondit à la stricte réalité : les églises ne furent que ce qu'indiquait leur nom même, des lieux d'assemblées religieuses, le Christ eucharistique ne faisait que passer ; elles ne devinrent que plus tard des résidences divines permanentes, et c'est alors que furent rêvées pour elles toutes les magni- ficences réalisables.

Le Christ ni ses Apôtres n'ont exprimé sur l'art aucune idée, aucune intention: leur silence était conforme à l'ordre logique comme à l'ordre providentiel. Qu'avaient- ils à dire ou à prescrire sur rart,alors qu'ils n'avaient fixé ni la hiérarchie ecclésiastique, ni la discipline, ni la liturgie, ni même la théologie ? Et s'ils eussent parlé, n'eût- ce pas été introduire pour jamais l'hiéra- tisme, négation de la liberté et du progrès sans lesquels il n'est point d'art digne de ce nom ?

Ce qui montre combien le christianisme était impatient de mettre l'art au service de ses aspirations, c'est que, au temps plusieurs Apôtres vivaient encore, des

'52

Bc\)uc ïie r^rt cf)rétien.

efforts avaient été faits et des résultats obtenus. « Dès que la religion nouvelle pénètre en Occident, dit M. Pératé ('), voi- ci qu'un art chrétien apparaît et l'accom- pagne. » Et ce que recherche sans retard le christianisme, c'est bien la beauté autant qu'il se sent capable de la produire : « Pour représenter l'âme, dit un peu plus bas le même érudit, l'art nouveau, dès sa première œuvre, crée la plus belle, la plus pure de ses images {'). »

Il s'agit ici de peinture, car « c'est à la peinture seule que revient l'honneur d'avoir exprimé les premières inspirations chré- tiennes (^) ».

Si l'architecture, comme on l'écrivait sou- vent naguère (on le conteste aujourd'hui, l'homme préhistorique ayant longtemps vécu dans des abris naturels et s'étant de très bonne heure exercé à graver et à peindre), est l'aîné de tous les arts, il n'en fut certainement pas ainsi pour le christia- nisme. Les galeries souterraines il se réfugia d'abord ne se prêtaient guère à des recherches de formes, et les lieux de culte qui furent mis à sa disposition au grand jour avaient été faits pour d'autres usa- ges. Ce ne fut qu'après Constantin qu'il marcha à la conquête patiente d'une archi- tecture à lui.

La sculpture vint lentement aussi ; la statuaire fut indéfiniment écartée.

Ceux qui blâmaient, on sait pourquoi, l'érection de statues païennes n'avaient garde d'en ériger de chrétiennes, tant ils craignaient soit qu'on ne leur retournât le reproche d'idolâtrie, soit d'ouvrir réelle- ment accès à une idolâtrie nouvelle. Cette double crainte, poussée à son paroxysme en Orient, y alluma les sanglantes querelles

1. Chapitre I", p. 3.

2. Chapitre I"', p. 18 : l'image en question est TOrante.

3. Même chapitre, p. 11.

des iconoclastes. Ces querelles éteintes, la défiance leur survécut, et la statuaire est restée presque inconnue à l'Église grec- que. L'Église latine voulut, au jour les souvenirs idolâtriques furent assez loin- tains pour être inoffensifs, inaugurer une statuaire chrétienne; il fut trop tard. La décadence de la statuaire antique, com- mencée dès avant Constantin, était con- sommée depuis six ou sept siècles. Quand, au XI^ siècle, les temps parurent propices, tout dans cette branche était à créer (').

Le christianisme aurait-il jamais, comme l'en accuse Viardot, borné ses jouissances esthétiques à la valeur de la matière ? Non, assurément. Lorsque à la richesse de la matière il n'a pas ajouté le mérite de l'exé- cution,la faute en a été à son impuissance ; l'art grec et l'art romain, eux aussi, ont connu cette phase. Toutes les fois que l'habileté du praticien le lui a permis, il a produit le beau complet ; et c'était bien la pensée chrétienne qui triomphait en Suger lorsqu'il écrivait, à propos des portes de bronze de son église de Saint-Denis : Materiam sîiperabat optis: « Ici la matière est moins précieuse que le travail de l'ou- vrier. »

La seconde citation que nous empruntons à M. André Michel est relative aux influen- ces orientales.

« Comment, dans quelle langue et par quels moyens, sous quelles iniluences le christianisme exprimera-t-ii les faits, les symboles et les idées que l'Église lui con- fiera ? C'est, depuis quelques années, un problème fort débattu, et ces polémiques ne sont, à vrai dire, sous une forme plus

I. On trouvera, aux premières pages du chapitre VI, qui est celui de la sculpture romane, des considérations de M. Michel lui-même assez conformes à celles que nous émettons relativement au moyen âge, et accompa- gnées d'un récit historique des plus suggestifs mettant en scène deux personnages du commencementdu .\1'= siècle.

Mn noutjeau lt\3re sur VZxt t\)xttitn.

153

générale, qu'un retour de cette question byzantine qui, déjà au siècle dernier, au temps des Labarte et des Schnaase, avait si longtemps agité les historiens de l'art.

« La thèse des « romanistes » faisait à l'inriuence de Rome la part prépondérante et même unique; un « art romain impérial», distribué administrativement sur toute l'étendue de l'Empire à toutes les provinces et à tous les peuples, avait suffi à tous les besoins et à toutes les transformations... En face de cette école dont Wickhoff a re- pris les arguments, une autre s'est consti- tuée dont il semble bien que les plus récents travaux, notamment ceux de MM. Bayet, Strzygowski, Millet, tendent à confirmer la doctrine. Pour elle, au lieu que Rome ait infusé à l'Orient une vie nouvelle, c'est l'art hellénistique qui, déjà au temps de la naissance du Christ, commence à pénétrer la latinité décadente ; il continue à se dé- velopper « jusqu'au jour il est remplacé « par l'art proprement oriental et chrétien, <( c'est-à-dire par l'art byzantin. » L'art im- périal n'est que « la dernière phase de l'art « hellénistique », au cours de laquelle Rome ne fut pas autre chose qu'un des moindres centres de la culture, avec sans doute une individualité reconnaissable surtout à un certain réalisme ;mais c'est dans les grandes villes orientales du monde hellénique, c'est à Alexandrie, à Ephèse et à Antioche que, dès les trois premiers siècles, se constitue l'art chrétien, et pas du tout à Rome et dans on ne sait quels ateliers d'Empire.

« Il ne faudrait pas que la réaction néces- saire contre l'intransigeance des romanistes allât jusqu'à réduire l'influence de Rome autant qu'on l'avait exagérée autrefois. Sans doute la Rome impériale, le christianisme se répandit lentement, était une sorte de Babel cosmopolite et polyglotte, où, de toutes parts, les cultes et les rites étrangers

étaient venus se juxtaposer aux traditions de l'antique religion romaine. Mais, en fournissant à l'Eglise triomphante le plan basilical, auquel celle-ci restera attachée à travers tous les développements de son culte, surtout en réservant aux construc- teurs futurs des grands temples chrétiens la science toute romaine de l'appareillage et du traitement des voûtes (dont le Panthéon d'Hadrien présentait dès le 11^ siècle une application renouvelée et singulière- ment riche en conséquences possibles), Rome s'était assuré dans les progrès ulté- rieurs de l'art chrétien une part qui ne sau- rait lui être déniée...

« Mais pour que ces possibilités arrivas- sent à la vie, pour que de la vieille matière latine un principe actif se dégageât, il fallut l'action de ferments étrangers, une longue suite d'événements dont on pourrait faire tenir en trois mots la complexité féconde : byzantinisme ou plus exactement hellé- nisme oriental, invasion des barbares et féodalité ('). ;>

La question des influences orientales a la vie dure, comme le constate M. Michel en contribuant lui-même à sa longévité. On peut aller jusqu'à affirmer qu'elle ne mourra pas, qu'elle se transformera et qu'on finira par la retourner : l'art oriental sera la tige de l'art catholique du moyen âge, et les in- fluences dont on parlera désormais seront les influences occidentales.

Que ces théories, sans cesse rajeunies et renouvelées, trônent plus que jamais dans les meilleurs traités d'archéologie médié- vale, rien d'extraordinaire : il est si difficile de s'y arracher quand on a avec soi tant d'autorités imposantes et pour soi tant de monuments ! A tel point que, par instants, nous nous surprenons à douter des argu-

I. Pages 928 et 929.

154

ISitWt De rSrr c!)rétien.

ments que nous aurions à leur opposer. Nous en résumerons toutefois quelques- uns, loyalement et simplement, sans un souci trop inquiet de l'accueil qui leur est réservé ; ils montreraient toujours, à notre avis, que les assertions atteintes par eux, si fortement étayées qu'elles soient déjà, ont encore besoin d'un supplément de preuves. Pour ne pas entretenir les malentendus qui conduisent aux dernières exagérations les thèses sur les influences orientales, nous prévenons que dans les lignes qui vont suivre nous envisageons particulièrement l'architecture.

M. Michel convient que Rome a trans- mis à notre moyen âge « le plan basilical, la science de l'appareillage et du traitement des voûtes », quoique en ne reconnaissant qu'une part dans les progrès ultérieurs de l'art chrétien. » Or, cette part, c'est presque tout ! Nul ne le conteste, depuis Viollet-le-Duc, qui a solidement établi que l'histoire des styles roman et ogival gravite autour de l'adaptation de l'arc et de la voûte au plan basilical amplifié. Parmi les éléments organiques de la structure de nos églises, il n'en est aucun et parmi les élé- ments décoratifs il en est peu qui ne soient, de près ou de loin, des conséquences de cette adaptation. Du grand problème dont les maîtres maçons des Xl^et XI I^ siècles cherchèrent la solution avec la per- sévérance et le succès final que l'on con- naît, les données ont bien été fournies par l'art romain seul; c'est dans quelques détails étrangers au problème qu'est intervenu un art grec.mais lui-mêmedepuis longtemps romanisé.

La basilique, la voûte, l'arc, ne sont point grecs, mais romains. Ce qui a été grécisé à Rome, c'est l'ordonnance tout en- tière des temples, et les chrétiens n'ont rien pris, uniquement et simplement parce

que leurs coutumes et leur liturgie ne pou- vaient s'en accommoder. Si l'entablement classique et le chapiteau corinthien, grecs d'origine, romanisés en Italie et en Gaule, ont figuré avec honneur dans les évolutions de l'art chrétien, ces éléments sont restés secondaires, et ils ont été empruntés soit aux grandes salles des thermes publics, soit aux basiliques mêmes, ils s'étaient glissés comme éléments décoratifs.

Dans la voie du progrès chrétien, c'est l'Orient, sans aucun doute, qui a marché le plus vite, et c'est lui qui avait retenu le plus fidèlement ce que l'antiquité avait transmis ; l'art oriental fut ainsi l'aîné de l'art occidendal, il n'en fut pas le père, et il ne lui a pas infusé son sang. Arrivé le premier à la maturité, il aida son jeune frère de ses exemples, il ne lui communiqua pas une vie qu'il n'avait plus lui-même dans les temps il lui prêta son assistance. Lorsque l'art de Byzance intervint, du- rant les Xl^ et XI le siècles, c'était de- puis Héraclius ou peut-être depuis Justi- nien un art inerte, figé, tout dans le passé, et il ne put offrir d'utile à nos praticiens, no- vices et incultes, que des modèles dont ils se servirent pour se faire la main, et qui n'avaient pas la vertu de les conduire beau- coup au delà. C'est des efforts personnels de ces artistes devenus de plus en plus ha- biles, c'est de leurs succès que naquit la vie, et l'heure vint où, sous peine d'étouffer cette vie exubérante, il fallut détacher un à un les langes byzantins dans la France du XI P siècle, comme devait le faire l'Italie aux deux siècles qui suivirent.

L'invasion des Barbares fut une secousse salutaire ; mais les Prancs et leurs conti- nuateurs les P"rançais, lesquels sont mieux encore les continuateurs des Gaulois, se sont toujours bien plus romanisés que grécisés ; ce qu'ils ont animé de leur verve native et

Mn noutjcau ittire 0ur r:^rt cl)rétten.

155

de leur génie, ce sont des traditions ro- maines acceptées, aimées, qu'affermissait le prestige croissant de la Rome papale, et dont on ne se détachait qu'entraîné par des motifs exceptionnellement puissants.

Nous avons remarqué, dans le chapitre II du livre, une phrase de M. Enlart d'où il semblerait résulter, si elle était lue à la légère, que l'époque impériale avait déjà obtenu l'accord de la basilique et de la voûte. « Les Romains, y est-il dit, avaient eu quelques basiliques voûtées, comme la basilique Julia et celle de Constantin; mais les architectes chrétiens n'eurent ni assez de savoir ni assez de ressources matérielles pour les imiter ('). » Nous en rapprochons ce passage pris un peu plus loin : « Il est manifeste que l'architecture carolingienne a préparé le terrain au style roman : déjà elle a produit des églises entièrement voûtées à Aix-la-Chapelle et à Germigny {'). »

De la basilique Julia, dans le Forum, il n'a été exhumé que des bases et des tron- çons de colonnes, dont la disposition et le volume excluent absolument l'idée que la nef centrale tout au moins ait pu être cou- verte en pierre. Si la basilique de Constan- tin l'est de toutes parts, c'est moyennant le sacrifice de l'étage des fenêtres supérieures et l'admission, à l'intérieur.de massifs énor- mes de maçonnerie dont un constructeur français du XI' siècle n'aurait jamais voulu. Aix et Germigny n'ont point le plan basilical. M. Enlart n'a donc pas entendu faire de ces types incomplets des solutions précoces du grand problème.

Parmi les églises carolingiennes, M. En- lart a oublié celle de Valcabrère, en Corn- minges. Enfant de la contrée, nous eussions été désireux de connaître, sur la date du

1. Page 99.

2. Page 122.

monument, l'avis de notre illustre confrère, qui eût certainement dirigé le nôtre.

C'est un vrai bonheur que de retrouver M. Camille Enlart dans un des chapitres qui avaient le plus de besoin d'être traités d'une main exercée et avec une inspiration vivante : le chapitre de l'architecture ro- mane. M. Enlart est un de ceux qui ont le plus patiemment étudié l'art roman en France, et celui qui, parmi nos compa- triotes, est le mieux en état, grâce à ses voyages, de nous le présenter dans toutes les parties de l'Europe et même de l'Asie occidentale il s'est manifesté (').

Ce n'est qu'en France que l'art roman, comme l'art ogival, a été complet, raison- né, souple, varié, fécond. A la F"rance seule conviennent dans toute leur force ces lignes qui résument si bien les volontés, les tentatives et le succès des constructeurs catholiques des XI^ et XI I^ siècles :

« Alors même qu'ils raisonnaient le mieux, les Romains étaient compliqués : dans la construction, les chaînages et les arcs de décharge forment un système aussi savant que le sont dans la langue celui de la déclinaison et les trois genres ; de plus, il est, comme ces derniers, appliqué assez arbitrairement. Ces complications furent éliminées des langues et des écoles archi- tecturales romanes. Les placages d'archi- traves devant des arcs, les placages de marbre et les imitations de marbre en stuc sur des murs de brique répugnèrent à la saine logique des nouveaux constructeurs : renonçant à chercher péniblement des ma- tériaux rares et secouant la servitude des formes consacrées, ils bâtirent avec une logique et une franchise maladroites au

I. Et même en Amérique, Newport, dans l'État de Rhode Island, i conserve », pieusement entretenue, < une étrange rotonde portées sur huit arches appareil- lées », romane, bâtie par les Danois (p. 539).

156

3Rel)ue lie T^lrt c!)ictien.

début et frustes, mais qui ont le grand charme de la sincérité, et avec une indé- pendance féconde en résultats merveilleux. Ils ont bâti avec les matériaux de leur pays, pour le climat de leur pays, pour les besoins et les goûts de leurs contemporains, et c'est dans l'expression nettement affirmée de leurs programmes et de leurs moyens qu'ils cherchèrent et trouvèrent leurs effets; c'est dans les membres mêmes de la cons- truction, dans la pierre du pays qu'ils tail- lèrent leurs ornements. Ce qui distingue les fenêtres carolingiennes de Germigny, par exemple, des fenêtres d'une église romane également ornées de colonnettes et de torsades, c'est qu'à Germigny colonnettes et torsades sont des appliques en stuc, tan- dis que celles de la baie romane sont tail- lées à même des piédroits et du cintre- Quant au programme des architectes ro- mans, il n'eut rien de timide : à l'exemple des byzantins et des carolingiens, ils vou- lurent voûter leurs églises, mais ils n'ac- ceptèrent pas de sacrifier comme eux à l'emploi des voûtes la disposition spacieuse, commode et monumentale de la basilique : bien plus, ils amplifièrent le plan basilical par l'addition de tours et de nombreuses absidioles, le développement du chœur et du transept, souvent même par le prolon- gement des collatéraux en déambulatoire autour de l'abside. Aussi les diverses écoles romanes mirent-elles en moyenne un siècle à réaliser d'une façon pleinement satisfai- sante le développement de ce vaste orga- nisme ('). »

Notre éminent confrère n'a pas gâté les Italiens, dont le pays est, dit-il, celui « qui, au moyen âge surtout, a le moins possédé le sens de l'architecture (^). )) 11 est plus généreux pour l'école germanique ; mais,

1. Pages 444 et 445.

2. Page 541.

après l'avoir déclarée « égale en mérite aux écoles romanes de France (') », il restreint singulièrement cet éloge, en ajoutant que « cet art intermédiaire entre l'architecture byzantine et nos architectures romanes a quelque chose de l'immobilité de la pre- mière », et que « ses tendances contrastent absolument avec les variétés si diverses de nos écoles françaises et la mobilité que leur impriment les recherches incessantes de nos artistes. »

Il était difficile que, parmi tant de cita- tions de monuments et d'œuvres d'art, citations dont l'abondance laisse loin tout ce qui avait été publié jusqu'à ce jour, il ne s'en glissât pas sournoisement d'inexac- tes, et signaler celles qui nous ont, qu'on nous pardonne l'expression, sauté aux yeux, ce n'est certes pas jeter sur le livre un dis- crédit quelconque. Nous parlons en Com- mingeois, et en Commingeois désappointé du peu de fidélité de maints renseigne- ments communiqués aux auteurs sur sa contrée natale. C'est ainsi que l'église de Bagnères-de-Luchon est portée comme « récemment démolie », alors qu'elle n'existe plus depuis un grand demi-siècle; et qu'elle est classée parmi les rotondes, alors que c'était une massive croix grecque {'). Saint- Gaudens et Montsaunès sont désignés comme possédant des tympans sculptés {^). alors que, des deux portes romanes conser- vées à Saint-Gaudens, l'une, sous la tour de l'église, n'a au tympan qu'un monogramme du Christ, et l'autre, dans une maison par- ticulière, est dépourvue de tout tympan, et

1. Page 487-

2. Page 479. Le plan de cette e'glise est figuré dans les NoUs d'iai voya^^e archéolo_i;ique dans le Midi de Fiance, de Jules Marion, p. 136; en 1852, l'année I. ;\Iarion faisait imprimer ses notes, l'édifice était déjà fortement entamé pour faire place à l'église paroissiale actuelle.

3. Page 632.

Mn nouveau Ittirc sur V2ivt c|)rétien.

157

qu'à Montsaunès les deux portes de l'église n'ont pareillement aucun tympan.

Ces erreurs sur deux ou trois tympans, et telles autres erreurs possibles, quant aux petits détails, que nous croyons puéril de rechercher, ne suffisent point à déparer l'admirable chapitre VI, sur la sculpture romane, qui, est-il besoin de le rappeler ? est tout entier de la main de M. André Michel. Au mérite de l'érudition la plus haute il réunit celui de la nouveauté, car, l'auteur a pu le faire remarquer très légiti- mement, «il n'existe pas encore d'histoire de la sculpture romane (') ».

Nous venions de nous plaindre comme méridional ; hâtons-nous de déclarer que nous avons amplement de quoi nous conso- ler, en cette qualité, dans l'attestation sui- vante : « Dans cette région languedocienne s'exercèrent tant d'influences, depuis celle de l'art barbare jusqu'à celle des ivoi- res byzantins les plus délicats, ce qui carac- térisa la production des ateliers du XI siècle ce fut, dans le foyer toulousain, un don vraiment incomparable de transposer dans des œuvres originales et vivantes, qu'on peut dire inventées de toutes pièces, les éléments empruntés aux modèles étrangers. De chaque côté de ce centre particulière- ment actif, d'autres ateliers, de moins en moins pénétrés du souffle de vie qui l'ani- ma, remplirent la région d'œuvres très iné- gales ; mais ce fut de Toulouse que partit la grande initiative. C'est à Toulouse que 1 art d'outre-monts du côté de l'Espagne et l'art français du Nord, au moment où, à Saint-Denis, il prit en même temps que l'architecture son orientation définitive vers

I. Page 708.

des destinées toutes nouvelles, vinrent chercher des collaborateurs et des con- seils ('). »

Les dernières phrases du premier vo- lume de X Histoire de l'art, qui sont en même temps les dernières de la conclusion partielle, seront aussi les dernières du pré- sent compte-rendu ; nous ne saurions le mieux terminer:

« Au XI siècle, après de longs tâton- nements et des essais laborieux et informes, la sculpture monumentale était née. Silen- cieuses pendant plusieurs siècles, les pierres étaient devenues éloquentes. Pour les faire parler, pour recréer un art dont les tradi- tions s'étaient perdues, les imagiers consul- tèrent d'abord les modèles que leur milieu et les conditions de leur travail mettaient à leur portée ; mais bientôt ils tendent à s'émanciper de ces patrons ; les partis pris conventionnels qu'ils avaient docilement acceptés s'atténuent et peu à peu disparais- sent. Par un rapide et sûr essor, l'art s'est engagé désormais dans la voie qui le con- duira, à travers et au-delà de tous les em- prunts, à la consultation de la nature, à l'expression plus libre et plus directe de l'émotion et de la vie. II n'est pas d'évolu- tion plus décisive dans l'histoire de l'art et de l'esprit humain. Nous voici arrivés au moment où, après une longue élaboration, la matière plastique va se prêter, plus ho- mogène à la fois, plus souple et plus docile, à l'invention des artistes, interprètes de la pensée de leur temps (''). »

Anthyme Saint- Paul.

1. Page 034.

2. Page 945.

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lia bie DHm peintre Vénitien au XVP siècle.

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^^^^E n'est pas du talent de peintre de Lorenzo Lotto que je vais par- ler ; c'est de l'homme et de ses mœurs d'artiste. _^^^^^_^ Il m'a semblé que sa

DKiJW&^^PR^'^^Ùi façon de vivre et sa ma- nière d'exercer sa profession ne devaient pas lui être particulières et qu'elles reflé- taient assez bien les coutumes des peintres italiens de second plan, au XV le siècle, surtout de ceux qui, après une bonne renom- mée, ont vu la faveur publique les aban- donner ou qui, pour d'autres causes, sont devenus besogneux.

Les documents j'ai puisé, ne sont ni des Mémoires, ni des Correspondances, ni même des Carnets ; ils ne contiennent au- cune trace des préoccupations qu'on trouve d'ordinaire dans la littérature intime des artistes : principes d'esthétique, philoso- phie de l'art, dissertation sur les maîtres, dénigrement des confrères, imprécations contre le sort, la société et les institutions.

Il n'y a rien de tout cela dans les écri- tures de Lotto, car ce sont de véritables écritures, quasi commerciales, que le peintre a laissées, seulement elles n'ont pas la séche- resse d'une simple comptabilité.

Chaque article, lorsqu'il en vaut la peine, est accompagné d'une note sur les circons- tances qui ont créé la recette et la dépense.

Lotto allait plus loin ; à leurs dates il enregistrait les engagements qu'il contrac tait soit pour la peinture, soit dans les diver- ses circonstances de la vie.

1 1 n'est pas possible de douter de la sincé- rité de ces écritures tenues au jour le jour et pour l'usage exclusif de l'artiste.

I

ORENZO Lotto est à Venise vers

480, et mort à Lorette, peu après

1556.

Ce ne fut pas un grand peintre dans le sens littéral de l'expression ; mais il a été un très bon artiste, seulement l'originalité lui a manqué.

Il a suivi successivement Jean Belin, Ti- tien, Giorgione, Corrège ; il s'est identifié surtout avec Palma le Vieux, au point qu'on peut parfois confondre leurs ouvra- ges.

Cela ne l'a pas empêché d'avoir beau- coup de travaux pendant une période de sa carrière.

On trouve ses peintures dans. les édifices religieux de Venise, Trévise, Brescia, Ber- game, Ravenne, Macerata, Ancône, Lo- rette, Jesi.

Les musées de Madrid, de Milan, des Offices, de Pitti ; les galeries Colonna, Bor- ghèse, Rospigliosi conservent quelques-uns de ses tableaux.

Le musée du Louvre en a trois :

La femme adultère ;

La sainte Famille ;

Saint Jérôme dans le désert.

Ce tableau est signé Lotus f^oo ; c'est fort probablement la plus ancienne peinture connue de Lotto.

Mais les tableaux qui subsistent ne don- nent qu'une faible idée de sa production.

A l'époque il était déjà délaissé, en [542, sa vente a encore été de huit ta- bleaux de sainteté et de quatre portraits. Comme il a sans doute commencé à peindre vers 1500, que ses derniers ouvrages sont

îla t)te d'un peintre tJémtten.

159

de 1556, et qu'il a toujours été très labo- rieux, je crois qu'on peut estimer à un mil- lier au moins, le nombre de ses tableaux, sans compter une quantité de petits travaux secondaires.

Son talent était apprécié, nous en avons la preuve dans ce fait que le pape Jules II le fit venir à Rome, vers 1508, pour la dé- coration du Vatican; on ignore s'il y a com- mencé un travail ; en tous cas ce qu'il a pu faire a été effacé, comme, hélas ! les fresques d'autres peintres plus célèbres, pour laisser le champ libre à Raphaël ! Il était facile cependant de trouver dans ce vaste Vati- can des emplacements autres, Raphaël aurait pu manifester son génie, aussi bien que dans les stanze.

Lotto était un brave homme, Titien le proclame come la virtù virtuoso, corne la bonlà buono. Et Titien avait raison, nous allons bien le voir.

La partie de la comptabilité de Lotto qui a été conservée, nous le fait connaître à partir de 1538.

Les beaux jours étaient passés, et la lutte pour l'existence avait commencé. Dans une vie, on ne peut dire de misère, mais d'ennuis de tous genres, il reste pieux, honnête, loyal et généreux ; seulement il est inconstant, méfiant, exigeant pour les autres, d'un commerce difficile en un mot.

Malgré ces défauts il a d'excellents amis: Titien d'abord, Paris Bordone et surtout Palma le Vieux.

Il avait également de solides relations à Venise, dans le clergé, les patriciens et le commerce.

En affaires il était d'une habileté con- sommée et d'une grande souplesse ; c'était l'homme de la co>Hbiiiazione.

Il a eu avec ses clients bien des difficultés, une seule fois, pour un tableau, du moins, il est allé en justice.

Nous ne savons rien de sa personne physique, mais par ses comptes nous voyons qu'il était très sobre, quoiqu'il eût un faible pour les fruits, le fromage de Raguze et le vin de Malvoisie.

Sa tenue devait être fort soignée ; il portait de préférence des vêtements noirs, aimait les bijoux et mettait toujours une médaille antique à sa coiffure.

Il était célibataire, mais il n'aimait pas la solitude ; le besoin d'être entouré lui a souvent causé des ennuis.

II

tlj^ N art Lotto était comme presque ' ' tous les artistes de son temps, il n'avait pas de préjugés.

Il peignait tout ce qu'on lui demandait ; ancônes d'autels, tableaux de sainteté, scè- nes mythologiques, portraits, allégories.

Dans ce dernier genre on peut citer deux commandes intéressantes : pour un marchand de diamants de Venise, il fit La Force vaincue par la Richesse, et pour un joaillier : Le Travail fait naître l Espé- rance.

Il avait sur le chevalet simultanément une Sacra Conversazione et une Suzanne au bain. Quoique excellent catholique aposto- lique romain, il peint, vers 1540, les por- traits de Martin Luther et de sa femme, en même temps que celui de San Bartolomeo.

Comme il était toujours en quête d'ar- gent, tout lui est bon, pourvu que cela rap- porte. On ne peut l'en critiquer ; d'autres peintres, plus fameux et plus heureux, en ont fait autant : restauration d'anciennes peintures, achèvement de tableaux com- mencés par d'autres, dorures de cadres, enluminures de bois sculptés, peintures de Madones sur cierges pour Noël et Pâques ; confection de tablettes décorées et numéro-

Loreiizo Lotto. Saint Antuniiieii gloire. Eglise des Saints-Jean et Paul, à Venise, (l'iiol. ALi.sAKr.)

îLa t}it D'un peintre Vénitien.

i6i

tées pour lits d'hôpitaux, modèles de mé- dailles pour les coiffures, bannières pour soldats et sociétés de musique.

Une fois même il fabrique de l'onguent pour conserver la beauté des mains de femmes ; c'était sans doute pour un ca- deau.

Mais alors même qu'il faisait un cadeau, ce qui lui arrivait souvent, il avait comme une arrière-pensée, car il enregistrait avec soin la valeur en numéraire.

Du reste, tout ce qu'il possédait et qu'il recevait : monnaies diverses, bijoux, objets d'art, produits manufacturés, produits ali- mentaires était noté et traduit en ducats d'or, livres et sols.

Ici se présente une question spéciale, pour laquelle je n'ai aucun goût.

Mais il faut bien en parler, puisqu'il est de mode aujourd'hui de l'introduire dans les écrits sur l'art et les artistes, et que je vais donner les prix demandés par Lotto pour ses tableaux.

Le ducat d'or au XV I^ siècle à Venise était à peu près égal en poids à ce que serait aujourd'hui une pièce d'or de 1 1 fr. 50.

Le ducat se divisait en 6 livres et 4 à 8 sols, selon le change.

La livre valait 20 sols.

Jusqu'ici la chose est assez simple.

La difficulté commence lorsqu'il s'agit de savoir combien, depuis le XVI'' siècle, l'or a perdu de sa puissance d'achat.

En d'autres termes : un tableau a été payé 100 ducats d'or ; que faudrait-il payer au- jourd'hui à un peintre pour lui donner une somme équivalente ?

Les économistes sont très loin d'être d'accord.

Les uns disent qu'il faudrait multiplier le ducat par six, les autres pensent que le multiple de cinq suffit, et d'autres enfin se contentent du multiple de trois.

Autrement dit ce tableau de 100 ducats rapporterait à présent au peintre 6.900 fr. ou 5.750 fr. ou 3.450 fr., selon l'estimation qu'on fait de la décroissance du pouvoir de l'or depuis le XVP siècle.

Non seulement les économistes diffèrent sur cette décroissance depuis quatre siècles, mais ils ne sont même pas d'accord sur la même question pour le X 1 X" siècle.

Quelle puissance d'achat avait un napo- léon d'or de 20 francs frappé en 1805 par rapport à une pièce d'or de 20 francs frap- pée en 1900 ?

Je n'ai pas creusé la question; ce n'est pas mon affaire, mais elle m'a préoccupé par moments.

Ainsi étant de loisir à Venise, je me suis amusé à comparer les prix payés à Lotto aux prix actuels.

Je n'ai pas besoin de dire que certaines choses ont augmenté, que d'autres ont dimi- nué de valeur et que quelques-unes ont peu varié ; tout le monde peut faire de sem- blables constatations, mais en bloc, je suis arrivé à ce résultat qu'un peintre qui con- sentirait à vivre à présent à Venise comme Lotto y vivait, dépenserait à peine trois fois plus que lui.

Ce qui a changé surtout ce sont les habi- tudes.

Maintenant que chacun en pense ce qu'il voudra ; pour ne pas embrouiller les choses, je donnerai les prix en ducats, livres et sols, comme c'est marqué dans la comptabilité de Lotto.

III

LOTTO ne voyant plus venir à lui les acheteurs, va les chercher. Il part toujours de ce principe. Avant tout il faut trouver le client, on s'arrangera après pour le prix.

S'il a la chance d'obtenir la commande

KRVUB DE LAKT CHRÉTIEN. 1906. 3""^ LIVRAISON.

102

IRcbur lir P9tt cbrctictu

d'un portrait, il le commence sans parler d'argent, mais sur son registre il note ce qu'il pourra en demander.

Les prix varient selon les personnes et les circonstances.

Il a un prix fort, un prix d'ami et un prix de bon ami.

Seulement, quelle que soit la catégorie, les prix sont toujours forcés de vingt à cin- quante pour cent, car Lotto connaît son monde. Il sait que bien rarement il sera payé de suite et plus rarement encore, on réglera entièrement en numéraire.

L'usage de majorer le prix est encore assez général en Italie dans quelques com- merces ; les étrangers en font souvent la remarque, oubliant que chez eux il en est de même. En France, par exemple, aux halles, au marché aux chevaux, chez les marchands de curiosité, l'acheteur sait bien qu'il faut marchander.

J'ai demandé à des négociants sérieux pourquoi le prix fixe avait tant de peine à s'acclimater en Italie ; ils m'ont répondu qu'on y arrive peu à peu, mais qu'il est diffi- cile de changer les habitudes. Du reste, ont-ils ajouté, la majoration n'a pas de bien pfrands inconvénients : le client la connaît ; il fait, sur la demande, un rabais ; le vendeur de son côté accorde une concession ; cha- cun fait un pas et on finit par se rencontrer et conclure; il y a plus, m'a dit un négociant en antiquités, commerçant très avisé : le marchandage facilite les affaires, car le client est secrètement flatté d'avoir obtenu un rabais, se figurant que c'est le résultat de son habileté.

Lorsque Lotto avait terminé un portrait il tâchait d'obtenir un acompte de quel- ques ducats ; au moment il sentait qu'il n'y avait plus d'argent à tirer de son client, il lui demandait du vin, de l'huile, des vic- tuailles, des pièces d'étoffes, des livres.

Il estimait le tout en ducats et portait la somme au débit ou au crédit du client.

Voici entre beaucoup d'autres un exem- ple de ce genre d'opération.

Mattio, un Candiote établi marchand de vin à Venise, lui commande en 1546, son portrait en buste. C'est un homme vani- teux ; il exige que ses vêtements soient peints en bleu, la couleur à la mode chez les patriciens.

Le bleu d'outremer, azzuro oltramarino, a fait constamment en Italie l'objet de discussions entre le peintre et le client ; la couleur était d'un prix très élevé, puis- qu'elle se payait au poids de l'or.

Aussi dans les contrats passés entre les peintres et les dispensateurs des comman- des, on avait soin de spécifier que le client aurait à payer le bleu en plus du prix de la peinture ; il existe des contrats des XV^ et XVP siècles très nets à cet égard.

Dans la coutume on a continué à nom- mer le bleu azzuro oUtaniarmo, même lors- que cette couleur ne venait plus des pays d'outre-mer, mais les peintres, qui étaient compétents, savaient qu'il existait des fabriques de bleu sur le continent ; ils connaissaient \azzuro délia Magna, d'Alle- magne et \azzuro deg Jesîiati.

Ce dernier produit était fabriqué dans le couvent des pères Jésuates, peintres ver- riers, établis hors les murs de Florence ; l'Ordre avait été fondé à Sienne en 1367.

En 1459, Benoz/.o Gozzoli commençait dans le palais Médicis à Florence, depuis palais Riccardi, la somptueuse chapelle avec le défilé des rois-mages ; il écrivit à Pierre de Médicis de lui envoyer de \az- ziiro deg'Jesnati.

En 1508, Michel Ange, huit jours après avoir entrepris le Jugenienl dernier à la Sixtine, écrit :

iLa bte D'un petntre tjéintten.

163

Au Révérend père en Jésus-Christ, « frère Jacopo, jésuate à Florence.

« Frère Jacopo, Ayant à faire peindre ici certaines « choses ou bien à peindre moi-même, il m'arrive de vous en donner avis parce « qu'il m'est nécessaire d'avoir une certaine « quantité de bel azur ; et si vous pouviez « m'en livrer à présent, cela me serait bien « commode. Pour cela veuillez envoyer « ici à vos frères, la quantité que vous « avez ; qu'il soit beau ; et je vous promets d'y mettre le juste prix. Et avant que je « prenne livraison de cet azur, je vous (( ferai payer ici ou là-bas,oii vous voudrez.

«Votre Michelange, « sculpteur à Rome.

« Ce treize de mai 1508. »

Lotto explique donc à Mattio que le bleu est très cher et suivant l'usage il est payé d'avance au peintre ; on ne fera aucun prix pour le portrait mais le Candiote devra donner de suite trois ducats pour cette couleur ; ce qui fut fait. Lotto inscrit sur son registre la recette de trois ducats ; il estime en plus le portrait à vingt ducats.

Le portrait est promptement livré, mais le marchand de vin se fait tirer l'oreille pour le paiement.

Après trois ans de négociations, Lotto a touché : huit ducats et déplus du vin et du fromage pour un ducat ^/i, soit neuf ducats j4 au lieu de vingt.

Lotto ne se plaint pas, il recommence de plus belle toujours à peu près dans les mêmes conditions.

Une fois seulement il note un méconten- tement et encore en termes très modérés.

Son goût pour les déplacements l'avait conduit à Ancône : il se mit en relations avec le neveu du pape, gouverneur de la

Marche, et lui proposa de faire son portrait, celui de son fils, celui du vice-régent et celui du inaesii'o di casa, majordome de Son Excellence.

Lotto estime les portraits, selon l'impor- tance des personnages : les deux premiers 40 ducats chacun, le troisième 30 ducats, le quatrième 10 ducats seulement.

De plus, sans doute pour gagner la faveur du vice- régent, il lui cède un tableau représentant saint Jérôme.

Quelle désillusion au règlement des comptes !

Pour les portraits du gouverneur, de son fils et du vice-régent, rien, e non 7ne ha dato mai alctina cosa ne favore alacna : Il ne m'a rien donné, même fait aucune faveur !

Pour le reste il touche 13 ducats, alors qu'il en avait espéré 1 20 et même plus « per la ingeniosa impresa de inventione, » en raison de l'ingénieuse composition.

Lotto a peint d'excellents portraits, il en est qui s'approchent sensiblement de cer- tains de Titien; les musées sont pour en témoigner ; mais il lui est arrivé, comme à tous les peintres, de ne pas satisfaire les clients, et d'essuyer des refus.

En ce cas il en recommençait un autre sans la moindre difficulté, seulement il gar- dait avec soin la première peinture et cher- chait à en tirer parti.

Une fois, et le cas n'est pas unique, un joaillier refuse son effigie ; Lotto la reprend, habille le joaillier en moine, lui entoure la tête d'un nimbe et vend le tableau à un couvent.

Comme les autres peintres de son temps et même du siècle précédent, il se moquait des anathèmes lancés par Savonarole du haut de la chaire de la cathédrale de Sainte- Marie de la Fleur à Florence, contre ceux

104

î^cbuc De ri^vt cljvcticiL

qui représentaient les saints sous la figure d'un contemporain.

A Florence même Savonarole ne fut pas écouté.

Un peintre d'une grande distinction, Bartolomeo (1475- 15 17), élève de Cosimo Rosselli, prit parti pour Savonarole et se

fit dominicain ; ce qui ne l'empêcha pas, après le supplice du fougueux prédicateur, de peindre son portrait ; seulement il lui fit une large blessure dans le crâne ; lui don- na le nimbe et le baptisa saint Pierre de Vérone mort lapidé.

Ce portrait étonnant de force et de

Lorenzo Lotto. La Madone, l'Enfant Jésus et deux Saints. Galerie nationale, Rome. (Phot. Alinaki.)

vérité a fixé le type de Savonarole ; il est à Florence à la galerie de l'Académie.

Plus tard, saint Charles Borromée ne réussit pas davantage dans ses exhortations ayant le même but.

Non seulement Lotto convertissait en saints les portraits refusés, mais pour n'avoir pas à reprendre sa peinture, il prit l'habitude de faire les portraits de sa clien- tèle religieuse et commerçante, avec le

costume et les attributs du .saint patron de son modèle; d'abord le client pouvait être llatté et en cas de refus, le placement de la peinture était rendu plus facile.

IV

ALGRÉ toutes ses combinaisons, 5a souplesse, sa diplomatie, le pauvre Lotto ne parvenait pas à joindre les deux bouts.

IV J. sa:

JLà W D'un peintre tjénttlen.

165

Pour se procurer de l'argent il fut obligé de se livrer à une lamentable série d'opé- rations financières ; il marchait d'échec en échec, mais ne se décourageait pas; du reste tout ce qu'il a fait était légal et honnête.

Il emprunte sur billets, fait des renou- vellements, se procure l'endos d'un ami et finalement emprunte à Pierre pour payer le billet souscrit à Paul.

Il vend ses meubles et même son lit.

C'est un client assidu du Mont de Piété de Venise ; l'établissement ne prêtait que pour six mois et n'accordait pas à la même personne de renouvellement à l'échéance. Lotto, qui ne pouvait relever son dépôt, était obligé de trouver quelqu'un pour prendre le gage à son compte. Tout cela coûtait des commissions et des intérêts qui ruinaient notre peintre.

Que n'a-t-il pas fait pour réaliser ses ta- bleaux invendus !

Une fois il loue à un marchand de drap une arcade pour exposer ses peintures ; au bout de deux mois, rien n'est vendu ; le drapier le somme de s'en aller, mais Lotto ne peut pas payer la location en ar- gent ; et s'arrange avec le drapier en lui abandonnant deux tableaux.

Une autre fois il réunit quatre pein- tures.

La Madone aux anges .25 ducats.

Saint Jean- Baptiste conférant le baptême à Jésus-Christ : 20 ducats.

Suzanne aie bain surprise par les vieil- lards : 1 5 ducats.

Apollon au Parnasse : 20 ducats.

Il y en avait pour tous les goûts.

Il en fait une niostra, exposition, et les

expédie successivement à Trévise, à Rome il avait des relations et en Sicile.

Rien ne se vend ; il en est pour ses frais d'emballage, de transport et de mostra !

Une autre fois il imagine une loterie.

Il rassemble ce qui lui reste de tableaux, loue une belle boutique dans un beau quar- tier de Venise, prend un employé, confec- tionne pour 400 ducats d'or de billets et attend.

Au bout de trois mois, il n'avait placé que 39 ducats de billets.

Il renonce à sa loterie, rembourse les billets placés, paie son commis et le loyer et tente d'autres entreprises.

Lotto était amateur de médailles et de camées antiques. Il possédait : une médaille avec un enfant en demi-relief, quatre camées à têtes de femmes, douze agathes orientales avec les signes célestes et une cornaline avec une grue s'envolant : elle avait un giogo, joug, dans les pattes et un caducéedans le bec;selon le peintre c'étaient les emblèmes de la vie active et de la vie contemplative !

Lorenzo tenait beaucoup à ces objets, il en était fier et ne s'en séparait que le cœur gros, il le fallut cependant. Il les met au Mont de Piété, les donne en gages à des banquiers, les expose au Ghetto, les envoie à Rome, les met en montre chez tous les joailliers de sa connaissance; rien n'y fait, il ne parvient pas à s'en débarrasser. Peut-être qu'à ce moment Venise, qui n'a jamais été très éprise de l'art antique, n'avait-elle pas encore le goût des médailles, ou bien Lotto les prisait-il à un prix trop élevé ?

(A suivre.) GeRSPACH.

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^ Ii*Hrt cbrctien monumental (Suùej o ^ e|

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Colonnes. La colonne, nous l'avons dit, n'intervint plus que guère comme support d'arcades secondaires dans les claires-voies. Les Grecs qui, dans l'anti- quité, avaient fixé la forme des ordres, rejettent maintenant à l'arrière-plan ces ordres gâtés parles Romains et cessent d'en faire leurs supports de premier ordre.

Répudiant les entablements inutiles que l'art romain, art d'imitation, intercalait entre le chapiteau et la naissance de l'arc, l'architecte byzantin porte sur l'encorbellement du tailloir le sommier de l'arc. De cette disposition résulte une adapta- tion nouvelle du chapiteau (^). Le tailloir devient un élément de construction, nécessairement plus évasé; néanmoins il présente encore une assiette insuffisante; de plus cette assiette est carrée, tandis que la retombée combinée de deux arcades est parfois bar- longue. Le tailloir, devenu un membre distinct, se transforme en un abaque, approprié au nouveau besoin.

On commença par uti- liser à cet effet un tronçon d'entablement, L'entable- ment avait été, dans les basiliques païennes, soulagé par des décharges bandées au-des- sus de l'entre coionnement ; celles-ci ayant

1. Voir Revue de l^ Art chrétien, 1905, pp. 174, 223. 31 1, 378 et 1906, pp. 22, 92.

2. V. L. Magne, Congres des sociétés savantes à lu Sor- bonnc en iSçy.

rendu inutile la partie de l'entablement qu'elles couvraient, on supprima la partie intermédiaire, n'en maintenant qu'un tron- çon sous la retombée des décharges. Ce tronçon dessinait une forme d'ensemble

Chapiteau byzantin de l'église Saint-Vitaî à Ravenne.

comprise dans un tronc de pyramide qua- drangulaire renversée : cette dernière forme finit par prévaloir et donna lieu à ces abaques étranges, qui ont l'air d'un second

Chapiteau latin.

chapiteau posé au-dessus du premier. Peut- être cette corbeille massive, qui se couvrit de sculptures méplates serrées, fut-elle em- pruntée aux Persans Sassanides. Cette forme se remarque de bonne heure à Ravenne (').

I. Selon M. de Rossi, cette forme n'est pais d'inven- tion byzantine ; on en trouve dçs e.xemples à Ravenne

îL'-^rt cl)rétten monumental.

167

Le chapiteau byzantin typique est celui du genre cubique, en forme de tronc de

Chapiteau de Sainte-Sophie à Constantinople.

pyramide renversée, ornée sur les faces de sculptures méplates, tel que nous le ren-

controns à Sainte Sophie de Constantinople aussi bien qu'à Ravenne. Le décor con- siste en feuilles d'acanthe, auxquelles se mêlent des symboles chrétiens. L'acanthe est épineuse, fortement stylisée, ramifiée, souvent entrelacée ; parfois le décor est formé d'enroulements de tiges, inscrivant des feuilles et tapissant les surfaces. La feuille d'acanthe finit par faire place à celle de vigne.

A côté de ce type se place le chapiteau à corbeille dérivé du chapiteau latin corin- thien ou composite, qui présente des feuilles d'acanthe étagées, non plus enrou- lées comme dans l'antiquité, mais avec

Mosaïque de l'église Saint- Vital à Ravenne.

retour oblique de la feuille (Saint-Marc de

dès le IV' siècle, surtout au Vl". Les architectes qui bâtissaient des églises avec les débris des temples païens, trouvaient dans l'abaque un nouveau membre ar- chitectural, leur permettant de racheter le défaut des hauteurs inégales des colonnes qu'ils réemployaient. (V. Bu/i. archéol. du Comité des travaux hzst., 1893, I, p. 9.)

Venise). Sur la corbeille corinthienne les feuilles d'acanthe sont comme collées et in- dépendantes. Ici au contraire la forme de la corbeille s'accuse à la surface, et celle-ci est creusée de manière à renfoncer le champ sur lequel se détache l'ornement

i68

IRcliue lie V^xt t\)xttitn.

véo^étal, en relief méplat. La forme géné- rale est à la surface, non plus derrière le décor (').

Quelquefois apparaît la vraie corbeille ornée de treillis rappelant l'osier ; et la double volute est remplacée par l'aigle, la colombe, etc.

A Ravenne on rencontre aussi la forme sphérico-cubique, d'où dérive le chapiteau godronné, aux huit renflements tapissés de

rinceaux entrelacés, qu'on voit à Saint- Vital ainsi qu'à Saint- Marc de Venise. Peut-être faut-il voir ici la fusion avec le type Scandinave, dérivé du poteau de bois, qui est caractéristique du style lombard.

LA DÉCORATION BYZANTINE.

La décoration des édifices byzantins, comme celle des basiliques latines, s'attache aux murs intérieurs, négligeant le dehors.

Mosaïque de Saint-Apollinaire le Neuf.

On dirait que dans les premiers siècles les chrétiens gardent quelque chose des ha- bitudes des habitants des catacombes, pour qui le sanctuaire n'avait pas d'extérieur. A l'intérieur, le constructeur semble préoccupé d'éviter les saillies sur le nu des murs, afin de laisser le champ libre au dé- cor qui les tapissera. Les murs ne forment guère que des cloisons de remplissage,

I. H. Rousseau, Esquisse d'art monumental. Art chrétien, p. 66.

affleurant intérieurement les piliers, de manière à offrir des parois continues très vastes, propres à recevoir des ornements plaqués.

Les moulures sont rares et sobres ; elles ont des profils anguleux abonde le chan- frein. Les entablements se réduisent à des cordons de profil camard. Les profils sail- lants des Grecs font place à des bandeaux plats.

La sculpture ne se montre qu'en quelques

3L':^rt tf^vétim monumciiral.

169

endroits, notamment aux chapiteaux. Elle est méplate ; ce n'est qu'un dessin champ- levé, qui ne s'inspire pas directement de la nature. Les feuillages, tout convention- nels, s'étalent en tresses, en entrelacs, en rinceaux découpés sans modelé, se dé- tachant du fond un peu à la manière des ajours de la marqueterie.

La ronde bosse et l'être vivant sont pres- que exclus du décor sculpté. Les images de piété elles-mêmes sont représentées en peinture plate. La décoration sculpturale semble en partie inspirée des monuments de l'antique Judée, parmi lesquels il faut peut-être comprendre, selon VioUèt-le-Duc, le temple de Jérusalem ('). En tout cas on y retrouve maints motifs syriens.

Le décor, superficiel et lisse, existe pour lui-même et n'est plus subordonné à l'harmonie des lignes générales. Il consiste en plaquages de marbres multicolores, en fresques et surtout en mosaïques his- toriées.

Dans les mosaïques et la peinture le luxe des couleurs, la gravité des attitudes propre au caractère oriental, particulière- ment aux Grecs, aux Syriens, aux Armé- niens, produit un effet grandiose et puis- samment décoratif. L'art byzantin a en- gendré une grande école de décoration, qui, dans la belle époque, laissa une impression de sérénité et de grandeur {'). Captif du formalisme traditionnel, il s'est immobilisé au point qu'à plusieurs siècles d'intervalle des œuvres peuvent se confondre ; mais en revanche il a sauvegardé les traditions iconographiques et les a, aux temps mo- dernes, préservées des abus de la Renais- sance. L'esprit de cet art se retrouve sur- tout dans les miniatures qui comblent une

1. VioUet-le-Duc, Entretien sur l'architecture, t. I, p. 220.

2. Bayet, L'art byzantin.

lacune de cinq siècles, durant lesquels les œuvres monumentales font défaut, entre les mosaïques de Ravenne et de Salonique d'une part, et celles de Venise et de l'Italie de l'autre (').

TYPES d'Édifices.

Monuments religieux. Les églises by- zantines offrent au point de vue du plan trois types principaux.

La basiliqtie couverte en charpente (Apouia) (^), semblable à la basilique latine d'Occident. C'est le type le plus ancien tant à Constantinople et en Asie qu'à Rome.

2"^ La rotonde et l'octogone (Kux)>oa',ori).

30 La basilique eii croix grecque avec cou- pole centrale sur pendentifs (xpouVAuTa). Ce type devint général à Byzance à partir du Vie siècle.

En général, les basiliques byzantines se distinguent par l'usage d'un narthex fermé et par des absides rondes ou polygonales accompagnées de larges absidioles laté- rales ; la liturgie grecque exige la triple abside. Les nefs sont généralement accom- pagnées de tribunes, réservées aux femmes.

L'ensemble dessine un plan rectangulaire avec les absides faisant saillie à l'Est. La superstructure s'accuse par une coupole centrale entourée souvent des quatre autres. Les coupoles se multiplient ; à un certaine époque, on en compte jusqu'à treize.

L'église byzantine se divise en trois par- ties : le narthex, la nef ou le naos et le béiita ou sanctuaire, séparé du naos par Xiconos- tase, cloison décorée de peintures à fond d'or représentant les images des Saints i^).

1. V. Kondakoff, Étude sur fart bysantitt.

2. La basilique couverte en berceau se nomme K'jXivo. rjdizrji et celle qui est couverte de voûtes pyramidales Wo?.wxa. (V. Texier, â2iv. cite'.)

3. Les églises grecques ont gardé l'usage des clôtures imagées souvent très riches.

lyo

IBitWt tïr l'art fbréticu.

Le narthex est souvent doublé d'une galerie externe nommée exonarthcx.

L'autel est comme chez les Latins sur- monté du ciboriuiii, mais celui-ci est cou- ronné par une coupole.

On distingue trois époques : l'époque byzantine, l'époque macédonienne et l'épo- que grecque.

/'■" époque (époque byzantine propre- ment dite, du IV' au VHP siècle). C'est

Église de la Vierge d'or de Trébizonde.

l'époque de la formation du type nouveau sous l'action des influences extérieures ; le type byzantin se développe et atteint son apogée sous Justinien. Constantinople garde quelques églises attribuées au V'= siècle, notamment celles de Saint-Jean Stuudius (Mir-Akhir-Djami), bâtie en 436 (') sur plan carré, précédé d'un narthex et divisé en trois nefs avec tribune ; et Saint-Théodore de Thyrone, fort remaniée comme la précédente et convertie en mos-

I. B. G. Millet, dans V Histoire de Pari de A. Michel, P- 137.

quée (Kilissé-Djami), aux murs de bri- ques et de pierres alternées.

A l'origine, on rencontre des basiliques à longues nefs couvertes en charpente, comme la vaste église à cinq nefs de Saint- Démétrius à Thessalonique, remontant se- lon Texier au V'siècle. Elle offre un atrium, des arcades sur colonnes interrompues par des piliers, et des tribunes à l'instar de l'é- glise de Tina dans l'île de Tenos (Archipel). Ces tribunes font retour devant la façade occidentale. Parfois, comme à Tenos, les berceaux extradossés couvrant les nefs s'accentuent en façade par une série de cou- ronnements en arc de cercle.

LaSainte-Sophie construite par Constan- tin était une basilique couverte de berceaux, et c'est encore le cas de la basilique d'Hiéra- polis. Celle de Sardes est voûtée d'arêtes, Saint-Jean de Constantinople appartient aussi, comme nous l'avons dit, au type basi- lical ; il en est de même de l'église de Karyès (Athos) (■).

Ailleurs se constitua le type à coupole. On attribue au V^ siècle la rotonde de Saint-Georges de Salonique, visiblement imitée du Panthéon romain. Sept absides sont ménagées aux dépens de la masse du mur, qui forme un tambour de 24 mètres de diamètre. L'abside a 20 mètres de profon- deur ; la coupole, hémisphérique, est percée à sa base de huit fenêtres en demi-lune.

Bientôt se dessine le plan en croix grec- que inscrit dans un carré ; l'église offre une masse carrée couverte en terrasse, et couronnée d'une coupole. Le dôme, unique est déprimé et percé à la base de nombreu- ses pénétrations en lunettes ; il est couvert de tuiles ou de plomb doré; il porte sur le carré central à l'aide de pendentifs. Un narthex précède les nefs. Les baies des

I. V. Choisy, Histoire de P architecture, t. II, p. 42.

îl'^^rt cl)rétten monumental.

171

portes sont rectangulaires, à encadrement mouluré. Les bas-côtés sont surmontés de tribunes. Les corniches sont en pierre mou- lurée ou en briques, en crémaillère. Les absides sont triples, en rangées. La coupole porte à l'intérieur sur des piliers. A ce type appartient Sainte-Sophie de Salonique (V I^ siècle).

Saint-Georges de Salonique.

L'église des Saints-Serge et Bacchus, qui constitue une « petite Sainte-Sophie», est le prototype du grand œuvre de Justinien ; elle est due à cet empereur lui-même. Ouadran- gulaire à l'extérieur, son plan, curieuse- ment irrégulier, mesure ^;^ mètres sur 30 ; il est à l'intérieur octogonal comme Saint- Vital de Ravenne, avec galeries d'étages ; entre les deux étages règne un entable- ment classique richement décoré et por- tant l'inscription dédicatoire de Justinien. L'octogone offre quatre pans plats percés d'arcades, et quatre autres munis d'absidio- les ou niches butant la coupole, également ajourée d'arcades. Quatre travées carrées

dessinent les bras d'une croix grecque ; l'un des bras s'allonge pour former le chœur ; celui-ci est accosté de deux absidioles. Sous les arcades et sous l'entablement, à chaque étage, les travées sont partagées en trois par des colonnettes.

Ég:lise des Saints-Serge et Bacchus (coupe longitudinale).

Le tambour est octogone ; la coupole est surbaissée et à côtes saillantes, ce qui a permis de la faire reposer sans l'aide de pendentifs sur les dernières assises du tambour. Un collatéral à étage entoure la coupole et s'inscrit dans l'enceinte carrée (').

Eglise des Saints-Serge et Bacchus, Plan.

Après Saint-Serge vient Sainte-Sophie, le chef-d'œuvre que nous décrirons plus loin. Après Sainte-Sophie s'élève Saint-

I. M. Choisy, Ouvr. cité.

172

USitWt lie rart chrétien.

Irène, construite par Justinien et restaurée au VHP siècle. De forme basilicale allon- gée, elle offre une coupole surbaissée sur un tambour rond.

L'église des Saints-Apôtres de Thessalo- nique est attribuée au VI I"^ siècle par Texier. Celle de Saint-Hélie, de la même ville, présente le plan trifolié.

Un type bien caractérisé de l'église Jus- tinienne, à part des nefs très allongées, est celle de la Sainte- Vierge à la tête d'or, de Trébizonde (Chrysokephalè), dont l'époque reste indéterminée.

Il en est de même de Saint- Eugène, de Sainte-Sophie, de Moum-Hassé et de Saint- Basile à Trébizonde ainsi que de Saint- Nicolas de Myre. Les églises de Trébizonde sont élevées sur le même plan que les Saints-Apôtres de Salonique. Entre les quatre colonnes ou piliers qui supportent la coupole et les murs intérieurs, est ménagé l'intervalle nécessaire à l'amortissement des poussées. Aux quatre arcs doubleaux s'attachent quatre berceaux qui vont d'autre part s'attacher aux murs. La coupole avec ces berceaux dessine une croix grecque ('). Sur la branche orientale s'ouvre la grande abside, flanquée de deux autres ; au mur occidental est adossé le narthex.

Finalement les Byzantins se sont trouvés embarrassés de porter leurs coupoles; ils ont cessé d'établir entre elles et l'église une union intime, et quand, pour l'effet extérieur ils l'ont surélevée sur un tambour, ils ont perdu le sentiment de cette liaison. La coupole est alors devenue un accessoire (').

i.Lesystèmed'épaulement latéral quenous retrouverons à Sainte-Sophie de Constantinople a été employé avec diverses variantes à Myre, à Ancyre, à Éphèse, surtout .1 Nicée et à Sainte-Sophie de Salonique et surtout à Sainte-Irène. (V. G. Millet, Histoire de Pu)/, t. I, p. 144.)

2. V. Gabriel Millet, Bulletin de la correspondance helléniqtie, n°^ XI-XII. ann. 1895.

//' époque {époque macédonienne, du IX^ au XI le siècle) Cette période, qui s'étend plus particulièrement de la fin du IX^ siècle au commencement du XI^, se distingue par une imitation plus fidèle des modèles an-

Plan terrier de réglise de Daphni.

tiques, par une prédominance de la décora- tion sur la structure, et par l'éclat et le luxe du décor.

Il ne reste malheureusement plus que le souvenir de deux grandes églises élevées alors à Constantinople, notamment de celle

3l':Hrt cl)rétten monumental.

173

Coupole byzantine.

desSaints- Apôtres (le temple d'or)bâtie par Basile I^"", couverte de cinq coupoles, et qui était une des merveilles de Byzance ; le principal spécimen est l'église de Saint- Luc à Daphni (').

Saint- Marc de Venise, qui est comme une réplique des Saints-Apôtres, se rapporte à la même période.

Une innovation s introduisit au IX^ siècle : au lieu de faire reposer la coupole sur les grands arcs bandés entre les piliers,

on les haussa sur un svelte tambour qui se projette sur le ciel. Le tambour, octogonal, s'ajoura de fenêtres oémi- nées sur chaque face ; il devint une lanterne. Dès lors chez les constructeurs prévaut la préoccupa- lion de l'aspect extérieur du monument, dont les lignes s'allègent et s'élancent et dont les fenêtres se multiplient et profilent à la base de la coupole leur contour en arc qui entame la base de la coupole.

Au siècle on multiplie les coupo- les ; on en place sur la nef, sur les deux bras du transept, puis sur les quatre angles du carré, même sur le narthex et les bas-côtés ; au Xle, s'introduit le pendentif à trompe, ce qui ramène à l'emploi de huit supports pour la coupole centrale. Dans une série d'églises, on passe du carré à l'octogone par quatre trompes, et de l'octogone à la cou- pole ronde par huit pendentifs (').

Les absides deviennent polygonales. On voit apparaître des fenêtres géminées ou à triplet. Les voûtes sont divisées en zones

1. V. Kondakof, Histoire de l'art byzantin. G. Millet, Le Monastire de Daphni. Paris, Leroux. E. Roulin, Revue de l'art chrétien, 1903, p. 188.

2. Ex. : Saint-Luc en Phocide, Daphni (vers iioo), Saint-Nicodème d'Athènes (avant 1044).

horizontales décorées de peintures. Les épais piliers sont remplacés par des colon- nes. Les murs sont décorés d'assises alter- natives de brique ou de pierre. L'intérieur éclate d'une richesse extrême due aux mo- saïques des voûtes, aux marbres revêtant les murs, aux pavements polychromes, aux clôtures finement ajourées.

Theotocos à Constantinople. Façade.

Theotocos ('). Coupe iDugitudinale.

L'église de la Mère de Dieu, la Theotocos, à Constantinople, date du X'^ siècle ; elle est précédée de deux vastes narthex sur- montés de nombreuses petites coupoles. Ses murs et ses baies sont décorés d'assises et de claveaux de pierre entremêlés de briques. Celle de Saint-André est du même type ; l'abside est pentagonale. Celle du Panto- crator fut élevée en 1124; celle de la Pan- macharistos fut fondée au XIL' siècle. L'église du Christ (Kadrié Djami), fondée par Justinien, fut reconstruite à la fin du Xle siècle ; précédée d'un double narthex, bâtie sur plan carré, sa coupole à côtes

I. V. Gailhabaud. Monufnents anciens et inoderiîrs.

174

ïvclntr tir l'^^rt cbrtrtrn.

porte sur un tambour ; elle a un chœur circulaire en saillie sur la façade orientale. Sa riche décoration date du XI V<" siècle ('). Entièrement restaurée, elle étale de su- perbes mosaïques historiques.

L'église de Sainte-Sophie à Trébizonde, élevée vers i::oo, est du type justinien, et son dallage ottre le plus beau spécimen des marqueteries byzantines.

É^^/ùis d'AÛûti.cs {'). A Athènes, les égli- ses sont petites, bâties en croix grecque, avec coupole surélevée sur la croisée cons- truite en briques et sur des murs exécutés par assises alternatives de briques et de pierres. On a expliqué l'exiguïté de ces églises par la tradition del'antiquitépaïenne, qui concevait un temple comme lieu de sacrifice plutôt que comme salle de réunion des fidèles.

La décoration extérieure est en mo- saïque; les figures vivantes y abondent, et

EsOisc de Daphaù. Plsn. Église de Daphni. Élévation.

les images des Saints recouvrent les voûtes et même les piliers. Un buste divin, bénis- sant et colossal, occupe ordinairement la partie culminante de la coupole.

L'iî^lisc d-e Daphni, près d'Athènes (■'),

1. V. L. Snil, C .V, année iqoo.

3. V. C de Lai tes .rux XV% XVP, XVII'

suiclts. 2 Tol. in-S'. 1 .-j.î, iS54.

3. V. Millet, Acaii/mie rîfcj Inscn'f'twn.': H P,lhs-Lct- fres, 1894.

est le type du genre. Elle remonte au VI* siècle avec le monastère ; elle a été re- construite au XI" siècle ; elle appartient au même type que celle de Saint- Luc de Pho- cide et que celle de Saint-Théodore de Misra. Son tambour ajouré pose par des trompes sur quatre doubleaux et sur huit piliers; elle offre à ses flancs des contre- forts; elle est précédée d'un narthex, auquel on a ajouté un porche vers 1 200. Les murs sont en grande partie formés d'assises de briques et de pierres de taille alternées.

Sairif'Nu'odcjne est du même type que l'église de Daphni. Il a été restauré en 1862 ('). L'église des Saint s- Apoi rcs o^re. des rafiînements particuliers dans le passage des voûtes du pourtour passant du carré au polygone. L'église de la Panagia Lycodina ofifre, avec celle de Daphni, un exemple de la transformation dans la construction des coupoles : les points d'appui sont de huit au lieu de quatre ; les pendentifs sont rempla- cés par des trompes, système qui fut imité par les Turcs.

///' époque {Style grec, 1 202-1453).

Après la conquête vénitienne le style by- zantin fut altéré par des mélanges d'archi- tecture italienne.il n'y eut plus qu'une cou- pole centrale ; les trois absides furent éta- blies en prolongement des nefs et des bas- côtés. Les nefs furent abritées sous un toit dessinant en façade des frontons. Les tribu- nes des femmes disparurent ; le sexe prit place dans les bas- côtés ou le narthex, séparé par des barrières en bois. La fresque remplaça la mosaïque. Tel est le style qui se perpétua en Grèce après la conquête turque. A ce type se rapportent le catho- licon, l'église de Kapnicarea et de Saint- Taxiarque d'Athènes (^).

1, V. Gailhabaud, Miinvmenis anciens et modernes.

2. V. Gailhabaud, iHeL, t. 11.

îl'^rr t\)vttxm moiuunental.

175

On cite comme type de cette époque, à laquelle se rapportent de nombreuses églises d'Athènes, Sainte-Sophie à Trébizonde, due à Alexis 1 1 1 Comnène, vers i 200.

Dalmatie. Istrie. Nous avons déjà cité la cathédrale de Spalato, qui n'est autre que le mausolée de Dioclétien ; dans la ville même de Salone, détruite en 639, on a trouvé les restes d'une basilique latine avec atrium, narthex et baptistères.

Catholicoii d'Athëaes (i).

La basilique de Parenzo ('), bâtie en 540, a des chapiteaux byzantins et un baptistère isolé.outre un clocher remarquable; celle de Grado, élevée en 570, avant le remaniement qu'elle a subi au XI" siècle, ressemblait aux édifices de Ravenne (')

Arménie et Gt'orgie. Aux XI^ et XI I" siècles, l'Arménie eut son style d'architec- ture, influencé par Byzance et la Perse.

Le plan arménien, dit M. Choisy, est une variante du plan grec du XI<^ siècle, inscrit dans un rectangle, à trois absides non apparentes. Les arcades sont en arcs brisés ; la coupole centrale est conique, ce

1. V. Gailhabaiid, Monuments anciens el modernes, t. II.

2. V. Ch. Errard et Al. Gayet, L'art Byzantin. M. Parenzo.

3. C. Enlarl, ouv. cité, p. 1 12.

qui a pour raison d'être la facilité de l'appareillage en pierre.

Parmi les monuments de ces pays citons la cathédrale d'Ani (loio) (') et celles d'Usumlar.d'Echmiadzin et de Trébizonde.

L'art de bâtir est nul au Nord du Caucase, dans la région occupée jadis par les Mon- gols, comme dans le bassin inférieur de la Koura, peuplé par les Tartares. Mais en Arménie et en Géorgie, abondent les con- structions intéressantes.

M. Mouricr ( ) divise l'architecture reli- gieuse au Caucase en quatre périodes : i" de l'introduction du christianisme au X^ siècle ; du règne de Hagrat II I à David le Réparateur ; l'époque de la reine Thamar ; 40 du règne d'Alexandre (14 13) jusqu'à nos jours. La première époque est toute byzantine. Le caractère arménio- géorgien se montre dans la seconde, la plus brillante.

L'édifice le plus remarquable est la petite cathédrale d'Ani. Une jolie et fière lanterne en tour ronde, surmontée d'un toit conique surmonte un vaisseau en croix grecque à trois absides. L'intérieur est dé- coré d'arcades aveugles sur colonnettes ('), La cathédrale de Koutais, commencée en 1003, est une église à trois nefs, déco- rées dans le goût arménien. Celle de Mokuri, relativement gnuide, surmontée d'une élé- gante lanterne, est divisée en cinq nefs, bâties en marbre blanc. Celle de Caben offre le type de la décoration caucasienne ; cor- niche égyptienne ; des tores en relief par- courent les façades, encadrant les baies, formant des arcs, se prolongeant en colon- nettes, se recourbant capricieusement,

1. V. Ch. Bayet, L'art byzantin, p. 281.— V. J. Moiiiier. L'art au Caucase. Paris, l8g6.

2. J. Mourier, L'art au Caucase, Paris, Maissonneuve, 1896.

3. Les millésimes 1049, 1059 se lisent sur Tédifice, mais paraissent rapportés sur un remaniement du XIII' siècle.

176

ÎRebur tir V^xt cbvctirn.

bordant les arêtes verticales, contournant des dessins en forme de croix, des losan- ges, des entrelacs, se doublant autour des fenêtres, des bandes sculptées, etc. ; les chapiteaux sommaires se réduisent à une boule rappelant ceux des Indous. Le monastère de Ghelati offre à la fois les formes les plus pures, et l'ensemble le plus important du style local.

L'église la plus célèbre du XV^ siècle est celle de Mtzkhet rebâtie en porphyre verdâtre sous le roi Alexandre. La décora- tion, riche jusqu'à l'excès, est compliquée ici de motifs végétaux.

Les églises de la Grèce de la dernière époque du moyen âge ont inspiré les édi- fices géorgiens ; ceux-ci se ressentent aussi des églises des premiers siècles en Syrie ; après les croisades, des influences occiden- tales pénètrent au Caucase, comme en Syrie. « Mais nulle part, dit M. Mourier, l'art chrétien n'a étouffé les éléments nationaux; au contraire, après les avoir délivrés de la sujétion classique, il les a rappelés à la vie. »

Rîissie. C'est par Byzance que la culture de l'art s'introduisit en Russie. Wladimir-le- Graud, qui imposa à son peuple le christia- nisme, fut séduit par la splendeur des tem- ples orthodoxes et appela des architectes grecs pour construire les premières églises en maçonnerie qui succédèrent aux temples en bois: l'église de la Dimé, à Kief, et celle de Sainte-Sophie à Novgorod. Cette der- nière est un édifice carré en plan, sauf la saillie de trois petites absides avec bas-côtés à tribunes et surmontée de cinq coupoles haussées sur des tambours cylindriques, celle du centre prédominant.

Sous Jaroslaf-leGrand, fils de Wladimir, Kief eut sa Porte d'or et sa cathédrale de Sainte-Sophie, restée la reine des quatre cents églises de cette ville qu'admiraient les écrivains anciens.

Sainte-Sophie à Kief.

A côté des grandes églises en pierre se maintenait, pour les petites églises, la cons- truction en bois avec su- perstructure en forme de tente, ayant pour patrie Novgorod. La coupole russe devint pointue, s'effila en flè- che ; sous l'influence orientale, elle devint renflée. De la forme bulbeuse débordante, en oignon, qui prévalut comme on le voit ac- tuellement à la vieille Sainte-Sophie de Novgorod, aux églises de l'Assomption et de l'Archange au Kremlin. On voit apparaître le ^\'à.à.hmç.( KokoscJinik), comme ornement et pour faciliter la con- struction du tambour servant de base à la coupole. Les pendentifs furent remplacés par des trompes, les pleins cintres firent place aux arcs brisés. Les nefs sont couver- tes en berceaux extradossés apparents par- dessus. Le style de Novgorod était dans tout son éclat au XVI'= siècle.

Le style du Nord, inspiré de la construc- tion en bois, prévalut au XVI I"^ siècle ('). L'église en pierre de Vassili-Blagennoï (XV le siècle) à Moscou, porte le cachet septentrional. Le gouvernement russe dut intervenir pour prescrire « que le toit de l'église ne soit pas en tente » et de « bâtir l'église selon les règles... à cinq coupoles et non en tente J> comme on lit sans cesse dans le règlement. A partir de cette époque, la forme de tente ne fut plus acceptée que pour les clochers ; car en Russie le clocher fit son apparition, et devint très important.

Les coupoles-flèches sur lanternes de Moscou, à tambours hauts comme les tours,

I. V. M. Nie. Kharousine, liulleiins et mémoires de la Société des Antiquaires de France, 1892, p. 84.

IL'Zvt ct)rétten monumental.

177

Église de la Kurtea d'Argis (Roumanie).

offrent parfois une allure tourmentée et fantastique, tordue et spiriforme, à godrons, imbriqués et à côtes de melon, et une vive polychromie extérieur dont la Vassili Bla- zenni ou Saint Basile de Moscou offre un curieux exemple (XVIe sièlce). L'art russe se compliqua d'autre part d'influences occi- dentales, depuis que le grand-duc André Georgievitch ap- pela les architectes Lombards. Mais la première influence byzantine ne s'ef- faça point avant l'invasion néo-clas- sique de l'Italie. Elle prévaut sur- tout dans le riche décor intérieur des églises. Les églises de Roumanie sont du type des églises russes byzantines.

Egypte. Nous avons fait connaître les églises conventuelles de Sohag (IV'' et V'' siècles), en Thébaïde, nommés le Couvent blanc et le Couvent rouge ; leur forme allon- gée nous les a fait classer parmi les basili- ques latines. Toutefois leurs absides tricho- res les rattachent au style byzantin, tandis que leurs coupoles sont établies sur des trompes d'angle selon le procédé persan. Les église coptes avaient en général des coupoles à trompe ('). Ce sont les restes les plus considérables de l'art chrétien primitif en Egypte, avec le couvent du désert de Nitrie(Saint-Macaire, Amba-Beschaï, Sou- riani, Baramores) attribués au VI"= siècle ('). Afrique. Le règne de Justinien a laissé en Afrique des ruines grandioses de cons- tructions militaires ainsi que des édifices religieux d'un art inférieur. Ceux ci res-

1. V. G. Millet, dans LHisloire de fart, p. 141.

2. V. Ant. Michel, L' Histoire de l'art, p. 137.

semblent beaucoup plus à ceux de la Syrie et de l'Egypte qu'à ceux de Rome. La Tunisie avait des églises voûtées, et des absides isolées. Il faut citer en Algérie les basiliques de Tebessa, d'Orléansville et de Tipassa.

Tebessa, l'antique Theveste, possède les ruines d'un important monastère byzantin, qui remonterait à saint Augustin, et d'une basilique de l'époque constantinienne ('). La basilique à cinq nefs de Carthage date du règne de Justinien. Une inscription de 325, trouvée sur une petite église basilicale construite à Orléansville.est de nature peut- être à faire rechercher en Afrique même le prototype de la basilique chrétienne ( ).

La Tunisie possède les basiliques de Haïdra,de Heitla, de Birmalietde Kef (-) ainsi que les restes d'une série de onze bap- tistères rappelant les rotondes de l'Asie- Mineure (^). Quatre reproduisent fidèle- ment le type classique de l'école byzantine.

Monuments civils. Notre étude a prin- cipalement pour objet les monuments reli- gieux, d'autant plus que c'est en eux que s'incarna l'art monumental. Toutefois les habitations byzantines ne manquent pas d'intérêt ni d'élégance, et les palais sont d'allure grandiose. Celui de Dioclétien à Spalato, le principal, renferme actuellement dans ses murs ruiné sune ville entière ('); il offrait un ensemble des plus imposants. Son plan nous est plus ou moins connu par un relevé dressé il y a un siècle par Adam et Cassas. Bâti par des architectes d'Orient, il est contenu dans une enceinte rectangu- laire aveugle. Trois côtés de cette enceinte

1. V. A. Balle, L'Architecture, année 1893, p. 462.

2. V. W. R. Lelha.by, L'art du moyen âge.

3. V. G. Gsell, Les basiliques de Tunisie.

4. V. Gauckler, Académie des Inscriptions cl Belles- Lettres. Séance du 20 sept. 1904.

5. V'. A. Michel, Histoire de l'Art, t. I, p. 135.

KlfVUE UE L AKT CHRHTIKN. 1906. 3"'^ LIVRAISON.

178

Hélène De V^xt cbrctien.

étaient protégés par des tours à l'extérieur, ! et précédés de portiques. Les milieux oppo- et à l'intérieur, garnies de cellules adossées \ ses des quatre côtés du rectangle étaient

X

I

réunis par deux avenues en croix bordées de portiques. Les quatre angles étaient occupés par de vastes salles et des appar-

tements de thermes, et un mausolée ayant la forme d'un magnifique octogone entouré de portiques extérieurs.

3l'^rt t\)vttim monumental.

179

On n'est pas parvenu à faire une restitu- tion du palais de Constantin à Byzance ; mais on sait qu'il contenait des salles basili- cales, des rotondes et des octogones. Justin II, son neveu, éleva une nouvelle salle du trône en forme d'octogone à huit absides, et Théophile, au commencement du XI^ siècle, une curieuse salle à trois absides nommée le Triconque.

Maison byzantine. D'après une im- portante étude du général de Beylié ('), Constantin semble avoir transporté à Byzance la maison patricienne de Rome avec ses appartements rangés autour de l'atrium et du péristyle. Cette maison y côtoyait l'habitation du type oriental, qui s'était d'ailleurs transformée. Elle com- prend encore une enceinte fermée, sans

Jéradi. Restes de maisons syriennes.

autre ouverture que la porte; mais cette en- ceinte clôture une cour, au fond de laquelle se dresse un corps de logis à étages, avec façade décorée d'un portique. D'autres maisons dépourvues de cour alignent leur portique sur la façade à rue. C'est ce que montre fort la mosaïque de Saint-Apol- linaire-le-Neuf à Ravenne, et le célèbre ivoire de Trêves. Il y a parfois une façade à portique surmonté d'une loggia, des étages en encorbellement, des fenêtres saillantes, des terrasses, etc. De est venu l'usage des portiques bordant les maisons le long

des rues de la plupart des villes méditer- ranéennes.

Dans les maisons ainsi dépourvues de cour centrale, la place d'honneur prit plus d'importance ; elle était souvent placée au premier étage, devenu déjà ce que les Italiens ont appelé le piano nobile; parfois elle est couverte d'une coupole, comme le montrent les miniatures de Skylitzes; cette salle est précédée d'un vaste vestibule sem- blable au narthex des églises. Constanti-

I. L. de Beylié, Les anciennes maisons de Constanti- nople, Paris, Leroux 190;.

i8o

3Rebue De T^rt cl)rctten*

noble possède encore environ 80 maisons de cet ancien type, mais presque toutes postérieures à la conquête.

Maison syrienne. Les circonstances favorables à la conservation des édifices, permettent de voir encore en Syrie des ha- bitations des premiers siècles auxquelles il ne manque pour ainsi dire que le toit. M. de Vogue en a relevé plusieurs. Une des plus remarquables est une maison du III^ siècle à Umrah, la plus complète de l'Haouran.

Une cour de 10 mètres de côté, fermée en avant par un mur, bordée latéralement de petits appartements, précède le corps de logis principal contenant la salle d'hon- neur. Derrière celle-ci, un corridor sépare l'habitation des dépendances, comprenant notamment une curieuse écurie. Ses côtés sont percés de petites baies, au nombre de

onze, au fond desquelles sont creusées les mangeoires ; ces baies donnent sur la salle centrale d'où l'on distribuait la nourriture('). Un escalier extérieur donnait accès au logement des esclaves; un escalier intérieur menait au gynécée. L'étage était sup- porté par des salles de pierre selon la mé- thode syrienne ('), soutenu par les murs et des arcades intermédiaires.

Les murs extérieurs sont entièrement aveugles ; mais les façades internes s'ou- vrent par des portiques dignes d'un palais.

Les maisons les plus vulgaires sont con- struites en belles assises de pierre.

(A suivre.) L. Cloquet.

1. Nous en avons donné une reproduction d'après M. de Beylié dans la Revue de l'Art chrétien, année 1905, p. 120.

2. V. Cabrol, Dictionnaire d'archéologie chrétienne, fasc. VI. V. P. Julien, Sinaï et Syrie, p. 215.

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Vocation des Apôtres.

CE sujet, qu'il ne faut pas confondre avec la mission des Apôtres, ne paraît avoir été traité dans son ensemble par aucun artiste du moyen âge {') ; mais, à propos de l'histoire de tel ou tel disciple de Jésus, on rencontre, çà et là, la scène de sa vocation.

C'est ainsi qu'à Bazas (XIV'' siècle) (voir /ff. ji), sur un tympan consacré à la

Fig. 30. Chapiteau de l'ancien cloître de Saint-Pons (XIK' siècle). Multiplication des pains. (Cliché de M. Gardino de Saint-Pons.)

vie et à la mort de S. Pierre, nous voyons le Christ debout sur le rivage, annonçant à cet Apôtre : « Désormais tu seras pêcheur d'hommes. » C'est ainsi encore qu'à la cathédrale de Poitiers, sur un linteau (XIV' siècle), on a cru reconnaître la voca-

1. Voir les précédents articles, 1905, pp. 217, 299, 363, 1906, p. 32.

2. Au nouveau portail de la cathédrale de Metz, en style du XIV= siècle, un médaillon a été consacré à la représentation de cette scène.

tion de S. Thomas ; mais cette interpréta- tion est douteuse, car il n'est pas établi que la scène représentée au tympan ait trait à l'histoire de cet Apôtre ; quant au linteau lui-même, il est certain que la figure centrale est celle de Jésus, et fort probable que les huit personnages qui l'environnent, debout, tenant des livres ou des bande- roles, sont des disciples ; mais les gestes pourraient aussi bien se rapporter à un

Fig. 31

- Tympan de la poite de droite de la cathédrale de Bazas, (X1V« siècle). Histoire de S. Pierre.

autre sujet : prédication du Christ ou mis- sion donnée aux Apôtres.

Jésus et la Samaritaine,

CETTE scène, représentée deux fois sur les fresques des catacombes et assez souvent (') sur les mosaïques des églises byzantines ('), ne paraît avoir décoré aucun

1. Notamment au baptistère de Naples (V^' siècle), la .Samaritaine est figurée seule avec Jésus auprès du puits.

2. Les Byzantins choisissent, dans cet épisode, le mo-

l82

^ebue iJe T^rt c!)rétten.

de nos portails occidentaux. On a pensé cependant la reconnaître dans un des com- partiments du tympan de Cahors : sans doute nous y voyons Jésus, désigné par son nimbe crucifère, assis et parlant à une femme debout, qui l'écoute. Mais les scènes de la vie et de la mort de S. Etienne, qui entourent le compartiment en question, ne semblent pas appeler particulièrement ici la représentation de l'épisode de la Sama- ritaine ; et d'ailleurs le puits de Jacob, ac- cessoire essentiel du sujet, n'est pas figuré : il pourrait donc s'agir tout aussi bien de la femme adultère ou de celle à qui Jésus répondit : « Heureux celui qui entend la parole de Dieu, et qui la met en pratique! »

Pêche miraculeuse Jésus marche sur les flots.

BIEN que ces deux épisodes de la vie du Christ soient chronologiquement séparés par l'intervalle d'une année environ, on nous permettra de les rapprocher ici, non tant à cause de l'analogie des situations, mais surtout parce que le seul monument nous les reconnaissions avec certitude, la façade de Saint-Nicolas de Givrai (XI 1^ siècle), nous les montre côte à côte, sur trois chapiteaux du contrefort à droite de la porte principale (voir fig. j2).

Sur les deux premiers ('), voici deux barques dont la structure seule, à ne tenir même aucun compte de l'originalité du sujet, mériterait de retenir l'attention des archéologues : leur poupe et leur proue se relèvent en pointe ; un petit mât, très court, les surmonte, terminé par une sorte d'orne- ment triangulaire, malheureusement mutilé, dans lequel il semble difficile de reconnaître une voile ; en outre, deux pécheurs rament

ment les Apôtres arrivent près de Jésus et s'étonnent de le voir converser avec une femme de Samarie.

I. Sur la fig. 32, on ne voit que la composition médiane en entier et l'extrémité de chacune des deu.x autres.

et Jésus, debout, commande à deux autres de tirer les filets, qui émergent de l'onde, pleins à se rompre (').

Sur le troisième chapiteau, deux barques aussi, rament les Apôtres : l'une d'elles est furieusement secouée par un petit dé- mon, qui personnifie la tempête ; tout à côté le Christ marche sur les eaux. On retrouve ce démon des naufrasfes sur divers monuments jusqu'à la fin du moyen âge :

Fig. 32. Église Saint-Nicolas de Civrai. Chapiteaux du portail. La Pèclie miraculeuse et Jésus marchant sur les eaux.

le type le plus caractéristique nous en est offert par un tympan de porte (XIV*^ siècle) de la cathédrale de Worms, consacré à l'histoire de .S. Nicolas ; nous croyons, en raison de sa singularité, pouvoir le publier ici, bien qu'il ne rentre pas directement dans notre sujet [voir ^o, jj).

On doit rapprocher des sculptures de Civrai celles qui nous retracent la vie et la mort de S. Pierre, au tympan de la porte droite de Bazas (XIV' siècle) ; nous y voyons Jésus debout dans la barque entre deux disciples qui semblent ramer (voir

I. Un fragment de sarcophage antique, conservé à Spolète, montre une scène analogue ; Jésus, assis h la proue, commande h quatre rameurs (dont un brisé) qui d'après les inscriptions et contrairement aux données du Nouveau Testament, sont les quatre évangélistes ; un phare, que l'on aperçoit au loin, accentue encore le carac- tère allégorique de cette composition. A Civrai, au contraire, l'artiste a simplement suivi le texte évangélique.

ILa (Hte ùe 3ïé0us: Cl)n0r.

183

y^. j/) : est-ce la pêche miraculeuse, ou plutôt la prédication de Jésus lorsque, pressé par la foule, il devait, pour instruire le peuple, se réfugier au milieu du lac ? Au-dessus, près d'une barque qui paraît vide (peut-être par suite de mutilations), nage un homme à demi submergé par les flots : il est difficile de ne pas reconnaître en lui l'Apôtre marchant sur les eaux à l'appel de Jésus. Nous ne pensons pas que par cette barque vide auprès de Pierre, l'artiste ait entendu figurer l'Église ; cepen-

F'8- 33- Ancienne cathédrale de Worms. Tympan de la porte di- la

t TauIkapeUe > (autrefois chapelle de Saint-Nicolas, XIV- siècle).

Légende de S. Nicolas.

dant, à la même époque, sur la façade de Ralisbonne, nous trouvons une allégorie presque semblable : l'Apôtre seul dans une nef voguant sur les flots (').

Prédication de Jésus. Paraboles.

CETTE partie doctrinale de la vie du Christ, qui tient naturellement dans l'Évangile la place principale, prête assez peu à l'art de l'imagier : il est difficile, pour ne pas dire impossible, d'exprimer, en repré- sentant des interlocuteurs, le sens de leurs discours et le charme qui se dégage de leurs

I. La pêche miraculeuse figure aussi sur quelques van- taux de bronze, notamment sur ceux de Ravello (1179), par Bariscanus de Trani

récits. Aussi les artistes du moyen âge n'y ont-ils guère essayé : à peine trouve-t-on, au soubassement d'Amiens, un médaillon, Jésus converse avec deux personnages vêtus de manteaux, et qu'on a intitulé : « Discussion du Christ avec les Pharisiens ». Nous ne connaissons pas d'autre exem- ple de ce sujet sur une porte d'église; mais

Fig.'34. Plaque des vantaux de bronze de Bénévent tXIK- siècle). Le Sermon sur la montagne.

sur le célèbre autel d'argent de Pistoie (début du XIV° siècle), un des panneaux nous montre Jésus debout sur une éminence plantée d'arbres, prêchant une foule atten- tive : cette représentation du Sermon sur la montagne semble inspirée d'un ancien modèle byzantin, reproduit sur quelques portes de bronze du XI I" siècle. Les van- taux de Bénévent (voiry^. j^), nous en offrent un intéressant exemple, nous voyons onze apôtres, assis en rangs serrés, écouter Jésus qui leur parle debout, tandis

i84

ÎÉvebuc îie T^rt clirctien.

qu'à l'horizon se dresse la montagne qui donna son nom à la scène.

Mais il existait un autre moyen de tra- duire en pierre, de façon saisissante, la doc- trine évangélique : c'était d'emprunter la forme même qu'avait employée le Christ et de représenter les paraboles en action : les chrétiens des catacombes, puis les moines de Byzance n'y a\ aient point manqué : dans leurs œuvres picturales, on rencontre sans cesse le Bon Pasteur, les Vierges prudentes et folles, plus rarement l'Enfant prodigue, le Semeur, les travailleurs de la vigne, les Noces du Père de famille, le Bon Samaritain, le Mauvais Riche, le Figuier stérile, etc.

Dans l'art du moyen âge, ces paraboles ont eu des fortunes bien diverses : tandis que la plupart d'entre elles continuaient à être figurées sur les verrières des cathé- drales, les imagiers au contraire, surtout à partir de la fin du XII" siècle, n'en conser- vaient dans leur répertoire que trois ou quatre : les Vierges sages et folles, le Mau- vais Riche, parfois le Figuier stérile et l'En- fant prodigue. Les autres, notamment celle si touchante du Bon Pasteur, devaient at- tendre la Renaissance pour recouvrer droit de cité (').

L'étude des paraboles ne se rattachant qu'indirectement à notre sujet, nous dirons seulement quelques mots de chacune d'elles.

l. Vierges sages et Vierges folles. Le sujet des Vierges prudentes à qui l'Epoux

I. Le Bon Pasteur se trouve cependant sur quelques chapiteaux grossièrement imités des sarcophages antiques par les sculpteurs auvergnats du XII"' siècle, à Brioude, Issoire, Volvic et Glainc-Moniaigut, et le Bon Samaritain sur un chapiteau du cloître de Moissac. Quant aux Noces du Père de famille, qu'on a cru reconnaître sur un linteau de l'église San Salvatore, à Lacques (XII" siècle), cette interprétation paraît fort discutable ; il en est de même de la parabole de la Vigne, que certains critiques veulent distinguer sur la porte du baptistère de Pise, sculptée vers la même époque par Anlellami.

ouvre sa maison, et des Vierges folles à qui il en interdit l'entrée, paraît avoir été ré- servé, par les chrétiens des catacombes, pour l'ornementation des tombeaux des religieuses : c'est ainsi qu'une peinture du IV" siècle (') montre deux fois les cinq Vierges sages : d'un côté debout et tenant leurs lampes, de l'autre attablées au banquet céleste va s'asseoir auprès d'elles l'âme de la religieuse ensevelie; quant aux Vierges folles, elles ne sont point représentées.

Ce même sujet était aussi admirablement approprié à la décoration des portes des églises, qui sont vraiment les maisons de Dieu, les demeures de l'Époux. En Occi- dent, peu de sujets ont été plus souvent, et de façon plus diverse, reproduits sur les façades pendant toute la période médié- vale.

Au XI F siècle, nous le trouvons à la voussure de presque toutes les portes his- toriées du Poitou et de la Saintonge ('). L'Epoux, figuré à mi-corps et souvent enca- dré d'une auréole, occupe le sommet de la voussure ; à sa droite est la porte de la maison, toute grande ouverte devant les Vierges sages qui se superposent, debout, sur les claveaux de ce côté, tenant avec précaution leurs lampes droites ; de l'autre côté, la porte est fermée d'un gros verrou, et la théorie des cinq Vierges folles porte, avec non moins de soin, les lampes con- sciencieusement renversées. L'Époux bénit parfois les Vierges prudentes ('), ou leur présente une couronne (''). Exceptionnelle- ment, un texte gravé accompagne et expli- que la scène (=). Au XI F siècle encore,

1. Au cimetière Ostrien.

2. Argenton-Château, Aulnay, Civrai, Fenioux, etc.

3. A Aulnay, Fenioux, etc.

4. A ArgentonChâteau.

5. A Argenton-Chàteau : Hic siint prudentes qtiinque virgines advcnlum sponsi cutn suis lampadibus exceptan- tes (pour expectantes) venientis hic sunt quinque fatuŒ

2.a mit De 31é0us Cl)rtst.

185

à Bâle ('), le même sujet occupe le linteau de la porte nord de la cathédrale : c'est, à notre connaissance, le seul portail la parabole soit mise en action, au lieu d'être représentée par des acteurs isolés, superpo- sés ou alignés, selon le membre d'architec- ture qu'ils sont appelés à décorer.

Au X 1 11"= siècle en effet, les Vierges sages et folles abandonnent généralement la vous- sure pour prendre place aux pieds-droits des portes consacrées à la représentation du Jugement dernier {'); le personnage de l'Époux disparaît alors, à moins qu'on ne veuille le reconnaître sous les traits du Souverain Juge du tympan ; les portes, ouverte et fermée, subsistent presque par- tout.

A l'âge suivant, nouveau déplacement : quelques Vierges s'attardent encore aux pieds-droits {^), mais la plupart élisent do- micile aux ébrasements où, surtout dans l'école allemande ('•), elles prennent une importance exceptionnelle (^): les figures en ronde bosse des Vierges folles surtout éta- lent dans leur costume une magnificence que surpasseront à peine Ks somptueuses créa- tions de Véronèse (*). Les deux portes ont alors disparu, et le nombre des acteurs s'est modifié : près des Vierges sages, réduites parfois à trois ou quatre, se tient l'Epoux ; ou peut-être le Prophète (Mahner) si l'on

virgines nientis hus sfions nescio vos (voir

l'analyse de ces sculptures dans la Revue de V Art chrétien, septembre, 1903).

1. Voir l'article consacré à cette porte dans la Revue, mai 1905.

2. Saint-Denis, Paris, Amiens, Sens, Chàlons-sur- Marne (Notre-Dame), etc.

Par contre, à Trêves (Notre-Dame) et Laon, ce sujet reste à la voussure.

3. Auxerre.

4- On remarquera que dans les écoles italiennes et sur- tout espagnoles, on ne rencontre ce sujet à peu près sur aucun portail du moyen âge.

5. Strasbourg, Berne, Fribourg-en-Brisgau, Nuremberg (St-Sébald).

6. Voir l'analyse du portail de Berne {Revue de l'Art chrétien, numéro de mai 1904).

adopte les conclusions de la critique alle- mande ; près des folles est le Tentateur, Satan couronné, à l'air bonhomme et sar- donique à la fois, qui regarde complaisam- ment ses victimes {yo\x fig. J5). Excep- tionnellement à cette époque, on retrouve la parabole sur quelques cordons de vous-

Figr- 35- Cathédrale de Strasbourg. Ébrasemeiit de la porte

occidentale gauche. Le tentateur et les Vierges folles

(au-dessous, signes et tiavaux des mois).

sure ('), mais les personnages n'y ont plus l'originalité ni la vie de ceux des premiers temps.

Il est curieux de constater que l'art de la Renaissance qui, en général, a reproduit beaucoup plus fréquemment que celui du moyen âge les scènes des paraboles a com- plètement abandonné celle-ci.

I. Saint-Père-sous-Vézelay, Dol.

i86

Bebue De V^xt chrétien*

II. A^auvaù Riche. Ce sujet paraît n'avoir guère été traité qu'au XI P siècle, et exclusivement sur des portes d'églises monastiques II nous en reste trois exemples admirables, dont les deux premiers sont peut-être inspirés l'un de l'autre : à Mois- sac, à Argenton-Château (') et à Avila

(Espagne) ('). La frise de Moissac est par- faitement conservée dans sa partie princi- pale ; les deux autres types sont mutilés à tel point qu'à Argenton-Château notam- ment, on a cru généralement reconnaître dans ces sculptures un Jugement der- nier (^),

Fig. 36. Porte occidentale de San Vicento d'Avila OLW siècle). Parabole du Mauvais Riche.

Ces diverses compositions sont divisées chacune en plusieurs scènes dont on re- marquera, surtout à Moissac et à Avila (voir fig. j6), le parallélisme intentionnel : voici d'abord le Riche.festoyant à une table bien servie, près de sa femme ou peut-être

I. Le même sujet se retrouve, à la même époque, sur un chapiteau du cloître de Sant'Orso.à Aoste, en Piémont (cité par M. André Michel). On a cru aussi le reconnaître sur un des tympans latéraux de Ruffec (XI K

siècle).

d'une courtisane aux riches atours ; tout à côté, le pauvre, étendu sur le sol, couvert d'ulcères que les chiens viennent lécher, meurt, et un ange, descendant du ciel, vient

1. Pour l'analyse détaillée et les photographies de Moissac et d'Arfjenton, voir la A'cTue de PArt Chrétien, numéro de septembre 19);.

2. Nous ne considérons pas comme figurant la parabole du Mauvais Riche, le personnage isolé de l'Avare qui peine, sa bourse pendue au col, sur un grand nombre de chapiteaux du XI1<; siècle.

Ha Mit î)t 3é0us Cl)n0t.

187

recueillir son âme ; plus loin, l'Avare est étendu, mort lui aussi, sur son lit; son épouse, affaissée à son chevet, se lamente ; un ange, venu sans doute pour tenter une suprême tentative, se détourne, tandis qu'un affreux démon, proche parent de ceux de Beaulieu ('), emporte en ricanant l'âme réprouvée ; un dernier tableau, qui n'existe pas à Avila, nous le montre en enfer, succombant sous le poids de la lour- de bourse suspendue à son col, tourmenté par des monstres hideux, cependant qu'à l'autre extrémité de la composition, Lazare est recueilli dans le sein d'Abraham, près de qui sont assis Isaac et Jacob (^). Comme vérité d'attitudes, comme perfec- tion de détails, ces sculptures de Moissac sont admirables ; pourtant, sur un point, l'imagier d' Avila s'est montré supérieur à celui du Languedoc: en son premier ta- bleau, au lieu de représenter Lazare sim- plement couché sur la terre, il le place debout près de la table du Riche, dont il implore en vain la charité ; or, n'est-ce pas précisément cette dureté de cœur de l'Avare.sous-entendue sur les autres monu- ments mais exprimée ici, qui est la cause de sa damnation et le principe même de la parabole ?

III. Arbre stérile. Cette parabole n'apparaît que sur quelques portails du XIII' siècle, particulièrement dans l'Ile-de- France. Amiens nous en offre, aux pieds- droits de sa porte centrale, l'exemple le plus complet et le mieux conservé : à droite, l'olivier chargé de feuilles et de fruits ; des oiseaux y nichent et des lampes y sont suspendues, coule l'huile ; à gauche, l'arbre mort, aux branches desséchées, et

1. Voir le précédent article, page 40, et la fig. 26.

2. La présence des trois patriarches est un trait distinctif des écoles du Sud de la France : ainsi à Arles. Dans le Nord, Abraham est toujours figuré seul.

dans le tronc duquel est déjà enfoncée la cognée du bûcheron.

IV. Enfant prodigue. Au contraire des précédentes, cette parabole semble n'avoir été introduite dans le répertoire des imagiers que vers la fin du moyen âge. Nous la trouvons dans les médaillons du soubassement d'Auxerre {yo\x fig. jy) ("), représentée avec un luxe de détails qui

A

■s . V

Fig' 37 Cathédr.ile Saiiit-Étierme d'Auxerre. Soubassement

du portail occidental (XIV^ siècle). Parabole de l'Enfant prodigue

(fragment).

rappelle moins l'Évangile que les romans de chevalerie: ici le fils égaré se livre aveuglé- ment à toutes les jouissances : il cavalcade avec des amis ; couché sur un lit de repos, il accueille des flatteurs ; puis ce sont les plaisirs de la table, et les délices du bain que lui préparent de gracieuses servantes. D'autres médaillons, dégradés, ne nous laissent point suffisamment suivre le récit. L'Enfant prodigue demande le chemin de la maison paternelle, et pour fêter son re- tour, nous assistons à un magnifique festin. Collection curieuse de sujets, dont la

I. Notre photographie ne reproduit qu'un fragment de la série.

i88

Bebuc ïie T^lvt cbvctieu.

disposition a été comparée par Viollet-le- Ducà celle d'une tapisserie, et qui rappelle également l'aspect général de certains vi- traux à médaillons du XI II" siècle (').

Telles sont les seules paraboles que nous présentent les portes d'églises du moyen âge. Les artistes de la Renaissance, au contraire, ont souvent employé ces sujets dans la décoration de leurs monuments, même civils (voûte du Gros- Horloge à Rouen, divers hôtels-de-ville flamands, etc.), ajoutant au répertoire de leurs devanciers le Bon Pas- teur, le Semeur et le bon Samaritain. Il serait intéressant de suivre le développe- ment de ces divers sujets sur les sculptures, les peintures, et surtout les vitraux du XVI= siècle.

Divers miracles de Jésus.

T L est un certain nombre de miracles qui *- ont été, dès les premiers temps, consi- dérés comme des figures de la résurrection et ont, à ce titre, trouvé place sur un grand nombre de sarcophages chrétiens. Ainsi les Noces de Cana et la multiplication des pains que nous avons déjà étudiées, la guéri- son de l'aveugle-né, celle du paralytique, et surtout la résurrection de Lazare.

Les Byzantins ont suivi cet exemple, et les murailles intérieures de leurs églises sont couvertes de fresques représentant, par séries, ces divers miracles.

Nos imagiers au contraire ont assez rarement traité ces sujets : seule, la vous- sure de Strasbourg nous les montre grou- pés en une suite rigoureuse ; nous en trou- vons encore quelques-uns, dont l'interpré- tation est incertaine, au tympan de la porte de l'Horloge, à Tolède; mais il n'y a

I. L'enfant prodigue ne se montre, croyons-nous, sur aucun autre portail : nous avons établi que la scène de Saint-Gilles, M. Ramée avait cru reconnaître ce sujet, représente en réalité Judas dans le temple.

que la Résurrection de Lazare qui soit fréquemment représentée. Il convient donc de l'examiner en détail.

I. Résurrection de Lazare. Nous la trouvons soit aux portes d'édifices dédiés à S. Lazare (') ou à Ste Marthe, sa sœur(*), soit dans des séries de la Passion et de la Résurrection du Christ (^) dont elle con- stitue la figure.

A l'origine, sur les sarcophages antiques, la scène est réduite à sa plus simple ex- pression : Jésus se tient debout et étend la main vers un monument à fronton grec, très petit, par la porte duquel sort un Lazare minuscule qui se dresse à l'appel du Maître ; parfois, aux pieds du Christ, deux petites figurines courbées peuvent représenter, soit Marthe et Marie, soit les fossoyeurs (■»). Sur d'autres monuments postérieurs (^), la composition est plus sa- vante : Jésus, portant le livre de la loi, se tient debout devant le sépulcre, sorte de chapelle de pierre, dont il frappe la porte d'un coup de baguette ; Lazare se lève, tout enveloppé de bandelettes ; quelques personnages, dont Marthe et Marie, assis- tent passivement au miracle.

Les moines grecs au contraire ont géné- ralement groupé autour du Christ tout le collège apostolique et une grande foule de peuple ; d'après le manuel de Denys, le sépulcre doit être représenté creusé au flanc d'une montagne, autour de laquelle se lamente la multitude.

Les imagiers du XI 1" siècle (on remar- quera en effet que presque seuls les artistes

I. A Avallon, église Saint-Ladre (ou Lazare): bas-relief détruit en 1793.

2 A Tarascon (bas-relief détruit à la Révolution). Four la même raison, VioUet-le-Duc a fait placer ce sujet sur le tympan moderne de la porte extérieure de l'abbaye de Vézelay, consacrée à Ste Madeleine, sœur de Lazare.

j Notamment à St-Gilles {\n\xfig. ^S).

4. Sarcophage du musée de Latran.

5. Sarcophage de Layos (Espagne, IV*^ siècle).

3La Wiit de 3Jé0us Cl)r(st.

189

de cette époque, et uniquement dans les pays subsistaient encore les traditions et les monuments de l'antiquité ('), ont reproduit ce sujet sur les façades d'église) ont donné à la scène plus de simplicité, tout en la divisant en plusieurs tableaux : c'est d'abord Marie- Madeleine venant annoncer à Jésus que Lazare est mort ; elle l'implore prosternée à ses genoux ; Marthe et quel- ques apôtres complètent la scène ; puis le Sauveur arrive devant le sépulcre, dont le couvercle a été écarté : ce couvercle, à

St-Gilles (voir yf^. j8), est timbré d'une croix, sans doute pour rendre plus sensible l'allusion à la sépulture chrétienne. Jésus fait un geste de commandement ou peut- être de bénédiction, et Lazare se dresse, encore embarrassé de bandelettes, qu'un apôtre s'emploie à dérouler.

Nous ne pouvons passer sous silence le très curieux panneau provenant d'une église de Selsea {XV ou XIP siècle), con- servé aujourd'hui dans la cathédrale de Chichester (Angleterre) : Jésus, gigantes-

Fig. 38. Frise du portail de Saint-GiUes. Résurrection de Lazare. Prédiction du reniement de S. Pierre. Lavement des pieds.

que et tenant le Livre sacré, appelle de la main le petit Lazare (voiry?^. jç) qui surgit, raide encore et joignant les mains ; Marie- Madeleine, nimbée, achève de débarrasser son frère des bandelettes qui l'enlacent. Au bas, deux fossoyeurs minuscules, coiffés de la calotte pointue des Juifs du moyen âge, manœuvrent à l'aide de leviers la pierre du

I. Exception faite pour !e portail de Strasbourg (XI 11*= siècle). Ce sujet existe encore sur divers chapiteau.x, notamment à la chapelle funéraire des rois, à San Isidoro de Léonet aucloitre de San Juan de la PenaCXII"^ siècle) et sur des bas-ieliefs d'intérieur, comme à la clôture du chœur de Tolède (XI siècle), exceptionnellement le tombeau de Lazare est formé d'une pierre posée à plat sur le sol.

tombeau ; trois apôtres suivent Jésus; dans un coin, deux femmes pleurent. On remar- quera une singulière parenté, dans le style, entre ce panneau et les sculptures de la Tentation que nous avons examinées à Beaulieu (voir 1"" livraison, page 40 et

A-- ^6 (■).)

II. Aveugle-7ié. Nous trouvons ce miracle représenté, avec neuf autres, dans la série de la voussure de Strasbourg.

I. Sur le tombeau de S. Lazare à Autun, œuvre delà fin du XII'' siècle, dont il ne subsiste que des fragments, S. Pierre et S. André assistaient à la résurrection de Lazare, ainsi que Marie et Marthe qui se protégeait la figure d'un pan de son manteau.

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3^e\)ue ÏJC T^rt ci)rctien»

L'aveugle s'appuie péniblement sur un bâton, et Jésus le guérit en lui touchant les yeux. On croit pouvoir reconnaître cette même scène sur le tympan de Tolède (voir fig. 2ç), représentée d'une façon analogue, si ce n'est que l'artiste a bizarrement réuni à ce miracle celui de la guérison du paraly- tique. — Dans l'un ni dans l'autre de ces deux morceaux, les imagiers ne sont tombés dans l'affectation puérile dont les Byzantins ont fait preuve dans la composition de ce sujet : pour eux, l'aveugle-né est un misé-

Fi^ 3^ Pauneau de Chichester (XU^ siècle). Résurrection de Lazare.

rable mendiant, ployant sous une sordide besace et chaussé de souliers percés dont les larges déchirures laissent paraître les orteils (') ; mais il faut reconnaître que sur un point ils ont surpassé les sculpteurs d'Occident : ils ont eu soin de nous montrer la conclusion du miracle : l'aveugle, guéri, se lavant les yeux à la piscine, selon l'ordre du Christ.

III. Paralytique. Nous venons de dire que la guérison du paralytique semble faire le sujet d'une partie du tympan de

I. Voir le Manuel de Denys.

Tolède (porte de l'Horloge, yf^. 2ç): c'est du moins l'interprétation la plus vraisem- blable de ce petit personnage qui se dresse sur une sorte de brancard en avant de Jésus. A Strasbourg, la représentation est plus claire et plus détaillée : deux cla- veaux de la voussure sont consacrés à ce même miracle : sur l'un, conformément au récit évangélique, on descend l'infirme dans une corbeille, par une ouverture pra- tiquée au toit de la maison ; sur l'autre, il se tient, appuyé sur sa béquille, devant le Christ, qui le guérit. Le premier de ces tableaux se rencontre constamment dans l'iconographie byzantine ; mais le second est remplacé par un autre, infiniment plus pittoresque et plus expressif, l'on voit le paralytique, guéri, fendre allègrement la foule, emportant sur le dos son lit désor- mais inutile.

IV. Fille de Jaïre. En raison sans doute de l'espace restreint que lui fournis- sait la voussure, l'imagier de Strasbourg a figuré la jeune fille étendue morte dans une sorte de fauteuil ; Jésus, se tenant devant elle, lui commande de se lever. Serait-ce aussi ce miracle, bien singulièrement repré- senté en tous cas, que le sculpteur de To- lède a voulu interpréter au sommet du tympan de la porte de l'Horloge (voir fig. 2ç)} De chaque côté d'un lit orné de rideaux, sur lequel est étendu un personnage peu distinct, cinq ou six hommes debout, régu- lièrement alignés, se penchant vers lacouche du mort, inclinent avec ostentation vers lui, et évidemment en son honneur, des objets indéterminés : ces gens représente- raient assez bien les pleureurs ou les joueurs de flûte mentionnés dans l'Évangile ; mais pourquoi l'acteur essentiel, le Christ, ne serait-il point figuré .'' D'autre part, les on- dulations qui, de chaque côté, limitent la .scène, et qui sont peut-être de simples

JLà Mit De 3tms€\^viQt.

191

motifs d'ornementation, ajoutent encore à l'incertitude. Aussi n'émettons-nous qu'avec une extrême réserve cette hypothèse de la fille de Jaïre, justifiée à peu près unique- ment par le voisinage des autres miracles de Jésus. En tout cas, malgré le nombre de onze personnages figurés, nous nous re- fusons à reconnaître ici une Dormition de la Vierge, sujet que le contexte n'appelle nullement, qui est déjà longuement repré- senté sur une porte voisine et auquel en outre le personnage de Jésus ne serait pas moins indispensable que dans l'hypothèse formulée plus haut.

V. Autres miracles. Les autres scènes de miracles évangéliques que nous trouvons encore à la voussure de Strasbourg man- quent totalement d'invention et d'origina- lité : toujours Jésus est figuré debout et de- vant lui se tient.debout aussi ou agenouillé, le malade qu'il guérit. C'est ainsi qu'on devine, plutôt qu'on ne les reconnaît, faute d'attributs distinctifs, le centurion ("), l'hé- morrhoisse, un possédé, etc.

La guérison du lépreux, qui ne fait peut- être pas partie de cette série, se trouve par contre sur un intéressant chapiteau du XI I^ siècle (') de la chapelle funéraire des rois à San Isidoro de Léon : le lépreux se traîne aux pieds du Christ qui lui dit, selon l'ins- cription gravée auprès des personnages : « Munda te »

Transfiguration.

Ç~~^ ET épisode glorieux de la vie de Jésus ^^ est certainement l'un des sujets les plus fréquemment traités en mosaïque et en peinture sur les monuments byzantins. Ouel-

1. Les Byzantins caractérisent heureusement l'épisode du centurion, en montrant dans le lointain la maison de cet officier, son serviteur se lève guéri. Un des assis- tants lui indique du doigt cette scène.

2. En face de ce chapiteau se trouve celui représentant la résurrection de Lazare.

quefois il s'y présente sous une forme sym- bolique, comme à Saint-Apollinaire in Classe, de Ravenne (VI<= siècle), l'on voit trois agneaux s'inclinant avec respect devant une croix qui s'élève, glorieuse, dans les cieux; mais plus souvent, les artistes ont simplement traduit le texte évangélique.

Plus tard, la Transfiguration prit place dans cette collection des Douze Mystères, que les Grecs réunissaient en un seul corps sur leurs icônes, et à laquelle ils attribuaient une signification dogmatique ('). Elle fut alors reproduite à profusion, en pierre, en ivoire, en métal, et l'on doit s'étonner que les imagiers des époques romane et gothi- que, qui pourtant subissaient si fortement, même à leur insu, l'influence des icono- graphes byzantins, aient rayé la Transfigu- ration de leur répertoire habituel. Dans tout le moyen âge en effet nous ne connais- sons aucune porte d'église elle soit représentée (^), et même dans les bas-reliefs d'intérieur, ce sujet est extrêmement rare {^) : on le rencontre, par exception, sur quelques clôtures de chœur, notamment à la cathédrale de Tolède (XlVe siècle). C'est seulement à l'époque de la Renais- sance que, de nouveau, les artistes s'empa- rèrent de ce motif, pour en faire le sujet de

1. Voici ces Douze Mystères : Annonciation Nativité Présentation Baptême Transfiguration Résurrection de Lazare Rameaux Crucifixion Descente aux limbes Ascension Pentecôte Dormition de la Vierge

2. On trouve pourtant ce sujet dans un médaillon, sur une des tours de la cathédrale de Wells (.\III"= siècle) : Jésus debout se tient entre Moise et Élie. Sous leurs pieds sont prosternés les trois Apôtres minuscules.

3. On le trouve, au XIP siècle, sur quelques chapi- teaux, notamment au cloître de Moissac. Par contre, nous nous refusons à reconnaître ce sujet sur l'archivolte de la baie latérale de Charlieu ; si, en effet, la présence de Jésus, Pierre, Jacques et Jean y est certaine, on remar- quera que Jésus n'occupe pas le centre delà composition, qu'au lieu de Moïse et Élie on ne trouve qu'une seule figure et que d'ailleurs les attitudes ne sont pas celles d'une transfiguration.

192

Bc\)ue De r^rt c!)vctieiu

nombreux chefs-d'œuvre, sur pierre, sur toile et sur verre.

Jésus chez Marthe et Marie ("), chez Simon le Lépreux et chez le Pharisien.

CETTE scène peut, au point de vue iconographique.se diviser en deux par- ties: d'abord l'arrivée de Jésus à la maison des deux sœurs, et les soins de Marthe, em- pressée au ménage ; puis l'acte de Marie se prosternant devant le Maître, pendant le repas, et lui essuyant les pieds de ses che- veux.

Le premier tableau n'a été, à notre con- naissance, figuré, au moyen âge, sur aucune

Fig. 40. Panneau de Chichester (XII"^^ siècle). Arrivée de Jésus chez Marthe et Marie.

porte d'église ; mais ce n'est pas à dire que les imagiers ne nous en aient laissé d'inté- ressantes représentations.

La plus curieuse est assurément celle d'un panneau de pierre, provenant de Selsea et conservé dans la cathédrale de Chichester {") : sur ce relief du XI siècle,

1. Régulièrement, cet épisode devrait être examiné avant celui de la Résurrection de Lazare: mais nous avons cru pouvoir modifier l'ordre chronologique, pour réunir en un seul ensemble la collection des miracles de Jésus.

2. Voir //^. ^o.

Jésus, suivi de trois disciples, arrive à la porte d'un véritable château féodal; sur le seuil, Marthe et Marie s'agenouillent pour le recevoir.

Quant à la préoccupation de Marthe, qui s'inquiète des soins matériels, elle est ren- due, avec une naïveté charmante, sur un chapiteau de l'ancien cloître de St-Pons (Hérault) (voiryf^. .//) : dans une cuisine, auprès d'un chaudron suspendu sous l'âtre, Marthe et une servante apprêtent le repas- l'une, à l'aide d'un couteau, écaille des poissons sur une planchette; l'autre remue

Fig. 41. Chapiteau de Saint-Pons. Marthe préparant le repas de Jésus (cliché de M. G.\kdino de saint- Pon.s).

dans une marmite placée sur le feu le liquide qu'elle y verse d'une bouteille : c'est évidemment la préparation dans laquelle vont être cuits les poissons.

Sur le retour du même chapiteau, Jésus, nimbé, est assis à table entre deux person- nages, dont un doit être Judas, car il tient à la main la bourse qui caractérise l'économe du collège apostolique; l'autre est proba- blement Simon le Lépreux. Couchée à terre, sous l.i nappe, la pécheresse, que beaucoup d'imagiers semblent avoir identifiée avec

îLa mte ÎJC Jésus Cl)ngt.

193

Marie-Madeleine, oint de parfums et baise les pieds du Christ. Et celui ci, répondant aux critiques de Judas et de l'hôte, qui blâment une telle prodigalité, leur dit, mon- trant du doigt la femme prosternée : « Beau- coup de péchés lui sont remis, parce qu'elle a beaucoup aimé. »

On voit déjà dans cet exemple la confu- sion, habituelle dans l'art du moyen âge, entre les divers repas de Jésus chez Marthe

et Marie, chez le pharisien et chez le lé- preux : parfois même, comme à la façade de Vouvant (XV'' siècle), l'épisode de la pécheresse se trouve réuni à celui de la Cène : dans cette singulière composition en effet, nous voyons d'une part Judas por- tant la main au plat devant tous les Apôtres attablés autour de Jésus, de l'autre la femme qui s'approche avec un vase de parfums.

De résulte une certaine indécision

Fig. 42. Arcatare gauche de la façade de Saint-Hilaire de Poussais (XU*^ siècle). Repas du Clirist ciiez le Piiarisien.

dans l'interprétation de quelques bas-reliefs, notamment de la belle composition qui orne l'arcature gauche de la façade de St-Hilaire de Poussais (XI I" siècle) : (voiry^. 42), sous une triple arcade surmontée de cloche- tons imbriqués qui rappellent assez ceux de Notre-Dame la Grande ou de St-Jouin de Marnes, trois personnes sont assises à une table richement servie : au milieu Jésus, puis un apôtre caractérisé par ses pieds nus, et un homme aux vêtements somptueux. Devant le Christ se prosterne sur le sol (') une femme éplorée qui, de ses

I. Sur le médaillon de Wells (XIIP siècle), Madeleine est simplement agenouillée.

cheveux dénoués, essuie les pieds du Sau- veur. Le costume des convives, la présence de la pécheresse indiquent nettement, pour sujet de cette scène, le repas chez le Phari- sien, et cette interprétation serait absolu- ment indiscutable si, au second plan, au- dessus de l'arcature qui limite le premier sujet, nous n'apercevions le Sauveur debout conversant avec une femme au milieu d'un paysage : ce pourrait être Madeleine invi- tant Jésus à entrer dans sa maison, ou encore, malgré l'absence des attributs habi- tuels de Jésus ressuscité, le voyant appa- raître dans le jardin, au matin de Pâques. Dans un cas comme dans l'autre, la proxi-

KBVUB DE l'art CHKÉTIEN. Igo6. 3°^* LIVRAISON.

194

jRcbur tic riarr tbvctiru»

mité des deux scènes paraît impliquer dans le premier tableau la présence de Marie- Madeleine et l'on doit conclure qu'ici encore l'imagier a établi une confusion entre le personnage de la sœur de Marthe et celui de la pécheresse mentionnée par S. Luc.

A St-Gilles (XI I" siècle), la même scène est reproduite sans détail qui mérite d'être signalé ; mais on remarquera la place sin- gulière occupée par ce sujet, au milieu de la série de la Passion, entre le Portement de croix et la Sépulture de Jésus : en boulever- sant ainsi l'ordre chronologique, l'artiste a évidemment voulu rapprocher de l'enseve- lissement véritable l'acte de la pécheresse dont le Christ lui-même a dit: «Cette femme, en répandant le parfum sur mon corps,

l'a fait pour m'ensevelir par avance ('). » Tels sont les seuls épisodes de la vie pu- blique du Christ que nous trouvions repré- sentés sur les portes d'églises : sans doute parmi les chapiteaux du X IP siècle, surtout en Auvergne et en Languedoc, on pourrait découvrir encore quelques sujets qui com- pléteraient l'histoire de Jésus {'); mais un inventaire complet dépasserait la limite de nos forces et la patience de nos lecteurs. Ils nous permettront donc d'aborder mainte- nant les scènes préliminaires de la Passion.

G. Sanoner.

(A suivre.) Paris.

1. Le Repas chez le pharisien, avec la pécheresse au.x pieds de Jésus, est représenté sur plusieurs clôtures de chœur, notamment sur celle de Tolède (XIV° siècle).

2. Ainsi, au cloître de Moissac, les épisodes du Cente- tenier et de la Chananéenne.

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Bourse armonale

De la romtrûoc Giiillcmrtrc lir Gnipcrcs.

(Bfbiit Su XIV flirclr.)

I. Description. Cette bourse, conservée à la Chartreuse de la Valsainte, près Fribourg, en Suisse, est un joli spécimen du type armoriai, qui, toujours très décoratif par lui-même, fut

Bourse armoriale.

Première face.

particulièrement en honneur depuis les croisades de saint Louis jusqu'à la fin du XIV^ siècle.

Nous voyons une tapisserie a l'aiguille exé- cutée avec une rare délicatesse et un goût exquis. Elle est toute en soie brodée sur toile ; et l'on ne compte pas moins de quatorze nuances di- verses, qui marient leurs brillantes couleurs sur un fond grenat.

La hauteur mesure o"", 189 ; la largeur o"i,2o, boutons non compris.

Ce bel ouvrage forme comme deux tableaux chargés d'écussons et d'emblèmes héraldiques. Le cadre consiste, sur l'une et l'autre face, en bordures de largeur inégale. A la partie supé- rieure, la bordure, large de o'",oo4, est faite de soie jaune, sur laquelle se détachent de petites croix vertes.

Sur le côté l'on distingue les châteaux, il y a, à droite, une ganse jaune, qui sépare les écussons de la bordure. Celle-ci se compose elle-même de

Bourse armoriale.

Deuxième face

deux bandes : l'une jaune, l'autre verte.A gauche, la bordure consiste en deux bandes : l'une exté- rieure est en étoffe d'or, sa voisine en soie rose pâle.

Sur le côté des oiseaux (•), la bordure comprend: à droite deux bandes ; l'une, extérieure, verte, sa voisine jaune ; a gauche, deux bandes, l'une, exté-

I. La couleur bleue des oiseaux ne pouvait trancher sur la photo- gravure, où ils sont à peine visibles.

196

3Rel)ue îie r^rt chrétien.

rieure.en étoffe d'or, sa voisine en soie rose pâle. A la partie inférieure, une ganse verte, appliquée sur la tapisserie, sert de bordure. En haut, la bourse peut se fermer au moyen de trois cor- donnets qui forment chacun une boucle, placée en face d'un bouton.

Sur le pourtour, d'autres boutons se succèdent et complètent l'ornementation. Ceux des extré- mités, à la partie supérieure, se terminent par des houppettes, en soie grenat. Ceux d'en bas donnent également naissance à des houppettes : deux roses, deux blanches, et une verte, au milieu. Les boutons, de forme sphérique, sont nattés. Presque tous conservent encore leur couleur : on en distingue de roses, de blancs, de bruns, de verts et de violets ; celui du milieu, en bas, est rouge ; trois autres étaient noirs, probable- ment.

Les bandes jaune, verte et rose pâle, dans les bordures latérales, sont faites dans le genre du point de broderie marocaine. On a obtenu l'étoffe d'or par le procédé suivant : Des fils de soie, couverts de spirales d'or, sont couchés parallèle- ment sur la toile ; ils s'y trouvent maintenus par des lignes transversales de points assez fins. Tout le reste de la tapisserie est travaillé en deux sortes de points : \epoin( de vannerie, dans les écussons répétés en diagonale ; le point de broderie grec- que, dans les écussons disposés en une bande verticale. Ces points de vannerie et de broderie grecque sont transversaux dans les lignes qui séparent les divers étages d'armoiries, et dans certaines pièces des écus ; ailleurs ils sont verti- caux, mais partout on les rencontre disposés en allers et retours.

L'intérieur de la bourse a comme doublure un léger cendal ou taffetas de soie, rouge sous les armoiries répétées en diagonale ; violet sous les autres qui sont disposées à côté, dans une bande verticale.

Divers emblèmes alternent avec les blasons répétés en diagonale. Ce sont : d'un côté, un châ- teau d'argent, un léopard d'azur et une croix tréflée d'or ; sur l'autre côté, la même croix tréflée d'or et un oiseau d'azur.

Sur le côté des châteaux, les écussons se bla- sonnent ainsi :

I. Armoiries répétées en diagonale :

I ° D'argent, à trois fasces crénelées de sable. Fa s ce de sinople et d'or, de huit pièces. Gironné d'argent et de sable. De sinople à trois pals d'or.

(Puis sur la seconde, la troisième et la sixième rangée, en omettant les blasons déjà cités) :

Échiqueté de sinople et d'or, de huit tires. Fascé de sable et d'argent, de huit pièces. Fascé d'argent et de sable, de huit pièces.

II. Armoiries placées dans la bande

VERTICALE, A SÉNESTRE :

Fascé de sinople et d'or, de huit pièces. Fascé d'argent et de sable, de huit pièces. 30 D'or, à trois pals de pojirpre. D'argent, à trois fasces crénelées de sable. Échiqueté d'or et de sinople, de huit tires. 6" D'argent, à trois fasces de sable.

Sur l'autre côté de la bourse, les écussons se blasonnent comme il suit :

I. Armoiries disposées en ligne verticale,

a DEXTRE:

I ° De pourpre, à trois pals d'or.

De sinople, à trois fasces d'or.

3" D'argent, à trois pals de sable.

4'^ D'or, à trois fasces de pourpre.

^'^ Échiqueté d'argent et de sable, de huit tires.

Fascé de pourpre et d'or, de huit pièces.

II. Armoiries répétées en diagonale:

De sinople, à trois pals d'or.

2" Échiqueté de sable et d'argent, de huit tires,

30 Fascé de sinople et d'or, de huit pièces.

40 Gironné d'argent et de sable.

50 D'argent, à trois fasces crénelées de sable.

Les métaux, ainsi que les meubles (■) d'or et d'argent, se trouvent représentés en soie jaune et en soie blanche.

Quant à l'étoffe d'or des bordures latérales, elle a perdu, en grande partie.son métal précieux;

I. Rappi-Ions que, dans l'art héraldique, on entend par métaux l'or et l'argent. Meuble est le ternie générique donné à quantité rie figures (telles que ch:lte.aux, tours, animaux, arbres, fleurs, etc.). qui garnissent ou meublent le champ des écus.

£@élanges.

197

ajoutons que plusieurs points de soie noire sont rongés ; mais, à part ces quelques accidents, la bourse est dans un état de conservation remar- quable.

II. Attribution de l'objet et des armoi- ries. — La tradition des Chartreux, à la Part- Dieu (Oi considérait cette bourse comme ayant appartenu à la comtesseGuillemette deGruyères, fondatrice du couvent.

Les armoiries sont-elles ju'elles, c'est-à-dire de personnages dont on ait voulu rappeler le souvenir ? Ou bien sont-elles de fantaisie, c'est- à-dire placées comme simple motif de déco- ration ?

Tout semble indiquer qu'il faut admettre la seconde hypothèse.

En effet : Dans ces blasons si nombreux, nous ne retrouvons ni celui de la comtesse Guil- lemette, ni ceux de familles alliées à la sienne ; et l'oiseau lui-même n'est pas \di grue, emblème de Gruyères.

On croirait voir ici un véritable répertoire des catégories de blasons. Ce sont des fascés, des paies, des gironnés, des échiquetés, des crénelés, composés de métaux et d'émaux qui offrent un harmonieux contraste de cou- leurs; on dirait une copie des figures les plus simples, prises aux premières pages d'un manuel d'héraldique.

ni. —Age et dénomination. —L'examen attentif de cet objet d'art vient confirmer la tradition qui en attribue, sinon la confection, du moins la propriété, à la comtesse Guillemette de Gruyères. En effet, la pieuse fondatrice de la Part-Dieu naquit au XlIIe siècle et mourut dans le siècle suivant. Or, les lignes qui bordent les côtés des armoiries se terminent, vers le haut, par des traits, non pas arrondis, mais droits ; ce qui indique plutôt le commencement du XIV^ siècle que la fin du XIII^.

Le gracieux ouvrage de tapisserie que nous essayons de décrire correspond bien à la défini- tion que Charles de Linas (2) donne de la bourse, telle qu'on la façonnait au moyen âge. C'était un sac qui pouvait être en cuir, en velours,

1. Chartreuse fondée en 1306, dans le canton de Fribourg.

2. Charles de Linas, Anciens vêtements sacerdotaux et anciens tissus conservés en France, 2" série, p. 25. Paris, librairie Didron, 1862.

en étoffe brodée. On le mettait en poche, on le tenait à la main, on le passait également dans la ceinture.

Ne serait-il pas permis d'employer ici, comme synonyme de èourse, un autre terme de la langue du moyen âge? Disons tout de suite que, si l'objet était muni de cordons pour s'attacher à la cein- ture, il faudrait l'appeler tasse (en latin tassa). Le mot était, jadis, très répandu en pays français. Il est commun, du reste, à plusieurs langues. Les Italiens disent tasca, et les Alle- mands tasche.

Le Mayeur d'Abbeville portait à la ceinture une tasse violette à fermoir d'argent. C'était l'insigne de sa magistrature. Il y déposait le sceau de la ville, les dépêches de la cour et les placets qu'on lui remettait.

Dante, aux enfers, aborde un groupe de dam- nés. Il aperçoit :

CHE DAL COLLO A CIASCUN PENDEA UNA TASCA (')•

Chacun d'eux porte, suspendue au cou, une tasse aux armoiries de sa maison : un sachet, sacchetto, dira plus bas le poète.

D'après Charles de Linas, la tasse, pendant tout le XI 11*= siècle, présente la forme d'un sac rectangulaire, qu'on attache à la ceinture avec des cordons, Ici, pas de cordons. C'est pourquoi nous pousserons le scrupule jusqu'à ne pas im- poser le nom de tasse à la bourse armoriale de la comtesse de Gruyères ; car si l'on doit, par- fois, éviter les scrupules dans le domaine de la conscience, il est prudent de les respecter sur le terrain archéologique.

En résumé, nous avons donc sous les yeux une bourse proprement dite, offrant une grande ana- logie avec la tasse.

IV. Ouvrages similaires. Comme œuvres d'art du même genre que celle qui vient d'être étudiée, on peut mentionner les différentes bourses, tasses et aumènières décrites par Charles de Linas, dans l'ouvrage déjà cité.

A Paris, le musée de Cluny, parmi les tra- vaux artistiques du XIV siècle, expose jusqu'à trois aumônières, et même une quatrième, dont il ne reste que la partie antérieure.

I. hiferno, canto XVII, v. 55.

198

Btbuc bc rait c|)rctieu*

Victor Gay a reproduit, dans le Glossaire ar- chéologique du Moyen Age et de la Retiaissance ('), une tasse lui appartenant. Elle est de forme rec- tangulaire, brodée en soie, ornée, ainsi que la nôtre, d'armoiries de fantaisie, et désignée sous le nom de gibecière.

En 1902, on remarquait à l'Exposition de l'Art ancien, à Diisseldorf, un tissu (2) de haute lisse, broché d'or, remontant à la fin du X II I^ siècle, décoré également d'armoiries de fantaisie, et qui a tout l'air d'être la partie supérieure d'une bourse, qu'on aurait dépliée dans sa lar- geur (3).

Deux anciennes custodes de bréviaire sont conservées à Coire, dans le trésor de la cathé- drale. Une autre se voit au musée national, à Ziirich.

V. Usage. Remarquons tout d'abord que la bourse a été agrandie dans sa largeur ; on a ajouté après coup la tapisserie sur laquelle les écussons, par leur forme, leurs couleurs et leur groupement, sont distincts de ceux qui se répè- tent en diagonale, tapisserie dont la bordure en haut et la doublure à l'intérieur sont d'un autre genre que le reste de l'ouvrage.

Cet agrandissement qui rend la bourse plus large que haute, ce mode de fermeture avec bou- tons, la souplesse et la légèreté de l'objet nous invitent à croire qu'il servait à renfermer un livre d'Heures.

Pareil usage ne doit pas surprendre aux XI II"= et XIV^^^ siècles. Dans ces âges de foi, nombre de femmes chrétiennes récitaient ou suivaient l'Office, du moins en partie. Elles y trouvaient le secret d'une vie heureuse et utile ; et lorsqu'au soir de leur existence, le livre d'Heures venait de se fermer, pour la dernière fois, dans leurs mains, on pouvait mettre sur la tombe de ces nobles servantes du Christ, quelque chose d'au- trement précieux que l'éventail et les gants de bal placés aujourd'hui, par l'étiquette des cours sur le cercueil des reines. Il fallait graver sur le

I. Tome I. article Giiecière.

s. N" 1992 du catalogue. Ce travail artistique fait partie de la col- lection de M, le chanoine Scliniitgen, rédacteur de \^ ZMschrift fiir Christliche Kitn$t, à Cologne.

3. Communication due à l'obligeance de M. Joseph Zemp, vice- directeur du musée national, à Zurich.

M. Max de Techtermann, conservateur du musée, à Fribourg, a bien voulu nous transmettre plusieurs indications que nous avons été très lieureu.x d'utiliser dans le présent article.

tombeau d'une châtelaine, telle que la fondatrice de la Part-Dieu, ces deux mots, empruntés au livre d'Heures lui-même: Pertransiit bencfacien- do : ^ Elle a passé en faisant le bien. % C'est le plus bel éloge que pouvaient lui décerner la piété des moines et la reconnaissance des pauvres.

Dom Louis-Marie DE Massiac.

Ira Dctiiation Dc l'aie Des cçjlises.

N sait que dans des centaines d'églises romanes et gothiques l'axe du chœur dévie du côté de l'évangile.

Notre éminent collaborateur, M. Anthyme Saint-Paul, comme il l'exposait na- guère encore dans nos colonnes, voit dans cette particularité une intention symbolique relative à Vinclinato capite de l'Ecriture ; il fait observer que la forme de la basilique chrétienne latine a généralement été considérée comme symbolisant le corps de notre divin Sauveur, et que des allu- sions à la figure de la croix abondent dans les écrits des chroniqueurs chrétiens depuis Procope jusqu'à Grégoire de Tours et Suger (■) ; à leurs yeux la basilique avec transept rappelle le Christ étendu sur la croix ; le chœur figure la tête, le chevet, ou, comme on disait au XIII*^ siècle, la coijfe. M. Brutails admet cette interprétation symbolique (2).

Notre ancien collaborateur, feu M. Barbier de Montault (3), la repoussait par la raison que les sjMTibolistes médiévaux tels que Hugues de Saint- Victor, Durand, etc., dans leurs théories mystiques, restent muets sur cette particularité de l'incli- naison de la branche supérieure de la croix. Pour tenir nos lecteurs au courant de la question nous devons consigner ici l'opinion développée dans le même sens par M. R. de Lasteyrie (^j, à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. M. de Lasteyrie discute la valeur des explica- tions des symbolistes ; il s'attache à les trouver en défaut et à réduire leur autorité. Puis, abor-

I V. Reviiede l' Art chrétien, année 1905.

2. V. Dict. giogr. de la France. Joanne, p. 295.

3. Barbier de Montault. liulletin mouiiincntat, t. 39, p. 311.

.]. M. de Lasteyrie, Académie des Inscriptions et Oeltes-Lettres. séance du 21 août 1904 et du 27 janvier 1905.

Mélanges.

199

dant l'examen des faits, il objecte que la dévia- tion de l'axe du chœur a lieu parfois vers le Sud au lieu de se produire vers le Nord, bien que la seconde soit la plus fréquente. Il rap- pelle, en outre, qu'à l'époque antérieure au XIII^ siècle, sont nombreux les cas de l'axe dévié du chœur, le crucifix représente le Christ triom- phant, dont l'attitude spéciale exclut la pose penchée de la tète. Il explique la particularité qui nous occupe par des circonstances adven- tices, des nécessités locales, des défauts, des négligences ou des caprices des constructeurs, des reprises d'ouvrage, des difficultés survenues au cours d'une lente édification.

Un autre de nos collaborateurs, M. John Bilson, a donné dans Xn Journal of the instituteofBritish ar- c/iitectssoa adhésion à l'opinion de M,deLasteyrie. Il insiste sur les circonstances matérielles qui ont pu amener la déformation de l'axe longitudinal du vaisseau. Les églises ont été souvent bâties par portions successives, les dernières s'ajoutant à des parties déjà livrées au culte ; il montre qu'une minime erreur peut produire une dévia- tion prononcée.Il rappelle les nombreuses irrégu- larités qu'offrent les églises du moyen âge. Ce

point a été mis en lumière par M. Goodyear dans un curieux ouvrage Refinements in architecture, dont nous avons parlé à plusieurs reprises et aussi, pour l'Angleterre, par M. Micklethwaite, dans son étude sur The Groivtk of English Pa- rish Churches. La clef de l'histoire des églises paroissiales, selon cet auteur, c'est qu'elles étaient employées durant leur construction. Les cons- tructions d'un jet sont l'exception.

Aux exemples d'irrégularités cités par M. de Lasteyrie (Notre-Dame de Paris, l'abbatiale de Saint-Denis, Saint-Germain - des - Prés, Saint- Laumer de Blois, Saint-Nicolas du Port, la cathé- drale de York, celle de Beverley, etc.), M. Bilson ajoute celui de Saint-Leu d'Esserent, caractérisé par de curieuses déviations dans les axes trans- versaux des nefs, dont il donne l'explication com- plète, basée sur des circonstances relatives à la construction.

La question est intéressante, nous la laissons ouverte. Un de nos collaborateurs, M. l'abbé Compaing, a là-dessus des choses nouvelles et intéressantes à nous dire, et nous lui donnerons la parole dans notre prochaine livraison.

L. C.

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Société nationale des Antiquaires de France. Scaiice du 7 février iço6. M. le comte de Loisnc communique une statuette en bronze gallo-romaine trouvée à Caucourt (Pas- de-Calais) et la photographie d'une statuette en marbre du temps de Louis XII, qui représente Adroald, abbé de Saint-Bertin à Saint-Omer.

M. Mayeux commence la lecture d'une étude sur les statues des portails du XIP siècle de la province de Sens, qui sont encore intacts à la cathédrale de Chartres, au Mans, à Provins, à Saint- Loup-de-Naud.

Séance du // février. M. Mayeux continue sa lecture sur les portails imagés du XII'^ siècle de la province ecclésiastique de Sens. Il suppose que l'atelier de l'abbaye de Tiron, fondé par l'abbé Bernard, qui mourut en 11 16, a pu pro- duire un certain nombre de statues, car ce mo- nastère possédait à Chartres plusieurs maisons dès le Xlle siècle et le cartulaire fait connaître des noms d'artistes.

M. E. Lefèvre-Pontalis conteste la chronologie proposée par M. Mayeux pour les portails qu'il a étudiés. Rien ne prouve que le portail d'Étam- pes soit antérieur à ceux de Chartres.

M. Rodocanachi lit une étude sur l'ange du château Saint-Ange, à Rome.

M. de Villenois y présente, au nom de M. le comte de la Sizeranne, la photographie d'un socle de croix de la Renaissance, à Saint-Paul- Trois-Châteaux, qui passe à tort pour un autel antique.

Séance du 21 février. M. Michon commu- nique le moulage d'un antique à vingt pans.

M. Lauzun communique une notice sur une pierre à trous cubiques et hémisphériques du musée d'Agen, qu'il compare aux mesures éta- lons de Timgad et de Kanissa et à la pierre de Maule (Seine-et-Oise) signalée par M. Lefèvre- Pontalis.

M. Clouzot lit une étude sur la chapelle Re- naissance du cimetière de Fenioux, dont M. Bou- neault vient d'identifier les anagrammes F. R. avec ceux de François Râteau.

Séance du 28 février M. Mély communique à la Société la photographie d'un bas-relief du XII<^ siècle du musée de Nîmes, représentant une Crucifixion qui porte la signature : F. de Rilpue- tos mefec.

M. Ravaisson-Mollien lit une étude sur un portrait envoyé par Léonard de Vinci à Marco

Antonio délia Torre, conservé à Budapest et qui était accompagné d'un autographe cité par Viar- dot en 1S44.

M. L. Demuys présente la photographie d'une loggia datée de 1540, qui se trouve à Orléans et dont un caisson de la voûte contient un médail- lon de Henri IV ajouté après coup.

Il signale la découverte, à Orléans, de deux trésors de 200 pièces d'or et d'argent du XIV'' au XV= siècle.

Séance du 14. mars. M. le C*<^ Durrieu fait une communication sur le Il du manuscrit provenant du duc Jean de Berry que M. Yates Thompson a découvert en 1903. Il démontre que la miniature initiale représentant Hérode entrant dans le temple de Jérusalem est seul de la main de Jean Fouquet et que les autres miniatures sont l'œuvre de l'un de ses élèves.

RI. d'Arbois de Jubainville lit un mémoire sur le lieu du baptême de Clovis. La plupart des auteurs l'ont fixé à Reims et M. Krusch propose de le placer à Tours, mais il n'y a pas lieu d'a- dopter cette opinion d'ailleurs réfutée par M. Demaison.

M. Monceaux communique quelques inscrip- tions trouvées à Mactart de la part de M. Merlin.

Séance du 21 mars. M. Enlart communique un mémoire de M. le D' Birot sur l'autel de l'église d'Avenas (Ardèche) qu'il faut attribuer au Xir siècle.

M. Pauer présente les photographies des fres- ques du Sancta Sanctorum à Rome et identifie les saints, les apôtres et les scènes peintes sur les murs et les arcatures trilobées.

M. Ravaisson Mollien entretient la société de l'intéressant portrait de Marc Antoine délia Torre au musée delîudapest. Ce portrait, attribué à l'école hollandaise, doit être restitué à Léonard de Vinci.

M. Michon étudie divers groupes de stèles funéraires du type particulier en usage en Phry- gie dont un certain nombre de spécimens se trouve au musée du Louvre.

M. de Mély commuin'que la photographie du côté droit du siège des évêques d'Avignon du XIIi^ siècle qui jusqu'ici n'avait pas été photo- graphié, c'est la seule partie antique de cette chaire épiscopale.

M. Monceaux présente en la commentant une nouvelle inscription cursive d'époque chré- tienne récemment trouvée à Carthage.

Cra\îau;c îics Sociétés satjantes.

20I

Séance du 28 mars. M. le comte Durrieu présente deux miniatures. La première signée Jean de Montluçon se trouve dans un manuscrit de la Bibliothèque de l'Arsenal et l'autre qui peut être attribuée au même artiste dans un livre d'heures de sa collection.

M. Maurice fait une communication sur les monnaies signalant les Natalia des empereurs Maximien, Hercule et Constantin le Grand.

M. Enlart présente une photographie d'un masque en pierre, conservé au musée d'Orléans, qui devait être suspendu au cou des femmes notées d'infamie et promenées dans la ville comme le Klepperstein de Mulhouse.

Académie des Inscriptions et Belles- Lettres. Séance du 2 fcvncr iço6. La bibliotltèque de Pompéi. M. Gagnât rappelle que depuis longtemps on connaissait à Pompéi un édifice situé sur le forum que l'on croyait être le temple des dieux protecteurs de la cité. La comparaison du plan de cet édifice avec celui de la bibliothèque de Timgad et celui de la bibliothèque d'Éphèse, récemment publiés, prouve, à son avis, que ce bâtiment était aussi une bibliothèque.

Séance du ç février. Le R. P. Delattre, le savant directeur des fouilles pratiquées sur l'em- placement de l'antique Garthage, signale la dé- couverte, qui vient d'être faite à Utique, d'une importante nécropole punique.

Les sarcophages mis à découvert jusqu'ici sont de tuf coquillier : ils ont un aspect très massif. Les puits ne sont pas disposés en rangées comme à Garthage, mais placés en tous sens. On a recueilli plusieurs bijoux ainsi qu'un collier composé de petits globules en or, et vers les pieds, deux grands anneaux d'argent. Près de cette nécropole, le comte de Ghabannes a dé- blayé une maison romaine ornée de fresques et de mosaïques.

M. Héron de Villefosse offre à l'Académie une photographie de la Bibliotlieca cchiana, monu- ment qui a été mis à découvert ces temps der- niers à Éphèse.

Le commandant Espérandieu fait une com- munication sur les résultats de récents sondages qui ont été pratiqués sur le plateau du mont Auxois. Ces travaux ont permis de constater que les ruines d'Alésia existent encore.

Séance du 2^ février. M. L. Delisle annonce à l'Académie que la Bibliothèque nationale de Paris, va être enrichie, grâce à la munificence du roi Edouard VII, par un bibliophile anglais,

M. Yates Thompson, du second volume de la traduction française de X Histoire des antiquités juives de Josèphe, dont cet établissement possède déjà le premier volume.

Séance du 2 mars. M. A. Coulon présente quelques spécimens des moulages de sceaux pris dans les archives de laCôte-d Orpour les archives nationales. Certains d'entre eux représentent la ville de Vienne, le martyre de saint Léger, la légende de saint Andoche, et offrent une con- tribution, à l'histoire de l'art et de l'archéologie.

M. H. Omont fait une communication sur un manuscrit nouvellement acquis par la Bibliothè- que nationale et qui contient un traité inédit de Jean d'Aigilly, chanoine de Saint-Etienne de Dijon.

M. Héron de Villefosse communique, au nom de P. Jalabert, professeur à l'Université de Bey- routh, le texte d'une nouvelle inscription latine renfermant les noms réunis des trois membres de la triade héliopolitaine, Jupiter, Vénus et Mercure. Il présente ensuite une inscription trouvée à Garthage par le P. Delattre, dans la- quelle il est probable qu'il s'agit d'une dédicace à Bacchus faite par les marchands de vins en gros de Garthage.

M. Foucart lit une étude sur Didymos.

Séance du ç mars. M. P. Berger commu- nique à l'Académie, de la part du directeur des Antiquités et des Arts, à Tunis, une inscription néo-punique trouvée dans les mines de Liaxe par le lieutenant de Pontbriand. Une inscription latine dédiée à la G<elestis, trouvée au même endroit, semble prouver que l'on est sur l'empla- cement d'un temple.

M. Ed. Pottier communique une notice dans laquelle il interprète la décoration d'un vase et d'une coupe antiques, qui sont de superbes échan- tillons de l'art grec conservés au musée du Louvre.

Séance du ij mars. M. P. Berger présente, de la part du docteur Carton, un chaton de bague en or qui a été acheté à Tunis d'un Arabe parle capitaine Marty et qui représente une Athena casquée vue de trois quarts. Cette coiffure est surmontée d'un cimier et porte des deux côtés deux garde-joues.

M. Foucart lit le résumé d'une note de M. Na- ville, correspondant de l'Académie, sur les prin- cipales découvertes que ce savant a faites cette année à Deir-el-Bahari.

Il rapporte que le 7 février cet égyptologue a découvert une chapelle de la déesse Hathor.

202

3Rcbue tic l*!art cbrctien.

A l'intérieur des bas-reliefs peints, bien con- servés, représentent des actes du culte accomplis par le roi Thoutmès I II et les membres de sa famille. La déesse à laquelle la chapelle était consacrée est figurée sous la forme d'une vache de grandeur naturelle. Entre les cornes est un disque lunaire surmonté de deux plumes ; de chaque côté du cou, une gerbe de plantes aqua- tiques. Elle allaite un jeune garçon qui est évi- demment Aménophis II, le fils de Thoutmès III. Son cartouche est gravé sur le cou de la vache. Ce même roi est représenté en homme fait sous le mufle de l'animal. C'est la première fois qu'on trouve en Egypte une pareille chapelle avec une déesse de cette grandeur. Elle est certainement l'œuvre d'un artiste très habile ; le modelé du corps et de la tête est d'une grande beauté.

Société française de paléographie. Une so- ciété vient de se fonder sous ce titre dans le but de grouper les personnes qui s'occupent d'arts an- ciens ou de sciences anciennes paléographie, archéologie, numismatique, art héraldique, folk- lore, vieille musique, vieille peinture, vieilles estampes, etc., de leur permettre ainsi d'étendre le plus possible leurs relations dans le monde sa- vant, de procurer à celles qui ne peuvent quitter Irt province les moyens de puiser des renseigne- ments dans les bibliothèques et dans les musées de Paris, et aussi de tirer de l'obscurité ou de sau- ver de l'oubli nombre de travaux et de trouvailles dignes de notoriété, La nouvelle Société, dont le siège est 6, place du Palais-Bourbon, a pour président d'honneur M. Dujardin-Beaumetz. La Société se propose de créer un bulletin dans le- quel seront insérés les comptes rendus des tra- vaux de ses adhérents ; d'organiser à Paris et en province des conférences et des expositions ; de constituer, à son siège social, un dépôt d'archi- ves, et de publier deux fois par an une liste de ses adhérents avec leur adresse et l'indication des études auxquelles ils se livrent, afin de per- mettre à chacun d'eux de trouver, dans chaque ville de France au moins, un confrère capable de donner tous les renseignements dont il pour- rait avoir besoin.

Académie d'Archéologie de Belgique. Monsieur le vicomte de Ghellinck Vaernewyck suit en archéologue entendu les congrès archéo- logiques de France, et il a la bonne pensée d'en donner à ses confrères de l'Académie d'Anvers, des comptes rendus très étudiés. Rien n'est instructif comme ces observations prises sur le vif des édifices, par un observateur instruit et perspicace, en des voyages fortement préparés

et dirigés par un maître tel que M. Lefebvre- Pontalis.Nous avons fait notre profit de l'excellent rapport de M. de Ghellinck ; nous le signalons à nos lecteurs comme une mine de renseigne- ments pleins d'intérêt.

Il me sera permis de relever une page qui vient corroborer des idées jadis émises ici même sur le

lllvilViiViHi -

Plan de la cathédrale de Tournai.

rôle de la cathédrale de Tournai, comme la plus ancienne parmi tout un groupe d'églises du Nord delà France (elle est à la frontière) carac- térisées par des absides terminant les croisillons du transept (Cambrai, Valenciennes, Soissons, Noyon, etc. J'ai montré que ces églises sont ap- parentées entre elles, et que leurs hémicycles, rap- pelant d'une manière frappante ceux des églises rhénanes, se distinguent néanmoins nettement

Cratiaujc titQ Sociétés satjantes.

203

de ces dernières ; après avoir fait ressortir les diffé- rences, j'ai cru pouvoir conclure que la parenté de l'église romane rhénane avec l'église romane tournaisienne n'est pas une parenté de mère à fille, mais de sœur à sœur ; que l'une et l'autre dérivent directement de la basilique lombarde. Tout cela a été développé dans une étude parue dans la Revue de l'Art cJirétien en 1893, p. 2i6. M. de Gliellinck n'en a pas eu connaissance, sans quoi il en aurait fait mention. Il m'est d'autant plus agréable de lui voir présenter presque la même thèse avec des arguments analogues ; la coïncidence de nos manières de voir ne peut tenir qu'à l'évidence des faits qui l'ont frappé, et donne un appui plus solide à la thèse en ques- tion. Nous extrayons de son étude le passage suivant :

M. Lefèvre-Pontalis constate dans son Histoire de la cathédrale de Noyon, pp. 24 et 2g, qu'une influence ger- manique se fit sentir dans le transept et dans la nef, par le plan si particulier des supports. Ne pourrait on pas y voir l'influence de la cathédrale de Tournai ? C'est .\ par- tir de 1131 qu'il faut rechercher l'oriyine et le plan de l'édifice actuel. Il y a entre les dates de 1 131 et de 1 148, une période de dix sept ans, durant laquelle on avait eu tout le temps d'élaborer les nouveaux plans de recons- truction pendant que les deux évêchés étaient encore réunis.

La cathédrale de Tournai, qui passe avec raison pour un des plus beaux spécimens de l'architecture religieuse et par le grandiose de ses proportions (134m. de long sur 66 m. de large), et par la pureté de ses lignes, et par l'harmonieuse disposition de ses différentes parties, exis- tait déjh, au moins pour plus de la moitié, du temps de Simon de V'crmandois. Sa nef et son transept du XI*^ et du XI K' siècle, avaient frapper l'évéque Simon : son chcEur. qui fut rebâti plus tard, sous Walter de Marvisde 1242 à 1325, devait être primitivement en proportion des parties romanes encore existantes.

I>a cathédrale de Noyon ayant été détruite par l'incen- die de 1131, n'est-il pas tout naturel d'admettre que Simon

voulut reproduire à Noyon ce qu'il admirait à Tournai.? Aussi cette influence germanique que tous les archéolo- gues s'accordent à retrouver dans certaines parties de la cathédrale de Noyon, pourrait très bien être une influence tournaisienne.

Les deux édifices ont des transepts terminés par des absides semi-circulaires II est vrai que le plan tréflé avec ces absides semi-circulaires se rencontrent aussi à Saint- Martin de Cologne, à Saint-Macaiie près de Bordeaux et h Soissons, mais ce sont des exemples rares. Le plan tréflé a surtout pris son essor dans l'école germanique et en Lombardie, c'était la forme dérivée des chapelles trichores, élevées à Rome par les premiers chrétiens. Exemples sur les bords du Rhin, la cathédrale de Bonn et à Cologne, Saint-Martin et Sainte Marie ; en Italie, les cathédrales de Parme et de Pise.

Il faut remarquer que Noyon est antérieur à Soissons, dont un bras du transept date d'environ 1 180, sous l'évé- que Nivelon, et que donc Tournai et Noyon peuvent avoir influencé la cathédrale de Soissons. Or, le transept de Tournai étant antérieur à celui de Noyon, ne serait-il pas probable que les évéques de Tournai, frappés du grandiose du plan de leur cathédrale, n'aient voulu trans- porter à Noyon, ce plan qu'ils admiraient et trouvaient si propre à la majesté du culte?

Il faudrait étudier et comparer les deux cathédrales, et bien d'autres points communs viendraient corroborer cette opinion. Ainsi, Noyon comme Tournai, possède de vastes galeries au dessus des bas- côtés ; Noyon comme Tournai a quatre étages d'arcades et de baies à l'intérieur de la nef. Noyon comme Tournai a des piles carrées flan- quées de quatre colonnes engagées. Ceci comme aperçu d'ensemble, car il y a bien des différences notables, la nef de Noyon, étant postérieure à celle de Tournai, a l'alternance des colonnes rondes et des piliers flanqués de colonnettes ayant supporté primitivement des voûtes sexpartites, détruites plus tard par lincendie. Les colon- nettes des fonnerets partent du fond, tandis qu'à Tournai chaque étage a ses colonnettes distinctes. Les voûtes de la nef et des tribunes sont en plein cintre à Tournai, tandis qu'à Noyon existent des voûtes d'ogive. Le chœur de Noyon est antérieur au magnifique choeur de Tournai, élevé sous l'épiscopat de Walter de Marvis, commencé en 1242 et achevé seulement en 1325.

L. C.

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-In-8o,LVI-i76pp., Vander Haeghen,

GAND, GUIDE ILLUSTRÉ, nombreuses vignettes. Gand, A, 1905.

^^^â^^ES vieux GiaJes dans nos villes

£ étaient de naïves et parfois de gro- I tesqiies compilations, de petites en-

^ , , J treprises boutiquières, de la part des

f^^j^îîjtsf'^ vendeurs de livres. Depuis l'on en a vu qui étaient des œuvres d'érudition, dues à des

archéologues sérieux, parfois doués d'une belle plume. Le nouveau Guide de Gand est mieux encore; les savants de la bonne ville flamande se sont associés pour en faire un chef-d'œuvre. Les étrangers qui visiteront désormais la vieille cité transformée, y seront guidés par des savants, tels que l'historien Pirenne, des archéologues comme MM. Van den Gheyn, Diegerick, Vander Haeghen et Van Werveke, des artistes et des

Gand. Musée lapidaire dans l'ancien réfectoire de l'abbaye de Saint-Bavon (').

esthètes, comme MM. Bergmans, Heins et Dutry.

I. Les clich(îs qui illustrent cet article ont été mis gracieusement à notre disposition par l'éditeur.

Ajoutons que le beau volume est supérieurement illustré, grâce au concours d'une pléiade de fins amateurs. C'est, dans son genre, une œuvre supé-

BibUograpljte,

205

rieure, l'on semble s'être attaché à désarmer la critique ; on y a presque réussi.

On pardonnera pourtant à un architecte de regretter que dans des pages si étudiées,

Gand. Préau du cloître de l'ancienne abbaye de Saînt-Bavon.

Gand. Un des pendentifs portant la coupole de l'église N.-D. Saint-Pierre.

généralement, en termes concis, est dit tout l'essentiel, on ait omis de caractériser le style des anciens monuments.

Il y a çà et des retouches à faire lors d'une réédition. A l'église Saint-Nicolas, au lieu de copier dans Schayes une description du pauvre

2o6

Helmut tje r^rt cljrctira.

portail, et dans Hymans, celle de certaine cham- bre inaccessible de la tour, on aurait pu noter le beau style primaire tournaisien du vaisseau bâti en moellons bleus, et rappeler que la longue {sk, lisez haute) fenêtre de la grande façade rap- pelle l'ancien berceau lambrissé de la nef; on aurait pu noter aussi le dispositif tout scaldisien des pseudo-absidioles du chevet.

A Saint-Michel et à la cathédrale, il convenait de faire remarquer la svelte élégance des nefs, et le système si curieux des voûtes presque uniques au monde de ces deux vaisseaux brabançons. Quelle prétérltion étonnante aussi que celle des superbes vitraux du chœur de Saint-Bavon !

Enfin, il eût été intéressant de signaler au visi- teur que l'église d'Akkerghem est une réplique (un peu dépaysée) des églises rurales de la Flan- dre maritime.

Il n'y a rien de « romano-byzantin » à l'église de Sainte-Anne.

Il n'y a pas lieu d'appeler la cave de la Halle aux draps une crypte, parce « qu'autrefois elle était au niveau de la rue » fp. 60) ; la salle basse du manoir de Gérard le Diable n'est pas davan- tage une crypte (p. 80).

l'armi les belles pages, substantielles et brèves, de ce guide bien fait, le discours sur le Parc de la citadelle fait l'effet d'un hors-d'oeuvre ; on y couvre de fleurs, durant trois pages, les jardiniers modernes très méritants d'ailleurs ; et l'on y éreinte en vingt lignes superflues le plan ancien de feu Van Huile, alors que plus haut l'on n'avait pas un mot de blâme pour l'énorme bévue que fut le tracé récent de la nouvelle rue Borluut.

L. C.

GATHÉDRALKS DE REIMS, AMIENS ET

BEAUVAiS, par A. GossET. Broch., A. Gonet.

L'architecte remois bien connu de nos lecteurs a présenté au Congrès d'archéologie tenu à Beauvais en 1905, en de remarquables dessins, un saisissant parallèle entre trois chefs-d'œuvre de l'art médiéval français, les trois belles cathé- drales dont l'érection s'est succédé à court inter- valle (1212, 1220, 1225).

Jean d'Orbais a planté la cathédrale d'Amiens, pour l'élever haut dans les airs, sur des piliers robustes et des murs puissants, et suivant un plan fort simple. Ses terminaisons auxquelles il manque sept flèches, ses pinacles surtout, fleuris- sent dans les airs en une merveilleuse richesse ; ses portails sont éblouissants. Les retraites qu'offrent ses murs, habilement amorties, révè- lent non des repentirs, mais des diminutions de hauteur tardivement décidées. La puissance des fondements semble rappeler la tradition romaine.

L'œuvre de Robert de Lusarches, la cathé- drale d'Amiens, la plus vaste de toutes, est plus harmonieuse et plus svelte ; c'est comme un réservoir d'air et de lumière ; la légèreté des piles est obtenue par l'ingénieux porte-à-faux des contreforts. C'est le chef-d'œuvre de l'art gothique.

Milon de Nanteuil voulut donner à la catlié- drale de Beauvais, malheureusement inachevée, unehauteur vertigineuse; il porta jusqu'à une folle témérité la hardiesse de la structure médiévale, et poussa jusqu'aux dernières limites l'ajoure- ment des murs ; son œuvre ne tint debout que remaniée et sa grande lanterne s'écroula pour avoir été élevée avant la grande nef.

L. C.

LES INFLUENCES DE L'ÉCOLE AUVER- GNATE EN VELAY, par M. H. du Ranquet. Broch., Delesques, Caen, 1905.

Nous avons signalé en son temps cette étude présentée au Congrès archéologique tenu au Puy en 1904. M. du Ranquetétablit,d'accord avec notre collaborateur M. N. Thiollier, que le Velay est resté étranger à l'influence auvergnate, en dépit de l'opinion de Viollet-le-Duc ; pas même l'église de Monastier n'y est soumise. On ne trouve guère en Velay des berceaux dépourvus de doubleaux, ni de collatéraux voûtés en demi-berceaux. Les voûtes y sont appareillées ; les modillons à co- peaux sont rares. Le décor si caractéristique à la polychromie des matériaux n'est lui- même en Velay comme en Auvergne, qu'à la nature des roches locales, avec, d'ailleurs, les différences correspondant aux gisements des deux contrées. j p

UN MANUSCRIT A PEINTURES DE LA BIBLIOTHÈQUE DE SAINT-OMER, par M. L. BoiNET. Broch., extr. du Jhilict airhrohgù/iif, Paris, 1905.

C'est un petit monument d'art local, que le manuscrit n^ 698 de la bibliothèque de Saint- Omer, un moine vivant vers 1100 a écrit et illustré la vie de saint Omer, à laquelle furent ajoutées bientôt celles des saints évêques Erkem- bod et Autbert. M. Boinet publie et explique ses curieuses miniatures. 11 rapproche celles qui ont trait à la légende de saint Omer des bas- reliefs figurés aux flancs du tombeau du saint évêque conservé dans l'ancienne cathédrale, et dont l'auteur pourrait bien s'être inspiré des miniatures.

On peut induire du style de ces dernières qu'elles ont été exécutées à Saint-Omer par un artiste venu de la province rhénane. j p

2^tbltograpl)tc.

207

LKS TRES RICHES HEURES DU DUC DE BERRY, par Mgr A. Marsaux. Broch. Clermont, 1905.

M. le grand-vicaire de Beauvais, notre colla- borateur, résume la récente étude de M. le comte Durieux, sur le précieux manuscrit qu'a illustré le talent de Paul de Limbourg. Il s'arrête en particulier aux vues de châteaux, qui occu- pent les fonds de plusieurs de ces tableaux en miniature, et qui reproduisent fidèlement des monuments anciens en partie disparus.

L. C.

BerioliiquejSï,

BULLETIN MONUMENTAL, année 1905, n°' 5-6.

M. A. Philippe donne une substantielle étude sur l'abbatiale clunisienne La Charité sur Loire, élevée apparemment par leprieurGérard(4- 1087), l'architecte de l'église. Celle-ci offrait jusqu'en 1559 une très longue nef de onze travées avec doubles collatéraux, coupée par le transept à croisillons qui dépassait d'une travée les absides greffées à l'Est de ses croisillons, savoir deux peu profondes et deux reculées. Un déambulatoire et cinq absidioles rayonnantes entourent le chœur.

L'auteur se rallie à l'opinion de M. Von Bezold d'après lequel, à La Charité, et aussi à Cluny, le chevet à chapelle rayonnante a été substitué à un groupe de chapelles orientées, ici au nombre de sept.

Le triforium accuse un compromis, entre les styles de la Bourgogne et de l'Auvergne.

M. Philippe décrit en détail toutes les parties de ce vaisseau jadis si vaste et si riche, remar- quable aussi par ses sculptures ornementales et symboliques, et ses beaux portails et dont la façade a être d'une richesse inouïe.

M. le chanoine Métais décrit le tombeau de Jean de Salisbury, récemment découvert dans l'ancienne abbaye de Notre-Dame de Josaphat près de Chartres. C'est un sarcophage du XI 11^ siècle, couvert de plantureuses sculptures végé- tales polychromes.

M. E. Lefebvre-Pontalis donne une excellente notice sur l'église de Chatel- Montagne (Allier), encore un de ces édifices, soumis à la double in- fluence de la Bourgogne et de l'Auvergne. On y remarque comme a Saint-Généroux, ou Saint- l'iat de Tournai, au-dessus des grandes arcade?, des petites baies donnant sous les voûtes des bas- côtés. Le maitre étudie les remaniements suc- cessifs subis par ce curieux édifice, et son étude est accompagnée de remarquables dessins.

L. C.

L'ARTE C).

{1903, janvier février.) Étude de M. E. von Fiirstenau sur la peinture et la miniature à Naples au XIV" siècle. L'auteur étudie une série de miniatures: l'ouvrage le plus ancien (vers 1356) est le livre de statuts de l'Ordre du Saint-Esprit, conservé à la Bibliothèque Nationale, à Paris. Cet ouvrage semble de la même main que la Bible dite Hamilton, aujourd'hui au Cabinet des estampes de Berlin, et le cod. Vatic. lat., 3550, à la Bibliothèque Vaticane.

Article de M. H. Bouchot sur les Primitifs français. L'auteur étudie en particulier le fameux livre d'Heures de Chantilly, attribué par M. Léo- pold Delisle aux frères de Limbourg. Il essaie de démontrer qu'il faut y voir l'œuvre de Jacques Coene et de Jean Mignot, qui séjournèrent à Milan et travaillèrent à Paris avec Pietro de Verona. Ce livre d'Heures serait antérieur à 1415.

Étude de M. A. Venturi sur la sculpture véni- tienne à Bologne à la fin du NIV»^ et au début du XV<= siècle. Reproductions de sculptures des frères Massegna, d'Andréa da Fiesole, de Jacopo délia Quercia, etc., conservées à Bologne.

(Mars avril.) Étude de M. E. Jacobsen sur les successeurs de Francia et de Costa, à Bologne. Le plus important des premiers est certainement Timoteo Vite : il ne reste de lui, à Bologne, qu'un seul tableau, une Madeleine, à la Pinacothèque. Ce tableau est de 1508. Citons, parmi les autres élèves de Francia, Jacopo Boateri, BagnacavoUo, Girolamo Marchesi di Cotignola, etc. Parmi les imitateurs de Costa, les plus intéressants de beaucoup sont les frères Aspertini : seul, Amico Aspertini nous est connu; sur son frère Guido nous ne possédons presque aucun renseignement. Les œuvres d'Amico à Bologne sont une Adora- tion des Mages à la Pinacothèque, et deux fres- ques dans la chapelle de Santa Cecilia, mais son chef-d'œuvre se trouve à Lucques : les fresques de San Frediano.

Article de M. P. d'Ancona sur les fresques du château de Manta dans la vallée de Saluzzo.

Étude de M. A. Venturi sur les fragments de la crèche de Jésus-Christ à la basilique de Sainte- Marie-Majeure à Rome. Il s'agit de reliques du berceau de Notre-Seigneur, conservées dans un oratoire qui fut restauré par Arnolfo di Cambio au XI II'' siècle. Les fragments qui ont survécu sont reproduits.

Notes d'A. Bellucci sur une ancienne industrie textile à Pérouse.

(Mai juin.) Article de M. Antonio Munoz sur l'art byzantin et l'exposition de Grottaferrata.

D'après la Chronique des Ar/s, 1905.

2o8

Bebuc bc T^rt cbrcticn.

Étude de M. M. Raymond sur l'ancienne façade du Dôme de Florence. La façade fut dé- truite en 15S8. L'auteur constate que les archi- tectes italiens ne construisirent jamais une façade en véritable style gothique. Déjà Arnolfo semble avoir conçu pour la façade la forme traditionnelle des basiliques et la façade du Dôme ressemblait sans doute à celle de San Miniato. Mais ses pro- jets furent modifiés au XIV«= siècle. Fraiicesco Telenti commença ses modifications en 1357 ; les travaux continuèrent jusqu'en 1420. L'auteur étudie la façade d'après une fresque de Poccetti au couvent de Saint-Marc, et un excellent dessin conservé à l'Opéra del Duomo. (Nombreuses illustrations.)

ZEITSCHRIFT FUR GHRISTLICHE KUNST.

(igo4.,/asc. 11.) Cette revue entreprend, à partir de ce numéro, sur la belle exposition de Dlisseldorf en 1904 ('), une série d'études (con- tinuée dans les dix fascicules suivants) et signées des noms de MM.E.Firmenich-Richartz,A. Kisa, P. Schubring, le P. Beissel. A noter celle de M. le chan. Schniitgen, sur les objets d'orfèvrerie du moyen âge exposés à Diisseldorf en 1903.

ttude de M. H. Oidtmann sur les beaux vi- traux du XV*^ siècle de l'ancienne église Sainte- Madeleine de Strasbourg, détruite par le bom- bardement des Allemands en 1870.

(Fasc. 12.) Symbolisme artistique, par M. An- dréas Schmidt.

(i905,y^-f^. '■) Les Animaux à la crèche du Sauveur, par C. Lubeck : histoire de cette tradi- tion au point de vue iconographique.

(Fasc. 2.) Pétrarque et le Symbolisme an- tique, par M. E. Teichmann.

(Fasc.j.) Les Peintures murales de l' époque romane dans les provinces du Rhin r^s.x M. Schniit- gen (7 reprod.).

(Fasc. 7.^ Notice du P. J. Braun sur un ca- lice du XVII^ siècle, d'origine suisse, conservé à l'église Saint-Joseph, à Paris.

Etude de M. E. von Mœller sur les figurations en art de la Justice les yeux bandés.

(Fasc. j.J Article du P. J. Braun sur un reli- quaire du XII<= siècle conservé dans l'ancienne église des jésuites de Molsheim, en Alsace.

(Fasc. 6.) Importante étude de M. Otto von

I. D'après la Chronique des Arts, 1904.

Falke sur le célèbre orfèvre Nicolas de Verdun et la châsse des Trois Rois du trésor de la cathé- drale de Cologne.

(Fasc. J.) Article de ]\L L. Burker sur une nouvelle église récemment construite à Mettlach.

Notice du P J. Braun sur des ornementations en guipure de parements d'autel, conservées au musée national de Munich.

(Fasc. 8.) Plats en métal graves des XII' et XI II' siècles, par M. A.-C. Kisa.

Notice de M. B. Kleinschmidt sur le « ratio- nal » du prince-évéque Ferdinand II de l'ader- born (1665).

(Fasc. ç.) M. le chan. Schntitgen décrit un manuscrit à figures de la Biblia pauperum, com- prenant 48 grandes miniatures qui offrent une grande analogie avec le style des tableaux de Conrad Witz (mort en 1447) conservés à Bâie.

(Fasc. 10) Notice de P.-J. Braun sur un brodeur colonais anonyme du XVI I<= siècle, dont de belles œuvres chasuble, antipendium sont conservées à l'église de l'Assomption de Cologne.

(Fasc. II.) M. Karl Atz étudie un curieux retable peint à volets du XV^ siècle conservé dans l'église Notre-Dame à Stams (Tyrol) et donne l'explication des figurations s}-mboliques qui encadrent le sujet central représentant la Nativité de l'Eiifant-Jésus.

M. Hugo Rathgens signale dans un manuscrit de la Bibliothèque de Leipzig (cod. 165) datant du \'l 1 T ou IX^ siècle une représentation de l'église Saint-Martin de Cologne, qui donne l'ancienne physionomie de cette église avant l'incendie de 1 139.

(Fasc. 12.) M. Fr. Witte signale un intéres- sant ensemble de peintures murales de l'époque romane, récemment découvertes dans la petite église de Saint-Kilian, à Lugde, près Pyrmont.

Notice de M. J. Graus sur un curieux confes- sionnal daté de 1607, existant dans l'église de Sanct Georgen ob Murau (Styrie).

NOTES D'ART.

Les dernières livraisons de l'année 1905 don- nent des notes critiques de bibliographie cam- panaire.

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Cl)rOnil]UC. sommaire: monuments ANCIENS: Restaurations.— EXPO- SITION VAN EYCK. MUSÉES: Rome; Milan. NOUVELLES : Venise; Liège; J<^rusalem. NÉCROLOGIE : E. Gerspach ; J. Helbig.

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Monuments anciens : ."Restauration^.

Poperinghe. La flèche de l'égli.se Notre- Dame construite, il y a une cinquantaine d'années, a être rebâtie. Les plans ont été fournis par M. Coomans, qui s'est acqm'tté de sa tâche d'une façon tiès satisfaisante.

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Tieghem. On s'apprête à placer dans les fenêtres de la jolie église de Tieghem (FI. Occ), des vitraux manquant absolument de caractère. Espérons que les commissions compétentes in- terviendront énergiquement.

Dixmude. Quand on plaça dans l'église Saint-Nicolas de Dixmude, au XYLsiècle, le jubé merveilleusement ajouré qui clôture le chœur, on entailla fortement un des piliers de la croisée du transept pour y ménager le passage de l'es- calier donnant accès à la plateforme du « doxal )>. Dans ces derniers temps des mouvements inquiétants se produisirent dans ce pilier, des éclats ont sauté récemment ; la situation était grave. On a été obligé de supprimer l'escalier et de reconstituer le pilier dans sa masse primitive. L'architecte de l'église a été chargé de dresser le projet d'un escalier qui se développe entière- ment en dehors de celui-ci.

Neerheylissein. Une intéressante décou- verte a été faite dans l'église paroissiale de Neer- heylissem-lez-Tirlemont, où, en grattant le mor- tier d'un mur près du jubé, on a mis au jour des peintures murales fort anciennes. Elles repré- sentent saint Pierre tenant les clefs d'une main et tendant l'autre à un saint, qui a la tête ceinte d'une couronne et semble faire son entrée triom- phale au ciel. Saint Pierre est entouré de plu- sieurs anges. A sa gauche, se dresse saint Sulpice, le patron de l'église. Du côté opposé au premier plan, à gauche, on aperçoit des têtes hideuses grinçant des dents et dévorées par des flammes : l'enfer. Dans un coin se dessine la figure du dra- gon infernal. Les travaux continuent. Toutes ces peintures sont dans un excellent état de conser- vation.

* *

Bruges. On vient d'adjuger des travaux de reconstruction de la façade occidentale et du porche de l'église Notre-Dame. Le devis monte à 169,252 fr. 30.

L'entrepreneur exécutera complètement la fa- çade de l'église indépendamment du porche. Celui-ci sera exécuté de façon à s'adosser aux nouvelles constructions.

Phtlippeville. Des travaux de restauration vont être effectués à l'église de Philippeville. Grâce aux subsides obtenus et à la générosité des habitants, on va reconstituer l'église dans l'état elle se trouvait lors de la fondation de la ville-forteresse.

erposition.

Gand. Les démarches continuent active- ment pour assurer le succès de la prochaine ex- position van Eyck, qui doit avoir lieu, nous l'avons annoncé déjà, dans les galeries du musée des Beaux-Arts de Gand. Le Gouvernement belge a chargé son ministre accrédité à Berlin de faire la demande officielle des volets du retable de Saint-Bavon, actuellement au Kaiser- Friedrich Muscuin, pour permettre la reconstruc- tion temporaire de \! Agneau mystique qui sera le « clou » de cette belle manifestation d'art (').

ffîusccs.

Rome. S. S. Pie X a décidé de rendre à l'admiration de tous les splendides fresques dont Pinturicchio a orné les appartements Borgia.

S. Ê. le Cardinal Merry del Val avait fait choix des appartements Borgia. Mais le Saint- Père a donné satisfaction aux artistes en déci- dant que les appartements du cardinal seraient transportés ailleurs et le libre accès des salles Borgia rendu au public, et il a fait entreprendre au Vatican des travaux de restauration dont on ne saurait trop se réjouir.

Les magnifiques salons du premier étage aux- quels conduisait l'escalier royal du Bernin avaient été divisés au commencement du XIX<= siècle en

I. Pour les adhésions et renseignements, s'adresser à M. L. Mae- terlinck, conservateur du musée de Gand.

RUVUK DK l'art CHRÉTIBN, I()o6. 3°" LIVRAISON.

2IO

BRebuc lie V^xt ci)vcticn.

plusieurs petits appartements destinés à divers employés des palais apostoliques. Toutes les cloisons récentes ont été démolies, et l'on peut admirer déjà l'ampleur et la beauté de ces sa- lons, que Paul V et Urbain VII, les grands papes du XYII^ siècle, firent spleiididemeut dé- corer. Dominant la colonnade du IVirnin, éclairé par de larges ouvertures qui donnent sur la place Saint-Pierre, un appartement, jusqu'ici défiguré, a été rendu à sa beauté primitive.

Sous des tapisseries sans valeur, collées aux murs, on a trouvé des fresques décoratives d'une grâce charmante. Klles ont été exécutées par des peintres du XVII'' siècle de l'école de Guido Reni et de Carlo Dolci.

Pie X a surtout à cœur de réorganiser la Pina- cothèque ou galerie de peinture. Créé par Pie VIT sur les conseils de Canova et du cardinal Con- salvi pour donner asile aux divers tableaux ravis à l'Italie au cours des conquêtes de Napoléon I^'', ce musée improvisé se ressent de la hâte avec laquelle il fut installé. Très haut perché, il est d'accès difficile, et c'est son moindre défaut, car les architectes doutent de la solidité des vieilles poutres qui soutiennent ce troisième étage, et pour ce motif on ne permet pas à plus de cin- quante personnes de stationner dans la troisième salle.

Pie X a eu la pensée de transférer la Pinaco- thèque dans un des bras du Palais qui longe la cour du Belvédère, dans l'actuelle « Floresia », ou serre apostolique, qui est contiguë aux archi- ves et à la bibliothèque. Le Pape a donné l'ordre de rouvrir toutes les grandes fenêtres de cette galerie, d'y faire un pavé de marbre et d'y dispo- ser des calorifères pour l'hiver.

Milan. On lit dans \e Journal des Arts :

La section de peinture au musée municipal installé dans l'ancien château des Sforza vient de s'enrichir de plusieurs morceaux importants. J'en trouve l'énuméralion dans le numéro de \' lltuslra::!0>ie itulia/niàn i i septembre 1904, et j'en extrais ce qui suit, en y joignant quelques observations fondées sur les reproductions photogra- phiques dont est accompagné l'article signé Francesco Malaguzzi Valori.

Ce sont, d abord, les deux volets d'un triptyque attri- bué à Defendete Ferrari. Chaque panneau présente, agenouillé, un donateur, un < devoto>, comme on dit en Italie ; le personnage, les mains jointes et simplement drapé, est accompagné de deux figures tiebout, un saint et une sainte richement vêtus. Un peu de faiblesse dans le modelé et dans le dessin des extrémités n'empêche pas l'œuvre d'être des plus distinguées et digne d'un grand musée.

Mais il faut mettre au-dessus de ce morceau très esti- mable les quatre tableaux d'.Messandro IJonvicino, de Brescia, dit il Morctlo, qui, en 1498 et mort en 1555,

est un des plus grands peintres des écoles lombarde^. Xmiiisirazione ituliaiui ne donne pas la reproduction du Jèréiiiie^ mais \t s.tiiifjeaii- lùiptis/c liehnil parait de tous points très beau et j'en dirai agitant du saint Antoine de Padniic vu à mi-corps. Quant à la grande composition, sainte Ursule et les vier^i^cs ses compagnes, l'image offerte permet de le considérer comme une œuvre excellente ; //;î/i);r//rt avait beaucoup étudié les maîtres tie \'enise et on s'en aperçoit à la richesse de sa couleur, très sensi- ble jusque dans la reproduction en blanc et noir donnée par le journal. Il y a de plus dans ce beau tableau une pureté dans les types de femmes, une noblesse paisible faites pour captiver le regard et produire une mipression élevée et durable. Je trouve surtout très belle la figure centrale: Ursule debout et couronnée, vêtue d'une longue robe blanche et de ses bras écartant son manteau pour élever droits deux étendards marqués d'une croix. Au- dessus, vue à mi corps dans des nuages, la Vierge tient à demi couché l'enfant endormi et pose sa tête sur la sienne ; c'est un sujet souvent traité par les N'éiiitiens, notamment par les Bellini et reproduit en plusieurs exem- plaires par II Moretto lui-même. Tout en louant ce beau tableau, l'auteur de l'article, croit pouvoir reconnaître la main d'un élève dans certaines parties secondaires.

La Dalilti, de Bernard Strozzi, est, au contraire em- preinte d'un réalisme assez accentué. Ce Strozzi, en

I 581, mort en 1644, est le plus connu des peintres qui constituent ce que l'on veut bien appeler l'École de Gênes.

II fut d'abord capucin, d'où son surnom, // Capucino, s'enfuit de son couvent et alla chercher fortune à Venise, Il y avait alors un interrègne dans l'Kcole vénitienne, les grands artistes du XVI" siècle avaient tous disparu : Véronèse en 1588,1e dernier des Bassans, ces lourds coloristes dont le temps a encore assombri et vulgarisé la pilette, j'ai vu cependant d'eux quelques belles choses, notamment une superbe composition à Madrid, le chevalier I.éandre Bassan, était mort en 1622, et les

: Tiepolo ne sont pas encore venus. Le goût du temps I était d'ailleur-i aux œuvres de caractères plutôt que de beauté, et il Capucine arrivait à son heure. Il a des pein- tures à la bibliothèque de Saint-Marc, à l'église Saint- Benoît, et en d'autres lieux, mais ce n'est pas cela que l'on vient chercher à Venise. D'après la reproduction donnée par le journal, la Dalila est une figure d'une beauté énergique, p'Csque brutale, dont M. Francesco Malaguzzi \'aleri loue la virtuosité du pinceau et du coloris.

L'auteur cite encore une petite Sainte HeÛne, de l'École Vénitienne ; un beau portrait rappelant ceux du Tintoret ; une Madone a-.'ecP Enfant et deux- saints, attri- buée à Girolamo da Santa Croce, un peintre de Hergame, qui a subi l'influence des Bellini ; un Rédempteur de Kocco Marconi, qui rappelle la même école ; enfin, un petit triptyque, représentant avec un sentiment de réa- lisme assez marqué, des scènes du Nouveau 'l'eslament; ce serait l'œuvre d'un artiste de période antérieure à Léonard de Vinci, Bernardino Butinone di Treviglio.

Maintenant, l'auteur de l'article reconnaît que certaines de ces peintures ont nécessité ou nécessiteront le secours d'une restauration discrète. A cela, il n'y a rien à dire, toute œuvre de l'homme est destinée .^ périr, mais de bons remè les peuvent prolonger son existence ; c'est un sacrifice à faire, le tout est de savoir s'y prendre h temps et les restaurateurs italiens sont d'habiles gens.

Quand, il y a trois ans, j'ai visité le musée du château d's Sforza, la classification généra'e était déj.'l satisfai- sante, mais la galerie de peinture me parut la moins bien partagée au point de vue de la disposition et surtout de l'éclairage. C'était d'ailleurs une série fort mêlée de très bon, de bon et de méliocre. M. Francesco Malaguzzi

Cl)ronique.

211

Valori affirme, en terminant, que pour la bonne présen- tation des œuvres exposées, le musée Sforza n'aura bien- tôt rien à envier au Bréra réorijanisé ; voilà qui est bien. Puisse-t-il être plus heureux que notre Louvre sans cesse remanié, livié au vandalisme des architectes, l'on n'est jamais assuré de retrouver deux jours de suite le même tableau h. la même place, l'on semble enfin avoir pris à tâche de faire du yrand musée français un perpétuel devenir. Si du moins, à chaque chani^ement on pouvait dire comme Gavarni toutes les fois qu'il bouleversait son jardin, et c'était souvent: « Vrai, c'est presque aussi bien qu'avant ! >

André Arnoult.

I^ouocUes.

Venise. Les travaux de reconstruction du campanile de Saint-Marc sont activement pous- sés. Les fondations sont terminées ; la charge de l'édifice s'appuiera sur d'énormes blocs de pierre assurant un équilibre plus stable que les anciens fondements. L'aspect du campanile sera en tous points semblable à l'ancien. La partie décorative doit être édifiée en pierres de taille ; le clocher, tout en métal, sera surmonté d'un paratonnerre. La loggetta sera naturellement rétablie dans sa forme primitive, et, peut-être avant la fin de l'année, verra-t-on le campanile achevé (').

Le professeur Magliano vient de découvrir dans l'église San Domenico Maggiore, derrière im tableau, une fresque représentant la Madone et qui date du XIV° siècle, à en juger par la figuration qui s'y trouve de la façade de l'église érigée à cette époque {^).

Dijon Une œuvre importante du XVI" siè- cle, le Jugement dernier qui, à l'église Saint- Michel, remplit le tympan central du grand portail, n'est plus désormais anonyine.

Ce morceau remarquable était attribué tradi- tionnellement, mais sans l'ombre d'une preuve, à Hugues Sambin.

Un document découvert dans les archives pa- roissiales par MM. Jules d'Arbaumont et Etienne Metman membres du Conseil de fabrique et de la Commission départementale des Antiquités, résout, non d'une manière complète toutefois, le problème qui depuis trois siècles n'a cessé d'oc- cuper l'opinion des archéologues et des artistes dijonnais. D'un acte du 13 juillet 1551, il résulte, en effet, que Xa Jugement dernier a été commandé

Courrier de l' Art. Ibid.

à Nicolas de la Court, imagier, natif de Douai et établi à Dijon ; il s'engageait à l'exécuter d'après le « patron > qui lui serait fourni, pour la somme de 70 livres tournois, environ 1,500 francs de notre monnaie, et à le terminer pour la Noël prochaine, en moins de six mois, par conséquent. Et encore le terme fut-il avancé et le travail livré dès le 13 novembre. On ne relève, du reste, aucune trace de précipitation et d'à peu près dans l'exécution ; étant donnée la sévérité ex- trême que l'on apportait dans l'examen et la réception des œuvres d'art en ce temps, on n'atirait jamais accepté un travail hâtif et im- parfait.

Qu'était ce Nicolas de la Court, cet imagier jusqu'à hier inconnu, dont le nom sort ainsi brus- quement de la poussière des archives ? On l'ignore encore, mais en l'état c'est un nom à ajouter à la liste déjà longue des artistes provinciaux du temps, ou qui, non Français, puisque Douai était alors Espagne, ont travaillé pour la France.

Maintenant, que faut-il entendre par ce mot « le patron » ? Était-ce un modèle en grandeur d'exécution, une maquette en terre cuite, un car- ton, ou même un simple dessin. En outre, quel fut l'auteur du projet ainsi donné? On ne le sait pas encore, et peut-être l'ignorera-t-on toujours.

Quoi qu'il en soit, j'écarte sans hésiter le nom de Sambin; d'abord pour des raisons générales et artistiques, ensuite par celle-ci : comme il habitait Dijon, s'il avait été capable de com- poser un tel morceau, il eût été aussi en état de l'exécuter. Peut-être doit-on conclure que l'auteur du « patron » était un étranger, dès lors pourquoi ne l'aurait-on pas demandé à Domi- nique Florentin qui travaillait en Champagne à la mê.Tie époque ? C'est, du reste, à peine une hypothèse, et il faudrait procéder par des com- paraisons minutieuses pour oser attribuer notre bas-relief à l'artiste italien. Or on sait si en pa- reille matière les experts donnent des conclu- sions identiques. Cependant cette indication à moi donnée par feu Louis Courajod, mérite d'être retenue au dossier.

Pour moi, il me semble démêler dans \q Juge- ment dernier de Dijon je parle surtout de la partie inférieure, très belle et supérieure à la scène céleste une succession de plans qui fait penser à l'œuvre d'un peintre. Je sais bien que dans la porte principale du baptistère de Flo- rence, Lorenzo Ghiberti nous en fait voir bien d'autres, toutefois c'est une exception dans l'his- toire du bas-relief aux temps modernes. Je ne considère donc pas comme invraisemblable que le « patron > ait été donné par un peintre, peut-être un peintre verrier. Mais ceux-ci composaient-ils leurs cartons eux-mêmes ou se bornaient-ils à

212

3Rcbuc tie r^rr cbrctien»

exécuter ceux des autres? Je crois que les deux cas se sont maintes fois présentés, comme ils se présentent encore de notre temps.

Nicolas de la Court était aussi l'auteur du saint Michel debout au trumeau central, et dont, chose assez sinj^ulière, les grandes ailes déployées ce qui est très visible dans les anciennes gravures masquaient en partie le bas-relief. L'archange était-il représenté dans la fonction qui est toujours la sienne quand il figure dans le Jugement dernier, celle de peser les âmes ? Cela est vraisemblable. Il a été brisé à la Révolution avec les quarante-deux statues debout dans les niches du grand portail, et les six, trois pour chacun, qui se voyaient à ceux du transept. Sous la Restauration, on remplaça l'œuvre de Nicolas de la Court par la figure que l'on voit encore en place ; on l'avait trouvée, légèrement mutilée, chez un marbrier de la ville, et elle semble si bien faite pour la place qu'on la tenait facilement pour l'original. Mais les documents sont positifs. La petitesse de la tête comparée avec le déve- loppement des membres, donne à l'ensemble un caractère presque florentin ; c'est, à tout prendre, un morceau remarquable s'unit l'élégance à la force. On notera en passant que dans le premier quart du XIX« siècle et même plus tard, les ateliers des marbriers dijonnais regorgeaient de statues, bas-reliefs, colonnes provenant des édi- fices détruits ou vandalisés.

En résumé le nom de Nicolas de la Court mérite d'être retenu; s'il faut lui refuser le mérite d'avoir composé le Jugement dernier de Saint- Michel, celui de l'exécution savante et forte lui appartient pleinement et suffit à le classer. Est- ce que Girardon est diminué parce que Charles Le Brun lui a imposé le dessin du tombeau de Richelieu à la Sorbonne?

H. Chabeuf. * *

Tournai. Uneimportante découverte archéo- logique vient de se faire dans l'intéressante église Saint-Quentin. En enlevant les boiseries d'un grand autel pseudo-renaissance du siècle dernier on a mis au jour un tombeau du XIV'' siècle. Sous un bel arcosolium, à la moulure jadis redentée, encore encadrée d'un élégant larmier fleuronné, git sur un cénotaphe l'effigie malheu- reusement décapitée de Jacques Kastangnes.

L'inscription très bien conservée dit: Chy gist Jakenies Kastangnes ki trespassa Van mille CCC et XXVII.

L'effigie est en ronde bos.se, ayant sous les pieds un chien symbolique. Un dais abrite le défunt. La tombe est la partie la plus intéressante. La face antérieure est ornée de huit jolies sta-

tuettes sculptées en demi-bosse dans le marbre tournaisien sous des arcatures. Elles représentent des religieux les mains jointes et un prêtre eu chasuble. Les têtes, tant du gisant que des figu- rines, ont été systématiquement brisées par les iconoclastes. Le tout était polychrome.

L'intrados et le fond de la grande arcade étaient peints ; on y remarque quelques petits écussons noirs. Les fragments de redents re- flètent encore quelques traces d'or.

Cette découverte est d'autant plus importante, qu'on ne possédait encore aucun spécimen du XIV° siècle de la sculpture tournaissienne. C'est aussi un des rares arcosolium de la région ; il est analogue à ceux de l'abbaye de Cambron, mais ceux-ci sont dénuées de la moulure fleu- ronnée. Nous comptons donner prochainement des descriptions de ce tombeau.

L. C.

Merlemoiit. Une église monumentale, toute neuve, avec crypte, commence à sortir de terre.

L'an prochain, ce sera le tour de Vodecée. Les plans d'une nouvelle église, nous dit on, sont achevés et vont être soumis aux autorités com- pétentes.

Liège. Conformément aux désirs exprimés par le défunt, la famille de feu Jules Helbig, vient de faire don à l'École Saint-Luc de cette ville d'une importante collection de documents d'art. Ceux-ci ont été recueillis par l'artiste au cours de voyages qu'il fit en divers pays avec M. le baron J. Bethune, dont il fut un des plus vaillants collaborateurs pour la restauration de l'art chrétien et national. Dans ses derniers jours, il gratifia lui-même cette école d'ime importante et belle collection de moulages qu'il possédait.

M. Jules Helbig, nous l'avons dit, fut un des soutiens dévoués des écoles Saint-Luc dont il défendit avec autant d'énergie que de talent les principes; il fut un des fondateurs de celle de Liège.

Il est question de réédifier à Fétinne, près de Liège, l'église abbatiale de Villers en Bra- bant. La Commission royale des monuments est favorable à cet projet. Cette reconstitution serait d'une vérité archéologique absolue, d'une exac- titude minutieuse, et reproduirait dans ses moindres détails l'église de l'abha^-e de Villers, une merveille du style ogival primaire.

M. Lagasse, président de la Commission des

Cl)rontque.

213

monuments, vient d'écrire à M. le curé de Saint- Vincent, à Fétinne :

< Pourvu que la nature et la ctiloration des matériaux soient bien choisies, que toutes les dimensions comme les détails de l'abbatiale, soient scrupuleusement observés et que les annexes nécessaires s'élè\'ent en bonne place, vous et vos pprois'^iens vous serez fiers d'avoir doté votre ville d'un monument qui depuis lonj;lemps eût faire l'oineiiient de quelque lieu bien choisi dans l'aggloméra- tion de la capitale.

« La Commission royale ne peut donc que vous féliciter au sujet de votre grande et intelligente initiative, i

Le Conseil de faV)riqiie de l'église Saint- Vin- cent a prié l'architecte chargé par le gouverne- ment de l'entretien et de la restauration des ruines de l'abbaye de Viller.=, de dresser les plans- projets de la future église.

Jérusalem. La revue anglaise Tlic Nation annonce que le Sultan, qui s'était opposé jusqu'à ce jour à l'introdiictinn de l'électricité en Turquie, a accordé en fin de compte une concession pour l'éclairage électrique de Jéru.saleni et pour la création d'un tramway électrique Jérusalem- Bethléem- Béthanie, qui ira probablement jusqu'à Jéricho et le tombeau de Moïse.

On n'aurait rien à dire à im pareil projet, encore que l'esprit ait peine à s'accoutumer à l'idée d'une exploitation électrique ferrée dans une contrée naguère parcourue par le Sauveur et tout imprégnée des souvenirs de la Rédemption. Mais chose plus grave : il paraît que cette entre- prise s'accompagnera d'une véritable profanation. Un lieu que la grandeur poignante des événe- ments divins dont il fut le théâtre devrait, sem- ble-t-il, vouer pour toujours à une solitude pro- pice seulement à la prière, le Mont des Oliviers serait traversé par le tramway Jérusalem-Jéricho.

Des revues du continent s'élèvent contre ce projet. N'ous joignons notre protestation la plus vive à la leur, et nous voulons espérer que cette profanation, cruelle à toute âme chrétienne, sera empêchée.

ïîccrologie. o-

eoouarD Gcrspacb.

JULES Helbig a été suivi de près dans la tombe par son collaborateur et ami E. Gers- pach, pieusement décédé le 4 avril dernier. Comme Helbig, Gerspach a vu venir la mort avec la fermeté d'âme du chrétien, préparé à l'éternel voyage par la douleur acceptée. Durant tout l'hiver, il attendit, résigné, la fin de son martyre,

le corps perclus, l'intelligence indemne. De sa couche douloureuse il nous envoyait des articles destinés à paraître après sa mort, pour être com- posés d'avance, et dont il se hâtait de corriger les épreuves par anticipation. Un acte de ré- signation suprême lui fut imposé, quand il vit ré- cemment échouer ses pourparlers avec un éditeur qu'il aurait voulu charger d'imprimer sa belle étude richement illustrée sur X Annonciation Akx\% la peinture ancienne, qu'il laisse en manusciit. Comme notre autre fidèle collaborateur feu Barbier de Montault, il laisse quelques ar- ticles posthumes réservés à nos lecteurs. Il fut le plus fidèle et le plus intéressant de nos cor- respondants. Depuis l'année 1895 il n'a guère manqué d'envoyer pour chacune de nos livraisons ses notes originales sur l'art italien, si appré- ciées, et qui ont fait l'objet d'une cinquantaine de lettres.

à Thann (Haut-Rhin) en 1833, Gerspach devint chef de bureau du ministère des Beaux- Arts et finalement administrateur de la manu- facture nationale des Gobelins. Lorsqu'en 1893 il fut mis à la retraite, il lui fut loisible de choisir dans l'univers la ville la plus attrayante, selon son idéal artistique, pour en faire son séjour définitif. Ce lieu d'élection fut la cité de Florence, qu'il proclamait la reine des villes d'art. Il y vécut dans le commerce journalier des délicieux peintres de l'ancienne Toscane et de l'Ombrie, comme en un paradis terrestre.

Spécialement versé par ses anciennes fonctions, dans l'art de la tapisserie, il affectionnait aussi la mosaïque. Ses principaux ouvrages sont : L'histoire de la tapisserie des Gobelins, de 1662 à 1892 (Paris, Le Vasseur, 1893). Les tapisseries coptes (Paris, Motteroz, 1890). L'art de la verrerie (Paris, Quentin, 1884). La Mosaïque (Paris, Quentin, 1883). Ce dernier livre, l'un fies plus appréciés de l'intéressante collection de la Bibliothèque de l' Enseignement des Beaux- Arts, eut un grand succès et constitue son chef- d'œuvre.

Il a publié dans la Gazette des Beaux- Arts des études sur la Céramique chinoise (1882-1887) ; sur la mosaïque absidale de la basilique de Saint- Jeandc Latran à Rome (1885) et sur la mosaïque de Bellom {\^Z%),ç.\.c...

Nous recommandons son âme aux prières de nos lecteurs.

L. Cloquet.

tJules Bclbig.

NOTRE regretté directeur Jules Helbig laisse un souvenir impérissable parmi les Amis de l'art chrétien, dans sa bonne ville de Liège et

214

jReDue tie T^vt c!)vctieu.

dans les rangs des érudits. La savante revue historique : Les Archives Belges, consacre à sa méinoire un article que nous tenons à repro- duire, et qui est suivi d'une liste complète des publications de notre ami.

M. Jules Helbig, qui vient de mourir à Liège le 15 de ce mois dans sa 85' année, était une des personnalités les plus remarquables dont les Archives Belges aient eu à s'occuper. Malheureusement, comme il était d'une grande modestie, qu'il n'a jamais occupé de fonctions publiques, (lue r.Académie royale de Belgique n'a pas eu l'honneur de le compter dans son sein el qu'enfin la première moitié de sa longue existence s'est écoulée dans un temps que les souvenirs de notre génération n'atteignent pas, les matériaux nécessaires pour retracer sa carrière ne se trouvent pas à notre portée et l'esquisse biographique que nous lui consacrons s'en ressentira forcément. à Liège le 6 mais 1S21, d'un père lettré qui exerçait la profession de banquier, il parait avoir été destiné par celui-ci aux affaires : il ne fît pas d'études grécu-latiiies, mais il apprit parfaitement, sous la direction paternelle, les deux langues qui sont aujourd'hui, avec le français, les véhicules indis- pensables de toute cultuie intellectuelle : l'anglais et l'allemand. Sa famille était, au surplus, originaire de Mayence, et lui-même a toujours gardé un souvenir pro- fond des années d'enfance passées au foyer d'un vieil oncle, dans la romantique solitude d'un vieux château des bords du Rhin, qui parait n'être pas resté sans influence sur sa vocation artistique. Après avoir suivi les cours de l.'.Académie de Liège, il alla continuer ses études à Dus- seldorf et se consacra à l'art de la peinture. Ses débuts dans cet art furent heureux: a la peinture d'histoire il joi- gnait des travaux d'aqua-fortiste qui assirent sa réputa- tion ; trois ballades de Victor Hugo, qu'il avait illustrées à l'eau-forte, lui valurent, de la part du grand poète, outre plusieurs lettres des plus flatteuse-;, une visite per- sonne le à Saint-Trnnd, il était occupé à décorer l'église Notre-Dame. L'homme qui paraît l'avoir enlevé à l'art profane et exercé sur toute sa carrière future une influence des plus profondes, c'est le baron Bcthune, le grand rénovateur de l'ait religieux dans notre pays. Helbig se lia avec lui d'une amitié fervente, et il a sou- vent redit à l'auteur de ces lignes que deux hommes lui avaient laissé l'imoression de la sainteté sur terre : l'un était maître Jeau Bethune, comme l'apnelaient ses admi- rateurs et amis, l'autre, un religieux belge encore vivant. .-\ partir de sa rencontre avec maître Jean, Helbig fut conquis à l'art chrétien : dans toute la vigueur de l'Age et du talent, il s'y donna avec un enthousiasme et une abné- gation admirables, renonçant aux fructueux et faciles succès de la veille, embrassant avec amour la cause alors impopulaire du vieil art national, consacrant son pinceau à la beauté de la maison de Dieu et prenant sa grande part de toutes les œuvres destinées à propager par l'en- seignement, par la discussion et par l'étude en commun le culte du beau tel qu'il lui apparaissait désormais. Pen- dant cette seconde partie de sa carrière, qui ne relève d'ailleurs pas de notre critique, non plus que la précé- dente, l'artiste se dépense dans une multitude de travaux considérables consistant principalement dans la décora- tion d'églises belges et étrangères; nous citerons notam- ment, parmi ces dernières, l'église Sainte-Marie d'Aix-la- Chapelle et la basilique d'Echlernach.

De bonne heure, il s'était révélé en lui un critique d'art dont la plume inlassable a enrichi une multitude de jour- naux et de revues; notre bibliographie mentionne déji> des articles de lui sous la date de 1854. Mais c'est surtout après 1883, lorsqu'il eut nris, après la mort de l'abbé Corblet, la direction de U Revue de V Art cliréiien, que son

activité, sous ce rapport, fut considérable. A mesure que le pinceau devenait moins actif dans ses mains, sa plume acquérait une fécondité étonnante, et c'est dans ses vingt dernières années, lorsqu'il semblait dépasser le ternie ordinaire de l'existence, qu'il a le plus écrit. Nous ne pou- vons que rappeler en passant tout ce que lui devait la Commission royale des monuments, dont il devint mem- bre eu 18S9 et vice-président en 1S97, et la (iilde de -Saint Thomas et de Saint-Luc, dont il fut un des fonda- teurs et dont la vice-pré.-idence lui fut confiée en iSgt. Obligés de nous limiter à ce qui est spécialement de notre ressort, nous rappelons encore qu'en 1S80, avec ses amis Joseph Demarieau et Godefroid Kurth, il fonda la Société it'Art el cV Histoire du diocèse de Lie');e et tju'il en présida la section d'art depuis l'origine jusqu'à sa mort. Jusque dans les derniers jours de sa vigoureuse vieillesse, Helbig déploya une activité, une ardeur étonnante : il y a quel- ques années, il faisait un voyage en Orient, et de jeunes compa'jnnns de route se souviennent, avec une admiration mêlée d'effroi, de lui avoir vu gravir en plein midi la col- line de l'acropole d'Athènes sous le soleil d'été. Il n'y a guère que quelques mois qu'il a cessé d'assister régulière- ment aux séances hebdomadaires de la Commission des monuments.

La mort l'a surpris travaillant avec un entrain juvénile à deux livres : l'un, qui devait être le couronnement de ses recherches sur l'histoire de l'art mosan, et dont le dernier chapitre reste à écrire; l'aune, dont il corrigeait déjà les épreuves, et qui doit retracer la carrière de son grand ami maître Jean. Ses familiers l'ont vu, pendant les derniers jours de sa longue maladie, se lever de son lit pour ajouter, de sa main mourante, quelques lignes au premier des deux ouvrages. Qui n'admirerait une carrière si bien remplie, et n'envierait un tel travailleur?

Nous ne dirons rien des qualités morales de Jules Helbig : l'homme, chez lui, était à la hauteur de l'érudit et de l'artiste, et la parfaite union des dons du cœur et de l'espiit faisait de lui une des figures les plus sympathiques de notre pays.

Comme archéologue et comme historien de l'art c'est le seul aspect sous lequel nous ayons à l'envisager Helbig avait une maîtrise incontestée. Si banale que soit la formule, il est rigoureusement vrai de dire que sa disparition laisse dans nos rangs un vide qui ne sera pas comblé de si tôt. C'est à lui que nous devons la meilleure part de ce que l'on sait aujourd'hui sur l'art mosan. Ses deux livres sur la peinture et sur la sculpture du pays de Liège sont des slaiida'd-wo>ks qui nous apportent, ou peu s'en faut, le dernier mot sur l'histoire d'un art national longtemps inconnu. Si, pour les siècles du moyeu âge proprement dit. ils pèchent un peu sous le rapport de la critique et de l'information, en revanche, quelle richesse d'érudition et c|tielle siireté de jugement dès qu'on met le pied sur le teriain de l'âge moderne! Ici, tout est neuf, pour ainsi dire, et les études constantes d'une hmgue vie n'ont cessé d'enrichir le trésor des renseignements accu- mulés par l'auteur.

Ces deux livres sont les principaux titres de gloire de Helbig dans le domaine de l'érudition. Nous avons déjà dit qu'il rêvait de les couronner par un troisième ouvrage, V Histoire de t Art Mosan, qui aurait été une vue ency- clopédique de son sujet préféré. Il y a lieu d'espérer que des mains pieuses sauront mener ,'1 bonne tin l'œuvre du maître et nous la donnerons prochainement.

Voici la bibliographie de M. Helbig.

LIVRES.

Hisloiie de la peinture au pays u'e Liègf depuis fintroiluction du e'iiisliaiiismejusjiiii la révoiution liégeoise el à la réunion de

Cl)roiuque.

215

la printipaiiU (I la France. Liège, 1S73. (Pulil'é d'abord dans Mémoires de la Société cV Einttlatioii de Liège ; voy. plus loin. )

La deuxième édition de ce livre, très considérablement aug- mentée, a paru sotis ce litre : I.a peinture an pays de Lié^e et sur les lords de la Meuse. Liège, 1903.

Recueil de modèles artistiques du iiioyin aie. Menuiserie et ser- rurerie de meuhles ( X l'e-XVle si'tiles ). XLII planches sous la direction d'Aug. Van Assche, texte explicatif [lar Jules Helbig. In folio. Gand, 1S82.

La sculpture et Us arts plastiques au pays de Liège et sur les bords de la Meuse. Deuxième é iition. Bruges, 1890. (D'abord dans Mémoires de la Société d' Émulation de Liège ; voy. plus loin.)

La fein'ure et la sculpture au pays de Liège. (Dans le Cata- logue de r Exposition de tArl ancien au l'ays de Liège. Liège, 1S81). 78 pages.

Moi'ilier, ivoires, tapisseries. (Même recueil.) 27 pages.

La peintwe et les arts plastiques dans l'ancien Pays de Liège et au.y bords de la Meuie. (Dans V.-lrt ancien au Pays de Liège. Catalogue général, Liège, 1905.)

Lambert Lombard., peintre et architecte. lîruxelles, 1S93.

Fra .Angelico de Fiesole, sa vie et ses travaux, tiaduit de l'alle- mand du P. Biissel, avec une introduction. Lille, Société Saint- Augustin, 1898.

Monographie de Vèglise Saint-Christophe. 16 planches sous la direction d'Aug. Van Assche, texte explicatif par Jules Helbig. In-lolio. Gand.

Annuaire de la Société libre d'Émulation de Liège.

La peinture à fresque sur les bords du Rhin (18,6). Zi! col- lection Van den Schrieck (185S) Rapport sur l'ornementation du Pont des Arches (1859). Une vente au .Mmèe corimun.il à propos d'un tableau de Gérard de Lairessc (18^9). Association pour l'encouragement des beaux-arts. Rapport adressé au Coineil communal de Liège sur le salon de iS6o-tS6i (1861). Quelques travaux de Lambert Lombai d {l^t"]).

Biographie nationale.

T. XL

Lairesse (Ernest). Lairesse (Gérarl). Lairesse (Jacques et Jean). Lairesse (Renier). Lamberiin (Gabriel). Latour (Jean). Leloup ( Remacle).

T. xn.

Leumont (Thiry de). Lombard (Lambert). Lovinfosse (Pierre-Michel).

T. XIV.

Mélotte (Antoine-Marie).

T. XV.

Nisen (Jean-Mathieu). Nivar (Jean).

T. XVI.

Obée (Martin). Panhay de Kendeux.

Palenier (Joachim). l'épin (Jean).

T. XVII.

Péril (Robert),

Fesser (les).

Pietkin (Lambert).

Pirotte (Olivier).

Plumier (Edmond).

Van de Poêle (Florimond).

T. XVIII.

Ponsart (Jean-Nicolas-Fran- çois).

Pontiau (Michel).

Quadvlieg (Charles-An- toine).

Racle.

Rawey (Jean).

Redouté (.^nt.-Ferd.)

Redouté (Charles- Joseph).

Redouté (fean-Jacques).

Redouté (Menrijoseph).

Redouté (Pi-rre-Joseph).

Bulletin de la Gilde de Saint-Thomas et de Saint-Luc.

T. I (1863- 1869). De r archaïsme dans l'art. le retable de sainte Claire à Cologne. N'oie sur deux ivoires du Musée de Tournai.

T. II (1870-1873). Nécrologie. M. H. de Fierlant. Mon- seigneur Voisin, président de la GilJe. L'église de Saint- IJonard à Lèaii. L'église romane de Saint-Pierre h Saint- 7 'rond.

T. III (1S74-1S76). Rat'port triennal sur les tj-avaux de la Gtide. Nécrologie. .M. le chanoine de Morzè. L'abside occi- dentale de l'église Saint -Barthélémy à Liège. Les châsses de l'ancienne Collégiale de Hiiy, le don expiatoire offert à la cathé- drale de Liège. Lei auteurs et l'histoi'e de ces reltquati-es. La Sainte Vieegc et l' enfant Jésus. Les groupes sculptés des an- ciens sanctuaires de Liège.

T. V (1S8118S3). Rapport triennal sur les travaux de la Gilde.

Annales de la Société archéologique de Naiitur. T. X (1S68- 1S69).

Fra^iii-nts de peintures trouvées à l'église de Ualconrl. T. .XII (1872-1873).

Statuette reliquaire de saint Biaise, conservée dans le trésor de la caihédiale de Saint- Aubain à Nanitir.

Bulletin de la Société d'Art et d'Histoire du diocèse de Liège.

Les pafiers J' Englebert Fistn (T. 1, I&Sl). L'ancienne collégiale de Saint-Pierre à Liège (T. 1\', 1SS6).

Bulletin de l'Institut archéologique liégeois.

Une ancienne sculpture liégeoise (T. XX, 1870). Rapport sur une découverte de monnaies fuite au village de Gran.l-Axhe, au mois de mars /Sj6(T. XII, 1876). Les châsses de saint Mengola de l'ancienne cotiègiale de Hiiy. Le reliquaire offert en don expiatoire à la cathédrale de Liège. Les auteurs et l'histoire de ces reliquaires {'ï . XIII, 1S77). Quelques monuments èpi- graphiqiiei de l'ancien pays de Lié^e. I. L'inscription de l'an- cienne chapelle de l-'aiines (T. XIV, 1879). Le chanoine Devroye (T. XIV, 1879). La coUecIton des tableaux apparte- nant à Henkart, Defrance et Fassin (T. XVI, 1882).

Bulletin des Commissions loyales d'Art et d'Archéologie.

Lambert Lombard, peintre et arclnlecte (1892).

Conférences de la Société d'Art et d'Histoire.

La Révolution française à Liège et les Beaux- Arts (2« série, 1S89). A Constantinople (4» série, 1891). Allocution pro- noncée à l'ouverture du Musée diocésain (5' série, 1892).

Mémoires de la Société libre d'Émulation de Liège.

T. IV, 1872. IListoire de la peinture au pays de Liège depuis les temps les plus reculés jusqu'à la fin de XVII F siècle.

T. VI, 1881. Éloge académique du prince Velbriick.

T. VII, 188Ô. Frédéric Rouveroy, sa vie et ses travaux.

T. VIII, 1S89. Histoire de la Sculpture et des Arts plas- tiques au pays de Liège,

Revue de l'Art chrétien.

1883. I^ettre aux éditeurs. Le nu dans la statuaire et la peinture. Une œuvre de Gérai d Loyet, graveur de sceaux et valet de chambre du duc Charles de Bourgogne.

1S84. A nos lecteui s. A quelle époque faut-il rapporter les clefs de la confession de Saint- Pierre, cousu vées à l'église de Saint- Servais à Maestricht et à celle de Sainte-Croix à Liège 'i L'ex- position internationale d'imagerie religiettse à Rouen. Nou- velles el mélanges.

2l6

3Rcbur Dr V^vt cl)rcticn.

1SS5. Exiiiision lie la Gihic de Saint-Thomas et <le Saint- Luc.

18S6. Matlavie Fèlicie iTAyzac. Monsienr le chanoine Coi hlel. De la vente îles objets (Cart appartenant aux églises. Excursion de la Gilde de Saint- Thomas et de Saint-I.nc.

1S87. llisloire de P Art dans lu Flandre, P Artois et le Hai- naut, par M. le Chanoine Dehaisnes. Frederick Overbeck, ses priniipes en matière iCart, ses maximes et ses pensées. Tes peintures murales de la Chapelle des A'elii;ienses Dominicaines de Bélhanie à Moniferrand ( Donbs). Kaphaël, sa vie, son aitvre et son temps. Tes écoles professionnelles dites de Saint-Luc. Edouard von Steinle (Nécrologie).

1888. La légende de la licorne ou du monocéros. par le [y Fréd. Schneider. Ta châsse de sainte If^auaru. Un discours sur les Beaux-Arts et les écoles frofessionvelles à la Chambre des représentants ;u h'elg'ifue. t/ne peinture étrange, par le D'' Andréas Jans-n. T' Exposition rétrospective d'art industriel. Excursion de la Gilde de Saint-Thomas et de Saint-Luc dans le nord de C Allemagne.

1889. F.xcursion de la Gilde de SaiM-Thomas et de Saint- Luc dans le nord de P Allemagne (2°, 3' et 4' articles). Neer- iandia catholica. Ta restait' at ion des églises dans le nord de r Allemagne. La sculpture dans Pnncien pays de Liège et sur les bords de la .Meuse aux Xh et X 1 F siècles.

1590. Le mariage mystique de suinte Catherine. Restau- ration lies églises dans le nota de t' Allemagne et ailleurs.

1591. T^istoire de Part pendant la Renaissance. Italie. Les primitifs de M. E. Miintz. l'architecte Frédéric Schmidl. Un inventaire du XI 11' siècle.

1892. Les peintures murales de la chapelle du château de Ponthoz. La Vierge de Hans TLolbein lonservée au palais grand-ducal de Darmstadt. L'aulel catholique et son décor (\" article). Porte en fer forgé du XV' siècle. Exposition de peintures des maîtres néerlandais du XV' et du commencement du X V, siècle.

1893. Luc Faydherbe, étudié dans des travaux ignorés île set biographes. L'abbaye de Maredsous. Le trésor d'orne- nicnts et d'inscrij^tions liturgiques de la collection du chevalier

Gianrarlo Rossi à Rome. La Tapisserie de Sens. .1/. y.

Wtlmotle. M. le W Cloquet (Nécrologie ). La liécoratioti

polychrome de P architecture.

1894. Ijes saints de la messe et leurs monuments. Le baron Bethune. La mort et P Assomption de la Sainte ilerge au moyen âge. CIn contrat de Pan /s^S pour la confection d'un retable iPautel. L'architecture religieuse de l'ancien diocèse de Soissons au Xh et au XI Te siècle.

1895. Le triptyque de Najera, de Hans MemHiig (Musée d'Anvers). Te trésor du chevalier Ginncarlo Rossi à Rome et le R. P Grisar. Auguste Reichensperger. La chapelle octogonale et les ruines du palais impérial à Nimègiie.

1 89Ô. Un nouveau livre sur Frère Jean Angelico de Fiesole.

L'autel catholique et son décor (2' article). Notes sur quel- ques reprisentations du saint sacrifice de la messe. La Vie du Christ, de Tissot. Caeii illustré, son histoire, ses monuments.

Gérard Divid, peintre et enlumineur (!"■ article).

1897. l'ra Giovanni Angelico de Fiesole. Sa vie et ses ouvrages, d'après le R. P. E. Beissel (6 articles). Gérard David, peintre et enlumineur (2' article). /,? château de Karl- stein et les peintures qui le décorent (2 articles).

189S. Fra Giovanni .Angelico de Fiesole, savie et ses ouvra- ges, d'après le R. P. Beissel (finw.^ et fin). Edîvard von Steinle.

L'exposition de copies d'après les maîtres italiens. Les pein- tures de maîtres inconnus. Un triptyque du XVIe siècle. La nouvelle cathédrale de Haarlem.

1S99. Statuette de la Vierge du XI Vt siècle. L'abbaye el les cloîtres de Moissac. Notice sur d' anciennes peintures incon- nues de r École flamande. Le débadigeonnage des anciennes peintures murales. L'achèvement de la tour de Saint- Rombaut à Matines. Le vase antique de .Saint-Siivin.

1900. A propos du salon d' « Art Religieux » de Bruxelles

Aui>usle Reichensperger. Le retable de .Saint- Jinceni de Paul i) I église Notre-Dame ci .Anvers. Joachim Patenier. Les saints de la messe et leurs monuments. L'art chrétien. Entretiens pi atiqiies.

1901. De la restauration des monuments en Belgique el ailleurs. Le Péru^in. Restauration des monuments. /js grands maîtres rendus populaires. Godefroid- Egide Guffens.

1902. Le symbolisme des couleurs liturgiques. François Xavier Kraiis. Les anciens maîtres flamands et l' exposition de Bruges, Buste-reliquaire de Saint-Barthélémy.

1903. Le nouvel Hôtel des Postes de Liège. J. Broussole, Fia Angelico. Exposition du Cet de artistique de Bruxelles.

Alexandre Collin. L'histoire de l'art chrétien par Fr. X, h'raiis. Lettres inédites de Viollet Le Duc. L'art rhénan et westphalien à Pexposition de Diisseldorf. Testament d'Arn. Ltide. L'exposition de Dmandcries à Dinant-sur- Meuse.

1904. Décoration polychrome du mobilier des églises. l.'adoialion des bergers du musée de Dijon. RocAiiiadour. L'exposition a' art ancien à Sienne. La peinture décorative au moyen âge.

1905. La Sainte T'amille. Insignes de la Compagnie de Charité à Liège.

Imprimé par Uesclée, Ue Brouwer et C"=, lille-pakis-bkuges.

t^.-iiiiiinti' n 1 1 inir°'aiiiiiiitHriiiiriit J -Tinrir'ti;] n t-i m! _" m ii ii;LSJjitrîi±l'£]QEiQiiSDrrTTiTTTTi t^uxHxj uliJlijjijj^

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Testament.

**^A livraison de janvier (| dernier de ryï;-/^^r///é« 'p: contient une ligne, p. 52, ^'4' en bas de la première

[[^ cil uas ue la premi * colonne, que n'auraient h probablement pas voulu «ôîii-ot^ signer les grands litur- gistes du moyen âge. Placer les person- nages de l'Ancien Testament du côté Nord est en désaccord avec le symbolisme tradi- tionnel des cérémonies de la messe romaine telle qu'ils l'ont expliquée depuis Amalaire et Raban Maur jusqu'à Innocent 111. Le côté de l'Évangile et, par conséquent, dans les églises orientées, le côté Nord est le côté du Nouveau Testament.

Malheureusement, les sommes liturgi- ques sont peu étudiées, surtout dans ce qu'elles ont de plus important : la concor- dance des grandes lignes du symbolisme. Il est vrai qu'il faut beaucoup de patience,

car ces ouvrages sont souvent diffus, leurs auteurs se servant de la liturgie pour ensei- gner toute la religion, morale, dogme et histoire sainte. Mais, malgré certaines divergences de détail et au milieu de nom- breuses digressions, il apparaît clairement que les cérémonies de la messe romaine rappellent (comme la succession des temps de l'année liturgique, de l'Avent au dernier dimanche après la Pentecôte), l'histoire de la Rédemption depuis sa préfiguration et sa promesse dans l'Ancien Testament, jus- qu'à sa réalisation et sa consommation dans le nouveau. Je dis «les cérémonies », car, comme j'ai eu l'occasion de le faire remar- quer dans le Dictionnaire de théologie, art. cérémonies, ^ ce n'est point par les paroles « qu'est marqué le symbolisme mais par « les gestes, l'attitude et les mouvements « des ministres sacrés, la place qu'ils occu- « pent à l'autel et dans le sanctuaire, par

RBVUK DE l'art CHRÉTIEN. 1906. 4*"^ LIVRAISON.

2l8

jRebue lie T^rt cbrctieu.

« le silence ou l'élévation de la voix, en un « mot par tout ce qui frappe les sens (').

« En effet, les paroles, surtout celles du « Canon, sont essentiellement destinées à « la célébration du saint sacrifice ; le sym- « bolisme ne s'harmonise donc avec elles « qu'accidentellement et par intervalles. » Ces grandes lignes du symbolisme sou- vent si profondément ignorées sont à con- naître pour quiconque veut approfondir ce

qui touche aux céré- monies et à l'archi- tecture religieuse.

Autre chose est que l'on puisse sans désobéir à l'Église nourrir sa piété d'un symbolisme inconnu au moyen âge, con- struire des temples et des autels con- traires aux usages antiques, et autre chose que tout cela soit en harmonie a- vec le symbolisme traditionnel et les idées maîtresses qui ont inspiré les livres liturgiques de l'É- glise romaine, no- tamment le Cérémo- nial des évcqîics et le Pontifical.

Pour ne citer qu'un seul exemple. Il est permis de fixer des peintures et des statues sur la partie antérieure de la niensa de l'autel, mais cette permission n'empêche pas que le parement d'autel mobile soit, comme l'enseigne expressément le Cérémo- nial des évêques, la vraie décoration litur-

I. Cfr. Innocent IW.tiu sacré Mystère de Pautel, tra- duction de Monsieur l'abbé Couren, Livre V, ch. xv Paris, Pion.

Plan de Notre-Dame de Paris.

giquede l'autel. « L'autel doit être vêtu de parements d'or, d'argent, de soie brodée d'or, autant qu'il peut se faire, de la couleur du jour. » Les rubriques exigent même des choses impossibles à concilier, si les images des saints sont fixées à la mcnsa: i" que les images soientvoilées depuis le dimanche de la Passion jusqu'au samedi saint; 2" que l'autel apparaisse nu et dépouillé de toute image de saint et de tout ornement depuis la fin de la messe du jeudi saint jusqu'au commencement de celle du samedi saint. Or, il ne peut venir à l'idée d'aucun catho- liquequ'il vaillemieux préférer son goût per- sonnel aux idées tra- ditionnelles et à l'ob- servation intégrale de tous les rites, surtout quand ils ont une im- portance exception- nelle comme ceux des cérémonies de la se- maine sainte.

C'est encore au sym- bolisme traditionnel et aux livres litur- giques qu'il faut de- mander la solution du problème de la déviation de l'axe longitudinal des églises. Tout d'abord, on doit éviter deux erreurs opposées : la première qui consisterait à affirmer une intention symbolique partout se rencontrent des dispositions maté- rielles qui pourraient en être la traduction, la seconde à la nier partout et toujours. Considérés dans leur ensemble, les archi- tectes du moyen âge

n'ont mérité Ni cet excès d'honneur, ni cette indignité (')•

I. Il faut reconnaître avec M. Anthyme Saini-Paul

Plan de Notre-Daine-la-Grande à Poitiers.

3la DétJtation De Vaxt tiii cl)irui\

219

Les détails de construction sont comme les mots d'un texte, leur signification doit être interprétée d'après les circonstances ou d'après les idées, connues par ailleurs, de leurs auteurs.

Des fouilles méthodiquement pratiquées, des documents authentiques peuvent four- nir la preuve que la déviation, fût-elle ou non désirée par l'architecte pour des raisons de symbolisme, a été la conséquence d'une erreur d'alignement ou lui a été imposée par des nécessités d'autre nature tsubstruc- tions antiques à conserver par économie ou par respect, grande nef non prévue dans le plan primitif construite après coup dans un terrain placé de travers limité soit par des propriétés intangibles soit par un rocher abrupt ou un marais sans fond ('). Ces causes pourraient bien expliquer la dévia- tion de l'église de Notre-Dame de Mont- morillon et de la cathédrale de Ouimper. Il ne paraît guère vraisemblable que l'archi- tecte de celte dernière église ait voulu tout

(Biilietin monumental, LXX" volume, igo6, p. 129) que M. de Lasteyrie (LXIXe volume du BtiUetin monu- mental 1905, p. 422) a fait savante justice de < l'excès d'honneur ». Quant à < l'indignité », nous croyons prouver dans cet article qu'elle n'est pas une règle sans exception. En cela encore, nous sommes d accord avec M. Anthyme Saint-Paul qui trouve trop dur qu'on traite de « fantaisie pure > l'opinion des symbolistes et ne veut pas afi^irmer avec M. de Lasteyrie qu'il n'y a jamais eu la moindre idée mystique dans Vinclinato capite. >

L'étude de M. de Lasteyrie aura fait faire un grand pas à la science archéologique en l'allégeant de beaucoup de ces hypothèses sans fondement. Grâce à lui, on saura désormais non seulement que la déviation peut avoir des raisons très étrangères au symbolisme mais comment s'y prendre pour les découvrir.

Les exceptions à la règle qu'il a posée en deviendront plus intéressantes à découvrir et aussi plus glorieuses pour les architectes que l'étude de leurs œuvres révélera tout ensemble artistes habiles, savant liturgistes et pro- fonds symbolistes.

I. Les fouilles opérées par le P. de la Croix à la cathé- drale de Poitiers prouvent que si le chevet est incliné au Nord, cela tient aux fondations de l'ancienne chapelle de Saint-Si.xte. .Au contraire, celles qu'il a opérées à Notre- Dame la Grande lui permettent d'affirmer que la dévia- tion du chœur vers le Nord n'est explicable par aucune raison de ce genre.

ensemble des harmonies si parfaites et un brisement si disgracieux de la grande ligne de son édifice. Un autre indice qu'il ne l'a pas voulu, c'est qu'il n'a pas pris pour le dissimuler au premier coup d'œii, la précau- tion des autres architectes de son temps. Presque partout, la déviation n'est saisis- sable que pour l'observateur très attentif ou initié, par exemple à Notre-Dame de Paris, à Tours, à Saint-Ours de Loches, à Notre- Dame la Grande de Poitiers. Il faut parfois un certain effort d'attention pour retrouver le mystère auquel on était initié.

Quand il n'existe aucune trace de né- cessités matérielles, la déviation est-elle toujours la preuve d'une intention symbo- lique ? II serait téméraire de l'affirmer, car une erreur d'alignement est toujours pos- sible surtout étant donné, comme semble bien l'avoir démontré M. Goodyear, que nos monuments du moyen âge n'ont point été construits exclusivement avec des ins- truments d'une exactitude mathématique et au compas, mais bien souvent, ce qui leur imprime la souplesse et la liberté des mouvements de la vie, à l'œil, à la main et au cordeau. Notre architecture moderne serait à l'architecture antique qu'elle pré- tendait fidèlement reproduire, ce que nos livres imprimés en lettres toutes rigoureu- sement alignées et absolument semblables sont aux manuscrits qui reflètent, malgré leur régularité apparente, la gracieuse li- berté des mouvements de la main.

Toutefois, quand la déviation du côté Nord n'est pas explicable par des causes accidentelles dans des églises l'archi- tecte s'est montré préoccupé du symbolisme traditionnel des cérémonies de la messe romaine tel que l'ont enseigné les grands liturgistes du IX^ au XI Ile siècle, elle tra- duit évidemment une idée qui est quelque chose de plus que \inclinato capite de l'É-

220

Bcbuc De r^it cbrctien.

vangile, puisque l'Évangile ne spécifie pas de quel côté la tête s'est inclinée.

A Notre-Dame de Paris, à Saint-Ours de Loches, à Preuilly-sur-GIaise en Tou- raine, à Notre- Dame-la- Grande de Poitiers, il est évident que l'architecte n'a pas seule- ment eu comme but la beauté des lignes, mais l'harmonisation parfaite avec les principales cérémonies litur- giques et la traduction du symbo- lisme traditionnel.

Plan de 1 église de Preuilly-sur-GIaise.

Ainsi, à Notre-Dame de Paris, con- formément à une tradition chère aux architectes des basiliques latines et des églises romanes, l'entrée du chœur est marquée par quelque chose de plus soigné : deux faisceaux de gracieuses colon- nettes, tandis que les deux autres piliers du transept se décomposent en pilastres rec- tangulaires. De plus, c'est du même côté Nord qu'est dévié le chœur, que la tour de façade est plus large et que sur cette même façade on voit la statue de l'Ëlglise triom- phante et couronnée, tandis que de l'autre

côté la Synagogue est représentée aveuglée par un bandeau {'). A Preuilly-sur Glaise, les mêmes préférences pour le côté de l'Evangile sont accusées, outre toujours la déviation du chœur, par la plus grande largeur de la nef latérale, par l'élévation

Façade de Notre-Dame de Hans.

plus grande du sol du bras de la croix, le seul surmonté d'un clocher, par des tribunes plus hautes, s'ouvrant sur l'église

i.Peu importe que le rétrécissement de la tour du Sud ait été commandé par les constructions du palais épisco- pal. Rien n'empêchait l'architecte, s'il l'eût voulu, de construire étfales les deux tours, en réduisant la largeur de celle du Nord. ( )uant à une erreur de mesure très ad- missible pour expliquer la déviation de l'axe longitudi- nal, elle ne l'est plus quand il s'agit de deux tours d'une même façade. A la cathédrale de Tours et d'Évreux, la

îla Dct)tatton De Vàxt hn cl)CDur*

221

par des arcatures plus ornées que celles du côté de l'Épître (').

A Notre-Dame de Poitiers, toujours du côté de l'Evangile se remarque la dé- viation du chœur.les chapiteaux qui portent

la retombée des doubleaux de la grande nef ont tous des dimensions plus élevées que ceux du côté Sud, du moins dans les six travées les plus rapprochées du chœur, construites au XI^ siècle, car, dans les

Notre-Dame de Poitiers. Vue intérieure. (Phot. Robuchon.)

deux autres, construites au XII^ siècle, en même temps que la façade occidentale, l'ar-

loiir du Nord est aussi la plus large, à Strasbourg, elle est surmontée du clocher. Les exemples du contraire ne prouvent pas que certains architectes n'aient jamais agi dans une intention symbolique.

I. M. Barthélémy a marqué la supériorité du Nou- veau Testament d'une façon très ingénieuse sur les tours de la nouvelle église Saint-Paul à Rouen. Elles

chitecte n'a pas continué, probablement parce qu'il n'a pas pris la peine de l'étudier,

sont, je crois, égales, mais paraissent très inégalement ornées à qui les examine avec un peu d'attention. De plus, il y a sous la tour du Nord, une porte pour entrer à l'église, il n'y en a pas du côté Sud ; la Synagogue n'est plus le moyen voulu par IJieu pour aller à lui. A signaler aussi l'mégalilé des tours de Saint-Sulpice à Paris ; la plus belle est la tour de l'Evangile.

222

3Rebue be rart djréttcn.

le même symbolisme. Dans ces deux tra- vées, les hauts chapiteaux de la grande nef sont de dimensions égales des deux côtés. A Notre-Dame de Poitiers encore, les mêmes préférences pour le côté de l'Évan-

gile sont exprimées par la différence des deux chapiteaux du fond du sanctuaire. Sur l'un et l'autre, des arbres alternent avec des oiseaux, mais, évidemment, pour bien marquer qu'ils ne sont pas de même espèce,

Cathédrale de Tours.

du côté Sud, les arbres prennent naissance dans des tubercules, sont chargés de lourdes feuilles, du coté Nord, dans des radicelles et sont couronnés d'élégants feuillages. A leur ombre, du côté Sud, les oiseaux sont

représentés dans l'attitude de la mort, la tête retombant sur le corps ; du côté Nord, au contraire, ils ont l'attitude de la vie, tournant la tête de côté. Il s'iigit évidem- ment de l'arbre de la science du bien et du

ILa Déviation tie Vàxt Du tlîtcur.

223

mal et de l'arbre de vie du paradis terrestre et du paradis céleste. (Apoc, xxii, i, 2.) Cette dernière espèce d'arbre est reproduite sur le chapiteau qui reçoit, de ce même côté Nord, la retombée de l'arc qui passe par- dessus le déambulatoire. Mais les oiseaux morts y alternent avec les oiseaux vivants: symbole de l'Église se rencontrent aux

pieds de l'arbre eucharistique les âmes qui vivent de la vie divine de la grâce et celles qui y sont mortes par le péché ; c'est l'é- preuve de la vie humaine('); faisant pendant du côté Sud, le Christ entouré d'Anges ; c'est, du moins telle que l'ont comprise certains théologiens, l'épreuve des Anges, A l'entrée du chœur, tourné du côté des

Côté de l'Évangile

Côté de l'Épître.

Chapiteaux de leglise Notre-Dame à Poitiers. (Fliot. RonucHON.)

fidèles, le même arbre à radicelles orne deux chapiteaux engagés dans les deux piliers supportant la tour centrale et au pied de cet arbre des oiseaux buvant dans un calice : allusion manifeste à l'Eucharistie. Sur quelques autres chapiteaux de ces mêmes piliers, mais sans aucun feuillage, d'horribles monstres torturés et difformes : image de la mort des âmes qui ne veulent pas vivre à l'ombre de l'arbre de vie.

L'architecte, pour mieux faire ressortir sa pensée, a exclu du reste de l'ornementa- tion tout ce qui paraissait prêter à une inter- prétation symbolique. Tous les chapiteaux des bas-côtés et ceux du même niveau dans la gfrande nef sont absolument frustes ne

Mors est inalis, vita bonis. Vide paris sumptionis Quam sit dispar exitus.

(Lauda Siou.)

224

WitWt ïic r^vt cbvctieiL

comportant que des volutes d'angle. Ceux qui supportent la grande voûte de l'abside sont ornés de feuillages très élégants, très touffus mais tous de même dessin sauf les deux du fond décrits plus haut. Quant à ceux qui reçoivent les arcs en anse de pa- nier de la grande nef et qui sont de plus ou moins grande dimension selon qu'ils oc-

cupent le côté de l'Évangile ou le côté de l'Épître, ils ne sont garnis à une exception près, que de feuilles épaisses et d'entrelacs. Oui peut douter que dans cette église la déviation du côté Nord traduise une idée symbolique ?

Il semble donc probable, à moins de preuves particulières du contraire, qu'au

Christ de la chapelle de la Bourgonnière.

moins généralement, elle est aussi l'effet d'une intention symbolique dans d'autres églises, soit que le symbolisme ait été connu et voulu par un architecte dûment informé, soit, comme c'est possible dans bien des cas, qu'il ait simplement obéi à la tradition, parce que c'était la tradition, sans en con- naître toute la portée, comme des incroyants

gardent encore certains usages chrétiens parce qu'ils leur ont été légués par leurs ancêtres. Qui niera qu'au moyen âge comme aujourd'hui, il pouvait se rencontrer des gens capables de réciter mot à mot une leçon sans la comprendre ?

L'ignorance et la superstition aidant, il se peut encore que çà et on ait donné

îla DctJtatîon îie Vaxt tiu cl)tcur.

225

de la déviation une interprétation tout opposée à la vraie, mais cela ne prouve rien pas plus que les erreurs des traducteurs ne font loi contre le sens que l'auteur a voulu donner à son texte.

Sans aucun doute, la tête du Christ a été souvent représentée, surtout dans le haut moyen âge, droite et portant une couronne royale même sur la croix de l'arc triom- phal ('). C'est toujours l'expression de la même pensée de respect et d'adoration qui avait empêché pendant les premiers siècles de représenter la scène du crucifiement, mais il n'y a rien qui infirme notre thèse. Car ce n'est pas pour traduire l'effet ma- tériel de l'inclination de la tête sur la croix mais principalement pour marquer la pré- férence du Christ que le chœur est dévié du côté Nord, côté de l'Évangile et par conséquent de l'Église. C'est à l'Église que le Christ a témoigné un amour de prédi- lection, c'est à elle qu'il a confié toute sa révélation et fait ses promesses. Or, il est naturel de s'incliner vers ceux que l'on aime, à qui l'on veut parler : marque d'amour d'autant plus touchante qu'elle vient d'un mourant. Pour cette raison, la très sainte Vierge est toujours placée sous la croix de ce même côté droit le Christ incline la tête, côté droit qui est précisément celui des élus {').

1. Le Christ de la chapelle de la Bourgonnière, paroisse de Boiizillé au diocèse d'Angers, est un reflet delà tradi- tion antique. Il est complètement vêtu d'une robe d'or et s'étend sur la croix sans y être fixé par des clous ou des liens, il ne porte trace d'aucune blessure. Cette sculpture sur pierre polychromée d'une conservation parfaite et de grandeur plus que naturelle est incontestablement une des œuvres les plus remarquables du XVI" siècle. Elle est placée au-dessus d'un autel.

2. Pour cette même raison, sur la magnifique clôture du chœur de l'abbaye de Maredsous près Namur, l'Église couronnée est représentée à droite du crucifix triomphal, le synagogue à gauche. « L'Évangile est chanté du côté Nord parce que la Judée repoussant la foi, la grâce est passée aux Gentils. > Hildebert de Tours, versus de mys-

De même donc que les églises sont orientées principalement vers le soleil levant (symbole du Christ vainqueur des ténèbres de la mort et du péché, comme témoignent entre autres documents les hym- nes de Laudes de la férié dans le bréviaire romain) et accidentellement dans noire

Crucifix triomphal de Maredsous, L'Eglise. La Synagogue.

Occident vers Jérusalem, plus accidentelle- ment encore dans certaines parties de la

ierio misses. Cette clôture de chœur en chêne sculpté avec filets dorés, œuvre du très regretté maître baron de Bethune, résout parfaitement un problème le plus souvent très mal résolu surtout dans les grandes églises : enca- drer le chœur et l'autel d'une façon traditionnelle artisti- que et grandiose sans masquer la vue par un jubé. L'exem- ple de la cathédrale d'Anvers montre qu'à lui seul le crucifix triomphal simplement suspendu ne suffit pas. Le ciborium, si désirable, si nécessaire même au moins dans les cathédrales son défaut, le trône de l'évêquene peut être surmonté d'un baldaquin {Cerem. episc. L. L c. XIII, 3) ne suffit pas non plus. La clôture de chœur sur trois arcs couronnés par le crucifix est la solution parfaite. Elle empêche la mensa de l'autel de paraître trop dispropor- tionnée avec la hauteur des voûtes et donne au chœur, même très éclairé, l'aspect mystérieux et sacré qui lui convient essentiellement.

226

Btbuc be rart chrétien.

France vers Rome et Jérusalem à la fois, de même la déviation du chœur du côté Nord, quand elle est intentionnelle et sym- bolique, a pour but principal non de repré- senter la position de la tête du Christ sur la croix, mais d'exprimer son amour de préférence pour l'Église.

En résumé, les architectes du moyen âge n'étaient pas tous, loin de là, de grands artistes, de consommés liturgistes et de savants symbolistes. Un petit nombre réu- nissait les trois qualités et encore, pas au même degré. Tel se préoccupait avant tout de la beauté, et se désintéressait du sym- bolisme. Quelle merveille d'art que la cathédrale de Bourges ! Mais elle n'est pas même bâtie en forme de croix. Tel autre sacrifiait les apparences de symétrie au symbolisme, Preuilly-sur-Glaise en est la preuve saisissante. Les architectes qui ont tenu compte de l'art, de la liturgie et du symbolisme comme ceux de Notre-Dame de Paris, de Saint-Ours de Loches (excepté les voûtes en pyramide dont la beauté est bien contestable), de Notre-Dame de Poi- tiers, sont rares. sont leurs autres œu- vresPQuel intérêt il y aurait à les connaître! Nul doute qu'à beauté égale, les églises sont d'autant plus parfaites qu'elles sont plus appropriéesaux cérémonies liturgiques et qu'elles symbolisent plus heureusement, comme les cérémonies de la messe et en s'harmonisant avec elles, l'histoire et les dogmes de la foi. Elles sont ainsi un caté- chisme monumental, d'autant plus populaire qu'il est tout en images, d'autant plus inté- ressant qu'il est enveloppé de mystère, d'autant plus facile à retenir que l'homme trouve un plaisir tout spécial à découvrir les secrets et à les apprendre à ceux qui les ignorent.

Que de vérités religieuses oblige de rap-

peler la seule question de la déviation ! Combien d'autres il serait facile d'exprimer sous la forme la plus saisissante, la plus ordonnée et la plus harmonieuse, si l'on prenait pour cadre le symbolisme tradition- nel dont le crucifix de l'arc triomphal est le centre et la clef! Au-dessus de la croix sanglante du crucifix triomphal, dans les peintures de l'arc triomphal, la croix glo- rieuse et le Christ venant juger le monde et récompenser les élus ; avec la crèche de Noël et l'autel, c'est toute l'histoire du Christ telle que l'a résumée une admirable strophe de saint Thomas d'Aquin :

Se nascens dédit socium, Convescens in edulium, Se moriens in pretium, Se regnans dat in prœmium.

I )ans la crèche, il est notre frère, Sur lautel notre nourriture. Mourant en croix notre rançon, Régnant au ciel, notre couronne.

Le chœur, c'est l'Eglise triomphante ; les tombeaux des fidèles sous les dalles de la nef ou, comme à Montmartre, la crypte con- sacrée aux âmes du purgatoire, l'Église souffrante ; la nef elle-même, l'Église mili- tante: du côté Nord, Eglise catholique, du côté Sud, Église de l'Ancien Testament, ou synagogue : voilà bien tous les membres du corps mystique du Christ. Dans ce cadre grandiose, sculpture, peintures, vitraux, dis- positions symboliques peuvent raconter, même avec détails, dans un ordre parfait sans confusion toute Ihistoire de la Rédemp- tion. La déviation de l'axe du chœur du côté de l'Évangile est un des chapitres de cette histoire, celui qui rappelle le plus grand événement de l'histoire du monde, la prédilection du Christ pour les nations qui devaient former la chrétienté.

R. COMI-AING.

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Hrtbrologtc cbrcttennc en Danemark.

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I^I^E nombre d'antiquités religieuses que le Dane- mark, en tant que pays protestant, a conservées du moyen âge est infé- rieur à celui des pays restés catholiques; il en est surtout ainsi des objets affectés au culte; moins rares sont les œuvres de sculpture et de peinture et encore moins rares les monu- ments d'architecture.

L'art chrétien du moyen âge en Dane- mark est assez richement représenté pour avoir provoqué depuis longtemps déjà un vif intérêt chez les gens de lettres, et le siècle dernier a vu naître sur ce sujet une littérature abondante.

L'auteur de ces lignes a été surpris de constater combien l'art chrétien danois est peu connu dans les milieux archéologiques étrangers; l'existence des monuments eux- mêmes y est presque ignoré. A mon avis il y a en Danemark des monuments chrétiens d'une grande valeur tant au point de vue artistique qu'historique, produits d'un art qui mérite d'être connu au delà des fron- tières et dont il est intéressant de suivre l'évolution souvent parallèle à celle de l'art des autres pays européens. C'est ce qui m'a amené a rédiger pour la Revue de l Art chrétieti ces quelques notes sur l'histoire de l'archéologie chrétienne en Danemark et sur les principaux écrivains qui s'en sont principalement occupés.

Il n'y a qu'un petit nombre de Danois qui se sont appliqués à l'étude de l'art reli- gieux chez les différents peuples. Cependant Fr. Miinter, évêque de Seeland ( i 76 r - 1 830), un des fondateurs de l'archéologie en

Europe et dont l'ouvrage allemand Sinn- bildey und Kiinstvorstelhingen der alten Christen (1825) fut en Danemark comme en Allemagne, le point de départ de cette science, occupe une première place parmi les savants qui se sont fait une spécialité de l'étude de l'art ancien.

C'est à l'époque romantique que s'est réveillé en Danemark l'amour pour les antiquités nationales et qu'un grand intérêt s'est porté surtout vers l'architecture reli- gieuse. La question fut d'abord traitée au point vue historique et littéraire, abstraction faite de l'étude exacte des monuments eux- mêmes.

N. L. /7oyen (jygS-ï8yo). le créateur de l'histoire de l'architecture danoise, est le premier qui, dans notre pays, a inauguré l'étude rationnelle de l'architecture ancienne par l'analyse approfondie des monuments. Il a fait parler les réalités en s'attachant toutefois plus aux éléments décoratifs qu'au système constructif. Ce fut d'ailleurs le côté faible de la plupart des écrivains archéolo- giques de l'époque, mais sa méthode raison- née et la sobriété de ses conclusions ont imprimé à l'archéologie chrétienne en Da- nemark une empreinte qu'elle a conservée depuis lors.

C'est à l'époque romane que se sont élevés en Danemark les monuments les plus im- portants, et par lesquels Hoyen a abordé ses études, notamment la cathédrale de Viborg, construite au milieu du X 1 le siècle, laquelle, comme les autres cathédrales contempo- raines de Lund fy^. /) (ville maintenant appartenant à la Suède) et de Ribe, rappelle l'architecture rhénane. M. Hoyen a consigné les résultats de ses études dans une série de

228

3Rel)uc lie V^xt cl)vctieu.

monographies intitulée Danske Mindes- maerker /(Monuments danois). Une de ces monographies a trait à l'église abbatiale de Soro, construite au milieu du XI le siècle (fig. 2), une autre à la cathédrale d'Aarhûs, du commencement du XI IP, toutes deux construites en briques. La maçonnerie de briques fut généralement employée à l'épo- que romane pour beaucoup de grandes églises, paroissiales ou autres, dans les îles de

Seeland, Lolland et Falster, ainsi que pour tous les monuments de l'époque gothique et de la transition. On peut dire que Hoyen a fondé une école. Parmi ses élèves on cite en premier lieu y. Helms (né 1829) qui a écrit un livre admirable sur la belle cathé- drale de Ribe {Ribe Domkirke, 1870), une des églises les plus grandioses de l'Europe du Nord (fig. j). Il a établi la parenté de cette cathédrale avec les grandes églises

Fig. 1. Crypte de la cathédrale de Lund (Suède).

rhénanes, construites d'ailleurs comme elle en tuf du Bas Rhin. Dans un livre récent, paru en 1894, Da^iske Tufstenkirker (Églises danoises en tuf), il remarque que les mêmes matériaux ont été employés dans la construction d un grand nombre d'églises paroissiales en Jutland et Sleswig, dont la cathédrale de Ribe est le prototype. J. Ilelms est un archéologue danois qui, plus que tout autre, a fait des études com- paratives entre l'architecture danoise et celle des nations étrangères ; ses publica

tions témoignent de ses connaissances pro- fondes de l'architecture romane en Europe. Parmi les ouvrages des archéologues de la même école figure celui de /. Korne- rûp (né en 1825) sur la cathédrale de Roskilde (voir Danske Mindesmaerker II 1877). Cette cathédrale construite en bri- ques, un style de transition, offre un grand intérêt pour l'étude de l'art gothique. Son plan avec déambulatoire sans chapelles absidiales est inspiré des églises du Nord de la France ; le type esc unique en Dane-

:^rcl)cologic cl)rctienne en 2Dancmarft.

229

mark (').Des gables correspondent à chaque travée des bas côtés et du déambulatoire (ces derniers ont disparu) et forment com- me une couronne au monument ; le spéci- men est unique parmi les édifices conservés de la même époque. Cette église a été étudiée par plusieurs archéologues, lesquels n'ont pu se mettre d'accord jusqu'ici quant à son origine.

On comprend aisément qu'en Danemark on se soit attaché avec prédilection à l'étude

de l'architecture en briques ; en effet plu- sieurs des églises, et des plus importantes du pays, sont exécutéesà l'aide de ces matériaux en un style souvent d'un grand effet déco- ratif, plein de noblesse et de sincérité. J. B. Loffler (1843-1904) s'est attaché spé- cialement à cette étude ; son ouvrage prin- cipal est intitulé Klosterkirken i Vitskol (église abbatiale de V.) 1900. Le style de cette église et en particulier le plan sont des plus curieux étant donnée l'époque à

Fig. z. Église des Cisterciens de Sorô (Saint-Gallaud), bâtie en briques.

laquelle elle fut bâtie. La question de chro- nologie et surtout celle de l'origine de l'ar- chitecture romane en briques sont toujours fort controversées en Allemagne comme en Danemark. Les monuments danois pour lesquels il est possible de fixer avec quelque certitude la chronologie peuvent donc ser- vir de point de départ pour la solution du problème.

I. Dans un prochain article notre collaborateur compte rencontrer l'hypothèse de M. J. Lange d'après laquelle le chœur de celte église serait inspiré de l'ancien chœur de la cathédrale de Tournai, ainsi que nous l'avons exposé jadis dans ces colonnes. (L. C, Revue de l'Art chrétien, iSgi.page 531.)

Un ouvrage du même auteur : Udsigt over Danmarks Kirkebygninger fra den tidligere Middelalder ( 1 883). (Les églises du Danemark du commencement du moyen âge) donne un exposé clair et instructif sur notre architecture romane : ce livre est très utile pour ceux qui veulent s'initier à l'art chrétien danois.

L'architecture gothique, toute en briques, n'a pas produit en Danemark des monuments d'une grandeur et d'une signification aussi importante que ceux qui nous ont été légués de l'époque romane et de la transition. Il existe néanmoins des oeuvres offrant un

230

î^cbue ÏJe rSrt chrétien.

certain intérêt, tel le chœur de la cathédrale d'Aerhûs (Voir Danske Mindesiimcrkcr, I). Plusieurs églises abbatiales (Saint-Canut en Odense (/Ig. 4), église de Maribo) ont fait l'objet de recherches et de publications

spéciales de la part de N. L. Hoyen, de J. Helms et de l'architecte L. Fenger.

Grâce aux travaux de ces savants il est possible de montrer que les églises les plus anciennes en Danemark, celles du XI^

Fig. 3. Cathédrale de Ribe (Jutland).

et du commencement du XI l'siècles ont été construites sous l'influence de l'école con- temporaine de Saxe, tandis que la plupart des monuments du XII'=se ressentent de l'influence rhénane, ceux de la transition, de l'influence française : les monuments gothi- ques se rapprochent de ceux de l'Allemagne du Nord.Cependanttoute notre architecture

est pénétrée de l'esprit danois ; elle a une physionomie nationale qui la difl^érencie nettement de l'architecture germanique et de la française. Les nombreuses églises pa- roissiales en Jutland, construites en granit, et beaucoup d'églises en briques élevées dans les îles possèdent un caractère essen- tiellement national.

2(rcî)cologte cl)rctienne en Danemark.

231

Les méthodes archéologiques, en Dane- mark comme en d'autres pays, se sont trans- formées pendant les derniers temps. C'est en tenant compte des procédés de construction,

des éléments techniques, que l'on peut éta- blir la classification architectonique et chro- nologique des monuments. Il faut recourir à des dessins exacts, géométraux comme base

Fig. 4. Église des Bénédictins de Saint-Caiiut de Odeuse (Tionie). bâtie en briques.

rationnelle des études. Depuis 1872 déjà les architectes Storck, Kock, Dahlerup ont relevé et reproduit un grand nombre d'édi- ficesdu moyen âgedes plus intéressants dans leur publication : Tegninger of aeldre nor- disk Arkiteklîir (Dessins de l'ancienne

architecture Scandinave). Le gouvernement danois a fait publier de son côté nombre de monographies, accompagnées de plans et dessins détaillés : BomJiolms Aeldgamle Kirkebygninger. (Les vieilles églises de Bomholm 1876, y compris la description

232

IRebur ïic T^vt cbrétien.

de quatre églises avec plan circulaire) par H. J. Holm ; Sord Akadtinis Landibykirkcr (Les églises paroissiales de l'Académie de Sorô) 1896 ; Sjallands Stiftslandsbykirker. (Quelques églises paroissiales de Seeland) 1 890, par J. B. Loffler ; Salliiigla^tds Kirker (Les églises de Saliing en Jutland), par UUdal et J. Helms ; M ^L Storch et Koch ont traité le même sujet dans un autre volume : Grenaaegnens Kridtstenskirkei'. (Les églises en pierre calcaire de la région de Grenaa) 1896 et Jyske Granitkirker (Quelques églises en granit de Jutland) 1903 par H. Storck. Tous ces ouvrages sont d'une grande valeur pour l'étude de l'architecture danoise.

Non seulement l'art de bâtir, mais aussi la sculpture et la peinture du moyen âge ont fait l'objet d'études scientifiques tant au point de vue artistique qu'archéologique. Les ouvrages les plus importants sont dus à J.B. Loffler, auteur de Gravmonumcntcr i Sorti Kirke (Sépultures de l'église de Soro 1888 ; Gravmonumenter i Ringsted Kirke (Sépultures de l'église de Ringsted 1 89 1 ) et Gravstene fra Middelalderen (Pierres tom- bales du moyen âge 1889). Le docteur Vl. Mackeprang publiera sous peu un grand

ouvrage sur les fonts baptismaux du Da- nemark contenant une étude de la sculp- ture romane. Quant aux peintures mura- les, dont beaucoup remontent à l'époque romane et qui sont d'une beauté achevée, M. IVL Petersen a publié à leur sujet en 1895 un ouvrage intitulé : Kalkmalerier i Damiiark {\^&s peintures murales de Dane- mark). Un grand nombre de retables (trip- tyques), en bois sculpté ou peint de la fin du moyen âge, et dont beaucoup sont exé- cutés en Danemark, d'autres importés de Pays-Bas et de Ltibeck sont publiés et décrits par F. Becketi dans l'ouvrage : Altertaeler i Danmark avec texte résumé en français. Enfin il se publie en Danemark une revue archéologique : Aarboger for 7iordish Oldkyndighed (traduction française sous le titre : Mémoires de la Société royale des antiquaires du Nord.)

Je serais heureux si cette petite revue pouvait attirer l'attention des lecteurs non encore initiés à la connaissance de l'art chrétien du Danemark, et amener à un examen plus approfondi ceux qui se sont déjà intéressés à nos monuments.

ViLH LORENZEN.

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lia bic ïi*un peintre bénîtien au XVP siècle

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V

de

LES registres de Lotto qui ont été conservés ne se rapportant qu'aux années il ne vendait plus que difficile- ment, ne permettent pas d'apprécier les prix qu'il vendait ses tableaux à l'époque ils étaient recherchés.

A partir de i 538, il reçoit pour un portrait en buste de 10 à 20 ducats, en deniers ou marchandises.

Quelquefois il a la veine; les portraits de Luther et de sa femme lui sont payés ^y ducats en or.

Les tableaux lui rapportent plus ou moins selon la chance.

Il ne peut trouver 25 ducats de sa Su- zanne a7i bam avec les vieillards, et tire 30 ducats d'un Saint Sébastien avec saint Rock ; il est très content.

Un gonfalon avec quatre figures et un fond d'or lui rapporte 4 ducats seule- ment.

Les modèles de médailles pour coiffures lui étaient bien payés : 3 ducats.

En général, lorsqu'il obtenait moitié de son prix d'estimation, il était satisfait.

Mais il ne cédait pas toujours : une fois, il fait trois portraits pour une famille : le père, la mère et le fils.

Il demande 60 ducats ; la famille refuse de payer. On se met d'accord pour sou- mettre la question à un arbitrage. Lotto nomme Paris Bordone, la famille cherche un autre peintre, Silvio.

Le juge accordait à Lotto, 36 ducats.

D'après ce qu'il recevait pour d'autres portraits, le jugement paraît équitable.

I. V. Revue de l'Art chrétien, 1906, p. 158.

En somme tout délaissé qu'il était, il gagnait encore quelque argent.

Quelle pouvait donc être la cause de son indigence permanente "i

La générosité, et vraiment on ne peut l'en blâmer !

Il aimait beaucoup les petits enfants et se plaisait à leur faire des cadeaux de fruits, de friandises, de voiles, de bas, de peignes en ivoire, et de menues bijouteries.

Il connaissait une pauvre femme qui devint veuve; il lui fait une pension « pour- qu'elle se marie vite et ne fasse pas parler d'elle. »

Il donnait beaucoup aux couvents « pour gagner le ciel. »

Mais tout cela était dans ses moyens.

Ce qui paraît l'avoir tenu dans une con- tinue détresse, ce sont les usuriers, les voyages et les déménagements.

Il déménageait souvent, sans doute par suite de son caractère difficile ; le proverbe : « lo sgombero costa come un incendio » deux déménagements coûtent autant qu'un incendie, n'existait pas pour lui.

Énervé par Venise, il part pour Trévise il comptait des relations ; il emporta toute sa roba : mobilier, matériel d'atelier, œuvres d'art, vêtements, comestibles.

Il s'installe chez un ami et y prend pen. sion.

Au bout de deux mois, il a le mal du pays ; il reprend sa jvba et revient à Venise ; sans argent pour payer sa pension, il fait des billets qu'il acquittera très péniblement.

A Venise il a une bottega le mot studio, atelier n'est pas une seule fois dans ses écritures très convenable dans la maison d'un maître d'armes ; elle n'était pas trop

RBVUK DE l'art chrétien.

1906. 4"

LIVRAISON.

234

3Rebuc ÏJc rart cbrctien.

chère, 24 ducats par an ; en moins d'un an il en est las et déménage.

il loue au magnifique seigneur Contarini une bottega plus vaste, moyennant 42 du- cats par an, payables d'avance et tous les six mois.

Avec une peine infinie il parvient seule- ment à donner quelques acomptes sur le premier terme, mais Contarini le garde tout de même.

Le loyer de 42 ducats paraît assez vite très lourd à Lotto ; alors il imagine une combinazioîie qui donne assez bien l'idée de ses capacités d'administrateur et de sa mauvaise chance.

Il s'arrange avec un joaillier; la boutique sera aux deux.

Le peintre y mettra ses tableaux, ses ca- mées et ses médailles ; le joaillier sa mar- chandise.

On prendra la nourriture ensemble, et tous les frais seront partagés.

Lotto entreprend un petit voyage, c'était dans ses goûts et ses habitudes.

A son retour à Venise, il apprend que le joaillier a décampé emportant toute sa roba.

Le peintre s'en prend à son garzone ; le gamin répond qu'il a tenté de s'opposer au déménagement, mais que le joaillier l'a menacé de lui casser la tête.

On va en justice ; Lotto rentre en pos- session de sa roba, mais les frais de nourri- ture et de loyer restent à sa charge ; le loyer étant trop lourd pour lui seul, Lotto s'empresse de déménager.

VI

IL n'y avait alors ni à Venise ni ailleurs aucune espèce d'écoles spéciales pour les jeunes gens qui se destinaient aux arts (').

I. La première école publique de dessin fut fondée à Florence en 1563, par le grand-duc Cosimo I" de Medicis.

Et que de réflexions ne pourrait-on pas faire à ce sujet !

Les XlVe et XV'^ siècles doivent leur incomparable éclat à des artistes formés uniquement par l'apprentissage ; il est vrai que ces apprentis sortaient d'un peuple artiste dans le sang.

L'apprentissage était absolument libre ; on ne connaissait ni règle corporative, ni coutumes ayant autorité.

\^ç. garzone entrait dans la boutique d'un artiste après conditions consenties avec les parents, verbalement, ou par écrit, ou devant témoins, ou en justice.

Avec sa méfiance habituelle, qui cepen- dant ne lui a pas toujours réussi, Lotto ne traitait jamais sans témoins.

Voici plusieurs types de conventions arrêtées par lui et les suites qu'elles eurent.

En principe Lotto s'engage à enseigner son art à ses garzoïii del arte, à les traiter comme si c'était son enfant et à leur laisser une certaine liberté de travail dont la durée augmentera à mesure qu'ils feront des progrès.

Mais par expérience il sait ce que valent en général ces gaillards-là et comme il entend les assujettir à des travaux qui n'ont rien de commun avec les arts, il ajoute volontiers à sa qualification de garzoni del artc celle de e aiuli délia bottega.

Piero, âgé de quatorze ans, restera trois ans chez Lotto, il sera nourri, habillé et recevra 4 ducats d'or la première année, 5 la seconde et 6 la troisième.

L'habillement était composé d'une paire de souliers, d'une paire de bas, d'un béret, d'une veste en drap rouge, d'un gilet à manches et d'une culotte ; le tout a coûté à Lotto, 2 ducats ^Z, sans compter la con- fection des vêtements.

Par quel caprice un homme toujours besogneux a-t-il pu se montrer si large

ila W U'un peintre bémtten*

235

Lorenzo Lotto. - Les miracles de sainte Claire. Oratoire Suandi à Trescotre. (Pliot. Alinaki.)

avec un apprenti qui ne pouvait lui être II est vrai que Piero doit nettoyer la

d'aucun aide en peinture ? maison et faire la cuisine.

236

3Rcl)uc ïir V^ït cbréticiu

Quelle cuisine pouvait bien faire ce gamin de quatorze ans ?

Au bout d'un an, le contrat est rompu pour incompatibilité d'humeur et d'habi- tudes.

Et chose absolument surprenante, Lotto, toujours à court d'argent, avait fait des avances à la veuve Orsola, mère de Piero.

On va devant le juge, qui condamne la veuve à rembourser le trop perçu.

Ercoleest reçu à la boutique de Lotto sans conditions de temps, d'argent et d'obligations ; on verra plus tard.

Au bout de trois jours Ercole s'enfuit emportant la bourse du patron, des mou- choirs, une barettç toute neuve, des livres et une paire de bottes.

On va devant le juge, et Lotto rentre dans son bien.

Oratio entre au pair ; il est nourri et ha- billé mais il ne reçoit pas d'argent ; il n'y a pas de condition de temps.

C'est un garzone fier et rempli d'orgueil ; il a déjà travaillé dans une autre boutique ; il se croit artiste et ne veut rien apprendre.

Bientôt le divorzio a lieu.

Gian est reçu également sans condition de temps et d'argent ; il est bruyant et empê- che Lotto de dormir ; divorzio au bout de trois mois.

Paolo reste six mois ; un jour se sauve en volant.

Carlo est plus sérieux et cette fois Lotto croit être bien tombé. Le garzone est fils d'un docteur en médecine qui paiera 30 du- cats par an pour l'apprentissage, la nourriture et les vêtements. Après l'engagement de Piero, fils de la veuve Orsola qui était payé, c'est à ne pas croire, mais c'est écrit, il n'y a pas à en douter: Carlo aura, il est vrai, un lit à part ; comme cette condition est nettement spécifiée, nous pouvons supposer que les

3.u\.res ga7'zon{ couchaient dans le même lit que le patron. Ce diable de Lotto ne sait pas profiter de cette bonne et exceptionnelle aubaine, il cherche des chicanes à Carlo ; il veut le forcer à faire la cuisine et à tenir le balai.

On va devant le juge et Lotto est con- damné ; le garzone ne fera pas les corvées, il recevra une pèlerine neuve. Il rentre à la bottega, mais avant la fin de l'engagement, le contrat est rompu ; on reste bons amis avec le docteur, Lotto a soin de le noter.

Et ainsi de suite ; Lotto ne put garder personne. Il est clair qu'il était devenu d'humeur très difficile, mais il est évident aussi que, comme nous le savons par les plaintes d'autres peintres, les garzoni étaient en général de méchants gamins, che mi siano ingrati, cotne san qnalche cosa mi pianto, qui me sont ingrats et me plantent sans raison comme l'écrit Lotto.

Mais comment faire ? Lotto a besoin de quelqu'un pour les corvées ; il prend des dotine di servizio, servantes à 4 ducats par an ; mais il les congédie bientôt, l'une est trop vieille, l'autre est paresseuse ; alors il reprend des garzoni, et il ne s'en trouve pas mieux.

Il ne peut pas davantage s'entendre avec ses collaborateurs. Comme il est très consciencieux dans ses travaux et qu'il n'est pas habile pour la partie ornementale, il embauche des peintres pour l'aider ; il leur donne 2 à 3 ducats d'or par mois, plus un ducat pour la dépense, sfiese ; cela ne réussit jamais et plusieurs fois ses aides le laissent en plan sans terminer l'ouvrage commencé.

VII

A

COTÉ de celte sorte de grand livre sont enregistrés les incidents dont je viens de donner quelques extraits, Lotto

Ha W d'un peintre tjénttien.

237

tenait des registres pour les dépenses cou- rantes ; en homme d'ordre, il avait un re- gistre />er l'arte et un autre per ttso e vestire.

Ces registres ne nous apprennent rien de bien nouveau en matière de pratique de la peinture et d'usages de la vie jour- nalière; ils contiennent cependant quelques traits qui peuvent être relevés.

Le compte Per Tarte renferme toutes les dépenses que de loin ou de près entraîne l'exercice de la profession.

Loyers, réparations locatives à \^bottega, courses, voyages, transports, emballages, chauffage, éclairage con lampade di pitriolo^ l'arsenic pour détruire les souris et achats de lunettes, car le vieux Lotto avait la vue basse et fatiguée.

Matières premières pour la préparation des couleurs et achats chez les droguistes de couleurs préparées ; huile de lin cuite et crue ; bois de noyer pour cadre ; vernis ; or pour dorure ; papier à dessin ; pinceaux et toile à peindre notamment tela du Lion.

Nous voyons ainsi que la lampe à pétrole était déjà usitée au milieu du XVP siècle, que contrairement à ce qu'on croit, les dro- guistes vendaient déjà des couleurs prépa- rées d'avance et que la toile de Lyon était connue en Italie.

Les aumônes aux pauvres et les dons aux couvents sont comptés dans les frais généraux, ainsi que les salaires des collabo- rateurs et les modèles.

L'article modèle vivant ne ruinait pas Loito.

11 avait dans sa boutique un torse de femme moulé sur nature ; jamais il ne fai- sait poser d'hommes ; lorsqu'il avait besoin d'une femme nue, ce qui était rare, il la payait une livre par séance. Mais le plus souvent il ne faisait pas poser son modèle ; il se contentait de le faire déshabiller solo

per veder, seulement pour voir, et alors il lui donnait au plus dix sols.

En fait ses frais pour \arte montaient à une cinquantaine de ducats par an, loyers non compris.

Les dépenses per uso e vestire sont des plus modérées.

A part quelques friandises qu'il se payait rarement, fruits, fromage de Dalmatie, écre- visses, vin de Malvoisie, il vivait avec peu et quoique Vénitien il pouvait s'appliquer le proverbe florentin :

« 11 Fiorentino mangia si poco, chesem- pre si conserva l'appetito. »

Les fruits étaient son régal : figues, ci- trons, raisins à gros grains, châtaignes et cocomero, ce beau melon à chair rose dont on dit encore aujourd'hui : pour cinq cen- times on mange, on boit et on se lave les mains. Quelquefois pendant huit jours de suite, il n'y a que des fruits inscrits au re- gistre.

Il n'achetait du poisson et de la viande que très rarement et dans des circonstances exceptionnelles ; un jour il marque un achat de veau, dovente venir titt aniico e no7i vene. Ne dirait-on pas qu'il veut s'excuser à ses propres yeux d'avoir fait une semblable dé- pense } Le pauvre homme !

J'ai essayé de faire le compte ; malgré sa sobriété et le bon marché des denrées, il ne lui était pas matériellement possible de se nourrir avec ce qui est marqué au registre. Il est évident que, non seulement, comme d'autres peintres, il recevait des comestibles en paiement de ses tableaux, mais qu'il devait souvent dîner en ville.

J'ai déjà dit que malgré ses défauts de caractère, comme il était bon et loyal, il avait conservé d'excellentes relations. Ainsi une fois il tombe malade, un ami le prend chez lui pendant deux mois ; étant guéri, Lotto propose de payer sa pension, l'ami

238

WitWt ïie V^xt cbrétien.

refuse ; Lotto alors veut au moins rembour- ser les frais de médecin et d'apothicaire, nouveau refus, bien heureusement, car le peintre n'avait pas de quoi.

Finalement Lotto promet à la femme du serviteur qui l'a soigné, un coupon de bon drap de Sicile, et au serviteur quatre écus d'or, le drap arrive assez vite, il l'avait, sans doute, obtenu pour un tableau, mais les ducats se font attendre ; dix ou douze ans après, à l'article de la mort, loin de Venise, Lotto remet à un mandataire un pli cacheté à l'adresse de son garde-ma- lade ; le pli renfermait les quatre ducats.

C'était vraiment un brave homme que notre Lorenzo Lotto.

Les dépenses pour l'habillement sont assez fortes en comparaison des frais de nourriture. Lotto aimait les belles étoffes et les prenait dans les manufactures renom- mées lorsque celles qu'il recevait en paie- ment de ses tableaux ne suffisaient pas ; il lui plaisait d'être bien coiffé de chapeaux et de toques en feutre ; il avait toujours un serrement de cœur, lorsque, par nécessité, il devait détacher de sa coiffure sa belle mé- daille antique pour la mettre en gage.

Il achetait des livres, notamment la Vie de Marc-Aurèle, la Vie des Saints Pères, quelques volumes de notre Gerson, des psautiers de luxe et des livres de prières.

Mais les livres de piété n'étaient pas pour lui ; c'était en vue de cadeaux à faire qu'il les acquérait. Pendant près de deux ans, il vécut avec deux nièces et leur père; l'aînée prit le voile ; à cette occasion il lui fit don de beaux livres, d'un Christ sculpté entouré d'un cadre doré et de plusieurs tableaux religieux. La jeune novice était encore en- fant, il l'aimait beaucoup et la gâtait par des friandises, des objets de toilette et par des petits bijoux... qu'il payait en peintures.

Sa botlega était des plus simples et il ne

dépensait rien pour l'orner et la décorer ; il avait ses tableaux invendus, ses camées et ses médailles lorsqu'ils n'étaient pas en gage ou dans quelque magasin pour être vendus. Il conservait des sculptures en bois qui se démontaient, je n'ai pu deviner ce que pouvaient être ces sculptures, des moulages, notamment des pîitti, enfants, d'après Desiderio da Settignano, deux mains apportées par Meo c'est peut-être le médailleur Méa florentin, élève de Sanso- vino et d'après Sansovino deux grandes figures La Foi et V Hérésie et le bas-relief La gloire dti Christ ; même dans les mo- ments les plus pénibles, il n'avait jamais cherché à faire argent de ces objets.

VIII

EN 1552, Lotto renonce à la lutte. Il a voyagé par l'Italie, il a sé- journé à Trévise, Brescia, Bergamo et dans diverses cités de la Marche d'Ancône, quoi- que toujours il ait conservé un amour pour Venise ; pour vendre ses tableaux il a usé de tous les moyens, toujours honnêtes, que lui suggérait sa fertile imagination.

Après cinquante années de travail, acca- blé d'infirmités et de soucis, il s'avoue vaincu, mais sans se plaindre.

Il prend alors le parti de se retirer dans une maison pie.

Il avait déjà eu cette idée et avait conclu avec l'hôpital Saint-Jean et Saint-Paul de Venise.

Mais il n'y resta pas longtemps ; la cité était trop à sa portée, bientôt il rompit avec les Frères.

Se retirer dans un hôpital ou un couvent, n'avait rien de surprenant alors ; c'était dans les mœurs d'Italie et ailleurs.

Pour les artistes, les exemples sont fré- quents.

Lorenzo Lotto. La Madone sur le trône. Eglise Saint-Barthélémy à Bergame. (Phot. Alinari.)

240

Bebuc ïic r^rt ci)rétitn»

La confrérie de Saint-Luc fondée par les peintres de Florence en 1350 avait son siège à l'hôpital Santa Maria Nuova les sociétaires pouvaient vivre tout en travail- lant pour leurs clients et se mettre a riposo. En 1476, Van der Goes se fait recevoir frère convers au prieuré de Rouge-Cloître près de Bruxelles, ce qui ne l'empêche nul- lement de continuer la peinture.

En 156 1, la confrérie de Saint-Luc de Florence quitte l'hôpital Santa Maria Nuo- va et s'établit dans le couvent de l'église de la Santissima Annunziata.

Là, sous les élégants portiques de Miche- lozzo, la confrérie organise les expositions publiques des œuvres des sociétaires et les Florentins envoient les vieux tableaux con- servés dans les palais.

Il y a donc peu de nouveau dans notre temps, puisque les maisons de retraite pour les artistes existaient au XI V^ siècle, et que les expositions de peintres vivants et ré- trospectives se faisaient au XVI°.

La maison choisie par Lotto fut le cé- lèbre sanctuaire de la Santa Casa de Lorette ; il y avait travaillé jadis, et du moins, éloigné de Venise, il échapperait à la tentation de retourner dans sa chère cité.

L'édifice est une sorte de forteresse bâtie pour la défense ; il renferme une grande église et de vastes dépendances ; au centre du dôme se trouve la Sauta Casa, petite maison qui, selon la légende, fut la de- meure de la Madone à Nazareth.

Les constructions commencées en 146.. furent terminées en 15 19 par Bramante; de nombreux peintres, dont Lotto, furent appelés à les décorer.

Présentement encore plusieurs décora- tions sont en cours d'exécution ; elles ont été réparties entre des artistes de diverses contrées :

M. Geitz d'origine allemande ;

M. Baron, espagnol ;

M. Charles Lameire, français.

Chaque artiste travaille pour le compte d'un comité de son pays qui a le patronat d'une chapelle.

La chapelle française, confiée à M. Char- les Lameire, sera décorée de nombreux sujets dont les principaux seront : saint Louis, roi de France, les croisades, la France chrétienne.

Les Slaves, les Hongrois et les Belges ont également des patronats.

Lotto fit une convention verbale en pré- sence de témoins notables avec le proto- notaire apostolique, supérieur de la Casa.

Le peintre jusqu'à la fin de ses jours sera logé, nourri et habillé ; le ^arzone qu'il avait amené avec lui de Venise aura les mêmes avantages.

En compensation Lotto constitue la Casa son héritière universelle ; il travaillera pour elle, mais aucune obligation ne lui est imposée ; il s'engage à exécuter des peintures à sa conscience a niia conscientia.

Ce ne fut pas une vaine promesse; mal- gré ses soixante et douze ans et sa vue très affaiblie, il produisit encore plusieurs ou- vrages et peignit sur les cierges la figure de la Madone.

Il conserva le droit de travaillera son profit, pour ses clients personnels au cas il en trouverait et de vendre les tableaux qu'il avait apportés de Venise avec toute sa roba.

En fait il fit encore plusieurs portraits, notamment celui du cardinal Carpi et il vendit au prélat gouverneur de Lorette un Saint Jérôme ermite un Saint François recevant les stigmates et une Snzannc an bain.

L'achat d'une Suzanne an bain par un prélat romain du XV I^ siècle n'a rien d'insolite.

ILà W ti'im peintre tJémtten.

241

Il y avait bien des années que Lotto traînait partout ces tableaux sans parvenir à s'en débarrasser.

Il semble qu'à la Sau/a Casa le pauvre Lotto devait être dans d'excellentes con- ditions pour terminer tranquillement ses jours.

Mais non.

Peu après son arrivée il est obligé d'em- prunter de l'argent au protonotaire aposto- lique ; on ne comprend pas bien pourquoi, le registre porte mention du fait mais non des motifs.

Le supérieur lui ouvre sa caisse. Lotto y puise mais rembourse toujours aux échéan- ces fixées.

Puis c'est son garzone de Venise qui ne veut plus rester à la Casa ; Lotto lui rend la liberté, mais il est fort embarrassé, car seul il ne peut se tirer d'affaire.

Il raconte au supérieur toutes les misè- res qu'il a eues avec sç.5 garzoni per f Arte et autres et le supplie de lui donner un homme de la Casa se destinant à la vie cléricale.

Il l'obtient, ce fut son dernier garzone.

Après quatre ans de séjour à la Santa Casa, il mourut.

Dans ses Vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes dont la première édition a paru en 1550, Vasari ne donne de Lotto qu'une biographie incomplète et

courte ; il termine sa notice par quelques phrases que je ne puis mieux faire que de répéter.

« Lotto étant vieux, et ayant presque <:< perdu la vue, après avoir fait encore « quelques ouvrages de peu d'importance « à Ancône, il alla à la Madonna di Loreto, « déjà il avait fait une peinture à l'huile « qui est dans une chapelle à droite en <<; entrant dans l'église; c'est ici que. décidé « à terminer sa vie au service de la Ma- « donna, et à habiter en cette Santa Casa, « il se mit à l'ouvrage pour faire des his- « toires de la hauteur d'une brosse ou de « moindres dimensions, tout autour des

« sièges.

« Peu de temps après, il mourut en ren- « dant l'âme à Dieu, ayant vécu en bon « chrétien.

« En ces dernières années, il fut très « heureux et eût l'âme en paix et ce qui « est plus, à ce qu'on croit, il gagna les « biens de la vie éternelle. Et cela ne lui « serait peut-être pas arrivé, si, à la fin de « sa vie, il eût été trop occupé des choses « de ce monde ; jamais celles-ci ne laissant « à l'esprit la liberté de penser à la vie à « venir et au suprême bonheur, car elles « sont une trop lourde charge pour ceux « qu'elles préoccupent. »

Et c'est bien dit.

Gekspach.

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1^1 geglise ïlotrePamMa Grande à Valencteimeg^^ |[|

Chapelle de Notre-Dame des Miracles. De même que Le Boucq, Brasseur l'oppose, à gauche, a stnistris, à la chapelle Saint-Eloi

< Ad latus oppositum sacra visitur ara Quam Christi décorât prodigiosa parens C). »

C'est le rez-de-chaussée de la grande absîdiole du transept Nord. Aux abords deux sépultures seulement: « Vis à vis, contre un pilier, la Résur- rection >, tombe de Jacques Piautre (1609) et « devant icelle deux personnages longvestus,» Simon et Jeanne Caresmaux (1560-1565). Des colonnes de marbre noir et jaspé avec un sou- bassement de même matière formaient la clô- ture ; elle était surmontée des statues en marbre blanc de saint Benoît, saint Michel et sainte Humbeline, don de Raphaël Becquet, religieux de la prévôté. A l'intérieur aucune fosse n'avait été creusée. Était-ce par respect pour ce sanc- tuaire où le peuple de Valenciennes s'était porté en foule aux heures critiques de son histoire : en 1 291, par exemple, avant sa lutte heureuse contre Jean d'Avesnes; en 1479 lors de sa sortie victo- rieuse à la poursuite des « maudits faucheurs du roi Louis XI »(3)?

Une confrérie ancienne prenait soin de cette chapelle. Démembrement, paraît-il, d'une asso- ciation antérieure moins aristocratique, elle s'identifie non seulement avec son sanctuaire mais encore, en quelque sorte, avec le Magistrat de Valenciennes. Elle se recrute parmi les familles échevinales ; une salle lui est réservée dans la maison commune.Bien plus, le héraut d'armes de la ville n'est autre que le sien. Nommé par les « Damoiseaux » (^), tel est le nom de ces confrè res, il les précède dans les cérémonies (5) et ses

1. (Suite et fin.) Voir la Revue de l'An chrétien, 1903, p. 36Û et 1906, p. 9.

2. Br.isseur, Par sanctorum marlyrum, p gj.

3. Dans ces occasions ou en temps de peste les bourgeois fai- saient à N.-D, des Miracles, promesse d'une « songnie », nièclie enduite de cire « contenant en longueur le tour et circuit de la pro- cession annuelle ». Elle brûlait nuit et jour et pesait environ ûoo livres de cire. Le Boucq, Hiil. fcdéi., p. 15.

4. l'Vankevie était l'appellation officielle de ce héraut, qui rappelait ainsi la'( bonne et franlte ville * personnifiée par lui.

5. « Revêtu de sa cotte d'armes et la baguette i la main. » Preu- ves lie l'anliquiti et Je la noblcac de Ui famille Rasoir, p. i6.

vêtements officiels « de velours cramoisy armoi- rié sur les quatre faces du lion de la ville » (') sont gardés par eux. Ils avaient aussi leurs insi- gnes : « jadis un esmail de perles sur l'épaule gau- che avec un lys d'or et la devise Ave Maria >, depuis « l'image de N.-D. dans une plaque d'ar- gent au milieu d'une enseigne de broderie {-). » L'affiquet était de valeur et dans plus d'un testa- ment on voit des confrères le léguer pour l'or- nement de leur châsse.

De cette châsse ou plutôt des différentes piè- ces d'orfèvrerie qui succédèrent à cet usage, l'his- toire ne reste pas tout à fait inconnue, car la principale préoccupation des damoiseaux qui s'intitulent eux-mêmes « confrères de la fierté de N.-D. des Miracles séant en la grande église » (3) était précisément la conservation et l'embellis- sement de leur trésor. En 1312, « li compagnon, qui adont estoient firent faire et estoffer à leurs cousts et de leurs propres deniers, sans nul aiuwe de l'autrui une fierté bénite à grand révé- rence par le main Mgr Jakemon Lenoir, abbet de Saint-Jean, le jour Saint Bétremieu » (■*) En 1492, la châsse est visitée et probablement renouvelée. Quelques années auparavant, l'un des trente da- moiseaux, Jean Rasoir, lègue pour « l'advance- ment de la fierté, une somme de 50 1. « un annîel d'or avec un saphir » et « l'esmail de perle qu'il avoit accoutumé de porter sur sa robe (^) ». L'œuvre devait être remarquable, datant d'une période l'orfèvrerie était particulièrement flo- rissante à Valenciennes. Elle ne survécut aux iconoclastes de 1506 que pour être livrée par trahison à ceux de 1572. Les confrères rétablirent

1. Papiers de Dom Buvry, abbé de Saint-Saulve. Archives des damoiseau.v, liihl.de l'aleiiciennes , ms. 7^2.

2. R. P. P. d'Oultreman.S.J, La cour sainte de ta glorieuse l'ierge Marie à l'aienciennes, 1643, p. 433.

3. Bibl. de Valenciennes. ms.489. f. ^.Ordinaire des Damoiseaux.

4. Le Boucq. liist. ccclés., p." 16 et Règlement des Damoiseaux de ijyj. Bibl. de Valenciennes, ms. 489. Le Boucq rapporte que c'est en 1310, le 8 septembre, que l'évoque de Cambr.ii pinça les reliques tlan^ la châsse, mais le règlement des damoiseau.\ donnant l.i date exacte 1312, il a rectifié dans son passage de l'histoire de l'ab- baye de Saint-Jean relative à cet abbé Lenoir ou Nigri. personnage peu connu. Hisl. ecclés., p. 33.

5. En 1447, un autre Jean Rasoir lègue sa robe fourrée et des per- les. Ms. des preuves de la noblesse des Rasoir, p. 27.

iL*égït0e il^ofre-SDame-lad^rantie à WiHitntimme. 243

une nouvelle fierté bénite en 1588 ('), exposée « dans l'avant dite chapelle des Miracles» à la vénération du peuple mais protégée par un treil- lage (2). Elle y resta jusqu'au début du XVI II"^ siècle. Le 16 août 1706, les confrères décident que ceux d'entre eux qui n'ont pas encore été « princes » pourront se racheter du festin d'usage inovennant 300 florins destinés à une nouvelle

châsse. Ils avaient passé marché avec Henri Gérard, orfèvre de Douai, pour une fierté de trois pieds pesant 550 onces d'argent et 400 de cuivre, exécutée d'après le modèle convenu: six bas- reliefs des mystères et vingt blasons de confrères devaient y être ciselés (i).

Le registre d'où sont tirés ces détails présente pour l'année 1730 une particularité curieuse. La

Notre-Dame-la-Grande, d'après « Les Délices des Pays-Bas

confrérie, bien que déjà elle fût sur le déclin, de- mande à l'abbé d'Hasnon une chapelle plus con- venable et plus belle >.On lui accorde la chapelle Saint-Nicolas, « la plus prochaine de la porte de l'église qui fait face à la rue d'Anzin » : cette porte était percée dans l'extrémité du croisillon nord sous un vitrail décoré de nombreux blasons (3),

1. La îiste des reliques de la première châsse se trouve dans le ms. 1342 de la Bibl. de Douai. Cartulaire d' Hasuon. Celles de la fierté de 1588 ont élé cataloguées par Brasseur. Sancta sanctorum Hanno- tiiae, p. 296.

2. Argf-ntea theca quae intra dicti eoruindem altaris caiiceltos... visitur. Brasseur, loc. cit., p. 297.

3. Ce détail dénote que la peinture sur verre n'était pas absente de Notre-Dame. Le dessin de Le Boucq montre une sorte de figure peinte dans la fenêtre du chevet. On se souvient que la lanterne était

et Le Boucq ajoute encore, pour être tout à fait précis, « à la croisure, tout en haut, près le portail du costé de la chapelle des damoiseaux » . Qu'est- ce à dire : la chapelle Saint-Nicolas du XVI IT' siècle est-elle donc la même que la chapelle des Miracles du XVII^ .' Ou bien cette dernière n'est elle donc qu'un simple autel adossé à un pilier.' Se logeait-elle dans l'angle voisin du che- vet de la chapelle de Hal, dans ce coin où, en

appelée trou d'or, peut-être à cause de ses vitraux. Est ce pour la même cause que la légende du Plan de Bodenehr juge Notre-Dame « ein kiinstlich, doch etwas ftnslers Gebaii ». Elle fut revitrée au XVlII'î siècle, et cette opération dut la rendre plus claire. I. Archives de Valeiicicnnes, G 551.

244

3^cbur tic V3ixt cljvctica»

deuxième hypothèse, on pourrait songer à placer le « Sépulcre »? Mais alors, dans tous les textes on ne l'opposerait pas en parfaite symétrie avec la chapelle de Saint-Éloi. Un simple autel ne posséderait pas la clôture de pierre mentionnée plus haut, sans compter qu'il est difficile de croire que jamais on ait trouvé un emplacement plus < convenable et plus beau » que l'une de ces vastes et profondes absidioles largement ouvertes sur le transept. Pour le XYII*^ siècle, les des- criptions de Brasseur et de Le Boucq ne per- mettent aucune hésitation. Faut-il penser que les damoiseaux, depuis lors, auraient temporai- rement quitté leur sanctuaire primitif pour y rentrer en 1730? En tout cas, c'est bien que la tradition, si vague qu'elle soit aujourd'hui, montre l'emplacement de la chapelle de Notre- Dame des miracles. C'est aussi que s'éteignit l'antique confrérie dont le dernier membre laïc mourut en 1772 (i). Dès 1747, l'un des deux anges qui entouraient la statue de la Sainte Vierge tombait de vétusté. On a beau supprimer les frais, les banquets, les <\ vins et succardes >; qui rendent l'entrée fort onéreuse, aucun postu- lant ne se présente (2). La dévotion de la ville s'était peu à peu concentrée uniquement sur une autre châsse conservée dans le grand chœur que les monuments les plus divers rendaient le lieu le plus remarquable de toute l'église.

Chœur. Tout d'abord, une quantité de sépul- tures de métal ou de pierre lui avaient constitué un magnifique pavement. Al'entrée même, huit lames de cuivre, œuvres des meilleurs temps de l'art des graveurs tombiers, s'alignaient dans toute la lar- geur de la nef. Si Notre-Dame ne possédait pas, comme les églises des Frères-Mineurs ou du monastère de Beaumont, les sépulcres princiers des comtes de Hainaut ou des Luxembourg, elle semble, pour ainsi parler, avoir eu les préférences des principales familles bourgeoises, des « sept fortes maisons » à qui leurs richesses permettaient de rivaliser avec les souverains du pays.

Sur la première de ces huit lames étaient tracés « deux hommes long vestus, portant barbe avec

1. Parmi les derniers membres on peut citer l'archevêque de Cam. brai, le gouverneur de la ville, les abbés du voisinage, etc.

2. Papiers det ctiinoisfaiix. Etude de M'= A. Mabille de Fonchc ville, Valenciennes. Le 1 5 janvier 1 789, on trouve dans un coffre chei M. de Sars, héritier du dernier damoiseau laïc, « quatre plaques relevées en bosse ».

leurs seize quartiers » : Jean et Watier de le Gau- chie (1402-1405). « En la seconde y at homme et femme », Landrieu du Gardin et Marguerite Giebiers (1379-1359); puis « en la troisième ung homme long vestu >,Estievenars Giebiers (1402}. Les parents de ce dernier étaient figurés sur la quatrième : « Jean Grebiers li aisnet et Agnès de le Sauch » (1392). En la cinquième « homme et femme long vestus, Collart Castelois et Marie Polie » (1407-1392). Le père du précédent repo- sait sous la sixième : « Jean Castelois, li aisnet, avec sa femme Jeanne Piparde » (1376-1381). Un autre de leurs fils gisait en la septième « homme et femme long vestus » représentaient Jean Castelois et Marie Creste (1404-1390). Enfin en la huitième, Jean Castelois et Marie le Can- gière (1400-1408).

Le fond de l'abside n'était pas moins bien garni. Auprès du grand autel « at ung petit marbre oia est ung homme long vestu », Jean de Saint-Saulve(i353).«Là tenant au costé senestre en lame de cuivre at homme et femme long vestus », Willame de Saint-Saulve et Jeanne le ViUaine (1340). « tenant encore de même métal », Gilles li Cangières et Jeanne du Gardin (1382 1380). Auprès de ces bourgeois d'échevi- nage, un cuivre portait l'image d'un chevalier « vestu de sa cotte d'armes, se femme lez lui », Jean de Marquette et Jeanne de Grès (1426- 1443). Tout au bout, vis-à-vis de la chapelle Saint-Luc, reposait Noiil Le Boucq (1567).

Devant le grand autel « en lame de cuivre », Jean Grebiers et sa femme. « emprès sous une belle lame de cuivre » Dom Etienne du Ploich, abbéd'Hasnon (15 19). «Là tenant en bleu marbre at homme et femme long vestus » : Ernoul de le Sauch et Ysabeau de Moyenneville (1429- 1430). Enfin « au milieu du dit chœur, y avoit cy devant un marbre à un abbé relevé, Dom Du- quesne, » transporté depuis, comme on l'a vu, près de la chapelle de la Conception, pour faire place à Gilles de Ouarouble. Le marbre de ce dernier « estoit seul dans le chœur entier et sain d'escrip- ture mais à cause que passé plusieurs années » les héritiers ne voulaient payer la redevance due pour l'obit annuel, « Monsieur le prélat d'Hasnon commanda le mettre hors avec les autres : tous les marbres du chœur, à cause qu'ils estoient

3L'cglise iBûtre^2Daine4a 6ranî)e à ^Ualeiiciennes. 245

brisés et qu'à la plupart on n'y voyoit rien furent enlevés le 23 février 1628 ('). »

Les lames de cuivre devaient être en meilleur état. Elles ne furent pas moins condamnées par la même occasion. Des huit de devant le chœur, il en restait six « dont l'une fut posée au milieu de la nef et les cinq autres, encore qu'elles ne tenoient guère sur les pierres, furent ostées et l'an 1630, le prélat les venda à M= Erasme Place, fondeur de cuivre, demeurant à Ath » pour faire sept chandeliers de cuivre à poser sur le doxal. Elles étaient ainsi sacrifiées à ce doxal ou jubé, qui tout remarquable qu'il était, n'aurait pas fait oublier les œuvres si intéressantes dont il provo- quait la disparition.

Jusqu'alors, l'église n'avait pas de jubé. A l'entrée du chœur, pendait seulement une croix triomphale. Brisée en 1566, elle fut remplacée en 1583 par une autre croix accostée des statues accoutumées (2). Dans les premières années du XVIP siècle, plusieurs églises de Valenciennes eurent l'idée d'établir ou de refaire leur doxal (3). L'abbé d'Hasnon à son tour « en marchanda un î, le 12 juin 1627. Le sculpteur architecte fut Adam Lottman, auteur du jubé de Saint-Bertin à Saint-Omer et de l'autel monumental existant aujourd'hui encore dans l'église de Calais. Le doxal de l'église de la Chaussée (1614) l'avait fait connaître à Valenciennes. Le devis s'élevait à 20000 florins, plus looo florins de gratification

T. Déjà « l'an 1609, danip Jean Le Roy, religieux d'icelle église, disoit que l'abbé de lors dit aux religieux que s'ils vouloient remettre l'abbé Duchesne en sa place au lieu de ce Gilles deQuarouble qu'ils le remisent ». Il ne serait pas surprenant qu'un changement de reli- gion ait rendu les Quarouble si indifférents pour l'obit de leur ancêtre. Plusieurs d'entre eux avaient passé au protestantisme et même l'épitaplie d'un autre Quarouble, Guillaume, dans un endroit indéterminé du chœur de Notre-Dame, par son absence de toute in- vocation habituelle relative à la prière pour les morts, pourrait faire croire aune intention doctrinale de la part du rédacteur (1562).

2. Anno ijSj crttcifixui templi B. AI. V. Vaïtncenensis fabri- .catur a quodam Koberto seu Goberto Foniaine et... Seoisiim erigitur

et in loco suo reponitur cum imaginibus B. Mariae et divi Joannis. Note de D. François Bar. Bibl. de Douai, mss. S20, p. 124. M. Dewez a confondu cette croir avec la croisée du transept chantée par Bras- seur « qtiid modo de dicti jnedii templi cruce proloquar, etc. :^ et c'est d'après ces vers appliqués à contre temps qu'il a fait delà croix une description qui ne s'appUque point à l'objet : « Cette croix très haute avec ses extrémités en trilobés arrondis, sa tête très ouvragée et la partie inférieure garnie d'une échauguette, le tout d'une superbe décoration, nii' ns in h zc décor est, » p. 224.

3. En 1603 le pasteur de SaintGéry, Muissart, en construisit le dox.il, i besongné de bois doré assez mal travaillé et qui ne laissa de couster beaucoup », car il était orné de tableaux peints. En 1616, l'abbaye de Stjean monte le sien « fort enrichy d'allebastre ou autrement ». Le Boucq, pp. 65 et 35.

si le travail était bien exécuté. L'importance de cette somme permet de juger de celle de l'œuvre et le dessin reproduit ici dispense d'en donner la description.

Il rappelle par ses dispositions celui de la cathédrale de Tournai, à Cornelis de Vriendt. Il présente trois arcades. Au fond de la « voûte du milieu » s'ouvre la porte fermée de vantaux de laiton. Deux niches dans les côtés reçoivent, l'une la statue du Bon-Pasteur, l'autre la figure, agenouillée, tournée vers le Sauveur, et présentée par saint Michel, du donateur, D. Michel de Raismes; le corps de ce prélat reposait au même endroit (').

Au tympan de la porte, la scène figurée ainsi que la façon dont elle est traitée doivent attirer l'attention : Jésus-Christ, entouré d'agneaux, de- bout sur un tertre d'où jaillissent les quatre fleuves bénit saint Pierre et saint Paul ; l'un des deux apôtres s'agenouille, l'autre tient une longue croix pattée. L'agencement de l'ensemble et des détails fait songer à des réminiscences d'art chré- tien primitif, à une mosaïque romaine, non à tort sans doute : L'une des niches latérales du mau- solée de Sainte-Constance à Rome offre le même sujet interprété en mosa'ique d'une façon tout à fait identique. Parmi les caissons d'une des trois « voûtes > on retrouve, en guise de décoration, de nombreux symboles « tirés des grottes de Rome », comme le dit Le Boucq : l'ancre, le pois- son, Jonas, la colombe et bien d'autres. Depuis la remise au jour récente alors des cata- combes, ce dut être ici que pour l'une des pre- mières fois sans doute, furent employés tous ces souvenirs archéologiques, d'ailleurs assez fidèlement copiés si l'on en juge d'après le dessin.

Dans les écoinçons des arcs et aux deux angles, quatre docteurs de l'Ordre de Saint-Benoît « ayans tous escrit à la louenge de la bienheureuse Vierge » lèvent les yeux vers elle, c'est-à-dire vers la statue qui occupe le centre de l'attique. A droite et à gauche au même étage, deux anges dégainent et remettent l'épée au fourreau. Entre ces trois statues quatre bas-reliefs s'encadrent dans des bordures rectangulaires. Avec les deux plus grands logés sur les côtés (car le doxal,

I. Le portail de laiton pesant 2200 liv. fut donné par Jacques Jappin, l'abbé à qui on doit la fonte des lames de cuivre du chœUr.

246

jRebur lie VSixt t\)xttm\.

avançait dans la nef laissant un « retour * de chaque côté), ils formaient une suite de six ta- bleaux de pierre l'on avait sculpté l'histoire de la Procession de Valenciennes et les diverses phases du miracle qu'elle commémore. Le pre- mier, plus vaste que le dernier, et « d'un travail achevé » représente « la contagion qui ré- gnoit en l'an 1008 ». C'est la première « histoire » « du côté de la chapelle N.-D. des Miracles. » « A la seconde, sur le frontispice », un hermite

« invoquant la glorieuse Vierge » qui lui déclare le remède qu'elle va apporter ». A la troisième, « l'hermite fait relation » au peuple de Valen- ciennes de l'apparition céleste. Dans la quatrième on voit « la descente de la bienheureuse Vierge hors des nuées, accompagnée d'une multitude d'anges desquels... ung tient le peloton de cordon et en circuit la ville... le quel cordon, la glorieuse vierge tient à l'autre bout ». Un peupla nom- breux admire ce spectacle. La cinquième repré-

Façade du Jubé de Notre-Dame-la-Grande.

sente la déposition dans une fierté du cordon ayant « circuit la ville». Enfin «la sixième et la dernière histoire du côté de la chapelle Saint- Éloi » figure « la solennelle procession de Va- lenciennes ('). Tout en haut sur des socles se dressaient les sept chandeliers de cuivre.

I. L'édition imprimée àe\' Histoire eccUsiastique de Le Boucq présente pour le jubé une planche tout à fait fantaisiste. Le litlio- graphe a réuni sur un seul plan la façade et les deux retours ce qui forme un front d'une longueur considérable. .M. F. Foucart dans sa notice sur Lotlman (Soc. iavanta des départements, 1894) a bien signalé cette erreur, mais il est tombé lui-môme dans une autre. Comme le lithographe, il place dans le retour nord la « procession de Valenciennes et la peste à l'autre extrémité, ce qui détruit l'ordre logique des scènes. D'ailleurs il suffit de regarder dans le manuscrit le dessin des deux côtés et la direction des arrachements par ils pénétraient dans les deux grosses piles de la lanterne pour voir que la procession faisait face au transept Sud, du côté de la chapelle

Sur la face postérieure du doxal, l'abbé Ar- change Michel avait commandé à un autre sculpteur, Pierre Schleiff, des bas-reliefs relatifs aux saints Pierre et Marcellin, patrons de l'ab- baye d'Hasnon. Par contre, les hauts murs qui constituaient une partie de la clôture du chœur semblent être restés bien nus; peut-être avant 1566 ils étaient dissimulés par les parois et les dais de stalles remplacées depuis par une me- nuiserie moins élevée. Peut-être aussi étaient-ils

Saint-I?loi, et la pesteau transept NorJ.Ce dernier bas-relief était, à ce qu'il parait, le meilleur. Moreau. historiographe de Kiance, passant par Valenciennes, en fut si admirateur, qu'il en fit prendre un dessin par François Watleau {Mémoire I, p. 408) : il serait intéressant de le retrouver.

îL'église igotre-SDamela d^ranîie à Mâlmtitnms.

247

revêtus des tapisseries que possédait l'église ('). T,a décoration du chœur se complétait par le grand «candélabre» ou lustre dont les Valen- ciennois n'étaient pas médiocrement fiers. Jus- qu'au X VI I<^ siècle, il y avait bien dans l'église des chandeliers ik mettre coppes>, mais les offrandes officielles du Magistrat, les «chirons », se posaient sur des plateaux de bois malpropres et incom- modes. Aussi, le conseil particulier, en 1638, déci- da de donner un candélabre de cuivre pour pendre au chœur. Mathieu Du Moulin, « caudrelier » de Soignies, fondit et cisela, moyennant 700 flo- rins, les trois couronnes superposées de ce lustre; pendant la neuvaine de la procession, trente deux cirons « ardoient nuit et jour». Tout en haut, le lion et le cygne du blason de Valen- ciennes marquaient l'origine de cette couronne, garnie et entretenue aux frais de la ville ; ce qui n'empêchait pas l'église d'avoir ses « récureurs » attitrés, car elle était riche en œuvres de dinan- derie. Parmi celles-ci il faut compter vraisembla- blement les colonnes surmontées d'anges portant les courtines de l'autel.

L'autel au temps de S. Le Boucq demeurait dans ses dispositions traditionnelles surmonté d'un simple gradin avec deux chandeliers. En 1 326, quatre florins sont donnés « de par Medame la Comtesse de Hainaut à l'aiuvve de le taule dorée faite au grand autel de N.-D. en Valen- chiennes (2) ». En 1482, D. Etienne Du Ploich fait réédifier la grande table de l'autel (3), dé- truite depuis par les iconoclastes mais rétablie dans les mêmes dispositions qu'indique le dessin de r Histoire ecclésiastique. » On l'ornait de plu- sieurs reliquaires d'argent <i contenant quelques ossements des compagnes de sainte Ursule ». Il y a aussi deux statues d'argent dont l'une ren-

1. « Pour deux aulnes de queneva pour remettre à point les tapis de l'église, y compris la façon .\X XVI II sous ». ( Compte de i^sj ). A l'Hôlel-Dieu, fondé en 1430. la grande salle contenait cinquante et un lits < lesquels tous ont chacun un tapis de haulte lisse fort magni- fique sur les quelz sont les armes des fondateurs et se mont sur les malades es jours et festes solennelles ». Le Boucq, p. 222. L'ancien Hôtel-Dieu, devenu après la révolution église provisoire de Notre- Dame, a entièrement disparu. Il n'en reste que l'inscription sur cuivre autrefois placée dans la chapelle, rappelant la fondation de cette maison en 1432 par Gérard de Perfontaine.chaiioined'.^ntoing.

2. Archiv. du Dép. du .Vord. Comptes de l'hôtel des Comtes de Hainaut. 1325, 1326. B 3270. En 1380. clans la somptueuse chapelle de Blois. à gauche du chœur des Frères mineurs, on plaçait « une table d'autel d'argent fort riche». Le Boucq, p. 117.

3. BiH. dt Douai, ms. 820, p. II4'''.

ferme une relique de saint Jacques et l'autre de sainte Marguerite ('). »

A Cambrai, comme dans beaucoup de cathé- drales au moyen âge, derrière le maître-autel, les châsses les plus précieuses étaient exposées dans un édicule supporté par quatre piliers de cuivre (=). L'ancienne cathédrale d'Arras présen- tait un spectacle analogue (3). Dans Notre-Dame de Valenciennes, entre les deux derniers piliers du rond-point, était établi une sorte de massif de maçonnerie dans le haut duquel une niche rece- vait la châsse, palladium de la ville.

Principis altaris sublimi in pegmate pendet

Antiquae nec non divitis artis opus.

Virginis id feretrum est sacro venerabile fune(0.

C'était « la fierté du Saint Cordon » en l'hon- neur de laquelle le 8 septembre avait lieu « la grande procession de la ville ». Aujourd'hui encore, fidèle à son parcours séculaire, elle se déroule, le long des chemins comme à travers champs, dans un circuit de plus de deux lieues. La foule, toujours très considérable, qui la com- pose, donne maintenant son caractère le plus sail- lant à cette marche, privée en grande partie de l'éclat extérieur qu'apportait autrefois à la « pro- cession de la ville » la participation officielle du magistrat, des corporations, des serments et sur- tout des abbayes d'alentour (5); tous les ans, elles amenaient leurs reliquaires et « corps saints ».

1. Brasseur, Sancta sanctorum Hannoniae, p, 297.

2. Houdoy, p. 55.

3. Annales archéologiques àe Didron, t. Vlll, p. 8i.

4. Brasseur, Par Sanctorum martyrutn, p. 91.

5. 'Voici le programme de cette procession au X'Vl 11= siècle: « Les corps des métiers seront à la tête de la procession ; suivront les maisons de charité, tous les Ordres mendiants et les différentes con- fréries avec leurs châsses, celles de toutes les églises de la ville ; des abbayes royales de Vicogne, Denain, Crespin, .Saint-Saulve, d'Has- non et du refuge d'Haspres, toutes les plus belles richement ornées et d'un prix inestimable. Le clergé en corps de toutes les paroisses, des chanoines réguliers de Saint-Augustin de Saint-Jean et du chapitre Royal de Saint-Géry. Messieurs les abbés de Vicogne, Crespin, Saint-Saulve, Saint-Jean et Hasnon en habits pontificaux, crosses et mitres. Le commandant de la place, suivi des gardes de Mgr legouverneur en habits d'ordonn.Tnce. avec leurs bandouillères et armés. L'intendant delà Province, M.Vl. du Magistrat en corps, précédés de leurs Huissiers Audianciers à verges et Héraut cou- vert de sa cotte d'armes, suivi de leurs sergens de ville en habits neufs et uniformes ayans leurs pertuisannes. Des cinq compagnies Bourgeoises en habits d'ordonnance, d'un goiu noble et leste, dra- peaux déployés, tambour battant, précédées des armes de la ville représentées par le lion et les cygnes pour support... les dits cygnes ayant du mouvement agitant des ailes... seront montés par des enfants des plus beaux et richement habillés... de la Compagnie des Chevau-légers qui donnera le lendemain une course de bagues... Il y aura trois chars de triomphe. » (1754, Valenciennes, Henry.)

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WitWt De r^rr cbrctien.

Les comptes de 1 echevinage donneraient de précieux détails sur cette fête accompagnée des banquets et des distributions de vin. Il faut seulement retenir ici les sommes considérables payées aux porteurs de reliques et les mémoires élevés des orfèvres ciiargés de faire à l'arrivée et au départ « la visite des fiertés». La ville avait

demandé leur déplacement; elle se chargeait de réparer les dommages que leur séjour à Valen- ciennes avait pu causer à ces précieux objets : « à Pierre François de Baralle et Jean-Marie Saint-Quentin, M'-» orfèvres, pour avoir raccom- modé les châsses des corps saints qui ont été endommagées à la procession », la ville, en 1788,

Grand lustre de laiton au chœur de Notre-Dame.

payait 521 liv. ('). D'après ce chiffre on juge de l'importance de ces trésors : ils rappelaient les réunions de corps saints dont le moyen âge aimait à entourer la consécration des églises ou des abbayes.

Ces pièces constituaient dans l'église un véri- table musée d'orfèvrerie religieuse. Sans doute,

I. Com/>les de Ij88. Archives de Valencieanes C. 847-849. En 1786, une châsse d'Hasnon demande 200 I. de réparation; la châsse de sainte Reine de Denain 72 I., etc.

bon nombre d'entre elles avaient été refaites dans les derniers temps et brillaient peut-être plus par le prix que par la valeur artistique : telles les vingt fiertés de l'abbaye de Vicoigne ('), les châsses de Saint-Saulve, d'Hasnon même, la fierté de Saint-Landelin de Crespin (-), mais

1. La plupart furent cachées de 1260 à 1631 au-dessous des fenêtres du chœur.

2. Le bras de saint Landelin, ouvrage avec caboclions et fili- granes du XHI° siècle, e.\iste encore dans l'église de Crespin.

îl'cgltse iPotre <2Danie la (15rantje à ÎUalencienne0.

249

il en subsistait aussi d'une époque lointaine, comme la croix de la prévôté d'Haspres dont la forme et les dimensions dénotaient une anti- quité reculée (J), ou bien encore le reliquaire de la vraie croix que Baudouin l'Édifieur reçut de Thierry d'Alsace, comte de Flandre, « lequel ce prince laissa l'an 1169 à la chapelle de N.-D. de la Chaussée », monté <>< dans un autre bien doré supporté par deux anges d'argent » (2). La pré- vôté d'Haspres en outre de sa croix, apportait les corps de saint Hughes et de saint Achaire; les chanoinesses de Denain quatre fiertés d'ar- gent des onze mille Vierges, de Saint-Aldebert et de Sainte- Reine d'Ostrevant, de Sainte-Ren- froye leur fille, « plus les chefs de ces trois saints en de riches et grands reliquaires d'argent. Il faudrait encore citer les trésors de Fontenelle, de Beaumont, des paroisses de la ville, le cornet à reliques de saint Barthélémy, un oliphant sans doute, le doigt de saint Jean-Baptiste à l'abbaye du même nom ('^j.

Toutes ces fiertés, suivant l'expression d'un vieil auteur, formaient une « cour sainte » autour de la châsse « reposante au chœur de la grande église » et que l'on « avalait (-i) » pour la circons- tance afin de la placer parmi les autres « au lieu d'honneur », du côté de l'évangile. Cette châsse était pour Valenciennes l'objet d'un culte qui se perpétuait et s'accroissait de siècle en siècle ; aussi l'histoire artistique en est bien connue.

En Tannée 1352, le chapitre de Cambrai, dési- reux de se faire une nouvelle châsse, envoie à

1. « Elle est haute de six pieds, large à proportion, c'est pourquoi on est obligé de l'asseurer par le moyen de deux hommes qui mar- chent à ses costés. tenant chascun un cordon. » Elle est « d'argent doré »; l'art en est « exquis ». Cour saiii/e, p. 625.

2. La dévole et solennelic procession, p. 75. Les reliquaires de la vraie croix étaient nombreux à Valenciennes: les Carmes possé- daient un fragment « richement posé en une autre croix d'argent qui leur sert de banderole». Les Pèlerins de Jérusalem en gardaient un autre dans le trésor de leur Confrérie; les Chartreux aussi et enfin les dames de Fontenelle, mais d'origine suspecte, ajoute encore le P. d'Oultreman.

3. Dans un petit reliquaire échappé à l'incendie de 1520 <f faict à la façon d'une remonstrance, au vase de laquelle vous lisez ce beau vers gravé d'un characlère bien antique : Hic smnmi Vatum dii;i- lum scitote localum. La relique avait été donnée par l'empereur lieaudouin à un chevalier qui l'avait accompagné « en la conquesie de Grèce ».<( Cf gentilhomme mourant en mer enauroit fait héritier un certain Pierre bourgeois de cette ville » qui le rapporta aux moines de Saint-Jean le 22 mai i22r, comme en témoignait une antre inscription en versléonins. Cf. Cour Snitile, p. 557.

4. Enquête relative à la prééminence de Xotrc-Dame sur Saint- Jean, 1629. 18 mai. Témoignage de Jean de Hennin « confrère royé ». Bihl. de l'auteur

Valenciennes deux chanoines « pour voir les fiertés, ad videndum feretra (') » : la fierté des Damoiseaux et aussi « la grande fierté du grand autel de Notre-Dame »; une liste de reliques de 1335 la désigne sous ce nom (2). C'est à cette dernière « feretnan gloriosae Virginis Marine situm in choro » qu'en 1335 également, de nom- breux évéques, réunis à la cour d'Avignon, atta- chent quarante jours d'indulgence pour tous ceux qui vénéreront la fierté ou la porteront à la procession annuelle (3). La faveur est accordée à la requête des « confrères de la fierté Notre- Dame » , nommés dans la suite « royés », à cause, paraît-il, des raies qui sur leur robe rappelaient le cordon miraculeux.

La première châsse, prétend un écrivain trop récent pour que son récit soit fondé, n'aurait été « qu'une espèce de petit coffre de bois doré garni de divers ornements en argent (4). En 13S0, « le nuit de le nativitet N.-D., les confrères à cel jour de le fiertre Nostre-Dame-la-Grande, séant au chœur de le ditte église » s'aperçurent qu'il était temps de « renouveler l'anchienne fierté de no confrarie qui avoit longhement duret, qui estoit vièse et alloit a déclin ». Ce projet fut dif- féré jusqu'en 1392. Les confrères de cette année- prirent une résolution définitive et, aussitôt l'ouvrage « de taille et de dorure » achevé, l'abbé Nicaise Horions y transféra les reliques. Parmi les soixante noms d'orfèvres que l'on a relevés pour Valenciennes au XV*' siècle, Hans Steclin de Cologne, Gilles son fils sont les plus connus, de même que Jérôme de Moyenneville qui tra- vaillait vers 1475 (5) « tant parfaict en son art et science que de moult villes et citez tant pro- chaines que lointaines on venoit à lui pour avoir participation de ses labeurs excellents ». Ce maître est beaucoup trop jeune pour être, comme on l'a dit, l'auteur de la châsse. Il se peut néan-

I Houdoy, p. 49 ; la châsse pesant 420 marcs d'argent fut redorée en 1422 par Nicaise Loiseleur, orfèvre de Valenciennes.

2. Bibl. de Douai, ms. 1342. Cartulaire d' Hasnon.

3. Celte pièce est publiée dans « La dévote et solemnelle proces- sion de Valenciennes. » Valenciennes, Vervliet, 1614, p. 20.

4. Abrégé de l' histoire du miracle,., avec le détail de l'établisse- ment de la Procession, p. 16.

5. Avons esté esmeu en coer et en grande dévotion de augmenter et exauchier le digne et révérente pourcession qui en l'onneur de le très beneoite Vierge Marie se fait cascun an autour de le ditte ville, ftiglement des Royés. Texte publié dans le Bulletin du cou- ronnement de N.'D. du Saint Cordon, p. 29 {1897).

Kuvuif DE L'art chkbtien.

1906. .— 4™* LIVKAISON

250

3Rrbut tir V^vt cbrctien»

moins que la tradition renferme une part de vérité (i). Si toutefois il est exact que l'abbé Laurent d'Yvoire ait enrichi la fierté de bas- reliefs, Jérôme de Moyenneville aurait pu en être l'orfèvre. Quoi qu'il en soit, la fierté peu après, en 1 531, fut « de rechef renouvelée et visitée >. Elle « coura risque » avec les autres le 24 août 1566, «ayant été brisée et rompue > mais les morceaux recueillis et transportés à l'hôtel-de-ville permirent de la reconstituer l'an- née suivante. Elle était ornée des armes des confrères et une inscription donnait l'histoire du miracle (2).

Le texte en est diffus ; les vers, des moins poétiques, décèlent le XV« siècle, ils devaient être contemporains du renouvellement qui eut lieu vers la fin de cette période à moins qu'ils ne datent seulement de la restauration de 1567 (3). On leur attribua cependant une haute antiquité et l'on crut devoir les reproduire dans une nou- velle et dernière châsse fabriquée en i66i.« C'est le travail d'un des plus habiles ouvriers de ce temps ; sa forme est celle de l'église même oij elle repose et ses ornements représentent toute l'histoire du miracle. » La grandeur de cette nou- velle fierté amena des modifications dans la façon de l'exposer. La niche « qui avoit contenu les deux autres pendant bien des années au fond et au milieu du maître-autel ne se trouve pas assez grande pour renfermer celle-ci ». On dut la déposer au dos de l'autel, préservée par une grille. La niche resta vide. Elle avait été entourée de « figures de taille presque naturelle représen- tant la glorieuse apparition. Le temps qui détruit tout a fort dégradé cet ouvrage qui n'est que de bois mis en couleur. Ce qui a esté cause, ces sortes de décorations d'ailleurs n'estant plus de goust, qu'on y a mis le grand tableau qui le couvre

1. Dehaisnes, Rechcrchei sjir U retable de Saint-Berlin, p. 86.

2. « C'est de lui et de son école que sont sortis tous ces beaux ouvrages en vermeil, en argent et en cuivre qui ornaient les belles châsses à la procession... parmi lesquelles celle du Saint-Cordon ». Ilécart. Bio:;iaphie vaUitcenoise, p. 5. M. Dewez dit à. son tour que l'abbé Laurent d'Ivoire enrichit la châsse du Saint-Cordon «d'ouvrages en vermeil, en argent et en cuivre ». Il semble ûtre l'écho d'Hécart ; nous n'avons donc pas sur cette tradition d'autres témoignages que celui, très insuffisant, d'Hécart.

3- Kl l'an mil et huit en septembre,

F'ut faict ainsi que mon remembre, D'un hermiie incitation Que l'on fit une procession, etc.

aujourd'hui et qui fut posé l'an 16960. » Bien que le nouvel arrangement ne « s'accordât guère avec l'honneur à ce saint dépôt », il subsista cependant jusqu'en 1755 (-). A cette époque le chœur fut modernisé, les vieilles clôtures rempla- cées par des grilles, les traditions liturgiques abolies. La châsse émigra dans cette chapelle absidale qui tant de fois déjà avait changé de destination ; pour lui faire place, les reliques de saint Philippe de Néri furent transférées dans l'église Saint-Nicolas. Exposée « directement vis à vis de l'ancienne niche derrière le maître-autel, la fierté y attendit jusqu'après 1763, l'achèvement d'un autel spécial donné par un des confrères (3). Les noms et les armes des royés « sont taillés sur les costés du dit autel qui est en marbre dans le milieu duquel il y a une niche pour mettre la dite châsse qui est cachée par un tableau représentant le sujet du miracle. » Dans le haut de cette cavité pendait « un grand cœur d'argent se trouve gravée la représentation du premier miracle. Au bas sont les armes de la ville, dona- trice de cet ex-voto lors de la peste de i668 ("♦). D'autres souvenirs analogues encadraient la châsse à laquelle appartenaient encore les bijoux et parures offerts ou légués par de pieux con- frères. Cet usage s'est perpétué jusqu'à nous. A la procession annuelle, une caisse vitrée conte- nant le % trésor » de Notre-Dame précède la statue qui remplace la fierté disparue en même temps que l'église.

Notre-Dame-la-Grande, au cours de sa longue vie, avait toujours été mêlée à l'histoire de la ville. Elle célébrait les funérailles de ses princes et chantait les Te Deiivi de leurs victoires. Les malheurs de la guerre avaient leur contre-coup dans son enceinte ; après la levée du siège de 1655, les bourgeois y tiennent prisonniers un grand nombre de soldats français. En J677, les Français entrés dans la place, y enferment la

1. Mt. d'un confrère royi, p. 27 et Abr/^é, p. 18.

2. Cependant l'autel lui. même, devant la niche avait peut être été renouvelé. Le ms. de Mons. n' 81, parle d'une « table d'autel du chœur » au sommet de laquelle on lisait le chronogramme : Deo fatrl l'/rxliifi/Ve Mahl a\'XILIatrlCI (1684). Les armes de r.abl)aye et de l'abbé Taflln se voyaient .au-dessus du tablrau donné par Moreau, chapelain des Royés. Au soubassement des colonnes des blasons aux armes de Norbert Delahaye, confière et de sa mère Marie Taisnière.

3. M s. d'un eon frire royé.

4. Abrégé, p. 33.

31'égUsc igotre 2Danie lad^rande à Wiàitntitnnte, 251

garnison espagnole. Le i8 juin 1790, les com- pagnies bourgeoises, les « serments > déploient pour la dernière fois leurs drapeaux et leurs étendards ; elles vont en grande pompe les dé- poser à la voûte du chœur « pour demeurer comme un monument consacré à l'union, à la concorde, à la paix (■). » En 1791, la munici- palité y invite à un Te Deum pour la conser- vation des jours de Louis XVI. « ce mo- narque chéri et si digne de l'être » (=). Moins de trois ans après, une grande cérémonie funèbre rappelait le premier anniversaire de la mort du roi. La ville était alors au pouvoir des Autri- chiens. Cette circonstance spéciale permit à Notre-Dame de retrouver une dernière fois l'é- clat d'autrefois. La relation de ce service du 12 janvier 1794(3) donne, pour une dernière fois aussi, quelques détails sur l'édifice, ses voûtes et ses colonnes. Malgré les tentures et les inscrip- tions, les vides et les mutilations ne pouvaient se dissimuler partout. Un bombardement de qua- rante jours n'avait pas non plus augmenté la solidité d'une construction qui depuis longtemps demandait à être réparée.

Notre-Dame, en 1791, avait été conservée comme paroisse constitutionnelle, mais privée déjà d'une partie de son mobilier et de ses argenteries. Le curé, nouvellement élu, est obligé de réclamer à l'administration plusieurs objets nécessaires au culte. On lui en remet un certain nombre pris parmi les dépouilles des abbayes. Dans un dernier inventaire, dressé le 18 dé- cembre 1792, figurent encore la châsse des damoiseau.K, les statues de saint Ghislain et de saint Eloi, un ange trouvé dans la niche du Saint-Cordon, bon nombre d'ex-votos, notam- ment le cœur offert par la ville en 1668, et quan- tité de reliquaires, de croix et de chandeliers.Tous ces objets, mis dans un tonneau cerclé et cordé, partirent le 29 janvier 1793 pour la monnaie de Lille : il y avait 44 livres de cuivre et 406 marcs d'argent (4). Notre-Dame paraît donc être restée

1. Archives de Valenciennes. D. *, 6-25.

2. Bibl. de Valenciennes.

3. Ordre et détail des inscriptions qui décoraient lUglise de Notre- Dami, à la suite de l'oraison funèbre, prononcée le 21 janvier 1794, < par l'abbé Levis, vicaire général de l'Escars », Valenciennes, Henrj-, 1794.

4. Archives du Nord, Q. 664.

relativement assez riche, mais il faut observer que beaucoup de ces pièces ne lui appartenaient que depuis peu : les chandeliers de l'autel, par exemple, avaient été pris aux Carmes déchaussés. L'autel lui-même était de même origine. Le 22 juin 1792 (i), les marguilliers demandent encore un autre autel ; ils désertent l'abside principale, « ayant reconnu, vu l'engorgement qui se trouve derrière le chœur, la nécessité de construire un autel dans une des croisades proche des fonts baptismaux (=). »

Il semblerait que l'écroulement du chœur est imminent. Un état de lieux dressé le i^'^ mai 1793, premier jour du siège, s'il mentionne l'état fâcheux du clocher, reste cependant muet sur ce point (3).Le bombardement n'avait pas augmenté le danger puisqu'au service de Louis XVI on ne craignit pas de réunir une foule nombreuse, 5000 personnes environ, et l'autel conservait sa place habituelle.

Après la reprise de la ville, Notre-Dame fut transformée en magasin à fourrages. Le 21 octobre 1794, on y avait vendu pour 32,000 1. de mobilier et l'opération se renouvela le 12 mars 1796 (••). Désormais il ne restait plus à vendre que les murs. L'administration de la guerre ayant remis à l'autorité civile un bâtiment qu'elle jugeait trop onéreux (5), le directeur des domaines du département du Nord demanda aussitôt à son subordonné de Valenciennes quel parti il convenait de prendre au sujet de Notre- Dame. L'avis de ce dernier fut d'en faire l'esti- mation, puis de la mettre en vente C^). En con- séquence, l'édifice, « bâti de pierre blanche, bleue, et briques, avec son terrain et cimetière >, le tout évalué à la somme de 40,000 1., fut adjugé et vendu le 18 mai 1798 (7). L'administration affirmait « qu'il est intéressant pour la répu- blique d'en faire incessamment la vente afin de prévenir son dépérissement total et les accidents

1. Archives du Nord, Q. 650.

2. Archives de Valenciennes, Q. ', 254.

3. Archives du Nord, Q. 667.

4. 22 ventôse, an IV.

5. L'église de la Chaussée, également un magasin à fourrages, venait de s'écrouler ; c'est probablement ce fait qui amena la rétro- cession de Notre-Dame.

6. Correspondance publiée par M. le chanoine Cappliez, Les madones de Valenciennes, p. 98.

7. Procès-verbal d'estimation par Proux, expert, et Verdavainne, commissaire du directoire. Arch. du Nord. Q. gar, 1236

252

îRebite lie V^vt cbrctien.

fâcheux que pourrait occasionner son écroule- ment ('). La démolition fut donc un remède pré- ventif; Hécart, secrétaire de la mairie, remarquait que la ville de Valenciennes, même si la démoli- tion n'avait pas eu lieu, eût été dans l'impossibi- lité de subvenir aux quelques milliers de francs nécessaires pour l'entretien annuel (^). L'église aurait-elle été susceptible d'être entretenue et conservée? La collégiale de Saint-Quentin, le transept de Noyon et bien d'autres ont montré, depuis lors, que les monuments les plus atteints de vieillesse ont parfois la vie dure et la force d'attendre patiemment une restauration, urgente depuis de longues années. Si l'aliénation avait pu être différée, comme on le tenta, sans succès d'ailleurs, pour les cathédrales voisines de Cam-

1. Lettre du directeur des domaines aux administrateurs du département, 1798, 4 avril. Arch. du Nord. Q. gar. 1236.

2. Afémoire à la Société des Anliquaira de France. Bibl. de l'auteur.

brai et d'Arras, vendues deux ans plus tôt, le Concordat nous aurait conservé sans doute ces trois monuments si importants. Quoi qu'il en soit, Valenciennes, épuisée par les sièges, ne protesta point et l'acquéreur put disposer à son gré de Notre-Dame-la-Grande. Il la démolit partielle- ment et sans aucune hâte : Hécart constatait en 18 10 qu'il ne s'empressait pas d'abattre le reste ni de déblayer. En 181 1, on y travaillait : vers le 1 5 novembre on découvrit l'inscription reproduite plus haut. En 1816, la déinolition « n'est pas encore entièrement terminée ('). Il y a quelques années, des colonnettes, des ar- cades subsistaient, dit-on, sur cet emplacement. Il ne s'y voit plus aujourd'hui que deux pans de murs insignifiants.

L. Serbat.

I. Bibl. de Douai, ms. 911, notes de l'avocat Debavay.

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Jic spmbolisme Ou rpmpan De Vc5Clap.

j^^^^ANS l'article qui suit M. L. E. Le- fèvTe éclaire certains points de l'iconographie, fort discutée, du fameux portail de l'abbatiale de Vézelay. On se souvient de l'intéressant article qui y a été consacré dans nos co- lonnes par M. Ci. Sanoner (') et l'on pourra constater l'accord des deux archéologues sur l'interprétation du linteau.

L. C.

Depuis longtemps, le portail de Vézelay (') rivalise de célébrité avec les plus magnifiques monuments du XII<^ siècle, son époque. Dès 1835, Prosper Mérimée en faisait une description com- plète (?). Des images répètent continuellement à nos regards amusés ses fantaisies sculpturales. Une superbe reproduction en plâtre, au musée du Trocadéro, a achevé de le bien faire connaître à tous. Et pourtant un certain dépit doit naître de ne pas comprendre la pensée cachée de ce que l'on admire le plus en lui.

Du monument dans son ensemble Viollet-le- Duc a dit : « Il faut reconnaître que toutes les portes romanes pâlissent à côté de cette page conçue d'une façon tout à fait magistrale. » Évi- demment, malgré ses naïvetés, c'est une œuvre savante et point trop primitive. C'est vers 11 50 que nous plaçons le moment de son érection.

Que dit donc l'histoire ? Accepte-t-elle cette date.' Depuis 1106, l'abbaye de Vézelay a soutenu des luttes terribles contre les habitants de la ville mécontents : un jour ceux-ci, dans leur fureur, massacrèrent plusieurs moines et l'abbé lui-même qui, en sa qualité de seigneur

1. V. Revue de l'Art chrétien^ année 1904, p, 448 et suivantes.

2. Nous voulons parler, bien entendu, du portail principal qui se trouve dans le narthex et donne accès dans la nef de l'église.

3. jXoles d'un voyage dan$ le Midi de la Fiance, 1835, p. 32 et notes

féodal, exigeait, dit-on, des impôts trop lourds. Cependant, entre 1145 et 11 50, l'abbaye semble avoir joui d'un peu de quiétude du côté des Vézéliens. Nous trouvons la preuve d'un apaise- ment momentané dans l'assemblée extraordi- naire qui prit place à Vézelay en 1 147. Saint Bernard y prêcha la seconde croisade devant les foules accourues à son appel. Ce fut certaine- ment un des plus grands événements du XIT« siècle. Pour commémorer ces inoubliables jour- nées, Pons, abbé de Vézelay, bâtit, oij s'était tenue l'assemblée, une église dédiée à la Sainte Croix, et ^la tribune du haut de laquelle saint Bernard avait prêché, y resta exposée à la véné- ration des fidèles jusqu'à l'année 1789 » {}).

Tout de suite après la manifestation grandiose l'abbaye trouva l'heure de calme et de prospérité propice à des travaux, et en particulier à la cons- truction des trois portails du narthex dont celui qui nous occupe. Le moment de tranquillité fut très court : dès 11 54, les hostilités étaient repri- ses, car, en 1155, Louis VII vint lui-même défen- dre les moines contre la commune de Vézelay et son allié jaloux, le comte de Nevers (=).

Bref, à notre avis, tout à la fois l'histoire et le monument s'accordent pour nous désigner l'année 1 150 comme date approximative de la construc- tion du portail. Nous allons voir si, par hasard, sa donnée symbolique ne confirme pas le fait, ou si elle ne s'éclaire pas des circonstances excep- tionnelles qui auraient précédé son élaboration.

C'est dans le tympan et dans le linteau que se trouvent concentrées les principales scènes déco- ratives qui vont être l'objet de notre étude. Jusqu'ici, elles sont restées mystérieuses. Les explications hypothétiques données sur leur compte sont des intuitions, des appréciations personnelles, parfois heureuses, mais qui ne sont

1. Odo, de L-udov. VII profectione in Orientem ; Migne, Hisl. de Louis VU, p. 159-160 ; Michaud, Hist.des Croisades, éd. 1853, t. I, p. 366 ; ^ cf. Vacandard, Vie de saint Bernard, 1895, t. Il, p. 271.

2. La lutte engagée en 1155 par le roi dura jusqu'en 1 166 (C/iron. de Saint-Denis, t. III, pp. 415-416 ; cf. Zeller et Lucliaire, Les Capétiens du XII' siècle, 18S2J.

254

Bebue ïie T^rt cl)ittieîu

fondées sur aucune argumentation positive ('). Si donc nous nous risquons à aborder une fois de plus la question, c'est parce que nous pouvons offrir un raisonnement fondé sur un texte précis.

Depuis longtemps règne l'erreur générale de croire que \ Apocalypse n'a inspiré aux artistes, et principalement aux sculpteurs, que des scènes de Jugement dernier, scènes tantôt très compliquées, tantôt très simplifiées. Quoi qu'on ait dit, l'^/»^- calypse fut une source très féconde d'inspiration pour l'art. On ne s'en est pas aperçu parce que l'on a jusqu'à présent reconnu seulement les scènes interprétant surtout les derniers chapitres du livre.

Comment donc les artistes eussent-ils pu éviter d'utiliser très souvent V Apocalypse ? Comment auraient-ils pu concevoir une image de la Divi- nité dans sa gloire, pour peindre ensuite Dieu le Père ou Jésus-Christ dans le Ciel .' Seule la Révélation de saint Jean a répondu à la question d'une façon capable de satisfaire les dogmes {-).

Il ne faut donc pas s'étonner si, dans YApoca- lypse, nous avons trouvé l'explication du mystère qui enveloppait le tympan de Vézelay.

Rappelons brièvement le sujet de \ Apocalypse. Jésus-Christ apparaît. Il charge saint Jean de transmettre ses paroles à son Église, ou plutôt à sept fractions de celle-ci. Chaque fraction consti- tue une petite Église désignée par le nom d'une des sept provinces d'Asie dans laquelle elle est confinée. Donc Jésus-Christ avertit l'une après l'autre les sept Églises : il leur apprend leur devoir. Voilà le sujet des trois premiers chapitres qui nous concernent particulièrement.

Or, au centre du tympan est le Christ entouré de ses douze Apôtres. C'est comme toujours une Glorification du Sauveur : toutefois elle est assez originale, et il s'y joint une idée symbolique particulière.

1. Voir: VioUet-Ie-Duc, Dicl. rais. d'arcA.,t. IX, p. 317; G. Sanoner, ofi. cil. Pierre Meunier, lconoi;raphie de l'église de Vizelay, Avallon, 1876; Henry Havard, LUglisc abbatiale de la Madeleine de Vézelay. l.a France artistique et moninnenlale, t. IV ; M. Doumic, Le tympan de Vézelay, Paris, H. Laurens ; E. Mâle, L'Art religieux au XIJ h siècle, p. 77.

2. Le 16 juin dernier, .lu Congrès des Sociétés savantes de Seine- et-Oise réuni à Rambouillet, nous avons fait une communication dont le sujet est intimement lié à celui dont nous venons d'ex- poser ici le principe ; î^ Portail d'Éiampes et les Jausses images d Ascension au XII' sitcle.

Des rayons, s'échappant des deux index du Christ, vont sanctifier les Apôtres de son Esprit, de sa doctrine, et peut-être aussi de sa Volonté, Cette scène se comprend facilement même sans texte ; nous ne croyons pas qu'elle ait jamais beaucoup inquiété les archéologues.

Cependant, le rôle qu'y joue le Christ, Fils de l'Homme, parlant à l'Église par l'entremise de ses Apôtres nous paraît affirmé, précisé par certains passages des chapitres II et III de V Apocalypse- C'est bien « l'Esprit qui parle aux Églises. »

Autour du groupe principal, le tympan, for- mant une sorte de fausse archivolte, est divisé en neuf compartiments, mais renfermant seule- ment huit petites scènes, puisque le comparti- ment central est occupé par la tète du Christ. Les scènes sont toutes parfaitement distinctes les unes des autres. Toutefois plusieurs petits personnages, soit en collant leur oreille contre la paroi de la chambre qui les enferme du côté du Christ et des Apôtres, soit par leur allure, indi- quent bien clairement qu'un rapport lie la grande scène principale aux scènes secondaires.

En outre, le premier compartiment, en bas, à la droite ('), est occupé par deux Apôtres ou deux personnages au moins d'égale sainteté à celle des Apôtres, car ils ont tous les deux les pieds nus. Le cas étant tout différent pour les personnages des autres compartiments, nous en avons conclu que la première scène devait être considérée à part.

Il reste donc sept compartiments : on va voir que les personnages de chacun d'eux s'identifient successivement et en ordre parfait aux tableaux des différents caractères des sept Églises dont il est presque uniquement question dans les trois premiers chapitres de V Apocalypse.

D'abord voici ce qu'on trouve dans le texte : «... Je fus ravi en esprit et j'entendis derrière moi une voix éclatante ...qui disait : « Écris dans un « livre ce que tu vois, et l'envoie aux sept « Églises qui sont en Asie»... Je me tournai... et... je vis... quelqu'un qui ressemblait au Fils de l'Homme, vêtu d'une longue robe et ceint sur les mamelles d'une ceinture d'or... » (Ch. I, V. 10 à 14 )

I. Il s'agit de la droite dans le sens objectif.

£@élangeô.

255

256

3Rel)ue De r^rt cf)rct(ea.

Nous proposons donc de reconnaître dans les deux scribes du premier compartiment (en bas, à gauche) le Maître et le disciple, c'est-à-dire saint Jean, petit, écoutant le l'^ils de l'Homme, plus grand et portant réellement une ceinture sur la poitrine. Le premier écrit aux sept Églises ce que l'Esprit lui dicte: les raisons du blâme et des louanges.

Puis viennent successivement les tableaux des sept Eglises. Les avertissements à leur adresse ne sont pas toujours exprimés en de vives images: des exhortations n'offrent pas au talent de l'artiste une matière bien facile à traduire ; et, en conséquence, nous pouvons l'avouer, il y a des compartiments les scènes n'expriment pas une idée bien nette. Tel est le cas du premier.

« Écris à l'ange de l'Église d'Ephèse ». com- mence le chapitre II. Mais l'Eglise d'Éphèse (deuxième compartiment, au-dessus des scribes) est juste et méritante ; l'un de ses enfants appré- cie certainement les paroles de l'Esprit qui parle dans le tympan et semble recommander à un second personnage d'écouter. (Ch. II, v. i à 7 )

Il est ensuite question de l'Église de Smyrne (troisième compartiment, à gauche). Elle est dans l'affliction et la pauvreté ; elle souffre. Nous le voyons en effet par ses fidèles à moitié nus, se montrant les uns aux autres les maux dont ils sont accablés. (Ch. Il, v. 8 à 11.)

L'Église de Pergame (quatrième comparti- ment à gauche) a du bon. Elle habite Satan habite, mais Antipas a su souffrir la mort. En effet deux démons sont représentés : l'un d'eux, qui paraît être Satan, ordonne à l'autre d'égorger Antipas, avec un coutelas. Antipas s'avance vers son bourreau, mais en même temps, il s'incline vers un vieillard qui le bénit, qui lui donne l'absolution une pierre blanche », vers. 17). Le vieillard est d'une grande sainteté, car il a excep- tionnellement les pieds nus. On ne pouvait véritablement faire moins pour lui, puisque le démon avait, lui aussi, les pieds nus.

Cependant l'Église de Pergame mérite des reproches : elle souffre qu'on enseigne parmi elle la doctrine de Balaam et des Nicolaïtes. C'est pourquoi nous voyons dans l'angle gauche un fidèle ne craignant point d'entendre les mots trompeurs d'un grotesque figurant un disciple de Balaam. (Cli. n, v. 10 à 17.)

L'église de Thyatite (compartiment supérieur, à droite de la tête du Christ) a donné lieu à une très amusante caricature. Cette Église a de la foi et de la charité. Son fidèle est tellement absorbé, quand il écoute la parole divine, qu'il ne s'aperçoit pas de ce qui se passe derrière lui. «Tu permets, lui reproche l'Esprit, que Jézabel en.seigne et séduise mes serviteurs afin de les faire tomber dans la fornication. y> Avec quelle grâce comique Jézabel et le serviteur se saluent et se serrent la main ! (Ch. 11, v. 18 à 29.)

Parmi l'Église de Sardes (troisième comparti- ment, à droite, en partant du bas) il y a des justes et des mauvais. Le vieillard qui est au centre avec un grand manteau, doit être un juste, car il est dit : « Ils marcheront avec moi revêtus de blanc parce qu'ils en sont dignes. » A l'origine du portail, les vêtements du vieillard étaient très probablement peints en blanc, ce qui complétait parfaitement l'allusion. (Ch. III, v. i à 6.)

Pour l'Eglise de Philadelphie, la scène est insignifiante comme le texte. Nous croyons qu'elle fait allusion à ce verset : « Je te donnerai quelques-uns de ceux de la Synagogue de Satan, qui se disent Juifs, et ne le sont point, mais qui sont des menteurs : je les ferai venir se prosterner à tes pieds... » (Ch. III, v. 7 à 14.)

L'Esprit reproche à l'Église de Laodicée (dernier compartiment, en bas, à droite) de n'être « ni chaude, ni froide » ; elle est riche et opulente. En effet les quatre personnages sont luxueuse- ment vêtus à l'orientale avec des broderies sur toutes les coutures (»). Ils sont parfaitement indif- férents à la voix divine, sauf un personnage qui applique consciencieusement son oreille contre la cloison. Lui seul tient compte de l'objurgation finale : « Que celui qui a des oreilles écoute ce que l'Esprit dit aux Églises.»

C'est par cette phrase sacramentelle répétée sept fois que se termine l'avertissement de l'Esprit à chaque Eglise : rien ne saurait mieux expliquer l'attention figurée de certains person- nages des scènes secondaires pour ce qui est supposé se dire entre les personnages delà scène principale. Enfin, faisons remarquer que les sept Églises de l'Apocalypse se trouvaient toutes en Asie, but suprême des croisés.

I. Dans nSvangile, on lit cette phrase appliquée aux Pharisiens : « /A a^randissail leurs phylaclt'ref et te !;Iorifienl dam les /rangea de leurs habits. »

5@élange0.

257

Avec le linteau, nous tombons dans l'hypo- thèse,faute de pouvoirnous appuyer sur un texte.

Toutefois la scène n'est point sans rapport avec les trois premiers chapitres de VApocalpyse. Il y a, vers le centre du linteau, deux personnages qui, par leur taille démesurée et par leurs pieds nus, se désignent tout de suite comme très saints. Jusqu'à présent, l'un d'eux fut pris pour saint Pierre, parce qu'il tient une clef. Or, dans \' Apoca- lypse, !e Fils de l'Homme dit : « J'ai les clefs de la mort et de l'enfer. » (Ch. I, v. 18.) D'autre part il est encore écrit : « Voici ce que dit le Saint et le véritable, qui a la clef de David qui ouvre, et personne ne ferme, qui ferme et per- sonne n'ouvre. » (Ch. iii, v. 7 ) Dans le texte, c'est bien Jésus-Christ (i), qui tient la clef» signe de la puissance royale à la manière de David, et souveraine en qualité de Juge.Guillaume Durand, dans la préface de son Rational des divins offices, qu'il termine en 12R4, s'écrie : « Je ne cesserai de frapper à la porte, si toutefois la clef de David daigne me l'ouvrir. » On voit par cette simple citation que le moyen âge n'avait pas laissé inaperçues les deux phrases de \' Apocalypse.

Donc, à notre avis, le personnage à haute stature.tenant une clef, est Jésus-Christ juge. Son nimbe, malheureusement détruit, nous l'aurait vraisemblablement indiqué. Une autre mutilation fâcheuse est celle du groupe qui devait primi- tivement occuper le large socle qui se trouve au-dessus du trumeau et de la tête de saint Jean-Baptiste, à gauche de la statuette que nous croyons figurer Jésus-Christ. Cette lacune rend encore beaucoup plus difficile la recherche du sujet du linteau.

Faut-il cependant exprimer une opinion ? A notre avis, il faut voir dans ce linteau une allusion à la grande croisade qui fut prêchée à Vézelay en 1147. Si, comme nous le croyons, le portail a été érigé vers II 50, quoi de surprenant dans le fait ? L'abbé Pons avait bien construit une chapelle commémorative sur la colline, pourquoi.

I. On trouve encore dans M Apocalypse : « je vis descendre du ciel lin ange qui avait la clef de l'abjine et une grande chaîne en sa main. ^ (Ch. XX, v. i.) Je constate que les deux grands person- nages du linteau ne sont pas des anges et qu'il s'agit du cha- pitre II. En aucun cas. le deuxième personnage ne saurait repré- senter sainte Madeleine, comme on l'a dit. Ce n'est même pas une femme, car il a les pieds nus. \ supposer quelqu'un, nous inclinons vers Jean I Evangéliste.

dans la sculpture d'un portail, n'aurait-il pas désiré rappeler encore d'aussi glorieux événements?

Dans le tympan, nous avons déjà cru recon- naître l'idée de diffusion de la parole de l'Esprit à ses Eglises ; dans le linteau, il peut y avoir place pour les Infidèles qu'il s'agit de conquérir. Nous venons de voir comment, avec les deux grands personnages, on peut rattacher le sujet du linteau à celui du tympan.

Donc, selon notre supposition, les figurines qui défilent sur la partie gauche du linteau représen- teraient ceux qui, par leurs dons ou par le sacrifice de leur vie, en qualité de guerriers, ont participé à la croisade. « Celui qui sera victorieux, je le ferai asseoir avec moi sur mon trône... (Ch. III, v. 21.) Je lui donnerai puissance sur les nations. Il les gouvernera avec un sceptre de fer. » (Ch. Il, V. 26-27.) Ainsi parle l'Esprit.

Les figurines de droite seraient d'abord les Infidèles susceptibles d'être convertis, et qui viennent demandera Jésus-Christ de les recevoir dans son Église ; l'un porte un bouclier rond de Sarrasin, et le premier de la procession tire Jésus- Christ par sa robe en lui remettant son glaive. Ensuite, derrière les infidèles, viennent les êtres les plus monstrueux, ceux qui ont beau avoir des oreilles, de très grandes oreilles, mais qui lit'coutent pas ce que l'Esprit dit aux Eglises (').

Nous donnons cette explication pour ce qu'elle vaut ; nous avons cru seulement qu'elle était assez bien d'accord avec le caractère religieux du XII^ siècle, et de plus qu'elle pouvait se rat- tacher un peu aux premiers chapitres de l'Apoca- lypse qui ont inspiré la donnée du tympan (2). Reconnaissons aussi que nos confrères ont ex- primé sur le linteau des idées peu différentes des nôtres.

Ajoutons que le Jean-Baptiste ornant le trumeau porte l'Agneau dans un disque. Voilà encore une image bien apocalyptique.

L. Eug. Lefèvre (d'Étampes).

1. Sur ceux qui portent des « oreilles larges comme des vans fvannosas aures) ». voir Berger de Xivrey, Traditions tiratolo- giques, Paris, 1836, p. 143 ; cf. E. Mâle, op. cit., p. 77.

2. Cette influence des chapitres i. 11 et m de \' Apoc.ilypse s,\\x l'art sculptural n'est pas absolument unique. La décoration d'un tympan A La Lande-de-Cubzac (Gironde) a été inspirée par le cha- pitre I. En outre un chapiteau du narthex de Saint-Benoît-sur- Loire fait allusion aux sept Eglises d'Asie : une inscription confirme le sujet (Voir abbé Rocher, Histoire de l'abbaye Saitit-Beiioit-sur- Loire, pi. 14, pilier B. )

258

Hebue lie rart chrétien.

Ua façanc Dc la catbéDralc De Bctpignan (Bprcnces oticntales).

USQU'AU printemps 1903, la façade de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Perpignan présentait l'aspect d'un monument inachevé, terminé pro- visoirement par un mur nu {fig. i ).

Sauf le petit porche en marbre blanc, rien n'or- nait cette grande surface grisâtre percée d'une

Fig.

Façade de la cathédrale de Perpignan (avant la restauration).

lourde fenêtre Louis XIV, et la lèpre de son en- duit craquelé se détachait chaque jour davan- tage.

Aucun travail n'y avait jamais été fait, car le projet d'une façade complète et neuve était pré- paré depuis longtemps déjà, mais n'avait pas été exécuté faute d'argent ; un événement imprévu devait en changer l'aspect.

En avril 1903, après les gelées, l'arc de la baie centrale se fendit et des morceaux d'enduit tom- bèrent tout autour. La crainte d'un accident fit dégager cette fenêtre, et tout de suite une véri- table découverte se produisit.

La baie centrale était doublée en épaisseur ; à l'extérieur une fausse fenêtre rectangulaire avec son vitrage ; à l'intérieur une baie en arc brisé avec son remplage flamboyant mutilé mais garni de vitraux modernes ; le tout se superposant tant bien que mal et donnant ainsi l'aspect d'une fa- çade gothique à l'intérieur et Louis XIV à l'ex- térieur. Un plus ample dégagement s'imposait. Un premier travail mit à jour des fragments de la baie gothique transformée, le sommet d'un grand arc de décharge et deux étroites fenêtres en plein cintre.

A la suite de ces découvertes, le 3 juillet 1903, j'adressais au Ministère une demande de dé- gagement complet qui me fut accordée, et le i*^"^ août toute la façade était nettoyée de son en- duit. La reprise du rejointement et la réfection du remplage trop mutilé durèrent jusqu'en dé- cembre 1905. Aujourd'hui la façade présente l'aspect de \a figure 2. Il nous reste à en donner la description et les transformations successives (figi'ie 3).

La cathédrale Saint-Jean-Baptiste fut com- mencée le jeudi 3 mai 1324, comme l'indiquent les deux premiers piliers de la nef:

LAPIS. PRIMUS.

QUEM. ILLUSTRISSIMUS.

UOMINfS . NOSTER . SAN'CIUS . REX . MAJO

KICHARUM. rOSUIT. IN. FUNDAMEN

TO. ISTIUS. ECCLESIE .V. KL. MA

Iill. ANNO . UOMINI : M" CCC" X.\" 1111*^

LAPIS . SECUNUUS . QUEM . RE

VERENDUS. DOMINUS. BERENGARIUS. BA

JULI . GRATIA . DEI . ELNEN

SIS. EPi.st:orus. posuit. in

EUSDAMESTO . ISTIUS. ECCLESIE. VlÛ.. MADII . ANSO

l'oMi\'i m" ne" w" lut"

Ces deux inscriptions scellées au revers même de la façade actuelle, semblent bien indiquer que la première partie de cette dernière remonte à la période qui suivit 1324.

Il y avait alors trois portes A. B. et C. Celle du milieu A, visible à l'intérieur, a été cachée par l'édicule central, les deux autres B et C. ont été murées à une date inconnue et servent de niche à deux autels. Au-dessus de ces trois portes étaient trois longues fenêtres terminées en plein cintre D, E, F ; la fenêtre centrale est encore aujourd'hui visible en D derrière le dôme de l'édicule. Les deux autres, intactes, sont sim- plement murées.

©élanges.

259

Au-dessus de la fenêtre D il devait proba- blement y avoir un oculus suivant la coutume de la région. An-dessus enfin, un grand arc de dé- charge, G, terminait la laçade et recevait inté- rieurement la retombée des voûtes.

Le monument fut long à se construire. Les guerres terribles que le petit royaume de Ma- jorque eut à soutenir tant avec les rois de France qu'avec ceux d'Aragon, ne permirent pas à la construction de ce grand monument de rapides progrès.

Après la chute du royaume, en 1 374, Perpignan eut sous les rois d'Aragon, une ère de prospérité qui fut marquée par le concile de 1408, présidé par Benoît XIII le 1" novembre. Mais l'église était loin d'être achevée.

En 141 5 (BruiaUs, A ri du Roussillon, 'p. 66), c'est le maître catalan Guillaume Sagrera qui conduit les travaux.

En 1433, un fait inexpliqué se produisit et changea le projet primitif. Galceran, évêque d'Elne, après avoir pris conseil et suivant la vo- lonté des clercs de la dite église, trouvant la pro- portion de la nef trop écrasée, l'éleva de cinq mètres sur tout son périmètre.

Les voûtes n'étaient pas alors commencées. Cette opération n'avait pas été expliquée jus- qu'ici, d'autant que le texte qui nous l'apprend (■), n'est pas de la plus grande clarté ; mais depuis que les enduits ont été retirés, presque partout, cette transformation est parfaitement visible. Ce texte montre également que les consuls et les prud- hommes de la ville s'occupaient de la construction. La pierre consacrant le souvenir de cette modi- fication semble même dire (Brutails, p. 6/, note i) que l'église fut entièrement reconstruite par eux, mais les traces laissées sur le monument mon- trent le contraire.

Cette transformation se traduisit en façade par la construction d'un pignon suivant les pentes I. H. J. de la toiture {y. fig. j), terminées par deux gargouilles qui existent encore. Au centre, un oculus K ornait l'intervalle des deux arcs.

1. BrulaWs. op. cit.. p. 67, = Apres, avtiyt de martz, l'any M. CCC. trenta et très. lo revereut Pare mosseu Calceran, bisbe d'EIna, de conseil e voluntat del clero deladita glesia edels honorables consols e prohomeus de ladita villa, muda la forma de laditagksia e la prumera pera processionalment benehita enaquella de non imposer certes indulgencies. (Arch. des Pyr. Orient. livre de la confrérie de St-Jean.)

Probablement aussi à la même époque on jugea l'éclairage des trois étroites fenêtres insuf- fisant pour une aussi vaste façade ; la baie cen- trale L fut percée, son remplage ne fut fait que postérieurement comme d'ailleurs tous les autres remplages de la nef.

Èk

Fig. z. Façade de la cathédrale de Perpignan (vue actuelle).

Si le chœur et les deux chapelles du transept furent terminés en 1460 (Brutails, op. cit., p. 66) il n'en fut pas de même de la nef.

Perpignan fut pris le 8 janvier 1463 par le duc de Nemours ; repris par le roi d'Aragon le i" janvier 1473, elle capitula de nouveau entre les mains de Louis XI le 14 mars 1475. C'est pour- quoi, les clefs des voûtes portent les armes de France, du Dauphiné et de la Bretagne (').

I. Il ne faut peut-être pas attacher à ce fait une indication cer- taine, car les clefs sont en bois, et rapportées ; elles peuvent donc avoir été mises après coup comme ornement et peut-être avoir été changées par courtisanerie, au moment del'entrée du Roi de France.

26o

3Rrbue lie rart cljrcticn.

En 148 1, le 7, 8 et 9 février, un Te Dcutu fut chanté pour le rétablissement de Louis XI malade; mais la voûte centrale ne fut achevée qu'en 1490. {Congrès arch. XXXV, p. 237.) C'est de cette époque, croyons-nous, que datait le rem- plage de la baie centrale que nous avons rétabli suivant la forme conservée par les vitraux. En '504 (Piganiol de la Force, t. XI 1 1, p. 312), la messe fut dite réijulièrement, mais la consé- cration en fut faite le mercredi 16 mai 1509, veille de l'Ascension. Depuis 1493, la ville était rentrée sous la domination espagnole.

Ce fut seulement le dimanche 9 juin 15 10 (Brulails, c/>. cit., p. 66) que le clergé prit pos-

session de l'église, qui fut alors ornée de ses prin- cipau.x retables.

En 1604, l'évéché fut transporté d'Elne à Per-

ZL.

tk"^

u

F'gr- 3- Cathédrale de Perpignan (situation en 1J24).

pignan, et l'église Saint-Jean devint ainsi cathé- drale.

En 163 1 (Vidal, Perpignan p. 298,) le petit porche M, en marbre blanc jaunâtre, fut cons- truit à propos d'une peste qui ravagea la ville.

Au-dessus un saint Jean-Baptiste en bois, d'assez bon style, s'y dresse encore, et bientôt, il n'en restera plus trace.

Louis XI II ayant pris la ville le 9 septembre 1C42, l'archevêque de Narbonne, assisté des

H^élangeg.

261

évêques d'Elne et d'Albi, chanta le Te Deuni dans le cathédrale (Vidal, p. 372). Depuis cette époque, Perpignan resta à la France.

Le 2 avril 1660, Louis XIV vint à Perpignan et y resta douze jours. Pour lui, la façade mu- tilée n'était pas assez belle, on l'éleva d'un grand mur horizontalement P Q, la chapelle de droite fut remontée en forme de tour, pour porter une horloge en O. Enfin la baie centrale, bouchée par un linteau N, prit une forme plus classique.

Sur le tout, soigneusement blanchi, quelque badigeonneur officiel fit un beau frontispice en peinture en l'honneur de celui qui devait être le grand Roi. Depuis cette date, la peinture est tombée, mais la mutilation est restée.

En 1742 (Anthyme-Saint-Paul), le clocher fut surélevé de toute la partieS, l'horloge remontée, et un carillon en fer forgé T y fut placé suivant le goût de la région.

En R un petit campanile fut placé au centre de la façade. A la suite de ces différents travaux, la base du clocher trop chargée, fléchit, et un énorme contrefort U fut construit pour en empêcher le déversement (').

Telle est la description chronologique de la façade qui se présente aujourd'hui à nos regards. Le travail que nous y avons fait n'est pas à pro- prement parler une restauration mais un simple nettoyage. Sauf la corniche supérieure P Q, qui n'a d'ailleurs pas la prétention d'imiter rien d'ancien, nous n'avons rien ajouté au monument et nous n'avons non plus rien fait disparaître.

Si les nombreux remaniements de la façade ont créé un ensemble plutôt hétéroclite, nous n'avons pas cru devoir en changer le moindre détail. Nous nous sommes simplement contentés, pour donner à l'ensemble un aspect moins misérable, d'accen- tuer les lignes principales en nettoyant à vif les briques de l'appareil, et par contre dans les re- prises et raccords nombreux, de teinter ces bri- ques en grisâtre. De loin, l'ensemble reste seul visible, mais de près, l'archéologue et l'historien pourront toujours y retrouver intacts les moindres

matériaux.

A. Mayeux, architecte diocésain.

I. Le mur du parvis était de 1845. Lesquelques inscriptions qu'il contenait ont été soigneusement conservées.

(In mausolcc Dii XIV siècle à Tournai.

-A. plus importante peut-être des indus- tries artistiques tournaisiennes à l'épo- que médiévale fut la confection des tombes. Les carrières de Tournai en approvisionnèrent de bonne heure une vaste ré- gion. J'ai fait connaître naguère l'étendue du débouché des ateliers des sculpteurs scaldisiens, qui s'étendait jusqu'en Artois et en Picardie, d'une part, en Hollande et même en Angleterre d'autre part ('). Ils produisirent une multitude de lames gravées,de bas- reliefs votifs et de tombes avec effigies en ronde bosse gisant sur cénotaphe. Nous ne nous occuperons ici que de ces dernières. Les sculpteurs wallons rivalisèrent avec les imagiers bourguignons dans l'art de tailler des mausolées, les statues couchées de personnages de distinction figuraient dans lasolennelle attitude du repos suprême (2). Elles reposaient souvent sur un massif de pierre décoré à son pourtour d'arca- tures qui abritent des figures en bas ou en haut re- lief.Les superbes statues en cuivre fondu du comte Louis de Maele et de son épouse, qu on voyait naguère dans la collégiale de Saint- Pierre à Lille, étaient aussi couchées sur un mausolée de l'espèce, en pierre bleue (3). On peut, je pense, attribuer aux ateliers de Tournai le tombeau qm' fut érigé dans l'église de Saint-Donat de Bruges à la comtesse Marguerite d'Alsace (4- 1 104), cette grande bienfaitrice de l'église Notre-Dame en l'honneur de qui ont dûétre exécutées les fresques romanes du transept de Notre-Dame de Tour- nai ("*). Les artistes tournaisiens ont taillé une série d'autres tombeaux princiers qu'on voyait

1. V. L, Cloquet. Notes sur les anciens ateliers de sculpture à Tournai et l'étendue de leur débouché, t. XXV, du Bull, de la Soc. hist. et litt. de Tournai.

2. <C Les cénotaphes de cette époque avec effigie sont aujourd'hui très rares. M. ViolIet-le-Duc n'en cite aucun exemple dans ses arti- cles sur les tombeaux romans ; le plus ancien de ceux que M, Reu- sens reproduit dans ses Éléments d' archéologie chrétienne, est celui de Mathilde de Louvain, qui remonte à 1212 ; celui de Marguerite d'Alsace, morte en 1195, ne nous a été conservé que dans un dessin avec des remaniements du XVIe siècle. Dans un manuscrit de l'ab- baye d'Anchin, enluminé au X1I<^ siècle, il y a une grande miniature consacrée à la mémoire du moine Balduinus qui présente des rap- ports avec le monument de Bruay. » {Mgr Dehaisnes, Revue de l' Art chrétien, iniïïet r894. )

3. V. Millin, Antiquités nationales. Paris au Vil, t. V, n'LIV, pi. 4.

4. V. L. Cloquet et L. Lagrange, Études de l'art de Tournai, t. I, p. 108. L. Cloquet, Revue de l' .Art chrétien, année 1885.

202

jRcbur tic rSvt fbrcticn.

dans les églises de Bruges (i), à l'abbatiale de Flines, dans le monastère de Beaumont, à 1 église des Frères Prêcheurs et à celle des Frères Mineurs de Valenciennes, etc.

Feu Mgr Dehaisnes a découvert qu'il existait à l'abbaye de Saint-Martin de Tournai un mau- solée polychrome consacré à Roger de Mortagne, seigneur d'Espierres, mort en 1277, au sculp- teur Henri de Tournai, lequel érigea un autre monument au même personnage en l'abbaye de Flines.

Le XlIIe siècle nous a laissé le remarquable cénotaphe à deux gisants de l'église de Sébourg, que j'ai restauré jadis aux frais de M. le baron de Lagrange et publié dans le Bulletin des sociétés historique et littéraire de Tournai (^) et dans \k Revue de P Art chréticni}'). C'est la

:âiffl2Maaaa^^rm].jp<iiii!t.'

Tombeau à la crypte de Saint-Bavon à Gand.

tombe de Baudouin de Henin-Liétard (4* 1274) et de son épouse Isabeau de Flandre, dite de Ilainaut.

On sait que la cathédrale de Tournai possédait autrefois quantité de mausolées, entre autres celui de l'évéque Walter de Marvis (une statue en pierre couchée sur une table de cuivre), celle de son successeur Walter de Croix, et celle du comte Ernest de Werchin, mort en 1360. Des tombeaux de membres de la famille de Lalaing ont été posés au commencement du XIII« siècle dans l'abbaye des Prés de la même ville.

On possède quelques monuments funéraires de l'Ecole de Tournai remontant au XV' siècle. Citons le mausolée en marbre noir d'un chevalier de la famille de Tenremonde, avec gisant, con-

servé à l'église de Bachy (Nord), et le cénotaphe, malheureusement dépouillé de sa statue couchée, de Marguerite de Ghistelle (►!< 1430) qu'on voit à la crypte de Saint-Bavon à Gand. De toute beauté était le mausolée reproduit par Millin ('), de Hugues de Lannoy (^ 1461) placé dans la collégiale de Saint-Pierre à Lille. On peut l'attri- buer aux mêmes artistes, de même que le tombeau de Vallerand des Aubaux gravé dans le même ouvrage, et la statue couchée de Baudouin, sei- gneur de Croix {*{* 15 13), qui gisait aux Récol- lets de Lille.

On voyait naguère dans la belle collégiale d'Antoing, malheureusement rasée, une série de monuments funéraires remarquables, parmi les- quels celui de Jehan de Mélun {*b 1484) et de ses deux épouses Jeanne de Luxembourg et Jeanne d'Abbeville, encore conservé au château du prince de Ligne ; il porte la signature de Kely ; il offre une ressemblance frappante avec une tombe pro- venant des Cordeliers d'Abbeville, conservée au musée d'Amiens et consacrée à un de Boubers, seigneur d'Abbeville, et parent de Jeanne, la se- conde épouse du précédent.

Tels sont, parmi les nombreux restes de l'art funéraire tournaisien du moyen âge, les monu- ments connus à effigies en ronde bosse. On remar- quera que le XI V siècle n'y est guère représenté.

Nous savons toutefois qu'en 1323 Jehan Aloul, marbrier de Tournai, fournissait une tombe à Mahaut d'Artois (-) et le manuscrit de Succa a fourni à feu Dehaisnes un croquis du tombeau de la comtesse Mahaut érigé au couvent de la Thieulaye, qui paraît pouvoir être attribué à J. Aloul : celui-ci sculpta le mausolée de l'évéque Thierr)' d'I lirecon. C'est en 133S que Guil- laume du Gardin, de Tournai, reçut la commande d'un mausolée de la famille de Dame Béatrix de Louvain, à placer dans l'église des Parères Mineurs de Bruxelles (Grand-Bigard) (3). Le même artiste exécuta en pierre d'Antoing, et peignit à l'huile le tombeau de Pierre de Wat- tripont, qu'il achevait en 1354.

Tels sont les principaux renseignements à notre connaissance sur les mausolées sortis des

1. V. Étiidei sur l'art à Tournai.

2. T. XXm, p. 347.

3. Année 1895, p. 81.

1. Ohv. cité, t. V, 1,1V, p. 42.

2. V. J. M. Richard. Mahaut, comtessi d^ Artois.

3. V. Pinchart, Bull, de l'Acad. des Sciences cl des Arts, 31'^ an née, 3" série, t. IV.

Mélanges.

263

ateliers tournaisiens, et en particulier sur ceux de l'époque à laquelle appartient l'intéressant tombeau, qui a été récemment découvert à l'église Saint- Quentin à Tournai, ainsi que nous l'annon- cions dans la dernière livraison de la Revue de l' Art (hrétien ('). Nous en donnons aujourd'hui une reproduction.

Le mausolée de Jacques Kastangues fut exécuté vers l'année 1327, date du décès de ce bourgeois, probablement riche, qui obtint pour son mausolée dans la belle église de Saint-Quen- tin, une place d'honneur. Il a été placé au fond de l'absidiole comprise dans l'angle qu'on peut indiquer par la direction S. O., sur le plan ci-joint

Mausolée récemment découvert à l'église de Saint-Quentin à Tournai.

de l'église (voir page suhmnte), telle qu'elle exis- tait à l'époque; mais il faut ajouter que cette église n'est pas orientée, et que, au XV'' siècle, elle a été augmentée d'un ambulacre autour du chœur.

Ce monument est remarquable par les décors

I. Ann. 1906, p. 212.

du cénotaphe, caractéristiques du genre flamingo- bourguignon, consistant en des personnages abrités sous les arcatures de la face antérieure ; il l'est encore par la richesse de la moulure en larmier, fleuronnée et joliment redentée, qui en- cadre Yarcosolium sous lequel le monument est abrité. Le gisant ne manque pas de caractère; malheureusement il a été décapité par les Ico-

204

ISitWt De r^tt ff)tétten,

noclastes huguenots, qui, pour gâter irrémédia- blement et lestement la multitude des belles sculptures auxquelles s'attaquait leur rage infer- nale, avaient imaginé ce procédé sommaire, d'abattre systématiquement les têtes. Le défunt,

Plan de l'église Saint- Quentin à Tournai.

couché sous un dais dans l'attitude ordinaire, pose les pieds sur un chien. Le fond de l'arcade était probablement occcupé par une sculpture, qui n'a laissé aucune trace (').

La plupart des mausolées de l'époque étaient

Tombeau a l'abbaye de Canibron,

Sombcau OoLfttbutjt Df (ÎLambron

sans doute ainsi abrités sous des arcades, prises aux dépens des murs des églises, de manière à ne

I. D'après les renseignemcnls qu'a bien voulu me fournir M. le D' Desnions, on a peint à freaijue sur le fond de l'arcosoii/im, après le rétablissement du culte, une vierge pour conserver le souvenir de celle qui préexislait et que les Gueux avaient détruite. On garde une statuette de la Vierge en bois, qui reproduit la taille, le geste, l'atti-

pas encombrer le lieu saint. On voit à l'église de Saint- Piat un enfeu sans ornement, qui abritait

tude de la fresque ; elle aura été faite pour remplacer la fresque sur une pcl! le console surajoutée au fond de l'arcade; c'est un travail du comnicncenienl du XVII' siècle. M. Desnions prépaie une monographie de l'intéressanle église de Sainttjuentin.

£0élanges.

265

sous un arc surbaissé l'effigie en cuivre de Marc Vilain, le prévôt du XV^ siècle, le fondateur de cette curieuse institution d'un chaiijfoir à charbon pour les pauvres qui assistaient aux offices.

Il n'existe pas à notre connaissance, en Tour- naisis, d'autres enfeus conservés, et celui de Saint-Quentin, d'une élégante architecture, est certainement un des deux plus beaux morceaux du genre en Belgique ; il est à placer à côté du bel arcosoliitin qui, à l'abbaye de Villers, abritait le tombeau du bienheureux Gobert d'Aspremont.

On en voyait un, non moins riche, mais du X V'= siècle, abritant la sépulture d'un autre Jehan de Melnn et de son épouse à l'église d'Antoing. La table du cénotaphe ne portait qu'une croix in- crustée en cuivre, et la devanture, huit armoiries avec devises. Mais le larmier fleuronné était d'une grande richesse et l'intrados figurait une jolie voûte nervée, à liernes et tiercerons. L'enfeu était orné de belles sculptures, en partie conser- vées au château du piit)ce de Ligne et d'un riche panneau d'armoiries; aux parois latérales vers les pieds étaient deux personnages sculptés, et

vers la tête, un bas-relief qui probablement repré- sentait le Jugement dernier (').

Dans la région nous ne connaissons d'autres en- feus que les trois qui abritent de remarquables tombeaux dans les ruines de l'abbatiale de Cambron. Les arcades sont surbaissées, sans décor; les gisants ont disparu, mais les céno- taphes, ornés d'arcades qui abritaient des figures, sont riches de décor. A la tête des défunts figu- rent des bas-reliefs élégants. Dans l'un d'eux l'on voit, entre deux anges, Abraham recevant l'âme du défunt dans son giron. Dans le second, il y a, du même côté, une charmante figuration de l'âme élevée au ciel par les anges, et aux pieds, un calvaire. Nous donnons du premier une repro- duction d'après une ancienne photographie prise en voyage et du second, une réduction d'un dessin de M. Ch. Vasseur. Nos vignettes peuvent avoir quelque intérêt, ces monuments abandonnés étant, chose souverainement déplorable, exposés d'un jour à l'autre à la ruine définitive.

L. Cloquet.

I. Voir le croquis de ce curieux monument dans nos Études sjir l'art à Tournait t. I, p. 113.

REVUK DE l'art CMRÂTISN. 1906. 4*"*^ LIVRAISON

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France.

HrcaDc carlouingicme.

ANS la livraison de janvier, p. 31, nous avons donné comme spécimen d'arca- de carlovingienne un fragment de l'arc moyen de l'église de Saint-Phili- bert de Grandlieu, d'après un ancien croquis de voyage d'un confrère. Monsieur L. Maître a eu

Église deJSaint-Philibert de Grandlieu Vue intérieure.

l'amabilité de nous envoyer à ce sujet une photo- graphie de l'arc en question, accompagnée d'une note que nous sommes heureux de pouvoir reproduire et dont nous le remercions. Nous devons ajouter que le tailloir actuel, avec toute la colonne, parait être le résultat d'une restauration récente, tandis que notre croquis indique sur l'arc

une imposte en doucine dont l'exactitude peut être contestée, mais dont la forme est vraisem- blable.

L. C.

Monsieur,

Nantes, 28 avril 1906.

Dans la première livraison de \A>I chrétien de l'année courante, vous avez figuré, p. 3 1, une atcade de l'église de Saint-Philibert de Grandlieu d'après des renseignements inexacts. On ne vous a donné qu'une partie du tailloir et rien de la colonne qui accompagnait le pied droit. Nous avons retrouvé dans les fouilles une base qui a permis à M.Lisch de reconstituer l'arcade telle qu'elle était au IX" siècle.Jevous envoie une photographie qui vous montrera bien la structure de notre monument. En publiant une rectification, vous jugerez peut-être opportun de repro- duire la photographie ci-jointe du sanctuaire de cet édifice.

Agréez, etc. Léon iMaitre.

Belgique.

Monsieur le professeur de Ceuleiieer, de l'Uni- versité de Gand, nous adresse l'intéressante com- mimication suivante :

Gand, le J 5 mai lyo6.

Monsieur le Directeur,

M. Gerspach a publié, dans la lieviie de l Art chrétien de 1905, p. 345, la note suivante :

i. Mexico. La chapelle de Tzintzuntzano f^/f j, « dépendance d'une ancienne mission espagnole, « possède un tableau de Titien, X Ensevelissement « de Jésus Christ ; il est interdit de le phologra- <,< phier.Le bruit a couru que la peinture avait été « volée, il n'en est rien ; le tableau est toujours <L en place. »

.'\yant pu examiner le tableau en 1887, je suis à même de donner à ce sujet quelques indi- cations plus précises, qui pourront intéresser les lecteurs de la Revue. Tzintzunzan, ancienne capitale du royaume de Michoacan et lieu de résidence du malheureux Caltzontzin, la victime du cruel Guzman,est située aux bords du beau lac de Patzcuaro. Son nom signifie, en tarasque,

CorrejSpontiance.

267

lieu riche en colibris : aussi était-ce jadis le centre des travaux en plumes, le grand art et en même temps le grand luxe des anciens Mexi- cains. On lui accorde, lors de la conquête, une population de 40,000 habitants, alors qu'ac- tuellement ce n'est plus qu'un pauvre village de 1900 indiens. Les Franciscains en furent les premiers apôtres; et Tzintzuntzan devint le siège du premier évêché établi au Alichoacan. Dès 1540 l'évéché fut transféré à Patzcuaro. Selon la tradition, le tableau de Titien fut un don fait par Charles-Quint à l'évêque Quiroga. On croit même reconnaître le portrait du prince dans le dernier personnage peint du côté droit de la toile. Malgré la mauvaise exposition, le tableau se trouve dans la sacristie de l'église San- Francisco, sacristie très obscure et qui n'est éclairée que par une seule petite fenêtre, on peut cependant se rendre assez bien compte de l'importance de l'œuvre du maître vénitien. Le corps du Sauveur est couché à terre entouré de la sainte Vierge, de saint Jean et de Marie Madeleine. Deux groupes, composés en tout de sept personnages, représentés en grandeur natu- relle, entourent la scène principale et concourent par leur pose et leur expression à la grandiose impression de l'ensemble.La couronne d'épines et les clous du Crucifiement gisent aux pieds du Christ. Une douleur calme, profonde mais résignée est empreinte sur tous les visages : celle de Marie Madeleine est surtout d'un effet saisissant. Le coloris est mat ; l'opposition entre la carnation vivante des divers personnages et celle du corps du Christ est traitée avec une tona- lité parfaite. Un splendide paysage vient animer le fond de cette œuvre magistrale. Ce tableau est un des plus grands qui ait été peints par Titien. Il mesure 4'",40 sur 2"\8o. Il n'est pas défendu de le photographier, comme le dit M. Gerspach ; mais, vu l'obscurité de la sacristie, il est impossible d'en prendre une photographie, à moins d'employer la lumière oxydrique : ce qui serait quasi-impossible dans nn endroit d'un

accès aussi difficile que l'est le village de Tzint- zuntzan. Adolfde Ceuleneer.

Nous recevons la lettre suivante de M. l'archi- tecte Mortier, à propos du compte rendu que nous avons donné du Guide de Gand.

Gand, le 13 juin IQ06.

Mon cher Confrère,

La 3'' livraison de la Revue de F Art chrétien, que je viens de recevoir, contient une appréciation fort juste sur le Guide illztstré de Gand.

La description de la belle église Saint-Nicolas, entre autres, est en effet assez terne et ne fait pas suffisamment ressortir le mérite arcliitectonique de l'important édifice. L'auteur de l'article se borne d'ailleurs à reproduire des notes de Schayes, écrites il y a plus d'un demi-siècle, et de H. Hymans, qui sont incomplètes ou erronées, bien qu'elles émanent de deux archéologues distingués.

Vous dites {Revue de l'Art chrclioi, 3' liv., 5= série, t. II, p. 206) qu'on aurait pu noter que la haute fenêtre de la grande façade rappelle l'ancien berceau lambrissé de la nef. Ceci me fait supposer que vous croyez comme tout le monde du reste, car je suis, paraît-il, encore seul de mon avis, qu'il existait primitivement dans la nef centrale une voûte en bardeaux. Le projet de Van Assche comprend, il est vrai, la démolition de la voijte actuelle en pieire et son remplacement par une voûte lam- brissée, et Siffer, dans son étude sur VÉglise Saint- Nicolas (Gand, 1899), écrit, p. 21 : « Za voûte de bois lam- brissé a été remplacée par une voûte en pierre. L'élévation orii^inelle de la voûte en bardeaux se constate parfaite- ment â l'écart qui existe entre la voûte actuelle et la péné- tration de l'ogive de la grande baie qui S7tr monte le porche. > Aussi un archéologue gantois a-t-il proposé d'exhausser la toiture afin de mieux la faire correspondre aux rampants du pignon et de faciliter le dégagement de la grande fenêtre. Dans un rapport (24 juin 1901, 3234), j'ai combattu la manière de voir de l'architecte restau- rateur : la voûte en pierre existante n'est pas contempo- raine des murs gouttereaux, certes, mais la charpente ne comporte pas de berceau lambrissé ; or, à mon avis, la partie essentielle de cette charpente appartient à l'époque des murs gouttereaux et ceux-ci sont antérieurs, de plus d'un siècle, au pignon de la façade qui semble avoir été reconstruite à partir de la galerie du portail.

Votre dévoué, St Mortier.

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im^m Trabau): ïies JSociétcs sabautes, imim

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Académie des Inscriptions et Belles- Lettres. S/ance du jj mars iço6. M. de Morgan met l'Académie au courant des travaux archéologiques qu'il a exécutés depuis son retour en Perse.

Sur le bord du Teil, il a trouvé une sépulture achéménide renfermée dans une cuve de bronze analogue à celle qui figure au Louvre. Cette cuve ne renfermait, en dehors du squelette d'une jeune fille, que deux peignes d'ivoire sculpté et in- crusté d'or.

Plus loin les ouvriers ont rencontré une énor- me stèle de grès, couverte sur ses deux faces d'une longue inscription anzanite en deux co- lonnes. Cette pierre a été brûlée dans l'incendie de Suse, tout comme l'avait été la stèle de Na- ramsin.

M. E. Pottier donne lecture, au nom de M. Paris, d'une note sur le trésor de Jevea (Es- pagne).

Il se compose d'un bandeau, de colliers et de pendeloques en or qui offrent des comparaisons intéressantes à faire avec les parures que portent les statues de femmes trouvées au Cerro de los Santos. M. Paris croit à une fabrication due à des artistes grecs.

Séayice du jo viais. M. Héron de Villefosse communique, de la part du docteur Carton, l'em- preinte d'un plomb de bulle trouvé à Carthage et portant le nom d'un évêque de Carthage au septième siècle, Fortunius.

Il signale ensuite unecurieuseinscription latine découverte par le P. Delattre sur le bord du lac de Tunis et indiquant les tarifs de péage sur ce point. La monnaie indiquée dans ce document par l'abréviation FL paraît être /(^//zV, petite mon- naie de bronze en usage dès le III<= siècle de no- tre ère.

M. Ph. Berger communique une inscription, éga- lement découverte par le P. Delattre. Tracée en caractères très fins sur le rebord d'une corniche en pierre, elle mentionne la dédicace d'un autel au dieu Sadrafa, dans lequel M. Clermont-Gan- neau a reconnu le dieu Satrapes, qui est figuré sur des monuments syriiques et grecs, mais dont le culte à Carthage était encore ignoré.

M. Senart met sous les yeux de ses con- frères un certain nombre de plans, de photo- graphies et d'esquisses très remarquablement exécutés, que M. Dufour a rapportés de son voyage d'exploration du palais d'Angkor-Tom

(Cambodge) et des travaux qu'il y a effectués en 1904.

M. l'abbé Chabo^t lit une note sur une mosaï- que découverte à Edesse en 1901. Elle décorait un tombeau daté de la fin du II siècle et représente le propriétaire de ce tombeau et cinq personnages de sa famille. Elle est accompagnée d'inscriptions syriaques intéressantes pour l'ono- mastique araméenne et pour l'histoire de l'écri- ture syriaque. M. l'abbé Chabot les interprète et les commente longuement.

Séance du 7 avril. Le P. Delattre, corres- pondant de l'Académie, écrit que, sur le désir qui lui a été exprimé par MM. Ileron de Ville- fosse et HomoUe, il consent à céder au musée du Louvre deux des sarcophages anthropoides qui ont été exhumés par lui des nécropoles de Carthage, et qui étaient conservés depuis au musée Lavigerie de Saint-Louis de Carthage.

L'un de ces sarcophages représe4ite un prêtre carthaginois, un rab, portant une longue barbe et revêtu de ses habits sacerdotaux ; l'autre offre la figure d'une jeune femme drapée, probablement une prêtresse, qui soulève son voile avec grâce et qui semble copiée sur une stèle grecque du VP siècle.

Séance du 11 avi il. M. de Méiy fait une communication sur le retable de Houlbon (Ta- rascon), offert au Louvre par le comité de l'expo- sition des Primitifs français.

Jusqu'ici on ne savait rien sur l'auteur de cette belle peinture du XV* siècle ni sur les con- ditions dans lesquelles l'œuvre avait été exé- cutée.

M. de Mély a découvert à Aix-en- Provence une miniature signée Chugoinot tXnox^ Ilugoniet, comme on l'avait cru à tort jusqu'ici. Elle porte les armoiries du pape Nicolas V, ce qui permet d'en faire remonter la date entre les années 1447 à 1455; sur la bordure, on voit une petite ci- gogne, comme dans le retable de oulbon. M. de Mély établit que les deux œuvres doivent être attribuées au même artiste, Cluigoinot, dont le nom, en vieux français, signifie « petite cigogne».

M. Héron de Villefosse annonce à l'Académie que M. le commandant Guénin.supérienrdu cercle de Tébessa, a découvert, le mois dernier, ime basi- lique située sur le bord d'un mamelon appelé Rouis, dans la partie Ouest du Pahiret el Arneb, à 25 kilomètres environ deTébessa. Ce qui donne un intérêt particulier à cette découverte, c'est la

Cratjaujc îieô ^ociétc0 Qâ\)mtts.

269

présence dans cette basilique d'une inscription mentionnant plusieurs martyrs africains.

Une inscription mentionne trois jeunes fem- mes martyrisées à Thiburbo le 30 juillet 304: Maxima, Donatilla et Seconda, ainsi que Vincen- tius et Crispine martyrisés à Theveste le 5 dé- cembre de la même année, et enfin, le nom de l'évéque de Theveste, Faustinus. Cette inscrip- tion est de l'époque byzantine.

Séance du 20 avril. M. Caynat fait une communication sur les trouvailles archéologiques de M. le général de Torcy dans la province de Constantine.

St'aïue du 2j avril. M. Collignon donne lecture d'une note de M. Mendel sur des fouilles exécutées l'an dernier à Aphrodisias, par M. Gaudin. Elles ont porté principalement sur l'emplacement des Thermes qui, avec le temple d'Aphrodite et le stade, constituent les ruines les plus importantes de la cité.

Séance du ./ mai. M. A. Blanchet fait une communication sur les villes romaines de la Gaule, aux \" et IV siècles de notre ère.

M. Fécamp signale à l'Académie un exem- plaire d'une ancienne édition gothique, sans date, des Chroniques de Gargantua. M. Omont, dans la notice qu'il consacre à ce document, pense que c'est probablement l'unique exemplaire actuellement connu de la première édition pari- sienne de ces chroniques, imprimée en 1533.

M. F. de Mély présente à l'Académie une tête de marbre de Paros, qui a été trouvée à Rome au cours de fouilles faites en 1S70, et qui est de l'exécution la plus précieuse. C'est une des répliques les plus belles du Cupidon de Lysippe.

Séance du 11 mai. M. E. Pottier lit un fragment de son catalogue des vases du Louvre.

Le P. L. Cheïkho a publié récemment dans ^/ Machriq, revue orientale bimensuelle qui parait à Beyrouth, « le texte arabe de trois traités grecs perdus sur les orgues».

Ces trois opuscules qui.paraît-iljoffrent un réel intérêt pour les facteurs d'orgues, portent les titres suivants, traduits de l'arabe :

< i" Construction de l'instrument qu'a choisi Mauristos, instrument dont le son se propage à soixante milles : confection de l'orgue qui réunit tous les sons; description du djouljou (carillon) qui, mis en mouvement, produit des sons divers, tour à tour émouvants et allègres».

Dans quel pays et vers quelle époque a vécu ce Mauristos, qui est appelé aussi, suivant d'au- tres sources, Myrtos ? M. Hartwig Derenbourg

répond à ces questions dans une monographie très complète et très détaillée qu'il oflfre à l'Aca- démie. Dans le Firhist-al Oulomn, page 314, Myrtos est appelé Ar Roumi, «le Grec », ou plutôt « le Byzantin ». C'était un médecin grec, mathématicien et artiste.

Or, dans le premier opuscule, l'auteur parle d'un orgue en cuivre destiné au roi des Francs, et le P. Cheïkho annote : « Nous ne savons rien du roi des Francs mentionné ici. » M. Derenbourg croit pouvoir affirmer qu'il s'agit de Pépin le Bref, auquel l'empereur Constantin V Copro- nyme fît présent, en 757, d'un orgue construit probablement dans la région de Byzance, sa capitale. Cet orgue, le premier qu'on ait vu en France, fut apporté à Compiègne, d'après les Annales Einhardi : « Constantinus imperator misit Pippino régi multa mimera, inter quœ et organunt, quœ ad eum in Compendio villa pervene- runt, etc. ^

M. E. Lefèvre-Pontalis communique une étude sur le style architectural des châteaux espagnols de Loarre, de Médina del Campo et de Cara.

Séance du iS mai. M. E. Châtelain com- munique des fragments de divers imprimés an- ciens qui ont été trouvés par lui dans les reliures de la bibliothèque de la Sorbonne.

Il fait voir entre autres documents :

58 feuillets d'un bréviaire de Rodez, totale- ment inconnu, imprimé probablement à Lyon, avant 1525; quelques pages mutilées de la Mélusine de Jean d'Arras, texte différent de l'édition Bru net ; une pronostication, de Gas- pard Laet, médecin et astronome de la puissante Université de Louvain, pour l'an de grâce 15 16; 5 feuillets d'une édition de Pseudo-Bérose, faite par Jean Gourmont vers 15 10; 8 pages d'épreuves d'un traité de Raoul de Montfiquet sur le mariage (vers l'an 1520) ; un cahier du Jouvencel de Jean de Bueil, imprimé probable- ment par Philippe Lenoir en 1520 et 1523.

M. Joret présente à l'Académie, de la part de M. Vasseur, les photographies de nombreux objets, mobilier, poteries, etc., qui ont été décou- verts par lui dans les ruines d'un hameau du XIP siècle.

Société Nationale des Antiquaires de France. Séance du 18 avril igoô. M. Vauvillé communique un fragment de poterie trouvé à Ambleny (Aisne) qui porte le nom VERANIVS.

M. Jadart signale l'entrée au musée de Reims de la collection de vases gaulois et de torques

270

Bebuc tie Tî^vt clirétien.

formée par M. Cayon et la découverte d'une boucle de ceinturon en or et d'une pendeloque de jambes dans un tombeau franc à Mont Saint- Remi (Ardennes).

M. Pasquier fait une communication sur les archives notariales de Toulouse qui contiennent des baux de construction du palais archiépisco- pal, un marché d'armures milanaises passé en 1562 entre le cardinal Georges d'Armagnac, et l'armurier génois Charles Pomelin.

M. le comte de Loisne lit un mémoire sur les localités disparues du Pas-de-Calais.

M. Demaison signale la découverte d'un sar- cophage romain trouvé à Reims qui porte les lettres A, et les compare à d'autres marques du même genre.

Séance du 2 mai. M. de Mély, réfutant deux opinions émises par M. Maie, prouve que la couronne d'épines apparaît sur la tête du Christ au milieu du XIII' siècle et que la tête de mort qui se voit au bas du crucifix n'est pas un hiéroglyphe. Le mot Calvaire est la traduction de Kpav'.ov (le crâne) et le crâne en question que les Pères de l'Église considèrent comme celui d'Adam est peut-être le souvenir d'une tradition rituelle qui consistait en un sacrifice humain sur l'emplacement d'une citadelle qu'on élevait.

M. le comte de Loisne présente des poteries grises, un grand fer de lance, une framt^e trouvés dans un cimetière franc à Béthune.

M. Arnauldet signale un inventaire inédit des archives des Visconti et des Sforza conservé aux archives des notaires de Pavie. On y trouve certaines pièces relatives au mariage de Louis d'Orléans et de Valentine Visconti.

M. Chapat fait une communication sur le port et l'enceinte d'Antioche sous les Séleucides,il eu présente un plan à grande échelle.

Séance du ç mai. M. Michon lit une étude sur quelques fragments de sarcophage au type dit d'Asie Mineure entrés récemment au mu.sée du Louvre.

M. le comte de Loisne décrit la sépulture équestre de Bethune.

M. de Mély communique une plaquette de Jacques Bonavenlure Hebarre d'Écosse.offerte à Paul V au XVIIe siècle qui renferme 72 types d'alphabets orientaux idéographiques ou cryp- tograplu'ques.

M. Vitry présente une pleureuse provenant du tombeau de Louis de Chalon dans l'abbaye du Mont-Sainte-Marie.Elle provient de la collection de M. Jules Gautier, et le Louvre vient de l'acquérir. On peut l'attribuer à M. Jean de la Heurte.

M. Martin communique la photographie d'une oenochoe trouvée à Varcio (Côte d'Or) qui con- tenait 1034 monnaies romaines.

M. Monseaux communique plusieurs inscrip- tions de Mostar.

Séance du 2^ mai. M. Vitry communique de la part de M. E. Lefevre des photographies d'un fragment de sculpture provenant de l'église Saint-Pierre d'Étampes et qui remonte à la moitié du XI I*^ siècle.

M. J.-J. Guiffrey présente la photographie des portraits dessinés par un des Demonstier et qui représentent deux membres de cette célèbre famille d'artistes célèbres.

M. Clouzet signale la couronne métallique qui se voit sur la tête des moines dans certaines miniatures de la fin du XV" siècle.

M. Ravaisson-Mollien explique le revers d'une médaille à l'effigie d'Elisabeth de Gonzague faussement interprété jusqu'à ce jour.

Séance du jo mai. M. le baron de Baye entretient la Société des couronnes de mariage usitées en Transcaucasie et rappelant les cou- ronnes des princes byzantins. M. Blanchet fait une communication sur l'utilité des trésors monétaires au point de vue des classements chronologiques des vases et des bijoux de l'épo- que romaine en Gaule.

M. Denis Roche communique la reproduction de cinq miniatures byzantines récemment trou- vées dans le codex Gertrudianus des archives de Cividale.

M. Vauville présente quatre bagues découver- tes au camp de Pommiers (Aisne) et ornées de chatons en pierres fines gravées en creux. M. Pallu de Lessert termine la lecture du mémoire de M. le D' Brulard sur les fouilles exécutées au Magny Samber.

30"^^ Réunion des Sociétés des Beaux-Arts des Départements. Voici le résumé des communications qui ont été faites à cette réunion qui s'est ouverte le mardi 17 avril à l'École Na- tionale des Btaux-Arts.

J^Iardi ij avril. Dans son allocution d'ouver- ture, M. Havard, président, proclame, à l'occasion de la récente création de la Commission des musées de province et de le Commission des Arts décoratifs, la dette de reconnaissance con- tractée vis-à-vis de la Réunion des Sociétés des Beaux- Arts pour les nombreux travaux qu'elle a donnés depuis sa fondation sur ces questions d'art provincial et d'art décoratif

Crat)au;c îies ^otiétts s^abaiites.

271

M. Georges Doublet fait une communication sur un tableau inédit de Jean Daret, Saint Mathieu écrivant son évangile^ dans l'église Saint- Paul du Var, près Vence (Alpes Maritimes).

M. Henri Jadart donne un inventaire très complet des églises rurales des environs de Reims au point de vue de l'art et de l'histoire.

Mercredi iS avril. M. de Nolhac, président, prononce une allocution sur l'art des jardins et plus spécialement des jardins à la française.

M. le président lit un mémoire de M. le baron GutUibert sur trois statuettes en bois de l'école provençale du XVI 1= siècle.

M. Albert Jacquot, continuant son répertoire des artistes lorrains, présente cette année le résultat de ses recherches sur les brodeurs et les tapissîprs de haute-lisse.

M. Emile Delignières donne un répertoire descriptif très détaillé des Sépulcres ou Mises an tombeau du moyen âge et delà Renaissance dans la région picarde.

Jeudi avril M. Léon Marcheix, dans une chaleureuse allocution, prêche la conser- vation et la défense des monuments du passé.

M. Martin lit un mémoire sur les objets d'art religieux dans l'ancien archidiaconé de Tournus.

M. le chanoine Urseau lit une notice sur la chapelle du château de la Sorinière-en-Saint- Pierre de Chamillé et ses œuvres d'art : trois peintures murales du commencement du XVP siècle et une Pietà sculptée, d'une date un peu antérieure.

M. l'abbé Bnme décrit trois statues de l'école dijonnaise du XV' ou du début du XVI'' siècle existant à la cathédrale de Besançon.

Vendredi 20 avril. Lucien Magne, pré- sident, dans son allocution, appelle l'attention de la réunion sur l'intérêt que pourraient offrir des travaux sur l'art appliqué et donne comme exemple une étude sur les applications de l'art au travail du fer.

M. l'abbé Bossebœuf lit une monographie de la famille des peintres blézois les Monsnier (XVP' et XVI I- siècles).

Lecture est donnée d'un travail de M. Hérault sur un tableau de Rnbens, Le Martyre de saint Etienne.

Congrès des Sociétés Savantes de Paris et des Départements. Le mardi 17 avril s'est ouvert à la Sorbonne, sous la présidence de M. Levasseur, le 44*^ Congrès des Sociétés savantes de Paris et des départements. Voici le résumé des communications qui ont été faites dans la

section d'archéologie et qui pourraient intéresser nos lecteurs :

Mercredi iS avril— ^. Béchade fait part d'une trouvaille de trente-deux monnaies carolingien- nes, découvertes près deRocamadour (Lot).

Communication de M. G. Doublet sur le sceau de Jacques Grailler, ancien prieur de Gisors (diocèse d'Embrun).

, M. Emile Bonnet étudie les médailles des Etats généraux du Languedoc.

Le secrétaire donc lecture d'un projet de M. l'abbé Parât, relatif à la création de musées communaux dans les villages.

M. l'abbé Arnaud d'Agnel donne lecture d'une notice sur le trésor de la cathédrale d'Embrun et, en particulier,surles vêtements liturgiques qu'on y conserve ; ils sont datés de la seconde moitié du XVP siècle.

M. Eug. Lefèvre-Pontalis expose la méthode à suivre dans la rédaction d'une monographie d'église.

M. Béchade signale un bénitier d'anplique du XVI r siècle, qu'il a découvert dans 1p Quercy, et nn vase de pierre découvert à Vers (Lot), que M. T-efèvre-Pontalis regarde comme un bénitier de l'époque romane.

M. l'abbé Brune décrit une très curieuse pla- que de laiton finement gravée, appartenant au musée de Bâle et représentant le duc de Bour- gogne, Philippe le Bon, sa troisième femme Isabelle de Portugal, et leur fils Charles le Témé- raire, agenouillés devant une Vierge de Pitié.

Lecture est faite d'une note de M. l'abbé F. Marsan sur les peintures de l'église de Mont, vallée de Louron (Hautes-Pyrénées) ; l'auteur en est connu par un contrat à bail, daté du 12 mars 1563. découvert par M.Marsan : il est nommé «Melchior Rodrigins, peintre de Saint- Bertrand ».

Mémoire de M. J. Martin sur les dalles funé- raires, rondes ou ovales, en Bourgogne.

M. Léon de Vesly résume l'étude qu'il a faite sur les inscriptions relevées sur de vieilles maisons dans la Seine-Inférieure.

M. Veuclin soumet un certain nombre de des- sins, d'estampes et de photographies de nierres tombales inédites gravées au trait, du XIP et du XVP' siècle, et autrefois conservées dans des églises et monastères du département de l'Eure.

Jeudi iQ avril. Lecture est faite d'une note de M. Charles Puech sur les bourgades bâties en pierres sèches du département du Cantal.

M. le chanoine Miiller communique un frag- ment de vase en poterie sigillée trouvé à SiUy,

272

3Rebue be T^rt cï)rctten.

dont l'ornementation consiste en paons encadrés de palmes.

M. Comment expose le résultat des recherches qu'il a faites dans la station préhistorique de Saint-Acheul (Somme).

On donne lecture d'un mémoire de M. Boulan- ger consacré à la description de deux cimetières mérovingiens qu'il a explorés à Cléry et à Mau- repas (Somme), et il a trouvé un intéressant mobilier funéraire.

M. le secrétaire donne lecture d'une notice de M.Louis Bousrez sur un fragment d'architecture carolingienne probablement mur d'une an- cienne église qu'il a découvert à Tours. _ M. Pierre Coquelle lit un mémoire sur vingt- six statues conservées dans l'église du Guiry (Seine-etOise)et dans quelques églises voisines, et qui permettent de suivre le développement de la plastique dans cette partie de l'Ile de- France depuis le XII' siècle jusqu'au XVl".

M. Demaison donne lecture d'une étude sur la cathédrale carolingienne de Reims, aujourd'hui disparue, construite par les archevêques Ebbon Hincmar, et sur les transformations qu'elle a subies au X' et au XII' siècle.

M. l'abbé Nicolas lit un mémoire sur l'architec- ture romane dans l'arrondissement de Mont- médy.

Société des Antiquaires de Picardie. M. le Chanoine Marseaux a présenté une très intéressante étude sur un tableau du musée Picard d'Amiens, qui représente la Vierge du Buisson Ardent et rappelle le fameux tableau de Nicolas Froment qu'on a pu admirer naguère à l'exposition de Primitifs français au pavillon de Marsan. La maternité virginale de Marie y est exprimée par un symbolisme biblique dont notre érudit collaborateur fait le commentaire. C'est à ce thème iconographique que se rattachent les Notre-Dame de l'Épine, de la Ronce, etc..

Nos abonnés de longue date se souviennent des remarquables articles donnés dans le volume des l'année 1890 de la IZevite de f Art chrétien par feu Mgr Dehaisne sur l'art ancien d'Amiens. Le savant prélat y a décrit et présenté en phototypie les beaux tableaux de Notre-Dame de Puy, con- servés au même musée d'Amiens, et provenant

de la Chambre de rhétorique de cette ville. Celui dont s'occupe Mgr Marseaux est tout à fait analogue, mais semble avoir appartenu au Puy d'Abbeville.

Académie royale d'archéologie, Séance du 10 juin IÇ06. On sait que la ville de Malines s'apprête à restaurer son hôtel de ville. Mais on n'est pas encore d'accord sur le plan de cette restauration. A ce sujet, des polémiques même sont nées, et c'est l'état actuel de cette question qu'a exposé d'abord M. le chanoine Van Caster. Dans un premier travail, celui-ci avait préconisé certaines modifications, basées sur l'étude des bâtiments anciens et des documents quî s'y rapportent.

D'autre part, l'architecte de la ville, M. Van Boxmeer, publia une brochure, destinée à défen- dre un projet différent. C'est à cette dernière étude que répond aujourd'hui M. le chanoine Van Caster. D'après lui, les textes cités sont mal interprétés par M. Van Boxmeer, qui s'appuie sur des résolutions scabinales n'ayant pas été exécutées, et s'attache à des plans toujours restés à l'état de projets. Il s'ensuit que M. Van Box- meer préconise des innovations non justifiées et dans son projet s'éloigne trop de l'état ancien des cinq bâtiments qui, successivement acquis, formèrent la maison communale.

Pour dresser un autre plan dont il propose l'adoption, M. le chanoine Van Caster s'est sur- tout basé sur trois sources de renseignements : les archives, d'anciens tableaux et les bâtiments eux-mêmes. A la suite de cette étude approfon- die, il a dressé un projet nouveau dans lequel il s'applique à reconstituer exactement ce qui existait autrefois, et à respecter le plus fidèlement possible l'aspect primitif des diverses bâtisses.

M. Saintenoy, professeur à l'Académie de Bruxelles, appuie le projet de M. le chanoine Van Caster, en l'engageant à conserver sur la toiture des bâtiments les lucarnes que l'on retrou- ve sur les tableaux du X\'I<= siècle, et à suivre pour l'auvent surmontant la porte d'entrée un modèle ancien existant encore à l'hôpital de Beaume, et à un architecte flamand.

Le reste de la séance a été occupé par des communications de divers membres.

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LE PORTAIL ROYAL D'ÉTAMPES. par M. L. Eug. Lefèvre. In-S°, 36 pp., 12 photog^ Étampes, Lecesne, 1906.

^^r^^^'OTRE collaborateur M. Eug. Le- i^l^^ % ^^^^^ ^ approfondi l'étude du portail w|?\4n!7/ Jp de Notre-Dame, à Étampes, et l'é-

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^NU^^df? ^"^'^ àsius une brochurette en atten- ^■-^-jT^^;Jj* dant le plus gros ouvrage qu'il pré- pare à son sujet. 11 y trouve deux statues iden- tiques à deux des statues du portail royal de Chartres, donc du même artiste. Il croit pouvoir reconnaître l'ordre dans lequel les statues ont été exécutées ; d'où il résulte que l'artiste a quitté Étampes pour Chartres et vice-versa. Le portail d'Étampes, érigé vers 1 135, serait donc antérieur à celui de Chartres et serait le premier portail à statues-colonnes. Dans la séance du 6 février des Antiquaires de France, M. Eug. Lefèvre- Pontalis a combattu la même thèse à l'encontre de M. A. Mayeux. Le portail d'Étampes a une allure gothique marquée. M. Eug. Lefèvre objecte que le portail n'a une apparence gothique qu'à cause de son arc brisé et de la hauteur des statues, mais que pour le reste, il est absolument roman, et que d'ailleurs l'arc brisé lui-même a bien eu un com- mencement quelque part-. Pourquoi pas à Étam- pes vers 1135? Déjà le XI« siècle a connu l'arc brisé. Oui, dans ses voûtes, mais pas dans ses baies de portes et fenêtres. Nous laisserons tou- tefois ces champions vider leur intéressante que- relle.

M. Eug. Lefèvre déduit de ses études d'autres conclusions intéressantes. Dans l'état primitif, les statues d'Étampes appartenaient toutes à l'An- cien Testament. Leur choix aurait été suggéré par opposition à l'hérésie manichéenne qui sévissait aux XI« et XII'= siècles et répudiait l'autorité de l'Ancien Testament.

Enfin notre auteur, approfondissant l'iconogra- phie du même portail, retrouve, dans la scène de la Nativité et du Bain de l'Enfant Jésus, un thème d'origine italiano-byzantine, voite la main d'un artiste de l'Orient. De plus, dans le sujet du tym- pan il reconnaît, non point l'Ascension, mais le symbole de l'Agneau divin ; tout l'ensemble est d'inspiration apocalyptique, et pourrait être classé et dénommé Triomplie de l'Agneau ou Glorification du Rédempteur, 3i\ec toute une série de semblables ouvrages qui se trouvent à Char- tres, Cahors, Mauriac, etc.

Mieux encore, M. Eug. Lefèvre prétend, con- trairement aux opinions adoptées, que VAscension

de Jésus n'a jamais été représentée tf aucune façon dans un important monument avant le XIII' siè- cle environ. L'auteur ne fait des restrictions que pour les petits objets, miniatures ou ivoires.

L. C.

MONOGRAPHIK DE LA CATHÉDRALE D'ANGERS. II. LES IMMEUBLES PAR DES- TINATION, par M. L. de Farcy, Angers, 1905 \^).

Feu M. Jules Helbig a naguère, ici même, exposé le plan d'ensemble de l'ouvrage considé- rable que M. de Farcy a consacré à la cathédrale d'Angers ; il a dit avec quelle science, avec quelle sollicitude et quel soin plutôt trop minutieux, a été conduite cette vaste enquête, qui a absorbé la plus belle part d'une longue carrière d'archéolo- gue. Notre Directeur a rendu compte d'un des quatre volumes déjà parus, celui qui porte le numéro III et concerne le Mobilier, les tissus, les tapisseries, le trésor, le luminaire. Mainte- nant M. de Farcy vient de donner le tome II, sous le titre peut être un peu « code civil » de Im- meubles par destination. Il a trait aux autels, aux stalles, aux orgues, aux horloges et aux tom- beaux. Il est accompagné de l'Album, contenant une vue d'ensemble, de reproductions de dessins de Gaignières, etc. Nos lecteurs en ont déjà eu un spécimen sous les yeux, car M. de Farcy a donné dans la Revue de lArt chrétien,eTi un arti- cle richement illustré, la primeur des résultats des fouilles fructueuses entreprises sous le sol de Saint- Maurice en 1902 (2).

Nous n'avons pas à faire valoir l'érudition de notre eminent collaborateur, près de ceux qui de longue date sont accoutumés à trouver dans nos colonnes, sous sa signature, les indications les plus précises sur des matières il est en posses- sion d'une grande autorité. Le volume qui nous occupe est si substantiel, qu'il est malaisé à résumer.Nous nous bornerons à y butiner un peu.

La disposition du maître-autel dans les gran- des églises soulève des difficultés sérieuses, surtout quand il est accompagné de châsses ; à Sainte-Gertrude de Nivelles, ces difficultés sont telles, que le parachèvement de la restauration du chœur reste en suspens faute d'entente entre un architecte de grande autorité et la Commission royale des Monuments. Au moyen âge le maître-

1. S'adressera l'auteur : rue du Parvis Saint. Maurice, 3.

2. Revue de t Art chrétien, an 1903, pp. i à 18.

ait auparavant Ib^p

&

Btbltograpl)te,

275

autel de Saint-Maurice d'Angers, nommé altare dominiciim, se dressait à l'avant-chœur, tandis que celui de Saint-René occupait le fond de l'abside. Au-dessus du premier brillait la châsse de saint Maurille. L'autel était abrité sous un dais en étoffe et entouré de courtines portées par dix colonnes en pierre surmontées de figures d'anges en bois. Une crosse en cuivre doré servait à suspendre le Saint Sacrement. La châsse s'ap- puyait sur un retable par un bout, l'autre bout posait à l'arrière sur un double support. A la fin du XV« siècle, l'autel majeur fut reconstruit sous l'arc doubleau entre le chœur et l'abside. Sa table fut adossée à un mur transversal de 6"',00 de longueur et de 2"', 50 de hauteur, formant retable et clôture; des cloisons en bois remplacè- rent sur les côtés les courtines d'étofïe; une balus- trade ajourée ferme l'enceinte réservée aux célé- brants. Alors un tableau de vermeil formait pare- ment, un autre, relevé sur deux gradins de cuivre argenté, tenait lieu de retable. Tout l'intérieur du sanctuaire était tendu de ces riches tapisseries et broderies auxquelles M. de Farcy a consacré de remarquables études dans nos colonnes et dans son grand ouvrage sur la Broderie.Ce dispo- sitif encore plein de convenance fit place, de 1699 à 1755, à un autel « à la romaine » à deux faces, et enfin au colossal et inepte monument con- sacré en 1759, qu'au prix de quarante mille livres confectionna le sculpteur Antoine Gervais.

Telle est en quelques lignes la curieuse histoire dont M. de Farcy nous fournit les plus minutieux détails authentiques.

En avant du maître-autel, les stalles que fit exécuter, dès 1240, le chanoine Etienne d'Azaire, occupaient la croisée du transept, sauf,au droit des quatre maîtres-piliers, un passage fermé par des portes de fer et à rouleaux, c'est-à-dire à rin- ceaux en volutes. Elles s'adossaient au nombre de cent à un dorsal en escrinerie de quatre mètres de hauteur. M. de Farcy reproduit d'après Lehoreau le curieux tableau du cérémonial, ou l'on voit les places de tous les dignitaires ecclé- siastiques au chœur.

En avant des stalles s'élevait le jubé, édifié par Guillaume de Beaumont ; il se composait de cinq arcades trilobées de 2"', 70 d'ouverture ; celle du centre correspondait à la porte d'accès du chœur, et les deux voisines encadraient deux autels.

Saint-Maurice avait, au début du XV<= siècle, une chaire à prêcher en bois ; mais vers 148 1 elle était remplacée par une chaire en pierre, puis, en 1649, par une autre en menuiserie, et enfin, de nos jours, par une machine sculptée colossale, due à l'abbé Choyer et à son école de Saint-Joseph, œuvre à laquelle l'auteur s'arrête

Biblîograpljîc.

277

avec beaucoup de complaisance ; tant de talent et de méritoire labeur y ont été dépensés de manière si fâcheuse, qu'en la considérant on ne peut, selon nous, que regretter son existence.

M. de Farcy fournit de curieux documents sur les orgues construites, en 14 16 et établies sur une tribune réédifiée après 1451. Les grandes orgues furent refaites au XVl" siècle, puis en 1750, époque à laquelle appartient le remarquable buf- fet encore existant.

Nous laisserons de côté le chapitre des cloches. On disait couramment à .Angers: « il est telle heure au gros >^, parlant du gros horloge, qui remontait au XVI^ siècle, et offrait toutes les «gentillesses > alors usitées, notamment les ima- ges du soleil et de la lune, et un ange cornant. Un autre « l'horloge de la ville», était l'œuvre de PierrelMerlin, M' horlogeur du roi Charles VI.

Les fouilles décrites en nos colonnes par M. de Farcy, ont montré combien Saint-Maurice fut riche en tombeaux ; ce fut le Saint-Denis de la Maison d'Anjou, et la nécropole des évèques. Presque rien ne subsiste de tant de mausolées, grâce aux Huguenots, aux Révolutionnaires et aux Vandales.

M. de Farcy fait ressortir la dignité d'attitude des gisants du moyen âge. Le fameux évéque Uiger {'i* 1 148) était figuré vivant, escorté de son chapitre. Les effigies de Nicolas Gallent, Hugues Odard et Foulque de Mathefelon, nous montrent ces évéques bénissant, les yeux ouverts. Cepen- dant leurs successeurs Guillaume de Beaumont, Jean de Rely reposaient sur leur couche funèbre, les yeux fermés, entourés de priants. L'image de la mort dans sa réalité apparaît dans le lugubre tableau du Roi mort, peint sur bois, au tombeau du roi René {*h 148 1), et un squelette crosse, mitre, gravé dans la pierre, rappelle ma- cabrement l'évéque Jean de Beauveau (►{< 1501). Plus tard les tombes n'offrent plus que des assemblages de têtes de morts, d'ossements, d'emblèmes funéraires mêlés aux armoiries et aux allégories, tandis que disparaît la figuration du défunt. Telle est ici comme ailleurs la marche décadente de l'art funéraire (').

C'est à M. de Farcy lui-même que l'on doit la découverte du célèbre tombeau d'Ulger, qui avait été placé dans l'épaisseur des murs entre la nef et le cloitre.En 1783,1e chapitre, pour badigeonner les murs, fit murer les arcades de la nef, même celle qui contenait le tombeau d'Ulger. Lors de la restauration en 1871, notre ami obtint l'enlè- vement des tuffeaux qui cachaient l'antique mau- solée de bois. « Ma joie fut telle, dit M. de Farcy

I. Les tombeau^c d'après Gaignières en ont déjà été publiés par M. de Farcy en 1877, à .Angers, chez L. Lachèze.

que, sur l'heure, je courus prévenir Mgr Freppel de cette découverte. Il daigna s'arracher un instant à ses occupations, mais il faut bien l'avouer, cette châsse si mutilée, à peine dégagée des décombres, le laissa très froid : je ne parvins pas à lui faire partager mon enthousiasme...» Gaignières et VioUet-le-Duc reproduisirent la plaque métallique qui décorait la châsse ; tous deux l'ont fait d'une façon inexacte, en donnant à croire que l'image de l'évéque était en relief, tandis qu'elle était plate, en émail champlevé, comme la célèbre plaque de Geoffroi Plantagenet du Musée du Mans. L'auteur décrit avec grand soin le monument remarquable et raconte l'ou- verture du tombeau qui eut lieu en 1896 avec son concours ; il reproduit le soulier, le sceau de plomb, l'anneau, la custode en bois tourné, le calice, la patène en étain et la crosse en ivoire, qui accompagnaient la dépouille de l'évéque. Nous le quitterons ici,lelaissant poursuivreavec érudition l'inventaire consciencieux des tombes et plaques votives subsistantes et disparues. Nous nous bornerons à signaler encore son intéressante restitution du tombeau du roi René.

L. Cloquet.

LA GATHÉDRALK DE GIUDAD RODRIGO,

par M. L. M' C.\bello v Lapiedra. In-8'^ illustré de 30 pages. Barcelone, iSgg.

Notre éminent confrère donne une courte mo- nographie de l'intéressante cathédralede Ciudad- Rodrigo en Salamanca ainsi qu'un projet de res- tauration. L'édifice est du XH'' siècle, à trois nefs, avec chœur, abside et absidioles latérales. Il offre des voûtes domicales du type poitevin, à liernes retombant sur des sculptures, notamment, à la croisée sur des figures d'évangélistes, de saintes et d'anges ; les piliers sont cruciformes à colonnes engagées ; les chapiteaux sont riche- ment décorés ; le chœur est couvert de voûtes nervées à compartiments du XIV^ siècle. Le maître de l'œuvre, Benito Sanchez, est connu par son épitaphe. Le cloître, gothique, est fort inté- ressant. L. C.

LA GAPILLA DEL RELATOR O DEL OIDOK DE SANTA MARIA LA MAYOR EN LA GIUDAD DE ALCACA DE HENARES, par M.

L. M^Cabello V Lapiedra. In-8° illustré de 36 pp. Madrid, 1905.

Ce curieux petit édifice peu connu présente un type caractérisé du style du XV' siècle espa- gnol. On y trouve surtout une remarquable com- binaison de l'art mahométan, avec ses arcades festonnées encadrées dans des bandeaux qua-

27B

î^cDuc De r^rt djrcticn

drangulaires, avec ses oincmcnt.s eiUielacés tapis- sant les murs, et de l'ait chrétien flamboyant, dont les combinaisons fenestragées remplissent à merveille le rôle des arabesques, tandis que les inscriptions gothiques courent dans les frises à l'instar des textes décoratifs musulmans.

M. Cabello y Lapiedra rehausse sa monogra- phie de fort belles reproductions photogra- phiques.

L. C.

EL REAL MONASTERIO DE FITERO KN NAVARRA, par M. V. Lamperez y Romea.

Le caractère principal des églises cisterciennes réside dans les chapelles, ordinairement qua- drangulaires,qui s'ouvrent au nombre de quatre ou de six dans les croisillons du transept. Le type se retrouve en Espagne à Santa Maria de Huerta, à las Huelgas, à Santa Maria de Meira, à Santas Creus, à La Oliva. Les églises à caroles avec chapelles absidales sont moins fréquentes(Grade- fes, Poblet, Veruela) L'église de Fitero, remar- quable pour sa grandeur, sa célébrité historique et sa beauté, réalise la réunion des deux types, avec son déambulatoire et ses cinq chapelles de chevet, auxquelles s'ajoutent quatre absidioles au transept.

C'est cette belle église que décrit notre érudit confrère. Elle a été élevée, selon lui, à partir du premier tiers du XIII' siècle.

L, C.

^m Bérioïiiques. ^m

NUOVO BULLETTINO Dl ARCHEOLOGIA GRISTIANA.

CETTE Revue (t. XI, 1905, 338 pp., IV pi.) publie une étude de M. H. Marucchi sur le cimetière de Comodille {^Ulteriori osservazioni sulle tombe dei martiri, etc., pp. 5 66). Elle com- plète l'article du même auteur paru l'année pré- cédente. On se rappelle que l'intéressante cata- combe de Comodille, voisine de Saint-Paul hors les Murs, a été découverte par la Commission d'archéologie sacrée durant les fouilles de l'année 1903-1904. (Voir Revue de l'Art chrétien, \.. LV, 1905, p. 285 ) Les déblaiements y ont continué depuis novembre 1904 juscpi'à mai de l'année der- nière. M. Marucchi étudie les galeries nouvelle- ment mises à jour et publie les inscriptions découvertes. Ce sont souvent des plaques de remploi brisées et replacées de travers.Un^^rt^/^

est intéressant à cause de son âge relativement récent, puisqu'il n'est pas antérieur au X' siècle.

L'auteur essaie de déterminer la destination précise des principaux tombeaux de la crypte cimitériale des saints Félix et Adaucte. Il y retrouve les tombeaux de ces deux saints et ceux de saint Nemesius et de sainte Émérite. Il avoue toutefois la difficulté du problème d'iden- tification, vu la dévastation du cimetière, le petit nombre de graffiti et le manque de données topo- graphiques suffisantes.

Au cimetière de Saints Marc et Marcellien on a découvert un cancel en marbre, le seul des catacombes romaines qui soit resté en place. Il clôture une niche située dans une galerie cime- tériale du IV<" siècle. Mgr Wilpert l'identifie (yScoperta di un cancello, etc., pp. 67-69) avec un cancel vu autrefois par Bosio et connu par une description assez vague de celui-ci.

Autrefois le cardinal Frédéric Borromée, avant d'être élevé au siège archiépiscopal de Milan, fit quelques recherches dans la catacombe de Do- mitille. Des documents retrouvés dans un volu- me de la Bibliothèque Ambrosienne nous ren- seignent à ce sujet. Le volume renferme aussi une copie de fresque ayant appartenu au cardi- nal. M. A. 'S>ACc\ {Meiiiorie relative ad un affresco del IV secolo, pp. 71-78) l'identifie avec une copie exécutée sous la direction de Ciaconius, dont l'original a été identifié par Mgr Wilpert.

I\I. A. Munoz {Sarcofagi Asiatici ? pp. 79- 102 et pi.) examine un groupe de saicophages déjà étudiés par M. Strzygowski qui les attribue à l'Asie Mineure et, en majeure partie, au milieu du \\\« siècle. L'auteur est disposé à admettre l'unité d'origine et le caractère hellénistique de ces monuments, mais il ne croit pas que l'on puisse les attribuei d'une façon déterminée à l'Asie Mineure. Dans le groupe, un fragment du Musée de Berlin est particulièrement remar- quable. 11 représente le Christ imberbe, sans autre attribut que le nimbe crucifère. Les caractères de sa sculpture et spécialement la per- fection de celle-ci engagent à le dater du IV siècle, ce qui vieillirait notablement l'emploi du nimbe crucifère dans l'Église d'Orient.

M. Munoz revient sur la question d'origine dans la revue L'Arle (t. IX, 1906, pp. 130-133). Lors d'un vo> âge en Orient il a pu relever en Asie Mineure deux autres débris de sarcophages «asiatiques». Ceci porte à vingt le nombre de sculptures connues de celle espèce. Parmi elles, douze proviennent certainement de l'Asie Mi- neure. C'est un fait, dit M. Munoz, qui donne une grande valeur à la théorie de M. Strzygowski.

Le hasard a fait découvrir quelques fragments d'une inscription composée par saint Datnase en l'honneur du martyr saint Valentin. Cette inscrip-

Bibliographie.

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tion dont on ne connaissait que deux ou trois lettres n'est pas renseignée dans les sylloges : elle fut probiblement brisée dès le commence- ment du VI siècle. Au cours de recherches, faites pour retrouver d'autres fragments, on a découvert quelques inscriptions provenant du cimetière à fleur de terre établi depuis le IV'' siècle autour de la basilique de Saint-Valentin. M. II. Marucchi les fait connaître. {Di uua sconosciiifa iscrizione dainasiana, pp. 103-122 et pi.)

Des fouilles exécutées dans l'oratoire souter- rain de S. Maria in Via Lata ont mis à jour des peintures murales dont les plus anciennes parais- sent remonter au VI'' siècle. M. L. Cavazzi qui les décrit {S.Mdria in via Lata e le recenti sco- pcrte, pp. 123-133 et pi.) publie une représenta- tion de saint Paul, le compagnon de saint Jean, tenant en main une verge fleurie et vêtu d'une dalmatique blanche ornée de clavi. Il attribue cette peinture au X*= siècle.

Il est de pieuses légendesqui continuent àjouir de crédit malgré les arguments les plus plausibles que l'on puisse invoquer contre elles. De ce nom- bre est la tradition, qui apparaît seulement au XIV*" siècle, d'après laquelle saint Pierre aurait été crucifié au Janicule. M. H. Marucchi montre une fois de plus i^La crocifissione di san Pietro nel Vaticano,çp. 135- 179) que cette tradition ne repose sur aucun témoignage sérieux. Par contre il existe en faveur du crucifiement au Vatican des témoignages de toutes les époques, depuis le IV', sinon depuis le 1 1 P' siècle. La plupart des archéo- logues qui s'occupent de topographie romaine sont d'ailleurs d'accord sur cette question. Néan- moins certains écrivains continueront encore à défendre la légende que rappelle au Janicule le joli temple du Bramante et l'église de Saint- Pierre in Montorio. Cette église elle-même n'est renseignée dans aucun document antérieur au XIV siècle (pp. 269-272 .

M. le baron R. Kanzler attribue à sainte Emérite, mais sans trop insister, un loculus en forme de four existant dans la catacombe de Comodille. Ce loculus est orné d'une peinture très mal conservée et attribuée au VP siècle sur laquelle on lit le nom de la sainte. {Dt un impor- tante sepolcro depinto etc., pp. 151 -189 et pi.),

M. H. Marucchi examine la thèse de Mgr Wilpertsur l'emplacement des tombeaux du pape Damase et des saints Marc et Marcellien [Dis- citssione critica sul luogo recentemenie attribuito al sepolcro del papa Dimaso, etc., pp. 191-230). Sans doute, contrairement à l'opinion de Rossi, on doit chercher les deux tombes entre la via Appia et l'Ardeatina, mais ni l'une ni l'autre de ces sépultures ne peut être désignée avec précision. Les fragments retrouvés d'une ins-

cription qui décorait la tombe de la mère de Damase, enterrée à côté de lui, ne peuvent être attribués ni à un loculus ni même à une chambre sépulcrale déterminée. Une cause accidentelle peut les avoir entraînés sous le sol, car c'est peut-être de la surface du sol qu'ils proviennent. sans doute, au-dessus des catacombes, était située la basilica quant ipse fecit dans laquelle, au dire du Liber Pontificalis, saint Damase fut enterré. Quoi qu'il en soit, la chambre sépul- crale que Mgr Wilpert attribue au grand pape ne fut pas creusée par lui et ne peut être appelée basilique. N'y aurait-il pas lieu peut-être de reprendre l'opinion du Père Marchi qui cher- chait la sépulture de Damase dans la trichora connue sous le nom de Sainte-Sotère ?

Mgr Wilpert cherche à identifier la sépulture des saints Marc et Marcellien avec une crypte située dans le voisinage du soi-disant tombeau de saint Damase. Sa théorie se base sur la présence en cet endroit de quelques peintures fragmen- taires, qu'on peut attribuer avec autant de raison à d'autres martyrs. Pour que l'identification soit possible, il faut aussi supposer sans preuves qu'il y a eu translation des corps saints avant le règne d'Honorius X" (625 638), car nous savons qu'à partir de cette époque les saints reposaient sûre- ment dans une basilique construite à la surface du sol. Ajoutons que le Liber Pontificalis dit clairement que ces saints d'une part et Damase de l'autre, étaient enterrés dans des cimetières ou des régions de cimetières distincts et non pas dans une et même galerie.

M. G. Schneider étudie (pp. 231-235) un fragment d'inscription chrétienne qui semble avoir contenu la mention topographique inter duos pontes, désignation vulgaire de l'île du Tibre à Rome.

L'étude de M. P. Franchi de' Cavalieri, « Délia Passio SS. Marcelli tribuni, Pétri inilitis et alioriun MM.)y (pp. 237-267), est exclusivement historique et il suffira de la mentionner ici. D'après l'auteur, l'original grec de la passion des saints est inventé de toutes pièces par un com- pilateur d'Oxyrrhynchos,en Egypte, qui vivait au V" siècle. La date du martyre des saints est connue d'ailleurs.

Les séances de la Société per le conférence di archeologia cristiana sous la présidence de Mgr Duchesne ont offert durant l'année 1904-1905 un intérêt soutenu. Nous ne résumerons pas ici le compte rendu qu'en fait M. Marucchi (pp. 273 298), car les principales études qui y furent présentées ont été publiées dans le Bullettino.

Le directeur du Bullettino nous renseigne aussi sur les dernières découvertes en matière d'archéologie de l'antiquité chrétienne (pp. 299- 321). La Commission d'archéologie sacréea exé-

î8o

^tWt tie r^rr cbrctirn.

cuté durant l'année 1904-1905 quelques travaux à la catacombe de Priscille. Dans une région attenante elle a découvert une peinture que Bosio avait vue au XVIII'' siècle et que Garrucci a reproduite d'après lui dans la Storia ciel arte cristiana (t. II, pi. 723). Les travaux ont été poursuivis à la catacombe de Priscille durant la campagne de 1905-1906.

A la catacombe de Comodille, la découverte la plus intéressante de ces derniers mois a été celle d'une plaque grossièrement gravée au trait qui représente un fossoyeur muni du pic et de la lampe, ayant à côté de lui le corps d'un défunt qu'il doit ensevelir.

Les fouilles de l'ancien cimetière juif de la via Poitiieusc ont mis au jour plusieurs inscriptions juives, grecques et latines, que le propriétaire a offertes au Musée chrétien du Latran.

Le BiiUettino porte le deuil de son éditeur, Guillaume Haass.mort à Rome le 13 avril 1905. M. Haass, directeur de la librairie Spithover,avait repris, depuis 1 870, la chromolithographie pontifi- cale et avait été associé depuis lors aux publica- tions de de Rossi et de ses élèves.

R. M.

L'ARTE.

\J Arte, qui paraît à Rome depuis la IX^ année sous la direction de M. A. Venturi, publie dans son premier fascicule de 1906 une étude som- maire de M. E. Mauceri sur quelques monu- ments peu connus de trois gros bourgs de Sicile situés entre Catane et Caltanisetta {Sici/ia ignota. Monumentt di Militcllo, Piazza Armerina ed Aidone ; ^^. I iS, et 18 fig.). Militello possède d'intéressantes sculptures, datant de 1 500 environ et offrant des airs de parenté avec les œuvres des Gagini, de Laurana et des délia Robbia. A Piazza Armerina la cathédrale possède un trésor qui contient quelques œuvres remarquables du XV et du XVI' siècle.

Randazzo, petite ville du moyen âge, des envi- rons de l'Etna, possède dans le mobilier et le trésor de ses églises des objets d'art remarqua- bles. (Monuvienti di Randazzo, pp. 185-192 et 13 fig.) Signalons la cuve baptismale de Saint- Martin (1447) en un style gothique sobre et pur; une statue assise de saint Nicolas, chef-d'œuvre d'Antonello Gagini ; un ostensoir, (cuvre d'An- tonio Cocula de Palerme (?), daté de 1567 et en- core tout imprégné de caractères gothiques.

Les fresques de la basilique inférieure d'Assise sont étudiées par M. A. Venturi {Le vêle d'Assisi, pp. 19-34 et 16 fig). Leur comparaison avec d'autres peintures de même école amène à la conclusion que celles-ci, et en particulier: le Triomphe de saint François, l'Obéissance, la Pauvreté et la Chasteté ne sont pas l'œuvre

personnelle de Giotto.Elles appartiennent plutôt à deux de ses disciples qui travaillèrent aussi avec le maître à Padoue et à Florence. L'un des deux rappelle le faire de Bernardo Daddi, sans pouvoir être identifié avec lui.

M. P. Toesca publie une étude très érudite sur un encrier en argent orné de sujets classi- ques au repoussé et d'une inscription en l'hon- neur d'un calligraplie nommé Léon {Civieli Bizantini, pp. 35-44, pi. et 9 fig.). Il rapproche cet encrier, conserve dans le trésor du dôme de Parme, d'un coffret de la cathédrale d'Anagni couvert de plaques d'argent estampées.

H. Graeven croît que le coffret en question est postérieur au IX"" siècle, mais, d'après M. Toesca, les estampes qui ont servi à son ornementation sont de diverses époques et en partie seulement de celle que M. Graeven propose. Ses bordures, recouvertes d'une ornementation végétale, rappel- lent une bordure d'évangéliaire du monastère de Zara, œuvre du XIII' siècle. Elles dépendaient à la fois, d'après l'auteur, de l'art occidental et de l'art de Byzaiice. A la vérité, l'art occidental nous semble pouvoir les expliquer à lui seul. Certains autres indices encore permettent de reporter au XI IT siècle l'origine du coffret.

Quant à ses plaques d'estampage et aux figures au repoussé de l'encrier, elle sont la même origine que ces sculptures de boîtes en ivoire que M. Venturi croit être du IV'' ou du V<= siècle, tandis que la plupart des archéologues les attribuent maintenant au IX<= siècle. Leur origine byzan- tine se trahît entre autres par la fréquente repré- sentation de l'Hercule qui ornait l'Hippodrome à Constantinople.

L'encrier, dont le style classique et élégant rappelle la renaissance byzantine, qui débuta au IXe siècle, peut être attribué avec plus de préci- sion à cette époque à cause de la paléographie de l'inscription qui s'y trouve.

M. Fr. Hermanim, qui s'est fait une spécialité de la peinture romaine du mojen âge, étudie les fresques d'une petite chapelle, sise aux pieds des Volsques, dans le voisinage de Cori. {Le Pitture délia capella dell' Annunziata a Cort presse Routa, pp. 45-52 et fig.) Des blasons que l'on y trouve permettent d'établir les relations de cet édifice avec des personnages espagnols. Les peintures de la chapelle sont de diverses époques ; les plus anciennes datent des années 1 378-1401 : leurs détails architectoniques, qui n'ont rien de gothique, rappellent l'œuvre des marbriers romains. De caractère byzantin assez accentué, elles sont étrangères aux influences toscanes qui se manifestent si vivement à Rome à cette époque.

D'autres fresques de la chapelle sont plus récentes : les unes, moins parfaites, rap[)ellent

2BtbUograpl)te,

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les peintures murales exécutées à Subiaco au milieu du XV*^ siècle ; les autres, très remar- quables, allient à des éléments traditionnels qui se retrouvent chez Cavallini, des caractères étrans^ers à l'ait romain, qui semblent indiquer que leur auteur a vu l'œuvre de Masolino à Saint- Clément de Rome, et que peut-être il a travaillé avec ce peintre à Castiglione. M. Hermanim en se basant toujours sur la présence des blasons, date ces peintures des années 1446 1453.

La chapelle des Lazzara,qui existait autrefois dans la basilique Saint- Antoine à Padoue, fut détruite vers 1532. M. S. Kunert (pp. 52-56et fig.) publie l'esquisse d'un retable peint, qui s'y trouvait et un contrat de 1466 relatif à son exécution. Le retable était l'œuvre du peintre padouan Pielro Calzetta.

Une poésie retrouvée par A. Cinquini (p. 56) dans un volume du fonds Urbin de la Bibliothè- que Vaticane permet d'attribuer aux années 1461-1465 les portraits du comte et de la com- tesse d'Urbin conservés au Musée des Offices et exécutés par Piero délia P'rancesca.

M. P. Toesca (pp. 56-57) annonce la publi- cation prochaine du petit codex de Bergame, dont il a attribué à Giovannino de' Grassi les dessins et l'alphabet miniature.

Le second numéro de VAr/e contient d'abord une étude {I Bassorilievi nei sarcofagi in Ronia, pp. 81-95 ^t fig-) dans laquelle M. Y. Ohlsen expose les principes qui l'ont guidé dans sa dis- sertation doctorale, relative aux sarcophages romains. Il a cherché à classifier ces monuments en se basant avant tout sur leur technique et leur style. Il a observé la sculpture des cheveux et de la barbe, les plis des vêtements, la distribution des sujets, le style de la décoration, les sujets représentés, l'épigraphie, etc.

M. G. Bernardini décrit le Musée Sandor Lederer, spécialement riche en maîtres italiens {La quadreria Saitdor-Ledcrer à Buda-Pest, fiç. 96-107, pi. et 9 fig.). Il signale avant tout les tableaux attribués aux écoles de l'Italie du nord et examine leur authenticité d'après les carac- tères de la peinture. Une sainte attribuée à Tiepolo mérite une mention spéciale. La galerie renferme aussi des tableaux de maîtres flamands et hollandais : Mostaert, van Goyen, etc.

Le charmant cloître de Sainte-Olive à Cori fait l'objet d'une étude de M. G. Giovannoni ( // Cliiostro di Sauf Oliva in Cori, pp. ic8-i 16 et 18 fig.). Ce monument de construction très simple trahit, par plusieurs détails, une école artistique qui mêle encore des éléments et des proportions gothiques, au style de la Renaissance. La sculp- ture des chapiteaux, un peu rude peut-être, mais d'une fraîcheur et d'une sincérité parfaites, est remarquable. Un chapiteau porte une date : 1480,

un autre une signature : Antonio da Como. La sculpture a bien les caractères lombards de l'époque. M. Giovannoni la rapproche de celle du petit cloître de Pavie et, plus encore, de la sculp- ture du cloître situé derrière l'église Saint-Fran- çois à Assise. A ce cloître, terminé en 1474, travaillait depuis 1S67 un nommé Antonio da Lombardia.

On sait par des documents publiés par Ber- taux, que le 10 juin 1308 Pietro Cavallini fut appelé à Naples par le roi Charles II d'Anjou. A cette époque on construisait, sous l'influence de la cour, l'église de Santa Maria di Donna Regina. Les fresques de cette église avaient été attribuées jusqu'à présent, soit à Lorenzetti, soit à l'atelier de Cavallini. M. A. Venturi {Pieiio Cavallini a Napoli, pp. 1 17-124 et 6 fig.) y reconnaît plusieurs mains et d'abord celle de Cavallini lui-même, qui rapelle ici ses œuvres de Sainte-Cécile à Rome. Une partie des fresques de l'église napolitaine paraît due à un élève du maître romain, une autre à un peintre siennois.

Vasari décrit un autel, peint pour l'église du Carminé à Pise, dont on ne connaît plus que quelques fragments dispersés. M. W. Suida a retrouvé un fragment nouveau; c'est un Christ crucifié entouré de trois saints, acquis par la pina- cothèque de Naples en 1901 (pp. 125-127 et 2 fig.)

M. F. Hermanim (pp. 127-130 et 2 fig.) resti- tue à Carlo Maratta un beau portrait de la Gal- leria Nazionale à Rome et fait des vœux pour que des recherches ultérieures puissent faire connaître sous son vrai jour le peintre romain trop déprécié et surnommé Carlitccio délie Madoniie.

Nous avons signalé à propos d'un article du Nuovo Btdleitino les pages (130-133 et 3 fig.) consacrées par M. Munoz aux sarcophages <L asiatiques ».

M. J. Gavini (pp. 133-136 et 3 fig.) signale à Rocca di Mezzo une porte d'armoire assez sim- ple, datée de 1492 et ornée de dessins géométri- ques gravés, qui rappellent une ornementation, d'origine orientale, fréquente dans les Abruzzes. A l'église du village existe une croix procession- nelle, datée de 1386 et exécutée par Giovanni di Meo.orfèvre de Sulmona,inconnu jusqu'à présent.

M. Fr. Carabellese publie des documents (pp. 136 139) qui énumèrent les dons que fit au trésor de sa cathédrale, de 1108 à 11 37, l'évêque de Troia, Guillaume II.

M. A. Venturi fait connaître (pp. 139 140) deux tableaux de Francesco délia Cossa con- servés dans la collection Spiridion à Paris.

M. A. Chiappelli a découvert à Santa Maria Novella un tableau de petites dimensions repré- sentant le Christ et la Vierge assis sur un trône et, à côté et sous eux, des saints et des saintes de l'ordre de Saint-Dominique. Le bienheureux

REVUK DE l'art chrétien. 1906. 4""* LIVRAISON

282

îRebue De V^n cf)rctien.

Maurice de Hongrie (+ 1336) est le personnage le plus récent qui y soit représenté. Le tableau paraît être du milieu du XIV<= siècle et appar- tient sans doute à cet élève de Nardo qui aida son maître à décorer la chapelle des Strozzi (pp. 149 150 et fig.).

M. A. Venturi (pp. 149- 150 et fig.) attribue à Bernardo Daddi une vierge avec saints, conser- vée au musée deNapIes.

R. M.

STUDIEN UND MITTEILUNGEN AUS DEM BENEDIKTINER UND DEM CISTKRGIEN- SER ORDEN.

Le D"^ Frans Adloch donne dans la V livrai- son de 1906 une contribution à l'histoire de l'abbaye de Gianfeuil (Saint-Maur-sur-Loire) dont la Revue de l Ait chiclien a. publié en 1905 par la plume de M. Chappée des carrelages très intéressants.

BOLETINO DE LA SOCIEDAD ESPANOLA DES EXCURSIONS.

Ce Bulletin, dont la Directeur M. D. Enrique Serrano Fatigati, jouit d'une grande notoriété, donne une haute idée de l'état des études de l'art chrétien dans le beau pays du Cid. Il est l'organe d'un groupe très choisi d'archéologues, qui, à l'instar de la Gilde belge de Saint-Thomas et Saint-Luc, se livre à des visites très fructueuses des monuments anciens. Nous donnerons une idée de sa laborieuse activité, en résumant le contenu de la dernière année de cette jolie publication, fort bien illustrée. Nous y trouvons une descrip- tion de la cathédrale de Plasencia, avec ses riches stalles gothiques et son grandiose retable de style renaissance ;de fort belles reproductions des superbes bas-reliefs qui ornent le dorsal des stalles de la cathédrale de Tolède, une visite à la cathédrale de Cuença avec reproductions de ses stalles qui datent de la Renaissance, comme la curieuse porte de la salle capitulaire. Nous avons déjà fait connaître l'étude de M. Z. M. Cabello y Lapiedra, sur la chapelle au décor à la fois mauresque et flamboyant, de la chapelle « del Oidor de l'Alcala de Henares. »

Signalons des notices de M. A. Fernandes Casanovas sur la collégiale de Cervatos, qui offre une belle abside à conque, un cloître élégant, une porte romane à voussures toriques très fortement ébrasée, et une tour imposante ; elle offre un plan aune seule nef,et l'ony voit decurieux chapiteaux cubiques. Notons la description de l'église romane de Retortello.

Nous revoyons avec plaisir les galeries très connues du beau cloître de Silos. Le curieux por- tail de l'église de Saint-Romain de Cirauqui offre des voussures toriques multiples alternant

avec des bandes d'ornements géométriques, et s'ouvre par un cintre festonné d'allure maures- que. Le beau portail de Saint-Michel d'Estella est d'allure plutôt française, comme celui de Sainte-Marie de Sangues. Insistons sur une notice de M. Lamperez y Romea sur la curieuse église à deux nefs et à deux chœurs de Udala (San- tander), le seul exemple en Espagne de ce parti propre aux Ordres prêcheurs français. La façade de Santo-Tomé est d'allure italienne, et son majestueux portail offre un rare exemple de larges voussures ornées de personnages se tenant assis dans le sens des rayons des arcs. Intéres- sante est l'église octogone des Templiers de Eunate (Navarre). La cathédrale de Palencia et sa crypte de Saint-Antolin est lobjet d'une im- portante étude de M. Fr. Simon y Nieto. Signa- lons tout spécialement une série d'articles du Directeur du Boletin, M. Enrique Serrano Fati- gati, sur la formation du style roman espagnol et en particulier les portails romans de la Transi- tion ; parmi ceux-ci se distinguent la curieuse porte de Saint-Pierre de Villanueva, la porte gothique à moulures multiples ébrasées de Saint- Sernin de Pampelune et celles, analogues, de Saint-Marc et de Sainte-Marine de Séville.

M. D. Claudio-Boulelon y Soldeville présente une étude d'ensemble sur la miniature espagnole, du Xe au XIX'^ siècle.

Indiquons encore des notices sur des sujets de second ordre, comme l'abside de Santa-Maria de Caceres, sur le beau cénotaphe, avec guerrier gisant sous un arcosolium, qu'on voit à Saint- Dominique de la Calsada.

On le voit, nos confrères espagnols s'occupent avec autant d'activité que de science à tirer de l'ombre tout ce qui intéresse l'art chrétien dans leur glorieuse patrie. Ils sont surtout préoccupés de l'histoire brillante de leur art monumental, sans négliger les arts secondaires, témoins l'étude précédente sur la miniature et celle de M. Elias Tarmo y Monso sur les tapisseries de Cordoue. M. Manuel G. Simanes a réuni des données biographiques intéressantes sur une série d'ar- tistes Castillans du XIII'' siècle.

L'art civil n'est pas laissé de côté. Nous trou- vons dans le Boletino une belle vue d'une partie du palais « Del marques de Mirabl » ; une étude importante de M. Raf. Ramirez de Arellana sur les alcazars musulmans de Cordoue, des photo- graphies du petit château de Alede (curieuse construction en brique du XI IL' siècle), du palais de Saldanuela, etc.

Ajoutons enfin que le Boletino donne comme annexe une publication considérable du P. N. Sentenaet y Cabenasur la peinture à Madrid.

L. C.

Blbltograplîte»

283

BULLETIN DES MÉTIERS D'ART 10,1906.

M. A. V. H. fait connaître par une jolie planche encouleursTaspectcharmant descottages ouvriers de la cité industrielle de Bournville en Amérique, érigés en 1S79 par le philanthrope Georges Cadburg.

M. J. De Brouwer décrit, planche à l'appui, un carrelage du moyen âge conservé à Lou- vain : c'est une de ces riches compositions de petits carreaux en terre émaillée, qui enferment dans des compartiments carrés, alternativement de clairs entrelacs grecs, et des remplissages compliqués et variés à l'infini. Ceux-ci appar- tiennent à Vespèce dite des /lavements Mût/téma- tiçues, dont nous avons signalé la plus remarqua- ble application à la cathédrale d'Amiens (■). Rien qu'avec huit carreaux noirs et huit blancs on peut faire plus de 60.000 dessins ; si l'on utilise seule- ment ceux qui ont une valeur esthétique, on peut déjà varier à l'infini les jeux d'imbrication ; ici les éléments sont plus nombreux et de trois cou- leurs ;de une variété qui confine à la confusion.

Rendant compte d'un récent ouvrage de M. Lafenestre (2), M. J. B. Dugardin se refuse à admettre l'existence d'une école brugeoise. Il est d'avis que Bruges fut un entrepôt artistique bien plus que le centre de l'école flamande. M. Dugardin promet une étude sur un tableau de Jean Van Eyck. Nous lui signalons l'article qui a déjà été publié dans la Revue de F Art chrctien au sujet de ce tableau par deux spécialistes de valeur, MM. Helbig et J. Weale (3); un autre vient de paraître dans le Burlington Magazine. M. l'abbé Nève donne une bonne dissertation sur les principes d'esthétique. Il démontre, à ren- contre de maint philosophe, l'existence objective du beau.

L. C.

THE BURLINGTON MAGAZINE.

Avril IÇ06. M. Y. Thompson publie deux miniatures d'un curieux livre en deux volumes, édition latine des œuvres d'Aristote. Il fut imprimé en 14S3 par Andréa du Torresani dit Andréa d'Arola, du nom de sa ville natale, située près de Mantoue. Andréa fut contemporain de Nicolas Jenton et Aldo Manzio, deux noms

1. V. Revue de l'Art chiétien, année 1895, p. 342.

2. Les Primitifs à Bruges et à Paris, 11)04. Paris, librairie de tart ancien et moderne, igo^.

3. V. Revue de C Art chrétien, 1902, p. i.

plus connus dans l'histoire italienne de l'impri- merie. Le livre en question est imprimé en carac- tères gothiques avec de l'encre fort noire sur du vélin le plus blanc et est richement enluminé ; les deux enluminures reproduites, chefs-d'œuvre du genre, constituent la première page de chaque volume et s'apparentent de l'école de peinture de Ferrare ; sur la première se lit l'hexamètre

Ulmer Aristotilem Petrus Produxerat Orbi.

M. Yates Thompson, tout en laissant la ques- tion ouverte, croit pouvoir identifier ce Petrus Ulmer avec Peter Ugelleymer, originaire de Franckfort, établi commerçant, homme d'afTaires à Venise et qui fut l'ami intime d'Andréa d'Arola. Le verset ci-dessus ne serait qu'une espèce de dédicace.

A^" de Juin. Le 2 mai s'est ouverte à la Guil- dhall à Londres une exposition de tableaux de l'art néerlandais. 218 Œuvres ont été expo- sées dont quatre-vingts appartenant à l'école dont les frères Hubert et Jean Van Eyck furent les initiateurs. Cette école qui florissait, on le sait, dans les Pays-Bas au XV^ siècle, a exercé une grande influence sur l'art de la peinture dans toute l'Europe Occidentale; elle déclinait au XVIe siècle, s'éteignit au commencement du XVII*. L'école d'Anvers dont Rubens, Jordaens et Van Dyck furent les représentants les plus illustres, est représentée par quarante-deux et l'art moderne de la peinture en Belgique par quatre-vingt-seize tableaux.

M. W. A. James Weale passe en revue les principales des œuvres exposée de la V'^ catégorie dont un grand nombre a déjà figuré à l'exposi- tion des « Primitifs flamands > à Bruges en ig02. Notons en passant les deux tableaux de Hubert Van Eyck : les trois Marie sur la tombe de N.-S. et un portrait de jeune homme prêté parle Gymnase de Hermannstadt en Transylvanie; de Jean Van Eyck une Ste Vierge à l'Enfant, dont la peinture a malheureusement souffert. The Bur- lington Magazine reproduit aussi l'ensemble du triptyque par Jean Van Eyck dont notre Revue a publié les parties principales en janvier 1902 et appartenant à M. G. Helleputte. Œuvre impor- tante à ce sens qu'il offre le premier exemple, dans le Nord, d'une peinture dans laquelle les lois de la perspective linéaires sont parfaitement observées. Ce tableau atteste que vers la fin de sa carrière l'artiste était parvenu à se rendre parfaitement maître du procédé.

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CllrOinQUC. sommaire: conservation dès monuments. Monuments privés. Monuments religieux ; Voix, Bruxelles, Wenduyne. NOUVELLES : Dijon, Ter- monde, Tokio, Rome, Vicence, Florence, Cologne.

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Gonscrtiation Des Monuments.

J*^5^'0US recevons l'intéressante communi- cation qui suit de M. le Professeur De

Ceuleneer :

Dans la i"^' livraison de la Revue àe cette année (p. 70) sont reproduites les huit propositions faites par M. Soil à l'Assemblée générale de la Coiinuissioii royale des Monti- menis de Belgique du 10 octobre 1904 dans le but d'en arriver à assurer la conservation et la restauration des anciennes constructions pri- ve'es offrant un intérêt archéologique, historique ouartistique.Ces propositions sont des meilleures; malheureusement, dans bien des cas il ne suffira point d'employer les moyens proposés pour con- server aux constructions privées leur caractère artistique. Qu'il me soit permis de rectifier d'abord une erreur de fait que je constate au n°4.La ville de Bruxelles n'a pas fait Vacliat des façades anciennes des maisons de la Grande Place. J'ai été amené, il y a près de vingt ans, à examiner cette question pour la rédaction d'une lettre qu'au nom de la Coininission provinciale des monuments j'eus à adresser à l'Administration communale de la ville de Gand ('). J'y ai étudié la question surtout au point de vue juridique; et il ne sera peut être pas inutile de transcrire ici quelques passages de cette lettre afin de rectifier et de compléter les idées émises par M. Soil.

« En accordant des subsides pour la restaura- « tion des façades... on peut bien conclure un « contrat avec le propriétaire, stipulant que la « façade ne pourra être démolie ; mais ce con- « trat n'a aucun caractère de perpétuité ; ilest « personnel et ne saurait lier que le contrac- « tant et ses héritiers ; l'acquéreur d'un pareil im- « meuble pourrait démolir la façade et la rem- « placer par une construction des moins artis- « tiques. Un contrat ne saurait garantir la con- « servation à perpétuité de l'édifice. »

En Angleterre la conservation est garantie par le bill du mois de février 1880 ; et en France par l'art. 3 de la loi de 1886 (2) ; mais en Belgique aucune loi ne règle la matière, et la conservation des monuments, appartenant à des particuliers, dépend toujours du bon vouloir du propriétaire.

« La Ville de Bruxelles a trouvé le moyen d'as- « surer définitivement la conservation des façades « des maisons de la Grande Place ('). Elle a pris « le parti de grever ces immeubles d'uneservitude « réelle, inhérente par conséquent au fond et sui- « vant celui-ci, quelles que soient les mains dans « lesquelles il passe. Par un contrat, à titre « onéreux, elle établit une servitude consistant « à ne faire aucun changement à la façade de « l'immeuble. Elle contracte avec chaque pro- « priétaire en particulier, et celui-ci consent à « ce que son immeuble soit grevé d'une servi- « tude réelle au profit de l'Hôtel de Ville, immeuble « de la commune de Bruxelles. La ville s'engage à « restaurer et à entretenir ces façades à ses frais, « moyennant le paiement, par le propriétaire, « soit d'une certaine somme stipulée par le con- « trat, soit d'ime redevance annuelle garantie par « une inscription hypothécaire sur l'immeuble. > Pour éviter toute difficulté, il est cependant pré- férable de ne pas prendre hypothèque si l'on peut obtenir du propriétaire le paiement d'une certaine somme lors de la conclusion du contrat.

Le seul moyen de garantir à perpétuité la conservation d'un monument privé est donc de grever cette propriété d'une servitude au profit d'un immeuble appartenant à la Commune. La ville de Gand l'a si bien compris que déjà en 1899 's Conseil Communal approuvait une con- vention passée avec un propriétaire analogue aux conventions bruxelloises (2); et, il y a à peine un mois, il a émis un vote pareil pour la restauration des façades de la Place Sainte- Pharaïlde (•'). La ville s'y engage à restaurer et à entretenir les façades moyennant une rémunération annuelle de I fr. par mètre courant de façade. Le proprié- taire de son côté doit grever son immeuble d'une servitude au profit du Château des Comtes.

S'il s'agit maintenant d'une propriété privée qui, par sa situation, ne saurait être grevée de servitude au profit d'un monument communal, il reste comme dernière ressource de grever l'im- meuble d'une servitude au profit de la rue l'immeuble est construit. Rien en effet ne s'oppose à créer une pareille servitude. « Quoique les « chemins publics, dit Laurent (VIII, 255) soient « hors du commerce, cela n'empêche pas que des <i servitudes ne puissent être établies au profit de

1. Publiée pp. i6-20 du lome II du Bulletin du Comité provincial dt la Flandre orientale. Séance du 29 juillet 1887.

2. Voir à ce sujet, le Bullelin des Commissions d'art et d'archle- logie iSSj, p. 4.

I. Séance du LonsetI communal du 28 mai 1863. Bulletin com- munal, p. 386 et suiv.

2 Gemeenlehlad, 31 juli 1899, II, 38. 3. Ihid. 26 maart 1906. I, .175.

Cl)roiuque.

285

« ces voies de communication ». Cette manière de voir est corroborée par un arrêt de la Cour de Cassation du 3 juin 1843 (')• En agissant de la sorte on garantira d'une manière définitive la conservation des monuments privés, en attendant qu'une loi intervienne pour régler la question comme cela s'est fait notamment en Angleterre et en France.

Adolphe DE CEULENEER.

Vû/x. Nous transcrivons de la Rev7ie des FIandies,zvn\ 1906 (-) la nouvelle suivante :

Un fait léceni appelle particulièrement l'attention sur la nécessité de faire l'éducation des municipalités. Le maire de \'o\\ (Basses-Alpes) avait, dans sa commune, une chapelle romane dont l'histoire était mclée intime- ment à l'histoiie du village, et qui se trouvait être le plus ancien monument historique du dépaitement. Le monu- ment par suite de circonstances trop longues à raconter ici, n'avait pas été c/assé 'pax la direction des Beaux-Arts. Le maire de \'ol.\-, élu au.x dernières élections avec un programme de gauche, décida de démolir cette chapelle romane et d'utiliser l'emplacement pour y constiuire une maison d'école. On lui a vainement fait remarquer l'intérêt historique et artistique de ce monument ; il est résolu à passer outre.

Le Comité des Sites et des Monuments pitto- resques du Touring-Club a fait des démarches pour essayer de sauver cette chapelle. Voici la lettre que le président de ce comité a reçue du maire de Voix :

Monsieur le Président,

En réponse à votre lettre du 11 courant, j'ai l'honneur de vous informer qu'en effet, on va construire une maison d'école de filles sur l'emplacement de la vieille chapelle. Les dispositions sont prises, afin de la faire s'effondrer avec quatre cartouches de dynamite.

La population ne s'est jamaisaperçue que ce monument, remarquable il est vrai, par son ancienneté, mais repous- sant par sa laideur, attire un seul touriste dans la com- mune.

La chapelle est, comme vous le dites, un patrimoine de nos ancêtres, mais elle nous rappelle des époques nos pères ont subir le joug d un clergé autoritaire et cruel. Songez donc, il date, paraît-il, du XII" siècle ; il a vécu de t Inquisition, delà Saint- Barthélémy et des Dragonnades.

Malgré cela, si le comité auquel vous appartenez, et dont vous êtes le président, désire en devenir acquéreur, je ne m'y opposerai pas, et je crois que le conseil serait de mon avis, car nous ne désirons rien moins (sic) que de procurer des ressources à notre malheuieuse com- mune.

Si telle était votre intention, faites-nous une offre sérieuse et alors nous verrons ; mais faites vite, car la démolition est très prochaine.

i.Pasicrisic, 1843, p 274 et par un jugement du tribunal de Gand du i3a.vTi\i&6o.i,Belg. jud. XIH, p. 884.) 2. Lille : 39, rue de Turenne. Bruxelles ; 254, rue Royale.

^ Dans le cas contraire, bientôt nous aurons, au lieu d'une chapelle en ruine, une maison d'école superbe qui sera l'ornement de notre place publique.

Frédéric Charpin.

* * *

Bruxelles. Les travaux de la sacristie de la collégiale des SS. Michel et Gudule et des annexes seront adjugés dans un avenir très prochain.

La sacristie dont on aperçoit la partie supé- rieure derrière l'afîfreuse muraille bariolée d'fefifi- ches voyantes, qui longe la façade de l'église du côté de la rue du Bois-Sauvage, sera rétablie dans son aspect primitif. On s'est aperçu, il y a quelque temps, que les anciennes fenêtres avaient été bouchées jadis au moyen de briques et de mortier et que ces matéiiaux masquaient des parties architecturalesd'une beauté remarquable; on se demande même comment pareil acte de vandalisme a pu être commis sans soulever les protestations énergiques de ceux qui ont le culte de nos monuments publics.

On suppose que l'ordre de boucher les fenêtres a été donné pour rendre la sacristie plus habita- ble en raison de la température glaciale qui devait y régner. Mais cette raison ne suffit pas à justifier la dégradation infligée à ce superbe édifice. C'est donc en démolissant cette cloison de briques à coups de marteaux que l'on a mis à jour les contours délicats des anciennes fenêtres ogivales. Celles ci étaient encore en parfait état ; les lignes architecturales avaient conservé toute leur forme et toute leur pureté.

On en conclut que cette opération déplorable a s'accomplir peu de temps après l'achèvement de la collégiale; elle aurait donc été effectuée au XVI^ siècle. La sacristie est, en effet, en pur style gothique tertiaire comtrie la chapelle du Saint-Sacrement du Miracle, dont elle était le prolongement et qui fut achevée en 1539.

Wenduyne. Les travaux d'agrandissement et de restauration de l'église paroissiale viennent d'être mis en adjudication.

Cet édifice religieux, du plus pur gothique, est considéré comme l'églisetype de la Flandre maritime.

Grâce aux recherches et aux travaux de l'architecte brugeois, M. Alph. De Pauvv, le rétablissement de la belle église de Wenduyne sera d'ici peu un fait accompli.

Les plans d'agrandissement comportent un prolongement de 20 m. depuis la tour : les trois

286

3Rrbur Ijc V^xt cbrctirn.

nouvelles nefs auront: les deux latérales, 6™, 50 ; la nef centrale, 6 m. Deux parties de tran- sept de 6"',SOx6 m. viendront s'appuyer à la tour ; la tourelle abritant l'escalier d'accès à la tour sera accotée au transept. D'autre part, le petit pignon de la sacristie sera flanqué de deux pignons de même importance.

La tour est surmontée d'une petite flèche de 5^,50 sans la croix qui servait de phare aux pêcheurs de Blankenberghe et de Heyst : mais lorsque les travées de l'église seront prolongées de 20 m., cette petite flèche qui, en maçonnerie ne dépasse que de 8 m. le faîtage des nefs, ne sera plus guère visible de la haure mer.

Aussi bien l'architecte a fait un projet de grande flèche (29 m. croi.x comprise), qui, tout en relevant l'édifice, répondrait aux desiderata de la population côtière.

I?OUtJCUCS.

//ON. Les archives paroissiales de l'église Saint-Michel nous ont déjà révélé l'auteur du Jugement dernier ! du grand portail (').

Une nouvelle resherche dans les documents paroissiaux a fait apparaître le nom d'un autre imagier du XV^ siècle, qui, lui aussi, a tra- vaillé pour Saint-Michel. Dans le transept méri- dional, on voit encore appliquée à la muraille une décoration composée de deux pilastres carrés d'un corinthien très libre, et évidés de manière à former des niches, quatre par chaque pilier, qui sous des dais François I'^'', abritent des statuettes d'anges. Six sont anciennes, et bien que ne cor- respondant pas absolument aux énonciations du marché, elles doivent appartenir à l'ensemble pri- mitif. Les deux du bas, deux Apôtres, sont mo- dernes et médiocres. Il faut nettement critiquer une telle disposition architecturale ; évider des pilastres, affaiblir ainsi des supports qui par définition doivent être rigides et pleins, est une énormité ; mais on n'y regardait pas de si près au XVI'^ siècle. J'ai rencontré la même faute dans l'église ogivale Notre-Dame du Folgoat (Finistère), élevée par Anne de Bretagne.

Les deux piliers d'applique servent de départ à un arc représentant le ciel avec des figures d'anges. Dans le champ s'étageait en plusieurs registres un immense bas-relief commandé en 1530 avec son cadre monumental, à un imagier de Dijon, Jean Damotte dit Reynard. L'œuvre divisée en plusieurs étages, comprenait dans le bas les morts sortant de leurs tombeaux, les diables, l'enfer ; au-dessus, saint Michel pesant

1. Revut l'Art chrétien, année 1906, p. 211.

les âmes ; le Christ assis sur un arc en ciel, accompagné de la Vierge, de saint Jean-Baptiste, des douze Apôtres, des légions d'anges et d'élus ; enfin dans le cintre, on voyait le Saint- Esprit et Dieu le Père. C'était donc à tout pren- dre un Jugement dernier, mais conçu sous une autre forme que celui du portail, quelque chose comme la grande composition en mosaïque de la cathédrale de Torcello, dans la lagune Véni- tienne La chapelle prit dès lors le nom de chapelle des Trépassés.

Alais la décoration fut entièrement modifiée en 1698 aux frais d'un président au Parlement de Bourgogne, François-Bernard Jacob, qui mort le 8 octobre 1704, en sa terre de Courgy, fut ramené à Dijon et inhumé à Saint-Michel. C'était, semble-til, un pieux paroissien de Saint-Michel, et à qui on doit savoir gré, non à coup sûr de la destruction de l'œuvre de Damotte, mais de la bonne intention d'embellir l'église oîi il avait fait des fondations importantes. Pourtant le prési- dent Jacob n'en est pas moins le héros d'une légende terrifiante et diabolique, venue par tradi- tion jusqu'à nous, et qui a été recueillie dans les Mémoires de la Société boiirguignotine de Géogra- phie et d'Histoire, t. VL 1S90, p. -KI.K. Quoi qu'il en soit, il fit remplir le champ d'un placage en pierre rougeâtre polie, qui existe encore, et remplacer le jugement dernier de Damotte, par un saint Michel terrassant les anges rebelles. L'œuvre du XVI I^ siècle fut brisée pendant la Révolution si meurtrière à l'église dont elle extermina non seulement l'imagerie, mais encore les admirables vitraux du XVI'= siècle.

En 1822, le curé Philippe Deschamps, qui a laissé à Saint-Michel une mémoire vénérée, fit placer sur le champ de pierre polie, un grand bas- relief en plâtre, \ Adoration des Rois, œuvre d'un artiste dijonnais,Jean- Baptiste Moreau, Dijon 1797. 1855, le père de M. Mathurin Moreau, l'un des sculpteurs les plus distingués que l'école de Dijon ait donnés à l'art français au XIX<= siècle. h. Adoration des Rois est une œuvre correcte, noble et froide dans le style du temps. Je ne sais si le groupe qui plane au-dessus dans un disque de nuée le Père entouré d'anges est du même artiste, je crois plutôt que c'est un reste très retouché de l'œuvre du président Jacob.

M. Metman, avocat, secrétaire de la Commis- sion des Antiquités, fabricien de Saint-Michel, à qui revient l'honneur d'avoir fait connaître le nom de Jean Damotte, lui attribue le retable en pierre du musée, n" 142S du catalogue ; il pro- vient de l'ancienne église Saint-Pierre, démolie dès 1791, et présente six scènes de la vie du Christ, traitées en haut relief et encadrées dans des motifs d'architecture ornementale. Les armes sculptées sur la base sont celles d'une ancienne

Cj)roiuque,

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famille dijonnaise, les Le Marlet. Or, sur un des pieds droits évidés en niclies, notons ce point, on trouve cette signature, J. D., qui doit être celle dejean Damotte. Le retable, manifestement du style François I<^', est par conséquent à peu près contemporain de celui de Saint-Michel ; de plus les parties décoratives présentent dans les deux monuments des analogies assez frappantes. Il règne, d'ailleurs, une certaine lourdeur générale dans l'ensemble et je parle aussi bien du décor architectural que des figures un peu trapues et pesantes. Mais il y a ici un caractère de force que l'on ne peut méconnaître, et le retable de Saint- Pierre est bien représentatif des qualités et des défauts de la puissante école bourguignonne.

Ce petit monument, haut de i'",30, large de l"\98, appartenait au Bureau de Bienfaisance qui l'a cédé au musée en 1S74. Peut-être aurait-il mieux valu le laisser tel que l'avaient fait les injures du temps et surtout celles des hommes. Mais on avait alors, on a même peut-être encore d'autres idées en province ; et quand je pense que pendant de longues années, j'ai vu au Louvre, la plaque de la procession des Panathénées, pro- venant du Parthénon, que nous sommes heureux déposséder comme la carte de visite de Phidias, déshonorée par d'affreuses têtes rapportées en plâtre, on se sent tout indulgence pour les erreurs de la province en retard.

Henri Chabeuf.

blable aux grands collèges américains, pour l'en- seignement supérieur. La direction en sera con- fiée aux Pères de la Compagnie de Jésus.

* *

Termonde. Récemment a eu lieu dans la belle église de l'abbaye bénédictine de Ter- monde, la bénédiction d'un nouveau chemin de croix. L'œuvre de M. A. De Beule, l'auteur des stations de Saint-Bavon et de Saint-Jacques à Gand, de l'église paroissiale de Ghistelles et de nombre d'églises catholiques de l'Angleterre, s'harmonise avec le style du temple même, qui est du XIIP siècle. Les diverses stations sont conçues dans un style sévère qui involontaire- ment reporte la pensée sur le chemin de croix de Sainte-Clotilde de Paris, ce chef-d'œuvre de Pradier.

Il est taillé en pierre blanche et rend les sombres épisodes de la voie sanglante avec un réalisme non dénué de style.

Tokio. Nos lecteurs se rappellent les détails publiés sur le Japon au moment de la visite à Rome de Mgr O'Connell. Il a été parlé, à cette occasion, du don qu'un riche païen avait fait au Saint-Siège d'une grande étendue de terrain, à Tokio, pour la construction d'une église. Nous apprenons de bonne source, dit la Croix, qu'à côté de l'église, s'élèvera un grand collège, sem-

*

Rome. Les fouilles dans les Catacombes qui ont été arrêtées au commencement de l'hiver, seront, selon le désir exprès du Pape, reprises cette saison dans la direction du Cimetière de Priscille ; c'est de ce côté que M. Marucchi espère retrouver l'endroit baptisait le premier des Apôtres.

On exécutera en même temps des fouilles dans les catacombes juives retrouvées à la Via portuensis.

*

Mgr Wilpert a fait, en ces derniers temps, des études intéressantes sur les peintures de l'église souterraine de Saint-Clément.

Il a pu retrouver une scène du jugement de dimensions considérables. Elle date du ponti- ficat de Léon IV (847 855). La représentation de l'enfer y est déjà très développée,

Parmi les peintures de la basilique que l'on met en rapport avec saints Cyrille et Méthode, certaines n'ont rien à voir avec ces deux apôtres. D'autres s'y rapportent en effet et, parmi elles, il faut signaler une peinture qui appartient à la décoration primitive du tombeau de saint Cyrille. Le saint s'y trouve représenté devant le Souverain Juge, auquel le recommandent le pape saint Clément et saint André. Son frère Méthode, qui d'ailleurs lui a survécu, offre le Saint Sacrifice pour le repos de son âme (■)■

NN. SS. Wilpert et de Waal ont fait enlever le badigeon qui recouvrait partiellement les fres- ques duXIe siècle qui existent dans une chapelle d'un couvent de Damesderrière l'abside deSanta Pudenziana. Elles portent des inscriptions mé- triques et représentent la prédication de saint Paul, le baptême des deux fils de Pudens, les sœurs Pudenziana et Praxède ; et, aux voûtes les bustes de sainte Cécile et d'autres saintes.

* * *

Vicence. Les journaux italiens enregistrent toujours avec regret l'exode des œuvres d'art qui composent depuis des siècles le plus précieux trésor de l'Italie. Ainsi, dans son numéro du 11 {évnQr,\' Ilhistrazione déplore la perte d'un pré- cieux tableau attribué au Giorgione, et qui, de la galerie du palais Lorchi, à Vicence, a passé dans celle de M. Gardner, à Boston (États-Unis).

I. D'après /Coluisc&en Volks Zï, 15 juin 1906.

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jRrbur ïir T^rt chrétien.

Il s'agit d'un CI/ rist portant sa croit:, en buste ; la figure fine et d'une douceur plus calme encore qu'attristée est fort belle et d'une expression saisissante ; nous avons sans doute un portrait. Néanmoins, le naturalisme italien hésitait tou- jours devant une représentation trop réelle de la personne du Christ ; s'il y a ici une part incon- testable et grande de vérité individuelle, il y en a une aussi d'idéalisme. Quoi qu'il en soit, l'œuvre est fort belle et digne du grand nom sous lequel elle est mise.

Mais les critiques italienshésitent àreconnaître ici un original ; le faire très égal et minutieux, bien que d'une habileté consommée, leur paraît indiquer plutôt une magnifique copie ancienne quelque original célèbre et perdu.

Florence. M. Corrado Ricci, directeur de la galerie royale des Offices, à Florence, vient d'acquérir de l'antiquaire Luigi Grassi, pour le prix de 7,000 lires, deux œuvres importantes de Melozzo Forli, 1448 1494, un maître rarissime dont la sacristie de Saint-Pierre de Rome montre de si admirables anges musiciens, provenant de l'église des Saints-Apôtres. Il s'agit d'un pan- neau peint sur les deux faces ; l'une présente l'ange de \ Annonciation, debout, dans un mouve- ment rapide de translation ; cette figure est fort belle et digne par le dessin, l'expression, la vérité et la beauté des draperies, des anges des Saints- Apôtres. L'œuvre est demeurée inachevée dans la plus grande partie de la robe aux beaux plis ; mais la préparation des dessous, avec l'indication très nette des détails, est peut-être plus intéres- sante pour les amateurs raffinés, que ne le serait la peinture terminée.

Le saint Benoît n'est qu'un tronçon, il manque à la figure, avec la tête, le torse presque entier et les pieds, de plus les côtés sont légèrement rognés ; ce n'est donc qu'un débris ainsi que tant de statues antiques, mais de tout premier ordre. La robe blanche et le manteau d'un rouge vineux, sont d'une draperie aussi simple que noble, et la figure entière devait être d'une ma- jesté incomparable.

Ce Melozzo da Forli doit compter parmi les plus grands artistes de l'époque intermédiaire entre les premiers quatrocentisteset l'avènement de Raphaël. La pinacothèque du Vatican, le musée le plus mal disposé qui soit en Europe, mais les choses vont changer, possède de Melozzo une très belle fresque transportée de l'ancienne bibliothèque du Vatican. Elle représente dans un riche décor d'architecture. Sixte IV, François d'Albescola de la Rovère, pape de 1471 à 1484 celui à qui FoUajuolo a fait un si beau tom- beau de bronze à Saint-Pierre assis entre ses

neveux, les cardinaux Julien de la Rovère, le futur Jules II, et Raphaël Riario, tous deux debout, tandis que Platina, à genoux, présente au pontife l'inventaire de la Bibliothèque vaticane, créée sous son règne. C'est un très beau morceau et qui mériterait d'être mieux ()lacé.

Le musée Campana, dont M. Salomon Rei- nach a raconté l'histoire dans la Revue archéolo- gique, mais en le surfaisant un peu beaucoup, selon moi, montrait dans la section de peinture une série de portraits de poètes et autres person- nages historiques anciens et modernes attribués à Melozzo. C'était trop dire, et prudemment, l'auteur du catalogue de la peinture italienne au Louvre, édition de 1878, M. le vicomte de Tauzia, les met parmi les anonymes; ce sont d'ailleurs, des œuvres très honorables qui portent les numéros 501 à 513. On y remarque le caractère individuel des têtes ; nous avons là, évidemment, des portraits de contemporains auxquels on a mis des noms pour la plupart antiques, comme Solon, Platon, Aristote, Virgile, Sénèque ; mais il y a aussi des modernes comme le cardinal Bessarion.

En somme, le grand peintre que fut Melozzo da Forli manque au Louvre qui, en revanche, possède dix-huit tableaux du Guide!

(Journal dei Arts.) AnDRÉ ARNOULT.

»

Cologne. M. le Chanoine Schniitgen a fait don à la ville de sa fameuse collection d'anti- quités, en y mettant les conditions suivantes, que les édiles se sont empressés d'accepter.

La ville de Cologne s'engage à construire h ses frais et en déan5 les trois ans, une annexe au Musée des métiers d'art qui portera le nom du donateur ; les nou- veaux locaux seront suffisamment spacieux et compren- dront en outre une salle pour bibliothèque.

2" A nommer un conservateur très entendu dans le domaine de l'art chrétien, catholique et de préférence prêtre lequel aura en première ligne ,^ faciliter l'étude des clercs, des étudiants en théologie et des artistes.

Un véritable trésor d'art, comprenant notamment de rares spécimens de la plastique rhénane médiévale, sera mis ainsi à la disposi- tion du public éclairé et des amateurs. Le conseil communal qui ne recule pas devant une dépense de 150J00 à 200000 marks pour la construction des nouveaux bâtiments, mérite aussi tous les éloges.

«

* *

Des travaux de réfection sont devenus néces- saires à la façade Ouest de la cathédrale ainsi qu'à la tour du Nord de la façade principale. La maçonnerie se désagrège ; elle parait avoir été exécutée en calcaire français. Grand nombre de pierres se réduisent en poussière. On se propose de les remplacer par des matériaux du pays plus résistants.

Imprimé par Oesclée, De Brouwer et C'=, lille-pakis-bruges.

^^-^#"^4^ '^^

Betiue lie

CHrt rbrétten

^1H> pacaiGsnnt tniis (ejo bcujc iiiaiie. 4; 49"'^ Hnnéc. 5™« Séiic. (Comc II (Lvie lie (a collection)

5"^^ liur. Septembre (906. 4^1

lia Vierge qui Ijalse la mai» lie rGnfant.

ARMI les monuments I insignes de la peinture française archaïque, sont les fresques de la cha- pelle Sainte-Catherine, ,_. dans réo^lise Notre- Dame, à Montmorillon, département de la Vienne. Un relevé, exé- cuté pour le service des Monum^ents histo- riques et conservé à la Bibliothèque de l'École des Beaux- Arts de Paris, a été publié en chromolithographie dans le recueil de Gélis-Didot et Laffilée, La peinture décora- tive en France du XI' au XVI' siècle, planche i6 (') ; le détail de la Vierge bai- sant la main de l'Enfant, sur lequel je vou- drais présenter quelques observations, est reproduit, d'après Gélis-Didot et Laffilée, dans la Peijiture française de Paul Mantz, Jîg. 36 ; la photographie ci-contre (fig. i ) a été faite d'après l'aquarelle de l'École des Beaux-Arts.

I. Le relevé est de Laffilée. Il a figuré à l'Exposition des primitifs français [Catalogue, 423).

On s'accorde à dater du XII P siècle les fresques de Montmorillon. Dans le geste de la Vierge qui baise la main de l'Enfant, on se plaît à constater cette détente qui se produisit dans l'art chrétien, quand nos maîtres du XII P siècle secouèrent, les pre- miers, la raideur hiératique de l'époque romane et que l'Art sortit des cloîtres. « Si les peintures de Saint-Savin, écrivent Gélis-Didot et Laffilée, se ressentent en- core de l'influence byzantine, celles de Montmorillon commencent à s'en affran- chir ; dans le geste de la Vierge baisant la main de l'Enfant, on reconnaît une recherche de l'expression encore rare à cette époque. » « Nous avons là, dit Paul Mantz, un geste nouveau, un geste ma- ternel et tendre, que le XI I^ siècle n'aurait pas trouvé. » Le promoteur de l'exposition des « primitifs » français est plus caté- gorique encore :

« Dès avant Cimabué, dont les Vierges exclusivement orientales, figées et sans grâce, n'ont d'étonnant que leur conserva-

RgVUB DE l'art chrétien.

xgo6. -

LIVRAISON.

290

WitWt tjc rârt chrétien.

lion, les vieux Français cherchent l'expres- sion de nature, la vérité. Je sais à INIont- morillon, dans la Vienne, une peinture mu- rale, antérieure à Cimabué,qui nous montre, elle aussi, une Vierge assise, tenant l'Enfant. A vrai dire, le corps est immense pour la tête, mais cette erreur reconnue, quelle

distance d'avec le célèbre Italien ! Au lieu de ces attitudes mornes, rigides, sans âme, le vieux Français a voulu exprimer la vie ; il a réellement trouvé la note sublime dans un geste, un simple mouvement d'un natu- ralisme exquis. La Vierge penche la tête, et baise la main de son enfant. Celui qui

Fig:. I. Fresque du XHI'^ siècle dans leglise Notre-Dame à Montmorillon.

a compris et rendu cette intention n'était pas un moine, mais un père, et les caresses des mamans n'avaient pas de secrets pour lui (•). »

Je laisse de côté cette appréciation in- juste, et vraiment blasphématoire, des Ma- dones dites de Cimabué, qui sont de Duc- cio ('). Je ne m'attacherai qu'à deux points :

1. Henri Bouchot, Les primitifs français, p. 41.

2. Cf. Vt.ià\\it\., La peinture religieuse en Italie jusqu'à lu fui du XIV' siicle (Nancy, 1905), pp. 14-20.

le geste de la Vierge de Montmorillon est-il un unic7i)n dans l'iconographie chrétienne.'* Que signifie-t-il au juste .''

* *

Je ne sache pas qu'on ait signalé, dans l'art du moyen âge occidental, d'autres exemples de la Vierge baisant la main de l'Enfant que celui de Montmorillon ; mais les recherches dans le domaine oriental de l'art chrétien en ont fait connaître un (fig. 2).

Ha llterge qiu baise la matn ht TCnfant.

291

C'est une vieille icône du couvent de Vato- pède, qui a été publiée naguère par M. Kon- dakoff dans ses Momi»tents de iart chrétien à r Athos ("). Il en existe une copie à Ros-

tov, au couvent de Saint-Jacques, près du tombeau de Saint-Dimitri. L'icône de Vato- pède daterait de la tin du XV<^ siècle ou du commencement du XVP; comme elle passe

Fig.

La Vierge de Consolation, icône du couvent de Vatopède.

pour miraculeuse, le pinceau des restaura- teurs n'a pas osé la toucher. On l'appelle

I. Pamiatnicki khrislianskavo iskoustva 71a A fonte (publication de l'Académie royale des Sciences, Saint-Pé- tersbourg, 1902), p. 174, pi. XX. M. Kondakotr dit à tort que celte image est une fresque. Cf. Millet-Pargoire-Petit, Recueil des inscript, chrét. du M. Athos, 94 L'icône mi- raculeuse est conservée dans une chapelle (--.<p£/'.>'.Âiiaiov)

la Vierge de consolationi^t.vj.-^l.a.'ft^i:, Tiapaj/uGia;). Pour ceux qui sont sensibles à la beauté

luxueuse, qui date de 1678 {Recueil, 91). M. Millet m'informe qu'il en est question dans Barskij, le pèlerin russe qui visita l'Athos en 1744 {Stranstvovanija, t. III, p. 207;, et dans la ti aduction russe de l'AvtuTc'pa "ETriaxias'? ( Vysnij Pûkîov nad A/û/iom,Moscou, 1 892, p. 65, avec une mauvaise gravure).

292

3iRel)ue lie rSvt chrétien.

singulière des Madones byzantines, celle-ci aura, sans doute, quelque chose de saisis- sant, tant est intense et profond le long regard dont elle nous enveloppe. Ses yeux de grands yeux d'Orient, des yeux de gazelle (') font songer aux Vierges sien- noises archaïques, à celle de Guido ('), par exemple, ou à cette Madonna degli occhi grossi (^) qui précéda, sur l'autel du Dôme, le retable de Duccio.

Fig. 3. La Descente de croix, relief du Bourget.

Comment expliquer cette rencontre ico- nographique entre la Vierge de Vatopède et la Vierge de Montmorillon ? J'aurais de la peine, pour ma part, à y voir une coïn- cidence fortuite ; je crois que les humbles fresquistes de Montmorillon n'ont rien in- venté, que le geste de la Vierge baisant la main de l'Enfant, loin d'être la preuve qu'ils

1. On se rappelle la veuve de Joppé, qui s'appelait Gazelle, ^n araméen Tabitha, en grec Aoc/.à;. {Actes, ix, 36.)

2. Crovve and Cavalcaselle, Ilistory of fiaiii/hit; in Italy, éd. Douglas, t. I, p. 262 ; Lombardi, phot. 768.

3. Chronique siennoise cite'e par Milanesi, Doctivienli fier Pistoria deltarte seiiesc, I, p. 169.

tâchaient de se dégager de l'art hiératique, est au contraire un indice d'inlluence byzan- tine. Au XI 11^ siècle, après la quatrième croisade, une foule de monuments portatifs d'art byzantin tableaux en mosaïque, livres à miniatures.étoffes historiées, ivoires, stéatites, émaux, orfèvreries avaient été dispersés à travers l'Europe occidentale. C'est au XII'' siècle que paraît se consti- tuer le type définitif de la llavayia, avec ses grands yeux sous des sourcils for- tement marqués, son nez droit, sa bouche petite, son visage ovale, avec son expression le tact exquis de l'hellénisme a uni ce qu'il y a de plus touchant et de plus auguste dans la Virginité et la Maternité.

* *

Je passe à l'autre point je ne puis souscrire aux opinions émises par M. Bou- chot. Que signifie ce geste de la Vierge baisant la main de l'Enfant? je veux dire, que signifiait-il pour le peintre qui l'a figuré, pour les fidèles qui ont offert la fresque, pour le clergé qui en a surveillé et dirigé l'exécution ? Le peintre a-t-il voulu simple- ment, observateur attendri de la nature, représenter les caresses des mères.'* J'ai peine à le croire. L'art religieux au XIII' siècle était trop mystique encore pour que la Madone e7i gloire pût être peinte dans un esprit réaliste. Ce baiser que la Vierge- Mère pose sur la main de l'Enfant signi- fiait autre chose, pour les chrétiens de ce temps-là, qu'un gracieux transport d'amour maternel. N'en doutons pas, il avait un sens caché. M. Bayet dit excellemment de la Vierge dans la peinture athonite : « Quel- quefois, elle soutient l'Enfant de ses bras, elle se penche vers lui avec une grâce ineffable, tandis qu'à la limpidité de son re- gard se mêle déjà une certaine mélancolie

3la mttvQt qui bai0e la main îie rcnfaut.

293

ei comme le pressentiment des épreuves fît- la Mère de Dieu en embrassant la main de titres (■). » Oui ne devine ce que pressent son Fils ? A l'endroit même elle pose les

Fig. 4- Pietà de C. Tura, au musée Correr. (Phot. Alinari.)

lèvres passera le clou de la crucifixion. inventa de faire baiser par Marie la main Clerc ou artiste, poète en tout cas, celui qui de l'Enfant a voulu préfigurer les baisers

I. L'art byzantin, "ç. 1^2.

tragiques dont la Vierge couvrit, à la Des-

294

Bc\)ue ï)c ran djrctten.

cente de croix, la main pendante du Cruci- fié : Tiinc, dit S. Bonaventure (') dans sa description de la Descente de croix, pen- dentem iiianum dcxteram Doinùia susciptt reverenter et ponit ad vullum stnnn, intue- (ur, et osculatiir cnni lacrimis validis et suspirits do/o7-osis.'L'^n occidental, depuis le XI 1 siècle ('), a représenté plus d'une fois cet épisode, pathétique entre tous, de la tragédie du Calvaire. Dans les Pietà de la

fin du XV" et du XVP siècle, la Vierge porte souvent à ses lèvres la main de son

FiIsC).

* * *

Disons pour finir, d'après M. Kondakoff, la légende que les moines de Vatopède ra- content de cette belle icône de la Vierge consolatrice. L'auteur auquel nous l'emprun- tons ne sera pas soupçonné d'hostilité contre les orthodoxes.

Fig: 5. Mise au tombeau, tableau français du début du XVI*^ siècle, à Marly.

En l'an 807, des brigands arrivèrent à la porte du couvent et demandèrent qu'on leur ouvrît. Aussitôt une voix retentit à l'inté- rieur, ordonnant à l'higoumène de n'en rien faire, mais de monter aux murailles, pour repousser l'ennemi ; c'était la Vierge de l'icône, qui venait de parler. Alors l'Enfant aurait fermé la bouche de sa Mère et se serait écrié: « Non, ma Mère, ne dis pas cela ! Laisse-les entrer, je les exterminerai

1. Medilationes vilae C/irisli, ch. 8l, dans .S". Bonaven- turi opéra omiiia, éd. Peltier, Paris, 1868, t. XII, p. 609.

2. Relief du liourget en Savoie, XIII' siècle (fig- 3, d'après Mâle, I.'nr/ religieux du Xlll' siîcle en France, 2' éd., fig 90,1. Imitation italienne de ce thème: la lu- nette du dôme de Lucqiies, par X. Pisano (X'enturi, La Madone dans l'art italien, p. 349). D'une date moins ancienne (1435), ia mise au tombeau de Francke à Hambourg {Gaz. des Beaux-Arts, 1904, I, p. 322.)

une fois dedans. » Mais la Vierge retint de toutes ses forces la main vengeresse de son Fils, et détournant la tête à droite, elle cria encore par deux fois : « Qu'on n'ouvre pas aujourd'hui la porte du monastère ! »

Voilà ce que le geste de la Vierge atho- nite, si simple et si tendre dans son sens naturel, si pathétique dans son sens figuré, est devenu pour ces rhasophores : un geste brutal de petit bourreau.

Paul Perdrizet.

Nancy, 7 février 1906.

I. Par ex. la Pietà de C. Tura au musée Correr (fig. 4) reproduite dans Lafenestre-Riclitenberger, F<v/m-, p. 258, ou le tableau de léglise de Marly-le-Roi (école fiançaise, commencement du .\VI'= siècle ;./?ç". J.)

-- D'autres fois, c'est la Madeleine ou l'une des Maries qui baise la main du Christ.

i

Galertp ïrrs peintres tljréttrns.

fe

i£S procédés actuels de reproduc- chrétienne. Nous nous proposons de donner

tiens photographiques en couleur dans chaque livraison l'un ou l'autre

nous permettent d'ojffrir à nos des joyaux des musées dart ancien, avec

lecteurs des copies relativement fidèles des quelques renseignements sur l'œuvre et

chefs- d œuvre des maîtres de la peifiture l'artiste.

L apparition d.- la Sainte Vie.ge k saint Bernard, dapris le tableau de Filippino Lipp,.

I. FILIPPINO LIPPI.

ON connaît l'histoire peu édifiante de Filippo Lippi, cet artiste licencieux qui détourna du cloître une novice, la belle Lucrèce Buti, qui dédaigna de profiter des dispenses du Saint-Père pour régulariser

son union, et qui mourut à vingt-cinq ans, empoisonné par la famille de sa victime. De cette triste liaison naquit Filippino, qui signait Filipinus de Florentia, élève de Botticelli. vers 1459, il mourut en 1505. Il débuta dans l'achèvement des pein-

296

3Rebue ïic V^xt cbvctten.

tures de la chapelle des Brancacci, au mo- nastère di'/ Carminé de Florence. Il fit en- suite en 1480 à la détrempe pour la chapelle de François del Pugliese, son ami intime, à Comparo hors les murs, le célèbre tableau dont nous reproduisons l'ensemble en gra- vure, la partie principale en chromolitho- graphie. Cette peinture représente, selon l'expression de Vasari, « un saint Bernard auquel apparaît Notre-Dame escortée de plusieurs anges, pendant qu'il est dans un bocage ». Ce tableau fut plus tard trans- porté à Florence. On le voit aujourd'hui à réalise de la Badia.

Il ne s'agit pas ici du grand réformateur cistercien, mais de saint Bernard Ptoloméi, à Sienne en 1272, mort en 1348. Comme Bernard avait entrepris d'écrire la vie de Jésus, Marie lui apparut et vint lui dicter son texte. Au milieu d'un paysage sauvage, près d'un rocher sont entassés ses livres, le moine, en robe blanche des bénédictins, est assis devant un pupitre rustique formé d'une souche recoupée ; légèrement soulevé

devant Marie, la tête penchée dans une admirable expression de soumission atten- drie, le scribe tient sa plume levée, prête à suivre la dictée. Marie est debout, gra- cieuse, émue et recueillie, la main à la poi- trine, l'autre touchant la page du livre. Elle est entourée d'anges, sous la figure d'adoles- cents , leur maintien, leurs mains jointes, leurs cous tendus, leurs yeux fixes, indi- quent un intense intérêt. Cette scène est d'une puissance d'expression remarquable.

Dans le fond du tableau complet, l'on voit un groupe de moines devant leur monas- tère, et des figures de démons furieux.

Pris dans son ensemble, ce tableau man- que d'équilibre dans le coloris, qui est tout brillant d'un côté, tout terne de l'autre ; mais notre planche ne donne que la partie vigoureusement colorée, et elle est cha- toyante. Après un siècle, on y retrouve en- core quelque chose de la pieuse douceur et

de la foi vive de Fra Angelico

L. C.

ïicouc Dc l'Hrt chrétien. lyou.

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Pl. I.

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T^ragment De ri=€Lpparition De la "tZicrge à saint ;ÊietnarD

FILIPPINO LIPPI PARTIE DE TABLEAU, ÉGLISE DE LA BADIA, FLORENCE

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A Revue de ï Art chré- tien a bien voulu accor- der le secours de sa pu- blicité (') à une question posée par laCommission __ départementale des an- ^^^^?^^^^ tiquités de la Côte d'Or. Il s'aeit d'un tableau flamand du XV" siècle, la Circoncision, dont une reproduc- tion de seconde main venait d'être trouvée dans les cartons. D'après l'image donnée par la Revue et que nous croyons devoir replacer ici, les lecteurs peuvent sans peine se faire une idée de la beauté de la compo- sition, de l'heureux groupement des figures, enfin de la vérité empreinte dans les types tant des personnes prenant part à la scène, que des donateurs agenouillés. Or le pre- mier coup d'œil jeté sur l'image présentée révélait des ressemblances très apparentes avec V Adoration des Ber^'ers.précieux pan- neau du musée de Dijon, longtemps attri- bué, et sans l'ombre de probabilité, à Mem- ling. Mais il y a un demi-siècle, on ne con- naissait en province, si cela peut s'appeler connaître, que les Van Eyck et Memling, si bien que tout panneau de l'époque était invariablement étiqueté sous l'un ou l'autre de ces noms. Ce sera sans doute une des plus précieuses conquêtes de la critique d'art dans la seconde moitié du XIX' siècle, d'avoir mis tant de peintres du Nord dans la pleine lumière à laquelle ils ont droit. L'œuvre.il est vrai, n'est pas achevée et ne le sera sans doute jamais, du moins est-elle bien commencée, et selon la meilleure mé- thode historique.

l.V. Revue de F Art chrétien, 1906, p. 49 et la Chronique des Arts et de la Curiosité, n^du 25 novembre 1905, p. 308.

Il fut un temps, celui de ma jeunesse, à la vérité je parle de longtemps, l'on faisait peu de cas à Dijon du panneau reconnu aujourd'hui pour un des joyaux du musée, et un journaliste en réputation alors, Félix Mornand, écrivant pour un

La Circoncision, d'après une peinture flamande, XVe siècle.

grand journal illustré, le déclarait «à mourir de rire ». D'ailleurs il donnait la mesure de son diagnostic archéologique, en repro- chant leur polychromie aux tombeaux des ducs de Bourgogne qui lui paraissaient en tout du plus mauvais goût. Enfin je trouve encore cette perle dans cet article oublié et

298

Brbur tir V^xt cljrcttrn.

cent fois digne de l'être, mais que me rend présent un caprice de mémoire. Dans la façade de Saint-Michel, l'auteur voit une base byzantine, surmontée de deux tours romanes couronnées de coupoles Renais- sance! Or, l'étage inférieur de Saint-Michel est de la toute première Renaissance encore à demi gothique, les tours sont de la seconde et les coupoles du XVI 1^ siècle. Et voilà comme, il y a cinquante ans, nous instrui- saient les classes dirigeantes.

Aujourd'hui le panneau de \ Adoration attribué, selon toute vraisemblance, à ce peintre encore mystérieux que faute de mieux, on a nommé le Maître de Flémalle, est mis à son rang, c'est-à-dire au tout premier, et dans son bel ouvrage Les chefs cT œuvre des musées de France ('), M. Louis Gonse l'a reproduit en une belle planche hors texte. Et quand, en septembre 1903, souvenir à jamais précieux, j'eus l'hon- neur d'accompagner dans sa visite au musée la Gilde de Saint-Thomas et de Saint- Luc, conduite par le vénéré M. Jules Helbig, le panneau, si longtemps dédaigné, attira l'attention des doctes visiteurs. M. Jules Helbig lui devait consacrer l'année suivante dans la Revue,unç. de ces études magistrales que l'on peut dire définitives.

Les ressemblances soupçonnées entre X Adoration des Bergers et la Circoncision, ne sont pas une illusion. Grâce à la publicité qu'a reçue la question posée par la Com- mission des Antiquités, l'original a été promptement retrouvé ; il appartient à un amateur parisien de qui j'ai reçu les meil- leurs renseignements descriptifs. Et je note- rai que, ayant vu X Adoration des Bergers à l'exposition des Primitifs en 1905, M. P. a été frappé des analogies existant entre les deux peintures. C'est une constatation

I. l" partie : La Peinture.

de grand intérêt ; mais pour nous autres Dijonnais, la Circoncisio7i a encore ce prix que l'église se pa.sse la scène est incon- testablement Notre-Dame de Dijon, ainsi que je l'ai indiqué dans le questionnaire précédemment posé. Sur ce point les archéo- logues dijonnais n'ont aucun doute, et ceux qui ne connaissent pas le chef-d'œuvre de l'école bourguignonne au XIII^ siècle, pourront recourir au Dictionnaire de [archi- tecture française de Viollet-le-Duc, t. IV, où, de la p. 131 à la p. 147, l'auteur nous donne une véritable description anatomique de Notre-Dame, avec des figures telles qu'il les savait dessiner. Je signale surtout les bois 76 et "]"] qui donnent la structure du sanctuaire et celle de la nef dans des propor- tions aussi exactes que des relevés géomé- triques. A noter toutefois une erreur : dans la partie pentagonale du triforium, Viollet- le-Duc indique des oculus circulaires ; ils existent bien, mais n'appartiennent pas au XI IP siècle qui n'ajourait pas volontiers les murailles en carrière des arcatures. Ces oculus, en effet, datent seulement de Louis XIII, on a le document d'archives qui en fait foi. L'erreur de Viollet-le-Duc est d'autant plus surprenante qu'il composa son quatrième volume plusieurs années avant la restauration générale de l'édifice ; or, les baies circulaires étaient encore cerclées d'un boudin dont le tracé singulièrement mou était tout à fait étranger à l'art médiéval. Décidément si Viollet-le-Duc voyait bien il voyait trop vite. L'auteur de la Circonci- sion n'a donc pas reproduit des ouvertures qui n'existaient pas de son temps. Il n'a pas ouvert non plus la voûte de la croisée de manière à laisser voir la lanterne actuelle. Et en effet, bien que le XIIP siècle eût élevé celle-ci jusqu'à la naissance de la voûte supérieure, il n'alla pas plus loin. On tendit une voûte au-dessous de la cage qui.

Mn primitif, la Circonctston.

299

devenue invisible, reçut les charpentes en- chevêtrées du beffroi. C'est seulement au cours de la restauration, terminée en 1873, qu'a été réalisé le bel effet monumental projeté par l'architecte contemporain de saint Louis. Cette haute lanterne creuse et claire est une conception de premier ordre, mais dont l'honneur revient tout entier à l'ancien maître de l'œuvre. La part du XIX^ siècle, c'est-à-dire le couronnement exté- rieur, ne mérite pas les mêmes éloges, et il s'en faut de plus que d'un peu. II est à regretter que l'on n'ait pas suivi le projet de Lassus qui conservait, en les épurant, les formes et les profils donnés à la tour cen- trale au XIV' siècle.

Si l'auteur de la Circoncision a manifeste- ment reproduit l'intérieur de Notre-Dame, il a cependant fait oeuvre de peintre plutôt que d'architecte et pris quelques libertés avec l'original. Ainsi, dans la partie à pans du sanctuaire, le triforium ne se compose que de deux arcs, et le peintre en a mis trois. De plus, un passage, dit bourguignon, circule au niveau de la naissance des eran- des voûtes, mais devient extérieur dans le chevet ('), et le peintre l'a continué à l'in- térieur. L'architecture est entièrement traitée en grisaille, sans aucun rehaut d'or ou de couleurs. Or, sans être polychromée dans toutes ses parties extérieures ou inté- rieures, Notre-Dame présente d'abondantes touches colorées. Je laisse de côté le portail qui, sous le porche, était un tableau com- plet de sculpture peinte. Mais à l'intérieur, seules sont peintes les clés de voûte avec l'amorce des nervures qui s'y réunissent, et au triforium, les têtes qui saillissent au départ des arcatures ; ce que l'on voit dans la chapelle du Calvaire est un accident isolé, quant aux absidioles qui sont du haut en

V. ViolIet-le-Duc, IV,fig. 76, 77.

bas polychromées, le travail, assez bien compris, d'ailleurs, dans le style du XI II" siècle, est tout moderne.

On peut conclure de l'absence complète de peinture architecturale dans la Circon- cision, que vers 1460, date probable du tableau, aucune touche d'or ou de couleur n'avait atteint la pierre blanche du XIII'' siècle. Ce serait donc plus tard que certai- nes parties auraient été effleurées par le pinceau de l'enlumineur. Or, au portail, l'inscription en lettres dorées qui, sur un beau fond de pourpre sertit le demi-cercle de la voussure centrale, est manifestement de la fin du XV'= siècle. A-t-on alors rafraîchi une polychromie ancienne ? C'est possible et même certaines observations rendent le fait assez vraisemblable. Sous les règnes de Louis XI et de Charles VIII, le senti- ment polychrome si intense au moyen âge s'exalte encore au moment de s'éteindre, et partout on renouvelle les peintures des églises ; ainsi vers 1470 le cardinal Jean Rolin, évêque d'Autun, fait peindre ou repeindre à ses frais, l'imagerie extérieure de la collégiale Notre-Dame de Beaune, dont il est chanoine ; la façade de Notre- Dame de Paris resplendit du haut en bas d'ors et de couleurs, neufs ou renouvelés. Rien donc de plus vraisemblable que d'at- tribuer au même temps, les appels de cou- leur si discrètement jetés il faut à l'intérieur de Notre-Dame de Dijon. C'était un écho répété par la pierre des vibrations éclatantes de ces verrières, dont le peintre nous donne un exemple dans une fenêtre haute du transept Sud, l'on distin- gue nettement une figure debout. C'est la formule ordinaire, et la cathédrale de Char- tres est remplie de ces vitraux à person- nages.

Le panneau de la Circoncision a o"\87 sur o'",52 ; c'est exactement en hauteur la

300

3Rrbur tic l'Srt cbrcticu.

mesure de VAdorati'oti des Bergers, mais celle-ci a en largeur o"\7o.On n'oserait, bien entendu, aller jusqu'à dire que ces deux panneaux étaient primitivement conjugués; toutefois il se pourrait que la Circoncision eût été rognée sur un côté. D'après les descriptions minutieuses qui m'ont été données les circonstances ne m'ont pas encore permis de voir l'original le cadre n'est pas ancien, mais le panneau ne présente aucune trace de ferrure ou de gonds indi- quant une œuvre détachée d'un ensemble, diptyque, triptyque ou polyptyque. D'ail- leurs, le revers ne porte pas de peinture, ce qui est concluant ; il ne s'agit donc pas d'un volet fait pour être fermé en présentant des peintures sur les deux faces. A la vérité, on peut se demander si nous n'avons pas ici la partie centrale et fixe d'un triptyque ; mais je ne le crois pas. Le sujet principal d'un ensemble est toujours composé selon un rythme très reconnaissable qui n'appa- raît pas dans la Circoncision.

Au revers deux cachets en cire d'anciens possesseurs montrent des armoiries deve- nues illisibles ; on y voit aussi collé un imprimé portant que le tableau représente le baptême de l'un des fils de Philippe le Bon et d'Isabelle de Portugal. Ils en eurent trois : Antoine et Josse, morts au berceau, enfin Charles, le futur Téméraire, le lo novembre 1433, au palais de Dijon, comme ses aînés, et baptisé dans la Sainte Cha- pelle ducale, aujourd'hui détruite de fond en comble. Mais ce n'est pas celle-ci qui sert de cadre à la scène ; d'ailleurs, en ce temps-là elle était en pleine restauration et pour longtemps encombrée d'échafaudages et de charpentes.

Au surplus, peu importe ce dernier détail ; il ne s'agit pas en effet d'un baptême prin- cier, mais de la Circoncision, et aucun doute n'est possible sur ce point. Les acteurs de

la scène sont bien la Vierge, saint Joseph et le grand prêtre dont le geste est parfaite- ment caractérisé. Dans les deux spectateurs du fond, je verrais volontiers des bergers venus de Bethléem, et l'analogie avec les figures analogues que l'on voit au même plan dans \ Adoration saute vraiment aux yeux.Ouant à la femme debout, on la retrou- ve avec les mêmes attitude et costume dans \ Adoration ; c'est Salomé ou Zabeth, les deux matrones qui, selon les Évangiles apocryphes ('), auraient assisté la Vierge dans l'étable de Bethléem. Elle montre sa main, séchée parce qu'elle avait douté, et guérie à la suite d'un acte de repentir et de foi.

Ouant à l'homme et à la femme agenouil- lés, ce sont des donateurs et en dehors de l'action. Puis il est impossible de reconnaître ici Philippe le Bon et sa troisième femme Isabelle de Portugal. Rien en effet, dans les traits du mari, ne rappelle le Philippe le Bon que nous connaissons fort bien à diffé- rents âges d'après le retable de Beaune, le dessin du recueil d'Arras, enfin le portrait attribué à Roger van der Weyden au musée d'Anvers. Pour ce qui est d'Isabelle de Portugal, le portrait qu'en avait envoyé de Lisbonne Jean van Eyck au duc, est perdu, mais le retable de Beaune nous a conservé l'image de la princesse qui, Lan- castre par sa mère, était une beauté blonde. Enfin, le costume relativement simple de l'homme, l'absence du collier de la Toison d'Or et d'armoiries, semblent indiquer non des princes ou tout au moins de grands seigneurs, mais de riches paroissiens de Notre-Dame, peut-être de gros marchands. Seulement l'identification paraît plus que difficile.

I. Jiisqu'.iu .\VI'= siècle riconOf;i;iphie chrétienne a beaucoup puisé dans les Évangiles apocryphes, mais pour des détails secondaires.

Mn primitif, la Ctrconciston.

301

Je note que dans l'église Notre-Dame, au collatéral du côté de l'évangile, existent encore les lambeaux mutilés d'une peinture murale, grisaille rehaussée, des plus remar- quables, donnant en deux sujets conjugués, la Circoncision et le BapleDie. Dans la première, l'acte se passe sur la table qui en est l'accessoire obligé ; dans le second on voit la vasque baptismale.

Aucun pas décisif n'a encore été fait, à ma connaissance, pour faire sortir des limbes le vrai nom du Maître de Flémalle. On lui donne volontiers comme caractéristique ces grandes draperies blanches aux ombres bleutées qui se rencontrent exquises dans la Vierge exposée avec la magnifique col- lection Somzée, au palais de la Belgique, à l'Exposition universelle de 1900, et dans X Adoration de Dijon, non toutefois dans la Circoncision. Mais les autres analogies sont assez marquées pour justifier l'attribution proposée.

On a prononcé le nom de Jacques Daret comme pouvant être celui de ce mystérieux Maître de Flémalle ; à la vérité ce ne serait guère qu'un nom propre substitué à une appellation géographique, puisque Jacques

Daret n'a pas encore de personnalité bien distincte. Voici cependant une déclaration importante à verser au dossier: M. W. H. James Weale, un des hommes qui connais- sent le mieux l'histoire de la peinture au XV" siècle, sans compter le reste, m'a fait l'honneur de m'écrire pour m'apprendre que Jacques Daret aurait séjourné, par consé- quent travaillé en Bourgogne. Jusqu'à pré- sent aucune pièce d'archives n'a révélé son passage parmi nous, mais il s'en faut que soit épuisé le trésor documentaire de nos dépôts, départemental et municipal. Quoi qu'il en soit on peut poser les prémis- ses suivantes : la Circoncision est très mani- festement de la même main que X Adoration, or celle-ci est attribuée selon tout vraisem- blance au Maître de Flémalle ; et celui-ci pourrait bien être le même que Jacques Daret, qui, nous avons tout lieu de le croire, a séjourné et travaillé à Dijon et en Bour- gogne. Je me borne à ces constatations sans conclure, attendant la production du document vainqueur qui viendra confirmer ou peut-être démolir cet ensemble d'hy- pothèses et de conjectures.

Henri Chabeuf.

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racontce yar les imagiers Du moyen âge sur les portes D'églises fsui/e){').

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TROISIÈME PARTIE. La Passion (").

LES savants auteurs de \ Histoire de r Art (3) ont fort judicieusement si- gnalé que, dans les premiers temps de l'E- glise.sous l'influence des Pères et notamment

1. Voir les précédents articles, 1905, pp. 217, 299, 363, 1906, pp. 32, 181.

2. Liste des principales portes d'églises oîi sont repré- sentées des scènes de la Passion (en ce qui concerne les Rameaux, les Vendeurs chassés et la Cène, voir en outre la liste placée en tête de la partie de cette étude).

k.\x XII'^ siècle: en séries : Chartres (chapiteaux), Saint-Gilles (frise et tympan), Conipostelle (tympan), Altamura (voussure et tympan).

2'> en épisodes détachés : SaintZéno de Vérone fpan- neaux : baiser de Judas et Crucifixion), Saint-Pons (tym- pans : Cène et Crucifixion), Poussais, Oloron (tympan : Descente de Croix), Saint- Isidore de Léon (tympans : Déposition de Croix et Résurrection), Beaucaire (linteau ; Résurrection), Nantua (tympan: Cène), Mantes (linteau : Résurrection), Avallon (tympan détruit : Cène et Cruci- fixion?), Bitonto (tympan: Descente aux limbes), Mo- nopoli (linteau : Déposition de Croix, Résurrection, Des- cente aux limbes), Pise (baptistère: Descente aux limbes), Pise (S. Cassiano : linteau : Résurrection de Lazare et Ra- meaux), Pistoie (S. Giovanni fuor Civiles : linteau : Cène.) Au .XlIIe siècle: i" en séries: Rouen, Strasbourg, Metz (tympans), Sainte-Anastasie de Vérone (linteau), Wells (médaillons de la tour).

2' en épisodes détachés : Reims ('gable : Crucifixion). Verceil (tympan : Déposition de Croix) Bordeaux (Saint- Seurin) (tympan : Résurrection), cath. de Léon (porte du cloître : soubassement : agonie, baiser de Judas, Jésus bafoué, portement de croix), Terlizzi (tympan : Cène, linteau : Crucifixion).

Au XIVc siècle : en séries : Bayeux, Fribourg-en- Brisgau (2 fois), Ulm, Saint-Laurent et Notre-Dame de Nuremberg (tympans) ; Reims (voussure) ; Dol (paroi). en épisodes détachés : Saint-Père-sous-Vézelay (tympan : Crucifixion), Notre-Dame de Lépine (linteau: Crucifixion), Burgos (porte Santa-Calalina; tympan : des- cente de Croix), Ségovie (p. du cloître : tympan : Cruci- fixion), Thann (tympan : scènes du Calvaire), W'orms (voussure : Flagellation, Crucifixion, Apparition à Made- leine), Orviéto (contreforts: Flagellation, Crucifixion, Apparition à Madeleine).

Au XV siècle et au début du XVI' : 1" en séries : Abbeville (voussure), Rue (voussure et deux tympansj.

en épisodes détachés : Orense, Ségovie (tympans : Descente de croix).

3. Actuellement en cours de publicaiion. (Paris, Colin et C-).

de Tertullien, les artistes décorateurs des basiliques avaient craint le scandale résul- tant du spectacle des souffrances et de la mort ignominieuse de Jésus, et avaient en conséquence écarté de leurs thèmes icono- graphiques les scènes de la Passion et sur- tout celle du Crucifiement ("). Mais au IV^ siècle, la foi chrétienne, affermie et publi- quement reconnue, craignait déjà moins ce scandale, quand un événement miraculeux vint concentrer sur la cime du Calvaire l'at- tention du monde : l'impératrice sainte Hélène découvrit la Vraie Croix et dès lors, sauf dans quelques écoles attardées parmi les anciennes traditions, la Passion prit place, sur les frises et sous les coupoles, à la suite de la vie publique du Christ.

Par un singulier parallèle, dont on n'aper- çoit pas la cause, cette inéme préoccupation semble, à près de mille ans de distance, avoir influé de nouveau sur l'œuvre de nos premiers imagiers d'Occident. Au XI^ siècle, nous ne connaissons en France au- cune porte d'église dont les sculptures se rapportent à la Passion. Au XI I^, ce sujet est encore assez rare, tandis que les tableaux de l'Enfance de Jésus et celui du Jugement dernier se multiplient à l'envi ; bien plus, ce n'est presque jamais (") la Passion elle- même, avec ses humiliations et ses souf- frances, qui est alors représentée, mais les scènes postérieures au drame du Calvaire, comme la Déposition de Croix (^), la Des-

1. Cette préoccupation s'étendit alors à toutes les branches de l'art : peinture, orfèvrerie, etc.

2. Exception faite pour Saint-Pons (Hérault), San Zéno de Vérone, Compostelle, etc.

3. Poussais, Léon, Monopoli ; de même Verceil, au commencement du XI 11° siècle.

3la Wiit îjt Jésus Cl)n0t.

303

cente aux limbes ('), la Résurrection ('). Cette tendance apparaît avec évidence sur les chapiteaux de Chartres et d'Étampes : à Chartres, l'imagier, après avoir retracé en grand détail les épisodes de la vie de Marie et de Jésus, passe brusquement du Baiser de Judas à la Résurrection et aux apparitions du Christ ; de même à Etampes le repas d'Emmaiis suit immédiatement la Cène. Le parti pris de ne pas représenter la Passion est indéniable {^). C'est dans les pays méridionaux que l'on paraît s'être d'abord affranchi de ce scrupule : l'Italie n'avait qu'un pas à faire pour transporter dans la décoration lapidaire de ses façades, les épisodes de la Passion qu'elle n'avait cessé de reproduire sur les vantaux de bronze de ses portes. La Provence et le Languedoc, suivant cet exemple voisin, montrent au XI le siècle une Crucifixion à Saint-Pons et dès le début du XI Ile siècle, l'admirable série de Saint-Gilles, où, pour la première fois, si l'on excepte le bas-relief de Com- postelle, les souffrances du Christ sont racontées dans une suite de bas-reliefs ; mais, dans l'Ile-de-France et dans celles qui en dépendent, il faut attendre la seconde moitié de ce siècle pour trouver sur un por- tail (celui de la Calende, de la cathédrale de Rouen, œuvre de Jehan Davy vers 1270- 1 280) la suite des tortures et de la mort de Jésus.

Par contre, à partir de cette époque, ce sera l'un des thèmes les plus répandus dans ia décoration des portes : l'Ile-de-France, la Picardie, la Normandie, la Champagne en orneront à l'envi les tympans, les vous- sures ou les soubassements de leurs façades;

1. .Monopoli, Pise, Bitonto, etc.

2. Mantes, Léon, Monopoli, etc.

3. De même à Vézelay, une porte est consacrée à l'en- fance du Christ, l'autre aux faits postérieurs à la Résur- rection ; la Passion est passée sous silence.

et l'Allemagne, dont les plus beaux édifices religieux commencent alors à s'élever, nous montrera des séries admirables (').

Quant à l'Espagne, à part le tympan de Compostelle, l'on peut reconnaître la main d'artistes français, et si l'on excepte les Descentes de croix qui apparaissent au tympan de quelques portes, elle semble avoir réservé les scènes de la Passion et surtout la Crucifixion, pour en décorer les admirables lamettes de ses tombeaux, du XI Ile au x\[e siècle : Burgos,Salamanque, Tolède, Léon, Avila abritent sous les voûtes de leurs cathédrales ou de leurs cloîtres de précieux exemples, qu'en raison de leur intérêt iconographique on nous permettra de citer parfois au cours de notre étude, encore bien que ces chefs-d'œuvre ne fassent point partie de portails ni de façades.

Les séries qui nous ont été conservées, tant en France qu'en Allemagne, présen- tent une assez grande diversité : souvent elles débutent par l'entrée de Jésus à Jérusalem, et montrent le triomphe avant les souffrances (') : telle est notamment la tendance des imagiers provençaux. D'au- tres artistes ne commencent le récit qu'avec le baiser de Judas, c'est-à-dire après la Cène (^). La même différence se retrouve quant à la conclusion de la série : quelques- uns se sont arrêtés après la mort de Jésus {*), ou même n'ont représenté que

1. Notamment à Ulm, Fribourg-en-Brisgau, Saint- Laurent de Nuremberg, etc. On pourrait ajouter Stras- bourg, qui sur bien des points se rattache à l'école alle- mande, SI précisément son bas-relief de la Passion ne révélait nettement l'influence des sculptures de Rouen.

2. Saint-Gilles, Strasbourg.

3. Rouen,Reims,Saint-Laurenl de Nurenberg, Fribourg- en-Brisgau, Ulm.

4. Metz, Fribourg en-Brisgau. A Compostelle, par une singularité doit on ne devine pas la cause, l'imagier a arrêté la série au milieu de la Passion, sans représenter la Crucifixion qui en est le point essentiel et le dénoue- ment logique.

304

3Ret3uc tir T^rt cbrctien.

ce tableau isolé ('); d'autres, plus nombreux, surtout auXIV'' siècle, ont poursuivi jusqu'à la Résurrection et à l'apparition à Made- leine (-) ; ce n'est qu'à titre exceptionnel, et seulement dans la dernière période du moyen âge que la série s'est définitivement complétée par le miracle final de la Pen- tecôte (3). Parmi les scènes postérieures

à la Crucifixion, la Déposition de croix ne parait avoir été traitée à part que sur quelques façades romanes du X 1 1^ siècle ('), et sur plusieurs pon.es espagnoles desXW^ et XVe siècles (') ; l'Ascension est, à toutes les époques, souvent représentée seule O ; mais les épisodes qui ont suivi la Résurrection ne se rencontrent

gr. 43. Porte droite de la façade de Saint-Gilles. Tyiii/ian: Adoration des Mages. Saint Joseph averti par l'ange. Linteau: Entrée de Jésus à Jérusalen

guère en série que deux fois ; d'abord au XII"-- siècle, dans cette abbaye de Vézelay dont l'iconographie, sur ce point comme sur tant d'autres, est exceptionnelle, et ensuite à la façade de San Pablo de Valla- dolid où, sous l'aube de la Renaissance,

1. Saint-Père-sous-Vézelay, Thann, Notre-Dame de Lépine, Saint-Pons.

2. Saint-Gilles, Reims, Abbevillc, Ulm, Orviéto, Sainte- Anastasie de V^rnne.

3. Saint-Laurent de Nuremberg, Rue.

semblent déjà s'effacer les traditions des imagiers du moyen âge.

Entrée à Jérusalem.

t~^'YLST par ce tableau que débute la

^^ magistrale frise de Saint-Gilles (voir

_fig. 4j) : et elle nous fournit, sur cet épi-

1. Poussais, San-Isidoro de Léon.

2. Burgos (porte Santa-Catalina), Santa-Crux de Ségovie, et aussi Verceil (Italie).

3. ÎVIauriac, Thouars, Toulouse, Rufiec. A V'ouvant et à Bordeaux (XIV" siècle), elle surmonte la Cène.

ILa Mt De 3îéôu0'Cl)ri0t.

305

sodé, des détails qui, bien que tirés de l'Évangile, ne se rencontrent nulle part ailleurs. D'abord Jésus ordonne aux deux disciples d'aller jusqu'au village chercher l'ânesse ; puis les voici devant l'hôtelle- rie ; l'un étend son manteau sur le dos de l'ânesse, l'autre détache l'ânon ; et maintenant le cortège s'avance : le Christ est sur l'ânesse, que l'ânon suit ; il bénit la foule qui, au-devant de ses pas, jonche le sol

Fîg. 44.— Cathédrale de Chartres. Ébrasement de la porte occiden- tale centrale. Cène. Baiser de Judas. Rameaux. Sépulture de Jésus. (Cliché de M. Martin S.^i^on.)

de vêtements et de branchages ; treize disciples, nombre difficile à expliquer, le suivent en agitant des rameaux ; dans les palmiers qui bordent le chemin sont grim- pés des enfants, et parmi eux Zachée ; en avant paraît la porte de Jérusalem dominée par la coupole du temple (').

I. Sur les vantaux byzantins, la scène se trouve réduite aux acteurs strictement essentiels : ainsi sur la porte du baptistère de Pise, Jésus s'avance sans escorte, monté sur l'ânesse : un seul juif, sous un petit édicule, qui figure Jérusalem, étend son manteau sur le sol, tandis que Zachée parait à califourchon sur la feuille d'un palmier.

Les autres monuments qui nous mon- trent ce sujet se bornent à représenter la dernière scène, celle du cortège ('). La des- cription que nous venons de faire nous permettra de dire seulement quelque mots de chacun d'eux. Nous y retrouvons en effet les mêmes éléments, .';auf que généralement l'ânon n'est pas figuré à côté de l'ânesse ('), et que, surtout à partir du XI 1 1^ siècle, les artistes ne se sont pas attachés à montrer le collège apostolique au complet ('). Cepen- dant, même dans la période classique du moyen âge, quelques morceaux présen- tent des singularités dignes d'être notées : ainsi à Chartres (voir yf^r. ^y) nous relè- verons l'attitude bizarre du Christ qui, on ne sait pourquoi, tout en bénissant la foule, porte lui-même une palme {■'), et à Taras- con (5) ce détail, emprunté au cérémonial des monarques orientaux (avec qui peut- être les Provençaux du XIl^ siècle étaient en relations), d'un juif marchant auprès de l'ânesse et abritant le Sauveur sous un vaste parasol : ce curieux bas-relief a malheureu- sement disparu sous le marteau, des démo- lisseurs de 1793.

Dans la dernière période du moyen âge, les imagiers, qui tendaient, nous l'avons dit, à décorer le tympan des portes d'une composition unique à grandes dimensions, ont souvent choisi dans ce but le sujet qui nous occupe : ils lui ont ainsi donné une importance spéciale (*) et un caractère

1. Ainsi à la cathédrale de Wells (Angleterre, XIII= siècle), à S. Cassiano de Pise (Xlle siècle), etc.

2. Sauf à Reims.

3. A Thouars, on trouve douze apôtres ; à Chartres, ils sont encore nombreux, mais à Strasbourg, on n'en voit plus que trois, et à Reims, qu'un seul.

4. Cette particularité curieuse se rencontre aussi sur un panneau des vanteauxde bronze de Novgorod (porte de Plock XI r siècle, et sur le linteau de Pise, sculpté par Biduino en l l8o).

5. Linteau de la porte de Sainte-Marthe.

6. Cependant Giovanni Pisano, sur la façade d'Orviéto (XI V" siècle), a encore réduit la scène à cinqpersonnages {yo'n Jig. 3j) : cette simplicité s'explique par les dimen-

REVUB 1>E l'art chrétien. igo6. S"'"^ LIVRAISON.

3o6

3Rcl)ur lie l'^lrt cbréticn.

nouveau. Le tympan de la Neuville-sous- ment restauré ('), nous laisse entrevoir ce Corbie (Somme) (voir ûg. 75) admirable- que pouvait être, avec la verve picarde en

!**£• 45 ~ Eglise de la Neuviile-sous-Corbie (Somme). Tympan: Les Raiiieaiix,

moins, le bas-relief malheureusement mutilé de Saint-Pierre de Dreux ; les tympans de

sions restieintes des médaillons qu'il avait adoptés. II semble d'ailleurs que cet éminent artiste, dans l'interpré- laiion de ce sujet et de quelques autres, ait subi, dans une certaine mesure, l'intluence des modèles simples et

décoratifs fournis par les vantaux byzantins qu'il pouvait avoir sous les yeux.

I. l'ar MM. Uutlioit, en 1855.

3la Mit ht SJésug Cftrtôt.

307

Salamanque (') et de Séville (^) consacrés au même épisode évoquent l'idée des meilleu-

res compositions des peintres flamands et espagnols. Ce sont d'ailleurs de vérita-

i

i.i

Fig. 46. Cathédrale neuve de Salamanque. Porte des Rauieaux.

bles tableaux en relief que ces œuvres, avec

1. Puerta de los Ramos de la cathédrale neuve (com- mencement du XVI' siècle).

2. Puerta de los Palos, œuvre attribuée à Lope Marin, vers 1540.

leurs plans multiples et leur fond de pay- sage : telles peintures, tels vitraux du XV^ siècle ne sont pas ordonnés d'autre façon : au premier plan, sur la sculpture de la

3o8

Bc\)uc De r.^vt cbvcticu.

Neuville, se dresse la porte monumentale de Jérusalem, avec herse, tours et créneaux entre lesquels la foule de curieux se presse, jetant d'en haut des branchages ; le com- mandant de la porte, en costume romain, s'avance et, mettant un genou en terre, étend sur le sol son manteau devant Jésus ; celui-ci, sur l'ànesse, fait un geste de béné- diction ; quelques apôtres, artistement grou- pés, le suivent. Au loin, on aperçoit un moulin ('), un pré dans lequel un rat, sur- pris par le bruit, sort de son trou {').

Les compositions espagnoles, qui révè- lent un caractère plus solennel, ne sont pas moins curieuses ; mais au lieu d'acteurs en costumes pseudo-romains, elles nous montrent de ces Castillans aux culottes bouffantes, aux pourpoints ajourés, de ces compagnons de Colomb qui, au temps furent élevées ces façades, commençaient de découvrir le Nouveau Monde. L'en- trée de Jérusalem aussi, du moins à Séville, rappelle ce style riche et lourd des derniers architectes du moyen âge en Espagne et en Sicile. Du reste, ces tympans sont admira- blement composés (voiry^. ^6) : en avant de la porte de la ville, s'approche, avec un geste de bénédiction, le Sauveur, monté sur l'ànesse, sur laquelle est étendu un manteau en guise de tapis de selle. Un disciple, marchant à côté, relève avec soin le pan de la robe du Christ pour l'empêcher de traîner à terre. Quelques autres Apôtres le suivent : parmi eux on reconnaît saint Jean et sans doute saint Pierre. En avant d'une troupe de Juifs en costumes de lans- quenets, un capitaine fléchit le genou et étend son vêtement sous les pas de la

1. Le meunier placé à la fenêtre du moulin est une invention de restaurateur moderne.

2. Ce détail familier se retrouve sur le célèbre linteau d'Ambûise, œuvre de Michel Colombe, dans la composi- tion de saint Antoine, ermite.

monture de Jésus. Les attitudes, plus vraies peut-être àSalamanque,sont plus élégantes, on dirait volontiers plus théâtrales à Séville, les personnages semblent s'avancer tour à tour par séries, comme des figurants dont les mouvements sont réglés pour le plaisir des yeux ; au second plan, à Séville, un groupe d'adolescents, aux figures quasi-an- géliques, contemplent Jésus avec respect. Zachée, sous les traits d'un enfant, grimpe sur un palmier nain : à Salamanque, sa position à l'extrémité de la composition ne laisse pas d'être singulière, non moins que celle des jeunes gens qui, à l'arrière-plan, se tiennent debout, sans doute sur des mu- railles indistinctes. Mais ces costumes, ces architectures, ces attitudes faciles, ces groupes si bien composés n'ont presque plus rien de l'art des anciens imagiers : c'est déjà la Renaissance, avec un reflet encore de la pieuse naïveté du moyen âge dis- paru (').

Les Vendeurs chassés du Temple (').

CE sujet est l'un des moins fréquem- ment iraitésdans l'iconographie monu- mentale (3) : en France, Saint- Gilles est la seule façade du moyen âge nous le ren-

1. Nous ne saurions pas diie si à Salamanque la lame de fer ondulée qui comme un rayon de la grâce, va du front de Jésus à celui du Juif agenouillé, est contempo- raine de la construction de la porte : personne, sur les lieux mêmes, n'.i pu nous renseigner à ce sujet : nous la croyons postérieure, ainsi que les nimbes métalliques des Apôtres : à l'époque classique, l'artiste qui aurait nimbé ces derniers, n'aurait pas manqué de couronner aussi d'un nimbe le front du Christ.

2. Cette scène est représentée sur quelques vantaux byzantins, notamment sur les portes de bronze de Saint- Zéno de Vérone.

3. On le rencontre plus souvent sur les ivoires et les plats de reliure en orfèvrerie : ainsi sur celui de l'évangé- liaire de Saint-Kmmeran (.XI" siècle) conservé h Munich: dans cette composition très archaïque, les vendeurs em- portent soigneusement leurs marchandises empilées sur leurs bras .-ibandonnant leurs balances dans la cour du Temple.

ILa Mit îie Jésus Ct)nst,

309

contrions, mais il faut reconnaître que l'ar- tiste provençal l'a traité avec une verve exceptionnelle, se trouvant sans doute plus libre de suivre son inspiration propre sur ce terrain ne l'enchaînait pour ainsi dire aucune tradition. Sans doute les Byzantins du VJe siècle et leurs successeurs avaient bien peint cet épisode sur les fresques des basiliques : ils avaient montré le Christ suivi de tous ses Apôtres, opposé à la horde

confuse des marchands. Mais soit qu'il n'ait pas connu ces modèles lointains, soit qu'il ait délibérément voulu s'en affranchir, notre imagier, comprenant la scène tout autre- ment, a su lui donner plus de grandeur : pour lui, Jésus est seul contre tous, et cette disproportion du nombre fait encore davan- tage ressortir sa puissance et son autorité morale. Le Christ frappe à coups de lanières (voir /f^. ^7), tout en les poussant

Fig. 47. Frise de la façade de Saint-Gilles. Fragment.

par les épaules, quatre marchands dont les attitudes sont remarquablement détaillées : l'un d'eux, se raidissant contre Jésus, fait mine de résister ; un autre appelle à l'aide; les deux derniers, avec une mine inquiète, serrent contre eux leur bourse et leurs marchandises les plus précieuses ; tous reculent cependant, et ils ne peuvent même retenir les animaux qu'ils avaient amenés pour les vendre aux sacrificateurs : taureaux et béliers s'enfuient au galop à travers le parvis. Vérité des expressions, harmonie de la composition, tout est réuni dans ce

petit tableau, que ne désavouerait pas un artiste de la Renaissance : un seul détail nous rappelle, par sa naïveté, que l'œuvre appartient au XI I^ siècle : le fond est formé par une arcature indiquant que la scène a pour théâtre l'intérieur du Temple ; or, par surcroît de précaution, l'imagier a en outre placé sous celte arcature même une petite tour à étages qui représente manifestement aussi le Temple (').

I. Il serait trop subtil, à notre avis, de voir dans cet édicule une division spéciale du Temple, comme le « Saint » ou le « Saint des Saints >.

3IO

3Rebue ïie T^vt djrcticn»

A la cathédrale de Séville, au-dessus de la belle porte arabe du Pardon, le Floren- tin Miguel a, en 15 19, sculpté un remar- quable panneau consacré au même sujet : entre les colonnes du parvis, le Christ, d'un geste inspiré, frappe les cupides profana- teurs du lieu saint : cette œuvre de la Renaissance est justement admirée pour l'intensité de vie qui anime les personnages.

Pacte de Judas.

CE sujet, si l'on fait exception du curieux _ médaillon de la cathédrale de Wells (Angleterre (').^I ' ^^ siècle), semble n'avoir guère été représenté sur les portes d'églises qu'à l'époque romane {') : nous le trouvons indiqué sur les chapiteaux de Chartres et lonouement détaillé sur la frise de Saint- Gilles.

Sans nous arrêter à l'interprétation de M. Révoil (3), qui croit reconnaître, au milieu des scènes de la Passion, la parabole de l'Enfant prodigue, examinons ces deux tableaux de la façade de Saint-Gilles, dans lesquels, avant même l'épisode des Ven- deurs chassés, nous voyons se préparer le crime et la trahison. Dans le premier (voir /^. ^7), un Juif souffle à l'oreille de Judas le dessein fatal : on voit qu'il s'agit d'un complot, car ils se parlent bas, avec un air de mystère. Dans le second, le misérable Apôtre a pris son parti : la soif de l'or a fait taire la voix de la conscience, et elle le

1. Cette sculpture mutilde nous montre un petit diable tirant Judas par son manteau devant les membres du sanhédrin, tandis qu'un acolyte puise dans le coffre du temple les 30 deniers destinés au traître.

2. On le retrouve au XIV" siècle dans quelques déco- rations intérieures : ainsi la clôture du chœur de la cathédrale de Tolède, l'on voit quatre pharisiens remettant ^ Judas une bourse pleine.

3. Révoil, Architecture romane du midi de la France et Monogrnp/iic de Pt't^lise de Saint-Gilles. Nous avons longuement réfuté cette interprétation dans une note publiée par la Revue de l'Art chrétien (1905, janvier, avec photographie.

pousse, d'un pas fébrile, vers le sanhédrin ; pour plus de sûreté d'ailleurs, deux affidés l'escortent et l'excitent. Il tend la main, et le chef des pharisiens, assis comme un prince sur un siège orné, lui verse avec un geste de dédain et de mépris qu'il ne cher- che pas à dissimuler, trois pièces de mon- naie représentant les trente deniers. Les attitudes, l'expression des figures, tout est admirablement calculé pour rendre les divers sentiments qui agitent les acteurs de la scène.

Si les imagiers postérieurs ont abandon- né ce sujet, ce n'est pas, on l'a vu par cet exemple, qu'il ne se prête à un développe- ment pittoresque et qu'il ne puisse parler clairement aux yeux et au cœur des fidèles. Mais, aux XIII« et XI V^ siècles, les séries de la Passion se déroulant presque toujours au fond des tympans ou dans la gorge des voussures, l'artiste ne disposa plus des em- placements considérables que lui fournis- saient, à l'époque précédente, les longues frises des façades provençales et les rangées de chapiteaux des écoles du Nord. Ainsi limité, il devait choisir, parmi les épisodes les plus caractéristiques, ceux qui se ratta- chent plus étroitement au dogme : de sans doute l'abandon de cette scène du pacte de trahison (") et la rareté de celle du Lavement des pieds, que nous allons examiner maintenant.

Lavement des pieds.

SUR le linteau de Vandeins (Ain), œuvre assez primitive du X 11^ siècle, le Lavement de pieds a été réduit à sa plus simple expression : malgré la mutilation des figures, nous voyons Jésus agenouillé aux pieds d'un apôtre assis sur une chaise élevée, en qui l'initiale P. gravée auprès de

I. De même celle du Reniement de Saint-Pierre.

JLa Mit îie 3ésug Cj)rt0t.

311

lui, fait suffisammentreconnaître saint Pierre. La scène est à peine plus compliquée sur le linteau de Saint-Julien de Jonzy (Saône- et-Loire, XI siècle) : aussi Jésus, age- nouillé, lave les pieds de saint Pierre qui, assis sur une chaise à accoudoirs, tient à la main, pour se faire reconnaître, une énorme clé. Ce n'est pas là, d'ailleurs, la seule

naïveté de l'imagier bourguignon : à l'autre extrémité du linteau, il place un second apôtre, dans une pose identique à celle du Christ, et lavant les pieds à un autre disciple. Evidemment le sculpteur, qui voulait avant tout mettre la Cène au milieu du linteau et avait par conséquent besoin d'un pen- dant au groupe de Jésus et de Pierre, n'a

Fig. 48, Tabernacle de Hal (Belgique). Le Lavement des pieds et la Cène.

pas su trouver à cet effet un second sujet, et s'est contenté,maigre expédient ! de cette répétition peu artistique.qui ne correspond, au surplus, à aucune donnée évangélique ('). A Saint-Gilles, vers la même époque, l'imagier a particulièrement détaillé cette

I. A moins qu'on ne veuille y trouver une allusion au texte de saint Jean (Xlil, 14) : « Vous aussi, vous devrez vous laver les pieds les uns aux autres, i

partie du récit : avant d'aborder l'épisode capital de la Cène, il montre d'abord, ainsi que nous le verrons plus loin, la prédiction faite par le Christ du reniement de Pierre et aussitôt après, comme pour mieux souligner l'ineffable bonté du Sauveur, il nous le montre aux genoux de ce même Apôtre dont il vient précisément d'annon- cer la prochaine ingratitude : le voici qui,

312

9Rcbur lie T^rt djrctten.

ayant relevé sa robe sous sa ceinture, se baisse et lave le pied de Pierre au-dessus d'un petit bassin arrondi ; en arrière, sur unecolonnette, sont posés des linges desti- nés à essuyer les pieds des disciples. Saint Pierre, avec une brusque naïveté qui tra- duit bien son caractère et peut-être aussi celui de l'imagier, montre du doigt son front : « Lavez- moi. Seigneur, non seule- ment les pieds, mais aussi les mains et la tête!» {vo\r/i£. J2) ('). Ici, encore, le futur chef de l'Eglise est seul représenté.

Au contraire, les chapiteaux de Chartres (XII^ siècle) font assister à cette scène tous les Apôtres, assis côte à côte sur un

I. De même sur le paliolto de Salerne.

même banc ; et à partir du XII siècle, les représentations, relativement rares, que nous possédions de cette scène, y font toutes figurer au moins un certain nombre d'Apôtres : ainsi en est-il au tympan de Bayeux (XIV^ siècle) et sur le soubasse- ment de la façade de Bourges (XVP siè- cle) (■), avec lequel nous touchons à la Renaissance.

G. Sanoner.

(A suivre.) Paris.

I. De même sur le tabernacle de Hal (Belgique), une des dernières œuvres de Tart gothique (voir /fi,'-. 4S) : dans cette composition remarquable, oii manque malheureu- sement la tête du Christ, les sentiments divers des douze Apôtres sont rendus avec une variété d'expression qu'il serait difficile de surpasser.

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STYLE BYZANTIN.

Sainte-Sophie de Constantinople (').

ligrOUS avons fait con- naître plus haut l'évolu- 3 tion du style chrétien |/S: à Byzance, et signalé i son apogée, que marque : la merveilleuse éelise de Sainte-Sophie. A cause de l'importance du sujet, nous avons différer la description du chef-d'œuvre de l'art byzantin ; il mérite que nous lui consacrions un chapitre spécial.

Constantin avait élevé à Constantinople une basilique dédiée à la Divine Sagesse. Ruinée à deux reprises différentes, elle fut relevée par Justinien au VI^ siècle. Celui- ci commença le nouveau temple en 532, la cinquième année d'un règne (527-565), qui fut pour Constantinople ce qu'avaient été celui de Périclès pour Athènes et celui d'Auguste pour Rome.

Justinien voulut ériger « le plus magni- fique monument qu'on eût élevé depuis la

1. Voir Revue de l'Art chrétien, 1905, pp. 174,223,31 1, 378 et 1906, pp. 22, 92, 166.

2. V. Ducange, Constanlinopolis Christiana, 1680.

L. Haghe, Agia Sofia Constantinople, as recently restored by order of the Sultan .^bdul Medjid. 25 pi. Londres. 1S52.

D. Pulgher, Les anciennes églises byzantines de Con- stantinople, in-fol. 30 pi. Vienne, 1880.

H. Vts^x\.\\,Villes célèbres comme foyer d\it t. Constantino- ple in-S". Leeman, Leipzig 1901.

J. Labarte, Le Palais impérial de Constantinople et ses abords. Sainte- Sophie, le Forum Augustéon et l' Hyp- podrome tels qu'ils existèrent au X' siècle. Paris, in 4°, Didron, 1861.

.M. R. Lethaby et H. Swaison, The church of Santa Sophia. Constantinople. Study of byzantine building. Maximilian, Londres, 1894. V. .Salzenberg, Alt- christliche Baudenkmaele von Constanlinopel. Berlin, 1854.

création. » Il confia ce grand œuvre à un architecte grec, Antheiiius de Traites, au quel succéda Isidore de Millet ('). Il fit con- fectionner pour l'exécution de la coupole des briques en terre très légère ; chacune de ces briques porte cette inscription : « C'est Dieu qui l'a fondée. Dieu lui portera secours (^). »

Le temple bâti avec tant d'humilité et de saint enthousiasme, fut décoré avec magni- ficence. Tous ses murs furent couverts de mosaïques à fonds dorés ou de revêtements en marbres précieux. Les chapiteaux et les corniches furent dorés les voûtes des bas-^ côtés peintes à l'encaustique ; à l'abside, couverte comme la grande coupole, de mosaïques splendides, Justinien s'est fait représenter prosterné aux pieds du Christ en Majesté (Pantocrator).

Pour parfaire cette inerveille, l'empereur épuisa les dépouilles des barbares et le tribut des provinces de l'empire. Il alla jusqu'à fondre les tuyaux en plomb des fontaines publiques et à les remplacer par des conduits en terre.

Seize années après la pose de la première pierre la basilique était achevée. Pour célé- brer sa consécration, Justinien fit distribuer au peuple mille bœufs, dix mille moutons, six cents cerfs, mille porcs, vingt mille poules, et trente mille mesures de grain. Il entra dans le temple avec le Patriarche, et

1. Paul le Silenciaire, Corpus Script, hist. byzant., in-S". Bonne, 1842. V. la notice de M. Ch. Lucas dans le vol. 2 de 1h Biographie universelle des architectes célèbres, reproduite dans la Revue de l'Art chrétien, année 1872, p. 314. V. le Glossaire de du Cange.

2. Les Assyriens avaient fait le contraire : chaque brique des murs de leurs palais portait le nom du roi fondateur avec une Imprécation teriible contre ceux qui toucheraient à leur œuvre.

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îRrbuc De rSvr cbvcticu.

du haut de l'ambon il s'écria : « Gloire à Dieu, qui m'a jugé digne d'accomplir cet ouvrage ! je t'ai vaincu, Salomon! » L'église ayant été bénite, il fit répandre sur le pavé trois quintaux d'or qui furent ramassés par le peuple.

Aujourd'hui la grande basilique chrétien- ne est changée en mosquée. Elle est dépouillée de ses riches ornements. De grands tapis turcs cachent son beau pavé de marbre vert de Proconèse, orné de

nuances rubanées qui représentent les ondes des quatre fleuves mystiques. Les mosaïques sont impitoyablement badi- geonnées tous les deux ans, et leurs cubes incessamment arrachés par lesjeunes softas qui les vendent aux étrangers ; tout ce qui est peinture a été effacé. On a détruit le somptueux mobilier qui garnis- sait le plus fameux des temples chrétiens. Ce mobilier comprenait une énorme profu- sion de vases précieux, de candélabres, de

Justinien prosterné aux pieds de Notre-Seigneur. Mosaïque de Sainte-Sophie.

croix et d'autels, tout en or massif. Dans le sanctuaire (bema) se trouvait l'autel majeur fait, dit-on, avec un mélange d'or et d'ar- gent, de fer et de platine, que l'on fit fondre ensemble ; il fut incrusté de pierres rares, orné de perles et de diamants. La table reposait sur quatre colonnes d'or ; au dessus s'élevait le ciborhim,^vt.c quatre colonnes et avec quatre arcs d'argent portant une cou- pole d'or, surmontée d'un bloc d'or pesant iio livres et d'une croix d'or de 80 livres.

La coupole a 33'", 25 de. diamètre ; l'édi- fice mesure 81 "",30 de longueur sur 66'",30 de largeur dans oeuvre. La superficie cou-

verte est de 7000™-, et la hauteur totale du dôme a 56'",oo.

Malgré toutes les précautions prises pour donner à la coupole une grande légèreté et à son support une grande résistance, des fis- sures s'y produisirent à la suite de tremble- ments de terre répétés, et elle s'écroula le 4 mai 508. Le neveu d'Isidore de Millet la re- construisit avec une plus grande élévation et en renforçant les grands arcs. On laissa plus longtemps en place les cintres et leur puis- sant échafaudage; au décintrage, on inonda l'église pour que les bois en tombant ne pus- sent ébranler la voûte nouvelle. Enfin on établit à l'extérieur.audessus des arcs trans-

3l';art t\)vttim monumental.

315

versaux quatre lourds et massifs contreforts qui ont gâté irrémédiablement l'aspect de

l'édifice vu du dehors.

L'ordonnance générale de Sainte-Sophie

3i6

3Rc\)ur ïic r^rr cbrcticu.

procède de l'idée d'un plan carré, d'un édifice s'élevant en croix grecque et se terminant en coupole.

Quatre piliers énormes déterminent un espace central carré, sur lequel la coupole

s'élève par l'intermédiaire de quatre pen- dentifs. Deux hémicycles, s'ajoutant au carré vers l'entrée et vers le fond, et percés eux-mêmes d'absidioles, étendent le carré et en font un long rectangle, au fond

Sainte-Sophie. Plan à terre.

duquel s'élève l'autel, dans l'abside du chevet plus développée que les autres. Le chœur est tourné de manière que l'officiant, placé derrière l'autel, regarde vers Jérusalem et vers le tombeau du Christ.

Ssinte-Sophie. Coupe et plan des toitures.

Des bas-côtés régnent au Nord et au Midi ; le tout est précédé d'une galerie ou nartkex, et d'un vaste vestibule tenant lieu à'airium. Neuf passages mènent de

l'atrium dans la galerie; neuf portes donnent accès dans le temple ; ces portes étaient ornées d'ivoire, d'clectrum et d'argent ; selon la tradition, elles auraient été faites des débris de l'arche de Noé.

La partie dominante, celle qui captive l'attention, est la grande coupole centrale, d'une légèreté sans rivale. Elle est portée par quatre arcs gigantesques en plein cintre ; les deux grands hémicycles et les cinq petites absides qui font pénétration dans les flancs de ceux-ci, sont couverts de voûtes en quart de sphère. Cette combinai- son de demi-coupoles avec la coupole maî- tresse, dont les points d'appuis sont peu apparents, donne à l'ensemble une légèreté qui déconcerte ; le dôme central semble comme suspendu dans les airs.

Tandis que la voùtedu Panthéon de Rome n'est percée que d'une ouverture de huit mètres de diamètre à son sommet, celle de Sainte-Sophie est ajourée par les fenêtres pratiquées à sa naissance ; elles forment

3L'^rt el)rétten tnoaumental.

317

comme une couronne de lumière, inondant le vaisseau de clarté à toute heure du jour. L'immense calotte, autrefois resplendis- sante de dorures, apparaît suspendue dans les airs comme un baldaquin céleste.

Cette conception architecturale, visible tout entière de l'entrée, procure immé- diatement au visiteur le maximum de l'émotion, en lui faisant tout embrasser d'un coup d'œil.

Les voyageurs racontent que l'effet de Sainte-Sophie est beaucoup plus saisissant que celui de Saint- Pierre de Rome, qui est pourtant incomparablement plus vaste. A Saint-Pierre, il faut, avant d'apercevoir la coupole qui en forme le couronnement.

parcourir la longue nef. A Sainte-Sophie, au contraire, dès qu'on a dépassé la porte centrale le vaisseau large et profond se révèle tout entier aux yeux éblouis. La vaste coupole illuminée par sa couronne de fenêtres apparaît gigantesque. Des deux côtés deux étages des tribunes avec leurs galeries d'étage, et les nombreuses fenêtres qui les surmontent, exaltent les proportions par leurs divisions et leurs dimensions mo- dérées. Une lumière douce et égale se répand partout, faisant ressortir l'unité de 1 ensemble.

Le dôme central semble comme suspen- du dans les airs ; et quand le soleil, dans sa course journalière, fait le demi-tour du

Sainte-Sophie. Coupes schématiques.

ciel, il ne cesse pas un instant d'inonder le temple de sa lumière, divisée par les quarante fenêtres ménagées à sa base en faisceaux de rayons dorés. La coupole apparaît comme un diadème céleste, comme un dais surnaturel suspendu au-dessus de l'autel du Vrai Dieu.

Mais de telles choses ne peuvent être bien décrites que par ceux qui les ont vues de leursyeux. Laissons donc un grandartiste nous faire part lui-même de ce qu'il a ressenti en contemplant cette merveille. Voici comment s'exprime feu J. Helbig, décrivant la merveille byzantine (').

« La première impression, en entrant dans cette basilique, c'est celle de la puissance et d'une solen- nelle grandeur.

I. J. Helbig, Conférence au Cerclei. Concordiai, Je Liège, supplément du Courrier de Bruxelles, 29 mars 1891.

« On ne saurait guère la comparer à d'autres grands édifices à coupoles : Saint-Pierre de Rome a des pro- portions beaucoup plus vastes, mais la grandeur de Saint-Pierre ne se manifeste à l'esprit que par le raisonnement et la déduction. Il n'a qu'un étage et toutes ses proportions sont colossales. .Sainte Sophie a deux étages et la proportion des détails répond aux dimensions de l'ensemble. La coupole du Panthéon de Rome aussi est plus grande, mais elle tient à la terre par les murs en forme de tambour qui la soutiennent. Le décor des marbres et du revêtement des murs de Sainte-Sophie est ])lus riche que celui du Panthéon de Rome, et la splendeur des mosaïques de ses voûtes surpasse notablement celle de Saint-Pierre.

« Dans cette dernière église, il faut, avant de s'apercevoir de la coupole qui en forme le couronne- ment, avoir fait un long trajet dans la nef.

« Il n'en est pas de même à Sainte Sophie.

« Le vaste narthex avec ses neuf portes par lesquel- les on a accès au temple, a les proportions d'une église dont la nef serait allongée outre mesure. Dès que l'on a dépassé la porte centrale, le vaisseau large

3i8

Wit\yx\t lie Ti^rt rJ)rétien»

et profond du temple lui-même s'ouvre aux yeux éblouis. Cette vaste et aérienne coupole, illuminée de sa couronne de fenêtres et qui semble, suspendue dans les airs, se résoudre en quelque sorte dans les deux demi- coupoles de son axe longitudinal ; ces tribunes qui reçoivent la retombée des demi-coupoles ; la lumière, à la fois si égale et si douce qui se répand dans toutes les parties de cette nef énorme, et dans les tribunes de l'étage large comme des nefs ; les marbres aux couleurs ambrées et opalines qui tapissent les parois des régions intérieures en faisant valoir les tons vigoureux des colonnes ; le ciel d'or qui scintille aux voûtes tout cela, au premier abord, vous reporte à une grande

époque. Le monument raconte le puissant effort d'un grand homme, secondé d'ailleurs par de véritables artistes vivant dans un siècle, qui se débattait entre les agonies d'une décadence déjà vaincue et les douleurs d'une laborieuse renaissance !

« Si l'on veut analyser cette impression ; si de ce puissant effet d'ensemble on passe à l'examen des détails, l'œil sans doute pourra être choqué par l'im- perfection de bien des parties de l'édifice ; par la disproportion de cette abside du chœur si exiguë, avec l'ampleur de la nef centrale ; par l'empâtement consi- dérable et trop peu dissimulé des quatre massifs de ma(;onnerie qui reçoivent les pendentifs de la coupole

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Coupe de Sainte-Sophie à Constantinople.

centrale ; par ces chapiteaux au feuillage si varié qui ne se placent pas toujours correctement sur le fût des colonnes et dont l'astragale est remplacé par des anneaux en bronze doré qui ont pour objet de dissi- muler le joint. L'archéologue et l'artiste, familiarisés de longue date avec le plan de Sainte-Sophie, n'en restent pas moins surpris que le tracé si compliqué, qu'ils ont étudié dans les traités d'architecture, pro- duise un effet si saisissant, un tout si facile à embrasser et à saisir, un édifice d'une harmonie si grandiose et d'une impression à la fois si douce et si religieuse... « Mais que de i)ensces et de souvenirs viennent assaillir l'âme du chrétien sous ce dôme élevé avec tant de sollicitude et de fierté par Justinien ; dans ces nefs inondées des larmes des vaincus de Mahomet,

aujourd'hui souillées par le culte de ses adeptes ! Toutes les grandeurs et toutes les hontes de règnes du Bas-Empire semblent défiler en un long et silencieux cortège dans ce temple désormais muet, la solitude n'est plus troublée que par la mélopée traînante de l'Iman récitant sa prière, ou le chant aérien du Muezin appelant du haut du minaret voisin, l'infidèle au fidèle accomplissement des actes de son culte !

« Cependant Sainte-Sophie ne raconte pas seule- ment la longue histoire des luttes sans cesse renais- santes de 1 Orient et de 1 Occident, du Christ et de Mahomet, de la civilisation et de la force, sa construc- tion marque aussi une grande étape dans l'art, et sous ce rapport le monument élevé à la Sagesse divine, restera une œuvre unique.

JL*Zvt cl)rétten monumental.

319

« L'édifice, au cours des siècles, a subi de nombreu- ses modifications. Dans son état actuel, lorsque l'œil s'est fait à cet ensemble. Il reconnaît aisément qu'en bien des endroits une très médiocre imitation peinte a remplacé la forte et transparente coloration des mosaïques. Nulle part les figures hagiographiques et historiques du grand style de Justinien ne sont restées visibles. Aux pendentifs de la coupole, de gigantes- ques Chérubins étalant chacun trois paires d'ailes aux teintes nacrées et chatoyantes, ont été conservés, mais les têtes dont la vue pouvait blesser les bigots de l'Islam, ont été remplacées par d'ineptes étoiles. D'énormes disques verts sur lesquels sont tracés, en gigantesques méandres, les versets du Coran ; des œufs d'autruches suspendus aux archivoltes ; des lustres du dessin le plus vulgaire et enfin une sorte de galerie en bois, simulant le métal et contournant les tribunes, témoignent de ce que l'art décoratif des Musulmans a fait pour le temple qu'ils ont conquis ! Le visiteur se consolera en recherchant ce qu'ils ont respecté.

« Au fond de la demi-coupole de l'abside du choeur, on voit transparaître encore sous une couche de pein- ture récente, le relief du nimbe du Christ représenté dans sa gloire, et le contour de la figure de l'Empereur Justinien agenouillé à ses pieds.

« Dans le gynécée ce sont les galeries de l'étage sur les dalles de marbre qui servent de clôture vers la grande nef, on voyait autrefois de nombreuses croix grecques appuyées sur des bases ornementées.Elles ne sont plus rappelées aujourd'hui que par les tailles du ciseau qui les a effacées. De toutes parts les colonnes hors plomb et les murs inclinés vers l'extérieur accu- sent la poussée des voûtes, les tassements des siècles et les secousses des tremblements de terre. Des chapi- teaux choisis avec soin, et dont aucun n'appartient aux ordres de l'antiquité classique, bien qu'empruntés à des monuments divers, font connaître, par la variété de leur végétation, les conditions dans lesquelles le monument a été construit. En revanche, sur les parois, les longues litres artistement sculptées et ornées de la feuille de platane l'arbre par excellence du Bos- phore — annoncent l'effort de la Renaissance, le travail original d'un art autochtone, Dans le Gynécée, une clôture en marbre blanc sculpté, imitant des portes de bois avec leur ferronnerie ornée, la porte du Ciel et de \'£u/er, suivant l'explication fantaisiste du Softa qui nous accompagne semble aussi em- pruntée à un monument préexistant.

« Lorqu'on est resté quelque temps dans Sainte- Sophie, on est presque effrayé par la vacuité de cette

immense enceinte. Quelques estrades à peine élevées au-dessus du pavement, une loge ornée de treillis artistement ouvragés destinée au Sultan, une sorte de chaire nommée Mimber, de longues files de nattes et de tapis, voilà tout le mobilier de la mosquée.

« Le Khatib monte le vendredi au haut de ce Miinber pour y faire la lecture du Coran, tenant le sabre nu à la main, afin de rappeler que la mosquée, conquise par les armes, devra être défendue par le glaive. Cette chaire, qui remplace l'autel et vers laquelle sont alignés toutes les nattes et les tapis, n'est pas posée dans l'axe de la nef. Elle indique l'orientation de la Mecque, vers laquelle l'Osmanli se dirige pendant sa prière ; l'axe du monument est orienté sur la région sanctifiée par la vie et la mort du Christ...

« L'œil cherche douloureusement dans le vide l'autel absent du sanctuaire, le jubé de clôture de l'abside, autrefois si somptueux, les ambons se faisait le couronnement des empereurs. Il reconnaît encore dans le temple toutes les dispositions com- mandées par les rites de notre foi, il n'en retrouve plus, ni les symboles, ni la vérité, ni la vie. Les émotions et les admirations de l'artiste et de l'antiquaire ont cessé, et le chrétien sort de la mosquée le cœur oppressé pour aller respirer au grand air. »

Tel est esquissé à grands traits, ce monu- ment qui fut autrefois le plus beau que possédait l'Église, et qui est maintenant perdu pour la chrétienté ! Il fit l'admiration des peuples, et servit de modèle à beaucoup d'autres temples ; naguère encore, celui du Vœu national de Montmartre a été édifié, dans une certaine mesure, selon les formes dont il a été le type grandiose, et la nou- velle cathédrale catholique de Westminster s'inspire du style éclos à Byzance.

Au point de vue de l'histoire monu- mentale, Sainte-Sophie présente un intérêt de premier ordre. Il y a de par le monde un petit nombre de ces édifices, qui résument les progrès accomplis jusqu'à nous, et mar- quent réellement les grandes étapes de la marche de l'art, et les points de départ reconnus de ses évolutions successives. Quand ils ont la valeur de l'église de

320

3BitWt lie V^vt cbrctien.

Justinien, ils sont plus encore, ils en restent un des lumineux sommets.

Rappelons-nous que la basilique latine offre essentiellement trois avenues, dont l'ordonnance uniforme conduit le regard et la pensée jusqu'à l'abside et vers l'autel : heureuse disposition qui établit une parfaite harmonie entre la forme de l'église et sa destination liturgique.

Ici au contraire, la partie dominante, celle qui attire l'attention, est la grande coupole centrale. L'abside est formée de la princi- pale entre cinq niches percées dans les grands hémicycles. Les bas côtés ne don- nent aucune vue sur le sanctuaire.

Vue de l'extérieur l'église offre l'aspect d'une immense rotonde, terminée en dôme surbaissé et renforcé par des contreforts massifs et disgracieux, entre lesquels se développent des annexes secondaires. Des minarets modernes s'élèvent aux quatre angles.

L'intérieur au contraire est d'une puis- sance d'effet incomparable. Si on laisse de côté le point de vue de la convenance de la forme par rapport à l'usage original de l'édifice, et que l'on envisage le monument comme un grand vaisseau voûté, il consti- tue un des chefs-d'œuvre de l'art humain. Il offre un tout complet et, presque irréduc- tible et inextensible, auquel on ne pourrait

en quelque sorte rien ajouter ou retrancher sans en gâter l'ordonnance. Il offre un type superbe quoique imparfait des édifices à coupole, comme le Parthénon est l'idéal du temple à colonnes architravées ; et en de- hors de ces deux types, le monde n'a vu élever aucun genre de monument aussi admirable, hormis les cathédrales gothiques.

Pour bienjugerde la perfection de Sainte- Sophie.il importe de la comparer aux autres grands édifices à coupole centrale unique, et de voir combien le parti tiré de la cou- pole est ici incomparablement plus heureux que dans Saint- Pierre de Rome, dans le Panthéon de Paris, etc.

On retrouve des types analogues dans les grandes mosquées turques élevées près d'un millier d'années plus tard, notamment dans la grande mosquée de Soliman à Stamboul ( 1558) et dans la mosquée d'Ach- met (1469) à Constantinople bâtie sur plan cruciforme. Ici le système byzantin est à certains égards plus logiquement déve- loppé. La coupole est parfaitement contre- butée à l'aide de quatre hémicycles, le plan en croix grecque est complet. La mosquée de Sélim à Andrinople a pour abri une rotonde posant sur huit gros piliers.

Beaucoup d'autres n'offrent qu'une salle carrée couverte d'une coupole.

L. Cloquet.

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Ornements anciens De cbasubles et caDre ancien en paille tressée.

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N poète (') de la Gruyère (2) a chanté en ces termes la tresseuse de paille.

L:i tresse menue Coule sous ton doigt Qui mêle et démêle Ses fils vaporeux : La trame, étincelle En jets radieux : De ta main ruisselle La neige et l'émail : Ta lèvre entr'ouverle Sourit au travail. Ta robe est couverte Du sein au genoux, D'un riche méandre Dont l'œil est jaloux : Son flot pur et tendre. Pressé de descendre A tes pieds s'endort.

Déjà, dans un autre chant (^j, il avait mis, sur les lèvres de l'ouvrière laborieuse, les paroles

que voici :

La triste misère Fuit par mes efforts ; Un sillon de terre Dans notre Gruyère Produit des trésors.

Cette poésie gracieuse n'est pas déplacée dans la Revue de V Art chrétien. En effet, l'Art chrétien n'a pas seulement consacré à la Majesté du culte divin les marbres, les pierreries et les métaux précieux, il a encore utilisé, parfois, les éléments les plus simples, puisqu'on a fait, notamment au XVIII« siècle, des objets d'art sacré en paille.

Plusieurs ont survécu, parmi lesquels des orne- ments de chasubles. Un de nos amis a vu au grand séminaire de Besançon une chasuble ainsi déco- rée. Il y en a deux autres à l'église de Charmey,

1. Louis Eornet, La Iresseuse de paille, dans Les poètes de la Gruyère, par ). Sterroz, p. 80.

2. Région montagneuse, comprenant une quarantaine de villages groupés autour du célèbre château des comtes de Gruyère, non loin de Fnbourg en Suisse.

3. Louis Bornet. La tresseuse, dans La Gruyère illustrée, par J. Reichlen, 11= livraison.

joli village à proximité de la Chartreuse de Val- sainte, dans le canton de Fribourg, en Suisse.

I. Chasubles de Charmey. Les chasu- bles de Charmey ont été représentées en photo- typie dans le Fribourg artistique (') et accompa- gnées d'une notice, due à M. l'abbé Pahud, curé de Lausanne.

Nous avons eu plusieurs fois le privilège d'ad- mirer les originaux ; en voici la description.

Les deux chasubles paraissent remonter au XVI II^^ siècle, et sont conservées en assez bon état, malgré leur âge. Elles ont été, il est vrai, l'objet de réparations intelligentes en 1873 et 1874.

Particularité surprenante de prime abord, les pailles, si fragiles en apparence, avaient peu souffert, tandis que l'étoffe, qui servait de fond, dut être remplacée, non seulement parce qu'elle n'était pas liturgique, mais surtout parce qu'elle était entièrement usée.

Dans la première chasuble, qui a aujourd'hui pour fond une moire blanche, on distingue l'an- cienne étoffe, visible par places, sous les orne- ments. C'est une simple toile.

Le contour de la croix, qui décore le dos de cette chasuble, est un galon formé de brins de paille, qui sont juxtaposés et maintenus par un fil à chacune de leurs extrémités ; les points de raccordement disparaissent sous les gracieux filigranes d'une bordure en paille tressée.

Un galon semblable entoure le cou, à quelque distance du bord de l'étoffe, puis se continue sur le devant de la chasuble, en dessinant un rec- tangle.

Le champ du vêtement sacré, y compris les galons dont nous venons de parler, est semé de fleurs très élégantes.

Toute cette ornementation est obtenue avec des pailles, recouvertes, en majeure partie, de grandes et longues perles, en verroterie de cou- leur blanche.

Dans le principe, le bord extérieur de cette

I. Fribourg artistique, année 1898, planche xviii. H. Labas- trou, libraire à Fribourg.

KEVUB DE l'art CHRâxiBN. 1906. s""' LIVRAISON.

322

ISitWt tic ravt cbrctim.

chasuble était également en paille. Mais il avait souffert, on l'a remplacé par un galon d'or.

Le manipule et l'étole offrent une décoration du même genre que la chasuble. Le voile, assorti à cet ornement et destiné à couvrir le calice, a disparu, tandis qu'on a conservé celui qui accom- pagne la seconde chasuble.

Celle-ci a aujourd'hui pour fond une soie rouge groseille foncé. L'ancienne étoffe, un tissu de

laine écarlate, apparaît sous certains ornements de paille.

La bordure extérieure du vêtement et celle qui détermine la croix dorsale existent encore et sont identiques. Elles consistent en une série de festons, qui, à leurs points de contact, sont ornés, alternativement, d'une petite feuille de trèfle et d'une autre, plus grande, à cinq lobes. Ce sujet décoratif est charmant ; il se retrouve encore au-

Chasuble blanche.

Chasuble rouge.

tour du col sur une double ligne, les festons se faisant face.

L'intérieur de la croix est chargé d'une exu- bérance de feuillages, de fleurs et de fruits variés, parmi lesquels des grenades entr'ouvertes. L'œuvre est symétrique, c'est-à-dire divisible par une verticale centrale en deux parties qui se répètent. Les fleurs sont couvertes de ver- roterie.

Toutes les pailles dans les deux chasubles sont blanches ; et les années, les siècles, devrais-je dire, leur ont donné une patine d'un bel effet.

Mais comment peut-on tresser la paille, la tordre, la froncer sans brisure ?

Voici, en deux mots, quels sont les procédés de tressage, usités dans le canton de Fribourg.

Disons d'abord que c'est la paille de blé qui est employée. Les semailles se font au printemps. La âe//e paille est coupée avant sa maturité, l'autre grandit pour donner le froment.

On coupe la tige des belles pailles en trois parties, à l'endroit des nœuds.

La première partie, celle qui va du sol au pre- mier nœud, est la plus grosse ; les gens du métier l'appellent nœud.

5©élangc0.

323

Vient ensuite la huche {^), comprise entre le premier et le second nœud.

La dernière partie s'appelle \e. fin bout.

Il faut blanchir la paille ; pour cela on l'expose d'abord au soleil, puis à la vapeur de soufre.

Les pailles destinées à former un fond sans aucun relief sont fendues sur un côté, puis dé- pliées, passées sous un laminoir, enfin juxtapo- sées et collées sur carton.

Les pailles réservées aux tresses s'employaient autrefois collées. Aujourd'hui, on ne les colle plus, soit qu'on les utilise sans les fendre, soit qu'on les partage en lanières, que la tresseuse {?k\X. dou- bler par un enfant. Celui-ci les réunit deux à deux, posées l'une sur l'autre.

Elles sont mouillées dans l'eau, au fur et à mesure qu'on les emploie ; ce qui les rend très fle.xibles.

Il y a deux catégories de tresses :

Les unes sont à BUCHE RONDE NON FENDUK, et se divisent en paillassons et en rustiques.

Les autres sont .\ liUCflE FENDUE, et com- prennent les stoyas, les tresses courantes et les tresses façonnées.

Nous n'en finirions pas en citant les noms de toutes les variétés de tresses.

Indiquons seulement \es paillassons brodés et \es paitlassons à buclie levée. U&ns les deux cas. on lève la bûche, c'est-à-dire qu'on cesse, par en- droits, de tresser certains brins de paille.

Le j/^j'rt, qui signifie /(?/7/^ /o/V^, est un tissu, composé de brins de paille qu'on tisse comme une étofTe. L'ouvrage se fait sur le doigt de la tresseuse. Signalons, au hasard, le stoya à lacet et le stoya à moue lie s.

Les tresses courantes comprennent, entre bien d'autres, les cordons, les liserets avec mailles, avec dents, à sept bouts, à quinze bouts, la tresse plate, la tresse partagée, la tresse à Jours, la tresse Monaco, la tresse Co bourg.

Les tresses façonnées sont à ruche simple, à double ruche, à queue de rat, à queue de rat bûche levée. Il y a encore la tresse séparée, la tresse avec peignette, la tresse CRUCIFIX, la tresse avec paille filée.

Le bord de la tresse avec peignette ressemble aux dents d'un peigne ; on fait le travail autour

I. Biuhe ou boutae, expression qui signifie paille en patois fri- bourgeois. *

d'un jonc qui s'enlève, lorsque la tresse est finie.

Dans la tresse crucifix, deux liserets bor- dent un travail à jours, formé de brins de paille qui se croisent à leurs extrémités.

'Lb. paille filée est un cordonnet très mince composé d'un double toron, formé lui-même de deux brins de paille posés l'un contre l'autre, et larges à peine d'un millimètre. Ce travail, d'une extrême finesse, est des plus élégants ; il vient du canton d'Argovie.

Pour diviser la paille en lanières bien égales, on emploie un instrument aussi simple qu'ingé- nieux. Il consiste en un manche, terminé par un crochet qui porte une étoile. Celle-ci est en métal ou en os. Elle a autant de rayons qu'on veut ob- tenir de lanières. Les rayons sont tranchants, et coupent la paille en divisions bien régulières, pourvu que l'on fasse coïncider le centre de l'étoile avec l'axe de ce petit cylindre que nous appelons tous un brin de paille.

N'oublions point que les pailles se teignent avec la plus grande facilité, et qu'on peut leur donner toutes les couleurs et les nuances de l'arc-en-ciel.

Quant à la façon même des tresses, une ou- vrière habile sait la varier à l'infini.

II. Cadre ancien en paille tressée. Cet objet artistique, conservé à la Chartreuse de la Valsainte, est en paille tressée et ouvragée.

Bien qu'il ne soit pas de sa nature une œuvre d'Art chrétien, il peut l'être par sa destination, et, de fait, il encadre une vieille image de piété, mais qui est trop abîmée pour mériter de paraî- tre. De plus, on a eu, jadis, l'idée d'enlever en bas, un motif de décoration, pour y substituer une coquille, afin de transformer le cadre en bénitier.

Notre cadre mesure o'"358 sur o"'276. Il pré- sente, avec certains perfectionnements et avec plus d'élégance, le même genre de travail que les ornements des deux chasubles de Charmey.

Il a pour charpente un double carton, que l'on a collé sur toile, afin de conserver à l'objet sa forme bosselée et gondolée. Sur ce carton, dé- coupé en festons gracieux, sont collés des brins de paille blanche, fendus sur un côté, puis dépliés; c'est comme le fond d'une étoffe, bordée par une tresse, et sur laquelle s'étendra l'ornemen- tation.

324

Bebttc t)c r^rt fJ)vctten.

Celle-ci dénote un goût exquis. Elle consiste, principalement, en guirlandes de feuillages et de fleurs, la variété et la richesse du travail le

disputent à son élégance. Nous n'avons pas ici cette verroterie, qui couvre la paille des chasu- bles de Charmey et de Besançon. Mais nous

Cadre en paille tressée et ouvragée. Époque Louis XV.

apercevons des procédés nouveaux. La gamme des couleurs dans les pailles est très variée. On en distingue de blanches, de jaunes, de rouges,

de vertes et de noires. Ces pailles jaunes, rouges et vertes sont d'une teinte pâle, qui s'harmonise très bien avec l'ensemble de l'ouvrage. Un ingé-

£@élanses.

325

nieux tissage de fils bleus et de paille donne l'illusion d'une broderie ; ne devrais-je pas dire d'un brocart, puisque le brillant des paillettes rivalise avec l'éclat de l'or ?

Autre illusion aimable dans ce double sujet décoratif, qui, vers le bas, encadre une pièce, au- jourd'hui disparue, un vase sans doute, et rappelle une corne d'abondance : le regard étonné croit voir, dans l'assemblage de ces minuscules rec- tangles en paille, une mosaïque formée de pierres précieuses.

Que penser de ces filigranes, dont les caprices légers viennent former les tiges ou bien sertir les pétales de chaque fleur? On se refuse à admettre que ces arabesques voltigeantes, ces rubans fron- cés,ces arceaux si déliés, ces vrilles échappées des guirlandes, soient en paillelressée.Ne dirait-on pas de l'orfèvrerie? Oui, c'est bien la neige et l'émail, la trame étincelante, cesont les trésors que chan- tait, il y a un instant, le poète de la Gruyère.

Ce cadre est manifestement ancien ; nous en avons la preuve dans la facture de carton qui sert de charpente.

Un double motif nous invite à attribuer l'ou- vrage à l'époque Louis XV.C'est d'abord la forme bombée donnée à la surface ; on reconnaît un caractère du style Louis XV. En second lieu, c'est la présence des fleurs qui émergent d'une sorte de corbeille. Ce sujet décoratif, qui apparaît déjà au XVIIe siècle, se rencontre fréquemment soit en peinture, soit en sculpture, dans le canton de Fribourg, sur des objets du XVI 11^ siècle.

Les chasubles de Charmey et le cadre de la Valsainte sont exécutés avec une telle délicatesse qu'on peut les croire originaires d'un couvent.

Pareils travaux demandaient, en effet, une grande patience, et n'étaient guère accomplis que par des prisonniers; les uns, captifs plus ou moins résignés du bagne,les autres, prisonniers d'amour, au service de Dieu et du prochain, dans les mo- nastères.

On croit généralement que la chasuble de Besançon et celles de Charmey sont dues à des religieuses. Nous nous rangeons bien volontiers à cet avis.

La tradition affirme que le cadre a pour auteur un moine de la Valsainte, mais sans nous donner de certitude absolue. Remarquons, toutefois, que

ce genre de travail n'était pas inconnu des Char- treux. Au XVIIIe siècle, notamment, plusieurs d'entre eux exécutèrent de jolis objets en paille, dont quelques vestiges sont parvenus jusqu'à nous. Aux procédés de tissage, les Chartreux ajoutaient ceux de la marqueterie avec pailles teintes en couleurs vives. Ils obtenaient aussi des images pieuses, estampées de la façon suivante : Les pailles, déjà collées sur papier, étaient pla- cées, à peine humectées, entre deux moules s'em- boîtant l'un dans l'autre. Les moules se faisaient d'ordinaire en métal, en corne ou en soufre. Ceux de cette dernière catégorie, encastrés, pour plus de solidité, dans des mandrins en bois, n'étaient pas sujets à se déformer, comme la corne, et don- naient d'e-xcellentes empreintes, plus douces qu'avec des matrices en métal.

Un heureux mélange de combinaisons variées produisit, parfois, des reliquaires, des boîtes d'hosties, des pupitres, qui sont de vrais objets d'art.

Celui qui vient d'être décrit compte, à bon droit, parmi les spécimens les plus intéressants de l'in- dustrie de la paille tressée, dans le canton de Fribourg.

Cette industrie est saine pour le corps et pour l'âme ; elle se pratique dans les chalets des hautes montagnes, comme dans les gracieux « cottages ^ de la plaine ; on s'y adonne en famille ; elle occupe les longues soirées de la morte saison.

Mais, hélas I de cette industrie il faut dire comme de la vertu : Elle n'est pas toujours rému- nérée, en ce bas monde, suivant son mérite. Va- t-elle mourir pour cela? Nous ne voulons pas le croire.

Délicieux objets en paille, petits chefs-d'œuvre aux reflets d'or, n'allez point disparaître en notre siècle des lumières et du progrès. Mais conservez aux braves populations de nos montagnes l'usage du travail en famille, les traditions artistiques du mobilier des chalets, les mœurs patriarcales des âges heureux ; précieux souvenirs que rappelle, avec leur charmant costume, la />etùe coiffure en paille des Armailiis (') de la Gruyère.

Dom Louis- Marie de Massiac.

I. Expression usitée en pays fribourgeois pour désigner les va- chers. , .

120

IBitWt De rart cl)iét(eiu

li'arcbitccture en ùcIqucs en espagneC).

N sait que l'architecture en briques a été pratiquée d'une manière bril- lante à diverses époques, dans les pays les circonstances se prêtaient mai a l'emploi de la pierre. Sans remonter aux

Chaldéens et aux Assyriens qui érigeaient de majestueux palais en briques crues, sèches, cuites, émaillées, et aux Perses qui furent les héritiers de leurs méthodes et en tirèrent un art si brillant ; sans nous arrêter à l'emploi que les Romains et les Byzantins en firent {)Our le gros œuvre de leurs monuments habillés de pierre et de marbre,

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Saint-Laurent de Saliagun.

il faut rappeler ici que, durant le moyen âge,

i.V.Vinc. Lamperez y Romea, Las Iglesias eipanolas de Ladritto, Barcelone, 1905.

l'art de la brique eut également un développe- ment magnifique. Il fut pratiqué brillamment par les Arabes sur les confins de la chrétienté.

5@élaiîge0<

327

Les maîtres cosmaques le mirent en honneur en Lombardie et le répandirent dans un vaste raj'on autour d'eux. Il eut une extension remar- quable dans le Nord de l'Allemagne, en Scandina- vie et dans les Pays-Bas, il imprima son élégant caractère à l'architecture brugeoise. Il fleurit aussi dans le Midi de la France, autour de Toulouse et d'Albi, mais nulle part il ne se manifesta d'une manière plus pittoresque qu'en Espagne. L'architecture en briques, partout elle est pratiquée d'une manière rationnelle, présente des caractères communs, dus à la petitesse des dimen- sions et la netteté des formes des matériaux mis en œuvre: grands parements lisses ou garnis de retraites peu profondes, multiplication et divi- sion des éléments décoratifs, saillies anguleuses, multiples et successives remplaçant les moulures. En Espagne on admire une magistrale entente de cette technique spéciale et du décor tout géométrique qui en dérive, et un riche dévelop- pement de l'ornementation céramique, poly- chrome et émaillée, sous l'influence des Arabes et des Byzantins.

L'art de la terre cuite espagnol n'est pas ex- clusivement d'origine musulmane; il a sa phy- sionomie propre, et d'une manière générale deux styles distincts, le roman et le inudcjar. Encore peut-on distinguer des écoles régionales, notam- ment celles de la vieille Castille, de l'Aragon, de l'Andalousie et du pays de Tolède. Sa chrono- logie a pour commencement, pour milieu et pour fin le X«, leXIIIe et le X\a« siècle. Son histoire a été étudiée par M. Lamperez y Romea, qui se distingue parmi les architectes archéologues de la péninsule par ses fécondes recherches sur l'art national et par ses élégantes publications ('). Les monuments en brique espagnols les plus anciens se rencontrent dans les environs de Léon, ville autrefois très importante, dans le voisinage Sud de l'antique cité d'Astorga, primitivement peuplée par les Maures Berbères. Au siècle, les moines chassés de Cordoue y implantèrent les influences mozarabes, sous lesquelles s'érigèrent quantité d'églises et de monastères à Escalada, à Mazote, à Eslonza, à Castafieda, à Sahagun, etc. Les mozarabes amenèrent avec eux quantité

I. Vincent Lamperez y Romea, Las iglesias espatlolas de Ladriîlo. Proch. in-4°, 16 pag., illustrée. Barcelone, 1905.

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Tour de Saint-Martin de Teruel.

328

î^ebue tie r^rt chrétien.

d'artisans ; l'histoire signale notamment une colonie de briqiietiers qui peuplèrent le pays de Quintana près de Sahagun, les Bénédictins eurent, dès le XI" siècle, un monastère qui fut un

centre d'activité. C'est ainsi qu'au pays de Léon se montre de bonne heure un art d'architecture en brique très développé et remarquable, formé d'éléments mélangés, romans, mozarabes et mu-

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Cathédrale de la Seo à Saragosse. Imbrications sur un côté de l'abside.

déjares. Sans doute ses origines sont essentiel- lement chrétiennes. Au commencement du XI' siècle Alphonse V élevait la première basilique de Saint-Isidore de Léon, qui accuse le style latino- byzantin dans ses dernières manifestations, et

qui fut construite en briques. En même temps on construisit en briques des édifices de style roman, ce que prouvent les restes de l'antique église du monastère de Sahagun, et surtout ceux des églises de Saint-Tirse et de Saint-

S^tlamts.

329

Laurent, deux églises en briques, d'un style jares qui peut s'appeler le style de Sahagun. Ces roman empreint d'influences mozarabes et mudé- églises offrent de larges et hautes absides repro-

La Tour Neuve ou tourpanchée de Sira*ossi

duisant exactement les absides romanes en nous reproduisons le chevet, avec ses bandes mu- pierre si caractéristiques avec murs décorés d'éta- raies, ses impostes et ses archivoltes compliqués ges d'arcades aveugles. Mais Saint- Laurent, dont de subdivisions et de saillies, dénote déjà une

330

3Rc\)ue îie V^xt cljvctieiu

main musulmane habituée à la prépondérance du détail sur l'ensemble. Ici prélude l'architec- ture à laquelle M. Lamperez donne le nom d'A/- jamiada, et qui exprime des idées chrétiennes sous une forme mahométane.On en pourra juger grâce aux beaux clichés que cet archéolof^ue a bien voulu mettre à la disposition de la Revue de l' Art chrétien.

Un élément caractéristique de l'architecture de Sahagun est la tour carrée, légèrement pyra- midale, établie sur la croisée du transept, élément étranger aux églises mudéjaresques d'Aragon, d'Andalousie et de Tolède.On constate ici l'adap- tation de la construction en briques aux lanternes romano-bv7,antines.

Cloitie de la Rabida de Huelva.

Le style de Sahagun se répandit dans toute la contrée et produisit Saint-Pierre de la Duenas, Sainte-Marie de la Lugareja, l'abbatiale cister- cienne de la Vega (commencement du XI 11»^ siècle), etc.

Beaucoup des monuments delaVieille-Castille offrent de nombreux exemples de la même archi- tecture ; c'est toujours l'église romane voûtée, oia la pierre est remplacée par la brique. Les colonnes font place à des piliers carrés, les arches sont appareillées [)ar rouleaux en retraite l'extérieur les arcades aveugles se multiplient. L'ensemble reste sévère, exempt de décorations mudéjares- ques. La fantaisie musulmane se trouve ici sub- juguée par l'austérité chrétienne.

Si de la Castille nous passons aux rives de l'Ebre, du Jalon et de la Sègre, le changement est complet. L'art de la brique, austère en Vieille- Castille, se montre fastueux en Aragon. Les

mudéjares aragonais se montrent les dignes suc- cesseurs des illustres rois de Sarragosse L'archi- tecture est ici caractérisée par la prépondérance de l'élément arabe, qui se maintient à travers quatre siècles de civilisation chrétienne. La technique de la brique portée à son apogée, et l'emploi de la céramique émaillée et polychrome, produisent un art tout en finesse, en dentelle, et en couleur, qui n'a pas même de rival dans les plus riches constructions des Almohades. La Giralda de Séville n'est pas supérieure aux tours de Saint-Martin et du Sauveur de Teruel ; et

Coupole de la chaiJelle de la Pietà de Sainte-Maiine de Séville.

l'église de Saint-Pierre de Calatayud ne le cède pas aux plus beaux édifices de Grenade.

L'architecture gothique eut un développement médiocre en Aragon. Ses églises sont à une seule nef, selon le type mudéjar. Si elles sont modestes à l'intérieur, le dehors déploie un luxe inusité. Les absides sont très développées, les tours très décorées ; les murs se couvrent de contreforts et de pinacles en briques richement ouvragés, et rehaussés d'émaux polychromes aux tons verts bleus et blancs, auxquels excellent les céramistes de la région. On ne peut rendre l'harmonie des lignes et l'éclat des couleurs qui distinguent les

£PéUnges*

331

murs de LaSso.l'absidedela Madeleine de Sarra- gosse, la tour de Saint-Martin et du Sauveur de Teruel, le campanile de Sainte-Marie de Calata- yud, la lanterne de la cathédrale de Tarazone, et d'autres monuments mudéjars d'Aragon. Une des manifestations les plus caractéristiques de l'architecture en brique de l'Aragon, sont ses innombrables tours. Elles se rapportent à deux types : le type quadrangulaire, qui est la forme traditionnelle des minarets arabes (Saint-Gilles,

Saint-Michel et la Madeleine de Sarragosse, Saint-Martin et le Sauveur de Teruel, Saint- Jacques de Daroca) ; et le type polygonal, qui est de tradition aragonaise pure, imité des cam- paniles gothiques de Catalogne et de Valence (Torre neuve de Sarragosse, Saint- André et Sainte-Marie de la Calatayud, Saint-Paul de Sarragosse, etc.)

Le groupe andalou d'églises en brique est plus difficile à étudier. Cordoue et Séville restèrent au

Coupole du couvent de la Conception à Tolède.

pouvoir des Mahométans jusqu'au XIIF siècle, Huelva, jusqu'au XIV', Malaga et Grenade jusqu'au XV' ; d'ailleurs après la conquête chré- tienne, les traditions mauresques persistèrent et, se combinant avec l'influence hispano chré- tienne,elles produisirent un art hybride, mêlé de roman, d'ogival, d'almohade et de mudéjar, dans lequel l'art de la brique ne tient plus que le second rôle ; il subsiste surtout dans les tours et les portes.

L'art chrétien en brique d'Andalousie est une imitation de l'art almohade, avec ses bandes et ses réseaux géométriques, qu'on voit reproduits dans la riche imbrication de la Giralda de Séville. Mais il s'y mêle de curieuses transposi- tions, en briques, des formes des monuments en pierres romans et gothiques. A la porte de l'église de Paies (Huelva), on a imité les voussures tori- ques des portes gothiques. Un curieux exemple de cette adaptation se voit au cloître du monas-

532

jRcbuc tic rSvt cbréticn.

tère franciscain de la Rabida (Huelva). On y voit reproduites en briques les galeries bénédic- tines romanes avec leur stylobate, leurs colonnes trapues, leurs chapiteaux en brique, leurs arcs cintres, la corniche à entablement ; le tout com- biné avec des stalactites et des arabesques mu- sulmanes.

Il faut noter ici l'emploi de ces curieuses voûtes à nervures croisées, à octogones étoiles, et à oculus central, dans le style hispano-mahomé- tan.dont le type original se voit au mirhab de la mosquée à Cordoue et un peu plus tard aux coupoles de l'église du Christ de la Luz de To- lède.Lorsque l'art espagnol se transforme sous de nouvelles influences, les voussures des coupoles dégénèrent en simples ornements et forment un réseau d'un tracé géométrique extrémementcom- pliqué.La chapelle de la Piedad de Santa Marina et celle de l'Exaltation de Santa Catalina, toutes deux à Séville, en sont de bons exemples. On les retrouve, par suite de causes qui s'expliquent historiquement, à la Mejorada de Olmedo (Val- ladolid).

Le groupe tolédain de l'architecture en brique constitue la synthèse des trois précédents. Tolède était au XI<^ siècle un foyer actif de culture maho- métane, et la conquête d'Alphonse VI n'y chan- gea rien grâce à l'éducation arabe du roi Castil- lan. De la prépondérance complète du style mudéjar, qui s'affirme à Tolède, à Illescas, à Tal- lavera, etc.

L'architecture religieuse tolédaine dérive de la construction romane en briques, pénétrée pro- gressivement des formes arabes. Les églises de la Vieille Castille offrent les mêmes absides ornées de rangées superposées d'arcades décora- tives que celle de Sahagun, de Cuellar, etc. Saint- Jacques d'Arrabal 'XIII'' siècle) est le plus antique monument de l'espèce à Tolède. Aux XIV et XV' siècles les éléments arabes s'accen- tuent et les absides de Saint-Ginès, de Sainte- Ursule, du Christ de la Luz, etc. offrent ces mêmes arcades, mais dentelées, festonnées, ornées de détails, se rencontrent des influences anda. louse et aragonesque, déjà éloignées des formes romanes castillanes.

Un exemple important et presque unique de l'art mudéjar est la coupole de la Conception

à Tolède. Elle offre un spécimen de ces réseaux géométriques dont il est question plus haut, mais à la richesse de ces combinaisons étoilées s'ajoute la richesse des fonds en céramique aux émaux polychromes, rehaussée de reliefs etd'inscriptions. C'est l'apogée de l'art espagnol en terre cuite. L'église voisine de Saint-Jacques de Talavera offre une curieuse transposition en briques des résilles en pierre des roses et fenêtres gothiques. Bref la belle étude de M. Lamperez y Romea peut se résumer ainsi : l'architecture espagnole en brique se fait jour en premier lieu dans l'architec- ture mozarabe et romane de la Vieille Castille aux X" et XI'' siècles ; elle se développe plus tard, accentuant ses détails mauresques, dans r Aragon et l'Andalousie aux XIV<=, XV'' et XVI" siècles ; elle s'étend en même temps à To- lède où elle offre un mélange d'influences diver- ses ; enfin, après avoir vécu de ses propres res- sources, elle finit par copier les formes de la pierre. Elle expire à la Renaissance.

T-. Cloquet.

Comment rcnoiiuclcr l'art cljréticn (')•

lOUS ce titre, qui éveille tout de suite le plus vif intérêt, M. A. Germain, dans un petit volume de l'excellente collection : Science et religion, passe en revue les œuvres de la plastique et de la peinture à sujets chrétiens à travers les siècles. Il énumère tous les morceaux hors ligne, et, en connaisseur, il en indique la valeur esthé- tique et expressive. De cet examen ressort l'écrasante supériorité du moyen âge sur les siècles ultérieurs, et la stérilité de la Renaissance au point de vue religieux. A cette époque, il ne trouve guère à signaler en France que la Des- cente de Croix de Bourdichon dans les Heures d'Anne de Bretagne ; en Flandre, rien que \ Ado- ration de la Sainte Trinité du polyptj-que de Jean Bellegambe à Douai ; en Allemagne, à peine quelques morceaux d'IIolbein ; en Italie, dans les thèmes sacrés, les grands maîtres, Michel-

I. A. Germain, C(?w»fif«/ renouveler Part chr/tienAn-ii",

64 pp. Paris, Blond, 1906.

£0élanges»

333

Ange en tête, ne voient plus alors que des prétextes à scènes décoratives et à tableaux dra- matiques, les têtes des madones les plus idéali- sées de Raphaël ne sont pas transfigurées. L'au- teur n'admet au rang d'œuvres d'art chrétien que quelques rares tableaux dus à Vincente Joannes et à Luis de Morales.

A l'époque suivante des morceaux rarissimes sont acceptés comme des pages chrétiennes spit i- tualisées, savoir quelques oeuvres de Rembrandt et de Van Dyck, de Ribera et de Zurbaran, de Velasquez et de Murillo. Mais au XVI II' siècle la matérialité l'emporte décidément sur la spiritualité. Rubens et ses élèves ne prennent pas rang parmi les artistes chrétiens malgré les thèmes religieux de leurs peintures.

Il est intéressant de suivre M. Germain, abor- dant l'art contemporain. Dans la première moitié du XIX'' siècle, les « Nazaréens groupés autour d'Overbeek, et le maître lui-même, manquent de vie et d'expression fervente. Hess, Kock, Vogel, de Vert, Schadow, Eggers, Schnorr, Fiihrich lui-même sont impuissants à atteindre l'idéal, faute d'une bonne éducation esthétique, »

Plus tard les préraphaélistes anglais, Hunt, Bro\vn,Rossetti et Wats échouent de même mal- gré leur talent, et Burne-Jones, dans ses œuvres rayonnantes de poésie, ne réussit à spiritualiser que sa Nativité k Saint-Michel de Torquay. Les Bénédictins de l'École de Beuron «tout préoccu- pés de mesures, de proportions significatives, comme certains Hellènes de l'antiquité, n'ont encore montré que des œuvres purement déco- ratives. >

En Belgique, M. Germain n'a rencontré qu'une figure imprégnée d'amour, YEcce Hoinoàe Cons- tantin Meunier, et une seule scène « qui retienne par sa gravité religieuse, la Présentation de Jésus d'Ernst Wante à Eecloo. Pas un mot de Jean Bethune, ni de Joseph Janssens : est-ce oubli, ou dédain }

Mais en France, depuis quarante ans, M. Ger- main trouve à composer tout un « remarquable spicilège d'œuvres imprégnées d'esprit chrétien» ; elles sont dues à Eugène Delacroix.à Louis Jean- not, à Hippolyte Flandrin, à Amaury Duval, à Millet (l'Angelus), à Legros, à Gustave Moreau, à Puvis de Chavanne, à Félix Ville, à Paul

Borel, à Luc Olivier Marson, à Louis Castex, à Yencesse à Oudiné, à Cabruchet, à Charles Dufraine, à Just Becquet, à Bonnassieux, à Paul Dubois, à Chapu, à Frémiet et à Dampt. Et pour expliquer ce phénomène curieux d'un apogée d'art religieux qui, (selon l'auteur, se manifeste en France et qui coïncide avec l'anémie de senti- ment religieux, M. Germain développe ce para- doxe, que « les apogées de l'art chrétien ne tiennent pas plus à l'exaltation du sentiment religieux, que sa décadence à l'anémie de ce sentiment. »

D'ailleurs nous devons ajouter que l'auteur très distingué de l'étude intéressante ici résumée, envisage presque exclusivement les produits de la peinture et de la sculpture, et que le critérium auquel il s'attache pour apprécier la beauté des œuvres, c'est l'expression naturelle et pieuse des figures, la spiritualisation des têtes (les faces à rayonnement spirituel).

Finalement, il aborde la question pratique,celle du relèvement de l'art chrétien. « Pour régéné- rer l'art religieux, pour le christaniser davantage, le rendre à la fois humain et surnaturel, vivant et émouvant, il importe avant tout d'amener les artistes qui désirent s'y consacrer à l'étude rai- sonnée et approfondie des manifestations de la piété. » « L'interprète de sujets sacrés doit étudier avec soin les expressions des croyants qui s'appliquent de toutes leurs forces à vivre selon la loi divine. Il est indispensable qu'il arrive à distinguer tous les signes par lesquels s'affirment ou s'ébauchent la dévotion, la ferveur, le rayon- nement spirituel. »

Et comment inculquer à nos artistes des pré- ceptes esthétiques d'un ordre aussi délicat ? La création d'écoles-ateliers lui paraît pratiquement irréalisable. La seule tentative abordable est l'œuvre préconisée par la Société L'Art sacré; elle consiste surtout dans un enseignement oral dont M. Germain indique le schéma. Il com- prend les cours à' Histoire de l'art chrétien, à'ar- chéologie et à' iconographie^^' exégèse &\. de liturgie, de psychologie religieuse et A'esthétique ; d'après le sommaire ce dernier manque entièrement de base doctrinale sérieuse.

A notre avis.tous ces efforts généreux et admi- rables d'hommes aussi distingués que dévoués à

334

îRebue ïje T^rt chrétien.

la religion, risquent de rester à peu près stériles, et cela, parce qu'ils ne se placent pas sur le vérita- ble terrain.

A quoi peuvent-ils aboutir, sinon à améliorer un peu la qualité, au point de vue du sentiment religieux, des produits artistiques éclos dans des milieux profanes, sous l'influence du régime ac- tuel, qui a pour base l'hérésie de l'art pour l'art ?

Le grand art chrétien ne doit pas s'alimenter des fantaisies religieuses des très fins et très délicats artistes qui font des -toiles pour les expositions et des morceaux de sculpture sus" ceptibles, grâces à un beau souffle pieux, d'être utilisés d'aventure dans une église.

L'art chrétien, tel qu'on le concevait au moyen âge, et tel que nous devons aspirer à le restau- rer, est un ensemble harmonieux l'architecte, le sculpteur, le peintre, le verrier, l'orfèvre, le mosaïste, et tous les auxiliaires de l'œuvre monu- mentale concertent leurs efforts, sous une disci- pline parfaite, dans un but bien défini d'avance ; et les ouvriers de ces grandes œuvres devraient être des êtres spéciaux, consacrés par vocation à la glorification du Seigneur à l'aide de leur ciseau et de leur pinceau. L'idéal de l'art religieux n'est pas atteint parce que dans une figure, peinture ou sculpture, le fin amateur peut saisir le souffle de l'âme et le « frémissement de la spiri- tualité rayonnante.» Il leur faut plus et moins. Il leur faut la splendeur décorative, il leur faut l'har-

monie des arts associés, il leur faut l'empreinte unique d'un même style dans un vaste concert monumental, il leur faut l'enseignement complet de vastes pages iconographiques, tout impré- gnées de doctrine chrétienne ; il leur faut l'hom- mage commun des artistes affinés et des humbles artisans, dans une œuvre chaque détail est soumis à un rigoureux programme sous une dis- cipline supérieure. Le grand art chrétien a donc besoin d'artistes formés pour lui dès le jeune âge, éduqués e.xclusivement pour l'œuvre religieuse, imprégnés de son idéal, soumis à toutes ses règles. Il faut donc nécessairement créer l'atelier-école. Les grands génies de l'art, les artistes célèbres ne lui sont pas absolument nécessaires. Selon nous la marche à suivre est de former une nom- breuse génération d'humbles artisans chrétiens, d'ouvriers épris de foi et d'idéal, attelés à une œuvre bien plus décorative que transcendante. De leurs rangs surgiront de grands talents, peut- être des génies. En attendant, ils décoreront dignement la maison du Seigneur, qui sera belle, mais n'aura rien de commun avec un musée. Nous pensons bien n'être nullement en dés- accord sur tout cela avec M. Germain, si ce n'est quant au peu d'efficacité de l'enseignement destiné à des artistes profanes antérieurement éduqués pour les peintures et les sculptures d'expositions.

L. Cloquet.

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espagnc

Madrid, le 1 1 juillet 1906. N vient de découvrir dans la crypie de

San Antolin de la cathédrale de Pa- lencia des vestiges très caractérisés d'un édifice ancien. La découverte est due à la perspicacité de l'archéologue M. Fr. Simon y Nieto, bien connu par ses études sur les Campos gothiques, et i! est étonnant que parmi les centaines de fidèles qui, tous les ans, viennent vénérer les reliques du saint Patron, personne jusqu'ici n'ait remarqué, ni signalé du moins, l'existence de ces précieux restes d'architecture. Et cependant des savants tels que MM. Mélida Agapito, Revilla, Anibal Alvarez, Lamperez, Gomez Moreno qui depuis ont visité la crypte sont tous d'accord pour reconnaître l'importance de la découverte.

La crypte se compose de deux parties de caractères très distincts : celle qui se trouve au fond est formée par huit arcs en fer à cheval dont le tracé est analogue à celui des Hermites de San Juan de Banos, de San Millan de la Cogulla de Suso, de San Sébastian de Toledo, de San Cebrian de Mazote et d'autres, mais d'un genre et de proportions très différentes des arcs qu'on rencontrera plus tard dans l'architecture islamite. Les chapiteaux sur lesquels ils s'appuient sont de caractère franchement visigoth. D'ailleurs on a prouvé que les arcs en fer à cheval de Palencia, et de Banos, dans la même province, ont été apportés en Espagne par les barbares du Nord et non avec l'invasion sarrasine.

La cry[>te de San Antolin fournit un élément de plus pour établir la suite de l'histoire de l'art de la période barbare dans notre Péninsule Les découvertes du même genre deviennent de jour en jour plus nombreuses et ne peuvent étonner que ceux qui ne prêtent pas assez d'attention à notre histoire. L'histoire de la civilisation romaine se dessine dans les aqueducs de Ségovie, Tarra- gone, Mérida ; dans les murailles de Tarragone élevées sur l'enceinte cyclopéenne et dans d'au-

tres restes, de même que dans de belles mo- saïques, statues, sarcophages, etc., etcLes diverses phases de l'art islamite s'observent à Tolède, Cordoue, Grenade, couvent des Thérèses à Ecija et en cent autres villes. Il aurait été inexplicable qu'entre ces deux périodes aucune trace ne serait restée de l'art visigoth étant donné que les mêmes influences de destruction ont passé également sur tous les monuments.

Sous l'arcade centrale et entre deux colonnes se trouve l'arcosole du saint, rude et vétusté comme les constructions qui l'entourent. La construction remonte au VI1«^ siècle et tout fait croire qu'elle a été élevée pour conserver les reliques qu'elle garde et qui furent transportées à Palencia à cette époque.

Les archéologues qui ont visité la crypte sont tous d'accord sur le caractère visigoth de cette partie intérieure ; mais il n'en est pas de même quant à la classification de la partie la plus proche de l'entrée dont le style est moins bien déterminé.

Simon y Nieto, pour prouver qu'elle appartient au classique romain, se base sur des documents écrits et sur la comparaison avec d'autres con- structions trouvées à Palencia.Ouelques archéolo- gues et architectes la considèrent comme romane et du XI<= siècle la confondant avec une partie de la cathédrale qui fut démolie au XIV'' siècle pour faire place à l'édifice actuel.

*

Dans une prochaine correspondance j'aurai le plaisir de communiquer aux lecteurs delai?ew/^ de l'Art chrétien une notice avec photographies du premier monastère cistercien espagnol qu'on croyait complètement détruit alors que la nef, une entrée, l'abside et d'autres éléments en subsistent encore. Ce monastère se trouve tout près de Benavente.

Le Boletin de la Sociedad Espaùola ae Excur- siones a publié une étude de ce monastère ainsi que de la Cueva de San Antolin.

Enrique Serrano Fatigati.

336

3Rcbuc ïic rSrt tbrctien.

Question.

HACUN sait combien fut en vogue au X\'h siècle la figuration dite mystique de l'Imma- culée Conception. Rappelons qu'elle repré- sente la Vierge Marie sous la forme d'une jeune fille debout, joignant les mains, les cheveux tombant sur les épaules; différents emblèmes, dont le nombre varie généralement de douze h seize, l'environnent et, au-dessus d'elle, apparaît en buste le Père éternel, qui la bénit, en prononçant ces paroles du Cantique des cantiques : To/a pulchra es, arnica mea, ei macula ?wn est in te.

Par qui, et à quelle époque exactement cette figure a-l-elle été instituée ?

Il me semble que Léon Maxe-Werly s'est montré très téméraire à cet égard ; je fais allusion à son travail, posthume, il est vrai, intitulé : V Iconographie de t Imma- culée Conception de ta Sainte Vierge depuis le milieu du XV' siècle jusqu'à la/în du XVI', \.xa.\&\\ publié dans les Notes d'art et d'archéologie en 1903 (tirage à part de 48 pages, avec planche et figures). Maxe-Wetly y attribue positivement l'invention de la figuration dont il s'agit à « l'auteur inconnu des Heures à gravures publiées pour le compte et aux frais de Simon Vostre », et il ajoute : <?. Cette image n'est pas antérieure à l'année 1505 ; elle apparaît pour la première fois dans les Heures de la

Imagerie des Sociétés Saint-Augustin et Saint-Jean l'Evangéliste,

Vierge Marie à l'usage de Rome, imprimées cette année parThielmann Kerver (pp. 1S-19). >

Il me paraît impossible qu'une modeste gravure de livies d'heures ait été, comme il le dit, le (i prototype » d'une figuration mystique de celte importance, nouvelle sinon par le choix des emblèmes (ils avaient sans doute paru bien antérieurement dans la figuration allégorique, représentant la Vierge assise dans VHortus conclusus et vers laquelle accourt la licorne, symbole du Christ), mais par l'attitude de Marie, debout et joignant les mains, et peut-être par l'introduction de l'image du Père éternel.

Je pourrais citer différents auteurs qui, comme moi, estiment que la < figuration mystique » remonte aux dernières années du XV* siècle, la croyance à l'Immaculée Conception de la Vierge était devenue si

populaire. Mais je me bornerai à citer notre Revue elle-même : en 1885 (p. 528), elle félicitait la maison Desclée d'avoir reproduit en images de piété l'arbre de Jessé, la Conception de la Vierge, la Majesté de Dieu et le Christ de pitié, quatre types... qui sont empruntés aux meilleures sources du X\ '^^ siècle expirant. > Or l'image de la Conception reproduite est bien la « figuration mystique >, avec douze emblèmes.

En présence de l'affirmation de L. Maxe-Werly, il conviendrait de donner des preuves d'antériorité à 1505 et de chercher à répondre d'une manière très précise à la question que j'ai cru devoir poser; l'intérêt m'en paraît être incontestable.

Léon Germain de Maidy.

(25 juin 1906.)

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Académie des Inscriptions et Belles- Lettres. Séance du 2j mai igo6. M. Cler- mont-Ganneau donne lecture d'un rapport sur les résultats d'une exploration archéologique et géographique, qui^ a été entreprise dans le pays des anciens Edomites, au mois de mars de cette année, par une caravane de l'école des Dominicains, sous la direction des PP. Janssen et Savignac.

Séance du i" juin. Le président annonce que le capitaine Benêt, du bataillon d'Afrique, qui s'est déjà signalé par d'intéressantes trou- vailles de mosaïques chrétiennes à Tabarka, vient de commencer, avec le concours de la direction des Antiquités et Arts, des fouilles à BuUa-Regia, au cours desquelles il a mis à jour de nombreux fragments de statues et plusieurs inscriptions latines offrant de l'intérêt pour l'histoire et l'épi- graphie.

M. Schiumberger présente à l'Académie, au nom de M. de Mélj% la très intéressante étude qu'il a publiée tout récemment dans la Gazette des Beaux-Arts, sur le retable de Beaune.

M. Ph. Lauer, attaché à la Bibliothèque Na- tionale, communique les photographies des reli- quaires en ivoire, en émail, en orfèvrerie, etc., qui composent le trésor papal de la chapelle pon- tificale du Sancta Sanctorum au Latran (Rome).

Séance du S Juin. M. Edmond Pottier ré- sume un mémoire M. Radet étudie le type de l'Artémis plastique trouvée à Sardes et récemment acquise par le Louvre.

Séance du ç Juin. On sait, par un texte d'archives du XV<= sièch, que le grand peintre tourangeau Jean Fouquet a illustré, vers 1474, un livre d'heures pour Philippe de Commynes, le fameux homme d'État et historien. Le comte Paul Durrieu a retrouvé, dans un manuscrit de la Bibliothèque Nationale qui n'avait jamais été remarqué jusqu'ici (no 1417 du fonds latin), un livre d'Heures qui paraît correspondre à ces données.

Ce volume, en effet, renferme vingt miniatures, qui ont malheureusement beaucoup souffert, mais dans la plupart desquelles il semble qu'on puisse reconnaître la main de Jean Fouquet. D'autre part, il montre les armoiries de Commy- nes, comme blason du premier possesseur du livre.

Séance du Juin. M. S. Reinach, au nom de M. Seymour de Ricci, annonce à l'Académie que les fouilles pratiquées dans le puits d'une maison romaine à Alésia ont donné des résultats très intéressants.

Séance du 6 Juillet. Mgr Duchesne, direc- teur de l'Eccle française de Rome, donne quel- ques renseignements sur les fouilles entreprises à Bologne par M. Albert Grenier. Ces fouilles ont pour objet de déterminer les rapports entre le développement de deux nécropoles antiques, l'une étrusque et l'autre italiote.

M. le marquis de Vogiié entretient l'Académie d'une petite église sise au village de Sauveplan- tade sur les bords de l'Ardèche. Elle s'élève sur les ruines d'un temple de Jupiter; une ins- cription romaine y est conservée ! L'église a été bâtie à la fin du X I<= siècle ou au début du XII"' siècle. La coupole qui couvre le centredu transept a la forme d'une pyramide portée sur des trom- pes. C'est peut-être la seule qui existe en France. Un des grands arcs s'appuie sur un chapiteau de forme trapézoïdale, orné de rosaces sculptées en méplat, d'un faire qui rappelle l'art oriental ; M. de Vogiié considère qu'il a appartenir à une église bâtie vers le VIII» ou le IX<= siècle.

M. Héron de ViUefosse donne lecture d'un rapport sur les fouilles des catacombes d'Hadru- mète par M. l'abbé Leynaud, curé de Sousse. Il signale la découverte d'une lampe d'argile rouge, avec symbole chrétien, d'un tombeau d'enfant, inscriptionsur marbre gris, et, en particulier, d'un sarcophage recouvert de mosaïque, entouré d'un encadrement de petits cubes noirs.

Séatice du ij Juillet. M. Schiumberger rend compte du voyage de M. G. Millet dans la pénin- sule des Balkans ; M. Millet a étudié sur place un grand nombre d'églises et de couvents, notamment, les superbes édifices de Manassia et de Ravanitza, ainsi que les sanctuaires de la région.

Séance du 20 Juillet. M. Grenier s'applique à faire l'exposé des fouilles qu'il a entreprises aux environs de Bologne dans les nécropoles étrusques.

M. Edmond Pottier prend la parole à ce sujet et demande quelques explications complémen- taires touchant le degré d'ancienneté que parais- sent présenter certaines tombes, comparative- ment à d'autres qui ont été fouillées sur divers autres points.

RBVUE DE L ART CHRBTIBN. Igo6. 5"'* LIVRAISON.

338

3Rrbuc ïic r^vt cbrcticn.

Séance du 2^ juillet. M. Bertaux, professeur à l'Université de Lyon, présente les photogra- phies de plusieurs panneaux anciens étudiés ou découverts par lui à Valence (Espagne) : un triptyque flamand de la seconde moitié du XV^ siècle, plusieurs panneaux du grand retable léonardesque de la cathédrale de Valence, dont les volets ont été peints en 1507 par deux Espagnols, Fernando de los Lianos et Fernando de l'Almedina ; un très curieux panneau du peintre italien Paoli di Santa Leocadia qui repré- sente, aux pieds de la Vierge, les trois fils d'Alexandre VI. César Borgia est figuré dans l'attitude d'un vaincu ou d'un prisonnier qui rend son épée, la garde en bas.

Société Nationale des Antiquaires de France. Séance du ij juin de iço6. M. Arnauldet fait une nouvelle communication sur les tapisseries du cliàtean de Blois qui provien- nent de Naples et de Milan.

M. Marquet de Vasselot présente la photo- graphie d'une vasque en bronze italienne de la collection Martin Leroy, signée NICOLAVS FABIANI et datée de 1491.

M. Sellier informe la Société de la découverte d'une stèle romaine à la base du mur d'enceinte de la cité sur le chantier du Métropolitain.

M. Manceau signale la découverte d'une mar- que de carrière sur un bloc au bord du Lac de Tunis : il pense qu'il provient de l'officine genii Martis à Chemtau, exploitée vers l'an 183.

Séance du 20 juin. M. Sellier signale de nouvelles découvertes de pierres sculptées dans le soubassement du mur antique au chantier du quai aux Fleurs à Paris.

M. Héron de Villefosse communique le texte des inscriptions funéraires trouvées au même endroit et explique le sens de plusieurs bas-reliefs professionnels représentant des pêcheurs, des marchands et un chariot à quatre roues chargé d'un coffret oii un personnage verse le contenu d'une corbeille.

M. Bardeaux signale un menhir entre Fosses et Survilliers (Seine et Oise) et en demande le classement.

Séance du 27 juin. M. Michon fait une communication sur les restaurations du groupe Laocoon.

M. Héron de Villefosse signale l'importance de l'inscription romaine découverte avant-hier dans le chantier du quai aux Fleurs. Elle fait connaître le nom d'un exarchus, grade militaire du IV^^ siècle, ce qui fixe la date de la cons- truction de la muraille.

M. Ravaisson Mallien étudie une médaille d'ICIisabeth de Gonzague.

M. le C'« de Nettancourt signale les monu- ments romains et seldjoucides qui se trouvent sur le trajet du chemin de fer de Bagdad et présente des photographies des inscriptions hittites des environs d'Angora.

M. Nimier présente la tête et la main du S. Jean d'un vitrail de la chapelle de Vincennes provenant de la succession de M. Audinat. Rien ne prouve qu'il était l'œuvre de Jean Cousin.

Séancr'. du -{.juillet. M. Vernet présente des photographies de stèles et de débris antiques découverts dans les fouilles de la Cité.

M. Durand Grésille fait une communication sur l'œuvre du Maître de la mise au tombeau du Musée de Liverpool en comparant à ce tableau la Pietà de la collection Martin Leroy. Il ajoute quelques remarques nouvelles sur l'œuvre d'Hu- bert Van Eyck et attribue à Raphaël un tableau de la National Galerie qui représente le Baptême du Christ.

Congrès des Sociétés savantes, tenu à la Sorbonne, en avril 1906. M. l'abbé Amand Aguel fait connaître un remarquable travail de broderie de l'église de Notre-Dame, cathédrale d'Embrun du XIV^ siècle.

M. E. Lefebvre-Pontalis e.xpose les règles à suivre pour la rédaction des monographies d'églises. Il insiste particulièrement sur la conve- nance qu'il y a à commencer par la description intérieure d'un monument avant d'aborder celle de l'extérieur ; il s'est élevé en outre contre la confusion que l'on fait de l'ogive et l'arc en tiers- point. Nous voudrions à notre tour signaler combien est essentiel, dans la monographie d'é- difices, le relevé du plan à terre qui fait trop souvent défaut dans les écrits descriptifs. Il en résulte des explications longues et confuses ; un simple plan schématique permettrait de suppri- mer souvent des centaines de lignes oiseuses et laborieuses à lire.

M. Levy de Vosly s'occupe des inscriptions trouvées dans les vieilles maisons de la Seine-In- férieure, où il voit une importation des croisades.

M. Pierre Coquille étudie les statues des églises des environs de Guéry (Seine et Oise), qui permet de suivre les étapes de la plastique du XII'' au XVI'" siècle, dans une partie de l'Ile-de- France qui eut ses traditions propres.

M. Demaison essaie de reconstituer la cathé- drale carolingienne de Reims.

Crat)au;c htô â)ociété0 satiantes.

339

Congrès archéologique de Carcassonne. M. le colonel Grillère a ouvert le congrès au nom des sociétés savantes locales. M. Héron de Villefosse a résumé l'histoire de l'archéologie de Carcassonne. M. Lefebvre-Pontalis a exposé le but de la Société française d'archéologie et parti- culièrement du présent congrès. Puis ont com- mencé les travaux.

M. Jos. Roux fait connaître l'ancienne église de Saint-Sernin, détruite en 1793. O" visite les deux églises de la ville basse. Saint-Michel et Saint-Vincent, remontant au XIV' siècle; du type des églises du Midi, à une seule nef; Saint- Michel, large de 20 à 25 m., le cède à peine à la cathédrale de Mirepoix, qui a la plus large nef de France.

Le congrès visite Cannes et son abbaye béné- dictine.

A Rieux, il rencontre la curieuse église à rotonde bien connue, malheureusement enga- gée dans des constructions parasites ; son icono- graphie est intéressante (■) ; puis, à Saint-Hi- laire (Limoux) le monastère antique, avec ves- tiges de ses défenses, que Mérimée appelait des fortifications domestiques.

L'église encore latine, à nef unique, est du Xlir siècle. Son gracieux cloître du XIV' siècle est remarquable ; il garde une charpente primi- tive.

Signalons ici un mémoire présenté par M. Roux sur la châsse en argent de saint Gomer (XIV s.), et un autre de M. le D' Barbot, qui a retrouvé cette année même, au pied du grand clocher de Mende, les quatre cryptes romanes qui ont abrité jadis les restes de saint Privât et de saint Innocent.

Nous n'entreprendrons pas de suivre les con- gressistes dans l'étude de la vieille cité de Car- cassonne et de ses remparts sans rivaux dans leur genre. Mentionnons seulement l'église Saint- Nazaire, un des monuments les plus intéressants de la contrée, sauvé par Viollet-le-Duc. Cet édifice, en croix latine, offre une triple nef ro- mane suivie d'un transept et d'une abside gothi- que, reconstruits de 1269 à 1 321 ; il est orné d'admirables vitraux.

Le congrès a encore visité l'abbaye cister- cienne de Fontfroide et son superbe cloître du XIII' siècle, puis la cathédrale Saint-Just de Narbonne, avec son admirable chœur inachevé (XIV° s.), édifice unique dans la région. L'église en ruines de Lamourguier abrite plus de 1300 pièces formant un vrai musée lapidaire non classé.

La seconde partie du Congrès de la Société française d'archéologie s'est tenue à Perpignan

I. V. Revoil, Architecture romane du Midi de la France.

et a eu pour objet l'ancien Roussillon. A Per- pignan on a visité la catiiédrale à la large nef unique, en style méridional, et dont la façade a été restaurée par M. A. Mayeux fils. Une série d'églises du XIV'= siècle, dans le Roussillon et la Catalogne ont conservé des arcs plein cintre à mouluration presque romane.

Parmi ces églises, il en est une qui est particu- lièrement intéressante, c'est celle qui est située au milieu de la citadelle de Perpignan (ancien château-fort des rois de Majorque), au milieu de la ville. Cette église a, malheureusement, été divisée en deux étages par un plancher.

Un autre monument très caractéristique de Perpignan, c'est le castillet ou châtelet Notre- Dame, porte fortifiée de l'ancienne enceinte, dont on trouvera une image d'après photographie.

Enfin, l'ancienne loge (lonja) ou bourse de mer, en gothique espagnol du XV<= siècle, qui contient, au premier étage, une grande belle salle (dite salle Arago) contiguë à l'hôtel de ville, dont elle dépend.

Arles-sur-Tech, qu'on visite ensuite, possède une église et un cloître remarquables : à l'entrée de l'église, on voit, incrusté dans une muraille, un très haut-relief roman, avec ressouvenirs de l'art byzantin représentant Guillaume deGensel- me. Dans l'église, un beau retable en bois doré du XVI I^ siècle. Le cloître contigu à cette église est de la fin du XI 11^ siècle.

EIne, que le Congrès visite ensuite, est célèbre par un cloître du XII'' siècle, tout en marbre blanc, qui mérite la réputation dont il jouit, bien qu'il ait subi des remaniements et restaurations regrettables. L'église contiguë (ancienne cathé- drale) est fort remarquable.

Nous avons emprunté ces quelques notes au rapport que M. l'architecte Besnard, le délégué de la société centrale d'architecture et archéolo- gue connu de nos lecteurs, a publié dans l'^i/r/^/- tecture, dont il est le correspondant habituel ; ses comptes-rendus illustrés par sa main sont des chefs-d'œuvre du genre. Nous avons aussi utilisé un compte-rendu de M. Nizet.

Académie d'Arras. Congrès des Sociétés savantes tenu à Arras du 7 au 10 juillet 1904. Documents, discours, rapports. Arras, Roharé, 1905. In-8° de 314 pp.

H. Potez. La capitale poétique de la France au XIIF siècle. Discours sur Arras.

H. Parenty. La I-lenaissance d'Artois et Boul- lenois. Le château d Hesdin en Artois. Berceau effectif des artistes et des arts de la Renaissance flamande. Séries de notes destinées à justifier le titre de la communication.

540

2Rcbue lie T^vt cbrctieiu

Levé. Caractères français de l'œjivre du peintre Jean bcUeganibe. Fiotestation contre l'attribution à l'école flamande, lors de l'Exposition de Bruges de i902,d'œLivres ^incontestablement françaises amenées par la plus détestable routine, par la plus erronée des traditions?, ceci à l'adresse de Mgr Dehaisne.

Abbé Michaux. La caractères architectouiqiies de l'église de Wisines.

Th. Leuridan. Projet de fédération d'histoire locale entre les sociétés savantes de la région du Nord. Excellent de tous points, si l'on avait partout des hommes dévoués et oublieux d'eux- mêmes comme le zélé bibliothécaire des Facultés catholiques de Lille.

Edm. Leclair. Rapport sur les travaux de la Société d études de la province de Cambrai. Rien de mieux pour mettre en lumière et en relief ce que peut un président de société... tel que l'abbé Leuridan.

L. Ouarré-Reybourbon. Les sociétés savantes de la région du Nord et leurs travaux historiques.

D"^ Lancry. Projet de fédératioti amicale des Sociétés savantes de province présenté au nom de la Société Dunkcrquoise.

R. Rodière. Rapport sommaire sur les monu- ments historiques classés et à classer du départe- ment du Pas-de-Calais.

M. Enlart. Nos cathédrales disparues. Thérouan- ne, Arras, Boulogne. Conférence.

Commission royale des Monuments de Belgique. L'assemblée générale annuelle de la Commission royale des Monuments et de ses Correspondants a eu lieu le 8 octobre dernier.

L ordre du jour était ainsi réglé:

Rapport du Secrétaire.

Rappoits des Comités provinciaux.

3" Qu'y a-t-il de mieux à faire pour la conser- vation des meubles et objets de toutes sortes, devenus hors d'usage ? Les garder dans les locau.x auxquels ils ont été destinés ou les réfu- gier dans les musées ?

Les autels des chapelles absidales rayon- nantes de grandes églises étaient-ils orientés ou disposés chacun suivant l'axe de la chapelle ?

Inventaires des objets d'art appartenant aux établisssements publics.

Nous en parlerons ultérieurement.

Académie des Sciences de Turin. Depuis quelques années l'Italie a commencé résolument la publication des richesses paléogra- phiques et artistiques que possèdent ses nombreu- ses et importantes bibliotlièques.

L'Académie des Sciences de Turin annonce à son tour la reproduction en fac-similé des manus- crits les plus importants qui se trouvent dans les bibliothèques du Piémont.

Le premier volume de la collection nouvelle reproduira par l'héliotypie le missel miniature exécuté en Espagne durant les années 1358 à 1361 pour le cardinal Roselli. (// Missale mi- niato del Card. Nicole Roselli ('). Ce manuscrit est remarquable, outre son mérite artistique, par les scènes iconographiques qui ornent le début de chacun des offices.

I. Un volume de 134 planches en héliotypie 38x506124 pages de texte. Prix : 150 L.

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^^^^^mm®^^ Bibliographie, ^mm^m^m^

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DE SINT-NICOLAASKERK VAN JUTFAAS. EEN DORPSKERK ALS BOL)W^A/ERK BE- SGHREVEN, door D' J. A. SCHAEPMAN, EN MET HET OOG OP H/VAR VERSIERING, nader ver- klaard, door G. \V. van Heukelum, pastoor van Jutfaas. Utrecht, 1906, in 8°, 76 pp., 12 pi.

Prix : 1 fr. 75.

^^^-^m^^ n'est pas aux lecteurs de cette Ir^^^lte ''^vi'^ qu'il faut faire connaître ^rîwfu^n^ l'éminent curé de Jutfaas, Mgr ^r^^^Sé ^^ ^' ^^" Heukelum, fondateur et îtïS^^^ifï conservateur du musée archiépis- copal d'Utrecht, président de la Gilde de St- Bernulphe. En effet, ce n'est pas dans son pays seulement que l'on estime ce savant prêtre. L'amitié cordiale que Mgr Van Heukelum entre- tenait avec MM. Helbig, Reusens et le baron de Bethune, les relations qui l'unissent encore au chanoine Schniitgen et à d'autres rénovateurs de l'art chrétien, le prouvent à toute évidence. La belle église qu'il a élevée, dans une contrée dont les trésors artistiques ont été décimés par les troubles religieux, est elle-même suffisam- ment appréciée, pour qu'on soit désireux de la connaître d'après la description de son propre auteur.

L'an 1S53, le Souverain Pontife rendit aux catholiques hollandais la hiérarchie épiscopale. Alors, après un sommeil de mort qui avait duré trois siècles, « l'Église romaine » commença à revivre. Mais quelle vie, après un désastre aussi fatal ! Les églises avaient été confisquées, leur mobilier dispersé, les statues brisées, les peintures détruites. Dans ce temps-là (vers 1853), l'une ou l'autre église rendue aux catholiques ne fut pas plus soigneusement gardée par eux qu'elle ne l'aurait été par des mains protestantes et icono- clastes. L'ignorance et l'indifTérence pour les œuvres d'art chrétien, ont laissé disparaître alors mainte église ou meuble ancien, conservés jadis par les hétérodoxes. Je ne citerai que l'église romane SainteMarie à Utrecht et le jubé de Saint-Jean à Bois-le-Duc.

C'est à cette époque que des hommes éminents: Jos. Alberdingk Thym, le D^ Cuypers et Mgr van Heukelum se levèrent pour protester contre ce vandalisme.

L'action de ce dernier qui mettait à la dispo- sition des artistes, ses écrits, ses conseils et ses collections de documents, fut particulièrement décisive pour la renaissance de l'art national hollandais. Non content d'enseigner des théories, Mgr van Heukelum voulut aussi instruire par

l'exemple. Il termina en 1S75 une belle église paroissiale et se mit à l'enrichir aussitôt d'un beau mobilier de style gothique tertiaire, et de peintures murales inspirées du décor du XV<= siècle de Hattem et Stedum.

Après avoir terminé ce travail, le savant et méritant chanoine dressa son testament artis- tique, c'est-à-dire qu'il publia un ouvrage qui décrit la grande œuvre de sa vie : l'artistique église rurale de Jutfaas.

Ce livre, soigneusement édité, comprend une introduction fort intéressante de Mgr le D"^ H. J. A. M. Schaepman, empruntée au journal De Ttjd au 25 mai 1S75. La description même est illustrée d'une douzaine de planches très nettes qui représentent l'église et ses meubles. Mgr van Heukelum n'a pas voulu écrire un ouvrage stric- tement scientifique. Il nous donne une simple description des diverses parties du monument, de ses meubles, de ses vitraux, le tout exécuté sous sa savante et artistique direction. Sans cesse il trouve des points de comparaison dans d'autres édifices l'on fait dévier la tradition chrétienne du moyen âge. L'auteur combat le mauvais goût qui règne si souvent dans nos églises ; il le fait en montrant les modèles qu'il trouve partout dans la sienne: les orgues, les confessionnaux, les peintures symboliques, tout est pour lui une occasion d'insinuer les vrais principes de l'art chrétien. Si parfois l'un ou l'autre de ses collègues se débarrasse de quelque meuble artistique, le curé de Jutfaas le rachète pour en doter son église, devenue un musée, se voient les orgues d'Amsterdam et un beau retable gothique allemand. L'édifice a été meublé dans le style du XV"= siècle : en ce style sont exécutés pavement, bancs, autels, confession- naux, vêtements religieux. Les notes explicatives qui accompagnent la description montrent les grandes connaissances de l'auteur en matière d'art chrétien, de symbolisme et d'hagiographie, connaissances puisées aux meilleures sources et dans les meilleurs ouvrages anciens et récents.

Les tendances de l'écrivain se manifestent à chaque page du livre. L'impression dominante qui s'en dégage est bien celle ci : «étudiez le moyen âge et les chefs-d'œuvre de son art et vous serez à même de l'appliquer aux exigences modernes. »

Le texte du livre est simple, sans prétention scientifique : il s'adresse principalement aux prêtres et aux artistes, qui souvent ont trop peu d'érudition iconographique. Ce livre sera pour eux un véritable manuel, bien des connais-

342

3Rc\)ue ïic rSrt cbrctten.

sances s'accumulent dans les notes explicatives.

On préférerait voir ces notes, très scientifiques fondues dans la description même. Il est dom- mage que des remarques de si grand intérêt soient reléguées au bas des pages. Quoi qu'il en soit, il faut souhaiter voir le livre de Mgr van Heukelum entre les mains des prêtres, des artistes, des catholiques cultivés et de tous ceux enfin qui s'intéressent à la beauté de la maison de Dieu.

J'espère faire prochainement connaître plus en détail aux lecteurs de la Revue de l'Art chrétien quelques objets remarquables de l'église de Jutfaas.

Bois-le-Duc. X. Smits.

DÉGAGEMENT DE LA CATHÉDRALE DE TOURNAI. État de la question en avril 1906, par M. E. J. SoiL. Broch. illustrée. Tournai, Casieriiian, 1906.

Il y a plus d'un quart de siècle que nous com- battons pour qu'on respecte et restaure nos vieux monuments, notamment pour qu'on dégage ceux qui étouffent entre des masures parasites. L'impulsion donnée naguère a produit un mou- vement qui ne s'arrête plus, et qui risque d'aller trop loin, par l'intervention du public qui s'est ému, et qui tend aux solutions extrêmes.

Nous qui avons défendu les cathédrales contre les brutalités des bâtisseurs modernes, nous allons devoir défendre l'agglomération civile, les mai- sons et les rues, contre les abus des dégagements. Nos églises demandent de l'air pour respirer, mais pas l'isolement absolu. Il en est autour des- quelles on a fait le vide complet comme Saint- Jacques et Saint-Nicolas à Gand ; elles ont perdu de leur majesté et le quartier environnant a perdu de sa vie.

Il est des cathédrales près desquelles on a créé une vaste plaine ; elles en sont devenues moins grandioses ; c'est ainsi qu'on a considérablement diminué le prestige de l'incomparable chevet de la cathédrale du Mans.

On commet la même faute, en ce moment, à Gand, en transformant en une place publique d'aventure, un vide brutalement créé par le.^ dé- molisseurs outranciers aux alentours du beffroi. On va commettre cette même faute à Tournai, en supprimant entièrement la rue des Chapeliers. C'est en effet le projet de dégagement intégral qui prévaut, ainsi que nous l'explique M. Soil,avec une clarté d'exposition qui est un de ses talents. Il fait connaître les deux projets en présence et, malgré sa réserve, il ne cache pas sa juste préférence pour le projet plus discret et plus ar- tistique de M. Sonneville.

Il y a des gens qui se figurent qu'on doit poser un monument sur une place découverte, comme on pose un objet d'art sur une table d'exposi- tion. Nous n'espérons pas les convertir.

L. ClO(,)Uet.

DIE BEINEHAUSER LOTHRINGENS LES OSSUAIRES DE LA LORRAINE, par R. S. BoUR- Buchdruckerei der Lothringer Zeitung G. m. G. M. Metz, igo6.

Si, au point de vue de l'histoire de l'art, beau- coup d'ossuaires de la Lorraine sont négligeables, quelques-uns, entre autres celui de Schorbach, sont d'un intérêt incontestable ; tous ont une signification très grande au point de vue religieux, et à cet égard le travail du D'' Bour revêt une réelle importance. Ces petits monuments nous apparaissent comme des constructions ecclésias- tiques élevées dans un sentiment de piété pour les morts, entretenues et soignées par la charité chré- tienne, se continuant au delà de la tombe. Et s'il est vrai qu'on peut juger de la valeur des sen- timents religieux d'un peuple d'après la façon dont il honore ses morts, nos ancêtres n'ont pas à craindre la comparaison avec les peuples païens.

A l'exception de l'Autriche, les construc- tions servant de dépôt d'ossements ont une im- portance particulière, vu leur âge et leur valeur ar- chitecturale,la question des ossuaires n'a guèreété étudiée avec ensemble dans aucun pays ; le tra- vail du D"" Bour comble cette lacune, du moins en ce qui concerne la Lorraine. L'auteur a relevé la liste de toutes les villes et villages dans lesquels un ossuaire a existé ou subsiste encore et il re- produit en vignettes les plus intéressants de ces derniers. Cette publication est précédée d'une étude approfondie sur les ossuaires ou charniers (du latin Ossuaiiinii, Cdiiiaiiiiiii), encore dénom- més par corruption lesuaire, châneu, chaineu, châni ou châning. I^'âge et l'origine de ces cons- tructions sont examinés dans un chapitre spécial. C'est au commencement du XI 11= tout au plus à la fin du XII'' siècle que notre auteur place les premiers ossuaires qu'il définit : constructions élevées la plupart du temps dans les cimetières et destinées à la conservation des ossements mis à jour par l'utilisation de tombes, aj-ant servi à des enterrements antérieurs. Dêins d'autres para- graphes sont étudiés leurs formes et emplace- ment, leur mobilier et leur décoration, enfin la façon respectueuse dont furent traités les restes humains.

L. C.

Btbltograpl)te.

343

VOR FRUE KIRKE OG HOSPITALET 1 AARHUS ÉGLISE NOTRE-DAME ET HOPI- TAL A AARHUS, par V. LORENZEN et C. BraES-

TRUP. Bayers, Albert, éditeur à Christiania, 1906.

Des nombreux inomiments religieux que les catholiques danois élevèrent au moyen âge, le plus grand nombre a disparu en même temps que la vraie foi s'évanouissait : le temps et l'indiffé- rence ont causé leur ruine, et parmi ceux qui sont parvenus jusqu'à nous, un grand nombre ont été défigurés par les réfections et restaurations.

C'est à peine si trois douzaines d'églises et autant de bâtiments claustraux sont parvenus jusqu'à nous dans des conditions telles, qu'ils peuvent servir utilement à l'étude de l'histoire de ces grands siècles d'art et de religion. Parmi ces derniers monuments, l'église Notre-Dame à Aarhus et l'hôpital y annexé se distinguent en ce qu'ils nous représentent des spécimens de l'art architectural au Danemark à des époques suc- cessives de l'histoire. L'hôpital et l'église furent dans l'origine un couvent de Dominicains avec chapelle conventuelle. M. l'architecte Braestrup en a levé avec soin toutes les parties. A l'aide de ses dessins et de nombreuses photogravures re- produites dans son intéressant ouvrage, M. Lo- renzen nous donne une description détaillée de l'édifice. Il est parvenu à déterminer plus ou moins rigoureusement l'âge des différents élé- ments. C'est ainsi qu'il fixe vers 1250, c'est-à-dire à la période de transition, la construction du chœur, au chevet plat, aux fenêtres en plein cintre, dont les deux travées ont été couvertes à une époque subséquente, de voûtes en liernes et tiercerons. Il en est de même de la sacristie, tandis que le cloître et l'aile Ouest du couvent seraient du XV'^ siècle.

Notons ici, comme dans maintes autres églises Scandinaves, un exemple de construction en bri- ques, avec des détails curieux, tels que ceux des corniches, et des pignons à gradins, qu'en tout autre pays on s'étonnerait de rencontrer dans des églises.

L. C.

DAS FREIBURGER MUNSTER EIN FUH- RER FUR EINHEIMISGHE UND FREMDE, par F. Kempfer et Schuster. In-12, 232 pp. ri- chement illustré. Fribourg, Herder, 1906.

Voici encore un notable exemplaire à ajouter à la collection tant désirée des monographies monumentales ; celle-ci prend la forme très pra- tique d'un guide de poche, bien qu'elle soit une œuvre d'érudits, résultant de la collaboration d'un architecte et d'un peintre décorateurs. Le livre, édité avec l'habileté typographique qui ho-

nore la maison Herder,si souvent citée dans nos colonnes, est rempli de belles illustrations, de reproductions choisies tant photographiques que schématiques.

Le monument est des plus dignes de cette étude soignée. Le monastère de Fribourg garde des vestiges romans remarquables, qui ne dé- truisent pas l'unité de son splendide vaisseau gothique en croix latine, dominé par la reine des flèches ajourées. L'architecture du chœur est remarquable par sa sveltesse, singulière par son abside à trois pans, et ses treize chapelles col- latérales à deux pans en saillie, avec contrefort central, celles du rond-point en nombre pair. L'édifice est orné de ravissantes sculptures ; les figures assises du comte Conrad et du roi David, les statues de la Vierge, de l'Église et de la Sy- nagogue,et quelques figures d'anges sont à classer parmi les chefs-d'œuvre de l'art chrétien, et celles qui surmontent les arcatures du porche in- térieur forment un ensemble des plus gracieux. L'intérieur est enrichi de retables d'autels histo- riés et de vitraux de la Renaissance.

L. C.

LA PEINTURE RELIGIEUSE EN ITALIE JUSQU'A FIN DU XIV^' SIÈCLE. Leçons pro- fessées à l'Université de Nancy, par M.P.Perdkizet. In-S", 52 pp. 2 pi. Nancy, Imprimerie de l'Est, 1905.

Vasari nous a trop longtemps mystifiés sur les origines de la peinture italienne. Depuis que son histoire a été passée au crible d'une critique savante, guidée par le sens esthétique et aidée de l'analyse technique approfondie, les notions se précisent et les légendes s'en vont. L'esprit de clocher existe en Italie comme en France. On l'appelle le canipaiiilisine; il a surtout sévi à Flo- rence, où a régné \ç. florentinisinc, et Giorgio Va- sari est son père.

L'histoire de la peinture italienne ne remontait guère jusqu'ici qu'au XIII'^ siècle ; on la com- mencera dans l'avenir à Santa Maria Antica et au VlJe siècle, qui est l'époque les artistes cherchaient en Italie un refuge contre les Icono- clastes. L'art romain n'a jamais péri ; il a donné naissance au style nouveau qui s'accuse au XI« siècle dans les fresques de Saint-Urbain de Caffa- rella et de Sainte-Agnès de Rome.Ghiberti avait parlé avec admiration des œuvres du maître ro- main,Pietro Cavallieri, dont les fresques grandio- ses ont été retrouvées il y a six ans à Ste-Cécile au Transtévère. Cavallieri fut un grand maître, dit M.Perdrizet.et l'école romaine du XIII« siècle dont il est le nom glorieux, est par ordre de date la première école italienne. Cavallieri ne fut pas

344

3Rrtue ie rart djvctien.

un disciple de Giotto, le contraire serait plutôt vrai ; quand Giotto fut appelé à Assise, il trouva l'église supérieure de Saint-François presque entièrement décorée de fresques par Cavallieri et ses disciples; c'est à tort que Vasari les attribue à Cimabuë. La priorité de l'école romaine sur l'école florentine est désormais incontestable.

Que devient l'assertion de Vasari, que l'art italien serait à Florence avec Cimabuë, devant la <T;racieuse et mystique madone de Sienne at- tribuée à Guido, un demi-siècle avant ? Le mil- lésime que porte le retable ànMioiicipio de Sienne a vainement été contesté. Sienne comme Rome avait de grands peintres quand Florence n'en possédait pas encore.

D'ailleurs la gloire de Cimabuë avait été sur- faite par suite d'une mauvaise lecture du Dante; la mention qu'en fait le poète tient non du pané- gyrique, mais plutôt de la satire. On sait l'histoire de la Madone de Santa Maria Novella, dite de Rucellai, que le peuple porta jusqu'à l'église en triomphe. Mais c'est ici qu'est la légende. Ce n'est pas à Florence, c'est à Sienne, que se passa cette grande chose, une grande ville interrompant le travail quotidien pour célébrer l'achèvement d'un chef-d'œuvre. Le fait eut lieu le 5 juin 131 1, quand le grand maître siennois, Ducciodi Buon- insegna,eut terminé le retable du Dôme. Duccio a été dépouillé de cet honneur par Vasari au profit de Cimabuë. Mais, il y a plus, la Madone de Rucellai, ce chef-d'œuvre de la peinture ar- chaïque, est-elle-même l'œuvre de Duccio !

Telles sont les sensationnels redressements historiques par lesquels s'ouvrent les attachantes leçons du distingué professeur de Nancy. Il continue en montrant Duccio, une génération avant Giotto (milieu du XIIIi^ s.), mort vers 1320, comme le grand initiateur de l'art siennois et le maître glorifié à Florence ; il étudie l'œuvre émouvante de cet artiste puissant qu'il compare au Dante, le peintre mystique de la Vierge et des anges, le narrateur de l'Évangile ; il montre ses attaches byzantines, mais aussi ses aspirations idéales qui en font un lointain précurseur de Ra- phaël.

Quant à Giotto, il ne naquit point d'un paysan comme le dit Vasari, et ce fut bien avant la date avancée par celui-ci (1272). Ce fut plutôt vers 1266 ; il mourut, croit-on, en 1336. M. Perdrizet continue d'une manière aussi attachante qu'éru- dite l'étude de l'œuvre de Giotto, et il faut signa- ler sa captivante description des fresques d'As- sise. Il fait ressortir la grandeur de ces concep- tions, qui, malgré certaine perfection réalistique, sont d'un classique préoccupé surtout de faire parler l'âme de ses personnages à la façon des sculpteurs français du XIII« siècle.

Enfin notre docte auteur caractérise l'art des successeurs de Duccio et de Giotto : de Taddeo Gaddi, de Giovanni da Milano. Il décrit les fresques du Campo Santo de Pise, dont les plus géniales sont gratuitement attribuées par Vasari à Orcagna. Il montre enfin dans les fresques d'une chapelle des Espagnols à Florence, la réunion de qualités inachevées des deux écoles qui florissaient en Toscane au milieu du XI V^ s. Avec celle du Campo Santo de Pise et du Muni- cipio de Sienne, elles marquent le point culmi- nant de la peinture italienne, après Duccio, Giotto et Simone. Après cela, l'invention tarit, l'art médiéval expire, et la Renaissance a le champ libre.

Nous avons tâché de résumer les belles leçons de M. Perdrizet. Nous avons sous les yeux la lettre de notre cher Directeur, Jules Helbig, qui, déjà mourant, adressait à leur auteur des éloges plus autorisés que les nôtres. Il gardait l'espoir de pouvoir faire encore un compte-rendu de ces études. L'écrivain de ces lignes ne peut que dé- plorer d'avoir suppléer son regretté maître ; M. Perdrizet doit le regretter davantage.

L. Cloquet.

LA COLORATION ENSEIGNEE A L'ECOLE D'ART INDUSTRIEL, par M. l'abbé G. Deles- CLUZE. Broch. Bruxelles, de Meester, 1906.

Nous avons fait connaître l'intéressante et scientifique théorie de M. l'abbé Delescluze sur l'harmonie des couleurs ('j. L'auteur veut passer de la spéculation, non seulement à la pratique, mais même à l'enseignement professionnel, et c'est l'objet d'une plaquette que nous avons reçue.

Si la mémoire, dit-il, fournit ses matériaux à l'imagination et à la pensée (qui peuvent en faire œuvre artistique), la mémoire ne s'acquiert que par l'acte. La mémoire des couleurs peut s'acqué- rir par l'exercice. Les exercices que M. D. pré- conise auront pour effet de laisser dans la mé- moire la nuance et le nom des couleurs d'une de ces gammes harmoniques qu'il a si bien définies Il instaure donc des procédés mnémotechniques consistant à établir une catégorie dans les maté- riaux de la coloration. De une série d'exercices destinés à former les futurs praticiens de la pein- ture décorative au maniement aisé de la polychro- mie harmonique. Ils ont pour base sa tablature des couleurs. Nous souhaitons que l'auteur puisse décider un directeur d'école profession- nelle à faire sur ses élèves l'essai de la méthode.

L. C. I. V. Revue de CArt chrétien, année 1901, p. 69.

2i51bliograpl)te.

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LES ORIGINES DES ANCIENS MONUMENTS DE POITIERS ET CELLES DE SON PALAIS DE JUSTICE ET DE SON DONJON, par le P. C. DE LA Croix, S. J. ln-8°, 87 pp. Poitiers, Biais et Roy, 1 906.

En trente années d'étude assidue et de fouilles personnelles, et grâce à l'examen de 37 kilomè- tres de tranchées ouvertes dans le sol de Poitiers pour des travaux publics, le P. de la Croix a re- cueilli quantité de données sur l'histoire souter- raine et les origines antiques des vénérables mo- numents de la cité pictone. Son érudition en a tiré des déductions intéressantes, et il a pu établir quelques dates la préhistoire des édifices actuels, du baptistère de Saint-Jean, de la cathédrale, des églises de Saint-Hilaire, de Notre-Dame, de Sainte-Radegonde.

La deuxième partie du volume que nous signa- lons concerne le palais de justice avec la tour Maubergeoise, si bien étudiés, décrits, restaurés par M. Mazin : il s'agit bien entendu toujours des origines de ces édifices, et de conjectures faites sur le palais romain qui les a précédés.

L. C.

L'ÉGLISE NOTRE-DAME DE NIMES, BA- SILIQUE-CATHÉDRALE, par M. lechan. Durand. In-8° de 105 pp 7 pi. Nimes, Debroux, 1906.

Nous voici encore en possession d'une nouvelle monographie de cathédrale : son auteur est ar- chiviste de 1 Académie de Nîmes et un membre distingué du Comité de l'art chrétien ; c'est un agréable écrivain, versé en iconographie et con- naissant bien la langue technique de l'archéologie monumentale. Il décrit d'une façon conscien- cieuse l'antique basilique et son riche contenu ancien et moderne.

L'église cathédrale de Sainte- Marie est un vaisseau orienté du XIi^ siècle, remanié à diver- ses époques. Sa façade romane a été en partie détruite et restaurée au XVI I<^ siècle ; sa tour carrée, également romane, a été exhaussée au XIV<= siècle, et puis encore au XV<^. La partie ancienne la plus intéressante est le fronton de sa façade d'allure classique, mais bien romane, té- moins ses savoureux modillons ; ensuite la frise historiée qui souligne ce fronton, et qui malheu- reusement a été refaite en partie après 1567.

M. le chanoine Durand précise l'histoire de la tour. Il décrit minutieusement toute l'iconogra- phie de la frise se déroule dans la partie ro- mane l'histoire d'Adam, d'Eve, de Caïn et d'Abel et dans la partie de la Renaissance, due à Mgr d'Ouvrier, la suite de l'Ancien Testament, l'his- toire de Noé, d'Abraham, de Joseph, de Moïse, etc.

Une autre frise de personnages surmontait le portail, mais il n'en reste rien de lisible.

L'intérieur de la basilique a été restauré avec talent par Revoil.

L'église est garnie d'un riche mobilier artis- tique en grande partie moderne; on remarque sur- tout une importante série de vitraux d'Edouard Didron.

L. C.

FRA ANGELICO ET BENOZZO GOZZOLI. Le niai/re et /'élevé, par Gaston Sortais. Gr. in-S" de 275 pages, illustré de 5 chromolithogravures et de 48 photogravures hors texte. Prix : 10 fr. Désolée, De Brouwer et C'^ Bruges.

S'il est, dans l'art italien, des figures attrayan- tes et bien faites pour émouvoir, ce sont, à coup sûr, celles de Fra Angelico et de Benozzo Goz- zoli, le maître et l'élève. Elles appartiennent à une période de transition et de lutte ; l'idéal giottesque, à ce moment, se perd de plus en plus et déjà s'annoncent les aspirations nouvelles de la Renaissance et cet impétueux essor qui portera l'art italien à son sommet et puis à sa décadence. Deux courants opposés sont aux prises et tirail- lent les artistes : le spiritualisme mystique que représenta avec éclat le moyen âge, et le natura- lisme païen, que va faire triompher la Renais- sance.

Les créateurs, les inventeurs de génie, et, à leur tête, Masaccio, se lancent vers les horizons nouveaux et se passionnent pour la beauté du corps. Ceux qui restent épris de la beauté de l'âme sont, la plupart, des imitateurs serviles de Giotto. Seuls, Fra Angelico et son disciple, Be- nozzo Gozzoli, restés fidèles à l'ancien idéal, émergent de cette foule d'artistes sans origina- lité, et prolongent glorieusement l'existence des mystiques.

Ce parfum de pieux archaïsme est pour quel- que chose dans le charme qui sort de leur art, et on ne peut que féliciter M. Gaston Sortais d'avoir associé dans un même hommage les deux der- niers représentants de l'art du moyen âge.

Le volume qu'il leur consacre, sans apporter de données nouvelles sur le Quattrocento italien, est de ceux qu'on lira avec fruit à cause de la justesse de ses idées générales ; il appartenait à une plume catholique de retracer la carrière de deux artistes profondément chrétiens et qu'on ne peut, d'ailleurs, comprendre qu'à condition de l'être soi-même ; M. Sortais s'est pleinement ac- quitté de sa tâche en faisant ressortir l'élévation du génie de ses héros et leur caractère nettement religieux.

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3Rcbuc lie V^xt cbvctien.

Agréablement écrit, bien documenté, enrichi d'un excellent choix de gravures, qui facilitent l'intelligence du texte, l'ouvrage de M. Sortais est appelé à instruire autant qu'à charmer. Ceux qui se préparent au voyage d'Italie, et qui n'a rêvé de ce projet, trouveront dans ce livre une recommandable préparation ; ceux qui connais- sent les doux horizons de la Toscane et de rOmbrie y revivront quelques-unes de leurs meilleures impressions.

Au surplus, nous félicitons notre Éditeur d'a- voir ajouté à ses collections de bons livres (des livres d'élite), un volume remarquable par sa belle présentation typographique et par sa riche illustration, qui comprend non seulement de nom- breuses reproductions photographiques, mais en- core quantité de chromos.

D'aucuns parlent avec dédain du procédé chro- molithographique : « Le livre est également orné de quelques chromos, et c'est franchement regret-

Cnrist cifsceiuiu de la Croix. (Galerie antique et iiioticriit;,

table ; un tel procédé ne peut donner l'idée de l'œuvre de tels maîtres.» Ainsi s'exprime \a Revue de l'art moderne de M. J. Comte après avoir fait l'éloge du texte et des vignettes. On voit bien que nos critiques n'envisagent l'illustration du livre qu'au point de vue de la fidélité documen- taire. Personne ne prétend rendre par les moyens actuels le merveilleux accent de la pa- lette magique du peintre et ce n'est pas ce que le lecteur cherchera dans les pages enluminées qui enrichissent le livre ; ces chromos plus ou moins réussis (les anges sont relativement bien

rendus et fort gracieux) introduisent dans le vo- lume un appoint décoratif très apprécié du public, moins blasé de l'image que nos dilettanti.

LE RETAULE DE BE AUNE, par F. Di: MÉLV.

Paris, in-4" de 40 pages, 3 héliog. hors texte, 20 grav. s fr. Gazette des Beaux-Arts.

Le Jugement dernier de l'hôpital de lîeaune n'avait jamais encore été publié. M. de Mély, qui s'est attaché à découvrir les signatures des Pri- mitifs, ayant pu montrer aux membres de la

moue De l'Hrt cbrctien. I9D6.

PL. II.

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Commission au milieu des caractères cryptogra- phiques de l'inscription du vêtement du Christ les deux lettres majuscules IM, a enfin obtenu l'autorisation de reproduire ce retable apparem- ment lun des plus précieux joyaux du trésor artistique de la l'^rance.

Dans cette page qu'on prétendait avoir été exécutée en une année par Roger Van der Wey- den, M. de Mély trouve cinq faits différents et démontre que, commencée en 1443, elle a été ter- minée vers 1452 seulement ; il pense que la partie centrale signée IM, doit être de Memling. Des rapprochements avec l'œuvre du célèbre peintre montrent la part de vraisemblance de cette supposition nouvelle, que les uns combat- tent, que les autres admettent, nous le savons, sans que cependant jusqu'ici, aucun critique d'art se soit cru suffisamment armé pour la discuter publiquement.

^m ©crioliiqurs* mm

BULLETIN MONUMENTAL.

M. Lefebvre-Pontalis étudie les influences normandes, aux XI^ et XI 1<^ siècles, sur les églises du Nord de la France. Elles s'accusent par le pilier cruciforme employé dans les nefs dépour- vues de voûtes; et plus tard, dans les églises voû- tées, par des faisceau.x de quatre colonnes et quatre colonnettes, dont le prototype est à Saint- Pierre de Jumiège (X' siècle), les galeries de cir- culation au niveau des fenêtres hautes. Ajoutons encore les portails sous pignon saillant, les clochers en courte pyramide carrée, ornée de boudins aux arêtes, les tours lanternes carrées, tandis que celles du Rhin sont octogonales. M. L. P. disposé, peut-être à tort, à considérer la cathédrale de Tournai comme rhénane, lui attri- bue ici gratuitement une tour-lanterne octo- gonale ; les c/eo//g clotiers de Tournai sont bien carrés aussi et contrastent également avec les dômes germaniques.

Même analogie dans la décoration. Le petit rectangle divisé en quatre triangles, l'étoile aux quatre raies anguleuses,les chevrons, les losanges, les damiers, foisonnent de part et d'autre. Les chapiteaux godronnés abondent en Normandie, et aussi dans la vallée de l'Oise. Les bâtons brisés se rencontrent rarement au Sud de la Loire ; ils furent importés au XII« siècle deNormandie dans l'Ile de P'rance; plus on s'éloigne de la Normandie vers la Picardie, plus ils deviennent rares. Le por- tail d'Andrieu (Calvados) et de Villers St-Paul (Oise),aux archivoltes en frette crénelée et en dent

de scie, sont curieux à rapprocher; le second sem- ble une réplique du premier. On trouve de part et d'autre des pignons réticulés comme ceux de Saint-Etienne de Beauvais et de Trie Château. Les tètes plates ou masques triangulaires qui col- lent leur bec sur un boudin dans les portails de Normandie apparaissent aussi dans l'Oise et la Somme; les demi-cercles qui se recoupent, carac- téristiques du style normand, se sont répandus partout, dans le Nord, en Champagne, en Sicile, en Syrie. La corniche aux petites arcatures, subdivi- sées en deux cintres, se répandit au XI<= siècle, dans le Beauvaisis et le Valais.

L'ornement caractéristique de l'Ile de l'Vance, d'après les observations si consciencieuses et si attentives de M. L. P. sont les étoiles ou violettes, dont les quatre branches en relief se détachent sur les bandeaux et les archivoltes, les trous cu- biques, le bandeau et chapiteau à feuilles d'acan- the, et le fruit d'arum.

L'école gothique du Nord prit au XII« siècle un caractère original par l'usage général de la croisée d'ogives et de l'arc en tiers point, la pile cruciforme, le chevet plat, la flèche octogone.

M. C. Enlart a affirmé dans son remarquable manuel d'archéologie l'origine anglaise du style flamboyant, M. Anthyme Saint- Paul s'est inscrit en faux contre cette affirmation. M. Enlart ne dépose pas les armes. Nous assistons avec un vif intérêt à cette joute entre nos deux estimés col- laborateurs.

M. Enlart insiste ; il fait observer que le style flamboyant se montre en France en 1375 dans la chapelle de St-Jean-Baptiste de la cathédrale d'Amiens (i) : c'est le style du XV" siècle en France. Le style perpendiculaire anglais fait son apparition vers 1340.

Or l'art français du XV<= siècle est inspiré, non de ce dernier, mais du style antérieur, nommé dccoratedfi\. que Sharpe appelle, plus exactement curvilinear\ et ce dernier contient les éléments du flamboyant, notamment les contrecourbures, la complication des tracés de nervures de voûte, les arcs surbaissés de fenestrages, l'arc à accolade, la flamme avec le soufflet et les mouchettes, le chapiteau en forme de frise annulaire, la base en forme de flacon, la décoration géométrique ou végétale déchiquetée, la pénétration réciproque des moulures. M. E. s'attache à montrer que ces caractères propres de l'architecture française à partir de 1375, abondaient en Angleterre dans la période antérieure.

I. V. G. Durand, Mono^r. de la cathédrale d'Amiens, t. I, pp. 50 et 482.

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3&e\3ur De T^rt cbrctien.

La nef de la cathédrale de Lincoln, achevée vers 1287, a des voûtes à liernes et tierceroiis ; il en est de même de la cathédrale de Lichfield, bâtie dans la seconde moitié du XIII« siècle, et de la cathédrale d'Ely (1234- 1254), etc. La salle capitulaire de Lincoln (1230) a des voûtes du même type.

L'accolade est une des formes les plus répan- dues en Angleterre au cours du XIV'= siècle de- puis 1304; l'auteur en multiplie les exemples. On l'a rencontrée à Troyes,dans le portail deSt-Ur- bain à la fin du XII I^ siècle ; mais c'est un fait isolé, sinon discutable ; l'accolade n'est couram- ment usitée en France qu'à la fin du XIV<= siècle.

M. E trouve la flainme bien caractérisée dans une fenêtre as Met Ion Collège à Oxford, qui date- rait de 13 10, et à la cathédrale de Saint-Albans en 1320, etc. Bientôt soufflets et mouchettes se contournent comme plus tard en France. (Fe- nêtres du chevet de Selby, de Carlisle et de la façade d'York, clocher et chœur de la collégiale d'York.)

Bref, M. Enlart maintient bravement sa thèse. Peut-être aura-t-il la satisfaction d'obtenir fina- lement la précieuse adhésion de M.Anthyme St- Paul, qui, à propos de la déviation de l'axe du chœur des églises, montre, dans cette même li- vraison, tant de bonne grâce à accepter la con- tradiction de son éminent confrère, M. R. de Lasteyrie ; peut-être aussi ce maître respecté, tient-il en réserve des arguments imprévus, qui seraient accueillis avec le plus vif intérêt.

Dans la substantielle livraison du Bulletin monumental que nous dépouillons, il faut en- core signaler une note de M. L. de Farcy sur les entrelacs carolingiens de l'Anjou, et deux études sur des églises romanes.

La première est une monographie succincte de l'église de Saint-Genès de Châteaumeillant (Cher) par M. F. Deshouillères. Nous nous occupions ré- cemment du plan clunisien tel qu'il a exister primitivement à Vézelay et à la Charité sur Loire avec ses sept absides orientées : nous avons ici un intéressant exemple de cette magnifique dis- position de chevet. L'édifice, qui est de la fin du XI<= siècle, se rattache à l'école auvergnate par la voûte en quart de cercle qui surmontait jadis les bas côtés ; la voûte centrale a fait place à un plafond.

La seconde est une notice de M. René FayoUe sur l'église romano-gothique de Saint-Junien (Haute-Vienne) : plan cruciforme, transept cou- pant le vaisseau en deux parties égales, chevet plat, toiture unique sur les trois nefs, clocher du type de celui d'Uzerche et de Saint-Léonard, malheureusement tronqué, lanterne octogone.

La notice est accompagnée d'un plan terrier, d'une vue de la façade occidentale, et d'une coupe longitudinale ; il faut regretter l'absence d'une coupe transversale ; nous devons deviner que la voûte des collatéraux s'élevait à la naissance du berceau central. Les nefs sont du XI'^ siècle ; la lanterne de i 1 50, le transept et la première partie du chœur du XI I' siècle, le chevet de 1230. L'église garde le sarcophage de saint Junien, superbe monument du VP siècle.

Nous ne sommes pas au bout de notre compte- rendu. Voici une notice du marquis de F'ayolle sur les curieuses églises de Saint-Paulien et de Chamalière sur Loire. Nous avons jadis publié le plan de la seconde ('). Toutes deux ont une large abside avec absidioles rayonnantes, qui embras- sent la largeur de la nef unique, à Saint-Paulien, des trois nefs à Chamalière. On est tenté de se demander s'il n'y avait pas primitivement un déambulatoire comme l'a supposé M. Thiollier. M. de F. pose la question sans la résoudre.

L. C.

ZEITSCHRIFT FUR CHRISTLICHE KUNST, 1906-1907, t. XIX, fasc. 1-4.

M. E Firmenich-Richartz (col. i-io et pi.) étu- die une Vierge du Zélandais Marinus van Rey- merswale, qui était exposée à Dusseldorf en 1904 (N° 165). Elle passait sous le nom de Schooreel, mais c'est en réalité une des meilleures œuvres de Reymersvvale, peintre de l'école des Metsys, qui jouissait d'un grand renom à l'époque les romanistes entraînaient l'art flamand dans des voies nouvelles. De cet artiste on connaît surtout le saint Jérôme et le banquier devant son comp- toir. La Vierge décrite ici, exécutée avec un soin minutieux des détails et un grand souci de l'ex- pression des figures, montre des rapports très intimes avec l'œuvre de Diirer.

L'abbaye de Priiin avait autrefois de précieux livres miniatures, dispersés maintenant. Le R. P. Beissel étudie les principaux {Miniatiiren ans Priini, col. II 22; 43-54 et \~ fig.).

Voici d'abord le trophonaire, livre de chants liturgiques, conservé à la Bibliothèque Nationale. Ce précieux manuscrit est renseigné dans l'in- ventaire du trésor de l'abbaye que l'empereur Henri II fit dresser en 1003 Le P. Beissel exa- mine l'iconographie de ses miniatures, PLlles sont apparentées aux miniatures de l'école de Ratis- bonne. C'est un fait que l'on peut constater, mais dont on ne trouve pas l'explication dans l'histoire de l'abbaye.

Le polyptyque de l'abbaye, registre des biens

1, V, Revue de V Art chrétien, année 1902, p, 70.

BtbUograpl)te.

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et des droits, date du second quart du XIII" siè- cle, le cartulaire le précède en date de quelques dizaines d'années. Le premier appartient aux Archives de l'Etat à Coblence, le second est le Liber aureits de la bibliothèque de la ville de Trêves. Il en existe à Coblence une copie du XV= siècle, tandis qu'une copie du polyptyque, datant de la même époque, est conservée à Trêves. Les miniatures des copies traduisent en style gothique les miniatures romanes des originaux. Ces dernières ne valent pas les miniatures exé- cutées au XlIIf^ siècle à l'abbaye d'Echternach.

Le missel de Priim du XI V'^ siècle contient des miniatures très artistiques et peut être rapproché du bréviaire de l'archevêque de Trêves, Baudouin de Luxembourg, mort en 1354. Mais on peut se demander s'il ne fut pas enluminé par un minia- turiste de Metz ou de Paris, plutôt que par un artiste de l'abbaye même. En tous les cas, par ses nombreux accessoires fantaisistes, tels qu'on les exécutait à cette époque pour les grands seigneurs séculiers, il est l'image de l'esprit moins fervent qui régnait à Priim à cette époque.

M. A. Kisa avait cru reconnaître saint Jean- Baptiste et Hérodiade dans un tableau du musée Suermondt à Aix-la-Chapelle {Zeitschiift fiir christliche Kunst, 1904,1. XVIII, col. 258 et suiv.). Le R. P. J. Braun {Maria Magdalena oder Hero- dias? col. 24-26) prouve très bien que cette in- terprétation était gratuite et qu'il s'agit en réa- lité de saint Jean-Baptiste et de sainte Marie- Madeleine.

M. St. Mattar nous fait connaître le plan primé de l'église en construction de Saint-Paul à Co- logne {Die neue St-Pauluskirche in Koln a. Rh., col. 33-42, plan terrier et cinq figures). La nou- velle église s'élèvera sur un square en forme de triangle entouré de belles avenues plantées d'ar- bres. L'architecte s'est inspiré de ce milieu pour la pondération des masses architecturales. De cette tour sur plan rectangulaire,s'élevant sur l'en- trée du chœur, dont la large silhouette dominera le fond du square. La destination même de l'édi- fice explique la large nef centrale, les transepts larges et peu saillants, qui seront suffisants pour des cérémonies moins fréquentées, les différents recoins de l'église la place du mobilier s'in- dique pour ainsi dire d'elle-même. L'église sera exécutée en un style rhénan du XV' siècle d'une grande pureté.

L'église que la cathédrale actuelle de Cologne a remplacée et dont la fondation remonte au IX« siècle, n'est connue que par de courtes des- criptions et peut-être par une miniature du XI<= siècle conservée dans le trésor de la cathédrale. M. Max Hasak croit que son emplacement cor- respond à la grande nef actuelle. En partant de

cette donnée il résout quelques problèmes relatifs à la chronologie de la cathédrale {Die alte Kolncr Dont, col. 55-64 et i fîg.).

Le même auteur fait connaître la nouvelle église Saint-Boniface à Berlin {Die neue St Bo- nifatiuskirche zn Berlin, col. 66-70 et 2 fîg.). Cet édifice construit en briques est conçu dans le style gothique del'Allemagnedu Nord. L'emplacement occupé par l'église qui est enserrée entre des maisons sur l'alignement d'une rue, a fait adop- ter une façade à deux tours et avec pignon cen- tral. M. Hasak compte faire usage de majoliques pour la décoration intérieure.

M. J. A. Endres décrit une statue fragmentaire qui porte au revers le nom de l'impératrice Agnès (^ 1077). {Ein Relief bild der Kaiscrin Agnes im St- Ulrichsmuseiiin in Regensburg, col. 71-84 et 2 fig.). C'est un document important pour l'histoire de la sculpture à Ratisbonne et en Allemagne durant le haut moyen âge.

L'église Saint-André de Dusseldorf fut cons- truite durant les années 1622 à 1629 et décorée en 1632 par un stucateur strasbourgeois Jean Kuhn. On s'est demandé à quelles autres églises des Jésuites on peut rattacher sa construction et sa décoration. Le P. J. Braun, S. J., nous apprend {Die St- Andreaskirche iin Diisseldorf.ihre Stuck- dekoration und ihic Stellung eu den iibrigen rliein. Jesuitenkirclien, col. 75-94 et 4 fig.) que cette église a été construite sous l'influence du comte palatin Wolfgang Guillaume de Neubourg, prince très épris de la Renaissance italienne. Il ne faut y chercher ni les formes adoptées parles jésuites belges, ni celles qui furent suivies dans les pays rhénans. Le prototype de Saint-André de Diisseldorf est l'église des jésuites à Neu- bourg.

La décoration en stuc de Saint- André est par- ticulièrement remarquable. Non seulement elle forme un ensemble très harmonieux et elle re- lève les grandes lignes de l'architecture, mais en même temps son iconographie est claire et re- marquable. C'est la représentation bien ordonnée d'une litanie des saints.

M G. Schônermark recherche les origines du crucifix {Kruzifixus und die ersten Kreuzigungs- darstellungen, col. 97-106 et 4 fig.). D'après lui le dogme de la rédemption fut représenté d'une façon purement symbolique jusqu'à la fin du VI^ siècle. Les représentations réalistes du Christ crucifié que l'on trouve avant cette époque n'ont qu'une valeur narrative. C'est seulement après l'abolition de la peine du crucifiement du- rant le V^ siècle que les éléments réalistes se mêlent aux éléments symboliques pour signifier le dogme de la rédemption.

M. A. Schmid reproduit d'après un incunable imprimé à Ulm en 1583, des gravures sur bois

350

3Rrtuc De r^rt c|)rctieiu

qui représentent les quinze mystères du Rosaire (^Die àltesten Rosenkianzbilder, col. 107- iio et 3 fig.). Ce sont les plus anciennes représentations connues de l'espèce.

M. H. Bogner [^Ueber die Emporen in christ- licheti Kirchen der ersten acht Jahrhiinderte, col. 109-118) fait connaître les églises des huit pre- miers siècles, rayonnantes ou de forme basilique, qui possédaient des tribunes. Celles-ci servaierit surtout en Orient de matyoneuin. Parfois elles furent utilisées pour agrandir l'église ou pour offrir à des catégories spéciales de person- nes une place réservée. L'auteur aurait pu tirer profit des ouvrages de Strzygowski.

Le R. P. Jos. Braun fait connaître une Vierge, de la fin du XV'' siècle, qui reproduit une sta- tuette vénérée datant du XII L siècle et conser- vée à Werl. C'est un exemple de plus de la reproduction de certaines images célèbres {Eiiic al te Kopie des Gnadenbildes in der Fraiiziskaner- kirclie su Werl, col. 1 17-122 et i fig.).

R. M.

RKVUK ARCHÉOLOGIQUE, J906, 4'"' série, t. VII.

Le musée Campana devint, après son acquisi- tion par le gouvernement impérial français, le musée Napoléon III. M. Salomon Reinach a ra- conté comment cette collection a été dispersée : le catalogue des peintures rédigé en 1862 signa- lait 646 numéros. 303 de ceux-ci entrèrent au Louvre et, en 1863, 31S tableaux furent repartis entre les musées départementaux. De 1872 à 1876, les départements acquirent encore près de 200 tableaux attribués d'abord au Louvre. Les antiques appartenant à la collection Cam- pana ont également été l'objet de distributions. M. Maurice Besnier recherche maintenant (La collection de Campana et les musées de province, pp. 3051 et 1 pi.; pp. 423 460 et 5 fig.) quels sont, dans les musées décrits par \' Inventaire général des 7-ichesses d'art de la Frajice, les objets dont la description renseigne ou permet de re- connaître l'identité avec ceux de la collection dispersée.

Il s'attache ensuite à dépouiller plus minu- tieusement les collections normandes. Celles-ci avaient été particulièrement favorisées lors des partages. Seulement, les musées départementaux sont si peu organisés, que les recherches ont sou- vent été difficiles, malgré le concours des conser- vateurs préposés à leur garde.

L'enquête de M. Besnier prouve que la dis- persion de la collection Campana s'est faite sans méthode et est allée jusqu'à l'émiettement. L'au- teur se demande si on n'y pourrait porter remède

par voie d'échanges et par des groupements régionaux.

Un article de M. Marcel Reymond : Une fa- çade de Giuliano di San Gallo pour la basilique de San Lorenzo{çç. 56 78 et 2 fig.) est à signaler spécialement.

On sait que naguère fut institué un concours pour doter d'une façade l'église remarquable construite par Brunelleschi pour Cosme de Mé- dicis. Le concours a prouvé, semble-t-il, que, mal- gré des combinaisons très habiles, il était impos- sible à nos modernes de faire revivre l'art du grand architecte toscan du commencement du XV siècle. En présence de cet insuccès, M. Rey- mond met en avant, avec une entente parfaite de la renaissance toscane, une thèse qu'adopte aussi M. de Geymiiller : la meilleure façade de San Lorenzo sera la plus simple des trois que Giuliano di San Gallo, l'élève du maître et l'ar- chitecte de Laurent de Médicis, projeta lors du concours ouvert par Léon X en 15 16. Puisqu'on ne peut faire revivre l'art toscan de la première moitié du XV siècle, il est juste qu'on s'en tienne à un plan bien étudié qui appartient à l'art toscan de la fin de ce siècle, et dont l'auteur développa, en les serrant de près, tous les principes dont Brunelleschi s'inspirait.

M. Reymond établit cette thèse par des argu- ments qui paraissent péremptoires. Il montre comment San Gallo a conçu son projet avec un goût irréprochable et une logique sans sécheresse, tout en respectant l'œuvre de son maître. Il fait voir comment chaque détail de ce dessin si sobre : l'horizontalisme des lignes, les murs lisses, l'ab- sence de piédestaux, etc. reste bien dans la tradition de Brunelleschi, tout en révélant une évolution de celle-ci.

Un cliché de la maison Alinari prouve que la façade s'adapte bien au monument, mais cette adaptation, en s'écartant du projet dans quel- ques détails qui paraissent minimes, fait voir par cela même que dans le dessin de San Gallo tout a son importance.

M. Mary Logan-Berenson reconnaît dans une madone du musée du Puy le pinceau de Taddeo di Bartolo et une œuvre apparentée au polyptyque de Pérouse. Elle attribue au peintre siennois quelques autres tableaux conservés en France {A picturc by Taddeo di Bartolo in ihe Musée Croaatier at Te Puy, pp. 236-238 et 1 planche.) Un intéressant récit de voyage par M. Ger- trude Lowthian 'Qc\\( Notes on a Journey through Cilicia and Lyaconia), et un article de M. Paul Manceaux (Enquête sur l'épigrapkie chrétienne d'Afrique) sont encore inachevés. Nous les ana- lyserons plus tard.

R. M.

Bil)liograpl)te.

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M. Louis Hourticq donne dans la Revue his- torique (1906, t. LXXXI, pp. 103-125) un aperçu critique sur les ouvrages relatifs à l'histoire de l'art parus depuis un peu plus d'une année. Il s'attache avant tout aux ouvrages français.

Son article bibliographique est par endroits très intéressant à lire. On y apprend à connaître les principaux progrès récents de la science et l'état de la question de beaucoup de problèmes importants encore débattus.

COMITÉ DES TRAVAUX HISTORIQUKS.

La 3<= livraison de l'année 1905 du Bulletin contient une notice de M. l'abbé A. d'Agnel sur une châsse en bois sculpté et peint, provenant de l'abbaye de Lérins (XIV'^ ou XV'^ s.). Les sujets qui la décorent paraissent se rapporter à la légende de S. Honorât, fondateur de l'abbaye.

M. Gaukler annonce la découverte à Upenna près de Carthage, de deux inscriptions chrétien- nes : ce sont les épitaphes de saint Honorius et d'un autre évêque sur des mosaïques tumulaires byzantines, trouvées près de basiliques ou bap- tistères isolés. La basilique d'Upenna elle-même est l'objet d'une note de M. Robin.

L'église de Saint-Aphrodise, le plus ancien édifice religieux de Béziers, possède un sarco- phage antique utilisé comme cuve baptismale : il passe pour avoir renfermé les restes de saint Aphrodise, le premier évéque de cette ville. M. E. Bonnet étudie ce sarcophage qu'il rapporte à l'école provençale.

M. l'abbé A. d'Agnel étudie le trésor de la cathédrale de Marseille; il reproduit l'intéressant coffret d'ivoire du XIIP s., qui sert de reliquaire de saint Jean Cassien.et le magnifique reliquaire- châsse achevé en 1596, aux merveilleuses cise- lures, qui parait être une œuvre italienne.

La première livraison de 1906 contient les communications suivantes à signaler à nos lecteurs.

M. le chanoine Metais a entrepris naguère des fouilles sur l'emplacement de l'église abbatiale de Josaphat près de Chartres, et il y a retrouvé le tombeau de Jean de Salisbury (►j, 1180). 11 a pu dater le cénotaphe (premières aimées du XIII'= siècle) à l'aide des caractères de la flore orne- mentale (feuillages et fruits d'arum). Malheureu- sement la statue couchée avait disparu.

L'église elle-même présentait un plan original: déambulatoire avec absidiole de chevet, plus deux chapelles latérales rectangulaires comme à Saint-Philibert de Tournus et à Artonne (Puy- de-Dôme).

On sait que M. C. Enlart a entrepris des fouil- les sur l'emplacement de l'ancienne cathédrale de Thérouanne, avec le concours de M. F. de Bayen- ghem. Les vestiges découverts jusqu'ici appar- tiennent à diverses époques du moyen âge. Des débris gallo-romains ont été employés dans les fondations. Dès le III^ siècle, les constructeurs du lieu allaient chercher à Marquise près de Bou- logne, à 15 kilomètres de distance, des pierres et même des blocs énormes.

La cathédrale, détruite en 1553, ne contenait rien d'antérieur à la reconstruction de 1131 ; de cette époque il restait les cinq absidioles du déam- bulatoire,à l'instar de Dommart in. La plantation de certaines bases trahissait en superstructure l'emploi de doubleaux et d'arcs d'ogive selon le style de la transition. Une reprise totale de l'édifice eut lieu au XIII^ siècle. L'abside por- tait, comme à Arras, sur des colonnes groupées par deux, en pierre de Tournai; au-dessus régnait un triforium en pierre de Marquise, qu'on peut reconstituer. Un précieux tableau conservé à Hampton-Court révèle les proportionsde l'édifice.

On sait d'autre part que le transept fut terminé par l'évêque Henri V' des Murs (^ 1280), lequel fit faire le riche pavement incrusté et le grand portail. M. Enlart a retrouvé les débris de la claire-voie et de la rose qui la surmontait (XIV«= siècle).

Les fouilles (qu'on poursuit) ont déjà fait dé- couvrir la base du maître-autel et de l'autel des reliques au fond du sanctuaire, et quantité de fragments de sculptures.

On n'a que de vagues conjectures sur la date de N.-D. des Dômes à Avignon. M. Labande, qui a déjà pu dater maintes églises de Provence, vient de fixer ce point dans un mémoire très complet : l'église a été bâtie vers 1 1 50 ; le porche a été ajouté vers 1 180.

M. L. Maître décrit et date (X'' siècle) la crypte découverte dans le chœur de la cathédrale de Nantes.

CIVILTA CATTOUGA.

// « Sancta Sanctorum » in Roma e il suo tesoro nuovaniente aperto, 1906, t. H, pp. 513 544 et 14 fig. ; 708-730 et 4 fig. ; à suivre.

Quiconque a fait un séjour dans la Ville Éter- nelle sait combien la petite chapelle du Sancta Sanctorum, située sous le même toit que la Scala Santa, bien connue des pèlerins, est rigoureu- sement close. Le Père FI. Jubaru, S. J. a raconté quelle peine il eut pour pouvoir y pénétrer une première fois en avril 1903 ('). Son entrée fraya

I. L& chef de sainte Agnès au trésor du « Sancta Sanctorum dans les Etudes, 1905, t. III, pp. 721-731.

352

3Rrbuc tic PSlrt cbrctien.

la route à un de ses confrères, le Père Grisar, dont la visite, durant l'été 1905, eut un but moins spécial et un heureux résultat pour l'his- toire de l'art.

Quoique l'étude dans laquelle le savant histo- rien rend compte de ses découvertes ne soit point terminée, elle nous paraît trop importante pour que nous n'analysions pas dès maintenant les pages qui en ont paru.

L'élégante chapelle actuelle du Saucta Sanc- toiuin, en gothique italien du XIII™«= siècle, remplace l'oratoire privé des papes dans leur ancien palais du Latran, aujourd'hui disparu. Les reliques et les reliquaires qu'elle possède sont renfermés dans une arche en bois de cyprès, datant du pape Léon III (795 816) et conservée sous l'autel de la chapelle. A lire leur description sommaire, on a l'impression que ce trésor qui contient des objets d'orfèvrerie, des émaux, des ivoires, des tissus, est d'une importance capitale pour le haut moyen âge.

Il en existe peu d'inventaires anciens : le pre- mier en date est de la seconde moitié du XII<^ siècle, mais il utilise un document antérieur. Déjà sous Léon X (1513 1521) beaucoup de reliques ne pouvaient plus être identifiées. Depuis ce règne, le trésor, laissé dans un aban- don mystérieux à partir du séjour des papes à Avignon, ne fut plus inventorié à nouveau.

Forme du reliquaire de la Sainte Croix.

Mesure o,27>:o, 17. -.0,037.

Les inventaires relatent entre autres les deux croix d'or, encore conservées, que le P. Grisar considère comme les pièces principales du trésor, à la fois pour leur valeur historique et archéolo- gique.

Chacune d'elles est renfermée dans une boîte en argent, ornée descènes au repoussé et dorées. Les deux boîtes paraissent être au moins en partie, de même style. L'une d'elles est datée par une inscription du règne de Pascal I (817-824).

La première des deux croix présente sur le revers cinq plaques d'émail cloisonné, bordées

d'un filigrane granulé et couvrant sur ce côté toute la surface du reliquaire. Sur le devant tout travail d'orfèvrerie a disparu et on ne voit plus qu'une substance noirâtre qui semble recouvrir une croix plus petite placée dans la croix d'or comme dans une gaîne.

L'épaisseur de la croix est couverte, elle aussi, d'émaux, on y distingue des lettres ou des mots que l'on peut lire mais qui ne constituent pas un texte continu.

Ce reliquaire répond bien à la description de celui que le pape Serge I i'687-70i) trouva dans un recoin de la sacristie de Saint-Pierre et qui renfermait une relique insigne de la vraie Croix. C'est peut être pour cette même relique que le pape Symmaque (49S-5 14) avait construit près de Saint-Pierre l'oratoire de Sainte-Croix et le reliquaire qui nous occupe est peut-être l'objet en forme de croix que Symmaque fit fabriquer pour y enfermer la relique.

La précieuse parcelle retrouvée par le pape Serge est celle-là même qui, d'après les docu- ments, était vénérée dans les processions ponti- ficales au VHP", puis encore au XIl<^et au XIII«= siècle et jusqu'à l'époque du séjour des papes à Avignon.

Les plaques émaillées paraissent êtredes pièces uniques en leur genre : elles représentent sept scènes delà vie du Christ, depuis l'Annonciation jusqu'au Baptême.

Les détails iconographiques : l'emploi multiplié du nimbe et la représentation d'un ange ailé, ne permettent pas de reporter leur origine au delà du V* siècle. D'autre part le dessin des figures relève de l'antiquité romaine décadente plutôt que du style byzantin. Le P. Grisar vante l'artiste pour son habileté à disposer les cloisons et à graduer les teintes, il ne nous renseigne pas sur les cou- leurs employées ni sur leur nature translucide ou opaque, La rareté des objets de ce genre ne per- met pas de déterminer avec précision leur lieu d'origine ou leur âge. Le P. Grisar attribue les plaques au V<^ ou au VI<= siècle, sans toutefois prétendre qu'elles ne peuvent être du VU' ou même du Vîll''.

La face principale de la croix est, comme nous l'avons dit, recouverte d'une substance noirâtre. Ce ne peut être qu'un résidu des onctions répé- tées que l'on a faites avec du baume sur la relique. Il n'est pas impossible que l'usage de ces onctions, attesté par le Liber Poiitificalis, dérive de la coutume de répandre du baume et des liqueurs odoriférantes sur les tombes cata- combales de parents défunts ou de martyrs de la foi.

La seconde des deux croix est d'un grand intérêt : elle aussi est connue dans l'histoire, car,

Bîbltograpl)ie.

353

surtout à une basse époque du moyen âge, elle a servi de reliquaire et fut vénérée dans les céré- monies pontificales. Les restes de baume qui la recouvrent et qui nuisent à son aspect, en témoi- gnent. Cependant elle ne servit pas de reliquaire dès l'origine. Le P. Grisar y voit plutôt une de ces croix votives que l'on suspendait dans les basiliques.

Les quatre branches, de longueur sensiblement égale {0,255 X 0,243) sont empattées à leur extré- mité ; un filigranegranulé constitue leur bordure extérieure. Au milieu des branches court une enfilade de pierreries, séparées par des groupes de perles. L'enfilade est encadrée sur la face principale par une grosse arcature formée par un filet d'or et sur l'envers car pierreries et perles sontpour la plupart montées àjour^par un émail cloisonné presque disparu, dont les fines cloi- sons, contournées en volutes, existent encore en partie.

Au centre de la croix se voit un gros cabo- chon brun et de forme ovale, serti dans une bâte pleine, et auquel correspond à l'envers un médail- lon oval rempli autrefois d'une couleur d'émail et encadré, comme l'enfilade de pierreries, par un émail cloisonné que le P. Grisar croit avoir été monochrome.

La croix est ornée au total de dix-sept pierres et de soixante-douze perles. Elle correspond par- faitement à la description d'une croix renseignée par l'inventaire du XIIi^ siècle, et rappelle les joyaux dont le Liber Pontificalis signale la fabri- cation au.x IV"^, V^'et VI"= siècles. C'est à cette épo- que et de préférence à la fin du IV' ou V^ siècle, que le P. Grisar est disposé à reporter l'origine de la croix. Cependant, ici encore, la rareté de ces objets et les conditions désavantageuses dans lesquelles l'examen a se faire ne permettent pas de rien préciser sur la question d'origine.

(A suivre.)

R. M.

REVUE DU CHANT GRÉGORIEN (').

Cette revue publie un dessin de la crosse abbatiale offerte par souscription au R"'« Père Dom Pothier, abbé de Saint-Wandrille.

I. Mensuel. Prix de l'abonnement : 3 fr. 50. Grand séminaire, i, Rue du Vieux-Temple à Grenoble.

Cette souscription, ouverte il y a deux ans sur la proposition de M. le chanoine Poivet, était, dans la pensée de ses promoteurs.un témoignage de reconnaissance et de joie à l'égard du véné- rable abbé. La reconnaissance de tous les amis du chant de l'Église doit en effet aller surtout à l'illustre et modeste maître à qui, comme l'a déclaré Pie X, «la cause du chant grégorien est grandement redevable » (bref du 14 février 1904). Ses longs et patients travaux et ses leçons ont prépare la restauration grégorienne que vient d'ordonner et d'entreprendre le Souverain Pon- tife et qu'il a confiée à la direction du savant abbé. Nous apprécions déjà les premiers résultats de cette œuvre importante, et il nous est permis d'entrevoir dans un avenir pas très éloigné les mélodies liturgiques remises partout et unifor- mément en usage dans leur forme traditionnelle restaurée. De cela se réjouissent tous les amis du vrai chant de l'Église.

La souscription a dépassé en quelques mois le chifTre que ses promoteurs avaient eu en vue, et elle s'est élevée à 1657 fr. 60.

La crosse abbatiale ofTerte à Dom Pothier vient d'être exécutée dans les ateliers de la mai- son Biais frères et C'^. Elle est entièrement en argent doré.

Dans la volute est représentée la Vierge de Fontenelle ou de Saint-Wandrille. Le corbin est émaillé grand feu dans les tons bleus et verts des émaux du XV'^^ siècle. Sous l'attache du corbin se trouve la devise « Sccns decursiis aqiiarutn ».

Au-dessus du nœud figurent, gravés à l'eau- forte sur fond noirci, saint Wandrille et saint Joseph. Au-dessous du nœud, saint Grégoire le Grand et saint Benoît, accostés du corbeau du saint fondateur.

Sur le nœud sont représentées en émail grand feu les armes de saint Wandrille et de Dom Pothier, séparées par les bustes de sainte Hilde- garde et de sainte Gertrude en vieil argent, gra- vés à l'eau-forte et nimbés d'or. Autour du nœud se déroule avec neumes, en émail grand feu, la phrase « Totapiilchra es 0 Maria. >

Comme on le voit, tout se réunit dans cette œuvre d'art pour en faire comme un résumé fidèle de la vie monastique et grégorienne de Dom Pothier, de ses affections et de ses travaux.

RBVUp IIB L ART CHRETIEN. IQ06. 5*"^ LIVRAISON

354

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Cl)rÛntQUC. SOMMAIRE: JUBILÉ DE L'ÉCOLE SAINT-LUC DE LIÈGE. - MONUMENTS ANCIENS ; Suresnes, Narbonne, Paris, Tournai. ŒUVRES NOU- VELLES : Ypres, Brooklyn. VARIA.

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^utJilc De l'GcoIc Saint=ïluc De Hicge.

E 5 août dernier a été célébré le vingt cinquième anniversaire de l'école .Saint-Luc de Liège, d'abord par un office solennel à Saint-Paul, dans cette belle cathédrale, incarnation symbolique de l'art chrétien si svelte, si harmonieux, si fier, si ori- ginal, art rétabli et propagé par les écoles .Saint- Luc.

Non point que ces écoles veulent confiner l'art dans la froide reproduction d'un passé mort. L'ignorance seule peut s'imaginer qu'elles n'en- tendent cultiver que l'art religieux et l'art gothi- que immuablement conservé tel que l'ont pra- tiqué nos ancêtres. Il n'est pas, au contraire, un progrès, ou quelqu'un des matériaux modernes, que cet art ne puisse s'assimiler. Il n'est point de besoin des temps nouveaux, en matière de cons- truction surtout, auquel il ne soit capable de satisfaire. Mais ce sont les principes de nos vieux maîtres es arts, qu'on entend appliquer afin de répondre aux exigences du jour.

Voilà ce qu'ont compris, et les artistes par l'étude qu'ils ont faite de ces principes, et la foule, d'instinct, en admirant, après un premier moment de surprise peut-être, les résultats obtenus par le renouveau de cette école traditionnelle. Voilà d'où sont venus ces succès croissants, dont les maîtres, les élèves anciens ou actuels de Saint- Luc et leurs amis, toujours plus nombreux, remerciaient Dieu sous les nefs de Saint-Paul.

Plus tard la plupart se retrouvaient dans l'école des Frères de la rue de la Loi.

Au nom des anciens élèves, un d'entre eux, M. Deshaye, a remercié en quelques mots, le prélat, le ministre, les assistants : il rappelle que M. Francotte a été des fondateurs de l'institu- tion et n'a depuis lors, simple fidèle et généreux ami des beaux-arts, ou ministre du gouverne- ment, cessé de témoigner à l'œuvre un affectueux et pratique intérêt. 11 dit aussi quels encoura- gements précieux Mgr Rutten, coadjuteur, puis continuateur si dévoué de Mgr Doutreloux, a toujours réservé à l'école.

C'est le ministre qui répond d'abord : Il ne peut se retenir d'entendre avec quelque orgueil, rappeler qu'il a pris part à la fondation de l'école liégeoise qu'il n'a cessé d'aimer.

< Nous allons inaugurer, dit-il une exposition que nous n'avons pas vue encore ; mais nous savons assez ce qu'ont

enseigné les maîtres, et comment les élèves ont accou- tumé de répondre cet enseignement, pour n'avoir à y porter que notre admiration.

</. Comment en serait-il autrement ? Tout autour de nous, le trouble règne dans les arts, dans les métiers d'art, lais- sés sans principes et sans direction. .\u milieu de ces désordres, les écoles Saint-Luc ont repris le culte du pur dessin, se sont remises à étudier les couvres les plus com- plètes, les plus achevées de l'art de nos pères, non pour se renfermer dans une imitation servile, mais pour en pénétrer les lois essentielles, pour en dégager les prin- cipes, et en tirer des applications nouvelles. Si nous devons voir un jour se constituer un art caractéristique propre au XX'= siècle, c'est sur ces lois éternelles de beauté, de force, d'harmonie qu'il se constituera.

< Mais ce n'est pas dans le domaine esthétique seule- ment que sont méconnues les lois, les règles élémentaires les plus nécessaires. Ce désordre croit dans la société même l'on s'acharne à poursuivre, à étendre autour de nous la guerre des classes. Eh bien, les écoles Saint-Luc sont, à cet égard encore, des écoles de paix et d'harmonie fraternelle.

< Aussi, j'éprouve le plus vif plaisir à vous voir, anciens et nouveaux élèves unis dans une fidélité, une bonne vo- lonté communes, rétablir entre vous quelque chose des liens puissants qui ont fait la force et l'utilité sociale des corporations d'autrefois. J'aime à voir se grouper autour de vous les sympathies que vous manifestent tant d'amis. A ces amis, aux élèves anciens, aux élèves d'aujourd'hui, aux chers Frères toujours inlassables dans le dévouement et l'abnégation, toutes mes félicitations pour le passé, tous mes souhaits de prospérité pour l'avenir. Allons h. cet avenir, dans les mêmes affections, la même fidélité, les mêmes enthousiasmes et les mêmes espérances I >

On applaudit à ces paroles, et celles de Mon- seigneur l'Evêque furent aussi chaleureusement accueillies.

« Celui-ci, dit-il, a été heureux d'entendre rappeler l'attachement qu'avait pour Saint- l.uc, son vénéré prédé- cesseur, attachement dont il s'honore d'avoir paternelle- ment hérité. Aussi apporte-t-il son assentiment cordial et reconnaissant à tout ce que vient de dire si bien M. le ministre, et s'applaudit-il avec lui des progrès constatés pour les vingt-cinq ans écoulés, et du succès de la fête de ce jour.

Un seul regret qui ne durera pas sans doute se mêle à cette loie : les locaux oit nous allons visiter l'Ex- position, et se donnent les lei^ons des chers Frères, ont été agrandis à diverses reprises, au cours des vingt-cinq ans écoulés, mais voWh des années aussi que leur insuffi sance s'aggrave. II faut une nouvelle et plus vaste maison à l'école !

Dès qu'on m'en a montré la nécessité, je me suis engagé à seconder de mon mieux les chers Frères. Je ne puis douter ([ue, suivant l'exemple de leur dévouement, de nombreux amis les aideront ;i mener cette œuvre de rénovation ,\ bonne fin. Je sais tout ce qu'on peut attendre du Comité de patronage présidé par M. le comte de (icloes; aussi, je ne m'avancerai pas tro]) en affirmant que, bientôt, à la célébration du .\.\\''' anniversaire de l'école, pourra succéder celle de l'inauguration de son nouvel hôtel.

CJ)roruque.

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Aujourd'hui déjà, Saint- Luc réunit plus de quatre cents élèves à Liège. Mais combien frappent à ses portes et ne peuvent être reçus ! Le contingent de ses disciples est plus nombreux dans d'autres villes. Liège ne peut rester en arrière : il faut arriver à en admettre un millier 1

C'est ce que j'ai demandé à Dieu, dans l'office de ce matin. En assistant à cette messe d'actions de grâces, vous couronniez cette période de vingt-cinq ans par la manifestation d'une juste reconnaissance ; vous n'auriez pu mieux ouvrir aussi une nouvelle période de succès. Cet acte de foi vous aura valu les bénédictions célestes. Qu'elles continuent de descendre sur cette maison, et sur tous ceux qui y feront, ou aideront à y faire le bien... >

* *

* « «

C'est ensuite dans les locaux de l'exposition, que le cher Frère directeur, et M. le comte de Geloes, dirigent la visite de l'évêque, du ministre et de la foule d'amis qui les suit.

Impossible de donner le détail de cet ensemble d'œuvres d'anciens élèves, peintres, sculpteurs, orfèvres, ébénistes ou décorateurs, déjà bien con- nus par leurs travaux, et d'études, croquis, copies, plans variés et minutieusement détaillés, pièces de concours, etc.

Au banquet qui suivit M. Francotte porta le toast au Pape et au Roi ; et M. A. Foncelet, aux érninents protecteurs de l'école. Monseigneur l'Évéque, Mgr Schoolmeesters, le Ministre du travail, aux anciens directeurs de cette école : Frère Marins Pierre, et le regretté Frère Ma- rusin, au directeur actuel Frère Auguste au comte de Geloes, président du Comité.

ffionumcnts anciens.

\ C'KESiVES. On démolit en ce mo- ment la vieille église, qui. instaurée au X" siècle, avait été reconstruite au XV'^

ij siècle, et qui menaçait ruine. Elle n'était

pas classée comme monument historique, et per- sonne ne s'est soucié de consolider et restaurer le vieil édifice. Les tableaux qui l'ornaient, et dont le plus remarquable était une copie du Christ de Philippe de Champaigne, du Louvre, ont été déposés dans une salle del'hôtel-de-ville.

Paris. Le maître-autel de la cathédrale de Saint- Pierre de la Martinique étant sorti intact de la catastrophe du Mont Pelé, a été envoyé à Paris et adressé au ministre des Colonies. Ce maître-autel, tout en marbre blanc, œuvre très curieuse de l'architecture de la fin du XYII^^ siè- cle, va être donné au musée de Cluny, il sera prochainement installé dans le jardin du Palais des Thermes.

* »

Tournai. Nous apprenons que M. le ministre de la Justice a émis l'avis que « le dégagement complet de la cathédrale s'impose ». Il a déclaré que l'État interviendrait dans la dépense jusqu'à concurrence d'un tiers. Le coût de l'expropriation des treize maisons, qui restent à démolir dans le haut de la rue des Chapeliers, étant évalué à 600,000 francs, la dépense qui incomberait à la ville de Tournai serait donc de 400,000 francs. Toutefois il est permis d'escompter également l'intervention de la Province pour ce travail qui est dans les vœux de tous.

OSutires nouticUeg.

E Journal d Ypres consacre un élo- gieu.x article aux vitraux peints de la chapelle du Saint-Sacrement en

l'église Saint-Martin. Ces vitraux

sortent des ateliers de M. Joseph Casier, de Gand, continuateur de l'atelier si justement renommé de M. Verhaegen et de M. le baron Bethune.

La destination de la chapelle imposait à l'ar- tiste le choix d'un thème en rapport avec la Sain te- Eucharistie.

Les quatre vitraux déjà placés ont littérale- ment transfiguré la chapelle : par l'heureuse har- monie des teintes leur vue d'ensemble est vrai- ment imposante. Lorsque le grand vitrail du fond aura complété l'œuvre, l'effet sera saisissant.

Narbonne. La voûte de l'ancienne église de Lamourguier, reste d'une ancienne abbaye de bénédictins fondée au XI'' siècle, reconstituée à la fin du XII"" siècle et curieuse pour son style roman-ogival, l'on avait déposé, il y a quel- ques années, une inestimable collection de débris lapidaires romains provenant de la démolition, en 1872, des anciens remparts de la cité, s'est effondrée sur une longueur d'environ huit mètres. En raison de l'état de vétusté du monument, on craint qu'on ne soit obligé de le démolir entière- ment.

Les catholiques de Brooklyn, dont le dernier recensement porte le nombre à 500,000, ont dé- cidé de doter leur ville d'une cathédrale somp- tueuse.

L'édifice s'élèvera sur un plateau connu sous le nom de Crovv Hill. L'emplacement a été acquis au prix de 1,300,000 francs.

Les architectes les plus renommés de Brooklyn ont été chargés de préparer les plans de la nou- velle cathédrale dont on porte le coût à environ 25 millions de francs. Ce sera la reproduction aussi exacte que possible de la cathédrale de

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Bcbuc De r^vt cbrcticu.

Rouen, l'une des plus célèbres merveilles d'archi- tecture du inonde entier. Le catholicisme fait des progrès considérables aux litats Unis.

Varia.

X/'' p'ieri^e de l'école fionririiigitonnc peiàuc pour la France. La mode du jour est aux 1 i-uvi es lie la sculpture niédicvale française, et les marchands ratlcnt tout es qu'ont éparf^né les révolutions de la politique et du goût, celles-ci à peine moins meurtrières que celles-là. Ces commerçants se défendent d'opérer dans les églises; du reste, elles ont été mises .lutrefois en coupe réglée, et il fut un temps clerjjé, conseils de fabrique, municipa- lités laissaient enlever les plus précieux trésors de l'art religieux insulïisamnient protégés par les lois.

Ou m'assure qu'il n'en est plus de même auiourd'hui et même depuis nombre d'années. Je le crois : d'une paît, il restait bien peu d'objets enviables dans les édifices reli- gieux : puis, la législation est devenue si sévère que l'on jouerait gros jeu. D'ailleurs, tout ce qui a une véritable valeur artistique est signalé, inventorié par les sociétés locales d'archéologie, sans compter que le meilleur du meilleur est classé comme monuments historiques. Enfin, je suis heureux d'avoir îi déclarer que le clergé apprécie mieux la valeur des épaves de ce passé naguère méprisé ou tout au inoins méconnu.

.Mais il existe en France, délaissés dans des chapelles désaffectées ou dans des maisons particulières, nombre de morceaux précieux, plus ou moins mutilés, parfois d'une grande valeur. Un fait bien connu aussi, c'est que, pen- dant la Révolution, les habitants des terres abbatiales se ruèrent sur les édifices nationalisés, moins pour les dé- vaster que pour faire trophées de maints morceaux de décoration artistique. Il en fut de même pour les châteaux: et les marchands le savent bien ; aussi est ce dans les communes il y eut autrefois, soit des abbayes, soit de grandes demeures seigneuriale^, qu'ils ont fait et font encore leurs meilleures affaires.

Et ils réussissent échouera le simple amateur : à celui-ci l'habitant oppose invariablement un visage fermé et muet. J'ai vu vendre à un brocanteur un objet dont on avait refusé le double à un monsieur.

Depuis quelques années les magasins des marchands dijonnais regorgent de saints, de saintes, de 'Vierge=, de Trinités, de donateurs en pierre ou en bois. Beaucoup sont mutilés ; mais pourquoi n'accorderait-on pas aux pro- duits de notre art national le même privilège qu'à ceux de l'antiquité ; c'est-à-dire de se présenter et d'être accueillis dans les musées à l'état de fragments plus ou moins in- complets .' Je ne nommerai pas le brocanteur, chez qui, pour la première et la dernière fois la caisse d'embal- lage était prête à destination de New- York j'ai vu le beau groupe en pierre dont je vais entretenir les lecteurs àx^i Journal des .-h/s. Je ne chercherai pas davantage à soulever le voile qui couvre encore le mystère de l'origine, et me contente de <lire que ce morceau doit provenir des environs de Pontailler-sur- .Saône, arrondissement de Dijon.

Il s'agit d'une \'ierge, petite nature, assise et portant l'enfant Jésus sur le bras gauche, tandis que la main droite serrait une tige fleurie qui a disparu, mais dont la trace est encore visible. 1,'enfant tient un livre ; l.i mère a pour siège un banc ou escabeau feint de menuiserie à arcatures trilobées, avec embasement et corniche feuilla- ges, et sur lequel est posé un coussin.

Le groupe, achevé sur toutes ses faces, était certaine- ment isolé, du moins détaché de la muraille ou du fût

d'une colonne, et placé environ à deux mètres du pavé, peut-être en arrière d'un autel. Des traces de polychromie et de dorure sont encore apparentes, mais la pierre, d'un grain très fin, n'a jamais été souillée par un badigeon ad- ventice et a reçu du temps une patine bise d'une grande douceur, qui, loin de l'abolir, fait ressortir le modelé. La conservation générale et épidermique est satisfaisante ; il manque seulement quelques phalanges aux doigts et des fleurons à la couronne.

Ce qui nous frappe tout d'abord dans ce beau moiceau, c'est que, tout en tieuieurant rythmées et graves, les lignes n'ont pas le caractère monumental de tant de vierges bour- guignonnes et autres. Celles-ci, qu'elles se rencontrent aux tympans et trumeaux des églises ou dans les niches creusées parmi les vieux logis, ont une pose hiératique et abstraite. Debout ou assises, elles se piésentent aux res- pects, à la vénération des hommes, ce sont plutôt des êtres supra humains que des mères. Il y a cependant quelques exceptions ; ainsi, à la Forte doiée de la cathédrale d'Amiens, la Vierge debout de la fin du XII I'' siècle, nous apparaît comme une mère qui regarde son enfant et lui sourit : il en est de même au portail de l'église, à la chartreuse de Dijon: la Vierge, œuvre probable, mais non certaine de Hennequin ou Jehan de Marville, le prédé- cesseur, le maitre de Clans Sluter, mire ses yeux dans ceux de son fils, sans qu'aucun sourire illumine ses traits graves. L'une et l'autre, surtout la seconde, sont plus grandes dames, moins familières que la Vierge assise, dont je m efforce de donner ici, par la plume, une image. Dans celle-ci, l'artiste a voulu, je crois, et il y a réussi, nous montrer une Mère heureuse, et je pense aux Vierges nobles et souriantes de l'école lombarde. Jamais Raphaël notons le, n'a mis le sourire aux lèvres de ses madones, pas même dans la Vierge à la chaise, la plus maternelle de toutes. Dans la SaOï/e Fainilleén Louvre, si Jésus sejetle dans les bras tendus de sa mère, celle-ci s'incline comme avec vénération vers TEnfant-Dieu et ne se permet pas l.i familiarité du sourire.

La Vierge de Sai>it-Sixfe, à Dresde, est le type suprême de ces madones glorieuses qui provoquent le respect et l'admiration plus que l'émotion humaine.

Dans le groupe auquel je reviens, l'enfant tout frisé n'est pas le baby impersonnel et assez insignifiant que l'on rencontre partout dans l'art des .XIV" et X\'' siècles; il a un caractère très individuel, et on le peut considérer comme un portrait Ainsi en est-il de la Vierge qui, avec un rien d'idéalisation, offre le type du temps. (Juant au geste par lequel, légèrement appuyée sur le bras droit replié, elle soutient le poids de l'enfant, il me paraît d'une vérité, d'un équilibre parfaits ; cette pondération des efforts contraires est la nature même.

A demi conventionnelles, à demi réelles, les draperies sont traitées -.wiec une science, une largeur que l'cm ne saurait trop louer ; aucune abondance de détails, d'ail- leurs, point d'orfrois ni de broderies, mais l'artiste a su obtenir des effets excellents par un travail ajjproprié dans les tissus variés de la robe et du voile. .Sous les vêtements le corps se devine sans accentuation comme sans abolis- sement d(-s formes. Enfin, les mains et les chevelures sont traitées de main de maître ; tout ici révèle le ciseau non d'un praticien habile, mais d'un véritable artiste.

En écrivant cet article, ie suis obsédé par une idée, un souvenir fugitif: peut-être s'agit-il d'une trahison de mé- moire, mais enfin, voici. 11 me semble avoir vu, en original ou en reproduction par l'image, un groupe en ivoire, qui rappelle le groupe décrit. Et, en vérité, en faisant la part des conditions particulières qu'imposent les dimensions naturelles et les matières employées, je retrouve ici le type agrandi jusqu'à la sculpture monumentale, sans cesser d'être familière et intime, d'un de ces ivoires qu'a

Cljrontque.

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produits si beaux et en si grand nombre, l'art français des XIV' et XV= siècles.

Quoi qu'il en soit, nous avons ici un morceau de pre- mier ordre et d'un accent bien supérieur à cette grâce facile et un peu moutonnière de maintes Vierges de la même époque. Kt je n'excepte pas celle qui, de sa niche trilobée et fleurie de la rue Porte-aux-Lions, à Dijon, a passé au Louvre, où, mise au niveau du regard, privée de l'entourage architectural fait pour elle et pour lequel elle était faite, elle n'est plus aujourd'hui qu'un objet secon- daire de musée.

Deux questions se posent présentement : h quelle épo- que précise, à quelle école doit-on reporter le groupe dé- crit ? Pour moi et pour d'autres juges dont l'autorité passe de beaucoup la mienne, c'est une œuvre au plus tôt de 1340 ; le style général, celui des ornements architectu- raux, ne laissent aucune place au doute. Il y a même dans l'ensemble, dans les draperies, surtout dans les plisse- ments du voile, une manière qui rappelle le bel art de la fin du XI IP' siècle, alors qu'apparaît le naturalisme dans la représentation de la figure humame. .Mais nous sommes encore loin de cette école de la Chartreuse et de Claus Sluter, qui fera faire un pas de géant à l'art renouvelé et entré pour longtemps dans les voies de la vérité parti- culière. Ce premier point me paraît acquis, le second est d'une solution moins facile.

On a longtemps admis que l'art français des XI V et -W" siècles était exclusivement d'origine flamande. Il se serait produit alors une migration générale d'artistes venus des Pays-Bas en France, et qui, à la sculpture admirable mais plutôt abstraite du XllP auraient substitué le principe de l'individualisme et du portrait. Cette théorie est moins en faveur aujourd'hui ; on a revendiqué, affirmé les droits de notre école nationale non seulement dans la sculpture, mais encore dans la peinture. Naguère, on faisait tout flamand l'art français ; pour un peu on ferait maintenant tout fiançais l'art flamand.

La vérité est, je crois, qu'il y eut alors une afiSrmation de plus de ce principe que j'appellerais volontiers le parallélisme. On voit, en effet, par l'action de facteurs généraux, un peu mystérieux, les mêmes faits se produire sur des points éloignés, et sans qu'il y ait des signes appréciables de pénétration réciproque. L'évolution qui à la fin du .XIIP siècle, porta l'art français au natura- lisme, a-t-elle son point de départ dans le nord .' fe ne le pense pas. La France qui avait produit l'imagerie en multitude de nos cathédrales, loin d'avoir des leçons à recevoir, en donnait plutôt. Ses architectes, nous en avons des preuves sans nombre, allaient porter au loin l'art et le goût français : la cathédrale suédoise d'Upsal est d'un architecte de l'Ile de France, Robert de Bon- neuil ; Villard de Honnecourt, après avoir construit la cathédrale aujourd hui détruite, hélas ! de Cambrai, est appelé en Hongrie, d'autres disent aussi en Bohême. En Espagne, la belle cathédrale de Gérone, et ce n'est pas la seule, est l'œuvre d'un Français. Kt dans un temps sans être tout, le « maître de l'œuvre» avait cependant la haute main sur l'édifice entier, structure et décor, les deux choses étant à la vérité inséparables, l'art sculptural français pénétrait partout à la suite de nos architectes. Ainsi l'imagerie de la cathédrale du Bamberg, dans la Haute-Franconie, est toute française. L'évolution vers le naturalisme s'est produite par une loi naturelle, de même que dans l'art hellénique Lisyppe succède à Phidias et à Praxitèle. Que plus tard, il y ait eu entre les Pays-Bas et la France proprement dite, des échanges attestés par la migration des noms flamands, cela est hors de doute. Mais la France n'avait pas attendu les enseignements venus du nord pour atteindre à la vérité particulière ; la

statuaire de Reims, notamment les groupes de la Fisi- iation et de la Purification, qui sont de la fin du X1II'= siècle, n'ont rien à envier, non seulement pour la beauté, mais encore pour le caractère et aussi le canon quasi antique des formes, à tout ce que produira l'art renouvelé du siècle suivant. C'est, d'ailleurs, un fait dont je tiens la révélation de M. Eugène Guillaume, le moyen âge qui vivait parmi les débris de l'art romain a conservé pendant longtemps le canon antique du corps humain, pour ne le perdre qu'à la fin du XIV" siècle et le retrou ver au XV P".

Mais la vérité particulière, actuelle si l'on veut, n'était pas absente des grandes cathédrales du XlIIe siècle; seulement on ne la rencontre que dans les parties acces- soires et secondaires de l'imagerie. Cherchez aux culs-de- lampe, aux antéfixes, aux départs des arcatures, partout vous rencontrerez une puUulation de vie humaine ft populaire associée aux figures idéalisées, debout en lon- gues files, aux cbrasements, isolées aux trumeaux, peuplant d'anges chantants les tynipans et les courbes des voussures. En vérité, tout l'art fuiur, l'art moderne, l'art le plus réaliste de l'avenir j'en excepte bien entendu celui du nu est en puissance dans notre admirable XI II"= siècle.

Je tiens donc le groupe décrit pour une œuvre plutôt française, et je dirais volontiers bourguignonne. Le type féminin de 1 1 mère, le style et l'arrangement plus forts qu'élégants des draperies, non dépourvues cependant de facilité et de grâce, me rappellent les caractères géné- raux de tout ce qui appartient à notre race. Certes, cette Vierge-ci na rien de la beauté poupine de ses congénères flamandes, c'est plutôt une belle Bourguignonne, point jolie peut-être au sens moderne du mot, mais mieux que cela. Il y a vraiment en elle une force saine qui, jointe à l'expression si maternelle du regard et du sourire évoque l'idée d'un être vivant d'une vie individuelle, et non d'un type de convention.

En ce moment, le groupe que je me suis efforcé de décrire vogue vers New-York, attiré par cette Amérique du Nord qui commence d'accaparer pour ne les resti- tuer jamais, tant de trésors artistiques de la vieille Europe. Comment une telle œuvre est-elle demeurée si longtemps inconnue ; comment aucun fureteur, aucun cycliste, aucun membre du Touring-Chib nena-t-ileu connaissance ? En vérité esi-ce que les représentants des grands musées ne devraient pas avoir des affiliés parmi les professionnels de la curiosité qui connaissent si bien la carte archéologique de la France.? Mais, voilà, les musées sont de grands corps qui se remuent difficilement ; un objet est-il signalé, on fait des rapports, on envoie à grand bruit des agents sur place ; or pendant qu'on s'agite sans agir, arrive une dépêche cela s'est précisément produit dans le présent cas et le marché est tout aussitôt conclu à des conditions fermes.

Avec un peu de vigilance et d'à- propos, nous pourrions cependant nous défendre contre les convoitises et les portefeuilles des milliardaires américains. Nous sommes sur place, et les marchands vendraient plus volontiers, même à de moins hauts prix, aux musées français qu'à l'étranger. Et pourtant nous laissons enlever à notre nez et à notre barbe de belles choses françaises qui devraient faire partie du patrimoine inaliénable de la France. Ces leçons-là, nous ne les comptons plus, mais aucune ne nous corrige et ne nous corrigera jamais. Serait-ce pas qu'au fond cela nous est assez indifféient ? Qui s'inquiétait, par exemple, du sort des admirables groupes de Solesnies t Et cependant, par l'effet des lois existantes, ils pouvaient être prochainement déracinés du sol français pour aller enrichir l'Angleterre ou l'Amérique. Le péril est conjuré, mais il renaîtra

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Bcl)uc ïic rSrt c!)vctîen.

ailleurs. Quelques amateurs soucieux de la dignité artisti- que de notre pays, comprennent bien le danger et savent que les belles choses sont des capitaux, et des capitaux productifs ;je crois aussi à la bonne volonté des pouvoirs publics. Mais ces angoisses patriotiques, les masses électorales et populaires les ignorent ; heureux encore sommes-nous quand elles secontenteiit de les ignorer et ne tiennent pas Tart, l'art religieux, surtout, pour un ennemi, comme étant un luxe, c'est-h-dire une aristocratie. En vérité la démocratie française est une héritière bien indigne des grandes démociaties du passé, celles d'Athè- nes et de Florence.

André Arnoult.

Journal des Arts du 24 mars igob.

Nous apprenons que l'exposition de l'œuvre des frères Van Eyck, projetée à Gand, et qui devait comprendre la reconstitution temporaire de \' Adoration de l'Agneaii mystique, n'aura pas lieu cette année. Dieu veuille que ce ne soit pas une remise sitie dic.

C'est par suite du refus tardif des volets de Berlin, qui ne sont pas, paraît-il, en état de sup- porter le voyage, que cette belle manifestation a

être remise.

*

M. L. Maeterlinck a retrouvé dans une vieille chronique flamande la description d'un mystère qui fut représenté en notre ville le 28 avril 1458, pour la « Joyeuse Entrée » de Philippe le Bon, vainqueur de la bataille de Gavere. L'intérêt de ce récit est, qu'on reconnaît dans la mise en scène la reproduction minutieuse du chef-d'œuvre des Van Eyck, L'adoration de CAgneaii.

* *

Ouverture du tombeau de Charlemagne.^ L'empereur Guillaume avait exprimé le désir que l'on procédât à l'ouverture du tombeau de Char- lemagne et à l'étude des vêtements de pourpre dans lesquels sont ensevelis les ossements du grand empereur. On sait que ce tombeau est gardé dans la crypte de la cathédrale d'Aix-la- Chapelle.

La cérémonie s'est faite en grande solennité lundi dans la chapelle du trésor du monastère.

Le chapitre d'Aix-la-Chapelle et quelques capitulaires du dôme de Cologne étaient présents, ainsi que le directeur du musée d'art industriel de Berlin, le bourgmestre d'Aix-la-Chapelle et le président de la province ; un peintre, un photo- graphe, un greffier et l'orfèvre du trésor d'Aix- la-Chapelle assistaient également à l'opération.

Le chanoine Belleistein, avant d'ouvrir le sar- cophage, a fait la déclaration suivante :

< Ce sarcophage va être ouvert d'abord pour rendre hommage à la mémoire de Cliarlemagne, mais surtout pour répondre à un désir de l'Em- pereur ; il va être ouvert sur la demande écrite du conseiller secret Lessing, de Berlin, et avec la permission expresse du cardinal Fischer. >

L'orfèvre a ouvert alors le précieux sarco- phage, puis le cercueil de Charlemagne ; on y a trouvé les trois documents qui y avaient été déposés en 1481, 14S3 et 1S61. Les restes de Charlemagne étaient intacts et enveloppés de deux linceuls ; on les en a retirés et on a essayé de les photographier ; ils sont composés d'étoffes précieuses, mais les conditions de lumière n'étant pas favorables, on s'est décidé à les envoyer à Berlin.

Les deux pièces en question sont orginaires de l'Orient et proviennent d'ateliers turcs ; on attribue la date de l'une d'elles à dix siècles et celle de l'autre à douze siècles ; on croit que l'une d'elles a été envoyée à Frédéric Barberousse par un sultan.

Les deux pièces seront rapportées à Aix-la- Chapelle, après avoir été étudiées et photo- graphiées à Berlin.

Le gouvernement français a acquis, à la vente Molinier, quatre pièces remarquables : un frag- ment de bas relief en pierre, représentant .=aint Michel transperçant le dragon, œuvre française de l'époque romane ; un très beau buste, mal- heureusement mutilé (les bras manquent) de saint Sébastien, attaché à l'arbre, œuvre de l'École française du XVI« siècle, et deux médail- lons ronds en pierre, décorés l'un d'un buste de femme, l'autre d'un buste de guerrier, en haut- relief, œuvres de l'époque de François F'"^ prove- nant du château de Bonnivet.

Le British Muséum est entré dernièrement en possession, grâce à une souscription publique dont le produit a été ajouté à une somme fournie par la Trésorerie d'État, d'un inestimable chef- d'œuvre de l'orfèvrerie française du XIV'= siècle : la coupe d'or dite « du roi Charles V », ornée d'émaux translucides représentant la vie de

sainte Agnès.

* * *

NÉCROLOGIE. On nous fait part de la mort de M. l'architecte Suisse, dont nous avons fait connaître les importants travaux à Dijon. Nous donnerons dans la prochaine livraison un article nécrologique de cet artiste distingué.

Imprimé par Desclée, De Brouwer et C'', lillk-paris-brugks.

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lia tour funéraire lie JSaint=Bestttut (Drome).

ES petites localités sont souvent plus riches en monuments curieux et anciens que les grandes capitales; elles ont atti- ré beaucoup moins que celles-ci la convoitise des conquérants et, partant, elles ont échappé aux dévastations qui accompagnent d'ordi- naire les guerres. Nous n'irons pas chercher le premier apôtre du diocèse de Saint- Paul Trois-Châteaux dans la cathédrale occupée par ses successeurs, nous perdrions notre temps. La renommée nous appelle au petit village de Saint-Restitut, dans la tour qui s'élève près de l'église paroissiale. De loin, on pourrait prendre cette tour pour le reste d'un clocher découronné ; de près, le monu- ment pique la curiosité par sa maçonnerie, son ornementation et ses dispositions inso- lites. Bien que l'église semble l'accompa- gnement naturel de la tour, nous allons voir que ce sont deux unités archéologiques

très différentes, qui ont eu, chacune, leur existence distincte et bien nettement sé- parée.

Ouvrons d'abord l'Histoire avant d'entrer, et cherchons à nous renseigner sur le per- sonnage qui sert de patron à la localité. Saint Restitut n'est pas un nom inventé, ni un surnom, il se trouve dans les fastes de l'Église d'Afrique au nombre des mar- tyrs et des évêques de Carthage. Nous ne nous arrêterons pas à la question de savoir de qui il était le disciple et à quelle époque il a vécu, nous irions nous heurter à un problème plein d'obscurités. Il vaut bien mieux nous contenter de répéter avec la tradition qu'il passe pour le premier évêque, et nous serons sûrs de ne pas errer, parce qu'il y a un ensemble de témoignages archéo- logiques et religieux qui appuient solide- ment cet enseignement. Non loin de l'église, on montre une fontaine qui, dit-on, rend la vue aux aveugles. Cette source miraculeuse vient fort à propos orner le séjour et le

REVUE DE I-*ART CHRÉTIEN. igo6. ô*"* LIVRAISON.

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ÎRebue lie VSixt t\)xttitn.

tombeau du premier apôtre du pays, car les prodiges ont été un moyen d'action très répandu au début du Christianisme et l'a- panage des missionnaires les plus voisins de Saint-Pierre. Que dit encore la légende quand on l'interroge sur l'âge de la tour ?

Tour funéraire à Saint-Restitut.

On répète que Charlemagne est le fondateur du monument, comme si le Grand Empe- reur avait pu réparer tous les dommages causés parla rage destructive des Barbares, et on se croit dispensé ainsi de toute re- cherche. Cette affirmation signifie simple- ment, chez les chroniqueurs, que l'édifice remonte à une date très reculée ('). Le plus

1. Pour la région de Montpellier, M. Bonnet vient de

ancien document archéologique à citer sur l'épanouissement du Christianisme dans cette localité est une épitaphe découverte dans un massif de l'église et que M. Éd. Le Blant date de l'année 549 (').

Si, du moins, nous possédions le sarco- phage qui renfermait ses restes, nous pour- rions raisonner sur ses caractères et propo- ser quelques conjectures. Ce document nous manque ici, comme dans beaucoup de diocèses, par suite de la fâcheuse habitude qu'on a contractée de rajeunir et d'embel- bellir même les monuments funéraires pour les accommoder au goût de chaque époque.

En 1249, l'évêque Laurent fit construire un magnifique sépulcre en marbre gris qu'il fit élever, suivant la mode, sur quatre colonnes afin de permettre aux pèlerins de circuler dessous en l'invoquant {'). La plus grande partie des reliques fut logée dans un enfoncement de la muraille au Midi et fut mêlée plus tard à différents débris dont la provenance est indéterminée faute de procès-verbaux de translation. Il y avait pourtant un dépôt intéressant. Dans la visite, qui fut faite, en juillet 1846, par l'ar- chiprêtre du canton, on trouva deux crânes, différents ossements mêlés, des fragments d'étoffe de soie et un bâton d'un mètre de longueur environ, terminé par un anneau d'ivoire. On ne saura jamais ce qui a été exhumé du tombeau du premier évêque, parce que le protestantisme est venu jeter

montrer que la même légende faisait fausse route en at- tribuant h. Charlemagne les églises ([ui présentent des cordons de piene noire comme ornemeiitaiion. {^I/t/içut- ii's et tnonumenis de l' Hérault. Montpellier, impr. Ricard frères, 1905, i vol. in-S".)

1. Inscriptions chrétiennes de la Gaule, t. II, p. 212.

2. Abbé Jouve, Notice sur la chapelle funéraire monu mentale et sur l'ét^lise romane île Saint-Restitut (Urôme). (Bull, monumental, 178-11)2.) Voir aussi Hist. de Féi^lise cathédrale de .Saint-Paul Trois-Châteaur, par A. Boyer de -Sainte- Marthe, Avignon, 1710.

ILà tour funéraire de ^atnt Beotitut.

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o

le désordre la piété se livrait à des manifestations qui déplaisaient aux héré- tiques.

Ce qu'ils n'ont pas pu détruire, c'est la tour qui surmontait la sépulture, et il n'en faut pas davantage pour proclamer l'antique et profonde vénération que saint Restitut avait su inspirer aux populations de Saint- Paul-Trois-Chàteaux. C'est un monu- ment unique dans la série des édifices imaginés par la piété chrétienne ; il ne pou- vait surgir que dans une contrée absolu- ment latine, couverte de monuments païens, car il est une sorte de contrefaçon de ce que les païens ont fait pour honorer leurs défunts. Il n'était pas nécessaire d'aller jus- qu'à Rome pour chercher un modèle et une inspiration dans les conceptions architectu- rales de l'Antiquité, il suffisait de regarder dans la banlieue d'Arles pour rencontrer un type de mausolée réalisant avec luxe la pompe que les anciens déployaient au- dessus des tombeaux. Le mausolée qu'on représente toujours à côté de l'arc de triomphe de Saint-Rémy, n'est pas autre chose qu'une tour carrée à deux étages dont le couronnement se termine par un joli campanile rond, soutenu par des colonnettes gracieuses à travers lesquelles on aperçoit une statue. A la base carrée, les quatre pans sont ornés de bas-reliefs se rapportant aux exploits du personnage inhumé en cet endroit (').

Les chrétiens de Saint-Restitut n'avaient pas d'architecte capable de rivaliser avec celui de Saint-Rémy, mais il est incon- testable qu'ils ont voulu frapper les yeux des spectateurs par la masse imposante des matériaux entassés au-dessus de la dépouille de leur premier pasteur. A défaut de mar-

I. Dans les ruines de Palmyre il existe une tour carrée funéraire que citent les traités d'architecture et qui a beaucoup de ressemblance avec la nôtre.

bras, de colonnes et de modillons, le con- structeur a établi une frise extérieure qui se développe sur les quatre faces de la tour et qui sans doute a un sens historique et symbolique. On y distingue un personnage vers lequel se tourne une double série de figurants qui paraissent lui apporter des présents ; ailleurs ce sont des animaux fan- tastiques, les signes du zodiaque, des bêtes affrontées, deux oiseaux séparés par un palmier, un cavalier paré d'un bouclier

Tour funéraire à Paimyre.

ovale, un palmier seul, etc., le tout d'un des- sin naïf et grossier qui tranche à côté de la finesse de la corniche composée d'une chaîne de quatre-feuilles très bien décou- pés. Quel que soit le sens symbolique qu'on applique aux scènes de la frise, cette décoration n'en reste pas moins comme une date apposée sur ce monument pour nous éclairer sur l'époque il a été conçu ; elle nous révèle que l'entreprise est conforme aux procédés que les Mérovingiens em- ployaient au Vie et au VII^ siècle pour parer leurs édifices religieux. Je pourrais signaler aussi le dessin en losanges qui forme une bande entre la frise et la corniche

3^4

Eebut lie rart cljrcticn.

et qui rappelle les ornements extérieurs du temple Saint-Jean de Poitiers, et surtout les décorations intérieures de la crypte Saint-Paul de [ouarre, reconnue mérqvin- gieniK! par tous les érudits.

Ici, la matière employée pour figurer les reliefs de la frise parait être la pierre cal- caire dont les blocs auraient été façonnés à pied d'œuvre, puis intercalés comme les dés

d'une mosaïque dans les moellons ordinaires sur une même ligne ; ailleurs, ce sont des pains de terre cuite historiés avec le mono- gramme du Christ, avec des croix inscrites, des figures d'Adam et d'I'Lve, des animaux et des poissons ; peu importe, ces deux manières de faire sont la manifestation d'un goût identique qui se perpétuera jusqu'à l'époque romane avec des varian-

ajiil-Restitut.

tes. Tous les produits du même genre qui ont été envoyés au musée de Nantes sont sortis d'églises dont la construction mérovingienne était incontestable.

Il est vrai que l'œil n'aperçoit pas dans la maçonnerie l'emploi des chaînes de briques que nous sommes habitués à voir dans les édifices de l'époque préromane, mais leur présence n'est pas indispensable. Cette addition n'est de rigueur que dans les cas les ouvriers emploientdcs matériaux menus dont ils veulent augmenter la cohé- sion. Ici, les matériaux sont assez gros pour se soutenir d'eux-mêmes.

Comment se terminait cette tour ? Nous n'avons aucun moyen de nous éclairer sur ce point. Par induction, nous sommes fondés à croire, en raison de sa base qui a 1 '",80 d'épaisseur, que sa hauteur primitive, pour être harmonieuse, devait se rappro- cher de la hauteur actuelle. Dans ce cas, la corniche qui surmonte la frise serait non pas un couronnement, mais une cimaise ou décoration placée à mi-hauteur pour couper l'uniformité et la nudité de la muraille, et une seconde corniche plus saillante que la première, aurait formé la bordure supérieure. La reprise du haut, à

îla tour funéraire De ^atnt iRestttut.

365

partir de la corniche, est sensible à l'œil de l'observateur, elle date sans doute de l'époque l'on entreprit d'en faire le point d'appui et le complément d'une église romane; dans celte partie, l'appareil des matériaux n'est plus le même : au lieu des moellons moyens et taillés en pointe de diamant, les parois du sommet nous mon-

i;!;ïll= U; L^"Ul j^Jur ITOO

iour ie 3atnt Resutut (ï)rôniej

j.> f^u, Coupe

trent des matériaux deux fois plus volumi- neux.

A l'intérieur, le changement de main- d'œuvre et d'architecture trahit également une réfection exempte d'artifices. Au-dessus du caveau en rez-de-chaussée dont je par- lerai plus loin, il existe une sorte de cha- pelle, carrée comme la tour, qui a 3'^,85 de côté. Les ornements sur les parois du Nord et du Midi consistent en une arcade double en plein cintre qui retombe sur des impos- tes à chanfreins couronnant des pilastres de 2™, 73 de hauteur (').

\. Ces arcades n'ont que o'°,34 d'enfoncement.

Sur les faces du Levant et du Couchant l'architecte n'a tracé qu'un arceau simple, aussi à plein cintre, dont les naissances sont prises seulement à 1^,76 de hauteur sur des impostes sans retours, ornés de ronds et de barres obliques. Celui du Couchant est rempli de maçonnerie et il est croyable que celui du Levant par lequel on aperçoit aujourd'hui l'intérieur de l'église, n'était pas différent, bien qu'on puisse admettre, sous le ciel du Midi, la conception de gran- des arcades à jour. Cette question acces- soire est à examiner par un architecte.

.k<nr it •r.-n j^r roo

Au-dessus des arcades, dont je viens de parler, l'œil s'élève sans obstacle jusqu'à la hauteur de 6"\i4 et là, il aperçoit une première corniche qui doit correspondre à la frise extérieuie dont nous avons parlé. A l'^.so plus haut, le plan carré du monu- ment devient octogonal, au moyen de quatre trompes ; c'est à ce point que doivent commencer les transformations romanes. Une seconde corniche apparaît ensuite à 3"^, 20 de la première pour former la nais- sance d'un dôme qui couronne la chapelle. 11 n'y a pas d'obscurité parce que la luinière pénètre au centre du dôme par un œil circulaire qui a un mètre de diamètre. La hauteur totale est de 12™, 30.

Au moment du Congrès archéologique tenu à Valence, en 1856, celte chapelle transformée en tribune fut visitée par AI. de Caumont, qui prit soin de faire dessiner

366

3Rcbue tic V^xt cbrcticn.

les trompes, mais sans signaler le carac- tère funéraire du monument ('). Pourtant, c'est tout son intérêt. Ce n'est pas une tour quelconque.

On s'en rend bien compte en visitant la salle du rez-de-chaussée qui a tout à fait l'aspect d'une crypte. Quand on est dans l'église, on est obligé de descendre huit marches ; cependant, la salle n'a pas été faite en creusant le terrain. C'est une cave au niveau du sol qui a la forme d'un par- rallélogramme de 5'", 50 sur 4'", 47; elle est bâtie entièrement en pierres de taille, et couverte d'un berceau en plein cintre. La longueur est arrêtée du côté de l'église par un arc doubleau sur pilastres servant à porter le mur de la chapelle ; sa seule déco- ration intérieure consiste en bandeaux à chanfreins qui reçoivent la retombée de la voûte et de l'arc doubleau.

A quoi cette salle basse aurait-elle pu servir si ce n'est à un usaofe funéraire ? Cette destination ne fait aucun doute pour les auteurs qui en ont parlé, c'est qu'ils placent le beau sépulcre que fit ériger sur des colonnes l'évêque Laurent, en 1249, En rétablissant les choses dans leur état primi- tif, on ne doit pas supposer que la célébra- tion de la messe s'accomplissait contre la tête du tombeau, la place de l'autel de la confession devait être au-dessus, dans la chapelle décorée de trompes et d'un dôme. L'accès n'en était pas très facile pour le public, il n'était possible que par une petite porte pratiquée dans le mur, à un endroit que je n'ai pas pu préciser au rez-de-chaussée. On ne connaît pas de communication directe entre la confession et l'oratoire supérieur.

En présence de ces dispositions étranges,

I. Bulletin du congrh archéologique de France^ séances générales tenues à Mende, à Valence et à Grenoble en I857.

il est impossible de méconnaître la haute antiquité de la tour de Snint-Restitut ; sur- tout si on considère les différents appareils employés dans sa maçonnerie, on voit qu'elle a traversé de longs siècles, qu'elle a subi beaucoup d'assauts et qu'on a fait de nombreux efforts pour réparer les brèches faites par les ennemis du nom chrétien. Oui sait ? Dans ce Midi tous les Barbares sont passés, les guerres n'épargnaient pas plus les lieux consacrés à la prière que les autres, elle a sans doute servi d'abri à des combattants comme les Arènes d'Ar- les, bien qu'elle n'ait plus de mâchicoulis. Les ouvriers qui l'ont remise en état après chaque combat ont employé sur certaines faces le grand appareil, ailleurs le moyen, tantôt la face des pierres est lisse, tantôt elle est taillée en bosse ou à pointe de diamant. En dépit de ces retouches, la frise court toujours la même, l'ordre primitif des figures n'est pas toujours respecté, mais on a tenu à la conserver en replaçant les morceaux à la même hauteur. A-t-on com- blé quelques vides en intercalant quelques imitations } c'est possible.

Cette frise s'étale et court sur les quatre faces de la tour, elle apparaît même du côté de l'église quand on regarde la tri- bune, elle est interrompue brusquement du côté droit par l'une des archivoltes du grand arc qui termine la nef à l'Occident. Il serait évident par que la tour carrée est antérieure à l'église si, par ailleurs, les deux monuments n'accusaient pas leur différence d'âge. Il est même impossible de supposer que cette tour est une partie de basilique qui serait restée debout parmi des ruines et qui, antérieurement, aurait eu sa place dans l'ordonnance d'une construction, car on ne voit pas comment un architecte mérovingien ou carolingien aurait pu la faire entrer dans un plan de son temps.

Ha tour funéraire De ^atnMRestttut.

367

Étant donné ce fait que l'étage durez de- qu'il a toutes les apparences d'un enfeu, chaussée a été établi pour une sépulture et nous sommes obligés, dans l'hypothèse

Tour de Saint-Restitut, appareil de la maçonnerie.

d'une ^tour adaptée à un édifice, de reporter ce tombeau vers le chevet, c'est-à-dire à la partie la plus honorable de l'église,

nous avons toujours vu l'exposition de tous les sarcophages vénérables, sous le maître- autel ou aux alentours, et non pas près de

368

3Re\)ue lie V^xt cbvctîen.

la porte principale ; or je me demande d'église avec une tour carrée. Serait-elle comment on arrivera à former un chevet mieux entre la nef et le chœur, au carré du

Église de Saint-Restitut et tour ouverte sur sa uef.

transept, comme on a fait à Aix-la-Chapelle flancs comme il conviendrait pour faciliter la pour le tombeau de Charlemagne ? Pas da- circulation autour du tombeau ni pour éclai- vantage. Notre tour n'est pas ouverte sur ses rer le passage de la nefdans le chœur;et il n'y

JLà tour funéraire î)e ^aînt-Be^titut*

369

a pas d'apparence que les murs aujourd'hui pleins aient jamais été percés des quatre ar- cades nécessaires à l'harmonie des formes. L'hypothèse contraire est plus admis- sible. Si la tour a été isolée, dans le principe, de toute autre construction, on parvient aisément à expliquer la rareté des ouver- tures, et on peut très bien soutenir cette thèse que le jour l'architecte de l'église romane a voulu annexer la tour à son

Tcu' de Saint Rcstùii Vut po-tpecUve de l'cntfû dcUTour

E ntree 6c i £gl»c

édifice, il a été obligé, comme irait d'union, de pratiquer dans le flanc oriental une arcade au rez-de-chaussée, une autre arcade au-dessus pour utiliser les deux parties qui deviennent ainsi un agrandissement de la nef. Il n'en faut pas davantage pour défor- mer la tour et lui enlever son caractère de tour funéraire.

Pour la voir telle qu'elle devait être dans son premier état, il faut la débarrasser non

seulement de l'église, mais encore de l'esca- lier à vis qui est logé dans la petite tour carrée accolée au flanc du Midi et qui con- duit de l'intérieur à la coupole. On montait autrefois à l'étage de la chapelle, se célébrait la messe, par un escalier extérieur ; quant aux pèlerins qui voulaient vénérer le tombeau de saint Restitut, au lieu de passer par la vaste ouverture actuelle, ils devaient entrer de plein pied par une petite porte, comme je l'ai dit, aujourd'hui aveu- glée, dont l'emplacement est à chercher dans les reprises de la maçonnerie.

Pour compléter le tableau des honneurs rendus à saint Restitut, il eût été intéres- sant de montrer, sinon en réalité, du moins avec des documents certains, l'endroit précis les premiers chrétiens exposèrent son tombeau. Malheureusement l'Histoire se tait sur ce point et nous sommes réduits aux conjectures. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il n'était pas au milieu de la crypte, puisque le centre est marqué dans les plans de Ouestel par l'orifice circulaire d'un puits. J'en induis que le sarcophage avait les pieds appuyés contre le mur de l'Orient, suivant la coutume, se trouve l'esca- lier moderne qui réunit la crypte à la nef. C'est un motif de plus pour nous de répéter qtie la tour funéraire de Saint- Restitut était un monument isolé (').

Léon Maître.

I. Les plans de l'architecte Ouestel sont conservés aux Archives des Monuments liistoricjues M. Joseph Douillard a bien voulu les copier pour m'obliger.

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FILIPPO LIPPI.

O US avons fait connaître dans la dernière livrai- son la triste et courte carrière du père de l'ar- tiste délicat, qui peignit l'épisode de l'apparition de la Vierge à saint Ber- nard. Né en 1444, il mourut tragiquement en 1469.

Telle est la puissance du milieu et des traditions chrétiennes, que cet homme aux passions indomptées fut capable de peindre en des traits admirables de grâce et de modestie la Mère du Rédempteur. Nous donnons l'une des belles madones qu'il a laissées, ou plutôt le fragment principal du tableau ravissant que possède la Galerie antique et moderne de Florence. Cette pein-

ture, comme la précédente, est médiocre- ment équilibrée, de sorte que l'on peut uti- lement dans notre planche en chromolitho- graphie sacrifier une portion vers la droite. Au milieu d'un parterre de fleurs, l'En- fant Jésus est couché, tourné vers la Vierge, qui, agenouillée et penchée vers lui, joint les mains en priant. Au ciel apparaît le Saint-Esprit sous la forme de la colombe, et des rayons lumineux en descendent vers l'enfantelet. Cette scène, chatoyante de couleur, tendre de sentiment, se détache, par un contraste piquant, sur un paysage sombre et désolé. Il y a encore, dit M. A. Gruyer, dans ce tableau, la naïveté, l'émotion d'un âge fervent, et l'on y reconnaît en même temps la science d'une époque avide de progrès.

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STYLE BYZANTIN.

L'influence byzantine en Italie.

Italie méridionale i )

Pendant plusieurs siècles une partie de l'Italie méridionale, l'ancienne grande Grèce, se rattache à l'empire byzantin par l'administration, les mœurs et la religion. Près d'une centaine de monastères de l'Or- dre de Saint Basile furent fondés en Calabre avant les Normands, et ceux-ci eux-mêmes

adoptèrent dans une large mesure la civili- sation hellénique. A la fin du VIII' siècle, fut élevée à Bénévent une église sur le mo- dèle de Sainte-Sophie de Constantinople. A Bari, à Canossa, à Molfeta se retrouve la coupole combinée a- vec des formes latines.

Plan de Saint-Nicolas de Myre a Bari.

Cathédrale de Cefalu.

1. Voir Revue de V Art chrétien, 1905, pp. 174,223,311, On remarquera que le plan de Saint-Nicolas

378 et 1906, pp. 22, 92, 166 et 313. j i\/i ^ D » f •.. .. u

2. V. E. Berteaux.- LArt dans [Italie méridionale, de ^^ ^y^ ^ ^ari est parfaitement byzantm

la fin detempire romain à la conquête de Charles d Anjou. aveC narthex et exonarthex développés.

372

Bebue ïjc r^it c!)vctien.

En Sicile, après la conquête normande, le roi Roger se servit d'architectes byzan- tins formés au goût arabe; cependant, avec les Normands aussi, la Sicile était rentrée sous la dépendance romaine. On revint pour les églises au plan basilical en tau, mais on surmonta la croisée d'une coupole.

Ce sont des Byzantins qui ont orné de si belles mosaïques le dôme de Cefalu (1148)0. Cet édifice représente l'union intime du style byzantin avec l'architecture normande. Nous y retrouvons le même dispositif de façade que dans certaines églises syriennes : deux tours carrées se

Cathédrale de Monréale.

dressent en avant, reliées par les trois arcades d'un porche extérieur. Les mo- saïques qui ornent l'intérieur, et qui sont fort belles, sont parmi les plus anciennes connues.

L'influence byzantine persiste dans les mosaïques et les chapiteaux du dôme de Monréale (i 182) (-), dont le plan est latin, et

i.V. L. Lambelin, La Sicile, Desclée, De Brouwer & C''^^, 1894, p. 84.

les arcades d'allure arabe. Cette église aussi s'annonce par deux tours carrées, en saillie sur la façade, comprenant entre elles un tri- ple portique (modernisé). A l'intérieur la lu- mière qui descend du dôme fait scintiller un monde de mosaïques à fond d'or. Du fond de l'abside, vous regarde un Christ gran- diose qui fascine les fidèles dès l'entrée.

I. Op. cit., p. 108.

ît'^rt cljrétieii monumentaL

373

La chapelle palatine de Palerme est un joyau de style sicilien du XI I" siècle. Elle fut construite en 1 132, par le roi Roger I II, avant les basiliques de Cefalu et de Mon- réale dont elle est le prototype.

C'est une basilique latine, dont le chœur est surmonté d'une coupole byzantine de 18 mètres de hauteur, trouée de huit fenê-

Plaii de l'église de Monréale.

très, qui répandent dans le sanctuaire une abondante lumière. Des mosaïques à fond d'or, ombrées de teintes fauves, couvrent les murs. Elles racontent la vie de S Pierre et de S. Paul, et des scènes de l'ancien et du nouveau Testament.

Des coupoles d'allure orientale sont juxtaposées sur la terrasse qui recouvre l'église de Saint-Jean des Eremites à Paler- me (') (1132), qui a été bâtie sur un plan en croix égyptienne.

I. op. cit., p. 72

La coupole byzantine apparaît ensuite à Sainte-Marie de l'Amiral (1129) dont les arcades sont néanmoins en arcs brisés, ainsi qu'à la chapelle de San Cataldo, deux autres édifices du XI 1" siècle à Palerme. Les cou- poles sont établies sur trompes selon le procédé persan. Saint-Jean de Syracuse est une petite église en croix grecque, du XI P siècle.

Les cathédrales de Palerme (1170) et de Messines (i 130) sont latines par les plans et byzantines par le décor (')

La chapelle palatine de Palerme.

C'est surtout par la mosaïque, que l'in- rtuence byzantine s'est fait sentir à Rome et dans le centre de l'Italie. Le dôme de Syracuse, qui date du XI P siècle, offre un plan en croix grecque et un portail roman.

L'élection d'une série de papes grecs ou syriens du VIP au X" siècle attira à Rome nombre d'artistes byzantins. Mais c'est du- rant les X" et XP siècles que l'influence byzantine s'exerça avec plus d'énergie, alors que l'Italie méridionale était tributaire d'ar- tistes de Constantinople.

I. ()/. cil., p. 53.

574

5Rebue ïjc T^vt cbrctten.

Italie septentrionale. Parenso et Ravenne les marchands, les

École de Ravenne. Au Ve siècle la prêtres et les artistes de l'Orient. Devenue

large voie de l'Adriatique porte vers Salone, 'a capitale de l'Occident sous Honorius

Palcrme. Église et cloître de Saiiit-Jcait des Eremîtes.

qui fuyait Rome devant les Barbares en 401, Ravenne était une des principales

îL':^rt cl) rétien monmnentaL

375

villes d'Italie ('), pleine de monuments antiques. Le séjour de la cour amena la construction de monuments somptueux et de riches églises, telles que Sainte-Croix, Sainte- Marie- Majeure et plus tard Saint- Vital. Des relations suivies avec Constan- tinople imprimèrent à l'art un caractère tout oriental. On vit réunis à Ravenne le luxe de Byzance et celui de Rome. L'impé- ratrice Galla Placidia, la romanesque sœur d'Honorius, y éleva en 440 l'oratoire de Saint- Nazaire et Saint-Celse, destiné à devenir son mausolée.

Plus tard, sous le règne de Théodoric et la domination des Goths, se produisit une activité nouvelle et plus intense encore. L'église de Saint-Théodose, la cathédrale des Ariens devenue depuis l'église du Saint-Esprit, leur baptistère devenu de- puis l'église de Sainte-Marie-en-Cosmedin, l'église de Saint- Martin aujourd'hui Saint ApoIiinaire-le-Neuf, etc. s'élevèrent autour du palais de Théodoric.

Or les Goths, venus du Pont-Euxin, res- tèrent fidèles aux traditions byzantines de leurs prédécesseurs. Ch. de Linas a établi que c'est par eux que s'est propagée en Eu- rope l'orfèvrerie cloisonnée ; ils furent les intermédiaires entre l'Orient et l'Occident.

Ravenne est encore aujourd'hui le seul endroit pouvant donner une idée de l'an- cien monde chrétien ; elle est comme la Pompéï byzantine. Ses nombreuses églises, superbes mais dévastées, ofifrent dans leurs vaisseaux dénudés des trésors d'art.

La prospérité de Ravenne dura jusqu'à la suppression de l'Exarchat au VHP siècle.

Églises en rotonde. Quand on se rap- pelle les églises rondes ou octogonales de

I. La prospérité de la ville était due au port de Classis, éloigné de Ravenne de quelques kilomètres.

l'Orient et de la Grèce chrétienne dont nous avons parlé plus haut, on est frappé de leur étroite parenté avec nombre de

f%X% M

Plan de Saint-Laurent à Milan.

constructions religieuses duNord de l'Italie, parmi lesquelles il faut citer surtout Saint- Vital de Ravenne dont nous reparlerons.

Il en était de même de la curieuse éelise, d'une haute antiquité, qu'a remplacée l'é- glise actuelle de Saint-Laurent à Milan, rebâtie sur la même plan ; c'était aussi une rotonde byzantine à coupole centrale, flan- quée de quatre hémicycles, et entourée de collatéraux à étage (').

I. V. de Dartein, Encycl. d'architecture, t. V, p. 446.

Bcbut ÏJC rart cbvctien.

On rencontre aussi en Lombardie des

rotondes annulaires, telles que celle de

, Brescia, Santa Fosca de Torcelli

t î t"^ et la curieuse église de Saint-

[■CVi Thomas d'Alemno ('), qui ne re-

.„•:.. monte probablement qu'au XI I^

Rotonde siècle, mais reproduit le type des

de Brescia. ' ^ ■' ^

rotondes d'Anatolie avec coupole posant sur huit colonnes, leurs bas-côtés et leur abside profonde.

Nous avons dit plus haut que le Saint- Sépulcre et la mosquée d'Omar ont été bâtis sur un plan eurythmique dérivé de l'octogone étoile ; il paraît en être de même des octogones d'Occident comme ceux de Ravenne, de Brescia, de Milan et d'Aix- la-Chapelle, ainsi que du baptistère de Pise (■).

Églises en croix. D'autre part un des types orientaux, celui en croix, se retrouve

Intérieur du tombeau de GalU Placidia à Ravenne.

à Ravenne dans le tombeau de Galla Pla- cidia, qui d'ailleurs pourrait dériver des monuments funéraires romains ; c'était la forme du mausolée de Constantin à Cons-

V. J. Kohte, Die Kirche San Laurenzo in Mailand und Die Zeitschriflfiir Bauwesen, Berlin, i8go, liv. IV à IX. I. \'. de Uartein, loc. cit.

tantinople, dédié aux saints apôtres. On admet que ce dernier a pu engendrer l'église en croix de Saint-Nazaire à Milan, bâti en 382 par S. Ambroise, mais reconstruit au XV 1" siècle, et celle de Saint-Nazaire et

I. V. Gailhabaud, Monuments anciens et modernes,

t. II.

^*Zvt chrétien monumental.

377

SaintCelse de Padoue, élevée par Galla Placidia. L'église de Milan était dédiée aussi aux Saints Apôtres avant que S. Anibroise y transportât les reliques de S. Nazaire.

Plan de Saint-Nazaire a Milan.

L'église de Sainte-Agathe à Ravenne pré- sente le même plan que Saint-Nazaire.

Premih'es coicpoles sur pendentifs ("). Le déplorable système de spoliation que

nous avons fait connaître, reçut son applica- tion en Occident partout existaient des monuments antiques et particulièrement des temples païens.

» Il n'y eut guère d'exceptions à cette règle, dit feu E. Reusens, si ce n'est à Rome, à Ravenne et à Milan. Dans ces trois villes, principalement dans la première, on éleva au V^ et au VI^ siècle, sans re- courir à la dévastation d'édifices antérieurs, toute une série de monuments importants, dont plusieurs, encore debout aujourd'hui, témoignent qu'il existait là, à cette époque, une brillante école de constructeurs intel- ligents et bien doués. Les progrès réalisés par cette école exercèrent une grande in- fluence sur le développement de l'art archi- tectural tant en Orient qu'en Occident ('). »

Mais ici l'on rencontre un système de construction nouveau et nettement distinct du type de la basilique. Il est caractérisé par l'emploi de la voûte sphérique et même de la voûte à pendentifs.

Les progrès réalisés à Ravenne parais- sent dus à une influence orientale, ils ont

Elévation.

Coupe.

Plan.

Tombeau de Galla Placidia,

probablement leur source en Syrie et en Palestine, pays en relation commerciale avec cette partie de l'Italie.

I. V. Texier, Architecture byzantine, p. 143. Influence byzantine à Ravenne, V. Revue de PArt chrétien, p. 70, note.

La coupole, il est vrai, avait été em- ployée par les Romains, sans doute à l'exemple des Orientaux, dans le Panthéon, dans le laconicon de Caracalla et dans la

I. E. Reusens, Éléments d'archéolos;ie chrétienne, t. I.

REVUB DE l'art CHRÉTIEN. 1906. Ô"** LIVRAISON.

578

3Re\)ue îie r^rt ct)rét(en.

salle dite Minerva Medica à Rome. Celle- ci offrait un modèle de salle polygonale couverte en coupole à dix secteurs, et élar- o-ie par autant d'absidioles voûtées en demi- coupoles. Elle fut imitée en Orient ; l'église d'Antioche fut une application hardie de ce système. De ce type d'édifice il n'existe dans l'ancien empire byzantin qu'un seul exemple, l'église Saint- Georges de Salo- nique, aujourd'hui transformée en mosquée. C'est une rotonde entourée de sept absi- dioles carrées, la huitième servant d'entrée.

A Saint-Ambroise de Milan, dans une aile du côté de l'épître, on montre une petite chapelle attribuée au IV^ siècle, couverte d'une coupole hémisphérique remarquable par ses antiques mosaïques. Cette coupole repose sur plan carré par des coins en en- corbellement.

Les deux édifices qui témoignent surtout de ces progrès précoces de l'art chrétien sont, à Ravenne, le mausolée de l'Impéra- trice Galla Placidia, dont nous avons parlé plus haut, bâti vers 440, et le baptistère de Ravenne, élevé vers 450. Ces deux édifices, antérieurs d'un siècle à Sainte Sophie de Constantinople, offre deux des premiers exemples connus de l'emploi de la coupole sur pendentifs. Le tout premier exemple byzantin est l'édicule de S. Celse et S. Na- zaire (').

I. M. Choisy a observé la calotte sur pendentifs, bien

La princesse Galla Placidia fit cons- truire, pour lui servir de mausolée, le remar- quable petit monument dont nous donnons une esquisse. On l'admire surtout pour ses antiques mosaïques, et la belle conservation de son architecture ; il est non moins digne d'intérêt, en ce qui concerne sa voûte sur pendentifs.

Ce petit édifice, en forme de croix latine, est voûté en berceau sur ses quatre croisil- lons, la croisée est couverte d'une voûte sphéroïdale surhaussée, sur quatre pen- dentifs.

C'est Xembryon de la coupole byzantine. Le plan est entièrement nouveau; c'est celui des églises funéraires de l'Orient. La croix latine y fait son apparition en Occident; ce plan fera fortune en France et deviendra le type des églises bénédictines. Les longues arcatures qui décorent les murs seront imités par les Lombards au XI^ siècle (').

Il faut citer ici en passant le fameux mau- solée de Théodore en forme de rotonde couverte d'une coupole monolithe en marbre d'Istrie.

L. Cloquet.

{A suivre.)

avant le IV" siècle, à Magnésie du Méandre, et sou> Dioclétien, dans l'arc de triomphe de Salonique (V. G. Millet, Histoire de Part, t. 1, p. 145).

I. V. A. Marignan, Louis Courajod, p. 140, note.

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racontée par les imagiers Du mopcn âge sur les portes D'églises r-s^«//<^)(').

UIIlIIDtnTIIIIXIJJllijxiXriXITirriTTTTTTITTTTTXTTrTTTTTrTTTTITTlIlITTXiy

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P

Cène.

LES cimetières des catacombes romai- nes nous montrent rarement, dans leurs fresques, la Cène elle-même, c'est-à- dire Jésus consacrant le pain et le vin et les distribuant aux Apôtres, mais plus souvent la représentation allégorique de l'institution de l'Eucharistie : c'est alors, autour d'une table, un certain nombre de convives ('), parmi lesquels parfois une femme, qui peut représenter l'Eglise {^) ; l'un d'eux, qui porte exceptionnellement les insignes du sacerdoce (*), impose les mains sur les pains et les poissons déposés devant lui : le sens mystique des pains, aliment employé par Jésus lui-même pour la consécration, s'ex- plique naturellement : ils sont d'ailleurs généralement timbrés d'une croix ; quant au poisson, les premiers chrétiens et les Pères ont vu en lui, dans un sens général, le symbole du Christ à cause des cinq let- tres du mot grec lyGu;, et aussi, dans un sens plus spécial, l'image de l'Eucharistie, la figure de Jésus dans la communion, tant en raison de la multiplication des poissons au désert, que du repas du Christ sur la rive du lac après sa résurrection (^) ; et l'ins-

1. Voir les précédents articles, 1905, pp. 217, 299, 363, 1906, pp. 32, 181, 302.

2. Le plus souvent sept, en mémoire évidemment du repas de pains et de poissons frits que le Christ, après sa résurrection, prépara à sept de ses Apôtres sur les bords du lac de Tibériade.

3. Peinture d'une chambre de la crypte de Saint- Corneille.

4. Même peinture que ci-dessus.

5. Les artistes byzantins ont jusqu'aux temps modernes, donné place à ce repas miraculeux, dans leurs séries de la vie du Christ, entre la scène des disciples d'Emmaiis et l'apparition de Jésus sur le bord du lac. Au contraire, nos séries occidentales ne comprennent jamais ce sujet.

cription grecque d'Autun dit textuellement: « Prends la suave nourriture du Sauveur des Saints, mange et bois, tenant dans ta main le poisson. »

Cet aperçu nous a semblé nécessaire pour éclairer certaines compositions du XI l*" siècle, car il parait que, dans plu- sieurs d'entre elles, nos imagiers aient entre- mêlé les souvenirs de ces représentations allégoriques delà première époque, ravivés par les moines byzantins, avec les données précises de l'évangile.

C'est ainsi que l'ancienne abbaye des Dames, à Saintes, nous montre sur l'archi- volte d'une des baies latérales de sa façade, un tableau aussi remarquable par sa signi- fication mystique que par la disposition singulière des personnages etdes ornements végétaux qui les entourent, non sans les étouffer quelque peu ('). Les Apôtres sont assis à de petites tables séparées (^) ; au milieu, Jésus tient à la main un poisson, dont il offre un morceau à Judas. Le traître, imberbe, entr' ouvre la bouche pour sa communion impie, mais pourtant, comme épouvanté déjà de son forfait, il semble vouloir se cacher en se glissant sous la table (^). Un second apôtre tient une coupe

1. Les figures sont sculptées, au milieu de rinceaux de feuillage, sur les deux faces des claveaux taillés presque à angle doit : aussi ne peut-on voir les personnages en entier qu'en regardant le cordon de l'archivolte sous un angle de 45° : disposition extrêmement rare, car d'or- dinaire les claveaux carrés, assez usités en Saintonge au Xlle siècle, ne sont sculptés que sur une seule face ou, dans le cas contraire, offrent sur chaque face un sujet différent, comme à Aulnay.

2. Il n'existe, à notre connaissance, aucun autre exemple d'une telle disposition ; à Wells cependant, il existe deux tables isolées.

3. Telle est l'interprétation très vraisemblable de M.

38o

^tWt lie l*art cj)rétien.

remplie de raisins (') ; un autre, une coupe semblable, vide : c'est une image ingénieu- se de la Transsubstantiation, comme le fait remarquer M. l'abbé Julien Laferrière dans sa magistrale étude de cette sculpture. Un troisième disciple élève en l'air, comme

pour le montrer à tous, un pain rond sur lequel est gravée l'empreinte de la main de Dieu, dont la puissance vient d'opérer le miracle. D'autres rompent le pain ; un d'entre eux le coupe avec un couteau : sym- boles variés et saisissants du mystère.

FiK- 49 Tympan de la porte principale d'Altamura (Italie|. Linteau: La Cène. Archhollr: Présentation. Fuite en Egypte.

Massacre des Innocents. Jésus parmi les Docteurs. Noces de Cana. Baptême. Résurrection de Lazarre. Jésus devant Pilate et Hérode.

Flagellation. Crucifixion. Descente aux Limbes.

Jamais peut-être nos imagiers n'ont su exprimer le dogme d'une façon plus vivante et plus artistique à la fois. Mais ce n'est pas

l'abbé Julien Laferrière ; mais sur d'autres monuments l'on avait cru reconnaître la mcme attitude, un examen plus attentif a démontré que Judas est en réalité sim- plement agenouillé : ainsi, au linteau de Vizille (XII"' siècle), le traître, tout en portant la main au plat, s'age- nouille devant Jésus, qui lui pose une hostie sur les lèvres ; de même à Pistoie (Italie XI IP siècle).

I. La transsubstantiation sous l'espèce du vin a été

tout : l'humanité entière, rachetée par le sacrifice de Jésus, doit assister à cette grande scène, et voici qu'Adam et Eve et leur postérité contemplent avec admiration

rarement représentée : on la trouve pourtant figurée, de façon très particulière,sur une mosaïque de Sainte-Sophie de Kiev (XI"" siècle) : à chaque bout de la table eucharis- tique, un Christ escorté de deu.x anges, donne la commu- nion au.\ Apôtres, d'un côté sous l'espèce du pain, de l'autre sous celle du vin.

3La Wiit De 3é0u0 Cl)n0t.

381

le prodige, tandis que les démons grondent, impuissants, en voyant échapper leur proie. Aucune des autres Cènes du XI I" siè- cle ('), nombreuses cependant, ne présente autant d'intérêt que celle de Saintes ; mais la plupart se distinguent par des traits par- ticuliers, par une originalité, dont malheu-

reusement les imagiers postérieurs se dépouilleront peu à peu pour s'attacher à un type traditionnel presque invariable.

Ainsi, au tympan de Saint-Pons (Hé- rault), le Christ a devant lui un poisson sur un plat ; les onze apôtres sont assis côte à côte, les mains régulièrement étalées sur la

Fîç. 50. Tympan de porte de l'ancienne cathédrale de Terlîz2Î (Italie), démolie au X\'Ili'- siccle et reconstitué en 1862 à l'c'glise du Rosaire. La Cène. L'Annonciation, les Mages, la Nativité, la Crucifixion.

nappe ; mais Judas, qui vient de quitter la table, semble se dissimuler dans un coin. On trouve encore de nombreux poissons et des pains sur la table autour de laquelle

I. Nous voulons parler du Xlle siècle en France, ce qui correspond presque, au point de vueiconographique.au XIII'' siècle, dans le sud de l'Italie, pays les imagiers s'attardaient dans les traditions byzantines. Cette remar- 4ue est d'ordre général.

se pressent les douze apôtres, au tympan d'Altamura (Italie,XII°siè.cle,y^. 4ç). judas ne s'y distingue guère des autres disciples, et c'est bien timidement qu'il avance la main vers un des plats ; mais saint Jean, au lieu de se pencher sur le cœur du Christ selon le type habituel que nous examinerons plus loin, donne un baiser à son Maître,

382

dSitWt ie rart (I)rttien.

assis à l'extrémité de la table. Cette sin- gulière position de Jésus (') au bout de la table (^) se retrouve à l'église du Rosaire, à Terlizzi (Italie, XIIP siècle, J?j^. ^o) {^), au milieu de personnages et d'accessoi- res assez mutilés, un Judas, partiellement brisé lui-même, porte hardiment la main vers un calice dans lequel est posé un poisson ; un second poisson paraît plus loin, sur un plat ("). Un chapiteau de Saint- Nectaire fy^. ^/) nous montre également les poissons dans un plat et les pains ronds marqués d'une croix ; on retrouve encore les poissons au linteau de Saint-Julien de Jonzy (Saône-et- Loire, XI P sièlce). Cette dernière sculpture, œuvre assez curieuse de l'école bourguignonne, est intéressante aussi à un point de vue différent : nulle part, même sur les somptueuses compositions de Charlieu (/to^. 28), qui paraissent être l'œuvre des mêmes ateliers, on ne rencontre une telle recherche d'ornementation : les nimbes perlés, les tuniques brodées au col et aux manches, la nappe richement drapée, le fond de muraille même décoré d'une frise, tout témoigne d'un souci de décoration poussé presque à l'excès. En même temps, les mouvements sont naturels, variés : la seule tête qui subsiste est pleine d'expres- sion ; il n'y a guère que les pieds des Apô- tres, régulièrement posés en équerre, qui dénotent quelque archaïsme. Au point de vue purement iconographique, on remar-

1. Représenté ici exceptionnellement imberbe.

2. On remarque la même disposition, d'origine byzan- tine, sur les vantaux de Pise (,XI1= siècle).

3. Ce tympan est l'œuvre d'Anseramo de Trani (vers 1270), qui l'a ainsi signé:

TRANVM QVEM GENVIT DOCTOR SCALPENDO PERITVS ANSERAMVS OPVS PORTE FELICITER IMPLET.

4. De même encore, un ivoire du paliotto de Salerne, représentant la Cène, montre un seul grand poisson dans un plat côté de douze pains ronds) : c'est une tradition qui paraît absolue au .XII'' siècle dans l'Italie méridionale, qui était alors tout imprégnée des influences byzantines.

quera que la plupart des convives se servent de couteaux pour couper les poissons ou les pains ; on notera encore que sur aucun autre monument, sauf peut-être sur le paliotto de Salerne, les deux sujets du Lavement des pieds et de la Cène ne sont aussi étroite- ment unis. Quant à Jean reposant sur le cœur de Jésus, à Judas fléchissant le genou en avant de la table et touchant le plat au moment même de la communion, ils repro- duisent le type traditionnel.

Il existe à Wells (XI 11"= siècle) une autre Cène figure, comme à Jonzy, sur un piédestal, une grande amphore : sur ce très curieux médaillon, le collège aposto- lique, incomplet (on trouve neuf ou dix apôtres), se groupe autour de deux tables séparées. A l'une d'elles, Jean repose sur la poitrine de Jésus. Entre les deux tables, Judas fléchit le genou en portant la main non pas au plat, mais devant sa bouche : l'artiste paraît avoir voulu représenter, comme le feront ses successeurs du XIV* siècle, l'instant qui suit la communion, instant divin pour Jean et ses compagnons, maudit au contraire pour Judas.

On peut remarquer, à propos de ce médaillon de Wells, que précédemment, au XII" siècle, les convives de la Cène ne sont pas toujours au nombre de onze ou de douze : cette irrégularité du nombre se manifeste non seulement sur les chapiteaux, l'on pourrait en attribuer la cause au peu d'espace dont disposait l'imagier, mais encore sur un certain nombre de tympans : ainsi nous savons qu'à Saint-Germain des Prés de Paris, le tympan, dont il ne reste qu'un débris informe, groupait dix apôtres autour de la table sainte ; à Saint-Bénigne de Dijon, à Vandeins (Ain), il n'y en a que neuf; et à Étampes, le nombre se réduit à cinq. Cette exclusion de quelques disciples

iLa Mit îje Sésus Cl)nj5t.

383

parait dépendre uniquement de la fantaisie du sculpteur et ne présenter aucune signi- fication iconographique spéciale. Ainsi, à Vandeins, d'après les initiales gravées à côté de chaque figure, on constate que les Apôtres manquants doivent être, outre Judas, saint Mathieu et un autre disciple dont le nom commence par J., c'est-à dire Jude ou l'un des deux Jacques ('), ce qui ne correspond à aucune donnée évangélique. Peut-être faut-il voir simplement ici une erreur de l'imagier qui, espaçant régulière- ment tous ses personnages, en avait calculé l'écartement d'après la longueur totale du linteau, sans tenir comptede l'espace occupé, à l'extrémité gauche, par le Lavement des pieds : cette dernière scène remplit en effet assez exactement la place qu'auraient occu- pée les trois apôtres absents. Ce qui semble- rait donner à cette hypothèse quelque vrai- semblance, c'est qu'à partir du XIII' siècle, quand les artistes, plus habiles, ont com- mencé à grouper sans régularité et même parfois sur plusieurs plans les personnages de la Cène, le collège apostolique a été presque toujours représenté au complet : nous ne connaissons qu'une seule exception certaine, sur le portail de Bayeux (XIV" siècle).

C'est qu'alors aussi tous les imagiers, mo- difiant la tendancede l'âge précédent, s'atta- chent plus rigoureusement à la lettre même de l'Evangile : la Cène, placée désormais le plus souvent au milieu des épisodes de la Passion, est comme eux représentée avec une exactitude scrupuleuse, qui exclut toute

I. Voici ces initiales : ITAPHAIPIBS. La cinquième figure, qui occupe à peu près la place centrale, réservée d'ordinaire à Jésus, est désignée par A, comme saint André, déjà placé le troisième. Dans l'état actuel de la sculpture, on ne peut reconnaître si c'est vraiment le Christ : dans le cas de l'affirmative, on se demanderait si la lettre A a été gravée par erreur, ou si elle indique le mot < Agnus » l'Agneau de Dieu, Jésus : cette dénomi- nation serait absolument exceptionnelle.

allégorie mystique : sur la table, nous n'apercevons plus de poissons, mais seule- ment le pain et parfois le calice. L'intérêt de la composition se déplace aussi : géné- ralement, dans les œuvres de l'art roman, l'acteur principal, après le Christ, est Judas, soit qu'il cherche à se dissimuler en se glissant sous la table ('), soit qu'il porte impudemment la main au plat (^), ou se

Fig. 51. - Chapiteau de Saint-Nectaire (Puy-de-Dôme). La Cène.

désigne du doigt {^) en demandant : « Maître, est-ce moi qui dois vous trahir .-'» soit enfin qu'il apparaisse seul détaché en avant de la table pascale (*). A partir du XI 11° siècle, nous retrouvons encore quel-

1. Saintes, Pistoie (Italie).

2. Au XII" siècle, Chartres, Saint-Gilles, Saint-Julien deJonzy,Terlizzi ; au -XIII" siècle, Strasbourg ; au XI V^ siècle, Vouvant.

3. Au XI siècle, Chartres, Saint-Germain des Prés à Paris.Samt- Bénigne de Dijon ; au XI II<= siècle.Strasbourg; au XIV>^^ siècle, Vouvant.

4. Jonzy, Saint-Germain des Prés, Saint-Bénigne de Dijon, Terlizzi.

384

Bcbue lie V^n chrétien.

quefois le traître dans cette dernière posi- tion, mais habituellement il reste confondu, sans signe bien particulier, parmi les autres Apôtres : ainsi sur la Cène qui couronne la façade de la cathédrale de Tolède. Cène traitée à la façon d'un tableau chaque personnage se détache sur un fond d'arca- tures, c'est à grand' peine que l'on peut reconnaître le traître, qui se distingue de ses compagnons uniquement par l'expres- sion du visage. Au contraire,le disciple bien- aimé, saint Jean, se détache désormais nettement de la troupe anonyme des Apô- tres et, passant au premier plan, attire sur lui toute l'attention : dans une pose pleine de confiance et d'amour, il est appuyé, couché, pour ainsi dire, sur le cœur même de Jésus. Ce type, qu'au XI P siècle on a rencontré accidentellement sur quelques portails (') et quelques chapiteaux, notam- ment au cloître de San Juan de la Pena (Espagne), est devenu le type habituel et presque unique non seulement des imagiers gothiques {'), mais de tous les artistes jusqu'à nos jours ; les peintres italiens de la Renaissance l'ont immortalisé. II semble représenter moins l'institution même de l'Eucharistie que la communion donnée par le Christ {^) et le recueillement qui suit cette première communion.

Pourtant jusqu'à la fin du moyen âge, quelques artistes ont persisté à mettre Judas en vedette : témoin cet admirable panneau du tabernacle de Hal (Belgique, XIV'= siècle) nous voyons l'apôtre déchu porter la main au plat, tandis que Jésus,

I. Saint-Gilles, Chartres, Jonzy, Pistoie, vautaux de Pise (XIP siècle) etc.

2. Strasbourg (X III' siècle) ; Bordeaux, Vouvant,Bayeux (XIVc siècle).

3. La Communion des Apôtres, représentée de façon toute différente, était un des sujets favoris des peintres byzantins : coupoles de Kiev (commenc. du XII" siècle, de Serrés, etc).

dans un geste de commisération suprême qu'on ne trouve nulle part ailleurs, semble vouloir retenir le bras sacrilège du traître

C'est une originalité de bon aloi ; mais combien d'autres artistes de la dernière période médiévale ont cherché à innover et à rajeunir le traditionnel tableau de la Cène par des dispositions bizarres ou même par l'adjonction illogique de personnages étran- gers : ainsi sur la clôture du chœur de Tolède, la sainte table, carrée, est représen- tée en raccourci, de sorte que les convives les plus éloignés, de face, apparaissent par- dessus la tête des plus rapprochés, qui se montrent de dos ; à Vouvant, au bout de la longue table pascale qui barre tout le pignon de l'église, l'artiste du XVI' siècle nous présente la pécheresse qui s'avance, tenant en mains le vase rempli de nard précieux, et prête à le répandre sur le Sau- veur : confusion étrange de deux scènes absolument distinctes, que n'excuse pas le désir tant de fois constaté à cette époque, de provoquer l'intérêt par des dispositions nouvelles.

Ces caractèresdivers que nous venons de signaler se rapportent uniquement aux œu- vres occidentales.Ouant aux artistes orien- taux du moyen âge, ils ont aussi, comme le constate Didron, introduit dans l'iconogra- phie de la Cène quelques dispositions origi- nales: ainsi les peintres grecs ont souvent laissé à Judas (') le nimbe, qui, à leurs yeux, est le signe non de la sainteté mais de la puissance ;toutefois,pourmarquer l'indignité du personnage, ils ont donné à son nimbe la couleur noire {'). Une autre particularité

1. Il semble bien que sur la porte de la chapelle de Vizille (XI P siècle), Judas soit également nimbé.

2. Un manuscrit du XIII" siècle, provenant de Saint- Martial de Limoges et cité par Didron, donne .^ Judas un nimbe doré : le savant critique pense que c'est \h une erreur du miniaturiste.

îLa mit De 31ésuS'Cl)nst»

385

nous est présentée par une fresque de l'église du portique d'Hadrien, à Athènes, un petit démon parle à l'oreille de Judas et l'encourage à consommer son forfait en acceptant le pain et le vin que lui présente Jésus.

Un dernier mot sur l'emplacement occu- pé par la Cène au portail de nos églises. Ce sujet se présente naturellement à l'esprit sous un aspect quasi symétrique, le Christ occupant le milieu de lalongue table sont

assis les Apôtres (') : c'est sans doute à cause de cet aspect particulier, autant qu'en raison de son importance au point de vue chrétien, que la Cène a été si souvent repré- sentée à la principale place des portails, du moins en France {'), soit sur des tympans qu'elle remplit entièrement (^), soit sur des linteaux ('') ou des pignons de façade dont elle occupe le milieu (=). Quelquefois même, dans certaines séries de la Passion, comme à Saint-Gilles, l'imagier a calculé ses

Fig. 52. Détail de la frise de Saint-Gilles. Prédiction du reniement de saint Pierre. Lavement des pieds.

distances de manière à placer la Cène au centre de l'ensemble ; quand il ne l'a pas fait, il a paru s'appliquer à lui donner un aspect dissymétrique qui lui permît de la disposer, sans blesser le regard, en un point quelconque des registres du tympan (') : de cette préoccupation vient peut-être, dans certains cas, le nombre incomplet des Apô- tres représentés.

Annonce du Reniement de saint Pierre.

C'EST après la Cène que Jésus prophé- tisant devant les disciples sa Passion prochaine et l'abandon général dont il serait l'objet, Pierre se prit à protester de sa

I. Strasbourg, Bayeux.

fidélité ; et le Seigneur de lui répondre : « Je te le dis, Pierre, avant que le coq ait chanté, tu m'auras renié par trois fois

La scène même du reniement a été, nous

1. On a vu qu'à Terlizzi, à Altamura et sur quelques œuvres byzantines, Jésus est assis exceptionnellement au bout de la table.

2. En Allemagne, les Cènes des portails, d'ailleurs fort rares, sont toujours confondues au milieu du récit de la Passion. En Espagne, le principe est le même : Tolède ne constitue qu'une brillante exception.

3. Saint-Pons, .'\ltamura, Terlizzi.

4. Jonzy, Nantua, Vizille, Saint-Germain des Prés, Bordeaux, Pistoie, etc. A Saint-Julien de Jonzy (Saône- et-Loire) la préoccupation de la symétrie a amené un résultat bizarre : l'imagier, pour placer la Cène au milieu du linteau, a divisé en deu.\ parties le Lavement des pieds, dont il a figuré deux acteurs à chaque extrémité de l'architecture.

5. Vouvant, Tolède.

386

Bebue ÏJC V^xt i^xititn.

le verrons plus loin, très rarement repré- sentée par les imaoriers ; quant à celle de la prophétie du reniement, elle ne se trouve, à notre connaissance, figurée qu'une seule fois sur une façade d'église, à Saint-Gilles (y^. 5^) : Jésus y est assis en face de ses Apôtres et converse avec eux ; Pierre, en avant des autres, affirme avec véhémence son dévouement : « Quand même il me faudrait mourir avec vous, moi, je ne vous renoncerai pas ! » et il ne voit pas, le mal-

heureux, le coq qui se dresse à ses pieds comme pour évoquer par avance la réponse prophétique de Jésus.

En ce qui concerne la place singulière occupée par ce tableau avant le Lavement des pieds, on ne peut l'expliquer, semble- t-il, que par les dimensions plus propices de cette partie de la frise et par le désir de l'imagier de placer, selon l'usage, le tableau de la Cène sur le linteau, au milieu même de la façade.

Fis 53

Cathédrale de Bourges. Soubassement du portail. Agonie et arrestation de Jésus. (Cliché de M. Martin Sahon.)

Jésus à Gethsémani.

APRÈS le dernier repas, le Christ se rendit avec les Apôtres sur la mon- tagne des Oliviers et prit avec lui Pierre, Jacques et Jean; puis, s'étant retiré à l'écart, il pria. Est-il un épisode plus émouvant que celui de cette prière, de ce combat su- prême entre la crainte et l'amour, de cette agonie de l'câme qui précède et annonce celle du corps ? On s'explique donc malai-

sément que nos imagiers occidentaux delà première époque aient, de propos délibéré, presque toujours supprimé dans les séries mêmes de la Passion, ce sujet sur lequel pourtant l'Évangile s'étend longuement. Ainsi au XI I^ siècle, nous ne connaissons aucune sculpture de façade qui représente l'agonie de Jésus, à moins qu'on ne veuille, à tort, croyons-nous, reconnaître ce sujet dans une partie très mutilée de la frise de

JLà Mit De 3lé0us=Cl)rist.

387

Saint-Gilles ; au XIII^ siècle, le portai! de Reims, seul, nous le montre sculpté sur un des claveaux de sa voussure. Mais ce n'est qu'à partir du XIV^ siècle qu'il commence à prendre place dans les séries de la Pas- sion ; puis, au XV" siècle et surtout lors de la Renaissance, il devient un des thèmes favoris des sculpteurs qui parfois même le traitent à part, concurremment avec la Mise au tombeau, dans des compositions monu-

mentales dont les personnages, atteignant la taille humaine, ornent le pourtour de l'église (') ou remplissent une chapelle inté- rieure.

Les moines grecs du moyen âge divisaient en deux parties la scène qui nous occupe : d'abord Jésus priait, agenouillé, le visage inondé de larmes et de sang, et un ange lui apparaissait ; puis, ayant achevé sa dou- loureuse oraison, il revenait vers les trois

F'g- 54- Cathédrale dUlm, Tympan de la porte Nord du chœur. La Passion.

Apôtres endormis, et secouait Pierre par un pan de son manteau.

Nos artistes occidentaux ont plus géné- ralement réuni les deux scènes en un seul tableau (') : dans leurs compositions, le Christ est prosterné sur une éminence ro- cheuse, en bas de laquelle sommeillent les trois disciples {^j, assis ou couchés ; parfois

I. Cependant, à Fribourg-en-Brisgau (XI V"= siècle), l'ago- nie de Jésus se trouve au tympan intérieur de la porte Nord du chœur, et son arrestation sur celui du portail principal.

2.Ulm (tympan) et Saint-Laurent de Nuremberg (vous- sure) au XIV"' siècle ; Bourges (soubassement) et Rue (voussure) à la fin du XV' et au comm. du XV I" siècle.

le jardin est entouré d'une palissade de lattes ('') ou de claies d'osier {^). Jusqu'à la fin du XV^ siècle, Jésus est représenté seul, aucun ange n'apparaît à ses côtés ; le sculpteur de Bourges semble être un des premiers qui ait introduit dans le tableau cet envoyé céleste, porteur du calice sym- bolique : disposition qui a été depuis lors et jusqu'à nos jours communément adoptée. Nous laisserons de côté le singulier bas-

1. Ainsi, à Saint-Laurent de Nuremberg (commenc.

XVP siècle).

2. Bourges {voiryî»: jj).

3. V\m(JΣ^.S4).

388

ISitWt be rart tl)rétien.

relief du porche de Dol, dont l'authenticité nous semble douteuse, et dans lequel nous voyons l'ange, émergeant à demi de la nuée, baiser le front de Jésus.

La seconde phase de la scène, c'est-à-dire le Christ éveillant les trois Apôtres, ne se rencontre, à notre connaissance, que sur le portail de Rue où, dans la voussure, Pierre, Jacques et Jean dorment au milieu des oli- viers ; survient Jésus, qui leur reproche de n'avoir pu veiller une heure avec lui. Par- tout ailleurs ('), l'imagier néglige ce tableau et passe directement à la scène essentielle du baiser de Judas.

Baiser de Judas. Arrestation de Jésus.

LES épisodes que nous avons jusqu'à présent passés en revue forment en quelque sorte le prologue de la Passion ; ici nous entrons dans la Passion même. Aussi certains imagiers, sur les tympans consacrés aux souffrances du Sauveur, n'ont-ils com- mencé leur série qu'à l'arrestation de Jésus [').

Ce sujet, toujours traité avec grand soin, a été, en général, différemment composé, selon qu'il était représenté sur un tympan permettant de réunir en un vaste tableau les diverses péripéties, ousur des chapiteaux ou des claveaux de voussure dont le champ réduit oblige l'artiste à des divisions plus ou moins logiques (^).

Dans cette scène, le baiser de Judas et la guérison de Malchus sont les deux faits caractéristiques. Le premier ne manque qu'à Reims, il est remplacé par le tableau exceptionnel de Jésus faisant reculer les

1. Nous parlons seulement des portes d'église ; sur les retables et les ivoires, cette scène est plus fréquemment représentée.

2. Rouen, Saint- Laurent de Nuremberg, Ulm, Friboury- en-Brisgau.

3. Chapiteaux : Chartres, ancien cloitre de Combelon- gue (Ariège), etc. Voussure : Reims, Saint-Laurent de Nuremberg, Rue.

soldats par sa seule question : « Oui cher- chez-vous ? » tableau pathétique qui à l'o- rigine avait été assez fréquemment traité par les Byzantins et qui, bien qu'il n'ait pu s'acclimater dans notre sculpture monuinen- tale, n'est jamais sorti du répertoire des arts mineurs du moyen âge : orfèvrerie, ivoires, etc. C'est ainsi que les célèbres vantaux de bronze de Bénévent (XIP siècle) nous montrent les satellites couchés en rangs

/".. r. .r.,!/" >v>./^>vi/">v./^*' '

Fig- 55- Vantaux de Bénévent Jésus renverse d'un mot les soldats.

comme des épis fauchés, devant Jésus qui lève la main en signe de puissance (^£: SS)- 11 est singulier que ce morceau remarquable n'ait pas, même en Italie, inspiré les ima- giers des siècles suivants.

L'épisode de Malchus ne figure ni à Hayeux, ni à St. Laurent de Nuremberg (XlVe siècle); à San-Zéno de Vérone (X 1 L siècle) ("), on devine à peine dans un

I. Non plus sur les vantaux de Vérone, ni sur ceux de

Plock, à Novgorod (.XII" siècle). A Rome, sur le candéla- bre de Saint-Paul hors les Murs (XI 11= siècle),où la scène

JLa Mit De 31é0us Cl^rtst,

389

angle du panneau de marbre, S. Pierre, brandissant, chose bizarre, une clef au lieu d'une épée ; à Ulm (XI V^ siècle), le mal- heureux serviteur du grand-prêtre ne se détache guère des autres valets venus pour arrêter Jésus, et on se demande, en voyant Pierre tirer son épée, quel est celui qu'il va frapper f/ïo: 5^;.

Remarquons d'ailleurs que pour la com- modité de la division du sujet, l'Apôtre

est presque toujours en arrière ou au second plan, assez loin de son Maître, que par suite son intervention ne pourrait protéger : ainsi à Saint-Gilles (fig- 5a) Pierre prend pour adversaire le dernier de la longue théorie des satellites armés, et ceux-ci d'ailleurs ne s'émeuvent pas de l'incident qui se produit derrière eux. En sa qualité de serviteur du grand-prêtre. Malchus est généralement en simple tunique, sans armes ('), même

Fig. 56.

Frise de Saint-Gilles. Baiser de Judas.

dans les compositions ses compagnons portent le harnais de guerre ; certains ima- giers le montrent vieux, petit et chétir('), de sorte que S. Pierre n'a pas de peine à le terrasser. Le bon Saint abuse même quelquefois de sa supériorité physique : tantôt, tout en cherchant son épée, il presse sur le sol son misérable adversaire (') ; tantôt, d'une main il le maintient par le

du baiser est séparée de celle de l'arrestation, un person- nage assis sans nimbe, touche à l'oreille un soldat, qui ne peut être que Malchus ; celui-ci, comme tous ses compa- gnons, est couvert d'une cotte de mailles à mentonnière du plus singulier effet. Sur le candélabre de Gaëte, l'épisode de Malchus est supprimé.

1. Strasbourg {fig. 57). De même sur le célèbre autel de Pistoie.

2. Fribourg-en-Brisgau (fig. j8).

cou (^) ou par les cheveux (3) et de l'autre lui coupe consciencieusement l'oreille.

Sur d'autres tableaux, la lutte a déjà pris fin, et Malchus, mutilé, s'agenouille aux pieds de Jésus, qui, d'un geste, le guérit : aussi Strasbourg) le malheureux jette-t-il au Sauveur un regard de reconnaissance et déjà presque d'amour. La plupart des imagiers se sont appliqués à mettre en relief cette immense bonté du Christ : à Chartres même (''), comme sur le candé- labre de Saint-Paul de Rome, ils ont, pour

1. Saint-Gilles Fribourg.

2. Saint-Gilles (fig. j6J, Orviéto (fig. sy).

3. Reims.

4. Chapiteau de Chartres {v6\x fig. 44).

390

Bebuc lie r^rt cbrcticn.

la mieux faire ressortir, supprimé toute la première partie de la scène et, laissant S. Pierre dans l'ombre, nous ont montré Jésus seul avec Malchus.

En général cependant la scène est re- présentée complète : le baiser du traître et la défense de S. Pierre précèdent la guéri- son du serviteur du grand-prêtre. Dans le premier épisode, Jésus est debout ; Judas, parfois vêtu d'un manteau brodé (') qui contraste autant avec la bassesse de son attitude qu'avec la noble simplicité de son Maître, s'approche de lui, souvent par derrière {') et'lui posant les mains sur les épaules (^) le baise au visage. En même temps (■'), les soldats vocifèrent [^). me- nacent et saisissent le Christ.

Rien n'est plus curieux, nous pourrions dire plus amusant, si la tristesse du sujet ne nous interdisait ce mot, que les accoutre- ments variés dont les imagiers, en Italie, au XI IP siècle, en Allemagne aux XI V et XV^ ont aflublé ces mercenaires : sur le célèbre chandelier de Saint- Paul hors les Murs, de Rome, ils sont enveloppés d'une cotte de mailles qui leur couvre même la tête et le menton ; à Fribourg, ils portent le chapeau pointu des juifs occidentaux du moyen âge ; leurs poignets sont cerclés de lourds bracelets ; à Ulm enfin, c'est une troupe de soudards et de lansquenets : coiffés de morions, cuirassés, ils tiennent par une poignée de cuir, de singuliers bou- cliers carrés (voir y^. 57) ; leurs armes aussi ne sont plus les épées et les bâtons

1. Ibidem.

2. Chartres (^g. 44), Bayeux.

3. Saint-Gilles (Jig. jo), Nuremberg (fig. 6), Ulm

(fig- 54)-

4. Seul, l'imagier de Fribourg-en-Brisgau a choisi l'mstant Judas (qu'il nous montre e.xceptionnellement imberbe comme dans la même scène du candélabre de Gaëte (Italie) a embrassé Jésus et déjà se retire, tandis que s'avancent les soldats.

5. Strasbourg (ftg. f/;.

dont parle l'Évangile : ceux-ci brandissent des hallebardes ; celui-là, avant d'aborder la palissade d'osier du jardin que déjà ses camarades escaladent, bande son arbalète au moyen de l'étrier. Nous retrouverons du reste devant Pilate ces extraordinaires soldats juifs et romains.

Au milieu de cette recherche évidente de détails, on peut s'étonner que les ima- giers n'aient pas tiré parti de l'élément pit-

Fig. 57. Cathédrale de Strasbourg. Tympan de la porte occidentale centrale. La Passion et l'Ascension.

toresque que leur offrait la circonstance de l'obscurité de la nuit, et que n'avaient pas oublié certains artistes byzantins ('). Seul le sculpteur de Fribourg paraît y avoir songé ; mais au lieu des lanternes que men- tionne S. Jean, il place dans la main d'un valet une torche que celui-ci, d'un mouve- ment fort naturel, porte au visage du Christ, afin de le reconnaître (voiry^-. ^S) ('). Ces bizarreries de costume et d'arme-

1 . Sur les vantaux de la cathédrale de Pise,deux des sol- dats portent des lanternes accrochées au bout de bâtons.

2. Sur les vantaux de San Zéno de V'étone (XI'' siècle), les satellites du sanhédrin portent également des torches.

Ha Mit De gésus Cl)rist.

391

ment sont, nous l'avons dit, surtout remar- quables dans les œuvres allemandes du XIV'' siècle; à la même époque, en France et surtout en Italie, les artistes ont plutôt cherché la vérité et la simplicité des atti- tudes ; le sculpteur d'Orviéto tombe même presque dans le genre gracieux : ces per- sonnages en manteaux et en tuniques, dra- pés avec souplesse, ce Judas imberbe qui

touche doucement le bras de Jésus, ce soldat qui lève cependant la main pour frapper, ce Pierre même, courbé sur Mal- chus terrassé et lui coupant l'oreille avec une épée réduite aux dimensions d'un cou- teau, tous ces personnages ont des gestes élégants et faciles, et une tranquillité d'al- lure qui convient mal au sujet.

En France aussi, vers la fin du moyen

Fig. 58. Tympan de la porte principale de Frîbourg-en-Brisgau. Partie droite (la partie gauche a été publiée sousia figure). Pendaison de Judas. Arrestation de Jésus. Flagellation. Au-dessus : Résurrection des morts. Crucifixion. Saints et Saintes.

âge, ce tableau pathétique a perdu beau- coup de sa vigueur et de son originalité. La composition de Rue ne présente aucun détail dig'ne de remarque ; quant au sou- bassement de Bourges, très mutilé, il est vrai, il ne retient guère l'attention que par le soin rare qu'a pris l'artiste de reproduire exactement dans le tableau de l'arrestation le même paysage que celui, tout voisin, de l'agonie de Jésus (JΣ: ^j).

Pendaison de Judas.

SELON le récit évangélique, c'est seu- lement quand Jésus, ayant comparu devant Caiphe et Hérode, eut été livré à Pilate, que Judas, comprenant l'horreur de son forfait, fut saisi de désespoir, courut jeter dans le temple les trente deniers, et se pendit : mais la plupart des imagiers, dans leur hâte de terminer avec le misérable, nous montrent sa fin aussitôt après son

392

Bebue ïie T^rt cbrétien.

crime ('). Tous d'ailleurs, sauf les By- zantins ('), suppriment la scène du retour au temple, qui pourrait éveiller un senti- ment de pitié envers le traître. L'imagier de Fribourg va même plus loin et, contraire- ment au texte de l'Évangile, il suppose que Judas aurait conservé les trente deniers : il ne les aurait pas lâchés même pour se pen- dre, et c'est à regret qu'il les laisse échapper de ses mains déjà glacées par l'agonie {^).

Les artistes allemands se sont d'ailleurs acharnés sur le malheureux : tandis que ceux de Rouen (') ou de Reims {') le mon- trent simplement suspendu à l'arbre fatal, les vêtements déchirés pour laisser voir le ventre crevé et les entrailles qui s'en échap- pent (') conformément fy^i,'. S/) au texte sa- cré, les imagiers de Strasbourg et de Fri- bourg fy%. ^8) ont ajouté encore à ce répu- gnant détail : ici trois démons grimpés au

Fig. 59. Cathédrale de Rouen. Tympan du portail de la Calende. La Passion.

milieu des branches serrent avec rage le nœud de la corde du pendu ; là, c'est un bouc.animal immonde,incarnation de Satan,

1. Rouen (fig- SQ). Fribourg-en-Brisgau, etc. (fig. sS.)

2. Selon le manuel de Denys, les Grecs du moyen âge figuraient habituellement Judas après sa trahison, jetant sur le coffre fermd du Temple le prix du sang,en présence des prêtres. Nourri des mêmes traditions, l'orfèvre de Bénévent nous montre,sur ses vantaux de bronze,rApôtre maudit se détournant pour vider sa bourse sur le coffre les deniers s'éparpillent, tandis que deux pharisiens, assis tout auprès, expriment par leur geste leur hypocrite réponse : < Que nous importe ! >

3. On remarquera le soin avec lequel l'imagier a aligné les trente pièces de monnaie.

qui se dresse contre le cadavre pour en dé- vorer les entrailles. Ici encore les icono- graphes grecs s'étaient montrés moins im- pitoyables : ils figuraient une pendaison simple et décente, sans aucun des raffine- ments accumulés par leurs confrères d'Oc- cident.

1. Tympan de la porte de la Calende (fis;, sç).

2. Voussure du portail occidental.

3. Ce détail a presque toujours été figuré : ainsi sur les vantaux de bronze de Bénévent, un démon ailé, d'une conception singulière, s'accroche au suicidé pour l'emporter en enfer (fig. 60).

3La Mit De Jésus Cl)vtst,

393

Cependant sur la plupart des portails, la série des souffrances du Christ n'est pas interrompue par ce lugubre tableau, et du jardin des Oliviers nous passons directe- ment dans la cour du grand-prêtre ou dans la salle du palais d'Hérode.

Comparution de Jésus devant Anne et devant

Hérode. Reniement et repentir de S. Pierre.

Jésus moqué.

SUR les longues théories de leurs fres- ques, les peintres grecs, suivant scru- puleusement le récit évangélique, se sont plu à représenter successivement les com- parutions de Jésus devant Anne, devant Pilate, devant Hérode et de nouveau de- vant Pilate. Nos imagiers au contraire semblent avoir craint que cette répétition ne produisît une sorte de confusion ou tout au moins de monotonie ; et la compa- rution devant Pitate étant à la fois la plus pittoresque et la plus décisive dans l'histoire de la Passion, ils lui ont donné la préfé- rence, écartant généralement les deux autres ('). Quelques-uns pourtant pré- fèrent au proconsul romain le grand-prê- tre {') ou plus rarement encore le roi juif (3) ; mais la répétition des diverses comparutions du Christ ne se trouve, en Occident, que sur des œuvres inspirées des traditions byzantines, comme les vantaux de bronze de San Zeno de Vérone et l'ar- chivolte de la porte d'Altamura (Italie), ou au contraire dans la toute dernière période du moyen âge alors que l'esprit indépen- dant des précurseurs de la Renaissance cherchait déjà à s'affranchir des anciennes traditions, comme sur les portails d'Abbe- ville et de Rue.

1. Ils ont suivi en cela l'exemple laissé par les anciens sur les sarcophages chrétiens des premiers siècles.

2. Saint-Gilles, Strasbourg (/f^. jy).

3. Saint-Laurent de Nuremberg (fi^. 6).

Nous ne nous arrêterons pas aux van- taux de Vérone, qui ne rentrent qu'indirec- tement dans le cadre de cette étude; mais la composition d'Altamura (ûg. 4c) mérite un examen détaillé, pour la manière originale dont elle exprime le lugubre va-et-vient du Christ renvoyé de Pilate à Hérode : à une extrémité de la scène, le roi juif, cou-

Fig. 60. Vantaux de Bénévent. Pendaison de Judas.

ronné, est assis sur un trône élevé ; à l'autre bout dans une position absolument symé- trique, est assis Pilate, couronné de même; entre eux, une foule de soldats aux bou- cliers armoriés ('), dont deux tiennent Jésus par les bras : Pilate leur parle encore, et les derniers de ces mercenaires l'écoutent avant de faire demi-tour: mais les autres, qui escortent Jésus, sont déjà tournés du

I. Cet imagier affectionnait tout particulièrement ces groupes de soldats ; à la même archivolte, nous les retrou- vons, presque identiques, dans les tableaux du Massacre des Innocents et de la Crucifixion.

REVUR DE l'art CHRÉTIEN. 1906. 6'"*^ LtVRAISON.

394

Betouc tic rart fbvctien.

côté d'Hérode ; cependant on sent que, sur un mot de celui-ci, ils vont de nouveau faire volte-face et se retourner vers Pilate. Parmi les monuments n'est représen- tée qu'une seule des comparutions duChrist devant ses iniques juges, nous étudierons d'abord, selon l'ordre chronologique, ceux nous trouvons Anne, puis ceux qui nous montrent Hérode ; la condamnation de Jésus par Pilate fera l'objet du chapitre suivant.

A Saint-Gilles, le grand-prêtre trône, l'air arrogant, le poing appuyé sur la cuis- se (') : il interroge Jésus, que deux Juifs en vêtements brodés amènent devant lui, le poussant et le soufifletant {'). Un person- nage, vêtu d'une robe et ayant tout l'aspect d'un apôtre, s'éloigne furtivement : est-ce saint Pierre après son reniement {^) ? Cette interprétation semblerait assez justifiée et préparée par la scène placée vis-à-vis, celle de la prédiction du reniement, que nous avons analysée plus haut. Sur les •Calvaires de Bretagne, on trouve fréquem- ment représentées les comparutions de Jésus et la scène de \ Ecce Homo (Pley- ben, Saint-Thégonnec, Guimilian, Plou- gastel). A Saint-Thégonnec, le Christ bafoué est figuré de façon originale : il a les yeux bandés, deux lansquenets tien- nent les bouts de la corde dont il est gar- rotté et le soufHettent: c'est le texte évangé- lique de la moquerie : « Prophétise donc, et dis-nous qui t'a frappé ! »

A part la frise de Saint-Gilles dont, nous le répétons, l'interprétation est fort incer-

1. Dans l'iconographie des Grecs, selon Denys, Caiphe était généralement représenté debout auprès du trône d'Anne : de même sur les vantaux de Bénévent.

2. A peu près de même sur le médaillon de Wells.

3. Nous ne pensons pas, en tous cas, que l'oiseau qui, auprès de ce personnage, forme le corbeau de la porte principale, puisse figurer le coq, évocateur du remords de Pierre

taine, nous ne connaissons, sur aucune porte d'église, de représentation sculptée du reniement de saint Pierre, si ce n'est peut-être à Bayeux (XI V= siècle), un groupe de personnages inexpliqués pour- rait à la rigueur figurer cette scène. Si l'on veut en trouver un exemple, bien curieux d'ailleurs, c'est encore aux vantaux de bronze de Bénévent qu'il faut se reporter :

lkw'/r\l/^l/4.Alii:A

Fig. 61. Veiitaux de Bénévent. Reniement de S. Pierre.

(fig. 61 ) sous une arcade couronnée de créneaux, qui représente le palais, l'Apôtre, près de sortir, est retenu par la servante, qui lui saisit le bras et l'interpelle ; il es- quisse un geste de dénégation. Cependant sur le toit le coq est debout, et voici qu'il chante pour la troisième fois ; et Pierre, sorti, reparaît en dehors de l'arcade pala- tiale : la tête baissée, les poings serrés contre les mâchoires, il exprime bien par son attitude désolée les premiers élans de ce repentir qui ne finira qu'avec sa vie.

ILa Wiit îie Jésus Cl)n0t,

395

On trouve aussi le Reniement représenté sur quelques sarcophages des premiers siècles, notamment sur celui conservé à Santa Engracia de Saragosse. Quant aux peintres grecs du moyen âge, ils ont détaillé ce sujet jusqu'à l'excès : après avoir montré Jésus prédisant, en présence d'un coq, le Reniement, ils alignent les trois scènes successives de ce Reniement, et les

Fig. 62. Vantaux de Bénévent. Jésus bafoué.

font suivre du repentir de l'Apôtre. Il n'est dès lors pas surprenant que les ivoi- riers et les orfèvres, dont les modèles originaires étaient presque tous byzantins, aient, eux aussi, traité quelquefois ce sujet : ainsi sur une plaque de reliure d'évangé- iiaire, conservé à la Bibliothèque Nationa- le, on trouve réunies les deux scènes, con- formément au récit évangélique : dans une même salle, sous une première arcade, Jésus est interrogé par Anne, et sous une seconde

Pierre est en butte aux questions et aux sarcasmes de la servante.

A Strasbourg (^o-, ^yj le Reniement n'est pas représenté ; mais il semble pour- tant que nous soyons là, comme à Saint- Gilles, en présence d'Anne, encore bien que la couronne bizarre dont est coiffé le personnage puisse faire penser au roi de Judée. En effet, ce juge improvisé, assis, fait un geste d'indignation, tandis qu'un des deux mercenaires qui amènent Jésus, frappe violemment celui-ci du poing; on croit en- tendre l'exclamation de l'Évangile : « Est- ce ainsi que tu réponds au grand-prêtre ? »

Par contre, à Saint- Laurent de Nurem- berg, c'est devant Hérode que ces deux soldats, gantés de fer fy^. 6), poussent le Christ en le tenant sous les bras : le monar- que, couronné du diadème et portant le sceptre, s'étonne du silence de la Victime.

Une autre scène, qui se rattache étroite- ment à la précédente, celle du Christ moqué et bafoué par les valets d' Hérode ('), est peut-être plus rarement encore représentée. Faut-il la reconnaître dans cette grossière composition du tympan de Compostelle ('') Jésus, assis de profil comme dans la scène voisine (^), voit des personnages presque informes se traîner devant lui sur les genoux ? Mais vers la même époque, l'artiste de Bénévent martelait la même scène sur ses admirables vantaux, d'une façon aussi singulière que décorative : le Christ debout, couronné, dans un costume et une pose hiératiques, emplit le centre du panneau ; autour de lui, symétriquement disposés, quatre valets : deux lui donnent

1. Sur un panneau de l'autel de Pistoie, Hérode com- mande aux soldats de frapper Jésus, et préside aux mauvais traitements.

2. Porte « de las Platerias » (première moitié du XII'' siècle).

3. Celle du Couronnement d'épines.

96

3Rebue te rSit chrétien.

des soufflets, et les deux autres font le simulacre grotesque d'un geste d'adoration

(fis- (^2).

Ensuite, pendant plusieurs siècles, ce sujet paraît avoir complètement disparu du ré- pertoire des imagiers, et quand nous le retrouvons, aux voussures d'Abbeville et de Rue (') il a complètement changé de carac-

I. Ces deux monuments, voisins et presque contempo- rains, ont évidemment exercé l'un sur l'autre une grande influence au point de vue iconographique.

tère : l'artiste s'attarde à détailler, au détri- ment des figures essentielles, la cour du grand-prêtre (') ou la salle basse du palais d'Hérode {^), Jésus, debout, est frappé et insulté par les soldats qui l'entourent.

(A suivre.)

1. A Rue.

2. A Bayeux.

G. Sanoner.

Paris.

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vJcan Fouquet et la catfjcoralc De liantes.

I A revue illustrée Les Arts r donné dans son volume de 1905, la reproduc- tion d'une grande miniature de Jean Fouquet, extraite d'un manuscrit de la Bibliothèque nationale Les Antiquités de fosephe. Elle représente la construction du Tem- ple de Jérusalem, maïs, bien entendu, nous sommes dans une ville française du XV^ siècle, et le Temple est une église ogivale. Or, en exa- minant de près celle-ci, il m'a paru que le peintre avait simplement reproduit, non toutefois sans quelque liberté d'interprétation, la cathédrale Saint-Pierre de Nantes, très reconnaissable aune disposition particulière que j'ai cette seule fois rencontrée dans nos édifices médiévaux français. En efifet, comme Saint-Etienne de Bourges et la cathédrale de Cologne, Saint-Pierre de Nantes offre cinq portes à la façade occidentale. Seule- ment au lieu de se présenter de front comme à Bourges et à Cologne, celles des extrémités sont ici en retour.

Originaire de la vallée de la Loire et y habi- tant probablement, Fouquet a donc reproduit une grande église voisine qui était en construc- tion de son temps.

C'est le duc de Bretagne Jean V qui, à la ca- thédrale du XII<^ siècle, commença de substituer en 1434 le beau vaisseau actuel dont les propor- tions sont grandioses, mais le style est un peu sec et trop géométrique. La miniature indique une reprise manifeste caractérisée par la pierre neuve de l'étage supérieur en construction, tandis que la base est déjà noircie par le climat et les pluies bretonnes. Les travaux interrompus vers 1440, ont pu être repris vingt ou trente ans plus tard, sous Louis XI, et Fouquet aura dessiné sur le vif la cathédrale à l'état de chantier.

Des parties intéressantes du XII*" siècle exis- taient encore dans le Saint-Pierre du XVI*^, il y a une quarantaine d'années ; entre autres, la belle tour romane du transept emprisonnée d'une ma- nière pittoresque dans la haute croisée intérieure.

Tout cela a disparaître dans l'achèvement de la cathédrale exécuté par M. Louis Sauvageot, architecte des Monuments historiques. Je ne sais si on a touché aux tours qui se terminaient en moignons assez informes ; mais au-dessous, les cinq portails bien que ravagés par la Révolu- tion, sont d'une belle tenue monumentale et d'une grande richesse décorative.

Henri Chabeuf.

Ue Déblaiement Des sanctuaires De Saint=ffîenas en Ggypte.

E sanctuaire du thaumaturge égyptien saint Menas était enveloppé jusqu'à présent dans le plus profond mystère. On ignorait jusqu'à l'endroit du désert de Libye il fallait rechercher la ville qui l'avait possédé. Et cependant, d'après les chro- niqueurs coptes et arabes, cette ville était autre- fois au carrefour des routes de caravanes qui se rendaient d'Alexandrie vers la Cyrénaïqueet de l'Egypte centrale vers l'Afrique du Nord-Ouest. Son église de Saint-Menas, dit Sévère dans son histoire des patriarches d'Alexandrie, n'avait pas sa pareille pour la rareté de ses marbres et la richesse de sa décoration, La plupart de nos grands musées possèdent d'ailleurs des souvenirs de ce célèbre lieu de pèlerinage. Ce sont ces petites fioles ou eulogies de saint Menas, qui représentent souvent le saint d'après la statue de son tombeau, inspirée elle-même par un trait de sa légende. Elle le figurait en costume de soldat romain, en attitude d'orant et avec deux chameaux à ses pieds.

Le 7 juin 1905, une expédition scientifique, dirigée par MM. C. M. Kaufmann et C. E. Falls et subsidiée par la ville de Franckfort-sur-Mein et l'Empire allemand, a découvert la ville célèbre dans une contrée déserte et aride du Marouit, à un endroit nommé Karm Abu 'm, situé à mi- chemin entre Alexandrie et le Ouadi Natron et sur la route de Terrâneh à Barka.

598

ÎRcbuc lir rSrt cbrctien.

Lorsque les voyageurs entreprirent l'explo- ration des ruines, celles-ci formaient une masse informe de matériaux amoncelés d'environ une lieue de circuit.

Les déblaiements systématiques commen- cèrent en novembre 1905, plusieurs mois après que le champ des ruines eut été reconnu. M. l'abbé Kaufmann nous a donné récemment un compte rendu sommaire des travaux considé- rables qui ont été accomplis en l'espace d'un semestre {Die Ausgrabung der Mcnas-Heilig- tiimey m der Mareoiis'cuiiste. Le Caire, Bœhme et Anderer, Gr. in-8°, 107 pp. et 51 fig. dans le texte. Prix : 7 M. 50). Nous nous référons à cette publication pour donner un aperçu des principales découvertes, en attendant que leur auteur fasse paraître un ouvrage définitif, avec plans et études approfondies des ruines.

Les travaux ont commencé par l'abside d'une grande église que l'empereur Arcadius (395-408) fit construire, pour suppléer à l'insuffisance du sanctuaire primitif.

C'est une basilique à trois nefs, avec transept et tribunes. L'abside delà grande nef se greffe directement sur la croisée, qui était couverte d'une coupole ; elle servait à la sépulture et don- nait accès à des chambres funéraires. La cathedra avec les bancs des prêtres, l'autel et la schola cantor2im se trouvaient devant l'abside. L'église, richement décorée de marbres et de mosaïques, avait dans la nef méridionale trois entrées con- duisant à l'atrium situé au stid de l'édifice. Cette particularité,qui se retrouvait à l'église du Saint- Sépulcre à Jérusalem, s'explique par ce fait que le sanctuaire primitif est situé à l'ouest de la basilique d'Arcadius : son abside principale vient s'engager dans la nef de celle-ci.

La basilique de Saint-Menas, de moindres proportions que celle dont nous venons de par- ler, avait trois nefs et trois absides orientées; elle possédait aussi une abside ou grande niche vers le milieu des murs Nord et Sud des basses nefs. On y trouve des traces de la restauration exécutée après que le monument eut été dépouillé, au profit d'Alexandrie, de ses marbres précieux (S49).

Le sanctuaire de Saint-Menas est en rapport avec un système de corridors, de chambres sou-

terraines et de galeries catacombales dont le centre était le tombeau du saint. Des grafiti ne permettent pas de douter de ce fait. La chambre sépulcrale du saint était, paraît-il, ouverte par- dessus et visible de l'intérieur de la basilique.

Près de celle-ci se trouvait un baptistère à deux étages, dont le déblaiement n'est pas achevé et qui présentait sur les huit côtés de son pourtour quatre entrées et quatre niches. MM. Kaufmann et Falls ont retrouvé aussi deux cimetières S7ib dio, situés aux extrémités de la ville, à une demi-heure de distance l'un de l'autre. Le premier possédait un baptistère et une basilique cimetériale, avec abside englobée dans le pourtour oblong de la construction et avec protliesis et diakonikon ; le second avait également sa basilique.

Les citernes pour la conservation des eaux, un ensemble de constructions qui semblent avoir été le xenodoclihun, puis des maisons particulières mériteraient d'être mieux reconnus (i).

Des fours de potiers ne sont pas la partie la moins intéressante de la découverte : ils sont en rapport avec le sanctuaire, puisqu'on y fabriquait, outre des amphores et des lampes, les petites cruches et les fioles de saint Menas. M. Kaufmann a rencontré de ces dernières quatre-vingt et un

I. Notre figure, dessinée d'après une reproduction phototypique de dimensions réduites, représente une fiole d'un type qui se retrouve au Louvre et au British Muséum.

Nous lisons sur la reproduction pliototypique l'inscription rétro- grade suivante ;

•î- TOI" zMIOr MllNA EVOAOUA hri'lur

Les autres exemplaires du type portent en exergue une inscription, également rétrograde, qu'on croit devoir lire: El'OAOl'I.V

Aabome.

Voir Doni F. Cabrol, Dictionnaire d'archéologie chrétienne, au mot Ampoule (t. I, col. 1724) et E. Michon, La collection d'am- foules à Eulogies au Musée du Louvre dans Mélanges d'archéologie et d'histoire, t. XU, supplément, 1892. p. 191.

£@élange0.

399

types différents. Les pèlerins s'en servaient sans doute pour rapporter chez eux de l'eau miracu- leuse. En effet un graffito tracé par un pèlerin smyrnîote dit : « Prends l'eau sainte de Menas et la douleur fuira ! » Une fiole très intéressante a été étudiée par Mgr Wilpert. (/?<7wwr/;^ quartal- schrift, 1906, t. XX, pp. 86 et suiv ). Sur l'avers elle représente saint Menas, mais sur l'envers, on voit une femme, nue jusqu'à la ceinture et en- tourée de quatre animaux : deux taureaux, un ours et une lionne. C'est sainte Thècle exposée aux bêtes.

Un amateur du Caire, étranger sans doute à toute notion d'iconographie chrétienne, avait donné du sujet, dans le Bulletin de l'Institut égyptien, une interprétation absurde.

Il faut espérer que les fouilles, conduites avec

ardeur et si riches en résultats pour le passé de

l'Egypte chrétienne, pourront être menées à

bonne fin.

R. Maere.

ffi. Gtiennc ftiorticr.

ÉCOLE Saint-Luc de Gand, qui a formé toute une pléiade d'artistes chré- tiens, n'en compte pas de plus distin- gué que M. Mortier, actuellement ar- chitecte provincial de la Flandre orientale. Sa maîtrise et son talent exquis se sont affirmés dans la restauration de divers monuments reli- gieux, surtout de la cathédrale de Gand, et plus particulièrement dans la restauration du superbe pignon de la maison des Bateliers, qu'il a exé- cutée avec le concours de M. A. Van Houck, et qui a été pour lui un triomphe. Il s'est distingué non moins brillamment dans l'édification de l'Hôtel des Postes de Gand, dont il est l'un des deux architectes.

La personnalité de M. Mortier est entourée de sympathie et d'estime ; son caractère d'homme et de chrétien est à la hauteur de son habileté d'artiste. Aussi ses nombreux amis ont-ils pro- fité de sa récente nomination de chevalier de l'ordre de Léopold, pour lui exprimer leur

attachement. Ils lui ont offert un objet d'art, qui est un pur chef d'œuvre d'art chrétien : c'est une statuette de S. Etienne taillée dans l'ivoire par Maître Rémi Rooms, et montée sur un pied d'or- fèvrerie dû à M. Geeraert. Des centaines de sous- cripteurs ont apposé leur signature sur un album commémoratif, qui s'ouvre par une superbe page enluminée par la main du miniaturiste gantois bien connu, Henri de Tracy. Cette miniature

Portrait de M. Mortier, d'aprùs de Beule.

encadre une poésie de grand souffle, composée pour la circonstance par le célèbre poète flamand le Rév. Chan. Claeys.

Dans la séance intime ces souvenirs ont été présentés au sympathique M. Mortier, le secré- taire de la Revue de l'Art chrétien a retracé brièvement la laborieuse carrière de notre ami, depuis sa sortie de l'école Saint-Luc, qui reconnaît en lui un fleuron de sa belle couronne. Il a rappelé les belles années juvéniles de M. Mortier consacrées à la direction des travaux graphiques de l'école des Mines de Louvain et à des travaux

400

38it\}xit ïie rart chrétien.

Saint Etienne.

d'architecture exécutés sous la direction d'un

maître éminent, M. le prof. Helleputte. Devenu architecte provincial à Gand, sa sagacité, son tempérament, son aménité lui ont valu une haute autorité et d'universelles sj'mpathies. En même temps, il rendait à l'école du Génie civil de Gand les mêmes services qu'autrefois à l'Université de Louvain, en introduisant dans l'enseignement de l'architecture les principes rationnels qui le distinguent dans la pratique.

M. Mortier est ainsi parvenu à une phase bril- lante de sa vaillante carrière. Il garde les éner- gies et les enthousiasmes de sa nature forte et de son cœur d'artiste. L'avenir lui réserve de nou- veaux succès et, qui mieux est, de nouvelles occasions de servir son pays et l'Église.

Notre Revue, dont il est le correspondant oc- casionnel, lui présente ses félicitations cordiales.

Nos lecteurs liront avec intérêt, ci-après, les beaux vers de M. Claeys, et admireront l'œuvre de M. Rooms. Ils apprécieront également le por- trait de M. Mortier, modelé par M. A. de Beule et coulé en bronze, que lui ont oflTert ses anciens élèves. Ils jugeront peutêtie, par cet exemple, que les œuvres de nos artistes chrétiens sont particulièrement propres à rehausser les fêtes de l'espèce ; et que l'on pourrait plus souvent faire appel à leur talent dans semblable circonstance.

A/a 's konings hulde en eer den ambtnaar hoog, bewezen, ( Maar hooger dan om rang, om kunde en kunst geprezen,) Wordt met mv vriendensc/taur U lof en dank gewijd Door ma Sinf Lucasschool 7oier roemrijk zoon gij zijt, Wier jeiigd gij voorgingt sinds naar Chriîtene idealen, Wen çtj den glans der School deedt over Belgic stralen <fl| En, droegl in uiven geest het machfige gehou'v, a Dat op uw wenk in steen volschapeti rijzen sou ! H U, edle Kunsietmar van Vlaamschen, Christnen slempel, fi Die uwe li/orie hoinct in stadsjtiiveel en tetnpel !... <y Beïvare God nog lang wm kracht va7i geest en hand ^ Tôt meerdre eere van Zijn Kerk en '/ Vaderland.

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"West^FlanDrc.

ES travaux de restauration de la faça- de de l'église de Notre-Dame à Bruges ont commencé. Il y a chez les archéolo- gues unanime étonnement au sujet de la décision prise par la Commission royale des monuments à l'égard des tourelles cantonnant la façade principale. Ainsi que nous l'avons dit ré- cemment (Revue de l'Art chrétien, 1905, p. 339),

ces tourelles étaient construites en tuf d' Alsace : on en avait mis à découvert les bases, et chacun avait pu se rendre compte de la tiatîire des matériaux, Or, la Commission a ordonné la re- construction des tourelles en veldsteen (matériaux de la grosse maçonnerie de la façade).

Puisque nous ne pouvons plus nous fier aux monuments restaurés, il convient de photo- graphier autant que possible les monuments à restaurer et d'en faire des relevés, qui seront plus tard des témoins. Pour notre part nous

Fig:. I. Arcatures à l'église de Notre-Dame de Bruges.

offrons aux lecteurs une photographie des arca- tures ornant la base intérieure du mur de façade de Notre-Dame, telles qu'elles se sont présentées après l'enlèvement du banc des maîtres des pauvres. On voudra remarquer les deux pre- mières arcatures à droite, se trouvent deux petites compositions peintes, dont l'une repré- sente le Christ et la Samaritaine ; au fond, dans le paysage, se voit la tour de Notre-Dame La conservation de ces peintures s'impose au double point de vue artistique et archéologique.

Le Bulletin des métiers d'art (août-septembre) que nous recevons à l'instant, contient un très intéressant article posthume de M. Ch. De VVulf au sujet de la restauration du triforium de l'église de Notre-Dame qu'il dirigea avec tant de com- pétence.Cet article, illustré de 25 dessins et pho- tographies, sera lu avec grand intérêt par tous ceux qui s'intéressent à une restauration aussi importante, faite d'après des documents mis au jour et utilisés par le regretté architecte avec la science que l'on sait.

402

Bel)ue De T^rt c|)rctien.

Les archéologues seront unanimes à remercier M"'« De Wulf qui, en permettant l'édition de ces documents, a rendu un service signalé à l'archéo- logie.

La Revue de l'Art c/m'/ien, 1906, contient aux pages 285 286 quelques lignes au sujet de l'église de Wenduyne. Les travaux ont commencé et plu- sieurs découvertes intéressantes ont déjà été faites.

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Fig. 2. Tabernacle à l'église de Wenduyne.

Notons d'abord que l'église actuelle se compo- se de trois nefs à chevet plat précédées d'une tour qui autrefois se trouvait au centre de l'édifice: en effet, les fondations des murs et des colonnes des basses nefs existaient.et c'est d'après cela que l'architecte a fait ses plans d'agrandissement.

Or, en dérochant les murs goutterots de la nef centrale, on a trouvé de chaque côté les tra- ces de cinq fenêtres dont la partie supérieure dépasse la base de la voûte des nefs latérales. Il est donc de toute évidence que primitivement ces nefs latérales étaient plus basses qu'elles ne le sont maintenant (le pavement de l'église a du reste été surélevé); la maçonnerie du mur Est montre aussi qu'elles n'avaient point la largeur actuelle ; elles étaient probablement couvertes par un toit en appentis.

La flèche de la tour était regardée par beau- coup d'archéologues comme le type des flèches des églises côtières ; ils se basaient sur le judi- cieux raisonnement que voici : cette flèche, couronnement nécessaire de la tour, a été réduite

au plus strict minimum de hauteur, afin de donner le moins de prise possible aux forts vents de mer. Il se fait que ce raisonnement est contre- dit par un document graphique : la carte du Franc de Bruges peinte en 1566 par Fourbus (') montre la tour de Wenduyne couronnée d'une flèche aiguë couverte d'ardoises. C'est dans ce sens probablement que l'architecte aura rema- nié son projet.

On a trouvé dans le mur du chœur un ancien sacramenthmis ou tabernacle en pierre de Baele- ghem (fig. 2) qui était caché par des stalles sans valeur artistique. La restauration en sera aisée.

Enfin on a mis à nu les restes de deux pave- ments superposés : le premier du XIV« siècle à une vingtaine de centimètres sous le niveau actuel, le second du XIII'= siècle à une trentaine de centimètres plus bas.

Notrey?f«;-t'j montre la sacristie de Wenduy- ne, qui est une des plus anciennes de la Flandre. A ce titre il nous semble précieux de conserver une photographie de l'état actuel. Les moulures de la fenêtre sont amorties par de jolis socles que notre photographie laisse entrevoir.

L'église de Notre-Dame à Poperinghe, après s'être vu restituer sa belle flèche par les soins de M. l'architecte Coomaii, se voit enfin débarrasser peu à peu du malencontreux plâtras qui avait couvert tous ses membres architecturaux pour en faire une église à corniches fortement saillantes, à chapiteaux quasi doriques, etc. On a commencé par refaire les lambris des voûtes ; quelques cha- piteaux et bases déjà ont repris leur ancien aspect ; les piliers montrent de nouveau leur bel appareil. Une des parties les plus intéressantes du travail consiste dans le rétablissement de six arcs de contreventement qui avaient été démolis. On pourra juger de l'importance du travail par Va figure ^ qui laisse voir deux des nouveaux arcs à côté d'un modèle ancien.

Semblables arcs se rencontrent dans beaucoup d'églises à superstructure en bois, notamment à Saint-Jacques de Tournai, à l'église de y\arden-

I. Cette carte ne mesure pas moins de 3. 72x6. 34. Est-elle exacte

dans tous ses détails ?

Correspondance.

403

burg, de Dixmude, à Saint-Nicolas de Furnes.etc. Les travaux continuent.

PliQt. HOSTE, 31-8-06.

Fig. 3. Wenduyne. -— Sacristie de l'église.

Jusqu'au milieu du siècle passé, l'église de Warneton se composait de deux nefs couvertes en bardeaux et séparées par des arcades posant sur des colonnes en grès à chapiteaux dépourvus de décor feuillage. A la Renaissance le chœur de la nef gauche avait été adapté aux goûts de l'époque et garni entre autres de stalles lu- xueusement faites et bien connues des archéolo- gues. Vers 1850, une nef latérale fut ajoutée à l'église du côté Sud en style pseudo-gothique. Il y a une dizaine d'années, le chœur de cette nef fut rebâti en style de la Renaissance et muni d'un autel d'un goût douteux.

Vers 1900 on entama la restauration de la partie gothique de l'édifice. La plupart des murs furent dérochés et les joints accusés au moyen de couleur rouge. Existe-t-il d'anciens modèles de ce genre de travail ? Laissons trancher cette question par de plus autorisés que nous. La restauration de la nef Nord n'est pas à l'abri de critiques. Ainsi l'on se demande pourquoi on n'a pas rendu à certaines fenêtres qui avaient été réduites, leurs dimensions primitives qui se voient parfaitement dans le parement extérieur du mur;

pourquoi, par besoin de symétrie, l'architecte a fait percer une troisième fenêtre dans le pan Sud de l'abside de cette nef: cette fenêtre donnant directement sur le mur du chœur procure peu de lumière : le vitrage qui la garnit est rendu mat par le manque de rayonnement de lumière. Lors d'une visite que nous fîmes aux travaux en 1901 nous avons vu comment les ouvriers s'y pre- naient pour « rafraîchir un peu » l'aspect de la moulure d'encadrement en pierre de taille des fenêtres de cette abside : ils frottaient avec des brosses en fer, et avec un zèle tel qu'à certains endroits un biseau était réduit de 3 centimètres à I y^ centimètre au profit de la gorge voisine.... Les travaux interrompus pendant quelques années viennent d'être repris. On a notamment abaissé le pavement de l'église d'une trentaine de centimètres. Le niveau primitif se trouve encore à o"i,5o plus bas.

* * *

La vallée de la Lys est parsemée d'églises de village des plus intéressantes. Il est question d'a- grandir et de restaurer l'une d'elles, notamment l'église romane de Vive-Saint-Bavon. Comme

Fig. 4.

Phot. HoSTE.

Poperinghe. Église de Notre-Dame.

plusieurs de ses voisines, elle est de style tournai- sien et construite en éclats de pierre de Tournai.

404

Bcbuc t)c l'Svt cbrcticn.

Malgré les nombreux changements qu'elle eut à subir dans le cours des temps, on peut par- faitement se rendre compte des dispositions qu'elle présentait à l'origine. Cette église se composait du chœur ('), d'un transept saillant et de trois nefs ; la nef principale était éclairée direc-

Francc.

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Fig. 5. Fenêtre abat-sons à l'église de Vive-Saint-Bavon.

tement par une rangée de fenêtres, tandis que maintenant un seul toit couvre les trois nefs qui reçoivent la lumière des fenêtres des bas-côtés. Le carré du transept est surmonté d'une tour qui est la partie la mieux conservée de l'édifice : au sortir des toitures, elle passe d'une manière

Fig. 6. Décor de pignon. Eglise de Vive-Saint-Bavon.

très simple du carré à l'octogone, à l'étage des cloches elle est garnie de fenêtres romanes (-) (figure s) ; une flèche élancée couverte d'ar- doises la termine. Dans le pignon de la nef centrale se voit un curieux décor triangulaire roman (figure 6). Le mur du transept Sud con- serve les traces d'une porte romane.

L'intérieur est complètement modernisé.

1/ octobre 1906.

H. HOSTE.

1, Le chœur actuel est moderne.

2. Nous apprenons que les premières recherches ont laissé voir au milieu du seuil fie ces fiMiêtres l'amorce d'une base. Ces baies auraient donc primitivement (îté divisées en deu.\ par une colonnette.

Sur certains oculus des églises d'A ngleterre. Récemment, M. Fernand Donnât a publié l'ana- lyse d'un curieux article qui a paru dans un périodique anglais peu répandu en France et en Belgique. Il me paraît utile de reproduire cette intéressante analyse, afin de poser sous les yeux de tous nos confrères la question qu'elle soulève. Voici ce qu'a écrit M. Donnet :

« Beaucoup d'anciennes églises d'Angleterre présentent une curieuse particularité de construc- tion, dont l'emploi n'a pas encore été expliqué jusqu'ici. Dans un des murs du chœur, du tran- sept ou même des nefs, est souvent ménagée une petite ouverture, disposée en dessous des grandes fenêtres. M. Bedfort Pim a recueilli et classé de nombreux exemples de cette disposition, et les a décrits, au point de vue architectonique, dans un travail qui a été récemment publié dans tlie Ar- clLiieological Journal (vol. LXII, n. 245) et qui porte pour titre : Some notes on the origiii and uses of loiv side zvindows in ancient c/mrches. Cette communication a suscité une discussion qui n'a toutefois pas amené de solution définitive. Dans ces mystérieuses ouvertures, les uns voient un appareil ménagé afin de pouvoir distribuer la sainte Communion aux lépreux, d'autres croient qu'elles servaient à entendre les confessions, on bien encore à sonner une cloche sans devoir pé- nétrer dans l'église, etc. Pourquoi ces petites fe- nêtres ne pouvaient elles pas servir aux pieux fidèles quand l'église était fermée,soit pour adorer le Saint Sacrement, soit pour vénérer les reliques des saints, ou pouvoir apercevoir quelque statue vénérée ? Les anciennes cryptes avaient des ou- veitures de ce genre, par lesquelles les fidèles, sans y pénétrer,pouvaient découvrir les tombeaux ou les châsses qui renfermaient les reliques saintes. Dans nos chapelles rurales neremarque- t-on pas dans les portes, ou même dans les murs, des ouvertures grillées, à travers lesquelles les passants pouvaient apercevoir l'autel et même en certains cas, placer à l'intérieur une chandelle allumée (") ? »

I. Bulletin de l Académie royale d'archéologie, Anvers.igoe, pp. i6- 17: Kernand DoNNET, Complc-renâu analytique des principales publications parvenues A la bibliothcqne depuis le mois d'août rqoj.

Corre0ponDance,

405

Je crois que M. Donnet a parfaitement raison de rejeter les trois premières hypotlièses : elles me paraissent tout à fait inadmissibles. Pour élu- cider le problème, il importerait de savoir quelle est la période de temps pendant laquelle ces oculus ont été en usage ; datent-ils toujours de la même époque que les grandes fenêtres, ou n'ont- ils pas souvent été percés ultérieurement ? De plus, ne s'ouvraient-ils pas ordinairement sur un cimetière environnant l'église, et n'est-ce pas pour mieux projeter, sur la plus grande partie du cimetière, la lumière d'une lampe placée dans l'église, qu'ils ont été ménagés tantôt dans le chœur.tantôt dans le transept et tantôt dans la nef de l'édifice? L'idée que j'émets prendrait beau- coup de consistance, si ces oculus appartenaient au XV'^ siècle et à la première partie du XV!"^. C'est alors que, au moins dans plusieurs régions de la Gaule et de la Germanie, on renonça aux «; lanternes des morts > en forme de tours qui

existaient dans les cimetières, et que, pour les remplacer, on pratiqua, dans les murs des églises, des oculus qui permettaient, à la lumière de la lampe eucharistique, un rayonnement extérieur.

En outre, à cette époque, surtout en Lotha- ringie, on creusa les tabernacles eucharistiques dans les murs du chœur ou du transept, lorsque le cimetière y était adjacent, et on ouvrit au fond l'oculus. Il y aurait à examiner s'il n'a pas existé de ces tabernacles en Angleterre et si les oculus qui subsistent n'ont pas été quelquefois percés dans la paroi postérieure d'une armoire du genre indiqué. Enfin, ne comportent-ils jamais certains ornements qui aideraient à déterminer quel était leur usage .'

Chacun comprendra que je ne puisse, en l'état des choses, que solliciter un complément de ren- seignements.

L. Germain de Maidy.

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Société Nationale des Antiquaires de France. Scaitce du 7 novembre iço6. M. Roman communique le sceau du prieuré de Triardel (Cslvados), qui représente S. Cyr et Ste Juliette dans une chaudière ; c'est une œuvre du XVe siècle.

M. Monceau communique deux plombs trou- vés àCarthage par le R. P. JJelattre; le premier représente un personnage entouré d'inscriptions on lit le mot SATVRNVS, l'autre est une amulette déjà connue sous le type de sceau de Salomon.

M. Prou communique une note du prof, de Stuckelberger sur les fragments de stuc trouvés dans les fouilles de Disentis (Grisons) : ce sont des ornements en hachures de l'époque carolin- gienne.

M. Héron de Villefosse lit une note rectifiant l'inscription gravée sur un poids romain à godet découvert à Saveux (Haute-Saône).

Séance du 14. novembre. M. Ruelle commu- nique un manuscrit grec qui contient une inscrip- tion latine figure le nom d'un soldat qualifié Secutor.

M. Espérandieu signale une .stèle du musée de Nice dont l'inscription grecque est très inté- ressante.

M. Blanchet lit un rapport sur les fouilles de M. Chanel à Peyréeu (Ain), qui ont fait découvrir un four à potier, un vase à médaillon orné d'une tête de Mercure et beaucoup d'autres poteries.

M. Fage produit un document daté de 1622, donnant le sens du mot coupe, qui désigne un genre de serrure et explique d'autres termes techniques de serrurerie.

M. Enlart fait connaître de la part de M. Roger une inscription datée de 1 156, qui relate la con- sécration de l'église de Daumazan (Ariège) et la prise de Jérusalem.

M. Vitry discute l'identité du gisant cadavé- rique conservé dans l'église d'Amboise, qui pro- vient de la chapelle de Bon- Désir. Il est d avis que cette statue représente Marie Gaudin, femme de Philibert Babou, morte eu 1571, suivant l'opinion d'un voyageur du XVHI'' siècle.

M. de Villefosse signale les fragments d'ins- criptions sur poteries découverts à la gare de Sainte-Colombe (Isère), ces vases à grafites étaient ornés de la figure du dieu au marteau.

Académie des Inscriptions et Belles-Let- tres. — Séance du 7 août iço6. M. Collignon communique un rapport d'ensemble de M. Gaudin sur les fouilles poursuivies, à Aphrodisias, pen- dant la campagne d'été de 1905.

M. Léon Dorez fait une communication sur la collection de manuscrits de lord Leicester à Holkham Hall (Norfolk, Angleterre). Cette col- lection comprend un petit livre d'Heures exquis, aux armes de Pierre de Médicis et d'Alfonsina Orsini, et un Evangéliaire exécuté pour le roi de Hongrie Matthias Corvin, provenant de Flo- rence ; l'Allemagne est représentée par quatre magnifiques livres liturgiques, ornés de peintures, reliés en argent doré et qui faisaient autrefois l'orgueil de l'abbaye guelfe de VVeingarten. Six grands volumes, formés d'admirables miniatures, viennent de la bibliothèque des ducs de Bour- gogne.

L'Angleterre a fourni aussi à cette collection d'intéressants manuscrits; mais presque tous les plus beaux sont sortis, vers le commencement du XVIII'^ siècle, du couvent des Augustins dé- chaussés de Lyon. M. Dorez signale en termi- nant une merveilleuse Bible à peintures du XI V^ siècle, probablement exécutée à Avignon, qui était encore à Rouen en 1788.

Séance du 10 août. M. Merlin, directeur des Antiquités de la Tunisie, annonce que le capi- taine Brinet vient de découvrir à Bulla-Regia des inscriptions relatives à des proconsuls d'Afrique et plusieurs statues bien conservées.

Séance du 2/{. août. La Société s'occupe des fouilles faites à Délos, à Alésia et à Puy-de- Dôme.

Séance du ji août. Les découvertes faites aux fouilles d'Alésia, d'Alabanda et de Carthage font les frais de la séance.

M. Héron de Villefosse communique un mé- moire du P. Delattre sur la découverte d'un cimetière chrétien au point nommé Maidfa, à Carthage.

Séance du 7 septembre. Lecture est donnée de deux lettres adressées par M. Holleaux, à M. le duc de Loubat, pour le tenir au courant des fouilles de Délos.

Séance du // septembre. L'Académie fixe au 16 novembre la date de la séance publique annuelle.

Cratjaujc Des Sociétés savantes.

407

Séance du 21 septembre. A l'aide d'une sub- vention de l'Académie, l'abbé Breuil a étudié six cavernes ornées de peintures et de gravures de la province de Santander (Espagne), sous la conduite de M. del Rio et du R. P. Sierra, qui les ont découvertes. Cette étude complète heureu- sement ce que, grâce aux travaux de MM. Ri- vière, Cartailhac, Capitan, Duleau et de l'abbé Breuil, ou savait sur cet art remarquable des tribus de la fin de l'âge de la pierre taillée. Les dessins et pastels relevés par l'abbé Breuil sont destinés à faire partie de la publication d'en- semble entreprise par le prince Albert de Mo- naco.

Séance du 28 septembre. La Société s'occupe des fouilles d'Alise et des fouilles de Sousse.

Séance du 5 octobre. M. M. Holleaux, direc- teur de l'École française d'Athènes, écrit que M. Wilh. Vollgraff, d'Utrecht, a continué cet été, à Argos, les fouilles qu'il y avait précédemment entreprises (•). Les résultats de cette nouvelle exploration ont été particulièrement fructueux en documents de tous genres : stèles à inscrip- tions,fragments architectoniques provenant d'une ou de plusieurs églises byzantines, statues, etc.

M. Maspero fait l'exposé des derniers travaux du service des antiquités d'Egypte : fouilles et surtout travaux de déblaiement et de consolida- tion des grandes ruines. M. Legrain, son habile et infatigable collaborateur, a mis au jour à Karnak une poterne avec une rangée de cynocé- phales, dont la présence en cet endroit s'explique, si l'on se rappelle que les Égyptiens se repré- sentaient le singe comme un adorateur passionné du soleil levant.

M. Barsanti se propose de consolider le temple de Gournah, à Thèbes, dès qu'il aura fini son œuvre de réfection à Edfon.

Des fouilles ont été entreprises à Sakkarah, M. Quibell a mis à jour des stèles, et à Tukh et Germons, M. Edgar a recueilli le complément du trésor d'orfèvrerie découvert l'an passé.

Enfin, découverte précieuse et du plus haut intérêt : à Kom Schgaon, on a découvert une cinquantaine de rouleaux de beaux manuscrits.M. Lefebvre a pu indentifier parmi ces documents environ 1.200 vers inédits d'une comédie de Ménandre.

M. E. Rivière présente à l'Académie une série de reproductions des principales gravures pré- historiques si curieuses qu'il a découvertes sur les parois de la grotte de le Mouthe (Dordogne).

I. V. Chronique des Arts du 8 septembre, p. 246.

Séance du 12 octobre. M. L. Dorez présente à l'Académie, en les commentant brièvement, les photographies de reliures et de miniatures qu'il a rapportées de son récent séjour dans la bibliothèque de lord Leicester, à Holkham (Norfolk).

Ces 120 reliures et peintures, empruntées à de très beaux manuscrits datant du onzième à la fin du quinzième siècle, constituent de précieux documents pour l'histoire de l'art du moyen âge en Allemagne, en Angleterre, en France, en Italie et dans les Flandres.

Séance du octobre. M. Homolle commu- nique une lettre de M. Replat, annonçant l'achè- vement des travaux du Trésor d'Athènes, à Delphes, reconstitué avec les matériaux antiques de cet édifice.

Dessins préhistoriqttes. M. S. Reinach donne lecture d'une note dans laquelle M. Cartailhac signale une nouvelle caverne ornée de figures, dans les Pyrénées ariégeoises.

M. Léon Dorez poursuit sa communication sur les manuscrits de la bibliothèque de lord Lei- cester à Holkham (Norfolk). Il avait présenté, dans une précédente séance, des peintures du début du XI'' siècle au XI1I*=; il montre, cette fois, des peintures qui s'échelonnent du XI V'' au XVI'= siècle, empruntées à des manuscrits pro- venant de divers couvents italiens, d'Alberto d'Esté, du roi de Hongrie Mathias Corvin, de Laurent de Médicis, de Charles le Téméraire, de Raphaël de Marcatel, abbé de Saint-Bavon de Gand, etc.

Séance du 36 octobre. M. Heuzey étudie les origines chaldeennes du monstre à tête de ser- pent, dont une mission allemande a retrouvé les grandes figures modelées en couleur sur les bri- ques émaillées des murs de Babylone.

Cet animal, vraiment apocalyptique, est beau- coup plus ancien que les murailles de Nabucho- donosor. M. Heuzey en avait déjà signalé le prototype, figuré plus de vingt siècles aupara- vant sur un vase en pierre et un cachet rapportés par M. de Sarzec et portant le nom de Goudéa.

Sur ces monuments, le dragon chaldéen est consacré au dieu Nin-ghis-Zida, qui était le patron de Goudéa. Le cachet, en particulier, re- présente ce dieu avec deux serpents qui lui sortent des épaules.

M. Heuzey suit les transformations du même type à travers l'école babylonienne, surtout sur la belle et instructive série des galets de bornage découverts par M. de Morgan.

A Babylone, les dragons sacrés formaient une paire d'animaux fantastiques consacrés aux deux grands dieux de la cité : Mardouk et Nébo.

4o8

3Rebue De T^rt cbrctiea.

Le commandant Cros a trouvé aussi, dans sa mission en Chaldée, un cachet babylonien l'on voit un seul dragon adoré sur un autel et portant à la fois les symboles réunis des deux divinités.

Sc\i>u-e du 2 novembre. M. Gagnât, prési- dent, lit une note de M. Merlin, qui annonce la fin des fouilles poursuivies par AI. le capitaine Benêt à Bulla-Regia en Tunisie.

M. Holleaux présente un résumé des décou- vertes faites à Délos, grâce à la subvention ma- gnifique du duc de Loubat.

Académie royale d'archéologie de Bel- gique. — Le 7 octobre dernier s'est tenue à Anvers, la séance annuelle et publique de l'Aca- démie d'archéologie.

Après le discours de bienvenue, le R. P. Van den Gheyn, président, inaugure la série des com- munications par une fort intéressante étude sur Le mobilier de l'hôtel de Nassau, à Bruxelles, eii 1618.

Il a découvert à la Bibliothèque royale un manuscrit de l'inventaire de l'hôtel de Nassau, habité par Philippe Guillaume de Nassau, prince d'Orange, et Eléonore de Bourbon, sa femme, qui jette un jour original sur les mœurs de l'époque.

Il comprend toute une série de meubles, de pièces d'orfèvrerie, de chevaux, des coupes ori- ginales en forme de grappes de raisins, des verres portant le portrait des douze apôtres, des bijoux dont certain est orné de 235 diamants, et toute une garde-robe.

L'hôtel de Nassau était le plus considérable de ce quartier incomparable oia s'aggloméraient les hôtels luxueux des Granvelle, des d'Egmont, des Rubempré, des de Culembourg, des de Jauche, des de Bournonville, etc.

Rien n'était plus magnifique que ce palais quasi-royal le célèbre Taciturne déploya son faste et sa magnificence. Les plans de la ville gravés sous Philippe 1 1 nous montrent l'ensemble de cet édifice, formant un carré long, décoré avec splendeur dans le style gothique tertiaire et sur- monté de six tourelles élégantes.

L'étendue de cette résidence princière s'ex- plique, si l'on considère que le prince d'Orange devait y loger une suite de vingt-quatre seigneurs et dix-huit pages, également de bonne maison, sans compter une nombreuse domesticité ; qu'il tenait table ouverte jour et nuit les seigneurs et même les petits bourgeois de ses amis étaient les bien venus ; qu'il se décida un jour, pour raisons d'économie, à réduire de vingt-quatre le nombre de ses maîtres cuisiniers, chiffre qui paraîtra certes extravagant même à nos crésus modernes !

Avec l'arrivée du duc d'Albe à Bruxelles l'ani- mation disparut de l'hôtel de Nassau, et après la rupture définitive entre les provinces du Nord et celles du Sud et l'assassinat du Taciturne à Delft (1584), la demeure seigneuriale resta définitivement fermée.

En 161 1, les biens immenses du Taciturne, échurent à son fils aîné, Philippe d'Orange, qui venait de passer plus de quarante années à la cour d'Espagne. Celui-ci mourut en 161S, et c'est alors que fut dressé l'inventaire, conservé aux archives nationales, dont l'érudit Père Van den Gheyn nous fit connaître une foule de particu- larités du plus haut intérêt.

M. Edm. Geudens, archiviste des hospices civils, a parlé ensuite de l'ancien béguinage d'Anvers, lequel, avant d'être transféré à l'enclos de la rue Rouge, s'étendait, jusqu'en 1542, hors les murs de la ville, au bout de la rue des Béguines actuelle.

M. H. Hymans a entretenu son auditoire ^'Un point d'histoire assez peu connu, le décret de Charles de Lorraine, qui, en 1773, libéra véritablement l'art dans nos contrées en exoné- rant les artistes de l'obligation ils se trou- vaient jusqu'alors de faire partie des corps de métiers. On voyait alors des peintres faire partie de la corporation des badigeonneurs, et les sculp- teurs, ravalés aux rangs des tailleurs de pierre et des maçons !

Charles de Lorraine osa le premier ranger la peinture, la sculpture, la gravure et l'architecture parmi les arts libéraux et permit aux artistes d'exercer librement leur métier.

M. Joseph Casier a parlé enfin de \' Art flamand à la cour de Philippe le Hardi. Il a rap- pelé de façon excellente cette floraison de l'art bourguignon franco-flamand, si original et si curieux qui illustra Dijon dans la deuxième moitié du XI V"; siècle, à la suite du mariage de Philippe-le-llardi, avec Marguerite, fille de Louis de Maele, qui réunit sous un seul sceptre le duché de Bourgogne et la Flandre. Philippe le Hardi rêva de faire de Dijon, il fit construire la célèbre abbaye de Champinol, élevée « à la gloire de la benoîte Trinité, de la Sainte Vierge Marie et de tous les saints, » le tombeau des grands- ducs d'Occident comme Saint- Denis était le cimetière des Rois de l'"rance, et il attira à sa cour ces merveilleux artistes flamands dont le contact avec l'art français produisit les chefs-d'œuvre de la période bourguignonne.

Le dinandier Collai d de Dinant, le peintre Broederlam, les sculpteurs Nicolas Sleuter, et son neveu de Werve, sont les artisans de ce monu- ment d'art. Leur œuvre sont l'abbaye de Dijon, son portail, avec les statues de Marguerite de

%xà\)â\xx tjes Sociétés satiantes*

409

Maie et du duc de Bourgogne, et surtout son calvaire, veuf de sa croix d'aujourd'hui, mais où, dans la maison de Dieu descendue au rang d'asile d'aliénés, on admire toujours le célèbre Moïse de Nicolas Sleuter, qui s'apparie celui de Michel Ange, avec moins de grandeur, mais plus d'inspiration, et les volets de Broederlam.

Récemment, le Gouvernement a envoyé à l'é- tranger plusieurs savants chargés de missions scientifiques. L'.Vcadémie a eu la bonne fortune de pouvoir entendre, dans une séance ultérieure, le rapport de deux de ceux-ci. C'était une réelle primeur.

Le R. H. Van den Gheyn avait été chargé d'étudier en Espagne les manuscrits anciens, œuvres d'artistes flamands. L'université de Val- ladolid possède les commentaires de Beatus sur l'Apocalypse, œuvre datant de l'année 970, dont les peintures dénotent l'origine anglo-saxonne.

Dans la bibliothèque de l'Escurial, est conser- vé le missel d'Isabelle de Portugal, femme de Charles-Quint, revêtu d'une reliure du XV^^ siècle et dont l'illustration, nettement flamande, pour- rait être l'œuvre de Vreelant ou de son atelier. Puis, le bréviaire de Philippe II, émanant de l'école hispano- flamande ; les SalaMonis tria officia, qui furent offerts, à Gand, en 1520, à Charles-Ouint, par l'imprimeur Robert de Key- sere ; l'Apocalypse figuré, qui provient de la bibliothèque de Marguerite d'Autriche ; mais, surtout un triptyque sur parchemin, véritable chef-d'œuvre, dont il faut, sans doute, restituer la paternité à Gérard Horrebout.

Plus loin, se remarquent 215 volumes de chœurs, antiphonaires, graduels, que Philippe II avait commandés pour l'église de l'Escurial ; puis divers recueils, composés par Andréas de Leone, Julien de la Fuente et autres, dans lesquels l'in- fluence italienne est manifeste.

A la bibliothèque nationale de Madrid, se retrouvent divers manuscrits, parmi lesquels un livre d'heures, qui pourrait avoir été illustré par Simon Benning ; deux volumes, qui ont appar- tenu à Charles de Croy, etc. Le musée archéolo- gique de Madrid est propriétaire d'une miniature isolée, semblant reproduire le triomphe de l'Agneau, de Van Eyck, et la bibliothèque parti- culière du Roi, un admirable recueil, revêtu d'une reliure d'un prix inestimable et contenant des enluminures remarquables. A Tolède, à Séville, les œuvres des miniaturistes flamands sollicitent l'attention des chercheurs, comme à Grenade, l'histoire naturelle d'Albert le Grand, dont les figures pourraient avoir pour auteur un

artiste allemand ; ou à Valence, les recueils divers, dans lesquels se distinguent des origines françaises ou italiennes.

L'archiviste de l'archevêché, M. l'abbé Laenen, avait été chargé de visiter les archives impériales de Vienne. Ce dépôt, dont l'origine ne remonte qu'à l'année 1794, s'est considérablement accru depuis, et a nécessité l'aménagement d'un local nouveau, inauguré en 1902. Ce dépôt est superbe- ment installé. furent entassées les archives provenant de Bruxelles, qui, malgré les stipula- tions du traité de Campo-Formio, ne furent jamais restituées, et auxquelles furent ajoutés depuis, de nombreux documents d'un intérêt capital pour notre histoire nationale.

M. le vicomte de Ghellinck Vaernewyck a fait rapport sur le congrès de la Société française d'archéologie, à la frontière d'Espagne.

M, .A. Heins a présenté à l'Académie une col- lection de croquis, pris au cours de ses pérégrina- tions dans le pays, et reproduisant quantité de motifs inédits d'architecture ou d'ameublement.

Commission royale des Monuments de Belgique. L'assemblée annuelle des mem- bres effectifs et correspondants de ce collège a eu lieu en septembre, comme nous l'avions annoncé ; mais avant d'en rendre compte, nous avons à faire connaître les travaux de l'année précédente, dont le rapport vient seulement de paraître.

Nous y apprenons qu'à côté de la Commission des monuments fonctionne à présent, avec fruit, le comité mixte des objets d'art, qui intéresse spécialement la conservation des chefs-d'œuvre des anciennes écoles de peinture.

Quant à la restauration des édifices historiques, elle se poursuit avec un grand respect des œuvres du passé, d'après les principes mêmes que nous avons exposés ici d'une manière développée ('). On peut dire que désormais en Belgique le patrimoine archéologique est assuré contre les atteintes irrespectueuses.

On travaille avec lenteur mais avec suite à la rédaction, par province, de l'inventaire des an- ciens objets d'art. On a distribué comme spécimen un fascicule de l'inventaire de l'arrondissement de Bruxelles ; il ne supporte la comparaison avec les inventaires allemands ni comme impression, ni comme plan, ni comme description. Si nous avions chance d'être entendus, nous insisterions vivement, pour que la publication de cet inven- taire se fasse par feuillets séparés pour les dif- férents objets, et particulièrement dans le for-

I. V. L. Cloquet, Revue de V Art chrétien, années 1901, p. 498 et 190Z, p. III.

REVUe DE l'art CHRÉTIEN. 1906. 6™*' LIVRAISON.

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iael)ue tie r^vt chrétien.

mat des fiches archéologiqties inauguré par la Société d'histoire et d'archéologie de Gand. Quel merveilleux instrument d'étude que ces fiches, que chaque archéologue peut manier aisément et classer dans ses dossiers, selon la nature par- ticulière des édifices et des objets.

Les comités provinciaux, auxquels jusqu'ici on n'avait laisse que quelques bribes de l'intéressant travail dévolu à l'institution dont ils font partie, commencent à être consultés par la Commission même, mais pour des bagatelles. On dirait, ob- serve un des rapporteurs, que le Comité n'existe que pour s'occuper du mobilier des églises. Si le mobilier doit être conforme au style des églises, il ne doit guère cependant différer de province à province ; tandis que pour l'architec- ture il n'en est pas de même, chaque région pré- sentant certains caractères qui lui sont propres. > .< Continuons, ajoute-t-il humblement, jusqu'à ce qu'il en soit décidé autrement, à nous occuper de mobilier. »

Ces quelques mots, non dénués de malice, accusent un défaut radical de l'organisation des comités. Aussi, malgré la valeur éminente de leurs membres, n'avons-nous rien de saillant à relever dans leurs rapports respectifs.

Après la lecture des rapports de divers comi- tés régionaux, se sont ouverts d'intéressants dé- bats. Le premier a eu pour sujet les anciennes peintures murales dans les églises. Nous avons à diverses reprises fait connaître la lutte courtoise qui s'est livrée à ce sujet entre M. le chan. Van Caster (le signataire y a pris part à l'origine) et notre regretté Directeur feu Jules Helbig.Ce der- nier y a apporté une verve humoristique mitigée par une franche cordialité, qui a mis une der- nière fois en lumière le charme de l'esprit prime- sautier et de l'intelligence claire de ce vénérable octogénaire. Il avait affaire à un partenaire digne de lui. La discussion a été close par un bel accord sur les propositions suivantes:

Les églises demandent à être décorées de pein- tures sur un plan d'ensemble préconçu ; en fait pareil ouvrage a rarement pu être mené à bonne fin. En Belgique en particulier, aucune église du moyen âge n'a été couverte de peintures histo- riées d'une parfaite unité, mais on y trouve beaucoup de traces de polychromie dénotant l'intention de les couvrir d'une décoration systé- matique ; les peintures historiées se montrent fragmentaires et isolées.

L'assemblée a ensuite examiné et adopté l'ensemble des mesures préconisées par M. E. Soil pour assurer la conservation des anciens édifices privés ayant une valeur artistique. Nous les avons fait connaître antérieurement (').

I. Revue de [ Art chrétien, année 1905, p. 420.

M. Lagasse de Locht a ouvert la séance an- nuelle de 1906, en septembre dernier, par une allocution dans laquelle il a salué la mémoire de M. Van Gheluwe. M. le baron van der Bruggen, ministre des Beaux- Arts a payé un tribut d'hom- mage à la mémoire du vénérable M. Helbig, ancien vice président de la Commission royale.

L'orateur, rappelant le 75"i« anniversaire de l'Indépendance nationale, se réjouit des progrès matériels qui ont été réalisés en Belgique dans tous les domaines. Mais les progrès matériels ne peuvent satisfaire nos aspirations. L'homme a des destinées plus hautes. Il cherche sans cesse à se rapprocher de l'idéal tout en s'efîbrçant de garder avec un soin jaloux les traditions passées. Le temps heureusement est passé l'on laissait dépérir les monuments historiques : Bruxelles, Namur, Bruges et Gand s'attachent de plus en plus à en conserver les restes. Les administra- tions communales et provinciales ont participé à ce mouvement. La Commission des monu- ments a surtout contribué à rendre aux choses de l'art le respect qui leur est dû.

Les représentants des divers comités pro- vinciaux exposent tour à tour les résultats des opérations de leurs sections respectives pendant l'année écoulée.

M. Donnet d'Anvers constate que le comité d'Anvers s'est occupé du dégagement de la cathédrale. Il qualifie d'anachronisme le projet tendant à édifier contre cet édifice religieux un monument à la mémoire d'Appelmans, mais accueille avec sympathie l'idée qu'ont eue les autorités anversoises de sauver la maison de Rubens de la destruction.

M. Uestrée, rapporteur pour la province du Brabant, développe une proposition de M.Juliaan Devriendt tendant à combattre chez les admi- nistrations communales et fabriciennes le désir d'agrandir leurs édifices religieux ou de moder- niser les temples dont l'architecture simple fait tout le charme.

M. le chanoine Duclos (Flandre Occidentale) s'étend longuement surlestravauxderestauration de l'église Sainte-Walburge à Furnes,etil signale la nécessité de pourvoir les fenêtres de vitraux conformes aux traditions historiques et litur- giques.

M. le chanoine Van den Gheyn (Flandre orientale) remercie la Commission des efTorts qu'elle a dépensés pour la conservation de pein- tures murales qui décorent l'abbaye de Saint- Pierre à Gand. Il appuie sur la nécessité de res- taurer le manoir féodal d'Herzele et signale à

1

Crat)au;c Des â>octété0 satiantes.

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l'attention de l'assemblée les projets de restau- ration de l'église de Nieuvvenhove et de l'égli- sette d'Afsné auxquels le comité gantois a donné tous ses soins.

M. Matthieu (Hainaut) remercie le Conseil provincial du Hainaut du concours qu'il a apporté au comité et qui lui a permis de restau- rer l'hôtel-de-ville de Braine-le-Comte.

M. le baron de Kerchove d'Exaerde annonce également à l'assemblée que le château d'Eg- mont, à Chièvres.sera préservé de la destruction.

MM. Ruhl pour Liège, l'abbé Daniels pour le Limbourg, Sibenaeler pour le Luxembourg, d'Ardenne pour la province de Namur, ont signalé les projets de restauration étudiés par leurs comités pendant l'année.

L'Assemblée a discuté la question de la con- servation des meubles et des objets hors d'usage des églises dans des musées spéciaux. D'après les rapports de MM. Cardon et Janssens, les gros meubles d'église seraient rachetés par le Gou- vernement et cédés à d'autres églises. On crée- rait des musées spéciaux la chose serait possible.

M. Cardon annonce qu'au musée du Cinquan- tenaire un compartiment sera créé pour les reliques d'art.

Un échange de vues s'est produit au sujet de la disposition des autels dans les chapelles ab- sidiales rayonnantes. Le chanoine Van Caster a fait l'historique de cette question.

Société de Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc. On a beaucoup écrit déjà sur le gracieux et curieux monument qui avoisine la belle église d'Avioth, qu'on a appelé la « Recevresse ». Viollet-le-Duc y a vu une chapelle de cimetière ou lanterne des morts ren- fermant un tronc d'offrandes. M. Schaudel a établi que les armoiries qui y figurent sont celles de la famille de Rodemach. M. Biguet a avancé que le charmant édicule servait de chapelle funéraire à cette famille.

Notre ami M. L. Germain repousse cette der- nière opinion, comme celle de M. Desseille, qui ne voit dans la Recevresse qu'un tronc monumental. Il fait remarquer que dans cette petite chapelle il y avait un autel. D'après lui, il s'agit d'une cha- pelle de conservation ou offranderie et d'une lanterne des morts. Il n'y a pas d'autre exemple connu d'un édifice ayant cette double destina- tion.

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L'ÉGLISE NOTRE-DAME ET LA CHAPELLE CASTRALE DES CHATELAINS AU BOURG

DE BRUGES, par C. Callewaert. Broch. des Annal, de l' Émulation, Bruges, 1906.

'^^^^^^^^OICI quelques paE;es d'un érudit o K^"")^^ ^ i-- 'archiviste, qui viennent à propos ^Lk\W^!7, pour redresser des graves erreurs i^^^^Sj;.- des archéologues brugeois au sujet *j{:-ç^-jt-jt";Jj^ d'un monument en pleine restau- ration et du plus vif intérêf. Il s'agit de Notre- Dame de Bruges. M. J. Weale, le chan. Duclos, avec De Flou et Gaillard, prenaient l'édifice actuel comme le résultat d'une reconstruction entreprise en 1180-1x85; M. Duclos ajoute que la reconstruction fut achevée en 1225. Or il appert de documents découverts par M. C. Callewaert, que la charte sur laquelle on s'est appuyé pour fixer cette date concerne, non pas la collégiale, mais la chapelle de la chàtellcnie, édifice construit en pierre et en bols du commencement au XI^' siècle, et transférée au Béguinage en 1245.

D'autre part le savant chanoine Gauchie, qui a fait maintes autres découvertes dans les archi- ves vaticanes, y a trouvé une bulle du pape Nicolas IV du 15 mars 1289, qui établit que la collégiale de Notre-Dame fut reconstruite vers cette époque.

Voilà d'importantes données à enregistrer, et qui changent bien des idées reçues !

L. G.

LES VILLES D'ART CÉLÈBRES. NANCY par André Hallays. In-4°, 144 pp., nombreuses illustrations. Paris, Laurens, 1906.

On parle beaucoup de l'art de bâtir les villes Le hasard plutôt que l'art a présidé à la forma- tion de la plupart de nos cités Nancy, créée de toutes pièces par les ducs de Lorraine et terminée par Stanislas, fait exception : c'est le modèle des villes bâties sur plan préconçu, du moins pour la période classique, en même temps qu'un spécimen du goût du XVI 1 siècle. De ses rues, au réseau rectangulaire tracé par l'ingénieur italien Jérôme Citoni, les plus grandes s'ouvrent par des arcs de triomphe. Ses trois grandes pla- ces, très dissemblables, sont trois chefs-d'œuvre, la place royale surtout, avec ses fontaines et les grilles de Jean Lamour.

Les siècles chrétiens n'ont pas laissé de grands monuments dans cette ville de la Renaissance. Parmi les petits nous rencontrons d'abord un chef-

d'œuvre du XVI"^ siècle, le tombeau de René II, (refait en i8i8)bien pieux par le sujet principal: le duc agenouillé devant la Vierge. Ge tombeau est très décoratif par son cadre plus important que le tableau, cadre magnifique au sculpteur Mansuy Gauvain Mais ce n'est pas ce qu'avait rêvé René, un vrai chrétien d'ancienne souche; il faut lire cette clause de son testament, qui con- tient, dans toute sa beauté, le programme du mausolée clirétien. < Et voulons que sur notre corps soit fait un monument de cuivre en forme platte, de haulteur seulement qu'en soy agenouil- lant a rencontre, l'on puisse tenir un livre en main et reposer ses bras dessus, et sur le dit monument la pourtraiuire insculptée de notre image, avec un, épitaphe aussi insculptée à l'en-

viron » La veuve de René, Philippe de

Gueldre, qui avait méconnu les prescriptions de son épou.x pour mieux honorer sa mémoire, eut elle-même sa sépulture selon l'ancien rite. Ligier Richier figure la vieille duchesse devenue Clarisse sous les traits émouvants d'une gisante en marbre de couleurs, la figure et les mains en tons d'ivoire, la robe grise et le manteau noir. Gharles III fonda, pour contenir les restes du prince de sa dynastie, la chapelle funéraire en rotonde que Jean Richier éleva à l'instar de la chapelle des Medicis à San-Lorenzo de Florence.

La belle porte du Graffe, construite à la fin du XIV"^ siècle par Jean V'\ a été restaurée, mais ornée à tort de la croix de Lorraine et du char- don de Nancy, emblèmes inconnus à cette épo- que ; on y a inscrit des dates qui mettront dans un affreu.K embarras les archéologues de l'avenir.

La vieille ville aux rues tortueuses ne remonte qu'au milieu du XV siècle. On y voit d'intéres- sants logis du XVP' siècle, surtout l'hôtel d'Haussonville avec ses fines galeries, l'hôtel Lilleborne à l'harmonieuse façade, d'autres plus modernes et non moins intéressants, comme celui de la rue Saint-Michel (n"^ 45), G'est au sein de la vieille ville que s'élève la belle église de Saint- Epvre, que Viollet-le-Duc considérait comme la meilleure œuvre gothique moderne élevée de son temps.

Le musée lorrain, reconstitué après l'incendie de 1871, ne tient plus qu'avec peine dans les locaux de l'ancien palais ducal, l'on accède par la fameuse porterie flamboyante, ornée d'une statue équestre. Il n'y a pas en France de musée provincial plus riche et plus intéressant. Les jar- dins sont encombrés des épaves des églises, des fontaines, des maisons détruites, du portail de

Btbliograpl)te.

413

l'hôpital Saint-Julien, des sculptures de la porte Saint-Jean, de restes de l'ancien Saint- Epvre, de statues, de tombes. A noter à l'intérieur le mau- solée de René de Beauveais par Ligier Richier, la chambre du duc Antoine, reconstituée par Boeswihvald, avec le lit remarquable jadis repro- duit et étudié par M. L. Germain, les fameuses tapisseries de Charles le Téméraire, des che- minées remarquables.

La cathédrale, œuvre d'Hardouin Mansart et de Germain Bofifrand, est remarquable, à l'inté- rieur, par son unité et ses proportions ; l'exté- rieur est manqué, par suite de l'inexécution de la coupole, qui a amené un remaniement fâcheux de la façade.

La chapelle de Bonsecours,élevée par Stanislas sur la place d'Héré, offre un peu de la physiono- mie théâtrale des églises polonaises. Le roi de Po- logne y donna carrière à ses goûts de magnifi- cence ; toutes les murailles sont ornées de stuc imitant le marbre, et les voûtes sont couvertes de peintures tumultueuses.

Nous avons entr'ouvert pour nos lecteurs le beau livre de M A. Hallays ; ils connaissent la plume charmante de ce critique épris des beau- tés de l'art national, et qui s'est fait leur défen- seur jaloux. C'est assez dire qu'ils voudront étudier avec lui la belle ville de Nancy ancien et moderne. y P

DEVIS DE LA CONSTRUCTION D'UNE MAI- SON FORTE A ELBEUFSUR-SEINE, par M. L. Régnier. Brochure. Rouen, Gagniard, 1906.

Ce devis détaillé d'un monument du XV<= siè- cle est intéressant. Il s'agit d'un projet qui n'a peut-être pas été exécuté, mais qu'on peut con- sidérer comme un type. M. L. Régnier le com- mente avec la sagacité et l'érudition qui le distin- guent.

Notons l'existence de latrines à tous les étages, y compris le comble ; relevons l'expression « huisserie des fenestres de pierre de taille », pour indiquer la croisée des fenêtres, et l'emploi de chaînes verticales sous les sommiers. Le toit était à quatre versants, chose assez rare pour le temps. 1- p

ÉTUDE SUR L'ANCIENNE ÉGLISE DE SAINT-PHILIBERT DE GRANDLIEU, par le R. P. C. de la Croix. In-S", 200 pp. Album in-fol. de 22 pi. Poitiers, Biais et Roy, 1906.

Voici un chef-d'œuvre d'étude archéologique. On sait quel vif intérêt soulève la basilique de Grandlieu, un des très rares édifices encore de-

bout de l'époque carolingienne, comprenant des vestiges gallo-romains, objet de plus d'une ving- taine de publications depuis le XVII<= siècle ('). Notre collaborateur M. L. Maître s'en est lon- guement occupé, et a lui-même amené le R. P. de la Croix à en faire l'étude spéciale et très approfondie, éclairée par des fouilles patientes. Le volume dans lequel le savant Jésuite rend compte de ses études et formule ses conclusions est un modèle, par la précision scientifique dont les documents sont exposés, les recherches et les fouilles interprétées, toutes ces données mi- nutieusement discutées. Un magnifique album accompagne le substantiel volume du texte ; il nous donne les plans de l'édifice à six périodes de son histoire, et de belles vues photographiques de son ensemble et de ses détails.

Plan primitif de Saint-Philibert de Grandlieu.

Dans le premier livre des Miracula d'Ermen- taire, la chronique déclare que le chœur de l'église de Deas (actuellement St-Philibert) a été refait en 836. Six autres documents au- thentiques jettent quelque lumière sur le vieil édifice ; il en résulte que la « villa » de Deas fut transformée en monastère vers 819, que l'église primitive était en forme de croix, que son chevet offrait trois absides, et qu'au-dessous était une crypte. Les fouilles et sondages étudiés avec une attention extrême ont permis au R. P. de la Croix d'éclairer davantage l'histoire du vénérable monument.

Ces fouilles ont permis de restituer le plan pri- mitif que voici, figuré dans la portion noire de la

I. M. L. Maître, Um église carolingienne à Sattit-Philibert de Grandlieu. V. Congrès archéologique de France, 1898.

Brutaih, Bull. arclUol. du Comité des Irav. hist., 1898. Bull, mémorial, 1898, 11° ^.

414

3acl)ue ïie V^xt thvitim.

coupe horizontale: il a bien l'air de celui d'une église. Mais les matériaux sont empruntés à un ancien monument gallo-romain de la première époque, et la manière dont ils ont été mis en œuvre est semblable à celle employée dans la construction gallo-romaine de la seconde époque (2 y? à 457). Il s'agirait donc d'une église du I V<= siècle, ce qui est impossible; on ne connaît pas d'églises rurales de cette importance avant le IX^ siècle, et il n'est pas d'exemple d'églises, dont les croisillons sont ouverts par le dehors par quatre grandes baies comme ici ; puis aucune église n'a sa nef séparée du transept par un mur. Par des raisons analogues, le P. de laC. exclut l'idée d'un temple païen, et par des considérations que nous ne pouvons reproduire, il arrive à conclure que Deas était une villa, de laquelle dépendait un forum rural avec une sorte de basilique, qui était précisément notre édifîce.Cette basilique du IVe siècle, qui faisait partie de la villa donnée à Saint-Philibert, en 877, parl'évêque Ansoald, aurait été aménagée en église, en 819, par les soins de l'abbé Arnould. Dès lors la salle D servit de chœur, la salle L, de nef, et les salles B, A et C, servirent de transept; on ajouta les absidioles devant les baies B" et C".

Le savant auteur, poursuit l'histoire du véné- rable monument dans la période subséquente.

L. C.

L'ART DU BRONZE ET DU CUIVRE A TOURNAI, par E. SoiL de Morialmé. Broch. illustrée. Namur, Wesmael, 1904.

Nul archéologue n'a fait d'une manière plus complète et plus distinguée le tableau et l'his- toire des antiquités de sa ville natale. Aussi, au congrès de Dinant, comme à l'Académie royale d'archéologie d'Anvers, M. E. Soil a pu présenter une brillante synthèse de l'art tournaisien.

A Dinant, il. s'est placé au point de vue spé- cial de l'art du bronze, qui a jadis jeté un vif éclat sur cette cité si artistique, et l'on est émer- veillé de la richesse du tableau que M. Soil a pu faire des produits remarquables et extrêmement nombreux de la dinanderie tournaisienne. Il a puisé abondamment, comme il a soin de le rap- peler,dans les Études sïir l' art à Toia-nai {■') ; mais il a complété par ses propres recherchcs.les don- nées nombreuses que nous avions ramassées ja- dis,et il a présenté en quelques pages brillantes le résumé des connaissances acquises aujourd'hui sur une des branches qui honorent l'art ancien des Belges.

L. C.

t. L. Cloquet et de Lagrange. Élude de fart à Tournai.

LES ORIGINES DU STYLE GOTHIQUE EN BRABANT, par Raymond Lemaire, docteur en .sciences morales et historiques. Première partie: L'architecture romane.ln2,° àe 320 pages, 200 gravures et photographies. Vroniant et C'', Bruxelles, 1906. Prix : 10 fr.

Cet attrayant volume inaugure l'étude des anciens édifices par groupes provinciaux, et il est basésurl'excellente méthode qui consiste à analy- ser d'abord tous les individus, pour faire ensuite la synthèse de leurs espèces. L'auteur est un archéologue qui sait dessiner et connaît la tech- nique du constructeur; il a soin d'une chose toujours négligée jusqu'ici : la reproduction des plans terriers et l'indication des matériaux de la construction. Le volume que nous allons résumer est le premier d'un ouvrage, qui aura pour objet successivement l'architecture romane et l'archi- tecture gothique en Brabant.

L'étude spéciale est précédée d'une excellente introduction rappelant à grands traits les débuts de l'art médiéval.

L'auteur fait des monuments romans belges une revue sommaire, intéressante, malheureuse- ment incomplète (i) et trop peu méthodique. Il aurait fallu mettre mieux en évidence les traits d'analogie et les caractères différentiels. Il carac- térise trop vaguement, par exemple, Saint-Donat de Bruges et son chœur tournaisien (2). Il assi- mile à tort la tour d'Hulste à celle d'Harlebeke 0). L'abbatiale de Messines est mal esquissée : après l'étude du baron Bethune (^), il convenait d'in- diquer la date (1060) et les parties romanes con- servées, surtout de signaler les piles du transept et leurs 24 colonnes à chapiteaux sphérico-cu- biques. Le joli clocher de Snelleghem (en partie fait de tuf d'Alsace) n'est pas occidental, mais central, etc.

Nous passons à la Flandre orientale. Aucun détail n'est donné sur la crypte de Lausus à St- Bavon de Gand, cette construction extraordinai- rement intéressante. On cite le lavatorium de l'abbaye de St-Bavon, sans mentionner le réfec- toire et d'autres vestiges romans notables. Notons ici, M. L. l'ayant omis, que, selon M. E. Mortier, la nef de St-Nicolas doit avoir été voûtée. Dans la province, des constructions romanes notables sont omises (5); à relever que la nef de Moortzeele a des piliers carrés.

1. Il n'est pas parlé des tours romands d'.Anseghem.d'Isenberglic, de Waerniaerde. de Ste-VValInirge de Fiirnes, etc.

2. Le chœur est ligure dans un tableau de Jean Van Eyck, con- servé au musée de Hruges.

3. Le plan donné par Schayes d'après Van de Pulte, fut relevé par Renard : nous en possédons l'original.

4. V. Revue de t Art chrétien, nnnée 1901, p. 193.

5. Les tours de nasseveldc, d'.-Vffligltem. de Haerdepheni, di* Mulleni it de Middelbourg, les églises d'Adi-gheni, de Ncdcr-Ee- name, de Borsbeke. de Vichte, de Vive-Saint- Bavpn sur Lys.

Bil)ltograpl)te.

415

En résumé, M. l'abbé Lemaire constate que les églises romanes en Flandres reproduisent géné- ralement le type en croix latine, à trois nefs, sur piliers ronds, à chevet plat avec tour centrale ; un second type, à clocher occidental, se voit dans la région orientale (Mespelaere, Landscauter) ; un troisième type, à tours jumelles de façade, est représenté par l'abbatiale d'Eename ; Hou- them St-Liévin a eu deux tourelles aux flancs de l'abside.

Avec MM. Dehio et Von Kezold, M. l'abbé Lemaire attribue les nefs de Tournai au XII' siècle, rejetant la date reçue de 1070 (?). Il fait de la cathédrale de Notre-Dame un monument exceptionnel «; qui n'est pas le fruit d'une con- ception indigène » (.>'). Si c'est un type exotique, il faudrait dire d'où il vient. Il ajoute pourtant que « elle est sœur des grandes églises de Cham- pagne et de Normandie », puis « qu'il ne faut pas chercher dans son entourage ses prototypes, mais bien plutôt ses imitations. Nous aurions aimé trouver ici plus de clarté. Il y avait à citer encore la belle absiie romane de Saint-Nicolas. Saint-Piat méritait une mention moins som- maire ('). avec son (( triforium » qui n'a d'ana- logue qu'à Vignory et à Saint-Généroux. Saint- Quentin a. de roman, bien autre chose que « sa porte et des détails de la nef » presque tout le vaisseau. Son plan, rayonnant (?) est unique. C'est par erreur que l'on signale à l'ancienne abbatiale d'Antoing un chevet plat; M. le baron Bethune a fait connaître son chevet polygonal entouré de chapelles de chantrerie (-). Notons que la curieuse petite église d'Esquelmes a sa pareille à Cordes (3). Dans la province de Hai- naut, nous constatons de nombreuses omissions, dont une importante à Horrues (4).

L'auteur connaît mieux le pays de Namur, le Limbourg, le Luxembourg et le pays de Liège. Il passe toutefois sous silence Avesnes, Ben-Ahin, Chardenenx, \Valcourt(la tour),Thy-le-Chàteau (■manoir), Ubinne (du X" siècle selon Reusens), Biesnes-Colonnais (tour du XP siècle), Henri le Romain, Bertrix, Villers sur Semois. Dans le Limbourg, il faut citer Alden Eyck i~), et de la province d'Anvers, l'ancienne abbaye de Pos- tal (6).

1. L'auteur parait ignorer la monographie que le soussigné a faite de celte église.

2. V. Bu!/, de la Gilde de St-Thomas et StLiic. t. VI, p. 221.

3. V. Dufour, Ann. de la Soc. hist. de Tournai, t. VII (1902 , p. 284.

4. Signalons à l'auteur des vestiges romans à Athis (tour), à Aul- nois (nef et chœur), à Boussoit (anc. église), h Péronneslez Binche, Heygnelez-Jumel. Ressaix, Wannebecq.

5. V. Bull, de la Comm. royale d'archéologie, 1872, p. 233.

6. Ibid., 1867, p. 394.

L'auteur conclut de son étude générale à l'exis- tence de deux groupes d'églises : le groupe mosan, d'influence rhénane, comprend des églises à longues nefs sur piliers carrés, avec avant-corps monumental (narthex)ou tour occidentale, avec entrée latérale, avec transept bas, avec chevet plat ou abside ; la nef est couverte en plafond, les murs sont ornés d'arcatures aveugles et de bandes murales.

Le groupe « scaldin » (pourquoi pas scaldi- sien ?), est d'inspiration française ; le clocher do- mine la croisée, le plan est plusou moins rayon- nant (?), le transept atteint la hauteur des nefs, le pignon de façade est percé d'un portail ; le chevet est plat, la superstructure est en bois.

Cette étude confirme les idées généralement reçues.

Nous retrouvons trace de deux absidioles o- rientées dans un transept saillant de l'importante église d'Orp le Grand, qui paraît avoir possédé à l'Ouest une espèce de narthex rhénan flanqué de deux tours.

Nous revenons au type courant, avec faux transept, à Tourine la Grosse, la bien nommée, pour sa tour occidentale.

L'élégante église gothique de Saint-Martin de Saventhem, célèbre par son tableau de Van Dyck, eut pour noyau une église romane que notre auteur ressuscite en des,sin ; elle avait sa tour sur le preshyterinni, chose qu'on rencontre en outre dans une série de petits oratoires à une seule nef (Bost, Querbs-Erps, Humelghem, Perck). A Eppeghem, l'auteur trouve les élé- ments de restitution d'une triple nef romane à tour latérale, et à Watêrmael, un vaisseau pareil, à tour occidentale. Mousty est un type de petite église à trois nefs en croix latine et chœur plat ; la charpente primitive de la nef centrale est con- seivée; les fenêtres hautes sont sans bâtées ni feuillures ; une crypte subsiste. Mentionnons en- core la crypte d'Anderlecht, et dispensons-nous de décrire Ste-Gertrude de Nivelles,qui a été l'ob- jet dans cette revue de plusieurs études.

Nous avons tenu à résumer cette revue bien complète des églises romanes brabançonnes, qui est des plus intéressantes. Venant à la synthèse, M. l'abbé Lemaire constate que toutes ces églises sont orientées, construites avec les matériaux pierreu.x du sol local. L'appareil est Vûpiis in- cerniin, souvent grossier, avec la pierre dure, en appareil pseudo-régulier avec la pierre tendre. Les murs sont sans ornement, sauf quelques bandes murales, avec arcatures et les arcades décoratives d'Hérent et de Comptich. Les cor- niches sont à corbeaux ou à arcatures rangées.

Les petites églises à une nef ont la tour à l'Occident ou au-dessus du presbyterium. On

4i6

jRebuc be r^vt cljrctien»

distingue quatre variétés de basiliques à trois nefs : la triple nef sans transept, avec tour occidentale ; ordinairement le chœur est plus petit que la nef, la même avec tour sur le sanctuaire l'église à trois nefs avec tran- sept, aux croisillons bas, avec tour carrée à l'Oc- cident, tour qui prend l'allure d'un avant-corps ; la collégiale de Nivelles représente le troi- sième type, avec son double transept et son grand avant-corps narthex qui est en quelque sorte l'abrégé de toutes les variétés du IVestâau allemand.

L'entrée de toutes ces églises était latérale.

Nous avons vu qu'il y a deux sortes de clochers: le clocher occidental en hors-d'œuvre, et le clo- cher devant le chœur, sur le presbyterium. Ils sont toujours quadrangulaires. Ceux qui sont au pied des nefs sont massifs, fermés, et semblent avoir eu un rôle défensif ; généralement il n'y a pas d'escalier pour accéder aux étages ; on y monte par une échelle.

Il y a, en Brabant, trois portes romanes remar- quables : la porte quadrangulaire de Nivelles, l'élégante porte cintrée à voussures célèbre en retraite de l'hôpital de Louvain, et celle de l'église Berthem, analogue à celle-ci.

Les fenêtres sont à simples baies chanfrenées les unes ébrasées aux deux faces les autres vitrées jusqu'à fleur du mur externe. On voit à quel- ques tours des ouïes géminées avec colonne mé- diane. Le pilier est très généralement carré et appareillé, souvent avec imposte,quelquefois sans base. Les colonnes monolithes ne sont employées que dans les cryptes. Le chapiteau est sphérico- cubique, les arcades sont simples, sanschanfreins ni moulures. La grande nef n'est jamais voûtée, les autres parties le sont souvent. Les pentes des combles sont de 45°. La décoration est des plus sobres. Le type roman brabançon est d'origine rhénane. Dans le Brabant, notre archéologue se sent chez lui ; son étude est plus serrée et très neuve. A Louvain, voici la tour de Saint-Quentin, qui est romane (vers 1200) dans l'étage inférieur ; pas d'entrée à la façade occidentale. La façade occi- dentale de l'église romane de Saint- Pierre de Louvain est connue par des sceaux du XIII^ siècle ; elle semble avoir formé un narthex-écran flanqué de deux tours rondes; cette partie servait de beffroi de la ville.

Viennent ensuite une série d'églises rurales fort défigurées, peu connues et fort bien étudiées par notre auteur. Ce sont de petites basiliques à trois nefs avec piliers carrés, sans transept, avec tour occidentale, massive et fermée, à allure dé-

fensive, et abside tantôt plate, tantôt demi-ronde, précédée du presbyteruitii. Telle est l'église de Berthem, un spécimen typique, bien conservé. Quand elle avait encore ses nefs latérales, son humble voisine était pareille, sauf le chevet plat, ainsi que l'église romane de Leefdael. L'église de Vossem est conçue dans le même esprit. Ces trois églises ont été bien remaniées, mais l'auteur nous en donne la restitution. Vossem a gardé son comble primitif avec chevrons portant ferme comme celle de Bierbeek. Héverlé apparte- nait au même type.

Ici M. l'abbé Lemaire place l'intéressante étude de restitution de la belle abbatiale romane de Parc, qui a paru en 1904 dans le Bulletin des métiers cTart. M. Schellekens en a parlé dans nos colonnes ('); faisons itérativement remarquer qu'il ne faut pas aller en Allemagne et en France pour chercher des plans conventuels avec cha- pelles orientées dans le transept ; que Villers et Aulne, Orval,les Dunes, offrent à cet égard une parfaite analogie avec le Parc restitué. Il est vrai que ces chapelles ne sont pas fermées.

L'église d'Hérent offre une tour richement dé- corée d'arcatures aveugles en partie entrecroisées avec, à l'étage, une salle munie d'une jolie tribune ouverte vers l'église, peut-être une chapelle Saint- Michel? L'absence d'escalier accédant à cet étage induit l'auteur à ranger la tour d Hérent parmi les tours de défense. Le vaisseau primitif, selon toute apparence, fut conforme au type décrit plus haut. Le transept et le chœur sont d'un beau style de transition. Il y avait lieu d'insister sur la ressemblance du chapiteau cubique à angles ar- rondis avec ceux de Maestricht et d'Aix-la-Cha- pelle. La vaste église de Bierbeek nous offre un nouvel exemple de type régional, mis en relief par M. Lemaire. Le chœur de Comptich, richement décoré, avec son chevet plat à étages superposés d'arcatures, fait pendant comme richesse à la tour d'Hérent ; son transept étroit avait deux absi- dioles orientées. C'est une variante du type bra- bançon, que nous retrouvons également mutilée à Neerheylissem, nous annoncions naguère la découverte de peintures murales {-), et l'on voit, dans la corniche du chœur, un large chan- frein décoré d'un damier. La tour, toujours occi- dentale,très massive, de Noduvez, renferme dans l'épaisseur de son mur méridional un escalier à l'instar de ce qu'on voit à l'église voisine d'Orp- le-Grand. Cette disposition est usitée en Alle- magne ; on la voit aussi au château des comtes de Gand ; le plan primitif était, selon les inves- tigations de M. L., pareil à celui de Berthem.

L. G.

1. Revue de l'Arl chtétien. année 1905, p. 56.

2. Ibid., année 1906. 3' livraison.

BibUograpl)ie,

417

NOUVEAUX ESSAIS SUR L'ART CONTEM- PORAIN, par M. H. Fierens-Gevaert. Traduction espagnole par M. Luis M"* Cabello y Lapiedra. In-i2, 231 pp. Madrid, F. Fé, 1904.

L'éditeur Alcan ne nous avait pas adressé les essais du professeur d'esthétique de l'Université de Liège, mais nous les avons reçus de notre estimé confrère M. Cabello y Lapiedra, traduit par lui en espagnol, ce qui atteste le succès de cette attachante étude.

Le volume contient plusieurs parties de valeur inégale; une appréciation très intéressante de l'ar- chitecture moderne, des considérations générales sur l'esthétique des villes.des notes sur l'enseigne- ment de l'art en France, un chapitre sur l'ensei- gnement de l'esthétique quia l'air d'être une leçon d'ouverture des cours dont M. F.-G. est le titu- laire, et un savoureux petit morceau sur les pri- mitifs.

Nous ne nous arrêterons qu'à la première par- tie, oia nous trouvons exposés les principes de l'auteur en matière d'art.

M. Fierens-Gevaert nous montre la supériorité esthétique des siècles passés sur le nôtre. L'art grec et l'art du moyen âge surtout ont offert comme la transposition du caractère d'une société dans les lignes architecturales. Le Parthénon et Notre-Dame de Paris sont les poèmes d'une race. Les autres époques historiques n'ont pas connu de principe inspirateur ; toutefois jusqu'à nos jours, l'architecte gardait contact avec la cons- truction.

A partir du jour il voulut n'être qu'un ar- tiste, et qu'il cessa d'être l'entrepreneur de ses travaux, son inspiration s'est éteinte ; ce fut au commencement du XIX'' siècle. Alors naquit un art éclectique, produit d'une éducation critique et archéologique. Les architectes devinrent des dessinateurs de lignes abstraites, que les maçons réalisèrent comme ils purent, et ces lignes furent des copies hétéroclites des styles historiques les plus divers. L'auteur combat avec VioUetle-Duc l'étude des formes abstraites.

Il envisage ensuite l'avenir ; il voit s'accuser le courant rénovateur et avec Violletle-Duc, il at- tend la naissance des « poètes du fer » (hélas !) ; il salue les initiatives hardies du néo-style. Il ré- clame avec Ruskin et l'école anglaise la sincérité de l'art et le relèvement des arts mineurs; il mon- tre combien l'architecte doit être familier avec la technique des métiers, mais il revendique la suprématie de l'architecture dans l'unité des arts.

Tel est le résumé de ce chapitre, nous trou- vons, à part quelques erreurs de détail, à la fois, la juste appréciation des œuvres de nos aînés, et l'expression des vrais principes qui doivent guider les jeunes.

* * *

Nous sommes en général d'accord avec M. Fie- rens ; mais nous avons quelques réserves à faire. M. F. appelle de ses vœux le développement des métiers d'art ; il montre les projets réalisés en Belgique par l'enseignement professionnel, et l'équité le pousse à reconnaître à qui nous devons ce bienfait. « Je n'ai pas la prétention, dit-il, d'in- diquer le remède unique; je ne suis pas non plus le premier à le préconiser; je sais bien aussiqu'une célèbre école a mis en pratique ce système de corporations, et qu'elle s'est placée sous la même égide patronale que les vieilles confréries d'art. >

Cette école, son nom lui brûle-t-il les lèvres? Il ne veut pas la nommer ; un renvoi en note ne soulève qu'un tout petit coin du voile dont il veut la couvrir, « l'auteur, dit le renvoi, fait allusion à une institution belge >. Allons! pas tant de mys- tère ! nommons sans ambage l'école de Saint- Luc, qui a joué dans ce mouvement progressif de notre pays un rôle considérable (on le reconnaî- tra de mieux en mieux) et que M. Fierens devrait étudier de près. Qu'il l'approuve ou la condamne, elle a pris une place trop considérable dans l'en- seignement et la production de notre art archi- tectural et décoratif pour qu'on passe dédaigneu- sement à côté. C'est ce que fait M. F.-G. qui n'a- joute plus à son sujet que ces mots injustes : « Mais ne demandant à ses élèves que la copie des formes anciennes, elle n'a produit que des pasti- cheurs assez médiocres.» Nous reviendrons sur ce point ; nous ne voulons pas interrompre le fil de l'intéressante étude de notre esthète. Disons seu- lement que l'école Saint-Luc analyse l'art médié- val et ne le pastiche pas ; elle use des modèles du moyen âge comme de types classiques, au même titre que toutes nos académies usent et abusent des ordonnances gréco-romaines, mais plus judi- cieusement,et à meilleur titre, puisque ses modèles sont, non point exotiques, mais nationaux et traditionnels.

Mais la tradition, il est vrai, M. F.-G. en fait bon marché! Il l'écarté à l'aide d'un joli pa- radoxe. Qu'est-ce que c'est que la tradition nationale? nous dit-il. Un tas d'emprunts étran- gers ; le roman de la cathédrale de Tournai, du style lombard! Le gothique belge, un produit de l'influence française! Notre renaissance fla- mande, de l'italien, du Palladio ! « Nos vieux maîtres s'inquiétaientils de la pérennité des tra- ditions flamandes ? Ils ne subissaient pas la tra- dition, ils la créaient. » Qui ne voit le vice de ce raisonnement basé sur l'exagération des faits? Parce que nous avons subi, tantôt un peu, tantôt beaucoup trop, l'influence de l'étranger, nous n'aurions pas de tradition nationale, notre style

4i8

ISithxit lie r^rt chrétien.

flamand n'aurait pas de fond propre ! C'est peut- être vrai pour les XVH'' et XVIII' siècles, car jusqu'alors les éléments étrangers, assimilés par notre art, lui avaient laissé sa belle originalité, et plus complètement au moyen âge qu'à la pre- mière renaissance. Presque tout est faux ou outré dans les quelques pages que nous visons ici : fausse cette définition ronflante: « la tradition, mystérieuse et indéfectible continuité d'un idéal collectif, est une tendance intime et inconsciente des hommes et des artistes >. La tradition, un idéal, une tendance ! Outrée, cette malédiction lancée à l'archéologie : « Dispersons-en les restes moisis au souffle du monde présent » (p. 42). L'archéologie, c'est de la science, tout ce qu'il y a donc de plus respectable ; son abus, c'est autre chose ! Il est également outré de dire que les Grecs « ont fait dériver les proportions de l'anatomie du marbre » ; il est injuste de repro- cher au gothique ses lucarnes étroites (i). Nous passons sur maintes autres inexactitudes.

Bref, M. Fierens-Gevaert, bienveillant pour tout le monde, et qui porte très haut dans les nues le groupe des intéressants artistes de l'école dite esthétique, n'a d'acrimonie que pour nos amis les traditionnalistes. C'est la tache qui dé- pare,à nos yeux, son livre plein de bonnes choses.

L. C.

LISTK DES OBJETS D'ART CONSERVÉS DANS LES ÉGLISES PAROISSIALES DU DÉPARTEMENT DE L'EURE, par L. REGNIER. Broch., 71 pp. Evreux, Herissey, 1906.

A l'heure l'Etat s'efforce de ruiner en France le culte catholique, auquel l'art national doit le plus pur de sa gloire, les trésors des églises que la piété nous a gardés sont menacés d'être dispersés par la persécution ; il est temps d'en dresser l'inventaire. M. L. Régnier l'a fait pour son département à l'aide de notes recueillies depuis quinze ans et avec la compétence que l'on connaît.

Ce n'est pas dans cet inventaire qu'on trouvera de ces joyeusetés dont n'est pas exempte la liste des momivients classés, l'on voit figurer une des plus laides églises de France, celle de Gaillon, et celle de Saint-Luc, qui n'existe plus depuis 70 ans !

L. C.

i.Oii bien .M. F..G. sait ce qu'est une lucaineet alors il doit savoir qu'il convient à une lucarne d'Otre étroite ; ou bien il parle d'une fe- nêtre, et il n'ignore pas que c'est le propre des façades gothiques d'être ajourées beaucoup plus que les classiques.

FRANCHIMONT, par F. LoHEST. Brochure ini2 de 30 pp. Liège, Poiicelet, 1906.

Nos lecteurs connaissent par un article de M. Lohest accompagné de belles planches, le châ- teau célèbre de Bouillon ('). L'architecte archéo- logue qui a restauré ce beau reste d'architecture militaire médiévale a consacré à celui de Fran- chimont un libretto- guide, qui sera précieux pour les visiteurs, et qui est en même temps un document de bibliothèque.

L. C.

SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE.

Le volume des Bulletins et Mémoires àe 1904- 1905 (t. V, série VII) contient deux mémoires à signaler à nos lecteurs. L'un de M. le vie. Pierre de Truchès, concerne la petite et antique chapelle Saint-Laurent de Tournus qui remon- te assez probablement aux premières origines de l'art roman ; et l'autre de M. A. Boisset, a pour objet le livre d'heures de Marguerite de 'Valois, sœur de François I^^, conservé au musée du Lou- vre ; ce manuscrit enluminé est important pour l'histoire du portrait.

L. C.

"^m Bcrioliiques. ^^

CIVILTA GATTOLICA, Il « SANCTA SANC- TORUM ■», etc., suite, par H. Gris.\R, S. J., t. III, pp. 161-176 et 7 fîg., t. IV, pp. 51-73 et 13 fig., anne'e 1906.

Les boîtes qui renferment les croix appar- tiennent toutes deux à une même époque. Celle de la croix gemmée est elle-même en forme de croix ; c'est sur celle-ci que l'on trouve le nom du pape Pascal I (817-824).

Elle est ornée au repoussé de cinq scènes sur le couvercle et de douze sur les côtés. Toutes se rapportent à la vie du Christ. Celles-ci au Christ ressuscité, celles-là à sa prédication et à l'institu- tion de l'Eucharistie. C'est du moins l'inter- prétation du P. Grisar, mais les scènes du cou- vercle ne sont pas toutes également faciles à comprendre. On retrouve dans chacune d'elles le Christ et la Vierge, qui sont ici les seuls per- sonnages nimbés.

Les reliques, devenues assez infonnes, des sandales du Christ leur authenticité est d'ailleurs très discutable reposent dans une boite en argent doré peu remarquable.

I. V. Revut de l'Art chrétien, année 1896, p. 145.

li5ibUograpl)te.

419

Il suffit aussi de mentionner le coffret en argent qui renferme le chef de sainte Agnès : une inscription niellée l'attribue au règne d'Hono- rius III (1216-1227).

Celui qui contient le chef de sainte Praxède était autrefois très remarquable. Son origine byzantine est attestée par les noms grecs de quatre figures de saints exécutées au repoussé sur les côtés longs du coffret.

Au centre du couvercle on voit une large pla- que en or sur laquelle sont représentées en émail les figures du Christ, de la Vierge et de S. Jean- Baptiste. Douze médaillons d'un bel émail cloi- sonné entouraient autrefois la plaque centrale. Malheureusement trois seulement sont demeu- rées : ce sont de belles œuvres byzantines qui semblent dater du siècle.

Les reliques des deux saintes offrent de gran- des garanties d'authenticité.

Un des objets les plus remarquables du trésor est une pyxide, de forme ovale et à couvercle bombé, qu'on peut rapprocher entre autres de la fameuse pyxide d'origine africaine que de Rossi a attribuée au siècle.

La pyxide du Sancta Sanctorum est ornée sur les bords, tant de la boîte que du couvercle d'un large cordon tordu, exécuté au repoussé comme tous ses autres ornements. Le couvercle porte une grande croix gemmée, entre les quatre branches de laquelle on voit les éléments d'une scène remarquable de l'Annonciation :1a Vierge, l'Ange, la colombe portant une couronne dans son bec et la main divine. Rien ne s'oppose à ce que la pyxide soit attribuée au VI*^ siècle. Elle a servi vraisemblablement dès l'origine à con- tenir des reliques.

Le trésor du Sancta Sanctorum renferme di- verses autres cassettes remarquables. Le P. Grisar en signale deux de forme ovale, en métal gravé et niellé, qui semblent dater du X' ou du XI' siècle.

La première, belle œuvre d'atelier, porte, gravés sur son couvercle, les bustes du Christ, de saint Pierre et du Précurseur. La seconde y re- présente la scène du crucifiement. L'une et l'autre ont des inscriptions grecques.

Une boîte rectangulaire, en bois, est ornée sur le fond de la boîte même et sur les deux faces de son couvercle de saints ou de scènes peintes qui appartiennent à l'art byzantin du XF siècle. Deux autres boîtes en bois, peintes grossière- ment, rappellent par leur forme et leur ornemen- tation les pyxides limousines.

Un fragment d'ivoire avec scène bachique a appartenu à une pyxide cylindrique ; une plaque rectangulaire, représentant la guérison d'un aveugle, par un Christ sans nimbe, provient d'une boîte qui pouvait dater du VP siècle.

Le trésor possède aussi deux coffrets en ivoire avec armature en métal, du genre de ces coffrets orientaux assez nombreux qui appartiennent au XII" ou au XI II' siècle. (M. Reusens a repro- duit dans ses Éléments iV archéologie chrétienne, t. I, Louvain, 1885, pp. 478 et suiv. ceux de Saint-Servais à Maestricht.)

Voici encore une petite pyxide cylindrique en ivoire qui porte, fixé sur son couvercle, une ampoule en cristal.

Il faut signaler spécialement une boîte cru- ciforme en bois, d'une ornementation très simple, fermée par un couvercle, dont les deux parties glissent, en se croisant, l'une au-dessus de l'autre. On y trouve les mots grecs Vie et Lumière

Z 10 H C

qui indiquent sufifisamment que la boîte, malgré sa forme particulière, servait de pyxide eucha- ristique.

R. M.

(A suivre.)

L'ARTE, igo6, t. IX, fasc. 3 et 4.

En préparant son ouvrage sur la peinture romaine du moyen âge, Mgr Wilpert s'évertue à pouvoir comprendre dans sa publication les images légendaires de la Vierge, que les églises romaines conservent en assez grand nombre et qu'elles entourent de vénération et de mystère. Voici déjà une madone conservée à Sainte-Marie du Transtévère. {Ulmmagine délia Madonna detta délia clemenza in Santa Maria in Tras- tevcre, pp. 161-164 et pi.). C'est une œuvre rare, peinte sur bois par un prédécesseur médiocre de Cavallini, à la fin du XIII« siècle. Elle représente le type, propre à Rome, qui reçoit à Santa Maria Antiqua le nom de Maria Regina et que Sixte III (432-440) fit représenter dans l'abside de Sainte- Marie-Majeure.

M. Lisetta Ciaccio étudie la sculpture de la première renaissance romaine {Scoltura romana del Rinascimento. Primo periodo, sino al pontifi- cato de Pio II, pp. i6s- 184 et 13 fig.; pp. 345-356 et 10 fig., à suivre).

Celle-ci, peu connue jusqu'à présent, ne se dégagea guère de la dépendance complète des maîtres toscans avant la s.econde moitié du XV= siècle. C'est durant le troisième quart de ce siècle que l'auteur retrouve le premier sculpteur romain pénétré de l'étude personnelle de l'art classique. Il lui attribue entre autres le gisant du tombeau d'Eugène IV, et un groupe de sculp-

420

Bcbur De T^rt cbvétien»

tures de la basilique du Latran parmi lesquelles les statues des vertus théologales et cardinales. Ce sculpteur est peut-être Pellegrino da Viterbo qui travailla au tabernacle de S. André du Va- tican. Provisoirement on peut le désigner sous le nom de « maître des vertus ».

Viennent ensuite les fragments encore con- servés du monument funéraire de Nicolas V. Il faut rapprocher de ceux-ci des apôtres qui passent à tort pour des débris de la tombe de Callixte III et qui sont à leur tour étroitement apparentés à des sculptures conservées, soit à Sainte- Marie Majeure, soit dans les Grottes vaticanes. Elles se distinguent par les person- nages au visage rectangulaire, au front étroit, aux yeux sans pupilles, à la lèvre large, par les étoffes à plis droits et plats, aux manches avec nombreux plis, fins et parallèles. Ces sculptures, que M. Ciaccio rassemble sous le nom d'œuvres du « maître des apôtres », sont peu postérieures à celles de la tombe de Nicolas V qui elles- mêmes suivent sans doute de près la mort du pontife (144s). On trouve des affinités entre ce groupe d'œuvres et celui du « maître des vertus ». Ce fait porte à croire qu'il existait à Rome, vers le milieu du XV siècle, une école de sculpture nettement caractérisée.

M. G. Sangiorgi décrit quelques tissus de soie qu'il a pu acquérir. Ils proviennent en partie des tombes d'Akmim {Cinielii deW industria tessile orientale, çp. 193-198 et 6 fig.) et formaient en majeure partie les ornements d'une tunique. L'auteur les considère comme des produits de l'industrie syrienne ou alexandrine à l'époque de Justinien.

M. G. Vitzthum attribue à Spinello Aretino les fresques qui ornaient l'église de S. Maria del Carminé à Florence {Un cielo di affreschi di Spinello Aretino, perditto, pp. 199-202). Il n'en existe plus que quelques fragments, aujourd'hui dispersés, et un dessin du XVI 11^ siècle.

M. F. Hermanim fait connaître deux dessins du Bernin entrés récemment au Gabinetto nazio- nale délie stavipe k Rome (pp. 203-205 et 2 fig.) et M. L. Ozzola publie trois coiirtes lettres qui se rapportent à cet artiste et à ses œuvres (p. 205).

L'origine des fresques qui décorent les murs du cloître de Saint-Séverin à Naples est restée un problème. Elles représentent des épisodes de la vie de saint Benoît, d'après le récit de Gré- goire le Grand. RL L. Serra les fait remonter à la fin du XV« et an premier quart du XVI<= siècle. Il propose de les attribuer, en partie à un peintre vénitien, sans doute Antonio Solaro, dit le Zin- garo, en partie au palermitain Quartararo, en partie à d'autres peintres encore. {Nota sugli

affreschi dell' ex-convenfo dei SS. Severino e Sossio a Napoli, pp. 206 212 et 5 fig.)

M. A. Munoz cite quelques nouveaux exem- ples de deux représentations allégoriques de la Vie dans l'art byzantin : le jeune homme ailé, debout sur une roue et portant la balance, et la scène dérivée d'une parabole curieuse de la lé- gende de Barlaam et Josaphat (pp. 212-216 et

5 fi?.)

M. A. Venturi reproduit une riche étoffe <i de couleur jaune, avec griffons et autres animaux et oiseaux d'or », signalée par un inventaire de 1341 de la basilique d'Assise. Il reproduit aussi du trésor de la même basilique, une vierge en ivoire du XIV'^ siècle, d'origine française, et un antependium richement tissé et brodé. Sur celui- ci se trouve représenté le pape Sixte IV (1471- 1484). L'auteur en attribue le dessin à Antonio Pollajolo (pp. 216 222 et S fig.).

M. G. Frizzoni publie quelques notes critiques (pp. 241-254, I pi. et fig.) à propos de la quatrième partie de l'ouvrage de M. Sidney Colvin : Selec- ted draivings from old Masters in the Umversity Gallcries and in tlie Library at Christ Church, Ox- ford. Il examine l'attribution de quelques dessins à des peintres italiens de la grande époque : Vinci, Raphaël, Sodoma, le Corrège.

Sous le titre de Memorie sulla Chiesa di S- Maria Maddalena de' Pazzi a Firenze e sulla Badia di S. Salvatore a Settinio (pp. 255-262), M.C.de Fabriczy publie des extraits de mémoires, écrits vers 1650 par un moine de l'abbaye de Settimo, et relatifs à l'histoire artistique des cou- vents de Ste-Marie-Madeleine a Florence et de S. Sauveur à Settimo. Les extraits se rapportent aux années 1480 à 1628 et rappellent des travaux d'architecture et des œuvres diverses, parfois d'artistes florentins de premier ordre.

M. Arduino Colasanti étudie la peinture an- cienne des Marches, très peu coniiuejusqu'à pré sent et, plus particulièrement, celle de F"abriano, antérieure au ^W'^s\èc\e:{Notesniranticapittiira fabrianese. Allegretto Nuzi e Francescuccio dt Cecco Ghissi, pp. 263-277 et fig.). A son avis il faut rejeter l'opinion de Suida d'après laquelle il aurait existé deux Allegretto Nuzi. Ce peintre, aux ressources variées, dépend à la fois de l'école florentine du Giotto et de l'école de Sienne, mais il garde en même temps des caractères originaux. Ghissi partage entre autres avec lui l'usage de riches vêtements, mais il est moins puissant et plus attaché aux formules anciennes.

M. O. H. Giglioli décrit // piilpito ronsanico délia chiesa di San Leonardo in Arcetri pressa Firenze (pp. 278-291 et fig.). C'est un ambon qui date sans doute de la première moitié du XIII*= siècle. Il appartenait autrefois à l'église de San

25ibltograpl)te.

421

Pier Scheraggio qui était située au centre de la ville de Florence. L'ambon a beaucoup souffert dans le cours des âges. Il était isolé autrefois de quatre côtés et, sur chaque côté, sa cuve en mar- bre était ornée de deux scènes sculptées. Deux de celles-ci ont disp.iru. M. Giglioli attribue les six qui restent à quatre mains différentes. La descente de la croix est remarquable pour son époque par une certaine aisance des mouvements. La sculpture est relevée par l'emploi d'un mastic noir et une décoration en opus sectile.

La croix de procession de la cathédrale de Bassano, sortie de l'atelier en l'année 1449, est l'œuvre qui fait le mieux connaître le talent d'or- fèvre du maître florentin Antonio Averlino dit le Filarete, architecte, sculpteur et fondeur en bronze. M. G Gerola en publie de bonnes repro- ductions (pp. 292-296 et 3 fig.).

M. E. Brunelli fait connaître une Madone à la grappe de raisin peinte par un maître flamand italianisant du commencement du XVI^ siècle. Il y voit l'œuvre d'un disciple de Mabuse et la com- pare à une Vierge de ce maître conservée à Berlin (pp. 296-298 et I fig.).

Le tableau de Titien connu sous la dénomina- tion d'Amour sacré et Amour profane représen- terait, d'après M. L. Ozzola, Vénus persuadant Hélène de suivre Paris (pp. 298 302 et i fig.).

R. M.

NUOVO BULLETTINO DI ARGHEOLOGIA CRISTIANA, 1906. N" 1-2.

M. H. Marucchi rend compte des fouilles pra- tiquées dans le cimetière de Priscille durant la campagne de 1906. {Relazione degli scavicsegiiiti ttelciniiterodi Priscilla dal gennaio al giugno i ço6 ; pp. 5-65 et pi. I-II.) C'est à ce cimetière, qui possède un noyau remontant au.x temps aposto- liques, que M. Marucchi veut rattacher, non sans fondement, un souvenir de saint Pierre que la tradition a conservé. Les fouilles ont porté surtout sur les parties avoisinantes du baptistère souterrain. On a pu constater qu'un grand escalier qui y conduit bouleverse des galeries du IV= siècle. D'autres galeries circulent autour du bassin principal, quoique, fait extraordinaire, le terrain y soit limoneux et riche en eaux. Tout s'ex- plique si l'on suppose que l'ancien baptistère était l'objet d'une vénération spéciale. Il le pou- vait être par suite du souvenir de saint Pierre qui y serait resté attaché.

La question ne sera résolue d'une façon défi: nitive que par la découverte d'une inscription, qui déterminera par exemple si le cimetière de Pris- cille est bien le cœmeterium ad 7iymphas dans le-

quel le prince des Apôtres aurait administré le baptême.

Les fouilles ont permis de déterminer exacte- ment le lieu de sépulture du martyr Crescention.

M. C. Stornajolo a pu identifier un compagnon de Pomponius Letus dans les visites que fit cet humaniste aux catacombes romaines. Il s'agit de Giovanni Batista Pantagato de Capranica, qui devint évêque de Fermo en 1479. (// Giovanno Battista ed il Pantagato, conipagno di Pouiponio Leto nella visita délie catacombe romane, pp. 67- 770

On sait que des fouilles pratiquées à la cata- combe de Sainte- Agnès en 1 901 -1902 ont amené la découverte de l'urne d'argent dans laquelle le pape Paul V fit enfermer le corps de la sainte et celui de sainte Émérentienne. M. A. Bacci, en se basant sur les résultats acquis alors, prouve que dans la basilique actuelle de Ste-Agnès, il n'existe rien de la construction élevée par Cons- tantin et restaurée par Zosime. Celle-ci, croit-il, était plus petite que la basilique actuelle et com- plètement souterraine. {Ulteriori osservazioni sulla basilica novicntana di S. Agnese, pp. 77-88 et pi.)

M. G. Angelini insiste sur l'importance histo- rique que présenterait la reconnaissance des reli- ques contenues dans l'urne retrouvée (pp. 88-92).

M, L. Huidobro publie une description et une reproduction, celle-ci malheureusement trop ré- duite, d'un sarcophage chrétien du musée de Burgos, qui semble appartenir au V'= siècle (PP- 93-95)

D'après une note du R. P. Celi (Bi jin errore intorno ai Santuari délie Acque Salvie. S.Niccolh de Aqua Salvia, pp. 97-105), l'églisede S. Nicolas de Aqua Salvia était située au pied de l'Aventin près du Viale di Porta San Paolo.

M. A. Munoz peut compter jusqu'à présent vingt-quatre sarcophages ou fragments de sarco- phages connus, du type de l'Asie Mineure (voir plus haut, p. 278). Il publie plusieurs sculptures chrétiennes du Musée impérial ottoman à Cons- tantinople. {Scultiire byzantine, pp. I07-I2i,4fig. et I pi )

Nous n'avons pas à revenir sur la plupart des questions traitées à la Société romaine des Con- férences d'archéologie chrétienne {Resoconto, par H. Marucchi, pp. 123-144), durant les séances de décembre 1905 à juin 1906. Il faut signaler ce- pendant une intéressante discussion sur l'origine du nimbe carré. Mgr Wilpert a voulu l'expliquer par ce fait que dans la peinture des portraits on aurait eu l'habitude de peindre sur une toile carrée la tête des personnages vivants. La toile était appliquée ensuite sur la paroi, sur laquelle le

422

3Re\)ue lie V^xt cbvétieu.

corps était peint à la fresque. M. de Griineisen a fait ressortir l'inexactitude de cette thèse. Il a observé qu'à Santa Maria Antiqua plusieurs têtes de personnages ornées du nimbe carré sont, non peintes sur toile.mais exécutées sur des têtes plus anciennes qu'elles recouvrent. Si cette observation ne fait guère avancer la question de l'origine du nimbe carré, elle est par contre très importante pour la chronologie des peintures de Santa Ma- ria Antiqua.

Au-dessus de la catacombe de Callixte {Notisie Roiiiae difitoiiii, pp. 145-162), on a fait quelques fouilles qui ont amené la découverte d'un grand cimetière j«i^ dio. Ces fouilles pourraient donner quelque lumière au sujet de l'emplacement du tombeau de S. Damase.

M. G. Schneider ajoute quelques notes (pp. 1 50 160) à l'étude faite autrefois par M. Marucchi sur la catacombe d'Albano.

M. P. Orsi a fouillé la crypte de Saint- Mar- tien, située près de la catacombe Saint-Jean à Syracuse (pp. 162-175). Une tradition place à l'endroit ou on la trouve la sépulture du premier évéque de la ville. M. Orsi y a trouvé des galeries catacombales du IV'^ et du Y^ siècle qui pour- raient se rattacher à un cimetière souterrain in- connu jusqu'à présent.

M. Orsi a aussi exploré un cimetière chrétien du IV'^ siècle situé à fleur de terre à Michelica près de Modica (Sicile).

R. M.

AMERICAN JOURNAL OF ARCHEOLOGY,

3, 1906.

M. Will. Warner Bishop a étudié les mo- saïques dans les églises romaines des neuf pre- miers siècles, eu égard spécialement à leur posi- tion dans les églises.

Kraus, dans sa GescJiichte dey christlichen Kunst, montre que les décorations mosaïques dans les premières églises chrétiennes sont exécutées, sinon d'après un schéma bien arrêté, au moins d'après une tradition constante quant aux sujets traités, et quant à leur place dans l'église. M. VV. W. Bishop essaie d'apporter un peu de lumière sur l'ordonnance traditionnelle ou conventionnelle des mosaïques. Il s'est limité à l'examen des mosaïques antérieures au IX*^ siècle, encore existantes à Rome et dans ses environs.

Les mosaïques se rencontrent dans les églises du type basilical aussi bien que dans les édifices à plan rayonnant. L'auteur les classe au point de vue de la place qu'elles occupent; la plus grande partie est placée aux endroits elles

doivent frapper les regards des fidèles, c'est-à- dire l'arc triomphal, les arcades des tribunes et l'abside.

Ici l'auteur fait la description des différents sujets traités dans les mosaïques et s'aide de nombreuses illustrations. Les principales figures et symboles représentés peuvent se classer comme suit :

Christ : en buste, en pied, assis sur trône, sur le globe, agneau sur le trône. La Vierge Man'e .S". Pierre et Paul Le Saint patron de l cglise Symboles apocalyptiques et quelques autres symboles, tels la croix (toujours la croix latine), la main %.%nà^n\.\s^ couronne à un martyr; les sept candélabres ; le navire représentant l'Église ; les deux cités ; la palme de la Victoire; les quatre fleuves du paradis ; \ç. Jourdain.

Des papes sont représentés dans les absides de certaines églises : ceux en vie lors de la con- fection des mosaïques se distinguent de ceux décèdes par le nimbe carré.

BOLETINO DE LA SOCIEDAD ESPANOLA DE EXCURSIONS.

Cet attachant périodique se distingue par de remarquables illustrations et des articles bien étu- diés ; signalons dans les numéros de mai et juillet igo6, des notes sur l'Alhambra de Grenade par M. A. Garcia Alix, une étude sur la miniature espagnole par P. M. D. Ch. Bontelon y Solde- villa, une revue des portes ornées des monu- ments espagnols par M. E. Serrano Fatigati et des recherches sur les premiers monastères cister- ciens en Espagne par M. Gomez Moreno. Dans une récente livraison (n° 159) de cet intéressant bulletin, celui ci nous donne une courte mono- graphie du monastère cistercien et de la belle abbatiale de Moreruela.

Ce monastère, fondé à la fin du IX* siècle, par San Froila, fut relevé en 11 31 par des moines envoyés de Clairvaux par saint Bernard à la demande d'Alphonse VII. L'église date de 1 168 ; elle est bâtie avec l'austérité et la pureté de lignes qui caractérisent les constructions cister- ciennes ; comme elle date des premières années de la réforme, son plan reproduit encore le dispositif clunisien, ainsi qu'à Poblet et à Veruela. L'église offre trois longues nefs, de neuf travées, des collatéraux très étroits; un large transept, un déambulatoire avec sept absidioles contiguës,plus deux petites absidioles dans les croisillons. Chose très remarquable et qu'on n'a signalée qu'à Sant- Angelo in formis près de Capoue, les absidioles sont tracées en plan en arcs brisés; une fenêtre est percée au fond : disposition assez rationnelle,

adtbliograpl)te.

423

pour diminuer la poussée de la voûte au droit du percement de la baie.

Le chœur a belle ampleur, porté par huit fortes colonnes posées sur un bahut de o"V2 de hauteur, et éclairé de superbes fenêtres entre lesquelles des colonnettes montent recevoir les nervures ; les retombées se font sur des

m

Plan de l'abbatiale de Moreruela.

consoles au-dessus des chapiteaux ; la voûte atteint 16 mètres de hauteur. Le pignon du transept Sud est percé d'une ii;rande rosace ; une petite leur fait face au Nord. Les absidioles sont couvertes de con- ques prolongées en ber- ceaux, la grande abside est construite par assises horizontales avec ner- vures radiales comme dans certaines absides provençales; la grande nef, le chœur et les croi- sillons du transept sont voûtés en berceaux avec

Marques de tâcherons.

doubleau plein-cintre à clef brisée ; les bas-côtés sont voûtés d'arêtes, à nervures robustes, plein- cintre, sans formerets; le déambulatoire est voûté sur trapèzes à nervures droites avec clefs excen- triques ; la voûte de la croisée est du type angevin aux nervures élégantes, elle semble être le pro- totype des croisées de Castaneda, de Valedios,

de Sanval, de Toro, de Ciudad Rodrigo, etc.

On trouve trois types de corniches : celui de Paris, comme àAvila; celui de Bourgogne, comme à la cathédrale de Zamora et celui, plus rude, de Saint Denis et de Langres.

La maçonnerie est toute couverte de signes de tâcherons.

L. C.

ROMISGHK QUARTALSCHRIFT FUR

CHRISTUGHE ALTERTUMSKUNDE UND FUR KIRCHENGESCHICHTE.

Livraisons 1-2. Le D^ E. Herzig remet à l'étude les fragments de sculpture longobarde, existant à l'abbaye de Saint-Pierre à FerentiUo, et dont notre regretté collaborateur de Linas traita jadis dans nos colonnes (').

Feu de Linas n'avait à sa disposition qu'un cliché d'après un calque pris sur une plaque de marbre, et d'après de Rossi, il avait admis que cette plaque était un débris d'autel. M. E. Herzig, mieux documenté, examine à nouveau la ques- tion et, en rapprochant la pierre d'autres frag- ments qu'il a découverts dans l'abbaye, il recon- naît que ces sculptures ont pu appartenir à une clôture de chœur de la chapelle construite par Faroald II vers 721. Il en reproduit une res- titution très intéressante.

Dans un article des Mélanges de notre pré- sente livraison, il est question des belles décou- vertes faites par M. l'abbé Kaufmann, dans le désert libien oh. l'on a mis au jour une bonne partie de la ville détruite de St-Menas. Dans le Bulletin de V Instimt Égyptien, 1905, M. Arvanitakis-Kairo avait avancé que les ampoules de S. Thomas portaient au revers la représentation de la nais- sance du Christ. Mgr Wilpert, à la demande de M. Kaufmann, examine une des fioles et établit péremptoirement que le sujet représenté sur les fameuses fioles de St-Menas, n'est autre chose que le martyre de Ste Técla, jetée en proie aux fauves.

Livraison 3. Le D' Baumstark publie une étude étendue sur les pavements et revêtements mosaïques dans les monuments chrétiens de la Palestine.

I. V. Revue de l'Art chrétien, année 1883, p. 494.

424

3Rebue lie V^xt t\)\ttm\.

^ia^^«&ias&»aja-£ji&'&!a'»>-a^-^-<i'<>^îaî£î&?feî&îg^

Xntiev bibliograpl)ique.

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C^l)rOnitJllC. SOMMAIRE: RESTAURATIONS MONUMENTALES: Trie), Reims, Saint- Benoit-sur- Loire, Orléans, Avignon. MONUMENTS ANCIENS: Cologne, Bru- xelles, Louvain, Westcapelle, Dixmude, Huy. ŒUVRES NOUVELLES: Restitution des églises de Villers, d'Aulne et des Dominicains de Gand, Verrières à Malines. CONGRÈS DE MUSIQUE SACRÉE. VARIA. NÉCROLOGIE.

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BbCstautations monumentales.

L y a des archéologues qui ont hor- reur des restaurations faites à nos anciens monuments, et qui réclament l'abandon de ceux-ci à une lente et sûre destruction. Nous considérons ces amants du pittoresque comme pouvant devenir malfai- sants. On compte dans leurs rangs un érudit, un esthète, qui a rendu de grands services à l'art architectural français, ne fût-ce que par ses spirituels feuilletons du /ou ni a/ des Débats il bataille vigoureusement contre les vrais Vandales, et parfois contre les autres. Dans ses abondantes et savoureuses correspondances, il n'est pas toujours bien documenté, et il lui arrive de bousculer des gens qu'il devrait laisser en paix. Nous l'avons déjà signalé dans ses attrap- pades, et relevé ses inexactitudes. Malgré la haute estime qu'il nous inspire, nous continuerons à dénoncer ses excès. A l'exemple d'un de ses émules de Belgique, il lui arrive d'incriminer des intentions droites et à porter des accusations risquées. Tout récemment M. P. Planât le surpre- nait, et non pour la première fois, en fîagrant délit ('). C'était à propos de la réfection de la superstructure de l'église de Saint-Julien de Brioude. On méditait, selon M. H., de défigurer cette église romane, i, en remplaçant par des ardoises les vieilles tuiles qui couvrent et ont toujours couvert son admirable abside >; et comme ailleurs, le seul motif de la restauration, ce serait, à l'en croire, le bénéfice qu'en doivent tirer les constructeurs.

Or, veut-on savoir ce que vaut cette accusa- tion outrageante pour quelque honorable pra- ticien ? Le fait est que la couverture en tuiles re- monte à l'an de grâce 1865 ; la couverture ori- ginale était en dalles de pierre, et il n'a jamais été question de la remplacer par de l'ardoise, mais de la refaire en dalles de lauze, de 2 à 3 centimètres d'épaisseur, ce qui paraît aux spécialistes compétents la solution la plus cor- recte. On peut la discuter, mais, laissons donc les méchancetés !

I. Voir Construction Moderne du 2 juin 1906. Le même publi- ciste s'attirait ces derniers jours un démenti semblable de la part de la veuve de l'éminent architecte B. Corroyer. (V. L'architecture, 22 déc. igo6. )

Triel. Les questions à résoudre en matière de restauration ne sont pas toujours si aisées que le pensent les feuilletonnistes, architectes en chambre! Il en est qui donnent rude tablature aux architectes professionnels. Tel est le cas pour la petite église de Triel, un des anciens édifices les plus intéressants de la vallée de la Seine, entre Nantes et Poissy ; elle remonte à la belle époque du XI II'' siècle, et en constitue un vestige pré- cieux, qu'il faut conserver à tout prix, bien qu'elle ait été mal établie dès le début, et remaniée depuis. Les arcs-boutants se sont déformés et ont déversé leurs culées ; les voûtes des nefs, mal soutenues, se sont affaissées ; les colonnes ont perdu leur aplomb ; on a tout étayer à l'aide de charpentes provisoires placées il y a des siè- cles. Le graphique de stabilité (nous parlons pour les architectes-ingénieurs) montre que la ligne des poussées passe en dehors du tiers cen- tral de la base d'appui des colonnes.

La restauration de cet édifice a toujours paru relativement impossible, à cause du prix élevé auquel elle reviendrait par les méthodes ordi- naires. M. l'architecte Vente propose de la réa- liser pour une somme admissible, à l'aide des nouveaux moyens que fournit la construction en béton armé. Son projet, que nous n'avons pas la prétention de juger à fond, est très ingé- nieux et très respectueux de l'édifice. On en trouve la description technique dans la Construc- tion moderne d'avril dernier 29. Nous le si- gnalons aux architectes, en rappelant que le béton armé a été de même un moyen sauveur, mis en œuvre par M. A. Verhaegen pour la res- tauration de la basilique de Saint-Vincent de Soignies; on lira ci-après qu'il a également per- mis à M. Goût de sauver la précieuse rose de la façade de la cathédrale de Reims.

»

Reims. On achève à la cathédrale de Reims un travail des plus intéressants.

Par suite d'un afTaissement qui date d'une ving- taine d'années, la façade principale était fendue ilans toute sa hauteur par une large lézarde. L'énorme poids du pignon n'étant plus soutenu par le grand arc de décharge de la rose, avait écrasé celle-ci, disloqué et déformé sa résille. Elle était devenue ovale et sa surface était bom- bée comme un verre de montre.

chronique.

427

Four conjurer la ruine de cette admirable rosace, M. l'architecte Goût a entrepris de re- porter sur les deux tours, préalablement conso- lidées, le poids du pignon. A cet effet, il a jeté entre les deux tours, à une hauteur de 50 m., une arche en béton armé, noyée dans l'épaisseur du mur.

C'est sans doute la plus intéressante des appli- cations du béton armé qui ait été faite jusqu'ici à la restauration des édifices.

Saint-Benoît-siir- Loire. Le transept Sud de la basilique, avec les chapelles de Saint-Benoît et de Saint-Sébastien, a été restauré en 1864 ; le transept Nord, à son tour, a été l'objet, en 1906, de travaux importants. Après le débadigeonnage et le rejointoiement des parements inférieurs, après la réfection partielle des parements en pierre de Bulc)', les deux baies aveugles du côté Ouest ont été débouchées, réparées.

Les deux chapelles de la Vierge et de sainte Scholastique, formant absides, restaurées, ont été pourvues de deux autels romans. Leurs baies ont été décorées de deux vitraux grisailles, style du XI*^' siècle. Puis on a dallé en pierre de Chassi- gnelleslesol de tout le transept et des deux cha- pelles. En face de ces dernières, on a placé, adossée au mur Ouest, toute une rangée de stalles, faites en 1413 par trois habiles menuisiers d'Orléans : Droin et les deux frères Chapelle; ces magnifiques stalles sont regrettablement dépourvues de leur dais sculpté.

Déjà une nouvelle série de travaux est com- mencée ; elle comprendra la réparation des voûtes du déambulatoire et des chapelles absidiales. Dans la première chapelle Nord de l'abside, une ancienne baie romane sera débouchée et restau- rée; et, dans le transept Sud, la voûte sera déba- digeonnée, déjointoyée et reprise (')

Orléans. Le vélum, qui, depuis deux ans, dérobait le rond-point et la voûte béante du sanctuaire, a été enlevé le 28 septembre 1906. C'est avec une réelle satisfaction que les fidèles ont pu contempler la nouvelle voûte, constellée, pour ainsi dire, d'une fraîche et brillante clef de voûte.

Ici, encore, la tradition a triomphé.

En effet, de temps immémorial, les basiliques successives de Sainte-Croix ont été ornées de la K main bénissante >, qui, au IV^ siècle, a consacré la cathédrale : Manu Dei consecratuni.

Dans la basilique romane d'Arnoul (989), la < main bénissante » se voyait au centre de la

I. D'après les Annales religieuses d'Orléans.

voussure de la porte d'entrée : elle était sculptée, se détachant sur un nimbe crucifère, entouré d'une nuée.

Dans la basilique ogivale de Gilles Pasté, la « main bénissante » n'était plus à la porte, mais dans le sanctuaire même, i De la voûte, lisons- nous dans le vieil historien. Le Maire, pendait sur le maître-autel, l'effigie d'une main exprimée de ses vives couleurs dans une nue, estendant ses doigts, qui bénissoient ce temple. »

Dans la basilique pénitentielle d'Henri IV, commencée en 1600, ce fut encore dans la clef de voûte du sanctuaire que fut sculptée la « main bénissante ». Polluche et Beauvais de Préaux, historiens du XVI II^ siècle, ne l'ont pas signalé. Mais, les professionnels, qui ont examiné à terre ladite clef de voûte, lors de sa chute, ont constaté qu'elle avait été mutilée au marteau. D'où nous avons pu conclure qu'avant les iconoclastes de 93 elle offrait aussi aux regards la « main bé- nissante » que saint Euverte avait aperçue super oblata.

Pour réparer cet acte de vandalisme, Mgr Du- panloup profita de la pose des verrières coloriées du rond-point pour faire peindre « la main bénis- sante » que les Orléanais et les touristes ont été à mêmede voir jusqu'au 8 septembre 1904 jour oi!i elle partagea le sort de la clef chue et brisée. (L'Art sacre'.)

Avignon. Le célèbre Palais des Papes va être restauré. Nous lisons à son sujet dans VArt Sacre'.

Commencé en 1334 sous le pontificat de Benoit XII, il reçut des agrandissements successifs qui se terminèrent en 1513. C'est alors que le cardinal de Clermont bâtit un corps de logis au Sud-Est, dit la Mirande, celui était installé le quartier d'infanterie.

Au début, il comprenait, outre les appartements du pape, une chapelle dont la voûte aune hauteur de vingt mètres, un cloître intérieur formé d'immenses arceaux ; quatre tours portant les noms de la Campagne, de Troil- las, de Saint-Jean f t de la Cloche-d'Argent. Dans la tour Saint-Jean existent encore deux oratoires couverts de peintures à fresque, dont quelques-unes, très remarqua- bles, sont attribuées à Mathieu de Viterbe.

La partie construite un peu plus tard, de 1342 à 1360, est due aux papes Clément \'I, Innocent VI et Urbain V. Elle comprend une vaste cour intérieure, entourée de bâti- ments gigantesques. Dans cette partie du Palais se trouvent les trois tours des Anges, de Saint- Laurent et de la Mirande, la salle contenant les peintures des Prophètes, l'ancienne salle du Jeu-de-Paume, la salle des Gardes.

Malgré le départ des papes d'Avignon, le château con- tinua à être agrandi et embelli. Cependant, il eut à souffrir pendant les sièges qu'y soutinrent Benoît XIII et Rodrigue de Luna, avec leurs garnisons catalanes, au XV' siècle. Il survécut cependant à ces attaques et n'eut plus à subir que celles du temps. Elles ne furent pas sans cruauté pour lui. Des peintures admirables qui décoraient

428

3Rel)ue tjr T^rt cbrétîm.

les chapelles, il ne reste plus que deux voussures de l'ab- side, représentant les Prophètes et la Sibylle. Dans la chapelle supérieure, se trouvaient autrefois des fresques d'une grande beauté. Elles ont disparu sous une couche de badigeon.

L'œuvre de dévastation a été complétée par la division en plusieurs étages des nefs principales de ces chapelles. La partie Est de l'édifice a perdu son couronnement ainsi que le balcon qui l'ornait au tiers de sa hauteur. Toutes les tours ont été découronnées ; les fenêtres, qui de tous les côtés étaient étroites et en petit nombre.ont fait place à des ouvertures carrées, larges et multipliées. Des deux tourelles gothiques qui flanquaient la façade principale, il ne reste que les encorbellements en nid d'aronde.

ffîonumcnts ancien.s.

Cologne. A la suite de plusieurs symptômes menaçants constatés au portail du Sud de la ca- thédrale de Cologne, l'autorité a prescrit un exa- men attentif de la construction. Les experts ont constaté que de nombreuses sculptures étaient complètement désagrégées par les pluies et que la prochaine gelée devait fatalement provoquer les plus graves accidents. On a aussi trouvé que des blocs de pierre pesant jusqu'à cinq cents kilos ne tenaient plus que par un miracle de statique. Une colonne haute de près de quatre mètres se trouvait en équilibre instable et un coup de vent pouvait la faire tomber juste devant le portail.

L'entrée du Sud a été immédiatement barrée et les travaux de restauration commenceront incessamment. Ils entraîneront une dépense de plus de cent mille francs.

Bruxelles. L'administration communale de Bruxelles met en adjudication publique, les travaux de dégagement et de restauration du chevet de l'église collégiale des Saints-Michel et Gudule et la construction de dépendances nou- velles.

L'entreprise comportera : les travaux à exécu- ter à gauche (Sud) de la chapelle Maes ; la res- tauration de ladite chapelle et les travaux à exécuter à droite de la chapelle. Elle aura, en outre, pour objet la restauration de l'habitation du concierge, de l'ancienne sacristie, de la lan- terne couronnant la toiture de la chapelle, de la façade de l'ancienne petite sacristie et de la tourelle de l'escalier.

Le placement des sculptures se fera d'après les indications du sculpteur désigné par la ville.

Louvnin. Des travaux de restauration et de consolidation doivent être prochainement entre- pris à l'église Saint-Jacques, à Louvain.

Ce temple est un édifice des plus intéressants. Il a été bâti dans un marécage et il est à présu- mer que l'on n'a pas pris, lors de l'établissement des fondations, toutes les mesures de précaution que la situation commandait. De là, sans doute, les nombreux mouvements qu'il a subis dans le cours des siècles et qui ont amené certaines fis- sures, dont l'une, assez importante, dans le mur Ouest du transept Nord.

La Commission des monuments, appelée à se prononcer sur la nature des travaux à entre- prendre, réclame le dérochement de ce mur, afin d'examiner l'état de la maçonnerie et de réparer les dégâts. Des travaux de restauration devront être exécutés d'urgence aux fenêtres et à leurs meneaux. Plusieurs baies ont perdu leurs réseaux et il y aura lieu de les rétablir dans leur état primitif.

*

Westcapelle. On se mettra bientôt à l'œuvre pour la restauration et l'agrandissement de l'église de Westcapelle, d'après les plans de l'architecte Depauw, de Bruges.

La tour, qui appartient à l'église primitive, était surmontée d'une flèche en bois très élancée et qui fut détruite par un incendie en 1405, à l'époque de l'invasion anglo-saxonne.

Les États de Flandre réclamèrent l'interven- tion de toutes les villes et châtellenies, }' compris Belle et Bergues-Saint-Winoc, dans les frais de reconstruction de la dite flèche, car la Flandre tout entière était intéressée à ce travail. Les marins qui recherchaient nos côtes considéraient, en effet, la tour de Westcapelle comme un des principaux phares du littoral.

Les marchands de la Hanse germanique avaient d'ailleurs insisté en termes assez vifs auprès de l'autorité compétente en faveur de la prompte restauration de la tour.

Les travaux, vivement menés à partir de 1405, furent terminés en 1412. Décrétés d'utilité publi- que, ils avaient été confiés au maître-maçon Àndrien Bratin, de l'Écluse, qui n'avaient ti'ail- leurs autre chose à faire que réparer les arcades de trois croisées du clocher et à consolider l'ar- mature murale sur tout le pourtour. La char- pente de la flèche, qui comprenait six étages, était haute de 64 pieds et percée de quatre baies surmontées chacune d'un fanion doré qui faisait office de girouette.

La charpente avait été adjugée à Jean Cleyaerd, de Bruges. Le coût total de l'entreprise s'élevait à environ 2,500 livres parisis. Les devis- métré, détail estimatif et cahier des charges, n'étaient d'ailleurs pas l'œuvre du premier venu. Ils avaient été dressés et signés par un architecte fameux, Jean Van Oudenaerde, à qui Bruges doit

Cl)romque»

429

son beffroi et l'ancienne poudrière du « Lac d'Amour ».

Malheureusement, en 1664, la foudre tomba sur la nouvelle flèche, provoquant une conflagra- tion, qui la réduisit en cendres.

Or, la Flandre, à cette époque, n'était pas beaucoup plus riche que l'église de Westcapelle. La Hanse Germanique avait été dissoute et les « finances des bonnes villes » étaient plongées dans le marasme.

Depuis, on n'eut plus guère l'idée de doter d'une flèche la tour lamentablement décapitée.

La tour de Westcapelle est demeurée, en dépit des siècles, telle qu'en 1405

Heureusement, les plans et devis de Van Ou- denaerde existent encore et ce superbe travail de charpente pourra être restitué tel qu'il était au quinzième siècle.

*

* »

Dixmude. Le dernier Bull, de la Commission royale d'art et d'archéologie, organe de la Co)n- mission royale des inoniivient s, nous apprend qu'on a exécuté les travaux nécessaires à l'un des pi- liers du transept, pour parer au danger imminent qui menaçait cette pile d'effondrement, et le riche jubé bien connu, sinon le chœur de l'église lui- même, de destruction ainsi que nous l'avons fait connaître. L'orgue qui surmontait le jubé a été reporté à l'entrée. Mais ne va-t-on pas maintenant placer sur le jubé l'ancienne et très belle croix triomphale, que, dans une récente visite, nous avons trouvée remisée à l'entrée de l'église tout comme celle de la belle église de Fumes, récem- ment agrandie.

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Huy. Nous lisons dans le Bulletin paroissial

de la Collégiale de Huy :

Nul parmi les érudits que possède la ville de Huy ne l'ignore: le monument qu'ils appellent avec une juste fierté leur < belle Collégiale », est le quatrième édifice sacré érigé sur le même emplacement, en l'honneur de la T. Sle Vierge Marie, par la piété des Hutois.

Mais nul ne s'attendait à ce que les travaux, nécessités par l'établissement d'une chaufferie, remissent au jour des vestiges considérables de l'ancienne collégiale romane due à la généreuse sollicitude de Théoduin de Bavière, 53"= évêque de Liège, consacrée par lui le 24 juin 1066.

A la recherche d'un placement pour la cave à charbon, les ouvriers ont découvert dans le sol du transept actuel le rez-de-chaussée du narthe.x du monument de 1066. On y retrouve des murs décorés d'arcs en plein cintre et les colonnes et piliers avec chapiteaux de forme cubique. Seules, les voûtes ont disparu.

On constate que l'ancienne collégiale ne s'étendait pas plus loin vers l'ouest que le transept de l'église actuelle et se trouvait à un niveau inférieur d'au moins cinq mètres. Il est à désirer que ces vestiges précieux de l'ancienne collégiale de Théoduin soient entièrement dégagés.

Pour compléter cette information, \e Jojtrnal de Huy publie les intéressants renseignements ci-après qui lui sont communiqués par M. Louis Schoenmakers, architecte :

Depuis la publication du Bulletin Paroissial, de nou- velles découvertes ont été faites, qui rendent plus puissant l'intérêt qui s'attache à oetle résurrection inattendue d'une partie de la basilique de Théoduin.

En dégageant le narthex ou parvis des décombres dont il est rempli, on a mis au jour deux ouvertures donnant accès dans une crypte dont la voûte est parfaitement con- servée. Des traces de décoration picturale se remarquent encore sur les murs et sur la voûte. Quelle était la desti- nation de cette chapelle? Nous croyons qu'il s'agit ici d'un ossuaire du XII" siècle, dont il est question dans une charte de l'an 1160^ faisant partie d'un cartulaire conservé aux Aichives de l'Élat, à Liège.

Le pavé du narthex, qui était de petits carreaux émaillés de différentes couleurs, a également été mis à découvert. Il se trouve à plus de deux mètres sous le niveau actuel de la rue de la Collégiale. Il témoigne de l'exhaussement considérable que la voirie a subi aux alentours de cet édifice.

Les découvertes que l'on vient de faire susciteront quelque émotion parmi les archéologues ; elles mettent à néant tout le système imaginé par M. le doyen Grand- maison, dans un notice historique sur la collégiale de Huy, pour expliquer l'origine de l'église actuelle.

Se basant sur la forme demi circulaire des arcades des chapelles latérales, il prétendait y voir les vestiges de l'église de Théoduin, comme il voyait dans les bases des colonnes actuelles, les bases romanes du XK' siècle. Ce système, qui ne tenait pas debout, est démenti aujourd'hui par les faits.

Œutircs nouttcllcs.

Nous lisons dans \es Journaux de la Belgique :

TljEUX monuments du plus pur gothique, 1^ l'église des Dominicains à Gand, démolie il

y a 40 ans, et l'ancienne église de la célèbre abbaye d'Aulne, vont être réédifiées, la pre- iE-*i^ -"^ mière pour la nouvelle paroisse de St-Henri (Woluwe-Saint- Lambert), la seconde pour une nouvelle paroisse à Boitsfort. On ne peut qu'applaudir, à tous les points de vue, à des projets aussi grandioses. Vetera et Nova.

Nous avons appris antérieurement que l'on voulait édifier aux environs de Liège un fac- similé de l'abbatiale de Villers.

Ainsi donc, ayant à faire trois églises parois- siales, on se propose de copier fidèlement une église conventuelle et deux abbatiales cister- ciennes.

Qu'on adopte et imite tels dispositifs et telles formes heureuses rencontrés dans ces monuments anciens, pour autant que ces dispositifs et ces formes trouvent leur application légitime et ra- tionnelle dans l'édifice nouveau, c'est ce que tout monde approuvera.

Mais comment peut-on se proposer de repro- duire de toutes pièces, pour un usage déterminé, des monuments qui sont précisément remar- quables par leur adaptation, spécialement carac-

430

Ecbuc lie r^rt cbrttirn.

térisée, à des destinations entièrement différentes, c'est ce que nous ne pouvons comprendre.

On dit beaucoup de bien du retable d'autel récemment placé à la chapelle du grand sémi- naire de Malines. II a été peint, par M Rosiers, directeur de l'académie de cette ville.

Congrès De musique sacrée.

ARMI les congrès auxquels a donné lieu l'exposition de Milan, il convient de noter le « premier congrès national cécilien de musique sacrée », qui s'est tenu les 8, g, et lo octobre.

S. Em. le cardinal Ferrari a prononcé le dis- cours d'ouverture et assisté à toutes les séances qui étaient présidées par le R. P. Amelli, abbé du Mont-Cassin.

Le programme distribuait entre les trois jours le plain-chant (canto ferma )^-a musique religieuse (canto figurato), l'orgue.

Les discussions ont été animées ; parmi ceux qui y ont le plus participé, citons le R. P. Lau- rent Janssens, recteur de Saint-Anselme de l'Aventin, et M. Jules Bas, maître de chapelle à Saint-Louis des Français.

Parmi les rapports, signalons les suivants : relations entre les accents du texte dans les hymnes ïambiques quaternaires ; étude spéciale sur les chants ambrosiens plus ou moins ornés ; formation des jeunes chantres, notamment usage traditionnel des voix d'enfants ; invitation aux compositeurs de se conformer aux règles de la musique sacrée tracées par Pie X dans le Motu /r<7/>^/o/ rappel de certaines règles à suivre par les organistes dans l'accompagnement du chant; indications aux fabricants d'orgues, etc.

Le congrès a sanctionné les statuts renouvelés de la <( Société nationale cécilienne » ; il a con- firmé le P. Amelli dans la charge de président, désigné Rome comme siège du futur congrès, et décidé de demander au Pape un cardinal pro- tecteur, pour le choix duquel le P. Amelli a fait acclamer le nom du cardinal RampoUa, titulaire de la Basilique romaine de Sainte-Cécile, monu- ment de sa générosité éclairée pour les arts.

Varia.

Étampes. Nous lisons dans Musées et Monumetits de France le résumé d'une com- munication faite au dernier Congrès des Sociétés savantes de Seine-et-Oise, par M. L. Eugène

Lefèvre sur les peintures de l'église Notre-Dame d'Etampes, fondée par Robert le Pieux, au com- mencement du XP siècle.

La principale église d'Etampes possède plusieurs peintures murales découvertes plus ou moins récemment et tout à fait dignes d'intérêt, sinon à cause de leur beauté parfaite, du moins en raison de leur antiquité et de la rareté de ces documents.

Il subsiste sur ses murs un certain nombre de croix de Cûnsécra/ioii, dont deux intactes et trois plus ou moins mutilées, inscrites au milieu de médaillons circulaires de o'" 6n de diamètre. Chaque médaillon est encadré d'une bordure rouge avec inscription en noir. Les lettres sont d'un gothique simple non fleuri ; les légendes paraissent se rapporter aux apôtrts.Les croix fines et dorées ont leurs bras égaux terminés par des fîeursde lis qui ont été grat- tées, là le badigeon ne les protégeaiet pas, h l'époque de la Révolution.

Mais de plus, dans chaque médaillon est inscrit un personnage qui doit figurer un apôtre. En etïet, d'aptes Ijuillaume Durand, il était dans l'habitude liturgique d'allumer, en face de chaque croix de consécration, un cierge qui symbolisait un apôtre, et l'on sait qu'à la Sainte-Chapelle de Paris, par exemple, ce sont des statues d'apôtres qui portent les croix de consécration.

Ici, la pose des personnages peints est assez singulièie. Chacun d'eux est présenté derrière la croix et de ttois quarts, jambes et bras écartés, comme s'il courait; les mains tiennent les bras horizontaux de la croix, le corps est penché en avant et le visage apparaît dans un angle de la croix comme par une fenêtre. Les visages ont une expression très vivante ; ils sont minces et allongés par une grande barbe toufiur. terminée en pointe aiguë. Les yeux sont clairs et vifs.

Dans le croisillon Nord, un apôtre est revêtu de chaus- ses et d'une jaquette courte : il porte un bonnet. Un autre, dans le croisillon Sud, est nu-tête, vêtu d'un grand man- teau, et porte un attribut en foime de règle coudée.

Le style de ces figures, leur ajustement et leur agence- ment rappellent de très près mainte représentation soit sculptée, soit peinte, de la fin du .XlV'e siècle et du com- mencement du XV" siècle. On trouve des apôtres ou des prophètes barbus de ce genre dans les psautiers du duc de Herry ; on en trouve aussi sculptés à la Sainte-Chapel- le de Bourges, et, bien que l'on ne sache malheureuse- ment rien de la date exacte à laquelle ces peintures furent appliquées sur les murs de Xotre-Damc d Étampes, sans enduit ni autre préparation spéciale, nous sommes ainsi portés à les attribuera l'époque de Jean de Herry, Etant données les circonstances historiques que nous rappe- lions, on peut donc voir dans ces représentations singu- lières et peut-être uniques, une manifestation originale due aux artistes du duc, ou un reflet tout au moins des créations qui furent exécutées ailleurs pour le grand ama- teur d'art et spécialement de peinture qu'était Jean de Berry, Comte d'Etampes et titulaire de l'abbatial de l'église Notre Dame,

Ajoutons que d'autres peintures murales se voient à Notre-Dame. La plus ancienne de toutes est extérieure : elle décore le tympan du petit portail méridional. M. Lefèvre la croit du milieu du XI 11'' siècle. Elle représente la Vierge, l'En- fant Jésus, et deux saintes, patronnes de deux donatrices agenouillées. Vient ensuite une pein- tuie représentant le martyre de Sainte-Julienne,

Cl)romque.

431

sur le mur de la tourelle d'escalier, à droite du chœur : M. Lefèvre l'attribue au milieu du XV' siècle. La décoration des piliers du chœur, faite de fleurs de lis et de colliers auxquels pendent des croix, parait être contemporaine des croix de consécration.

Enfin la peinture la plus importante par ses dimensions et par le nombre des personnages représentés est au-dessus de la porte de la sacris- tie: elle figure un Ecce Iioino et date du commen- cement du XVP siècle. Elle n'est malheureuse- ment l'œuvre que d'un artiste médiocre.

Moits. On vient de découvrir, dans l'an- cienne demeure de M. Tabulant, au square Saint- Germain, à Mons, un bas-relief servant d'entable- ment à un mur. Cette pierre, qui n'est que la quatrième partie d'un monument funéraire dont la sculpture est absolument remarquable, possède une inscription gothique établissant que l'on se trouve en présence d'un fragment d'une tombe d'un Montois décédé le 24 mars 1414.

Par le style et la manière des sculptures, il est très probable qu'elles sont dues à maître Gilles Le Cat, un célèbre Imagier montois, tailleur d'i- mages et de tombes, en 1380 et mort en 1427.

Le débris conserve des traces très évidentes de polychromie. Cette constatation prouve une fois de plus que les anciens monuments funé- raires étaient polychromes.

Le propriétaire actuel de l'immeuble s'est faite cette intéressante trouvaille, va faire remet- tre la pierre au musée de \a ville.

Madrid. Un vol important a été commis à la cathédrale de Séville.

Des individus, restés inconnus, ont enlevé 43 miniatures de livres de chœur, œuvres ad- mirables des enlumineurs des XV" et XVI'' siècles, un tableau d'Alonzo Cano, etc.

La valeur des objets dérobés est de deux mil- lions environ.

On a retrouvé le tableau de Cano et divers objets chez un antiquaire de la ville.

Wendiiyne. Wenduyne date, semble-t-il, d'avant le X-" siècle ; il fut plus important jadis. Son église, qui n'est plus qu'une partie de ce qu'elle a été, témoigne de son ancienne splendeur.

L'autre partie a été détruite par le terrible ouragan qui, au XI V^ siècle, ravagea nos côtes et combla la rivière de Swyn, qui mettait Bruges en communication avec la mer.

L'accroissement de la population a nécessité l'agrandissement de l'église ; les travaux sont entamés. Au cours de ceux ci, on a découvert à 50 centimètres de profondeur, un dallage en briques émaillées et coloriées, d'une facture remarquable et très bien conservé.

La Commission royale des monuments s'occupe de ces découvertes, ainsi que d'autres faites dans le village à l'occasion des travaux qui s'y exécutent.

Grenade. Dans une dépendance de la cathé- drale de Grenade, on vient de trouver, au fond d'une vieille armoire, une précieuse sculpture en bois peint, œuvre du célèbre artiste grenadin Alonso Cano. Cette œuvre remarquable repré- sente la Madeleine agenouillée au pied d'un tronc d'arbre dans une attitude de prière et de péni- tence. Le visage de la sainte est d'un coloris merveilleux, d'une vérité extraordinaire d'ex- pression poussée jusqu'à l'extrême du réalisme.

Jusqu'ici on n'a pas retrouvé la mention de cette œuvre dans les ouvrages de Palominoetde Cean Bermudez ni dans le Boletin del Centra Artisttco, mais les experts sont unanimes à reconnaître dans ce travail la touche magistrale de celui qui a doté la cathédrale de Grenade de tant d'autres chefs-d'œuvre (').

Un Titien vendu à i Amcrique. On annonce que les frères de .Salvadori, de Trente, ont vendu à un millionnaire américain le portrait du cardinal Christophe Madruzzo, évêque de Trente, au pinceau du Titien. L'œuvre fut cédée pour 200 000 lires. Le cardinal y est re- présenté en pied. La toile a beaucoup souffert et le coloris du visage notamment a perdu de sa fraîcheur à la suite de restaurations déplorables. On regrette en Italie que l'œuvre ait été vendue à l'étranger, car elle est une des meilleures pro- ductions de l'immortel Titien.

* *

Le 1 1 octobre dernier a été inaugurée au Salon d'Automne une très intéressante exposition ré- trospective et moderne de l'art russe, comprenant plus de 750 œuvres figurent notamment des icônes des primitifs russes, des tableaux des meilleurs artistes du XVIL' siècle et du règne de Catherine II, notamment de Levitsky et Borovi- kovsky, des œuvres très nombreuses des peintres modernes : Somoff, Maliavine, Rœhrich, Jon,

Chronique des Arts.

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3^r\)uc tjc l'^vt cbrctieu.

Korovine, Benoîs, Kouspetzov, Moussatov, Sérov, Vroubel, etc. ; des sculpteurs Sclioubine, Trou- betzkoï, etc. S. M. l'empereur de Russie a bien voulu prêter quelques-unes des plus belles toiles de ses collections de Péterhof et Tsarskoë-Sélo et du Palais d'Hiver, et S, M. l'impératrice douai- rière a envoyé un choix fait au château de Gatchina (•).

ïîecrologie.

M. Louis-Charles Suisse, architecte diocésain de la Côte d'Or, architecte en chef du Gouver- nement et des Monuments historiques pour la Côte d'Or, l'Isère, la Savoie et la Haute Savoie, en résidence à Dijon, chevalier de la Légion d'honneur, est mort à Chenôve près de Dijon, le 9 août 1906. Il était à Paris le i juin 1846, mais peu de semaines après son père venait résider à Dijon en qualité d'architecte départe- mental.

M. Charles Suisse était un homme de grand talent, d'une activité sans bornes et dont l'œuvre est considérable ; on citera seulement ici parmi ses travaux la restauration longue et difficile de la cathédrale Saint-Bénigne de Dijon, et la con- struction de la nouvelle flèche en charpente : la restauration des églises de Saint-Seine sur Vin- geanne, Ruffey lez Baume et Rouvres ; celle des bâtiments abbatiaux de la Bussière transformés en habitation luxueuse tout le confortable moderne se trouve à l'aise dans un cadre mé- diéval ; de la salle des Gardes au palais ducal de Dijon, avec M. Louis Sauvageot ; de la Salle dorée au Palais de Justice, avec M. Lisch, inspec- teur général des Monuments historiques ; des châteaux de Larochepot, devenu le Pierrefonds de la Bourgogne, et de Thoisy-le-Berchére ; du donjon de Semur, de la croix de Couchex. Dans la Savoie, M. Suisse a restauré la chapelle ducale

I. Chronique des Arts.

de Chambéry; dans la Haute-Savoie, pour le Gouvernement, le château des ducs de Savoie et le palais de l'Ile à Annecy, et le cloître d'Abon- dance, enfin pour M. le comte de Menthon, le château de Menthon Saint-Bernard, il a pro- digué toutes les richesses monumentales du décor moyen âge. Il a préparé de plus des tra- vaux importants et nombreux que sa mort pré- maturée laisse en suspens.

C'était un homme droit, aimable et bon dont la main et le talent se retrouvent dans tout ce qui s'est fait à Dijon et dans le département depuis vingt-cinq ans ; estimé et aimé de tous ceux qui l'approchaient, il avait créé autour de lui toute une école de dévoués dessinateurs, d'ar- tistes, d'ouvriers grâce auxquels Dijon pouvait se suffire à soi-même dans tous les travaux d'art. Tous ses collaborateurs l'adoraient comme le plus serviable, le meilleur des chefs. La ville et le département perdent beaucoup à sa mort ; il est certain, en effet, que son successeur n'aura plus sa résidence à Dijon et que le service des Monuments historiques va passer sous le régime ordinaire de la tutelle bureaucratique exercée de Paris. Et cette perspective est bien faite pour rendre plus douloureux encore le deuil qui nous frappe et peut-être qualifié de deuil public.

M. Suisse, qui était président de la Société des Amis des Arts, membre de l'Académie de Dijon et de la Commission départementale des Antiquités, avait obtenu aux Salons de Paris et aux Expositions universelles des distinctions qui le mettaient hors concours. Il a publié en 1S76, à Paris, chez Morel, un volume Reslaraiition du château de Dijon, qui est une remarquable mono- graphie de la forteresse bâtie par Louis XI. Le texte très documenté est accompagné de plan- ches excellentes gravées sur les dessins de l'au- teur.Ce beau volumeest tout ce qui subsiste de cet admirable ensemble de pierres, de verdure et de souvenirs, contre lequel se sont acharnées à l'envi pendant un siècle des municipalités vandales.

Henri ChABEUF.

Imprimé par Desclée, De Brouwer & C'"', liixe-paris-uruges.

Table Des matières. Hmiée 190G.'%

Vienne la Sainte et ses premières églises, par M. L. Maître p. i

L'église Notre-Dame-la-Grande à Valenciennes, par M. L. Seri;\t pp. 9, 242

L'Art chrétien monumental, par M. L. Ci.oyuKT pp. 22, 92, 166, 313, 371 suivre).

La Vie de Jésus-Christ dans les anciens portails, par M. G. Sanoner. pp. 32, 181, 302, n<) suivre).

Jules Helbig (Nécrologie), par M. L. Cloquet p. 73

Un Martyrium du IV'= siècle à Bourg-Saint-Andéol (Ardèche), par M. L. Maître. p. 77

L'église de l'ancien prieuré de Saint-Séverin en Condroz, par M. Adr. Schellekens. p. 85

Un nouveau livre sur l'Art chrétien, par M. Anthvme Saint-Paul La vie d'un peintre vénitien au XVI'= siècle, par M. Gerspach. La déviation de l'axe du chœur des églises, par M. R. Compaing.

Archéologie chrétienne en Danemark, par M. Vilh Lorenzen

La Vierge qui baise la main de l'Enfant, par M. P. Perdrizet

Galerie des peintres chrétiens, par M. L. Cloquet

Un Primitif, la Circoncision, par M. H. Chabeuf

La tour funèbre de Saint-Restitut (Drôme), par M. !.. Maître

•■ P- '45

pp. 158, 233

.. p. 217

.. p. 227

p. 289

PP- 295. 370

P- 297

p. 361

ffiélangesi.

Tapisseries en Italie (Gerspach). Un primitif à identifier (H. Chabeuf). Une église en ciment armé (L. Cloquet). L'Art médiéval. L'iconographie de Notre-Dame de la Treille (L. Cloquet). Deux peintures de Cosme Tura

(Gerspach).

Glanes iconographiques (L. Marsau.\>. La cheminée gothique en Belgique (L. Cloquet)

47

1906.

REVUS DB l'art CHRÉTIEN.

434

3^ebue tje V^xt cj)tétien.

Une bourse armoriale (Dom L. M. nr. Massiac). églises (L. Cloquet)

La déviation de l'axe des

Le symbolisme du tympan de Vézelay (L. Eug. Lefèvre). La façade de la ca- thédrale de Perpignan (A. Mavkux). Un mausolée du XIV= siècle à Tournai

(L. Cloquet)

Ornements anciens de chasubles et cadre en paille (Dom Louis-Marie de Massiac). L'architecture en briques en Espagne (L. CLoguET). Comment renouveler l'art chrétien (le même)

Jean Fouquet et la cathédrale de Nantes (H. Chabeuf). Le déblaiement des sanctuaires de Saint-Menas en Egypte (R. Maere). M. Etienne Mortier. ...

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253

321

397

Gorre0ponDances.

Italie, par M. Gerspach

France (L. Maître). Belgique (Prof, de Ceuleneer)

Espagne (Enrique Serrano Fatigati). Questions (Léon Germain de Maidy) West- Flandre (H. Hoste). France (L. Germain de Maidv)

Tratïaur De0 Hocittés satiantes.

p-

56

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266

p-

335

p-

401

FRANCE. Académie des Inscriptions et Belles-Lettres pp

Société nationale des Antiquaires de France. ... pp

Société arcliéologique de Tarn et Garonne

Congrès de la Société française d'archéologie à Beauvais et h Gompiègne en

Premier Congrès mariai breton tenu à Josselin.

Société française de paléographie.

30"" Réunion des Sociétés des Beaux-Arts des Départements

Congrès des Sociétés savantes de Paris et des Départements.

s> > » tenu à la Sorbonne, en avril 1906

Société des Antiquaires de Picardie

Congrès archéologique de Garcassonne

Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc.

Académie d'Arras. Congrès des Sociétés savantes tenu h Arras du 7 au 10

ITALIE. Académie des Sciences de Turin

BELGIQtlE. Cercle historique et archéologique de Courtrai, 1905. ...

Société d'Archéologie de Bruxelles

Académie d'Archéologie de Belgique.

Académie royale d'Archéologie de Matines

Commission royale des Monuments de Belgique.

58, II

59. '2

1905.

3. -01. 3, 200,

268, 269,

uillet 1904.

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202, 40S

p. 272

340, 409

Bibliograpljie,

Première livraison. Roger de la Pasture, pai A. Hocquet. Cours d'estliétique artistique, par l'abbé H. Gevelle. Saint-Jean-Ie-Vieux de Perpignan, par M. Mayeux. Le Corbonnais et le Perche Chartrain, par l'abbé A. Desvau.\. Les fonts baptismaux de Termonde, par A. .Schellekens. La

Cable de0 matières. 435

peinture et les arts plastiques dans le pays de Liège. Die Denkmaeler der deutschen Bildhauer- kunst, par M. Dehio et G. Von Bezold. Incrustations égyptiennes, par Van Rosenberg. Deux plaques tumulaires, par P. G. de Maesschalck p. 63

Deuxième livraison. Monuments de l'Hérault, par Ém. Bonnet. Le Caire, par G. Migeon. La Vierge de Foy-Notre-Dame, par J. Destrée. L'orfèvrerie sur les bords de la Meuse. la restauration de l'industrie de la tapisserie en Belgique, par le même. Guide dans Troyes et le Département de l'Aube, par L. Morel p. 12S

Troisième livraison. Guide de Gand. Cathédrales de Reims, Amiens et Beauvais, par A. Gosset. Influences de l'École auvergnate en Velay, par H. du Ranquet. Manuscrit à peintures de la Bibliothè- que de Saint-Omer, par L. Boinet. Les très riches heures du Duc de Berry, par Mgr A. Marsaux. p. 204

Çyiiatrième livraison. Le portail royal d'Étampes, par L. Eug. Lefèvre. Monographie de la cathédrale d'Angers. II. Les Immeubles par Destination, par L. de Farcy. La cathédrale de Ciudad Rodrigo, par M^ Cabello y Lapiedra. La capilla de Santa Maria la Mayor de Henares, par le même. El real Monasterio de Filtero en Navarra, par V. Lamperez y Roniea. p. 273

Cinquième livraison. De Sint-Nicolaaskerk van Jutfaas, par G. W. Van Heukelum. Dégagement de la cathédrale de Tournai, par E. J. Soil. Die Beinehauser Lothringens, par R. S. Bour. Hospitalet i Aarhus, par V. Lorenzen et C. Braestrup. Das Freiburger Munster, par F. Kempfer et Schuster. La peinture religieuse en Italie, par P. Perdrizet. La coloration enseignée à l'École d'Art industriel, par l'abbé Delescluze. Les origines des anciens monuments de Poitiers et de son Palais de Justice, par le P. C. de la Croix. L'église Notre-Dame de Nimes, par M. le chan. Durand. - Fra Angelico Benozzo Gozzoli, par Gaston Sortais. Le retable de Beaune, par Y. de Mély p. 341

Sixième livraison. L'église Notre-Dame et la Chapelle castrale de Bruges, par C. Callewaert. Nancy, par A. Hallays. Devis de la maison forte d'Elbeuf-sur-Seine, par L. Régnier. Église de Saint-Philibert de Grandlieu, par le R. P. C. de la C. L'Art du bronze et du cuivre à Tournai, par E. Soil. Les origines du style gothique en Brabant, par R. Lemaire. Essais sur l'Art contemporain, par H. Fierens-Gevaert. Objets d'art des églises du département de l'Eure, par R. Régnier. Franchi- mont, par F. Lohest. Société nationale des antiquaires de France. p. 412

Périodiques PP. 65, 139, 207, 278, 347, 41S

Index bibliographique PP. 66, 140, 275, 354, 424

Ct)rûntque.

Première livraison. MONUMENTS ANCIENS : Relevés et inventaires, restaurations. ~ EXPO- SITION: Exposition Van Eyck. NOUVELLES: Troyes, Toulouse, Pompéi, Feltre. ... p. 69

Deuxième livraison. L'ART A L'ÉCOLE. RESTAURATIONS MONUMENTALES. VAN- DALISME : Solesmes, Rome. VARIA p. 141

Troisième livraison. MONUMENTS ANCIENS: Restaurations. EXPOSITION VAN EYCK. MUSÉES : Rome, Milan. NOUVELLES : Venise, Liège, Jérusalem. NÉCROLOGIE : E. Gers- pach, J. Helbig P- 209

Quatrième livraison. CONSERVATION DES MONUMENTS. Monuments privés. Monuments religieux : Voix, Bruxelles, Wenduyne. NOUVELLES : Dijon, Termonde, Tokio. Rome, Vicence, Florence, Cologne. P- -^4

Cinquième livraison.— JUBILÉ DE L'ÉCOLE SAINT-LUC DE LIÈGE.— MONUMENTS ANCIENS : Suresnes, Narbonne, Paris, Tournai.- ŒUVRES NOUVELLES : Ypres, Brooklyn.— VARIA, p. 356

Sixième livraison. RESTAURATIONS MONUMENTALES: Triel, Reims, Saint- Benoit-sur- Loire, Orléans, Avignon.— MONUMENTS ANCIENS : Cologne, Bruxelles, Louvain, Westcapelle, Dixmude, Huy. ŒUVRES NOUVELLES: Restitution des églises de Villers, d'Aulne et des Dominicains de Gand, Verrières à Matines.— CONGRÈS DE MUSIQUE SACRÉE.— VARIA.— NÉCROLOGIE, p. 426

436

jIRebuc tie r^rt (Ijrétien.

-1^ graine tics :Qlanct)es; ^

I. Fragment de l'Apparition de la Vierge à saint Bernard. Filippino Lippi.

Partie de tableau, église de la Badia, à Florence.

II. Ange de Fra Angelico, 1433, musée de Florence.

III. La Vierge adorant l'Enfant Jésus. Filippo Lippi. Flûrence. Galerie antique et

moderne.

Vignettes intercalées Dans le te;cte.

Vienne (Isère). Basilique de St-Pierre. Id. Id. Id.

Maison dite du Prévôt, de Notre-Dame- la-Grande

Chevet de Notre-Dame-la-Grande

Intérieur de la chapelle de N.-D. de Hal.

Église de Germigny-les-Prés. Coupe. ... Id. Plan.

Église de Vignory. Nef

Lyon. Église d'Ainay, entrée de la crypte

Orléans. Crypte de Saint-Avit

Id. Plan actuel du baptistère.

Lyon. Arcades de la basiliqiie de Saint- Irène.

Église de Distré (Maine et Loire)

Kglise de Saint-Généroux (Deux-Sèvres). Id. Id.

Église de Saint-Pierre (Isère)

Abbaye de Lorsch. Une des trois travées du portail

Château-Landon. Fenêtre avec châssis en bois

Auxerre. - Ghapit. d'un pilier de la crypte.

St-Philiberl de Grandlieu. Naissance d'un arc

Cathédrale de Pise. Linteau de la porte.

Arezzo. Tympan de S. Marie délia Pieve.

Parme. Linteau de porte du baptistère.

Catiiédrale de Burgos. Porte du cloitre.

Catliédrale d'Orviéto. M ur de la façade.

Beaulieu. Retour de gauche du porche.

Cathédrale d'Orviéto. Mur de la façade.

Charlieu. Tympan de la baie gauche.

Cathédrale de Tolède. Tympan de la porte dite de l'Horloge

La Circoncision, d'après une peinture fla- mande (XV'' siècle)

Église de Saint-Jean de Montmartre, vue

intérieure.

Id. Id. plan.

Saint Dominique (1420-1498 ?)

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Portrait de Jules Helbig

Sarcophage de saint Andéol

Cella de saint Andéol

Plan de l'église St-Polycarpe et de sa crypte. Église Saint-Séverin en Condroz. Chevet.

Id. Intérieur

Id. Façade.

Id. Plan

Id. Coupe longitudinale.

Octogone de Derbe-Bin-Bir-Kilissé.

Id. oval de Wiranschehr.

Id. d'Isaure

Id. d'Hiérapolis

Église de Saint-Grégoire d'Etschmiadsin. Prétoire de Mousmieh. ~ Vue intérieure.

Id. Plan

Ancienne Phana

Église de Saint-Georges d'Ezra

Id. Plan et coupe longitudinale.

Basilique de Tafkha

Église d'Harab-Ech-Chams

Plan de la basilique de Baquouza.

Hass. Église du IV" siècle

Roueiha. Église du VI'= siècle

Dehhès. Porte latérale de l'église QualaatSem'an. Octogone de la basilique. Id. Basil, de St-Siméon Stylite.

Église de Tourmaninia.

Id. Qualb-Louseh (Syrie centrale). Quala at Sem'an. -- Chevet de St-Siméon. Saint-Sépulcre à Jérusalem. Plan de

la basilique de Constantin

Sainte-Sophie à Gonstantinople

Maison de la Reine Bérengère au Mans. Cheminée du XV siècle, au château de

Bouthéon.

Cheminée d'une maison démolle à Léau.

Id. tournaisienne.

Claveau de clef de la cheminée précédente. Id. d'une cheminée tournaisienne.

Cheminée tournaisienne

Id. de la cuisine de l'hôtel Gruuthuuse.

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Cable des mattères.

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Support angulaire du tombeau de Mar- guerite d'Autriche

Cheminée de la Halle aux draps à Gand. Encadrement d'une cheminée à Bruges. Cheminée flamande d'après un manuscrit.

Id. d'une maison h Damme

Id. au musée de Gruuthuuse à Bruges.

Id. au musée lapidaire à Gand

Id. d'une Ancienne maison à Damme.

Id. rue du Vieux-Bourg à Gand.

Id. de la maison comm. de Maestricht.

Id. à Grivegnée

Id. d'après un tableau de Memling.

Id. à Tournai

Id. provenant d'Arquenne.

Id. de la Renaissance à Feluy

Façade d'une maison de Beaumonl. Courtrai. Façade place Saint-Amand.

Id. Id. rue du Persil, 15 et 17.

Id. Pignons situés G rand'Place,

Sarcophage de Saint-Guilhem-le-Désert. Salle capitulaire de l'abbaye de Valmagne. Autel de Saint-Guilhem-Ie-Désert. Cathédrale Saint-Nazaire de Béziers.

Vue du Caire

Mosquée d'Hassan au Caire S..

Mosquée des Fleurs au Caire

Une ruelle du Caire

Palais de Gezeerch

Saint Antonio, par Lorenzo Lotto

La Madone et l'Enfant Jésus. Id.

Chapiteau de l'église St-Vital de Ravenne.

Chapiteau latin

Chapit. de Ste-Sophie de Constantinople. Mosaïque de l'église St-Vital à Ravenne. Mosaïque de Saint-Apollinaire le Neuf. Église de la Vierge d'or à Trébizonde. Eglise de Saint-Georges de Salonique. ... Église des Sts-Serge et Bacchus à Cons- tantinople.— Coupe longitudinale.

Id. Id. Plan

L'église de Daphni. Plan terrier

Coupole byzantine.

Le Theotocos à Constantinople. Façade. Id. Id. Coupe longitudinale.

Eglise de Daphni. Plan

Id. Élévation.

Le Catholicon d'Athènes

Église de Sainte-Sophie à Kief

Église de la Kurtea d'Argis (Roumanie). Habitations vulgaires à Serjilla (Syrie). Restes de maisons syriennes à Jéradi. Chapiteau roman historié à Saint-Pons. Portail de la cathédrale de Bazas.

Chapiteau historique à Givrai

Portail roman à "Worms

Bas-relief en bronze à Bénévent

Les vierges folles à la cath. de Strasbourg.

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Portail de Saint-Vincent d'Avila

Soubassement historié à la cathédrale Saint-Étienne.

Frise du portail de Saint-Gilles

Bas-relief roman à Chichester

Id. Id. Td.

Chapiteau historié à Salnt-Pons

Id. à Saint-Hilaire de Foussais.

Bourse armoriale. Avers.

Id. Id. Revers

Plan de la cathédrale de Tournai.

Gand. Musée à l'abbaye de St-Bavon. Id. Préau Id. Id. Id. Pendentif de l'église Notre-Dame Saint-Pierre

Plan de Notre-Dame de Paris

Plan de Notre-Dame-la-Grande à Poitiers.

Plan de l'église de Preuilly-sur-GIaise.

Façade de Notre-Dame de Paris

Intérieur de Notie-Dame de Poitiers.

Cathédrale de Tours

Chapiteaux de l'église N.-D. à Poitiers. ...

Christ de la chapelle de la Bourgonnière.

Crucifix triomphal de Maredsous

Crypte de la cathédrale de Lund (Suède).

Église des Cisterciens de Soro (St-Gallaud).

Cathédrale de Ribe (Jutland)

Église des Bénédictins de St-Canut de Odeuse

Les miracles de sainte Claire

La Madone sur le trône

Valenciennes. L'église N.-D. -la-Grande.

Id. Façade du Jubé

Id. Grand lustre de laiton.

Église de Vézelay. Tympan de la porte.

Perpignan. Façade de la cathédr. (avant

la restauration). Id. Id. (vue actuelle).

Id. Cathédrale (situation en 1324).

Gand. Tomljeau à la crypte de St-Bavon.

Tournai. Mausolée à l'église St-Quentin. Id. Plan de l'église St-Quentin.

Tombeaux à l'abbaye de Cambron

Égl. de St-Philibert de Grandlieu (vue intér.)

Église d'Angers. Vue du chœur et l'autel. Id. Insignes royaux du roi René.

Église N.-D. à Montmartre. Fresque.

La Vierge de Consolation de Vatopède.

La Descente de croix, relief du Bourget.

Pietà de C. Tura au musée Correr

Mise au tombeau, tableau franc, à Marly.

L'apparition de la Ste Vierge h S. Bernard.

La Circoncision, d'après une peinture fla- mande

Porte de la cathédrale de Saint-Gilles.

Cath. de Chartres. Ébrasem. de la porte.

Église de laNeuville-sous-Corbie(Somme).

Cathédrale neuve de Salamanque

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ÎRebtte lit rSrt rbrétten.

Frise de la façade de St-Gilles

Tabernacle de Hal

Justinien prosterné aux pieds de N.-S. ..

Gonstantinople. Kxlérieur de l'église Ste-

Sophie.

Id. Plan c\ terre de Ste-Sophie

Id. Coupe et plan des toitures

de Ste-Sophie.

Id. Coupes schématiques. Id

Id. Coupe. Id

Chasubles ornées de paille tressée.

Cadre en paille ouvragée

Église Saint-Laurent de Sahagun. ...

Tour de Saint-Martin de Teruel.

Cathédrale de la Seo h Saragosse.

Tour penchée de Saragosse

Cloître de la Rabida de Huelva.

Coupole A Sainte-Marine de Séville.

Coupole du couvent de la Conception de Tolède

La Descente de croix, Fra Angelico.

Tour funéraire à Saint-Restitut.

Tour funéraire à Palmyre.

Frise de la tour de Saint-Restitut. ...

Tour de Saint-Restitut (Drôme). Coupe Id. Id. Plan

Id. Appareil des murs

Église de Saint-Restitut et tour ouverte sur sa nef

Tour de Saint-Restitut. Entrée.

Plan de Saint-Nicolas de Myre ;\ Bar

Cathédrale de Cefalu

Cathédrale de Monréale

Plan de l'église de Monréale

La chapelle palatine à Palerme.

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Saint-Jean des Ermites à Palerme.

Plan de Saint-Laurent à Milan

Rotonde de Brescia.

Tombeau de Galla Placidia à Ravenne.

Intérieur

Plan de Saint-Nazaire à Milan

Tombeau de Galla Placidia. Élévation,

Coupe, Plan

Tympan de la porte d'Altamura

Tympan de porte de la cathédr. de Terlizzi.

Chapiteau de Saint-Nectaire

Détail de la frise de Saint-Gilles

Cathédrale de Bourges. Soubassement du

portail.

Cathédr. d'Ulm. Tympan Nord du choeur. Vantaux de la cathédrale de Bénévent.

Frise de Saint-Gilles

Tympan de porte à Strasbourg

Id. à Fribourg-en-Brisgau.

Portail de la Galende à Rouen

Vantaux de Bénévent

Id. Id.

Id. Id.

Portrait de M. Mortier.

Statuette de saint Etienne.

Arcatures A l'église de N.-D. h Bruges. Wenduyne. Tabernacle à l'église

Id. Sacristie de l'église

Poperinghe. Église de Notre-Dame. Fenêtre abat-sons ;M'église de Vive-Saint-

Bavon.

Décor de pignon Id. Id.

Plan de Saint-Philibert de Grandlieu. ...

Plan de l'abbatiale de Moreruela

Marques de lâcherons

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4^ Wàhlt par noms ti^mteurs. ^

Anthy.me St-Paul. Arnault CAndré). - A. S. -

Berthelé (Joseph). Besnard (A.). Chabeuf (H.).

Charpin (Frédéric). Cloquet (Louis). -

■Un nouveau livre sur l'Art chrétien

Chronique

Bibliographie

-Bibliographie

Travaux desSociétés savantes

Un Primitif, la Circoncision

Un primitif à identifier (Mélanges)

Jean Fouquet et la cathédrale de Nantes ( Id. )

Chronique

Chronique

L'Art chrétien monumental. pp.

Galerie des peintres chrétiens

Une église en ciment armé (Mélanges;

L'Iconographie de la basilique de Notre-Dame de la Treille (

La cheminée gothique en Belgique ( Id. ).

La déviation de l'axe des églises ( Id. ).

P-

145

pp.

210

28S

358

P-

65

P-

128

P-

60

P-

297

P-

48

P-

397

pp.

211,

432

P-

285

22, 92,

166,

3^3,

371

pp.

295,

370

P-

49

Id. ).

P-

;i

P-

"3

P-

198

Cable Des mattères.

439

Un mausolëe du XIV siècle à Tournai ( Id L'architecture en briques en Kspagne ( Id. Comment renouveler l'art chrétien ( Id. ). .

M. Etienne Mortier ( Id. )

Travaux des Sociétés savantes

Bibliographie. Périodiques. .

^

261

?26

P-

P-

P- 332

P- 399

PP- 59> 62, 127, 202

63 à 65, 134 à 138, 204 à 206, 272 à 27S, 2S2 à 283, 342 à 345, 412 à 418 PP- 207, 347, 422

compaing (r.). ^ De Cëuleneer(A.).

DE Massi.-\c (Doni L.

Germain de Maidy

Gerspach.

Monuments anciens (Chronique;. p. 69

L'Art à l'École ( Id. ) p. 141

Restaurations monumentales ( Id. ; p. 143

Nécrologie: Jules Helbig et Edouard Gerspach pp. 73, 213

La déviation de l'axe du chœur. Le côté du Nouveau Testament. ... p. 217

Belgique (Correspondance) p. 266

Conservation des monuments (Chronique; p. 284

-M.). Bourse armoriale de la comtesse Guillemelte de Gruyères (Mélanges), p. 195

Ornements anciens de chasubles et cadre ancien en paille tressée ( Id. }. p. 321

(L.). Question (Correspondance) p. 335

France (Correspondance) p. 404

La vie d'un peintre vénitien au XVl" siècle pp. 158, 233

Le recensement des tapisseries en Italie (Mélanges; p. 47

Deux peintures de Cosme Tura ( Id. ) P

HOSTE (H.). Lefèvre (L.-Eug.). LORENZEN (Vilh). -

Maeterlinck (L.). Maître (L.).

Marsaux (L.). Mayeux (A.). Perdrizet (Paul). R. M.

Sanoner (G.). Schellekens (A.) Serbat (L.). Serrano Fatigati ( Smits (X.).

Correspondance d'Italie.

West-Flandre (Correspondance)

Le symbolisme du tympan de Vézelay (Mélanges)

Archéologie en Danemark

Exposition Van Kyck à Gand (Chronique)

Vienne la Sainte et ses premières églises

Un Martyrium du IV= siècle à Bourg-Saint-Andéol (Ardèchej.

La tour funéraire de Saint-Restitut

France. Arcade carlovingienne (Correspondance)

Glanes iconographiques (Mélanges)

La façade de la cathédrale de Perpignan (Pyrénées orientales; ( Id. )

La Vierge qui baise la main de l'Enfant

Périodiques

La Vie de Jésus-Ghrist

L'église de l'ancien prieuré de Salnt-Séverin de Coudrez

L'église Notre-Dame-la-Grande à Valenciennes

E.). Espagne (Correspondance)

Bibliographie

P- P- P- P- P- P- P- P- P- P- P- P-

54

56

401

253

li I

77 361 166 110 258

pp. 27S, 280, 348, 41S pp. 32, iSi, 302, 37g

p. 85

pp. 9> 242

P- 335

P- 341

"^4

^V

ERRATA.

Page 75, i^^ col., 26« ligne, au lieu de: concours, lise~ : jury.

)) 95, 2e » 4*= » » du tribune, lisez: de tribune.

» io8, î'<= >> 11" » » couvrail, lisez: ouvrail.

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» 115, 1"- » figure 4 » couronnée, lisez: conservée.

» 286, ife » 42e ligne » du Folgoat, lisez : Folgoët.

» 288, v^ » i6« » % quelque, lisez: de quelques.

» 347, l'e )) 28e » » Saint Pierre, lisez: l'abbat.

> 347, V » 29e ■% » X'' siècle, //j^s .• XI^ siècle.

» 347, 2f » i3<: » » Valais, /ws .• Valois.

» 348, i"= » 50'-' » » ?-ayolle, /wi?s.- Fage.

>

378, l's )) 2V' » » de ces progrès, lisez: des progrès

426, l'e » 471^^ » » 15 Corroyer, lisez: E. Corroyer.

Aarhus (Danemarck), cathédrale, 228 ;

église Xolre-Dame, 343. abat-son, 404. abbaye, de : Cambron, 264 ; Cannes, 33g ;

L'hampmol à Dijon, 408 ; Ferentillo, 423 ; Fontfroide, 33g ; Saint-Pierre à Gand, 410 ; Glanfeuil, 282 ; Ha^non à Valenciennes. 12 ; La Charité-sur- Loire, 207; Lorsch, 23, 28-30 ; —Ours- camp, 62 ; Pruni, 348 ; Saint-Gall, 23, 25 : Saint-Germer, 60 ; Saint- Riquier, 23, 26 ; des Dames à Saintes, 37g ; Solesmes. 143; - Termonde. 287 ; - Val- magne, 130; Vézelay. 253; Saint- Ferréol à Vienne, 3 : Villers, 127, 265 ; Werden, 28 ; Westminster, 6.

Acadimie, d archt'olo^ie de Belgù/ue, 202, 272, 408; dArras, 33g; —des Inscriptions et Belles-Lettres, 58, zoi, 268, 337, 406.

Adoration des bergers, 298.

Afsné, église, 411.

Agde, église, 131.

Agnès (catacombede Sainte-). 421.

Ain-El-Hout, lanterne romaine, 59.

Aix, baptistère, 26 ; cathédrale, 22 ; chapelle palatine, 23 ; miniature, 268 ; sceau en navette, 5g.

Aix-la-Chapelle, églises, 155;— musée, 34g ; tombeau de Charlemagne, 360.

Alcuin, 22.

Alède, château, 282.

Alesia, fouilles. 337, 406 ; ruines, 201.

Alise, fouilles, 407.

Allegretto Nazzi, peintre, 420,

Almatura, tympan de porte sculpté, 380, 3g3.

Alonzo Cano, sculpteur, 43t.

alphabets orientaux idéographiques, 270.

ambon du XI 11= s., 420.

American journal of archaeology, 421.

Amiens, cathédrale, 206, 283, 347: Vierge duXIII=s.,358,

Andéol (Saint-). 77 ; (cellade), 81 ; - reli- que, 78 ; sarcophage, 7g.

Andréa dei Torresavi, maître imprimeur, 283.

Andrien (Calvados), portail, 347.

Andrinople. mosquée de Sélim, 320.

Angelico (fra). 345.

Angers, baptistère, 26 : cathédrale, 273 ;

chœur, 274; —église Saint-Martin, 23, *9; ogive, 277 : stalles, 275 ; tom- beau d'Ulger. 277.

Angkor-Tam (Cambodge), palais, 268.

Ani, cathédrale, 175.

Anne (Ste). 32, 52.

annonciation, 288.

Antellami, sculpteur, 37.

anttpendium, brodé, 420.

Anthenius de Tralles, architecte, 313.

AnthymeSaiot-Paul, 157, 198, 218, 261.

Antioche, enceinte, 270.

Antiquaires de France f Société des J, 123.

Antoine de Padoue (S.), 54, 55.

Antoing, église abbatiale, 415; monuments

funéraires tournaisiens, 262. Antonio (S), 160. Anvers, ancien béguinage, 408; cathédrale,

410.

Aphrodise (Ste) (sarcophage de) 351.

Aphrodisius, fouilles, 269, 406.

Apocalypse, 254; (commentaires de Beatus sur 1'), 40g.

Apûtres ( Vocation des), 181.

Apt, cathédrale, 22.

.Aragon, églises, 330 ; tours quadrangu- laires et polygonales, 331.

arbre stérile (parabole de 1), 187.

arcade, carlovingienne, 266 ; en architec- ture, 108.

archéologie, chrétienne, 227; danoise, 228;

gothique, 22g.

architectes: Anthenius de Tralles, 313; Besnard, 33g ; Boeswillwald, 62 ; Braestrup (C.), 343 ; Braye (Michel de), 61 ; Brunelleschi, 350 ; Cambio (Ar- nolfodi), 207; Cooman, 20g, .102 ; Dalhenys, 231 ; De la Censerie, 71 ; De Pauw (Alph.), 285. 428 ; De Wuif (Ch.), 71, 401; Gosset. 206 ; Herz-bey (Max.), 136; Hoste (H.), 71, 404; Isidore de Millet, 313 ; Jean d'Orbais, 206 : Kock, 231 ; Lamperez y Romea, 327 ; Languerock, 88 ; Laurent. 11 ;

Mayeux(.A.), 261 ; Milan de Nanteuil,

206 ; Mortier (Et. ), 400; Questel, 36g;

Roljert de Bonnevie, 35g ; Robert de Luzarches, 206; Sagrera (Guill.), 25g ;

San Gallo (Guill. ), 350 ; Sauvageot (L). 397; Selmersheim, 6062; Storck, 231 ; Suisse, 360, 431 ; Van Boxmeer, 272 ; Villart de Honnecourt. g, 359 ; Viollet le Duc, 298.

architectes syriens, 107.

architecture, civile, 133 ; danoise, 228, 343;

espagnole en brique, 326 ; française, 139, 347 ; gothique, 229 ; militaire. 60. 133 : monastique, 133 ; religieuse caucasienne, 175 , religieuse russe, 177 ;

romane, 272.

archives, de la Côte d'or, 201 ; du dépar- tement du Nord, 10, 14 ; de Dijon (pa- roissiales), 211, 286 : d'Hasnon, g ; monumentales en Allemagne, 69 ; de Paire (notariales). 270 ; de Sforza, 270 ;

de Toulouse (notariales). 270 ; de Valenciennes. 11, i8 ; de Vienne (impé- riales), 40g : des Visconti, 270.

Arezzo, tympan de S. Maria délia Pieve, 35.

Argis. église de IaKurtea, 177.

Argos. fouilles, 407.

.■\ristote (œuvres d'). 283.

Arles, cathédrale, 22 ; frise de Saint-Tro-

phime, 36 ; tombeau de S. Honorât, 5. .Arles-sur-Tech, église et cloitre, 33g ; haut

relief roman, 339. Arménie, cathédrales, 175. Arnoult (André), 211, 2S8, 360. .■\rras, baptistère, 17 ; cathédrale, 17 ;

congrès des Sociétés savantes, 33g. art, allemand, 70; romain, 106, 133;

chrétien, 145-157, 321, 332; roman, 155,

383 : byzantin, 22. g2, g3. to6, i6g,

207 ; médiéval. 51 ; contemporain, 417 : arabe. 136 ; almohade, 331 ; mahométan, 277 ; oriental, 154 ; persan, 338 ; caucasien, 175; russe, I77c 4JI ; espagnol, 332; français, 65,

347, 35g; danois, 227 ; siennois, 344 .

à l'école, 141; de la terre cuite, 327 Arle / 1' J, 207, 280, 41g.

.Artistes, allemands, 3g2 ; français, 339 ;

grecs. 392 ; tournaisiens. 262. ascension (église de 1') à Jérusalem, 104. Asie Mineure, monuments chrétiens, 94. Aspertini (Amico), peintre, 207.

Assise, église Saint-François, 344 : étoffe antique, 420 ; fresques, 280 ; Vierge en ivoire du XIV*^ s., 420.

Athènes, acropole, 65 : calhoîicon, 175 ;

église Saint-Nicodème, 174 ; fresques, .^85.

Aulne, église abbatiale, 42.

aumonière. ig7.

autel (décoration liturgique de 1'). 218.

autels romans, 132.

Autheuil, église romane, 64.

.■\uxerre. baptême du Christ, 37 ; cathé- drale, 187 : chapiteau de pilier, 31 ; crypte de Saint-Germain, 25.

Avellino (Antonio), orfèvre, 421.

Avenas, autel du XII"^ s., 200.

Avignon, cathédrale, 22 ; église Notre- Dame des Dômes, 351; palais des Papes, 427 ; siège des évêques, 200.

Avila. porte San Vicente, 186.

Avite (S.), 6.

axe des églises (déviation de 1"), ig8. 217.

Babylone, briques émaillées, 407 ; dragons

sacrés, 407 ; galets de bornage. 407. Bagdad, monuments romains et seldjoucides,

338. Bagnères de Luchon, église, 156. Bamberg, cathédrale, 35g. baptistère, à Arras, 17 ; (emplacement des),

34 ; octogone, 26 ; orthodoxe, 34. Baquouza, basilique, g/. Barbier de Montault (Mgr X. B. de), 198. Bari, église Saint-Nicolas de Myre, 371, Bartolomeo, peintre, 164. basiliques à : Baquouza, 97; Bethléem, 102;

Carthage, 177 : Chartres, 207 ; de Constantin, 155 ; à Grado, 175 ; Jé- rusalem. 103 ; Jasselin, 62 ; Lille, 51;

Lobbes, 23 ; Parenzo, 175 ; Quala at Seul' an, 101-103 '• Saint- Benoit sur Loire, 427; Salone, 175; Steinbach, 28;

Talhha, g7 ; Tebessa, 268. basiliques, byzantines, 170 ; carolingien- nes, 27 ; mérovingiennes, 23 ; à trois nefs, 41Ô ; tunisiennes, 177.

Baudot (de), 49-51.

Bayeux, église Saint- Vigor, 18.

Beaumetz, peintre, 144.

Beaune, Jugement dernier, 346 ; retable

sculpté, 337. 346. Beauneveu, peintre, 144. Beauvais, cathédrale, bi, 206: Congrès de

la Société française d'archéologie, 60 ;

église, 22. 26. Belgique (les cheminées gothiques en), 113;

Commission royale des monuments, 340;

églises des XF et XIP s., 85; (la sculpture en), 64.

442

Bcbur t)c rart cbvcticu.

Bellechose, peintre, 144-

Benavente, monastère cistercien, 335.

Bénévent, vantaux de bronze, 183, 388, 393-

bénitier d applique, 271.

Bennings (Simon), peintre, 65, 409.

Benozzo Gozîoli, peintre, 162, 345.

Bergame [coiiex de), 281 ; - musée, 54.

Bergoïde, 7S.

Bernoin, évéque de Viviers, 80, 81, 82.

Bernard Ptolémée (S.), 195.

Bernin. peintre. 420

Bertlielé (Jos.), 133-

Berthem, église, 416.

Besançon, cliasubic antique, 321; - statues

dijonnaises, 271. Besnard. architecte, 62, 339. Bethléem, basilique, 102. Bethune (le b°"), 126. Beuron, école de peinture, 333 Béziers, cathédrale, 132 : châsse, 351 ; coffret d'ivoire, 331 ; confession de Sainte-Aphrodise, 7 ; crypte, 351 ; cuve baptismale, 351 ; églises, 331 ; église Sainte-Aphrodise, 351 ; fo"'* b^P" tismaux, 128 ; reliquaire. 351 ; sar- cophage de S"-- Aphrodise. 351. bible à p'eintures du XI V= s., 406. Biblia pauperum, 208. bibliographie monumentale, 70. Biedese (Ambr. di), peintre, 57. Blandine (S'<^), i. Blés (H.), peintre, 64. Blois, tapisseries. 123, 338. Boeswillwald. architecte, 62. Boissard (J.-J.), archéologue du XVl» s., 58. Boisset (L. ), 207.

Boletino de la Societiad espai'iola de excur- sions, 282, 422.

San-Francesco. 57 ;

Burgos, bas.relief de la cathédrale, 37, 38 ;— sarcophage chrétien du V s., 421.

Iliirlingfoii magazine (the), 283.

Burne Jones, peintre, 333.

Byzance, palais de Constantin, 179; V. Constantinople et art byzantin, Ste-Sophie,

313- , , byzantin (art), 103, 107.

Bologne, église fouilles. 337.

Bon Pasteur (le), 184.

Bonavenlure (S. ). m.

Bonnet (E. ). 128.

Bonvicino (Aless. ), peintre, 210.

Bordeaux, tombeau de S. Seurin. 5.

Bouillon, château, 418.

Boulbon, retable, 268.

Bour (R. S.). 342,

Bourg-Saint.Andéol. église Saint-Polycarpe, 83 ; martyrium du IV" s., 77.

Bourges, cathédrale, 226 ; soubassement du portail de la cathédrale, 386-391 ; - tombeau des Montigny, 123.

Bourget, crypte, 26; Descente de croix, 292.

Bourgonnière, Christ en majesté, 224.

bourse armoriale, 195.

Bourse, église, 26.

Bourdin (Michel), sculpteur, 61.

Braestrup (c. ), architecte, 343.

Braine-le-Comte, hôtel de ville, 411.

Bray (Michel de), architecte, 61.

Brescia, rotonde, 376.

Bretagne, calvaires, 394.

Brigitte (S'<=). 61.

briques assyriennes, 313.

Broederlani, peintre, 408, 409.

Bronzino, peintre, 56.

Brooklyn, cathédrale, 357.

Bruay, église, 26,

Bruges, chapelle castrale, 412 ; cheminées

antiques, 117, 118 ; église Notre-Dame,

71.209, 401, 412; église saint-Jacques,

71 ; hôtel Gniuthuuse, 71 ; tombeau

de Marguerite d' .Alsace, 261.

Brunelleschi, architecte, 350.

Bruxelles, bibliothèque royale, 408 ; église

Sainte-Gudule, 71. 285! 428; façades

anciennes, 284 ; mobilier de l'hôtel de

Nassau, 408 ; Société arcliéologiijue, 127.

Budapesih, musée, 2S1 : portrait de Marc

.\ntoine dclla Torre, 200. Bulletin de métiers iCarl, 283 ; Monu- mental, 207, 347.

Caben, cathédrale, ,175. Caen, église Saint-Etienne, 18. Cafifarella, fresques de Saint-Urbain, 343. Cahors, portail, 182.

Caire, 134; maisons antiques, 136; mosquées d'Hassan, des Fleurs, 135 ; palais de Gezeereh, 137. Callewaert (C), 412. Callixte (cataconibe de St-). 422. Caizetta (Pietro). peintre. 281. calvaires de Bretagne. 394. Cambio(Arnolfodi), architecte, 207. Cambrai, cathédrale. 9. 18. Cambron, abbaye, 284 ; statuette en bois

de la Vierge, 264 ; tombeau, 284. campanile, de Pistoie, 57; à Suse, 57. cancel en marbre, 278. Cannes, abbaye, 339. Capestang, église, 13t. Carcassonne, Congrès archéologique, 339 ;

églises, 339 ; remparts, 339. Carpentras, cathédrale, 22. Carrache, peintre, 56.

Carthage, basilique, 177 ; cimetières chré- tiens, 406 ; dédicace à Bacchus. 201 ; fouilles, 124, 201 ; inscription païenne, 268 ; plomb de bulle, 268 ; plombs antiques, 406 ; sarcophages anthro- poïdes, 268 ;— en niarble blanc. 59, 124. 201 ; sceaux byzantins. 59. 123 ; catacombe d'Hadrumède, 337- Catalogne, églises. 339. Cavallieii (Pietro. peintre), 343. cathédrales de : Aarhus, 228 ; Aix, 22 ; Amiens, 206 ; - .Angers, 273 ; Ani, 175; Anvers, 410 ; Apt, 22; Arles, 22; Arras, 17 ; Auxerre, 187 ; Avignon ; Bamberg, 3^9; Beauvais, 5i. 206; Beziers, 132 ; Bourges, 226, 386, 391 ; Brooklyn, 357; Caben, 175; —Cambrai, 9, 18 ; Carpentras, 22 ; Céfalu, 371; - Chartres, 25. 26. 30, 52; - Chichester. 189 ; Ciudad Rodrigo, 277; - Clermont, 28 ; Cologne, 2S8, 428 : Compostelle, 03; Evreux, 220; Koutais, 175; Lichfield, 348 ; - Liège, 356 ; - Lincoln, 348- Lund. 228; Mans. 342; —Milan, 71 ; Monréale, 372, 373 : Montpellier, 13,;— Nancy, 412, Nantes, 397; Narbonne, 339; Noyon, 62, 203 : Orléans, 427 ; Palencia, 282 ; Per- pignan, 260, 339 ; Plasencia, 282, 335 ; Poitiers, 219 ; Reims, 206, 272, 338, 359 426; Ribe, 228, 230 -, Saragosse, 327'; Senlis, 61 ; Sisteron, 22 ; Soissons, 18, 203 ; Spalato, 95, 175 : Strasbourg, 185 ; Thérouanne, 351 ; Tolède, 384 ; 'l'ournai, 28, 202, 342, 347. ^15 ; _ Tours, 220, 222 ; Vaison, 28 ; Viborg. 227 ; Worms, 183. cathédrales, arméniennes, 175; (icono- graphie des). 52 : (plan tréflé des), 203. cavernes, peintes 407. Cent Dieux, 4. Céfalu, cathédrale, 371. Celles, collégiale, 90. Cène (la Ste), 379. cénotaphe à Calsada, 282. Ceranqui, portail de l'église Sainl-Romain,

282. Cercle historique et archéologique de Courirai.

124.

Cervatos, collégiale, 282.

Ceuleneer (Adolphe de), 267.

Chabeuf (Henri), 49. 51. 2'2. 287, 301. 397-

Chamalières, éghse, 28, 348.

Chambéry, baptistère, 26.

Champmol, abbaye, 408.

Chanceaux, église, 27.

Chant grégorien, 353.

Chantilly (iVf/f^i de), 207.

chapelle, à: Aix (palatine), 23; Bruges (castrale), 412 ; Deir-el-Bahari (de la déesse Hathon), 201 ; Fénioux, 200; l'ïsoudun (castrale), 27 ; Jérusalem (du Golgotha), 106 ; Léon (funéraire des rois), 189, igt; Lyon (Sainte- Blandine), 21 05; _ Nancy (de Bonsecours).4i3; Pa'doue (des Lazzara), 281 ; - Ravenne •palatine:, 373; Home iSancta Sanc- torum). 351 ; Sorivièreen Saint- Pierre de Chamiilé, 271 ; Valenciennes (Notre- Dame des miracles), 242; Voix, 285 ; Werden (Saint-Etienne), 23.

chapiteaux, latins, 166; byzantins, 123, 106 167 ; à Auxerre. 31 ; à corbeille, 167'. _ à Moissac, 191; à Saint-Pons, 192'; sculptés, 46, 181, 192, 223, 281, 303, 382, 383.

Charlemagne 362 ; (tombeau de), 360.

Charlieu, archivolte, 191 , église Saint- Philibert, 28 ; noces de Cana, 43, 44 : Trinité, 39. Charpin (Frédéric), 285. Charroux, église, 25.

Chartres, basilique carolingienne, 27 ; cathédrale, 26, 30, 45, 52 ; - chapiteaux sculptés, 303 , porte sculptée. 305, 389 ;

Tenlaiion du Christ, 40, 42 ; tombeau de Jenn de Salisbury, 207.

chasubles anciennes avec ornements enpaïUe

châteauf'àf Alède, 282 ; - Azay le Rideau. 139;— Blois, 338; Bouillon, 418 ; Gisors, 60; - Goulaine, 139; - Herzele, .10 Josselin, 62 ; Monlataire, 61 ; Montsoreau, 139 ; Senlis, 61 ; - Vez,6i;

la Vove, 64. Châieau-Landon, église, 25, 30. ChàteaumeiUant, église de Samt-Genis, 348. Chatel-Montagne, église. 207. Chatillon-sur-Thouet, église, 27. cheminées anciennes, 113 a 122. Chichester. cathédiale. 189; panneau du

Xle S., 189, 100, 192.

chœur (déviation de Taxe du), 217. Christ, adoration des bergers, 298 ; ar- restation, 388 390 ; - baptême, 34, 37, 39;

cène 379 ; circoncision, 49, 279 ; condamnation, 394; couronnement d'épines, 270 ; en croix, 72 : cruci- fixion 30^ ; descente de croix, 292, 34s;

ensevelissement, 266; - entrée à Jérusa- lem 304 ; lavement des pieds, 310 ; en majesté, 224 ; - mise au tombeau, 294;- multiplication des pains, 45. ''*' noces de Cana, 4345 ; ^ passion, 302 ; - pèche miraculeuse, 182;— portement de croix 287; prédication, 183 ;— rencon- trant'sa mère, tu;- tentation, 39. 4= ; transfiguration. 191; - vie, 32, 181, 379;

mise au tombeau, 294- Christophe (S. ) :statuede), 15, S4- Chugoinot. peintre du XVc s., 268. Cimabuè, 289. 344-

ciment armé (église en), 49-

cimetière mérovingien, 272, 422.

circoncision (la), peinture, 49. 297-

Citoni (Jérôme), 412.

Ciudad- Rodrigo, cathédrale, 277.

Civilta cattolica. 351, 418.

Civrai, façade de Saint-Nicolas, 182.

cleimoni: Cathédrale, , 28 ;. - ^f^^^Tt Samson, 60 ; - fortification et donjon, 60 , hôtel de ville, 60.

Cable analytique.

443

Cléry, cimetières mérovingiens, 272.

cloches, 416.

cloches anciennes. 59.

Cloquet(L.), 31,51, 54. 59, 62-65. 70. 75, log, 122, 127. 138. 143. iSo, 199, 203, 20Ô, 207, 253. 205, 266. 273, 277. 296, 320, 332. 334. 342. 344. 370. 378. 412. 4'3. 4'4. 416, 423.

Clouet (Jean), pemtre, 59.

Coire. crypte. 26.

Collardde Dînant, dinandier, 408.

collégiale, à : Celles, 90: Cervatos, 282 ;

Courtrai, ia6 ; Huy, 429 ; Senlis, 61.

Cologne, cathédrale, 288, 428 ; châsse des trois Rois, 2o3 ; collection Schnut- gen, 2S8 ; crypte. 26 : église Saint- Paul, 349.

Colomte, 2. 3.

colonnes. iô6.

coloris (l'art du). 344

Comité de^ travaux kistoriquts.->,z^\ .

Commission royale des monuments de Bel- gique, 340, 409.

Compaing (R.), 226.

Compiègne, Congrès dei sociétés françaises ifarchMogie, 60; Sculpture sur bois,

IIO.

Compostelle, cathédrale, 33 ; crucifixion, 303 ; tentation du Christ, 40, 42 : tympan, 395.

Comptich. église. 416.

Congrès, archéologique de Carcassonne, 339;

Mariai à Josselin, 62 : de la Société française d'archéologie, 60 ; des sociétés savantes à Arras, 339 ; de la Sorbonne, 338.

Constantinople, basiliques byzantines, 170 ;

chapiteaux à Sainte-Sophie, 167 ; église des Saints Serge et B.acchus, 171; église Sainte-Sophie, 109, 313 ; coupes schématiques. 317, 318 : extérieur. 315 ;

plan à terre. 316 ; plan des toitures, 317 : mosaïques, 314; nappe du grand autel, 33 ; musée impérial, 421 ; la Theotocos, 173.

construction bvzantine (la). 107.

Coomans, architecte. 209. 402.

Cori. cloître de s.ainte Olive. 281 ; fresque de la chapelle. 286.

Côte d'or, archives. 201 ; moulages de sceaux. 201.

couleurs {harmonie des). 344.

CoupJOle, byzantine, 97, 107, 173 ; sur pendentifs, 108, 377 ; romaine, 107 ; syrienne. 97.

Courgeau, église rom.ane, 64.

Courtenay, église. 27.

Courtrai. cercle historique et arcnéolo^ique, 124 ; collégiale Notre-Dame. 126 : maisons antiques, 124-126.

Gravant, église, 26-30.

crèche de Notre-Seigneur, 207.

croisée, d'ogives, 130-

croix, processionnelle, 2S1, 421 ; triom- phale. 225.

crosse abbatiale, 353.

Crucifix (origine du). 349 ; (tète de mort des). 270.

crypte, à : Auxerre. 25 ; Bourget. 26 ;

Coire. 26 : Cologne. 26; Dijon, 26; Emmerich, 26 ; Flavigny. 26 ; Ge- nède, 26 ; Gernrode,26 : Jagithale, 26: Jouarre. 26; Lemenc. 26; Lens. 26 ; Mende. 339 ; Montmajore. 26 ; Nantes, 35 :— Orléans, 25 ; Palencia, 335 : Pétersberghe, 26 ; Ratisbonne, 26 ; Syracuse, 422 ; Zurich, 26.

Cuença, stalles. 282.

cuve baptismale, 17.

cylindres chaldéens. 124.

Dahlerupe, architecte, 231.

Dammartîn, baf>/èmc du Christ, 38.

Damette (Jean), imagier, 280.

Daneni.irk, archéologie chrétienne, 227.

Daphni. église. 172, 174.

Daret (Jean), peintre. 27I. 301.

Davy (Jehan), sculpteur, 303.

antique, 208.

Déas, église, 413.

De Beule (A.), sculpteur, 287.

De Brouwer (J ). 283.

DeCeuleneere (Adolphe). 285.

décoration, byzantine, loS ; liturgique île l'autel. 218.

Defendente Fenari, peintre. 210.

Dekhès. porte de l'église, 100.

Dehio, 64.

De la Censerie, architecte, 71.

De la Croix (P. C. ), 34;

Délos, découvertes, 408 ; fouilles, 124,406.

Déols. église. 17.

De Pauw (Ad.), architecte. 28^;. 428.

Destrée(J.). 138.

Desvaux (A.), 64.

déviation de l'axe du choeur, 217.

De Wulf (Ch. ), architecte, 71, 40t.

Didier -S.), 6.

dieux à turban, 124.

Dijon, abbaye, 408 ; archives paroissiales, 221, 286 ; crypte, 26 ; Christ en croix , 72 : église Saint-Michel, 286 ; peinture du XVIe s, , 211 : prison Saint-Bénigne, 2 ; retable, 287 ; tableau de la circon- cision. 48,

Dioclétirn. 2.

Disentis, fouilles, 404 : fragments de stuc, 406.

Distré, église, 27, 29, 30.

Dixmude, église, 429 ; jubé, 209.

Oobroudja. fouilles. 58.

Dominique (.S.), 54.

Duccio di Buoninsegna, peintre. 344.

DuGirdin (GiiiU. ). marbrier. 262.

Du Moulin (Matthieu!, fondeur, 247.

Du Praiel, sculpteur. 15.

Durand (Ch. ). 345.

Du Ranquet ( H. ). 207.

Dusseldorf. église Saint-.André, 349 : ex- position d'art ancien, 198.

école, auvergnate d'architecture, 206 ; de peinture de Beuron, 353.

Edesse, mosaïque, 268.

Edomites (exploration archéologique chez les). 337.

Eginhard. 23.

églises, byzantines, 169 ; —carolingiennes, 26 ; en ciment armé. 49 ; cisterciennes, 278 ; coptes, 177 : en croix, 376 ; mosanes, 415; rondes, 95; à rotonde, 339, 375 ; syriennes. 96 ; scaldisiennes, 4T5'; à tribunes. '350: (décoration des). 410 : (déviation de l'axe des). 19S ; (polychromie des). 59.

églises, à Aarhus, 343: Afsné, 4TI : Agde, 131 ; .•\ix la Chapelle, 155 ; Angers, 23, 29; Antheuil, 64 ; Antoing, 415 : .Aragon, 330 ; Argis, 177 ; .\rles sur Tech. 339 ; Assise. 344 ; .Athènes. 174 ; Aulne. 429 ; Avignon. 351; Bagnères de Ludion, 156; Bari,37i; ^ Bayeux, 18; Beauvais, 22.26;

Berthem, 416 ; Beziers, 131, 351 ; Boulogne, 57 ; Bourg-Saint-Andéol, 83; Bourse, 26 ; Bruay, 26 ; Bruges, 71, 209, 401, 412 ; Bruxelles. 71, 285, 428 ; Caen, 18 ; Capestang. 131 ; Chamalières, 28, 348 ; Chanceaux, 27 ;

Charlieu, 28 ; Charroux. 25 ; Château-Landon. 25. 30 ; Château meil- lant, 348 ; Chatelmontagne, 207 ;

Châtillon sur Thouet, 27 ; Civrai, 182 ;

Clermont, 63, 131 ; Cologne, 349 ; Comptich, 416; - Constantinople, 109, 171, 173, 313 ; Courgeau, 64 ; Gra- vant, 26-30 ; Daphni, 172. 174; Déas, 413; Derbe-Bin-Bir-Kilissé, 94: Déols, 27 ; Dijon, 286 ; Distré, 27, 29, 30 ; Dixmude, 42g ; Dusseldorf, 349 ;

EIne. 339; Eppeghem, 415; Espondeilhan. 131; Essérent. 199; Etschmiadsin. 95 ; Eunate, 282 ; Ezra, 97 : Falaise, 10 ; Fétin. 212 ; Fitaro (E^p. ). 278 ; Fours. 22 ; Fous- sais. 193; Fulda. 28; Furnes. 410; Gand, 429. Gennes. 27; Germigny les Piés. 22. 24, 155 ; Gernrode, 28 ; Gisors, 60 ; Gourgé, 23 ; Gournay en Kray, 60 : Grandiieu, 22, 27, 31. 266, 413'; Harab Ech Charus, 97 ; Hass, q8 ; Hérent, 416 ; Hersfeld, ?8 ; Houthem Saintl.iévin, 415 ; Huy, 429;

Ingelheim. 28; Jérusalem, 105; losaphat, 351 ; Jumièges, 27, 30, 347;

Jutfaas. 361 ; Kair-Hachetta. 102 ; Kief : Kaubeileh. T02 ; Eameurguier. 339 ; Lodève. 131 ; L.oisail. 64 ; Longay. 64 ; I.oupian. 131 ; Louvain, 428 ; Lydda. 102 ; Lyon. 24. 28 ; Maguelonne. 131 ; Mans. 27 ; Mar- seille. 79 ; Merlemont. 212 ; Messine. 414 ; -~ Metterch. 208 ; —Milan, 375, 377, 378 ; Montataire, 61 ; Montniartte. 49.50 ; .VIoreruela, 422, 4^3 : Morien- val, 62 ; Moscou, 176; Mousty, 415 ,

Moutiers en Perche, 64; —Nancy, 412;

Nantilly. 29 ; Naples, 2S1 ; Nnr- bonne, 357 ; Neerheylissem. 418; Netzkhet, 176 ; Nieuwenhove. 411 ; Nivelles. 273 ; Noduwez. 416 ; Nogent les Vierges. 61 ; Novgorod, 176 ; ^ Odeuse (Danemark). 231; Orchaire. 27 ;

Orp le Grand, 415; Ourscamp, 62;

P.alerme. 374;— Paris. 218 ; Parthe- nay. 27 : Pernes. 22 ; Perpignan, 63 ;

Peyrusse-vieille, 27; Philippevilje, 20g ; Poitiers. 218-223 ; Poperinghe, 2og. 402; Preuilly-sur-Glaire. 220; Qualb-Louseh, 102 ; Quarante, 131 ; Rampaux , 59; Ravenne. 33, 191 ; Reichenau. 28 ; Rieux. 339 ; Risle. 27;

Rome. 317 ; Roueïha. 99; Rouen. 221; Rugle, 17; Sahagun. 326; Salonique. 378 ; Saint-Benoit sur Loire, 417 ; Saint-Florentin, iti ; Saint Géné- reux. 26 ; Saint-Guilhem le Désert. 131 ;

Saint-Honorat. 23; Saint-Jouin de Marnes. 27 ; Saint-|unien. 348 ; Saint- Leu d'Esserent. 61 ; Saint-Paulien. 348 ;

Saint-Pons de Thomières. 131 ; Saint- Restitut. 368; Siint-Séverin en Condroz, 85 ; Salonique. 170 171; San Lorenzo. 350 ; Saiiveplantade. 337 ; Savenières. 27-29 ; Saventhem. 415 ; Sienne. 57 ;

Sorô, 228-229 ; Strasbourg, 208 ; Suèvres, 27, 30 ; Suresnes, 357 ; Talavera, 332; Thessalonique, 170-172 ; Tieghem. 209 ; Tokio. 2S7 ; Tourma- ninia. 102 ; Tournai. 212. 26t, 264, 415 ;

Tourtenay, 27 ; Trébizonde, 170. 172 ;

Triel, 426 ; Troyes, m ; Udala, 282 ; Vaison, 22 ; 'Valenciennes, 9-21, 242, 243 ; Virton. 22 ; 'Vieille Castille. 330; Vienne. 1-8; Vieux-Pont, 2730;

Vignory. 23. 25 ; ViUers. 212 ; - Vil- liers Saint-Paul. 6t ; Vive Saint-Bavon, 403 : Vantegou. 27 ; 'Warneton. 403 ;

Watermael. 415 ; Wenduyne. 285. 402. 431 ; Wesicapelle, 428 ; York.

, 22. Egypte, antiquités, 407 ; sanctuaire Saint-

Menas, 397. Elbeuf-sur-Seine, maison forte, 413. Elisabeth de Gonzague (médaille d'), 33S. Elne, église et cloître, 339.

444

Bebue lie rart chrétien.

Eloi (S,). i8-

Embrun, broderie, 338 ; trésor de la cathé- , drale, 271.

Emérentienne (S"), 421. enfant prodigue (1'), 187. enfeus, 265. Enlart. 27.

enseignement du coloris, 344. Esourial {bibliothèque de 1), 409. Espagne, architecture en brique, 326 ;

fouilles. 58. Espondeilhan, église, 131. Esserent, église Saint-T^eu, 199. esthétique artistique, 63. Etampes, peintures de Notre-Dame, 430;

portail royal, 273 ; —sculpture du X1I1= s.

270 ; Tenlaiioii du Christ, 40, 41. ethnographie saharienne, 58. Retienne (S.), 4, 5. 400. Etschmiadsin, église Saint-Grégoire, 95. Eunate, église octogone, 282. Eure, objets d'art conservés dans les églises,

418. Evreux, cathédrale, 220. exposition d'art ancien à Dusseldotf, 198 ,

de tableaux néerlandais à Londres, 283 ;

Van Eyck à Gand, 72, 209, 360. Ezra (Syrie), église Saint-Georges, 97.

façades anciennes, 284.

Falaise, église, 10.

Karcy (de), 275.

Fenioux, chapelle Renaissance, 200.

FerentiUo. abbaye de Saint-Pierre, 423.

Fernando de l'Almedia, peintre. 338 ; de

los Llanas, peintre. 338. F'erréol (S.). 2. 3.

Fétine, église, abbatiale de Villers, 212. Fierens-Gevaert, 144. 417- fiole égyptienne. 398. Firoux-Abad, palais. 94- Fitaro (Espagne), église. 278. Flandre, églises romanes. 415. Flavignv. crypte Saint-Remi. 26. Flémallé(le maître de), peintre. 298. 301. Florence, acquisition de tableaux, 288 ;

confrérie Saint-Luc, 2.jo ; costume des femmes au XI Ve s.. 123; d sceiile de croix, 346 ; dôme, 208 ; fresques. 344 :

galerie des offices, 54 ; galerie des portraits autographes, 56 ; Madone de Rucellai, 344 ; musée Santa Croce, 57 ;

porte du baptistère; 211; première école publique de dessin tapisseries anciennes, 47 ; taxe d entrée dans les musées. 50.

fondeurs. Du Moulin (Matthieu), 267;

Place (Erasme). 245. Fontfroide, abbaye. 339. fonts baptismaux, Béziers. 128 ; Terraonde,

64. fouilles, à Alésia. 337, 406 ; Alise, 407 ; Aphrodisias. 269. 406 ; Argos. 407; Bologne. 337 ; BuUa Regia. 337. 408 ; Délos. 124. 406 ; Disentis, 406 . Dobroudja, 58;— Espagne. 58;— Germons. 407 ; Josaphat.351 ; Peyréeu, 406 ; Puy de Donie, 406 ; Rome. 287,421 ; Sakkarah, 407 ; Sousse, 407 ; Thérou- anne, 351 , Tukh, 407. Fouquet(Jean), peintre. 337. Fours, église, 22. Foussais, église, 103.

F"oy Notre-Dame, vierge miraculeuse, 138. Francesco délia Cassa, peintre, 281. Franchimonl, 418.

fresques, à : Assise, 280 ; Athènes, 385 . ( ■.iffarella, 343 ; Cori. 280 ; Florence, 344 ; Gaza ,ii:— Gênes. 57 ; Gisors, 112 ; Montmorillon. 289. 290 ; Naples

281, 420 ; Pesio, 123 ; Pise, 344 ;

Rome, 200, 209, 287, 343. 351 ; Sienne;

57; Venise, 211 ; Vérone, 57. Fribourg, monastère, 343; tympan, 387,

390391. Froment (Nie), peintre. 272. Fulda, église Saint-Sauveur. 28. Fumes, église Sainle-Walburge. 410.

Gaddi (Taddeo). peintre. 57.344. (portrait

des trois), 56. Gand, abbaye Saint-Pierre, 410 ; chemi- nées. 116119; église des Dominicains, 429 ; église Saint-Nicolas. 267 ; expo- sition Van Eyck, 72, 209. 360 ; ((ntide illmiri de), 204. 267 ; hôtel de ville, 119 ; monument des frères Van Eyck, 72 ; musée lapidaire, 204 ; peintures, 410; pendentif portant la coupole de l'ancien cloître, 205 ; pré de l'ancien cloître. 205 ; tombeau à la crypte Saint- Bavon. 262.

Gauvain (Mansuy), sculpteur. 412.

Gaza, fresques, ii-

Gênes, fresques du XV<= s.. 57.

Genève, crypte, 26.

Gennes. église. 27.

Gentilli (Pietro). 47.

Gérard (Henri), orfèvre, 243.

Germain (A.). 332.

Germain de Maidy (Léon). 336, 405.

Germigny les Prés, église, 22, 24, 155.

Germons, fouilles. 407 ; orfèvrerie antique. 407.

; église, 28.

57, 165, 213 ; nécrolo-

Gernrode, crypte, Gerspach, 48, 55,

gie, 213. Gervais (S.), 7. Gevelli (H.). 63. Ghelati. monastère. 176. Ghislain (S.). 17. Giorgione. peintre. 2S7. Giotto. peintre, 344. Girolamo da Santa Croce, peintre, 210;

da Castello (portrait de), 56. gisant en cuivre à Calsada... 261. Gisors. chàteau-fort, 60; église, 60;

fresques. 112. Glanfeuil, abbaye. 282.

Golgotha (chapelle du). 106 ; (rocher du). 104.

Gomer (S.) (châsse de). 339.

Gossef, architecte. 206.

Gourgé, église. 23.

Gournay en Bray. église Saint-Hildebert. 60.

Grade, basilique. 175.

Grandlieu. église Saint-Philibert. 22. 27. 31. 80-84. 413.

Grégoire de Tours. 2. 3.

Grenade, sculpture d'Alonzo Cano, 431.

Grenoble, collection d'étoffes coptes. 144.

Grisar (le P.). 352. 418.

H

Hérent. église, 416. Hersfeld, église abbatiale, 28. Herz-bey, architecte. 136. Herzele. manoir féodal. 410. Heures du duc de Berry. 207. Hocquet (H.). 03.

Hoffmann (Joseph) (portrait de). 56. Honorât (S.). 5. Horrebout (Gérard). 409. Hosle (H.), architecte. 71. 404. hôtel de ville, Braine-le-Comte, 411 ; Cler- niont, 60 ; Gand, iig ; Malines, 272. Hoyen (A. L. ), 227. Huy, collégiale, 417.

Ile de France, ornementation architecturale,

317-

imagiers du XII'^ s., iSS.

Immaculée Conception, 62 ; hguiation mystique, 336.

Ingelheim, église palatine. 28.

Innocent (S.), 339.

inscriptions, antiques. 338 ; chrétiennes. 351 ;— damasiennes. 278;— funéraires. 338; gallo-grecques. 128; —hittites. 338 ; latines, 201 ; néo puniques, 201 ; païennes. 268; de Praxitèle. 123; romaines, 59, 129; syriaques, 268 ; du XI1<!S., 406.

inventaires archéologiques, 69.

Isaure, octogone. 95.

Isidore de Millet, architecte. 313.

Issoudun, chapelle caslrale, 27.

Italie, musées de cathédrales. 57 ; peinture

religieuse. 343 ; séries, 47.

recensement de tapis-

H.idrumède (catacombes d), 337.

Hal, tabernacle sculpté. 311, 384.

Ilallays (A.). 412.

harmonie des couleurs, 344.

Hasnon. abbaye. 12 ; archives, 9.

haute lisse, 48.

Hautes-Pyrénées (revue des). 139.

Helbig (I.), 212 ; artiste, 74, 298, 317;

nécrologie. 73, 213; travaux, 73, 74,

2'3-

Hennequin de Liège, sulpteur, 64.

Henri de Tournai, sculpteur. 262.

Hérault (antiquités et monuments de 1'). 128; -architecture monastique, civile et mili- taire, 133 ; ateliers monétaires, 133.

Jacques délia Marca (S.), 55.

Jagilhale, crypte, 26.

Jean (S.). 36. 52.

Jean, de Berri (monument de). 200 ; de Bruges, peintre, 144 ; d'Orbais, archi- tecte, 206 ; de Salisbury (tombeau de),

Jehan Aloul. marbrier. 262 ; de Melun

(tombeau de). 265. Jérusalem, basilique du Saint-Sépulcre, 103.

105. Jésus et sa mère (rencontre de), m ; et la

Samaritaine. t8i. Voyez Christ. Jonzy. lavement des pieds, 311 ; linteau,

382.

Josapliat, église, 351 ; fouilles, 351.

loseph (S.), 32.

Josèphe, Histoire des niitiquités juives, 201.

Josselin, basilique de Notre-Dame des Ro- sières, 62 ; château, 62 ; Congiis M,irial, 62.

Jouarre. crypie Saint-Paul, 25.

Judas (pacte de), 3to ; (pendaison de).

39'- , Julien (S.). 3. jumièges. église abbatiale. 27. 30; —église

Saint- Pierre, 347. Junien (S.) (sarcophage de), 348. Jutfaas, église Saint-Nicolas, 341

lier liturgique, 341.

mobi-

K

Kastangues (Jacques) (Mausolée de), 262.

Kempfer (F'r.), 343-

Kief, église Sainte-Sophie, 176.

Kock, architecte. 231.

Koubeileh. église, 102.

Routais, cathédrale. 175.

%à\)ït analpttaue.

445

La Charilé-fiur-Loire, abbaye, 207.

Laniourguier. église. 339.

Lamperez y Romea. atchitecie, 327.

lampes puniques, 58.

Languerock, architecte, 88.

lanternes des morts, 405.

Laocoon (groupe). 338.

Lasteyrie (de), 219.

Latran, trésor papal du Sancta Sanctorum ,

Laurent, architecte. 11.

Lefebvre (L. E.),253, 257.

Legiay (A.), 9.

Leipzig, manuscrit à la bibliothèque, 208.

Lemenc, crypte, 26.

Lens, crypte Saint S^vinien, 26.

Léon, chapelle funéraire des rois, 189, 19T.

Le Prévost (Michel), peintre, 20.

Lérins, châsse en bois sculpté du XIV»^ s.,

351- Lichfield, cathédrale, 348. Liège, cathédrale Saint-Paul, 356 ; colkc-

tion de documems d'art de [ules Helbig.

212 ; jubilé de 1 école Saint-Luc, 346 ;

(peinture dans l'ancien pays de). 64. Lille, basililiquede Notre-Dame de la Treille,

51 ; statue de Louis de Maele, 261.

Limbourg, peintre, 144.

Lincoln, cathédrale. 348.

Lippi (Filippo), peintre, 56, 295. 370.

liturgie : bréviaire, 409 ; cérémonie de la Messe romaine, 217; chant grégorien, 353, 430 ; décoration de l'autel, 218 ; évangéliaire, 308 ; livre d'Heures, 207, 337, 406 ; missel. 340. 349. 409 . pro- cession de Valenciennes (la grande), 247;

trophonaire. 348 ; Voyez : Mobilier litur- gique, vi"-tement liturgique,

Lobbes, basilique, 23.

Lodève, église, 131.

Lohest (F.), 418.

Loisail, église. 64.

Lorraine (ossuaires de la), 342.

Londres. Exposition des tableaux néerlandais,

283 ; Briiish muséum. 360. Longay. église. 64. Lorenzelli. peintre. 57. Lorenzen (Wilh.), 232. 343. Lorsch, abbaye, 23, 28 30. Lotti, peintre. 56. Loitman, sculpteur, 245. Lotio (Lortnzo). peintre. 158. 233. Louis (S.). 52. Loupiau, église. 131. Louvain. carrelage du moyen âge, 283 ;

église Saint-Jacques. 428 ; porte cintrée.

416 ; tour Saint-Quentin, 416. Ludger (S.;. 23. Lugde. peintures murales, 208. Lund. cathédrale, 218. Lydda, église, 102. Lyon, église d'Ainay, 24 ; église Saint-Iré-

née. 28 : prison Sainte-Blandine. 2, 24,

25-

M

madone du XI Ile s., 419; ^ de Taddeo di Bartolo, 350. (V. Vierge».

Madrid, bibliothèque nationale, 499 ; mu- sée archéologique, 409 ; vol d'objets d'art, 431.

Maere (R.), 399.

Maeschaelck (G. de), 65.

Maeterlinck (L.), 72.

Maguelonne, église. 131.

maison byzantine, 179 ; syrienne, 180.

maisons antiques, Angleterre, 2S4 ; Beau- mont, 122; Bruxelles, 284; Caire, 236; Courtrai, 124 126; Jéradi( Syrie), 179; Mans, 114: Umrach. 180; Valenciennes, lo-ii.

Maître (Léon), 8, 27, 84, 266. 369.

Malines, hôtel-de-ville, 272.

Malouel, peintre. 144.

Mamerl (S.). 6.

Mans, cathédrale, 342 ; église de la Cou- ture, 27 ; maison de la reine Rérengère, 114 ; noces de Caiia, 43 ; Tentation du Christ, 42.

manuscrits, de Jean de Berry, 200 ; à pein- tures. 206 ; enluminé du XIl*^ s. . 261 ;

du XII II- s., à Limoges, 384 ; grec, 406 ; de lord Leicester, 406, 407 ; livre d'Heures. 406; bible à peintures du XlVes. , 496; à Kom-Schgaon, 407.

Maratta (Carlo), peintre. 281.

Marc et Marcellin (sépulture des SS ), 279.

Marcel (S.), 8.

Marches (peintures anciennes des), 420.

Marchione, sculpteur. 34.

Maredsous. clôture du chœur. 225 ; cruci- fix triomphal. 225.

Marmion (Sim.), peintre, 19, 20.

Marsaux (L. ). 113.

Marseille, église Saint-Sauveur, 79 ; prison Sauit-Lazare, 2 ; trésor de la cathédrale,

351-

martyrium du IV*-" s., 77.

Masaccio. peintre. 345.

Massiac (Dom Louis Marie de). 198. 325.

Maure (Ste). 61.

Maurice d'Agaune (S. ). 7.

mausolée du XIV^ s., 261.

mauvais riche, 186.

Mayeux (A.), architecte, 261.

Maxe-Werly, 336.

Médicis (Pierre dej (livre d'Heures de), 406.

Melozzo da Forli, 288.

Meniling, peintre. 48, 297.

Menas (S.). 397.

Mende. crypte romane, 339.

Mérovingien, cimeiière. 27^.

Merlemont. église. 212-

messe romaine (céiémoiiius de la). 217.

Messines, église abbatiale. 414.

métiers d'art. 417.

Metsys (Quentin), peintre, 32, 65.

Metterch, église, 208.

Meunier (Const.), sculpteur, 333.

Michel (S.), 123, 212. 360.

Michel Ange de Caravage. peintre. 56, 162.

Michelica, cimetière chrétien du I V«= s. , 422.

Miguel, sculpteur, 310.

Milan, cathédrale, 71, 378; Congrès de musique sacii'e, 430 ; église .Saint-Na- zaire, 376, 377 ; nmsée municipal. 210 ;

plan de Saint-Laurent. 375. Militelio. sculpteur du XYI»-" s., 280. Milon de Xanteuil. architecte, 206. miniature, byzantine, 270 ; espagnole, 282 ;

- du XV*^ s., 270.

miniaturistes Ilamands, 409.

missel du XI V<; s., 340-349.

mobilier, coffret, 280; d'ivoire, 351; cuiller d'argent, 35 ; encrier, 280 ; ^ lampes puniques, 58; lanterne romame, 59 ; porte d'armoire, 281 ; poterie, 26g, 270. 406 ; tablettes de bronze, 59 ;

vases. 271 ; vases gaulois, 269 ; romains 59 ; vasques en bronze, 338 ; verres. 123 ; (de l'hôtel de Nassau à Bruxelles). 408.

mobilier liturgique, antependiura. 420 ; autel, 131, 132, 200, 357 ; bénitier, 271 ;

calice, 208 ; cancel, 278 ; candéla- bre. 388, 390 ; châsse, 208, 242, 247. 248, 339. 351 ; chemin de croix, 287 ; clôture de chœur, 189. 194. 225. 310, 384;

confessionnal, 208 ; croix, 224, 225. 281, 421 ; cuve baptismale, 17, 26, 132. 280, 351 : jubé. 245; lustre. 248; orgue. 269. 277 ; ostensoir, 280 ; pyxide. 4r9; reliquaire, 208, 247, 248. 351, 352 ;

retable, m, 208, 337, 346; siège

d'évêque. 200 ; stalles, 275, 282 ; ta- bernacle, 311, 384; —table pascale, 384;

(conservation du). 411. moines, grecs, 188.

Moissac, chapiteaux, 191 ; cloitre, 194; porte sculptée, 186.

monnaie melgorienne, 133 ; romaine, 200, 270.

monugrapliies d'églises (règles à suivre pour la rédaction des), 338.

Monréale, cathédrale, 372, 373.

Mons. bas-relief du XV^^s. , 431.

Mont, peintures de l'église, 271.

Montataire, château, 6i ; église gothique, 61.

Montepulciano, musée civique, 56.

Montmajour, crypte, 26.

Montmartre, église Saint-Jean, 49, 50.

Montmorillon, fresques de la chapelle Sainte- Catherine, 289. 290.

Montpellier, cathédrale, 131 ; cuve baptis- male en plomb. 132.

monuments anciens (conservation des). 70, 284 ; (relevés et inventaires des). 69 ; (restauration des:, 42Ô.

monuments historiques (commission des), 6q ;

monographies des). 69 : (photogra- phies des), 69; ^recueils documentaires sur les), 70; (relevés des plans de), 6g.

monuments funéraires tournaisiens, 282;

orientaux. 93, 94. (V. tombeaux, gisants et

sépulcres). Moreau (j.-Bt^), sculpteur, 286. Moremala. église abbatiale. 422, 423. Morienval, église, 62. Mortier (S.), 267. Mortier (E. ). architecte, 399. mosaïque, à Constantinople, 314 ; Edesse,

268 ; Ravenne, 167 ; Rome 422 ;

Torcello. 28Ô. mosaïstes byzantins, 36 40. Moscou, église Vasili Blagennoi, 176. Mosquée d'Andrinople. 320. Moules à bijoux égyptien, 123. Mousmieh, prétoire, 96. Mousty, église, 415. Mouliers en Perche, église, 64. Mtzkhat. église, 176. viultiplitation des poins, 181. Munich, évangéliaire Saint-Emmeran, 308;

ornementation en guipure, 208. Muran (Syrie), confessionnal de 1607. 208. musées : Aix-la-Chapelle. 3-J9 ; Bergame.

54 ; Berlin, 54, 278 ; Buda Pesth, 281; Cluny, 197; Constantinople (impérial), 421 ; Dijon, 72 ; Florence (galerie des offices), 54; (Santa Croce). 57 ; (jand (lapidaire), 204 ; Londres (Bntish muséum). 360; Madrid (archéo- logique), 409: Milan (municipal), 210; Montepulciano, 56; Nancy, 412; Pans (Louvre). is8 ; ^ (Campana), 350 ; Pienza. 56 ; Reims. 269 ; Rome (du Forum), 57 ; (Trocadéro), 253.

N

Nancy, 412, cathédrale. 413; chapelle de Bonsecours, 413; églises. 412; monu- ments antiques. 412 ; musée, 412 ; porte de Craffe, 412 ; tombeau de René, II, 412.

Nantes, autel Saint-Ferréol, 4 ; cathédrale, 337 ; crypte, 351.

Nantilly, égUse Notre-Dame, 29.

Naples, église Santa Maria di Donna 281 ; fresques, 281, 420; peintures du XIV^s., 207.

Narbonne, cathédrale, 339 ; église de La- mourguier, 357.

Neerheylissem, église, 416 ; peintures mu- rales, 209.

446

3Rel)ue lie T^rt cbvétieu.

Nicolas, de la Court, imagier, 211: de

Verdun, orfèvre, 208 ; (monument tu-

néraire de). 420. Nieuwenhove, église, 411. nimbe carré (origine du), 421. Nimègue. oratoire carolingien, 30. N'imes, cathédrale, 345 ; crucifi.xion en

bas-relief, 200 ; tour romane, 345. Nivelles, église Sainte-Gertrude, 273 ;

porte quadrangulaire, 416. Noduvez, église, 416. Nogent les Vierges, église, 6i ; tombeau

de Jehan liardeau ; 61. Notes d'art, 208.

Novgorod, église Sainte-Sophie, 176. Xoyon. cathédrale, 62, 203 ; évêché, 62. .\'iiovo Biitettino di archeologia ctistiana,

278, 421. Nuremberg, reniement de saint Pierre, 395.

O

objets anciens ; inventaires des), 409 ; d'art

en paille tressée, 321. ocitlus d'églises anglaises, 404. Odense (Danemark), église bénédictine de

Saint. Canut, 231. œuvres d'art allemandes (manuel des), 70. Omer (S. }, 20Ô.

opns incertum. 4 15 ; iectiU, 421. Orchaire, église, 27. orfèvres, Antonio Averlino, 421 ; Gérard

Henri, 243 ; Giovanni di Meo, 281 ;

Nicolas de Verdun, 208. orfèvrerie, antique, 407 ; mosane, 138 ;

bagues antiques, 270; coupe d'or de

Charles V, 360 ; crosse abbatiale, 353.

\'oyez mobilier liturgique, trésor, orgue en cuivre, 269 ; (traité grec sur les),

269. Orléans, cathédrale, 427 ; crypte Saint-

Avit, 25; Saint-Aignan, 25 ; loggia

du XVI*^ s., 200; masque en pierre,

201 ; pièces d'or et d'argent du XiV"-' s.,

200. ornements en dents d'engrenage, en dents de

scie, 130. Orp.le-Grand, église, 415. Orvielo, Bactême du CItrist, 37, 39: façade

sculptée, 305 ; Tentation an Christ, 42. ossuaire à Scharbach, 352, Oteliii, peintre, 20. Oiirscamp, abbave, 62 ; église abbatiale,

62. Overbeek, peintre, 333.

Padoue, chapelle des Lazzaia, 28t.

paille tressée (cadre, chasubleen), 323.

h'alencia, cathédrale, 282, 335 ; crypte .San Antoliii, 335.

Palerme, chapelle palatin,e, 373 ; église et cloilre Saint-Jean des Eremites, 374.

Palma le Vieux, peintre, 159.

Palmyre, ruines, 363 ; tour funéraire, 3Û3.

Panipelune, porte gothique, 282.

PotvaY-ît l'ype de U), 292.

Pantagalhe (S.), 6.

Paoli di Santa Leocadia, 338.

Paradis (abbé), 80.

paralytique (guérison du), 190.

Parenzo, basilique, 175.

Paris, bibliothèques, de l'Arsenal, 200 ; nationale, 201, 207, 385 ; calice du XVnc s., 208; chapelle souterraine, 144 ; Con^^rèi des Sociétés Savantes, 271 ; découvertes de pierres sculptées, 338 ; église Notre-Dame, 218 ; inscriptions fu- néraires, 338; livres d'Heures enluminés, 337; maitre-autel de la cathédrale Saint- Pierre de la Martinique, 357; musée de Cluny, 197 ; du Louvre, 158 ; prison

Saint-Denis, 2 ; stèle romaine, 338 ; tombeau de Robeii i'enlant, 64.

Parthenay, église de Gourgé, 27.

Pas de Calais, cloches anciennes, 59.

Passion, 302.

Patenier (Joachim), peintre, 64.

Pater, sculpteur, i^

Pau (S.), 148.

pavements mathématiques, 283.

pêche miraculeuse (la), 182.

peintres : Allegretto Nazi, 420 ; Angelico (fia), 345 ; Aspertini, 207 ; Barlolo- nieo, 164 : Beaumetz, 144 ; Beauneveii, 144 : Rellecliose, 144 ; Bennings (Simon), 65, 40g ; I-ienozzo Gozzoli, 162, 344 ; Berniii, 420 ; Biedese (Am. di), 57; Blés (Henri), 64; Bonvicino (Alessandio) , 210; Bourget, 292; Broederlam, 408, 409; Bionzino, 56;

Burne-jones, 333 ; Calzetta (Pietro), 281; Carrache, 56; Cavallieri (Pie- tro), 343 ; Chugoinot, 2Ô8 ; Cimabuë, 28g, 344 ; Clouet (Jean), 59 ; Daret, 271, 301 : Defendente Ferrari, 40; Duccio di Buoninsegna, 344 ; Fernando de r.Almedia, 33R ; Fernando da los Llanos, 338 ; Fouquet (Jean). 337; l-'rancesco délia Casa, 281 ; Froment (Nieolas), 272 ; Gaddi (Tad. ), 57, 344 ;

Girolamo da .Sania Croce, 210 ; Gior- gione, 287 : Giotto, 344 ; Giovanni, 56 ; di Milano. 344; Horrebout (Ger. ), 409) ; Jean de Bruges, 144 ; Le Boucq (Phil.), 20; Le l'iévûst (Vlichel), 20 ; . Limbourg, 144; Lippi ( Filippino), 56, 295. 370; Lorenzelli. 57; Lotti. 56 ;

Lotto (Lorenzo), 158, 233; Maître de Fléinalle, 298-301 ; Malouel, 144 ; Maietta (Carlo), 281 ; Marmioii, 19, 20;

Masaccio, 345 ; Memling, 48, 297 ;

Metsys (Quentin), 32, 65; Michel- Ange, 56, 1Ô2: Olelin, 20; Overbeek, 33; Palma le Vieux, 159; Paoli di Santa Leocadia, 338; Patenier (Joachim), 64 ; Piero délia F'rancesca, 281 ; Piero Gerini (Nie. di), 57; Qiiartararo, 420;

Kobbia (délia), 56 ; Roger de la Paslnre, 63; Rubens, 57; Sambin (Hugues), 211 ; Sleuter, 409; Sliiter (Claus), 358; Solaro, 420 ; Spinello Aretino, 420 ; Strozzi (Bern.ard), 210 ; Sustermans, 56; Taddeo di Bartolo, 350;

Tintorel, 56, 72 ; l'itien, 267, 421 , Tura (Cosimo), 54 ; Van der Goes, 240 ;

Van Dyck, 57 ; Van Eyck, 65, 237 ;

Van Reymerswale (Max), 348 ; Vite (Timoteo), 207 ; Vreelant, 409.

peintres, byzantins, 36, 40 ; chrétiens (galerie des), 295, 370 ; —grecs, 393, 395.

peinture, française, 289 ; religieuse en Italie, 343 ; du XIV^ s., 207.

peintures murales, Burgos, 401 ; Etampes, 430; Gand, 410; Liigde, 208; I\Iont, 271 ; Neerheylissem, 209 ; kome, 27g, 287 ; Subiaco, 281.

pénitents noirs, 3.

Pellegrin da Viterbo, sculpteur, 420.

Pépin de Huy, sculpteur, 6.;.

Perdrizet (Paul), 294, 343.

Périgueux, tour de Saint-Front, 40.

Pernes, église, 22.

Perpignan, ancienne loge, 339; cathédrale, 258, 260, 339 ; chalet Notre-Dame, 339 ;

église Saint-Jean-le-Vieux, 63; façade de la cathédrale, avant la restauration, 258 ;

après la restauration, 259. Petersberghe, crypte, 26. Peyrusse-Vieille, église, 27.

Philippe de Commynes (livre d'Heures de).

337 ; le Hardi (art flamand à la cour de),

408 ; II (bréviaire de), 409). Philippe de Néri (S.), 20. Philippeville, église, 209. photographies archéologiques, 69.

photogrammétrie, 69.

Piazza Armerina, trésor de la cathédrale, 280.

Picardie, sépulcres du moyen âge, 271.

Pie IX, 48 ; X, 358.

Pienza, musée, 56 ; œuvres d'art de la ca- thédrale, 56 ; tapisseries d'Audenarde, 47-

Piero Guerini (Nicolodi), peintre, 57; délia Francesca, peintre, 281.

Pierre (S. ). 5 ; (chaîne de), ■; ; (crucifie- ment de), 279 ; Damien (.S.), iir ; le Vénérable, m.

pilier quadrangulaire, 3r.

Pise, fresques du Campo .Santo, 344 ; lin- teau de la porte de la cathédrale, 35-37 ; porte du baptistère, 305.

Pistoie, campanile du dôme. 57 ; panneau d'autel sculpté. 395.

Place (Era.'.me), fondeur de cuivre, 245,

plan basilical, 154.

plaques, tumulaires en cuivre, 65 : de re- liures d'évangéliaires, 395.

l'iasencia, cathédrale, 282.

Ploich (Kt. du), épitaphe de, 10.

Poitiers, anciens monuments, 345 ; baptis- tère S.iintjean, 24, 26. 29; cathédrale, 219 ; chapiteaux sculptés, 223 ; église Notre-Dame la Grande, 218-223,

Poitou, portes historiées, 184.

Pompéi, bibliothèque, 201 ; lampes en terre cuite, avec monogramme du Christ, 72.

Poperinghe, église Notre-Dame, 209, 402,

403- portail à Audrien (Calvados), 3.17; Bftle, 185 ; Cirauqui, 282 ; Esiella, 282 ; lùampes, 273 ; imagé du Xlle s., 200 ;

Reims. 387 ; Rue, 388, 3gt ; Troyes, 348 ; Uim, 387390; Vandeins (Ain), 382. 383 ; Vézelay, 253-255,

porte : à .Avila, 186; Bénévent, 388. 393. 395 ; Chartres, 305 ; Debhès. 100 ; Florence (du baptistère). 211 ; Louvain, 416 ; Moissac (sculptée), 186 ; Nancy (duCraffe), 412 ; Nivelles, 416; Pam- pelune, 282 ; Pise, 305 ; Poitou (his- toriées), 184 ; Saint-Gilles (sculptées), 394 ; Saintonge (historiées), 184 ; Salamanque, 307, 308 ; sculptées, 302 ;

Séville. 310 ; "Tarascon, 305 ; Tolède (sculptée), 33, 37, igo ; Villa- nueva, 282.

Pothier (Dom), 353.

prédication de Jésns, 183.

Preuilly sur Glaire, église, 220.

Iirimitifs français. 207.

Privât (.S.). 33g,

Prolais (S.). 7.

Priim. abbaye. 348 ; livres miniatures. 348.

Puy. madone de Taddeo di Bartolo, 350.

Puy de Dôme, fouilles, 406.

pyxide du V s., 419.

Q

Quala at' Seman, basilique, loi 103. Qualb-Lousch, église, 102. Quarante, église, 131. Quartararo. peintre. 420. Questel, arcliitecte; 369.

K.amijoux, église, 5g,

Randazzo, cuve baptismale gothique, 280 ; ostensoir du XVI" s., 280.

Ratisbonnc, crypte, 26.

kavenne, baptistère orthodoxe, 34, 378 ; chapiteau byzantin, i65; mosaïque a Saint- Vital, 167 ; -- .Saint-Apollinaire le Neuf, 33, 191 ; statue du X> s., 349 ; tombeau de Galla Placidia, 37Ô, 377.

Cable analptîque.

447

Régnier, (L. ). 413. 417-

Reicheiiau, église Sainte-Marie, 28.

Reims, cathédrale, 206, 272, 33S, 359, 426 ;

musée, 269 ; portail, 387 ; sarco- phage romain, 270.

reliquaire à Valenciennes, 247-248.

restauration, à Avignon, 427; Bruges, 71, 209. 401; Bruxelles, 428; Cologne, 428 ; Dixmude. 209, 428; Huy. 428; Louvaîn, 42S ; Orléans, 427 ; Philip- peville. 209 ; Poperinghe, 209. 402 ; Reims. 4-26 ; Royat, 39; Saint-Benoit- sur- l.oire. 327 ; Triel, 420 ; Venise, 211 ; Vive Saint-Bavon, 403 ; W'arne- ton, 403 ; VVenduyne, 285, 402 ; West- capelle, 42S.

Résurrection, de Lazare, 188.

relable, à Beaune, 346 ; Boulben, 268 ; Dijon, 287; sculpté, m,

Revue des revues, 139 ; archéologique, 350 ;

du chant grégorien, 353. Ribe, cathédrale, 228, 230. Rieux, église à rotonde. 339. Riez, baptistère, octogone, 26. Risle, église, 27.

kobbia (délia), peintre, 56.

Robert, de Bonnevie, architecte, 359 ; de Keysere, imprimeur, 409; de Luzarches, architecte, 206; l'Enfant {tombeau de), 64.

Rocamadour, monnaies carolingiennes, 271.

R0CC.1 di Mezzo, croix processionnelle, 281 ;

porte d'armoire du XV'<-* s., 281. Roger de la Pasture, peintre, 63.

Rome, appartement Borgia, 209 ; candé- labre du XIII*^ s., 388, 390; caiacombe de Sainte- Agnès, 421 ; de Callixte, 422 ;

de Commodilla, 57, 278 ; cimetière juif, 280 ; de Priscîlle, 421 ; collection de photographies de monuments antiques. 57 ; église Saint-Pierre. 317 ; fouilles des catacombes, 287, 421 ; fresques de Pinturicchio, 59 ; du Sancta Sanctontm, 209; du XIc s., 287 ; loculus, 279 ;

Monte San Oreste, 144 ; musée du Forum, 57; Panthéon, 316; pein- tures murales de Sainl-CIément, 287; du s. , 279 ; pinacothèque, 209 ; plaque de fossoyeur, 280 ; reliquaire de la Sainte Croix. 352 ; salle minerva medica, 378 ;

tête de marbre de Paros, 269 ; trésor papal de Sancta Sanctorum. 337, 351, 418.

RômischeQuartalsckrift fur christliche Altet- tumskunde, undfur Kirchengeichichte, 423.

Romney (G.) {portrait de), 56.

Rouen, église Saint-Paul, 221 ; portail de la Calende. 303 ; Trinité, 39 ; tym- pan de la Calende. 392.

Roueilha, église du Vl"-" s. , 99.

Roumanie, églises, 177.

Roussillon, église, 339.

Rubens, peintre, 57.

Rugles, église, 27.

Sagrera (GuiU.), architecte, 259.

Sahagun. église Saint-Laurent, 32Ô ; tour carrée, 330.

Saige (Gust,), 123.

saint : Andéol, 77 ; Antoine de Padoue, 54' 55 ; Antonin, 160: Avite, 6; aphrodise, 7, 351 ; Bernard Ptoléméo. 295 ; Bonaventure, m ; Christophe. ^5- 54; ~~ Claire. 3; Didi,er. 6; Dominique. 54 ; Eloi, 18 ; Etienne, 4, 5, 400; Ferréol. 2. 3; Gervais, 7 ; Ghislain, 17 ; Honorât, 5 ; Innocent, 339 : Jacques délia Marca, 55 ; Jean, 36, 52; Joseph. 32; Julien, 3: Louis, 52 ; Ludger, 23 , Mamert, 6 ; Marcel, 8 ; - Maurice d'Agaune. 7 ; Menas, 397; Michel, 123. 212, 360: Orner, 206; Pantagathe, 6; Paul,

148 ; Philippe de Néri, 20; Pierre, S, 279. 3x2 ; Pierre Daniicn, iit ; Privât, 339 ; Protais, 7 ; Sébastien, 54, 360 ; ^ Seurin, 5 ; Sévère, 4, 5. Saint-Acheul, station préhistorique, 272.

Benoit.

Benoît-sur-Loire, basilique, 427.

Esprit (ordre du), 207.

Florentin, église, m ; relable sculp-

té du XVle s., m.

Gall, abbaye, 23, 25; cuve baptis-

male, 26.

Généroux, église, 2b, 2.1, 29.

Germer, abbaye, ôo ; Sainte-Cha-

pelle, 60 ; vitraux, 60.

Gilles, entrée à Jérusalem, 304 ; fa-

çade sculptée, 309 ; frise sculptée, 385. 389. 394; porte sculptée, 304 ; Résurrection de Lazare, 189.

Guilhem le Désert, autel, 131; église,

131 ; sarcophage, 129.

Hilaire, monastère, 339.

Honorât, église. 23.

Jouin de Marnes, église, 27.

Junien, église rouiano-gothique, 348.

Leu d'Esserent, église, 61.

Menas, villa antique, 426.

Nectaire, chapiteau sculpté, 382, 383.

Orner, bibliothèque, 206 ; manus-

crit à peinture, 206.

Paul-trois-Chàteaux, socle de croix,

200.

Pons de Thomières, chapiteau sculpté,

181, 192; église. 131 ; murs de la ville, 133 ; tympan de porte sculpté, 381.

Restitut, église, 361; tour funéraire,

361-3*69.

Riquier, abbaye, 23, 26.

Romain, sépulture chrétienne, 2.

Sailieu. église, 348.

Séverin en Condroz, église de l'ancien

prieuré, 85-89.

Tnégonnec, calvaire, 394.

sainte, Anne, 32, 52; Aphrodise, 7, 351 ; Blandine. i , Brigitte, 6i ; Kméreniienne, 421 ; Maure, 61 ; Thècle, 399,

Sainte-Colombe, poteries antiques, 406.

Saintonge, portes historiées, 184.

Saintes, abbaye des Dames, 379.

Sakkarah, fouilles. 407 ; stèles, 407.

Salamanque. porte des Rameaux, 307, 308.

Salaro (Antonio), peintre, 420.

Salerne. ivoire du Paliolto, 382,

Salone, basilique latine, 175.

Salonique. église Saint-Georges, 170, 171, 378 ; des Saints-Apôtres, 172.

Sambin (Hugues), peintre, 211.

Saucta Sanctorum (trésor du), 337, 351, 418.

San Gallo (Giu!.), architecte, 350.

San Lorenzo, église, 350.

Sanoner (G.). 46, T94, 312, 396.

Saragosse, sarcophage, 43, 46.

sarcophages, antérieurs au Vie s. , 34 ; deSt-Andéol, 78; Aphrodise (St) (de). 351 ; Asiatiques, 44, 278; à Astorga. ; Burgos, 421 ; Carthage (anthro- poïdes). 268 ; en marbre blanc. 59, 124, 201 ; Gerone, 46; Junius Bassus, 36 ;

de S. Junien, 348 ; à Lagos, 43, 46 ;

romain, 6, 270, 281 ; Saint-Guilhem le Désert, 129; Saragosse, 43, 46 ; Spolète. 182.

Sarvistan, palais, 94,

Satan (représentation de), 40-43.

Sauvageot (Louis), architecte, 397.

Sauveplantade. église, 337.

Savenières, église. 27, 29.

Saventliem, église, Saint-Martin, 415.

Schaepman (D'' J. H.), 341.

Schellekens (Adrien), 91.

sculpteurs, AlonzoCano, 431 ; Antellami, 37; Bourdin (Michel), 61; Davy (Jehan), 303; de Rude (A.), 287 ; Gauvain

(Mansuy), 412 Hennequin de Liège, 64;

Blenri de Tournai, 262; Lottman. 245 ; Marchione, 34 ; Meunier (Cons- tantin), 333; Miguel, 310 ; Militello, 28o; Mavau (J.-B^e), 286; Pater, 15; Pellegrino da Viterbe,42o; Pépin de Huy, 64; Praill (du), 15; Sleuter (Nie), 408 ; Werwe (de), 408 ; scaldi- siens, 261 ; wallons, 261.

sculpture, allemande, 64; en Belgique (la), 64 ; grecque, 124 ; longobarde, 413 ;

romane. 157; tournaisienne, 212;

vénitienne, 207; du XlPf^.. 270. Sébastien (s.). 54, 360.

Sébourg, cénotaphe du XIII^ s., 262.

.Seine inférieure, inscriptions antiques, 338.

Sehuersheim, architecte, 60.

Senlis, arènes, 61 ; cathédrale et monu- ments, 61 ; château, 61 ; collégiale, 61 ; fortifications. 61.

sépulture achéménide, 2b8. du moyen âgp en Picardie, 271.

Serbat (L. ), 21, 252.

Seizilla (Syra), habitations vulgaires, 178.

Serrano Faligati (D. Eurique), 335.

Seurin (S. ), 5,

Sévère (S.). 4, 5.

Séville. porte sculptée. 310.

Sienne, église Sancta Colomba, 57 ; fres ques du XIV*-' s., 57 ; Madone de Guido .324-

Silos (cloitre de St-Domingo de), 282.

Sisleron, calliédrale, 22.

Sleuter (Nie.), peintre, 408, 409.

Smier (S.) (reliques de), 123.

Société des antiquaires de Picardie, 272 ; d'archéoio^^ic de Bruxelles, 127 ; d'ar- chéologie de Tarn et Garon?ie, 59 ; fran- çaise de paléographie, 202 ; nationale des antiquaires de France, 59, 123. 200, 269, 338, 406. 418 ; des lettres, sciences et arts de Bar le Duc, 411,

Soil (E. J.), 342, 414.

Soissons, cathédrale, 18, 203.

Solesmes, abbaye, 143.

Soro, église abbatiale, 228, 229

Sortais (G.). 345.

Spaiato, cathédrale, 90, 175,

Spolète, sarcophage antique, 1S2.

Spinello Arelino. peintre, 420.

Stams, retable peint à volets, 208.

Statue, de S. Christophe, 15 ; de Louis de Maele, 261 ; de la Sainte Vierge, 264,

350-

statues, antiques, 72 ; dijonnaises, 271.

statuettes du XVH^ s., 271 ; en bronze gallo-romaine, 200.

Steiubach, basilique, 28.

Stèles, funéraires phrygiennes. 200 ; de grès, 268; —puniques, 58; romaines, 338.

Storck. architecte, 231.

Strasbourg, cathédrale, 185 ; église Sainle- Maiieleme, 208 ; Guérison du paraly- tique, 190 ; tympan de porte, 389, 390 ;

vitraux. 208; voussure du portail, 33 ; de la cathédrale, 46,

Strozzi (Bernard), peintre. 210.

Studien und Mitteilun^^cn a us dent Beiiedik-

t-ner und dent Cistercienser Ordcn, 282. style, byzantin, 313 ; tîaniboyant, 323, 367;

gothique (origine du), 414, Subiaco, peintures murales. 281. Suèvre, église Saint-Christophe, 27, 30. Suisse, architecte, 3Ô0 432 ; nécrologie,

432- Suresnes, église, 357. Suse, campanile San Giusto, 57. Sustcrmaus, peintre, 56. Syracuse, crypte de Saint-Martin, 422.

Taddeo di Bartolo, peintre, 350, tabernacles eucharistiques, 405. table pascale A Vouvant, 384.

448

3Rel)ue De V^xt chrétien»

Tafskha, basilique, 97.

lailloir, i65.

Talavera, église Saint-Jacques, 332.

lapisseries. à l'aiguille, 195 ; en Belgique. 138 ; à Blois, 123. 338 , flamandes, 47 ; à Florence. 47 ; italiennes, 47 ; a Pienza, 47. 56 ; au Vatican, 48.

Tarascon, porte sculptée, 305.

Tebessa, basilique, 208 ; monastère byzan- tin, 177.

Terlizzi, tympan de porte sculpté, 381.

Ternionde, abbaye, 287 ; chemin de croix. 287 ; fonts baptismaux, 64 , plaques tumulaires en cuivre, 65.

Tersene (Giov. Maria) (portrait de), 56.

Teruel, tour Saint-Martin, 327.

têie de marbre de Paros, 269.

Thécle ,Ste), 399.

Thérouanne, cathédrale, 351 ; fouilles, 351,

Thessalonique, église Saint-Démétrius, 170.

Théodores, 4.

Tintoret, peintre. 56 ; - (signature de) 72.

Tiron, abbaye, 200

Titien, peintre, 267, 421.

Tolède, architecture en brique, 332 ; clô- ture de chœur, 189, 194, 310, 384 ; cou- pole du couvent de rAssoniplion,33i, 332;

façade de la cathédrale, 38.j ; Noces de Cana, 43, 45 ; perle sculptée, 33, 37;

stalles, 282.

tombeau de Baudouin de Hénin Liétard,262 ;

Charlemagne,36o; Galla Placidia,376, 377; Honorât (S.), 5; Hugues de Lan- noy, 262 : Jacques ICastangues, 263 ; Jean de Salisbury, 207, 351 : Jehan Bar- deau, 61 ; Jehan de Melun, 265 ; La- zare (S.). 189 ; Louis de Chalon, 270; Marc et Marcellin, 279 ; Marguerite d'Alsace, 2Ô1 ; Montigny (des), 123 ; Nicolas 'V, 420 ; René (du roi), 275, 412 ;

Robert l'enfant, 64; Seurin (S.), 5 ; Alger, 277 ; du XIV<:s. , 212.

tombes avec effigies en ronde bosse, 261.

Torcello, mosaïque, 286.

Toulouse, archives notariales, 270; statues antiqu»^s, 72.

tour, à Kperon, 60; Louvain, 416; .Nhnes, 345; Palmyre, 363 ; Périgueux (Saint- Kront), 40; Sahagun, 330; Saint-Restilut. 361-369 ; Saragosse, 329;

Teruel, 327 ; funéraire, 361-363, Tourmaninia, église, 102.

Tournai, art du bronze et du cuivre, 414 ; cathédrale, 28, 367, 415 ; cheminée an- tique, 120 ; dégagement de la cathédrale, 342. 357 ; églises. 415 ; église Noire- Dame, 262 ; églisp Saint-Quentin, 212, 364 ; tombeau du XI Vc s. ,212.

Tournus objets d'art religieux, 271.

Tours, cathédrale, 220, 222.

Transcaucasie, couronnes de mariage, 270.

Transfiguration, 191.

Transsulistanliation, 380.

Trébizonde, église de la Vierge d'or, 170- 172.

trésor, à Embrun (de la cathédrale). 271 ; Jevea (Espagne), 268 ; Marseille (de la cathédrale), 351 : Piazza Armerina (de la cathédrale), 280; Rome /'du .S,i>ic/a Sanctoritm ) , 337, 351, 418.

Triardel (sceau du prieuré de), 406.

Triel, église, 426.

Trophonaire du XI» s., 348.

Troyes, église, Saint-Remi, m ; (Guido de), 138 ; portail Saint-Urbain, 348 ; Vierge du XI V^" s., 72.

Tunis, Chaton de bague antique, 2or ; inscription latine, 2Ô8 ; maïque de car- rière, 378.

Tunisie, lampes chrétiennes, 123.

Tura (t^osme). peintre. 54.

Turin, AcaJtfmit- lit'S Siùnces, 340.

tympan sculpté, 381.

u

Udala, église à deux nefs, 282. LMger (tombeau d'), 277. Ulru, tympan de la porte nortl de la cathé- drale, 387-390. Umrah, maison du III*^ s.. 180. Utique, nécropole punique, 201. L'trechl, fabrique de statuettes moulées, 138.

Vaison. église, 28.

Valence, panneaux peints. 338.

Valenciennes, archives, 18; chapelle Notre Dame des miracles, 242 ; châsses et reli- quaires, 242, 247, 248 ; choeur, 244 ; cloches, 20 ; cuve baptismale, 17 ; église Notre-Dame la Grande, 9-21, 242, 243 ; façade du jubé, 246 ; grand lustre en laiton, 248 ; la grande proces- sion, 247 ; jubé, 245 ; jurés de Cattels. 17 ; lames funéraires. 244 ; maison de Froissart, 10 ; dite du Prévôt, lo-ii.

Valmagne, abbaye, 130 ; salle capitulaire, 130.

Van Boxmeer, architecte, 272,

Van Damme (Ch"'), 52,

Vandeins (Aix), Lavemtiit des piedi, -^lo , portail sculpté, 382, 383.

Van der Goes, peintre, 240.

Van Dyck, peintre, S7-

Van Eyck, peintre, 65, 297.

Van Heukelum (G. W.). 341.

Van Reymerswale (Maximus). peintre, 3)8.

vases gaulois. 269.

vasque en bronze italienne, 338.

Vatopède (vierge de consolation), icône du XVes., 29. (V. Vierge).

Venise, campanile de Saint-Marc, 211; fresques du XI\'<= s, , 21 £ ; système mo- nétaire du XVIe s., ï6i.

Vérone, fresque du XIV^ s., 57,

Véronique, 113,

Vézelay (portail de), 253, 255 ; abbaye,

253-

vêtements liturgiques, chasubles, 321.

Viborg, cathédrale, 227.

Vieille Caslille, églises, 330.

Vienne, abbaye Saint-Ferréol, 3 ; basi liques, Saints-Gervais, Prolais et Marcel 7 ; .Saint-Pierre, 5, 6 ; Saint-Maurice, 7 ; cimetière Saint-Gervais, 7 ; mO' nastère Sainle-Colonibe, 2, 3 ; Saint Marcel, 7 ; premières églises Saint Kerréol, 2 ; Saint-Sévère, 4 ; palais du Miroir, 2.

Vienne (Autriche), Archives impériales, 409; tableau de Van Dyck, 57.

Vierge, Annonciation, 288; Apparition à saint Bernard, 295 ; baisant la main de l'Enfant, 289 ; bourguignonne, 358 ; de consolation, 291 ; (emblèmes de la), iio ; à la grappe de raisin, 421 ; en ivoire du X1V> s , 420 ; ^ Immaculée Con- ception, 62, 336 ; miraculeuse, 138 ; de .Saint-Sixte, 358; statuette en bois, 264 ; type de la iravaYia, 292 ; du XIII'-' s., 350, 358, 419 ; du XIV«s., 72, 420.

vierges sages et les vierges folles (les). 184.

Vieux Pont, église, 27.

Vignory, église, 23, 25.

Vilianueva, porte de .Sain t. Pierre, 282,

Villart de Honnecourt, architecte, 9, 359.

ViUers, abbaye, 127, 265; église abbatiale,

212.

Villers-Saint-Paul, 347; église, 61. Vincennes. vitrail. 138, Viollet-le-Duc. 28. 298. Virton. église. 22. Visconti (archives des), 270. Vite (Timoteo), peintre. 207. vitraux, à .Saint-Gernier, 60 ; Strasbourg. 208 ; Tieghem, 209 ; Vincennes, 338 ;

Ypres, 357.

ViveSaint-B,avon, éghse, 403 ; fenêtre

abat-son, 404. Viviers, 77.

vocation des Apôtres, 181. Voix, chapelle, 285. Von Bezold (G. ). 64. Voultegon, église. 27. voûtes, à la cathédrale de .Strasbourg. 46 ;

en plein cintre. 4 ; sphériques, 377. Vrelant. peintre, 409.

W

Warneton. église. 402.

Watermael, église, 415.

Weale (James). 301.

Wells, cathédrale. 191 ; médaillon du XII1<: s., 193. 382.

Wenduyne, église, 285, 402, 431 ; sacris- tie, 403.

Werden, abbaye .Saint-Sauveur, 28 ; cha- pelle Saint-I^tienne, 23.

Werl, statuette de la Vierge du XI IT* s.,

350- W'erve (de), sculpteur, 408. Westcapelle, église, 428. Westminster, abbaye, 6. VV^isauschehr. octogone oval. 95. W'orms. ancienne cathédrale, 183 ; ônplis-

tère du Christ, 37.

York, église Saint- Pierre, 22.

Ypres, cheminée, 119: vitraux pe.uis, 357.

7.eitschrift fiir chrhttiche KnnsI, 208. Zoir (Cari Ivmil) (portrait de), 56. Zurich, crypte. 20.

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